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Full text of "L'Année psychologique"

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L'ANNÉE 


PSYCHOLOGIQUE 


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L'ANNEE  PSYCHOLOGIQUE 

(1'"  Année.  1894.) 
Un  Vdlniiie  in-S»  de  020  pages. 


MÉMOIRES    ORIGINAUX 


A.  Binet  et  V.  Henri.  —  Mémoire  des  mots. 
—  —  Mémoire  des  piir.vses. 

A.  Binet  et  J.   Passy.  —  Notes  psychologiques  sur  les  .\uteurs 

DRAMATIQUES. 

A.  Binet.  —  F.  de  Curel. 

Weeks.  —  Recherches  phonétiques. 

Flournoy.  —  I.nfluence  du  milieu  sur  l'idéation. 

—  Un  cas  de  personnific.vtion. 

—  Illusions  de  poids. 

E.-B.  Delabarre.  —  Les  laboratoires  de  psychologie  en  Amérique. 

Épuisé.  Derniers  exemplaires  :  20  fr. 
(En  dépôt  chez  M.  Binet.) 


Pour  tout  ce  qui  concerne  la  rédacU'on  et  rudminislralion  de 
VANNÉE  PSYCHOLOGIQUE 

S'adresser  à  M.  BINET,  Sorboniie,  Paris. 


LVHKU.X,     IMPKIMEMIE     ME     CHARLES     H  K  HISSE  Y 


Laboratoire  de  psychologie  physiologique  de  la  Sorbonne 

(HAUTES  Études) 


L'ANNÉE 
/// 

PSYCHOLOGIQUE 


PUBLIEE     PAR    MM. 


H.    BEAUNIS 

Professeur  honoraire  à  la  Faculté  de  médecine 
de  Nancy, 

Directeur  honoraire  du  Laboratoire 

de  psychologie  physiologique  de  la  Sorbonne 

(Hautes  Étudas). 


A.    BINET 

Docteur  es  sciences,  Lauréat  de  l'Institut 

(Académie  des  sciences 

et  Académie  des  sciences  morales), 

Directeur  du  Laboratoire 

de  psychologie  physiologique  de  la  Sorbonne 

(Hautes  Éludes). 


AVEC   LA   GOLLAIîOR  ATION   DE   JIM. 

TH.    RIBOT    ET    VICTOR    HENRI 

ET    DE 

MM.  AZOULAY,    BIERVLIET,    BOURDON,    CHASLIN 
COURTIER,     FLOURNOY,    FOREL,     GLEY,     PASSY,    PHILIPPE,    XILLIEZ 

et   M"»    SCZAWINSKA 


2'  ANNEE 


1895 


PARIS 

ANCIENNE   LIBRAIRIE   GERMER   BAILLIÈRE    ET   (> 

FÉLIX  ALCAN,  EDITEUR 

108,     BOULEVARD     SAINT-GERMAIN,      108 

1896 

Tous  droits  réscrvd-s. 


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L'ANNÉE  PSYCHOLOGIQUE 

1895 


PREMIERE   PARTIE 


MEMOIRES  DES  COLLABORATEURS 

I 

LES   CARACTÈRES  ANORMAUX   ET    MORBIDES' 

Dans  plusieurs  ouvrages  publiés  durant  ces  dernières  années 
(Ferez,  189^  ;  Paulhan,  1894  ;  Fouillée,  189o),  les  diverses  formes 
de  caractère  ont  été  classées,  décrites,  ramenées  à  des  principes 
explicatifs.  Malgré  des  divergences  d'interprétation  et  des  dif- 
férences de  nomenclature,  il  y  a  des  types  acceptés  par  tous  ; 
ainsi  les  actifs,  les  sensitifs,  les  apathiques.  Mais  sont-ils  équi- 
valents ?  telle  est  la  question  qui  se  pose  d'abord  comme  transi- 
tion des  caractères  normaux  aux  caractères  morbides.  On 
semble  admettre  implicitement  que  chaque  type  ayant  ses  qua- 
lités et  ses  défauts,  ses  avantages  et  ses  inconvénients,  on  doit 
les  mettre  sur  la  même  ligne.  Celui  qui  se  borne  à  classer  et  à 
décrire  peut  s'en  tenir  là  et  ne  pas  affronter  la  difliculté.  Mais, 
dès  qu'on  entre  sur  le  terrain  des  caractères  franchement  mor- 
bides, on  est  conduit  à  se  demander  préalablement  si  les  carac- 
tères réputés  normaux  le  sont  tous  au  même  degré,  ou  si  quel- 
ques-uns,  [)ar  leur  nature  même,  ne  sont  pas  plus  près   des 

(1)  Cet  article  r.iil  suite  ;'i  nue  classilicatiim  dus  caractères  i)iil)liée  dans  la 
Reçue  philosophitj lie  (octobre  1893). que  j'avais  pris  l'engagenieut  iiii  jieu 
iujprudeut  de  compléter  par  celle  des  caractères  morbides. 

AXNÉK    l'SVCHOLOGIOL'E.    II.  -J 


2  MEMOIRES   DES    COLLABORATEURS 

formes  pathologiques,  plus  aptes  à  subir  une  métamorphose 
régressive  ;  en  d'autres  termes,  il  s'agit  d'établir  non  plus  une 
classification,  mais  une  hiérarchie,  une  appréciation  de  valeur 
souvent  contestable  et  difficile  à  fixer. 

Un  anthropologiste  russe,  N.  Seeland,  est  le  seul  à  ma  con- 
naissance qui  ait  pris  la  question  par  ce  biais.  A  la  vérité,  les 
anciens  auteurs  classant  les  tempéraments  et  par  contre-coup 
les  caractères,  les  divisaient  en  forts  (colérique,  mélancolique) 
et  faibles  (sanguin,   flegmatique  .  Cette  division,  acceptée  par 
Wundt,  donnerait  lieu  à  beaucoup  d'objections  que  je  passe 
sous  silence.  Seeland,  rompant  avec  la  tradition,   abandonne 
résolument  la  division  quadripartite.  Il  ne  considère  pas  «  tous 
les  tempéraments  comme  ayant  la  même  valeur;  les  uns  s'ap- 
prochent plus  de  l'idée  de  perfection,  les  autres  moins..  On  a 
avancé  que  chacun  des  tempéraments  en  vaut  un  autre  et  que 
tous  sont  également  nécessaires  pour  le  progrès  de  l'humanité  : 
je  ne  le  crois  pas.  »  Sa  classification  est  donc  en  fait  une  hié- 
rarchie et  voici  en  résumé  celle  qu'il  propose  *,  en  commen- 
çant par  les  formes  les  plus  [tarfaites  du  caractère. 

I.  —  Les  tempéraments  forts  ou  positifs  qui  comprennent  : 
1"  Le  tempérament  gai,  qui  est  un  type  dont  le   «  sanguin  » 

des  divisions  classiciues  n'est  qu'une  variété,  renferme  trois 
espèces  principales  :  a)  le  sanguin  fort  :  prédominance  de  la  vie 
végétative,  réactions  rapides  mais  a|tpropriées.  conformes  au 
but,  sans  agitation,  b)  le  sanguin  moins  fort  :  ressemble  au 
précédent  avec  mélange  du  tempérament  nerveux,  les  réactions 
ont  moins  de  modération  et  de  mesure;  tels  sont  les  Français 
et  les  Polonais,  c)  le  tempérament  serein  :  se  tient  entre  le 
sanguin  fort  et  le  flegmatique,  réunissant  les  avantages  des 
deux. 

2"  Le  tempérament  flegmatique  ou  calme  ne  dépasse  pas 
l'intensité  moyenne  et  présente  une  uniformité  singulière  :  c'est 
une  masse  qui  dans  son  mouvement  ne  se  laisse  ni  accélérer 
ni  ralentir  ;  mais  le  calme  n'exclut  pas  la  force,  il  la  suppose 
tout  an  contraire.  Comme  peuples,  les  Hollandais,  les  Anglais, 
les  Norvégiens  appartiennent  à  ce  type. 

II.  —  Nous  descendons  à  un  degré  plus  bas  avec  le  tempéra- 
ment moyen  ou  neutre  «  inconnu  dans  la  science,   quoiqu'il 

{\)  Le  Ifiiipci'iiiiiciil  (III  [jn'iiil  lie  nii'  //xi/i-liDlni/lf/nr  ri  ((iilhropoliKjKjui'. 
Mémoire  ])iibli«'  duus  les  Uiillrlnis  da  CniKjri's  in/cniii/lniial  d'unl/iropo- 
lof/le,  IV.  1802.  Siiiiil-P(Mrrsbiiiir;.:-  (en  fruiK-ais).  p.  91  à   i:<i. 


Tri.    RIBOT.    —    LES    CARACTÈRES   ANORMAUX    ET   MORBIDES  3 

soit  celui  de  la  plupart  des  hommes  ».  Il  correspond  aux  équi- 
librés de  Paulhan  et  à  ceux  qu'ailleurs  nous  avons  appelés  les 
amorphes,  parce  qu'ils  n'ont  pas  de  marque  nette  qui  leur  soit 
propre. 

III.  —  Enfin  nous  descendons  encore  avec  les  tempéraments 
faibles  ou  négatifs  :  «  leur  réaction  peut  être  lente  ou  rapide, 
mais  ce  qui  les  caractérise  c'est  l'irrégularité,  le  superflu  et 
même  la  perversité  des  manifestations.  Trois  variétés  :  a)  le 
mélancolique  pur  se  distingue  par  la  tristesse  et  l'apathie  sans 
symptômes  nerveux,  du  moins  dominants;  b)  \e  nerveux,  ver- 
satile avec  alternances  d'activité  normale  ou  d'abattement  et 
d'excitation;  c)  le  colérique  qui  n'est  pas  un  genre,  est  assez 
rare  ;  il  se  distingue  par  l'irascibilité  et  peut  se  combiner  avec 
le  mélancolique  ou  le  sanguin  moins  fort  ;  le  serein  et  le  fleg- 
matique l'excluent. 

A  l'appui  de  cette  classification  suit  une  longue  enquête 
anthropologique  exposée  en  seize  tableaux.  Elle  a  été  faite  sur 
160  hommes  et  40  femmes  appartenant  aux  quatre  types  princi- 
paux gai,  flegmatique,  neutre,  mélancolique  ;  et  comprend  .des 
recherches  comparatives  sur  la  taille,  la  circonférence  du  thorax, 
du  cou,  des  bras,  la  capacité  pulmonaire,  la  respiration,  le 
pouls,  la  température,  la  force  dynamométrique,  les  indices 
céphaliques,  l'état  des  sens,  etc.,  etc.  Les  résultats  sont  décidé- 
ment favorables  aux  tempéraments  gais  et  très  défavorables 
aux  mélancoliques  (voir partie,  tableau  V,  p.  114 1  chez  lesquels 
on  constate  moins  de  force  et  de  finesse  sensorielle,  sauf  pour  la 
sensibilité  à  la  douleur.  Pour  les  femmes,  le  groupe  nerveux, 
qui  remplace  le  groupe  mélancolique  des  hommes,  est  le  seul 
qui  offre  des  anomalies. 

Dans  ses  conclusions,  l'auteur  combat  «  la  tendance  enra- 
cinée à  chercher  l'essence  des  tempéraments  dans  les  phéno- 
mènes de  la  circulation  et  de  son  satellite,  l'échange  matériel  ». 
Huit  soldats  bien  portants  dont  quatre  appartenaient  au  type 
gai  et  quatre  au  type  mélancolique  ont  été  soumis  par  lui  à 
une  alimentation  identique  et  rigoureusement  surveillés  :  le 
résultat  de  l'analyse  du  poids,  des  sécrétions  et  excrétions  «  ne 
montre  pas  que  l'échange  matériel  des  sanguins  ait  été  plus 
intense  que  celui  de  leurs  collègues  mélancoliques  ».  Une 
expérience  si  courte  et  si  limitée  est-elle  probante? 

Quoi  qu'il  en  soit,  rejetant  la  théorie  chimique,  Seeland  pré- 
fère une  explication  physique.  Pour  lui,  «  le  tissu  nerveux, 
outre  son  activité  générale,  possède  une  vie  élémentaire  qui  est 


4  MEMOIRES   DES    COLLABORATEURS 

la  Ijase  du  tempérament  et  du  caractère  »,  Tout  dépend  de  la 
façon  dont  le  système  nerveux  reçoit  les  excitations  extérieures 
et  intérieures.  Le  tempérament  gai  correspondrait  à  des  vibra- 
tions moléculaires  rapides  et  harmonieuses  ;  le  flegmatique  à 
des  vibrations  moins  rapides,  mais  d'une  constance  impertur- 
bable ;  le  neutre  à  des  vibrations  peu  rapides  mais  consoanantes  ; 
les  formes  négatives  à  des  vibrations  lentes  et  discordantes  ou 
rapides  mais  interrompues. 

Cette  disposition  hiérarchique  n'est  pas  à  Tabri  des  objec- 
tions. Je  la  donne  seulement  comme  exemple  d'une  classifica- 
tion d'après  la  valeur  présumée  des  caractères  et  comme  intro- 
duction à  l'étude  des  formes  morbides  que  nous  allons  mainte- 
nant aborder. 


I 


11  faut,  avant  tout,  savoir  à  quels  signes  on  peut  reconnaître 
qu'un  caractère  est  une  dérogation  aux  tj-pes  normaux.  Sans 
revenir  sur  un  sujet  traité  dans  l'article  précité,  on  peut  dire 
brièvement  : 

1°  Un  caractère  vrai  est  réductible  à  une  marque,  à  une  ten- 
dance prépondérante  qui  en  fait  l'unité  et  la  stabilité  pendant 
la  vie  entière.  Cette  conception  est  un  peu  idéale  ;  plus  le  carac- 
tère est  tranché,  plus  il  s'en  rapproche. 

2°  Dans  la  pratique,  un  caractère  net  permet  toujours  l'sauf 
des  cas  rares  qui  s'expliquent)  de  prédire  et  de  prévoir.  Nous 
savons  d'avance  ce  que  fera,  dans  telles  circonstances,  un  actif, 
un  sensitif.  un  flegmatique,  un  contemplatif.  Les  neutres  qui 
sont  à  proprement  parler  des  non-caractères,  sont  régis  par  les 
événements  ou  par  d'autres  ;  aussi  le  calcul  de  prévision  a  son 
point  d'appui  non  en  eux,  mais  hors  d'eux. 

Une  de  ces  marques,  ou  les  deux,  manquent  dans  les  carac- 
tères anormaux  et  plus  ils  dérogent  à  ces  deux  conditions  cons- 
titutives —  l'unité  et  la  possibilité  d'une  prévision  —  plus  ils 
s'éloignent  des  formes  typiques  pour  devenir  à  la  fin  franche- 
ment morbides. 

On  serait  tenté  de  croire  que  les  anomalies  du  caractère,  telles 
que  l'observation  les  donne,  sont  si  variées  et  d'aspects  si  mul- 
tiples qu'elles  échappent  à  toute  classification  et  qu'il  est 
impossible  de  sortir  du  désordre  ;  je  crois  pourtant  que  les 
marques  déterminées  plus  haut  nous  donnent  un  fil  conducteur. 


TH.    RIBOT.    —   LES    CARACTÈRES    ANORMAUX   ET    MORBIDES  5  \ 

Il  est  à  peine  utile  de  dire  que  j'exclus  du  groupe  des  ano- 
malies les  déviations  légères,   temporaires,   intermittentes  qui  à 
ne  sont  que  des  infractions  passagères  à  l'unité  du  caractère.  \ 
(lésar,   Richelieu,    Napoléon   sont   des  types  bien  tranchés  et  i 
pourtant  dans  certains  moments  de  leur  vie,  ils  ont  cessé  d'être 
eux-mêmes.  Pendant  qu'on  le  conduisait  à  l'île  d'Elbe,  devant  | 
la  fureur  et  les  injures  du  peuple,  Napoléon  eut  des  moments 
de  pusillanimité  étrange  attestés  par  des  témoins  oculaires  dans 
divers  mémoires  du  temps.  Les  faits  de  ce  genre  prouvent  encore 
une  fois  que  le  caractère  complet  n'est  qu'un  idéal  ;  mais  une 
indisposition  de  quelques  heures  n'est  pas  une  maladie.  Cette 
réserve  faite,  nous   pouvons,  pour  classer,   suivre  la  marche 
régressive  de  l'unité  coordonnée  à  la  multiplicité  incoordonnée, 
de  la  stabilité  à  la  dissolution  et  nous  avons  ainsi  trois  groupes 
qui  s'éloignent  de  plus  en  plus  des  formes  normales  :  1°  les  carac- 
tères contradictoires  successifs;  !2°les  caractères  contradictoires 
simultanés  ;  3°  les  caractères  instables  ou  polymorphes,  dernier 
degré  de  la  désagrégation.  Reste  aies  étudier  dans  cet  ordre. 

Par  caractères  contradictoires  sitccessifs ,  j'entends  deux 
formes,  deux  manières  opposées  de  sentir  et  d'agir,  telles  que 
la  vie  embrassée  tout  entière  semble  celle  de  deux  individus, 
l'un  avant  la  crise,  l'autre  après  la  crise. 

Avant  d'arriver  aux  cas  vrais,  il  y  a  des  éliminations  préala- 
bles à  faire  : 

1°  Les  caractères  contradictoires  en  apparence  (le  triumvir 
Octave  et  V inrperalor  Auguste)  ;  ils  abondent  dans  l'histoire 
politique.  Bien  loin  de  se  contredire  et  d'être  instable  le  carac- 
tère dans  tous  ces  cas  est  un  et  solide  :  parfaite  unité  dans  le 
but,  la  contradiction  n'est  que  dans  les  moyens.  Le  moraliste 
les  appelle  à  bon  droit  des  caractères  faux  parce  qu'ils  portent 
des  masques;  pour  le  psychologue,  ils  sont  normaux  et  bien 
accentués.  Ils  se  rencontrent  en  grand  nombre  dans  la  vie  com- 
mune et  il  n'est  pas  besoin  pour  se  contredire  en  apparence 
d'être  acteur  sur  un  grand  théâtre  ;  il  suffit  de  rester  fidèle 
au  but  qu'on  poursuit  et  sans  scrupules  sur  l'emploi  des 
moyens.  Ceux  qui,   en  temps  de  révolution,  deviennent  brus-  ; 

quement  cruels  par  peur,  sont  de  la  même  catégorie  :  leur  unité 
est  dans  le  soin  de  leur  conservation. 

2°  Les  transformations  produites  par  l'évolution  de  la  vie  et 
le  changement  des  circonstances.  Ainsi  un  caractère  actif  peut 
se  déployer  tour  à  tour  dans  l'amour,  les  aventures  périlleuses, 
l'ambition,  la  recherche  de  la  richesse. 


C  MÉMOIRES   DES    COLLABORATEURS 

Débarrassés  de  ces  équivoques,  nous  pouvons  répartir  les 
caractères  contradictoires  successifs  en  deux  classes  :  la  pre- 
mière comprend  les  anomalies,  la  seconde  les  formes  patholo- 
giques. 

1'"  classe.  —  Comme  dans  notre  classification,  nous  nous  éloi- 
gnons pas  à  pas  de  l'état  normal,  il  nous  faut  commencer  par 
les  formes  mitigées  qui  sont  de  simples  déviations  de  l'idéal  du 
caractère,  c'est-à-dire  d'une  unité  constante  et  imperturbable. 
Tout  idéal  à  part,  les  caractères  successifs  sont  des  exceptions 
par  rapport  à  la  généralité  ;  car  même  les  neutres  ont  durant 
toute  leur  vie  une  espèce  d'unité,  celle  de  leur  plasticité  perpé- 
tuelle. 

Dans  cette  première  classe,  je  distingue  deux  cas.  Si  le  lec- 
teur trouve  excessives  ces  divisions  et  subdivisions,  je  n'ai  pas 
à  m'en  excuser.  On  ne  classe  pas  sans  distinguer  et  on  ne  suit 
pas  un  ordre  régressif,  sans  marquer  chaque  pas  vers  la  disso- 
lution. 

1"  Le  cas  le  plus  simple,  le  plus  proche  de  l'état  normal  con- 
siste dans  le  changement  d'orientation  d"une  seule  et  même 
tendance  prédominante  chez  Findividu.  Telle  est  la  métamor- 
phose des  amours  profanes  qui  ont  absorbé  la  première  partie 
de  la  vie,  en  un  amour  platonique  et  chevaleresque  qui  remplit 
la  seconde  (Raymond  Lull)  ;  le  cas  inverse  n'est  pas  rare  et  on 
en  pourrait  trouver  des  exemples  chez  les  mystiques.  Telles 
sont  les  conversions  sincères  en  religion  ou  en  politique  (saint 
Paul,  Luther).  De  même,  les  cas  où  la  fougue  du  tempérament 
s'étant  dépensée  dans  le  sens  du  bien,  se  dépense  dans  le  sens 
du  mal  ou  inversement.  Tout  cela,  pour  le  moraliste  est  un 
changement  complet,  il  y  a  deux  hommes  ;  pour  le  psychologue 
c'est  un  changement  d'orientation,  il  n'y  a  qu'un  homme.  Il  est 
facile  de  voir  que,  sous  les  deux  contraires,  existe  un  fond 
commun,  une  unité  latente  ;  c'est  la  même  (juantité  ou  la 
même  qualité  d'énergie  employée  à  deux  fins  contraires  ;  mais 
sans  eiïbrt,  on  peut  retrouver  la  chrysalide  dans  le  papillon. 

t"  Voilà  les  formes  mitigées;  les  cas  francs,  qui  nous  éloi- 
gnent davantage  de  la  règle,  impliquent  une  dualité  foncière 
et  véritable.  Exemple  :  le  passage  de  la  vie  d'orgie  à  une  vie 
d'ascétisme  qui  dure  (sans  quoi,  ce  n'est  qu'un  accident  pas- 
sager) ;  de  la  vie  active  à  la  vie  contemplative  (Dioclétien), 
de  la  vie  contemplative  à  la  vie  active  (Julien  l'Apostat)  ;  bref, 
tous  les  cas  où  l'on  brûle  ce  que  l'on  a  adoré  et  où  l'on  adore 


TK.    RIBOT.    —   LES    CARACTERES    ANORMAUX    Eï    MORBIDES  / 

ce  qu'on  a  brûlé,  où  Ton  trouve  deux  individus  dans  le  même 
individu.  —  La  langue  courante  appelle  cela  des  «  conver- 
sions». Elles  peuvent  être  religieuses,  morales,  politiques, 
esthétiques,  philosophiques,  scientifiques,  etc.  ;  toujours  elles 
consistent  dans  la  substitution  d'une  tendance  un  d'un  groupe 
de  tendances  à  leurs  contraires,  d'une  croyance  à  une  autre 
contraire,  d'une  forme  d'unité  à  une  autre  forme  :  expres- 
sions synonymes  qui  traduisent  les  divers  aspects  psycholo- 
giques de  la  transformation.  Remarquons  en  passant  que  chez 
les  hommes  qui  ont  traversé  deux  phases  antithétiques,  l'opi- 
nion commune  n'en  voit  jamais  qu'une  qui  est  ordinairement 
la  dernière,  celle  de  la  fin  ;  ou  la  plus  longue  ou  la  plus 
éclatante  :  l'autre  reste  dans  l'ombre.  Saint  Augustin  est 
l'homme  d'après  la  conversion  ;  Dioctétien  l'homme  d'avant 
l'abdication.  Il  y  a,  au  fond  de  ce  jugement,  le  besoin  de  sim- 
plification et  d'unité  de  l'esprit  appliqué  au  caractère. 

Comment  se  produit  ce  changement  qui  divise  la  vie  en 
deux  phases  contradictoires  dans  les  cas  extrêmes  ?  Il  est 
impossible  de  donner  une  réponse  générale  ;  chaque  cas 
particulier  suppose  des  conditions  particulières.  Cependant  on 
peut  essayer  de  déterminer  par  approximation  les  causes  qui 
agissent  le  plus  souvent. 

D'abord  les  causes  physiques.  Il  y  a  des  maladies  graves  qui, 
en  changeant  la  constitution,  transforment  le  caractère,  mon- 
trant ainsi  à  quel  point  il  dépend  de  la  cénesthésie  :  qu'on 
suppose  comme  condition  dernière  des  modifications  chimiques 
(de  nutrition)  ou  des  modifications  physiques  (hypothèse  de 
Henle  et  de  Seeland),  il  n'importe.  Il  y  a  les  chocs  violents, 
notamment  les  traumatismes  de  la  tête  dont  nous  parlerons 
plus  loin.  Azam  ^  donne  quelques  exemples  de  ces  métamoi'- 
phoses  :  un  homme  laborieux  et  rangé,  à  la  suite  d'une 
fracture  compliquée  de  la  jambe,  devient  impulsif  et  intolé- 
rable: l'auteur  suppose  une  ischémie  cérébrale.  Un  autre, 
dans  les  mêmes  circonstances,  change  un  caractère  gai  pour 
une  mélancolie  sans  remède.  Une  névralgie  faciale  incurable 
fait  d'un  homme  foncièrement  bon  un  être  méchant  et  aca- 
riâtre, etc. 

Ensuite  les  causes  morales.  Elles  paraissent  agir  à  la 
manière  d'un  choc  dont  l'effet  est  immédiat  ou  à  longue 
échéance  ;  de  là  les  métamorphoses  brusques  ou  à  incubation 

(1)  Le  canic/ère  dniis  Ir.s  niiilddics.  p.  J88  sij. 


O  MEMOIRES   DES   COLLABORATEURS 

lente.  Les  premières  ont  leur  type  dans  les  conversions  qui 
suivent  une  crise  inattendue  :  saint  Paul  et  sa  vision,  Pascal  et 
son  accident,  R.  LuU  et  la  révélation  d'une  de  ses  maîtresses, 
le  seigneur  espagnol  Marana  dont  on  a  tant  de  fois  raconté 
l'histoire,  qui  fut  Don  Juan  pendant  une  moitié  de  sa  vie  et 
que  des  chants  d'église  transforment  soudainement.  Le 
«  coup  de  la  grâce  »  des  théologiens  est  d'une  psychologie 
vraie.  —  Les  secondes  ne  se  produisent  pas  d'emblée,  mais 
après  un  combat  entre  les  anciennes  tendances  et  les  nou- 
velles :  saint  Augustin,  Luther,  Loyola,  F.  de  Borgia  qui  en 
voyant  le  cadavre  de  son  impératrice  (femme  de  Charles-Quint) 
projette  de  renoncer  au  monde,  mais  ne  le  fait  que  bien  plus 
tard.  A  ces  noms  illustres,  ajoutez  les  noms  obscurs  de  gens 
que  chacun  de  nous  connaît. 

On  peut  se  demander  si  les  changements,  même  les  plus 
brusques,  le  sont  autant  qu'ils  le  paraissent;  s'ils  n'ont  pas 
leurs  antécédents  dans  la  vie  de  l'individu,  s'ils  ne  sont  pas  le 
résultat  accéléré  d'une  incubation  semi-inconsciente.  Quoi 
qu'on  en  pense,  le  mécanisme  psychologique  des  conversions 
ressemble  fort  à  celui  des  impulsions  irrésistibles.  Dans  son 
évolution  complète,  il  parcourt  trois  moments  :  I"  la  conception 
d'un  but  ou  d'un  idéal  contraire  ;  cela  arrive  à  tout  le  monde, 
sans  durer  ni  agir  ;  cet  état  ne  produira  rien  s'il  traverse  seu- 
lement l'esprit,  s'il  est  transitoire  ;  '"2'  il  faut  donc  que  cette 
conception  devienne  une  idée  fixe  avec  la  stabilité,  la  prédo- 
minance, l'obsession  qui  lui  sont  propres;  3°  alors  lacté  se 
produit,  parce  qu'il  est  déjà  inclus  dans  l'idée  fixe  et  parce  que 
l'idée  fixe  est  une  croyance  et  que  toute  croyance  se  pose 
comme  étant  ou  devant  être.  En  somme,  rien  n'aboutit  tant 
que  l'idée  n'est  pas  devenue  une  impulsion.  Dans  les  cas  du 
coup  de  foudre,  le  mouvement  impétueux  de  la  passion  nait 
d'emblée  et  triomphe  immédiatement.  C'est  encore  une  ressem- 
blance avec  les  impulsions  irrésistibles  qui  passent  à  l'acte, 
tantôt  après  une  période  de  lutte,  tantôt  dans  un  rajjtus 
soudain. 

Il  y  a  toutefois  cette  différence  que  le  nouveau  caractère  — 
c'est  à  dire  une  nouvelle  manière  de  sentir,  de  penser  et  d'agir 
—  dure.  Cette  stabilité  serait  impossible  si  dans  les  deux  cas, 
d'incubation  et  d'éruption,  un  changement  profond  ne  s'était 
produit  dans  la  constitution  individuelle.  Les  conversions  ne 
créent  pas  une  nouvelle  tendance,  mais  elles  montrent  que  les 
plus  antithétiques  sont  en  nous  et   que  l'une  remplace  l'autre. 


TH.    BIBOT.    —   LES    CARACTÈRES   ANORMAUX    ET    MORBIDES  9  \ 

non  par  un  acte  de  volonté  toujours  précaire,  mais  par  une 

transformation  radicale  de  notre  sensibilité.  | 

"1"  classe.  —  Elle  comprend  les  caractères  alternants,  qui 
parfois  se  succèdent  avec  une  telle  rapidité  et  une  telle  fré- 
quence, qu'ils  se  rapprochent  des  caractères  contradictoires  il 
simultanés.  Au  lieu  de  deux  caractères  différents,  l'un  avant,  | 
l'autre  après  la  crise,  dont  la  formule  pour  la  vie  entière  de 
l'individu  serait  A  puis  B,  nous  avons  l'alternance  de  deux 
formes  de  caractères  (avec  ou  sans  crise  intermédiaire)  et  la 
formule  serait  :  A  puis  B,  puis  A,  puis  B  et  ainsi  de  suite. 

Cette  alternance  se  rencontre  à  l'état  normal  ou  quasi- 
normal  ;  mais  elle  est  trop  fugitive  ou  trop  difficile  à  fixer, 
pour  qu'on  la  distingue  des  caractères  instables  ;  il  n'en  est 
pas  de  même  pour  les  formes  morbides  qui  les  montrent  en 
grossissement.  Tels  sont  les  phénomènes  tant  étudiés  de  nos 
jours  sous  les  noms  d'altérations,  maladies,  désordres  de  la 
personnalité.  Le  lecteur  les  connaît  ;  ils  sont  d'ailleurs  en  partie 
étrangers  à  notre  sujet  et  si  j'y  touche,  c'est  simplement  à 
litre  d'éclaircissement  sur  un  point  particulier  :  les  variations  i 

du  caractère. 

Dans  les  cas  d'alternance  de  personnalité,  on  peut  considérer 
ou  bien  les  changements  physiologiques  qui  sont  assez  obscurs, 
ou  bien  les  changements  intellectuels  qu'on  réduit  à  peu  près  à 
la  mémoire,  ou  bien  les  changements  affectifs  qu'on  néglige  un 
peu  et  qui  sont  même  omis  dans  beaucoup  d'observations  : 
ces  derniers  seuls  nous  intéressent,  parce  quils  se  résument  en 
des  alternances  de  caractère. 

Si  l'on  prend,  en  effet,  les  observations  complètes,  on  voit 
que  les  deux  personnalités  (il  y  en  a  quelquefois  davantage)  ne 
consistent  pas  seulement  dans  l'alternance  de  deux  mémoires, 
mais  aussi  de  deux  dispositions  affectives  distinctes  et  ordinai- 
rement opposées.  La  célèbre  Félida  d'Azam  est,  dans  son  état 
premier,  sombre,  froide,  réservée;  dans  son  état  second,  gaie, 
expressive,  vive  jusqu'à  la  coquetterie  et  la  turbulence.  Dans 
le   cas  de  Mary  Reynolds,   rapporté  par  Weir  Mitchell,  nous  ^ 

avons  d'abord  une  femme  mélancolique,  taciturne,  fuyant  le 
monde  ;  puis  dans  sa  nouvelle  personnalité,  «  sa  disposition  est 
totalement  et  absolument  changée  »,  elle  est  folle  de  plaisir, 
bruyante,  cherchant  toujours  lu  compagnie,  à  moins  qu'elle  ne 
courre  à  pied  ou  à  cheval  les  forêts,  les  vallées,  les  montagnes, 
s'enivrant  des  spectacles  de  la  nature  et  ne  connaissant  pas  la 


10  MÉMOIRES    DES    COLLABORATEURS 

peur.  Ces  alternances  ont  duré  seize  ans,  puis  «  l'opposition 
émotionnelle  entre  les  deux  états  semble  s'être  graduellement 
effacée  pour  aboutir  à  une  moyenne  entre  les  deux,  à  un 
tempérament  bien  équilibré  »  qui  a  coexisté  pendant  un  quart 
de  siècle  avec  son  second  état,  devenu  permanent.  Rappe- 
lons encore  l'observation  si  connue  de  L.  V...  qui  présente 
spontancment  au  moins  deux  formes  opposées  de  caractère  : 
bavard,  arrogant,  violent,  brutal,  insubordonné,  voleur,  voulant 
tuer  ceux  qui  lui  donnent  des  ordres  ;  puis  doux,  poli,  silen- 
cieux, sombre,  d'une  timidité  presque  enfantine.  Je  dis  sponta- 
nément, car  MM.  Bourru  et  Burot  ont  produit  artificiellement 
cbez  V...  des  modifications  pliysiques  qui  s'accompagnent  aussi 
de  quelques  modifications  du  caractère  ;  mais  je  m'en  tiens 
aux  changements  naturels.  —  Pour  d'autres  exemples  je  renvoie 
aux  livres  spéciaux. 

J'incline  à  croire  que  les  alternances  de  mémoire,  quoique 
les  plus  étranges  et  les  plus  troublantes,  résultent  d'une 
alternance  des  dispositions  affectives  (du  caractère)  qui  résul- 
tent elles-mêmes  de  cliangeuients  physiologiques;  en  sorte  que 
la  réduction  dernière  conduit  à  la  cénesthésie.  Quand  on  voit 
chez  L.  V...  le  caractère  violent  accompagner  toujours  l'hémi- 
plégie et  l'anesthésie  droites,  le  caractère  doux  l'hémiplégie  et 
l'anesthésie  gauches  ,  —  sans  parler  des  modifications  par- 
tielles qui  accompagnent  la  paraplégie,  l'anesthésie  totale,  etc., 
produites  artificiellement  en  état  d'hypnotisme  —  il  est  difficile 
de  ne  pas  admettre  que  les  changements  de  mémoire,  de 
caractère,  d'habitus  physique  forment  un  tout  ju'esque  indis- 
soluble ;  c'est  aussi  la  conclusion  que  Bourru  et  Burot  ont  tirée 
de  leurs  expériences. 

A  défaut  de  preuves  positives  qui  établissent  que  le  change- 
ment de  la  cénesthésie  est  primordial  dans  ces  alternances  du 
caractère,  nous  pouvons  les  rapprocher  d'une  maladie  mentale 
où  l'alternance,  encore  plus  simple,  laisse  mieux  saisir  ses 
conditions  physiologiques  :  c'est  la  folie  à  double  forme 
(appelée  aussi  folie  circulaire,  à  formes  alternes,  etc.).  Elle  con- 
siste dans  l'alternance  régulière  de  deux  périodes  :  dépression, 
exaltation.  La  transition  de  l'une  à  l'autre  est  instantanée  ou 
se  fait  par  des  dégradations  insensibles  ;  nuiis  rien  de  plus  net 
que  le  contraste  entre  les  deux  périodes. 

Pendant  la  dépression,  les  symptômes  affectifs  sont  :  mélan- 
colie, sentiment  de  fatigue,  torpeur,  indifférence,  frayeur 
vague,  inquiétude  surtout.  Physiquement  le  malade  est  amai- 


TU.    RIBOT.    —    LES    CARACTERES    ANORMAUX   ET    MORBIDES         I  I 

gri,  vieilli,  cassé,  ridé  ;  il  y  a  abaissement  de  la  température, 
diminution  énorme  du  pouls,  des  sécrétions  et  excrétions,  du 
poids  du  corps  (jusqu'à  dix  livres  en  une  semaine). 

Pendant  l'excitation  le  tableau  est  inverse,  traits  pour  traits  : 
sentiment  de  bien-être,  joie,  orgueil,  activité  exubérante;  le 
malade  est  rajeuni,  engraissé;  les  fonctions  organiques  sont 
amples  et  faciles.  «  Ce  contraste,  dit  un  aliéniste,  est  une  des 
particularités  les  plus  curieuses  et  les  plus  intéressantes  de  la 
médecine  mentale  ^  » 

Ici  la  connexion  entre  la  disposition  affective  et  l'état  soma- 
tique  est  de  toute  clarté  et  paraît  réductible  à  une  tropho- 
névrose  du  cerveau  (Schûle,  KratTt-Ebing).  Il  faut  reconnaître 
que  cette  maladie  qui  est  la  forme  extrême  et  les  alternances 
de  la  personnalité  qui  sont  des  formes  mitigées,  ne  nous  four- 
nissent que  des  exemples  pathologiques  ;  mais  les  manifesta- 
tions morbides  sont  en  germe  dans  la  vie  normale.  Malheureu- 
sement, ces  alternances  ne  sont  saisissables  que  par  leur  relief 
et  on  ne  peut  citer  que  les  gros  cas.  Comparés  aux  caractères 
successifs  dont  l'un  a  tué  l'autre,  les  caractères  alternants 
marquent  une  nouvelle  étape  vers  la  dissolution  et  forment  une 
transition  à  notre  deuxième  groupe,  les  caractères  contradic- 
toires coexistants. 


II 

Ils  consistent  dans  la  coexistence  de  deux  tendances  con- 
traires, également  prépondérantes  et  inconciliables  ;  il  y  a 
deux  caractères,  deux  sources  d'action  contradictoires  et, 
d'après  notre  critérium  pratique,  il  y  a,  dans  une  circonstance 
donnée,  deux  prévisions  possibles  et  également  probables.  Ils 
diffèrent  et  des  caractères  successifs  oii  le  second  homme  a  éli- 
miné le  premier,  et  des  caractères  alternants  qui  occupent  la 
scène  à  tour  de  rùle  exclusivement  et  pendant  quelque  temps. 
Ils  se  présentent  sous  deux  formes  principales. 

1'^  La  première  forme  n'est  pas  un  type  pur  ni  complet.  Elle 
résulte  d'une  contradiction  entre  le  penser  et  le  sentir,  entre  la 
théorie  et  la  pratique,  entre  les  principes  et  les  tendances. 
Rien  n'est  moins  rare  et  il  est  à  peine  besoin  d'en  fournir  des 
exemples    :    l'opposition    tranchée    entre   l'homme    privé    et 

(1)  Régis.  Maladies  inenlales,  p.  200. 


'12  MÉMOIBES    DES    COLLABORATIiUHS 

l'homme  public,  entre  l'homme  comme  savant  et  l'homme 
comme  croyant  ;  tel,  qui  en  matière  de  preuves  scientifiques 
est  intraitable,  sera,  en  religion  ou  en  amour,  d'une  ingénuité, 
d'une  candeur  sans  pareilles.  Quant  à  ceux  qui  professent 
énergiquement  une  doctrine  et  agissent  dans  le  sens  contraire, 
ils  ne  manquent  pas.  Schopenhaucr,  en  théorie  pessimiste,  myso- 
gyne,  pénétré  de  compassion  pour  tous  les  êtres,  ascète,  n'est 
rien  de  tout  cela  en  pratique.  C'est  une  contradiction  inconciliée 
à  laquelle  j'opposerai  la  parfaite  unité  d'un  Spinoza. 

Un  homme  qui,  par  hypothèse,  serait  tout  entier  intellectuel 
et  qui  cependant  agirait  (si  cela  est  possible),  échapperait  par  sa 
constitution  à  cette  dualité  contradictoire.  Le  magistrat  observé 
par  Esquirol  qui,  avec  une  parfaite  lucidité  d'esprit,  avait 
perdu  toute  sensibilité  et  «  était  aussi  indifférent  aux  siens  et 
à  toute  chose  qu'à  un  théorème  d'Euclide  »  s'en  rapproche.  On 
en  trouve  des  formes  atténuées  chez  les  apathiques  intelligents. 

Mais  cette  dualité  contradictoire  est  si  commune  qu'on  n'ose- 
rait pas  y  insister,  si  elle  ne  mettait  en  plein  jour  l'inanité  de 
ce  préjugé  si  répandu  :  qu'il  suffit  d'inculquer  des  principes, 
des  règles,  des  idées,  pour  qu'ils  agissent.  Sans  doute,  l'auto- 
rité, l'éducation,  la  loi,  n'ont  pas  d'autre  moyen  d'influence 
sur  les  hommes  ;  mais  ce  moyen  n'est  pas  efficace  par  lui- 
même  ;  il  peut  échouer  ou  réussir;  c'est  une  expérience  qu'on 
essaie  et  qui  se  réduit  à  ceci  :  le  caractère  intellectuel  (s'il  y  a 
des  caractères  proprement  intellectuels,  comme  l'admettent 
certains  auteurs)  et  le  caractère  affectif  marcheront-ils  de  pair? 

2"  La  deuxième  forme  est  pure  et  complète  ;  elle  renferme 
une  contradiction  plus  profonde,  parce  qu'elle  existe  entre 
deux  manières  de  sentir,  deux  tendances,  deux  modes  d'agir 
dont  l'un  nie  l'autre.  Ces  caractères  nous  rapprochent  de  notre 
dernier  groupe  (les  instables)  :  ce  sont  des  incohérents  qui  ne 
veulent  ou  ne  peuvent  résoudre  la  contradiction  qui  est  en  eux. 
L'un  des  plus  communs  exemples  se  trouve  chez  les  gens  qui 
cumulent  la  sincérité  religieuse  et  le  libertinage.  L'opinion  les 
juge  sévèrement  et  les  tient  pour  des  hypocrites,  confondant  ainsi 
deux  cas  très  distincts  :  le  sentiment  religieux  et  le  sentiment 
sexuel,  bien  enracinés  en  eux,  agissant  tour  à  tour,  sans  qu'ils 
se  mettent  en  peine  de  les  concilier.  Citons  encore  les  hommes 
partagés  entre  le  besoin  de  l'activité  et  celui  du  repos,  qui 
passent  sans  cesse  de  l'un  à  l'autre  ;  l'amant  qui  ressent  à  la 
fois  pour  sa  maîtresse  un  ardent  amour  et  un  violent  mépris. 
Dans  les  temps  et  les  pays  de  profonde  foi  monarchique,  on 


/■ 


TH.    RIBOT.    —   LES    CARACTÈRES   ANORMAUX   ET   MORBIDES  13 

trouve  un  état  analogue  chez  les  sujets  qui  ont  un  sentiment 
de  fidélité  inébranlable  au  roi  et  d'abjection  pour  sa  personne. 
En  étudiant  les  caractères  «  composés  »,  Paulhan  rappelle  que 
Rubens,  calme,  tranquille,  rangé  dans  la  vie  pratique,  devenait  .à 

en  proie   à  une  fermentation  tragique  dès   qu'il  saisissait  le  '' 

pinceau.  On  a  dit  d'un  contemporain  célèbre  (Wagner)  qu'il  y  1 

avait  en  lui  des    «  instincts  d'ascète  et  de  satyre,  le  besoin  ' 

d'aimer  et  de  haïr,  un  appétit  de  jouissance  et  une  soif  d'idéal, 
de  la  dignité  hautaine  et  une  plate  courtisanerie,  un  mélange 
de  dévouement  et  de  lâche  trahison  ».  Ce  portrait  pourrait  con- 
venir à  beaucoup  d'autres.  Il  dénote  plus  qu'une  dualité  con- 
tradictoires car  il  n'est  pas  réductible  à  deux  marques  essen- 
tielles ;  mais  il  n'est  pas  encore  le  type  vrai  de  l'instable. 

A  en  croire  certains  auteurs,  la  cause  des  caractères  contra- 
dictoires simultanés  serait  bien  simple  ;  elle  serait  réductible  à  la 
dualité  cérébrale.  On  sait  que  les  deux  hémisphères  du  cerveau, 
même  normal,  sont  asymétriques,  différents  quant  au  poids,  à 
la  distribution  des  artères,  à  l'importance  fonctionnelle,  le  côté 
gauche  étant  prépondérant  ;  que  les  hallucinations  peuvent  être 
unilatérales  ou  bilatérales  à  caractères  différents,  etc.  Bref,  le 
dualisme  cérébral  est  indéniable  ;  mais  qu'il  suffise  à  expliquer 
la  dualité  du  caractère,  c'est  une  hypothèse  tellement  simpliste 
que  je  ne  m'arrêterai  pas  un  instant  à  la  discuter. 

Une  explication  tirée  de  la  psychologie  sera  moins  simple, 
mais  moins  fragile.  Pour  comprendre  comment  ces  caractères 
se  constituent,  la  marche  suivante  me  paraît  la  meilleure.  Pre- 
nons comme  point  de  départ  les  caractères  bien  équilibrés, 
«  complètement  unifiés,  »  qui  présentent  une  coordination  hié- 
rarchique des  diverses  tendances.  Un  premier  pas  vers  la  rup- 
ture est  marqué  par  la  prédominance  d'une  seule  et  unique 
tendance  :  on  est  actif,  contemplatif,  sensitif,  etc.  C'est  encore 
une  unité  ;  mais  au  lieu  d'une  unité  de  convergence  qui  res- 
semble à  une  fédération,  nous  avons  une  unité  de  prépondé- 
rance qui  correspond  à  une  monarchie  absolue.  Un  deuxième 
pas,  décisif,  est  marqué  par  l'apparition  de  deux  tendances 
dominatrices  ;  mais  il  faut  qu'elles  soient  contradictoires.  Ainsi, 
Michel  Cervantes,  qui  après  une  vie  de  batailleur  chevaleresque 
devient  l'écrivain  que  l'on  sait,  offre  l'exemple  d'une  nature 
complexe,  composite,  nullement  contradictoires.  La  contradic- 
tion est  dans  les  cas  analogues  à  celui  du  croyant  libertin,  parce 
que  en  même  temps  qu'il  affirme  des  règles  de  morale  pres- 
crites par  sa  religion,  il  les  nie  par  ses  actes.  Donc  deux  ten- 


14  MÉMOIRES   DES    COLLABORATEURS 

dances  incoordonnées.  Toutefois  ce  n'est  que  l'exagération  d'un 
fait  normal  :  un  homme  très  grave  peut  avoir  des  accès  de  joie 
folle  ;  un  autre  peut  être  pris  d'une  passion  qui  dément  toutes 
ses  habitudes.  Donnez  à  cet  état  transitoire,  épisodique,  la  sta- 
bilité, la  permanence  et  le  caractère  contradictoire  s'établit.  Les 
causes  de  cette  transformation  peuvent  être  assignées  aux  cir- 
constances ;  je  les  crois  bien  plus  encore  dépendantes  de  l'in- 
néifé,  ce  sont  des  dispositions  inhérentes  à  la  constitution 
individuelle  ;  l'occasion  ne  sert  qu'à  les  faire  éclore. 

En  définitive,  on  peut  soutenir,  sans  paradoxe,  que  ces  carac- 
tères sont  ou  ne  sont  pas  contradictoires,  selon  le  point  de  vue 
adopté  :  pour  la  logique  de  l'intelligence,  ils  le  sont  ;  pour  la 
logique  des  sentiments,  ils  ne  le  sont  pas. 

Quand  nous  jugeons  un  caractère  contradictoire,  .qu'il  s'agisse 
de  nous  ou  des  autres,  nous  procédons  objectivement  :  nous 
constatons  dans  l'individu  l'existence  simultanée  de  deux  idées 
directrices  dont  l'une  nie  l'autre;  nous  le  déclarons  illogique 
rationnellement,  parce  que  le  principe  de  contradiction  est  le 
nerf  de  toutes  nos  affirmations  et  que  la  logique  de  l'intelli- 
gence repose  sur  lui. 

La  logique  des  sentiments  est  subjective  ;  elle  est  régie  par 
le  principe  de  finalité  ou  d'adaptation.  L'individu,  comme  être 
purement  affectif,  ne  vise  qu"à  une  fin,  la  satisfaction  de  ses 
désirs  ;  et  en  lui,  chaque  tendance  spéciale  vise  sa  fin  spéciale, 
son  bien  spécial.  Si  donc  le  savant  mù  par  l'amour  de  la  vérité 
tend  vers  la  vérité  rigoureuse  et  mù  par  un  vif  sentiment  reli- 
gieux la  satisfait  par  des  croyances  d'enfant,  il  n'y  a  pas,  il  ne 
peut  y  avoir  de  contradiction  entre  ces  deux  désirs;  elle  n'existe 
que  dans  la  région  des  idées,  objectivement.  La  logique  des 
sentiments  a  aussi  ses  illogismes,  mais  ils  sont  autres  et  je 
n'en  vois  que  deux  :  1°  ([uand  une  tendance  isolée,  en  allant 
vers  son  but,  est  une  cause  de  nuisance  ou  de  ruine  pour  l'in- 
dividu tout  entier  ;  2*^  quand  celui-ci  se  complaît  dans  sa  propre 
destruction,  comme  dans  les  cas  de  «  plaisir  de  la  douleur  » 
état  dont  beaucoup  d'auteurs  ne  me  paraissent  pas  avoir  com- 
pris la  nature  et  que  ce  n'est  pas  le  lieu  d'étudier. 


111 

Les  caractères  instables   ou    polymorphes  ne  peuvent  être 
appelés  «  caractères  »  que  par  une  extension  tout  à  fait  abusive 


Tn.    RIBOT.    —   LES   CARACTÈRES    ANORMAUX    ET    MORBIDES  IS 

de  ce  mot;  car  il  n'y  ft  plus  ni  unité,  ni  stabilité,  ni  prévision 
possible.  Gomment  agiront-ils  ?  A  chaque  moment  nous  sommes 
en  face  d'une  énigme.  En  fait,  c'est  la  dissolution  du  caractère 
et  tous  les  échantillons  de  ce  groupe  sont  pathologiques. 

Il  n'est  pas  utile  de  les  décrire,  car  ils  se  comprennent  d'eux- 
mêmes.  Leurs  principaux  types  se  rencontrent:  chez  les  hysté- 
riques dont  la  psychologie  protéiforme  a  été  tant  de  fois  faite 
et  bien  faite  qu'il  n'y  a  pas  à  insister  ;  chez  les  aventuriers 
dont  l'histoire  avec  des  variations  sans  nombre  est  au  fond 
toujours  la  même  et  peut  se  résumer  ainsi  :  précocité,  indisci- 
pline à  la  maison  paternelle  ou  aux  écoles,  fugues  fréquentes, 
inaptitude  à  tout  travail  suivi  ;  passant  brusquement  de  la 
fougue  au  dégoût,  essayant  tout  et  laissant  tout,  roulant  ainsi 
au  hasard  des  impulsions  et  des  circonstances  jusqu'à  une 
catastrophe  finale  qui  les  conduit  en  cour  d'assises  ou  dans  un 
asile  d'aliénés. 

Les  causes  de  cette  instabilité  sont  congénitales  ou  acquises. 

La  diathèse  spasmodiquc,  comme  l'appelle  Maudsley,  est  le 
plus  souvent  innée.  Elle  a  pour  marques  les  divers  symptômes 
qui  sont  compris  sous  le  nom  de  dégénérescence,  groupés  en 
stigmates  physiques  et  stigmates  psychiques  :  ils  sont  trop 
connus  pour  qu'il  soit  besoin  de  les  énumérer. 

L'instabilité  acquise  au  cours  de  la  vie  est  le  reliquat  de  cer- 
taines maladies,  surtout  des  blessures  et  chocs  au  cerveau  et 
avant  tout  des  lésions  du  lobe  frontal.  Telle  est  la  conclusion 
qui  ressort  des  observations  de  David  Ferrier,  de  Boyer, 
Lépine,  etc.  Plus  récemment,  Allen  Starr  '  sur  quarante-six  cas, 
a  constaté  vingt-trois  fois,  comme  seuls  symptômes,  l'obtusion 
mentale,  l'impossibilité  de  l'attention,  l'irritabilité,  les  actes 
incoordonnés  et  impulsifs,  l'absence  de  contrôle  volontaire,  la 
perte  du  pouvoir  d'inhibition,  phénomènes  qui  coïncident  spé- 
cialement avec  les  lésions  du  côté  gauche  de  la  région  frontale. 

M.  Paulhan  dans  son  livre  sur  les  Caractères  étudiant  ceux 
qu'il  appelle  les  inquiets,  les  nerveux  et  les  contrariants,  en 
donne  plusieurs  exemples,  parmi  eux  Alfred  de  Musset,  d'après 
son  propre  portrait,  confirmé  par  celui  de  G.  Sand  :  «  Au  sortir  de 
ces  scènes  affreuses,  un  amour  étrange,  une  exaltation  pmissée 
jusqu'à  l'excès  me  faisaient  traiter  ma  maîtresse  comme  une 
divinité.  Un  quart  d'heure  après  l'avoir  insultée,  j'étais  à  ses 
genoux  ;  dès  que  je  n'accusais  plus,  je  demandais  pardon  ;  dès 

(1)  Bmln,  n"  32,  p.  570  cl  Hrum  S,/r!jer>j  (18'J3),  ch.  i. 


16  MÉMOIRES   DES    COLLABORATEURS 

que  je  ne  raillais  plus,  je  pleurais.  »  (Musset.)  «  Ses  réactions 
étaient  soudaines  et  violentes  en  raison  de  la  vivacité  de  ses 
joies...  L'on  eût  dit  que  deux  âmes  s'étant  disputé  d'animer  son 
corps,  se  livraient  une  lutte  acharnée  pour  se  combattre  l'une 
l'autre...  Règle  invariable,  inouïe,  mais  absolue  dans  cette 
étrange  organisation,  le  sommeil  changeait  toutes  ses  résolu- 
tions ;  il  s'endormait  le  cœur  plein  de  tendresse,  il  s'éveillait 
l'esprit  avide  de  combats  et  de  meurtres  et  s'il  était  parti  la 
veille  en  maudissant,  il  accourait  le  lendemain  pour  bénir.  » 
(G.  Sand.)  De  là,  et  des  cas  analogues,  Paulhan  conclut  que  «  ces 
types  résultent  de  la  prédominance  de  l'association  par  con- 
traste ».  Il  me  paraît  impossible  de  réduire  la  psychologie  des 
instables  —  et  des  caractères  contradictoires  qui  y  confinent  — 
à  ce  seul  fait.  D'abord,  l'association  par  contraste  n'est  pas 
primitive.  Avec  raison,  les  psychologues  la  réduisent  indirecte- 
ment à  l'association  par  ressemblance,  mélangée  quelquefois 
d'éléments  de  contiguïté.  De  plus,  le  contraste  n'existe  que  par 
couples  et  chez  les  «  nerveux,  inquiets,  contrariants  »  il  n'y  a 
pas  seulement  passage  du  contraire  au  contraire,  mais  du  divers 
au  divers  ;  ils  parcourent  toute  une  gamme.  Entin  l'association 
par  contraste  n'a  une  forme  précise  que  comme  phénomène 
intellectuel  et  l'on  ne  pourrait  soutenir  que  l'amour,  en  tant 
que  représentation,  évoquerait  par  contraste  la  représentation 
de  la  violence,  ou  Y  idée  de  la  jalousie  celle  de  l'indiflerence. 
Ici,  l'association  des  idées  n'est  qu'un  effet,  un  résultat,  une 
traduction  dans  la  conscience  d'événements  plus  profonds, 
d'ordre  affectif  et  même  organique.  Si  Musset  s'étant  représenté 
Sand  comme  une  divinité,  sévit  aussitôt  sur  elle  comme  un 
planteur  brutal  sur  une  esclave,  son  changement  d'orientation 
est  dans  sa  manière  de  sentir,  non  de  penser.  J'y  vois  plutôt 
l'effet  d'un  épuisement  rapide,  mais  partiel,  très  fréquent  chez 
les  déséquilibrés.  Si  l'on  tient  à  conserver  le  mot  contraste, 
il  faudrait  le  prendre,  non  dans  son  acception  psychologique, 
mais  au  sens  des  physiologistes  lorsiju'ils  parlent  de  «  con- 
traste successif  »  et  quils  l'attribuent  (à  tort  ou  à  raison)  à  la 
fatigue  de  certaines  portions  de  la  rétine. 

La  formule  qui,  à  mon  avis,  résume  et  explique  les  instables 
est  celle-ci  :  infantilisme  psychologique .  On  pourrait  dire  aussi 
arrêt  de  développement,  mais  l'expression  ne  serait  pas  appli- 
cable à  tous  les  cas. 

Si  l'on  considère,  en  elTet,  les  marques  distinctives  du  carac- 
tère des  enfants  (sauf  exceptions),  on  constate  d'abord  la  mobi- 


TU.    RIBOT.    —   LES    CARACTÈRES    ANORMAUX    ET    MORBIDES         17 

lité  ;  ils  désirent  une  chose,  puis  une  autre  et  une  autre,  passent 
vite  aux  extrêmes,  de  la  fougue  au  dégoût,  du  rire  au  pleurer  ; 
c'est  un  faisceau  incoordonné  d'appétits  et  de  désirs  dont  cha- 
cun chasse  l'autre.  Puis,  faiblesse  ou  absence  totale  de  volonté 
sous  la  forme  supérieure  de  l'arrêt  qui  maîtrise  et  coordonne. 
Sont-ils  impulsifs  par  défaut  d'inhibition  ou  incapables  de  se 
gouverner  par  l'excès  des  impulsions?  Les  deux  cas  se  rencon- 
trent et  le  résultat  est  le  même.  Le  tableau  de  leur  caractère, 
qu'il  est  inutile  de  poursuivre  dans  le  détail,  est  celui  des  ins- 
tables —  c'est-à-dire  d'une  non-constitution  du  caractère. 

Le  terme  infantilisme  convient  également  aux  formes  con- 
génitales et  aux  formes  acquises.  Les  uns  n'ont  pas  cessé  d'être 
enfants,  les  autres  le  redeviennent;  ils  sont  au  même  niveau, 
les  uns  pour  n'avoir  pas  assez  monté,  les  autres  pour  avoir 
trop  descendu  :  arrêt  de  développement  ou  régression.  Et  il  n'y 
a  pas  à  objecter  que  cette  instabilité  s'est  rencontrée  mainte  fois 
chez  des  esprits  supérieurs  :  le  génie  est  une  chose,  le  caractère 
une  autre  chose  et  il  ne  s'agit  ici  que  du  caractère.  Le  vulgaire 
qui  frappé  de  l'incohérence  de  leur  conduite  appelle  ces  grands 
hommes  «  de  grands  enfants  »  trouve  la  note  juste,  sans 
subtilité  d'analyse. 

En  somme,  depuis  le  caractère  vrai  (c'est-à-dire  l'afflrmation 
d'une  personnalité  sous  une  forme  stable  et  constante  avec 
elle-même)  qui  ne  se  réalise  jamais  complètement  ni  sans  de 
courtes  éclipses,  il  y  a  tous  les  degrés  possibles  d'infraction  à 
l'unité  et  à  la  stabilité,  jusqu'à  ce  moment  de  la  multiplicité 
incoordonnée,  où  le  caractère  n'a  pu  naître  ou  a  cessé  d'être. 

Tll.    RiBOT 
Professeur  au  culic^e  de  France. 


ANNÉE    PSYCHOLOGIQUE.    II. 


II 

UN    APERÇU    DE   PSYCHOLOGIE   COMPARÉE 


De  tout  temps  la  psychologie  des  animaux  a  intéressé  l'homme. 
Et  de  tout  temps  la  psychologie  des  animaux  sociaux  a  excité 
la  curiosité  des  penseurs  et  des  naturalistes,  par  les  singulières 
analogies  ou  convergences  qu'elle  présente  avec  la  société 
humaine.  En  1874  j'ai  publié  dans  mes  Fourmis  de  la  Suisse 
'Genève,  chez  Georg)  un  grand  nombre  d'observations  et  d'ex- 
périences sur  les  mœurs  des  fourmis  qu'à  l'instar  de  Pierre 
lluber  j'ai  déclaré  posséder  les  instincts  sociaux  les  plus  com- 
plexes et  les  plus  complets  de  tout  le  règne  animal.  Dès  lors  les 
faits  se  sont  accumulés  pour  corrobort-r  celte  opinion.  Les 
remarques  qui  vont  suivre  ne  sont  qu'un  résumé  de  mes  vues 
actuelles  sur  l'ensemble  et  les  rapports  fondamentaux  du  sujet. 
Le  temps  et  les  limites  d'un  article  de  revue  ne  me  permettent 
pas  d'entamer  de  discussions  avec  d'autres  auteurs  ni  d'entrer 
dans  des  détails  descriptifs.  Je  suppose  les  diverses  opinions  et 
sources  connues  pour  aller  droit  au  but. 

Le  fait  fondamental  que  j'ai  déjà  relevé  dans  le  livre  cité  est 
le  suivant  : 

L'instinct  social  des  fourmis  (et  des  autres  insectes  sociaux) 
présente  une  série  d'actes,  dits  automatiques,  dont  le  résultat 
arrive  à  un  parallélisme  surprenant  avec  certains  produits 
complexes  d'une  civilisation  humaine  plus  ou  moins  avancée. 
Je  ne  cite  que  l'esclavage  pratiqué  par  diverses  espèces  d'une 
fagon  ([ui  paraît  raffinée,  l'élevage  du  bétail  (des  pucerons)  que 
les  fourmis  savent  même  parfois  transporter,  claquemurer  dans 
des  «  écuries  »,  et  dont  elles  élèvent  même  les  œufs,  la  récolte 
et  la  conservation  des  graines,  enfin  le  jardinage  pratiqué  par 
les  Attini  avec  un  raffinement  inouï.  Les  MUi  d'Amérique  vont 
couper  les  feuilles  des  arbres,    les  portent  dans  leur  nid,  les 


A.    FOREL.    —    UN   APERÇU    DE  PSYCHOLOGIE    COMPARÉE  19 

mâchent  et  en  font  un  labyrinthe  soigneusement  aménagé 
servant  de  gélatine  nutritive  à  un  champignon  spécial,  un 
agaric,  le  Rhozites  gongijlophora  Môller,  que  les  fourmis  cul- 
tivent avec  un  soin  incroyable,  coupant  tous  les  fils  du  mycélium 
à  mesure  qu'ils  poussent,  et  ne  laissant  croître  que  les  conidies 
à  massues  farineuses  (les  choux-raves  de  Moller)  dont  elles  font 
leur  nourriture.  Les  admirables  observations  du  botaniste 
docteur  Mrdler  faites  au  Brésil  méridional  sur  les  Atta  sont  un 
vrai  bijou  biologique. 

La  contre-partie  non  moins  fondamentale  du  fait  que  je  viens 
d'énoncer  est  que,  prise  individuellement  et  sortie  de  l'ornière 
de  son  instinct,  une  fourmi  est  un  simple  insecte,  incapable  de 
réflexion  tant  soit  peu  complexe,  supérieur  encore,  il  est  vrai, 
à  la  plupart  des  autres  insectes,  mais  infiniment  inférieur, 
comme  capacité  d'adaptation,  au  plus  inférieur  des  mammi- 
fères, inférieur  même  à  la  plupart  des  vertébrés  à  sang  froid. 
De  ces  deux  faits  fondamentaux  dont  nous  retrouvons  le 
contraste  bien  connu  chez  tous  les  animaux,  et  —  j'insiste  sur 
le  fait  —  dans  le  cerveau  même  de  chatjue  individu  animal,  y 
compris  l'homme,  résulte  l'antagonisme  apparent  et  trop  connu 
aussi  de  deux  sortes  d'activités  nerveuses  qu'on  a  appelées 
instinct  et  raison  ou  intelligence^  et  du  contraste  desquelles  on 
a  pendant  des  siècles  déduit  des  théories  métaphysiques  plus 
ou  moins  fausses,  dont  les  religions  sont  entre  autres  encore 
imprégnées. 

Avant  d'entrer  plus  avant  dans  notre  sujet,  il  s'agit  de  s'en- 
tendre sur  la  notion  de  psychologie  humaine  et  comparée.  La 
terreur  de  la  métaphysique  et  l'horreur  de  la  religion  aflectées 
par  nos  savants  modernes,  tombent  souvent  dans  le  fétichisme 
de  l'atome  matériel.  On  pourrait  les  appeler  philosoj)hophobie 
et  misothéisme .  Elles  constituent  un  curieux  symptôme  qui 
s'explique  et  s'excuse  en  partie  par  les  excès  de  spéculations 
stériles  des  anciennes  métaphysiques  et  par  les  entorses  épou- 
vantables que  les  dogmes  religieux  ont  données  et  donnent 
toujours  au  bon  sens  et  à  la  logique.  Mais  les  hommes  de  science 
tombent  de  leur  côté  presque  régulièrement  dans  l'absurde  en 
s'imaginant  voir  des  faits  dans  les  produits  de  leur  cerveau  et 
en  négligeant  d'étudier  les  principes  philosophiques  fonda- 
mentaux de  la  connaissance  humaine  qui  nous  apprennent  à 
comprendre  les  faits  et  à  ne  pas  leur  faire  dire  ce  qu'ils  ne 
disent  pas.  Ils  perdent  la  boussole  de  la  logique,  font  de  la 
métaphysique  atomique  à  dormir  debout  sans  s'en  apercevoir, 


:20  MÉMOIRES   DES   COLLABORATEURS 

discréditent  ainsi  leurs  plus  belles  recherches,  ouvrent  les 
portes  à  l'obscurantisme  et  finissent  souvent  par  retomber  eux- 
mêmes  lourdement  dans  le  mysticisme  dualiste  dont  par  suite 
d'un  quiproquo  ils  s'imaginaient  seulement  être  sortis.  Pour 
nous  entendre  sur  les  termes,  partons  simplement  de  l'obser- 
vation naïve  et  gardons-nous  constamment  de  confondre  nos 
déductions  ou  abstractions  avec  les  données  symboliques  que 
nos  sens  nous  donnent  du  monde  extérieur. 

L'être  humain  distingue  avant  tout  deux  choses  :  son  moi 
subjectif  ei  les  phénomènes  qui  apparaissent  à  ce  moi  et  qu'il 
attribue  à  un  monde  hors  de  son  moi.  Appelons  conscience  le 
subjectivisme  du  moi.  Il  est  admis  que  l'objet  de  la  psycholo- 
gie à  strictement  parler  se  réduit  à  l'étude  interne  de  ce  qui  se 
passe  dans  notre  conscience.  Mais  cette  déiinition  est  meilleure 
en  théorie  qu'en  pratique.  Les  anciens  états  de  conscience, 
oubliés  par  le  moi,  sont-ils  encore  du  domaine  de  la  conscience  ? 
Le  moi  des  autres  a-t-il  le  droit  d'être  assimilé  sans  autre  à  la 
psychologie  d'un  chacun  ?  Le  moi  des  enfants,  des  vieillards, 
des  aliénés,  des  animaux  est-il  oui  ou  non  du  domaine  de  la 
psychologie  ?  Si  oui,  où  se  place  la  limite  dans  la  série  animale  ? 
Et  si  nous  accordons  au  moi  les  souvenirs  oubliés  (qu'on  excuse 
cette  contradiction  apparente),  à  quel  âge  commence  le  moi  ? 
Il  suffît  de  poser  ces  questions  pour  les  résoudre  :  le  domaine 
de  la  psychologie  est  relatif  et  sans  limite,  comme  le  moi. 
Aucun  sophisme  ne  réussira  à  marquer  une  limite  qui  n'existe 
pas. 

Mais  d'autres  faits  d'observation  doivent  être  notés.  La  notion 
de  conscience  du  moi  et  des  choses  est  une  notion  bâtarde, 
comme  je  l'ai  dit  ailleurs,  et  prête  à  confusion.  Elle  se  com- 
pose de  deux  notions  :  1°  le  phénomène  indécomposable  du 
subjectivisme,  le  fait  interne  par  excellence  ;  2°  son  contenu 
mobile  et  dynamique,  ce  qu'on  a  appelé  les  états  de  cons- 
cience, les  sensations,  perceptions,  idées,  volitions,  etc. 

Enlevons  un  instant  théoriquement  le  subjectivisme,  la  cons- 
cience même,  et  séparons-le  de  son  contenu;  alors  ce  dernier 
nous  apparaît  soumis  à  des  lois  de  dynamique  cérébrale  iden- 
tiques à  celles  que  nous  observons  dans  les  actions  Aiie?>  incons- 
cientes, qu'elles  soient  automatiques  ou  raisonnables,  peu 
importe.  Mais  si  nous  voulons  chercher  à  saisir  cette  conscience 
privée  de  contenu,  que  nous  venons  d'éliminer  si  prestement, 
nous  nous  trouvons  en  présence  du  néant  le  plus  absolu.  Il 
71'  existe  pas  de  conscience  sans  contenu.  Non  seulement  pareille 


A.    FOREL.    —   UN    APERÇU   DE   PSYCHOLOGIE    COMPARÉE  !2 1 

conscience  n'a  jamais  été  consciente  ou  connue  à  personne, 
mais  nous  pouvons  hardiment  prétendre  que  cette  conscience^ 
dépouillée  du  mouvement  matériel  de  son  contenu  n'est  que  le 
leurre  d'une  abstraction  humaine,  d'un  phénomène  interne  ou 
plutôt  du  miroitement  interne  dans  lequel  les  phénomènes 
nous  apparaissent  pris  à  tort  pour  une  chose.  La  conscience 
n'est  que  le  reflet  de  son  contenu.  Je  ne  veux  pas  revenir  en 
détail  sur  ce  que  j'ai  dit  dans  le  numéro  de  novembre  189o  de 
la  Revue  philosophique  ;  j'}'  renvoie  le  lecteur  et  je  me  résume 
seulement. 

D'un  autre  côté  nous  ne  connaissons  le  monde  extérieur  que 
symbolisé  par  nos  sens  et  apparaissant  ainsi  dans  le  champ  de 
notre  conscience.  Pour  se  sortir  de  cette  contradiction  apparente 
qui  a  causé  de  tout  temps  la  célèbre  dispute  de  mots  entre 
spiritualistes  et  matérialistes,  il  suffit  d'admettre  une  chose 
bien  simple,  c'est  que  la  «  conscience  »,  c'est-à-dire  le  reflet 
subjectif  est  un  phénomène  général  de  la  force-matière,  c'est- 
à-dire  de  l'être  en  lui-même.  Tout  ce  qui  nous  paraît  inconscient 
est  en  réalité  conscient  i  si  infinitésimalement  que  ce  soit)  et 
si  le  champ  de  notre  conscience  humaine  supérieure  est  res- 
treint dans  le  temps  et  dans  l'espace,  cela  provient  simplement 
de  ce  que,  pour  pouvoir  travailler  avec  ordre  et  concentration, 
l'activité  principale  de  notre  cerveau  à  l'état  de  veille  est  obli- 
gée de  lâcher  ses  connexions  (associations)  avec  les  activités 
cérébrales  subordonnées.  Elle  a  cependant  des  connexions  frag- 
mentaires avec  ces  activités  dont  nous  avons  alors  «  conscience  » 
vague  ou  momentanée,  de  même  qu'avec  l'activité  cérébrale 
atténuée  et  transformée  pendant  le  sommeil,  avec  le  rêve. 

Pas  plus  qu'il  n'existe  de  matière  sans  force  ou  de  force  sans 
matière,  pas  plus  il  n'existe  de  conscience  ou  d'âme  sans  force- 
matière  et  inversement.  Les  raisonnements  ont  faussé  l'esprit 
humain  en  lui  faisant  prendre  ses  abstractions  pour  des  choses 
distinctes  dont  l'existence  propre,  isolée  ou  seulement  réelle,  n'a 
jamais  été  démontrée  à  qui  que  ce  soit  par  aucun  être  humain 
ni  surhumain. 

II  s'ensuit  qu'il  est  foncièrement  faux  d'opposer  une  activité 
dite  inconsciente  à  l'activité  consciente.  Tout  est  conscient, 
mais  les  consciences  n'ont  entre  elles  que  des  connexions  de 
voisinage  immédiat.  Elles  ne  se  connaissent  pas  directement 
les  unes  les  autres.  Ce  qui  «  connaît  »,  c'est  l'ensemble  moniste 
cérébral  ;  ce  qui  est  étudié  ou  connu  par  lui,  ce  sont  les  autres 
complexions  de  phénomènes  de  l'univers,  y  compris  le  reste 


22  MÉMOIRES   DES   COLLABORATKURS 

du  corps  de  riiidividu.  L'hypnotisme  nous  donne  la  clé  de  ces 
faits. 

Qu'il  me  soit  permis  ici  de  faire  réparation  à  qui  de  droit. 
C'est  un  saint  devoir  de  la  science.  J'ai  été  jusqu'à  ces  derniers 
jours  dans  l'ignorance  à  peu  près  complète  des  travaux  admi- 
rables de  M.  Durand  (de  Gros)  dont  les  premiers  ont  paru  sous 
le  pseudonyme  de  Philips.  Je  n'en  connaissais  que  les  citations 
de  MM.  Liébeault  et  Bernheim  qui  n'indiquent  pas  l'idée  fon- 
cière ;  avec  le  courage  et  la  perspicacité  du  génie,  en  dépit  de 
tous  les  préjugés  scientifiques  et  académiques  de  son  temps. 
M.  Durand  a  vu  clair,  là  où  toiit  le  monde  voyait  trouble,  et 
cela  déjà  en  grande  partie  en  1835,   dans  son  Electrodyna- 
misme  vital,  quoique  ce  livre  d'un  jeune  homme  de  vingt-cinq 
ans  renferme   encore  diverses  opinions  mal  mûres.  Certaines 
idées  que  j'ai  émises  dans  divers  ouvrages,  entre  autres  dans 
mon  livre  sur  l'hypnotisme  [Der  Hypnotismus,  2'=  édition  1891 
et  3*^  édition  1895  chez  Enke),  et  dans  mon  discours   Gehirn 
und  Seele,  1894,  chez  Strauss  à  Bonn,  se  trouvent  avoir  été 
émises  bien   antérieurement  par  M.   Durand  sous  le  nom  de 
polypsychisme  ei  polyzo'isme  humain.  Comme  moi,  M.  Durand 
attribue  une  conscience  et  une  activité  propre  aux  centres  ner- 
veux subcérébraux  qu'il  fait  avec  raison  dériver  phylogénétique- 
ment,  avec  le  transformisme,  de  zoonites  ou  anciennes  colonies 
d'animaux  agrégés,  représentés  chez  nous  parles  vertèbres.  Il 
explique  et  comprend  la  conscience  comme  je  l'ai  fait,  et  son 
monisme,   peut-être  un   peu   trop    spéciflquement    leibnizien, 
représente  bien  l'idée  moniste  fondamentale.  M.  Durand  a  subi 
le   sort  de  trop  de   génies  provinciaux.    Paris    a    étouffé    ses 
œuvres   par  le  silence,  quoique  plus  d'un  l'ait  copié  sans  le 
citer.  Réparation  lui  est  due  et  je  cite  spécialement  encore  ses 
livres  :   Essais   de  p/iysiologie   psychologique,    Paris,    Bail- 
lière,  186(i,  et  Le  merveilleux  scienti/lque,  Paris,  Alcan,  1894, 
en  les  recommandant  à  toute  l'attention  des  naturalistes  qui 
veulent  bien  «  penser  »  et  ne  pas  être  de  simples  entasseurs  de 
faits.  Du  reste,  M.  Durand  me  pardonnera  mon  ignorance  ;  la 
priorité  lui  est  assurée  et  une  conlirmation  par  une  personne 
non  iniluencée  et  arrivant  d'elle-même  aux  mêmes  conclusions 
ne  peut  qu'être  utile  à  la  science.  M.  Durand  (de  Gros)  me  per- 
mettra une  réserve  :  je  ne  partage  pas  ses  affirmations  des  faits 
dits  (ïoccultisme  et  de  télépathie  ;  je  ne  les  nie  pas  non  plus, 
mais  je   doute,  et   les  preuves  qu'il  apporte  sont  loin  de  me 
suffire,  celles  de  M.  (]h.  Richct  moins  encore  (jue  les  autres. 


A.    FOREL.    —    UN   APERÇU    DE   PSYCIIOLOGIH:    COMPARÉE  23 

Qu'il  existe  peut-être  des  lois  naturelles  encore  inconnues  de 
l'homme  à  la  base  de  ces  prétendus  phénomènes,  c'est  possible  ; 
qui  oserait  assurer  le  contraire  !  11  est  hors  de  doute  que  notre 
esprit  restreint  ne  connaît  qu'un  symbole  très  partiel  des  lois 
de  la  nature.  Mais,  avant  de  chercher  les  lois,  il  faut  mieux 
étayer  les  faits.  D'ici  là  je  ne  croirai  pas  à  l'existence  d'espi'its 
sans  cerveau  vivant—  entendons-nous  bien  —  d'esprits  voya- 
geurs   anthropoïdes    ou   anthropiques.    Ce   que  j'entends  par 
«  conscience  »  d'un  ganglion  ou  d'une  amibe  n'est  que  le  reflet 
interne  de  l'activité  protoplasmique  du  ganglion  ou  de  l'amibe 
et  n'a  aucun  rapport  avec  la  complexion  de  l'âme  humaine.  Du 
reste,  M.  Durand  lui-même  fait  de  sages  réserves  et  peut-être  ne 
sommes-nous  pas  trop  loin  de  nous  entendre  aussi  sur  ce  sujet  ; 
il  avoue  que  rien  n'est  explicable  dans  la  télépathie,  et  pense 
qu'elle  décèle  une  surnature  ou  sous-nature  voilée,  avec  ses 
lois,   ses   forces  et  sa  matière  propres;   il  croit  qu'elle  nous 
révèle  l'existence  d'un  univers  sans  bornes,  la  nuit  de  l'Infini, 
que  la  nature  classique  du  plein  jour,  avec  son  horizon  borné 
pour  être   mieux  éclairé,   ne  peut  nous  faire  entrevoir.  C'est 
possible  ;  mais  que  de  fantômes  ne  voit-on  pas  dans  la  nuit  et 
le   crépuscule,  fantômes  qui  s'expliquent  fort  simplement  au 
jour  ! 

Il  découle  des  réflexions  et  des  faits  énoncés  que  le  moi  n'est 
point  une  unité,  mais  une  réunion  temporaire  et  variable  d'ac- 
tivités naturelles  sous  la  forme  du  cerveau  vivant.  Et,  comme 
l'a  déjà  très  bien  dit  M.  Durand,  notre  système  nerveux  lui- 
même  renferme  des  moi  secondaires,  subordonnés  au  cerveau, 
ceux  des  divers  centres  nerveux  cérébro-spinaux,  subcérébraux 
et  des  ganglions,  sans  parler  du  moi  infinitésimal  de  chaque 
neurone  et  de  chaque  cellule  vivante. 

Notre  digression  nous  ramène  en  plein  à  notre  sujet  en 
dévoilant  un  fait  fondamental  de  psychologie  comparée,  dont 
la  priorité  de  découverte  revient  à  M.  Durand,  mais  qui  a  été 
indépendamment  retrouvé  par  Isidore  Steiner  et  par  moi-même. 
Je  veux  tâcher  de  le  rendre  clair  en  complétant  les  réflexions 
qui  s'y  rattachent. 

Si  nous  étudions  les  origines  phylogénétiques  du  système 
nerveux,  nous  voyons  dériver  des  cellules  épithéliales,  les 
cellules  à  prolongements,  qui  sont  les  premiers  neurones.  Les 
prolongements  des  unes  sont  centripètes  et  vont  de  la  peau 
aux  viscères  auxquels  ils  communiquent  les  impressions  du 
dehors  ;  ceux  des  autres  vont  communiquer  par  contiguïté  leur 


24  MÉMOIRES    DES    COLLABORATEURS 


vague  moléculaire  à  une  cellule  devenue  contractile  et  origine 
du  muscle.  De  là  à  l'arc  réflexe  il  n'y  a  qu'un  pas.  La  disposition 
des  cellules  nerveuses  en  groupes  de  neurones*  produit  les 
centres  dits  ganglionnaires.  Ces  centres  sont  fort  indépendants 
les  uns  des  autres, mais  chacun  d'eux  constitue  une  àme  gan- 
glionnaire complexe  en  ce  sens  qu'elle  consiste  dans  l'action 
synergique  des  âmes  cellulaires  de  chaque  neurone.  Les  pre- 
miers neurones  isolés,  non  encore  réunis  en  ganglions,  avaient 
une  âme  cellulaire  fort  analogue  à  celle  de  l'amibe,  mais  diffé- 
renciée en  ce  sens  que  l'activité  moléculaire  {cymique)  seule 
était  demeurée  l'apanage  du  neurone,  la  contractilité  s'étant 
spécifiée  dans  le  muscle.  En  se  subordonnant  à  l'activité  d'en- 
semble du  ganglion,  l'âme  du  neurone  perd  de  plus  en  plus 
son  individualité  et  devient  de  plus  en  plus  partie  d'un  ensem- 
ble, du  ganglion.  La  formation  par  zoonites  des  animaux  com- 
posés amène  la  soudure  des  corps  de  chacun,  mais  pas  encore 
des  centres  nerveux.  Du  reste,  il  serait  erroné  de  croire  chaque 
centre  nerveux  dérivé  d'un  zoonite  ;  certains  ganglions  se 
forment  séparément  les  uns  des  autres  dans  le  même  animal 
primitif,  et  je  ne  crois  pas  qu'on  ait  le  droit  d'identifier  complè- 
tement le  polypsychisme  au  polyzoïsme. 

Les  ganglions  des  zoonites  finissent  par  agir  l'un  sur  l'autre 
par  les  prolongements  axiaux  de  leurs  neurones,  et  ainsi  se 
forme  la  chaîne  axiale  (ventrale)  des  articulés.  Chez  les  vers, 
l'indépendance  de  l'âme  de  chaque  zoonite,  de  chaque  ganglion, 
est  encore  très  grande. 

Cependant,  une  coordination  interganglionnaire  s'opère 
bientôt  et  se  perfectionne.  Puis,  les  neurones  de  reliement  de 
l'axe  se  renforcent,  les  activités  de  chaque  ganglion  com- 
mencent à  se  spécialiser  et,  partant,  à  se  subordonner  (qu'on 
étudie  les  travaux  de  Yersin  et  de  Faivre). 

Les  organes  de  la  vue  et  de  l'odorat  se  différencient  et  se 
spécialisent  dans  le  zoonite  antérieur  ou  tête.  Dès  lors,  ce  der- 
nier grossit  et  commence  à  prendre  la  direction  générale  des 
autres  qui  se  subordonnent  de  plus  en  plus.  Chez  les  articulés 
supérieurs,  nous  voyons  des  lobes  spéciaux  (les  corps  pédon- 


(1)  D'ajirès  l.i  tlii'uiic  émise  et  inolivép  d'alinid  par  Ilis  et  jtar  luoi-iiièuie, 
puis  confimiée  plus  tard  par  les  recherches  histolofriques  de  Ramon  y  Cajal, 
on  entend  par  neiinmc  l'enseuihle  d'une  cellule  nerveuse  avec  tous  les 
prolon;L,'euients  suit  ])iiiloj)lasniiques  simples,  soit  transl'oi'més  en  fibres 
nerveuses  qui  sont  sortis  d'elle,  les((uels,  à  iu)tre  avis,  ne  s'anaslonioseut 
pas  avec  ceux  des  autres  cellules. 


A.    FOREL.    —   UN   APERÇU   DE    PSYCUOLOGIE    COMPARÉE  ^^'i 

culés  de  Dujardin  chez  les  Hyménoptères   sociaux),  indépen- 
dants des  organes  des  sens,  se  superposer  au  ganglion  primitif 
et  constituer  un  cei'oeau  directeur  qui  devient  le  moi  supérieur 
de  l'insecte.  Cependant,    les  âmes   ou    moi  subordonnés   des 
autres  ganglions  de  la  chaîne,   quoique   de  moins   en  moins 
indépendants,  quoique  afiectés  de  plus  en  plus  aux  fonctions 
spéciales  des  segments  de  plus  en  plus  différenciés  du  corps, 
continuent  à  exister  séparément,  et  M.  Durand  cite  avec  raison 
l'expérience  bien   connue   du   tronçon  séparé  d'un  insecte  et 
continuant  à  se  mouvoir  d'une   façon   coordonnée.  Yersin  a 
même  démontré  l'accouplement  (provoqué  par  attouchement) 
et    la  ponte    de  grillons  séparés   de   leur  ganglion  cérébral. 
Mais  j'ai  de  mon  cùté  prouvé  {fourmis  de  la  Suisse)  que  les 
actes  de   ces  ganglions    séparés    sont   des  automatismes  très 
simples  ou  spécialisés,  absolument  incapables  de  guider  Ten- 
semble  de  l'insecte.  Privés  du  cerveau,  ces  ganglions  ne  savent 
plus  s'entendre  entre  eux  ;   aucun    d'eux  ne    sait  prendre   la 
direction  générale,  et  l'insecte  sans  cerveau  parait  frappé  de 
stupeur  ou   de  démence   absolue.   La  tête  seule,  par  contre, 
séparée  du  reste,  donne  des  signes  non  é([uivoques  de  sa  supé- 
riorité. Elle  veut  encore  ,  elle  essaie,  elle  se  démène   de   ses 
antennes   et  mandibules;    chez   les    fourmis,   elle   sait  même 
distinguer  un  ennemi  d'un  habitant  du  nid,  et  se  comporter  en 
conséquence. 

Il  est  presque  impossible  de  réfléchira  ces  faits  sans  les  com- 
parer à  un  certain  point  de  vue  à  ce  qui  se  passe  de  nos  jours 
dans  la  société  humaine  prise  comme  ensemble  et  mise  en 
regard  de  l'animal  composé.  Nous  voyons  la  complication  aug- 
menter par  la  division  du  travail  entre  les  hommes.  Nous  voyons 
le  spécialiste  se  différencier  dans  sa  spécialité  comme  un  zoonite 
et  perdre  par  là  son  indépendance  et  ses  vues  générales,  tandis 
que  le  paysan  indifl"érencié  et  plastique,  plus  amiboïde,  est 
encore  individuellement  adapté  à  tous  les  besoins  généraux  de 
la  vie.  Mais,  où  sont  les  centres  céphaliques,  les  cerveaux 
capables  encore  de  dominer  l'ensemble  !  Leurs  rangs  s'éclair- 
cissent,  et  ils  deviennent  de  moins  en  moins  capables  de  sub- 
venir à  l'arbre  de  la  connaissance  qui  grossit  comme  une  ava- 
lanche. Où  cela  nous  conduira-t-il? 

Chez  les  vertébrés,  Isidore  Steiner  a  démontré  que  le  centre 
directeur  de  l'animal  varie,  et  que,  chez  les  poissons  osseux, 
c'est  en  général  le  cerveau  moyen  (tubercules  quadrijumeaux), 
tandis  que  chez  la  plupart  des  autres  vertébrés  ce  rôle  est  pris 


^(j  MÉMOIRES    DES    COLLABORATEURS 

par  le  cerveau  antérieur  (hémisphères  cérébraux).  L'axe  céré- 
brospinal des  vertébrés  constitue  déjà  une  unité  relative  bien 
supérieure  à  la  chaîne  ventrale  des  articulés.  Cependant  la 
moelle  épinière  des  poissons,  des  amphibiens,  des  reptiles 
même,  est  beaucoup  plus  indépendante,  a  un  moi,  une  àme  bien 
plus  libre  que  celle  des  mammifères  et  surtout  que  celle  de 
l'homme.  Ce  n'est  pas  qu'elle  soit  plus  complexe  ou  mieux  orga- 
nisée, loin  de  là,  mais  le  commandement;  la  prépondérance  du 
cerveau  est  encore  bien  moindre.  A  mesure  que  le  cerveau 
grandit,  dans  l'échelle  des  ma^nmifères,  il  envoie  un  plus  grand 
nombre  de  neurones  exécuteurs  de  ses  ordres  par  le  faisceau 
pyramidal  à  la  moelle  épinière  et  par  d'autres  faisceaux  au  cer- 
velet, au  pont  de  Varole,  aux  tubercules  quadrijumeaux  et  chez 
les  poissons  électriques  aux  lobes  électriques  de  la  moelle 
allongée.  C'est  ainsi  et  pas  autrement  que  ces  centres  inférieurs 
deviennent  des  âmes  de  plus  en  plus  subordonnées  et  dépen- 
dantes du  cerveau.  En  ce  sens,  je  ne  fais  que  confirmer  l'opinion 
qui,  émise  par  M.  Durand  (de  Gros)  dans  son  Eleclrody namisine 
vitale  en  I800,  avant  que  Darwin  eut  parlé,  était  un  vrai  trait 
de  génie. 

L'âme  humaine  supérieure  ou  àme  cérébrale  est  donc  iden- 
tique au  dynamisme  du  cerveau  vivant  ;  son  reflet  conscient 
n'est  rien  par  lui-même  ;  il  est  tout  par  ce  dynamisme.  Ce  qui, 
dans  le  dynamisme  cérébral,  nous  apparaît  surtout  comme  for- 
mant la  séquence  des  états  de  conscience  n'est  autre  que  l'ac- 
tivité intense  et  concentrée  dite  attention  qui  se  déplace  sans 
aucun  doute  à  chaque  instant  dans  le  cerveau  où  elle  forme 
comme  qui  dirait  une  macula  lutea  mobile  de  la  pensée,  un 
point  central  ambulant  de  concentration  de  la  pensée  distincte. 
La  mobilité  du  globe  de  l'œil  et  de  notre  tête  permet  à  la 
macula  lutea  de  la  rétine,  immobile  par  elle-même,  de  suivre 
la  séquence  des  objets  regardés.  Dans  notre  cerveau  immobile, 
c'est  le  dynamisme  de  l'attention  qui  est  obligé  de  voyager 
pour  réveiller  et  renforcer  tour  à  tour  les  images  dormantes  de 
la  mémoire,  les  irritations  sensorielles  ou  centripètes  (psycho- 
pètes)  actuelles,  et  les  volitions  centrifuges  (psychofuges). 

Qu'est  donc  cette  activité  cérébrale,  cette  complexion  de 
forces  neuriques,  dont  l'ensemble  constitue  notre  âme?  Ilodge 
et  d'autres  après  lui  ont  démontré  que  l'aspect  du  protoplasme 
des  cellules  nerveuses  centrales  change  lorsqu'elles  ont  été  sou- 
mises à  de  fortes  excitations  consécutive?  pendant  un  certain 
temps  ;  on  voit  ce  changement  au  microscope.  Il  faut  un  repos 


A,  FOREL.  —  UM  APERÇU  DE  PSYCDOLOGIE  COMPARÉE     27 

de  plusieurs  heures  pour  qu'elles  reprennent  leur  aspect  primi- 
tif. Sur  le  protoplasme  des  fibres  nerveuses  cet  effet  n"a  pu 
encore  être  démontré  à  l'œil.  Mais  on  ne  peut  douter  que,  là 
aussi,  à  l'action  moléculaire  corresponde  un  changement  maté- 
riel passager  de  la  substance.  La  rapidité  avec  laquelle  une 
excitation  est  transmise  par  un  nerf  ou  transformée  en  mou- 
vement par  un  arc  réflexe  prouve  qu'il  ne  peut  s'agir,  du 
moins  dans  le  fil  conducteur,  c'est-à-dire  dans  le  cylindraxe 
de  la  fibre,  que  d'une  onde  moléculaire  qui  se  propage  soit  à  la 
façon  des  ondes  physiques,  soit  par  des  transformations  chi- 
miques isomériques  extrêmement  passagères  et  rapides,  comme 
l'ont  pensé  Spencer  et  d'autres.  Il  me  semble  qu'ici  la  physique 
et  la  chimie  se  touchent  et,  sans  préjudicier  la  question,  j'ai 
cru  pouvoir  donner  à  l'onde  moléculaire  nerveuse  le  nom  de 
neurocyme,  car  il  faut  des  mots  pour  désigner  les  notions,  et 
cet  onde  a  tout  aussi  droit  à  un  nom  que  la  lumière  ou  l'élec- 
tricité, avec  lesquelles,  malgré  les  lois  de  transformation  des 
ondes  physiques  les  unes  dans  les  autres,  on  aurait  tort  de 
l'identifier  par  théorie  anticipée.  L'organe  électrique  des  gym- 
notes et  des  torpilles  démontre,  il  est  vrai,  d'un  côté^que  le 
neurocyme  peut  produire  de  l'éleclricité,  mais  de  l'autre  qu'il 
lui  faut  pour  cela  un  appareil  électrique  spécial.  Le  neurocyme 
transmet  donc  l'excitation  d'un  agent  quelconque  par  la  fibre 
nerveuse,  c'est-à-dire  par  le  prolongement  cylindraxe  à  struc- 
ture fibrillaire  d'un  neurone,  d'une  cellule  à  l'autre,  soit  dans 
un  sens  d'abord  cellulipète,  puis  cellulifuge  (nerfs  sensibles 
tactiles),  soit  dans  un  sens  uniquement  cellulifuge  (nerfs  moteurs, 
nerf  optique  .  La  fibre  nerveuse  assure  pendant  ce  trajet  une 
conductibilité  relativement  isolée  par  sa  gaine  de  myéline. 
Arrivé  à  l'extrémité  d'un  neurone,  le  neurocyme  n'est  plus  trans- 
mis à  l'autre  élément  par  un  conducteur  isolé,  mais  par  le  con- 
tact des  ramifications  terminales  du  neurone  qui  s'appliquent  en 
patte  d'oie  sur  la  fibre  musculaire  ou  sur  le  corps  d'une  autre 
cellule  nerveuse;  ou  bien,  s'il  est  cellulipète,  il  se  transmet 
directement  au  protoplasme  de  la  cellule  du  premier  neurone. 
Dans  ces  deux  cas,  il  paraît  évident  que  le  neurocyme  subit  des 
transformations,  qu'il  peut  être  soit  renforcé,  soit  inhibé,  soit 
altéré  par  d'autres  ondes  analogues  qui  se  surajoutent,  se  sous- 
traient ou  le  modifient.  Nou»  voyons  les  effets,  mais  la  nature 
phijsiologique  do  l'action  interneuronaire  du  neurocyme  nous 
échappe  encore.  Et  c'est  là  cependant  que  se  cache  le  secret  du 
mécanisme  de  notre  âme! 


28  MÉMOIRES   DES   COLLABORATEURS 

Brown-Séquard  a  employé  le  terme  de  dynamogénie  en  oppo- 
sition à  celui  d'inhibition  pour  exprimer  le  renforcement  du 
neurocyme  dans  un  centre  nerveux.  Exner  a  proposé  dernière- 
ment le  terme  de  Frayement  (Bahnnng).  Oscar  YogiZeitschrifl 
fur  Hypnolis/mis,   Juli-September   I8O0,    Leipzig,    A.    Barth 
a  établi  une  théorie  qui  nous  parait  constituer  un  progrès  et 
qui  se  rapproche  des  idées  de  SchilT.  Il  repousse  avec  raison 
l'idée  des  centres  spéciaux  d'inhibition,  des  fibres  dépressives 
spéciales  que  j'ai,  de  mon  côté,  toujours  considérées  comme 
aussi  illusoires  que  l'idée  des  nerfs  trophiques  spéciaux,  parce 
qu'elle  est  contraire  aux  faits  histologiques.  D'après  Vogt,  les 
inhibitions  neuro-dynamiques  reposent  sur  des   écoulements 
de  neurocyme  qui  doivent  être  considérés  comme  la  compen- 
sation d'un  afflux  de  neurocyme  arrivé  d'ailleurs.  Vogt  corro- 
bore son  opinion  par  des  exemples.  Une  faible  irritation  d'un 
nerf  produit  souvent  l'effet  contraire  d'une  forte  irritation  du 
même  nerf.  Freusberg  a  montré  qu'une  faible  irritation  de  la 
verge  d'un    chien  produit   une  érection,    tandis    qu'une   forte 
irritation  fait  cesser  l'érection  préexistante.  D'après  la  loi  de 
Weber,  il  faut  en  conclure  qu'une  irritation  nerveuse  tend  d'au- 
tant plus  à  irradier  qu'elle  est  plus  forte.  Une  faible  excitation 
de  la  verge  excite  le  centre  de  l'érection.  Une  forte  excitation 
y  arrive  aussi,  mais  une  partie  de  son  énergie  en  irradiant 
arrive  au  centre  réflexe  des  mouvements  de  la  jambe.  Par  lui- 
même  ce  dernier  centre  est  plus  excitable  que  celui  de  l'érection 
de  la  verge.  Dès  que  cette  irradiation  a  frayé  la  voie  au  centre 
plus  facilement  excitable,  tout  le  neurocyme  accumulé  d'abord 
au  centre  d'érection  s'écoule  dans  la  nouvelle  voie  et  l'érection 
cesse.  Vogt  cite  une  série  d'autres  exemples  et  en  conclut  que 
l'augmentation  de  l'intensité  attentionnelle  repose  sur  un  fraye- 
ment  par  afflux  de  neurocyme,  ce  qui  revient  à  l'idée  émise 
dans   mon  livre  sur  l'hypnotisme  où  je  considère  l'attention 
comme  une  sorte  de  macula  lutea  mobile  de  la  pensée  cérébrale 
mise  en  mouvement  par  les  excitations  sensorielles  et  passant 
d'un   groupe    de   neurones   corticaux    à   l'autre,    vivifiant   les 
anciennes  images  de  mémoire  et  les  combinant  pour  former  de 
nouvelles  idées  ou  les  déchargeant  en  actions  centrifuges.  Avec 
Ilering,  Vogt  considère  donc  les  phénomènes  psychiques  comme 
déterminés  par  des  excitations  périphériques. 

J'ai  depuis  longtemps  insisté  sur  le  fait  qu'un  état  de  cons- 
cience attentionnel  n'est  pas  le  résultat  simplement  de  celui  ou 

de  ceux  qui  le  précèdent,  mais  la  résultante  d'une  infinité  de 


A.    FOREL.    —    U.\   APERÇL'   DE    l'SYCUOLOGIE    COMPARÉE  :^9 

composantes,  la  grande  partie  synchrone  de  la  dynamique 
cérébrale,  de  neurocymes.  dont  beaucoup  sont  subconscients, 
c'est-à-dire  ignorés  de  notre  moi  supérieur,  et  que  même  ce  qui, 
dans  le  miroir  du  subjectivisme  conscient,  nous  paraît  unité 
est  en  réalité  un  agrégat  très  complexe  dont  les  éléments  sont 
inconscients  à  notre  moi.  De  là  résulte  l'illusion  du  libre 
arbitre  et  tant  d'autres  illusions  subjectives.  0.  Vogt  appelle 
constellation  cet  ensemble  de  composantes,  de  frayements  et 
d'inhibitions  des  neurocymes  d'où  résulte  l'activité  attention- 
nelle.  Et  c'est  avec  raison  qu'il  se  base  sur  ce  que  les  faits  de 
la  conscience  (de  psychologie  pure)  ne  peuvent  être  expliqués 
à  eux  seuls  par  un  enchaînement  de  causalité,  tandis  que  c'est 
le  cas  pour  les  faits  de  la  physiologie  cérébrale.  Cette  cons- 
tatation ramène  à  l'opinion  de  Durand  (de  Gros;  sur  la  cons- 
cience, opinion  qui  est  aussi  la  mienne. 

J'ai  appelé  dissociation  un  état  mental  dans  lequel  l'incohé- 
rence des  représentations  montre  que  l'échafaudage  des  asso- 
ciations logiques  conscientes  ou  sub-conscientes  a  souffert  en 
tout  ou  en  partie,  comme  on  l'observe  dans  certaines  affections 
mentales  et  dans  le  rêve  où  la  dissociation  provient  évidem- 
ment d'un  repos  cérébral  plus  ou  moins  complet,  Vogt  définit 
la  dissociation  comme  un  état  anormal  de  ce  qu'il  a  appelé 
constellation.  Gela  revient  à  peu  près  au  même,  car  la  constel- 
lation représente  l'ordre  de  l'association. 

Je  m'arrête  ici  dans  cet  aperçu  psycho-physiologique,  ren- 
voyant le  lecteur  aux  sources.  On  est  obligé  d'en  déduire  que  les 
faits  psychologiques  (d'observation  interne)  ne  nous  donnent 
que  des  synthèses  subjectives  très  incomplètes  et  souvent 
trompeuses  de  l'enchaînement  causal  réel  des  faits  de  la  phy- 
siologie cérébrale.  La  correspondance  des  deux  ordres  de  faits 
existe  ;  nous  progressons  dans  sa  connaissance,  mais  nous  ne 
pourrons  jamais  arriver  à  l'établir  en  entier,  parce  que  les 
reflets  conscients  de  notre  moi  supérieur  à  létat  de  veille 
demeureront  toujours  une  série  fragmentaire  synthétique,  inca- 
pable de  se  relier  subjectivement  aux  consciences  des  âmes 
subordonnées  des  centres  cérébro-spinaux  ou  ganglionnaires 
subordonnés  et  encore  bien  moins  à  celles  des  âmes  élémen- 
taires de  chaque  neurone.  Or  cette  liaison  serait  indispensable 
pour  établir  leur  série  de  causalité. 

Revenons  maintenant  à  la  psychologie  comparée.  Lorsque 
nous  parlons  de  psychologie,  nous  avons  l'habitude  d'assimiler 
la  pensée  de  notre  prochain  humain  à  la  nôtre.  Au  sens  strict, 


30  MÉMOmiiS   DES    COLLABORATEURS 

il  n'existe  pour  chaque  homme  qu'une  psychologie  pure  :  la 
sienne  propre,  le  miroitement  interne  de  sa  conscience.  Mais  le 
langage,  écrit  ou  parlé,  ce  symbole  ou  cette  monnaie  de  la 
pensée,  par  laquelle  nous  rendons  compte  aux  autres  de  nos 
étals  de  conscience,  le  langage,  dis-je.  nous  habitue  à  généra- 
liser notre  psychologie  à  l'aide  de  celle  que  les  autres  nous 
donnent  comme  la  leur.  Sans  dire  comme  Talleyrand  tjue  la 
parole  a  été  donnée  à  riiomme  pour  dissimuler  sa  pensée  et 
non  pour  la  divulguer,  nous  devons  cependant  faire  de  grandes 
restrictions  à  cette  généralisation.  Les  «  autres  »  ne  nous  don- 
nent jamais  quun  compte  rendu  plus  ou  moins  inexact  de  leur 
pensée,  ce  qui  provient,  sans  parler  du  mensonge,  de  la  vanité 
et  des  autres  points  auxquels  pensait  Talleyrand  :  1°  des  illu- 
sions subjectives  dont  nous  soutirons  tous  quand  nous  nous 
jugeons  ou  nous  souvenons;  2'^  de  l'imperfection  du  langage  à 
rendre  la  pensée  et  surtout  la  psychologie  ;  3''  de  l'inégalité 
réelle  et  souvent  profonde  des  diverses  âmes  humaines.  Cette 
inégalité  est  due  à  des  dillérences  tant  héritées  qu'acquises,  et 
va  en  croissant  de  plus  en  plus  à  mesure  que  la  race,  le  lan- 
gage et  l'éducation  divergent  plus.  L'homme  comprend  bien 
mal  la  psychologie  de  la  femme.  Le  banquier  ne  peut  en 
général  comprendre  la  psychologie  du  paysan  ou  du  savant. 
L'Européen  ne  saisit  pas  la  psychologie  du  Japonais,  et  vice 
versa.  Si  nous  mettons  un  Papou  à  côté  d'un  lettré  d'Europe, 
l'impossibilité  d'une  compréhension  réciproque  devient  mani- 
feste ;  de  même  la  folie  amène  par  la  déviation  des  fonctions 
cérébrales  une  impossibilité  croissante  de  l'assimilation  psycho- 
logique réciproque.  Malgré  toutes  ces  difficultés,  il  existe  un 
bon  nombre  de  notions  psychologiques  simples  et  fondamen- 
tales, sur  lesquelles  tous  les  hommes  s'entendent  plus  ou 
moins  entre  eux,  malgré  certaines  différences  subjectives  plus 
ou  moins  grandes  dans  la  faron  de  les  sentir  et  de  les  com- 
prendre. Citons  les  notions  de  faim,  de  soif,  de  sommeil,  de 
co'it,  d'enfance,  etc.  Or  ces  notions  sont  surtout  des  notions  on 
pourrait  dire  organisées,  basées  sur  les  instincts  et  phylogéné- 
tiquement  très  anciennes,  primordiales  si  l'on  veut.  Les  diver- 
gences psychologiques  de  races,  et  encore  plus  celles  qui  sont 
individuelles,  portent  au  contraire  sur  les  notions  secondaires, 
compliquées,  abstraites. 

Il  résulte  de  ces  simples  faits  avec  évidence  que  des  recher- 
ches de  psychologie  comparée  ne  peuvent  porter  que  sur  les 
notions  primordiales  et  que  même  pour  celles-ci  nous  serons 


A.    FOREL.    —    UN    APER);U    DI-:    PSYCHOLOGUE    COMPARÉI-:  31 

obligés  de  renoncer  à  toute  assimilation  proprement  dite  de 
nos  synthèses  subjectives  avec  celles  des  animaux.  Tout  au  plus 
pourrons-nous  hasarder  quelques  assimilations  subjectives  des 
notions  les  plus  élémentaires  chez  les  animaux  qui  nous  res- 
semblent le  plus,  chez  les  singes  anthropomorphes,  chez  les 
chiens  les  plus  intelligents.  Là  nous  pouvons  arriver  à  certains 
éléments  de  langage,  de  compréhension  mutuelle  qui  nous 
permettront  de  reconnaître  chez  ces  animaux  surtout  des  états 
affectifs,  des  sensations,  même  des  perceptions  et  certains  rai- 
sonnements très  élémentaires  analogues  aux  nôtres.  Le  l'ait 
même  de  la  faculté  variable  de  domestication  chez  ces  animaux 
est  une  preuve  de  leurs  facultés  psychologiques  dites  dintelli- 
gence  ou  de  raison  et  c'est  là  que  nous  avons  à  les  étudier.  La 
faute  générale  dont  se  rendent  coupable  les  historiens  des  ani- 
maux et  surtout  des  insectes  est  Vanthropisme,  c'est-à-dire  la 
fausse  interprétation  des  actes  des  animaux  qu'on  fait  en  leur 
appliquant  le  raisonnement  subjectif  de  l'observateur.  Cela  pro- 
vient de  deux  confusions,  d'abord  celle  de  l'instinct  avec  le 
raisonnement  plastique  et  ensuite  de  celle  d'une  série  d'actes 
observés  chez  l'animal  avec  le  subjeclivisme  psychologique  de 
l'animal.  Nous  n'observons  que  les  actes,  mais  nous  ne  voyons 
ni  le  mécanisme  des  neurocymes  de  l'àme  qui  les  produit,  ni 
son  reflet  subjectif,  et  ce  mécanisme  est  si  éloigné  du  nôtre  que 
nous  pouvons  encore  bien  moins  l'assimiler  au  nôtre  que  celui 
du  Papou  ou  du  chimpanzé. 

Est-ce  une  raison  pour  renoncer  aux  études  de  psychologie 
comparée  ?  Certes  non  ;  nous  ferons  seulement  mieux  de  parler 
de  biologie  comparée  et  de  renoncer  une  fois  pour  toutes  à 
transplanter  notre  subjectivisme,  le  contenu  de  notre  cons- 
cience supérieure,  dans  les  actes  des  insectes  et  des  animaux 
en  général,  tout  en  faisant  une  exception  partielle  et  très 
réservée  pour  les  mammifères  les  plus  élevés. 

Si  nous  observons  les  actes  des  différentes  espèces  d'ani- 
maux, et  si  nous  les  comparons  aux  nôtres,  nous  retrouvons 
partout  le  double  fait  fondamental  que  nous  avons  énoncé  en 
commençant,  c'est-à-dire  l'antagonisme  apparent  de  l'instinct 
et  de  l'intelligence,  sur  lequel  il  a  été  déjà  tant  écrit.  L'instinct, 
automatique  et  aveugle,  opère  cependant  avec  une  telle  préci- 
sion dans  la  complexité  des  buts  qu'il  atteint,  qu'il  contrefait 
la  sagacité  raisonnée.  On  dirait  une  sagacité  automatisée,  une 
intelligence  cristallisée.  De  fait,  l'instinct  et  la  raison  p7^ouvent 
que  les  centres  nerveux  peuvent  travailler  de  deux  façons  diffé- 


32  MÉMOIRES    DES    COLLABORATEURS 

rentes  pour  arriver  au  même  but  :  a)  automatiquement;  b) 
d'une  façon  adaptative  ou  plastique  que  nous  appelons  intel- 
ligence ou  raison,  parce  qu'elle  s'adapte  aux  circonstances 
imprévues,  actuelles,  tandis  que  l'instinct  agit  d'après  des  lois 
fixées  et  ne  s'exécute  que  dans  un  certain  ordre  et  sur  l'appel 
de  certaines  irritations  sensorielles,  à  défaut  desquelles  tout  le 
mécanisme  se  refuse  à  agir,  ou  cesse  d'agir  ou  au  moins  d'agir 
d'une  façon  coordonnée.  Nous  appellerons  ces  deux  activités, 
la  première  automatique,  la  seconde  plastique.  Nous  verrons 
qu'il  existe  des  formes  d'activité  transitoires  entre  l'automa- 
tisme et  la  raison,  et  qu'il  ne  s'agit  pas  du  tout  d'un  antago- 
nisme net,  comme  l'a  prétendu  Descartes  qui  a  décrété  tous  les 
animaux  machines  automatiques,  tandis  qu'il  a  attribué  à 
l'homme  une  double  nature  bien  distincte  :  une  raison  et  une 
machinerie  animale  automatique.  Il  n'y  a  qu'à  comparer  un 
chien  à  un  insecte  pour  voir  que  le  chien  est  bien  moins 
machine  que  l'insecte,  et  cette  seule  comparaison  lait  écrouler 
l'édifice  de  Descartes.  Mais  il  est  tout  aussi  faux  de  nier  la 
différence  immense  qui  existe  entre  un  automatisme  bien  fixé 
et  l'acte  raisonnable  d'un  être  qui,  placé  dans  des  conditions 
absolument  nouvelles,  auxquelles  ni  lui  ni  ses  ancêtres  n'ont 
jamais  été  adaptés,  sait  se  tirer  d'affaire  en  combinant  les 
nouvelles  impressions  de  ses  sens  avec  ses  souvenirs  et  ses 
facultés  motrices,  de  façon  à  inventer.  Mettons  un  homme 
qui  n'a  jamais  vu  de  lac,  d'étang,  de  fleuve  ni  de  mer  pour  la 
première  fois  de  sa  vie  devant  un  lac  et  sur  un  canot,  il  sera 
d'abord  ahuri,  mais  bientôt  il  regardera,  tâtera,  essaiera  de  se 
servir  des  rames,  et  ne  tardera  pas  à  savoir  guider  le  canot.  Un 
singe  supérieur  pourra  peut-être  même  être  amené  à  ramer  et 
on  apprendra  certaines  choses  à  un  chien.  Mais  il  est  impossible 
d'apprendre  un  acte  complexe  à  un  insecte,  lors  même  que  par 
lui-même  il  en  exécute  d'admirables.  La  chenille  du  papillon 
Machaon  se  file  un  cordon  de  soie  autour  du  thorax  pour 
maintenir  sa  chrysalide  contre  un  mur.  Jamais  on  n'apprendra 
à  la  chenille  très  parente  d'une  Vanesse  qui,  elle,  se  suspend 
simplement  par  les  deux  pattes  postérieures,  à  se  filer  aussi  un 
cordon  thoracique  :  elle  n'eu  a  pas  l'instinct  et  elle  est  trop  peu 
plastique  pour  l'apprendre. 

Si. nous  regardons  de  près,  nous  constatons  cependant  les 
faits  suivants  : 

V'  L'homme  lui-même  est  bourré  d'automatismes  dits  secon- 
daires et  acquis  par  l'habitude.  Ses   actes,  d'abord  plastiques. 


A.  FOREL.  —  UN  APERÇU  DE  PSYCHOLOGIE  COMPARÉE     33 

adaptatifs  dans  leurs  détails,  et,  en  même  temps,  hésitants, 
lents,  peu  sûrs,  deviennent  par  la  répétition  sûrs,  rapides, 
bien  coordonnés,  mais  en  même  temps  machinaux,  fixés, 
automatiques,  pris  dans  l'ornière,  de  moins  en  moins  adap- 
tables. Par  d'admirables  synthèses  de  ces  deux  sortes  d'ac- 
tivités nous  arrivons  (par  exemple  dans  les  exécutions 
musicales)  à  subordonner  des  automatismes  complexes,  ainsi 
formés,  à  une  plasticité  supérieure  qui  les  coordonne,  les 
module,  les  commande  et  s'adapte  elle-même  aux  plus  hautes 
harmonies  dans  l'inspiration  momentanée  de  l'imagination. 

2°  A  côté  des  automatismes  secondaires  ou  habitudes,  il 
existe  des  automatismes  hérités  ou  instincts.  Ceux-ci  sont  de 
deux  variétés.  Les  uns  sont  complets,  c'est-à-dire  qu'une  simple 
irritation  sensorielle  suffit  à  les  mettre  en  action  complète,  dès 
la  naissance  de  l'animal  ou  dès  le  moment  où  leur  manifesta- 
tion apparaît.  —  Les  autres  sont  incomplets  et  ont  besoin  d'une 
école  plus  ou  moins  longue  pour  être  efîectués.  Ce  sont  les 
dispositions  héréditaires.  La  rnarcJie,  absolument  instinctive 
chez  le  poulet,  l'est  à  peu  près  chez  le  chien  et  doit  être  apprise 
par  l'homme. 

3°  Même  dans  l'exécution  de  l'automatisme  paraissant  le  plus 
complet,  nous  observons  des  intermezzo,  de  courtes  et  simples 
activités  plastiques  ou  adaptatives,  même  chez  les  insectes. 

hP  L'abandon,  la  non-activité  d'un  automatisme  fait  revenir 
peu  à  peu  le  centre  nerveux  (ou  le  plasma  germinatif;  qui  lui 
est  préposé  à  la  plasticité  (à  VadaptabilUé). 

5°  Les  automatismes  cotnplexes,  adaptés  à  un  but  spécial, 
exigent  un  nombre  infiniment  plus  re&treint  de  neuro7ies  que 
la  faculté  plastique  d'adaptation  individuelle  à  la  même 
complexité.  Ce  dernier  fait  me  paraît  constituer  une  sorte  de 
loi  dans  l'activité  des  neurones.  Il  s'ensuit  que  l'augmentation 
du  nombre  des  neurones  augmente  énormément  la  faculté 
plastique  ou  d'adaptabilité  individuelle.  Mais  c'est  à  tort  qu'on 
en  a  conclu  à  ce  que  cette  faculté  était  secondaire,  et  dérivée 
des  automatismes.  Il  y  a  là,  à  mon  avis,  une  grave  méprise. 
L'automatisme  est  toujours  un  produit  fixé  et  ne  peut  être  pri- 
maire. Lorsque,  par  l'inaction,  il  s'affaiblit  et  se  perd,  ce  n'est 
pas  sa  complexion  d'activités  qui  redevient  plastique,  mais 
c'est  le  retour  du  protoplasma  à  l'indifférence,  ou  si  l'on  veut 
à  l'effacement  de  l'ornière,  qui  redonne  libre  jeu  à  d'autres 
activités,  à  d'autres  combinaisons  de  neurocymes.  L'augmen- 
tation de  plasticité  due  à  la  multiplication  des  neurones  n'est 

ANNÉE  PSYCHOLOGIQUE.    II.  3 


34  MÉMOIRES   DES    COLLABORATEURS 

donc  pas  un  produit  direct  d'automatismes  préexistants,  mais 
un  effet  de  la  multiplication  des  actions  et  réactions  contradic- 
toires des  neurones  les  uns  sur  les  autres,  multiplication  qui 
résulte  nécessairement  de  l'augmentation  du  nombre  des  élé- 
ments jointe  à  leur  diversification.  Cette  multiplication  et 
diversification  a  probablement  sa  cause  plus  profonde  dans  les 
nécessités  héréditaires  du  combat  de  la  vie,  de  la  sélection 
naturelle,  de  l'antagonisme  des  forces  naturelles,  etc. 

Mais  quelle  est  en  fin  de  compte  la  différence  physique 
actuelle  entre  l'activité  plastique  ou  adaptable  et  l'activité 
automatique  du  neurocyme  ?  La  question  est  plus  facile  à 
poser  qu'à  résoudre.  Cependant,  il  me  semble  que  les  faits 
nous  répondent,  en  somme,  partout  que  l'activité  automatique 
est  une  activité  cyclique,  répétée  sous  l'influence  d'une  com- 
plexion  de  forces  latentes,  souvent  transmissibles  par  l'héré- 
dité, complexion  qui  est  mise  en  jeu  dans  son  ensemble  par 
une  ou  plusieurs  irritations  simples.  Partout,  au  contraire,  oîi 
nous  observons  une  activité  plastique,  nous  la  voyons  résulter 
de  l'action  de  forces  antagonistes  qui  occasionnent  une  pertur- 
bation dans  les  automatismes  en  brisant  leurs  ornières  et  en 
frayant  de  nouvelles  voies.  De  là  l'hésitation,  l'effort,  la  résis- 
tance qui  n'existent  pas  dans  l'automatisme.  Ilàtons-nous 
d'ajouter  que  les  automatismes  rencontrent  constamment  des 
résistances  imprévues.  Ou  ces  dernières  sont  trop  faibles,  — 
alors  elles  sont  vaincues,  et  l'automatisme  continue  son  che- 
min, —  ou  bien  elles  triomphent  ;  alors  l'automatisme  est 
brisé  et  il  se  produit  une  résultante  plastique.  Cette  dernière 
peut  même  résulter  de  l'antagonisme  imprévu  de  deux  automa- 
tismes qui  ne  se  sont  pas  encore  adaptés  l'un  à  l'autre  pour 
former  un  automatisme  commun.  Mais  même  là  oii  l'automa- 
tisme est  victorieux  de  la  force  antagoniste,  il  subit  une  légère 
modification  plastique,  si  inappréciable  qu'elle  puisse  paraître. 

De  cette  analyse  il  résulte  que  nous  constatons  un  enchevê- 
trement perpétuel ,  une  élaboration  et  une  lutte  incessantes  entre 
les  activités  plastique  et  automatique,  si  bien  qu'il  y  a  trans- 
formation perpétuelle  par  action  et  réaction. 

L'activité  plastique  tend  perpétuellement  à  se  fixer  et  à  s'au- 
tomatiser par  la  répétition  ;  l'activité  automatique  est  perpé- 
tuellement dérangée,  détruite  ou  modifiée  par  les  chocs  anta- 
gonistes imprévus,  par  les  perturbations  qui  rétablissent  la 
plasticité  du  protoplasma  vivant  et  frnicnt  de  nouvelles  voies. 

Cependant,   lorsqu'un  ensemble  d'automatismes  organiques 


A.  FOREL.  —  UN  APERÇU  DE  PSYCROLOGIE  COMPARÉE     33 

) 

s'est  si  bien  spécialisé  dans  une  série  de  générations  que  tout  ^ 

un  ensemble  d"organes  du   corps  s'y  est  morphologiquement  \ 

adapté,  surtout   si  ces  organes  sont  des  produits  secondaires,  . .  m 

raides  et  de  moins  en  moins  susceptibles  de  modifications, 
alors  une  destruction  de  l'automatisme  n'est  plus  possible  sans 
la  destruction  de  l'espèce,  qui  est  devenue  absolument  dépen- 
dante de  lui.  C'est  ce  que  nous  voyons  chez  nombre  d'espèces 
animales  ou  végétales  trop  spécialisées.  Ici  la  sélection  ne  peut 
plus  agir  qu'en  perfectionnant  l'automatisme  à  l'extrême,  car 
tout  ce  qui  le  dérange  met  l'existence  même  de  l'espèce  enjeu. 
Ici,  dès  que  le  milieu  change,  l'espèce  disparait. 

Ce  n'est  pas  sans  hésitation  que  j'ose  me  demander  si  nous 
avons  déjà  le  droit  d'en  appeler  aux  analogies  que  nous  trou- 
vons dans  le  monde  anorganique.  Là  aussi  nous  observons  des 
cycles  répétés  (l'astronomie  en  est  la  preuve  vivante)  et  des 
perturbations  qui  fraient  des  voies  nouvelles.  Mais  la  chaîne 
paraît  interrompue  entre  le  monde  organisé  et  le  monde  anor- 
ganique, et  tant  que  le  lien  ne  sera  pas  retrouvé,  toutes  nos  con- 
jectures demeureront  conjectures.  Si  j'en  parle,  c'est  parce  que 
les  champions  des  partis  dans  la  lutte  des  opinions  sur  l'héré- 
dité nous  obligent  à  rappeler  la  question  métaphysique,  et 
parce  que  nous  ne  pouvons  éluder  l'hérédité  dans  notre  sujet. 

Depuis  Darwin,  la  question  de  la  descendance  des  espèces 
s'est  fort  approfondie.  La  descendance  en  elle-même  a  cessé 
d'être  une  théorie.  Elle  est  devenue  l'assise  fondamentale  des 
sciences  de  la  vie  organisée.  Par  contre  les  divergences  portent 
plus  que  jamais  sur  les  facteurs  qui  produisent  la  transforma- 
lion  des  espèces,  c'est-à-dire  sur  les  lois  de  l'hérédité,  et  les 
deux  opinions  foncièrement  contradictoires  (l'idée  d'une  pré- 
formation étant  tombée  comme  contraire  aux  faits  ontogéné- 
tiques)  sont  celle  de  l'épigénèse  de  Haeckel  et  celle  de  la  pré-  ( 

détermination  de  Weismann.  On  se  dispute  beaucoup  sur  la  ( 

question  de  savoir  si  des  caractères  acquis  peuvent  être  hérités. 
Le  terme  de  caractères  acquis  par  l'individu  donnant  lieu  à 
d'interminables  quiproquos,  il  est  nécessaire  de  préciser.  La 
question  a  moins  d'intérêt  pour  les  botanistes,  parce  que  chez 
les  plantes  la  notion  d'individu  est  insaisissable  et  celle  des 
cellules  germinatives  presque  aussi  peu  déterminée.  Mais  chez 
les  animaux  supérieurs,  on  sait  positivement  que  l'espèce  ne 
peut  être  reproduite  que  par  la  conjonction  de  deux  cellules, 
l'une  mâle,  l'autre  femelle  (sauf  les  cas  de  parthénogenèse  des 
animaux,  moyen  où  une  cellule  suffit),  et  l'on  sait  de  plus  que 


36  MÉMOIRES    DES    COLLABORATEURS 

ces  cellules  sont  absolument  difTérenciées  des  autres  cellules  du 
corps,  lesquelles  ne  sont  plus  capables  de  reproduire  l'espèce. 
Les  cellules  germinatives  sont  les  œufs  et  les  spermatozoïdes, 
et  il  semble  même  certain  maintenant  que  les  cellules  de  l'em- 
bryon proviennent  seulement  de  la  substance  vivante  du  noyau 
des  cellules  germinatives  conjuguées  (ou  non  conjuguées  dans 
la  parthénogenèse).  La  question  foncière  est  la  suivante  : 

Est-ce  que  des  modifications  subies  pendant  la  vie  de  l'indi- 
vidu par  les  cellules  non  germinatives  de  son  corps,  ou  des 
complexions  d'activités  apprises  à  nouveau  par  ces  mêmes 
cellules,  peuvent  être  transmises  aux  cellules  germinatives, 
c'est-à-dire  projetées  dans  ces  dernières  cellules,  de  façon  à 
pouvoir  être  transmises  à  leur  tour  telles  quelles  aux  descen- 
dants ? 

En  d'autres  termes,  existe-t-il  une  épigenèse  ainsi  comprise, 
comme  le  veut  Ilaeckel,  ou  n'existe-t-elle  pas?  Pour  admettre 
une  pareille  épigenèse,  il  est  clair  qu'il  faut  admettre  une  sorte 
d'imprégnation  des  cellules  germinatives  par  les  autres  cel- 
lules du  corps,  imprégnation  qui  serait  capable  de  projeter  les 
fonctions  des  cellules  du  corps  dans  le  germe  des  embryons 
futurs.  Ainsi  le  jeu  de  piano,  une  langue  apprise,  ou  bien  (en 
sens  inverse)  la  cessation  d'une  fonction  seraient  projetés  en 
puissance  dans  les  cellules  germinatives.  Comment?  Pour  cela 
on  a  imaginé  la  théorie  des  pangènes,  petites  agrégations  de 
molécules  vivantes  qui  se  détacheraient  de  toutes  les  cellules 
du  corps  et  viendraient  imprégner  les  cellules  germinatives. 
J'avoue  franchement  que  cette  théorie  me  laisse  absolument 
sceptique  et  que  tous  les  faits  qui  sont  censés  prouver  que  les 
caractères  acquis  par  les  cellules  somatiques  peuvent  être 
transmis  tels  quels  aux  cellules  germinatives  me  paraissent  ou 
bien  être  des  contes  de  nourrices  ou  bien  ne  pas  prouver  du 
tout  ce  qu'ils  veulent  prouver.  En  ce  sens  je  me  range  h  l'opi- 
nion de  Weismann,  sans  toutefois  pouvoir  le  suivre  dans  toutes 
les  théories  d'ides  et  de  déterminantes  qu'il  croit  devoir  écha- 

fauder. 

Je  ne  comprends  pas  comment  ces  pangènes  détachés  pour- 
ront transmettre  des  automatismes  nerveux  tels  quels  à  un 
ovule,  et  pas  plus  comment  l'ovule  se  les  assimilera  autrement 
que  comme  toute  autre  nourriture  venant  du  sang.  Si  les  puis- 
sances des  cellules  germinatives  étaient  ainsi  affectées  de  tout 
ce  que  le  sang  leur  assimile,  il  ne  resterait  bientôt  plus  rien 
des  puissances  héréditaires. 


\ 

A.  FOREL.  —  UN  APERÇU  DE  PSYCHOLOGIE  COMPARÉE     37  f 

Il  me  paraît  clair  que  si  V imprégnation  était  une  loi  natu- 
relle, le  prépuce  que  les  juifs  coupent  à  leurs  enfants  depuis 
Moïse  devrait  avoir  cessé  de  se  former  ou  au  moins  fort  dimi- 
nué chez  ceux-ci,  n'ayant  plus  envoyé  de  pangènes  aux  cellules 
germinatives  depuis  des  milliers  d'années.  Nous  le  voyons  cepen- 
dant tel  qu'à  l'origine.  0.  Hertwig  a  essayé  d'une  conciliation, 
et  il  me  paraît  hors  de  doute  que  l'avenir  approfondira  la  ques- 
tion. Les  recherches  de  Schmankewitsch,  Merrifîeld,  Standfuss 
et  autres  ont  prouvé  que  les  constellations  de  forces  ou  puis- 
sances embryogéniques  peuvent  être  modifiées  au  point  de 
transformer  l'individu  futur  en  une  espèce  ou  forme  morpho- 
logique différente,  lorsqu'on  soumet  l'embryon  à  une  certaine 
époque  de  sa  vie  à  l'influence  prolongée  d'agents  tels  que  la 
nature  chimique  du  milieu,  le  froid,  la  chaleur  etc.  Schman- 
kewitsch a  transformé  ainsi  des  Branchipus  en  Artemia  par  la 
salaison  de  l'eau,  et  Standfuss  des  Vanessa  lo  presque  en 
Vanessa  Urticae  par  l'action  du  froid  sur  la  chrysalide.  —  Ces 
faits  démontrent  que  les  formes  des  êtres  vivants  et  par  consé- 
quent aussi  leurs  fonctions  vitales  ne  dépendent  pas  seulement 
de  l'action  sélective  du  combat  pour  la  vie,  mais  aussi  d'autres 
facteurs  que  nous  ne  connaissons  certainement  pas  tous.  Mais 
le  fait  que  certains  facteurs,  certaines  composantes,  sont  en 
état  de  modifier  les  déterminantes  ou  puissances  héréditaires 
n'infirme  pas  l'existence  de  ces  dernières,  ni  même  leur  im- 
mense prédominance,  car  en  fin  de  compte,  le  fait  que  du  gland 
sort  un  chêne  et  de  la  graine  de  chou  un  chou  n'en  demeurera 
pas  moins  fait,  et  ce  fait  se  produira  lors  même  que  ces  deux 
graines  seront  semées  au  même  endroit,  de  la  même  façon  et 
dans  les  mêmes  conditions. 

Ajoutons  par  parenthèse  qu'Hertwig  a  parfaitement  raison 
d'appuyer  sur  le  fait  que  le  développement  du  germe  est  abso- 
lument subordonné  à  l'action  des  agents  nutritifs,  de  l'eau,  etc., 
c'est-à-dire  d'autant  de  forces  extérieures  qui  se  combinent  à 
ses  puissances  héritées  pour  former  petit  à  petit  l'être  adulte. 
Mais,  malgré  toute  la  diversité  de  ces  conditions  du  milieu,  le 
germe  reproduit  à  peu  de  choses  près  l'image  exacte  de  ses 
parents. 

Mais  alors,  comment  se  fait-il  qu'un  automatisme  nerveux, 
un  instinct  complet  ou  incomplet,  s'hérite  tel  quel,  si  les  ancê- 
tres l'ont  acquis  avec  des  cellules  non  germinatives  et  ne  peu- 
vent le  transmettre  à  leurs  cellules  germinatives?  Là  est  la 
question  qui  paraît  donner  raison   à  l'épigenèse,   disons  à  la 


38  MÉMOIRES   DES    COLLABORATEURS 

théorie  de  l'imprégnation.  Nous  devons  avouer  que  c'est  là  un 
des  plus  profonds  mystères  de  l'hérédité,  et  que  ce  mystère 
nous  amène  aux  confins  de  la  métaphysique.  Pour  en  com- 
prendre la  portée,  voyons  où  nous  conduit  l'idée  de  l'épigenèse. 
Admettons  un  instant  l'imprégnation  des  pangènes  et  ramenons 
toutes  les  formes  organisées  et  leurs  fonctions  à  des  actions  et 
réactions  de  forces  les  unes  sur  les  autres.  Ces  actions  et  réac- 
tions nous  conduisent  de  ce  qui  nous  paraît  simple  ou  élémen- 
taire, à  ce  qui  est  complexe,  c'est-à-dire  de  la  cellule  vivante 
au  cerveau  humain  et  de  l'atome  à  la  cellule  vivante.  Allons 
droit  à  la  source  de  tout,  à  l'atome  que  nous  supposons  simple. 
L'atome  est  une  conception  métaphysique  avec  laquelle  les  gens 
de  science  jouent  parfois  comme  les  enfants  avec  les  petites 
bétes.  Ou  bien  les  atomes  qui  étaient  à  l'origine, de  tout  étaient 
absolument  égaux.  Alors  comment  ont-ils  pu  se  différencier 
par  eux-mêmes  en  forces  antagonistes  et  former  un  monde  com- 
plexe ?  Ou  bien  ils  étaient  doués  d'une  puissance  différenciative 
intrinsèque.  Alors  ils  n'étaient  plus  simples,  ni  égaux  1  II  est 
absolumennt  oiseux  et  inutile -d'échafauder  des  systèmes  méta- 
physiques ;  l'histoire  de  la  science  et  de  la  philosophie  est  là 
pour  le  prouver.  Mais  il  est  au  contraire  très  nécessaire  de  poser 
les  questions  métaphysiques  et  de  sonder  les  points  où  la  faculté 
de  connaissance  de  notre  cerveau  a  ses  limites,  afin  de  ne  pas 
divaguer  dans  le  galimatias  des  mots  et  des  phrases  qui  trop 
souvent  prend  la  place  des  notions  et  avec  lequel  on  s'imagine 
expliquer  le  monde  par  des  termes  tels  que  mécanique,  lois 
physiques,  eic  L'inconnu  moniste  et  divin  qui  nous  paraît  pro- 
céder du  simple  au  composé,  peut-être  simplement  parce  que 
nous  ne  saisissons  pas  la  complexion  de  ce  qui  nous  parait 
simple,  demeure  et  demeurera  toujours  le  mystère  métaphy- 
sique qui  renferme  la  puissance  de  tout  ce  qui  existe,  qu'on 
l'affuble  des  noms  de  Monade,  Volonté,  Liberté,  Idée,  Être  en 
soi,  Mécanique  cosmique  ou  Dieu  (dépouillé  des  attributs  an- 
thropiques  que  les  dogmes  religieux  ont  donnés  à  ce  mot),  peu 
importe.  Notre  analyse  nous  oblige  à  considérer  cette  unité 
métaphysique  qui  se  cache  sous  le  symbole  relatif  et  restreint 
de  l'univers  miroité  dans  notre  cerveau  comme  étant  à  la  fois 
force,  matière  et  conscience,  en  tant  que  principe  moniste  uni- 
versel. 

A  quoi  bon  cette  excursion,  me  dira-t-on?  Nous  allons  le 
voir.  Elle  nous  montre  que  nous  n'avons  pas  le  droit  de  déclarer 
simple  ce  qui  nous  paraît  simple.  Il  s'ensuit  qu'il  n'y  a  pas  de 


A.  FOREL.  —  UN  APERÇU  DE  PSYCHOLOGIE  COMPARÉE     39 

limite  aux  possibilités  des  puissances  embryonnaires  ou  ger- 
minatives,  même  si  Ton  passe  de  l'organisé  àl'anorganique,  de 
la  cellule  à  l'atome.  Il  n'est  donc  pas  absurde  d'admettre  la 
possibilité  d'une  infinité  de  prédéterminations  possibles  dans 
les  molécules  organiques  d'un  germe,  ni  d'admettre  que  la  sélec- 
tion naturelle  ne  fait  que  choisir  parmi  elles,  au  lieu  de  croire 
à  la  création  épigénétique  par  l'imprégnation  des  pangènes. 
Alors  on  devra  admettre  que  les  automatismes  héréditaires  ne 
s'héritent  pas  tels  quels  par  imprégnation,  mais  que  la  sélection 
naturelle  choisit  grain  par  grain  dans  la  suite  des  générations 
les  puissances  de  leurs  éléments  parmi  les  différentes  conjonc- 
tions qui  ont  lieu,  et  que  ces  puissances  éclosent  pour  ainsi 
dire  petit  à  petit  en  automatismes  effectifs  par  suite  d'une 
impulsion  intrinsèque,  originaire,  plus  ou  moins  identique  au 
mystère  originaire  différenciateur  des  atomes  de  l'univers. 
Partout  dans  l'univers  nous  retrouvons  les  deux  lois  de  l'auto- 
matisme ou  reproduction  cyclique  et  de  la  différenciation, 
variabilité  ou  plasticité.  D'où  viennent-elles?  Si  nous  arrivons 
un  jour  à  les  analyser  mieux,  nous  ne  ferons  que  reculer  la 
limite.  Le  mystère  métaphysique  demeurera  le  même.  Ramenées 
à  notre  question  première,  ces  considérations  nous  disent 
ceci  : 

L'instinct  social  des  insectes,  en  particulier  des  fourmis, 
appartient  sans  aucun  doute  à  la  catégorie  des  automatismes 
hérités  complets,  c'est-à-dire  n'ayant  pas  besoin  d'être  appris 
par  l'individu.  Quoique  fort  complexe  et  fort  gros  relativement 
chez  l'ouvrière  qui  seule  a  l'instinct  social  très  développé,  le 
cerveau  d'une  fourmi  est  une  association  bien  petite  de  petits 
neurones  et  c'est  avec  raison  que  dans  son  admiration  Darwin  l'a 
appelé  l'atome  de  substance  le  plus  remarquable  du  monde. 
Mais  nous  avons  vu  que  l'automatisme  spécialisé  exige  infini- 
ment moins  de  neurones  que  la  complexité  des  activités  plas- 
tiques qui  exige  la  possibilité  d'adaptation  à  un  nombre  immense 
d'activités  effectives  et  non  pas  seulement  potentielles.  Donc  on 
peut  comprendre  comment  le  petit  cerveau  de  la  fourmi  opère 
automatiquement  des  choses  que  le  cerveau  humain  a  souvent 
peine  à  apprendre.  Ces  actes  sont  fixés  dans  tout  leur  enchaî- 
nement pour  chaque  espèce  de  fourmi,  qui  ne  peut  reproduire 
que  ceux  qui  lui  sont  propres,  tandis  que  chaque  homme  pris 
individuellement  peut  apprendre  des  automatismes  aussi  com- 
plexes et  plus  complexes  qu'il  n'a  nullement  hérités,  par 
exemple  l'usage  d'une  langue  étrangère,  le  jeu  d'un  instrument 


40  MÉMOIRES   DES    COLLABORATEURS 

musical,  etc.  Il  va  sans  dire  que  la  plasticité  s'hérite  avec  la 
multiplicité  des  neurones  qui  en  est  la  cause. 

Mais  nous  avons  cité  deux  extrêmes,  l'extrême  d'un  instinct 
complexe  et  l'extrême  de  la  plasticité  ou  faculté  d'adaptation  du 
cerveau  humain.  Etudions  les  faits  de  plus  près  et  nous  trou- 
verons les  passages. 

L'homme  a  aussi  des  automatismes  hérités  plus  ou  moins 
complets.  Sans  parler  de  l'haliileté  souvent  fort  défectueuse 
du  nouveau-né  à  téter,  nous  pouvons  citer  les  états  affectifs, 
les  appétits  sexuels  et  leur  assouvissement,  les  mouvements 
de  défense  et  de  fuite,  le  rire  et  les  pleurs  comme  autant  d'au- 
tomatismes héréditaires  bien  près  d'être  complets. 

Passons  aux  chiens  et  aux  singes  et  nous  devrons  accorder 
que  leur  faculté  de  saisir  les  volontés  de  leur  maître,  d'être 
dressés  et  apprivoisés,  leurs  joies  et  leurs  tristesses,  leurs  sen- 
timents à  l'égard  de  leurs  petits  et  de  leur  maître  ne  permettent 
pas  de  douter  de  leurs  facultés  plastiques  très  développées. 
L'histoire  de  l'humanité  montre  du  reste  clairement  que  la  per- 
fectibilité a  augmenté  du  tout  au  tout  avec  le  langage  écrit  et 
surtout  imprimé  qui  a  permis  à  l'individu  humain  d'emmaga- 
siner son  travail  cérébral  pour  ses  autres  contemporains  et 
pour  sa  descendance.  C'est  là  la  vraie  source  de  le  civilisation 
moderne.  Verba  volaïit,  scriptamanent.  Nous  prenons  le  travail 
de  nos  devanciers  là  où  ils  en  sont  restés.  Il  n'en  était  pas  de 
même  chez  nos  ancêtres.  On  peut  dire  en  gros  que  les  200  ou 
2o0  grammes  de  cerveau  que  lEuropéen  a  de  plus  que  le  Papou 
l'ont  amené  à  découvrir  peu  à  peu  l'écriture  et  l'impression, 
mais  que  ce  sont  ces  dernières  qui  sans  augmentation  appré- 
ciable des  facultés  cérébrales  héritées  ont  produit  la  civilisation 
moderne.  La  perfectibilité  des  races  humaines  les  plus  infé- 
rieures est  par  cela  presque  plus  rapprochée  de  celle  des  chim- 
panzés que  de  la  nôtre,  lors  même  que  leur  organisation  céré- 
brale est  infiniment  plus  voisine  de  la  nôtre. 

Mais  il  est,  de  plus,  faux  de  croire  que  les  animaux  inférieurs 
n'ont  pas  d'activité  plastique  ou  adaptative.  Une  amibe  est  fort 
plastique  et  un  leucocyte  aussi.  Ces  simples  cellules  n'ont  guère 
d'automatismes. 

Les  fourmis  laissent  reconnaître  beaucoup  de  variations  et 

d'adaptations  plastiques  individuelles  dans  leurs  actes  à  côté  de 

leurs  grands  instincts  sociaux  automatisés.  J'en  ai  cité  divers 

cas  dans  mes  Fourmis  de  la  Suisse.  En  voici  de  nouveaux  : 

Dans  le  Bulletin  de  la  Société  Vaudoise  des  sciences  natu- 


A.    FOREL.    —    UN   APERÇU   DE    PSYCHOLOGIE   COMPARÉE  4! 

relies,  XXX,  n°  114,  1894,  j'ai  rapporté  l'observation  suivante 
faite  sur  une  fourmilière  àe  Myrmecocystus  altisquarnis,  André, 
grande  fourmi  d'Algérie  que  j'avais  rapportée  moi-même  d'Oran 
et  établie  dans  un  jardin  à  Zurich  : 

«  Un  curieux  fait  à  noter  est  que  ces  fourmis  parurent 
s'adapter  peu  à  peu,  par  l'expérience,  aux  circonstances  nou- 
velles. En  Algérie,  elles  n'ont  rien  à  craindre  des  petites  fourmis 
qui  y  sont  trop  petites  et  trop  peu  guerrières.  A  Zurich,  elles 
eurent  beaucoup  à  souffrir  des  attaques  du  Lasius  niger  (la  peste 
de  nos  jardins)  et  du  Tetramorium  cœspitum  qui  est  chez  nous 
bien  plus  gros  et  plus  guerrier  qu'en  Algérie.  Pour  se  préserver 
des  incursions  de  ces  petits  intrus,  les  31.  altisqua^nis  apprirent 
peu  à  peu,  dans  le  courant  de  l'été,  à  rétrécir  de  plus  en  plus 
l'ouverture  de  leur  nid  et  finalement  à  la  boucher  entièrement 
avec  des  grains  de  terre,  ce  que  je  ne  leur  ai  jamais  vu  faire  en 
Algérie.  Qu'on  n'objecte  pas  le  climat,  car  notre  été  de  1893  fut 
plus  chaud  que  le  printemps  algérien  (mars  et  avril)  pendant 
lequel  j'observai  le  Myrmecocyslus  à  satiété.  Je  prie  aussi  de 
remarquer  la  progression  dans  cette  habitude  prise,  progression 
qui  frappa  d'autres  personnes  à  même  d'observer  ces  fourmis 
tout  l'été.  Etablies  à  la  fin  d'avril,  elles  commencèrent  par  faire 
un  gros  trou  de  sortie,  comme  en  Algérie.  Les  incursions  des 
Lasius  les  firent  rétrécir  leur  trou  peu  à  peu,  et  ce  n'est  que 
plusieurs  mois  plus  tard  qu'elles  finirent  par  le  boucher  entiè- 
rement, tout  le  jour,  comme  plusieurs  espèces  d'Europe,  ne  se 
ménageant  qu'une  petite  ouverture  temporaire,  lorsqu'elles 
sortaient  par  un  beau  soleil.  » 

Il  y  a  dans  cette  observation  un  fait  d'adaptation  de  l'instinct 
qui  me  paraît  exempt  de  toute  erreur  ou  fausse  interprétation, 
pourvu  qu'on  se  garde  d'y  mettre  du  raisonnement  humain.  Il 
est  hors  de  doute  qu'en  Algérie  aussi,  les  Myrmecocystus 
savent,  lorsqu'ils  sont  attaqués,  barricader  leur  trou  de  sortie 
avec  des  grains  de  terre,  comme  le  font  d'autres  fourmis.  Mais 
il  est  tout  aussi  certain  que  cela  ne  peut  être  que  très  rare, 
accidentel  et  passager,  sans  quoi  j'en  aurais  été  témoin  sur 
les  centaines  de  nids  que  j'ai  observés.  Le  fait  d'avoir  rendu 
la  clôture  du  nid  complète  et  durable  est  une  adaptation  à  des 
circonstances  nouvelles  et  montre  en  outre  une  fois  de  plus  à 
quel  point  l'influence  du  changement  de  milieu  (au  point  de 
vue  de  la  forme  et  de  la  flore  ambiante)  doit  activer  la  transfor- 
mation des  espèces  par  sélection. 

Dans   mes  Fourmis  de  la  Suisse,  page  3u6,  j'ai  écrit  que  je 


■42  MÉMOIRES  DES    COLLABORATEURS 

n'avais  jamais  vu  des  Camponotus  (de  notre  faune)  poursuivre 
leurs  ennemis  ou  leur  ravir  leurs  nymphes  ;  ils  se  contentent 
de  se  défendre  (les  grosses  ouvrières),  en  écrasant  leurs 
ennemis  entre  leurs  puissantes  mandibules. 

Cet  été  même,  le  13  août  189o,  ayant  pris  un  jour  de  vacance 
passé  dans  les  forêts  des  environs  de  Sackingen,  je  trouvai 
une  grande  fourmilière  de  Camponotus  lifjniperdus  et  l'idée 
me  vint  de  répéter  une  ancienne  expérience  en  la  faisant 
attaquer  par  des  Formica  pratensis  que  j'apportai  à  10  heures 
du  matin  avec  leurs  cocons  dans  un  sac.  Comme  autrefois  je 
vis  les  pratensis  commencer  l'attaque,  bousculer  les  quelques 
ligniperdus  qui  gardaient  les  portes,  et  assiéger  les  entrées  du 
nid,  parfois  même  en  conquérir  une  ou  deux  à  force  d'audace. 
Mais  les  Camponotus.,  revenus  de  leur  première  frayeur,  appe- 
lèrent des  renforts  dans  le  fond  de  leur  nid  et  défendirent  les 
ouvertures  en  écrasant  les  assiégeants  de  leurs  mandibules.  Au 
bout  d'une  demi-heure  environ,  pendant  que  les  Formica  sont 
occupées  à  déménager  leurs  cocons  et  à  les  placer  à  l'ombre, 
les  Camponotus  sortent  de  plusieurs  trous  en  masse,  —  chose 
à  remarquer,  seulement  les  grandes  ouvrières  à  grosse  tête  — 
et  font  une  charge  à  fond  sur  leurs  aggresseurs  qui  n'avaient 
pas  l'air  de  s'en  douter.  Au  contraire  de  mes  anciennes  obser- 
vations, je  vis  à  mon  grand  étonnement  ces  Camponotus^  d'or- 
dinaire si  craintifs  et  jamais  carnivores,  se  jeter  avec  fureur 
sur  les  Formica,  les  tuer  en  masse  et  les  poursuivre  avec 
acharnement  jusqu'à  trois  et  même  quatre  mètres  de  leur  nidy 
les  débusquant  de  toutes  leurs  cachettes  et  couvrant  linalement 
un  espace  de  deux  mètres  carrés  au  moins  d'une  immense 
armée  composée  uniquement  des  splendides  ouvrières  à  grosse- 
tête  de  celte  espèce  qui  est  la  plus  grande  d'Europe.  Mais  plus  : 
bientôt  les  Camponotus  commencèrent  à  ramasser  les  cocons- 
d'ouvrières  et  femelles  des  Formica  en  nombre  toujours  crois- 
sant et  à  les  emporter  dans  leur  nid.  Parfois  même  elles 
ravirent  des  femelles  ailées  fraîchement  écloses  et  les  por- 
tèrent chez  elles. 

Souvent  les  Camponotus  laissaient  choir  leur  proie  en  route^ 
ce  qui  montre  bien  qu'ils  n'ont  pas  la  tendance  instinctive 
de  rapt  des  espèces  du  genre  Formica,  mais  la  plupart  les 
inti'oduisirent  dans  leur  nid.  Qu'en  firent-ils  ?  Je  soupçonne 
qu'ils  les  mangèrent  en  partie  ou  les  rejetèrent  plus  tard.  En 
tout  cas  nous  avons  ici  un  exemple  de  plus  de  variations  dans- 
l'instinct. 


A.    FOREL.    —   UN   APERl/.U   DE   PSYCOOLOGIE    GOMPARÉK  43 

Je    pourrais    citer    une    foule     d'exemples    analogues    qui 
démontrent  nettement  l'activité  plastique  en  petits  jets  chez 
les  fourmis,  toutes  les  fois  qu'en  provoquant  des  événements 
anormaux  ou  rares  qui  mettent  l'instinct  en  défaut,  on  oblige 
leur  cerveau  à  s'adapter  à  ces  nouvelles  circonstances  subites 
aussi  bien  qu'il   peut  le  faire.   M.  Nelter,  un  cartésien  enragé, 
qui   veut   démontrer  à  tout  prix   que  les   animaux   sont  des 
machines  (Netter,   L'Homme  et  ranimai  devant  la  méthode 
exi:)érimentale,  Paris,  Dentu,  1883)  foudroie  non  sans  raison  de 
son  sarcasme   les  raisonnements   tout  humains  dont  tant   de 
naturalistes  et  médecins  se  sont  plu  à  doter  les  animaux.  Mais 
lui-même   tombe  dans  l'absurde  opposé  (jette  l'enfant  avec  le 
bain,  comme  disent  les  Allemands)  en  niant  l'intelligence  plas- 
tique des  animaux,  si  faible  soit-elle,  là  où  elle   existe,  et  en 
dotant  l'homme  d'une  autre  espèce  de  raison  qui  n'existe  pas. 
Il  croit  pouvoir  ramener  les  faits  d'amitié  et  d'inimitié   entre 
fourmis  de  même  espèce  et  de  fourmilières  différentes,  etc.,  au 
simple  fait  d'odeurs  agréables  ou  désagréables.  Il   ne  m'a  pas 
été  difficile  de  réfuter  cette  opinion  dans  mes   <y  Expériences 
et    remarques   critiques    sur    les    sensations    des    insectes    » 
{Recueil  zoologique  suisse,  1880-87)  par  des  expériences  sur 
des  Camponotus  qui  reconnurent  leurs  anciens  camarades  au 
bout  de  trois  semaines  et  ne  les  reconnurent  plus  au  bout  de 
six  semaines,  quoique  les  circonstances  des  deux  nids  après  la 
séparation  fussent  demeurées  les  mêmes.  La  mémoire  chez  les 
insectes,  surtout  celle  des  lieux  et  l'utilisation  des   souvenirs 
est  un  fait  absolument  démontré. 

Un  point  de  détail  mérite  encore  d'être  mentionné.  La  qua- 
lité psychologique  des  sensations  et  des  perceptions  dépend 
sans  aucun  doute  de  l'adaptation  des  organes  des  sens  à  cer- 
taines formes  d'ondes  physiques  et  aux  rapports  plus  ou  moins 
précis  ou  étendus  qu'ils  peuvent  nous  donner  sur  la  situation 
relative  des  objets  dans  l'espace  à  l'aide  de  ces  ondes  ou  sur  les 
séquences  des  dites  ondes  dans  le  temps.  (V.  par  exemple 
Spencer,  Principes  de  psychologie.)  Ainsi  l'œil  nous  donne 
des  relations  exactes  de  l'espace,  l'oreille  des  relations  minu- 
tieuses dans  le  temps,  chacun  de  ces  organes  grâce  aux  dispo- 
sitions spéciales  à  l'aide  desquelles  il  recueille  les  ondes  lumi- 
neuses ou  les  ondes  sonores.  Notre  odorat  au  contraire  n'étant 
frappé  que  par  un  tourbillon  d'air  imprégné  sans  aucun  ordre 
de  particules  chimiques  qui  lentement  irritent  la  niu([ueuse 
olfactive  et  se  suivent  sans  aucun  ordre,  eu  partie  mêlées,  et 


44  MÉMOIRES   DES    COLLABORATEURS 

se  remplaçant  petit  à  petit  les  unes  les  autres,  toujours  sans 
aucune  relation  nette,  ni  dans  le  temps,  ni  dans  l'espace, 
notre  odorat,  dis-je,  ne  nous  donne  pas  de  connaissance  du 
temps  ni  de  l'espace,  par  conséquent  pas  de  perceptions  asso- 
ciées capables  de  former  des  images  mémoriales  ou  représen- 
tations distinctes.  Dans  les  expériences  que  je  viens  de  citer, 
j'ai  montré  que  l'odorat  des  insectes  qui  réside  indubitable- 
ment dans  les  antennes  (voir  les  preuves  expérimentales  dans 
le  dit  travail)  doit  leur  procurer  une  autre  qualité  de  sensa- 
tions olfactives  que  les  nôtres  et  surtout  des  perceplions  dis- 
tinctes et  rationnelles,  d'abord  parce  qu'il  peut  s'exercer  au 
contact  direct  des  objets  odorants,  et  ensuite,  parce  que  les 
antennes  étant  mobiles  et  situées  à  l'extérieur  du  corps,  elles 
peuvent  donner  des  relations  beaucoup  plus  précises  de  l'espace 
par  les  odeurs  que  ne  peut  le  faire  notre  muqueuse  nasale. 

Voilà  donc  un  fait  qui  nous  montre  une  fois  de  plus  l'impos- 
sibilité de  transplanter  notre  psychologie  dans  celle  des 
insectes.  Nous  devons  nous  contenter  d'observations  biolo- 
giques exactes  et  noter  soigneusement  les  faits  d'activité  plas- 
tique et  d'activité  automatique  en  tâchant  de  les  comprendre 
et  de  les  apprécier  aussi  exactement  que  possible. 

En  résumé,  je  constate  que  les  idées  de  Wundt  qui  admet 
une  causalité  continue  dans  la  série  psychique  (conscience) 
sont  absolument  insoutenables,  et  je  me  rallie  avec  quelques 
réserves  de  détail  aux  conceptions  de  Leibniz,  Durand  (de  Gros), 
etc.,  c'est-à-dire  à  un  monisme  qui  est  à  la  fois  un  panpsy- 
chisme,  un  panatomisme  et  un  panthéisme  et  qui  est  aussi  peu 
«  matérialiste  »  que  «  spiritualiste  » .  Seul  il  rend  compte  des  faits 
psychologiques  et  des  faits  pbysiques,  sans  perdre  la  boussole 
de  la  logique  et  du  bon  sens.  Je  recommande  spécialement  à 
cet  égard  la  lecture  de  Durand  (de  Gros),  Ontologie,  Paris,  Bail- 
lière,  1871  et  docteur  W.  Ileinrich,  Die  moderne  physiolo- 
gische  Psychologie,  Zurich,  E.  Speidel,  1895. 

D""  Auguste  Forel, 

Professeur  à  ruiiivcrsilé  de  Zùricli. 


I 


III 


NOTE  SUR  LES  TEMPS  DE  LECTURE  ET  D'OMISSION 


L'objet  de  cette  note  est  d'indiquer  une  expérience  psycho- 
métrique fort  simple,  propre  à  montrer  certains  effets  des 
processus  cérébraux  qui  sont  à  la  base  de  nos  idées  générales 

On  peut  l'appeler  l'expérience  des  temps  de  lecture  et  d'o- 
mission ;  car  elle  consiste  à  faire  lire  à  une  personne,  aussi 
vite  que  possible,  deux  listes  ou  colonnes,  d'un  nombre  égal 
de  mots  dont  la  moitié  appartiennent  à  une  même  catégorie 
A  et  les  autres  à  des  catégories  diverses  non-A,  en  la  priant 
de  prononcer  à  haute  voix  dans  la  première  liste  tous  les 
mots  de  l'espèce  A  en  sautant  les  autres,  et,  dans  la  seconde 
liste,  tous  les  autres  mots  en  omettant  ceux  de  l'espèce  A.  Les 
listes  dont  je  me  sers  ont  chacune  24  mots,  dont  12  sont  par 
exemple  des  noms  d'animaux,  et  12  des  noms  quelconques,  pas 
d'animaux.  Ces  mois  sont  pêle-mêle  ;  j'ai  seulement  soin  que 
chaque  liste  se  termine  par  un  de  ceux  qui  doivent  être  pro- 
noncés à  haute  voix.  Il  est  alors  facile  de  mesurer  le  temps 
employé  à  la  lecture  de  chaque  liste  ;  à  défaut  d'instrument 
plus  perfectionné*,  un  compteur  ordinaire  donnant  le  cinquième 
de  seconde  peut  suffire  :  on  le  fait  partir  d'une  main  tandis  que 
de  l'autre  on  découvre  la  liste  aux  yeux  du  sujet  prévenu  et 
attentif,  et  on  l'arrête  au  moment  où  le  mot  terminal  est 
articulé.  Avec  un  peu  de  soin  et  d'habitude,  les  inexactitudes 
de  ce  procédé  (comprenant  entre  autres  l'intercalation  du  temps 
de  réaction  de  l'opérateur  lorsqu'il  arrête  le  compteur  à  l'au- 
dition du   dernier  mot  prononcé)   deviennent  négligeables  en 

(1)  Au  laboratoire  de  Genève,  nous  nous  servons  pour  les  expériences 
de  ce  genre  d'une  pendule  marquant  les  centièmes  de  seconde,  construtte 
par  Elbs  (Fribourg  en  Brisgau)  sur  le  modèle  d'une  que  nous  avions  eu 
l'occasion  de  voir  au  laboratoire  de  M.  Miiusterberg. 


I 


46  MÉMOIRES   DES    COLLABORATEURS 

face  des    temps  mesurés,    qui  s'élèvent    toujours  à  plusieurs 
secondes. 

Le  résultat  intéressant  de  l'expérience  est  que  le  temps 
nécessaire  à  la  lisle  négative,  où  il  faut  omettre  les  A  et 
prononcer  les  non-A  (je  l'appellerai  par  abréviation  temps 
d'omission,  f),  est  toujours  notablement  plus  long  que  le 
temps  de  la  liste  positive  où  l'on  l'ait  l'inverse  (temps  de  lecture, 
t).  Cependant,  analysées  au  point  du  vue  de  la  logique  abs- 
traite, les  deux  listes  se  valent  :  chacune  implique  également 
24  perceptions  visuelles  de  mots,  24  jugements  de  récognition 
dont  12  affirmalifs  (ce  mot  est  un  A)  et  12  négatifs  (celui-ci 
n'est  pas  un  A),  12  volitions  de  lire  à  haute  voix  et  12  de  ne 
pas  lire,  enfin  la  prononciation  réelle  de  12  mots  présentant 
au  total  le  même  nombre  de  syllabes.  Malgré  cette  égalité 
apparente,  le  temps  d'omission  est  en  gros  de  2o  p.  100  plus 
long  que  le  temps  de  lecture.  C'est  que  la  psychologie  n'est  pas 
la  logique,  et  que  la  modification  cérébrale  correspondant  au 
concept  A  intervient  d'une  façon  efTective  en  facilitant  les  opé- 
rations relatives  à  ce  concept,  sur  lequel  l'attention  du  liseur  a 
été  d'avance  attirée,  au  détriment  de  celles  relatives  aux  autres 
catégories  non-A. 

Il  va  sans  dire  d'abord  que  les  84  opérations  ci-dessus  énu- 
mérées  ne  sont  pas  chronologiquement  distinctes  et  séparables  ; 
elles  empiètent  largement  les  unes  sur  les  autres  et  s'effectuent 
pour  la  plupart  en  raccourci.  Pendant  que  le  premier  mot,  par 
exemple,  vu  à  la  vision  directe,  occupe  le  foyer  de  l'attention  et 
provoque  la  réflexion  sur  sa  nature,  les  suivants,  frappant  déjà 
la  vision  indirecte,  agissent  subconsciemment  et  préparent  les 
opérations  cérébrales  qui  les  concernent.  De  même,  pendant 
l'articulation  extérieure  d'un  mot,  la  pensée  consciente  du 
liseur  l'a  ordinairement  déjà  dépassé  et  vole  au-devant  du 
suivant.  Mais  je  ne  m'arrête  pas  davantage  à  ce  recouvrement 
des  opérations  les  unes  par  les  autres,  car  il  est  évidemment  le 
même  dans  les  deux  listes. 

La  grande  différence  entre  elles,  fort  sensible  à  la  plupart 
des  personnes,  du  moins  de  celles  qui  savent  s'observer  et 
rendre  compte  de  leurs  impressions,  c'est  que  les  noms  d'ani- 
maux de  la  liste  positive  sont  prononcés  et  les  autres  mots 
passés  sous  silence  presque  sans  difficulté  et  sans  erreur,  tandis 
que  dans  la  liste  négative  il  y  a  de  fréquentes  hésitations  et 
des  heurts  continuels  d'une  double  nature  :  d'une  part  on 
éprouve  une  tendance  instinctive  à  lire  les  noms  d'animaux,  il 


Tn.    FLOURNOY.    —    SUR    LES    TEMPS    DE    LECTURE    ET    d'OMISSION      47 

faut  1111   efTort  pour  les  omettre,   et  il   arrive    souvent   qu'on 
commence  à  les  articuler;  d'autre  part  les  autres  mots,  qu'on 
doit  prononcer,  sont  moins  prompts  à  jaillir  et  on  est  tenté  de 
les  oublier.  De  là  un  sentiment  général  d'embarras  et  de  per- 
plexité qui    plane  sur  la    lecture  de    la  liste   négative.    Plu- 
sieurs  sujets  ont  aussi   remarqué    que  tandis  que   les   noms 
d'animaux,  dans  les  deux  listes,  donnent  le  sentiment  qu'ils 
sont  parfaitement  compris    et  évoquent   parfois  de   fugitives 
images  visuelles  relatives  à  l'animal  désigné,  les  noms  quelcon- 
ques n'éveillent  aucune  idée  précise  et  sont  comme  dépourvus 
de  signification  positive  ;  ils  ne  disent  rien  de  concret  à  l'esprit, 
qui  a  seulement  le  sentiment  uniforme  que  ce  ne  sont  pas  des 
noms  d'animaux,  mais  sans  se  rendre  compte  de  ce  qu'ils  sont 
réellement.  Je  passe  sous  silence  diverses  autres  observations 
sur  le  jeu  des  images  mentales  et  les  sentiments  intellectuels 
qui  accompagnent  cette  expérience,  parce  qu'elles  demandent  à 
être  encore  contrôlées  sur  un  plus  grand  nombre  de  personnes. 
Au  lieu  des  noms  d'animaux,  il  va  de  soi  qu'on  peut  prendre 
toute  autre  classe  de  mots.  En  laissant  de  côté  beaucoup  d'essais 
non   exactement  comparables  parce  qu'ils  ont  porté   sur  des 
listes  différentes,  les  résultats  obtenus  jusqu'ici  sur  ;20  per- 
sonnes avec  cinq  couples  de  listes  (animaux,  villes,  couleurs, 
métiers,  prénoms)  sont  tout  à  fait  concordants  quant  à  la  plus 
grande  longueur  du  temps  d'omission  :  sur  ces  cent  essais,  il 
n'y  en  a  eu  que  trois  oîi  la  liste  positive  ait  pris  un  temps  égal 
ou  légèrement  supérieur  à  celui  de  la  liste  négative.  Toutefois 
les  chiffres  absolus  varient   notablement  suivant  les  listes  et 
les  individus.    En  prenant  pour  chaque  personne  la  moyenne 
des  temps  de  lecture  d'une  part,  et  des  temps   d'omission  de 
l'autre,  et  en  plaçant  les  sujets  d'après  la   première    de  ces 
moyennes,  on  trouve  que  celui  qui  est  en  tête  pour  la  rapidité 
de  lecture  des  listes  positives  y  est  aussi  pour  les  listes  néga- 
tives ;  de  même  celui  qui  vient  au  dernier  rang.  Mais  il  n'en  est 
pas  ainsi  pour  tout  le  monde  ;  beaucoup  de  personnes  occupe- 
raient un  autre  rang  si  on  les  plaçait  suivant  le  temps  d'omis- 
sion au  lieu  du  temps  de  lecture.  Cela  tient  à  ce  que  ces  deux 
temps  ne  sont  pas  exactement  proportionnels  l'un  à  l'autre  ; 
le  rapport  de  l'excès  du  temps  d'omission  au  temps  de  lecture 
varie  en  effet  du  simple  au  double  (0,171)  à  0,377),  comme  on 
peut  le  voir  par  le  tableau  ci-joint,  oiij'ai  réuni  à  titre  d'exemple 
les   quatre   cas  qui   ont   fourni    les    chiffres    extrêmes,    et  la 
moyenne  totale  des  20  personnes.  Il  y  a  en  résumé  une  aug- 


48 


MEMOIRES   DES    COLLABORATEURS 


mentatioii  de  3  secondes  de  la  liste  positive  qui  prend  11 
secondes  et  demie,  à  la  liste  négative  qui  en  prend  14  et  demie  ; 
c'est-à-dire  que  le  temps  d'omission  est  de  plus  d'un  quart 
plus  long  que  celui  de  lecture.  (En  assimilant  chaque  liste 
à  une  série  de  24  réactions  avec  choix  complexe,  où  le  sujet 
répond  d'une  manière  différente  par  ses  organes  vocaux  à  des 
excitations  visuelles  différentes,  le  temps  moyen  de  réaction 
serait  de  0  "'=''•,475  pour  les  listes  positives  et  de  0,602  pour  les 
négatives  ;  mais  le  recouvrement  des  opérations  dont  j'ai  parlé 
plus  haut  s'oppose  fortement  à  cette  assimilation,  et  ne  laisse 
guère  de  valeur  à  ces  derniers  chiffres.) 


RANG  lil'S  SLJETS 

suivant  le  Temps 
de  l.LHtiire. 

t 

Temps  de  Lecture 

(liste  posilive.j 

l' 

Temps  d'Omission 
(li?.Le  négative.) 

D  =  r  ^  < 

D 

t 

n"     1 

11"     4 
11"  15 
n"  20 

7,75 

8,80 
13,18 
19,92 

11,41 

9,39 
12,12 

i;;,;i4 

26,32 
14,45 

1,84 
3,32 
2.36 
6,40 

3,04 

0,237 
0,:i77 
0.179 
0,321 

0,266  1 

moyenne  des 
20  siijels. 

Ce  résultat  général  se  comprend  aisément  si  l'on  songe  que 
les  phénomènes  cérébraux  correspondant  à  un  concept  tel 
qu'animal,  doivent  consister  avant  tout  en  une  excitation  plus 
ou  moins  forte  de  tous  les  plexus  fonctionnels  rattachés  à  ce 
'mot,  et,  par  une  compensation  inévitable,  en  une  inhibition 
simultanée  des  plexus  étrangers.  Cela  revient  à  dire,  en  termes 
psychologiques,  que  l'idée  d'animal  imposée  à  l'attention 
réveille  en  bloc  tous  les  souvenirs  se  rapportant  aux  animaux 
et  à  leurs  noms,  en  sorte  que  les  images  verbo-visuelles  et 
verbo-motrices,  entre  autres,  étant  comme  ébranlées  d'avance, 
se  trouvent  plus  disponibles,  et  permettront  de  percevoir,  de 
reconnaître  et  d'articuler  plus  vite  les  noms  d'animaux  que  les 
autres.  Pour  ce  qui  est  de  la  plus  grande  rapidité  de  perception 
et  de  récognition,  elle  ne  saurait  créer  de  différence  entre  les 
deux  listes  puisque  chacune  contient  le  même  nombre  de  mots 


(1)  Sinn  lieu  île  prendre  la  moyenne  arithnuHiquo  on  prend  le  ■■  Mêdi.in  •• 
(voir  Scriplnrc,  l'sijr/i.  Hevtpw,  jnill.  1895,  p.  376),  on  trouve  exartenicnl 
0,250  (au  lieu  de  0,266)  pour  l'auguieutation  relative  du  temps  d'omission. 


TU.    FLOURNOV.    —   SUR    LES    TEMPS   DE    LECTURE    ET    d'oMISSION      49 

jouissant  de  ce  privilège  ;  mais  il  en  est  autrement  pour  l'acte 
de  lire  à  haute  voix.  Dans  la  liste  positive,  en  effet,  la  pronon- 
ciation effective  n'est  que  le  renforcement  et  comme  le  prolon- 
gement naturel  des  images  d'articulation  déjà  plus  ou  moins 
subexcitées.  Au  contraire,  dans  la  liste  négative,  il  faut  tour  à 
tour  réprimer  ces  tendances  motrices  naissantes  dont  la  vue 
des  noms  d'animaux  vient  activer  l'essor,  et  prononcer  des 
mots  quelconques  qui  n'ont  pu  être  ébauchés  d'avance.  Il  y  a 
donc  à  la  fois  inhibition  de  mouvements  déjà  jusqu'à  un  certain 
point  commencés,  et  excitation  ab  ovo  d'autres  mouvements 
imprévus  et  nullement  préparés.  On  conçoit  qu'il  se  perde  du 
temps  à  ce  double  travail. 

Dans  une  vingtaine  d'expériences  où  les  sujets  devaient 
marquer  les  mots  d'un  trait  de  crayon  au  lieu  de  les  lire  à 
haute  voix,  une  différence  du  même  ordre  s'est  manifestée  entre 
les  deux  sortes  de  listes  ;  ce  qui  montre  qu'un  acte,  non  plus 
variable  comme  l'articulation  d'un  mot,  mais  identique  comme 
le  mouvement  de  la  main,  est  lui  aussi  plus  vite  exécuté  lors- 
qu'on peut  le  rattacher  d'avance  à  une  idée  générale  déterminée 
que  s'il  faut  s'en  séparer  pour  le  joindre  à  d'autres  idées  non 
prévues. 

J'ai  dit  tout  à  l'heure  que  l'attention  dirigée  sur  l'idée  d'ani- 
mal réveille  en  bloc  tous  les  souvenirs  rentrant  dans  cette 
catégorie  :  mais  il  faut  se  garder  de  prendre  au  pied  de  la  lettre 
celte  terminologie  psychologique,  car  sauf  le  mot  même  d'ani- 
mal et  parfois  un  petit  nombre  d'images  accessoires  variables, 
ces  souvenirs  restent  à  l'état  potentiel,  latent,  et  n'apparaissent 
point  du  tout  dans  la  conscience.  A  moins  donc  que,  pour  le 
plaisir  d'étendre  aux  cas  normaux  les  conceptions  courantes  de 
la  pathopsychologie,  on  ne  suppose  que  ces  souvenirs  existent 
comme  tels  dans  une  seconde  personnalité  ou  un  double-moi, 
il  doit  être  bien  entendu  que  leur  prétendu  réveil  n'exprime 
qu'un  fait  physique,  à  savoir  une  excitation  nerveuse  trop 
faible  pour  se  traduire  en  images  distinctes  dans  la  conscience, 
mais  suffisante  cependant  pour  influencer  d'une  façon  appré- 
ciable les  opérations  cérébrales  subséquentes. 

Nous  touchons  ici  à  la  question  encore  si  obscure  de  la  nature 
des  idées  générales.  Au  point  de  vue  psychologique,  les 
enquêtes  montrent  la  grande  variabilité  des  images  mentales 
de  choses  ou  de  mots  qui  les  accompagnent  et  les  représentent 
dans  la  conscience  des  diverses  personnes,  et  de  la  même  per- 
sonne à  des  moments  différents.  Mais  il  est  clair  que  ces  images 

ANNÉE    PSYCHOLOGIQUE.    II.  4 


50  MÉMOIRES   DES   COLLABORATEURS 

toujours  arbitraires  et  inadéquates  n'épuisent  point  la  valeur 
de  ridée,  et  sont  loin  d'en  exprimer  le  contenu  vraiment  pensé. 
C'est  plus  bas  et  plus  profond,  comme  l'a  justement  relevé 
M.  Ribot^,  qu'il  faut  chercher  l'élément  essentiel  du  concept, 
dans  ce  dessous  obscur,  ces  couches  sous-jacentes  du  savoir 
emmagasiné,  qui  échappent  à  la  conscience  ou  du  moins  ne  lui 
sont  présentes  que  sous  la  forme  du  sentiment  caractéristique 
qui  différencie  les  termes  significatifs  et  compris  des  mots 
vides  de  sens  et  non  compris.  Le  vrai  centre  psychologique  du 
concept  semble  donc  se  trouver,  non  dans  les  images  qu'il 
évoque,  mais  dans  ces  sentiments  confus  qui  leur  servent 
d'arrière-plan  et  que  M.  James  a  si  bien  décrits  sous  le  nom  de 
fringe,  suffusion,  psychic  overtones,  etc.  ^ 

Au  point  de  vue  physiologique,  quelle  que  soit  encore  notre 
ignorance  de  la  mécanique  cérébrale,  il  n'est  pas  douteux  qu'à 
chaque  idée  corresponde  une  répartition  spéciale  de  l'excitabi- 
lité dans  les  plexus  nerveux,  un  agencement  ou  un  engrenage 
particulier  des  centres  fonctionnels  entre  eux.  M.  V.  Kries  a 
récemment  proposé  le  terme  de  «  cérébrale  Einstellungen"  », 
qu'on  peut  traduire  par  ajustements  cérébraux,  pour  désigner 
ces  modifications  nerveuses,  de  nature  d'ailleurs  inconnue,  qui 
servent  de  substratum  aux  concepts  et  aux  dispositions  régnant 
en  nous  à  un  moment  donné,  et  dont  on  constate  les  efTets  dans 
notre  façon  différente  de  percevoir,  de  comprendre  et  de  réagir. 
Cette  notion  de  l'ajustement  cérébral  me  paraît  heureuse  ;  non 
qu'elle  éclaircisse  en  rien  les  données  mentales  elles-mêmes 
puisque  c'est  une  notion  physique,  mais  parce  qu'elle  fournit 
un  schème  ou  une  explication  mécanique  commode  pour  une 
foule  de  phénomènes  qui  se  prêtent  mal  à  une  description  en 
ternies  de  pure  conscience.  En  effet,  sans  parler  d'expériences 
artificiellement  instituées,  notre  vie  journalière  fourmille  de 
faits  dont  on  ne  peut  rendre  compte  psychologiquement  qu'en 
faisant  appel  à  tout  un  enchaînement  d'images,  de  souvenirs, 
de  tendances,  qui  en  réalité  n'est  pas  psychologiquement 
observable,  et  .qu'il  serait  par  conséquent  moins  contradictoire 
de  se  représenter  sous  la  forme  d'un  fonctionnement  ou  ajuste- 
ment physiologique. 

{\)  IVihoi.  Enquête  sur  lev  idées  générales,  Revue  pliildsopliitiue,  t.  XXXIl, 
p.  387. 

(2)  James.  l'rinc.  of  Ps]/cholo;/>j,  I,  258  et  passim. 

(3)  J.  V.  Kries.  Uber  die  Sulur  r/ewisser  <}ehirnzuslande  (Zeitscli.  f.  Psy- 
chologie uud  Physiologie,  t.  Vill,  p.  4). 


i 


TH.    FLOURNOY.    —   SUR   LES   TEMPS    DE    LECTURE    ET   d'OMISSION      OÎ 

Quand  je  me  mets  par  exemple  à  lire  de  l'allemand,  la  ren- 
contre des  mots  mit,  sein,  langes,  etc.,  n'a  pas  sur  ma  pensée 
le  même  effet  que  lorsque  je  les  aperçois  dans  un  livre  français  ; 
ce  qui  s'explique  en  disant  que  ma  préoccupation  de  l'allemand 
a  subconsciemment  réveillé  tout  mon  savoir  potentiel  de  cette 
langue  au  détriment  de  mes  autres  vocabulaires,  c'est-à-dire  a 
déterminé  dans  mon  cerveau  un  ajustement  particulier.  Si 
j'écoute  le  discours  d'un  prédicateur,  je  suis  par  là  même  placé 
dans  un  certain  cercle  d'idées  latentes,  un  certain  ajustement, 
grâce  auquel  le  terme  «  parabole  »  aura  en  moi  un  tout  autre 
écho  et  une  autre  signification  qu'entendu  dans  une  leçon 
de  géométrie.  A  la  lecture  de  la  phrase  «  les  poules  du 
couvent  couvent  leurs  œufs  »,  le  même  groupe  typographique 
«  couvent  »  suscite  dans  ses  deux  répétitions  des  images  et  des 
prononciations  très  différentes,  parce  que  l'orientation  intel- 
lectuelle ou  cérébrale  change  à  chaque  mot.  Le  persécuté,  sous 
l'empire  de  ses  sombres  dispositions,  entend  des  allusions  bles- 
santes dans  les  paroles  des  passants.  Pour  le  musicien,  une 
sorte  d'arabesque  placé  au  commencement  de  la  portée  et 
nommé  clef  de  sol  ou  de  fa,  suffit  à  fixer  une  fois  pour  toutes 
le  sens  ambigu  des  petites  taches  noires  qui  vont  frapper  ses 
yeux,  et  un  autre  signe  lui  fait  adopter  d'emblée  un  mouvement 
d'une  certaine  rapidité  qui  se  conservera  automatiquement 
pendant  tout  le  morceau,  etc. 

Tous  ces  exemples,  qu'on  peut  multiplier  indéfiniment  et 
subdiviser  en  divers  groupes,  illustrent  un  même  fait  fonda- 
mental :  l'influence  de  la  disposition  actuelle  du  sujet,  momen- 
tanée ou  durable,  sur  la  perception  et  l'interprétation  des 
données  externes  et  sur  le  cours  des  idées  et  des  actes  qui  en 
résulte.  Or  cette  disposition  se  dérobant  à  l'analyse  directe  par 
la  conscience,  il  y  a  tout  avantage  en  pratique  (les  questions 
métaphysiques  étant,  cela  va  sans  dire,  réservées)  à  n'y  voir 
qu'un  état  physiologique,  un  ajustement  cérébral,  concevable 
si  l'on  veut  comme  un  aiguillage  très  compliqué  ouvrant  tout 
un  système  de  voies  nerveuses  et  en  bloquant  d'autres,  ou 
comparable  encore  au  changement  de  registre  par  lequel  un, 
jeu  d'orgue  est  substitué  à  un  autre,  au  déplacement  du  cur- 
seur qui  règle  les  battements  du  métronome,  etc.  Ces  symboles 
mécaniques,  inoffensifs  en  raison  même  de  leur  grossièreté,  et 
ne  préjugeant  rien  sur  la  nature  dernière  des  phénomènes, 
n'ont  pas  ici  les  mêmes  inconvénients  que  Icb  termes  psycho- 
logiques d'aperception,  assimilation,  association  systématique, 


82  MÉMOIRES   DES    COLLABORATIÎURS 

groupes  psychiques,  etc.,  dont  on  ne  sait  jamais  s'ils  ne  sont 
qu'une  façon  de  parler,  ou  s'ils  prétendent  exprimer  le  contenu 
réel  de  la  conscience  comme  ils  en  ont  l'air. 

Pour  en  revenir  à  l'expérience  des  temps  de  lecture  et  d'omis- 
sion, elle  rentre  également  sous  la  notion  de  l'ajustement  céré- 
bral, et  on  peut  la  rapprocher  de  faits  analogues  déjà  connus. 
On  sait,  par  exemple,  qu'il  faut  moins  de  temps  pour  lire  une 
phrase  dans  sa  langue  maternelle  qu'une  autre  de  même  lon- 
gueur dans  un  idiome  moins  familier,  et  surtout  qu'une  série 
de  mots  détachés  ne  formant  pas  un  sens  total  ;  c'est  que,  dans 
le  premier  cas,  la  vue  à  vol  d'oiseau  de  la  phrase  ou  la  percep- 
tion de  ses  premiers  mots  circonscrivent  d'emblée  son  sens 
probable,  et  créent  un  ajustement  progressif  qui  en  facilite  la 
lecture,  tandis  qu'il  fait  plus  ou  moins  défaut  dans  les  deux 
autres  cas.  De  même,  toutes  les  expériences  relatives  aux  asso- 
ciations d'idées  prouvent  que  celles-là  jaillissent  de  préférence 
et  le  plus  rapidement  qui,  bien  qu'absentes  de  la  conscience, 
se  trouvaient  déjà  dans  un  état  de  subexcitation  latente  grâce 
à  leur  connexion  avec  les  circonstances  ambiantes  ou  la  préoc- 
cupation dominante  du  sujet. 

Un  point  spécial,  qui  découle  de  la  différence  des  temps  de 
lecture  et  d'omission,  c'est  que  tandis  qu'on  peut  réellement 
concevoir  une  classe  déterminée  A,  ce  qui  suppose  la  subexci- 
tation d'un  certain  plexus  aux  dépens  des  autres,  on  ne  peut 
pas  réellement  concevoir  la  classe  indéfinie  non-A,  c'est-à-dire 
subexciter  tout  le  cerveau  à  l'exclusion  du  plexus  précédent. 
Autrement,  il  ne  serait  pas  plus  difficile  de  lire  la  liste  néga- 
tive où  l'on  doit  prononcer  les  non-A  et  sauter  les  A,  que  la 
positive  où  l'on  fait  le  contraire.  Cela  donne  à  penser  que 
les  jugements  indéfinis  ou  limitatifs  (ceci  est  non-A)  admis  par 
Kant  comme  distincts  des  jugements  négatifs  ordinaires  (ceci 
n'est  pas  A),  n'existent  au  fond  pas  en  dehors  de  la  formule 
verbale  qui  les  consacre,  et  que  la  logique  classique,  en  les 
ignorant,  est  plus  près  de  la  vérité  psychologique. 

Ce  qui  corrobore  l'impossibilité  d'une  excitation  cérébrale 
qui  correspondrait  à  la  sphère  indéfinie  non-A,  c'est-à-dire  à 
toutes  les  catégories  concevables  sauf  une,  c'est  la  difficulté 
qu'il  y  a  à  embrasser  plusieurs  classes  à  la  fois.  Si,  dans  l'expé- 
rience qui  nous  occupe,  on  complique  la  tâche  du  liseur  en 
l'obligeant  à  remarquer  plus  d'une  espèce  de  mots,  on  voit 
diminuer  la  différence  entre  le  temps  de  lecture  et  celui 
d'omission,  le  premier  s'accroissanl  beaucoup  plus  vite  que  le 


TH.    FLOURNOY.    —    SUR    LES    TEMPS    DE    LECTURE    ET    d'oMISSION      S3 

second.  Pour  trois  catégories  déjà,  leur  difîérence  est  réduite  à 
presque  rien,  et  le  temps  de  lecture  a  doublé  à  peu  près.  J'ai 
par  exemple  deux  listes,  toujours  de  vingt-quatre  mots,  dans 
Tune  desquelles  il  faut  prononcer  tous  les  noms  d'animaux,  de 
villes,  et  de  couleurs  (quatre  de  chaque  espèce)  en  sautant  les 
autres,  tandis  que  dans  la  seconde  on  doit  omettre  ces  trois 
sortes  de  mots  et  lire  les  autres.  Sur  vingt  personnes,  il  s'en  est 
trouvé  six  pour  qui  ce  second  temps  a  été  plus  court  que  le 
premier,  et  chez  les  autres  l'excès  du  temps  d'omission  est  si 
faible  qu'au  total  la  moyenne  de  ces  vingt  sujets  donne  prati- 
quement le  même  cliifl're  pour  la  liste  positive  (âO"'%lo)  que 
pour  la  négative  (20"', 4o).  L'étroilesse  de  la  conscience,  ou 
la  limitation  de  l'excitabilité  nerveuse,  s'oppose  en  effet  à  ce 
que  la  pensée  embrasse  simultanément  ces  trois  catégories, 
trop  disparates  pour  se  laisser  réunir  dans  un  concept  supé- 
rieur ;  latlention  est  ainsi  obligée  d'osciller  sans  cesse  de  l'une 
à  l'autre,  et  les  liseurs  éprouvent  une  difficulté  si  considérable 
à  exécuter  la  consigne,  que  plusieurs  perdent  le  fil  et  s'inter- 
rompent avant  la  fin  de  la  colonne. 

L'expérience  des  temps  de  lecture  et  d'omission  est  suscep- 
tible d'applications  variées,  et  peut  être  modifiée  décent  façons 
dans  le  détail  desquelles  je  n'entre  pas  maintenant.  Disons  seu- 
lement en  terminant  qu'une  condition  essentielle  pour  sa  réus- 
site est  de  n'employer  que  des  mots  suffisamment  familiers  et 
précis  ;  car  tout  terme  rare  ou  équivoque  tend  à  retenir  et  dis- 
traire l'attention,  ce  qui  allonge  la  durée  totale  de  la  liste. 
C'est  ainsi,  pour  ne  citer  ({u'un  exemple,  qu'une  colonne  où 
l'on  devait  lire  les  noms  de  métiers  ne  put  servir,  parce  qu'au 
premier  essai  le  liseur  tomba  en  arrêt  devant  le  mot  Boulan- 
ger, ne  sachant  s'il  fallait  le  prononcer  ou  s'il  s'agissait  du 
fameux  général.  (Dans  nos  listes,  tous  les  mots  commencent 
par  des  majuscules,  afin  de  permettre  le  mélange  des  noms 
propres  et  des  noms  communs  sans  que  la  différence  des  ini- 
tiales risque  de  faciliter  indûment  la  distinction  des  mots.)  Les 
surprises  de  ce  genre,  bien  qu'ùtant  sa  valeur  psychométrique 
à  l'essai  où  elles  se  produisent,  sont  souvent  les  plus  instruc- 
tives par  le  jour  qu'elles  jettent  sur  les  entre-croisements  et  les 
conllits  des  ajustements  cérébraux,  et  par  les  sentiments  intel- 
lectuels variés  qui  en  résultent  dans  la  conscience  du  sujet. 

Tii.  Flournoy, 

Direcleur  du  lulioraloire  de  psychologie  de  Genève. 


IV 

RECHERCHES   SUR    LES    PHÉNOMÈNES   INTELLECTUELS 


Pour  les  recherches  dont  il  va  être  rendu  compte,  j'ai  pro- 
cédé de  la  manière  suivante  :  j'ai  écrit  500  mots,  chacun  sur  un 
bout  de  papier,  j'ai  placé  les  500  bouts  de  papier  dans  une  boîte, 
puis  j'ai  pris  au  hasard  successivement  chacun  d'eux  et  noté 
les  deux  premières  idées  suggérées  par  chaque  mot.  Je  n'ai 
généralement  pas  voulu  noter  plus  de  deux  idées,  parce  que 
j'eusse  été  souvent  incertain  de  leur  ordre  d'apparition  :  une 
pareille  incertitude  peut  même  se  produire  dans  le  cas  de  deux 
idées  seulement  notées.  Parfois  aussi  je  n'ai  relevé  qu'une 
idée,  parce  qu'il  ne  s'en  présentait  pas  assez  tôt  une  seconde; 
certains  mots  en  effet  provoquent  une  représentation  dont 
l'esprit  a  quelque  peine  à  se  débarrasser,  tandis  que  d'autres 
provoquent  facilement  et  promptement  plusieurs  représen- 
tations successives.  On  verra  aussi  notés  quelquefois  des  phé- 
nomènes qui  ne  sont  pas  à  proprement  parler  des  représen- 
tations :  tels  sont  une  attention,  un  sens  de  mot. 

Les  résultats  qui  vont  être  rapportés  n'ont  qu'une  valeur 
individuelle.  Il  n'eût  guère  été  possible  de  trouver  des  personnes 
disposées  à  se  prêter  à  des  recherches  longues  et  minutieuses 
telles  que  les  présentes.  C'est  à  chacun  de  ceux  ({u'intéresse  la 
psychologie-  de  refaire  pour  lui-même  de  pareilles  recherches 
«l  d'en  publier  les  résultats  ;  lorsque  l'on  disposera  d'un  certain 
nombre  de  ces  monographies,  on  pourra  les  comparer  et  for- 
muler quelqu(>s  conclusions  générales. 

11  ne  faut  d'ailleurs  pas  s'exagérer  ce  caractère  individuel 
des  résultats  qui  vont  être  rapportés.  Il  est  très  probable  qu'il 
n'y  est  fortement  marqué  qu'en  ce  qui  concerne  l'analyse  quan- 
titative, mais  que  l'analyse  qualitative  fournira  sensiblement 
les  mêmes  éléments  pour  quiconque  voudra  faire  des  recherches 


i 


B.    BOURDON.    —   SUR   LES   PHÉNOMÈNES   INTELLECTUELS  55 

analogues  ;  en  d'autres  termes,  quelque  autre  pourra  constater 
chez  lui  une  plus  forte  proportion  de  représentations  de  cou- 
leur, par  exemple,  mais  en  somme  elles  ne  font  pas  défaut  ici. 

Les  principaux  phénomènes  suggérés  ont  été  les  suivants  : 

1°  Une  représentation  non  verbale  ; 

2°  Une  représentation  verbale  (mot  ou  expression)  ; 

3°  Une  attention  à  des  objets  ou  à  des  phénomènes  voisins  ; 

4°  Un  sentiment  de  connu,  sans  représentation  ; 

^°  Une  prononciation  mentale  emphatique  ; 

6°  Un  sens. 

1°  Représentations  non  verbales.  —  Telles  sont  la  représen- 
tation ou  l'image  d'un  arbre,  d'une  couleur,  d'un  mouvement, 
d'un  bruit,  etc.  Je  fais  aussi  rentrer  dans  ce  groupe  des  repré- 
sentations d'émotions. 

2"  Représentations  verbales.  —  Il  s'agit  ici  de  mots  ou  d'ex- 
pressions, parfois  même  de  phrases  entendus,  articulés, 
vus,  etc.,  mentalement.  Ces  représentations  ont  été  à  peu  près 
exclusivement  motrices-auditives  ;  quelques  cas  très  rares  de 
vue  de  mots  se  sont  aussi  produits. 

3°  Attention  à  des  objets  ou  à  des  pliénomènes  voisins.  — 
Ainsi  un  mot  comme  cinq  peut  diriger  l'attention  sur  la  main  ; 
dans  ce  cas  il  y  a  perception.  Mais  l'attention  peut  être  aussi 
représentative,  et  alors  il  y  a  interférence  entre  ce  troisième 
groupe  et  le  second:  tel  est  le  cas  lorsque  par  exemple  l'atten- 
tion se  dirige  sur  la  représentation  d'un  meuble  que  l'on  a  der- 
rière le  dos. 

4'^  Sentiment  de  connu,  sans  représentation.  —  Des  noms 
propres  ont  provoqué  ce  phénomène  :  ainsi  en  entendant  ou 
lisant  un  mot  comme  Berthe,  on  peut  n'y  associer  de  prime 
abord  aucune  représentation,  mais  on  peut  sentir  néanmoins 
qu'on  connaît  ce  nom-là.  Le  môme  phénomène  pourrait  être 
provoqué  par  des  mots  d'une  langue  étrangère  avec  laquelle  on 
ne  serait  pas  très  familier. 

5'^  Prononciation  mentale  emphatique.  —  Ainsi,  à  la  vue  du 
mot  phrase,  au  lieu  d'associer  une  représentation,  par  exemple 
la  vue  d'un  passage  d'un  livre,  à  ce  mot,  on  prononcera  menta- 
lement avec  emphase  le  mot  lui-même  {Phrases  !).  Ce  groupe 
pourrait  peut-être  se  rattacher  au  premier,  ces  prononciations 
emphatiques  étant  alors  considérées  comme  des  représentations 
d'émotions.  Le  phénomène  est  du  reste  rare. 


56  MÉMOIRES  DES  COLLABORATEURS 

6°  Sens.  —  Parfois  raLlenlion  s'arrête  sur  le  sens  du  mot, 
sans  qu'il  y  ait  représentation  véritable.  C'est  ainsi  qu'en  lisant 
rapidement,  surtout  s'il  s'agit  de  choses  abstraites,  on  comprend 
le  sens  de  ce  qu'on  lit,  mais  on  n'a  pas  de  représentations  pro- 
prement dites.  On  peut  comparer  le  sens  des  mots,  sur  la 
nature  duquel  il  sera  d'ailleurs  discuté  un  peu  plus  loin,  au 
sentiment  de  connu  dont  il  a  été  question  ci-dessus.  Le  sens 
des  mots  se  manifeste  très  nettement  dans  certains  cas,  c'est 
lorsque  le  mot  qu'on  considèce  est  amphibologique  :  on  sent 
alors  parfois  l'attention  osciller  d'un  sens  à  l'autre,  chacun  des 
sens  mettant  l'autre  en  relief;  exemples  :  mémoire^  neuf,  jjoli. 

Les  mots  qui  ont  suggéré  deux  représentations  non  verbales 
sont  ceux  que  l'on  peut  appeler  les  plus  concrets.  Tels  sont  : 
ouest,  nuage,  tonnerre,  c/iien,  orme,  hauteur,  .frêne,  sajjùi, 
armoire,  etc.  On  est  surpris  de  trouver  parmi  ces  mots  un, 
définition,  question,  et  deux  ou  trois  autres  ;  les  représenta- 
tions provoquées  par  un  ont  été  celle  du  chiffre  1,  puis  celle  du 
chiffre  "1  (représentations  visuelles)  ;  définition  m'a  fait  voir 
des  pages  du  traité  de  logique  de  Wundt,  question  les  signes 
interrogatifs  français,  puis  espagnols. 

Les  mots  qui  n'ont  suggéré  que  des  représentations  ver- 
bales sont  au  contraire,  en  général,  ceux  qui  désignent  les 
idées  les  plus  abstraites  (au  sens  vulgaire  du  mot  abstrait). 
Tels  sont  :  lundi,  hypothèse,  mars,  idée,  comparaison,  six, 
nombre,  profession,  demain,  orthographe,  parfait,  lui,  absolu, 
rien,  siècle,  raisonner,  mardi,  jeudi,  samedi,  devoir,  mille, 
quelquefois,  toujours,  morale,  devoir,  vérité,  animal,  etc. 
On  remarque  aisément  parmi  ces  mots  qui  ne  suggèrent  de 
prime  abord  que  des  mots  la  prédominance  de  noms  de  temps 
(jours  de  la  semaine,  mois,  etc.),  de  noms  de  nombre,  de  noms, 
de  choses  philosophiques  (parfait,  absolu,  etc.).  Il  est  assez, 
curieux  de  rencontrer  parmi  ces  mots  même  hier  et  demain^ 
et  les  noms  des  nombres  peu  élevés,  deux,  quatre,  six,  sept, 
huit.  Le  fait  qu'on  y  trouve  même  deux  et  quatre,  bien  que 
les  nombres  désignés  par  ces  mots  saient  facilement  percep- 
tibles et  imaginables,  tient  sans  doute  au  caractère  essentiel- 
lement verbal  de  notre  science  arithmétique. 

Entre  ces  deux  extrêmes  de  l'abstraction  et  de  la  concrétion, 
nous  trouvons  les  mots  qui  provoquent  d'abord  une  représen- 
tation non  verbale,  puis  une  représentation  verbale  et  ceux 
qui  provoquent  les  deux  mêmes  phénomènes,  mais  dans 
l'ordre  inverse.    En  réalité,   ces   mots    désignent   des    choses 


B.    BOURDON.    —   SUR   LES    mÉNOMÈNlîS   INÏlîLLKCTUELS  57 

beaucoup  plus  concrètes  qu'abstraites,  et  le  fait  n'a  rien  de 
surprenant  :  même  lorsque  nous  pensons  à  des  objets  très 
concrets,  nous  sommes  fortement  poussés  à  les  nommer,  à 
prononcer  mentalement  quelque  chose  à  leur  sujet;  il  existe 
même  des  hommes  pour  qui  penser  sans  parler  mentalement 
est  presque  une  impossibilité  :  tels  semblent  être  ceux  qui  ont 
reçu  une  éducation  extrêmement  verbale,  ceux  qui  s'adonnent 
à  des  sciences  verbales  comme  les  mathématiques,  la  philo- 
sophie, l'étude  des  langues.  En  outre,  tous  ceux  qui  ont  de 
vives  dispositions  naturelles  à  parler  à  haute  voix  en  ont  pro- 
bablement aussi  à  parler  mentalement,  et  leur  pensée,  même 
lorsqu'elle  porte  sur  des  objets  aussi  concrets  que  possible, 
doit  tendre  à  prendre  une  forme  relativement  abstraite. 

Une  forte  préoccupation  involontaire,  la  plus  persistante  de 
celles  qui  se  sont  manifestées  pendant  le  cours  de  ces  observa- 
tions, m'a  forcé  pendant  quelque  temps  et  à  plusieurs  reprises 
à  associer  des  mots  aux  mots  vus.  C'a  été  la  préoccupation  de 
traduire  en  allemand  le  mot  français.  Je  n'ai  pas  essayé 
d'y  résister;  tout  effort  pour  cela  n'eût  abouti  d'ailleurs  qu'à 
la  rendre  encore  plus  persistante  et  plus  tenace.  Dans  un  cas, 
cette  préoccupation  a  duré  environ  une  demi-heure  sans  inter- 
ruption. 

Les  mots  qui  ont  suggéré  deux  représentations  non  verbales, 
ceux  qui  ont  suggéré  deux  représentations  verbales,  ceux  qui 
ont  suggéré  une  représentation  verbale,  puis  une  représentation 
non  verbale  ou  inversement,  enfin  ceux  qui  ont  suggéré  une 
représentation  non  verbale  forment  réunis  la  très  grande  ma- 
jorité des  oOO  mots  employés.  Par  conséquent  le  sentiment  de 
connu,  le  sens  des  mots,  etc.,  sont  des  phénomènes  qui  ont 
assez  rarement  sollicité  l'attention.  Non  que  les  mots  aient  été 
perçus  indépendamment  de  leur  sens  ;  au  contraire,  il  faut  plu- 
tôt supposer  que  sens  et  mot  ont  en  général  été  si  étroitement 
fusionnés  que  l'un  n'a  pu  être  perçu  sans  l'autre.  De  même, 
en  lisant,  nous  ne  remarquons  d'ordinaire  aucune  dissociation 
des  mots  et  de  leur  signification  ;  ce  n'est  que  dans  les  cas  de 
fatigue  intellectuelle,  d'affaiblissement  de  l'attention,  de  lec- 
ture très  rapide  ou  de  perception  auditive  de  mots  prononcés 
très  rapidement,  qu'il  nous  arrive  de  remarquer  l'indépendance 
relative  des  deux  phénomènes  en  constatant  que  nous  lisons 
ou  entendons  parfois  sans  comprendre.  La  pathologie  fournit 
également  la  démonstration  de  cette  indépendance  relative  par 
les  cas  de  surdité  et  d'e  cécité  verbales. 


58  MÉMOIRES   DES    COLLABORATEURS 

Nature  des  représentations  non  verbales.  —  Suivant  leur 
nature,  les  représentations  non  verbales  constatées  peuvent  se 
diviser  ainsi  : 

1°  Représentations  visuelles  de  forme,  de  direction  et  de 
position.  —  Couleur  indécise,  tendant  vers  le  blanc  ou  le  gris. 
Ces  représentations  ont  été,  parmi  les  représentations  non  ver- 
bales, les  plus  fréquentes. 

2°  Représentatioyis  de  couleurs.  —  Elles  ont  été  peu  fré- 
quentes. Les  nuances  chromatiques  (bleu,  rouge,  vert,  etc.) 
s'y  rencontrent  cependant  aussi  bien  que  les  nuances  achroma- 
tiques (blanc,  noir  et  gris).  Exemples  :  un  ruban  bleu,  un  savon 
jaune. 

3°  Représentations  visuelles  de  mouvements:  —  Il  s'en  est 
produit  de  très  nettes  à  la  lecture  des  mots  :  mouche,  joie, 
grandir,  indiquer,  anguille,  canard,  etc. 

4°  Représentations  tactiles  de  mouvements.  —  Les  mots 
hauteur,  indiquer,  bâiller,  etc.,  ont  provoqué  de  telles  repré- 
sentations. 

5°  Représentations  auditives.  —  Par  exemple  la  représentation 
du  bruit  de  tonnerre,  celle  de  la  voix  de  personnes  connues. 

6°  Représentations  d'odeurs.  —  Elles  ont  été  très  rares.  Un 
exemple  assez  net  est  fourni  par  la  représentation  de  l'odeur 
des  jardins  en  tleurs  associée  au  mot  printemps. 

7"  Représentations  de  sentiments.  —  Les  mots  Marie,  cou- 
sine, ami,  tristesse,  patience,  etc.,  ont  provoqué  de  telles 
représentations.  Ainsi  le  mot  Marie  suggère  le  sentiment  de  la 
bonté  d'une  personne  qui  porte  ce  nom.  Les  noms  propres  par- 
ticulièrement sont  aptes  à  éveiller  ces  représentations  en  même 
temps  que  celles  du  caractère  des  personnes  que  ces  noms  dési- 
gnent et  du  ti^iîbre  de  leur  voix.  La  voix  s'associe  étroitement 
pour  moi  au  caractère  et  me  sert  beaucoup  à  le  diagnostiquer. 

8"  Représentations  de  caractères.  —  Elles  s'associent  aux 
noms  propres  et  se  rattachent  assez  étroitement  par  leur  nature 
aux  représentations  de  sentiments. 

%"" Représentations  indéfinissables,  confuses.  —  On  n'en  peut 
rien  dire  de  précis.  Beaucoup  de  représentations  assez  nettes 
au  bout  de  quelque  temps  commencent  par  être  confuses.  Tel 
est  le  cas  notamment  pour  les  idées  formées  parla  combinaison 


B.    BOURDON.    —    SUR   LES   PRÉNOMÈNES    INTELLECTUELS  59 

d'éléments  assez  différents.  Ainsi  le  mot  animal,  s'il  ne  pro- 
voque pas  simplement  un  autre  mot,  pourra  éveiller  une  imajie 
complexe  très  confuse,  d'oîi  émergeront  peu  à  peu  des  images 
plus  nettes. 

10'^  Absence  de  représentations.  —  Ce  casse  rencontre  égale- 
ment ;  pendant  un  temps  appréciable,  il  peut  n'y  avoir  rien 
dans  l'esprit. 

Les  diverses  espèces  de  représentations  qui  viennent  d'être 
énumérées  diffèrent  en  netteté  et  vivacité.  Celles  qui  viennent 
au  premier  rang  sous  ce  rapport  sont  les  représentations 
motrices-auditives  verbales  que  j'ai  opposées  comme  groupe 
fondamental  à  celles  dont  il  vient  d'être  parlé.  Ensuite,  viennent 
d'une  part  les  représentations  visuelles  de  forme,  direction, 
position  et  mouvement,  d'autre  parties  représentations  tactiles 
{ou  musculaires  ou  articulaires)  de  mouvements  autres  que 
verbaux,  lesquelles  sont  encore  assez  vives.  Les  représenta- 
tions visuelles  les  plus  nettes  dont  je  sois  capable  sont  celles 
des  mots  écrits  ou  imprimés  :  simple  question  d'habitude  pro- 
bablement. 

On  remarquera  dans  l'énumération  qui  précède  l'absence 
totale  de  représentations  de  température,  de  douleur,  de  saveur 
•et  de  temps.  Cependant  les  représentations  de  temps  n'ont  pas 
fait  absolument  défaut,  mais  il  ne  s'en  est  produit  que  de  très 
fugitives  et  très  confuses  et  c'est  pourquoi  il  n'y  avait  pas  lieu 
de  les  signaler  spécialement.  Il  est  intéressant  d'opposer  cette 
absence  de  représentations  de  temps  au  grand  nombre  et  à  la 
netteté  des  représentations  de  lieu.  Il  est  probable,  d'après  ce 
■que  nous  savons  sur  la  perception  du  temps  et  sur  celle  de  l'es- 
pace, qu'il  ne  s'agit  pas  là  d'une  particularité  individuelle  et 
que  tout  le  monde  constaterait  que  la  localisation  dans  l'es- 
pace se  produit  beaucoup  plus  fréquemment,  plus  nettement  et 
plus  vite  que  la  localisation  dans  le  temps.  A  ce  propos,  il  est 
curieux  aussi  de  constater  que  la  localisation  dans  le  temps, 
qui  joue  un  rùle  si  peu  important  dans  le  monde  de  nos  repré- 
sentations, a  été  cependant  souvent  l'objet  d'études  très  déve- 
loppées (théories  du  souvenir),  tandis  qu'il  est  à  peine  fait 
mention,  dans  les  ouvrages  sur  l'intelligence,  de  la  localisation 
des  représentations  dans  l'espace.  Ce  fait  prouve  une  fois  de 
plus  le  caractère  artificiel  et  arbitraire  des  analyses  et  distinc- 
tions qui  ont  cours  dans  l'ancienne  psychologie.  Il  importe 
d'ailleurs,  pour  bien  comprendre  la  remarque  précédente,  de  ne 


60  MÉMOIRES    DES    COLLABORATEURS 

pas  confondre  la  représentation  du  temps  avec  l'époque  objec- 
tive à  laquelle  peut  <e  rapporter  la  perception  primitive  d'oîi 
sort  la  représeiitatiùu.  11  est  intéressant  de  rechercher,  ainsi 
que  1  a  fait  Galton,  à  tjuel  temps  se  place  l'origine  d'une  repré- 
sentation actuelle,  de  déterminer,  parmi  un  certain  nombre  de 
représentations  actuelles,  combien  se  rattachent  à  notre 
enfance,  ou  à  notre  jeunesse  ou  à  notre  âge  mûr.  Cette 
recherche  est  d'ailleurs  très  propre  à  développer  la  représen- 
tation du  temps  elle-même.  Mais  si  on  laisse  les  représentations 
s'éveiller  spontanément,  on  constatera,  nous  en  avons  la  con- 
viction, le  fait  qui  vient  d'être  signalé,  savoir  que  la  repré- 
sentation du  temps  se  produit  rarement. 

Localisation  dans  l'espace.  —  La  représentation  de  lieu, 
comme  il  a  été  dit,  a  été  fréquente  et  nette  :  il  est  même  arrivé 
assez  souvent  qu'elle  précédât  la  représentation  de  l'objet  loca- 
lisé. Sur  86  cas  de  mots  ayant  suggéré  deux  représentations 
non  verbales,  il  y  en  a  79  pour  lesquels  la  localisation  précise 
s  est  produite  immédiatement  ou  secondairement,  ce  qui  prouve  i 

combien  la  tendance  à  localiser  dans  l'espace  est  forte.  \_ 

Cette  localisation  a  présenté  des  particularités  qui  sont 
aujourd'hui  connues;  ainsi,  j'ai  constaté  des  cas  de  localisation 
absolue  :  par  exemple,  l'ouest  pour  moi  tend  spontanément  à 
se  placer  à  ma  gauche,  parce  qu'on  le  place  ainsi  sur  les  cartes 
de  géographie  ;  le  sud  tend  à  se  placer  devant  moi  parce  que 
j'ai  habité  longtemps  une  maison  qui  faisait  face  au  sud.  J'ai 
également  constaté  l'impossibilité  de  me  représenter  quelque 
chose  nettement  en  le  supposant  localisé  derrière  moi. 

Il  s'est  produit  plusieurs  fois  une  image  indéfinissable  de  lieu 
résultant  d'un  conllit  de  localisations  dilTérentes.  Par  exemple, 
le  mot  épicier  provoque  d'abord  une  idée  confuse  de  lieu  parce 
que  plusieurs  représentations  de  lieux  dilTérents  s'éveillent  à  la 
fois  et  eiitreul  eu  lutte. 

Représentations  motrices,  auditives  et  visuelles.  —  Les 
représentations  motrices  se  sont  associées  étroitement  dans 
beaucoup  de  cas  à  des  représentations  auditives  ou  visuelles. 

Elles  se  sont  associées  aux  premières  notamment  dans  les 
représentations  verbales.  La  fusion  de  l'élément  moteur  et  de 
l'élément  auditif  est  si  intime  ordinairement  dans  mes  repré- 
sentations verbales  que  j'ai  de  la  peine  à  distinguer  l'un  de 
1  autre.    Ma  parole    intérieure   s'accompagne  d'un    sentiment 


B.    BOURDON.    —   SUR    LES    PHÉNOMÈNES    INTELLECTUELS  61 

d'activité,   ce    qui  indique    la   présence   d'éléments    moteurs: 
d'autre  part,  j'y  distingue  les  nuances  d'intonation  aussi  facile- 
ment que  s'il  s'agissait  de  ma  parole  à  voix  haute,  et  j'y  recon- 
nais très  aisément  les  voyelles,  ce  qui  semble  prouver  la  présence  I 
d'éléments  auditifs  ;  mais  je  n'y  perçois  ordinairement  pas  de 
timbre,  ce  qui  me  paraît  établir  la  prépondérance  de  l'élément 
moteur  ;  car  le  timbre  est  le  seul  des  phénomènes  auditifs  de 
la  parole  qui  ne  s'associe  à  aucun  mouvement  particulier  des                            j\ 
organes  vocaux,  à  aucune  sensation  tactile  ou  musculaire.  Les 
variations  de  hauteur  au  contraire  s'associent  à  des  mouvements                        ^^^ 
du  larynx,  et  c'est  pourquoi  on  pourrait  se  tromper  en  croyant                          •■<! 
les  reconnaître  et  prendre  pour  des  représentations  auditives 
les  représentations  tactiles  et  motrices  correspondantes. 

Les  représentations  motrices  évoquent  facilement  aussi 
des  représentations  rétiniennes.  Ainsi,  quand  j'écris  menta- 
lement le  mot  chien,  par  exemple,  je  puis  me  représenter  les 
sensations  tactiles  que  l'acte  exécuté  réellement  produirait  et 
en  outre  je  puis  voir  par  la  pensée  le  mot  avec  assez  de  netteté 
pour  être  capable  de  l'épeler  aussitôt  à  rebours.  Si  j'exécute 
réellement  les  mouvements  nécessaires  pour  écrire  le  mot,  je  < 

vois  peut-être  plus  nettement  encore  le  mot  tracé.  Si  je  ne  trace 
pas,  soit  réellement,  soit  mentalement  le  mot.  il  m'est  beau- 
coup plus  difficile  d'en  avoir  rapidement  une  représentation 
visuelle  nette  et  de  l'épeler  à  rebours.  Quelquefois  néanmoins 
les  représentations  visuelles  ainsi  évoquées  s'imposent  plus  à 
mon  attention  que  les  sensations  tactiles  (ou  musculaires  ou 
articulaires)  qui  les  ont  provoquées  :  ainsi  il  m'est  quelquefois 
difficile  de  constater  les  sensations  tactiles  qui  se  produisent 
quand  je  dessine  en  l'air  un  8  par  exemple  avec  la  main,  parce 
qu'alors  l'image  visuelle  du  8  accapare  mon  attention. 

Dans  mes  représentations  des  formes,  des  positions,  des  direc- 
tions en  général,  je  constate  souvent  la  présence  d'éléments 
moteurs  et  d'éléments  visuels  associés.  Parfois  je  remarque  des 
mouvements  réels  des  globes  oculaires,  comme,  dans  la  parole 
mentale,  on  peut  remarquer  parfois  des  mouvements  réels  des 
organes  vocaux.  Quand  je  considère  mentalement  un  objet  un 
peu  grand,  souvent,  sinon  toujours,  j'en  vois  les  contours  suc- 
cessivement, c'est-à-dire  je  n'en  aperçois  bien  qu'une  partie 
limitée  à  la  fois  ;  ce  fait  s'accorde  avec  ce  qui  se  passe  dans  la 
perception  :  le  champ  de  la  vision  distincte  est  en  effet,  comme 
on  sait,  extrêmement  peu  étendu.  Je  doute  qu'il  me  soit  possible 
de  me  représenter  tactilement,  sans  le  voir  en  outre  avec  plus 


62  MÉMOIRES  DES  COLLABORATEURS 

OU  moins  de  netteté,  un  mouvement  de  mes  yeux  eux-mêmes, 
ou  de  quelque  autre  partie  de  mon  corps  ;  quand  j'observe  ma 
parole  intérieure,  je  surprends  parfois,  se  mêlant  aux  repré- 
sentations motrices  auditives,  des  images  visuelles  des  organes 
vocaux  et  de  leurs  mouvements.  Mais  je  puis  voir  mentalement 
quelque  chose  sans  qu'à  cette  vision  s'associe  d'une  manière 
appréciable  une  représentation  tactile.  Je  conclurais  donc  volon- 
tiers que  la  représentation  rétinienne  existe  parfois  indépen- 
damment de  la  représentation  motrice  (tactile),  mais  que  celle- 
ci  entraine  régulièrement  la  première. 

Mes  représentations  rétiniennes  ont  été  d'ordinaire  achro- 
matiques, c'est-à-dire  blanches,  grises  ou  noires.  II  m'est  arrivé 
de  me  représenter  l'arc-en-ciel   lui-même    achrom.atiquement, 
c'est-à-dire  de  le  voir  comme  un  arc  grisâtre.  L'achromatisme 
de  mes  représentations  de  formes  est  parfois  si  marqué  que  je 
me  demande  si  je  les  vois  même  simplement  avec  des  nuances 
grises,  blanches  ou  noires,  et  si  je  ne  dois  pas  plutôt  prendre 
alors  le  mot  achromatisme  dans  toute  son  acception,  c'est-à- 
dire  avec  le  sens  d'absence  totale  de  couleur.  En  d'autres  termes, 
j'ai  cru  parfois  que  je  voyais  mentalement  des  formes   sans 
couleur;  supposons  la  même  lettre  A  imprimée  en  rouge,  en 
bleu,  en  noir  ;  sous  ces  différences  de  couleur  il  reste  toujours 
la  même  forme  :  or  c'est  cette  forme  visuelle  sans  couleur  que 
quelquefois  j'ai  cru  voir.   Pourtant  je  doute  finalement  qu'une 
représentation  aussi  abstraite  soit  possible,  et  je  crois  plutôt 
qu'il  v  a  toujours,  sur  la  forme  qu'on  se  représente,  un  peu  de 
couleur.  Il  reste  néanmoins  certain  qu'on  peut  n'avoir  aucune 
hésitation  à  l'égard  de  la  forme  qu'on  voit  mentalement,  tandis 
qu'on  peut  être  si  peu  sûr  de  la  couleur  de  cette  forme  qu'on 
se  demande  même  si  elle  en  a  réellement  une.  D'où  il  suit  qu'il 
peut  y  avoir,  pour  la  représentation,  indépendance  à  un  assez 
haut  degré  entre  la  forme  et  la  couleur. 

Un  mot  pour  terminer  ce  paragraphe  sur  la  nature  de  mes 
représentations  motrices  non  rétiniennes.  Je  crois  qu'elles  sont 
avant  tout  tactiles,  et  non  pas  musculaires  ni  articulaires,  et 
qu'elles  se  composent  principalement  de  représentations  de 
contact.  Je  serais  donc  .assez  porté  à  penser  que  ce  qu'on  a 
appelé  le  type  moteur  est  au  fond  un  type  tactile. 

Représentations  abstraites.  —  Le  mot  abstrait  est  pris  ici 
dans  son  acception  technique  :  il  s'agit  donc  de  cas  où  une 
partie,  une  propriété  d'un  objet  est  isolée  dans  la  représenta- 


B.    BOURDON.    —    SUR  LES    PHÉNOMÈNES   INTELLECTUELS  63 

tion  du  reste  de  l'objet.  L'abstraction  ainsi  entendue  est  un 
phénomène  tout  à  fait  ordinaire  ;  il  se  rencontre  d'ailleurs 
dans  la  perception  même,  lorsqu'on  fait  attention  par  exemple 
à  la  couleur  d'un  objet,  ù  la  forme  d'un  chapeau  ;  il  n'est  au 
fond  que  le  résultat  de  la  tendance  de  l'attention  à  se  concen- 
trer, à  rétrécir  le  champ  de  la  perception  ou  de  l'imagina- 
tion 1. 

Des  représentations  abstraites  que  j'ai  pu  constater  sont  les 
suivantes  :  représentation  du  mouvement  d'une  mouche,  du 
mouvement  de  mâchoires,  d'un  bec  d'oiseau,  etc.  Dans  le 
premier  cas,  la  mouche  elle-mf^ne  n'était  pour  ainsi  dire  pas 
vue;  le  même  fait  se  produit  d'ailleurs  dans  la  perception  : 
on  voit  très  bien  le  mouvement  d'une  mouche,  mais  le  corps 
de  la  mouche  n'est  pas  pen^u  distinctement.  L'exemple  du 
bec  d'oiseau  a  été  parfaitement  net  :  la  représentation  d'un 
bec  s'est  produite  de  prime  abord  :  quant  au  corps  de  l'oiseau 
il  est  resté  à  l'état  d'image  confuse,  d'image  oscillante,  par 
suite  du  conflit  entre  les  images  du  geai,  de  la  poule,  etc. 

Des  abstractions  tendent  naturellement  à  se  produire  lors- 
qu'on est  mal  doué  pour  un  certain  genre  de  représentations  ; 
c'est  ainsi  que  dans  mes  représentations  la  couleur  des  objets 
fait  presque  toujours  défaut. 

Représentations  partiguliî;res  et  générales.  —  La  particula- 
risation  consiste  à  se  représenter  un  individu.  En  général, 
toutes  les  représentations  tendent  à  se  particulariser.  Ainsi  sur 
86  cas  où  le  mot  considéré  a  provoqué  deux  représentations 
non  verbales,  il  n'y  a  de  prime  abord  que  27  représentations 
qui  ne  soient  pas  particulières.  Au  bout  de  peu  de  temps  d'ail- 
leurs, sur  ces  27  représentations,  il  n'en  reste  que  13  qui  ne 
soient  pas  particularisées  et  que  7  qui  n'aient  pas  rePu  une 
localisation  particulière. 

D'après  beaucoup  d'observations,  il  me  semble  indubitable 

(1)  On  pourrait  du  reste  r.-icilouient  ramener  à  une  seule  les  deux  accep- 
1ii)ns  du  mot  abstrait  auxquelles  il  est  l'ait  allusion  dans  cette  étude. 
D'après  le  sens  vulgaire  du  mot,  abstrait  est  en  effet  à  peu  près  l'équivalent 
de  rerbdt  :  les  idées  abstraites  S(Uit  celles  qui  ne  contiennent,  comme  élé- 
ments faciles  à  cnnstater,  ((ue  des  perceptions  ou  représentations  verbales. 
Or,  si  nous  considérons,  ce  qui  ne  peut  soulever  aucune  difficulté  sérieuse, 
les  mots,  les  désignations  comme  des  propriétés  des  objets,  un  peu  moins 
adhérentes  simplement  que  les  autres,  nous  pourrojis  dire  rpae  les  idées 
abstraites,  au  sens  vulgaire  du  mol  abstrait,  ont  lieu  quand  nous  concen- 
trons notre  attention  sur  cette  propriété  des  objets,  leur  nom,  en  négli- 
geant les  autres. 


64  MÉMOIRES   DES   COLLABORATEURS 

que,  quand  la  particularisalion  ne  se  produit  pas  tout  de  suite, 
elle  est  précédée  d'une  phase  de  généralité.  Ce  fait  se  rattache 
à  un  autre  que  j'ai  souvent  constaté  aussi  et  dont  j'ai  rapporté, 
plus  haut,  un  exemple  frappant  :  c'est  que  la  représentation 
d'une  partie  d'un  tout  peut  précéder  celle  des  autres  parties, 
on  peut  voir  par  l'imagination  le  bec  d'un  oiseau  avant  do 
pouvoir  apercevoir  nettement  le  reste  de  son  corps.  L'explica- 
tion de  ces  phénomènes  est  la  suivante  :  les  objets  d'une  même 
espèce  sont  connus  par  des  perceptions  composées  dont  les 
éléments  n'ont  pas  une  égale  stabilité  :  ainsi  les  oiseaux  usuels 
diffèrent  plus  par  les  autres  parties  du  corps  que  par  le  bec  : 
par  conséquent,  tandis  que  chaque  perception  nouvelle  d'oiseau 
fortifie  notablement  en  nous  le  souvenir  des  .becs  d'oiseaux, 
elle  fortifie  moins  le  souvenir  des  autres  parties  et  peut  même 
l'affaiblir  par  le  conflit  qui  se  produit  entre  la  couleur,  par 
exemple,  de  l'oiseau  actuellement  perçu  et  celle  d'un  oiseau 
vu  auparavant.  Le  même  principe  s'applique  au  cas  des  repré- 
sentations particulières  ou  générales  :  ainsi  chaque  chien  nous 
est  connu  par  une  perception  composée  ;  toutes  les  perceptions 
composées  provenant  des  divers  chiens  que  nous  avons  ren- 
contrés se  sont  renforcées  l'une  l'autre  par  ce  qu'elles  avaient 
d'identique,  mais  se  sont  affaiblies  parce  qu'elles  avaient  de 
différent;  comme  d'autre  part  les  souvenirs  vivaces  naissent, 
en  règle  générale,  plus  vite  que  les  souvenirs  affaiblis,  il  s'en- 
suit qu'en  voyant  le  mot  chien  nous  sommes  d'abord  portés  à 
penser  à  cette  partie  commune  à  toutes  les  perceptions  qui  nous 
sont  venues  des  chiens  ;  or,  c'est  cette  partie  commune  qui 
forme  l'idée  générale  de  chien.  Ce  n'est  que  peu  à  peu,  à  mesure 
que  l'attention  se  prolonge  sur  l'état  de  pensée  provoqué  par 
le  mot  chien,  que  d'autres  parties  des  images  de  chiens  se 
détachent  nettement  et  que  la  représentation  se  particularise. 
De  même,  celui  qui  est  mal  doué  pour  la  mémoire  des  couleurs, 
mais  bien  doué  pour  celle  des  formes,  aperçoit  d'abord  par 
l'imagination  la  forme  des  objets  qu'il  cherche  à  se  représenter, 
puis  peu  à  peu  seulement  leur  couleur.  Des  faits  analogues  se 
constatent  pour  les  représentations  particulières;  en  général, 
elles  sont  elles-mêmes  le  résultat  de  nombreuses  perceptions 
semblables  sur  certains  points,  différents  sur  d'autres  :  une 
personne  que  l'on  connaît  a  été  vue  assise,  debout,  jeune, 
adulte,  coiffée  d'un  certain  chapeau,  puis  d'un  autre,  etc.  ; 
quand  on  se  la  représente,  ce  qui  apparaît  d'abord  en  général, 
c'est  la  partie  de  cette  personne  qui,  dans  les  diverses  percep- 


B.    BOURDON.    —    SUR   LES   PDÉNOMÉNES   INTELLECTUELS  65 

lions,  n'a  pas  changé  ou  a  peu  changé.  11  faut  évidemment 

tenir  compte  aussi  de  l'attention  apportée  à  certaines  parties 

des  perceptions,  de  ce  fait  que  les  perceptions  sont  plus  ou  , 

moins   récentes,   et  en   général   des  diverses  conditions    dont  * 

dépendent  la  vivacité  et  la  promptitude  de  nos  représentations. 

DÉVELOPPEMENT     DES     REPRÉSENTATIONS.    J'ai     COnstaté     dcS 

exemples  très  nets  de  développement  des  représentations  en 
prolongeant  mon  attention  sur  elles.  Ainsi  le  mot  mai  provoque 
la  vue  d'une  haie  à  ma  gauche  ;  cette  haie  se  présente  d'abord 
comme  un  objet  confus  ;  mais,  en  insistant,  j'y  remarque  des 
détails,  des  troncs  d'arbre,  des  branches,  un  passage  étroit.  J'ai 
constaté  mieux  encore  ce  développement  des  représentations 
en  essayant  plusieurs  fois  de  dessiner  les  objets  que  je  me  repré- 
sentais :  ainsi,  en  essayant  de  dessiner  une  chèvre,  j'ai  remarqué  ' 
que  peu  à  peu  Timage  se  précisait,  que  la  forme  du  dos,  d'abord  ' 
douteuse,  était  aperçue  finalement  avec  assez  d'exactitude. 
Mêmes  résultats  eu  essayant  de  dessiner  l'image  d'une  vache  ; 
je  remarque  en  outre  très  nettement  ici  qu'il  m'est  impossible 
d'avoir  en  un  seul  instant  une  vue  de  l'ensemble  de  la  vache. 

Sens  des  mots.  —  J'ai  distingué  plus  haut  le  sens  des  mots 
des  représentations  ;  et  en  effet  il  n'est  pas  douteux  qu'on 
peut  lire  quelque  chose,  en  comprendre  le  sens  et  n'avoir 
cependant  pas  de  représentations  proprement  dites.  En  quoi 
consiste  donc  ce  sens,  cette  sorte  de  sentiment  vague  qui  s'as- 
socie aux  mots  que  nous  comprenons  et  qui  fait  défaut  quand 
par  exemple  nous  entendons  des  mots  d'une  langue  que  nous 
ignorons?  La  question  ne  peut  être  résolue  avec  précision,  en 
raison  même  de  l'obscurité  inhérente  par  définition  au  phéno-  f  ^ 

mène. 

Quanta  la  cause  du  sens  des  mots,  il  n'y  a  qu'une  hypothèse 
possible  :  il  est  le  résultat  des  impressions  qui,  dans  notre 
expérience,  ont  accompagné  le  mot;  ainsi,  le  mot  chien  s'est 
trouvé  associé  pour  nous  à  la  vue  de  divers  chiens,  à  la  percep- 
tion d'aboiements,  à  des  sentiments  de  peur,  d'amitié  ;  il  s'est 
trouvé  associé  également  à  d'autres  mots  dans  les  phrases 
relatives  aux  chiens  que  nous  avons  prononcées,  lues,  enten- 
dues ;  toutes  ces  perceptions  qui  ont  accompagné  celle  du  mot 
chien  ont  attaché  quelque  chose  à  ce  mot,  elles  lui  ont  donné 
un  sens,  comme  les  harmoniques  accompagnant  un  son  fon- 
damental lui  donnent  un  timbre  ou  comme  les  fréquentations 

ANKÉE   PSYCHOLOGIQUE.    II.  5 


66  MÉMOIRES   DES   COLLABORATEURS 

diverses  qu'a  un  homme  lui  font  prendre  certaines  manières 
qu'il  conserve  alors  même  qu'il  est  isolé  de  ses  semblables. 

On  a  un  peu  raison  d'affirmer  que  la  représentation  nette 
qui  se  produit  parfois  après  un  mot  ne  constitue  pas  le  sens  de 
ce  mot,  et  de  dire,  par  exemple,  que  Dieu  n'est  pas  un  vieillard 
à  barbe  blanche,  bien  (jue  le  mot  Dieu  puisse  évoquer  l'image 
d'un  tel  vieillard.  Il  ne  faudrait  pourtant  pas  exagérer  cette 
doctrine.  Une  telle  image  en  effet  a  contribué  à  former  le  sens 
du  mot  Dieu  et  on  peut  dire  qu'elle  se  trouve  toujours  à  l'état 
confus  dans  le  sens  de  ce  mot.  De  même,  si  on  dirige  son  atten- 
tion sur  l'un  des  harmoniques  qui  entrent  dans  le  timbre  d'un 
son,  on  peut  dire  que  cet  harmonique  ainsi  isolé  n'est  pas  le 
timbre  du  son,  mais  il  n'en  reste  pas  moins  certain  qu'il  con- 
tribue à  former  ce  timbre,  qu'il  s'y  trouve  lorsqu'on  se  borne 
à  percevoir  ce  timbre  sans  chercher  à  l'analyser.  La  doctrine 
précédente  s'applique  également  au  cas  des  idées  générales, 
lesquelles  présentent  une  parenté  assez  étroite  avec  le  sens  des 
mots  :  l'image  d'un  chien  particulier  que  me  fait  apercevoir  le 
mot  chien  ne  doit  sans  doute  pas  être  confondue  avec  l'idée 
générale  de  chien  ;  mais  il  n'en  est  pas  moins  certain  que  cette 
image  entre,  au  moins  partiellement,  comme  élément  consti- 
tutif, dans  mon  idée  générale  de  chien.  Et  enfin  il  en  est  de 
même  encore  des  représentations  particulières  d'un  être  indi- 
viduel :  si  par  imagination  j'aperçois  assise  une  personne  que 
je  connais,  cette  représentation  de  la  personne  assise  doit  être 
distinguée  de  la  représentation  de  cette  personne  en  général, 
mais  néanmoins  doit  être  considérée  comme  contribuant  pour 
quelque  i)art  à  former  cette  dernière  représentation. 

Imagination.  — Dans  les  observations  que  j'ai  faites,  j'ai  eu 
plusieurs  fois  l'occasion  de  constater  des  combinaisons  Imagi- 
natives, c'est-à-dire  ne  répondant  pas  à  la  réalité.  Ainsi  le  mot 
l07i7ierre  me  fait  apercevoir  un  poteau  indicateur  à  la  bifurca- 
tion de  deux  routes  particulières  ;  or  il  n'y  a  pas  de  poteau  en 
cet  endroit.  Dans  un  autre  cas  j'aperçois  un  faucheur  et  surtout 
sa  faux  dans  une  image  qui  se  trouve  elle-même  dans  l'alma- 
n.ach  des  Fliegende  Dldtter  de  cette  année  ;  l'almanach,  que  je 
consulte  immédiatement,  ne  contient  aucune  figure  semblable. 

Remarques  particulilires.  —  Certains  mots  ont  provoqué 
des  phénomènes  psychologiques  plus  ou  moins  intéressants. 
Tels  sont  : 


B,    BOURDON.    —   SUR   LES   PHÉNOMÈNES   INTELLECTUELS  iu 

Génisse.  —  Ce  mot  a  provoqué  une  représentation  confuse 
de  paroles  entendues.,  très  distincte  de  ma  parole  intérieure 
nette  ;  néanmoins  le  sens  de  ces  paroles  était  suffisamment  cer- 
tain. J'ai  constaté  des  phénomènes  analogues  en  d'autres  cas; 
la  conclusion,  cest  que  la  parole  intérieure  peut  aussi  bien  être 
confuse  que  n'importe  quelle  autre  espèce  de  représentation. 
On  peut  rapprocher  de  ces  phénomènes  le  fait  qu'on  a  un 
mot,  un  nom  «  sur  le  bout  de  la  langue  >,  sans  arriver  pour- 
tant à  le  retrouver  complètement. 

Centiînètre.  — Vue  d'une  division  centimétrique  sur  une  règle  ; 
il  m'est  impossible  de  me  représenter  simultanément  les  deux 
divisions  qui  limitent  le  centimètre;  quand  je  vois  l'une,  l'autre 
disparait  comme  si  elle  tombait  sur  la  tache  aveugle. 

Parfum.  —  Vue  d'une  femme  sur  une  affiche-réclame. 
Localisation  très  nette  et  exacte  de  l'affiche  ;  mais  j'ai  beau  cher- 
cher, je  ne  retrouve  pas  l'attitude  exacte  de  la  femme  ;  cepen- 
dant je  vois  en  quelque  sorte  cette  femme,  je  l'ai  devant  les 
yeux  comme  on  a  un  nom  sur  le  bout  de  la  langue. 

Tirer.  —  Je  sens  très  bien  sans  vision  du  mot  écrit  et  avant 
toute  représentation  nette  de  l'acte,  que  je  prononce  mentale- 
ment tirer  et  non  pas  tiré.  On  ne  peut  objecter  que  j'ai  vu  le 
mot  tracé  sur  le  papier,  car  le  mot  lu  a  été  ici  tiroir. 

Est.  — Je  me  vois  moi-même,  debout  sur  la  dune  à  M.,  et  je 
me  regarde  d'en  arrière;  mon  image  est  confuse,  mais  bien 
localisée.  Je  puis  me  voir  ainsi  à  distance  assez  facilement. 

Albert.  —  Albert  D.  Les  images  de  D.  se  multiplient  en  insis- 
tant :  D.  écolier,  D.  gendarme,  etc. 

Lumière.  —  J'y  associe  le  mot  blasphémateur,  et  en  même 
temps  je  pense  à  un  mot  confus  qui  se  précise  en  étalon.  Ce 
n'est  qu'après  un  temps  appréciable  que  j'ai  trouvé  le  pour- 
quoi de  blasphémateur  et  d'étalon.  Blasphémateur  vient  des 
vers 

Le  Dieu  poursuivant  sa  carrière 

Versait  des  torrents  de  lumière 

Sur  ses  obscurs  blasphémateurs 

et  étalon  doit  être  en  partie  une  combinaison  de  torrent  et  de 
lumière. 

Mouchoir.  —  Mot  confus,  quelque  chose  comme  tandter.  Ce 
mot,  est  je  crois,  un  mélange  de  Handtuch  et  de  handkerchief. 


68  MÉMOIRES   DES    COLLABORATEURS 

Système.  —  Mot  confus  où  il  y  a,  je  crois,  ciclo.  Finalement 
le  mot  chrysanthème. 

Morale.  —  Morale  en  action  (association  verbale)  ;  en  actio7i 
ne  venait  pas  bien,  je  sentais  que  ces  mots  interféraient  avec 
quelque  chose  qui  s'est  produit  après  et  qui  était  sans  obliga- 
tion ni  sanction. 

Vue.  —  Je  remarque  l'opération  subjective  de  fixer  et  je 
perçois  une  douleur  confuse  autour  des  yeux  que  je  ne  remar- 
quais pas  auparavant. 

Sale.  —  Je  sens  que  je  sais  ce  que  c'est  qu'être  sale,  mais 
je  n'ai  pas  d'abord  de  représentation  nette  d'une  saleté  quel- 
conque. 

Espérance.  —  Sentiment  que  c'est  un  nom  de  femme,  mais 
je  n'y  associe  d'abord  pas  de  représentation. 

Aujourd'hui.  —  Pas  de  représentation,  très  difficile  de  dire 
en  quoi  a  consisté  la  sensation  d'aujourd'hui  éprouvée. 

Applaudir,  rire.  —  Vue  de  mains  applaudissant,  de  joues 
qui  s'épanouissent,  mais  le  reste  du  corps  ou  de  la  tête  fait 
défaut.  Ce  sont  là  encore  des  exemples  très  clairs  d'abstraction. 
Je  citerai  encore  le  mot  entrer  qui  me  fait  voir  une  porte  et 
des  jambes  (sans  corps)  qui  se  meuvent  et  entrent. 

Toi.  —  Représentation  se  développant  assez  péniblement  : 
une  voix,  qui  n'appartient  pas  à  une  personne  définie,  dont  le 
timbre  et  l'accent  deviennent  au  bout  de  quelques  secondes 
ceux  d'une  voix  d'homme  de  Lille,  me  dit  :  «  Toi  ».  Pas  de 
représentation  nette  de  la  personne  elle-même,  sauf  un  geste 
d'indication  vers  moi. 

Oreille.  —  Attention  à  mon  oreille  gauche.  Je  la  vois  très 
confusément,  à  sa  place. 

Conclusion.  —  Des  observations  précédentes  qui  ont  porté, 
comme  on  l'a  vu,  sur  un  grand  nombre  de  mots  et  de  repré- 
sentations, il  m'est  resté  l'impression  d'ensemble  suivante  : 
c'est  que  les  représentations  imitent  à  un  très  haut  degré  les 
perceptions.  Ainsi  les  abstractions  qu'on  fait  dans  les  repré- 
sentations reproduisent  presque  toujours  celles  qu'on  fait  dans 
les  perceptions  ;  le  champ  visuel  de  la  représentation  a  son 
centre  et  sa  périphérie  comme  celui  de  la  perception  ;  les  mots 
qui  se  trouvent  étroitement  associés  à  des  mots  dans  la  pensée, 


B.  BOURDON.  —  SUR  LES  PHÉNOMÈNES  INTELLECTUELS     69 

c'est-à-dire  les  mots  abstraits,  sont  aussi  ceux  qui  sont  d'ordi- 
naire étroitement  associés  à  des  mots,  et  non  à  des  objets,  dans 
la  perception. 

Un  fait  important  pour  la  théorie  des  représentations  géné- 
rales et  des  représentations  d'objets  dans  lesquels  se  distinguent 
facilement  des  parties,  c'est  que  les  parties  d'objet  les  plus 
constantes,  celles  qui  restent  le  plus  identiques  dans  nos 
diverses  perceptions  d'un  même  objet  ou  d'objets  de  même 
espèce  deviennent  mieux  connues  et  s'éveillent  en  général  plus 
rapidement  et  avec  plus  de  vivacité  que  les  autres.  Tous  ceux 
qui  voudront  comprendre  le  mécanisme  de  la  formation  des 
idées  générales  et  même  des  idées  particulières  devront  avoir 
ce  fait  présent  à  l'esprit. 

Lesjdées  qu'on  appelle  d'ordinaire  abstraites  sont  constituées 
essentiellement  par  des  représentations  de  mots  et  éveillent 
d'autres  mots  plutôt  que  des  images  d'objets  par  exemple.  Les 
mots  concrets  éveillent  au  contraire  facilement  des  images 
d'objets  ou  de  phénomènes  autres  que  des  mots. 

L'abstraction,  au  sens  technique  du  mot,  n'a  aucun  rapport 
étroit,  comme  tout  le  monde  à  peu  près  le  reconnaît  aujour- 
d'hui, avec  le  langage.  Il  en  est  de  même  d'ailleurs,  quoique 
certains  refusent  encore  de  l'admettre,  de  la  généralisation  ;  la 
fonction  généralisatrice  peut  s'exercer  sur  tous  les  phénomènes 
psychologiques,  y  compris  les  mots  eux-mêmes,  loin  d'être 
sous  la  dépendance  de  ces  derniers.  On  a  vu  plus  haut  par 
quel  mécanisme  et  pourquoi  il  se  forme  dans  notre  esprit  des 
idées  générales. 

Enfin  j'appellerai  l'attention  sur  ces  divers  phénomènes  tels 
que  sentiment  de  connu,  sens  des  mots,  que  l'on  néglige  d'or- 
dinaire dans  les  ouvrages  sur  l'intelligence  pour  ne  s'attacher 
qu'aux  représentations.  Ils  ont  certainement  une  assez  grande 
importance  et  mériteraient  d'être  plus  étudiés  qu'ils  ne  l'ont 
été  jusqu'à  présent. 

B.  Bourdon, 

Professeur  à  la  FaciiUé  de  Rennes. 


V 


ÉTUDE  SUR  QUELQUES  CONDITIONS  FAVORISANT 
L'HYPNOSE  CHEZ   LES  ANIMAUX 


Les  conditions  nécessaires  à  la  production  de  l'état  hypno- 
tique, soit  chez  l'homme,  soit  chez  les  animaux,  ne  sont  pas 
encore  exactement  déterminées;  on  ne  possède  sur  ce  sujet 
que  quelques  données  vagues,  résultant  d'observations  particu- 
lières, sans  lien  entre  elles,  et  d'ailleurs  peu  nombreuses.  Aussi 
n'est-il  pas  inutile  de  relater  les  faits  qui  tendent  à  fixer  avec 
précision  quelqu'une  des  conditions  dans  lesquelles  l'hypnose 
peut  être  à  coup  sûr  provoquée. 

C'est  pour  cette  raison  que  j'ai  communiqué  dernièrement  à 
la  Société  de  Biologie  '  le  résultat  sommaire  des  expériences 
que  j'ai  eu  l'occasion  de  faire  à  plusieurs  reprises,  depuis 
quelques  années,  sur  l'hypnotisme  chez  les  grenouilles. 


I 

On  connaît  cette  expérience,  souvent  réalisée,  qui  consiste  à 
placer  une  grenouille  sur  le  dos  dans  la  paume  de  la  main  et  à 
la  retenir  dans  cette  position,  l'autre  main  étant  très  légère- 
ment appuyée  sur  la  face  ventrale  de  l'animal,  pendant  quel- 
ques instants;  par  ce  simple  moyen  on  la  réduit  à  l'immobilité 
et  à  l'inertie  complètes  ou  à  peu  près  pour  une  ou  plusieurs 
minutes  -. 

(1)  E.  Gley.  De  (laelques  coiu/itions  favorisant  riii/pnofifiine  chez  les  gre- 
nouilles  [Coiitples  rendus  Soc.  de  Biol.,  sé.ancc  du  G  juillet  1895,  p.  518). 

(2)  Voici  d'habitude  comment  les  choses  se  passent.  Je  prends  par 
exemple  deux  grenouilles,  mâle  et  femelle,  hien  portiintes,  au  laboratoire 
depuis  quinze  jours  seulement  et  pesant  38  et  44  grammes.  La  manœuvre 


E.    GLEY.    —   DE    QUELQUES    CONDITION'S   FAVORISANT    l'hYPNOSE      71 

Mais  comment  se  produit  cet  état  ?  On  ne  le  ^ait  pas  sûre- 
ment. En  effet,  il  y  a  des  grenouilles  sur  lesquelles  cette 
manœuvre  réussit  aisément,  et  d'autres  sur  lesquelles  elle 
f'choue  ;  d'autre  part,  le  résultat  même  est  plus  ou  moins 
marqué  suivant  les  animaux,  et  de  plus  ou  moins  longue  durée. 
C'est  ce  que  E.  Biernacki,  qui  a  fait  des  recherches  fort  inté- 
ressantes sur  l'hypnotisme  chez  les  grenouilles,  a  nettement 
reconnu  '. 


indiquée  ci-dessus  dure  une  njiuute  environ.  Les  deux  grenouilles  stuit 
alors  déposées  sur  une  table,  sur  le  dos.  Elles  gardent  une  immobilité 
complète,  dans  cette  attitude  spéciale,  bien  connue  de  ceux  qui  ont  souvent 
pratiqué  cette  petite  expérience,  et  que  Ton  peut  appeler  avec  E.  Hier- 
nacki  ivoy.  ci-dessous)  la  position  (/'Iti/pnose  :  les  jambes  sont  fléchies 
sur  les  cuisses  et  les  cuisses  sur  le  tronc  et  les  membres  antérieurs  dis- 
posés comme  si  fanimal  voulait  embrasser  quelque  chose  ;  on  met  leurs 
membres  postérieurs  en  extension,  sans  qu'elles  remuent  ;  un  léger  pin- 
cement d'une  membrane  interdigitale  détermine  chez  la  moins  grosse  un 
réflexe,  limité  au  membre  du  même  côté  :  la  patte  se  fléchit  sur  la  cuisse  : 
on  répète  cette  excitation,  mais  l'animal  se  retourne  alors  immédiate- 
ment et  saute.  Le  charme  est  rompu.  Les  mouvements  de  déglutition 
sont  restés  suspendus  deux  minutes  chez  la  plus  grosse,  une  minute 
seulement  chez  l'autre.  Quelques  secondes  après,  elles  se  retournaient 
spontanément  et  étaient  revenues  à  l'état  normal. 

(l)  E.  Biernacki.  L'/u/pnofisme  chez  les  i/renni/illes.  Actions  réciproques 
de  certains  médicainenls  et  (te  l'In/pnotisnie  {Arc/i.  de  l'Iu/siol.,  .>  série,  lil, 
p.  275-307,  1891).  —  On  trouve  dans  ce  travail  les  principales  indications 
bibliographiques  relatives  à  la  question  de  l'hypnotisme  chez  les  ani- 
maux. 

C'est  le  physiologiste  Czermak  (S//;«//.7.s7;.  itcr.R.  Alnul.  der  Wissenscli., 
LXVL  p.  334-381,  1872  et  Arch.  f.  die  ;jes.  l'hi/si<d.,  VIL  p.  107,  1873)  ((ui 
paraît  avoir  le  premier  scientifiquement  rajjproché  de  l'hypnotisme,  tel 
qu'on  l'observe  chez  l'homme,  les  phénomènes  obtenus  chez  les  animaux 
à  la  suite  de  diverses  pratiques.  Depuis,  on  a  très  généralement  admis, 
au  moins  iuqjlicitement.  celte  ressemblance  de  nature.  11  est  clair  que  la 
question  mériterait  d'être  auj(Uird'hui  soumise  à  une  critique  approfondie, 
l'hypnotisme  chez  l'honnue  étant  de  plus  en  plus  caractérisé  par  ses  etlets 
psychi((ues,  alors  que  des  réactions  de  celle  nature,  s'il  s'en  produit  chez 
les  animaux,  nous  échappent  toujours  ciuiqdètement  lui  à  peu  près. 
D'autre  part,  il  y  aurait  aussi  sans  doute  lieu  de  se  demander  si  le  rôle, 
assurément  très  important,  prépondérant  même,  des  actions  psychiques 
dans  l'état  hypnotique  ne  masque  pas  j)résentement.  aux  yeux  de  beau- 
coup de  psychologues  et  de  médecins,  les  phénomènes  souiatiques  égale- 
ment constitutifs  de  cet  état.  Et,  à  ce  point  de  vue,  les  faits  constatés  chez 
les  animaux,  si  l'on  doit  réellement  les  considérer  comme  identiipu>s  à 
l'hypnose  de  l'homme,  ont  une  singulière  valeur.  —  Je  ne  voudrais  pas 
entrer,  pour  le  moment  du  moins,  dans  l'examen  de  cette  question.  C'est 
donc  par  simple  analogie  que,  dans  ce  .travail,  comme  du  reste  dans  les 
travaux  antérieurs  sur  le  même  sujet,  il  est  parlé  d'hypnotisme  à  propos 
de  phénomènes  j)hysiol(igiques  dus  à  de  certaines  mancauvres  et  qui  res- 
semblent à  ceux  ipii  surviennent  ou  peuvent  survenir  chez  l'honnue,  à  la 
suite  de  manœuvres  du  même  genre  (passes,  fixation  du  regard)  ou  toutes 
difl'érentes  (suggestion  verbale). 


72  MÉMOIRES    DES   COLLABORAÏIX'RS 

Or,  j'ai  détermine  deux  conditions  dans  lesquelles  l'hypnose, 
à  un  profond  degré,  est  aisément  produite  chez  ces  animaux  et 
dure  longtemps. 

i°  Les  grenouilles  très  jeunes  sont  rapidement  mises  en  cet 
état,  qui  est  d'ailleurs  et  d'emblée  profond.  Voici,  par  exemple, 
quatre  petites  grenouilles,  pesant  moins  de  1  gramme,  très 
jeunes  par  conséquent,  prises  dans  une  prairie,  aux  environs 
de  Paris,  vers  le  milieu  du  mois  de  juillet;  elles  sont  successi- 
vement soumises,  durant  une  minute  à  peine,  à  la  pratique  dé- 
crite plus  haut  ;  déposées  ensuite  sur  le  sol,  sur  le  dos,  elles  ne 
se  retournent  spontanément  qu'au  bout  d'un  quart  d'heure;  une 
d'elles  même,  que  l'on  avait  gardée  80  à  90  secondes  dans  la 
main,  est  restée  complètement  inerte  pendant  une  heure  vingt 
minutes.  On  pouvait  mettre  ses  membres  dans  une  position 
quelconque  sans  qu'elle  réagît,  —  Au  bout  de  ce  temps,  on  fait 
une  petite  incision  à  la  peau  pour  examiner  le  cœur;  il  se  pro- 
duit un  mouvement  respiratoire,  puis  l'animal  retombe  dans 
son  inertie. 

Une  autre  fois,  je  pratique  l'expérience  sur  il  grenouilles, 
dont  9  pèsent  de  70  à  90  centigrammes  et  les  deux  dernières, 
un  peu  plus  grosses,  1  ^'',  50  et  2  grammes;  toutes  sont  gar- 
dées dans  la  main  une  minute  ou  une  minute  et  demie.  Placées 
alors  sur  une  table,  sur  le  dos,  elles  restent  complètement 
immobiles  pendant  cinq  minutes;  il  semble  que  les  membres 
postérieurs  soient  paralysés;  l'une  d'elles  présente  de  la  con- 
tracture des  membres;  si  on  pince  la  peau,  elles  font  un  petit 
mouvement,  mais  ne  peuvent  sauter  ;  la  sensibilité  de  la  cornée 
est  notablement  diminuée.  Sur  o  de  ces  animaux,  cet  état  a 
duré  plus  d'une  heui*e;  après  1  heure  15  minutes,  3  sont  encore 
complètement  inertes;  sur  ces  dernières  le  cœur  est  très  ralenti. 
—  Vingt  heures  plus  tard,  deux  de  celles-ci  sont  mortes;  on 
les  retrouve  dans  la  position  même  où  on  les  avait  mises; 
la  troisième  est  redevenue  vive. 

J'ai  constaté  ce  même  ralentissement  progressif  du  cœur  et 
la  mort  dans  plusieurs  autres  cas  analogues. 

2"  J'ai  eu  alors  l'idée  de  rechercher  si  l'état  hypnotique  n'est 
pas  aussi  plus  facile  à  provoquer  et  n'est  pas  plus  profond  chez 
les  grenouilles  malades  etall'aiblies.  L'expérience  a  vérifié  cette 
supposition. 

Ainsi  une  grenouille,  encore  vive,  mais  malade  (atteinte  d'une 
affection  que  l'on  observe  quelquefois  dans  les  aquariums  et 
qui  amène  la  chute  des  extrémités  digitales,  avec  affaiblisse- 


E.    GLEY.    —   DE   QUELQUES   CONDITIONS   FAVORISANT   l'iIYPNOSE      73 

ment  de  l'animal),  est  tenue  deux  minutes  dans  la  main;  pla- 
cée sur  une  table,  sur  le  dos,  elle  reste  six  minutes  dans  la 
position  d'hypnose;  puis,  au  bout  de  ce  temps,  elle  se  retourne 
d'elle-même.  On  la  saisit  alors  par  les  deux  pattes  postérieures 
et,  durant  cinquante  secondes,  on  la  maintient  le  dos  appuyé 
sur  la  table;  elle  retombe  dans  son  inertie;  si  on  pince  la 
membrane  interdigitalc,  elle  retire  les  deux  pattes,  mais  len- 
tement, et  ne  peut  d'ailleurs  se  retourner;  mise  sur  le  ventre, 
elle  ne  peut  davantage  bouger;  par  intervalles,  les  mouvements 
respiratoires,  abolis,  reparaissent;  le  réflexe  cornéen  est  con- 
servé. Au  bout  d'une  demi-heure,  les  mouvements  spontanés 
recommencent;  elle  peut  sauter,  mais  elle  saute  encore  mal. 

J'ai  fait  des  observations  identiques  sur  plusieurs  grenouilles, 
très  amaigries  à  la  suite  d'un  séjour  prolongé  dans  un  aqua- 
rium, où  elles  avaient  été  privées  de  toute  nourriture. 

Ainsi  inertie  complète  (suppression  des  mouvements  volon- 
taires) et  catalepsie,  diminution  et  même  arrêt  de  la  respiration^ 
affaiblissement  des  réflexes  et  diminution  de  la  sensibilité,  tels 
sont  les  principaux  phénomènes  que  j'ai  observés,  d'une  façon 
constante,  chez  les  grenouilles  jeunes  ou  très  aff'aiblies,  dans 
l'état  hypnotique  ;  ces  phénomènes  sont  donc  beaucoup  plus 
marqués  que  chez  les  animaux  développés  ;  ils  sont  aussi  plus 
faciles  à  produire  et  de  plus  longue  durée.  J'ai  même  dans 
quelques  cas,  vu  survenir  la  mort  par  ralentissement  progressif 
et  arrêt  du  cœur. 


II 

Connaît-on  dans  l'espèce  humaine  des  faits  analogues  à 
ceux-ci?  D'une  manière  générale,  on  sait  que  l'hypnotisme  est 
souvent  provoqué  plus  aisément  chez  les  enfants  que  chez  beau- 
coup d'adultes. 

S'il  en  est  ainsi,  et  puisque  du  sommeil  provoqué  peuvent 
résulter  des  accidents  graves  chez  les  très  jeunes  animaux,  il 
importe  de  ne  pratiquer  qu'avec  une  grande  réserve  et  une 
grande  prudence  l'hypnotisme  chez  les  enfants. 

Les  faits  qui  se  rapprocheraient  le  plus  de  ceux  que  je  signale 
sont  les  phénomènes  anciennement  observés  par  Du  Potet,  et, 
plus  récemment,  par  Liébeault.  Du  Potet  aurait  vu  qu'en  pro- 
menant ses  mains  à  la  surface  du  corps  d'un  enfant  endormi, 
il   déterminait   de  légères    contractions    musculaires  ;    si   ces 


74  MÉMOIRES    DES    COLLABORATEURS 

passes  étaient  faites  sur  la  tête,  le  sommeil  devenait  plus 
intense.  Mais  le  Manuel  de  l'étudiant  magnétiseur  (Paris,  1851) 
ne  peut  passer  pour  une  œuvre  scientifique.  Quant  aux  expé- 
riences de  Liébeault',  elles  consistent  en  des  effets  curatifs 
(amélioration  ou  guérison  de  toux,  coqueluche,  diarrhée,  etc.) 
obtenus  sur  des  enfants  âgés  de  quelques  mois  à  trois  ans,  par 
la  simple  application,  durant  plusieurs  minutes,  d'une  main 
sur  la  poitrine  et  de  l'autre  sur  la  tête.  Malheureusement  la  lec- 
ture des  observations  sommaires  rapportées  par  l'auteur  suffit 
à  montrer  que  beaucoup  de  ces  améliorations  ont  pu  se  pro- 
duire spontanément  ;  elles  ont  pu  coïncider  avec  la  pratique  indi- 
quée, elles  n'apparaissent  pas  comme  en  étant  l'effet  nécessaire. 
C'est  là  d'ailleurs  la  critique  qu'il  est  permis  de  faire  d'un  cer- 
tain nombre  de  moyens  thérapeutiques,  puisque  leur  efficacité 
ne  peut  être  vérifiée,  comme  l'exigerait  la  méthode  expérimen- 
tale, par  des  contre-épreuves. 

Il  y  a  quelques  années,  les  docteurs  Le  Menant  des  Chesnais 
et  Bérillon  ont  présenté  à  la  Société  d'hypnologie-  une  jeune 
sourde-muette  de  vingt-deux  ans,  que  l'on  endormait  facilement 
par  la  tixation  du  regard  et  qui  se  trouvait  alors  en  état  de 
catalepsie.  Ce  fait  ne  laisse  pas  d'être  comparable,  ce  me  semble, 
aux  phénomènes  que  l'on  peut  provoquer  chez  les   animaux. 


III 

Des  observations  dont  il  s'agit,  il  est  possible  de  tirer  de;s 
conséquences  de  divers  ordres.  Il  y  en  a  d'abord  une,  d'ordre 
pratique,  qui  vient  d'être  mentionnée  plus  haut,  c'est  à  savoir 
que  l'hypnotisme  offre  sans  doute  plus  de  dangers  chez  les 
enfants  que  chez  les  jeunes  gens  et  les  adultes. 

En  second  lieu,  les  idées  dominantes  sur  la  nature  de  l'hyp- 
notisme, réduit  par  l'Ecole  de  Nancy  (et  cette  définition  a  été 
acceptée  par  beaucoup  telle  quelle  ou  plus  ou  moins  modifiée) 
à  la  «  provocation  d'un  état  psychique  particulier  qui  augmente 
la  suggcstibilité  »  (Bernheim)^  sont  peut-être  trop  absolues. 

(1)  A.-A.  Liéhoanlt.  Etude  si/r  le  zoomagvétisine,  Paris,  Masson,  1883. 

{2)  Bi/lli'/in  ('/  MciiKiircs  de  la  Société  /r/ii/ii/iid<i(/ic  et  de  psjichol.,  séance 
du  16  mars  1892,  p.  l.U. 

(3)  Bernbeim  :  De  Vinfliience  fii/pnofique  et  de  ses  direr.t  dei/rés  {Revi/e  de 
riijipnolifsme,  I,  n»  8,  p.  225-23-,  1887).  —  «  Je  considère  (•(Uiime  établi, 
écrivait  récemment  W.  W'undt  {Hypnotisme  et  stifjgestion,  trad.  Ir.,  Paris, 

I 


E.    GLEY.    —    DE   QUELQUES   CONDITIONS   FAVORISANT   L'BYPNOSE      75 

Dans  ces  phénomènes  physiologiques  provoqués  chez  les  ani- 
maux, comme  dans  ceux  que  Liébeault  dit  avoir  obtenus  sur 
les  enfants,  pour  peu  qu'il  y  ait  eu  là  quelque  chose  de  réel,  la 
suggestion  n'a  point  de  part.  A  côté  des  actions  psychiques,  il 
faut  donc  dans  l'hypnotisme  réserver  une  place  aux  phénomènes 
d'ordre  somatique.  Le  rôle  respectif  de  ces  deux  séries  de  réac- 
tions dans  la  production  ou  le  maintien  de  l'état  hypnotique, 
leur  influence  réciproque  ne  sont  peut-être  pas  encore  détermi- 
nés complètement. 

Enfin  une  question  se  pose  tout  naturellement.  De  quelle  ma- 
nière, par  quel  mécanisme  agit  un  simple  contact,  comme  celui 
qui  suffit  à  endormir  si  profondément  les  grenouilles  jeunes?  Il 
ne  conviendrait  peut-être  pas  d'examiner,  à  propos  de  ces  quel- 
ques observations,  et  de  critiquer  les  différentes  théories,  hypo- 
thétiques d'ailleurs,  proposées  pour  expliquer  l'hypnotisme.  Je  j 
désirerais  seulement  faire  remarquer  qu'il  n'est  pas  facile  de  \ 
concevoir  comment  une  cause  aussi  faible,  en  apparence  tout  au 
moins,  que  celle  mise  ici  en  jeu,  le  contact,  produirait  les  phé- 
nomènes que  j'ai  observés  par  épuisement  du  système  nerveux. 

Ces  phénomènes  consistent  essentiellement,  non  seulement  en 
la  suppression  des  mouvements  volontaires,  mais  aussi  en  une 
diminution  de  l'activité  médullaire.  Ce  dernier  fait  concorde 
avec  les  résultats  des  expériences  de  Biernacki  [loc.  cit.)  qui  a 
vu  que  la  strychnine,  poison  médullaire,  comme  on  sait,  a  une 
action  plus  faible  sur  les  grenouilles  hypnotisées.  D'autre  part, 
si  au  moyen  d'une  dose  faible  d'atropine  (autres  expériences  de 
Biernacki)  on  excite  les  hémisphères  cérébraux  d'une  grenouille, 
il  est  plus  facile  de  produire  chez  cet  animal  une  hypnose  pro-  ^ 

fonde  par  la  pratique  habituelle.  Il  en  est  de  même  avec  la 
cocaïne.  De  là  il  résulte  que  dans  l'état  hypnotique  l'excitabi- 
lité du  cerveau  '  se  trouve  augmentée.  Il  y  a  donc  durant  l'hyp- 

Alcan.  1893,  p.  23),  que  la  soi-disant  suggestion,  celle  pratiquée  par 
paroles  ou  par  actes  pour  suggérer  des  représentations,  est  la  cause 
principale,  sinon  unique,  des  états  hypnotiques.  » 

(I)  «  Cette  conclusion,  fait  observer  avec  raison  Biernacki  (/oc.  cit.,  p.  305), 
nécessite  quelques  remarques.  Je  ne  puis  pas  affirmer  que  le  cerveau 
entier,  dans  toutes  ses  parties  :  hémisphères,  lobes  optiques,  cervelet,  etc., 
se  trouve  dans  Tétat  d'hyperexcitabilité.  Je  ne  puis  non  plus  assurer  qu'en 
appliquant  Tatropine  nous  irritons  tout  le  cerveau.  On  sait  que  les  diverses 
parties  du  système  nerveux  central  ne  se  comportent  pas  identiquement 
vis-à-vis  des  poisons  et  de  leurs  diverses  doses...  11  est  logl(|ue  dépenser 
que,  dans  Thypnotisme,  certains  centres  seulement  sont  excités  et  d'autres 
centres  déprunés,  ce  que  prouve  d'ailleurs  la  disparition  des  actes  volon- 
taires dans  le  sommeil  hypnotique.  » 


76  ■    MÉMOIRES    DES    COLLABORATEURS 

nose  deux  états  opposés  du  système  nerveux  :  affaiblissement 
de  l'excitabilité  et  des  fonctions  de  la  moelle  épinière,  et  aug- 
mentation de  l'excitabilité  cérébrale.  On  pourrait  dire  avec 
Brown-Séquard  qu'il  y  a  inhibition  dans  la  moelle  et  dynamo- 
génie dans  le  cerveau. 

Il  s'agit  maintenant  de  savoir  si  ces  deux  états  opposés  sont 
en  rapport  l'un  avec  l'autre  ?  D'une  façon  générale,  on  sait  que 
l'excitation  de  diverses  régions  du  cerveau  diminue  et,  au 
contraire,  que  la  suppression  de  l'écorce  cérébrale  augmente 
le  pouvoir  excito-moteur  de  la  moelle.  Des  expériences  récentes 
ont  accru  nos  connaissances  sur  ce  point.  Ainsi  Tarkhanow  ' 
a  montré  que  les  grenouilles  privées  des  hémisphères  cérébraux 
et  des  parties  antérieures  des  couches  optiques  ne  présentent 
pas  de  phénomènes  d'excitation,  lors  de  la  narcose  chlorofor- 
mique.  P.  A.  Baratynsky  {loc.  cit.)  a  retrouvé  ce  fait  sur  les 
grenouilles  et  l'a  constaté  aussi  pour  les  pigeons  privés  des 
hémisphères  cérébraux.  Inversement  N.  0.  Yourinsky  -  a  vu 
que,  chez  les  grenouilles  et  chez  les  pigeons  préalablement 
opérés  comme  les  animaux  précédents,  le  chlorhydrate  d'am- 
moniaque ne  donne  plus  lieu  à  la  dépression  générale  du  sys- 
tème nerveux  que  l'on  observe  avant  la  période  convulsive 
chez  les  grenouilles  et  les  pigeons  normaux  ;  mais  l'excitation 
du  système  nerveux,  se  manifestant  par  des  convulsions,  sur- 
vient d'emblée.  On  est  donc  amené  à  penser  que  les  phéno- 
mènes d'excitation,  bien  connus,  observés  tout  d'abord  sous 
l'influence  des  narcotiques,  tiennent  simplement  à  la  paralysie 
des  centres  nerveux  supérieurs  qui  normalement  modèrent 
l'activité  des  centres  inférieurs;  et,  d'un  autre  côté,  que  les 
sels  ammoniacaux  ne  d(''terminent  pas  d'abord  une  dépres- 
sion, puis  une  excitation  du  système  nerveux  central  ;  mais 
les  centres  nerveux  supérieurs,  modérateurs,  sont  excités 
par  l'ammoniaque  ;  de  là  les  phénomènes  de  dépression  qui 
résultent  seulement  de  l'action  que  les  centres  inférieurs 
subissent  de  la  part- des  centres  supérieurs  irrités  par  le  poison. 
Et  ainsi  dans  certaines  intoxications  une  partie  des  phénomènes. 


(1)  Soc.  (le  psi/rhi'ifi^ie  de  Sainl-Pé/e/sboiirr/,  séance  du  2  mars  1891  ;■ 
cité  par  P.-A.  Baratynsky  [Arc h.  des  se.  biol.  de  Sainl-l'élersbourq,  t.  III, 
n"  2,  p.  1(37-189,  189i). 

(2)  N.-O.  Youriuskj'.  Contvihul.  n  la  phi/slol.  el  à  hi  pharmacnl.  du  syst. 
nerv.  central.  Effets  produits  par  le  cltlurlnjdrute  d'ammoniaque  sur  le 
syst.  nerv.  central  [Arcli.  des  se.  biul.  de  Saint-l'étersbuury,  III,  n"  2^ 
p.  260-2<).>,  189i). 


E.    GLEY.    —   DE    QUELQUES   CONDITIONS   FAVORISANT    l'uYPNOSE      77 

constatés  doit  s'expliquer  par  l'influence  réciproque  que  les 
centres  nerveux,  modifiés  par  les  poisons,  exercent  les  uns  sur 
les  autres. 

Or,  des  expériences  de  N.-O.  Yourinsky  sur  les  effets  du 
chlorhydrate  d'ammoniaque  chez  les  animaux  privés  des 
hémisphères  cérébraux,  il  résulte  que  l'action  première  de 
cette  substance  est  le  phénomène  d'excitation  cérébrale, 
puisque,  les  hémisphères  supprimés,  la  phase  de  diminution  de 
l'excitabilité  médullaire  ne  se  produit  plus  :  c'est  donc  que 
celle-ci  dépendait  de  celui-là.  Il  me  semble  que  ce  fait  éclaire 
les  résultats  qu'il  s'agit  justement  d'expliquer  concernant  l'hyp- 
nose chez  les  jeunes  animaux.  Ici  aussi,  l'affaiblissement  des 
fonctions  médullaires  serait  dû  à  une  excitation  primitive  des 
centres  nerveux  supérieurs',  et  les  phénomènes  médullaires 
consécutifs  sont  plus  marqués  parce  que  cette  excitation  est 
plus  forte  chez  les  jeunes  animaux. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  hypothèse,  tout  en  paraissant  s'ac- 
corder mieux  avec  les  faits,  en  rend  tout  aussi  bien  compte 
que  l'hypothèse  de  l'épuisement.  Par  suite,  il  y  aurait  lieu 
de  se  demander  si  cette  dernière,  très  généralement  admise, 
comme  on  le  sait,  pour  expliquer  l'hypnotisme  chez  l'homme  , 
ne  devrait  pas  subir  l'épreuve  d'un  nouvel  examen  critique.  Il 
se  pourrait  tout  au  moins  que,  si  l'hypothèse  de  l'épuisement 
du  système  nerveux  restait  suffisante  pour  expliquer  une  par- 
tie des  phénomènes  constatés  durant  le  sommeil  provoqué  et, 
par  exemple,  la  suppression  des  actes  et  des  mouvements  volon- 
taires^, elle  ne  parût  plus  susceptible,  en  raison  des  données 
récemment  acquises  sur  les  relations  fonctionnelles  entre  les 

(1)  Il  y  a  une  dizaine  d'années,  P.  Brémaud  a  rapporté  très  sommaire- 
ment (Comptes  rendus  Soc.  de  BioL,  séance  du  22  mars  1884,  p.  170)  l'ob- 
servation de  trois  jeunes  gens  sur  lesquels  un  état  d'hypnose  profonde 
(catalepsie,  léthargie,  somnambulisme)  était  très  facile  à  produire  :  deux 
de  ces  jeunes  gens  se  livraient  à  des  excès  alcooliques  et  le  troisième  à 
des  excès  vénériens.  L'interprétation  indiquée  ici  rendrait  peut-être  bien 
compte  de  ces  faits  :  l'action  excitante  de  Falcool  sur  le  cerveau,  et  encore 
plus  de  l'absinthe,  dont  les  deux  sujets  de  Brémaud  faisaient  surtout  un 
usage  exagéré,  n'est-elle  pas  connue  ? 

(2)  A.  Espinas  (.^oc/e7é  d'anlhropoloçjie  de  Bordeaux,  séance  du  18  mars 
1884)  est  un  de  ceux  qui  ont  le  plus  clairement  exposé  cette  théorie, 
un  des  premiers  d'ailleurs.  Voyez  aussi  Schneider  :  Die  psycliol.  Ursachen 
der  hijpnot'tschen  Erscheinunf/en,  Leipzig  1880;  Ch.  Féré,  Comples  rendus 
Soc.  de  BiuL,  séance  du  1"''  mai  188U,  p.  220;  A  Binel  et  Ch.  Ferc.  Le 
magnétisme  animal,  Paris,  1887;  etc. 

(3)  Encore  la  suppression  des  ujouvcnients  vcdoiitaires  s'expliquerait-elle 
aisément  par  la  diminution  de  l'activité  médullaire. 


78  MÉMOIRES   DES    COLLABORATEURS 

diverses  parties  du  système  nerveux  central,  de  montrer  la 
genèse  de  toutes  les  réactions  caractéristiques  de  cet  état.  Il  se 
pourrait  aussi  que  l'on  fût  amené  à  distinguer,  dans  le  dévelop- 
pement des  phénomènes  hypnotiques,  deux  phases,  la  première 
tenant  à  l'excitation  cérébrale  (que  cette  excitation,  d'ailleurs, 
se  produise  sur  une  plus  ou  moins  grande  partie  de  l'écorce) 
qui  amène  à  sa  suite  une  paralysie  plus  ou  moins  complète  de 
la  moelle,  et  la  seconde,  due  à  une  diminution  d'activité  de 
divers  centres  du  cerveau,  consécutive  à  la  période  d'excitation, 

E.  Gley, 

f'rofesseur  a  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 


i 


YI 

LA  MESURE  DES  ILLUSIONS  DE  POIDS 


Trois  travaux  intéressants  ont  traité  la  question  des  illu- 
sions de  poids.  Le  premier  est  une  étude,  publiée  ici  même  l'an 
derniers  et  qui  donne  les  résultats  des  recherches  faites  par 
M.  Flournoy  au  laboratoire  de  psychologie  de  Genève. 

M.  Flournoy  se  propose  de  démontrer  «  d'une  manière  à  la  fois 
simple  et  probante  la  non-existence  des  sensations  d'innervation 
proprement  dites». 

Il  choisit  une  sériede  dix  objets  vulgaires  tarés  de  façon  àpeser 
chacun  11:2  grammes.  Ces  objets  sont  très  inégaux  de  volume, 
le  plus  grand  cube  2100  centimètres,  le  plus  petit  10  centi- 
mètres. Ils  ne  sont  pas  du  tout  de  même  forme,  ni  même  de 
dimensions  aisément  comparables. 

L'expérimentateur  présentait  à  divers  sujets  les  dix  objets 
disposés  sans  ordre  sur  une  table  et  les  priait  de  les  aligner 
suivant  le  poids. 

Sur  cinquante  personnes,  «  une  seule,  très  exercée  à  estimer 
le  poids  réel  des  corps  d'après  leur  nature  et  leur  volume  a  dia- 
gnostiqué l'égalité  des  poids...  aucune  des  49  autres  personnes 
n'a  deviné  l'égalité  de  poids...  et  toutes  ont  éprouvé  une  diffé- 
rence considérable,  sinon  entre  tous  les  objets  dont  quelques- 
uns  paraissaient  presque  égaux  et  n'ont  été  classés  qu'avec 
incertitude,  du  moins  entre  les  extrêmes  de  la  série  ».  Le  plus 
grands  des  dix  objets  pesant  112  grammes  a  été  déclaré  le  plus 
léger;  le  plus  petit  a  été  estimé  le  plus  lourd;  les  huit  objets 
intermédiaires  ont  généralement  paru  plus  lourds  à  mesure  que 
leur  volume  se  rapprochait  du  volume  du  dixième. 

Dans  la  seconde  série   d'expériences,   M.  Flournoy  a  fixé  à 

(1)  Année  psycholo'jique,  p.  198. 


80  MÉMOIRES  DES  COLLABORATEURS 

chaque  objet  un  fil  rigide  terminé  par  une  boucle  dans  laquelle 
les  sujets  introduisaient  le  bout  du  doigt.  31  sujets  nouveaux 
ont  été  priés  de  ranger  les  objets  (portés  maintenant  au 
poids  de  120  grammes)  dans  l'ordre  des  poids  croissants.  L'ar- 
rangement a  été  le  même  que  dans  les  expériences  ^précédentes. 
L'objet  le  plus  grand  a  été  déclaré  le  plus  léger,  et  le  plus 
petit  trouvé  le  plus  lourd. 

Quand  les  sujets  répétaient  l'expérience  en  tenant  les  yeux 
fermés,  tous  les  objets  étaient  estimés  égaux  en  poids. 

De  ce  fait  que  quand  nous  regardons  les  objets  nous  nous 
trompons  sur  leur  poids  réel,  M.  Flournoy  conclut  que  le  sens 
de  l'innervation  n'existe  pas. 

Il  s'agit  de  s'entendre  sur  la  nature  de  la  sensation  de  poids. 

Une  expérience  bien  simple  permettra  à  tout  le  monde  de 
constater  que  ce  que  nous  appelons  communément  le  poids 
d'un  corps  n'est  nullement  son  poids  absolu,  mais  un  poids 
relatif,  une  certaine  densité  :   c'est-à-dire  un  poids  rapporté  à 

un  volume  -^. 

Si  tenant  les  yeux  fermés,  vous  laissez  placer  sur  votre  main 
tendue  une  bouteille  de  dimensions  ordinaires,  la  bouteille 
étant  d'abord  placé  sur  le  goulot,  vous  aurez  une  impression 
de  poids  d'une  certaine  intensité.  Si  alors  on  retourne  brus- 
quement la  bouteille  de  façon  que  vous  la  teniez  par  le  fond, 
'elle  vous  semblera  beaucoup  plus  légère  que  tout  à  l'heure.  On 
pourra  verser  dans  la  bouteille  ainsi  placée  une  quantité  con- 
sidérable de  liquide  avant  que  vous  déclariez  qu'elle  pèse 
autant  qu'elle  pesait  dans  la  première  position. 

Cette  expérience,  que  chacun  peut  répéter,  montre  qu'en 
soupesant  un  objet  nous  touchons,  nous  percevons  deux  pro- 
priétés de  cet  objet  :  son  poids  et  son  volume.  Le  poids  est 
mesuré  par  l'efTort  que  nous  devons  faire  pour  retenir  l'objet  ; 
le  volume  est  mesuré  par  l'étendue  de  la  partie  des  téguments 
en  contact  avec  l'objet.  Le  poids  P  delà  bouteille  vide  demeure 
constant,  que  l'on  tienne  la  bouteille  par  le  goulot  ou  par  le 
fond  ;  mais  dans  le  premier  cas  la  surface  cutanée  comprimée 
par  l'objet  est  petite,  dans  le  second  cas  elle  est  beaucoup  plus 
étendue.  Dans  le  premier  cas  le  volume  de  l'objet  V  nous  parait 
très  petit,  dans  le  second  cas  V  est  considérable. 

Puisque  nous  percevons  à  la  fois  P  et  V,  il  nous  est  impos- 

sible  de  ne  pas  immédiatement  saisir  leur  rapport  y  ,  donc  la 
densité.    Celle-ci  sera  considérable  quand  nous    tiendrons  la 


t 


VAN    BIERVLIKT.    —    LA   MliSUHi::   DES    ILLUSIONS   DE    POIDS         81 

bouleille  par  le  goulot  (le  dénominateur  V  étant  très  petit)  et 
beaucoup  plus  faible  quand  la  bouteille  reposera  sur  le  fond  (le 
dénominateur  V  étant  considérable). 

Dans  les  expériences  faites  par  M.  Flournoy,  le  volume  des 
objets  soupesés  n'était  pas  perçu  par  le  sens  du  toucher  mais 
par  celui  de  la  vue. 

Les  sujets  comparaient  le  corps  le  plus  grand  y  ^  .,  ^J^^  à  tous 

les  autres  pour  lequels  V  était  moindre,  donc  ils  devaient 
estimer  que  cet  objet  avait  un  poids  relatif  moindre  étant  plus 

p  =  l  H 

léger  que  celui  dont  les  dimensions  étaient  moindres  ^  ^  ,,-,"• 

L'intensité  dans  le  premier  cas  était  0,045  et  dans  le  second 
cas  11,2. 

On  voit  que  pour  expliquer  les  résultats  obtenus  par  M.  Flour- 
noy, il  faut  absolument  faire  intervenir  le  sens  de  l'innervation 
puisque  c'est  celui  qui  dans  les  pesées  nous  fournit  l'un  des 
éléments  du  poids  (en  prenant  ce  mot  dans  son  sens  vulgaire). 
La  vue  ou  le  toucher  nous  donne  V,  mais  le  sens  musculaire 
nous  donne  P'. 

Quand  on  fait  l'expérience  en  fermant  les  yeux  et  en  tenant 
les  objets  suspendus  par  un  fil,  V  étant  réduit  à  l'unité  (la  sur- 
face de   contact  étant  linéaire)  il  ne  reste  de  perçu  que  P;  en 

p       p 
effet  puisque  V  =  1,  y  =  j-=  P,  c'est-à-dire,  le   poids  absolu. 

Un  autre  psychologue,  M.  Dresslar,  a  étudié  la  même  illusion 
de  poids  chez  173  enfants  des  deux  sexes.  Il  s'est  servi  d'objets 
moins  disparates  que  ceux  qu'a  choisis  M.  Flournoy. 

Les  corps  qu'il  faisait  soupeser  étaient  des  tubes  métalliques 
au  nombre  de  huit,  tous  de  hauteur  différente,  mais  pesant  le 
même  poids. 

Invités  à  ranger  ces  tubes  suivant  leur  poids,  les  173  sujets 
ont  placé  les  objets  dans  l'ordre  de  leur  taille,  considérant  le 
plus  petit  comme  le  plus  lourd.  La  majorité  a  rangé  ces  poids 
dans  l'ordre  exact  de  leur  taille,  la  minorité  dans  l'ordre  à  peu 
près  exact. 

Dans  l'expérience  de  M.  Dresslar,  P  était  donné  par  le  sens  de 
l'innervation,  V  était  donné  par  la  vision  et  le  toucher  à  la  fois. 

Un  tout  récent  travail  de  MM.  Philippe  et  Glavière  traitant  le 
sujet  qui  nous  occupe  a  paru  dans  la  Revue  philosophique  en 
décembre  dernier. 

(1)  Voyez  le  travail  très  intéressant  de  M.  Charpentier  dans  Archives  de 
physiologie,  année   1891,  p.  122. 

ANNÉE    PSYCHOLOGIQUE.    II.  6 


82  MÉMOIRES   DES    COLLABORATEURS 

Les  auteurs  de  cette  dernière  étude  rejetent  énergiquement 
l'opinion  de  M.  Flournoy  qui  conclut  à  la  non-existence  du  sens 
de  l'innervation.  Ils  montrent  par  l'expérimentation  que  l'illu- 
sion n'est  nullement  explicable,  comme  le  croyait  M.  Flournoy, 
par  l'hérédité,  puisque  chez  les  très  jeunes  enfants  elle  n'existe 

pas. 

De  plus,  ils  ont  essayé  de  mesurer  la  grandeur  de  l'illusion, 
en  choisissant  des  tubes  de  grandeur  déterminée  et  en  ajoutant 
des  poids  aux  plus  légers  jusqu'à  ce  qu'ils  parussent  égaux  aux 
plus  pesants. 

Mais  ici,  j'avoue  ne  pas  bien  saisir  leur  procédé  opératoire. 

Ils  ont  choisi  des  tubes  mesurant  respectivement  12,  15,  18, 
20  et  2o  centimètres. 

Ces  5  tubes  étaient,  pour  une  série  d'expériences,  tous  égaux 
en  diamètre. 

Pour  une  dernière  série  d'expériences  les  tubes  différaient  en 
volume  et  en  diamètre.  Je  me  demande  par  quel  procédé  les 
sujets  parviennent  à  toucher  sur  toute  leur  étendue  et  de  tous 
les  côtés  des  tubes  aussi  longs? 

J'imagine  que  le  sujet,  même  en  (  prenant  à  pleine  main 
chacun  des  tubes  différents  en  diamètre  '  »,  ne  pouvait  recouvrir 
dans  toute  sa  longueur  l'objet  soupesé. 

Quelle  idée  avait-il  du  volume  de  l'objet? 

Dans  les  expériences  que  nous  avons  faites  au  laboratoire  de 
psychologie  de  Gand,  nous  avons  préféré  suivre  un  procédé 
opératoire  notablement  différent  de  ceux  dont  nous  venons  de 
parler. 

Nous  avons  fait  construire  6  cubes  creux  en  bois  léger  et 
mince.  Ces  cubes  avaient  respectivement  5,  G,  7,  8,  9,  10  cen- 
timètres de  côté.  Leurs  volumes  respectifs  étaient  donc  125, 
216,  343,  512,  729  et  1  000  centimètres  cubes.  Chaque  cube 
était  recouvert  de  papier  blanc,  un  anneau  de  cuivre  fixé  sur 
l'une  des  faces  permettait  de  suspendre  les  cubes  à  des  crochets 
pesant  chacun  6  grammes. 

Nous  avons  fait  deux  séries  d'expériences.  Dans  chacune  de 
ces  séries,  on  a  examiné  39  sujets,  jeunes  gens  et  adultes,  La 
première  série  des  recherches  avait  pour  but  de  mesurer  Tillu- 
sion  de  poids  quand  le  volume  est  perçu  par  le  toucher  seul. 

Le  sujet  en  expérience  était  prié  de  fermer  les  yeux,  de 
tendre  les  deux  mains  en  supination. 

Revue philosopliique,  11°  12,  p.  674. 


VAN   BIERVLIET.    —    LA   MESURE    DES   ILLUSIONS   DE   POIDS         83 

On  lui  plaçait  sur  la  main  droite  le  cube  de  o  centimètres  de 
côté,  lequel  pesait  39  grammes. 

(33  grammes,  poids  du  cube, -6  grammes  ajoutés  équivalent 
au  fil  employé  dans  la  deuxième  série  d'expériences,  il  importait 
d'avoir  des  résultats  tout  à  fait  comparables.)  On  plaçait  sur  la 
main  gauche  du  sujet  le  cube  de  6  centimètres  de  côté.  Le 
sujet  déclarait  ce  dernier  trop  léger  ;  on  ajoutait  des  poids 
jusqu'à  ce  que  le  sujet  éprouvât  deux  sensations  de  poids 
d'égale  intensité  ^ 

Puis  on  faisait  l'opération  en  sens  inverse,  en  ajoutant  un 
poids  trop  fort,  et  en  le  diminuant  jusqu'à  sensation  d'égalité. 
De  là  un  premier  chiffre  moyen.  On  recommençait  la  même 
opération  en  plaçant  le  cube  le  plus  petit  sur  la  main  gauche 
et  le  plus  grand  sur  la  main  droite.  Le  chiffre  moyen  obtenu 
dans  la  seconde  expérience  étant  toujours  (sauf  pour  les  gau- 
chers où  le  résultat  était  inverse),  plus  fort  que  celui  obtenu 
d'abord.  Ceci  s'explique  :  la  main  droite  est  la  plus  forte,  moins 
vite  fatiguée  que  l'autre  ;  le  poids  P  plus  considérable  du  cube 
de  6  centimètres  est  plus  aisément  supporté  à  droite  qu'à 
gauche. 

En  prenant  la  moyenne  entre  les  poids  du  cube  de  G  centi- 
mètres quand  il  est  placé  sur  la  main  droite,  son  poids  quand 
il  est  placé  sur  la  main  gauche,  on  obtient  un  chiffre  qui  dans 
nos  expériences  se  rapprochait  de  70  grammes.  On  opérait  de 
la  façon  que  nous  venons  de  décrire  pour  comparer  successi- 
vement au  cube  de  3  centimètres  tous  les  autres  cubes  de  la 
série. 

On  avait  grand  soin  de  placer  les  cubes  de  manière  à  faire 
toucher  de  toutes  parts  la  surface  inférieure,  afin  que  le  sujet 
eut  par  le  contact  une  idée  très  exacte  du  volume. 

En  outre,  les  diverses  parties  de  la  main  étant  inégalement 
riches  en  filets  sensitifs  tactiles,  on  s'efforçait  de  placer  les 
deux  cubes  de  façon  à  recouvrir  des 'parties  comparables.  Ainsi 
le  cube  de  10  centimètres  recouvrait  en  avant  jusqu'aux  articu- 
lations des  phalangettes,  en  arrière  il  arrivait  jusqu'aux  émi- 
nences  thénar  et  hypothénar  ;  le  petit  cube  de  5  centimètres 
étant  placé  de  façon  à  recouvrir  seulement  les  premières  pha- 
langes des  doigts,  il  ne  dépassait  pas  l'articulation  des  pha- 
langines.  Cette  disposition  faisait  que  chaque  cube  reposait 


(1)  Une  des  faces  des  cubes  est  ouverte,  par  cette  ouverture  oniafrodui 
les  poids  et  on  les  place  exactement  au  milieu  du  plancher  du  cube. 


84 


MKMOIRES   DES   COLLABORATEURS 


par  moitié  sur  une  zone  plus  sensible  en  avant,  moins  sensible 
en  arrière. 

Voici  les  résultats  obtenus-  dans  la  première  série  d'expé- 
riences ;  le  volume  des  objets  soupesés  n'est  connu  que  par  le 
toucher  seul. 


Cubes  déclarés 

Quand  ils 

Avec  des 

Ce  iiui  l'ait 

La  den- 

NnUlbl'C 

égaux  en  poids 

, 

variations 

sité  de  I 

pèsent  en 

une   den- 

des 

au  cube  1 

moyenne 

iiii>yeunes 
'<le 

sité  de 

qui  pesé 

ao  gr. 

sujets. 

II     (6c3) 

70  -r. 

4  gr. 

0,32 

0,31 

39 

III  (7  c-<) 

100 

7 

0,30 

» 

» 

IV  (8  i-3) 

130 

12 

0,2;; 

» 

» 

V     (9  G») 

IW 

12 

0,  22 

» 

i> 

VI  (10  c^) 

210 

14 

0,21 

I 

» 

Ces  chiffres  montrent  bien  l'intervention  des  deux  éléments  P 
et  V  dans  l'appréciation  de  poids.  Tant  que  P  et  V  demeurent 
petits,  on  obtient  des  sensations  parfaitement  égales,  quand 
les  deux  objets  comparés  ont  la  même  densité. 

A  mesure  que  P  et  V  augmentent,  on  considère  comme  égaux 
deux  objets  dont  le  plus  grand  a  une  densité  moindre  que 
celle  du  plus  petit.  L'erreur  commise  sur  la  densité  est  fort 
naturelle  ;  il  est  évident  que  plus  P  augmente,  plus  vite  le 
sujet  se  fatigue,  ce  qui  exagère  singulièrement  la  valeur  de  P. 
Nous  avons  constaté  très  fréquemment  que  si,  après  avoir 
soupesé  un  poids  avec  la  main  droite,  on  soupèse  ce  même 
poids  avec  la  main  gauche,  il  paraît  plus  lourd.  C'est  tout 
naturel,  à  gauche  (sauf  chez  les  gauchers)  les  muscles  sont 
moins  exercés,  plus  faibles  et  partant  plus  rapidement  fatigués 
qu'à  droite.  Pour  soutenir  P  il  faut  un  plus  grand  elfort  à 
gauche  ;  or,  c'est  l'elTort  qui  est  la  mesure  du  poids  absolu. 

Nous  avons  procédé  dans  une  seconde  expérience  d'une 
façon  toute  dilférente  de  celle  suivie  dans  la  première, 

Les  cubes  n'étaient  plus  placés  sur  la  main  tendue,  mais  suspen- 
dus à  des  fils  rigides,  terminés  par  un  anneau.  L'anneau  était 
entouré  de  fil  pour  supprimer  le  contact  direct  du  métal  sur  l'épi- 
derme.  Le  sujet  était  prié  de  tendre  les  deux  index  en  demi-supi- 
nation, pour  recevoir  les  anneaux  des  fils  supportant  les  cubes 
au  niveau  de  l'articulation  de  la  phalangette  avec  la  phalangine. 


VAN   BIERVLIET.    —   LA   MESURE    DES   ILLUSIONS   DE   TOIDS 


80 


L'expérimentation  dans  la  seconde  série  de  ces  recherches  a 
été  beaucoup  phis  laborieuse,  il  est  extrêmement  difficile 
d'empêcher  le  sujet  de  détourner,  ne  fût-ce  qu'un  instant,  le 
regard  de  dessus  les  objets  à  comparer.  Or  pour  peu  qu'il 
observe  avec  négligence  les  cubes  soupesés,  le  sujet  néglige  V 
pour  s'occuper  davantage  de  P  et  par  conséquent  exagérer 
celui-ci. 

Un  grand  nombre  de  sujets  ont  très  nettement  observé  qu'en 
concentrant  davantage  l'attention  sur  le  volume  des  objets,  ils 
faisaient  varier  le  poids  apparent. 

Remarquons  en  outre  que  P  doit  sembler  beaucoup  plus 
intense,  quand  on  le  soutient  avec  l'index  seul,  que  lorsqu'on 
le  supporte  avec  la  main  entière.  Ceci  est  vrai  surtout  pour  les 
poids  d'une  certaine  importance.  On  peut  donc  prévoir  que 
pour  les  plus  grands  cubes  de  la  série,  on  surestimera  beau- 
coup le  poids  P,  on  le  croira  fort  alors  qu'il  est  faible,  p  égal  à  P. 

On  considère  donc  une  densité  réelle  faible  —  comme  considé- 
rable  et  égale  k—. 
C'est  ce  que  montrent  les  chiffres  du  tableau  ci-joint  : 


Cubes  déclarés 
égaux  en  poids 
au  cube  I  (5  cf) 

Quand  ils 

pèsent 
en  moyenne 

Avec  des 
variations 
moyennes 

Ce  qui  fait 
une  den- 
sité de 

Densité 
du  cube  1 

N'ombre 

des 
sujets. 

II    (H  c"^ 

68  gr. 

ÎJ  gr. 

0,31 

0,.31 

39 

III  (7  0=») 

98 

0 

0,  29 

it 

>» 

IV  (8  c^) 

112 

7 

0,22 

» 

)> 

V     (9  c») 

127 

8 

0,18 

) 

» 

VI  (10  c-') 

IGl 

11 

0,  IG 

i> 

» 

Les  chiffres  de  ce  tableau  sont  sensiblement  égaux  h.  ceux  du 
tableau  précédent,  pour  les  deux  premières  séries  I  et  II,  I  et 
III  ;  mais  ils  sont  inférieurs  pour  les  trois  autres  séries.  Ces 
différences  s'expliquent  par  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  de 
îa  difficulté  d'éviter  ces  distractions,  lesquelles  distractions 
quand  elles  se  produisent  mettent  le  sujet  dans  la  situation 
de  ceux  qui  ne  sentent  plus  que  P  et  perdent  la  notion  de  V. 

En  résumé,  nous  croyons  pouvoir  affirmer  que  quand  nous 
soupesons  un  objet  quelconque  dont  nous  connaissons  le 
volume  soit  par  la  vision,  soit  par  le  toucher,    nous  n'appré- 


\^ 


86  MÉMOIRES   DES    COLLABORAT!- UR5 

cions  pas  son  poids  absolu,  mais  sa  densité,  ou  plus  exacte- 
ment une  certaine  densité,  le  rapport  d'un  poids  à  un  volume. 
Quand  les  objets  à  soupeser  sont  de  poids  absolu  faible  et 
de  volume  médiocre,  le  poids  que  nous  leur  attribuons  se  rap- 
proche sensiblement  de  la  densité  réelle  de  ces  objets.  Si  pour 
divers  motifs,  fatigue,  éréthisme,  etc.,  la  sensation  musculaire 
produite  par  P  est  altérée,  le  poids  apparent,  ou  la  densité 
s'altère  en  même  temps.  Si  pour  un  motif  quelconque  la  sensa- 
tion tactile  ou  visuelle  est  altérée,  notre  appréciation  de  V  en 
sera  influencée.  Enfin,  si  le  corps  à  soupeser  est  suspendu  de 
telle  façon  que,  ni  par  la  vision,  ni  par  le  toucher  nous  ne 
puissions  rien  savoir  de  son  volume,  si  le  contact  est  pour 
ainsi  dire  linéaire,  nous  jugeons  que  Y  est  égal  à  1  (recouvrant 
l'unité  de  surface  sensible),  et  nous  percevons  un  poids  absolu. 

YaN    BlERVLlET, 

l'rofesscur  à  rUniiersilé  de  (iand. 


TRAVAUX 

DU 

LABORATOIRE  DE  PSYCHOLOGIE 

DE   PARIS 


CIRCULATION    CAPILLAIRE    DE    LA    MAIN 

DANS  SES  RAPPORTS  AVEC  LA  RESPIRATION  ET  LES  ACTES  PSYCHIQUES 

Nous  entrons  en  matière  sans  préambules,  renvoyant  pour 
l'historique  et  la  technique  des  recherches  de  pléthysmogra- 
phie  aux  analyses  publiées,  sous  le  titre  de  pléthysmographie, 
dans  la  deuxième  parlie  de  ce  volume. 

Notre  intention  première  était  d'étudier  l'inlluence  des  sen- 
sations, du  travail  intellectuel  et  des  émotions  sur  la  circulation 
du  sang  dans  les  capillaires,  question  rendue  importante  par 
les  hypothèses  faites  dernièrement  sur  le  mécanisme  des  émo- 
tions. Mais  la  suite  de  nos  expériences  nous  a  montré  qu'il 
fallait  d'abord  éclaircir  le  rôle  de  phénomènes  plus  élémen- 
taires, par  exemple  de  la  respiration  et  du  cœur.  Puis,  nous 
avons  vu  que  l'élude  de  la  circulation  artérielle,  et  l'étude  des 
courbes  respiratoires  faisaient  partie  intégrante  de  notre  sujet,  et 
nous  avons  été  obligés  d'étendre  encore  davantage  notre  champ 
d'observations  et  d'expériences  ;  tel  qu'il  est  actuellement,  notre 
travail  comprend,  à  titre  principal,  une  recherche  sur  l'in- 
fluence que  les  phénomènes  de  psychologie  exercent  sur  la 
respiration,  la  circulation  capillaire  et  la  circulation  artérielle; 
en  outre,  accessoirement,  et  comme  introduction  à  ces 
recherches,    nous   avons  dû  examiner  diverses   questions  de 


,■1 
1 


88  TRAVAUX   DU   LABORATOIRE    DE    PSYCUOLOGIE    DE    PARIS 

physiologie,  sans  lesquelles  il  serait  impossible  de  comprendre 
les  rapports  entre  les  processus  intellectuels  et  la  circulation. 
Nos  recherches,  commencées  en  janvier  1895,  ont  continué 
avec  quelques  interruptions  jusqu'en  décembre  189o.  Des  cen- 
taines d'expériences  ont  été  faites  l'après-midi,  de  une  heure 
et  demie  à  cinq  heures.  Le  plus  grand  nombre  des  expériences 
ont  été  faites  sur  nous  ;  des  collègues,  M.  le  professeur  iïenne- 
guy  (du  collège  de  France),  M.  Marbe  (de  Bonn),  M.  le  profes- 
seur Van  Biervliet  (de  Gand),  M.  l'abbé  Xilliez,  M.  le  professeur 
Bourdon  (de  Rennes),  M.  le  docteur  Ferrari,  M.  Eleffsen, 
M.  Vaschide,  M.  l'abbé  Piat,  M.  Michel,  M.  Clavière,  M.  Chàlons. 
M.  Victor  Henri,  M.  Philippe.  M"'"*  M.  et  A.  B.,  etc.,  se  sont  sou- 
mis à  plusieurs  expériences. 


PREMIÈRE  PARTIE 


LES    CAUSES  D  ERREUR    DANS    LES    EXPERIENCES  DE    PLETHYSMOGRAPIIIE 

Nous  ne  pouvons  décrire  toutes  les  causes  d'erreur  suscep- 
tibles de  se  produire  avec  n'importe  quel  appareil  de  pléthys- 
mographie  ;  nous  nous  bornons  à  celles  que  nous  avons  cons- 
tatées avec  les  appareils  dont  nous  nous  sommes  servis.  Nous 
en  dressons  ici  la  liste,  avec  des  figures  à  l'appui,  et  l'indica- 
tion des  moyens  capables  de  les  prévenir. 

Mais,  tout  d'abord,  décrivons  la  disposition  générale  de  nos 
appareils. 

Nos  expériences  ont  été  faites  avec  un  appareil  de  caoutchouc, 
qui  nous  a  été  obligeamment  prêté  par  MM.  Ilallion  et  Comte  •. 
Cet  appareil  dont  nous  avons  indiqué  le  principe  [Année  psy- 
chologique. I,  p.  296;  se  compose  d'un  cylindre  de  caoutchouc 
que  l'on  entoure  avec  les  doigts;  on  coiffe  la  main  d'une  peau 
de  gant  en  forme  de  cloche,  qui  exerce  une  légère  compression 
sur  la  main  et  les  doigts  ;  il  en  résulte  que  les  changements  de 

(!)  Nous  croyons  devoir  remercier  très  vivement  ces  deux  physinlogistes 
de  leur  désintéressement  ;  ils  nous  ont  prêté  des  appareils  de  leur  inven- 
tion, à  im  moment  où  ils  s'en  servaient  eux-mêmes  pour  des  expériences 
<iont  quelques-unes  se  sont  trouvées  idenliques  avec  les  nôtres.  Sans  ce 
prêt  des  plflliysmograplies  en  ca(uilcliuuc,  notru  travail  n'aurait  pas  été 
lait.  M.  Ilallion  a  bien  voulu  lire  les  épreuves  de  notre  article,  et  nous 
lui  sommes  redevables  de  beaucoup  de  corrections  et  de  suggestions. 


-i: 


BINET   ET    COURTIER.    —   CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.  89 

volume  de  la  main  se  transmettent  au  cylindre  de  caoutchouc; 
si  la  main  diminue  de  volume,  le  cvlindre  se  dilate  :  si  la  main 
augmente,  le  volume  du  cylindre  diminue  ;  il  y  a  donc  un 
changement  inverse  de  la  main  et  du  cylindre.  Cet  appareil  est 
très  simple,  très  facile  à  adapter  à  la  main,  bien  que  certaines 
conditions  de  l'application  restent  indéterminées,  par  exemple 
la  pression  exercée  sur  la  main. 

Un  tube  de  verre  enfoncé  dans  le  bouchon  qui  forme  la  base 
du  cylindre  communique,  par  un  tube  de  caoutchouc,  avec  un 
tambour  enregistreur,  dont  la  plume  écrit  sur  un  cylindre 
tournant.  On  comprend  que  les  changements  de  volume  de  la 
main  tendent  à  comprimer  le  cylindre,  ce  qui  produit  une  pous- 
sée d'air  qui  chemine  dans  le  tube,  arrive  au  tambour  et  par 
l'intermédiaire  de  sa  membrane  élastique  agit  sur  le  stylet  ;  ce 
stvlet  écrit  sur  le  cvlindre  en  mouvement  non  seulement  les 
changements  de  volume  de  la  main,  mais  ses  pulsations. 

Il  faut  bien  remarquer  que,  dans  certaines  expériences,  il  se 
produit  des  changements  de  la  pression  du  sang;  ainsi,  par 
exemple,  si  la  force  provulsive  du  co:'ur  augmente,  la  pression 
du  sang  augmente.  Ces  changements  dans  la  pression  ne  sont 
point  donnés  directement  par  les  appareils  que  nous  venons 
de  décrire  ;  ceux-ci  donnent  essentiellement  les  changements 
de  volume,  ce  qui  n'est  pas  entièrement  la  même  chose. 

Les  courbes  des  changements  de  pression  et  des  changements 
de  volume  se  développent  à  peu  près  parallèlement  dans  cer- 
taines expériences,  et  divergent  dans  d'autres.  Exemples  :  si  on 
■met  la  main  dans  une  position  déclive,  elle  se  gorge  de 
sang,  le  volume  augmente  et  la  pression  du  sang  "aug- 
imente  aussi  dans  la  main  ;  au  contraire,  si  on  met  un  mor- 
ceau de  glace  sur  le  bras,  la  main  se  resserre  (constriction 
réflexe),  elle  diminue  de  volume  et  la  pression  du  sang  aug- 
jnente,  parce  qu'il  est  comprimé  par  les  artérioles  reserrées  *. 


(1)  Dans  les  expériences  de  vivisection,  on  mesure  la  pression  du  sany 
■an  moj-en  de  manomètres  à  mercure  qu'on  met  en  communication  avec 
une  artère  ;  la  hauteur  d'ascension  à  laquelle  parvient  dans  le  tube  niano- 
métrique  le  mercure  refoulé  par  la  pression  du  sang,  donne  la  mesure 

•  de  cette  pression  ;  ces  expériences,  qui  sont  une  application  du  principe 

•  de  Pascal  sur  la  pressiim  des  liquides,  ont  élc  faites  pour  la  première  l'ois 
par  Poiseuille,  reprises  et  perfectionnées  ensuite  par  beaucoup  d'auteurs. 
Chez  l'homme,  il  est  extrêmement  difficile  de  mesurer  la  pression  du  sang, 
et  les  nombreuses  tentatives  qui  ont  été  faites  dans  ce  sens  n'ont  pas 
toujours  donné  des  résultats  satisfaisants  ;  le  sphygmomètre  à  ressort, 
qu'on  emploie  parfois  dans  la  clinique,  ne  constitue  pas  un  pr<icédé  précis  ; 
voici  en  quoi  il  consiste  :  ou  met  le  pouce  sur  l'artère  du  sujet,  et  on 


90  TRAVAUX    DU   LARORAÏOIRE    DE    PSYCUOLOGIE   DE    PARIS 

Nous  n'avons  pas  à  décrire  le  sphygmographe  à  transmission 
de  Marey,  qui  nous  a  servi  à  prendre  le  pouls  de  l'artère 
radiale,  ni  le  pneumographe  double  qui  nous  a  servi  à  prendre 
les  courbes  respiratoires;  ces  appareils  sont  bien  connus. 

Nous  avons  cru  nécessaire,  pour  résoudre  certains  problèmes 
dont  nous  parlerons  plus  loin,  de  créer  un  pouls  artificiel, 
c'est-à-dire  des  courbes  imitant  le  pouls  et  produites  par  des 
instruments.  Nous  avons  imaginé  deux  moyens  pour  produire 
ce  pouls  arLificiel  :  le  premier  est  un  pas  de  vis  en  forme  de 
pouls  sur  lequel  se  meut  un  petit  chariot  muni  d'une  plume  ; 
lechariut  ([ui  suit  toutes  les  sinuosités  du  pas  devis,  comme  un 
wagon  suit  les  détours  d'une  voie  ferrée,  fait  retracer  à  la 
plume  la  forme  du  pouls.  Le  second  procédé,  le  se.ul  que  nous 
avons  employé,  est  une  application  du  principe  adopté  parDon- 
ders  pour  son  appareil  vérilicateur  de  tambours,  il  consiste  à 
faire  suivre  à  un  levier,  qui  est  relié  à  une  membrane  de  tam- 
bour, les  sinuosités  d'une  came  qui  reproduit  la  forme  du 
pouls,  de  sorte  que  le  stylet  d'un  second  tambour  en  commu- 
nication avec  le  premier  par  un  tube  de  caoutchouc  reproduit 
le  dessin  de  la  came.  Nous  avons  pu,  en  réunissant  les  effets 
de  plusieurs  cames,  connaître  les  cHels  des  combinaisons  de 
mouvements  complexes. 

examinons  maintenant  les  causes  d'erreur  (|ui  peuvent  se 
produire  dans  ces  expériences  : 

1°  Frottement  de  la  plume  sur  le  cylindre.  —  Ce  frottement 
peut  être  dû  à  ce  que  la  plume  a  été  trop  appuyée  sur  le 
cylindre,  à  ce  (juc  le  cylindre  est  mal  calibré  ou  mal  nivelé,  le 
papier  mal  collé,  etc.  L'excès  de  frottement  ne  produit  pas  une 
diminution  régulière  de  la  pulsation,  mais  une  altération  pro- 
fonde de  la  forme. 

.•ipixiic  sur  son  ])uiice  le  sphyfiiiiiunrtro  (qui  "n'est  en  somme  qu'un 
ressiu-t  dans  une  yainc).  en  îui^uu'iilant  yraduelIcuiiMit  la  pression  sur 
l'ongle  jusqu'à  ce  (pu'  le  pouce  explorateur  ne  sente  plus  le  battement  de 
l'artère;  m\  admet  ipi'à  ce  monu'ut  la  pression  Irausuiise  par  le  sphyg- 
momètre  au  pouce  conire-lialauce  la  piession  arlcriidie,  lui  est  égale  et  la 
mesure;  il  suflil  ddiu-  de  lire  sur  le  sphygmnmèlre  la  lorre  de  pression 
dépensée  pour  cnniiailic  celle  du  sang.  l/euq)loi  de  cri  insirument  exige 
une  grande  hahilcle  cl  smlnul  bcaucuup  d'exercice;  lud  doute  qu'il  donne 
de  bons  résultais  dans  ipielipu's  conditions:  son  délaut  copital  est  de 
supposer  un  élément  sulijcctir  d'a|)i)rcciation,  l'appréciation,  par  la  pulpe 
du  pouce,  de  l'ettaceuiiiil  du  piuils  dn  a  imagine  quelipies  appareils  enre- 
gistreurs de  la  pression  du  sang  chez  l'iionnue;  Marey,  iiascli,  Krieset  enfin 
Mosso  ont  travaillé  cette  ipiesli  m.  Nous  donnons  plus  loin  uii'  aiial\se  du 
sphygnKuuaiiomélrc  de  Mosso 


BINKT   ET    COURTIER. 


CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC. 


91 


2"  Tension  de  la  membrane  de  caoïilchouc  du  tambour.  — 
Il  est  de  principe  dans  les  expériences  graphiques  que  pour 
avoirdes  résultats  comparables,  il  faut  les  recueillir  avec  le  môme 
tambour.  Nous  donnons  (fig.  1)  un  exemple  de  pouls  artificiel 
pris  successivement  avec  trois  tambours  différents,  substitués 
les  uns  aux  autres  à  l'aide  de  notre  comïnutateur  graphique  *  ; 
le  pouls  le  plus  ample  a  été  donné  par  le  plus  petit  tambour  à 
membrane  peu  tendue;  les  deux  autres  tambours  avaient  la 
même  dimension  ;  la  membrane  de  l'un  était  molle,  celle  de 
l'autre  au  contraire  était  très  tendue  ;  le  pouls  du  premier  est 
beaucoup  plus  ample.  Remarquons  toutefois  que  la  position  du 
dicrotisme  ne  varie  pas,  quel  que  soit  le   tambour  employé  : 


Fig.  1.  —  Pouls  arlificitM  pris  avec  trois  taiiiboiirs  différents  :  en  liant, 
tracé  donné  par  un  grand  tambour,  à  nieuibrane  très  molle:  au  milieu, 
tracé  donné  par  un  petit  tambour  à  membrane  très  molle  ;  en  bas,  ligne 
inférieure,  tracé  pris  avec  un  grand  tambour  à  membrane  dure. 


mais  plus  le  tambour  est  dur,  moins  le  dicrotisme  se  marque; 
il  est  plat  au  lieu  d'être  rebondi. 

La  cause  d'erreur  que  nous  signalons  n'est  pas  à  craindre 
dans  les  expériences  ordinaires,  où  l'on  se  sert  d'un  même 
tambour.  Mais  il  peut  arriver  au  cours  d'une  expérience  que  la 
membrane  d'un  tambour  change  de  tension,  par  exemple,  dans 
les  expériencs  sur  les  vaso-moteurs,  la  main  peut  diminuer  de 
volume,    ce   qui   produit    un   abaissement   de    pression    dans 


(1)  Nous  en  faisons  la  descri[ilion  dans  notre  chapitre  de  Vurlélés. 


92  TRAVAUX    DU    LABORATOIRE    DE    PSVCUOLOGIE    DE    PARIS 

l'appareil,  d'où  il  peut  résulter  que  la  membrane  du  tambour 
sera  moins  tendue  ;  or,  celte  diminution  de  tension  produit 
une  augmentation  de  la  pulsation.  Nous  en  donnons  deux 
exemples  :  l'un  pris  avec  le  pouls  naturel,  l'autre  avec  le  pouls 
artificiel.  A  noter  qu'avec  la  diminution  de  pression  il  se  pro- 
duit facilement  une  projection  de  la  plume,  qui  déforme  le  tracé. 
En  ce  qui  concerne  le  pouls  physiologique,  la  question  de 
l'influence  de  la  tension  de  la  membrane  est  un  peu  complexe, 
et  ce  serait  une  erreur  de  croire  que  le  pouls  sera  d'autant  plus 
grand  que  la  membrane  sera  moins   tendue.  Mosso  a  montré  ' 


Fig.  2.  —  Pouls  arlificiel  coniLiné  à  une  oscillation  aitiUcielle  :  ces  deux 
mouvements,  produits  par  deux  cauies  dillV'rcntes,  associées  à  deux 
tambours  diïïérents,  arrivent  à  un  tambour  unique,  qui  les  combine  et 
les  inscrit  sur  le  cylindre.  On  voit  qu'au  sonuuet  supérieur  de  l'ondiila- 
tion,  quand  la  membrane  est  très  tondue,  la  pulsation  est  un  peu  plus 
petite  qu'au  sommet  inférieur. 


qu'il  y  a  un  optimum  de  pression  (égal  à  environIGO  mm.  de  mer- 
cure) pour  lequel  le  pouls  présente  son  maximum  d"amplitude. 

3°  La  co)nbinaison  de  plusieurs  mouvements  enregistrés 
simultanément.  —  Nous  verrons  que  dans  le  tracé  capillaire  il 
y  a  des  pulsations  et  des  ondes  (les  oscillations  respiratoires, 
qui  soulèvent  au-dessus  du  niveau  du  tracé  des  séries  de  cinq 
à  huit  pulsations)  ;  or  les  difl'érentes  pulsations  qui  composent 
une  même  oscillation  n'ont  pas  la  même  forme  ;  celles  qui  sont 
placées  sur  la  montée  diffèrent  de  celles  qui  sont  placées  sur  la 
descente.  Cette  différence  de  forme  tient-elle  à  une  propriété 
physiologique,  ou  est-elle  un  résultat  physique  de  la  combinai- 
son de  la  pulsation  avec  le  mouvement  de  l'oscillation?  Pour 
le  savoir,  nous  avons  reproduit  artificiellement  le  mouvement 
du  pouls  et  le  mouvement  de  loscillation  respiratoire,  eu 
employant  deux  cames  dilTérentes,  et  nous  avons  enregistré 
simultanément  avec  le  même  tambour  ces  deux  mouvements 
différents.  Les  figures  2  et  3  montrent  tout  d'abord  que  l'ascen- 

(I)  Voir  plus  loin  les  analyses  des  travaux  de  l'année  sur  la  plélliys- 
mograi)liic. 


131RET   ET    COURTIER.    —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.  93 

sion  du  niveau  du  tracé  augmente  la  longueur  de  la  ligne 
d'ascension  de  la  pulsation,  et  diminue  celle  de  la  ligne  de 
descente  ;  l'efTet  inverse  se  produit  pendant  la  descente  du 
niveau  du  tracé.  En  ce  qui  concerne  la  forme  du  dicrotisme, 
elle  varie  avec  les  changements  de  niveau,  suivant  la  rapidité 
d'ascension  et  de  descente  ;  ainsi  dans  une  oscillation  très 
ample,  les  changements  sont  imperceptibles  (fig.  3);  ils  sont 
énormes  dans  une  oscillation  courte  et  forte  (fig.  2).  Pour 
apprécier  ces  différents  effets,  il  faut  faire  varier  l'oscillation 
artificielle  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  égale  à  l'oscillation  natu- 
relle qu'on  étudie. 

4°  Effet   d'une  fuite.  —  Toute  fuite   dans  une  partie  quel- 
conque des  appareils  a  pour  effet  d'égaliser  le  tracé,  et  toutes 


Fig.  3.  —  Pouls  artificiel  ei  osciUatinii  artificielle  combines  ;  l'oscillation 
étant  très  lente,  la  forme  du  dicrotisme  ne  change  pas,  la  grandeur  de 
la  pulsation  change  très  peu. 


les  fois  qu'on  voit  un  tracé  absolument  rectiligne,  il  est  bon 
de  penser  à  une  fuite  et  de  la  rechercher.  Une  fuite  de  dimen- 
sion considérable  supprime  complètement  tout  tracé,  toute 
pulsation;  l'effet  produit  dépend,  on  le  comprend,  d'une  foule 
de  conditions,  de  l'importance  de  la  fuite,  de  la  force  du  phé- 
nomène qu'on  enregistre  et  de  sa  rapidité.  Nous  avons  étudié 
méthodiquement  les  effets  d'une  fuite  produite  en  ouvrant  la 
petite  soupape  qu'on  place  sur  les  tubes  de  transmission. 
Dans  ces  conditions  le  pouls  change  un  peu  de  forme,  sa  par- 
tie inférieure  est  comme  coupée,  la  pointe  de  la  pulsation  est 
plus  aiguë  (ce  qui  tient  à  une  diminution  de  pression  dans  le 
circuit),  les  ondulations  respiratoires  sont  supprimées. 

Si,  à  ce  moment,  il  se  produisait  une  vaso-constriclion  de  la 
main,  elle  ne  s'inscrirait  pas.  Pour  savoir  d'une  manière  em- 
pirique s'il  y  a  une  fuite  ou  non  dans  les  appareils,  il  suffit  de 
lever  la  main  adaptée  à  l'appareil  en  caoutchouc  ;  la  main 
levée  se  rapetisse  et  doit  produire  un  abaissement  de  niveau  ; 
s'il  ne  se  produit  pas.  il  y  a  une  fuite. 


94  TRAVAUX    DU    LABORATOIRE    DE    PSVCIIOLOGII::    DE    PARIS 

o°  Déplacement  des  appareih.  —  L'appareil  qui  se  déplace 
le  plus  facilement  est  le  sphygmographe  ;  si  la  main  elle  bras, 
appuyés  sur  la  table,  sont  dans  une  position  intermédiaire  entre 
la  pronation  et  à  la  supination,  lappareil  glisse  lentement,  et 
produit  un  changement  progressif  de  niveau,  qui,  n'étant  pas 
très  brusque,  pourrait  être  attribué  facilement  à  une  cause 
physiologique.  Il  est  bon  que  la  main  soit  immobilisée,  en  supi- 
nation ;  c'est  la  position  la  plus  favorable  pour  le  sphygmo- 
graphe; elle  est  malheureusement  un  peu  fatigante  à  conserver, 
et  il  se  produit  au  bout  de  peu  de  temps  de  la  fatigue,  du 
tremblement,  des  soubresauts,  etc.  Les  changements  de  posi- 
tion du  corps  influent  grandement  sur  les  courbes  de  la  respi- 
ration, qui,  pour  bien  faire,  devraient  être  prises  chez  des  sujets 
assis  et  immobilisés  dans  des  fauteuils  articulés. 

G°  Mouvements  involontaires  de  V organe  dans  V appareil.  — 
L'immobilité  du  corps  est  de  rigueur  dans  ces  sortes  d'expé- 


lios|iirali(iii. 


Tracé  capillaire. 


>«w^A>^^i 


Fig.  4.  —  Tracé  capillaire.  Mouveiiiciit.s  involontaires  et  hrnsqncs  prodnils 
par  la  tunx.  Dans  le  tracé  respiratoire, l'inspiration  se  l'ait  par  exception 
(le  bas  en  liant  (tous  les  tracés  se  lisent  de  gauche  à  droite). 

riences  ;  peu  d'individus  sont  assez  maîtres  de  leurs  muscles 
pour  se  discipliner  complètement.  Nous  donnons  (fig.  4)  un 
exemple  de  mouvement  involontaire,  un  ébranlement  produit 
par  la  toux.  Les  mouvements  involontaires  sont  fréquents  chez 
les  enfants;  ils  se  produisent  chez  les  adultes  sous  l'influence 
de  la  fatigue  et  des  émotions. 

Quand  le  tracé  de  la  pulsation  est  très  net,  le  mouvement 
involontaire  est  en  général  facile  à  discerner,  parce  qu'il 
déforme  la  pulsation.  Quand  le  mouvement  est  très  lent,  on 
peut  ne  pas  le  reconnaître.  Nous  donnons  un  exemple  de  mou- 
vement très  lent  fait  volontairement  par  un  sujet  pour  imiter 
une  vaso-constriction  (fig.  5);  la  pulsation  n'est  pas  altérée,  et  la 
simulation  ne  se  reconnaît  ici  qu'à  ce  détail  que  la  pulsation 
conserve  son  amplitude,  tandis  (|u'elle  se  rapetisse  constam- 
ment dans  une  vaso-constriction  vraie  (fig.  6).  Il  se  produit  par- 


BINET    ET    COL'RÏIER. 


CIHCL-LAT'ON    CAI'ILL.VIHE,    ETC. 


9o 


fois  dans  la  pratique  des  cas  douteux,  qui  sont  une  grande  cause 
d'ennui. 

7°  Appareils  défectueux.  —  Un  appareil  en  caoutchouc  trop 
dur  ou  trop  mou  peut  ne  pas  enregistrer  fidèlement  les  change- 
ments de  volume  de  l'organe.  Pour  éprouver  les  appareils,  nous 


% 


(icsj)iralion 

Tracé 
.■apillaire. 


Fig.  O. 


Simulation  de  cmistrictiuii.  priuluite  par  un  déplacement  des 
doigts  dans  Tappareil.  Ce  qui  décèle  la  simulation,  c'est  que  le  pouls  ne 
se  rapetisse  pas. 


plaçons  sur  le  tube  de  transmission  un  petit  cylindre  avec 
piston,  qui  permet  d'augmenter  et  de  diminuer  à  volonté  la 
pression  dans  l'intérieur  des  appareils,  ce  qui  donne,  étant 
connue  la  course  du  piston,  la  mesure  des  déplacements  de  la 


Respira 
tioii. 


Fijr.  6.  Constriction  vraie,  produite  par  une  inspiration  forte,  et  mon- 
trant que  le  pouls  se  rapetisse  pendant  la  constriction.  Dans  le  tracé 
respiratoire,  Finspiration  se  fait  par  exception  de  bas  en  liaut.  —  Au  bas 
de  la  figure,  la  ligne  des  secondes.  On  remarquera  que  pendant  la  cons- 
triction les  oscillations  respiratoires  continuent  à  se  marquer. 


plume.  Quelques  explications  sont  ici  nécessaires.  Quand  on 
voit  la  plume  se  déplacer  sur  le  tracé  de  1  centimètre  en  hau- 
teur, par  exemple,  il  est  impossible  de  dire  quantitativement 
la  valeur  du  phénomène  qui  correspond  à  ce  déplacement  ; 
cela  dépend  d'une  foule  de  facteurs,  au  moins  neuf  ou  dix 
(longueur  de  la  plume,  frottement,  rapport  des  deux  bras  de 


96 


TRAVAUX    DU    LABORATOIIΠ  DE   PSYCHOLOGIE   DE    PARIS 


levier  de  la  plume,  tension  de  la  membrane  de  caoutchouc  du 
tambour,  surface  de  celle  membrane,  grandeur  du  tambour, 
longueur  du  tube  de  transmission,  élasticité  de  ce  tube,  tem- 
pérature, rapport  entre  la  pression  atmosphérique  et  la  pression 
dans  rintérieur  des  appareils,  etc.,  etc.).  En  général,  on  ne 
cherche  pas  dans  la  méthode  graphique  une  mesure,  même 
approximative,  des  phénomènes.  Il  est  facile  de  l'obtenir  avec 
l'instrument  que  nous  avons  fait  construire,  puisqu'on  sait  avec 
cet  instrument  la  déviation  subie  par  la  plume  pour  une  course 
du  piston  égale  à  i  cenlimèlre  cube.  Cette  déviation  est  une 
mesure,  un  étalon  auquel  on  reporte  les  courbes  prises  dans 
les  mêmes  conditions. 

8°  Emotion  du  sujet.  —  Toute  personne  qui  se  prête  pour  la 
première  fois  à  l'expérience  éprouve  à  quelque  degré  une  émo- 


Vw^vMv^\'«>W^ 


HmH^mmmim^imhiiiim^'^' 


Fig.  7.  —  Iniliicnce  (riin  état  éniof idunel  sur  le  pouls  capillaire.  Le  tracé 
supérieur,  portion  de  gauche,  est  pris  avant  l'émotion;  on  interrompt 
ensuite  Texpérience ,  mais  les  appareils  restent  en  place  ;  rémotion 
s'étant  produite,  nous  prenons  le  tracé,  portion  de  droite,  ligne  supé- 
rieure: quelques  minutes  après.  (|uand  le  calme  est  revenu,  nous  prenons 
le  tracé  du  pouls  normal,  tracé  inférieur. 


lion  qui  a  pour  effet  de  rapetisser  son  tracé  capillaire.  Il  faut 
s'habituer  à  l'expérience.  Nous  donnons  (fig.  7)  un  exemple 
de  ces  émotions  perturbatrices,  pris  dans  les  conditions  sui- 
vantes qui  n'étaient  pas  concerlées  d'avance  :  le  sujet  apprend 
brusquement,  pendant  une  expérience,  qu'on  l'appelle  pour 
une  affaire  importante  ;  un  peu  ému,  il  fait  quelques  mouve- 
ments ;  son  pouls,  qui  était  jusque-là  très  ample,  devient  très 
petit  ;  nous  le  prions  de  rester  encore  cinq  minutes  en  expé- 
rience avant  de  se  rendre  à  l'appel  qui  lui  est  adressé;  son 
émotion  se  calme,  le  pouls  reprend  son  amplitude  normale. 

9"  La  compression,  qu'il  est  nécessaire  d'exercer  sur  l'ar- 
tère avec  le  sphygmographe  ou  sur  la  main  avec  l'appareil  de 
Ilallion  et  Comte,  a  cet  effet  qu'au  bout  d'une  demi-heure,  une 
heure,  le  pouls  se  rapetisse,  et  il  faut  suspendre  l'expérience. 


BINET    ET    COURTIER.    —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.  97 

Kiesow  a  fait  la  même  remarque  avec  le  sphygmomanomèlre 
de  Mosso. 

10°  Dans  les  états  de  fatigue,  de  dépression  mentale,  déjeune, 
ou,  tout  simplement,  à  un  trop  grand  intervalle  du  repas,  le 
tracé  capillaire  s'affaiblit  et  ne  donne  point  de  bons  résultats  ; 
il  faut  se  méfier  des  tracés  défectueux,  où  la  forme  du  pouls  se 
lit  très  difficilement. 


II 

MODIFICATIONS  PRODUITES  DANS  LES  TRACÉS  CAPILLAIRES  et  ARTERIELS 
PAR  DES  AUGMENTATIONS  OU  DES  DIMINUTIONS  DE  LA  PRESSION  ET 
DE  LA  QUANTITÉ  DE  SANG  CONTENUE  DANS  LES  ORGANES  EXPLORÉS. 

Nous  avons  étudié  les  effets  produits  sur  la  forme  du  pouls 
et  sur  le  niveau  des  tracés  par  des  changements  mécaniques, 
apportés  artificiellement  dans  la  quantité  de  sang  qui  est  con- 
tenue dans  les  vaisseaux  ;  nous  nous  sommes  convaincus  qu'il 
est  nécessaire  de  connaître  dabordces  questions  de  mécanique 
circulatoire  pour  mieux  comprendre  les  phénomènes  délicats  et 
plus  complexes  qui  se  produisent  dans  la  circulation  sous  Tin- 
fluence  des  actes  psychiques.  Pour  faire  varier  la  quantité  de 
sang,  nous  avons  eu  recours  à  deux  procédés,  les  changements 
de  position  de  la  main,  et  les  compressions  d'artère  ou  de 
veine.  "Ces  deux  procédés  ne  sont  pas  absolument  comparables. 
Le  changement  de  position  produit  des  effets  plus  complexes 
que  la  compression.  Quand  on  élève  la  main,  il  se  produit  trois 
choses  :  1°  une  diminution  dans  la  quantité  de  sang  artériel  ; 
t"  une  diminution  dans  la  quantité  de  sang  veineux;  3°  une 
diminution  de  pression  égale  à  environ  3  centimètres  de  mer- 
cure *.  Si  on  comprime  l'artère  axillaire,  on  produira  bien  dans 
la  circulation  de  la  main  le  premier  de  ces  effets,  la  diminuiton 
de  la  quantité  de  sang  artériel  ;  on  n'aura  pas  une  diminution 
dans  la  quantité  de  sang  veineux  qui  pourra  agir,  au  retour  du 
sang  artériel,  en  augmentant  la  pression  que  celui-ci  a  à  vaincre  ; 
on  n'aura  pas  non  plus  à  considérer  l'action  de  la  pesanteur. 

(l)  Marey  ilit  que  l'excès  de  prcssifui  (|u'iiii  ul^sri-ve  dans  raitèic  dvi 
ineiiibre  déclive,  par  rapport  à  la  valeur  de  la  pression  dans  l'attilude 
élevée,  correspond  an  j)oids  d'une  colonne  de  sanir  dont  la  hauteur  serait 
éf^'ale  à  la  diO'ercnce  de  niveau  entre  les  deu.x  piisitious  exlrênies.  (dnu- 
Iiilion  du  sa/ifj,  p.  438  et  seq.) 

ANNÉE   PSYCHOLOGIQUE.  7 


1 


98  TRAVAUX   DU   LABORATOIRE   DE   PSYCHOLOGIE   DE   PARIS 

1°  Forme  du  pouls  capillaire  et  du  pouls  artériel  dans 
différentes  positions  de  la  main. 

Pouls  capillaire.  —  Le  sujet  étant  assis,  l'appareil  de  caout- 
chouc adapté  à  sa  main,  nous  le  prions  soit  d'élever  sa  main 
pendant  quelques  minutes,  soit  de  la  poser  sur  la  table  devant 
lui,  soit  de  la  laisser  pendre  le  long  de  son  corps. 

Nos  expériences  ont  été  répétées  sur  quatre  sujets,  et  elles 
ont  donné  des  résultats  si  parfaitement  concordants,  que  nous 
avons  jugé  inutile  de  les  étendre  davantage.  Les  causes  d'erreur 
qui  peuvent  les  vicier  nous  paraissent  peu  nombreuses  ;  la 
première  est  la  production  de  mouvements  involontaires  de  la 
main  dans  l'appareil  ;  ces  mouvements  se  manifestent  sur  les 
tracés  par  des  irrégularités  assez  grandes  pour  être  reconnues 
à  première  vue  ;  du  reste,  il  suffît  de  quelque  exercice  pour 
éviter  ces  mouvements.  Une  seule  cause  d'erreur,  qu'on  peut 
concevoir  à  priori,  consiste  en  ce  que  la  main,  en  changeant 
brusquement  de  position,  change  de  volume  ;  ainsi,  dans  la 
position  élevée,  elle  s'anémie  et  son  volume  se  réduit  ;  par  con- 
séquent, elle  est  moins  comprimée  par  l'appareil  et  peut  lui 
transmettre  moins  bien  ses  pulsations  ;  d'autre  part,  par  suite 
également  de  cette  diminution  de  volume,  la  plume  inscrivante 
change  de  niveau  sur  le  cylindre,  elle  frotte  autrement,  la  ten- 
sion de  la  membrane  du  tambour  se  modifie,  etc.  Des  recher- 
ches de  contrôle  nous  ont  montré  que  ces  erreurs  sont  négligea- 
bles ;  en  effet,  ayant,  avec  notre  régulateur  graphique,  ménagé 
dans  les  appareils  un  petit  pertuis*  pour  que  l'air  qu'ils  con- 
tiennent soit  toujours  en  équilibre  avec  l'air  extérieur,  et  pour 
que  les  niveaux  de  tracés  dont  nous  parlons  restent  constants, 
nous  avons  vu  que  les  effets  du  changement  de  la  position  sur 
le  pouls  sont  sensiblement  les  mêmes  qu'avec  des  appareils 
complètement  clos.  Nous  publions  un  de  nos  tracés  de  contrôle 
(fig.  9). 

(1)  Nous  avons  appris,  par  une  coninuinicalion  orale  de  M.  Ilalliou,  à  la 
suite  d'une  de  nos  coninuinicalions  à  la  Société  de  lUologie,  où  nous  avions 
exposé  le  procédé  de  la  l'iiite  pour  éfjaliser  les  tracés,  (|ue  ce  procédé  est 
en  rpielque  sdiie  traditionnel  au  laboratoire  de  .M.  Maroy,  au  Collè<!:e  de 
France.  M.  Ilallion  ifiuore  s'il  a  été  publii-.  Pour  notre  part,  nous  en 
avons  eu  Tidée  de  la  manière  suivante  :  ui.  jour,  pendant  les  expériences, 
nous  nous  souinies  aper(;us  cpie  le  })létliysuiograplie  dont  nous  nous  ser- 
vions avait  une  fuite;  et  après  un  niouveuicnt  de  mauvaise  humeur,  en 
regardant  attentivement  les  tracés,  nous  avons  constaté  que  cette  fuite 
présentait  un  grand  avantage  en  égalisant  les  tracés.  C'est  donc  tout  sim- 
])lenient  le  hasard,  saisi  an  vol,  qui  nous  a  donné  l'idée  de  cette  méthode, 
dont  les  applications  sont  multiples. 


BINET    ET    COL'RTIEH.    —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC. 


99 


Main  levée.  —  Si  on  élève  lentement  la  main  (fig.  8),  la  ligne 
du  tracé  descend,  et  pendant  la  descente  le  pouls  augmente 
d'amplitude,  son  dicrotisme  s'atténue  et  devient  plus  précoce, 
remonte  vers  le  sommet  de  la  pulsation  ;  puis,  si  on  main- 
tient l'attitude  (fig.  10)  le  tracé  se  développe  dans  le  sens  hori- 


Fig.  8.  —  Elfet  de  l'atlitude  de  la  main  sur  le  pouls  capillaire.  Sujet  assis. 

Do  A  en  B,  main  posi'c  sur  la  table  ;  ])ouIs  pefil.  avec  dicrotisme  en  bas  ;  de  B  en  C,  le 
sujet  éli've  la  main  ;  la  pulsation  se  rapetisse,  après  avoir  jiassé  par  luie  phase  d'agrandisse- 
ment ;  le  dicrotisme  s'elTace:  de  C  en  I),  la  main  reste  en  l'air,  pouls  petit,  à  dicrotisme 
imperccptilile  :  de  D  en  E,  la  main  s'abaisse  :  le  niveau  s'élève,  le  dicrotisme  reparaît;  de  E 
en  F.  main  posée  sur  la  table  ;  le  dicrotisme  descend. 

zontal,  le  pouls  est  très  petit,  avec  dicrotisme  '  à  peine  distinct 
et  placé  tout  près  du  sommet;  parfois  le  dicrotisme  disparaît, 
et  le  sommet  de  la  pulsation  est  en  plateau;  les  ondulations 
respiratoires  continuent  à  se  marquer  sur  ce  tracé,  et  on  peut 


W^J^J^J^J^^^jJMM^JVI^^ 


G 


D 


Fig.  9.  —  Trafé  pris  avec  un  appareil  à  fuite  capillaire,  île  in.inière  à 
luainteiiir  le  niveau  constant. 

De  A  en  B,  la  main  est  sur  la  table;  de"B  à  C.  on  ('lè\e  Icnlcinont  la  main,  de  C  en  I).  la 
main  reste  élevée  :  do  D  on  K,  la  main  est  descendue  linlement  :  lic  E  eu  I',  la  main  est 
revenue  à  sa  première  position,  sur  la  table. 

constater  que  l'amplitude  du  pouls  augmente  beaucoup  avec  la 
dilatation  respiratoire;  ce  changement  d'amplitude  est  bien 
moins  mai^iué  chez  le  sujet  qui  a  fourni  le  graphi(iue,  dans  les 
oscillations  respiratoires  de  la  main  posée  ou  pendante.  A 
mesure  que  la  position  élevée  de  la  main  se  prolonge,  —  ce  qui 

(J)  Le  dicrdlisnie,  ou  rel)ondisseiuent  du  pouls  sur  la  ligne  de  desccnle, 
résulte,  d'après  .Marey,  d'une  rétlexion  de  l'onde  sanguine  sur  les  valvules 
sigmoïdes. 


100 


TRAVAUX    DU   LABORATOIRE   DE    l'SYClIOLOGIE   DE   PARTS 


amène  rapidement  de  la  fatigue,  du  trouble  respiratoire  et  de 

l'efTort,  —  la  ligne  du  tracé  prend  une  direction  ascensionnelle, 

le  pouls  augmente  considérablement  d'amplitude,   son  dicro- 

tisme   reste  atténué,   et  placé  près  du  sommet. 

wM  Quand  on  ramène  la  main  sur  la  table,  lentement, 

^H  sans  secousses,  le  pouls,  s'il  était  encore  petit, 

WS  augmente    régulièrement    d'amplitude  ;    comme 

■9     -ë  dans  l'élévation  de  la  main,  il  passe  par  un  maxi- 

^H     2  mum  d'amplitude,  et  diminue  ensuite  un  peu. 

Comme  on  pourrait  supposer  que  ces  modifica- 
tions de  la  pulsation  tiennent  aux  changements 
de  niveau  du  tracé  —  question  que  nous  avons 
posée  d'une  manière  générale  dans  notre  premier 
chapitre  —  nous  avons  refait,  ainsi  que  nous  le 
disions  tout  à  l'heure,  les  mêmes  expériences 
avec  une  fuite  dans  les  appareils,  fuite  assez  petite 
pour  conserver  la  forme  de  la  pulsation,  et  assez 
grande  pour  maintenir  le  niveau  constant  ;  les 
changements  dans  la  position  du  dicrotisme  ont 
été  les  mêmes  (fig.  9). 


ci 

'-3 


fcp 


ic 


^    o 


o    — 


Oh 

a 
o 


Discussion  des  tracés  précédents.  —  La  dimi- 
nution d'amplitude  de  la  pulsation  pendant  la 
position  élevée  tient  à  ce  que  la  main  se  vide 
d'une  partie  de  son  sang  ;  c'est  du  reste  ce  que 
prouve  la  pâleur  de  la  main;  le  sujet  éprouve  en 
même  temps  la  sensation  subjective  que  la  main 
cesse  de  remplir  complètement  l'appareil,  par 
suite  de  sa  diminution  de  volume  ;  peu  à  peu  la 
main,  tout  en  conservant  sa  position,  rougit  de 
nouveau,  et  le  sang  y  arrivant  en  plus  grande 
abondance  y  détermine  un  accroissement  de  la 
pulsation.  Quant  à  l'atténuation  du  dicrotisme,  et 
à  sa  position  près  du  sommet,  ce  sont  des  carac- 
^^1  tères  très  importants  par  leur  constance  ;    nous 

W^  supposons  qu'ils  sont  sous  la  dépendance  de  la 

WBÊ  diminution  qui  s'est  produite  dans  la  pression  et 

dans  la  quantité  de  sang  de  la  main  ;  et  nous 
admettrons  par  conséquent  que  lorsque  la  quantité  de  sang  en 
circulation  est  très  faible  par  rapport  au  diamètre  des  vais- 
seaux et  que  la  pression  vient  à  diminuer,  le  pouls  e&i  petit,  à 
dicrotisme  atténué  et  rapproché  du  sommet. 


fcD 


BINET   ET    COURTIER.    —   CIRCULA.TION    CAPILLAIRE,   ETC.        101 

Maintenant  nous  devons  remarquer  qu'à  mesure  que  l'expé- 
rience se  prolonge  et  que  le  sang  revient  dans  la  main,  le  pouls 
augmente  d'amplitude,  mais  les  caractères  du  dici'otisme  ne 
changent  pas  ;  par  conséquent,  quand  la  quantité  de  sang  est 
faible  par  rapport  au  diamètre  des  vaisseaux,  le  pouls  est 
grande  à  dicrotisme  atténué  et  rapproché  du  sommet. 

Avant  d'abandonner  ces  tracés,  il  est  important  de  faire 
quelques  remarques  sur  la  forme  du  pouls  pendant  le  passage 
d'une  position  déclive  à  une  position  élevée  et  inversement.  Ce 
pouls  de  transition  ne  peut  être  étudié  que  dans  le  cas  où  le  sujet 
n'a  fait  aucun  mouvement  brusque  en  élevant  et  en  abaissant 
la  main.  Sur  la  figure  8,  nous  pouvons  voir  que  le  pouls,  pen- 
dant l'élévation  de  la  main,  présente  un  agrandissement  avant  de 
diminuer  ;  cet  effet  tient  vraisemblablement  à  ce  que  la  petite 


mm^. 


u-nm^'Hi4^44^ 


Fig.  11. 


A  B  C 

—  Influence  de  l'attitude  déclive  de  la  main  sur  le  tracé 
capillaire. 

iJe  A  à  B,  main  posi'c  sur  la  table,  sujet  assis  ;  de  B  à  C,  raaiu  pendante  ;  le  dicrotisme  du 
pouls  s'abaisse,  la  pulsation  se  rapetisse. 


diminution  de  quantité  de  sang,  qui  s'est  déjà  produite  à  ce 
moment-là,  est  plus  favorable  à  la  mise  en  jeu  de  l'élasticité 
artérielle.  Pendant  l'abaissement  lent  de  la  main,  les  mêmes 
effets  de  modification  de  la  pulsation  se  produisent  en  ordre 
inverse. 

Main  pendante.  —  La  main  étant  posée  sur  la  table,  si  on 
la  laisse  pendre  le  long  du  corps,  de  manière  à  ce  qu'elle  se 
congestionne,  rougisse  et  qu'on  ait  une  sensation  subjective 
de  chaleur  et  de  tension,  la  ligne  du  tracé  s'élève,  le  pouls 
se  rapetisse,  le  dicrotisme  s'accentue  et  descend,  parfois  au 
point  de  devenir  intermédiaire  entre  deux  pulsations.  Ces 
eflets  ne  se  produisent  pas  avec  autant  d'intensité  chez  tous 
les  sujets,  mais  la  modification  a  constamment  lieu  dans  le  sens 
que  nous  indiquons  (flg.  11). 

Pour  rendre  ces  effets  plus  apparents,  nous  prenons  simul- 
tanément le  pouls  de  la  main  droite  pendante,  et  de  la  main 
gauche   tenue  horizontalement  (sujet   assis;;   le  pouls  de   la 


-102 


TRAVAUX    DU    LABORATOIRE   DE    PSYCnOLOGIE    DE    PARIS 


main  droite  est  plus  petit,  à  diiirotisine  plus  bas  et  plus  rebondi 
(voir  fig.  12). 

J)iscussion.  —  En  rapprochant  les  effets  inverses  produits  par 
la  position  pendante  et  la  position  élevée  de  la  main,  on  cons- 
tate que  la  forme  de  la  pulsation  et  son  amplitude  sont  égale- 
ment modifiées.  Supposons  que  le  diamètre  des  vaisseaux  reste 
le  même,  et  que  la  quantité  de  sang  qui  est  contenue  varie  d'un 
minimum  (anémie)  à  un  maximum  (congestion)  :  l'amplitude 
de  la  pulsation  subira  des  modifications  qui  ne  seront  pas  con- 
cordantes :  elle  sera  minima  pour  une  ((uanlité.  très  faible,  elle 
atteindra  son  maximum  pour  une  quantité  moins  faible,  elle 
diminuera  pour  une  quantité  moyenne,  et  diminuera  encore 
pour  une  quantité  forte.  C'est  ce  que  nous  représentons  dans  la 


ttctih»!; 


■ 


UjJiWWUW 


Main   droite 


>WM-!>  M^X.'  JomJj^^ 


,  ,j^WW|i(PW.'#%wiJ  (.(i^^Wi^^lJ-' 


him  jjaiiclie. 


t^      i**-*!!!,     WivK.:  -act«Ii.xXi^   .i^"A.»»Jt~'' 


vespiralion. 


Fig.  12.  —  Inllueuco  de  l'altitude  sur  la  foniie  du  pnuls:  première  ligne, 
L  main  droite  pendante;   deuxième  ligne,  main  gauche  horizontale;  en 
bas,  respiration. 


figure  13,  qui  n'est  pas  enlièreinent  schématique,  car  les  rap- 
ports entre  les  changements  de  volume  et  les  changements 
d'amplitude  des  pulsations  sont  reproduits  d'après  nos  gra- 
phiques. 

En  ce  qui  concerne  le  dicrotisme,  la  même  figure  reproduit 
SCS  modifications  successives,  que  nous  avons  déjà  décrites  :  le 
dicrotisme  augmente  et  s'aliaisse  régulièrement  depuis  l'ané- 
mie jusqu'à  la  congestion. 

Le  pouls  artériel,  dont  nous  n'avons  pas  parlé  jusqu'ici,  dif- 
fère en  général  du  pouls  capillaire  en  ce  que  la  ligne  d'ascen- 
sion et  de  descente  est  plus  brusque,  et  le  dicrotisme  placé 
plus  bas  ;  on  peut  voir  ces  dcu>:  différences  sur  bon  nombre  de 


BINET   ET    COURTIER.    —   CIRCULATION   CAPILLAIRE,    ETC. 


103 


tracés  pris  en  même  temps  sur  un  même  sujet;  à  quoi  tien- 
nent ces  différences?  Incontestablement,  pour  une  part,  à 
la  différence  des  appareils  enregistreurs  ;  nous  avons  pris 
le  pouls  capillaire  avec  l'appareil  de  Hallion  et  Comte,  ((ui 
exerce  une  compression  générale  sur  la  main,  et  nous  avons 
pris  le  pouls  artériel  (radial)  avec  le  sphygmographe  à  trans- 
mission de  Marey,  qui  comprime,  à  l'aide  d'un  ressort,  une 
portion  limitée  de  l'artère  '  ;  les  résultats  ne  doivent  pas  être 
comparables.  Du  reste,  il  est  probable  que  le  pouls  capillaire  et 
le  pouls  artériel,  même  s'ils  étaient  pris  avec  des  appareils  ana- 
logues, n'auraient  pas  un  tracé  identique  ;  von  Kries  a  bien 
montré  qu'ils  n'ont  pas  la  même  signification.  Quoi  qu'il  en 
soit .  nous  avons  cherché  l'influence  des  changements  de  posi- 


Bras  pendant. 


Position 
horizontale. 


Bras  vertical.   -■ 


Bras  vertical. 

Fis:.  13. 


Contrestion. 


État  mojen. 


y^ 


Anémie  forte. 


Scheiii;t  dos  chanjifiiieiits  de  loniie  du  punis  produits  par  les 
rliangements  de  position  de  la  main. 


k 


i'i 


tion  de  la  main  sur  le  pouls  artériel  :  étude  difficile,  car  le 
sphygmographe  le  mieux  adapté  se  déplace  quand  on  meut  la 
main,  et  ses  conditions  d'applications  se  modifient.  Cependant, 
en  employant  un  système  de  support  inutile  à  décrire,  nous 
avons  réussi  à  obtenir  quelques  tracés  qui  montrent  qu'à 
mesure  que  le  bras  s'élève,  le  dicrotisme  du  pouls  tend  à 
monter,  indice  d'une  diminution  dans  la  quantité  de  sang  qui 
est  contenue  à  ce  moment  dans  le  vaisseau,  et  d'une  diminu- 
tion dans  la  tension  artérielle. 


2°  Effet  iVune  compression  artérielle  sur  le  pouls  caiyillaire 
et  sur  le  pouls  artériel. 

La  compression  d'une  artère,  quand  elle  se  fait  entre  le  cœur 
et  l'organe  qu'on  étudie,  a  pour  effet  de  diminuer  l'apport  de 

(1)  Notons  qu'en  Cduiprimant  plus  ou  umins  l'artère  avec  l'inslruiuenl, 
on  change  la  position  du  dicrotisme.  Vicrordt  a  déjà  vu  ce  l'ait  iniporlant. 


104 


TRAVAUX   DU   LABORATOIRE   Dli   PSYCHOLOGIE   DE   PARIS 


sang  artériel  dans  cet  organe,  la  diminution  se  faisant  dans  la 
mesure  de  la  force  de  compression,  et  dans  la  mesure  aussi  de 
l'importance  de  l'artère  comprimée. 

Pouls  capillaire.  —  Une  compression  forte  de  l'artère  axil- 
laire  l'efface;  tantôt  le  tracé  descend,  comme  dans  la  figure  18, 
tantôt,  au  contraire,  il  garde  son  niveau,  parfois  même  il  tend 
à  monter;  en  tout  cas,  la  descente  est  moins  profonde  que  dans 
l'élévation  du  bras.  Cette  différence  s'explique  ainsi  ;  quand  on 
élève  le  bras,  l'action  de  la  pesanteur  se  fait  sentira  la  fois  sur 
le  sang  artériel  et  sur  le  sang  veineux,  d'Bù  une  anémie  brusque 
du  membre  élevé  ;  la  compression  de  l'artère  axillaire  ne  dimi- 
nue que  l'apport  du  sang  artériel  ;  le  sang  veineux  déjà  en  cir- 
culation ne  reçoit  plus  au  même  degré  la  poussée  du  sang  arté- 


A  B 

Fig.  li.  —  Exprnenrcs  sur  la  forme  du  p(nils.  Tracé  capillaire 

de  la  main. 

Do  A  ou  i;  compression  do  l'^irlôre  axillaire  :  le  pouls  s'pfîaco  ol  la  liuiio  doscciicl  (collo 
ilosceiile  n'ost  pas  cousfaiiloi  :  iiuaml  la  compression  cosse,  le  pouls  esl  petit,  à  dicrolisnio 
nll'acé,  le  dicrolisme  rejiarail  au  sommet  de  la  ]julsation. 


riel,  de  sorte  ((ue  la  circulation  veineuse  se  ralentit  et  l'effet  de 
cette  stase  est  même  très  marqué  chez  certains  sujets. 

Si  on  examine  les  premières  pulsations  qui  s'inscrivent  quand 
la  compression  cesse,  on  remarque  qu'elles  sont  petites,  sans 
dicrotisme,  tout  à  fait  analogues  à  celles  qu'on  obtient  avec  le 
bras  levé  ;  le  dicrotisme  apparaît  ensuite  au  sommet  de  la  pul- 
sation et  descend  graduellement  ;  à  mesure  que  la  quantité  de 
sang  augmente,  là  pulsation  augmente  aussi.  Ces  tracés  con- 
firment la  signification  que  nous  avons  attribuée  au  dicrotisme. 

Pouls  artériel.  —  La  compression  axillaire  efface  le  pouls  ; 
quand  la  compression  cesse,  le  pouls  s'élève,  en  affectant  une 
forme  en  escalier  déjà  signalée  par  Fr.  Franck*,  puis  le  dicro- 
tisme ai)paraît,  et  il  tend  à  descendre  dans  les  pulsations  sui- 
vantes ;  pour  le  pouls  artériel  comme  pour  le  pouls  capillaire, 
l'effet  est  si  brusque  qu'il  ne  se  lit  que  sur  deux  ou  trois  pulsa- 

(1)  Le  volume  des  utei/ibirs,  dans  T ruraux  du  laboratoire  de  Marey,  II.  28. 


n 


■■■■1 


BLNET   ET    COURTIER.    —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.        103 

lions;  on  constate  cependant  toujours  que  le  dicrotisme  est 
plus  élevé  sur  les  premières  pulsations  que  sur  les  suivantes. 
Une  compression  de  l'artère  radiale  au  poignet,  entre  le  point 
uù  le  sphygmographeestplacéetlamain,  produit  une  diminution 
de  la  quantité  de  sang  dans  la  main  et  une  augmentation  dans 
l'artère  radiale  :  les  deux  tracés  capillaire  et  artériel  présentent 
une  modification  inverse  :   le  tracé  capillaire  s'atténue,   sans 


Fig.  15.  —  Expériences  sur  la  forme  du  pouls  ;  tracé 
sphygmographique  du  pouls  radial. 

\)ti  A  cil  B,  conipressiou  de  l'artère  axillaii'O  ;  le  i)Oiils  s'efface,  le  niveau  baisse  1res  léRÔ- 
reineiit  ;  quand  la  coni|)ression  cesse,  il  J  a  un  pouls  eu  escalier,  et  une  dilatation  qui  met  le 
niveau  au-dessus  de  ce  qu'il  était  avant  la  coniprcssion  :  le  dicrotisme  est  plus  haut,  cl  des- 
cend dans  les  pulsations  suivantes. 

diminution  de  niveau  ;  le  tracé  artériel  augmente  d'amplitude, 
et  le  dicrotisme  de  la  pulsation  s'accentue  et  descend. 


Conclusions. 

Les  expériences  de  changement  de  position  et  les  expériences 
de  compression  d'artère  montrent  que  lorsque  la  quantité  de 
sang  et  la  pression  sanguine  varient  dans  un  organe,  l'ampli- 
tude de  la  pulsation  et  le  dicrotisme  varient.  Si  on  part  d'une 
pression  et  d'une  quantité  de  sang  minima  et  qu'on  augmente 
graduellement  cette  pression  et  celle  quantité  de  sang,  par  les 
procédés  que  nous  avons  indiqués,  la  pulsation,  d'abord  très 
petite,  grandit,  passe  par  un  maximum,  et  diminue  ensuite. 
(Les  changements  d'amplitude,  nous  le  rappelons,  sont  étudiés 
avec  un  appareil  dans  lequel  on  ménage  une  pression  constante, 
égale  à  la  pression  atmosphérique.) 

Les  changements  relatifs  au  dicrotisme  sont  de  deux  sortes, 
relatifs  au  développement  du  dicrotisme  et  à  sa  position.  Pour 
la  position,  nous  avons  vu  qu'elle  subit  un  recul  constant,  à 
mesure  que  la  pression  augmente  ;  à  pression  minima,  elle  est 
au  sommet  de  la  pulsation  ;  à  pression  maxima,  elle  est  au  bas 
de  la  descente,  entre  deux  pulsations.  Comme  développement,  le 
dicrotisme  est  faible  avec  une  pression  faible,  il  augmente  avec 
une  pression  forte  et  une  quantité  de  sang  forte. 


106         TRAVAUX   DL'    LABORATOIRE    DE    PSYCUOLOGIE    DE    PARIS 

Il  ne  faut  pas  donner  une  portée  absolue  à  nos  conclusions, 
et  considérer  la  position  du  dicrotisme  comme  un  signe  de  la 
quantité  de  sang  dans  le  vaisseau  ;  on  aurait  tort,  par  exemple, 
en  constatant  un  pouls  avec  dicrotisme  élevé,  d'en  induire 
que  l'organe  contient  une  faible  quantité  de  sang.  Ce  serait 
oublier  que  plusieurs  facteurs  entrent  dans  cette  question  de 
mécanique  physiologique  ;  ce  n'est  pas  seulement  la  quantité 
de  sang,  mais  encore  la  grandeur  du  vaisseau,  la  nature  phy- 
sique des  parois,  son  état  de  dilatation,  de  constriction  ou  de 
tonus,  etc.,  etc.,  qui  influent  sur  la  forme  et  la  position  du 
dicrotisme.  Dans  nos  expériences,  nous  nous  sommes  arran- 
gés pour  que  l'état  du  vaisseau  fût  peu  modifié,  et  que  la  modi- 
fication principale  portât  sur  la  quantité  de  sang  et  la  pres- 
sion, c'est  ce  qui  nous  a  permis  de  constater  que  cette  quantité 
de  sang  et  cette  pression  sont  deux  facteurs  qui  agissent  sur 
la  position  du  dicrotisme. 

En  ce  qui  concerne  les  changements  de  niveau,  les  résultats 
sont  un  peu  plus  complexes  :  l'élévation  du  bras  produit  un 
abaissement  constant  de  niveau,  et  l'abaissement  du  bras  pro- 
duit une  élévation;  ces  deux  changements  de  niveau  prouvent 
que  le  volume  de  la  main  a  changé,  a  diminué  dans  le  premier 
cas,  augmenté  dans  le  second  cas  ;  la  cause  de  ces  variations  de 
volume  est  double  :  elle  tient  à  une  variation  dans  la  quantité 
de  sang  artériel  et  dans  la  quantité  de  sang  veineux  ;  c'est  ce 
qui  explique  que  les  effets  sont  plus  nels  que  dans  le  cas  d'une 
compression  d'artère  ;  la  compression  arrête  simplement  l'apport 
de  sang  artériel  ;  le  sang  veineux,  ne  subissant  plus  l'action  de 
vis  a  tergo  du  sang  artériel ,  a  une  circulation  ralentie  ;  par 
conséquent,  la  diminution  de  volume  du  membre  est  moins 
rapide  et  moins  considérable  quand  on  comprime  une  artère 
que  quand  on  met  le  membre  dans  une  position  élevée. 

Jetons  maintenant  un  coup  d'a;il  sur  les  travaux,  qui  ont  été 
déjà  faits  relativement  à  celle  question.  La  lecture  de  traités  de 
physiologie,  même  des  plus  récents,  nous  met  dans  un  cruel 
embarras,  car  les  auteurs  ne  sont  pas  d'accord  les  uns  avec  les 
autres,  ni  parfois  avec  eux-mêmes,  sur  la  signification  qu'il  faut 
attribuer  à  la  position  du  dicrotisme,  et  sur  les  caractères  gra- 
phiques du  pouls  à  haute  tension.  L'admirable  traité  de  Marey 
sur  la  circulation  nous  fournit  des  renseignements  plus  cohé- 
rents et  plus  nombreux.  D'abord,  en  ce  qui  concerne  l'ampli- 
lude  du  pouls,  Marey  pose  en  règle  que  «  le  cœur  conservant 
sa  force  d'impulsion,  toute   influence  qui  élèvera  la  tension 


BINET    ET    COUinil'R.    —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.         107 


fi 


artérielle  diminuera  ramplitude  de  ses  variations  (c'est-à-dire 
du  pouls)  et  réciproquement  '  »  ;  ceci  est  bien  conforme,  dans 
une  certaine  mesure,  à  nos  expériences,  puisque,  le  bras  levé, 
quand  le  sang  commence  à  revenir  dans  la  main,   la  pulsation  'VJ 

a  plus  d'amplitude  que  le  bras  posé  sur  la  table,  quoique  dans  f 

•cette  dernière  condition  la  quantité  de  sang  soit  plus  grande.  ;, 

Nous   avons   vu  également   que  lorsqu'on  élève  lentement  la  ■■ 

main,  le  pouls  augmente  avant  de  diminuer,  tandis  que  la 
pression  artérielle  diminue  régulièrement;  et  l'efFet  inverse  se 
reproduit  quand  on  descend  lentement  la  main.  Il  est  bien 
entendu  que  nous  supposons  que  dans  tous  ces  cas  la  force  impul- 
sive du  cœur  reste  la  même.  Maintenant,  il  n'est  pas  certain 
que  la  règle  posée  par  Marey  soit  générale,  et  nous  trouvons 
même  dans  son  livre  des  expériences  qui  semblent  y  contre- 
dire, par  exemple,  la  compression  de  l'artère  au-dessous  du 
sphygmographe,  ({ui  a  pour  effet  d'augmenter  l'amplitude  du 
pouls  (fig.  138.  p.  "2oG,  op.  cit.).  Or,  on  voit  coïncider  dans  ce 
cas  une  augmentation  de  pression  et  une  augmentation  d'ampli- 
tude. Le  rapport  enli-e  la  [ircssion  et  l'amplitude  du  pouls  est 
vraisemblablement  plus  complexe  qu'on  ne  l'imagine. 

En  ce  qui  concerne  le  dicrotisme.  Marey  ne  s'est  point 
■occupé  de  sa  position,  mais  de  son  amplitude,  et  il  dit  textuel- 
lement :  ï  La  brusque  pénétration  de  l'ondée  ventriculaire,  son 
petit  volume  et  la  faible  tension  artérielle  augmentent  l'ampli- 
tude du  dicrotisme.  »  (P.  274,  op.  cit.)  Cette  proposition 
s'appuie,  à  ce  qu'il  semble,  principalement  sur  des  expériences 
de  physique  relatives  à  la  propagation  des  ondes  dans  des  tubes 
remplis  de  liquide.  «  Nous  avons  vu,  dit  l'auteur,  que  la  vitesse 
d'impulsion  du  li(iuide,  l'extensibilité  du  tube  et  le  petit  volume 
de  l'ondée  qui  y  est  projetée  augmentent  l'amplitude  des  ondes 
secondaires.  »  (P.  i274,  op.  cit.)  D'autre  part,  l'auteur  s'appuie 
sur  beaucoup  d'observations  pathologiques  j)riscs  sur  des 
malades  différents,  ou  sur  les  mêmes  malades  à  des  moments 
différents,  par  exemple,  pendant  un  état  fébrile  et  pendant  un 
"état  sans  fièvre,  ou  avant  et  après  une  saignée  abondante  ;  ces 
sphygmogrammcs  nous  laissent,  nous  l'avouons,  quelque  doute 
dans  l'esprit,  car  rien  ne  prouve  que  l'application  du  sjjhygmo- 
graphe  sur  l'artère  soit  faite  de  la  même  façon  les  deux  fois  ; 
«t,  d'autre  part,  puisqu'il  s'agit  de  malades,  pris  dans  des  états 
physiologiques  tout  à  fait  différents,  on  n'a  point  de  garantie 

(1)  P.  183  et  sq.  :  p.  288  cl  si[. 


V, 


108         TRAVAUX   DU   LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE   DE   PARIS 

que  la  force  propulsive  du  cœur  soit  restée  la  même  pendant 
ces  états. 

A  côté  de  cet  historique  écrit,  il  existe  ce  qu'on  pourrait 
appeler  un  historique  inconscient ,  provenant  des  figures 
publiées;  il  n'est  pas  rare  en  effet  de  voir  sur  les  tracés  d'an- 
ciens auteurs  des  caractères  qui  confirment  des  observations 
plus  récentes.  Ces  tracés  précurseurs  ne  sont  pas  très  fréquents, 
en  ce  qui  concerne  la  question  du  dicrotisme  ;  en  voici,  pen- 
sons-nous, la  raison  ;  un  des  meilleurs  moyens  de  provoquer 
les  changements  de  la  quantité  de  sang  est  de  Changer  l'atti- 
tude du  membre;  or,  on  n'a  eu  jusqu'en  ces  dernières  années 
à  sa  disposition,  pour  enregistrer  le  pouls,  que  des  appareils 
qui  ne  donnent  des  indications  justes  que  s'ils  restent  immo- 
biles, et  qui  même  exigent  toujours  la  même  position  du 
membre;  un  sphygmographe  étant  appliqué  sur  la  radiale,  si- 
on  élève  la  main,  l'application  change  et  les  résultats  ne  sont 
plus  comparables.  Il  en  est  de  même  pour  la  plupart  des  plé- 
thysmographes,  on  peut  dire  pour  tous,  sauf  celui  de  llallion  et  ^^j 
Comte,  qui  est  d'invention  toute  récente. 

Citons  parmi  ces  tracés  :  celui  de  Marey  sur  l'effet  de  l'élé- 
vation du  bras,  pris  avec  un  s|)hygmographe  ;  le  bras  élevé, 
pas  de  dicrotisme  ;  le  bras  abaissé,  dicrotisme  très  net  (p.  265). 
Dans  l'article  classique  de  F.  Franck  sur  le  volume  des  organes  ' 
on  trouve  plusieurs  beaux  tracés  confîrmatils  ;  ainsi  sa  figure  7 
(p.  26)  montre  l'effet  de  la  compression  de  l'artère  humérale 
sur  l'artère  radiale  ;  les  premières  pulsations  radiales  qui  se 
dessinent  après  la  suppression  de  la  compression  sont  rondes 
sans  dicrotisme  ;  le  dicrotisme  apparaît  vers  le  haut  de  la  pul- 
sation, puis  descend.  La  figure  20  (p.  o6j,  qui  représente  l'effet 
d'un  effort  sur  le  vOlume  de  la  main,  montre  qu'au  moment  oii 
la  tension  artérielle  augmente  le  pouls  devient  très  petit  et  que 
son  dicrotisme  s'abaisse  et  augmente  ;  tracé  tout  à  fait  analogue 
à  celui  que  nous  obtenons  avec  la  main  pendante.  Il  est  sans 
doute  inutile  de  prolonger  ces  citations  confirmatives,  mon- 
trant qu'avec  une  augmentation  de  tension  et  de  quantité  de 
sang  se  produit  une  augmentation  du  dicrotisme  -. 

(1)  Trai'aiij-  du  laboraluirc  i/c  M.  Mar'i'i/,  II,   187(). 

(2)  Il  y  aurait  lieu  ui.iiulfii.iul  de  cliorclier  à  rlissocier  l'iufluence 
qu'exciTcnt  sur  la  (nrmc  du  pouls  la  (juantitr'  de  sau^'  ciuitenue  dans  Tor- 
gane  et  la  pression  artérielle.  11  serait  dillicile  de  tenter  cette  dissociation 
chez  riionuue.  Nous  croyons  savoir  que  MM.  llallion  et  Comte  ont  dirigé 
(|ueli[ucs  recherches  dans  ce  sens,  au   uiuyeu  d'expériences  sur  le  chien. 

î 
I 


BINET    ET    COURTIER.    —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.         109  j( 


III 

LA    CIRCULATION    CAPILLAIRE    PENDANT    UN    ÉTAT 
DE    RESPIRATION    TRANQUILLE 

Le  sujet  est  assis,  la  main  posée  sur  la  table  ;  il  ne  parle 
pas,  il  conserve  le  corps  immobile,  et  cherche,  autant  que 
possible,  à  ne  pas  faire  d'effort  d'attention.  Le  premier  venu 
ne  peut  pas  réaliser  ces  conditions;  d'abord  une  personne  novice 
qui  se  soumet  pour  la  première  fois  à  l'expérience  éprouve 
toujours  un  peu  d'émotion  ;  et  cette  émotion  atteint  la  circula- 
tion capillaire  ;  ensuite,  il  faut  du  temps  pour  apprendre  à 
discipliner  son  corps  et  son  esprit,  et  pour  savoir  se  maintenir 
dans  un  état  prolongé  de  repos. 

Le  tracé  volumétrique  qui  s'écrit  pendant  le  repos,  présente 
en  outre  des  pulsations,  des  ondulations  lentes  qui  durent  un 
temps  variable,  et  correspondent  d'une  manière  générale  aux 
respirations.  On  leur  donne  le  nom  d'oscillations  respiratoires. 
Nous  allons  en  faire  une  étude  particulière  parce  que  le  méca- 
nisme exact  de  leur  production  n'est  pas  bien  connu.  Notre 
description  est  faite  d'après  la  figure  1(3,  qui  présente  le  tracé 
du  pouls  capillaire  et  le  tracé  du  pouls  artériel  (la  radiale),  et 
d'après  la  figure  17,  qui  donne  le  pouls  capillaire  pris  avec 
une  grande  vitesse.  Nous  ne  pouvons  pas,  ici,  répéter  les  expé- 
riences sur  un  grand  nombre  de  sujets,  parce  que  tous  n'y  sont 
pas  propres.  Nous  aurons  en  vue  particulièrement  un  seul 
sujet. 

Les  oscillations  de  ses  tracés  correspondent  exactement  auK 
respirations;  elles  sont  égales  en  nombre  ;  chez  ce  sujet  elles 
contiennent  en  moyenne  huit  pulsations  ;  chaque  oscillation 
est  composée  d'une  dilatation  suivie  d'une  constriction;  elle  a 
la  forme  d'un  arc  de  cercle  dont  la  convexité  est  tournée  vers 
le  haut,  c'est-à-dire  dans  le  sens  de  la  dilatation.  L'arc  de 
cercle  n'est  point  régulier  ;  la  montée  de  la  ligne  est  généra- 
lement plus  brusque  que  la  descente,  comme  le  prouve  ce 
fait  qu'en  moyenne  on  compte  3  pulsations  sur  la  ligne  d'as- 
cension et  o  pulsations  sur  la  ligne  de  descente  ;  le  maximum 
de  hauteur  de  la  courbe  correspond  environ  au  premier  tiers.  Il 
arrive  rarement  que  les  oscillations  successives  aient  la  même 
grandeur  et  la  même  forme  ;  sans  qu'on  en  puisse  discerner  la 


I 


IfO         TRAVAUX   DU   LABORATOIRE   DE    PSYCHOLOGIE   DE    PARIS 

raison,  les  unes  s'élèvent  davantage,,  les  autres  moins,  quel- 


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ques-unes  sont  à  peine  perceptibles   et  leur  tracé  se  développe 
presque  en  ligne  droite. 

Fo7'me,  grandeur  et  vitesse  du  pouls.  —  La  forme  et  l'am- 
plitude du  graphique  de  la  pulsation  varient  sous  l'inlluence 


BINET    ET    COURTIER.    —   CIRCULATION   CAPILLAIRE,    ETC.        111 

d'un  grand  nombre  de  conditions;  nous  n'étudions  ici  que  les 
variations  qui  sont  sous  la  dépendance  de  l'oscillation  respira- 
toire, et  qui  par  conséquent  se  reproduisent  périodiquement. 

Etudiées  sur  un  tracé  pris  à  grande  vitesse,  les  pulsations 
apparaissent  avec  des  formes  tant  soit  peu  différentes  ;  de  la 
première  à  la  quatrième,  c'est-à-dire  pendant  la  phase  de  mon- 
tée, le  dicrotisme  va  s'accentuant  et  il  monte  un  peu;  il 
s'efface  légèrement  dans  la  descente.  De  plus,  les  pulsations 
sont  plus  petites  sur  la  ligne  d'ascension  que  sur  la  ligne  de 
descente  ;  la  différence  dans  certains  tracés  est  d'environ  un 
quart  ;  une  pulsation  à  la  montée  ayant  o"™,5,  celle  de  la  des- 
cente a  4™'",o.  Enfin,  la  vitesse  du  pouls  est  plus  grande  pen- 
dant la  montée,  que  pendant  la  descente.  Nous  avons  pris  des 
mesures  sur  plusieurs  tracés,  qui  nous  ont  montré  que  la  vitesse 


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Fig.  17.  —  Tracé  du  pouls  capillaire  et  de  la  respiration. 

D.'ins  celte  fiprure,  par  exception,  l'iiisi)ir;itioii  se  fail  de  bas  en  haut  l'ilans  tous  les  auli'es 
tracés  où  aucune  mention  n'est  faite  à  cet  é.saril.  l'inspiration  se  l'ait  do  haut  en  bas,  suivant 
l'usaso  adopté  presque  universellement);  le  [lOuls  ca[iillairc  est  pris  dans  des  conditions  tic 
vitesse  qui  permettent  d'étudier  sa  forme. 


n'est  point  uniforme,  mais  varie  régulièrement  pendant  toute 
kl  durée  d'un  acte  respiratoire  ;  la  vitesse  atteint  un  maximum 
à  la  fin  de  l'inspiration  ;  ensuite,  elle  diminue  régulièrement 
pendant  l'expiration,  et  jusqu'à  la  fin  de  l'expiration,  oîi  elle 
atteint  son  minimum  de  vitesse  ;  à  partir  de  ce  moment,  la 
vitesse  augmente  pendant  la  pause  ;  elle  continue  à  croître 
jusqu'à  la  fin  de  l'inspiration.  Une  partie  de  ces  faits  est  déjà 
connue;  la  plupart  des  auteurs  constatent  le  ralentissement  du 
pouls  au  moment  de  l'expiration,  phénomène  ({ui  est  tellement 
net  que  si  l'on  fait  plusieurs  respirations  profondes  et  rapides, 
ce  ralentissement  devient  un  court  arrêt  du  cœur.  Fr.  Franck 
et  Chauveau  présentent,  parait-il.  ce  phénomène  '  ;  l'un  de  nous 


(Ij  Marey,  op.  c//.,  p.  463. 


^1 


112  TRAVAUX    DU    LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 

(Binet)  le  présente  aussi  d'une  manière  très  accentuée.  Il  s'agit 
là,  en  somme,  d'un  phénomène  cardiaque  bien  connu.  On  l'a 
depuis  longtemps  signalé  chez  le  chien  et  le  cochon,  où  il  se 
présente  avec  des  proportions  considérables  ', 

Avant  d'aller  plus  loin,  nous  devons  nous  demander  si  les 
différents  caractères  du  graphique  du  pouls  que  nous  venons 
de  signaler  sont  physiologiques,  ou  s'ils  sont  dus  à  l'un  quel- 
conque des  nombreux  appareils  interposés  entre  la  main  et  le 
papier  enfumé  sur  lequel  le  graphique  s'inscrit.  La  vitesse  du 
pouls  est  le  caractère  qui  certainement  peut  être  admis  avec  le 
plus  de  sécurité,  car  la  méthode,  graphique  est  surtout  apte  à 
donner  la  mesure  du  temps  des  phénomènes.  En  ce  qui  concerne 
l'amplitude  du  pouls,  nous  devons  remarquer  qu'elle  n'est 
point  un  résultat  physique  de  l'oscillation  respiratoire,  car  le 
pouls  petit  se  trouve  sur  la  ligne  d'ascension  de  l'oscillation; 
or,  à  ce  niveau,  l'oscillation  tend  à  augmenter  la  ligne  d'ascen- 
sion du  pouls  et  non  à  la  réduire.  C'est  ce  que  nous  avons 
montré  plus  haut.  A  quoi  donc  peut  être  dû  ce  rapetissement 
de  la  pulsation?  II  y  a  plusieurs  causes  possibles,  et  nous 
sommes  pour  le  moment  incapables  de  faire  la  part  de  cha- 
cune d'elles.  Ce  sont  :  1°  une  diminution  possible  dans  la 
force  impulsive  du  ca?ur  ;  toutes  choses  égales  d'ailleurs, 
quand  le  cœur  bat  moins  fort,  les  pulsations  sont  plus  petites  -  ; 
i2°  une  augmentation  possible  de  la  (juantité  de  sang  et  de  la 
pression  artérielle  ;  nous  avons  vu  que  lorsque  la  pression 
artérielle  augmente,  par  suite  d'une  augmentation  de  la  quan- 
tité du  sang,  la  pulsation  se  rapetisse. 

Kn  ce  qui  concerne  la  forme  du  dicrotisme,  la  question  est 
beaucoup  plus  embarrassante  ;  le  dicrotisme,  en  effet,  peut 
être  altéré  par  suite  d'une  combinaison  purement  mécanique 
entre  le  mouvement  de  la  pulsation  et  le  mouvement  de  l'os- 
cillation respiratoire.  Nous  désirons  ne  pas  trancher  la  ques- 
tion, tout  en  faisant  remarquer  que  l'augmentation  du  dicro- 
tisme, pendant  la  période  ascendante,  —  si  c'est  un  fait  physio- 
logique, —  s'expliquerait  de  la  manière  la  plus  satisfaisante 
par  l'augmentation  de  pression  artérielle. 

(1)  Nous  revieiidnMis  plus  luiii,  sur  celte  (|iieslitiii.  en  éUuliaiit  le  iiieea- 
Bisuie  (les  oscillatioas  respiratoires. 

(2)  Maroy  [Cii-cnhilhni  du  s</ii;/.  ]i,  282),  eu  l'aisanl  des  expérleiu-es  avec 
son  schéma  de  la  circulation,  appareil  de  caoutclunic  qui  reproduit  ingé- 
nieusement les  principales  dispositions  de  la  circulation  réelle,  a  vu  que 
rau^'uieulatioii  de  coulraction  du  co'ur  produit  des  jiulsations  sphygmo- 
graphiqucs  [ilus  grandes. 


BINËT   ET    COURTIER.  —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,   ETC.  113  ■  ;' 

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,  j 

Modifications  des  oscillations  respiratoires  suivant  que  la  i 

respiration  est  profonde  ou  superficielle,  lente  ou  rapide.  ,,1 


La  valeur  des  oscillations  respiratoires  varie  avec  chaque 
sujet,  pour  des  raisons  qu'il  est  souvent  difficile  de  saisir  :  elle 
varie  en  outre  chez  un  même  sujet  sous  l'influence  des  modifi- 
cations que  ce  sujet  imprime  volontairement  à  son  rythme  res- 
piratoire. Pendant  une  respiration  précipitée,  les  oscillations 
suivent  l'accélération  de  la  respiration  ;  en  outre,  comme  la  res- 
piration, en  devenant  plus  rapide,  devient  d'ordinaire,  par 
compensation,  plus  superficielle,  les  oscillations  diminuent  de 
grandeur.  Il  faut  noter  aussi  que,  pendant  l'accélération  respi- 
ratoire, le  niveau  du  tracé  capillaire  descend. 

Le  ralentissement  de  la  respiration  produit  un  effet  inverse  de 
celui  de  Taccélération  ;  en  général,  voici  comment  le  ralentisse- 
ment se  produit,  quand  une  personne  cherche  volontairement 
à  le  provoquer:  l'inspiration  est  peu  modifiée  comme  vitesse, 
c'est  surtout  l'expiration  que  l'on  prolonge  ;  en  même  temps,  et 
par  compensation,  on  a  une  tendance  à  faire  une  respiration 
plus  profonde  qu'à  l'état  normal.  Les  modifications  du  tracé 
capillaire     sont    les     suivantes    :     l'oscillation     respiratoire 
s'agrandit  et  se  prolonge  ;   toutefois,  elle  n'augmente  pas  de 
durée  dans  la  même  proportion  que  la  respiration;  ainsi,  si 
dans  les  conditions  normales,  elle  présente  la  même  durée  qu'une 
respiration  de  trois  secondes,  elle  sera  plus  courte  qu'une  res- 
piration de  six  secondes,  elle  ne  durera  dans  ce  cas  que  quatre 
secondes.  Un  autre  effet  du  ralentissement  de  la  phase  expira- 
toire,  c'est  d'élever  le  niveau  général  du  tracé  capillaire. 

Il  est  intéressant  de  remarquer  que  la  respiration  accélérée 
et  la  respiration  ralentie  produisent  sur  le  tracé  capillaire  des 
effets  exactement  inverses. 

Chronologie  de  la  respnration  et  des  oscillations  volumétriques, 

Xùus  avons  étudié  cette  chronologie  avec  d'autant  plus  de  soin 
que  nos  résultats  ont  été  en  désaccord  avec  ceux  de  physiolo- 
gistes exercés,  et  nous  avons  longtemps  supposé  que  nos  expé- 
riences personnelles  étaient  entachées  d'erreur,  jusqu'au 
moment  yj\x  nous  nous  sommes  aperçus  que  certains  tracés 
publiés  par  les  physiologistes  auxquels  nous  faisons  allusion, 
donnaient  tort  à  leurs  conclusions  et  confirmaient  les  nôtres. 

Les  premiers  auteurs,  Piégu,  Chélius  et  les  plus  récents  expé- 

ASNÉE   PSYCHOLOGIQUE.   II.  g 


il 


114    TRAVAUX  DU  LABORATOIRE  DE  PSYCDOLOGIE  DE  PARIS 

rimeiitateurs,  François  Franck  ',  ont  admis  comrfie  fait  d'obser- 
vation que  l'élévation  correspond  à  l'expiration  du  tracé  capil- 
laire et  la  descente  à  l'inspiration. 

Nos  observations  nous  conduisent  à  une  conclusion  difîérente. 
et  un  peu  plus  compliquée.  Nous  devons  dire  que  la  plupart  de 
nos  recherches  ont  été  faites  et  continuées  pendant  plusieurs 
mois  sur  un  même  sujet,  adulte  de  trente-cinq  ans,  grand,  fort, 
un  peu  obèse,  ayant  une  respiration  lente  (dix  à  douze  respira- 
tions par  minute),  à  type  abdominal  ;  il  a  été  étudié  assis,  l'appa- 
reil appliqué  sur  la  main  droite,  celle-ci  appuyée  sur  la  table, 
le  bras  étendu  sans  effort  et  sans  position  fléchie.  Les  observa- 
tions faites  sur  ce  sujet  pendant  un  état  de  respiration  tranquille 
se  retrouvent  à  peu  de  choses  près  sur  les  cinq  autres  personnes 
qui  se  sont  soumises  à  notre  examen.  Pour  mieux  saisir  les 
relations  entre  la  respiration  et  la  courbe  volumétrique,  nous 
avons  inscrit  les  deux  tracés  sur  un  cylindre  tournant  avec  une 
plus  grande  vitesse  que  celle  qui  nous  sert  habituellement. 
Les  plumes  ont  été  repérées  avec  le  plus  grand  soin  au  com- 
mencement et  à  la  fin  de  l'expérience.  Au  moment  où  l'ins- 
piration commence,  le  tracé  volumétrique  est  à  son  niveau  le 
plus  inférieur  ;  il  se  relève  lentement  et  progressivement  dès 
la  pulsation  suivante,  et  celte  élévation  ne  se  produit  pas  au 
moment  de  l'expiration,  mais  plus  tôt.  en  moyenne  vers  le 
milieu  de  l'inspiration  :  de  même,  le  commencement  de  la  des- 
cente du  tracé  volumétrique  a  lieu  avant  l'inspiration,  en 
pleine  phase  expiratoire.  C'est  ce  qu'on  peut  résumer  en  disant 
que  l'inspiration  correspond  à  la  fin  de  la  descente  et  au  com- 
mencement de  la  montée,  et  que  l'expiration  correspond  à  la 
fin  de  la  montée  et  au  commencement  de  la  descente. 

Les  observations  des  autres  auteurs  sont  loin  d'être  toutes  en 
désaccord   avec  les  nôtres.   L'étude  attentive  d'un  tracé-  que 

(t)  Trtiraii.r  du  lnhiu-d/iiirc  de  M.  Marcf/,  H,  j).  51. 

(2)  Figure  7.  Du  vdiuine  des  (Ugancs.  Travail. r  iln  hiborato'ire  de  Marey, 
Paris,  1876,  II,  p.  52.  Pour  les  leclours  qui  dosireraient  se  reporter  à  cette 
figure  quel(pies  indications  sont  nécessaires.  La  ligure  j)résente  deux  tracés 
pris  siuiullanéuient,  celui  du  pneumograplie  et  celui  du  pouls  capillaire; 
comme  il  n'y  a  point  de  repères  marqués  sur  les  deux  tracés,  nous  pensons 
qu'ils  se  citrrespnudenl  exadenient,  cl  ((u'inu'  perpendiculaire  à  leur  direc- 
tion générale  les  reuconlre  au  même  moment.  Le  tracé  se  lit  de  gauche  à 
droite  ;  on  y  voit  d'abord  une  pause,  puis  une  expiration  suivie  d'un  pla- 
teau et  d'une  inspiraticm,  laquelle  est  dirigée  de  liant  en  bas,  c'est  la  règle: 
sur  le  tracé  capillaire,  C(UU])tons  à  paitir  de  la  gauche  (piatrc  imlsations. 
la  première  est  un  peu  coupée  par  le  tracé,  mais  à  compter  tout  de  même; 
la  quatrième  est  en  constrictimi,  comme  le  montre  la  ligne  de  desconte 


BINET    ET   COURTIER.  —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,  ETC.         Mb 

Fr.  Franck  a  pris  sur  lui-même,  confirme  les  nôtres,  bien  que 
l'auteur  en  ait  tiré  une  conclusion  contraire  ;  on  voit  nettement 
sur  ce  tracé  que  le  début  de  la  montée  est  en  avance  sur  la 
phase  expiratoire.  Mosso  '  a  publié,  récemment  encore,  des 
tracés  analogues,  et  constate  l'avance  de  la  montée  sur  l'ex- 
piration. 

«  La  pression  du  sang,  dit-il,  augmente  durant  l'inspiration 
et  diminue  dans  l'expiration.  Toutefois,  la  correspondance  n'est 
pas  parfaite  parce  que  les  oscillations  respiratoires  sont  en 
léger  relard  avec  les  mouvements  de  la  respiration.  La  pression 
n'augmente  pas  aussitôt  que  commence  l'inspiration,  mais 
quelques  secondes  après.  Ces  résultats,  obtenus  avec  le  sphyg- 
momanomètre,  confirment  ceux  que  j'avais  déjà  obtenus  avec 
le  pléthysmographe...  » 

Rappelons  encore  des  expériences  confirmalives  sur  quelques 
animaux  ;  les  observations  de  Frédéricq  -  sur  le  cerveau  du 
chien,  et  celles  de  Wertheimer^  sur  les  membres  antérieurs  et 
postérieurs  du  chien,  celles  de  Hallion  et  Comte'  sur  l'homme, 
sans  compter  les  observations  beaucoup  plus  anciennes  de 
Vierordt. 

Interprétation  de  la  cause  des  oscillations  respiratoires. 

1.  —  Parlons  d'abord  d'une  explication  essentiellement 
physique  que  l'on  doit  à  Ludwig  et  qui  a  été  soutenue  en  par- 
ticulier par  Marey  et  Franrois  Franck  ;  ces  auteurs  placent 
l'origine  des  oscillations  dans  les  changements  de  pression  qui 
se  font  dans  la  cage  thoracique  ;  au  moment  de  l'expiration, 
fait-on  remarquer,  l'air  comprimé  dans  le  thorax  exerce  une 
pression  sur  l'aorte  et  sur  la  veine  cave,  il  favorise  l'écoule- 
ment du  sang  vers  les  membres  et  en  retarde  le  retour  vers  le 
cœur  ;  de  là  une  dilatation  des  membres.  Au  moment  de  l'ins- 

tie  cette  iiiils.-itinn  :  l;i  ciiiiiuièiiic' qui  esl  lini'izdiilalc.  corrospuinl  au 
l)remier  tiers  de  l'iusjiiratiiui,  et  la  sixiiMne,  qui  esl  fiaiiclieineiit  en  dila- 
tation, correspond  au  deuxième  tiers  de  l'inspiration.  Uonc,  pas  de  doute, 
ce  tracé  est  conforme  aux  nôtres,  bien  (pie  pris  avec  un  appareil  à  dépla- 
eement  liquide,  fpii  vraiseni])lablcnient  altère  la  forme  de  la  pulsation. 
Notons  que  Fr.  Franck  parait  aujourd'hui  avoir  abandoimé  sa  jjremière 
opinion.  Art.  Encéphale  du  Diction,  encycl.  des  Sciences  uiédicales,  p.  336. 

(!)  Spliy<rniomauomèlre  jiour  mesurer  la  pression  tlu  sang.  .l/cA.  i/al. 
■de  Binlof/ie,  X.\II.  l'asc.  1-2,  p.  177  et  scq.  ;  voir  la  ligure  4. 

(2)  Travail.)-  ilu  lnljuralnirc  i/c  Ia'uii  Frcdéricq,  1,  95. 

(3)  Arcli.  de  ji/ii/siuloi/ie,  oct.  1895,  p.  735. 
•(4)  Arv/i.  de  ji/ii/siolni/ie,  janv.  1896,  p.  216. 


\ 


I  16  THAVAUX   DU    LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE   DE    PARIS 

l»iration,  la  pression  de  l'air  dans  le  thorax  diminue,  et  c'est 
l'effet  inverse  qui  se  produit,  il  y  a  appel  de  sang  dans  la 
poitrine,  par  conséquent  déplétion  des  oryanes  périphériques  et 
notamment  de  la  main. 

Marey  '  insiste  fortement  sur  cette  théorie  hydraulique  et 
a  entrepris  d'expliquer  les  divergences  signalées  par  les  diffé- 
rents auteurs  ;  il  pense  que  la  clef  de  la  difficulté  se  trouve  dans 
le  type  respiratoire  du  sujet.  Lorsqu'on  a  une  respiration  prin- 
cipalement thoracique,  l'inspiration  produit  l'effet  signalé  plus 
haut,  un  vide  thoracique,  d'où  résulte  un  appel  de  sang  dans  la 
poitrine  et  une  diminution  de  volume  dans  les  membres,  par 
exemple  dans  la  main.  Mais  si  c'est  la  respiration  abdominale 
qui  prédomine,  alors  à  chaque  inspiration  le  diaphragme 
s'abaisse  fortement,  refoule  les  viscères  et  augmente  la  pression 
de  la  cavité  abdominale;  celte  augmentation  de  pression,  qui 
correspond  à  l'inspiration,  chasse  le  sang  de  l'aorte  abdomi- 
nale et  des  vaisseaux  abdominaux  vers  la  périphérie,  d'où  aug- 
mentation de  volume  et  de  pression  des  membres  au  moment 
de  l'inspiration.  Marey  cite  deux  expériences  principales 
pour  confirmer  cette  théorie  :  la  première  consiste  à  refouler  la 
masse  abdominale  chez  un  sujet  couché  sur  le  dos;  aussitôt 
la  ligne  du  tracé  sphygmographique  s'élève,  montrant  l'aug- 
mentation de  l'afflux  sanguin  dans  la  main  ,  et  dans  les 
membres  en  général.  Seconde  expérience,  due  à  M.  Gauthier; 
chez  un  lapin,  les  rapports  entre  les  oscillations  de  la  pression 
sanguine  et  les  respirations  changent  suivant  que  l'animal  est 
couché  sur  le  dos  ou  sur  le  ventre,  la  respiration  abdominale 
est  gênée,  la  respiration  thoracique  prend  le  dessus,  et  c'est  à 
ce  moment  ({ue  la  dilatation  coïncide  avec  l'inspiration. 

Nous  ne  pensons  pas  que  ces  expériences  un  peu  brutales 
tranchent  définitivement  la  question.  Elles  ont  le  mérite  de 
bien  mettre  en  lumière  l'influence  que  les  changements  de  pres- 
sion thoracique  et  abdominale  peuvent  exercer  sur  la  circula- 
tion des  membres  ;  mais  la  question  est  de  savoir  :  1"  si  ces 
influences  possibles  sont  les  seules  causes  des  oscillations  res- 
piratoires; 2"  si  même  elles  agissent  pour  une  part  quelconque 
dans  la  production  des  oscillations  respiratoires.  Les  condi- 
tions où  ces  expériences  sont  faites  s'éloignent  trop  de  l'état 
normal  pour  nous  permettre  d'apprécier  l'influence  de  la  pres- 
sion thoracique  dans  l'état  normal. 

(1)  Circalativ/i  th(  suinj,  p.  4.j4  et  se((. 


il 


>< 


A  ' 


BINET  ET   COURTIER.   —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.  I  I  I 

2.  —  Une  seconde  explication  est  due  à  Mosso  et  reprise 
tout  dernièrement  par  Hallion  et  Comte  '.  Ces  auteurs  pensent 
que  l'augmentation  de  volume  survenant  au  moment  de  l'ins- 
piration est  due  en  partie,  et  dans  certains  cas,  à  la  compression 
des  veines  causée  par  la  contraction  des  muscles  mis  en  mou- 
vement dans  une  forte  inspiration.  Dans  le  très  intéressant 
travail  de  Hallion  et  Comte,  on  trouve  trois  arguments  pour 
étayer  cette  hypothèse;  ces  arguments  sont  plutôt  des  raison- 
nements que  des  faits,  les  voici  : 

1°  L'ascension  inspiratoire  du  tracé  volumétrique  ressemble 
à  celle  qu'on  détermine  artificiellement  par  une  compression 
veineuse  momentanée.  —  Les  auteurs  ne  mettent  aucun  tracé 
sous  nos  yeux  pour  nous  permettre  de  contrôler  la  ressem- 
blance avancée.  Il  faut  reconnaître  que  les  changements  du 
tracé  volumétrique  sont  peu  variés  de  forme  et  de  caractère  et 
que  la  ressemblance  de  deux  changements  de  tracés  ne  suffit 
pas  à  prouver  que  la  cause  des  deux  est  la  même.  2"  Si  on 
comprime  les  veines  à  la  racine  du  bras,  toute  ondulation  cesse 
sur  la  ligne  obliquement  ascendante  du  tracé.  —  L'argument 
est  un  peu  indirect,  et  il  ne  nous  paraît  pas  prouvé  qu'une  ondu- 
lation d'origine  artérielle-  ne  serait  pas  elTacée  également.  — 
3'^  Pendant  une  vaso-constriction  d'origine  réflexe,  l'ondulation 
respiratoire  continue.  Ceci  exclut  Ihypothèse  que  l'ondulation 
est  due  à  un  phénomène  vaso-moteur,  car  on  comprendrait 
assez  mal  une  série  de  vaso-dilatations  actives  se  greffant 
.ainsi,  sans  le  troubler  dans  son  évolution,  sur  un  acte  vaso- 
.constricteur  prolongé.  —  Cet  argument  écarte  Thypothèse  dune 
^ause  vaso-motrice,  il  ne  prouve  pas  directement  que  la  com- 
pression veineuse  joue  un  rôle  quelconque  dans  le  phénomène. 
En  résumé,  le  défaut  de  ces  trois  arguments  est  de  ne  pas 
vêtre  directs. 

Mais  l'article  de  ces  auteurs  contient  un  fait  expérimental 
'bien  curieux;  quand  le  bras  au  lieu  d'être  pendant  est  tenu 
horizontal  en  demi-abduction,  le  gonflement  inspiratoire  du 
tracé  volumétrique  disparait.  Ce  fait  est  bien  net  sur  une  de 
leurs  figures,  la  figure  G.  Les  auteurs  disent  à  ce  sujet  :  «  La 
dilatation  respiratoire  cesse  d'exister  quand  le  bras  est  dans 
la  position  indiquée.  Pourtant  la  perméabilité  artérielle  est 
demeurée  entière,  et  le  système  vaso-moteur  intact.  La  con- 
.clusion  s'impose  fp.  223).  » 

,<l)  Arch.  de  phij.s'wloii'ie,  1890.  l"  janvier,  p.  220. 


118    TRAVAUX  DU  LABORATOIRE  DE  PSYCUOLOGTE  DE  PARIS 

On  peut  conclure  que  des  compressions  veineuses  peuvent 
jouer  un  rôle  dans  ces  phénomènes,  mais  on  ne  peut  pas  dire 
exactement  si  elles  sont  la  cause  principale  de  l'oscillation. 

Nous  noterons  ici  une  de  nos  expériences  qui  semblent 
montrer  que  la  part  de  la  compression  veineuse  peut  être  assez 
faible  dans  l'oscillation  respiratoire.  On  prend  le  tracé  du  pouls 
radial  ;  on  fait  une  compression  en  aval  du  sphygmographe  : 
l'oscillation  respiratoire  continue  d'une  manière  très  marquée, 
bien  que  la  compression  soit  constante.  Autre  exemple  :  l'on- 
dulation respiratoire  se  répète,  pendant  une  inspiration  sou- 
tenue, alors  par  conséquent  que  la  compression  veineuse  a  élé 
unique  (voir  fig.  23j. 

3.  —  Il  y  a  une  troisième  explication  possible  :  les  oscilla- 
tions respiratoires  sont  dues  à  des  séries  de  vaso-dilatations  et 
de  vaso-constrictions.  C'est  une  interprétation  que  nous  avons 
proposée  autrefois,  et  qu'aujourd'hui  nous  abandonnons  en 
partie  faute  de  preuves  suffisantes. 

4.  —  Une  quatrième  explication  fait  intervenir  les  accéléra- 
tions et  les  ralentissements  du  cœur. 

Il  est  incontestable  que  dans  beaucoup  d'expériences  l'efTet 
du  travail  du  cœur  se  marque  sur  le  tracé.  Ainsi,  dans  le  tracé 
capillaire  de  certaines  personnes  se  produit  fréquemment  une 
descente  pendant  laquelle  le  cœur  se  ralentit  dans  des  propor- 
tions considérables  ;  beaucoup  d'auteurs  ont  publié  des  tracés 
de  ce  genre;  ce  ralentissement  du  cœur  se  produit  au  moment 
de  l'expiration  et  on  admet  que  c'est  ce  phénomène  qui  pro- 
duit la  diminution  de  niveau  du  tracé  capillaire,  signe  d'une 
diminution  dans  la  pression  '. 

Si  nous  ne  nous  trompons,  les  faits  précédents  montrent  bien 
la  possibilité  que  le  travail  du  cœur  intlue  sur  le  niveau  de 
tracés,  et  de  cette  possibilité  aucun  auteur  ne  doute,  pas  plus 
du  reste  de  la  possibilité  que  la  pression  thoracique  exerce  une 
influence  sur  ces  mêmes  tracés  capillaires.  La  possibilité  une 
fois  prouvée,  il  reste  à  prouver  deux  choses  : 

1°  Que  les  conditions  physiologiques  sont  telles  que  réelle- 
ment, à  l'état  normal,  l'action  du  cœur  favorise  les  montées  et 
descentes  de  l'oscillation  respiratoire  du  tracé; 


(1)  Notons,  (liuis  le  iiièine  ordre  d"iilées.  (lu'uiie  inlermitteuee  du  cœiir 
profluit  mic  eliiite  l)iiisi|iie  du  Iracé,  avec  iilhui^eiiieiil  de  haut  en  bas  de 
la  piilsalion  qui  préeède  riiiteniiillence ;  la  pnlsalloii  r|iii  stiil  a  une  li^nii^ 
d'ascension  plus  loiiffue  ipie  la  nmiuale.  .Marey  a  étudie  d'une  niatiière 
approfondie  ce  jihéniMiiène. 


T'II 


BIXET    ET    COURTIER.  —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.  119 

"1"  Que  cette  action  du  cœur  est  la  seule  cause  qui  produit 
cette  oscillation. 

Nous  n'hésitons  pas  à  répondre  d'une  manière  affirmative  à 
la  première  de  ces  questions.  En  effet  chez  plusieurs  sujets 
le  rythme  du  cœur  ne  varie  pas  seulement  pendant  l'expiration, 
il  présente  une  accélération  correspondant  à  l'inspiration  et 
un  ralentissement  pendant  l'expiration  ^  Nous  en  concluons 
que  ce  travail  du  cœur  est  une  cause  importante,  sinon  la  cause 
unique,  des  oscillations  respiratoires  ;  l'accélération  qui  a  lieu 
pendant  l'inspiration  est  apte,  suivant  nous,  à  produire  une 
augmentation  de  pression,  qui  à  son  tour  produit  une  dilatation 
passive  du  vaisseau  ;  pendant  l'expiration,  le  ralentissement 
du  cœur  produit  un  effet  inverse,  et  c'est  là  en  partie  ce  qui 
constitue  l'oscillation  respiratoire  du  tracé  capillaire.  Récem- 
ment M.  Wertheimer  a  soutenu  la  même  opinion  en  ce  qui 
concerne  le  chien,  dont  le  rythme  cardiaque  est  extrêmement 
irrégulier. 

Pour  serrer  les  questions  de  plus  près,  nous  avons  recherché 
quels  rapports  exacts  il  existe  entre  la  montée  et  l'accéléra- 
tion du  cœur,  soit  pendant  la  respiration  normale,  soit  pen- 
dant des  respirations  profondes,  et  les  graphiques  que  nous 
avons  construits  nous  prouvent  les  deux  faits  suivants  : 

1°  Quand  la  montée  est  faible,  les  accélérations  du  cœur 
sont  plus  faibles  que  dans  les  montées  fortes  ; 

2'  Pour  chaque  oscillation,  étudiée  séparément,  le  progrès 
de  la  dilatation  se  fait  parallèlement  à  celui  de  l'accélération 
du  cœur;  l'accélération  en  général  précède  la  dilatation  et  ceci 
se  comprend  puisque  la  cause  doit  précéder  l'effet; 

3"  Il  n'y  a  pas  parallélisme  absolu  entre  les  deux  courbes 
de  l'accélération  et  de  la  montée.  A  quoi  tiennent  les  diver- 
gences? On  pourrait  les  attribuer  à  deux  causes  différentes  :  ou 
bien  les  changements  de  rythme  du  cœur  ne  sont  pas  les 
seules  causes  de  l'oscillation  respiratoire,  et  ceci  expliquerait 
qu'il  n'y  ait  pas  correspondance  exacte  entre  les  deux,  ou  bien, 
le  cœur  est  la  cause  unique,  seulement  il  se  produit  ici,  comme 
dans  toutes  les  fonctions  physiologiques,  des  perturbations, 
des  irrégularités  provenant  d'autres  phénomènes  qui  ont  lieu 
par  hasard  en  même  temps,  quoique  ne  faisant  pas  partie 
intégrante  du   processus   respiratoire;  ainsi,  supposons   qu'il 

(1)  Ces  faits  ont  déjà  un  long  Iiislorique,  bien  résumé,  avec  expériences 
nouvelles,  par  Wertheiner  et  Meyer,  Arch.  de  p]n/slolo;/i(',  1889,  u"^  1  et  2. 
p.  24.  '  i 


1:20         TRAVAUX   DU   LABORATOIRE   DE   l'SYCllOLOGIE   DE   PARIS 

se  produise  pendant  le  cours  d'une  respiration,  une  cons- 
triction  des  vaisseaux  d'origine  réflexe  ;  cette  constriction 
pourra  diminuer  la  hauteur  de  l'oscillation  respiratoire , 
quoique  le  cœur  n'ait  rien  changé  à  la  vitesse  de  ses  batte- 
ments. Pour  écarter  ces  irrégularités  qui  tiennent  au  concours 
fortuit  et  au  croisement  de  phénomènes  d'un  autre  ordre,  il 
faut  prendre  une  courbe  moyenne,  c'est-à-dire  faire  la  moyenne 
•d'un  grand  nombre  de  courbes.  Des  tracés  nombreux  nous 
prouvent  que  le  cœur,  quoique  jouant  un  rôle  dans  les  oscilla- 
lions  respiratoires,  n'agit  pas  comme  cause  .unique.  Nous 
comptons  revenir  sur  cette  question. 

En  résumé,  nous  pensons  que  l'oscillation  respiratoire  est  le 
produit  complexe  d'un  grand  nombre  de  facteurs. 


IV 

EFFET    DE    QUELQUES    MODIFICATIONS    VOLONTAIRES 
DE    LA    RESPIRATION 

Nous  groupons  sous  ce  chef  une  série  d'expériences  dont  le 
■caractère  commun  sera  de  nous  amener  à  une  même  conclu- 
sion. 

Parole. 

La  première  de  ces  expériences  consiste  dans  la  parole. 
€hose  curieuse,  aucun  auteur,  à  notre  connaissance,  n'a  étudié 
jusqu'ici  l'action  de  la  parole  sur  la  circulation  capillaire. 
Pour  faire  l'expérience  avec  méthode,  nous  prions  une  personne 
de  prononcer  25  à  30  chilTres  de  suite,  sans  inspiration  ;  cette 
récitation  prolongée  et  fatigante  se  fait  en  expiration  ;  elle 
■chasse  des  poumons  une  plus  grande  quantité  d'air  qu'une 
expiration  normale,  et  en  effet,  le  sujet  éprouve  le  besoin  éner- 
gique d'inspirer,  dès  qu'il  a  terminé  sa  récitation;  si  on  le 
laissait  à  lui-même,  il  ferait  à  ce  moment  une  ou  deux  inspi- 
rations profondes  et  rapides,  pour  aérer  son  poumon.  Mais  on 
le  prie  de  continuer  et  de  réciter  plusieurs  fois  de  suite  des 
séries  de  chiffre.  L'effet  sur  la  circulation  capillaire  est  bien 
■curieux. 

Dans  la  figure  18,  on  voit  dans  la  partie  gauche  du  tracé 
respiratoire  (thoraciquc)  quatre  grandes  respirations  qui  cor- 
respondent à  l'émission  de  la  parole  ;  à  chaque  inspiration  le 


BINET    ET    COURTIER. 


CIRCULATION    CAPILLAIRE,   ETC. 


1-21 


sujet  récitait  à  haute  voix  des  chiffres  jusqu'à  30  ;  l'inspiration 
est  brusque  et  assez  profonde  (par  suite  d'un  petit  accident, 
la  plume  a  butté  et  n'a  pas  continué  sa  course);  l'expiration  est 
longue  et  présente  de  petites  oscillations  qui  sont  produites 
par  l'émission  de  la  voix.  La  pause  respiratoire  est  supprimée. 
Quand  le  sujet  se  tait,  le  tracé  respiratoire  reprend  son  rythme 
normal,  avec  une  légère  précipitation  qui  indique  que  le  sujet 
avait  besoin  de  respirer.  Le  tracé  capillaire  présente  bien 
des  modifications  qu'il  serait  intéressant  d'étudier.  La  plus 
frappante  à  coup  sûr  est  l'effet  dépressif  du  début  de  l'inspi- 
ration j  effet  à  la  fois  brusque  et  profond.  Une  seule  pulsation 


KcS|iii-;iliou. 


v.'^^^wA»^^^;^^^^^^ 


Ca  |>lll>>ii' 
ilf   lii    main. 


Fig.  18.  —  Influence  de  la  parole  sur  la  respiratinn,  sur  le  imuls  artériel 

et  le  punis  capillaire. 

Lf  trace':  arl(5fiel  (radial  i  est  au-dessus  du  tracé  ca|iillaire  :  à  gauche  de  la  ligure,  trois  rps- 
[lirations  pendant  lesquelles  le  sujet  récite  chaque  fois  uuc  trentaine  de  cliifl'rcs  sans  inspirer. 

est  en  dépression,  celle  qui  la  suit  est  en  ascension.  Le  tracé 
artériel  présente  absolument  les  mêmes  modifications. 

Cet  effet  de  la  parole  ou  plutôt  de  la  récitation  poussée  jus- 
qu'à ce  qu'on  soit  à  bout  de  souffle,  nous  a  donné  des  résultats 
constants  chez  tous  les  sujets,  chez  tous  ceux  du  moins  qui 
n'inspirent  pas  brusquement  pendant  le  cours  de  la  récitation. 
Quand  on  laisse  le  sujet  respirer  à  volonté  pendant  l'expérience, 
on  observe  beaucoup  de  variétés  individuelles  dans  le  mode 
de  respiration  qu'il  adopte.  Cette  question  pourrait  faire 
l'objet  de  recherches  spéciales;  nous  n'avons  pas  eu  le  temps 
de  la  suivre,  nous  la  signalons  en  passant.  On  observe  aussj 


\îl'2 


Tli.VVAUX    DU   LABORATOIRE    DE    PSYCnOLOGIl:;    Di:    l'ARIi 


les  mêmes  effets  de  la  parole  sur  le  tracé  quand  le  bras  est 
tenu  verticalement,  et  nous  en  donnons  un  exemple  dans  la 
figure  19. 

Nous  pensons  que  par  sa  correspondance  exacte  avec  le  début 
de  l'inspiration,  et  par  suite  de  son  apparition  au  moment  où 
le  vide  thoracique  atteint  un  maximum,  la  dépression  du  tracé 
s'explique  par  l'aspiration  thoracique.  Nous  trouvons  donc  ici 
une  application  de  la  théorie  de  Ludwig,  Marey  et  Fr.  Franck 
sur   l'influence   mécanique  que  la  respiration   exerce   sur    le 


-piralii 


.v.,,,W^*«*..<^^ 


,4Kwm>^ 


Capillair 
Idc  lu  iiuii 


Fjfj.  19.  —  Pdiils  capillaire  fie  la  main  enregistré  pendant  que  le  ])ras:  est 

levé  verticalement. 

De  A  eu  D,  rrciUUon  île  chilTres  pendant  quatre  actes  respiratoires.  Le  tracé  resjiiratoire, 
ici  [lar  exception,  est  pris  avec  l'inspiration  dirigée  de  bas  en  haut. 

pouls.  Dans  certains  cas,  sans  qu'on  puisse  en  trouver  la  raison, 
à  chaque  inspiration  l'efTet  du  vide  thoracique  se  marque  sur 
le  tracé  capillaire  i  voir  fig.  20). 


Ralentissement  de  Vexpiration. 

On  peut  soit  suspendre  sa  respiration  en  inspiration,  comme 
dans  un  grand  elTort  musculaire,  soit  retarder  simplement 
l'expiration.  Les  efl'ets  de  ces  diverses  modifications  respira- 
toires n'ont  pas  une  aussi  grande  constance  que  ceux  de  la 
récitation,  sans  doute  parce  que  les  forces  en  jeu  dans  ces 
expériences  sont  nombreuses  et  compliquées  ;  on  ne  peut  pas, 
dans  une  expérience  particulière,  prévoir  à  coup  sur  ce  qui 
doit  se  produire.  Aussi  insisterons-nous  peu  sur  ce  sujet.  Nous 
nous  bornerons  à  poser  cette  règle  que  toutes  choses  égales- 
d'ailleurs,  plus  on  retarde  l'expiration,  plus  le  tracé  capil- 
laire monte  en  dilatation.  Cet  elifet  se  trouve  bien  marqué  sur 
notre  figure  16;  vers  le  milieu  du  tracé,  le  sujet  fait  une 
inspiration  profonde  suivie  d'une  expiration  ralentie;  le  tracé 


BIiNliT    ET    COURTIER. 


CIRCULATION    C.Vl'ILLAIRE,   ETC. 


1^3 


présente  une  montée  régulière  pendant  cette  expiration.  Dans 
le  cas  où  l'on  se  maintient  en  inspiration  pendant  quelque 
temps,  avec  les  poumons  pleins  d'air,  cette  montée  est  encore 
plus  accentuée.  Le  tracé,  par  ses  changements  de  niveau, 
exprime  dans  une  certaine  mesure  à  la  manière  d'un  mano- 
mètre les  changements  de  pression  qui  se  produisent  dans 
les  poumons  ;  et  ce  sont  ces  changements  de  pression  qui  pro- 
duisent les  élévations  du  tracé.  Nous  n'avons  qu'à  répéter  ici 
ce  que  Marey  a  dit  si  justement  du  mécanisme  de  l'effort,  qui 
se  traduit  lui  aussi  par  une  élévation  du  tracé',  l'air  retenu 
dans  les  poumons  exerce  une  compression  sur  l'aorte  et  les 


Rcsj  i ration. 


Tculs 
cajiilliuri". 


Fig.  tiU.  —  Trai"('  dans  IimiucI  ciiai(ue   inspiration  produit  une  dépression 
dii  pouls  capillaire.  Les  inspirations  se  marquent  de  bas  en  haut. 


veines  caves,  et  refoule  le  sang  à  la  périphérie  dans  les 
mcmhres  ;  de  là  une  élévation  de  niveau  et  une  augmentation 
de  pression  dans  la  circulation  capillaire  de  la  main. 

Mais  il  est  évident  que  la  comparaison  entre  la  circulation 
capillaire  et  un  manomètre  n'est  qu'une  comparaison  grossière  ; 
en  réalité,  la  circulation  capillaire  est  réglée  par  un  grand 
nombre  de  facteurs  qui  ajoutent  leur  action  à  celle  de  la  pres- 
sion thoraciquc,  et  en  rendent  par  conséquent  les  effets  très 
complexes.  Ainsi,  dans  la  figure  16  que  nous  nous  contentons 
de  prendre  comme  exemple,  on  remarque  que  pendant  la  légère 
ascension  du  tracé  capillaire  correspondant  à  l'expiration  pro- 
longée, ce  tracé  présente  de  légères  ondulations;  à  quoi  sont 
dues  ces  ondulations  ?  Peut-être  à  des  changements  de  pression 
dans  le  poumon;  mais  dans  le  tracé  respiratoire  rien  n'indicjuc 
ces  changements  de  pression;  peut-être  faut-il  mettre  en  cause 
des  changements  dans  le  rythme  du  cœur,  car  dans  chaque 
descente  de  ces  légères  ondulations   on   voit  la  jiulsation  se 


(!)  La  ("irriiln linii  du  stnui,  ji.  i()i. 


124  TRAVAUX    DU   LABOHATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE   DE    PARIS 

ralentir  ;  or,  nous  avons  vu  plus  haut  que  sous  l'influence  d'un 
ralentissement  même  léger  du  cœur  la  pression  baisse*. 


V 

ACTE  RESPIRATOIRE  BRUSQUE  ET  PROFOND 

Nous  entendons  pas  là  une  inspiration  profonde  et  rapide, 
suivie  d'une  expiration  également  forte  et  rapide  :  cette  modi- 
fication de  la  respiration  est  celle  de  la  surprise  ;  elle  se  produit 
en  général  quand  une  personne  perçoit  un  bruit  intense  auquel 
elle  ne  s'attend  pas  ;  des  causes  morales,  une  parole  très  grave, 
peuvent  amener  le  même  eflet.  Pour  le  moment  nous  ne  nous 
occupons  pas  de  ces  inspirations  produites  par  un  état  émo- 
tionnel ;  nous  cherchons  simplement  quel  est  l'effet  d'une  ins- 
piration brusque  que  le  sujet  exécute  volontairement.  Avant 
d'aller  plus  loin,  il  importe  de  dire  que  cette  question  est 
extrêmement  compliquée.  Nous  l'avons  étudiée  plusieurs  mois 
de  suite,  et  nous  avons  pu  constater  que  l'effet  d'une  inspira- 
tion brusque  peut  varier  sous  l'influence  d'une  foule  de  condi- 
tions dont  quelques-unes  ne  sont  pas  encore  connues. 

Ce  qui  est  à  peu  prc-'S  constant  —  nous  disons  à  peu  près  — 
c'est  qu'une  inspiration  brusque  produit  sur  les  tracés  une 
constriction  avec  effacement  du  pouls. 

Cet  effet  est  constant  et  très  facile  à  constater  ;  mais  il  n'est 
pas  le  seul  à  se  produire  ;  lorsque  le  tracé  volumétrique  est 
pris  dans  de  bonnes  conditions,  que  les  pulsations  ont  une 
grande  amplitude,  on  constate   antérieurement  à  la  constric- 

(I)  Uirn  (|ue  ct'S  vurialioiis  ciiiiensL's"  du  lylluiic  ilu  rn'iir  aient  déjà 
élc  ctiidiées  dans  les  niodiliciitions  V(d()ntaircs  de  la  respiration,  nous 
croyons  utile  de  les  signaler  très  brièvement.  Nous  avons  vu  <|ue,  pen- 
dant la  respiration  normale,  il  y  a  une  aeeèlération  du  cœur  corresjxindant 
à  ririspiratidiL  et  un  ralentissement  e(irres|Hinil.iiit  à  l'expiration.  Ce 
douille  i)lièu(iniène  l'orme  une  période  respiratoire  du  travail  cardiaque: 
si  ou  prtdonge  voloûtairemcnl  un  acte  respiratoire,  il  se  produira  alors 
chez  certains  suji'ls  deux  ]>criodes  cardiaques,  et  même  ti'cds  ;  on  en  ctmqite 
trois  sur  le  tracé  de  la  (ij;iire  16;  seulement,  dans  chacune  de  ces  jiériodes 
Kupplenu'nlaircs,  les  deux  jiliases  d'accélération  et  de  ralentissement  sont 
moins  accentuées  (|uc  dans  la  j)ériode  correspondant  à  un  acte  rcspirattdre 
luninal.  Enlin,  chez  certains  sujets  pré'sen  tant  des  ondulations  vaso-nudrices 
(Mosso),  nous  c(Uislat<uis  ;iu  moment  de  la  phase  de  descente  de  l'ondula- 
tion un  ralentissement  du  pouls;  ce  ralentissement  n'est  point  d'origine 
respiratoire,  car  l'ondulation  correspond  à  tr«.iis  ou  quatre  respirations. 
Nous  donnons  un  spécimen  de  ces  ondulations  dans  la  figure  25. 


BINET    ET    COLirriEH.  —    CIRCULATION   CAPILLAIRE,  ETC.         125 

lion  plusieurs  autres  effets  d'une  importance  moindre  qui 
jusqu'ici  ont  été  souvent  méconnus;  la  cause  en  est  aux  appa- 
reils et  aux  sujets  d'expérience;  lorsque  les  appareils  servant  à 
enregistrer  ces  mouvements  d'expansion  et  de  retrait  manquent 
de  sensibilité,  ou  que  le  sujet  n'a  pas  de  «  beaux  vaso-moteurs  »  - 
ces  conditions  diminuent  le  tracé  de  la  constriclion  qui  reste 
néanmoins  visible,  et  suppriment  celui  de  la  dilatation.  C'est 
ainsi  que  nous  nous  expliquons  l'absence  de  dilatation  dans 
certains  tracés  de  llallionetComte,  tracés  analogues  à  quelques- 


Rpspiialion. 


i\\H#H«#%«\_ 


^'^!^U^^,v^^v,^^^^ 


Capillaire. 


Fig.  21.  —  Elïet  d'une  inspiration  brusque  sur  le  pouls  capillaire. 

Ou  a  ciiregislré  ici  la  rospiralioii  aluloiniiialc.    Par  excciilion.   riiispiraliou  se  fait   ici 

de  lias  011   liaiil  '. 


uns  des  nôtres,  où  les  pulsations  se  marquent  mal  et  oit  tous 
les  phénomènes  sont  amoindris. 

Nous  pensons  qu'en  ce  qui  concerne  les  tracés  capillaires, 
il  faut  poser  en  principe  que  les  faits  négatifs  doivent  être  inter- 
prétés avec  la  plus  grande  prudence. 

En  réalité,  voici,  selon  nous,  quelle  est  la  série  complète  de 
phénomènes  qui  se  produisent  sous  l'influence  d'une  inspi- 
ration forte  et  brusque;  notre  description  est  une  synthèse 
d'observations  faites  sur  de  très  nombreux  tracés;  nous  sui- 
vrons pour  guide  les  tracés  20  et  21,  où  tous  les  phénomènes 


(I)  Nous  avons  pris  souveni  la  respiration  ahilouiinalc  en  nirnic  tcniiis 
que  la  respiration  tlioraciipie  ;  elles  corrcspoudcnt  assez.  I)i(>n  [leudaul  un 
état  de  respiration  Iramiuille;  mais  dans  lus  respirations  énergic)ues.  pro- 
fondes et  soutenues,  nous  constatons  souvent  que  la  respiration  abdomi- 
nale faiblit;  siui  tracé  a  une  li^'ue  d'ascension  moins  brusque,  et  la  lifîue 
de  descente  commence  plus  tôt  que  poiu'  la  respiration  thoraciiiue.  Ces 
observations  ont  été  faites  d'une  manière  suivie  sur  un  sujet. 


126 


TliAVAUX    DU   LABÛRATOmi'.    ETC. 


sont  bien  marqués  et  un   autre  tracé  pris 
avec  grande  vitesse  (fig.  22  . 

1°  Au  moment  même  où  Tinspiration 
commence,  ou  plutôt  avec  un  retard  de 
moins  d'une  seconde  sur  le  commencement 
de  l'inspiration,  il  se  produit  dans  le  tracé 
volumétrique  une  dépression;  elle  se  lit  net- 
tement sur  les  figures  20  et  21  :  elle  a  produit 
un  allongement  de  la  pulsation  qui  corres- 
pond au  début  de  l'inspiration  et,  par  suile 
de  cet  allongement,  cette  pulsation  est  un 
peu  au-dessous  du  niveau  général  des  pul- 
sations précédentes;  la  pulsation  qui  la  suit 
est  également  en  dépression,  par  son  niveau, 
mais  elle  est  plus  petite.  En  somme,  il  s'est 
produit  là  une  dépression  très  courte,  très 
légère,  qu'on  discerne  surtout  parce  que  les 
pulsations  du  tracé  sont  très  grandes.  Nous 
pensons  que  cette  dépression  est  tout  à  fait 
analogue  à  celle  qui  se  produit  sous  l'in- 
fluence d'une  récitation  prolongée;  c'est  le 
résultat  d'un  appel  de  sang  dans  la  poitrine, 
appel  produit  par  une  inspiration  brusque; 
cbez  quelques  sujets,  il  se  produit  à  ce 
moment  un  rapetissement  de  trois  pulsa- 
tions. 

2»  Vers  le  milieu  de  l'inspiration  se  pro- 
duit une  élévation  du  tracé,  plus  forte  et 
plus  durable  que  la  dépression  qui  la  pré- 
cède ;  elle  dure  d'ordinaire  le  temps  de  deux 
ou  trois  pulsations.  Ce  second  ell'et  se  lit  sur 
un  plus  grand  nombre  de  tracés  que  le  pré- 
cédent. Il  est  parfaitement  visible  sur  les 
tracés  20,  21  et  22. 

Nous  avons  été,  croyons-nous,  les  pre- 
miers à  signaler  la  dépression  initiale  des 
inspirations  profondes.  Il  n'eu  est  pas  de 
même  pour  l'élévation  qui  suit  cette  dépres- 
sion. De  si  minime  importance  que  soit  ce 
phénomène,  il  a  un  historique,  et,  qui  plus 
est,  un  historique  fort  curieux.  Parmi  les 
expérimentateurs,    les    uns,    comme   Féré. 


•Il 


t 


BINET    ET    COURTIER.   —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,  ETC.  i  ^7 

soutiennent  que  toute   excitation   brusque  produit   une  vaso- 
dilatation initiale,  et  comme  l'excitation  brusque  amène  gêné-  : 
ralement  une  inspiration  brusque,  ceci  revient  à  dire  en  partie                              li 
que  l'efTet  premier  de  l'inspiration  brusque  est  une  dilatation.                              | 
Sans  entrer  dans  le  détail  de  cette  question  particulière,  nous                               ^ 
remarquons  que    Fr.  Franck   a   publié   également  des   tracés 
capillaires  pris  sur  l'homme,  où  le  premier  effet  d'une  excita- 
tion sensitive  est  une  vaso-dilatation  et  Fr.  Fi-anck  concluait 
que  suivant  la  région  examinée  les  effets  devaient  varier.  Hallion                               ' 
et  Comte  soutiennent  au  contraire  (jue  dans  leurs  recherches                              ; 
la  vaso-dilatation  ne  s'est  jamais  montrée  comme  un  phéno-                              \l 
mène  initial;  ou  plutôt  ils  pensent  que  ce  gonflement  du  tracé 
tient  à  une  compression  veineuse.                                                                                 | 

Comme  la  dépression  qui  la  précède,  cette  élévation  de  niveau 
se  l'ait  en  pleine  inspiration  ;  plus  exactement,  elle  se  manifeste 
vers  le  milieu  de  l'inspiration.  C'est  un  fait  assez  curieux  que 
deux  effets  inverses  soient  sous  la  dépendance  d'un  même  phé- 
nomène physiologique,  Tinspiration.  Nous  devons  répéter  ici 
ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  ;  ces  phénomènes  sont  délicats 
et  ne  se  lisent  que  sur  de  bons  tracés.  On  ne  saurait  les  attri- 
buer à  des  mouvements  involontaires  de  la  main,  parce  que  la  ; 
forme  du  pouls  exclut  tout  soupçon  d'erreur. 

Cette  élévation  présente  le  plus  souvent  les  caractères  sui- 
vants :  diminution  d'amplitude  du  pouls,  augmentation  de 
rapidité  du  pouls  et  accentuation  du  dicrotisme.  Ces  caractères 
sont  précisément  ceux  qu'on  rencontre  dans  les  oscillations 
respiratoires  normales  ;  aussi  pensons-nous  que  la  dilatation 
dont  nous  parlons  est  due  à  la  môme  cause  qu'une  oscillation 
normale  ;  l'explication  qui  conviendra  à  l'oscillation  respira- 
toire normale  conviendra  aussi  à  ce  phénomène. 

3°  A  la  suite  de  cette  élévation  du  tracé,  il  descend  brusque-  i 

ment;  et  les  deux  premières  pulsations  de  cette  descente  sont 
un  peu  écartées  les  unes  des  autres,  ce  qui  indique  un  ralen- 
tissement du  cœur;  ce  ralentissement  est  de  même  nature  que 
dans  les  oscillations  de  la  respiration  normale,  seulement  il  ; 

est  ici  un  peu  plus  accentué.  En  somme,  les  caractères  2  et  3 
se  retrouvent  dans  une  oscillation  normale. 

4"  Le  tracé  continue  à  descendre,  quoique  le  ralentissement 
du  cœur  ait  cessé  :  le  pouls  se  rapetisse.  C'est  l'effet  de  beaucoup 
le  plus  net  de  l'inspiration  ;  aussi  a-t-il  été  constaté  par  tous 
les  expérimentateurs,  et  il  ne  manque  presque  sur  aucun  tracé. 
Il  se  produit  au  moment  de  l'expiration  ;  il  est  caractérisé  par 


128  TRAVAUX    DU    LABORATOIRE    DE    rSYCIIOLOGIE    1»E    l'ARIS 

les  deux  phénomènes  suivants  :  une  descente  brusque  et  pro- 
fonde du  tracé  et  une  diminution  du  pouls.  Ces  deux  effets  se 
trouvent  sur  la  figure  21  et  tout  aussi  nettement  sur  la 
ligure  22. 

La  dépression  que  nous  signalons  mérite  bien  le  nom  de 
vaso-constriclion.  Dans  notre  revue  générale  sur  la  pléthysmo- 
graphie  (voir  plus  loin.  Analyses,  ch.  i},  nous  donnons  une 
définition  de  la  vasoconstriction  et  de  la  vaso-dilatation. 
Prière  de  se  reporter  à  cette  revue.  Ce  n'est  pas  un  phénomène 
de  cause  centrale,  agissant  dans  le  même  sens  sur  le  tracé 
capillaire  et  le  tracé  artériel  ;  c'est  une  constriction  d'origine 
vaso-motrice,  se  produisant  dans  les  capillaires,  et  produisant 
par  contre-coup  un  effet  bien  diirérent  sur  le  tracé  artériel. 
En  effet,  tandis  que  le  tracé  capillaire  descend  et  que  la  pulsa- 
tion diminue,  le  tracé  de  l'artère  conserve  ses  pulsations  d'am- 
plitude habituelle;  on  peut  même  constater  dans  certains  tra- 
cés, ainsi  que  l'ont  déjà  l'ait  Ilallion  et  Comte,  que  le  pouls 
artériel  se  modifie  :  son  niveau  s'élève  légèrement,  et  la  pulsa- 
tion présciile  un  dicrotisme  placé  plus  bas,  ce  qui  indique  une 
augmentation  de  pression  du  sang  arrêté  dans  l'artère  par  la 
digue  que  lui  offre  la  vaso-conslriction  des  artérioles  ;  mais  au 
bout  de  peu  de  temps,  le  tracé  artériel  présente  également  une 
descente,  qui,  ([uoique  plus  faible  que  celle  du  tracé  capillaire, 
Cit  vraisemblablement  de  même  nature  et  nous  pensons  par 
conséquent  qu'il  est  très  probable  que  l'artère,  comme  le  capil- 
laire, présente  une  vaso-constriction  réflexe. 

Pendant  cette  vaso-constriction,  on  voit  encore  se  dessiner 
les  oscillations  respiratoires',  ce  qui  est  un  exemple  bien  net  de 
la  superposition  des  influences  nombreuses  qui  agissent  sur  le 
tracé  capillaire. 

Il  faut  dire  un  mot  du  mode  de  terminaison  de  la  vaso-cons- 
triction. Lorsqu'une  constriction  profonde  s'est  produite,  le 
tracé,  suivant  les  cas,  se  développe  pendant  un  certain  temps,  par 
exemple  plusieurs  minutes  en  constriction.  ou  bien  il  remonte 
assez  rapidement  pour  reprendre  son  premier  niveau.  Ces  deux 
effets  différents  se  produisent  sous  une  foule  d'influences,  dont 
la  moindre  n'est  pas  la  personnalité  du  sujet.  Chez  M.  M...,  par 
exemple  la  vaso-constriction  dure  en  moyenne  une  minute;  chez 
M.  C...,  au  contraire,  la  moyenne  de  durée  est  de  cinq  à  dix 
secondes.  Ainsi  la  figure  21  est  un  exemple  de  vaso-constric- 
tion courte  et  la  ligure  6  un  exemple  de  vaso-constriclion 
longue.  L'amplitude  du  pouls,  l'étal  de  fatigue  du  sujet  et  le 


BINET  ET   COURTIER.    —   CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.        129  ,^ 

nombre  des  inspirations  profondes  jouent  également  un  rôle. 
Quui  qu'il  en  soit,  il  se  produit  en  général,  et  plus  ou  moins 
vite,  un  retour  du  tracé  à  son  niveau  primitif,  c'est-à-dire  une 
dilatation  compensatrice,  active,  par  relâchement  du  vaisseau. 
Souvent  le  tracé  dépasse  même  son  niveau  primitif.  En  outre, 
la  pulsation  s'agrandit.  Nous  avons  là  le  signe  que  la  vaso- 
constriction s'est  terminée  ;  les  vaisseaux  reprennent  leur 
calibre  ordinaire.  Or,  comme  la  quantité  de  sang  qu'ils  con- 
tiennent est  encore  faible,  car  l'organe  a  été  anémié  par  la  cons- 
triction,  il  en  résulte  que  les  pulsations  ont  une  grande  ampli- 
tude. 

La  double  oscillation  cajrillaire. 

Nous  signalons  ici,  faute  de  savoir  où  le  classer,  un  phé- 
nomème  tout  à  fait  singulier,  qui  n'a  encore  été  décrit  par 
aucun  auteur;    ce    phénomème    est    une    double    oscillation 


^'■»*^^-W-^V;,,,^^,,^_^,^^,,J^'-*^^^^^ 


Fig.  23.  —  Doiiblejnscill.itiou  respiratoire.  Dans  le  tracé  de  la  respiration, 
rinspiratiou  se  fait  par  exception  de  bas  en  haut. 


respiratoire  du  tracé  capillaire,  correspondant  à  une  respira- 
tion unique.  Selon  toute  apparence,  ce  phénomène  est  excep- 
tionnel, il  ne  s'est  produit  que  chez  un  seul  de  nos  sujets. 
Nous  en  donnons  (fig.  23;  un  exemple  type  et  (fig.  24)  une 
série  d'exemples  montrant  toutes  les  variétés  de  forme  que 
peut  présenter  la  double  oscillation. 

Dune  manière  générale,  la  double  oscillation  se  produit 
pendant  une  respiration  lente  et  profonde  ;  la  première  oscilla- 
tion a  tous  les  caractères  d'une  oscillation  normale,  c'est  la 
seconde  qui  est  surajoutée  ;  elle  est  d'ordinaire  plus  grande  et 
plus  arrondie  que  la  première  ;  mais  ce  n'est  pas  là  son  carac- 
tère distinctif  ;  ce  qui  donne  à  cette  oscillation  supplémentaire 
son  cachet  propre,  c'est  la  forme  du  pouls  ;  le  pouls,  dans 
l'espace  compris  entre  la  première  ondulation  et  la  seconde,  se 

ANNÉE    PSYCHOLOGlulE.    II.  9 


■I'. 


130 


TRAVAUX    DU    LABORATOIRE   DE    PSYCHOLOGIE   DE    PARIS 


rapetisse,  son  dicrolisme  augmente  et  descend,  devient  inter- 
médiaire entre  deux  pulsations  ;  en  un  mot  la  pulsation  prend 
le  caractère  de  la  pulsation  de  haute  tension.  On  ne  retrouve 
pas  ces  caractères  sur  le  tracé,  dans  l'espace  compris  entre  la 
seconde  pulsation  et  la  première. 

La  série  d'oscillations  de  la  figure  24  est  instructive  :  elle 
montre  quelles  sont  les  conditions  respiratoires  les  plus  favo- 
rables à  la  double  oscillation.  Les  respirations  I  à  III  sont 
normales  et  correspondent  à  des  oscillations  uniques;  la  res- 
piration IV,  plus  allongée,  provoque  une  ébauche  d'oscillation 
supplémentaire;  celle-ci  est  bien  développée  dans  les  respira- 


Fig.  24.  —  Série  d'oscillations  respiratoires  dont  quelques-unes  sont 
simples  et  d'antres  doubles.  iJaiis  le  tracé  de  la  respiration,  l'inspiration 
se  fait  par  exception  de  bas  en  haut. 


lions  V  et  VII,  moins   bien  dans  la  respiration  VI  où  l'expira- 
tion a  été  plus  rapide  ;   une   certaine  lenteur  de    l'expiration 
est  donc  nécessaire  pour  la  production  de  l'oscillation  double. 
Ainsi  que   nous  l'avons   dit  plus  haut  nous  ne  nous  sentons 
pas  en  mesure  d'expliquer  complètement  ce  singulier  phéno- 
mène ;  à   titre  d'hypothèse,   nous  admettons  qu'il   dépend   de 
quatre  causes   principales  :    \''  l'inspiration   brusque  produit 
une   accélération,  puis    un    ralentissement  du    cœur,   ce   qui 
amène  en  partie  la  première  oscillation;  2'*  sous  l'influence  de 
cette  inspiration  brusque  il  se  produit  aussi,  mais  un  peu  plus 
tard,  une  vaso-constriction,  qui    explique  le  caractère  de  ten- 
sion du  pouls   entre  les  deux   oscillations  ;  3*^  après  quelque 
temps,  il  se  produit  une  nouvelle  période  cardiaque,  avec  accé- 
lération du  pouls,  qui  tend  à  dessiner  une  nouvelle  courbe; 
4"  l'ascension  de  cette  courbe  est  favorisée  par  la  pression  de 
l'air  dans  les  poumons  ;  le  sujet  doit  prolonger  en  effet  son 
expiration  pour  amener  l'oscillation  double. 


BINET    ET    COURTIER.    —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,  ETC.  131 


DEUXIEME  PARTIE 


Nous  devons  parler  maintenant  des  influences  que  les  divers 
phénomènes  psychologiques  exercent  sur  la  circulation  capil- 
laire, sur  la  circulation  artérielle  et  aussi  sur  la  respiration.  Les 
études  précédentes  ont  servi  simplement  d'introduction  à  celle-ci. 

Nous  pensons  qu'on  doit  examiner  sous  toutes  ses  faces  le 
grand  problème  que  nous  posons  des  rapports  de  la  pensée 
avec  ces  différentes  fonctions  organiques  ;  mais  nous  sommes 
loin,  jusqu'ici,  d'avoir  complètement  terminé  notre  pro- 
gramme d'expériences.  Ce  que  nous  allons  en  dire  ne  servira 
guère  qu'à  en  montrer  l'intérêt  et  l'ampleur. 


APPLICATION  DES  APPAREILS 

Dans  notre  nouvelle  étude,  nous  allons  avoir  surtout 
recours  à  la  méthode  collective,  que  nous  avons  peu  employée 
jusqu'ici;  dans  tout  ce  qui  précède,  en  effet,  où  il  s'agissait 
surtout  d'éclaircir  des  questions  de  physologie,  nous  avons 
opéré  presque  toujours  sur  un  individu  unique,  un  sujet  d'élec- 
tion ;  nous  cherchons  maintenant  à  mettre  en  relief  des  varia- 
tions individuelles.  Or,  quand  on  emploie  la  méthode  collective, 
la  première  condition  est  d'avoir  des   procédés  comparables  1' 

pour  les  différents  individus.  On  peut  donc  se  demander  si  les 
pléthysmographes,  et  notamment  si  le  pléthysmographe  en 
caoutchouc  de  Hallion  et  Comte  peuvent  s'appliquer  de  la  même 
façon  chez  des  sujets  différents,  de  manière  que  la  différence 
des  résultats  tienne  seulement  aux  sujets  et  non  aux  appareils. 
A  dire  vrai,  nous  ne  le  croyons  pas;  chacun  a  sa  manière  de 
disposer  ses  doigts  autour  du  cylindre  de  caoutchouc';  la  peau 

(1)  Même  quand  il  s'aj^it  simplement  d'enfoncer  le  doigt  dans  un  tube, 
en  invaginaut  dans  le  tube  un  doigt  de  gant  en  caoutchouc,  comme  dans 
le  sphygmomanumùtre  de  .Mosso,  on  ne  fait  pas  deux  fois  l'opération  de  la 
même  manière. 


^ 


'132         TRAVAUX    DU   LABORATCIRli:   DE    PSYCUOLOGIE   DE   PARIS 

de  gant  recouvrant  les  doigts  peut  être  plus  ounioins  tendue; 
et  même,  quand  une  personne  met,  enlève  et  remet  de  suite 
après  l'appareil,  il  n'est  pas  certain  qu'elle  le  dispose  exacte- 
ment de  la  même  façon,  d'autant  plus  qu'il  en  résulte  une 
friction  de  la  peau  qui  excite  la  circulation. 

Mais  il  y  a  un  moyen,  purement  empirique,  d'écarter  ces 
causes  d'erreur:  c'est  de  ne  pas  se  contenter  d'une  ou  deux 
séances  d'expériences,  c'est  de  multiplier  les  essais  et  de 
conserver  seulement  la  moyenne  des  résultats.  D'ailleurs,  les 
différences  individuelles  restent,  on  peut  dire,  -constanles  et 
indépendantes  des  circonstances  extérieures,  de  sorte  qu'elles 
ne  sont  nullement  effacées  par  les  petites  causes  d'erreurs 
dont  nous  signalons  l'existence  '.  En  résumé,  les  appareils  de 
pléthysmographie  dont  nous  nous  sommes  servis  ne  donnent 
pas  des  applications  rigoureusement  comparables,  mais  à  un 
point  de  vue  empirique,  et  eu  égard  aux  immenses  différences 
individuelles,  les  causes  d'erreur  qui  proviennent  de  ce  chef 
sont  loin  d'enlever  toute  signification  aux  expériences. 


II 

MESURE    DES    REACTIONS 

La  mesure  des  réactions  vaso-motrices  et  autres  qu'on  peut 
provoquer  dans  la  circulation  capillaire  ne  peut  être  faite 
d'une  manière  absolument  rigoureuse,  parce  que  ces  réactions 
dépendent  d'un  très  grand  nombre  de  facteurs  qwi  sont  inacces- 
sibles eux-mêmes  à  la  mesure.  Cependant,  il  est  bien  évident, 
les  tracés  le  montrent  clairement,  que  certains  individus  ont 
dans  toutes  les  circonstances  où  on  les  étudie  des  réactions 
très  fortes,  très  rapides,  tandis  que  d'autres,  étudiés  avec  la 
même  assiduité  dans  une  foule  de  circonstances  analogues,  ont 
des  réactions  très  lentes,  très  faibles  et  même  nulles.  On  peut 
se  proposer  de  donner  une  mesure  au  moins  approximative  de 
ces  différences,  qui  s'inscrivent  sur  le  tracé  ;  il  n'est  pas  dan- 
gereux de  le  faire  si  on  a  constamment  présent  à  la  pensée 
que  ces  mesures  ont  une  valeur  toute  relative  ;  et  il  est  utile 
de    le   faire,    parce    que,    si    incomplète    qu'elle   soit,    celle 

(1)  11  n'en  est  pas  tout  ;'i  fait  de  uiême  pour  le  sphygujographe  à  trans- 
mission, dont  les  tracés  varient  énorniciiicut  suivant  les  conditions  d'njt- 
plication. 


BINET    ET    COURTIER.    —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.  ISS: 

«i 

mesure  a  Tavantage  sérieux  de  donner  aux  différences  indivi- 
duelles un  caractère  objectif,  et  de  supprimer  par  conséquent 
l'interprétation  toute  subjective  de  l'observateur  ;  cette  dernière 
interprétation,  qui  elle  aussi  est  une  sorte  démesure,  est  sujette 
à  une  foule  d'illusions.  1,  ' 

Nous  adoptons  le  procédé  de  mesure  suivant  :  soit  à  connaître  ti 

l'influence  du  travail  intellectuel  sur  la  circulation  capillaire  ; 
il  se  produit  le  plus  souvent,  par  suite  de  cette  influence,  une  t 

diminution  de  la  pulsation  et  une  descente  du  tracé.  Toutes  nos  ^ 

expériences,  ou  du  moins  toutes  celles  que  nous  comparerons^  .,  '' 

ont  été  prises  avec  le  même  tambour  et  la  même  longueur  de  î/j 

plume  ;  donc  :  1"  pour  chaque  sujet,  nous  mesurerons  quelle  l;  j 

diminution  d'amplitude  la  pulsation  a  subie,   d'une  manière  j 

absolue,    et    aussi  par   rapport  à    son   amplitude  antérieure.  '  t 

C'est  surtout  par  rapport  à  l'amplitude   antérieure  qu'il  faut  | 

faire  cette  mesure  ;  en  effet,  nous  avons  observé  chez  un  sujet 
qu'une  multiplication  mentale  faite  au  début  d'une  séance, 
quand  le  pouls  était  très  fort,  a  réduit  le  pouls  à  peu  près  de  j 

moitié  ;  cinq  minutes  après,  le  pouls  était  devenu  plus  petit;  .'| 

une  seconde  multiplication  mentale,  qui  était  de  même  force  '• 

que  la  première,   et  qui  a  pris  à  peu  près  le  même  temps,   a  \ 

complètement  effacé  le  pouls  :  l'effet  absolu  de  cette  seconde  * 

opération  a  donc  été  plus  grand  que  celui  de  la  première  ;  mais  i 

l'effet  relatif  a  été  à  peu  près  le  même  ;  2'^  nous  mesurerons  en  ' 

millimètres  la  vaso-constriction.  Nous  calculons  une  fois  pour 
toutes  à  quel  changement  de  volume  dans  l'appareil  correspond 
chaque  millimètre  de  descente  de  la  plume  (méthode  indiquée 
par  Fr.  Franck').  La  descente  du  tracé  est  calculée  d'après  la  _,;|j 

hauteur  qu'il  présentait  avant  le  début  de  l'expérience.  Ici  peut  ; 

se  produire  une  cause  d'erreur;  supposons  qu'au  moment,  par 
exemple,  où  le   travail  intellectuel  commence,   le   tracé  était  i 

déjà  en  constriction  ;  l'effet  sera  un  peu  différent  du  cas  oîi  le 
tracé  aurait  été  en  dilatation.  Nous  nous  sommes  efforcés  de 
ne  provoquer  le  travail  intellectuel  ou  toute  autre  modification 
du  tracé  que  lorsqu'un  examen  prolongé  du  tracé  montrait 
que  le  sujet  était  dans  un  état  normal  ;  la  meilleure  précaution 
à  prendre  est  de  laisser  écouler  envir(ni  cinq  minutes  de  repos 
complet,  sans  faire  aucune  expérience. 

(1)  Volume  des  un/anes,  Travaux  du  laboratoire  de  Marey,  1876,  p.  22. 


134         TRAVAUX   DU    LABORATOIRE   DE   PSYCaOLOGIE   DE   PARTS 


III 


INFLUENCE    DE    L  INDIVIDUALITE,    DES    REPAS,    DE    LA    COMPRESSION 

Pour  donner  une  idée  de  l'influence  de  l'individualité,  on  peut 
se  contenter  de  mesurer  l'amplitude  moyenne  du  pouls  capil- 
laire chez  divers  individus,  étudiés  chacun  dans  une  dizaine  de 
séances.  Nous  arrivons  aux  résultats  suivants  :     . 

M.  C...,  très  beaux  tracés  capillaires.  En  calculant  la  moyenne 
des  tracés,  pris  au  hasard,  on  a  des  pulsations  à  dicrotisme 
unique,  bien  accentué,  à  lignes  arrondies,  sans  pointes  ni 
tremblements,  présentant  une  amplitude  de  3  millimètres  : 
cette  amplitude  représente  le  pouls  totalisé  des  cinq  doigts  et 
d'une  très  petite  portion  de  la  paume. 

M. E...,  tracés  capillairesbiendéveloppés;  amplitudemoyenne, 

M.  V...,  tracés  filiformes;  le  plus  souvent,  pas  de  mesure 
possible. 

M.  F...,  tracés  d'une  belle  amplitude  de  "2  millimètres;  le  pouls 
o,st  formé  de  lignes  dures,  brisées  ;  la  descente  est  marquée  de 
plusieurs  oscillations  à  arêtes  vives. 

Nous  avons  dit  et  nous  répétons  que  les  différences  indivi- 
duelles ne  peuvent  résulter  entièrement  des  différences  dans  les 
applications  des  appareils,  parce  que  ces  difl'érences  indivi- 
duelles sont  énormes  et  constantes. 

11  ne  faudrait  pas  croire  que  la  petitesse  de  la  pulsation  capil- 
laire enlève  tout  intérêt  aux  tracés  ;  ce  serait  une  erreur  ;  les 
réactions  vaso-motrices  ne  sont  nullement  en  rapport,  même 
chez  les  sujets  normaux,  avec  la  grandeur  de  la  pulsation.  Tel 
sujet,  C...  par  exemple,  a  des  pulsations  énormes  et  a  cepen- 
dant des  réactions  vaso-motrices  très  faibles  ;  tel  autre  a  des 
pulsations  filiformes  et  des  réactions  vaso-motrices  très  fortes. 
Nous  traiterons  tous  ces  points  dans  une  revue  d'ensemble,  à 
la  fin  de  notre  travail. 

Nous  supposons  que,  par  suite  de  l'inipurtance  de  la  circu- 
lation capillaire  au  point  de  vue  de  la  nutrition  des  tissus,  par 
suite  aussi  des  relations  si  étroites  qui  existent  entre  la  circu- 
lation capillaire  et  le  système  nerveux,  les  tracés  de  la  circu- 
lation capillaire  et  des  phénomènes  vaso-moteurs  correspondent 
à  quelque  chose  de  fondamental  dans  l'individu;  ils  expriment 


BINET   ET    COURTIER.    —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.         135 

un  des  caractères  les  plus  importants  de  son  individualité  phy- 
siologique et  psychique,  caractère  qui  n'est  point  soumis  d'une 
manière  directe  à  sa  volonté.  11  serait  extrêmement  important, 
dans  les  recherches  qu'on  fait  si  souvent  sur  les  altérations  de 
la  personnalité,  sur  la  folie  circulaire  et  sur  une  foule  de  formes 
morbides,  de  prendre  le  tracé  capillaire  avec  les  réactions 
vaso-motrices.  Quelques  recherches  ont  été  déjà  faites  dans 
cette  voie,  mais  sans  systématisation  '. 

L'influence  de  la  proximité  du  repas  et  de  son  abondance  a 
été  constatée  de  la  manière  la  plus  nette;  chaque  fois  que  nous 
devons  faire  une  expérience,  le  sujet  est  averti  d'avance  qu'il 
doit  un  peu  se  suralimenter.  Hallion  et  Comte  nous  ont  aussi 
signalé  cette  influence. 

Nous  nous  contentons  d'indi(|uer  —  nos  mesures  n'étant  pas 
encore  terminées  —  que  sous  l'influence  de  la  compression  de 
la  main  par  l'appareil,  le  pouls  se  rapetisse  (Mosso  et  Kiesow 
ont  déjà  signalé  le  fait  2).  Ce  qu'il  y  a  de  plus  curieux,  c'est  que 
dans  les  mêmes  conditions  il  y  a  des  différences  individuelles 
énormes.  Chez  tel  sujet,  l'influence  de  la  compression  se  fait 
sentir  seulement  au  bout  de  trois  quarts  d'heure  ;  chez  un 
autre,  la  même  compression  agit  au  bout  de  cinq  minutes.  Nous 
ignorons  si  cette  différence  est  en  rapport  avec  quelque  facteur 
important;  elle  est  indépendante  de  l'amplitude  du  pouls  et 
de  l'excitabilité  du  système  vaso-moteur.  Nous  pensons  que  le 
•sphygmomanomètre  de  Mosso,  qui  a  surtout  l'avantage  de 
jnesurer  et  de  graduer  la  pression  qu'on  fait  subir  à  la  main, 
€st  tout  à  fait  propre  pour  mesurer  aussi  cet  effet  de  la  com- 
pression. 


IV 


EXCITABILITE    ET  ACTIVITE  DU  SYSTEME  VASO-MOTEUR    PENDANT  L  ETAT 

DE    REPOS    VOLONTAIRE 

Toute  étude  de  pléthysmographie  débute  par  une  expérience 
sur  l'état  de  repos.  On  prie  le  sujet  de  rester  immobile,  de  ne 
pas  faire  de  mouvements  avec  sa  tête,  ses  mains  et  ses  jambes, 

(lj(*u  sait  que  les  Irnuliles  v.'isn-inolcLirs  jouent  un  rùle  très  iiiiportaut 
■dans  la  maladie  de  Reynaud  et  dans  l'érythromélalgie. 

(2)  Kiesow,  Expériences  avec  Je  .sjilii///iiioinatioiiicfrr  de  Mosso,  Ar<li.  ita 
liennes  de  biologie,  avril  18itô,  p.  '201. 


136    TRAVAUX  DU  LABORATOIRE  DE  PSYCHOLOGIE  DE  PARIS 

de  garder  une  respiration  régulière,  et  autant  que  possible  de 
ne  penser  à  rien.  C'est  par  contraste  avec  cet  état  de  repos 
qu'on  étudie  les  phénomènes  physiologiques  ou  psychologiques 
qu'on  cherche  à  provoquer. 

Il  nous  a  paru  très   intéressant  d'étudier  la  manière  dont 
chacun  réalise  cet  état  de  repos  et  arrive  à  «  ne  penser  à  rien  ». 
Nous  éliminons  de  suite,  bien  entendu,  les  tracés  de  la  première 
séance,  où  le   sujet,    toujours  un  peu   ému  par  l'application 
d'appareils  qui  lui  sont  inconnus,   ne  donne  pas  l'expressiou 
pléthysmoiiraphique  de  son  état  de  repos.  Nous  retenons  seu- 
lement les  tracés  fournis  par  des  sujets  qui  se  sont  familiarisés 
avec  les  expériences,  qui  s'y  sont  soumis  pendant  cin([  ou  six 
séances.  Nous  devons  dire  que  nos  recherches  ont  été  faites  sur 
des    individus    de  vingt   à   quarante  ans,   ayant  une   culture 
intellectuelle  bien  développée,  sachant  se  tenir  tranquilles  et 
imposer  le  repos  à  leurs  muscles;  nous  avons  fait  aussi  quel- 
ques recherches  sur  deux  petites  filles,  de  huit  et  de  dix  ans. 
Or,  l'étude  de  l'état  de  repos  démontre  qu'il  y  a  parmi  les 
individus  une  grande  différence  dans  la  sensibilité  du  système 
vaso-moteur.  Les  uns  ont  un  tracé  capillaire  d'une  régularité  et 
d'une  uniformité  absolument  remarquables,  oii  ne  se  marque- 
que  linfluence   d'une  respiration  régulière  ;  d'autres   ont   au 
contraire  un  tracé  capillaire   qui   présente   constamment  des^ 
mouvements  ondulatoires. 

Ce  qu'il  y  a  de  curieux,  parfois,  c'est  le  contraste  entre  la 
physionomie,  l'aspect   extérieur  du   sujet,   la  discipline   qu'il 
exerce  sur  son  corps  —  et  d'autre  part  les  irrégularités  de  son 
tracé  capillaire.  Nous  avons  soumis  à  l'expérience  des  élèves  de 
laboratoires  allemands,  qui  peuvent  rester  assis  pendant  très 
longtemps  sans  faire  de  mouvements  et  sans  s'ennuyer  ;  mais 
leurs  tracés  sont  cependant  en  oscillation  perpétuelle,  bien 
plus  irréguliers  que  celui  de  quelques  enfants  que  nous  avons^ 
examinés.  Celte  différence,  à  laquelle  nous  étions  loin  de  nous- 
altendre,   nous  prouve  que  le  tracé  capillaire  ne  peut  pas,  à 
lui  seul,  nous  faire  connaître  l'état  de  calme  ou  d'activité  dfr 
l'intelligence  et  des  émotions,  car  d'une  part  les  facteurs  psy- 
chiques ne  sont  pas  les  seuls  qui  le  modifient  et  d'autre  part 
les  modifications  de  cause  psychique  qu'il  présente  ne  peuvent 
être  considérées  comme  donnant  la  mesure  des  causes  qui  les 
produisent.    Nous    devons  entrer  à  ce  propos  dans  quelques 

détails. 

Les  irrégularités  du  tracé  capillaire  peuvent  tenir  d'abord  à 


BINET   ET    COURTIER.    —    CIRCULATION   CAPILLAIRE,    ETC.        137 

des  irrégularités  de  la  respiration,  dont  le  rythme  et  l'allure 
présentent  un  très  grand  nombre  de  variations  individuelles. 
Nous  avons  vu,  dans  la  première  partie  de  ces  études,  comment 
la  respiration  agit  sur  la  circulation.  Il  se  produit  en  outre  sur 
un  très  grand  nombre  de  tracés  de  grands  mouvements,  de 
grandes  ondulations,  qui  ne  correspondent  pas  aux  respira- 
tions, car  elles  durent  beaucoup  plus  longtemps.  Il  est  difficile 
de  comprendre  et  d'expliquer  le  mécanisme  de  toutes  ces  ondu- 
lations ;  chez  beaucoup  d'individus,  c'est  une  chose  difficile  à 
débrouiller.  Sans  vouloir  faire  un  dénombrement  complet, 
nous  signalerons  deux  phénomènes  particuliers  :  1°  des  ondu- 
lations qui  sont  assez  régulières  se  répètent  et  correspon- 
dent à  un  certain  nombre  de  respirations,  quatre  ou  six 
par  exemple  ;  ce  sont  probablement  les  ondulations  vaso- 
motrices  décrites  par  Mosso  •  ;  :2"  des  mouvements  de  descente, 
qui  n'offrent  aucune  régularité,  aucune  périodicité  ;  ils  sont 
d'origine  psychique  ;  en  efTet,  si  l'on  interroge  le  sujet  au 
moment  même  où  l'on  voit  la  descente  du  tracé  se  produire,  il 
reconnaît  le  plus  souvent  qu'il  vient  d'éprouver  une  émotion, 
ou  d'avoir  un  souvenir  ou  une  idée  quelconque.  En  outre,  le 
pouls  artériel  augmente  légèrement  de  tension  dans  les  points 
correspondant  aux  descentes  du  tracé  capillaire,  ce  qui  prouve 


(I)  Nous  avons  observé  nettement  ces  ondiilalions  vaso-motrices  chez 
i|iiatre  sujets  sur  douze.  Elles  soutdues  a  l'activité  du  système  vaso-moteur, 
et  consistent  dans  des  dilatations  et  consirictions  actives  des  vaisseaux,  il 


ii.-!;A%kv,^i#lî^^%\'^;>^'WKVK^^^^^^^ 


Fig.  25.  —  Ondulations  vaso-motrices.  Chacune  des  ondulations  correspond 
en  movenne  à  trois  respirations. 


I 


.tut.  à  rexemple  île  Fr.  Franck,  distinguer  les  dilatations  actives.  —  et  les 
dilatations  passives.  Ces  dernières  sont  dues  à  des  changements  dans  la 
<|uaiititè  et  la  pression  du  sang.  Nmis  pensons  trouver  un  caractère  dis- 
tlMclir  important  des  dilatations  actives  et  passives  dans  les  études  tpienous 
avons  laites  sur  la  rorme  du  pouls,  l^orsquil  ya  dilataticm  jiassive,  par  suite 
d'une  augmentation  de  pressimi  et  de  sang  (pii  distend  l'artère,  le  dicro- 
tisme  de  la  pulsation  descend.  An  contraire,  lorsqu'il  y  a  dilatation 
active  du  vaisseau,  sous  rintluence  des  nerl's  vaso-dilatateurs,  la  quantité 
de  sang  par  rapp(ut  au  diamètre  du  vaisseau  diminue,  et  le  dicrotisme  do 
la  pulsation  monte.  Or.  nous  constatons  nettement  cette  élévation  du 
dicrotisme  dans  les  dilatations  vaso-motrices  d'un  de  nos  sujets,  et  c'est 
ce  qui  nous  l'ait  [jenser  (pu?  ce  smit  des  dilatations  actives,  produites  par 
une  action  nerveuse  vaso-dilatatrice.  (Voir  lig.  2.0.) 


: 


138  TRAVAUX    DU    LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE    DE    l'AHIS 

bien  que  ce  sont  des  vaso-constriclions  d'origine  réflexe'.  Nous 
sommes  donc  amenés  dès  le  début  de  nos  recherciies  de 
psychologie  pléthysmographique  à  établir  deux  catégories  de 
sujets,  ceux  dont  le  système  vaso-moteur  est  sans  cesse  en 
activité,  même  pendant  un  état  de  repos  volontaire,  et  ceux  dont 
le  système  vaso-moteur  reste  au  contraire  calme  dans  ces 
mêmes  conditions. 

Pour  ne  pas  rester  dans  le  vague  des  règles  générales,  nous 
décrirons  sommairement  les  tracés  de  quelques  sujets,  pris  à 
l'état  de  repos  volontaire  :  M.  C..,  tracés  d'une  régularité  sché- 
matique sans  aucune de  nature  psychique  ;  M.  Ma...,  tracés 

très  réguliers,  interrompus  de  place  en  place  par  des  cons- 
triclions  petites,  qui  sont  d'origine  psychiq'ue  ;  M.'  E...,  tracé 
absolument  régulier,  sans  constriclions  ;  M.  P...,  tracé  régulier, 
avec  des  constrictions  aussi  profondes  que  celles  de  M.  Ma..., 
et  à  début  encore  plus  rapide  ;  M.  B...,  tracé  très  irrégulier, 
avec  ondulations  vaso-motrices,  et  constrictions  d'origine 
psychique  et  modifications  fréquentes  dans  le  rythme  du  cœur. 
Ces  exemples  montrent  suffisamment  combien  les  systèmes 
vaso-moteurs  des  différents  individus  sont  peu  comparables. 

Ce  serait  une  question  extrêmement  intéressante  que  celle  de 
savoir  à  quelle  cause  sont  dues  ces  difîérences.  et  de  quel  état 
physique  ou  moral  elles  sont  le  signe.  Nous  ne  pouvons  ici  que 
poser  cette  très  belle  question,  en  indiquant  quelques-uns  des 
éléments  de  la  solution. 

Tout  d'abord,  il  ne  faudrait  pas  croire  que  le  système  vaso- 
moteur  donne  le  taux  et  la  nature  de  toutes  les  réactions  orga- 
niques d'un  individu  ;  les  théories  récentes  de  Lange  ont,  sem- 
ble-t-il,  quelque  peu  exagéré  le  rôle  de  ce  système  ;  d'autres 
fonctions,  le  cœur,  la  respiration,  les  sécrétions,  etc.,  sont  in- 
fluencées par  les  processus  psychiques  ou  modifient  eux-mêmes 
les  processus  psychiques,  et  il  n'est  nullement  prouvé  que  le 
degré  d'excitabilité  des  vaso-moteurs  soit  égal  au  degré  d'excita- 
bilité des  autres  fonctions.  Il  peut  bien  y  avoir  quelque  parallé- 

(1)  An  UKmieiit  (m'i  muis  corrigeons  nos  épreuves,  nous  venons  rie  Hiirc 
(les  expériences  sur  un  sujet  qui  à  l'étal  de  repus  présente  irreguiiérenii''ut 
<ies  «uululations  vaso-niolrices,  des  ciuislriclin-is  et  des  accéleralinns  du 
ccEur.  Cliez  lui,  nniis  conslalous  jiar  uds  inli  irogatious  que  les  constric- 
tions avec  accélérati(Ui  du  ca>ur  s<uil  le  sigut;  constant  d'un  travail  dr 
l'esprit,  d'une  préoccupatinii  (piclconcpie  :  (puiud  il  ne  {lense  a  rien.  Ir 
c(L'ur  se  ralentit  et  la  constricti(ui  cesse;  cela  est  si  net,  la  c(urespon- 
dance  est  si  exacte  que  nous  savons  à  coup  sur  jiar  rinsjiection  de  siui 
tracé  l'élat  de  son  espi'il;  sur  vingt  diagnostics  de  ce  genir,  iidus  uc 
luius  sommes  trompés  (pi'une  seule  l'ois. 


BINET    ET    COURTIER,    —    CIRCULATION   CAPILLAIRE.    ETC.         139 

lisme  entre  ces  fondions,  mais  jusqu'à  ce  qu'on  ait  fait  des 
expériences  précises  sur  ce  point,  il  ne  faut  pas  faire  de  sup- 
positions sur  leur  identité  de  réactions.  Nous  observons  depuis 
longtemps  un  sujet  chez  lequel  l'excitabilité  de  l'appareil  res- 
piratoire est  extrême  ;  il  tressaille  à  un  bruit  soudain  et  intense 
(coup  de  gong)  et  ne  s'accoutume  jamais  complètement  à  ce 
bruit,  tandis  que  la  majorité  des  autres  individus  cessent  de 
tressaillir  et  de  faire  une  inspiration  brusque  dès  la  troisième 
expérience.  Ce  sujet  qui  est  si  émotif  au  point  de  vue  respira- 
toire, a  un  système  vaso-moteur  d'une  insensibilité  presque 
absolue.  Peut-être  constitue-t-il  une  exception,  et  existe-t-il  peu 
de  personnes  présentant  une  inégalité  aussi  frappante  des 
diverses  fonctions  organiques.  C'est  une  question  à  étudier. 

Une  autre  question  embarrassante  est  celle  de  savoir  àquelle 
propriété    psychologique    se  rattache  l'excitabilité   des    vaso- 
moteurs.  Les   théories   contemporaines  nous  conduisent  tout 
naturellement  à  admettre  que  c'est  la  capacité  émotionnelle  de 
l'individu    qui   est   surtout    caractérisée  par   l'état    des   vaso- 
moteurs.   Quelque  vraisemblable  que  soit  cette  idée,  ce  n'est 
qu'une  hypothèse.    Il    nous  a  paru   extrêmement  difficile   de 
résoudre  la  question,  vu  qu'on  ignore  à  peu  près  complètement 
l'état  d'émotivité   des   sujets.  A  première  vue,  et  même  après 
une  longue  fréquentation,  nous  ne  pourrions  pas  dire  avec  cer- 
titude si  M.  C.  est  plus  émotif  que  M.  P.  Peut-être  des  études  - 
sur  des  aliénés,  sur  des  circulaires,  sur  des  hystériques  ou  enfin                                vî 
sur  des   individus    suggestibles    pourraient-elles   donner   des                                ^ 
indications  utiles. 


V 

RÉACTION    DU    SYSTÈME    VASO-MOTEUR   A   DES   EXCITATIONS    PHYSIQUES 


En  employant  des  excitations  électriques  ou  l'excitation  du 
froid  (pulvérisation  d'éther,  application  de  linges  humides  ou 
de  glace  sur  le  poignet  de  la  main  en  expérience)  on  obtient  en 
général  des  phénomènes  de  vaso-constriction  dont  M.  François 
Franck  a  étudié  le  mécanisme  et  montré  la  nature  réflexe'. 
Nous  avons  surtout  employé  ces  excitations  pour  déceler  des 
différences  individuelles,  c'est-à-dire  pour  étudier  l'excitabilité 

(1)  Volume  (les-  or;/tnies,  travaux   du   laburatnire  de  .Marcy,    187G,  p.  3'.»,  ■  n 


I  4n  TRAVAUX    DU    LA150BAT0IRE    DE    PSYCUOLOGIli    DE    PARIS 

du  système  vaso-moteur  chez  les  dilTérents  individus  ayant 
servi  à  nos  expériences.  Nous  avons  pris  les  précautions  néces- 
saires pour  opérer  à  peu  près  dans  les  mêmes  conditions,  et 
nous  avons  constaté  (jue  l'intensité  des  réactions  varie,  dans 
une  très  large  mesure,  suivant  les  individus  ;  chez  les  uns,  une 
même  excitation  ne  produit  aucun  efTet  appréciable  ;  chez 
d'autres,  celle  excitation  a  un  effet  marqué  ;  chez  d'autres  enfin 
la  contriclion  va  jusqu'à  l'effacement  complet  du  pouls.  Natu- 
rellement, nous  nous  sommes  inquiétés  des  différentes  condi- 
tions pouvant  altérer  les  résultats,  la  disposition  individuelle 
du  moment,  la  quantité  de  sang  dans  le  membre,  le  mode  d'ap- 
plication de  l'appareil,  l'heure  de  la  journée,  etc.  ;  et  pour  éli- 
miner ces  diverses  circonstances  nous  n'avons  rien  trouvé  de 
mieux  que  de  répéter  un  grand  nombre  de  fois  les  expériences- 
à  plusieurs  jours  d'intervalle  ;  les  résultats  sont  restés  constants^ 
les  différences  individuelles  n'ont  point  varié  d'un  jour  à  l'autre. 

Chez  M,  C,  par  exemple,  l'application  de  glace  au  poignet  ' 
ne  produit  aucun  effet  sur  le  tracé  capillaire,  bien  que  le  sujet 
ressente  le  froid  et  au  bout  de  quelque  temps  la  douleur,  mais 
c'est  toujours  un  froid  local,  très  limité,  qui  ne  gagne  pas  les 
doigts.  Chez  M.  E.,  l'application  du  IVoid  produit  une  descente 
lente  et  régulière,  peu  profonde,  du  tracé,  jusqu'au  moment 
où  la  sensation  de  froid  se  change  en  douleur  très  vive. 

Les  effets  de  contriction  sont  au  contraire  beaucoup  plus 
marqués  et  extrêmement  brusques  chez  M.  P,  et  M.  B.  Nous 
signalons  simplement  les  cas  extrêmes.  Or,  si  on  se  reporte  à 
ce  que  nous  avons  dit  de  l'activité  du  système  vaso-moteur 
pendant  l'état  de  repos  volontaire,  on  s'aperçoit  que  ce  sont 
précisément  les  mêmes  sujets  dont  le  système  vaso-moteur  reste 
calme  dans  ces  conditions,  et  inexcitable  au  froid  ou  à  l'exci- 
tation électrique  ;  et  au  contraire  ce  sont  ceux  dont  le  système 
vaso-moteur  est  sans  cesse  en  activité  pendant  un  état  de  repos 
volontaire  qui  réagissent  fortement.  Ce  parallélisme  nous 
démontre  que  notre  distinction  des  sujets  est  bien  fondée,  et 
qu'il  existe  des  diil'érences  individuelles  dans  l'excitabilité  du 
système  vaso-moteur,  différences  attestées  à  la  fois  par  l'état 
des  vaso-moteurs  pendant  le  repos  et  l'état  des  vaso-moteurs 
sous  l'influence  des  excitations  périphériques. 

(1)  I^oiir  qiif  l'oNiJi-riciicc  suit  f.iitc  dans  des  conditions  coii)j)aral)los,  il 
laiit  non  seiilcniont  employer  des  morceaux  de  jjflace  de  même  volume 
applirpies  snr  la  même  rt-ffion,  mais  encore  tenircompte  (Je  la  température 
de  la  main.  Nous  ne  pouvons  i)as  entrer  ici  dans  tant  de  détails. 


I 


BINET    ET    COURTIER.    —   CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.         141  < 

D'autres  excitations,  par  exemple  celle  qui  est  produite  par  ! 

le  bruit  du  gong,  sont  capables  d'amener  des  constrictions  vaso- 
motrices,  et  la  vaso-constriction  varie  beaucoup  comme  profon- 
deur suivant  les  sujets;  nous  pouvons  répéter  ici  ce  que  nous 
venons  de  dire  pour  les  autres  genres  d'excitation  ;  l'efTet  dé- 
pend surtout  du  degré  d'excitabilité  des  vaso-moteurs. 

Une  des  excitations  dont  l'efîet  sur  le  système  vaso-moteur 
est  le  plus  efficace  est  sans  contredit  l'inspiration  brusque  ; 
c'est  elle  qui,  de  tous  les  procédés  que  nous  avons  employés, 
donne  la  constriction  la  plus  profonde.  Elle  agit  même  sur  le 
tracé  de  M.  C,  qui  a  un  système  vaso-moteur  très  peu  excitable  ; 
seulement,  chez  ce  sujet,  la  première  inspiration  épuise  la  sen- 
sibilité du  système;  la  seconde  inspiration  ne  produit  presque 
plus  aucun  effet.  Du  reste,  c'est  un  fait  général  et  bien  curieux 
que  l'épuisement  rapide  de  la  sensibilité  vaso-motrice. 

Nous  devons  rapprocher  des  excitations  des  sens  certaines 
excitations  psychiques  qui  sont  évidemment  d'une  nature  ana- 
logue. Ainsi,  une  porte  qui  s'ouvre,  l'attente  d'une  excitation, 
le  mot  attention  !  qu'on  adresse  au  sujet  quelques  instants 
avant  de  faire  entendre  un  bruit  strident,  produisent  une 
constriction  analogue  à  celle  d'une  excitation  réelle,  mais 
d'ordinaire  moins  forte.  De  même  si,  les  électrodes  d'un  cou- 
rant électrique  étant  posées  sur  la  main,  on  fait  marcher  le 
trembleur  de  l'appareil  d'induction  sans  que  le  courant  arrive 
aux  électrodes,  le  sujet  suggestionné  par  le  bruit  du  trembleur 
et  croyant  qu'il  va  sentir  un  courant  électrique  traverser  sa 
main,  a  une  vaso-constriction  d'origine  psychique.  Il  est  remar- 
quable que  ces  vaso-constrictions  produites  par  un  phénomène 
d'idéation  et  d'émotion  sont  d'autant  mieux  caractérisées  qu'il 
s'agit  d'un  sujet  chez  lequel  l'excitation  réelle  produit  un  grand 
effet.  Xous  pouvons  poser  comme  règle  que  si  l'attente  d'une 
excitation  ou  la  suggestion  produisent  une  constriction  forte, 
l'excitation  réelle  produira  également  une  constriction.  Il  y  a  là 
une  contribution  inattendue  à  la  théorie  de  la  suggestion  '. 

(1)  lUen  souvent,  en  faisant  ces  expériences,  et  en  voyant  sur  les  tracés 
de  certains  sujets  se  marquer  les  moindres  bruits,  nous  avons  pensé  aux 
belles  expériences  de  .Mosso  sur  la  circulation  cérébrale;  en  lire  un  résumé 
dans  lu  l'eur,  Paris.  1886,  p.  bb. 


i 


14^  TRAVAUX    DU   L.VlîORAÏOIRE  DE    TSYCUOLOGIE    DE    PARIS 


VI 

RAPPORTS   CHRONOLOGIQUES   ENTRE   l'exCITATION    BRUSQUE,  l'ÉMOTION 
DE    SURPRISE    ET   LA    VASO-CONSTRICTION 

Toute  excitation  des  sens,  quand  elle  est  forte  et  inattendue, 
produit  une  légère  émotion,  de  courte  durée,  et  de  force 
variable  selon  les  personnes  ;  nous  avons  cru  qu'il  serait  inté- 
ressant d'étudier  méthodiquement  sur  plusieurs  personnes  les 
effets  physiques  de  ces  excitations  brusques  sur  la  respiration 
et  sur  la  circulation,  et  de  mettre  en  parallèle  avec  ces  effets 
les  états  subjectifs  de  sensation  et  d'émotion  que  les  sujets 
éprouvent.  Ces  expériences  ont  été  suivies  sur  trois  personnes, 
et  on  a  fait  pour  chacune  une  vingtaine  d'excitations;  le  sujet 
avait  les  yeux  fermés  et  ignorait  quelle  sensation  on  devait 
employer  ;  on  a  eu  recours  à  des  bruits  et  à  des  contacts  ;  on  a 
varié  autant  que  possible  la  nature  de  ces  bruits  et  contacts, 
leur  intensité  et  leur  localisation. 

Au  moment  de  l'excitation,  le  sujet  devait  dire  quand  l'effet 
émotionnel  était  terminé;  il  prononçait  le  mot  «  fini  »,  et  l'ex- 
périmentateur marquait  à  ce  moment  un  signe  sur  le  tracé 
capillaire'.  On  pourrait  être  étonné,  à  priori,  qu'une  personne 
soit  capable  d'indiquer  le  moment  précis  où  elle  cesse  dêtre 
émue,  les  émotions  ayant  surtout  comme  caractère  d'être  des 
états  vagues,  à  limites  mal  définies.  Mais  nous  ferons  remar- 
quer que  l'émotion  étudiée  ici  est  une  émotion  brusque  de  sur- 
prise, accompagnée  de  fortes  réactions  corporelles  ;  on  ne 
saurait  la  comparer  avec  des  émotions  représentatives  beaucoup 
plus  compliquées,  comme  la  mélancolie;  la  surprise  naît  brus- 
(luement,  et  sans  se  terminer  avec  autant  de  brusquerie  qu'elle 
commence,  elle  a  une  terminaison  assez  nette  ;  ce  qui  le  prouve, 
c'est  qu'aucune  des  personnes  soumises  à  l'épreuve  n'a  éprouvé 
la  moindre  hésitation,  le  moindre  scrupule  pour  déterminer  le 
moment  de  terminaison  de  l'émotion  de  surprise. 

Cette  émotion  est  en  général  très  désagréable,  surtout  lors- 
qu'elle est  provoquée  par  un  bruit  très  intense,  comme  le  gong. 
On  a  souvent  un  tressaillement  général  du  corps,  et,  comme  l'a 

(I)  11  MOUS  a  paru  inutile  d'ciuployer  des  signaux  électriques  pour  fixer 
la  fin  (le  réniolion,  vu  (pie  colle  tlL'h'ruiiualion  esl  toul  ;i  fait  approxima- 
tive. 


BINET    ET    COURTIER.    —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC. 


143 


indiqué  Darwin,  si  on  a  les  yeux  ouverts,  on  ferme  brusque- 
ment les  yeux.  Cette  occlusion  réflexe  est  surtout  provoquée 
par  un  bruit  intense.  Les  modifications  de  la  respiration  sont 
importantes,  elles  sont  de  deux  espèces,  qu'il  faut  distinguer 
avec  soin  :  1"  il  y  a  d'abord  le  réflexe  respiratoire  proprement 
dit,  qui  consiste  dans  une  inspiration  brusque  (fig.  );  c'est  là, 
en  général,  l'efTet  de  la  première  excitation  forte,  surtout  de 
l'excitation  à  laquelle  on  ne  s'attend  pas  ;  quelle  que  soit  la  phase 
respiratoire  dans  laquelle  on  est  surpris,  on  fait  une  inspiration 
brusque  ;  il  y  a  souvent,  à  la  suite,  une  légère  précipitation  de 
la  respiration.  T-e  premier  effet  manque  rarement.  Si,  après 
quelques  secondes  de  repos,  on  répète  la  même  excitation,  on 
a  parfois  la  répétition  de  l'inspiration  brusque,  qui  peut  être 
amoindrie  ;   on  observe  de  nombreuses   variétés  individuelles 


Fig.  26.  —  Tracé  de  la  respirât inn. 

En  A,    iispiiiilioii  pi-oduile  [Jiii'  un  In-nil.  (Le  Iracc  se  lil  de  droilc  à  gauche.) 

qu'il  serait  trop  long  de  signaler  ici  ';  ce  qui  domine,  c'est  une 
tendance  à  l'accoutumance,  (jui  s'établit  rapidement  chez  les 
uns,  plus  lentement  chez  les  autres,  qui  tantôt  est  complète  dès 
la  première  épreuve,  tantôt  n'apparaît  qu'après  cinq  ou  six 
excitations,  tantôt  même  ne  se  forme  pas  après  quinze  ou  vingt 
excitations  ;  nous  avons  observé  un  sujet  qui  ne  peut  s'habituer 
au  bruit  du  gong,  et  a  des  inspirations  respiratoires  presque 
aussi  profondes  au  dixième  coup  de  l'instrument  qu'au  pre- 
mier-. Mais  c'est  une  exception  assez  rare.  Une  fois  établie, 
l'accoutumance  se  perd  parle  repos  ;  une  heure  après  et  surtout 
un  jour  après  elle  est  presque  complètement  effacée .  2"  Outre  le 
réflexe  respiratoire  consistant  dans  une  inspiration  brusque, 
nous  lisons  sur  nos  tracés  -respiratoires  une  autre  modification 


(1)  NiHis  ])(issf'doiis  une  ciillccHiPii  assez  cunsideriiljle  de  tracés,  pris  sur 
huil  .sujets. 

(2)  Si  on  rapproche  les  cdups  de  gmig,  si  on  en  l'ail  entendre  par  exeiupie 
rpiatre  par  seconde,  le  sujet  n'a  point  ([uatre  inspirations  brusques,  mais 
sa  respirât ioiî  devient  précipitée,  haletante. 


144  TRAVAUX    DU    LABORATOIRE   DE    PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 

de  nature  bien  différente,  qui  a  la  forme  d'une  encoche;  cette 
encoche  n'amène  aucun  trouble  dans  la  phase  respiratoire  où 
elle  se  produit,  elle  reste  indépendante  du  mouvement  respi- 
ratoire, et  c'est  là  ce  qui  la  dislingue  du  réflexe  respiratoire  ; 
elle  est  produite  par  un  tressaillement  auquel  prennent  parties 
muscles  du  thorax  et  des  épaules.  Très  souvent,  dans  une  série 
d'excitations,  le  réflexe  respiratoire  disparaît  par  suite  de  l'ac- 
coutumance, et  on  voit  encore  le  tressaillement  se  produire  à 
chaque  excitation  ;  mais,  à  la  longue,  il  disparaît  à  son  tour. 
L'excitation  brusque  produit  en  outre  d'autres  effets  sur  les- 
quels  nous  ne  pouvons  pas  insister'.   Celui  dont   nous  avons 


A 
Fig.  27.  —  Tracé  ilc  la  rt'Si)iralioii  (le  tracé  se  lit  ilc  ilmile  à  ^ruiclic  . 

En  A,  li-cssaillemcnt  inotluil  par  un  lnuil. 

maintenant  à  nous  occuper  est  la  vaso-constriction  du  réseau 
capillaire. 

A  quel  moment  de  la  vaso-constriction  le  sujet  déclare- t-il 
d'habitude  que  sa  petite  émotion  est  terminée?  On  serait  en 
peine  de  poser  une  règle. 

Rappelons  que  la  vaso-conslriclion  se  produit  avec  beaucou|) 
de  lenteur,  en  général  trois  à  quatre  secondes  après  l'excitation 
provocatrice.  Or,  il  est  arrivé,  dans  quelques  cas  assez  rares, 
que  le  sujet  a  prononcé  «  c'est  fini  »,  avant  que  la  vaso-cons- 
triction eût  commencé;  plus  souvent,  le  signal  est  donné  pen- 
dant le  commencement  de  la  vaso-constriction,  pendant  la 
période  de  descente  ;  quelquefois  aussi  au  moment  où  la  vaso- 
constriction est  au  maximum  ;  toujours  avant  que  la  vaso-cons- 
triction soit  terminée.  (Voir  fig.  28.) 

La  réaction  émotionnelle  est,  d'une  manière  générale,  plus 
rapide  que  la  réaction  vaso-conslrictive.  Ceci   donne  évidem- 

(I)  Notdns  seulciiieiit  un  jicmi  iraiinii-sic  rclrniiindc.  i.o  lait  est  .singulier. 
(Jiiand  un  vient  de  parler  avec  le  sujet  au  UKUiient  on  Texcitation  se  pm- 
<luit,  on  constate  parfois  (|n'il  a  ouliiic  ce  qu'cm  vient  de  loi  dire  ;  tré.s 
souvent,  le  sujet  a  oublié  de  donner  le  signal  convenu  d'avance  pour 
déterminer  la  tin  de  l'énuition.  Nous  comptons  reprendre  celle  expérience. 


BINET   ET    COURTŒR.    —   CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC. 


143 


ment  tort  à  la  théorie  de  Lange,  qui  a  voulu  faire  jouer  aux 
phénomènes  vaso-moteurs  un  rôle  beaucoup  trop  grand  dans  le 
mécanisme  des  émotions'. 

Même  en  tenant  compte  des  erreurs  de  l'introspection,  il  nous 
paraît  établi  par  les  réponses  de  nos  sujets  que  le  maximum 
émotionnel  est  atteint,  dans  le  cas  de  surprise,  à  un  moment 
oit  les  vaso-moteurs  ne  sont  pas  encore  entrés  en  activité-. 

Nous  avons  longuement  interrogé  les  sujets  sur  le  contenu  de 
leur  conscience  au  moment  où  ils  sont  surpris  par  une  excita- 
tion brusque  ;  surtout,  nous  avons  voulu  savoir  quel  est  le  signe 


I 


Ai 


Ucsiiiralioii. 


f.v^s^^^ww*NW*^Wy 


'**'•^^s,«;«>*^^^^        » 


(Jiiliillaire 
le  la  iiiaiu. 


A  B 

Fig.  28.  —  Excitation  auditive. 
En  A,  avcrtissemeut  :  en  B,  lin  de  rémotiou  (l'inspiration  se  fait  de  lias  en  haut) 


qui  leur  permet  de  dire  sans  hésitation  :  «  Je  suis  redevenu 
calme,  mon  émotion  est  terminée.  »  Nous  n'avons  pas  lardé  à 
nous  apercevoir  que  les  sujets  prennent  pour  guide  des  sensa- 
tions internes;  ces  sensations  varient  selon  les  personnes  ;  l'un 
perçoit  spécialement  les  battements  de  son  cœur,  et  c'est 
quand  il  cesse  de  les  percevoir  qu'il  se  sent  revenu  à  l'état  de 
repos  ;  un  autre  est  surtout  impressionné  par  l'accélération  de 
sa  respiration,  et  c'est  quand  sa  respiration  se  calme  qu'il  juge 
l'émotion  terminée.  Très  probablement,  si  nous  ne  leur  deman- 
dions pas  de  s'observer,  ils  ne  prêteraient  pas  une  aussi  grande 

(1)  On  trniivciM  plus  loin  une  analyse  de  la  tiièse  de  hauge. 

(2)  Nous  devons  peut-être  ajouter  quelques  explications  à  l'affirmation 
du  texte.  Eu  moyenne,  rémotion  consciente  de  surprise  est  terminée  vers 
le  milieu  de  la  descente  eu  constriction  du  tracé  capillaire.  D'autre  part, 
il  résulte  des  analyses  que  nos  sujets  ont  faites  sur  eux-mêmes  que  le 
maximinn  émotionnel  île  la  surprise  est  atteint  très  vite  après  l'excitation, 
et  que  lémotion  décroit  ensuite  lentement.  On  peut  donc  supposer  avec 
beaucoup  de  vraisemblance  que  l'émotion  est  en  décroissance  quand  le 
système  vaso-moteur  s'émeut  à  son  tour.  Cette  expérieiu-e  est  très  impor- 
tante pour  la  théorie  ;  nous  serions  heureux  qu'elle  fût  reprise  par 
d'autres. 


ANNEE    PSYCHOLOGigL'E.    II. 


10 


146    TRAVAUX  DU  LABORATOIRE  DE  PSYCHOLOGUE  DE  PARIS 

attention  à  ces  fonctions  du  cœur  et  de  la  respiration,  et  leurs 
réponses  ne  sont  pas  la  preuve  péremptoire  que  l'émotion  con- 
siste dans  une  perception  d'états  organiques  ;  il  y  a  là  simple- 
ment une  orientation  d'esprit  très  spéciale,  créée  par  l'expé- 
rience. Tout  ce  que  nous  voulons  retenir  de  leurs  réponses, 
c'est  qu'il  existe  de  grandes  variétés  individuelles. 

Nous  concluons  aussi  que  le  système  vaso-moteur  a  des  réac- 
tions trop  lentes  pour  qu'on  puisse,  à  l'exemple  de  Lange, 
expliquer  par  ses  modifications  les  émotions  brusques. 


VII 

INFLUENCE    d'uNE    EXCITATION    INTELLECTUELLE    (CALCUL   MENTAL)    SUR 

LE    TRACÉ    CAPILLAIRE 

Les  notions  que  nous  possédons  actuellement  sur  cette  impor- 
tante question  du  travail  intellectuel,  et  qui  sont  dues  à  Mosso 
iR.  Accculemia  dei  Lincel,  vol.  V,  série  ^li,  Gley,  Féré  {Sen- 
sation et  moimement,  passim),  Kiesow  [Anch.  ital.  de  biolo- 
gie, 18S)o).  Fr.  Franck,  Burckhardt,  Mays,  etc.,  peuvent  se 
résumer  de  la  manière  suivante  : 

Il  y  a  pendant  le  travail  intellectuel  une  diminution  de  la  cir- 
culation dans  les  membres,  le  bras  et  le  pied  (Mosso),  et  une  aug- 
mentation dans  la  circulation  du  cerveau  (Gley)  ;  cette  aug- 
mentation ne  résulte  pas,  comme  on  pourrait  le  croire,  de  ce 
que  le  sang  se  retire  des  extrémités  ;  en  réalité,  les  change- 
ments de  volume  du  cerveau  produits  par  l'activité  psychique 
sont  tellement  faibles,  que  leur  valeur  absolue  comparée  à 
celle  de  l'avant-bras  et  du  pied  peut  être  négligée  ;  parfois 
même  il  n'y  a  pas  parallélisme  entre  les  deux  courbes  (Mosso). 
Enfin,  il  paraît  résulter  des  recherches  de  Kiesow  que  le  tra- 
vail intellectuel  produit  une  diminution  dans  la  circulation 
périphérique  à  la  condition  seulement  que  ce  travail  soit  accom- 
pagné d'un  état  d'émotion  ;  mais  ce  point  est  à  revoir. 

Nos  recherches  personnelles  n'envisagent  qu'un  seul  côté 
de  la  question,  la  circulation  périphérique  ;  nous  ne  pouvons 
parler  que  de  l'influence  du  travail  intellectuel  sur  la  circu- 
lation de  la  main,  et  comme  l'état  de  cette  circulation  n'offre 
pas  de  relation  exactement  connue  avec  l'état  de  la  circulation 
du  cerveau,  nous  nous  abstiendrons  de  parler  de  ce  dernier 
point. 


BINET   ET    COURTIER.    —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.         147 

Nos   recherches  de  calcul  mental   ont  été  faites  sur  douze 
adultes,  et  six  enfants  de  sept  à  douze  ans.  ; 

Notre  intention  était  de  synthétiser  les  résultats  obtenus  avec  if] 

ces  différents  sujets  ;  mais  ces  résultats  ne  nous  paraissent  pas  '!' 

devoir  être  ramenés  à  une  description  commune  ;  ils  présentent 
en  effet  des  variations  extrêmement  considérables.  Nous  ferons, 
par  conséquent,  une  série  de  descriptions  typiques.  Nous  com- 
mencerons toutefois  par  donner,  d'après  notre  expérience  per- 
sonnelle, la  description  psychologique  du  calcul  mental. 

Notre  calcul  mental  représente  un  travail  intellectuel  court  . 

(de  cinq  secondes  à  une  minute)  et  intense  :  il  comprend  à  la  fois  '   T 

des  combinaisons  de  raisonnement  et  des  efforts  de  mémoire. 
Dès  qu'on  entend  des  chiffres  sur  lesquels  on  doit  opérer,  par 
exemple  les  deux  facteurs  de  la  multiplication,  on  cherche  à 
les  graver  dans  son  esprit  ;  de  plus,  on  examine  quelle  est  la 
combinaison  la  plus  simple  pour  arriver  à  un  résultat.  On  peut, 
à  la  rigueur,  faire  la  multiplication  de  tête,  comme  sur  le  papier, 
et  c'est  ce  que  font  les  personnes  qui  appartiennent  au  type 
visuel,  et  qui  ont  en  outre  une  grande  puissance  de  représenta- 
tion, comme  Diamandi  ;  mais  il  est  certainement  plus  fréquent  \ 
de  rencontrer  des  personnes  qui,  pour  multiplier  de  tête   des 
nombres  un  peu  complexes,  les  décomposent  ou  substituent  à  ]^ 
ces  nombres  d'autres  plus  simples.  Quoi  qu'il  en  soit  du  procédé                              '\ 
adopté,  on  fait  les  multiplications,  avec  plus  ou  moins  de  faci- 
lité selon  les  individus  ;  quelques-uns  s'attachent  à  un  résultat 
précis,   d'autres  font  des  à  peu  près,  et  multiplient  au  jugé. 
Pendant  ce  travail  de  multiplication,  une  des  principales  diffi- 
cultés est  de  ne  pas  oublier  les  produits  partiels  ;  ces  produits 
partiels  sont  de  simples  souvenirs  bruts  qui  ne  s'associent  le 
plus  souvent  à  aucune  idée  déterminée,  et  qui,  par  conséquent, 
restent  peu  de  temps  dans  la  mémoire.  On  a  en  général  la  cons- 
cience très  nette  que  les  produits  partiels  peuvent  échapper, 
et  pour  les  retenir,  on  est  obligé  de  revenir  souvent  à  eux,  de 
les  répéter,  de  les  fixer  d'une  manière  ou  d'une  autre,   travail 
qui  produit  de  l'énervement  et  aussi  quelque  peu  d'émotion. 
Nous  pensons  que  le  calcul  mental  est  un  travail  intellectuel                              [ 
qui,  dans  les  expériences,  est  rarement  dépourvu  d'émotion  ;  à 
moins,  bien  entendu,  qu'il  ne  s'agisse  d'un  individu  sûr  de  lui-                             ^ 
même,  dressé  par  profession  au  calcul  mental,  ou,  au  contraire,                               jl 
d'un  de  ces  êtres  insouciants  qui  ne  tiennent  nullement  à  don-                              jj 
ner  un  résultat  précis  ;  la  plupart  de  nos  sujets  ont  toujours  eu                              ^ 
quelque  émotion  en  exécutant  leurs  calculs.  Il  faut  ajouter  que 


148  TRAVAUX    DU   LABORATOIRE    DE   TSYCUOLOGIE   DE    TARIS 

comme  l'expérience  était  faite  souvent  en  présence  de  plusieurs 
personnes,  l'influence  de  «  la  galerie  »  ajoutait  à  l'émotivité  de 
celui  qui  était  sur  la  sellette. 

Les  résultats  que  nous  allons  enregistrer  sont  par  conséquent 
des  résultats  mixtes  ;  nous  exposerons  plus  tard  des  recherches 
spéciales  dans  lesquelles  nous  avons  essayé,  autant  que  cela 
nous  a  été  possible,  de  faire  la  part  de  l'émotion  et  du  travail 
intellectuel  '. 

Chez  tous  les  sujets,  les  procédés  employés  ont  été  les  mêmes  ; 
on  leur  a  applicjué  le  pneumographe  double  sur  l'a  poitrine  (les 
courbes  respiratoires  sont  aussi  intéressantes  que  le  tracé 
capillairej  ;  le  pléthysmographe  de  caoutchouc  a  été  appliqué  sur 
leur  main,  et  le  sphygmographe  sur  leur  artère  radiale.  Les 
plumes  une  fois  repérées,  on  a  pris  les  différents  tracés  pendant 
un  état  de  repos^et  de  silence,  le  sujet  assis  et,  autant  que  pos- 
sible, ne  songeant  à  rien  ;  son  rythme  respiratoire  indiquait 
bien  son  relâchement  d'esprit  ;  au  bout  de  quelque  temps,  on 
lui  donnait  à  haute  voix  les  chiffres  à  multiplier;  il  commençait 
aussitôt  le  travail,  sans  faire  aucun  mouvement  de  corps,  mais 
avec  des  expressions  de  physionomie  bien  caractéristiques  chez 
chacun;  puis  le  résultat  trouvé,  le  sujet  l'indiquait.  Il  devait, 
en  outre,  dès  que  la  solution  était  trouvée,  se  remettre  dans 
l'état  de  repos  le  plus  complet,  sans  songer  à  son  opération, 
sans  cherchera  faire  la  preuve,  etc.,  notre  désir  en  effet  était 
d'avoir,  aussitôt  après  la  fin  du  travail  intellectuel,  un  tracé  de 
l'état  normal,  de  l'état  de  repos,  car  c'est  surtout  par  la  compa- 
raison immédiate  entre  l'état  de  repos  et  l'état  d'activité  qu'on 
peut  comprendre  les  caractères  de  ce  dernier  état  ;  plus  le  pas- 
sage est  brusque,  mieux  cela  vaut.  Voici  pourquoi  :  par  suite 


(1)  Quand  on  fait  l'analyse  expérimentale  d'une  question,  on  s'aperçoit 
vite  qu'elle  est  bien  plus  complexe  qu'on  ne  l'avait  supposé.  Il  y  a,  dans 
le  travail  intellectuel,  à  distinguer  non  seulement  une  part  d'émotion, 
mais  encore  une  part  d'elï'nrt  et  de  travail  pliysique.  Cette  seconde  part 
est  à  son  minimum  dans  le  calcul  mental,  elle  est  au  contraire  assez 
grande  dans  d'autres  opérations  qui  supposent  également  un  certain  tra- 
vail intellectuel  :  par  excuq)le  coinhiner  doux  images  stéréoscopi(|ues,  lire 
un  texte  lin  placé  à  grande  distance,  se  représenter  fortement  un  mnuve- 
ment  sans  l'exécuter  réellement,  chercher  à  jjercevoir  un  bruit  très 
faible,  etc.  Les  premières  recherches  que  nous  avons  faites  daus  ce  sens 
nous  montrent  cpiil  faut  bien  dislinguer  ce  travail  particulier,  dans  leriuel 
l'attention  se  (ixe  sur  des  sensations  et  des  mouvements,  et  le  travail 
intellectuel  consistant  à  undtiplier  de  tête  des  nombres  :  les  eifets  de  ces 
deux  genres  de  travail  sur  la  respiration  et  la  circulation  ne  paraissent 
pas  être  identiques.  C'est  une  (picstion  rpii  est  en  ce  moment  à  l'étude 
dans  notre  laboratoire. 


BINET    ET    COURTIER.    —   CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.        149 

des  conditions  très  complexes  où  l'on  étudie  ces  phénomènes 
de  circulation  et  respiration,  le  sujet  ne  reste  pas  longtemps 
comparable  à  lui-même  ;  par  exemple,  la  compression  des  appa- 
reils sur  la  main  altère  la  forme  du  pouls  au  bout  de  dix 
minutes  environ  (le  délai  dépend  des  sujets)  ;  on  a  par  consé- 
quent un  grand  intérêt  à  aller  vite. 

Les  causes  d'erreur,  dans  ces  expériences  sur  le  travail  intel- 
lectuel, ne  sont  pas  différentes  de  celles  qui  se  produisent  dans 
les  autres  recherches  de  pléthysmographie  ;  nous  noterons  seu- 
lement les  déplacements  fréquents  du  sphygmographe  à  trans- 
mission ;  pour  prendre  un  pouls  artériel  de  bonne  amplitude, 
nous  faisons  mettre  le  bras  en  supination,  le  poignet  appuyé 
sur  un  coussin,  et  dans  une  extension  un  peu  forcée,  de  manière 
à  faire  bomber  l'artère.  Le  sujet  maintient  facilement  cette  posi- 
tion, s'il  y  fait  attention  ;  mais  pendant  le  travail  intellectuel, 
il  a  oublié  sa  main,  qui  revient  naturellement  à  une  position 
intermédiaire  entre  la  pronation  et  la  supination,  l'appareil 
glisse  un  peu,  et  le  niveau  moyen  de  son  tracé  change.  Il  faut 
donc  pendant  les  expériences  avoir  l'œil  ouvert  sur  son  sujet. 

Enfin,  pour  terminer  ces  explications  préliminaires,  disons 
que  toutes  les  expériences  ont  été  faites  l'hiver  entre  une  heure 
et  trois  heures  de  l'après-midi,  peu  de  temps  après  le  repas, 
dans  une  pièce  bien  chauffée. 

Première  observation.  M.  Ma... 

Vingt-cinq  ans,  grand,  vigoureux,  flegmatique  ;  docteur  en 
philosophie  d'une  université  allemande,  a  l'habitude  de  s'ob- 
server et  de  discipliner  son  corps  pour  les  expériences  de 
psychologie.  Nous  avons  étudié  chez  lui  la  circulation  capillaire 
sous  l'influence  du  travail  intellectuel  pendant  six  séances  ;  les 
résultats  sont  incomplets  parce  que  nous  avons  négligé  de 
prendre  le  tracé  sphygmographique  du  pouls,  qui  facilite  beau- 
coup l'interprétation  des  phénomènes. 

INous  constatons  chez  lui  que  toutes  les  fois  qu'au  cours  d'une  , 

expérience  monotone   il  a  une   pensée   un  peu  vive    (ce  qu'il 
nous  apprend  en  pressant   sur  un  signal)   ou  toutes  les  fois  | 

qu'il  accomplit  sur  notre  demande  un  calcul  mental,  il  se  pro-  \ 

duit  :  1°  une  modification  du  tracé  respiratoire  ;  les  respirations  A 

deviennent  plus  rapides  et  d'amplitude  moindre  ;  nous  trouve-  ï 

rons  cette  modification  à  peu  près  dans  toutes  les  observations  ;  ji 

ici,chezM.  Ma...,  l'accélération  est  d'undixième,  c'est-à-dire  que  ' 

dans  le  même  temps  où  le  sujet  fait  dix  respirations  à  l'état 


I 


.É 


150  TRAVAUX    DU   LABORATOIRE    DE   PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 

normal,  il  en  fait  onze  pendant  l'effort  intellectuel  ou  pendant 
un  état  d'idéation  vive,  sans  effort;  dans  certains  cas,  l'accélé- 
ration est  encore  plus  faible  ;  dans  quelques  cas  même  elle 
n'existe  pas.  Le  niveau  des  expirations  ne  se  modifie  pas  ; 
2°  le  pouls  capillaire  se  rapetisse  de  moitié  ou  davantage,  il 
peut  devenir  filiforme  ;  le  dicrotisme  descend  un  peu;  en  même 
temps  que  le  changement  de  grandeur  de  la  pulsation  se  fait 
un  changement  de  niveau  du  tracé,  une  descente.  L'absence  de 
tracé  sphygmographiqne  nous  empêche  d'interpréter  sûrement 
ces  phénomènes;  nous  pensons  toutefois  qu'il  s'est  produit  une 
vaso-constriction  active  dans  les  artérioles.  et  que  cette  vaso- 
constriction est  indépendante  du  rythme  respiratoire,  qui  est 
resté  parfaitement  régulier.  Chez  M.  Ma...,  soit  dit  en  passant, 
le  système  vaso-moteur  est  beaucoup  plus  sensible  que  la  res- 
piration, il  réagit  plus  fortement  sous  rinfluence  d'une  sensa- 
tion brusque.  Enfin,  nous  notons  que  les  pulsations  n'ont 
présenté  ni  ralentissement,  ni  accélération  appréciable,  ce  qui 
nous  prouve  que  le  cœur  n"a  pas  dû  intervenir  dans  le  phéno- 
mène. Nous  avons  là  en  somme  un  exemple  de  réaction  vaso- 
motrice  pure  de  toute  complication. 

Deuxième  observation.  M.  C...  (fig.  29). 

Grand,  gros,  fort.  Possède,  à  l'état  normal,  en  dehors  de  tout 
travail  intellectuel,  un  pouls  capillaire  de  très  grande  ampli- 
tude, avec  fortes  oscillations  respiratoires.  Nous  notons  chez  lui  : 
1^'  la  modification  caracléristiquc  de  la  respiration  ;  soit  qu'il 
fasse  un  vigoureux  effort  d'attention,  par  exemple,  pour  un  cal- 
cul mental,  soit  que  sans  effort  volontaire  il  écoute  simplement 
une  parole  intéressante  qu'on  lui  adresse,  sa  respiration  devient 
aussitôt  plus  régulière,  plus  rapide  et  plus  superficielle  ;  nous 
disons  aussitôt;  il  est  plus  exact  de  dire  :  après  une  respira- 
tion. Son  rythme  respiratoire  est  lent,  à  l'état  normal  (8  par 
minute)  ;  sous  l'influence  de  l'attention  forte,  l'accélération  est 
considérable  ;  elle  double  le  nombre  des  respirations  ;  au  lieu  de 
quatre  pour  une  demi-minute,  il  s'en  produit  huit  ;i  dix;  la  dimi- 
nution d'amplitude  est  également  considérable,  de  deux  cin- 
quièmes ;  le  niveau  des  expirations,  quoiqu'il  varie  moins  que 
celui  des  inspirations,  présente  une  dépression  légère;  quand 
l'opération  est  terminée  et  surtout  dans  les  cas  où  elle  a  été 
longue,  le  sujet  fait  une  profonde  inspiration.  ^1°  Les  modifica- 
tions du  tracé  capillaire  sont  plus  faibles.  Notons  d'abord  la  sup- 
pression des  oscillations  respiratoires,  qui  sont  si  développées 


DINET    ET    COURTIER. 


CIRCULATION    CAPILLAIRE.    ETC. 


loi 


■chez  ce  sujet  à  l'état  normal.  Nous  constatons  en  outre  que 
dans  un  certain  nombre  de  circonstances,  le  travail  intellec- 
tuel prolongé  amène  chez  M.  C...  une  dépression  du  tracé 
capillaire  ;  cet  etTet  est  absolument  inconstant,  on  ne  peut  le 
prévoir  d'avance  ;  il  se  produit  plus  souvent  à  un  premier  essai 
qu'à  un  second  essai  de  la  même  journée,  et  dans  tous  les  cas 
son  apparition  est  tardive.  3°  Un  effet  beaucoup  plus  régulier 
est  la  diminution  d'amplitude  du  pouls  ;  la  pulsation  se  rape- 


11 


^'^V%/JWS'J'^^ 


r.Hiis 

c:i|iilliiire 
le   la  main. 


r/' 


LfjiiMWjiwyiMi^^ 


l'ouls  radial. 


1  Secondes 


ItespiraliOQ. 


Fij,'.  29.  — ■  Expérience  sur  le  Ir.ivail  iiilrlleduel.  M.  C...  (lalcul  mental 
G32  X  13,  exécuté  entre  les  deux  lignes  verticales.  Sa  respiration  devient 
plus  i^apide  et  plus  superficielle,  suppression  presque  complète  de  la 
pause.  Le  tracé  capillaire  au  bout  d'une  dizaine  de  secondes  diniimm 
légèrement  d'amplitude  ;  il  reprend  soji  aniplitu(.le  normale  cinq  secondes 
après  que  le  travail  intellectuel  est  terminé.  Le  tracé  de  l'artère  radiale 
ne  présente  d'autre  modification  qu'un  très  léger  retard  du  dicrutisme, 
une  très  légère  augmentation  d'amplitude,  et  une  accélératinn. 


tisse  dans  les  tracés  dont  le  niveau  descend,  il  se  rapetisse  éga- 
lement dans  les  tracés  sans  descente.  Ce  rapetissement  ne  se 
produit  pas  brusquement,  il  n'est  perceptible  qu'au  bout  d'une 
-douzaine  de  secondes,  il  se  fait  de  la  façon  la  plus  graduelle  ; 
le  dicrotisme  de  la  pulsation  descend  un  peu,  devient  moins 
accentué  et  le  sommet  de  la  pulsation  s'arrondit  légèrement. 
Le  tracé  artériel  pendant  ce  temps-là  s'est  développé  sans  chan- 
.gement;  la  pulsation  de  la  radiale  garde  d'ordinaire  son  am- 
plitude, sa  forme,  sa  vitesse  ;  quelquefois  cependant  le  pouls 
s'accélère,  ce  qui  indique  que  le  travail  du  cœur  s'est  modilîc. 


^ 


152 


TRAVAUX    DU    LAUOlïATOIHE    DE    FSVcnOI.OGIE   DE    l'ARlS 


Nous  pensons  d'après  une  foule  d'expériences  faites  sur  ce 
sujet,  que  la  diminution  d'amplitude  du  pouls  capillaire  tient 
chez  lui  en  partie  à  la  constriction  et  en  partie  à  ur.c  diminu- 
tion de  la  force  de  contraction  du  cœur  (jui  en  même  temps 
accélère  ses  battements. 

En  résumé,  chez  M.  C...,  ce  qui  domine,  c'est  une  réaction 
trèsrapide  et  très  forte  de  la  respiration  ;  la  circulation  présente, 


l'oiils 
capilhiiri' 
■.le  la  muni 


l'diils  ralliai 


^^^^^A^^^^^^J^/-^^Jy^/J^^^^^^^^^^^J\^Jw-,\^^f^  vN^^jj>|jgij>AMJk\»j,/,/,^^^^  Jk^^^^\^iJ^,^^^.'^.■.,^■JO.;^.'.,^^•^^,•: 


Kc^l'iralioM. 


Fig.  30.  —  Exiiérifiiccs  sur  le  travail  iiitellectiipl.  M.  F.  Multiplicaliuu 
mentale  312  x  24  entro  los  deux  verticales  (le  sujcl  n  ii-duvo^  les  pre- 
miers chiffres  ,  mais  ralleutinn  n"a  été  forte,  à  ce  (|u"il  dil.  i|u"nu  début); 
le  tracé  capillaire  diiuiuue  (fainplitude  pendant  le  travail  intellectuel, 
et  il  offre  nu  (lél)ul  nue  Iciicre  dépressimi.  Le  trncé  artériel  (radial)  pré- 
sente lin  abaissement  du  dicndisuie.  La  res[iiraliiin  est  peu  modifiée. 

sous  l'influence  de  l'attention,  une  vaso-constriction  très  légère, 
et  très  lente  à  se  produire,  avec  une  accélération  du  cœur. 

Troisième  observation.  M.  F...  (fig.  30). 

Petit,  maigre,  médecin,  se  dit  nerveux  et  présente  quel- 
ques traces  d'artério-sclérose  ;  peu  d'aptitude  pour  la  réten- 
tion des  chifl'res,  par  conséquent  ne  conduit  à  bien  une  opé- 
ration de  calcul  mental  qu'au  prix  d'un  grand  effort,  et  avec 
un  peu  d'émotion.  Il  présente,  comme  M.  Ma...,  des  modifica- 
tions vaso-motrices  même  sous  l'influence  de  l'idéalion  sponta- 
née. Prié  de  faire  un  calcul  mental,  il  présente  :  1"  une  légère 
accélération  du  rythme  respiratoire,  qui  est  normalement 
rapide,  de  vingt  par  minute  ;  l'accélération  est  d'un  septième,, 
avec  amplitude  diminuée  du  quart.  2"  une  diminution  d'ampli- 
tude de  la  pulsation  capillaire  ;  ce  qu'il  y  a  de  tout  à  fait 
remarquable,  c'est  la  rapidité  de  cette  action  ;  si  on  prie  le 
sujet  de  faire  l'opération,  une  seconde  après  la  pulsation  se- 


BTN'I:T    et    courtier.    —    circulation    CAPILLAIhE,    ETC. 


|Ï4Q 


06 


rapetisse.  En  général,  celte  diminution  dure  peu  de  temps. 
Cette  extrême  rapidité  d'elTet,  contrastant  avec  celui  de  M.  C... 
donne  les  cas  extrêmes  de  rapidité  et  de  lenteur.  11  n'y  a  pas 
toujours  descente  du  niveau;  l'accélération  de  la  pulsation  est 
très  légère. 

D'autre  part,  le  pouls  artériel  change  un  peu  de  forme  ;  son 
dicrotisme  descend  ;  de  plus,  il  est  parfois  en  dilatation  dans 
les  points  qui  correspondent  exactement  à  la  vaso-constriction 
du  capillaire  ;  ces  deux  faits  montrent  que  la  tension  artérielle 
augmente,  ce  qui  confirme  notre  interprétation  sur  la  vaso- 
constriction des  capillaires. 

En    résumé,  chez  M.   F...,   modifications   respiratoires   peu 


é 


Pouls 
ca.iillairo. 


iimiuJJWJ4JllUJJllJ^  uOtl^UUWWluljW^^ 


WÊÊIÊÊÊÊÊM 


'ouis  radial. 


Rcspiralioii. 


Fitr.  31.  —  Expériences  sur  le  travMil  intellectuel.  M.  El.  Multiplication 
moniale  32x18  entre  les  deux  verticales.  Accélération  très  légère  delà 
res|)iration  et  suppression  de  la  i)ause.  Le  pouls  artériel  (radial),  placé 
inimédiateuient  au-dessus  du  tracé  respiratoire,  présente  vingt  seconde.^ 
après  le  commencement  de  l'expérience  de  calcul  mental,  une  légère 
diminution  d'amplitude  et  une  accélération.  Le  pouls  capillaire  présente 
des  niodificali(uis  parallèles  à  celles  de  l'artère,  une  h'gère  diminution 
d'amplitude,  avec  descente  et  eil'acement  du  dicrotisme. 

accentuées  ;  vaso-constriction  des  capillaires  sans  diminution 
de  volume  appréciable  de  la  main,  et  brusquerie  des  effets. 

Quatrième  observation.  M.  El...  (Hg.  31). 

Grand,  maigre,  pâle;  directeur  d'écoles,  habitué  au  travail 
intellectuel;  état  normal  ;  quatorze  respirations  par  seconde  ;  le 
pouls  capillaire  a  des  oscillations  respiratoires  bien  marquées  : 
il  n'est  point  volumineux.  Sous  l'influence  d'un  calcul  mental 
nous  observons  :  1'  une  accélération  légère  du  rythme  respira- 
toire, qui  est  de  seize  au  lieu  de  quatorze  ;  l'amplitude  des  mou- 


\ 


I 


454 


TRAVAUX    DU    LAnORATOIRE    DE    PSYCnOLOGIE    DE    PARIS 


vements  ne  varie  pas;  la  pause  expiratoire  est  supprimée. 
2°  La  grandeur  de  la  pulsation  capillaire  diminue  lentement, 
au  point  de  devenir  filiforme  si  l'expérience  se  prolonge  ;  des 


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modifications  de  forme  se  produisent;   le  dicrolisme  descend, 
devient  intermédiaire  entre  deux   pulsations,    puis   finit   par 


BINET    ET    COURTIER.    —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.        155 

s'efîacer  complètement.  Ces  changements  du  pouls  ne  devien- 
nent manifestes  que  cinq  à  vingt  secondes  après  le  commence- 
ment du  travail  intellectuel;  pour  que  le  dicrolisme  s'efface 
complètement,  il  faut  au  moins  vingt  secondes.  Quand  le  tra- 
vail intellectuel  est  terminé,  il  se  produit,  tout  aussi  lentement, 
un  changement  en  sens  inverse.  Cette  modification  du  pouls 
n'est  accompagnée  d'aucune  descente  du  niveau.  3°  L'étude 
du  pouls  artériel  combinée  à  celle  du  pouls  capillaire  montre 
la  part  jouée  par  le  cœur  dans  ces  phénomènes;  il  y  a  au  début 
de  l'expérience  un  i^alentissement  du  cœur  avec  augmentation 
de  force  des  contractions;  vers  la  fin  de  l'expérience,  il  y  a  au 
contraire  accélération  du  co?ur  et  diminution  de  force. 

Cinquième  observation.  M.  Cl...  (fig.  3"2\ 

Grand,  fort,  nerveux,  professeur  de  philosophie  dans  un 
lycée  de  province.  Il  a  été  étudié  seulement  pendant  deux 
séances.  Pendant  le  travail  intellectuel,  il  présente  les  modifi- 
cations classiques  des  fonctions  organiques  :  1°  La  respiration 
s'accélère,  les  pauses  sont  supprimées;  2°  le  tracé  capillaire 
diminue  d'amplitude  et  descend  légèrement;  cette  modification 
apparaît  bien  plus  vite  que  chez  M.  El.  ;  elle  dure  pendant  toute 
la  durée  du  travail  intellectuel  ;  3^  le  tracé  artériel  présente  une 
augmentation  d'amplitude  des  oscillations  respiratoires. 

Sixième  observation.  M.  Y...  (fig.  33). 

Jeune  étudiant  roumain,  grand,  un  peu  pâle,  très  vif. 
Mêmes  effets  que  chez  le  précédent  ;  vaso-contriction  pendant 
(le  travail  intellectuel,  et  effacement  du  pouls. 

Septième  observation.  M.  Pi...  (fig.  34  . 

Professeur  de  philosophie,  jeune,  grand,  vif.  Présente  pen- 
dant l'état  de  repos  une  activité  presque  incessante  du  système 
vaso-moteur.  Pendant  le  travail  intellectuel,  on  observe  :  1°  la 
modification  respiratoire  ordinaire,  mais  peu  accentuée  ;  2"  une 
descente  à  pic  du  tracé  capillaire,  avec  diminution  de  la  pulsa- 
tion, mais  sans  changement  de  forme  ;  3'^  le  tracé  de  l'artère 
présente  une  élévation  de  niveau  au  moment  de  la  descente  du 
•capillaire,  et  il  a  tous  les  caractères  du  pouls  de  haute  tension. 
Ensuite,  le  tracé  artériel  descend  à  son  tour  et  épouse  les 
■oscillations  du  tracé  capillaire.  Il  se  produit  là  deux  actions 
antagonistes  qui  se  superposent  ;  d'une  part,  l'artère  est  en 
vaso-constriction   comme  le   capillaire,    et   en   même    temps 


h 


loG 


Tli.WAUX   DU    LABOJÎATOIKE    DE    PSYCHOLOGIE    DE    TARIS 


que  le  capillaire,  de  sorte  que  si  celle  action  se  produisait 
seule,  les  deux  tracés  seraient  parallèles  ;  d'autre  part,  toutes 
les  fois  qu'il  se  produit  une  constriction  très  forte  des 
capillaires,  le  sang  rencontre  un  obstacle  et  la  tension 
augmente  dans  l'artère,  qui  par  conséquent  présente  une 
élévation  de  niveau  à  ce  moment-là.  C'est  l'étude  des  tracés 
de  ce  sujet  qui  nous  a  montré  que  Tartère  peut,  sous  l'in- 
fluence du  travail  intellectuel,  se  resserrer  comme  un  capillaire. 
Cet  effet  se  produit  aussi  chez  un  certain  nombre  d'autres 
sujets,  mais  moins  nettement,  et  il  est  dissimulé  par  l'effet 
inverse,  l'élévation  du  niveau  artériel  produit  mécaniquement 


l'ouïs 
;a|iillaii'C. 


'oulsradial. 


Secondes. 


1!  ('Spiral  ion. 


Fiir.  33.  —  Ivxpi  rieiiccs  sur  le  travail  intcllorliipl.  ^\.  Yasrli.  Eiifri*  les 
lieux  verticales  miiltiplieation  38  X  1'-.  DiiiiimitiDii  du  pouls  capillaire 
avec  coustrictinn  très  léoère.  Dilatatic^i  du  pouls  arliMiel.  correspondant 
à  peu  pi'ès  à  la  constriction  du  capillaire  :  Ictère  descente  tin  dicro- 
tisine.  Accélération  de  la  respiration.  Diminution  des  pauses.  Acccléra- 
I ion  du  ciiMir. 

par  la  constriction  des  capillaires.  Notons  que  chez  M.  Pi  les 
phénomènes  spontanés  d'idéation  produisent  des  vaso-constric- 
tions  profondes. 


Ifuih'i'me  observai  ion,  M.  /?. 

Grand,  gras,  nerveux,  émotif;  Irente-huit  ans,  professeur  de 
psychologie.  Son  tracé  capillaire  et  artériel,  pris  à  l'état  de 
repos,  est  très  irrégulier  (irrégularités  du  cœur,  phénomènes 
d'idéation  et  d'émotion,  etc.).  Sous  l'influence  du  travail  intel- 


I5INET   ET    COURTIER.    —    CIRCULATION    CAflLLAIRE,    ETC.        157 

lecluel,  il  y  a  une  accélération  de  la  respiration,  suppression 
des  pauses,  inspiration  plus  brusque.  Le  tracé  artériel  se  régu- 
larise, il  présente  des  oscillations  respiratoires  très  nettes;  de 
plus,  le  dicrotisme  de  la  pulsation  descend,  la  pulsation  prend 


ouïs  capillaire. 


ouïs  radial. 


icsinration . 


Fig.  34.  —  Expériences  sur  le  travail  intellectuel.  M.  P.  28  X  "9  entre  les 
deux  verticales. La  respiration  se  rapetisse,  s'accélère,  et  les  pauses  dinii- 
nnent.  Le  tracé  capillaire  a  une  descente  brusque,  qui  ne  se  maintient 
pas  ;  la  pulsation  se  rapetisse  sans  changer  de  forme.  Le  tracé  artériel 
présente  une  légère  ascension  au  moment  de  la  descente  du  capillaire; 
puis  il  descend  légèrement  à  son  tour,  et  reproduit  les  flucttiations 
successives  du  capillaire. 

les  caractères  de  la  tension.  Le  capillaire  est  en  constriclion 
avec  diminution  d'amplitude  et  parfois  effacement  complet  du 
pouls. 

ÉTUDE    d'ensemble 

Chez  tous  nos  quinze  sujets,  le  travail  intellectuel  court  et 
intense  du  calcul  mental  a  produit  des  effets  caractéristiques  ; 
ces  effets  ont  été  tantôt  légers,  tantôt  profonds.  Il  est  peut-être 
intéressant  d'ajouter  ici  que  pendant  longtemps  ces  effets 
nous  ont  échappé.  Nous  avons  commencé  les  expériences  en 
février  1895  ;  à  cette  époque,  nous  étions  pénétrés  de  cette 
idée  que  le  travail  intellectuel  produit  une  vaso-constriction 
dans  le  tracé  capillaire  ;  c'est  bien  là  ce  que  nos  devanciers 
ont  constaté. 

Or,  nos  premières  expériences  ont  porté  sur  un  sujet,  qui 
ne  présente  presque  jamais  de  vaso-constriction  d'origine 
intellectuelle  ;  ce  résultat  négatif  nous  désorienta  complètement, 
jusqu'au  jour  où  par  hasard  une  expérience  faite  sur  une  autre 
personne,  M.  F.,  nous  montra  avec  une  évidence  parfaite  un 
brusque  rapetissement  de  la  pulsation  produit  par  un  effort 
intellectuel,   rapetissement  qui   n'était   accompagné  d'aucune 


i 


lo8         TRAVAUX   DU   LABORATOIRE   DE   PSYCnOLOGIE   DE    PARIS 

descente  du  niveau.  Cette  expérience  décisive  nous  ouvrit  les 
yeux  ;  nous  reprîmes  les  études  de  nos  anciens  tracés  qui  nous 
montrèrent  la  constance  de  ce  caractère.  Dès  ce  jour,  nous 
avons  multiplié  les  expériences,  et  nous  avons  pu  procéder  avec 
beaucoup  plus  de  sûreté. 

Le  travail  intellectuel  du  calcul  mental  et  l'état  émotionnel 
({ui  l'accompagne  réagissent  sur  la  circulation  artérielle  et 
capillaire,  la  respiration  et  le  cœur  ;  l'action  n'est  pas  aussi 
profonde  sur  toutes  ces  fonctions:  chez  quelques  sujets  (M.  C), 
c'est  la  respiration  qui  rei^oit  les  modifications"  les  plus  pro- 
fondes, chez  d'autres  c'est  le  cœur  (M.  E.  j,  chez  d'autres  les  vaso- 
moteurs.  En  outre,  chacune  de  ces  fonctions  a,  suivant  les 
sujets,  une  manière  propre  de  réagir,  dont  nos  descriptions 
précédentes  peuvent  donner  une  idée  ;  ces  variétés  individuelles 
ne  tiennent  nullement,  comme  on  pourrait  le  croire,  à  une  ap- 
plication différente  des  appareils,  car  elles  demeurent  les 
mêmes  à  plusieurs  jours,  plusieurs  semaines  et  même  plusieurs 
mois  d'intervalle  ;  rien  que  par  la  forme  du  pouls  ou  par  le 
mode  de  constriction  des  capillaires  nous  pouvons  distinguer 
un  tracé  de  M.  C.  d'un  tracé  de  M.  F. 

Respiration.  —  Des  expériences  très  intéressantes  sur  les 
changements  respiratoires  qui  se  produisent  pendant  le  travail 
intellectuel  ont  été  faites  par  M.  Delabarre  à  notre  laboratoire 
de  Paris  il  y  a  quatre  ans.  M.  Delabarre  a  montré  en  résumé 
que  la  respiration  devient  plus  superficielle  et  plus  rapide  pen- 
dant l'effort  mental.  >ious  vérifions  complètement  ces  résultats, 
en  y  ajoutant  les  détails  nouveaux  qui  nous  sont  fournis  par 
l'étude  d'un  plus  grand  nombre  d'individus. 

On  peut  dire,  en  deux  mots,  que  pendant  le  calcul  mental 
la  respiration  devient  plus  rapide,  moins  ample,  et  que  la  pause 
expiratoire  se  supprime.  Mais  chacun  de  ces  points  mérite  une 
mention  spéciale. 

\^  Changements  de  rapidité.  —  Il  serait  difficile  de  donner 
un  chiffre  quelconque  exprimant  la  moyenne  de  l'accélération, 
tant  elle  varie  avec  les  individus.  Chez  les  uns,  la  vitesse  de  la 
respiration  ne  change  pas,  chez  d'autres  au  contraire  elle 
double  ;  en  tout  cas,  nous  n'avons  jamais  observé  de  ralentis- 
sement. En  général,  ce  sont  ceux  qui  normalement  ont  la  respi- 
ration la  plus  lente  qui  montrent  le  plus  de  changement. 
Ainsi,  M.  G.,  dont  le  rythme  est  extrêmement  lent,  de  6  à 
10  respirations  par  minute,  atteint  une  vitesse  de  IG  pendant  le 


BTNET   ET    COURTIER.    —    CIHCUL.VTION    CAIMLLAIHE,    ETC.         139 

travail  intellectuel,  tandis  que   ceux  qui  ont  une  respiration 
de  20  ne  dépassent  pas  beaucoup  ce  nombre. 

2°  Changements  d'amplitude.  —  Ils  sont  tout  aussi  variables 
que  les  changements  de  rapidité.  Chez  les  uns,  l'amplitude 
diminue  beaucoup  pendant  le  travail  intellectuel,  la  diminution 
peut  même  être  de  moitié  ;  chez  d'autres,  il  n"y  a  pas  de  modi- 
fication ;  chez  d'autres  enfin,  la  respiration  augmente  considé- 
rablement d'amplitude.  Il  y  a  du  reste  une  proportion  assez 
constante  entre  l'amplitude  et  la  vitesse.  Quand  la  respiration 
devient  beaucoup  plus  rapide,  comme  chez  M.  C,  elle  devient 
aussi  beaucoup  moins  ample  ;  au  contraire,  chez  ceux  qui  ne 
présentent  pas  de  modification  de  vitesse  (malgré  un  travail 
intellectuel  dont  la  grande  intensité  est  bien  démontrée),  l'am- 
plitude respiratoire  reste  la  même,  ou  peut  croître.  M.  E.  en 
est  un  curieux  exemple;  dans  les  tracés  où  sa  respiration  n'a 
point  été  accélérée  pendant  le  travail  intellectuel,  elle  est 
devenue  plus  ample. 

Les  changements  d'amplitude  se  font  principalement  par  une 
diminution  dans  la  profondeur  de  la  respiration  ;  les  inspira- 
tions deviennent  moins  profondes  ;  en  d'autres  termes,  les 
augmentations  de  volume  de  la  cage  thoracique  sont  moins 
amples.  C'est  là  un  effet  qu'on  voit  très  nettement  sur  le  tracé 
de  M.  C.  ;  mais  il  se  produit  en  outre  dans  quelques  cas  une 
modification  curieuse,  de  beaucoup  moindre  importance  ;  le 
niveau  moyen  des  expirations  s'infléchit  légèrement  vers  le 
milieu  de  l'expérience,  ce  qui  prouve  que  les  poumons  con- 
servent un  peu  plus  d'air  entre  deux  respirations  qu'à  l'état 
normal;  cet  effet  ne  se  produit  pas,  tant  s'en  faut,  sur  tous  les 
tracés. 

3°  Régularité.  —  Ce  qui  frappe,  c'est  la  très  grande  régula- 
rité des  respirations,  qui,  pendant  le  cours  du  travail,  con- 
servent la  même  amplitude;  la  respiration  est  bien  plus  régu- 
lière que  pendant  le  repos  qui  précède  ou  suit  le  calcul  mental. 
On  observe  parfois  quelques  respirations  avortées  qui  tiennent 
à  ce  que  le  sujet  a  prononcé  des  chiffres  à  voix  basse.  Cette 
régularité  s'observe  également  sur  le  tracé  capillaire.  Il  est 
clair  que  par  suite  de  son  absorption  d'esprit  dans  un  travail 
intense,  le  sujet  devient  moins  sensible  aux  excitations  exté- 
rieures. 

4"  Cliangemeïils  de  forme.  —  Dans  ce  qui  précède  on  ne 
pourrait  pas  trouver  un  signe  caractéristique  du  travail  iutel- 


160  TRAVALX    DU    LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 

lectuel  ;  sans  doute,  la  respiration  s'accélère  et  devient  super- 
ficielle dans  beaucoup  de  cas,  mais  chez  certains  sujets  ces  deux 
caractères  manquent  à  la  fois.  Il  existe  cependant  un  signe 
caractéristique  du  travail  intellectuel,  signe  que  nous  n'avons 
jamais  trouvé  complètement  en  défaut  :  c'est  la  suppression 
de  la  pause  qui  sépare  l'expiration  et  l'inspiration.  Cette  pause, 
qui  normalement  est  un  intervalle  de  repos,  de  relâchement, 
séparant  deux  respirations  successives,  et  qui  se  dessine  sur 
les  tracés  en  forme  de  plateau  plus  ou  moins  incliné,  est  sup- 
primée pendant  le  travail  intellectuel  ;  de  sorte  fjue  le  plateau 
est  remplacé  par  un  angle  très  aigu  formé  par  la  ligne  d'ex[)i- 
ration  et  la  ligne  d'inspiration.  Alors  même  que,  comme  chez 
M.  E.,  la  respiration  du  travail  intellectuel  ne  s'accélère  pas, 
la  pause  expiratoire  est  supprimée.  Nous  considérons  par 
conséquent  ce  signe  comme  le  plus  constant  et  aussi  le  plus 
important  de  tous. 

Les  différentes  modifications  que  nous  venons  de  décrire  ne 
s'observent  pas  seulement  chez  ceux  qui  ont  l'habitude  du 
travail  intellectuel  ;  nous  les  avons  retrouvées  chez  un  gaivon 
de  salle  qui  ne  sait  nullement  fixer  son  attention  sur  une  opé- 
ration mentale  ;  quand  on  lui  donne  une  multiplication  à  faire, 
il  est  très  embarrassé,  ne  sait  comment  s'y  prendre,  donne 
après  tâtonnement  un  résultat  au  hasard  ;  néanmoins  sa  respi- 
ration, pendant  cet  effort  si  mal  coordonné,  présente  une  accé- 
lération et  une  suppression  de  la  pause  expiratoire. 

Les  changements  introduits  par  le  travail  intellectuel  ne  se 
produisent  pas  brusquement  et  ne  cessent  pas  brusquement,  il 
est  impossible  de  dire  exactement  au  bout  de  quel  temps  ils 
commencent  et  prennent  fin,  parce  que  la  transition  est 
presque  toujours  ménagée.  Il  est  préférable  de  citer  quelques 
exemples  typiques.  Chez  M.  E.  (fig.  31)  il  y  a  une  respiration 
de  transition  au  début,  et  tout  de  suite  après  les  respirations 
typiques  du  travail  intellectuel  se  manifestent;  à  la  fin,  il  y  a 
au  moins  trois  respirations  de  transition;  on  peut  même  dire 
que  chez  lui  il  faut  en  moyenne  cinq  respirations  pour  retrouver 
l'état  normal.  C'est  là  un  exemple  de  changement  brusque,  qui 
montre  r[ue  le  début  de  l'effet  du  travail  intellectuel  est  plus 
brusque  que  sa  terminaison.  Chez  M.  C.  (fig.  29),  qui  présente 
au  grand  complet  toutes  les  modifications  respiratoires  du 
travail  intellectuel,  ces  modifications  se  produisent  dans  un 
ordre  successif:  d'abord  la  respiration  diminue  d'amplitude,  au 
bout  d'une  respiration;   elle  augmente  de  rapidité  au  bout  de 


BINET   ET    COURTIER.    —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,    ETC.  161 

deux  respirations  en  moyenne  ;  la  suppression  des  pauses  respi- 
ratoires s'opère  graduellement  avec  beaucoup  plus  de  lenteur; 
elle  n'est  complète  qu'au  bout  de  cinq  respirations.  La  cessa- 
lion  du  travail  intellectuel  produit  un  effet  plus  rapide;  dès 
que  la  solution  du  calcul  est  indiquée,  M.  C.  fait  d'ordinaire  un 
profond  soupir,  la  respiration  retrouve  son  amplitude  normale 
et  sa  vitesse  ;  la  pause  augmente  aussi  tout  de  suite,  mais  elle 
ne  devient  égale  à  celle  de  l'état  normal  qu'au  bout  de  trois  ou 
quatre  respirations.  Chez  M.  IL,  la  modification  respiratoire 
dure  parfois  une  minute  après  que  le  travail  intellectuel  a 
cessé  même  quand  ce  travail  a  duré  une  minute  seulement.  Il 
est  incontestable  que  ces  variétés  individuelles  serviront  à 
expliquer  un  jour  comment  certaines  personnes  se  fatiguent 
lentement  et  d'autres  vite. 

Pouls  capillaire.  —  La  modification  du  tracé  capillaire  est 
aussi  constante  que  celle  de  la  respiration,  à  la  condition  bien 
entendu  que  le  travail  intellectuel  soit  suffisamment  intense  et 
prolongé  pour  la  provoquer.  Elle  présente  un  assez  grand 
nombre  de  formes  qui  peuvent  soit  se  réaliser  isolément,  soit 
se  combiner  dans  un  même  tracé;  nous  devons  signaler  :  la 
diminution  d'amplitude  de  la  pulsation  ;  le  changement  de 
forme  de  la  pulsation  ;  le  changement  de  niveau  ou  vaso- 
constriction. Rappelons  aussi,  pour  n'y  plus  revenir,  la  régu- 
larisation du  tracé  capillaire. 

1»  Diminution  <T amplitude.  —  Ce  caractère  s'est  présenté 
isolément  chez  M.  C.  (fig.  29)  et  dans  quelques  tracés  de  M.  F. 
(fig.  30)  ;  chez  M.  C...,  la  diminution,  quand  elle  a  lieu,  ce  qui 
est  rare,  se  produit  très  lentement,  sans  changement  de  forme 
et  la  pulsation  est  réduite  à  peine  du  quart;  sur  le  tracé 
ainsi  réduit  les  oscillations  respiratoires  cessent  de  se  mar- 
quer. Chez  M.  F..,  la  diminution  est  curieuse  par  sa  brusquerie  ; 
elle  peut  se  manifester  aussi  sans  changement  de  niveau  ;  il  y 
a  une  légère  accentuation  du  dicrotisme. 

Il  paraît  vraisemblable  d'admettre  que  cette  diminution  de 
la  pulsation  est  produite  par  une  constriction  du  réseau  capil- 
laire ;  ce  qui  le  prouve,  c'est  que,  dans  quelques  tracés,  le  pouls 
artériel  augmente  de  tension  dans  les  points  correspondants  à 
ceux  où  le  pouls  capillaire  diminue.  Mais  le  cœur  peut  jouer  un 
rôle  dans  ces  phénomènes. 

i2^  Changement  de  forme  de  la  pulsation.  —  Le  changement 

ANNÉE    PSYCHOLOGIOUE.  1  | 


162  TRAVAUX    DU   LABORATOIRE    DE    PSYGUOLOGIE   DE    TARIS 

de  forme  de  la  pulsation  ne  s'est  produit  jamais  seul  ;  il  a  tou- 
jours été  accompagné  d'un  changement  de  volume;  il  consiste 
le  plus  souvent  en  un  retard  et  une  accentuation  du  dicrolisme, 
indices  de  l'augmentation  de  pression  sanguine  produite  par  la 
constriction  des  artérioles. 

3°  Descente  du  niveau.  —  Cet  effet  a  été  observé  sur  la  majo- 
rité de  nos  sujets  ;  la  vaso-constriction  s'accompagne  toujours, 
d'après  nos  observations,  d'une  diminution  dans  l'amplitude 
de  la  pulsation,  de  sorte  qu'on  peut  dire  que  c'est  la  diminution 
d'amplitude  qui  estle  signe  le  plus  constant;  elle  s'accompagne 
aussi  le  plus  souvent  d'un  changement  de  forme.  La  vaso-cons- 
triction présente  beaucoup  de  variations  individuelles:  elle  peut 
être  forte  ou  faible,  lente  ou  rapide,  longue  ou  courte.  Nous 
signalons  ici  un  fait  assez  curieux  ;  les  vaso-constrictions  pro- 
duites par  le  travail  intellectuel  s'observent  surtout  chez  les 
sujets  dont  le  tracé,  pris  pendant  l'état  normal  du  repos,  pré- 
sente des  accidents,  des  descentes  dues  à  de  l'idéation  ou  à 
des  émotions  spontanées,  de  sorte  que  souvent  on  peut  pré- 
dire d'avance  si  une  personne  aura  des  vaso-constrictions  pen- 
dant le  travail  intellectuel  ;  quand  on  voit  un  tracé  se  développer 
dans  une  direction  rectiligne  sans  aucune  descente,  pendant 
le  repos,  on  peut  supposer  qu'il  s'agit  d'un  système  vaso-moteur 
peu  excitable,  que  le  travail  intellectuel  n'impressionnera  pas. 

L'exemple  le  plus  typique  que  nous  ayons  rencontré  de  vaso- 
constriction pendant  le  travail  intellectuel  est  celui  de  M.  Pi. 
(fig.  34)  ;  brusquement,  dès  que  le  travail  intellectuel  com- 
mence, il  y  a  une  descente  presque  à  pic  du  tracé  ;  la  pulsation 
se  rapetisse,  mais  parfois  elle  conserve  bien  nettement  saforme, 
etledicrotisme  ne  change  pas  de  position.  Les  modifications  très 
nettes  du  tracé  artériel  correspondant  montrent  plusieurs  parti- 
cularités intéressantes  ;  d'abord,  tout  au  début  du  travail  intel- 
lectuel, à  un  moment  qui  correspond  à  la  vaso-constriction  du 
capillaire,  le  tracé  artériel  présente  une  élévation,  due  certaine- 
ment à  la  digue  (jue  lui  présente  le  capillaire  contracté  ;  dans 
la  suite  du  tracé,  on  remarque  que  le  tracé  artériel  reproduit 
très  fidèlement,  mais  en  les  émoussant,  les  ondulations  vaso- 
motrices  du  tracé  capillaire;  ainsi,  incontestablement,  il  pré- 
sente lui-même  une  vaso-constriction.  Ceci  nous  prouve  —  et 
d'autres  expériences  le  démontrent  du  reste  —  que  l'artère 
radiale  peut  se  resserrer  pendant  le  travail  intellectuel.  Les 
phénomènes  de  cet  ordre  ne  s'expliquent  point  par  une  dimi- 


BINIÎT    ET   COURTIER.   —    CIRCULATION   CAPILLAIRE,    ETC.         163 

nution  dans  la  quantité  de  sang  des  membres,  qui  serait  le  fait 
primitif;  si  c'était  là  la  cause  de  la  descente  du  niveau,  le  pouls 
capillaire  et  le  pouls  artériel  changeraient  de  forme,  et  présen- 
teraient des  caractères  analogues  à  ceux  qu'on  obtient  en  levant 
le  bras,  c'est-à-dire  l'effacement  du  dicrotisme. 

En  résumé,  les  combinaisons  qu'on  observe  le  plus  souvent 
sont  : 

La  diminution  d'amplitude  du  pouls  capillaire  ; 

La  diminution  damplitude  et  le  changement  de  forme  (pouls 
capillaire  de  haute  tension)  ; 

La  diminution  d'amplitude,  le  changement  de  forme  et  la 
descente  du  niveau. 

Pouls  artériel.  —  C'est  du  pouls  radial  que  nous  voulons 
parler.  Les  effets  du  travail  intellectuel  sur  le  pouls  radial  sont 
moins  intenses  que  sur  le  pouls  capillaire.  Nous  signalerons  les 
effets  suivants  :  les  ondulations  respiratoires,  <jui  d'ordinaire 
disparaissent  du  tracé  capillaire  pendant  le  travail  intellectuel, 
deviennent  au  contraire  plus  nettes  sur  le  tracé  artériel,  en 
partie  sans  doute  parce  qu'il  est  moins  contracté  que  le  capil- 
laire et  qu'il  subit  une  pression  plus  forte.  Le  tracé  artériel 
présente  en  général  d'une  façon  plus  ou  moins  accentuée  une 
augmentation  de  tension,  provenant  du  resserrement  des  capil- 
laires; il  participe  aussi,  dans  beaucoup  de  cas,  à  la  vaso-cons- 
triction  des  capillaires  ;  cependant,  dans  les  parties  correspon- 
dantes à  une  constriction  très  brusque  des  capillaires,  par 
exemple  au  début  du  travail  intellectuel,  il  présente  une  éléva- 
tion avec  tension  forte,  qui  est  certainement  un  contre-coup  de 
la  constriction  des  capillaires.  On  voit  qu'en  somme  la  plupart 
des  caractères  présentés  par  le  pouls  radial  sont  consécutifs 
aux  modifications  du  pouls  capillaire. 

Cœur.  —  Quand  le  travail  intellectuel  est  un  peu  intense,  le 
cœur  s'accélère,  surtout  vers  la  fin  de  l'opération  de  calcul. 
Les  modifications  des  tracés  de  la  main  produites  par  le  cœur 
sont  assez  difficiles  à  distinguer.  L'exemple  typique  est  celui 
de  M.  E...  chez  lequel  (fig.  31)  nous  voyons  la  pulsation  capil- 
laire et  artérielle  se  réduire  de  volume,  avec  disparition  du 
dicrotisme;  or,  quels  sont  les  cas  où  nous  avons  vu  le  dicro- 
tisme tendre  à  disparaître?  i"  quand  on  élève  les  bras  et  ([ue 
la  quantité  de  sang  diminue;  mais  dans  ce  cas  la  pulsation 
passe  par  une  phase  d'agrandissement  avant  de  se  rapetisser 
(voir  p.  99),  ce  qui  n'a  pas  eu  lieu  ici;  2"  quand  il  y  a  vaso- 


164  TRAVAUX   DU   LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 

dilatation  active  (voir  p.  137);  mais  dans  ce  cas  la  pulsation 
reste  grande  d'une  manière  permanente,  ce  qui  ne  se  présente 
pas  ici.  Nous  supposons  donc  que  l'effet  noté  sur  le  tracé  de 
M.  E...  tient  à  une  diminution  de  la  force  propulsive  du  cœur, 
ce  qui  du  reste  est  rendu  vraisemblable  par  l'accélération  qui 
se  produit  au  même  moment. 

En  résumé,  il  y  a  des  sujets  à  modifications  respiratoires 
prédominantes,  M.  C...;  il  y  a  des  sujets  à  modifications  car- 
diaques prédominantes,  M.  E...  ;  il  y  a  des  sujets  à  modifications 
vaso-motrices  prédominantes,  MM.  Pi...,  Y....  F...,  B...,etc.;  ils 
sont  en  majorité. 

CONCLUSION 

Ce  qui  ressort  le  plus  nettement  de  toutes  nos  expériences, 
c'est  qu'il  existe,  au  point  de  vue  de  l'excitabilité  du  système 
vaso-moteur,  des  dilTérences  individuelles  considérables  ;  ces 
différences  individuelles  sont  trop  fortes  pour  tenir  à  l'applica- 
tion différente  des  appareils,  et  de  plus  elles  restent  constantes 
pendant  de  nombreuses  séries  de  séances,  ce  qui  supprime  les 
causes  occasionnelles  d'erreurs  provenant  d'une  émotion  de 
débutant. 

L'excitabilité  du  système  vaso-moteur  nous  a  paru  présenter 
ce  caractère  important  de  rester  comparable  à  elle-même  sous 
l'influence  de  plusieurs  espèces  différentes  d'excitation,  le  froid 
de  la  glace,  le  courant  électrique,  Tidéation  spontanée,  les 
émotions  et  le  travail  intellectuel.  Nous  réunissons  dans  un 
tableau  d'ensemble,  les  mesures,  —  évidemment  bien  approxi- 
matives mais  supérieures  quand  même  à  des  appréciations 
subjectives  —  que  nous  avons  prises  des  réactions  vaso-mo- 
trices à  ces  différentes  formes  d'excitation.  On  y  verra  le 
curieux  parallélisme  des  effets  produits  par  des  excitations 
bien  différentes.  Les  trois  premiers  sujets  ont  un  système 
vaso-moteur  qui  se  montre  sensible  à  toutes  les  espèces  d'exci- 
tations ;  les  derniers  sujets  au  contraire  ont  un  système  vaso- 
moteur  qu'aucune  excitation  n'ébranle  fortement. 

Outre  cette  sorte  de  classification  générale  qui  ressort  bien 
de  notre  tableau,  il  faudrait  ajouter  une  foule  de  petits  détails 
d'expérience,  trop  longs  pour  qu'il  soit  possible  de  les  énumérer 
tous,  qui  montrent  cette  identité  d'excitabilité  des  vaso-moteurs 
sous  des  influences  bien  différentes.  Bornons-nous  à  trois 
exemples,  qui  prouveront  que  l'ac^tion  du  froid  et  celle  du  tra- 
vail intellectuel  peuvent  agir  d'une  manière  très  analogue  sur 


BINET    ET    COURTIER,  —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,   ETC. 


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166  TRAVAUX    DU   LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 

un  même  individu.  Chez  M.  P...,  dès  qu'on  lui  pose  un  problème 
de  calcul  mental,  le  tracé  capillaire  a  une  chute  brusque  ;  l'ap- 
plication d'un  morceau  de  glace  sur  le  poignet  produit  égale- 
ment une  chute  de  même  nature,  sans  doute  parce  qu'il  se 
joint  quelque  émotion  à  cette  expérience  et  bientôt  se  produit 
une  douleur  intense.  Chez  M.  E...,  le  travail  intellectuel  agit 
lentement,  et  le  tracé  descend  peu  ;  avec  une  application  de 
glace,  même  genre  de  réaction  lente  et  progressive.  Chez  M.  C..., 
le  travail  intellectuel  ne  produit  presque  jamais  de  modifica- 
tions, et  les  applications  de  glace  (faites  dans  les  mêmes  con- 
ditions que  pour  les  sujets  précédents)  sont  à  peine  marquées. 

Explication  du  tableau.  —    La    première  colonne   verticale 
de    gauche   contient    l'initiale   du  nom    du  sujet;  les  colonnes 
verticales  :2,  3  et  4  présentent   les  eiTets  de  l'application  d'un 
petit  morceau  de  glace,  gros  comme  une  noix,  sur  le  poignet. 
La   constriction    est  mesurée  en   millimètres    par   rapport  au 
niveau  du    tracé    antérieurement  à   l'application    de  la  glace. 
Toutes  les  expériences  ayant  été  faites  avec  le  même  tambour 
et  la  même  longueur  de  plume,  cette  mesure  est  la  même  pour 
tous  les  sujets;  mais  évidemment  le  niveau  du  tracé,  antérieu- 
rement à  l'application  de  la  glace,  ne  représente  pas  le  même 
état  pour  tous  les  sujets,  car  pour  une  cause  ou  une  autre  les 
uns  peuvent  être  en  état  de   constriction  à  ce  moment-là,  les 
autres  en  état  de  dilatation,    les   autres   dans  un   état   mixte. 
Nous  avons  seulement  pris  des   précautions   pour  que  le  tracé 
fût  pris  dans  des  conditions  ayant  l'apparence  de  l'état  normaL 
c'est-à-dire  après  un  assez  long  intervalle  de  repos.  La  mesure 
de  la  constriction   a   été  faite    pour  tous  les  sujets  au  bout  de 
quinze  secondes,  afin  que  les  résultats  fussent   plus  faciles  à 
comparer;  mais  il  faut  tenir  compte  de  ce  fait  qu'au  bout  de 
quinze  secondes  les  uns  ont  atteint  leur  maximum  de  constric- 
tion, tandis  que  chez  d'autres,  plus  lents,  la  constriction  des- 
cend encore,  et  n'atteindra  son  maximum  que   beaucoup  plus 
tard,    au   bout  de   quarante-cinq  secondes.   (M.   E.  en   est  un 
exemple.)   Les  chiffres  de  la  colonne  3  indiquent  la  diminution 
d'amplitude  du  pouls  ;    le   premier  chiffre  indique  en   milli- 
mètres  le  pouls   antérieur    à   l'expérience,   le    second   chiffre 
indique  en  millimètres  le  pouls  de  constriction,  mesuré  comme 
la  constriction   au   moment  indiqué  par  les  temps  de  la  4"  co- 
lonne. Les  colonnes  5,  6  et  7  sont  relatives  au  travail  intellec- 
tuel; elles  donnent  la  constriction,  la  diminution  du  pouls,  et 


BINET   ET    COURTIER.  —    CIRCULATION    CAPILLAIRE,  ETC.         167 

les  explications  des  colonnes  2,  3  et  4  conviennent  ici,  sauf 
que  pour  le  temps,  nous  avons  indiqué  le  moment  où  se  pro- 
duit la  constriction  maxima  ;  les  temps  inscrits  peuvent  donc 
servir  à  indiquer  la  rapidité  avec  laquelle  les  sujets  arrivent  à 
s'absorber  dans  le  problème  qu'on  leur  pose  ;  le  travail  intel- 
lectuel a  toujours  consisté  dans  une  opération  de  calcul  mental. 
Les  colonnes  8  et  9  mesurent  la  constriction  et  le  pouls  dans 
une  inspiration  brusque,  les  colonnes  10  et  II  font  de  même 
pour  l'excitation  brusque  produite  par  un  coup  de  gong;  enfin, 
dans  la  colonne  10  nous  apprécions  le  plus  ou  moins  de  régu- 
larité du  tracé  de  chacun  pendant  un  état  de  repos  volontaire. 
Nous  regrettons  beaucoup  de  terminer  notre  article  sur  cette 
conclusion  partielle.  Nous  avions  pensé,  en  commençant 
notre  travail,  qu'il  serait  achevé  assez  tôt  pour  être  publié 
intégralement  dans  V Année  psychologique  de  1896.  Mais  notre 
programme  d'expériences  était  très  chargé,  et  des  questions 
qui,  à  première  vue,  nous  paraissaient  simples  et  susceptibles 
d'une  solution  rapide,  se  sont  trouvées,  à  l'expérimentation, 
extrêmement  complexes  et  entourées  de  nombreuses  difficultés 
qu'aucune  théorie  ne  permettait  de  prévoir.  De  ce  nombre  est 
surtout  la  question  des  sentiments,  dont  nous  n'avons  pour 
ainsi  dire  pas  parlé  au  cours  du  présent  travail,  bien  que  l'idée 
de  cette  question  n'ait  pas  cessé  un  moment  d'être  présente  à 
notre  esprit  pendant  l'année  entière  qu'ont  duré  nos  expériences 
de  pléthysmographie. 

A.  BiNET  ET  J.  Courtier. 


Il 


RECHERCHES   SUR    LA    LOCALISATION 
DES   SENSATIONS   TACTILES 


Dans  la  présente  étude  je  me  propose  de  décrire  les  résultats 
les  plus  importants  de  l'étude  de  la  localisation  des  sensations 
tactiles  que  je  poursuis  depuis  1892.  Avant  de  passer  au  sujet 
même  de  cette  élude  je  dois  présenter  ici  mes  remercîmenls  à 
mon  cher  maître  M.  Binet  pour  les  nombreux  conseils  et  les 
indications  qu'il  a  bien  voulu  me  donner  pendant  cette  étude  et 
à  M.  Kïdpe  qui,  pendant  mon  séjour  à  Leipzig  pendant  l'été 
de  1892,  m'a  indiqué  qu'on  doit,  d'une  part,  distinguer  la  per- 
ception de  deux  points  avec  la  peau  et  la  localisation  d'un  con- 
tact ponctuel,  et  qu'on  doit,  d'autre  part,  ne  pas  admettre  que 
la  perception  de  deux  points  avec  la  peau  est  une  mesure  du 
seuil  de  l'espace  tactile  ;  c'est  à  la  première  question  que  je  me 
suis  attaché. 

Lorsque  quehju'un  touche  un  point  de  notre  corps,  si  nous 
prêtons  attention  au  contact,  nous  le  transportons  en  un  point 
de  notre  corps,  nous  avons  idée  que  c'est  tel  point  particulier 
de  notre  corps  qui  est  touché  ;  par  conséquent,  à  tout  contact 
ponctuel  de  la  peau  nous  attribuons  une  localisation.  La  pre- 
mière question  qu'on  doit  se  poser  est  la  suivante  :  le  point  de 
nôtre  corps  où  nous  croyons  que  le  contact  a  lieu  correspond- 
il  bien  au  poii\t  touché,  et  s'il  ne  lui  correspond  pas  quelle  est 
la  distance  des  deux  points  ? 

Pour  répondre  à  cette  question  il  faut  pouvoir  préciser  le 
point  où  nous  croyons  que  le  contact  a  lieu,  le  sujet  doit  donc 
indiquer  le  point  où  il  croit  que  le  contact  est  produit  ;  comment 
l'indiquer?  On  peut,  croyons-nous,  distinguer  plusieurs  mé- 
thodes de  localisation  : 

1"  On  produit  un  contact  avec  une  pointe,  le  sujet  ayant  les 


V.    HENRI.    —    LA    LOCALISATION  DES    SENSATIONS    TACTILES        169 

yeux  fermés,  puis  on  enlève  la  pointe,  le  sujet  ouvre  les  yeux  et 
indique  sur  la  peau  le  point  où  il  croit  avoir  été  touché  fmé- 
thode  de  A.  W.  Volkmann^)  ;  en  indiquant  sur  la  peau  le  point 
où  il  croit  avoir  été  touché,  le  sujet  peut  soit  le  montrer  avec 
une  T^oxnle  san&  le  toucher ,  soit  le  montrer  et  le  loucher  en  même 
temps;  ce  dernier  contact  lui  permettra  dans  quelques  cas  de 
corriger  son  indication  visuelle.  Cette  méthode  exige  un  certain 
acte  de  mémoire  qui  peut  influer  sur  les  résultats  ;  en  elTet  le 
sujet  montre  le  point  lorsque  la  pointe  est  déjà  enlevée,  lorsque 
le  contact  a  déjà  cessé  ;  il  doit  donc  retenir  dans  sa  mémoire  le 
lieu  touché  ;  un  autre  défaut  de  cette  méthode  est  qu'elle  ne 
permet  pas  l'emploi  de  contacts  intenses  puisque  ceux-ci  lais- 
seraient une  trace  sur  la  peau  et  le  sujet  reconnaîtrait  alors  le 
siège  du  contact.  Nous  avons  apporté  une  modification  à  cette 
méthode  en  laissant  le  sujet  localiser  soit  sur  une  photographie 
de  grandeur  naturelle  de  la  région  explorée,  soit,  d'après  l'indi- 
cation de  M.  Wundt,  sur  un  modèle  en  gypse  du  membre  touché. 
L'expérience  est  donc  faite  de  la  manière  suivante  :  le  sujet  a 
son  bras  gauche  par  exemple  caché  derrière  un  écran,  il  a 
devant  lui  un  modèle  en  gypse  de  son  bras  gauche  ;  l'expéri- 
mentateur touche  un  point  du  bras  gauche,  et  le  sujet  doit 
montrer  sur  le  modèle  le  point  qu'il  croit  être  touché;  ici  le 
contact  dure  tout  le  temps  que  la  localisation  est  produite. 
Cette  méthode  permet  d'employer  des  contacts  intenses  aussi 
bien  que  des  contacts  faibles. 

2"  Une  deuxième  méthode,  différente  de  la  précédente,  est 
celle  proposée  par  E.-H.  Weber  -  ;  on  touche  un  point  du  bras 
gauche  du  sujet  qui  a  les  yeux  fermés,  celui-ci  tient  une  pointe 
dans  la  main  droite  et  il  doit  avec  cette  pointe  toucher  le  même 
point  de  la  peau  que  celui  louché  par  l'expérimentateur.  Cette 
méthode  se  compose  de  plusieurs  facteurs  :  il  y  a  un  mouve- 
ment de  localisation  du  bras  droit,  on  doit  donc  étudier  si  ce 
mouvement  à  lui  seul  peut  donner  lieu  à  une  localisation  pré- 
cise ;  l'expérience  est  faite  de  la  manière  suivante  :  on  touche 
un  point  du  bras  gauche  du  sujet  qui  a  les  yeux  bandés,  le 
sujet  doit  avec  son  index  droit  montrer  le  point  de  la  peau  où 
il  est  touché,  c'est-à-dire  il  doit  déplacer  sa  main  droite  de  façon 


(1)  A.-W.  Volkniîuin.  \en'pnpliij.siolof/ie.  \Vagners  Ilandwôrterb  il.  l'hv- 
siol.,  t.  II,  1841.  p.  o7l. 

(2)  E.-M.  W'-'licr.  l'eber  di'ii  Hainnahin  und  die  Eii)pf)u/iiii;/sl,rri.sp  in  fier 
Haut  und  i>n  A/.-;/(-.  Bericlitc  iJ.  Siichs.  Ges.  d.  Wiss.,  I8.V2,  ji.  80-164. 


170    TRAVAUX  DU  LABORATOIRE  DE  PSYCHOLOGIE  DE  PARIS 

qu'il  lui  semble  que  son  index  droit  se  trouve  à  1  ou  2  cen- 
timètres au-dessus  du  point  touché,  le  sujet  ne  doit  certaine- 
ment pas  toucher  sa  main  gauche  avec  l'index  droit. 

Lorsqu'on  fait  les  expériences  par  la  méthode  de  localisation 
de  Weber  et  qu'on  interroge  les  sujets  sur  la  manière  dont  ils 
font  cette  localisation,  on  remarque  que  quelques-uns  se  ser- 
vent de  l'image  visuelle  de  l'endroit  touché,  c'est-à-dire  lors- 
qu'on touche  un  point  du  bras  gauche  ils  se  représentent  le  lieu 
touché  sous  forme  d'une  image  visuelle  ;  puis  lorsqu'ils  doivent 
toucher  avec  une  pointe  le  même  point  de  la  peau  ils  sont 
guidés  par  l'image  visuelle  de  l'endroit  touché,  ils  touchent  le 
point  de  la  peau  qui  leur  semble  correspondre  au  point  repré- 
senté; ceci  étant,  ils  portent  l'attention  sur  la  nature  du  con- 
tact ;  il  y  a  donc  deux  facteurs  qui  jouent  un  rôle  :  l'image 
visuelle  et  la  nature  du  contact  (c'est-à-dire  si  le  contact  est 
sur  une  partie  molle  de  la  peau,  ou  sur  une  saillie  d'os,  si  la 
peau  est  épaisse  ou  fine,  etc.,  etc.). 

Il  fallait  par  conséquent  chercher  à  isoler  ces  deux  facteurs- 
et  étudier  leurs  influences  séparément  ;  pour  le  faire  nous  avons- 
procédé  de  la  manière  suivante  : 

a.  Un  point  est  marqué  à  l'encre  sur  le  bras  gauche  du  sujet 
sans  produire  de  contact,  le  sujet  doit  bien  regarder  ce  point, 
remarquer  sa  position  sur  la  peau,  puis  il  ferme  les  yeux  et  doit 
avec  une  pointe  qu'il  tient  dans  la  main  droite  toucher  le  point 
marqué  ;  ici  l'image  visuelle  joue  le  rôle  prépondérant,  la 
nature  de  la  sensation  tactile  joue  un  rôle  moindre  ;  en  effet,, 
en  regardant  le  point  marqué,  le  sujet  fixe  sa  position  dans  la 
mémoire  sous  forme  d'image  visuelle,  mais  en  même  temps  il 
raisonne  et  se  représente  la  nature  du  contact  de  ce  point,  il  se 
dit  par  exemple  :  c'est  une  partie  molle  de  la  peau  ;  donc  en 
cherchant  le  point  je  ne  devrai  pas  rencontrer  de  résistance, 
c'est  une  partie  mobile  de  la  peau,  elle  est  fine,  etc.,  etc.  :  en 
somme,  le  sujet  se  représente  aussi  la  nature  du  contact  du  point 
marqué. 

b.  Le  sujet  regarde  sa  main  gauche,  l'expérimentateur  touche 
un  point  de  cette  main  ;  le  sujet  peut  donc  fixer  ce  point  dans 
sa  mémoire  d'une  part  par  l'image  visuelle  et  puis  par  la  nature 
du  contact  de  ce  point;  ceci  étant,  le  sujet  ferme  les  yeux  et  doit 
toucher  avec  une  pointe  le  point  marqué  ;  cette  méthode  diffère 
de  la  précédente  seulement  en  ce  que  le  point,  que  le  sujet  doit 
loucher,  est  touché  ;  le  sujet,  au  lieu  de  se  servir  de  l'image 
visuelle  et  de  la  représentation  tactile,  pourra  se  servir  de 


V.    niîNRI.    —   LA.    LOCALTSATION   DES    SENSATIONS   TACTILES        171 

l'image  visuelle  et  de  la  sensation  tactile.  En  comparant  ces 
deux  méthodes,  on  pourra  peut-être  déterminer  Tinlluence  que 
la  nature  du  contact  peut  avoir  sur  la  précision  de  la  localisa- 
tion. Enfin,  en  comparant  cette  deuxième  méthode  avec  la  mé- 
thode de  localisation  de  AVeber  dans  laquelle  le  sujet  se  guide 
surtout  par  la  sensation  tactile,  on  pourra  avoir  quelques  don- 
nées sur  l'influence  que  la  représentation  visuelle  peut  avoir 
dans  la  localisation. 

3"  La  troisième  méthode  de  localisation  que  nous  avons  étu- 
diée peut  être  appelée  en  général  une  localisation  par  des  mou- 
vements. Nous  avons  indiqué  plus  haut  pourquoi  nous  y  avons 
été  amenés  :  on  doit  déterminer  jusqu'à  quel  point  les  mouve- 
ments de  localisations  seuls  peuvent  permettre  une  localisation 
d'un  contact  tactile.  Nous  avons  étudié  cette  question  pour  deux 
genres  de  mouvements  :  a.  Pour  les  mouvements  de  localisa- 
tion du  bras  :  un  point  du  bras  gauche  est  touché,  le  sujet  qui 
a  les  yeux  fermés  doit  avec  son  index  droit  indiquer  ce  point, 
mais  sans  toucher  la  main  gauche  ;  il  doit  déplacer  son  bras 
droit  de  façon  que  son  index  lui  semble  être  à  2  centimètres 
au-dessus  du  point  touché,  h.  Pour  les  mouvements  des  yeux  et 
de  la  tête  :  le  sujet  a  son  bras  gauche  plié  au  coude  de  façon 
que  son  avant-bras  et  sa  main  soient  parallèles  à  sa  poitrine  ; 
au-dessus  de  ce  bras  gauche  se  trouve  un  carton  blanc  avec  des 
divisions  en  carrés;  on  dit  au  sujet  :  «  Fixez  le  milieu  de  la 
2''  phalange  du  médius  »,  il  doit  chercher  à  fixer  ce  point  avec 
ses  yeux  et  doit  indiquer  quel  point  du  carton  correspond  au 
point  fixé  ;  un  artifice  spécial  que  nous  décrirons  plus  loin 
permet  de  savoir  h  quel  point  du  carton  correspond  en  réalité 
le  point  cherché  ;  on  pourra  donc  facilement  savoir  la  précision 
avec  laquelle  cette  localisation  avec  les  yeux  est  faite. 

Tellessont  les  différentes  méthodes  que  nous  avons  employées  ; 
passons  maintenant  à  l'exposition  des  résultats  les  plus  impor- 
tants obtenus  pour  ces  différents  genres  de  localisation. 


METHODE    DE   LOCALISATION    VISUELLE 

Les  expériences  dont  nous  rapportons  ici  les  résultats  ont 
été  faites  à  Paris  au  laboratoire  de  la  Sorbonne  depuis  oc- 
tobre 1892  jusqu'en  avril  1894,  et  ensuite  au  laboratoire  de 


172  TRAA'AUX   DU    LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 

Leipzig  depuis  mai  4894  jusqu'en  décembre  i89o;  à  Paris  les 
expériences  ont  été  faites  sur  deux  sujets  et  sur  moi-même,  à 
Leipzig  elles  ont  été  faites  sur  onze  personnes  :  MM.  Ari'er, 
Brahn,  Grolenfeld,  fleller,  Judd,  Kiesow,  KiUpe,  Mnuiiann^ 
Moldovani,  liddler  et  Rodo&laioow  ;  ]e  me  permets  ici  de  les 
remercier. 

Nous  ne  donnerons  pas  dans  la  suite  toutes  les  tables  et  tous 
les  chiffres  obtenus  ;  nous  nous  contenterons  de  quelques 
chiffres  seulement. 

La  méthode  de  localisation  que  nous  appeloris  visuelle  con- 
siste à  indiquer  le  point  oii  le  contact  semble  être  produit,  soit 
sur  la  peau  même  lorsque  le  contact  a  cessé,  soit  sur  une  pho- 
tographie de  la  peau  ou  sur  un  modèle  en  gypse  ;  dans  ce  der- 
nier cas  la  localisation  peut  être  faite  pendant  que  le  contact 
dure  ;  nous  parlerons  d'abord  de  cette  deuxième  modification 
où  on  localise  sur  une  photographie  ou  sur  un  modèle. 

Nous  avons  fait  des  expériences  presque  exclusivement  sur 
l'avant-bras  et  la  main.  Voici  comment  l'expérience  est  faite  : 
le  sujet  a  sa  main  et  son  avanl-bras  posés  sur  la  table,  ils 
sont  cachés  au  sujet  par  un  écran,  devant  lui  le  sujet  a  une 
photographie  de  sa  main  ou  un  modèle  en  gypse  ;  l'expérimen- 
tateur touche  un  point  de  la  main  du  sujet,  et  celui-ci  doit 
montrer  avec  une  pointe  sur  le  modèle  le  point  où  il  croît  être 
touché  ;  l'expérimentateur  marque  sur  un  modèle  spécial  le 
point  touché  et  le  point  indiqué  par  le  sujet  ;  ceci  fait,  il  inter- 
roge le  sujet,  lui  demande  comment  la  localisation  a  été  faite; 
nous  avons  pris  des  observations  internes  des  sujets  après 
chaque  expérience  ;  il  fallait  certainement  prendre  beaucoup 
de  précautions  en  interrogeant  les  sujets  ;  on  doit  en  effet  être 
toujours  très  prudent  pour  ne  pas  les  influencer.  On  pose  pour 
cela  des  questions  très  générales  :  »  Décrivez  comment  vous 
avez  fait  la  localisation  ;  »  et  on  note  tout  ce  que  le  sujet  dit; 
souvent  lorsque  la  personne  n'est  pas  habituée  à  s'observer, 
elle  ne  répond  que  très  vaguement  dans  les  premières  expé- 
riences, il  faut  bien  se  garder  de  la  pousser,  de  lui  poser  des 
questions  précises  :  si  elle  a  eu  une  image  visuelle,  si  elle  a 
employé  quehfue  point  de  repère,  etc.,  etc.;  il  faut  attendre  et 
seulement  prier  la  personne  de  chercher  à  s'observer  aussi 
complètement  que  possible  ;  après  un  certain  nombre  d'expé- 
riences, les  observations  deviennent  plus  longues  et  plus  nettes, 
alors  on  peut  quelquefois  poser  à  la  personne  des  questions 
plus  précises;  si  elle  dit,  par  exemple:  «J'avais  une  image  visuelle 


V.    UENRI.    —   LA    LOCALISATION   DES    SENSATIONS    TACTILES        173 

de  la  partie  touchée  »,  on  demande  comment  était  cette  image 
visuelle,  était-elle  nette  ou  non,  embrassait-elle  une  grande 
partie  delà  peau,  etc.,  etc.?  Si  le  sujet  dit,  par  exemple  : 
«  Je  me  suis  servi  pour  orienter  et  déterminer  le  point  touché 
de  tel  point  de  repère  "  ;  on  demande  en  quoi  ce  point  de 
repère  peut  aider  à  orienter  et  déterminer  le  point  touché. 
En  somme,  il  ne  faut  jamais  poser  de  questions  nouvelles, 
il  faut  s'attacher  à  ce  que  le  sujet  dit  et  le  prier  seulement 
de  préciser  mieux  telle  expression  spéciale  qu'il  emploie. 
Il  existe  évidemment  un  certain  nombre  de  personnes  habi- 
tuées à  s'observer  et  avec  lesquelles  on  n'a  pas  besoin  d'em- 
ployer autant  de  précautions. 

Chaque  expérience  avec  l'observation  interne  dure  ainsi 
de  trois«à  cinq  minutes;  après  cinq  expériences,  une  pause  de 
cinq  minutes  est  faite  pendant  laquelle  on  cause  de  sujets  tout 
à  fait  difTérents  des  expériences  ;  de  cette  façon  on  évite  une 
fatigue  qui  pourrait  modifier  les  résultats. 

Ce  sont  les  observations  internes  qui  ont  apporté  les  résul- 
tats les  plus  intéressants  ;  ceux-ci,  joints  aux  résultats  numé- 
riques des  erreurs  de  localisation,  permettent  de  se  faire  une 
idée  approximative  de  l'acte  délocalisation.  Nous  appuyons  sur 
cette  importance  de  l'observation  interne  prise  après  chaque 
expérience,  parce  qu'en  général  elle  est  négligée;  beaucoup 
de  psychologues  la  considèrent  comme  inutile  et  même  nuisible, 
ils  se  contentent  de  résultats  numériques  qui  sont,  d'après 
eux,  «  précis  »,  tandis  que  les  observations  internes  sont 
vagues,  ne  peuvent  pas  être  mesurées  et  ne  peuvent  pas  être 
mises  en  tables.  Dans  notre  cas  présent  si  nous  n'avions  que  les 
résultats  numériques  nous  pourrions  en  tirer  que  la  localisa- 
tion est  plus  précise  en  certains  points  de  la  peau  que  dans 
d'autres,  que  souvent  l'erreur  de  localisation  a  une  direction 
constante,  et  c'est  tout;  tels  sont  les  résultats  signalés  par 
KoUen  Kampf  et  Ullrich  et  par  Lewy  qui  ont  fait  des  expé- 
riences par  la  méthode  de  localisation  de  Weber  sans  prendre 
les  observations  internes  des  sujets  ;  mais  en  général  on  ne  se 
contente  pas  d'énoncer  ces  résultats  des  chiffres,  on  veut  les 
interpréter  et  les  expliquer;  pour  cela  on  construit  une  théorie 
basée  souvent  sur  l'observation  interne  de  l'auteur  de  cette 
théorie  ;  s'il  a  par  exemple  des  images  visuelles  nettes  de  la 
partie  de  la  peau  touchée,  il  affirmera  que  chacun  doit  avoir  une 
image  visuelle  de  la  partie  touchée,  et  il  construira  une  hypo- 
thèse qui  fera  ressortir  l'importance  de  l'image  visuelle. 


174  TRAVAUX    DU   LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 

L'observation  interne  prise  après  chaque  expérience  permet 
d'obtenir  une  explication  des  résultats  numériques  appuyée 
sur  des  faits  ;  on  pourrait  même  dire,  croyons-nous,  qu'il  vau- 
drait mieux  laisser  de  côté  les  résultats  numériques  et  tenir 
compte  seulement  des  observations  internes  que  de  faire  le 
contraire,  c'est-à-dire  ne  s'occuper  que  des  résultats  numé- 
riques ;  on  apprendrait  dans  le  premier  cas  bien  plus  sur 
l'acte  de  localisation  que  dans  le  second  :  les  détails  sont  don- 
nés par  les  chiffres,  les  choses  essentielles  par  les  observations 
internes  ! 

Nous  avons  pris  quelques  précautions  dans  l'ordre  des 
expériences  :  d'abord  le  sujet  ne  savait  rien  sur  les  résul- 
tats, il  ne  savait  pas  quelles  erreurs  il  faisait  ;  le  même 
point  n'était  jamais  touché  deux  fois  pendant  une  séance  ;  les 
points  touchés  dans  deux  expériences  successives  étaient 
choisis  dans  des  parties  éloignées  de  la  peau,  pour  qu'on  ne  se 
servît  pas  du  contact  précédent  dans  la  localisation.  Les  con- 
tacts étaient  produits  avec  une  pointe  en  bois,  de  façon  à  ne  pas 
provoquer  de  pi(]ûre  douloureuse,  l'intensité  du  contact  était 
moyenne  de  façon  que  le  sujet  put  sentir  le  contact  tout  le 
temps  que  la  localisation  durait;  nous  avons  fait  aussi  avec 
trois  sujets  des  expériences  où  le  contact  était  aussi  faible  que 
possible,  de  façon  que  le  sujet  le  sentît  à  peine  pendant  un 
temps  très  court.  Passons  maintenant  aux  résultats  obtenus 
dans  ces  séries. 

Tout  d'abord  nous  devons  décrire  comment  les  différents 
sujets  font  la  localisation  sur  le  modèle  ;  on  peut  dire  ({ue 
chacun  a  une  méthode  à  soi,  mais  on  peut,  d'après  les  traits 
généraux,  diviser  les  sujets  en  deux  grands  groupes  : 
1"  Ceux  qui  ont  des  images  visuelles  nettes  et  détaillées  ; 
2"  Ceux  qui  n'ont  que  des  images  visuelles  très  vagues  ou 
n'en  ont  presque  pas. 

Les  premiers  localisent  le  contact  d'abord  sur  une  image 
visuelle  de  leur  main,  et  puis  transportent  cette  localisation 
sur  le  modèle;  ils  ferment  les  yeux  et  attendent  le  contact; 
lorsque  celui-ci  est  produit  ils  ont  de  suite  une  image  visuelle 
nette  de  la  partie  de  la  peau  où  le  contact  se  trouve  ;  cette 
partie  de  la  peau  qu'ils  se  représentent  est  de  grandeur  diffé- 
rente suivant  l'endroit  :  si  c'est  un  doigt  qui  est  touché,  le 
milieu  de  la  première  phalange  du  médius  par  exemple,  ils  se 
représentent  nettement  toute  la  première  phalange  du  médius, 
la  deuxième  phalange  est  aussi  représentée,  mais  moins  nette- 


V.    HENRI.    —   LA   LOCALISATION   DES   SENSATIONS    TACTILES        1  iO 

ment  ;  quant  aux  autres  doigts  chez  quelques  sujets  ils   sont 
représentés  très  vaguement;  chez  d'autres,  ils  ne  le  sont  pas  du 
tout  ;  cette  représentation  visuelle  de  la  partie  où  le  contact  a 
lieu  est  chez  les  uns  très  complète  :  ils  «  voient  »  la  peau  avec 
la  couleur,  avec  les  plis,  avec  tous  les  détails;  ils  «  voient  » 
la  pointe  en  bois  qui  est  posée  sur  un  point  de  la  peau  ;  ils 
«  voient  »  même  l'ombre  projetée  par  cette  pointe  de  bois  sur 
la  peau;  d'autres  ont  des   images  visuelles  moins   détaillées, 
ils  se  représentent  les  contours  et  les  plis,   mais  ne  se  repré- 
sentent ni  la  couleur  de  la  peau,   ni  les   détails,   ni   enfin  la 
pointe  en  bois  avec  laquelle  on  les  touche  ;  c'est  en  somme  une 
image  visuelle  schématique,  une  image  visuelle  géométrique, 
comme  l'appelle  notre  maître  M.  Binet;  en  somme,  cette  image 
visuelle  de  la  partie  de  la  peau  oii  le  contact  se  trouve  passe 
par  tous  les  stades  d'une  image  aussi  complète  que  la  perception 
a  une  image  tout  à  fait  schématique  qui  ne  contient  que  les 
points  et  les  lignes  proéminantes.  La  grandeur  de  la  partie  de 
la  peau  représentée  varie    suivant    les    endroits  ;     ainsi    elle 
n'embrasse  qu'une  phalange  sur  les  doigts  ;  sur  le  milieu  de  la 
main  elle  embrasse  au  moins  la  moitié  de  la  main  ;  sur  l'avant- 
bras  elle   embrasse  d'abord  toute  la  largeur  de  l'avant-bras  et 
puis  une  zone  de  5  à  10  centimètres  de  longueur;  en  somme, 
plus  le  sens  du  lieu  de  la  partie  de  la  peau  touchée  est  déve- 
loppé, moins  sera  grande  la  partie  de  la  j)cau  représentée. 

Le  sujet  aj^ant  cette  représentation  de  la  partie  de  la  peau 
cherche  à  localiser  dans  cette  partie  le  point  touché  ;  pour  le 
faire  la  plupart  des  sujets  apprécient  la  distance  du  point  touché 
à  certains  points  saillants  de  la  peau,  à  des  plis,  aux  bords,  etc.  ; 
ils  choisissent  des  points  de  repère  auxquels  ils  rapportent  le 
point  touché.  Cette  localisation  du  point  dans  l'image  visuelle 
étant  terminée,  le  sujet  ouvre  les  yeux  et  regarde  le  modèle,  sur 
lequel  il  indique  le  point  qu'il  s'était  représenté  ;  quelquefois, 
en  voyant  le  modèle  le  sujet  est  obligé  de  faire  une  correction  : 
il  s'était,  par  exemple,  représenté  sa  main  plus  petite 
qu'elle  ne  l'est  en  réalité,  il  s'était  représenté  que  telle  saillie 
d'os  se  trouvait  à  un  autre  endroit  qu'elle  ne  l'est  en  réalité  ;  en 
somme,  le  sujet  fait  une  correction  lorsque  la  représentation 
visuelle  ne  correspondait  pas  à  la  réalité  ;  mais  un  autre  motif 
encore  a  poussé  quelques  sujets  à  faire  des  corrections  :  c'est 
la  qualité  du  contact  ;  la  représentation  visuelle  contient  sur- 
tout les  contours,  les  plis  et  les  saillies  d'os,  elle  n'indique  pas 
clairement  quelle  qualité  le  contact  doit  avoir  en  tel  point  spé- 


176  TRAVAUX    nu   LABORATOIHK   DE    PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 

cial  de  la  peau,   elle  n'est  pas  assez  détaillée  pour  cela;   en 
voyant  le  modèle  le  sujet  remarque  quelquefois  que  le  point  où 
il  s'était  représenté  le  contact  est  sur  une  partie  où  il  y  a  peu 
de  muscles,  où  sous  la  peau  se  trouve  un  os  ;  son  image  visuelle 
ne  le  lui  avait  pas  indiqué;  par  conséquent  le  contact  du  point 
où  il  crovait  que  le  contact  doit  avoir  lieu  aurait  une  qualité 
spéciale  correspondant  à  une  partie  dure  de  la  peau,  et  si  le 
contact  senti  n'a  pas  cette  qualité,  le  sujet  sera  par  cette  qua- 
lité conduit  à  modifier  son  indication  primitive.  On  devrait  donc 
conclure  de  ce  qui  précède  que  la  localisation  sur  un  modèle  a 
des  avantages  par  rapport  à  la  localisation  sur  une  représenta- 
tion visuelle  seulement;  il  faudrait  donc  s'attendre  à  ce  que 
les  sujets  en  profiteraient  et  localiseraient  sur  le  modèle  aussi- 
tôt que  le  contact  est  produit  ;  pourtant  certains  sujets  disent 
(ju'il  leur  est  plus  facile  de  localiser  d'abord  les  yeux  fermés 
sur   une  représentation  visuelle  et  puis  de    transporter   cette 
localisation   sur   le   modèle,    quoique    quelquefois    ce  dernier 
transport  exige  des  corrections;  ils  disent  qu'ils  ne  peuvent 
pas  aussi  bien  se  concentrer,  s'ils  regardent  tout  le  temps  le 
modèle,  que  ce  modèle  les  gêne  et  les  empêche  de  bien  former 
une  représentation  visuelle,  que  sur  ce  modèle  toutes  les  par- 
lies  sont  également  nettes,  tandis  que  sur  une  image  visuelle 
on  augmente  la  netteté  de  certains  points  de  la  peau  et  on  néglige 
les  détails,  comme  on  le  fait  par  exemple  lorsqu'on  copie  une 
ima-^e  microscopique  en  indiquant  les  traits  principaux  et  en 
né"-ligeant  les  poussières  et  déchirures  de  la  préparation. 

Les  sujets  qui  n'ont  pas  d'images  visuelles  nettes  ou  qui  n'en 
ont  presque  pas  localisent  de  suite  sur  le  modèle,  ils  disent  que 
sans  modèle  ils  ne  pourraient  que  décrire  avec  les  mots  l'endroit 
touché,  ils  le  feraient  de  façon  à  pouvoir  le  toucher,  mais  ils 
n'ont  pas  d'image  visuelle  ;   en   localisant   sur  le  modèle,   ils 
cherchent  aussi  à  rapporter  le  point  touché  à  des  points  de 
repère,  ils  apprécient  la  dislance  de  ce  point  à  des  plis,  à  des 
saillies  d'os,  à  des  tendons,  aux  bords,  etc.  ;  lorsqu'on  pose 
tranquillement  sa  main  sur  la  table  et  qu'on  porte  son  atten- 
tion  sur  la   main  et   sur  la  sensation   qu'on   y   éprouve,   on 
remarque  qu'on  perçoit  un  peu  la  position  des  plis,  des  bords 
et  des  articulations  ;  lorsqu'un  point  de  la  peau  est  touché,  le 
sujet  sait  de  suite  dans  quelle  partie  de  la  peau  ce  point  se 
trouve  :  s'il  est  sur  le  doigt,  ou  sur  la  main,  ou  sur  l'avant- 
bras,  etc.  ;  pour  préciser  le  point  touché  il  tient  compte  de  ces 
sensations  qu'il  a  des  plis  et  des  points  remarquables  de  la 


V.    HENRI.    —   LA   LOCALISATION   DES   SENSATIONS   TACTILES         1"" 

peau,  il  apprécie  la  distance  du  point  louché  à  ces  points  ae 
repère;  mais  de  plus  ces  sujets  portent  beaucoup  leur  attention 
sur  la  qualité  du  contact,  ils  se  demandent  si  le  contact  est  sur 
une  partie  molle,  sur  une  partie  dure,  sur  une  partie  mobile, 
sur  le  milieu  d'un  membre  ou  sur  le  côté,  sur  un  pli,  sur  une 
partie  où  la  peau  est  fine  ou  épaisse,  etc.,  etc.;  tous  ces  carac- 
tères sont  appréciés  et  le  sujet  cherche  sur  le  modèle  un  point 
qui  corresponde  d'une  part  à  cette  qualité  spéciale  du  contact  et 
de  l'autre  aux  distances  appréciées  des  différents  points.de 
repère. 

Deux  des  sujets  ont  ajouté  à  ces  moyens  de  localisation 
encore  un  troisième  :  ayant  déterminé  sur  le  modèle  le  point 
où  ils  croient  que  le  contact  a  lieu,  ils  font  une  vérification  ; 
soit  A  le  point  que  le  sujet  a  indiqué  sur  le  modèle,  il  louche 
ensuite  sur  le  modèle  un  point  voisin  B  et  se 
demande  quelle  devrait  être  la  qualité  du  contact 
de  ce  point  B;  celle  représentation  de  la  qualité 
du  contact  de  B  est  comparée  au  contact  perçu  ; 
si  elle  ne  correspond  pas,  le  sujet  en  conclut  que  ^.^  o- 

ce  ne  peut  pas  être  le  point  B  ;  de  même  il  pro- 
cède à  l'exclusion  d'autres  points  C,  D  ..,  et,  ceci  fait,  il  loca- 
lise définitivement  le  contact. 

En  examinant  les  erreurs  de  localisation  commises,  il  faut 
distinguer  pour  chaque  erreur  sa  grandeur  et  sa  direction  ;  il 
s'est  dégagé  chez  tous  les  sujets  un  résultat  que  nous  avons 
déjà  publié  en  1893  ',  c'est  que  da)is  la  grande  majorité  des 
cas  les  erreurs  de  localisation  pour  un  contact  ponctuel  ont 
une  direction  presque  constante  ;  si  on  examine  pour  chaque 
expérience  l'erreur  commise  et  l'observation  donnée  par  le 
sujet,  on  remarque  que  presque  toujours  Verreur  de  localisa- 
tion est  commise  dans  la  direction  des  points  de  repère  que  le 
sujet  a  employés  pour  localiser  le  contact  ;  si,  par  exemple, 
pour  localiser  un  contact  il  a  apprécié  la  distance  du  point 
touché  à  un  certain  pli,  il  localise  le  point  plus  près  du  pli 
qu'il  ne  l'est  en  réalité  ;  il  y  a  pourtant  une  exception  où  le  sujet 
localise  le  point  plus  loin  du  pli  qu'il  ne  l'est  ;  ceci  arrive 
lorsque  le  sujet  trouve  la  distance  du  point  au  pli  grande, 
lorsqu'il  se  dit  «  le  point  est  loin  du  pli  »,  dans  ces  cas  la 
distance  est  souvent  exagérée. 


(1)  V.  Henri.  Recherclies  sur  la  localisation  des  sensations  tactiles.  {Arch. 
de  Physiul.,  octobre  1893.) 

.\NNÉE    PSYCHOLOGIOUE.    II.  12 


178    TRAVAUX  DU  LABORATOIRE  DE  PSYCnOLOGIE  DE  PARIS 

Si  on  compare  les  grandeurs  des  erreurs  de  localisation  pour 
différents  points,  on  remarque  qu'elles  varient  suivant  les 
parties  de  la  peau  ;  l'erreur  de  localisation  est  plus  faible  sur 
les  doigts  que  sur  la  main,  plus  faible  sur  celle-ci  que  sur 
l'avant-bras;  elle  est  plus  faible  sur  les  plis  marqués  et  sur  les 
endroits  marqués  de  la  peau  oîi  le  contact  a  une  qualité  tout  à 
fait  caractéristique  ;  j'J^ifs  il  y  a  de  points  de  repère  dans  le 
voisinage  du  point  touché  et  plus  la  qualité  du  contact  est 
caractéristique,  moins  Verreur  de  localisation  sera  grande. 
Nous  disons  que  la  qualité  du  contact  d'une  partie  de  la  peau 
est  caractéristique  lorsqu'elle  ditTère  de  la  qualité  du  contact 
d'autres  parties. 

Nous  donnons  dans  la  suite  pour  illustrer  ces  résultats  quel- 
ques tables;  dans  ces  tables  la  direction  de  l'erreur  de  locali- 
sation est  indiquée  par  une  flèche  ;  pour 
Doigts  chaque  point  nous  avons  donné  les  résul- 

tats de  plusieurs  expériences  sur  ce  point; 
•rx  ces  expériences  pour  un  même  point  cor- 

respondent à  des  jours   différents  ;  pour 
bien  expliquer  comment  on  doit  lire  les 
Avant  -tras  tables  donnons  un  exemple  ;  nous  voyons 

Fig.  30.  dans  la  table  correspondant  à  M.  Grotenfeld 

qu'en  touchant  un  point  de  la  deuxième 
phalange  de  l'index  face  dorsale,  à  un  centimètre  du  pli  de 
la  l'*^  phalange,  le  sujet  a  la  première  fois  indiqué  sur  le  modèle 
un  point  qui  se  trouve  à  1:2  millimètres  du  point  touché  dans 
la  direction  de  la  première  phalange  du  doigt(î)  ;  l'observation 
interne  nous  montre  que  le  sujel  avait  douté  de  quel  côté  du 
pli  le  point  était,  c'est-à-dire  s'il  était  sur  la  1"-'  ou  la  2*^  pha- 
lange ;  la  deuxième  fois,  un  autre  jour,  le  sujet  commet  une 
erreur  de  localisation  de  7  millimètres  en  bas  et  à  droite  ;  il  a 
apprécié  la  dislance  du  point  touché  au  pli  et  au  bord  droit  de 
l'index,  etc. 


/^ 


.-^  "^ 


G  auche 


É 


V.    UENRI.    —   LA    LOCALISATION   DES   SENSATIONS   TACTILES        171) 


GROTENFELD.  —  Localisation  d'un  contact  ponctuel 
sur  un  modèle  ;  bras  droit,  face  dorsale. 


POINTS  TOUCHÉS 


"  Index,  2"  pha- 
lange 1  cm.  du 
pli  de  la  1"  pha- 
lange. 


2"  Médius  sur  le  pli 
entre  la  1'°  et  la 
2'=  phalange,  côté 
gauche  du  doigt. 


3"  Sur  le  tendon  de 
l'inde.v  à  2  1/2  cm. 
du  métacarpien 
de  rinde.\. 


4°  Sur  le  tendon  du 
médius,  ;ï31/2cm. 
du  métacarpien 
du  médius. 


Milieu  de  la  main 
entre  les  tendons 
du  médius  et  de 
l'index  à  4  cm.  du 
métacarpien  du 
médius.  A  8  milli- 


12" 


12" 

2 
6 

7 


13"'"' 


6 
U 

12 

10 


18" 


22 

14 

8 


OBSERVATIONS   INTERNES 


Doute  de  quel  côté  du  pli  le  point  est. 

Apprécie  la  distance  au  pli  et  au  bord 
droit  de  l'index. 

Apprécie  la  distance  au  pli. 


Ne  sait  pas  d'abord  si  c'est  l'index  ou 
le  médius,  puis  sent  sur  le  médius; 
localise  sur  la  1'"  phalange. 

Ue  suite  indique  le  point,  qualité  spé- 
ciale. 

Apprécie  la  distance  au  bord  gauche  du 
doigt. 

Doute  de  quel  côté  du  pli. 


La  qualité  montre  que  le  point  est  à 
gauche  du  tendon  du  médius,  ap|)ré- 
cie  la  distance  au  métacarpien  du 
médius. 

A  gauche  du  tendon  de  l'index. 

D'après  la  qualité  semble  sur  le  tendon 
de  l'index,  apprécie  la  distance  au 
métacarpien  de  l'index. 

kl.  i</. 

Entre  les  métacarpiens  de  l'index  et 
du  médius,  apprécie  la  distance  aux 
deux. 


Entre  les  métacarpiens  du  médius  et 
de  l'annulaire,  apprécie  la  dislance, 
relativement  à  ces  repères. 

La  qualité  montre  que  c'est  le  tendon, 
apprécie  la  distance  aux  métacar- 
piens. 


«Jualité  d'une  partie  dure,  montre  une 
saillie  d'os  (os  capitatum). 

A  droite  du  tendon  de  l'index,  distance 
à  l'articulation  du  poignet. 

A  droite  du  tendon  de  l'index  et  en  haut 
de  la  saillie  d'os  (os  capitatum). 


180 


TRAVAUX    DU   LABORATOIRE    DE   PSYCHOLOGIE   DE   TARIS 


Π

c 

POINTS  TOUCIUÎS 

ti;    = 

5 

OBSERVATIONS  INTERNES 

mètres   du    point 

12""° 

V 

Apprécie  la  distance  aux  métacarpiens 

précédent  à  gau- 

de l'index  el  du  médius. 

che  et  en  bas. 

G 

/ 

Entre  les  tendons,  apprécie  la  distance 
aux  métacarpiens- 

10 

ï 

Apprécie  la  distance  aux  métacarpiens. 

entre  les  tendons. 

6°  Sur  la  saillie  d'os 

30""° 

% 

Se  demande   de   quel  côté  du    pli    de 

à  "20  mm.  en  bas 

l'avant-bras,    à    égale    dislance   des 

du    point    précé- 

bords. 

dent  ;  là  oii  il  avait 

2G 

l 

Apprécie  la  distance  au  pli  de  l'avant- 

localisé     la    pre- 

bras. 

mière  fois  le  point 
précédent  ;  à  31/-2 

23 

t 

hl.               hl. 

cm.  de  l'articula- 

7 

^ 

A  gauche  du  tendon  de  l'index,  partie 

tion  du   poignet. 

dure. 

12 

<-« 

Partie  dure,  plus  près  du  bord  gauche 
que  du  bord  droit  de  la  main. 

4 

^Ji^ 

Partie  dure,  tendon  de  l'index,  distance 

f 

aux  bords. 

1 
7°  Avant-bras,  à  4  1/2 

.1  t:)inrn 

Apprécie  la  distance  aux  bords,  parait 

cm.    du   poignet; 

plus  près  du  bord  gauche  ;  parait  être 

à   égale    distance 

sur  un  muscle  (qui  ressort  sur  le  mo- 

des bords. 

dèle  en  bas  et  à  gauche  de  ce  point). 

12 

t 

Distance  aux  bords  el  à  ce  muscle. 

33 

f 

Distance  au  bord  gauche  et  au  muscle. 

3i 

* 

hl.                iil. 

8"  Milieu  de  Tavant- 

r^2'"m 

î 

Apprécie  la  distance  au  coude  et   aux 

bras  à  égale  dis- 

bords. 

lance   du  poignet 

13 

\ 

Apprécie  la  distance  au  poignet  el  aux 

et  du  coude,  cette 

tjords. 

distance    égale    à 
Jl  cm. 

8 

/ 

Apprécie  la  distance  aux  bords,  parait 

également   distant   du   coude   et   du 

poignet. 

48 

t 

La  qualité  montre  que  c'est  une  partie 
molle,  apprécie  la  dislance  au  coude 
et  aux  bords. 

8 

r 

Milieu  de   l'avant-bras,  égale  distance 
du  j)oigncl  et  du  coude. 

22 

î 

Plus  près  du  coude  que  de  la  main  ;  la 
(|ualité  montre  que  c'est  la  partie  la 
plus  haute  de  l'avant-bras,  le  point 
est  à  égale  dislance  des  bords. 

V.    HENRI.    —   LA   LOCALrSATIOX   DES   SENSATIONS    TACTILES         181 

JUDD.  —  Localisation  d'un  contact  sur  un  modèle  ; 
bras  gauche,  face  dorsale. 


POINTS  TOUCHÉS 


r  Tendon  de  l'an- 
nulaire à  2  1/2  cm. 
du  métacarpien. 


2°  Tendon  de  l'index 
à  2  cm.  du  méta- 
carp.   de   l'index. 


3"  A  I  1/2  cm.  à 
Rauche  du  pli  en- 
tre le  pouce  et  la 
main,  surla  partie 
moite  du  muscle. 


'  Milieu  de  la  main 
sur  le  tendon  du 
médius,  à4  1/2cm. 
du  métacarpien 
du  médius. 


'  Avant -bras,  à 
4  1/2  cm.  du  poi- 
gnet, à  égale  dis- 
tance des  bords. 


6"  Milieu  de  Tavant- 
bras  ;  à  13  cm.  du 
poignet. 


4  I  intr 

17 
14 

15 


12" 

12 

13 


W 
17 
14 
14 


11 


OBSERVATIO.NS  INTERNES 


Apprécie  la  distance  à  l'avant-bras, 
aux  métacarpiens  et  au  bord  gauche 
de  la  main. 

Apprécie  la  distance  au  métacarpien 
de  l'annulaire. 

Sur  le  tendon,  apprécie  la  distance  au 
métacarpien. 


Près  du  mètac.  de  l'index  sur  le  tendon. 
id.  id. 

id.  id. 


^  Partie  molle,  mais  pas  la  plus  molle 
qu'on  trouve  dans  celte  partie;  c'est 
au  bord  du  muscle,  du  c<"tté  du  tendon 
de  l'index  ;  la  partie  est  trop  molle 
pour  que  ce  soit  le  tendon  de  l'index, 
c'est  donc  à  droite  du  tendon  de  l'in- 
dex ;  apprécie  de  plus  la  dislance  au 
métacarpien  de  l'index. 


s/ 


■Tmin 

d 

;j 

\ 

15 

l 

15 

l 

i 

\ 

10""" 

t 

27 

l 

7 

/ 

Milieu  de  la  main,  partie  dure. 

A  droite  du  tendon  du  médius,  la  qualité 
montre  que  c'est  une  saillie  d'un  os. 

Près  du  tendon,  partie  dure,  milieu  de 
la  main. 

/-/.  id. 


.Apprecieladist.au  poignetetaux  bords. 
id.  id. 

id.  id. 

id.  id. 

id.  id. 


Milieu  entre  le  poignet  et  le  coude. 
Apprécie  la  dist.  du  coude  et  des  bords. 
/  ÎApprécie  la  distance  du  coude  ;  le  mo- 
\  dèle  étant  parallèle  au  bras  pense  <|uel 
^  mouvement  il  devrait  exécuter  avec  la 
l  main  droite  pour  louclier  avec  son 
/  )  index  droit  le  point  touché,  la  direc- 
tion de  ce  mouvement  rapporté  au 
modèle   donne  la  position  du  point. 


182 


TRAVAUX    DU   LABORATOHiE   DE    PSYCnOLOGIE   DE   PARIS 


RÂDLER.  —  Localisation  d'un  contact  sur  un  modèle; 
main  droite,  face  dorsale. 


POINTS  TOUCHÉS 


10  Index,  pli  entre 
la  V  et  la  2-  pha- 
lange, milieu. 


2°  Index,  milieu  de 
la  1'"  phalange. 


3°  Médius.  1"=  pha 
lange  un  peu  au- 
dessous     du     pli 
avant  la   2«  pha- 
lange. 


a: 

3 


40" 

38 
18 


12"' 

22 
20 


4°  Surlamain,dans 
le  iirolongemenl 
de  l'index  à  4  cm. 
duroétacarpiende 
l'index. 


'  Côté  gauche  de 
laniain,à2  l/2cm. 
en.  bas  du  pli 
entre  le  pouce  et 
la  main. 


36" 

7 

6 
10 


25 

27 


OBSERVATIONS  INTERNES 


25 

20 
10 
33 


Sent  nettement  sur  le  métacarpien  de 
l'index. 

A  un  peu  appuyé  le  bout  de  l'index 
contre  la  table,  ceci  lui  permet  d'ap- 
précier la  distance  à  l'ongle. 

Sur  le  pli  du  milieu. 


Apprécie   la  distance    au    métacarpien 
et  aux  bords  du  doigt. 

Sent  sur  le  métacarpien  de  l'index. 
i(L  h/. 


Sent  sur  le  métacarpien  du  médius. 
Sur  le  pli  du  milieu  un  peu  à  gauche. 
l'/.  id. 


Se  représente  une  ligne  qui  va  du  pli 
du  pouce  avec  la  main  au  métacar- 
pien de  l'index,  puis  une  ligne  qui 
joint  le  point  louché  au  pli  et  une 
autre  qui  joint  le  point  au  métacar- 
pien de  l'index,  se  construit  ainsi  un 
triangle,  apprécie  les  longueurs  rela- 
tives des  côtés  de  ce  triangle. 

;  jl,e  point  se  trouve  sur  une  ligne  qui 
'     joint  le  métacarpe  de  l'index  à  l'ar- 

I  \  ticulalion  du  poignet,  apprécie  la 
distance   au  métacarpien  de  l'index. 


Partie  molle,  apprécie  la  distance  au 
pouce. 

Apprécie  la  dislance  au  métacarpien  de 
l'index,  la  qualité  est  caractéristique  : 
partie  molle,  la  pointe  s'enfonce  faci- 
lement dans  la  peau. 

Apprécie  la  distance  à  l'avant-bras  et 
au  bord  gauche  de  la  main. 

Apprécie  la  dislance  au  pli  du  pouce 
avant  la  main. 

Le  point  se  trouve  sur  une  ligne  qui 
va  du  pli  au  métacarpien  de  l'index, 
il  est  au  milieu  de  cette  ligne. 


V.    HENRI.    —   LA   LOCALISATION   DES   SENSATIONS   TACTILES       J  83 


POINTS  TOUCHES 


0"  Sur    l'avant-bras 
à  5   cm.   du    poi 
gnet,  à  égale  dis- 
lance des  bords. 


7"  Milieu  de  l'avant- 
bras  à  12  cm.  du 
poignet. 


a 

o 

s   ? 

M     s 

H 

ce 

Ul 

«   S 

a: 

w   ^^ 

o 

16""" 

^ 

10 

/ 

4 

7/ 

7 

22 

3Qmm 

i  ) 

40 

!  i 

OBSERVATIONS   INTERNES 


Apprécie  la  distance  au  poignet  et  aux 
bords. 

Se  représente  une  ligne  transverse  au 
bras  à  la  jointure  de  l'avant-bras  et  du 
poignet;  sur  le  milieu  de  cette  ligne 
élève  une  perpendiculaire,  le  point  se 
trouve  sur  cette  perpendiculaire  à  une 
certaine  distance  qui  est  appréciée. 


S'est  représenté  une  ligne  transverse 
au  bras  passant  par  l'articulation  du 
poignet,  sur  le  milieu  de  cette  ligne 
élève  une  perpendiculaire,  le  point 
est  sur  cette  perpendiculaire,  appré- 
cie la  distance  au  poignet. 


V.  II.  —  Localisation  d'un  contact  sur  une  photographie  ; 
main  gauche,  face  palmaire,  fig.  37. 


NUMÉRO 

des 

points  touchés. 

ce    ^ 

o 

H 
O 

£d 

EE 

ï 

V  / 
î 

i: 

\\ 

\ 

i 

OBSERVATIONS  INTERNES 

1 

1  .')mm 

13 
18 
12 

12 

8 

Apprécie  la  distance  du  point  au  bord  gauche 
de  l'avant-bras  et  au  pli  du  poignet  A. 

Près  du  milieu,  loin  de  A. 

2 

3 

12 

8 
8 
4 

Apprécie  la  distance  à  A  et  au  bord  droit  de 
l'avant-bras. 

Près  du  milieu,  loin  de  A. 

3 

17'"'" 

19 

22 

12 

17 

10 

Apprécie  la  distance  au  coté  gauche,  le  point 
parait  un  peu  au-dessous  de  A. 

Milieu,  pas  loin  de  A. 
Milieu,  très  loin  de  A. 

■18^ 


TRAVAUX    DU    LABORATOIRE   DE    PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 


NCMERO 
des 

points  lnuchi''S. 


lU"'" 

9 

9 

6 
14 
13 


8 
12 
13 
17 

G 


OBSERVATIO.SS  INTERNES 


i  'Moitié  droite,  paraît  èlre  sur  le  pli  B  ou  peut- 
2  i     être  un  peu  au-dessous. 

î    I 

.  'Le  point  paraît  être  entre  les  plis  A  et  B. 


13'" 

10 

11 

.0 
o 


Milieu,  entre  A  et  B. 

Milieu,  au-dessous  de  A  et  de  B. 

Un  peu  au-dessous  de  A. 

Apprécie  la  disl.  au  bord  gauche  et  au  pouce. 

Apprécie  la  dislance  au  bord  gauche,  le  point 
est  sur  B  ou  au-dessous. 


14" 
14 
12 
12 

tl 
0 


V 

j  .Parait  être  sur  le  milieu  du  pli  A. 

r.ùté  droit,  un  peu  au-dessus  du  pli  B. 


r 

G 
h 
2 
6 
3 


K  jMiiieu  du  bras  sur  A. 


\ 


\ 


jUn  peu 


au-dessus  de  A. 


.Au-dessous  de  A  ou  peut-être  sur  A. 


S""" 
(i 
3 
8 

,S 

il 


Sur  A  au  milieu. 


^  ^Sur  A  cùté  droit. 


^  (.Milieu  un  peu  au-dessus  de  A. 


•  [Sur  le  rùtè  droit  do  la  paume,  loin  du   pli  <;. 
\ 

vpprécie  la  distance  au  pli  C,  n'en  est  pas  loin, 
apprécie  la  distance  au  milieu  de  la  paume 

et  au  pli  C. 
Apprécie    la    distance    au    bord    droit    de   la 

paume  et  au  pli  A. 
Près  du  pli  C. 


V.    HEXRI.    —   LA   LOCALISATION   DES   SENSATIONS   TACTILES 


185 


NUMÉRO 

fies 

points  toucliôs. 

C2    r 

î 
î 
l 

î 

OBSERVATIONS  INTERNES 

10 

10'"'" 
9 

7 

9 

10 

5 

Parait  sur  le  pli  C,  près  du   croisement  des 
plis  rt,  apprécie  la  distance  au  pli  A. 

II  était  intéressant  de  comparer  les  résultats  de  la  localisa- 
tion sur  un  modèle  à  la  méthode  des  compas  de  Weber  par 
laquelle  on  détermine  la  plus  petite  distance  de  deux  points 
de  la  peau  qui,  touchés  simultanément,  donnent  lieu  à  la  sensa- 
tion de  deux  pointes  ;  cette  comparaison  était  d'autant  plus 


Fig.  37. 

intéressante  à  faire  que  beaucoup  d'auteurs  confondent  la 
perception  de  deux  points  sur  la  peau  avec  la  localisation  des 
sensations  tactiles  ;  ils  aflirment  même  qu'on  mesure  la 
faculté  de  localisation'  Localisationsfnliigkeil)  par  la  méthode 
du  compas  de  Weber. 

Pour  ce  qui  concerne  d'abord  la  grandeur  de  l'erreur  de  locali- 
sation, elle  est  pour  certains  endroits  de  la  peau  inférieure  à  la 
limite  de  la  distance  des  points,  pour  d'autres  elle  est  supé- 
rieure à  cette  limite.  De  plus,  lorsqu'un  point  A  est  localisé  par 
le  sujet  en  un  point  B  du  modêlf',  le  contact  du  point  de  la 


<1)  Wun.lt.  r/ii/aiol.  l>}<ychol.,  1.  11.  [i.  G. 


186  TRAVAUX    DU   LABORATOIRE    DE    PSYi^lIOLOGIE    DE    PARIS 

peau  correspondant  à  ce  point  B  ne  sera  en  général  pas  loca- 
lisé en  A,  comme  cela  est  supposé  a  priori  par  la  plupart 
des  auteurs.  Il  y  a  donc  beaucoup  de  divergences  entre  les 
résultats  de  la  localisation  d'un  contact  sur  un  modèle  et  les 
résultats  d'étude  du  «  sens  du  lieu  *  de  la  peau  par  la  méthode 
du  compas  de  Weber. 

Nous  devons  nous  arrêter  plus  longuement  sur  un  l'ait  inté- 
ressant qui   pourrait  peut-être  servir   d'appui   pour  l'une   ou 
l'autre  des  théories  de  la  localisation  des  sensations  tactiles 
qu'on  choisit;  en  1893,  nous  l'avions  signalé  comnie  une  excep- 
tion et  comme  une  anomalie,  depuis  nous  l'avons  observé  sur 
plusieurs  autres  personnes  et  toujours  sous  la  même  forme. 
Nous  voulons  parler  ici  de  l'erreur  de  doigts  :  on  touche  un 
point  de  l'un  des    doigts  du  sujet  qui  a  sa  main   immobile  ; 
lorsque  le-  sujet  veut  indiquer  sur  le   modèle  le    point  où    il 
croit  être  touché,  il  éprouve  quelquefois  un  doute  relativement 
au  doigt  touché    et  il  commet   même  dans  quelques  cas   des 
erreurs  de  doigt  sans  commettre  d'erreur  de  lieu  considérable  ; 
ainsi,  par  exemple,  lorsqu'on  touche  le  milieu  de  la  1"'  phalange 
du  médius,  le  sujet  sent  aussitôt  que  le  contact  a  lieu  sur  le 
milieu  (environ)  de  la  1''^  phalange,  mais  quelquefois  il  ne  sait 
pas  sur  quel  doigt  le  contact  est  produit,  il  ne  sait  pas  si  c'est 
sur  l'annulaire  ou  sur  le  médius  ou  sur  l'index;  pour  le  décider, 
différents  sujets  procèdent  dilïéremment,  il  y  a  pourtant  quel- 
ques traits  communs  à  tous;  ils  fixent  leur  attention  spéciale- 
ment sur  l'un  des  doigts,    sur  l'annulaire  par  exemple,  et  se 
demandent  si  le  contact  a  lieu  sur  ce  doigt;  la  plupart  ont  une 
tendance  à  faire  un  très   léger  mouvement  avec  le  doigt  sur 
lequel  leur  attention    est  lixée  ;  chez  les  uns  ce   mouvement 
consiste  à  appuyer  un  peu  plus  fortement  la  pointe  du  doigt 
contre  la  table,  chez  d'autres  à  soulever  à  peine  le  doigt;  enfin 
chez  un  sujet,  il  suffisait  de  penser  à  un  mouvement;  il  dit  : 
«  Je  me   représente  comment  je  soulèverai  l'annulaire,   et  je 
remarque  alors  si  en  le  soulevant  j'éprouverai  une  résistance  du 
côté  de  la  pointe,  ou  bien  je  remarque  que  le  doigt  est  libre, 
qu'il  n'y  aurait  pas  de  résistance,  ceci  me  suffit  pour  décider  si 
le  contact  a  lieu  sur  ce  doigt  ou  bien  s'il  est  sur  un  autre  doigt.  » 

Donnons  quelques  chiffres  qui  montrent  que  le  fait  n'est  pas 
rare  et  se  rencontre  chez  plusieurs  sujets  : 

M.  Grotenkeld  : 

Sur  17  contacts  de  Yannulaire,  il  y  a  eu  sept  fois  doute  rela- 


V.    HENRI.    —  LA   LOCALISATION   DES   SENSATIONS   TACTILES        187 

livement  au  doigt  touché  ;  six  fois  le  sujet  doute  entre  le  médius 
et  lannulaire;  une  fois  entre  l'index,  le  médius  et  l'annulaire. 

Sur  21  contacts  du  médius,  il  y  a  eu  six  fois  doute  ; 

Dans  4  cas,  doute  entre  le  médius  et  l'annulaire  ; 

Dans  1  —  —  le  médius  et  l'index  ; 

Dans  i  —  —  l'index,  le  médius  et  l'annulaire. 

M.  Radler  : 

Sur  8  contacts  de  l'annulaire,  il  y  a  eu  une  fois  doute  entre 
le  médius  et  l'annulaire,  et  une  fois,  il  y  a  eu  erreur  de  doigt, 
le  sujet  a  indiqué  un  point  du  médius. 

Sur  10  contacts  du  médius,  il  y  a  eu  deux  fois  doute  entre 
l'annulaire  et  le  médius. 

M.  L... 

Sur  38  contacts  de  Vïjidex,  il  v  a  eu  une  fois  doute  entre  le 
médius  et  l'index. 

Sur  '6')  contacts  du  médius,  il  y  a  eu  sept  fois  doute  entre  les 
doigts  et  une  fois  un  point  de  l'annulaire  est  indiqué. 

Sur  40  contacts  de  V annulaire,  il  y  a  eu  quatorze  fois  doute 
entre  le  médius  et  l'annulaire,  et  deux  fois  erreur  de  doigt  :  un 
point  du  médius  est  indiqué. 

M.   JUDD. 

Sur  i20  contacts  de  Vannulaire,  il  y  a  eu  deux  fois  doute  entre 
le  médius  et  l'annulaire. 

Sur  24  contacts  du  médius,  il  y  a  eu  quatre  fois  doute  entre 
le  médius  et  l'annulaire. 

V.  H... 

Sur  27  contacts  de  Vindex,  il  v  a  eu  deux  fois  doute  entre 
l'index  et  le  médius. 

Sur  23  contacts  du  médius,  il  y  a  eu  deux  fois  doute  entre 
l'index  et  le  médius,  et  une  fois  un  point  de  l'annulaire  est 
indiqué. 

Sur  21  contacts  de  l'annulaire,  il  y  a  eu  deux  fois  doute 
entre  le  médius  et  l'annulaire. 

M.  Meumann. 

Sur  10  contacts  du  médius,  il  y  a  eu  une  fois  doute  entre  le 
médius  et  l'annulaire. 

Sur  12  contacts  de  Vannulaire,  il  y  a  eu  deux  fois  doute  entre 
le  médius  et  l'annulaire. 

Enfin,  notons  que  chez  deux  sujets,  pas  une  seule  fois  il  n'y 
avait  de  doute  de  doigts. 


188  TRAVAUX   DU   LABORATOIRE    DE   TSYCllOLOGIE   DE    PARIS 

Ces  faits  peuvent  servir  comme  une  nouvelle  preuve  pour  la 
différence  entre  la  localisation  des  sensations  tactiles  et  la  per- 
ception de  deux  points  avec  la  peau. 

Ils  montrent  que  la  qualité  du  contact  et  les  mouvements 
jouent  un  rôle  important  dans  la  localisation  des  sensations 
tactiles  ;  en  effet,  la  qualité  du  contact  de  deux  points  corres- 
pondants du  médius  et  de  l'annulaire  est  peu  différente,  il  en 
résulte  une  hésitation  pour  les  doigts,  mais  pas  pour  l'endroit 
touché  sur  le  doigt;  pour  reconnaître  le  doigt  touché,  un  léger 
mouvement  du  doigt  suffit  ;  par  conséquent,  la  qualité  du  con- 
tact et  le  mouvement  de  la  partie  touchée  sont  deux  facteurs 
essentiels  de  la  localisation  des  sensations  tactiles  ;  nous  n'af- 
firmons pas  que  ce  sont  les  seuls  facteurs  qui  y  entrent. 

Les  expériences  que  nous  avons  faites  par  la  méthode  de 
Volkmann,  où  le  sujet  devait  montrer  sur  la  peau  même  le 
point  où  il  croit  avoir  été  touché,  ont  donné  les  mêmes  résul- 
tats généraux  que  les  expériences  où  le  sujet  devait  montrer  le 
point  sur  un  modèle  ;  les  erreurs  sont  quelquefois  un  peu  plus 
fortes  dans  le  premier  cas  que  dans  la  localisation  sur  le 
modèle,  mais  les  observations  générales  et  les  méthodes 
employées  sont  presque  les  mêmes;  nous  ne  nous  y  arrêtons 
pas. 


II 

MÉTHODE    DE    LOCALISATION    TACTILE 

Nous  appelons  de  ce  nom  la  méthode  de  localisation  de 
Wcber,  qui  consiste  à  prier  le  sujet  de  toucher  les  yeux  fermés 
un  point  de  la  peau  qu'on  lui  touche  ;  dans  l'acte  de  localisa- 
tion, le  sujet  produit  une  sensation  tactile  qui  dirige  en  grande 
partie  la  localisation,  de  là  le  nom  donné  à  la  méthode. 

Nos  expériences,  par  cette  méthode,  ne  sont  pas  encore  assez 
nombreuses  pour  que  nous  puissions  rapporter  ici  les  résultats  ; 
nous  indiquerons  seulement  quelques  traits  généraux  qui  se 
sont  dégagés  des  observations  internes  ;  il  est  possible  que 
lorsque  le  nombre  d'expériences  et  de  sujets  sera  plus  grand, 
nous  serons  obligés  de  les  modifier.  Un  point  de  la  peau  est 
touché,  et  le  sujet  doit,  les  yeux  fermés,  toucher  avec  une  pointe 
le  même  point;  il  faut  distinguer  deux  cas  :  1'^  le  contact  pro- 
duit  par  l'expérimentateur    n'a   pas    complètement   disparu  ; 


V.    HENRI.    —    LA    LOCALISATION   DES   SENSATIONS    TACTILES         189 

dans  ce  cas,  le  sujet  se  guide  surtout  par  cette  trace  de  contact, 
il  cherche  à  loucher  avec  la  pointe  le  point  de  la  peau  où  il  sent 
encore  la  trace  du  contact  ;  ît°  le  contact  a  complètement  dis- 
paru ;  dans  ce  cas,  le  sujet  se  guide,  d'une  part,  par  l'image 
visuelle  de  l'endroit  touché,  et  puis  lorsqu'il  croit  avoir  touché 
l'endroit  représenté,  il  porte  l'attention  sur  le  contact  qu'il  pro- 
duit avec  sa  pointe  et  cherche  à  corriger  un  peu  son  indication 
de  façon  que  ce  contact  ait  la  même  qualité  que  le  contact  pro- 
duit par  l'expérimentateur. 

Depuis  queWeber ',  en  1852,  publia  cette  méthode,  elle  a  été 
reprise  par  quelques  auteurs,  nous  notons  surtout  Kottenkaynpf 
et  Ullrich-,  Dartli^,  Lewij'*  et  Pilhbury"^ ;  tous  ces  auteurs  se 
sont  arrêtés  presque  exclusivement  sur  les  résultats  numériques 
et  ont  négligé  les  observations  internes  ;  nous  avons  donc  des 
chiffres  comparatifs  des  erreurs  commises  pour  différents 
endroits  de  la  peau,  mais  nous  ne  savons  pas  quelle  significa- 
tion doit  être  attribuée  à  ces  chiffres;  la  plupart  des  auteurs, 
ssiui  Barth,  leur  attribuent  la  même  signification  qu'aux  résul- 
tats obtenus  par  la  méthode  de  contacts  simultanés  de  deux 
points,  où  on  détermine  la  distance  minimum  de  ces  points 
nécessaire  pour  qu'on  sente  deux  points  ;  nous  croyons  que 
cette  identification  ne  peut  pas  être  faite,  les  facteurs  qui 
entrent  dans  les  deux  processus  sont  bien  différents.  (Y.  notre 
Revue  générale  sur  le  sens  du  lieu  de  la  peau.) 

Il  faut  noter  que  les  valeurs  moyennes  des  erreurs  commises 
dans  les  localisations  par  la  méthode  de  Weber  sont  bien  infé- 
rieures aux  valeurs  obtenues  par  la  méthode  du  compas  de 
Weber;  nous  transcrivons  ici  deux  tableaux  du  travail  de 
Kottenkampf  et  Ullrich,  les  points  touchés  sont  pris  sur  l'avant- 
bras  face  interne  ;  les  auteurs  ont  choisi  cinq  points  dont  les 
distances  au  coude  sont  de  93  lignes  Par.  (1  ligne  =  2""",3o)  ; 
71,5;  50;  28,5  et  10  lignes;  le  premier  tableau  contient  les 
résultats  obtenus   par  la  méthode  du  compas  de  Weber  ;  les 

(1)  Der'tchie  d.  Siich.siscli.  Cesell.  d.  Wiss.,  I8c2. 

(2)  Kottenkainpl'  et  UllricJi.  Versi/che  uh.  deii  lUitiinainn  der  Ihiiit  der 
oberen  Extremilât.  [Zett.  f.  Biol.,  VI.  1870,  p.  40.) 

(3)  Barth,  W.  Etude  sui-  le  sens  du  lieu  de  la  peau  el  la  uiéuwire  de  ce 
sens.  (En  russe.)  Dissert.  Dorpat,  1891. 

(4)  Lewy  W.  E.vper.  Ciilersuc/iuni/en  ilb.  dus  (ieducltlniss.  {Zeilsch.  f. 
l'sijch.  u/l'Iujs.  d.  Sinn,  VIII,  p.  231.) 

(5)  Pillsbury.  Culaneous  se/tslbilifi/.  {Amer.  Juurn.  of  Psi/cIioL,  VII, 
p.  42-57.) 


190  TRAVAUX   DU    LABORATOIHE   DE    PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 


chiffres  de  la  première  ligne  horizontale  représentent  les  dis- 
tances des  pointes  exprimées  en  lignes  Paris  ;  avec  une  même 
distance,  on  a  touché  la  peau  100  fois,  sur  ces  100  fois  il  y  a 
eu  un  certain  nombre  de  réponses  «  deux  points  »  ;  les  chiffres 
du  tableau  indiquent  combien  de  fois  pour  100  contacts  avec 
une  distance  la  réponse  «  deux  points  »  a  été  donnée  ;  par 
exemple  lorsqu'on  touche  100  fois  le  point  a  avec  deux  pointes 
distantes  de  o  lignes  Paris  le  sujet  a  33  fois  senti  deux  points. 


POINTS 
SUR  l'avant-bras 

AVEC    DISTANCE 
AU    COUDE 

DISTANCES 

DES   POINTES 

EN 

LIGNES 

5 

33 

7 

56 

8 

77 
36 
30 

9 

1)0 
47 
55 

10 

<.)7 
61 
60 
54 

11 

64 
72 

00 

12 

80 
88 
71 
49 

13 

89 

82 
72 

14 

100 
92 
90 

78 

15 

100 
95 

89 

16 

100 

100 
100 

17 



a.  %\  lignes. 

b.  71,  ;>  lignes. 

c.  50  lignes. 

d.  28,5  hgnes. 

e.   lu  lignes. 

Le  tableau  suivant  contient  pour  les  mêmes  points  les 
moyennes  des  erreurs  commises  par  la  méthode  de  localisation 
de    Weber  ;    ces    erreurs    sont    exprimées    en    lignes    Paris 


POINTS 

a. 

b. 

c. 

d. 

1 
i 

Erreurs  : 

1,9* 

2,72 

3,  53 

3,71 

3,85 

La  comparaison  des  deux  tableaux  montre  combien  les 
erreurs  de  localisation  sontinférieures  aux  limites  des  distances 
des  points  du  compas. 


V.    HENRI.    —   LA    LOCALISATION    DES   SENSATIONS    TACTILES         191 


III 


METHODE    DE    LOCALISATION    PAR   LES    MOUVEMENTS 

Nous  avons  décrit  plus  haut  en  quoi  consistait  cette  méthode 
de  localisation  :  le  sujet  a  les  yeux  fermés,  on  touche  un  point 
de  sa  main  gauche  par  exemple,  et  il  doit  avec  son  index 
droit  indiquer  le  point  touché  sans  le  toucher  lui-même,  il 
doit  déplacer  sa  main  droite  de  façon  que  son  index  droit 
lui  paraisse  être  à  1  ou  2  centimètres  au-dessus  du  point 
touché  ;  dans  les  expériences  que  nous  avons  faites,  le  bras 
gauche  était  posé  sur  la  table  dans  une  direction  perpendicu- 
laire à  la  direction  de  la  poitrine  ;  le  contact  était  produit  tout 
le  temps  que  le  sujet  faisait  la  localisation  ;  avant  les  expé- 
riences le  sujet  voyait  son  bras  gauche  et  sa  position  sur  la 
table  ;  lorsque  le  sujet  approchait  trop  son  index  droit  de  la 
peau,  je  disais  halte,  et  il  devait  soulever  un  peu  sa  main 
droite. 

Deux  sujets  ont  employé  dans  cette  méthode  des  points  de 
repère,  c'est-à-dire  lorsque,  par  exemple,  je  touchais  le  milieu 
de  la  main  gauche,  le  sujet  cherchait  d'abord  avec  son  index 
droit  la  position  du  métacarpien  du  médius,  et  puis  ceci  étant 
fait,  il  passait  par  un  léger  mouvement  vers  le  corps  au  point 
touché;  dans  tous  ces  cas,  le  sujet  sous-estime  le  mouve- 
ment ;  un  mouvement  qu'il  fait  lui  parait  être  moindre  qu'il 
ne  l'est  en  réalité. 

Les  autres  sujets  ont  cherché  à  localiser  directement  le  point 
touché,  ils  éprouvent  tous  plus  de  sûreté  dans  la  direction  du 
mouvement  de  la  main  droite  que  dans  Vamplilude  de  ce  mou- 
vement, et  les  erreurs  sont  aussi  bien  plus  considérables  pour 
V amplitude  du  mouvement  que  pour  la  directioii. 

Si  on  examine  les  erreurs  commises,  on  remarque  d'abord 
qu'elles  sont  très  considérables,  elles  atteignent  10  et  15  centi- 
mètres ;  de  plus,  elles  ne  sont  pas  différentes  sur  les  doigts,  sur 
la  main  et  sur  l'avant-bras  ;  les  parties  qui  ont  le  sens  du  lieu 
le  plus  développé,  comme  le  doigt,  par  exemple,  donnent  lieu  à 
des  erreurs  aussi  considérables  que  les  parties  qui  ont  le  sens 
du  lieu  bien  moins  développé  ;  par  conséquent,  «  les  mouve- 
ments de  localisation  »  ne  peuvent  pas  servir  pour  expliquer 


19i  TRAA\\UX.DU    LABORATOIBE   DE   PSYCHOLOGIE    DE    l'ARIS 

les  (lifTérences  dans  la  précision  de  la  localisation  des  sensations 
tactiles  sur  différents  points  de  la  peau. 

Enfin,  nous  indiquons  brièvement  les  résultats  obtenus  par 
la  localisation  avec  les  mouvements  des  yeux  :  le  sujet  doit 
fixer  un  point  de  la  main,  mais  il  ne  peut  pas  la  voir  puisque 
au-dessus  de  la  main,  àl  centimètre  d'elle,  se  trouve  un  carton. 
Les  erreurs  commises  sont  environ  de  2  à  3  centimètres,  rare- 
ment plus  ;  le  sujet  se  représente  sa  main  sous  le  carton  et 
lorsque  le  point  qu'il  doit  fixer  n'est  pas  un  point  remarquable, 
comme  un  pli  ou  une  saillie  d'os,  il  choisit  des  points  de 
repère  qu'il  lui  est  plus  facile  de  fixer  avec  les  yeux,  et  puis  il 
passe  au  point  touché. 

Nous  avons  indiqué  ici  seulement  les  résultats  les  plus 
importants,  les  tables  et  les  détails  seront  publiés  plus  tard,  et 
nous  essaierons  de  présenter  une  théorie  de  la  localisation  des 
sensations  tactiles. 

Victor  Henri. 


III 


LA  CONTINUITÉ  DANS   LA  MÉMOIRE  IMMÉDIATE 
DES  CHIFFRES  ET  DES  NOMBRES  EN  SÉRIE  AUDITIVE 


L'étude  de  la  mémoire  immédiate  des  chiffres  et  des  nom- 
bres est  une  source  précieuse  d'informations  pour  le  psycho- 
logue qui  cherche  à  déterminer  les  lois  du  souvenir.  Sans  doute, 
il  ne  s'agit  ici  que  d'une  mémoire  spéciale,  à  objet  strictement 
déterminé;  sans  doute  encore,  il  ne  s'agit   que  d'une   repro- 
duction   pour    ainsi   dire  mécanique,     et   non    d'une    remé- 
moration    proprement  dite    :    on   ne   saurait   dire,   en    effet, 
que    le    sujet    reconnaît   les   chiffres   et    les    nombres    qu'il 
répète  ;    il    serait    plus    exact    de    dire    qu'il    ne    fait    que 
traduire  en  états  forts  les  états  faibles  qui  ne  sont  pas  encore 
effacés  de  sa  conscience.  Mais,    si  l'étude  de  la  mémoire  des 
chiffres  et  des  nombres  ne  permet  pas  de  découvrir  les  lois  de  la 
reconnaissance,  elle  peut  conduire  à  la  découverte  des  lois  de 
la  reproduction,  ce  premier  moment  du  souvenir  ;  d'autre  part, 
la  comparaison  des  différentes  espèces  de  mémoires  peut  con- 
duire à  des  lois  dont  la  généralité  corrige  ce  qu'il  y  avait  de 
trop  spécial  dans  les  résultats  des  investigations  particulières  ; 
or,  pour  comparer  les  mémoires,  il  faut  les  connaître,  et  c'est 
ainsi  que    l'étude  des   différentes  mémoires    spéciales  est   la 
méthode  la  plus  scientifique  pour  arriver  soit  à  la  confirmation 
des  lois  déjà  connues  du  souvenir,  soit  à  la  découverte  de  lois 
nouvelles. 

Aussi  la  mémoire  des  chiffres  et  des  nombres  a-t-elle  été, 
dans  ces  dernières  années,  l'objet  de  nombreuses  recherches. 
M.  Bourdon  ^  a  étudié  l'influence  de  l'âge  sur  la  mémoire  immé- 

(1)  Année  psjjck.,  I,  p.  406. 

ANNÉE   PSYCHOLOGIQUE.   II.  -  13 


194  TRAVAUX   DU   LABORATOIRE    DE   PSYCHOLOGIE    DE   PARIS 

diate -,  Miinsterberg  et  Bighami,  l'influence  qu'exerce  sur  la 
mémoire  la  nature  de  l'organe  sensoriel  qui  a  reçu  l'impression 
à  retenir  ;  Bigham  -,  l'influence  du  temps  qu'on  laisse  s'écouler 
entre  la  perception  et  la  reproduction,  la  nature  des  erreurs 
commises  et  la  proportion  respective  des  erreurs  par  oubli,  par 
déplacement,  par  substitution,  le  rang  où  les  dilTérentes  erreurs 
se  produisent  le  plus  fréquemment  dans  la  série  ;  Jacobs  et  Bol- 
ton  ^  la  relation  entre  l'intelligence  et  la  mémoire  des  chiffres; 
enfin,  M.  Binet,  dans  son  intéressante  Psychologie  des  grands 
calculateurs,  a  étudié  surtout  le  mental  span  et  les  procédés  de 
calcul  des  sujets  exceptionnels  soumis  à  ses  observations. 

Mais  il  y  a,  dans  cette  question  de  la  mémoire  des  chiffres 
et  des  nombres,  un  point  qui  n'a  pas  encore  été  examiné,  et 
sur  lequel  nous  voudrions  appeler  l'attention  des  psychologues. 

D'une  manière  générale,  il  y  a  dans  une  série  de  chiffres  ou 
de  nombres  deux  choses  à  considérer  :  les  chiffres  ou  les 
nombres,  et  les  intervalles  qui  les  séparent.  Or,  on  a  jusqu'ici 
étudié  le  premier  de  ces  deux  éléments,  on  a  négligé  presque 
entièrement  le  second.  Pourtant  l'intervalle  a  tout  autant  de 
réalité  que  les  termes  qu'il  sépare,  —  sinon  en  lui-même,  du 
moins  dans  ce  qu'il  représente  et  symbolise,  l'effort  exigé  pour 
le  franchir.  Il  est  bien  plus  facile,  en  effet,  de  passer  de  o  à  6 
et  de  6  à  7  que  de  2  à  9  et  de  9  à  o  ;  dans  le  premier  cas,  on 
n'a  qu'à  se  laisser  aller  à  une  habitude  invétérée  ;  dans  le 
second  cas,  il  faut  lutter  contre  cette  habitude,  il  faut  contrarier 
la  tendance  naturelle  que  nous  avons  à  garder  la  continuité  dans 
la  sériée. 

L'idée  nous  est  venue  d'étudier  cet  élément  méconnu,  l'in- 
tervalle, et  de  déterminer  son  influence  sur  la  reproduction 
immédiate  des  chiffres  et  des  nombres  en  série.  Voici,  en  même 
temps  (lue  l'indication  de  la  méthode  que  nous  avons  suivie, 
l'énoncé  du  principal  résultat  auquel  nous  sommes  arrivé. 
Parlons  d'abord  des  séries  de  chiffres. 

On  prononce,  devant  un  sujet  attentif,  d'un  cours  de  voix  à 
peu  près  uniforme  (2  chiffres  par  seconde)  et  recto  tono,  une  série 
plus  ou  moins  longue  de  chiffres,  en  demandant  au  sujet  de  les 
répéter  immédiatement  et  dans  l'ordre  même  où  ils  ont  été 
entendus.  On  note  toutes  les  réponses  très  exactement.  Il  reste 

(1)  Année psych.,  I,  p.  411. 

(2)  Année  psych.,  p.  398. 

(3)  MiniL,  XU,  p.  45. 


p.  XILLIEZ.  —  LA    CONTINUITÉ    DES    CHIFFRES   DANS   LA   MÉMOIRE       195 

à  travailler  sur  ces  matériaux.  Appelons  inieryaWe  po si ti'f  celui 
qui  va  d'un  chiffre  inférieur  à  un  chiffre  supérieur;  par  exemple, 
5  est  l'intervalle  positif  de  2  à  7  ;  appelons  intervalle  négatif 
celui  qui  va  d'un  chiffre  supérieur  à  un  chiffre  inférieur;  par 
exemple,  3  est  l'intervalle  négatif  de  9  à  6.  Or,  si  nous  com- 
parons la  somme  des  intervalles  positifs  et  négatifs  dans  la 
série  proposée,  et  leur  somme  dans  la  série  inexacte,  nous 
constatons  qu'en  général  la  seconde  est  inférieure  à  lapremière. 
Cela  montre  évidemment  que  les  erreurs,  soit  par  déplacement, 
soit  par  imagination,  ne  se  font  pas  au  hasard,  et  qu'il  y  a  une 
tendance  à  diminuer  les  intervalles,  à  rétablir  la  continuité. 

Mais  il  arrive  parfois  que  la  série-réponse  offre  moins  de 
chiffres  que  la  série  proposée.  Alors,  au  lieu  de  comparer 
directement  les  deux  sommes  d'intervalles,  on  divise  chacune 
d'elles  par  le  nombre  des  intervalles  dont  elle  est  le  total,  et  on 
compare  les  deux  quotients.  Cette  simplification  permet  d'opérer 
sur  toutes  les  séries  de  chiffres.  Supposons,  par  exemple,  que 
la  série  proposée  soit  :  2,  3,  6,  9,5,  4,  7,  1,  et  la  série-réponse  : 
!:2,  3,  6,  9,  7,  5.  Je  ne  puis  évidemment  comparer  les  deux 
sommes  d'intervalles  21  et  11,  puisque  les  intervalles  ne  sont 
pas  en  nombre  égal  dans  les  deux  cas,  mais  je  puis  très  bien 
comparer  les  quotients  de  la  division  de  ces  deux  sommes 
parle  nombre  des  intervalles,  c'est-à-dire  21/7  et  ll/o. 

Si  nous  appelons  ces  quotients  moyennes  de  discontinuité 
de  la  série,  nous  pourrons  dire  alors  qu'en  général  la  moyenne 
de  discontinuité  est  plus  faible  dans  la  série  inexacte  que  dans 
la  série  proposée. 

Ce  n'est  pas  tout.  Si  je  veux  avoir  la  moyenne  de  disconti- 
nuité, non  plus  seulement  pour  une  série  de  chiffres,  mais  pour 
un  ensemble  de  séries  proposées  dans  une  même  expérience, 
je  fais  la  somme  des  valeurs  représentant  les  intervalles,  puis 
celle  des  intervalles  eux-mêmes  ;  je  divise  la  première  somme 
par  la  seconde  et  j'ai  la  moyenne  de  discontinuité  de  l'ensemble 
des  séries  proposées  et  celle  de  l'ensemble  des  séries  inexactes. 
Le  premier  de  ces  deux  quotients  ne  signifie  rien  par  lui- 
lui-même,  puisque  les  chiffres  proposés  ont  été  alignés  dans  un 
ordre  arbitraire.  Au  contraire,  le  second  est  intéressant,  parce 
qu'il  représente  les  modifications  apportées  dans  la  remémo- 
ration.  Nous  aurons  la  valeur  numérique  exacte  de  ces  modifi- 
cations, si  nous  retranchons  le  second  nombre  du  premier,  lui 
effet,  puisque  le  premier  nombre  est  le  symbole  de  la  disconti- 
nuité moyenne  dans  les  séries  proposées,  et  le  second  le  sym- 


196  TRAVAUX    DU   LABORATOIRE   DE   PSYCHOLOGIE   DE    PARIS 

bole  de  la  discontinuité  moyenne  dans  les  séries  inexactes,  leur 
différence  sera,  à  son  tour,  le  symbole  des  changements 
apportés  par  la  mémoire  dans  la  discontinuité  première.  Or, 
nous  l'avons  vu,  ces  changements  se  font,  en  général,  dans  le 
sens  d'une  continuité  plus  grande. 

Au  lieu  de  porter  son  attention  uniquement  sur  la  somme 
des  intervalles  positifs  et  négatifs,  on  peut  se  demander  quel 
est  le  rapport  des  premiers  aux  seconds,  soit  dans  une  série,  soit 
dans  un  ensemble  de  séries ,  on  peut  rechercher  si  la  mémoire 
immédiate  n'a  pas  pour  l'une  ou  l'autre  des  continuités,  ascen- 
dente  ou  descendante,  de  secrètes  préférences.  Or  il  se  trouve 
que,  d'une  manière  générale,  la  somme  des  intervalles  positifs 
est  supérieure  à  celle  des  intervalles  négatifs. 

Mais  il  est.temps  d'éclairer  par  un  exemple  ces  considérations 
trop  abstraites.  Des  trois  tableaux  qui  suivent,  le  premier 
représente  un  ensemble  de  2o  séries  proposées  ;  les  deux  autres, 
les  réponses  faites  par  deux  sujets  différents. 

La  première  colonne  après  la  colonne  des  séries  de  chiffres 
indique  le  nombre  des  chiffres;  pouravoirle  nombre  des  inter- 
valles il  suffit  de  retrancher  l  ;  la  seconde  colonne  indique  la 
somme  des  intervalles,  soit  positifs,  soit  négatifs  ;  la  troisième, 
la  somme  des  intervalles  ^jos?'^ //"s;  la  quatrième,  la  somme  des 
intervalles  we^ra^i/s  ;  la  cinquième,  la  moyenne  de  disconti- 
7iuité ;  la  sixième,  la  somme  des  chiffres  de  la  série. 

Pour  comparer  entre  elles  les  moyennes  de  discontinuité 
pour  deux  séries  complètes  d'interrogations,  il  ne  faut  évidem- 
ment pas  tenir  compte  des  réponses  justes  :  c'est  pourquoi 
nous  avons  laissé  en  blanc  la  place  oii  elles  devraient  s'ins- 
crire. 


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2718935 
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0277514 

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8157293 

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2718935 

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2718395 

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1725936 

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5130274 
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2781935 
8951928 

2718395 

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421)7228 

0277514 

415702 

19358647 

5739152 

8157293 

3158741 

2718395 

198  TRAVAUX   DU   LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 

D'après  ces  tableaux  nous  avons  : 

I.   POUV  M.  F.  J  *  Si'rics  proposées.         Séries  n'-ponscs. 

Nombre  de  chiffres 107  109 

Somme  des  intervalles 406  370 

—  —  positifs   ....  213  193 

—  —           négatifs  ....  193  177 
Somme  des  moyennes  de  discontinuité.  66,2  o6,64 
Somme  des  chiffres S23  532 

II.  Pour  M.  31'" 

Nombre  de  chiffres 85  86 

Somme  des  intervalles 314  274 

—  —  positifs   ....  166  144 

—  —             négatifs  ....  148  130 
Somme  des  moyennes  de  discontinuité.       bl,56  44, G8 
Somme  des  chiffres 433  438 

Sur  tous  les  points,  les  lois  que  nous  avons  formulées  se 
trouvent  donc  vérifiées. 

Dernier  problème.  La  moyenne  de  discontinuité  ne  varie- 
t-elle  pas  avec  l'âge?  Est-elle  la  même,  par  exemple,  chez 
l'enfant  et  chez  l'adulte? En  aucune  façon.  L'expérience  montre 
que,  chez  les  enfants  qui  apprennent  à  compter,  l'écart  est 
bien  plus  grand  que  chez  l'adulte  entre  la  discontinuité  des 
séries  proposées  et  celle  des  séries  réponses.  Les  enfants 
substituent  spontanément  à  la  discontinuité  des  chiffres  ou  des 
nombres  la  continuité  et  surtout  la  continuité  ascendante. 
Pour  eux,  5  appelle  G  qui,  à  son  tour,  évoque  7,  et  le  groupe 
567  prévaut  facilement  contre  tout  autre  groupe  discontinu. 
Des  expériences  faites  par  M.  Binet  sur  les  enfants  des  écoles 
primaires  de  Paris,  et  dont  le  savant  professeur  a  bien  voulu 
nous  communiquer  les  résultats,  nous  ont  permis  de  vérifier 
cette  loi,  en  ce  qui  concerne  les  séries  de  nombres. 

M.  Binet  proposa  successivement  aux  élèves  de  la  2"  classe 
et  aux  élèves  plus  jeunes  de  la  5*-' classe  la  série  suivante  : 

35,  78,  4-29,  64,  817. 

La  somme  des  discontinuités  dans  celte  série  est  :  43  +  351 
-I-  3iJ5  -f  753  =  1  472.  Or,  dans  la  2"  classe,  sur  2U  séries  réponses 
on  n'en  trouve  que  5  offrant  une  somme  de  discontinuités 
supérieure  à  1  472.  Le  total  des  discontinuités  pour  l'ensemble 


p.  XILLTEZ.  —  LA    CONTINUITÉ    DES    CHIFFRES    DANS    LA   MÉMOIRE      199 

des  séries-réponses  est  de  24  243,  ce  qui  donne  une  moyenne 
de  1212,  2  pour  chaque  série  réponse.  Or  1212,  2  est  inférieur 
de  2o9,  8  à  1  472,  ce  qui  confirme  la  loi  énoncée  plus  haut. 

Les  réponses  de  la  o*^  classe  nous  en  offrent  une  confirma- 
tion plus  frappante  encore.  Sur  18  séries  réponses  il  n'y  en  a 
qu'une  présentant  une  somme  de  discontinuités  supérieure  à 
1472.  Le  total  des  discontinuités  pour  l'ensemble  des  séries 
est  de  11  565,  ce  qui  donne  une  moyenne  de  642,  5  pour 
chaque  série.  Or  642,5  est  inférieur  à  1472  de  829,5.  Ce  dernier 
nombre,  on  le  voit,  dépasse  de  beaucoup  le  nombre  corres- 
pondant de  la  seconde  classe. 

Un  mois  après,  M.  Binetvint  faire  appel  au  souvenir  des 
mêmes  élèves,  et,  sans  leur  répéter  la  série  primitive,  leur 
demanda  de  la  reproduire  de  mémoire.  Un  certain  nombre  de 
réponses  s'approchèrent  de  la  série  autrefois  proposée  :  aucune 
ne  la  reproduisit  exactement.  L'impression  première  était  trop 
lointaine,  et  les  traces  en  étaient  à  peu  près  effacées  ;  la  spon- 
tanéité imaginative  des  enfants  avait  donc  libre  carrière  ; 
n'étant  plus  gênée  par  le  rythme  sonore  et  la  discontinuité 
d'une  série  dont  le  souvenir  était  perdu,  elle  avait  rétabli, 
dans  une  très  large  mesure,  la  continuité  sériaire.  Mais  nous 
n'insistons  pas  sur  ce  point,  car  c'est  ici  l'imagination  qui  est 
enjeu,  bien  plus  que  la  mémoire  immédiate.  Ce  qui  paraît 
assuré,  c'est  que,  chez  l'enfant  plus  que  chez  l'adulte,  on  trouve 
la  tendance  à  supprimer  les  discontinuités  et  à  exagérer  la 
continuité  ascendante  aux  dépens  de  la  continuité  descendante. 

Cette  loi  de  continuité  a  d'ailleurs  une  relation  évidente 
avec  une  loi  déjà  connue  et  appliquée  à  la  mémoire  :  la  loi  du 
moindre  effort.  La  reproduction  s'accomplit  suivant  la  ligne  de 
moindre  résistance,  et  c'est  pour  cela  que  la  continuité,  soit 
positive ,  soit  négative ,  existe  plus  souvent  dans  la  série 
inexacte  que  dans  la  série  proposée  :  nous  avons  contracté,  en 
effet,  l'habitude  de  nommer  les  chiffres  et  les  nombres  en  série 
continue,  soit  ascendante,  soit  descendante,  et  cette  habitude 
générale  l'emporte  sur  les  habitudes  particulières,  ébauchées 
en  nous  par  l'audition  de  chiffres  ou  de  nombres  en  série  dis- 
continue. Et  comme  l'habitude  de  nommer  les  chiffres  et  les 
nombres  en  série  continue  ascendante  est  plus  forte  que  celle 
de  les  nommer  en  série  continue  descendante,  la  somme  des 
intervalles  positifs  est  naturellement  supérieure  à  celle  des 
intervalles  négatifs. 

Il  y  a  donc  un  conflit  entre  l'habitude  générale  et  l'intensité 


200  TRAVAUX   DU   LABORATOIRE    DE    TSYCHOLOGIE   DE    PARIS 

de  la  perception  remémorée.  Tout  ce  qui  fortifie  l'habitude 
particulière  créée  par  la  perception  auditive  afîaiblit  l'habitude 
générale  ;  au  contraire,  toutes  les  causes  qui  favorisent  la  dis- 
sociation des  sons  entendus,  et  s'opposent  à  leur  groupement, 
laissent  par  le  fait  même  à  la  spontanéité  apparente  de  Tima- 
gination,  c'est-à-dire  à  l'habitude  générale,  le  loisir  de  s'exercer 
sans  avoir  à  lutter  contre  une  habitude  rivale. 

S'il  fallait  une  conclusion  à  ce  modeste  travail,  nous  dirions 
qu'il  apporte  une  preuve  de  plus  en  faveur  du  déterminisme 
psvchologique.  Les  lois  de  la  psychologie  ont  toute  la  précision 
et  toute  la  rigueur  des  lois  des  sciences  physiques  ;  les  exceptions 
apparentes,  si  elles  ne  s'expliquent  pas  toujours,  parce  que 
certaines  circonstances  qui  les  déterminent  nous  échappent, 
s'éliminent  cependant  et  s'annulent  quand  on  considère  un 
grand  nombre  de  cas.  Le  caractère  d'incertitude  et  d'approxi- 
mation n'appartient  qu'en  apparence  aux  lois  psychologiques  : 
ce  qui  produit  cette  illusion,  c'est  la  complexité  des  faits,  c'est 
la  multiplicité  des  éléments  inconnus  qui  interviennent  dans 
chaque  cas  particulier,  et  dont  l'action  est  pour  nous  indéter- 
minable, mais  en  soi  nullement  indéterminée. 

Paul  Xilliez. 


IV 

RECHERCHES  GRAPHIQUES  SUR  LA  MUSIQUE 


Nous  nous  sommes  proposés,  dans  ces  derniers  temps *, 
d'appliquer  la  méthode  graphique  à  la  musique,  dans  le  but 
d'étudier  certains  points  de  la  psychologie  des  mouvements. 
Après  d'assez  longs  tâtonnements,  nous  avons  obtenu  quelques 
résultats  que  nous  désirons  résumer  ici  :  ces  résultats  intéres- 
seront peut-être  les  musiciens.  En  jetant  un  coup  d'œil  sur 
nos  tracés,  ils  y  retrouveront  un  certain  nombre  de  faits  que 
les  observations  de  chaque  jour  leur  ont  rendu  familiei's  ;  ils  y 
apercevront  peut-être  aussi  d'autres  faits,  dont  ils  n'avaient 
probablement  pas  une  conscience  très  nette.  Si  subtile  qu'elle 
soit,  l'oreille  musicale  ne  saisit  pas  certains  détails  légers  et 
rapides  de  l'exécution  des  morceaux;  elle  n'en  donne  qu'une 
impression  subjective  et  fugace.  Il  est  avantageux  de  pouvoir 
contrôler  et  même  redresser  le  témoignage  de  l'oreille  par  celui 
de  la  méthode  graphique,  qui  met  sous  nos  yeux  un  tracé  per- 
manent et  mesurable. 

Nos  essais  se  bornent  jusqu'ici  aux  mouvements  des  pia- 
nistes; nous  n'enregistrons  pas  le  son,  mais  le  travail  méca- 
nique des  doigts  sur  les  touches.  L'enregistrement  se  fait  au 
moyen  d'un  tube  de  caoutchouc  fixé  sous  les  touches  dans  une 
position  convenable  ;  la  touche,  en  s'aljaissant,  rencontre  le 
tube  et  l'écrase  ;  il  en  résulte  une  poussée  d'air,  que  l'on  recueille 
par  les  procédés  connus  dans  un  tambour  à  plume  inscrivante  ; 
la  pression  de  l'air  imprime  à  cette  plume  un  mouvement  qui 


(1)  Une  première  communication  de  nos  résultats  a  été  faite  à  l'Acadé- 
mie  des  sciences,  le  18  mars  1895.  De  plus,  l'un  de  nous  (Binel)  dans  des 
conférences  de  psychologie  à  Funiversité  de  Bucharest,  a  fait  projeter  les 
graphiques  musicaux,  à  mesure  qu'ils  se  formaient,  de  manière  à  les 
rendre  visibles  à  un  grand  auditoire. 


20!iJ 


TRAVAUX    DU   LABORATOIRE   DH    PSYCHOLOGIE   DE    PARIS 


s'inscrit  sur  une  bande  de  papier  qui  se  déroule.  Si  on  ne  frappe 
pas  les  touches,  la  plume  trace  sur  le  papier  une  ligne  droite 
uniforme,  c'est  la  ligne  de  repos,  qu'on  appelle  l'abscisse.  Dès 
qu'une  touche  est  frappée,  la  poussée  d'air  qui  se  fait  dans  le 


Fig.  38.  —  Appareil  pour  rcnregislrcnieiil  du  doiglc  des  pianistes. 


tambour  soulève  la  plume  et  lui  fait  tracer,  au-dessus  de  l'abs- 
cisse,  une  courbe  dont  la  hauteur  correspond  à  laforcede  lanote, 
dont  la  longueur  correspond  à  la  durée  de  la  note,  et  dont  les 
différents  détails  de  forme  correspondent,  comme  nous  l'indi- 
querons plus  loin,  aux  détails  de  la  force  musculaire  dépensée 
parle  pianiste.  Ce  que  nous  venons  dédire  d'une  note  s'applique 
également  aune  série  de  notes,  à  leurs  intervalles,  à  leurs  com- 
binaisons. En  résumé,  force,  forme  et  durée,  tels  sont  les  trois 
éléments  sur  lesquels  la  méthode  graphique  peut  donner  des 


A.    BINET   ET   J.    COURTIER.    —    GRAPHIQUES   DE    LA   MUSIQUE        203 

renseignements  infiniment  plus  précis  que  ceux  de  l'oreille  la 
mieux  exercée. 


I 


Quel  peut  être  l'intérêt  de  cette  méthode  de  précision  appli- 
quée à  la  musique?  L'intérêt  est  triple  :  psychologique,  péda- 
gogique et  artistique. 

1°  Intérêt  psychologique.  —  Notre  première  intention  a  été 
de  faire  une  étude  de  psychologie  sur  les  mouvements.  On 
étudie  en  général  en  psychologie  des  mouvements  simples, 
sur  des  sujets  placés  dans  des  conditions  un  peu  artificielles, 
et  le  sujet  est  obligé  de  s'adapter  à  un  instrument  particulier 
dont  il  n'a  pas  l'habitude,  comme  le  dynamographe,  l'ergo- 
graphe,  etc.  Ici,  avec  le  dispositif  que  nous  étudions,  nous 
pouvons  observer  des  mouvements  volontaires  complexes,  beau- 
coup plus  complexes  que  ceux  de  l'écriture  ou  du  dessin  ;  et 
nous  les  prenons  dans  leur  état  normal,  sans  soumettre  l'ar- 
tiste à  aucune  contrainte,  sans  même  lui  laisser  soupçonner 
qu'il  est  en  expérience.  En  efi"et,  rien  n'est  modifié  dans  l'aspect 
extérieur  du  piano  sur  lequel  il  joue,  ni  dans  la  résistance  des 
touches. 

2°  Intérêt  pédagogique.  —  Ce  second  intérêt  de  nos  recher- 
ches a  été  ressenti  de  la  manière  la  plus  vive  par  tous  les 
artistes  qui  nous  ont  prêté  leur  concours.  Les  tracés  indiquent 
à  chaque  artiste  le  plus  ou  moins  de  perfection  de  son  méca- 
nisme et  les  erreurs  qui  lui  sont  habituelles  ;  indications  si 
précises  que  chacun  est  obligé  de  s'y  soumettre,  malgré  des 
résistances  d'amour-propre.  Un  artiste  nous  disait,  en  regar- 
dant avec  mélancolie  un  de  ses  tracés  :  «  C'est  un  confes- 
sionnal !  »  Dans  des  expériences  avec  un  autre  artiste,  nous 
lui  demandions  après  chaque  essai  (il  s'agissait  de  faire  des 
gammes  en  decrescendo)  de  nous  dire  ce  qu'il  pensait  de  l'exé- 
cution :  or,  l'artiste  ne  pouvait  se  servir  le  plus  souvent  que  de 
phrases  vagues  :  «  C'est  mou  !  C'est  brouillé  !  C'est  cotonneux  !  » 
Le  tracé  lui  indiquait  chaque  fois  le  fait  précis,  et  lui  apprenait 
en  quelque  sorte  à  prendre  conscience  de  lui-même.  Une  pia- 
niste des  concerts  Colonne,  qui  a  été  la  cause  occasionnelle  de 
nos  recherches  en  venant  nous  demander  d'enregistrer  la 
distinction  de  ses  trois  touchers,  s'est  servie  de  notre  procédé 


204         TRAVAUX   DU   LABORATOIRE   DE   PSYCHOLOGIE   DE   PARIS 

graphique  pour  contrôler  et  perfectionner  son  enseignement 
musical.  Nous  sommes  arrivés  à  la  conviction  raisonnée  que 
cette  méthode  doit  rendre  de  grands  services  à  tous  ceux  qui 
cherchent  à  améliorer  leur  mécanisme  ;  aussi  avons-nous  cru 
utile  de  faire  construire  un  appareil  enregistreur  simplifié, 
dont  nous  donnons  plus  loin  la  description. 

3°  Intérêt  artistique.  —  On  sait  que  malgré  ses  complications 
la  notation  musicale  est  incapable  de  donner  toutes  les  nuances 
d'exécution  d'un  morceau;  elle  indique  le  temps  sans  aucune 
délicatesse  :  il  y  a  bien  des  nuances  possibles  entre  la  durée 
des  blanches,  des  noires  ;  les  temps  d'un  morceau  peuvent 
s'accélérer  ou  se  ralentir  très  légèrement  sans  que  l'écriture 
musicale  puisse  l'indiquer.  Aussi  use-t-on  et  abuse-t-on  d'une 
foule  d'expressions  vagues  empruntées  à  la  langue  italienne 
pour  obvier  à  ces  graves  défauts.  Rappelons  aussi  que  le  métro- 
nome est  pour  les  mêmes  raisons  un  instrument  trop  grossier 
pour  la  mesure  du  temps  en  musique.  Bref,  plusieurs  personnes 
peuvent  exécuter  un  même  morceau  avec  un  esprit  bien  diffé- 
rent, quoique  chacune  d'elles  reste  fidèle  à  la  lettre  de  l'écriture 
musicale.  Il  serait  certainement  du  plus  grand  prix  d'avoir  le 
tracé  d'une  œuvre  exécutée  par  l'auteur  lui-même  :  celui-ci  ne 
peut  qu'accepter  avec  empressement  un  moyen  d'expression 
qui  lui  permettra  d'indicjuer  aussi  exactement  que  possible  sa 
pensée.  La  méthode  graphique  en  effet  peut  donner  le  temps  à 
un  centième  et  à  un  millième  de  seconde  près,  et  indiquer 
l'intensité  relative  des  notes. 


II 


Nous  désirons  maintenant  décrire  en  peu  de  mots  comment 
nous  avons  appliqué  la  méthode  graphique  au  piano.  Cette 
méthode  a  été  portée  par  les  travaux  de  Marey  à  un  degré 
remarquable  de  perfection,  qui  a  singulièrement  facilité  notre 
tâche  ;  néanmoins,  nous  avons  eu  à  vaincre  un  grand  nombre 
de  diflicultés  avant  de  trouver  un  dispositif  satisfaisant  aux 
conditions  qui  nous  étaient  imposées  par  les  pianistes,  et  d'autre 
part  par  les  tracés.  Tout  d'abord,  nous  avons  eu  à  nous  préoc- 
cuper de  quelques  questions  de  commodité  pratique  qui  ne  sont 
pas  à  dédaigner.  Il  fallait  que  notre  dispositif  ne  nécessitât 
aucune  modification  dans  la  construction  intérieure  du  piano, 


A.    BINET   ET   J.    COURTIER.    —    GRAPHIQUES    DE    LA    MUSIQUE        20o 

et  pût  être  adapté  avec  un  minimum  de  travail  à  n'importe  quel 
instrument  ;  il  fallait  en  outre  que  la  partie  enregistrante  de 
Tappareil,  quand  elle  est  logée  dans  le  piano,  pût  être,  à  volonté, 
par  la  pression  d'un  simple  bouton,  mise  en  état  d'activité  ou 
soustraite  à  l'action  des  touches  ;  il  était  plus  important  encore 
que  la  résistance  des  touches  ne  fût  pas  modiliée,  car  les  pia- 
nistes ont  pris  l'habitude  d'un  certain  toucher.  Nous  avons  pu 
constater  que  lorsqu'on  augmente,  même  dans  des  proportions 
très  faibles,  la  dureté  des  touches,  les  artistes  en  sont  pénible- 
ment impressionnés  et  perdent  une  partie  de  leurs  moyens. 

Les  exigences  n'étaient  pas  moins  nombreuses  du  côté  des 
tracés  ;  il  est  bien  certain  tout  d'abord  que  deux  notes  quel- 
conques frappées  d'une  manière  égale  devaient  donner  la  même 
courbe  ;  mais  ceci  n'était  rien  :  il  a  fallu  disposer  la  partie 
enregistrante  de  l'appareil,  de  manière  qu'à  l'intensité  de 
l'attaque  d'une  touche  correspondît  la  hauteur  du  tracé  et  qu'un 
accord  de  deux  notes  correspondît  à  un  tracé  ayant  comme 
hauteur  le  double  (sensiblement)  de  celle  d'une  note  isolée  ;  il 
a  fallu  que  les  touches  blanches  et  les  touches  noires,  frappées 
avec  une  force  égale,  eussent  un  tracé  de  même  hauteur,  quoi- 
que leur  bras  de  levier  fût  dilTérent  ;  enfin  il  était  de  toute 
nécessité  que  pendant  que  deux  notes  sont  tenues,  par  exemple 
deux  do  en  octave,  les  notes  intermédiaires  de  la  gamme 
fussent  capables  de  s'inscrire. 

Le  dispositif  que  nous  avons  employé  n'est  pas  parfait  ;  mais 
il  a  l'avantage  de  répondre  à  la  plupart  de  ces  desiderata  si 
complexes,  et  il  y  répond,  ce  qui  est  presque  paradoxal,  grâce 
à  sa  simplicité  (fig.  38). 

11  se  compose  essentiellement'  d'un  tube  en  caoutchouc 
unique,  placé  sous  les  touches,  et  réuni  par  ses  deux  extrémités 
à  un  tambour  enregistreur  également  unique.  Cette  unité  d'or- 
gane évite  les  erreurs  provenant  des  différences  de  sensibilité 
et  de  réglage  d'appareils  à  air  multiples. 

Le  tube  de  caoutchouc,  de  6  millimètres  de  diamètre,  est 
porté  sur  une  lame  de  bois  qu'on  adapte  immédiatement  en 
arrière  du  plateau  du  piano  ;  le  niveau  de  la  lame  de  bois  peut 
être  modifié  à  volonté  au  moyen  d'un  système  de  cales  qu'on 
règle  avec  un  bouton,  de  sorte  qu'on  peut,  en  pressant  ce 
bouton,  faire  aflleurer  la  partie  enregistrante  au  niveau  des 
touches  ou  l'abaisser.  Quand  elle  affleure,  le  toucher  s'inscrit  ; 
quand  elle  n'affleure  pas,  l'inscription  cesse.  Enfin,  comme  cette 
partie  enregistrante  dépasse  à  peine  de  quelques  millimètres  le 


206         TRAVAUX   DU   LABORATOIRE   DE   PSYCUOLOGIE   DE   PARIS 

niveau  des  mouches  qui  servent  de  butoirs  aux  touches,  la 
résistance  des  touches  n'est  augmentée  que  dans  des  pro})or- 
tions  insignifiantes. 

Le  tambour  enregistreur  que  nous  employons  est  un  tambour 
de  Marey  à  fond  de  caoutchouc  qui  inscrit  au  moyen  d'une 
plume  sur  une  feuille  de  papier.  En  général,  on  fait  écrire  la 
plume  sur  un  cylindre  tournant  enduit  de  noir  de  fumée.  Pour 
donner  à  l'instrument  une  forme  pratique  qui  le  rendît  acces- 
sible aux  artistes,  nous  avons  construit  un  appareil  simplifié 
composé  d'une  bande  de  papier  qui  est  entraînée  à  frottement 
par  deux  rouleaux  qu'actionne  un  mouvement  d'horlogerie. 
L'appareil  est  portatif,  de  dimensions  réduites  ;  il  a  à  peu  près 
celles  d'un  volume  in-octavo.  Nous  avons  supprimé  l'enfumage 
du  papier  en  emplo3^ant  une  plume  à  encre  d'un  modèle  nou- 
veau ;  elle  se  compose  d'un  réservoir  d'encre  en  amadou,  qui 
cède  lentement,  par  capillarité,  sa  provision  d'encre  à  un  style 
de  bois  poreux. 


III 


Examinons  successivement  ce  que  cet  appareil  donne  au  point 
de  vue  de  la  force,  du  temps  et  de  la  forme. 

Force.  —  Le  tracé  de  la  figure  39  permet  d'étudier  la  fidélité 
avec  laquelle  l'appareil  enregistre  des  pressions  de  force  iné- 
gale. 

Il  correspond  à  une  série  d'accords  :  en  a,  On  frappe  une 
note  ;  en  6,  deux  notes  ;  en  c,  trois  notes,  et  ainsi  de  suite 
jusqu'à  six  notes  ;  on  voit  que  le  tracé  s'élève  graduellement, 
qu'il  est  plus  haut  par  exemple  pour  (juatre  notes  que  pour 
deux,  et  pour  six  que  pour  quatre.  La  hauteur  du  tracé  est-elle 
proportionnelle  au  nombre  des  noies?  C'est  ce  qu'il  est  difficile 
de  dire,  parce  que  l'on  ne  sait  pas,  quand  une  personne  frappe 
trois  notes  à  la  fois,  si  elle  dépense  pour  chacune  la  môme  force 
que  si  elle  les  frappait  successivement.  Une  autre  expérience, 
reproduite  aussi  dans  la  figure  39,  répond  mieux  à  la  question  : 
en  a',  on  frappe  une  note  et  ensuite  en  h'  une  seconde  note  en 
continuant  à  appuyer  sur  la  première  touche;  on  voit  que  le 
tracé  enregistre  exactement  ces  deux  notes  successives,  qui 
représentent  une  exagération  de  ce  qu'on  appelle  en  musique  le 
lié  ;  puis,  on  abaisse  une  nouvelle  louche,  cl  ainsi  de  suite,  en 


A.    BINET   ET   J.    COURTIER.    —    GRAPUIQUES    DE    LA   MUSIQUE 


'liUl 


maintenant  toujours  abaissées  les  touches  précédentes;  chaque 
note  se  marque  indépendamment  de  celle  qui  la  précède  et  qui 
reste  appuyée.  L'ensemble  figure  un  escalier  dont  chaque  note 
successive  produit  une  marche  ;  la  longueur  et  la  hauteur  des 
marches  ne  sont  pas  rigoureusement  égales,  à  cause  de  l'inhabi- 


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Fig.  39.  —  Tracés  obtenus  :  a,  en  frappant  une  note  ;  b,  c,  d,  e,  /",  en  frappant 
des  accords  de  2,  3,  4,  5  et  6  notes  ;  a',  b',  c',  cl',  e',  en  jouant  cinq  notes 
successives  et  en  maintenant  les  touches  abaissées.  Tous  les  tracés  se 


lisent  de  gauche  à  droite. 


leté  du  sujet  qui  a  fait  l'expérience.  Pour  le  dire  en  passant,  cet 
exercice,  quoiqu'il  n'ait  aucune  application  musicale  directe, 
offre  pour  les  musiciens  un  intérêt  pédagogique  sérieux,  et  leur 
montre  nettement  l'égalité  ou  l'inégalité  de  leurs  doigts. 

En  résumé,  le  tracé  39  prouve  que  l'appareil  est  suffisamment 
sensible  pour  exprimer  par  la  hauteur  des  courbes  l'intensité 
du  toucher.  Naturellement,  nous  ne  devons  pas  chercher  ici 
une  proportion  rigoureusement  mathématique  entre  la  hauteur 
et  l'intensité,  parce  qu'une  membrane  de  caoutchouc  ne  peut 
pas  la  donner  :  son  élasticité  a  une  limite,  et  elle  décroît  à 
mesure  qu'on  s'approche  de  cette  limite.  Il  en  résulte  que  si, 
sous  l'influence  d'une  poussée  égale  à  i,  la  plume  reliée  à  la 
membrane  se  déplace  d'un  centimètre,  elle  pourra  ne  pas  se 


208 


TRAVAUX   DU   LABORATOIRE    DE    TSYCnOLOGIE   DE    PARIS 


déplacer  de  10  centimètres  pour  une  poussée  égale  à  10  : 
l'efTet  dépendra  de  la  tension  de  la  membrane,  de  sa  dimension 
et  d'autres  circonstances.  On  peut  construire  pratiquement  une 
échelle  des  rapports  entre  la  force  des  pressions  et  les  déplace- 
céments  de  la  membrane;  mais  ce  sont  là  des  recherches  qui 
n'ont  point  d'application  pour  les  études  que  nous  exposons  : 
aussi  négligeons-nous  d'insister  plus  longuement, 

Nous  avons  parlé  plus  haut  de  la  nécessité  qu'il  y  a  d'égali- 
ser les  touches  blanches  et  noires,  pour  avoir  des  tracés  équi- 
valents. On  sait  que  ces  touches  ne  présentent  pas  la  même 
résistance  :  la  touche  noire  est  plus  dure  que  la  blanche,  et 
pour  l'abaisser  il  faut  la  charger  de  quelques  grammes  de 
plus;  en  outre,  par  sa  forme  et  sa  position  elle  est  moins 
facilement  accessilile  au  doigt,  et  l'attaque  ne  se  fait  pas  de  la 
même  façon  ;  ces  raisons  sont  plus  que  suffisantes  pour  expli- 
quer que  le  tracé  donné  par  les  touches  noires  ne  peut  être 
rigoureusement  comparable  au  tracé  des  blanches.  Nous  avons 
cherché  simplement  à  ce  que,  lorsque  les  deux  genres  de  touches 
sont  frappées  avec  un  maximum  d'intensité,  les  tracés  soient 
de  hauteur  égale  :  nous  y  sommes  parvenus  empiriquement, 
après  de  longs  tâtonnements.  Le  dispositif  que  nous  avons 
définitivement  choisi  donne  de  très  bons  résultats;  il  consiste 
à  évider  légèrement  le  bois  de  la  lame  qui  soutient  le  tube, 
dans  les  parties  correspondant  aux  touches  noires  ;  de  cette 
manière  la  résistance  de  touches  devient  équivalente,  et  les 
tracés  ont  exactement  la  même  hauteur. 


Fig.  40.  —  Traci-  oIiIimui  eu  Itu.iiil  ileiix  i/o  vu  «'rtave  et  cii  frappant  une 
note  interuicdiaire.  Eu  a,  ou  i'iappe  les  deux  du  en  octave  ;  b,  tracés  de 
la  note  inlermédiaire,  nul. 

Relativement  à  la  (luestion  de  la  force  de  pression  il  existe 
un  autre  desideratum,  que  nous  avons  indique  plus  haut  :  il 


A.    BINET   ET   J.    COURTIER.    —    GRAPniQUES   DE   LA   MUSIQUE       209 

est  nécessaire  que  l'appareil  enregistre  les  notes  intermédiaires 
aux  notes  tenues,  complication  qui  peut  se  présenter  pendant 
les  exercices  :  nous  avons  assuré  cet  enregistrement  en  calcu- 
lant la  hauteur  et  le  diamètre  du  tube,  par  rapport  au  niveau 
des  mouches,  de  manière  à  ce  que  le  tube  ne  fût  jamais  écrasé 
complètement.  Il  reste  une  faible  lumière  qui  suffit  à  l'enregis- 
trement des  notes  intermédiaires  ;  c'est  ce  que  montre  le 
tracé  40,  qui  correspond  à  une  expérience  de  ce  genre. 

En  résumé,  la  hauteu"  des  courbes,  comptée  au-dessus  de 
l'abscisse,  correspond  bien  à  la  force  de  la  pression  sur  les 
touches. 

Temps.  —  Le  temps  est  un  des  éléments  que  la  méthode 
graphique  donne  avec  le  plus  de  précision  ;  nous  n'avons  donc 
pas  à  insister  sur  ce  point.  Nous  nous  bornerons  à  faire  deux 
simples  observations  relatives  à  notre  appareil  : 

1»  En  unissant  les  deux  extrémités  du  tube  de  caoutchouc  au 
tambour  enregistreur,  nous  adoptons  un  dispositif  qui  prati- 
quement a  pour  effet  d'égaliser  la  distance  de  toutes  les  touches 
au  tambour.  Supposons  en  effet  que  le  tube  soit  fermé  à  une  de 
ses  extrémités  :  les  touches  placées  près  de  cette  extrémité 
seront  plus  éloignées  que  les  autres  du  tambour,  ce  qui  amè- 
nerait un  retard  dans  l'enregistrement  de  leur  action. 

2"  L'unité  du  tambour  enregistreur  assure  une  mesure  exacte 
du  temps  s'écoulant  entre  diverses  notes. 

Forme.  —  Théoriquement,  la  méthode  graphique  doit  don- 
ner la  forme  du  mouvement;  dans  la  réalité,  ce  résultat  n'est 
pas  toujours  atteint.  On  sait  que  l'enregistrement  des  mouve- 
ments extrêmement  rapides  est  le  désespoir  de  la  méthode 
graphique,  parce  que  ces  mouvements,  en  ébranlant  fortement 
la  membrane  de  caoutchouc  des  tambours  enregistreurs,  déter- 
minent une  projection  de  la  plume  qui  déforme  le  tracé.  Nous 
avons  obtenu  des  déformations  de  ce  genre  dans  nos  premiers 
essais,  et  il  ne  pouvait  en  être  autrement  puisque  les  mouve- 
ments d'attaque  des  pianistes  sont  des  mouvements  extrême- 
ment vils,  qui  durent  à  peine  quelques  centièmes  de  seconde. 
Nos  tracés  étaient  défigurés  par  les  vibrations  de  la  plume  ins- 
crivante, qui  enlevaient  aux  courbes  une  grande  partie  de  leur 
intérêt.  Nous  donnons  (flg.  41 ,  ligne  A)  un  de  ces  tracés  déformés 
pour  montrer  l'importance  de  cette  cause  d'erreur  produite  par 
l'inertie  de  l'appareil.  Les  physiologistes  ont  longuement  cher- 
ché une  correction  de  ces  appareils,  et  si  l'historique  de  cette 

ANNÉE    PSYCHOLOGIQLE.    II.  U 


ilO 


TRAVAUX    DU    LA150RAT01RC    DK    PSYCHOLOGIE    DE   PARIS 


intéressante  question  est  en  général  peu  connu,  c'est  parce  que 
beaucoup  d'elTorts  faits  dans  ce  sens  n'ont  pas  donné  de  résul- 
tats appréciables.  On  s'est  efforcé  le  plus  souvent  de  réduire  le 
poids  ou  la  longueur  de  la  plume  inscrivante,  en  se  résignant  à 
produire  des  tracés  presque  microscopiques,  qu'on  amplifiait 
ensuite  par  la  photographie  ou  par  des  appareils  à  projection. 
Ona  aussi  eu  l'idée  d'introduire  dans  le  tambour  ou  dans  le  tube 
de  transmission  de  la  plume,  du  coton,  des  matières  inertes 
quelconques,  pour  amortir  le  choc  des  poussées  d'air  rapides. 
Nous  ignorons  l'efTet  de  ces  différents  expédients,  les  tracés 
n'avant  pas  été  publiés  :  il  nous  semble  en  tout  cas  qu'il  serait 
difficile  de  régler  et  de  mesurer  des  effets  de  ce  genre. 


^ 


u.      i 


Fi-   41    -  Tracés  obtenus  :  en  A.  aver  un  lubu  .le  Irausmission  libre;  en 
"b,  avec  un  orifice  capillaire  intercalé  dans  le  tube  de  transmission. 

Des  recherches  patientes  nous  ont  donné  une  solution  toute 
différente  du  problème.  L'observation  nous  a  montré  qu'un 
orifice  capillaire  intercalé  dans  le  tube  de  transmission  suffit 
pour  supprimer  les  oscillations  de  la  plume  et  les  diverses 
déformations  dues  à  l'inertie  de  l'appareil  enregistreur;  la 
forme  du  tracé  est  en  quelque  sorte  épurée  par  cet  artifice, 
comme  on  peut  s'en  assurer  en  comparant  les  deux  tracés  A  et  B 
de  la  figure  41,  dont  lun,  A,  est  pris  par  les  mélhodes  habi- 
tuelles, et  le  second,  B,  est  pris  avec  un  orifice  capillaire.  Mous 
avons  fait  construire  un  appareil  dont  le  principal  avantage  est 
de  permettre  pour  chaque  expérience  de  régulariser  l'inscrip- 
tion des  phénomènes.  Il  se  compose,  dans  sa  partie  principale, 
d'un  diaphragme  percé  d'orifices  de  dimensions  graduées.  Cet 


A.    BINET    ET   J.    COURTIER.    —    GRAPOIQUES   DE   LA    MUSIQUE        211 

appareil,  de  la  dimension  d'une  petite  montre,  est  intercalé 
dans  le  tube  de  transmission. 

Des  recherches  historiques  faites  après  coup  nous  ont  appris 
que  Marey  a  employé  le  tube  capillaire  dans  les  manomètres 
à  mercure  pour  obtenir  le  niveau  moyen  de  la  pression  san- 
guine et  supprimer  les  oscillations  dues  aux  contractions  du 
cœur.  II  n'y  avait  de  là  qu'un  pas  à  faire,  semble-t-il,  pour 
appliquer  le  même  dispositif  à  la  transmission  par  air.  Il  est 
vrai  que  le  résultat  des  deux  procédés  a  été  bien  différent  : 
celui  de  Marey  égalisait  les  pressions  ;  le  nôtre,  au  contraire, 
les  laisse  subsister  à  ce  point  que  nous  pouvons  enregistrer  le 
dicrotisme  du  pouls,  et  que  le  tracé  ne  diffère  point  de  celui 
qu'on  obtient  avec  un  tube  libre  '. 

Nous  avons  appris  depuis  également  que  M.  Ghauveau  a 
employé  dans  son  laboratoire  du  Muséum  des  robinets  rétré- 
cisseurs.  En  réglant  à  l'aide  de  tâtonnements  l'ouverture  de 
ces  robinets,  on  rectifie  les  tracés.  Maison  ne  connaît  peut-être 
pas  la  nature  ni  le  degré  de  résistance  introduit  dans  le  tube 
de  transmission  aussi  exactement  qu'avec  des  orifices  capil- 
laires gradués. 


IV 


La  méthode  que  nous  venons  de  décrire  nous  a  permis  de 
recueillir  des  tracés  qui  éclairent  plusieurs  questions  impor- 
tantes pour  les  musiciens.  Nous  nous  bornons  à  publier  ces 
tracés,  en  les  accompagnant  d'un  court  commentaire. 

1"  Egalité  des  doigts.  —  On  sait  que,  par  suite  de  la  constitu- 
tion anatomiquede  la  main,  les  doigts  n'ont  ni  la  même  force, 
ni  la  même  indépendance  :  le  principal  but  d'un  grand  nombre 
d'exercices  musicaux  est  d'augmenter  la  puissance  des  deux 
derniers  doigts  de  la  main,  qui  sont  les  plus  faibles  de  tous. 
De  bons  juges  assurent  que  quand  l'annulaire  et  l'auriculaire 
sont  devenus  aussi  forts  et  aussi  indépendants  que  le  pouce  et 
l'index,  on  peut  se  jouer  de  la  plupart  des  difficultés  musicales. 
Malheureusement,  l'oreille  seule  est  appelée  à  décider  si  dans 
une   gamme  ou  un  morceau  les   doigts  frappent  ou   non  les 

(I)  Pour  plus  de  détails  sur  ce  point,  voir  nos  communications  à  la  So- 
ciété de  Biologie,  mars  el  avril  1895,  résumées  dans  le  chapitre  Vuriélés 
du  présent  volume. 


212 


TRAVAUX    DU    LABORATOIRE    DE    PSYCUOLOGIE   DE   PARIS 


louches  avec  une  force  égale;  et  l'oreille,  nous  le  répétons, 
peut  se  tromper.  Ne  vaut-il  pas  mieux  avoir  un  tracé  qui  ren- 
seigne exactement  l'artiste  sur  Tétat  moteur  de  sa  main  et  sur 
le  travail  que  chacun  de  ses  doigts  est  capable  de  donner  ? 
Nous  avons  recueilli  un  bon  nombre  de  tracés  dans  lesquels 
nous  avons  pu  étudier  l'égalité  des  doigts,  on  plutôt  l'inégalité 
des  doigts,  chez  différentes  personnes.  Nous  avons  saisi  des 
défauts  dont  les  personnes  mêmes  ne  se  doutent  pas  :  l'une 
d'elles,  par  exemple,  a  l'index  beaucoup  plus  faible  que  les 
autres  doigts;  elle  ne  s'en  était  pas  apergue  avant  les  expé- 
riences ;  elle  se  rend  compte  maintenant  de  ce  défaut  et  arri- 
vera peut-être  à  le  corriger.  Nous  donnons  le  tracé  d'un  trille 
exécuté  par  cette  personne  avec  l'index  et  le  médius  (fig.  42    : 


J\AAMvJ\,J\jM\/^MU\fMM^{^^ 


Fi!?.  42. 


Trille  exOcuté  avec  l'iiulcx  cl  le  médius.  Index  luible. 


en  examinant  le  tracé,  on  peut  se  convaincre  que  les  courbes 
sont  inégales  et  régulièrement  inégales  ;  celles  de  nombre  pair 
qui  correspondent  au  médius,  sont  plus  élevées  que  celles  de 
nombre  impair,  qui  correspondent  à  l'index.  Cette  inégalité  ne 
se  manifeste  bien  entendu  que  dans  le  jeu  rapide  :  les  trilles  de 
la  figure  42  ont  été  exécutés  avec  une  vitesse  de  8  à  10  notes 
par  seconde.  Cette  particularité  appelle  une  remarque  d'un 
intérêt  général  :  les  défauts  de  mécanisme  ne  se  manifestent 
clairement  que  dans  les  mouvements  rapides,  et  ces  der- 
niers sont  la  pierre  de  touche  des  virtuoses.  Il  est  donc  néces- 
saire, quand  on  cherche  à  étudier  le  mécanisme  d'une  per- 
sonne, de  lui  faire  augmenter  sa  vitesse.  Nous  rapprochons  de 
ce  premier  tracé  un  trille  exécuté  par  une  main  habile,  celle 
de  M"'-  Blanchard,  distingué  professeur  de  piano.  On  voit  de 
suite  que  le  mouvement  des  doigts  (2  et  8)  a  été  beaucoup  plus 
régulier  (fig.  44).  La  figure  43  est  un  trille  exécuté  par  une  per- 
sonne qui  ne  sait  pas  du  tout  jouer  du  piano  :  les  mouvements 
sont  extrêmement  irréguliers.  On  a  ainsi  sous  les  yeux  le 
même  exercice  musical  avec  des  degrés  différents  de  précision, 
et  on  peut  d'un  coup  d'œil  saisir  les  différences.  L'inégalité 
naturelle  des  doigts  ne  se  marque  pas  seulement  par  l'inégalilé 
de  force  et  par  les  différences  de  hauteur  dans  les  courbes  gra- 


A.    BINET   ET   J.    COURTIER.    —    GRAPHIQUES  DE   LA   MUSIQUE       213 

phiques  :  c'est  bien  là  un  des  caractères  les  plus  frappants  de 
l'inégalité;  ce  n'est  pas  le  seul.  Le  «  manque  de  sonorité  »  d'un 
doi  -t  dépend,  nous  en  sommes  maintenant  convaincus,  d'un 


Fig.  43.  —  Mauvais  trille.  Iiii"oordiuation  des  doigts  apparaissant 
après  les  dix  premières  notes. 


grand  nombre  de  conditions  ;  outre  la  force  de  pression  que  le 
doigt  développe  sur  la  touche,  il  faut  tenir  compte  aussi  de  la 
f  raie   du   mouvement,  de   sa  vitesse  et  de   la   rapidité    avec 


Fig.  44. 


Trille   exécuté   avec   l'index  et  le  médius,  par  un  professeur 
de  piano.  Le  mouvement  des  doigts  est  régulier. 


laquelle  il  se  relève,  au  moment  même  où  un  autre  doigt  entre 
en  mouvement.  Ceci  nous  amène  à  parler  du  lié. 

i°  Le  lié.  —  Deux  notes  sont  liées  lorsque  l'une  d'elles  con- 
tinue à  être  un  peu  tenue  pendant  que  Ton  frappe  la  seconde. 
Les  notes  liées  ont  une  valeur  musicale  bien  différente  de 
celle  des  notes  détachées  ;  l'effet  produit  par  la  liaison  con- 
siste en  ce  que  les  notes  successives  se  mélangent^,  tandis 
que  les  notes  qui  sont  détachées,  ou  jouées  en  piqué,  ne  se 
confondent  pas  et  gardent  chacune  leur  individualité.  Cette 
différence  est  due  à  l'action  de  l'étouffoir,  qui  éteint  la  vibra- 
tion de  la  corde  dès  que  l'on  abandonne  la  touche,  et  que  par 
conséquent  l'on  supprime  brusquement  le  son.  Dans  les  notes 
liées,  l'étouffoir  n'exerce  pas   au  même  degré  son  action,  car 


214  TRAVAUX    DU    LABORATOIRE    DE    PSYCDOLOGIE    DE    PARIS 

une  note  continue  à  vibrer  d'une  manière  perceptible  pendant 
plusieurs  secondes,   parfois  même  une  demi-minute  et  davan- 
tage, lorsqu'elle  est  tenue  jusqu'à  l'extinction  du  son.   La  liai- 
son des  notes  peut  être  volontaire  et  nécessaire  à  l'exécution 
d'un  morceau  ;  mais,  dans  un  grand  nombre  de  circonstances, 
elle  se  produit  contre  le  gré  de  l'exécutant,  et  constitue  une 
imperfection  de  son  mécanisme  :  il  peut  donc  être  d'une  grande 
importance  de  savoir  dans  quel  cas  la  liaison  des  notes  se  pro- 
duit involontairement,  et  le  tracé  devient  fort  utile  à  consulter. 
Nous  citerons  à  ce  propos  l'observation  suivante  :  dans  une 
série  d'expériences  pour  lesquelles  deux  pianistes  de  profes- 
sion nous  prêtaient  leur  concours,  nous  nous  sommes  aperçus 
par  hasard  qu'un  des  artistes,  en  jouant  des  gammes  ascen- 
dantes   avec  son  maximum  de  vitesse,  en  liait  les  dernières 
notes.  Ce  lié  se  faisait  à  son  insu.  Prévenu  du  fait,  il  chercha 
à  surveiller  son  jeu  et  à  détacher  les  dernières  notes  :  il  n'y 
réussissait  pas  toujours  ;  chose  curieuse,  ni  lui  ni  les  assistants 
ne  se  rendaient  exactement  compte  du  résultat  :  le  tracé  seul 
indiquait  avec  une    précision    infaillible   comment  les   notes 
avaient  été  jouées.  On  se  demandera  peut-être  à  ce  propos  :  A 
quoi  bon  chercher  dans  le   tracé  des  renseignements  qui  sont 
bien  inutiles  puisqu'ils  portent  sur  des  particularités  qui  échap- 
pent à  l'oreille,  et  puisque  c'est  à  l'oreille  seule  que  s'adresse 
l'art  musical?  Nous  ne  sommes  nullement  embarrassés  pour 
répondre  àl'objection.  L'impressionartistique  consciente  est  for- 
mée par  la  synthèse  d'éléments  dont  un  bon  nombre  restent  en 
dessous  de  la  conscience  ;   mais  pour  provoquer  l'impression 
consciente,  il  faut  que  le  musicien  soit  maître  de  ces  éléments 
inconscients,  et  c'est  à  ce   propos  que  la  méthode  grafihique 
lui  rendra  de  grands  services. 

Comment  la  liaison  des  notes  s'inscrit'èlle  sur  nos  tracés 
lorsque  la  plume  se  maintient  au-dessus  de  la  ligne  de  l'abs- 
cisse ?  Quand  on  quitte  la  touche,  la  plume  rejoint  l'abscisse; 
si  on  presse  une  autre  touche  avant  de  quitter  la  première,  la 
plume  ne  redescend  pas,  ou  ne  descend  qu'à  moitié.  Le  schéma 
du  lié  est  représenté  par  notre  figure  39  {a'  6'),  en  escalier,  qui, 
bien  entendu,  n'a  rien  de  musical  :  lii  les  notes  ont  été  tenues 
volontairement  pendant  un  temps  fort  long;  dans  la  réalité, 
les  choses  se  passent  d'une  manière  un  peu  plus  compliquée  : 
le  doigt  quitte  une  note  pendant  qu'un  autre  doigt  presse  sur 
une  autre  note  ;  les  deux  actes  peuvent  avoir  lieu  simultané- 
ment ou  se  suivre  avec  un  intervalle  très  court,  de  sorte  que  ce 


il 


A.    BINt:T    ET   J.    C0URTII::R.    —    GRAPUIQUES   DE   LA    MUSIQUE       215 

qu'on  rencontre  le  plus  fréquemment  sur  les  tracés,  ce  sont 
des  demi-descentes  interrompues  par  des  montées.  Si  l'on  prie 
une  personne  de  faire  une  gamme  ou  une  série  de  cinq  notes, 
sans  lui  donner  d'autre  explication,  en  général  les  notes  sont 
liées  ;  elles  le  sont  à  des  degrés  divers,  qui  donnent  au  tracé 
une  grande  irrégularité. 

La  liaison  des  notes  se  produit,  en  dehors  des  raisons  musi- 
cales, dans  un  grand  nombre  de  conditions  différentes.  Nous 


i^fe 


ï 


■^ir^ 


Fig.  45.  —  Cinq  notes  frappées  successivement.  Doigté  :  1 ,  2,  3,  4,  5.  Vitesses 
croissantes.  Ciiaque  groupe  correspond  à  un  exercice.  Les  cinq  notes 
sont  d'autant  plus  liées  et  d'autant  plus  irrégulières  ciue  la  vitesse  est 
plus  grande. 


citerons  trois  de  ces  conditions  :  1°  dans  les  mouvements  des 
derniers  doigts,  surtout  du  4'' et  du  o°;  2°  dans  l'état  de  fatigue  : 
la  liaison  des  notes  est  un  repos  pour  la  main  paresseuse  ou 
fatiguée  ;  3°  dans  les  mouvements  de  grande  vitesse.  Le  tracé 
de  la  figure  4o  en  donne  un  exemple  :  il  représente  cinq  notes 
jouées  par  un  amateur  avec  une  vitesse  croissante  ;  les  deux 
premières  séries  sont  faites  avec  quelque  régularité,  au  moins 
relativement  aux  suivantes,  dans  lesquelles  la  précipitation  du 
mouvement  a  produit  une  inégalité  curieuse  des  doigts.  En 
outre,  à  mesure  que  la  vitesse  augmente,  il  se  produit  des  liés  : 
les  dernières  séries  donnent  un  tracé  confus  qui  correspondait 
bien  à  l'impression  vague  produite  sur  l'oreille  par  un  jeu  peu 
correct. 

Passage  du  pouce.  —  Chacun  sait  que  le  passage  du  pouce 
•est  d'une  difficulté  variable  :  le  passage  du  pouce  est  facile 
après  le  2*"  doigt  et  le  3''  ;  il  est  plus  difficile  après  le  4'',  et 
dune  difficulté  très  sérieuse  après  le  5*^  doigt  (comme  on  le 
trouve  dans  certains  exercices)  surtout  pendant  un  jeu  rapide. 
IVous  donnons  plusieurs  tracés  qui  présentent  diverses  difficul- 


216         TRAVAUX   DU   LABORATOIRE   DE   PSYCUOLOGIE   DE   PARIS 

lés  de  passage  de  pouce  exécutées  par  le  même  artiste.  L'ar- 
tiste jouait  une  gamme  montante  de  deux  octaves;  les  doigts 
jouaient  dans  Tordre  ordinaire  :  1.  2.  3  /  1.  2.  3.  4.  /  1.  2. 
3.  /  I.  2.  3.  4.  5.  Il  y  avait  trois  passages  de  pouce,  d'abord 
après  le  3'^  doigt,  ensuite  après  le  4"  doigt,  et  enfin  après  le 
o^^  doigt.  En  comptant  les  passages  du  pouce,  à  partir  du  com- 
mencement de  la  série,  on  voit  qu'ils  ont  lieu  entre  la  d''  et  la 
4'^  note,  entre  la  7*^  et  la  8^  et  entre  la  lO''  et  la  IP.  C'est  donc 
sur  ces  notes-là  que  l'attention  doit  se  porter  pendant  la  lecture 
des  tracés. 


WMlKfdkKiKJï 


uAjIâjJolUlU 


Mi\uAAAi 


M^AUÀÂÀi___u:.MA.lUjiiX 


j^jMiJ^kklX  '_ 


jWuiWjUIuu 


x^J\IdlJ\j\}X\}J^^-—J^J\k}Mld\j\J^'^ K^' 


dM}J: 


¥\g.  46.  —  -1,  (Gammes  de  deux  octaves  en  détache.  (Exercice  répété  deux 
fois.)  —  7J,  .Mèuics  exercices.  Vitesses  croissantes.  —  C,  Mêmes  exercices. 
Vitesses  croissantes.  —  7),  Mêmes  exercices.  Vitesses  croissautes. 


Le  tracé  46  (A)  correspond  à  un  jeu  très  lent  ;  les  notes  ont 
été  piquées  ;  elles  sont  régulières,  les  intervalles  aussi  sont 
réguliers,  tout  cela  est  correct.  Nous  l'avons  déjà  fait  remar- 
quer, ce  n'est  pas  dans  le  jeu  lent  que  les  défauts  du  méca- 
nisme se  manifestent.  Maintenant  nous  prions  le  sujet  déjouer 
un  peu  plus  vite  ;  sa  vitesse  est  à  peu  près  le  double  :  fig.  46  (B) 
la  différence  n'est  pas  considérable  ;  les  passages  de  pouce  se 


A,    BINET   ET   .1.    COURTIER.    —    GRAPHIQUES   DE   LA   MUSIQUE       217 

font  encore  cozTectement.  Avec  une  vitesse  un  peu  plus  grande, 
nous  avons  le  tracé  fig.  46  iC),  où  les  irrégularités  sont  fort 
curieuses  ;  l'attaque  des  premières  notes  manque  d'énergie,  et 
en  outre,  fait  à  noter,  le  troisième  passage  de  pouce  se  recon- 
naît sur  le  graphique  ;  il  se  produit  entre  la  10®  et  la  11''  note  : 
or.  la  10' note  est  frappée  moins  fort  que  les  autres.  Si  l'artiste 
augmente  encore  la  vitesse,  même  d'une  quantité  faible,  et  s'il 
donne  son  maximum  de  vitesse,  alors  tous  les  passages  de 
pouce  deviennent  lisibles,  fig.  46  {D),  la  3"  note,  la  1"  note,  la 
10"  note,  en  un  mot  toutes  celles  qui  précèdent  le  passage  de 
pouce  sont  ou  peuvent  être  affaiblies.  On  ne  peut  souhaiter  de 
tracé  plus  démonstratif. 

Intervalles.  —  Nous  avons  dit  que  de  tous  les  renseigne- 
ments que  donne  la  méthode  graphique,  les  plus  précis  ont 
trait  à  la  mesure  du  temps.  Les  tracés  s'inscrivant  sur  une 
surface  animée  d'un  mouvement  ,uniforme,  le  temps  se  trouve 
transformé  en  une  quantité  linéaire,  qu'on  mesure  au  milli- 
mètre. On  peut  donc,  en  recueillant  un  tracé,  savoir  exacte- 
ment dans  quel  mouvement  un  morceau  a  été  joué,  connaître 
la  valeur  exacte  donnée  aux  noies  et  aux  silences,  et  être  ren- 
seigné sur  ces  changements  si  légers  de  rythme  que  le  métro- 
nome ne  peut  pas  donner,  bien  que  les  musiciens  aient  été 
obligés  de  se  contenter  jusqu'ici  de  ce  grossier  instrument  !  A 
ce  point  de  vue  déjà,  la  méthode  graphique  devrait  être  appe- 
lée par  tous  les  compositeurs  à  éclairer  une  partition  ;  elle 
seule,  nous  le  disions  plus  haut,  peut  fixer  la  tradition  suivant 
laquelle  un  morceau  doit  être  joué. 

La  mesure  des  intervalles  exacts  par  la  méthode  graphique 
n'est  pas  moins  intéressante.  Une  question  de  psycho-physio- 
logie se  pose  à  ce  sujet  :  Dans  quelles  limites  est-on  maître  de 
modifier  les  intervalles  des  notes?  Si  l'on  joue  par  exemple 
cinq  notes  en  cherchant  à  ce  que  l'intervalle  des  temps  croisse 
légèrement  et  progressivement  de  la  première  note  à  la  cin- 
quième, quelle  progression  pourra-t-on  obtenir?  Une  artiste 
fort  connue,  qui  a  exécuté  des  expériences  de  ce  genre  avec  notre 
dispositif,  a  obtenu  les  résultats  suivants  :  en  jouant  les  cinq 
notes  en  une  demi-seconde,  elle  a  pu  mettre  régulièrement  entre 
deux  notes  successives  un  retard  d'un  centième  de  seconde. 
Nous  n'aurions  pas  cru  a  ^vr^'on  que  le  fait  fût  possible,  et,  sans 
le  tracé,  nous  aurions  peine  à  admettre  que  la  volonté  d'une 
personne  pût  agir  sur  un  intervalle  d'un  centième  de  seconde. 


218 


TRAVAUX    DU   LABORATOIRE   DE    PSYCHOLOGIE    DE   PARIS 


Il  est  vrai  que  clans  ces  expériences  le  doigt  est  en  quelque 
sorte  guidé  instinctivement  par  l'oreille  et  par  la  sensation  de 
rythme.  Comme  cette  question  a  intéressé  beaucoup  de  phy- 
siologistes, nous  citerons  quelques  détails.  Les  intervalles  entre 
les  cinq  notes  jouées  ont  présenté,  dans  10  expériences  succes- 
sives, les  valeurs  suivantes  : 


DUREE 

DES    INTER 

VALLES    EN! 

'RE    LES 

MOYENNE 

(le 

1"'  et  2''  notes. 

f  et  o'^  noie*. 

3'"  et  4'  noies. 

4''  et  0*"  noies.  . 

L".\CCnOISSEMENT 

// 

Il 

// 

// 

II 

0,08o 

0,093 

0,102 

0,119 

0,011 

0,093 

0,102 

0,110 

0,119 

0,008 

0,093 

0,102 

0,110 

0,127 

0,011 

0,093 

0,102 

0,110 

0,136 

0,014 

0,102 

0,114 

0,127 

0,144 

0,014 

0,110 

0,110 

0,144 

0,153 

0,013 

0,102 

0,110 

0,127 

0,144 

0,014 

0,110 

0.114 

0,136 

0,144 

0,013 

0,102 

0,102 

0,13G 

0,144 

0,013 

0,102 

0,127 

0,136 

0,136 

0,011 

Ce  tableau  montre  que  la  moyenne  de  l'accroissement  a 
varié  de  l  centième  de  seconde  à  1  centième  et  demi.  Jamais  il 
ne  s'est  produit  de  variations  en  sens  inverse. 

Crescendo  et  decrescendo.  —  Cette  question,  comme  beau- 
coup   d'autres,    mériterait    de   longs   développements   qui    ne 


$ 


/  Z  S  f 


Fig.  47.  —  (Jaiiiiiifs.  Qiiiitro  (iclavcs.  Les  nclaves  1  et  3  eu  cn'.SL'eniln. 
Les  octaves  2  et  4  eu  clccrcace/ulo. 


peuvent  trouver  place  ici.  La  force  avec  laquelle  on  frappe  une 
note  dépend  de  beaucoup  de  conditions  dilTérentes,  dont  quel- 


A.    BINET    ET    .T.    COURTIER. 


GRAPHIQUES    DE    LA    MUSIQUE        1219 


ques-unes  sont  musicales,   et  les  autres   purement  physiolo- 
giques, c'est-à-dire  dépendant  du  mécanisme  de  la  main. 

Le  tracé  47  montre  la  difficulté  assez  grande  qu'on  éprouve 
à  graduer  avec  précision  une  gamme;  ce  tracé  correspond 
à  des  gammes  piquées,  jouées  alternativement  en  cres- 
cendo et  en  decrescendo  ;  elles  ont  été  jouées  assez  lentement; 


Fig.  48.  —  Gauime  eu  crescendo.  (Exercice  répété  deux  fuis.) 


cependant  il  n'y  a  point  de  régularité  d'une  note  à  l'autre;  le 
crescendo  et  le  decrescendo  ne  se  marquent  que  dans  l'ensemble 
de  la  gamme.  La  personne  qui  nous  a  donné  ce  tracé  a  certai- 
nement besoin  de  perfectionner  son  mécanisme. 

Comme  comparaison,  nous  plaçons  ici  une  gamme  en  cres- 


Fi".  49.  —  G 


Ulllllli'   eu  (lei-ri'sceiido.   (Kxcl'cici'  ri'>|i('l(''  ilcux.  l'uis.) 


cendo  (fig.  48)  et  une  gamme  en  decrescendo  (fig.  49),  exécu- 
tées par  un  professeur  de  piano,  avec  une  progression  d'une 
régularité  remarquable  :  on  saisit  de  suite  la  dilTérence. 

Un  rosle,  chez  un  grand  nombre  d'exécutants,  le  crescendo 
€t  le  decrescendo  vont  bien  pour  toute  la  série  des  notes  jouées, 
et  non  de  note  à  note.  On  comprend  par  conséquent  que  l'ac- 


220 


TRAVAUX    DU   LABORATOIRE   DE   TSYCIIOLOGIE   DE    PARIS 


centuation  d'une  note  unique  constitue  pour  l'exécutant  une 
difficulté  sérieuse  ;  et  la  méthode  graphique  pourrait  certaine- 
ment donner  des  indications  utiles  à  ceux  qui  s'exercent.  Nous 
avons  constaté  sur  beaucoup  de  tracés  qu'en  général,  lorsqu'on 
cherche  à  accentuer  une  note  unique,  il  se  produit  des  modifi- 
cations supplémentaires,  à  l'insu  du  pianiste,  dans  les  notes 
voisines.  Ce  sont  bien  là  ces  complications  de  nature  physio- 
logique qui  allèrent  dans  une  proportion  considérable  TefTet 
musical  du  jeu.  Il  est  d'autant  plus  utile  de  surveiller  ces  com- 
plications qu'on  peut,  avec  de  la  volonté,  les  atténuer,  peut- 
être  même  les  faire  disparaitre.  Nous  signalerons  en  particulier 
les  points  suivants  au  sujet  des  notes  accentuées  :  l'^  tendance 
à  détacher  la  note  précédente  ;  2''  tendance  à  lier  la  note  accen- 
tuée avec  la  note  suivante  ;  'd''  tendance  à  augmenter  la  durée 
de  la  note  accentuée,  comme  si  celte  augmentation  de  la  durée 


Fig.  bO.  —Do  ré  mi  fn  fiol.  Le  ini  csi  acceulué.  Exercice  répété  qiuilre  fois. 


équivalait  à  une  augmentation  d'intensité.  Le  tracé  de  la 
figure  50  montre  ces  trois  particularités  :  cinq  notes  étaient 
jouées,  la  troisième  seule  devant  être  accentuée  ;  on  voit  que 
cette  troisième  note  n'a  pas  été  liée  avec  la  seconde,  mais 
avec  la  quatrième,  et  que  la  durée  d'appui  est  augmentée; 
4°  ce  dernier  point  est  le  plus  important  :  tendance,  surtout 
dans  le  jeu  rapide,  à  augmenter  l'intensité  des  notes  qui  suivent 
la  note  accentuée.  Ceci  confirme  encore  les  observations  que 
nous  présentions  i)lus  haut  relativement  à  la  difficulté  des 
crescendo  et  decrescendo  de  note  à  note  :  les  variations  de 
force  demandent  un  contrôle  de  la  volonté  et  par  conséquent 
le  temps  nécessaire  pour  que  ce  contrôle  se  produise  ;  quand 
le  jeu  est  rapide,  les  changements  de  force  se  produisent  sur 
plusieurs  notes  à  la  fois.  Ajoutons  cette  observation  complé- 
mentaire qu'il  est  plus  facile  de  passer  rapidement  d'un  mou- 


A.    BINET    ET    J.    COURTllîR.    —    GRAPUIQUES    DE    LA    MUSIQUE       ^21 

vement  léger  à  un  mouvement  fort  que  de  faire  le  passage 
inverse;  et  en  effet,  quand  on  doit  accentuer  une  note,  on  a 
une  tendance  à  accentuer  aussi  la  note  qui  suit,  et  non  celle 
qui  précède. 

Citons  à  ce  propos  une  autre  modification  intéressante  de  la 
force  des  doigts,  qui  est  également  soustraite  à  l'influence  de  la 
volonté.  Lorsqu'on  exécute  un  série  de  notes,  soit  une  gamme, 
en  donnant  son  maximum  de  rapidité,  la  note  sur  laquelle  on 
termine  est  frappée  avec  plus  d'intensité  que  les  autres.  C'est 
ce  que  nous  montrons  sur  le  tracé  51  au-dessus  duquel  nous 


Fig.  51.  —  «.  Série  de  mots  prononcés  :  «  Un,  deux,  trnis,  quatre,  cin<i.  ■> 
—  b.  Série  de  notes  jouées  :  i/o,  ré.  mi.  />/,  sol. 


plaçons  un  tracé  d'une  série  de  mots,  «  un,  deux,  trois,  quatre, 
cinq  »,  prononcés  avec  une  grande  rapidité,  et  enregistrés  avec 
le  microphone  de  Rousselot  :  dans  les  deux  cas,  le  dernier 
élément  du  tracé  est  plus  élevé  que  les  autres.  C'est  un  rappro- 
chement curieux  à  établir  entre  le  toucher  et  la  parole. 

Vitesse.  —  Au  point  de  vue  de  la  vitesse,  on  peut  étudier 
un  très  grand  nombre  de  questions  :  la  rapidité  de  l'attaque 
d'une  note,  le  nombre  maximum  de  notes  pouvant  être  jouées 
dans  Tunilé  de  temps,  les  modilications  que  la  vitesse  apporte 
dans  le  jeu,  etc. 

La  rapidité  de  l'attaque,  ou  rapidité  avec  laquelle  le  doigt 
enfonce  la  touche,  a  une  grande  importance  musicale  :  on  peut 
la  calculer  très  simplement  sur  des  tracés  pris  avec  une  grande 
vitesse  de  rotation  du  cylindre. 

Le  nombre  maximum  de  notes  jouées  ne  peut  pas  être  donné 
sans  distinction  préalable  :  la  question  doit  être  divisée.  Le 
nombre  de  notes  dépend  des  doigts,  de  leur  jeu  simultané  ou 


22!2         TRAVAUX   DU   LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 

successif,  et  d'une  foule  d'autres  questions.  Si  l'on  prend  seu- 
lement les  mouvements  de  l'index,  il  peut  en  être  exécuté 
environ  6  à  8  par  seconde  ;  si  Ton  compte  les  notes  d'une  gamme 
exécutée  avec  tous  les  doigts  de  la  main  dans  un  ordre  successif, 
le  nombre  de  notes  jouées  est  beaucoup  plus  élevé,  chez  une 
pianiste  célèbre,  nous  constatons  qu'il  est  de  16  par  seconde. 
Il  y  a  certainement  là,  sur  la  distribution  de  la  force  et  de  la 
rapidité  dans  les  mouvements  successifs,  simultanés  et  alter- 
natifs, de  nombreuses  recherches  à  faire. 

Un  des  caractères  les  plus  frappants  du  jeu  rapide  est  dans  | 

la  diminution  d'intensité  des  mouvements.  Lorsqu'on  fait  jouer  | 

une  gamme  d'abord  lentement,  puis  plus  vite,  puis  plus  vite  j 

encore,  on  voit  l'amplitude  du  mouvement  qui  diminue,  puis  ? 

atteint  une  certaine  limite  au  delà  de  laquelle  il  parait  ne  plus  ^ 

guère  varier,  l'exécutant  établit,  sans  s'en  rendre  compte,  et  en 
obéissant  à  son  instinct,  une  proportionnalité  entre  la  rapidité  ^ 

et  la  force  de  ses  mouvements.  Probablement,  sous  ces  phéno- 
mènes se  trouve  une  loi  qu'on  démêlera  bientôt  sur  l'impor- 
tance des  intervalles  de  temps  qui  précèdent  les  notes  ;  l'inter- 
valle correspond  peut-être  à  la  période  de  préparation  du  mou- 
vement, et  il  faut  plus  de  temps  pour  préparer  un  mouvement 
fort  que  pour  préparer  un  mouvement  faible. 

Enfin,  de  tout  ce  qui  précède  on  peut  tirer  cette  conclusion, 
fondée  sur  une  foule  de  tracés,  qu'il  n'existe  point  de  méca- 
nisme impeccable  ;  on  n'atteint  jamais  la  perfection,  la  régu- 
larité absolue,  mais  on  s'en  approche  plus  ou  moins;  en 
d'autres  termes,  l'incoordination  se  montre  dans  le  jeu  rapide, 
et  elle  requiert,  pour  se  montrer,  un  jeu  d'autant  plus  rapide 
que  l'exécutant  est  plus  habile. 

Tous  ces  détails,  tous  ces  phénomènes  complexes,  dont  notre 
oreille  ne  nous  donne  qu'une  impression  confuse,  nous  les 
voyons  s'inscrire  en  traits  indélébiles  sur  nos  cylindres.  Pen- 
chés sur  le  papier  noir  où  court  la  plume,  nous  voyons  la  force 
des  doigts,  les  intervalles,  les  accentuations  se  produire  d'une 
manière  dont  l'artiste  lui-même  n'a  pas  conscience  et  nous 
saisissons  parfois,  nous  entrevoyons  du  moins  quelques-unes 
des  nombreuses  lois  psycho-physiologiques  qui  se  manifestent 
dans  ces  mouvements  délicats  et  qui  les  dirigent.  Assurément 
la  méthode  est  féconde,  et  ceux  qui  s'en  serviront  recueilleront 
une  riche  moisson. 

A.  BiNET  et  J.  Courtier. 


LA  PEUR  CHEZ  LES  ENFANTS 


Notre  étude  sur  la  peur  chez  les  enfants  a  été  faite  par 
plusieurs  méthodes  :  1°  par  questionnaires  distribués  à  une 
centaine  d'instituteurs  ;  2"  par  des  interrogations  que  nous 
avons  adressées  à  des  adultes,  à  des  personnes  que  nous  con- 
naissons personnellement,  qui  nous  paraissent  dignes  de  toute 
confiance  et  capables  de  bien  s'analyser  ;  3''  par  des  observations 
personnelles  faites  sur  des  enfants  de  notre  famille  et  de  notre 
connaissance  1. 

Les  questionnaires  que  nous  avons  fait  distribuer  aux  insti- 
tuteurs étaient  imprimés  dans  la  marge  d'une  grande  feuille 
blanche;  les  questions  posées,  que  nous  avons  réduites  à  un 
minimum,  sont  les  suivantes  : 

1  '  Sous  quelle  forme  et  dans  quelles  circonstances  avez-vous 
observé  le  sentiment  de  la  peur  chez  quelques-uns  de  vos  élèves  ? 
(Prière  de  faire  le  récit  de  vos  observations.) 

2'^  Quels  sont  les  signes  physiques  de  la  peur  que  vous  avez 
remar({ués? 

3°  Quelle  est  la  proportion  des  enfants  peureux  ?  (Par  exemple 
combien  y  en  a-t-il  sur  une  classe  de  30  élèves  ?) 

4'  Quelle  est  leur  santé?  (Développement  physique,  poids, 
taille,  force  musculaire,  sexe,  âge.) 

o'^  Quelle  est  leur  intelligence?  Quel  est  leur  rang  dans  la 
classe  ? 

6'^  Quel  est  leur  caractère  ? 


(I)  Il  n'eiili'e  pas  dans  nntre  plan  de  faire  une  ijibli(if.'rajihie  de  la 
i|iiesliuii.  Nous  renveiTous  senlenient  aux  récents  articles  senii-[)(ppnlaires 
de  James  Sully  dans  l'apiilar  Science  Monihli/  (189;))  ;  l'anteur  y  a  traité 
avec  beaucoup  de  détails  la  peur  des  enl'ants,  et  il  a  discuté  le  mécanisme 
de  la  peur  de  Tobsicurité. 


524         TRAVAUX   DU   LABORATOIRE   I>E   l'SYCUOLOGlK   DE   PARIS 

7°  Avez-vous  observé  sous  quelle  influence  le  sentiment  de  la 
peur  se  développe  chez  les  enfants  ?  Le  tiennent-ils  de  leurs 
parents?  La  contagion  de  l'exemple,  les  récits  eiîrayants,  etc., 
jouent-ils  un  rôle  quelconque?  Quelle  est  l'influence  de  l'âge, 
de  l'éducation  religieuse,  du  milieu    ville  ou  campagne)  ? 

8°  Peut-on  guérir  un  enfant  peureux,  et  comment  doit-on  s'y 
prendre  ? 

9°  Nom  et  adresse  du  correspondant. 

Environ  deux  cent  cinquante  exemplaires  ont  été  distribués. 
Ils  n'ont  pas  été  distribués  indifféremment  à  tous  les  institu- 
teurs, mais  seulement  à  une  élite.  MM.  les  inspecteurs  d'aca- 
démie ont  bien  voulu  choisir  dans  le  personnel  enseignant  de 
leur  département  les  instituteurs  les  plus  intelligents  et  les  plus 
zélés.  Sans  grand  effort  de  notre  part,  nous  avons  recueilli 
UO  questionnaires  remplis  ;  nous  avons  borné  notre  enquête 
à  six  départements  ;  nous  aurions  pu  certainement  recueillir 
un  plus  grand  nombre  de  documents  ;  mais  nous  avons  pensé 
que  ceux-là  suffisent. 

La  bienveillante  intervention  de  MM.  les  inspecteurs  a  assuré 
le  succès  de  cette  enquête.  Réduits  à  nos  seules  forces,  nous 
n'aurions  pas  réuni  dix  réponses.  C'est  une  chose  curieuse  que 
des  personnes  qui  par  profession  ou  par  goût  s'intéressent  à 
ces  questions  montrent  une  indolence  extrême  à  remplir  le 
questionnaire  et  à  le  renvoyer.  Une  cinquantaine  d'instituteurs 
nous  ont  écrit  spontanément  pour  nous  demander  des  ques- 
tionnaires ;  sur  ce  nombre  de  volontaires,  deux  seulement  nous 
ont  écrit  des  réponses. 

Les  questionnaires  confiés  à  l'autorité  académi(iue  ont  été 
distribués  entre  les  instituteurs  et  les  institutrices  d'école 
primaire  élémentaire,  et  un  petit  nombre  ont  été  envoyés  aux 
directrices  d'écoles  maternelles.  Parmi  les  réponses,  quelques- 
unes  sont,  sous  une  forme  polie,  de  simples  refus  de  répondre  ; 
elles  sont,  en  général,  rédigées  de  la  manière  suivante  : 
i  Aucune  circonstance  ne  m'a  permis  de  constater  le  sentiment 
de  la  peur  chez  les  enfants  confiés  à  mes  soins  ;  »  —  ou  encore  : 
«  La  directrice  de  l'école  et  ses  adjointes,  après  avoir  délibéré 
sur  la  question,  ont  été  d'accord  pour  affirmer  qu'elles  n'ont 
jamais  remarqué  chez  les  élèves  le  moindre  signe  de  peur.  * 

Un  autre  instituteur  fait  la  même  déclaration,  dans  des 
termes  qui  méritent  d'être  reproduits  :  «  Je  n'ai  jamais  remarqué 
de  peur  chez  mes  élèves.  Au  reste,  ils  auraient  peur  de  quoi? 
De  leur  maitre?  Ce  n'est  plus  de  l'époque.  —  De  l'école?  Elle 


A.    BINET.    —   LA    PEUR    CUEZ    LES    ENI'ANTS  22o 

leur  est  rendue  aussi  agréable  que  possible. —  Du  travail  ?  On  les 
instruit  en  les  amusant.  —  Des  punitions?  Elles  sont  si  légères 
et  si  rares!  Non  ;  à  tort  ou  à  raison,  les  enfants  d'aujourd'hui 
n'ont  peur  de  rien;  du  moins,  le  sentiment  de  la  peur  n"a  pas 
Tùccasion  de  se  manifester  pendant  le  temps  de  l'école.  »  Saluons 
celte  heureuse  école,  et  passons  à  d'autres. 

Plusieurs  correspondants,  sans  chercher  dans  ce  motif  une 
dispense  de  répondre,  ont  remarqué  avec  raison  que  l'école  où 
les  enfants   sont  en  sécurité  et  entourés  de  leurs  camarades, 
n'est  pas  un  milieu  favorable  pour  l'observation  du  sentiment 
de  la  peur,  et  il  est  incontestable  que  les  pères  de  famille  en 
savent  plus  sur  ce  point  que  les  instituteurs  ;  mais  on  ne  peut 
pas  adresser  aux  pères  de  famille  un  questionnaire  de  psycho- 
logie, ils  n'y  répondraient  pas  ;  d'autre  part,  plusieurs  institu- 
teurs ont  une  famille,  des  enfants,  et  peuvent  noter  les  obser- 
vations qu'ils  ont  faites  chez  eux  ;  d'autres    connaissent   les 
parents  de  leurs  élèves,  reçoivent  des  confidences,  assistent  à 
des  scènes  intimes  et  ont  par  conséquent   toute   l'expérience 
nécessaire  poumons  renseigner.  Le  questionnaire  qu'on  adresse 
eux  instituteurs  de  bonne  volonté  n'est  donc  pas  inutile.   Plu- 
sieurs, en  effet,  nous  ont  envoyé  des  observations  prises  par 
eux  en  dehors  de  l'école.  Nous  avons  reçu  de  véritables  mé- 
moires, composés  de  10  à  1:2  pages,   et  rédigés  avec  ce  soin 
calligraphique  qui  caractérise  en  général  les  instituteurs.  En 
moyenne,  les  réponses  ont  une  longueur  d'une  demi-page  de 
texte  imprimé.  Il   nous  a  semblé  que  les  réponses   des  insti- 
tutrices sont  souvent  plus  détaillées,  faites  avec  plus  de  soin, 
sinon  avec  plus  d'intelligence  que  celles  des  instituteurs;  seule- 
ment, elles  manquent  de  détails  précis;  ainsi,  pour  le  poids  et 
la  taille  des  enfants,  les  institutrices  se  contentent  souvent  de 
dire  :  poids  ordinaire,  taille  élevée,  et  expressions  analogues, 
tandis   que    les   instituteurs   nous    envoient  d'ordinaire    une 
mesure  précise  en  kilogrammes  et  en  centimètres. 

Notre  questionnaire  conviait  surtout  nos  correspondants  à 
nous  envoyer  des  faits  d'observations.  La  {)lupart  nous  ont 
envoyé  des  faits  précis,  des  renseignements  détaillés  sur  des 
enfants  en  particulier,  dont  on  nous  donnait  une  courte  biogra- 
phie ;  quelques-uns  nous  ont  donné  des  observations  un  peu 
diffuses,  sans  marques  propres.  Cinq  ou  six  instituteurs  ont 
interrogé  leurs  élèves;  il  en  est  même  qui  ont  fait  composer 
les  élèves  sur  le  sentiment  delà  peur,  en  les  priant  de  raconter 
les  circonstances  où  ils  ont  éprouvé  ce  sentiment  avec  le  plus 

ANNÉE    PSYCHOLOGIQUE.    II.  15 


226         TRAVAUX   LU   LABORATOIRE   DE   PSYCUOLOGIE   DE   PARIS 

de  force.  Ce  sont  là  les  meilleures  observations.  Nous  leur  oppo- 
serons les  réponses  de  correspondants  qui,  ne  comprenant  pas 
exactement  le  but  de  notre  enquête,  nous  ont  envoyé  une  série 
de  réflexions  morales,  ou  une  véritable  homélie  plus  édifiante 
qu'instructive. 


DEFINITION    DE    LA    PEUR 

Quelques  correspondants  ont  commencé  par  remarquer,  et 
avec  raison,  qu'avant  de  faire  des  observations  sur  la  peur  des 
enfants,  il  faut  définir  le  sentiment  de  la  peur,  car  il  présente 
plusieurs  variétés  bien  différentes.  Il  existe  une  crainte  légitime, 
qui  se  manifeste  en  présence  ou  à  Tidée  d'un  danger  réel, 
possible  ou  seulement  probable,  et  qui  nous  permet  d'agir  avec 
prudence.  Ce  n'est  pas  de  ce  sentiment  naturel,  à  la  fois  raison- 
nable et  utile,  que  nous  entendons  parler  en  questionnant  les 
instituteurs  sur  la  peur  des  enfants.  La  peur,  telle  que  nous 
l'entendons,  est  un  sentiment  déraisonnable,  en  ce  sens  qu'elle 
s'applique  soit  à  un  danger  tout  à  fait  imaginaire,  l'obscurité, 
les  fantômes,  soit  à  un  danger  réel,  mais  absolument  impro- 
bable. On  connaît,  nous  le  rappelons,  en  aliénation  mentale, 
une  grande  catégorie  d'individus  qui  sont  atteints  de  phobies, 
c'est-à-dire  de  peurs  et  de  répulsions  exagérées,  produites  par 
les  objets  les  plus  différents  ;  tel  craint  d'être  empoisonne  par 
le  contact  d'un  objet  malsain,  tel  autre  dans  la  rue  craint  d'être 
rencontré  et'  mordu  par  un  chien,  un  troisième  n'ose  pas 
traverser  seul  une  grande  place  déserte.  Quelques-unes  de 
ces  peurs  sont  inspirées  par  des  dangers  absolument  imagi- 
naires ;  mais,  dans  d'autres  cas,  le  danger  est  possible  ;  il  est 
possible  d'être  mordu  par  un  chien,  d'être  contaminé  par  le 
contact  d'un  objet,  d'être  écrasé  par  la  chute  du  lustre  dans  un 
théâtre,  d'être  asphyxié  dans  un  incendie,  etc.  Le  caractère 
morbide  du  sentiment  de  la  peur,  dans  ces  derniers  cas,  tient 
à  ce  que  les  individus  considèrent  comme  probables  et  même 
imminents  des  dangers  qui  se  produisent  si  rarement  qu'un 
homme  sage  et  prudent  ne  doit  pas  s'en  préoccuper. 

Le  sentiment  de  la  peur  qu'on  doit  chercher  à  corriger  et  à 
guérir  chez  les  enfants  n'est  donc  pas  un  sentiment  de  crainte 
légitime  ;  c'est  une  angoisse  qui  de  toute  façon  est  dispropor- 


A.    BINET.    —   LA    PEUR    CHEZ   LES    ENFANTS  227 

tionnée  avec  le  danger,  soit  qu'il  s'agisse  d'un  danger  imagi- 
naire, soit  qu'il  s'agisse  d'un  événement  possible,  mais  dont  la 
probabilité  est  à  peu  près  nulle. 

A  un  autre  point  de  vue  encore  on  peut  distinguer  la  peur  et 
la  crainte  légitime.  Celte  dernière  stimule  l'intelligence  et 
augmente  les  forces  physiques  ;  on  voit  le  danger,  on  trouve 
le  moyen  de  se  protéger,  et  l'acte  suit  rapidement  la  réflexion. 
Bien  différentes  sont  les  conséquences  de  la  peur,  qui  déprime 
l'individu,  lui  enlève  pour  un  temps  la  faculté  de  parler  et 
d'agir,  jette  le  trouble  dans  son  intelligence  et  sa  mémoire,  et 
le  prive  en  un  mot  de  tous  ses  moyens  de  défense. 

Il  faut  donc  développer  chez  les  enfants  la  prudence,  la 
crainte  légitime  du  danger,  la  présence  d'esprit  et  le  jugemeat 
qui  permettent  de  se  soustraire  à  un  malheur  ;  mais  il  faut,  au 
contraire,  agir  contre  la  peur,  et  chercher  à  la  supprimer  dans 
la  mesure  du  possible.  C'est  une  distinction  sur  laquelle  tout 
le  monde  tombera  d'accord. 


II 

SUJETS    DE    PEUR 

La  liste  des  objets  qui  sont  capables  d'effrayer  les  enfants 
serait  interminable,  et  nous  ne  pouvons  même  pas  songer  à 
faire  l'énumération  complète  de  tous  les  faits  qu'on  nous  a 
signalés.  Quelques  vues  d'ensemble  sufliront.  i''  Il  faut  mettre 
en  première  ligne  la  peur  de  la  nuit,  ou  peur  de  l'obscurité,  ce 
qui  est  à  peu  près  la  même  chose,  sauf  que  la  nuit  produit  à  la 
fois  l'obscurité  et  l'isolement.  La  peur  de  l'obscurité  est  la 
peur  type,  chez  l'enfant  ;  d'abord,  elle  est  pour  ainsi  dire  géné- 
rale, et  si  j'en  crois  les  documents  que  j'ai  sous  les  yeux,  bien 
peu  d'enfants  y  échappent  :  en  second  lieu,  la  peur  de  l'obscu- 
rité présente  ce  caractère  de  mystère,  d'inconnu  qui  donne  au 
sentiment  de  la  peur  son  cachet  propre.  Que  de  fois  ne  dit-on 
pas  à  un  enfant  qui  ne  veut  pas  entrer  dans  une  chambre 
obscure  :  Mais  de  quoi  as-tu  peur?  L'enfant  ne  le  sait  pas,  ou 
plutôt  il  aurait  de  la  peine  à  définir  clairement  ce  qu'il  éprouve. 
Plusieurs  de  nos  correspondants  l'ont  remarqué  ;  la  peur  des 
enfants  s'adresse  au.x  choses  mal  comprises,  mal  définies, 
mystérieuses  ;  sous  une  forme  ou  sous  une  autre,  c'est  toujours 
la  peur  de  l'inconnu.  C'est  peut-être  pour  ce  motif  que  la  peur 


228  TRAVAUX    DU    LABORATOIRE   DE    PSYCHOLOGIE   DE    PARIS 

de  l'obscurité  est  si  générale  :  l'obscurité,  en  supprimant  le 
contrôle  des  perceptions  visuelles,  ouvre  le  champ  a  l'imagi- 
nation, et  on  peut  alors  se  figurer  une  foule  de  choses  terribles, 
sans  que  les  yeux  donnent  un  démenti  à  ces  chimères'. 

La  peur  de  l'obscurité  se  manifeste  chez  les  enfants  dans  une 
foule  de  circonstances  ;  ils  refusent  de  quitter  la  maison  et  de 
sortir  dans  la  rue  ou  dans  la  campagne  quand  la  nuit  est  tom- 
bée ;  ils  refusent  de  descendre  à  la  cave  sans  lumière,  ou  même 
avec  lumière  ;  ils  refusent  de  coucher  seuls,  loin  de  leurs 
parents  ;  dans  leur  lit,  ils  retiennent  leur  respiration,  et  se 
cachent  entièrement  sous  l'édredon  ou  sous  les  couvertures. 

Dans  la  même  catégorie  que  la  peur  de  la  nuit,  il  faut  placer 
une  foule  d'autres  peurs,  qui  ne  sont  également  que  des  peurs 
de  l'inconnu  et  du  mystère.  Des  correspondants  les  appellent 
peurs  psychiques,  pour  exprimer  qu'elles  sont  produites  par 
des  objets  imaginaires.  C'est  par  exemple  la  peur  des  masques, 
la  peur  de  la  solitude,  des  fantômes,  la  peur  du  ramoneur,  du 
charbonnier,  la  peur  des  loups  (qui  défrayent  tant  de  conver- 
sations d'enfants  sans  que  ceux-ci  en  aient  jamais  vu). 

2"  Voici  un  second  groupe  de  peurs  qui  forment  un  con- 
traste évident  avec  les  précédentes  :  ce  sont  les  peurs  produites 
par  des  bruits  violents  comme  des  détonations  d'armes  à  feu, 
le  bruit  d'un  pétard,  le  craquement  du  tonnerre,  le  débouchage 
d'une  bouteille  de  limonade  ou  de  Champagne. 

Ces  peurs  sont  fréquentes  chez  les  tilles,  mais  les  petits 
garçons  n'en  sont  pas  exempts.  La  frayeur  est  d'une  nature 
particulière  ;  elle  est  produite  par  l'idée  d'une  détonation,  qui 
par  elle-même  ne  cause  qu'une  sensation  un  peu  désagréable 
de  tressaillement,  avec  une  courte  inspiration.  L'enfant  devant 
lequel  on  s'apprête  à  tirer  un  coup  de  pistolet,  et  qui  bouche 
ses  oreilles  avec  effroi,  sait  le  plus  souvent  (ju'il  ne  court 
aucun  danger;  il  n'éprouvera,  à  tout  prendre,  qu'une  petite 
secousse  ;  la  peur  est,  dans  ce  cas,  aussi  dénuée  que  possible 
de  toute  représentation  psychique  effrayante  ;  elle  se  distingue 
donc  bien  nettement  de  la  peur  de  la  nuit,  ou  peur  de  l'in- 
connu. 

3°  Peurs  dans  lesquelles  ce  qui  domine,  c'est  un  sentiment 

(1)  Uue  pe(i(('  fille  ((ui  a  riiahiliuk-  de  racniiter  des  histoires  à  sa  snnir 
tous  les  soirs,  quand  la  hiiiiiùre  est  éteinte,  me  disait  spontanément 
qu'elle  raconte  dans  l'obscurité  parce  qu'alors  elle  croit  voir  les  choses 
qu'elle  rac()nte  ;  déiuonslration  excellente  de  cette  netteté  qu'acquiert 
riiiia''inution  dans  le  noir. 


* 


A.    BINET.    —   LA    PEUR   CHEZ   LES   ENFANTS  229 

de  dégoût,  de  répulsion.  Peur  des  petits  animaux,  des  rats,  des 
chenilles,  des  araignées,  peur  du  sang,  peur  des  cadavres,  etc. 

Exemple  :  «  J'ai  vu  une  petite  fille  qui  jusqu'à  l'âge  de  neuf 
ans  poussait  des  cris  de  frayeur  et  tremblait  de  tout  son  corps 
quand  elle  voyait  une  souris.  Une  couverture  de  cahier  avec  la 
gravure  représentant  une  souris  produisait  presque  le  même 
effet.   » 

Voici  une  seconde  observation  de  ce  genre  qui  peut  servir 
de  type  : 

4  Une  de  mes  propres  fillettes,  aujourd'hui  âgée  de  dix-sept 
ans,  témoigna  dès  sa  plus  tendre  enfance  une  grande  frayeur  à 
la  vue  d'un  colimaçon. 

«  La  vue  delà  coquille  même  vide,  ou  de  celle  de  tout  autre 
mollusque  lui  faisait  une  telle  impression  que  nous  dûmes,  sa 
mère  et  moi,  prendre  bien  des  précautions,  afin  de  lui  éviter 
une  crise  nerveuse  pouvant  déterminer  des  convulsions.  L'in- 
tensité de  cette  frayeur  restait  la  même  pendant  que  l'enfant 
grandissait.  Nous  fimes  appel  à  son  jugement  en  essayant  de 
la  persuader  que  le  colimaçon  n'a  rien  d'horrible.  Rien  n'y 
faisait,  elle  ne  pouvait  vaincre  ce  sentiment  ;  à  tel  point  qu'elle 
se  privait  de  feuilleter  les  pages  d'un  livre  quelconque  où  il  y 
avait  des  gravures,  dans  la  crainte  d'y  rencontrer  un  colimaçon. 
Aujourd'hui,  par  un  effort  de  volonté,  elle  est  arrivée  à  consi-' 
dérer  limage  de  l'animal  ou  l'animal  lui-même  ;  mais  elle 
n'oserait  guère  y  toucher.  Par  contre,  elle  ne  s'est  jamais  guère 
effrayée  dans  l'obscurité  comme  cela  arrive  à  un  certain  nombre 
d'enfants.   » 

4*^  Peur  exagérée  d'un  danger  simplement  possible  ;  ce  sont 
en  somme  les  peurs  les  plus  raisonnables  de  toutes  ;  par  exemple 
peur  de  rencontrer  en  chemin  un  ivrogne,  ou  un  mendiant,  un 
individu  à  allure  équivoque,  ou  peur  d'être  attaqué  par  un 
chien  ;  peur,  le  soir,  des  voleurs  cachés  sous  le  lit,  derrière  les 
rideaux  ou  dans  les  placards.  Ce  sont  des  peurs  produites  par 
l'imagination,  mais  ce  ne  sont  pas  des  peurs  entièrement  ima- 
ginaires. Dans  cette  catégorie  peut  être  placé  le  cas  suivant  : 
1  Un  enfant,  âgé  de  dix  ans,  quitte  tout  à  coup  sa  place  pendant 
une  leçon  de  lecture  et  se  dirige  vers  le  maître  en  s'écriant  d'une 
voix  effrayée  :  «  Je  vais  mourir  !  Je  vais  mourir  !»  Il  se  sou- 
tenait à  peine,  et  sa  figure  exprime  une  grande  épouvante.  Il 
avait  mangé  du  pain  chaud  et  éprouvait  simplement  le  malaise 
qui  accompagne  l'indigestion.  Quelques  mois  plus  tard,  le 
même  fait   se  reproduisit  dans  la  circonstance   suivante  :  Je 


230  TRAVAUX    DU    LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE   DE    PARIS 

venais  de  recommander  aux  enfants  de  s'abstenir  d'aller  dans 
un  village  voisin,  où  sévissait  la  diphtérie.  Le  même  élève  quitta 
encore  tout  ii  coup  sa  place  en  portant  sa  main  à  sa  gorge,  et 
en  criant  :  «  Je  vais  mourir  !»  Il  se  figurait  avoir  la  maladie 
dont  on  venait  de  parler.  La  première  fois  les  autres  élèves 
avaient  été  effrayés  ;  mais  ce  jour  ils  accueillirent  le  cri  de  leur 
camarade  par  un  éclat  de  rire,  qui  guérit  instantanément  la 
maladie  du  peureux.  Les  parents  de  cet  enfant  déclarent  que 
plusieurs  fois,  surtout  la  nuit,  même  chose  est-arrivée.  Il  avait 
peur  de  l'obscurité  et  de  la  mort  et  manifestait  cette  crainte 
quand  il  était  un  peu  malade.  »  La  peur  de  mourir  paraît  rare 
chez  les  enfants;  elle  n'a  été  notée  que  trois  fois  dans  notre 
enquête. 

5"  Peurs  qui  résultent  d'un  souvenir  laissé  par  un  accident 
terrible;  un  enfant  devient  peureux  à  la  suite  d'une  profonde 
coupure  ;  un  autre,  ayant  manqué  être  écrasé  par  une  bicyclette, 
tremble  en  traversant  une  rue  fréquentée,  et  veut  qu'on  lui 
donne  la  main  ;  un  autre,  ayant  manqué  se  noyer  dans  une 
rivière,  a  peur  de  l'eau,  et  s'arrange  pour  ne  jamais  passer 
près  de  la  rivière;  un  autre,  âgé  de  deux  ans,  est  surpris  par  un 
chien,  qui  lui  pose  les  deux  pattes  sur  les  épaules;  de  ce  jour, 
il  a  une  peur  extraordinaire  des  chiens.  Certainement,  beaucoup 
de  peurs,  de  répugnances  instinctives  que  présentent  certaines 
personnes  à  l'âge  adulte,  proviennent  d'impressions  d'enfance. 

Pour  connaître  l'importance  relative  de  ces  difTérenlcs  espèces 
de  peurs,  on  peut  consulter  les  résultats  d'une  expérience  sco- 
laire ;  à  28  élèves  d'une  classe  on  donne  comme  travail  de 
composition  le  récit  de  la  peur  la  plus  forte  qu'ils  ont  eue. 
L'instituteur  qui  a  dépouillé  les  copies  nous  envoie  la  conclu- 
sion suivante  : 

«  Sept  ont  raconté  des  peurs  causées  la  nuit  ou  le  jour  par  un 
danger  plus  ou  moins  réel  :  un  chien,  un  bœuf,  un  homme 
ivre  qui  les  a  poursuivis,  ou  bien  un  accident,  une  chute  dans 
l'eau,  un  saignement  de  nez  persistant. 

«  Treize  ont  eu  peur  d'un  danger  supposé  :  rencontre  impré- 
vue, bruit  de  branches,  ombre  prise  pour  un  malfaiteur,  roule- 
ments du  tonnerre,  surprise  causée  par  un  mauvais  plaisant. 

«  Quatre  seulement  ont  trouvé  dans  leur  imagination  un  sujet 
de  frayeur  :  l'un  a  eu  peur  de  Croquemitaine,  un  autre  du  père 
Fouetlard  accompagnant  saint  Nicolas,  le  troisième  a  eu  peur 
du  loup,  et  le  quatrième  simplement  en  passant  la  nuit  près 
d'une  sapinière. 


A.    BINET.    —    LA   PEUR    CHEZ   LES    ENFANTS  231 

«  Deux  ont  confondu  la  peur  avec  l'inquiétude  qu'ils  ont 
éprouvée. étant  égarés, 

«  Enfin  deux  autres  l'ont  confondue  avec  la  crainte  d'une 
punition  méritée.  » 

Si  on  fait  l'addition  des  peurs  par  imagination,  on  voit 
qu'elles  sont  au  nombre  de  dix- sept,  par  conséquent  en 
majorité. 


III 

SIGNES    DE    LA    PEUR 

Bien  que  les  observations  soient  nombreuses,  je  crois  qu'elles 
n'ajoutent  rien  d'essentiel  à  ce  que  l'on  connaît  déjà  sur  les 
signes  de  la  peur.  Je  viens  de  relire  le  livre  de  Darwin  sur 
l'expression  des  émotions  et  il  énumère  tous  les  effets  qui  sont 
signalés  par  nos  correspondants.  Ces  effets  peuvent  être  répar- 
tis en  trois  groupes  : 

1°  Moyens  de  défense.  La  fuite  à  toutes  jambes,  la  fuite  vers 
une  personne  capable  de  défendre  l'enfant,  les  gestes  et  les 
attitudes  prises  pour  éviter  un  coup  ou  une  menace.  Il  est  à 
remarquer  que  les  observations  sont  très  pauvres  sur  ces  diffé- 
rents points,  ce  qui  semblerait  démontrer  que  la  peur  poussée 
à  l'extrême  ôte  à  l'enfant  la  faculté  de  se  défendre  et  de  se  pro- 
téger par  des  actes  bien  adaptés. 

2'^  Les  signes  expressifs  de  la  peur.  Les  cris,  les  tremble- 
ments de  tout  le  corps,  sont  les  deux  signes  qui  ont  été  le  plus 
souvent  indiqués  ;  viennent  ensuite  par  ordre  de  fréquence  la 
pâleur  de  la  face,  l'altération  des  traits,  la  dilatation  des  yeux, 
la  suspension  de  la  respiration,  les  palpitations,  les  pleurs. 
Hien  de  tout  cela,  nous  le  répétons,  n'est  nouveau  ni  intéres- 
sant ;  le  seul  fait  digne  de  remarque,  c'est  l'ordre  d'importance 
de  ces  phénomènes  qui  ressort  du  fait  que  les  signes  indiqués 
le  plus  souvent  sont  les  cris,  le  Iremblemenl,  et  la  pâleur. 

3°  Phénomènes  de  paralysie.  Sont  notés  presque  aussi  sou- 
vent que  les  signes  d'expression.  Sous  leur  forme  la  plus  simple, 
c'est  l'immobilité.  L'enfant  effrayé  reste  immobile.  Dans  les 
veillées,  quand  on  raconte  quelque  histoire  terrible,  il  n'ose 
plus  bouger  de  sa  chaise.  Si  on  le  surprend  par  quelque  phé- 
nomène qui  l'effraye,  il  reste  cloué  sur  place.  Un  enfant,  envoyé 
au  préau  le  soir,  voit  deux  hommes  ;  frappé  de  terreur,  il  reste 


232  TRAVAUX    DU   LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 

debout  au  milieu  de  la  cour,  incapable  de  faire  un  pas.  Un 
enfant  de  cinq  ans  est  surpris  par  un  tramway  au  milieu  de  la 
voie  ;  ni  les  cris  des  voyageurs,  ni  ceux  du  cocher  ne  peuvent 
l'éloigner;  il  reste  cloué  sur  place  jusqu'à  ce  qu'un  passant 
l'éloigné  brusquement.  Non  seulement  les  enfants  ne  peuvent 
plus  marcher,  mais  ils  deviennent  muets;  ils  ne  prononcent 
pas  une  parole,  perdent  même  la  mémoire  pendant  un  instant; 
le  trouble  est  dans  leurs  idées.  On  observe  ce  mutisme  pendant 
les  examens  de  quelques  enfants  très  timides.  Enfin  la  forme 
extrême  est  la  syncope,,  qui  a  été  observée  plusieurs  fois  pen- 
dant l'angoisse  produite  par  la  crainte  d'une  opération,  par 
exemple  la  revaccination. 

<i:  Une  enfant  de  neuf  ans  reste,  pendant  deux  heures,  comme 
un  linge  mouillé,  presque  sans  parole,  les  yeux  hagards,  pour 
avoir  entendu  le  récit  d'une  grave  blessure  du  poignet,  récit 
fait  par  ses  compagnes.  » 

Dans  un  grand  nombre  d'observations  ,  nous  voyons  des 
crises,  des  attaques,  des  syncopes,  parfois  même  des  maladies 
très  longues  survenir  à  la  suite  d'une  peur.  En  voici  un 
exemple  : 

a   Un  enfant,  ayant  appris   qu'il  y  avait  un  pendu  dans  le 

bois,  près  du  village,  voulut  aller  voir  ce  pendu.  Il  en  fut  très 

effrayé  et  revint  en  classe  tout  tremblant.  Pendant  le  reste  de 

la  journée,  il  demeura  sous  l'impression  de  cette  frayeur  et  ne 

put  apporter  aucune  attention  à  son  travail.  Le  lendemain,  il 

paraissait  plus  calme,  et  aucun  signe  extérieur  ne  pouvait  faire 

penser  que  cette  frayeur  aurait  pour  lui  des  suites  fâcheuses. 

«  Cependant,  peu  de  temps  après,  il  tombait  tout  à  coup  dans 

la  classe,  en  poussant  des  cris,  en  proie  à  des  convulsions.  Au 

bout  de  quelques  minutes,  il  revint  à  lui,  mais  si  tremblant 

I  qu'il  ne  pouvait  se  tenir  sur  ses  jambes.  Un  autre  jour,  il  se 

plaignit  subitement  de  violentes  douleurs  dans  le  pouce  et  dans 

if  la  main,  puis  il  s'affaissa  de  nouveau  et  resta,  comme  la  pre- 

'  mièrc  fois,   quelques  minutes  à  crier  et  à  se  rouler.  La  peur 

I  avait  déterminé  chez  lui  un  accident  nerveux  :  jusqu'à  cette 

époque,  il  n'avait  jamais  rien  éprouvé  de  semblable.  Ses  pa- 
rents le  soignèrent  et  depuis  (il  y  a  huit  ans  de  cela),  il  n'a 
plus  eu  aucune  crise.  Il  est  resté  intelligent  et  jouit  d'une 
excellente  santé.  » 

Je  citerai  aussi,  à  titre  de  curiosité,  l'exemple  suivant  de 
mutisme  produit  par  la  peur  ;  il  est  à  remarquer  que  la  peur 
produit  soit  le  mutisme,  comme  on  l'observe  parfois  aux  exa- 


A.    BINET.    —    LA    TEUR    CHEZ    LES    ENFANTS  -33 

mens,  soit  une  excessive  loquacité,  de  même  qu'elle  produit  soit 
la  pâleur,  soit  la  rougeur.  Voici  un  cas  assez  rare  de  mutisme  : 
ï  Un  enfant  de  douze  ans  vient  à  l'école  depuis  un  an,  ac- 
compagné de  son  petit  frère,  il  cause  en  chemin  et  sitôt  qu'il 
approche  de  l'école,  il  devient  complètement  muet.  Impossible 
de  lui  faire  dire  un  mot  ni  même  de  lui  faire  accepter  une 
récompense.  Il  refuse  tout  travail  et  reste  toute  la  journée  à  sa 
place  les  bras  croisés.  —  La  seule  chose  qui  lui  plaise,  c'est  la 
gymnastique.  Pendant  les  récréations,  il  ne  joue  pas,  ne  parle 
pas  non  plus,  mais  lorsque  sonne  l'heure  de  la  sortie,  il  met 
beaucoup  d'empressement  à  prendre  son  panier  et  son  par- 
dessus, s 


IV 

ÉTAT  DE  SANTÉ  DES  ENFANTS  PEUREUX 

Sur  l'état  de  santé  des  enfants  peureux,  nos  correspondants 
ne  peuvent  guère  nous  donner  des  renseignements  précis, 
parce  qu'ils  manquent  de  connaissances  médicales.  Cependant 
les  réponses  qu'ils  nous  envoient  contiennent  quelques  indica- 
tions utiles,  que  nous  répartirons  sous  trois  chefs  principaux  : 

1°  Quelques  instituteurs  nous  font  le  récit  d'accidents  tra- 
giques dont  des  enfants  ont  été  les  victimes  (accident  de  voi- 
ture, péril  en  mer,  etc.),  et  ils  rapportent  qu'à  la  suite  de  la 
terreur  produite  par  ces  accidents  les  enfants  sont  devenus 
gravement  malades  ;  plusieurs  ont  dû  s'aliter  pendant  des 
jours,  et  même  des  mois  ;  d'autres  ont  manifesté  des  maladies 
nerveuses,  parmi  lesquelles  celles  qu'on  nous  cite  le  plus  sou- 
vent sont  la  chorée  et  l'épilepsie. 

2"  Les  instituteurs  nous  décrivent  à  leur  manière  l'état  de 
santé  des  enfants  qui  sont  particulièrement  peureux  ;  quelques- 
uns  de  ces  enfants  ne  présentent  aucun  caractère  frappant, 
quelques-uns  même  ont  un  aspect  robuste  ;  mais  la  plupart 
sont  doués  d'une  force  musculaire  inférieure  à  la  moyenne,  et 
ont  un  tempérament  nerveux.  Voici  quelques  citations  puisées 
au  hasard  :  frêles  et  délicats;  —  bonne  santé,  mais  complexion 
délicate  ;  —  enfants  maladifs,  nerveux  ;  —  délicats,  nerveux, 
impressionnables  ;  force  musculaire  au-dessous  de  la  moyenne. 
—  anémiques  ;  —  ne  sont  pas  les  premiers  en  gymnastique, 
etc.,  etc.  —  Certainement,  la  répétition  de  ces  descriptions  est 


:234         TRAVAUX    DU    LABORATOIRE    DE    PSYCUOLOGIE    DE    PARIS 

significative,  et  jusqu'à  plus  ample  informé,  nous  serons  d'avis 
qu'un  enfant  particulièrement  peureux  est  un  débile.  Les  ins- 
tituteurs emploient  souvent  le  terme  de  nerveux,  sans  dire 
exactement  ce  qu'ils  entendent  par  ce  mot.  \}n  enfant  nerveux, 
très  probablement,  est  un  enfant  d'une  physionomie  mobile, 
qui  se  fatigue  vite,  qui  s'excite  facilement,  qui  change  d'humeur 
souvent,  et  qui  est  incapable  d'un  effort  long  et  soutenu. 

D'après  les  réflexions  de  plusieurs  instituteurs,  la  relation 
entre  la  constitution  physique  de  l'enfant  et  la  peur  est 
double  ;  d'abord,  la  peur  résulte  d'une  faiblesse  du  système 
nerveux  ;  en  second  lieu,  l'enfant,  ayant  conscience  de  sa  fai- 
blesse physique,  perd  confiance  en  lui-même,  ce  qui  le  rend 
accessible  à  toutes  les  craintes. 

Voici  une  observation,  prise  entre  plusieurs,  où  se  marque 
l'influence  des  maladies  : 

»  Un  enfant  de  onze  ans  a  eu  la  fièvre  typhoïde  ;  de  décidé 
et  courageux  qu'il  était  avant  sa  maladie  il  est  devenu  timide, 
craintif  et  peureux  après.  Si  son  maître  le  menace  d'une  puni- 
tion légère  ou  non,  il  éprouve  une  peur  qui  le  rend  si  sensible 
et  différent  de  lui-même  qu'il  fait  tout  pour  s'y  soustraire,  par 
exemple  se  sauve  précipitamment  de  l'école  et  resterait  à  la 
campagne  sans  revenir  si  on  ne  le  contraignait  pas  à  rentrer.  » 


CARACTERES    INTELLECTUELS    DES    ENFANTS    PEUREUX 

Les  réponses  recueillies  sur  ce  point  se  résument  dans  les 
deux  propositions  suivantes  :  1"  //  n'y  a  aucune  relation  entre 
le  développement  de  la  peur  et  le  développement  de  l intelli- 
gence ;  2'^  Lea  enfants  à  imagination  vive  sont  prédi^wsés  à  la 
peur.  Il  est  à  remarquer  qu'aucune  question  précise  n'a  mis 
sur  la  voie  de  ces  deux  réponses.  Le  questionnaire  demandait 
seulement  :  Quel  est  le  caractère  des  enfants  peureux? 

1"  L'instituteur  a  un  moyen  suffisamment  précis  pour  faire 
connaître  rinlelligence  d'un  enfant,  c'est  de  donner  son  rang 
dans  la  classe.  A  ce  point  de  vue  l'instituteur  est  mieux  ren- 
seigné que  le  père,  d'abord  parce  qu'il  a  un  plus  grand  nombre 
de  points  de  comparaison,  et  ensuite  parce  qu'il  n'est  pas 
rendu  partial  par  son  afl'ection.  Il  est  évident  que  les  pères  qui 
répondraient  à  notre  questionnaire  auraient  une   tendance  à 


A.    BINET.    —    LA    PEUR    CUEZ    LES    ENFANTS  235 

placer  l'intelligence  de  leurs  enfants  au-dessus  de  la  moyenne  ; 
nous  en  avons  eu  plusieurs  exemples.  Quant  au  rang  dans  la 
classe,  il  ne  donne  peut-être  pas  une  mesure  exacte  de  l'intel- 
ligence ;  le  rang  n'est  pas  obtenu  seulement  par  l'intelligence, 
mais  par  le  travail,  c'est-à-dire  surtout  la  volonté  ;  mais  l'ap- 
proximation est  suffisante,  et  nous  nous  en  contenterons. 

On  pourrait  supposer  à  priori  que  la  peur  étant  un  senti- 
ment déraisonnable  doit  surtout  se  manifester  chez  les  enfants 
qui  manquent  de  bon  sens  et  de  jugement.  Un  ou  deux  insti- 
tuteurs seulement  ont  indiqué  cette  déduction,  et  l'ont  du 
reste  présentée  comme  une  déduction  plutôt  que  comme  une 
observation.  D'une  manière  générale,  les  instituteurs  n'ont  pas 
donné  sur  ce  point  des  réponses  concordantes.  Les  uns  disent 
que  les  enfants  peureux  qu'ils  ont  observés  appartiennent  à  la 
seconde  moitié  de  la  classe  ;  d'autres  les  trouvent  parmi  leurs 
meilleurs  élèves.  Il  n'est  pas  rare  qu'un  instituteur  écrive  :  «  Le 
premier  de  ma  classe  est  le  plus  peureux  de  tous.  »  D'autres 
enfin  placent  les  enfants  peureux  parmi  les  élèves  d'une  intel- 
ligence moyenne.  Quelques-unes  de  ces  différentes  indications 
sont  données  en  termes  généraux  ;  d'autres,  plus  précises, 
sont  données  avec  les  initiales  de  l'élève  et  quelques  rensei- 
gnements spéciaux.  En  faisant  le  dénombrement  de  ces  réponses, 
on  ne  constate  pas  de  tendance  marquée  dans  un  sens  ;  ainsi, 
dans  deux  départements  réunis,  les  observations  sur  des  enfants 
peureux  se  répartissent  ainsi  : 

Enfants  d'une  intelligence  au-dessus  de  la  moyenne  .    .     30 

—  —  moyenne 23 

—  —  au-dessous  de  la  moyenne .    .     24 

Ces  moyennes  montrent  que  les  enfants  sujets  à  la  peur  ne  se 
distinguent  pas  sensiblement  des  autres  au  point  de  vue  intel- 
lectuel. C'est  aussi  ce  que  pensent  une  quinzaine  d'instituteurs 
qui  paraissent  avoir  fait  des  observations  assez  étendues  pour 
arriver  d'eux-mêmes  à  la  moyenne  exacte.  «  J'ai  des  enfants 
courageux  dans  les  derniers  rangs,  nous  dit  une  institutrice,  et 
j'ai  des  enfants  peureux  dans  les  premiers  rangs.  »  —  «  Rien 
de  marqué  ni  de  général  comme  rang,  »  dit  un  autre.  —  «  J'ai 
des  peureux  intelligents  et  d'autres  idiots,  »  dit  un  autre,  avec 
cet  emploi  du  pronom  personnel  si  fréquent  chez  les  maîtres  et 
les  chefs. 

Cette  conclusion  négative  est  en  accord  avec  mes  observa- 
tions personnelles.  J'ai  connu  des  jeunes  filles  d'un  esprit  vif, 


iî36         TRAVAUX   DU   LABORATOIRE   DE   PSYCUOLOGIE   DE   PARIS 

délié,  pleines  de  bon  sens  et  de  coup  d'œil,  qui  sont  tourmen- 
tées par  des  peurs  ridicules,  dont  elles  sont  les  premières  à 
rire,  tout  en  continuant  à  trembler.  Ces  faits,  pris  dans  leur 
généralité,  nous  montrent  qu'il  peut  y  avoir  une  indépendance 
entre  Tintelligence  et  les  sentiments,  chez  un  même  individu. 
Cette  indépendance  n'est  pas  une  loi  générale  et  absolue,  évi- 
demment, et  il  existe  certainement  des  individus  qui.  à  force 
d'intelligence,  dominent  leurs  penchants;  chez  d'autres,  il  doit 
se  produire  une  foule  de  réactions  subtiles  et  copiplexes  entre 
le  sentiment  et  la  pensée  ;  nous  ne  cherchons  nullement  à  mettre 
en  doute  tout  cet  ordre  de  phénomènes,  qui  ont  souvent  tenté 
l'analyse  des  moralistes.  Tout  ce  que  nous  voulons  affirmer, 
c'est  que  la  peur  n'est  pas  le  propre  des  enfants  inintelligents, 
elle  n'est  pas  la  preuve  d'une  médiocrité  intellectuelle  :  l'intel- 
ligence  et  la  peur  se  développent  chez  les  enfants  d'une  manière 
indépendante  '. 

2'^  A  propos  de  l'intelligence  des  enfants  peureux,  les  institu- 
teurs répètent  souvent  que  c'est  une  intelligence  vive  et  pré- 
coce ;  en  outre,  un  très  grand  nombre  affirment,  sans  y  être 
invités  par  aucune  question  précise  de  notre  part,  que  les  enfants 
peureux  ont  l'imagination  vive,  d'où  il  résulte  qu'ils  ont  ou 
paraissent  avoir  une  intelligence  supérieure  à  la  moyenne. 

Cette  affirmation  se  dégage  de  l'ensemble  des  observations 
avec  une  netteté  frappante.  Du  reste,  elle  ne  doit  pas  nous  éton- 
ner. A  la  réflexion,  nous  voyons  que  le  sentiment  de  la  peur 
est  surtout  excité  par  des  dangers  imaginaires  ;  alors  même 
qu'il  provient  d'un  danger  réel,  imminent,  comme  la  chute  d'un 
précipice,  l'écrasement  sur  une  voie  ferrée,  l'imagination  y 
prend  aussi  sa  part,  en  représentant  la  suite  directe  de  l'acci- 
dent, la  douleur,  le  sang.  Par  conséquent,  les  enfants  qui  ont 
limagination  vive  et  prompte  seront  disposés  à  la  peur,  parce 
qu'ils  se  représenteront  mieux  que  leurs  camarades  les  objets 
réels  et  imaginaires  capables  de  les  efl"rayer.  Il  y  a  ici,  semble- 
t-il,  un  contact  direct,  une  solidarité  entre  une  fonction  intel- 
lectuelle et  un  état  de  sentiment. 

Je  me  permettrai  cependant  de  corriger  dans  quelque  mesure 
cette  proposition,  en  faisant  appel  à  mes  observations  person- 
nelles. J'ai  étudié  longuement  deux  petites  sœurs  qui,  quoique 
élevées    dans   le    même    milieu,    présentent    des    difl'érences 


(I)  L'opinion  vulgaire  se  trouve  ici  eu  désaccord  avec  les  résultats  de 
notre  enquête.  On  entend  souvent  accuser  les  peureux  de  stupidité. 


A.  BI.NET.  —  LA  PEUR  CEEZ  LES  ENFANTS         237 

curieuses  de  caractère.  L'une,  la  cadette,  a  certainement  l'ima- 
gination plus  vive  que  l'autre  :  ce  n'est  pas  là  Une  impression 
subjective  et  trompeuse,  c'est  un  fait  d'observation  ;  tous  les 
soirs  depuis  des  années,  dès  que  les  deux  enfants  ont  été  cou- 
chées dans  leurs  lits  jumeaux,  la  cadette  reprend  la  suite  d'une 
interminable  histoire,  qu'elle  invente  à  mesure,  et  que  l'aînée 
écoute  avec  recueillement.  J'ai  souvent  essayé  de  faire  raconter 
des  histoires  à  l'aînée  ;  mais  ses  inventions  sont  sèches, 
courtes,  sans  conviction  ;  son  esprit  s'est  développé  dans  un 
autre  sens  ;  elle  est  sérieuse,  raisonnable,  douée  d'un  pouvoir 
considérable  d'attention.  Voilà  donc  deux  enfants  chez  les- 
quelles la  différence  de  pouvoir  imaginatif  est  considérable  ;  or, 
fait  bien  instructif,  attesté  par  l'observation  de  tous  les  jours, 
la  cadette  est  plus  hardie  et  plus  courageuse  que  l'aînée. 

Je  ne  pense  pas  que  ce  soit  là  un  fait  isolé  ;  j'ai  recueilli  une 
autre  observation  du  même  genre  ;  comme  j'attache  une  grande 
importance  à  des  faits  que  j'ai  pu  voir  de  mes  yeux,  je  suis 
amené  à  douter  qu'il  y  ait  une  relation  constante  entre  le  déve- 
loppement de  l'imagination  et  le  sentiment  de  la  peur;  je  sup- 
pose qu'on  peut  interpréter  de  la  manière  suivante  les  réponses 
presque  unanimes  de  nos  correspondants.  Un  enfant  n'a  pas 
peur  par  le  seul  fait  qu'il  a  beaucoup  d'imagination  ;  l'imagi- 
nation n'est  pas  une  cause  directe  ;  elle  joue  plutôt  le  rôle  de 
caisse  de  résonnance  ;  elle  amplifie  le  sentiment  de  la  peur,  en 
lui  donnant  comme  aliment  tous  les  objets  terribles  qu'une 
imagination  vive  se  représente  facilement.  Un  enfant  peureux, 
dont  l'imagination  est  pauvre  et  courte,  aura  moins  d'occasions 
de  s'effrayer  :  il  se  laissera  prendre  moins  facilement  à  la  con- 
tagion de  l'exemple.  Mais  dans  tous  les  cas  la  peur  est  un  sen- 
timent qui  prend  son  origine  ailleurs,  dans  une  faiblesse  phy- 
siologique mal  définie  et  peut-être  indéfinissable. 

Nous  dirons  donc  en  résumé  que  : 

1°  La  peur,  chez  les  enfants,  ne  présente  point  de  relation 
avec  le  développement  de  l'intelligence  ; 

2''  Elle  est  augmentée  par  une  imagination  vive. 

VI 

CARACTÈRE    MORAL    DES    ENFANTS    PEUREUX 

Cette  question  n'a  pas  provoqué  de  réponse  précise,  ou  plu- 
tôt elle  a  provoqué  un  si  grand  nombre  de  réponses  différentes 


238  TRAVAUX   DU   LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 

qu'il  nous  est  impossible  de  découvrir  la  moindre  unité  dans 
cette  diversité.  A  s'en  tenir  aux  documents  que  nous  avons 
entre  les  mains,  nous  ne  pouvons  tracer  le  caractère  moral  de 
l'enfant  peureux.  Voici  à  titre  d'exemple  quelques  unes  des 
appréciations  faites  par  les  instituteurs  sur  les  enfants  peureux 
qu'ils  étudient  : 

Caractère  doux  et  timide  ;  —  craintif,  timide,  par  exception 
violent  et  volontaire;  —  caractère  doux,  manque  d'initiative, 
se  laisse  entraîner  ;  —  caractère  triste  et  taciturne  ;  —  soup- 
çonneux, poltron,  parfois  cruel  ;  —  crédule  ;  . —  imagination 
facile  à  frapper;  —  émotif;  —  inconstant,  passant  du  rire  aux 
larmes  ;  —  amour-propre,  irascibilité  ;  —  concentré  ;  — 
timide;  —  indécis;  —  doux,  bon,  compatissant;  —  bon;  — 
caractère  indécis,  très  irritable. 

En  admettant  que  chacune  de  ces  épithètes  ait  été  bien  pesée, 
et  s'applique  exactement  à  chaque  enfant,  il  faut  convenir  que 
les  enfants  peureux  n'ont  pas  tous  le  même  caractère  moral,  ni 
qu'il  y  ait  dans  cet  ordre  d'idées  quelque  chose  de  typique. 
Tout  au  plus  peut-on  remarquer  que  la  douceur  et  la  timidité 
sont  les  deux  traits  de  caractère  qui  reviennent  le  plus  souvent 
dans  l'observation  des  enfants  peureux. 


VII 

QUELLE  EST  LA  PROPORTION  DES  ENTANTS  PEUREUX? 

Si  une  question  a  été  mal  posée,  c'est  bien  celle-là,  et  nos 
correspondants  ne  se  sont  pas  fait  faute  de  le  remarquer.   Ils 
ont  eu  bien  raison  ;   on  ne  peut  pas  fixer  la  proportion  des 
enfants  peureux,   parce    que    ce   nombre  varie  sous    diverses 
influences  qu'on  ne  peut  pas  mesurer,   l'éducation,  le  milieu, 
les  idées  ambiantes,  et  surtout  le  caractère  moral  de  l'observa- 
teur. Celui-ci  n'apprécie  le  degré  de  peur  d'un  enfant  que  par 
rapport  à  ses  idées  personnelles  et  à  son  tempérament.  Tel  ins- 
tituteur robuste,  courageux  jusqu'à  l'indilTérence,  ne  portera 
pas  le  même  jugement  qu'un  de  ses  collègues  dont  la  nature 
est  plus  sensible,  plus  douce.  Hâtons-nous  d'ajouter  qu'il  ne 
faut  pas  pousser  le  scrupule  trop  loin.   Notre  question,  telle 
qu'elle  est,  peut  donner  des  renseignemenis  utiles.  Dans  la  pra- 
tique de  tous  les  jours,  un  inspecteur  demandera  à  un  institu- 
teur :  «  Vos  élèves  travaillent-ils  bien?  Etes-vous  content  de 


A.    BINET.    —   LA    PEUR   CHEZ   LES    ENFANTS  îl'Sd 

voire  classe  ?  »  et  quoique  la  personnalité  de  l'instituteur  influe 
sur  la  réponse  à  Tinspecteur,  il  est  bien  certain  que  cette 
réponse  n'est  pas  non  avenue  et  contient  quelque  vérité.  Une 
classe  de  cancres  a  quelque  chance  pour  ne  contenter  aucun 
instituteur,  et  une  classe  d'élèves  modèles  les  contentera 
presque  tous. 

Notons  d'abord  que,  d'après  un  avis  unanime,  tous  les  enfants 
connaissent  la  peur,  à  quelque  degré  ;  tous  les  enfants  ont  peur 
de  quelque  chose,  quel  que  soit  leur  état  de  santé  et  leur  cons- 
titution physique.  Le  sentiment  de  la  peur  fait  normalement 
partie  de  la  psychologie  de  l'enfant,  et  exprime  en  quelque 
sorte  la  faiblesse  de  son  corps.  Il  est  à  remarquer  que  l'enfant 
ressemble  plus  a  la  femme  qu'à  l'homme  adulte,  par  la  forme 
gracile  de  son  corps,  par  sa  voix,  par  le  peu  de  développe- 
ment de  ses  poils,  etc..  il  lui  ressemble  également  par  ce  côté 
émotionnel,  d'être  enclin  à  la  peur.  Ainsi,  tous  les  enfants  sont 
peureux.  Ceux  qui  sont  malingres  et  qui  sont  doués  d'une  ima- 
gination vive  se  défont  plus  difficilement  de  ce  sentiment,  qui 
est  un  signe  de  faiblesse;  chez  les  autres,  la  peur  s'efface  gra- 
duellement avec  l'âge,  avec  l'expérience  acquise  et  avec  le 
développement  des  forces  physiques.  Dans  bien  des  cas,  les 
progrès  de  l'âge  constituent  le  meilleur  traitement  de  la  peur, 
le  plus  simple  et  le  plus  naturel. 

Quelques  instituteurs  ont  cherché  à  fixer  avec  précision  le 
début  et  la  fin  des  peurs  enfantines.  Plusieurs  directrices  d'écoles 
maternelles  pensent  que  les  enfants  de  deux  ans  ne  sont  pas 
peureux;  ce  sentiment  ne  se  développerait  que  vers  trois  ans. 
Je  fais  ici  une  moyenne,  car  les  âges  indiqués  varient  un  peu. 
D'autre  part,  la  décroissance  de  la  peur  commencerait  assez 
rapidement  entre  la  neuvième  et  la  douzième  année. 

Je  crois  quon  peut  faire  quelques  remarques  relativement 
au  début  de  la  peur.  Il  ne  me  paraît  pas  certain  que  les 
enfants  ne  soient  jamais  accessibles  à  ce  sentiment  avant  l'âge 
de  deux  ans.  D'autre  part,  il  faut  convenir  que  la  crainte  du 
danger  ne  se  développe  en  général  que  lorsqu'on  a  déjà  eu 
l'expérience  de  ce  danger,  et  qu'on  peut  le  prévoir  et  se  le 
représenter.  Beaucoup  de  petits  enfants  restent  insensibles 
au  danger  par  ignorance,  ou  par  insuffisance  de  développe- 
ment intellectuel. 

Il  nous  reste  à  indiquer  la  réponse  directe  qui  a  été  faite  à 
la  question  posée  :  Quelle  est  la  proportion  des  enfants  peu- 
reux? Nos  correspondants  nous  ont  fait  deux  espèces  de  ré- 


240         TRAVAUX   DU   LABORATOIRE   DE    PSYCHOLOGIE   DE   PARTS 

ponses;  tantôt  ils  se  sont  contentés  d'indiquer  un  chiffre,  sans 
autre  commentaire  ;  tantôt  ils  sont  entrés  dans  quelques  détails. 

La  proportion  des  enfants  peureux  qui  a  été  indiquée  varie 
entre  1  sur  30  et  10  sur  30.  Ce  seul  écart  suffit  à  montrer  que 
la  demande  manque  de  précision. 

Eu  conservant  l'indication  donnée  le  plus  souvent',  on  a  la 
proportion  de  3  sur  30,  qui  indiquerait  le  nombre  des  vivais 
peureux,  c'est-à-dire  de  ceux  qui  sont  tellement  peureux  qu'ils 
constituent  des  cas  exceptionnels,  qu'ils  sont,  comme  dit  un  ins- 
tituteur, de  «  vrais  martyrs  ».  D'autres  instituteurs,  disons- 
nous,  ont  fait  des  réponses  un  peu  plus  précises.  «  10  enfants 
sur  30  (de  huit  à  treize  ans)  avouent  qu'ils  n'osent  pas  sortir  le 
soir  dehors  de  peur  de  rencontrer  des  voleurs.  »  —  «  10  enfants 
sur  30  ont  peur  des  chiens  et  n'oseraient  entrer  dans  une 
maison  où  un  chien  aboie.  »  —  «  Plus  de  40  élèves  sur  56  affir- 
ment qu'ils  n'iraient  pas  la  nuit  dans  le  cimetière,  par  peur  des 
revenants  et  des  fantômes.  »  —  «  9  sur  30  m'ont  avoué  avoir 
peur  pour  sortir  de  chez  eux  le  soir  quand  il  fait  nuit,  et  ne 
pas  oser  se  coucher  sans  leurs  parents.  »  «  Sur  loO  élèves,  il  n'y 
en  a  que  S  qui  pourraient  aller  seuls,  par  une  nuit  obscure, 
soit  dans  un  cimetière,  soit  dans  un  endroit  isolé.  Un  tiers 
ne  pourraient  passer  la  nuit  dans  une  chambre  à  part,  »  etc. 

Bien  que  ces  difTérentes  réponses  soient  plus  intéressantes 
qu'un  simple  chiffre  de  proportion,  elles  ont  le  défaut  de  con- 
tenir des  appréciations  qui  ne  reposent  point  sur  des  observa- 
tions directes.  Très  vraisemblablement,  l'instituteur  s'est  con- 
tenté d'interroger  les  élèves,  et  ne  les  a  pas  soumis  à  une 
épreuve.  Y  aurait-il  une  épreuve  possible,  une  expérience 
(luelconque,  dépourvue  de  danger  sérieux,  à  laquelle  on  pour- 
rait soumettre  les  élèves  pour  mesurer  en  quelque  sorte  leur 
courage?  M.  Thamin  a  bien  voulu  m'en  suggérer  une,  dont  il 
a  eu  l'idée  pour  ses  propres  enfants  :  les  faire  sauter  du  haut 
de  quelques  marches  d'escalier  ;  le  nombre  de  marches,  ou  la 
hauteur  du  saut,  varient  avec  l'âge  des  enfants,  leur  taille  et 
marque  aussi  leur  hardiesse. 

La  recherche  de  la  proportion  des  enfants  peureux  permet  de 
comparer  les  deux  sexes.  En  rapprochant  les  réponses  des  ins- 
tituteurs et  des  institutrices,  on  trouve  une  différence  tout  à 
fait  curieuse.  La  proportion  indiquée  plus  haut,  de  3  sur  30, 


(I)  Je  prends  Findication  la  plus  fréquente  et  non  la  moyenne,  parce 
que  celle-ci  est  trop  intUiciicce  par  les  divergences  d'opinions. 


A.    BINET.    —   LA    PEUR    CHEZ   LES   ENFANTS  241 

est  spéciale  aux  gardons  ;  pour  les  filles,  la  proportion  moyenne 
indiquée  est  beaucoup  plus  forte,  10  sur  30  ;  il  y  aurait  donc,  à 
en  croire  ces  chiffres,  environ  trois  fois  plus  de  filles  peureuses 
que  de  garçons  peureux  '. 

En  terminant  ce  paragraphe,  nous  remarquons  encore  une 
fois  que  les  renseignements  que  nous  venons  de  résumer  man- 
quent en  général  de  précision,  et  sont  de  simples  indications 
pour  des  recherches  ultérieures. 


^-  II I 

CAUSES    DE    LA    P.EUR 

La  contagion.  —  De  toutes  les  observations  qu'on  nous 
envoie  ressort  ce  fait,  d'une  importance  capitale,  que  la  pei<r 
est  un  des  sentiments  les  plus  contagieux  ;  la  peur,  dit  un  ins- 
tituteur, est  aussi  contagieuse  que  le  rire,  ou  plutôt  que  le  fou- 
rire,  et  ces  études,  celle  du  rire  et  celle  de  la  peur,  offrent  de 
grandes  analogies.  Plusieurs  directrices  d'écoles  primaires  et 
d'écoles  maternelles  nous  décrivent  presque  dans  les  mêmes 
termes  l'état  d'esprit  des  élèves  pendant  un  violent  orage  ;  ce 
petit  tableau  que  nous  résumons  ici  montre  l'influence  de  la 
contagion. 

Dans  une  école  de  filles,  pendant  la  classe,  la  foudre  tombe 
tout  près  des  bâtiments,  et  une  pluie  furieuse  envahit  la  cour. 
Instinctivement,  toutes  les  élèves  se  tournent  vers  la  maîtresse 
et  fixent  leurs  yeux  sur  les  siens,  non  seulement  pour  lui 
demander  aide  et  protection,  mais  en  quelque  sorte  pour  la 
consulter,  et  savoir  d'elle  si  on  doit  s'effrayer  ou  non.  A  ce 
moment,  la  maîtresse  a  la  conscience  nette  que  l'attitude  qu'elle 
va  prendre  décidera  des  sentiments  de  toutes  ses  élèves.  Si  elle 
paraît  effrayée,  il  se  produit  une  panique  générale.  Si  elle 
réussit  au  contraire  à  conserver  son  sang-froid,  les  enfants 
reprennent  vite  confiance  et  tout  rentre  dans  le  calme.  —  Dans 
une  école  maternelle,  des  ouvriers  étaient  occupés  à  chercher 
une  fuite  de  gaz  ;  une  cinquantaine  d'enfants  suivaient  des  yeux 
ce  travail  avec  tranquillité.  Une  petite  explosion  se  produit; 

(!)  Une  des  dilit-renccs  lus  plus  iiiipurlaiilus  eiilrc  les  deux  sexes  à  ce 
point  de  vue,  ce  n'est  pas  le  degré  de  la  peur,  c'est  que  les  houiines  ont 
honte  de  la  peur  taudis  rpie  les  l'eniiues  l'avouent  l'ranclieuieiit,  circons- 
tance qui  doit  intluer  sur  le  développement  de  ce  sentiment. 

ANNÉE    PSYCHO:.OGIQUE.    11.  16 


242         TRAVAUX   DU   LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE   DE   TARIS 

les  enfants  regardent  la  maîtresse,  qui  très  calme,  ordonne  à 
une  femme  de  service  de  fermer  le  compteur.  Celle-ci  pousse  un 
cri  d'effroi,  donne  tous  les  signes  d'une  peur  réelle,  que  tous  les 
enfants  partagent  aussitôt. 

Deux  espèces  de  contagions  s'exercent  sur  les  enfants  :  il  y  a 
la  contagion  en  présence  du  danger;  c'est  celle  qui  se  com- 
munique par  les  gestes,  par  les  expressions  de  physionomie; 
contagion  soudaine,  par  imitation  directe,  produisant  des  épi- 
démies de  frayeur  comparables  aux  épidémies  de  maladies  ner- 
veuses, de  chorée,  de  convulsions.  Il  y  a  aussi  la  contagion 
lente,  sourde,  sournoise,  par  les  conversations  de  tous  les  jours 
et  les  exemples.  Lorsqu'on  n'a  pas  dix  ans,  dit  une  institutrice, 
on  ne  voit  pas  impunément  tous  les  jours  des  gens  s'effrayer 
sans  s'effrayer  soi-même.  Les  enfants,  ces  petits  logiciens,  doi- 
vent penser  :  «  Mes  parents  ont  peur,  donc  il  y  a  quelque 
danger  à  craindre.  >  De  ce  dernier  genre  de  contagion  nous 
pourrions  citer  un  très  grand  nombre  d'exemples,  qui  sont 
d'une  curieuse  uniformité  ;  voici  un  cas  de  contagion  d'enfant  à 
enfant  qui  est  extrêmement  fréquent  :  Une  petite  fille  ne  con- 
naissant pas  auparavant  la  peur  de  l'obscurité,  et  vivant  depuis 
quinze  jours  seulement  avec  une  de  ses  compagnes  sujette  à 
cette  peur,  éprouve  maintenant  ce  sentiment.  En  voici  une 
autre  observation  :  «  Une  enfant  de  quatre  ans  n'avait  jamais 
pensé  à  faire  attention  au  «  noir  »,  restait  seule  aussitôt 
couchée  (sans  lumière)  :  ayant  passé  un  mois  de  vacances  à  la 
campagne,  elle  vit  des  fillettes  de  douze  et  quatorze  ans  refuser 
d'aller  se  coucher  seules  ou  d'aller  au  jardin  le  soir.  Rentrée 
à  Paris,  elle  demandait  qu'on  laissât  la  porte  ouverte  sur  une 
chambre  éclairée,  ne  voulant  plus  faire  de  petites  commissions 
dans  la  pièce  à  côté  sous  prétexte  qu'elle  ne  pouvait  trouver 
sans  lumière,  etc.  Sans  jamais  dire  qu'elle  eût  peur,  elle  le 
montrait.  —  Elle  n'avait  pas  entendu  parler  de  la  peur,  mais 
elle  l'avait  mie.  » 

Les  petites  filles  ayant  des  frères  sont  beaucoup  plus  hardies 
que  celles  qui  n'en  ont  pas. 

Queli[ues  correspondants  pensent  que  ce  sont  les  enfants 
les  moins  bien  doués  qui  subissent  le  mieux  la  contagion  de 
l'exemple. 

Imagiyiation  surexcitée.  —  Les  récits  d'histoires  effrayantes 
ou  simplement  dramatiques  entretiennent  la  peur  et  y  prédis- 
posent. Voici  quelques  observations  : 


A.    BINET.    —   LA    PEUR    CHEZ    LES    ENFANTS  243 

a  J'ai  remarqué,  chez  mes  propres  enfants  (deux  fillettes  de 
sept  à  neuf  ans)  que  la  lecture  d'événements  tristes  ou  tra- 
giques amenait  des  rêves  avec  cris,  larmes,  oppressions  doulou- 
reuses pendant  le  sommeil,  etc.  Pour  ramener  le  calme  dans 
le  sommeil,  j'ai  dû  supprimer  toute  lecture  ou  tout  récit  (ayant 
trait  à  des  histoires  peu  gaies)  avant  d'envoyer  au  lit  ces  deux 
petites  têtes  folles  à  l'imagination  trop  vive.  Les  rêves,  grâce 
à  ce  procédé,  ont  disparu  ;  mais  la  rechute  a  lieu,  si,  pendant 
la  soire'e,  on  agite  de  nouveau  telle  ou  telle  question  à  effet.  Un 
dernier  exemple  pour  finir  :  La  représentation  théâtrale  de 
Michel  Strogoff  a  énervé  mes  deux  enfants  au  possible.  » 

D'un  autre  correspondant  : 

«  Une  petite  fille  de  cinq  ans,  que  rien  n'effrayait  jusque-là, 
devint  peureuse  à  la  suite  d'un  récit  fait  à  l'école  maternelle, 
récit  dans  lequel  il  était  question  de  monstres  et  notamment 
d'hommes  à  tête  de  cheval  ;  il  a  fallu  quelques  années  pour 
la  débarrasser  de  l'idée  de  ces  monstres  qui  Tobsédait,  même 
dans  le  jour,  et  lui  donnait  des  cauchemars  toutes  les  nuits.  * 

Autre  observation,  tout  à  fait  du  même  genre  ;  les  observa- 
tions de  ce  genre  sont  légion  : 

«  J'ai  été  à  même  de  constater  la  peur  chez  ma  petite  fille, 
alors  âgée  de  sept  ans,  à  la  suite  d'une  histoire  de  revenants 
racontée  en  classe  dans  la  commune  où  j'étais  précédemment. 
Le  soir  qui  suivit  cet  entretien,  une  heure  environ  après  être 
couchée,  elle  m'appela  :  elle  avait  des  tremblements  convulsifs, 
ses  yeux  étaient  hagards  et  elle  ne  voulait  pas  que  je  la  quitte, 
ayant  peur  des  gens  qui  allaient  venir  la  chercher.  Elle  finit 
par  s'endormir  de  nouveau,  mais  plusieurs  fois  dans  la  nuit 
elle  poussa  des  cris  aigus  causés  par  la  vision  de  revenants 
qui  voulaient  la  prendre.  Les  jours  suivants,  elle  ne  criait  plus 
la  nuit,  mais  elle  refusait  d'aller  seule  dans  une  pièce  voisine 
de  celle  où  nous  nous  tenions  ainsi  que  dans  la  cour  alors  qu'il 
faisait  noir.  » 

Dernier  exemple,  dans  lequel  ce  n'est  pas  un  récit  mais  une 
•émotion  morale  profonde  qui  a  été  la  cause  active,  «  Un  enfant 
de  onze  ans,  qui  fréquente  ma  classe,  a  perdu  son  père  il  y  a 
environ  onze  mois.  Celui-ci  est  mort  par  suite  d'un  accident. 
L'enfant  en  a  été  très  affecté.  Depuis  ce  moment,  il  est  peu- 
reux ;  il  ne  veut  plus  rester  seul  à  la  maison.  » 

Hérédité.  —  L'influence  de  l'hérédité  sur  le  développement 
de  la  peur,  comme  toutes  les  questions  relatives  à  l'hércdilé 


244  TRAVAUX    DU   LABORATOIRE    DE    PSYCUOLOGIE    DE    PARIS 

psychologique,  peut  donner  lieu  à  de  nombreuses  discussions, 
et  il  est  difficile  d'arriver  à  une  certitude.  Je  renonce  à  traiter 
l'ensemble  de  la  question,  et  je  me  contenterai  d'extraire  des 
documents  quelques  propositions  qui  paraissent  bien  démon- 
trées. 

La  première  de  ces  propositions  est  la  suivante  :  Deux  frères 
d'une  même  famille,  élevés  de  la  même  façon,  peuvent  être 
l'un  courageux,  l'autre  peureux.  Une  vingtaine  d'observateurs 
l'affirment.  Si  le  milieu  dans  lequel  les  deux  enfants  ont  été 
élevés  est  sensiblement  le  même,  le  différence  doit  être  innée. 
Il  y  a  donc  là  une  prédisposition  apportée  par  l'enfant  au 
moment  de  sa  naissance.  D'où  vient  exactement  cette  prédis- 
position ?  Il  se  peut  qu'elle  résulte  d'une  influence  exercée  par 
la  mère  ou  par  des  agents  extérieurs  sur  l'enfant  pendant  la 
grossesse,  —  et  alors,  il  n'est  pas  question  d'hérédité,  —  ou  bien 
il  se  peut  que  ce  soient  certaines  manières  de  sentir  et  de  réagir 
qui  ont  été  transmises  par  des  ascendants  à  l'enfant. 

On  nous  cite  plusieurs  cas  où  des  parents  qui  ont  du  sang- 
froid  et  du  courage  se  désolent  d'avoir  des  enfants  peureux. 
Ceci  ne  prouve  rien  contre  la  transmission  héréditaire,  pour 
plusieurs  raisons  faciles  à  comprendre.  Un  enfant  ne  résume 
pas  nécessairement  les  dispositions  de  tous  ses  ascendants, 
mais  seulement  celles  de  quelques-unes.  Il  jteut  arriver  que 
l'enfant  hérite  d'un  ascendant  éloigné  certaines  dispositions 
morales,  de  même  qu'il  en  hérite  parfois  les  traits  du  visage 
ou  certains  tics. 

D'autre  part,  on  nous  rapporte  plusieurs  exemples  de  parents 
peureux  ayant  des  enfants  également  peureux.  Faute  d'une 
observation  très  attentive,  ces  faits  ne  prouvent  pas  grand'- 
chose,  parce  qu'il  est  possible  que  ces  parents  aient  transmis 
leurs  dispositions  aux  enfants  par  d'autres  moyens  que  l'héré- 
dité, par  l'éducation  et  l'exemple. 

On  voit  combien  de  difiicullés  soulève  la  question  de  l'héré- 
dité psychologique  ;  les  cas  négatifs  ne  prouvent  rien  ;  les  cas 
positifs  peuvent  souvent  s'expliquer  par  d'autres  influences  que 
l'hérédité. 

Les  mauvais  traitements.  —  Plusieurs  enfants,  nous  rap- 
portent nos  correspondants,  sont  journellement  témoins  des 
mauvais  traitements  qu'un  père  brutal  fait  subir  à  leur  mère  ; 
ces  enfants  portent  sur  la  physionomie  des  marques  de  tristesse 
et  surtout  de  frayeur. 


A.  BI.NEÏ.  —  L\  PEUR  CHEZ  LES  ENFANTS         24o 

«  J'ai  un  enfant  qui  est  ordinairement  frappé  dans  sa 
famille,  aucune  maîtresse  ne  s'approche  de  lui.  sans  qu'il  élève 
aussitôt  les  bras  comme  pour  se  garantir,  mu  instinctivement 
par  la  peur  de  mauvais  traitements.  11  y  en  a  d'autres  qui,  chez 
eux,  sont  menacés  de  gendarmes,  prison,  loup,  croquemi- 
taine,  etc.,  leur  frayeur  se  montre  dès  que  ces  mots  sont  pro- 
noncés devant  eux,  même  sous  forme  de  simple  explication.  » 

Autre  observation  :  €  A  mon  début  à  Chàteau-Landon,  cer- 
tains enfants  élevaient  les  mains  au-dessus  de  leur  tête  lorsque 
j'arrivais  vivement  pour  voir  comment  ils  faisaient  le  travail 
que  j'avais  donné.  Ces  mouvements  craintifs  n'ont  duré  que 
peu  de  temps,  les  enfants  ayant  bientôt  reconnu  que  je  ne  fai- 
sais pas  usage  des  châtiments  corporels.  » 

Voici  une  observation  tout  à  fait  typique  : 

«  Je  n'ai  connu  qu'une  enfant  réellement  peureuse.  Elle  habi- 
tait avec  ses  parents  une  maison  isolée,  près  des  bois.  Le  père, 
fantasque  et  brutal  (pas  peureux,  lui,  par  exemple),  avait  ter- 
rorisé sa  fille  à  tel  point  que  cette  enfant  fuyait  tout  être 
humain,  pensant  probablement  que  chacun  voulait  lui  faire  du 
mal.  La  couturière  avait  beaucoup  de  peine  lorsqu'il  s'agissait 
de  lui  essayer  une  robe. 

«  Lorsqu'on  la  conduisit  en  classe  pour  la  première  fois, 
Jeannette  avait  neuf  ans.  D'abord,  je  n'en  pus  rien  tirer  : 
quand  je  m'approchais,  elle  reculait.  Llle  ne  fuyait  pas  ses 
nouvelles  compagnes;  mais,  quant  à  en  avoir  un  mot,  impos- 
sible. C'était  à  la  croire  muette. 

«  Prévenue,  j'observai  beaucoup,  mais  sans  en  avoir  l'air,  de 
peur  de  l'effrayer.  Je  vis  de  suite  que  l'enfant  n'était  pas 
dépourvue  d'intelligence,  mais  que  ses  idées  sur  le  genre 
humain  la  portaient  à  se  tenir  à  l'écart.  Son  air  triste,  ses 
grands  yeux  qui  parlaient  bien,  eux,  m'indiquèrent  la  voie  à 
suivre. 

«  Dans  les  commencements,  je  feignis  de  ne  pas  lui  accorder 
beaucoup  d'attention;  j'évitais  même  de  l'approcher.  Le  troi- 
sième jour,  ses  yeux,  qui  d'abord  avaient  fui  les  miens,  com- 
mencèrent à  les  chercher,  et  le  premier  croisement  de  nos 
regards  m'indiqua  que  ma  cause  était  gagnée.  Il  est  inutile  de 
relater  ici  toutes  les  phases  de  cette  lutte  contre  une  aversion 
•occasionnée  par  la  frayeur.  Je  dirai  seulement  que,  peu  de 
temps  après,  la  fillette  causait  avec  moi,  s'asseyait  sur  mes 
genoux,  me  caressait  spontanément  et  jouait  même  quelque 
peu  avec  ses  compagnes.  Pour  ses  parents  et  pour  beaucoup  de 


246         TRAVAUX    DL-    LABORATOIRE   DE   PSYCUOLOGIE   DE   PARIS 

gens  cela  tenait,  parait-il,  du  prodige  :  l'enfant,  qui  autrefois 
n'ouvrait  pas  la  bouche  à  la  maison,  parlait  souvent  de  sa  maî- 
tresse et  de  ses  compagnes.  C'était  bien  simple,  pourtant  :  on 
prend  plus  de  mouches  avec  du  miel  qu'avec  du  vinaigre.  Ce 
qui  est  beaucoup  plus  étonnant,  à  mon  avis,  c'est  qu'un  père 
élève  son  enfant  de  cette  faron. 

«  Voyant  le  résultat,  il  commençait  ù  comprendre;  mais  l'en- 
fant ne  souffrait  pas  toujours  qu'il  la  caressât.  Quel  chagrin 
pour  un  père  !...  Mais  il  l'avait  voulu. 

«t  Cette  enfant  était  d'une  intelligence  au  moins  ordinaire, 
très  soigneuse.  Quatre  ou  cinq  mois  plus  tard,  elle  syllabait  et 
commençait  à  écrire  pas  trop  mal. 

«  Changée  à  ce  moment,  je  n'ai  pu  continuer  l'expérience.  » 
(M"""  Dubreuil.) 


IX 

TRAITEMENT    DE    LA    PEUR  ' 

La  question  du  traitement  de  la  peur,  question  pédagogique 
au  premier  chef,  est  celle  qui  a  inspiré  aux  instituteurs  le  plus 
grand  nombre  de  remarques  judicieuses  et  de  conseils  utiles. 
Un  bien  petit  nombre  se  sont  dispensés  de  répondre  en  donnant 
des  indications  vagues,  comme  celle-ci  :  i  II  faut  s'adresser  à 
la  raison  de  l'enfant,  à  son  bon  sens  »,  ou  «  la  science  détruira 
toutes  les  superstitions  ». 

D'abord    est-il   praticjuement    possible   de   guérir    tous    les 

enfants  peureux?  Personne  n'ose  le  soutenir.  Il  faut  faire  des 

distinctions  parmi  les   enfants  ;  les  instituteurs  sont  d'accord 

pour  considérer  le  traitement  comme  étant  très  long  et  très 

difficile  ;  pour  aboutir  à  un  succès,  il  faut  à  la  fois  le  concours 

du  maître  et  des  parents;  le  rôle  de  ces  derniers  est  le  plus 

important,   parce  qu'ils  sont  sans  cesse  en  contact  avec  les 

enfants.  Avec  beaucoup  d'énergie  et  de  persévérance  on  arrive, 

dans  la  plupart  des  cas,  à  diminuer  le  sentiment  de  la  peur; 

quant  à  le  supprimer  complètement,  cest  assez  rare.  Plusieurs 

instituteurs  font  remarquer  que  le  sentiment  de  la  peur  diffère 

d'un  enfant  à  l'autre  non  seulement  par  le  degré,  mais  encore 

par  la  nature.  Trois  cas  principaux  ont  été  distingués  : 

(1)  Rousse.-ui.  VÉiiiilf,  \\"  livre.  Il  est  probahic  que  plusieurs  iustitu 
leurs  se  sont  iuspirOs  de  cet  ouvrage. 


A.    BINET.   —   LA    PEUR    CHEZ   LES    ENFANTS  247 

i"  Chez  certains  enfants  la  peur  est  l'expression  d'un  état  de 
faiblesse  du  système  nerveux;  ces  enfants  ne  réclament  pas 
seulement  les  conseils  de  l'instituteur,  mais  encore  les  avis  des 
médecins. 

2°  Chez  d'autres  enfants,  la  peur,  quoique  produite  par  une 
prédisposition  naturelle,  est  développée  par  des  causes  exté- 
rieures, un  accident  terrible,  des  mauvais  traitements,  et  plus 
souvent  encore  des  récits,  des  contes  fantastiques  ou  efTrayants. 
Ces  enfants  seront,  plus  facilement  que  les  premiers,  guéris  par 
un  traitement  purement  moral. 

3'^  Il  y  a  un  degré  de  peur  qui  se  rencontre  chez  presque  tous 
les  jeunes  enfants,  et  qui  fait  partie  de  la  psychologie  enfantine 
nonnale;  il  n'y  a  point  à  s'en  occuper  sérieusement.  La  plupart 
des  peursenfantinesdisparaissentnaturellement  avec  les  années  ; 
on  a  remarqué  que  le  temps,  dans  certains  cas,  est  plus  efficace 
que  tous  les  autres  moyens  employés. 

Sans  attacher  une  grande  importance  à  cette  distinction  qui 
n'a  pas  été  formulée  par  les  instituteurs  aussi  nettement  que 
par  nous,  nous  pensons  qu'elle  répond  à  la  vérité  pratique  de 
tous  les  jours. 

Le  traitement  moral  de  la  peur  doit  être  à  la  fois  préventif  et 
curatif.  Le  traitement  préventif  comprend  un  ensemble  de 
moyens  qu'on  emploie  chez  un  enfant  peureux  pour  empêcher 
le  développement  de  ce  sentiment.  Le  traitement  curatif  s'op- 
pose à  une  peur  déclarée  et  avouée. 

Les  moyens  à  mettre  en  usage  varient  avec  les  enfants  et  avec 
les  milieux  :  c'est  une  règle  qui  domine  toute  la  question.  Nous 
nous  contentons  de  considérations  générales  ;  à  chacun  de  les 
adapter  aux  conditions  particulières  dont  il  doit  s'occuper. 

Ce  qui  m'a  frappé,  c'est  que,  dans  le  traitement  de  la  peur, 
les  instituteurs  sont  tous,  absolument  tous,  d'accord  pour 
proscrire  certains  remèdes  qui  viennent  naturellement  à  l'es- 
prit de  ceux  qui  n'ont  pas  réfléchi  suffisamment  à  la  question; 
il  est  même  probable  que  ce  traitement  négatif  est  le  plus 
important  de  tous;  et  il  y  a  grande  utilité  à  savoir  ce  qu'il  ne 
faut  pas  faire.  N'a-t-on  pas  remarqué  souvent  que  le  rôle  le 
plus  efficace  de  la  médecine  consiste  à  écarter  tous  les  moyens 
nuisibles? 

Ne  jamais  employer  les  chdtimenls  corporels^  les  menaces 
et  la  moquerie.  —  Ce  qu'on  doit  proscrire  d'une  manière 
inflexible,  c'est  la  violence  contre  les  enfants  peureux,  la  vio- 


:l. 


248    TRAVAUX  DU  LABORATOIRE  DE  PSYCHOLOGIE  DE  PARIS 

lence  sous  toutes  ses  formes,  morale  et  physique  :  un  enfant 
refuse-t-il  de  se  rendre  dans  un  endroit  obscur,  d'aller  à  la  cave, 
ou  de  faire  une  commission  au  fond  du  jardin  après  la  chute 
du  jour,  il  ne  faut  à  aucun  prix  l'y  forcer  par  menaces,  et 
encore  moins  le  frapper  pour  sa  désobéissance.  Ces  corrections 
brutales  sont  cependant  celles  qui  sont  employées  par  la  majo- 
rité des  parents,  qui  ont  trop  souvent  une  tendance  à  frapper 
l'enfant  qui  leur  résiste,  ou  à  le  forcer  à  exécuter  l'acte  auquel 
il  se  refuse. 

Je  vois  deux  raisons  principales  pour  expliquer  ces  habitudes 
déplorables  :  I'^  Les  corrections  manuelles  peuvent  se  donner 
sans  qu'on  prenne  la  peine  de  réfléchir;  un  enfant  a  menti,  ;i 
été  paresseux,  voleur,  ou  grossier,  on  le  frappe;  au  lieu  de  se 
rendre  compte  des  raisons  qui  l'ont  poussé,  au  lieu  de  chercher 
quels  sont  les  mobiles  qu'on  doit  faire  agir  sur  lui,  on  emploie 
un  procédé  expéditif ,  qui  n'exige  aucun  effort  de  raisonnement. 
C'est  par  paresse  d'esprit  qu'on  est  brutal,  à  moins  que  ce  ne 
soit  par  défaut  d'intelligence,  ce  qui  arrive  chez  les  inférieurs, 
les  domestiques.  2'^  11  y  a  une  seconde  raison,  encore  moins 
avouable  peut-être  que  la  première.  On  est  brutal,  parce 
qu'on  s'adresse  à  un  être  sans  défense.  Tous  les  jours,  on  a 
vis-à-vis  quelques-uns  de  ses  semblables  des  sentiments  de 
colère  et  d'indignation  qu'on  est  obligé  de  réprimer  par  pru- 
dence, parce  qu'on  a  devant  soi  des  individus  capables  de 
répondre  à  des  actes  matériels  par  d'autres  actes  matériels. 
On  ne  va  donc  pas  jusqu'au  bout  de  ces  sentiments  vio- 
lents, dont  la  conséquence  évidente  et  logique  est  de  frapper, 
comme  le  montrent  les  diverses  photographies  des  expressions 
des  émotions.  Quand  il  s'agit  d'un'  enfant,  et  que  cet  enfant  a 
excité  notre  colère,  nous  ne  sentons  pas  dans  sa  personnalité 
un  individu  à  craindre,  capable  de  nous  rendre  le  mal  pour 
le  mal,  et,  dans  bien  des  cas.  c'est  par  suite  d'un  sentiment 
d'impunité  et  de  sécurité  qu'un  parent  frappe  son  enfant. 

Pour  prouver  que  les  punitions  corporelles  ne  sont  pas  un 
bon  remède  contre  la  peur,  il  suffira  de  rappeler  que  les  enfants 
maltraités  par  leurs  parents  vivent  dans  une  terz'eur  continuelle, 
et  que  ceux  qui  ont  l'habitude  d'être  frappés  par  leur  maître 
lèvent  les  mains  devant  Itur  tèle  dès  qu'on  s'approche  d'eux  un 
peu  brusquement. 

Non  seulement  il  ne  faut  pas  user  de  violence  contre  la  peur, 
mais  il  faut  bien  se  garder  d'accueillir  les  craintes  par  le  rire, 
par  la  moquerie  :  c'est  encore  un  des  points  sur  lesquels  tous 


I 


A.    BINET.    —    LA    PEUR    CHEZ   LES    ENFANTS  249 

les  instituteurs  sans  exception  sont  d'accord.  Les  raisons  de  ces 
prohibitions  me  paraissent  être  les  suivantes  :  la  peur  est  un 
sentiment  dépressif,  qui  se  développe  surtout  chez  les  enfants 
chétifs  et  débiles,  et  qui  exprime  soit  un  état  de  surexcitation 
de  l'imagination,  soit  un  état  de  faiblesse  de  la  volonté,  et  sou- 
vent les  deux  choses  à  la  fois.  Le  peureux  est  un  enfant  qui 
manque  d'énergie  morale.  Or,  le  résultat  auquel  doit  tendre 
une  éducation  bien  comprise,  c'est  d'augmenter  l'énergie  de 
l'enfant,  dans  la  mesure  du  possible,  c'est  de  le  rendre  plus 
fort,  c'est  par  conséquent  de  développer  en  lui  des  sentiments 
puissants  capables  de  lutter  contre  la  peur  et  d'en  contre- 
balancer les  effets.  Les  punitions  corporelles,  les  menaces,  les 
railleries  peuvent-elles  produire  ces  modifications  de  carac- 
tère? Il  est  bien  évident  que  non;  ce  sont  là,  au  premier  chef, 
des  moyens  dépressifs,  qui  diminuent  l'énergie  morale  d'un 
enfant  chétif.  A  la  rigueur,  on  pourrait  admettre  que  dans  cer- 
tains cas,  surtout  s'il  s'agit  d'enfants  bien  constitués,  bien 
nourris,  un  châtiment  corporel  peut  éveiller  des  sentiments 
actifs  de  colère,  de  révolte,  de  haine;  et  que,  de  même,  la 
moquerie,  en  excitant  l'amour-propre,  le  réveille  et  lui  donne 
un  surcroit  de  force;  mais  cette  réaction  psychologique  ne  se 
produira  pas  chez  un  enfant  faible  ;  il  ne  faut  donc  pas  chercher 
à  la  provoquer  au  hasard. 

Supprimer  les  circonstances  qui  produisent  chez  V enfant  le 
sentiment  de  la  peur.  —  S'il  est  une  règle  de  bon  sens,  c'est 
bien  celle-là  ;  on  veut  diminuer  le  sentiment  de  la  peur  chez 
un  enfant  ;  le  premier  devoir  est  d'en  supprimer  les  causes 
habituelles,  afin  que  l'enfant  perde  l'habitude  de  la  peur.  C'est 
à  la  contagion  de  l'exemple  qu'il  faut  d'abord  penser;  la  con- 
tagion est  une  des  causes  les  plus  répandues  et  les  plus  fortes; 
la  peur,  nous  a  dit  un  correspondant,  est  aussi  contagieuse 
que  le  rire  et  ces  deux  études  ont  beaucoup  de  points  de  con- 
tact. 

Nous  avons  lu  et  cité  plusieurs  exemples  d'enfants  courageux 
qui,  après  avoir  causé  quelque  temps  avec  des  camarades  peu- 
reux, ou  même  après  avoir  assisté  aux  terreurs  de  ces  derniers, 
sont  pris  dans  la  panique  et  manifestent  les  mêmes  sentiments. 
La  poltronnerie  des  parents  a  les  mêmes  effets.  Dans  ce  cas,  le 
changementdemilieus'impose.  Les  instituteurs  pensentquecelte 
peur  par  contagion  n'est  point  aussi  durable  et  aussi  profonde  que 
la  peur  spontanée,  on  arrive  facilement  à  l'éliminer.  On  veillera 


250         TRAVAUX   DU   LABORATOIRE   DE    PSYCHOLOGIE   DE    PARIS 

aussi  à  ce  que  les  enfants  ne  soient  pas  terrifiés  dans  le  jeune 
âge  par  des  contes  fantastiques  ou  superstitieux  dont  la  tradi- 
tion n'est  malheureusement  pas  encore  perdue  ;  on  fera  des 
prescriptions  sévères  aux  domestiques,  aux  amis  et  aux  grands- 
parents.  On  ne  conduira  pas  l'enfant  aux  veillées.  Non  seule- 
ment, on  devra  proscrire  le  récit  circonstancié,  mais  encore  la 
menace  d'un  danger  imaginaire  (le  loup,  le  commissaire,  etc.), 
menace  dont  on  use  si  souvent  pour  obtenir  l'ol^éissance  et  la 
paix.  En  un  mot,  on  cherchera  à  supprimer  toutes  les  peurs 
par  suggestion. 

Cela  ne  suffît  pas  encore  ;  on  prendra  des  mesures  pour  que 
l'enfant  n'ait  jamais  l'occasion  de  s'efTrayer,  à  tort  ou  à  raison. 
On  défendra  ces  jeux  qui  consistent  à  se  cacher  derrière  une 
porte  pour  se  montrer  brusquement  et  surprendre  l'enfant  qui 
passe;  petites  taquineries  qu'à  l'école  on  exerce  le  plus  sou- 
vent contre  les  enfants  d'une  poltronnerie  connue.  De  même, 
on  évitera  d'envoyer  l'enfant  par  des  chemins  où  il  peut  ren- 
contrer des  ivrognes,  ou  dans  une  cave  où  il  y  a  des  rats.  Pen- 
dant tout  le  cours  du  traitement,  on  évitera  la  peur,  comme 
on  évite  dans  une  maladie  nerveuse  toutes  les  excitations  pou- 
vant ramener  une  crise. 

Ne  pas  surexciter  l' imagination.  —  Comme  il  existe  beau- 
coup de  terreurs  qui  ont  leur  source  unique  dans  limagina- 
tion  des  enfants,  il  faut  pour  éviter  ces  terreurs  ne  donner 
aucun  aliment  ù  cette  imagination,  mais  au  contraire  la 
régler  en  plaçant  l'enfant  dans  une  atmosphère  tranquille,  et 
en  évitant  l'excitation  des  récits,  des  lectures  ou  des  repré- 
sentations Ihcàlrales. 

«  Il  est  d'observation,  nous  écrit  un  correspondant,  que  le 
peureux,  quand  il  est  en  sécurité,  se  délecte  des  détails  les 
plus  effrayants.  On  s'abstiendra  de  lui  faire  tout  récit  pouvant 
exciter  sa  nervosité,  (|ue  ce  récit  soit  fictif  (contes  de  fées, 
contes  de  revenants)  ou  historique  (supplices  des  martyrs,  tor- 
tures du  moyen  âge,  etc.),  ou  réel  (accidents  de  chemin  de 
fer,  grisou  dans  les  mines).  Si  l'on  cite  ces  faits,  on  suppri- 
mera tout  détail.  »  (Fontaine.)  Chez  deux  petites  filles,  de  sept 
et  neuf  ans,  la  lecture  faite  le  soir  d'événements  tristes  ou  tra- 
giques produisait  une  nuit  de  cauchemars  ;  la  suppression  de 
ces  lectures  ramena  le  calme. 

C'est  ainsi  que  par  une  étude  patiente  de  tous  les  jours,  on 
écartera  du  chemin  de  l'enfant  tout  ce  qui  peut  faire  naître  chez 


A.  BINF.T.  —  LA  PEUR  CHEZ  LES  ENFANTS         2o  l 

lui  le  seiiliment  de  la  peur,  soit  direclement,  soit  indirecte- 
ment ;  le  but  est  de  faire  perdre  à  l'enfant  Thabitude  de  ce 
sentiment. 

Rendre  à  l'enfant  la  confiance  en  lui-même.  —  Ceci  n'est 
qu'un  complément  des  idées  que  nous  venons  de  développer. 
Non  seulement  on  ùte  à  la  peur  toute  occasion  de  s'exercer, 
mais  encore  on  l'empêchera  de  subsister  dans  l'esprit  de  l'en- 
fant sous  forme  de  souvenir  et  de  jugement  ;  et  on  s'arrangera 
pour  que  l'enfant  cesse  d'avoir  conscience  de  sa  poltronnerie. 

Au  moment  où  se  manifeste  la  frayeur  de  l'enfant,  il  ne  faut 
pas  remarquer  avec  insistance  son  attitude,  ni  surtout  la  lui 
faire  remarquer  ;  si  on  le  surveille,  il  ne  faut  pas  qu'il  s'aper- 
çoive que  sa  poltronnerie  a  été  reconnue  et  jugée.  Il  ne  faut 
ni  accepter  ses  confidences,  ni  les  provoquer.  On  ne  force  en 
aucun  cas  un  enfant  à  avouer  qu'il  a  eu  peur,  ni  à  raconter  les 
impressions  de  ce  genre  qu'il  a  pu  éprouver.  De  toute  manière 
il  est  bon  d'empêcher  que  l'attention  de  l'enfant  se  fixe  sur  des 
étals  de  conscience  qu'on  cherche  à  éliminer.  On  commettrait 
donc  une  faute  lourde  en  lui  faisant  remarquer  qu'il  a  tremblé, 
qu'il  a  manqué  de  présence  d'esprit,  etc. 

Nous  sommes  loin,  on  le  voit  des  pratiques  de  la  confession. 
La  confession,  qui  est  une  forme  grave  et  solennelle  de  la  con- 
fidence, et  qui  a  été  imposée  par  certaines  religions  à  titre 
d'expiation,  doit  présenter  dans  des  circonstances  que  nous 
n'avons  pas  à  examiner,  des  avantages  ;  mais,  d'après  les 
réponses  des  instituteurs,  il  paraît  établi  qu'en  ce  qui  con- 
cerne spécialement  le  sentiment  de  la  peur,  elle  doit  être  reje- 
tée. 

Il  faut,  au  contraire,  s'appliquer  avec  tact  à  donner  à  l'enfant 
la  persuasion  qu'il  n'a  pas  peur,  et  le  mettre  au-dessus  de  lui- 
même  par  la  confiance  qu'on  lui  témoigne.  Avec  un  peu  d'a- 
dresse, on  arrivera  même  à  lui  ménager  l'occasion  d'être  brave 
dans  des  circonstances  qu'on  fera  naître  à  son  insu.  On  lui 
fera  sentir  qu'on  le  considère  comme  un  enfant  courageux,  et 
on  excitera  à  ce  propos  son  amour-propre.  Un  correspondant 
conseille  de  le  faire  lutter  avec  des  camarades  plus  forts  qui 
auront  reçu  l'ordre  de  se  laisser  battre. 

Entraînement  progressif  à  des  actes  de  courage  '.  —  C'est 
le  point  capital  du   traitement;  jusqu'ici,  il  n'a  été  question 

(l)  Sur  ce  point,  consulter  YÉmile  de  Rousseau. 


252  TRAVAUX    DU    LABORATOIRE    DE    PSYCHOLOGIE   DE    PARIS 

que  d'un  traitement  par  paroles  et  conseils  ;  il  s'agit  maintenant 
d'expériences  pratiques,  d'actes  que  l'on  amène  les  enfants  à 
exécuter.  Œuvre  difficile,  œuvre  de  tact,  de  modération,  de 
douceur;  entre  des  mains  malhabiles,  le  traitement  pourrait 
aggraver  le  mal  au  lieu  de  le  guérir. 

Le  but  qu'on  se  propose  est  de  familiariser  graduellement 
l'enfant  avec  l'objet  dont  il  a  peur.  Au  moment  de  la  crise, 
quand  la  terreur  est  à  son  comble,  il  n'est  pas  temps  d'inter- 
venir; il  vaut  mieux  attendre  que  le  calme  soit. revenu,  et  pro- 
céder toujours  avec  une  extrême  douceur.  Le  traitement  doit 
être  confié  à  une  personne  qui  a  su  inspirer  une  entière  con- 
fiance à  l'enfant. 

Comment  cette  personne  peut-elle  amener  l'enfant  à  accom- 
plir un  acte  quelconque  dont  il  a  peur? 

D'abord,  en  s'adressant  à  son  bon  sens  ;  on  l'instruit,  on  le 
force  à  se  rendre  compte  des  choses.  S'il  s'agit  d'un  danger 
réel,  il  est  facile  d'expliquer  à  un  enfant  que  la  peur  para- 
lyse les  forces,  le  réduit  à  l'état  d'impuissance,  et  l'empêche 
par  conséquent  de  lutter  contre  le  danger.  Pour  les  dangers 
imaginaires,  on  lui  en  donne  l'explication  avec  calme  et  assu- 
rance, on  essaye  de  le  convaincre  de  son  erreur,  on  lui  fait 
toucher  du  doigt  la  cause  de  l'illusion.  Mais,  le  plus  souvent. 
il  ne  suffit  pas  de  s'adresser  à  sa  raison  ;  il  faut  mettre  en  jeu 
tous  les  sentiments  forts  qu'il  a  en  lui,  l'amour-propre,  l'ému- 
lation, en  lui  citant  des  camarades  et  en  n'ayant  jamais  l'air 
de  douter  de  lui.  L'éducateur  doit  montrer  un  calme  absolu, 
non  seulement  par  ses  paroles,  mais  surtout  par  son  attitude 
tranquille  et  naturelle;  il  doit  prêcher  d'exemple;  ce  que  l'on 
fait  impressionne  un  enfant  plus  que  ce  que  l'on  dit.  C'est  pour 
cette  raison  qu'il  faut,  à  l'école  et  dans  les  réunions,  fuir  la 
compagnie  des  enfants  peureux,  afin  de  ne  pas  être  pris  par  la 
contagion  de  l'exemple  ;  les  enfants  peureux  doivent  être  enca- 
drés dans  des  troupes  d'enfants  qui  ont  donné  leurs  preuves 
de  courage. 

L'éducateur  doit  diriger  l'enfant  à  peu  près  comme  l'on  fait 
dans  le  dressage  d'un  jeune  poulain  que  tout  elîarouche,  et 
que  l'on  fiatte  pour  le  mener  vers  l'objet  qui  l'effraye.  LTn 
enfant  a-t-il  eu  peur  d'un  masque,  on  le  lui  montre,  on  le  lui 
fait  toucher,  on  le  met  sur  sa  figure,  on  lui  dit  de  se  regarder 
dans  la  glace.  S'il  a  horreur  de  petits  animaux  inoffensifs,  une 
limace,  une  souris,  un  orvet,  ou  les  prend  devant  lui,  on  les 
tient  un  moment  dans  la  main,  en  expliquant,  dans  une  leçon 


A.    HlNliT.    —   LA    PEUR    CHEZ    LES   ENFANTS 

de  choses,  la  nature  elles  mœurs  de  l'animal  ;  puis  on  l'amène, 
sans  le  brusquer,  à  regarder  de  près  le  petit  animal  ;  à  une 
autre  occasion,  on  lui  fera  toucher  l'objet,  et  il  finira  par  le 
prendre  lui-même,  cédant  à  l'exemple  donné  par  ses  maîtres, 
ses  camarades  ou  ses  parents.  Un  de  nos  correspondants  con- 
seille à  ce  propos  d'amuser  les  enfants  avec  de  petits  jouets 
représentant  des  animaux,  et  donnant  l'illusion  de  l'animal 
vivant. 

La  crainte  qui  se  produit  dans  les  exercices  physiques  sera 
efficacement  combattue  par  des  exercices  gradués  de  gymnas- 
tique. Il  faut  aussi  amener  les  enfants  à  prendre  part  aux  jeux, 
afin  de  développer  l'activité  et  la  volonté. 

«  A  Marcilly-sur-Seine,  les  enfants,  habitués  à  parcourir  les 
bois  et  à  monter  sur  les  bateaux,  sont  en  général  moins  peu- 
reux que  les  enfants  de  plusieurs  villages  que  je  connais,  où 
ils  n'ont  ni  bois,  ni  rivière.  » 

Psous  avons  longuement  parlé  de  l'effroi  qui  se  produit  chez 
les  enfants  dans  des  circonstances  où  aucun  danger  réel  ne  les 
menace  ;  ce  sont  les  peurs  produites  par  le  silence,  l'obscurité, 
l'isolement.  La  peur  de  l'obscurité,  surtout,  est  presque  géné- 
rale chez  les  jeunes  enfants'.  On  la  combattra  surtout  par  des 
expériences  pratiques.  Il  ne  faut  point  raisonner  celui  qui  a 
peur  de  l'obscurité,  mais  l'y  mener  souvent;  on  aura  surtout 
soin  d'aller  progressivement,  pour  que  le  remède  ne  produise 
pas  par  lui-même  une  folle  terreur.  On  ira  d'abord  dans  une 
pièce  où  règne  le  demi-jour,  en  tenant  l'enfant  par  la  main  ;  et 
on  lui  fera  remarquer  que,  malgré  la  diminution  de  lumière, 
tous  les  objets  demeurent  en  place  et  qu'il  n'y  a  aucun  chan- 
gement important.  Puis,  quelque  temps  après,  en  le  tenant 
toujours  par  la  main,  on  conduira  le  petit  enfant  dans  une 
pièce  plus  sombre,  dans  un  corridor,  ou  à  la  cave  ;  on  sortira 
dans  la  campagne  après  la  tombée  de  la  nuit,  ou  bien  on  res- 
tera dehors,  de  manière  à  être  surpris  pendant  une  promenade 
par  la  chute  du  jour;  on  cherchera  à  distraire  l'enfant,  à  lui 
parler  d'autre  chose,  pour  qu'il  ne  pense  pas  à  avoir  peur  ;  peu 
à  peu.(iuand  il  commencera  à  s'aguerrir, et  qu'un  germe  d'habi- 
tude se  développera,  on  l'enverra  seul  faire  de  petites  commis- 
sions, à  la  cave,  au  grenier,  dans  le  jardin,  en  ne  l'accompa- 
gnant   que    pendant  une   moitié    du  chemin  ;    il  fera   seul  le 


(Ij  Des  auteurs  se   sniit  ileuiainlés  si  la  peur  de  l'i)|jsi'uriti'  est  appi-ise 
ou  spoutauée. 


2o4  TRAVAUX    DU   LABORATOIRK    DE    PSYCHOLOGIE    DE    PARIS 

reste,   mais   on   lui  parlera  à  haute  voix   pour  lui  faire  com- 
prendre qu'on  est  là  et  qu'on  l'attend. 

Enfin,  pour  les  détonations  d'armes  à  feu,  c'est  toujours  la 
même  méthode  :  faire  entendre  le  bruit  à  plusieurs  reprises, 
d'abord  l'enfant  étant  éloigné  et  ensuite  en  le  décidant  à  se 
rapprocher  à  petits  pas.  La  seule  répétition  du  bruit  en  atténue 
l'effet.  Un  enfant  a  été  guéri  de  la  peur  du  tonnerre  parce  qu'il 
est  resté  exposé  fortuitement  à  un  violent  orage. 

Les  dangers  supposés  méritent  également  une  mention. 

«  En  cas  de  danger  supposé,  nous  écrit  un  de  nos  correspon- 
dants, bruit  insolite  la  nuit,  apparition  d'objet  à  forme  fan- 
tastique, ou  jugée  telle,  il  faut  que  toute  personne  qui  se  trouve 
avec  un  enfant,  au  lieu  d'augmenter  encore  sa  peur  par  des 
paroles  et  des  actes  d'imprudence  ou  de  faiblesse,  obtienne  de 
lui  par  un  raisonnement  calme,  doux  et  ferme  qu'il  s'approche 
ou  écoute  sans  crainte  et  sans  préjugé,  de  manière  à  se  rendre 
compte  de  ce  qui  a  pu  causer  un  trouble  de  son  imagination.  » 
(M.  Méline.) 

L'idée  maîtresse  de  cette  partie  du  traitement  me  paraît  être 
la  graduation  des  exercices.  Il  n'est  pas  d'enfant,  si  iiollron 
qu'il  soit,  qui  ne  puisse  exécuter  un  acte  quelconque  démon- 
trant un  peu  de  volonté  ;  l'art  de  l'éducation  consiste  à  trouver 
des  petites  épreuves  bien  échelonnées  qui  trempent  le  caractère 
de  l'enfant  et  lui  donnent  progressivement  l'habitude  du 
courage. 

Le  danger  est  de  procéder  trop  vite  et  de  réveiller  la  peur 
au  lieu  d'exciter  le  courage.  Il  faut,  évidemment,  pendant  le 
cours  du  traitement,  éviter  toutes  les  occasions  où  l'enfant 
pourrait  éprouver  une  peur  véritable,  avant  d'être  suffisam- 
ment aguerri  pour  lutter  contre  ce  sentiment. 

En  terminant  ce  petit  résumé,  je  pense  iju'il  est  tout  à  fait 
inutile  d'ajouter  que  je  ne  crois  pas  avoir  approfondi  le  méca- 
nisme psychologique  de  la  peur.  Pour  connaître  ce  mécanisme, 
il  faut  faire  une  recherche  expérimentale  et  physiologique  de 
la  nature  de  celle  qui  m'occupe  en  ce  moment  sur  la  circula- 
tion capillaire  et  la  respiration.  Notre  étude  par  questionnaire 
a  simplement  pour  but  de  servir  d'introduction  à  l'étude  de  la 
peur,  eu  réunissant  quelques  faits  d'observation  courante  qui 
tous,  ou  presque  tous,  tendent  à  montrer,  par  une  foule  de 
détails  concordants,  que  la  peur  est  une  émotion  dépressive. 

A.    BiNET. 


REVUES  GENERALES 


1 

PSYCHOLOGIE   HISTOLOGIQUE  ' 
ET  TEXTURE  DU  SYSTÈME  NERVEUX 

LES    RÉCENTES    THÉORIES    IIISTOLOGIQUES    ET    MÉCANIQUES 

DU  FONCTIONNEMENT  DU  SYSTÈME  NERVEUX  CENTRAI 

A  l'État  normal  et  I'athologique 

(Idéation,  associatiuus  d'idées,  couscience,  attention,  sommeil  naturel 
et  provoqué,  paralysies  sensitivo-motrices  hystériques,  etc.) 

BASÉES  SUR  LES  NOUVELLES  IDÉES  DE  SA  TEXTURE 


Les  phénomènes  psychiques,  problèmes  toujours  irrésolus, 
ont  pour  substance  la  matière  nerveuse.  La  compréhension 
de  leur  mécanisme,  au  moins,  dépend  de  la  connaissance  et 
des  progrès  que  nous  acquérons  de  la  structure  de  cette  ma- 
tière. 

De  récentes  méthodes,  celle  des  Golgi  et  d'Ehrlich  surtout, 
nous  ont  fourni  subitement  des  notions  presque  inespérées  sur 
la  morphologie  et  les  rapports  des  cellules  nerveuses,  et  aussitôt, 
l'esprit  hanté  des  faits  nouveaux,  de  hardis  penseurs  ont  tenté 
d'édifier  quelque  théorie  capable  de  nous  expliquer  ces  inson- 
dables phénomènes  psychiques. 

Pour  comprendre   ces  théories  il  faut   nécessairement  con- 

(!)  Malgré  notre  désir,  ret  article  n'a  pu  être  imprimé  en  nrliKjrafe  mm- 
vèle.  D'  Azoulay. 


2o() 


REVUES    GENERALES 


naître  et  la  structure  moderne  et  la  structure  ancienne  du  sys- 
tème nerveux.  En  voici  un  ra- 
pide croquis  '. 

Des  petits  éléments  branchas,  es- 
sentiellement nerveux,  les  neurones 
en  nombre  immense,  mêlés  d'une  fa- 
çon inextricable  pour  les  méthodes 
histologiques  anciennes,  entre  eux 
et  avec  d'autres  petits  éléments, 
non  nerveux,  les  cellules   névrogli- 


ques,  tous  ces  éléments,  absolument 
indépendants  les  uns  des  autres, 
absolument  isolés  et  ne  faisant  que 
se  toucher  les  uns  les  autres,  telle 
est  la  masse  nerveuse,  du  moins  chez 
les  vertébrés. 

Les  petits  éléments,  essentielle- 
ment nerveux,  les  neurones,  ce  qu'on 
appelait  naguère  les  cellules  ner- 
veuses, sont  constitués,  dans  les 
centres,  par  un  corps  de  forme  variée 
d'où  partent  des  prolongements  que 
leur  aspect,  leur  structure  et  leur  des- 
tination ont  fait  distinguer  en  pro- 
longements protoplasmiques,  mas- 
sifs, plus  ou  moins  rugueux  et  en 
prolongement  nerveux  ou  cylin- 
draxe,  mince,  lisse. 

Le  corps  du  neurone,  la  cellule 
nerveuse  proprement  dite,  est  formé 
d'une  membrane  enveloppante  du 
protoplasma  différencié  en  un  cy- 
toplasma  non  homogène,  et  en  un 
noyau  renfermant  un  ou  deux  nu- 
cléoles. L(;  défaut  d'homogénéité  du 
cytoplasma  est  du  à  la  présence 
d'amas  de  chromatine  isolés  dans  la 
masse  protoplasmique.  Cette  chro- 
matine péiirtre  jusqu'à  une  certaine 
distance  dans  les  prolongements  protoplasmiques,  tandis  que  non  seu- 

(1)  Les  lecteur.s  au  c.iur.iiit  des  découvertes  faites  ces  teuips-ci  dans  le 
doumirie  nerveux  n'uiit  (ju'à  négliger  le  petit  texte. 

(•_')  Tous  les  dessins  sont  originaux  et  d'après  nos  jucjiaialion.s  jiar  la 
méthude  de  Golgi  rapide.  La  figure  10  est  extraite  d'une  préparation  de 
M.  Athias.  Ce  souf  des  réductions  à  1/2  ou  1/3. 


Fig.  52.  —  Cellule  pyramidale  de 
i'écorce  cérébrale  d'un  houinie 
adulte  ■. 

(  .  corps;  »,  lif;!:' iiroli)|ilasiiiiilU('', />,  |ir-o- 
loiiucmoiils  |)rolo()lu>ini(Hios  du  |);in;iclic 
IpiTiplicriiiue  ;  d,  itroloiiKCniciils  pidlo- 
|j|iisiiiii|iics  liasilaires. —  Tous  ccs]>r(il(>u- 
Hcnii'uls  seix'couvicnl  de  givre  à  une  |)otilc' 
disliuici'  du  corps  de  la  cellule;  —  Ci/.  c\  - 
lindraxe  ;  cul,  coUali'rales  du  cWiiidiaxe. 
lous  "lalircs.  I.c  neurone  sérail  complet  si 
nous  avions  pu  fii;urer  les  lerniiiiaisons 
éloignées  du  c\  lindraxe  cl  des  collatérales. 


AZOULAV. 


PSYCHOLOGIE   IlISTOLOGIOUE 


257 


lement  elle  ne  pénètre  pas  dans  le  cylindraxe,  mais  fait  même  défaut 
dans  le  corps  de  la  cellule  au  niveau  de  son  émergence.  Ceci  prouve  déjà 
une  différence  structurale  entre  le  corps  du  neurone  et  les  prolonge- 
ments protoplasmiques  d'une  part  et  le  cylindraxe  de  l'autre.  Bien 
plus,  ainsi  que  Nissl,  Fleschl,  Cajal,  etc.,  l'ont  vu  et  que  nous  l'avons 
vérifié  sur  nos  préparations  à  l'alcool,  les  corps  cellulaires  sont  tantôt 
foncés  et  petits,  tantôt  pâles  et  gonflés,  aspects  qui,  d'après  Nissl, 
répondraient,  le  premier  à  l'état  d'usure,  de  fatigue  et  le  second  à 
l'état  d'activité,  de  fonctionnement. 

Les  prolongements  protoplasmiques  sont  des  branches  divisées  à 
plusieurs  reprises,  ne  s'éloignant  guère  de  la  cellule  originelle  et 
couverts  de  varicosités  plus  ou  moins  volumineuses  et  régulières,  ou 


V, 


Fig.  .03.  —  Cellule  de  la  Cdrnc  anté- 
rieure lie  la  iiioelle  dorsale  d'un 
honune adulte.  (Méthode de  Nissl.) 

Le  coi'|)s  et  les  iirolousemcnls  pi'otojil.ns- 
iiii(iu('s  sont  roni|ilis  d'iiiiias  ilc  cliroiiKilinc 
iiiullilOinies  et  indi'|icii(l;uits.  Le  noyau  n  en 
|)Ossè(lo  point,  de  mcinc  t[ue  le  cUindraxe. 
j)arlant  en  bas  et  à  gauche  de  la  cellule.  Au 
centre  le  nucléole  pourvu  d'un  nucléolule 
réfrinsenl.  —  Entre  des  amas  do  clnoma- 
lino.  on  voit  des  grains  de  pismenl  noir  on 
groupe.  Gross.  460. 


Fig.  .j4.  —  Détail  d'une  branche 
protoplasmique  terminale  de  cel- 
lule iiyramidale.  (Ilnuinie  adulte.) 
La  hianche  n'est  pas  de  ralihre 
régulier,  elle  est  couverte  en  tous 
sens,  de  fines  épines  terminées 
par  mie  s[)hérule.  Gross.   .320. 


d'épines  très  fines,  serrées,  finissant  en  massue  par  une  sphérule. 
L"aspect  de  ces  prolongements  est  donc  celui  de  brindilles  couvertes 
de  givre. 

A  cause  de  leur  aspect,  de  leur  genèse  histologique  et  de  l'identité 
de  structure  et  de  fonctions  qu'on  leur  attribue,  à  eux  et  au  corps 
du  neurone,  bien  prématurément,  puisque  déjà  Nissl  y  a  décelé  une 
structure  de  chromaline  différente,  les  prolongements  protoplas- 
miques sont  considérés  comme  n"étant  que  de  simples  expansions  de 
ce  corps,  dont  ils  augmenteraient  la  surface  et  l'étendue.  Aussi  appel- 

ASNÉE   P.SYCHOLOGIQUE.    II.  17 


2K8 


REVUES    GENERALES 


lerons-nous,  pour  abréger,  le  corps  el  les  prolongements  protoplas- 
miques,  partie  protoplasmique  du  neurone. 

Le  cylindraxe,  filament  lisse,  mince,  reste  dans  les  centres  ner- 
veux, en  sort  ou  y  rentre  suivant  la  situation  de  sa  cellule  mère  et 
peut  ainsi  parcourir  d'énormes  distances;  il  se  résout  toujours  pen- 
dant son  parcours,  s'il  en  a  un,  et  de  toutes  façons  a  sa  terminaison 
dans  les  centres  nerveux  ou  dans  les  autres  tissus,  ce  qui  peut  survenir 
dès  après  son  origine,  en  branches  de  divisions  et  de  subdivisions 
qui  finissent  toutes  librement  par  des  boutons  sphériques,  des 
griffes,  des  massues  variqueuses,  des  cônes  étalés,  des  disques,  qui, 
dans  le  même  tissu,  se  mettent  en  contact  avec  des'  éléments  diffé- 
rents. 

Ce  filament  est  de  structure  complexe;  il  n'est  pas  nu  même  dans 
les  centres,  comme  la  partie  protoplasmique  du  neurone;  il  est 
recouvert  d'une  gaine  de  myéline,  sorte  de  substance  graisseuse  iso- 
lante, qui  se  double  en  dehors  d'eux  d'une  gaine  plus  ferme  ;  mais 
cette  myéline  qui  poursuit,  en  les  engainant  individuellement,  chaque 


Fig.  55.  —  T(M'HHrini.soii  d'un  cylindraxe  dans  récorce  cérél)raled"nn  lioinmo 
adulte  au  niveau  de  la  ronclie  nudéculaire.  —  Les  filaments  dcvieiuicnt 
si  tenus  cin'lls  ne  sont  plus  indiqués  que  jîar  nne  lii:no  |iidnlillce  Icnninée 
|)ar  nne  tmile  petite  sjihcrnlc.  Grnss.  =  80. 


branche  de  division  et  de  subdivision  du  cylindraxe,  s'arrête  à  des 
distances  plus  ou  moins  considérables  de  leurs  terminaisons,  qu'elle 
laisse  tout  à  découvert  ;  ce  filament  prend  ainsi  l'aspect  d'un  tube 
d'autant  plus  lactescent  qu'il  s'agit  de  oyiiudraxes  plus  gros  ou  de 
branches  de  division  plus  importantes.  Lui-même  n'est  qu'un  faisceau 
de  centaines  de  fibrilles  parallèles,  infiniment  minces,  semblant  baigner 
dans  une  masse  homogène  interposée. 

D'après  cette  apparence  et  cette  constitution,  on  peut  considérer 
que  les  branches  de  division  et  de  subdivision  du  cylindraxe  sont, 
elles  aussi,  des  faisceaux  de  plus  en  plus  ténus  de  librilles,  et  qu'en  lin 


AZOL'LAY.    —    PSYCnOLOGIE   UISTOLOGIOUE 


^59 


i 


de  compte,  les  dernières  branches  de  division  du  cylindraxe,  c'est- 
à-dire  les  plus  fines,  ne  sont  que  la  libération  par  épanouissement  et 
écartement  des  fibrilles  élémentaires  contenues  ; 

dans  le  cylindraxe  et  ses  branches.  Cette  dispo-  i^ 

sition  fait  aussitôt  concevoir  le  cylindraxe 
comme  un  câble  électrique  contenant  dans  son 
âme,  quantité  de  fibres  destinées  à  des  postes 
divers,  mais  partant  d'un  même  point  central. 

Les  recherches  à  venir  démontreront,  si, 
oui  ou  non,  les  fibrilles  élémentaires  du  cylin- 
draxe, quoique  contenues  dans  une  même 
gaine,  sont  elles-mêmes  isolées  les  unes  des 
autres,  point  capital  pour  l'évolution  et  le 
fonctionnement  du  système  nerveux. 

Ainsi  se  présentent  la  plupart  des  neurones 
centraux,  atteignant  souvent,  grâce  à  leur 
cylindraxe,  à  des  distances  énormes.  L'accu- 
mulation en  certains  points  de  la  partie  pro- 
toplasmique  d'un  grand  nombre  d'entre  eux, 
de  l'origine  et  des  terminaisons  cylindraxiles 
produit  cequ"on  appelle  delà  substance  grise; 
l'accumulation  en  d'autres  points  des  troncs 
et  des  branches  de  division  myéliniques  des 
cylindraxes,  forme  la  substance  blanche. 

Ici  nous  ne  nous  occupons  que  de  la  subs- 
tance grise,  et  plus  spécialement  de  celle  du 

cerveau,  organe  essentiel  de  la  pensée,  comme    Fiï-  ^C.  —  Terminaisons 
on  l'admet. 

Dans  cette  substance  grise,  les  neurones, 
(|uel  que  soit  leur  ordonnancement,  sont  par- 
faitement isolés  les  uns  des  autres  :  jamais 
les  branches  proloplasmiques  et  cylindraxiles 
de  l'un  ne  s'anastomosent  avec  les  branches 
protoplasmiques  ou  les  terminaisons  cylin- 
draxiles d'un  autre.  Ce  que  l'on  voit  unique- 
ment, ce  sont  des  éléments  en  simple  conli- 
ffuïlé^,  et  ce  que  l'on  découvre  c'est  que  les 


ultinjcs  de  branches 
fines  cylindraxiles  dans 
la  substance  grise.  (Cer- 
veau de  cobaye  de 
15  jours.)  Les  fibres  sont 
si  tenues  qu'elles  s'im- 
prègnent seulement  en 
pointillé,  présentant  de 
distance  en  distance  do 
petits  renflement  s. El  les 
se  tenuinent  librement 
par  une  sphérule. 
Gross.  COO. 


(l)  Ce  mot  a  uno  très  grande  importance  dans  celte  étuik-.  M.  Cajal  f|ui 
agénéralisélefait  et  (huit  les  travaux  ont  le  plus  contribué  à  répaiidru  cette 
notion,  emploie  inditl'érenunent  contact  et  contiguïté.  Ces  deux  uiols  ont 
un  sens  fort  différent.  Nous  croyons,  pour  notre  part,  que  M.  Cajal  penche 
lilulôt  pour  la  contiguïté  dans  les  centres  et  le  contact  dans  les  organes 
sensoriels  et  ims  propres  rectierches  nous  amènent  aussi  à  celte  conclusicm  ; 
mais  les  savants  qui  ont  émis  des  théories  psychicpies  d'après  la  décou- 
verte de  M.  Cajal,  ont  conçu  l'un  plutôt  le  contact,  et  l'autre  la  contiguïté, 
de  sorte  que  le  mécanisme  qu'ils  .ittiiliurnt  aux  [ilienomènes  psy<'hiipies 
est  diamétralem-ent  opp(Jsé. 


260 


REVUES    GENERALES 


terminaisons  cylindraxiles    d'un  neurone  ou  de  plusieurs  viennent 
loucher  les  branches  protoplasmiques.  ou  envelopper  le  corps  (pro- 


Fig.  57.  —  iplaques  motrices,  termi- 
naisons crun  même  filet  nerveux 
musculaire  à  des  stades  dilicrenls 
de  dcveloppoinent.  —  ]\Iuscles 
dorsaux  d'une  souris  de  trois 
jours,  (jross.  300. 


Fig.  58.  —  Terminaison  d'un  nerl 
seusitif  dans  la  gaine  d'un  poil 
seusihle  de  uuiseau  de  jeune 
souris. 


toplasmique)  d'un  ou  de  plusieurs  autres  neurones,  et  il  semble  d'après 


Fig.  59. 


Cellulo  pyramidale  dite  psychii|uc,  de  la  souris  adulte,  pour 
montrer  l'intriiaticu  des  fibres  cylindraxiles,  onvelojipant  les  prolon- 
gements pr(dnplasmi(|ues,  avec  les  épines  des(picls  elles  semblent  se 
mettre  au  contact.  Gross.  115. 


AZOULAY.    —    PSYCHOLOGIE    DISTOLOGIQUE  261 

toutes  les  recherches  qu'il  n'existe  aucun  autre  mode  de  rapport 
de  neurone  à  neurone.  Pourtant  M.  Lugaro'  admet  que  dans  les 
centres,  les  terminaisons  cylindraxiles  peuvent  aussi  se  mettre  au 
contact  les  unes  des  autres,  et  M.  Renaut  -  affirme  que,  dans  la  rétine, 
les  neurones  se  commandent  aussi  par  le  contact  de  leurs  prolonge- 
ments protoplasmiques  et  partiellement  de  leurs  cylindraxes,  quand 
ils  se  couvrent  de  perles. 

L'étude  des  organes  des  sens  a  démontré  à  M.  Cajal  que  dans 
ce  mode  de  rapport  de  neurone  à  neurone,  les  rôles  de  la  partie  pro- 
toplasmique  et  du  cylindraxe  étaient  tout  à  fait  distincts.  Dans  ces 
organes  sensoriels,  les  prolongements  protoplasmiques  et  le  corps 
cellulaire  reçoivent  directement  ou  indirectement  l'impression  des 


FliT.  60.  — Portion  tcniihiale  d'un  cylindraKc  de  cellule  étoilée  de  la  couche 
moléculaire  du  cervelet.  (Homme  adulte.)  —  On  voit  le  corps  estompé 
d'une  cellule  de  Purkiuje  enveloppé  par  les  ramificatious  variqueuses  de 
ce  cylindraxe.  Le  corps  est  ainsi  inclus  dans  ce  qu'on  appelle  la  cor- 
be'dle  termiiuile.  C'est  l'un  des  exeuiples  les  plus  frappants  du  coït /ne/  ou 
de  la  con/i(jt/'ité,  entre  terminaisons  cylindraxiles  et  corps  cellulaire. 

agents  extérieurs,  et  celte  impression  est  transmise  aux  parties  pro- 
toplasmiques des  neurones  successifs  jusques  et  y  compris  les  neu- 
rones percepteurs  du  cerveau,  par  le  cylindraxe  et  ses  terminaisons. 
—  Ce  fait  qui  souffre  une  apparente  exception  dans  les  cellules  bipo- 
laires à  2  cylindraxes  des  ganglions  spinaux,  a  été  généralisé  à 
tout  le  système  nerveux  par  M,  Cajal,  et  d'après  lui,  on  admet  que 
dans  les  prolongements  protoplasmiques  et  le  corps,  le  courant  ner- 

(l)Lugaro.  H(cls/u  sperimen/ale  di  [rena/rla  e  i/i  tncdiciiia  leyalc,  V,  20, 
fasc.  2,  3  et  4. 

(2)  La  théorie  de  M.  Renaul  exposée  dajis  plusieiu-s  articles  dont  les 
deux,  principaux  sont  parus  dans  les  Bulletins  de  l'Académie  de  Médecine, 
l'aiis.  1895.  p.  207  et  d.uis  la  Presse  Médicale,  Paris,  1895,  p.  297.  repose 
sur  des  faits  révélés  de  ton;/i/e  da/e  [lar  la  méthode  di;  (Jol-^i  et  d'Elu'iich 
et  que  M.  Renaul  croit  nmiveaux.  La  plus  grande  (ixnie  de  son  auteur 
consiste  surtout  à  avuir  iuiaginé  la  rurmation  de  perles  dans  les  prolonge- 
ments protoplasiiii([ues,  perles  (|u'il  avoue  avoir  seulement  vu  disparaître. 
Cela  abstraction  l'aile  des  erreurs  de  technique  iiue  M.  Uenaul  ne  seud)lc 
pas  avuir  su  éviter. 


262 


REVUES   GENERALES 


veux,  l'impression,  le  neurocyme  ou  comme  on  voudra  appeler  cet 
inconnu,  est  celluiipéle,  c'est-à-dire  va  vers  les  parties  actives  de  la 
cellule,  amas  de  chromatine  et  noyau,  tandis  que  dans  le  cylindraxe 
et  ses  branches,  le  courant  est  toujours  cellulifiigc,  c'est-à-dire  qu'en- 
gendré par  les  parties  actives  de  la  cellule,  il  en  part  et  se  transmet 
aux  autres  neurones  par  le  cylindraxe,  grâce  au  contact  de  ses  ter- 
minaisons avec  leurs  parties  protoplasmiqucs.  En  d'autres  termes,  le 
neurone  est  constitué  par  un  appareil  récepteur,  sa  partie  protoplas- 
mique  ;  un  appareil  transformateur  ou  générateur,  les  parties  actives 
du  corps  cellulaire,  et  un  appareil  transmetteur  oli  distributeur  à 
plus  ou  moins  grande  distance,  le  cylindraxe  et  ses  divisions  éten- 
dues. 

Quelques  savants  cependant  n'admettent  pas  cet  absolutisme   dans 
la  polarité  dynamique  et  fonctionnelle  des  prolongements  du  neurone 


Fig.  ()l.  —  Cellule  névrogliquc  de  la  moelle  d'un'tétard, destinée  à  montrer 
l'adaptation  de  la  névruglie  aux  tissus  où  elle  gît.  —  Cette  même  cel- 
lule est  velue,  givrée  dans  la  substance  grise,  et  lisse  ou  presque  dans 
la  substance  blanche  (d'après  une  prépar.ilinn  de  M.  Mliins). 

et  M.  Lugaro  ',  en  particulier,  croit  que  les  cylindiaxes  dans  les 
centres  peuvent  être  à  la  fois  transmetteurs  et  récepteurs,  suivant  les 
nécessités,  et  un  assez  grand  nombre  d'autres  savants  en  tète  des- 
quels Golgi,  n'attribuent  pas  aux  prolongements  protoplasmiqucs  de 
fonctions  nerveuses.  Pour  eux  ces  expansions  ne  sont  que  des  organes 
de  nutrition  de  la  cellule.  La  nutrition  pourtant  n'exclut  pas  le  fonc- 
tionnement; la  fibre  musculaire  se  nourrit,  baignée  dans  la  lymphe 
nutritive  et  fonctionne,  sans  besoin  d'organe  spécial  pour  sa  nutrition. 
Seules  des  idées  a  priori  peuvent  pousser  la  spécialisation  des  diverses 
parties  d'une  cellule,  à  ce  point  là,  et  eu  faire  pour  ainsi  dire  une 
colonie  animale. 

Les  petits  éléments  non  nerveux,  les  cellules  névrogliques  qui,  his- 
togenéliquemenl,  sont  de  même  origine  ectodermique,  sont  distri- 
buées iudilTéremment  dans  la  substance  grise  et  la  substance  blanche. 
Ils  apparaissent  d'une  façon  schéniati(jue  sous  forme  d'un  petit  amas 


(1)  Même  désignation  que  [dus  haut. 


AZOULW.    —   PSVCnOLOGIE   niSTOLOGlQUE 


263 


central  de  protoplasma  avec  membrane  enveloppante  et  noyau,  d'où 
rayonnent  dans  tous  les  sens  en  rayons  d'étoiles,  des  branches,  tantôt 
divisées  et  subdivisées,  tantôt  simples  ;  tantôt  tortueuses,  tantôt 
rigides;  tantôt  couvertes  de  duvets,  de  givre,  abondant  ou  rare,  de 
varicosités,  tantôt  absolument  lisses;  tantôt  se  portant  assez  loin, 
tantôt  fmissant  à  petite  distance;  tantôt  libres,  indépendantes,  tantôt 
attachées  à  un  vaisseau,  mais  cela  secondairement. 

L'aspect  si  varié  de  ces  éléments  étoiles  tient  à  une  plasticité  tout 
à  fait  remarquable  ;  ils  s'adaptent  ù  la  perfection  par  leur  forme,  à 
la  structure  du  tissu  nerveux  dans 
lequel  ils  se  trouvent  entremêlés 
intimement  mais  toujours  simple- 
ment par  contacts,  et  sont  doués 
d"un  véi'itable  mimétisme,  leurs 
branches  devenant  velues,  givrées, 
variqueuses,  quand  ils  sont  au  mi- 
lieu des  prolongements  proloplas- 
mique  et  rectilignes,  lisses,  minces, 
quand  ils  s'interposent  aux  cylin- 
draxes  myélinisés. 

Malgré  ce  protéisme,  on  peut 
distinguer  en  eux  trois  espèces  de 
cellules  névrogliques,  les  cellules  de 
la  substance  blanche,  celles  de  la 
substance  grise  et  les  cellules  névro- 
gliques périvasculaircs  presque  ex- 
clusives aussi  à  la  substance  grise. 

Les  cellules  de  la  substance 
blanche  ont  en  général  et  chez 
l'adulte  un  corps  protoplasmique 
nucléé  réduit,  et  des  branches  rayon- 
nées,  rectilignes  ou  presque  lisses,  se 
portant  assez  loin. 

Les  cellules  névrogliques  de  la 
substance  grise,  toujours  chez  le 
vertébré  supérieur  adulte,  ont  un 
corps  nucléé  plus  volumineux,  plus 

d'aspect  protoplasmique  avec  des  branches  très  nombreuses,  s'éloi- 
gnant  peu,  tortueuses  et  couvertes  soit  d'épines  très  fines,  givrantes, 
soit  d'une  sorte  de  masse  spongieuse,  lanugineuse,  plus  ou  moins 
dense  et  plus  ou  moins  étendue  sur  et  autour  des  branches,  soit  de 
varicosités  et  de  boules  irrégulières  de  distance  et  de  volume. 

Le  premier  aspect,  qui  donne  une  apparence  pennée  à  ces  branches 
est  le  plus  fréquent  et  semble  l'état  normal.  Ces  cellules  sont  complè- 
tement libres. 

Les  cellules  périvasculaircs  ne  difl'èrcnt  des  précédentes  que  par  une. 


Fi,!?.  62.  —  Cellule  névroglique  de 
la  substance  blanche.  (Cerveau 
d'enfant  de  22  jours.)  Les  branches 
lisses  sont  d'inégale  longueur 
parce  que  la  coupe  les  sectiimne 
à  des  distances  différentes.  La  cel- 
lule complète  nlîre  toute  ressem- 
blance avec  un  oursin.  Gvoss.  70. 
(En  comparant  ce  grossissement 
à  celui  de  la  cellule  névroglique 
de  la  substance  grise,  on  voit 
quelle  énorme  étendue  est  par- 
ctiurue  par  les  branches  de  la  cel- 
lule névroglique  de  la  substance 
l)lanche.) 


264 


REVUES    GENERALES 


deux  OU  trois  branches,  qui.  au  lieu  d'être  libres,  vont  s'attacher  par 
un  pied  conique  à  la  paroi  externe  d'un  capillaire  voisin  ;  et  l'aspect 
d'un  capillaire  auquel  de  tous  côtés  adhèrent  ces  corpuscules  étoi- 
les à  branches  plumeuses,  contournées,  fait  penser  à  quelques 
branches  de  polypier,  de  corail  épanoui,  ou  à  quelques  colonies 
d'aclinozoaires  ou  d'hydroniéduse  attachées  à  un  rameau  d'algue 
sous-marine. 

Pour  les  anatomistes  anciens  et  pour  beaucoup  de  modernes,  les 
cellules  névrogliques  sont  ou  des  organes  de  nutrition  des  éléments 


Fijî.  63.  —  Cellule  névrogliqnc  de 
la  substance  iirise.  (Lcorce  céré- 
brale d'iiuiuaie  adiille.)  Elle  cor- 
respond au  type  le  plus  i'réquenl. 
et  représenterait  la  cellule  iiévro- 
glique  à  Ijranclies  peuiu'es,  éten- 
dues, en  état  de  re[ius.  (Jross.  '200. 


Fig.  6i.  —  Cellules  névrogliques  péri- 
vasculaires  de  la  substance  grise. 
(Cerveau  d'enl'aut  de  22  jours.  — 
Méthode  de  Cox.)  Elles,  sont  atta- 
chées aux  parois  des  capillaires, 
indiquées  par  un  Irait,  à  l'aide  d'un 
ou  deux  pieds,  moins  couverts  d'é- 
pines ou  givre  que  les  autres 
branches.  Gross.  =  140. 


nerveux  proprement  dits,  ou  des  appareils  de  soutien,  leurs  branches 
entremêlées  formant  la  trame  du  tissu  nerveux.  Pour  M.  Cajal,  les 
cellules  névrogliques  de  la  substance  grise  et  blanche  ont  pour  rôle 
d'isoler  les  neurones  les  uns  des  autres  ;  leur  protoplasma  serait 
une  matière  isolante,  mauvaise  conductrice  du  courant  nerveux. 

Ici  nous  n'avons  pas  à  discuter  les  rai^^ons  militant  en  faveur  de 
telle  ou  telle  de  ces  o|)inions;  ce  qu'il  faut  simplement  constater  c'est 
leur  divergence  et  par  suite  notre  ignorance. 

Onant  aux  cellules  névrogliques  périvasculaires,  M.  Cajal  leur 
aiuibue  une  l'onction  que  nous  vendons  par  la  suite  exposée  dans  ses 
théories  psychologiques. 

Bien  entendu,  le  système  nerveux  est  parcouru  par  d'innombrables 
capillaires, d'où  la  lymphe  soit  pour  baigner  et  nourrir  ses  éléments; 


AZOULAY.    —   PSYCHOLOGIE   niSïOLOGIQUE  265 

mais,  fait  à  retenir,  ces  capillaires  ne  sont  pas  contractiles  spontané- 
ment :  leurs  parois  purement  endothéliales  ne  reçoivent  aucun  filet 
vasomoteur  du  sympathique. 

Tels  sont  les  faits  nouveaux  de  structure  viorphoJogique,  en  particu- 
lier du  tissu  nerveux  gris  du  cerveau.  En  eux-mêmes  ils  ne  sont  pas 
encore  irréfutablement  établis,  même  la  question  de  Findépendance 
des  neurones  et  de  leurs  contacts;  et  quant  à  leurs  explications, 
valables  dans  certains  cas,  elles  sont  contestables  dans  d'autres.  C'est 
que  ces  explications  pèchent  par  leur  généralisation  même,  car  leurs 
auteurs,  semblent  trop  souvent  oublier  la  loi  nécessaire,  qui  lie, 
comme  cause  et  etTet,  le  milieu,  la  fonction  et  l'adaptation. 

Le  système  nerveux  n'a  pas  toujours  été  considéré  comme  édifié 
de  tels  matériaux  ainsi  disposés. 

La  théorie  cuitérieure  encore  plus  hypothétique  et  la  plus  géné- 
ralement acceptée  il  y  a  à  peine  huit  ans  encore  était  la  suivante  : 
les  cellules  nerveuses  (l'idée  qu'on  en  avait  était  fore  réduite),  sont 
enveloppées  de  fines  fibres  cylindraxiles.  Celles-ci  s'anastomosent  et 
s'unissent  pour  former  des  cylindraxes  allant  se  rendre  aux  cellules 
nerveuses  ;  au  lacis  de  fines  fibrilles,  le  neurospunyium,  viennent  se 
souder  les  prolongements  protoplasmiques  des  cellules,  de  sorte  que, 
du  moins,  sur  une  vaste  étendue  des  centres,  le  cercle  étant  fermé, 
toutes  les  cellules  sont  en  continuité  les  unes  avec  les  autres.  (Juant 
aux  cellules  névrogliques,  englobées  sous  une  seule  et  même  espèce, 
leur  accordant  un  rôle  de  soutien  dans  la  masse  nerveuse,  ou  leur 
attribuait  un  caractère  tout  à  fait  étranger  au  système  nerveux. 

Quelle  que  soit  la  réalité  des  deux  modes  de  texture  ancien  et 
actuel  du  tissu  nerveux  et  des  intermédiaires  inévitables  qui  en 
sont  nés,  ils  sont,  il  faut  bien  se  le  persuader,  seulement  la 
dissection  du  cadavre  du  système  nerveux  mort.  Ils  ne  repré- 
sentent tout  au  plus  que  son  état  statique,  et  en  réalité,  qu'une 
minime  partie  des  détails  du  vrai  système  nerveux,  de  celui  qui 
vil  et  fonctionne.  Aussi  qu'importe  ces  structures  pour  le  biolo- 
giste et  le  psychologue,   s'ils  ne  savent  comment  à  l'aide  de 
ces  structures  le   système    nerveux  fonctionne  ;    si  l'ancienne 
théorie  de  la  continuité  nerveuse  leur  semble  inférieure  à  la 
théorie  récente  de  la  discontinuité,  de  la  contiguïté,  pour  l'ex- 
plication des  faits  de  physiologie  nerveuse,  et  d'une  partie  des 
faits  de  psychologie,  de  l'éducation  par  exemple  ;  si  elle  s'ac- 
corde moins  avec  ces  faits  et  satisfait  moins  à  l'évolution  géné- 
rale des  cellules  et  des  êtres  qui  en  sont  les  composés!  car 
lorsqu'il  s'agira  de  se  rendre  compte  du  mécanisme  des  phéno- 
mènes psychiques    et  physiologiques,    de    concevoir  le   fonc- 
tionnement du  système  nerveux  dans  son  immense  variabilité. 


266  REVUES    GÉNÉBALES 

alors  ils  verront  que  les  deux  théories  semblent  valoir  aussi 
peu  l'une  que  l'autre.  En  effet,  si  la  continuité  des  terminai- 
sons cylindraxiles  avec  la  partie  protoplasmique  des  neurones, 
est  supposée,  constante,  fixe,  invariable  comme  la  théorie 
actuelle  de  la  structure  du  système  nerveux  le  laissait  entendre 
il  y  a  à  peine  quelques  mois,  si  on  admet  que  le  courant  ner- 
veux déterminé  dans  un  premier  neurone  par  une  impression 
du  monde  extérieur  ou  du  monde  intérieur  (excitations  prove- 
nant d'un  autre  neurone  ou  d'une  autre  cellule  de  l'organisme), 
et  ensuite  par  propagation  dans  une  série  de  neurones  étages, 
ne  décroît  pas  en  intensité  à  mesure  du  chemin  parcouru,  si  on 
admet  encore  que  les  neurones,  infatigables,  sont  toujours 
prêts  à  réagir  à  la  moindre  impression  extérieure,  si  l'on  table 
encore  sur  les  autres  hypothèses  ayant  cours,  on  en  arrive  à 
cette  conclusion  :  il  ne  peut  y  avoir  aucun  repos,  aucune  régu- 
larité d'action  ni  pour  le  neurone  ni  pour  l'organisme,  et  cela 
dans  toutes  les  sphères  de  l'activité  animale.  Autant  vaudrait 
revenir  à  l'ancienne  théorie  de  la  continuité  des  cellules  ner- 
veuses, avec  leurs  rapports  immuables. 

Et  cette  conclusion,  c'est  parce  que  les  histologistes,  absorbés 
par  l'étude  et  la  contemplation  du  cadavre  nerveux,  oublient 
qu'il  a  été  vivant,  pensant  et  agissant.  Aussi  des  savants  moins 
étrécis  de  pensée  par  la  spécialisation,  ou  d'associations  d'idées 
plus  étendues,  ont-ils  essayé  de  concevoir  ce  cadavre  vivant, 
fonctionnant  en  pensées  et  en  actes.  Ils  ont  tenté  de  créer, 
comblant  par  imagination  l'abîme  entre  le  mort  immuable  et 
le  vivant  mobile  et  changeant,  ce  qui  dans  les  éléments  du 
tissu  nerveux  sous  la  forme  que  nous  leur  connaissons  pour- 
rait être  mobile  et  changeant,  ce  je  ne  sais  quoi  dont  les  varia- 
tions font  le  sommeil  et  la  veille,  la  lenteur  ou  la  vitesse  de 
l'idéation,  les  associations  d'idées  si  intîniment  diverses,  la 
conscience  ou  l'inconscience  des  faits  et  des  pensées,  l'atten- 
tion ou  l'inattention,  les  anesthésiës,  les  paralysies  d'ordre  hys- 
térique, etc.,  etc. 

De  là  leurs  théories  psychologiques.  Ces  théories  sont  au 
nombre  de  quatre.  Trois  d'entre  elles  attribuent  le  rôle  de 
mobilité,  de  commutateur  et- d'interrupteur  du  courant  nerveux 
aux  éléments  nerveux  proprement  dits  ;  la  quatrième,  l'accorde 
aux  cellules  névrogliqucs.  Les  trois  premières  sont  par  ordre 
chronologique  celle  de  RablRuckardt(1890).  de  M.  Lépine(I894) 
et  de  Mathias  Duval  (180;j).  Elles  seront  exposées  dans  cet 
ordre  qui  est  aussi  celui  de  leur  complexité,  en  rapport  avec 


AZOULAY.    —   PSYCHOLOGIE   UISTOLOGIQUE  :2G7 

les  progrès  de  rhistologie  nerveuse.  La  quatrième  et  dernière 
est  due  à  Cajal  ;  elle  est  la  plus  récente  en  date. 


THÉORIES    MECANIOUES    DES    PHENOMENES    PSYCHIQUES    BASEES    SUR   LA 
MOBILITÉ    DES    ÉLÉMENTS   NERVEUX 

l''  Théorie  de  Rabl  liâckardt.  —  A  l'époque  où  M,  Rabl 
Riickardt  émettait  sa  théorie,  en  1890,  l'hypothèse  du  neiiro- 
spongium,  de  la  continuité  des  éléments  nerveux  entre  eux 
régnait.  C'est  d'après  elle  que  sa  théorie  est  construite. 

l*"  La  cellule  pyramidale,  dit-il  en  substance,  est  le  réservoir 
d'une  quantité  déterminée  et  d'une  sorte  déterminée  de  repré- 
sentations dont  la  somme  est  la  mémoire. 

Ces  représentations  doivent  par  suite  être  emmagasinées 
dans  les  molécules  constitutives  du  protoplasma  cellulaire.  Ce 
protoplasma  a  donc  de  la  mémoire. 

2''  Si  toutes  nos  activités  intellectuelles  sont  liées  aux  com- 
binaisons mobiles  des  représentations  (associations  d'idées)  ou 
des  images  emmagasinées  dans  le  protoplasma  des  diverses 
cellules,  il  doit  donc  y  avoir  dans  la  texture  du  système  ner- 
veux un  point  où  cette  mobilité  se  produit. 

3°  Dans  cette  texture,  il  y  a  un  point  qui  semble  certainement 
de  très  grande  importance,  c'est  le  lieu  où  les  prolongements 
protoplasmiques'  viennent  se  terminer  (se  souder)  dans  le  neu- 
rospongium.  C'est  donc  (vraisemblablement)  ce  point  de  termi- 
naison ou  de  soudure  des  prolongements  protoplasmiques  qui 
doit  être  l'endroit  de  mobilité  des  combinaisons  de  représenta- 
tions ou  d'idées. 

4"  Comment  peut  se  faire  cette  mobilité  de  combinaison  en 
ce  point?  Il  suffit  de  supposer  que  le  prolo7igement  profoplas- 
inique  se  rompt  ou  soit  rompu  en  ce  point,  lorsque  la  combi- 
naison na  pas  lieu  et  qu'il  s'y  ressoude  ou  s'y  est  ressoudé 
lorsque  la  combinaison  a  lieu,  et  cela  par  un  mouvement  amœ- 
boide  de  Cextrémité  du  prolongement  protoplasmique. 

L'expression  -imagée    de     fil  rompu  des  idées,    correspon- 
drait bien  ainsi  au  fait  d'un  filament  protoplasmique  rompu  ^ . 
Si  tel  est  le  mécanisme  de  l'idéation,  il  devient  facile  d'ex- 

(1)  Conçus  par  R.-il)l  Riick.-irdt  et  ses  conlemporains  (riiiic  façon  hicn 
moins  complète  qu'à  présciil. 

(2)  Il  est  curieux  de  si^ii.iln-  ijue  la  logique  ilc  maints  savants  de  nus 
jours  se  base  sur  des  expressions  de  langage  et  les  considère  connue  des 
expressions  de  fait. 


2()8  REVUES   GÉNÉRALES 

pliquer  les  divers  processus  et  qualités  de  celte  idéation.  Ainsi 
une  combinaison  ingénieuse  correspond  à  un  jeu  rapide  de  rup- 
ture et  de  soudure  des  prolongements  protoplasmiques  de  plu- 
sieurs cellules  nerveuses  ;  une  pensée  paresseuse  et  pauvre 
répond  à  un  jeu  lent  de  ce  phénomène  dans  les  prolongements 
de  peu  de  cellules  (Rabl  Riickardt,  dit  simplement  :  c'est  le  con- 
traire). Le  sommeil  avec  ses  rêves,  l'hypnotisme,  les  divers 
états  pathologiques  mentaux,  etc.,  ne  sont  peut-être  que  des 
paralysies  partielles,  éphémères  ou  durables  du  mouvement 
amo'boïde  des  prolongements  de  certaines  cellules. 

!2°  Théorie  de  M.  Lépine.  —  Cinq  ans  après,  en  pleine  efîer- 
vescence  des  méthodes  de  Golgi  et  Cajal,  et  sous  la  suggestion 
de  leurs  si  nouveaux  résultats,  M.  Lépine  émet  une  théorie 
toute  semblable,  basée,  quoiqu'il  ne  le  dise  pas  expressément, 
sur  l'amcebisme  des  éléments  nerveux,  et  tout  à  fait  indépen- 
damment de  Rabl  Riickardt. 

Frappé  de  la  singularité  et  de  l'extrême  variabilité  des  phé- 
nomènes observés  chez  un  malade  hystérique,  chez  qui  il  y 
avait  des  alternatives  brusques  d'ouïe  parfaite  et  de  surdité 
absolue,  suivant  qu'il  prêtait  attention  ou  non  aux  bruits  (il  en 
était  de  même  à  un  moindre  degré  pour  la  vue),  M.  Lépine  se 
demande  si  ces  anesthésies  sensorielles  si  variables  par  Tat- 
tenlion  ne  constituent  pas  chez  ce  malade  un  état  analogue  à 
celui  d'une  personne  normale  qui  médite,  c'est-à-dire  cet  étal 
d'une  personne  qui,  attentive  à  un  seul  point,  est  insensible  à 
toute  impression.  Il  l'admet,  et  conclut  :  «  Certaines  cellules 
cérébrales  ont  donc  à  Yétat  normal  la  faculté  de  rompre  leurs 
communications  avec  la  périphérie,  de  fermer  en  quelque  sorte 
la  porte  aux  sensations  importunes.  » 

Par  quel  mécanisme  les  cellules  cérébrales  peuvent-elles  ainsi 
s'isoler  des  impressions  du  monde  extérieur? 

Si  l'on  accepte,  pense  M.  Lépine,  la  réalité  de  la  structure  du 
système  nerveux  telle  que  l'a  démontrée  Cajal,  c'est-à-dire  le 
simple  contact  des  dillercntes  parties  de  diverses  cellules,  on 
est  porté  à  concevoir  : 

h  Qu'un  simple  défaut  d'adhérence  de  contact  entre  les  pro- 
longements proloplasmi(iucs  et  nerveux,  amené  par  n'imporle 
(luellcinlluence  psychique,  suflit  à  melLre  obstacle  au  passage 
du  courant  nerveux  et  voilà  tout  le  système  des  cellules  corres- 
pondant à  un  phénomène  psychique  sensoriel  ou  moteur  réduit 
à  l'inaction,  et  ±"  que  le  rétablissement  de  celte  adhérence,  de  ce 


l 
AZOULAY.    —    PSYCnOLOGIE   HISTOLOGIQUE  269 

contact  ramène  à  l'activité  le  même  système  de  cellules  par  le 
rétablissement  du  courant. 

Le  défaut  d'adhérence,  M.  Lépine  l'impute  à  un  ratatinement 
de  l'extrémité  des  prolongements  en  contact.  (M.  Lépine  ne 
spécifie  pas  quelle  espèce  de  prolongements,  les  protoplasmiques 
ou  cylindraxiles  ratatine  ses  extrémités),  à  une  sorte  de  retrait 
dû  lui-même  à  des  modifications  chimiques  du  protoplasma 
cellulaire. 

Le  rétablissement  de  l'adhérence  du  contact,  il  en  fait  l'œuvre 
d'un  éréthisme  de  la  cellule,  corrélatif  de  la  volonté. 

Ces  alternatives  d'adhérence  parfaite  et  de  défaut  de  contact 
entre  les  prolongements  de  diverses  cellules,  qu'on  n'a  pas 
encore  observées  dans  les  centres  nerveux  chez  les  animaux 
supérieurs,  qui  sait  si  on  ne  pourrait  pas  les  saisir  chez  un 
animal  inférieur  en  pleine  vie,  sous  forme  de  mouvements  de 
ratatinement  et  de  restitution  à  l'état  normal  '  des  prolonge- 
ments nerveux.  Et  cela  n'aurait  rien  d'impossible  puisqu'on  a 
trouvé  des  mouvements  dans  la  cellule  elle-même.  Une  pareille 
constatation  serait  la  réalité  de  l'hypothèse. 

Si  l'on  admet  cette  hypothèse  des  alternatives  de  contact  et 
de  défaut  d'adhérence,  l'explication  de  toute  une  série  de  phé- 
nomènes nerveux  psychiques  et  physiologiques,  normaux  et 
morbides,  apparaît  alors  lucide.  Par  exemple  : 

Dans  la  méditation  les  communications  du  sensorium  (centre 
récepteur  cérébral  supposé  des  impressions)  avec  les  organes 
des  sens  sont  rompues. 

Le  sommeil  naturel  et  provoqué  ,  l'hypnotisme  pourraient 
n'être  dus  qu'au  retrait  des  prolongements  des  cellules  du  sen- 
sorium, d"où  leur  isolement,  et  leur  inactivité,  synonyme  de 
sommeil.  Ce  retrait  expliquerait  aisément  la  soudaineté  extraor- 
dinaire du  passage  de  l'état  de  veille  au  sommeil,  et  les  diverses 
variétés  de  somnambulisme  ne  seraient  que  l'expression  de 
l'absence  de  contact  à  tel  ou  tel  niveau  du  sensorium. 

Dans  l'hystérie,  les  paralysies  sensorielles  et  sensitives,  les  para- 
lysies motrices  seraient  dues  à  un  défaut  plus  ou  moins  durable 
d'adhérence  parfaite  entre  ramifications  de  cellules  correspon- 
dantes. Quant  à  la  cessation,  survenant  parfois  sous  l'influence 
de  la  volonté,  des  paralysies  motrices,  on  peut  l'attribuer  au  réta- 
blissement du  contact  des  neurones  moteurs  par  celte  volonté. 


(1)  Intenlinnnelloiiioiil  uous  eiiiiilnyuns  cette  expressiuii  vague  é'Hiiva- 
lente  d'érélhisme. 


270  REVUES   GÉNÉRALES 

3'  Théorie  de  M.Malliias  Diival.  —  Celte  théorie  est  celle  qui  a 
rappelé  les  deux  précédentes  passées  complètement  inaperçues  et 
en  a  suscité  d'autres,  celle  purement  anatomique  de  M.  Rcnaut, 
et  celle  de  M.  Cajal.  C'est  même  par  son  grand  retentissement 
que  ce  travail  d'ensemble  a  pris  naissance.  Tout  comme  la 
théorie  de  Lépine,  elle  a  été  imaginée  tout  à  fait  indépendam- 
ment de  ses  devancières.  Elle  peut  être  exposée  sous  la 
forme  du  raisonnement  suivant  : 

1°  Puisque  l'endroit  où  se  f;iit  le  passage  du  courant  entre 
deux  cellules  nerveuses  est  le  point  de  contact  des  prolonge- 
ments protoplasmiques  de  l'une  avec  les  prolongements  cylin- 
draxiles  de  l'autre,  point  de  véritable  articulation  des  éléments 
nerveux,  il  y  a  lieu  d'admettre  que  ce  point  d'articulation  ayant 
une  telle  importance  est  le  centre  réflexe  du  courant  nerveux, 
et  non  plus  la  cellule  qui  la  dernière  a  reçu  le  courant  ;  les 
extrémités  nerveuses  qiii  forment  cette  articulation  sont  donc 
les  éléments  de  ce  centre  réflexe,  et  elles  possèdent  une  espèce 
d'individualité  en  quelque  sorte  indépendante  de  la  cellule,  et 
la  preuve,  c'est  que  les  plaques  motrices  se  paralysent  par  le 
curare,  et  qu'il  est  à  supposer  que  dans  les  centres,  la  strych- 
nine, le  bromure,  etc.,  agissent  sur  les  extrémités  en  contact 
des  cellules  nerveuses. 

2°  -M.  Tanzi,  d'autre  part,  affirme  que  toutes  les  terminaisons 
centrales  ne  semblent  pas  être  en  contiguïté  à  la  même  dis- 
tance, et  admet  que  si  la  loi  corrélative  de  la  fonction  à  l'organe 
est  ici  valable,  la  fibre  nerveuse  doit  s'allonger  d'autant  plus 
que  le  courant  la  traverse  ;  par  suite,  les  distances  diminuent; 
la  contiguïté,  d'abord  éloignée,  finit  par  devenir  contact  immé- 
diat, et  le  phénomène  psychique  ou  moteur,  d'abord  conscient 
par  l'effort,  la  volonté  (qu'il  exigeait)  finit  par  devenir  auto- 
matique, réflexe,  inconscient,  grâce  à  l'extrême  facilité  d'un 
passage  du  courant,  ne  demandant  plus  ni  effort,  ni  volonté. 

L'expansion  nerveuse  aurait  donc  une  certaine  mobilité  de 
croissance  progressive  à  son  extrémité. 

3'^  Puis«iue  la  distance  de  la  contiguïté  n'est  pas  la  même  et 
puisque  les  extrémités  nerveuses  sont  douées  de  lente  mobilité 
de  croissance,  ne  peut-on  pas  supposer  que  cette  distance,  pen- 
dant les  passages  des  courants  nerveux,  n'est  pas  fixe,  perma- 
nente, qu'elle  est  adventice,  et  qu'il  y  a  tantôt  contiguïté  et 
tantôt  contact  entre  éléments  nerveux?  Ne  peut-on  pas  supposer 
pour  expliquer  cette  variabilité  de  distance,  que  des  extrémités 
nerveuses  possèdent  en  outre    une   mobilité  .temporaire,   sur 


AZOULAY.    —    PSYCHOLOGIE    IIISTOLOGIQUE  271 

place,  rapide,  dérivant  de  la  mobilité  de  croissance  lente  et 
progressive  ou  coexistant  avec  elle,  ce  qui  leur  permettrait  de 
s'allonger  pour  se  mettre  en  contact  intime  avec  une  autre 
extrémité  nerveuse  au  passage  momentané  d'un  courant  ner- 
veux, par  exemple,  et  de  se  rétracter  à  la  cessation  de  ce  courant? 
En  un  mot  l'extrémité  nerveuse  pour  fonctionner,  pour  établir 
et  cesser  les  contacts  et  les  courants,  n'est-elle  pas  douée  de 
mouvements  amœboïdes  sortant  et  rentrant?  On  a  d'autant 
plus  raison  de  croire  à  la  possibilité  de  tels  mouvements  ama> 
boides  dans  les  extrémités  des  expansions  des  cellules  ner- 
veuses que  M.  Widersheim  a  observé  des  mouvements  amœboïdes 
très  nets  dans  le  corps  de  ces  cellules  nerveuses  chez  un  crus- 
tacé  très  transparent  Leplodora  hyalina,  examiné  en  parfaite 
vie.  Chez  ce  crustacé  les  cellules  nerveuses  d'une  certaine 
zone  du  cerveau  proprement  dit  présentent  une  transformabilité 
surprenante,  efTectuable  et  visible  par  degrés  assez  sensibles 
en  huit,  douze,  treize  minutes  ;  elles  changent  de  forme,  pous- 
sant des  pseudopodes  ou  les  rentrant  ;  elles  changent  d'aspect, 
de  contenu,  devenant  claires  ou  troubles;  elles  apparaissent  là 
où  elles  n'existaient  pas  ;  disparaissent  en  se  résolvant,  elles  et 
leur  noyau,  en  granulations  très  réfringentes,  elles  forment 
en  elles  des  vacuoles.  Voilà  bien  une  preuve  évidente  de  la  non- 
iixité,  de  la  mutabilité  du  système  nerveux. 

La  raison  de  tels  mouvements  amoîboïdes,  on  peut  la  conce- 
voir dans  les  phénomènes  chimiques  déterminés  par  l'excitation 
nerveuse.  On  sait  que,  par  exemple,  les  leucocytes  ou  globules 
blancs  du  sang  des  vertébré?  sont  attirés  et  rendus  plus  actifs 
ou  repoussés  et  paralysés  par  les  produits  chimiques  que 
sécrètent  ou  composent  les  microbes  introduits  dans  l'orga- 
nisme. Ils  sont  doués  de  ce  qu'on  dénomme  le  chimiotropisme 
positif  ou  négatif.  Or  rien  n'empêche  d'admettre  que  les  cellules 
nerveuses  ou  du  moins  leurs  extrémités,  ne  soient  à  l'égal  des 
leucocytes  et  aussi  des  amibes,  pourvues  de  ces  chimiotropismes 
moteurs  ou  paralysants.  Et  même  on  peut  concevoir  que  la 
dynamogénie  n'est  que  la  mise  enjeu  du  chimiutropisme  positif 
sur  les  extrémités  nerveuses,  tandis  que  l'inhibition  n'est  que 
l'expression  de  l'action  sur  ces  mêmes  extrémités  de  produits 
chimiques  déterminant  un  chimiotropisme  négatif  ou  paraly- 
sant. 

Si  l'on  admet  d'après  ces  preuves  et  ces  hypothèses,  l'im- 
portance et  la  mobilité  des  extrémités  nerveuses  en  contigu'ité 
ou  s'explique  sans  peine  : 


ilî  RtlVUES    GÉNÉRALES 

1°  Le  mécanisme  du  sommeil  et  du  réveil.  Supposons  l'animal 
endormi.  Dans  cet  état  toutes  les  ramifications  du  neurone 
sensitif  central  fcellule  cérébrale  réceptrice)  sont  rétractées, 
et  ses  ramifications  ne  sonl  que  conliguës  aux  ramifications  des 
autres  neurones.  A  un  moment,  des  excitations  faibles  sont 
exercées  sur  le  dormeur,  le  centre  médullaire  y  répond  par  des 
réactions  réflexes;  le  cerveau  ne  répond  nullement,  l'excitation 
étant  trop  faible  pour  parvenir  à  réveiller  ses  éléments  per- 
cepteurs. Mais  voilà  que  des  excitations  plus  fortes  ont  lieu,  la 
moelle  n'est  plus  seule  à  répondre  pnr  des  réflexes  ;  l'excitation 
a  pu  parvenir  au  cerveau  grâce  aux  chimiotropismes  positifs  et 
aux  contacts  subséquents  et  successifs  qu'elle  a  déterminés  dans 
les  extrémités  nerveuses  des  neurones  sensitifs,  médullaires  et 
I>ulbairesi;  au  cerveau,  elle  excite  un  cbimiotropisme  positif 
dans  les  extrémités  des  ramifications  nerveuses  du  dernier 
neurone  sensitif  bulbaire,  voisines  de  celles  du  neurone  sen- 
sitif central,  et  aussitôt  se  développe  dans  celles-ci  un  cbi- 
miotropisme de  même  nature;  mues  par  ces  chimiotropismes 
positifs  les  extrémités  s'allongent  plus  ou  moins  vivement,  en 
pseudopodes,  à  la  rencontre  les  unes  des  autres,  se  touchent, 
le  courant  passe,  et  l'animal  se  réveille,  le  cerveau  en  grande 
partie  parcouru  et  ébranlé  par  l'excitation. 

Vraiment,  le  réveil  avec  ses  phases  successives  ne  traduit-il 
pas  avec  exactitude,  ces  rétablissements  successifs  de  contacts 
auparavant  interrompus  par  rétraction  des  ramifications  pseu- 
dopodiques  nerveuses  ? 

2°  L'action  excitante  des  agents  tels  que  le  café,  le  thé,  etc., 
qu'est-ce?  Sinon  une  excitation,  une  activité  plus  grande  de 
l'amœbisme  des  extrémités  nerveuses,  d'où  passage  des  cou- 
rants nerveux  plus  facile  et  plus  abondant  ? 

3°  Et  si  l'excitation  périphérique  ou  centrale,  est  violente, 
anormale,  si,  par  suite,  les  extrémités  nerveuses  inhibées  se 
paralysent  et  restent  des  temps  variables  seulement  conti- 
guës,  ne  voit-on  pas  alors  l'explication  de  ces  paralysies  des 
sens  et  des  muscles  si  fugaces,  si  versatiles,  chez  les  hysté- 
riques ?  Et  enfin  ne  peut-on  pas  à  l'aide  de  cet  amœbisme  con- 
cevoir clairement  le  mécanisme  d'une  foule  d'autres  phéno- 
mènes psychiques  ou  physiologiques  1 


(l)  Ici  le  loniio  Imlhairo  n"a  pas  de  réalité,  nous  l'employons  pour  indiquer 
en  un  nu)(  toute  la  chaîne  des  neurones  intercalés  entre  la  nicclle  et 
Técorce  cérébrale. 


AZOULAY.  —  PSYCHOLOGIE  HISTOLOGIQUE         ^1'^ 

Genèse  de  ces  théories.  —  Voici  exposées,  avec  plus  de  détails 
et  plus  de  chaînons  de  leurs  pensées  que  n'en  ont  fourni  leurs 
auteurs,  les  théories  mécaniques  d'un  certain  nombre  de  phé- 
nomènes psycho-physiologiques  normaux  et  morbides  dont  la 
base  est  la  texture  indéfiniment  variable  et  mobile  des  cellules 
nerveuses,  ou  neurones,  durant  leur  fonctionnement. 

Si  avant  d'exposer  les  critiques  nombreuses  opposées  à  ces 
théories,  nous  étudions  la  genèse  et  le  développement  de  celles- 
ci  dans  l'imagination  de  leurs  auteurs,  nous  verrons  qu'elles 
ne  sont  en  aucune  façon  l'œuvre  du  hasard,  et  qu'au  contraire 
le  mécanisme  nerveux  imaginé  était  le  résulat  à  prévoir  de  la 
façon  dont  chaque  auteur  a  conçu  ou  compris  la  structure  du 
système  nerveux,  tel  qu'il  leur  a  été  livré  par  l'histologiste  de 
leur  temps,  et  le  résultat  aussi  de  la  manière  dont  ils  ont  été 
amenés  à  réfléchir  à  ce  mécanisme,  et  enfin  aussi  le  produit  de 
l'état  actuel  des  conceptions  de  la  biologie  générale  même 
chez  les  esprits  supérieures  et  érudits.  Par  là  même  notre  cri- 
tique sera  en  grande  partie  exécutée. 

M.  Rabl  Riickardt,  philosophe,  cherchant  à  s'expliquer  le 
comment  de  la  variabilité  des  fonctions  psychiques  du  cerveau 
et  n'ayant  à  sa  disposition  qu'un  système  nerveux  rigide, 
indissoluble,  le  casse,  le  rompt  en  un  des  points  des  éléments 
de  sa  structure,  qui,  après  des  raisonnements  subtils,  lui  paraît 
le  plus  important,  et  pour  lui  permettre  de  se  resouder,  il  est 
obligé,  de  par  ses  connaissances  acquises,  de  lui  attribuer  des 
mouvements  d'amibe,  animal  dont  la  mobilité  étrange  et  les 
propriétés  autoplastiques,  encore  un  sujet  d'étonnements  et 
d'études,  ont  ouvert  à  la  biologie  générale  un  vaste  champ 
d'idées. 

M.  Lépine  étudie  un  hystérique  dont  l'allure  est  celle  d'une 
personne  méditante.  M.  Lépine  est  encore  imbu  de  la  théorie 
ancienne  de  la  continuité  substantielle  nerveuse  ;  il  a  lu  les 
ouvrages  de  M.  Cajal,  qui  parle  indifféremment  de  contact  et 
de  contiguïté,  mais  plus  souvent  de  contact. 

M.  Lépine  conçoit  alors  le  système  nerveux  discontinu,  mais 
avec  des  éléments  en  contact,  ce  qui  change  à  peine  l'ancienne 
théorie  de  la  contiguïté  et,  lui  aussi,  parle  de  défaut  d'adhé- 
rence, de  rupture,  de  ratatinement,  de  rétraction,  et  en  réalité 
d'amœbisme,  quoique  non  expressément,  pour  amener  le  sys- 
tème nerveux  à  l'état  de  repos  ;  car,  continus  ou  en  contact,  les 
cléments  nerveux  ne  peuvent  être  qu'en  continuelle  activité, 
en  continuelle  émission  et  sillonnement  de  courants.  Il  parle, 

AN^ÉE    PSYCHOLOGIQUE.    II.  18 


ili  REVUES   GÉNÉRALES 

par  suite,  de  rétablissements  de  contacts,  d'adhérence  pour 
expliquer  le  retour  à  l'activité.  Trotiblé  par  la  nouvelle  théorie, 
il  reste  pourtant  indécis,  ne  sachant  quelle  est  spécialement 
l'expansion  nerveuse  qui  normalement  au  contact  s'écarte  en 
se  ratatinant»  Il  ne  pense,  dans  les  applications  de  sa  théorie, 
qu'à  des  phénomènes  psychiques  où  l'état  de  repos  est  plus 
difficile  à  expliquer  que  l'état  d'activité,  puisque  celui-ci  est 
l'état  normal;  il  ne  pense  qu'à  la  méditation  ou  au  sommeil, 
aux  paralysies  hystériques,  tous  phénomènes  de  rupture  de 
contact.  Mais  chimiste  biologique,  M.  Lépine  pense  à  donner 
une  raison  chimique  à  ces  alternatives  d'adhérence  et  de  dis- 
continuité. 

M.  Duval  ayant  à  exposer  dans 'des  cours  les  nouvelles  décou- 
vertes  nerveuses   et  partant   du   fait  fondamental,   principal, 
de    ces   découvertes,    c'est-à-dire,    de  la    notion  d'isolement, 
d'indépendance  absolue  des  neurones,  arrive  à  choisir  incons- 
ciemment dans  les  œuvres  de  Gajal,  de  van  Gehuchten,  etc.,  le 
terme    contiguïté  bien  plus    en    rapport    avec  l'idée    d'isole- 
ment.  Un  objet  qui   est  contigu   à   un  autre,    si  étroitement 
qu'on  le  veuille,  ne  le  touche  pas,  il  faut  le  faire  avancer;   et 
M.  Duval  parle  de  diminution  des  distances,  d'allongements,  de 
rapprochements,   de  contacts  par  amœbisme,   pour  expliquer 
l'établissement  de  l'état  d'activité  du  système  nerveux  qui  pour 
lui  normalement  est  toujours  à  l'état  de  repos  par  suite  de  la 
contiguïté,  du  non  contact  de   ses  éléments  à   l'état   normal. 
Et  c'est  pourquoi  il  pense  pour  l'application  de  sa  thèse,  moins 
au  sommeil  qu'au  réveil  dont  il  développe  le  processus,  moins 
aux  phénomènes    inhibants   ou   paralytiques,   qu'aux   phéno- 
mènes moteurs,  excitants  —  c'est-à-dire  à  tous  les  phénomènes 
qui  exigent  le  rapprochement  des  extrémités  nerveuses  plutôt 
que  leur  écartcment  qui  est  la  chose  normale.  Biologiste,  his- 
tologisle  et  physiologiste,  M.  Duval  ne  peut  pas  accorder  aux 
extrémités  ou  expansions  protoplasmiques    des    mouvements 
amiboïdes,    à    l'exclusion   des    extrémités    cylindraxiles,    car 
toutes  deux  sont  du  protoplasma,   pour  ainsi  dire  nu,  et  de 
même  aspect  très  souvent  ;  enfin  il  ne  donne  des   raisons  de 
ces  mouvements  amiboïdes  (ju'après  la  réclamation  en  priorité 
d'idée  par  M.  Lépine,  et  cette  raison  est  une  raison  chimique, 
à  tendance    physique  plus   complexe   et    mieux  dessinée  que 
celle   de    M.    Lépine  ;   celle   toute    d'actualité    du    chimiotro- 

pisme. 
Cet  exposé  de  la  genèse  de  ces  théories  n'est-il  pas  la  preuve 


AZOULAY.    —   PSYCHOLOGIE   niSTOLOGIQUE  275 

de  la  parfaite  indépendance  de  création?  —  L'amoîbisme  leur 
donne  à  toutes  trois  un  air  de  famille,  mais  la  conception  du 
système  nerveux  les  rend  étrangères.  Quant  aux  raisonnements 
par  analogies,  aux  inductions  et  déductions,  qui  en  sont  la 
trame,  ils  signifient  qu'en  matière  d'hypothèse,  on  cherche  où 
l'on  peut  des  arguments,  impossibles  d'être  justes  et  valables, 
car  cela  supposerait  que  l'hypothèse  est  devenue  depuis  long- 
temps un  fait  de  science. 

Critiques.  —  L'hypothèse  fondamentale  de  ces  trois  théories 
c'est  Vamœbisme  des  extrémités  nerveuses,  M.  Rabl  Riickardt 
admettant  celui  des  prolongements  protoplasmiques,  M.  Lépine 
selon  toute  vraisemblance  celui  des  terminaisons  cylindraxiles, 
et  M.  Duval,  celui  tout  à  la  fois  des  terminaisons  protoplas- 
miques et  cylindraxiles  K 

a.  L'hypothèse  de  Vamœbisme,  en  elle-même  suppose  l'ab- 
sence de  preuves  directes  et,  en  effet,  M.  Kolliker  affirme  que 
chez  les  animaux  transparents  etvivants  (larves  de  batraciens 
et  de  sirédon,  tête  d'amphioxus),  jamais  on  n'a  vu  le  moindre 
mouvement  des  terminaisons  nerveuses.  M.  Renaut  de  son  côté 
avoue  n'avoir  rien  vu  bouger  dans  les  rétines  vivantes  qu'il  a 
observées  par  la  méthode  du  bleu  de  méthylène.  Enfin,  M.  Ca- 
jal,  qui  semble  avoir  compris  que  M.  Duval  visait  dans  sa  théo- 
rie, seulement  les  terminaisons  cylindraxiles,  oppose  les  cons- 
tatations suivantes  de  la  méthode  de  Golgi  :  1°  les  arborisa- 
tions cylindraxiles,  dans  le  cervelet,  le  bulbe  olfactif,  les 
ganglions  acoustiques  centraux,  le  lobe  optique,  etc.,  olTrent 
toujours  la  même  extension,  le  même  degré  de  contiguïté  aux 
corps  cellulaires,  et  cela  quel  que  soit  le  mode  de  mort  de  l'ani- 
mal (par  le  chloroforme,  une  hémorragie,  le  curare,  la  strych- 
nine, etc.);  2"  les  terminaisons  dans  la  rétine  et  le  lobe  optique 
des  reptiles  et  des  batraciens  se  présentent  sous  le  même  aspect 
chez  les  animaux  morts  après  un  long  séjour  à  l'obscurité  que 
chez  ceux  restés  plusieurs  heures  exposés  au  soleil.  (M.  Duval 
pourrait  répondre  que  les  éléments  nerveux  ont  été  inhibés 
par  cet  excès  dimpression).  —  J'ai  moi-même  fait,  à  l'aide  de  la 
méthode  de  Golgi,  de  semblables  constatations  sur  les  organes 
centraux  de  souris,  de  même  âge,  sacrifiées  de  la  même  fagon, 

(1)  Une  des  critiques  de  M.  Kolliker  porte  sur  l'ainrebisuic  prête  par 
M.  Duval  au  cylindraxe.  Or  M.  Duval  n'a  pas  prétendu  que  le  cylindraxe 
avait  un  mouvement  amœboïde  dans  sa  totalité.  11  ne  suppose  ce  mouve- 
uieut  qu'à  son  extréiuilé.  ,C'est  ce  que  MM,  Kolliker  et  Morat  n'ont  pas 
compris. 


276  REVUES    GÉNÉRALES 

l'une  après  narcose  par  l'éther  pendant  une  heure,  l'autre  après 
agitation  pendant  vingt  minutes  et  cela  dans  le  but  de  sur- 
prendre quelque  modification  pouvantplaider  pour  l'aniœbisme. 
Leurs  préparations  exécutées  dans  des  conditions  identiques, 
ne  m'ont  pas  permis  d'observer  la  moindre  difîérence,  malgré 
l'emploi  de  très  forts  grossissements,  pas  plus  d'ailleurs  que 
je  n'en  avais  observé  auparavant  sur  les  nombreuses  coupes 
provenant  d'animaux  morts  de  causes  diverses,  mais  non  dans 
le  but,  comme  les  précédentes,  d'apercevoir  les  traces  de  l'amœ- 
bisme. 


Fig.  65  et  66.  —  Portions  terminales  de  branches  proloplasiuiques  de  cellules 
pyramidales  de  la  région  occipitale,  paroi  de  la  scissure  interhémisphé- 
rique.  Gross.  =  300. 
Fig.  65.   —  Provient  du   cerveau    d'une  souris   adulte  éthérisce  pendant 

1  heure. 

Fig.  66.  —  Provient  du  cerveau  d'une  souris  obligée  de  courir,  de  chercher 

à  luir,  etc.,  pendant  vingt  minutes. 

Les  deux  figures  iudiquenl,  par  leur  calibre  irrégulior,  couvert  de  boules,  presque  dénué 
de  givre,  ((ue  les  cellules  étaient  altérées,  iiialii<tes.  —  Celle  de  la  souris  agitée  l'est  à  un 
plus  liaul  degré.  .Mais  clie/.  les  deux  souris  tuées  en  pleine  vie  et  dont  le  cerveau  a  été  fixé 
par  l'osmioliichroniate,  trois  minutes  après  la  section  du  cou,  de  tels  iirolongenieiits  malades 
étaient  tout  à  l'ait  rares. 

M.  Demoor  de  Bruxelles  a  aussi  tenté  de  résoudre  la  question 
par  la  méthode  de  Golgi  rapide.  Sur  des  cerveaux  de  chiens 
fortement  narcolisés  par  le  chloral  ou  la  morphine,  il  a  vu  les 
prolongements  des  cellules  pyramidales  couverts  de  varicosités 
caractéristiques,  varicosités  tout  à  fait  absentes  chez  les  ani- 
maux, ni  fatigués,  ni  empoisonnés,  mais  tués  de  la  même 
façon.  Aussi  considère-t-il  les  varicosités  comme  la  preuve  des 
mouvements  amiboi'des  des  prolongements.  Ce  n'est  en  réalité 
que  la  preuve  de  l'altération  des  cellules  nerveuses  rendues 
malades  par  les  poisons  narcotiques  trop  violents  et  agissant 
trop  longtemps,  car  toutes  les  fois  que  les  cellules  pyramidales 


AZOULAY.    —   PSYCHOLOGIE   UISTOLOGIQUE  277 

sont  atteintes  dans  leur  vitalité,  elles  se  couvrent  de  ces  boules. 
D'ailleurs,  comme  le  fait  remarquer  M.  Cajal,  il  serait  assez 
surprenant,  que  les  épines  se  contractent  et  rentrent  dans  la 
branche  principale  pour  la  grossir  et  la  rendre  variqueuse, 
précisément  à  l'état  de  repos,  alors  que  chez  les  amibes  et  tous 
les  êtres,  la  contraction  répond  à  l'état  d'activité. 

Ces  faits  négatifs  sont  eux-mêmes,  il  est  vrai,  critiquables, 
car  les  observations  faites  sur  les  animaux  vivants,  trop  res- 
treintes, ne  l'ont  pas  été,  avec  l'idée  de  rechercher  attentive- 
ment l'existence  ou  l'absence  d'amœbisme  ;  et  ceux  qui  ont 
employé  la  méthode  de  Golgi  n'ont  pu  peut-être  apercevoir  des 
vestiges  de  ces  mouvements  amœboïdes  à  cause  de  l'extrême 
faiblesse  d'amplitude  de  ceux-ci.  Que  l'on  veuille  songer  à  la 
difficulté  de  constater  des  changements  sur  des  distances  de 
2  p.  et  même  moins,  comme  on  en  voit  couramment  dans  les 
coupes  au  chromate  d'argent. 

Rien  donc  ne  prouverait  que  l'esprit  attiré  vers  ce  problème 
créé  précisément  par  les  théories  mécaniques  de  l'idéation,  on 
ne  parvienne,  avec  des  moyens  plus  appropriés  et  plus  étendus 
à  percevoir  ces  mouvements  amœboïdes  dans  les  extrémités 
nerveuses. 

Mais  les  arguments  deprohahllité,  les  critiques  refusent  aussi 
de  les  accepter. 

b.  La  mobilité  des  cils  vibr utiles  des  cellules  nerveuses  olfac- 
tives de  la  muqueuse  nasale,  que  M.  Duval  offre  comme  présomp- 
tion de  mobilité,  car  il  les  assimile  aux  prolongements  pro- 
toplasmiques  des  cellules  nerveuses  centrales,  est  niée  par 
bien  des  auteurs,  parmi  lesquels  M.  Cajal  '. 

c.  V indépendance  (\\XQ  M.  Duval  attribue  aux  extrémités  ner- 
veuses  et  en  particulier  cylindraxiles  en  s'appuyant  sur  l'action 
toute  spécifique  du  curare  sur  les  plaques  motrices,  tombe, 
par  cela  même  que  Claude  Bernard,  qui,  dit-on,  aurait  affirmé 
cette  spécificité,  nel'affirme point  du  tout;  car  tantôtil  suppose 
l'action  du  curare  sur  les  plaques  motrices  et  tantôt  sur  leurs 
cellules  originelles  médullaires  motrices. 

d.  L'hypothèse  de  mobilité  progressive  et  très  lente  de  crois- 
sance des  filaments  cylindraxiles,  émise  par  Tanzi,  bien  pos- 
térieurement à  Cajal  qui  a  supposé  la  création  de  nouveaux 
rapports  intercorticaux  en  plein  état  adulte,  par  allongement 

(i)  Nouvelles  i(l(;cssi/r  hi  slraciurc  du  s/jslème  nerveux  :  muqueuse  olfac- 
tive, p.  101. 


278  REVUES   GÉNÉRALES 

et  rapprochement  des  expansions  protoplasmiques  et  cylin- 
draxiles  auparavant  distantes,  hypothèse  qui  trouve  quelque 
fondement  dans  cette  mobilité  si  précise  et  si  étrange  du  cône 
d'accroissement  du  cylindraxe  pendant  la  vie  embryonnaire 
que  M.  Cajal,  dès  1892,  expliquait  par  un  phénomène  de  chi- 
miotactisme  positif,  ou  de  différence  de  potentiel  ou  d'état 
électrique,  cette  hypothèse  n'est  qu'une  hypothèse,  et  se  fon- 
der sur  elle  comme  le  fait  M.  Duval,  pour  édifier  l'hypothèse  de 
mobilité  momentanée  et  rapide  au  passage  de  courants  nerveux, 
c'est  accumuler  les  invraisemblances.  Mais  M.  Kolliker  va  plus 
loin,  et  il  demande,  si  on  admet  les  mobilités  momentanées  de 
M.  Duval  combinées  aux  mobilités  lentes  de  progression  de 
M.  Tanzi  dans  les  extrémités  nerveuses  à  l'état  adulte,  si  on 
admet  que  les  extrémités  cylindraxiles  se  meuvent  comme 
des  amibes  et  des  leucocytes,  qu'est-ce  qui  les  arrêtera  dans 
leur  progression?  Gomment  imaginer  de  la  sorte  la  moindre 
stabilité  dans  les  processus  intellectuels,  la  moindre  longue  et 
tranquille  méditation,  le  moindre  travail  intellectuel  réglé, 
méthodi({ue  et  à  but  déterminé?  On  pourrait  demander  alors 
à  M.  Kolliker  comment  il  se  fait  que  tous  les  éléments  histolo- 
giques  ayant  du  mouvement  pendant  leur  fonctionnement, 
comme  par  exemple  le  muscle,  ne  se  développent  pas  démesu- 
rément? Son  objection  est  du  même  ordre  d'idées,  et  pourtant 
on  sait  que  la  fonction  n'hypertrophie  pas  indéfiniment  à  cause 
de  l'équilibre  réciproque  que  s'imposent  éléments  histolo- 
giques,  tissus  et  organes  et  organismes  relativement  à  leur  mi- 
lieu. 

e.  Ce  n'est  absolument  pas  une  raison  suffisante  pour  accor- 
der de  la  mobilité  aux  extrémités  cylindraxiles  ou  protoplas- 
miques comme  le  font  MM.  Lépine  et  Rabl  Riickardt,  et  aux 
deux  à  la  fois  comme  le  pense  M.  Duval  parce  que  M.  Widers- 
heim  '  a  vu  sous  le  microscope  des  mouvements  considérables 
des  cellules  du  ganglion  sus-œsophagien  chez  Leptodora  liya- 
lina;  parce  que  M.  Fleischl  -  a  aperçu  des  mouvements  de  trans- 
lation en  totalité  du  noyau  des  cellules  nerveuses  sous  l'in- 
fluence de  l'acide  borique  chez  les  grenouilles;  parce  que 
M.  Magini  '  a  vu  de  semblables  phénomènes  du  noyau  et  des 
nucléoles  des  cellules  nerveuses  du  lobe  électrique  de  la  torpille 

(1)  Widershciui.  Aitaloinisclier  Auzeif/er,  1800,  n"  23. 

(2)  Fleischl.  ^V^rchow  Medicin  Jufirb.,  1872. 

(3)  Maglui.    Ardi.  ilal.  de  Biologie,  189i,  l.  XXII,  fiiso.  2. 


AZOULAY.    —   PSYCHOLOGIE   niSTOLOGIQUE  279 

pendant  les  décharges  de  son  organe  électrique  ;  parce  qu'enfin 
M.  Mann',  aura  constaté  du  ratatinement  dans  les  noyaux  des 
cellules  du  sympathique  après  leur  fatigue  produite  par  des 
commotions  faradiques  et  que  Nissl  lui-même  aurait  démontré 
cette  mobilité  par  l'aspect  différent  des  corps  cellulaires  ner- 
veux, de  même  que  Lugaro  ^ 

D'abord  ces  mouvements  appartiennent  à  la  cellule  et  au 
noyau  et  non  aux  terminaisons  nerveuses,  et  puis,  le  fait  le 
plus  important,  celui  de  M.  Widersheim  n'est  pas  pur  de  tous 
reproches. 

f.  Quant  à  comparer  les  cellules  nerveuses  à  des  amibes  et 
surtout  à  des  leucocytes  comme  semble  le  faire  M.  Duval,  et 
quant  à  les  supposer  douées  d'amœbisme  parce  qu'il  existe  dans 
l'organisme  supérieur  des  cellules,  les  leucocytes,  capables  de 
tels  mouvements,  la  biologie  générale  et  l'évolution  ne  l'auto- 
risent pas  du  tout,  pensent  certains  auteurs.  La  cellule  nerveuse 
en  effet,  objectent  MM.  Renaut,  Kolliker  et  Forel,  quoique  d'ori- 
gine épithéliale,  est  trop  évoluée  dans  l'échelle  histologicjue  et 
surtout  dans  les  vertébrés  pour  être  comparée  à  ce  qui  reste  de 
mobile  parmi  les  cellules,  c'est-à-dire  aux  cellules  épithéliales 
vibratiles,  à  la  libre  musculaire  et  aux  leucocytes. 

Nous  ne  pensons  pas  de  la  sorte.  Rien  n'empêche  les  cellules 
nerveuses,  même  chez  l'homme,  si  cela  est  nécessaire  à  leur 
fonction,  d'avoir  des  extrémités  mobiles,  alors  même  qu'il  n'en 
serait  pas  ainsi  chez  des  animaux  inférieurs.  —  La  fonction  fait 
l'organe,  et  la  fonction  naît  de  la  nécessité  d'adaptation  au 
milieu,  cela  aussi  bien  pour  les  éléments  isolés  des  tissus, 
que  pour  les  tissus,  les  organes  et  les  organismes  qu'ils  com- 
posent. D'ailleurs  ces  derniers  ne  sont-ils  pas  la  synthèse  des 
propriétés  des  premiers  ? 

La  preuve  que  notre  objection  a  une  certaine  valeur,  que 
l'idée  d'évolution,  telle  qu'elle  est  conçue,  est  souvent  erronée,  et 
que  notre  connaissance  de  la  biologie  générale  est  trop  impar- 
faite pour  nous  permettre  encore  des  généralisations  si  auda- 
cieuses, c'est  qu'un  esprit  telque  M.  Cajal  admet  très  bienl'amoe- 
bisme  ou  plutôt  la  contractilité  même  chez  l'homme,  dans  les 
cellules  névrogli<iues,  cellules  déjà  passablement  évoluées,  et 
qu'il  fait  une  distinction  très  nette  entre  les  rapports  des  élé- 

(1)  Journal  of  undtoimj  and  pln/sialof/y,  1894,  vol.  XXIX. 

(2)  Siillc  iiiodificazioni  délie  cellule  iiervose  nei  divcrsi  slati  funzionali 
Lo  Sperimenlale  (scziuni  biologica),  anno  XLIX,  fasc.  2. 


280  REVUES   GÉNÉRALES 

ments  nerveux  des  chaînes  sensorielles,  et  ceux  des  cellules  ner- 
veuses centrales  ;  il  admet  donc  au  point  de  vue  fonctionnel 
et  structural  une  différence  entre  ces  deux  ordres  d'organes 
nerveux;  c'est  que  pour  lui  il  y  a  adaptation  de  la  structure 
à  la  fonction. 

g.  Et  puis,  même  si  on  admet  cet  amo.'bisme  des  extrémités 
nerveuses,  comment  sa  lenteur  serait-elle  compatible  avec  la 
vitesse  extrême  de  tous  les  actes  nerveux,  surtout  chez  les  ani- 
maux supérieurs?  De  cette  lenteur  on  a  la  preuve  indirecte  dans 
les  arguments  mêmes  de  présomption  fournis  par  MM.  Duval 
etLépine,  puisque  chez  Leptodora  hyalina,  on  peut  suivre  les 
mouvements  de  ses  cellules  cérébrales  et  que  les  mouvements 
des  noyaux  sont  très  lents.  A  cela  on  peut  répondre  qu'il  peut 
y  avoir  entre  les  cellules  nerveuses  des  vertébrés  et  celles  des 
animaux  inférieurs,  entre  le  mouvement  de  leur  corps  et 
noyaux  et  celui  de  leurs  extrémités  la  même  différence  de 
vitesse  qu'entre  la  cellule  musculaire  lisse,  si  lente,  et  la  cel- 
lule musculaire  striée  si  rapide,  et,  par  suite,  que  les  processus 
nerveux  psychiques  et  autres  entre  animaux  inférieurs  et  supé- 
rieurs peuvent  avoir  une  différence  de  vitesse  analogue  et  cor- 
respondante. 

h.  Comment  d'ailleurs  penser,  comme  M.  Lépine  tacitement,  et 
après  lui  comme  M.  Duval,  à  expliquer  des  mouvements  si  hypo- 
thétiques dans  les  extrémités  nerveuses  par  des  chimiotro- 
pismes  ?  Pour  admettre  pareil  mécanisme  il  faudrait  que  dans 
les  centres  nerveux  fût  démontrée  l'existence  de  substances 
chimiques  analogues  aux  produits  de  décomposition  de  cer- 
tains tissus,  ou  des  foyers  microbiens  (sécrétions  microbiennes) 
qui,  attirant  ou  repoussant  les  leucocytes,  déterminent  leur 
chimiotropisme  positif  ou  négatif.  M.  Kùlliker,  en  faisant  cette 
objection,  n'a  vraisemblablement  pas  réfléchi  qu'il  n'y  a  pas  de 
fonction  même  normale,  qui  s'accomplisse  sans  produits  de 
décomposition  et  si  la  réalité  de  tels  produits  de  décomposition 
dans  les  centres  nerveux  et  le  cerveau  n'était  déjà  prouvée  par 
la  parcelle  de  chimie  biologique  que  nous  possédons,  tous  les 
faits  de  la  biologie  plaideraient  contre  M.  Kùlliker,  et  l'amœ- 
bisme  des  extrémités  nerveuses,  par  chimisme  cellulaire, 
coirune  le  veut  M.  Lépine,  et  par  chimiotropisme,  comme  le 
suggère  M.  Duval,  ne  sont  pas  ruinés  tout  à  fait  par  l'objection 
de  M.  Kùlliker. 

Ce  que  l'on  peut  reprocher  aux  auteurs  de  ces  théories,  c'est 
d'abord  de  n'avoir  pas  fait  intervenir  dans  les  causes  mêmes  de 


AZOULAY.    —   PSYCUOLOGIE   HISTOLOGIQUE  281 

ramœbisme  les  phénomènes  physiques  corrélatifs  des  décompo- 
sitions et  recompositions  chimiques,  tels  que  différence  variable 
de  potentiel  électrique,  de  tension  superficielle  etc.,  etc.,  dans 
les  terminaisons  nerveuses  en  contiguïté  ou  contact,  suivant 
létat  de  repos  ou  d'activité,  et  d'avoir  négligé,  la  cause 
même  primordiale,  originelle,  ce  je  ne  sais  quoi  appelé  cou- 
rant nerveux  que  le  monde  extérieur  par  ses  impressions 
incessantes  ne  cesse  jamais  de  faire  aller  de  la  périphérie 
aux  centres,  toujours  prêt  à  faire  fonctionner  leurs  cellules 
dès  que  leur  vitalité  est  suffisante  par  développement  ou 
reconstitution  de  leurs  matériaux. 

i).  Toutes  ces  objections  de  fait  et  de  présomption  même  écar- 
tées, il  en  reste  encore  d'autres  que  la  morphologie  même  des 
cellules  nerveuses  soulève  et  auxquelles  MM.  Lépine  et  Duval 
n'ont  pas  songé. 

1"  Les  terminaisons  cylindraxiles  ne  sont  pas  toutes  mas- 
sives, chargées  en  protoplasma,  comme  les  plaques  motrices, 
les  corbeilles  du  cervelet,  du  bulbe,  etc.  A  cause  de  leur  masse 
protoplasmique  on  peut  en  effet  accorder  à  celles-là  la  faculté 
amœboïde,  que  M.  Duval  attribue  indistinctement  à  toutes  les 
extrémités  nerveuses.  Il  en  est,  —  et  dans  les  centres,  et  surtout 
le  cerveau,  elles  sont  presque  toutes  ainsi,  —  qui  se  terminent 
par  une  petite  sphérule  à  peine  deux  à  trois  fois  plus  grosse  que 
le  diamètre  du  filament  cylindraxile,  ayant  lui  tout  au  plus  1/10 
ou  2/10  de  \i.  chez  l'homme  adulte,  chez  la  souris,  ou  chez  le 
lapin.  Un  mouvement  amœboïde  à  l'extrémité  d'un  fil  si  ténu! 
ÎL"  D'autre  part,  quantité  de  ces  filaments  minces  semblent  agir 
non  seulement  par  celte  sphérule  terminale,  mais  sur  une  lon- 
gueur souvent  considérable  de  leur  trajet  et  presque  dès  que  le 
cylindraxe principal  et  les  branches  secondaires  s'épanouissent 
en  arborisations,  dépourvues  de  myéline  ;  par  exemple  :  ces 
plexus  péricellulaires  et  les  fibrilles  des  cellules  à  cylindraxe 
court,  sans  compter  que  dans  ces  cas  les  filaments  semblent  être 
en  contact  intime  les  uns  avec  les  autres!  L'amœbisme  devrait 
donc  n'être  plus  limité  aux  extrémités,  et  alors  on  devrait  conce- 
voir une  sorte  de  gonflement  par  exemple  au  passage  du  courant, 
pour  que  le  contact  s'établisse,  et  cela  dans  un  fil  si  réduit  î 
L'invraisemblance  augmente.  3"  Si,  pour  écarter  cette  invraisem- 
blance, on  admet  la  fixité  de  la  plupart  des  terminaisons  cylin- 
draxiles, ce  qui  paraît  bien  vérifié  par  l'exemple  des  fibres  grim- 
pantes du  cervelet,  et  qu'on  suppose  par  contre  l'amœbisme  des 
prolongements  protoplasmiques  en  paraissant  plus  susceptible, 


282  REVUES   GÉNÉRALES 

on  se  trouve  en  présence  d'un  obstacle,  celui  de  la  théorie 
polaire  des  courants  nerveux  de  M.  Cajal.  S'il  est  vrai  que  le 
€0urant  est  cellulifuge  dans  les  terminaisons  eylindraxiles  et 
cellulipète  dans  les  prolongements  protoplasmiques  dans  les 
centres  comme  dans  les  chaînes  sensorielles,  c'est  alors  aux 
terminaisons  eylindraxiles,  fixes,  grâce  à  leur  courant  cellu- 
lifuge, à  agir  par  influence  sur  les  parties  protoplasmiques 
•contiguës,  à  les  exciter  par  chimiotropisme  ou  tout  autrement, 
à  venir  à  leur  contact,  pour  recevoir  le  courant.  Comment 
expliquer,  dans  cette  hypothèse,  que  le  corps  d'une  cellule  ner- 
veuse enveloppée  dans  un  plexus  souvent  très  toufîu  de  fila- 
ments minces,  aille  pousser  un  pseudopode  à  travers  ce  feu- 
trage vers  le  filament,  par  exemple  le  plus  extérieur,  qui  à  un 
moment  donné  est  parcouru  par  un  courant,  à  l'exclusion  des 
autres.  Car  il  ne  faut  pas  l'oublier,  dans  les  centres  nerveux 
des  animaux  supérieurs,  les  filaments  nerveux  semblent 
parfaitement  spécialisés  et  agir  isolément  sur  une  ou  plusieurs 
cellules  nerveuses.  Cette  action  particulière  des  filaments  ner- 
veux correspond  d'ailleurs  au  nombre  considérable  des  faits 
d'expérience  emmagasinés  dans  les  cellules  centrales,  à  la  pré- 
cision de  leurs  sensations,  de  leur  conscience  et  des  mouve- 
ments qu'elles  incitent. 

En  somme,  les  difficultés  sont  tellement  grandes  et  les  hypo- 
thèses s'accumulent  si  nombreuses  et  si  compliquées  que  la 
théorie  de  l'amœbisme  qui  paraît  simple  et  expliquer  facile- 
ment les  choses,  devient,  du  moins  dans  l'état  actuel  de  nos 
connaissances  et  de  notre  intellect,  de  plus  en  plus  inapplicable 
à  mesure  qu'on  essaie  de  l'adapter  aux  détails  de  la  texture 
nerveuse. 

TllÉOniE    MÉCANIQUE    DES    PHÉNOMÈNES    rSYClIIOUES    HASÉE    SUR    LA 

MOBILITÉ  DES  CELLULES  NEVROGLiQUEs.  —  Cette  théoric ,  suscitéc 
par  celle  de  M.  Duval,  est  due  à  M.  Cajal.  Elle  est  peut-être 
plus  valable  que  les  précédentes  ;  elle  s'appuie  sur  l'interpré- 
tation (le  faits  d'observation;  elle  n'exclut  pas  la  mobilité 
d'autres  éléments,  celle  démontrée  des  corps  cellulaires  ner- 
veux, par  exemple,  comme  facteur  de  la  mutabilité  psychique, 
et  en  outre  elle  constitue  un  système  presque  complet  de 
psychologie  mécanique. 

M.  Cajal  est  le  premier  à  avoir  soutenu  que  la  névroglie  avait 
dans  le  tissu  nerveux  le  rôle  iVisolateur  des  courants;  il  lui 
refusait  les  rôles  d'éléments  de  nutrition  ou  de  soutien  qu'on  lui 


AZOULAY.    —   rSYCIIOLOGIE   niSTOLOGIQUE  283 

accordait.  Survient  une  théorie  mécanique  de  l'idéation  fondée 
sur  l'amcibisme  des  prolongements  protoplasmiques  et  cylin- 
draxiles  des  cellules  nerveuses.  Lui  qui  a  eu  si  souvent  l'oc- 
casion d'observer  ces  prolongements  n'y  a  jamais  vu  la  moindre 
difTérence,  que  l'animal  soit  mort  à  l'état  de  repos  ou  d'activité, 
que  sa  rétine  ait  été  inondée  de  lumière  ou  plongée  dans  les 
ténèbres.  Il  transporte  alors  l'idée  d'amn?bisme  qu'on  lui  suggère 
et  qui  seule  persiste  après  la  critique,  des  cellules  nerveuses 
qui  pour  lui  ne  la  possèdent  pas,  aux  cellules  névrogliques  qu'il 
a  toujours  dit  être  d'une  grande  importance,  et  voilà  l'élément 
isolateur,  il  y  a  un  instant  encore  immobile,  et  toujours  isola- 
teur, qui,  se  contractant  ou  s'étendant,  devient  la  source  de  la 
pensée,  des  associations  d'idées,  de  l'attention,  du  mouvement, 
peut-être  même  de  la  volonté  ou  la  cause  du  sommeil,  du  repos, 
des  paralysies,  etc.  Et  l'on  comprend  ainsi  pourquoi  les  auteurs 
précédents  n'ont  pas  pensé  à  amœbiser  la  cellule  névroglique, 
cette  cellule  roturière,  ce  bouche-trou  ;  et  pourquoi  M.  Gajal, 
la  chérissant  parce  qu'elle  l'avait  déjà  enrichi  d'une  idée  neuve, 
la  proclame  tout  à  coup  la  reine,  et  lui  accorde  le  sceptre  du 
gouvernement  nerveux. 

Nous  savons  qu'il  y  a  dans  le  système  nerveux  trois  sortes 
de  cellules  névrogliques,  celles  de  la  substance  blanche  à  fila- 
ments rayonnes  rectilignes,  celles  de  la  substance  grise  à 
branches  subdivisées,  pennées  ou  massives,  les  unes  libres,  les 
autres  adhérentes  aux  capillaires.  (Voir  fig.  62,  63,  64.) 

Or,  l'examen  de  la  substance  grise  cérébrale,  surtout  des 
régions  où,  d'après  son  opinion,  se  font  avec  le  plus  d'activité 
les  passages  des  courants,  c'est-à-dire  la  zone  moléculaire  ou 
de  l'intricationdes  panaches  protoplasmiques  des  cellules  pyra- 
midales avec  les  lacis  des  fibres  tangentielles,  là  l'examen  des 
préparations  par  la  méthode  de  Golgi  aurait  révélé  à  M.  Cajal 
la  présence  de  deux  aspects  fort  différents  de  cellules  névro- 
gliques libres,  reliées  entre  eux  par  tous  les  intermédiaires 
possibles.  Dans  l'un  de  ses  aspects,  la  cellule  a  un  corps  peu 
volumineux;  les  branches  étalées,  divisées  et  subdivisées  un 
grand  nombre  de  fois,  sont  duvetées  et  paraissent  comme 
pennées.  Dans  l'autre,  le  corps  est  plus  volumineux,  les 
branches  sont  plus  courtes  et  comme  rétractées,  moins  sub- 
divisées, noueuses  et  dépourvues  de  duvet.  En  voyant  ces 
deux  aspects  et  leurs  intermédiaires,  il  semble  impossible  de 
ne  pas  concevoir  qu'il  s'agit  d'une  seule  et  même  espèce  de 
cellule  dans  des  états  différents  d'activité.  Si  l'on  admet  que 


i8î 


REVUES  geni:rales 


ces  deux  aspects  puissent  être  produits  par  l'étal  de  contracti- 
lité  ou  de  repos  du  protoplasma,  on  acceptera  sans  peine  que 
le  premier  aspect  correspond  à  l'état  de  relâchement  ou  de 
repos  de  la  cellule  névroglique,  et  le  second  à  l'état  de  con- 
traction pendant  lequel  les  appendices  pennées  rentrent 
pour  ainsi  dire  dans  les  prolongements  plus  gros,  comme  les 
tentacules  de  l'escargot  dans  sa  tête,  et  viennent  les  grossir 
ainsi  que  le  corps  lui-même.  Les  cellules  névrogliques  seraient 
en  somme  comparables  aux  cellules  pigmentaires  ou  aux  chro- 


Fig.  67,  68,  69,  70.  —  Détails  de  structure  de  branches  terminales  appar- 
tenant à  des  cellules  névrogliques  de  la  substance  grise  :  Fig.  67,  68  et 
70  de  la  couche  moléculaire. 

Fig.  67.  —  Branches  correspondant  à  une  cellule  névruglique  qui  .serait 
en  plein  repos,  d'après  la  théorie  de  M.  Cajal.  Gross.  300. 

Fig.  68.  —  La  cellule  de  celte  branche  serait  un  peu  rétractée.  Gross.  =  300. 

Fig.  69.  —  Branche  qui  serait  encore  plus  rétractée.  On  voit  (jue  les  épines 
sunt  constituées  de  même  sorte  que  celh's  des  prolongements  proto- 
plasmiques  des  neurones  ou  cellules  nerveuses.  Mais  elles  sont  beau- 
coup plus  fines.  Gross.  480. 

Fig.  70.  —  Branche  qui  serait  tout  à  fait  rétractée.  Elle  est  très  épaisse, 
couverte  de  boules,  mais  pourvue  encore  de  nombreuses  épines.  Pour 
nous  cette  cellule  serait  déjà  en  état  de  cadavérisation.  Gross.  300. 


matophores  de  la  peau  de  certains  animaux,  cellules  douées  de 
contractilité  et  qui  étalent  leurs  appendices,  au  repos,  et  les 
rétractent  en  se  contractant. 

Les  cellules  périvasculaires  seraient  aussi  douées  de  contrac- 
tilité; mais  cette  contractilité,  M.  Cajal  ne  l'attribue  dans 
ces  cellules  qu'aux  pieds  attachés  aux  parois  vasculaires.  (Cette 
simple  rej;narque  suffit  pour  montrer  l'apriorisme  de  l'idée.) 

Si  donc  on  admet  la  réalité  de  cette  contractilité  des  cel- 
lules névrogliques,  on  peut  s'expliquer  facilement,  à  l'aide  des 
deux  aspects  des  cellules  névrogliques  qui  en  résultent,  les 
phénomènes  psychiques  de  l'idéation,  du  sommeil,  du  rappel 
d'un  souvenir,  etc. 


AZOULAY.    —    PSYCHOLOGIE    niSTOLOGTQUE  285 

Supposons  l'état  de  repos  cérébral.  Les  cellules  névrogliques 
étant  au  repos  aussi,  ont  tous  leurs  prolongements  étalés,  épa- 
nouis. Les  appendices  pennés,  qui  jouent  le  rôle  d'isolateurs 
des  éléments  nerveux,  sont  interposés  entre  les  terminaisons 
cylindraxiles  d'un  neurone  par  exemple,  et  la  partie  protoplas- 
miques  d'un  autre  neurone.  Le  courant  nerveux  ne  passe  pas. 
Sous  l'influence  de  la  volonté  ou  bien,  moins  souvent,  d'une  façon 
automatique,  les  cellules  névrogliques  se  contractent,  leurs 
duvets  et  leurs  fines  branches  rentrent,  comme  les  tentacules 
de  l'escargot,  dans  les  branches  plus  importantes;  aussitôt  les 
éléments  cylindraxiles  et  protoplasmicjues  se  mettent  en  con- 
tact, par  l'effet  de  la  simple  pression  inlracérébrale  et  le  cou- 
rant passe.  Dès  que  l'action  de  la  volonté  cesse  ou  que  l'auto- 
matisme névroglique  fait  défaut,  le  duvet  et  les  branches  fines 
de  subdivision  ressortent  et,  venant  de  nouveau  s'intercaler 
entre  prolongements  ou  corps  protoplasmiques  et  terminaisons 
cylindraxiles,  interrompent  le  courant. 

Il  ne  faudrait  pas  croire  que  tout  le  système  nerveux  soit 
soumis  invariablement  à  ce  jeu  de  rétraction  et  d'étalement  des 
cellules  névrogliques.  Il  y  a  dans  le  système  nerveux  des  par- 
ties et  des  régions  dans  lesquelles  les  cellules  névrogliques  ne 
jouent  aucun  rôle  interrupteur.  Dans  ces  parties,  comme  le  sou- 
tenait déjà  Mauthner,  en  1890,  et  avant  lui  Purkinje,  le  cou- 
rant nerveux  peut  circuler  toujours  à  l'état  de  veille  ou  de  repos 
central  sans  rencontrer  le  moindre  duvet  névroglique  pour  lui 
barrer  passage.  Là,  les  cellules  névrogliques  n'auraient  tout  au 
plus  pour  but  que  d'empêcher  la  diffusion  des  courants  surtout 
latéralement  et  par  suite  leur  confusion.  Ces  parties  sont  les 
organes  et  voies  sensoriels  jusques  et  y  compris  un  certain 
nombre  d'articulations  nerveuses  intra-cérébrales  précédant 
l'articulation  avec  la  cellule  psychique  ou  pyramidale.  Par 
exemple,  l'impression  lumineuse  peut,  partant  des  cônes  et 
bâtonnets,  parcourir  les  corps  genouillés  et  parvenir  au  centre 
visuel  occipital  sans  risquer  d'être  arrêtée  en  route.  Elle  ne 
peut  être  arrêtée  qu'à  la  dernière  étape  au  moment  d'atteindre 
la  cellule  psychique  perceptrice,  par  l'interposition  de  quelque 
cellule  névroglique,  que  la  volonté  n'aura  pas  fait  contracter. 
€ette  distinction  dans  le  système  nerveux  de  parties  où  le  cou- 
rant nerveux  est  tout  à  fait  indépendant  de  la  volonté  et  des  par- 
ties où  il  en  dépend,  est  de  la  plus  haute  importance  au  point 
-de  vue  de  la  psychologie  et  de  la  [)hysiologie,  et  elle  pourrait 
nous  faire  comprendre  le  pourquoi  d'articulations  nerveuses. 


1:286  REVUES  générales 

que  nulle  cellule  uévroglique  ne  peut  interrompre,  et  sur 
lesquelles  la  volonté  ne  peut  rien,  comme  par  exemple  l'arti- 
culation des  fibres  grimpantes  et  des  cellules  de  Purkinje,  celle 
des  cellules  à  cyliudraxe  court  et  des  grains  du  cervelet,  celle 
des  plexus  pcricellulaires  dans  les  régions  où  les  cellules  ner- 
veuses sont  ordonnancées  et  où  les  cellules  névrogliques  sont 
rares  ou  pauvres  en  appendices  (olives  bulbaires,  grains  de  la 
corne  d'Ammon,  etc.)  ce  qui  suppose  la  nécessité  absolue,  et 
peut-être  permanente,  des  réactions  qu'elles  transmettent 
(réflexes,  respiration,  etc.).  Cela  nous  mettrait  mieux  sur  la  voie 
des  portions  du  système  nerveux  correspondant  à  telle  ou 
telle  fonction. 

A  l'aide  de  cette  théorie,  le  repos  mental,  le  sommeil  naturel 
ou  provoqué  par  des  narcotiques  ou  la  suggestion,  s'explique 
par  interposition  dans  les  articulations  nerveuses  des  branches 
isolantes  étalées  des  cellules  névrogliques,  et  leurs  difTérents 
degrés  par  le  plus  ou  moins  grand  nombre  de  cellules  psychi- 
ques isolées,  c'est-à-dire  par  le  plus  ou  moins  grand  nombre  de 
cellules  névrogliques  étalées  et  par  l'étalement  plus  ou  moins 
prononcé  de  leurs  branches,  car  de  là  aussi  dépend  l'abondance 
et  l'intensité  des  passages  de  courants. 

Le  tour  divers,  et  parfois  insolite,  des  associations  d'idées, 
comme  par  exemple  une  impression  visuelle  qui  détermine, 
tantôt  une  sensation  acoustique,  tantôt  une  sensation  gusta- 
tive,  tantôt  nulle  sensation,  serait  dû  à  des  contractions  névro- 
gliques se  faisant  entre  neurones  ou  groupes  de  neurones 
n'ayant  pas  ordinairement  de  passage  de  courant. 

Les  idées  aberrantes,  les  mots  qui  échappent  seraient  des  cel- 
lules névrogliques  qui  se  contractent  automatiquement. 

L'obsession  d'un  souvenir,  ce  serait  le  passage  du  courant 
d'une  façon  trop  durable  dans  un  neurone  ou  groupe  de  neu- 
rones, réservoirs  des  images  de  ce  souvenir,  par  suite  de  la 
contraction  tétanique  des  cellules  névrogliques  ordinairement 
interposées. 

La  torpeur  de  la  pensée  et  la  difficulté  du  langage,  la  sus- 
pension de  la  mémoire  d'une  idée  oa  d'une  expression  déter- 
minée, c'est  l'état  d'étalement  plus  ou  moins  grand  des  cellules 
névrogliques  que  la  volonté  n'a  pas  été  à  même  de  contracter 
ou  qui,  trop  paresseuses,  ne  se  sont  pas  contractées  d'elles- 
mêmes. 

Le  rappel  brusque  d'une  idée  ou  d'une  expression,  l'exaltation 
de  la  pensée,  ce  serait  l'obstacle  subitement  levé  au  passage  du 


AZOULAY.    —   PSYCHOLOGIE   UISTOLOGIQUE  287 

courant,  la  contraction  brusque  ou  abondante  des  cellules 
névrogliques  correspondant  aux  neurones  ou  groupes  de  neu- 
rones afférant  à  ces  actes  psychiques.  Et  ainsi  pourraient  être 
élucidé  le  mécanisme  des  réactions  motrices,  conscientes  ou  vo- 
lontaires, et  d'autres  phénomènes  psychiques  encore  plus  com- 
pli«iués,  etc.,  en  se  souvenant  qu'à  l'état  de  repos  la  névroglie 
isole,  et  qu'à  l'état  de  veille  et  de  pensée,  elle  sert  par  ses  con- 
tractions et  ses  relâchements  de  commutateur  pour  l'édification 
des  différentes  sortes  d'idées,  ou  d'associations  d'idées,  des 
mouvements  volontaires.    ' 

L'idée  d'identité  '  de  deux  objets  par  exemple  naît  de  ce  que 
les  cellules  névrogliques  contractées  par  des  impressions  iden- 
tiques ont  réveillé  les  images  latentes  dans  les  tnémes  groupes 
de  cellules  pyramidales  (perceptions  conscientes)  ;  pour  le  son, 
cela  est  évident,  la  même  note,  abstraction  faite  des  harmo- 
niques qui  suivent  d'autres  routes^,  devant  résider  dans  le 
même  amas  de  cellules  corticales  ;  pour  la  vue  cela  semble  a 
priori  bien  hasardé,  et  il  semble  difficile  de  concevoir  qu'un 
grand  carré  par  exemple  puisse,  comme  un  petit  carré,  exciter 
les  mêmes  cellules  névrogliques  à  laisser  se  réveiller  les  mêmes 
cellules  corticales  qui  renferment  les  images  élémentaires  du 
carré.  Cependant  qu'on  veuille  se  rappeler  que,  pour  voir  exac- 
tement un  objet  quelconque,  nous  le  plaçons  invinciblement 
par  habitude  à  la  même  distance  et  en  même  situation,  et  par 
suite  ce  seront  les  mêmes  cônes  ou  les  plus  voisins,  qui  seront 
impressionnés  ;  ils  transmettront  leurs  courants  aux  mêmes 
cellules  corticales  du  centre  visuel,  qui  seront  réveillées  par 
la  contraction  des  mêmes  cellules  névrogliques  ;  car  il  faut  bien 
le  savoir,  les  centres  cortico-sensoriels  représentent  une  véri- 
table projection  amplifiée  des  surfaces  sensibles,  des  organes 
des  sens,  autrement  dit  :  il  existe  dans  les  centres  une  véri- 
table rétine,  un  véritable  organe  de  Corti  plus  amples,  que  les 
mêmes  organes  périphériques  ;  car,  dans  les  centres  à  chaque 
cône  par  exemple,  correspondent  plusieurs  cellulespyramidales. 

L'idée  à' analogie  serait  due  à  ce  que  les  cellules  névrogliques 
sous  l'influence  des  impressions  mettent  en  branle  un  nombre  de 
groupes  de  cellules  pyramidales,  communes  aux  deux  sensations 
ou  images,  proportionnel  au  degré  de  leur  analogie. 

(1)  Nous  avons  couiLiué  iri  deux  parties  d'un  mémoire  de  M.  Clajal,  et 
nous  devons  avertir  que  M.  Cajal  na  pus  lui-même  expli((ué  les  clioses 
par  le  jeu  des  cellules  névrogliques. 

(2)  Chacune  d'elles  celles  de  la  note  qui  les  parcourent. 


288  REVUES   GÉNÉRALES 

L'idée  de  dissiiniliiude  proviendrait  du  petit  nombre  de  cel- 
lules pyramidales  communes  excitées  par  la  contraction  névro- 
glique,  sous  l'action  de  deux  sensations  ou  images. 

L'idée  d'opposition  serait  le  résultat  du  défaut  complet  de 
coïncidence  entre  les  groupes  de  cellules  pyramidales  actives 
dans  chaque  perception.  On  pourrait  encore,  mais  à  litre  de 
soupçon  dhypothèse,  expliquer  par  le  jeu  des  cellules  névro- 
gliques,  les  associations  de  lieu,  de  temps,  d'analogie  et  de 
contraste  correspondant  à  tin  même  ordre  de. sensations,  en 
supposant  établi  le  contact  entre  les  prolongements  cylin- 
draxiles  et  protoplasmiques  de  cellules  pyramidales  de  la  même 
région  cérébrale,  tandis  que  les  associations  réalisées  entre 
images  d'ordre  sensoriel  distinct  (image  gustative  en  évoquant 
une  visuelle  ou  inversement,  etc.)  seraient  le  produit  d'un  libre 
courant  né  des  cellules  pyramidales  d'un  centre  et  transmis 
à  un  autre  centre  par  les  cellules,  dites  d'association.  On  com- 
prend ainsi  qu'une  seule  perception  ou  une  seule  image  d'ordre 
sensoriel  puisse  rappeler  toute  la  série  compliquée  des  autres 
images  sensorielles. 

L'attention.  —  Tous  les  phénomènes  psychiques  que  nous 
venons    d'étudier   à    l'aide    des   mouvements    de    relâchement 
et  de  contraction  des  cellules  névrogliques  libres  sont  variables 
en  intensité  ;  un  des  facteurs    de  cette  intensité,  c'est  l'atten- 
tion.  Pour  expliquer  cette  dernière  M.  Gajal  fait  appel   à  un 
nouveau    facteur,  aux   cellules  névrogliques  périvasculaires. 
Les  régions  du  cerveau  où  se  fait  plus  spécialement  le  travail 
cérébral  relatif  à  une  idée  ou  un  groupe  d'idées  sur  lesquelles 
l'attention  est  portée,   doivent    subir  une  irrigation  sanguine 
d'autant  plus  abondante  que  le   travail  est  plus  actif,  afin  de 
parer  à  l'usure  des  cellules  actives.  De  l'état  de  repos  à  l'état  de 
travail  cérébral  intense  il  y  a  tous  les  degrés,  auxquels  doivent 
correspondre  de  semblables  degrés  dans  Tirrigation  sanguine. 
Faire  varier  cette  irrigation,  les  capillaires  cérébraux  en  sont 
incapables  puisque  le  sympatlii<iue  ne  les  innerve  pas.  Amener 
une  irrigation  exactement  localisée  au  champ  actif  du  cerveau, 
les  vaisseaux  méningés  mus  par  le  vague  en  sont  impuissants, 
ils  commandent  de  trop  vastes  domaines.  A  quoi  donc  peu- 
vent servir  ces  cellules  névrogliques  fixées  aux  capillaires  par 
quelques-unes  de  leurs  branches,  et  en  si  grand  nombre  qu'elles 
semblent  comme  un  ornement  externe  de  chacune  de  leurs  cel- 
lules endothéliales  ?  Les  cellules  névrogliques  libres  peuvent 


AZOULAY.    —   PSYCHOLOGIE    HISTOLOGIQUE  289  • 

avoir  une  conlractilité  qui  éluciderait  bien  des  problèmes.  Les 
cellules  névrogliques  vasculaires  pourraient  aussi  posséder  cette 
contractilité,  et  cela  expliquerait  peut-être  les  variations  de 
l'irrigation  cérébrale.  Supposons  que,  fixées  par  leurs  corps,  les 
cellules  contractent,  sous  Taclion  de  la  volonté,  le  ou  les  pieds 
attachés  tout  autour  d'un  capillaire  ;  celui-ci  se  dilate  et  admet 
plus  de  sang  ;  il  se  fait  une  abondante  transvasation  de  lymphe 
dans  la  substance  grise  voisine  et  les  cellules  nerveuses  travail- 
lent davantage.  Si  les  pieds  se  relâchent,  le  vaisseau  revient 
sur  lui-même  par  la  contractilité  de  son  endothélium,  l'irriga- 
tion reprend  son  débit  normal  et  le  cerveau  n'accorde  plus 
qu'une  attention  inconsciente  aux  idées  ou  même  n'y  est  plus 
attentif.  Tous  les  degrés  d'intensité,  d'étendue  de  l'irrigation 
seront  possibles  suivant  le  nombre  des  cellules  névrogliques  con- 
tractées, et  le  degré  de  rétraction  de  leurs  pieds.  Grâce  au  jeu 
des  cellules  périvasculaires  la  congestion  sanguine  pourra  ainsi 
atteindre  toute  la  précision  et  la  limitation  qu'exige  le  mono- 
idéisme  de  l'attention. 

Critique.  —  Telle  est  la  doctrine  de  psychologie  mécanique 
énoncée  par  M.  Cajal.  Elle  n"a  pour  lui,  il  faut  le  dire,  que  la 
valeur  de  toute  hypothèse,  celle  d'ouvrir  la  voie  à  un  nouveau 
courant  d'idées  et  à  des  recherches. 

Nous  allons  cependant  la  soumettre  à  la  critique  *.  Cette 
théorie  reconnaît  pour  bases  :  1'^  que  la  névroglie  agit  dans  le 
système  nerveux  comme  corps  isolant  ;  2''  qu'elle  est  douée 
de  contractilité;  3"  que  c'est  la  volonté  la  plupart  du  temps 
qui  la  fait  se  contracter,  parfois,  un  automatisme  propre. 

1''  La  propriété  isolante  des  éléments  névrogliques  n'est 
encore  qu'une  hypothèse,  ayant  pour  elle  un  certain  nombre  de 
présomptions  tirées  surtout  de  la  structure  des  organes  senso- 
riels (rétine,  muqueuse  olfactive,  glomérules  olfactifs,  etc.), 
et  des  organes  centraux,  dans  les  points  où  le  corps  cellulaire 
nerveux  et  le  cône  d'origine  du  cylindraxe  sont  entourés  de 
cellules  névrogli(iues  (couche  moléculaire  cérébrale  et  céré- 
belleuse (Cajalj,  noyau  denté  du  cervelet  (Lugaro).  Elle  est, 
malgré  cela,  aussi  sujette  à  discussion  que  les  théories  anté- 
rieures, n'ayant  pour  elles  aucun  fait  de  grande  probabilité  au 
moins  ;  elle-même  a  besoin  d'être  étayée  de  nouveaux  faits. 

(1)  M.  le  professeur  Cajal,  en  réponse  à  une  lettre  où  nous  lui  exposions 
fpieliiucs  objccti.ms,  nous  a  développé  plus  explicitement  sa  théorie,  en  ce 
'pii  concerne  surtout  le  l'acteur  volonlé. 

ANNÉK   PSYCHOLOGIijUE.    U.  '  19 


290  REVCES    GÉNÉRALES 

2°  Les  dilTérents  aspects  des  cellules  névrogliques  libres 
imprégnées  par  la  méthode  de  Golgi,  desquels  M.  Gajal  tire 
l'hypothèse  de  leur  contractilité,  peuvent  s'interpréter  par 
d'autres  motifs.  La  plasticité  de  cet  élément  peu  évolué  et  son 
adaptation  *  parfaite  aux  éléments  nerveux  au  milieu  desquels 
il  vit,  plaiderait  contre  la  contractilité.  Il  suffit  en  effet  de  suivre 
ses  aspects  différents  à  mesure  qu'on  s'éloigne  de  la  pie-mère 
vers  la  substance  blanche  cérébrale  pour  voir  se  succéder  ses 
variétés  suivant  qu'il  baigne  dans  du  tissu  surtout  cellulaire  ou 
surtout  fibreux,  à  fibres  myélinisées  ou  à  fibre's  fines,  dans  un 
plexus  serré  ou  lâche,  etc.  Les  différences  d'aspect  pourraient 
donc  tenir  à  la  situation. 

Il  semble  difficile,  mais  non  impossible,  en  outre,  d'accorder 
à  de  mêmes  cellules  la  faculté  d'avoir  tout  à  la  fois  des  branches 
rétractées  et  des  branches  étalées  cote  à  côte,  comme  cela  se 
voit  fréquemment.  D'ailleurs  en  observant  avec  de  forts  gros- 
sissements les  cellules  dites  rétractées,  on  constate  qu'elles 
aussi  possèdent  du  duvet  et  de  fines  branches  masquées  souvent 
par  l'épaisseur  des  forts  rameaux. 

L'absence  de  duvet  et  les  nodosités  des  branches  dans  les 
cellules  dites  rétractées  semble  tenir  un  grand  nombre  de  fois 
à  une  imbibition  trop  forte  de  chromate  d'argent,  qui  a  chargé 
les  branches  de  grosses  varicosités  et  dépôts  aux  dépens  de  fins 
détails.  En  effet,  on  observe  des  cellules  névrogliques  dites  :  éta- 
lées, pennées,  pures,  rouges,  surtout   en  abondance  dans  les 
préparations  peu  durcies,  et  dans  les  parties  à  peine  pénétrées 
de   bichromate,    blanches   ou    rouges  ;    et.    au    contraire,    les 
cellules  dites  rétractées,    noires,  variqueuses,  se  rencontrent 
surtout  en  abondance  vers  la  périphérie  de  la  coupe  et  dans  les 
pièces  très  chargées  de  chromate  d'argent.   Le  fait  est  surtout 
évident  pour  les  cellules  névrogliques  de   la  couche    molécu- 
laire  du  cervelet,    parfois    chargées    de    masses   spongieuses 
énormes,  parfois  presque  glabres,  et  l'on  peut  expliquer  la  pré- 
sence des  deux  aspects  à  la  fois  dans  la  môme  coupe,  à  des 
différences  de  densité  et  de  durcissement  du  tissu  nerveux,  au 
voisinage  d'un  capillaire,  etc.  Je  ne  cite  que  pour  mémoire  les 
effets  de  la  cadavérisalion  sur  les  cellules  névrogliques.  Elles  y 


(I)  Par  adaplatidii,  nous  onlrndons  ici  le  résultat  ilu  riiitlncnre  du 
môme  luilion  npissant  sur  les  deux  cellules  nerveuses  et  iiévroyliques 
dini'reuluieut  ev(duées,  de  façon  à  leur  donner  un  certain  iu>uduc  de 
caractères  communs.  C'est  ainsi  ([u'il  faudrait  concevoir  le  iniinélisine. 
par  exemple. 


AZOULAY.    —   PSYCHOLOGIE   UISTOLOGIQUE  291 

sont  peut-être  plus  vite  sensibles  que  les  cellules  nerveuses  et 
prennent  alors  l'aspect  noueux,  ramassé. 

De  toutes  façons  sur  les  souris  qui  avaient  été  l'une  éthérisée 
lentement  pendant  une  heure  et  l'autre  tenue  en  mouvement, 
il  ne  m'a  pas  été  possible  de  saisir  de  différence  quant  au 
nombre  des  cellules  dites  rétractées  ou  pennées  dans  le  cerveau  ; 
et  quant  au  cervelet,  les  cellules  avaient  exactement  même 
acpect,  les  pièces  ayant  été  traitées  exactement  de  même. 

Si  l'on  se  refuse  à  admettre  l'amœbisme  des  extrémités  ner- 
veuses qui  pourtant  n'exigerait,  d'après  la  théorie,  qu'une 
mobilité  presque  invisible  au  microscope,  comment  pourrait-on 
accepter  la  çontractilité  des  prolongements  névrogliques  qui 
exigerait  des  déplacements  atteignant  20,  30,  40  ;j.  et  même 
davantage,  si  on  s'en  tient  comme  mesure  à  l'écart  existant 
entre  les  prolongements  étendus  et  à  demi  rétractés?  Il  est 
vrai  que  la  cellule  névroglique  est  une  cellule  épithélialeàpeine 
différenciée.  Mais  cela  suffîrait-il  à  lui  donner  pareille  çontrac- 
tilité? 

Et  comment  concevoir  le  retour  exact,  à  la  même  place,  entre 
prolongements  cylindraxiles  et  partie  protoplasmique  des 
cellules? 

3*^  Enfin,  grosse  question,  à  quoi  serait  due  la  mise  en  œuvr& 
de  cette  çontractilité?  A  la  volonté  la  plupart  du  temps,  répond 
M.  Cajal  et  parfois  à  l'automatisme  propre  des  cellules  névro- 
gliques. C'est  bien  peu  explicite.  Si  c'était  l'automatisme  tout 
pur  des  cellules  névrogliques  qui  réglât  leur^eu,  il  faudrait  le 
supposer  bien  intelligent  et  placer  du  même  coup  le  siège  de 
l'intelligence  dans  les  cellules  névroglii  ues.  Et  comment  agirait 
cette  volonté  à  qui  M.  Cajal  attribue  si  grand  rôle  ?  Serait-elle 
propriété  inhérente  de  la  cellule  névrogli<]ue,  cellule  nerveuse 
arrêtée  pendant  son  évolution?  Ce  serait  bien  singulier  de  voir 
la  cellule  nerveuse  vraie  ainsi  dépouillée  d'une  propriété  qui  lui 
paraît  si  intime.  Il  faudrait  ce  semble  interpréter  le  mot  volonté 
par  le  mot  courant  nerveux  ou,  comme  le  suppose  M.  Cajal,  à 
titre  de  pure  hypothèse  explicative,  par  une  sorte  d'excitation 
dégageable  de  toutes  les  cellules  nerveuses  centrales,  indépen- 
dante de  la  fonction  spéciale  de  chacune  d'elles  et  qui,  naissant 
sous  forme  de  produits  chimiques  ou  de  phénomènes  physiques 
(électrique,  thermique  ou  inconnu  encore)  du  neurone  psychique 
en  travail  d'idée,  serait  transmise  par  l'atmosphère  cémcnlaire 
environnant  toutes  ses  parties,  aux  cellules  névrogliques  en 
repos  et  isolantes.  On  comprendrait  mieux  alors  le  jeu  des  pro- 


!i9:2  REVUES  générales 

longements  névrogliques,  au  cas  où  il  serait  réel,  par  leur 
rétraction  plus  ou  moins  brus({ue,  plus  ou  moins  étendue, 
sous  l'influence  du  courant  nerveux  qui  voudrait  traverser 
l'articulation  nervo-protoplasmique,  ou  sous  l'influence  de 
l'excitation  particulière  dégagée  par  le  neurone  au  moment  où 
il  émet  l'idée  renfermée  dans  les  molécules  de  son  protoplasma. 
Mais  même  alors  le  rôle  de  la  névroglie,  comme  isolant,  serait 
à  peu  près  nul  ou  superflu,  puisque  courant  nerveux  ou  excita- 
tion particulière  ne  se  produisent  qu'au  moment  du  travail  du 
neurone,  c'est-à-dire  au  moment  où  il  reçoit  ou  transmet  aux 
autres  neurones  l'incitation  à  travailler  de  concert.  La  névro- 
glie isolant  des  neurones  qui  ne  pensent  pas,  la  névroglie  n'iso- 
lant plus  les  neurones  dès  qu'ils  pensent,  cela  ne  semble-t-il  pas 
bien  explétif?  Ce  serait  tout  juste  si  cette  névroglie  pourrait 
servir  à  amortir  les  courants  trop  faibles  pour  déterminer  sa 
eontractilité  et  passer  d'un  neurone  à  l'autre. 

Pour  donner  plus  d'homogénéité  à  la  théorie  de  M.  Cajal  et 
à  celles  de  ses  prédécesseurs,  il  faudrait  faire  appel  à  des  ques- 
tions d'intensité  de  courant  suivant  la  distance,  suivant  l'énergie 
de  l'impression  extérieure  ou  centrale,  comme  M.  Cajal  l'avait 
fait  lui-même  si  brillamment  pour  l'explication  de  l'amplitude 
du  réflexe  sensitivo-moteur  ou  médullaire,  et  encore  à  bien 
d'autres  conditions  anatomiques,  à  la  myéline  par  exemple, 
que  les  auteurs  négligent  totalement,  et  dont  l'histogenèse, 
ontogénique  et  philogénique,  dans  les  centres  surtout,  semble 
si  en  rapport  avec  la  localisation  et  la  perfection  de  tous  actes 
physiologiques  ;  il  faudrait  recourir  à  bien  d'autres  conditions 
physiologiques,  dont  les  combinaisons  nous  sont  tout  à  fait 
inconnues.  C'est  pourquoi  M.  Kolliker,  dont  la  critique  était 
antérieure  à  la  théorie  de  M.  Cajal,  préfère  s'en  tenir,  pour  le 
fonctionnement  du  système  nerveux,  à  l'hypothèse  toute  simple, 
admise  par  à  peu  près  tout  le  monde,  sans  amœbisme,  ni 
contractiliié  d'aucun  élément,  de  l'activilé  physico-chi?nique 
variable  des  neurones  tout  entiers,  à  qui  sans  conteste  sont  dé- 
volus les  phénomènes  psychiques  de  perception,  de  conscience, 
de  volonté,  de  mémoire,  de  pensée,  de  sommeil,  etc.,  phéno- 
mènes modifiés  encore  par  le  trajet  parcouru  par  le  courant 
nerveux,  l'exercice,  l'habitude,  etc. 

Ainsi  tout  ce  roman  psychologique  pourrait  nous  faire  avouer, 
en  terminant,  ([uelastructure  du  système  nerveux  parneurones 
indépendants  et  seulement  contigus,  ou  en  contact,  si  elle  ne 
semblait  prouvée,  n'aurait  pas  plus  éclairé,  jusqu'à  présent,  le 


AZOULAY.    —   PSYCUOLOGIE   HISTOLOGIQUE  203 

mécanisme  des  phénomènes  psychiques  que  ne  l'a  fait  la  théorie 
ancienne  de  la  continuité.  Comment  n'en  serait-il  pas  ainsi 
quand  les  aventureux  de  la  science,  acculés  par  la  pauvreté 
actuelle  de  nos  documents  et  de  nos  conceptions,  mais  trop 
désireux  d'imaginer  l'inconnaissable,  consciemment  ou  incons- 
ciemment négligent  de  tenir  compte  de  la  loi  fondamentale  de 
ioute  méthode  et  de  toute  science,  c'est  qu'un  phénomène  si 
insignifiant  soit-il,  est  le  résultat  de  la  combinaison  variable 
d'un  nombre,  souvent  inconcevable,  d'inconnues  variables  elles 
aussi.  C'est  ce  que  l'on  oublie  trop  souvent,  en  science  natu- 
relle surtout;  de  là  ces  théories  forcées,  exclusives,  et  par 
suite  foncièrement  fausses.  Confessons  pourtant  un  progrès 
vraiment  important  dans  la  logique  scientifique  :  tous  les  auteurs 
de  ces  hypothèses  ne  leur  accordent  que  la  valeur  d'une  idée, 
capable  d'en  réveiller  d'autres  et  surtout  de  tourner  les  esprits 
vers  de  nouveaux  buts.  A  vérifier  leur  réalité  les  chercheurs 
feraient-ils  cependant,  et  comme  presque  toujours,  de  toutes 
autres  découvertes,  n'y  aurait-il  pas  là  de  quoi  excuser  et  même 
applaudir  ce  côté  artistique  de  la  science? 

D""  AzOULAY. 


BIBLIOGRAPHIE 

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tend  Duval  iiber  Ambœoide  Bewegungen  der  Neurodendren. 


:294  REVUES    GÉNÉRALES 

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chaft.  VI  Sitzung,  9  Miirz  18'Jo. 
II.  Y  Cajal.  —  Algunas  conjecturas  sobre  et  mecanismo  anato- 

mico  de  la  ideacion,  associacion  y  atencion.  Madrid,  18*Jo. 

Opusc,  14  p. 
—  Hipotesis  sobre  et  mecanismo  histologico  de  la  associacion 

del  suevo  y  del  estado  vigil,  même  opus,  —  et  lettre  particu- 
lière. 
J.  Demoor.  —  Communication  au  S*"  congrès  international  de 

l'hysiologie,  Berne,  1895.  Le  court  compte  rendu  du  Central- 

blalt  far  Physiologie,  1895,  \\°  15,  ne  nous  permet  pas  de 

discuter  plus  à  fond  cette  communication. 
Becuterew.  —  Die  Lehre  von  den  Neuronen  und  die  Entla- 

dungs  théorie.  Neurologisches  Gentralblatt,  1894,  n'"^  2  et  o. 

—  L'auteur  dit  simplement  que  la  théorie  amœboïde  n'est  ni 

invraisemblable  ni  impossible. 


II 


REVUE  GÉNÉRALE  SUR  LE  SENS  DU  LIEU  DE  LA  PEAU 


Plus  de  soixante  années  se  sont  écoulées  depuis  les  premières 
recherches  de  E.  II.  Weber  sur  le  sens  du  lieu  de  la  peau  ; 
pendant  ce  temps  les  expériences  de  Weber  ont  été  refaites 
maintes  fois  ;  on  a  modifié  les  méthodes  ;  sous  l'influence  de 
Fechner  on  a  cherché  à  obtenir  des  mesures  précises  en  em- 
ployant la  méthode  des  cas  vrais  et  faux  ;  on  a  étudié  le  sens  du 
lieu  de  la  peau  dans  difTérentes  conditions,  en  excitant  la  peau, 
en  produisant  une  anémie  ou  une  hyperémie  artificielle,  en 
échauffant  ou  en  refroidissant  la  peau,  enfin  en  absorbant  des 
substances  narcotiques  ;  d'autres  auteurs  ont  étudié  le  sens  du 
lieu  chez  les  enfants,  chez  les  aveugles,  chez  les  femmes  enceintes 
et  enfin  chez  les  malades.  A  côté  de  ces  recherches  expéri- 
mentales nombreuses  nous  voyons  toute  une  série  d'études 
théoriques  qui  se  développent,  qui  se  critiquent  les  unes  les 
autres  et  qui  cherchent  à  expliquer  d'une  part  les  différences 
du  sens  du  lieu  des  différentes  parties  de  la  peau  et  de  l'autre 
le  mécanisme  de  la  localisation  ou  projection  externe  des  sen- 
sations tactiles  ;  parmi  les  auteurs,  les  uns  cherchent  l'expli- 
cation dans  la  structure  anatomique  soit  de  la  périphérie,  soit 
des  centres  nerveux  ;  d'autres  attribuent  à  la  structure  anato- 
mique un  rôle  secondaire  et  admettent  que  des  processus 
psychiques  jouent  le  rôle  principal  ;  quelques-uns  cherchent 
à  synthétiser  les  deux  points  de  vue  en  disant  que  c'est  la 
réunion  de  la  structure  anatomirjue  avec  les  processus  psychi- 
ques qui  explique  la  localisation  des  sensations  tactiles.  De 
même  encore  nous  sommes  en  présence  d'une  série  de  théories 
relativement  au  développement  et  à  la  genèse  du  sens  du  lieu 
de  la  peau  ;  les  uns  admettent  que  l'enfant  à  sa  naissance  a 
déjà  l'idée  du  lieu  où  tel  contact  siège,  d'autres  le  nient  et 


296  REVUES   GÉNÉRALES 

affirment  que  ce  n'est  que  par  expérience  que  l'enfant  acquiert 
la  localisation  des  sensations  tactiles  ;  enfin  quelques-uns 
cherchent  à  former  une  théorie  moyenne.  En  somme  nous 
avons  devant  nous  d'une  part  une  quantité  énorme  de  maté- 
riaux expérimentaux  et  d'autre  part  toute  une  série  d'études 
théoriques  les  plus  diverses. 

Il  n'est  pas  facile  de  présenter  une  revue  générale  de  toutes 
ces  recherches.  Les  parcourir  dans  l'ordre  chronologique,  dire 
pour  chacune  ce  qu'elle  contient,  serait  bien  long,  et  de  plus 
une  pareille  énumération  ne  permettrait  pas  de  se  former  une 
idée  d'ensemble  des  études  expérimentales  et  théoriques,  les 
travaux  sur  des  sujets  analogues  se  trouveraient  séparés  par 
d'autres  bien  différents  ;  j'essaierai  donc  de  présenter  les  diffé- 
rentes recherches  dans  un  ordre  logique  ;  dans  la  première 
partie  de  ce  travail,  je  parlerai  des  recherches  expérimentales 
faites  d'une  part  sur  l'homme  normal  dans  les  conditions  nor- 
males et  dans  des  conditions  artificielles,  de  l'autre  sur  les 
malades. 

Dans  la  deuxième  partie  je  passerai  en  revue  les  théories 
proposées  pour  expliquer  les  différences  dans  le  sens  du  lieu 
pour  différentes  parties  de  la  peau  et  puis  celles  proposées 
pour  expliquer  la  localisation  des  sensations  tactiles  ;  je  ne 
parlerai  pas  des  théories  sur  la  formation  de  l'espace  tactile, 
ceci  nous  entraînerait  trop  loin,  parce  qu'on  serait  obligé 
d'exposer  les  théories  d'un  grand  nombre  de  philosophes. 

Enfin  je  donnerai  à  la  fin  une  bibliographie  aussi  complète 
que  possible  des  recherches  sur  le  sens  du  lieu  de  la  peau. 


ETUDES    EXPERIMENTALES 

Il  faut  d'abord  bien  préciser  ce  que  l'on  doit  entendre  par 
sens  du  lieu  de  la  peau,  et  comment  on  l'étudié;  il  le  faut 
d'autant  plus  que  peu  d'auteurs  prennent  ce  soin  et  ils  con- 
fondent deux  processus  psychiques  qui  doivent  être,  croyons- 
nous,  séparés  l'un  de  l'autre. 

Lorsque  quelqu'un  touche  un  point  de  peau,  si  le  contact 
est  assez  fort  et  si  nous  y  prêtons  attention,  nous  sentons 
d'une  part  ce  qu'on  peut  appeler  la  nature  du  contact,  nous 
disons  :   «   11  est  fort  ou  faible,  il  est  froid,  chaud  ou  indif- 


V.    HENRI.    —    SUR    LE    SENS   DU   LIEU   DE    LA    PEAU  ^91 

férent,  il  entre  dans  la  peau  (lorsqu'il  est  sur  une  partie  molle 
de  la  peau),  ou  il  rencontre  une  résistance  (lorsqu'il  est  sur 
la  saillie  d'un  os  par  exemple),  »  etc.;  d'autre  part  nous  savons 
de  suite  sur  quelle  partie  de  notre  corps  le  contact  a  lieu. 
nous  disons  :  «  Il  est  sur  la  main  gauche  face  dorsale,  ou  sur 
l'avant-bras  droit  près  du  coude  face  interne,  etc.,  etc.  ;  » 
nous  localisons  le  contact  sur  notre  corps  ;  analysons  de  plus 
près  ce  processus  de  localisation  :  un  contact  étant  produit  sur 
un  point  de  notre  corps,  nous  rapportons  ce  contact  à  une  cer- 
taine partie  de  notre  corps. 

ho.  première  question  qui  se  pose  est  La  suivante  :  le  point  de 
notre  corps  auquel  nous  rapportons  le  contact  produit  corres- 
pond-il bien  au  point  touché  ?  Si,  par  exemple,  le  point  touché 
est  le  milieu  de  la  face  dorsale  de  la  première  phalange  du 
médius  main  gauche,  le  point  où  nous  croyons  sentir  le  contact 
se  trouve-t-il  aussi  sur  le  milieu  de  la  première  phalange  du 
médius  main  gauche  ou  bien  en  est-il  différemment,  et  dans 
ce  cas  quelle  est  la  différence  entre  le  point  touché  et  le  point 
de  la  peau  où  nous  croyons  être  touché  ? 

Plus  cette  différence  sera  faible,  plus,  pourra-t-on  dire,  la 
précison  de  la  localisation  des  sensations  tactiles  est  grande  ; 
cette  précision  est  ce  que  l'on  appelle  la  finesse  de  la  localisa- 
tion des  sensations  tactiles  ;  nous  ne  disons  pas  finesse  du  sens 
du  lieu  de  la  peau,  parce  que  cela  pourrait  entraîner  des 
malentendus. 

Il  faut  donc  déterminer  le  point  de  la  peau  où  on  croit  que 
le  contact  a  lieu  ;  ici  se  présente  une  difficulté  :  en  effet,  com- 
ment déterminer  ce  point?  Examinons  de  plus  près  comment 
se  fait  la  localisation  d'un  contact  :  un  point  étant  touché,  nous 
le  rapportons  à  un  point  de  notre  corps,  nous  pouvons  donc 
ou  bien  décrire  avec  des  mots  la  partie  où  se  trouve  le  point 
touché,  ou  bien  nous  représenter  visuellement  cette  partie,  ou 
enfin  toucher  avec  le  doigt  le  point  que  nous  croyons  être  touché  ; 
ceci  peut  être  fait  soit  en  regardant  la  peau,  soit  en  détournant 
ou  en  fermant  les  yeux  ;  tels  sont  les  différents  moyens  que 
nous  employons  pour  déterminer  le  lieu  où  un  contact  est  pro- 
duit*. Il  faut,  croyons-nous,  distinguer  ces.différentes  méthodes 
de  localisation  d'un  contact,  l'erreur  de  localisation  sera  diffé- 
rente suivant  qu'on  emploie  l'une  ou  l'autre  de  ces  méthodes. 


(I)  Voir,  polir  plus  de  dofails,  noire  travail  snr  la  localisation  des  sen- 
sations tactiles.  Année  pfii/ch.,  H. 


!298  REVUES   GÉNÉRALES 

En  somme,  lorsqu'on  parle  de  la  finesse,  ou  précision,  de  la 
localisation  des  sensations  tactiles,  il  faut  bien  préciser  par  quel 
moyen  la  localisation  est  produite,  on  ne  doit  pas  parler  de 
finesse  de  localisation  en  général  ;  il  faut  l'étudier  séparément 
pour  chaque  moyen  de  localisation.  Nous  ne  connaissons  aucun 
auteur  qui  ait  porté  l'attention  sur  cette  distinction  que  nous 
croyons  être  capitale. 

La  deuxième  question  qu'on  doit  se  poser  est  la  suivante  : 
un  point  de  la  peau  est  touché,  nous  lui  attribuons  un  certain 
point  de  notre  corps;  si  on  touche  un  autre  point  voisin  du  pre- 
mier, rapporterons-nous  ce  deuxième  point  à  un  point  différent 
de  notre  corps  ou  bien  le  rapporterons-nous  au  même  point 
que  pour  le  premier?  En  d'autres  termes,  ce  deuxième  point 
nous  semblerat-il  être  ou  non  au  mêrae  endroit  que  le  premier  ? 
Il  faut  d'abord  déterminer  comment  on  touche  les  deux  points 
de  la  peau  :  on  peut,  en  effet  :  1°  les  toucher  simultanément, 
2°  les  toucher  successiveiiient  en  mettant  un  intervalle  plus  ou 
moins  long  entre  les  deux  contacts  ;  de  plus,  on  peut  s'arranger 
de  façon  à  ce  que  les  deux  contacts  soient  de  nature  identique, 
ou  bien  qu'ils  soient  différents  :  l'un  plus  fort  que  l'autre, 
l'un  froid  ou  chaud,  l'autre  indifférent,  etc.,  etc. 

Pour  chacun  do  ces  cas,  la  question  est  donc  de  déterminer,  "^ 

en  employant  des  écarts  différents  des  deux  points  touchés, 
si  on  rapporte  tous  les  deux  points  au  même  endroit  de  la  peau 
ou  bien  si  on  les  rapporte  à  deux  endroits  différents  de  la 
peau,  et  dans  ce  dernier  cas  dans  quel  rapport  se  trouve  la  dis- 
tance des  deux  endroits  oii  on  rapporte  les  points  à  la  distance 
des  points  touchés. 

L'expérience  démontre  que  pour  chaque  portion  de  la  peau 
il  existe  une  limite  au-dessous  de  laquelle  les  deux  points 
sembleront  être  au  même  endroit;  plus  cette  limite  sera  faible, 
plus  on  pourra  dire  que  la  finesse  du  sens  du  lieu  de  la  peau 
est  grande  ;  nous  croyons  qu'il  faudrait  réserver  le  terme  sens 
du  lieu  de  la  peau  à  la  faculté  de  pouvoir  distinguer  les  endroits 
de  deux  contacts  voisins. 

On  voit  que,  dans  cette  deuxième  question,  nous  n'avons  pas 
parlé  de  l'endroit  où  on  croit  que  le  contact  a  lieu,  nous  n'avons 
pas  eu  besoin  de  nous  demander  si  le  point  de  la  peau  où  on 
croit  que  le  contact  a  lieu  correspond  bien  au  point  louché  ;  on 
pourrait  très  bien  faire  des  erreurs  considérables  dans  la  locali- 
sation des  contacts  et  pourtant  avoir  un  sens  du  lieu  de  la  peau 
très  fin  ;  nous  verrons  des  exemples  de  ce  genre  dans  la  suite- 


9i 


V.    UENRI.    —   SUR    LE    SENS   DU   LIEU   DE   LA    PEAU  299 

Pourtant  il  existe  très  peu  d'auteurs  qui  remarquent  la  dllFé- 
rence  entre  la  première  question  et  la  deuxième,  la  plupart  les 
confondent  complètement,  et  affirment  même  que  la  plus  petite 
distance  de  deux  points  de  la  peau  qui  sont  perçus  comme 
deux  points,  c'est-à-dire  la  finesse  du  sens  du  lieu,  donne  une 
mesure  de  l'erreur  maximum  qu'on  peut  commettre  en  locali- 
sant le  contact  d'un  point  de  la  peau  ;  tels  sont  par  exemple 
E.-H.  Weber,  Wundt,  etc.,  etc.  Nous  verrons  dans  la  suite  que 
la  finesse  du  sens  du  lieu  et  la  précision  de  la  localisation  ne 
vont  pas  parallèlement  et  peuvent  être  dans  une  très  large 
mesure  indépendantes  l'une  de  l'autre.  Les  auteurs  qui  ont 
insisté  sur  la  distinction  entre  la  localisation  des  sensations 
tactiles  [Ortssinn)  et  le  sens  du  lieu  de  la  peau  {Raumsinn)  sont 
Aubert  et  Kammler^.  H.  Hoffmann-,  3Iubius^,  11.  Barth^  et 
enfin  un  certain  nombre  de  neurologistes  qui  par  la  pratique 
ont  été  amenés  à  faire  cette  distinction.  (V.  bibliographie  des 
cas  anormaux.) 

Enfin  une  troisième  question  qui  doit  être  étudiée  est  la  per- 
ception des  formes  et  des  mouvements  avec  la  peau.  Lorsqu'on 
pose  une  ligne  droite  ou  courbe  ou  bien  lorsqu'on  pose  une 
figure  quelconque  sur  notre  peau,  que  percevons-nous,  quelle 
est  la  ligne  minimum  nécessaire  pour  que  nous  percevions  une 
ligne  ?  Même  question  pour  les  figures.  De  même  encore  com- 
ment percevons-nous  le  mouvement  d"un  point  sur  notre  peau, 
comment  percevons-nous  la  vitesse,  l'amplitude  et  la  forme 
décrite?  Toutes  ces  questions  ont  encore  été  bien  peu  étudiées, 
nous  donnerons  dans  la  suite  les  résultats  acquis. 

1"  Individus  normaux.  —  Nous  passerons  en  revue  les  études 
expérimentales  faites  sur  le  sens  du  lieu  de  la  peau  et  sur  la 
localisation  des  sensations  tactiles  chez  les  individus  normaux, 
c'est-à-dire  ceux  qui  ne  présentent  pas  de  sensibilité  tactile 
anormale  ;  nous  y  joindrons  les  aveugles  ;  dans  la  deuxième 
partie  nous  étudierons  le  sens  du  lieu  chez  les  malades  nerveux. 

Voici  le  plan  général  que  nous  suivrons  dans  cette  première 
partie  : 

(1)  Aubert.  u.  Kaniniler.  Uiit.  iib.  d.  Druck  u.  Ramiisin/t  dca  lluul.  Mol, 
Int.  z.  Nul.  d.  Mensch.,  V,  1858,  p.  174. 

(2)  II.  Iluffmann.  Slereof/noilii-c/ie  Versi/c/œ.  {Disaerl.,  Strassburg,  1883. 

(3)  Mobius.  Allyein.  Dia!/iiotili/c  d.  Xeiveit/n-ank/ieUen.  Leipzig,  1886. 

(4)  lîartli.  Etudes  sur  le  seus  du  lieu  de  la  peau.  (En  russe.)  Disserl.  Dor- 


300  REVUES    GÉNÉRALES 

a.  Etudes  du  sens  du  lieu  pa7'  le  contact  simultané  de  deux 
2)oints  de  la  peau  : 

Etudes  dans  les  conditions  normales  chez  les  adultes  ; 
méthodes  psychophysiques  employées;  résultats;  rapports 
entre  le  sens  du  lieu  et  la  motilité  du  membre  ;  variations  indi- 
viduelles ;  inlluence  de  l'exercice,  et  de  la  fatigue  ;  inlluence 
de  l'intensité  des  contacts  et  de  leur  qualité  ;  sens  du  lieu  en 
rapport  avec  les  points  sensoriels  de  la  peau. 

Etudes  sur  le  sens  du  lieu  chez  les  enfants,  les' typographes 
et  les  aveugles. 

Etude  de  l'influence  de  différentes  conditions  artificielles  : 
tension  de  la  peau,  grossesse,  influence  des  narcotiques,  de 
difl"érents  médicaments,  de  l'anémie,  de  l'hyperémie,  du  refroi- 
dissement, de  l'échauflement,  de  l't/xcitation  de  la  peau. 

b.  Eludes  sur  le  sens  du  lieu  par  le  contact  successif  de 
deux  points  de  la  peau. 

c.  Etudes  sur  la  localisation  des  sensations  tactiles. 

d.  Perception  de  lignes,  de  figures  et  de  mouvements  avec 
la  peau. 

Dans  cette  revue  nous  ne  nous  contenterons  Das  d'énoncer  les 
résultats  obtenus,  nous  apporterons  à  Tappui  toujours  des 
chiffres  et  des  figures  ;  les  résultats  principaux  seront  écrits  en 
italiques;  enfin  on  ne  doit  pas  s'attendre  à  y  trouver  pour  tel 
mémoire  spécial  tout  ce  qu'il  contient,  nous  nous  attachons 
surtout  à  donner  un  résumé  détaillé  de  tout  ce  qui  a  été  fait 
sur  le  sens  du  lieu.  Les  chiffres  mis  à  côté  des  noms  indiquent 
les  numéros  de  la  bibliograpliie. 

a)  Etudes  sur  le  sens  du  lieu  par  le  contact  simultané  de 
deux  points  de  la  peau. 

Conditions  normales,  adultes.  —  Nous  avons  vu  précédem- 
ment quel  était  le  problème  à  résoudre  :  déterminer  pour  diffé- 
rentes parties  de  la  peau  quelle  doit  être  la  distance  minimum 
de  deux  points  pour  qu'étant  touchés  simultanément  on  per- 
çoive deux  points  ;  cette  distance  minimum  mesure  la  finesse 
du  sens  du  lieu  pour  la  partie  correspondante  de  la  peau. 

C'est  à  E.-H.  Weber  qu'on  doit  cette  méthode  et  les  pre- 
mières recherches  sur  le  sens  du  lieu  de  la  peau  ;  en  1829  il 
publia  ses  premières  recherches  où  il  annonçait  que  lorsqu'on 
louche  deux  points  voisins  de  la  peau  on  ne  perçoit  deux  points 
que  si  la  distance  dépasse  une  certaine  limite;  cette  limite  est 
différente  pour    les    différentes    parties   de  la  peau  :   «  Varia' 


V.    HENRI.    —   SUR   LE    SENS   DU   LIEU  DE   LA   PEAU 


301 


partes  organi  lactus  virtute  duo  corpora,  a  quibus  uno  eodem- 
que  tempore  adtinguntur,  distincte  sentiendi  non  eodem  gradu 
pollent.  »  {Annot.  phijs.,  p.  47.) 

Examinons  d'abord  quelles  sont  les  méthodes  qui  ont  été 
employées  pour  déterminer  en  un  endroit  de  la  peau  la  dis- 
tance minimum  en  question. 

Weber  touchait  la  peau  avec  deux  pointes  émoussées  d'un 
compas  ;  le  sujet  qui  avait  les  yeux  fermés  devait  dire  chaque 
fois  ce  qu'il  percevait  ;  nous  remarquons  que  le  sujet  devait 
décrire  complètement  ce  qu'il  percevait,  il  ne  se  contentait  pas 
de  dire  «  un  point  i  ou  «  deux  points  »  ;  il  disait  si  les  deux 
points  étaient  distincts,  dans  quelle  direction  ils  étaient,  ou 
bien  s'ils  étaient  à  peine  différents  l'un  de  l'autre  ;  ceci  est 
intéressant  à  noter  puisque  depuis  Weber  presque  personne 
n'a  employé  cette  méthode  d'interrogations  détaillées,  qui  est  la 
seule,  croyons-nous,  pouvant  conduire  à  des  résultats  exacts  et 
intéressants.  Nous  reproduisons  comme  exemple  un  extrait  des 
tables  nombreuses  publiées  par  Weber  dans  son  premier  travail. 


GRADU  s    DISTINCTION  IS 

<è 

duorum  punctorum 

cuti  impressorum 

PARTES    CORPORIS 

duobus  simili 

<"5 

Circino  horizontali 

Circino  perpendiculari 

circini  crucibus 

r-    Ç 

linea  posita. 

linea  posila. 

lactie. 

■X  = 

-  '- — i^    — — - 

— ^1^    ^— ^-  — - 

z. 

Duo  puncta 

Situs 

Duopuiula 

.">itus 

z. 

dislincta. 

pei'cei)tLis. 

disUncla. 

percepUis. 

Brachium    mé- 

dium    siiperf. 

poster,  etanter. 

12 

non  dist. 

non  percept. 

non  dist. 

non  percept. 

Locus  idem  .   . 

14 

n.  satis  d. 

obscure. 

id. 

id. 

•   • 

16 

dislincta 

perceptus. 

id. 

id. 

18 

claredist. 

clare  perc. 

id. 

id. 

—       — 

22 

id. 

id. 

id. 

id. 

—        — 

30 

n.  ubique 

non  ul)ique 

—        — 

36 

id. 

id. 

~~       ~~     .   . 

42 

dislincta. 

perceptus. 

Anlibrachii    su- 

perf.  voiar.  ma- 

iiui  proxima   . 

9 

satis  dist. 

salis  perc. 

non  dist. 

non  percept. 

Locus  idem   .    . 

10 

dislincta. 

perceptus 

id. 

id. 

''~~          •       • 

12 

id. 

id. 

n.  ubique 

non  ubique 

,       . 

14 

claredist. 

clare  perc. 

dislincta. 

perceptus. 



Les  chiffres  du  tableau  précédent  indiquent  les  distances  des 


30:2  REVUES    GÉNÉRALES 

deux  pointes  en  lignes  (1  ligne  =  2'""'.2o);  par  direction 
horizontale  on  entend  les  directions  horizontales  sur  le  corps  en 
supposant  qu'on  soit  debout,  c'est  donc  la  direction  transverse 
du  bras.  On  voit  déjà  par  le  tableau  précédent  combien  les 
termes  varient  ;  nous  trouvons  en  efTet  les  suivants  :  «  Non  dis- 
tincta,  obscure  distincta,  non  satis  distincta,  non  satis  clare 
distincta,  distincta,  clare  distincta,  satis  distincta.  per  clare 
distincta,  »  et  de  même  pour  la  perception  de  la  direction  dans 
laquelle  les  deux  points  semblent  être. 

Weber  n'employait  pas  de  règle  spéciale  pour  rechercher  la 
limite,  il  variait  irrégulièrement  la  distance  et  cherchait  cette 
limite  par  tâtonnement  ;  il  employait  une  méthode  irrégiilière. 

C'est  Lichlenfels  (18)  qui  le  premier  employa  une  méthode  de 
détermination  régulière,  lamét/iodedes  variations  minima;  on 
touche  la  peau  avec  les  deux  pointes  d'un  compas  en  commen- 
tant par  des  distances  très  faibles  qu'on  augmente  successive- 
ment jusqu'à  ce  qu'on  arrive  à  la  perception  nette  de  deux 
points,  on  marque  la  distance  des  points  correspondante,  soit 
di  ;  puis  on  touche  avec  deux  pointes  éloignées  perçues  claire- 
ment comme  deux  points,  et  on  diminue  successivement  la 
distance  jusqu'à  ce  qu'on  arrive  à  la  limite  où  on  ne  perçoit  plus 
deux  points,  soit  d.^  cette  limite  ;  la  valeur  adoptée  est  !a 
moyenne  arithmétique  -^i — -.  Depuis,  cette  méthode  a  été 
adoptée  par  un  grand  nombre  d'auteurs.  Elle  présente  des  avan- 
tages et  des  inconvénients  ;  en  effet  on  n'a  pas  dans  cette  mé- 
thode de  phénomènes  de  contraste  d'une  expérience  à  l'autre  i\m 
peuvent  être  nuisibles  dans  la  méthode  irrégulière;  mais 
d'autre  part  le  sujet  peut  très  facilement  être  suggestionné  ;  il 
faudrait,  croyons-nous,  disposer  les  expériences  de  façon  que  le 
sujet  ne  sut  absolument  rien  de  la  méthode  employée,  il  ne 
doit  pas  savoir  si  on  travaille  par  la  méthode  irrégulière  ou 
parla  méthode  des  variations  minima  ou  par  une  autre;  ce 
n'est  que  dans  ce  cas  qu'on  peut  obtenir  des  résultats  indé- 
pendants de  toute  suggestion;  si  au  contraire,  comme  cela 
arrive  dans  la  grande  majorité  des  travaux,  le  sujet  sait  qu'on 
travaille  [)ar  la  méthode  des  variations  minima,  il  pourra  très 
facilement  être  suggestionné,  il  sera  amené  involontairement  à 
donner  des  réponses  qui  suivent  un  ordre  régulier,  il  se  dira  en 
effet  :  puisque  la  distance  des  pointes  augmente  régulièrement 
d'une  expérience  à  l'autre,  la  sensation  devra  aussi  passer  régu- 
lièrement de  la  sensation  d'un  point  à  celle  de  deux  points  ; 
cette  conclusion  paraît  toute  naturelle  et  est  admise  par  tous 


V.    UENRI.    —   SUR   LE   SENS   DU   LIEU    DE   Lk   PEAU 


303 


les  auteurs  sans  discussion  aucune  ;  pourtant  lorsqu'on  étudie 
le  sens  du  lieu  en  procédant  de  façon  que  le  sujet  ne  sache 
absolument  rien  sur  la  méthode  employée,  il  arrive  très  sou- 
vent, comme  nous  avons  pu  nous  en  convaincre  en  faisant  des 
expériences  avec  M.  Taioney  sur  deux  personnes,  que  lorsqu'on 
augmente  successivement  la  distance  des  pointes  d'une  expé- 
rience à  l'autre,  les  réponses  jne  suivent  nullement  un  ordre 
régulier  ;  nous  donnons  quelques  exemples  à  l'appui  : 


Dislances 

• 

Réponses. 

0  mm.    . 

1  point,  très  clag:. 

3     —  . 

.     1     —      très  clair. 

6     —  . 

1     —      très  clair. 

9     —  . 

1     —      très  clair. 

12     —  . 

I     —      très  clair. 

Ib     —  . 

1     —      très  clair. 

18     —  . 

1     —      très  clair. 

21     —  .   . 

1     —      très  clair. 

24    —  . 

1     —      très  clair. 

27     —  . 

1     —      très  clair. 

30     —  . 

2  points  tout  près  l'un  de  l'autre,  distance  per 
eue  1  mm. 

33     —  . 

1  point  un  peu  obtus. 

36     —  . 

2  points,  très  clairs  à  une  distance  de  15  mm. 

39     —  .   . 

1  point,  très  clair. 

42    —  . 

2  points  voisins. 

45,   —  . 

2     —     à  lo  mm.,  très  clairs. 

48     —  . 

1  point,  très  clair. 

51     —  . 

2  points  voisins. 

54     —  . 

2      —      à  15  mm. 

57     —  . 

2      —      à  l  cm. 

60     —  . 

2      —     à  2  cm. 

Nous  ne  voulons  pas  affirmer  que  de  pareilles  irrégularités 
doivent  toujours  se  produire,  nous  nous  bornons  à  indiquer  ici 
une  question  nouvelle  consistant  à  étudier  si  dans  le  cas  de  la 
perception  de  deux  points  sur  la  peau  la  sensation  varie  paral- 
lèlement à  la  variation  de  la  distance  des  points  touchés. 

Lorsque  le  sujet  sait  qu'on  travaille  avec  la  méthode  des 
variations  mininia  on  obtient  bien  une  limite  à  partir  de 
laquelle  on  commence  apercevoir  deux  points,  mais  il  faut  être 
très  prudent  et  ne  jamais  oublier  que  cette  limite  trouvée  l'a 
été  par  la  méthode  des  variations  minima  et  que  de  plus  le 
sujet  savait  qu'on  travaillait  avec  cette  méthode. 


304  RKVUES    GÉNÉRALES 

La  méthode  des  variations  minima  ne  permet  pas  d'obtenir 
de  déterminations  précises,  elle  donne  des  valeurs  plus  ou 
moins  approchées  ;  c'est  qu'en  réalité  il  n'existe  pas  de  limite 
bien  déterminée  et  telle  qu'au-dessous  d'elle  on  sente  un  point 
et  au-dessus  deux  points;  le  passage  delà  sensation  de  un  point 
à  celle  de  deux  points  se  fait  par  beaucoup  de  stades  :  on  sent 
un  point,  puis  un  point  un  peu  allongé,  puis  une  sensation 
indéfinie  qui  n'est  ni  un  point  ni  deux  points,  c'est  comme  le 
contact  avec  un  corps  obtus  allongé,  puis  on  commence  à  sentir 
deux  points  tout  près  l'un  de  l'autre  sans  pouvoir  en  indiquer 
la  direction,  puis  deux  points  plus  éloignés,  etc.  Cette  zone  de 
passage  de  un  point  à  deux  points  est  de  grandeur  difTérente 
sur  différents  endroits  de  la  peau  ;  beaucoup  d'auteurs  depuis 
Weber  ont  porté  leur  attention, sur  ce  passage  successif;  on  ne 
sait  pas  où  mettre  le  limite  en  question  ;  est-ce  au  moment  oii 
on  ne  perçoit  plus  un  point,  ou  bien  là  où  on  perçoit  deux 
points  à  peine  distants,  ou  enfin  là  où  on  perçoit  deux  points 
distinctement  et  où  on  peut  indiquer  la  direction  de  la  ligne 
qui  lesjoint  ?Voilàdes  questionsque  les  auteurs  se  sontposées; 
il  fallait  trouver  une  nouvelle  méthode  de  détermination  qui 
permit  de  comparer  avec  plus  de  précision  entre  eux  le  sens  du 
lieu  de  différentes  parties  de  la  peau;  celte  méthode  a  été 
appelée  par  Fiero7'cZ^,  qui  l'indiqua  le  premier,  méthode  des  cas 
vrais  et  faux. 

Arrêtons-nous  donc  un  peu  sur  cette  méthode.  Voici  le  prin- 
cipe sur  le(iuel  elle  est  fondée  :  supposons  qu'on  veuille  compa- 
rer le  sens  du  lieu  pour  deux  parties  de  la  peau  chez  un  même 
individu,  par  exemple  sur  la  lèvre  supérieure  et  sur  le  front  ;  on 
veut  donc  déterminer  dans  quel  rapport  se  trouve  la  faculté  de 
pouvoir  percevoir  deux  points  voisins  de  la  peau  sur  le  front  et 
sur  la  lèvre  supérieure. 

On  choisit  d'avance  un  certain  nombre  de  distances  pour 
chacune  de  ces  parties,  on  tient  certainement  compte  dans  le 
choix  de  ces  distances  des  valeurs  de  la  limite  trouvée  par  la 
méthode  de  Weber.  Supposons  donc  qu'on  prenne  sept  dis- 
tances pour  chacune  de  ces  parties  et  ces  distances  sont  pour 
la  lèvre  '  :  1"""  ;  :i"'"\25  ;  3"^-,4  ;  4"'"',5  ;  6"'"',8  ;  9"'-"  ;  i3™"',o; 
pour  le  front:  6,8  ;  9  ;  11,2  ;  13,o  ;  lo,8  ;  18;  22,5""". 
On  touche  la  peau  avec  chacune  de  ces  distances  et  le  sujet 

(1)  Nous  cuiiHiiiildiis  les  cliillres  au  tr.iv.iil  i\r  A.  Ricker  (43)  ;  coiiaue  il 
mesure  les  flistances  par  îles  lignes,  il  avait  pris  des  chiffres  ronds  que 
nous  avons  traduits  eu  iiiilliuiélres  (1  ligne  =  2""",25). 


V.    HENRI. 


SUR    LE    SENS    DU   LIEU    DE    LA    PEAU 


30? 


doit  répondre  s'il  sent  un  point  ou  deux  points  ;  on  fait  avec 
chacune  de  ces  distances  un  grand  nombre  d'expériences,  100 
par  exemple,  on  trouve  ainsi  que  pour  chaque  distance,  sur 
100  expériences,  il  y  en  a  eu  un  certain  nombre  où  le  sujet  a 
perçu  un  point,  il  y  en  a  eu  quelques-unes  où  il  a  perçu  deux 
points,  enfin  dans  quelques  expériences  il  était  incertain. 
Voici  par  exemple  les  résultats  de  ces  différents  cas  rapportés 
à  100  expériences  : 


LEVRE    SUPERIEURE 


Ilislance. 


3  4mm 
4^5mm 

6,8™-" 

Onim 

13,0'°" 


points. 


1).  100 

4,3 
43,2 
91,6 

100 

100 

100 

100 


1  poiiil. 


|).  100 

93,1 
53,1 

8,4 


Incertain. 


p.  100 

2,6 
3,7 


Distance. 


6,8'""' 
Qmm 

13,5'"'" 
15,8""'» 

Igmm 


FRONT 


l)oiuls. 


p.  100 

22 

57,4 
88,6 
92,0 
96 
98,5 
100 


1  point. 


p.    100 
68,0 

36,4 

11,4 

5,4 

2,0 


Incertain. 


p    100 
10 

6,2 

3,6 
2.0 
1,5 


Ceci  veut  dire  que  si  on  provoque  sur  la  lèvre  supérieure  le 
contact  avec  deux  points  distants  de  2™™, 25  par  exemple,  le 
sujet  dans  43,2  p.  100  de  cas  perçoit  deux  points,  dans  53,1 
p.  100  il  ne  perçoit  qu'un  point  et,  dans  3,7  p.  100  des  cas,  il 
est  incertain. 

Mais  cette  détermination  n'indique  pas  encore  le  rapport  de 
la  sensibilité  de  la  lèvre  et  du  front  ;  il  faut  faire  une  hypothèse 
qui  a  été  avancée  par  Vierordt  et  ses  élèves  ;  d'après  cette  hypo- 
thèse, le  rapport  des  sensibilités  sera  égal  au  rapport  des  dis- 
tances qui  donnent  lieu  à  un  même  nombre  relatif  de  cas  vrais  ; 
on  entend  par  cas  vrais  les  cas  où  le  sujet  a  senti  deux  points  ; 
ainsi  si  nous  choisissons  une  distance  quelconque  sur  le  front, 
gmm  p^j.  exemple,  nous  avons  vu  qu'il  y  a  eu  57,4  p.  100  de 
cas  vrais  (où  le  sujet  avait  senti  deux  points)  ;  nous  devons 
donc  chercher  une  distance  qui  sur  la  lèvre  donnerait  lieu  aussi 
à  57,4  p.  100  de  cas  vrais  :  soit  d  cette  distance  ;  on  dira  par 
hypothèse  que  la  sensibilité  du  front  est  à  celle  de  la  lèvre 
comme  9  est  à  tZ  ;  il  faut  donc  chercher  la  valeur  de  d.  Pour 
le  faire,  on  se  sert  de  l'interpollation  graphique,  c'est-à-dire  on 
porte  sur  l'abscisse  les  distances  en  millimètres  (1  ;  2,25  ;  3,4. . . 

ANNÉE  PSYCHOLOGIQUE.   II.  20 


306 


REVUES   GÉNÉRALES 


et  sur  les  ordonnées  correspondantes,  les  nombres  en  p.   100 
des  réponses  vraies. 

On  obtient  ainsi  une  courbe  comme  celle  de  la  figure  71  ;  cette 
courbe  permet  de  savoir  pour  toute  distance  que  l'on  veut 
combien  de  cas  vrais  on  devrait  obtenir  et  inversement  pour 
un  nombre  quelconque  de  cas  vrais  quelle  devrait  être  la  dis- 
tance correspondante.  Ainsi,  dans  le  cas  présent,  nous  devons 
savoir  quelle  distance  donnerait  lieu  sur  la  lèvre  à  57,4  p.  100 
de  cas  vrais;  nous  traçons  l'abscisse  du  point  o7, 4 qui  coupe  la 
courbe  au  point  A,  ce  point  correspond  à  la  division  2,3  environ 
de  l'abscisse  ;  par  conséquent,  le  sens  du  lieu  du  front  se  rap- 


lOO- 

<■  "* 

20- 
€0- 
£0- 
40- 
3C- 
20- 
10- 


Û 


5      6     7      8      9 
Fiff.  71. 


10    11     12    li 


porte  à  celui  de  la  lèvre  supérieure  comme  9  à  2,5.  Tel  est  en 
principe  le  procédé  employé  par  Vierordt. 

Il  s'est  pourtant  présenté  une  difficulté  qui  a  obligé  Vierordt 
à  avoir  recours  à  un  artifice  ;  la  difficulté  est  la  suivante  :  nous 
avons  pris  pour  comparer  la  finesse  du  sens  du  lieu  comme 
point  de  départ  une  distance  qui  sur  le  front  donnait  lieu 
à  57,4  p.  100  de  cas  vrais  et  nous  avons  trouvé  le  rapport 
—  ;  si  nous  avions  pris  comme  point  de  départ  une  autre 
valeur,  par  exemple  13""", 5  qui  sur  le  front  donne  lieu  à  92  p.  100 
de  cas  vrais,  aurions-nous  obtenu  le  même  rapport?  On  trouve 
que  la  valeur  du  rapport  varie  suivant  qu'on  choisit  l'un  ou 
l'autre  des  cas  ;  il  faut  donc  choisir  des  valeurs  spéciales. 
Vierordt  détermine  au  moyen  de  la  courbe  pour  chaque  partie 
de  la  peau  des  distances  qui  doivent  donner  lieu  à  5  p.  100, 
10  p.  100,  lo  p.  100,  20  p.  100,...  95  p.  100,  100  p.  100  de  cas 
vrais.   Ceci  établi,  il  fait  la  somme  des  distances  correspon- 


V.    HENRI.    —   SUR   LE   SENS    DU   LIEU   DE   LA   PEAU  307 

dant  aux  nombres  2o  p.  100,  30  p.  100,  3o  p.  100,  40  p.  100, 
45  p.  100...,  95  p.  100,  100  p.  100  de  cas  vrais  ;  pour  la  lèvre 
supérieure  cette  somme  est  égale  à  46,3  ;  pour  le  front  elle  est 
égale  à  159,8  ;  le  rapport  de  la  finesse  du  sens  du  lieu  sur  le 
front  à  celle  sur  la  lèvre  sera,  d'après  l'admission  de  Vierordt, 
égale  à  -^^  .  C'est  cette  méthode  qui  a  été  employée  par  Vie- 
rordt et  ses  nombreux  élèves  :  Koltenkampf  et  Ullrich  (42), 
Riecker  (43),  Pauhis  (4o),  Hartmann  (46),  Schimpf  (119). 

On  voit  qu'elle  nécessite  un  très  grand  nombre  d'expériences. 

Une  autre  méthode  'expérimentation  et  de  groupement  des 
résultats  a  été  propo^  par  Fechner\{^<ô)  et  G.-E.  Mïdler  (69). 
Nous  avons  montré  'p.uS  haut  que  Vierordt,  pour  déterminer 
la  distance  des  points  qui  doit  donner  lieu  à  un  certain  nombre 
de  cas  vrais,  se  servait  de  la  méthode  graphique,  et  pour  pou- 
voir s'en  servir,  il  devait  déterminer  pour  chaque  partie  de  la 
peau  le  nombre  de  cas  vrais  obtenus  avec  plusieurs  distances 
différentes  ;  Fechner  s'est  demandé  s'il  n'était  pas  possible  de 
déterminer  la  distance  correspondant  à  un  certain  nombre  de 
cas  vrais  par  le  calcul  ;  on  chercherait  expérimentalement  pour 
chaque  partie  de  la  peau  les  nombres  de  différentes  réponses 
pour  une  ou  deux  distances  seulement  et  en  se  basant  sur  ces 
résultats,  on  calculerait  par  une  formule  les  distances  corres- 
pondantes à  un  nombre  déterminé  de  cas  vrais  ;  si  une  pareille 
méthode  était  possible,  on  n'aurait  pas  à  faire  un  nombre  aussi 
considérable  d'expériences,  comme  cela  est  nécessaire  dans  le 
procédé  de  Vierordt. 

Prenons  de  nouveau  un  exemple,  il  nous  permettra  peut-être 
d'expliquer  clairement  les  principes  sur  lesquels  Fechner  et 
Mûller  basent  leurs  formules  et  la  manière  dont  on  les  applique. 
Nous  ne  pourrons  pas  être  complets  :  d'une  part,  cela  prendrait 
trop  de  place  et  puis  cela  nécessiterait  l'emploi  de  mathéma- 
tiques supérieures,  que  nous  chercherons  à  éviter. 

Supposons  donc  de  nouveau  qu'on  veuille  comparer  la  sensi- 
bilité du  front  à  celle  de  la  lèvre  supérieure  et  supposons  qu'on 
ait  trouvé  que  sur  la  lèvre  supérieure  le  contact  de  deux  points 
à  une  distance  de  2"'">,2o  a  été  senti  43, i2  fois  p.  100  comme 
deux  points  ;  53,1  p.  100  comme  un  point  et  3,7  p.  100  incer- 
tain ;  que  pour  la  distance  des  pointes  égale  à  3""", 4  on  ait 
obtenu  91,6  p.  100  fois  réponses,  de  deux  points  et  8,4  p.  100  ré- 
ponses d'un  point.  De  même  sur  le  front  pour  6""", 8  on  a  obtenu 
22  p.  100  fois  deux  points,  68  p.  100  fois  un  point  et  10  p.  100 
incertain,  et  pour  11""", 2  on  a  eu  88,6  p.  100  fois  deux  points 


308  REVUES    GÉNÉRALES 

et  11,4  p.  100  fois  un  point.  Le  problème  à  résoudre  est  le  sui- 
vant :  si  on  prend  sur  la  lèvre  une  distance  a,  trouver  sur  le 
front  la  distance  b  équivalente,  c'est-à-dire  telle  que  le  nombre 
de  cas  vrais  obtenus  avec  b  sur  le  front  soit  égal  au  nombre  de 
cas  vrais  obtenus  sur  la  lèvre  avec  la  distance  a.  Il  faut  donc 
trouver  une  formule  qui  relie  la  distance  des  points  D  au 
nombre  de  cas  vrais  r.  Millier  est  arrivé  à  une  formule  par  un 
raisonnement  théorique,  Fechner  a  procédé  surtout  par  tâton- 
nement; les  deux  formules  sont  du  reste  presque  identiques  et 
la  différence  entre  les  deux  auteurs  consiste  en  ce  que  MiïUer 
attribue  une  signification  bien  déterminée  aux  constantes  qui 
entrent  dans  la  formule,  tandis  que  Fechner  ne  s'en  occupe 
pas. 

Voici  le  raisonnement  suivi  par  Millier  :  il  suppose  que  dans 
le  courant  d'une  série  d'expériences  le  seuil  du  sens  du  lieu 
(c'est-à-dire  la  limite  de  la  dislance  de  2  points  à  peine  percep- 
tible) varie  d'une  expérience  à  l'autre  sous  l'influence  de  diffé- 
rentes causes  étrangères  (manque  d'attention,  fatigue,  exercice, 
etc.,  etc.)  ;  soit  S  la  valeur  moyenne  de  toutes  les  valeurs  que 
le  seuil  prend  dans  le  courant  d'une  série  d'expériences,  et 
désignons  par  o  les  écarts  des  seuils,  dans  les  expériences  iso- 
lées, de  la  valeur  moyenne  S;  c'est-à-dire  lorsque,  par  exemple, 
dans  la  première  expérience  la  valeur  du  seuil  est  Sj,  dans  la 
deuxième  S.,  etc.,  la  différence  S  —  S,  sera  l'écart  dans  la  pre- 
mière expérience,  S  —  Sj  l'écart  dans  la  deuxième,  etc.  ;  S  est 
une  désignation  générale  d'un  quelconque  de  ces  écarts.  SoitD 
la  distance  des  points  de  la  peau  qu'on  touche  ;  on  sentira 
deux  points  lorsque  cette  distance  D  sera  supérieure  à  la  valeur 
du  seuil  dans  cette  expérience  ;  si  on  fait  un  grand  nombre  de 
fois  l'expérience  avec  la  même  distance  D,  comme  le  seuil  varie 
d'une  expérience  à  l'autre,  le  nombre  de  cas  vrais  (c'est-à-dire 
où  le  sujet  percevra  deux  points)  sera  égal  au  nombre  d'expé- 
riences dans  lesquelles  D  a  été  supérieur  au  seuil  ;  il  faut  donc 
déterminer  le  nombre  d'expériences  dans  lesquelles  D  sera 
supérieur  au  seuil.  Puisque  dans  une  expérience  quelconque  le 
seuil  est  égal  à  S  ±:  ^  (il  peut  être  suit  supérieur,  soit  inférieur 
au  seuil  moyen  S)  ;  on  aura  une  réponse  vraie  (deux  points) 
toutes  les  fois  que  D  sera  supérieur  à  S  ±:  o.  Si  D  est  supérieur 
à  S,  il  sera  supérieur  à  S  ±  ô  d'abord  dans  toutes  les  expé- 
riences oîi  le  seuil  sera  inférieur  au  seuil  moyen,  ces  expé- 
riences correspondent  au  signe  inférieur  ;  et  de  plus  dans  toutes 
jes  expériences  oii  le  seuil  ne  dépassera  pas  le  seuil  moyen  de 


V.    UENRI.    —    SUR   LE   SE\S   DU   LIEU   DE   LA    PEAU  309 

plus  de  la  valeur  D  —  S  (en  effet,  si  o  est  supérieur  à  D  —  S, 
D  sera  inférieur  à  S  +  8).  Ici  il  faut  faire  une  hypothèse  sur  la 
manière  dont  o  varie  ;  Mûller  suppose  que  0  varie  d'après  la  loi 
des  erreurs  de  Gauss  ;  d'après  cette  loi,  la  probabilité  pour 
qu'une  erreur  (ou  un  écart)  soit  comprise  entre  0  et  0  +  do  est 
égale  à 

JLe-''''dl  (A) 

dans  cette  formule  h  est  une  constante  appelée  constante  de 
précision,  -  est  le  rapport  de  la  circonférence  au  diamètre 
=  3,141o,  e  est  la  base  des  logarithmes  naturels  =  2,7182,  en- 
fin dû  représente  une  fraction  très  faible  de  0  ;  la  formule  (A) 
montre  que  la  probabilité  est  la  même  pour  une  même  valeur 
de  0  lorsqu'elle  est  négative  ou  positive,  c'est-à-dire  le  nombre 
des  écarts  négatifs  sera  égal  au  nombre  des  écarts  positifs  ;  il 
en  résulte  donc  que  dans  la  moitié  des  expériences  l'écart  0  sera 
négatif,  c'est-à-dire  le  seuil  sera  inférieur  au  seuil  moyen  S  ; 
dans  cette  moitié  des  expériences  D  sera  supérieur  au  seuil  et 
on  aura  des  cas  vrais  ;  mais  on  aura  aussi  des  cas  vrais  lorsque 
l'écart  6  étant  positif  ne  dépassera  pas  la  différence  D  —  S  ; 
quel  est  le  nombre  de  ces  cas  ?  La  probabilité  pour  qu'un  écart 
soit  compris  entre  0  et  0  -1-  rfS  est  égale,  par  hypothèse,  à  A, 
donc  le  nombre  probable  d'expériences  dans  lesquelles  l'écart 
sera  compris  entre  5  et  0  +  dô  sera  n.  A  où  n  est  le  nombre 
total  d'expériences  faites  avec  la  distance  D.  Pour  avoir  le 
nombre  probable  d'expériences  dans  lesquelles  l'écart  sera 
compris  entre  0  et  D  —  S,  il  faudra  partager  l'intervalle  de  0  à 
D  —  S  en  un  grand  nombre  d'intervalles  pareils  à  l'intervalle  8, 
0  H-  dû,  puis  déterminer  pour  chacun  de  ces  intervalles  le 
nombre  d'expériences  correspondant  et  enfin  faire  la  somme 
de  ces  différents  nombres  d'expériences,  cette  somme  sera 
égale  à  : 

71.  [somme  de  A  pour  0  variant  de  0  à  D  —  S] (B.) 

La  quantité  entre  parenthèses  est  appelée  l'intégrale  définie 
de  A  entre  les  limites  0  et  D  -   S. 

Par  conséquent,  le  nombre  de  cas  vrais,  c'est-à-dire  le  nombre 
d'expériences  où  le  seuil  ne  dépassera  pas  le  seuil  moyen  S  de 
plus  de  la  valeur  D  —  S  est  égal  à  : 

r  =  —  -+-  n.  [somme  de  A  pour  6  variant  de  0  à  D  —  S]. 

et  par  conséquent  le  rapport  des  cas  vrais  au  nombre  total 

d'expériences  sera  égal  à  : 
>•  1 

TT  —  ~r  +  [somme  de  A  pour  ô  variant  de  0  à  I)  —  S]...  (G.) 


310  REVUES    GÉNÉRALES 

Millier  pose  pour  faciliter  les  calculs  : 

h  {D  —  S)  =  ^,  c'est-à-dire  <  n=  A  D  —  hS,  nous  rappelons 
que  h  est  une  certaine  constante,  le  produit  AS  est  désigné  par 
une  lettre  K,  nous  avons  donc  en  définitive  ^  =  A  D  —  K. 

On  peut  calculer  par  la  formule  (C)  les  valeurs  de  —  qui 
correspondent  aux  différentes  valeurs  de  t,  on  a  ainsi  une  table 
qui  permet  de  trouver  pour  toute  valeur  de  /  la  valeur  de  — 
correspondante  et  inversement. 

Nous  ne  pouvons  pas  entrer  dans  les  détails  relativement  à 
la  formule  de  Fechner,  celle  de  Mûller  nous  a  déjà  retenu 
bien  longuement  ;  Fechner  est  arrivé  à  sa  formule  par  tâtonne- 
ment, il  a  essayé  un  certain  nombre  de  formules,  les  a  véri- 
fiées sur  les  expériences  de  Vierordt  avec  ses  élèves  et  de 
Camerer,  les  a  remaniées  et  est  arrivé  à  la  fin  à  une  formule 
presque  identique  à  celle  de  Mûller,  sauf  la  seule  différence 
qu'il  pose  t  —  h  D  -\-  K. 

Ceci  étant,  revenons  à  notre  problème  initial.  On  a  déterminé 
le  nombre  de  cas  vrais  pour  le  front  et  pour  la  lèvre  corres- 
pondants à  deux  valeurs  de  D  pour  chacune  des  parties.  La 
table  de  la  formule  (G)  que  l'on  trouve  chez  Fechner  (96  p.  206) 
donne  les  valeurs  correspondantes  de  A  D  -i-  K  ou  de  /,  ce  qui 
est  la  même  chose  ;  soient  ti  et  t^  ces  valeurs  pour  le  front,  on 
a  /,  =  A  D,  -i-  K. 

/j  =  A  Dj  -t-  K  où  D,  et  D,  sont  les  deux  distances  avec  les- 
quelles on  a  expérimenté,  elles  sont  6""", 8  et  il"'"\2  dans  le 
cas  présent. 

Des  deux  formules  précédentes  on  déduit  en  retranchant  : 
/.,  —  ti  =  h  (0-2  —  D,)  et  par  conséquent  A  ■=  -J^  _  p  ;  en  subs- 
tituant dans  l'une  des  formules  cette  valeur  de  A  on  a  pour 
déterminer  K  la  formule  :  K  =  ;,  —  A  D,.  Il  suffira  donc  de 
faire  les  expériences  avec  deux  distances  seulement  pour  déter- 
miner les  constantes  A  et  K  ;  ceci  étant,  on  pourra,  pour  toute 
valeur  de  D  que  l'on  veut,  calculer  le  nombre  de  cas  vrais  qu'on 
devrait  obtenir  et  inversement  pour  un  nombre  de  cas  vrais, 
donné,  calculer  la  distance  D  correspondante.  En  effet,  si  on 
veut  calculer  combien  de  cas  vrais  on  obtiendra  pour  une  dis- 
tance a,  on  a  ^  —  h  a  -\-  K,  or  A  et  K  sont  connus  ;  par  consé- 
quent, on  calculera  t.  dans  la  table  on  cherchera  la  valeur  de  r 
correspondante,  elle  indiquera  le  nombre  de  cas  vrais. 

Faisons  le  calcul  dans  le  cas  présent  ;  nous  avons  : 
D,  =  6,8;  D,  =  11,2; 
r,  -  22  ;  r,  =  88,6. 


V.    HENRI.    —   SUR   LE    SENS   DU   LIEU   DE   LA   PEAU  3H 

La  table  donne  les  valeurs  correspondantes  de  /,  qui  sont  : 
f,  =  0,608:  h  =  1,343; 
par  conséquent  h  =  ^^Z i)'  =^  0,17, 
Donc  on  a  K  =  /,  —  h.  D,  =  —  0,oo. 

Cherchons  combien  on  doit  obtenir  de  cas  vrais  lorsqu'on 
touche  le  front  avec  deux  points  à  une  distance  de  9  milli- 
mètres ;  nous  avons  : 

t=h.  a-^K=  0,17  X  9  —  0,55  =  0,98  ; 
dans  la  table  nous  trouvons  qu'à  cette  valeur  de  t  correspond 
une  valeur  de  r  égale  à  67  p.  100,  donc  on  devrait  obtenir  avec 
la  distance  9  millimètres  67  p.  100  de  cas  vrais  ;  nous  avons 
vu  que  l'expérience  a  donné  seulement  57,  4  p.  100,  il  y  a  une 
divergence,  mais  elle  tient  à  ce  que  les  expériences  de  Riecker 
que  nous  avons  prises  pour  exemple  n'ont  pas  été  faites  avec 
toutes  les  précautions  nécessaires;  si  on  fait  les  calculs  en 
prenant  pour  exemple  les  expériences  de  Gamerer  on  est  étonné 
de  la  parfaite  concordance  entre  la  formule  et  les  résultats 
expérimentaux. 

Si  nous  appelons  ^,  et  K,  les  constantes  pour  la  lèvre  supé- 
rieure déterminées  de  la  même  façon  que  pour  le  front,  nous 
pourrons  calculer  quelle  est  la  distance  b  sur  la  lèvre  équivalente 
à  la  distance  a  sur  le  front;  en  effet,  les  nombres  de  cas  vrais 
correspondant  à  a  et  à  b  doivent  être  égaux,  donc  les  valeurs 
de  ï  =  /i  a  -h  K  et  ^  =  A,  6  -+-  K,  seront  égales  ;  on  aura  donc 
en  égalant  :  /«  a  H-  K  =  Aj  &  -i-  K,,  et  il  est  facile  d'en  déduire 

le  rapport  ~  =  j^ h  - — ^~^  '  •  ...  (  D).  Cette  formule  montre  que 

le  rapport  des  sensibilités  n'est  pas  une  valeur  constante,  il 
varie  avec  la  distance  choisie  pour  comparer  les  deux  parties 
de  la  peau  ;  c'est  ce  que  Vierordt  avait  trouvé  par  expérience. 

La  formule  de  Fechner  et  celle  de  Mûller  aussi  montrent  que 
le  sens  du  lieu  sur  une  jmrtie  de  la  peau  dépend  de  deux  cons- 
tantei<  h  et  K  ;  ces  constantes  caractérisent  la  sensibilité  de  la 
partie  de  la  peau  et  pour  les  déterminer  il  suffit  d'étudier, 
comment  se  comportent  les  réponses  pour  deux  distances  seu- 
lement. 

On  voit  que,  dans  cette  détermination  de  la  sensibilité  d'une 
partie  de  la  peau,  il  n'est  plus  question  ni  de  seuil,  ni  de  limite 
à  partir  de  laquelle  on  commence  à  sentir  deux  points,  la  sen- 
sibilité est  déterminée  lorsqu'on  a  calculé  les  deux  constantes 
h  et  K.  Il  est  vrai  que  Millier  ne  se  contente  pas  de  cette  déter- 
mination,  il  va  plus  loin  et  affirme  que  le  rapport  ~j-  est  égal 
au  seuil  moyen  S;  mais  la  possibilité  d'une  pareille  conclusion 


312  REVUES    GÉNÉRALES 

est  bien  douteuse  ;  tant  qu'il  s'agit  de  formules  d'inlerpollatiou 
qui  servent  à  traduire  les  résultats  expérimentaux  et  à  dispenser 
d'une  perte  de  temps  inutile,  comme  dans  la  formule  de 
Fechner,  on  ne  peut  rien  opposer  du  tout  ;  tandis  que  contre  des 
raisonnements  théoriques  comme  celui  de  Mûller  on  peut 
émettre  bien  des  doutes  si  toutes  les  suppositions  sur  la  varia- 
tion du  seuil  pendant  une  série  d'expériences  sont  bien  exactes. 

Nous  nous  sommes  arrêtés  aussi  longuement  sur  le  dévelop- 
pement de  cette  formule  parce  que  nous  ne  connaissons  aucun 
traité  de  psychologie  où  ces  points  soient  exposes  en  détail  sans 
l'emploi  de  formules  mathématiques  compliquées  qui  effrayent 
bien  des  lecteurs  peu  familiers  avec  les  mathématiques  ;  pour 
plus  de  détails  relativement  aux  probabilités  nous  renvoyons  à 
notre  étude  sur  le  calcul  des  probabilités  en  psychologie.  Nous 
mettons  à  la  fin  de  cette  revue  sur  le  sens  du  lieu  un  extrait  de 
la  table  de  Fechner  qui  indique  les  valeurs  de  t  correspondant 
aux  différentes  valeurs  de  r. 

Yne  difficulté  s'est  présentée  dans  l'application  pratique  de 
celte  méthode  des  cas  vrais  et  faux  :  si  on  fait  un  grand  nombre 
d'expériences  toujours  avec  une  même  distance,  on  peut  craindre 
que  le  sujet  à  la  fin  s'en  apercevra,  il  prêtera  moins  son  atten- 
tion et  les  résultats  seront  troublés;  pour  se  convaincre  que  le 
sujet  prête  bien  son  attention  à  toutes  les  expériences,  pour  le 
contrôler,  Vierordt  a  proposé  d'intercaler  dans  les  expériences 
faites  avec  une  certaine  distance  des  expériences  où  on  ne  tou- 
cherait qu'avec  une  seule  pointe;  c'est  ce  que  l'on  appelle  des 
«  Vexirversuche  y. 

Camerer  (94)  et  puis  Fechner  (96)  ont  discuté  cette  méthode 
et  ils  sont  arrivés  au  résultat  que  l'intercalation  de  pareilles 
«  expériences  de  contrôle  »  modifie  les  résultats,  puisqu'il  y  a 
.un  effet  de  contraste  entre  le  contact  avec  une  pointe  et  les 
contacts  avec  deux  pointes  ;  il  faut  donc,  d'après  ces  auteurs, 
faire  des  séries  d'expériences  avec  une  même  distance  sans 
intercaler  d'expériences  de  contrôle. 

Enfin  une  question  encore  a  préoccupé  les  psychophysiciens  : 
que  doit  savoir  le  sujet  des  expériences  qu'on  fait  sur  lui  ?  Ne 
doit-il  savoir  rien  du  tout  {umcissentliches  Yerfahren),  ou  bien 
doit-il  savoir  la  méthode  générale  suivie  sans  savoir  la  distance 
employée  [halbivissentliches  T.),  ou  enfin  doit-il  tout  savoir? 
Camerer  a  fait  des  expériences  comparatives  avec  ces  trois 
procédés  et  il  conclut  que  les  meilleurs  résultats  sont  obtenus 
lorsque  le  sujet  sait  tout. 


V.    UENRI.    —   SUR   LE   SENS   DU   LIEU   DE    LA   PEAU  313 

Il  nous  reste  enfin  une  quatrième  méthode  qui  a  été  em- 
ployée par  quelques  auteurs  pour  comparer  entre  elles  les 
finesses  du  sens  du  lieu  de  deux  parties  de  la  peau,  c'est  la 
méthode  des  équivalents.  Quelques  indications  approximatives 
sur  cette  méthode  se  trouvent  chez. 1. -11'.  Volkmann  (lO)et  chez 
Weber  (1),  mais  elle  a  été  employée  pour  la  première  fois  par 
Fechner^  et  Camerer.  Voici  son  principe  :  on  veut  comparer 
la  sensibilité  de  deux  parties  de  la  peau,  du  front  et  de  la  lèvre 
par  exemple,  on  touche  l'une  d'elles  avec  deux  pointes  dont  la 
distance  est  supérieure  au  seuil,  qui  sont  par  conséquent  per- 
çues comme  deux  points;  supposons  qu'on  touche  la  lèvre  avec 
une  distance  de  o  millimètres;  ceci  étant,  on  touche  le  front 
avec  deux  pointes  et  on  cherche  une  distance  qui  produirait 
une  sensation  de  deux  points  dont  la  distance  semblerait  être 
égale  à  la  distance  des  points  sur  la  lèvre,  soit  8™, 3  la  distance 
correspondante  ;  on  dira  que  les  distances  équivalentes  sur  la 
lèvre  et  sur  le  front  sont  5  et  8,3  et  le  rapport  des  sensibilités 
sera  par  définition  égal  à  -4-  . 

Cette  méthode  a  été  rarement  appliquée;  elle  a  donné  des 
résultats  intéressants  : 

1°  Le  rapport  des  distances  équivalentes  varie  avec  la  gran- 
deur des  distances  choisies  ;  ainsi  à  la  distance  5  millimètres 
sur  la  lèvre  correspond  une  distance  8,3  -sur  le  front,  à  une 
distance  de  10  millimètres  sur  la  lèvre  ne  correspondra  pas  une 
distance  de  16""", 6  sur  le  front,  mais  une  distance  moindre,  de 
13'"", o.  A  mesure  que  les  distances  augmentent,  le  rapport  se 
rapproche  de  l'unité. 

2"  Lorsqu'on  prend  trois  parties  de  la  peau  :  le  front,  la 
lèvre  et  le  dos  de  la  main,  on  choisit  une  distance  sur  la  lèvre, 
de  o  millimètres  par  exemple,  on  cherche  les  distances  équiva- 
lentes sur  le  front  et  sur  la  main  :  soient  F  et  M  ces  distances; 
si  ensuite  on  touche  la  main  a^ec  une  distance  M  et  le  front 
avec  une  distance  F,  ces  deux  dislances  ne  sembleront  pas  être 
égales  entre  elles,  ceci  semble  paradoxal;  on  a  en  effet  deux 
distances  F  et  M  qui  semblent  être  égales  à  une  troisième  L, 
mais  qui  ne  semblent  pas  être  égales  entre  elles. 

Cette  question  devrait  être  étudiée  de  nouveau  ;  Camerer  l'a 
signalée,  a  donné  quelques  chiffres,  mais  il  n'a  pas  pu  en 
donner  l'explication  ;  nous  croyons  qu'il  faudrait  reprendre  la 
question  en  prenant  l'observation  interne  du  sujet;  il  devrait 

(1)  Fechner.  /\//rA„////y.s;/,-,  t.  11.  18G0. 


314  REVUES    GÉNÉRALES 

dire  comment  il  compare  entre  elles  les  distances  des  points; 
ce  n'est  qu'en  recueillant  ces  observations  qu'on  pourra  espérer 
d'avoir  une  explication  exacte  de  ce  phénomène  curieux. 

Nous  avons  terminé  l'exposition  des  méthodes  employées 
dans  la  détermination  de  la  finesse  du  sens  du  lieu  de  la  peau. 
On  se  demandera  quelle  est  donc  la  méthode  qu'il  faut  employer 
dans  la  détermination  de  la  finesse  du  sens  du  lieu?  Ceci  dépend 
du  problème  qu'on  se  pose  :  si  on  veut  déterminer  approxima- 
tivement chez  une  personne  la  limite  à  partir  de  laquelle  elle 
perçoit  deux  points,  on  emploiera  la  méthode  des  variations 
minima  en  contrôlant  ensuite  les  résultats  trouvés  par  la 
méthode  irrégulière  ;  si  au  contraire  on  s'attache  à  avoir  des 
comparaisons  aussi  précises  que  possible  entre  les  sensibilités 
de  deux  parties  de  la  peau,  on  se  servira  de  la  méthode  des  cas 
vrais  et  faux,  mais  dans  ce  cas  il  faut  se  rappeler  qu'on  n'aura 
pas  à  parler  du  seuil  (ou  limite),  on  déterminera  pour  chaque 
partie  de  la  peau  les  constantes  h  et  k  qui  caractérisent  la  sen- 
sibilité de  cette  portion  comme  nous  l'avons  indiqué  plus  haut. 

Résultats  obtenus.  —  Le  premier  résultat,  que  nous  avons 
déjà  signalé  plus  haut,  est  que  la  distance  minimum  de  deux 
points  qui  sont  encore  sentis  comme  deux  points  est  différente 
sur  les  différentes  2^arties  de  la  peau;  elle  est  la  plus  faible  sur 
la  pointe  de  la  langue  (  =  1  millimètre)  sur  les  lèvres  (4,3  milli- 
mètres) et  sur  les  bouts  des  doigts,  elle  est  la  plus  grande 
sur  le  dos,  sur  la  cuisse  et  sur  le  bras.  Nous  donnons  ci-après 
une  table  qui  contient  les  résultats  obtenus  par  dilTérents 
auteurs. 

Pointe  de  la  langue l,t  mm. 

Face  palmaire  de  la  troisième  phalange  des  doigts.  2,2  — 

Bord  rouge  des  lèvres 4,5  — 

Face  palmaire  de  la  deuxième  phalange  ....  4,5  — 

Face  dorsale  de  la  troisième  phalange 0,7  — 

Bout  du  nez 0,7  — 

Face  palmaire  de  la  lêle  des  métacarpiens  ...  0,7  — 
Ligne  médiane  du  dos  et  des  bords  de  la  langue 

à  2  mm.  de  la  pointe 9,0  — 

Bord  cutané  des  lèvres 9,0  — 

Métacarpe  du  pouce 9,0  — 

Face  plantaire  de  la  deuxième  phalange  du  gros 

orteil 11,2  — 

Dos  de  la  deuxième  phalange  des  doigts  .    ...  11,2  — 

Joue 11,2  - 


V.    HENRI.    —   SUR   LE   SENS   DU   LIEU   DE   LA    PEAU  315 


mm. 


Paupières 11,2 

Voûte  palatine 13,5  — 

Partie  antérieure  de  l'os  malaire lo,7  — 

Face  plantaire  du  métatarsien  du  pouce  ....  15,7  — 

Face  dorsale  de  la  première  phalange 15,7  — 

Face  dorsale  de  la  tête  du  métacarpe 18,0  — 

Face  interne  des  lèvres 20,3  — 

Partie  postérieure  de  l'os  malaire 22,5  — 

Partie  inférieure  du  front 22,5  — 

Partie  postérieure  du  talon 22,5  — 

Partie  inférieure  de  l'occipital 27,0  — 

Dos  de  la  main 31,5  — 

Cou  sous  le  menton 33,7  — 

Vertex 33,7  — 

Genou 36,0  — 

Sacrum 40,5  — 

Fesses 40,5  — 

Avant-bras 40,5  — 

Jambe 40,5  — 

Dos  du  pied 40,5  — 

Sternum 45,4  — 

Nuque 54,1  — 

Dos 54,1  — 

Cuisse  et  bras 67,6  — 

Nous  avons  emprunté  le  tableau  précédent  à  la  Physiologie 
de  M.  Beaunis  (t.  II,  p.  584). 

Les  mêmes  résultats,  sauf  quelques  divergences  numériques 
insignifiantes,  sont  représentés  dans  la  figure  72*,  qui  repré- 
sente la  sensibilité  de  tout  le  corps  (ligne  pleine)  et  puis  celle 
de  dilTérents  points  de  la  main  et  du  bras  (ligne  ponctuée). 

Un  deuxième  résultat,  signalé  aussi  par  Weber  et  étudié 
ensuite  par  beaucoup  d'auteurs,  est  que  sur  les  membres  du 
C07JJS  la  limite  de  la  distance  des  deux  points  est  inférieure 
dans  le  sens  transverse  au  membre  que  dans  le  sens  longitu- 
dinal. Cette  différence  se  remarque  surtout  sur  le  bras  et  moins 
sur  la  jambe. 

Un  troisième  résultat  qu'on  trouve  aussi  chez  "Weber  et  qui 
depuis  a  été  souvent  vérifié  est  que  lorsqu'on  touche  deux 
points  d'une })artie  de  la  peau  la  distance  de  ces  points  semblera 
être  d'autant  plus  faible  que  la  finesse  du  sens  du  lieu  de  cette 
portion  de  la  peau  sera  faible  ;  pour  l'illustrer,  Weber  a  fait 

(1)  Celte  figure  est  prise  de  la  pliysi()l(jgie  de  Vicrordt,  5*  éd.,  1877,  p.  344. 


316 


REVUES    GÉNÉRALES 


une  expérience  très  élégante  que  chacun  peut  facilement  véri- 
fier sur  soi-même  : 

On  prend  un  compas,  on  l'ouvre  de  façon  que  les  pointes 
soient  distantes  d'environ  15  millimètres  l'une  de  l'autre,  et  on 
les  déplace  sur  la  main  à  partir  des  bouts  des  doigts  jusqu'au 
coude,  de  façon  que  les  pointes  du  compas  décrivent  les  deux 
droites  parallèles  AC,   BD  ;  il  semblera,  d'après  la  sensation. 


Fk 


que  les  pointes  ne  vont  nullement  parallèlement,  mais  décri- 
vent deux  lignes  convergentes  qui,  sur  l'avant-bras,  se  confon- 
dent, comme  cela  est  représenté  sur  la  figure  73,  par  les  traits 
pleins  xVBE. 

Une  expérience  analogue  peut  être  répétée  sur  la  tète  :  on 
déplace  deux  pointes  d'une  joue  à  l'autre  en  passant  par  les 
lèvres,  elles  sembleront,  d'après  la  sensation,  décrire  les  deux 
arcs  de  courbe  abc  et  adc  ((ig.  74). 

C'est  sur  ce  résultat  que  la  méthode  des  équivalents  a  été 
basée  ;  dans  cette  méthode,  on  doit  chercher  pour  deux  parties 
de  la  peau  les  distances  qui  sembleront  être  égales  entre  elles. 
Les  expériences  les  plus  nombreuses  par  cette  méthode  ont  été 
faites  par  Camerer  (95),  il  a  comparé  entre  elles  différentes 
parties  de  la  peau,  et  puis,  dans  une  même  portion,  il  a  com- 
paré  la   perception  des   distances   dans  des  directions  diffé- 


V.    HENRI.    —    SUR    LE    SENS   DU   LIEU    DE   LA    PEAU  317 

reiltes.  Donnons,  pour  illustrer,  quelques  exemples  :  on  a  à 
comparer  le  fronl  à  la  lèvre,  on  touche  le  front  avec  deux 
pointes  à  une  distance  de  9  millimètres  par  exemple,  puis  on 
touche  la  lèvre  avec  deux  pointes  et  on  cherche  la  distance 
qui  donne  lieu  à  la  sensation  de  deux  points  également 
distants  entre  eux  que  les  points  sur  le  front  ;  la  distance 
trouvée  est  5™'", 4  :  le  rapport  de  la  sensibilité  du  front  à 
celle  de  la  lèvre  pour  une  distance  de  9  millimètres  sera 
égal  à  j^  . 
Voici  quelques  résultats  que  nous  empruntons  à  Camerer  : 

Front 

pour  une  dist.de  9'"°^     =1,67;   p.  1  S'"™  =  1,36. 

—  — "        9"""     =1,02;    p.  18'"'"  =  0,97. 

—  —         1'""     =  1,050; 

—  —  2'"™,2  =  l,05o; 

—  —  3"i'",3  =  1,044; 

—  —  4">"',o  =  1,033; 

—  —  5°»"S6  =  1,029; 

—  —  6"'°S7  =  1,024; 

—  —        9'°'"     r=  l,0i7;p.  18™-"=  1,04D. 

—  —        9"ii^     =  1,138  ;  p.  18"!'"=  1,20. 

o.     u  ;°""'"   ,  ,.  —        —        9""«     =  l,o05:p.  18'"m  =  l,189. 

3*=  priai,  (lu  médius  ^         r  ^ 

dorsal 

Expliquons  par  un  exemple  ce  que  ces  chiffres  représentent  : 
prenons  le  rapport  ^"^  ^^  ^^  """"  ,  le  tableau  montre  que  si  on 
touche  le  dos  de  la  main  avec  deux  pointes  distantes  de  9  mil- 
limètres et  qu'on  touche  la  paume  de  la  main  avec  une 
distance  égale  à  j-^  millimètres,  il  semblera  que  les  deux  dis- 
tances sont  égales  ;  si  on  touche  le  dos  de  la  main  avec  une 
distance  de  18  millimètres,  il  faudra  toucher  la  paume  avec 
une  distance  de  ^û^  millimètres  pour  que  les  deux  distances 
paraissent  égales  entre  elles. 

Les  chiffres  précédents  montrent  que  le  rapport  d'équivalence 
pour  deux  parties  de  la  peau  varie  avec  la  distance  des  points 
qu'on  choisit  ;  en  général,  il  se  rapproche  de  l'unité,  c'est-à- 
dire  qu'à  mesure  que  les  distances  augmentent,  les  différentes 


Lèvre 

Front 

Doï 

de  la  main 

Lèvre 

T-  phal.  l'ace  dorsale 

id. 

id. 

id. 

id. 

id. 

Dos 

de  la  main 

Paume 

Dos 

de  la  main 

3«  pha 

1.  face  dorsale 

Paume 

:-iiK  , 


REVUES    GENERALES 


AB 


parties  de  la  peau  tendent  à  percevoir  avec  la  même  précision 
les  distances  des  points. 

Un  autre  résultat  trouvé  par  Camerer  et  que  nous  avons  déjà 
signalé  est  que  si,  pour  trois  parties  de  la  peau  A,  B  et  G  on 
détermine  pour  une  distance  prise  sur  B  celles  qui  lui  sont 
équivalentes  sur  A  et  sur  G,  si  ensuite  on  compare  entre  elles 
ces  dernières  distances  sur  A  et  sur  G,  elles  ne  paraîtront  pas 
être  égales  entre  elles.  Ainsi,  l'expérience  montre  qu'une  dis- 
tance sur  le  dos  de  la  main  de  9  millimètres 
paraît  égale  à  une  distance  de  8""°, 8  sur  la 
paume  et  à  une  distance  de  7'"™, 8  sur  la  troi- 
sième phalange  du  médius  face  dorsale  ;  si  on 
compare  entre  elles  la  distance  de  8'"™, 8  sur  la 
paume  et  de  7"'"\8  sur  la  troisième  phalange, 
il  semblera  que  cette  dernière  est  plus  grande 
que  la  distance  de  8"^™, 8  sur  la  paume,  et  si  on 
cherche  les  distances  équivalentes,  on  trouve 
qu'à  une  distance  de  8-"'",8  sur  la  paume  corres- 
pond une  distance  de  6  millimètres  sur  la  troi- 
sième phalange. 

Nous  signalons  encore  un  résultat  qu'on  trouve 
aussi  chez  Weber,   c'est  que  si  on  déplace  un 

peu  les  deux  pointes  avec 
UJ  I    lesquelles    on    touche    la 
'     peau  on  perçoit  plus  clai- 
rement  deux  points    que 
dans  le  cas  oie  les  pointes 
Fig.  13,  74.  sont  immobiles. 

On  n'a  pas  fait  de  dé- 
terminations quantitatives  sur  les  différences  de  limites 
lorsque  les  pointes  sont  immobiles  ou  lorsqu'elles  sont  dépla- 
cées. Mais  il  a  été  fait  un  travail,  celui  de  A.  Stem  (87),  où 
l'auteur  a  employé  une  nouvelle  méthode  pour  mesurer  la 
finesse  du  sens  du  lieu  :  il  trace  sur  la  pulpe  de  l'index  avec 
les  deux  pointes  deux  traits  parallèles,  le  sujet  doit  dire  s'il 
pcn^^oit  un  trait  ou  deux  traits.  L'auteur  n'a  pas  remarqué  lui- 
même  que  c'était  une  méthode  nouvelle  différente  de  celle  de 
Weber,  et  il  ne  s'arrête  pas  sur  la  comparaison  des  résultais 
obtenus  par  cette  méthode  avec  ceux  obtenus  par  la  méthode 
de  Weber;  mais  les  nombres  qu'il  donne  indiquent  qu'en  géné- 
i-al  la  distance  limite  des  traits  est  inférieure  à  la  distance 
limite  des  deux  points.  Ce  serait,  peut-être,  une  bonne  méthode 


.«frx' 


CED 


V.  HENRI.  —  SUR  LE  SENS  DU  LIEU  DE  LA  PEAU      310 

pour  l'élude  comparative  du  sens  du  lieu,  il  faudrait  la  com- 
parer aux  autres  méthodes  connues. 

Nous  arrivons  maintenant  à  un  résultat  très  important 
trouvé  par  Vierordt  (47  et  48)  et  qui  porte  le  nom  de  loi  de 
yierordt  :  la  finesse  du  sens  du  lieu  d'une  jjfo'tie  de  la  peau 
est  d'autant  plus  développée  que  cette  partie  est  plus  mobile. 

Pour  s'en  convaincre ,  nous  renvoyons  à  la  figure  72,  qui 
représente  graphiquement  les  sensibilités  des  difîérentes  par- 
ties de  la  peau  ;  si  on  prend,  par  exemple,  le  bras  et  la  main, 
on  voit  que  la  ligne  pointillée  monte  continuellement  à  partir 
de  l'extrémité  des  doigts  jusqu'à  l'épaule;  la  même  chose  a  lieu 
encore  pour  la  jambe  et  la  tête  ;  plus  un  membre  est  mobile, 
plus  le  sens  du  lieu  sur  ce  membre  est  développé.  Cette  loi  a 
été  vérifiée  pour  toutes  les  parties  du  corps  par  les  nombreux 
élèves  de  Vierordt.  Mais,  de  plus,  on  a  fait  aussi  une  contre- 
épreuve  de  la  loi,  on  a  étudié  si  l'immobilisation  très  prolongée 
d'un  membre  entraînait  avec  elle  une  modification  du  sens  du 
lieu  de  la  partie  immobilisée  ;  telles  sont  les  expériences  de 
E.  Schimpf  (119)  sur  un  individu  qui,  ayant  une  ankylose  du 
genou,  a,  pendant  vingt  ans,  la  jambe  gauche  immobile  dans 
le  genou,  le  sens  du  lieu  sur  la  jambe  gauche  dans  la  région 
du  genou  est  moins  développé  que  le  sens  du  lieu  des  mêmes 
régions  sur  la  jambe  droite;  telles  sont  encore  les  expériences 
de  Krohn  (101  j  faites  sur  un  professeur  de  gymnastique  qui, 
ayant  eu  l'avant-bras  gauche  fracturé,  a  eu  l'avant-bras  com- 
plètement immobilisé  dans  un  appareil  plâtré  ;  après  trois 
mois  d'immobilisation,  Krohn  étudie  le  sens  du  lieu  et  le 
trouve  bien  moins  développé  sur  l'avant-bras  gauche  que  sur 
l'avant-bras  droit,  les  différences  sont  très  considérables  ;  en 
effet,  les  distances  minima  sont  pour  l'avant-bras  gauche 
53  millimètres,  pour  le  droit  "20  millimètres;  pour  une  autre 
partie  du  bras  gauche  7o  millimètres,  droit  17  millimètres. 

Différences  individuelles.  —  Valent iti  (7)  en  1840  ayant 
refait  les  expériences  de  Weber  sur  6  personnes  a  trouvé  qu'il 
y  avait  des  différences  individuelles  très  considérables,  mais 
•que  chez  chaque  individu  le  rapport  du  sens  du  lieu  de  diffé- 
rentes parties  de  la  peau  était  le  même  ;  depuis  on  a  très  peu 
étudié  les  différences  individuelles  dans  le  sens  du  lieu,  ce 
n'est  que  dans  ces  dernières  années  que  Lombroso  120)  avec 
ses  élèves  a  étudié  le  sens  du  lieu  chez  les  femmes  et  les  crimi- 
nels, puis  Gallon  (100)  a  fait  une  élude  comparative  sur  les 


320  REVUES    GÉNÉRALES 

hommes  et  les  femmes,  Dehn  (70)  a  étudié  le  sens  du  lieu  chez 
les  hommes  et  les  femmes  de  différentes  classes,  enfin  A.  Stem 
(87)  a  étudié  le  sens  du  lieu  chez  les  hommes  et  les  femmes, 
de  même  que  sur  les  enfants,  les  aveugles  et  les  typographes  ; 
des  résultats  de  ces  dernières  recherches  nous  parlerons  plus 

loin. 

Les  auteurs  qui  ont  étudié  la  sensibilité  comparative  des 
hommes  et  des  femmes  ne  s'accordent  pas  entre  eux,  les  uns 
[Lomhroso)  affirment  que  les  femmes  ont  une  sensibilité  moins 
développée  que  celle  de  l'homme  et  construisent  des  hypo- 
thèses d'après  lesquelles  cela  doit  être  ainsi  ;  d'autres  {Gallon) 
trouvent  au  contraire  que  les  femmes  sont  plus  sensibles  que 
les  hommes  ;  le  rapport  de  sensibilité  de  la  nuque  est  environ 
égal  à  7  :  8  (sensibilité  des  hommes  :  celle  des  femmes),  mais 
qu'en  revanche  les  résultats  trouvés  chez  les  hommes  sont  plus 
réguliers  que  ceux  obtenus  chez  les  femmes  ;  enfin  les  deux 
auteurs  Dehn  et  A.  Stem  ne  trouvent  pas  de  différence  mar- 
quée. 

Chez  les  criminels  Lombroso  et  Ottolenghi  (121 1  ont  trouvé 
une  diminution  assez  considérable  de  la  sensibilité.  Enfin  Delin 
et  aussi  A.  Stem  ont  trouvé  que  les  personnes  instruites  ont 
le  sens  du  lieu  plus  développé  que  les  personnes  non  instruites. 

Tels  sont  les  résultats  obtenus  jusqu'ici.  On  est  porté  à  se 
demander  à  quoi  on  doit  attribuer  ces  différences  individuelles  ; 
la  question  est  plus  compliquée  qu'elle  ne  le  paraît  à  première 
vue:  nous  avons  montré  plus  haut  que  le  passage  de  la  per- 
ception de  un  point  à  celle  de  deux  points  n'était  pas  brusque, 
il  se  fait  petit  à  petit  par  stades  successifs  ;  quel  est  celui  de 
ces  stades  intermédiaires  que  le  sujet  appellera  «  deux  points  »  ? 
Est-ce  la  sensation  où  le  sujet  ne  sentira  plus  clairement  un 
point  et  où  il  pourrait  peut-être  se  douter  de  la  présence  de 
deux  points  sans  encore  pouvoir  les  séparer  l'un  de  l'autre  ?  Ou 
bien  est-ce   le   moment  où   il  sentira  nettement  deux  points 
séparés  l'un  de  l'autre,  ou  enfin  un  autre  stade  intermédiaire? 
L'expérimentateur  ne    demande  au    sujet  ordinairement  que 
l'une  des  deux  réponses  :  «  un  point  »  ou  «  deux  points  »  ;  on 
voit  donc  qu'une  différence  dans  les  habitudes  de  deux  sujets 
peut  amener  avec  elle  une  différence  apparente  de  la  sensibilité 
quoique  peut-être  elle  soit  absolument  identique  chez  les  deux 
et  qu'ils  diffèrent   entre   eux   seulement  par    la  signification 
qu'ils  attribuent  aux  réponses  «  un  point  »  et  «  deux  points  »  ; 
il  peut  donc  arriver  que  la  différence  de  sensibilité  soit  due 


V.    HENRI.    —   SUR  LE    SENS   DU   LIEU   DE    LA   PEAU  3i2i 

crune  part  à  une  différence  de  la  structure  de  l'organe  et  de 
Tautre  à  une  différence  dans  des  fonctions  psychiques  supé- 
rieures qui  sont  dans  quelque  relation  avec  les  habitudes  géné- 
rales des  individus,  Il  faudrait,  croyons-nous,  reprendre  ces  j 
recherches,  mais  on  ne  demanderait  pas  aux  personnes  si  ï 
elles  sentent  un  point  ou  deux  points,  on  les  prierait  de  décrire  .| 
complètement  ce  qu'elles  sentent,  ce  n'est  qu'après  de  pareilles  ■  | 
recherches  qu'on  pourrait  conclure  quelque  chose  sur  les  diffé-  l 
rences  individuelles  dans  le  sens  du  lieu.  | 

Influence  de  l'exercice  et  de  la  fatigue.  —  L'influence  de  ;; 

l'exercice  sur  le  sens  du  lieu  de  la  peau  a  été  signalée  et  aussi  -j 

étudiée  spécialement  par  plusieurs  auteurs  ;  déjà  chez  Czermak  \ 

(:20)    en    l8oo   nous   trouvons    quelques  remarques    sur  cette  \ 

influence  qu'il  a  écrites  à  propos  de  ses  expériences  avec  les  | 

aveugles,  dont  nous  parlerons  plus  loin  ;  mais  le  premier  qui 
ait  étudié  méthodiquement  l'influence  de  l'exercice  est  Volk-  , 

mann  (12;  qui  en  I808  avait  fait  des  expériences  avec  Fechner ;  ' 

ensuite  nous  trouvons  quelques  remarques  sur  l'influence  de 
l'exercice  chez  Vierordt  et  ses  élèves  ;  Camerer  (95)  rapporte 
avec  plus  de  détails  les  résultats  sur  l'influence  de  l'exercice 
qu'il  a  obtenus  dans  le  courant  de  ses  recherches  ;  Klinkenbery 
a  étudié  l'influence  de  l'exercice  sur  plusieurs  parties  de  la 
peau,  enfin  une  étude  approfondie  de  cette  question  a  été 
refaite  par  Dresslar  (99)  en  1894. 

Voici  comment  Volkmann  et  Fechner  ont  procédé  :  ils  ont 
choisi  6  régions  de  la  peau  :  1  "  la  3"  phalange  de  l'index,  face 
palmaire,  et  2°  id,,  face  dorsale  ;  S""  milieu  de  la  main,  face  pal- 
maire et  4°  dorsale,  5*^  milieu  de  l'avant-bras,  face  interne  et 
6'  externe  ;  puis  ils  déterminent  par  la  méthode  des  variations 
minima  les  limites  des  distances  pour  les  six  parties  1,  2,  3, 
4,  5,  6  ;  puis  ils  déterminent  les  limites  pour  ces  mêmes  parties, 
mais  en  partant  dans  l'ordre  inverse  :  6,  o,  4,  3,  2,  1  ;  puis  de 
nouveau  dans  le  premier  ordre  1,  2,  3,  4,  u,  6  et  ainsi  de  suite  ; 
la  même  partie  de  la  peau  se  trouve  donc  étudiée  pendant  une 
séance  de  deux  heures  plusieurs  fois  ;  on  compare  entre  elles 
les  limites  trouvées  et  il  s'est  dégagé  de  ces  expériences  que  la 
limite  diminue  considérablement  avec  l'exercice,  elle  diminue 
d'abord  rapidement,  puis  lentement;  V irifluence  de  l'exercice 
est  bien  j)lus  considérable  sur  les  parties  moins  sensibles  de  la 
peau  que  sur  les  parties  plus  sensibles  ;  l'influence  de  l'exer- 
cice présente  des  variations   individuelles   considérables    et 

ANNÉE    PSYCHOLOGIQUE.    II.  21 


322 


REVUES    GENERALES 


enfin  V  influence  de  V  exercice  n'est  pas  durable;  après  quelques 
Jours  la  sensibilité  primitive  revient. 

Le  tableau  suivant  fait  ressortir  ces  résultats  ;  les  chifîres  de 
ce  tableau  sont  les  lignes  parisiennes  (=  2'"'", 25)  : 

INFLUENCE   DE   L'EXERCICE   (VOLKMANN,    18b6) 


3°  PHALANGE,    INDEX 

MAIN 

AVANT-BRAS 

SERIES 

'     ; 

■ ^ 

^- ^ • 

_^ 



facc-iialriii[iri' 

face  dorsale 

face  iJalinriii-c 

fafo  dorsale 

face  interne 

laeecxti'i  ne 

1 

1 

4 

8 

7,7 

14,1 

14,2 

II 

1 

3,2 

7,0 

8,2 

13,8 

11,2 

III 

1 

2,0 

5,9 

7,8 

13,3 

11,7 

IV 

0,8 

Mi 

3,6 

6,8 

13 

11,1 

V 

0,8 

1,8 

3,2 

3,7 

7 

5,5 

VI 

0,7 

1,0 

2,5 

3,2 

6,5 

5 

VII 

0,6 

1,0 

2,5 

3,1 

0 

4,8 

VIII 

0,6 

1,4 

2,1 

2,4 

5,6 

4,9 

IX 

0,6 

1,4 

2 

2,3 

6 

5,6 

X 

0,6 

1,4 

2,1 

2.5 

6,6 

5,3 

XI 

0,7 

1,4 

2 

2,3 

2 

5 

XII 

0,6 

1,5 

2 

2,4 

6 

4,8 

XIII 

0,6 

1,4 

9  0 

2,5 

6,2 

5 

Les  mêmes  résultats  ont  été  vérifiés  par  Volkmann  par  la 
méthode  des  cas  vrais  et  faux  ;  c'est  lui  qui  le  premier  appliqua 
la  méthode  des  cas  vrais  et  faux,  indiquée  par  Vierordt',  au 
sens  du  lieu  de  la  peau. 

Mais  l'influence  de  l'exercice  ne  se  borne  pas  à  une  aiiii- 
mentation  de  finesse  du  sens  du  lieu  dans  la  partie  de  la  peau 
exercée,  les  parties  symétriques  du  corps  deviennent  aussi  plus 
sensibles,  comme  Ta  montré  déjà  Volkmann  ;  si  on  exerce  difl'é- 
rentes  parties  de  la  main  gauche  et  qu'ensuite  on  étudie  le  sens 
du  lieu  sur  les  mêmes  parties  de  la  77iain  droite,  on  remarque 
une  diminution  considérable  de  la  limite  de  la  distance;  le 
tableau  suivant  montre  clairement  ce  fait  ;  on  a  d'abord  déter- 
miné les  limites  sur  dilTérentes  parties  de  la  main  gauche  et  de 
la  main  droite  (série  I),  puis  on  a  exercé  les  parties  de  la  main 
gauche  (séries  II,  IV,  IV)  enfin  on  a  de  nouveau  déterminé  les 
limites  pour  la  main  droite  (série  V);  on  remarque  que  les 
chiffres  de  la  série  V  sont  bien  inférieurs  à  ceux  de  la  série  I. 


(1)  Vierord's  Arciiiv.  UnlerachicdiiCinpftndlicltheil  un  Sc/iall;/cbivle,  ï8Qb. 


V.    IIEXRI. 


SUR   LE   SENS   DU   LIEU   DE   LA    PEAU 


3-2e 


Les  nombres    indiquent  de    nouveau  les  distances   en  lignes 

{=  2""", 25)  : 


SERIES 


I 

I! 
111 
IV 
V 


3'-    PHALANGE 


lu  ce 
palmaii-e 


0,7Li 
0,85 
0,65 
0,00 
0,io 
0.40 


face 
dorsale 


1,9 

2,15 

1.65 

1,2 

0,95 

i  ,05 


MAIN 


face 
[julmaire 


4,6 

4,8 

4,0 

2.85 

2,15 

2,05 


face 
dorsale 


5,4 

5,85 

4,35 

4,05 

3,1 

3,2 


AVANT-BRAS 


face 
itilernc 


14 

14,5 
11,5 

8,5 
7,25 

8.25 


face 
exleriic 


10,5 
11.5 

8 
6 
5 

7 


COTE 


gauche 
droit 
gauche 
gauche 
gauche 
"^droit 


Les  expériences  sur  l'influence  de  l'exercice  ont  été  vérifiées 
depuis  par  plusieurs  auteurs,  notamment  pav  Funke  (26j,  mais 
l'étude  la  plus  approfondie  qui  ait  été  faite  sur  ce  sujet  est  celle 
de  Dresslar  (99)  ;  il  a  fait  des  expériences  sur  deux  sujets,  les 
expériences  étaient  faites  tous  les  soirs  et  matins  pendant 
quatre  semaines,  la  partie  de  la  peau  choisie  était  l'avant-bras. 

L'influence  de  l'exercice  trouvée  par  cet  auteur  est  très  con- 
sidérable, on  a  en  efTet  le  tableau  suivant  : 


DATES 


Il  octobre 

Après     une     semaine 

d'exercice 

Après    deux    semaines 

d'exercice  

Après    trois    semaines 

d'exercice 

Après  quatre  semaines 

d'exercice 


1'=''   SUJET 


malin 


-")  •')  m  m 

18 
13 
5,0 


19,5 
12,5 

0 

4,1 


2*^   SUJET 


malin 


■;  (  I u , m 

21,5 
10 

5,5 

2,8 


•ij^mm 

10,0 

i0,5 

0,1 

2,3 


Les  chifl'res  du  tableau  précédent  suffisent  pour  montrer  l'in- 
fluence très  forte  de  l'exercice,  nous  n'avons  pas  besoin  d"y 
ajouter  quelque  commentaire. 

Dresslar  a  aussi  étudié  comment  se  comportait  le  sens  du 


324 


REVUES    GENERALES 


lieu  de  la  partie  symétrique  du  corps  et  aussi  d'autres  parties 
de  la  peau  ;  il  trouve  que  la  finesse  du  sens  dît  lieu  augmente 
considérablement  aussi  sur  la  partie  symétrique  de  la  partie  de 
la  peau  exercée,  mais  sur  les  autres  parties  de  la  peau  il  ne 
trouve  pas  de  modification  appréciable. 
Voici  en  effet  les  résultats  : 


DATE 


10  octobre 


Main  gauche  exercée  pen- 
dant un  mois. 

10  novembre 


l^''    SUJET 


sauchc  (Iroil 


-)  [min 


2'^   SUJET 


saiicliL'  (Iroil 


33" 


33" 


Enfin  il  était  intéressant  d'étudier  aussi  si  l'influence  de 
l'exercice  subsiste  longtemps,  et  comment  elle  se  perd  lorsque 
la  partie  de  la  peau  n'est  plus  exercée.  Cette  dernière  étude  a  été 
faite  par  Dresslar  par  la  méthode  des  cas  vrais  et  faux.  Voici  les 
résultats  pour  un  sujet  : 


DATE 

DISTANCES 

10  novembre 

JJnim 

11        —         

10 

19         —          

;> 

22         

10 

20         —          

i:; 

4  décembre 

20 

REPONSES 


i  poiiils 


1   |iniiit 


40 

10 

42 

8 

2o 

23 

3d 

lii 

32 

8 

32 

8 

Le  tableau  précédent  signifie  que  l'on  a  touché  la  peau  le 
iO  novembre  50  fois  avec  deux  pointes  distantes  de  5  milli- 
mètres, le  sujet  a  40  fois  dit  «  deux  points  »  et  10  fois  «  un 
point  ». 

Avant  de  discuter  les  résultats  obtenus  sur  l'influence  de 
l'exercice  nous  devons  signaler  encore  quelques  résultats  trouvés 
par  Camerer  (9o)  sur  l'influence  de  l'exercice  dans  l'étude  du 


V.    HENRI.    —   SUR   LE   SENS   DU   LTËU   DE   LA   PEAU  Sio 

sens  du  lieu  par  la  méthode  des  équivalents  ;  il  trouve  qu'après 
l'exercice  le  rapport  des  distances  équivalentes  de  deux  par- 
lies  de  la  peau  se  rapproche  de  l'unité.  Voici  quelques  chiffres  : 

A  une  distance  de  9  mm.  sur  le  front  correspond, 

9 
au  début,  une  distance  de  :  — —  mm.  sur  la  lèvre  supérieure. 

1 , 1  y 

après  exercice  :  — ^  mm. 

A  une  dislance  de  18  mm.  sur  le  front  correspond  sur  la  lèvre, 

au  début  :  -r—r  mm. 
1,32 

18 
après  exercice  :  — ^  mm. 

A  une  distance  de  9  mm.  sur  le  dos  de  la  main  corresp.,  sur  la  lèvre, 

9 
au  début  :  ■——  mm. 
1, /o 

9 
après  exercice  :  — — •  mm. 

A  une  distance  de  18  mm.  sur  le  dos  de  la  main  corresp.  sur  la  lècre, 

au  début  :  —y-  mm. 

1  j"!"^ 

18 
après  exercice  :  7—7-  mm. 
*  1,23 

Camerer  cherche  à  expliquer  ces  variations  en  admettant  que 
l'exercice  a  pour  résultat  de  développer  plus  le  sens  du  lieu 
de  la  partie  de  la  peau  moins  sensible  que  celui  de  la  partie 
plus  sensible,  c'est-à-dire  que  le  sens  du  lieu  du  front  dans  un 
cas  et  du  dos  de  la  main  dans  l'autre  se  développe  plus  que  celui 
de  la  lèvre. 

A  quoi  doit-on  donc  attribuer  l'influence  considérable  que 
l'exercice  a  sur  le  sens  du  lieu  de  la  peau  ?  Czermak  le  premier 
ayant  trouvé  que  le  sens  du  lieu  chez  les  aveugles  était  plus  fin 
que  chez  les  voyants  non  seulement  sur  les  parties  exercées  de 
la  peau  comme  les  doigts  mais  sur  tout  le  corps  a  conclu  que  ce 
développement  du  sens  du  lieu  était  dû  à  une  fonction  cen- 
trale et  non  périphérique.  (V.  aussi  Goldscheider  (97)  p.  98.) 
D'autres  auteurs  [Funke  (26),  Dresslar  ont  défendu  cette  thèse 
que  l'exercice  doit  être  dû  à  des  changements  de  l'organe  péri- 
phérique ;  on  a  vu  surtout  une  démonstration  de  ce  fait  dans 
l'influence  que  l'exercice  produit  sur  la  partie  symétrique  de  la 
peau  et  non  sur  toutes  les  parties  de  la  peau  ;  mais  la  question 
est  encore  ouverte;  les  auteurs  n'ont  jusqu'ici  fourni  que  des 


326  REVUES   GÉNÉRALES 

chiffres,   pas    d'observations  internes    n'ont   été   prises,    nous 
croyons  pourtant  que  ce  ne  sont  que  les  observations  internes 
qui  appuyées  de  résultats  numériques  peuvent  conduire  à  l'une 
ou  l'autre  explication  ;  voici  comment  il  faudrait  croyons-nous 
procéder  :   il  s'agit  de  déterminer  si  l'inlluence  de  l'exercice 
doit  être  attribuée  à  des  modifications  dans  les  nerfs  périphé- 
riques qui  aboutissent  à  la  partie  de  la  peau  exercée  ou  bien 
si  elle  est  due  à  un  développement  de  la  faculté  psychique  de 
discrimination   et    d'analyse   de   nos   sensations  ;    si  c'est    un 
développement    de   cette  faculté  psychique    qui    a  lieu,   l'in- 
fluence de  l'exercice  devra  se  faire  sentir  non  seulement  sur  la 
partie  exercée, mais  sur  d'autres  parties  de  la  peau;  il  est  pro- 
bable qu'elle  ne  se  fera  pas  sentir  de  la  même  façon  sur  toutes 
les  parties  de  la  peau;  en  effet  supposons  qu'on  exerce  une 
partie  quelconque  de  la  paume   de  la  main,  la  sensation  y  est 
obtuse,   la  peau  étant   assez   épaisse   c'est  la  sensation  d'une 
partie  molle  de  la   peau,  les  pointes  entrent  dans  la  peau,  en 
somme  la  sensation  a  un  certain  caractère,  une  certaine  qua- 
lité, on  pourra  s'habituer  à  discerner  avec  beaucoup  de  préci- 
sion les  sensations  ayant  une  qualité  semblable,  mais  il  n'en 
résultera  pas  encore  (ou  au  moins  pas  dans  la  même  mesure) 
une  habitude  pour  l'analyse  des  sensations  sur  d'autres  parties 
de  la  peau  qui   sont  de  qualité  bien   différente,  comme  par 
exemple  la  sensation  sur  le  commencement  du  bras,  ou  sur  la 
saillie  d'un  os,  en  somme  sur  une  partie  où  la  peau  est  fine  et 
où  on  a  une  saillie  d'un  os;  il  faudra  donc  choisir  un  certain 
nombre  de  parties  de   la  peau  telles  qu'il  y  ait  parmi   elles 
quebiues-unes   donnant    lieu    à  des    sensations    très   ressem- 
blantes au  point  de  vue  de  la  qualité  et  que  d'autre  part  il  yen 
ait  où  les  sensations  seraient  aussi  différentes  que  possible;  on 
étudierait  si  l'inlluence  de  l'exercice  de  l'une  des  premières  ne 
se  manifeste  pas  plus  sur  les  premières  parties  que  sur  les  der- 
nières. Mais  une  autre  méthode  permettrait  peut-être  de  sou- 
mettre la  question  à  une  épreuve  :  on  prendrait  une  partie  de  la 
peau,    on  déterminerait  la  valeur  du  seuil  (limite  à  partir  de 
laquelle  on  sent  deux  points);  ceci  fait,  on  exercerait  la  partie 
de  la  peau  avec  des  dislances  bien  supérieures  au  seuil,  et  dont 
le  sujet  saurait  qu'elles  sont  supérieures  au  seuil,  de  façon  qu'il 
aurait  pendant  tout  le  temps  de  l'exercice  affaire  seulement  à 
des  sensations  nettes  de  deux  points  séparés  ;  puis  on  détermi- 
nerait de  nouveau  la  valeur  du  seuil  ;  une  autre  fois,  on  déter- 
minerait le  seuil,  puis  on  exercerait  avec  des  distances  très 


V.    UENRI.    —   SUR   LE    SENS   DU   LIEU   DE   L\   PEAU  327 

voisines  du  seuil  de  façon  que  pendant  l'exercice  le  sujet  eut 
affaire  à  des  sensations  tantôt  de  un  point  tantôt  de  deux  points 
à  peine  différents  l'un  de  l'autre  ;  après  l'exercice,  on  déter- 
minerait de  nouveau  la  valeur  du  seuil;  dans  le  premier  cas- 
l'exercice  consiste  à  développer  la  faculté  de  discrimination 
de  deux  points  séparés  de  la  peau,  dans  l'autre  on  développe 
la  faculté  de  discrimination  d'une  sensation  de  deux  points  à 
peine  différents  l'un  de  l'autre  ;  or,  comme  dans  la  déter- 
mination de  la  valeur  du  seuil,  c'est  cette  dernière  faculté  qui 
joue  le  rôle  principal  il  est  possible  que  dans  la  deuxième  série 
l'exercice  aura  une  influence  plus  considérable  que  dans  la 
première. 

Ce  n'est  qu'après  avoir  fait  ces  expériences  qu'on  pourra, 
croyons-nous,  en  y  ajoutant  toujours  les  observations  internes 
des  sujets,  donner  une  explication  satisfaisante  de  l'influence  S 

de  l'exercice  sur  le  sens  du  lieu  de  la  peau.  Cette  question  est  I 

étudiée  maintenant  par  M.    Tawney  au  laboratoire  de  Leipzig,  ; 

les  premières  expériences  faites  sur  deux  sujets  ont  montré  que 
l'exercice  développe  le  sens  du  lieu  non  seulement  de  la  partie  » 

exercée,  mais  aussi  dans  d'autres  parties  de  la  peau  différentes  ,, 

de  la  partie  symétrique  de  la  partie  exercée.  Ce  résultat  a  aussi  i 

été  obtenu  par  Klinkenberg  (o9,  p.  lo).  |; 

Beaucoup  d'auteurs  font  la  remarque  que  la  fatigue  diminue  •: 

le  sens  du  lieu  de  la  peau  ;  mais  nous  ne  connaissons  qu'un 
seul  auteur  //.  Griesbach  (130i  qui  ait  étudié  l'influence  de  la  ' 

fatigue  d'un  peu  près  ;  il  a  fait  ses  expériences  surtout  sur  les 
élèves  de  deux  écoles  ;  il  a  trouvé  que  la  fatigue  intellectuelle 
diminue  considérablement  le  sens  du  lieu  de  la  peau.  Voici,  par 
exemple,  quelques  chiffres  qui  montrent  les  variations  du  seuil 
pendant  une  matinée  : 


7  heures  du  matin,  valeur  normale  du  seuil.    .  . 

8  —              après  la  classe  d'histoire.    .  . 

9  —                         —            de  grec.    .    .  . 

10  —                        —            de  bible    .    .  . 

11  —                         —            de  lalin.   .    .  . 

12  —                        —            de  français  .  . 
2  heures  après  midi,  après  deux  heures  de  repos 


7  mm. 

i2,;i  - 

17  — 

9  — 

It  — 

17  — 

10,5  — 


On  voit  que  les  variations  sont  considérables. 

Ces  ([uelques  chiffres  montrent  qu'il  serait  intéressant  de  sou- 
mettre dans  un  laboratoire  la  question  à  une  étude  détaillée  ; 
là  aussi,  comme  dans  le  cas  de  l'exercice,  on  devrait  se  poser  la 
question  si  l'influence  de  la  fatigue  doit  être  attribuée  à  une 


328 


REVUES   GÉNÉRALES 


diminution  de  la  fonction  des  nerfs  périphériques,  ou  bien  si 
elle  est  due  à  un  affaiblissement  de  la  faculté  psychique  de 
discrimination  de  nos  sensations. 

Influence  de  Vintensité  des  contacts  et  de  leur  qualité.  — 
Pour  ce  qui  concerne  l'intensité  des  contacts  on  trouve  quelques 
remarques  éparses  (par  exemple  Heller  (129),  p.  23)  d'après  les- 
quelles le  seuil  est  plus  faible  pour  des  intensités  faibles  et 
fortes  que  pour  des  intensités  moyennes  ;  la  question  serait  à 
étudier  de  nouveau.  Chez  Weher'yV)  on  trouve  déjà  la  remarque 
que  lorsque  Tun  des  contacts  est  plus  fort  que  l'autre,  il  est 
plus  difficile  de  distinguer  les  deux  pointes.  Czermak  (21)  et 
Klug  (123)  remarquent  que  lorsque  l'une  des  pointes  est  froide 
ou  chaude  et  que  l'autre  est  indifférente,  on  perçoit  deux  points 
encore  au-dessous  de  la  valeur  du  seuil  par  deux  points  égaux, 
mais  on  perçoit  alors  les  deux  points  comme  ayant  lieu  au 
même  point  de  la  peau  ;  on  sent  un  contact  et  une  sensation 
thermique  en  un  même  point. 

Enfin  Rauber  (50),  Goldscheider  (97)  et  Dessoir  (98)  ont 
déterminé  le  sens  du  lieu  pour  des  impressions  froides  et 
chaudes  ;  voici  les  valeurs  des  seuils  données  par  Goldscheider  ; 
remarquons  que  cet  auteur  a  marqué  toujours  la  distance 
minimapour  laquelle  on  sent  quelquefois  deux  points  : 


ENDROITS 


Front 

Joue 

Menton 

Poitrine 

Ventre 

Dos 

Bras,  face  iiiferne  .    .    . 
Bras,  face  externe  .    .    . 
Avant-bras,  face  interne 
Avanl-hras,  face  externe 
Paume  de  la  main.    .    . 
Dos  de  la  main  .... 

Cuisse 

Jambe 

Pied 


FROID 


0,8  mm. 

0,8  — 

0,8  — 

2        

\-l  — 
1,0-2- 

t,o  - 

2        

2        

3  — 
0,8  — 
2-3  — 
2-3  — 
2-3  — 
3  — 


CHALEUR 


mm. 


3 

4 

4-5 

4-6 

4-6 

2-3 

2-3 

2 

3 

2 

3-4 

3-4 

3-4 


On  voit  que  les  distances  sont  bien  supérieures  lorsque  les 
deux  pointes  sont  chaudes  que  lorsqu'elles  sont  froides. 


V.    HENRI. 


SUR    LE    SENS   DU    LTEU   DE   LA    PI^AU 


329 


Rapport  avec  les  points  sensoriels  de  la,  peau.  —  On  sait 
qu'il  existe  sur  la  peau  des  points  fixes  qui  sentent  mieux  le 
froid,  ou  le  chaud,  ou  la  pression.  (V.  analyses  des  mémoires  de 
Frey  et  Kiesow.) 

Goldscheider  (97  p.  86)  a  étudié  comment  se  comporte  le 
seuil  du  sens  du  lieu  de  la  peau  lorsqu'on  touche  deux  points 
sensoriels  de  la  peau,  soit  en  touchant  deux  «  points  froids  »  ou 
deux  «  points  chauds  »,  il  a  obtenu  les  valeurs  contenues  dans 
le  tableau  précédent  ;  voici  les  valeurs  qu'il  a  obtenues  pour  le 
seuil  en  touchant  deux  «  points  de  pression  »  de  la  peau  ;  ces 
valeurs  sont  non  les  valeurs  moyennes  de  plusieurs  détermina- 
tions, mais  les  valeurs  minima  pour  lesquelles  le  sujet  a  senti 
deux  points  : 


Dos 4-6      mm. 

Poitrine 0,8        — 

Ventre 1,5-2     — 

Front 0,0-1     — 

ïèle 1-1,4     — 

Joue 0,4-0,6  — 

Nez 0,.3        — 

Menton 0,3        — 

Bras,  face  interne 0,6-0,8  — 

Avant-bras,    face    in- 
terne    0,5        — 

Avant-bras,    face   ex- 
terne     1  — 

Dos  de  la  main 0,3-0,6  — 

Paume  de  la  main. . .  0,1-0,3  — 


Les  métacarpiens,  face 

dorsale 0,9     mm. 

l'c    et    2*^    phalange, 

face  palmaire 0,2-0,4  — 

l'e    et    2^    phalange, 

face  dorsale 0,4-0,8  — 

3*^  phalange,  face  pal- 
maire.. . .  • 0,1        — 

3«      phalange ,      face 

dorsale 0,3-0,5  — 

Peau  entre  les  doigts.  0,9        — 

Cuisse 3  — 

Jambe 0,8-2     — 

Dos  du  pied 0,8- 1      — 

Plante  des  pieds 0,8-1     — 


On  voit  combien  ces  valeurs  sont  plus  faibles  que  celles  indi- 
quées par  Weber  et  les  autres  auteurs  ;  de  plus,  on  remarque 
que  ces  valeurs  ne  varient  pas  beaucoup  pour  différents  endroits 
de  la  peau. 

Ces  expériences  devraient  être  reprises  de  nouveau,  elles  dif- 
fèrent tellement  de  celles  indiquées  par  tous  les  autres  auteurs 
qu'on  ne  sait  pas  si  réellement  ce  sont  des  déterminations  de 
seuils  et  si  elles  ne  sont  pas  ducs  à  quelque  autre  phénomène 
que  nous  décrirons  sommairement  dans  la  suite. 

Perception  de  deux  points  pendant  le  contact  d'un  seul  point 
de  la  peau.  —  En  décrivant  la  méthode  des  cas  vrais  et  faux, 
nous  avons  montré  comment  Vierordt  et  ses  élèves  procédaient  : 
ils  intercalaient  entre  les  expériences  faites  avec  une  certaine 
distance  des  «  expériences  de  contrôle  »  [Vexirvcrsuche)  dans 
lesquelles  ils  touchaient  la  peau  avec  une  seule  pointe  ;  or,  il 


\. 


330 


RblVUES    GENERALES 


s'est  dégagé  des  recherches  que  le  sujet  sentait  deux  points 
lorsqu'on  le  touchait  avec  une  seule  pointe  ;  ce  phénomène  a 
été  spécialement  étudié  par  Cambrer  (94);  Niciiols  (83)  l'a  aussi 
étudié  sous  un  certain  point  de  vue.  Enfin  nous  avons  fait  avec 
M.  Tawney  i  79i  aussi  quelques  expériences  sur  ce  sujet. 

Deux  théories  ont  été  émises  pour  l'expliquer  :  l'une  physio- 
logique iWundt,  G.-E.  Mûller)^  l'autre  psychologique  iFechner, 
Camerer,  Nichols)  ;  d'après  la  première,  la  perception  de  deux 
points,  lorsqu'on  touche  un  seul  point,  est  due  à  un  phénomène 
physiologique,  soit  à  un  réflexe  i  Wundt),  soit  à  une  irradiation 
(Mnller)  ;  d'après  la  deuxième,  ce  phénomène  s'expliquerait  par 
les  elTets  de  contraste  et  d'attente.  Wundt  appuie  son  hypo- 
thèse sur  l'ohservation  de  nialades  qui  avaient  les  réflexes  très 
exagérés  et  qui,  constamment,  sentaient  deux  ou  plusieurs 
pointslorsqu'on  n'en  touchait  qu'un  seul.  Millier  l'appuie  sur 
des  considérations  purement  théoriques. 

La  théorie  psychologique  est  appuyée  sur  un  grand  nombre 
d'expériences  de  Camerer  et  de  Nichols.  L'influence  du  con- 
traste d'une  expérience  à  l'autre  a  été  montrée  par  Camerer  de 
deux  manières  différentes  :  1'^  Il  a  fait  des  séries  d'expériences 
avec  diflerentes  distances  dans  lesquelles  il  intercalait  un 
même  nombre  de  contacts  avec  une  pointe,  il  a  vu  que  plus  la 
dislance  est  grande  avec  laquelle  les  expériences  sont  faites, 
moins  on  a  senti  de  fois  deux  points  pour  le  contact  d'un  point  ; 
le  tableau  suivant  indique  très  nettement  ce  résultat  ;  dans  ce 
tableau  D  est  la  distance  en  lignes  (=  2""^', 29),  H.  et  J.  sont  les 
deux  sujets  sur  lesquels  Camerer  a  expérimenté  ;  les  nombres 
du  tableau  représentent  combien  de  fois  sur  100  contacts  avec 
une  seule  pointe,  intercalés  entre  des  contacts  avec  deux  points 
distants  d'une  certaine  distance  D,  on  a  senti  deux  points  : 


EXTRÉXHTÉ  DES 

DOIGTS 

l'HEMŒltE    l'IlAI.ANdE 

u:romion 

D 

11 

J 

1) 

H 

J 

I) 

II 

J 

1 

8,0 

7,0 

2 

7,17 

y,o 

14 

12,57 

0,43 

i,D 

4,5 

3,0 

3 

4,33 

7,43 

17 

9,63 

8,0 

2 

2,33 

2,17 

4 

2.17 

:;,33 

20 

8,25 

8. CI 

.2,0 

1 

1 

o 

0.()7 

2,0 

23 

5,25 

(Î.O 

i 

0,33 

2,0 

25 

30 

3,88 
4,0 

0.3  S 
3.38 

V.    HENRI.    —   SUR   LE   SENS   DU   LIEU   DE   LA   PEAU 


331 


On  voit  qu'à  mesure  que  la  distance  D  (avec  laquelle  on  fait 
les  expériences  entre  lesquelles  les  i  expériences  de  contrôle  » 
sont  intercalées)  augmente,  le  nombre  d'  «  erreurs  de  contrôle  » 
diminue,  puisque  plus  la  distance  est  grande,  plus  le  contraste 
avec  une  expérience  oii  on  ne  touche  qu'un  point  est  grand  ; 
par  conséquent  on  aura  une  plus  forte  tendance  à  dire  un  point 
pour  les  expériences  de  contrôle.  2"  Pour  diminuer  l'inlluence 
du  contraste,  Camerer  a  fait  des  expériences  avec  de  longues 
pauses  :  les  expériences  étaient  faites  dans  une  série  toutes  les 
demi-heures  une  expérience,  dans  une  autre  série  toutes  les 
cinq  minutes  une  expérience  ;  on  a  vu  que  dans  ces  conditions 
le  nombre  d'  «  erreurs  de  contrôle  »  était  le  même  quelle  que 
fnt  la  distance  avec  laquelle  on  avait  touché  la  peau  dans  l'ex- 
périence précédant  l'expérience  de  contrôle. 

3"^  Enfin  une  troisième  série  a  été  faite  par  Camerer  où  le 
sujet  savait  d'avance  si  on  le  touchait  avec  deux  pointes  ou 
avec  une  seule  ;  voici  les  résultats  obtenus  avec  2  000  expé- 
riences de  contrôle  : 


CONI)  ITIO.NS 

RÉPONSES 

-2  points  nels. 

i  [loinls 
iu(lolerniiii(''S. 

Incei-laiu. 

t   jjoiiit. 

Le  sujet  ne  sait  rien. 
Le  sujet  sait  tout.   . 

28,0  p.  100 
9,0  p.  100 

9,0  p.  100 
0,1  p.  100 

2,5  p.  100 
0,2  p.  100 

59,0  p.  100 
84,2  p.  100 

K 

On  voit  donc  que  lorsque  le  sujet  ne  sait  pas  ce  qu'on  fait  avec 
lui,  il  commet  plus  d'  «  erreurs  de  contrôle  »  que  lorsqu'il  sait  ; 
mais  il  arrive  que  même  lorsque  le  sujet  sait  qu'on  le  touche 
avec  une  pointe  il  sent  tout  de  même  deux  i^oints  nettement. 

Nichols  est  arrivé  à  la  théorie  psychologique  à  la  suite  des 
expériences  suivantes  :  il  avait  longtemps  fait  des  expériences  sur 
le  sens  du  lieu  de  la  peau,  dans  lesquelles  il  ne  touchait  jamais 
avec  une  pointe,  et  le  sujet  savait  qu'on  employait  toujours  deux 
pointes;  puis  sans  rien  dire  aux  sujets,  il  fait  des  expériences 
où  il  ne  touche  plus  qu'avec  une  seule  pointe,  le  sujet  était 
persuadé  qu'on  touchait  avec  deux  pointes,  un  grand  nombre 
de  fois  les  sujets  ont  senti  deux  pointes  au  lieu  d'une. 

Enfin  nous  signalons  quelques  expériences  que  nous  avons 


33:2  REVUKS  générales 

faites  avec  M.  Tawney  ;  dans  ces  exi)ériences  le  sujet  devait 
décrire  aussi  complètement  que  possible  la  sensation  ;  nous 
avons  d'abord  fait  des  séries  d'expériences  dans  lesquelles  le 
sujet  ne  savait  absolument  rien  de  ce  qui  était  fait  sur  lui; 
parmi  ces  séries  il  y  en  avait  où  pendant  toute  une  séance  de 
une  heure  nous  ne  touchions  qu'un  seul  point  ;  dans  d'autres 
séries  nous  touchions  tantôt  un  point  tantôt  deux  ;  on  a  vu  que 
dans  les  deuxièmes  séries  le  sujet  sentait  moins  souvent  deux 
points  pour  le  contact  d'un  point  de  la  peau  que  dans  les  pre- 
mières; ainsi  : 

.Séries  mélangées  : 

sur  76  expériences  de  contrôle  .    .     40  erreui's  de  contrôle.  • 

Séries  pures  : 
sur  78  expériences  de  contrôle  .    .     66  erreurs  de  contrôle. 

Ensuite  il  s'est  dégagé  des  expériences  que  si  on  choisit  deux 
points  de  la  peau  A  et  B,  pas  très  éloignés  l'un  de  l'autre,  42  mil- 
limètres par  exemple  sur  l'avant-bras,  et  qu'on  touche  alternati- 

^..  vement  tantôt  A  tantôt  B,  il  peut  arriver  que  les 

réponses  obtenues  pour  le  contact  de  A  aient  une 

,  certaine  diirérence  constante  de  celles  obtenues 

B*'"  pour  le  contact  de  B  ;  nous  avons  trouvé  ainsi  dans 

Fig.  75.  un  cas  que  pour  le  contact  du  point  A,  le  sujet  sur 
39  expériences  faites  pendant  six  jours  a  27  fois 
senti  deux  points,  ces  deux  points  lui  avaient  paru  être  1  fois 
dans  le  sens  longitudinal  du  bras,  25  fois  dans  le  sens  trans- 
verse, et  1  fois  dans  le  sens  diagonal. 

Sur  39  expériences  faites  pendant  les  mêmes  six  jours  sur  le 
point  B,  il  a  30  fois  senti  deux  points  qui  étaient  pour  lui  : 

18  fois  dans  le  sens  longitudinal  du  bras.  11  fois  dans  le  sens 
transverse,  1  fois  dans  le  sens  diagonal. 

On  voit  donc  que  lorsqu'on  touchait  le  point  A,  le  sujet  disait 
en  général  qu'il  sentait  deux  points  dans  le  sens  transversal 
dubras,etlorsqu'on  touchait  le  point  B,il  percevait  deux  points 
en  général  dans  le  sens  longitudinal  du  bras  ;  cette  dilTérence 
n'est  pas  occasionnelle,  elle  a  été  constante  pendant  les  six  jours 
où  ces  expériences  étaient  faites.  Il  résulte  de  ces  expériences 
qu'il  existe  une  certaine  relation  constante  entre  la  nature  de 
la  perception  de  deux  points  et  le  point  de  la  peau  qui  est  tou- 
ché ;  on  est  porté  à  attribuer  cette  relation  à  des  particularités 
physiologiques  de  ce  point.  D'autres  séries  d'expériences  ont 
été  faites  dans  lesquelles  nous  avions  l'intention  d'étudier  l'in- 


nENRI. 


SUR   LE    SEXS   DU   LIEU    DE    LA   PEAU 


3'JO 


fluence  de  l'attenle  et  de  la  suggestion'  sur  la  perception  de  deux 
points  lorsqu'on  ne  touche  qu'un  seul  point  de  la  peau  ;  avant 
chaque  expérience  nous  montrions  au  sujet  le  compas  pour  que 
le  sujet  sût  d'avance  avec  quoi  on  touchait  sa  peau;  en  réalité 
nous  touchions  toujours  un  seul  point  de  la  peau,  les  sujets 
étaient  persuadés  que  nous  ne  les  trompions  pas.  ils  devaient 
décrire  complètement  la  sensation  ;  pour  pouvoir  bien  déterminer 
quelle  influence  la  suggestion  avait  sur  les  résultats  nous  mon- 
trions alternativement  tantôt  une  pointe,  tantôt  deux  pointes 
écartées  d'une  certaine  distance,  le  sujet  ayant  vu  le  compas  fer- 
mait les  yeux  et  nous  touchions  toujours  avec,  une  seule  pointe. 
Voici  quelques  résultats  obtenus  : 


DISTANCE 

(les    iioiules 
nio)ilri''C5. 

c:  '1 
u    — 

DISTANCES   DES   POINTS   PERÇUS    PAR   LE    SUJET  | 
EN"    MILLIMÈTRES 

rienccs. 

2 

3 

5 

1 

1 
3 

8 

0 

1 

3 

10 

1 
2 

î 

3 

11 
1 

15 

1 

3 
4 

20 

2 
1 
1 
1 

"o 
1 

25 

1 
2 

5 

30 

1 
1 
6 

8 
2 

40 

•-) 

2 

50 

1 

2 
2 

o     =1, 

5  mm. 
10    — 
15     — 
2U     — 
2'6     — 

:ki    — 

2 

3 

2 

1 

ï 

6 
6 
6 
() 
6 
21 

ol 

Somme  : 

il 

Un  point 
montré. 

14 

23 

1 

On  voit  parle  tableau  pi'écédent  que  plus  la  distance  montrée 
est  grande,  plus  la  distance  des  deux  points  perçus  pendant  le 
contact  d'un  seul  point  est  grande,  c'est-à-dire  plus  le  sujet 
s'attend  à  percevoir  deux  points  éloignés,  plus  souvent  il  le 
perçoit  aussi,  quoiqu'on  n'ait  touché  qu'un  point.  L'influence 
de  la  suggestion  et  de  l'attente  est  donc  très  considérable.  Déjà 
pour  le  seul  nombre  de  cas  où  le  sujet  perçoit  deux  points 
lorsqu'on  n'en  touche  qu'un  il  existe  des  différences  considé- 
rables, suivant  que  le  sujet  s'attend  à  percevoir  un  point  ou 
lorsqu'il  s'attend  à  en  percevoir  deux  ;  dans  le  premier  cas, 
dans  14  cas  sur  23,  le  sujet  perçoit  un  point,  dans  le  second  il 


:^34 


REVUES    GENERALES 


perçoit  un  point  seulement  dans  11  cas  sur  51  expériences;  chez 
un  autre  sujet  cette  différence  est  encore  plus  considérable  ; 
24  fois  sur  28  expériences  il  a  perçu  un  point  lorsqu'il  s'atten- 
dait à  en  percevoir  un.  et  10  fois  sur  49  expériences  il  a  perçu 
un  point  lorsqu'il  s'attendait  à  en  percevoir  deux. 

Sens  du  lieu  chez  les  enfants,  les  aveugles  et  les  typographes. 

C'est  à  Czermak  (20;  que  nous  devons  les  premières  expé- 
riences sur  le  sens  du  lieu  chez  les  enfants  et  les  aveugles  ; 
depuis,  les  expériences  ont  été  reprises  :  par  C.amerer  (92  et 
A.  Stem  (87 1,  sur  les  enfants,  par  Goltz  (33),  Gârttner  {S)Z), 
Ilocheisen  (111)  et  A.  Stem  (87),  sur  les  aveugles  ;  enfin  ce  der- 
nier auteur  a  aussi  étudié  le  sens  du  lieu  chez  les  typographes. 

Pour  ce  qui  concerne  les  enfants,  tous  les  auteurs  s'accordent  ; 
le  sens  du  lieu  est  plus  développé  chez  les  enfants  que  chez  les 
adultes. 

Voici  quelques  chiffres  trouvés  par  Czermak  ;  les  chiffres  sont 
exprimés  en  lignes  (  =  2'"'",2o)  ;  W.  indique  les  valeurs  trou- 
vées sur  les  adultes  par  Weber,  H.,  F.,  E.  et  B.  sont  quatre 
garçons  de  onze  à  douze  ans  : 


ENDIidlTS 


Puiiile  de  la  langue  .    .    . 

3'=  phalange  des  doigls, 
l'ace  palmaire 

Bord  rouge  des  lèvres  .    . 

2*^  phalange,  face  palm.  . 

3"^  phalange,  face  dorsale. 

Bout  du  nez 

Face  palmaire  des  méta- 
carpiens   

i'arlie  non  rouge  des 
lèvres   

2''  phalange,  face  dorsale. 

f"  phalange,  face  dorsale. 

Métacarpiens,  face  dorsale. 

Front,  en  bas 

Dos  de  la  main 

Cou  au-dessous  du  men- 
ton     

Avant-bras 

Jambe 

Dos  du  pied  près  des  or- 
teils   

Sternum 

Bras  et  cuisse 


W" 


1 
2 

2 
3 
3 


7 

IS 
10 
14 

Jo 

18 
18 

18 
20 
10-30 


11 


1    2 

3/4 
1 

1  1    2 

2 

2  1  /2 


■* 
5 
C 

•t 

'.I 

0 
lî 
lii 

l.'i 
10 

ll-l'J 


3  4 

3/4 


1 


■i 

4 

G 

8 

10 

10 
10 
16 

16 
lo 
14-1! 


E 


3/4 
1 

1   1/2 


2 

4 
5 
6 
8 
9 

8 
17 


15 
2-2 


B 


1/2 

3/4 

1 

1  12 
5 


3 

4 
5 
6 

7 
12 

10 
13 
14 

12 
14 
13-ia 


HENRI.    —   SUR    LE    SENS   DU    LIEU   DE    L.V   PEAU  335 


Les  résultats  trouvés  par  Camerer  et  A.  Stern  sont  analogues, 
nous  ne  nous  y  arrêtons  pas. 

En  ce  qui  concerne  les  aveugles  nous  rencontrons  quelque 
divergence  chez  les  difîérents  auteurs  :  les  uns  Czermak.Gollz, 
Garttner  et  A.  Stern)  ont  trouvé  le  sens  du  lieu  bien  plus  déve- 
loppé chez  les  aveugles  que  chez  les  voyants,  Ilocheisen  (IH) 
au  contraire  trouve  une  très  faible  différence.  D'après  Czermak 
le  sens  du  lieu  est  bien  plus  développé  chez  les  aveugles  que 
chez'  les  voyants  ;  ce  développement  a  lieu  pour  tout  le  corps, 
il  n'est  donc  pas  limité  aux  parties  de  la  peau  exercées  ;  enfin 
les  aveugles  enfants  ont  le  sens  du  lieu  plus  développé  que  les 
aveugles  adultes.  Voici  quelques  résultats  numériques  ;  N.  et 
Br.  sont  deux  enfants  aveugles  de  quinze  ans,  P.  est  un  adulte 
aveugle  ;  les  distances  sont  exjUMmées  en  lignes  : 


E  N  D  U  0  1 T  s 


N. 


Br. 


Bout  de  la  langue -     14 

3<=  phalange  des  doigts,  face  palmaire.  \  12 

Par  lie  rouge  des  lèvres 1 

2*^  phalange,  face  palmaire 112 

3«  phalange,  face  dorsale 112 

Boni  du  nez 2 

Face  palmaire  des  métacarpiens.   .    .  2 

Partie  non  rouge  des  lèvres 2  1/2 

2'-'  phalange,  face  dorsale 3 

1'*  phalange,  face  dorsale 4 

Métacarpiens,  face  dorsale 4   12 

Front,  en  has 5 

Dos  de  la  main 5 

Cou  au  dessous  du  menton 6  12 

Avant-hras 9-11  I   2 

Jambe 9-11 

Dos  du  pied  près  de  l'orleil 11 

Sternum 1112 

Bras  et  cuisse jlll  2-13 


1 
1 

1   1 
1   1 
1   1 
2 
2 
3 


■i 

2 

2 
2 
•1 


11-12 
11-12 
11 

Il    1   : 
13-lb 


1 
1 
l 
2 

3 
3 
3 

0 

6 

6 

7 

8 
12 
12 
12 
13- 
13- 


13 

2/3 

1   2 
3  4 


1   2 

l'2 
3 '4 


1   2 

14 

20 


Enfin  A.  Stern  a  étudié  Je  sens  du  lieu  sur  la  pulpe  des 
doigts  chez  les  typographes,  et  il  trouve  qu'il  atteint  ici  un 
développement  aussi  considérable  que  chez  les  aveugles  et 
même  plus  considérable  que  chez  les  enfants.  Il  en  conclut  que 
la  finesse  extrême  du  sens  du  lieu  des  aveugles  est  due  à  l'exer- 
cice et  que  les  voyants  en  s'exercant  peuvent  acquérir  un  sens 
du  lieu  aussi  fin  que  les  aveugles. 

Nous  devons  encore  signaler  les  résultats  sur  le  sens  du  lieu 


336  REVUES    GÉNÉRALES 

obtenus  chez  Laura  Bridgman  raveugle  sourde-muette  étudiée 
avec  beaucoup  de  détails  par  5"/.  Ilall^  ;  cette  femme  se  servait 
seulement  de  son  toucher  qui  avait  acquis  une  finesse  extrême. 
Voici  les  valeurs  des  limites  de  la  distance  des  pointes  néces- 
saire pour  qu'elle  pennlt  deux  points,  les  chiffres  sont  des 
millimètres,  entre  parenthèses  se  trouvent  les  valeurs  pour  les 
individus  normaux  : 

Bout  de  la  langue 0,5    mm.  (l  mm.) 

Boul  de  l'index 0,7       —  (2     —   ) 

Partie  rouge  des  lèvres   .    .  1,  2      —  (3     —   ) 

Joue 3,04    -  (11     -  ) 

Front 6,7       -  (22     -   ) 

On  voit  que  ces  chiffres  sont  bien  inférieurs  non  seulement 
aux  valeurs  chez  les  individus  normaux,  mais  aussi  à  celles  des 
aveugles. 

Influence  de  différentes  conditions  artificielles. 

Parmi  les  conditions  artificielles  dont  on  a  étudié  l'influence 
sur  le  sens  du  lieu  de  la  peau  nous  porterons  tout  d'abord 
l'attention  sur  l'influence  de  la  tension  de  la  peau  et  sur  le 
sens  du  lieu  de  la  peau  du  ventre  chez  les  femmes  enceintes. 

Les  premières  recherches  sur  ce  sujet  ont  été  faites  par 
Czermak  (20)  ;  ensuite  elles  ont  été  refaites  par  l'élève  de  Yie- 
rordt,  Hartmann  (46,,  et  aussi  par  Teuffel  (37). 

11  résulte  de  ces  expériences  que  la  tension  de  la  peau  dimi- 
nue le  sens  du  lieu  de  la  peau. 

Parlons  d'abord  de  la  tension  de  la  peau  du  ventre  chez  les 
femmes  enceintes  ;  pour  déterminer  la  valeur  de  la  tension  de 


DISTANCE    LIMITE 

DISTANCE 

NOMS 

Di:S     POINTKS 

DU     COMPAS 

Di:S     POINTS     MAROUKS 

" 

""" 

Aviiiil 

A|ii('s 

Avaiil 

A  |)r(-s 

la    iiait-suncc. 

la    iiaissaiico. 

la    iiaissaiico. 

la   naissance. 

Kl.   .    .    . 

21 

16 

21 

15 

Dok.    .    . 

18 

14  3/4 

18 

13 

Sk.  .    . 

32 

25   14 

32 

24 

Lo.   .    .    . 

2'.)  1/2 

26 

29   1/2 

25 

No.  .    .    . 

32   1/4 

27 

32  1/4 

25 

;i)  Sl.-llall.  Luuru  Urid<j,nun.  Miiul,  1870. 


V.    UENRI. 


SUR   LE    SENS   DU  LIEU   DE   LA   PEAU 


337 


la  peau,  Czermak  marque  deux  points  de  la  peau  avec  de 
l'encre  et  il  mesure  leur  distance,  puis  après  l'accouchement  il 
mesure  de  nouveau  la  distance  de  ces  deux  points,  la  dimi- 
nution montre  de  combien  la  peau  était  tendue.  Le  tableau 
ci-contre,  page  33G,  contient  les  résultats  principaux  exprimés 


G)  m  m   Uy 


en  lignes 

On  voit  que  la  diminution  de  la  finesse  du  sens  du  lieu  chez 
les  femmes  enceintes  est  presque  égale  à  la  valeur  de  la  ten- 
sion de  la  peau. 

Un  résultat  analogue  a  été  obtenu  par  Czermak  sur  l'influence 
que  la  tension  artificielle  de  la  peau  produit  sur  le  sens  du 
lieu.  Ici  de  nouveau  pour  déterminer  de  combien  la  peau  était 
tendue  on  marcjuait  à  l'encre  deux  points  et  on  mesurait  leur 
distance  avant  la  tension  et  pendant  la  tension.  Voici  les  résul- 
tats pour  un  sujet,  ils  sont  analogues  pour  les  trois  autres 
sujets  étudiés  par  Czermak  : 


DISTANCE   LIMITE 

DISTANCE 

DES    POINTES 

DES   POINTS   MARQUÉS 

ENDROITS 



—     ^ 

--   — 

Avant 

fondant 

Avant 

l'endant 

la  tension. 

la  tension. 

la  tension. 

la  tension. 

Dos  de  la  main 

13 

18 

13 

19 

Partie  rouge  de  la  lèvre  in- 

férieure    

1 

1    1/2 

3 

0  1/4 

Milieu  de  lavant-bras  .    .    . 

28 

2U 

28 

32 

Milieu  du  liras 

32 

30 

32 

37    1/2 

Un  résultat  difîérent  a  été  obtenu  par  Ilarlrnann;  cet  au- 
teur a  étudié  l'influence  de  la  tension  de  la  peau  sur  le  cou 
et  a  trouvé  que  lorsque  la  tension  augmentait  du  double  la 
distance  de  deux  points  marqués  sur  la  peau,  le  seuil  aug- 
mentait seulement  de  8  p.  100  de  sa  valeur  initiale  ;  dans 
tous  les  cas  tous  les  auteurs  s'accordent  à  reconnaître  que 
la  tension  de  la  peau  diminue  le  sens  du  lieu  de  la  peau. 

Influence  des  narcotiques,  de  médicaments,  d'excitations  de 
la  peau,  de  Vanémie,  de  Vhyperémie,  du  refroidissement  et  de 
l'échauffement  sur  le  sens  du  lieu  de  la  peau  —  Un  grand 
nombre  de  recherches  ont   été  faites  sur  ces  diirérentes  in- 

ANNÉE   PSYCHOLOGIQUE.   II.  22 


338 


REVUES    GENERALES 


fluences,  il  est  difficile  de  les  embrasser  toutes.  L'influence 
des  narcotiques  a  été  étudiée  pour  la  première  fois  par 
Lichtenfels  (18)  pour  les  narcotiques  suivants  :  atropine,  datu- 
rine,  morphine,  strychnine,  chloroforme,  alcool,  elles  feuilles 
de  tabac,  puis  par  Humpf  [oQ),  par  A'remer  (58),  par  A7rn/re/i- 
berg  (59)  pour  l'éther,  le  chloroforme  ;  enfin  par  Israël  (G8) 
pour  le  chloroforme,  le  nitrite  d'amyle,  ce  dernier  auteur  a  aussi 
étudié  l'influence  de  l'acide  carbonique  ;  A.  Ker  (63;  a  étudié 
l'influence  de  l'application  du  phénol;  parmi  les  excitations  de 
la  peau  dont  on  a  étudié  l'influence,  citons  surtout  l'excitation 
par  les  sinapismes  :  Asch  (84),  Klinkenbçrg  (59),  Serebrenni{Ç)î), 
A.  Ker  (63),  Duccola  e  Seppilli  (64),  et  Israël  (68)  ;  puis  l'excita- 
tion par  l'électricité  :  Su&lowa  (62),  Spanke  (65),  Duccola  e  Sep- 
pilli (64)  ;  enfin  Klinkenberg  a  étudié  l'influence  du  frottement. 
L'influence  de  l'anémie  et  de  l'hypérémie  est  étudiée  ^q^y  Alsberg 


SUBSTANCES 


Atropine 
id. 
ici. 
id. 


Dalurine 
id.  - 
id. 


Morphine, 
id.  . 
id. 


Slryclinine. 
id. 


Alcool 
id. 
id. 
id. 


DOSE 


TEMPS 

aprcs  l'iu- 

geslion. 


LIMITE 

do 
1  iioiiit. 


LIMITE 
(le 

i  jioiiiis 


0.  10     gr. 

100  m. 

38 

mm. 

0,20      — 

3  h. 

39 

— 

0, 20     — 

15  — 

30 

— 

0,005    — 

70  m. 

34 

— 

0,  005  gr. 

50  m. 

44 

m  m . 

0.005   — 

115  — 

48 

— 

0,005   — 

16  h. 

41 

— 

0,08  gr. 

2  h. 

48 

niin. 

0,08    — 

4  — 

40 

— 

0,08    — 

15  — 

38 

— 

0,01  gr. 

50  m. 

30 

m  m . 

0,01    — 

110  — 

34 



'lO  gr. 

10  m. 

43 

mm. 

■iO   — 

(;0  — 

51 

— 

40    — 

12  — 

38 

— 

40    — 

00  — 

50 

— 

46  mm. 
pas  obtenu 
48  mm. 
56    — 


,M   mm. 
55  — 
49  — 


60  mm. 
50  — 


39  mm. 
46  - 


;).j  mm. 

60  — 

58  — 

59  — 


VALEURS    NORMALES 


Limite 
(le  1  poinl. 


26  mm. 
id. 
id. 
id. 


30  mm. 
id. 
id. 


29  mm. 
id. 
id. 


28  mm. 
id. 


28  mm. 

id. 
33  mm. 

id. 


Liiiiilc  (le 
i  |)oinls. 


32  mm. 
id. 
id. 
id. 


41  mm, 
id. 
id. 


38  mm 
id. 
id. 


35  mm. 
id. 


id. 

36  mm. 

id. 


(34)    et  Klinkenberg   (59)  ;    l'influence   du    chaud   et  du  froid 
est  étudiée  par  Slolnikow  (90),  Israël  (68),  et  Klinkenberg  (59). 


V.    niîN'RI.    —    SUR   LE   SENS   DU   LIEU   DE   LA   PEAU 


339 


Pour  l'influence  des  narcotiques  nous  donnerons  les  résultats 
de  Lichtenfels  ;  les  auteurs  qui  ont  refait  ces  expériences  ont 
obtenu  des  résultats  analogues.  Lichtenfels  employait  la  mé- 
thode des  variations  minima,  il  notait  toujours  la  limite  à  par- 
tir de  laquelle  on  sent  deux  points  nettement,  et  puis  celle 
au-dessous  de  laquelle  on  sent  un  point  ;  les  tables  contiennent 
donc  deux  valeurs  correspondant  à  ces  deux  limites;  la  partie 
de  la  peau  étudiée  est  l'avant-bras  face  externe. 

Chacune  des  substances  a  un  mode  spécial  d'action  qui  dure 
plus  ou  moins  longtemps  suivant  les  substances  et  les  doses  ; 
celles  qui  influent  le  plus  sont  la  morphine  et  l'alcool,  lastrych- 
nine  au  contraire  n'a  qu'une  influence  très  faible,  qui  se  fait 
surtout  sentir  deux  heures  après  l'ingestion. 

Israël  a  étudié  l'influence  de  l'acide  carbonique  :  il  dirigeait 
un  courant  d'acide  carbonique  pendant  cinq  à  vingt  minutes 
sur  une  partie  de  la  peau,  puis  étudiait  le  sens  du  lieu  ;  celui-ci 
est  considérablement  abaissé  ;  voici  quelques  résultats  : 


ENDROITS 

VALEUR 
NORMALE 

APRÈS 

l'application 

Coude 

I3ras 

33       mm. 

50         —    / 
27,5     —  / 

8,0     — 
21          — 

8 

r 

65  mm. 
80     — 

41-48,  5  mm. 
10      mm. 
23,5     — 
13         — 
6.5     — 

Avant-bra?,  face  interne,  miheu  . 

Paume  de  la  main 

Dos  de  la  main 

l'"*^  phalange,  face  dorsale.       .    . 
l'o  phalange,  face  palmaire  .    .    . 

t 

L'application  du  phénol  sur  la  peau  diminue  presque  de 
moitié  le  sens  du  lieu,  nous  ne  donnons  pas  de  chiffres 
(V.  A.Kcr,  p.  14)  ;les  sinapismes  ont  pour  résultat  de  diminuer 
aussi  le  sens  du  lieu. 

L'influence  de  l'électricité  a  été  soumise  à  une  étude  appro- 
fondie par  Spanke  (Go),  il  trouve  que,  sous  l'influence  d'un  cou- 
rant constant,  la  sensibilité  de  la  peau  est  diminuée  à  l'anode 
et  augmentée  à  la  cathode  ;  ces  modifications  ne  se  produisent 
pas  instantanément,  il  faut  qu'il  s'écoule  un  certain  temps 
après  la  fermeture  du  courant. 

Le  frottement  a  pour  résultat  d'augmenter  la  sensibilité  de 
la  peau,  il  en  est  de  même  pour  réchauffement  extérieur  de  la 
peau  et  pour  toute  cause  qui  produit  une  hyperémic. 


340 


REVUES    GENERALES 


Enfin  l'anémie  et  le  refroidissement  produisent  une  diminu- 
tion de  la  sensibilité  tactile. 

Plusieurs  auteurs  ont  porté  leur  attention  sur  le  sens  du  lieu  de 
la  partie  symétrique  de  la  partie  excitée  ;  en  général  lorsque  sur 
la  partie  de  la  peau  excitée  le  sens  du  lieu  diminue  il  augmente 
sur  la  partie  symétrique  et  réciproquement;  mais  ces  variations 
dans  le  sens  du  lieu  de  la  partie  symétrique  ne  sont  jamais 
considérables,  et  souvent  même  elles  sont  à  peine  sensibles. 

b.  Études  sur  le  sens  du  lieu  par  le  contactjuccessif  de  deux 
points  de  la  peau. 

Déjà  Webe?-  a  remarqué  que  si  on  appliquait  les  deux  pointes 
du  compas  l'une  après  l'autre,  on  percevait  plus  clairement  les 
deux  pointes  que  si  on  les  appliquait  simultanément.  C'est 
Czermak  (:21)  qui,  le  premier,  étudia  le  sens  du  lieu  de  la  peau 
en  appliquant  les  deux  pointes  du  compas  successivement,  il 
trouva  que  la  limite  inininium  de  la  distance  à  partir  de 
laquelle  onperroit  deux  pointes  est  bien  plus  faible  lorsqu'on 
applique  les  pointes  successivement  que  lorsqu'on  les  applique 
siïnultanément .  Pour  déterminer  la  valeur  de  la  limite  il  tou- 
chait un  point  de  la  peau,  puis  un  autre  point  voisin  et  le  sujet 
devait  dire  si  ce  deuxième  lui  semblait  séparé  du  premier  ou 
non,  et  dans  le  premier  cas  dans  quelle  direction,  à  partir  du 
premier,  ce  second  point  se  trouvait;  pour  comparer  ces  résul- 
tats à  ceux  obtenus  par  le  contact  simultané,  il  déterminait  par 
la  méthode  de  Lichtenfels  la  limite  au-dessous  de  laquelle  on 
sent  un  point  et  celle  au-dessus  de  laquelle  on  sent  deux  points. 
Voici  quelques  résultats  que  nous  transcrivons,  on  les  trouve 
rarement  cités  ;  les  distances  sont  des  lignes  (=  2™'", 25). 


ENDROITS 


CONTACT 
SUCCESSIF 


!<='■  sujet. 

Dos  de  la  main  .... 
Avant-bras,  l'ace  externe 

2®  sujet. 

Dos  de  la  main  .... 
Avant-bras,  l'ace  externe 
Bras,  face  externe  .   .    . 


1," 
;i,0 


1,9 
4,0 

4,8 


CONTACT   Sl.MLLTANE 


I.iinilc 

I.inii((; 

(If   1  |ioiul. 

de  1  poiiils. 

5,  1 

0,9 

8,5 

11.  1 

7.0 

0,2 

U,U 

12,7 

12.0 

17,  6 

V.    HENRI.    —   SUR    LE    SENS   DU   LIEU   DE   LA    PEAU  3'l-l 

Czermak  considère  cette  méthode  de  détermination  de  la 
limite  comme  meilleure  que  la  méthode  de  Weber  par  le  con- 
tact simultané,  puisque  le  sujet  peut  plus  facilement  comparer 
entre  eux  les  deux  contacts  lorsqu'ils  sont  successifs  que  lors- 
q^i'ils  sont  simultanés;  celte  méthode  présente,  d'après  lui, 
moins  de  causes  d'erreurs  et  donne  une  mesure  plus  directe  de 
la  finesse  du  sens  du  lieu  de  la  peau. 

La  même  méthode  de  contacts  successifs  a  été  employée 
depuis  par  Goltz  (33)  et  par  Liebermeister^,  le  premier  l'a 
appliquée  à  l'étude  du  sens  du  lieu  chez  les  aveugles,  le  second 
à  l'étude  du  sens  du  lieu  chez  les  malades  nerveux;  les  résul- 
tats obtenus  sont  analogues  à  ceux  de  Czermak.  Nous  ne  nous 
y  arrêterons  pas. 

c.  Etudes  sur  la  localisation  des  sensations  tactiles. 

Nous  avons,  tout  au  commencement,  porté  l'attention  sur  la 
différence  qui  existe  entre  le  «  sens  du  lieu  »  de  la  peau  et  la 
localisation  des  sensations  tactiles.  Le  premier  est  la  faculté  de 
distinction  de  deux  points  de  la  peau  touchés  simultanément 
ou  successivement,  la  localisation  des  sensations  tactiles  est  la 
faculté  que  nous  possédons  de  rapporter  tout  contact  à  un 
point  de  la  peau  ;  la  finesse  de  cette  dernière  faculté  est  me- 
surée par  la  distance  du  point  de  la  peau  touché  au  point  de  la 
peau  auquel  on  rapporte  (où  on  localise)  le  contact.  Nous  avons 
remarqué  au  commencement  que  cette  distance  était  difTérente 
suivant  la  manière  dont  on  localise  le  contact,  c'est-à-dire  sui- 
vant la  manière  dont  on  détermine  le  point  de  la  peau  auquel 
on  rapporte  le  point  touché. 

La  méthode  la  plus  simple  est  de  toucher  un  point  de  la 
peau  du  sujet,  puis  il  devrait  en  ouvrant  les  yeux  indiquer  le 
point  où  il  croit  que  le  contact  a  eu  lieu;  il  faut  évidemment  que 
ie  contact  ne  laisse  aucune  trace  sur  la  peau  ;  en  indiquant  le 
point  de  la  peau  que  le  sujet  croit  avoir  été  touché,  il  peut 
soit  montrer  ce  point  avec  une  pointe  sans  toucher  la  peau 
avec  cette  pointe,  soit  montrer  le  point  et  le  toucher  en  même 
temps;  ce  contact  peut  aider  le  sujet  et  lui  montrer  si  le  con- 
tact du  point  qu'il  montre  est  identique  au  contact  du  point 
cherché,  ou  bien  s'il  y  a  quelque  différence  dans  les  contacts  et, 
dans  ce  dernier  cas,  il  pourra  corriger  son  indication. 

Cette  méthode  n'a  été  employée  jusqu'ici  qu'une  seule  fois 
par  Yolkmann  (11)  qui  l'avait  appliquée  dans  quelques  expé- 

(1)  Vorlcsi/„;/en  iih.  die  KrniihlicUen  des  Xervensijslein.s,  1886. 


342  REVUES    GÉNÉRALES 

riences  seulement,  en  1844;  depuis  elle  a  été  complètement 
oubliée  et  né^^ligée,  nous  l'avons  reprise  (78)  en  la  modi- 
fiant de  difTérentes  façons  ;  ces  modifications  sont  les  sui- 
vantes :  au  lieu  de  prier  le  sujet  de  montrer  le  point,  où  il 
croit  que  le  contact  avait  lieu,  sur  la  peau  même,  on  le  prie  de 
montrer  ce  point  sur  une  photographie  de  grandeur  naturelle 
ou  sur  un  modèle  de  gypse  de  la  partie  de  la  peau  où  le  con- 
tact a  été  produit;  dans  la  «  méthode  de  Volkmann  »  le  sujet 
ne  peut  indiquer  le  point  que  lorsque  le  contact  a  cessé  ;  lors- 
qu'il localise  sur  une  photographie  ou  sur  un  modèle,  il  peut 
le  faire  pendant  que  le  contact  dure;  ainsi  l'expérience  est  faite 
de  la  manière  suivante  :  le  sujet  a  par  exemple  sa  main  gauche 
derrière  un  écran,  il  a  devant  lui  un  modèle  de  sa  main  gauche, 
l'expérimentateur  touche  un  point  de  la  main  et  le  sujet  doit 
indiquer  sur  le  modèle  le  point  où  il  croit  que  le  contact  a  été 
produit  ;  cette  méthode  a  été  reprise  depuis  par  M.  Washhurn 
(86)  et  par  PiUsbury  109)  ;  nous  avons  aussi  depuis  1893  con- 
tinué les  expériences  d'après  cette  méthode,  nous  rapportons 
les  résultats  les  plus  importants  dans  notre  article  sur  la  loca- 
lisation des  sensations  tactiles. 

Une  deuxième  méthode  pour  localiser  le  contact  d'un  point 
est  celle  indiquée  par  E.  II.  Weber  (5)  :  on  touche  un  point  de 
la  peau,  le  sujet  qui  a  les  -yeux  fermés  doit  toucher  avec  une 
pointe  qu'il  tient  dans  la  main  le  point  de  la  peau  où  il  croit 
avoir  été  touché  ;  après  AVeber  plusieurs  auteurs  ont  fait  des 
expériences  par  cette  méthode,  nous  notons  surtout  les  auteurs 
suivants:  Kottenkampf  et  Ullrich  {^"2),  Barth  (71),  Lewy  {l\0) 
et  enim  Pillsbu7'y  (109)  ;  nous  avons  aussi  fait  des  expériences 
par  cette  méthode  et  nous  avons  de  plus  apporté  plusieurs  mo- 
difications pourpouvoir  étudier  séparément  l'influence  des  dif- 
férents facteurs  (jui  font  partie  de  cet  acte  de  localisation  ; 
voici  les  expériences  faites  par  nous  :  1°  nous  marquons  à 
l'encre  un  point  de  la  peau  du  sujet  sans  toucher  ce  point,  le 
sujet  doit  bien  regarder  sa  position,  mais  ne  doit  pas  le  tou- 
cher, puis,  lorsqu'il  l'a  suflisammment  regardée,  il  ferme  les 
yeux  et  doit  avec  une  pointe  toucher  le  point  marqué  à  l'encre  ; 
2°  le  sujet  aies  yeux  fermés,  nous  touchons  un  point  de  la 
peau  et  il  doit  avec  une  pointe  toucher  le  même  point  (méthode 
de  Weber);  3°  le  sujet  regarde  la  peau,  nous  touchons  un  point 
pendant  qu'il  le  regarde,  puis  il  doit  fermer  les  yçux  et  cherche 
à  toucher  le  point  en  question.  Nous  n'avons  pas  encore  fait 
assez  d'expériences  par  cette  dernière  méthode  pour  pouvoir 


y.    HENRI.    —    SUR   LE    SENS   DU   LIEU    DE   LA    PEAU  343 

les  rapporter  dans  notre  article  ;  les  résultats  seront  publiés 
plus  tard. 

Enfin,  on  peut  employer  encore  une  autre  méthode  pour 
localiser  le  coatact  :  nous  touchons  un  point  de  la  peau,  le 
sujet  ayant  les  yeux  fermés  doit  indiquer  avec  son  index  le 
point  touché,  mais  il  doit  l'indiquer  de  façon  à  ne  pas  loucher 
la  peau  avec  l'index,  il  doit  s'arrêter  à  une  distance  de  1  h.ll  cen- 
timètres de  la  peau  ;  c'est  une  localisation  faite  seulement  par 
le  mouvement  de  la  main.  Pour  les  résultats  voir  notre  article. 

Nous  ne  nous  arrêtons  pas  ici  sur  les  résultats  obtenus  par 
les  dilTérents  auteurs  sur  la  localisation  des  sensations  tactiles, 
puisque  nous  en  parlons  avec  plus  de  détails  dans  notre  tra- 
vail, à  la  fin  duquel  se  trouve  un  résumé  des  points  princi- 
paux. 

d.  Perception  de  lignes,  de  figures  et  de  mouvements  avec  la 
peau. 

On  n'a  fait  que  très  peu  d'études  sur  la  perception  de  formes 
et  de  mouvements  par  la  peau. 

La  perception  de  lignes  droites  est  étudiée  par  Parrish  (109) 
et  Xichols  (83),  elle  est  soumise  maintenant  à  une  étude 
approfondie  par  M.  Judd  au  laboratoire  de  Leipzig  ;  la  percep- 
tion de  figures  a  été  un  peu  étudiée  par  ]yeber  (4),  puis  par 
Eisner  (85)  et  enfin  par  Nichols  (83)  ;  nous  avons  aussi,  en 
1892,  fait  des  expériences  sur  la  perception  de  lettres  appli- 
quées sur  la  peau  '  ;  enfin  la  perception  de  mouvements  avec  la 
peau  a  été  étudiée  par  Vierordt  (132),  St.  Hall  et  Donald- 
son  (104),  et  Nichols  (83).  Passons  rapidement  en  revue  les 
résultats  obtenus  par  ces  différents  auteurs. 

Aucun  auteur  n'a  encore  fait  de  déterminations  sur  la  plus 
petite  longueur  qui  étant  appliquée  sur  la  peau  produit  l'im- 
pression d'une  ligne;  cette  question  et  beaucoup  d'autres  rela- 
tivement au  seuil  du  sens  du  lieu  sont  étudiées  maintenant  par 
M.  Judd;  il  s'est  dégagé  des  premières  séries  que  la  longueur 
minimum  perçue  comme  longueur  est  plus  faible  que  la  distance 
minimum  de  deux  points  qui  sont  perçus  comme  deux  points. 
Les  auteurs  américains  Parrish  (109)  et  Nichols  (83)  ont  étudié 
si  une  ligne  droite  appliquée  sur  la  peau  paraissait  plus  petite, 
plus  grande  ou  égale  à  la  distance  de  deux  p(tints;  il  s'est 
dégagé  des  expériences  qi\  une  ligne  droite  parait  sur  la  peau 
plus  courte  que  la  dislance  de  deux  points,  qui  en  réalité  est 

(1)  Voir  plus  loin  untre  éUuJe  sur  le  calcu  1  des  pn^julilês  eu  psychologie. 


344 


REVUES    GÉNÉRALES 


égale  à  la  longueur  de  la  droite.  Voici  quelques  chiffres  pris 
chez  Parrish;  l'endroit  étudié  est  le  milieu  de  l'avant-bras,  face 
interne  : 


SUJETS 


B. 

lia. 

T. 

0. 
01. 


LONGUEUR 
DE    LA    DROITE 


28  mm. 
20     — 

28  — 
28  — 
28     — 


DISTANCE 

DE    DEUX    POINTS 

ÉQUIVALENTE 


24-23  mm. 
lo  mm. 
25-24  mm, 
24-23     — 
23-22     


Nota.  —   La   li-oisièmo  coloiiiio  conlioul   los    dislaiiccs  des  di'U\   iioiiils   qui   pai-aisscnt 
égales  à  la  longueur  de  la  ligne  dioilc  appliiiuée. 
Un  résultat  aualogue  est  obtenu  par  Nicliols. 


Nous  remarquons  que  déjà  Volkmann  (12)  avait  en  1858  porté 
l'attention  sur  le  fait  qu'une  ligne  appliquée  sur  la  peau  paraît 
plus  courte  que  la  distance  de  deux  points.  Fechner  [Psycho- 
physik.,  II,  p.  328)  a  fait  quelques  déterminations  numériques 
sur  la  comparaison  entre  la  perception  de  longueur  et  de  dis- 
tances entre  deux  points;  il  trouve  que  sur  la  pulpe  de  l'index 
une  droite  de  18  millimètres  parait  être  égale  à  une  distance 
de  deux  points  distants  de  16  millimètres. 

Les  auteurs  américains  ont  aussi  étudié  comment  on  com- 
parait la  distance  de  deux  points  touchés  sur  la  peau  et  la 
longueur  d'une  série  de  points  qui  se  trouvent  en  ligne  droite. 
Ils  ont  vu  que  plus  le  nombre  de  points  qui  constituent  cette 
ligne  ponctuée  est  grand,  plus  la  ligne  ponctuée  parait  être 
inférieure  à  la  distance  de  deux  points,  mais  une  ligne  ponc- 
tuée paraît  être  plus  longue  qu'une  ligne  droite  appliquée  sur 
Ja  peau. 

La  perception  des  figures  par  la  peau  a  été  d'abord  étudiée 
ipar  Weber  (4)  ;  il  a  montré  que  lorsqu'on  applique  sur  la 
peau  un  tube  métallique  de  section  circulaire,  le  diamètre  du 
tube,  nécessaire  pour  qu'on  perçoive  la  forme  circulaire  et  qu'on 
distingue  que  c'est  un  tube  et  non  un  cylindre  plein,  est  diffé- 
rent sur  les  différentes  parties  de  la  peau.  Ainsi  un  tube  de 
3"'"', 3  de  diamètre  pouvait  être  perçu  seulement  sur  la  pointe 
de  la  langue,  sur  les  doigts  il  semblait  qu'on  appliquait,  un 


V.    niîNRI.    —   SUR   LE    SENS   DU   LIEU   DE    L.V    PEAU  345 

corps  plein  obtus.  Un  tube  de  4™", 5  de  diamètre  est  perçu  sur 
la  lèvre  et  un  peu  sur  les  bouts  des  doigts.  Un  tube  de  9  milli- 
mètres de  diamètre  y  est  perçu  sur  la  face  palmaire  de  la 2''  pha- 
lange, mais  pas  encore  sur  la  1'°  phalange,  ici  il  fallait  que  le 
tube  eut  au  moins  M"'"\2.  Sur  le  ventre  le  tube  devait  avoir 
40  millimètres  de  diamètre  pour  qu'il  fût  perçu. 

A  côté  de  cette  étude  nous  plaçons  l'étude  intéressante  de 
Eisner  (8o);  voici  comment  il  a  procédé  :  il  applique  sur  la 
peau  du  sujet  un  disque  circulaire,  puis  sur  le  même  endroit 
un  second  disque  de  grandeur  difTérente,  le  sujet  doit  répondre 
si  ce  deuxième  disque  lui  paraît  égal,  supérieur  ou  inférieur  au 
premier.  Le  tableau  suivant  indique  les  grandeurs  des  deux 
disques  nécessaires  pour  qu'on  sente  une  différence  ;  on  voit 
que  l'un  des  disques  avait  toujours  la  même  grandeur  de  t  mil- 
limètres de  diamètre. 

Pointe  de  la  langue i/2  mm.  —     1  mm. 

Troisième  phalange,  face  pahiiaire.   .  1  —  —     2  — 

Bord  rouge  des  lèvres 2  —  —     4  — 

Deuxième  phalange,  face  palmaire   .  2  ^  _     4  — 

Première  phalange,  face  palmaire.    .  2  —  —     6  — 

Troisième  phalange,  face  dorsale  .    .  2  —  —     4  — 

Bout  du  nez 2  —  —     4  — 

Joue 2  —  —     4  — 

Avant-bras,  face  int.  près  de  la  main.  2  —  —     6  — 

Première  phalange,  face  dorsale.  ,   .  2  —  —    8  — 

Front 2  —  —     G  — 

Dos  de  la  main 2  —  —    G  — 

Genou 2  —  —  10  — 

Avant-bras,  milieu 2  —  —   l.ï  - 

Dos  du  pied 2  —  —  lu  — 

Sternum 2  —  —  23  — 

Bras 2  —  —  25  — 

Le  tableau  précédent  montre  que  lorsqu'on  applique  sur  la 
A'"  phalange  face  dorsale  par  exemple  un  disque  de  2  milli- 
mètres de  diamètre,  il  faut  appliquer  ensuite  un  disque  au 
moins  de  8  millimètres  de  diamètre  pour  qu'on  sente  que  le 
deuxième  disque  est  plus   grand   que  le  premier. 

Signalons  encore  quelques  résultats  obtenus  sur  la  perception 
de  figures  avec  la  peau,  ces  résultats  sont  dus  à  )\  eber  (5),  ils 
n'ont  été  vérifiés  depuis  que  par  Rumpf.  AVeber  écrivait  sur  la 
peau  une  lettre,  le  sujet  devait  tracer  sur  le  papier  la  forme 
qu'il  percevait:  déjà  les  premières  expériences  ont  montré  que 


346  REVUES    GÉNÉRALES 

souvent  le  sujet  percevait  bien  la  forme,  mais  ne  pouvait  pas 
du  tout  reconnaître  la  lettre  écrite,  il  ne  la  reconnaissait 
qu'après  l'avoir  écrite  sur  le  papier;  la  raison  en  est  que  lors- 
qu'on trace  une  lettre  sur  la  peau,  cette  lettre  est  perçue  quelque- 
fois comme  renversée  ou  comme  retournée  pareillement  à  une 
image  dans  le  miroir.  Voici  quelques  résultats  : 

Pour  percevoir  correctement  la  lettre  L, 

On  doit  l'écrire  sur  le  front  comme  J  ; 

Sur  la  nuque  comme  L, 

Sur  le  ventre  comme  1, 

Sur  le  dos  comme  T. 
En  somme,  nous  renversons  de  manières  difTérentes  les  lettres 
ou  figures  écrites  sur  notre  peau.  Cette  étude  est,  croyons-nous, 
d'une  grande  importance,  et  il  est  curieux  qu'aucun  auteur  ne 
l'ait  reprise  et  examinée  plus  en  détails,  elle  peut  apporter 
beaucoup  de  points  de  vue  nouveaux  sur  la  question  de  l'espace 
tactile.  Nous  signalons  quelques  remarques  analogues  que 
nous  avions  faites  en  189!2  dans  le  courant  de  nos  recherches 
sur  la  perception  de  lettres  avec  la  peau;  lorsque  le  sujet  avait 
sa  main  posée  sur  la  table  la  face  palmaire  en  haut  et  que  nous 
appliquions  une  lettre  sur  la  pulpe  d'un  doigt,  la  lettre  sem- 
blait être  renversée  comme  dans  un  miroir  :  ainsi  un  B  était 
perçu  comme  ceci  :  g;  si  au  contraire  le  sujet  tournait  sa  main 
en  pronation,  la  face  palmaire  en  bas  et  s'il  appliquait  lui-même 
son  doigt  sur  la  lettre  posée  sur  la  table,  il  percevait  la  lettre 
correctement,  c'est-à-dire  un  B  comme  un  B,  quoique  la  par- 
tie de  la  peau  employée  dans  ces  deux  cas  fût  le  même. 
Ceci  montre  que  la  représentation  visuelle  doit  probablement 
jouer  un  rôle  important  dans  la  perception  de  formes  avec  la 
peau;  il  serait  très  intéressant  de  faire  des  expériences  sur  les 
aveugles  ;  l'expérience  donnerait  quelque  éclaircissement  sur  le 
rôle  que  les  images  visuelles  jouent  dans  nos  perception  tactiles 
de  l'espace. 

Sur  la  perception  de  mouvements  avec  la  peau  Czermak' 
avait  déjà  affirmé  que  le  même  mouvement  d'un  corps  sur  la 
peau  est  perçu  comme  étant  plus  rapide  sur  les  parties  qui  ont 
un  sens  du  lieu  développé  que  sur  les  parties  où  le  sens  du 
lieu  est  moins  développé.  Vierordt  -  a  vérifié  ce  fait.  Il  a  de 
plus   remarqué  qu'un   mouvement  d'une   pointe  sur  la  peau 

(1)  Zki-  Lelirt'  iih.  il.  Zrilsinn.  lier.  d.  Wiener  Akadeni.,  1857. 

(2j  Vieroidl.  I>er  ZeiLslnnn  ach  Versi/chen.,  p.  118-122.  Tûbingen,  18.(38. 


V.    BENRI.    —   SUR   LE    SI-MS   DU   LIEU   DE   LA.   PEAU  347 

paraît  avoir  une  amplitude  d'autant  plus  faible  que  la  vitesse 
est  grande;  enfin  Fechner  {Psychophysik.,  II,  p.  330)  remarque 
que  lorsqu'on  touche  la  peau  avec  deux  pointes  et  qu'ensuite  on 
déplace  une  pointe  sur  la  même  partie  de  la  peau  et  si  l'on  fait 
parcourir  à  cette  pointe  une  longueur  égale  à  la  distance  des 
points,  il  semble  que  la  pointe  mobile  parcoure  une  longueur 
moindre  que  la  distance  des  points  touchés  précédemment. 
Yierordt  montre  que  cette  différence  est  d'autant  plus  forte  que 
la  pointe  est  déplacée  plus  rapidement. 

Enfin  St.  Hall  et  Donaldson  (104)  et  puis  Nichols  ont  aussi 
étudié  la  perception  de  mouvements  avec  la  peau  ;  aux  résultats 
précédents  ils  ont  ajouté  des  déterminations  sur  la  perception 
de  mouvements  suivant  que  le  corps  déplacé  est  plus  ou  moins 
appliqué  sur  la  peau  :  l'amplitude  du  mouvement  pour  une 
même  vitesse  paraît  plus  faible  lorsque  la  pointe  est  appliquée 
plus  fortement  que  lorsqu'elle  est  appliquée  faiblement. 

Nous  avons  terminé  la  revue  des  études  expérimentales,  il 
est  certain  que  nous  n'avons  pas  pu  mentionner  toutes  les  re- 
cherches ;  cela  prendrait  trop  de  place  ;  nous  croyons  avoir  indi- 
qué les  résultats  les  plus  importants;  nous  avons  donné  beau- 
coup de  tables,  d'abord  pour  mieux  illustrer  les  résultats 
généraux,  et  puis  parce  qu'on  n'a  pas  toujours  la  facilité  de  lire 
le  travail  original,  et  pourtant  sans  résultats  numériques,  on  ne 
peut  pas  bien  se  représenter  la  portée  de  tel  résultat  spécial  ; 
beaucoup  des  tables  précédentes  ne  se  trouvent  mentionnées 
dans  aucun  traité  de  psychologie. 

Nous  passerons  maintenant  rapidement  en  revue  les  cas 
pathologiques  du  sens  du  lieu  et  de  la  localisation  des  sensa- 
tions tactiles. 

2'^  Cas  pathologiques.  —  Tout  le  monde  connaît  les  études 
célèbres  de  M.  Ribot  qui  ont  démontré  l'importance  que  l'étude 
de  cas  pathologiques  peut  jouer  dans  l'analyse  et  l'explication 
de  certains  processus  psychologiques  ;  on  pourrait  bien  dire, 
croyons-nous,  qu'avant  de  développer  quelque  théorie  sur  un 
processus  psychique,  avant  de  terminer  une  étude  générale  sur 
une  faculté  psychique  quelconque  il  faut  voir  si  la  pathologie 
nenousapprend  pas  quelque  chose  de  nouveau.  Voyons  donc  si 
les  cas  pathologiques  ne  peuvent  pas  nous  apprendre  quelque 
chose  de  nouveau  relativement  au  sens  du  lieu  de  la  peau. 

Un  grand  nombre  d'auteurs  ont  observé  que  dans  différentes 
maladies  nerveuses  la  limite  minimum  de  la  distance  de  deux 


348  REVUES   GÉNÉRALES 

points  nécessaires  pour  qu'on  perçoive  deux  points  peut 
prendre  des  valeurs  très  considéralDles,  et  aussi  dans  certains 
cas  d'iiypereslhésie  (v.  Brown-Srquard  [27])  cette  limite  peut 
devenir  très  faible  ;  il  faut  noter  que  dans  une  certaine  me- 
sure «  le  sens  du  lieu  »  ne  va  pas  parallèlement  à  la  sensibilité 
de  la  peau  à  des  pressions  ou  à  des  impressions  thermiques  ; 
on  a  observé  des  cas  (v.  Hoffmann  [7"]i  où  la  sensibilité  pour 
les  pressions  était  diminuée  et  pourtant  il  n'y  avait  pas  de 
diminution  du  sens  du  lieu  ;  de  même  on  a  observé  quelques 
cas  contraires. 

Ce  qui  peut  surtout  nous  être  utile,  c'est  la  relation  entre  le 
sens  du  lieu  de  la  peau  et  la  localisation  des  sensations  tactiles  ; 
pour  les  observations  détaillées  nous  renvoyons  à  deux  mé- 
moires qui  en  contiennent  un  grand  nombre  ;  c'est  d'abord 
celui  de  II.  Hoffmann  (77)  et  puis  celui  de  M.  Laehr  (io3),  le 
premier  a  étudié  chez  difîérenls  malades  la  faculté  de  pouvoir 
percevoir  des  formes  géométriques  avec  le  toucher,  le  sujet 
devait  en  tàtant  un  certain  corps,  un  octaèdre  par  exemple, 
dire  quelle  était  la  forme  de  ce  corps  ;  pour  déterminer  les  fac- 
teurs qui  jouent  un  rôle  dans  cette  perception,  l'auteur  a  étudié 
chez  chaque  malade  la  sensibilité  au  toucher,  la  sensibilité  à 
la  douleur,  la  sensibilité  à  la  pression,  le  sens  musculaire,  la 
faculté  de  s'orienter  dans  un  espace,  puis  la  finesse  du  sens  du 
lieu  étudiée  par  la  méthode  du  compas  de  Weber  et  enfin  la 
localisation  d'un  contact  soit  avec  une  pointe  tenue  dans  la 
main  droite,  soit  en  donnant  une  description  aussi  détaillée  que 
possible  de  l'endroit  de  la  peau  où  le  sujet  croit  que  le  contact 
a  lieu.  Voici  les  résultats  : 

1°  Dans  sept  cas  la  localisation  des  sensations  tactiles  était 
normale  ;  dans  cinq  de  ces  cas  le  sens  du  lieu  était  un  peu 
diminué  ;  dans  les  deux  autres  il  l'était  beaucoup  ; 

2"  Dans  six  cas  la  localisation  des  sensations  tactiles  était  un 
peu  au-dessous  de  la  valeur  normale  ;  dans  l'un  de  ces  cas  le 
sens  du  lieu  était  beaucoup  diminué  ;  dans  les  autres  cinq  la 
limite  de  la  dislance  des  deux  pointes  n'a  pu  être  obtenue  que 
très  difficilement,  la  diminution  de  la  finesse  du  sens  du  lieu 
était  très  considérable; 

3°  Dans  un  cas  la  localisation  des  sensations  tactiles  a  été 
trouvée  beaucoup  au-dessous  de  la  valeur  normale  (erreurs  de 
plusieurs  cm  sur  les  doigts),  tandis  que  le  sens  du  lieu  n'a  été 
que  très  peu  diminué. 

Les  observations  de  Laehr  ont  amené  les  mêmes  résultats. 


V.    HENRI,    —    SUR    LE    SENS    DU   LIEU    DE    LA    PEAU  349 

Ces  résultats  montrent,  croyons-nous,  clairement  que  la 
localisation  des  sensations  tactiles  ne  doit  pas  être  confondue 
avec  le  sens  du  lieu  de  la  peau  ;  ce  sont  deux  processus  qui 
ont  certainement  plusieurs  côtés  communs,  mais  suivant  beau- 
coup de  côtés  ils  diffèrent  considérablement  l'un  de  Vautre.  Il 
est  curieux  de  noter  que  bien  peu  de  psychologues  ont  fait  cette 
distinction;  même  chez  M.  Wundt,  nous  voyons  que  dans  sa 
psychologie  physiologique  (t.  Il,  p.  5-30)  il  parle  tout  le  temps 
de  Localisatio7isvermogen,  c'est-à-dire  de  faculté  délocalisation, 
et  il  dit  que  la  finesse  de  cette  faculté  de  localisatiou  est  mesurée 
par  la  méthode  du  compas  de  Weber. 

Tandis  que  chez  les  psychologues,  cette  distinction  n'est  pas 
faite,  en  général,  elle  l'est  chez  beaucoup  de  neurologues  ;  la 
pratique  leur  a  montré  qu'on  avait  afïaire  à  deux  genres  de 
symptômes  :  d'une  part,  la  localisation  des  sensations  tactiles 
et  de  l'autre  la  perception  de  deux  points  avec  la  peau,  c'est-à- 
dire  «  le  sens  du  lieu  »  de  la  peau. 

Un  autre  genre  d'anomalies  a  une  grande  importance  pour 
nous,  c'est  le  symptôme  appelé  par  les  neurologues  allochirie  ; 
le  malade  a  une  sensibilité  tactile  normale,  ou  presque;  son 
sens  du  lieu  n'est  pas  modifié  ou  l'est  très  peu,  mais  lorsqu'on 
touche  un  point  de  sajambe  (/«itcAeprès  du  genou,  par  exemple, 
et  qu'on  le  prie  de  dire  où  le  contact  a  lieu,  il  répond  :  «  près 
du  genou,  sur  la  jambe  droite  »,  il  commet  une  erreur  de  côté  ; 
le  contact  d'un  point  d'un  membre  droit  est  rapporté  au  point 
correspondant  du  membre  gauche  et  réciproquement.  Décrit 
en  1881,  par  Obers(einer{\'iS)  qui  en  a  donné  cin(|  observations, 
ce  symptôme  a  ensuite  été  observé  assez  souvent  ;  en  géné- 
ral, il  se  rencontre  chez  des  tabéticjues,  il  a  été  observé  dans  un 
cas  de  sclérose  en  plaques,  dans  un  cas  de  paralysie  à  la  suite 
de  dyphtérie,  chez  plusieurs  hystériques  ;  en  somme,  il  existe 
maintenant  dans  la  littérature  plus  de  vingt  observations  de 
ce  genre  qui  toutes  confirment  ce  phénomène  ;  dans  quelques 
cas  le  phénomène  a  lieu  pour  tout  le  corps  ;  dans  d'autres,  il  est 
limité  aux  quatre  membres,  enfin  dans  la  plupart  il  a  lieu  pour 
les  jambes  seulement  ;  quelquefois  il  a  été  observé  en  rapport 
avec  des  troubles  moteurs,  mais  on  connaît  des  cas  où  il  n'était 
accompagné  d'aucun  trouble  moteur  ni  sensoriel  autre  que  l'al- 
lochirie. 

Nous  ne  connaissons  qu'un  seul  auteur,  M.  Pierre  Janet  (152), 
qui  ait  porté  l'attention  sur  l'importance  psychologique  de 
pareilles  observations  ;  en  eflet,  d'après  les  théories  de  Lotze  et 


350  REVUES    GÉNÉRALES 

de  Wundt,  un  contact  de  notre  corps  est  localisé  en  raison  du 
signe  local  dont  il  est  doué,  ce  signe  local  est  jiour  cet  auteur 
la  qualité  du  contact  :  s'il  est  sur  une  partie  molle  de  la  peau 
ou  sur  une  saillie  d'un  os,  s'il  est  sur  une  partie  où  la  peau  est 
fine  ou  bien  sur  une  partie  où  elle  est  épaisse,  etc.,  etc.,  ce  sont 
ces  particularités  liées  à  la  structure  de  la  peau  qui  permettent 
de  localiser  un  contact.  Il  va  une  difficulté,  comme  le  remarque 
Lotze  (14  p,  398)  pour  la  question  de  savoir  comment  on  dis- 
lingue le  côté  gauche  du  côté  droit  puisque  sur  les  .points  symé- 
triques de  la  peau,  les  contacts  sont  très  ressemblants  quant  à 
leur  nature  ;  les  observations  d'allochirie  parlent  pour  cette 
théorie  de  Lotze;  en  effet,  une  erreur  de  côté  est  possible,  mais 
dans  cette  erreur  de  côté,  le  point  est  rapporté  au  lieu  symé- 
trique du  point  touché,  c'est-à-dire  à  un  point  où  le  contact  a 
la  même  nature,  les  mêmes  signes  locaux  que  le  point  touché. 

La  raison  pour  laquelle  les  malades  se  trompent  constamment 
de  côté  est  difficile  à  expliquer  maintenant;  Ferrier  (lolj  a 
donné  une  observation  où,  outre  l'allochirie  très  prononcée,  le 
malade  avait  un  trouble  particulier  pour  les  réflexes  tendineux  : 
un  coup  de  marteau  sur  le  genou  gauche  laisse  la  jambe  gauche 
immobile,  et  la  jambe  droite  réagit  par  réflexe  et  réciproque- 
ment ;  les  autres  auteurs  qui  ont  étudié  les  cas  d'allochirie  ne 
disent  rien  des  réflexes,  seulement  dans  le  cas  décrit  par 
M.  Janet,  lorsqu'on  priait  la  malade  (hystérique)  de  lever  le 
bras  droit,  elle  n'hésitait  pas  et  levait  le  bras  gauche  et  réci- 
proquement; on  peut  donc,  peut-être,  supposer  que  le  phéno- 
mène de  l'allochirie  est  lié  à  quelque  modification  de  l'appareil 
moteur,  mais  ce  n'est,  répétons-le,  qu'une  hypothèse  basée 
seulement  sur  deux  cas.  Nous  reviendrons  sur  ce  point  dans 
notre  article  sur  la  localisation  des  sensations  tactiles. 

Enfin  nous  mentionnons  un  cas  anormal  décrit  par  Steward 
(145)  :  un  malade  étant  touché  sur  le  petit  doigt,  dit  qu'il  est 
touché  sur  le  pouce  ;  touché  sur  le  pouce,  il  localise  le  contact 
sur  le  petit  doigt;  touché  sur  le  bord  externe  de  la  main,  il  dit 
être  touché  sur  le  bord  inlerne  de  la  main  et  réciproquement; 
un  contact  sur  la  face  externe  de  l'avunt-bras  est  rapporté  sur 
la  face  interne  ;  les  contacts  sur  les  points  de  la  ligne  médiane 
du  bras  et  de  la  main  sont  localisés  exactement;  dans  tous  ces 
cas  le  malade,  pour  localiser,  devait  décrire  avec  les  mots  l'en- 
droit où  il  croyait  que  le  contact  était  produit.  Cette  observa- 
tion est  unique,  il  faut  attendre  qu'il  en  vienne  d'autres  avant 
d'en. tirer  quelque  conclusion. 


V.    n^NRI.    —   SUR   LE    SENS   DU   LIEU   DE    LA    P::aU  351 

En  résumé,  la  revue  des  cas  pathologiques  nous  a  montré 
clairement  qu  il  fallait  distinguer  la  localisation  des  sensations 
tactiles  et  le  sens  du  lieu  de  la  peau;  ces  deux  facultés  sont 
jusqu'à  une  certaine  mesure  indépendantes  Vune  de  Vautre. 
De  plus,  elle  nous  a  montré  qiCon  peut  rencontrer  des  cas  oii. 
dans  la  localisation  une  erreur  de  côté  est  commise,  mais  le 
contact  est  localisé  à  un  point  symétrique  de  celui  olc  il  est 
jyroduit. 


II 

THÉORIES    SUR   LE    SENS    DU   LIEU    DE    LA    PEAU 

Nous  ne  pouvons  pas  entrer  ici  dans  des  détails  relativement 
aux  différentes  théories  qui  ont  été  présentées  pour  expliquer 
la  localisation  des  sensations  tactiles,  puis  les  différences  dans 
le  sens  du  lieu  de  différentes  parties  de  la  peau  et  enfin  la  for- 
mation de  l'espace  tactile.  Ceci  prendrait  trop  de  place,  nous 
comptons  y  revenir  en  détails  à  un  autre  endroit.  Dans  celte 
revue  générale  que  nous  avons  voulu  surtout  consacrer  aux 
recherches  expérimentales  nous  ne  pouvons  qu'indiquer  briève- 
ment les  différentes  théories. 

Weber  ayant  trouvé  que  la  finesse  du  sens  du  lieu  variait 
sur  différentes  parties  du  corps,  a  cherché  à  en  donner  une 
explication  ;  on  peut  très  bien  suivre  le  développement  de  sa 
théorie  :  en  183i  dans  son  mémoire  latin  il  dit  que  probable- 
ment les  différences  du  sens  du  lieu  sont  dues  à  des  différences 
dans  le  nombre  et  les  ramifications  des  nerfs  sous  la  peau  ; 
tt  In  partibus  subtiliori  sensu  prœdicis  plures  fibrœ  nerva^, 
quam  in  partibus  obtuso  sensu  instructis  finiuntur  »  (p.  149)  ; 
de  plus  lorsqu'une  même  fibre  nerveuse  est  touchée  en  deux 
points  différents,  la  sensation  produite  est  unique,  on  ne  sent 
pas  deux  points  on  ne  sent  qu'un  seul  point.  En  1848,  dans  son 
mémoire  allemand  dans  le  Dictionnaire  de  Physiologie  de 
Wagner  (4),  Weber,  probablement  sous  l'influence  de  J.  Miiller, 
a  développé  sa  théorie  des  «  cercles  de  sensations  »  d'après 
laquelle  la  peau  est  partagée  dans  des  cercles  tels  qu'à  l'inté- 
rieur de  chacun  de  ces  cercles  se  trouvent  les  ramifications 
d'une  fibre  nerveuse,  le  contact  de  deux  points  d'un  même 
1  cercle  de  sensation  »  produit  l'impression  d'un  seul  point,  et 
pour  qu'en  touchant  la   peau  avec  deux  pointes  on  sente  deux 


doU  REVUES   GÉNÉRALES 

points,  il  faut  que  les  deux  pointes  touchent  d'abord  deux  «  cer- 
cles de  sensation  »  différents  et  puis  il  faut  qu'il  y  ait  au 
moins  un  cercle  entre  les  deux  touchés.  Les  <  cercles  de  sensa- 
tion ï  ont,  d'après  Weber,  sur  différentes  parties  de  la  peau  des 
grandeurs  et  des  formes  différentes. 

C'est  donc  une  théorie  basée  sur  la  structure  anatomique  de 
la  périphérie  des  nerfs.  En  1848,  Weber  affirmait  (jue  les  cercles 
t!e  sensations  sont  représentés  dans  le  cerveau  d'une  certaine 
manière  ;  l'idée  du  lieu  et  de  l'espace  était  innée.  En  185:2, 
Weber  modifiait  sa  théorie  à  la  suite  des  critiques  de  Kôllikev 
(16j  et  de  Lotze  (14);  il  alfirme  déjà  qu'à  la  naissance  l'enfant 
ne  sait  rien  de  l'endroit  où  tel  contact  est  produit,  ce  n'est  que 
par  expérience  que  le  contact  de  tel  point  de  la  peau  s'associe  à 
sa  position  dans  l'espace;  on  apprend  ainsi  par  expérience  à 
connaître  la  position  et  la  grandeur  des  «  cercles  de  sensations  », 
et  lorsque  deux  pointes  sont  appuyées  sur  notre  peau  nous 
comptons  d'une  manière  inconsciente  le  nombre  de  cercles  qui 
se  trouvent  entre  les  deux  pointes  ;  plus  ce  nombre  sera  grand 
plus  les  pointes  paraîtront  être  séparées  l'une  de  l'autre. 

Meissner  i^'à) ,  eni8o3,  a  un  peu  modifié  cette  théorie;  il  attri- 
bue une  importance  à  l'irradiation  produite,  lorsqu'on  touche 
la  peau  avec  une  pointe. 

A  côté  de  cette  théorie  anatomique  se  développait  une 
théorie  psychologique  de  la  localisation  des  sensations  tactiles; 
déjà  en  1846,  dans  son  mémoire  Seele  uncl  Seelenleben,  in 
Wagners  Handworterb  de  Physiol.,  III,  1,  17:2,  et  même  avant 
en  1841  dans  son  système  de  philosopliie  (t.  II  p.  193  et  543) 
Lotze  développait  une  théorie  de  la  formation  de  l'espace  tactile 
et  de  la  localisation  des  sensations  tactiles  qui  a  trouvé  son  déve- 
loppement complet  dans  la  Meclicinische  Psychologie  de  Lotze. 

D'après  cette  théorie  le  contact  d'un  point  de  la  peau  a  une 
certaine  propriété,  une  certaine  qualité  qui  est  spécifique  au 
lieu  de  la  peau  touché  ;  elle  est  différente  sur  le  bras  et  sur  la 
jambe,  etc.,  ce  quelque  chose  qui  lie  la  sensation  de  contact  au 
lieu  de  la  peau  touché  est  appelé  par  Lotze  signe  local;  Wundt 
a  développé  cette  théorie  des  signes  locaux  ;  nous  en  avons 
déjà  parlé  plus  haut. 

Czermak,  en  1855,  cherche  à  réunir  la  théorie  des  cercles  de 
sensations  de  Weber  avec  la  théorie  des  signes  locaux  de  Lotze, 
il  n'attribue  plus  aux  cercles  de  sensations  la  signification 
anatomique  de  Weber  ;  la  sensation  du  contact  de  tout  point 
de  la  peau  a  un  certain  signe  local  ;  si  on  prend  des  points  voi- 


V.    HENRI.    —   SUR    LE    SENS   DU   LIEU   DE    LA    PEAU 


353 


sins  a,  6,  c...  il  leur  correspond  des  signes  locaux  x,  ^,  v,.--i 
mais  ces  signes  locaux  doivent  être  différents  de  certaines 
grandeurs  au  moins  pour  qu'on  les  distingue  ;  il  existe  donc 
sur  la  peau  des  cercles  tels  qu'à  l'intérieur  de  chaque  cercle  le 
contact  de  tout  point  est  accompagné  d'un  signe  local,  qui, 
pour  nous,  semble  être  le  même  ;  en  réalité  le  signe  local  varie 
à  l'intérieur  d'un  cercle  de  sensation  d'un  point  à  l'autre,  mais 
cette  variation  se  produit  dans  des  limites  qui  ne  sont  pas  per- 
ceptibles. On  voit  que  les  «  cercles  de  sensations  »  ont  chez  Czer- 
mak  une  signification  tout  à  fait  différente  de  celle  de  Weber. 

Nous  signalons  encore  une  théorie  basée  sur  l'irradiation  des 
ramifications  nerveuses  non  dans  la  périphérie  mais  dans  les 
centres  nerveux;  indiquée  pour  la  première  fois  par  J.  Jluller 
{Physiologie,  I,  p.  608,  4'"  éd.,  1844),  elle  a  été  développée  par 
Bernslein  (o4)  qui  construit  des  théories  sur  la  structure  ana- 
tomique  des  centres  nerveux;  ces  hypothèses  ne  sont  basées 
sur  aucun  fait. 

Nous  ne  pouvons  pas  entrer  dans  plus  de  détails  sur  ce 
point;  nous  donnerons,  peut-être,  l'année  prochaine  une  revue 
générale  consacrée  spécialement  aux  théories  de  l'espace  tactile. 


Victor  Henri. 


Leipzig,  1"  décembre  1895. 


TABLE  DONNANT  LES  VALEURS   DE   /   CORRESPONDANT 

.\ux  NOMBRES  DIFFÉRENTS  DE  CAS  VRAIS  (r).  Formule  de  Fcchner. 


r 

t 

7' 

/ 

0 

0,  470 

70 

1,018 

M 

0 

0,505 

75 

1,083 

10 

0,  534 

80 

1,163 

15 

0,50t 

85 

1,259 

20 

0,395 

90 

1,356 

25 

0,627 

92 

1 ,  452 

30 

0.661 

9t 

1,534 

35 

0,  696 

93 

1,383 

40 

0,733 

96 

1,643 

45 

0,772 

97 

1,720 

50 

0.813 

98 

1,821 

55 

0,858 

99 

1,984 

60 

0,906 

99,5 

2,138 

63 

0,059 

99,9 

2,461 

1 



ANNEE   PSYCHOLOGIQUE.    II. 


23 


354  REVUES   GÉNÉRALES 


BIBLIOGRAPHIE    DU   SENS   DU  LIEU  DE  LA  PEAU 


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V.    HENRI.   —    SUR   LE    SENS   DU    LIEU    DE    LA    PEAU  3(il 

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143.  Weiss.  Ueber  anderseitige  Empfindungswalirnehmungen 


362  REVUES    GÉNÉRALES 

und   anderseitige    Dewegungserscheinungen.  Wien.   med. 
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144  Stewart.  Allochiria.  Brit,  Med.  Journ.  181)3,  iiov.  p.  10o3. 

145.  Steward.. 4  CUnical  Lecture  on  a  Case  of  Pervcrted  Loca- 
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Kranken.  Centralbl.  f.  med.  Wissensch.,  1876. 

Victor  Henri. 


m 

REVUE  GÉNÉRALE  SUR  LES  SENSATIONS  OLFACTIVES 


Je  ne  puis  me  flatter  dans  les  pages  qui  suivent  de  rendre 
compte  d'une  fagon complète  de  tous  les  travaux;  je  m'attache- 
rai de  préférence  au  côté  expérimental,  et  sans  me  limiter  à 
une  date  déterminée,  je  rappellerai  dans  les  travaux  remontant 
à  quelques  années  ce  qui  garde  encore  un  intérêt,  de  façon  à 
présenter  autant  que  possible  un  tableau  résumé  des  connais- 
sances aujourd'hui  acquises  dans  le  domaine  de  l'olfaction. 

Nous  croyons  utile  de  placer  en  tête  de  cet  article  quelques 
figures  anatomiques,  et  de  les  accompagner  de  quelques  mots 
d'explication  pour  faciliter  aux  lecteurs  étrangers  à  cet  ordre 
de  questions  l'intelligence  de  ce  qui  suivra  (fig.  7G). 

Chez  tous  les  mammifères,  et  même  chez  tous  les  vertébrés  à 
respiration  aérienne,  l'organe  de  l'olfaction  se  compose  de 
deux  cavités  plus  ou  moins  anfractueuses,  creusées  dans  la  par- 
tie antérieure  du  crâne,  ouvertes  sur  l'extérieur,  séparées  par 
une  cloison  médiane  et  servant  en  même  temps  qu'à  la  récep- 
tion des  émanations  odorantes  au  passage  du  courant  d'air 
respiratoire;  ces  deux  cavités  prennent  le  nom  de  fosses  nasales. 
Chez  l'homme  en  particulier,  les  fosses  nasales  sont  protégées 
extérieurement  par  une  saillie  de  forme  et  de  dimension  très 
variables,  le  nez. 

On  peut  diviser  les  fosses  nasales  en  trois  parties  :  1°  les 
narines  ;  ^2°  les  fosses  nasales  proprement  dites  ;  3"  l'arrière- 
cavilé  des  fosses  nasales. 

Les  narines  ou  vestibule  des  fosses  nasales  se  distinguent  du 
reste  de  la  cavité  olfactive  par  leur  revêtement  intérieur,  qui 
est  formé  par  la  peau,  tandis  que  les  fosses  nasales  proprement 
dites  sont  tapissées  par  une  véritable  muqueuse,  \âpi(iii(aire. 
La  partie  inférieure  des  narines  est  garnie  de  poils  longs  et 


364 


REVUES    GENERALIÎS 


abondants  appelés  vibi'isses.  L'orifice  supérieur  qui  fait  com- 
muniquer les  narines  avec  les  fosses  nasales  est  fort  étroit,  ce 
qui  donne  aux  narines  la  forme  d'un  entonnoir  irrégulier.  La 
peau  qui  tapisse  les  narines  ne  diffère  pas  de  celle  du  reste  du 
corps  ;  ce  n'est  qu'au  voisinage  de  la  pituitaire  qu'elle  subit 
très  brusquement  les  modifications  qui  doivent  la  transformer 
en  muqueuse. 

Le  squelette  osseux  des  fosses  nasales  divise  celles-ci  en  un 
certain  nombre  d'anfractuosités,  les   cornets ;•  ce  sont  :  1'^  le 


fmm. 


'^^^"^ 


Fig.  7G.  —  Nerfs  de  la  paroi  externe  des  fosses  nasi 
(D'après  Debierrc,   T rai  10  (/'itiKi/m/iie  de  riiummc. 

A,  nerf  opliciuc.  —  li,  iicrl'  ociilo-ninlcui'  ooiniiuin.  —  (!,  liraiiolu'  opliliili 

—  I,  ncr-r  nlfaclir.  —  2,  son  |iii>saj,'o  ii  li';i\t'rs  les  Irons  do  la  liimc  crilih'c. 
linUon  à  \:\  nnKinonsc  di' la  paroi  i-xicrnc  îles  fossfs  nasales.  —    4,  nerf  nia\ 

—  5,  lUM-r  pliar\nf;i('n-palalin.  —  ti,  lu'i'l'  \i(iifn.  —  7,  losscdn  nort'naso-palal 
cxlcrnr  dn  nerf  splirno-palalin.  —  9,  raincan  nasal  dn  i;rand  ncil'  palal 
palatins  nioscn  ol  posléiicni-.  —  M,  grand  nerf  palulin.  —  li,  lik'l  (Hlinioïda 
de  la  (doison.  —  14,  rameau  laléral  des  fosses  nasales.  —  13,  rameau  cxl 
nasales. 


lies. 


nii|ne 

de 

Willis. 

—  W 

sa 

dislri- 

illairc 

sup 

■rieni'. 

in.  — 

S,  1 

aniean 

in.   - 

-  in 

,  nerl's 

1.  — 

13,1 

anieau 

eriie 

des 

fosses 

cornet  supérieur  avec  son  méat;  2'-  le  cornet  moyen  avec  son 
méat  ;  ^°  le  cornet  inférieur  avec  son  méat.  En  outre,  au-dessus 
et  en  arrière  du  cornet  supérieur,  le  cornet  de  Sanlorini  avec 
la  dépression  située  au-dessous  (récessus  sphéno-clhmoïdal). 
En  outre,  les  os  qui  concourent  à  former  le  squelette  des  fosses 
nasales  sont  creusés  de  vastes  cavités,  dont  le  rôle  est  mal 
connu,  qui  chez  l'homme  tout  au  moins  ne  paraissent  jouer 


PASSY.  —  SUR  LES  SENSATIONS  OLFACTIVES        363 

aucun  rôle  dans  l'olfaction,  et  qui  cependant  communiquent 
avec  les  fosses  nasales  par  des  conduits  plus  ou  moins  larges. 
Ce  sont  le  sinus  sphénoïdal,  les  cellules  ethmoïdales  postérieures 
et  antérieures,  et  le  sinus  maxillaire. 

La  paroi  supérieure  ou  voûte  des  fosses  nasales  est  formée 
par  la  lame  criblée  de  l'ethmoale,  lame  osseuse  percée  de 
trous  qui  livrent  passage  aux  vaisseaux,  à  l'un  des  filets  du 
trijumeau  et  au  nerf  olfactif;  c'est  par  la  lame  criblée  de 
l'ethmoïde  que  s'établit  la  communication  entre  les  cavités 
nasales  et  le  bulbe  olfactif. 

La  muqueuse  nasale  ou  pif  uitaire  tapisse  entièrement  et  sans 
s'interrompre  les  diverses  parois  des  fosses  nasales  (cornets, 
sinus,  cellules  ethmoïdales).  Au  niveau  de  la  lame  criblée  de 
l'ethmoïde  elle  ferme  tous  les  trous  qui  y  sont  creusés  ;  les 
vaisseaux  et  les  nerfs  auxquels  ces  trous  livrent  passage  ren- 
contrent donc  immédiatement  au-dessus  d'eux  la  face  profonde 
de  la  muqueuse  et  pénètrent  alors  dans  l'épaisseur  de  cette 
membrane. 

11  s'en  faut  de  beaucoup  que  toute  la  surface  de  la  pituitaire 
soit  utilisée  pour  l'olfaction  ;  la  région  qui  porte  l'épithélium 
olfactif  proprement  dit,  et  sur  laquelle  vient  s'épanouir  le  nerf 
olfactif,  présente  une  coloration  jaunâtre,  qui  tient  à  la  présence 
d'un  pigment  spécial,  et  diffère  par  ses  caractères  histologiques 
du  reste  de  la  muqueuse.  Elle  a  reçu  les  noms  de  tache  olfac- 
tive, locus  luteus,  regio  olfactoria,  etc.,  et  s'étend  exclusive- 
ment à  la  partie  supérieure  de  la  voûte.  Il  est  très  important 
d'être  fixé  sur  l'étendue  et  la  distribution  de  cette  surface.  On 
admettait  assez  généralement  et  la  plupart  des  traités  d'anato- 
mie  enseignent  que  la  muqueuse  olfactive  occupe  la  moitié 
supérieure  des  fosses  nasales;  cette  région  aurait  pour  limite 
inférieure  le  bord  libre  du  cornet  moyen,  et  sur  la  cloison  une 
ligne  antéro-postérieure  située  au  niveau  correspondant.  Les 
travaux  récents  de  Brûnn  *  semblent  prouver  que  cette  région 
est  beaucoup  moins  étendue. 

La  pigmentation,  d'après  cet  auteur,  ne  coïnciderait  pas 
d'une  façon  exacte  avec  la  distribution  de  l'épithélium  olfactif, 
et  il  serait  nécessaire  de  distinguer  au  microscope,  d'après  les 
caractères  histologiques,  la  limite  des  deux  régions.  C'est  ce 
que  l'examen  de  deux  sujets,  pratiqué  immédiatement  après  la 
mort,  a  permis   de  faire.  Dans  le  premier  cas   la  muqueuse 

(1)  A.  von  Brunu.  Archlv  fiir  mihrosk.  Anal.,  t.  XX.MX,  1892,  p.  G32. 


^m 


REVUES    GENERALES 


olfactive  mesurait  257  millimètres  carrés  dont  124  sur  la  paroi 
externe  et  133  sur  la  cloison.  La  région  olfactive  s'étendait 
uniquement  sur  une  partie  du  cornet  supérieur  et  la  partie 
opposée  de  la  cloison;  elle  ne  s'approchait  qu'à  7""", 5  environ  du 
bord  du  cornet  supérieur.  Dans  le  second  cas,  la  surface  couverte 
était  de  236  millimètres  carrés  dont  99  sur  la  cloison  et  139  sur 
le  septum  ;  le  bord  inférieur  du  cornet  n'était  nulle  part  atteint. 
Ainsi,  contrairement  à  ce  que  l'on  a  admis  jusqu'à  présent,  le 
cornet  supérieur  seul,  et  en  partie  seulement,  serait  revêtu 
parla  muqueuse  spécifique  ;  celle-ci  est  située  sur  la  voûte  des 
fosses  nasales,  à  la  partie  la  plus  éloignée  des  narines. 


Fis.  77.  —  (D'après  Briinn.)  Distrilnition  de  rôpithéliiun  olfactif. 

Fosse  nasale  droite. 

I.a  cloison  S  airaclirc  à  l'cxcoplion  «lu  lionl  su|n'riour  cl  lalialluc  vcrticaleniont. 
I.a  parlic  omlircc  i-C|irésciilo  la  disliiliulioii  ilc  rcpilliclimn  olfactif. 

L'épithélium  de  la  région  olfactive  comprend  trois  ordres 
de  cellules  :  P  les  cellules  épilhéliales  proprement  dites.  2°  les 
cellules  olfactioes  ou  cellules  de  SchiUtze,  et  3°  les  cellules 
basales  dont  le  rôle  est  peu  connu. 

Les  cellules  olfactives^  véritables  éléments  sensoriels  de  la 
pituitaire,  présentent  une  grande  analogie  avec  les  cellules  gus- 
tatives.  Elles  sont  essentiellement  constituées  par  un  gros  noyau 
sphériqueouovalaireautour  duquel  se  dispose  une  mincecouche 
de  protoplasma;  à  peine  visible  sur  les  parties  latérales  du 
noyau,  il  s'accumule  aux  deux  extrémités  et  donne  à  la  cellule 
un  aspect  fusiforme.  L'extrémité  supérieure  de  la  cellule  s'amin- 
cit et  se  prolonge  jusqu'à  la  surface  où  elle  est  munie  de  G  à 


PASSY.  —  SUR  LES  SENSATIONS  OLFACTIVES        3G7 

8  poils  OU  cils  divergents,  les  poils  olfactifs  qui  se  dressent 
librement  à  la  surface  de  la  muqueuse,  et  paraissent  en  der- 
nière analyse  être  les  véritables  éléments  récepteurs  prenant 
contact  avec  les  émanations  odorantes.  L'extrémité  inférieure 
de  CCS  cellules  s'allonge  également  et  se  rejoint  sans  interrup- 
tion avec  les  fibres  du  nerf  olfactif.  Comme  d'autre  part  on  peut 
suivre  ces  fibres  jusqu'au  bulbe  olfactif,  on  peut  dire  que  le 
trajet  nerveux,  depuis  la  surface  épithéliale  jusqu'à  l'appareil 
récepteur  central,  nous  est  entièrement  connu. 

La  muqueuse  des  fosses  nasales  reçoit  deux  ordres  de  nerfs  : 
des  nerfs  de  sensibilité  générale  et  des  nerfs  de  sensibilité  spé- 
ciale. —  Les  premiers  émanent  du  trijumeau.  —  Les  nerfs  de 
sensibilité  spéciale  proviennent  du  nerf  olfactif  ;  issus  du  bulbe 
olfactif,  ils  traversent  les  trous  de  la  lame  criblée  et  se  distri- 
buent exclusivement  à  la  portion  olfactive  de  la  muqueuse. 


MECANISME    EXTERIEUR     DE     L   OLFACTION 

Trajet  du  courant  d'air  dans  les  fosses  nasales.  —  Des  tra- 
vaux intéressants  ont  été  faits  pour  déterminer  le  chemin 
suivi  par  le  courant  d'air  dans  les  fosses  nasales.  Bidder  '  avait 
déjà  remarqué  que  les  odeurs  ne  sont  perçues  que  pendant 
l'inspiration;  il  ne  suffit  pas  de  placer  un  morceau  de  camphre 
par  exemple  directement  sous  le  nez,  au  point  même  d'en  sen- 
tir distinctement  le  picotement,  il  ne  suffit  pas  d'amener  ainsi 
l'excitant  physique  dans  le  voisinage  immédiat  de  la  pituitaire, 
il  faut  encore  lui  faire  suivre  le  chemin  prescrit.  Pendant  l'ins- 
piration les  narines  sont  élargies,  les  muscles  élévateurs  et  les 
muscles  compresseurs  des  ailes  du  nez  entrent  en  jeu;  ces  mo- 
difications, insignifiantes  dans  la  respiration  ordinaire,  devien- 
nent très  visibles  lorsqu'on  flaire  intentionnellement;  le  vesti- 
bule prend  alors  la  forme  d'un  entonnoir,  ce  qui  permet  d'attirer 
l'air  d'un  rayon  plus  considérable,  surtout  en  avant  et  de 
côté, 

Fick-  a  montré  qu'il  ne  suffisait  pas  encore  que  l'air  chargé 


(1)  Wagner.  Handirihicrhuch  der  l'/u/.'iiiilof/ie,  t.  Jl.  l^iniinschweig,  1844, 
p.  920. 

(2j  A.  Fick.  Analomie  und  l'hysiolor/ie  der  Sinnesorgcaie,  1S6'*,  p.  99. 


;j(38  REVUES    GÉNÉRALES 

d'odeui-  fùl  introduit  dans  le  nez  ;  en  efTet,  l'air  insufflé  au  moyen 
d'un  tube  dans  la  moitié  antérieure  des  narines  est  parfaite- 
ment perçu;  mais  si  le  tube  est  placé  dans  la  partie  postérieure, 
on  ne  perçoit  rien.  L'odeur  doit  donc  suivre  une  voie  déterminée 
pour  pouvoir  être  sentie,  et  l'on  peut  faire  avec  Meyer  une  dis- 
tinction entre  le  chemin  aérien  et  la  fissure  olfactive;  le  cou- 
rant d'air  principal  suit  le  premier,  et  ce  n'est  que  dans  l'action 
de  flairer  et  par  suite  de  la  position  particulière  des  ailes  du 
nez  qu'une  petite  quantité  peut  arriver  jusqu'à  la  fissure.  Il  y  a 
lieu  de  se  demander  dès  lors  comment,  dans  les  conditions 
habituelles,  lorsqu'on  ne  fait  pas  efTortpour  sentir,  l'odeur  peut 
arriver  jusqu'à  l'épilhélium  spécifique.  La  question  a  été  exa- 
minée par  Paulsen*  Zwaardemaker,  Kayser,  Franke. 

Les  expériences  de  Paulsen  ont  été  faites  sur  le  cadavre  ;  la 
tête,  détachée  du  tronc  au-dessous  du  larynx,  était  munie  d'un 
tube  de  verre  fixé  dans  le  larynx  et  mettant  le  conduit  aérien 
en  communication  avec  un  soufflet  de  capacité  à  peu  près  égale 
à  celle  des  poumons;  on  établissait  ainsi  une  respiration  arti- 
ficielle. Pour  reconnaître  le  chemin  suivi  par  le  courant  d'air. 
Paulsen  se  servait  de  papier  tournesol  rougi,  qui,  comme  cha- 
cun sait,  bleuit  au  contact  de  l'air  chargé  de  vapeurs  ammonia- 
cales. Le  crâne  ayant  été  scié  pour  mettre  à  découvert  les  fosses 
nasales,  de  petits  fragments  de  papier  étaient  disposés  de  place 
en  place.  Les  résultats  furent  très  nets. 

L'air  chargé  d'ammoniaque  décrit  une  courbe  en  forme  d'arc  ; 
il  se  dirige  principalement  le  long  de  la  cloison,  et  aussi  mais 
en  moindre  quantité  par  les  méats  entre  les  cornets.  Le  cou- 
rant s'élève  assez  haut,  ce  qui  tient  sans  doute  à  la  position 
horizontale  des  narines,  qui  a  pour  conséquence  la  direction 
verticale  du  courant  d'entrée;  il  conserve  quelque  temps  sa 
direction  ascendante,  puis  cède  à  l'aspiration  qui  l'entraîne 
vers  les  fosses  nasales.  L'air  entré  à  la  partie  antérieure  des 
narines  monte  le  plus  haut;  celui  (jui  entre  à  la  partie  posté- 
rieure reste  dans  la  concavité  de  l'arc  ;  ceci  concorde  avec  la 
remarque  de  Fick. 

Paulsen  a  répété  ces  expériences  en  se  servant  de  vapeurs 
d'acide  osmique  et  en  examinant  la  décoloration  progressive 
de  la  muqueuse. 

La  direction  ascendante  du  courant  d'air  se  trouve  exagérée 

fl)  Paulsen.  E.rperiment.  Cnlersiirh.  i/her  die  Slro/iiiiir/  (1er  Si/f/  in  der 
Sascn/K'hlc.  Silzimysbcriclit  dork.  Acad.  d.  Wisscuchafleii,  1882,  t.  lAXXV, 
p.  3i8. 


PASSY. 


SUR  LES  SENSATIONS  OLFACTIVES 


369 


dans  ces  expériences  ;  en  effet,  le  tube  qui  amène  les  vapeurs 
ammoniacales  pénètre  jusque  dans  les  narines  et  s'y  dirige 
verticalement;  cependant,  même  dans  eea  condiiioas,  jamais 
une  partie  sensible  du  courant  d'air  ne  parvient  jusqu'à  la 
cavité  supérieure. 

Les  expériences  de  Paulsen  sont  conduites  avec  beaucoup  de 
soin  ;  néanmoins  certaines  particularités  du  phénomène  pou- 
vant passer  inaperçues,  M.  Zwaardemaker  leur  a  donné  une 


Fig.  78.  —  (D'après  Zwaardemaker  .  Essais  de  Paulsen  sur  rammoniaque. 

Coii|io  oblique  menée  à  droite  ilc  la  cloison  et  loul  coiilro  ccUo-ci.  La  coupe  passe  donc 
pai-  ia  fosse  nasale  droite.  On  a  l'ait  tourner  les  deux  nKiilii''s  de  la  tèle  autour  d'un  a\c 
<ililii(ue  AB  |)assanl  ])ar  celle  fosse.  Sur  le  côté  droit  de  la  ligure  on  voit  la  cloison,  sur  le 
côté  gauche  la  paroi  latéi'ale  avec  ses  cornets. 

Les  lignes  fortes  indi(iueut  la  marche  principale  du  courant  ;  les  lignes  faibles,  les  parties 
où  de  faibles  courants  vieinient  passer. 

La  tranche  d'air  H  vient  frapper  la  paroi  inclinée  au  point  a,  rebondit  et  continue  sa  route 
le  long  du  septième.  Le  signe     |    indique  le  raccord  sur  les  deux  côtés  de  la  figure. 

Les  petits  carrés  indiquent  les  fragments  de  papier  tournesol  :  FF  sinus  frontal,  SS  sinus 
sphéno'idal,  E  angle  postérieur  de  la  cloison. 


autre  forme  permettant  d'observer  directement  le  phénomène 
pendant  qu'il  s'accomplit.  Il  s'est  servi  d'une  tète  de  cheval,  ou 
plutôt  d'un  moulage  exécuté  sur  une  tête  de  cheval.  Celle-ci 
étant  sciée  par  le  milieu,  suivant  un  plan  vertical  passant  tout 
au  ras  de  la  cloison  médiane,  on  coule  du  plâtre  dans  la  cavité 
ainsi  mise  à  nu.  Sur  le  moulage  on  remplace  la  cloison  par 
une  plaque  de  verre  et  l'on  peut  suivre  ainsi  ce  qui  se  passe  à 
l'intérieur.  Devant  l'entrée,  on  dispose  une  lampe  qui  fume  en 
produisant  abondamment  du  noir  de  fumée  ;  l'autre  côté  est 
mis  en  communication  avec  une  pompe  munie  d'un  manomètre  ; 
l'air  aspiré  se  chargeant  ainsi  de  noir  de  fumée,  il  devient 
facile  d'en  suivre  le  mouvement. 


AN.NKF,   PSYCUOLOGIOl  F,.    It. 


24 


370  REVUES    GÉNIÎRALES 

Enfin  Franke  '  a  exécuté  des  expériences  analogues  sur  une 
tête  humaine  ;  celle-ci  étant  sciée  comme  dans  l'expérience 
précédente,  la  pituilaire  est  colorée  en  noir  par  de  l'encre  ;  la 
cloison  est  remplacée  par  une  plaque  de  verre;  on  fait  aspirer 
de  l'air  chargé  de  fumée  de  tabac,  et  celle-ci  dessine  très  net- 
tement un  nuage  blanc  sur  le  fond  noir.  Tous  ces  observateurs 
arrivent  aux  mêmes  conclusions  ;  l'air  inspiré  suit  une  courbe 
en  forme  d'arc  de  la  largeur  du  doigt  environ;  il  s'élève  d'abord 
presque  verticalement,  puis  se  dirige  vers  le  fond.  Le  point  le 
plus  élevé  atteint  par  ce  courant  est,  d'après  Paulsen  :  le  bord 
inférieur  du  cornet  moyen;  d'après  Zwaardemaker  :1e  bord  infé- 
rieur et  antérieur  des  ethmoïdales;  le  bord  inférieur  et  antérieur 
du  méat  supérieur,  d'après  Franke  ;  ce  qui  est  hors  de  doute, 
c'est  que,  nichez  l'homme,  ni  chez  les  mammifères  macrosma- 
tiques,  le  courant  d'air  direct  n'atteint  la  région  olfactive  pro- 
prement dite,  c'est-à-dire  la  zone  pigmentée,  sur  laquelle  s'épa- 
nouissent les  nerfs  olfactifs.  Si  l'on  se  reporte  aux  travaux  de 
Briinn  qui  établissent  que  chez  l'homme  la  partie  supérieure 
seule  du  méat  supérieur  doit  être  considérée  comme  région 
olfactive,  on  voit  que  celle-ci  est  absolument  à  l'abri  du  contact 
direct  du  courant  respiratoire. 

C'est  là  un  résultat  fort  intéressant  et  qui  peut  sembler  sur- 
prenant au  premier  abord  ;  il  paraîtrait  naturel  que  l'organe 
destiné  à  percevoir  les  odeurs  répandues  dans  l'air  fût  situé 
directement  sur  le  passage  de  cet  air  de  manière  à  n'en  pas 
laisser  échapper  la  moindre  quantité  ;  mais  cet  organe  ainsi 
placé  serait  exposé  à  toutes  les  causes  d'irritation  et  de  dété- 
rioration, au  contact  d'un  air  trop  froid,  trop  chaud,  trop  sec  ou 
trop  humide  ;  au  dépôt  des  poussières  atmosphériques,  aux 
infections  microbiennes,  etc.  ;  situé  au  contraire  au  fond  d'une 
sorte  de  chambre  tranquille,  protégé  contre  les  mouvements  de 
l'air,  entouré  d'une  atmosphère  dont  la  température  et  l'état 
hygrométrique  sont  constants,  il  peut  accomplir  sa  fonction 
dans  les  circonstances  les  plus  diverses  ;  c'est  ce  qui  explique 
que  la  région  olfactive  proprement  dite  participe  si  rarement 
aux  affections  inflammatoires,  aax  rhumes,  aux  catarrhes, 
dont  le  reste  de  la  pituilaire  est  constamment  atteint  ;  c'est  ce 
qui  explique  que  les  anosmies  essentielles,  c'est-à-dire  par 
altération  de  la  muqueuse  olfactive  soient,  comme  nous  le 
verrons  plus  loin,  relativement  si  rares.  Mais,  dira-t-on,  si  les 

(1)  Arch.  l'iir  L(trynf/olo(/ie  und  l{/tiit(jli>ijie,  t.  I,  2<^  fasc,  1893,  p.  236. 


PASSY.    —   SUR   LES   SENSATIONS   OLFACTIVES  371 

poussières  et  l'air  lui-même  ne  peuvent  pénétrer  dans  la  fis- 
sure olfactive,  comment  les  odeurs  peuvent-elles  y  parvenir? 

Mettons  ce  point  en  lumière  ;  les  poussières,  les  germes 
microbiens,  si  ténus  soient- ils,  ne  sont  que  des  matières 
solides  en  suspension  dans  l'air,  qui  ne  sont  pas  animées  de 
mouvements  propres  et  qui  ne  peuvent  arriver  que  là  où  l'air 
les  porte.  Il  en  est  tout  autrement  des  parfums  ;  ceux-ci  sont 
des  gaz,  soumis  aux  lois  de  la  diffusion,  et  qui  tendent  à  péné- 
trer même  dans  les  cavités  mortes,  dans  les  culs-de-sac.  Dès 
lors,  la  disposition  de  la  tache  olfactive  nous  paraît  admirable- 
ment choisie  ;  c'est  une  sorte  de  grotte  sur  le  seuil  de  laquelle 
viennent  défiler  toutes  les  atmosphères  qu'il  s'agit  d'analyser; 
tout  ce  qui  est  matière  solide  passe  sans  entrer,  emmené  par 
l'air  qui  l'amène  ;  toutes  les  molécules  gazeuses,  au  contraire, 
rencontrant  un  espace  vierge  tendent  à  s'y  diffuser,  y  pénètrent 
et  vont  frapper  la  paroi  opposée  recouverte  d'épithélium.  L'air 
qui  passe  cesse-t-il  d'être  odorant  ?  Ce  que  la  diffusion  a  fait, 
la  diffusion  le  défait  ;  les  molécules  gazeuses  repassent  le  seuil 
de  la  grotte  dont  l'atmosphère  redevient  ce  qu'elle  était.  La 
forme  même  du  courant  d'air,  telle  qu'elle  a  été  décrite  par  les 
différents  observateurs,  cette  courbe  dont  la  convexité  vient 
frôler  de  tout  son  développement  l'entrée  du  méat  supérieur,  tout 
cela  parait  réalisé  en  vue  d'agrandir  la  surface  de  diffusion  à 
travers  laquelle  les  échanges,  mais  les  échanges  gazeux  seuls 
peuvent  se  produire.  C'est  un  bel  exemple  de  la  finalité  qui 
préside  à  la  disposition  de  tous  nos  organes. 

Il  ne  faudrait  pas  croire  cependant  que  nous  restions  toujours 
passifs  et  que  nous  ne  puissions  modifier  en  rien  la  circulation 
de  l'air  respiré  ;  nous  pouvons  flairer;  flairer,  c'est  respirer  à 
petits  coups,  avec  des  variations  volontaires  de  sens  et  d'inten- 
sité; il  semble  bien,  d'après  les  remarques  de  Franke,que  dans 
ce  cas  l'air  puisse  monter  un  peu  plus  haut  que  d'habitude  ;  les 
successions  de  petites  pressions  et  dépressions  ainsi  produites 
peuvent  peut-être  faciliter  le  mélange  de  l'air  et  en  amener 
quelqaes  traces  jusque  dans  la  fissure  olfactive,  lorsque  l'odeur 
est  trop  faible  pour  être  perçue  autrement.  En  tout  cas,  nous 
pouvons  arrêter  au  passage  et  faire  séjourner  devant  l'entrée 
de  la  fissure  telle  tranche  d'air  déterminée  ;  c'est  l'attention 
portée  sur  une  sensation  olfactive,  à  peu  près  comme  lorsque 
nous  portons  un  objet  à  notre  œil. 

Resterait  à  établir  ce  qui  se  passe  quand  l'odeur  arrive  en 
contact  avec  la  muqueuse.  J.  MiiUer  a  émis  l'hypothèse  que  les 


372  REVl-ES    GÉNÉR.U.ES 

corps  odorants  doivent  d'abord  se  dissoudre  dans  la  couche 
très  mince  de  mucus  qui  recouvre  la  pituitaire  et  agir  ensuite 
à  rêlât  dissous  ;  celte  hypothèse  rapprocherait  l'odorat  des 
mammifères  de  celui  des  poissons  chez  lesquels  les  odeurs  ne 
peuvent  évidemment  agir  qu'en  dissolution  dans  l'eau.  11  était 
indiqué  de  chercher  si  Tolfaction  dans  ces  conditions  était 
possible  pour  l'homme  et  si  en  amenant  au  contact  de  la  tache 
olfactive  une  solution  aqueuse  d'une  matière  odorante,  celle-ci 
était  perçue.  Les  premières  expériences  de  Tourtual,  "Weber. 
Valenlin,  Frôhlich  ont  été  négatives  :  Weber  en  aspirant  un 
mélange  d'eau  et  d'eau  de  Cologne  déclarait  n'avoir  senti 
aucune  odeur.  Mais  ces  expériences  étaient  mal  instituées. 
Aronsùhn  ^  ayant  repris  l'expérience  de  Weber  remplaça  l'eau 
pure  qui  désorganise  les  cellules  olfactives  et  produit,  lorsqu'on 
l'aspire,  une  douleur  intense,  par  la  solution  physiologique  de 
chlorure  de  sodium  à  0,6  p.  100  amenée  préalablement  à  la 
température  du  corps,  et  s'en  servit  à  l'aide  d'une  douche 
nasale.  Dans  ces  conditionsy  rolfaclion  s'accomplit  parfaite- 
ment, et  l'on  peut  sentir  et  reconnaître  les  odeurs  les  plus 
tliverses,  telles  que  la  vanilline,  la  coumarine,  l'essence  de 
girofle,  le  brome,  etc.  Il  est  arrivé  ainsi  aux  conclusions  sui- 
vantes  :  1^  la  température  la  plus  favorable  à  l'olfaction  est  un 
peu  supérieure  à  celle  du  corps  ;  elle  est  comprise  entre  38  et 
40*  ;  È^  la  concentration  la  plus  favorable  de  la  solution  de 
sel  marin  est  de  0,73  p.  100  :  3*  le  sel  marin  peut  être  remplacé 
par  uc  grand  nombre  d'autres  sels,  tels  que  le  sulfate  de  soude, 
le  phosphate  de  soude,  le  sulfate  de  magnésie  etc.,  pourvu  qu-; 
les  proportions  soient  convenablement  réglées  de  façon  à  cons- 
tituer des  solutions  équivalentes  au  point  de  vue  osmotique  ; 
4'  en  faisant  varier  la  teneur  en  parfum  de  la  solution,  on 
peut  déterminer  la  dose  minima  qui  donne  lieu  à  la  perception. 
(Nous  donnerons  plus  loin  ces  résultats  quantitatifs.:  Enfin 
l'un  des  résultats  les  plus  intéressants,  résultat  auquel  l'auteur 
ne  s'attendait  pas,  c'est  que  certains  sels,  comme  ceux  que 
nous  venons  de  nommer,  qui  passent  généralement  pour  être 
sans  odeur,  sont  odorants  en  solution  aqueuse. 

Zwaardemaker  a  fait  à  ces  expériences  l'objection  suivante  : 
1  Est-il  démontré  par  la  que  ces  solutions  sentent  réellement 
en  tant  que  solutions  ?  Pas  le  moins  du  monde,  car  il  faudrait 


l;  Aronâohn.  Zur  l'it^s.  des  Oerucks. —  Thèse  de  diù>ct.  Leipzig,  iiiô. 

Veit  et  C'^. 


PaST-   —   5H  LZ5   S5!riTH3S   ÎCJ'^ZirrîS 


_  ^-wmiaaïïT    ttl^   %;,lj^lil>f:  .  r    lie  ne 

I   wilfc  sas  ^^  ±JL  tif  -  -àcass; 


P  -  " 


âf 


5--  i_^    :  r  -==nriT>=  ?  Al. 


S74  REVUES    GÉNÉRALES 

une  seringue  de  Pravaz.  puis  achève  de  la  remplir  avec  de  l'air. 
Une  légère  pression  sur  le  piston  suffit  alors  pour  faire  sortir 
de  la  seringue  une  bouffée  d'air  parfumé,  qui  sert  de  source 
odorante. 

Le  sujet  tient  entre  les  dents  une  feuille  de  papier  ;  on  pique 
ce  papier  par-dessous  avec  l'aiguille  de  la  seringue  et  on 
laisse  échapper  un  peu  d'air  parfumé  ;  en  même  temps  le  sujet 
flaire  avec  précaution  ;  si  pendant  la  première  seconde  il  per- 
çoit l'odeur,  un  aide  trace  un  cercle  autour  de  l'aiguille.  Quand 
le  nombre  des  points  ainsi  relevés  suffit  pour  tracer  le  contour 
du  champ  olfactif  on  réunit  les  points  extérieurs  par  une  courbe. 
On  trouve  ainsi  deux  régions  symétriquement  placées  devant 
les  narines  et  séparées  par  un  intervalle  d'environ  un  demi- 
centimètre,  correspondant  à  la  cloison.  Dans  deux  cas  d'hémi- 
plégie faciale,  le  côté  paralysé  a  montré  une  étendue  moindre 
du  champ  olfactif. 

Comparons  aux  figures  ainsi  obtenues  les  taches  de  buée,  ou 
taches  respiratoires  (Athemflecken)  qu'on  obtient  en  plaçant  un 
miroir  à  quelque  distance  du  nez  et  en  le  retirant  au  bout 
d'une  expiration  ;  ces  taches  persistent  assez  longtemps  pour 
qu'on  puisse  les  examiner  à  loisir;  chacune  d'elles  présente  une 
forme  arrondie,  allongée  dans  le  sens  de  la  largeur  et  se  divise 
pendant  lévaporation  en  deux  parties  séparées  par  une  ligne 
oblique  dirigée  d'avant  en  arrière  et  de  l'intérieur  à  l'extérieur. 
Cette  division  est  un  fait  très  constant,  qui  n'est  guère  influencé 
même  par  les  malformations  pathologiques  des  cavités  nasales. 
Zwaardemaker  y  voit  un  effet  de  la  saillie  formée  par  le  bord 
du  cornet  inférieur  ;  l'air  qui  s'engouffre  dans  laplica  vestibuli 
est  naturellement  dirigé  dans  le  méat  inférieur  ;  inversement, 
l'air  expiré  qui  sort  de  ce  méat  va  former  sur  le  miroir  la 
moitié  postéro-latérale  de  la  tache.  Au  contraire,  l'air  qui  passe 
par  la  partie  antérieure  des  narines  doit  passer  au-dessus  du 
cornet  inférieur  ;  cette  partie  seule,  nous  le  savons,  sert  à 
l'olfaction  ;  c'est  celle  qui  correspond  ù  la  moitié  antéro- 
médiane  de  la  tache,  d'où  il  résulte  que  la  forme  et  la  position 
du  champ  olfactif  se  confondent  sensiblement  avec  la  forme  et 
la  position  de  cette  tache.  Ce  fait  intéressant  mis  en  lumière 
par  Zwaardemaker  permet  de  remplacer  dans  les  cas  les  plus 
divers  l'exploration  du  champ  olfactif  par  une  opération  beau> 
coup  plus  simple,  l'examen  de  la  tache  respiratoire. 


PASSY.    —   SUR   LES   SENSATIONS   OLFACTIVES  375 


II 


OLFACTOMETRIE 


Méthodes.  —  Chaque  fois  qu'il  s'agit  d'explorer  la  sensibilité, 
la  première  chose  à  faire,  c'est  de  s'assurer  une  méthode  per- 
mettant de  mesurer  et  de  graduer  l'excitation;  dans  le  cas  pré- 
sent, il  est  nécessaire  de  doser  ou  tout  au  moins  de  comparer 
les  quantités  de  matière  odorante  correspondant  à  tel  ou  tel 
degré  de  la  sensation,  et  particulièrement  de  déterminer  le 
minimum  perceptible,  c'est-à-dire  la  plus  petite  quantité  de 
parfum  nécessaire  pour  produire  la  sensation  d'odeur. 

Chacun  sait  que  les  quantités  de  substance  suffisantes  pour 
impressionner  la  muqueuse  olfactive  sont  tellement  faibles 
par  rapport  à  nos  procédés  de  mesure,  qu'il  est  impossible  de 
songer  à  les  peser  directement;  plusieurs  observateurs  se  sont 
attaqués  à  cette  question.  Je  nedirairien  ici  des  anciennes  expé- 
riences ni  des  méthodes  défectueuses  de  Valentin  et  de  Frôhlich 
qui  n'ont  qu'un  intérêt  historique. 

MM.  Fischer  et  Penzoldt  '  ont  opéré  de  la  manière  suivante  : 
le  local  servant  aux  expériences  était  une  salle  nue  d'une  con- 
tenance de  230  mètres  cubes.  On  préparait  une  solution  alcoo- 
lique titrée  de  la  substance  à  essayer,  en  dissolvant  1  gramme 
dans  1  litre  d'alcool,  puis  en  étendant  cette  solution  mère  dans 
des  proportions  déterminées.  L'un  des  deux  collaborateurs  pré- 
levait alors  une  quantité  déterminée  de  cette  solution  et  la 
pulvérisait  dans  la  salle  d'expérience  ;  l'air  de  la  salle  était 
ensuite  brassé  pendant  quelques  minutes  avec  un  grand  dra- 
peau. Sur  un  signal  donné,  le  sujet  pénétrait  dans  la  salle  et 
cherchait  à  percevoir  l'odeur. 

Cette  méthode  est  évidemment  en  principe  la  plus  simple  et 
la  meilleure  de  toutes;  mais  elle  ne  saurait  se  prêter  à  une  expé- 
rimentation suivie.  Les  auteurs  paraissent,  d'ailleurs,  l'avoir 
reconnu,  car  ils  n'ont  publié  que  quatre  expériences.  Les  essais 
ont  porté  sur  le  mercaptan  ou  sulfhydrate  d'éthyle,  corps  doué 


(1)  Fischer  et  Pl'iizoIiII.  l>'iol.  r,'iilriilhli(ll .,  I.  VI,  p.  fil.  1886. 


376  REVUES   GÉNÉRALES 

d'une   odeur  fétide,   et  le   chlorophénol.   Elles  ont  donné  les 
résultats  suivants  : 

Mercaptan.  Cliloroplu'nol. 

Minimum  perceptible  —  — 

par  centim.  cube.  .     1/23.000.000  de  milligr.     i/230.000  de  miliigr. 

Les  auteurs  ne  donnent  pas  ces  chiffres  comnne  des  minimums 
proprement  dits,  mais  comme  des  chiffres  pour  lesquels  la  per- 
ception existe  encore. 

Nous  avons  vu  plus  haut  les  expériences  d'Aronsohn  sur 
l'olfaction  dans  l'eau.  En  faisant  varier  le  titre  des  solutions, 
cet  observateur  est  arrivé  aux  minimums  perceptibles  sui- 
vants : 

Essence  de  girofle.  0,00001 

Camphre 0,001  j  Minimums  perceptibles 

Eau  de  Cologne  .    .  0,  1  dose  de  substance 

Coumarine   ....  0,00001  —  0.000001   \  p.   100. 

Vanilline 0,001 

La  méthode  d'Aronsohn  est  intéressante,  mais  elle  s'écarte 
considérablement  des  conditions  normales,  et  rien  n'indique 
a  priori  que  les  minimums  perceptibles  doivent  être  les  mêmes 
dans  l'eau  et  dans  l'air  ;  d'ailleurs  ces  expériences  sont  peu 
agréables  et  les  sujets  qu'on  a  parfois  déjà  de  la  peine  à  retenir 
se  prêteront  difficilement  à  des  séances  d'irrigation  nasale. 
Elle  offre  pourtant  de  grands  avantages  pour  l'étude  de  cer- 
tains points  particuliers  et  reste  une  des  contributions  les  plus 
importantes  à  la  connaissance  de  l'olfaction. 

L'olfactomètre  de  Zwaardemaker  '  est  entré  dans  la  pratique 
médicale  en  Allemagne  et  en  Hollande  ;  l'auteur  s'est  proposé 
un  but  tout  différent;  il  ne  recherche  pas  les  qiianlilés  absolues 
de  matière  correspondant  à  la  perception  olfactive;  il  a  voulu 
mettre  entre  les  mains  du  clinicien  un  appareil  simple  porta- 
tif, permettant  de  graduer  les  intensités  relatives  de  l'excitation 
et,  par  conséquent,  d'explorer  et  de  comparer  la  sensibilité 
des  différents  sujets. 

L'appareil  se  compose  d'un  tube  cylindrique  construit  soit  en 
une  substance  naturellement  odorante,  telle  que  le  caoutchouc. 

(1)  Zwaardeniakcr.  lierl.  kl'tn.  Wor/icn.sc/iri//.  1888,  n''47.  —  For/schril/c 
der  Medicin,  1889,  ii°  19.  Ou  Iroiivera  dans  la  l'/ii/siolor/ie  des  Geri/c/i^-, 
■déjà  (-ité,  les  détails  les  jihis  circonstanciés  snr  cet  appareil  et  la  manière 
■de  s'en  servir. 


PASSV.    —    SUR   LES    SENSATIONS   OLFACTIVES  377 

soit  en  porcelaine  dégourdie  imbibée  d'une  solution  odorante. 
Si  l'on  fait  passer  de  l'air  à  travers  ce  tube,  cet  air  se  charge 
d'odeur.  Supposons  maintenant  un  tube  de  verre  concentrique 
au  premier  et  glissant  àl'intérieur  de  celui-ci  à  frottement  doux, 
de  manière  à  découvrir  des  longueurs  variables  du  cylindre  odo- 
rant :  l'air  qui  traverse  le  tube  se  charge  de  quantités  variables 
d'odeur  et,  dans  une  certaine  mesure,  proportionnelles  aux  sur- 
faces découvertes.  On  a  ainsi  le  moyen  de  faire  varier  l'excita- 
tion et  de  mesurer  le  minimum  perceptible  par  la  longueur 
découverte  du  cylindre. 

Tel  est  le  principe  très  simple  de  l'appareil.  Il  suffit  d'un 
coup  d'œil  sur  la  figure  pour  voir  comment  ces  conditions  sont 
très  heureusement  réalisées  dans  la  pratique.  La  graduation 
peut  être  faite  en  centimètres  ; 
Zwaardemaker  préfère  le  faire  en 
olfacties,  l'olfactie  étant  la  longueur 
de  cylindre  correspondant  à  la 
valeur  normale  du  minimum  per- 
ceptible, établie  sur  un  certain 
nombre  de  résultats  statistiques; 
nous  avouons  ne  pas  attacher  à  cette 
valeur  normale  une  très  grande 
importance,  surtout  pour  un  sens  ^^^  79.  -  (Daprès  ZAva.inie- 
aussi  variable  que  l'odorat,  et  pré-  "  maker).  OllactomèUe. 
férer   considérer    l'olfactie    comme 

une    simple   valeur    arbitrairement   choisie,    dans    l'ordre    de 
grandeur  du  minimum.    Je  ne  ferai   à   cet  olfactomètre   que 
deux   objections  :    la  première   est  relative    au  mode  d'aspi- 
ration et  à  l'introduction  de  la  branche  courbe  du  tube  dans 
les  narines,  ce  qui   est  peu   physiologique  ;  je  sais  bien   que 
l'entrée   de    l'autre   extrémité    étant  parfaitement  libre,    l'air 
obéit  à  la  moindre  aspiration  et  il  suffit  presque  de  placer  le 
tube  devant  la  narine  ;  l'auteur  prévoit  l'objection  et  y  répond 
en  partie;  néanmoins  il  reste  là  quelque  chose  de  défectueux  ; 
l'autre  est  relative  à  la  facilité  avec  laquelle  le  tube  conserve 
les  odeurs;  il  suffit  d'une  ou  deux  expériences  pour  que  l'appa- 
reil soit    imprégné  d'odeur,  qu'on  ne  parvient    que  difficile- 
ment à  lui  enlever  en  le  soufflant.  Malgré  ces  critiques  l'appa- 
reil de  Zwaardemaker  reste  séduisant  par  son  extrême  simplicité  ; 
il  permet  de  commencer  paroles  excitations  les  plus  faibles  et 
de  passer  graduellement  aux  plus  fortes  ;  il  permet  d'obtenir 
des  résultats  comparables  d'un  sujet  à  l'autre  ;  c'est  en  somme 


378  REVUES   GÉNÉRALES 

le  seul  appareil  portatif  (jui  ait  été  mis  à  la   disposition  du 
clinicien  '. 

Je  me  borne  à  donner  le  principe  de  l'olfactomètre  de 
M.  Mesnard.  Il  consiste  à  déterminer  l'égalité  d'intensité  entre 
l'odeur  à  étudier  et  l'essence  de  térébenthine,  puis  à  détermi- 
ner la  quantité  de  cette  dernière  existant  dans  le  mélange. 
Cette  idée  assez  simple  conduit  dans  la  pratique  à  un  appareil 
extraordinairement  compliqué,  qui  avait  sans  doute  sa  raison 
d'être  pour  les  recherches  spéciales  de  botanique  auxquelles  il 
était  destiné  -. 

J'arrive  à  mes  propres  recherches.  J'ai  cherché  avant  tout  à 
réaliser  une  méthode  simple,  pratique,  physiologique  par 
excellence,  et  telle  que  le  sujet  en  expérience  soit  placé  pour 
sentir  dans  les  conditions  où  il  se  trouve  dans  le  courant  de  la 
vie,  bien  persuadé  que  les  causes  d'erreur  psychologiques  ou 
physiologiques  ont  une  importance  prépondérante.  Je  com- 
mence par  préparer  une  série  de  solutions  titrées  à  1/10",  l/'iOO*^, 
1/1000'^,  etc.,  en  dissolvant  1  gramme  de  matière  odorante  dans 
9  grammes  d'alcool,  puis  mélangeant  1  gramme  de  cette  pre-  ; 

mière  solution  avec  9  grammes  d'alcool  et  ainsi  de  suite.  Cela         '"^ 
fait,   je  prélève  une   goutte   de  la   dernière    dilution    que   je  ^ 

laisse  tomber  sur  un  petit  godet  légèrement  chaulTé,  disposé  % 

dans  un  flacon  de  capacité  connue.  On  attend  quelques  instants  -l 
pour  permettre  à  l'odeur  de  se  difTuser  ;  on  découvre  alors  le 
llacon  et  le  sujet  présente  son  nez  à  l'ouverture  ;  s'il  ne  perçoit 
rien,  on  répète  l'expérience  avec  une  solution  plus  concentrée 
et  l'on  continue  ainsi  jusqu'à  ce  que  la  perception  apparaisse. 
On  conclut  que  le  minimum  est  compris  entre  les  deux  der- 
nières expériences  ;  il  est  facile  alors  de  le  déterminer  d'une 
façon  plus  précise  ;  il  suffit  de  préparer  les  solutions  intermé- 


(1)  IMus  réceiuiiient  Saveliell' a  déciil  un  (iirai'InMit'tre;  Zwaardeiiuiki'r  eu 
a  lail  miL'  critique  sévère  et  parfaitement  jiislidée  ;  qu'il  suffise  ici  do 
reuiuniucr  qu'avec  cet  appareil  on  conmicnce  par  les  excitations  les  plu^i 
fortes  pour  arriver  jieu  à  peu  jus(prau  luiniiuuui  I  Voir  Savelietl'.  l'tifer- 
.stic/i.  t/i'.s  l'.eriiclisiiuics  zii  Klin.  Zirechen.  SeunA.  cen/i-ulùl.,  1893,  u"  10, 
p.  3i0.  —  Zwaardeniaker.  l'/ii/.s.  r/c*  Ceruchs.,  p.  99  et  100. 

(2)  J'aurais  beaucoup  désiré  le  voir  loncliouner,  mais  les  deux  fois  où  je 
me  suis  présenté  au  laboratoire  de  M.  Ijonnicr  où  travaillait  M.  Mesnard 
l'apjjareil  ii'élait  pas  en  élat.  M.  Mesnard  m'a  dit  à  ce  moment  qu'il  s'oc- 
cupait d'un  appareil  plus  siuqdc,  mais  je  ne  crois  pas  qu'il  ait  rien  publié 
depuis.  —  Voy.  .Mesnard.  Appai'e'il  Nouveau  puar  la  mesure  de  l'infensUé 
lies  parfums.  C.  R.  Ac.  Se.  19  juin  1893.  —  Her.  <ién.  de  nolanhjue,  t.  VI, 
p.  97  (189i). 


PASSY.  —  SUR  LES  SENSATIONS  OLFACTIVES        379 

diaires  entre  la  solution  trop  faible  et  la  solution  trop  forte  '. 

Celte  méthode  extrêmement  simple  se  prête  facilement  à 
l'expérimentation   suivie. 

Quelles  sont  les  causes  d'erreur?  En  premier  lieu,  la  présence 
de  l'alcool  qui  masque  partiellement  l'odeur  en  expérience  ; 
profitant  du  pouvoir  odorant  beaucoup  moindre  de  l'alcool 
mélhylique  pur,  je  l'ai  substitué  à  l'alcool  éthylique  ordinaire; 
si  Ton  se  sert,  comme  je  le  fais,  d'un  compte-gouttes  qui  donne 
des  gouttes  ne  pesant  que  l/oOG*^  de  gramme  et  d'un  flacon  de 
grande  capacité  ;2  litres),  la  quantité  d'alcool  méthylique  tom- 
bant au-dessous  du  minimum  perceptible,  cette  cause  d'erreur 
disparaît  complètement.  La  seconde  cause  d'erreur  est  la  prise 
d'air  faite  à  chaque  inspiration  par  le  sujet,  ce  qui  diminue  la 
teneur  en  parfum  ;  on  se  sert  d'un  flacon  de  grande  capacité  et 
la  première  inspiration  compte  seule  ;  si  elle  est  négative,  on 
recommence.  La  troisième  cause  d'erreur  est  l'odeur  propre  du 
flacon  ;  je  n  ai  jamais  rencontré  aucun  objet  qui  fût  réelle- 
ment inodore  quand  on  y  porte  son  attention;  le  verre  ne  fait 
fait  pas  exception  ;  si  dans  un  flacon  sec  et  paraissant  inodore 
on  laisse  tomber  une  goutte  d'eau  ou  d'alcool,  il  se  dégage 
immédiatement  une  odeur  de  poussière  extrêmement  pro- 
noncée et  qui  rendrait  impossible  toute  expérience  de  préci- 
sion. Cette  odeur  appartient  en  propre  au  verre,  car  aucun 
lavage  chimique  ne  peut  la  lui  enlever.  Je  ne  connais  qu'un 
moyen  d'écarter  celte  difficulté,  c'est  d'opérer  dans  une  paroi 
d'eau. 

A  cet  effet,  le  flacon  étant  parfaitement  propre  pour  que  l'eau 
ne  glisse  pas  à  sa  surface,  on  le  rince  à  l'eau  pure  entre  chaque 
expérience,  de  fa(;on  à  séparer  l'atmosphère  du  flacon  de  la 
paroi  de  verre,  par  la  mince  couche  de  liquide  qui  y  adhère. 
J'ajoute  qu'il  est  parfois  difficile  de  trouver  de  l'eau  inodore, 
surtout  à  Paris. 

Résultats.  —  J'appelle  minimum  perceptible  la  plus  petite 
quantité  pei'ceptible  de  matière  contenue  dans  un  litre  d'air. 
L'extraordinaire  petitesse  des  chiffres  m'a  fait  adopter  comme 
unité  le  millionième  de  gramme  ou  millième  de  milligramme. 


(1)  Jacques  Passy.  Comptes  lieiidufi  Ac.  >'t\,  lévrier  1892.  —  Soc.  de  Biol. 
30  jauvier  et  20  février  1892.  Il  semble  au  premier  abord  (|u'nu  pmirrait 
remplacer  l'alcool  par  Tcan,  mais  ce  dissolvant  donne  de  très  mauvais  ré- 
sultats; l'eau  s'évapore  diriicilement,  il  l'aul  lii.iutrer  beaucoup  et  ab>rs  il 
se  produit  uue  odeur  de  c/iaud  qui  rend  toute  expérience  impossible. 


380  REVUES    GÉNÉRALES 

Je  n'ai  employé  que  des  corps  purs,  bien  définis  et  par  consé- 
quent toujours  identiques  '. 

Camphre 5 

i   Ether 1 

„      ...       ,,  .     \  flitral '  .    .     0,5  à  O.l 

1  ar  lilre  cl  air 

Iléliotropine  cristallisée.     0,1  à  0,0:1 


/ 


Coumarino 0,03  à  0,01 

\  Vanilline 0,00o  à  0,0005 

Quantité  absolue  déposée  \  Musc  naturel.    .  0,001 

sur  un  verre  de  montre     }  Musc  artificiel  .  0,00001  à  0,00000;; 

La  première  conclusion  qui  ressort  de  ce  tableau,  c'est  l'ex- 
trême petitesse  des  chifTres;  cette  petitesse  a  toujours  été 
soupçonnée,  mais  il  est  intéressant  d'en  connaître  la  valeur 
réelle  et  de  se  faire  une  idée  de  l'ordre  de  grandeur  qu'elle 
représente.  La  sensibilité  de  notre  odorat  dépasse  de  beaucoup 
celle  des  réactions  chimiques,  y  compris  les  réactions  colorées 
dont  quelques-unes  sont  si  délicates,  et  même  l'analyse  spec- 
trale, la  plus  sensible  de  toutes.  C'est  ainsi  (jue,  d'après 
MM.  Kirchofîet  Bunsen,  l'analyse  spectrale  peut  déceler  la  pré- 
sence de  1/1400  000  de  milligramme  de  sodium,  tandis  que 
l'odorat  perçoit  une  quantité  250  fois  moindre  de  mercaptan 
(Fischer  et  Penzoldt),  et  10  000  fois  moindre  de  musc  artificiel. 
Il  faut  remarquer  que  sensibilité  et  précision  sont  en  général 
en  raison  inverse  l'une  de  l'autre  dans  les  méthodes  de  mesure 
comme  pour  les  organes  des  sens  ;  ainsi  l'odorat,  le  sens  le  plus 
sensible,  est  en  revanche  le  moins  précis  ;  il  ne  nous  renseigne 
directement  que  d'une  façon  très  grossière  sur  les  quantités  en 
présence. 

On  peut  distinguer  deux  sortes  de  minimums  ;  un  minimum 
simple  et  un  minimum  qualitalif.  Si  l'on  fait  croître  l'excita- 
tion graduellement  depuis  zéro,  on  constate  que  le  sujet  com- 
mence par  ne  rien  sentir,  puis  qu'il  perçoit  une  odeur  vague, 
indéterminée,  qu'il  ne  peut  nommer,  puis  enfin  qu'il  perçoit 
l'odeur  caractéristique.  Il  ne  s'agit  pas  ici  d'une  modification 
objective  du  parfum,  car  cette  limite  varie  avec  les  sensibilités 
individuelles.  Charpentier  a  noté  depuis  longtemps  un  fait  ana- 
logue pour  les  sensations  visuelles  :  un  minimum  lumineux  et 
un  minimum  chromaticjue  ;  pour  l'explicjuer  il  suppose  la  mise 
en  jeu  à  un  moment  donné  d'une  seconde  classe  d'éléments 

(1)  Jacques  Passy.  Soc.  de  liiul.,  19  mars  1892. 


PASSY.  —  SUR  LES  SENSATIONS  OLFACTIVES        381 

nerveux.  Sans  rejeter  le  moins  du  monde  cette  explication,  je 
pense  qu'il  peut  y  avoir  là  aussi  une  raison  de  psychologie  ; 
l'acte  de  reconnaître  et  de  classer  une  sensation  est  une  opéra- 
tion plus  compliquée  qu'une  sensation  brute,  et  il  n'y  aurait 
rien  d'étonnant  à  ce  qu'elle  demande  une  excitation  plus  forte. 
Et  la  meilleure  preuve  c'est  que  cette  zone  indéterminée  diminue 
beaucoup  pour  un  odorat  exercé. 

Acuité  normale.  —  Zwaardemaker  >  donne  les  résultats 
obtenus  avec  sonolfactomètre  sur  un  certain  nombre  d'hommes 
de  troupe  de  son  service  hospitalier  d'Utrecht;  les  sujets 
étaient  âgés  de  dix-huit  à  vingt-trois  ans.  Chez  34  d'entre  eux 
la  symétrie  des  taches  respiratoires  indiquant  le  libre  passage 
de  l'air,  et  l'exploration  rhinoscopique  ne  montrant  rien  d'anor- 
mal, on  peut  admettre  que  les  organes  explorés  ne  présentaient 
pas  de  troubles  pathologiques.  Les  résultats  sont  consignés 
dans  le  tableau  suivant  : 


Longueur  découverte  du  cylindre  de  caoutchouc. 


Jliniimim 

Nombre  ilo 

)crcc|)tible 

lois  trouvr 

0,  1 

2 

0,3 

i 

0,5 

8 

0,7 

10 

1,0 

5 

i,2 

1 

1,5 

1 

2,0 

3 

2,5 

1 

3,0 

2 

34 

La  moyenne  de  ces  34  cas  donne  une  longueur  de  1  centi- 
mètre; d'autre  part  le  chiffre  qui  revient  le  plus  souvent  est  0,7; 
sans  entamer  une  discussion  sur  les  mérites  respectifs  de  la 
moyenne  et  de  la  normale,  je  me  borne  à  indiquer  que  c'est  cette 
valeur  de  0,7  que  Zwaardemaker  considère  comme  normale  et 
pour  laquelle  il  propose  le  nom  d'olfactie.  Ces  34  cas,  pris 
tous  dans  le  même  sexe,  au  même  âge  et  dans  des  conditions 
identiques,  fumeurs  probablement  — militaires  et  hollandais!  — 
exposés  à  l'odeur  des  médicaments  qui  traînent  toujours  plus 
ou  moins  dans  les  cliniques,  constituent  je  pense  une  statistique 

(1)  Zwaardeinaker.  Op.  c!l.,\).  131   et  132. 


382  Rii:vuES  générales 

insuffisante  ;  elle  demanderait  à  être  largement  contrôlée  dans 
la  clientèle  de  ville;  c'est  sans  doute  ce  que  l'auteur  a  fait, 
mais  il  ne  le  dit  pas.  Nous  considérerons  jusqu'à  nouvel  ordre 
l'olfactie  comme  une  expression  commode  pour  les  besoins  du 
langage  plutôt  que  comme  une  acuité  normale  bien  solidement 
assise. 

Anosmies  et  nvPEF.osMiES.  —  Nous  dirons  quelques  mots  des 
anosmies  et  hyperosmies  provenant  de  malformations  des  cavi- 
tés nasales,  ou  anosmies  respiratoires,  des  anosmies  essen- 
tielles c'est-à-dire  intéressant  directement  l'épithélium  olfactif, 
et  qui  comprennent  les  anosmies  toxiques,  et  enlin  des  anos- 
mies qu'on  peut  appeler  nerveuses. 

1"  Anosmies  et  Jii/perosmies  respiratoires.  —  De  légères 
asymétries  du  squelette  nasal  sont  chose  fréquente  chez  des 
sujets  d'ailleurs  normaux.  La  sténose  ne  se  manifestant  qu'en 
cas  d'inflammation  de  la  muqueuse,  ces  imperfections  passent 
le  plus  souvent  inaperçues.  Ce  défaut  de  symétrie  est  extrême- 
ment fréquent  ;  Zuckerhandl'  a  noté  J 40  cas  de  déviation  de  la 
cloison  médiane  sur  870  crânes  examinés. 

Cette  courbure  n'entraîne  le  plus  souvent  qu'une  anosmie 
insignifiante  ;  cependant,  lorsqu'elle  intéresse  la  partie  anté- 
rieure, elle  produit  du  côté  de  la  convexité  une  diminution  de 
volume  de  la  cavité  respiratoire,  ce  qui  entraîne  un  certain 
degré  d'anosmie  ;  en  même  temps  il  se  produit  du  côté  de  la 
concavité  une  augmentation  de  la  cavité  libre,  ce  qui  peut 
entraîner  une  hyperosmie  relative.  Les  taches  respiratoires  sont 
dans  ce  cas  inégales,  bien  que  peu  altérées. 

Les  échondroses  et  exostoses  produisent  des  effets  plus  mar- 
qués, elles  sont  également  fréquentes  ;  Zuckerhandl  en  a  relevé 
107  cas  sur  370  crânes  examinés  ;  la  proportion  est  bien 
moindre  chez  les  peuples  sauvages  et  nulle  chez  les  enfants 
au-dessous  de  sept  ans.  Ces  excroissances  ont  le  plus  souvent 
pour  conséquence  une  anosmie  assez  marquée  lorsqu'elles  attei- 
gnent un  volume  suffisant. 

Cependant  dans  certains  cas  il  peut  arriver  que  par  suite  de 
la  disposition  particulière  de  l'excroissance  qui  affecte  la  forme 
d'une   crête,    elle  ait  pour    effet   de   diriger   le  courant   d'air 

(11  Zuckcrliamll.  Xontuilc  ii.p<i/hoI(i;/.  Aiml.der  Sctsculntlde.  Vienne,  1882, 
1>.  4.^  et  suivantes.  Voyez  aussi  Alorell  Maekenzic.  Manual  of  Diseuses  of 
llic  Tliroal  fiin/  .\o.se.ljOndres,  1884,  l.  11,  p.  4:53. 


PASSY.  —  SUR  LES  SENSATIONS  OLFACTIVES        383 

inspiré  plus  près  de  la  tache  olfactive  ;  dans  ce  cas,  elle  a  pour 
conséquence  au  contraire  un  certain  degré  d'hyperosmie.  On 
trouvera,  pages  140  et  141  de  l'ouvrage  de  Zwaademaker,  des 
exemples  de  l'un  et  l'autre  cas.  —  11  conclut  que  c'est  dans  les 
irrégularités  respiratoires  qu'il  faut  chercher  la  cause  habituelle 
des  variations  de  l'acuité  olfactive. 

2°  Hyperosmies  et  anosmies  toxiques.  —  Les  observations 
sont  rares  sur  ce  sujet.  Fruhlich  '  a  constaté  une  anosmie  par- 
tielle sous  l'influence  de  la  morphine,  soit  après  insufflation 
directe,  soit  au  cours  d'un  empoisonnement.  Zwaardemaker 
rapporte  quelques  expériences  avec  le  chlorhydrate  de  cocaïne. 
On  insufflait  1  centimètre  cube  environ  d'un  mélange  de  poudre 
d"amidon  et  de  chlorhydrate  de  cocaïne.  Il  se  produit  d'abord 
une  hyperosmie  passagère  ;  puis  une  anosmie  de  plus  longue 
durée  et  qui  s'étend  aux  substances  les  plus  diverses.  Enfin 
Fruhlich  ^  a  noté  une  hyperosmie  considérable  sous  l'influence 
de  la  strychnine.  La  nature  périphérique  de  ces  variations 
résulte  de  ce  fait  qu'elle  n'intéresse  qu'un  des  côtés  du  nez. 

3"  Anosmies  nerveuses.  —  Elles  sont  beaucoup  moins  fré- 
quentes que  les  anosmies  respiratoires.  11  existe  dans  la  littéra- 
ture des  cas  (ï arhinencéphalie,  c'est-à-dire  d'absence  plus  ou 
moins  complète  de  l'appareil  nervenx  central.  Claude  Bernard 
notamment  a  fait  l'autopsie  d'une  femme  privée  entièrement  de 
nerfs  olfactifs;  il  ne  put  rien  relever  de  spécial  dans  son  existence, 
Nous  ne  nous  arrêterons  pas  longtemps  sur  ces  monstruosités 
anatomiques '.Zwaardemaker  a  cherché  aies  rencontrer  parmi 
les  individus  dont  le  front  est  particulièrement  étroit,  dans  la 
pensée  que  celte  conformation  pouvait  indiquer  un  développe- 
ment insuffisant  de  la  lame  criblée  de  l'ethmoïde.  Il  n'a  ren- 
contré qu'un  cas  d'anosmie,  celui  d'un  homme  adulte  intelli- 
gent, qui  à  aucun  moment  de  son  existence  n'avait  jamais  senti 
aucune  odeur.  Le  goût  était  conservé  et  les  sensations  tactiles 
de  la  langue  et  de  la  bouche  avaient  acquis  une  grande  finesse. 

On  rencontre  plus  fréquemment  des  gens  chez  lesquels 
l'anosmie  a  fait  son  apparition  après  la  première  enfance,  sans 
que  l'on    puisse  constater    de   troubles   pathologiques   de  la 

(1)  Frôhlich.  Complet  rendus  de  iAc.  des  Se.  de  Vienne,  t.  M,  18ol,  l).  332. 

(2)  Loco  ci  lato. 

\l]  Rudius  Ilolfinet,  Falkenbcrg,  Magnaiiiiis  cités  par  Cloquct,  p.  733. 
Eschricht,  Fatnier,  Valent  iii.ll«>sennin  lier.  Criiilli.  Pressai,  rites  par  Longet, 
Anal,  el  ptiy.s.  dû  .tijsL  nercen.vA.  1,  p.  38. 


384  REVUES    GÉNÉRALES 

cavité  nasale.  Toutelois  on  doit  se  montrer  très  circonspect 
dans  le  diagnostic,  car  d'une  part  ces  anosmies  données  comme 
aJDSolues  ne  sont  parfois  que  relatives  et  d'autres  fois  on  cons- 
tate un  état  catarrhal  exclusivement  localisé  à  la  région  olfac- 
tive et  qui  avait  passé  inaperçu  ;  ceci  est  très  rare.  Un  autre 
groupe  est  formé  par  les  anosmies  séniles.  Des  gens  bien  por- 
tants d'ailleurs,  de  l'un  ou  de  l'autre  sexe,  et  qui  n'ont  pas 
encore  atteint  la  vieillesse  proprement  dite,  après  avoir 
éprouvé  des  troubles  olfactifs  divers,  se  manifestant  par  des 
sensations  subjectives,  des  paresthésies  diverses,  perdent 
ensuite  peu  à  peu  l'odorat.  On  ne  peut  donner  à  ces  paresthé- 
sies prémonitoires  le  nom  d'hallucinations  véritables  ;  elles 
sont  intermittentes,  se  montrent  brusquement  et  cessent  aussi 
brusquement.  Parfois  aussi  elles  sont  continues,  mais  sujettes 
à  des  variations  d'intensité.  Les  malades  se  plaignent  tantôt 
d'odeurs  de  brûlé,  tantôt  de  puanteurs  fécales.  On  remarque 
également  des  sensations  consécutives  extrêmement  prolongées  : 
l'odeur  des  aliments,  par  exemple,  incommode  les  malades  plu- 
sieurs heures  après  les  repas.  Citons  quelques  exemples  *. 

«  I.  —  Anosmie  respiratoire  gauche,  compliquée  d'anosmie 
sénile  ;  acuité  olfactive  tombée  à  droite  à  'J/2  à  gauche  à  1/45. 
Sensations  consécutives  prolongées,  pareslhies  indéterminées 
rappelant  le  brûlé. 

«  II.  —  Anosmie  sénile  chez  un  homme  de  quarante-quatre 
ans  qui  présentait  également  un  raccourcissement  précoce  de 
l'échelle  des  sons.  Acuité  olfactive  à  droite  I/o,  à  gauche  1/20. 
Paresthésies  principalement  pendant  la  nuit,  qui  empêchent  le 
malade  de  dormir. 

«  III.  —  Anosmie  sénile  avec  sensations  consécutives  très 
caractérisées.  Acuité  normale  à  droite  (cavité  nasale  parfaite- 
ment normale),  1/10,  à  gauche  1/50.  Paresthésies  rappelant  le 
brûlé, 

«  IV.  — Anosmie  absolue.  Les  paresthésies  eurent  d'abord  un 
caractère  fécal  ;  ensuite  après  usage  du  bromure  de  potassium, 
elles  rappelaient  l'odeur  des  plantes  médicinales  d'une  phar- 
macie. L'odeur  forte  du  scalol,  au  moment  même  où  elle 
correspondait  absolument  à  la  nature  de  ses  paresthésies,  n'était 
nullement  perçue.  » 

(I)  Zwaardemaker.  Op.  cit..  p.  157. 


PASSY.    —    SLR   LES    SENSATIONS   OLFACTIVES  385 

A  ces  anosmies  nerveuses  nous  joindrons  les  observations  de 
M.  Féré  '  qui  a  publié  un  nombre  considérable  de  chiffres  pris 
sur  les  hysléro-épilepliques  de  son  service  de  Bicêtre;  il  résulte 
de  ces  observations  que  l'acuité  olfactive  présente  dans  la 
majorité  des  cas  une  diminution  manifeste. 

Il  resterait  à  joindre  ici  les  anosmies  par  épuisement,  ou  plus 
exactement  par  adaptation.  On  sait  avec  quelle  facilité  le  sens 
de  l'odorat  s'émousse  ;  si  l'on  sent  deux  roses  parfaitement 
pareilles,  la  seconde  paraît  toujours  sentir  moins  fort.  Ce 
qu'il  y  a  de  particulier  pour  l'odorat,  c'est  la  lenteur  avec 
laquelle  les  fonctions  olfactives  retrouvent  leur  intégrité  ;  si  les 
excitations  ont  été  fortes  et  prolongées,  il  faut  plusieurs  jours 
pour  que  la  sensibilité  reparaisse.  Enfin,  lorsque  ces  excitations 
sont  constantes  et  habituelles,  pour  ceux  qui  par  leur  genre  de 
vie  sont  constamment  exposés  à  l'action  de  parfums  très  con- 
centrés, il  s'établit  un  état  définitif  ou  tout  au  moins  extrême- 
ment durable  d'anosmie  relative,  anosmie  qui  n'est  pas  le  signe 
d'une  détérioration  de  l'appareil  olfactif  mais  qui  représente  une 
véritable  adaptation  à  un  milieu  différent,  stable  parce  qu'elle 
s'applique  à  un  milieu  stable.  Si  nous  conservions  au  grand 
jour  la  sensibilité  à  la  lumière  que  nous  avons  en  sortant  de 
l'obscurité  nous  souffririons  horriblement.  De  même  on  s'étonne 
parfois  que  les  parfumeurs  ne  soient  pas  plus  incommodés  par 
les  odeurs  qu'ils  respirent  ;  cela  n'a  rien  de  surprenant  :  ils  ne 
les  sentent  plus  -.  Mes  notes  à  ce  sujet  étant  inédites,  je  ne  m'y 
arrête  pas. 

En  résumé,  les  anosmies  respiratoires  sont  de  beaucoup  les 
plus  fréquentes.  Cela  n'a  rien  d'extraordinaire  étant  donné  que 
la  partie  externe  en  quelque  sorte  de  l'appareil  —  puisqu'elle 
est  en  contact  direct  avec  l'air  —  est  infiniment  plus  exposée  à 
tous  les  accidents,  à  toutes  les  causes  d'irritation  physico-chi- 
mique ou  d'infection  microbienne.  Mais  ceci  amène  à  penser 
que  les  variations  passagères  que  peut  subir  la  partie  respi- 
ratoire de  la  muqueuse  même  dans  des  limites  physiologiques 
ne  sont  pas  sans  influence  sur  le  fonctionnement  de  l'odorat. 
Ce  sont  par  exemple  le  degré  plus  ou  moins  grand  de  plénitude 
vasculaire  et  la  plus  ou  moins  grande  abondance  de  la  sécrétion 
nasale. 

(1)  Ch.  Féré.  .Soc.  de  Bial.,  30  juillet  1892. 

(2)  Il  est  bien  clair  i|ii'il  s"agit  ici  de  l'actiité  (ilfactive  et  iinii  de  la  (iiiessc  ; 
celle-ci  chez  les  parruiiieurs  se  développe  au  contraire  d'une  façiui  extra- 
ordiuaire. 

ANNÉE   PSYCHOLOGIQUE.    II.  25 


38G 


REVUES    GENERALES 


On  sait  que  la  pituitaire  est  constituée  en  partie  par  du  tissu 
érectile,  particulièrement  au  niveau  du  cornet  inférieur  et  à  la 
partie  inférieure  du  cornet  moyen  et  supérieur  et  que  d'une 
fai^on  générale  sa  structure  se  rapproche  de  celle  du  corps 
caverneux  de  l'urèthre,  On  peut  supposer  que  cet  état  de  tur- 
gescence ou  de  flaccidité  joue  un  rôle  important  et  que  Thy- 
perosmie  des  femmes  enceintes  par  exemple  est  en  rapport 
avec  la  suractivité  vasculaire  antagoniste  de  l'utérus.  Toutefois 
cette  hyperosmie  n'ayant  jamais  été,  que  je  sa-che,  mesurée  ni 
vériliée  par  personne,  il  se  peut  très  bien  qu'on  ait  pris  pour 
une  acuité  exagérée  de  simples  manifestations  de  dégoût,  plus 
prononcées  pendant  cet  état  physiologique. 


III 

PROPRIÉTÉS    CARACTÉRISTIQUES    DES    ODEURS 
(liitcnsitc.  puissancp,  qiialito.) 


Les  sons  se  distinguent  entre  eux  par  la  hauteur,  l'intensité 
et  le  timbre.  Cherchons  à  faire  pour  l'odeur  une  analyse  de  ce 
genre. 

En  jetant  les  yeux  sur  le  tableau  ci-dessous,  on  voit  que  les 
difTérentes  substances  nécessitent  des  doses  extrêmement  diffé- 
rentes pour  être  perçues,  d'où  un  premier  caractère  :  la  puis- 
sance ou  le  pouvoir  odorant.  La.  puissance,  ou  \e  pouvoir  odo- 
rant se  définit  par  l'inverse  du  minimum  |)erceplible  ;  s'il  faut 
mille  fois  moins  de  vanille  que  de  camphre  pour  provoquer  la 
perception  caractéristique,  on  dira  que  la  vanille  a  un  pouvoir 
odorant  mille  fois  plus  grand. 

Camphre 5 

,    Kther i 

,,      ,..       1-  •     '  Citral 0,5  à  0,1 

l'ar  lilre  d  an-      „.,.   .        .  .      ,,.   .         „  . 

I  ik'liotropine  cristaliisce.     0,1  a  0,05 

'  Coumarine 0,05  à  0,01 

Vanilline 0,00:i  à  0,0005 

Musc  naturel 0,001 

Musc  artificiel 0,00001  à  0,000005 

On  remarque  ensuite  que  les  odeurs  peuvent  être  plus  ou 
moins  intenses  ;  la  benzine,  le  camphre,  le  citron,  sont  des 
odeurs  fortes  ;  l'iris,  la  vanille  des  odeurs  faibles.  Pour  cxpri- 


PASSY.    —    SUR   LES    SENSATIONS    OLFACTIVES  1:587 

mer  avec  précision  ce  second  caractère,  V intensité,  nous  dirons 
que  lorsque  deux  odeurs  sont  en  présence,  la  plus  intense  est 
celle  qui  masque  l'autre.  On  pourrait  croire  que  l'intensité  et 
le  pouvoir  odorant  sont  des  propriétés  corrélatives  et  que  les 
odeurs  les  plus  fortes  sont  celles  qui  sont  encore  perceptibles 
aux  plus  petites  doses.  Il  n'en  est  rien.  Les  substances  rangées 
dans  le  tableau  par  ordre  de  puissance  sont  à  peu  près  dans 
l'ordre  inverse  de  leur  intensité.  On  peut  mettre  ce  fait  en  évi- 
dence sous  une  forme  particulièrement  élégante  ;  préparons 
une  solution  alcoolique  contenant  1  p.  100  de  camphre  et 
i  p.  1000  de  vanille  ;  si  nous  l'employons  directement,  nous  ne 
percevons  que  le  camphre  ;  si  nous  la  diluons  dans  lalcool  de 
façon  à  l'amener  à  un  titre  10.000  fois  moindre,  c'est  la  vanille 
seule  que  nous  percevrons.  L'intensité  et  le  pouvoir  odorant 
correspondent  à  deux  modes  d'action  bien  distincts  sur  la  sen- 
sibilité : 

1°  La  sensibilité  différentielle  n'est  pas  la  même  pour  les 
odeurs  intenses  et  pour  les  odeurs  puissantes.  Si  l'on  présente 
au  sujet  une  série  de  solutions  croissantes  de  camphre  ou  de 
citron,  la  sensation  croit  parallèlement,  d'une  manière  très 
nette  et  très  rapide  ;  il  n'en  est  pas  de  même  pour  les  odeurs 
faibles,  la  vanille,  la  coumarine  ;  la  sensation  croît  lentement, 
d'une  manière  vague,  elle  atteint  bientôt  un  maximum  et 
change  alors  de  nature  en  devenant  désagréable. 

2°  La  sensibilité  présente  des  variations  individuelles  consi- 
dérables ;  mais  ces  variations  ne  portent  pas  indifféremment 
sur  les  deux  classes  de  substances  ;  elles  affectent  tout  parti- 
culièrement celles  dont  l'intensité  est  faible  :  elles  sont  de  i  à 
1.000  et  même  davantage  pour  la  vanille,  l'héliotropine,  le 
musc. 

Hrlioli'opiiio  (Jaiuphre 

Mathilde  Bob UO  5 

Pauline  Dell 0,  5  \) 

Il  y  a  même  des  substances  qui  ne  sont  jamais  assez  intenses 
pour  être  perçues  par  certains  sujets  (iris,  etc.).  Enfin  les  varia- 
lions  peuvent  porter  à  la  fois  sur  les  deux  qualités  et  en  sens 
inverse,  un  sujet  étant  plus  sensible  à  l'intensité,  l'autre  à  la 
quantité. 

lli'lioUiiiiiiio  Cili'ul 

Paul  Pass  . 0,01  0,  5 

Jacques  Pass iiO,  0  ?  0,  I 


388  REVL'KS    GÉNÉRALES 

3"  La  sensibilité  présente  cliez  le  même  individu  des  varia- 
tions d'un  jour  à  l'autre  ;  ces  variations  ne  portent  pas  sur  les 
odeurs  intenses,  mais  sur  les  odeurs  faibles. 

Il(-li(>liii|jiiif  (;ilral 

Blanche  Dell,  15- mars 0,1  0,  ".i 

—  15  mars 5  0,  1 

k^  On  peut  déterminer  expérimentalement  des  variations 
dans  la  sensibilité,  par  l'intervention  de  la  fatigue  ;  la  fatigue 
porte  sur  les  odeurs  faibles,  très  peu  sur  les  odeurs  intenses. 

Vaiiilliiic  C;ini|ihie 

Début  de  la  séance 0,0005  l 

Fin  de  la  séance 0,01  5 

Toutes  ces  expériences  qui  ne  sont  en  somme  que  des  illus- 
trations delà  même  différence  fondamentale,  montrent  que  le 
mode  d'action  des  odeurs  intenses  et  des  odeurs  puissantes  est 
absolument  différent.  On  verra  plus  loin  que  Beaunis  est  arrivé 
par  la  mesure  des  temps  de  réaction  aux  odeurs  à  distinguer 
deux  classes  de  substances  :  les  premières  auxquelles  il  propose 
de  réserver  le  nom  Codeurs,  pour  lesquelles  la  réaction  est 
nette  et  rapide,  les  autres  pour  lesquelles  le  temps  de  réaction 
est  long  et  même  impossible  à  préciser,  auxquelles  il  réserve  le 
nom  de  parfums.  Mes  expériences  conduisent  par  un  chemin 
tout  différent  à  la  même  conclusion  ;  la  première  classe  corres- 
pondrait à  l'intensité,  la  seconde  à  la  puissance. 

Il  est  bien  clair  que  cette  classification,  dans  ma  pensée  tout 
au  moins,  n'est  qu'un  moyen  de  fixer  les  idées  ;  la  plupart  des 
substances  sont  à  la  fois  odeurs  et  parfums,  c'est-à-dire 
qu'elles  agissent  sur  la  sensibilité  par  deux  modes  différents  ; 
cependant  la  part  relative  de  ces  deux  modes  d'action  est  très 
inégale  pour  chacune  d'elles,  et  l'on  peut  trouver  des  types  de 
parfums  presque  purs,  tels  le  musc,  l'ambre,  la  vanilline,  et  des 
types  d'odeurs  presque  purs,  tels  que  la  benzine,  le  camphre 
et  la  plupart  des  terpènes  (essence  de  térébenthine,  limonène. 
etc.).  Pour  ces  cas  extrêmes,  la  distinction  est  parfaitement 
claire.  D'autres  corps,  l'acide  butyrique  par  exemple,  sont  à  la 
fois  des  odeurs  fortes  et  des  parfums  puissants. 

Zwaardemaker  critique  cette  distinction.  La  discussion  assez 
subtile,  — d'ailleurs  parfaitement  courtoise  —  à  laquelle  il  se 
livre  ne  me  parait  pas  convaincante  ;  ne  pouvant  la  reproduire 


PASSY.    —   SUR    LliS   SENSATIONS    OLFACTIVES  381) 

entièrement  S  je  me  borne  à  remarquer  qu'elle  parait  reposer 
sur  ce  raisonnement  a  priori,  que  tous  les  minima  percep- 
tibles sont  égaux,  puisque  ce  sont  les  plus  petites  excitations 
possibles.  Or,  cela  ne  me  paraît  pas  démontré,  ni  même  pro- 
bable ;  il  se  peut  que  les  minima  perceptibles  ne  correspon- 
dent ni  au  même  phénomène  physique,  ni  à  l'excitation  des 
mêmes  éléments  nerveux  ;  en  un  mot,  et  pour  rendre  ma  pensée 
sous  une  forme  un  peu  forcée,  l'odeur  de  la  menthe  et  celle  de 
la  vanille  ne  sont  pas  plus  comparables  qu'un  son  et  une  cou- 
leur. 

Les  odeurs  se  distinguent  encore  les  unes  des  autres  par  la 
qualité.  La  qualité,  c'est  ce  qui  nous  permet  de  reconnaître  et 
de  nommer  une  odeur,  de  distinguer  par  exemple  la  rose  de  la 
vanille,  de  la  menthe  ou  du  citron.  Au  point  de  vue  subjectif, 
cette  propriété  ressemble  à  ce  qu'est  le  timbre  pour  l'oreille,  la 
couleur  pour  l'œil. 

Ces  trois  propriétés  fondamentales  étant  posées,  je  me  suis 
proposé  de  rechercher  comment  elles  variaient  avec  la  compo- 
sition chimique.  A  cet  effet,  j'ai  étudié  avec  détail  l'une  des 
grandes  séries  qu'offre  la  chimie  organique,  la  série  grasse. 

On  sait  qu'on  trouve  dans  cette  série  : 

1"  Des  corps  homologues,  tels  que  les  acides  formique,  acé- 
tique, propionique,  etc.,  les  alcools  méthylique,  éthylique,  pro- 
pylique,  butylique,  etc.,  ayant  la  même  formule  générale,  la 
même  composition  et  la  même  constitution  chimique  (chaque 
terme  ne  diffère  du  précédent  et  du  suivant  que  par  CH^  en 
plus  ou  en  moins),  les  mêmes  propriétés  chimiques  fondamen- 
tales et  présentant  dans  leurs  propriétés  physiques  —  point 
d'ébullition,  solubilité,  etc.,  une  progression  régulière. 

^"  Des  isomères,  c'est-à-dire  des  corps  dont  la  formule  brute 
exprimant  la  composition  centésimale  est  la  même,  et  qui  ne 
diffèrent  que  par  l'arrangement  intérieur,  par  la  structure 
moléculaire  ; 

-i'  Des  dérivés,  c'est-à-dire  des  composés  ayant  la  même  ori- 
gine et  la  même  structure  fondamentale,  et  ne  différant  entre 
eux  que  par  des  modifications  de  détail,  n'intéressant  pas  l'en- 
semble de  l'édifice  chimique  primitif. 

En  étudiant  méthodiquement  ces  divers  composés,  on  arrive 
aux  conclusions  suivantes  : 

Dans  une  série  homologue,  le  pouvoir  odorant  varie  d'une 

(I j  Zwaardeiiiakcr.  Op.rU..  p.  191  cl  suivantes 


300  REVUES   GÉNÉRALES 

manière  périodique  avec  le  poids  moléculaire.  Les  minima 
perceptibles  des  acides  gras  normaux  sont  respectivement  (en 
millionièmes  de  gramme)  : 

1  acide  formique 2"j 

2  —     acétique o 

3  —     propionique 0,0y 

4  —     butyrique 0,001 

:j  —     vatérique 0,01 

6  —  caproïque 0. 04 

7  —  œnanthyliquo 0,  il 

8  —  caprylique 0, 05 

9  —  nonylique 0,02 

10  —     caprique 0,  Oo 

11  —  —       — 

12  —     laurique 0,  1 

14     —     myristique inodore 

Les  pouvoirs  odorants  sont  par  conséquent  comme  1,  5.  oOO, 
2o0  000,  m  000,  600,  80,  oOO,  i  000,  500,  250... 

Ces  chiffres  peuvent  s'ordonner  en  trois  séries  : 

Première,  comprend  les  termes  de  1  à  7  ;  le  pouvoir  odorant 
croît  du  premier  au  quatrième  terme,  puis  diminue; 

Deuxième^  analogue  à  la  première  ;  le  pouvoir  odorant  croît 
jusqu'au  troisième,  puis  diminue; 

Troisième,  qui  comprend  le  quatorzième  terme  et  les  sui- 
vants, est  inodore. 

La  même  périodicité  s'observe  avec  les  alcools  et  avec  les 
aldéhydes  correspondants  ;  j'ai  préféré  citer  les  acides  parce 
que  la  liste  en  est  plus  complète.  Rapprochons  ces  résultats  de 
ceux  qu'ont  obtenu  MM.  Dujardin-Beaumetz  et  Audigé  dans 
leurs  recherches  sur  le  pouvoir  toxique  des  alcools;  la  dose 
toxique  est  la  quantité  d'alcool  qui  par  kilogramme  de  poids 
de  l'animal  amène  la  mort  en  24  30  heures. 


Alcool  mélliylique  . 

—  étliylique .    . 

—  propyli(|ne  .    , 

—  isuljiityli(iue .  . 

—  isoamylique.   , 

—  œnanlliyhquc 

—  cétyHque  .    . 


Dose  to\i 

l.ic 

llose  oiloiante 

'  gr. 

1000 

7,75 

2o0 

3,75 

10 

1 ,85 

1 

1,50 

o,t 

8 

1 

non  toxique 

inodore 

PASSY.    —   SUR   LES   SIÎNSATIONS    OLFACTIVES  391 

En  comparant  ces  deux  tableaux,  on  y  découvre  un  parallé- 
lisme remarquable  :  le  pouvoir  toxique  d'une  part,  le  pouvoir 
odorant  de  l'autre  croissent  parallèlement.  Aussi  MM.  Dujardin- 
Beaumetz  et  Audigé  avaient-ils  formulé  leurs  résultats  en  disant 
(jue  le  pouvoir  toxique  croissait  avec  le  poids  moléculaire. 

Mes  expériences  effectuées  sur  les  mêmes  alcools  m'avaient 
conduit  à  la  même  formule.  Cependant,  il  y  avait  dans  ces 
expériences  une  cause  d'erreur  ;  les  alcools  en  expériences 
n  étaient  pas  les  véritables  homologues  de  l'alcool  éthylique. 
En  opérant  uniquement  sur  'les  alcools  normaux  et  sur  une 
série  aussi  complète  que  possible,  je  suis  arrivé  à  cette  conclu- 
sion que  je  suis,  je  crois,  le  premier  à  signaler,  savoir  :  que  l'ac- 
tivité physiologique  ne  croit  pas  indéfiniment  avec  le  poids 
moléculaire,  mais  qu'elle  a  une  forme  périodique.  Dès  lors, 
les  irrégularités  apparentes  du  tableau  de  Dujardin-Beaumelz 
rentrent  dans  l'ordre  ;  en  effet,  l'alcool  œnanthylique  appartient 
à  la  partie  descendante  de  la  période,  et  l'alcool  cétylique  à 
la  série  inactive. 

C'est  toujours  avec  un  vif  sentiment  de  satisfaction  qu'on 
rencontre  dans  des  notes  d'expérience  des  faits  en  contradiction 
avec  la  formule  qui  doit  les  résumer  et  qu'on  s'appuie  sur  eux 
parce  qu'ils  portent  avec  eux  la  preuve  de  leur  sincérité. 

Les  expériences  de  M.  Féré  '  sur  le  pouvoir  tératogène  de  ces 
mêmes  alcools  (incubation  de  l'œuf  de  poule)  concordent  avec 
celles  que  nous  discutons  et  les  confirment. 

Il  nous  semble  qu'il  se  dégage  tout  naturellement  de  cet 
exposé  quelques  conclusions  philosophiques  relatives  au  rôle 
et  à  l'origine  de  l'odorat.  On  s'accorde  à  regarder  ce  sens 
comme  un  organe  d'informations  ;  il  renseigne  l'animal  sur  la 
nature  des  aliments,  sur  la  qualité  de  l'air  et  le  guide  dans  sa 
vie.  sexuelle,  protégeant  avec  le  goût  les  deux  portes  d'entrée  de 
l'organisme  ;  il  constitue  comme  ce  dernier  un  véritable  sens 
chimique  ;  ce  qui  échappe  à  l'un  est  contrôlé  par  l'autre.  Or, 
que  nous  montrent  les  faits  précédents  ?  une  grande  série 
organique  agissant  parallèlement  sur  l'odorat  d'une  part,  sur 
l'ensemble  de  l'organisme  d'autre  part  ;  l'action  physiologi<iue 
s'accroît  en  même  temps  que  s'accroît  l'activité  odorante,  elle 
subit  des  variations  de  même  sens  ;  puis  quand  cesse  l'action 
physiologique  cesse  l'action  spécifique  sur  l'odorat.  L'odorat 
n'apparaît  donc  plus  comme  un  appareil  créé  de  toutes  pièces, 

(1)  Soc.  de  UioL,  10  murs  IS'.)l. 


39:2  REVUES  générales 

doué  d'une  sensibilité  mj^slérieuse  sans  lien  avec  les  propriétés 
générales  des  cellules  ;  mais  bien  plutAl  comme  un  fragment 
détaché  de  la  sensibilité  générale,  spécialisée  en  vue  d'une 
fonction  déterminée,  réagissant  aux  mêmes  causes  d'excitation, 
mais  par  suite  de  sa  spécialisation  et  de  son  rôle  d'avant-garde 
avec  une  sensibilité  infiniment  plus  grande. 

La  qualité  est  intimement  liée  à  la  structure  moléculaire  ;  en 
effet  :  1°  les  homologues  ont  des  odeurs  extrêmement  voisines, 
à  tel  point  qu'à  dose  atténuée  et  physiologiquement  équiva- 
lente, il  est  parfois  presque  impossible  de  distinguer  deux  termes 
voisins;  ainsi  l'acide  butyrique  et  l'acide  valériques  normaux; 
les  alcools  méthylique  et  éthylique  ;  l'alcool  isobutylique  et 
l'alcool  isoamylique,  etc.  ;  11"  les  isomères  ayant  même  for- 
mule brute  et  différant  par  la  constitution  diffèrent  également 
par  leur  odeur;  soient  par  exemple  les  différents  alcools  buty- 
liques  :  l'alcool  butylique  normal;  l'alcool  isobutylique  de  fer- 
mentation, l'alcool  secondaire  et  l'alcool  tertiaire  ;  ces  quatre 
alcools  de  même  formule  brute  ne  diffèrent  que  par  leur 
structure  ;  tous  ont  des  odeurs  différentes  ;  3"  enfin  chaque 
isomère  se  rapproche  comme  odeur  de  ses  dérives.  Ainsi,  pour 
reprendre  l'exemple  précédent,  l'alcool  butylique  normal  res- 
semble à  l'acide  butyrique  normal,  l'alcool  isobutylique  à 
l'alcool  isoamylique  de  fermentation,  son  homologue,  l'alcool 
secondaire  à  l'alcool  isopropylique  son  homologue  inférieur, 
l'alcool  tertiaire  possède  une  odeur  camphrée  qui  lui  est  com- 
mune avec  l'alcool  amylique  tertiaire.  De  même  encore,  l'alcool 
asopropylique  diffère  notablement  de  l'alcool  propylique  nor- 
.mal,  son  isomère,  et  se  rapproche  nettement  de  l'acétone,  son 
•dérivé.  Si  la  qualité  dépend  de  la  structure,  une  qualité  parti- 
culière peut  être  également  le  résultat  du  mélange  de  plusieurs 
•odeurs,  de  même  que  telle  ou  telle  couleur  peut  être  obtenue 
subjectivement  par  la  superposition  de  rayons  simples;  nous 
aurons  occasion  de  revenir  sur  ce  point  en  traitant  du  mélange 
des  odeurs. 

LiNHTES  DE  PERCEPTiniLri'É.  —  Covps  iHodores.  Je  suis  arrivé  à 
-cette  conclusion  que  les  corps  inodores  peuvent  l'être  pour  deux 
raisons  différentes  et  qu'il  y  a  lieu  de  les  partager  en  deux 
•classes  : 

1°  Ceux  qui  sont  en  dehors  de  nos  limites  de  perceptibilité. 
Par  exemple,  dans  la  série  grasse,  nous  voyons  l'odeur  subir 
entre  le  premier  et  le  quatorzième  terme  certaines  variations, 


PASSY.  —  SUR  LES  SENSATIONS  OLFACTIVES        393 

puis  disparaître  avec  le  quatorzième.  Il  n'est  pas  probable  que 
le  phénomhie  odeur  disparaisse  ainsi  brusquement  dans  une 
série  régulière  ;  il  est  plus  vraisemblable  que  le  quatorzième 
terme  et  les  suivants  sont  simplement  inodores  pour  nous  par- 
ce qu'ils  ont  dépassé  la  zone  dans  laquelle  l'odeur  nous  est 
perceptible.  Serrons  les  choses  de  plus  près  ;  comment  se  com- 
portent les  derniers  termes  de  la  série  ?  On  remarque  que  l'in- 
tensité diminue  à  mesure  que  l'on  monte  dans  la  série  ;  ainsi 
l'acide  butyrique,  même  à  dose  faible  masque  facilement  les 
acides  nonylique  ou  caprique  même  à  dose  forte.  Ainsi  les 
derniers  termes  se  rapprochent  peu  à  peu  de  la  limite  de  per- 
ceptibilité, et  c'est  faute  d'inlensilé  suffisante  qu'à  partir  du 
quatorzième  terme  l'odeur  disparaît. 

Remontons  maintenant  la  série  en  sens  inverse  ;  à  partir  du 
quatrième  terme,  nous  voyons  la  puissance  diminuer  ;  si  bien 
que  l'alcool  méthylique  qui  exerce  une  action  irritante  très 
marquée  sur  la  muqueuse  est  pourtant  presque  dépourvu  d'o- 
deur spécifique. 

Ainsi,  à  une  extrémité  de  l'échelle,  l'odeur  disparaît  faute 
d'intensité,  à  l'autre  faute  de  puissance.  De  même  que  pour  le 
son,  de  même  que  pour  la  lumière  nous  trouvons  ici  une  double 
limite  de  perceptibilité, 

Soit  au  contraire  l'acide  benzoïque,  par  exemple,  inodore  dans 
les  conditions  habituelles.  Je  remarque  d'abord  que  les  déri- 
vés de  cet  acide  :  alcool,  aldéhyde,  éther,  sont  odorants  ;  ceci 
m'amène  à  rechercher  si  cet  acide  est  bien  réellement  inodore. 

Or,  il  ne  l'est  qu'à  Tétat  cristallisé  ;  il  suffit  de  le  diluer  pour 
qu'il  manifeste  un  parfum  caractéristique,  analogue  à  celui  de 
ses  dérivés.  L'expérience  peut  être  réalisée  de  plusieurs  façons  : 

1'^  En  entraînant  l'acide  par  la  vapeur  d'eau.  Si  l'on  chauffe 
dans  une  capsule  une  solution  aqueuse  d'acide  benzo'îque,  la 
chambre  se  remplit  d'un  parfum  caractéristique  ; 

:2'^  En  le  diluant  dans  l'alcool.  Une  solution  ù  1/1000  par 
exemple,  évaporée  spontanément  sur  un  verre  de  montre,  ou 
mieux,  sur  un  morceau  de  papier  à  filtrer,  lui  communique  le 
même  parfum; 

3'^  Par  olfaction  dans  l'eau. 

En  répétant  avec  cet  acide  les  expériences  de  M.  Aronsohn, 
■et  se  servant  dans  la  douche  nasale  d'une  solution  à  1/1000  de 
+;et  acide,  l'odeur  est  parfaitement  perçue. 

Les  mêmes  expériences  réussissent  avec  l'acide  cinnamique. 

Ainsi  cette  seconde  catégorie  de  corps  n'est  pas  en  dehors  de 


394  REVUES    GÉNÉRALES 

nos  limites  de  perceptibilité  ;    seulement  dans  les  conditions 
ordinaires,  ils  ne  prennent  pas  spontanément  Vétat  odorant. 


IV 

LE    MÉLANGE    DES    ODEURS 

On  peut  dire  que  toute  l'industrie  de  la  parfumerie  repose 
sur  le  mélange  des  parfums,  mélange  dont  les  gens  du  métier 
parviennent  à  connaître  empiriquement  les  effets.  On  ne  sau- 
rait mieux  comparer  le  travail  du  parfumeur  qui  cherche  à 
composer  un  extrait  —  soit  qu'il  se  propose  d'imiter  un  modèle, 
extrait  ou  fleur,  soit  qu'il  veuille  former  de  toutes  pièces  un 
parfum  conforme  à  un  certain  idéal  esthétique.  —  quau  travail 
du  peintre  qui  cherche  un  ton  sur  sa  palette. 

De  même  que  le  peintre  dispose  d'un  certain  nombre  de  cou- 
leurs fondamentales  dont  il  a  appris  à  connaître  les  effets  et 
les  actions  réciproques,  et  avec  lesquelles  il  doit  reproduire 
son  modèle ,  de  même  le  parfumeur  dispose  d'un  certain 
nombre  de  parfums  avec  lesquels  il  doit  reproduire  la  nuance 
particulière  de  parfum  qu'il  recherche.  De  même  qu'un  peintre 
peut  dire  en  voyant  tel  ton  :  il  y  a  là  dedans  telle  proportion 
d'ocre  jaune,  de  blanc,  de  cadmium,  avec  une  pointe  de  ver- 
millon, de  même  un  parfumeur  exercé  peut  dire  :  dans  cet 
extrait  il  y  a  tant  de  bergamotte,  tant  de  rose,  tant  de  citron, 
avec  un  peu  de  civette,  etc.  ;  vient  ensuite  la  période  de  tâton- 
nement pendant  laquelle  on  compare  la  copie  au  modèle  en  la 
moditiant  graduellement. 

Bien  rarement  les  extraits  vendus  sous  le  nom  de  telle  ou 
telle  fleur,  œillet,  lilas,  pois  de  senteur,  etc.,  proviennent  réel- 
lement de  la  fleur;  le  parfumeur  ne  dispose  que  d'un  petit 
nombre  de  parfums  de  fleurs  authentiques,  ce  sont  :  la  rose, 
la  fleur  d'oranger,  le  jasmin,  la  tubéreuse,  et  d'une  fat^on  acces- 
soire, la  cassie,  la  jonquille,  la  violette  et  le  réséda.  C'est  par 
le  dosage  différent  de  ces  quelques  parfums,  et  par  leur  mé- 
lange avec  les  essences  tirées  de  bois,  tels  que  le  santal  et  le 
bois  de  rose,  de  plantes  vertes  telles  que  la  lavande,  de  fruits 
tels  que  le  citron  et  l'orange,  et  depuis  quelques  années  par 
l'adjonction  de  quelques  parfums  artiflciels  tels  que  l'hélio- 
tropinc,  l'ionone  et  le  terpinéol,  qu'il  parvient  à  imiter  toute 
la  variété   des  fleurs   naturelles.  Cette  méthode  se  rapproche 


PASSY.  —  SUR  LES  SENSATIONS  OLFACTIVES        395 

d'ailleurs  souvent  plus  qu'on  ne  le  croyait  des  moyens  de  la 
nature,  les  parfums  de  fleurs  les  plus  caractéristiques  n'étant 
eux-mêmes  que  des  bouquets  très  complexes. 

Voyons  ce  que  rexp(''rimentation  nous  apprend  sur  ce  sujet 
complexe  et  presque  inexploré  : 

La  première  question  que  je  me  suis  posée  est  celle-ci  '  : 
l'odeur  d'un  corps  chimique  pur  et  bien  défini  est-elle  simple, 
ou  bien  est-il  possible  par  un  artifice  expérimental  de  mettre 
en  évidence  des  odeurs  différentes?  Si  plusieurs  odeurs  coexis- 
tent dans  le  même  composé,  elles  ne  doivent  pas  avoir,  ou  du 
moins  elles  peuvent  ne  pas  avoir  toutes  la  même  limite  de  per- 
ceptibilité ;  si  donc  on  fait  diminuer  progressivement  la  dose 
on  doit  les  voir  disparaître  l'une  après  l'autre.  C'est  ce  que  l'ex- 
périence confirme.  Soit  par  exemple,  l'alcool  butylique  tertiaire  ; 
en  faisant  croître  progressivement  la  dose,  on  observe  la  suc- 
cession suivante  : 

Odeur  spéciale  rappelant  le  lierre  terrestre  et  la  benzine. 

—  camphrée. 

—  alcoolique. 

Chacune  de  ces  odeurs  d'ailleurs  ne  disparait  pas  brusque- 
ment, mais  se  prolonge  dans  la  suivante. 

On  obtient  encore  un  résultat  très  net  avec  l'aldéhyde  saly- 
cilique. 

L'odeur  de  reine-des-prés  n'apparaît  absolument  que  dans 
l'état  d'extrême  dilution.  La  plupart  des  parfums,  d'ailleurs, 
ne  sont  agréables  qu'à  faible  dose  ;  lorsqu'on  emploie  des  solu- 
tions plus  concentrées,  ils  changent  de  nature  et  deviennent 
désagréables  ;  j'ai  expliqué  ce  fait  en  admettant  qu'ils  con- 
tiennent : 

I"  Un  parfum  agréable,  peu  intense,  très  puissant  ; 

t'  Une  odeur  désagréable,  peu  puissante,  intense,  et  qui 
masque  le  parfum  lorsqu'on  augmente  la  dose. 

On  remarque  encore  très  nettement  cette  dualité  d'odeur 
dans  le  bromoforme  ;  senti  directement  il  possède  l'odeur  éthé- 
rée,  agréable  du  chloroforme  ;  dilué,  le  parfum  safrané,  insup- 
portable de  l'iodoforme  ;  il  tient  ainsi  très  exactement  le  milieu 
entre  ses  deux  voisins. 

En  revanche,  il  est  un  très  grand  nombre  de  corps  avec  les- 
quels on  n'observe   pas   ces  variations   d'odeur  \   citons    par 

(I)  Jiic(iiie.s  Passy.  ''.  /.'.  Ar.Sc,  31  oclobre  1892. 


39C  REVUKS   GÉNÉRALES 

exemple  les  composants  de  l'essence  de  bergamotte  (linalool, 
acétate  de  linalool,  limonène),  les  corps  à  odeur  de  citron,  tels 
que  le  cilral  et  le  citronellal,  etc.,  etc. 

Un  corps  pour  lequel  cette  dualité  est  extrêmement  marquée 
c'est  le  parfum  de  violette,  l'irone  extrait  de  la  racine  d'iris,  et 
à  un  plus  haut  degré  encore  l'ionone,  son  isomère  synthétique 
fabriqué  aujourd'hui  industriellement;  à  dose  extrêmement 
faible,  il  rappelle  le  parfum  de  la  violette  dans  toute  sa  suavité  ; 
à  dose  plus  forte,  il  présente  une  odeur  framboisée,  et  à  dose 
plus  forte  encore,  une  odeur  très  désagréable  rappelant  le 
pétrole. 

MÉLANGE  DES  ODEURS  VOISINES.  —  Si  nous  prcuons  dans  une 
série  homologue  les  termes  voisins,  comme  par  exemple  les 
acides  butyrique  et  valérique,  nous  constatons  qu'ils  pos- 
sèdent des  odeurs  teHement  voisines  qu'il  est  presque  impos- 
sible de  les  distinguer  ;  constituons  un  mélange  dans  lequel 
chacun  de  ces  acides  se  trouvera  à  dose  physiologiquement 
équivalente,  c'est-à-dire  inversement  proportionnelle  à  son  mi- 
nimum perceptible,  —  ce  sera  dans  le  cas  présent  l  1000  d'a- 
cide butyrique  et  1  p.  100  d'acide  valérique,  —  et  cherchons 
le  minimum  perceptible  du  mélange;  nous  trouverons  que  la 
dose  perceptible  est  deux  fois  moindre  que  si  l'un  des  acides 
existait  seul  dans  le  mélange. 

Le  pouvoir  odorant  du  mélange  est  donc  la  somme  des 
composants  i. 

On  peut  répéter  l'expérience  sur  un  nombre  de  corps  plus 
considérable  et  qui,  tout  en  ayant  des  odeurs  très  analogues,  ne 
sont  pas  cependant  identi(iues  ;  ajoutons  par  exemple  aux  pré- 
cédents les  acides  propionique  et  caproïque,  l'alcool  buty- 
iique  ;  ou  constituons  des  mélanges  divers  dans  lesquels  nous 
ferons  entrer,  outre  les  précédents,  les  alcools  isobutylique  et 
isoamylique,  etc.,  toujours  nous  constaterons  un  renforcement 
considérable  de  l'odeur;  nous  pourrons  donc  dire  que  les 
odeurs  voisines  se  renforcent  par  leur  partie  commune. 

Que  se  passe-t-il  maintenant  quand  on  mélange  des  odeurs 
quelconques?  Citons  les  expériences  de  Zwaardemaker.  «  Soient, 
dit-il,  une  série  de  mes  olfactomètres,  construits  en  cèdre, 
benjoin,  caoutchouc,  cire  jaune,  etc.,  chacun  d'eux  étant  divisé 
en  olfacties  ;  mettons  deux  de  ces  olfactomètres  bout  à  bout 

(I)  Il  v!i  sans  (lire  (|iic  je  ir.-illrihiic  pas  ù  rettc  expression  abrégée  ime 
préeisitin  niathéiiiatiipie  rigoureuse. 


PASSY.  —  SUR  LES  SENSATIONS  OLFACTIVES        397 

de  fac^on  que  l'air  les  traverse  successivement  ;  en  faisant  glis- 
ser plus  ou  moins  le  cylindre  de  verre,  nous  avons  les  moyens 
de  graduer  l'intensité  de  chacune  des  odeurs  et  de  les  faire 
varier  dans  des  proportions  déterminées. 

«  Dans  ces  conditions,  dit-il,  on  ne  perçoitpas  une  impression 
composée;  suivant  que  l'un  ou  l'autre  des  composants  domine, 
on  perçoit  l'un  ou  l'autre,  et  lorsqu'elles  sont  exactement  égales 
on  ne pereoit  rien  du  tout,  ou  une  sensation  très  faible,  indé- 
terminée et  qu'il  faut  beaucoup  d'attention  pour  saisir.  Cet 
équilibre  est  obtenu  par  les  longueurs  suivantes  : 


En  centimètres 
lie  l'olfactoniètre 


En  olfacties 


Cèdre  et  caoutchouc 5  \  2  :  10  2  3  4  :   14 

Benjoin  et  caoutchouc .    ...  3  1  2  :   10  3  1/2  :  10 

Paral'Hne  et  caoutchouc    ...  8  1/2  :   10  8   1/2  :   14 

Caoutchouc  et  cire  jaune.    .    .  10  :     7  14          :  28 

Caoutchouc  et  baume  de  Tolu.  10  :     7  14           :  70 

Cire  et  baume  de  Tolu  ....  10  :     9  40           :  90 

Parafline  et  cire 10  :     5  10          :  20 

«  Comme  il  a  été  dit,  pources  expériences,  les  deux  cylindres 
odorants  sont  placés  l'un  devant  l'autre,  de  manière  à  obtenir 
un  mélange  proprement  dit  des  odeurs  ;  dans  ces  conditions 
leurs  actions  chimiques  et  physiques  ne  sont  pas  exclues. 

«  Quoique  cela  ne  soit  pas  probable,  il  n'est  pas  impossible 
que  les  molécules  se  réunissent  pour  former  de  nouvelles  com- 
binaisons chimiques,  maintenant  inodores,  ou  qu'il  se  produise 
une  agglomération  ne  jouissant  plus  du  pouvoir  de  produire 
des  impressions  odorantes.  Gomme  nous  ne  savons  presque  rien 
sur  les  particularités  physiques  et  chimiques  des  essences, 
les  hypothèses  ont  ici  libre  cours. 

«  La  méthode  de  V olfactomètre  double  fait  disparaître  ces 
incertitudes.  L'olfactomètre  double  consiste  en  deux  olfacto- 
mètres  ordinaires  fixés  l'un  à  côté  de  l'autre  ;  il  s'agit  main- 
tenant de  répéter  les  expériences  que  nous  avons  exécutées 
avec  les  deux  cylindres  placés  bout  à  bout,  avec  cet  olfacto- 
mètre double.  Cela  n'est  pas  très  facile  au  point  de  vue  quan- 
titatif, car  il  est  difficile  de  trouver  un  organe  dont  les  deux 
côtés  fonctionnent  de  la  même  façon...  Mais  en  revanche  il  sera 
extrêmement  simple  de  se  convaincre  qualitativement,  que  par 
la  méthode  de  l'olfactomètre  double  également,  deux  sensations 
peuvent  se  supprimer  mutuellement.  Ainsi  l'odeur  du  caout- 
chouc introduite  dans  une  narine  à  dose  suffisante  fait  dispa- 


398  REVUES    GÉNÉRALES 

raître  celle  de  la  paraffine,  de  la  cire,  du  baume  de  tolu.  On 
peut  même  employer  des  excitations  assez  fortes  sans  produire 
une  perception  complexe.  C'est  soit  Tune,  soit  l'autre  des 
odeurs,  qui  ressortira  plus  ou  moins  clairement.  Enfin  quand 
on  a  trouvé  la  proportion  convenable  on  ne  perçoit  plus  la 
moindre  odeur.  Ainsi  l'élimination  des  sensations  est  absolue. 
Il  n'y  a  pourtant  pas  l'ombre  de  doute  que  les  odeurs  agissent 
de  la  manière  habituelle  sur  l'organe  sensoriel.  Elles  sont  intro- 
duites séparément  dans  les  narines  et  restent  -séparées  par  la 
cloison.  Après  l'expérience  chacun  des  côtés  est  nettement 
émoussé  pour  l'odeur  qui  lui  était  fournie  et  qui  eût  été  nette- 
ment perçue  si  elle  n'eût  pas  été  détruite  par  l'odeur  amenée 
à  l'autre  côté. 

«  Une  des-  plus  belles  expériences  que  l'on  puisse  instituer 
avec  l'olfactomètre  double,  est  celle  dans  laquelle  l'un  des 
olfactomètres  contient  de  l'acide  acétique  et  l'autre  de  l'ammo- 
niaque. Que  l'on  se  représente  l'un  des  cylindres  imbibé  d'une 
solution  d'acide  acétique  à  "2  p.  100,  l'autre  d'une  solution  d'am- 
moniaque à  1  p.  100.  et  chacun  d'eux  aboutissant  séparément 
dans  une  des  narines.  Suivant  que  l'un  ou  l'autre  des  cylindres 
est  plus  découvert,  et  par  conséquent  produit  l'impression  la 
plus  forte,  on  sent  soit  l'acide  acétique,  soit  l'ammoniaque. 
Jamais  on  ne  sentira  les  deux  à  la  fois,  surtout  si  on  ne  fait 
pas  durer  chaque  expérience  trop  longtemps,  car  il  serait  pos- 
sible dans  ce  cas  de  remarquer  l'ammoniaque  au  début  de  l'ins- 
piration et  l'acide  acétique  à  la  fin.  Sauf  dans  ce  cas,  on  sentira 
soit  l'un,  soit  l'autre.  Il  est  pourtant  possible  de  trouver  telle 
proportion  pour  laquelle  aucune  des  deux  odeurs  ne  prend 
nettementle  dessus,  et  où  l'on  remarque  à  peine  une  très  faible 
odeur  de  l'un  des  composants;  on  pourra  même  enfin,  trouver 
un  rapport  tel  que  l'on  ne  perçoit  absolument  aucune  impres- 
sion. Ceci  restera  vrai  même  si  l'on  emploie  des  excitations 
très   fortes  et  qui  séparément  auraient  produit  un  effet  très 

marqué  '.  » 

Nous  avons  tenu  à  citer  textuellement  tout  ce  passage  parce 
que  nous  sommes  en  désaccord  formel  avec  l'auteur.  En  pre- 
mier lieu  nous  n'admettons  nullement  le  rapprochement  qu'il 
établit  entre  les  expériences  faites  d'une  part  avec  les  cylindres 
placés  bout  à  bout,  et  d'autre  part  avec  les  deux  cylindres  agis- 
sant séparément  sur  chacune  des  narines;  dans  le  premier  cas 

(1)  Zwaavdcmakcr.  Op.  cil..  \\.  1()9,  170  cl  171. 


PASSY.    —   SUK   LES    SENSATIONS   OLFACTIVES  390 

on  produit  un  mélange  véritable,  dans  le  second  on  assiste  à  la 
lutte  des  champs  olfactifs  ;  or  on  sait  qu'en  ce  qui  concerne  la 
vue,  par  exemple,  la  lutte  des  champs  visuels  ne  produit  pas 
du  tout  le  même  effet  que  le  mélange  de  deux  couleurs;  dans 
un  cas  on  perçoit  alternativement  l'une  et  l'autre  couleur,  dans 
le  second  on  perçoit  une  couleur  nouvelle  différente  des  deux 
composantes.  Il  n'y  a  aucune  raison  pour  admettre,  pour  l'odo- 
rat, l'identité  des  deux  effets,  ni  même  aucune  raison  pour 
prévoir  ce  qui  se  passera.  Nous  retiendrons  donc  les  expé- 
riences de  Zwaardemaker  avec  l'oli'actomètre  double,  comme 
une  contribution  à  l'étude  de  la  lutte  des  champs  olfactifs,  et 
nullement  du  mélange  des  odeurs. 

Quant  aux  expériences  faites  sur  les  deux  olfactomètres  pla- 
cés bout  à  bout,  nous  commencerons  par  indiquer  deux  causes 
d'erreur.  La  première  est  l'extrême  complication  des  conditions 
d'expérience,  chacune  des  substances  dont  on  se  sert  étant 
déjà  un  mélange  très  compliqué. 

De  même  que  pour  étudier  le  mélange  des  couleurs  on  s'est 
servi  des  couleurs  simples  du  spectre,  de  même  ici  il  convient 
de  se  servir  des  odeurs  les  plus  simples  possibles,  c'est-à-dire 
de  corps  purs  et  bien  définis.  La  seconde  cause  d'erreur  est  de 
nature  psychologique  ;  lorsqu'on  mélange  deux  odeurs  en  pro- 
portion telle  que  ni  l'une  ni  l'autre  ne  domine,  on  transforme 
deux  odeurs  caractéristiques,  connues  du  sujet,  en  une  odeur 
inconnue,  et  l'expérience  montre  qu'une  odeur  inconnue  du 
sujet  est  toujours  plus  mal  perçue.  D'où  l'indication  d'exécuter 
ces  expériences  de  préférence  sur  des  sujets  exercés. 

On  peut  se  servir  pour  étudier  ces  mélanges  de  trois  procédés 
différents  :  i"  préparer  des  solutions  alcooliques,  les  mélanger 
en  proportion  déterminée,  y  tremper  un  morceau  de  papier  à 
filtrer  et  laisser  évaporer  l'alcool  ;  le  parfum  reste  et  peut  être 
étudié  assez  longuement  ;  c'est  le  moyen  employé  par  les  par- 
fumeurs ;  il  est  exclusivement  pratique  et  ne  comporte  aucune 
précision  ;  2"  préparer  des  solutions  aqueuses,  les  mélanger  et 
les  sentir  directement  ;  c'est  un  moyen  commode,  très  bon 
au  point  de  vue  qualitatif,  mais  il  ne  donne  pas  la  mesure 
des  quantités  absolues  ;  les  résultats  ne  sont  exprimés  qu'en 
fonction  des  solutions  aqueuses  employées  ;  3''  mélanger  les 
solutions  alcooliques  et  les  employer  en  gouttes  dans  un  flacon, 
suivant  la  méthode  que  j'ai  indiquée.  Ces  trois  moyens  conve- 
nablement maniés  permettent  de  fixer  pas  mal  de  points, 

X"  Je  n'ai  jamais  pu  observer  le  phénomène  de  la  compen- 


400  REVUES   GÉNÉRALES 

sation  des  odeurs  indiqué  jtar  Zwaardeniaker.  Je  suis  loin  de 
prétendre  que  ce  phénomène  n'exisle  pas,  et  qu'on  ne  puisse 
rencontrer  certaines  odeurs  qui,  mélangées  en  proportion  con- 
venable, s'annulent  réciproquement;  mais  il  n'a  certainement 
pas  le  caractère  de  généralité  que  lui  attribue  cet  auteur,  car 
parmi  le  nombre  considérable  d'odeurs  que  j'ai  expérimentées, 
je  ne  l'ai  jamais  rencontré.  Je  ne  vois  pas  que  M.  Mesnard,  dont 
l'olfactomètre  repose  tout  entier  sur  l'égalité  d'intensité  entre 
deux  odeurs  l'ait  rencontré  plus  que  moi.  Voici  en  effet  les 
expressions  dont  il  se  sert  : 

«  On  peut  réaliser  un  mélange  pour  lequel  l'odorat  arrive 
à  ne  percevoir  qu'une  odeur  neutre,  c'est-à-dire  une  odeur  telle 
qu'il  suffirait  de  faire  varier  un  peu  la  proportion  des  essences 
dans  un  sens  ou  dans  l'autre,  pour  sentir,  soit  le  parfum,  soit 
l'essence  de  térébenthine.  » 

L'auteur  revient  plus  loin  sur  la  même  question,  presque 
dans  les  mêmes  termes  ;  il  est  clair  que,  si  un  fuit  aussi  frap- 
pant que  la  disparition  de  l'odeur  s'était  présenté,  il  n'aurait 
eu  garde  de  le  laisser  échapper. 

Il  ne  me  paraît  pas  exact  de  dire  que  lorsqu'on  mélange 
deux  odeurs  en  proportion  différente  on  ne  perçoit  que  l'une  ou 
l'autre.  Voici  ce  qu'on  observe  :  si  l'on  mélange  par  exemple 
du  citron  et  du  camphre,  suivant  que  l'une  ou  l'autre  domine, 
on  perçoit  en  effet  l'une  ou  l'autre,  mais  on  la  perçoit  modi- 
fiée ;  et  quand  les  doses  sont  bien  calculées,  on  perçoit  une 
odeur  qui  n'est  ni  l'une  ni  l'autre,  mais  qui  tient  de  l'une  et  de 
l'autre  et  dans  laquelle  un  odorat  exercé  reconnaît  et  distingue 
parfaitement  les  deux  composants. 

On  étonnerait  d'ailleurs  singulièrement  les  gens  du  métier, 
si  on  leur  disait  qu'ils  ne  sont  pas  capables  de  cette  distinction. 
Le  nez  qui,  comme  on  sait,  est  un  organe  sans  précision, 
devient  au  contraire  par  l'usage  un  merveilleux  instrument 
d'analyse,  capable  de  déceler  un  grand  nombre  de  fraudes  et 
de  falsifications  dans  les  essences  odorantes.  Contre  ces  diverses 
fraudes  poussées  à  un  grand  degré  de  perfection,  la  chimie  se 
trouvait  jusqu'à  ces  derniers  temps  absolument  désarmée; 
aujourd'hui  encore,  quoique  l'on  commence  à  connaître  la 
composition  de  quelques  essences ,  jamais  un  parfumeur 
n'achète  une  essence  sans  la  soumettre  à  un  examen  olfactif. 


(1)  Eiij:.  Mesiianl.  La  inesure  de  l'inlensilé  (/es parfiiinv  des  plan/es.  Paris, 
1894,  chez  Klincksiek,  p.  12. 


PASSY.  —  SUR  LES  SENSATIONS  OLFACTIVES        401 

Voici  comment  il  procède  ;  on  commence  par  tremper  un 
papier  dans  un  type  reconnu  pur  de  l'essence  ;  on  en  l'ait 
autant  pour  les  échantillons  soumis  à  l'examen  ;  puis  on  sent 
attentivement  en  comparant  sans  cesse  les  échantillons  au 
type;  dans  ces  conditions,  un  odorat  exercé  arrive  non  seule- 
ment à  classer  les  essences  suivant  leur  valeur,  mais  à  distin- 
guer très  clairement  l'essence  qui  a  été  ajoutée.  J'ai  fait  à  cet 
égard  un  nombre  considérable  d'expériences  sur  des  parfu- 
meurs ;  elles  sont  intéressantes,  mais  défectiieuses  au  point  de 
vue  scientifique  à  cause  de  la  trop  grande  complexité  des 
essences  essayées. 


V 

TEMPS    DE    RÉACTION 

Quatre  observateurs  se  sont  occupés  de  la  question  : 
Buccola(188^),  Beaunis  (1883),  Moldenhauer  (1883)  et  Zwaarde- 
maker. 

Dans  les  expériences  de  Buccola,  une  petite  éponge  imbibée 
de  substance  odorante  était  placée  au  fond  d'une  sorte  de  boîte  : 
par  l'action  du  doigt  sur  un  ressort,  le  couvercle  s'ouvrait  brus- 
quement et  venait  au  contact  de  deux  boutons  métalliques  ;  le 
circuit  se  trouvait  ainsi  fermé.  En  même  temps  un  courant 
d'air  parfumé  sort  de  la  boîte  ;  aussitôt  que  le  sujet'  perçoit 
l'odeur,  il  presse  sur  un  bouton,  qui  interrompt  le  circuit.  Les 
expériences  ont  porté  sur  l'eau  de  Felsina,  l'essence  de  girofle  et 
l'éther  acétique. 

"     EAU   DE   FELSINA 


Moyeuuo 

Miiiimuin 

Masiiiiuni 

Suje 

t    I. 

0, 39:3 

0,314 

0,  510 

— 

II. 

0,  442 

0,  349 

0,  592 

— 

III. 

0,431 

0,350 

0,61'!- 

— 

IV. 

0,  GSl 

0,  537 

0,  805 

ESSENCE  DE   GIROFLE 

Mdvcimc 

Miliiiiiurii 

Maxiniiiiii 

Suje 

t    I. 

0,412 

0,304 

0,509 

— 

II. 

0,  :i2o 

0,  360 

0,794 

— 

III. 

0,374 

0,  2u8 

0,471 

— 

IV. 

0,  y09 

0,410 

0,678 

N.NÉK 

PSVCHOLOCIOUE.   II. 

26 

IIAJ   T    \JJUkJ        VIi:ii1U»H.-Ï.XJtjJ 


ETIIER    ACETIQUE 
Mojeiino  Miuiiiiiiin  Maxiimim 

Sujet  I.  0,236  0,  If.o  0,337 

—  II.  0,334  0,288  0,405 

—  III.  0,263  0,169  0,422 

Dans  les  expériences  de  Moldenhauer,  l'air  parfumé  était 
insufflé  directement  dans  les  narines.  La  substance  odorante 
était  placée  dans"une  capsule  ovoïde  munie  de  trois  tubes,  dont 
l'un,  le  tube  dentrée  de  l'air,  était  placé  à  l'un  des  pôles  et  dont 
les  deux  autres,  placés  symétriquement  de  façon  à  recevoir  la 
même  quantité  d'air,  conduisaient  l'un  au  nez,  l'autre  à  l'inter- 
rupteur électrique.  En  chassant  l'air  dans  la  capsule  au  moyen 
d'une  poire  en  caoutchouc,  Tair  parvient  en  même  temps  par 
l'un  des  tubes  au  nez  du  sujet,  par  l'autre  à  une  plaque  d'alu- 
minium qui  établit  le  contact  électrique.  Le  bruit  causé  par  la 
pression  et  d'autre  part  l'impression  tactile  du  souffle  sur  la 
pituitaire,  sont  des  causes  de  perturbation  ;  toutefois  avec  un 
peu  d'exercice  on  parvient  à  s'en  abstraire.  Les  meilleurs  résul- 
tats ont  été  obtenus  par  deux  expérimentateurs  exercés  du 
laboratoire  de  Wundt  : 

MOYENNE   EN   MILLIÈMES  DE   SECONDES 

Trautschokll       Kreiikel 

Essence  de  romarin 199  330 

—  de  menthe 203  362 

—  de  bergamote 212  374 

Camphre 226  492 

Kii'pt'liii 

Essence  de  menthe 247 

—  de  bergamote 268 

—  de  rose 291 

Camphre 246 

Musc 319 

Essence  de  pin 267 

Ether  acétique 235 


Beaunis  a  employé  une  méthode  analogue  ;  l'air  était  insufflé 
directement  dans  les  narines.  Il  s'est  préoccupé  en  premier  lieu 
de  l'action  du  souffle  pour  voir  si  elle  n'annulerait  pas  ses  expé- 
riences. A  cet  efTet  il  a  commencé  par  quelques  essais  à  blanc, 
en  cherchant  à  prendre  le  temps  de  réaction  au  souffle  ;  il  était 


PASSY.  —  SUR  LES  SENSATIONS  OLFACTIVES        403 

plus  long  que  pour  la  plupart  des  substances  employées,  et 
d'ailleurs  vague  et  négligeable  (63  centièmes  en  moyenne).  Les. 
expériences  ont  été  faites  sur  lui-même  : 

Moyenne        Minimum     Maximnm 

Ammoniaque 37,8  33  43 

Acide  acétique 46,2  43  50 

Camphre 50,2  41  30 

Assafœtida 52, o  47  58 

Sulfhydrale  d'ammoniaque  .  54, 4  38  58 

Chloroforme 56,3  40  67 

Sulfure  de  carbone 59  45  75 

Valériane 60  38  82      . 

Menthe 63  45  90 

Acide  phénique 67  62  76 

Sensation  tactile  de  souffle.   .  63  50  81 

Les  résultats  de  Beaunis  concordent  avec  ceux  de  Molden- 
hauer  et  Buccola  et  montrent  que  le  temps  de  réaction  est  infini- 
ment plus  considérable  pour  l'odorat  que  pour  les  autres  sens. 
Le  nombre  assez  considérable  de  substances  sur  lesquelles  il  a 
expérimenté  lui  a  permis  de  faire  en  outre  quelques  remarques 
intéressantes  ;  dans  le  tableau  précédent  les  substances  sont  ran- 
gées suivant  la  rapidité  de  la  réaction  ;  le  musc  également  essayé 
n"a  pu  y  prendre  place,  parce  qu'il  a  été  impossible  d'obtenir  de 
résultat  net.  «  La  puissance  de  pénétration,  pour  employer  son 
expression,  est  maximum  pour  l'ammoniaque,  minimum  pour 
l'acide  phénique,  nulle  pour  le  musc.  »  Beaunis  s'est  demandé 
d'abord  si  les  premières  substances  à  réaction  rapide  ne  conte- 
naient pas  un  élément  tactile  ;  mais  l'examen  des  anosmiques 
lui  a  montré  que  lassa  fœtida,  la  menthe,  le  chloroforme,  le  sul- 
ire  de  carbone  ne  produisent  plus  aucune  sensation  ;  «  en  étu- 
diant la  question  de  près,  on  s'aperçoit  bientôt  que  la  seule 
condition  à  laquelle  puisse  se  rattacher  cette  puissance  de  péné- 
tration est  la  quantité  de  substance  nécessaire  pour  déterminer 
une  sensation,  autrement  dit  la  divisibilité  de  cette  subs- 
tance, ï  Partant  de  là,  on  peut  se  demander,  si  le  musc  et  ses 
analogues  (ambre  gris,  encens)  d'une  part  et  d'autre  part  le 
camphre  et  ses  analogues,  n'agiraient  pas  sur  deux  catégories 
distinctes.d'éléments  nerveux  ;  Beaunis  propose  alors  pour  les 
uns  le  nom  de  parfums  en  réservant  le  nom  d'odeur  pour  les 
autres.  Comme  nous  avons  examiné  plus  haut  cette  distinction, 
je  ne  m'y  arrêterai  pas  ici. 

Enfin  Beaunis  remarque  que  le  temps  de  réaction  diminue 


404 


REVDES    GENERALES 


pour  une  impression  plus  intense  etplus  rapide,  qu'il  augmente 
par  la  fatigue  et  qu'il  augmente  encore  très  fortement  pendant 
le  coryza. 

Zwaardemaker  a  cherché  à  faire  varier  l'intensité  de  l'excita- 
tion ;  en  même  temps  il  a  voulu  se  placer  dans  des  conditions 
plus  physiologiques,  éviter  l'insufflation  d'air  avec  ses  causes 
d'erreur,  impression  tactile,  bruit.  —  A  cet  effet,  son  olfacto- 
mètre,  au  lieu  de  se  terminer  par  un  tube  simple  est  en  forme 
de  T,  dont  l'une  des  branches  se  rend  à  l'une  des  narines  et 
l'autre  est  mise  en  communication  avec  un  tambour  enregis- 
treur. La  figure  80  fait  comprendre  la  disposition. 


Fig.  80.  —  Dispositif  de  Zwaardemalier  pour  les  temps  de  réaction. 

Pour  résumer  toutes  ces  observations  qui  concordent  parfai- 
tement, nous  dirons  :  1"  les  temps  de  réaction  aux  odeurs  sont 
infiniment  plus  longs  que  pour  les  autres  sens  ;  2"  ces  temps 
varient  considérablement  pour  des  odeurs  différentes. 

Fatigue.  —  Sans  qu'il  soit  besoin  de  remonter  à  la  vieille 
remarque  de  Montaigne,  chacun  sait  avec  quelle  rapidité  l'odo- 
rat s'émousse.  On  a  cependant  peu  d'expériences  sur  ce  sujet. 
Aronsohn  a  cherché  à  déterminer  la  durée  de  la  perception 
(Geruchsdauer),  c'est-à-dire  le  temps  au  bout  duquel  la  fatigue 
devenantcomplète  pour  une  odeur,  on  cesse  delà  sentir.  Ce  temps 
était  en  moyenne  de  trois  minutes  pour  l'essence  de  citron  et 
d'orange;  d'autres  odeurs  ont  donné  les  résultats  suivants  : 

/  Teinture  d'iode 3  min. 

i    Baume  de  Copaiui 3  à  4    — 

Durée           \  Camphre aà7    — 

de  la  perception  ï  Essence  de  térébenthine  ....  5    — 

f    Sulfliydrate  d'ammoniaque.   .    .  4  à  D     — 

\  CoumarineàO,  2p.  100  dans  l'eau.  13  4-2  1/3    — 


PASSY.    —   SUR   LES    SliNSATIONS  OLFACTIVES 


405 


\ 


I 


Ces  chiffres  manquent  de  signification  précise,  parce  que 
l'intensité  n'est  pas  spécifiée.  Une  expérience  plus  complète  a 
été  faite  avec  une  solution  aqueuse  de  coumarine  à  0,2  p.  100. 
Chaque  période  d'essai  était  séparée  par  un  repos  (Erholungs- 
pause)  de  trois  minutes.  La  durée  de  la  perception  a  diminué 
rapidement,  ainsi  que  le  montrent  les  chiffres  suivants  :  140, 
MO,  100,  6o,  45,  25,  35,  20,  20,  15,  17,  10,  10,  10,  8  et 
8  secondes.  Après  chaque  essai,  la  fatigue  reparait  donc  plus 
rapidement. 

Aronsohn  a  cherché  à  tirer  de  ces  expériences  des  conclu- 
sions plus  éloignées.  L'odorat  étant  fatigué  par  la  perception 
d'une  odeur  déterminée,  cette  fatigue  s'étend  également  à 
d'autres  odeurs.  L'auteur  a  pensé  que  les  odeurs  pouvaient 
affecter  des  éléments  nerveux  différents,  et  qu'en  cherchant 
quelles  sont  les  odeurs  qui  participent  plus  ou  moins  à  celte 
fatigue  indirecte,  on  pourrait  les  classer  en  groupes  plus  ou 
moins  voisins. 

Exemple  :  Après  fatigue  complète  pour  la  teinture  d'iode  *, 
l'odeur  de  l'étheretde  quelques  essences  était  peu  altérée,  celle 
de  citron,  de  muscade,  de  térébenthine,  de  bergamote  et  de 
girofle  davantage,  celle  de  l'alcool  ^  et  du  copahu  tout  à  fait 
disparues.  Après  olfaction  prolongée  de  sulfhydrate  d'ammo- 
niaque ^  la  sensibilité  pour  les  huiles  essentielles  et  la  cou- 
marine  est  à  peu  près  intacte  ;  au  contraire  l'hydrogène  sulfuré  '' 
l'acide  chlorhydrique  et  l'eau  bromée  à  1/1000  n'étaient  plus 
perçues.  La  fatigue  pour  le  camphre  entraîne  celle  pour  l'eau  de 
Cologne  et  le  girofle. 

Le  point  de  départ  de  ces  expériences  est  ingénieux  ;  mais 
l'exécution  paraît  défectueuse  ;  aussi  trouvons-nous  bien  hâtive 
la  conclusion  de  M.  Aronsohn  :  «  Des  qualités  d'odeurs  diffé- 
rentes affectent  inégalement  des  territoires  nerveux  diflérents: 
de  telle  sorte  'qu'une  catégorie  déterminée,  affecte  principale- 
ment une  région,  une  seconde  région  à  un  degré  moindre  et 
pas  du  tout  une  troisième  zone.  »  La  question  est  trop  impor- 
tante pour  être  tranchée  ainsi. 


(1)  Mauviiis  chuix,  la  teinture  d'iude  étanl  un  uiOlangc  «l'iode  et  d'alcool. 

(2)  Résultat  évident  et  sans  valeur,  l'alcool  étant  la  base  de  la  teinture 
d'iode. 

(3)  Ce  choix  paraîtra  encore  critii|uable  aux  chimistes;  le  suH'liydrate 
d'ammoniaque  étant  un  composé  mal  défini,  instable  et  toujours  chargé 
d'hydrogène  sulfuré. 

(4)  Résultat' sans  valeur.  Voir  note  précédente. 


40G  REVUES    GÉNÉRALES 


VI 


APPENDICE 


Il  n'entre  pas  dans  le  plan  de  cet  article  d'étudier  l'odorat 
dans  la  série  animale  ni  l'influence  de  ce  sens  sur  la  vie  de 
relation  (sens  de  direction,  excitation  sexuelle,  etc.);  nous 
espérons  revenir  à  une  autre  occasion  sur  cette  question  géné- 
rale, qui  présente  tant  d'intérêt  pour  la  psychologie.  Dans  cet 
appendice,  nous  noterons  simplement  quelques  expériences  de 
MM.  A.  Binet  et  J.  Passy  '.  Les  expériences  ont  porté  sur  le 
chien  et  la  chèvre. 

Le  sujet  était  un  carlin  âgé  de  un  ans  et  huit  mois.  Nous  nous 
sommes  hornés  à  lui  présenter  une  série  d'odeurs  différentes 
pour  déterminer  celles  qui  avaient  pour  lui  un  caractère 
■agréable  ou  désagréable. 

L'un  de  nous  préparait  dans  une  chambre  séparée  des  solu- 
tions alcooliques  titrées  des  diverses  odeurs  ;  puis  il  y  trempait 
de  petits  fragments  de  papier  étiquetés  ;  l'alcool  s'évapore,  le 
parfum  reste  sur  le  papier,  et  celui-ci  est  alors  prêt  pour  l'ex- 
périence. On  entrait  alors  dans  la  salle  d'expérience  et  on  pré- 
sentait le  papier  au  sujet. 

Le  premier  point  à  noter,  c'est  la  netteté  avec  laquelle  il 
réagit  ;  lorsque  l'odeur  lui  plaît,  il  la  flaire  attentivement,  puis 
saisit  le  papier  avec  les  dents  comme  pour  le  manger  ;  on  a 
quelquefois  de  la  peine  à  le  lui  enlever.  Quant  lodeur  lui  déplaît, 
il  la  sent,  puis  détourne  la  tête  du  papier,  et  le  regarde  de  côté 
avec  une  expression  de  dédain  comique.  Toute  cette  mimique 
est  très  curieuse  à  suivre  et  même  amusante.  Il  s'en  faut  de 
beaucoup  que  tous  les  chiens  montrent  la  même  bonne  volonté. 
Nous  avons  répété  ces  expériences  sur  quatre  autres  individus  : 
i°  unépagneul  anglais  (setter gordon);  2° une  chienne  danoise; 
3"  un  gros  chien  de  race  indéterminée,  et  4"  un  petit  chien 
anglais.  Avec  aucun  d'eux  il  n'a  été  possible  d'obtenir  le 
moindre  résultat  ;  le  numéro  1    et  le   numéro   8  saisissaient 

(1)  Coni/rès (le  rassocialion  pour  rucancemenl  des  .sciences,  Bordeaux,  1896. 


PASSY.  —  SUR  LES  SENSATIONS  OLFACTIVES 


407 


indistinctement  tous  les  papiers  pour  jouer  avec,  et  il  était 
impossible  d'attirer  leur  attention  sur  le  point  qui  nous  inté- 
ressait. La  danoise  avait  peur  des  papiers  et  se  couchait  crain- 
tivement; le  petit  chien  anglais  était  hors  de  son  milieu  et  se 
montrait  inquiet  et  préoccupé.  Nous  relevons  ces  détails  parce 
qu'ils  montrent  combien  ces  expériences  de  psychologie  ani- 
male sont  délicates  et  le  peu  de  cas  qu'il  faut  faire  d'un 
résultat  négatif.  On  rencontre  tout  autant  de  différences  indivi- 
duelles chez  les  animaux  que  chez  l'homme  et  les  mauvais 
sujets  y  sont  tout  aussi  fréquents. 

Revenons  au  carlin,  le  seul  qui  nous  ait  donné  quelque  résul- 
tat. On  lui  présente  les  odeurs  dans  l'ordre  suivant  : 


Acide  valérique-j^^ 
1 


•accepté. 


Héliotrope 


accepte. 


1000 

Musc  artificiel  —  accepté. 
1 


Fleur  d'oranger 

Camphre 
tation. 

Rose 


s'écarte, 
accepté,  après  hési- 


accepté. 


1000 
Extrait  de  jasmin 


il  aire  avec 


méfiance,  puis  s'écarte  obstiné- 
ment. 
Civette  —  dévore  le  papier. 

1 

Santal  -— accepté. 

2o  ^ 

Musc  —  accepté. 
Acide  laurique  —  accepté. 
Acide  caproïque  —  accepté. 
Alcool  absolu  —  s'écarte  obstiné- 
ment. 
Ether  —  s'écarte  obstinément. 


Ici.    un  repos   de    cinq    minutes,   après    lequel  on   reprend 
l'expérience. 


Papier  blanc 
Violette 


s'écarte. 

—  mange  le  pa- 


10000 

pier  avec  plaisir. 
Fleur  d'oranger  —  dédain. 
Rose  —  s'éloigne. 
Acide  caproïque  —  s'éloigne. 
Verveine  —  s'écarte  d'abord,  puis 

mange  le  papier. 
Thym  —  s'écarte. 
Civette  —  mange  le  papier. 
1 


Géranium  rosat 


100 


s'écarte. 


Salol 


s'ecarle. 


Musc  naturel  —  mange  le  papier. 

Santal  —  dédain. 

Musc  artificiel  —  indifTérencc. 

Musc  naturel  —  mange  le  papier. 

Jasmin  —  dédain. 

Salicylale  de  méthyle  —  dédain. 

Verveine  —  dédain  accentué. 

Acide  caproïque  —  dédain. 


Civclle  —  mange. 


mange. 


Musc  naturel 
Civette 
Musc  artificiel  - 
Musc  naturel  — 
Civette  —  rien. 


dédain. 


-  neutre. 
neutre. 


408 


REVUES   GENERALES 


Repos  d'un  quart  d'heure. 

Fleur  d'oranger  —  dédain. 
Violette  —  aime,  mord  le  papier. 
Verveine  —  aime. 
Géranium  —  n'aime  pas. 
Santal  —  n'aime  pas. 
Musc  arliliciel  —  non. 
Eau  de  Botot  —  dédain. 


Musc  naturel  —  dédain. 

Civette  —  accepté. 

Civette  —  accepté,  mais  moins  de 

joie. 
Musc  —  dédain. 
Civette  —  accepté. 


Cette  suite  d'essais  est  curieuse  en  ce  qu'elle  montre  qu'à 
mesure  que  les  expériences  se  répètent  et  que  la  fatigue  de 
l'animal  s'accroît,  il  se  produit  une  sélection  parmi  les  odeurs 
qui  lui  sont  présentées  ;  au  début,  la  plupart  des  odeurs  (sauf 
l'alcool  et  l'éther)  l'excitent  et  il  mange  le  papier  qui  est 
imprégné  ;  à  mesure  que  la  fatigue  se  manifeste,  les  odeurs 
perdent  en  majorité  leur  pouvoir  d'excitation  ;  l'animal  reste 
indifférent,  somnolent,  clùt  ses  yeux,  détourne  à  peine  la  tête  ; 
quelques  odeurs  d'origine  animale  conservent  seules  le  pou- 
voir de  le  sortir  de  sa  torpeur  ;  remarquons  que  le  musc  natu- 
rel, à  ce  moment-là,  exerce  plus  d'effet  sur  lui  que  le  musc 
artificiel. 

Après  plusieurs  jours  de  repos,  nous  reprenons  la  même 
expérience  en  employant  un  nombre  plus  grand  d'odeurs,  d'ori- 
gine animale,  afin  de  déterminer  l'ordre  de  préférence  de  notre 
chien.  Nous  indiquons  par  un  chiffre  sa  réaction,  1  exprimant 
l'aversion  complète,  10  l'excitation  de  plaisir  maxima,  o  l'état 
neutre,  et  ainsi  de  suite.  Nous  constatons  alors  : 


Violette  —  7. 
Vanille  —  3. 
Anduelte  —  7. 
Ambre  —  8. 
Sdlicylate  de  méthyle 

Violette  —  5. 
Ambrelte  —  4. 
Ambre  —  7. 
Musc  artificiel  —  6. 
Vanille  —  4 
Musc  —  4. 
Castoreum  —  8. 


—  3. 


Musc  artificiel  —  5. 
Héliotrope  —  4. 
Musc  naturel  —  7. 
Castoreum  —  ',». 
Civette  —  0. 

Civette  —  8. 
Ambre  —  4. 
Castoreum  —  8. 
Civette  —  4. 
Castoreum  —  4. 

« 

Acide  caproïque  —  4. 


A  ce  moment,  l'animal  s'assoupit,  et  on  est  obligé  de  sus- 
pendre l'expérience. 


PASSY.    —   SUR   LES    SENSATIONS   OLF"ACÏIVES  409 

Des  recherches  assez  nombreuses  que  nous  avons  faites  sur 
ce  chien,  nous  sommes  arrivés  à  la  conclusion  suivante  : 
1'^  certaines  odeurs  sont  pour  lui  l'objet  d'une  aversion  cons- 
tante, la  fumée  de  tabac,  l'alcool,  l'éther,  etc.  ;  ^'^  d'autres 
odeurs  ont  une  action  moins  marquée,  lai  plaisent  ou  lui 
déplaisent  suivant  les  circonstances  ;  beaucoup  de  parfums 
d'origine  végétale  sont  de  ce  nombre  ;  3°  quelques  odeurs 
d'origine  animale,  le  musc,  la  civette,  le  castoreum,  et  aussi  sa 
propre  odeur  exercent  sur  lui  une  action  profondément 
excitante  ;  cet  effet  est  presque  constant  et  très  durable. 

Quelques  expériences  analogues  ont  été  faites  par  MM.  Binet 
et  Passy  sur  des  chevaux,  des  vaches,  des  ânes,  des  chèvres  et 
des  moutons.  Sans  les  rapporter  en  entier,  nous  signalerons 
les  points  suivants  :  l'odeur  de  l'haleine  de  l'homme  —  odeur 
évidemment  très  complexe,  —  ne  produit  pas  le  même  effet 
sur  tous  les  animaux  que  nous  venons  d'énumérer.  Si  on 
souffle  deux  ou  trois  fois,  la  bouche  largement  ouverte,  sur 
une  feuille  d'arbre,  et  qu'on  la  présente  à  l'animal,  le  cheval, 
la  vache  et  l'àne  en  général  la  mangent,  le  mouton  au  con- 
traire et  la  chèvre  la  refusent,  après  l'avoir  flairée.  Evidemment 
toutes  les  chèvres  et  tous  les  moutons  ne  témoignent  pas  le 
même  dégoût  ;  mais  nous  avons  observé  maintes  fois  le  fait,  et 
dans  des  conditions  excluant  tous  les  doutes,  chez  des  animaux 
élevés  loin  des  villes,  dans  lair  pur  et  au  milieu  des  vertes 
prairies  ;  on  présente  par  exemple  à  la  chèvre  une  branche  de 
saule  portant  une  vingtaine  de  feuilles,  dont  une  seule  a  été 
soufflée,  sans  que  l'animal  ait  pu  voir  cette  petite  opération; 
l'animal  mange  toutes  les  feuilles  excepté  celle-là  ;  après 
l'avoir  flairée,  il  détourne  obstinément  la  tète.  Citons  un 
exemple  :  une  chèvre  blanche,  de  douze  ans,  très  vive  et  très 
friande  de  feuilles  vertes,  accepte  avec  plaisir  une  petite  branche 
de  pommier  qu'on  lui  présente,  mange  toutes  les  feuilles,  sauf 
une,  celle  précisément  sur  laquelle  on  a  soufflé.  On  la  lui  pré- 
sente de  nouveau,  une  vingtaine  de  fois,  confondue  et  rappro- 
chée avec  d'autres  feuilles  du  même  pommier  ;  elle  ne  s'y 
trompe  pas,  mange  les  autres  feuilles  et  refuse  toujours  celle- 
là  ;  ce  n'est  qu'au  bout  de  trois  quarts  d'heure,  montre  en  main, 
qu'elle  s'est  décidée  à  brouter  la  feuille  contaminée,  après 
beaucoup  d'hésitations.  Cette  même  chèvre  a  distingué  et 
refusé  une  feuille  de  chêne  sur  laquelle  on  avait  soufflé  une 
bouffée  de  tabac  de  cigarette  ;  elle  l'a  reconnue  constamment, 
quand  on  là  lui  présentait  avec  d'autres  feuilles  de  chêne,  et 


410  BEVUES    GÉNÉRALES 

ne  l'a  acceptée  qu'au  bout  de  douze  minutes.  Nous  ne  pensons 
pas  que  l'odorat  humain  soit  capable  de  ce  tour  de  force.  Ces 
expériences  ne  peuvent  évidemment  nous  donner  la  mesure  du 
minimum  perceptible  des  animaux  ;  mais  elles  nous  en  donnent 
au  moins  une  idée  approchée.  Pour  déterminer  le  minimum  per- 
ceptible des  animaux,  on  rencontre  de  sérieuses  difficultés,  dont 
la  principale  est  la  suivante  :  si  on  mêle  l'odeur  aux  corps  ser- 
vant à  l'alimentation  de  l'animal,  celui-ci  ne  repoussera  pas  un 
aliment  qu'on  a  imprégné  d'une  odeur  désagréable,  s'il  a  faim  ou 
s'il  est  friand  de  l'aliment;  ainsi  une  chèvre  mangera  plus  faci- 
lement une  moitié  de  pomme  sur  laquelle  on  a  soufflé  qu'une 
feuille  de  chêne  sur  laquelle  on  a  également  soufflé  ;  l'odeur 
de  l'haleine  lui  est  aussi  désagréable  dans  les  deux  cas,  mais 
elle  est  plus  gourmande  de  la  pomme  que  de  la  feuille. 

Jacques  Passy. 


IV 


LA    PSYCHOLOGIE   INDIVIDUELLE 


•  Nous  abordons  ici  un  sujet  nouveau,  difficile  et  encore  très 
peu  exploré  ;  on  ne  devra  donc  pas  s'attendre  à  trouver  dans 
notre  travail  des  réponses  définitives  aux  questions  qui  se  pré- 
senteront ;  notre  but  principal  sera  d'indiquer  les  problèmes 
dont  doit  s'occuper  la  psychologie  individuelle,  de  mettre  en 
lumière  Timportance  pratique  qu'elle  présente  pour  le  péda- 
gogue, le  médecin,  l'anthropologiste  et  même  le  juge  et  enfin 
d'indiquer  par  quels  moyens  on  peut  chercher  à  résoudre  les 
problèmes  posés. 

La  psychologie  individuelle,  comme  le  nom  même  l'indique, 
a  pour  but  l'étude  des  différents  processus  psychiques  de 
l'homme;  dans  cette  étude  l'attention  doit  être  portée  sur  les 
différences  individuelles  de  ces  processus  ;  la  psychologie  géné- 
rale étudie  les  propriétés  générales  des  processus  psychiques, 
qui  sont  par  conséquent  communes  à  tous  les  individus  ;  la 
psychologie  individuelle,  au  contraire,  étudie  celles  des  pro- 
priétés des  processus  psychiques  qui  varient  d'un  individu  à 
i'autre,  elle  doit  déterminer  ces  propriétés  variables  et  puis 
étudier  jusqu'à  quel  point  et  comment  elles  varient  suivant  les 
individus  ;  ainsiun  processus  psychique  étant  donné,  la  mémoire 
par  exemple,  la  psychologie  générale  s'occupera  des  lois  géné- 
rales de  la  mémoire,  elle  établira  par  exemple  que,  lorsqu'on  veut 
retenir  un  certain  nombre  d'impressions,  le  temps  nécessaire 
pour  les  fixer  dans  la  mémoire  croît  d'abord  proportionnellement 
au  nombre  d'impressions,  mais  à  partir  d'une  certaine  limite  le 

*  temps  d'acquisition  «  croît  bien  plus  vite  que  le  nombre  des 
impressions;  c'est  une  loi  générale  delà  mémoire,  personne  ne 
peut  y  échapper  ;  la  psychologie  individuelle  cherchera  quelles 
sont  les  propriétés  partielles  de  la  mémoire  qui  varient  d'un 


^12  REVUES    GÉNÉRALES 

individu  à  l'autre,  elle  étudiera  si  la  position  de  la  limite  dont 
nous  venons  de  parler  est  la  même  pour  différents  individus, 
si  elle  varie,  dans  quelle  mesure  elle  varie,  si  cette  variation 
de  la  limite  est  la  même  pour  des  impressions  de  nature  diffé- 
rente ;  ainsi,  par  exemple,  lorsqu'un  individu  A  peut  retenir 
après  une  seule  audition  jusqu'à  10  chiffres,  et  ({u'un  autre  B 
n'en  peut  retenir  que  7,  cette  différence  subsistera-t-elle  lorsqu'il 
s'agira  non  de  chiiTres,  mais  de  lettres,  ou  de  mots,  ou  de  cou- 
leurs ou  enfin  d'autres  impressions,  et  dans  le  cas  où  la  diffé- 
rence subsistera,  sera-t-elle  aussi  forte  ? 

Enfin  la  psychologie  individuelle  devra  aussi  étudier  s'il  n'y 
a  pas  de  relation  entre  les  variations  de  la  limite  de  mémoire 
et  les  variations  des  autres  facultés  psychiques  et  même  phy- 
siques des  individus  ;  ainsi,  par  exemple,  n'y  a-t-il  pas  quelque 
relation  entre  l'âge  de  l'individu  et  la  position  de  la  limite,  ou 
bien  entre  le  pouvoir  d'attention  de  l'individu  et  la  position  de 
la  limite,  etc.  ?  Voilà  bien  des  questions  pour  un  cas  particulier 
comme  le  précédent.  Essayons  de  mettre  de  l'ordre  et  de  systé- 
matiser un  peu  les  questions  que  la  psychologie  individuelle 
doit  résoudre. 

On  peut  d'abord  distinguer  deux  grands  problèmes  : 

l"  Etudier  comment  varient  les  processus  psychiques  suivant 
les  individus,  quelles  sont  les  propriétés  variables  de  ces  pro- 
cessus et  jusqu'à  quel  point  ils  varient. 

2°  Etudier  dans  quels  rapports  chez  un  même  individu  les 
différents  processus  psychiques  se  trouvent  entre  eux  ;  y  a-t-il 
des  processus  psychiques  qui  sont  plus  importants  que  les 
autres,  jusqu'à  quel  point  les  différents  processus  peuvent-ils 
être  indépendants  l'un  de  l'autre  et  jusqu'à  quel  point  s'in- 
fluencent-ils mutuellement? 

,  Examinons  plus  en  détail  les  deux  problèmes  précédents. 
Un  processus  psychique  étant  donné,  on  peut  tout  d'abord 
déterminer  celles  des  propriétés  qui  sont  communes  à  tous  les 
individus,  c'est  là  le  problème  de  la  psychologie  générale;  ce 
processus  peut  ensuite  avoir  des  propriétés  plus  ou  moins 
variables,  c'est  de  celles-là  que  nous  devons  nous  occuper.  On 
peut  dans  l'étude  de  ces  propriétés  variables  se  placer  à  deux 
points  de  vue  différents,  suivant  qu'on  considère  en  première 
ligne  le  processus  psychique  étudié,  l'individu  restant  au  second 
plan,  ou  bien  qu'on  porte  l'attention  principale  sur  l'individu 
et  qu'on  se  demande  en  quoi  un  processus  psychique  chez  tel 
individu  diffère  du  même  processus  chez  tel  autre  ;  donnons  un 


A.    BINET   ET   V.    UENRI.    —   LA   PSYCDOLOGIE   INDIVIDUELLE     413 

exemple  pour  bien  faire  comprendre  la  différence  :  la  repré- 
sentation évoquée  lorsqu'on  entend  prononcer  le  mot  cloche 
est-elle  la  même  chez  tous  les  individus?  l'étude  montre  que 
les  uns  se  représentent  le  son  d'une  cloche,  d'autres  se  repré- 
sentent Vimage  visuelle  d'une  cloche,  d'autres  enfin  se  repré- 
sentent le  mot  cloche  écrit,  etc.  ;  on  en  conclura  qu'en  entendant 
prononcer  le  mot  cloche  différents  individus  ont  des  représenta- 
tions différentes  et  on  pourra  grouper  les  variétés  de  représenta- 
tions qui  se  présentent,  c'est  le  premier  point  de  vue  ;  on  pourra 
au  contraire  se  demander  si  deux  individus  A  et  B  ont  la  même 
représentation  lorsqu'ils  entendent'prononcer  le  mot  cloche,  ici 
les  individus  sont  déterminés  ;  c'est  le  deuxième  point  de  vue; 
on  peut  non  seulement  prendre  ainsi  des  individus  isolés,  mais 
aussi  considérer  des  groupes  plus  ou  moins  grands  d'individus, 
on  se  demandera,  par  exemple,  y  a-t-il  une  différence  entre  les 
représe^^ations  évoquées  par  l'audition  du  mot  cloche  chez  les 
femmes  et  chez  les  hommes  ?  On  trouve  que  les  femmes  ont 
plus  souvent  des  représentations  visuelles  que  les  hommes;  de 
plus,  les  femmes  ont  en  général  des  représentations  plus 
détaillées  que  les  hommes  ;  il  est  facile  de  comprendre  qu'on 
pourra  restreindre  autant  qu'on  le  veut  les  différents  groupes, 
on  se  demandera,  par  exemple,  s'il  y  a  une  différence  entre  la 
représentation  chez  les  peintres  et  les  musiciens,  etc.,  etc. 

C'est  ici  que  trouvent  place  les  études  psychologiques  sur  les 
enfants,  sur  les  criminels,  sur  les  différences  entre  les  personnes 
exerçant  des  professions  différentes,  etc.  C'est  encore  ici  que 
trouve  place  laquestion  suivante  ;  étant  donnés  deuxou  plusieurs 
individus,  quelles  sont  les  différences  entre  les  facultés  psy- 
chiques de  ces  individus?  S'il  était  nécessaire  pour  donner  une 
réponse  complète  à  cette  question  de  passer  en  revue  toutes  les 
facultés  psychiques  des  individus,  ceci  prendrait  au  moins 
plusieurs  mois,  mais  comme  en  général  on  ne  dispose  pas 
d'un  temps  aussi  long,  on  doit  s'attacher  davantage  à  certaines 
facultés  et  laisser  de  côté  les  autres  ;  quelles  sont  donc,  se 
demandera-t-on,  les  facultés  qu'il  faudra  examiner  et  quelles 
sont  celles  qu'on  peut  laisser  de  côté  ? 

Nous  arrivons  ainsi  au  deuxième  problème,  qui  consiste  dans 
l'étude  des  rapports  qui  existent  entre  les  différentes  facultés 
psychiques  chez  un  même  individu  ;  il  est  évident  que,  si  on 
déterminait  ces  rapports  avec  précision,  il  suffirait  d'examiner 
certaines  facultés  psychiques  seulement,  et  on  en  déduirait  les 
autres  ;  il  faut  donc  non  seulement  étudier  dans  quels  rapports 


414  REVUES   GÉNÉRALES 

les  différentes  facultés  psychiques  se  trouvent  entre  elles,  mais 
aussi  chercher  si  parmi  les  facultés  psychiques  il  n'y  en  a  pas 
«jui  gouvernent  les  autres,  qui  sont  les  plus  importantes,  dont, 
dépendent  les  autres  facultés  ;  l'ensemble  de  ces  facultés  pri- 
mordiales formerait  ce  qu'on  peut  appeler  le  caractère  de  lin- 
dividu  ;  en  effet,  lorsqu'on  les  aurait  déterminées,  on  pourrait 
dire  que  l'individu  est  caractérisé.  On  voit  donc  combien  ce 
deuxième  problème  est  important  et  on  prévoit  déjà  quelles 
sont  les  applications  pratiques  qui  peuvent  en  résulter  ;  mais 
hàtons-nous  de  dire  que  la  psychologie  individuelle  est  encore 
à  un  état  si  peu  développé  que,  bien  qu'il  existe  beaucoup  de 
matériaux  sur  le  premier  problème,  c'est-à-dire  sur  l'étude  des 
différences  individuelles  pour  les  différents  processus  psy- 
chiques, il  n'en  existe  que  très  peu  sur  ce  deuxième  problème; 
nous  ne  connaissons  même  aucun  psychologue  qui  l'ait  abordé 
et  posé  sous  la  forme  générale  proposée  ici  ;  on  a,  il  est  vrai, 
écrit  beaucoup  de  mémoires  et  de  livres  sur  le  caractère, 
mais  les  auteurs  qui  s'en  sont  occupés  ont  voulu  surtout  don- 
ner une  classification  des  caractères  ;  ils  commencent  par  donner 
une  classification  des  différents  caractères  ;  ensuite,  pour  la 
confirmer,  ils  donnent  des  exemples  ;  c'est  là  prendre  le  con- 
tre-pied de  la  vraie  méthode  ;  une  étude  scientifique  sur  les 
caractères  devrait,  croyons-nous,  aboutir  à  une  classification 
des  caractères  et  non  commencer  par  elle. 

Avant  d'exposer  les  méthodes  qu'on  doit  suivre  dans  les  diffé- 
rentes études  de  psychologie  individuelle,  nous  donnerons  un 
historique  aussi  court  que  possible  de  la  psychologie  indivi- 
duelle ;  nous  essaierons  d'indiquer  quelles  sont  les  questions 
étudiées  jusqu'ici  et  (juels  sont  les  principaux  résultats  obtenus. 
Cet  aperçu  historique  doit  se  diviser  en  trois  parties,  suivant 
les  trois  questions  générales  dont  s'occupe  la  psychologie  indi- 
viduelle et  que  nous  rappelons  encore  une  fois  : 

l*^'  Etude  des  différences  individuelles  des  processus  psy- 
chiques, l'attention  étant  portée  sur  ces  processus  sans  étude 
spéciale  des  relations  avec  les  individus  qui  les  présentent; 

2*^  Etude  des  différences  entre  les  processus  psychiques  chez 
des  individus  isolés  ou  des  groupes  d'individus; 

3°  Etude  des  rajiports  existant  entre  les  différents  processus 
psychiques  chez  un  même  individu,  et  recherche  des  processus 
les  plus  importants  dont  dépendent  les  autres. 

Il  nous  est  absolument  impossible  de  donner  un  historique 
complet,   et  d'indiquer  tous  les  résultats  acquis  jusqu'ici  sur 


A.    BINET    ET    V.    HENRI.  —  LA    PSÏGUOLOGIE   INDIVIDUELLE      415 

ces  différentes  questions,  il  faudrait  pour  cela  prendre  tous  les 
processus  psychiques  l'un  après  l'autre  et  montrer  quelles  sont 
les  propriétés  qui  peuvent  varier  dans  ces  processus,  jusqu'à 
quel  point  elles  peuvent  varier,  et  quelles  sont  les  relations 
entre  ces  variations  et  les  individus  qui  les  présentent  ;  on  voit 
de  suite  que  cela  prendrait  trop  de  place.  Nous  nous  contente- 
rons d'indiquer  quelques  exemples  relatifs  aux  deux  premières 
questions  ;  quant  à  la  troisième,  nous  en  tracerons  un  histo- 
rique plii    complet. 

Les  pi  :essus  psychiques  dont  on  a  étudié  le  plus  les  diffé- 
rences /  dividuelles  sont  certainement  les  sensations  ;  leur 
étude  e/  bien  plus  facile  que  celle  des  autres  processus,  on  a 
la  possf  ilité  de  mesurer  le  processus  extérieur,  les  expériences 
sont  ejf  général  simples  et  faciles  à  répéter,  tout  cela  a  contri- 
bué ha  ucoup  à  un  développement  considérable  des  études  sur 
les  différences  individuelles  existant  pour  les  sensations  ; 
parmi  les  différentes  sensations  on  s'est  attaché  en  première 
ligne  à  l'étude  de  celles  des  différences  individuelles  qui  pou- 
vaient offrir  quelque  importance  pratique  ;  c'est  ainsi  par 
exemple  qu'on  a  fait  une  quantité  immense  d'études  sur  la 
cécité  des  couleurs  et  en  général  sur  les  différences  individuelles 
existant  dans  la  perception  des  couleurs  ;  car,  dans  la  vie  réelle, 
il  importe  que  certains  individus,  mécaniciens,  pilotes,  marins, 
distinguent  des  signaux  à  leur  couleur  ;  de  même  encore  les 
études  sur  les  différences  individuelles  du  champ  visuel,  de  la 
sensibilité  tactile  des  différentes  parties  du  corps,  de  l'acuité 
auditive  et  visuelle,  éludes  qui  ont  une  grande  importance  pour 
la  connaissance  et  le  diagnostic  de  certaines  maladies  nerveuses  ; 
un  grand  nombre  d'études  sur  les  différences  individuelles  des 
sensations  ont  été  faites  pour  déterminer  quelles  sont  les 
différences  de  sensibilité  des  différents  individus,  on  a  porté 
surtout  l'attention  non  sur  des  individus  isolés,  mais  sur  des 
groupes  d'individus  ;  nous  trouvons,  en  effet,  des  études  nom- 
breuses sur  les  différences  dans  la  sensibilité  entre  les  hommes 
et  les  femmes  (Lombroso  ',  Galton  -,  A.  Stern  ^  etc.),  entre  les 
personnes  instruites  et  celles  qui  ne  le  sont  pas  (Dehn  ^  etc.), 

(1)  Lombroso.  Jm  femme  criminelle. 

(2)  Galtou.  Sensibilité  comparée  de  l'homine  el  de  lu  femme.  NulLiru,  189 i  _ 

(3)  A.  Stem.  Zur  e/hnof/n/phisc/ien  Uulers.  des  Tatsinnes  der  MUnc/tener 
SladlbeoOlkerun<i-  lîcitr.  /.  Aiithrop.,  XI,  3  et  4. 

(4)  Deha.    Vrruleichende    l'ri/f/uii/cn   ilh.  den    Ifaiit  nnd    (le.sc/i)iif(c/,siiin 
bei  Mânnern  u:  b'raiwn  oerscliiedener  Sldude,  Disscrt.  Juricw,  1894. 


416  REVUES    GÉNÉRALES 

entre  des  criminels  et  des  aliénés  (Lombroso  *  et  son  école), 
entre  des  enfants  de  différents  âges  (Riccardi  -,  etc.). 

Il  nous  est  impossible  d'indiquer  ici  tous  les  résultats  obte- 
nus, disons  seulement  que  dans  la  plupart  des  cas,  sauf  les  ano- 
malies maladives,  les  différences  individuelles  pour  les  sensa- 
tions sont  très  faibles  et  insignifiantes  par  rapport  aux  diffé- 
rences des  facultés  supérieures  ;  c'était  à  prévoir,  mais  il  est 
curieux  que  beaucoup  d'auteurs  semblent  l'ignorer  ou  l'oublient 
complètement;  ils  tirent  en  effet  des  études  sur  les  différences 
individuelles  pour  les  sensations  des  conclusions  trop  géné- 
rales; ainsi,  par  exemple,  si  on  prend  les  études  sur  les  crimi- 
nels, quelques  auteurs  se  contentent  de  déterminer  chez  les 
criminels  les  facultés  physiques  et  les  sensations,  et  sur  ces 
données  sont  fondées  des  théories  de  la  différence  entre  un  cri- 
minel et  un  homme  normal  ;  nous  croyons  que  bien  que  l'étude 
des  différences  individuelles  pour  la  sensation  joue  un  rôle 
assez  important  surtout  dans  quelques  cas,  il  est  plus  impor- 
tant de  porter  l'attention  sur  des  processus  supérieurs;  ce  n'est 
certainement  pas  parce  qu'un  homme  a  un  champs  visuel" 
rétréci,  qu'il  est  moins  sensible  à  la  douleur,  qu'il  a  une  sen- 
sibilité tactile  moins  fine,  l'odorat  aboli,  et  qu'il  présente  des 
anomalies  physiques  particulières,  ce  n'est  pas  pour  cela  qu'il 
est  un  criminel  ;  on  ne  peut  pas  douter  que  s'il  ne  présente  que 
ces  anomalies,  et  si  au  point  de  vue  des  facultés  psychiques 
supérieures  il  ne  diffère  pas  des  hommes  normaux,  il  ne  com- 
mettra pas  de  crime  ;  il  faut  différer  des  hommes  normaux 
d'abord  dans  des  facultés  psychiques  supérieures  et  puis  on 
peut  en  différer  aussi  par  des  sensations  pour  être  un  criminel  ; 
ce  ne  sont  pas  les  sensations,  ce  sont  les  facultés  psychiques 
supérieures  qu'il  faut  étudier  ;  ce  sont  celles-ci  qui  jouent  le 
rôle  le  plus  important  et  la  psychologie  individuelle  devrait 
porter  bien  plus  son  attention  sur  ces  dernières. 

Si  nous  passons  des  sensations  à  des  processus  plus  élevés, 
nous  trouvons  bien  moins  d'études  sur  les  différences  indivi- 
duelles de  ces  processus  ;  il  est  vrai  qu'il  y  a  une  exception  pour 
les  mouvements  graphiques  de  l'écriture  qui  ont  été  étudiés 
très  souvent,  mais  ces  études  ont  été  faites  en  général  par  des 
personnes  ayant  des  idées  vagues  sur  la  psychologie,  et  dans 
le  but  de  trouver  quelque  relation  entre   l'écriture  et  le  carac- 

(1)  Lombroso.  L'homme  criminel. 

(2)  tUccardi.  Anl/vpoloyia  e  pedcif/of/ùt.  1  vol.  1892.  Modciui. 


i^ 


A.    BINET    ET    V.    EENRI.  —   LA   TSYCHOLOGIE   INDIVIDUELLE      417 

tère  de  l'individu  ;  nous  en  parlerons  plus  loin.  On  a  fait  des 
études  sur  les  différences  individuelles  dans  la  fatigue  (Mosso), 
dans  la  durée  des   différents   actes    psychiques    chez  les  per- 
sonnes normales,   les  enfants  et  les  aliénés  (Witmer,  Gilman, 
Buccola,  Walitzky,  Bechterew,  etc.)  ;  sur  les  différences  des 
associations  chez  les  enfants  et  les  adultes  (Jastrow,  Galton, 
Bourdon,  etc.),  plus  nombreuses  ont  été  les  études  sur  les  diffé- 
rences individuelles  pour  la  mémoire,  surtout  chez  les  enfants 
(Bolton,    Baldwin,   Binet,    Henri,    etc.)  ;    enfin    rappelons   les 
études   sur  les  différences  individuelles  dans  les   images  men- 
tales (Galton,   Charcot,  Ribot,   Binet,  etc.),  sur  les  schèmes 
visuels  (Galton.   Flournoy)   et    sur    quelques    autres    proces- 
sus supérieurs.  Toutes  ces  études  ne  sont  que  des  ébauches, 
elles  devraient  être  reprises,  complétées  et  surtout  étendues  à 
des  processus  plus  intellectuels  ;  il  serait  utile  de  rassembler 
tous  les  résultats  acquis  sur  les  différences  individuelles  pour 
les  différents  processus  psychiques  ;  on  pourrait,  croyons-nous, 
en  tirer  quelques  conclusions   générales  qui  nous  échappent 
maintenant  parce  que  ces  études  ne  sont  pas  réunies  et  classées. 
Parmi  les  résultats  qui  se  dégagent  de  toutes  ces  études  nous 
en  citerons  quelques-uns.  Le  premier,  le  plus  important  de  tous, 
croyons-nous,  est  que  plus  un  processus  est  compliqué  et  élevé, 
—  plus  il  varie  suivant  les  individus  :  les  sensations  varient  d'un 
individu  à   l'autre,  mais  moins  que  la  mémoire,   la  mémoire 
des   sensations  varie   moins  que    la  mémoire   des   idées,   etc. 
Il  en  résulte  donc  que  si  on  veut  étudier  les  différences  exis- 
tant entre  deux  individus  il  faut  commencer  par  les  processus 
les  plus  intellectuels  et  les  plus  compliqués,  et  ce  n'est  qu'en 
seconde  ligne  qu'il  faut  considérer  les  processus  simples  et  élé- 
mentaires ;  c'est  pourtant  le  contraire  qui  est  fait  par  la  grande 
majorité  des  auteurs  qui  ont  abordé  cette  question. 

Un  autre  résultat  qui  mérite  d'être  rappelé  est  celui  obtenu 
par  Mosso  relativement  aux  différences  individuelles  dans  la 
manière  dont  un  individu  se  fatigue  ;  on  peut  distinguer  deux 
genres  différents  d'individus  :  les  uns  peuvent  travailler  pendant 
un  certain  temps  avec  une  intensité  presque  invariable  et  puis 
tout  d'un  coup  la  fatigue  se  produit,  ils  perdent  très  rapidement 
le  pouvoir  de  travail  ;  les  autres  en  travaillant  se  fatiguent 
petit  à  petit,  l'intensité  du  travail  diminue  lentement  sans  saut 
brusque.  Ce  résultat  nous  semble  présenter  une  importance 
considérable  puisqu'il  parait  être  relié  à  d'autres,  relatifs  au 
repos,  à  l'exercice,  et  peut-être  même  à  certaines   réactions 

ANNÉE   l'SVCHOLOGIQUE.   H.  ,  27 


il8  REVUES    GÉNÉRALES 

émolionnelles  ;  ainsi  un  individu  qui  se  fatigue  brusquement  se 
reposera  aussi  après  la  fatigue  d'une  manière  autre  que 
celui  qui  se  fatigue  graduellement  ;  le  premier  individu  reste 
fatigué  un  certain  temps,  ])uis  il  se  repose  vite  ;  le  second  se 
repose  plus  graduellement  ;  de  même  encore  pour  Texercice,  il 
y  a  des  individus  qui  acquièrent  une  dose  considérable  d'exer- 
cice en  peu  de  temps,  rapidement  et  puis  la  faculté  d'exercice 
monte  lentement  ;  chez  d'autres  l'exercice  se  développe  graduel- 
lement. 

Nous  avons  fait  des  observations  de  ce  genre  dans  le  cours 
d'autres  recherches  ;  Krœpelin  en  parle  aussi,  mais  ce  sujet 
devrait  être  fouillé  de  plus  près  ;  nous  y  reviendrons,  lorsque 
nous  parlerons  de  la  troisième  question. 

Passons  donc  à  l'historique  de  cette  question. 

Chacun  possède,  on  le  sait,  une  écriture  bien  caractéristique 
et  personnelle,  qui  ne  peut  en  général  changer  pour  chaque 
individu  qu'entre  des  limites  bien  restreintes  ;  déjà  au  xviu'^ 
siècle  et  peut-être  même  avant,  on  a  cherché  à  profiter  de  cette 
différence  dans  l'écriture,  on  a  cherché  à  tirer  de  l'écriture  des 
conclusions  relatives  au  caractère  de  l'individu,  il  s'est  même 
formé  une  branche  de  recherches  spéciales  :  «  la  Graphologie  »  ; 
mais  on  a  voulu  faire  trop  de  choses  à  la  fois,  on  se  repré- 
sentait le  problème  comme  trop  facile,  ce  qui  a  amené  le 
mépris  des  hommes  de  sciences  envers  la  graphologie  ;  c'est  là, 
croyons-nous  la  raison  pour  laquelle  les  mouvements  gra- 
phiques ont  encore  été  étudiés  si  peu  par  des  hommes  de 
science;  pourtant  on  ne  peut  pas  douter  qu'on  puisse  en  tirer 
quelque  profit  pour  la  psychologie  individuelle  ;  nous  ne  vou- 
lons certainement  pas  affirmer  qu'un  jour  on  pourra  déduire 
de  l'écriture  d'un  individu  son  caractère,  mais  il  existe  très  vrai- 
semblablement des  relations  entre  les  mouvements  graphiques 
et  certains  processus  psychiques  ;  ce  sont  ces  relations  qui 
devraient  être  étudiées  de  plus  près  par  la  méthode  expérimen- 
tale. 

La  question  générale  des  relations  entre  les  différents  pro- 
cessus psychiques  chez  un  môme  individu  est  d'une  importance 
capitale  aussi  bien  pour  la  pratique  que  pour  la  théorie  ;  elle 
est  pourtant  encore  très  peu  étudiée  jusqu'ici;  la  question  est 
difficile,  elle  est  si  large  qu'on  ne  sait  pas  trop  par  quelle  partie 
commencer,  mais  une  méthode  précieuse  se  présente  ici,  cette 
méthode  nous  est  donnée  par  les  cas  anormaux  :  lorsqu'une 
personne  présente  un  affaiblissement  considérable  d'une  faculté. 


A.    BINET    ET    V.    HENRI.  —  LA    TSYCnOLOGIE    INDIVIDUELLE      419 

OU  bien  si  elle  présente  un  développement  extraordinaire  de 
cette  faculté  psychique,  on  peut  étudier  si,  pour  les  autres 
facultés,  la  personne  reste  normale  ou  bien  si  l'anomalie  pour 
une  faculté  entraine  avec  elle  des  anomalies  d'autres  facultés  ; 
en  assemblant  des  cas  de  ce  genre  on  peut  arriver  à  obtenir  des 
résultats  précis  sur  les  relations  entre  les  différentes  facultés 
psychiques.  Les  études  de  ce  genre  qui  ont  été  faites  jusqu'ici  ont 
surtout  montré  l'indépendance  de  certaines  facultés  les  unes 
par  rapport  aux  autres  ;  ainsi  par  exemple  les  cas  de  perte  ou 
de  développement  extrême  des  mémoires  partielles  montrent 
qu'on  peut  avoir  une  mémoire  extraordinaire  pour  les  chilfres  et 
ne  pas  surpasser  la  moyenne  pour  la  mémoire  des  lettres  ou  des 
couleurs  ou  d'autres  impressions  quelconques  (v,  Binet,  Psych. 
des  grands  calculateurs  et  joueurs  d'échecs),  il  en  est  de  même 
des  pertes  de  mémoires  partielles  sans  influence  sur  les  autres 
mémoires  partielles  (v.  Ribot,  Charcot)  ;  ce  sont  des  résultats 
contraires  aux  idées  qu'on  professait  avant  ces  recherches. 

On  ne  peut  donc  .pas  dire  d'un  individu  qu'il  a  une  bonne 
mémoire  ;  il  faut  toujours  préciser  de  quelle  mémoire  on  parle  ; 
il  faut  donc,  pour  avoir  une  idée  de  la  mémoire  d'un  individu, 
ne  pas  se  contenter  de  recherches  sur  une  seule  mémoire  par- 
tielle, celle  des  lettres  ou  des  chiffres  par  exemple,  mais  prendre 
autant  de  mémoires  partielles  qu'on  le  peut;  notons  que 
quelques  auteurs,  Krcepelin  par  exemple,  commettent  cette 
faute,  ils  se  contentent  de  l'étude  d'une  seule  mémoire  pour 
parler  ensuite  de  la  mémoire  en  général. 

Mais  si  on  a  fait  beaucoup  d'observations  sur  les  influences 
que  les  différentes  mémoires  partielles  exercent  les  unes  sur 
les  autres,  on  n'en  a  fait  que  très  peu  ou  même  presque  pas 
sur  les  relations  entre  les  différentes  mémoires  et  les  autres 
processus  psychiques  ;  si  nous  parcourons  en  effet  les  cas  patho- 
logiques de  pertes  de  mémoire,  nous  trouvons  bien  chez  quelques 
auteurs  des  remarques  sur  les  pertes  de  l'intelligence  ou  de  la 
faculté  d'imagination  ou  enfin  de  la  faculté  de  fixer  son  atten- 
tion qui  accompagnent  les  pertes  de  telle  mémoire  partielle, 
mais  ces  observations  sont  encore  trop  peu  nombreuses  et  elles 
ont  une  forme  si  générale  qu'on  ne  peut  pas  pour  le  moment 
en  tirer  quelque  conclusion  précise  sur  le  sujet. 

Une  question  non  sans  importance  se  pose  ici  :  il  peut  arri- 

(1)  Kncpelia.  Dcr  jjsi/choloyhche  Vcnuch  in  der  l'mjchialrie.  Psychulc- 
gische  Arbeiten,  1,  1895. 


420  REVUES   GÉNÉRALES 

ver  que  la  perte  ou  le  développement  extrême  d'une  faculté 
influe  sur  quelques  autres  facultés  psychiques,  mais  a-t-on  le 
droit  d'en  conclure  que  dans  les  cas  normaux,  lorsque  les  diver- 
gences des  difl'érentes  facultés  ne  sont  que  très  faibles  et  ne 
peuvent  pas  être  appelées  anormales,  ces  relations  entre  les 
différentes  facultés  subsisteront? 

Ainsi  lorsque  nous  observons  que  la  perte  d'une  faculté  A 
entraîne  un  affaiblissement  d'une  faculté  B  et  que  le  déve- 
loppement extrême  de  A  entraîne  un  développement  de  B, 
pourra-t-on  affirmer  que  lorsque  de  deux  individus  normaux 
l'un  a  la  faculté  A  mieux  développée  que  l'autre,  il  aura  aussi 
la  faculté  B  mieux  développée  ?  Voici  une  question  que  nous  ne 
pouvons  pas  résoudre,  nous  n'avons  pas  assez  de  données  sur 
ce  sujet.  Il  faudrait  pour  pouvoir  donner  une  réponse  sur  cette 
■question  étudier  de  combien  doit  au  moins  différer  la  faculté  A 
de  la  moyenne  normale  pour  qu'il  en  résulte  une  différence 
aussi  pour  la  faculté  B.  Donnons  encore  un  exemple  : 

Chacun  sait  qu'il  existe  des  individus  lents  et  flegmatiques  et 
d'autres  rapides,  mobiles  et  vifs  ;  les  premiers  ont  la  marche 
lente,  tous  leurs  mouvements  sont  lents,  leur  temps  de  réac- 
tions, simples  et  complexes,  sont  plus  lents,  leur  esprit  travaille 
plus  lentement,  ils  n'arrivent  qu'après  beaucoup  de  temps  à 
une  résolution;  ils  sont  indifférents  à  beaucoup  de  phénomènes, 
ils  préfèrent  la  musique  lente  et  tranquille  et  n'aiment  pas  les 
tableaux  à  couleurs  vives  et  changeantes  ;  les  autres  présentent 
des  qualités  absolument  contraires  ;  ceci  est  connu  ;  mais 
lorsque  de  deux  individus  que  nous  voyons  pour  la  première 
fois  l'un  a  des  temps  de  réaction  plus  lents  que  l'autre,  lorsque 
l'un  ne  peut  pas  trouver  une  association  aussi  vite  que  l'autre, 
faut-il  en  conclure  qu'il  sera  en  général  dans  toutes  ses  actions 
et  toute  sa  manière  de  vivre  plus  lent  que  l'autre?  Non,  cela 
dépend  de  la  différence  trouvée  entre  les  durées  des  différents 
actes  ;  si  elle  est  considérable,  si  elle  se  maintient  pour  les 
différents  actes,  on  pourra  dire  que  probablement  l'un  est  en 
général  plus  lent  que  l'autre  ;  mais  il  faut  bien  se  garder  de 
généralisations  trop  rapides  ;  de  ce  qu'un  individu,  par  exemple 
peut  trouver  dans  un  temps  donné  un  nombre  moins  grand 
d'associations  déterminées  qu'un  autre  il  ne  faut  pas  conclure 
que  le  second  a  un  contenu  de  mémoire  plus  considérable, 
comme  le  fait  Krœpelin,  par  exemple'  ;  nous  rappelons  ici  le 

(1)  Loc.  C77.,  p.  74. 


A.    BLNrr   ET   V.    HENRI.  —  LA   PSYCUOLOGIE   INDIVIDUELLE      421 

fait  curieux  que  quelques  personnes  ne  peuvent  pas  citer  à  la 
suite  des  séries  de  chiffres  sans  suivre  l'ordre  naturel;  tel  était 
par  exemple  Charcot;  il  faut  donc  être  très  prudent  dans  des 
conclusions  sur  ces  différentes  questions. 

Nous  devons  maintenant  dire  quelques  mots  de  la  nature  des 
processus  psychiques  qui  ont  été  étudiés  par  la  méthode  des 
cas  anormaux. 

On  a  surtout  porté  l'attention  sur  les  anomalies  dans  les  sen- 
sations et  étudié  si  les  anomalies  pour  une  sensation  entraînent 
avec  elles  des  changements  dans  d'autres  sensations  ;  c'est  ainsi 
qu'on  a  trouvé  que  les  aveugles  ont  le  tact  et  l'ouïe  plus  déve- 
loppés que  les  normaux,  que  les  sourds-muets  ont  des  mouve- 
ments plus  fins  et  plus  rapides  que  les  normaux,  qu'en  mar- 
chant ils  appuient  bien  plus  fortement  avec  leurs  pieds  contre 
le  sol  que  ne  le  font  les  normaux  parce  que  ces  derniers  se  guident 
dans  leur  marche  par  les  sensations  de  la  vue,  de  l'ouïe  et  du 
toucher  à  la  plante  des  pieds  ;  les  sourds-muets  au  contraire 
n'ont  pour  se  guider  que  la  vue  et  le  toucher  ;  enfin  on  a 
observé  maintes  fois  que  les  personnes  qui  ont  une  cécité  des 
couleurs  distinguent  mieux  les  clartés  que  ne  le  font  les  per- 
sonnes normales,  etc.,  etc.  Mais  tous  ces  faits  ne  peuvent  pas, 
croyons-nous. "apporter  un  appui  considérable  à  l'étude  indivi- 
duelle des  sujets  normaux  ;  les  sensations  diffèrent  trop  peu 
d'un  individu  à  l'autre  et  ces  différences  minimes  n'amènent 
pas  avec  elles  des  variations  bien  déterminées  dans  d'autres 
processus  psychiques  ;  on  doit  étudier  les  sensations  lorsqu'il 
s'agit  de  comparer  des  individus  n'appartenant  pas  au  même 
milieu  et  à  la  même  classe,  on  étudiera  les  sensations  lorsqu'on 
aura  à  comparer  des  individus  de  classes  différentes,  ou  des 
groupes  d'individus  entre  eux  ;  ainsi  par  exemple,  lorsqu'on 
aura  à  comparer  les  enfants  de  différents  âges  entre  eux,  ou 
des  gens  de  différentes  professions  entre  eux  ;  ce  n'est  que 
dans  ces  cas  que  les  différences  entre  les  sensations  seront 
assez  fortes  pour  qu'on  puisse  en  déduire  des  conclusions  rela- 
tivement à  d'autres  processus  psychiques 

Les  cas  anormaux  nous  apprennent  qu'il  existe  des  relations 
entre  les  sensations  et  différents  processus  psychiques,  mais 
ces  relations  n'apparaîtront  que  lorsqu'on  aura  affaire  à  des 
différences  considérables. 

Cette  méthode  des  cas  anormaux  n'est  pas  la  seule  qui  nous 
permette  d'étudier  les  relations  entre  les  différents  processus 
psychiques. 


422  REVUES    GÉNÉRALES 

On  peut  étudier  ces  relations  chez  les  individus  normaux 
par  deux  méthodes  encore  : 

i"  Chez  un  même  individu  on  fait  varier  un  processus  psy- 
chique et  on  étudie  si  cette  variation  entraîne  avec  elle  des 
changements  dans  d'autres  processus  du  même  individu  ; 

2°  On  choisit  d'avance  un  certain  nombre  de  processus  psy- 
chiques et  on  les  étudie  chez  plusieurs  individus,  on  examine 
alors  si  les  différences  individuelles  pour  les  différents  proces- 
sus ne  vont  pas  parallèlement  les  unes  aux  autres. et  ne  se  cor- 
respondent pas  d'une  manière  régulière;  de  cette  correspon- 
dance on  peut  déduire  la  relation  plus  ou  moins  intime  entre 
les  différents  processus. 

Examinons  plus  en  détail  chacune  des  deux  méthodes  précé- 
dentes. 

Nous  devons  bien  préciser  comment  la  première  méthode 
doit  être  appliquée  pour  donner  des  résultats  intéressants  pour 
la  psychologie  individuelle,  car  sans  cette  restriction,  on  se 
trouve  en  face  d'une  méthode  qui  sert  aussi  bien  pour  la 
psychologie  générale  que  pour  la  psychologie  individuelle.  La 
méthode  consiste,  avons-nous  dit,  à  faire  varier  chez  un  indi- 
vidu un  processus  et  à  voir  quelles  influences  cette  variation 
produit  sur  d'autres  processus  ;  or  le  but  de  la  psychologie  indi- 
viduelle est  de  rechercher  les  relations  entre  les  différents  pro- 
cessus de  façon  qu'on  puisse  de  l'examen  d'un  certain  processus 
conclure  l'état  de  quelques  autres  chez  le  même  individu  ;  nous 
devons  donc  faire  un  choix  dans  les  processus  à  étudier,  nous 
devons  étudier  des  relations  entre  des  processus  qui  peuvent 
nous  être  utiles  dans  la  comparaison  de  différents  individus 
entre  eux  ;  un  grand  nombre  de  recherches  faites  par  cette 
méthode  se  trouve  donc  ainsi  éliminées,  telles  sont  par  exemple 
les  expériences  sur  les  influences  des  différentes  sensations  les 
unes  sur  les  autres,  expériences  faites  surtout  par  Urbant- 
schitsch  '  et  Féré,  expériences  d'après  lesquelles  la  position  du 
seuil  pour  une  sensation  est  modifiée  lorsqu'on  produit  on 
même  temps  une  autre  sensation  de  nature  différente  ;  telles 
sont  encore  les  expériences  de  Mosso,  Krœpelin,  etc.,  sur  l'in- 
fluence que  la  fatigue  mentale  ou  physique  ont  sur  différents 
processus  psychiques  ;  ces  recherches  nous  montrent  bien  qu'il 
existe  des  relations  plus  ou  moins  intimes  entre  différents  pro- 


(I)  Urbantscliifsch.  Eiiifliisseiner  Sin/ieserret/iiiif/  mif  <He  Hbrirjen  Sinin'fi- 
einppndainien.  Pflug.  Aivli.  r.  Pliysiul.,  vol.x'ljr,'  1888. 


A.    BINET    ET   V.    UENRI.  —  LA   PSYCHOLOGIE   INDIVIDUELLE      423 

cessus,  mais  nous  ne  pouvons  rien  en  tirer  pour  la  psychologie 
individuelle.  Il  est  certain  que  nous  pouvons  bien  comparer 
différents  individus  entre  eux  au  point  de  vue  de  ces  relations  ; 
nous  pouvons  étudier,  par  exemple,  si  chez  plusieurs  individus 
la  fatigue  a  une  influence  égale  sur  différents  processus,  mais 
c'est  là  une  question  différente,  qui  entre  dans  la  première 
partie  de  la  psychologie  individuelle. 

Comment  donc  faire  ce  choix?  N'existe-t-il  pas  quelque  cri- 
térium qui  nous  permette  de  décider  quels  sont  les  processus 
qu'il  faut  choisir  ?  Essayons  d'analyser  la  question  :  supposons 
qu'on  prenne  un  processus  A  chez  un  individu  et  on  veut  étu- 
dier si  ce  processus  peut  influer  sur  un  autre  B  ;  pour  le  voir 
on  fera  varier  le  processus  A  et  il  deviendra  par  exemple  Ai, 
Aj,  A3  ;  pour  chacun  de  ces  états  on  déterminera  comment  s'est 
comporté  B  ;  supposons  qu'il  soit  devenu  Bi,  B,  et  B3  ;  on  dira 
donc  qu'il  existe  une  relation  entre  A  et  B  telle  que  lorsque  A 
est  devenu  successivement  Ai,  A2,  A3,  le  processus  B  a  aussi 
changé  et  est  devenu  Bi,  B.,  B;.,  ;  c'est  la  forme  générale  de  la 
méthode.  Dans  la  psychologie  individuelle  on  a  à  comparer 
différents  individus  entre  eux,  cette  comparaison  est  faite  pour 
des  individus  qu'on  place  autant  que  possible  dans  les  mêmes 
conditions  externes,  on  les  prend  par  exemple  tels  qu'ils  se 
trouvent  à  l'état  normal,  en  bonne  santé  et  dans  un  état  de 
repos  ;  chacun  de  ces  individus  diffère  des  autres  dans  les  pro- 
cessus A  et  B.  supposons  que  trois  individus  ont  respectivement 
à  l'état  normal  des  processus  A',  B',  A",  B"  et  A'",  B'".  Dans  quels 
cas  pourra-t-on  de  l'étude  générale  des  relations  entre  le  pro- 
cessus A  et  B  déduire  une  conclusion  quelconque  sur  les  rela- 
tions entre  ces  mêmes  processus  chez  plusieurs  individus  ; 
c'est-à-dire,  en  d'autres  mots,  quelles  sont  les  conditions  néces- 
saires pour  qu"on  puisse,  après  avoir  détermine  chez  les  trois 
individus  les  processus  A,  qui  sont  A',  A"  et  A'",  en  déduire  que 
le  processus  B  devra  se  comporter  chez  ces  individus  comme 
B',  B"  et  B'"?  La  première  condition,  c'est  que  chez  un  même 
individu  on  puisse  changer  le  processus  A,  de  façon  qu'il 
devienne  respectivement  A',  A"  et  A'"  ;  la  seconde  condition  est 
que  dans  ces  différents  cas  l'état  mental  de  l'individu  ne  soit 
pas  trop  influencé  et  ne  diffère  pas  trop  de  l'état  mental  nor- 
mal. Mais  cela  ne  suffit  pas,  il  faut  encore  supposer  que  lorsque 
chez  un  individu  le  processus  A  est  respectivement  A',  A"  et  A'", 
les  influences  sur  le  processus  B  seront  les  mêmes  que  lorsque 
chez   plusieurs    individus   à  l'état  normal  le  processus  A  est 


424  REVUES    GÉNÉRALES 

A',  A"  et  A"'.  Ou  voit  donc  combien  les  conditions  sont  complexes, 
mais  il  ne  faut  pas  en  déduire  que  la  méthode  ne  peut  être  jamais 
applicable  ;  il  y  a  des  cas  où  elle  peut  donner  des  résultats  impor- 
tants, non  qu'elle  puisse  nous  permettre  de  conclure  d'après  des 
observations  sur  un  individu  sur  les  différences  individuelles, 
ceci  est  rare,  mais  elle  peut  surtout  nous  amener  dans  des  voies 
nouvelles,  nous  donner  des  appareils  pour  les  études  compara- 
tives des  individus  et  nous  indiquer  dans  quelle  direction  on 
peut  chercher  des  réponses  sur  les  relations  entre  les  différents 
processus  chez  différents  individus.  Avantage  précieux  ;  en  effet, 
on  a  le  plus  souvent  dans  les  laboratoires  de  psychologie  la 
possibilité  d'étudier  longuement  un  nombre  bien  limité  d'in- 
dividus; les  études  de  psychologie  individuelle  ne  peuvent  pas 
en  général  être  répétées  beaucoup  de  fois  sur  les  mêmes  indi- 
vidus; il  faut  donc  préparer  d'avance  les  expériences  à  faire, 
il  faut  choisir  les  processus  et  c'est  pour  ce  choix  ([ue  peuvent 
être  très  utiles  des  expériences  faites  sur  des  individus  isolés. 
Nous  avons  donc  vu  qu'on  doit  faire  varier  dans  cette 
méthode  les  processus  de  façon  que  ces  variations  correspon- 
dent aux  différences  individuelles.  Donnons  quelques  exemples 
pour  montrer  que  la  méthode  est  applicable.  On  sait  qu'il  y  a 
des  individus  distraits  qui  peuvent  difficilement  fixer  leur 
attention  sur  un  même  sujet  et  d'autres  qui  sont  très  attentifs  ; 
on  peut  produire  chez  un  même  individu  des  états  de  distrac- 
lion  différents,  en  le  distrayant  et  l'occupant  par  des  excitations 
étrangères  ;  supposons  qu'on  veuille  étudier  si  la  faculté  d'at- 
tention influe  sur  les  expériences  de  réaction,  on  fait  les 
expériences  chez  un  même  individu  lorsqu'il  prête  toute 
son  attention  et  lorsqu'il  est  plus  ou  moins  distrait,  on 
remarque  qu'il  se  produit  deux  sortes  d'influences  :  les  temps 
de  réaction  deviennent  d'abord  plus  irréguliers  et  puis  ils 
s'allongent.  (C'est  ce  qu'on  appelle  augmentation  de  la 
moyenne,  et  augmentation  de  la  variation  moyenne.)  On  est 
donc  conduit  ainsi  à  examiner  s'il  n'existe  pas  quelque  diffé- 
rence dans  les  réactions  d'un  individu  distrait  et  d'un  individu 
qui  a  un  pouvoir  d'attention  développé  ;  et  on  trouve  en  effet 
que  les  personnes  distraites  ont  des  temps  de  réaction  plus 
longs  et  plus  irréguliers  que  les  personnes  qui  peuvent  bien 
lixer  leur  attention  ;  par  conséquent  si  on  veut  se  faire  une 
idée  de  la  faculté  d'attention  d'un  individu  il  faudra  entre 
autres  expériences  prendre  aussi  des  temps  de  réaction  et 
examiner  jusqu'il  quel  point  ils  sont  réguliers  et  courts. 


A.    BINET    ET    V.    niîNRI.  —  LA    PSYCUOLOGIE    INDIVIDUELLE      425 

C'est  dans  cette  catégorie  que  nous  devons  ranger  les  expé- 
riences de  Krœpelin  et  de  ses  élèves  sur  les  influences  d'empoi- 
nements  légers  sur  différents  processus  psychiques  ;  ces 
empoisonnements  légers  aveo  l'alcool,  la  morphine,  etc.,  per- 
mettent, comme  le  remarque  Krœpelin,  de  produire  dans  un 
individu  normal  des  états  analogues  aux  états  ^  mentaux  au 
début  de  certaines  maladies  mentales  ;  on  peut  donc  discuter 
quelles  peuvent  être  les  influences  de  certaines  maladies  men- 
tales à  leur  début  sur  difl'érents  processus  psychiques;  pour 
cela  on  fera  des  expériences  de  laboratoire  sur  des  personnes 
normales  amenées  artificiellement  à  des  états  analogues  aux 
malades  ;  ceci  fait,  on  pourra  sans  perdre  de  temps  faire  des 
expériences  instructives  sur  les  malades  mêmes. 

Passons  maintenant  à  la  deuxième  méthode  qui  consiste  à 
choisir  un  certain  nombre  de  processus  psychiques  qu'on 
déterminera  par  des  expériences  arrêtées  d'avance  ;  on  les 
déterminera  chez  plusieurs  individus,  et  on  examinera  si  les 
variations  individuelles  pour  ces  processus  ne  se  correspondent 
pas  d'une  manière  régulière.  Les  expériences  faites  par  cette 
méthode  ne  sont  pas  nombreuses,  elles  l'ont  été  surtout  chez 
des  enfants  des  écoles,  on  a  comparé  les  moyennes  des  diff'érentes 
classes  les  unes  aux  autres  pour  difl'érents  processus  psychiques  ; 
telles  sont  par  exemple  les  expériences  de  Gilbert  (Yale)  rela- 
tives surtout  aux  sensations  des  enfants,  nos  expériences  com- 
paratives sur  la  perception  des  longueurs,  la  mémoire  et  la  sug- 
gestibilité  des  enfants,  etc.  Chez  les  adultes  nous  notons  les 
expériences  de  Jastrow  (Am.  Journ.  of  Psych.,  IV,  p.  420),  de 
Oehrn  [Individual psychologie),  de  Krœpelin,  enfin  de  Bourdon 
Rev.  Philos.,  1893,  VIIli,  etc.  Mais  toutes  ces  expériences  sont 
encore  trop  peu  nombreuses,  elles  donnent  bien  quelques  résul- 
tats particuliers,  mais  on  ne  peut  pas  encore  en  tirer  de  conclu- 
sion générale  relativement  aux  relations  constantes  qui  existent 
entre  les  difl'érents  processus  psychiques  chez  un  même  indi- 
vidu ;  ce  n'est  qu'une  étude  complète  et  systématique  de 
cette  question  qui  peut  amener  à  des  résultats  importants 
et  surtout  à  une  réponse  à  la  question  de  savoir  quels  sont  les 
processus  psychiques  les  plus  importants  dont  les  autres 
dépendent,  quels  sont  les  processus  psychiques  qui  carac- 
térisent les  différences  individuelles.  Nous  ne  disons  pas  qui 
caractérisent  l'individu,  mais  qui  le  caractérisent  par  rapport 
à  d'autres  individus,  il  y  a  une  différence  ;  en  effet,  pour 
caractériser  complètement  un  individu,  il  faut  déterminer  non 


426  REVUES    GÉNÉRALES 

seulement  les  processus  par  lesquels  il  diffère  des  autres,  mais 
aussi  ceux  qui  sont  communs  ou  presque,  comme  les  sensations 
par  exemple,  et  qui  par  conséquent  ne  jouent  aucun  rôle  lors- 
qu'il s'agit  de  comparer  les  individus  entre  eux  et  de  chercher 
les  différences  psychiques  qui  les  séparent. 

Dans  l'état  présent  de  la  psychologie  individuelle  nous  ne 
pouvons  pas  donner  de  réponse  à  la  question  précédente,  mais 
ceci  n'a  pas  empêché  certains  psychologues  de  traiter  la  ques- 
tion pratiquement;  ils  ont  essayé  d'établir  des  séries  d'expé- 
riences qui  permettent  d'obtenir  des  résultats  relatifs  aux  diffé- 
rences individuelles  pour  plusieurs  processus  psychiques. 
Il  faut  noter  ici  qu'on  est  en  face  d'une  difficulté  très  grande; 
en  effet,  les  processus  qui  a  priori  d'après  notre  observation  et 
analyse  journalière,  paraissent  être  les  plus  importants  et  qui 
marquent  le  mieux  les  différences  entre  les  individus,  sont  les 
processus  les  plus  intellectuels  ;  mais  d'un  autre  côté  ces  pro- 
cessus sont  les  moins  accessibles  aux  expériences  et  aux  déter- 
minations quantitatives  ;  on  peut  bien  dire  ici  que  les  processus 
qui  peuvent  le  mieux  être  déterminés  par  les  expériences  sont 
ceux  qui  nous  servent  le  moins  pour  distinguer  les  individus 
les  uns  des  autres  :  a-t-on  besoin  de  savoir  que  A  a  une  sensi- 
bilité tactile  plus  fine  que  B,  qu'il  peut  mieux  distinguer  deux 
couleurs  que  B  ou  enfin  qu'il  ne  peut  pas  mouvoir  aussi  rapide- 
ment son  bras  que  B,  pour  les  caractériser  et  pour  les  distinguer 
l'un  de  l'autre  ?  Certainement  non  ;  et,  d'un  autre  côté,  comment 
vouloir  les  caractériser  et  les  distinguer  l'un  de  l'autre  si  on  n'a 
pas  de  données  sur  leur  imagination,  leur  mémoire,  leur  pou- 
voir d'attention,  leur  pouvoir  d'observation,  leur  pouvoir 
d'analyse,  leur  raisonnement,  leur  fermeté  volontaire,  leur  vie 
affective,  etc.  ?  Ce  sont  des  faits  que  chacun  admettra  ;  mais  si 
on  examine  les  séries  d'expériences  à  faire,  les  mental  tests, 
comme  disent  les  Anglais,  proposés  par  différents  auteurs 
pour  caractériser  un  individu,  on  est  étonné  par  la  place  consi- 
dérable réservée  aux  sensations  et  aux  processus  simples  et  par 
le  peu  d'attention  prêté  aux  processus  supérieurs;  quelques-uns 
même  les  négligent  complètement.  C'est  là,  croyons-nous, 
une  influence  de  la  psychologie  générale  ;  que  par  l'analyse 
poussée  à  l'extrême  on  puisse  décomposer  tous  les  processus 
psychiques  en  des  sensations,  cela  peut  être  admis;  mais  il  ne 
faut  pas  en  déduire  qu'il  suffit  d'étudier  les  processas  élémen- 
taires pour  connaître  la  nature  des  processus  complexes. 

Voyons  donc  de  plus  près  quels  ont  été  les  mental  tests  pro- 


A.    BINET    ET    V.    HENRI.  —  LV    PSYCHOLOGIE   INDIVIDUELLE       't^21 

posés  par  les  différents  auteurs.  Nous  nous  arrêterons  plus  spé- 
cialement sur  cinq  essais  de  ce  genre,  ce  sont  les  plus  impor- 
tants et  les  plus  complets  qui  ont  été  faits  jusqu'ici,  les  autres 
sont  trop  partiels  et  ne  poursuivent  pas  de  but  aussi  général 
que  les  cinq  en  question.  C'est  d'abord  la  liste  proposée  par 
Cattel,  Mental  Tests  and  Measurements,  Mind,  1890,  p.  373- 
381,  puis  celle  de  Mûnsterberg.  Zur  Jndividual  Psychologie 
Centralbl.  f.  Nervenheilk.  u.  Psychiat.  1891,  p.  196,  puis  celle 
de  Jastrow  qui  a  été  pratiquée  par  lui  à  l'exposition  de  Chi- 
cago de  1893  et  dont  on  trouve  une  analyse  dans  Y  Année  psy- 
chologique, 1894,  p.  522;  la  quatrième  appartient  à  Krœpelin, 
Der  psycholog'sche  Versuch  in  der  Psychiatrie  {Psycholo- 
gische  Arbeiten,  vol.  I,  p.  1-92,  189o);  enfin  la  dernière  est 
de  Gilbert,  Researches  on  ihe  Mental  and  Physical  Develop- 
ment a  f  School-children  (Stud.  Yale  Laboratory^  II). 

Examinons  chacune  d'elles  de  plus  près. 

Cattell  propose  dans  son  article  deux  séries  différentes  de 
«  tests  »,  l'une  de  10,  l'autre  de  oO.  La  première  de  10  se  com- 
pose des  déterminations  suivantes  : 

1"  Pression  dynamométrique  ; 

2°  Vitesse  maxima  d'un  mouvement  du  bras  ; 

3°  Distance  minima  entre  deux  points  de  la  peau  pour  qu'on 
perçoive  encore  deux  points  ;  l'endroit  choisi  est  la  face  dorsale 
de  la  main  entre  les  tendons  de  l'index  et  du  médius,  dans  le 
sens  longitudinal  ; 

4"'  Pression  nécessaire  pour  produire  la  douleur; 

5'^  Plus  petite  différence  perceptible  pour  un  poids  de 
100  grammes  ; 

6''  Temps  de  réaction  simple  à  une  impression  auditive  ; 

1°  Temps  nécessaire  pour  nommer  une  couleur  ; 

8''  Diviser  une  longueur  de  oO  centimètres  en  deux  parties 
égales  ; 

9'^  Reproduire  un  intervalle  de  10  secondes  ; 

10"  Nombre  de  lettres  retenues  après  une  seule  audition. 

On  voit  combien  les  processus  les  plus  élémentaires  pré- 
dominent, il  n'y  a  même  aucun  test  pour  des  processus  plus 
élevés.  Les  expériences  étaient  faites  sur  des  personnes  qui  se 
présentaient  au  laboratoire  de  l'université  de  Pensylvanie  ;  l'au- 
teur ne  donne  pas  les  résultats  obtenus.  Nous  croyons  inutile 
d'entrer  dans  une  critique  de  ces  tests  ;  ce  que  nous  avons  dit 
précédemment  suffit,  croyons-nous,  pour  montrer  ce  que  nous 
en  pensons. 


428  RIÎVUES    GÉNÉRALES 

La  deuxième  série  de  50  lests  est  proposée  pour  être  employée 
dans  des  écoles. 

Les  14  premiers  sont  relatifs  aux  sensations  visuelles, 
12  d'entre  eux  à  des  déterminations  élémentaires  :  accommoda- 
tion, perceptibilité  pour  les  couleurs,  seuils,  contraste,  etc.  ;  le 
1)^''  est  relatif  aux  «  erreurs  de  perception  »,  c'est-à-dire  bissec- 
lion  d'une  longueur,  tracé  d'un  carré  ;  le  14"  est  relatif  au  sen- 
timent esthétique  :  ranger  des  couleurs  par  ordre  d'agrément. 

Puis  viennent  8  pour  les  sensations  auditives  ;  tous  sauf  le 
dernier  sont  relatifs  aux  épreuves  élémentaires  de  sensations, 
le  dernier  consiste  à  indiquer  les  sons  et  les  intervalles  les 
plus  agréables. 

Ensuite  3  pour  le  goût  et  l'odorat,  dont  2  pour  les  sensations 
et  1  pour  le  goût  et  l'odorat  les  plus  agréables  et  les  plus 
désagréables. 

Puis  7  pour  le  toucher  et  le  sens  thermique,  tous  relatifs  à 
des  déterminations  de  sensations. 

Puis  4  pour  le  sens  de  l'efTort  et  les  mouvements,  tous  rela- 
tifs à  des  processus  élémentaires. 

Puis  7  sur  les  «  durées  mentales  »  consistant  dans  la  mesure 
du  temps  de  réaction  simple  et  complexe  et  dans  l'élude  de 
l'influence  que  l'atlenlion,  la  pratique  et  la  fatigue  ont  sur  les 
temps  de  réaction. 

Puis  2  pour  la  détermination  de  «  l'intensité  mentale  »,  qui 
comprend  la  détermination  des  plus  petites  difl'érences  percep- 
tibles pour  différentes  sensations. 

Et  enfin  o  sur  «  l'extension  mentale  »,  comprenant  la  déter- 
mination du  nombre  d'impressions  pouvant  être  perçues  simul- 
tanément ;  le  nombre  d'impressions  successives  pouvant  être 
retenues  dans  la  mémoire,  la  vitesse  avec  laquelle  une  sensa- 
tion disparait  de  la  mémoire  et  la  précision  avec  laquelle  un 
intervalle  de  temps  peut  être  retenu. 

Voici  encore  une  série  qui  serait  bien  longue  à  faire  complè- 
tement, puisque  la  plupart  des  tests  comprennent  en  réalité 
plusieurs  questions,  mais  qui  ne  nous  donnerait  de  renseigne- 
ments que  sur  la  sensibilité  et  sur  (juelques  processus  élémen- 
taires des  individus.  Inutile  de  nous  arrêter  plus  longuement 
sur  ces  tests. 

La  série  des  épreuves  que  Miinsterberg  a  proposée  a  pour 
but  d'étudier  comment  les  différentes  professions  et  les  diffé- 
rents enseignements  se  traduisant  dans  1'  «  organisation  psy- 
chique »  des  individus.  Voici  les  tests  proposés  : 


A.    BliNET   ET   V.    HENRI.  —  LA    TSYCUOLOGIE   INDIVIDUELLE      429 

D'abord  viennent  10  déterminations  de  la  durée  de  différents 
actes  qui  consistent  à  lire  à  haute  voix  aussi  rapidement  que 
possible  10  mots  monosyllabiques;  dire  pour  10  noms  d'objets 
écrits  sur  une  feuille,  les  couleurs  des  objets  correspondants  : 
exemple,  pour  le  mot  neige,  dire  blanc;  en  lisant  10  noms  de 
plantes,  d'animaux  et  de  minéraux,  dire  aussi  vite  que  possible 
quelle  est  la  catégorie  à  laquelle  appartient  chaque  mot  ;  même 
expérience  pour  des  noms  d'étoffe,  de  nourriture  et  de  parties 
du  corps;  nommer,  aussi  vite  que  possible,  les  noms  de  10 
dessins  simples,  les  noms  de  10  carrés  de  couleurs  ;  addition 
de  10  nombres  d'un  chiffre  ;  dire  le  nombre  de  sommets  de  10 
polygones  irréguliers  ;  enfin  nommer  3  parfums  différents. 
Puis  viennent  des  expériences  d'un  autre  genre  :  nombre  de 
chiffres  et  de  lettres  pouvant  être  retenus  après  une  seule  audi- 
tion ;  détermination  du  coup  d'œil  en  faisant  diviser  en  deux 
parties  égales  une  longueur  de  80  centimètres  ;  puis  en  faisant 
apprécier  combien  de  fois  une  longueur  est  contenue  dans  une 
autre  et  enfin  reproduire  une  longueur  après  un  intervalle  de 
5  secondes  ;  puis  la  détermination  de  la  plus  petite  différence 
perceptible  entre  le  poids  pour  les  deux  mains  ;  la  précision 
avec  laquelle  un  son  peut  être  localisé  et  enfin  la  construction 
d'un  carré  et  d'un  triangle  régulier  lorsqu'on  en  donne  la 
base. 

Toute  cette  série  d'expériences  peut  être  faite  en  une  heure 
pour  chaque  individu.  Quoique  étant  bien  meilleure  que  celle 
de  Cattell  au  point  de  vue  psychologique,  elle  est  aussi  trop 
spéciale  à  des  processus  simples  ;  d'abord  la  place  réservée  aux 
déterminations  de  la  durée  de  différents  actes  psychiques 
est  trop  large  ;  il  est  utile  d'avoir  des  renseignements  sur  la 
durée  des  actes  psychiques,  mais  il  existe  d'autres  processus 
bien  plus  importants  qui  ne  sont  même  pas  eflleurés  par  Miins- 
terberg. 

On  nous  répondra  que  les  processus  élémentaires  peuvent 
être  déterminés  avec  bien  plus  de  précision  que  les  processus 
supérieurs  ;  ceci  est  certain,  mais  remarquons  ({ue  les  différences 
individuelles  pour  les  processus  élémentaires  sont  bien  plus 
faibles  que  les  différences  individuelles  pour  les  processus 
supérieurs,  on  n'aura  donc  pas  besoin  pour  constater  ces  diffé- 
rences d'avoir  de  méthode  aussi  précise  pour  les  processus 
supérieurs  que  pour  les  élémentaires,  c'est  là  un  point  qu'on 
oublie  trop  souvent;  et  pourtant  ce  n'est  qu'en  s'appuyant  sur 
ce  point  qu'on  peut  aborder  l'étude  des  différences  individuelles 


4ùU  REVUES    GÉNÉRALES 

pour  des   processus  supérieurs,  comme  nous  essayerons  de  le 
montrer  à  la  fin. 

Le  psychologue  américain  Jastrow  s'est  occupé  depuis  bien 
des  années  des  «  mental  tests  »  ;  il  a  écrit  plusieurs  études  à  ce 
sujet  [New  Review.  Amer.  J.  of  Psych.,  IV,  etc.);  mais  la  série 
de  test  la  plus  complète  qu'il  ait  employée  Ta  été  à  l'exposi- 
tion de  Chicago.  On  trouvera  la  description  détaillée  de  ces 
tests  dans  le  premier  volume  de  VAnnée  psychologique, 
page  o:23.  Quoique  l'auteur  réserve  plus  de  place  aux  processus 
supérieurs,  à  la  mémoire  surtout,  que  les  deux  auteurs  précé- 
dents, il  porte  encore  trop  son  attention  sur  les  sensations  ; 
la  plupart  des  tests  se  rapportent,  en  elTet.  à  des  sensations 
et  à  des  mouvements  simples  ;  parmi  les  processus  supérieurs 
il  ne  s'occupe  que  de  la  mémoire  des  sensations  simples. 

Passons  à  la  série  des  tests  proposée  par  Krœpelin  ;  le  pro  • 
fesseur  de  psychiatrie  de  Ileidelberg  a  déjà  dans  des  mé- 
moires antérieurs  porté  l'attention  sur  l'importance  que  la 
psychologie  individuelle  peut  jouer  pour  la  pratique  ;  sous  sa 
direction  a  été  fait  un  travail,  en  1889,  par  Oehrn  sur  la  psycho- 
logie individuelle  ;  dans  son  article  «  der  psychologische  Versuch 
in  t/er  Psychiatrie  »  paru  en  1893  dans  ses  Psychologische  Ar- 
heiten,  il  a  développé  et  complété  les  notions  qu'il  profasse 
depuis  longtemps  ;  il  propose  dans  ce  mémoire  une  série  de 
tests  qui  suffiraient,  d'après  lui,  pour  avoir  une  idée  suffisante 
sur  les  facultés  de  travail  d'un  individu  [LeistungsJ'dhigeil)  ; 
ce  sont  ces  facultés  qui  caractérisent,  d'après  lui,  le  mieux 
un  individu  ;  voici  la  liste  de  ces  facultés  : 

1'^  La  faculté  de  Vexercice;  pour  la  mesurer  l'auteur  proj)Ose 
de  faire  des  additions  pendant  une  heure,  par  exemple,  et  de 
voir  après  un  repos  de  un  quart  d'heure  si  les  additions  se  font 
plus  vite  et  de  combien  ;  ou  bien  faire  apprendre  des  séries  de 
1^  chiffres  et  voir  si,  après  un  certain  temps,  on  les  apprend 
plus  vite  et  de  combien. 

2"  La  persistance  de  l'exercice  acquis  ;  il  s'agit  de  savoir 
combien  de  temps  l'exercice  acquis  pour  le  calcul  mental,  par 
exemple,  persiste  ;  l'auteur  remarque  qu'il  y  a  ici  une  grande 
ressemblance  avec  la  mémoire  ;  ce  serait,  dit-il,  une  mémoire 
générale  {Generalgeddch tu iss) . 

?)"Ventrainemenl{Anregung).  L'auteur  déduit  des  expériences 
qu'il  a  faites  sur  les  effets  du  repos,  que  le  repos  n'a  pas  tou- 
jours pour  conséquence  de  faciliter  le  travail  ;  bien  au  contraire 
lors([ue  ce  repos  est  très  court  (jusqu'à  o  minutes)  et  lorsqu'on 


A.    BINET    ET    V.    HENRI.  —  LA    PSYCHOLOGIE   INDIVIDUELLE      431 

n'est  pas  encore  fatigué,  il  allonge  le  temps,  puisqu'on  perd 
cet  entraînement  général,  cette  excitation  dans  laquelle  on 
entre  lorsqu'on  fait  un  travail  ;  cette  faculté  d'entraînement  est 
en  étroite  liaison  avec  l'intérêt  qu'on  prête  aux  expériences,  elle 
augmente  avec  ce  dernier. 

^°  La.  fatigue  ;  on  remarque  différents  types  d'individus  sui- 
vant la  manière  dont  se  produit  la  fatigue,  les  uns  se  fatiguent 
brusquement,  les  autres  lentement. 

'•)°  Le  repos,  soit  ù  l'état  de  veille,  soit  sous  la  forme  du 
sommeil. 

6'^  La  distraction  ;  l'auteur  porte  son  attention  sur  ce  <(u'il 
existe  des  personnes  qu'aucun  bruit,  aucun  phénomène  ne  dis- 
trait de  leur  travail  ;  d'autres,  au  contraire,  sont  dérangés  par 
le  moindre  bruit;  pour  étudier  ces  différences,  l'auteur  pro- 
pose de  produire  différentes  causes  de  distraction  pendant 
qu'on  fait  des  additions. 

7'^  Vhabitude.  Les  différentes  causes  de  distraction  n'ont  pas 
une  influence  persistante,  le  sujet  s'y  habitue  et  son  attention 
n'est  pas  troublée  par  ces  causes  ;  on  peut  donc  avoir  une  idée 
de  la  manière  dont  l'habitude  se  produit  en  étudiant  la  persis- 
tance de  l'action  des  différentes  causes  de  distraction. 

8"  La  mémoire  partielle.,  qu'on  détermine  en  observant  le 
nombre  d'impressions  qui  peuvent  être  retenues  après  un  temps 
donné. 

Ceci  étant  posé,  l'auteur  décrit  comment  il  conduit  les  expé- 
riences chez  un  même  individu,  pour  étudier  chez  lui  ces  difle- 
rentes  facultés  ;  l'épreuve  est  faite  pendant  cinq  jours  de  suite, 
une  heure  chaque  jour,  ce  qui  fait  en  tout  cinq  heures  pour 
un  seul  individu  ;  le  premier  jour,  l'individu  doit  faire  pen- 
dant une  heure  sans  interruption  des  additions  de  nombres 
de  un  chiffre  ;  le  nombre  des  fautes  et  la  vitesse  des  calculs 
donnent,  d'après  Kra^pelin,  une  idée  de  la  vitesse  et  de  l'exac- 
titude avec  laquelle  des  associations  simples  peuvent  être  évo- 
quées ;  la  comparaison  de  la  vitesse  des  calculs  à  la  fin  de 
l'heure  avec  la  vitesse  des  calculs  faits  le  jour  suivant  tout  au 
début  montre  le  degré  de  fatigue  de  l'individu. 

Le  deuxième  jour,  l'individu  doit  faire  d'abord  des  additions 
comme  le  premier  jour  pendant  une  demi-heure  ;  la  difl'érence 
dans  la  vitesse  de  ces  calculs  avec  celle  des  calculs  effectués 
pendant  la  première  demi-heure  du  premier  jour  donne  une 
idée  de  la  faculté  ^exercice  de  l'individu  ;  pendant  la  deuxième 
demi-heure  l'individu  d^it  de  nouveau  faire  des  additions  aiia- 


432  REVUES   GÉNÉRALES 

logiies,  seulement  on  le  distrait  en  lui  lisant  quelque  chose  à 
haute  voix  ;  la  variation  dans  la  vitesse  des  calculs  nous  ren- 
seigne, d'après  l'auteur,  sur  la  facilité  de  distraction  [Ahlenk- 
barkeit)  de  l'individu  ;  enfin  la  différence  des  calculs  au  début 
de  cette  demi-heure  et  à  la  fin  montre  comment  se  comporte  la 
faculté  dliabitude  chez  l'individu. 

Le  troisième  jour,  on  fait  de  nouveau  faire  à  l'individu  des 
additions  pendant  une  heure  en  faisant  des  pauses  de  repos  de 
€inq  minutes  après  chaque  quart  d'heure  de  travail  inititerrompu. 
Les  comparaisons  des  vitesses  à  la  fin  de  chaque  quart  d'heure 
et  au  début  du  suivant  renseignent  sur  la  faculté  de  rejjos  de 
l'individu. 

Lequatrième  jour,  l'individu  doit  pendant  une  heure  apprendre 
par  cœur  des  séries  de  douze  chiffres  ;  la  comparaison  des 
vitesses  à  la  fin  de  l'heure  avec  celle  au  début  de  l'heure  du 
cinquième  jour  donne  un  renseignement  sur  le  degré  de 
fatigue  chez  l'individu  ;  la  vitesse  des  répétitions  des  séries 
apprises  indique  la  manière  d'apprendre  :  sensorielle  si  "^s 
répétitions  sont  lentes,  motrice  si  elles  sont  rapides.      ..p^'" 

Enfin  le  cinquième  jour  on  varie  un  peu  :  le  sujet  doit'd'abord 
apprendre  pendant  une  demi-heure  des  séries  de  douze  chiffres 
et  puis  faire  pendant  une  demi-heure  des  additions.  On  en 
déduit  l'influence  de  Vexercice. 

Il  est  vrai  queKriepelin  admet  que  les  expériences  de  ce  genre 
ne  peuvent  pas  amener  à  des  résultats  précis  et  exacts,  mais 
nous  croyons  que  c'est  une  grande  perte  inutile  de  temps  que 
de  faire  de  pareilles  expériences.  D'abord  elles  ne  sont  pas 
pratiques,  l'auteur  parle  partout  de  la  faculté  d'exercice,  de  la 
fatigue,  de  l'entrainement,  etc.,  mais  il  ne  dit  pas  un  mot  de 
l'influence  de  l'ennui  ;  en  effet,  faire  des  additions  pendant  une 
heure  et  cela  trois  jours  de  suite,  il  faut  avoir  bien  de  la  patience 
et  de  la  bonne  volonté  pour  exécuter  consciencieusement  un 
pareil  travail  ;  la  plupart  des  personnes  ({u'on  soumet  aux 
expériences  de   psychologie  individuelle  ne  reviendraient  pas  -^ 

le  second  jour  au  laboratoire.  Ces  expériences  sont  trop 
ennuyeuses,  elles  preiment  trop  de  temps  en  comparaison  des 
résultats  minimes  qu'elles  peuvent  donner,  et  enlin  elles  sont 
trop  partielles,  elles  ne  peuvent  pas  du  tout  caractériser  un 
individu.  En  somme,  nous  ne  croyons  pas  que  de  pareils  tests 
puissent  être  pratiques  ;  d'abord  il  faut  toujours  se  rappeler 
qu'on  n'a  le  plus  souvent  l'occasion  d'examiner  une  personne 
^{ue  pendant  un  temps  limité,  on  ne  peut  pas  la  faire  revenir 


A.    BINRT    KT   V.    UENRI.  —  LA    PSYCHOLOGIE   INDIVIDUELLE      433 

au  laboratoire  pendant  un  mois  par  exemple  ;  il  faut  donc 
choisir  des  tests  dont  l'examen  ne  dure  pas  longtemps  :  une 
heure  ou  une  heure  et  demie  au  plus  pour  l'ensemble  de  tous 
les  tests  ;  ce  n'est  que  dans  ces  conditions  que  les  tests  choisis 
peuvent  être  pratiques. 

Nous  terminons  par  l'indication  des  recherches  de  Gilbert, 
qui  diffèrent  des  précédentes  en  ce  qu'elles  ont  été  faites  sur 
des  enfants,  et  surtout  en  ce  qu'elles  ont  donné  des  résultats 
appréciables  ;  onze  tests  ont  été  emploj^és  ;  trois  sont  sur  le 
poids,  la  taille,  la  capacité  pulmonaire,  indiquant  des  qualités 
purement  physiques,  mais  pouvant  influencer  grandement,  la 
dernière  surtout,  l'énergie  morale  des  individus  ;  deux  sur  des 
sensations,  le  sens  musculaire  et  la  perception  des  couleurs; 
une  sur  l'habileté  motrice,  mesurée  par  la  faculté  de  frapper 
des  coups  rapides  ;  deux  sur  les  temps  de  réaction  simple  et 
avec  choix  ;  une  sur  la  mémoire,  et  une  sur  la  force  de  sugges- 
tion. Ce  dernier  test,  qui  est  le  plus  original  de  tous,  est  presque 
identique  avec  les  expériences  que  nous  avons  faites  nous- 
mêmes  sur  la  suggestibilité  naturelle  des  jeimes  enfants.  Les 
résultats  obtenus  par  Gilbert  au  moyen  de  ses  nombreuses 
expériences  montrent  qu'à  tous  les  points  de  vue  étudiés  les 
enfants  les  plus  jeunes  diffèrent  de  leurs  aînés  en  degré  ;  ils 
perçoivent  moins  bien,  ils  réagissent  moins  bien,  etc.,  avec 
cette  particularité  uniforme  qu'il  y  a  au  moment  de  la  puberté 
un  retard  intellectuel.  Le  même  schéma  conviendrait  pour 
représenter  toutes  les  espèces  de  résultats.  Cependant,  il  est 
incontestable  que  ces  recherches  ne  nous  donnent  pas  toutes 
les  différences  de  l'enfant  et  de  l'adulte. 

L'enfant  a  non  seulement  une  moindre  mémoire,  une  moindre 
habileté  motrice,  une  moindre  attention,  mais  il  a  aussi,  vrai- 
semblablement, une  manière  à  lui  de  penser,  de  raisonner,  de 
vouloir,  de  se  souvenir.  C'est  ce  que  les  recherches  de  Gilbert 
ne  nous  disent  pas  ;  et  il  serait  important  cjue  les  tests  ne  se 
réduisissent  pas  à  nous  faire  connaître  des  différences  de  degré. 

Nous  sommes  à  la  fin  de  notre  historique  ;  on  voit  combien 
les  essais  de  tests  proposés  jusqu'ici  sont  incomplets  et  sont 
même  impraticables. 

Il  serait  trop  long  de  revenir  en  détail  sur  les  méthodes  à 
suivre  dans  les  recherches  de  psychologie  individuelles,  nous 
en  avons  parlé  déjà  bien  longuement  ;  nous  nous  arrêterons 
seulement  sur  les  méthodes  des  «  mental  tests  ».  Nous  croyons 
que  cette  méthode  peut  jouer  dès  maintenant  un  certain  rôle 

ANNÉE    PSYCHOLOCKJIE.  28 


434  REVUES    GÉNÉRALES 

pratique  ;  on  ne  peut  pas  attendre  que  l'étude  scientifique  soit 
poussée  assez  loin  pour  nous  indiquer  quels  sont  les  processus 
les  plus  importants  qu'il  suffît  d'étudier  pour  caractériser  la 
personne  ;  il  faut  chercher  si  avec  les  connaissances  et  les 
moyens  que  nous  possédons  à  l'état  actuel  nous  ne  pouvons 
pas  déjà  déterminer  des  séries  d'épreuves  à  faire  sur  un  individu 
pour  le  distinguer  des  autres,  et  pour  pouvoir  en  déduire  quel- 
ques conclusions  générales  relativement  à  certaines  habitudes 
et  facultés  de  cet  individu.  La  chose  nous  paraît  possible  en 
quelque  mesure.  11  faut  tout  d'abord  distinguer  les  cas  où  on  a 
à  examiner  des  personnes  appartenant  à  un  même  milieu, 
exerçant  la  même  profession,  et  où  on  se  propose  de  les  com- 
parer entre  elles  pour  déterminer  leurs  difl'érences  individuelles 
les  plus  importantes  et  les  plus  caractéristiques;  ces  cas  doi- 
vent être  traités  à  part  de  ceux  où  on  voudra  comparer  entre 
eux  des  individus  qui  exercent  des  professions  difîérentes  ;  ainsi 
par  exemple,  il  faudra  employer  d'autre  lests  dans  la  compa- 
raison de  deux  étudiants  de  la  même  faculté  et  dans  la  com- 
paraison d'un  prestidigitateur  avec  un  des  étudiants  ;  cela  est, 
croyons-nous,  évident;  ensuite  les  tests  doivent  être  appropriés 
au  milieu  et  aux  occupations  journalières  des  individus  ;  on  ne 
pourra  pas  employer  les  mêmes  tests  pour  comparer  entre  eux 
deux  maçons  que  pour  comparer  deux  étudiants  ou  deux  enfants 
d'une  école. 

Les  études  de  psychologie  individuelle,  qui  sont  une  des 
plus  importantes  applications  pratiques  de  la  psychologie,  puis- 
qu'elles ont  pour  but  de  connaître  les  individus,  doivent  être 
envisagées  et  dirigées  d'après  le  but  qu'on  se  propose  d'at- 
teindre ;  il  y  a,  semble-t-il,  quatre  directions  principales  dans 
lesquelles  on  peut  s'engager  :  l'étude  des  races,  l'étude  des 
enfants,  l'étude  des  malades,  l'étude  des  criminels.  Notre  tra- 
vail se  diviserait  donc  en  quatre  parties,  l'une  surtout  ethnique, 
la  seconde  surtout  pédagogique,  la  troisième  surtout  médicale, 
la  quatrième  surtout  juridique  et  criminologique  ;  le  nombre  et 
la  nature  des  tests  varient  nécessairement  dans  ces  quatre  cas. 
Ps'ous  ne  pouvons  pas  entrer  dans  tant  de  détails,  et  nous  expo- 
serons ici  simplement  les  grands  lignes  du  sujet.  Il  faudra 
ensuite,  à  une  autre  occasion,  reprendre  les  subdivisions  que 
nous  venons  d'indiquer'. 

(1)  La  nieillcuro  inaniùi-e  de  luire  avaiiecr  la  (|iiesti(>n,  ce  serait  que  les 
instiliitcui's,  les  antlirojxijogistes,  les  professeurs  lie  philosophie,  les  cli- 
nieiens,    et  siuloiil    les  cliers   de   services  d'alir'nés    fissent  l'essai  de  nos 


A.    BINET   ET   V.    HENRI.  —  LA    PSYCnOLOGIE    INDIVIDUELLE      435 

Nous  rappelons  encore  une  fois  que  le  but  poursuivi  n'est 
pas  de  déterminer  toutes  les  différences  entre  les  facultés  psy- 
chiques de  deux  ou  plusieurs  individus,  mais  de  déterminer  les 
différences  les  plus  fortes  et  les  plus  importantes  ;  les  tests 
doivent  nous  apprendre  quels  sont  les  traits  caractéristiques 
({ui  distinguent  deux  individus  entre  eux  et  non  quels  sont  tous 
les  traits  de  ces  individus.  C'est  là  une  règle  qui  n'a  été  con- 
sidérée et  suivie  par  aucun  auteur  ;  en  effet,  s'ils  l'avaient  eue 
bien  présente  à  l'esprit,  ils  n'auraient  pas  posé  tant  de  tests  pour 
la  détermination  des  sensations  et  des  processus  les  plus  élé- 
mentaires. Il  faut  donc  porter  l'attention  sur  les  facultés  psy- 
chiques supérieures.  Rappelons  qu'il  ne  faut  pas  s'arrêter  devant 
la  difficulté  que  ces  facultés  ne  peuvent  pas  être  déterminées 
avec  autant  de  précision  que  les  facultés  élémentaires  ;  on  n'a 
pas  besoin  de  tant  de  précision  puisque  les  différences  indi- 
viduelles sont  fortes. 

Nous  proposons  l'étude  des  dix  processus  suivants  : 

Mémoire,  nature  des  images  mentales,  imagination,  attention, 
faculté  de  comprendre,  suggestibilité,  sentiment  esthétique, 
sentiments  moraux,  force  musculaire  et  force  de  volonté,  habi- 
leté et  coup  d'œil  K 

Ce  sont,  croyons-nous,  des  facultés  psychiques  qui  diffèrent 
beaucoup  d'un  individu  à  l'autre,  et  telles  que  la  connaissance 
de  leur  état  pour  un  individu  nous  donne  une  idée  générale  de 
cet  individu,  nous  permettent  de  le  distinguer  des  autres  indi- 
vidus appartenant  au  même  milieu. 

Comment  donc  déterminer  l'état  de  ces  différentes  facultés 
chez  un  individu?  Il  faut  d'abord  que  les  méthodes  soient 
simples,  et  ne  prennent  pas  trop  de  temps  ;  ensuite  il  faut, 
autant  que  possible,  que  les  moyens  de  détermination  soient 
indépendants  de  la  personne  de  l'expérimentateur;  il  faut  qu'on 
puisse  comparer  entre  eux  les  résultats  obtenus  par  un  obser- 
vateur avec  ceux  obtenus  par  d'autres. 

tests  sur  les  sujets  qu'ils  ont  à  leur  disposition.  Nous  serons  très  heureux 
d'entrer  en  relation  avec  eux,  de  leur  donner  tous  les  renseignements 
(■ouipléuienlaires  dojil  ils  auront  besoin-,  et  de  prendre  C(uinaissauce  de 
leurs  résultats.  Nous  les  prions  d'adresser  direclcnienl  leurs  ccuiununicu- 
tions  à  M.  liinet,  Sorboiine,  Paris. 

(1)  Nous  supposons,  dans  tout  ce  qui  va  suivre,  que  l'expcrinicntateur 
examine  un  sujet  sur  la  conduite  et  rexistence  duquel  il  n'a  aucun  ren- 
seignement ;  s'il  en  est  autrement,  si  par  exemple  il  s'agit  d'un  criminel 
ayant  commis  un  acte  matériellcmenl  pruuvê,  il  devient  de  prime  impor- 
tance d'étudier  cet  acte  <|ui,  mieux  qu'un  examen,  peut  révéler  une  partie 
de  la  personnalité  de  sua  auti-ur. 


436  REVUES  GÉNÉRALKS 

I 

MÉMOIRE 

Il  faut  étudier  de  très  près  dans  toutes  ses  formes,  et  autant 
que  possible  mesurer  la  mémoire  de  chaque  individu,  parce  que 
la  mémoire  joue  un  rôle  considérable  dans  toute  notre  vie,  et 
parce  que,  d'autre  part,  elle  diffère  beaucoup  d'un  individu  à 
l'autre.  Voici,  en  résumé,  quels  enseignements  peuvent  être 
tirés  d'un  examen  de  la  mémoire  :  a)  le  pouvoir  général  d'ac- 
quisition d'un  individu  ;  il  est  certaines  personnes  atteintes  de 
ce  qu'on  a  appelé  «  l'amnésie  continue  »  (Janet),  c'est-à-dire 
qui  oublient  à  mesure  qu'elles  apprennent  ;  d'autres,  sans  avoir 
une  débilité  aussi  caractérisée,  retiennent  mal  et  peu;  des  expé- 
riences précises  peuvent  attester,  le  degré  de  cette  amnésie, 
même  quand  elle  est  faible  ;  b)  le  pouvoir  de  concentration 
volontaire  de  l'attention  -,  toutes  les  expériences  de  mémoire  se 
font  par  un  appel  à  l'attention  volontaire,  et  le  résultat  dépend 
autant  de  l'attention  que  de  la  mémoire  ;  quand  deux  personnes 
essayent  de  retenir  des  chiffres  prononcés  ou  lus  une  seule 
fois,  que  l'une  en  retient  4  et  l'autre  7  après  une  seule  audi- 
tion, cette  différence  de  trois  chiffres  ne  peut  pas  être  mise  seu- 
lement sur  le  compte  d'une  inégalité  de  mémoire,  mais  l'iné- 
galité d'attention  y  prend  une  part  importante  ;  c)  les  goûts  et 
tendances  de  l'individu  ;  nous  avons  parlé  plus  haut  des 
mémoires  partielles,  locales,  qui  peuvent  être  indépendantes 
les  unes  des  autres  ;  certains  individus  ont  surtout  la  mémoire 
des  chiffres,  d'autres  celle  des  couleurs,  d'autres  celle  de  la 
musique,  du  rythme,  des  émotions,  etc.  Il  est  probable  que  le 
développement  d'un  genre  particulier  de  mémoire  exprime  une 
tendance  de  l'individu,  qu'une  mémoire  des  couleurs  à  la  fois 
exacte  et  riche  est  une  des  qualités  du  peintre',  etc.;  l'étude 
des  mémoires  partielles  devient,  quand  on  l'envisage  à  ce  point 
de  vue,  un  moyen  de  découvrir  les  aptitudes,  souvent  cachées; 
d)  la  nature  des  erreurs  commises  par  une  personne  en  cher- 
chant à  fixer  un  souvenir  dont  elle  n'est  pas  certaine  indique 

(1)  M.  Arréal  a  fait  celte  observation  fort  curieuse  que  les  écrits  des' 
peintres  (P'ronientiu,  par  exemple)  rcurcrnient  un  nombre  considérable- 
ment plus  grand  d'épilhètes  colorées  que  les  écrits  des  littérateurs  qui 
passent  pour  des  coloristes  (par  exemple  Victor  Hugo). 


V 

'4 


A.    BINliT    ET   V.    HENRI.  —  LA    PSYCHOLOGIE   INDIVIDUELLE      437 

la  tendance  générale  de  son  esprit.  Un  esprit  bien  coordonné 
devrait,  toutes  les  fois  qu'une  lacune  de  mémoire  se  présente, 
la  percevoir  et  la  mesurer;  d'ordinaire,  et  sans  en  avoir  une 
conscience  bien  claire,  on  a  une  tendance  à  suppléer  aux 
lacunes  de  mémoire  ;  cette  tendance,  chez  les  esprits  qui  ont 
beaucoup  d'imagination  et  peu  de  discernement,  est  portée  au 
point  de  fausser  complètement  la  sûreté  des  souvenirs.  Au 
point  de  vue  médico-légal,  cette  question  est  importante  pour 
la  valeur  des  témoignages.  Dans  des  expériences  inédites  sur 
la  mémoire  nous  avons  rencontré  quelques  exemples  de  ces 
erreurs  par  substitution  ou  imagination;  ainsi  une  personne 
à  qui  on  lit  une  histoire  de  quatre  lignes  se  passant  rue  des 
Pyramides,  ajoute  en  répétant  de  mémoire  :  rwe  des  Pyra- 
mides, n°  7.  Cette  même  personne  dans  une  expérience  ana- 
logue, répétant  l'histoire  de  l'arrestation  d'un  individu  ajoute  : 
«  un  individu  très  bien  mis  »,  etc.'  ;  e)  le  dernier  point  que 
nous  avons  à  signaler  est  peut-être  le  plus  important  ;  l'étude 
de  la  mémoire  peut  nous  renseigner  sur  la  faculté  de  com- 
prendre ;  la  mémoire  en  effet  n'est  pas  une  simple  fixation 
de  sensations,  c'est  un  processus  plus  intellectuel,  qui  con- 
siste à  coordonner  la  sensation  et  à  la  pénétrer  d'intelligence  : 
on  retient  surtout  bien  ce  qu'on  a  compris.  L'immense  avan- 
tage de  la  mnémotechnie  est  de  rendre  intelligible  ce  qui  sans 
son  secours  reste  à  l'état  brut;  pour  les  chiffres,  par  exemple, 
on  peut  en  retenir  plus  de  cent  par  la  mnémotechnie,  tandis 
qu'on  n'en  retiendrait  dans  le  même  temps  guère  plus  de 
10  à  lo  avec  la  mémoire  naturelle.  On  nous  a  rapporté  le 
fait  suivant,  que  nous  tenons  pour  véridique  :  M.  Inaudi,  le 
célèbre  calculateur  qui  possède  une  mémoire  énorme  déchiffres, 
a  pour  ami  un  mnémotechnicien  fort  habile;  parfois,  ils  font  la 
gageure,  se  trouvant  ensemble,  de  retenir  les  numéros  de 
fiacres  qui  passent;  tous  deux  y  arrivent  aussi  vite,  avec  des 
procédés  tout  différents  ;  huit  jours  après,  Inaudi  ne  se  rap- 
pelle plus  rien,  et  le  mnémotechnicien  se  souvient  encore. 
On  ne  pourrait  pas  citer  un  meilleur  argument  en  faveur  de  la 
mnémotechnie.  Pour  en  revenir  à  la  mémoire,  on  doit  poser 
en  règle  qu'on  retient  d'autant  mieux  qu'on  a  mieux  compris. 
Montrons  un  modèle  de  lignes  à  retenir  :  si  la  figure  est  com- 
plexe,  il   faut   l'avoir    analysée,    c'est-à-dire  s'en   être  rendu 

(I)  Viiir  aussi  dans  noire  arlirlo  sur  la    luijiiiuire 'des  phrases    (Année 
psijcii.,  I,  p.  16)  quelques  e.teiuples  aualugues. 


438  REVL'ES    GÉNÉRALES 

compte,  l'avoir  comprise,  pour  la  reproduire  exactement  de 
mémoire.  Ecoute-t-on  une  phrase  musicale,  si  on  ne  la  com- 
prend pas.  si  on  ne  perçoit  qu'une  série  incohérente  de  sons, 
on  ne  la  retient  pas  ;  pour  la  retenir,  il  faut  l'avoir  comprise, 
l'avoir  découpée  dans  son  esprit,  avoir  saisi  le  moment  où  la 
phrase  se  termine,  et  le  moment  où  elle  est  encore  en  suspens. 
Mais  l'exemple  le  plus  frappant  de  cette  subordination  de  la 
mémoire  à  la  compréhension  est  peut-être  celui  de  la  mémoire 
des  phrases  ;  lisez  un  passage  de  logique  à  un  individu  de  demi- 
culture,  il  pourra  affirmer  avoir  compris  ;  si  réellement  il  n'a 
pas  pu  suivre  la  suite  des  raisonnements,  l'épreuve  de  mémoire 
le  montrera  avec  évidence,  et  l'amour-propre  du  sujet  se  trou- 
vera en  sécurité,  car  il  ne  manquera  pas  d'accuser  sa  mémoire  : 
«  On  se  plaint  de  sa  mémoire,  dit  La  Rochefoucauld,  on  ne  se 
plaint  pas  de  son  jugement.  » 

Voici  les  mémoires  partielles  qu'il  nous  paraît  utile  d'é- 
tudier. 

1)  Mémoire  visuelle  d'un  dessin  géomélrique ;  on  montre 
pendant  un  temps  déterminé  un  dessin  géométrique  et  le  sujet 
doit,  après  un  intervalle  de  quelques  secondes,  le  reproduire  de 
mémoire  ;  des  expériences  faites  sur  les  élèves  du  lycée  de 
Leipzig  ont  montré  qu'il  existe  des  différences  individuelles 
très  considérables  ;  nous  donnons  le  modèle  (fig.  81)  montré 


Fig.  81.  —  Modèle. 

aux  élèves  et  les  trois  formes  principales  de  reproduction  de 
mémoire  qui  ont  été  faites  (fig.  8:2,  83  et  84). 

On  peut,  suivant  les  résultats,  voir  jusqu'à  quel  point  l'ana- 
lyse des  figures  a  été  poussée,  ou  quel  est  l'élément  qui  a  le 
plus  frappé  les  élèves. 

2)  Mémoire  d'une  phrase  ;  on  prendra  une  phrase  choisie 
convenablement,  de  60  mots  environ,  le  sujet  devra  la  lire  lui- 


A.    BINET    DT    V.    UEXRI.   —  LA    PSYCHOLOGIE    INDIVIDUELLE 


^39 


même  une  fois,  avec  une  vitesse  naturelle,  qu'on  marquera; 
ensuite  il  devra  écrire  la  phrase  de  mémoire  ;  on  marquera  le 
temps;  ceci  fait,  il  devra  indiquer  les  endroits  dont  il  est  abso- 
lument sur,   ceux  dont  il  est  presque  sûr,   ceux  dont  il  doute 


Fig.  82.  —  Kepi'ûiluctirtii  do  niéinoirc. 


et^enfin  ceux  qu'il  sait  être  faux.  On  fera  l'expérience  pour  une 
série  de  phrases,  présentant  une  augmentation  progressive 
du  caractère  logique  et  abstrait. 

Nous  donnons  ci-après,  à  titre  d'exemple,  un  modèle  de 
dictée  faite  dans  une  école  ;  le  morceau  a  été  lu  une  seule  fois, 
et  les  élèves  ont  dû  le  reproduire  de  mémoire. 


Fig.  83. 


Reproduction  de  inéinoire. 


€  J'ai  vu  hier  M.  Pierre  Corneille,  notre  parent  et  ami.  Nous 
sommes  sortis  ensemble  après  le  diner  et,  en  passant  par  la 
rue  de  la  Parchemincrie,  il  est  entré  au  n°  39  dans  une  bou- 
tique pour  faire  raccommoder  sa  chaussure  qui  était  décousue. 
Il  s'est  assis  modestement  sur  une  planche,  et  moi  auprès  de 
lui  ;  et,  lorsque  l'ouvrier  eut  fini,  il  lui  a  donné  six  pièces  de 
cuivre  qu'il  avait  dans  sa  poche...  J'ai  pleuré  qu'un  si  grand 
génie  fût  réduit  à  cet  excès  de  misère.   » 

Voici  la  copie  d'un  élève  de  la  (juatrième  classe  :  «  Hier  j'ai 


440  REVUES  GÉNÉRALES 

VU  M.  Cornet  aller  chez  un  marchand  de  chaussures  faire 
raccommoder  ses  souliers,  au  n°  39,  rue  des  Parchemineries  ; 
je  l'ai  vu  donner  six  pièces  de  cuivre  et  ça  me  fesait  de  la 
peine.  » 

Cet  élève  n'a  pas  compris  ou  n'a  pas  su  expliquer  le  sens  du 
du  morceau. 


Fig.  84.  —  lleproduotioii  de  mémoire. 

Voici  un  élève  de  la  deuxième  classe.  Non  seulement  il  n'a 
pas  saisi  le  côté  sentiment,  mais  il  n'a  pas  compris  les  détails 
matériels  de  la  scène  :  «  J'ai  vu  hier  M.  Pierre.  Après  avoir 
dîné  nous  sommes  allés  nous  promener;  en  passant  rue  de  la 
Parcheminerie  M.  Pierre  est  entré  dans  la  boutique  d'un  cor- 
donnier et  a  fait  raccommoder  son  soulier  qui  était  décousu; 
nous  étions  assis  sur  une  modeste  planche  et  quand  l'ouvrier 
eut  fini  sa  besogne,  il  tirade  sa  poche  des  morceaux  de  cuir 
qu'il  tendit  à  M.  Pierre.  » 

Un  autre  élève  de  la  deuxième  classe  a  mieux  compris  le  fait 
matériel,  mais  il  l'a  mal  interprété;  il  n'indique  aucun  senti- 
ment de  pitié  ou  d'attendrissement  :  «  Hier  j'ai  rencontré 
M.  Pierre  qui  passait  dans  la  rue  de  la  Parcheminerie,  n°  32. 
Il  est  entré  chez  un  cordonnier  pour  faire  raccommoder  sa 
chaussui-e  qui  était  décousue.  Il  avait  dans  sa  poche  six  pièces 
de  cuivre  qu'il  donna  au  cordonnier.  Il  se  croyait  plus  riche 
que  cela.  » 

Pour  terminer,  voici  la  copie  d'un  enfant  de  la  quatrième 
classe,  qui  a  parfaitement  compris  et  bien  exprimé.  «  J'ai  été 
hier  chez  M.  Corneille,  nous  sommes  sortis  après  le  dîner, 
et  en  passant  rue  de  la  Parcheminerie,  il  est  entré  au  n°  39' 
chez  un  cordonnier  pour  faire  ressemeler  sa  chaussure,  il 
s'assit  posément  sur  une  planche,  moi  je  me  mis  à  côté  de  lui,^ 
et  quand  l'ouvrier  eut  fini,  il  lui  donna  six  pièces  de  cuivre. 


A.    BINET   ET   V.    HENRI.  —  LA   PSYCHOLOGIE  INDIVIDUELLE      4il 

qu'il  avait  dans  sa  poche.  J'ai  été  étonné  quand  j'ai  vu  un  si 
grand  génie  réduit  à  une  telle  misère.   » 

Quelle  différence  entre  la  copie  de  cet  élève,  et  celle  du 
précédent,  qui  est  en  deuxième  classe,  qui  est  par  conséquent 
bien  plus  avancé  dans  ses  études! 

3)  Mémoire  musicale;  on  joue  quelques  notes  d'un  morceau 
et  on  prie  le  sujet  de  le  reproduire  par  la  voix  ou  sur  un  ins- 
trument; le  morceau  choisi  doit  être  simple,  et  on  le  fait  suivre 
de  morceaux  plus  difficiles. 

4)  Mémoire  des  couleurs:  on  montre  au  sujet  une  teinte  et 
après  quelques  secondes,  —  il  vaut  mieux  choisir  un  intervalle 
plus  long  (30  secondes  par  exemple)  parce  qu'alors  les  diffé- 
rences individuelles  apparaissent  mieux,  —  le  sujet  doit  retrou- 
ver cette  teinte  dans  une  série  bien  graduée  ;  expérience  à  faire 
au  moins  pour  trois  teintes  différentes  '. 

Au  lieu  de  faire  retrouver  la  teinte  montrée  dans  une  série 
graduée,  on  peut  prier  le  sujet  de  reproduire  la  teinte  montrée  ; 
on  emploiera  pour  cela  des  disques  rotatifs  :  l'un,  le  modèle,  con- 
tiendra par  exemple  trois  de  rouge  et  deux  de  blanc,  l'autre 
ayant  du  rouge  et  du  blanc,  et  le  sujet  devra  augmenter  le 
rouge  et  le  blanc  de  façon  à  obtenir  une  teinte  égale  au  modèle. 
Nous  croyons  que  le  premier  dispositif  est  préférable,  à  la 
condition  qu'on  ait  une  bonne  série  de  teintes  graduées,  con- 
tenant par  exemple  2o  à  30  teintes  pour  chacune  des  couleurs 
rouge,  bleu,  etc. 

Ces  expériences  ont  déjà  été  entreprises  au  laboratoire  de  la 
Sorbonne,  il  y  a  trois  ans,  avec  un  dispositif  différent  et  un  peu 
plus  compliqué,  qui  consistait  essentiellement  à  retenir  une 
teinte  complexe,  formée  par  la  superposition  de  hachures  de 
couleurs  différentes  ;  après  avoir  retenu  cette  teinte,  il  fallait 
la  retrouver  dans  une  planche  qui  contenait  une  cinquantaine 
de  teintes  différentes.  Cette  épreuve  a  été  essayée  sur  des  étu- 
diants de  la  Sorbonne,  sur  des  peintres,  sur  des  artistes  de 
la  manufacture  des  Gobelins  et  sur  des  élèves  de  l'Ecole  des 
arts  décoratifs  ;  le  nombre  des  erreurs  commises  a  constam- 
ment été  plus  faible  chez  les  peintres,  les  artistes  des  Gobelins 
et  les  élèves  des  arts  décoratifs  que  chez  les  étudiants  de  la 
Sorbonne  ;  ce  résultat  confirme  bien  la  proposition  que  nous 
avons  avancée  plus  haut  :  l'étude  des  mémoires  partielles,  disions- 
nous,  peut  renseigner  sur  les  aptitudes  des  individus. 

(1)  On  peut  employer  à  cet  elfet  des  feuilles  colorées  de  gélatine,  (|ii'ou 
fait  regarder  par  transparence  ou  réflexion. 


442 


REVUES    GENERALES 


5)  Mémoire  des  chiffres.  Nombre  de  répétitions  ou  temps 
nécessaire  pour  apprendre  une  série  de  douze  chifl'res,  de  faron 
a  pouvoir  la  répéter  une  fois  sans  faute. 


II 


NATURE   DES    IMAGES    MENTALES 


On  sait,  d'après  les  études  de  Galton,  Charcot,  etc.,  que  cer- 
tains individus  ont  plus  souvent  des  images  visuelles,  d'autres 
des  images  auditives,  d'autres  enfin  des  images  motrices  ou 
verbales  ;  mais  il  faut  se  rappeler  que  les  cas  extrêmes  ne  se 
réalisent  presque  jamais;  on  a  toujours  affaire  à  des  cas  mixtes 
(Saint-Paul)  où  tous  les  genres  d'images  existent,  seulement 
l'une  quelconque  est  plus  développée  que  les  autres.  On  peut 
en  étudiant  les  différentes  mémoires  interroger  le  sujet  après 
chaque  expérience  sur  les  représentations  qu'il  a  eues;  seu- 
lement il  faut  poser  les  questions  de  façon  qu'il  comprenne 
bien  ce  qu'on  lui  demande. 

On  peut  se  faire  une  idée  de  la  nature  des  images  mentales 
qui  prédominent  par  l'expérience  suivante.  On  présente  au 
sujet  un  tableau  analogue  au  présent,  qui  contient  douze  lettres 

écrites  dans  douze  carreaux  ; 
le  sujet  doit  lire  ces  douze 
lettres  deux  fois  de  suite 
avec  une  vitesse  naturelle  ; 
puis  on  donne  au  sujet  un 
tableau  de  douze  carreaux 
et  ce  sujet  doit  y  inscrire 
de  mémoire  les  lettres  ;  les 
erreurs  commises  indiquent 
si  ce  sont  des  erreurs  par 
ressemblance  de  son  ou  par 
ressemblance  de  forme  ;  le  sujet  ayant  écrit,  on  pourra  lui 
demander  comment  il  a  procédé,  s'il  a  vu  mentalement  les  lettres 
ou  s'il  les  a  entendues;  en  répétant  cette  expérience  simple  avec 
trois  tableaux  différents,  on  peut  avoir  une  idée  de  quel  genre 
de  représentations  le  sujet  s'est  servi  ;  il  faudra,  après  avoir 
interrogé  le  sujet  sur  la  manière  dont  il  a  fait  cette  répétition 
de  lettres,  l'interroger  aussi  sur  les  images  mentales  qu'il  a 
dans  d'autres  cas  ;  l'expérience  précédente  permettra  de  mieux 


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A.    BINET    ET    V.    DENRI.   —  LA    PSYCHOLOGIE    INDIVIDUELLE      443 

faire  comprendre  au  sujet  ce  qu'on  lui  demande  et  de  quoi  il 
s'agit'. 

III 

IMAGINATION 


Il  existe  au  moins  deux  .espèces  d'imagination  :  1"  l'imagi- 
nation involontaire,  semi-consciente,  qui  se  mêle  à  un  grand 
nombre  d'autres  processus,  qui  peut  les  secourir  et  parfois 
les  dénaturer  :  nous  avons  indiqué  plus  haut  que  les  lacunes 
des  souvenirs  peuvent  être  comblées  parfois  par  des  actes 
inconscients  d'imagination;  dans  la  lecture,  une  étude  attentive 
des  suggestions  a  montré  à  M.  Courtier  que  souvent  l'imagina- 
tion ajoute  au  sens  des  mots  lus,  ou  altère  les  images  que 
les  mots  devraient  évoquer  ;  dans  le  langage  abstrait  l'imagi- 
nation fournit  des  images  symboliques,  à  demi  conscientes  (la 
balance  de  la  justice,  le  trou  noir  de  l'infini,  la  forme  de  vieil- 
lard pour  Dieu)  que  certainement  on  ne  confond  pas  avec  l'idée 
abstraite,  mais  qui  servent  à  la  comprendre  et  à  la  fixer  dans 
l'esprit;  ici  l'imagination  est  utile.  "2"  La  seconde  espèce 
d'imagination  est  délibérée,  volontaire,  cherchée;  de  celle-là 
nous  ne  pouvons  donner  un  meilleur  exemple  que  l'imagination 
littéraire  et  musicale,  dont  l'exercice  devient  une  profession 
aussi  régulière  et  souvent  plus  lucrative  que  le  travail  des 
mains. 

La  meilleure  description  de  cette  imagination  professionnelle 
qui  existe  actuellement  dans  la  science  est  celle  qui  nous  a  été 
récemment  donnée  par  M.  F.  de  Curel,  qui  a  bien  montré  en 
quoi  elle  diffère  de  la  pensée  consciente  et  du  raisonnement; 
elle  est  dépourvue  d'antécédents  logiques,  elle  est  brusque, 
soudaine,  automatique  et  parfois  dissociée  de  la  personnalité-. 

Il  faudrait,  par  quelques  tests  rapides,  bien  connaître  l'état 
de  ces  différentes  formes  de  l'imagination  chez  un  individu. 
Après  l'avoir  interrogé  sur  ses  goûts  et  ses  tendances,  sur  le 
nombre  de  romans  qu'il  a  l'habitude  de  lire,  sur  le  genre  de 
plaisir  qu'il  y  trouve,  sur  son  goût  pour  le  théâtre,  la  musique, 

(1)  Quelquos  expériences  sur  le  e;ilciil  mental  seraienl  jienl-i'tre  intéres- 
santes ;  Iheoriquenient,  ou  pourrait  admettre  que  les  auditifs  décomposeîit 
les  multiplications  mentales,  et  que  les  visuels  les  font  comme  sur  le 
papier,  mais  il  faudrait  chercher  si  l'expérience  est  cnnfnrme  à  la  [lié'urif. 

('2)  Voir  Année  psijcliolor/ùjite,  l,  p.  119. 


444 


REVUES   GENERALES 


le  jeu,  etc.,  on  peut  procéder  à  quelques  expériences  directes. 
Soit  une  tache  d'encre  à  contour  bizarre  sur  une  feuille  blanche  ; 
à  quelques-uns  cette  vue  ne  dit  rien;  à  d'autres  qui  ont  une 
vive  imagination  des  yeux  (Léonard  de  Vinci  par  exemple)  la 
petite    tache    d'encre  apparaît   remplie    de    figures,    dont   on 
notera  les  espèces  et  le  nombre,  sans  poussar  bien  entendu 
l'expérience  jusqu'à  cette  espèce  d'hypnotisation  que  les  Anglais 
aiment  à  provoquer  avec  leur  cristal-vision.  En  outre,  les  expé- 
riences précédentes  sur  la  mémoire,  et  des  expériences  analo- 
gues à  celles  de  M.  Ribot  sur  les  mots  abstraits",  peuvent  don- 
ner des  renseignements  sur  l'imagination  semi-consciente  et 
parasite  des  individus;  en  ce  qui  concerne  l'imagination  cons- 
truclive,  il  faut  donner  au  sujet  un  thème  à  développer,  ou 
quelques   éléments  de   ce  thème  à  compléter  ou  à  coordon- 
ner.   Pour    l'imagination  du   dessin,   un  tableau    à  composer 
ou  un  morceau  de  tableau  à  compléter  (par  le  dessin  ou  la 
description  écrite)  ;  pour  l'imagination  littéraire,  étant  donnés 
trois  ou  quatre  substantifs  ou  verbes,  les  relier  par  une  phrase, 
essayer  den  faire  plusieurs  différentes,  autant  qu'on  le  pourra; 
on  marquera  le  temps  nécessaire  et  la  nature  des  phrases  faites. 
Exemple    :   construire  des  phrases  avec   les  trois   substantifs 
encrier,  arbre  ei  cheval;  avec  le  trois  verbes  :  acheter,  battre^ 
lire  ;  avec  les   substantifs  :  travail,  nombre,  espace,  etc.,  il 
faut   dire   au   sujet   qu'on  demande   de   lui   une  phrase   dans, 
laquelle  il  n'entre  pas  d'autre  substantif  que  ceux  indiqués,  ou 
qui  ne  contienne  pas  d'autre  verbe  que  les  verbes  donnés.  Le 
nombre  de  phrases  qu'une  personne  peut  former  avec  trois, 
mots  et  leur  nature   pourra  peut-être  donner  une  idée  de  la 
faculté  d'imagination  dans  quelques  cas  particuliers. 

Une  autre  expérience  peut  aussi  nous  donner  des  renseigne- 
ments sur  les  différences  individuelles  dans  l'imagination,  au 
moins  lorsqu'il  s'agira  de  cas  extrêmes  ;  elle  consiste  à  faire  le 
développement  d'un  sujet  quelconque,  par  exemple  un  enfant 
égaré  dans  une  forêt^.  Ce  déveloi)pement  doit  être  écrit;  il  faut 

(1)  Ces  expéricuces  ronsistent  à  interroger  le  sujet  sur  ce  qu'il  se  repré- 
sente, quand  on  lui  dit  un  nom  abstrait,  force,  inlini,  justice,  etc. 

(2)  Nous  avons  fait  des  expériences  dans  une  école  sur  tous  les  tests. 
(|ue  nous  proposons  ici.  Ils  ont  di>nné  des  résultats  curieux.  Le  test 
in-ht-e,  encrier,  rhevdl,  a  donné  jiarfciis  lieu  à  des  liais(uis  tout  à  fait  arti- 
ticielles  de  juxtaposition,  connue  :  «  J'ai  acheté  un  arbre,  un  encrier  et 
un  cheval  »  et  parfois  des  liaisons  complexes  et  logiques,  comme  celle- 
ci  :  <■  .r.ii  renversé  mon  encrier,  et  mon  père  pour  me  punir  m'a  dit  que 
diniaiiche  prochain  je  ne  moutcrai  pas  à  cheval  pour  aller  voir  l'arbre  de 


A.    BINET   ET    V.    OENRI.  —  LA   PSYCHOLOGIE  INDIVIDUELLE      445 

limiter  le  temps  d'avance  :  dix  minutes  par  exemple:  de  plus, 
il  faut  prier  de  tracer  un  tableau  aussi  complet  que  possible. 
Ces  tests  ne  nous  renseignent  que  sur  l'imagination  littéraire. 
On  pourrait  étudier  l'imagination  auditive  en  faisant  terminer 
à  un  sujet  une  phrase  musicale  dont  on  lui  donnerait  les  pre- 
mières notes. 


IV 

ATTENTION 

L'attention  n'est  pas  un  état  sut  genei'is,  comme  la  mémoire 
ou  la  perception,  c'est  une  qualité,  une  manière  d'être  des 
processus  ;  on  peut  raisonner,  percevoir,  comparer,  se  souve- 
nir avec  attention  ou  sans  attention  :  l'attention  consiste  dans 
la  manière  dont  une  fonction  s'exerce,  et  suivant  qu'on  est  plus 
ou  moins  attentif,  le  fonctionnement  peut  devenir  plus  ou 
moins  bon.  Malgré  les  nombreuses  études  qu'on  a  faites  sur 
l'attention,  ce  sujet  est  encore  mal  connu,  de  sorte  que  nous 
sommes  assez  embarrassés  pour  indiquer  sur  quel  point  doivent 
porter  les  expériences  ;  on  pourrait  étudier  :  1'^  la  durée  de 
l'attention,  c'est-à-dire  la  régularité  et  l'exactitude  avec  laquelle 
on  exécute  une  série  d'opérations  mentales  sans  s'interrompre. 
On  se  fera  une  idée  de  la  constance  avec  laquelle  l'attention 
est  prêtée  en  prenant  une  série  de  temps  de  réaction  et  étudiant 
leur  régularité,  techniquement  leur  variation  moyenne*;  on 
peut  remplacer  les  temps  de  réaction  par  d'autres  actes  :  par 
exemple,  faire  reproduire  de  mémoire  une  longueur  plusieurs 

Robinson.  »  Certainemeut,  voilà  deux  produits  intellcctnels  de  nalure 
bien  dillcrente.  Nous  avons  fait  l'expérience  dans  plusieurs  classes,  de 
manière  à  saisir  lintluence  de  l'âge.  Nous  publierons  prochaiueuient  nos 
résultats.  En  ce  qui  concerne  le  thème  à  développer.  iu)us  en  avons 
choisi  deux  :  un  enfant  égaré  dans  une  forêt,  et  un  enfaut  sauvé  par  un 
chien.  Ce  dernier  thème  a  provoqué  chez  tous  les  enlanls  presque  lo 
même  développement  ;  les  enfants  ont  en  grande  majorité  imaginé  un 
enfant  tombé  à  l'eau  et  sauvé  par  le  chien.  Au  c(uitrairc.  l'eufaut  iienlu 
dans  une  forêt  a  suggéré  îles  récits  beauciuq)  plus  variés,  où  se  marquent 
mieux  les  dilTérences  individuelles.  Nous  n'aurions  pas  prévu  à  pritui 
l'elfet  si  différent  de  ces  deux  titres. 

(1)  Si  les  signaux  auxquels  on  dnit  réagic  S(uit  très  raiiprocliés  et  à  des 
intervalles  réguliers,  par  e.xemple  un  signal  ciiaquc  demi-seconde,  on  a 
une  tendance  à  faire  des  réactiiuis  anticipées,  et  il  faut  un  ctl'ort  très 
énergique  d'attention  pour  réagir  réguliérenient.  Cette  épreuve  étant  [ilus 
difficile  que  celle  des  réactions  simples  fait  apparaître  plus  nettement 
les  différences  individuelles. 


446  REVUKS    GÉNÉRALES 

fois  de  suite  :  on  montre  une  longueur  de  10  centimètres  par 
exemple,  le  sujet  doit  la  tracer  de  mémoire,  puis  une  seconde 
fois,  puis  une  troisième  sans  voir  avant  chaque  fois  la  longueur 
modèle  ;  on  observera  si  les  longueurs  tracées  successivement 
varient  régulièrement  ou  non,  et  on  construira  une  courbe  ana- 
logue à  celle  des  temps  de  réaction.  Il  est  évident  que  presque 
tous  les  actes  intellectuels  peuvent  être  exécutés  en  série  et 
donner  lieu  à  une  étude  sur  la  régularité  de  l'elTort  d'attention. 
Pour  en  citer  encore  un  exemple,  rappelons  les  expériences  de 
Bourdon  consistant  à  faire  barrer  tous  les  a  dan§  une  page 
imprimée  ;  le  nombre  des  oublis  et  des  erreurs  et  la  rapidité 
de  lecture  peuvent  donner  une  idée  de  la  persistance  de  l'at- 
tention des  personnes. 

2°  Champ  de  l'attention,  ou  nombre  maximum  d'impressions, 
de  raisonnements  et  de  mouvements  qu'on  peut  englober  dans 
un  même  acte  d'attention.  Nous  citerons  ici  seulement  deux 
exemples,  quoique  le  nombre  pourrait  être  facilement  aug- 
menté. 

Métronomes.  —  On  fait  battre  deux  métronomes  à  des 
vitesses  un  peu  différentes,  le  sujet  devant  compter  le  nombre 
de  coups  total  ;  cette  expérience  nécessite  une  fixation  de  l'at- 
tention très  intense  ;  on  fait  varier  la  vitesse  des  métronomes 
jusqu'à  ce  que  le  sujet  ne  puisse  plus  compter  le  nombre  de 
coups.  Les  expériences  faites  au  laboratoire  de  la  Sorbonne 
ont  montre  que  la  limite  des  vitesses  varie  beaucoup  suivant  les 
individus  ;  chez  les  personnes  douées  d'un  pouvoir  d'attention 
très  développé,  comme  înaudi  et  certains  prestidigitateurs 
habiles,  les  limites  ont  surpassé  de  beaucoup  celles  des 
personnes  normales  ;  ainsi,  par  exemple,  Inaudi  pouvait 
encore  bien  compter  les  coups  pour  des  vitesses  de  100  et  110 
coups  par  minute,  les  personnes  normales  n'arrivant  à  compter 
les  coups  que  difficilement  pour  des  vitesses  de  50  ou  GO  par 
minute. 

Exécution  de  plusieurs  actes  simuUancmenl.  —  Les  diffé- 
rences individuelles  sont  très  considérables  à  ce  point  de  vue  ; 
il  y  a  des  individus  qui  en  faisant  quelque  chose  sont  complè- 
tement absorbés  par  leur  travail,  ils  n'entendent  pour  ainsi 
dire  pas  ce  qui  se  passe  autour  d'eux  ;  d'autres  au  contraire 
peuvent  très  bien,  tout  en  lisant  autre  chose,  suivre  une  con- 
versation. L'expérimentation  est  assez  facile  :  on  fait  lire  à 
haute  voix  une  personne  avec  sa  vitesse  naturelle  dix  lignes,  et 


A.    BINET   ET  V.  UENRI.    —   LA    PSYCHOLOGIE    INDIVIDUELLE      447 

011  marque  le  temps  nécessaire  ;  puis  on  fait  de  nouveau  lire 
dix  lignes,  mais  la  personne  doit  tout  en  lisant  écrire  des  lettres 
ou  des  chiffres  ;  on  fait  d'abord  écrire  une  même  lettre  a  par 
exemple,  on  marque  la  vitesse  de  lecture  ;  on  recommence  en 
faisant  écrire  pendant  la  lecture  deux  lettres  a  et  h,  et  ainsi 
de  suite  on  va  en  compliquant  de  plus  en  plus  les  choses  à 
écrire,  on  arrive  à  une  limite  qui  est  bien  différente  suivant  les 
individus;  de  plus  l'écriture  simultanée  à  la  lecture  influe  diffé- 
remment sur  la  lecture  chez  différentes  personnes  ;  nous  nous 
rappelons  par  exemple  qu'au  laboratoire  de  la  Sorbonne  un 
prestidigitateur  arriva  à  écrire  l'alphabet  complet  pendant  la 
lecture  à  haute  voix,  sans  que  sa  lecture  fût  modifiée  d'une 
manière  bien  notable,  les  personnes  normales  ne  pouvant  que 
diflicilement  dépasser  quatre  ou  cinq  lettres  différentes,  c'est- 
à-dire  a,  b,  c,  d,  e. 

Ces  quelques  indications  sont  loin  d'épuiser  le  sujet;  et  il  y 
aurait  lieu  aussi  de  faire  des  expériences  sur  la  force  de  l'atten- 
tion, c'est-à-dire  sur  la  résistance  aux  causes  de  distraction. 
Nous  ignorons  encore  quelles  indications  on  doit  donner  aux 
recherches  parce  que  l'on  n'a  pas  établi  d'un  manière  certaine 
quelles  sont  les  qualités  fondamentales  de  l'attention.  La 
question  des  meilleures  méthodes  pour  mesurer  l'attention  est 
encore  à  l'ordre  du  jour. 


FACULTE    DE    COMPRENDRE 

Nous  adoptons  ces  termes  bien  vagues  et  peu  usités  en 
psychologie  pour  désigner  un  vaste  ensemble  de  facultés 
complexes  dont  la  psychologie  a  le  tort  de  ne  guère  s'occuper. 
Ily  a  en  nous  une  faculté  de  comprendre,  de  saisir  la  signifi- 
cation d'un  fait,  d'un  objet,  ou  d'une  idée,  d'une  suite  de 
raisonnements  ;  on  donne  à  des  variantes  de  cette  faculté  com- 
plexe des  noms  différents  :  c'est  le  talent  tt observation  grâce 
auquel  nous  démêlons  dans  ce  que  nous  percevons  la  réalité  et 
l'apparence,  nous  distinguons  l'essentiel  et  l'accessoire,  nous 
saisissons  les  relations  de  cause  à  effet,  nous  analysons,  nous 
synthétisons,  nous  comprenons  en  un  mot  ;  c'est  Vesprit  de 
finesse,  intuitif  plutôt  que  raisonné,  grâce  auquel  nous  saisis- 
sons un  calembour,  ou  une  intention,  une  nuance  imperceptible 


-448  REVUES   GÉNÉRALES 

de  langage,  ou  nous  nous  rendons  compte  du  motif  d'un  acte, 
du  caractère  d'un  individu  ;  c'est  le  coup  d'œil,  le  bo7i  sens,  le 
jugement,  V esprit  des  affaires,  qui  nous  indique  les  suites  pro- 
bables des  événements,  les  chances  d'une  situation,  le  meilleur 
parti  à  prendre,  etc.  Il  y  a  dans  ces  opérations  tant  de  processus 
accessoires  variant  à  Tinfini  que  le  phénomène  se  refuse  à  une 
description  générale.  Il  importe  cependant  d'avoir  quelques 
tests  donnant  au  moins  des  renseignements  vagues.  Nous 
proposons  les  suivants,  dont  nous  ne  nous  dissimulons  pas 
l'insuffisance  :  pour  l'esprit  d'observation,  on  prendrait  par 
exemple  un  mécanisme  en  marche,  celui  d'une  machine  à 
coudre  par  exemple,  le  sujet  devrait  dans  un  temps  donné 
observer  comment  les  différents  mouvements  se  font  et  com- 
ment ils  se  tiennent  entre  eux  ;  le  sujet  devrait  ensuite  obser- 
ver comment  un  insecte  marche.  Il  faudrait  trouver  des  dispo- 
sitifs appropriés,  qui  permettent  de  classer  les  individus. 

Pour  l'esprit  de  finesse,  nous  proposons  de  donner  à  définir, 
à  indiquer  les  ressemblances  et  les  différences  entre  deux  ou 
plusieurs  synonymes,  par  exemple  entre  bonté,  tendresse  et 
amabilité  ;  le  sujet  devrait  écrire  quelles  sont  les  différences 
et  les  ressemblances  de  ces  expressions.  On  pourrait  aussi  don- 
ner une  série  de  textes  contenant  des  impropriétés  de  terme, 
des  sophismes,  des  erreurs  de  raisonnement,  que  le  sujet 
aurait  à  découvrir.  Exemples  :  Voici  un  certain  nombre  de 
phrases  à  critiquer. 

Phrases  à  critiquer  :  «  Pendant  le  grand  séminaire.  »  Ceci  est 
le  titre  d'un  chapitre  de  mémoires.  —  «  Dans  la  dernière  leçon, 
nous  avons  vu  que  la  cellule  nerveuse  était  composée,  etc.  » 
Ceci  est  extrait  d'un  livre  d'histologie.  —  «  M.  le  procureur 
général,  dans  un  réquisitoire  d'une  forme  littéraire  très  pure, 
a  demandé  la  peine  de  mort.  »  Ceci  est  emprunté  au  compte 
rendu  judiciaire  d'un  petit  journal. 


VI 

SUGGESTIBILITÉ 

Les  mots  de  suggestion  et  de  suggestibilité  évoquent  surtout 
l'idée  des  expériences  très  spéciales  qui  ont  été  faites  pendant  ces 
dernières  années  dans  les  laboratoires  et  dans  les  cliniques  sur 


A.    BINET   ET   V.    UENRI.    —  LA   PSYCnOLOGIE   INDIVIDUELLE      449 

des  individus  dressés,  des  hystériques  par  exemple,  ou  d'autres 
malades,  et  même  des  individus  quelconques  ;  mais  le  terme 
de  suggestion  n'a  pas  un  sens  et  une  portée  aussi  restreints  ; 
les  suggestions  de  clinique  et  de  laboratoire  ne  sont  qu'une 
reproduction  limitée  et,  si  l'on  veut,  exagérée,  d'un  phénomène 
social  qui  présente  la  plus  grande   importance  '   :  ce  phéno- 
mène social  consiste  dans  l'intluence  qu'exercent  les  unes  sur 
les  autres  les  personnalités  en  contact;  qu'onjappelle  cette  action 
du   nom    d'autorité,    influence,  empire,    fascination,    charme, 
sympathie,    le    mot   importe  peu  ;   c'est   toujours  une  action 
morale,  que  les  individus  dégagent  et  subissent  dans  des  pro- 
portions variables  :  cette  action  est  visible  partout  dans  la  vie 
sociale  ;   c'est  elle  qui    règle    la  conversation   la   plus   futile, 
comme  l'affaire  la  plus  grave  ;  c'est  elle  qui  fixe  la  situation 
de  chacun,  pousse  celui-ci  au  pouvoir,  empêche  cet  autre  d'ar- 
river ;  c'est  elle  qui  fait  qu'il  n'y  a  point  à  proprement  parler 
dans  la  société  une  liberté  et  une  égalité  absolues,  mais  tou- 
jours des  individus  qui  commandent  et  d'autres  qui  obéissent. 
11  y  aurait  donc  un  intérêt  majeur  à  étudier  cette  action  morale, 
et  à  pouvoir  déterminer  par  des  expériences  ceux. qui  l'exercent 
et  ceux  qui  la  subissent,  et  surtout  à  pouvoir  mesurer  l'action 
dégagée    par  chacun.    Dans   les   différentes   notes   formant  la 
caractéristique  d'un  individu,  celle  qui  est  relative  à  la  sugges- 
tibililé  devrait  figurer  en  première  ligne. 

Malheureusement,  l'action  morale  n'est  point  une  quantité 
qui  se  compte  ou  se  pèse;  on  peut  bien  arriver  par  un  détour 
à  comparer  à  ce  point  de  vue  tel  individu  à  un  autre  ;  on  cons- 
tate par  exemple  que  tel  hypnotiseur  ne  réussit  à  influencer 
que  dix  personnes  sur  cent  ;  tel  autre  en  influence  cinquante  ; 
tel  autre  n'en  «  manque  »  pas  une  ^  ;  ces  statistiques,  à  la 
condition  d'être  bien  faites,  —  qualité  rare  pour  une  statistique 
—  prouvent  que  le  premier  hypnotiseur  a  une  action  morale 
moins  forte  ou  moins  habile  que  le  second,  et  que  le  second 
est  inférieur  au  troisième.  De  même,  on  pourrait  dire  qu'un 
sujet  qui  arrive  à  résister  à  l'influence  d'un  hypnotiseur  est  peu 

(1)  Notons  actuellement  une  tendance  ràchciise  à  étendre  outre  mesure 
le  sens  du  mot  suggestion  ;  on  veut  lui  l'aire  exprimer  tout  éveil,  toute 
association  d'idées;  à  ce  compte  la  suggestion  engloberait  presque  toute 
la  psychologie  ;  mais  si  ce  mot  signifie  trop  de  choses,  il  liuira  par  ne 
plus  rien  signiiier  du  tout. 

(2)  11  paraît  avéré  que  M.  lîernheim  et  M.  DelhoMif  si  oit  1res  habiles  à 
suggestionner  ;,  ceci  dépend  d'al)ord  d'une  qualité  naturelle,  qu'aucun 
diplôme  ne  saurait  donner  :  il  y  a  également  une  part  d'habileté  acquise. 

ANNÉE   PSYCHOLOGigUE.   H.  29 


450  RlilVUES   GÉNÉRALES 

sensible  au  genre  particulier  d'action  morale  que  cet  hypnoti- 
seur emploie,  et  qu'un  autre  qui  succombe  clans  les  mêmes 
circonstances  est  plus  sensible,  plus  suggestible.  Mais  ce  sont  là 
des  constatations  qui  ne  peuvent  être  faites  que  dans  des  circons- 
tances assez  complexes  ;  on  n'a  pas  souvent  l'occasion  de  con- 
naître la  suggestibilité  d'une  personne.  De  plus,  ces  notions 
restent  toujours  relatives,  ce  ne  sont  à  aucun  degré  des 
mesures;  on  est  suggestible  par  rapport  à  tel  individu,  tel 
genre  de  suggestion  ;  on  n'est  pas  suggestible  pour  un  indi- 
vidu différent,  pour  une  suggestion  d'une  autre  nature.  Si  l'on 
était  même  bien  persuadé  du  caractère  tout  relatif  de  ces  phé- 
nomènes de  suggestion,  on  couperait  court  à  ces  discussions 
oiseuses  qui  continuent  encore  aujourd'hui  sur  la  question  de 
savoir  si  tous  les  individus  sont  ou  non  suggestibles.  Il  est 
clair  pour  nous  que  tout  le  monde  est  le  suggestible  de 
quelqu'un,  comme  tout  le  monde  est  le  radical  de  quelqu'un, 
comme  tout  poltron  peut  trouver  plus  poltron  que  soi. 

Pour  apporter  la  précision  et  la  mesure  dans  ces  recherches 
de  psychologie  sur  le  caractère,  il  faut  éliminer  ou  du  moins 
réduire  au  minimum  l'action  morale  de  Tindividu,  et  organiser 
des  conditions  d'expérience  de  telle  sorte  que  le  sujet  qu'on 
examine  se  trouve  suggestionné  par  des  objets  extérieurs. 

Simultanément  MM.  Scripture,  Gilbert',  et  d'autre  part  nous- 
mêmes  (Binet  et  Henri),  nous  avons  eu  l'idée  d'une  méthode 
nouvelle  donnant  la  mesure  de  la  suggestion,  et  excluant  ou 
réduisant  au  minimum  le  rùle  de  l'action  morale  ;  simultané- 
ment les  expériences  ont  été  faites  dans  le  même  milieu,  dans 
des  écoles,  elles  ont  été  menées  à  bonne  fm  et  publiées  ;  les 
nôtres  ont  été  publiées  en  octobre  1894,  celles  de  nos  con- 
frères américains  en  novembre  1894  :  nous  avons  par  conséquent 
sur  eux  l'avantage  de  l'antériorité-,  mais  il  est  absolument  cer- 
tain que  les  deux  recherches  ont  été  conçues  d'une  manière 
indépendante.  Nous  allons  inditiuer  en  quoi  les  unes  et  les  autres 
ont  consisté  ;  nous  montrerons  ensuite  comment  elles  peuvent 
être  développées  méthodiquement. 

Commençons  par  nos  expériences  personnelles  ^  Une  ligne 
droite,  tracée  sur  un  carton,  est  montrée  à  un  enfant,  qui 
doitremarquer  cette  longueur,  puis  indiquer  unelongueuriden- 

(1)  Scripture.  Thiiikii);/,  Feelin;/.  Doiii;/,  -p.  266. 

(2)  Nos  expériencps  ont  été  faites  pendant  l'année  scol.iire  1892-1893. 

(3)  Binet  et  Henri.  De  Tétai  de  suggeslicm  naliiicllc  chez  les  enfants. 
Ik'V.  1'hilosfi]ihi(iii(\  ocliibre  1894. 


A.    BINCT    ET    V.    HENRI.  —  LA   PSYCHOLOGIE    INDIVIDUELLE      4o  l 

tique  dans  un  grand  tableau  qui  présente  une  série  de  lignes 
rangées  parallèlement  par  ordre  de  grandeur.  L'expérience  peut 
être  faite  de  mémoire  ou  par  comparaison  directe  ;  de  mémoire, 
c'est-à-dire  qu'après  avoir  montré  le  carton  à  l'enfant,  on  le 
cache,  et  on  laisse  écouler  un  certain  temps  avant  de  lui  pré- 
senter le  tableau  de  la  série  de  longueurs  ;  par  comparaison, 
c'est-à-dire  que  l'enfant  garde  le  modèle  sous  les  yeux  quand 
on  lui  présente  le  tableau.  L'artifice  de  l'expérience  consiste  en 
ceci  :  on  montre  à  l'enfant  plusieurs  modèles  de  grandeur 
croissante  ;  chaque  fois  il  les  retrouve  dans  le  même  tableau  ; 
un  dernier  modèle  qu'on  lui  montre  ne  se  trouve  pas  dans  le 
tableau  parce  qu'il  est  plus  grand  que  la  plus  grande  ligne  du 
tableau.  Cependant,  vers  l'âge  de  dix  ans,  la  majorité  des 
enfants  croient  retrouver  dans  le  taljleau  le  modèle  montré. 

Pourquoi  commettent-ils  cette  erreur?  Sans  doute,  ils  obéis- 
sent à  plusieurs  mobiles  :  le  principal  peut-être  est  l'habitude 
que  les  expériences  précédentes  ont  formée  :  ils  ont  retrouvé 
dans  le  tableau  les  premiers  modèles,  ils  pensent  les  retrouver 
tous  :  ils  s'abandonnent  à  la  pente  d'un  raisonnement  par 
induction. 

Les  expériences  de  Scripture  et  Gilbert  ont  été  faites  avec  des 
illusions  de  poids;  elles  reposent  sur  le  fait  suivant  :  quand 
deux  corps  ont  même  poids  et  volume  inégal,  c'est  le  corps 
dont  le  volume  est  le  plus  petit  qui  parait  le  plus  lourd.  Le 
volume  produit  donc  une  suggestion.   Voici  comment  l'expé- 
rience est  arrangée.  On  présente  aux  enfants  un  disqiie  d'un 
poids  déterminé,  de  oo  grammes  par  exemple,  et  ayant  3  centi- 
mètres de  diamètre  :  puis,  on  présente  à  l'enfant  une  série  de 
disques  beaucoup  plus  petits,  dont  les  poids  varient  de  l.j  à 
80  grammes  :  on  le  prie  d'indiquer  dans  cette  série  le  disque 
dont   le  poids   lui  parait  égal  à   celui   du  disque   modèle  de 
60  grammes  :  comme  tous    les  disques  de  la  série  sont  plus 
petits,  ils  ont  une  tendance  à  paraître,  à  égalité  de  poids,  plus 
lourds  que  le  disque  modèle:  la  différence  réelle  de  poids  entre 
le  disque  modèle  et  le  disque  indiqué  mesure  la  suggestion 
produite  par  la  perception  visuelle  du  volume.  Ainsi,  quand 
un  enfant  choisit  un  poids  égal  à  23  grammes,  comme  égal  au 
disque  qui  pèse  oo  grammes,  la  suggestion  par  le  volume,  par 
la  différence  par  exemple  de  2  centimètres  de  diamètre,  a  eu 
comme  valeur  oo  —  23  =  30  grammes.  Cette  suggestion  varie 
avec  l'âge  ;  elle  augmente  de  six  à  neuf  ans,  et  diminue  ensuite 
régulièrement. 


I 


452  REVUES   GÉNÉRALES 

Au  fond,  l'expérience  de  MM.  Scripture  et  Gilbert  n'est  pas 
autre  chose  que  la  mesure  d'une  illusion  des  sens  chez  les 
enfants,  et  à  ce  titre  nous  pensons  pouvoir  en  rapprocher  les 
expériences  de  l'un  de  nous  (Binet)  sur  la  mesure  de  Tillusion 
de  Miiller-Lyer  chez  les  enfants  %  et  les  expériences  de  Knox, 
de  Thierry  et  de  Ileymans  (V.  Anabjses,  Année  psych.,  II.)  sur 
la  mesure  de  certaines  illusions  visuelles  chez  les  adultes.  Rap- 
pelons encore  les  travaux  récents  de  Dresslar,  de  Flournoy, 
de  Philippe  et  Glavière  sur  ces  questions  ou  des  questions 
analogues. 

Après  ces  préliminaires,  que  nous  considérons  simplement 
comme  l'historique  de  la  question,  cherchons  à  la  traiter  d'une 
manière  méthodique.  Notice  but,  ne  l'oublions  pas,  est  de  cher- 
cher à  connaître  l'état  de  suggestibilité  d'une  personne.  Or, 
la  suggestibilité  peut  porter  sur  tous  les  phénomènes  psycho- 
logiques, sur  les  sensations  et  perceptions,  sur  l'imagination, 
sur  les  émotions,  sur  les  mouvements. 

X'' Sensations  et  perceptions.  — Cesl  dans  ce  domaine  que  les 
recherches  les  plus  précises  peuvent  être  faites.  Nos  expériences, 
comme  celles  de  Scripture  et  Gilbert,  ont  eu  pour  résultat 
de  provoquer  des  perceptions  fausses,  des  illusions,  des  hallu- 
cinations. Cette  provocation  a  été  faite,  il  est  vrai,  par  des 
procédés  un  peu  différents.  Scripture  et  Gilbert  ont  utilisé  des 
illusions  des  sens  préexistantes,  et  communes  à  tous  les  indi- 
vidus, la  suggestibilité  consistant  dans  le  plus  ou  moins  do 
sensibilité  à  ces  illusions.  On  pourrait  facilement,  avons-nous 
dit,  développer  ce  thème  et  étendre  la  recherche  à  toutes  les 
autres  espèces  d'illusions.  Serait-ce  une  méthode  à  recom- 
mander pour  connaître  la  suggestibilité  d'un  individu  en  par- 
ticulier? Nous  ne  le  croyons  pas,  précisément  parce  qu'il  s'agit 
d'illusions  générales,  qui  laissent  une  fort  petite  place  aux  diver- 
gences individuelles.  Nous  préférons  une  illusion  moins  pro- 
fonde, que  l'expérimentateur  a  créée  lui-même  de  toutes  pièces, 
et  qui  ne  repose  pas  sur  une  manière  générale  de  percevoir  et 
de  sentir.  Ainsi,  dans  notre  expérience  sur  l'identification  des. 
longueurs,  l'illusion  est  préparée  par  ce  fait  que  dans  une 
première,  dans  une  seconde  épreuve,  l'identihcation  a  été 
possible;  l'illusion  s'édifie  sur  une  habitude  que  l'expérimen- 
tateur prépare  lui-même,  et  qui  n'existe  point  en  dehors  de 

(1)  Hcv.  Philosophlqi/e.  février  1895. 


A.    lîINET    ET    V.    HEXRI.   —  LA    PSYCHOLOGIE   INDIVIDUELLE      453 

l'expérience.  L'épreuve,  du  reste,  peut  être  faite  saus  la  pré- 
sence de  l'expérimentateur,  et  cela  vaut  mieux  ainsi.  ISous 
citerons  deux  exemples  de  recherches  à  faire. 

a).  Vexpérience  sur  V identification  des  lignes  :  elle  a  déjà 
été  décrite  :  inutile  d'y  revenir. 

b).  Vexpérience  sur  la  perception  des  odeurs.  Une  série  de 
flacons  est  placée  devant  le  sujet,  qui  les  débouche  l'un  après 
l'autre,  les  flaire,  cherche  à  reconnaître  l'odeur  et  l'écrit  sur 
une  feuille  de  papier.  Tous  les  flacons,  sauf  un  ou  deux,  con- 
tiennent une  odeur.  Gomme  dans  le  cas  précédent,  l'illusion  est 
produite  par  la  répétition  d'expériences  analogues  ayant  donné 
un  résultat  positif  '. 

Si  nous  cherchons  à  analyser  l'état  mental  que  des  tests  de 
ce  genre  peuvent  nous  faire  connaître,  nous  remarquons  (|ue 
les  sujets  sont  soumis  à  deux  tendances  contraires  :  la  première 
tendance  consiste  à  prendre  une  sérieuse  connaissance  de 
l'objet  qu'on  leur  montre,  la  seconde  consiste  à  obéir  à  la 
routine  des  expériences  antérieures.  Ceux  qui  succombent  à 
l'épreuve  présentent  par  conséquent  une  tendance  faible  à  se 
rendre  compte  de  ce  qu'ils  perçoivent  ;  et  en  effet  nous  avons 
remarqué  que  précisément  les  enfants  qui  ont  le  moins  de  coup 
d'œil  forment  la  majorité  des  suggestibles  ;  nous  constatons 
aussi  que  le  nombre  des  suggestibles  augmente  quand  l'épreuve 
se  fait  de  mémoire,  et  s'accompagne  par  conséquent  d'un  sen- 
timent de  sécurité  plus  faible.  Ne  pas  chercher  à  se  rendre 
compte,  manquer  de  confiance  en  soi,  manquer  de  fermeté  et 
-de  réflexion,  s'abandonner  à  la  routine,  être  impressionné  par 
une  idée  préconçue,  être  superficiel,  être  crédule,  telles  sont  à 
peu  près  les  caractéristiques  mentales  qui  sont  mises  en 
lumière  par  le  test  précédent. 

Nous  avons  fait  un  certain  nombre  de  ces  expériences  avec 
les  odeurs  en  1893  sur  les  élèves  d'une  école  du  gouvernement; 
•ces  élèves  avaient  dix-huit  à  vingt  ans.  Voici  comment  l'expé- 
rience était  faite  :  une  boîte  contenait  huit  flacons  fermés  à 
l'émeri;  dans  chaque  flacon  se  trouvait  de  la  ouate  pure,  les 
flacons  portaient  des  étiquettes  avec  des  numéros  ;  le  sujet 
s'asseyait,  l'expérimentateur  disait:  Voici  huit  flacons,  contenant 

(I)  Une  cx^jorience  aiialoguc,  dOjù  fuite  par  rua  de  nuiis,  mais  ziou  en 
vue  de  la  psychologie  individuelle,  consiste  à  montrer  au  sujet  deux  pointes 
de  compas  écartées,  à  lui  laisser  croire  rpTuii  appuie  sur  sa  maiu  avec  les 
deux  pointes,  de  sorte  que  beaucoup  de  sujets  s'iiuagiuent  sentir  deux 
«contacts. 


Oe 

— 

5 

3e 

— 

li 

4e 

— 

5 

5^ 

— 

5 

6« 

— 

4 

7e 

— 

3 

454  REVUES    GÉNÉRALES 

des  quantités  extrêmement  faibles  de  différents  parfums  :  les 
noms  des  huit  parfums  sont  les  suivants  :  muguet,  violette, 
musc,  jasmin,  tabac,  vanille,  rose,  eau  de  Cologne  ;  je  vous 
donnerai  un  flacon,  vous  le  déboucherez  et  vous  chercherez  à 
reconnaître  l'odeur  qui  s'y  trouve.  En  réalité  sept  flacons  ne 
contenaient  absolument  rien,  et  un  seul  contenait  un  peu 
d'extrait  de  vanille.  Sur  neuf  élèves  soumis  à  l'épreuve,  un 
seul  n'a  absolument  rien  senti;  il  disait  toujours  «  rien  >,  seu- 
lement le  flacon  avec  de  la  vanille  était  bien  reconnu  ;  les  autres 
sept  ont  senti  des  odeurs  ;  voici  les  résultats  donnés  par  chaque 
élève,  nous  les  classons  par  rang  de  suggestibilité  en  com- 
mençant par  les  moins  suggestibles  : 

l'^''  élève  7  flacons  rien,  \  flacon  vanille. 

—  rien,  \  violette,  i  musc,  1  vanille. 

—  rien,  1  tabac,  1  eau  de  Cologne,  1  vanille. 

—  rien,  1  violette,  1  muguet,  t  vanifle. 

—  rien,  i  musc,  1  jasmin,  1  vanille. 

—  rien,  1  jasmin,  i  musc,   1  violette,  1  vanille. 
rien,  1  rose,  1  musc,  1  eau  de  Cologne,  1  indé- 
terminé, 1  vanille. 

8»      --     3       —      rien,  1    tabac,    l   muguet,   1   musc,    1   violette, 

1  vanille. 

Ces  expériences  ne  sont  qu'un  premier  essai,  elles  montrent 
tout  de  même  que  les  différences  individuelles  sont  sensibles. 

'il"  Imagination.  Attention  expectante.  —  Tout  le  monde  a  pu 
connaître  et  observer  des  individus  dont  l'imagination  est  sans 
cesse  en  travail,  qui  font  sur  toute  chose  une  foule  de  conjec- 
tures, grossissent  et  dénaturent  les  faits,  sont  dupes  de  leurs 
inventions,  et  qui  sous  l'influence  d'un  état  de  dépression 
deviennent  facilement  des  hypochondriaques  ou  des  malades 
imaginaires.  Il  nous  paraît  facile  d'étudier  cette  classe  d'in- 
dividus, en  employant  des  tests  très  simples,  dont  nous 
empruntons  l'idée  première  à  Yung,  mais  que  nous  avons  quel- 
que peu  modifiés.  L'expérience  porte  le  nom  d'expérience  sur 
le  minimum  perceptible  ;  elle  consistera  à  laisser  croire  au 
sujet  qu'on  applique  sur  son  doigt  un  excitant  extrêmement 
faible,  qu'il  percevra  à  la  condition  de  faire  un  très  grand  effort 
d'attention  ;  et  le  sujet  devra  décrire  ce  qu'il  ressent. 

Voici  maintenant  le  dispositif.  Le  doigt  est  placé  dans  un 
tube  auquel  est  adaptée  une  roue  dont  chaque  tour  fait  entendre 
un  bruit  sec.  Le  sujet  est  averti  qu'on  lui  fera  éprouver  une 


A.    BINET   ET   V.    HENRI.   —  LA    PSYCDOLOGIE    INDIVIDUELLE      455 

sensation  extrêmement  faible,  d'une  nature  inconnue  ;  cette 
sensation  croîtra  en  intensité  à  chaque  tour  de  roue.  Il  devra 
décrire  ce  qu'il  éprouve.  Cette  expérience  donnera  quelque 
idée  sur  l'attention  expectante  et  sur  l'imagination.  Le  dispo- 
sitif employé  donne  en  efîet:  1°  quelle  qualité  de  sensation  est 
imaginée  ;  2''  combien  il  faut  de  tours  de  roue,  c'est-à-dire  de 
suggestions  pour  que  l'effet  soit  obtenu.  Peut-être  cette  expé- 
rience donnera-t-elle  plus  de  résultats  que  toutes  les  autres. 

3"  Emotivité.  Appréhension.  Peur.  —  Les  hypnotiseurs,  qui 
cherchent  à  réussir  les  suggestions  plutôt  qu'à  en  étudier  le 
mécanisme  mental,  n'ont  point  étudié  le  rôle  de  l'émotion  dans 
leurs  expériences  ;  il  est  cependant  bien  certain  que  quelques 
suggestions  sont  imposées  par  la  peur,  d'autres  par  le  respect, 
la  sympathie  ou  l'amour.  Nous  pensons  utile  d'avoir  un  test 
dans  lequel  le  sentiment  delà  peur  joue  un  rôle.  Il  faut  employer 
un  algésimètre  :  les  usages  qu'on  en  peut  tirer  sont  tellement 
nombreux  qu'on  ne  saurait  les  citer  tous  ;  la  pratique  seule 
indiquera  quels  sont  les  plus  importants.  En  voici  quelques-uns, 
cités  seulement  à  titre  d'exemples  : 

a)  Le  sujet  sait  qu'on  va  faire  une  expérience  sur  la  pression 
douloureuse.  On  augmente  jusqu'à  ce  qu'il  dise  d'arrêter.  On 
recommence  ensuite.  D'après  les  observations  de  Jastrow,  à  la 
première  épreuve  le  sujet  arrête  bien  plus  tôt  qu'à  la  seconde. 
Ceci  mesure  Y  appréhension . 

b)  On  laisse  le  sujet  choisir  lui-même  le  degré  de  douleur 
qu'il  veut  subir,  etc.  On  observe  ses  tâtonnements,  etc. 

4o  Mouvements  involontaires  et  incoïiscients.  —  Notre  qua- 
trième expérience  de  suggestion  porte  sur  les  mouvements  ;  elle 
est  double  ;  on  peut  provoquer  des  suggestions  de  mouvements, 
1°  à  la  connaissance  du  sujet,  qui  y  résistera,  et  2°  à  son  insu. 

Premier  cas.  —  Un  modèle  est  placé  sous  les  yeux  d'une 
personne,  qui  est  priée  de  le  copier  aussi  vite  que  possible,  en 
mettant  des  majuscules  aux  noms  et  aux  adjeclifs.  Comme  le 
texte  est  imprimé  avec  des  minuscules,  il  y  a  là  une  double 
tendance,  obéir  au  texte  et  obéir  à  la  demande  de  l'expérimen- 
tateur. 

Une  expérience  de  ce  genre  a  été  faite  sur  une  jeune  dame  ; 
elle  avait  à  écrire  de  mémoire  la  fable  «  Le  loup  et  l'agneau  »; 
elle  l'a  fait  en  cinq  minutes.  Il  y  avait  dans  ce  texte  29  subs- 
tantifs et  G  adjectifs  seulement.  Les  oublis  de  majuscules  ont 
été  faits  sur  2  substantifs  et  sur  S  adjectifs  ;  le  nombre  des 


4o6  REVUES    GÉNÉRALES 

erreurs  pour  les  adjectifs  est  donc  bien  plus  considérable  ;  pour 
les  substantifs,  les  erreurs  ont  été  faites  sur  des  expressions 
où  la  forme  du  substantif  ne  se  dégage  pas  bien  ;  par  exemple: 
«  au  fond  »  et  «  plus  de  vingts  pas  ».  Notons  en  outre  qu'il  y 
a  eu  deux  corrections. 

Deuxième  cas.  —  Expérience  sur  les  mouvements  incons- 
cients et  l'écriture  automatique.  L'un  de  nous  (Binel)  a  longue- 
ment étudié  cette  question  [Minci,  janv.  1890)  et  montré  com- 
ment on  doit  s'y  prendre  pour  provoquer  des  mouvements 
passifs,  des  mouvements  d'adaptation  et  autres  phénomènes 
semblables  chez  un  sujet  qui  ne  s'en  doute  pas.  On  cache  la 
main  du  sujet  derrière  un  écran,  et  on  le  prie  de  lire  attentive- 
ment, ou  bien  on  le  distrait  par  une  conversation,  ou  encore 
on  le  prie  de  penser  attentivement  à  un  nom,  le  sien  par 
exemple  ;  après  un  court  dressage,  la  main  commence  à  mon- 
trer une  activité  automatique.  Myers,  Jastrow  et  beaucoup 
d'autres  auteurs  ont  fait  des  recherches  sur  l'écriture  automa- 
tique, soit  avec  la  planchette  spirite,  soit  avec  d'autres  instru- 
ments plus  commodes  et  plus  précis.  Un  compte  rendu  des 
expériences  de  Jastrow  a  été  publié  dans  VAmej'ican  Journal 
of  Psi/chology,  avril  lSd'2,  p.  31)8. 


VII 

SENTIMENT   ESTHÉTIQUE 

Outre  le  travaux  classiques  de  Fechner,  des  expériences  ont 
été  faites  dans  ces  dernières  années  en  Allemagne  (Witmer. 
Cohn)  et  en  Amérique  (Pierce,  Mayor)  sur  l'esthétique  des  cou- 
leurs et  des  formes  (v.  Année  psijch.,  I,  p.  438)  ;  mais  ces  expé- 
riences sont  trop  complexes  pour  pouvoir  être  appliquées  à 
l'examen  individuel.  Il  peut  paraître,  à  priori,  assez  difficile  de 
déterminer  le  sentiment  esthétique  d'un  individu  sans  faire  une 
hypothèse  sur  la  justesse  du  sentiment  esthétique  et  sur  le  crité- 
rium du  beau  ;  comment,  en  effet,  dira-t-on,  pourra-t-on  juger 
qu'une  personne  a  un  sentiment  esthétique  faible  si  on  n'a  pas 
commencé  par  déterminer  de  quelle  nature  est  le  sentiment 
esthétique  maximum?  Quand  il  s'agit,  par  exemple,  de  mesurer 
l'habileté  motrice  d'un  individu,  on  imagine  un  acte  difficile 
à  exécuter,  par  exemple  mettre  une  balle  au  centre  d'une 
mire  ;  l'expérience  définit  le  maximum  d'habileté,  et  c'est  à  ce 


A.    BINET    ET    V.    HENRI.   —  LA    PSYCHOLOGIE   INDIVIDUELLE      457 

iiiaximum  qu'on  peut  comparer  les  tentatives  des  différents 
individus.  Mais  en  est-il  de  même  en  esthétique  ?  Peut-on  affir- 
mer qu'il  existe  une  forme,  une  proportion  de  ligne,  un  assem- 
blage de  couleurs  ou  de  nuances  qui  soit  plus  beau  qu'un  autre? 
Nous  croyons  qu'il  existe  deux  moyens  d'échapper  à  cette  dif- 
ficulté, moyens  qui  permettent  d'étudier  expérimentalement  le 
sentiment  esthétique  sans  résoudre  ces  hautes  questions.  1°  On 
peut  prendre  comme  norme,  comme  base  de  comparaison,  un 
sentiment  esthétique  moyen  ;  cette  moyenne  est  obtenue  non 
pas  en  recueillant  les  avis  et  sentiments  de  tout  le  monde  sur 
une  forme  ou  une  couleur,  mais  en  prenant  les  avis  des  artistes, 
c'est-à-dire  de  ceux  qui  ont  le  sentiment  esthétique  le  plus 
exercé,  ou  en  tirant  des  conclusions  des  œuvres  d'art.  C'est  de 
celte  manière  qu'on  est  arrivé  à  admettre  que  certaines  propor- 
tions d'un  rectangle  sont  plus  agréables  à  l'œil  que  dautres 
proportions;  le  carré  par  exemple  donne  un  sentiment  moins 
agréable  que  le  rapport  -j^^  ,  appelé  la  section  d'or.  Montrons 
à  une  personne  une  série  de  rectangles  de  bristol,  de  toutes 
proportions,  posés  sur  un  fond  noir  ;  prions  la  personne  de 
classer  ces  carrés  suivant  le  sentiment  qu'elle  éprouve,  ou  de 
lescompafêr"tmrs^wa€^essivement  deux  à  deux  ;  si  une  per- 
sonne trouve  que  la  section  d'or  donne  moins  de  satisfaction  à 
l'œil  que  le  carré,  nous  pourrons  en  conclure  quelque  chose 
sur  la  manière  dont  elle  est  douée.  Nous  devons  cependant  con- 
fesser que  nous  ignorons  complètement  la  valeur  réelle  de  la 
section  d'or,  n'ayant  pas  eu  l'occasion  de  faire  à  ce  sujet  des 
•observations  personnelles  sur  les  artistes  ^  En  ce  qui  concerne 
les  couleurs,  le  critérium  est  plus  difficile  à  trouver  ;  d'une 
part,  des  expériences  sur  des  étudiants  ont  montré  que  l'asso- 
ciation des  couleurs  complémentaires  est  en  général  préférée 
aux  autres  associations;  d'autre  part,  les  observations  et  inter- 
rogations que  nous  avons  pu  faire  sur  quelques  artistes  des 
•^Gobelins  nous  ont  donné  un  résultat  tout  à  fait  différent,  les 
artistes  préférant  juxtaposer  les  couleurs  voisines  du  spectre, 
parce  que  le  passage  est  plus  doux.  Il  est  à  supposer  que  l'asso- 
ciation des  couleurs  produit  un  effet  esthétique  différent  sui- 
vant le  but  qu'on  se  propose  d'atteindre  ;  on  cherchera  par 
•exemple  le  contraste  violent  dans  les  couleurs  d'un  drapeau, 
■et  des  teintes  fondues  dans  une  tapisserie  de  cabinet  de  travail. 

(l)  Depuis  que  ces  li<rnes  sont  écrites,  l"un  de  nous  a  coniniencc  dos 
expériences  dans  les  écoles  sur  la  section  d"or;  les  résultats  paraissent 
-î'tre  extrêmement  comidexes. 


458  REVUES    GÉNÉRALES 

Il  faut  aussi  tenir  compte  de  ce  fait  que  chez  certains  individus 
le  sentiment  esthétique  est  produit  par  chaque  ton  séparément, 
tandis  que  d'autres,  plus  raffinés,  sont  sensibles  en  outre  au 
rapport  de  deux  ou  trois  tons.  Enfin,  n'oublions  pas  un  dernier 
facteur,  l'influence  de  la  mode,  du  goût  du  jour,  de  l'exemple 
des  maîtres,  des  notions  scientifiques',  de  l'enseignement,  qui 
exercent  une  grande  modification  sur  le  sentiment  esthétique, 
et  parfois  le  suppriment  et  le  remplacent  soit  par  des  sentiments 
d'amour-propre,  soit  par  un  simple  jugement  iatellectuel. 
M.  Jacques  Passy,  qui  fait  depuis  longtemps  des  études  sur  les 
parfums,  nous  apprend  qu'il  a  perdu  une  partie  du  sentiment 
de  plaisir  qu'il  éprouvait  autrefois  à  percevoir  un  parfum 
agréable  ;  il  pense  que  beaucoup  de  parfumeurs  sont  dans  le 
même  cas  ;  on  juge  le  parfum,  on  le  déclare  exquis,  parfait, 
sans  éprouver  de  plaisir  véritable,  mais  parce  qu'on  juge  que 
ce  parfum  se  rapproche  plus  ou  moins  d'un  certain  idéal  esthé- 
tique. 

Le  critérium  qui  nous  fait  défaut  pour  l'esthétique  des  cou- 
leurs, nous  le  trouverons  peut-être  plus  facilement  dans  la 
musique  ;  non  pas  qu'on  puisse  dire  scientifiquement  qu'un 
morceau  de  musique  est  plus  beau  qu'un  autre  ;  les  discussions 
d'école  qui  se  sont  élevées  si  nombreuses  suffiraient  à  prouver 
l'incertitude  d'un  tel  jugement.  Nous  voulons  seulement  rappe- 
ler que  dans  l'audition  d'un  morceau  musical  il  y  a,  outre  le 
sentiment  de  plaisir,  un  sentiment  particulier,  difficile  à  définir, 
qui  consiste  à  comprendre  ;  on  peut  comprendre  une  phrase 
musicale  simple  et  ne  pas  comprendre  une  phrase  plus  compli- 
quée ;  le  Béotien  qui  saisit  la  ritournelle  d'une  chanson  de 
café-concert  n'entend  qu'une  suite  incohérente  de  sons  dans  la 
musique  de  chambre.  La  complexité  musicale  peut  donc 
fournir  un  critérium  du  sentiment  esthétique. 

2"  Nous  avons  parlé  d'un  second  genre  d'épreuves  sur  le  senti- 
ment esthétique  ;  elle  consiste  à  répéter  la  première  expérience 
au  bout  d'un   temps  suffisant   pour  qu'elle   soit    oubliée,   de 

(t)  {;ohn,  dans  son  l'iiulc  sur  TestlnMiinic  dos  roiik'urs,  a  Irouvr  que  les 
roiikMM's  (■(iiiiplciiiciilaires  sont  celles  ijiii  produisent  par  leur  juxlaposi- 
lion  l'clieL  le  plus  ayreable  ;  ses  expériences  ont  été  i'aitcs  sur  des  indi- 
vidus très  cultivés  qui  connaissent  la  théorie  des  couleurs  complénien- 
tairos,  qui  savent  j^ar  exemple  (pu^  les  couicurs  complénienlaires  se  vont 
valoir.  Cette  nolimi  subconsciente  n'a-t-elle  pas  pu  intluencer  leur  choix  ? 
Nous  posons  cette  question  parce  que  des  expériences  en  cours  de  l'un 
de  nous  (Binet)  sur  des  enfants  de  douze  ans  qui  ignorent  conipléteniont 
ce  que  c'est  qu'une  couleur  couqjlcuientaire  ont  donné  des  résultats  tout 
à  l'ait  ditJ'erents. 


A.    BINET    ET   V.    DENRI.  —  LA    PSYCHOLOGIE   INDIVIDUELLE      459 

manière  à  ce  qu'on  puisse  constater  les  variations  qui  se  pro- 
duisent. Dans  des  recherches,  que  nous  n'avons  pas  publiées,  sur 
l'esthétique  des  couleurs,  nous  avons  constaté  que  quelques 
personnes  restent  fidèles  à  leur  premier  jugement,  même  après 
un  mois  d'intervalle,  tandis  que,  pour  d'autres  personnes,  les 
résultats  des  examens  successifs  n'ont  pour  ainsi  dire  rien  de 
commun.  Ces  variations  prouvent  soit  que  la  sensibilité  esthé- 
tique de  ces  derniers  individus  est  soumise  à  un  grand  nombre 
d'influences,  soit  plutôt  que  leur  sensibilité  esthétique  n'est 
pas  développée,  et  que  le  choix  qu'ils  ont  fait  une  fois  est  tout 
à  fait  arbitraire  et  ne  repose  pas  sur  une  manière  profonde  de 
sentir. 

En  résumé,  trois  questions  à  examiner  : 

1).  Quelles  sont  les  préférences  esthétiques  d'une  personne? 
Ceci  se  déterminera  facilement. 

2).  Quel  rapport  existe-t-il  entre  ces  préférences  et  celles  des 
arlistes?  Sur  ce  point,   il  reste  encore  beaucoup  de  doutes, 

3).  Ces  préférences  sont-elles  stables  ou  changeantes?  En 
d'autres  termes,  correspondent-elles  ou  non  à  un  sentiment 
esthétique  développé  ?  L'étude  des  variations  d'une  expérience 
à  l'autre  répond  suffisamment  à  cette  troisième  question. 

Ces  diverses  questions  peuvent  être  étudiées  au  moyen  de 
trois  tests  principaux,  le  premier  avec  des  rectangles,  le  second 
avec  des  carrés  de  couleurs  à  associer,  le  ti'oisième  avec  une 
série  graduée  de  phrases  musicales  à  comprendre. 


VIII 

SENTIMENTS   MORAUX 

A  notre  connaissance,  aucune  expérience  n'a  jamais  été  ten- 
tée dans  cet  ordre  d'idées,  sauf  peut-être  quelques  épreuves 
épisodiques  de  Lombroso  qui  a  eu  l'idée  d'appliquer  le  pneu- 
mographe  et  le  pléthysmographe  à  des  criminels  pendant 
qu'on  leur  montrait  des  objets  capables  de  les  exciter,  une  pièce 
d'or,  un  couteau,  un  verre  de  vin.  Théoriquement,  on  doit 
admettre  que  les  différentes  émotions  qui  nous  agitent  ayant 
toujours  une  contre-partie  somatique,  on  pourrait,  en  étudiant 
avec  des  appareils  de  précision  les  signes  physiques  des  émo- 
tions d'un  individu,  savoir  ce  qu'il  éprouve. 

Il  est  encore  prématuré  de  dire  si  le  pneumographe,  le  plé- 


460  REVUES    GÉNÉRALES 

Lhysmographe  et  les  appareils  analogues  ne  pourraient  pas 
encore  donner  des  indications  suffisamment  précises  pour  servir 
à  un  examen  individuel  '.  Sans  négliger,  en  tout  cas,  ce  que 
peut  apprendre  l'étude  de  la  circulation  et  de  la  respiration, 
on  pourra  avoir  recours,  en  outre,  à  un  procédé  moins  précis, 
peu  scientifique  nous  l'avouons,  et  que  nous  appellerons  le 
procédé  des  images.  Il  consiste  à  offrir  aux  yeux  du  sujet  une 
série  d'images,  de  photographies  de  toutes  sortes,  représentant 
des  scènes  bien  significatives,  des  vues,  des  sujets  religieux  el 
de  guerre  ;  on  observera  la  contenance  du  sujet,  ses  expressions 
de  physionomie,  ses  réflexions,  le  temps  pendant  lequel  il  regar- 
dera chacune  des  photographies.  Nous  donnons  à  ce  sujet  un 
exemple. 

Nous  avons  montré  à  plusieurs  personnes  des  photographies 
qui  représentent  des  vues  de  Buchara  {Asie)  ;  parmi  ces  photo- 
graphies qui  en  général  représentent  des  monuments  et  des 
types  d'individus  et  de  costumes,  s'en  trouve  une  qui  représente 
la  décapitation  des  criminels  faite  à  Buchara;  nous  mettons  cette 
photographie  au  milieu  des  autres,  le  sujet  qui  la  regarde  ne 
s'attend  guère  à  voir  une  pareille  scène.  DifTérentes  personnes 
que  nous  avons  soumises  à  cette  expérience  ont  réagi  bien  difTé- 
remment  ;  quelques-unes  ne  voulaient  même  pas  regarder 
davantage  les  photographies,  d'autres  faisaient  des  remarques 
sur  l'abomination  de  la  scène  ;  enfin,  une  personne  a  regardé 
assez  tranquillement  et  n'en  a  pas  été  émue  ;  ces  différences 
semblent  correspondre  un  peu  aux  différences  dans  l'émotivité 
des  personnes  ;  seulement,  il  faut  distinguer,  croyons-nous, 
deux  genres  différents  d'émotivité  :  l'une  produite  par  des  sensa- 
tions fortes  et  inattendues;  l'autre,  par  des  impressions  intellec- 
tuelles ;  une  personne  peut  être  très  impressionnée  par  une 
photographie  pareille  à  la  précédente,  et  ne  pas  être  du  tout 
effrayée,  par  exemple,  par  un  bruit  fort  et  inattendu  ;  nous 
avons  observé  des  cas  de  ce  genre  ;  remarquons,  en  passant,  que 
Texpérience  décrite  plus  haut  avec  les  photographies  a  été  faite 
sans  que  les  personnes  se  doutassent  qu'elles  étaient  en  expé- 
rience ;  elles  étaient  persuadées  que  nous  montrions  les  photo- 
graphies seulement  pour  l'intérêt  qu'elles  présentent  ;  c'est  ce 
genre  d'expériences  qu'il  faudrait  essayer  de  faire,  ce  sont  ces 
expériences  qui  donnent  des  résultats  bien  plus  instructifs  que 


(1)  (iii  Irniiver.'i  dans  le  travail  de  lUiiet  cl  Cmirtier  sur  la   Clrciilalion 
capillaire  quelques  indications  se  rapportant  à  cette  question. 


A.    BINET   ET   V.    HENRI.  —  LA   PSYCHOLOGIE   INDIVIDUELLE      46! 

les  expériences  faites  sur  des  sujets  prévenus  qu'on  les  étudie. 
Pout  éprouver  !'«  émotivité  toute  sensorielle  »,  on  peut  voir  si 
l'individu  est  peu  ou  beaucoup  effrayé  par  un  bruit  inat- 
tendu, etc. 


FORCE  MUSCULAIRE  ET  FORCE  DE  VOLONTÉ 

Notre  but  est  de  trouver  un  test  qui  donne  des  renseigne- 
ments à  la  fois  sur  la  force  musculaire  et  sur  la  force  de 
volonté.  En  réalité ,  dans  les  explorations  qu'on  fait  ordi- 
nairement sur  la  force  musculaire  volontaire  de  l'homme*, 
trois  facteurs  au  moins  interviennent  :  la  force  impulsive  de 
la  volonté  ;  la  force  de  contraction  du  muscle  ;  les  sensations 
particulières  de  douleur  et  de  fatigue  qui  accompagnent  une 
contraction  énergique  du  muscle,  surtout  quand  elle  se  pro- 
longe, et  qui.  agissant  indirectement  sur  la  force  impulsive 
de  la  volonté,  déterminent  le  sujet  à  suspendre  ou  à  modérer 
son  effort  ^. 

On  peut  montrer  l'importance  relative  de  chacun  de  ces 
facteurs  en  choisissant  des  circonstances  dans  lesquelles 
l'un  de  ces  facteurs  augmente  d'importance,  sans  que  les  autres 
subissent  une  augmentation  parallèle.  L'épreuve  a  été  faite 
bien  souvent  pour  la  volonté.  On  sait  qu'un  jeune  homme  qui 
presse  un  dynamomètre  sous  l'œil  d'une  femme  atteint  en 
général  un  chiffre  de  pression  dont  il  reste  loin  dans  d'autres 
conditions  ;  et  la  différence  entre  les  deux  chiffres  peut  donner 
quelque  idée  de  sa  vanité  ou  de  son  émotivité  sexuelle.  On  sait 
aussi  qu'une  violente  colère  décuple  les  forces.  Quant  à  l'action 
modératrice  de  la  sensation  de  fatigue,  elle  se  fait  sentir  surtout 
au  bout  d'un  effort  prolongé,  et  elle  agit  bien  plus  sur  la  volonté 
du  sujet  que  sur  la  fibre  musculaire  ;  c'est  par  la  fatigue  et  non 
par  l'épuisement  qu'on  est  arrêté  dans  un  état  de  contraction 
prolongé.  Quelques  hystériques  qui  perdent  la  sensation  de 
fatigue  sont  capables  d'un  prolongement  d'effort  bien  plus 
considérable  que  des  individus  normaux  des  plus  vigoureux  ; 
l'un  de  nous  (Binet)  a  observé  avec  Féré  une  femme  hystéri({ue 


(i)  Consulter  Féré.  Sensalinn  cl  mouvement. 

(2)  L'un  de.  nous  a  déjà   insisté  sur  celte  idée.  V"ir  AlU-ralioiis  de  la 
personnalité,  Paris,  1892. 


462  REVUES    GÉNÉRALES 

qui  grâce  à  son  anesthésie  pouvait  garder  le  bras  (Hendu  une 
heure  vingt  minutes.  Quel  est  l'athlète  qui  en  ferait  autant? 
Enfin  l'excitation  directe  des  muscles  par  l'électricité  pourrait 
probablement  donner  quelques  renseignements  sur  la  force 
musculaire  proprement  dite. 

Nous  devons  chercher  dans  nos  tests  à  réunir  le  plus  grand 
nombre  de  renseignements  possible  sur  ces  trois  facteurs. 
Aussi  rejetons-nous  l'emploi  du  dynamomètre  ;  outre  que  cet 
instrument  est  en  général  mal  gradué  et  d'un  maniement  peu 
commode  pour  des  personnes  qui  n'en  ont  point  rhaijitude,  il 
ne  donne  que  le  résultat  d'une  pression  unique  ;  or,  dans  une 
pression  unique,  le  rôle  de  la  volonté  est  réduit  en  quelque  sorte 
au  minimum  ;  c'est  par  la  persistance  de  l'état  volontaire  que  les 
différences  individuelles  s'accusent  ;  tout  le  monde,  —  pourrait- 
on  dire  en  exagérant  beaucoup  une  idée  vraie,  —  tout  le  monde 
est  capable  du  même  elTort  volontaire  ;  mais  tout  le  monde  n'est 
pas  capable  de  faire  durer  cet  effort  aussi  longtemps  ;  durer, 
voilà  la  vraie  mesure  de  la  volonté.  Il  y  a  donc  lieu  d'arranger 
une  expérience  de  manière  à  ce  que  la  part  de  volonté  y 
devienne  manifeste,  notamment  comme  force  de  résistance  à 
la  fatigue.  On  pourrait  avoir  recours  soit  à  l'effort  soutenu  pris 
avec  le  dynamographe,  soit  à  une  expérience  plus  simple,  ne 
nécessitant  point  d'appareil,  et  consistant  à  tenir  un  poids 
soulevé,  aussi  longtemps  que  possible.  La  courbe  dynamo- 
graphique donne  la  durée  de  l'effort,  sa  forme  et  sa  hauteur  ; 
le  soulèvement  du  poids  permettrait  d'étudier,  outre  le  temps, 
le  tremblement,  la  descente  du  bras,  l'effort  respiratoire,  etc. 
Voici  un  autre  procédé,  que  nous  jugeons  plus  complet  :  faire 
soulever  avec  un  seul  doigt  un  poids  connu,  le  plus  vite  et  le 
plus  longtemps  possible.  Avec  un  seul  doigt,  pour  que  les  effets 
soient  plus  rapides  et  plus  nets  qu'avec  la  main  entière  dont 
les  groupes  musculaires  peuvent  se  suppléer,  ce  qui  introduit 
une  cause  d'erreur  dans  les  résultats  ;  un  poids  connu,  pour 
qu'on  puisse  mesurer  la  quantité  de  travail  ;  le  plus  vite  possible. 
parce  que,  grâce  à  la  vitesse,  on  atteint  rapidement  la  fatigue, 
on  empêche  le  muscle  de  se  reposer  ;  et,  de  plus,  la  vitesse  du 
mouvement  est  une  notion  très  importante,  presque  aussi  impor- 
tante que  la  force  ;  on  sait  quelle  a  été  considérée  par  des  psy- 
chologues américains  (Bryan')  comme  la  mesure  de  l'habileté 
motrice;  le  plus  longtemps  possible,  pour  voir  la  persistance  de 

(I)  Amer.   J.  of  l'sijvhiilixjij,  \ .  \\.   IJO. 


A.    BINET   ET    V.    HENRI.   —    LA    PSYCUOLOGIE    INDIVIDUELLE      4(m 

l'elTort  malgré  la  fatigue.  Or,  d'après  le  dispositif  choisi,  on  ne 
connaîtra  pas  seulement  la  durée  de  l'effort,  mais  ses  troubles, 
les  contractions  manquantes,  la  manière  de  se  fatiguer,  etc. 
L'ergographe  de  Mosso*  ne  satisfait  pas  entièrement  à  ces 
conditions,  parce  que  le  soulèvement  du  poids  a  lieu  en  flexion, 
et,  par  conséquent,  ce  mouvement,  qui  a  beaucoup  d'amplitude, 
demande  du  temps  ;  on  ne  peut  pas  faire  de  contractions 
rapides,  par  exemple  trois  contractions  par  seconde.  Evidem- 
ment, il  faut  modifier  l'ergographe  tout  en  en  conservant  le 
principe  ;  choisir  un  mouvement  d'extension  du  doigt,  et  faire 
soulever  des  poids  plus  légers  qu'un  kilo,  chaque  soulèvement 
s'inscrivant  sur  le  cylindre. 


X 

HABILETÉ    MOTRICE    ET    COUP    d'œIL 

Un  test  pour  l'étude  de  l'habileté  motrice  a  été  proposé  par 
Bvy-àn  {Amei'.  Journ.  of  Psych.,  V,  p.  loO),  consistant  à  faire 
entrer  une  aiguille  dans  un  petit  trou  fait  dans  une  planchette. 
On  pourrait  employer  ce  test,  ou  bien  encore  le  sujet  devrait 
jeter  10  fois  de  suite  une  balle  dans  une  mire,  on  marquerait 
les  écarts  du  centre  de  la  mire. 

Le  coup  d'œil  est  en  relation  avec  l'habileté  motrice  ;  quel- 
qu'un qui  a  un  bon  pouvoir  d'observation,  qui  a  une  habileté 
motrice  développée  aura  aussi  en  général  un  bon  coup  d'œil, 
sauf  les  cas  où  il  est  par  ses  occupations  spécialement  déve- 
loppé. 

Pouréprouver  le  coup  d'œil,  on  peut  demander  à  un  individu 
combien  de  fois  une  ligne  est  contenue  dans  une  autre,  puis  le 
prier  de  partager  une  ligne  en  sept  parties  égales,  indiquer  sur 
une  circonférence  la  treizième  partie  de  la  circonférence,  etc. 

Nous  sommes  au  bout  des  tests  que  nous  proposons;  il  y  a 
certainement  beaucoup  de  lacunes  à  combler  ;  il  faut  modifier 
plusieurs  des  tests  précédents,  ceci  est  certain.  Rappelons  que 
ce  n'est  qu'un  premier  essai,  et  c'est  la  pratique  et  l'expérience 
qui  doitcompléter  et  modifier  les  tests  précédents.  Nous  croyons 
tout  de  même  qu'ayant  obtenu  des  réponses  à  toutes  les  questions 

0)  Voir  la  descriptinn  dans  Wiinn'c j/si/rfinlnr/ifii/r^  I.  p.  451. 


464  REVUES   GÉNÉRALES 

précédentes,  ayant  ensuite  interrogé  le  sujet  sur  ses  occupations 
principales,  on  pourra  se  faire  une  idée  d'ensemble  des  facultés 
de  l'individu  ;  les  tests  précédents  sont  choisis  de  façon  qu'on 
puisse  les  faire  tous  en  une  séance  de  une  heure  ou  une  heure 
et  demie  au  plus  ;  si  on  dispose  d'un  temps  plus  long,  il  faudra 
augmenter  les  expériences  et  les  varier  autant  que  possible  ;  il 
est  possible  que  les  tests  précédents  ne  suffisent  pas  pour  bien 
caractériser  les  différences  entre  deux  individus  appartenant  au 
même  milieu,  qui  vivent  de  la  même  façon  et  qui  ont  les  mêmes 
occupations,  mais  nous  croyons  qu'ils  peuvent  donner  des 
renseignements  utiles  lorsque  les  individus  à  comparer  ditTèrent 
plus  fortement. 

Nous  avons  déjà  dit  au  début  de  l'étude  sur  les  tests  qu'ils 
doivent  être  appropriés  au  milieu  auquel  appartiennent  les 
individus  étudiés;  il  faudra  s'arrêter  plus  sur  quelques-uns  que 
sur  les  autres  ;  pour  des  individus  qui  exercent  certaines  pro- 
fessions, toutes  ces  questions  doivent  être  étudiées  en  détail. 
Dans  celte  étude  il  faudra  surtout  s'occuper  des  modifications  à 
apporter  dans  les  tests  pour  l'étude  des  différences  individuelles 
chez  les  enfants  des  écoles,  puisque  c'est  là  surtout  que  les 
tests  peuvent  trouver  leur  aj)plication  maintenant,  et  aussi 
c'est  sur  les  élèves  des  écoles  qu'il  est  le  plus  facile  de  faire  des 
expériences  de  ce  genre. 

Nous  ne  pouvons  pas,  faute  de  place,  nous  arrêter  sur  l'im- 
portance pratique  que  la  psychologie  individuelle  peut  pré- 
senter pour  le  pédagogue,  pour  le  médecin  et  pour  le  juge,  ceci 
nous  entraînerait  trop  loin. 

Résumons  donc  pour  conclure  les  points  principaux  dévelop- 
pés dans  cette  étude  : 

1°  La  psychologie  individuelle  a  deux  problèmes  à  résoudre  : 
a).  Étude  des  dilTérences  individuelles  pour  différents  processus 
psychiques  ;  cette  étude  peut  être  faite  en  portant  l'attention 
surtout  sur  les  processus  étudiés  sans  s'occuper  des  relations 
entre  les  variations  individuelles  et  les  individus,  ou  bien  elle 
peut  être  faite  en  portant  l'attention  sur  les  individus  ({ui  pré- 
sentent les  variations. 

b).  Elude  des  relations  qui  existent  entre  les  différents  pro- 
cessus psychiques,  de  manière  à  pouvoir  déduire  de  l'état  de 
certaines  facultés  psychiques  chez  un  individu  l'état  de  quelques 
autres  facultés  du  même  individu  ;  et  enfin  pour  arriver  à  éta- 
blir quels  sont  les  processus  psychiques  les  plus  importants 
qui  gouvernent  les  autres  et  dont  l'ensemble  peut  le  mieux 


A.    BINET    ET    V.    IIEiNRI.  —  LA   PSYCUOLOGIE   INDIVIDUELLE      46o 

caractériser  les  différences  psychiques  entre  plusieurs  indi- 
vidus. 

i°  Les  différences  individuelles  sont  plus  fortes  pour  les  pro- 
cessus supérieurs  que  pour  les  processus  élémentaires;  par  con- 
séquent, si  on  veut  étudier  les  différences  psychiques  entre  deux 
individus,  il  faut  surtout  porter  son  attention  sur  les  processus 
supérieurs  et  ne  considérer  qu'en  seconde  ligne  les  processus 
élémentaires;  de  cette  même  loi  résulte  cette  conséquence  que 
la  détermination  des  processus  supérieurs  n'a  pas  besoin  d'être 
faite  avec  autant  de  précision  que  celle  des  processus  élémen- 
taires. 

3"  Parmi  les  différentes  méthodes  de  la  psychologie  indivi- 
duelle il  faut  porter  une  attention  spéciale  sur  la  méthode  des 
«  mental  tests  ».  consistant  à  choisir  un  certain  nombre  d'ex- 
périences qui  permettraient  d'avoir  des  idées  approximatives 
sur  les  différences  individuelles  pour  différentes  facultés  psy- 
chiques. Cette  méthode  peut  déjà  à  l'état  actuel  jouer  un  cer- 
tain rôle  pratique,  surtout  pour  le  pédagogue  et  le  médecin. 

Les  conditions  pour  les  mental  tests  sont  :  qu'ils  soient  aussi 
variés  que  possible  de  façon  à  embrasser  le  plus  grand  nombre 
de  facultés  psychiques  ;  qu'ils  soient  surtout  relatifs  aux  facul- 
tés supérieures;  que  leur  exécution  ne  dure  pas  plus  d'une 
heure  et  demie  pour  un  individu  ;  qu'ils  soient  assez  variés,  de 
façon  à  ne  pas  fatiguer  trop  ni  ennuyer  l'individu  soumis  à 
l'épreuve  ;  qu'ils  soient  appropriés  au  milieu  auquel  appartient 
l'individu,  et  enfin  qu'ils  ne  nécessitent  pas  d'appareils  com- 
pliqués et  d'installation  spéciale. 

A.  BiNET  ET  V.  Henri. 


ANNÉE   PSYCHOLOGIQUE.    II.  30 


LE  CALCUL  DES  PROBABILITÉS  EN   PSYCHOLOGIE 


«  Tous  les  événements,  ceux  mêmes  qui  par  leur  petitesse 
semblent  ne  pas  tenir  aux  grandes  lois  de  la  nature,  en  sont 
une  suite  aussi  nécessaire  que  les  révolutions  du  soleil.  Dans 
l'ignorance  des  liens  qui  les  unissent  au  système  entier  de 
l'univers,  on  les  a  fait  dépendre  des  causes  finales,  ou  du  hasard 
suivant  qu'ils  arrivaient  et  se  succédaient  avec  régularité,  ou 
sans  ordre  apparent  ;  mais  ces  causes  imaginaires  ont  été  suc- 
cessivement recplées  avec  les  bornes  de  nos  connaissances,  et 
disparaissent  entièrement  devant  la  saine  philosophie  qui  ne 
voit  en  elles  que  l'expression  de  l'ignorance  où  nous  sommes 
des  véritables  causes.  > 

Laplace. 

On  ne  peut  pas  faire  un  pas  dans  la  psychologie  expérimen- 
tale sans  avoir  recours  aux  principes  du  calcul  des  probabilités 
et  cependant  il  existe  peu  de  psychologues  qui  aient  porté  leur 
attention  sur  les  hypothèses  qu'on  doit  faire  en  appliquant  tel 
principe  spécial  ;  on  s'est  le  plus  souvent  contenté  de  mention- 
ner qu'on  suppose  la  loi  des  erreurs  de  Gauss  applicable  aux 
processus  psychiques  ;  quant  aux  cas  où  on  se  servait  d'autres 
principes  plus  simples  comme  le  théorème  des  probabilités 
composées  ou  la  recherche  de  la  |)robabilité  des  causes,  en 
général  on  l'a  fait  sans  prononcer  un  mot  sur  les  conventions 
qu'on  doit  admettre  pour  justifier  l'emploi  de  ces  principes. 
Donnons  quelques  exemples. 

On  pose  sur  le  bout  de  l'index  des  poids  de  grandeurs  difîé- 
rentes  en  commençant  d'abord  par  des  poids  assez  faibles  pour 
qu'ils  ne  soient  pas  perçus,  et  en  les  augmentant  petit  à  petit 
jusqu'à  ce  que  l'on  arrive  à  un  poids  qui  provoque  une  sensa- 
tion à  peine    perceptible  ;  on  marque  ce   poids  limite  et  on 


V.    DENRI.    —    PROBABILITÉS    EN   PSYCUOLOGIE  467 

recommence  l'expérience  de  la  même  manière;  le  poids  limite 
dans  ce  deuxième  essai  ne  sera  pas  tout  à  fait  égal  au  premier; 
on  répète  vingt  fois  et  on  obtient  vingt  valeurs  pour  le  poids 
limite;  quelle  est  celle  qu'il  faudra  choisir  pour  représenter  la 
sensibilité  à  la  pression  du  bout  de  l'index  étudiée  dans  les 
conditions  précédentes?  On  prend,  en  général,  la  moyenne 
arithmétique  entre  les  vingt  valeurs  ;  mais  pourquoi  ?  On  pour- 
rait, ce  semble,  tout  aussi  bien  prendre  la  moyenne  géométrique 
ou  la  racine  carrée  de  la  moyenne  de  la  somme  des  carrés  des 
vingt  valeurs  ;  y  a-t-il  quelque  raison  qui  fait  préférer  l'une  des 
moyennes  aux  autres? 

On  veut  étudier  les  associations  médiates,  c'est-à-dire  celles 
qui  se  produisent  par  l'intermédiaire  d'un  terme  commun 
inconscient;  on  montre  au  sujet  une  série  de  cinq  mots  ayant 
des  signes  géométriques  au-dessus,  puis  cinq  syllabes  ayant 
les  mêmes  signes  géométriques,  mais  dans  un  ordre  différent; 
ceci  fait,  on  montre  un  mot  sans  signe  et  le  sujet  doit  associer 
à  ce  mot  l'une  des  cinq  syllabes  de  la  deuxième  série  ;  on 
marque  le  nombre  total  d'expériences  et  le  nombre  de  celles 
où  la  syllabe  associée  avait  au-dessus  d'elle  le  même  signe 
géométrique  (jue  le  mot  montré;  ({uel  doit  être  au  moins  le 
nombre  de  ces  a  coïncidences  »  pour  qu'on  puisse  les  attribuer 
à  l'existence  d'associations  médiates  et  non  au  simple  hasard  ? 
Quelques  auteurs  ont  calculé  ce  nombre,  mais  ils  ont  oublié  de 
signaler  certaines  hypothèses  importantes  (|u'on  doit  faire  en 
appli((uant  le  calcul  des  probabilités. 

C'est  une  vérité  vieille  comme  le  monde  (|ue  les  observations 
répétées  valent  plus  qu'une  observation  unique,  tout  le  monde 
se  sert  de  cette  vérité  et  dans  la  vie  journalière  et  dans  les 
sciences,  mais  il  y  a  là  un  point  intéressant  dont  on  s'est  rare- 
ment occupé  en  psychologie,  c'est  de  savoir  s'il  n'existe  pas 
pour  le  nombre  des  observations  une  limite  à  partir  de  laquelle 
on  ne  pourra  plus  tirer  profit  de  nouvelles  observations.  Je  donne 
un  exemple  :  on  veut  étudier  si  les  «  points  froids  »  de  la  peau, 
touchés  par  une  pointe  en  bois,  donnent  lieu  à  des  sensations  de 
froid  ;  on  choisit  dix  points  froids  sur  la  peau  et  on  les  touche 
chacun  vingt  fois  à  différentes  reprises  avec  la  pointe  en  bois  ; 
si  pour  tous  les  deux  cents  contacts  ainsi  produits  le  sujet  a  eu 
une  sensation  de  froid,  faudra-t-il  se  contenter  de  ces  expé- 
riences ou  bien  y  aura-t-il  quelque  profit  à  refaire  les  expériences 
encore  deux  cents  fois  ?  Sous  une  forme  générale  le  problème 
à  envisager  est  le  suivant  :  on  veut  étudier  un  certain  processus 


468  REVUES   GÉNÉRALES 

psychique,  on  se  dit  d'avance  qu'on  sera  satisfait  par  tel  degré 
d'approximation;  pourra-t-on  dire  avant  d'avoir  l'ait  des  expé- 
riences le  nombre  minimum  nécessaire  pour  arriver  aune  con- 
clusion satisfaisante  ?  La  question  a  son  importance  pratique  ; 
souvent  on  voit  des  recherches  expérimentales  entreprises  avec 
un  plan  fixé  d'avance  dans  lequel  le  nombre  d'expériences  à 
faire  est  indiqué  ;  nous  nous  rappelons  un  Américain  qui  étu- 
diait la  sensibilité  à  la  douleur  des  différentes  personnes  ;  il 
avait  voyagé  dans  toute  l'Europe,  s'arrêtant  dans  Gha(|ue  ville 
autant  de  jours  qu'il  lui  fallait  pour  faire  tant  de  milliers  d'ex- 
périences sur  les  habitants;  interrogé  sur  les  résultats  obtenus, 
il  répondit  qu'il  n'avait  pas  encore  étudié  les  résultats,  quoiqu'il 
eût  déjà  rassemblé  plus  de  trente  mille  expériences. 

Un  dernier  exemple  nous  montrera  encore  mieux  jusqu'à 
(juel  point  les  différentes  méthodes  «  psychophysiques  »  dépen- 
dent de  l'application  du  calcul  des  probabilités  : 

On  produit  deux  bruits  A  et  B  d'intensité  un  peu  différente, 
onveut  étudier  quelle  doit  être  la  différence  minimum  entre  les 
deux  bruits  pour  qu'on  perçoive  encore  cette  différence.  Le 
sujet  ayant  entendu  les  deux  bruits  doit  indiquer  lequel  des 
deux  lui  paraît  plus  intense  ou  s'ils  lui  paraissent  égaux;  cette 
indication  donnée,  on  recommence  l'expérience  avec  les  mêmes 
bruits,  le  sujet  fait  connaître  de  nouveau  son  observation  et 
ainsi  de  suite  jusqu'à  ce  (jue  l'on  ait  fait  cent  expériences  ;  il  y 
aura  en  définitive  un  certain  nombre  de  cas  oîi  le  sujet  aura 
perçu  B  comme  plus  intense  que  A,  soit  60  ce  nombre  ;  dans 
d'autres  cas  il  aura  perçu  B  égal  à  A,  soit  :20  ce  nombre,  et  enfin 
dans  lo  cas  B  lui  aura  semblé  être  plus  faible  que  A  ;  peut-on 
déduire  de  ces  chiffres  l'intensité  que  doit  avoir  un  bruit  B'  pour 
(jue,  comparé  au  bruit  A  dans  les  conditions  précédentes,  il 
donne  lieu  à  50  réponses  «  plus  fort  »  et  50  «  plus  faible  »  ?  La 
différence  A  —  B'  mesurerait  par  définition  le  «  seuil  de  diffé- 
rence »  ;  il  est  certain  que  si  l'on  ne  fait  aucune  hypothèse  la 
solution  est  impossible  ;  on  admet  ([ue  les  variations  dans  les 
réponses  du  sujet  pendant  une  série  d'expériences  sont  dues  à 
des  causes  accidentelles  et  (|uc  les  erreurs  qui  en  résultent  sont 
comparables  à  des  erreurs  d'observation  et  suivent  par  consé- 
quent la  loi  des  erreurs  de  Gauss,  c'est-à-dire  qu'elles  sont  dis- 
tribuées d'une  certaine  manière  bien  déterminée  autour  de  la 
moyenne;  cette  hypothèse  faite,  le  problème  devient  dès  lors 
un  simple  exercice  de  calcul  mathématique  ;  mais  (juelles  sont 
les  conditions  nécessaires  et  suffisantes  pour  que  la  loi  de  Gauss 


^/ 


V.    HENRI.    —    PROBABILITÉS    EN   PSYCnOLOGIE  469 

soit  appliquable  ?  Ces  conditions  sont-elles  remplies   pour  les 
processus  psychiques  ? 

—  Nous  sommes  loin  d'avoir  épuisé  tous  les  cas  différents  où 
le  calcul  des  probabilités  trouve  son  application  en  psychologie, 
nous  donnerons  plus  loin  d'autres  exemples  ;  passons  donc 
après  ces  préliminaires  au  sujet  même  de  cette  étude  ;  nous 
essaierons  d'exposer  les  points  les  plus  importants  du  calcul 
des  probabilités  en  nous  arrêtant  surtout  sur  les  applications 
à  la  psychologie  expérimentale. 

Il  est  bien  diflicile  de  donner  une  définition  satisfaisante  de 
ce  que  l'on  appelle  «  probabilité  »  ;  la  définition  qu'on  trouve 
en  général  est  très  insuffisante,  comme  l'a  encore  montré  der- 
nièrement M.  Poincaré  '.  On  dit  ordinairement  que  la  probabi- 
lité de  l'arrivée  d'un  certain  événementest  égale,  par  dc/hiition, 
au  rapport  du  nombre  de  cas  où  cet  événement  peut  se  produire 
au  nombre  total  de  cas  différents,  en  supposant  que  tous 
les  cas  sont  également  possibles.  Ainsi,  quelle  est  la  pro- 
babilité de  tirer  d'un  jeu  de  32  cartes  un  roi  ?  Il  y  a  4  rois, 
32  cas  différents  sont  possibles,  ils  le  sont  également,  on  le 
suppose,  donc  la  probabilité  demandée  sera,  par  définition, 
égale  à  p-  • 

Au  fond  cette  probabilité  ne  nous  apprend  rien  de  nouveau  ; 
si  quelqu'un  vous  demande  :  Quelle  est  la  probabilité  d'amener 
«  un  trois  »  en  jetant  un  dé  une  fois  ?  que  vous  lui  répondiez  : 
six  cas  différents  sont  également  possibles,  un  seul  parmi  euxest 
favorable,  ou  que  vous  lui  disiez:  Cette  probabilité  est  égale  à  — 
votre  réponse  sera  dans  les  deux  cas  la  même  ;  mais  on  aura 
bien  raison  de  protester  contre  une  réponse  comme  la  première 
en  objectant  qu'on  le  savait  déjà  d'avance  et  qu'on  n'a  par  con- 
séquent rien  appris  de  nouveau.  En  réalité,  il  faut  bien  se 
garder  de  croire  qu'en  prononçant  le  mot  «  probabilité  d'un 
événement  *  on  apprend  quelque  chose  de  nouveau  ;  «  ainsi, 
quelle  est  la  probabilité  pour  que  la  quatrième  décimale  du  loga- 
rithme d.'un  nombre  entier  soit  1?  C'est  f-,  ,  car  il  n'y  a  pas  plus 
de  raison  pour  une  décimale  que  pour  une  autre  ;  nous  avouons 
de  cette  manière  notre  ignorance  complète...  »  (Poincaré). Mais 
d'un  autre  côté  on  aurait  bien  tort  de  diminuer  l'importance 
du  calcul  des  probabilités. 

Nous  avons  fait  dans  la  définition  de  la  probabilité  une  res- 
triction :  en  supposant  que  tous  les  cas  sont  également  possibles  ; 

(1)  Poincaré.  Calcul  des-  prohahili/rs-,  Paris,  1896. 


470  REVUES   GÉNÉRALES 

cette  restriction  est  nécessaire,  sans  elle  les  principes  se  trou- 
veraient en  défaut  ;  supposons  qu'un  sac  contienne  cent  boules 
égales  dont  quatre-vingts  blanches  et  vingt  noires  ;  en  tirant 
la  première  boule  qui  tombe  sous  la  main  on  doit  s'attendre 
davantage  à  voir  sortir  une  boule  blanche  qu'une  noire,  la  pro- 
habilité  de  la  sortie  de  la  première  étant  -j^  et  celle  de  la 

seconde  -j^  ;  si  donc  on  a  un  autre  sac  pareil  au  premier,  qui 
contient  soixante  boules  blanches  et  quarante  noires,  on  devra 
s'attendre  moins  que  dans  le  premier  cas  à  voir  sortir  une  boule 
blanche  ;  mais  si  les  boules  blanches  du  premier  sac,  tout  en 
restant  égales  aux  noires,  sont  deux  fois  plus  lourdes  que  ces 
dernières  tous  nos  raisonnements  tombent,  les  boules  blanches 
vont  au  fond  du  sac  et  les  cas  ne  sont  plus  également  possibles, 
nous  ne  pouvons  rien  dire  sur  la  probabilité  dans  cette  expé- 
rience. La  restriction  de  l'égalité  des  cas  est  donc  importante; 
citons  encore  quelques  exemples  où  on  n'en  a  pas  tenu  compte  : 
on  rencontre  chez  M.  Bertrand  la  phrase  suivante  :  «  Tous  les 
soldats  d'une  nombreuse  armée  sont  appelés  tour  à  tour  à  dire 
un  nombre  moindre  que  7,  lepremiervenu.  Dans  leurs  réponses, 
inscrites  deux  par  deux,  on  rencontre  deux  6  une  fois  sur  ^16.  » 
Si  on  faisait  l'épreuve  on  peut  être  sûr  qu'on  n'obtiendrait  pas 
du  tout  ce  résultat  ;  un  prestidigitateur  habile  racontait  un  jour 
au  laboratoire  de  la  Sorbonne  que  si  on  priait  une  personne  de 
penser  à  un  chiffre  quelconque  au-dessous  de  10,  dans  la  majo- 
rité des  cas  elle  pensait  au  chiffre  «  sept  »,  il  l'avait  remarqué 
dans  sa  pratique  et  s'en  servait  pour  quelques  trucs  ;  notre 
maître,  M.  Binet,  a  fait  une  enquête  sur  ce  point,  d'où  il  s'est 
dégagé  qu'en  réalité  plus  de  la  moitié  des  personnes  interrogées 
pensaient  au  chiffre    «  sept  »,  les  autres  avaient  choisi  trois, 
cinq  et  huit;  en  somme  on  voit  que  les  différents  cas  sont 
loin  dêtre  également  possibles. 

La  Société  Anglaise  des  Recherches  psychiques  a  fait  une  large 
enquête  sur  les  hallucinations  en  portant  une  attention  spéciale 
sur  des  cas  où  la  «  vision  »  d'une  personne  coïncidait  avec  la 
mort  de  cette  même  personne,  l'halluciné  ignorant  à  ce  moment 
le  décès  :  du  nombre  total  des  cas  d'hallucinations  personnelles 
et  de  celui  des  «  death-coïncidcnces  »  les  auteurs  déduisent  que 
le  rapport  est  égal  à  1  sur  43  ;  de  plus  la  mortalité  moyenne  par 
an  étantde  10,15  sur  1  000,  «  la  probabilité  qu'une  personne 
mourra  tel  jour  est  de  19,15  sur  1  000  X  305  ou  1  sur  19000  », 
par  conséquent  «  entre  la  mort  et  l'apparition  du  mourant  existe 
une  connexion  qui  n'est  pas  due  au  seul  hasard  ».  Dans  cet 


V.    HENRI.    —   PROBABILITÉS   EN   PSYCUOLOGIE  474 

exemple  on  a  supposé  que  les  différents  cas  étaient  également 
possibles,  tandis  qu'ils  ne  le  sont  pas  en  réalité.  D"abord  si 
quelqu'un  a  une  apparition  de  la  mort  d'une  personne  qu'il 
connaît,  il  est  bien  probable  qu'il  l'aura  plus  facilement  pour 
une  personne  qu'il  sait  être  bien  malade  que  pour  une  personne 
<aine  el  bien  portante  ;  tous  les  cas  ne  sont  donc  pas  également 
possibles  ;  de  plus,  lorsqu'on  voit  en  hallucination  une  personne, 
si  rien  n'est  lié  à  cette  apparition  on  l'oubliera  bien  vite,  surtout 
si  les  hallucinations  ne  sont  pas  rares  ;  une  apparition,  au  con- 
traire, qui  coïncidera  avec  la  maladie  ou  la  mort  de  la  personne 
apparue  restera  plus  fixement  dans  la  mémoire  ;  le  recensement 
des  observations  réunies  par  la  société  anglaise  a  été  fait  par 
questionnaires,  et  on  ne  répond,  en  général,  à  un  questionnaire 
que  si  l'on  a  quelque  chose  d'intéressant  à  signaler,  comme  par 
exemple  la  coïncidence  d'une  apparition  avec  le  décès  ;  toutes 
ces  raisons,  et  il  y  en'a  bien  d'autres  encore,  montrent  que  le 
calcul  précédent  est  loin  d'être  exact,  les  différents  cas  ne  sont 
pas  également  possibles  et  de  plus  on  ne  connaît  pas  tous  les  cas. 
La   restriction    que   tous    les   cas    doivent    être    considérés 
comme  également  possibles  peut  donner  lieu   quelquefois  à 
des  difficultés  ;  si  en  effet  on  analyse  de  plus  près  cette  res- 
triction on  remarque  qu'elle  conduit  facilement  à  une  pétition 
de  principe  :  on  veut  déterminer  la  probabilité  d'un  événement 
et  pour  le  faire  on  doit  supposer  quelque  chose  sur  cette  pro- 
babilité. Si  donc  on  ne  sait  pas  d'avance  que  tous  les  cas  sont 
également  possibles  aucun  des  principes  du  calcul  des  proba- 
bilités ne  pourra  être  appliqué. 

Jusqu'ici  nous  n'avons  considéré  que  les  circonstances  où  on 
avait  affaire  à  un  nombre  fini  de  cas  ;  comment  se  comporte 
donc  la  probabilité  lorsqu'on  sera  en  face  d'un  nombre  infini 
de  cas  ?  Nous  ne  croyons  pas  qu'en  psychologie  on  ait  l'occa- 
sion de  l'appliquer,  nous  n'en  parlerons  que  très  brièvement 
pour  prévenir  quelques  difficultés  qui  peuvent  se  présenter  et 
pour  montrer  combien  il  est  délicat  de  donner  une  définition 
du  mot  «  probabilité  ».  Un  exemple  que  nous  empruntons 
en  partie  à  M.  Bertrand  suffira  : 

Soit  un  cercle,  on  trace  une  corde,  quelle  est  la  probabilité 
pour  que  cette  corde  soit  plus  petite  que  le  côté  du  triangle 
équilatéral  inscrit  ?  On  peut  faire  un  grand  nombre  de  raison- 
nements différents  ;  en  voici  quelques-uns  : 

1"  Si  on  se  donne  une  extrémité  de  la  corde,  on  ne  change 
pas  la  probabilité  cherchée,  puisque  la  symétrie  du  cercle  ne 


472 


REVUES    GENERALES 


permet  d'y  attacher  aucune  influence  favorable  ou  défavorable 
à  l'arrivée  de  l'événement  demandé.  Soit  A  un  point  de  la  circon- 
férence, trarons  les  deux  cordes 
AB,  AB'  égales  aux  côtés  du 
triangle  équilatéral  inscrit  ;  pour 
que  la  corde  tracée  par  A  soit 
moindre  que  ce  côté,  il  faut  et  il 
suffit  que  l'autre  extrémité  de  la 
corde  soit  en  un  point  quelcon- 
que de  l'arc  BAB',  qui  est  deux 
fois  plus  large  que  l'arc  BDB',  il 
semble  donc  que  la  probabilité 
cherchée  est  égale  à  —■ 

2°  Le  point  A  étant  choisi, 
toutes  les  cordes  passant  par  ce 
point  ont  des  longueurs  com- 
prises entre  0  et  le  diamètre  :2r, 
la  longueur  du  côté  du  triangle 
équilatéral  inscrit  est  égale  à  n'3, 
par  conséquent  l'événement  de- 
mandé arrivera  si  la  longueur  de  la  corde  est  comprise  entre  0 
et  r\  3,  il  semble  donc  que  la  probabilité  demandée  est  égale 

»/3 


N 

K 

K 

/^^ 

F           ^ 

\ 

^ 

B' 

M 

'D 


Fig.  85. 


a 


3°  On  sait  que  le  côté  du  triangle  équilatéral  coupe  au  milieu 
le  rayon  perpendiculaire  ;  on  peut  dire  que  choisir  une  corde 
au  hasard  revient  au  même  que  de  choisir  au  hasard  son  milieu  ; 
si  on  trace  un  cercle  concentrique  au  premier,  mais  de  rayon 
moitié,  il  faudra  que  le  milieu  de  la  corde  soit  entre  les  deux 
cercles,  la  surface  du  cercle  intérieur  étant  de  quatre  fois  plus 
petite  que  celle  du  cercle  donné,  la  probabilité  demandée  sem- 
blera égale  à  — • 

4°  Si  on  se  donne  le  rayon  du  cercle  sur  lequel  le  milieu  de  la 
corde  se  trouve  on  n'influencera  pas  la  probabilité  cherchée 
par  la  même  raison  que  dans  le  premier  cas  ;  pour  que  Tévéne- 
ment  se  produise,  il  suffit  que  le  milieu  de  la  corde  se  trouve 
sur  la  moitié  FK  du  rayon,  donc  la  probabilité  demandée  sem- 
blera égale  à  -^• 

Xf  Donnons-nous  de  nouveau  une  extrémité  A  de  la  corde  et 
traçons  la  perpendiculaire  KGB'  à  la  corde  AB  égale  au  côté  du 
triangle  équilatéral  inscrit,  prolongeons  cette  perpendiculaire 
•dans  les  deux  sens  ;  pour  que  la  corde  passant  par  A  soit  infé- 


V.    HENRI.    —    PROBABILITÉS   EN   PSYCUOLOGIE  473 

rieure  au  côté  du  triangle  équilaléral  il  faudra  et  il  suffira 
qu'elle  (ou  son  prolongement)  rencontre  la  perpendiculaire  MN 
en  des  points  qui  sont  en  dehors  de  la  partie  FB'  de  cette  per- 
pendiculaire ;  choisir  au  hasard  une  corde  passant  par  A  revient 
donc  à  choisir  au  hasard  son  point  d'intersection  avec  la  per- 
pendiculaire MN  ;  pour  tous  les  points  de  FB'  l'événement  ne  se 
produira  pas,  pour  tous  les  points  de  la  ligne  indéfinie  MN  en 
dehors  de  FB' l'événement  se  produira  :  la  probahilité  pour  que 
l'événement  se  produise  est  donc  infiniment  plus  grande  que  la 
probabilité  pour  qu'il  ne  se  produise  pas. 

On  voit  combien  ces  différents  cas  varient  ;  à  quoi  tiennent 
donc  les  contradictions  précédentes  ?  C'est  qu'on  a  mal  posé  les 
problèmes,  on  n'a  pas  défini  exactement  ce  qu'il  fallait  entendre 
par  probabilité  lorsqu'on  a  affaire  à  un  nombre  infini  de  cas. 
M.  Poincaré  a  repris  le  problème  sous  sa  forme  générale  et  a 
montré  que  le  plus  souvent  on  ne  pouvait  rien  dire  du  tout  sur 
la  probabilité  d'un  événement,  lorsqu'il  y  avait  un  nombre 
infini  de  cas,  avant  d'avoir  choisi  d'avance  une  certaine  forme 
absolument  arbitraire  servant  à  définir  la  probabilité  ;  ce  qui 
revient  à  dire  que  dans  le  problème  précédent  on  devrait  indi- 
quer d'avance  le  mode  de  raisonnement  dont  on  doit  se  servir 
et  c'est  seulement  après  avoir  fait  ce  choix  qu'on  pourra  indi- 
quer la  probabilité  demandée  ;  il  semble  donc  qu'ici  comme  aupa- 
ravant on  est  en  face  d'une  pétition  de  principe  difficile  à  éviter. 

Revenons  aux  problèmes  où  le  nombre  de  cas  est  fini.  Deux 
théorèmes  d'une  importance  capitale  doivent  être  signalés,  nous 
n'en  donnerons  pas  de  démonstration,  elle  est  si  simple  que 
chacun  peut  facilement  la  faire  lui-même  ;  le  premier  est  le 
théorème  des  probabilités  totales  ;  lorsqu'un  événement  peut  se 
produire  de  plusieurs  manières  différentes,  mais  que  deux 
d'entre  elles  ne  peuvent  arriver  simultanément,  la  probabilité 
pour  que  l'événement  se  produise  est  égale  à  la  somme  des 
probabilités  de  l'arrivée  de  l'événement  dans  chacune  des 
manières.  Exemples  :  la  probabilité  d'amener  avec  deux  dés 
une  somme  supérieure  à  9  est  égale  à  la  somme  des  probabilités 
d'amener  10,  11  et  12;  la  probabilité  de  tirer  «  une  figure  » 
d'un  jeu  de  cartes  est  égale  à  la  somme  des  probabilités  de  tirer 
un  roi,  une  dame  ou  un  valet,  chacune  de  ces  dernières  est 
égale  à  -^'  la  probabilité  cherchée  sera  donc  : 

4  _4_        _4 ^ 

32    +    32    +    32   —   32    ■ 


474  REVUES    GÉNÉRALES 

Le  deuxième  théorème  est  celui  des  probabilités  composées  : 
la  probabilit»'-  pour  ([ue  plusieurs  événements  indépendants  l'un 
de  l'autre  se  produisent  simultanément  est  égale  au  produit 
des  probabilités  de  l'arrivée  de  chacun  de  ces  événements  sépa- 
rément. Exemples  :  on  jette  deux  dés,  quelle  est  la  probabilité 
que  chacun  amène  0  ?  La  probabilité  que  l'un  amène  6  est  -g-  ^ 
la  probabilité  que  l'autre  amène  6  est  -^  ,  donc  la  probabilité 

cherchée  est  -r  x  tt 


0  0  30 

Jusqu'ici  le  calcul  des  probabilités  ne  nous  a" encore  rien 
appris  de  nouveau,  il  fallait  savoir  d'avance  que  tous  les  cas 
étaient  également  possibles,  savoir  quels  étaient  les  nombres 
des  cas  possibles  et  des  cas  favorables  à  l'événement,  et  de  ces 
deux  derniers  nombres  on  déduisait  la  probabilité  ;  maintenant 
nous  arrivons  à  un  théorème  qui  peut  certainement  être  consi- 
déré comme  la  base  du  calcul  des  probabilités,  c'est  le  théorème 
de  Jacques  Bernotdli  :  lorsque  laprobabilité  dhm  événement  A 
est  p  et  que  celle  de  l'événement  contrairr  B  est  q,  si  on  fait 
[j.  fois  répreuve  le  nombre  d'arrivées  de  A  le  plus  probable  est 
p  'j.  et  pour  B  il  est  q  a.  Exemples  :  on  jette  un  dé  1000  fois,  quel 
est  le  nombre  d'arrivées  d'un  certain  point,  trois  par  exemple, 
le  plus  probable  ?  Lorsqu'on  jette  un  dé,  six  cas  sont  possibles, 
un  seul  est  favorable,  donc  l'arrivée  de  «  trois  »  a  pour  proba- 
bilité ~  ,  l'arrivée  d'un  autre  point  quelconque  autre  que  trois 

est  4  ,  donc  on  devra  s'attendre  davantage  avoir  sortir  «  trois  » 

-^  fois  qu'aie  voir  sortir  un  autre  nombre  de  fois.  On  jette 
une  pièce  de  monnaie  100  fois  en  l'air,  la  probabilité  de  voir 
arriver  «  pile  »  50  fois  sera  plus  grande  que  la  probabilité  de 
la  voir  arriver  un  autre  nombre  de  fois.  Un  sac  contient  nombre 
égal  de  boules  blanches  et  noires,  on  puise  du  sac  100  boules 
à  la  fois,  les  premières  qui  tombent  sous  la  main,  il  y  aura 
plus  de  probabilité  de  voir  sortir  oO  boules  blanches  et  oO  noires 
que  de  voir  sortir  une  autre  combinaison  quelconque.  Telle 
est  la  signification  du  théorème  ({ue  nous  allons  démontrer 
maintenant. 

Cherchons  la  probabilité  pour  que  sur  ;j.  épreuves  l'événe- 
ment A  se  produise  ;j.  —  a  fuis.  Si  ces  deux  événements  devaient 
se  produire  dans  un  ordre  indiqué  d'avance,  par  exemple 
AAABBABBA....  d'après  le  théorème  des  probabilités  compo- 
sées, la  probabilité  cherchée  serait  pppqqpqqp.--,  c'est-à-dire 
py.  q;..—j.  (puisque  A  se  trouve  a  fois  et  B  ;j.  —  a  fois)  ;  or  l'ordre 
est  quelconque,  il  faut  donc  multiplier  cette  probabilité/?*  q-"-—^ 


V.    HENRI.    —   PROBABILITÉS   EN   PSYCHOLOGIE  475 

par  le  nombre  de  combinaisons  différentes  qu'on  peut  former 
avec  a  lettres  A  et  [j.  —  y.  lettres  B,  ce  nombre  est  égal  À 


1.2.3. 


1.2 a.  1.2.3 ;JL  —  a)' 

par  conséquent  la  probabilité  pour  que  sur  \j.  épreuves  A  se 
produise  a  fois  est  égale  à  : 

1.2.3 IX  "■     :■■  -"■  , 

7-P-    Q  (') 


1.2 a.  1.2.3 ([x 


Cette  expression  est  maximum  *  lorsque  :x  est  compris  entre 
les  deux  nombres  [x  j^  -+-  2^  et  ;j.  p  —  q,  or  j)  +  q  =^  l  puisque 
les  événements  A  et  B  sont  deux  événements  contraires,  donc 
y.  est  complètement  déterminé  puisque  c'est  un  nombre  entier 
compris  entre  les  deux  nombres  fractionnaires  différents  d'une 
unité. 

Nous  avons  donc  démontré  le  théorème  de  Bernoulli,  mais 
en  même  temps  nous  avons  trouvé  quelque  chose  de  plus 
encore,  c'est  l'expression  (!)  qui  nous  indique  la  probabilité  de 
Tarrivée  d'une  combinaison  quelcon<]ue, 

Illustrons-la  par  un  exemple  numérique  :  on  jette  une  pièce 
:20  fois,  quelle  est  la  probabilité  de  voir  arriver  pile  18  fois  et 
face  2  fois  ?  Quelle  est  la  probabilité  de  voir  pile  lo  fois  et  face 
cinq  fois?  Quelle  est  enfin  la  probabilité  de  voir  pile  et  face  cha- 
cun 10  fois  ? 

Dans  ce  cas,  p  =  g  =  -r    ;  dans  le  premier  cas,  a  est  égal  à 
18,  [j.  =  20.  on  a  pour  l'expression  (I)  : 

1.2.    ..   20  /  1  \-"  /n  -» 


1.2.3....    18.    1.2'\2y  -^2 

Dans  le  deuxième  cas,  x  est  égal  à  15,  on  a  pour  la  probabilité 
demandée  : 

1.2...   lo.    1.2.3.4.5-V  ij  \~J 

(1)  Pour  s'en  assurer  il  suffit  de  prendre  le  rapjiort  de  l'expression  (I)  h 
la  même  expression  où  on  aurait  c-lian<<é  «  en  «  —  1,  te  rapport  doit  être 
supérieur  ù  1.  puis  prendre  le  rapjx.rt  de  (1)  à  la  même  expressidu  où  ou 
changerait  «  en  « -}-  1,  ce  rapport  lioil  de  nouveau  être  supérieur  à  l  :  en 
etletTon  cherche  le  nombre  a  tel  que  la  probabilité  de  l'arrivée  de  A  «  l'ois 
soit  supérieure  à  la  probabilité  de  l'arrivée  de  \  «  —  1  l'ois  ou  ».  -f  l  lois; 
en  combinant  les  deux  inégalités  obtenues  on  obtient  : 


476  REVUES    GÉNÉRALES 

Enfin  dans  le  dernier  cas  a  =  10  on  a  : 

1.2 20  /  1  X-"  ..     /'  1  X'"; 


1.2 iO.    1.2.:{ 10 


.('4-y''  =  184  7aGYy^ 


quant  à  (4-)''  ^^  '^^''  ^ë^^  '"^  ,„Jg-,.  ;  on  voit  donc  que  la 
probabilité  de  voir  arriver  10  fois  pile  est  12  fois  plus  grande 
que  celle  devoir  arriver  IS  fois  pile,  et  972  fois  plus  grande  que 
la  probabilité  de  voir  18  fois  pile. 

On  remarque  déjà  cette  propriété  fondamentale,  à  laquelle 
nous  voulons  arriver,  que  plus  une  combinaison  s  éloigne  de 
la  comhinaiiion  la  plus  probable  plus  la  p7'obabilité  de  l'arri- 
vée de  cette  combinaison  sera  faible  ;  il  peut  donc  y  avoir  quel- 
que profit  à  prendre  la  combinaison  la  plus  probable  comme 
point  de  départ  et  à  déterminer  toute  autre  combinaison  par 
la  grandeur  de  son  écart  par  rapport  à  la  combinaison  nor- 
male. 

Cherchons  la  probabilité  pour  que  sur  \i.  épreuves  l'événe- 
ment A  se  produise  ]i.p  —  h  fois  ;  et  par  conséquent  que  B  se 
produise  u.  —  {\q)  —  h)  =  \i.q  +  h  fois  «'puisque  p  -\-  cf=  1  ?. 
L'expression  1(1)  devient  en  y  remplaçant  x  par  \j.p  —  h  et 
;j.  —  X  par  [j.(7  -f  h  : 

1.2 a  iV  -  ''      l'-î  -+-  '''  „, 

p  q  ...    (Il] 


1.2 {^p  —  h).    1.2 [[j-q  +  A) 


La  grandeur  h  est  appelée  écart  ;  l'expression  (II)  représente 
donc  la  probabilité  de  l'arrivée  d'un  écart  h.  Sous  cette  forme 
l'expression  (II)  conduirait  à  des  calculs  très  longs,  on  la 
remplace  par  une  formule  aj^proximative  qu'il  est  bien  plus 
facile  de  calculer  ;  l'approximation  de  la  formule  que  nous 
donnerons  de  suite  est  d'autant  plus  grande  que  le  nombre 
d'épreuves  [j.  est  grand.  L'expression  (II)  peut  s'écrire  approxi- 
mativement sous  la  forme  : 

(A) 


,- .  e         -K,.pq 

V/2-   ixpq 


Nous  ne  pouvons  pas  nous  arrêter  ici  sur  la  démonstration,  on 
la  trouvera  dans  les  traités  spéciaux  ;  dans  l'expression  (A) 
:r  est  le  rapport  de  la  circonférence  au  diamètre  (—  3,14139) 
e  est  la  base  des  logarithmes  népériens  (e  =  2,71828...). 

Voyons  comment  on  se  sert  de  l'expression  (A)  dans  les  appli- 
cations. La  probabilité  pour  qu'un  écart  h  se  'produise  esl.(A);. 


V.    IIKNRI.    —    PROBABILITES    EN   PSYCHOLOGIE  477 

on  peut  montrer  facilement  que  la  probabilité  pour  qu'en  fai- 
sant a  fois  l'épreuve  on  ait  un  écart  compris  entre  h  et  h  +  dh 
où  dh  est  une  portion  très  faible  de  h,  est  approximativement 
égale  à  (A)  dh  et  s'en  approche  d'autant  plus  que  dh  est 
faible. 

Cherchons  la  probabilité  pour  que  sur  ces  a  épreuves  on  ait 
un  écart  compris  entre  —  x  et  +  x  ;  x  étant  un  nombre  donné. 
L'expression  (A)  ne  contient  que  h-,  donc  elle  ne  change  pas 
lorsque  nous  y  changeons  h  en  —  h\  il  suffira  de  calculer  la 
probabilité  pour  que  l'écart  soit  compris  entre  0  et  +  a  et  puis 
on  prendra  le  double  de  l'expression  trouvée.  Partageons  l'in- 
tervalle de  0  à  +  a  en  un  très  grand  nombre  d'intervalles,  un 
(juelconque  d'entre  eux  sera  de  la  forme  h,  h  +  dh.  D'après  le 
théorème  des  probabilités  totales,  la  probabilité  pour  que 
l'écart  soit  compris  entre  0  et  -i-  a  est  égale  à  la  somme  des 
probabilités  relatives  à  chacun  des  intervalles  formés  ;  or  la 
probabilité  pour  que  l'écart  soit  compris  dans  l'intervalle  h, 
h  -h  d/<  est  égale  à  (A),  dh,  par  conséquent  la  probabilité  totale 
demandée  s'obtiendra  en  prenant  la  somme  des  expressions 
telles  que  (A),  dh  pour  toutes  les  valeurs  de  h  comprises  entre 
(>  et  -+-  a;  cette  somme  est  appelée  intégrale  définie. 

h- 

L'expression   (A)  est    .         •  ^       ''^'^    .  Si   nous  remplaçons 


par  t  elle  prendra  une  forme  plus  simple  :  — .  e 


—V 


puisque   ,  '  -  =  t  on    peut  aussi    poser  -  __  =  dt,  c'est-à-dire 

dh  =  dt.  \  ?Ip7  ;  nous  avons  vu  que  la  probabilité  pour  que 
l'écart  soit  compris  entre  o  et  -h  a  est  égal  à  la  somme  des 
expressions  (A),  dh  pour  toutes  les  valeurs  de  h  entre  0  et 
-ha;  l'expression  (A),  dh  par  suite  de  la  transformation  précé- 
dente est  égale  à 

1  -t' 


c'est-à-dire 


c      .  dt.  \'2ixpq 


-j=  .  e     ■  dl 

V- 

par  conséquent  la  probabilité  pour  que  l'écart  soit  compris  entre 
(J  et -h    7.  est  égale    à  la  somme  des  expressions -7^  .  e— ''   dl 

pour  toutes  les  valeurs  de  t  entre  0  et   -^=^  ;  et  la  iirobabilité 
pour  que  l'écart  soit  compris  entre  —  x  et  -h  x  est  double  de  la 


478  ri: VUES  générales 


somme  précédente.  Nous  désignerons  par  0  (t)  celte  somme 
double.  Si  on  forme  une  table  qui  contienne  les  sommes  des 
expressions  2.  —^  .  e~''  dt  pour  différentes  limites  de  /,  cette 
table  suffira  pour  tous  les  cas  qui  pourront  seulement  se 
présenter,  tel  est  l'avantage  des  simplifications  indiquées  plus 
haut  ;  nous  nous  sommes  arrêtés  aussi  longuement  sur  ces 
points  parce  que  très  souvent  en  psychologie  les  auteurs  se 
rapportent  à  la  formule  12.  —  e  -r-  dt  en  supposant  qu'on  con- 
naît la  signification  de  t. 

A  la  fin  de  notre  étude  se  trouve  une  table  qui  donne  les 
valeurs  des  sommes  correspondant  à  des  limites  de  t  dilTé- 
rentes. 

Donnons  quelques  exemples  pour  montrer  comment  on  doit 
se  servir  des  formules  précédentes  : 

P  Quetelet,  «  curieux  de  soumettre  le  principe  à  l'expérience  ». 
a  fait  jeter  dans  une  urne  20  boules  blanches  et  un  égal  nombre 
de  boules  noires,  de  sorte  que  la  probabilité  était  la  même  et 
égale  à  —  ;  ayant  fait  4  096  tirages,  il  a  obtenu  2  066  boules 
blanches  et  2  030  .noires.  Voyons  quelle  est  la  probabilité  d'un 
pareil  écart  du  nombre  le  plus  probable  qui  est  2048  ;  la  valeur 
de  l'écart  est  2  048  —  2  080  =  18.  _ai 

La  probabilité   d'un  écart  h  est . .  e     '''"^  ,  il  faut  faire 

'  \  -r.Lpq 

dans  cette  formule  u.  =  4  096,  ;;  =  g  =  -^-  et  //  =  18.  On  obtient 
alors  pour  probabilité  de  cet  écart  : 


\/^ 


•^    -    4096.  4- 


par  conséquent  si  on  répétait  100  fois  la  série  de  4  096  tirages, 
on  obtiendrait  100  x  0,34  ou  34  fois  un  écart  égal  à  18. 

2"  Nous  avons  fait  en  1892  au  laboratoire  de  psychologie  de 
la  Sorbonne  des  expériences  sur  la  reconnaissance  de  formes 
par  le  toucher  ;  les  expériences  étaient  faites  avec  des  carac- 
tères d'imprimerie  de  lettres  ayant  des  grandeurs  différentes  ;  le 
sujet  posait  sa  main  sur  la  table  la  face  palmaire  en  haut,  et 
l'expérimentateur  appliquait  sur  la  troisième  'phalange  d'un 
doigt  le  caractère  d'imprimerie;  le  sujet  sans  faire  des  mouve- 
ments devait  dire  quelle  était  la  lettre  qu'il  croyait  percevoir  ; 
six  lettres  avaient  été  choisies,  c'étaient  les  lettres  A,  B,  H,0,U,  M: 
pour  chaque  grandeur  c'étaient  les  mêmes  six  lettres  qui  étaient 


V.   HENRI.    —   PROBABILITÉS   EX    PSYCnOLOGIK  479 

employées  ;  le  sujet  avait  devant  les  yeux  la  liste  des  six  lettres 
parmi  lesquelles  il  devait  choisir  celle  qu'il  croyait  percevoir  ; 
pour  étudier  comment  se  faisait  la  marche  des  cas  «  vrais  », 
le  sujet  était  prié  de  dire  chaque  fois  une  lettre,  même  lorsque 
la  sensation  lui  semblait  être  si  indécise  qu'il  lui  était  indiffé- 
rent de  dire  l'une  ou  l'autre  des  six  lettres  ;  nous  n'insistons 
pas  ici  sur  les  précautions  qui  avaient  été  prises  et  pour  la  suite 
des  lettres  et  pour  la  suite  des  grandeurs,  disons  seulement 
que  le  sujet  ne  savait  pas  les  résultats  des  expériences  pendant 
toute  la  durée  de  cette  étude.  Trois  sujets  normaux  avaient  été 
employés  dans  ces  expériences. 

Dans  les  premières  séries  nous  avons  employé  six  grandeurs 
différentes  de  lettres,  leurs  grandeurs  variaient  de  1  mm.  à 
7,'"™  o  en  longueur  ,  voici  les  résultats  des  7:20  premières  expé- 
riences, il  y  a  eu  120  expériences  pour  chaque  grandeur;  les 
chiffres  suivants  sont  rapportés  à  lîiO  expériences  pour  chaque 
grandeur. 

Graudcui's  des  letlros.  K(-coiiuuos  cxaclciueiil. 

l"'^  grandeur 2o 

2°  — .28 

3°  —        37 

4<=  —        o6 

3e  —        53 

6«  —        03 

Le  tableau  précédent  montre  que  sur  120  lettres  de  la  plus 
petite  grandeur.  2.j  fois  le  sujet  a  dit  la  lettre  exacte  et  par 
suite  95  fois  il  a  dit  une  lettre  fausse. 

On  voit,  en  jetant  un  coup  d'œil  sur  le  tableau  précédent, 
que  d'abord  les  nombres  de  réponses  exactes  vont  en  croissant 
régulièrement  avec  la  grandeur  des  lettres  ;  mais  il  y  a  un  pro- 
blème qui  se  pose  :  le  sujet  a  dit  une  lettre  à  chaque  expérience 
indifféremment,  qu'il  en  fût  sûr  ou  non;  par  conséquent,  il  doit 
y  avoir  des  coïncidences  dues  au  hasard,  le  sujet  disant  la  pre- 
mière lettre  qui  lui  venait  à  l'esprit  et  devinant  par  hasard  la 
lettre  appliquée  sur  son  doigt;  comment  donc  savoir  si,  pour 
les  différentes  grandeurs,  les  nombres  de  coïncidences  n'étaient 
pas  dus  au  simple  hasard,  ou  si  réellement  le  sujet  avait  perçu, 
dans  un  certain  nombre  de  cas,  la  lettre  appliquée? 

Il  y  avait  six  lettres,  le  sujet  sachant  que  c'était  l'une  de  ces 
six  qui  était  appliquée,  avait  en  disant  l'une  d'elles  au  hasard 
une  probabilité  égale  à -—  de   tomber  juste;  par  conséquent. 


•ii 


80  RlîVUES   GÉNÉRALES 


sur  120  expériences  faites  avec  une  grandeur  en  répondant  à 
ciiaque  expérience  au  hasard  il  y  avait  une  probabilité  maximum 
d'obtenir  120.  4-  =  20  réponses  justes  ;  or,  nous  voyons  que, 
pour  la  plus  petite  grandeur,  le  sujet  a  donné  2o  réponses  justes, 
il  y  avait  donc  un  écart  égal  à  -h  5  ;  pour  la  deuxième  grandeur, 
l'écart  est  égal  à  -f-  8  ;  pour  la  troisième  à  17  ;  pour  la  qua- 
trième à  36  ;  pour  la  cinquième  à  33  ;  enfin,  poir  la  dernière, 
à  43.  Voyons  si  on  peut  admettre  que  les  deux  premiers  écarts 
sont  dus  au  simple  hasard.  Calculons  pour  cela  la  probabilité 
pour  que  l'écart  soit  égal  ou  supérieur  à  S,  et  puis  faisons  la 
même  chose  pour  8.  Si  nous  appelons  7?-  la  probabilité  pour  que 
l'écart  soit  égal  ou  supérieur  à  o,  1  —  p,,  sera  la  probabilité 
pour  que  l'écart  soit  inférieur  à  5.  Or  nous  avons  vu  précé- 
demment que  la  probabilité  pour  que  l'écart  soit  compris  entre 
—  a  et  H-  a  est  égale  à  0  (/),  et  de  plus  t  et  1.  sont  liés  par  la 

relation  :  t  =  n==  ;  dans  le  cas  présent  on  a  y.  =  o,  le  nombre 
d'expériences  ;j.  est  égal  à  120,  p  la  probabilité  d'une  «  coïnci- 
dence »  est  --  ,  a  est  —  :  donc,  en  substituant,  on  obtient  : 

^  °'L  =  0,87. 


V  (5    6 

la  table,  qui  se  trouve  à  la  fin  de  notre  article,  montre  que  la 
valeur  de  6  correspondant  à  /  =  0,87  est  0,7814,  telle  est  la 
probabilité  pour  qu'on  ait  un  écart  inférieur  à  5  ;  donc,  la  pro- 
babilité pour  qu'on  ait  un  écart  égal  ou  supérieur  à  5  est 
1  —  0,7814  =  0,2186;  cette  probabilité  n'est  pas  assez  faible 
pour  qu'on  puisse  considérer  l'arrivée  de  25  coïncidences  au 
lieu  de  20  par  suite  du  hasard  comme  extraordinaire,  et  pour 
qu'on  puisse  y  attacher  quelque  signification  importante, 
quoique  certainement  il  y  ait  plus  de  chance  que  ce  soit  une 
cause  spéciale,  et  non  le  hasard,  qui  ait  apporté  ce  nombre  de 
coïncidences. 

Pour  la  seconde  grandeur,  l'écart  obtenu  est  8  ;  donc,  dans  la 

relation  t  =  77=^  ,  il  faut  rendre  a  =  8  en  donnant  à  a,  p  et  q 
les  mêmes  valeurs  que  précédemment  ;  on  trouve  ainsi 
t  —  T==  =:  1,40  ;  donc,  la  probabilité  pour  que  l'écart  ne 
dépasse  pas  8  est  égale  à  la  valeur  de  0,  qui  correspond  à 
t  =  1,40  ;  cette  valeur  est  0,9523  ;  par  suite,  la  probabilité  de 
voir  se  produire  un  écart  égal  (»u  supérieur  à  8  est  1  —  0,9523  = 
0,0477;  cette  probabilité  est  déjà  bien  inférieure  à  la  précédente, 


V.    HENRI.    —   PROBABILITÉS    EN    PSYCHOLOGIE  481 

elle  est  comparable  à  la  probabilité  de  tirer  une  boule  noire 
dans  un  sac  contenant  1000  boules  dont  47  noires,  tandis  que 
la  première  était  égale  à  la  probabilité  de  tirer  une  boule  noire 
dans  un  sac  contenant  sur  1000  boules  218  noires.  Si  donc  on 
voit  se  produire  un  pareil  écart  (=  8),  on  est  porté  à  soup- 
çonner l'existence  d'une  cause  spéciale  qui  le  favorise.  —  Pour 

17.1') 

la  troisième  grandeur  l'écartétait  17,  ona  donc  t  =  ^]-^  =2. 9b, 
la  probabilité  de  l'arrivée  d'un  écart  inférieur  à  17  est  0,991)1)7  ; 
donc,  la  probabilité  pour  que  le  basard  seul  amène  un  pareil 
écart  est  égale  à  0,00003  ;  elle  est  comparable  à  la  probabilité 
de  tirer  une  boule  noire  dans  un  sac  qui,  sur  cent  mille  boules, 
contiendrait  seulement  trois  noires;  il  est  absolument  impos- 
sible de  ne  pas  voir,  dans  ce  cas,  l'existence  d'une  cause  (jui  a 
augmenté  le  nombre  de  coïncidences.  —  Quelle  est  donc  la 
conclusion  psychologique  qu'on  pourrait  tirer  de  ces  chiffres? 
La  question  est  bien  délicate;  nous  voyons  d'abord  que  le 
nombre  de  réponses  exactes  augmente  avec  la  grandeur  des 
lettres  appliquées  ;  mais  y  a-t-il  un  moment  où  on  peut  dire 
que  le  sujet  commence  à  percevoir  la  lettre,  peut-on  indiquer 
un  seuil  tel  qu'au-dessous  le  sujet  ne  perçoive  pas  de  lettre  et 
qu'il  perçoive  au-dessus  ?  Les  chiffres  montent  régulièrement 
avec  la  grandeur,  sans  saut  brusque,  le  passage  de  la  non- 
perception  à  la  perception  claire  est  lent  et  continu.  Faut-il 
considérer  que  le  sujet  a  perçu  un  peu  les  lettres  de  la  première 
et  de  la  deuxième  grandeur?  Les  calculs  précédents  montrent  qu'il 
y  a  plus  de  probabilité  de  croire  que  le  sujet  a  un  peu  perçu  les 
lettres  de  la  première  grandeur  que  d'attribuer  les  coïncidences 
obtenues  au  simple  hasard  :  quant  aux  lettres  de  la  deuxième 
grandeur,  il  y  a  bien  plus  de  chance  que  pour  les  premières 
qu'elles  ont  été  un  peu  perçues  par  le  sujet.  Nous  avons  fait 
quelques  séries  d'expériences  où  le  sujet  devait  dire  s'il  était 
sur  ou  non  de  sa  réponse,  s'il  disait  la  lettre  au  hasard  ou  bien 
si  la  sensation  le  guidait  un  peu  ;  il  s'est  dégagé  de  ces  séries, 
et  aussi  des  remarques  que  les  sujets  faisaient  dans  le  courant 
des  premières  séries  d'expériences,  que  les  sujets  prétendaient 
dire  les  lettres  des  deux  premières  grandeurs  absolument  au 
hasard,  la  sensation  étant  toujours  la  même  pour  toutes  les 
lettres  de  ces  grandeurs;  ce  résultat  des  observations  internes 
semble  être  en  contradiction  avec  les  résultats  numériques  ; 
ne  pourrait-on  pas  en  déduire  que,  bien  (juc  le  sujet  croit;  ne 
pas  percevoir  du  tout  la  lettre  et  la  dire  absolument  au  hasard, 
il  existe  une  certaine  cause,  suhconscienle  si    Ton   veut,  rpii 

ANNÉE    PSYCHOl-OCini  E.    II.  31 


482  REVUES    GÉNÉRALES 

dirige  les  réponses  du  sujet  sans  qu'il  s'en  aperçoive  lui-même? 
—  Nous  avons  fait  ensuite  d'autres  séries  d'expériences  iden- 
tiques aux  premières,  seulement  avec  des  lettres  de  8  grandeurs 
difFérentes  variant  entre  1  et  12  millimètres.  Le  tableau  suivant 
contient  les  résultats  ;  avec  chaque  grandeur,  de  nouveau 
120  expériences  avaient  été  faites;  dans  ces  séries  comme 
précédemment,  le  nombre  de  coïncidences  le  plus  probable 
dues  au  simple  hasard,  est  120  —  rr  20,  puisque  six  lettres 
différentes  ont  été  employées. 

Graiulcur  des  Icllros,  Nombres  de  coïncidences. 

V°   grandeur   26 

2*^  —    36 

3«  —   37 

4«  —    4i 

ge  — 59 

6^  —    60 

7"  —    74 

8^  —   80 

Dans  cette  série,  de  nouv^eau,  on  peut  affirmer  presque  avec 
sûreté  que  le  sujet  a  un  peu  perçu  les  lettres  des  deux  pre- 
mières grandeurs  quoiqu'il  ne  s'en  soit  pas  du  tout  aperçu; 
attribuer  les  écarts  précédents  au  simple  hasard  serait  trop 
invraisemblable,  la  probabilité  étant  trop  faible. 

3''  Un  troisième  exemple  que  nous  prenons  aussi  dans  nos 
expériences  personnelles  montrera  un  côté  nouveau  qui  per- 
met quelquefois  de  décider  si  une  série  d'événements  est  due 
au  simple  hasard  ou  bien  si  une  certaine  cause  y  a  contribué. 

Chacun  connaît  les  jeux  de  devinettes  :  on  cache  un  objet 
dans  Tune  des  deux  mains,  et  une  autre  personne  doit  deviner 
la  main  où  l'objet  est  caché  ;  celui  qui  cache  cherche  à  tromper 
son  adversaire,  celui-ci  s'efforce  de  prévoir  ou  de  deviner  la 
main  dans  laquelle  l'objet  sera  caché  ;  le  jeu  est  banal,  il  con- 
tient pourtant  un  élément  psychologique  qu'il  est  intéressant 
d'étudier  :  c'est  le  même  élément  psychologique  qui  entre  en 
jeu  lorsque  deux  enfants  courent  l'un  après  l'autre  autour 
d'une  pelouse  ;  celui  qui  attrape  s'arrête  brusquement,  fait 
semblant  de  vouloir  courir  dans  le  sens  opposé,  pour  tromper 
l'autre,  et  puis  reprend  sa  course  dans  le  sens  primitif;  c'est 
encore  le  même  processus  ([ui,  à  côté  de  bien  d'autres,  permet 
souvent  de  bien  «  toucher  »  à  l'escrime  :  on  fait  semblant  de 
vouloir  tirer  de  telle  manière  spéciale,  on  fait  une  feinte,  l'ad- 


V.    HENRI.    —   PROBABILITÉS   EN   PSYCHOLOGIE  483 

versaire  y  est  pris,  il  pare  de  ce  côté  et  en  réalité  on  tire  autre- 
ment et  on  le  touche,  c'est  surtout  avec  les  commençants  que 
cela  réussit  toujours  ;  il  y  a  là  en  somme  un  certain  processus 
psychique  qui  consiste  à  commencer  un  certain  ordre  d'idées 
ou  d'actions  de  façon  à  entraîner  l'adversaire  dans  ce  sens, 
par  une  habitude  acquise,  il  croira  que  cet  ordre  commencé 
suivra  sa  voie  ordinaire  ;  à  ce  moment  précis,  on  change  brus- 
quement de  direction  et  l'adversaire  est  pris.  La  plupart  des 
tours  que  font  les  prestidigitateurs  sont  fondés  en  grande 
partie  sur  ce  processus.  Nous  renvoyons  pour  plus  de  détails  à 
ce  sujet  à  l'article  de  notre  maître,  M.  Binet,  sur  la  psycholo- 
gie de  la  prestidigitation  {Revue  des  Deux-Mondes^  1894). 

Nous  avons  cru  qu'il  serait  intéressant  de  faire  quelques 
expériences  à  ce  sujet.  Au  lieu  de  cacher  un  objet  dans  l'une 
des  mains  et  de  le  faire  deviner  par  un  autre,  on  peut  convenir 
avec  une  personne  que  chacun  écrira  au  même  moment  l'un 
des  deux  chiffres  1  ou  2  ;  l'un  cherchera  à  écrire  ces  chiffres 
de  façon  que  l'autre  ne  «  devine  »  pas,  tandis  que  ce  dernier 
cherchera  à  «  deviner  »,  c'est-à-dire  à  écrire  le  même  chiffre 
que  le  premier. 

Plusieurs  cas  pouvaient  se  présenter  : 

1°  Aucune  des  deux  personnes  ne  connaît  les  résultats;  on 
peut  bien  admettre  que  dans  ce  cas  les  «  coïncidences  »  seront 
dues  au  simple  hasard. 

2"  Après  avoir  écrit  simultanément  un  chiffre  (1  ou  2),  celui 
qui  cherche  à  «  tromper  »  son  adversaire  dit  le  chiffre  qu'il 
vient  d'écrire,  l'adversaire  ne  dit  pas  s'il  a  écrit  le  même  chillVe 
ou  s'il  n'a  pas  deviné  ;  ceci  fait,  on  passe  à  la  deuxième  expé- 
rience identique  à  la  première  et  ainsi  de  suite. 

3"  Cette  fois,  c'est  celui  qui  cherche  à  deviner  les  chiffres  qui 
dit  après  avoir  écrit  le  chiffre  celui  «ju'il  vient  d'écrire,  mais  il 
n'apprend  pas  s'il  a  deviné  ou  non. 

4'^  Après  avoir  écrit  un  chiffre,  tous  les  deux  disent  le  chiffre 
qu'ils  viennent  d'écrire. 

Nous  avons  fait  des  expériences  nombreuses  avec  deux  sujets, 
ici  nous  rapporterons  seulement  les  résultats  avec  l'un  ;  il  a  été 
fait  10  000  expériences  de  la  première  série,  et  puis  4  000  pour 
chacune  des  trois  autres  séries. 

Voici  d'abord  les  résultats  totaux  : 

Dans  la  première  série,  sur  10  000  expériences,  il  y  a  eu 
4  981  co'încidenccs  au  lieu  de  îj  000,  nombre  le  plus  probable, 
soit  un  écart  de  19  ;  cherchons  la  probabilité  d'un  pareil  écart  : 


I 


484  REVUES   GÉNÉRALES 

onaf  =  —^ —  où  il  faut  faire  a  =19,  i;.=  10000,  /?=r^=  -L, 

\  -j.-^  p  il 

donc  t  =  —j====  0,27  ;  la  probabilité  de  ne  pas  dépasser 

V  ^  lOÛOO  -i- 

un  pareil  écart  (=  19)  est  6  (0,27)  =  0,2974),  donc  la  probabi- 
lité d'un  écart  égal  ou  supérieur  à  19  est  :  1  —  0,2974  =  0,7026, 
c'est  la  même  probabilité  que  celle  de  tirer  une  boule  noire 
dans  un  sac  contenant  sur  100  boules  70  boules  noires,  elle 
est  relativement  grande. 

Dans  la  deuxième  série,  sur  4  000  expériences  il  y  a  eu 
2  181  coïncidences,  donc  un  écart  de  2  000  égal  à  181  ;  quelle 
est  la  probabilité  pour  qu'un  pareil  écart  se  produise  par  suite 
du  hasard  ? 

On  a  a=4000,  a  =  181,  jo=g  =  -J- ,  donc^ 


181 


V" 


000-4- 
4 


4,04;  la  probabilité  d'un  écart  égal  ou  supérieur  à  181  est  donc 
1  _  e  (4,04)  =  1  —  0,99999998  =  0,00000002. 

On  n'aura  pas  tort  en  donnant  à  une  probabilité  aussi  faible 
\e  nom  ([''impossibilité  ;  par  conséquent  le  calcul  des  probabi- 
lités nous  apprend  que  dans  cette  deuxième  série  le  nombre  des 
coïncidences  a  été  augmenté  par  une  certaine  cause,  sur 
laquelle  nous  reviendrons  plus  loin. 

Dans  la  troisième  série,  sur  4  000  expériences  il  y  a  1  928  coïn- 
cidences, soit  un  écart  de  —  72  :  la  probabilité  d'un  écart  égal 
ou  supérieur  à  72  est  :  1  —  <->  (1,61)  =  1  —  0,9772  =  0,0228  : 
elle  est  la  même  que  celle  de  tirer  une  boule  noire  dans  un  sac 
qui,  sur  100  boules,  ne  contiendrait  que  2  boules  noires;  on 
peut  donc  affirmer  qu'ici,  aussi,  une  certaine  cause  a  agi. 

Enfin  dans  la  quatrième  série  sur  4  000  expériences  2  045  coïn- 
cidences se  sont  produites  ;  la  probabilité  d'un  écart  égal  ou 
supérieur  à  45  est  :  1  —  0  (1,00)  —  0,134  ;  il  y  a  donc  plus  de 
chance  qu'il  y  ait  ici  aussi  une  influence  d'une  certaine  cause. 

Voyons  de  plus  près  quelles  peuvent  être  ces  dilTérentes 
causes.  Dans  la  deuxième  série,  après  avoir  écrit  un  chilTre, 
celui  qui  cherche  à  «  tromper  »  dit  seul  le  chiffre  qu'il  vient 
d'écrire,  par  conséquent  l'adversaire  qui  veut  «  deviner  »  le 
chiffre  apprend  chaque  fois  le  résultat  ;  il  est  certain  que  le 
premier  aura  un  désavantage  :  en  écrivant  les  chiffres  (1  ou  2) 
il  ne  pourra  se  guider  pour  l'ordre  à  choisir  que  par  ses  prévi- 
sions ;  par  exemple,  ayant  écrit  trois  fois  de  suite  2,  il  se  dira  : 
«  Mon  adversaire  ayant  vu  (jue  j'ai  écrit  trois  2,  pensera  que 
j'écrirai  cette  fois-ci  un  1,  eh  bien,  je  n'écrirai  pas  1,  mais  j'écri- 
rai encore  2  »,  et  si  l'adversaire  a  fait  au  même  moment  le 


V.    HENRI.    —   PROBABILlTl':S   EN   PSYGUOLOGIE  485 

même  raisonnement  il  devinera.  Voici  quelques  raisonnements 
qui  se  sont  présentés  chez  les  trois  sujets  de  la  même  manière 
et  qui  ont  été  employés  pour  «  tromper  »  l'adversaire  :  1°  on 
écrit  les  chifîres  (1,  2)  dans  un  certain  ordre  bien  déterminé; 
après  l'avoir  écrit  deux  fois  de  suite,  on  se  dit  :  «  L'adversaire 
croira  que  je  vais  changer  Tordre,  eh  bien,  je  ne  le  change  pas,  » 
et  on  continue  à  écrire  encore  deux,  trois  ou  même  quatre  fois 
dans  le  même  ordre;  exemples  :  on  écrit  1,  2,1,  2;  à  ce  moment 
on  fait  le  raisonnement  précédent  ;  on  se  dit  :  «  L'adversaire 
croira  que  je  vais  écrire  maintenant  2,  eh  bien,  j'écris  1,  »  et 
on  écrit  1,  2,  1,  2,  etc.  ;  ou  bien  encore  on  écrit  dans  trois  expé- 
riences successives  2,  2,  2  ;  puis  on  se  dit  :  «  Il  croira  que  je  vais 
écrire  1,  non,  j'écris  encore  2  »,  et  on  arrive,  en  répétant  à 
chaque  fois  ce  raisonnement,  à  écrire  jusqu'à  8  ou  9  fois,  suc- 
cessivement, le  même  chiffre  ;  encore  un  exemple  qui  s'est  sou- 
vent présenté  ;  on  écrit  dans  six  expériences  successives 
2, 1,  1,  2,  1,  1  ;  puis  on  fait  le  raisonnement  précédent  et  on  con- 
tinue 2, 1,  1,  2,  1,  '] ,  etc.  ;  il  y  a  ici  des  différences  individuelles 
considérables,  chaque  sujet  a  une  certaine  limite  (de  sagacité 
peut-on  dire)  qu'il  ne  dépasse  guère;  ainsi  l'un  des  sujets 
écrivait  jusqu'à  12  fois  de  suite  le  même  chiffre,  un  autre  ne 
dépassait  jamais  le  nombre  six.  Si  dans  ce  cas  celui  qui  veut 
«  tromper  »  dit  seul  le  chiffre  écrit,  il  ne  pourra  pas  suivre  les 
raisonnements  faits  par  l'adversaire,  il  ne  saura  pas  si  celui-ci 
ne  pense  pas  en  même  temps  la  même  chose  ou  bien  s'il  est 
réellement  «  pris  »  ;  quand,  au  contraire,  tous  les  deux 
apprennent  le  résultat  après  chaque  expérience  (4®  série),  on 
fera  tel  raisonnement  ou  tel  autre,  suivant  qu'on  remarque  que 
l'adversaire  devine  trop  souvent  ou  qu'il  ne  devine  pas. 

2°  Un  autre  genre  de  raisonnement  employé  aussi  par  tous 
les  sujets  est  le  suivant  :  on  écrit  dans  un  certain  ordre  plusieurs 
fois  de  suite,  puis  à  un  moment  donné  on  écrit  dans  une  expé- 
rience un  chiffre  qui  altère  l'ordre  précédent;  on  fait  alors  le 
raisonnement  :  «  Mon  adversaire  pensera  que  j'ai  changé  l'ordre, 
eh  bien,  je  le  reprends  j  ,  et  on  recommence  de  nouveau  à  écrire 
dans  le  premier  ordre  ;  exemples  :  on  écrit  dans  cinq  expériences 
successives!,  2,  1,  2,1  ;  on  se  dit:  «  Il  croira  que  je  maintiendrai 
l'ordre  et  j'écrirai  2.  j'écris  1  »,  puis  on  se  dit  de  nouveau  :  «  U 
croira  que  j'ai  abandonné  le  premier  ordre  (1,  2),  eh  bien,  je  le 
reprends  *,  et  on  écrit  de  nouveau  2,  1,  2,  1  ;  on  a  donc  écrit 
en  définitive  dans  les  dix  expériences  :  1,  2,  1,  2, 1,  1,  2,  1,2,  1  ; 
on  remarque  que  ce  raisonnement  est  déjà  bien  plus  fin  que  le 


48G  REVUES   GÉNÉRALES 

premier,  et  en  réalité  l'adversaire  y  est  pris  plus  souvent. 
Autre  exemple  :  on  écrit  dans  cinq  expériences  2.  2,  2,  2,  2,  puis 
on  écrit  1  et  on  se  dit  :  «  Il  pensera  que  je  vais  écrire  plusieurs 
1  à  la  suite  puisque  j'ai  déjà  écrit  tant  de  2,  eh  bien,  j'écris  de 
nouveau  des  2  »  ;  on  a  donc  en  définitive  :  2,  2,  2,  %  2,  1,2,2,  2  ; 
cet  1  intercalé  sert  à  «:  troubler  >  l'adversaire  ;  si  on  dit  seul  le 
clîifTre  écrit  sans  apprendre  celui  écrit  par  l'adversaire,  on  ne 
saura  pas  à  quel  moment  il  vaut  mieux  intercaler  cet  1  ;  dans 
le  cas  au  contraire  où  tous  les  deux  apprennent  k  résultat,  on 
saura  mieux  choisir  ce  moment. 

S''  Il  y  a  enfin  un  raisonnement  encore  plus  raffiné  employé 
moins  souvent  que  les  deux  premiers,  et  employé  surtout  dans 
la  quatrième  série  :  on  écrit  comme  précédemment  dans  un 
certain  ordre,  puis  on  altère  dans  une  expérience  cet  ordre  et 
on  se  dit  :  «  l'adversaire  pensera  que  je  l'ai  fait  seulement  pour 
le  troubler  et  que  je  reprendrai  de  nouveau  l'ordre  précédent  ;  eh 
bien  non,  je  ne  le  fais  pas  ;  »  exemple  :  on  écrit  2,  2,  2,  2,2,1, 
et  puis  par  suite  du  raisonnement  précédent,  on  écrit  encore  1. 

En  somme  ces  expériences,  si  simples  et  banales  qu'elles 
paraissent  au  premier  abord,  sont  en  réalité  très  compliquées  ; 
tout  le  temps  on  fait  des  raisonnements,  on  cherche  à  prévoir 
ce  que  l'adversaire  pense  à  son  tour  ;  à  mesure  que  les  expé- 
riences augmentent  en  nombre,  et  que  les  séries  se  compliquent, 
on  fait  des  raisonnements  de  plus  en  plus  raffinés  et  de  plus 
en  plus  complexes  ;  on  remarque  dans  les  exemples  précédents 
la  grande  analogie  qui  existe  entre  ces  raisonnements  et  les 
différents  moyens  de  «  tirer  »  à  l'escrime  ;  nous  comptons 
revenir  une  autre  fois  sur  ce  sujet  nouveau  ;  disons  seulement 
qu'on  devrait  tenir  compte  de  ces  faits,  lorsqu'on  veut  inter- 
préter les  «  lectures  de  pensées  ». 

En  résumé,  lorsque  dans  une  série  d'expériences  ou  d'obser- 
vations un  certain  événement  se  produira  n  fois,  si  le  hasard 
peut  à  lui  tout  seul  amener  cet  événement,  on  calculera  le 
nombre  le  plus  probable  de  fois  que  l'événement  devrait  se 
produire  par  suite  du  hasard  seul  ;  pour  faire  ce  calcul  il  faudra 
d'abord  supposer  que  tous  les  cas  sont  également  possibles, 
puis  savoir  le  rapport  du  nombre  de  cas  favorables  au  nombre 
total  de  cas  ;  ceci  fait,  on  regardera  si  le  nombre  n  diffère  peu 
ou  beaucoup  du  nombre  calculé  et  on  pourra,  en  s'appuyant  sur 
les  formules  précédentes,  calculer  dans  chaque  cas  quelle  doit 
être  la  probabilité  pour  que  l'écart  observé  soit  dû  seulement  au 
hasard  ;   plus  cette  probabilité  sera   faible,  plus   on  sera   en 


V.    HEN'RI.    —   PROBABILITÉS   EN   PSYCHOLOGIE  487 

droit  d'affirmer  qu'une  cause  spéciale  a  influé  sur  l'arrivée  de 
l'événement. 

Mais  il  peut  très  bien  arriver  que  le  nombre  d'arrivées  de 
l'événement  n  ne  diffère  que  très  peu  du  nombre  calculé  de 
€es  arrivées  dues  au  seul  hasard,  et  que  pourtant  l'arrivée  de 
l'événement  ne  soit  pas  due  au  hasard,  n'y  a-t-il  pas  quelque 
moyen  de  le  reconnaître  ? 

Donnons  un  exemple  :  supposons  que  deux  personnes  con- 
viennent d'écrire  des  séries  de  chiffres  (l  ou  2)  :  l'une  écrirait 
dix  fois  1,  puis  dix  fois  2,  puis  dix  fois    1  et  ainsi   de  suite  ; 

l'autre  écrirait  tout  le  temps  l,  2,  1,  2.  i,  2,1,2, 10  000  fois; 

supposons  de  plus  que  cette  dernière,  en  tournant  la  page  ou 
par  inattention,  se  soit  trompée  19  fois;  si  on  compte  les 
nombres  de  «  coïncidences  »  entre  les  chiffres  des  deux  séries 
de  10  000  chiffres,  on  en  trouvera  4  981,  c'est-à-dire  un  nombre 
qui  diffère  peu  (de  19j  du  nombre  oOOO,  ce  nombre  de  coïn- 
cidences ne  révèle  donc  pas  à  lui  tout  seul  l'existence  de  la 
•cause  qui  a  amené  les  coïncidences  ;  si  on  ne  donnait  que  ce 
nombre  4  981,  on  pourrait  très  bien  confondre  cette  série  avec 
la  première  série  de  nos  expériences  où  c'était  le  hasard  qui 
■seul  avait  amené  les  coïncidences. 

11  y  a  un  moyen  précieux  qui  permet  de  révéler  l'existence  de 
causes  même  lorsque  le  nombre  total  des  événements  s'éloigne 
peu  du  nombre  probable.  Partageons  les  dix  mille  expériences 
de  notre  première  série  en  400  groupes  de  25  expériences  cha- 
cun (on  aurait  pu  aussi  bien  prendre  d'autres  groupes)  ;  si  on 
fait  2o  expériences,  il  y  a  probabilité  égale  d'obtenir  12  ou  13 
coïncidences  (puisque  la  probabilité  d'une  coïncidence  est 
égale  à—)  ;  la  probabilité  d'obtenir  11  ou  14  coïncidences  sera 
déjà  plus  faible,  celle  d'obtenir  10  ou  lo  coïncidences  le  sera 
encore  plus  et  ainsi  de  suite  ;  on  peut  facilement  calculer  ces 
différentes  probabilités  ;  il  suffit  pour  cela  de  rendre  dans  la 
formule  t  =  .7==- 

a  =  2o,  nombre  des  expériences  ; 

P  —^/  =  -j  probabilité  d'une  coïncidence 
et  y. —  l'écart  —  successivement  =  1  pour  12  et  13  coïnci- 
dences, =  2  pour  11  et  14  coïncidences,  etc.;  ceci  étant,  on 
aura  des  valeurs  de  t  et  on  cherchera  dans  la  table  les  valeurs 
de  h  correspondantes,  ces  valeurs  de  0  représenteront  les  pro- 
babilités pour  qu'on  ait  12  et  13  coïncidences,  1!  et  14,  10  et 
15,  etc. 

Nous  avons  400  groupes  de  25  expériences,  la  probabilité 


488 


REVUES    GENERALES 


d'avoir  sur  25  expériences  12  et  13  coïncidences  est  0,,  celle 
d'avoir  11  et  14  est  0.,,  etc.;  par  conséquent  d'après  le  théorème 
de  Bernoulli,  on  devra  avoir  dans  40U.  ôi  groupes  12  et  13  coïn- 
cidences, dans  400.  G,  groupes  11  et  14  coïncidences  et  ainsi  de 
suite  ;  on  peut  comparer  ces  nombres  calculés  aux  nombres 
obtenus  réellement  ;  le  tableau  suivant  contient  les  résultats  : 


C  A  L  C  U  L  É 

OBSERVÉ 

l'AR    LA    THEORIE 

12  et  13  coïncidences  sont  dans.   . 

i:{4  groupes 

1 

123 

H  et  14          —                  —       .   . 

92       — 

lOu 

10  et  15          —                  —       .   . 

87       — 

78 

9  et  10          —                  —       . 

41       — 

49 

8  et  17          —                  —       .   . 

29       — 

26 

7  et  18          —                  —       .   . 

10       — 

11 

0  et  19          —                  —       .   . 

B       — 

6 

5  et  20          —                  —       .   . 

1       — 

2 

Si  on  compare  entre  eux  les  chiffres  calculés  et  les  nombres 
observés,  on  remarque  qu'ils  ne  dilTèrent  pas  beaucoup  les  uns 
des  autres  ;  dans  le  cas  au  contraire  que  nous  avons  supposé 
précédemment  oîi  les  deux  personnes  convenaient  d'écrire  les 
chiffres  chacune  dans  des  ordres  bien  arrêtés  en  partageant 
les  10  000  chiffres  en  400  groupes  de  25  chacun,  on  aurait  dans 
181  groupes  13  coïncidences  et  dans  219  groupes  12  coïnci- 
dences ;  on  voit  la  différence  énorme  avec  le  cas  que  le  hasard 
amène,  cette  différence  qui  consiste  ici  dans  une  régularité  trop 
parfaite  révèle  l'existence  d'une  cause,  qui  est  l'ordre  spécial 
convenu  d'avance  entre  les  deux  personnes. 

En  somme,  une  régularité  trop  parfaite  des  arrivées  succes- 
sives de  l'événement  et  aussi  bien  une  irrégularité  trop  forte 
suflisent  pour  découvrir  l'existence  d'une  cause. 

11  ne  serait  pas  pratique  de  faire  toujours  ces  calculs  longs 
et  pénibles  ;  on  peut  le  plus  souvent  simplifier  de  beaucoup  la 
marche  à  suivre  pour  découvrir  l'existence  d'une  cause.  On  a 
recours  pour  cela  à  un  écart  particulier  appelé  écart  ])7'obable  : 
on  appelle  écart  probable  l'écart  qu'il  y  a  probabilité  égale  de 
surpasser  et  de  ne  pas  surpasser.  Ainsi  on  fait  \l  épreuves,  un 
événement  A  de  probabilité  p  se  produit  \>.p  —  a  fois  ;  a  est, 
par  définition,  l'écart  ;  la  probabilité  de  l'arrivée  d'un  écart 
moindre   que  a  est  donnée  par  l'expression  0  {t),  t  et  a  étant 


V.    HENRI.    —    PROBABILITÉS   EN   PSYCUOLOGIE  489 

liés  par  la  relation  :  t  =  -^ —  ;  pour  une  certaine  valeur  de  t 

cette  expression  9  [t)  sera  égale  à  —  ,  la  table  nous  montre  que 
cette  valeur  de  t  est  0,4769;]6,  la  valeur  de  a  correspondante 
est  donc  y.  =  0,476936.  \  ïTTy  >  cette  valeur  de  a  s'appelle  écart 
probable,  la  probabilité  pour  que  l'écart  ne  dépasse  pas  cette 
valeur  est  —  • 

Donnons  un  exemple  :  on  jette  une  pièce  de  monnaie  200  fois, 
quel  est  l'écart  probable  ? 

On  a  ;j.  =  200ji=^=:  4-  ,  y-  -  0.476936.  y^^.soo.  i-  =  4,76936, 
telle  est  la  valeur  de  l'écart  probable  ;  cela  signifie  qu'il  y  a 
probabilité  égale  d'obtenir  pour  le  nombre  d'arrivées  de  «  pile  » 
un  écart  au-dessous  de  4,77  que  d'obtenir  un  écart  supérieur; 
donc,  si  on  jetait  la  pièce  20  000  fois  et  si  on  partageait  les 
résultats  en  100  groupes  de  200  cas  chacun,  en  additionnant 
les  nombres  de  groupes  dans  lesquels  on  aurait  100  piles,  99, 
98,  97,  96,  101,  102, 103  et  104  piles  la  somme  obtenue  doit  être 
égale  à  oO;  dans  oO  groupes,  on  aurait  des  écarts  plus  grands 
que  4,77  et  dans  oO  des  écarts  inférieurs  à  ce  nombre. 

Si  en  faisant  cette  vérification  on  trouve  que  dans  un  nombre 
bien  différent  de  la  moitié  les  écarts  obtenus  sont  inférieurs  ou 
supérieurs  à  l'écart  probable  on  peut  affirmer  que  la  série  obte- 
nue n'est  pas  due  au  simple  hasard. 

Nous  arrivons  à  un  sujet  nouveau  bien  délicat  à  exposer  et 
(jui  est  fondamental  pour  la  psychophysique,  c'est  la  théorie 
des  erreurs  d'observations.  On  mesure  une  certaine  grandeur 
plusieurs  fois  dans  les  mêmes  conditions  et  on  obtient  des 
résultats  différents  ;  quelle  est  la  valeur  qu'il  faut  adopter 
pour  représenter  la  grandeur  mesurée  ?  On  adopte  la  moyenne 
arithmétique  des  différentes  mesures  ;  il  est  difficile  de  dire  à 
qui  on  doit  l'adoption  de  la  moyenne,  il  est  certain  que  lors(jue 
Archimède  remplaçait  un  nombre  de  points  matériels  par  un 
point  unique  {centre  de  gravité),  il  se  servait  de  la  moyenne  ; 
mais  c'est  surtout  Gauss  qui  développa  la  théorie  des  moyennes 
en  posant  ce  postulatum  célèbre  qne  dans  une  série  de  mesures 
qui  inspirent  même  confiance,  après  avoir  écarté  les  erreurs 
constantes,  la  moyenne  arithmétique  est  la  valeur  la  plus  jiro- 
bable  ;  c'est  un  postulatum  qu'on  ne  peut  pas  démontrer,  mais 
qui  est  admis  généralement  puisqu'il  satisfait  aux  nécessités 
pratiques. 

Nous  devons  d'abord  nous  arrêter  un  peu  sur  la  signification 
que  peut   avoir  la  moyenne.    «  En  prenant  la  moyenne,   dit 


490  REVL'ES    GÉNÉRALES 

Quetelet,  on  peut  avoir  en  vue  deux  choses  bien  difTérentes  : 
on  peut  chercher  à  déterminer  un  nombre  qui  existe  véritable- 
ment ;  ou  bien  à  calculer  un  nombre  qui  donne  l'idée  la  plus 
rapprochée  possible  de  plusieurs  quantités  difTérentes,  expri- 
mant des  choses  homogènes,  mais  variables  de  grandeur.   » 

«  En  mesurant  la  hauteur  d'un  édifice  vingt  fois  de  suite,  je 
ne  trouverai  peut-être  pas  deux  fois  identiquement  la  même 
valeur;  cependant,  on  conçoit  que  l'édifice  a  une  hauteur 
déterminée,  et  si  je  ne  l'ai  pas  estimée  exactement  par  chacune 
des  opérations  que  j'ai  faites  pour  la  reconnaître,  c'est  que  ces 
opérations  comportent  quelque  incertitude.  Je  me  borne  alors 
à  prendre  la  moyenne  de  toutes  mes  déterminations  pour  la 
véritable  hauteur  cherchée.  Les  limites  plus  ou  moins  larges 
dans  lesquelles  se  trouvent  renfermées  les  mesures  que  j'ai 
obtenues,  dépendent  de  mon  plus  ou  moins  d'adresse  et  de 
l'exactitude  des  instruments  dont  j'ai  fait  usage. 

a  Je  puis  encore  employer  le  calcul  de  la  moyenne  dans  un 
autre  sens.  Je  voudrais  donner  une  idée  de  la  hauteur  des 
maisons  qui  se  trouvent  dans  une  rue  déterminée. 

«  Il  faudra  mesurer  la  hauteur  de  chacune  d'elles,  faire  la 
somme  des  hauteurs  observées,  et  diviser  le  résultat  par  le 
nombre  des  maisons.  La  valeur  moyenne  ne  représentera  la 
hauteur  d'aucune  d'elles  en  particulier,  mais  elle  aidera  à  faire 
connaître  leur  hauteur  en  général  ;  et  les  limites  plus  ou  moins 
larges  dans  lesquelles  se  trouveront  renfermées  toutes  les 
mesures  obtenues   dépendront  de  la  diversité  des  maisons.  » 

Cette  distinction  est  bien  souvent  négligée  en  psychologie, 
où  elle  a  une  importance  capitale;  c'est  que  souvent  on  a 
affaire  à  des  mesures  de  processus  psychiques  et  on  ne  sait  pas 
au  juste  si  on  mesure  une  certaine  valeur  qui  existe  réellement 
et  par  conséquent  si  les  variations  observées  sont  dues  seule- 
ment à  des  causes  accidentelles,  ou  bien  s'il  n'existe  pas  de 
valeur  bien  déterminée  et  dans  ce  cas  la  moyenne  donnerait 
une  idée  approchée  d'un  processus  variable  ;  telle  est  i)ar 
exemple  la  discussion  sur  l'existence  d'un  seuil  de  perception, 
les  uns  affirment  qu'il  existe  un  seuil  fixe  et  que  les  valeurs 
difTérentes  qu'on  obtient  dans  les  expériences  sont  dues  à  des 
influences  de  causes  accidentelles,  d'autres  soutiennent,  au 
contraire,  que  le  seuil  varie  d'une  expérience  à  l'autre  et  qu'on 
ne  peut  obtenir  que  la  valeur  moyenne  de  ces  variations  du 
seuil.  De  même  encore  lorsqu'on  prend  des  temps  de  réactions 
simples,  et  qu'on  représente  ensuite  les  temps  de  réactions  par 


V.    DENRI.    —   PROBABILITÉS   EN   PSYCQOLOGIE  491 

la  moyenne  des  valeurs  obtenues  dans  une  série,  que  signifie 
cette  mo3enne?  représente-t-elle  un  nombre  existant  réellement 
qui  serait  la  durée  d'une  réaction  simple  normale,  ou  bien  est-ce 
un  nombre  abstrait  qui  ne  correspond  à  aucun  processus  réel? 

L'adoption  de  la  moyenne  arithmétique  entre  plusieurs 
mesures  d'une  même  grandeur  suppose  donc  d'une  part  que  les 
erreurs  constantes  ont  été  écartées  et  puis  que  toutes  les 
mesures  méritent  une  confiance  égale  ;  voilà  de  nouveau  deux 
conditions  qu'on  n'oublie  que  trop  souvent  en  psychologie. 

Mais  la  moyenne  à  elle  seule  ne  suffit  pas  pour  caractériser 
la  série  de  mesures  et  pour  indiquer  le  degré  de  confiance  qu'il 
faut  attacher  à  la  mo\enne,  il  faut  y  ajouter  encore  Yerreur 
probable  ou  la  précision  de  la  série  des  mesures  ;  qu'est-ce 
donc  que  cette  erreur  probable  ? 

Chaque  mesure  donne  lieu  à  une  valeur  qui  diffère  de  la 
moyenne,  cette  différence  est  Yerreur  dans  cette  mesure  ;  dans 
une  série  de  mesures  les  erreurs  faibles  se  produiront  plus 
souvent  que  les  erreurs  plus  fortes,  on  pourra  dire  que  toute 
erreur  a  une  certaine  probabilité  de  se  produire  ;  Yerreur  pro- 
bable est  l'erreur  qu'il  y  a  chance  égale  d'atteindre  ou  de  ne 
pas  atteindre  ;  cette  erreur  probable  à  côté  de  la  moyenne 
suffira  à  caractériser  la  série  de  mesures,  à  condition  qu'il  n'y 
ait  pas  d'erreur  constante,  que  les  variations  dans  les  diffé- 
rentes mesures  soient  dues  à  des  causes  accidentelles  et  qu'en- 
fin toutes  les  mesures  méritent  la  même  confiance. 

Mais  comment  obtenir  cette  erreur  probable  ?  Il  faut  pouvoir 
déterminer  la  probabilité  d'une  certaine  erreur;  il  n'existe  pas 
de  loi  déterminée  qui  permette  de  savoir  la  probabilité  d'une 
erreur  donnée,  il  faut  faire  une  hypothèse,  c'est  ce  que  Gauss 
a  fait  en  supposant  que  la  probabilité  d'une  erreur  ne  dépend 
que  de  la  valeur  de  l'erreur  ;  ainsi  la  probabilité  pour  qu'une 
erreur  soit  comprise  entre  A  et  A  +  f^  A  est^>flr  hypothrse  égale 
à  une  fonction  de  A  multipliée  par  d  A  ((/  A  est  une  portion 
très  faible  de  A).  En  s'appuyant  sur  le  postulatum  que  la 
moyenne  arithmétique  est  la  valeur  la  plus  probable  et  sur 
l'hypothèse  précédente  on  déduit  par  un  raisonnement  mathé- 
matique, que  nous  ne  reproduisons  pas,  la  loi  des  erreurs  de 
Gauss:  la  probabilité  de  l'arrivée  d'une  erreur  comprise  entre 
Z  et  Z  +  d  Z  est  égale  à  : 

K        -  K'  1- 
-=.  e  .  dZ.  (B) 

V- 


492  REVUES    GÉNÉRALES 

On  remarque  ridentité  de  cette  formule  avec  celle  que  nous 
avions  obtenue  pour  la  probabilité  d'un  écart  compris  entre  Z 
et  Z  -h  dZ,  il  suffit  en  effet  de  poser  K  =  ^^"7^  pour  obtenir  la 
formule  relative  aux  écarts  ;  or,  la  formule  qui  donnait  la  pro- 
babilité des  écarts  n'était  qu'approximative,  tandis  que  la  for- 
mule (B)  est  déduite  directement  des  hypothèses  et  du  postula- 
tum  de  Gauss  sans  approximation,  par  conséquent  l'hypothèse 
et  le  postulatum  ne  sont  pas  exacts  dans  le  sens  précis,  mais 
ils  suffisent  pour  la  pratique. 

Indiquons  maintenant  la  manière  dont  on  doit  se  servir  pour 
le  calcul  de  la  probabilité  d'une  erreur  ne  dépassant  pas  telle 
limite  donnée. 

La  probabilité  d'une  erreur  comprise  entre  Z  et  Z  -t-  rfZ  est 

1^  IT:     2,: 

(B)..,-=-.e  dZ,  quelle  est    la   probabilité  d'une  erreur 

comprise  entre  —  a  et  H-  a  ?  Partageons  l'intervalle  de  0  à  -+-  a 
en  un  très  grand  nombre  de  parties,  l'une  de  ces  dernières  sera 
de  la  forme  Z,  Z  -r-  dZ  et  la  probabilité  pour  que  l'erreur  soit 
dans  cette  partie  est  (B)  ;  donc  en  vertu  du  théorème  des  pro- 
babilités totales  la  probabilité  pour  qu'une  erreur  soit  comprise 
entre  0  et  h-  a  sera  égale  à  la  somme  des  probabilités  corres- 
pondantes à  chacune  des  parties  de  la  division,  c'est-à-dire  elle 
sera  égale  à  la  somme  d'expressions  (B)  pour  toutes  les  valeurs 
de  Z  comprises  entre  0  et  +  a. 

Posons  t=  KZ,  l'expression  (B)  devient  alors  ^  •  e  dZ; 
on  peut  remplacer  K  dZ  par  dt.  On  a  donc  en  définitive  pour 
l'expression  de  la  probabilité  d'une  erreur  comprise  entre  Z  et 

Z.  -{-  dZ-^  e-  dt,  et  la  probabilité  pour  qu'une  erreur  soit 
comprise  entre  0  et  -f-  a  est  égale  à  la  somme  des  expressions 


V 


1        —  1= 

7=  e 


dt  pour  toutes  les  valeurs  de  t  comprises  entre  0  et 
Ka  (puisque  t=-  KZ)  ;  or,  la  table  de  la  fin  contient  la  valeur 
de  ces  sommes  0  pour  les  différentes  valeurs  de  t,  on  pourra 
donc  facilement  calculer  la  probabilité  pour  qu'une  erreur  soit 
comprise  entre  —  a,  et  -t-  a  si  on  a  déterminé  la  valeur  de 
la  constante  K  qui  s'appelle  la  précision;  en  elfet,  on  cherche 
dans  la  table  la  valeur  de  0  qui  correspond  à  la  valeur  de  t 
égale  à  K.  a,  cette  grandeur  représentera  la  probabilité  deman- 
dée. Voyons  quelle  est  la  grandeur  /.  de  Verreur  probable  : 
la  probabilité  de  ne  pas  dépasser  ).  doit  être  égale  k-^  ;  \a.  table 
montre  que  la  valeur  de  t  correspondant  à  0  =  -^  est  0, -47693, 
donc  on  a  K/.  =  0,47693  (puisque  t  =  Ka)  ;  par  conséquent 


V,    UENRI.    —   PROBABILITÉS   EN   PSYCHOLOGIE  493 

A  =  -^Kf--  '■>  tout  se  réduit  donc  à  calculer  la  valeur  de  la  cons. 
tante  de  précision  K  ;  on  se  sert  pour  cela  de  certaines  relations 
mathématiques  existant  entre  K  et  la  somme  des  erreurs  ou 
des  puissances  des  erreurs  ;  nous  ne  pouvons  pas  entrer  ici  sur 
la  démonstration  de  ces  relations,  nous  les  signalerons  seule- 
ment :  soient  ^i,  x.,,  X3,...  x„,  les  n  mesures  d'une  grandeur, 
on  prend  la  moyenne  arithmétique. 

M  = ,  les  erreurs  commises  dans  les  n 

mesures  sont  :  (?i  =  M  —  x^^  <?^  =  M  —  ^o,  e-^  =  M —  x^, 

e„  =  M  —  Xn'i  on  peut  étaJjlir  que  la  moyenne  des  erreurs  est 
égale  à  jt^  , 
c'est-à-dire  : 

e,  -f  So   + +  ^n  _       1 


n 


K\/-  ' 


de  même  on  établit  que  la  moyenne  arithmétique  des  carrés  des 
erreurs  est  égale  à  -j^  '■ 

e\  +  eK_  +  eK  + +  e^,  _  J_  .  ,„. 

n  ~  2/v2  '  ^  ' 

c'est  de  l'une  de  ces  relations  qu'on  peut  se  servir  pour  calculer 
la  valeur  de  K  ;  il  vaut  mieux  se  servir  de  la  deuxième  rela- 
tion ;  on  risque  alors  une  erreur  moindre. 

Si  nous  désignons  par  Si  la  somme  des  erreurs,  par  S2  la 
somme  des  carrés  des  erreurs,  on  déduit  des  relations  (1)  et  (2)  : 


(3) 


le  rapport  de  la  moyenne  des  carrés  des  erreurs  au  carré  de 
la  moyenne  des  erreurs  est  égal  à  la  moitié  du  rapport  de  la 
circonférence  au  diamètre.  Quel  contraste  énorme  !  D'un  côté, 
on  a  des  erreurs  que  le  hasard  a  fait  naître  et  de  l'autre  une 
quantité  aussi  constante  et  remarquaJjle  que  le  rapport  de  la 
circonférence  au  diamèlre.  «  Cette  formule  singulière,  dont  le 
premier  membre  est  fourni  par  le  hasard,  mérite  tant  de  con- 
fiance qu'un  calculateur  à  qui  des  observations  sont  remises  et 
qui  trouve  cette  égalité  eu  défaut  peut  tenir  pour  certain  qu'on 
a  retouché  et  altéré  les  résultats  immédiats  de  l'expérience.  » 
(Bertrand.)  Plusieurs  auteurs  ont  fait  la  vérification  de  la  loi 


494 


REVUES    GlîlNÉRALES 


des  erreurs  de  Gauss,  Bessel  a  rassemblé  les  observations  de  la 
déclinaison  et  de  l'ascension  droite  faites  par  Bradley,  il  a 
calculé  les  nombres  des  erreurs  de  grandeurs  différentes  et  a 
comparé  ces  nombres  calculés  aux  nombres  d'erreurs  observés  ; 
voici  quelques-uns  de  ses  résultats  : 


■ 

N0MI$RES    d'erreurs                 | 

ERREURS 

-    — .^ 

C  A  L  C  U  I.  K  s 

OBSER\'ÉS 

De  0,  0  à  0,  1" 

95 

94 

—  0,  1  —  0,  2" 

89 

88 

—  0,  2  —  0,  3" 

78 

78 

—  0,  3  —  0,  4" 

64 

58 

—  0,4  —  0,  o" 

50 

51 

—  0,5  —  0,  6" 

36 

36 

—  0,  6  —  0,  7" 

24 

26 

—  0,7  —  0.8" 

15 

14 

—  0,8  —  0,9" 

9 

10 

—  0,0  —  1,0" 

5 

7 

Au-dessus  de  1" 

5 

8 

La  coïncidence  de  la  théorie  avec  les  observations  peut  être 
considérée  comme  parfaite. 

Jusqu'ici  nous  n'avons  encore  rien  dit  sur  la  nature  des 
causes  accidentelles  qui  donnaient  lieu  à  ces  variations  dans 
les  mesures.  Quelles  sont  ces  causes  accidentelles?  Elles  sont 
en  partie  d'ordre  physique,  en  partie  aussi  d'ordre  psychique  : 
c'est,  par  exemple,  l'ébranlement  de  l'appareil  par  suite  des 
mouvements  de  l'observateur,  les  changements  de  température 
dans  le  courant  d'une  série  d'expériences,  les  vibrations  de 
l'air  modifiant  sa  réfraction,  puis  des  défauts  d'appréciation 
dans  les  visées,  des  troubles  de  l'attention,  la  fatigue,  etc.; 
toutes  ces  causes  en  s'ajoutant  produisent  des  variations  dans 
les  résultats  des  mesures,  et  nous  avons  vu  que  ces  variations 
suivent  la  loi  des  erreurs  de  Gauss.  Les  astronomes  et  les 
physiciens  se  contentent  de  cette  constatation  de  fait.  le  psy- 
chologue ne  peut  pas  le  faire,  il  y  a  là  un  point  important  pour 
lui,  c'est  la  question  si  la  loi  de  Gauss  est  applicable  aux 
processus  psychiques.  Expliquons  bien  de  quoi  il  s'agit  :  on 
produit,  par  exemple,  deux  bruits  Â  et  B  peu  dillérenls  l'un  de 
l'autre,  le  sujet  percevra  6o  fois  B  plus  fort  que  A,  20  fois  B 


V.    HENRI,    —    PROBABILITÉS    EN   PSYCHOLOGIE  495 

égal  àA  et  lo  fois  B  plus  faible  que  A;  il  y  a  dans  100  expé- 
riences, qui  consistent  chacune  à  comparer  les   intensités  des 
deux  bruits  A  et  B,  des  oscillations  d'une  expérience  à  l'autre  ; 
à  quoi  sont  dues  ces  oscillations?  A  des  causes  fortuites  :  inat- 
tention, fatigue,  attente,  contraste  d'une  expérience  à  l'autre, 
etc..  etc.,  la  plupart  d'ordre  psychicjue  (si  les  appareils  sont 
bien  réglés)  ;  mais  ces  causes  fortuites  influent  aussi  dans  les 
observations  astronomiques  et  physiques  et  donnent  ici  lieu  à 
des  erreurs  qui  suivent  la  loi  de  Gauss;  pourquoi  ne  pas  sup- 
poser que,  dans  le  cas   présent,   de  la  comparaison  de  deux 
intensités  de  bruits,  les  variations  d'une  expérience  à  l'autre 
devraient  aussi  être  considérées  comme  des  «  erreurs  d'observa- 
tions »  pareilles  à  celles  qu'on  a  en  astronomie  ?  On  introduit 
ici  l'idée  d'un  seuil  de  différence  :  pour  que  deux  sensations  a 
et  b  nous  paraissent    être  différentes  (en  intensité)  l'une  de 
l'autre,  il  faut  que  la  diff'érence  des  intensités  des    excitations 
correspondantes  à  ces  sensations  soit  supérieure  à  une  certaine 
limite  appelée  seuil  de  différence  ;  cette  limite  est  supposée, 
d'après  les  uns,  fixe  dans  une  série  d'expériences;  d'après  les 
autres,  elle  varie  d'une  expérience  à  l'autre.  (V.  Revue  générale 
sur  le  sens  du  lieu  de  la  peau.) 

M 
•  •     .       — ■         . 

A  C  B 

Fig.  8G 

Soient  deux  points  A  et  B  et  un  troisième  G  voisin  du  milieu  M 
de  la  ligne  A  B;  on  présente  au  sujet  les  trois  points  A,  G,  B, 
et  il  doit  dire  si  le  point  G  lui  paraît  être  plus  voisin  de  A  ou 
plus  voisin  de  B;  on  recommence  100  fois  l'expérience  ;  suppo- 
sons que  dans  63  cas  il  a  dit  que  G  lui  semblait  être  plus  voisin 
de  A.  et  dans  35  cas  G  a  paru  être  plus  près  de  B.  On  demande 
quelle  est  la  valeur  de  la  coniilanle  de  précision,  qui  peut  servir 
comme  mesure  du  seuil  de  difl'érence  ? 

En  regardant  les  trois  points  A,  G,  B,  le  sujet  a  cru  dans  6o  cas 
que  G  était  à  gauche  du  milieu  M  et  en  a  déduit  qu'il  était  plus 
voisin  de  A;  dans3o  cas  le  poinl  G  a  paru  au  sujet  être  à  droite 
du  milieu  M;  ces  variations  dans  les  expériences  sont  dues  à 
dos  causes  fortuites  (en  supposant  que  les  causes  constantes 
aient  été  éliminées),  l'influence  de  ces  causes  fortuites  consiste 
à  modifier  la  position  apparente  du  point  G,  et  dans  35  cas 
nous  avons  vu  que  celte  position  apparente  de  G  a  été  modifiée 


496  REVUES   GÉNÉRALES 

d'une  grandeur  telle  qu'il  a  paru  être  à  droite  du  milieu  M  ;  or. 
on  suppose  que  les  causes  fortuites  font  modifier  la  position 
apparente  de  G  suivant  la  loi  des  erreurs  de  Gauss.  c'est-à-dire 
que  si  on  marque  les  différentes  positions  apparentes  de  G,  elles 
seront  groupées  autour  du  point  réel  G  de  la  même  manière 
que  les  mesures  d'une  série  d'observations  sont  groupées 
autour  de  leur  moyenne.  Pour  que  la  position  apparente  de  G 
soit  modifiée  par  les  causes  fortuites  d'une  grandeur  telle  qu'il 
paraisse  être  à  droite  de  M,  il  faut  une  certaine  probabilité, 
cette  dernière  est  égale  à  la  probabilité  de  l'arrivée  d'une 
erreur  positive  supérieure  à  CM,  c'est-à-dire  elle  est  égale 
à  -^  moins  la  probabilité  d'avoir  une  erreur  comprise  entre 
0  et  -i-  CM  (puisque  la  probabilité  d'avoir  une  erreur  positive 
est  égale  à  la  probabilité  d'une  erreur  négative,  c'est-à-dire 
égal  à  —  )  ;  nous  avons  vu  précédemment  que  la  probabilité 
d'avoir  une  erreur  comprise  entre  —  a  et  h-  a  est  égale  à  0  (t) 
où  t  =:ïi  y.  ;  donc  la  probabilité  d'une  erreur  comprise  entre  0 

fi    (  t  \ 

et  -i-  a  est  — 7, —  ;  dans  le  cas  présent,  a  =  CM.  donc  la  proba- 
bilité d'une  erreur  comprise  entre  0  et  CM  est  égale  à  — :r~  où 
t  =  K.  CM;  par  conséquent,  la  probabilité  pour  que  la  position 
apparente  de  G  soit  à  droite  du  milieu  M    est   égale  k  ~  — 

—r~  ;  or  d'un  autre  cùté  le  sujet  a  dans  35  cas  dit  que  G  lui 
semblait  être  plus  près  de  B,  donc  cette  probabilité  est  aussi 
égale  à  -j^  ;  par  conséquent,  on  a  en  égalant  -^^  =  4 ^ 

30 

OU  bien  0  it)  =  j—  ;  la  table  montre  que  la  valeur  de  /  corres- 
pondante est  t  =  0,28,  donc  on  a  0,28  =  K.  CM.  CM  étant  connu, 
on  aura  la  constante  de  précision  K  et  par  suite  la  mesure  du 
seuil  de  différence. 

On  voit  qu'il  a  fallu  faire  des  hypothèses  nombreuses  pour 
pouvoir  appliquer  la  méthode  «  des  cas  vrais  et  faux  »  à  la 
mesure  du  seuil  de  différence.  Beaucoup  d'auteurs  ont  fait  des 
vérifications  expérimentales  et  ont,  en  général,  trouvé  que  si 
on  prend  les  précautions  nécessaires,  les  chiffres  obtenus  véri- 
fient ceux  prévus  par  les  calculs.  (V.  Analyse  de  J.  Merkel.) 

Nous  avons  de  notre  coté  aussi  fait  quelques  expériences 
pour  voir  Jusqu'à  quel  degré  la  loi  de  Gauss  peut  être  appli- 
quée aux  processus  psychiciues.  Voici  en  quoi  elles  consis- 
taient :  deux  points  A  et  B  sont  marqués  sur  une  li^-ne,  le  sujet 
doit  marquer  avec  un  crayon  le  point  milieu  G  entre  les  points 
A  et  B  ;  la  distance  AB  choisie  était  IGO  mm.  et  dans  une  série 


V.    UENRI.    —   PROBABILITÉS   EN   PSYCUOLOGIE  497 

120  mm.  ;  le  sujet  était  assis  pendant  toute  une  série  d'expé- 
riences toujours  dans  la  même  position,  les  conditions  d'éclai- 
rage et  de  position  de  la  ligne  AB  étaient  maintenues  cons- 
tantes, le  crayon  avec  lequel  le  sujet  marquait  le  milieu  était 
taillé  très  fin;  enfin,  en  faisant  une  expérience,  le  sujet  ne 
voyait  pas  les  résultats  des  expériences  précédentes  ;  nous 
notons  tous  ces  détails  puisqu'on  pourrait  peut-être  objecter 
que  les  erreurs  ont  été  produites  par  ces  différentes  causes 
d'ordre  physique  et  non  psychique.  Trois  sujets  ont  fait  ces 
expériences  :  l'un  (A)  a  fait  une  série  de  400  expériences  avec 
la  division  d'une  longueur  de  160  mm.  etune  autre  de  300  expé- 
riences pour  la  division  d'une  longueur  de  120  mm.  ;  le 
deuxième  (Y.)  a  fait  une  série  de  100  expériences  pour  des  lon- 
gueurs de  IGO  mm.;  enfin  le  troisième  (C)  une  série  de 
200  expériences  aussi  pour  des  longueurs  de  160  mm. 

Ayant  fait  ces  expériences,  nous  avons  calculé  pour  chaque 

série  d'abord  la  moyenne  arithmétique  des  longueurs  AC,  soit 

M  ;  puis  la  moyenne  des  erreurs  ou,  comme  on  dit  souvent,  la 

variation  moyenne,  nous  l'avons  désignée  précédemment  par 

^  ;  puis  nous  avons  calculé  la  movenne  des  carrés  des  erreurs 

^~  ;  cette  dernière  permet  de  calculer  la  valeur  de  la  constante 

de  précision  K  par  la  relation  '--^^^j^.'-,  ayant  la  valeur  de  K, 
on  peut  savoir  la  probabilité  d'une  erreur  de  grandeur  donnée 
X,  il  suffit  de  chercher  dans  la  table  la  valeur  de  0  qui  corres- 
pond à  Kx;  cette  valeur  sera  la  probabilité  demandée;  nous 
avons  donc  calculé  le  nombre  probable  d"erreui"s  de  grandeurs 
différentes  et  comparé  ces  nombres  calculés  aux  nombres  d'er- 
reurs observés. 

Passons  aux  résultats  : 

l''-"  Série,  sujet  (A.).  —  400  expériences,  longueur  AB  égale  à 
160  millimètres  ;  la  moyenne  arithmétique  des  400  valeurs  de 
AG  est  M  =  82,74;  la  variation  moyenne  -^  =  1,63  ;  la  moyenne 

des  carrés  des  400  erreurs  est  4,27  =  —  ;  nous  avons  montré 
plus  haut'  qu'il  devait  exister  une  relation  remarquable  entre 

^-2  (t) 

^  6^  [jr)   *l^^  est  ;^"  2  =  -|-;  dans  le  cas  précédent  ce  rapport 

yn'J 

€st  égal  à  1,60  ;  or,  -f  =  1,'>7;  la  différence  des  deux  rapports 

est  très  faible.  De  la  relation  ~=  :;j^  ,  on  déduit  pour  la  cons- 
tante de  précision  K  =  0,34  ;  voici  maintenant  les  nombres 
d'erreurs  calculés  et  observés  : 

ANNÉE  PSYCHOLOGKJLE.  32 


498 


REVUES   GENERALES 


NOMBRES    d'erreurs                | 

VALEURS    DE    L'ERREDR 

'^        ' 

"         — —    "   — ~ 

C  A  L  C  r  L  É  s 

OBSERVÉS 

0,     à  0,  5  mm. 

75 

84 

0,5  —  1 

72 

75 

1      — 1,5    — 

64 

37 

1,3-2        - 

54 

62 

2     —2,5    — 

43 

47 

2,5  —  3        — 

32 

15 

3     —3,5     — 

23 

23 

3,5  —  4        — 

15 

13 

4      —  4,3     — 

9 

7 

4,5  —  5        — 

6 

6 

5      —  5, 5     — 

4 

4 

Au-dessus  de  5,  5  mm. 

3 

7 

On  voit  que  les  différences  entre  les  nombres  observés  et 
ceux  prévus  par  la  théorie  sont  en  général  faibles. 

2"  Série,  sujet  (A.).  —  AB  =  120  millimètres,  300  expériences. 


Si 


\-    S-j 


On  a,  comme  précédemment  :  M  =  Gl,14,  '—==1,07,':;^  = 


(ï 


1,859  ;  le  rapport    ^^    j  est  égal  à  1,64;  enfin  K  =  0,o2. 

\n  ) 

Les  nombres  des  erreurs  calculés  et  observés  sont  dans  cette 
série  plus  concordants  que  dans  la  série  précédente,  les   voici  : 




NiniBRES  d'erreurs           | 

VALEURS    DE    L'ERREUR 

^-^' 

— 

c  A  L  c  f  L  É  s 

0  B  s  E  R  \-  É  s 

0        à  0,39  mm. 

67 

73 

0,  30  —  0,  03     — 

40 

40 

0,63—0,88     — 

37 

37 

0,88-1,12     — 

32 

37 

1,12-1,63     — 

55 

43 

1,63-1,88     — 

18 

17 

1,88—2,12     — 

15 

17 

2,12—2,63     — 

19 

17 

2,63  —  2,88     — 

(i 

6 

Au-dessus  de  2,  88 

10 

12 

3'^   5'e?ve,  sujet  (V.).   —   100   expériences,   AB   =  160  mm 


X-. 

ii 


V.    HENRI.    —    PROBABILITES    EN    PSYCHOLOGIE 


499 


M  =  79,205  ;  ,7  =  1 ,496  ;  J  =  3,517  ;  le  rapport  -~  =  i  ,61  au 
lieu  de  1,57  =  I  ;  enfin  K  =  0,40.  tj 

Dans  cette  série,  quoique  le  nombre  d'expériences  soit  faible, 
les  nombres  calculés  et  observés  concordent  mieux  qu'on  ne 
pouvait  s'y  attendre  : 


NOMBRES 

d'erreurs 

VALEURS    DES 

ERREURS 

•" 

-                    ^— - 

CALCULÉS 

OBSERVÉS 

0       à  0,5 

mm. 

22 

22 

0,5  —  1 

— 

21 

21 

1      -1,5 

— 

17 

18 

1,5-2 

— 

14 

10 

2      2  5 

— 

10 

9 

2,0-3 

— 

7 

8 

3      —3,5 

— 

4 

5 

3,5—4 

— 

3 

1 

4      —4,5 

— ■ 

2 

5 

4,5  —  5 

"•^ 

1 

1 

4'^  Série,  sujet  (C).  —  200  expériences,  ABr=160mm.  ;  il  s'est 

dégagé  :  M  =  76,66  ;  ^  =  2,39  ;  Ç-  8,53,  le  rapport  ^  =  1 ,49, 
la  valeur  de  K  est  0,24.  (tJ 


valeurs  des  erreurs 


0  à    1  mm. 

1  —  2  — 
2—3  — 

3—  4  — 

4—  5  — 
0—  G  — 
G—    7  — 

7—  8  — 

8—  0  — 
9  — 10  — 


nombres  des  erreurs 


CALCULES 


53 

47 

38 

27 

17 

9 

5 

2 

1 

1 


OBSERVES 


49 

48 

36 

31 

20 

10 

4 

2 

0 

0 


On  voit  en  somme  qu'en  général  les  nombres  observés  con- 
cordent bien  avec  ceux  prévus  par  la  théorie  ;  il  faut  en  con- 
clure que  les  erreurs  accidentelles,  d'ordre  psychique  surtout, 


500 


REVUES    GÉNÉRALES 


dans  ce  cas,  en  produisant  des  variations  dans  des  mesures  et 
des  observations,  le  font  d'une  certaine  manière  bien  détermi- 
née :  les  variations  faibles  non  seulement  se  produisent  plus 
souvent  que  les  variations  fortes,  mais  de  plus  chaque  variation 
a  une  probabilité  bien  déterminée  de  se  produire;  cette  proba- 
bilité est  donnée  par  la  loi  des  erreurs  de  Gauss. 

Nous  espérons  avoir  indiqué  les  points  les  plus  importants  du 
calcul  des  probabilités  dont  on  peut  avoir  besoin  dans  la  psy- 
chologie expérimentale  ;  il  y  avait  certainement  beaucoup  de 
questions  à  traiter  encore;  nous  ne  l'avons  pas  fait  parce  que 
cela  nous  aurait  entraîné  trop  loin.  Partout  nous  avons  essayé 
de  ne  pas  faire  usage  de  mathématiques  ou  d'en  employer 
aussi  peu  que  possible  en  citant  toujours  beaucoup  d'exemples 
pour  bien  préciser  la  portée  de  tel  principe  ou  théorème  parti- 
culier. Victor  Henri. 

i     ^—  t' 

TABLE  DES   VALEURS  DE    LA   SOMME   fc)   DES  EXPRESSIONS  2.  -7=^  .  cll 

POUR   TOUTES   LES   VALEURS    DE   t   COMPRISES   ENTRE   0    ET   T 


0,00 
0,  02 

0,04 

0,06 

0,08 

0,  10 

0,12 

0,14 

0,16 

0,18 

0,  20 

0,22 

0,24 

0,26 

0,28 

0,30 

0,32 

0,34 

0,36 

0,38 

0,40 

0,42 

0,  44 

0,46 

0,48 

0,30 

0,52 


0, 0000 
0,0223 
0,0431 
0,0676 
0,  O'.IOO 
0,  1124 
0,1347 
0,  1361) 
0, 1790 
0,2009 
0,2227 
0, 2443 
0, 2637 
0, 2860 
0, 3079 
0, 3286 
0,3491 
0, 3694 
0, 3893 
0,4090 
0, 4284 
0, 4475 
0, 4662 
0, 4846 
0, 3027 
0, 5203 
0,5379 


0,34 

0,  36 

0,38 

0,60 

0,62 

0,64 

0.66 

0,68 

0,70 

0,72 

0,74 

0,76 

0,78 

0,80 

0,82 

0.  84 

0,  86 

0,88 

0,90 

0,  92 

(t,  9  't 

0,  96 

0,  98 

1 ,  00 
1,03 
1,  10 
1,15 


0, 5549 

0,5716 

0,5879 

0, 6038 

0,6194 

0,6346 

0, 6494 

0, 6638 

(»,  6778 

0,6914 

0, 7047 

0,7175 

0,7300 

0,7421 

0,7338 

0,7631 

0,7761 

0,7867 

0,7969 

0, 8068 

0,8163 

0,8231- 

0,8342 

0,8427 

0, 8624 

0. 8802 

0,8961 


1.20 
1,23 
1,30 

1 , 3;i 

1 ,  40 
1 ,  43 
1 ,  30 
1,33 
1,60 
1 ,  6!) 
1,70 
1,73 
1,80 

1 ,  s;; 

1,90 

1 ,  95 
2,00 

2,05 
2,10 
2,15 
2,20 
2,25 
2,30 
2,40 
2,30 
2,60 
2,80 


0,9103 
0, 9229 
0, 9340 
0, 9437 
0, 9323 
0, 9597 
0,9661 
0,9716 
0, 9763 
0,9804 
0, 9838 
0, 9867 
0,9891 
0,9911 
0, 9928 
0, 9942 
0, 9953 
0,  9962 
0, 9970 
0, 9976 
0,9981 
0, 9985 
0, 9988 
0, 9993 
0,9996 
0, 9998 
0, 9999 


DEUXIEME  PARTIE 

BIBLIOGRAPHIE 


I 

HISTOLOGIE,    ANATOMIE 
PHYSIOLOGIE   DU    SYSTÈME   NERVEUX 

SOMMAIRE 

Histologie.  —  I.  S/ruc/ure  de  la  cellule.  Delage,  Henneguy. 

II.  Derniers  travaux  sur  la  cellule  nerveuse.  Flemining,  Dogiel,  etc. 

m.  Activité  fonctionnelle  de  la  cellule  nerveuse.  Demoor,  Duval,  Lu- 
garo,  Magi,  Roncoroni,  Verworn,  Vitzu. 

IV.  Problèmes   de  biolof/ie  f/énérale  qui  se  rattachent  à   la  cytologie. 
Delage. 

Anatomie.  —  I.  Structure  des  centres  nerveux.  Bechterew,  Dejerine,  Mari- 
nesco. 

II.  Développement  du  cerveau.  Donaldson,  Mlngazzini. 

Physiologie.  —  I.  Pléthystnographie.  Mosso,  Ilallion  et  Comte,  Dumas  et 
Klippel,  Kiesow,  Binet  et  SoUier,  Wertheimer. 

II.  Coordination  des  mouvements  et  utaxie.  Thomas,  Mott  et  Sherring- 
ton,  Contejean,  Bastian,  etc. 

III.  Diverses  questions  de  ph;jsiolo{/ie  nerveuse. 

lY.  Interprétationphysioloriiquedesprocessuspsychologiques. Exner, etc. 


HISTOLOGIE 
I.    —    STRUCTURE    DE    LA    CELLULE 

F.  HENXEtiLY.  —  Leçons  sur  la  morphologie  et  la  reproduction  de 
la  cellule,  faites  au  collège  de  France  pendant  le  semestre  d'hiver 
1893-1894,  recueillies  par  Fabre-Douiergue,  un  vol.  in-8>^,  Paris, 
1896,  G.  Carré. 

YVES  DELAGE.  —  La  structure  du  protoplasma  et  les  théories  sur 


KOiî  ANALYSES 

l'hérédité,  et  les  grands  problèmes  de  biologie  générale,  nu  vol. 
in-S",  878  p.,  Taiis,  lleinwald,  1895'. 

Ces  deux  ouvrages,  dont  l'un  vient  de  paraître,  et  dont  Taulre  est 
encore  sous  presse,  contiennent  l'analyse  de  tout  ce  que  l'on  con- 
naît actuellement  sur  la  cellule.  Le  livre  d'Henneguy  est  surtout 
expérimental  ;  il  émane  d'un  savant  auquel  ses  études  de  cytologie 
ont  valu  un  juste  renom,  et  qui  peut  parler  de  toutes  les  questions 
traitées  dans  son  livre  avec  l'autorité  que  donne  l'expérience  per- 
sonnelle ;  d'autre  part,  son  livre  est  très  sobre  de  réflexions,  il 
contient  peu  d'indications  sur  les  théories  et  les  hypothèses  aux- 
quelles les  découvertes  de  ces  dernières  années  ont  donné  lieu.  On 
sent  chez  l'auteur  un  certain  parti  pris  contre  les  Ihéoiies  qui  ne 
reposent  pas  directement  sur  les  faits.  Le  livre  de  Delage  présente, 
en  quelque  mesure,  les  qualités  inverses.  L'auteur  ne  s'est  pas 
encore  fait  connaître  dans  le  domaine  de  la  cytologie  par  des 
recherches  originales,  et  il  ne  peut  pas  juger  des  observations  et 
découvertes  récentes  avec  la  même  autorité  qu'Henneguy  ;  mais 
en  revanche  son  esprit  est  fortement  frappé  par  le  caractère  philo- 
sophique des  questions  et  leur  portée  générale.  Psous  pensons  que 
ces  deux  ouvrages  se  complètent  l'un  l'autre,  et  que  nous  ferons 
bien  de  les  réunir  dans  une  analyse  commune,  pour  laquelle  nous 
emprunterons  à  Henneguy  un  bon  nombre  de  ligures. 

Les  cellules  ne  furent  vues  pour  la  jJremière  fois  que  cinquante 
ans  après  la  découverte  du  microscope,  par  Robert  Hooke,  dans  une 
tranche  de  liège  ;  il  y  aperçut  des  cavités  qu'il  appela  cellules,  sans 
se  douter  de  leur  importance  (fig.  8").  Puis  vinrent  les  observations 
de  Grew  et  Malpighi,  Mirbel,  Turpin  et  Meyen  sur  la  constitution 
cellulaire  des  végétaux.  Le  noyau  de  la  cellule  fut  découvert  en  1831 
par  Robert  Brown,  la  tliéorie  cellulaire  de  Schleiden  et  Schwann 
date  de  1838;  la  division  des  cellules  était  observée  en  1835  par 
Mohl.  Ce  fut  une  belle  époque  ! 

La  cellule  se  compose  de  deux  éléments  principaux  :  le  proto- 
plasma (ou  cytoplasma)  et  le  noyau.  Le  protoplasma  est  un  ensemble 
de  matières  organiques  qui  ne  peuvent  être  délinies  au  point  de  vue 
chimique,  parce  que  la  constitution  du  protoplasma  est  extrêmement 
variable,  et  varie  non  seulement  d'une  cellule  à  l'autre,  mais  aussi 
d'un  moment  à  l'autre.  On  peut  en  dire  autant  de  ses  caractères 
physiques.  Au  point  de  vue  de  la  morphologie,  on  a  émis  beaucoup 
d'hypothèses.  En  1841,Dujardin  admettait  (jue  le  protoj)lasma  est  une 
substance  homogène  ;  idé-e  qui  a  été  si  bieç  abandonnée  qu'en  1882, 
on  n'a  pas  compté  moins  de  cinq  théories  princi|jales  sur  la  mor- 
phologie du  protoi)lasnia.  Ces  théories  i)euvent  être  désignées  sous 
les  noms  d'homogène,  léticulaire,  librillaire,  alvéolaire  et  granulaire. 

(1)  Une  partie  de  l'ouvrage  de  Dekigc,  relulive  à  l'hérédité,  est  analysée 
plus  loin. 


HISTOLOGIE,    AXATÛMIE    ET    PHYSIOLOGIE 


503 


La  théorie  de  la  structure  homogène  est  aujourd'liui  abandonnée  ; 
elle  admet  que  le  protoidasma  est  formé  d'une  substance  liomogène, 
jouant  le  rôle  fondamental,  et  contenant  des  granulations  éparses, 
qui  sont  non  vivantes  et  n'ont  qu'un  rôle  subordonné. 

D'après  la  théorie  réliculaire,  il  y  aurait  dans  le  protoplasma  un 


Fig.  87.  —  Fac-similé  d'un  fraguieut  d'une  planche  de   Hooke,  représen- 
tant une  coupe  de  liège.  Les  cellules  sont  vues  en  section  transversale. 

réseau  délicat  formé  d'une  substance  ferme,  et  dans  les  mailles  du 
réseau  une  substance  visqueuse  et  amorpbe.  On  ne  s'accorde  pas  sur 
l'importance  à  attribuer  à  ces  deux  substances;  les  uns  pensent  que 
le  protoplasma  actif  et  vivant,  c'est  le  réseau;  d'autres,  parmi  les- 


Fig.  88.  —  Cellules  interstitielles  du  testicule  du  chat  adulte,  montrant  la 
structure  en  réseau  du  prntoplasma  (d'après  Klein). 


quels  Leydig,  soutiennent  au  contraire  que  le  réticulum  n'est  qu'une 
charpente  de  soutien  [spongioplasma)  et  que  la  substance  visqueuse 
(hyatoplasma)  est  seule  vivante.  Cette  théorie  réticulaire  a  été  sou- 
tenue par  Klein  (fig.  88)  et  confii  rnée  par  Fromann  et  Arnold. 

La  théorie  fibrillaire,  à  laquelle  se  rattache  le  grand  nom  de 
Flemming,  ne  diiïère  de  la  précédente  que  par  une  nuance  ;  le 
réticulum  serait  formé  par  des  fibrilles  individualisées  qui  s'entre- 
lacent ;  la  fibrille  est  permanente,  le  réseau  est  accessoire  ;  il  consis- 


504 


ANALYSES 


ferait  mrme  tout  simplemenl,  pour  corlains  autours,  dans  une 
apparence  créée  par  les  réaclifs;  enlin  la  fibrille  constitue  le  pro- 
toplasma vrai,  vivant  et  contractile;  elle  baii.Mie  dans  une  substance 
amorphe,  semi-fluide,  inerte  et  d'ordre  inférieur.  Fleniining  est 
arrivé  à  cette  interprétation  en  examinant  les  cartilages  branchiaux 
de  la  salamandre  ;  il  a  reconnu  dans  les  cellules  la  pré'sence  de 
petits  filaments  disposés  en  couches  concentriques  autour  du  noyau 
(flg.  89).  Voilà  ce  que  Ton  voit  dans  la  cellule  à  l'état  frais.  Dans  les 
cellules  du  cartilage  fixées  par  Facide  osmique,  la  disposition  paral- 
lèle des  filaments  disparaît  pour  faire   place   à  un  ]ielotonnement 


Flg.  89.  —  Cellule  cartilagineuse  de 
la  tète  du  féuun-  de  la  salamandre, 
examinée  à  fétat  frais  dans  l'hu- 
meur aqueuse  du  même  animal. 
Le  corps  protoplasmique  est  rem- 
pli de  filaments  onduleux  (d'après 
Flemmingj. 


Fig.  90.  —  Cellule  cartilagineuse 
d'une  larve  de  salamandre  trai- 
tée par  Tacide  osmique  (d'après 
Flemminif). 


ressemblant  à  un  réseau,  sur  lecpud  on  aperçoit  des  coagulations 
représentant  les  nodosités  décrites  par  les  anteurs  précéulents 
(fig._90). 

D'après  la  théorie  granulaire,  soutenue  pai-  Maggi  et  Altmann,  les 
granulations  ou  microsomcs  (jui  nagent  dans  le  protoplasma  ne 
sont  point  des  corjis  inertes,  mais  les  seuls  ('■{('■meuts  vivants,  les 
organiles  élémentaires  constitutifs  de  tout  [)rofo|»lasnia  ;  ils  se 
mulliplient  par  division  et  forment  en  se  juxtaposant  les  réseaux  et 
les  alvéoles,  dispositions  slruduiales  sans  imporl.ince. 

La  théorie  alvéolaire,  qui  a  été  pi'oposée  par  Kunstler  et  surtout 
développée  par  JUifschli,  admet  que  le  cyfoplasma  (>st  composé  de 
petites  alvéoles  pressées  les  unes  contre  b's  autres,  le  ]uoto|)lasma 
formant  la  |iaroi  des  alvi'oles.  i{i"ilsciili  pense  (pie  ras[n'ct  léticulé 
du  protoplasma  est  produit  par  le  système  des  [)lus  grosses  alvéoles, 
(-e  savant  a  essayé  d'imiter  l'uMare  de  la  nature,  en'traitant  certaines 
builes  par  un  liquide  alcalin;  il  a  obtenu  des  émulsions  artificielles, 
des  mousses  à  bulles  très  petites,  dans  lesquelles  les  alvéoles  pro- 
duites par  la  compression  réciproque  des  bulles  sont  occupées  par 


HISTOLOGIE,    AXATOMIE    ET   PHYSIOLOGIE 


505 


la  solution  alcaline  tandis  que  l'huile  forme  les  parois  et  toute  la 
substance  interalvéolaire.  Il  y  a,  paraît-il,  de  très  fines  ressemblances 
entre  ces  mousses  et  le  protoplasma  de  certains  infusoires  ;  à  la 


■  ulo 


;,;  .  Ç,'.  il  ^  ;  ,^i  ,:..  i  ,  ,.  l  i  .. 

Fig.  91.  —  Coupe  optique  de  la  partie  corticale  d'une  goutelette  d'une  émul- 
sion  d'Iuiile  d'olive  et  de  sel  marin,  montrant  ime  couche  alvéolaire, 
alv,  très  nette  et  relativement  épaisse.  Grossissement  1.250  diamètre 
(d'après  Bûtschli). 

périphérie  les  alvéoles  sont  disposées  radiairement,   et  elles   sont 
prismatiques,  tandis  qu'au  centre  elles  sont  polyédriques  (fig.  91). 


Fig.  92.  —  Cellules  de  la  cavité  du  corps  de  ['lùic/ii///trœns  albidus. 

n,  ù  lY'tat  vivant  dans  lo  liquide  de  l'animal  ;  //,  apn'^s  l'action  de  l'eau  pure  ;  c.  après  l'ac- 
tion de  l'acide  ac(''li(iue  dilué;  il.  apiùs  l'action  d'une  solution  d'alun  à  1  p.  100;  e,  après 
l'action  de  l'alcool  au  tiers  ;  /(,  nojau. 


Sous  l'influence  d'un  peu  de  chaleur  la  petite  mousse  rampe  et  se  dé- 
place avec  des  mouvements  amn^boïdes,  comme  un  petit  être  vivant. 
Delagc  n'accorde  de  pr('férence  à  aucune  de  ces  théories,  il  en 
retient  seulement  celte  donnée,  (jue  certainement  personne  ne  lui 
contestera,  que  la  substance  chimique  du  pi^otoplasma  n'est  pas 
seulement  organique,  mais  organisée.  Toutes  les  structures  décrites 


506  ANALYSES 


seraient  vraies,  mais  aiunnie  n'est  essentielle,  et  aueuni;  ne  conlit-nl 
la  raison  nitjcaniqne  ou  pliysioloi:i(|ne  des  plit-noniènes  vilaux.  C'est 
à  jieu  près  à  la  même  oonelusioii  ii'fanivr  Hniiii'imy,  niais  il  pré- 
sente à  ce  propos  d'autres  réflexions,  (huil  (|uelques-unes  sont 
curieuses.  Il  s'insurtre  conire  l'abus  des  jii'iK'-ralisalions.  «  Drs  qu'on 
a  découvert  un  fait  jiarticulier,  reposant  sur  quelques  observations, 
quelquefois  sur  une  seiile,  on  se  liàte  de  le  publier  aussitôt,  dans  la 
crainte  ([u'uii  autic  travailieiu-  ne  le  trouve  de  sou  côté.  Si  l'on  se 
contentait  de  le  faire  connaître,  ce  serait  apporter  une  donnée  nou- 
velle, destinée  ]tlus  tard  à  éditier  une  loi  générale.  Mais  ce  serait  un 
rôle  trop  modeste.  Pour  donner  2'lus  d"im[iorlance-au  fait  constaté, 
on  en  tire  des  conclusions  généi'ales,  on  le  prend  pour  poiiit  de 
départ  d'une  tiiéoric  nouvelle,  (pii,  tnut  au  [ilus,  ne  devrait  être 
regardée  que  comme;  une  simple  liypotlièse.  »  Henneguy  insiste 
ensuite  sur  la  nécessité  d'observer  les  é-b-ments  à  l'état  frais,  et  il 
montre  sur  une  cellule  d'Eucliytrœus  (fig.  92  i  toutes  les  modilications 
d'aspect  que  produisent  les  réactifs;  à  l'état  vivant,  a>pect  vacuo- 
laire;  sous  l'influence  de  l'eau,  plasma  bomogène  avec  granulations; 
sous  l'influence  de  l'acide  acétique,  aspect  réticulé;  sous  l'influence 
de  l'alun,  réliculum  serré  ;  sous  rinflucnce  de  l'alcool,  gonllemenl. 

Henneguy,  tout  en  admettant  que  le  protoplasma  peut  piésenter 
des  structures  variées,  ne  paraît  pas  disposé  à  reconnaître  l'exacti- 
tude de  la  théorie  granulaire  ;  il  consitlère  les  granulations  comme 
<les  produits  de  différenciation  de  la  cellule.  A  la  théorie  alvécdaire 
de  Biitschli  il  objecte  avec  Herlwig  que  cette  structure  ne  s'apidique 
pas  au  noyau,  puisque  dans  la  division  indirecte  il  se  produit  des 
figures  (voir  nos  figures  97  à  101)  (jui  ne  se  peuvent  expliquer  au 
moyen  d'alvéoles. 

A  l'étude  du  protoplasma  se  rattache  celle  des  communications 
proloplasmiques  (jui  existent  entre  les  différentes  cellules  d'un  même 
animal  ;  ces  connnunications,  sous  forme  de  lllameuls,  ont  été  vues 
chez  les  Rhizopodes,  le  Volvox  et  même  annoncées  par  Sedgwick  chez 
le  Peripate  du  Cap  (Myriapode)  chez  des  Céjdialopodes,  des  Poissons 
et  des  Oiseaux. 

Notons  en  passant  combien  ces  faits  ressemiilent  peu  à  ceux  ipie 
les  histologistes  décrivent  en  ce  nioiiieiil  dans  le  systènu-  nerveux, 
où  ils  refusent  toute  communication  protojdasmique  entre  les  neu- 
rones différents.  Mais  il  faut  attendre  encore  un  [leu,  avant  de  se 
faire  Uik;  opinion  sur  les  observations  de  Sedgwick. 

Le  noyau.  —  Son  iiistoire  a  passé  par  à  peu  près  les  mêmes  phases 
<]ue  l'histoire  du  protojtlasnui.  l)écouv*'rt  par  Leuwenluek,  il  a  été 
longtemps  décrit  connue  une  petite  vésicule  close,  limitée  par  une 
membrane,  contenant  une  substance  semi-licpiidt;  dans  la(iut,'lle  se 
trouvent  sus|)endus  un  ou  deux  corps  (dus  denses ,  le  ou  les 
nucléoles.  Il  y  a  loin  cb;  cette  constitution  simple  à  celle  qu'on 
admet  aujourd'hui,  et  (pie  nous  jiouvons  résumer  ainsi  :  le  noyau 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PHYSIOLOGIE 


507 


possède  une  membrane,   il  renferme  un  suc  nucléaire,  et  en  plus 
Irois  éléments,  le  réseau  de  linine,  la  chromaline,  les  nucléoles  ;  la 

1 


Fig.  93.  —  Cellule  du  germe  de  truite.  Première  phase  tle  la  division.  Le 
noyau,  dont  la  membrane  est  encore  intacte,  renferme  un  peloton  chro- 
matique. A  chacun  de  ses  pôles  se  trouve  une  sphère  attractive  (d'après 
les  figures  originales  d'IIenneguy). 

linine  diffère  de  la  chromatine  par  son  peu  d'aflinilé  pour  les  ma- 
tières coloi'antes. 

Le  centrosome  est  un  élément  figuré  de  la  cellule,  sur  lequel  ou  a 


Fig.  9i.  —  La  iiiembraMC  du  noyau  Fig.  95.  —  La  mcndjranc  du  noyau  a 

a   disparu   aux    deux   pôles.    I>es  entièrement   disparu.    Le    fuseau 

rayons  des  asters  pénètrent  dans  achromatique  est  à  peu  près  cons- 

rintérieur  du  novau.  tilué. 


beaucoup  discuté  :  on  est  même  loin  d'un  accord.  Le  centrosome  se 
voit  nettement  dans  une  cellule  qui  se  divise  ;  aux  deux  pôles  du 
noyau  on  voit  deux  taclies  claires,  entourées  de  lignes  rayonnantes; 


508 


ANALYSES 


ce  sont  deux   splièros  ndraclives,   qui   contiennent  rliarune  à  leur 
centre  le  ceutrosonie,  lequel  exerce  une  action  directrice  sur  les 

4  5 


m^^mm^^^m: 


Fig.  96. 


Stade  dit  de  la  plaque 
équaloriale. 


Fig.  97.  —  Les  asters  se  sont  dila- 
tés et  contiennent  chacun  deux 
sphères  attractives  filles.  La  pla- 
que équatoriale  s'est  dédoublée. 


pliénomt-nes  de  division  ;   pour  rappeler  le  rôle  des  centrosomes  et 
les  modiiications   du  noyau  pendant  la  division  de  la  cellule,  nous 


6 


Fig.  98.  —  Les  s^^hèrcs  attractives 
filles  sont  plus  dcvchqipces. 


Fig.  99.   —   Le  corps   cellulaire 
commence  à  se  diviser. 


reproduisons,  d'après  Henneguy,  plusieurs  figures  représentant  les 
phases  de  division  de  la  cellule  de  germe  de  ti^uite  (fig.  93  et  seq.) 
En  ce  qui  concerne  l'origine  du  centrosome,  certains  auteurs  pré- 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE    ET   PUYSIOLOGIE 


509 


tendent  qu'il  est  indépendant  du  noyau,  d'autres  le  font  provenir  des 
substances  chromatiques  du  noyau,  et  en  particulier  des  nucléoles. 
Les  premiei^s  admettent  en  outre  • —  et  parmi  eux  il  faut  citer  au 
premier  rang  Guignard  —  ({ue  les  controsomes  se  trouvent  à  l'état 
permanent  dans  le  protoplasnia  de  la  cellule,  pendant  que  celle-ci 
est  en  repos. 

La  composition  chimique  de  la   cellule  est  encore  peu  connue, 
malgré  la  richesse  du  vocabulaire  eu  ine  ;  la  linine,  \ii  pyrénine,  la 


8 


9 


Fig.  100.  —  Deux  noyaux  sont 
formés. 


Fig.  101. — |Dans  la  cellule  inférieure, 
les  sphères  attractives  occupent 
leurs  positions  définitives  aux 
pôles  du  noyau. 


paranucléine,  etc.,  ne  sont  pas  des  substances  chimiques  définies;  ce 
sont  des  substances  qu'on  a  distinguées  d'après  la  manière  dont  elles 
se  comportent  en  présence  de  certaines  matières  colorantes. 

Lei>  produila  de  la  cellule,  qu'ils  soient  sécrétés  ou  excrétés,  pro- 
viennent pour  la  plupart  de  dédoublements  du  i)iotoplasma  opérés 
avec  hydratation,  et  sans  oydalion,  peut-être  môme  avec  réduction. 
C'est  seulement  quand  ces  corps  se  transforment  en  produits  plus 
simples,  eau,  acide  carbonique,  etc.,  (^ue  l'oxygène  intervient 
(d'après  Delage)  ;  Y assimilalion  de  la  cellule  se  fait  au  moyen  de  phé- 
nomènes osmotiques  et  de  réactions  chimiques,  ]»arnii  lesquelles 
sont  des  fermentations. 

Le  rôle  du  noyau  dans  la  vie  de  la  cellule  a  été  interprété  de 
beaucoup  de  façons  dill'érentes.  Au  début,  ou  attribuait  au  proto- 
plasma toutes  les  fonctions  vitales.  Puis  quand  on  découvrit  la  part 
considérable  que  prend  le  noyau  à  la  fécondation  et  à  la  division  de 
la  cellule,  on  considéra  le  jirotoplasma  comme  une  substance  inerte 


olO  ANALYSES 

et  le  noyau  comme  l'organe  direcleur  de  la  vie  cellulaire  :  exagéra- 
tion dont  on  paraît  revenir  aujourd'hui.  Ce  qui  montre  l'importance 
du  noyau,  c'est  son  volume  dans  les  cellules  jeunes  et  en  voie  d'ac- 
croissement, c'est  aussi  ce  fait  que  lorsque  les  phénomènes  d'accrois- 
sement ou  de  sécrétion  sont  plus  actifs  dans  une  région  de  la  cellule, 
le  noyau  se  rapproclie  de  cette  région.  De  plus  les  expériences  de 
Klebs,  Gruber,  Nussbaum,  Balbiani,  Verworn  ont  montré  que  si  l'on 
divise  une  cellule  ou  un  organisme  unicellulaire  en  deux  fragments 
—  opération  (jui  porto  le  nom  de  mérotomie  —  cdui  des  deux  qui 
contient  le  noyau  peut  d'ordinaire  régénérer  la  cellule  entière,  et 
continuer  à  vivre  et  à  se  diviser;  l'autre,  au  contraire,  est  incapable 
de  vivre  et  de  se  reproduire.  Enfin,  les  observations  faites  sur  la 
fécondation  ont  laissé  croire  que  la  tète  du  spermatozoïde  qui 
pénètre  dans  l'ovule  femelle  pour  le  féconder  est  formée  essentielle- 
ment d'un  noyau  cellulaire,  que  le  père  se  rattache  aux  produits  uni- 
quement par  le  noyau,  d'où  les  théories  nouvelles  de  l'hérédité, 
celle  de  Yiies  et  de  \N'eissmann,  qui  localisent  dans  le  noyau  Vidio- 
plasma,  c'est-à-dire  la  portion  du  plasma  cellulaire  qui  transmet  les 
caractères  héréditaires.  Mais  des  recherches  récentes  ont  semblé 
montrer  (d'après  Delage)  que  le  spermatozoïde  contient  sûrement 
un  centrosome  et  peut-être  même  du  protoplasma,  ce  qui  ruinerait 
la  théorie  précédente.  On  admet  plutôt  aujourd'hui  que  la  vie  cellu- 
laire dépend  d'un  ensemble  de  relations  mutuelles  entre  le  noyau 
et  le  protoplasma,  et  que  ces  deux  parties  ont  une  importance  égale 
dans  les  fonctions  de  la  cellule  et  dans  la  transmission  des  caractères 
héréditaires. 

A.    BlNET. 


II.    —   RECHERCHES   RECENTES   SUR   LA   STRUCTURE   HISTOLOGloUE 
DES    CELLULES   NERVEUSES 

1.  BENDA.  Ueber  die  Bedeutung  der  durch  basiche  Anilinfarben 
darstellbaren  Nervenzellstructuren.  .Nemulogisches  CenlialMall., 
1895,  ji'J  17. 

2.  DOtilEl..  —  Die  Struktur  der  Nervenzellen  der  Retina.  Aichiv  f. 
mikrosk.  Anatomie,  Bd.  XIJ,  Ht.  3,  1893. 

3.  FI,i:mM!N(;.  —  Ueber  den  Bau  der  Spinalganglienzellen  bei 
Saugethieren  und  Bemerkungen  iiber  den  der  centralen  Zellen. 
Aniiiv.  r.  jni>ki'.  Aiialoiiiie,  Itd.  XLVl,   III    3,  189o. 

4.  IJ:M1()SSEK.—  Der  feinere  Bau  der  Nervensystems  im  Lichte 
neusster  Forchungen. 

fj.    Nl.'SSL.  —  Ueber  die    sogenannten   Granula  [der   Nervenzellen. 

Neurologisches  Ceiiliaiii.,  1894,  ii'^^  19,  21,  22. 
6.  NISSL.  —  Ueber  die  Nomenklatur  in  der  Nervenzellenanatomie 

und  ihre  nachsten  Ziele.  Neurolog.  Centralb.,  189li,  n"*  2,  3. 


]1IST0L0GIE,    ANATOMIE    Eï    l'IlYSIOLOGIE  ol  1 

7.  FLIEC-KE.  —  Zur  Kenntniss  der  feineren  Bau  der  Nervenzellen 
bei  Wirbellosen.  Zcit-chr.  1'.  \Vi~s.  Zoul.,  lid.  LX,  lli  :?,  IsOii. 

8.  RODHH.    —   Ganglienzelle ,   Axencylinder ,   Punktsubstanz    und 
Neuroglia.  Arcli.  f.  mikr.  Analomie,  Bd.  XLV,  Ht.  5,  1895. 

L'inlioductionde  laïuiHliodo  d'iiiipii-gnatiou  de  (iul^i-Uainon  dans 
les  recherches  sur  le  système  nerveux  a  jeté  dans  l'oiihli  ki  struc- 
ture histologique  des  cellules  nerveuses.  Toute  l'allention  des  nom- 
breux investigateurs  a  été  portée  vers  un  seul  et  unique  point,  le 
mode  de  terminaisons  des  prolongements  des  cellules  nerveuses 
(neurones  de  Waldeyer)  en  vue  de  déterminer  les  rapports  entre 
ces  cellules.  Et  pendant  que  les  nouvelles  méthodes  cytologiques 
découvraient  tout  un  mondi'  à  l'intérieur  des  cellules  des  différents 
tissus,  dans  le  domaine  de  l'histologie  des  cellules  nerveuses  on  était 
encore  à  l'ancienne  conception  de  Max  Schultze,  suivant  laquelle 
toute  cellule  nerveuse  possède  la  même  structure  typique  et  est 
composée  de  fibrilles  entre  lesquelles  se  trouve  la  substance  intei-- 
lihrillaire.  A  cette  conception  de  la  structure  librillaire  des  cellules 
nerveuses,  confirmée  par  Ranvier,  Kœlliker,  AYalter,  Leydig  et  autres, 
s'opposait  celle  de  la  structure  granulaii^e  défendue  par  Key  et 
Retzius. 

Ce  n'est  que  depuis  quelques  années  que  l'on  est  revenu  à  l'iiis- 
lologie  de  la  cellule  nerveuse.  Les  nombreux  travaux  de  Nissl,  Quer- 
vain,  Schaffer,  Flemming,  Kronthal,  Dogiel  traitant  son  anatomie, 
leux  de  Hodge,  Vas,  Lugaro ,  Mann  touchant  à  sa  physiologie, 
marquent  cette  époque.  Et  l'année  189o  abonde  particulièrement  en 
recherches  hislologiques  sur  les  eellules  nerveuses.  Flemming 
reprend  ses  anciennes  observations  sur  les  cellules  des  ganglions 
spinaux  des  mammifères,  Dogiel  sur  les  cellules  de  la  rétine,  >{issl 
essaie  d'établir  une  classiticafion  des  cellules  nerveuses  basée  sur 
leur  structure  histologiipie,  Lenliossek  traile  lliislulogie  des  cellules 
lies  ganglions  rachidiens  et  des  cornes  antérieures  de  la  moelle, 
IMliicke  donne  la  structure  de  la  cellule  nerveuse  chez  les  inver- 
li'-brés.  Pour  compléter  la  liste  des  travaux  de  l'année  1895,  nous 
devons  citer  le  travail  de  Benda  et  un  travail  qui  occupe  une  place  k 
part,  celui  de  itudlie.  Dans  ce  travail,  cet  auteiii-  l'oiuiiit  encore  des 
|)reuves  à  rap])ui  de  l'idée  singulière  émise  di''Jà  ailleurs  i[u'une 
|iarlie  du  contenu  des  cellules  nerveuses  est  constituée  par  les 
lilaments  névrogliques,  et  que  ces  lilaments  se  coiilinuent  avec  la 
[lartie  librillaire  des  cellules  elles-mêmes,  consi  il  iiaii!  ce  (pie  l'auteur 
appelle  le  «  spongioplasma  ».Ce  spongioplasma  ^ei  (de  sorte  de  char- 
pente à  la  partie  nerveuse  [tropremeiit  dite,  ou  «  liyalo[ilasina  »  des 
cellules  nerveuses.   Nous  ne  reviendrons  plus  à  ce  sujet. 

L'impulsion  aux  nouvelles  recherches  histologiques  du  système 
nerveux  a  été  donnée  par  les  travaux  de  Nissl.  .NissI  par  l'apjjlica- 
tion  d'une  nouvelle  mélliod»;  dans  TiHude  du  sytènu-  nerveux,  nié- 


ol2 


ANALYSES 


tliotle  qui  porte  son  [nom  cl  ijui  consiste  dans  la  fixation  du  tissu 
nerveux  par  l'alcool  (95  p.  lUO)  et  la  coloration  avec  les  couleurs 
basiques  d'aniline,  a  démonti^é  dans  le  cytoplasnia  des  cellules  ner- 


Fig.  102.  —  Cellule  motrice  (gruiipe  sticliochrome). 

(NissLg.  (ira/itdu.) 

C.  a.  cjliiidraxc;    c.   f.    cori)usculc  fusiforiiie  ;' c.  b.  conc  do   liifurnalion  :   f.  g.   (ilaraeuls 
granules.  (Dans  les  dessins  lOi  à  IOj,  la  subslaucc  cliromophile  csl  iudiquéc  eu  uoir.) 

veuses  l'existence  d'un  nouvel  clément  constitué  par  des  grains  et 
des  corpuscules  de  formes  et  de  dimensions  diverses.  Il  a  démon- 
tré en  outre  que  ces  grains  et  corpuscules  s'agencent  de  manières 
variables  dans   les  dillereutcs   cellules  uei'vcuses,  opposant  ainsi 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE    ET    PHYSIOLOGIE 


513 


l'hétérogénéité  de  structure  des  cellules  nerveuses  à  l'ancienne 
conception  de  l'unité  de  cette  structure.  Ce  nouvel  élément  du  cyto- 
plasma  nerveux  ayant  la  propriété  de  se  colorer  sous  l'influence 
des  matières  colorantes,  a  |élé  appelé  par  NissI  le  plasma  chromo- 
phile,  pour  le  distinguer  de  l'autre  partie  du  cytoplasma,  partie  sans 
structure  et  non  colorahle.  Nissl  s'occupe  spécialement  du  plasma 


Fig.  103. 


Cellule  du  ganglion  spinal  (groupe  slichochromc). 
(NisSL,;.  Granula.) 


cliromopliile  des  cellules  nerveuses.  Ce  plasma  ,  coninn;  nous  le 
savons  déjà, apparaît  sous  foimes  des  grains  et  de  corpuscules  (Plas- 
mascliollen) ,  c'est-à-dire  de  particules  plus  considérables  de  la 
substance  chronn>itiiile. 

Les  grains  apparaissent  taiilôt  isob'-s,  taiilùt  réunis  en  amas  ou 
prennent  une  disposition  lilanicnti-use  (lig.  102).  Les  corpuscules  re- 
vêtent des  formes  très  diverses.  Le  plus  souvent  ils  sont  fusiformes  ou 
triangulaires,  parfois  ilsoccupent  des  espaces  très  graiuls  formant  une 
sorte  de  calotte  j)our  le  noyau  (KiTnI<;i|>|)en)  ou  des  cônes  à  l'i-ndioil 
de  bifurcation  du  cori)S  celluhiire  (  Vi-i/.weigungskegidj  (lig.  102  et  104). 

Les  grains,  les  (ilam<;nts  granulaires, les  corpuscules  se  présentent 
ou  séparément  ou  mêlés  ensemble  dans  les  mêmes  cellules,  ils  soni 
indépendants  ou  se  réunissent  pour  former  un  réseau  (lig.  105  et  I06i. 

ANNÉE    PSYCUOI-OiaoïF.    H.  33 


514 


ANALYSES 


Nissl  a  remarqué  que  cerlaines  formes  du  plasma  chromophile  sont 
liées  à  certains  groupes  de  cellules  neiveuses  et  dans  son  dernier 
travail  il  a  fait  un  essai  de  nomenclature  et  une  classiiication  des 
cellules  nerveuses,  basée  sur  la  structure  de  leur  plasma  cliromo- 
pliile.  Il  dislingue  quatre  grands  groupes  de  cellules  nerveuses,  le 


c.  n. 


Fig.  104.—  Grande  cel- 
lule de  la  corne  (rAiii- 
uion  (groupe  sticlio- 
crouie). 

{Nissl  5.  Granulu.) 
c.  n.  Calotte  du  no\nu. 


Fig.lOô. 


Cellule  olfactive  (groupe  arkyochrome). 
(Nissl  5.  Granulu.) 


giouiie   des  cellules  arkijochromes  à  plasma    (•liromo])liile   formant 
unréseau  (tig.  105)  ;  le  groupe  des  celluh's  s//c/toc/tro?«es  dans  loS(iurllt!S 

ce  plasma  forme  des  l)âlonnels  réguliers  (tig.  104);  le  groupe  des  cel- 
lules arbjoslichochromcs  dans  lesquelles  les  itdlonnets  des  cellules  pré- 
cédentes s'ajoutent  au  réseau  (lig.  106);  eulin  le  groupe  des  cellules 
;/ryochromes  dont  le  [dasma  cliromopliile  présente  de  simples  grains. 
Les  plus  nombreuses  sonl  les  cellules  sticliochromes,  el  parmi  celles- 
ci,  se  dessineul  quatre  lypes  ditï'érenls  suivant  rugcncemenl  de  leurs 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PHYSIOLOGIE 


515 


liàionnets  chromophiles  :  le  type  des  cellules  motrices  (fig.  102),  le  type 

des  cellules  de  la  corne  d'Ammon  (fig.  lOi),  les  cellules  des  ganglions 

spinaux  (fig.  103),  enfin  les  cellules  corticales.  L'auteur  connaît  un 

seul  type  des  cellules  arkyosticlio- 

chromes,  c'est  celui  des  cellules  de 

Purkinje  (fig.  106)  ;  parmi  les  cellules 

gryochromes  il  n"a  pu  reconnaître 

aucun  type.  Trois  types  ditïerents 

réalisent  les  cellules  arkyochromes  : 

les  cellules  olfactives  (fig.  103)  et  les 

cellules  répandues  dans  tout  l'axe 

cérébro-spinal  ;  parmi  les  dernières 

il  y  a    les   cellules   à   réseau    très 

épais,  que  Nissl  appelle  ampharkyo- 

chromes   pour    les    distinguer    des 

autres  appelées  enarkyocliromes. 

Tous  ces  quatre  groupes  de  cel- 
lules, vu  le  développement  assez 
marqué  de  leur  corps  cellulaire, 
reçoivent  le  nom  de  cellules  soma- 
tochromes.  Car  il  y  a  des  cellules, 
comne  celles  de  la  couche  granu- 
leuse du  cervelet,  celles  de  la  subs- 
tance gélatineuse  de  Rolando,  dans 
lesquelles  le  corps  cellulaire  est 
presque  invisible.  Les  premières, 
Nissl  les  appelle  cellules  cylocliro- 
mes,  les  secondes  karyocbromes. 

Ainsi  a  un  type  »  de  cellules  ner- 
veuses d'après  Nissl  est  un  ensemble 
de  cellules  dont  l'uniformilé  de 
structure  correspond  à  la  siniili- 
lude  de  fonctiou,  ri  .Nissl  a  déjà 
reconnu  buit  de  ces  types.  Mallicu- 
reuscment  un  seul  de  ces  types  a 
une  fonction  déterminée,  c'est  celui 
des  cellules  motrices. 

Deux  types  de  cellules  de  Nissl  : 
celles  du  type  moteur  et  celles  des  ganglions  spinaux  ont  été  recon- 
nus par  Lenbossek  et  Flemming.  Ces  deux  auteurs  oui  particulière- 
nieiiL  étudié  la  structure  du  pioloplasma  de  ces  dcmx  catégories  de 
cellules.  Flemming  a  constaté  non  seulement  la  difl'érence  diins  la 
disposition  de  leur  plasma  cbromopbile,  mais  encore  une  difïerence 
dans  celle  d'un  auln;  élément  du  cyto[)lasnia  nerveux  dont  Nissl  ne 
s'occupe  pas  du  tout  et  (jue  Lenbossek  ne  veut  pas  reconnaître,  les 
fibrilles.  Ces  fibrilles,  courtes,  à  parQjurs  sinueux  dans  les  cellules 


Fig.  lOt).  —  CeUide  de  Piukinje 
(groupe  ;u'kyoslichochroiiie). 

(N1SSL5.  Grcuiida.) 


516  ANALYSES 

ganglionnaires,  prennent  une  disposition  linéaire  et  parallèle  dans 
les  cellules  des  cornes  antérieures  d<'  la  nidrlle.  Lciiliossek  pousse  la 
différence  entre  les  deux  catégories  des  cellules  en  question  beaucoup 
plus  loin  que  ne  le  font  les  deux  autres  auteurs.  Car  tandis  que  pour 
ceux-ci  les  cellules  centrales  et  les  cellules  gangliounaiies  se  distin- 
guent surtout  par  la  disposition  de  leurs  corpuscules  chromopliiles, 
pour  Lenhossek  les  éléments  chromopliiles  des  premières  n'ont  rien 
de  commun  avec  ceux  des  secondes.  Les  grands  corpuscules  des  cel- 
lules centrales,  dit-il,  ne  peuvent  être  comparés  aux  Unes  granula- 
tions des  cellules  ganglionnaires,  Fleniminga  démontré  que  les  obser- 
vations de  Lenhossek  tout  en  étant  exactes  sont  loin  d'être  complètes: 
car  chez  les  lapins  et  les  chiens  les  éléments  chromophiles  des  cel- 
lules ganglionnaires  sont  assez  grands  [tour  mérilei'b-  nom  de  corpus- 
cules au  même  titre  que  les  particules  des  cellules  centrales. 
Benda  et  Dogiel  n'admettent  pas  les  types  cellulaires  de  Mssl. 
Benda  est  d'accord  avec  Nissl  que  la  structure  des  cellules  ner- 
veuses change  suivant  la  région  qu'elles  occupent,  seulement  il 
n'admet  pas  le  «  type  »  cellulaire  dans  le  sens  de  Nissl,  type  devant 
être  l'expression  d'une  dilléreiiciation  fonctionnelle  ;  car  même  dans 
un  type  aussi  caractéristique  que  celui  des  cellules  des  cornes  anté- 
rieures, Benda  reconnaît  la  structure  réticulaire;  et  les  cellules  des 
cornes  postérieures  ont  suiv.,iiit  lui  la  même  structure  que  les  cel- 
lules motrices, 

iJûgiel  attaque  la  tiiéorii;  do  Nissl  d'une  toute  auti'e  manière. 
Presque  tous  les  auteurs  cités  jusqu'ici  se  servaient  sinon  exclusive- 
ment au  moins  entre  autres  de  la  méthode  de  Nissl,  Dogiel  a  observé 
les  cellules  nerveuses  de  la  rétine  à  l'état  vivant  au  moment  où  elles 
se  colorent  par  le  bleu  de  méthylène,  et  il  a  constaté  (jue  certaines 
d'entre  elles  prennent  plus  de  temps  pour  se  colorer,  les  autres  se 
colorant  plus  facilement.  C'est  ainsi  (piil  a  eu  sous  les  yeux  à  la  fois 
les  cellules  aux  différents  moments  de  leur  coloration  et  il  a 
reconnu  trois  périodes  dans  l'acte  de  la  coloration,  chacune  mettant 
en  évidence  une  autre  [lartie  constitutive  du  cytoplasma  nerveux. 
La  première  période  est  caractérisée  par  l'apparition  dans  le  proto- 
plasma des  grains  lins  qui  d'abord  n'ont  aucune  disposition  régu- 
lière, et  qui  peu  à  peu  laissent  voir  leur  agencement  linéaire,  de 
sorte  que  l'ensemble  preml  un  aspect  fibrillaire à libiilles variqueuses. 
Bientôt  cet  aspect  dis[)arait,  les  grains  lins  se  tassent  en  des  grains 
de  dimension  plus  grande.  Cette  période,  Dogiel  la  désigne  par  le 
nom  de  période  de  grains  (Cran'ula-Periode), 

La  seconde  période  commence  lorsque  les  grosses  granulations 
se  réunissent  pour  former  les  corpuscules  (Plasmaschollen)  très 
serrés  autour  du  noyau,  disposés  plus  librement  au  bord  des  cel- 
lules. A  la  même  période  apparaît  le  second  élément  du  contenu 
cellulaire,  les  lihrilles.  Klles  sont  longues,  nettement  visibles  au 
bord  des  cellules  où  l'on  voit  comme  elles  passent  d'un  [irolonge- 


UISÏOLOGTE,    ANATOMIK    ET    PHYSIOLOGIE  517 

ment  cellulaire  dans  un  aulre.  Cette  période  est  appelée  par  Dogiel 
période  des  corpuscules  et  des  fibrilles  (Période  der  Schollen  und 
Faden). 

Enfin  pendant  la  dernière  période  de  la  coloration  la  substance 
fondamentale  apparaît  colorée  d'une  manière  plus  ou  moins  intense, 
masquant  toutes  les  autres  parties  constitutives  du  cytoplasma.  Cette 
apparition  progressive  de  presque  toutes  les  formes  sous  lesquelles 
se  montre  le  plasma  cbromophile,  formes  qui  pour  Nissl  servaient 
de  caractères  distinctifs  pour  établir  les  difi'érents  types  cellulaires, 
Dogiel  l'a  observée  dans  toutes  les  cellules  de  la  rétine  et  du  système 
sympathique  et  il  conclut  que  ce  phénomène  doit  être  général  pour 
tout  le  système  nerveux.  De  là  Dogiel  émet  l'opinion  que  toute  clas- 
sification des  cellules  nerveuses  fondée  sur  la  structure  du  plasma 
chi'omophile  est  encore  prématurée. 

De  toutes  ces  recherches  se  dégage  un  point  de  valeur  biologique 
générale,  c'est  la  constitution  du  cytoplasma  des  cellules  nerveuses; 
tous  les  auteurs  cités,  Lenhossek  excepté,  sont  d'accord  sur  l'exis- 
tence de  trois  éléments  dans  les  cellules  nerveuses  :  la  substance 
cbromophile,  la  substance  fondamentale  et  les  fibrilles.  Le  désaccord 
commence  à  propos  de  la  structure  et  du  rapport  entre  ces  éléments. 
Tandis  que  d'après  les  uns  la  substance  cbromophile  peut  revêtir  des 
formes  et  des  dimensions  différentes,  granules,  grains,  corpuscules 
(Nissl,  Lenhossek),  suivant  les  autres  toute  particule  de  la  substance 
cbromophile  procède  d'une  plus  ou  moins  grande  accumulation  de 
fines  granules  dont  l'agencement  donne  les  formes  variées  (Dogiel), 
et  ces  formes  peuvent  apparaître  successivement  dans  les  mêmes 
cellules,  comme  conséquence  peut-être  de  l'activité  cellulaire,  d'où 
il  résulte  que  les  différents  types  des  cellules  nerveuses  établis  par 
les  premiers  sont  contestés  par  les  seconds. 

Il  me  semble  que  la  disposition  des  particules  chromophiles  est 
plutôt  liée  à  la  forme  de  la  cellule  qu'à  sa  fonction.  Je  dirai  même 
davantage,  la  disposition  des  particules  chromojdiiles  dépend  du 
nombre  des  prolongements  des  cellules  ainsi  que  de  la  manière 
dont  ils  naissent  sur  le  corps  cellulaire.  Il  suffit  de  jeter  un  coup 
d'cril  sur  les  dessins  de  Mssl  pour  s'en  apercevoir  (comparez  lig.  102 
t't  103,  104,  lOo,  106).  Il  est  vrai  que  certains  groupes  cellulaires  rem- 
plissant probablement  la  même  fonction  ont  invariablement  la  même 
forme;  ils  auront  évidemment  la  même  structure  de  plasma  cbromo- 
phile. Cela  n'emj)êche  pas  qu'une  cellule  d'un  groupe  différent 
affectant  la  même  forme  ne  puisse  avoir  la  même  structure,  nu  vice, 
versa,  ce  que  j'ai  eu  l'occasion  d'observer  dans  les  cellules  du  raphé 
de  la  moelle  allongée  des  sélaciens.  Ces  cellules  a[»partiennent  au 
type  moteur  de  Nissl,  mais  comme  elles  offrent  des  formes  très 
variables,  tantôt  éloilées,  tantôt  bipolaires  ou  autres,  la  disposition 
de  leur  plasma  chromo[)liile  change  en  conséqu(;nce.  Il  ne  manque 
cependant  pas  de  cellules  dans  lesquelles  le  plasma  cbromophile  ne 


51 8  ANALYSES 

prend  aucune  dispositiou  particulière,  li.'urs  pari icules  étant  iiidil- 
féremment  dispersées  dans  le  corps  entier.  La  disposition  des  parli- 
cules  chromopliiles  serait-elle  liée  avec  un  certain  état  de  fonction- 
nement des  cellules,  comme  le  suppose  Doctiel?  dépendrait-elle  de 
la  direction  du  courant  nerveux"?  Il  est  difficile  dans  lélat  actuel 
de  nos  connaissances  d'émettre  une  opinion  à  ce  sujet. 

Cependant  les  faits  constatés  par  Dogiel  pour  les  cellules  de  la 
rétine  que  seuls  les  petits  granules  ont  une  individualité  propre  et 
que  les  grains  ne  sont  que  l'accumulation  des  premiers  et  ainsi  de 
suite,  ne  peuvent  pas  être  généralisés.  Il  n'est  pas  difficile  d'observer 
que  la  substance  chromopbile  dans  les  cellules  centrales  prend  des 
formes  et  des  dimensions  différentes  :  il  y  a  par  conséquent  des 
granules,  des  grains  et  des  corpuscules  de  cette  substance  pré- 
sentant des  unités  indépendantes  sans  être  toujours  des  conglomérats 
de  granules.  Ces  trois  éléments  peuvent  former  des  composés  plus 
ou  moins  complexes  comme  les  grands  corpuscules  des  cellules  des 
cornes  antérieures,  les  calottes  de  noyau,  les  cônes  des  endroits  de 
bifurcation,  etc.  C'est  peut-être  la  formation  de  ces  derniers  qui  est 
liée  avec  l'état  de  fonctionnement  de  la  cellule.  Les  expériences 
physiologiques  (Lugaro,  Vas)  ne  disent  rien  à  ce  sujet.  Les  expé- 
riences pathologiques  démontrent  au  contraire  que  tout  changement 
j)athologique  dans  les  cellules  nerveuses  se  trahit  par  le  changemr'iit 
dans  l'agencement  de  leurs  jjarticules  chromopliiles  (Nissl). 

L'accord  n'existe  pas  non  plus,  quant  à  la  structure  des  fibrilles  : 
la  plupart  des  auteurs  qui  les  ont  observées  (Benda,Flemming)  nient 
leur  continuité,  ils  supposent  plutôt  l'existence  des  courtes  fibrilles, 
à  parcours  sinueux  ou  linéaire  suivant  l'espèce  de  la  cellule  (Flem- 
ming).  Dogiel  seul  reste  à  défendre  les  longues  fibrilles  de  Schultze 
traversant  le  corps  cellulaire  pour  se  rendre  dans  ses  prolongements. 
Elles  sont,  d'après  lui,  très  fines  et  ont  un  parcours  très  capricieux. 
C'est  peut-être  ce  dernier  détail  qui  est  la  cause  de  divergence 
entre  les  auteurs  :  Dogiel  observait  les  cellules  entières,  les  autres 
auteurs  les  coupes  des  cellules. 

Quant  au  rapport  entre  les  corpuscules  et  les  libiillts,  picsque  tous 
les  auteurs  cités  se  sont  exprimés  pour  riiulépend.incc  de  ces  deux 
éléments.  Il  n'en  est  pris  de  même  pour  l'iliicke. 

Pour  cet  auteur  les  lilaments  et  les  grains  l'ont  un  lout  commun. 
Pflûcke  a  fait  des  recherches  sur  les  cellules  nerveuses  des  inverté- 
brés. Ici  les  corpuscules  du  plasma  chromophile  jn-  piciuiciil  ]>as 
ces  dispositions  variées  qui  caractérisent  les  cellules  des  vertébrés. 
Chez  les  invertébrés  (crustacés,  insectes)  ils  sont  épars  dans  la 
«substance  fondanienlale  et  dans  le  corps  cellulaire  ;  ils  se  réunissent 
entre  eux  par  des  filaments,  jmis  |Miurfniiiicr  un  réseau  visible,  sur- 
tout autour  du  noyau.  IMliicke  a  constaté  en  outre  que  ce  réseau 
entre  en  rapport  avec  le  réseau  niudéaire.  Dans  la-couclie  péri]dié- 
rique  des  cellules  ainsi  que  dans  leurs  prolongements  les  corpuscules 


mSToLOGIE,    ANATOMIE   ET    PHYSIOLOGIE  519 

prennent  une  disposition  lini'aiie.  Elant  fusiformes  dans  la  plupart 
des  cas,  l'ensemble  donne  l'aspect  lilamenteux  à  filaments  i>erlés. 

La  substance  dite  fondamentale  des  auteurs  est  considérée  comme 
sans  structure.  Lenhossek  lui  attribue  une  structure  alvéolaire,  Benda 
uvoue  son  ignorance  à  ce  sujet  ;  il  est  loin  cependant  d'admettre 
«{u'flle  n'ait  aucune  sirncinre;  au  contraire,  suivant  lui,  elle  doit  en 
avoir  une,  seulement  les  n'-aclifs  employés  Jus(ju"ici  n'ont  pas  pu 
révéler  ses  détails. 

Quand  on  définit  la  cellule  nerveuse,  on  met  tout  d'abord  en  évi- 
dence son  rapport  avec  le  cylindraxe  de  la  fibre  nerveuse  et  on 
parle  de  ses  prolongements  ramifiés.  Aujourd'liui  on  est  plus  caté- 
gorique :  la  cellule  nerveuse,  appelée  neurone,  est  une  cellule  qui 
émet  deux  sortes  de  prolongements,  un  prolongement  cylindraxile, 
ou  Axone,  et  un  ou  plusieurs  prolongements  protoplasmiques  ou  Den- 
drites.  Le  rôle  du  premier  est  reconnu  depuis  longtemps,  ce  qui  n'est 
pas  le  cas  pour  les  seconds  ;  on  discute  encore  pour  savoir  s'il  faut 
(jonsidérer  les  prolongements  dendritiques  comme  organes  conduc- 
teurs des  excitations  nerveuses  (Kamon  y  Cajal,  Van  Gebucliten) 
ou  comme  simple  expansion  du  protoplasma  cellulaire  en  vue  d'aug- 
menter la  surface  excitable  (Lenhossek),  ou  enfin  comme  organes 
nulrilifs  (Golgi).  La  connaissance  de  la  structure  intime  de  ces  pro- 
longements pourrait  peut-être  porter  quelque  lumière  sur  ce  sujet. 

Tous  les  auteurs  sont  d'accord  que  la  structure  des  dendrites  est 
la  même  ({ue  celles  des  corps  cellulaires.  Donc  pour  ceux  qui  ad- 
mettent l'existence  des  librilles,  trois  éléments  entrent  dans  leur  cons- 
titution :  la  substance  chromophile,  dont  les  corpuscules  ont  ici  une 
forme  allongée,  la  substance  fondamentale  et  les  librilles  qui  pren- 
nent ici  une  disposition  linéaire.  Les  corpuscules  chromopbiles  sont 
•seulement  moins  nombreux  qu'ils  ne  sont  dans  le  corps  cellulaire. 
Dans  le  prolongement  cylindraxile  les  mêmes  auteurs,  Dogiel 
■excepté,  excluent  la  présence  de  la  substance  chromophile  :  ce  pro- 
longement serait  donc  constitué  par  la  substance  fondamentale  et 
les  librilles,  de  là  la  naissance  conique  de  ce  prolongement  qui 
tranche  d'une  manière  très  nette  sur  le  corps  cellulaire.  Pour  Dogiel 
le  cylindraxe  n'est  [las  dtqiourvu  de  la  substance  clnomophile,  etcel 
auteur  s'exprime  d'une  manière  catégorique  pour  l'unité  de  struc- 
ture du  neurone  entier.  La  seule  différence  qui  existe,  suivant  lui, 
•entre  les  trois  parties  du  neurone  consiste  dans  le  rapport  entre  les 
éléments  constitutifs  de  leur  contenu  :  la  substance  chromophile 
est  la  plus  abondante  dans  h;  corps  cellulaire,  la  substance  fonda- 
mentale prédomine  dans  la  naissance  conique  de  l'axone,  et  les 
librilles  dans  le  cylindraxe  môme  ;  dans  les  dendrites  on  trouve  un 
peu  de  tout.  Benda  signale  un  cas  où  il  a  observé  les  corpuscules 
<;hromophiles  dans  l'axone  :  c'est  à  la  naissance  des  collatérales  du 
<:ylindraxe  des  cellules  pyramidales.  Nous  les  avons  observés  aussi  fré- 
rfjuemment  dans  les  axones  des  cellules  motrices  de  la  moelle  allontré-e. 


520  ANALYSES 

La  stiucluie  de  deux  sorles  de  prolongements  dey  cellules  ner- 
veuses ne  lévélant  pas  entre  eux  de  diflérences  morplioloi.'iques 
l'ondamentales  amène  à  la  conclusion  que  les  diflérences  physio- 
logiques ne  doivent  pas  exister  non  plus.  Seulement,  comme  l'axone 
est  souvent  destiné  à  porteries  excitations  jierveuses  à  une  grande 
distance,  la  fonction  spéciale,  nerveuse,  a  prévalu  chez  lui  sur  les 
autres  ;  de  là  sa  difl'érencialion  morphologique,  sa  structure  presque 
exclusivement  fibrillaire. 

Il  reste  encore  à  ]iarler  du  noyau.  Seuls  Lenhossek  et  .Nissl  en 
parlent  dans  leurs  travaux.  Ils  lui  reconnaissent  la,structiu-e  com- 
mune au  noyau  des  cellules  de  tous  les  autres  tissus,  réseau  de 
linine,  suc  nucléaire,  grains  cliromopliiles,  membrane  nucléaire, 
nucléoles,  etc. 

AVaisda  Sczawinska, 

Docteur  es  sciences. 


m.    —   ACTIVITE    FONCTIONNELLE    DES    CELLULES    NERVEUSES 

1)EM00R  (Bruxelles).  —  Mouvements  amiboïdes  des  prolongements 
des  cellules  nerveuses.  Congrès  de  Berne  (1895) 

Chez  des  chiens  soumis  à  de  fortes  doses  dt;  chloral  et  de  jnor- 
jdiine,  les  cellules  nei^veuses,  étudiées  par  la  méthode  de  Golgi, 
montrent  <les  prolongemenis  iiKUiilirormes,  aiiahigues  à  ceux  f[u'on 
observe  dans  les  pseudoi)0(les  d'amiltes  soumises  aux  narcotiques. 

Les  cellules  neiveuses  des  ganglions  auraient  donc  la  propriété  de 
mouvoir  leuis  j)rolongements. 


MATJIIAS  DIVAL.    —  Hypothèses  sur  la  physiologie  des  centres 

nerveux;  théorie  histologique  du  sommeil.  (Stic,  de  lîiol.,  l,S".t.T,  |).74.i 

LKPINE  (R.).  —  Théorie  mécanique  de  la  paralysie  hystérique,  du 

somnambulisme,  du  sommeil  naturel  et  de  la  distraction.  (C.  H. 

Soc.  de  liiol.  18'j:;.  jt.  Hii.) 
.MATHIAS  DIVAL.  —  Remarques  à  propos  de  la  communication  de 

M.  Lépine.  (C.  R.  Soc.  de  BioL,  1895,  p.  8()). 

Mathias  Duval,  lappelaiit  (pie  \Viedersheiiii  a  observé  îles  mouve- 
ments amiboïdes  sur  les  cellules  nei'veuses  du  cerveau  de  la  Lepto- 
dera  hyalina,  se  demande  si  le^fail  de  ramihoïsme  des  cellules  et 
des  prolongemenis  nerveux  ne  doit  pas  être  admis  d'une  façon  géné- 
rale. Le  neurone  cérébral,  avec  ses  ramilicalions,  serait  comparable 
à  une  amibe  avec  ses  pseiulopodes,  et  ces  ramilications  pourraient 
s'allonger  ou  se  jt'tracter  sous  des  intluences  diverses  comme  les 
|)seudopodes  des  amibes,  d'où  contif/uïté  plus  ou  moins  intime  des 
neurones  cérébraux.  Dans  le  sommeil  les  ramitications  cérébrales  du 
neurone  seusitif  central  seraient  à  l'état  de  rétraction.  Les  phéno- 


HISTOLOGIE,    ANATOMIbî   ET   PHYSIOLOGIE  521 

niriies  d'inhibilion,  les  troublf'S  do  riiystéiie  houveiaieni  aussi  leur 
explication  dans  ces  niouvemenls  amiboïdes  des  neurones.  Je  rappel- 
lei'ai  à  ce  propos  que  la  contractililt'  des  cellules  nerveuses  avait  déjà 
été  admise  par  Urd. 

Lépine  rappelle  que  dans  la  Revue  de  médecine  d'août  1894  il  a 
déjà  émis  l'hypotlièse  que  les  anestiiésies  sensorielles  et  sensitives  et 
les  paralysies  motrices  des  byslériques  résulleraient  de  défaut  de 
contiguïté  parfaite,  entre  les  ramilications  des  cellules.  11  en  serait 
de  même  du  sommeil  naturel.  Il  fait  remarquer  en  outre  que  les 
diverses  variétés  de  somnambulisme  s'expliqiuMit  assez  bien  avec  la 
même  liypotbèse. 

H.  Heacms. 

E.  LLdARO.  SuUe  modificazioni  délie  cellule  nervose  nei  divers! 
stati  funzionali.  [Les  modifications  des  cellules  nerveuses  dans 
divers  étals  fonctionnels.)  Lo  Sperimentale,  XI.IX  (extrait). 

Dans  ces  dernières  années,  on  a  fait  beaucoup  de  reclierches  pour 
connaître  les  moditication  matérielles  que  présentent  les  cellules 
nerveuses  à  la  suite  de  difiV'ientes  excitations.  Beaucoup  d'expéri- 
mentateurs, lialbiani,    Verworn,   Bruno  Hofer  se   sont  adressés  de 
préférence  aux  mi(.'ro-organismes,  rliizopodes,  infusoires,  etc.,  dont 
on  peut  étudiei'  la    structure   à  l'état  vivant  sous  le   microscope. 
D'autres  auteurs  ont  suivi  une  voie  différente;  ils  ont  soumis  à  leurs 
expériences  des  animaux  élevés  en  organisation  (crustacés,  batra- 
ciens,  oiseaux,  mammifères)  ;   cliez  ces  animaux,    ils   ont  produit 
pendant  une  longue  durée  une  excitation  artificielle  de  certains  gan- 
glions nerveux  ;  puis,  sacrifiant  l'animal,  ils  ont  disséqué  le  ganglion 
sur  lequel  avait  été  faite  l'expérience  ;  ils  l'ont  fixé,  coupé  en  trancbes 
miui-es,  colon*,   et    étudié  au  microscope,    en  le   compai'ant  à  un 
ganglion  symt''lri(iu('  du  même  animal,  ou  à  un  ganglion  similaire 
d'un  autre  animal,  afin  de  savoir  si  les  excitations  répétées  avaient 
piodiiit  dans  les  cellules  nerveuses  un  effet  visible.  On  a  porté  l'at- 
tt'niion  sur  la  coloiabilité  des  ccllnles  et  sur  leur  diamètre;  Xissi, 
étudiant  le  noyau  d'oiigine  du  facial  croit  conslaler  (jui'  les  celluh's 
nerveuses  j)risf'S  à  l'état  di'  repos  se  colorent  faiblement,  tandis  ({ue 
les  ctdlules  nn  vru>es  qui  sont  é'puisées  ]iar  unr  trop  giaiidi-  aclivitt' 
lixentavec  intensité  les  matières  colorantes.  Vas,  a[)rès  avoir  étudié 
les  effets  des  excitations  sur  les   cellules   dii  sympat!ii([ue,   arrive 
aussi  à  cette  conclusion  i]ut'  l'activitc'  de  la  cellule  ])rodiiit  nmi  aug- 
mentation de  sa  subslam  r  rlirniii,ili([ue.  Hodge  constate  au  contraire 
que  le  protoplasma  de  la  (■rlliilc  nerveuse,  après  une  excitation  élec- 
trique prolongée,  se  teint  faiblement.  On  n'est   pas  mieux  d'accord 
sur  les  cbangemenis  de  volumi-  ih'-:^  cellules  nerveus(;s.  Nissl  admet 
(ju'elles    diminuent    de    volunir    pendant    leur   état    d'activité  ;    Vas 
trouve  ({u'après  des  excilaliims  f.iiblrs  duraiil    nn   iiuaii  d'Iiruic,  \r 


522 


ANALYSES 


corps  collulairc  autimonlo  d'un  licis;  Hodi:»^  conslalo  do  son  côté 
que  dans  les  ganglions  spinaux  du  chat  excites  pendant  plusieurs 
heures,  et  dans  le  cerveau  des  mammifères  et  oiseaux  en  état  de 
fatigue,  les  cellules  nerveuses  diminuent  de  masse,  et  leur  proto- 
plasma se  cx-euse  de  vacuoles.  Tout  récemment,  G,  Mann  reprend 
les  expériences  de  Vas  sur  le  sympathique,  et  en  institue  de  nou- 
velles sur  la  rétine  du  chien,  afin  de  se  rendre  compte  de  la  contra- 
diction existant  entre  les  résultats  des  précédents  expérimentateurs. 
Ses  conclusions  sont  que  la  suhslance  cliromatique  (ou  appelle  de 
ce  nom  la  substance  qui  est  contenue  dans  le  noyau  et  lixe  la 


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Fig.  107.  —  Courbes  des  dimensions  du  corps  cellulaire  (à  gauche)  et  du 
noyau  (à  droite)  dans  un  ganglion  normal  (ligne  épaisse)  et  dans  un 
ganglion  excité  pendant  trois  heures  (ligne  fine). 

En  abscisse  sonl  portées  les  dimensions  en  millièmes  de  millimèlres  ;  en  ordonnée  sont 
indiqués  les  nombres  do  cellules  avant  les  dimensions  indiciuécs.  Exemple  :  <raiirès  le  gra- 
|iliii|uc  de  gauche,  40  cellules  avaient  une  dimension  de  II  millièmes  de  millimètres  l}:an- 
glioii  non  excité;  et  40  avaient  une  dimension  de  lo  millièmes  de  millimètres  ganylion  excité). 


matière  colorante)  s'accumule  pendant  l'état  dr  repos,  et  se  dépense 
pendant  Taclivih'' ;  l'adivil»'  cclhilaiic  est  accoiii|iagni'('  d'une  aug- 
mentation de  volume  du  corps  cellulaire  ;  (juaiid  l'activité  est  poussée 
jusciu'à  la  fatigue,  le  cor])S  cellulaire  et  \r.  noyau  diminuent  de 
voliune.  On  comprend  par  consétiuent  que  Hodge  et  Vas,  se  plaçant 
dans  des  conditions  expérimrnlalcs  différentes,  aient  abouti  à  des 
effets  contraires. 

E.  Lugaro  a  repris  et  confirmé  d'iuie  manière  gém'rale  les  obser- 
vations de  G.  Manu,  en  y  ajoutant  (luehiues  compléments  et  correc- 
tions qui  ne  manquent  i)as  d'intérêt.  Il  a  étiulié  le  ganglion  cervical 
du  sym|ialbi(|uc.  Il  observe  d'abord  (juc  jiour  obtenir  les  cellules 
nerveuses  à  l'état  de  repos,  il  ne  faut  pas  disséquer  le  ganglion  sur 
1  animal  vivant,  parce  que  celte  dissection  ixnit  produire  une  iiiitation 


HISTOLOGIE,    AXATOMIE    ET    PHYSIOLOGIE 


523 


qui  éveille  ractivité  des  cellules;  l'immersion  des  cellules  vivantes 
dans  l'alcool,  pour  les  fixer,  produit  aussi  le  même  eflel;  il  faut  faire 
mourir  rapidement  l'animal  par  le  cliloroforme,  et  n'enlever  le  gan- 
glion que  plusieurs  heures  aprèsla  mort,  quand  la  mort  a  atteint  toutes 
les  cellules.  On  obtient,  grâce  à  cette  précaution,  un  ganglion  ner- 


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Fig.  108.  —  Synthèse  des  modifications  rencontrées  ù  diiférentes  périodes 
d'excitation  dans  la  grandeur  du  corps  cellulaire  [ligne  épaisse)  du 
noyau  (ligne  fine)  du  nucléole  (ligne  pointiliée). 

La   dur(''e    de  l'excitation   est    marquée    sur    l'abscisse,  la  valciir   de    raugmculaliou    de 
volume  est  portée  sur  l'ordonnée. 

veux  pris  dans  un  <'lal  idi'al  de  repos.  (Nous  nous  demandons  seule- 
ment à  ce  profios  si  la  cidlule  nerveuse  en  mourant  ne  s'altère  pas 
et  ne  change  pas  de  forme  et  de  grandeur.)  Il  faut  maintenant 
mesurer  au  micromètre  la  grandeur  des  cellules,  et  cette  mesure 
présente  bien  des  chances  d'erreur,  puisque ,  dans  un  même  gan- 
glion, les  éléments  ont  un  diamètre  variant  de  5  à  40  millièmes  de 
de  millimètres.  L'auteur  s'est  astreint  à  n'opérer  aucun  choix  parmi 
les  éléments  qu'il  a  trouvés  sous  son  microscope,  et  à  mesurer, 
pour  chaque  ganglion  1000  cellules  dans  leur  plus  grand  diamètre, 


o24  ANALYSES 

afin  d'arriver  à  des  moyennes  sérieuses.  II  a  constriiit  avec  ses 
résultats  des  graphiques  selon  la  méthode  en  séiie,  dans  lesquels 
l'abscisse  exprime  les  dimensions  des  cellules,  et  l'ordonnée  la  fré- 
quence relative  des  cellules  de  grandeur  délt-rminée.  Voici  quelques- 
uns  des  résultats  numériques  mis  en  lumière  par  cette  méthode.  En 
comparant  un  glanglion  mort  en  place  et  un  ganglion  détaché  par 
vivisection  sur  l'animal  vivant,  on  trouve  que  les  cellules  de  ce 
dernier  sont  plus  petites  de  4,95  p.  100.  Les  excitations  électriques 
ont  été  produites  en  plaçant  les  électrodes  à  une  distance  de  3  cen- 
timèti^es  du  ganglion;  l'état  d'activité  était  contrôlé  par  la  dilatation 
de  la  pupille;  ces  excitations  produisent  une  augmentation  de  dimen- 
sion d'abord,  durant  pendant  la  première  demi-heure  ;  à  la  suite  il 
y  a  une  diminution  de  volume.  Au  bout  de  cinij  minutes,  augmen- 
tation de  6,69  p.  100  ;  après  ini  quart  d'heure,  l'augmentation  est 
déjà  moindre,  elle  est  de  4,85  p.  100;  après  une  demi-licurr,  de 
3,1  p.  100.  Après  une  heure,  diminution  de  0,84  p.  100  ;  après  trois 
heures,  diminution  de  1J,d  ]>.  100;  après  six  heures,  16,53  p.  100. 
Ces  chiflres  se  rapportent  au  corps  cellulaire  seul;  le  noyau  et  les 
nucléoles  participent  également  aux  variations  de  volume,  chacun 
de  ces  éléments  dans  une  mesure  particulière;  ainsi  les  augmen- 
tations de  volume  sont  jilus  marcpiées  pour  les  nucléoles  (pie  pour 
le  noyau,  comme  le  montrent  la  ligure  107  relatant  létal  des  cellules 
d'après  la  méthode  indiquée  plus  haut  et  le  graphiiiue  108  résumant 
un  très  grand  nombre  d'expériences.  L'auteur  attribue  la  dimi- 
nution de  volume  à  la  fatigue;  mais  peut-être  aurait-il  dùdf'monfrer 
directement  cette  fatigue,  en  donnant  dans  son  travail  les  variations 
pupillaires  des  animaux  en  expérience. 

(le  travail  nous  paraît  intéressant  et  consciencieux  quoique  les 
méthodes  auxquelles  ont  est  obligé  jusqu'ici  d'avoir  recours  pour 
évaluer  les  modilications  de  volume  des  cellules  soient  si  compliquées 
et  si  détournées  qu'elles  doivent  contenir  plusieurs  causes  d'erreur. 

A.     Bl.NKT. 

<;.  MAdlM.  —  L'orientation  des  nucléoles  des  cellules  nerveuses 
motrices  dans  le  lobe  électrique  de  la  torpille,  etc..  An  h.  il.  biol., 
I.  XXII.  Février  1894. 

.Magini  a  observt'  (jue  dans  les  grandes  cellules  nerveuses  du  lobe 
électriqTie  de  la  lor|tille  adulte,  vivisectionnée,  le  noyau  est  toujours 
excenlriijue  et  orienté  veis  le  prolongement  nerveux,  et  le  nucléole 
est  lelh-nient  ih'qilacé  de  sa  ])osition  centrale  de  repos  qu'il  se  trouve 
toujours  en  contact  avec  la  surface  interne  de  la  membrane  du 
noyau,  laquelle  par  ce  fait  se  trouve  souvent  en  jtartie  soulevée. 
Mais  si  on  laisse  Uiourir  la  torjiille  tranquillement  hors  de  l'eau,  les 
imcléoles  se  présentent  au  centre  des  noyaux  ou  en  position  excen- 
trique très  variée,  mais  jamais  accentuée  de  manière  à  ce  qu'ils 


HISTOLOGIE,    ANAÏOMIE    ET    PUVSIOLOGIE  525 

touchent  la  membrane  du  noyau;  ils  ne  sont  pas  orientés  vers  les 
nerfs  électriques.  Dans  les  cellules  des  torpilles  très  jeunes,  qui 
ne  donnent  pas  encore  des  décharges,  le  nucléole  est  central.  Sur 
ces  faits  Magini  a  hâli  une  hypothèse  :  l'excitation  produit  un  déplace- 
ment du  nucléole  vers  le  prolongement  nerveux  de  la  cellule,  le 
nucléole  en  se  déplaçant  produit  une  compression  sur  le  point 
d'origine  des  fibrilles  axiles,  qui  par  cela  même  sont  excitées  méca- 
niquement. Ainsi  les  impulsions  psycho-motrices  pourraient  être 
considérées  comme  le  produit  d'une  excitation  mécanique  due  au 
déplacement  du  nucléole. 

Cette  hypothèse  ne  nous  semble  pas  fondée  sur  des  données  suffi- 
santes, car  le  déplacement  des  nucléoles  n'est  pas  un  fait  ({u'on 
puisse  absolument  généraliser.  Dans  les  cellules  ganglionnaires  du 
sympathique  excitées  'même  longuement  on  n'observe  jamais  de 
déplacements  caractéristiques  dans  les  nucléoles  ou  les  noyaux.  A 
propos  de  ces  cellules  on  peut  ajouter  qu'il  n'est  pas  facile  de  conce- 
voir une  action  de  leurs  nucléoles  sur  leurs  prolongements  nerveux, 
parce  que,  tout  en  ayant  un  seul  prolongement  nerveux,  elles  ont 
très  fréquemment  deux  noyaux  avec  plusieurs  nucléoles  qui  n'ont 
pas  d'orientation  spéciale  par  rapport  au  prolongement  nerveux. 
L'hypothèse  de  Magini,  au  lieu  d'expliquer  et  de  coordonner  les  faits, 
introduit  de  nouvelles  inconnues  dans  les  problèmes.  On  ne  com- 
prend pas  le  but  biologi(iue  de  la  transformation  de  l'onde  nerveuse 
afférente  en  un  mouvement  mécanique  et  la  transformation  de  ce 
mouvement  en  onde  nerveuse  efférente,  et  on  ne  connaît  pas  le 
mécanisme  de  cette  transformation. 

]a'  déplacement  du  nucléole  que  Magini  a  constaté  dans  les  cellules 
du  lobe  électrique  dv.  la  torpille  reste  donc  un  fait  isolé,  qui  ne  nous 
pei-met  aucune  conclusion  sur  les  fonctions  générales  de  cet  élément. 

E.    LUOARO. 

ROXr.OUOM.  —  Un  nuovo  reperto  nel  nucleo  délie  cellule  nervose. 

[Un    nouveau  détail  du  noijaa  des  cellules  nerveuses.)  H.  Accad. 
med.  Turin,  juin  189u. 

Le  bleu  de  métiiylène  dans  une  solntion  de  borate  de  soude  et 
d'autres  réactifs  munirent  (pie  certains  noyaux  d»;s  cellules  pyra- 
midales présentent  une  ligne  bleue,  allant  d'un  pôle  à  l'autre  du 
noyau  et  située  sur  sa  surface.  Est-ce  un  plissement  de  la  couche 
superficielle  du  noyau  ? 

M.    VEUWOUN.   —   AUgemeine    Physiologie  (physiologie   générale) 
1  v<d.,  iu-Ho,  384  p.,  2G8  lig.  léiia,  189u.  " 

Presque  simultanément  ont  paru  en  Fiance  et  en  Allemagne  deux 
traités  consacrés  presque  au  même  sujet,  ce  sont  celui  do  Delage 


02b  ANALYSES 

et  celui  de  Verwoi  n  ;  tous  deux  contiennent  des  éludes  sur  la  vie 
cellulaire  et  sur  différents  phénomènes  vitaux;  un  caractère  général 
les  distingue  :  Delage  porte  son  attention  particulière  sur  les  diffé- 
rentes théories,  il  suppose  chez  son  lecteur  une  connaissance  de 
nombre  de  faits  que  Verworn  rapporte  avec  tous  les  détails  ;  en 
somme  les  deux  ouvrages  se  complètent  et  forment  par  leur  en- 
semble une  œuvre  capitale  sur  la  cellule  et  les  phénomènes  biolo 
giques. 

Une  physiologie  générale  doit  être,  dans  l'état  présent  de  la  science, 
nous  dit  M.  Verworn,  une  physiologie  de  la  cellule.  Les  problèmes 
de  la  physiologie  consistent  à  étudier  les  phénomènes  de  la  vie  ; 
pour  le  faire  il  faut  d'abord  pouvoir  distinguer  les  organismes  vivants 
des  organismes  morts,  d'où  la  première  question  :  présenter  ui> 
critérium  pour  pouvoir  faire  cette  distinction;  le  deuxième  pro- 
blème, plus  important  que  le  précédent,  consiste  à  rechercher  les 
principes  de  la  vie  ;  la  physique  et  la  chimie  en  expliquant  les  diffé- 
rents phénomènes  et  en  remontant  aux  causes  premières  ramènent 
tous  les  phénomènes  à  la  matière  et  au  mouvement;  peut-on  ramener 
les  phénomènes  de  la  vie  aussi  à  ces  mêmes  principes  ou  bien  est-il 
nécessaire  d'introduii^e  des  principes  nouveaux  ? 

La  physiologie  ayant  pour  but  d'expli({uer  les  phénomènes  de  la 
vie,  c'est-à-dire  de  rechercher  leurs  causes  élémentaires,  de  les  mettre 
dans  des  rapports  de  causalité  les  ims  avec  les  autres,  enfin  de 
voir  si  ces  causes  premières  sont  les  mêmes  que  pour  le  monde 
inorganique,  il  est  naturel  de  se  demander  ce  qui  a  été  fait  jusqu'ici 
dans  celte  direction.  On  a  déciit  les  différents  phénomènes,  on 
connaît  certaines  propiiétés,  mais  on  est  loin  d'être  arrivé  aux 
causes  dernières  ;  on  sait  par  exemple  que  telle  glande  donne  telle 
sécrétion,  une  autre  nourrie  du  même  sang,  donne  une  autre  sécré- 
tion, mais  le  pourquoi,  on  ne  le  sait  pas.  D'où  vient  la  contraction 
des  cellules  musculaires  ?  que  se  passe-t-il  dans  la  rétine,  dans  h^ 
nerf  oculaire  et  dans  le  cerveau  lorsqu'un  point  de  la  rétine  est 
éclairé?  Voilà  des  ([uestions  qu'on  ne  sait  pas  encoi'e  résoudre. 

Mais  peut-on  an  moins  espérer  les  résoudre  un  jour  ?  On  arrive 
ainsi  à  la  question  des  limites  de  notre  connaissance  de  la  nature. 
L'auteur  expose  l'opinion  de  Du  Bois-Raymond,  d'apiès  lequel  les 
sciences  naturelles  ont  pour  but  de  ramener  tous  les  phénomènes  à 
des  mouvemenis  d'alomes,  un  atome  étant  de  la  matière  douée  d'une 
force,  mais  la  nature  de  l'atome  reste  et  restera  inconnue  ;  un»; 
deuxième  limite  de  notre  connaissance  est  le  rapport  du  psychique 
avec  le  pliysique,  on  ne  pourra  jamais  remplir  le  passage  des  mou- 
vements d'atomes  à  des  processus  conscients. 

L'auteur  soumet  ces  opinions  à  une  critique,  il  essaie  de  nionlrer 
par  des  spéculations  mélapjiysiques  sur  le  monisme  qu'on  ne  peut 
pas  assigner  de  limite  à  notre  connaissance  de  la  nature,  et  que 
toute  élude  de  la  nature  se  ramène  en  dernier  lieu  à  la  psychologie  ; 


UISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET    PHYSIOLOGIE  527 

cette  dernière  a  pour  but  de  décomposer  les  difïerents  phénomènes 
psychiques  pour  pouvoir  remonter  des  j^rocessus  psychiques  élé- 
mentaires aux  phénomènes  psychiques  complexes  ;  la  mélhode  de 
la  psychologie  est  rinlrospection  ;  il  n'y  a  pas  de  limites  i^our  notre 
connaissance  de  la  nature,  nous  dit  l'auteur. 

La  physiologie  s'est  contentée  jusqu'ici  surfout  de  l'étude  grossière 
des  phénomènes  de  la  vie;  maintenant  «  qu'il  n'y  a  plus  à  attendre 
de  découvertes  imporlantes  dans  cette  direction  »  elle  doit  chercher 
à  étudier  les  phénomènes  de  la  vie  là  où  ils  naissent,  c'est-à-dire 
dans  la  cellule,  elle  doit  donc  devenir  une  j^hysiologie  de  la  cel- 
lule. 

Avec  le  deuxième  chapitre  (p.  58-141)  nous  entrons  dans  le  sujet 
même  de  l'ouvrage,  il  a  pour  litre  «  de  la  substance  vivante  ». 

L'auteur  parle  d'abord  de  la  composition  de  la  substance  vivante  - 
il  faut  commencer  par  définir  ce  que  l'on  appelle  individu  orga; 
nique  :  un  individu  organique  est  une  masse  uniforme  de  substance 
vivante  sous  une  forme  capable  de  suffire  à  la  conservation  de  soi- 
même  ;  plusieurs  ordres  d'individus  peuvent  être  distingués  : 

1*^  Individus  du  premier  ordre,  les  cellules,  ce  sont  les  organismes 
les  plus  élémentaires; 

2*^  Individus  du  deuxième  ordre,  les  tissus,  ce  sont  des  réunions 
de  cellules  égales  entre  elles  ; 

.3'^  Individus  du  troisième  ordre,  les  organes,  composés  de  tissus. 

4°  Les  personnes,  composées  d'organes; 

5°  Les  états,  réunions  de  pei^sonnes. 

Par  conséquent  tous  les  individus  se  ramènent  en  dernier  lien  à 
des  cellules  ;  c'est  donc  sur  la  cellule  qu'il  faut  porter  une  attention 
spéciale. 

Quelles  sont  les  propriétés  fondamentales  des  organismes  vivants? 
L'auteur  discute  d'al)ord  les  difï'érences  entre  les  corps  du  monde 
inorganique  et  ceux  du  monde  organique;  ni  la  structure  morpho- 
logique, ni  les  difiérences  de  genèse  et  d'accroissement,  ni  enfin  les 
(lilférences  physiques  comme  par  exemple  la  molricité  et  l'irritabilité 
ue  suffisent  pour  établir  des  différences  fondamentales;  les  diffé- 
rences de  constitution  chinu(iue  sont  les  seules  qui  ont  une  impor- 
tance, non  par  les  élémeiils  chimiques  qui  y  entient,  mais  par  la 
forme  des  combinaisons  très  complexes  qui  se  rencontrent  seulement 
dans  le  monde  organique,  par  exemple  dans  les  albuminoïdes  et 
les  graines  ;  on  ne  connaît  aucun  organisme  qui  m;  contienne  pas 
d'albuminoïdes  et  il  n'existe  pas  de  corps  inorgani({ue  qui  en 
contienne. 

Puis  l'auteur  passe  aux  différences  entre  le  monde  organique 
vivant  et  mort.  Il  n'y  a  pas  de  limite  précise  entre  la  vie  et  la  mort 
d'un  organisme,  le  passage  est  continu.  On  juge  d'un  organisme  iju'il 
est  vivant  par  l'existence  de  phénomènes  spéciaux  (jui  se  réduisent 
surtout  à  dès-échanges  de  substances  albuminoïdes. 


528 


ANALYSES 


Lo  chapitre  m  (p.  142-272)  ost  consacic  aux  |ili('iiom('nes  éh-meii- 
taires  de  la  vie. 

Trois  piiénomènes  généraux  sont  distingués  par  l'auleur  :  échanges 
de  substances,  cliangenienis  de  forme   et  échanges  (rénergie. 

Dans  ce  chapitre  sont  rapportés  les  faits  rel;itiis  à  la  nulrilion  des 
cellules,  la  phylogenèse,  Tontogenèse,  entin  les  échanges  d'énergie 
de  différentes  formes  :  chimique,  moléculaire,  mécaniiiur,  de  gra- 
vitation, thermiiiue,  photique,  électrique  et  nn^léculaire.  Tous  ces 
faits  sont  analysés,  de  nombreux  exemples  sont  cités  pour  chaque 
cas,  et  enfin  une  conclusion  générale  est  tirée  que  tous  les  change- 
ments de  forme  et  d'énergie  sont  la  suite  d'échangés  de  sultsiances. 

Le  chapitre  iv,  p.  273-344  traite  des  phénomènes  généraux  de  la  vie. 

L'auteur  y  parle  d'abord  des  coiulilions  de  la  vie  à  l'épocjne 
actuelle  sur  la  terre  :  ce  sont  des  conditions  externes  :  nourriture, 
eau,  oxygène,  température  et  pression,  puis  des  conditions  internes, 
ces  dernières  se  résument  i)0ur  l'auteur  dans  la  condition  que  la  vie 
ne  peut  exister  que  là  où  existe  du  protoplasme  uni  au  n(nau;  en 
somme  il  arrive  à  la  conclusion  de  Cl.  Bernard  :  «  les  manifestations 
vitales  résultent  d'un  conflit  tintre  deux  facteurs:  la  suhsl.iiice  ori:a- 
nisée  vivante  et  le  milieu  ». 

De  là,  la  question  de  l'origine  de  la  vie.  La  r{'poMse  i\w  l'auteur 
trouve  la  plus  juste  est  celle  de  llœckel  :  (jue  la  substance  vivante 
a  dû  S(!  développer  aux  dépens  des  substances  mortes,  d'abord  sous 
forme  de  petites  masses  albuminoïdes  uniformes,  de  sliucture  très 
sim[ile,  les  «  Monères  »,  (jui  ensuite  se  combinant  et  se  conipli(|uai!t 
ont  donné  lieu  à  des  oigauismes  unicellulaires  les  «  Protistes  ». 

Ces  derniers  se  différencient  en  deux  groupes  :  les  Protophytes 
qui  se  iiouirissent  de  sid)slan(fs  inorgani(iues,  et  les  Protozoaires 
qui  ont  besoin  pour  l'existence  de  substances  organicjues,  les  pre- 
miers donnent  lieu  aux  |)iantes,  les  autres  aux  animaux. 

A  côté  de  la  vie  il  faut  aussi  considérer  la  mort  ;  lauleur  ra[)porte 
les  différents  caractères  de  la  mort  des  organismes  cellulaires;  puis 
les  conditions  de  la  mort  externes  el  internes. 

\yant  décrit  les  phénomènes  de  la  vie,  l'auteur  jiasse  à  l'étude  des 
(excitations  exfenu'S  et  de  leur  iiilluence  .sur  les  organismes  vivants  ; 
c'est  à  cette  élude  ([ue  le  chapitre  \  est  consacré  (p.  34.Ï-1-GI). 

Tout  changenieni  des  laclcurs  cxleines  i|ui  inlliieni  sur  l'orga- 
nisme peut  être  (•(Uisi(l('r('  cnninie  inie  excilalion  externe  (Reiz)  ;  on 
peut  donc  consicb'icr  loule  excitation  comme  un  changement 
d'énergie  et  par  suite  distinguer  autant  d<  foi'nn-s  différentes  d'exci- 
tations ({u'il  y  a  de  formes  ifc-nergie  ;  l'auleur  distingue!  des  excita- 
tions chimiques,  nH'(ani([ues,  lhfrmi(pn.'S,  pli(ili(iues  et,  ('let'Iricpu'S. 

Toute  influence  des  excitai iiuis  est  caractérisée  surtout  par  les 
(iuanlit(''s  d'(''uei'gi(!  apportée  et  dégagée  ;  les  pln'nomènes  de  la  vie 
sont  modifiés;  or  ils  |ieuv(Mit  l'ètri;  de  deux  fa(;ous  diffV'rentes  :  soit 
arrêtés,  inhibition,  soit  augmentés,  dynamogénie  (Erregung). 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE    ET    PHYSIOLOGIE  529 

L'auteur  décrit  les  difTérentes  formes  d'excitations  avec  leurs 
influences,  parlout  il  distingue  les  deux  formes  d'inlluence,  il  trace 
les  caractères  généraux  des  excitations,  indique  les  limites  entre 
lesquelles  elles  intlueut  et  la  marche  générale  de  cette  inllueuce. 

D'abord  sont  considérés  les  cas  où  l'excitation  agit  sur  tout  l'orga- 
nisme, puis  ceux  où  elle  n'agit  que  sur  une  partie  seulement,  c'est 
là  que  trouvent  place  les  différents  tropismes. 

La  fin  du  chapitre  est  consacrée  aux  effets  de  surexcitation;  ce 
sont  surtout  la  fatigue  et  l'épuisement,  dont  la  caractéristique  est 
une  diminution  de  l'inlluence  de  l'excitation.  Ces  phénomènes  se 
produisent  d'une  part  lorsque  certaines  substances  nécessaires  à  la 
vie  sont  dépensées  en  plus  grande  quantité  qu'elles  ne  se  forment 
dans  l'organisme,  de  l'autre  lorsque  certaines  substances  se  forment 
comme  produits  de  destruction  pendant  l'excitation,  et  s'accumu- 
lent en  quantité  telle  qu'elles  arrêtent  les  influences  des  excitations; 
la  première  forme  est  appelée  par  l'auteur  épuisement,  la  seconde 
fatigue. 

Chap.  VI  et  dernier,  p.  402-571.  Le  mécanisme  de  la  vie. 

Ayant  étudié  les  différents  phénomènes  de  la  vie  avec  les  in- 
fluences qui  les  modifient  l'auteur  se  propose  de  tracer  le  passage 
des  phénomènes  de  la  vie  au  mécanisme  de  la  vie,  ou  au  processus 
de  la  vie. 

Les  phénomènes  de  la  vie  se  réduisent  principalement  à  des 
échanges  de  substances,  c'est  l'existence  de  ces  échanges  qui  dis- 
tingue un  organisme  vivant  d'un  organisme  mort;  or  la  constitution 
chimique  des  organismes  est  étudiée  surtout  sur  dos  organismes 
morts  ;  il  est  naturel  de  se  demander  si  la  conslitulion  chimique  des 
organismes  vivants  est  la  même  que  celle  des  organismes  morts, 
s'il  n'existe  pas  quelque  substance  qui  entre  dans  l'organisme  vivant 
et  qui  n'existe  pas  dans  l'organisme  morl.  Les  observations  mon- 
trent qu'en  réalité  certaines  combinaisons  très  complexes  existent 
seulement  dans  les  organismes  vivants  et  se  décomposent  avec  la 
mort  de  l'organisme;  ces  combinaisons  ont  de  jilus  la  jiropriété 
(l'entrer  très  facilement  dans  un  grand  nombre  de  combinaisons 
différentes,  c'est  donc,  conclut  l'auteur,  à  ces  combinaisons  cbimiques 
que  les  phénomènes  de  la  vie  doivent  être  liés  intinieiiicnl. 

Ces  substances  sont  des  substances  albuminoïdes  qui  jouent  dans 
les  organismes  un  rôle  primordial  :  on  ne  connaît  aucune  cellule 
vivante  qui  ne  contienne  pas  des  substanc(!S  alhumino'ùhîs,  mais  on 
trouve  des  substances  albuminoïdes  aussi  dans  des  organismes 
morts;  il  faut  distinguer  entre  les  substances  albuminoïdes  <t  vivantes  » 
il,  «  mortes  »,  les  [)remières  sont  instables,  les  dernières  au  c(uilraire 
stables  ;  cette  «  albumine  vivante  »  dont  l'auteur  admet  l'existence 
d'après  Pfliïger,  reçoit  un  nom  nouveau  chez  l'auteur —  «  Biogène  ». 

On  ne  connaît  que  très  peu  de  chose  sur  la  nature  du  «  biogène  »  ; 

ANNÉE  PSYCHOLOGIQUE.   U.  34 


530  ANALYSES 

c'est  en  comparant  les  piodnits  de  décomposition  de  «  l'albumine 
vivante  et  morte  »  que  Pfliïger  moiilia  (|iu'  les  produits  des  décom- 
positions azotées  difïereiit  complètement  jiour  ces  deux  sortes  d'albu- 
mine; en  somme  le  carbone  et  l'azote  sont  réunis  dans  la  molécule 
de  biogène  au  radical  Cyan,  CAz,  qui  manque  complètement  à  l'albu- 
mine morte. 

L'auteur  conclut  donc  que  le  biogène  est  l'élément  constitutif  de 
la  vie  ;  sa  décomposilicuî  et  sa  reconstitution  continues  forment  h; 
processus  de  la  vie  avec  tous  les  pliénomènes  qui  raccompagnent. 

Les  échanges  de  substances  se  réduisent  à  deux  formes  générales  : 
V assimilation  et  les  désassimilations :  la  jnemière  embrasse  tous  les 
iliangements  qui  amènent  la  formation  du  biogène,  la  deuxième  tous 
les  cliangcments  qui  amènent  la  décomposition  du  biogène. 

Le  rajjport  de  l'assimilation  à  la  désassimilation  -j— pendant  liinité 
de  temps  reçoit  chez  l'auteur  le  nom  de  «  Biolonus  »  ;  ce  rapport 
est  fondamental  pour  la  caractéristique  du  pliénomène  de  la  vie. 

Lorsque  ce  rapport  est  égal  à  1,  on  a  égalité  des  échanges  de 
substances  ;  la  somme  des  sul>slances  ingérées  est  égale  à  la  somme 
des  substances  rejetées. 

A  \ 

Lorsque  -^>  {  on  a  le  phénomène  de  croissance;  si  ^  <  1  on 
a  Valrophie  ({ui  mène  à  la  mort. 

Tous  les  phénomènes  de  la  vie  se  réduiront  donc  à  des  change- 
ments du  liiogène,  les  influences  des  différentes  excitations  décrites 
])lus  haut  doivent  s"expli(iuer  par  les  inlluences  de  ces  excitations 
externes  sur  le  biogène.  Deux  cas  sont  à  distinguei-  : 

1°  Toute  la  substance  organique  est  soumise  à  l'action  de  l'exci- 
tation externe  ;  dans  ce  cas  cette  excitation  peut  agir  soit  sur  les 
]diénomènes  de  décomposition  du  biogène  (désassimilalion)  soit  sui' 
les  phénomènes  de  reconstitution  du  biogène  (assimilation),  rlk- 
peut  agir  sur  ces  deux  genres  de  phénomènes  séparément  ou  simul- 
tanément, enfin  elh'  peut  soit  accélérer  ces  phénomènes  (excitation) 
soit  les  arrêter  (inhibition)  ;   de  là  huit  formes  différentes  d'action  : 

a.)  Excitation  de  désassimilation; 

b.)  Inhibition  de  désassimilation; 

c.)  Excitation  d'assimilation; 

d.)  Inhibiliiin  d'assimilation  ; 

e.)  Excitati<)n  gi'nérale  (de  désassimilalinn  rt  d'assimilaliun  simul- 
tanées ; 

/'.)  Inhibiiiiin  gi'ni'iajc  ; 

g.)  Excitation  d'assimilali(in  -f  inliiliilioii  (h'  désassimilation  : 

h.)  Inhibition  d'assimilation  +  excitation  de  désassimilation  ; 

2°  L'excilalion  lient  agir  sui-  une  ]iarlie  senlcmcnl  de  rorganisnic, 
les  changements  des  plié-ncnnèncs  de  dé-sassiniilalion  et  d'assiniila- 
lioii  seront  |iid(lnils  dans  une  partie  seulement  de  l'organisme  el 
donneront  ainsi  lieu  à  des  mouvements  et  aux  diflerenls  tid[iismes. 

On  voit  en  somme  que  l'auteur  ramène  toute  la  vie  à  des  [ilnhio- 


UISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PHYSIOLOGIE  o31 

niriios  cliimiques,  c'est  lu  substance  albumiuoïde  très  complexe  et 
instable,  le  biogène,  qui  par  ses  combinaisons  et  décompositions 
<lonne  lieu  à  tous  les  phénomènes  de  la  vie  que  nous  observons  chez 
les  êtres  vivants.  Mais  l'auteur  a  oublié  une  partie  bien  large  de 
phénomènes,  ce  sont  les  phénomènes  psychicjues  ;  il  ne  dit  pas 
comment  ces  derniers  peuvent  se  réduire  à  des  processus  chimiques, 
il  ne  dit  pas  en  quoi,  d'après  cette  théorie,  consiste  la  conscience 
et  quelle  est  la  diflerence  entie  les  processus  conscients  etjincons- 
cients,  c'est  une  lacune  regrettable. 

Victor  Henri. 

VrrZÛU  (Bucarest).  —  Cécité  par  ablation  des  zones  corticales 
Acad.  des  Sciences,  16  sept.  1895. 

L'ablalion  totale  des  lobes  occipitaux  amène  chez  le  chien  et  chez 
le  singe  une  perte  complète  de  la  vue.  Un  singe  qui  avait  subi  cette 
opération  a  commencé  vers  le  quatrième  mois  à  apercevoir  les  i)er- 
sonnes  et  les  objets.  Au  bout  de  deux  ans  et  deux  mois,  le  singe 
devenait  capable  d'éviter  les  obstacles.  L'auteur  à  ce  moment  a 
constaté,  dans  [une  nouvelle  opération,  que  l'espace  occupé  aupa- 
lavunt  par  les  lobes  occipitaux  était  rempli  par  un  tissu  néofoi'mé, 
très  vasculaire,  contenant  des  libres  nerveuses  et  des  ceUules  pyra- 
midales. Ce  fait  semblerait  démontrer  la  possibilité  de  régénération 
du  tissu  nerveux. 

A.   BlNET. 


IV.    —    PROBLEMES    DE    BIOLOGIE    GENERALE 
QUI    SE    RATTACHENT   A   LA    CYTOLOGIE 

YVES  DELACE.  —  La  structure  du  protoplasma  et  les  théories  sur 
l'hérédité  et  les  grands  problèmes  de  la  biologie  générale.  1  vol. 
in-S",  878  p.,  Paris,  Reimvald. 

Nous  avions  drpuis  longlemps  le  projet  de  luésrnicr  ,  dans 
notre  Année,  nu  résumé  drs  théories  aujouid'bui  si  ru  faveur  sui- 
l'hérédité,  et  aussi  un  examen  de  ([uel({ues  problèmes  coniu'xes  de 
biologie  générale.  Le  livre  dt;  iJelagtî  qui  vient  de  paraître  nous 
i'ournit  l'occasion  de  donner  une  idée  de  ces  problèmes.  Notre  ana- 
Ivsi'  (le  ce  livre  si-ra  iikiIiis  succincle  (}ue  d'habilude;  ce  sera  sur- 
font une  série  d'extraits,  reli(''S  au  moyen  de  courts  résumés. 

Cet  énorme  ouvrage  (li'liule  par  une  iniroduclion  vrainu-nt  élo- 
/[uente  où  l'auteur  traili;  une  (pieslion  de  méthode  qui  n'inléresse 
|ias  seulement  la  zoologie  et  la  botani(|ue  mais  que  les  psychologues 
feront  bitMi  de  nK'diler.  L'aiileiu  se  plaint  ipi'en  Eranee  depuis  des 
années,  les  zoologistes  entassent  des  matf'riaux  immenses  sur  de 
petits  faits  de  détails,  d(.'  petits  faits  de  structure,  ilont  ne  sortent 


53:2  ANALYSES 


(jne  de  très  minimes  et  très  peu  impoifantes  conclusiGiis.  Prenant 
comme  exemple  quelques-uns  de  ses  propres  travaux,  il  montre  que 
ses  patientes  injections  dans  le  système  circulatoire  des  crustacés 
édrioplilalmes  ont  permis  de  reconnaître  que  le  cœur  a  folle  forme, 
qu'il  envoie  tant  d'artères  en  avant,  quatre  ou  cinq  de  plus  qu'on 
ne  croyait,  mais  qu'en  somme  ces  détails  ont  été  tout  à  fait  inutiles 
à  connaître,  car  ils  n'ont  rien  ajouté  à  notre  conception  du  crustacé 
ou  de  la  fonction  circulatoire.  C'est  là  le  type  de  travaux  innom- 
brables, d'origine  française,  qui  nefontniillement  avancer  la  science, 
tandis  que  dans  d'autres  pays,  en  Angleterre  et  surtout  en  Allemagne, 
on  étudie  avec  les  matériaux  que  nous  avons  réunis  comme  des 
subalternes,  des  questions  bien  autrement  importantes,  des  questions 
de  biologie  générale,  comme  les  suivantes  :  Qu'est-ce  que  la  cellule? 
comment  vit-elle  ?  comment  assimile-t-elle  ?  pourquoi  se  divise- 
t-elle  ?  Quelle  est  la  cause  mécani({ue  ou  physique  ou  chimique  des 
mouvements  du  protoplasma?  comment  se  fait  la  division  de  fonctions 
entre  les  cellules?  comment  se  fait  la  régénération  ?  quel  est  le  rap- 
port entre  l'hérédité  et  les  éléments  sexuels?  quelle  est  la  structure 
intime  du  protoplasma? 

Toute  recherche  pour  avoir  un  réel  intérêt,  continue  l'auteur,  doit 
aujourd'hui  viser  la  solution  d'une  question  théorique  :  il  faut  partir 
d'un  problème  important,  et  essayer  de  le  résoudre  dans  une  expé- 
rience décisive* 

Il  y  a  cei-tainement  beaucou[i  de  vrai  dans  cette  conceplion  iIl-  la 
science,  et  nous  ne  voudrions  pas  raflaiblir  eu  faisant  quelques 
l'éserves  pourtant  nécessaires  sur  l'utilité  des  études  de  détail  ipi'il 
faut  continuer  à  imposer,  aux  étudiants  en  zoologie  non  seulement 
pour  leur  apprendre  la  technique  mais  pour  leur  appiendre  le  respect 
de  l'observation.  En  ce  qui  concerne  la  {)sychologie  le  point  de  vue 
est  un  peu  différent  ;  nous  débordons,  nous  mourons  de  théories  de 
toutes  sortes  ;  ce  sont  les  faits  qui  nous  manquent,  les  observations 
bien  prises;  la  jjsychologie  est  certainement  aune  phase  d'évolution 
bien  différente  de  celle  de  la  biologie  et  ce  qui  convient  à  l'une  ne 
convient  pas  à  l'autre. 

L'ouvrage  de  Delage,  comme  on  a  [)u  déjà  en  juger,  s'adresse 
moins  aux  spécialistes  de  la  zoologie  qu'aux  philosophes;  l'auteur 
leur  demande  en  quelque  sorte  le  secours  de  leur  intelligence,  et 
dans  ce  l)ut,  il  veut  leur  donner  non  une  instinctiou  pratitjue  qui  ne 
leur  servii^ait  à  rien,  mais  un  livre  les  mettant  à  l'aise  au  milieu  des 
(juestions  biologiques.  C'est  pour  nous  un  motif  d'analyser  son  livrt^ 
avec  fpielque  détail.  >'ous  suivrons  l'ordre  ([u'il  a  adopté.  Il  traite 
dans  trois  parties  différentes,  les  faits,  les  théories  par liculièves  et  les 
théories  générales. 

I^REMIÈRE  PARTIE  i  p.  19-298).  Celhile,  individu  et  race,  tels  sont  les 
trois  thèmes  développés  successivement. 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PHYSIOLOGIE  533 

Nous  avons  déjà  fait  plus  haut  l'analyse  des  chapitres  qui  concer- 
nent la  cellule  (p.  304;  s'y  reporter  pour  la  détinilion  de  quelques 
termes);  nous  ne  parlerons  donc  ici  que  de  Tindividu  et  de  la  race. 

I.IVRE  II.  L'individu.  —  1/iiidividu  pluricellulaire  diffère  de  hi 
cellule  et  de  l'individu  unicellulaire,  non  pas  seulement  parce  qu'il 
est  foimé  par  l'agrégation  de  plusieurs  cellules,  mais  encore  et  sur- 
tout parce  que  les  cellules  qui  le  composent  ont  subi  une  différen- 
ciation histologique  et  anatomique,  c'est-à-dire  sont  devenues  de 
tflli'  nature  et  sont  composées  de  telle  façon  :  de  là  découlent  des 
fonctions  biologiques  nouvelles,  la  régénération,  la  greffe,  la  géné- 
ration, la  reproduction,  l'ontogenèse,  les  alternances  et  mélamor- 
jihoses,  les  caractères  sexuels  secondaires,  la  mort. 

Régénération.   —  La  régénération  régulière  est  le  processus  par 
lequel  sont  remplacées  les  parties  qui  tombent  naturellement,  l'épi- 
derme,  les  poils,  les  ongles,  la  ramure  des   cerfs,  les  dents  de  lait, 
la  carapace  des  crustacés,  etc.,  c'est  un  remplacement  des  parties 
caduques  par  continuation  de  l'activité  formatrice  des  parties  per- 
manentes qui  les  ont  engendrées  une  première  fois.  La  régénération 
accidentelle   reproduit  des  parties  qui  n'auraient  pas  dû  être  enle- 
vées ;  ainsi,  si  on  coupe  le  bras  à  un  triton,  il  repousse  ;  l'humérus 
coupé  ne  reforme  pas  seulemerd  au  niveau  de  la  plaie  un  simple 
bourrelet  osseux  informe,  mais  il  reproduit  ce  qui  lui  manque,  plus 
les  deux  os  de  l'avant-bias,  tous  les  petits  os  du  carpe,  les  métacar- 
liiens  et  les  doigts  dans  leur  position  normale.  La  répartition  de  la 
faculté  régénératrice  est  très  irrégulière  dans  le  règne  animal;  elle 
est  faible  chez  les  mammifères,  oiseaux,  reptiles,    poissons,   très 
développée  chez  les  amphibiens,  nulle  chez  les  céphalopodes,  peu 
marquée  chez  les  mollusques,  les  insectes,  diverse  chez  les  vers,  les 
cœlentérés  et  les  échinodermes.   Le  lézard  régénère   sa  queue,  le 
triton  sa  patte,  l'étoile    de  mer  ses  bras,  tandis  que  le  serpent,  la 
grenouille,  l'oursin  ne  peuvent  le   faire.  Le  membre   régénéré  ue 
répète  pas  les  phases  successives  (pi'il  a  parcourues  dans  la  première 
formation  ;  on  l'a  cru,  on  s'est  trompé  :  un  crabe  régénère  une  patte 
d'a{hilte  et  non  une  jialte  s('ml)lable  à  ceih'  de  sa  larve,  la  zoé,  La 
régénération  reprcxhiit  la  partii;  qui  normalement  devrait  exister,  et 
•elle  la  reproduit  à  sa  place;  c'est  luie  faculté  d'orientation;  ainsi,  si 
•ou  coupe  une  planaii-e  en  deux  tionrons,  la  tète  pousse  une  queue, 
•et  la  queue  une  télé, 

A  la  question  de  la  régénération  se  rattachent  les  expériences  très 
curieuses,  malheureusement  contradictoires,  de  Chabry ,  Roux, 
Driesch,  Fiedler,  llei  iwig,  etc.,  sur  l'œuf  segmenti'.  On  détruit  par 
piqûre  une  des  deux  cellules  provenant  de  la  première  segmentation 
de  l'œuf.  Souvent  alors  il  se  forme  un  demi-embryon,  mais  <juel- 
(juefois,  et  assez  tard,  ce  demi-embryon  se  complète  et  régénère 
toute  la  moitié  manquante  du  corps. 


534  ANALYSES 

Cicatrisation  et  greffe.  —  I>a  soudure  dos  dfux  lèvros  d'uno  plaie 
est  un  plirnomt-ne  analottue  à  lu  régénérai iou  ;  c'est  uno  n'irénéra- 
Uon  circonscrito  de  cellules  Jeunes  (|ui  se  soudent  ejitic  elles  dune 
It'vre  de  la  |iiaif  à  raulrc.  Kn  lii'Mi'Tal,  (diacjue  tissu  fiiuinit  les  clc- 
monts  de  sa  soudure.  Dans  la  i^aN-Hc,  qui  consisie  à  rallaclier  une 
partie  séparée  à  un  organisme  vivant,  les  tissus  mis  en  contact  ne 
sont  pas  de  même  nature,  et  i>arfois  n'appartiennent  pas  à  des  indi- 
vidus de  même  espèce. 

Un  des  prohlènu-s  les  jilus  intéressants  jirésentés  ])ar  la  lîrclTr  est 
celui  des  conditions  de  la  reprise.  Il  faut  ([ue  les  tissus  mis  en  pré- 
sence soient  compatibles.  Voici  ((uelijues  fails  curieitx  ((ui  jettent  du 
jour  sur  cette  question.  Vociiling  décou|)(;  une  pyramide  dans  une 
betterave  et  replace  le  morceau  dans  la  cavité  qu'il  a  laissée  :  il  se 
resoude;  si  on  le  retourne  en  faisant  louriier  la  |iyr;iniide  autour  de 
son  axe,  bien  (pie  l'adhérence  soit  la  même,  il  n'y  a  pas  de  soudure. 
D'autre  part,  P.  B(n't  a  soudé  le  bout  de  la  queue  écorchée  d'un  raf 
sous  la  peau  du  dos  de  ce  même  animal,  et  la  lii'etîe  ayant  pris,  il  a 
coupé  la  queue  à  la  racine.  Ce  fait  paraît  contredire  le  précédent,  et 
montre  qu'il  est  bien  difticile  de  poser  des  lois.  Que  devient  la 
ifrefîe  ?  elle  développe  ses  éléments;  ainsi,  pour  aidera  la  fermeture 
d'un  ulcère,  Bryant  greffa  quatre  petits  morceaux  de  peau  de  nègre 
sur  la  jambe  d'un  blanc.  Ces  morceaux  grandirent,  se  soudèrent  et 
formèrent  une  largo  plaque  de  j)e;iu  noire,  ce  cpii  piduve  (pi'ils 
s'étaient  accrus  par  multiplication  de  leurs  éléments.  Dans  la  gretTe 
végétale,  le  greffon  se  développe  le  ]ilus  souvent  sans  ressentir  l'ac- 
tion du  sujet,  (jui  ne  lui  fournit  qu'un  su[qiort  et  de  la  nourriture. 
Parfois  cependant  cette  action  du  sujet  se  manifeste  au  point  d'équi- 
valoir à  un  V(''rilalile  métissage. 

Génération.  —  Klle  a  deux  formes  principales,  la  multiplication  et  la 
reproduction.  Dans  la  multi[ilicalion,  l'individu  nouveau  a  ])our  ori- 
gine une  masse  de  tissus  qui  évolue  sur  place  en  continuant  à  faire 
partie  des  tissus  nialeniels.  Ainsi  beaucoup  d'aiiiiiiaux,  les  actinies, 
les  hydres,  des  .'innédides  ^o.  multiplient  par  scissiparité,  ("esl-à-dire 
se  divisent  spontanément,  en  deux  moitiés  transversales,  dont  cha- 
cune se  complète  ensuite  ;  on  ignon;  jiouniuoi  lui  être,  resté  sinqtle, 
se  divise,  tandis  que  d'autres  aussi  volumineux  et  souvent  de  même 
espèce  ne  le  l'ont  jtas.  D'autres  ,niini,inx  se  niulliplieni  par  hour- 
geonneuKMit;  unt!  certaine  masse  dt!  tissus  malernels/^omjirenant  des 
cellules  jeunes  se  dilîérencie,  forme  des  organes,  un  animal  complet 
qui  ensuite  se  détache.  Ce  bourgeonnement  ou  gemmi[)arilé  se 
rencontre  chez  des  protozoaires  (les  vorticelles)  les  éponges,  les 
cœlentérés  etc.,  il  pent  être  iirovinpié  accidentellement,  au  moyen 
d'irritation  des  tissus,  surtout  chez  les  plantes. 

Dans  la  reproduction,  il  y  a  une  cellule  uniipu-,  u'uf  ou  spoi'c  (pii 
se  détache  de  l'organisme  avant  d'entri-r  en  évolution;  celle  cellule 
renferme  en  elle-même  tous  les  caractère  de  loryanisme  nouveau  et 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE    Eï   PHYSIOLOGIE  535 

c'est  un  problème  très  difficile  que  celui  d'expliquer  comment  et 
sous  quelle  forme  celle  transmission  a  lieu. 

La  reproduction  présente  tous  les  degrés  de  complexité  et 
surtout  d'innombrables  variétés  qui  débordent  les  classifications  les 
mieux  établies.  On  peut  cependant  distinguer  les  formes  suivantes  : 

1"  La  reproduction  par  spore,  reproduction  asexuelle,  qui  consiste 
en  ce  qu'une  cellule  du  corps  se  détache  et  par  des  divisions  succes- 
sives reproduit  un  organisme  semblable  à  celui  dont  elle  provient. 
Ce  mode  de  reproduction,  fréquent  chez  les  [dantes  (champignons, 
algues,  etc.)  ne  se  trouve  parmi  les  animaux  que  chez  les  proto- 
zoaires. 

2°  La  reproduction  demi-sexuelle  par  conjugaison.  C'est  une  pre- 
mière étape  vers  la  différenciation  des  sexes.  A  la  dift'érence  de  la 
reproduction  par  spoi^e,  la  reproduction  par  conjugaison  se  fait 
après  le  rapprochement  de  deux  cellules  difi'érentes  ;  seulement  ces 
deux  cellules  ne  présentent  pas  toujours  des  caractères  sexuels 
différents.  Ainsi,  chez  certaines  algues,  deux  cellules  provenant  de 
la  plante  se  conjuguent,  se  fondent  complètement  l'une  dans 
l'autre,  et  forment  une  cellule  unique  qui  se  divise  et  reproduit 
l'algue  entière.  C'est  la  conjugaison  totale  ;  on  l'observe  surtout 
chez  les  plantes.  Chez  les  protozoaires,  la  conjugaison  est  le  plu^ 
souvent  partielle,  nucléaire;  les  deux  microorganismes  se  rap- 
prochent, s'accolent  après  des  préliminaires  de  conjugaison,  et 
échangent  un  demi-noyau;  ensuite  ils  se  séparent  et  se  divisent 
un  grand  nombre  de  fois;  cette  conjugaison  parait  favoriser  la 
division. 

S''  La  reproduction  sexuelle  par  éléments  mâles  et  femelles  diffé- 
renciés. C'est  la  forme  de  reproduction  la  plus  compliquée  ;  la  cel- 
lule qui  se  détache  de  l'organisme  pour  évoluer  et  reproduire  un 
organisme  semblable,  porte  le  nom  d'ovule;  elle  a  été  fécondée  par 
son  union  avec  un  élément  sexuel  mâle  ;  et  avant  la  fécondation, 
il  y  a  eu  toute  une  série  de  phénomènes  pour  la  préparation  et 
la  maturation  îles  produits  sexuels.  C'est  par  celte  préparation  que 
nous  devons  commencer  notre  description. 

La  préparation  des  éléments  sexuels  mâles  (spermatozoïdes)  porte 
le  nom  de  spermatugenèsi'  ;  elle  consiste  dans  le  ju'ocessus  suivant  : 
les  culs-de-sac  du  testicule  sont  tapissés  de  cellules  jeunes,  d'où 
doivent  [iiovenir  les  éléments  sexuels;  elles  se  multiplient  et 
deviennent  très  jtetites  ;  ensuit(;  elles  grossissent  considéi'ahlement, 
jtuis  elles  se  divisent  deux  fois  coup  sur  coup,  et  donnent  lieu  à  une 
cellule  qui  prend  la  forme  d'un  si)ermatozoïde. 

Le  spermatozoïde  est  de  forme  1res  variable  suivant  lf;s  animaux  ; 
il  est  formé  chez  l'homme  d'une  tête  effilée,  suivie  d'un  long  flagel- 
lum,  la  queue;  de  i)lus,  à  la  pointe  de  la  tète  se  trouvi;  un  petit  glo- 
hule  clair,  et  entre  la  tète  et  la  (jueue  se  trouve  une  pièce  étroite,  h^ 
segment  intermédiaire.  La  tèle  renferme  le  noyau  de  la  cellule,  le 


536  ANALYSES 

globule  son  cenirosome,  et  le  segment  intermédiaire  du  protoplasma'  ; 
toutes  ces  parties  sauf  la  queue  interviennent  dans  la  fécondation. 

L'ovogenèse,  ou  pré])aration  de  l'ovule,  se  fait  par  un  processus 
analogue  de  multii)lication,  accroissement,  puis  double  division. 

Il  se  produit  en  outre,  pendant  la  préparalidii  des  éléments 
sexuels,  un  pliénomène  de  réduction  dont  nous  devons  expliquer 
la  nature.  Quand  une  cellule  se  divise,  son  noyau  se  divise  aussi,  et 
il  se  forme  dans  l'intérieur  du  noyau  des  filaments  disposés  dans  un 
certain  ordre,  qu'on  appelle  des  anses  chromatiques  ou  chromo- 
somes ;  le  nombre  des  chromosomes  reste  fixe  dans  la  division  cel- 
lulaire ;  si  le  noyau  de  la  cellule  qui  se  divise  en  contient  huit  jiar 
exemple,  chacun  de  ces  chromosomes  se  divise  en  deux,  de  sorte 
que  chacune  des  cellules  filles,  c'est-à-dire  produites  par  la  division, 
aura  dans  son  noyau  huit  chromosomes.  Dans  la  fécondation,  s'il  en 
était  de  même,  si  l'élément  mâle  et  l'élément  femelle  contenaient 
chacun  huit  chromosomes,  l'ovule  fécondé  en  contiendrait  seize,  et 
toutes  les  cellules  provenant  de  l'ovule  en  contiendraient  aussi  seize, 
de  sorte  que  le  nombre  des  chromosomes  irait  en  doublant  à  chaque 
génération.  Pour  qu'il  reste  invariable,  il  faut  ipi'à  lui  moment 
donné  il  diminue  de  moitié;  c'est  ce  qui  se  léalise,  pour  l'ovule,  au 
moyen  de  ce  qu'on  appelle  Vémission  des  globules  polaires,  c'est-à- 
dire  division  du  noyau  de  l'ovule,  avec  sortie,  expulsion  au  dehors 
d'un  des  produits  de  la  division  ;  pour  les  cellules  mules,  le  phéno- 
mène est  moins  bien  connu. 

La  fécondation,  qvi'on  n'a  étudiée  de  prt^s  que  depuis  moins  de 
vingt  ans,  se  produit  de  la  manière  suivante  :  lorsque  l'œuf  mùr  est 
placé  dans  un  liquide  oii  nagent  des  spermatozoïdes  mûrs,  ceux-ci 
sont  attirés  vei^s  l'œuf  (ils  n'entourent  pas  un  œuf  d'une  espèce  voi- 
sine; s'ils  l'abordent,  ils  s'en  écartent  après  l'avoir  tàté  un  instant). 
L'attraction  est  en  fonction  inverse  de  la  distance.  Quand  un  des 
spermatozoïdes  est  très  près  de  la  surface  de  l'œuf,  une  partie  du 
vitellus  de  ce  dernier  forme  un  cône  d'attraction  vers  le  spermato- 
zo'ïde,  s'accole  à  la  tête  et  entraîne  la  tête  du  spermatozoïde  dans  l'œuf. 
Api'ès  l'entrée,  l'œuf  s'entoure  d'une  mince  membrane  vilelline,  et  la. 
foule  des  spermatozoïdes  qui  assiégeait  l'ieuf  (juelque  temps  aupara- 
vant se  disperse.  La  tête  du  s])ermatozoïde  s'avance  vers  le  noyau  de 
l'ovule,  qui  se  déplace  aussi  et  va  à  sa  rencontre;  ces  deux  noyaux 
se  fusionnent  et  forment  un  noyau  unique,  le  noyau  de  segmenta- 
tion. En  outre,  avec^  la  tète  a  pénétré  le  centrosome  de  l'élément 
mâle,  sous  la  forme  d'iui  globule;  ce  centrosome,  d'après  Fol,  joue- 
rait un  rôle  singulier  vis-à-vis  du  centrosome  de  l'ovule;  quand  la 
conjugaison  a  en  lieu,  ces  deux  centrosomes  se  sont  jdacés  en  deux 
points  diann'lralement  opposés  du  noyau  de  segmentation  ;  chacun 
se  divise  en  deux;  ces  deux  demi-centrosomes  se   dirigent  en  sens 

(1)  Beaucoup  de  ces  points  sont  encore  contestés. 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE    ET   PHYSIOLOGIE  537 


opposé,  et  se  placent  à  90°  de  leur  position  initiale  ;  chacun  des 
lieux  demi-centrosomes  mâles  (spermocentres)  rencontre  l'un  des 
demi-centrosomes  femelles  (ovocentres)  ;  ils  se  fusionnent.  Tonte 
cette  série  de  déplacements  a  reçu  de  Fol  le  nom  de  quadrille  des 
centres  K  Mais  Boveri  a  montré  que  Fovocentre  j^eut  manquer,  et 
même  manque  normalement. 

La  parthénogenèse,  dontFélude  se  rattache  étroitement  à  celle  de 
la  reproduction  sexuée,  consiste  dans  le  développement  d'œufs  non 
fécondés,  souvent  même  pondns  par  des  ft'melles  entièrement 
vierges.  Ce  mode  de  reproduction  a  été  étudié  spécialement  chez 
les  abeilles,  les  pucerons  et  de  petits  crustacés  (daphnies).  Chez  les 
abeilles,  c'est  une  parthénogenèse  facultative.  La  leine  n'est  fécon- 
dée qu'une  fois  et  reçoit  dans  sa  poche  copnlatrice  une  provision 
de  sperme  qui  lui  sert  pendant  les  quatre  ou  cinq  ans  de  son  i-ègne. 
A  volonté,  au  moment  du  passage  des  œufs,  elle  ouvre  sa  poche 
copulatrice  et  en  expulse  une  petite  goutte  de  sperme,  ou  la  main- 
tient fermée  et  produit  alors  des  œufs  non  fécondés  qui  donnent 
exclusivement  des  mâles.  Chez  les  pucerons,  la  parthénogenèse  est 
saisonnière,  elle  se  reproduit  surtout  quand  la  nourriture  est  abon- 
dante et  la  température  élevée. 

Ontogenèse.  —  L'œuf  fécondé  se  divise,  se  développe,  et  forme  des 
êtres  adultes  ;  la  série  de  transformations  qu'il  subit  porte  le  nom 
d'ontogenèse  ;  le  processus  est  la  différenciation  progressive  ;  la  dif- 
férenciation se  fait  lentement  ;  quand  une  cellule  se  divise,  les  deux 
cellules  jumelles  lui  ressemblent  au  début;  c'est  pendant  leur 
accroissement  qu'elles  divergent.  Cette  différenciation  histologique 
est  accompagnée  d'une  différenciation  anatomique,  c'est-à-dire  d'un 
groupement  de  cellules  en  organes,  qui  varie  avec  la  nature  des 
êtres.  On  a  constaté,  et  quelque  peu  exagéré,  les  ressemblances  des 
premiers  groupements  chez  les  embryons,  et  on  a  décrit  certaines 
manières  d'arrangements  qui  sont  assez  fréquentes  :  d'abord  une 
masse  arrondie  de  cellules,  morula,  puis  une  sphèi-e  creuse,  blastula, 
puis  une  moitié  de  la  sphère  s'invaginant  dans  l'autre  donne  ce  (jn'on 
iippelle  la  gastrula,  composée  de  deux  feuillets,  Vectoderme  et  l'endo- 
derme, qui  sont  accob'-s  l'un  à  l'autre;  bientôt  entre  eux  se  forme  un 
troisième  feuillet,  le  mésoderme,  généralement  engendré  parle  l'cuillet 
intérieur;  des  feuillets  dérivent  les  organes.  Fait  remarquable,  le 
•développement  ne  donne  pas  directement  la  lornif  adulte;  l'miloge- 
nèse  dessine  des  rudiments  inutiles,  fait  pousser  des  membrcîs  qui 
ne  serviront  j)as,  perce  des  fentes  branchiales  chez  un  animal  pul- 
moné,  pour  les  fermer  ensuite;  on  a  constaté  que  bien  souvent  les 
formes  embryonnaires  ra[q)ellent  celles  des  êti'es  (pi'on  peut  consi- 
dérer comme  des  ancêtres  (l'onlogénie  est  une  répétition  de  la  phy- 
logénie,  Fritz  Millier),  mais  bien  souvent  aussi  il  n'en  est  pas  ainsi. 

(1)  L'exactitude  de  cette  observation  vient  d'être  contestée. 


338  ANALYSES 

Pondant  son  développement,  l'animal  passe  d'abord  par  une  phase 
(V indèlermination  sexuelle,  il  n'est  ni  mâle  ni  femelle;  ce  qui  ne 
veut  pas  dire  que  sou  sexe  u'est  pas  encore  déterminé,  mais  seule- 
ment que  les  signes  visibles  du  sexe  restent  méconnaissables.  La 
détermination  du  sexe  paraît  tenir  à  des  causes  mu]lij)l('s  ;  elle  peut, 
être  contemporaine  de  la  conception,  ainsi  les  omis  non  lécondés 
des  pucerons,  des  daphnies,  etc.,  se  dévelop[)ent  parlhénoyenési- 
(juement  et  donnent  des  femelles.  Au  contraire,  chez  les  abeilles, 
l'œuf  non  fécondé  donne  un  niàie.  La  fécondation  agit  donc  sur  le 
sexe,  mais  dans  un  sens  qui  varie  selon  les  espèces.  L'abondance  tle 
la  noixrriture  agit  également,  comme  le  prouvent  uiie  foule  d'obser- 
vations et  d'exp«''iiences  sur  les  animaux  elles  plantes.  Des  chenilles 
de  ])apillon  ayant  jeûné  donnent  des  mâles,  celles  qui  ont  reçu  une 
nourrituie  abondante  donnent  des  femelles.  Les  femelles  des  puce- 
rons engendrent  des  mâles  à  l'approche  de  l'hiver,  et  ou  peut  retar- 
der l'apparition  des  mâles  en  les  noxn'rissant  avec  altondance.  La 
culture  en  semis  scuré  de  plantes  dioïques  (mercuriale,  lychnis,  etc.) 
donne  trois  fois  plus  de  mâles  que  la  culture  eu  semis  lâche. 

La  d('termiuation  des  sexes  dans  chaque  individu  est  proiluilc  jiar 
la  nature  de  la  cellule  germinale,  qui  est  \\n  spermatozoïde  ou  un 
ovule  ;  ce  caractère  s'accompagne  de  caractères  sexuels  secondaires, 
barbe,  crinière,  ei-gols,  cornes,  crêtes  dorsales,  (jui  se  dt-veloppent 
par  suite  d'une  relation  inconnue  avec  les  cellules  germinales,  on 
donne  à  ce  phénomène  le  nom  de  corrélation. 

L'onlogrnèse  se  termine  par  la  mort.  La  mort  n'est  pas  une  con- 
séquence inévitabh^  de  la  vie  ;  elle  n'existerait  pas  pour  les  proto- 
zoaires ;  ces  petits  êtres  unicellulaires  sont  extrêmement  fragiles  el 
meurent  d'accidenl,  mais  on  ptMise  qu'ils  ne  meurent  pas  de  vieillesse, 
de  mort  naturelle;  eu  elfet,  ils  peuvent  se  conjuguer  les  uns  avec 
les  autres,  ce  qui  produit  lui  rajeunissement  de  leur  noyau,  et  ils  se 
niulliplient  ensuite  par  division.  Sjtencer  a  pensé  que  cette  multi- 
plication des  protozoaires  par  division  est  une  sorte  de  moil  <le  leur 
individualité  ;  mais  Weismann  a  répliqué  qu'il  n'y  a  ]>as  de  mort 
sans  cadavre  *.  Le  métazoaire,  au  contraire,  c'esl-à-dire  l'êlre  com- 

(I)  Delage  considère  cette  réponse  roinuie  étant  sans  répliqiio.  11  est 
ccpendiuit  pcrnùs  de  sonicnir,  cnninie  le  lait  llciinc^Miy  dans  le  livre  que 
nous  avons  analysé  i)lus  liant,  (pui  l'iiMlividu  luourt  pendant  la  division; 
quand  ini  Stentor  se  divise  et  donne  naissance  à  deux  individus,  sa  subs- 
tance passe  bien  tout  entière  à  ces  deux  Individus,  mais  son  indivi- 
dualité périt,  et  la  preuve,  c'est  que  les  deux  produits  possèdent  cliacun 
des  or^'anes  (jue  le  Stentor  priiuitil' ne  possédait  pas;  aussi  un  seul  des 
deux  Stentors  hérite  de  la  hoiielie  du  premier,  l'autre  Stentor  en  reforme 
une  autre.  D'autre  part,  Balbiaui  a  décrit,  précisément  chez  les  Stentors, 
un  caractère  d'âge,  consistant  en  ce  que  l'individu  régénère  de  temps  en 
tenqis  sa  l)ouchc,  (pii  s'use  par  l'usage;  cette  régénération  se  voit  à  la 
dirertioii  des  stries  du  j)érislome,  et  on  peut  constater  chez  quelques 
individus  deux,  trois,  quatre  ré^^énérations.  Ce  caractère  d'âge  ne  se  con- 
cilie guère  avec  l'idée  d'inunortalilé. 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PHYSIOLOGIE  539 

posé  de  plusieurs  cellules,  est  mortel  ;  l'est-il  léellement  d'une 
manière  naturelle  et  non  par  arcidcnt?  Spencer  en  doute  et  pense  que 
les  cellules  (jui  h;  composent  fiourraieiit  vivre  indéliniment  si  on  les 
mettait  dans  des  conditions  convenables  ;  il  ci(e  l'exemple  des  Elodea 
dont  les  masses  immenses  proviennent  de  lamulliplicalionasexuelle 
d'un  seul  individu;  Délaye  ajuule  l'exemple  des  pommes  de  terre 
qui  se  reproduisent  par  bourgeon  depuis  leur  découverte. 

Quoi  qu'il  en  soil,  si  h;  métazoaire  meurt,  il  ne  meurt  pas  tout 
t'Ulier  ;  on  distingue  en  lui  une  paille  périssable,  son  propre  corps, 
formé  de  ce  (jn'on  appelle  des  cellules  somatiques,  et  inie  partie 
immortelle  formée  de  ses  cellules  sexuelles,  ovules  ouspermatozo'ides  ; 
ces  cellules,  si  elles  sont  fécondées,  se  multiplient  et  donnent  lieu  à 
un  second  individu,  qui  est  fait  tout  entier  di;  la  substance  des 
parents;  dans  cet  individu,  la  cellule  sexuelle  survit  également  à  la 
mort  des  cellules  somatiques,  et  il  y  a  par  conséquent  une  ct^rtaine 
(luantité  de  substance  qui  se  transmet  de  génération  en  génération, 
(}ui  est  immortelle  à  la  manier»^  des  infusoires.  On  a  donné  le  nom 
de  plasma  >jenninalif  îi  cette  partie  de  la  substance  des  parenis  qui 
ne  meurt  pas  avec  eux  et  se  perpétue  dans  leurs  enfants,  et  on 
désigne  cette  perpétuation  dans  les  termes,  aujourd'liui  bien  connus, 
de  continuité  du  plasma  germinatif. 

Livre  III.  La  race.  —  Dans  une  race,  les  êtres  engendrés  res- 
semblent à  leurs  générateurs,  mais  ne  leur  sont  pas  identiques  ;  de 
là  l'étude  de  deux  problèmes,  celui  de  l'héi'édité,  ([ui  traite  des  res- 
semblances du  produit  avec  ses  parents,  et  celui  de  la  variation,  qui 
traite  des  caractères  nouveaux  qui  se  montrent  dans  l'être  engen- 
dré. 

Hérédité.  —  Les  caractèrt'S  di;  race  se  transmetleni  tous,  à  moins 
(|ue  le  produit  ne  soit  un  monstre.  Pour  les  caractères  individuels, 
il  faut  faire  une  distinction,  connu(;  et  banale  de[»uis  longtemps, 
mais  dont  Weisman  a  montré  le  piemier  toute  l'importance  ;  c'est  la 
ilistiuction  entre  li's  caractères  innés  et  les  caractères  acquis.  Il  faut 
dire  :  caractères  innés,  et  non  caractères  congénitaux,  car  ce  n'est 
pas  la  même  chose;  certains  caiactères  congénitaux  sont  ré'eilement 
acquis,  par  exemjde  à  la  suitt;  d'un  traumatisme  ou  d'une;  adapta- 
tion pendant  la  vie  intra-ulérine.  Ainsi,  la  petite  difformité  (ju'on 
ajqjelle  le  [lied  plat  |ieut  provenir  de  ce  que  les  eaux  de  l'anniios 
étant  peu  abomlantes,  les  pieds  de  l'embryon  ont  a()puyé'  pendaul 
leur  formation  sur  le  fond  de  la  matrice. 

Les  caractères  ium'-s  sont  ceux  ([ui  ont  im[iiessi()iiM(''  l'ovule,  (pii 
ont  agi  sur  les  éb'-nieiits  se.xuels.  Tous  sans  exception  sont  Iransinis- 
sibles.  On  peut  citer  comme  exemple  de  caractères  auatomiques,  la 
physionomie,  la  taille,  la  lèvre  des  llabsl)ouig,  le  m-z  iU'>  liour- 
bons,  etc.  ;  comme  exemple  de  caractères  physiologi(iues,  h;  limbriî 
de  la  voix,  les  tics  (dont  Darwin  a  donné   un  curieux  exem])le)  la 


540 


ANALYSES 


longéviti',  la  gaucherie.  La  hansmissioii  des  caractères  psycholo- 
giques est  une  question  souvent  délicati-  en  fait,  parce  qu'il  est  dif- 
licile  de  faire  les  paris  de  l'éducation  et  de  riniilalion  dans  ce  résul- 
tat. Mais  on  peut  admettre  d'une  manière  générale  que  les  caractères 
psychologiques  sont  transmissihles.  Dans  les  maladies,  deux  choses 
seulement  se  transmettent,  les  dispositions  anatomiques  ou  ]diysio- 
Iogi(jues  déterminant  la  maladie  ou  favorisant  son  dévelo|i|iemenf, 
et  les  microhes  des  maladies  infectieuses.  Dans  le  premier  cas 
rentrent  les  maladies  mentales  et  nerveuses.  Pour  les  maladies  infec- 
tieuses, l'auteur  admet  que  le  microbe  de  la  syphilis  est  assez  petil 
pour  trouver  asile  dans  l'ovule  et  même  dans  le  spermatozoïde,  qui 
sert  de  véhicule  au  parasite  ;  au  contraire  pour  la  tuberculose,  le 
microbe  ne  peut  trouver  place  dans  une  tèt(;  de  spermatozoïde  ;  ce 
qui  se  transmet,  c'est  la  prédisposition.  Les  caractères  tératologiques, 
doigts  surnuméraires,  etc.,  se  transmettent  également. 

L'héréditf'  des  caractères  aciiuis,  jusque  dans  ces  dernières  années, 
était  acceptée  non  seulement  par  les  [lartisans  de  l'évolulion  mais 
aussi  par  ses  adversaires.  Weismann  le  premier  s'est  élevé  contre 
l'opinion  courante,  il  a  d'abord  soulevé  un  toile  unanime,  il  a  ensuite 
fini  par  convaincre  bien  des  gens,  et  les  partisans  de  l'hérédité  des 
caractères  acquis  sont  devenus  une  minorité.  On  doit  à  Weismann 
une  délinitiou  précise  du  caractère  acquis,  et  uu(î  discussion 
sérieuse,  quelquefois  même  un  peu  subtile,  des  observations  pi"é- 
sentées  par  les  auteurs.  Est  acquis  un  cai'actère  cpii  s'introduit  dans 
l'organisme  sans  avoir  été  présent  dans  l'ovule  et  dans  le  sperma- 
tozoïde. On  admettait  autrefois  que  lorsqu'un  être  présente  un 
caractère  que  ses  ancêtres  n'ont  pas  possédé,  il  s'agissait  toujours 
d'un  caractère  acquis;  mais  tout  d'abord,  il  est  clair  que  ce  carac- 
tère peut  être  hérilé  et  avoir  sauté  plusieurs  générations  ;  d'autre 
part,  il  est  possible  que  les  (pialités  en  apparence  spontan('es  d'un 
être,  le  gigantisme  par  exem])le,  ou  une  folit;  sans  cause  apiiarente, 
]u-oviennent  d'altérations  ou  de  particularités  du  germe.  Il  n'y  a  guère 
que  les  mutilations  (jui  seraient  cai)ables  de  prouver  la  Irausmis- 
sibilih'  d'nn  caractère  vraiment  acquis. 

Mais  arrèlons-iuius  un  peu  sur  celle  question  inléressante,  el 
montrons  d'après  Delage,  avec  (pielle  snblililé  de  dialectique  Weis- 
mann se  tire  des  observations  (|ui  sont  contraires  à  sa  thèse.  Tue 
femme  a  dans  sou  enfance  le  lohide  de  l'oreille  déchiié-  par  l'arra- 
chement d'Miii'  boucle  d'oreille.  L'un  d(;  ses  enfants  a  du  même  côté 
le  lobule  de  l'oreille  fendu.  Est-ce  une  mutilation  transmise? Non,  dit 
Weismann,  parce  que  la  déformation  n'est  pas  nellement  stnnbhible 
et  que  la  mère  et  sa  tille  iront  pas  la  même  forme  d'oreille  (!).  — 
Aulre  exemple.  Les  Hol'aUujo  inr(jaurea  des  Alpes  (plante  vulgairement 
appelée  verge  d'or)  sont  plus  pi'écoces  tpie  ceux  d(;  la  plaine,  carac- 
tère acquis  jtai' suiti;  des  conditions  cliniati(|ues  ;  ces  exemplaires, 
tiansplautés  ailleurs,  en  serre,  conservent  leur  précocité.  Est-ce  un 


UISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PUVSIOLOGIE  541 

caractère  acquis  qui  s'est  transmis?  Non,  dit  Weismann  ;  c'est  une 
variété  précoce  fixée  par  sélection;  la  précocité  provient  d'une 
particularité  individuelle,  qui  a  passé  par  le  germe,  et  qui  ne  résulte 
pas  du  climat;  protégée  par  la  si'-lection,  cette  particularité  a  fondé 
une  variété  nouvelle.  Cette  dernière  argumentation  est  fort  curieuse. 
Mais  en  somme,  que  dit  l'observation  ? 

En  ce  qui  concerne  les  mutilations  répétées  ou  non  répétées,  il 
paraît  à  peu  près  certain  qu'elles  ne  se  transmettent  pas;  en  ce  qui 
concerne  les  maladies  acquises,  il  est  un  exemple  qui  paraît  être 
tout  à  fait  probant  de  Iransmissibilité,  c'est  celui  dr  l'épilepsie  expé- 
rimentale des  cochons  d'Inde.  Brown-Séquard  rend  des  cochons 
d'Inde  épileptiques  en  pratiquant  l'hémisection  transversale  delà 
moelle  ou  la  section  du  nerf  sciatique  ;  l'épilepsie  peut  ensuite  être 
provoquée  par  l'excitation  d'une  zone  bien  délimitée,  située  en  arrière 
de  l'œil  du  côté  de  la  lésion  ;  le  moindre  attouchement  de  celte  zone 
épileptogène  provoque  l'attaque.  Les  petits  de  ces  cobayes  sont  épi- 
leptiques comme  leurs  parents.  Ce  n'est  pas  une  coïncidence,  car 
l'épilepsie  spontanée  n'a  pas  été  observée  chez  ces  animaux.  Weis- 
mann a  object(;  que  l'épilepsie  est  peut-être  produite  par  un  microbe 
introduit  par  l'opération  et  transmis  du  }»arent  à  l'enfant  par  le 
germe.  Mais  il  paraît  que  l'épilepsie  peut  être  produite  par  le  simple 
écrasement  du  sciatique  sans  plaie  à  la  peau  et  par  conséquent 
sans  inoculation  possible. 

L'hérédité  des  effets  (b;  l'usage  et  de  la  désuétude  ne  p(Hit  être 
tranchée  positivement  ou  négativement.  Ainsi,  l'accroissement  pro- 
gressif de  la  capacité  crânienne,  qui,  d'après  Broca,  est  passée  du 
xn«  au  xix''  siècle  de  1409  à  1442  centimètres  cubes,  peut  être  due 
soit  à  l'hérédité  d'un  caractère  acquis,  soit  à  des  variations  acciden- 
telles accumulées  par  la  sélection. 

Au  sujet  de  l'hérédité  des  caractères  acquis  sous  l'influence  des 
conditions  de  vie,  Weismann  a  fait  une  distinction  :  ces  influences, 
pense-t-il,  produisent  des  effets  (jui  deviennent  héréditaires  dans 
certains  cas,  parce  que  la  modification  atteint  directement  la  cellule 
sexuelle. 

La  question  de  l'Iiérédilé  se  divise  en  deux  parties  :  la  première, 
i|ue  nous  venons  de  résumer,  cojisisfe  dans  l'énuméralion  tles  carac- 
tères qui  peuvent  ètit;  transmis;  la  seconde,  dont  il  nous  reste  à 
parler,  concerne  les  chances  de  transmission.  L'auteur  passe  en 
revue  toutes  les  combinaisons  possibles  oi'i  l'hérédité  jieul.  se  inaui- 
fester,  la  multi|dicaliuii  par  division,  par  bourgeonnement  et  par 
spore,  la  l'eproduction  sexuelle,  et  dans  celle-ci  les  unions  de  race 
pure,  les  unions  consanguines,  les  croisements,  le  métissage,  l'Iiy- 
briditi'',  jioui'  eji  arriver  enliu  à  un  cas  singulier —  (jui  n(^  ressemble 
que  de  loin  aux  phénomènes  de  la  reproduction  et  de  l'hérédité 
—  à  savoir  l'inlluence  du  porte-greffe;  sur  le  giefl'on.  Dans  l'exposi^- 
tiou  de  ce  sujet  très  vaste  et  très  complexe,  les  observations  et  sur- 


)42 


ANALYSES 


loul  les  anecdotes  foiiimilloiil,  mais  peu  de  iioinfs  sont  solidement 
«dablis;  à  une  série  d'observations  et  d'anecdotes  démontrant  tel  fait 
ou  telle  tendance  il  est  rare  (ju'on  ne  puisse  pas  opposer  une  série 
contraire,  tout  aussi  topique  ;  noions  seulement,  en  passant,  l'exis- 
tence bien  établie  de  l'atavisme,  dans  le(]uel  l'hérédité  saule  une  ou 
plusieurs  générations,  les  caractères  transmis  pouvant  rester  latents 
chez  un  certain  nombre  d'individus,  qui  sont  cependant  capables  de 
les  transmettre  ;  notons  encoie,  à  l'encontre  du  préjugé  populaire 
le  plus  tenace,  l'inocuité  des  unions  consanguines  entre  individus 
sains;  la  consanguinité  ne  crée  point  les  tares,  elle  ne  fait  qu'addi- 
tionner les  tendances  généralement  similaires  des  conjoints  ;  signa- 
lons encore  ce  fait  que  le  croisement  est  aisé  entre  espèces  voisines 
mais  qu'il  n'y  a  pas  de  proportionnalité  entre  l'affinité  tnxonomique 
et  la  faculté  de  se  croiser.  Pour  le  reste,  l'auteur  refuse  avec  pleine 
raison  d'accepter  des  lois  ;  il  réponse  toutes  celles  (ju'on  a  prétendu 
jioser  sur  l'jiérédité  directe  et  l'hérédité  croisée,  sur  l'influence  pré- 
pondérante de  la  mère  sur  les  fils,  du  père  sur  les  filles,  sur  lliéré- 
dité  alternante  et  autres  combinaisons.  Ce  sont  là  des  faits,  de- 
simples  faits,  qu'on  a  eu  tort  de  donner  sous  forme  de  lois;  en  réa- 
lité il  n'y  a  pas  de  loi  de  ressemblance  entre  les  enfants  et  levu's 
jiarenls,  dans  ce  domaine  «  tout  est  ]iossible,  rien  n'est  certain  » 
(p.  238). 

Variation.  —  La  variation,  qui  s'oppose  à  l'héréditi',  s'applicjue  à 
tout  caractère  nouveau  d'un  produit,  tout  caractère  (jui  n'est  jkis 
hérité  d'un  ancêtre  même  très  éloigné,  et  qui  ne  résulte  pas  non 
plus  d'une  combinaison  de  caractères  ancestraux.  Darwin  a  inoulré 
que  la  variation  est  universelle  et  incessante,  et  que  les  espèces 
varient,  même  (juand  elles  ne  se  transforment  ]ias.  La  variation 
peut  être  lente  et  continue,  par  exemple  i)ar  suite  de  modilications 
biologiques,  telles  que  nourriture,  chaleur,  ou  brusque  et  discon- 
tinue ;  ce  dernier  cas  donne  tort  à  l'adage  scolasticpie  connu  : 
nalura  non  facit  salins.  La  variation  peut  être  indépendante,  c'est- 
à-dire  affecter  un  seul  oigane,  ou  corrélative,  c'est-à-dire  en  affecter 
]dusieuis  à  la  fois;  elle  peut  jiorler  sur  la  grandeur,  la  couleui',  la 
forme,  la  |»osition,  It;  nombre,  etc. 

Les  variations  sont  tantôt  s|innlanées  (c'est-à-dire  cpir  Von  mCm 
connaît  pas  la  cause),  tantôt  dues  à  des  ciiangenuMits  dans  les  condi- 
tions d'existence.  De  cela  on  peut  citer  (luehiues  exemples  bien 
curieux  :  chez  Vartemia  les  lobes  de  la  (pu'ue  et  les  soies  diiiii- 
nuful  quand  ce  petit  crustacé  est  élevé  dans  luic  eau  de  plus  eu 
()lus  salée.  Ce  fait  se  [uoduisit  sjiontanénu'nt  aux  salines  d'Odessa, 
par  suite  des  ruptures  d'une  digue,  et  Schmaukew  itch  a  jmi  lépéler 
rex|)érience  avec  succès. 

Pour  (lu'une  rspècf  unuvcllc  se  fonuf,  il  faut  ([ue  la  variation 
soit  lixée.  L'auteur  n'admet  |)as  d'autre  origine  des  espèces  (pic 
celle-là;  toute  autre,  dit-il,  est  antiscieutili(]U(',  et  il  .'carte  par  une 


niSTOLOGIIÎ,    ANATOMIH    ET    PUYSIOLOGIE  548 

fin  de  non-rccovoir  a  priori  los  doux  autres  oxplicatious  qu'on  a 
(lonnt'es,  h'S  seules  qu'on  puisse  ilonner,  la  création  des  espèces 
[•ar  un  pouvoir  divin  et  la  génération  spontanée.  Seulement,  ces 
raisons  théoriques  mises  à  part,  il  constate  qn  aucun  fait  démontrant 
la  llxation  d'une  variation  doniiant  naissance  à  une  espèce  vé-ritable 
n'est  à  l'abri  de  toute  objection.  On  a  bien  pu  constater  à  l'état  sau- 
vage, et  l'homme,  l'éleveur  a  bien  pu  fixer  des  caractères  im[ior- 
tants,  suffisants  pour  constituer  une  espèce  ;  ces  caractères  ont  bien 
|)u  se  transmettre  de  génération  en  génération,  mais  leur  fixité  n'a 
jamais  été  comparable  à  celle  des  espèces  ou  des  variétés  indivi- 
duelles. L'homme  peut  obtenir  des  formes  nouvelles  ayant  la  valeur 
d'espèces,  mais  il  n'a  jamais  obtenu  la  formation  d'une  race  ou 
variété  nouvelle  capable  de  se  maintenir  sans  son  aide.  Nos  diverses 
races  de  chiens,  de  chevaux,  notre  cochon  domestique,  notre  chat 
diffèrent  des  formes  sauvages  par  des  caractères  nettement  spéci- 
li(iues,  mais,  rendus  à  l'état  sauvage,  tous  nos  animaux  <lomesli<iues 
reprennent  les  traits  des  formes  sauvages  parentes.  En  définitive 
«  là  théorie  de  la  descendance  s'appuie  sur  une  induction  absolu- 
ment légitime,  la  seule  raisonnable,  la  seule  scientifique.  Mais  il  n'y 
a  rien  dans  les  faits  qui  puisse  forcer  la  conviction  de  ceux  qui 
refusent  toute  autre  preuve  que  celles  tirées  de  l'observation  » 
(p.  298). 

Nous  avons  tenu  à  donner  une  analyse  aussi  étendue  que  possible 
des  faits,  parce  qu'ils  sont  curieux,  recueillis  souvent  avec  sagacité, 
et  qu'ils  ont  pour  nous  plus  dimpoitance  que  It.'s  théories.  Toute 
cette  partie  de  300  pages  est  d'une  lecture  extrêmement  attachante  ; 
elle  j»orte  l'empreinte  d'un  es[uit  éminemment  philosophi(|ue.  On 
peut  regretter  seulement  —  et  c'est  moins  un  re]iroclie  à  l'auteur 
(fu'un  regret  inspiré  par  l'état  actuel  de  notre  connaissance  —  on 
jieut  regretter  que  la  description  réunisse  pèle-méle  dans  une  sorte 
de  gâchis  des  faits  empruntés  au  règne  animal  et  au  règne  végi'-tal, 
laits  (pii  très  certainement  sont  soumis  à  bon  nombre  de  lois  diffé- 
leutes  ;  le  progrès  de  nos  connaissances  montrera  un  jour  qui^  là 
dû,  sous  prétexte  de  biologie  gén(''rale,  nous  faisons  des  ra[)proclie- 
nients  qui  produisent  la  confusinii,  il  faudra  probablement  établir 
de  nombreuses  distinctions  [iro fondes. 

Deuxième  partie.  Tliéories  parliculières.  —  Nous  aurons  à  |>ail('r 
si  longuement  des  th(''ories  générales  qui  sont  les  |>remièr(!S  en 
importance,  que  imus  passerons  plus  ra|iidement  sur  les  llii'-ories 
jiarliculières  ;  celles-ci  ont  trait  aux  pioblèmes  suivants  :  h;  mou- 
vement du  protoplasmn,  la  division  cellulaire,  la  régé-ni-ialion,  les 
globules  polaires,  l'isolriqjie  de  fujul',  l'oiigine  des  sexes,  et  la  théo- 
rie de  la  sélection  natmclle.  Arrêtons-nous  un  moment  sur  celte 
dernière  théorie.  Acceptée  d'enliiousiasnie  (|iiaiid  elle  lui  ]Mdpos(''(! 
par  Darwin,  elle  voit  ;nij<iui(rhui  le  uombre  de  ses  adejiles  décroître 


544  ANALYSES 

sensiblement  ;  on  reconnaît  qne  la  sélection  existe,  mais  on  conteste 
sa  puissance  et  sa  capacité  de  former  des  espèces  nouvelles.  Delage 
groupe  la  plupart  des  objections  sous  les  quelques  propositions  sui- 
vantes :  1°  la  sélection  est  impuissante  parce  que  la  plupart  des 
caractères  qu'elle  est  censée  avoir  développés  sont  inutiles.  Romanes 
remarque  que  la  plupait  des  caractères  par  lesquels  les  espèces  se 
distinguent  les  unes  des  autres  sont  sans  ulilité  pour  elles.  2°  il  y  a 
de  nombreux  caractères  utiles  que  la  sélection  n"a  pu  former  parce 
que  leur  utilité  ne  se  montre  que  lorscju'ils  sont  complètement 
développés.  Il  en  est  ainsi  surtout  du  mimétisme.  Une  imitation 
protectiice  ne  devient  utile  que  quand  elle  est  presque  pai^faite.  Les 
premiers  stades  de  la  variation  sont  sans  intérêt  et  ne  peuvent  don- 
ner prise  à  la  sélection.  (Il  y  a  ici,  croyons-nous,  une  erreur  psy- 
chologique évidente  ;  une  ressemblance  n'a  pas  besoin  d'être  par- 
faite pour  agir;  une  petite  ressemblance  agit  moins  qu'une  grande, 
mais  elle  agit').  3°  Les  variations,  même  lorsqu'elles  sont  utiles  à 
tous  les  degrés,  le  sont  trop  peu  pour  créer  im  avantage  donnant 
prise  à  la  sélection.  Cela  est  démontré  par  l'extMnple  de  la  girafe  ;  si 
son  cou  a  mis  par  exemple  mille  générations  pour  s'allonger  d'un 
mètre,  un  gain  d'un  millimètre  par  génération  a  été  d'une  utilit('' 
insignifiante,  et  du  reste,  quand  la  disette!  vient,  ceux  qui  meurent 
sont  les  plus  malades,  les  plus  âgés,  les  plus  jeunes,  non  ceux  qui 
ont  le  cou  le  plus  court.  Autre  exemple,  tiré  du  fémur  de  la  baleine. 
Cet  os  atroi)liié  pèse  1  once.  Comment  la  si'dection  a-t-elle  pu  le 
réduire?  Supposons  que  quand  il  jiesait  2  onces,  un  individu  en  ait 
eu  par  hasard  un  de  1  once  seulement.  Quel  avantage  pouvait  lui 
donner  sur  les  autres  cette  réduction  d'un  organe;  inutile? 

ISous  bornons  là  ces  considérations  ([ui  montrent  biiMi  à  quelles 
attaques  la  sélection  est  en  butte  aujourd'hui.  Si  on  ajoute,  comme 
nous  lu  verrons  plus  loin,  ([ue  l'on  contest(>  aussi  l'hérédité  des 
caractères  acquis,  on  s'apercevra  que  la  théorie  de  l'évolution 
devient  singulièr<Mnent  confuse  et  embrouillt'e. 

Troisième  partie.  Les  théories  générales.  —  Ce  sont  celles  qui  se 
proposent  d'explicpier,  non  tel  phénomène  |)articulier,  comme  la 
formation  des  (.'spèces  ou  le  mouvenu'ut  du  proloplasma,  mais  l'es- 
sence de  la  vie,  comment  elle  commence,  se  continue  et  se  transmet. 
L'auteur  distingue  quatre  théories  principales  :  1^  l/a  théorie  animiste 

(1)  Au  moiuent  où  luuis  faisons  iiiipriuier  cette  analyse,  nous  trouvons 
dans  le  récent  livre  de  Donaidson  sur  la  croissance  du  cerveau  une  expé 
rieuce  de  IMerce  et  de  Jastnnv  qui  confirnuî  oUièrenicnt  l'opinion  ([U( 
nous  avançons  dans  le  texte.  Deux  surfaces  sont  éclairées  avec  des  inlen 
sites  dilîérentes  ;  la  diflérence  est  si  petite  qu'on  ne  peut  pas  la  recon 
naître  ;  le  sujet  est  \mé  de  deviner.  Le  résultat  montra  que  la  surface  1; 
plus  brillanle  était  désignée  avec  une  telle  frc(|ucnce  que  cette  différence, 
(|u'on  ne  pouvait  pas  rccijiuiaitre,  agissait  bien  certainement  sur  l'opération 
du  choix.  (Pierce  et  Jastrow,  Mon.  \a(.  Acad.  Se.  Washington,  1884.) 


ue 


a 


HISTOLOGIE,   ANATOMIE   ET   PHYSIOLOGIE  545 

qui  place  la  vie  dans  un  principe  spirituel,  dirigeant  et  animant  le 
corps.  Aristote,  Platon,  saint  Augustin,  tout  le  moyen  âge,  ont 
essayé  d'expliquer  la  vie  par  l'àme  ;  l'école  de  Montpellier  a  cru  à 
une  force  vitale.  Chez  beaucoup  do  sauvages,  ajoute  ironiquement 
l'auteur,  on  retrouve  une  idée  analogue.  2"  La  théorie  de  l'évolutio- 
nisme  ou  de  l'emboîtement  des  germes,  d'après  laquelle  tous  les 
individus  à  naître  sont  contenus  et  emboîtés  dans  les  oreanes 
sexuels  des  individus  actuellement  existants  ;  théorie  qui  efface 
toutes  les  difficultés  de  la  ti-ansmission  de  la  vie  et  des  caractères, 
mais  à  la  condition  d'admettre  un  fait  absurde,  que  l'observation 
directe  dément.  3°  Théorie  micromériste  consistant  à  attribuer  la  vie 
et  la  formation  des  organismes  à  la  réunion  de  particules  très  petites, 
de  nature  spéciale,  douées  de  propriétés  dépendant  de  leur  cons- 
titution, réunies  en  nombre  immense  et  groupées  d'une  façon  par- 
ticulière dans  chaque  espèce  d'être  et  dans  chaque  organe  de  l'in- 
dividu. ^°  Vorganicisme,  pour  lequel  les  propriétés  du  corps  sont  un 
ensemble  provenant  de  tous  les  éléments,  libres,  cellules,  organes, 
tissus,  le  tout  étant  un  consensus  de  phénomènes  indépendants. 
Delage  écarte  sommairement  les  deux  premières  théories,  et  ne 
retient  que  les  deux  dernières. 

Le  nombre  de  théories  microméristes  est  considérable,  et  nous  ne 
pouvons  pas,  à  l'exemi^le  de  l'auteur,  les  analyser  l'une  après 
l'autre.  Signalons  simplement  celles  des  molécules  organiques  de 
Buffon  et  des  microzymas  de  Béchamp;  ce  dernier  est  un  de  nos 
contemporains.  Ces  naturalistes  ont  admis  que  les  particules 
vivantes  sont  universelles  et  indestructibles;  après  la  mort  de  l'être 
vivant,  elles  se  séparent  simplement.  Buffon  pense  que  les  molé- 
cules organiques  pénètrent  dans  l'être  avec  la  nourriture,  se  rendent 
aux  organes,  dont  elles  accroissent  les  cellules  ;  et  quelques-unes 
de  ces  molécules  se  rendent  des  organes  dans  la  liqueur  séminale, 
où  elles  se  groupent  d'après  des  affinités  commandées  par  la  nature 
des  organes  dont  elles  sont  issues.  Celles  provenant  du  foie  se 
rangent  à  la  place  où  sera  le  foie,  celles  provenant  du  cerveau  à  la 
place  où  elles  devront  former  le  cerveau.  Ceci  explique  du  même 
coup  la  reproduction  et  l'hérédité.  Seulement,  c'est  xine  hypothèse 
({ui  admet  que  les  molécules  organiques  sont  spécifiques.  Une 
molécule  qui  faisait  partie  d'un  brin  d'herbe,  en  devenant  partie 
intégrante  du  foie  de  l'herbivore,  deviendrait  dans  cet  organe  molé- 
cule spécifique  du  foie.  Comment?  c'est  la  lacune  de  la  théorie,  et 
il  est  singulier  que  Buffon  ne  s'en  soit  pas  aperçu. 

Théorie  de  Spencer.  —  Cette  théorie,  que  Delage  qualifie  de  hardie 
et  de  puisssante,  qui  date  de  1864,  et  qui  a  ouvert  la  voie  à  beaucoup 
de  théories  l'écentes,  notamment  celle  de  Darwin,  prend  comme 
point  de  départ  la  polarité,  c'est-à-dire  l'attraction  pliysico-chimique 
des  molécules  appelées  unités  physiologiques.  «  Los  cellules  ne  sont 
pas  les  éléments  organisés  ultimes  qui  conslituent  les  êtres  vivants. 

ANNÉE   PSYCHOLOGIQUE.  H.  35 


o46 


ANALYSi:S 


Elles  ont  une  organisation  trop  avancée  pour  résulter  d'un  simplf 
groupement  d'élémenls  cliiniiques.  Entre  les  unités  cliiuùques  (molé- 
cules) et  les  unités  morphologiques  (cellules)  il  doit  exister  un  troi- 
sième   ordre   d'unités,    composé   de    molécules    et    composant  les 
cellules,  ce  sont  là  les  unités  morphologiques.  »  Des  chimistes  les 
appelleraient    simplement  des    molécules    organiques.   Pour    faire 
comprendre  l'idée  de  Spencer,  on  peut  dire  que  toute  sa  théorie 
repose  sur  un  parallèle  enlre  l'organisalion  df  la  malirre  vivante  et 
la  cristallisation.  De  même  qu'une  petite  particule  de  cristal  sul'lit, 
<'n    attirant  à  elle    des  particules    semhlables    poUr  construire  un 
cristal  volumineux.,  de  même  une  molécule  organique  étant  donnée, 
elle  s'accroît  et  construit  le  corps  entier  de  l'animal  ou  de  la  plante  : 
il    n'y   a    qu'une    din'éri'UCi?   de   comi)lexité    entre  le   cristal,   cube, 
ihomboèdre,  aiguille,  croix  de  Saint-André,  boule  épineuse,  etc.,  et 
le  corps  d'un   animal,    avec   ses   membres,   ses   poils,  ses  organes 
internes  ;  il  y  a  encore  une  différence  de  stabilité;  le  cristal  a  une 
l'orme  plus  définie,  l'organisme  étant  plus  complexe,  est  plus  plas- 
tique. Il  suit  de  là  que  les  unités  organiques  qui,  en  se  cristallisant, 
forment  le  corps  de  l'être  vivant,  n'ont  aucune  spécificité  ;  celles  du 
foie  sont  idenlicjues  à  celles  de  la  tête,  de  même  que  dans  un  cristal, 
toutes  les  molécules  sont  identiques.  Ceci  explique  bien  la  répara- 
tion de  l'usure  et  la  régénération  ;   tovil   ^c   jiasse  comme  dans  un 
cristal  ébréché   qui,  placé  dans  une  solution  mère,  se  réparc.  La 
reproduction  et  l'hérédité,  ces  deux  grands  problèmes  d'une  diffi- 
culté inouïe,  reçoivent  une  solution  presque  satisfaisante   puisqu'il 
suffit  d'une  unité  physiologique  pour  reconstituer  tout  l'ensemble  ; 
nous  passons  sur  les  détails  de  la  reprudiidion  sexuelle,  sur  l'avan- 
tage que  présente  l'union  du  spermatozoïde  à  l'ovule  pour  la  nou- 
velle cristallisation  ;  les  ex[)lications  dans  ce  cas  deviennent  un  peu 
artificielles.  On  peut  dire  ccqtendant  d'une  manière  générale  que  la 
théorie  de  Spencer  résout  à  la  rigueur  le  ])roblème  de  l'héi-édité, 
mais  elle  est  impuissante  en  face  de  celui  de  l'inolution  ;  en  efl'ef, 
1°  elle  n'exj)li(pie  pas  pour(|Uoi  et  comment  se  fornu-nt  des  organes 
IH'ovisoires  et  des  formes  larvaires  dans  h;  dévelopjx'inent  de  l'indi- 
vidu, pourijuoi  la  forme  adulte  ne  se  cristallise  jias  de  suite  ;  2"  elle 
n'explique    pas   comment    dans    son    développement    un    individu 
répèt.e  la  phylogi-nie  ;  3*^  elle  n'explique  pas  l'évolution,  les  change- 
nuMits  graduels  des  espèces,  sinon  en  invocpiant  de  la  façon  la  plus 
vague  le  jirincipe  de  la  conservation  de  l'énergie,  llaacke  a  modifié, 
sans  paraître  la  connaître,  la  théorie  de  Spencer,  en  donnant  aux 
unités   physiologiques,    qu'il  appelle  gemmaires,  la  forme  de  petits 
[)rismes  droits  à  base  rhombe,  pour  expli(juer  les  difi'érenles  formes 
du  corps.  N'insistons  point,  ce  serait  tout  à  l'ait  inutile. 

Aux  lhéori(;s  i)récédenles,  on  peut  opposer  celles  de  Dolbear, 
Erlsberg,  Haeckel,  (jui  attribuent  tous  les  phénomènes  biologiques  à 
des  particules  devant  leurs  piopriétés  aux  mouvements  vibratoires 


HISTOLOGIli:,    ANATOMIE   ET   PHYSIOLOGIE  547 

dont  elles  sont  douées.  La  thèse  de  Hoîckel  n'est  pas  la  meilleure,  ni 
la  plus  originale,  mais  c'est  la  plus  connue  ;  elle  fait  jouei*  le  prin- 
cipal rôle  au  mouvement  des  plastidules,  et  les  choses  sont  prises  à 
ce  point  au  pied  de  la  lettre  que  la  reproduction  sexuelle  devient 
inie  fusion  des  deux  protoplasmas  dans  lesquels  les  plastidules,  en  se 
mélangeant,  combinent  leurs  mouvements  suivant  la  règle  du  paral- 
lélogramme ;  les  produits  représentent  la  diagonale  des  caractères 
des  parents.  Il  faut  ajouter  que  Hœckel  attribue  aux  plastidules 
sensation,  mémoire  et  volonté,  ce  que  Delage  considère,  nous  ne 
savons  trop  pourquoi,  comme  un  exécrable  fatras  métaphysique. 

Ecartant  des  théories  nombreuses,  et  plus  ou  moins  voisines  des 
précédentes,  nous  arrivons  à  celles  de  Weismann,  Darwin,  Na?geli, 
de  Yries,  pour  lesquelles  les  particules  du  protoplasma  représentent 
chacune  une  partie  définie  de  l'organisme  ou  quelqu'un  d<?^ses  carac- 
tères. C'est  juste  le  contre-pied  de  la  théorie  de  Spencer. 

Théorie  de  Weisniami.  —  Cette  théorie,  qui  a  fait  lant  de  bruit  dans 
le  monde,  et  que  son  auteur  a  mise  au  jour,  modiliée  et  fait  pro- 
gresser dans  une  dizaine  de  mémoires  successifs  auxquels  lui  oïd 
permis  de  travailler  les  loisirs  causés  par  une  maladie  des  yeux,  la 
théorie  de  Weismann  peut  être  distinguée,  pour  la  commodité  de  l'ex- 
position, en  deux  manières  difT(h('ntes.  La  première  manière  recevra 
le   nom  de  théorie  de  l'idioplasma.  Weismann  part  de  l'idée  que  le 
noyau  de  la  cellule  est  directeur  de  la  vie  de  la  cellule,  idée  qui  parais- 
sait vi'aie  à  l'époque  de  ses  premiers  essais,  en  1882,  et  qui  aujour- 
d'hui est  en  partie  ruinée  ;  mais  peu  importe  ce  détail,  car  une  simple 
transposition  de  termes  suffirait  pour  mettre  les  idées  de  Weismann 
au  courant  de  la  science.  La  substance  contenue  dans  le  noyau,  l'au- 
liMir  la  désigne  sous  le  nom  d'idioplasma.  Or,  cet  idioplasma  est  néces- 
sairement fort  complexe  ;  quand  une  cellule,  au  cours  du  dévelop- 
pement de  l'être,  se  divise  et  que  les  deux  cellules  tilles  évolueront 
dans  im  sens  dilféi'ent,  l'une  devant  l'aire  par  exemple  du  système 
nerveux,  l'autre  de  l'épiderme,  il  faut  admettre  qu'elles  reçoivent  de 
la  division  des   idioplasmas  différents.  Il  y  a   donc   autant  d'idio- 
plasmas  différents  (ju'il  y  a  de  tissus  difTérents,  et  il  y  a  d(nix  espèces 
de  division  de  cellules,  l'une  homogène,  dans  laquelle  ridio{)lasma 
maternel   se  partage  identiquement  entre  les  deux  noyaux  filles, 
l'autre  hétérogène,  dans  laquelle  il  se  divise  en  deux    parts  ([uali- 
tativement    différentes.    D'après   ce  ([ui    précède,    l'idioplasma  de 
l'œuf  fécondé  (jui   se  segmente!  contient  les  idioplasmas  de   tous  les 
tissus  différents  du  coips.  Mais  si,  à  mesure  que  h;  dévelo|)pement 
s'effectue,  tous  les  idioplasmas   d'abord  réunis  dans  l'œuf  s'épar- 
pillent dans  les  difTérents  tissus,  cojnment  l'ovule  (pii  se  formel"! 
dans  cet  être  nouveau,  de  deuxième  génération,  ])ourra-t-il  réunir 
à  son  tour  tous  les  idioplasmas  devant  seivir  à  former  l'individu  dr 
troisième  génération?  (^'est  ici  ([n'intervient  l'hypothèse  de  la  conti- 
nuité du  plasma  germinatif.  L'ovule  contieijt  outre  les  idioplasmas 


548  ANALYSES 

piuliculiers  des  (issus,  un  plasma  spécial,  dit  g(M-minalif,  capable 
tle  reproduire  uu  être  nouveau  semblable  au  premier.  Ce  plasma 
germinatif,  à  chaque  division,  passe  dans  certaines  cellules,  précisé- 
ment dans  celles  qui  doivent  donner  lieu,  par  des  divisions  répétées, 
aux  cellules  sexuelles  ;  ces  cellules  mères  reçoivent  une  minime 
parcelle  du  plasma  germinatif,  et  le  Iransmetteut  aux  cellules 
sexuelles. 

La  sortie  du  premier  globule  polaire  s'explique  dans  cette  théorie 
de  la  manière  suivante;  l'œuf  a  reçu,  pour  se  former  et  grossir,  un 
idioplasma  particulier  ;  il  est  en  cela  comparable  à  toutes  les  autres 
cellules  ;  ce  plasma  particulier  porte  ici  le  nom  de  plasma  ovogène  ; 
il  contient  en  outre  le  plasma  germinatif  (]ui  présidera  au  dévelop- 
pement; le  ]»remier  globule  i)olaire  sert  à  faire  sortir  de  l'œuf  le 
plasma  ovogène,  dont  il  n'a  plus  besoin  quand  il  va  èlre  fécondé. 
Cela  est  bien  ingénieux,  mais  aussi  bien  artificiel  ! 

A  quoi  sert  maintenant  le  second  globule  polaire?  On  sait  que 
dans  les  œufs  destinés  à  être  fécondés  il  y  eu  a  deux,  laudis  ({ue 
dans  les  œufs  parthénogenésiques  il  n'y  en  a  qu'un.  Le  deuxième 
globule  polaire  sert  à  éliminer  une  part  des  [dasmas  ancestraux, 
afin  de  faire  de  la  place  aux  plasmas  nouveaux  qu'apporte  le  sper- 
matozoïde fécondateur.  Eneiï'el,  dans  toute  fécondation,  il  y  a  com- 
binaison de  deux  [ilasmas  germinatifs,  celui  de  l'ovule  et  celui  de 
l'élément  mâle;  quand,  dès  l'origine  de  la  vie,  la  première  fécon- 
<lation  a  eu  lieu,  le  noyau  de  l'ovule  fécondé  a  conlcnu  2  ])lasmas 
germinalifs,  celui  du  i)ère  et  celui  de  la  mère;  à  la  seconde 
généralion,  l'ovule  fécondé  en  a  contenu  4,  les  2  siens  et  les  2  qui 
lui  sont  apportés  par  le  spermatozoïde;  à  la  troisième  génération, 
chaque  éh'iiienl  en  conlieut  4,  et  après  la  fécondation,  Tovide  en 
a  8  ;  il  s'est  formé  une  quant  il  é  énorme  de  plasmas  ancestraux  repré- 
sentés dans  la  cellule  sexutdle  par  aulant  de  parcelles  (]u'elle  a  eu 
d'ancêtres;  mais  ce  nombic;  ne  peut  pas  êlre  illimité',  |uiis(iue  le 
volume  du  noyau  reste  toujours  le  même.  Il  faut  donc,  à  un  certain 
moment,  qu'une  i|uautilé  de  plasma  geriiiinatif  sorte  de  l'ovule  pi>ur 
que  la  quantité  a[)portée  par  le  spermalozoïtle  puisse  y  trouver  place. 
1/émission  du  deuxième  globule  polaire  représente  cett»;  éliminalion 
nécessaire,  et  on  comprend  du  même  coup  que  dans  un  œuf  partht'- 
nogenésique,  comme  il  n'y  a  ]ias  de  fécondai inn,  il  n'y  a  pas  de 
nécessité  d'éliminer  des  plasmas  ancesliaux,  et  par  conséquent  le 
deuxième  globule  jiolaire  n'existe  pas. 

Reste  une  dernière  nécessité  biologique,  ctdie  d"expli(iuei'  la  varia- 
tion et  la  formation  des  espèces.  Pour  expli(juer  la  formation  des 
espèces,  deux  lliétuies  |)iincipales  et  Idul  à  l'ait  distinctes  sont  en 
l>résence  :  celle  de  i.amarck,  qui  admet  que  l'origine  de  la  variation 
se  trouve  dans  l'acliou  directe  des  milieux,  et  (jue  l'héréilité  peut 
agir  sur  ces  modilicalioiis  acquises;  la  théorie  de  Darwin,  telle 
([u'cUe  est  habituellement  présentée,  emprunte  à  celle  de  Lamaick 


UISTOLOGIE,    ANAÏOMIE   ET   PUYSIOLOGIE  549' 

ces  deux  principes  ;  mais  elle  iieul  s'en  passer  à  la  rigueur,  et  se 
contenter  d'affu^mer  que,  par  suite  du  Jeu  des  forces  biologiques,  des 
variations  se  produisent,  et  la  sélection,  c'est-à-dire  la  persistance 
(lu  plus  apte  dans  la  concurrence  vitale,  suflit  à  assui^er  la  perpétuité 
de  ces  variations  fortuites  quand  elles  sont  utiles  à  l'individu.  Weis- 
mann  s'est  vu  obligé  d'écarter  l'idée  de  Lamarck  ;  car  le  j^lasma  gei- 
minatif  est  trop  profondément  placé  pour  subir  l'action  modifica- 
trice des  conditions  ambiantes,  et  les  caractères  acquis  n'ont  aucini 
moyen  de  communiquer  au  germe  une  modilîcation  adéquate  qui 
permette  de  les  reproduire.  Il  a  donc  été  amené  par  la  force  de  sa 
théorie  —  et  non  jiar  l'observation  des  faits,  remarquons-le  en  pas- 
sant —  à  repousser  la  transmissibilité  des  caractères  acquis,  et  il  a 
trouvé  la  cause  des  variations  dans  la  reproduction  sexuelle,  qui, 
mélangeant  des  plasmas  ancestraux  différents,  engendre  une 
diversité  entre  les  produits.  Sur  ce  point  s'élève  une  petite  difficulté. 
D'oîi  vient  que  les  plasmas  ancestraux  sont  différents,  puisque 
les  différences  que  les  animaux  ont  acquises  —  et  on  ne  voit  pas 
quelle  autre  origine  elles  pourraient  avoir  qu'une  acquisition  —  ne 
sont  pas  ti^ansmissibles?  Il  faut,  pour  échapper  à  ce  dilemne,  sup- 
poser que  les  métazoaires  descendent  des  protozoaires,  que  chez 
ceux-ci  les  modifications  acquises  se  transmettent  parce  que  chez 
eux  le  soma  et  le  plasma  germinatif  sont  confondus;  et  ce  sont  ces 
modifications  acquises  par  les  protozoaires  qui  ont  été  la  première 
amorce  de  la  différenciation  des  métazoaires  ;  les  combinaisons  de 
la  fécondation  ont  travaillé  sur  cette  donnée  première. 

Telle  est  cette  théorie,  très  cohérente,  sans  doute,  mais  plus 
curieuse  que  convaincante  ;  nous  venons  de  la  résumer  sous  sa 
première  forme  ;  les  objections  de  fait  ne  lui  ont  pas  manqué.  Signa- 
lons-en quelques-unes.  Strasburger  oppose  à  l'idée  de  plasma  ger- 
minatif le  fait  bien  connu  que  chez  les  bégonias  des  fragments  de 
feuille,  plantés  dans  le  sable  humide,  reproduisent  la  plante  entière. 
Y  a-t-il  donc  du  plasma  germinatif  dans  ces  feuilles?  Et  Weismann 
fait  cette  concession,  presque  comique,  qu'il  y  en  a  peut-être  un  peu. 
—  La  variation,  a-t-il  [irétendu,  a  pour  cause  le  mélange  des  plasmas 
dans  la  reproduction  sexuelle.  Mais  Vines  lui  montre  des  groupes 
entiers  de  champignons  parthénogeuésiijues  riches  en  genres  et  en 
espèces  descendues  évidemment  les  unes  des  autres,  et  Weismann  est 
obligé  d'admettre  qui;  les  conditions  extérieures  peuvent  agir  sur  le 
jilasma  germinatif  (ît  provoquer  des  variations. 

Son  interprétation  des  globules  polaires  paraît  être  aussi  démentie 
par  les  recherches  nouvelles,  et  il  en  convient  presque.  Enfin, 
Hartog,  Pfeffer  et  Delage  font  une  objection  capitale  à  l'origine  des 
plasmas  ancesti'aux.  «  A  qui  fma-t-on  admettre  (|ue  les  caractères 
des  mollusques,  des  insectes,  etc.,  l'hcctocotyle  du  jjoulpe,  la  main 
de  l'homme  et  l'œil  de  l'aigle  puissent  résulter  d'une  combinaison 
quelconque  des  caractèi'es  des  protozoaires  ?  (p.  530).  »  Nous  verrons 


550 


ANALYSES 


x\n  peu  plus  loin  la  seconde  forme  que  Weismann  a  donnée  à  sa 
théorie. 

Théorie  de  Dancin.  —  I.a  pnngpn('''se.  Pourjuper  avec  équité  la 
théorie  de  I);irwin,  il  faut  d'ahord  se  rappeler  sa  date  d'apparilion  ; 
elle  est  de  1858,  et  heaucouf»  de  théories  plus  récentes,  qui  lui 
paraissent  infiniment  supérieures,  en  ont  profité.  Darwin  n  eu  lui- 
même  quelques  précurseurs,  Démocrite,  Hippocrate,  Maupertuis, 
et  même  son  grand-père  Erasme  Darwin.  La  théorie  de  Darwin, 
comme  celle  de  Spencer  et  celle  de  AVcismann,  met  en  Jeu  des  par- 
ticules vivantes;  elle  diffère  de  celle  de  Spencer  en  ce  que  les  parti- 
cules ne  sont  pas  toutes  identiques,  mois  spécifiques,  c'est-à-dire 
représentatives  des  diffé-rentes  parties  du  corps;  à  ce  point  de  vue, 
l'idée  de  Darwin  ressemble  à  celle  de  Weismann  ;  elle  en  difiére  par 
l'origine  assignée  à  ces  particules.  Pour  Meismann,  les  particules, 
appelées  plasma  germinatif,  sont  renfermées  dans  l'ovule,  et  trans- 
mises par  les  ancêtres  ;  il  y  a  continuité  du  plasma  germinatif,  et  à 
chaque  développement,  il  y  a  distribution  de  l'héritage  jilasmatique 
entre  les  difi'érents  tissus  du  corps  ;  cette  théorie  a  le  défaut  de  ne 
|)as  laisser  comprendre  la  fixation  héréditaire  des  caractères  nou- 
veaux acquis  parles  individus.  Darwin  prend  le  contre-pied  de  cette 
idée;  les  particules  vivantes,  qu'il  apftelle  gemmules,  sont  formées 
par  et  dansles  cellules  du  corps;  et  elles  représentent  ces  cellules, 
(lui  sont  des  masses  inertes  ;  ce  sont  ces  gemmules  qui  doniuMit  l'acti- 
vité aux  cellules  par  une  sorte  de  fécondation  incessante,  appelée 
pangenèse  ;  au  moment  de  la  repi-oduction,  les  gemmules  subissent 
une  émigiation,  elles  se  rendent  dans  les  cellules  sexuelles,  s'y 
accumulent,  et  représentent  là  toutes  les  parties  de  l'organisme;  dt; 
cette  manière  est  expliquée  la  ressemblance  des  produits  avec  le 
générateur;  c'est  cette  resseml)lance,  ne  l'oublions  pas,  qui  consti- 
tue le  fait  le  plus  difficile  à  expliquer;  tout  le  reste,  l'utilité  de  la 
fécondation,  la  régénération,  etc.,  n'est  rien  à  côté.  Or,  il  sembh' 
bien  que  la  théorie  des  gemmules  rende  compte  que  la  cellule 
sexuelle  contienne  une  miniature  du  corps  enliei-,  et  du  corps  modi- 
fié, avec  des  carfictères  acquis,  puisqu'elle  contient  des  gemmules 
émanées  de  toutes  les  cellules  de  ce  corps  ;  mais  cette  solution  n'est 
atteinte  qu'au  prix  d'une  hypothèse  vraiment  fantastique,  uni;  immi- 
gration qui  se  fait  on  ne  sait  commeni,  on  ne  sait  par  quelle  voie,, 
et  de  ])lus,  une  immigration  intelligente  :  les  gemmules  connaissent 
leur  chemin,  distinguent  les  cellules  les  unes  des  autres,  passent 
ici,  s'airêtent  là.  Evidemment,  on  en  demande  trop  à  notre  ci'oyance. 

Théorie  de  Nœrjeli.  —  Elle  date  ih;  188i-,  et  si  elle  n'est  pas  plus 
connue,  c'est  qu'elle  est  extrêmement  compliquée,  surchargée  de 
détails  inutiles,  et  de  plus  elle  a  été  exposée  dans  un  gros  ouvrage 
obscui'.  Elle  a  pour  point  de  départ  une  idée  fort  ingénieuse  ;  elle 
admet,  comme  les  théories  de  Weismann  et  de  Darwin,  l'existence 
de  particules  matérielles  douées  d'un  pouvoir  représentatif;  seule- 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE    ET   PHYSIOLOGIE  5o  1 

ment,  pour  économiser  un  cerlain  nombre  de  ces  particules,  Nœgeli 
ne  leur  fait  pas  représenter  les  cellules  du  corps,  qui  sont  en  nombre 
inimtMise  chez  ceilains  êtres  ;  il  leur  fait  représenter  les  propriétés 
élémentaires  de  Torganisme,  qui  sont  en  nombre  beaucoup  plus 
restreint.  Sans  entrer  dans  des  détails  qui  allongeraient  indûment 
cette  interminable  analyse,  disons  que  l'auteur  se  représente  dans 
les  êtres  supérieurs,  animaux  ou  plantes,  l'idioplasma  comme  un 
immense  réseau  continu  répandu  dans  tout  l'organisme,  passant 
d'une  cellule  à  l'autre  par  des  pores  ultramicroscopiques  de  leur 
paroi  et  étendant  ses  mailles  dans  toutes  leurs  parties,  aussi  bien 
dans  leur  noyau  que  sous  leur  membrane  et  dans  leur  protoplasma. 
Il  faut  ajouter  que  ce  réseau  est  formé  de  cordons,  de  faisceaux 
dont  chaque  élément  est  en  rapport  avec  une  propriété  biologique 
particulière,  de  sorte  que  toute  partie  de  l'organisme,  renfermant 
les  faisceaux  et  cordons  idioplasmatiques,  renferme  par  là  même 
toutes  les  capacités  ;  en  un  mot,  toute  cellule  de  l'organisme  con- 
tient les  mêmes  éléments  formateurs  que  la  cellule  mère  de  cet 
organisme.  Mais  nous  serions  bien  étonné  que  jamais  un  auteur,  si 
ce  n'est  Naegeli  ou  quehjues-uns  de  ses  élèves,  crut  à  l'existence  de 
ce  réseau  compliqué  que  l'on  n'a  jamais  vu. 

Passons  sur  la  théorie  de  de  Viies,  qui  est  une  modilicalion  de  celle 
de  Darwin  et  de  celle  de  Naegeli,  et  arrivons  à  la  seconde  forme  de 
la  théorie  de  Weismann,  exposée  en  1892  : 

Théorie  des  délerminants  de  Weismann.  —  C'est  là,  à  ce  que 
pense  Delage,  le  dernier  effort  du  système  des  particules  représen- 
tatives. Weismann  en  a  tiré  tout  ce  qu'on  pouvait  en  tirer.  Avec  une 
application  d'esprit  étonnante  et  une  adresse  prodigieuse,  il  s'est 
servi  de  tous  les  progrès  accomplis  par  ses  prédécesseurs,  il  leur  a 
emprunté  à  pleines  mains  leurs  meilleures  idées,  pour  compléter  sa 
première  théorie,  qui  est  devenue  de  la  sorte  une  sorte  de  chef- 
d'œuvre.  On  sent  qu'après  lui  il  n'y  a  plus  rien  à  tenter  dans  cette 
voie.  Et  pour  le  dire  tout  de  suite,  il  a  échoué. 

Dans  sa  première  forme,  sa  théorie  des  plasmas  ancestraux  laissait 
de  côté  la  constitution  intime  du  protoplasma.  C'est  cette  lacune 
qvi'il  a  voulu  comhh'r,  et  il  a  d'abord  supposé  l'existence  de  bio- 
phores,  corps  organiques  qui  ont  la  propriété  de  se  nourrir,  de 
s'accroître  et  de  se  reproduire,  qui  habitent  dans  le  noyau,  y  sont  à 
l'état  latent;  quelques-uns,  en  petit  nombre,  sortent  par  les  trous  de 
la  membrane  nucléaire,  arrivent  au  protoplasma  ;  ce  sont  eux  qui 
déterminent  telles  et  telles  propriétés  du  protoplasma  ;  les  biophores 
se  transmettent  de  noyau  en  noyau  par  division.  Com.me  un  organe 
tout  eiUier  peut  varier,  il  faut  que  les  biophores  qui  font  varier  ses 
diverses  propriétî's "soient  groupés  ensemble,  de  manière  à  entrer 
simultanément  en  activité;  à  ce  grou{»emenf,  on  donne  le  nom  de 
délerminants  ;  de  même,  il  y  a  des  groupements  de  déterminants, 
et  on  leur  donne  le  nom  d'ides.  Les  ides  correspondent  aux  plasmas 


552  ANALYSES 

ancestraux.  Quand  los  cellules  se  divisent,  un  certain  nombre  de 
déterminants  restent  à  l'état  latent  dans  le  noyau  des  cellules  lilles, 
et  quelques  déterminants  se  répandent  dans  le  proloplasma  et  en 
déterminent  la  nature.  On  voit  que  cette  conception  nouvelle  de 
Weismann  diffère  surtout  de  sa  première  conception  en  ce  que  les 
particules  de  Tidioplasma  représentaient  des  cellules,  tandis  que  les 
déterminants  et  biophores  représentent  des  caractères  de  cellules  ; 
c'est  une  idée  ingénieuse  empruntée  à  jVfogeli  et  ta  de  Yries.  Cette 
idée  nouvelle,  sans  bouleverser  la  théorie  ancienne,  permet  de  lui 
apporter  quelques  corrections  de  détail.  Ainsi,  de  nouvelles  recher- 
ches ont  obligé  Weismann  à  admettre  que  les  deux  globules  polaires 
servent  à  éliminer  le  plasma  germinatif. 

Comment  faire  alors  pour  éliminer  le  plasma  ovogène?  Avec  la 
nouvelle  théorie,  c'est  inutile  ;  les  biophores  qui  ont  déterminé  le 
plasma  ovogène  n"ont  plus  qu'à  se  dissoudre  et  à  disparaître  dans  ce 
plasma,  après  l'avoir  déterminé.  Be  plus,  et  c'est  peut-être  là  son 
plus  grand  mérite,  cette  théorie  exprime  avec  une  très  grande  sou- 
plesse toutes  les  combinaisons  possibles  de  ressemblance  présentées 
par  l'hérédité,  et  on  sait  si  elles  sont  nombreuses.  Dans  le  noyau 
de  l'ovule  fécondé  se  trouvent  réunis  un  grand  nombre  de  détermi- 
nants qui  peuvent  avoir  des  vigueurs  différentes,  ou  qui  peuvent  se 
répartir  en  groupes  dont  les  uns  se  renforcent  mutuellement ,  parce 
qu'ils  sont  assez  analogues,  ils  sont  donc  homodynames,  tandis  que 
les  autres  sont  très  différents  entre  eux,  se  paralysent,  ils  sont  hété- 
rodynames.  Avec  ces  quelques  données  de  mécani(jue,  on  compnMid 
les  caractères  latents  pendant  plusieurs  générations,  on  comprend 
les  ressemblances  avec  des  ascendants  et  même  des  collatéraux  éloi- 
gnés ;  on  comprend  aussi  ce  que  c'est  que  la  force  héréditaire,  grâce 
à  laquelle  un  certain  caractère,  le  faciès  des  César,  le  nez  des  Bour- 
bon, par  exemple,  a  persisté  dans  mie  famille  en  dépit  d'alliances 
variées  qui  auraient  dû  le  détruire  ;  on  peut  admettre  (jne  ce  carac- 
tère est  représenté  par  un  groupe  vigoureux  de  déterminants  homo- 
dynames. Autre  avantage  de  la  théorie  :  elle  admet  la  transmission 
des  variations  produites.  Weismann  l'a  d'abord  rejetée,  cette  trans- 
mission, dans  sa  ])remière  théorie,  parce  qu'il  avait  supposé  que 
pour  l'admettre,  il  fallait  admettre  aussi  une  réaction  ndé((uate  du 
soma  sur  le  plasma  gerniinalil',  chose  (jue  rien  ne  jtrouvi'  et  qui  ne 
se  peut  concevoir  ;  comment  admettre  en  effet  qu'une  blessure  de 
l'épidernie  jmisse  correspondre  dans  le  geime  à  quelque  chose  de 
précis  et  d'adéquat?  Mais  du  moment  que  le  soma  et  le  i>lasma  ger- 
minatif contiennent  des    déterminants    identi(|ues,    on  comprend 
qu'ils  soient  modifiés  semblablement  par  les  conditions  extérieures. 
Nous  passons  sur  quelques  difficultés  accessoires  de  la  théorie,  par 
exemjtle  l'explication  de  la  régénération.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  en 
définitive,  et  sur  ce  point  Delage  a  parfaitement  raison,  c'est  que  la 
théorie  des  particules  représentatives  est  complètement  impuissante 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PHYSIOLOGIE  5S3 

à  oxpliquer  l'ensemble  des  grands  problèmes  biologiques.  Delage 
adresse  des  critiques  fort  pénétrantes  à  ce  dernier  perfectionnement 
de  Na^geli  et  de  Weismann,  d"après  lequel  la  particule  vivante  repré- 
senterait non  la  cellule  mais  ses  propriétés,  ses  caractères  élémen- 
taires, croyant  faire  ainsi  une  grosse  économie  de  particules.  Ils  se 
sont  bien  gardés  de  faire  une  énumération  de  ces  caractères  élémen- 
taires. Delage  a  essayé  de  combler  cette  lacune,  et  il  dit:  de  deux 
choses  Tune,  on  prend  pour  facteurs  élémentaires  des  caractères 
objectifs  aussi  limités  que  possible,  comme  par  exemple  pour  les 
feuilles  des  formes  de  pétiole,  de  limbe,  des  dispositions  de  nervures, 
etc.  Si  on  arrive  avec  2000  éléments  de  ce  genre  à  constituer  tous 
les  caractères  qui  se  trouvent  dans  tous  les  organes  d'une  plante,  on 
n"y  arrivera  jamais  pour  un  être  aussi  différencié  qu'un  mammifère. 
I.a  seconde  manière  consiste  à  décomposer  les  cai^actères  en  facteurs 
subjectifs,  tels  que  tendance  à  l'accroissement  en  longueur,  en  lar- 
geur ou  en  épaisseur,  d'où  résulte  la  forme  ;  conception  que  Delage 
juge  incompréhensible.  «  Je  ne  vois  pas,  dit-il,  la  fibrine  se  coagu- 
lant en  lilaments,  dans  une  solution  de  cette  substance,  sous  l'action 
de  trois  agrégats  contenus  dans  la  solution,  dont  l'un  lui  dit  :  Ion 
coagulum  sera  long  ;  l'autre  :  il  sera  étroit  ;  le  troisième  :  il  sera 
mince  ;  d'où  résulte  qu'il  forme  un  filament  »  (p.  638). 

Outre  cette  objection  de  détail,  il  y  a  une  objection  plus  générale 
et  plus  grave,  qu'on  peut  adresser  à  toutes  les  théories  micromé- 
ristes,  c'est  qu'elles  n'expliquent  pas  comment  l'onlogénie  peu! 
répéter  la  phylogénie.  Nous  avons  indiiiué  plus  haut  le  sens  de  cette 
répétition,  par  suite  de  laquelle  le  développement  passe  par  des 
formes  transitoires  avant  d'atteindre  les  formes  définitives.  \Veis- 
mann  invoque  la  maturité  comme  raison  de  la  sortie  des  bioi»liores 
à  tel  moment  et  en  tel  point,  mais  ce  n'est  qu'un  mot.  Bien  d'autres 
objections  se  pi-essent.  Delage  conclut  nettement  :  11  n'y  a  point, 
dans  le  plasma  germinatif,  de  particules  distinctes  l'eprésentant  les 
parties  du  corps,  ou  les  caractères  et  les  propriétés  de  l'organisme. 
Organicisme.  —  Les  organicistes  sont  peu  nombreux  ;  du  moins 
la  plupart  de  ceux  qui  s'y  rattachent,  comme  Von  Bœr,  Claude  Her- 
naid,  Bichat,  Pfliiger,  etc.,  n'ont  point  fait  de  tliéorie  complèlc  1/or- 
ganicisme  ne  sujii)OStî  pas  une  préderminalion  aussi  précise  (jue  le 
micromérisme  ;  il  suiq)Ose  le  concours  d'une  détermination  modérée 
et  des  forces  ambiantes,  qui  sont  nécessaires  pour  assurer  la  déter- 
mination finale. 

I,(!  père  de  l'organicisme  est  probai)lement  Descartes,  qui  ex|ili(iue 
la  i'orniation  des  organes  par  des  actions  et  réactions  mécaniques 
des  parties  les  unes  sur  les  autres,  selon  leur  volume,  leur  fluidité, 
leur  température,  leur  élasticité  et  la  direction  que  leur  imprime  le 
cours  du  sang.  «  Même  en  tenant  compte  de  l'époque,  dit  Delage, 
on  est  obligé  de  reconnaître  que  la  fantaisie  et  les  assertions  gra- 
tuites jouent  un  rôle  un  peu  trop  grand  dans  sa  doctrine  »  (p.  723). 


554  ANALYSES 

La  théorie  do  Houx  (1881)  est  bien  supérieure.  Roux  est  ce  natu- 
raliste autrichien  qui  s'est  fait  connaître  par  ses  l>enes  expériences 
sur  la  mécanique  du  développement  ;  il  a  cherché  à  monirer  que  la 
tâche  de  Thérédité-  esl  moins  forte  qu'on  ne  la  juge,  car  les  causes 
purement  extérieurrs  interviennent  pour  une  large  part  dans  la 
détermination  des  ctdlules  de  l'organisme.  Voici  comment  il  rai- 
sonne. Dans  le  plasm;i  de  chaque  cellule,  il  y  a  un  grand  nombre 
de  molécules  chimiqiu^s  qui  n'ont  ni  les  mêmes  jiropriélés  ni  l;i 
même  force  ;  elles  sont  en  lui  le  entri'  elles  ;  elles  sont  différemment 
sensibles  aux  excitations  cxli-rieures  ;  quand  une  molécule  est 
excitée  plus  souvent  que  les  autres  par  les  irrilan'ts  qui  lui  con- 
viennent, elle  acquiert  plus  d'importance,  et  toutes  les  molécules 
semblables  deviennent,  sous  l'intluence  de  cette  excilation  fonction- 
nelle, prépondérantes  dans  la  cellule.  C'est  ainsi,  jiar  cette  concur- 
rence des  molécules  et  par  l'excitation  fonctionnelle,  que  certaines 
cellules  deviennent  musculaires,  d'autres  nerveuses,  osseuses  ou 
glandulaires;  il  reste  toujours  dans  les  cellules  quelques  molécules 
non  ditîérenciées;  celles-là  serviront,  (piand  le  besoin  se  piésentera, 
à  faire  des  régénérations. 

Voici  une  application  de  cette  théorie.  On  sait  (jue  les  trabécules 
de  la  substance  spongieuse  de  l'os  sont  partout  dirigés  dans  le  sens 
du  plus  grand  effort  :  or,  dans  une  fracture  mal  réparée,  (juand  les 
deux  fragments  principaux  sont  n'-unis  par  un  segment  oblique, 
les  trabécules  prennent  dans  ce  segment  la  direction  du  plus  grand 
effort,  direction  naturellement  aulre  (pie  si  le  segment  intercalairi' 
eût  été  sur  le  prolongement  des  deux  fragments  principaux.  Ceci 
s'explique  de  la  manière  suivante.  Dans  l'os,  l'excitation  fonction- 
nelle est  l'acliou  mécanique  qui  s'exeice  en  ses  différents  points 
lors(ja'il  résiste  aux  elforts  ([ni  lendeni  à  détruire  sa  rigidité.  Dans 
les  trabécules  oi'ientés  suivant,  la  direction  du  plus  grand  effort, 
cette  excitation  est  plus  énergiipie  (ju'ailleurs,  et  ])roduit  une  ini{iul- 
si(jn  nutritive  qui  développe  ces  trabécules  (p.  128).  De  même,  les 
fractures  soumises  à  des  mouvements  pendant  leur  consolidation, 
donnent  naissance  à  une  pseudarthrose,  c'est-à-dire  qu'il  se  forme  du 
cartilage  et  des  ligaments,, appopiiés  à  la  fonclion  nouvelle,  sans  (jue 
l'hérédité  puisse  intervenir  en  rien.  L'excitant  des  nerfs,  c'est  la 
sensation,  c'est  la  pensée;  l'excitant  des  glandes,  c'est  le  sang; 
l'excitant  des  tissus  conjonctifs,  c'est  l'action  mécanique.  «  C'est  la 
lumii'To  (|ui  a  formé  l'o'il,  le  son  l'oreille,  et  ainsi  des  autres  sens  » 
(p.  731). 

Cette  théorie  ingénieuse  n'expli(ine  ni  la  régénéral  ion  ni  rinilo- 
genèse,  ni  surtout  rhér(''dil('.  En  effet  «  l'excitation  fonctionnelle  ne 
peut  déterminer  que  les  traits  généraux  de  la  différenciation  et  non 
les  minimes  détails  qui  constituent  la  ressemblance  héréditaire... 
Est-ce  la  lutte  moléculaire  ou  l'tîxcitation  fonctionnelle  (jui  donnera 
à  cette  main  ses  caractères  individuels  et  la  rendra  effilée  comme 


UTSTOLOGIE,    ANATOMIE   ET    PHYSIOLOGIE 


ooo 


chez  lo  père,  ou  courte  romme  cliez  la  mère,  qui  ïova  ce  nez  un  peu 
plus  droit  comme  cliez  celui-ci,  ou  un  peu  plus  recourbé  comme 
chez  celui-là,  qui  fera  naître  sur  lui  ce  petit  sicne  noir  juste  à  la 
même  place  que  chez  l'un  ou  l'autre  ?  »  (p.  740). 

Nous  en  avons  fini  avec  tous  ces  chercheurs  de  l'absolu.  On  ne 
peut  pas  leur  repiochr-r  de  ne  jias  avoir  atteint  le  but,  dit  Delage, 
parce  que  ce  but  dcpasse  la  portée  de  l'intelligence  humaine.  Et  il 
ajoute  cette  considération  bien  curieuse  que  toutes  ces  hypothèses 
où  l'on  imagine  de  toutes  pièces  une  constitution  précise  et  com- 
pliquée du  protoplasma  sont  condamnées  d'avance  parce  qu'elles 
inventent  des  choses  qui  ne  s'inventent  pas.  «  Il  est  impossible  de 
tomber  juste  en  imaginant  les  dispositions  de  détail  d'une  chose 
extrêmement  compliquée  qui  ne  se  révèle  que  par  des  effets  iiuli- 
rects  et  éloignés.  L'histoire  tout  entière  des  progrès  de  l'histologie 
est  là  pour  le  montrer.  A-t-on  jamais  deviné  les  moindres  structures 
que  le  microscope  a  dévoilées?  A-t-on  deviné  la  striation  transversale 
des  muscles,  les  cils  des  épitheliums  vibratiles,  les  prolongements  des 
cellules  nerveuses,  etc.  ?  Et  l'on  vomirait  que,  personne  n'ayant 
jamais  pu  deviner  la  moindre  de  ces  choses,  quelqu'un  un  jour  pût 
tomber  juste  en  inventant  le  détail  de  la  structure  du  profoplasma 
et  des  mouvements  combinés  de  ses  particules  constitutives  ?  C'est 
impossible  !  »  (p.  746). 

Après  avoir  assisté  à  cet  avorlement  de  tant  d'liy]i(ilhèses,  et  avoir 
dressé,  au  sujet  des  grands  problèmes  biologiques,  un  bilan  de 
faillite  qui  jure  quelque  peu  avec  le  coup  de  clairon  de  la  préface, 
l'auteur  a  eu  le  courage  de  présenter  une  théorie  personnelle,  qui 
est  surtout  un  perfectionnement  de  la  théorie  de  Roux,  bien  qu'elle 
se  soit  développée  dans  son  esprit  avant  qu'il  connût  <'elle  de  Roux; 
il  l'appelle  la  théorie  des  causes  acinelles;  elle  s'appuiera  peut-être 
un  jour,  à  ce  qu'il  nous  annonce,  sur  des  faits  d'expérience.  «  J'ai 
entrepris,  dit-il,  diverses  expériences  qui  seraient  décisives  pour  la 
solution  de  questions  préjudicielles  indispensables.  Mais  ces  expé- 
riences toujours  fort  longues,  porlnni  fiarfois  sur  plu>ieurs  généra- 
tions, ne  sont  pas  assez  avanc(''es  pour  qu'il  me  semble  utile 
d'escompter  les  résultais  (ju'elles  laissent  entrevoii'.  » 

Sa  préoccupation  principale  paraît  avoir  été  de  >iin|ilifier;  on 
complique  tro{)  l'hérédité,  peuse-l-il,  on  la  charge  de  faire  trop  de 
choses  ;  il  n'y  a  pas  tan!  de  caractères,  d'organes  et  de  formes  pré- 
déterminés dans  l'ovule,  l/a-uf  m;  contient  pas  en  lui  tous  les  élé- 
ments de  son  évolution  ;  le  plus  grand  nombre  est  en  dehors  de  lui, 
et  il  les  rencontrera  ou  les  fabri(|uera  en  route.  Delage  le  compare 
à  un  fleuve  qui,  alinienl/'  par  la  fnnle  d'un  glacier,  dtîscend  de  la 
montagne,  forme  une  cascade,  s'étale  dans  la  plaine,  tourne  un 
moulin,  et  se  perd  dans  la  mer;  aucmi  de  ces  divers  jihénonn'-nes 
n'est  déterminé  à  l'avance  dans  l'eau,  le  nuage,  le  glacier.  De  même, 
l'évolution  de  l'individu  est  le  produit  de  nombreux  facteurs,  d(nit 


5S6  ANALYSES 

l'un  est  la  constitution  de  l'œuf,  et  dont  les  autres  sont  les  tropismes 
et  les  taclismes,  Texcitation  fonctionnelle  l'action  des  ingesta  et 
egesta  de  la  nutrition,  et  les  conditions  ambiantes  de  tout  ordre. 

Et  le  plasma  germinatif  ?  Que  faut-il  penser  de  ce  précieux  dépôt, 
qui,  selon  Weismann,  reste  toujours  distinct  du  plasma  somatique  ? 
«  L'observation  la  plus  minutieuse  n'a  jamais  montré  dans  les  cel- 
lules la  mise  à  part  de  quoi  que  ce  soit  c[ui  dans  leur  substance 
serait  transmis  intact  »  (p.  767).  La  cellule  sexuelle  et  toutes  celles 
de  sa  lignée  ascendante  jusqu'à  l'œuf,  sont  simplement  des  cellules 
peu  différenciées,  et  capables  de  faire  retour  à  leur  état  initial;  et 
c'est  précisément  parce  qu'elles  sont  peu  différenciées  qu'elles  sont 
immortelles,  car  elles  peuvent  se  diviser,  et  la  division  homogène  ne 
diminue  jamais  la  vitalité  des  cellules  (affirmation  ipii  nous  paraît 
sans  preuve).  Au  contraire  les  cellules  hautement  différenciées  ne 
peuvent  plus  se  diviser,  voilà  pourcjuoi  elles  meurent. 

L'explication  de  l'hérédité  devient  dés  lors  toute  simple,  trop 
simple  même.  «  11  est  inévitable  que  l'œuf  suive  la  même  évolution 
que  l'œuf  du  parent,  i)uisqu"il  a  la  même  constitution  physico-chi- 
mique que  lui  et  rencontre,  dans  le  même  ordre,  une  série  de 
conditions  identiques  rigoureusement  déterminées.  11  n'est  donc 
pas  nécessaire  qu'il  contienne  en  lui  tous  les  facteurs  de  son  évolu- 
tion. Il  suffit  qu'il  contienne  un  des  nombreux  facteurs  indispen- 
sables à  la  reproduction  i(lcnti(iue  de  tous  les  phénomènes  évolutifs, 
les  autres  facteurs  non  moins  indisjiensables  sont  situés  en  dehors 
de  lui,  mais  il  est  sûr  de  les  rencontrer,  à  point  et  à  temps,  sans  quoi 
il  meurt,  et  l'évolution  n'est  pas  déviée,  mais  arrêtée  »  (p.  177).  C'est 
à  peu  près  l'idée  de  Roux,  et  Delage  lui  avait  très  bien  objecté 
([u'on  peut  expliquer  ainsi  à  la  rigueur  une  forme  générale  et  non 
une  ressemblance  de  détail  itrécise  et  locale  entre  le  parent  et 
l'enfant,  comme  un  nœvus  sur  telle  partie  de  la  main.  Il  est  bien  sin- 
gulier que  l'auteur  ne  se  soit  plus  souvenu  de  sa  ciiticiue  quand  il 
s'est  agi  de  sa  propre  lliéorie. 

L'auteur  arrive  à  assigner  à  l'œuf  un  minimuu  de  détermination. 
Mais  ce  mininum  nous  senijjje,  somme  toute,  aussi  iiiexplicabh^  (jue 
le  nuiximum. 

Au  reste,  noire  inleiilioii  ii"e^t  point  de  nous  ;irrèler  sur  cette 
première  esquisse  de  la  théorie  île  rauleiir.  Aileiidoiis  les  faits 
d'observation  (ju'il  nous  annonce.  Il  ne  faut  voir  dans  son  ouvrage 
qu'un  livre  d(;  critique,  de  haute  critique  philosophique,  faiti;  avec 
une  ardeur  de  conviction,  une  ricliesse  d'iiifoiinalion,  une  confiance 
et  une  puissance  d';^Ilaly^e  vraiment  admirables. 

Le  style,  malgré  l'abus  ilu   luonom  cela,  est  d'une  clarti'  |iari'aile. 

Nous  croyons  qu'il  a  atteint  le  but  iju'il  s'est  i)roposé  ;  il  a 
donné  aux  piiilosophes  une  représentation  i)arfaitement  claire  de 
toutes  les  solutions  proposées  par  les  savants  contemporains  aux 
grands  problèmes  biologi(iues  de  tous  les  tem[ts.  Il  reste  maintenant, 


llISTOLOGIi:,    ANATOMIE    ET   PHYSIOLOGIE  557 

croyons-nous,  pour  les  philosophes  à  démonter  le  mécanisme  de  ces 
théories,  —  indépendamment  des  faits  auxquels  elles  s'appliquent,  — 
à  mettre  en  lumière  leurs  caractères  psychologiques  et  logiques,  les 
analogies  conscientes  ou  non  qui  leur  ont  servi  de  base. 

A.    Bl.NET. 


ANATOMIE  DU   SYSTÈME   NERVEUX 


I.    —    STRUCTURE     DES    CENTRES    NERVEUX 

\V.  V.  BECIITEREW.  —  Die  hintere  Zweihùgel  als  Centrum  fur  das 
Gehôr,  die  Stimme  und  die  Reflexbewegungen  (Neurol.  Central- 
hlatt,  1895,  n"  16;. 

Les  recherches  de  l'auteur,  faites  sur  des  rats  blancs,  des  cobayes 
et  des  lapins,  lui  ont  démontré  que  les  tubercules  quadrijumeaux 
postérieurs  et  les  corps  geuouillés  internes  ont  pour  l'audition  la 
même  signification  que  les  tubercules  quadrijumeaux  antérieurs  et 
les  corps  genouillés  externes  pour  la  vision. 

Les  tubercules  quadrijumeaux  postérieurs  contiennent  en  outre  le 
centre  de  la  voix.  A  ce  point  de  vue  ses  expériences  confirment  les 
résultats  obtenus  par  Onodi. 

Enfin  ces  tubei'cules  ont  des  relations  étroites  avec  les  mouve- 
ments. Les  animaux  auxquels  on  les  a  extirpés  totalement  ne  peu- 
vent plus  se  tenir  debout  ni  marcher,  quoicjue  les  mouvements  isolés 
des  membres  soient  conservés.  L'auteur  décrit  aussi  les  mouve- 
ments qui  se  produisent  par  l'excitation  de  ces  tubercules,  mouve- 
ments qui  sont  probablement  en  rapport,  à  l'état  normal,  avec  les 
sensations  auditives. 

H.  Be.vc.nis. 

M.  ET  M™«  .1.  DEJERIXE.  —  Sur  les  connexions  du  ruban  de  Reil  avec 
la  corticalité  cérébrale.  <;.  H.  Soc.  de  Biologie,  6  avril  1895, 
p.  283-291.) 

Le  ruban  de  Reil  est  considéré  aujourd'hui  comme  la  voie  par 
laquelle  les  impressions  sensitivcs  cheminent  du  bulbe  rachidien 
vers  le  cerveau. 

Les  recherches  analomo-pathologiqucs  des  auteurs  les  ont  conduits 
aux  résultats  suivants. 

La  dégénérescence  du  ruban  de  Reil,  à  la  suite  de  lésions  de  la 
protubérance  ou  du  bulbe,  est  une  dégénérescence  ascendante,  et 
cette  dégénérescence  ne  peut  être  suivie  au  delà  de  la  partie  infé- 
rieure de  la  couche  oitti([ue. 

Dans  les  cas  de  lésions  thalamiques,  sous-thalamiques  ou  pédon- 


I 


>58 


ANALYSES 


culuiix's,  le  lubau  de  licil  ne  subiL  pas  de  dégénérescence,  mais  une 
atrophie  lente,  rélroiiiade,  diminuant  de  haut  en  bas. 

Le  ruban  de  Ueil  n"a  que  des  cunnexions  indirectes  avec  la  corti- 
calité  cérébrale. 

En  résumé,  le  riihaii  de  Reil  ne  monte  pas  directement  des  noyaux 
de  GoU  et  de  Burdach  (^cordons  postérieurs  de  la  moelle)  vers  la  coi- 
ticalité  cérébrale.  La  voie  sensitive  bulbo-corticale  comprend  deux 
neurones,  un  neurone  inférieur,  balbo-thalamique,  représenté  par 
la  parli(!  médiane  du  ruban  de  Ueil,  et  un  neurone  supérieur  ou 
cérébral,  reliant  \i;  tluilamus  à  l'écorce  cérébrale. 

H.  Heaunis 


M.  ET  M"«  J.  DEJERINE.  —  Sur  les  connexions  du  noyau  rouge  avec 
la  corticalité  cérébrale.  (C.  R.  Soc.  de  Biologie,  30  mars  1895, 
p.  22(J-23U.) 

Les  auteurs  publient  deux  cas  qui  élucident  les  connexions,  encore 
<liscutées,  du  noyau  rouge  avec  la  corticalité  cérébrale.  Les  laits  qui 
se  dégagent  de  leurs  recherchtîs  sont  les  suivants. 

1°  11  n'y  a  pas  de  connexion  directe  entre  le  i)édoncule  cérébel- 
leux supérieur  et  la  corticalité  cérébrale.  Dans  riiémiatropbie  croisée 
du  cervelet  à  la  suite  (fln'-iniplégie  cérébrale  infantile,  le  pédoncule 
cérébelleux  supérieur  n'est  pas  dégénéré,  mais  simplement  diminué 
<Je  volume,  atrophié.  Donc  il  ne  reçoit  pas  de  libi-es  directes  de  la 
corticalité  cérébrale. 

Le  pédoncule  céiébelli-nx  sup('rieur  prend  son  origine  dans  le 
noyau  rouge  qu'il  relie  à  l'olive  cérébelleuse.  Il  s'entre-croise  incom- 
plètement et  contient  un  faisceau  direct  tjui  se  détacbe  du  pédon- 
cule cérédielleux  supérieur  avant  son  entre-croisement,  et  se  rend, 
jiar  les  radiations  de  la  calotte  dans  le  thalamus  du  même  côté. 

2^^  \j'  noyau  rouge  est  en  connexion  indirecte  avec  la  corticalité 
cérébrale  par  Fintermédiaire  de  la  couche  optique  (cas  personnel 
des  aut(!urs).  Cette;  voie  cortico-rubrique  indirecte  passe  par  la 
couche  o|)ti(iue  et  son  jiremier  neurone  est  constitué  i»ar  les  radia- 
tions thalaniitjues  (jui  relient  la  roiticalité  cén'dirale  aux  noyaux  de 
la  couche  optic]ue,  le  second,  |>ar  les  radiations  de  la  calotte  qui 
unissi'utle  thalamus  au  noyau  rouge. 

3'^  Le  noyau  rouge  est  aussi  en  connexion  directe  avec  la  ctuticalité 
cérébrale  par  des  radiations  cortico-rubriques  directes  dont  ils  ont  pu 
suivre  le  trajet  chez  un  hémi[)légi(|ue  aphasique  (cas  personnel  des 
auteurs). 

4"  11  résultt;  de  l'ensembh;  de  leurs  recherches  (jue  la  voie  céré- 
bro-cérébelleuse qui  passe  par  le  noyau  rouge  et  le  corps  denté  du 
cervelet  (>st,  conlrairemeiit  à  l'opinion  de  Meynert,  Flechsig  et  Hôsel, 
non  pas  une  \o'\e  directe,  mais  une  voie  indirecte  composée  au 
moins  de  trois  neurones  :  un  neurone  supérieur,  cérébral  oncortico- 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PHYSIOLOGIE  559 

rubrique,  couslitu»''  par  les  radiations  du  noyau  rouge,  un  neurone 
moyeu  ou  rubro-cérébelleux,  constitué  par  le  pédoncule  cérébelleux 
supérieur  et  un  neurone  inférieur  ou  cérébelleux  représenté  par 
les  libres  qui  relient  Tolive  cérébelleuse  à  lécorce  cérébelleuse. 

H.  Beaums. 

J.  DEJERINE  ET  J.  SOTTAS.  —  Sur  la  distribution  des  fibres  endo- 
gènes dans  le  cordon  postérieur  de  la  moelle  et  sur  la  constitution 
du  cordon  de  Goll.  (C.  U.  Soc.  de  Biulouie,  111  juin  1895,  p.  4Go- 
409.) 

Les  conclusions  des  auteurs  sont  les  suivantes. 

1°  Le  cordon  de  Goll  ne  reçoit  pas  de  libres  endogènes  ou  médul- 
laires ;  2"  il  ne  reçoit  pas  non  jtlus  de  libres  radiculaires  descen- 
dantes. 11  est  uniquement  formé  par  l'adjonction  successive  des 
libres  longues  des  racines  postérieures.  Les  faisceaux  radiculaires 
une  fois  entrés  dans  ce  cordon  sont  pour  ainsi  dire  classés,  ils  émet- 
tent bien  dans  leur  trajet  ascendant  des  collatérales,  mais  aucune 
libre  étrangère  ne  vient  se  mêler  à  eux. 

Les  libres  d'origine  médullaire  n'existent  donc  que  dans  le  cordon 
de  Burdacb  surtout  en  arrière  de  la  commissure  et  le  long  de  la 
corne  postérieure. 

H.  Beaums. 

J.    DE.IERINE.  —  Anatomie  des  centres  nerveux     Tome   premier, 

Crand  in-8",  189:j,  816  [k  el  4U1  ligures 

L'ouvrage   de   J.    Dejerine  sur  FAnatumie  des  centres   nerveux 
dont  le  tonu,'  premier  a  seul  paru  encore,   est  un  véritable  monu- 
ment. Il  rendra  les  plus  grands  services  à  ceux  qui  veulent  s'occuper 
sérieusement  de  l'étude  des  centres  nerveux  et  ne  pas  se  contenter 
comme  on  le  fait  trop  souvent  d'uni;  étude  superliciidle. 

Il  n'y  a  pas  aujourd'bui  de  i)sycliologie  possible  sans  la  connais- 
sance approfondie  de  la  structure  du  cerveau  et  des  lésions  qui 
altèrent  cette  structure.  Aussi  voit-on,  par  la  force  même  des  choses, 
cette  vérité  pénétrer  peu  à  l'eu  dans  les  rs|irils  et  les  jeunes  psy- 
chologues, rompant  avec  les  anciens  eiTements  et  reprenant  des 
traditions  perdues,  fré([uenter  les  auipliilliéàlres,  suivre  les  cliniques, 
entrer  dans  les  asiles  et  faire  mènn;  leurs  éludes  médicales.  Il  y  a  là 
une  tendance  heureuse  ;  la  psychologie  et  la  médecine  y  gagneront 
toutes  deux. 

Le  livre  de  Dejerine  paraît  à  un  moment  favorabhî. 

Depuis  quelques  années  nous  assistons  à  une  véritable  révolution 
en  anatomie  nerveuse;  la  tiiéorie  du  neurone,  basiM!  sur  les  travaux 
de  Forel,  His,  Ramon  yCajal,  a  luniliiir;  du  l.piUau  loul  nos  connais- 
sances sur  la  structure  des  ceiiti'es  nerveux  et  spécialement  sur  1<îs 


o60 


ANALYSES 


connexions  des  tlifTéienls  éléments  nerveux  entre  eux'.  La  tliéoiie 
du  réseau  aniistomotii[ue  de  Gerlacli  a  vécu  et  le  système  nerveux, 
périphérique  et  central,  apparaît  comme  constitué  par  une  série  de 
neurones  superposés,  ne  communiquant  entre  eux  que  pai'  simple 
contact. 

Deux  traits  principaux  caractérisent  ce  livre  :  remjilui  des  coupes 
macroscopiques  et  microscopiques  sériées  dont  un  i,Mand  nombre 
sont  reproduites  fidèlement  jiar  la  })liotograpliie,  le  calque  ou  la 
projection,  le  contrôle  incessant  de  l'anatomie  normale  par  l'ana- 
tomie  pathologique  et  spécialement  par  la  méthode  des  dé'généres- 
cences  secondaires.  Son  service  de  Bicètre  fournissait  sur  ce  point  à 
Fauteur  un  riche  ensemble  de  matériaux  qu'il  a  largement  utilisés. 

Une  brève  introduction,  après  quelques  généralités  un  peu  trop 
écourlées  peut-être  sur  le  système  nerveux  dans  la  série  animale, 
donne  en  quelques  lignes  le  plan  général  de  l'ouvrage. 

La  première  partie  est  consacrée  à  l'embryologie,  à  l'iiistogenèse 
et  à  l'histologie. 

Un  chapitre  préliminaire  traite  des  méthodes  usitées  dans  l'étude 
des  centres  nerveux. 

L'auteur  rappelle  d'abord  les  métiiodes  générales  d'étude  i^coupes 
sériées,  méthode  des  dégénérescences  secondaires,  etc.),  puis  décrit 
av(,'c  détails  la  technique  des  coupes  macroscopiques  et  microsco- 
pi(iues,  les  procédés  de  durcissement  et  de  coloration,  eic,  etc. 
44  pages  sont  consacrées  à  ces  détails  do  technique  dunt  on  ne  peut 
iut''connaîlre  l'importance  ;  car  l'emploi  d'un  réactif  nouveau,  comme 
on  l'a  vu  pour  la  théorie  du  neurone,  peut  bouleverser  la  face  de  la 
science. 

Pour  le  durcissement  des  cerveaiix,  l'auteur  enq)loie  surfout  le 
lic^uidi!  de  .MQllor  (Eau,  100  grammes;  bichromate  de  potasse, 
2  grammes  ;  sul l'aie  de  soude,  1  giamme).  Le  liquide  doit  être 
changé  très  souvent,  tous  les  Jours  mèiiii'  la  [iremière  semaine.  H 
faut  8  à  10  litres  île  liiiuide  pour  uu  (-erveau  humain  entier  et 
le  durcissement  n'est  guère  conqdeL  (pi'au  hou!  de  dix  à  quinze 
mois. 

Pour  l'inclusion  des  pièces  pour  les  coupes  il  se  sert  soit  du  collo- 
dion  épais  de  Mathias  iJuval,  suit  île  la  paral'line,  snil  d'au  pro- 
cédé mixt(>,  imprégnation  au  coilodion  et  enrobement  à  la  paraf- 
fine. 

Le  micruli>uie  est  une  modification  duniicrotome  de  (iudden  avec 
lequel  on  jieut  diviser  un  cerveau  en  1,800  à  2,000  coupes  (sens  ver- 
tico-transversal).  Ces  coupes  sont  montées  sui'  verre,  après  avoir  été 
traitées,  suivant  le  besoin,  parles  différents  piocédés  de  coloration 
et  conservé(,'s  dans  la  gédatine  stérilisée. 

Pour    examiner  au  microscope  des    coupes  de  cette   étendue,  il 


(1)  \oli  Année  psychologique,  I,  p.  258. 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET    PHYSIOLOGIE 


561 


TABLEAU   DES  DIFFERENTES  PARTIES  DU  NEVRAXE  DERIVEES 
DE  CHAQUE  VÉSICULE  ENCÉPHALIQUE 


NEVRAXE 


liOSLLK    ÉPIM^RE 


Arrii'-re- 
cervean. 


PLANCHER 


Soptuni  antérieur 
de  la  moelle. 


Raphé. 


Cerveau      Raphé. 
postérieur 
J  proprement 
dit. 


Istliuie 
dit  cerveiiic 
postérieur. 


2*  TÉSlCtLE  E^- 
CÉHHALIQL'E  PRI- 
MITIVE (cEBVEAU 
1I0YE>) 


Cerveau 

inter- 
médiaire. 


f    Cerveau 
an  térieur. 


Raphé. 


Kaplié.  Substan- 
ce jierforée  pos- 
térieure. 


Particantérieure 
de  la  substance 
perforée  posté- 
rieure .  Tubcr 
cincreuin  et  in- 
fundibuluni  du 
■i'^  ventricule. 


Lame  sus  -  opti- 
que. 


PAROIS  LATERALES 


LAME 
FONDAMENTALE 


Corne  antérieu- 
re. Conniiissure 
grise  antérieu 
re.  Cordon  an- 
térieur, partie 
antérieure  du 
cordon   latéral. 


Calotte  du  bulbe. 


Calotte  protubé- 
rantiello. 


Partie  postérieu- 
re de  la  calotte 
prolubérantiel- 
le. 


Calotte  des  pé- 
doncules céré- 
braux. 


Région  sous-op- 
tique de  Forel. 
Tubercules  ma- 
niillaiies.  Corps 
Keiioiiillés.  Raii- 
ilcIeMe  opti(|UC 
et  cliiasma. 


ÎS'existe  pas. 


LAME    ALAIRE 


Col  et  corne  posté 
rieurs.  Commissure 
grise     postérieure 
Cordons  postérieurs 
et  partie  postérieure 
des    cordons    laté- 
raux   à    l'exception 
du  faisceau  pvrami 
dal. 


Pédoncules  céré  - 
belleux  inférieurs 
IVoyaux  des  cordon- 
de  Goll  et  de  Bur- 
dach.  Système  des 
olives  su|)érieurcs  et 
inférieures .  Tuber- 
cule acoustique.  A /(( 
cinerea. 


Cervelet.  Pédoncule; 
cérébelleux  inox  eus, 


Pédoncules   cérébcl 
Icux  supérieurs. 


Tubercules  quadri- 
junieaux.  Faisceau 
triangulaire  de  l'is- 
llinie  (Ruban  de  Reil 
latéral). 


Couches       optiques 
(Commissure   molle 


VOUTE 


Partie  postérieu- 
re du  septum 
])Ostérieur  de  la 
moelle. 


Membrane  obt  u- 
ralrice  du  4« 
ventricule.  0- 
bex,  tœnia  du 
4''  ventricule. 


CAVITE  S 


Canal  cen- 
tral de  l'é- 
pendyme. 


Vcrmis.   Valvu- 
les de  Tarin. 


'  ventri- 
cule. 


Valvule  de  Yieus- 
soiis. 


Membrane  unis- 
sante des  tuber- 
cules quadriju- 
meaux. 


Oimmissurc  pos- 
térieure.(ilande 
liinéale.  Tienia 
tlialami,  gan- 
glion de  riiabe- 
niila.inembiaiie 
obturatrice  du 
'i"  ventricule. 


Ecorcc  cérébrale,  lobes  olfactifs  et 
masses  blanche  sous-jacenle.  Fais- 
ceau pyramidal.  Corps  calleux,  tri- 
goiie  cérébral,  septum  luciiluni. 
(Commissure  antérieure.  (Corps  strié. 
Lobule  de  l'insula. 


.\queducde 
S\  Ivins. 


3«  ventri- 
cule. 


Ventricules 
latéraux. 


ANNEE   PSYCHOLOGIQUE.  II. 


36 


56:2  ANALYSES 

faut  des  iiistrumenls  spéciaux.  Il  emploie  un  microscope  à  platine 
mobile  et  à  axe  optique  tournant,  construit  par  Nacliet  sur  les 
indications  du  docteur  Bordas  et  modifié  par  Dejerine. 

L'auteur  entre  dans  des  détails  minutieux  sur  les  procédés  de 
coloration  des  fibres  nerveuses  et  des  cellules  (métliode  de  Weigert, 
de  Pal,  de  fiolgi,  etc.)  pour  lesquels  je  ne  puis  que  renvoyer  à  l'ori- 
ginal. 

Le  chapitre  n  traite  du  développement  du  système  nerveux. 
Dans  cette  étude  embryologique,  il  utilise  surtout  les  travaux  de  His 
et  Mathias  Duval  auxquels  il  emprunte  de  nombreuses  planches. 

Ce  sont  d'abord  les  premiers  développements  du  névraxe,  forma- 
tion du  canal  neural,  apparition  des  trois  vésicules  encéphaliques 
primitives,  formation  des  cinq  vésicules  encéphaliques  secondaires, 
iullexions  de  l'encéphale  embryonnaire,  cavités  du  névraxe  embryon- 
naire. 

Le  tableau  ci-dessus,  très  instructif,  résume  les  diverses  parties 
du  névraxe  qui  dérivent  de  chaque  vésicule  encéphalique  (voir  à 
la  page  S61).' 

Vient  ensuite  le  développement  ultérievu^  du  nén^axe,  moelle 
épinière,  encéphale  et  ses  diverses  parties.  Des  figures  demi-sché- 
matiques coloriées  (fig.  52  à  63)  représentent  d'une  façon  très  claire, 
sur  des  coupes  vertico-transversales  et  horizontales,  les  phases  prin- 
cipales du  développement  des  ganglions  centraux,  de  la  capsule 
interne,  du  corps  calleux  et  du  trigone  cérébral. 

Le  troisième  chapitre  traite  de  l'histogenèse  du  système  nerveux. 
Les  ti-avaux  de  His,  Vigual,  Retzius,  etc.,  en  ont  élucidé  les  points 
[irincipaux. 

A  l'époque  de  sa  formation,  la  gouttière  neurale  est  constituée 
par  une  couche  simple  de  cellules  épithéliales  cylindriques,  cellules 
neuro-épithé Haies  de  His,  qui  formeront  la  cliarpente  épendymaire 
ou  la  substance  de  soutien  de  l'axe  nerveux.  Entre  ces  cellules  apjîa- 
raissent  bientôt  de  nouvelles  cellules,  cellules  germinatives  qui  se 
transforment  en  neuroblastes  et  donneront  naissance  aux  cellules 
nerveuses  proprement  dites  et  aux  cellules  de  la  névroglie.  Cette 
transformation  des  neuroblastes  se  fait  vers  le  troisième  mois  de  la 
vie  intra-utérine.  Le  jirolongement  cylindraxile  apparaît  le  pre- 
mier et  de  très  bonne  heure  (déjà  avant  la  lin  du  premier  mois) 
tandis  que  les  prolongements  protoplasmiques  de  la  cellule 
nerveuse  ou  dendrites  ne  se  montrent  que  plus  tard,  dans  le  troisième 
mois. 

Alors  le  neurone  cellulaire  se  constitue  peu  à  peu  par  l'extension 
des  prolongements  cylindraxiles  et  surtout  des  dendrites  et  de  leurs 
ramitications. 

Chez  les  invertébrés,  les  cellules  sensitives  sont  situées  à  la  péri- 
phérie, et  disséminées  dans  toute  l'étendue  du  tégument  externe, 
entie  l'épithélium,  comme  chez  les  vers  oligochètes.  A  mesure  qu'on 


UISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET    PHYSIOLOGIE  563 

monte  dans  la  série,  la  cellule  sensitive  s'éloigne  de  plus  en  plus  de 
la  surface  épideimique  ;  chez  les  vers  polychètcs  {Nei'eis  vei'sicolor) , 
elle  occupe  les  couches  profondes  sous-épilhéliales,  et  dans  les  naol- 
lusques  sa  situation  est  encore  plus  profonde.  Chez  les  vertébrés,  la 
cellule  sensitive  périphérique  n'est  jîlus  représentée  que  par 
les  cellules  olfactives  situées  dans  l'éxiithélium  de  la  muqueuse 
nasale. 

L'étude  histogénétique  montre  donc  les  faits  suivants  : 

Les  cellules  nerveuses  du  'cerveau,  de  la  moelle  ou  des  ganglions, 
sont  toutes  isolées  au  début,  sans  connexion  aucune,  soit  entre  elles, 
soit  avec  la  périphérie.  Bientôt  ces  cellules  émettent  des  prolonge- 
ments cylindraxiles  et  plus  tard  des  prolongements  protoplas- 
miques  ou  dendrites. 

Tous  ces  prolongements  se  terminent  par  des  extrémités  libres 
(arborisations  terminales). 

Les  ramifications  libres  des  dendrites  et  des  cylindraxes 
forment,  non  pas  un  réseau  anastomotique  comme  le  croyait  Golgi, 
mais  un  simple  feutrage  plus  ou  moins  serré. 

Il  n'existe  donc  pas  dans  le  système  nerveux  deux  éléments,  la 
cellule  nerveuse  et  la  libre  nerveuse,  mais  un  seul  élément,  une 
seule  unité,  présentant  son  autonomie  i^ropre,  le  neurone  (cel- 
lule nerveuse  avec  ses  pi'olongements)  et  le  système  nerveux 
n'est  constitué  que  par  une  chaîne  de  neurones  plus  ou  moins  longs. 

11  n'existe  pas  une  cellule  motrice  et  une  cellule  sensitive,  une 
libre  motrice  et  une  fibre  sensitive. 

La  fonction  motrice  ou  sensitive  dépend  de  la  terminaison  péri- 
1  ibérique  de  la  fibre,  soit  dans  un  élément  moteur  comme  le 
muscle,  soit  dans  un  élément  sensible  comme  la  surface  cutanée. 

Ces  vues  ne  font  que  confirmer  les  vues  émises  par  Vulpian  il  y 
a  plus  de  trente  ans  sur  le  fonctionnement  nerveux. 

Enfin  les  connexions  des  cellules  entre  elles  sont  toujours  de 
simples  connexions  de  contact,  de  contiguïté,  jamais  des  connexions 
de  continuité  de  substance. 

C'est  sur  ce  principe  du  contact  que  repose  toute  la  théorie  nou- 
velle. 

Je  ne  feiai  que  passer  sur  le  chapitre  iv  consacré  à  l'histo- 
logie générale  du  système  nerveux  chez  l'adulte,  dans  lequel  l'auteur 
résume  les  notions  les  plus  récentes  sur  la  structure  des  cellules,  des 
libres  et  des  terminaisons  nerveuses. 

La  deuxième  partie  du  livre  est  consacrée  à,  l'anatomic  du  cer- 
veau. 

Le  chapitre  premier  comprend  la  morphologie  cérébrale.  Après 
quelques  considéiations  géiiéiales  sur  l'encéphale  (foiiue,  poids, 
volume,  densité),  l'auteur  étudie  en  détail  la  configuration  exté- 
rieure du  cerveau,  circonvolutions  et  anfractuosités  cérébrales,  base 
du  cerveau,  région  des  pédoncules  cérébraux,  puis  la  configuration 


564 


ANALYSES 


intérieure  du  cerveau  e(,  tout  i-e  qu'où  peul  éludier  sans  avoir 
recours  aux  coui)es.  ('elte  partie,  purement  descriptive  et  ne 
s'écartant  pas  des  descriplions  classiques,  est  1res  complète  et  très 
documentée. 

Le  chapitre  ii,  beaucoup  plus  personnel,  comprend  lélude  topo- 
i^raphique  du  cerveau  à  l'aide   de  coupes  macroscopiques  sériées. 

On  trouve  dans  ce  cluipitre  56  figures  qui  reproduisent  en  aran- 
ileur  naturelle,  des  coupes  iriiémisphères  durcis  dans  le  liquide  de 
Mïdler  et  pratiquées  avec  le  microtome  de  Gudden.  Les  coupes 
comprennent  trois  séries,  16  coupes  horizontales,  30x:oupes  vertico- 
transversales,  et  10  coupes  sagittales. 

Toutes  ces  coupes  sont  décrites  dans  le  texte  en  se  limitant  à  ce 
qui  est  visible  à  l'œil  nu,  l'auteur  renvoyant,  pour  l'anatomie  de  tex- 
ture, aux  coupes  microscopiques  qui  sont  données  dans  le  chapitre 
suivanl. 

Je  puis  al'lirmer,  après  les  avoir  examinées,  que  cidui  (jui  les 
'■(udiera  consciencieusement  après  avoir  surmonlé  l'aridité  appareule 
de  cette  étude,  acqueiia  rapidement  une  connaissance  approfondie 
de  la  disposition  et  des  rapports  des  différentes  parties  du  cerveau 
et  [s'orientera  avec  la  jilus  grande  facilité  dans  l;i  topographie 
cérébrale.  Il  pourra  alors  aborder  avec  fruit  le  chapitre  suivant  où 
se  trouvent  nquoduiles  les  coupes microscoitiques  sériées  vues  à  un 
faible  grossissement,  suflisant  pour  étudier  la  texture  du  cerveau. 

Ces  ligures,  au  nombre  de  46,  conîi)rennent  quatre  séries  de 
coupes  à  direction  vertico-tiansversale  et  horizontale.  Ces  coupes, 
colorées  par  les  métiiodes  de  Weigert  et  de  Pal  ont  été  dessinées  à 
l'aide  de  l'appareil  à  ]troJectioii  de  l'aïUt-ui'  et  ont  la  lulélil(''  d'une 
photographie.  CluKjue  dessin  est  la  reproduction  d'une  seule  prépa- 
ration et  s'accompagne  d'un  texte  df-laili»''  connue  pour  les  coupes 
macroscopiques. 

Ces  coui>es  sont  très  instructives,  surtout  (piand  on  les  l'approche 
tle  celles  du  chaj)itre  |»récétlent  et  permettent  de  suivre  par  leur 
superposition,  la  marche  des  divers  faisceaux  dans  le  cerveau  el  les 
connexions  des  ganglions  cérébraux  entre  eux  et  avec  l'écorce  céré- 
brale. 

1-e  chapitre  iv  est  consacré  à  l'étude  de  la  structure  de 
l'écorce  cérébrale,  étude  faite  en  grande  partie  d'après  les  recherches 
de  Meynert,  Uctzius,  Hamon  y  Cajal,  etc.  Ce  chapitre  ne  comprend 
pas  moins  de  138  juiges  ;  c'est  dire  avec  qu(ds  détails  est  traitée 
cette  (luestion  de  l'écorce  du  cerveau;  42  figures,  en  partie  schéma- 
ti(|ues,  originales  ou  empruntées  aux  auteurs  les  [plus  récents  et 
surtout  à  Hamon  y  Cajal  ])erinettent  d'étudier  facilenuMit  les  élé- 
ineiils  divi'rs  (pii  enlii'iit  dans  la  constilulioii  de  Técorce  et  les 
connexions  de  ces  élémeiils. 

Kntin  le  Cinquième  cliaiiitie,  le  dernier  _dn  tome  ']>remier,  traite 
dt;  la  substance  blanche  des  hémisphères  cérébraux. 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE    ET    PHYSIOLOGIE  565 

La  substance  blanclic  des  hémisplièies  comprend  quatre  espèces 
«le  fibres  : 

Des  libres  d'association, 

Des  fibres  conimissuriiles. 

Des  fibres  de  projection, 

Des  libres  centripMes  ou  ferniinalcs. 

Les  systèmes  des  libres  d'association  et  des  libres  commissurales 
sont  seuls  étudiés  dans  ce  cliapitre.  Les  autres  systèmes  sont  ren- 
voyés au  chapitre  suivant  du  toni*'  IL 

Je  n'entrerai  pas  dans  le  détail  des  divers  faisceaux  blancs  appar- 
tenant à  ces  deux  systèmes  de  libres. 

Cette  description,  à  moins  dèlre  très  familier  avec  l'anatomie  du 
cerveau,  ne  pourrait  être  comprise  sans  de  nombreuses  planches.  Je 
me  contenterai  de  signaler  les  recherches  personnelles  de  l'auteur 
(jui  donnent  à  ce  cliapitre  un  cachet  particulier  et  spécialement  les 
recherches  sur  le  faisceau  occipito-frontal,  le  faisceau  longitudinal 
inférieur,  le  faisceau  de  Turck,  le  corps  calleux,  la  commissure 
antérieure,  etc. 

Il  est  à  désirer  que  le  tome  II  de  l'anatomie  des  centres  nerveux 
ne  tarde  pas  à  paraître.  Nous  aurons  alors  un  ouvrage  d'ensemble 
dans  lequel  ser;i  lixé  l'état  actuel  d(i  nos  connaissances  sur  le 
névraxe  de  l'homme  et  qui  rendra  les  plus  grands  services. 

En  terminant  l'analyse  de  ce  livre  je  m'en  voudrais  d'omettre  le 
nom  de  M">e  Dejerine-Klumpke  qui  y  a  contribué  pour  une  large  part 
et  dont  l'auteur  a  voulu  consacrer  la  ^collaboration  [assidue  en  asso- 
ciant leurs  deux  noms  au  frontispice  de  l'ouvrage. 

H.  Beaums. 

M.  G.  MAIILNLSCO.  —  Des  connexions  du  corps  strié  avec  le  lobe 
frontal.  (C.  H.  Soc.  de  Biol.,  1895,  i».  77.) 

Après  la  destruction  complète  ou  partielle  du  lobe  frontal  chez 
le  singe  et  le  chien,  M.  Marinesco  a  constaté  la  présence  de  faisceaux 
dégénérés  qui  suivent  le  trajet  de  la  capsule  interne  et  pénètrent 
dans  le  noyau  caudé.  Il  existe  don»;  des  libres  cortico-striées  (jui 
mettent  en  relation  le  lobe  frontal  et  le  cor[ts  strié.  Ces  fibres  sont 
considérées  par  lui  comme  des  libres  d'association  à  cause  de  la 
parenté  embryologi(jue  du  corps  strié  et  des  iiémisphères  qui 
dérivent  du  cerveau  antéiieur. 

Ces  expériences  ont  été  faites  dans  le  laboratoire  du  professeur 
Munk,  à  Bel  lin. 

IL  Beaunis. 


566  ANALYSES 


II.    —   DEVELOPPEMENT    DU    CERVEAU 

HE.MIY  HERIJEl^T  DONAI.DSO-X.  The  Growth  of  the  Brain.  A  Study 
of  the  Nervous  System  in  Relation  to  Education.  {Le  développe- 
ment du  cerveau.  Etude  du  système  nerveux  en  rapport  avec  Védu- 
cation.)  Londres,  1895,  p.  374. 

CROISSANCE  ET  DÉCROISSANCE  DU  CERVEAU 

Cet  ouvrage  est  remarquable  par  la  clarté,  la  sûreté  avec  laquelle 
y  sont  exposés  les  pi'incipaux  résultats  acquis  sur  la  ci^oissance  du 
cerveau;  comme  cette  question  n"a  pas  encore  été  exposée  dans 
V Année  psychologique,  nous  protitons  du  travail  de  Donaldson  pour 
faire  une  analyse  générale  ;  nous  emprunterons  par  consécjuent  à  ce 
travail  un  certain  nombre  de  ses  tables,  et  ses  documents  les  plus 
intéressants. 

Parlons  d'abord  des  rapports  entre  la  croissance  du  cerveau  et 
celle  du  reste  du  corps.  Pour  bien  saisir  ce  rapi^ort,  il  faut  d'aboixl 
rappeler  les  faits  connus  relativement  à  la  croissance  du  corps.  Cette 
croissance  que  l'on  peut  mesurer  par  la  taille  ou  par  le  poids  —  (le 
poids  est  de  beaucoup  le  moyen  le  plus  précis),  —  est  extrêmement 
rapide  depuis  la  fécondation  de  l'œuf  jusqu'à  la  naissance  ;  c'est  une 
période  où  la  segmentation  des  cellules  se  fait  avec  une  très  grande 
activité  ;  après  la  naissance,  pendant  la  première  année,  la  crois- 
sance suit  encore  l'impulsion  donnée  pendant  la  vie  embryonnaire  ; 
pendant  la  première  année,  l'enfant  augmente  de  240  p.  100  ;  mais 
ensuite  la  croissance  devient  beaucoup  plus  lente  ;  dès  la  seconde 
année  elle  tombe  à  28  p.  100,  et  jusque  vers  douze  ans  elle  se  main- 
tient entre  10  et  20  p.  100;  au  moment  de  la  puberté  il  y  a  un  léger 
réveil  de  cette  propriété;  le  réveil  se  fait  plus  tôt  pour  les  filles,  vers 
douze  ans,  et  elles  sont  alors  plus  lourdes  que  les  garçons  ;  mais  ceux- 
ci  les  dépassent  vers  quatorze  ans,  et  acquièrent  alors  une  supério- 
rité de  poids  qu'ils  conservent  toujours  dans  la  suite. 

Dans  ces  indications  de  la  croissance,  nous  avons  compris  le  corps; 
entier;  Vierordt  a  publié  beaucoup  de  fables  fpii  permettent  de  faire- 
la  part  de  plusieurs  organes  importants.  Voici  une  de  ses  labiés;  elle- 
est  relative  au  sexe  mfile;  les  poids  sont  indiqués  en  grammes. 


Age. 

Cerveau. 

C(cur. 

L'oumon. 

l'oie. 

Kcins. 

Raie. 

Poids 
du  corps 

Nouveau-né 

381 

24 

30 

142 

23 

11 

3,1 

1  an 

943 

41 

83 

333 

73 

20 

9,0 

5  ans 

1,263 

81 

130 

539 

115 

57 

15,9 

10  - 

1.408 

128 

236 

837 

161 

88 

25,2 

15  — 

1 ,490 

199 

383 

1,300 

240 

145 

41,2 

20   - 

1,445 

305 

514 

1,561 

296 

18G 

59,5 

25   — 

1,431 

301 

513 

1,819 

306 

163 

66,2, 

HISTOLOGIE,    ANATOMIE    ET    PHYSIOLOGIE 


567 


Augmentation  relative,  le  poids  à  la  naissance  étant  =  1, 


an 
ans 


1 

5 

10  - 

15  — 

20  — 

9n  — 


2,48 
3,32 
3,70 
3,91 
3,79 
3,76 


1,75 
3,43 
5,41 
8,45 
12.94 
12.74 


2,76 

4,35 

7,82 

12,67 

17,01 

16,97 


2,3 
3,8 

5,9 

9,2 

11,0 

12,8 


3,12 

4,92 

6,90 

10,29 

12,72 

13,12 


1,92 

5,40 

8,28 

13,68 

17,57 

15,38 


3 

5 

8 

13 

19 

21 


Un  coup  (l'œil  sur  ces  chiffres  et  sur  d'autres  que  nous  ne  trans- 
crirons pas  montre  que  la  proportion  du  squelette,  de  la  peau  et  de 
la  graisse  est  à  peu  près  la  même  chez  l'enfant  et  l'adulte.  La  pro- 
portion des  viscèx'es  est  deux  fois  plus  forte  chez  l'enfant  que  chez 
l'adulte,  la  proportion  du  cerveau  est  même  huit  fois  plus  forte,  celle 
des  muscles  est  une  demi-fois  plus  faible.  Ainsi  l'augmentation  rela- 
tive du  poids  chez  l'adulte  se  fait  au  maximum  dans  la  masse  mus- 
culaire et  au  minimum  dans  le  cerveau.  Cette  croissance  se  fait  par 
au  moins  deux  processus  distincts,  l'hypertrophie  (augmentation  de 
volume  des  cellules)  et  l'hyperplasie  (augmentation  du  nombre). 
Dans  les  tissus  connectifs,  c'est  l'hyperplasie  qui  domine  ;  tandis  que 
dans  le  système  nerveux,  la  formation  de  cellules  nerveuses  nou- 
velles cesse  quelques  mois  avant  la  naissance. 

L'augmentation  de  la  taille,  qui  dépend  surtout  du  squelette,  et 
exprime  seulement  l'augmentation  du  corps  dans  un  seul  de  ses 
diamètres,  correspond  à  peu  près  à  l'augmentation  de  poids;  en 
général,  elle  la  précède  un  peu  ;  les  chiffres  montrent  qu'entre  douze 
et  quatorze  ans  les  filles  ont  un  poids  plus  élevé  que  les  garçons,  et 
les  garçons  les  dépassent  ensuite.  Voici  quelques  chiffres;  la  taille  est 
exprimée  en  inches.  i  inch  ^  2  cm.,  54. 


STATURE 

Age. 

Garçons. 

Filles. 

Age. 

Garçons. 

Filles. 

Naissance 

19,5 

19,3 

12 

55,0 

55,7 

0-1 

27,0 

24,8 

13 

56,9 

57,8 

1 

33,5 

27,5 

14 

59,3 

59,8 

2 

33,7 

32,3 

15 

62,2 

60,9 

3 

36,8 

36,2 

16 

64,3 

61,7 

4 

38,5 

38,3 

17 

66,2 

62,5 

5 

41,0 

40,6 

18 

67,0 

62,4 

6 

44,0 

42,9 

19 

67,3 

62,8 

7 

46,0 

44,5 

20 

67,5 

63,0 

8 

47,0 

46,6 

21 

67,6 

63,0 

9 

49,7 

48,7 

22 

67,7 

62,9 

10 

51,8 

51,0 

23 

67,5 

63,0 

11 

53,5 

53,1 

24 

67,7 

62,7 

Passons  maintenant  au  poids  du  cerveau  ;  il  est  établi  actuelle- 
ment (en  1896)  sur  13,000  pesées  faites  tant  sur  l'individu  noi^mal 


568 


ANALYSES 


que  sur  Tindividu  sain,  en  Angleterre  et  en  Allemagne  principale- 
ment :  mais  toutes  les  pesées  ne  sont  pas  comparables  entre  elles, 
car  il  faut  tenir  compte  du  poids  de  la  dure-mère,  qui  est  en  moyenne 
de  55  grammes  chez  le  mâle,  et  de  48  chez  les  femmes  (Broca),  et  du 
double  environ  chez  les  aliénés  (Morselli,  Rev.  de  l'antiiropologie,  I, 
1890)  ;  il  faut  aussi  tenir  compte  du  poids  du  liquide  contenu  dans 
les  ventricules  latéraux,  qui  est  en  moyenne  de  26  'grammes.  Ces 
corrections  faites,  on  peut  étudier  le  pourcentage  d'eau  dans  la 
substance  nerveuse,  le  poids  spécifique  de  la  substance  nerveuse,  et 
le  poids  total  de  l'encéphale  ou  de  telle  partie  du  système  nerveux 
central.  Voici  quelques  chiffres. 

Proportion  d'eau.  —  Substance  grise  du  cerveau,  85,5  ;  substance 
blanche,  69,6  ;  cervelet,  substance  grise  et  blanche,  80,4  ;  moelle, 
substance  grise  et  blanche,  74,8. 

Poids  spécifique.   — Lobe  frontal,  1,0308;   lobe   pariétal,   1,0325; 
;cipital,  1,0362;  lobe  temporal,  1,0326. 


lobe  occipi 


Poids  total.  —  Ici  les  pesées  ont  été  nombreuses,  mais  toutes  n'ont 
pas  été  bien  prises.  Les  meilleures,  les  plus  complètes  sont  celles  du 
IJ'  Boyd  (Phil.  Trans.,  1861)  récemment  mises  en  œuvre  par  Mar- 
shall {Journal  of  A  nalomy  and  Physiology,  1 892),  et  qui  portent  sur  les 
cerveaux  de  2,086  individus  morts  (la  mesure  du  poids  sur  le  vivant 
ne  donne  point  de  résultats  sérieux)  ;  les  liquides  du  cerveau 
n'étaient  pas  pesés,  mais  la  pie-mère  restait  en  place.  Les  résultats 
des  pesées  (en  grammes)  sont  groupés  de  deux  manières,  afin  de 
bien  indiquer  les  deux  influences  principales,  Tàge  et  la  taille. 


Age. 

20-40 
41-70 
71-90 

20-40 
41-70 
71-90 

20-40 
41-70 
71-90 


Hommes. 


Femmes. 


Taille  de  17.j  cm.  et  au-dessus.  Taille  de  163  cm.  et  au-dessus. 

1,409  J,265 

1,363  1,209 

1.330  1,166 

Taille  de  172-167  cm.  Taille  de  160-lo5  cm. 

1,360  1,218 

1,335  1,212 

1.305  1,121 

Taille  de  164  cm.  et  au-dessous.  Taille  de  1.^2  cm.  et  au-dessous. 

1.331  1,199 
1,297  1,205 
1.251  1,122 


Le  poids  de  l'encéphale  diminue  progressivement  avec  làge  ;  il  est 
également  lié  à  la  taille  et  est  plus  considérable  chez  les  individus  de 
haute  taille.  Boyd  a  pris  également  le  soin  de  peser  à  i»art  le  cer- 
Telet,  l'isthme  de  rencéj)hal(!,  etc.,  et  constaté  qu'il  y  aune  corréla- 
tion  constante  entre  les  poids  de  ces  différentes  parties.  Pour  le 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE    ET    PHYSIOLOGIE 


569 


iléveloppement  du  ceivpau  au-dessous  de  vini^'t  ans,  il  faut  se  rap- 
porter aux  pesées  de  Vierordt  (Arch.  f.  Auat.  und  Physiol.,  1890): 


Age. 

Hommes. 

Femmes 

0  mois 

381 

384 

l  an 

945 

872 

2  aus 

1,025 

961 

3   — 

1,108 

1.040 

4   — 

1.330 

1,139 

5   — 

1.263 

1.221 

6  — 

1,359 

1.265 

7   — 

1,348 

1,296 

8   - 

1,377 

1.150 

9   - 

1.425 

1.2i3 

0   — 

1.408 

1.284 

1    — 

1,360 

1.238 

2   

1.416 

1.245 

Age. 

Hommes. 

Femmes 

13  aus 

1,487 

1,256 

14  — 

1,289 

1.345 

15  — 

1.490 

1,238 

16   — 

1.435 

1,273 

17   — 

1.409 

1,237 

18   — 

1,421 

1.325 

19   — 

1,397 

1,234 

20   — 

1,445 

1,228 

21   — 

1,412 

1.320 

22   

1,348 

1,283 

23   — 

1,397 

1,278 

24   - 

1,424 

1,249 

25   - 

1,431 

1,224 

Cette  table  montre  ce  fait  de  juimi'  importance  que  la  croissance 
du  cerveau  augmente  sensiblement  jusqu'à  sept  ou  buit  ans,  et  qu'à 
partir  de  celte  époque  la. croissance  est  à  peu  près  terminée,  bien 
que  cette  épo(}ue  précède  celle  de  l'instruction  projHement  dite.  Il 
est  vrai  qu'en  contradiction  avec  ces  mesures  de  Vit'rordt  s(;  trou- 
vent les  recbercbes  de  Venu  (Nature,  1890)  et  West  {Arch.  f.  An- 
thropoL,  1893  I  sur  le  vivant  ;  ces  auteurs  en  mesurant  la  longueur  et 
la  largeur  des  tètes  cbez  les  écoliers,  ont  noté  une  augmentation  de 
capacité,  de  cinq  aus  à  vingt-un  ans  et  au  delà;  la  din'érence  des 
résultats  tient  peut-être  à  ce  (}ue  les  cbifîres  de  Vierordt  proviennent 
<Ie  nécropsies,  et  expriment  le  poids  du  cerveau  d'enfants  morts  à 
l'âge  considéré  ;  le  seul  fait  de  la  mort  à  un  âge  aussi  peu  avancé 
peut  faire  supposer  quoique  trouble  palbologique  ;  d'autre  part  les 
mesures  de  Venu  et  de  West  sur  le  crâne  n'indiquent  pas  précisé- 
ment une  augmentation  de  la  masse  cérébrale,  l'augmentation  de 
la  tète  peut  résulter  d'une  augmentation  d'épaisseur  des  os  du  crâne 
ou  de  l'espace  compris  entre  le  cerveau  et  la  dure-mère. 

Les  rapports  entre  le  poids  du  cerveau  et  la  race  ont  fait  l'oltjetde 
nombreuses  recbercbes,  dont  l'une  des  [dus  curieuses,  celle  de  Davis, 
a  donné  les  résultats  snivaiits  : 

Kurnpêen 1,340 

(•céanien 1,293 

Américain 1.282 

Asiatique 1,278 

Africain 1,268 

Australien 1,190 


Ces  cbiffres  ont  été  obtenus  en  calculant  le  poids  du  cerveau  par 
des  formules  spéciales,  après  avoir  jiris  avec  de  l'eau  ou  autrement 
la  capacité  crânienne.  Celte  mé-tliode  est  malbeureusement  sujelte  à 
beaucoup  d'erreurs  dont  les  principales  sont  :  à  l'inspection  duciâne 


570 


ANALYSES 


seul,  on  peuL  se  tromper  sur  le  sexe  ;  le  cerveau  remplit  le  crâne 
dans  une  mesure  différente  suivant  le  sexe,  l'âge,  e  genre  de  mort;  la 
signification  du  poids  du  cerveau  reste  liii'n  incrrlaiin'  l.iiil  (pi'on 
ignore  l'âge  et  la  iaillc  de  l'individu,  elc. 

Il  reste,  pour  lormincr  ce  ijui  a  trail  au  poids  du  icrveau,  à  indi- 
quer deux  questions  importantes,  crlji-  du  i;i|i|hii  l  du  poids  et  de 
l'intelligence,  et  celle  du  poids  du  cerveau  chez  le>  ali('iH''S.  Que  de 
recherches  n*a-t-on  pas  fait  déjà  dans  celte  voie  ! 

Les  recherches  comparatives  sur  les  races  semhlent  indii^uer  un 
rapport  entre  l'intelligence  et  le  poids  du  cerveau,  i^iais  ce  n'est  pas 
un  fait  entièrement  étahli,  ni  très  clair. 

La  différence  du  sexe  n'est  pas  exempte  non  plus  d'amhiguïté;  le 
cerveau  de  l'européen  mâle  pèse  120  grammes  de  plus  «pie  celui  de 
la  femme  ;  mais  est-ce  la  preuve  d'une  ditférence  inleUectuelle  ?  Si 
on  tient  compte  de  la  différence  de  poids  du  corps,  c'est  le  cerveau 
de  la  femnif;  qui  a  le  poids  relatif  le  [dus  élevé  ;  cette  seconde  diffé- 
rence, en  sens  inverse,  tient  peut-être  à  ce  que  le  corps  féminin  est 
moins  dévelopi)é  que  celui  de  l'homme.  On  a  eu  l'idée  de  comparer 
le  poids  du  cerveau  chez  des  individus  moyens,  des  hommes  émi« 
nents  et  des  meurtriers  appartenant  à  la  même  race.  Les  meil- 
leurs résultats  à  citer  sont  ceux  de  Manouvrii-r.  Xons  en  cilons  quel- 
ques-uns '. 

Age.         Poids  (le  l'oiicéplialc.  Iloiiinios  ('•miiiciils. 

î^kobeleff,  général  russe. 

(j.  Ilarless,  pliysidlogiste. 

Gauilietta,  homme  d'État. 

Assezat,  écrivain  politique. 

Chauncey  Wright,  nuxthéuuaticien. 

Asseline,  écrivain  politique. 

J.  Ihiber,  philosophe. 

Seizel.  sculiitcur. 

(loudereau,  uieiiccin. 

lleruiann,  phitolotïue. 

Fuchs,  pallio!o<,riste. 

Tti.'ickcray,  romancier. 

De  .Morny,  homme  d'iital. 

(îoodsir,  anatoudste. 

Derirhict,  mathématicien. 

Schleich,  écrivain. 

lîroca.  anthropologiste. 

Spurzheim,  phrcnologistc. 

v.  Lasuaix,  médecin. 

Dupuytren,  chirurgien. 

.1.  Siuqjson.  nu'decin. 

Pfeufer,  uiédecin. 

Ik'rtillon,  anthropologiste. 

(1)  Dans  celte  table  ne  fii,nircnt  pas  les  poids  de  cerveau  de  Cromwcli 
(2.231  f,M-ammes),  ISyrou  (2.238),  et  Tourguenell'  (2.012),  car  Donaldsoa 
considère  ces  chitlVes  couuiie  peu  sérieux. 


39 

1.457 

40 

1.238 

43 

1.294 

45 

1.403 

45 

1,516 

49 

1,468 

49 

1.409 

50  (?) 

1.312 

50 

1,378 

52 

1.358 

52 

1,41)9 

53 

1,644 

54 

1,520 

54 

1.629 

55 

1.520 

56 

1..503 

56 

1.485 

57 

1.5.59 

57 

l,2.-.0 

59 

1 .436 

60 

1,533 

60 

1,488 

62 

1 .398 

HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PnYSIOLOGIE 


571 


Age.         Poiils  (le  reiicéi>hale. 


62  (?) 

1,415 

63 

1,449 

63 

1.332 

63 

1,830 

64 

1,785 

65 

1 ,498 

66 

1,512 

67 

1.502 

70 

1.352 

70 

1,516 

71 

1,207 

71 

1,349 

71 

1,390 

73 

1,590 

Hommes  éminents. 

Melchior  Mayer,  poète. 

Lauiarque,  général. 

J.  Hughes  Bennett,  médecin. 

G.  Cuvier,  naturaliste. 

Abercrorabie,  médecin. 

De  Morgan,  mathématicien. 

Agassiz.  naturaliste. 

Chai  mers,  prédicateur. 

Liebig.  chimiste. 

Daniel  Webster,  homme  d'État. 

Dôllinger,  anatomiste. 

Fallmerayer,  historien. 

Whewell,  philosophe. 

Ilermann,  économiste. 


Broca  et  ensuite  Manouvrier,  saisissant  parfaitement  bien  la  com- 
plexité du  problème,  se  sont  efforcés  de  le  résoudre  en  tenant 
compte  de  l'influence  reconnue  de  la  taille  sur  le  poids  du  cerveau. 
Les  tables  de  Manouvrier  sont  si  intéressantes  que  nous  eu  donnons 
un  extrait. 


POIDS 
de 

PARISIENS 

—~               ~ 

L  EN'CEPHALE 

TAILLE    ORDINAIRE 

TAILLE    ÉLEVÉE 

ÉMINENTS 

en  a:rammes. 

168  cm. 

1  71-185  cm. 

900-1,000 

0,6 

1.001-1,100 

0,6 

— 

— 

1,101-1,200 

',1 

3,5 

1,2 

1,201-1,300 

23,3 

15.5 

7,5 

1.301-1,400 

31,5 

27,5 

17,5 

1,401-1,500 

23,8 

34,6 

40,0 

1,-501-1,600 

9,6 

15,5 

23,8 

1,601-1.700 

3,5 

3,4 

3,3 

1.701-1,800 

— 

1,3 

1,801-1,900 

— 

— 

1,3 

1.901-2,000 

— 

— 

— 

2,001  et  plus 
Total.   .   .   . 

— 

— 

3,8 

100 

100 

100 

Un  simple  commentaire  de  cette  table  en  donnera  rintelligence. 
Sur  100  Parisiens  de  taille  ordinaire,  mis  en  série,  le  i)]us  fort 
groupe  (soit  31, ii  p.  100)  a  un  encéphale  pesant  de  1  301  à 
1  400  grammes;  sur  100  Parisiens  de  grande  taille,  le  groupe  le  plus 
fort  (soit  34, G  sur  100)  a  un  poids  supérieur,  de  1401  à  1500;  parmi 
les  grands  hommes,  le  groupe  le  plus  fort  correspond  au  poids  de 
140i-lo00  ;  et  de  plus,  pour  le  poids  de  1501  à  1600,  on  trouve  un 
plus  grand  nombre  dliommes  éminents  que  diiommos  ordinaires  de 


: 


572  ANALYSES 

grande  taille.  L'objoclioii  (|ue  fait  Donaldson  à  ces  résullats  si  frap- 
pants, c'est  (juc  1rs  J'arisiens  ordinaires  quon  a  comparés  aux 
lioninies  éminenls  appartenaient  à  une  classe  intérieure,  et  que 
rinféiiorité  de  la  classe  peut  suffire  à  produire  ces  différences  df 
poids.  Peut-être  robjection  exagère-t-elle  une  cause  d'erreur  réelle- 
ment efficace,  mais  nous  doutons  qu'elle  supiirime  les  conclusions  vrai- 
ment importantes  qu'on  peut  exliaire  de  ce  tableau  de  Manouvrier. 

Pour  les  aliénés  les  tables  extraites  des  rechercbes  de  lioyd  mo)i- 
Irent  (ju<!  le  ]ioids  du  cerveau  a  une  inférioiité  de  15  gianunes  sur 
le  cerveau  de  l'individu  non  aliéné  :  de  plus,  ce  sont  surtout  les  cir- 
convolutions cérébrales  qui  sont  moins  lourdes,  le  cervelet,  le  bulbi- 
ft  ristlime  ont  au  contraire  un  poids  relativement  plus  considérable. 

L'augmentation  de  poids  du  cerveau  résulte  de  rauginiMitation  des 
élérnenls  (pii  le  com[iosent;  cette  augmentation  liistologique  peut 
être,  nous  l'avons  dit,  une  bypertro[diie  ou  une  liyperplasie.  C'est 
surtout,  on  peut  même  dire  exclusivement  l'iiypertropbie,  c'est-à-dire 
l'augmentation  de  volume  des  cellules  nerveuses  qui  produit  l'accrois- 
scnient  du  cerveau  ;  diffé-reiits  calculs  montrent  même  que  loin 
d'augmenter  en  nombre,  les  cellules  nerveuses  contenues  dans  l'em- 
bryon auraient  plutôt  une  tendance  à  décroître.  Le  nombre  de  ces 
cellules  nerveuses  chez  l'homme  serait  d'environ  3000  millions  et 
le  rajqKirt  entre  le  volume  (nous  disons  volume  et  non  diamètre)  des 
<'ellul(,'s  chez  l'embryon  de  trois  semaines  et  l'adull»;  serait  comme 
1  à  100.  Voici  (juebjues  chiffres  (pii  monti  eut  la  mai  clie  de  cet  acciois- 
semeiif  '. 

TOMME 

SI  JET  du  corps  des  collulcs. 

Fœtus  (le    4  scuiaincs 1 

—  de  20         —        17 

—  de  24         —        3f 

—  de  28        —         67 

—  de  36        —        81 

Naissance 124 

15  ans 124 

Adulte 160 

On  u  pris,  dans  cette  table,  la  dimension  tie  la  cellule,  à  (juatre 
semaines,  coinmi;  représentant  l'unité  ;  cette  dimension  est  alors  de 
700  II"  (le  [i.  ex|)rime  le  millième  de  millimètre,  c'est  l'unité  de  me- 
sure! microscopicpiej.  iJe  ces  mesures  lésulle  cette  conclusion  ifu'à 
partir  de  la  naissance  la  cellule  nerveuse  a  déjà  atteint  son  volunu; 
maximum  ;  m;iis  d'jiutre  pail,  il  faut  bien  comprendre  ipi'il  existe 
dans  les  centres  neiveux  nn>me  après  la  n.iissance  des  cellules  qui 
sont  destinées  à  enlicr  en  fonction  plus  tard  et  à  s'accroître  en  consé- 
quence, quand  leur  mise  en  fonction  commencex'a.  Ci;  sont  des  cel- 


(1)  D'après  Kaiser,  Die  Funklionen  der  Gaiif/lienzellen  des  Halsmarker. 
Haaf:,  1891. 


IIISTOLOGIK,    ANATOMIE    ET    PHYSIOLOGIE  oTH 

Iules  toules  petites  avec  un  seul  inolongement  et  un  uoynu  volumi- 
neux. On  en  trouve  à  tous  les  âges.  Dans  le  cerveau  de  la  nifilhcu- 
leuse  Laura  Bridgman,  et  surtout  dans  les  régions  correspondant  à 
des  fonctions  inexistantes  chez  elle,  le  nombre  de  ces  cellules 
embryonnaires  était  extrêmement  grand,  représentant  ainsi  des 
réserves  qui  n'ont  jamais  pu  être  utilisées.  Les  cellules  nerveuses 
de  l'adulte  se  distinguent  aussi  et  surtout  de  celles  de  l'enfant  par 
la  richesse  de  leurs  arborisations.  Ramon  y  Cajal  a  insisté  plus  que 
tout  autre  sur  la  différence  qui  existe  entre  le  nombre  et  la  com- 
[ilexité  des  prolongemenis  émanés  des  cellules  nerveuses  chez 
rhomme  et  chez  les  autres  mammifères. 

Après  avoir  vu  ce  qui  concerne  le  nombre  et  la  dimension  des  élé- 
ments nerveux,  examinons  les  relations  existant  entre  la  croissance 
du  cerveau  et  son  architecture,  c'est-à-dire  l'organisai  ion  de  ses  élé- 
ments. Dans  beaucoup  de  pays  la  coutume,  inspirée  par  différents 
motifs,  a  f^iit  comprimer  de  différentes  façons  le  crâne  des  enfants 
t't  a  produit  des  déformations  caractéristiques  qui  persistaient  chez 
l'adulte  (voir  Ambialet.  La  déformation  artificielle  de  la  tête  dans  la 
région  toulousaine,  Toulouse,  1893)  ;  le  cerveau,  soit  qu'il  tendît  à 
se  mouler  mécani(|uement  sur  la  forme  du  crâne,  soit  qu'il  y  fût 
amené  par  des  phénomènes  de  nutrition,  subissait  des  déformations 
équivalentes.  On  s'est  demandé  quelle  influence  ces  pratiques 
ont  exercé  sur  le  poids  du  cerveau.  Les  pesées  comparatives  de 
liioca  montrent  (jucn  moyenne  le  cerveau  déformé  pèse  moins, 
1220  grammes  au  lieu  de  1280;  de  plus,  la  diminution  de  poids  est 
d'autant  plus  considérable  que  la  déformation  est  plus  mar({uée  ; 
dans  un  cas  où  elle  était  exagérée,  le  poids  du  cerveau  n'était  plus 
que  de  1  091  grammes.  La  forme  naturellement  large  (brachy- 
oéplialie)  ou  longue  (dolycocéphalie)  de  la  tète  a  aussi  quelque 
importance,  car  la  forme  large-  augmente  plus  la  capacité  crâ- 
nienne et  par  conséquent  le  poids  du  cerveau  que  la  forme  longue. 
Qua.nt  à  la  question,  si  souvent  agitée,  de  savoir  le([uel  des  deux 
iiémisphères  est  le  plus  lourd,  elle  a  donné  Heu  à  des  recherches 
absolument  contradictoires.  Pour  Bioca,  il  y  aurait  excès  de  l'hé- 
misphère droit  égal  à  ls'',93  ;  i»ourBoyil,  il  yaurait  un  excèsile  l'hémi- 
sphère gauche  de  S?"",  7  ;  étant  donné  le  poids  total  du  cerveau,  ces 
différences  sont  insignifiantes.  Donaldson  iteiisc  qu'on  ne  ])eut  rien 
conclure  tant  qu'on  ne  connaît  pas  le  piocédé-  emijloyé  [uii'  cha(|ue 
auteur  pour  sectionner  les  deux  hémisphères;  il  faut  serai)i»eler  (|u'en 
sectionnant  une  ligne  en  deux,  un  tlroitici-  a  i\n  généial  uue  leu- 
dance  à  faire  la  moitié  droite  plus  grande  :  en  sectionnant  le  cer- 
veau, si  on  place  les  lobes  antérit;ures  vers  l'expérimentateur,  on 
augmentera  les  hémisphères  gauches;  et  les  hémisphères  droits  si  le 
cerveau  est  tourné  à  linvcrse.  La  comparaixui  de  l'épaisseui'  de  la 
substance  grise  des  deux  hémisphères  ne  donne  pas  d(!  mc-illeurs 
résultats.  Sur  la  signilicalion  du  développement  des  circonvolutions 


574  ANALYSES 

cérébrales  et  de  lu  forme  de  ces  circoiivoluLiuns,  il  lauL  être  tout 
aussi  réservé.  Le  résultat  de  beaucoup  de  recherches  sur  ce  point  a 
été  absolument  négatif,  et  la  signification  attribuée  à  lafoi'me  des  cir- 
convolutions n'est  pas  plus  scientifique  que  la  signification  attribuée 
aux  traits  de  la  physionomie.  On  a  pensé  que  le  nombre  et  la  com- 
plication des  circonvolutions  est  en  rapport  avec  l'intelligence  ;  Tana- 
tomie  comparée  ne  confirme  pas  cette  hypothèse,  puisque  les  chiens 
ont  les  circonvolutions  moins  plissées  que  les  ruminants;  les  chien> 
sont  cependant  en  général  plus  intelligents.  On  a  voulu  aussi  établir 
à  ce  point  de  vue  un  type  criminel,  et  on  a  même  retrouvé  dans 
les  circonvolutions  des  assassins  quelques  analogies  avec  celles  des 
carnivores,  mais  comme  le  cerveau  humain,  dans  son  développe- 
ment, ne  traverse  pas  une  phase  Carnivore,  cette  théorie  manqur 
d'appui  ;  on  a  encore  prétendu  que  chez  le  criminel  les  sillons 
compris  enli-e  les  circonvolutions  sont  plus  continus  que  chez  l'indi- 
vidu normal;  assertion  aussi  hasardée  que  les  précédentes.  Tout 
ce  qu'on  peut  dire  à  ce  sujet,  c'est  que  chez  l'embryon  les  circon- 
volutions sont  plus  lisses  que  chez  l'adulte,  et  que  leurs  troubles 
de  croissance,  qui  sont  accompagnés  d'anomalies  dans  leur  fissu- 
ration, sont  reliés  à  des  désordres  intellectuels.  On  s'accorde  aujour- 
d'iiui  à  penser  que  la  formation  des  circonvolutions  dépend  de  fac- 
teurs nombreux,  dont  quelques-uns  sont  purement  mécaniques. 

L'existence  des  circonvolutions  a  pour  effet  d'augmenter  la  sur- 
face de  l'écorce  cérébiale,  qui  mesure  environ  un  cinquièmi'  de 
mètre  carré;  l'augmentation  de  surface  produite  de  celte  manière 
triple  les  dimensions  de  l'écorce.  Le  principal  mécanisme  de  la  for- 
mation des  circonvolutions  est  un  retard  de  développement  dans  les 
parties  déprimées  des  sillons;  cet  clfet  se  montre  à  la  ciu([uièmt' 
semaine  de  la  vie  fœtale,  où  apparaissent  des  fissures  transitoires  ; 
le  retai'd  de  développement  de  certaines  parties  tiendrait  à  ce  mo- 
ment au  retai'd  de  développement  du  crâne.  Puis  ces  fissures  transi- 
toires disparaissent  pour  la  idupart,  il  n'en  subsiste  plus  qu'une  ou 
deux,  et  vers  la  vingtième  semaine  les  circonvolutions  permanentes 
se  dessinent;  elles  tiennent  en  bonne  partie  à  une  inégalité  de  déve- 
loppement, elles  requièrent  en  outre  un  allongement  de  fibi^es  sous- 
corticales,  de  sorte  que  le  développement  des  circonvolutions  peut 
tenir,  dans  une  mesure  différente,  à  l'une  ou  l'autre  de  ces  deux 
causes,  ou  à  ces  deux  causes  combinées  :  grand  développement  de 
l'écorce,  grend  développement  des  fibres  sous-corticales. 

Après  la  croissance,  il  faut  dire  un  mot  de  la  décroissance.  Le  cer- 
veau commence  à  diminuer  de  poids  vers  quarante-cinq  ans  pour 
les  f(;mmes,  et  vers  cinquante-cin([  pour  les  hommes,  d'après  les 
observations  de  Bischolf  (liirngewicht  des  Menschen,  Bonn,  1880)  ; 
les  hommes  émincnts  ont  un  cerveau  qui  ne  subit  ce  déchet  qu'à 
partir  de  soixante-cinq  ans,  c'est-à-dire  dix  ans  plus  tard  ;  il  est  vrai 
<iue  cette  difl'ércnce  n'est  pas  solidement  établie,  vu  que  les  chiffres 


mSTOLOGIE,    ANATOMIE    ET    PUVSIOLOGIE  575 

relatifs  aux  hommes  moyens  résultent  d'études  faites  sur  les  basses 
classes,  tandis  que  les  hommes  éminents  appartiennent  en  général 
aux  classes  aisées,  et  les  conditions  iiarficulières  d'existence  peuvent 
amener  des  différences  très  importantes.  Broca  a  recherché  quelles 
sont  les  régions  du  cerveau  qui  subissent  le  plus  fortement  l'effet 
dé  l'âge  ;  ce  sont  les  régions  frontale  et  temporo-pariétale  ;  elles 
perdent  en  moyenne,  la  première  73  grammes,  la  seconde  94  grammes 
tandis  que  la  région  occipitale  ne  varie  pas  de  poids.  Donnons  main- 
tenant les  moyennes  de  la  perte  totale  de  poids  du  cerveau.  Le  cer- 
veau de  l'homme  pèse  1300  grammes  à  trente-cinq  ans,  1320  giammes 
à  soixante-cinq  ans  et  1280  grammes  à  soixante-quinze  ans. 

Besmodiiications  juir  l'effet  de  l'âge  se  produisent  dans  la  structure 
de  la  cellule  nerveuse,  modilications  bien  apparentes  si  on  compare 
une  cellule  de  nouveau-né  à  une  autre  cellule  nerveuse  prise  dans 
la  même  région  du  cexveau,  chez  un  vieillard.  Hodge  {Journ.  of  Phy- 
siology,  1894)  a  montré  que  chez  le  vieillard,  le  noyau  de  la  cellule 
se  réduit  presque  de  moitié,  que  les  nucléoles  disparaissent,  et  que 
la  masse  protoplasmique  se  pigmente  fortement.  Il  a  trouvé  en 
comparant  des  cellules  nerveuses  prises  dans  le  ganglion  antennaire 
d'abeilles  à  différents  âges,  que  le  noyau  se  réduit  considérablement 
îivec  les  progrès  de  l'âge  et  que  le  protoplasma  se  creuse  de  vacuoles. 
Ces  différences  sont  comparables  —  sans  être  toutefois  identiques  — 
à  celles  qu'on  observe  entre  des  cellules  nerveuses  fraîches  et  des  cel- 
lules nerveuses  ju-ovenant  d'un  animal  fatigué  jusqu'à  l'épuisement. 

Ces  altérations  cellulaires  expliquent  la  diminution  de  l'activité 
musculaire  et  psychique  chez  les  vieillards.  Pour  se  rendre  compte 
de  cette  diminution  d'activité,  il  faut  voir  ce  qui  se  produit  dans  les 
différents  métiers.  Il  résulte  d'un  travail  de  Browne  [Brit.  Med.  Journ. 
Londres,  1891),  qu'un  ouvrier  travaillant  les  boutons  d'ivoire  végétal 
tni  produit  100  à  (juarante  ans,  80  à  quarante-cinq  ans,  60  à  cin- 
quante-cinq ans  et  40  à  soixante-cinq  ans.  Il  y  aurait  lieu  certaine- 
nient  d'étendre  ces  recherches  aux  différents  métiers. 

Cet  ensemble  de  faits  que  nous  venons  de  résumer  ne  conduit  à 
aucune  conclusion  spéciale.  L'auteur  a  cependant  indiqué  deux 
conclusions  ;  la  première,  c'est  que  le  cerveau  a  un  développement 
*\m  devance  de  beaucoup  l'époque  de  l'éducation  scolaire;  d'oîi  il 
semble  résulter,  avec  quelques  réseives  bien  entejulu,  (jue  le  rôle  de 
<^ette  éducation  n'est  pas  considérable  ;  la  seconde  conclusion,  c'est 
que  les  races  les  plus  civilisées  n'ont  jias  nécessairement  un  poids 
cérébral  supérieur  à  celui  des  races  moins  civilisées;  l'auteur  déve- 
loppe ici  une  idée  indiquée  par  notre  collaborateur  M.  Forel,  à  savoir 
que  la  civilisation  résulte  moins  d'une  augmentation  d'intelligence 
de  chaque  individu  que  de  la  sommation  de  tous  les  lésultats  acquis 
par  les  générations  antérieures,  sommation  qui  se  fait  i)rincipale- 
ment  au  moyen  de  l'écriture. 

A.     Bl.NET. 


57G 


ANALYSES 


MLNdAZZIM.  —  Il  cervello  in  relazione  con  i  îenomeni  p-ichici.  [Le 
cerveau  dans  ses  rapports  avec  les  phénomènes  psychiques.)  Turin, 

1895. 

Ce  livre  est  surlout  nu  résumé  de  nos  connaissances  actuelles  sur 
le  cerveau,  éludié  dans  sa  mor|thologie  extérieure,  son  volume  e(  sa 
densité.  On  y  trouve  une  com[>araisou  détaillée  entre  le  cerveau  de 
riiomme  et  celui  des  primates,  une  étude  sur  lintluence  du  sex(;, 
de  la  race,  du  développement  intellectuel  cl  ilu  izéuic,  des  déforma- 
tions du  crâne,  de  la  criminalité,  de  l'aliénation  mentale  et  de  la 
surdi-mutité.  La  conclusion  est  que  nous  possédons  bien  peu  de 
<lonnées  positives  sur  ces  divers  points.  A  propos  de  lamiciocéplialie, 
l'auteur  fait  une  critique  de  la  question  de  la  dégénérescence  ;  il  ne 
l'explicjue  pas  par  l'atavisme  ni  par  la  pathologie,  mais  par  une  com- 
binaison des  deux  théories,  pouvant  être  résumée  de  la  manière 
suivante  :  c'est  par  suite  de  causes  pathologiques  que  l'atavisme  se 
manifeste. 


PHYSIOLOGIE 


I.    —    RECHERCHES    DE    1' LETH  Y  S  M  0  GR  AP  H  lE 

Avant  de  résumer  les  expériences  nombreuses  (pii  oui  été  faites 
cette  année  sur  la  cii'culation  capillaire  de  l'homme,  et  sur  les  phé- 
nonn'Mies  vaso-moteurs,  nous  pensons  utile  de  délinir  quelques 
expressions,  et  de  donner  un  aperçu  historiipie  di.'<,  méthodes  em- 
ployées. Cette  étude  d'introduction  servira  aussi  au  mémoire  origi- 
nal (jue  j'.ii  pulilié'  en  (•(•llalKiraliou  avec  ,M.  Couilier  dans  la  pre- 
mière partie  de  ce  volume. 

L'étude  pl(''tliysmogra|)hi([ue  a  t'té  dé'signée  sous  divers  termes  qui 
ne  sont  pas  des  synonymes  vrais  :  un  l'a  a|)])elée  recherche  volumé- 
Irique,  recherches  de  spliygmographie  volumètrique  :  cette  expression 
est  de  beaucoup  la  meilleuic  ipie  l'on  puisse  enqiloyer,  car  elle  ne 
préjuge  lien  sur  le  fond  de  la  (piestion.  Recherche  volumètrique 
veut  simplement  dire  tpron  étudie  les  modilications  de  volume  qui 
se  pi-oduis(mt  dans  le  corps,  ou  dans  un  membre  en  particulier,  par 
(•xemple  la  main,  sous  des  iniluences  diverses,  telles  (pie  les  alti- 
tudes du  corps,  la  respii-ation,  la  température,  les  excitations  des 
sens,  his  actes  intellectuels,  les  (''motions.  Or,  c'est  bien  là,  ce  (jne  les 
appareils  pléthysmographiipies  enregistrent  ;  ils  nous  renseignent 
précisément  sur  les  changements  de  volume. 

Ainsi,  dans  les  appareils  à  d('placement  li(]uide  (jue  nous  allons 
décrire  dans  un  instant,  l'élévation  de  niveau  du  liquide  dans  lequel 
la  main  plonge  prouve  (pie  pour  une  raison  ou  une  autre  le  volume 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PHYSIOLOGIE  577 

de  la  main  a  augmenté.  Bien  entendu,  nous  ne  voulons  parler  que 
des  changements  lents  de  niveau  ;  des  changements  très  brusques  et 
très  considérables  pourraient  être  dus  à  un  mouvement  de  la  main, 
à  la  contraction  brusque  d'un  faisceau  musculaire,  sans  qu'il  y  eût 
de  modification  dans  le  volume  de  la  main. 

On  emploie  aussi  l'expression  de  [recherche  sur  la  circulation 
capillaire,  sur  le  pouls  total  on  totalisé  :  l'expression  est  moins  réser- 
vée, elle  implique  que  ces  changements  de  volume  dont  nous  par- 
lons sont  dus  à  des  changements  dans  la  circulation  du  sang,  sur- 
tout dans  la  circulation  du  réseau  capillaire.  Prise  au  pied  de  la 
lettre,  cette  expression  est  impropre,  parce  qu'elle  est  trop  étroite  ; 
les  changements  de  volume  de  l'organe  tiennent  non  seidement  à  la 
circulation  dans  les  capillaires,  mais  aussi  à  la  circulation  dans  les 
veines,  dans  les  artères  et  dans  les  artérioles  ;  ce  sont  même  les  arté- 
lioles  qui  donnent  lieu  aux  phénomènes  du  pouls,  qu'on  enregistre. 

On  désigne  encore  quelquefois,  par  abus  de  langage,  ces  phéno- 
mènes sous  le  nom  de  phénomènes  vaso-moteurs.  Rappelons  qu'on 
donne  le  nom  de  vaso-moteurs  aux  filets  nerveux  qui  se  rendent 
dans  la  tunique  musculaire  des  vaisseaux,  et  qui  ont  pour  effet  de 
changer  d'une  manière  active  la  lumière  de  ces  vaisseaux;  ainsi  les 
nerfs  vaso-constricteurs  ont  la  propriété  de  faire  contracter  les 
artérioles. 

On  a  parfois,  disons-nous,  appelé  les  recherches  de  pléthysmogra- 
phie  recherches  sur  les  vaso-moteurs.  L'expression  est  tout  à  fait 
inexacte,  en  ce  sens  qu'elle  paraît  attribuer  les  changements  volu- 
méti'iques  des  membres  à  la  seule  action  du  système  vaso-moteur. 
Le  cœur,  la  pression  intra-thoracique,  les  compressions  veineuses, 
et  beaucoup  d'autres  causes  qui  agissent  souvent  d'une  manière  très 
efficace  sur  le  volume  des  membres  seraient  ainsi  méconnues.  Il 
faut  donc  se  garder  d'employer  cette  expression  d'une  manière  géné- 
rale, et  de  l'appliquer  sans  discernement  à  tous  h'S  phénomènes  de 
pléthysmographie. 

Prenons  l'exemple  d'un  cas  particulier  pour  saisir  eu  (quelque 
sorte  cette  erreur  d'interprétation  en  flagrant  délit.  J'ai  la  main 
dans  un  appareil  liquide  à  déplacement,  le  niveaii  du  liquide  baisse 
])rusqucmfiit.  Que  voit-on"?  une  descente  du  liiiuidc  Que  peut-on 
en  conclure  '?que  la  main  a  diminué  de  volume  (à  moins  bien  entendu 
(juil  ne  se  produise  des  causes  d'erreur  dans  l'appareil,  des  fuites, 
des  refroidissements  du  liquide,  etc.).  A-t'on  le  droit  d'appeler  cette 
descente  une  constriclion,  c'est-à-dire  une  diminution  de  volume 
par  resserrement  actif  des  vaisseaux  de  la  main?  Non,  car  le  même 
effet  de  descente  pourrait  être  produit  par  une  toute  autre  cause, 
par  exemple  par  une  diminution  dans  l'arrivée  du  sang  artériel 
dans  la  main.  Cette  diminution  du  sang  artériel  pouiTaît  être  pro- 
duite par  hypothèse  au  moyeu  d'une  compression  d'une  artère 
importante  du' bras. 

ANNÉF.   PSYCHOLOGIQUE.    II.  -  37 


578  ■  ANALYSES 

Quand  la  dilatation  des  vaisseaux  est  produite  par  le  système  vaso- 
moteur,  on  la  dit  active;  quand  elle  est  produite  par  le  sang  qui  dis- 
tend les  artères,  elle  est  dite  passive;  il  en  est  de  nirino  pour  la 
constriction. 

Ces  questions  de  tei^minologie  une  fois  t'claircies,  nous  devons 
rappeler  en  quelques  mots  très  brefs  les  iiriucipaux  pliénomènes 
auxquels  nous  pouvons  avoir  atTaire. 

Sans  que  le  système  vaso-moteur  entre  en  jeu,  la  circulalion  d'un 
organe  peut  se  modilier;  il  peut  y  avoir  augmentation  ou  diminution 
dans  la  quantité  de  sang  contenue  à  un  moment  donné  dans  un 
organe  ;  mettez  la  main  dans  une  position  déclive,  elle  rougit,  s'en- 
gorge et  augmente  de  volume  ;  dans  une  position  élevée,  par  rap]iort 
au  reste  du  corps,  elle  subit  les  efl'ets  inverses  et  diminue  de  volume  ; 
ces  cbangements  de  volume  sont  bien  dus  à  des  changements  dans 
la  quantité  de  sang. 

Il  iM'iil  y  avoir  augmentation  ou  diminution  de  la  pression  arté- 
rielle dans  un  organe.  Celte  augmentation  ou  diminution  peut  varier 
dans  le  même  sens  que  la  quantité  de  sang,  ou  dans  un  sens  diffé- 
rent :  c'était  dans  le  même  sens,  dans  le  cas  de  l'expérience  pré- 
cédente. 

Enfin,  il  peut  y  avoir  augmentation  ou  diminution  de  la  vitesse 
du  sang,  et  cet  effet  peut  également  être  indé])cndant  des  deux 
autres. 

Les  appareils  de  plétliysmographie,  nous  le  rappelons,  donnent 
principalement  les  changements  de  volume,  et  ils  sont  directement 
m  i"ipport  avec  la  qnantilé  de  sang. 

Ces  expériences  ont  déjà  un  historique  assez  long,  et  fort  intéres- 
sant, qui  est  principalement  un  histori({ue  d'appareils.  On  a  cherché 
à  apprécier  les  changemeiils  ib-  viibinic  soil  p.ii'  des  épreuves  indi- 
rectes, soit  par  des  expériences  directes.  Les  principaux  procédés 
emfiloyés  ont  été  :  1°  Examen  à  Wril  nu  de  la  tuméfaction  des 
organes,  procédé  tout  à  fait  enipiririue  et  défectueux  ;  2*^ Exann-n  des 
changements  (b'  cobiralinii  ;  on  sait  que  la  main  exsangue  estblanche, 
la  main  rouge  est  congestionnée,  etc.;  procédé  aussi  imprécis  que 
le  nrécédcnt;  3°  Thermométrie.  On  sait  que  pendant  la  dilatation,  il  y 
a  augmentation  de  chaleur;  pendant  la  constriction,  an  contraire,  le 
membre  se  refroidit.  Le  thermomètre  appliqué  à  la  surface  des  mem- 
bres a  le  d<  l.iul  (b;  donner  des  indications  lentes  ;  il  ne  mesure  [tas  b" 
degré  de  dilatation,  comme  Dastre  et  Morat  l'ont  bien  indiqué  '.  On 
se  rappelle  ipn-  dernièrement  Mosso  a  fait  une  application  du  Ibcrmo- 
mèlrc  à  la  circulation  cérébrale  dans  les  cas  de  iierte  de  substance  ^; 
^t"  Quaiilih'  de  sang  qui  s'écoule  après  une  incision  ;  avec  une  pres- 
sioji  forte,  il  s'écoule  peu  de  sang.  Ce  procédé  ne  peut  être  mis  en 

(1)  Arc/i.  de  physiologie,  1879. 

(2)  Voir  analyse  dans  V Année psycholocjiq ne,  I,  p.  300. 


mSTOLOGIE,    ANATOMIE   ET    PHYSIOLOGIE  579 

usage  que  chez  les  animaux;  o°  Pléthysmogiaphie,  observatiou 
directe  des  changements  de  volume  au  moyen  d'appareils  spéciaux. 
C'est  de  pléthysmographie  que  nous  nous  occupei-ous  spécialement; 
6°  Sphymomanométrie,  étude  de  la  pression  du  sang.  La  pression  du 
sang  dans  les  vaisseaux,  dans  les  capillaires  en  particulier,  dépend 
de  la  force  propulsive  du  cœur  et  de  la  résistance  des  vaisseaux. 
Les  augmentations  de  pression  ne  sont  pas  toujours  parallèles  aux 
augmentations  de  volume  ;  il  y  a  des  cas  oîi  le  parallélisme  a  lieu  ; 
par  exemple,  si  on  met  la  main  dans  une  position  élevée,  elle  se 
décongestionne,  diminue  de  volume,  et  la  pression  du  sang  diminue  ; 
il  y  a  au  contraire  des  cas  où  la  pression  ne  change  pas  dans  le  même 
sens  que  le  volume  ;  ainsi,  sous  l'influence  d"une  excitation  psychique 
ou  d'une  inspiration  forte,  les  petits  vaisseaux  artériels  de  la  main 
.se  resserrent,  ce  qui  produit  une  diminution  de  volume  ;  mais  la  pres- 
sion du  sang  augmente. 

Les  changements  de  volume  des  membres  ne  s'observent  point 
à  Tœil  nu  ;  pour  les  étudier,  on  a  cherché  aies  amplitier,  en 
employant  des  appareils  un  peu  compliqués,  dits  à  déversement,  qui 
rendent  visibles  la  dilatation  et  la  constriction  des  membres  en  obser- 
vation, en  faisant  agir  leur  effet  totalisé  sur  le  niveau  de  l'eau  con- 
tenue dans  un  tube  d'étroit  diamètre.  C'est  là  le  principe  des 
appareils  inventés  par  Piégu,  Ghelius,  Fick,  Mosso,  François-Franck 
et  ses  élèves  ;  ces  appareils  consistent  essentiellement  dans  des 
récipients  pleins  d'eau  et  en  communication  avec  des  tubes  de  verre  ; 
on  introduit  la  main,  par  exemple,  ou  le  bras  dans  le  récipient, 
qu"on  ferme  ensuite  soigneusement  ;  et  les  augmentations  et  dimi- 
nutions de  volume  de  la  main,  agissant  sur  le  liquide  du  récipient, 
et  par  là  sur  le  liquide  contenu  dans  le  tube  de  verre,  en  élèvent  et 
en  abaissent  le  niveau.  Piégu  et  Chelius  se  sont  contentés  d'étudier 
de  visu  les  oscillations  de  cette  colonne  liquide,  et  il  est  curieux 
qu'avec  des  moyens  d'observations  aussi  grossiers  ces  auteurs  aient 
pu  analyser  avec  une  grande  approximation  Teffet  combiné  qu'exer- 
cent sur  le  volume  des  membres  le  travail  du  cœur  et  les  actes  res- 
piratoires. 

Le  physiologiste  Fick  a  réalisé  un  grand  progrès,  en  appliquant  à 
l'étude  des  changements  de  volume  des  membres,  la  méthode  gra- 
phique, que  Ludwig  venait  d'introduire  en  physiologie;  Fick  plaça 
sur  le  liquide  du  tube  un  flotteur  portant  un  style!  terminé  par  une 
plume;  celle  plume  frottait  coiilre  un  (ylindre  louraant,  recouvert 
de  noir  de  fumée  et  placé  verticalement,  et  inscrivait  jiar  consé- 
quent sur  ce  cylindre  la  hauteur  des  oscillations  du  liquide  et  leur 
<lurée.  Ces  premiers  tâtonnements  de  la  méthode  ont  donné  des 
résultats  assez  satisfaisants,  si  l'on  en  Juge  par  les  tracés  que  Fick  a 
publiés  ;  nous  signalerons  notamment  sou  tracé  agrandi  d'une  [)ul- 
sation. 

A  partir  de  Fick  commence  la  période  contemporaine  des  recher- 


580  ANALYSES 

ches;  dans  celle  période  il  y  a  deux  noms  qui  reviennent  constam- 
ment, ceux  de  Mosso  et  de  Fr.-Franck;  ces  deux  physiologistes  ont 
inventé  plusieurs  appareils  nouveaux  et  ils  ont  étudié  les  change- 
ments de  volume  des  membres  dans  les  conditions  expérimentales 
les  plus  diverses.  Quelques  autres  auteurs  ont  publié  des  travaux 
sur  ces  questions,  mais  leur  rôle  est  resté  secondaire. 

Mosso  s'est  attaché,  avec  une  grande  ingéniosité  d'esprit,  à  analyser 
la  question  et  à  en  étudier  séparément  les  différentes  parties  ;  ainsi, 
il  a  d'abord  imaginé  un  appareil,  Fhydrosphygmographe,  destiné  à 
donner  la  valeur  des  changements  de  volume  d'un  membre,  en  cen- 
timètres cubes  ;  négligeant  les  variations  brusques  de  volume,  qui  se 
lisent  sur  les  tracés,  il  a  voulu  mesurer  exactement  les  pertes  ou 
augmentations  de  volume  qui  se  font  à  la  suite  d'actions  très  lentes  ; 
dans  ce  but,  il  a  modifié  l'ancien  appareil  de  Piegu  et  de  Chelius  ;  au 
lieu  d'étudier  les  mouvements  du  liquide  dans  un  tube  vertical,  qui 
ne  peut  pas  donner  les  changements  absolus  de  volume,  puisque  à 
mesure  que  le  liquide  s'élève  dans  le  tube,  la  pression  change  dans 
le  récipient,  il  recueillait  le  liquide  dans  une  éprouvette  flottante, 
les  conditions  étant  disposées  de  telle  sorte  que  la  pression  du  liquide 
dans  lequel  la  main  plongeait  n'était  pas  modifiée. 

Fr.-Franck  s'est  attaché  de  préférence  à  l'élude  des  variations 
brusques,  qu'un  tracé  peut  seul  donner,  et  de  fait  les  tracés  qu'il  a 
publiés  sont  très  beaux.  Son  appareil  est  une  heureuse  modification 
de  celui  de  Fick;  il  a  substitué  au  flotteur  muni  d'une  tige  inscri- 
vante la  transmission  par  air  et  par  membrane  de  caoutchouc  ;  mode 
de  transmission  dont  il  a  trouvé  l'idée  dans  la  thèse  de  Buisson,  phy- 
siologiste mort  jeune  et  presque  oublié.  Nous  sommes  aujourdliui  tous 
bien  familiarisés  avec  ce  mode  de  transmission,  et  il  est  iniitile  d'eu 
[larler  longuement.  La  main  plonge  dans  un  récipient  plein  d'eau, 
et  le  tube  qui  cummunitiue  avec  le  récipient,  présente  une  ililalation 
en  forme  d'ampoule,  destinée  à  éteindre  les  mouvemenis  Irop 
brusques  d'ascension  du  lif|uide. 

Pour  supprimer  différenis  inconvénients  qui  tiennent  à  la  présence 
de  l'eau  dans  le  récipient,  F.-Franck  a  eu  aussi  Tingénieuse  idée  d'en- 
registrer directement  au  moyen  d'un  double  levier  amplificateur  les 
changements  de  volume  du  doigt  ;  la  pulpe  du  doigt  reposant  sur  un 
plan  résistant,  on  applique  sur  la  face  unguéale  une  tige  verticale 
qui  est  en  communication  avec  un  système  de  leviers,  et  ceux-ci 
écrivent  direcloineut  sur  un  cylindre,  en  les  amplifiant,  les  déplace- 
ments de  la  tige  verticale.  Malheureusement  cet  appareil  enregistre 
avec  la  plus  grande  facilité  les  déplaceincnls  involontaires  de  la 
main,  qui  s'inscrivent  en  même  temps  que  les  tracés  volumélriques. 
Dans  ces  dernières  années,  F.-Franck  a  imaginé,  avec  la  collabora- 
lion  de  deux  de  ses  élèves,  Ilallion  et  Comte,  des  pléthysmographes 
de  caoutchouc,  portatifs,  légers  et  très  commodes,  qui  sont  fondés 
sur  le  principe  suivant  :  l'organe  à  explorer  et  une  ampoule   élas- 


HISTOLOGIE,    ANATOMTE   ET   PHYSIOLOGIE  581 

tique  sont  enfermés  dans  une  enveloppe  commune  et  rigide,  de  telle 
manière  que  les  cliangemeuts  de  volume  de  Forgane  et  de  l'ampoule 
se  font  dans  Tordre  invei'se.  oSous  avons  donné  [Année  psych.,  I, 
}i.  296)  une  figure  schématique  de  M.  Haillon,  destinée  à  éclairer 
cette  définition. 

Enfin,  tout  dernièrement  Mosso  a  construit  un  spliygmomano- 
mètre  dont  nous  publions  plus  loin  la  description  et  la  figure,  et  qui  a 
l'avantage  de  faire  connaître  exactement  la  pression  avec  laquelle 
ou  enregistre  le  volume  de  l'organe  :  les  tracés  sont  malheureuse- 
ment peu  délicats,  comme  le  prouve  l'absence  de  dicrotisme  du 
pouls. 

Il  a  été  fait  dans  rannée  courante  des  recherches  sur  un  grand 
nombre  de  ces  questions  :  recherches  de  Fr. -Franck  sur  les  capil- 
laires du  poumon  ;  études  de  Kiesow  sur  l'influence  du  travail  intel- 
lectuel; recherches  de  Klippel  et  Dumas  sur  l'influence  des  états 
émotionnels  chez  les  paralytiques  généraux  ;  recherches  de  Binet  et 
Sollier  sur  la  circulation  cérébrale  ;  enfin  recherches  de  Binet  et 
Courtier  sur  la  circulation  capillaire  de  la  main. 

A.  Binet. 

E.  WERÏHEIMEU.  —  Sur  les  variations  de  volume  des  membres 
liées  à  la  respiration.  Arch.  de  physiologie,  p.  735-744,  1895, 

Recherches  faites  sur  le  chien.  Pour  inscrire  le  volume  du  cerveau, 
on  a  adapté  hermétiquement  avec  de  la  cire  à  cacheter,  sur  le  pour- 
tour d'un  trou  de  trépan  (trou  pratiqué  dans  le  crâne  de  l'animal 
pour  mettre  l'encéphale  à  découvert]  un  tube  de  verre  ayant,  sur 
une  longueur  de  4  à  5  centimètres,  un  diamètre  un  peu  supérieur  à 
celui  de  l'orifice  osseux,  et  se  terminant  par  une  partie  rétrécie, 
longue  également  d'environ  5  centimètres.  11  est  rempli  d'eau  jusqu'à 
une  certaine  distance  de  son  bout  supéxieur  et  mis  en  communi- 
<:ation  avec  un  tambour  de  Marey.  Pour  prendre  Ile  volume  des 
membres,  on  se  sert  du  système  des  ballons  conjugués.  Un  manchon 
<[e  caoutchouc  est  maintenu  le  long  du  membre  au  moyen  d'une 
bande  plâtrée  et  communique  avec  un  ballon  élastique  enfermé  dans 
un  flacon,  lequel,  par  une  deuxième  tubulure,  est  relié  cà  un  tam- 
bour de  Marey.  Après  solidification  du  plâtre  le  système  des  deux 
ampoules  est  gonflé  au  degré  voulu*. 

On  constate  chez  le  chien  que  le  volume  des  membres,  et  aussi 
celui  du  cerveau,  augmente  à  l'inspiration  et  diminue  à  l'expiration. 
Quelle  en  est  la  cause?  Est-ce  le  changement  de  pression  de  l'air 
<lansle  thorax  pendant  la  respiration?  On  sait  que  dans  l'inspiration, 
il  y  a  un  élargissement  de  la  poitrine  et  une  diminution  de  pression 
^{ui  a  pour  efl'ct  d'appeler  l'air  du  dehors  dans  la  poitrine.  Par  suite 

(1)  Voir  Arch.  de  physiologie,  1894,  p.  732. 


582  ANALYSES 

de  cette  diminution  de  pression,  le  sang  des  veines  et  des  artères 
est  également  niipelé  vers  le  thorax,  ce  qui  produit  une  déplétion 
des  organes  pt'ri|diériques.  Cet  efîet  mécanique  de  la  pression  devrait 
donc  produire  une  diminution  de  volume  des  mcmlirrs  dans  Tinspi- 
ration,  et  pour  des  liaisons  analogues  une  augmrniati.tn  de  volume 
à  l'expiration.  Or,  c'est  le  contraire  qui  se  [irodnit  chez  If  eiiieii. 
L'auteur  admet  que  la  dilatation  eu  inspiral imi  lient  à  laceéh'ralion 
du  cœur  pendant  l'inspiration;  cette  accéléralion  augmente  la  pres- 
sion du  sang,  qui  distend  les  capillaires.  l.'efTet  s'observe  sur  le  cer- 
veau, sur  le  membre  antérieur  et  sur  le  membre  posirii.nr.  Si  les 
battements  du  cœur  deviennent  réguliers,  comme  dans  la  cidorofor- 
misation,  aloi^s  l'inspiration  produit  une  diminution  de  volume,  qui 
s'explique  par  l'aspiration  du  sang  vers  lu  poitrine.  En  somme,  il  y 
a  là  deux  intluences,  de  sens  contraire,  celle  du  ca-ur  et  celle  de 
l'aspiration  liinraeique  ;  suivant  les  condilion-,  i.inlnt  lune  1  em- 
porte, tantôt  l'autre. 

A.    FÎINET. 

X.  MOSSO.  —  Sphygmomanomètre  pour  mesurer  la  pression  du  sang 
chez  l'homme.  Arcli.  liai,  de  Biologie,  XXIII,  lasc.  I,  II,  p.  177. 

On   a  mesuré  Jusqu'iei   la  juession  du  sang  ilans   les  artères  de 
l'homme  en  ciiereli.inl  >\\[r\\i-  est  la  pression  exlei  ne  miniina  qui  est 
nécessaire  pour  l'aire  disparaître  les  pulsations  des  altères.  YierordI 
(1855)  employant  le  levier  de  son  .spbygmographe,  le  chargeait  de 
poids  pour  empêcher  les  ])ulsations  de  l'artère  radiale'.  Marey  aug- 
mentait la  pression  de  l'.iir  (lan>  un  ré(i|iieiil  clos  et  en  verre  oi'i  le 
bras  était  plongé,  jusiiu'à  ce  (ju.;  cette  pression  lil  pâlir  la  couleur  de 
la  main;  ou  ])ieu  encore,  il  taisait  varier  celle  iiression  jusqu'à  ce 
que  les  pulsations  de  la  main,  liansmises  à  un  taniboiu'  à  levier  par 
les   méthodes   graiihiques   ordinaires,    fassent  conqilèlement    suii- 
primées^  >'.  v.  Kries,  v.  Basch,   et  ^Valdeuliurg  (uit   enqdoyé  des 
méthodes  qui  sont  des  variantes  de  celle  de  Vierordt.  Mosso  emploi*- 
une  méthode  tout  à  fait  différente;  il  mesure  avec  son  sphygmoma- 
nomètre la  pression  externe  sous  laquelle  les  pulsations  des  artères 
acquièrent  leiu'  maximum  d'ampleur;   il   [mmisc  qu'à  ce  moment-l;i 
la  contre-pi-ession  corx-espond  à  la  pressi(ui  du  sang.  On  aurait  pu,, 
à  première  vue,  supposer  ([ue   plus  la  cnulre-pressidn  externe  est 
forte  plus  les  pulsations  seront  laildes,  et  (pie  plus  la  contre-pression 
est  faible  plus  les  pulsations  seront  fortes.   Il  n'eu  <'-t  lien  :   si  on 
fait  varier  graduidlement  la  pression  subi''  par  la  main,  en  allant  di' 
40    millimètres    de   mercure    à   110   millimètres,    on   ob.serve,    en 
prenant  en  même  temps  le  graphique  des  ]>ulsations,  que  celles-cii 

(1)  K.  Vierordt,  Die  Lehre  vom  Arlerienpids.  Braunschweig,  1855,  p.  164. 

(2)  Marey,  mcsoro  iiifiiiiuii(Hrii|ue  de  la  pression  du  sang  dans  les  artères, 
de  l'iiomme.  (Travaux  du  laburuluire,  1876,  p.  '616.) 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE    ET    PHYSIOLOGIE  583 

sont  petites  pour  la  contre-pression  de  40  millimètres,  qu'elles 
augmentent  graduellement  d"amplitude  à  mesure  que  la  contre- 
pression  augmente,  par  exemple  jusqu'à  60  ou  70  millimètres  (le 
rhifTre  exact  varie  avec  les  sujets  et  les  conditions  d'expérience)  et 
qu'au  delà,  quand  la  contre-pression  augmente  encore,  l'amplitude 
diminue  ;  elle  peut  être  avec  une  pression  de  110  aussi  petite  qu'avec 
une  pression  de  40.  Mosso  a  répété  l'expérience  avec  une  membrane 
de  caoutchouc  dont  les  deux  faces  subissent  une  pression,  et  il  a 
constaté  ([ue  c'est  quand  la  pression  d'un  côté  fait  équilibre  à  celle 
de  Fautre  que  les  pulsations  transmises  à  la  membrane  par  un  cœur 
artificiel  en  caoutchouc  acquièrent  leur  maximum  d'amplilude.  En 
ce  qui  concerne  les  vaisseaux  sanguins,  Mosso  donne  l'explication 
suivante  de  cet  effet  :  «  chaque  pulsation  des  artères  est  limitée  par 
la  résistance  que  lui  opposent  l'élasticité  et  la  tonicité  des  parais  de 
iartèi^e.  Il  s'établit  un  équilibre  entre  la  tension  des  vaisseaux  et  la 
pression  interne  du  sang.  Si  au  moyen  d'une  force  externe,  nous 
arrivons  à  contre-balancer  la  partie  de  la  tension  qui  se  perd  pour 
distendre  les  vaisseaux,  les  oscillations  des  artères  acquerront  le 
maximum  d'ampleur,  lorsque  la  pression  interne  sera  égale  à  la 
pression  externe.  »  Cette  explication  manque  un  peu  de  clarté.  Un 
peu  plus  loin,  parlant  de  la  contre-épreuve  sur  la  membrane  de 
caoutchouc,  Fauteur  dil  ([u'au  moment  où  la  pression  et  la  contre- 
[iression  subies  par  cette  membrane  se  contre-balancent,  la  membrane 
n'est  plus  tendue,  elle  est  relâchée  :  par  conséquent,  elle  ne  fait  plus 
é'quilibre  à  la  pression  interne  qui  représente  la  tension  du  sang 
dans  lés  artères  et  les  variations  que  subit  cette  pression  interne 
sont  transmises  dans  b'ur  valeur  absolue  au  sphygmomanomètre. 

En  tout  cas,  nous  pouvons  laisser  de  côté  la  question  de  savoir  si 
la  contre-pression  externe  coïncidant  avec  un  maximum  d'amplitude 
des  puisai  ions  mesure  la  pression  du  sang;  nous  pouvons  aussi  ne 
pas  trancher  la  question  de  savoir  jiourquoi,  quand  la  coulre-pression 
égale  la  pression  du  sang,  les  i)ulsations  atteignent  leur  maximum 
d'amplitude.  L'importance  de  la  recherche  de  Mosso  est  d'apporter 
ilaus  les  expériences  de  sphygmographie  une  détermination  numé- 
rique :  celle  de  la  pression  avec  laquelle  on  enregistre  les  pulsa- 
tions. 

Décrivons  en  quelques  mots  l'instrument  qu'il  a  imaginé  dans  ce 
but,  le  sphygmomanomètre  ;  cet  instrument'  (lig.  109)  sert  à  enre- 
L'istrer  là  pression  des  doigts;  il  est  formé  de  tubes  métalliques 
dans  lesquels  on  introduit  les  doigts  comme  on  le  voit  dans  la  figure. 
J]n  versant  de  l'eau  dans  le  flacon  D,  on  remplit  ces  tubes  d'eau  ;  les 
doigts  ne  sont  pas  mouillés,  car  les  ouvtutures  des  tubes  sont  fermées 
par  des  doigts  de  gant  qui  rentrent  à  l'intérieur  des  tubes  et  coifTeut 

(1)  Il  est  absolument  analogue,  pour  ne  pas  dire  identique,  à  celui  décrit 
par  Marey  dans  sa  Circulation  du  sang,  p.  450,  Paris,  1882. 


584 


ANALYSES 


les  doigts  introduits  dans  les  tubes  ;  on  voit  sur  le  bord  externe  des 
tubes,  en  a,  b,  c,  d,  l'extrémité  des  doigts  de  ganl.  Les  tubes  sont 
fixés  sur  une  plate-forme  N  0  q  n  en  fer  fondu,  et  la  main  du  sujet 
est  dans  l'attitude  indiquée  par  la  figure,  le  dos  de  la  main  fixé  au 
moyen  d'une  plaque  de  métal  F  arquée  et  rembourée,  qui  glisse  sur 


Fig.  109. 


une  colonnette  J  et  II,  et  est  fixée  par  une  vis  M.  Un  piston  métal- 
lique E  qu'on  élève  et  qu'on  abaisse  au  moyen  d'une  vis  K,  peut 
exercer  une  i)ression  sur  l'eau,  qui  se  transmet  par  le  tube  k  li  aux 
doigts.  L'eau  monte  dans  le  tube  op,  et  agit  sur  le  manomètre  à 
mercure  LL,  dont  le  niveau  indique  exactement  la  pression  d'eau 
exercée  sur  les  doigts;  en  effet cbaque  fois  qu'on  abaisse  le  piston  E, 
celui-ci  repousse  le  liquide  qui  renijilii  ]'a]ipareil,  et  élève  le  niveau 
de  la  colonne  manométrique.  Un  lloLteur  r,  qui  surmonte  cette 
colonne,  est  muni  d'une  plume  pouvant  écrire  sur  un  cylindre  tour- 
nant les  oscillations  de  la  colonne. 

Les  tracés  que  Mosso  a  recucnllis  avec  son  ap]jareil  nouveau  sont 
instructifs  ;  ils  nous  montrent  d'abord  que  ranifililude  des  pulsaiions 
est  augmentée  ])ar  un  opiiniuin  de  pression  extérieure  (fig.  110).  En 
outre,  l'auteur  a  employé  son  sjdiygmomanomèlre  pour  enregistrer 
des  faits  déjà  connus,  comme  les  lapports  entie  la  resj)iration  et  les 
oscillations  de  la  pression,  question  dont  nous  nous  sommes  occupés 
longuement  dans  nos  recbercbes  de  celte  année. 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE    ET   PHYSIOLOGIE 


585 


58G 


ANALYSES 


On  peut  constater  sur  Iti'  Iraeé  de  l'aulfiu' (Og.  1  ll),;iinsi  dur. •si,,  qn, 
surlt\s  nôtres,  que  la  dilatai  ion  commence  avant  le  commencemeul  di 


vUUUWVï 


In  niilMilillllmli  lilllilliillllillllill  Hilli 


80  m  m 


90  m/m 


Fig.  Jll.  —Tracé  de  la  pression  avec  osciliatinns  respiratoires.  La  ligue 
supérieure,  inscrite  en  même  temps,  avec  le  pneiunographe  doutjle  de 
Marey.  indique  le  tracé  de  la  respiratiiui. 


100  mm 


■iBIt, 


Fig.  112.  —  Trace  de  la  pression. 

l'fXjuralion.  Signalons  aussi  à  l'altention  des  lecteurs  le  tracé  (fig.  112) 
<iui  montre  les  curieux  ellets[>iuduils  par  un  état  prolongé  d'ex[iiral  ion 


mSTOLOGIE,    ANATOMIE    ET    PHYSIOLOGIE 


587 


suivi  d'uno  inspiralion  pro- 
fonde ;  nous  avons  noté  des 
réactions  analogues  dans  nos 
Iracés.  Aproposde  cette  t'igure, 
nous  notons  en  passant  une 
remarque  de  l'auteur.  «  Il  esl 
utile  de  remarquer,  dit-il, que, 
en  A,  où  la  respiration  devieni 
superticielle,  et  où  les  mouve- 
ments ont  la  moitié  de  l'am- 
pleur des  précédents,  la  hau- 
teur des  ondulations  respira- 
toires de  la  pression  n'est  pas 
modifiée  d'une  manière  cor- 
respondante. »  N'en  déplaise 
à  l'auteur,  son  tracé  lui  donne 
tort  ;  l'oscillation  correspon- 
dant à  la  respiration  superli- 
cielle  est  modifiée  et  diminuée. 
Enfin,  le  tracé  113  montre  les 
ondulations  périodi(iues  de  la 
pression  sanguine  (jue  Mosso 
attribue  au  centre  vaso-mo- 
teur. 

L'ensemble  des  graphiques 
(lue  le  lecteur  a  sous  les  yeux 
montre  ce  que  donne  le  spiiyg- 
niomanom«4re  de  Mosso.  Cel 
appaieila  un  séiieuxavanlagi' 
que  nous  avons  déjà  indiqué-, 
il    mesure    la   pression    exté- 
rieure avec  laquelle  on  prend 
le  tracé;  mais  il  y  a  des  in- 
convénients; pur  suite  de  son 
volume  et  de  sa  lixilé,  il  enre- 
gistre  les  mouvements   invo- 
lontaires des  doigis;  de  jilii>, 
il  ne  s'applique  qu'aux  doigts  ; 
les  tracés  sont  [)cn  délicals, 
comme   le    montre   l'absence 
de    dicrotisme    du    jtouls  ;    il 
est  vraisembluiile  ([lU'  les  réac- 
tions rapides  et  de  peu  d'am- 
plitude    sont     détruites    par 
l'inertie    et    la    complicalion 
des  organes  de  transmission  ; 


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588  ANALYSES 

eu  outre,  quand  il  se  produit  au  cours  d'une  expérience  des  change- 
ments de  pression  sanguine,  l'appareil  n'indique  pas  dans  quel  sens 
ce  changement  a  eu  lieu;  oiitiu,  les  cliangemonts  de  la  circulation 
capillaire  ne  peuvent  élrc  ('Uidi(!'S  qu'arlilicieilemeuL  sous  une  pres^ 
sion  aussi  considérable  et  aussi  éloignée  de  l'état  norm;il. 

A.    HlNKT. 

KIESOW  (F.).  —  "Versuche  mit  Mosso's  Sphygmomanometer  iiber  die 
durch  psychische  Erregungen  hervorgerufenen  Verànderungen  des 
Blutdrucks  beim  Menschen.  {Expériences  avec  le  sjjhyijjitomano- 
mètre  de  Mosso  sur  les  changements  de  la  pression  du  sang,  chez 
rhomrne,  produits  par  les  excitations  psychiques.)  l'hilos.  Slud.,  XI, 
p.  41-61.  id.  Arcli.  liai,  de  Biologie,  XXIII,  p.  198-211. 

L'auteur  s'est  proposé  d'étudier  si  le  travail  intellectuel  et  les 
<lifîérents  sentiments  sont  accompagnés  de  cliangements  dans  la 
jn-ession  sanguine,  et  quels  sont  ces  changements.  L'appareil 
employé  est  le  sphygmomanoinèlre  de  Mosso,  représenté  sur  la 
figure  109. 

L'auteur  a  toujours  cherché  d'abord  la  pression  de  l'eau  pour 
laquelle  les  ani|)liludes  des  pulsations  étaient  maxima  et  il  faisait 
inscrire  pendant  toute  l'expérience  les  pulsations  correspondant  à 
cette  pression  externe  ;  lorsque  à  un  certain  moment  on  remarque 
que  l'amplitude  devient  moindre,  on  peut  en  déduire  que  ou  bien 
la  pression  du  sang  a  changé  on  ne  sait  pas  dans  quel  sens,  ou  bien 
l'intensité  du  pouls  est  devenue  moindre  ;  voilà  des  cas  que  l'auteur 
ne  distingue  pas  assez  ;  il  dit  dans  les  dillerenls  cas  (p.  58  et  59)  que 
la  pression  sanguine  a  dimiiuu'',  <pi'elle  a  augmenté,  que  les  vais- 
seaux sanguins  se  sont  contractés,  qu'ils  se  sont  relâchés,  etc.,  mais 
de  quel  fait-il  tiré  des  conclusions  pareilles,  (piels  sont  les  change- 
ments des  courbes  qui  lui  font  conclure  ceci  pliilùt  que  cela,  il  ne  le 
■dit  pas.  En  somme  l'aj^pareil  est  très  compliqué,  il  donne  une  courbe 
irrégulière,  la  res])iration  s'y  inscrit,  les  cliangemenis  dv  volume  de 
doigts  s'y  inscrivent  aussi,  l'intensité  des  pulsations,  enlin  la  pression 
sanguine  et  puis  d'autres  causes  inconnues  s'inscrivent  toutes,  tous 
(;es  éléments  sont  compris  dans  une  covube,  et  il  ('st,  ou  peut  dire, 
impossible  de  les  démêler  et  de  dire  dans  des  cas  jiarLiculiers  :  ce 
changement  est  dû  à  la  coi)?lri(:lion  des  vaisseaux;  celui-là  à  un 
changement  de  la  jtression  sanguine,  etc.  ;  raul(;ur  senilile  ne  pas 
avoir  remarqué  cette  comph'xité  du  phénomène,  les  conclusions 
(fu'il  tire  des  dinérentes  courbes  sembhiut  souvent  arbitraires. 

L'auteur  rapporte  un  cerliiin  nombre  il'expériences  faites  avec  cet 
appareil,  où  le  sujet  devait  faire  certains  juoblèmes,  ou  bien  il  était 
effrayé  spontanément  par  un  bruit  très  fort,  ou  bien  on  lui  mettait 
sur  la  langue  une  substance  d'un  goût  agréable  ou  désagréable,  ou 
•enfin  il.devait  fixer  sonaltention  sur  des  sensations  très  faibles,  etc. 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE    ET    PHYSIOLOGIE  589 

Il  s'est  dégagé  des  expériences  qu'il  existe  des  difterences  indivi- 
duelles très  considérables,  chez  les  uns  on  n'observe  aucun  change- 
ment dans  les  courbes  de  pulsation,  d'autres  enfin  en  présentent 
de  très  marqués.  En  général  ce  sont  les  personnes  nerveuses,  les  per- 
sonnes émotives  qui  présentent  des  changements  les  plus  marqués. 

L'auteur  conclut  que  le  travail  intellectuel  tout  seul,  ou  bien  une 
sensation  qui  n'est  pas  accompagnée  d'un  sentiment  vif  n'amènent 
pas  de  cliangement  dans  la  pression  sanguine  ;  et  que  ce  ne  sont  que 
les  sentiments  désagréables  qui  sont  «  la  cause  »  des  changements 
dans  la  pression  sanguine,  les  sentiments  agréables  n'en  sont  géné- 
ralement pas  accompagnés.  11  nous  semble  que  la  dernière  conclu- 
sion est  trop  générale,  on  ne  peut  en  effet  pas  dire  que  les  senti- 
ments désagréables  sont  la  cause  des  changements  dans  la  pression, 
on  ne  peut  maintenant  que  dire  qu'ils  sont  accompagnés  de  change- 
ments dans  la  pression. 

L'auteur  voit  un  défaut  de  cette  méthode  en  ce  que  l'observateur 
et  le  sujet  sont  dans  la  même  pièce;  il  serait,  dit-il,  pour  la  psycho- 
logie d'une  grande  importance  que  l'observateur  et  le  sujet  fussent 
dans  des  pièces  séparées.  Nous  ne  croyons  absolument  pas  que  ce 
soit  là  un  avantage,  bien  au  contraire,  ce  serait  ne  pas  profiter  de 
ce  que  le  sujet  peut  parler,  ne  pas  profiter  des  observations  directes 
du  sujet,  qui  sont  souvent  bien  plus  instructives  que  des  expériences 
faites  automatiquement  avec  des  appareils,  il  est  vrai,  très  précis; 
nous  croyons  que  le  défaut  de  la  méthode  se  trouve  dans  l'appareil 
qui  donne  une  moyenne  générale,  qui  transcrit  la  somme  des 
inlluences  de  beaucoup  d'élémenls  différents  (pression  sanguine, 
intensité  des  pulsations,  constriction  et  relâchement  des  parois  des 
vaisseaux,  etc.),  et  il  est  impossible  de  séparer  ces  éléments  les  uns 
des  autres. 

Victor  Henri. 

KLIPPEL  ET  DUMAS  (D1-:  PARIS).  —  De  la  paralysie  vaso-motrice 
dans  ses  rapports  avec  l'état  affectif  des  paralytiques  généraux. 
Congrès  des  aliénistes  et  neurologistes  de  France,  tenu  à  Bordeaux 
en  août  1893.  Extrait  de  la  Tievue  neurologique,  13  sept.  1893, 
p.  313. 

Les  auteurs  ont  appliqué  le  plélliysmographe  d'IIallion  et  Comte 
à  l'étude  du  pouls  capillaire  chez  les  paralytiques  généraux. 

Chez  ceux  qui  étaient  en  élat  de  délire  expansif,  ils  ont  constaté 
deux  particularités  :  1°  l'amplitude  des  oscillations  isochrones  au 
pouls  estbeaucoup  plus  grande  que  chez  les  sujets  sains  ;  2°  ces  oscil- 
lations pulsaliles  ne  s'effacent  jamais  sous  l'inlluence  d'une  piqûre. 

Les  auteurs  admettent,  d'après  ces  faits,  qu'il  existe  chez  ces 
malades  une  paralysie  des  vaso-constricteurs,  entraînant  un  état  de 
dilatation  vasculaire. 


590  ANALYSES 

Au  point  dt^  vue  psychologique,  ces  conslalalions  ont  de  l'impor- 
lance.  Cl.  Beniaid,  l-ani^'o  et  la  plupart  des  psycliopliysiologistes 
modernes  considèrent  la  dilatation  vasculaire  périphérique  comme 
liée  à  la  joie,  ou  plulôt  la  déterminant;  l'état  de  salisi'action  des^ 
paralyti(iues  généraux,  que  rien  ne  justilie,  et  dont  la  ténacité  est 
souvent  extrême,  s'expliquerait  par  ces  modifications  circulatoires, 
base  physiologique  du  phénomène  mental. 

Des  expériences  plus  récentes  ont  paru  démontier  à  ces  auteurs 
que  les  mêmes  moditications  ne  se  produisent  pas  dans  les  périodes 
de  dépression. 

M.  Charpentier  (de  Paris)  dit  n'avoir  jamais  constaté  de  rap|>orl 
entre  la  température  et  les  états  d.-  déiiression  et  d'excitation  des 
paralytiques  généraux. 

M.  Klippel  répond  que  ce  n'est  pas  là  une  ohjection  valable  ;  la 
tem[iérature  n  ofl're  pas  de  rapport  constant  avec  l'état  des  vaisseaux. 

L.  HALl.ION  ET  CH.  COMTE.  —  Sur  les  réflexes  vaso-moteurs  bulbo- 
méduUaires  dans  quelques  maladies  nerveuses  (hystérie,  syrin- 
gomyélie,  etc.j.  Arch.  de  Piiysiologie,  189o,  p.  90-99. 

Les  recherches  des  auteurs  ont  été  faites  avec  le  même  appareil 
<lé)à  employé  ]iar  eux  dans  leurs  travaux  antérieurs  (V.  Ann. 
psychologique,  1894,  p.  "299). 

J'emprunte  à  ce  travail  des  résultais  (pii  [irésentent  de  l'intérêt  au 
point  de  vue  de  la  psychologie  physiologique. 

Les  anesthésies  se  comportent  d'une  façon  absolument  diilV-renle, 
suivant  (ju'il  s'agit  d'une  anesthésie.liysléri(iue  ou  d'une  anesthésie  de 
^ause  organique. 

Dans  le  premier  cas  les  réflexes  vaso-moteurs  sont  normaux,  dans 
le  second,  ils  sont  abolis.  Ces  faits  s'accordent  avec  la  théorie  des 
psychologues  (pii  font  de  l'anesthésie  hystérique  un  simple  trouble 
<le  la  perception  consciente. 

Certains  processus  psychiques,  que  ne  décèle  aucun  aulre  phéno- 
mène objectif  appréciable,  sont  mis  en  évidence,  dans  l'élat  hypno- 

li(iue,  parle  [uocédé  plélhysmographique. 

H.  Bealms. 

A.  HLNET  ET  J».  SÔLLIEU.  —  Recherches  sur  le  pouls  cérébral 
dans  ses  rapports  avec  les  attitudes  du  corps,  la  respiration  et  les 
actes  psychiques.  Arcli.  de  l>lly^iologie,  octobre  189^. 

Divers  expéri nlad-uis,  notamment  Mosso  '  et   Fr. -Franck  ont 

4;tudié  sur  riioiunie  les  moditications  de  volume  du  _cerveau  qui  se 

(1)  A.  Mosso.  Siipra  un.  iniovo  melodu  per  scr'iverc  i  inovimenll  (Ici  vasi 
:<an;/ui!/ni  nelV  vuino,  Tin-iii,  \%n.  —  SulUi  clrcuhdlone  del  sa»r/ue  iiel 
cefcello  delVuomo,  1879. 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PUYSIOLOGIE 


591 


produisent  sous  des  iiilluences  diverses,  telles  que  la  respiration, 
l'altitude  du  corps  et  les  actes  psychiques.  Pour  faire  ces  études, 
on  a  profilé  de  ce  que  certains  sujets  présentaient  une  perte  de 
substance  osseuse,  qui  mettait  une  partie  du  cerveau  et  de  ses 
méninges  à  la  portée  des  moyens  d'exploration  graphiques,  tels  que 
des  ampoules  de  baudruclie,   ou  de  caoutchouc,  ou  des  tambours 


Fiff.  114. 


enregistreurs.  Quel  (jue  fût  le  procédé  employé,  les  mouvements 
d'exjjansion  et  de  retrait  de  la  substance  cérébrale  étaient  transmis  à 
des  cylindres  et  s'y  inscrivaient: sous  la  forme  de  gra]ihiques.  Sur 
ces  graphiques  on  lit  ordinairement  plusieurs  formes  d'ondes,  dont 
les  plus  petites  sont  les  pulsations  du  ((our;  elles  se  développent  sur 
des  ondes  plus  longues,  qui  cori'espondcnt  aux  respiui lions,  cf 
qui  sont  les  oscillations  lespiratoires. 

Binet  et  Sollier  ont  fait  leurs  éludes  sur  une  vieilhî  délinfiiiantede 
Saint-Lazare  (fig.  114),  piV'scnl.inl  imc  porte  de  substance  du  Irunlal. 
Leurs  expériences,  faites  au  moyen  de  l'ajtplication  d'un  laniliour  à 
long  boulon  de  bois  sur  les  méninges  à  découvei'l,  monlrcnl  que  l;i 
princi|iale  influence  sur  la  ciiculalidu  céiébrale  est  la  position  de  la 
tète;  quand  la  malade  incline  la  tète  eu  avant,  la  ligue  des  puisa- 


592 


ANALYSES 


HISTOLOGIE,    ANATOMII':    ET    TIIYSIOLOGIE  598 

tiens  cérébrales  s'élève,  ramplilude  des  pulsations  augmente,  et  les 


Fig.  117.  — Schéma  des  relations  entre  le  pouls  de  la  iiiaiii  (P  M),  le  pouls 
cérébral  (P  C)  et  la  respiration  (R). 


Fig.  118.  — Schéma  des  relations  entre  la  resjiir.ilion,  le  pouls  de  la  mata 
et  celui  du  cerveau  dans  une  inspiration  profonde. 

oscillations  respiratoires  deviennent  plus  marquées  (iig.  115).  L'in- 
fluence de  la  respiration  sur  b;  ])Ouls  cérébral  (>st  (•oni[)lexe  et 
difficile  à  expliquer  en  quelques  mots.  Si  on  compare  à  ce  point  de 

ANNÉE  PSYCHOLOGlOUi;.    u.  38 


594 


ANALYSES 


vue  de  rinlluence  resjiiiatoiie  la  circulaliou  dvi  cerveau  à  celle  de  la 
main,  voici  les  principales  difTérences  à  noter  :  pendant  que  la  res- 
piration est.  normale,  les  pulsations  correspondant  à  l'inspiration 
sont  plus  piMites  dans  le   cerveau  que  dans  la  main;   en  d'autres 

termes,  l'influence  de  l'inspiration  se  fait 
g     sentir  plus  nettement  sur  le  pouls  céré- 
"•§     hral  que  sur  le  pouls  de  lamain(fil,^  1 17  et 
H.    119).  Quand  on  fait  une  inspiralinn  pro- 
fonde, on  a,  dans  le  cerveau  :  dépression 
courte  avec  pulsations  petites,  puis  gon- 
llement  avec  pulsations  très  grandes,  iiuis 
di'-pression  assez  longue  ;  et  dans  la  main, 
au  même  moment,  on  a  les  phénomènes 
inverses  {fig.  116  et  H8) '.  Les  auteurs 
ne  se  prononcent  pas  sur  les  causes  de 


ci 


cl 
o 


-3 


ci'lte  différence. Ils  ont  étudié  également 
rinfluence  de  quelques  actes  psychiques 
simples,  surprises,  calcul  mental,  lecture, 
etc.;  dans  la  plupart  des  expériences,  la 
7.  respiration  a  été  modifiée  et  par  consé- 
§  (juentles  modifications  du  tracé  cérébral 
-^  |icuvent  être  dues  à  une  cause  respira- 
^.  toire  ;  dans  quelques  cas  très  rares,  la 
^-  respiration  est  restée  calme,  et  on  peut 
=  sujiposer  que  les  modifications  du  tracé 
'^  cérébral,  qui  ont  été  des  dilatations,  sont 
7     [iroduites  par  le  travail  intellectuel. 

"  A.    Bl.NET. 


ci 


te 


H.    —   COORDINATION   DES  MOUVEMENTS 
ET  ATAXIE 

i.  THOMAS.  —  Ataxie.  Dictionnaire  de 
]>hysiologie,  I,  p.  803-813. 

2.  F.-W.  MOTT-ET  C.-S.  SHERRINCTO.X. 
—  Experiments  upon  the  Influence  of 
Sensory  Nerves  (Expériences  sur  rin- 
fluence des  nerfs  sensil ifs  sur  le  mouve- 
ment et  la  nutrition  des  membres).  Vioc. 
of  the  Royal  Society,  vol.  LVII,  1895. 

3.  H.  CHARLTON  BASTIAN.  —  Note  on 
the  Relations  of  Sensory  Impressions 


(I)  Ce  rnriei.x  effet  de  rinspiration  profonde  sur  le  pouls  cérébral  avait 
déjà  été  noté  1  ar  Mosso  ;  il  est  vrai  que  cet  auteur  u'a  pas  rapproche  le 
pouls  cérchnd  et  le  pouls  de  la  main. 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET    PHYSIOLOGIE  595 

and  Sensory  Centres  to  Voluntary  Movements.  {Relations  dett 
centres  sensoriels  avec  les  mouvements  volontaires.)  Proc.  Royal  Soc, 
avril  1895. 

La  question  des  rapports  exacts  qui  existent  entre  la  sensibilité 
d"un  membi'e  et  ses  mouvements  a  été  interpi'étée  dans  des  sens 
très  divers,  sans  doute  parce  que  les  faits  qui  ont  servi  à  ces  inter- 
prétations sont  encore  peu  connus  et  souvent  peu  comparables  : 
il  est  clair  par  exemple  qu'on  ne  saurait  comparer  l'anesthésie  hys- 
térique et  l'anesthésie  organique  au  point  de  vue  de  l'action  exercée 
sur  la  motilité  des  membres,  puisque  la  première  de  ces  anesthésies 
laisse  subsister  la  transmission  des  excitationsjusqu'au  cerveau,  tandis 
que  l'autre  la  supprime.  L'article  très  informé  de  M.  Thomas  nous 
jiermet  de  présenter  ici  rapidement  un  historique  de  la  question. 

L  On  désignait  autrefois  sous  le  nom  d'ataxie  un  désoi'dre  morbide  ; 
on  appelait  ataxiques  les  fièvres  parce  qu'elles  étaient  désordonnées. 
Aujourd'hui,  depuis  les  travaux  d'Andral,  et  surtout  de  Duchennc 
iW  Boulogne,  l'ataxie  désigne  ime  incoordination  des  mouvements; 
dans  un  mouvement,  il  y  a  des  forces  impulsives,  et  des  forces 
modératrices  et  collatérales  ;  les  unes  sont  produites  par  la  contrac- 
tion de  certains  muscles  dont  le  rôle  est  prépondérant,  les  autres 
proviennent  des  muscles  antagonistes  ;  une  destruction  de  l'harmo- 
nie de  ces  forces  produit  l'incoordination.  Il  ne  faut  pas  confondre 
l'incoordination  avec  la  titubation  vertigineuse  et  l'espèce  d'ivresse 
qui  résulte  de  lésions  du  cervelet.  Luciani  a  démontré  que  les 
lésions  du  cervelet  ne  produisent  pas  d'ataxie. 

L'ataxie  s'observe  dans  une  maladie  spéciale  du  système  nerveux 
<[u'on  appelle  l'ataxie  locomotrice,  dans  la  paralysie  générale,  par- 
fois dans  l'iiystérie  et  dans  divers  empoisonnements.  Le  mécanisme 
de  l'incooidination  n'est  pas  encore  connu,  quoiqu'on  ait  cherché  à 
l'étudier  par  deux  voies  difi'éreutes,  chez  les  malades  et  dans  les 
expériences  de  vivisection.  L'incoordination  se  ])résente  souvent 
associée,  chez  les  malades,  à  des  troubles  de  la  sensibilité  de  diverse 
nature,  et  on  a  pensé  qu'elle  eu  dépend  ;  mais  on  a  fait  une  distinc- 
tion ;  l'incoordination  ne  dépend  pas  de  l'insensibilité  de  la  peau, 
mais  de  la  perte  du  sens  musculaire  (Hcll),  de  la  sensibilité  profimdf 
(Axenfeldj  ou  de  la  sensibilité  dcà  articulations  (Duchenne)  ;  anato- 
miquement,  on  a  trouvé  que,  dans  l'ataxie  locomotrice,  il  y  a  des 
lésions  dans  les  cordons  postérieurs  de  la  moelle,  dans  les  racines 
postérieures  (sensitives)  et  dans  les  nerfs  périphéri(|ues,  de  sorte  que 
cftte  maladie  nous  offre  un  parallélisme  frappant  entre  les  altéra- 
lions  des  voies  de  la  sensibilité,  les  moditications  de  la  sensibilité,  et 
l'incoordination,  bien  qu'on  ne  puisse  pas  affirmer  qu'il  y  ait  là  un 
vrai  rapport  de  causalité. 

Les  expériences  des  ijbysiologistes  ont  essayé  de;  jett-r  un  peu 
jJe  lumière  dans  cette  question,  en  produisant  de  l'insensibilité  chez 


596  ANALYSES 

les  animaux  et  t'ii  suivant  les  ofîets  de  cette  insensibilité  sur  les  mou- 
vements. 

On  a  vu  (Claude  Bernard,  Longet,  Yulpian,  Brown-Sequard)  que 
si  on  coupe  les  racines  postérieures  (sensitives)  des  membres,  les 
mouvements  de  l'animal,  tout  en  conservant  leur  force,  deviennent 
désordonnés,  maladroits  ;  cet  effet  ne  se  produit  pas  après  la  simple 
section  des  nerfs  cutanés.  Claude  Bernard  ayant  coupé  les  filets 
cutanés  de  la  serre  sur  un  épervier,  Toiseau  ne  présenta  aucun 
trouble  de  son  mouvement.  Ces  diverses  expériences  paraissaient 
démonstratives  jusqu'en  ces  dernières  années,  où  Leyden,  Roscntîial, 
Schepeloff  (1891),  Ilering  (1893),  Mott  et  Shenington,  Chauveau, 
Tissot  et  Contejean  (1895)  ont  montré  que  les  résultats  expérimen- 
taux avaient  été  mal  interprétés,  et  que  la  section  des  racines  sensi- 
tives ne  produit  pas  à  proprement  parler  Fataxie,  mais  l'immobilité, 
la  perte  de  mouvement,  et  même  la  paralysie  motrice. 

2.  Dans  l'article  de  Tliomas  on  a  pu  voir  quel  est  l'effet  de  la  sec- 
tion des  racines  sensitives  sur  le  mouvement.  Il  a  été  fait  une  courte 
mention  du  travail  de  Mott  et  Sherrington.  Ajoutons  ici  quelques 
détails;  les  expériences  de  ces  auteurs  ont  été  faites  sur  un  singe,  le 
Macacus  rhésus.  La  section  de  toute  la  série  de  racines  sensitives; 
appartenant  à  un  membre  abolit  les  mouvements  du  pied  et  de  lu. 
main,  surtout  ceux  qui  servent  à  des  actes  très  délicats  et  très  spé- 
cialisés ;  les  mouvements  de  la  racine  du  membie  et  les  mouve- 
ments associés  sont  mieux  conservés.  La  section  d'une  seule  racine 
sensitive  ne  permet  de  constater  aucune  altération  des  mouvements. 
Si  on  coupe  seulementdes  nerfs  sensitifs  qui  se  rendent  aux  muscles, 
en  respectant  ceux  qui  se  rendent  à  la  peau,  l'altération  des  mouve- 
ments est  inappréciable;  elle  devient  très  grande  au  contraire 
lorsiju'ou  coupe  seulement  les  nerfs  sensitifs  de  la  peau.  Enfin ^ 
(juand  on  a  coupé  tous  les  nerfs  sensitifs  et  observé  les  phénomènes 
si  accentués  de  paralysie,  l'excitation  électrique  des  circonvolutions 
motrices  et  l'épilepsie  provoquée  par  l'absinthe  donnent  lieu  chez, 
l'iinimal  à  des  convulsions  (|ui  ne  diffèrent  point  de  ce  ({u'elles  sont 
chez  l'animal  ininct. 

3.  Les  préct'denls  auteurs  iuleiprèleiil  leurs  exiiériences  d'abord 
comme  démontrant  que,  pour  l'accomplissement  d'un  acte  volontaire,, 
l'intégrité  des  voies  sensorielles  depuis  la  périphérie  jusqu'au  cer- 
veau est  nécessaire  ;  en  second  lieu,  ils  iiensent  avoir  démontré  que 
la  suppression  de  toutes  les  sensibilités  d'un  membre  entraîne  la 
perte  du  pouvoir  volontaire  de  mouvoir  ce  membre. 

Le  docteur  Bastian,  dont  les  travaux  de  psychologie  physiologique 
sont  bien  connus  de  tous,  a  vivement  critiqué  ces  deux  assertions  :. 
a).  Contre  la  première,  il  objecte  que  chez  beaucoup  de  malades,  une 
lésion  cérébrale  de  la  capsule  inteine  (portion  postérieure)  produit 
la  i)erte  de  la  sensibilité  et  cependant  le  membre  devenu  insensible 
ne  cesse  pas  d'être  aux  ordres  dt^  la  volonté  ;  oi',  remarquons  bien 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE    ET    PUYSIOLOCIE  597 

qu'il  s'agit  ici  d"iuie  lésion  des  voies  sensorielles,  située  dans  le  cer- 
veau; malgré  cette  lésion,  l'activité  volontaire  continue  à  s'exercer. 
h).  L'idée  que  les  animaux  opérés  par  Mott  et  Sherrington  ont  perdu  la 
faculté  volontaire  de  mouvement  paraît  reposer  sur  ime  conception 
inexacte  du  mécanisme  de  l'acte  volontaire.  Le  docteur  Bastian,  se 
rappelant  ses  idées  anciennes,  dont  nous  croyons  utile  de  reproduire 
ci-dessous  la  bibliographie  ',  pense  que  les  centres  dits  moteurs  du 
cerveau,  situés  dans  les  circonvolutions  ascendantes,  ne  sont  pas  de 
vrais  centres  moteurs;  ceux-ci  sont  placés  dans  le  bulbe  ou  la 
moelle  ;  dans  les  circonvolutions  ascendantes  n'existeraient  que  des 
centres  kinesthésiques,  c'est-à-dire  centres  oii  se  déposent  les 
images  motrices  des  mouvements.  Deux  types  principaux  de  mou- 
vements sont  à  distinguer  au  point  de  vue  de  notre  analyse,  les 
mouvements  réflexes  et  les  mouvements  volontaires  ;  les  premiers 
sont  produits  par  des  excitations  périphériques  et  sensitives,  qui 
parviennent  aux  centres  moteurs  du  bulbe  et  de  la  moelle  ;  si  on 
coupe  les  racines  sensitives  en  rapport  avec  ces  centres  moteurs 
ies  réflexes  sont  supprimés  ;  les  mouvements  volontaires  sont  pro- 
duits dans  le  cerveau,  par  suite  de  l'éveil  des  images  visuelles  et 
motrices  des  mouvements  à  exécuter;  le  centre  visuel  et  le  centre 
kinesthésique  entrent  donc  en  activité,  et  ils  transmettent  leur 
excitation  aux  centres  moteurs  de  la  moelle  ;  ces  derniers  exécutent 
le  mouvement,  en  envoyant  l'incitation  appropriée  aux  muscles. 
Comme,  dans  les  expériences  de  Mott  et  Sherrington,  on  n'a  point 
lésé  le  cerveau,  les  centres  visuels  et  kinesthésiques  sont  restés 
intacts,  l'animal  continue  à  concevoir  et  k  vouloir  le  mouvement. 
Où  gît  l'obstacle  ?  C'est  ici  le  point  délicat.  Bastian  suppose  que  ce 
sont  les  centres  moteurs  de  la  moelle  qui  sont  altérés,  et  n'obéissent 
plus  aux  ordres  du  cerveau;  on  a  coupé,  en  effet,  les  nerfs  sensitifs 
4ui  étaient  en  relation  avec  ces  centres  moteurs  et  médullaires;  il 
■est  probable  que  ces  nerfs  maintenaient  les  centres  dans  un  état  de 
■sub-activité,  de  tonus  physiologique  qui  était  nécessaire  à  leur  fonc- 
tionnement normal,  et  que  la  suppression  des  excitations  sensitives 
qui  leur  parvenaient  a  amené  leur  paralysie.  Bien  entendu,  c'est 
une  simple  hypothèse,  mais  elle  paraît  bien  plus  vraisemblable  que 
l'interprétation  de  Mott  et  Sherrington. 

4.  Nous  transcrivons  ici,  pour  terminei%  un  résumé  de  ses  tra- 
vaux (en  collaboration  avec  Tissot)  (juf  M.  Contejeau  a  bien  voulu 
nous  envoyer. 


(1)  "  On  the  Neurai  Processes  underlying  Attention  and  Volition  »,  Brain, 
^vril  1892.  —  «  On  the  Localisation  of  Funrtion  in  tlio  Ccrcbral  Hémis- 
phères »,  Joitrn.  of  Ment.  Science,  janvier  1869  ;  et  «  On  the  Muscular  Sensé 
and  the  Physiology  of  Thinking  »,  lirit.  Med.  Jourii.,  mai  1869.  —  «  Phy- 
siology  of  Thinking  »,  Forln'ufhtlij  Hevleu:,  janvier  1869;  et  •<  Defects  of 
Speech  in  Brain  Disease  »,  Brit.  and  For.  Med.  Chir.  lieview,  janvier  et 
-avril  1869. 


oUS  ANALYSES 

«  Les  faits  que  j'ai  constatés  sont  les  suivants  : 

Après  la  section  de  leurs  nerfs  sensitifs,  les  muscles  perdent  leur 
tonicité  (déjà  vu  par  Brondti;eest  sur  la  ^reiiouille).  l.a  queue  est 
déviée  du  côté  sain  si  on  a  énervé  sensitivemcnt  les  muscles  d'un 
côté  de  cet  organe.  La  lèvre  gauche  pend  plus  bas  que  la  droite 
après  la  section  à  gauche  du  nerf  sous-orbitaire  et  du  nerf  auriculo- 
temporal. 

On  peut  même  observer  la  paralysie  totale  de  tout  un  membre 
énervé  au  point  de  vue  sensilif,  les  nerfs  moteurs  étant  rigoureuse- 
ment intacts.  Bans  ce  cas,  on  constate  l'atrophie  mais  non  la  régé- 
nération des  muscles. 

J'ai  vu  aussi  revenir  les  mouvements  volontaires  dans  le  meml)re 
opéré,  moiivements  toujours  ataxiques,  bien  entendu,  mais  assez 
bien  exécutés. 

On  n'avait  vu  jusqu'ici  que  des  mouvements  associés  (Cl.  Bernard, 
.Mott  et  Sherrington). 

Les  membres  opérés  peuvent  exécuter  des  actes  (donner  la  patte, 
lever  la  patte  pour  pisser)  qui  sont  inhibés  par  l'extirpation  de  cer- 
taines régions  du  cerveau  [g  cenlralis  anterior,  g  sigmoidus,  g  cen- 
tralis  poslerior).  Ce  faitruine  des  interprétations  de  Schifîet  de  Noth- 
nagel  qui  attribuent  à  la  perte  de  la  sensibilité  tactile  ou  de  la  sen- 
sibilité musculaire  les  troubles  de  motilité  consécutifs  à  l'extirpation 
de  certaines  régions  de  l'écorce  du  cerveau.  » 

A.    Rl.NET. 


m.    —  DIVERSES    QUESTIONS    DE    PHYSIOLOGIE    NERVEUSE 

Paul   CARUS.  —  The   physiological    Condition   oi    Consciousness. 

{La  condilion  phi/siologiijue  de  ta  conscience.)  Journ.  of  Conqiarat. 
Neurology,  juillet  1895,  p.  129-138. 

Réponse  aux  critiques  que  Herrick  a  adressées  à  la  thèse  de  Carus, 
soutenant  que  le  corps  strié  est  le  siège  de  la  coordination  des  états 
de  conscience  et  réalise  leur  unité.  L'article  est  suivi  dune  biblio- 
graphie relative  aux  fonctions  du  corps  strié. 

P.  FLECIISI»;.  —  Gehirn  und  Seele  {Cerveau  et  àme). 
liiaug.  Dissert.,  Leipzig,  1895,  iu-i". 

L'émincnt  anatomiste  pense  (ju'il  existe  dans  les  circonvolutions 
cérébrales,  outrt;  les  centres  sensoriels  et  les  centres  psycho-moteurs 
aujourd'lmi  connus  de  la  vue,  de  louïe,  des  mouvements  des 
membres  et  de  la  parole  —  des  centres  d'idéation  {geistige  Centren) 
qui  seraient  disséminés  entre  les  centres  sensoriels,  et  occuperaient 
quatre  sièges  principaux,  les  lobes  frontaux,  liiisula  de  Reil,  une 
pare  du  lobo  temporal  et  une   partie  du  lobe  occipital.  Ces  centres 


UISTOLOGIK,    ANATOMIE    ET    PUYSIOLOGIE  oJ9 

(i'idéation  se  distingueraient  des  autres  centres  :  1°  par  un  caractère 
histûlogique  ;  on  y  rencontrerait  plus  nettement  qu'ailleurs  hîs  cinq 
couches  cellulaires  décrites  par  Meyuert  ;  2°  par  un  caractère 
embryogénique  ;  les  éléments  y  seraient  plus  lents  à  se  développer 
que  dans  les  centres  sensoriels  ;  la  myéline  y  apparaîtrait  plus  tard. 
Ce  retard  de  développement  s'expliquerait  par  cette  considération 
que  l'éveil  des  sens  se  fait  avant  l'éveil  de  l'intelligenci'. 

Flechsig  pense  aussi  que  ces  quatre  centres,  formant  par  leur  réu- 
nion l'organe  de  la  pensée  (Denkorgane)  sont  spécialement  altérés 
dans  la  démence,  dans  la  paralysie  progressive,  dans  le  rainolisse- 
ment  cérébral.  Il  leur  attribue  surtout  une  fonction  d'association,  de 
synthèse,  et  paraît  sur  ce  point  s'inspirer  des  idées  un  peu  surannées 
lie  l'école  psychologique  anglaise. 

A.    RlNET. 


(iRir.ORESCU  ET  CONSTANTIXESr.U.  —  Vitesse  de  la  conductibilité 
sensitive  dans  le  sciatique  et  dans  la  moelle  épinière  chez  l'homme 
sain  et  chez  l'ataxique.  (G.  R.  Soc.  de  Biologie,  30  mars  189j,  [>. 
254-256.) 

De  leurs  expériences  faites  par  la  méthode  de  Schelsee  avec  le 
chronomètre  d'Arsonval  (Labor.  de  physiologie  de  la  Faculté  de 
médecine  de  Bucarest)  il  résulte  que  : 

1°  La  vitesse  de  conductibilité  sensitive  dans  le  sciatique  est  de 
24™, 77  à  31"", 35  par  seconde;  cette  vitesse  se  rapproche  beaucoup 
.lu  chifTre  de  28  mètres  trouvé  par  A.  René  dans  ses  recherches  faites 
dans  mon  laboratoire.  Par  contre,  le  chiffre  de  ol'",43  trouvé  pour  la 
moelle  épinière  est  six  fois  et  demie  plus  grand  que  la  vitesse  de 
8  mètres  par  seconde,  admise  jusqu'à  présent. 

2°  Dans  l'ataxie  locomotrice,  cette  vitesse  diminue  surtout  dans  la 

moelle. 

H.  Beaunis. 

IX'IGI  LUCIAM.  —  Les  récentes  recherches  sur  la  physiologie  du 
cervelet.  Rectifications  et  répliques.  Arch.  ilalieunes  dt;  biologie, 
fasc.  1  et  11,  p.  217-242. 

Réponse  d'un  ton  acerbe  adressée  à  David  Ferrier,  qui  dans  son 
discours  à  la  Société  neurologi(iuc  de  Londres  (Brain,  part.  LXV), 
tout  en  rendant  un  grand  hommage  aux  recherches  de  Luciani  sur 
le  cervelet,  a  critiqué  quelques-unes  de  ses  observations  et  théories. 
Dans  une  note  sur  le  modus  opcrandi,  Luciani  crili.jne  la  démolition 
du  cervelet  au  galvanocautère,  (jui  ne  donne  pas  de  résultats  [trécis, 
et  il  montre  que  les  photographies  des  cerveaux  de  singes  opérés  par 
FeiTier  avec  le  concours  de  ïurner  laissent  voir  (jue  l'extirpation 
n'a  jamais  ou  presque  jamais  été  telle  que  les  expérimentateurs  se 


COO  ANALYSES 

proposaient  dp  la  faire.  Pour  ces  raisons,  on  doil.  préférer  l'usa^re 
(les  instruments  Iranoliants. 

L'emploi  des  causiiques  doit  aussi  être  rejeté,  parce  qu'il  produil 
une  irritation  de  la  dure-mère,  et  que  cette  irritation  produit  à  son 
tour  des  symptômes  totalement  différents  de  ceux  que  produit  le 
scalpel. 

Relativement  aux  théories,  Ferrier  a  reconnu  que  Luciani  a  détruit 
par  des  preuves  écrasantes  la  doctrine  de  (iall,  lequel  croyait  le  cer- 
velet en  rapport  avec  l'instinct  sexuel,  la  doctrine  de  ceux  qui  ont 
supposé  dans  le  cervelet  un  centre  psychique  ou  un  centre  de  sen- 
sibilité cutanée  ou  musculaire,  et  enfin  la  doctrine  de  Nothnagel, 
(jui  circonscrivait  au  lobe  moyen  toutes  les  fondions  attribuées  au 
cervelet;  outre  ces  conclusions  négatives,  Ferrier  reconnaît  (jue 
Luciani  a  été  le  premier  à  montrer  que  l'influence  du  cervelet  est 
spécialement  directe  et  non  croisée,  c'est-à-dire  (ju'elle  s'exerce 
spécialement  par  chaque  moitié  de  l'oreane  dans  la  moitié  corresi)on- 
dante  du  corps.  Voici  maintenant  les  principaux  points  controversés  : 

1°  Luciani  a  'appelé  irrilaiifs  les  plK-nomènes  (jui  prédominent 
immédiatement  après  les  ablations  cérébelleuses,  car  ils  consistent  en 
une  altération  ou  une  exaltation  fonctionnelle  des  centres  nerveux 
en  connexion  intinie  avec  le  cervelet,  ils  sont  en  rapport  avec  le 
degré  du  traumatisme,  ils  sont  d'autant  plus  intenses  que  la  muti- 
lation s'étend  davantage  vers  la  base  des  pédoncules  cérébelleux, 
ils  prédominent  dans  le  côté  spécialement  otTensé.  Ferrier  pense 
avec  Goltz  qu'on  devrait  donner  à  ces  phénomènes  la  qualitlcation 
de  dynamiques  ou  d'inhibition  ;  mais  la  divergence  tiendrait  à  ce 
que  l'emploi  de  caustiques,  auquel  Ferrier  a  recours,  produit  de 
Thébètement,  tandis  que  la  destruction  par  le  scalpel  amène  de 
l'agitation  et  des  plaintes. 

2"  La  destruction  du  lobe  cérébelleux  d'un  côté  produit,  selon 
Luciani,  d'accord  avec  Longet,  un  mouvement  de  rotation  vers  le 
côté  sain  ;  Ferrier  soutient  (|ue  le  mouvement  a  lieu  vers  le  côté 
de  la  lésion,  mais  par  suite  d'une  rotation  autour  de  l'axe  vertébral 
du  côté  endommagé  vers  le  côt(î  sain.  La  discussion  nous  paraît  assez 
(■omplexe  et  obscure. 

3"  Les  phénomènes  de  déficit  produits  par  les  [extirpations  du  cer- 
Telet  sont  ceux  de  l'asthénie,  de  l'atonie  et  de  l'astasie.  L'asthénie 
est  un  défaut  d'énergie  dans  les  muscles  ;  l'astasie  est  un  défaut 
de  stabilité,  provenant  d'une  imiiarfaite  fusion  ou  sommation  des 
impulsions  élémentaires  d'où  dépendent  les  contractions.  L'auteur, 
en  répondant  passhn  à  des  objections  de  Ferrier,  donne  de  curieux 
exemples  de  ces  symptômes  pathologiques.  Des  malades  atteints 
d'atrophie  et  de  maladie  du  cervelet,  ne  pouvant  plus  rester  debout 
f'I  marcher,  peuvent  cependant,  quand  ils  sont  couchés,  faire  des 
mouvements  des  jambes  avec  sûreté  et  rapidité.  Cela  tient  à  ce  (ju'ils 
n'ont  pas  d'incoordination,  mais  de  la  faiblesse,  de  l'asthénie,  et  que 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PHYSIOLOGIE  601 

leurs'  muscles,  quoique  incapables  de  soutenir  le  poids  du  corps, 
peuvent  exécuter  des  mouvements.  Autre  exemple  :  un  chien  sans 
cervelet  di'oit,  jeté  dans  un  bassin,  nage  avec  la  moitié  gauche  du 
corps  hors  de  l'eau,  et  se  dirige  plutôt  vers  la  gauche,  car  le  coup 
de  rame  qu'il  donne  avec  les  pattes  gauches  est  plus  énergique  que 
celui  des  pattes  droites,  et  de  plus  ce  coup  de  rame  est  dirigé  de 
dehors  en  dedans  et  de  haut  en  bas. 

A  ce  sujet,  une  petite  discussion  s'est  élevée  entre  Ferrier  et 
Luciani,  Ferrier  prétendant  qu'un  nageur  quand  il  fait  des  effox'ts 
vigoureux  du  côté  droit  tourne  à  gauche  ;  mais  évidemment  Ferrier 
a  tort,  et  Luciani  a  raison  :  l'eflet  dépend  de  la  direction  du  coup  de 
rame  ;  si  le  coup  est  donné  de  dedans  en  dehors,  comme  par 
l'homme,  on  se  diiige  vers  le  côté  opposé  au  bras  qui  a  fait  le  mou- 
vement le  plus  énergique  ;  c'est  le  contraire  si  le  coup  est  donné 
de  dehors  en  dedans,  comme  cela  se  passe  chez  le  chien.  Exemple 
d'atonie.  «  Pendant  que  l'animal  mange  debout,  les  membres  écai'- 
tés  pour  élargir  sa  base  de  soutien,  les  membres  du  côté  opéré  flé- 
chissent lentement  de  temps  en  temps,  de  sorte  que  la  chute  vers 
ce  côté  se  produirait  si  l'animal  ne  s'apercevait  à  temps  de  ce  qui 
va  arriver,  et  ne  se  remettait  en  équilibre  par  des  mouvements 
adaptés  de  compensation.  »  En  résumé,  c'est  par  ces  trois  symp- 
tômes de  déficit  que  Luciani  continue  à  expliquer  l'ataxie  cérébel- 
leuse, et  il  refuse  de  considérer  le  cervelet  comme  un  organe  d'équi- 
libration, ou  comme  un  amas  de  centres  inconscients  d'adaptation 
réflexe. 

A.    BiNET. 

MUNZER  ET  WIENER.  —  Beitràge  zur  Anatomie  und  Physiologie 
des  Centralnervensy stems.  [Etudes  sur  Vanatomie  et  la  physiologie 
du  système  nerveux  central.)  kic\\.  f.  experim.PathoI.  u.  Piiarmakol. 
XXXY,  p.  113,  1895. 

Si  on  met  chez  le  lapin  une  ligature  sur  l'aorte  abdominale 
un  peu  au-dessous  des  artères  rénales,  une  heure  après  la  liga- 
ture il  se  produit  une  paralysie  des  pattes  de  derrière  et  une  perte 
de  la  sensibilité  de  ces  pattes  ;  les  auteurs  étudient  histologiquement 
la  moelle  lombaire  ;  il  n'y  a  de  moditications  sensibles  que  six 
heures  au  moins  après  la  ligature,  ce  sont  surtout  les  cellules  gan- 
glionnaires qui  sont  atteintes.  11  est  intéressant  de  constater  que 
chez  les  lapins  qui  avaient  conservé  la  sensibilité  à  la  douleur 
les  cellules  des  cornes  postérieures  sont  restées  intactes,  par  con- 
séquent on  déduit  ce  résultat  important  que  la  sensibilité  à  la  dou- 
leur est  liée  aux  cellules  des  cornes  postérieures  de  la  moelle, 
résultat  qui  concorde  avec  ceux  observés  chez  l'homme  dans  une 
foule  de  conditions. 

V.  Henui. 


602  ANALYSES 

0.  POLIMANTE.  —  Sur  la  distribution  fonctionnelle  des  racines 
motrices  dans  les  muscles  des  membres.  Archives  italiennes  de 
lîiologie.  III,  189o. 

Les  recherches  ont  été  faites  sur  le  plexus  brachial  et  lombo-sacré 
(lu  chien  et  du  chat,  et  sur  le  plexus  lombo-sacré  des  lapins.  Voici 
les  principales  conclusions  : 

l»  L'innervation  des  membres  présente,  dès  les  origines  médul- 
laires, une  systématisation  évidente  ;  cette  systématisation  est  fonc- 
tionnelle, c'est-à-dire  que  les  filets  moteurs,  tels  qu'ils'  sortent  de  la 
moelle  à  un  niveau  donné,  se  distribuent  à  des  groupes  musculaires 
synergiques  et  concourent  ainsi  à  un  mouvement  associé. 

2"  Ce  mouvement  associé,  que  l'on  obtient  par  l'excitation  d'une 
seule  racine  et  par  la  contraction  simultanée  de  plusieurs  muscles 
ou  faisceaux  musculaires  appartenant  à  des  muscles  différents, 
représente  toujours  un  mouvement  complet,  correspondant  à  l'ac- 
complissement d'une  fonction  donnée. 

3°  C'est  pour  cette  raison  que,  par  suite  de  l'excitation  d'une  seule 
racine,  peuvent  entrer  en  jeu  des  muscles  d'action  antagoniste  (par 
exemple  :  extenseur  et  fléchisseur,  abducteur  et  adducteur),  mais 
qui  concourent  à  un  mouvement  combiné,  lequel  aura  pour  résul- 
tat l'accomplissement  d'un  acte,  même  très  complexe,  comme  le 
saut,  habituel  ou  volontaire. 

4°  Un  fait  notable,  c'est  que,  par  suite  de  l'excitation  de  racines 
correspondantes  et  ayant  uiu;  distribution  égale  ou  peu  diverse  chez 
les  dilférents  animaux,  on  n'obtient  pas  précisément  les  mêmes 
résultats  pour  ce  qui  concerne  la  fonction. 

5°  Ces  résultats  sont  en  rapport  direct  avec  les  instincts  et  les 
habitudes  de  l'animal  en  expérience.  Ainsi  l'excitation  de  la  deuxième 
racine  sacrée  qui  produit  chez  le  chien  les  jnouvements  latéralisés 
de  la  queue  par  lesquels  il  exprime  sa  joie,  donne  chez,  le  chat  des 
déplacements  de  la  queue  semblables  à  ceux  que  fait  l'animal  dans 
les  mouvements  de  colère. 

0"  Les  diiïérences  concernent  non  seulement  la  diversité  de  la 
fonction,  mais  encore  son  intensité,  Ic.njours  en  rapport,  suivant 
l'auteur,  avec  les  instincts  et  habitudes  des  différents  animaux. 

7°  On  peut  en  inférer  que,  par  hérédité,  habitude  lente  ou  exercice 
répété,  il  s'établit  des  conditions  fonctionnelles  ([ui  facilitent  et 
rendent  plus  eflicace  l'inlluence  des  centres  supérieurs  ;  cela 
explique  en  outre  que,  non  seulement  certains  actes  instinctifs,  mais 
encore  quelques  autres  qui  nous  sembleraient  d'ordre  psychique, 
puissent  se  développer  également,  indépendamment  de  l'inlluence 
cérébrale. 

8"^  La  destruction  fonctionnelle  des  racines  modices  a  une  grande 
importance  au  point  de  vue  physiologique  et  clinique.  Dans  les  cas 


UISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PIIYSIOLOGIE  603 

normaux  elle  nous  explique  comment  l'action  des  centres  s'exerce 
d'une  manière  si  rapide  et  si  ordonnée  ;  dans  les  cas  pathologiques, 
•'lie  nous  fait  comjneudre  comment  est  possible,  dans  quelques  cas, 
la  paralysie  ou  parésit^  d'une  fond  ion  sans  qu'il  y  ait  paralysie  d'un 
groupe  musculaire  bien  distinct. 

Ch.  RICHP]T.  —  Addition.  Dictionnaire  de  physiologie. 
Paris,  Alcan.  I,  p.  145-151. 

Helmholtz  a  appliqué  pour  la  première  fois  le  nom  d'addition  à  la 
superposition  de  deux  secousses  musculaires.  C'est  llichet  qui  a 
étendu  cette  notion  et  en  a  tiré  des  déductions  très  intéressantes 
pour  la  physiologie  et  la  psychologie.  Voici  en  quoi  consiste  l'addi- 
lion  :  supposons  qu'avec  un  excitant  électrique  on  fasse  contracter 
un  muscle,  et  qu'on  mesure  par  la  méthode  graphique  l'intensité  de 
celte  contraction  ;  si  ou  attend  longtemps,  si  le  muscle  est  revenu 
complètement  à  l'état  de  repos,  et  qu'on  lépète  la  môme  excitation, 
on  jirovoque  une  seconde  contraction  qui  est  à  peu  de  chose  près 
égale  à  la  première.  Mais  si  on  produit  la  seconde  excitation  avant 
que  la  première  ait  terminé  son  elfet,  les  deux  secousses  se  fusion- 
nent, il  n'y  en  a  qu'une  seule,  et  cette  secousse  unique  est  bien  plus 
forte  que  ne  le  serait  la  somme  des  deux  secousses  premières.  Il 
n'y  a  pas  à  proprement  parler  une  addition,  mais  une  multiplica- 
tion. Cet  effet  est  dû  à  ce  que  les  excitations  successives  produisent 
une  excitabilité  croissante.  Vn  muscle  qui  n'est  pas  revenu  à  son 
repos  complet,  et  qui  est  à  la  période  de  descente  est  plus  excitable 
(ju'un  muscle  qui  est  complètement  inerte. 

Il  est  une  variété  d'addition  qui  est  bien  curieuse,  c'est  l'addition 
latente  ;  elle  consiste  en  une  sommation  d'excitations  dont  chacune 
isolément  ne  produit  aucun  effet,  et  qui,  rapprochées,  se  suivant 
d'après  un  certain  rythme,  deviennent  efJicaces,  car  elles  ont  aug- 
menté l'excitabilité  du  muscle.  Au  fond,  cet  effet  n'a  absolument  ricui 
de  surprenant,  car  il  est  clair  que  si  une  excitation  se  trouve  en 
dessous  du  seuil,  une  excitation  double  peut  très  bien  produirez  un 
elfet,  et  se  trouver  au-dessus  du  seuil  ;  ce  cju'il  y  a  de  particulier  dans 
l'addition  latente,  c'est  que  les  excitations  ne  sont  pas  faites  sinuil- 
tanément,  mais  successivement,  et  que  l'eflet  de  ce  rapprochement 
successif  est  jusqu'à  un  certain  ]»oint  comparable  à  un(!  simultanéité. 
Voici  l'exemple  de  Uiciiet.  «  Si  l'on  fait  passer  par  uji  muscK;  de  la 
liince  de  l'écrevissc;  un  série  de  courants  d'induction  rythmés  à  un 
assez  long  intervalle  (de  deux  secondes,  par  exem[)le),  au  giaduant 
l'intensité  du  courant,  on  peut  diminuer  l'intensité  de  telle  sorte 
(jutî  ces  courants  seront  inefficaces,  mais  à  la  limite  jn-écisément  d(^ 
leur  eflicacité.  Ai)rès  avoir  bien  constaté  que  le  muscb;  ne  répond 
pas  à  ces  excitations,  rythmées  à  intervalles  de  deux  secondes,  on 
change  le  rytliine  sans  modilier  l'intensité,  et  on  constate  aussitôt 


604  ANALYSES 

que  ces  mêmes  excitations  deviennent  eflicaces  qu;md  le  rythme  est 
plus  fréquent,  par  exemple  de  dix  par  seconde.  La  même  sommation 
s'observe  pour  les  excitations  de  la  moelle,  les  excitations  tactiles 
(Richet),  visuelles  (Ricliet  et  Breguet,  trav.  du  laboratoire  de  Richet, 
I,  p.  H2;Bloch,  Bidlelins  de  la  Soc.  de  hiolfxjie,  1885,  p.  494;  Char- 
pentier, Ibid.,  1887,  p.  3),  les  excitations  de  la  substance  grise  et 
blanche  du  cerveau  (Franck.  Fonctions  motrices  du  cerveau,  1887, 
p. 52. —  BubnofTet  Heidenhain.  Erregungs  undllemmungsvorgànge...  ; 
Arch.  de  Pflùger,  1888,  XVI). 

Pour  le  cerveau,  l'excitation  latente  peut  se  faire  encore  avec  un 
intervalle  de  trois  secondes,  mais  non  au  delà  :  mais  nous  pensons 
que  cet  intervalle  dépend  de  l'intensité  des  excitations.  Notons  que 
dans  cet  article,  qui,  comme  on  le  voit,  traite  des  problèmes  d'un 
grand  intérêt,  l'auteur  ne  signale  pas  qu'on  ait  fait  des  recherches 
pour  savoir  quel  l'apport  existe,  au  point  de  vue  des  etï'ets  obtenus, 
entre  les  excitations  successives  et  les  excitations  simultanées.  Il 
y  aurait  là  un  moyen  d'étudier  la  mémoire  élémentaire  des  sensa- 
tions. 

A.  BiNET. 


CH,  RICHET.  —  Anémie.  Dictionnaire  de  physiologie.  I,  p.  492-506. 

En  pathologie,  anémie  signitie  une  maladie  caractérisée  par  wnv. 
diminution  des  globules  rouges  du  sang,  ou  par  l'appauvrissement  de 
la  teneur  des  globules  rouges  en  hémoglobine.  En  physiologie 
générale,  l'anémie  signifie  la  privation  de  sang  d'un  tissu.  L'effet 
de  cette  privation  est  surtout  chimique  ;  malheureusement  on  ne 
connaît  encore  ({u'imparfaitement  le  mécanisme  de  la  nioit  par 
anémie.  On  peut  admettre  que  les  cellules  des  tissus  sont  en  voie 
perpétuelle  de  destruction  pour  dégager  de  la  force,  et  que  lorsqu'elles 
ne  trouvent  pas  dans  le  sang  les  éléments  chimiques  nécessaires  à 
la  reconstitution  de  la  substance  qui  a  disparu,  elles  périssent.  D'après 
une  autre  hypotiièse,  qui  n'est  i>as  inconciliable  avec  la  précédente, 
la  vie  chimique  des  tissus  produit  une  substance  toxique  que  le  sang 
a  j)our  mission  d'enlever,  au  fur  et  à  mesure  de  sa  production  ;  si  le 
sang  manque,  la  substance  toxique  s'accumule  et  empoisonne  la 
cellule.  La  résistance  variable  d'une  cellule  à  l'anémie  pourra  pro- 
venir, conformément  à  ces  vues,  d'un  grand  nombre  de  conditions 
différentes  :  activité  chimique  ilc  la  cellule,  matériaux  de  réserve, 
([uantité  de  substance  toxique  produite,  degré  de  résistance  à  l'in- 
loxication. 

L'auteur  étudir  successivement  ranéniic;  des  din'érentes  parties  de 
l'axe  cérébro-spinal,  des  nerfs  périphéricjues  et  des  muscles.  Il  montre 
([ue  chaque  tissu  résiste  pendant  une  durée  différente  à  l'anémie, 
il'uù  il  tire  sa  conception  de  la  hiérarchie  des  tissus.  Plus  un  tissu 
résiste,  moins  il  a  une  activité  chimique  complexe,  plus  il  est  inférieur. 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PHYSIOLOGIE  605 

Chez  les  animaux  à  sang  chaud  la  mort  est  :  1°  pour  les  cellules  de  la 
vie  psychique,  de  quelques  secondes  ;  2°  pour  les  éléments  médullaires 
([ui  président  aux  réflexes  et  pour  les  ganglions  cardiaques,  de  20  à  30 
secondes  ;  3°  pour  les  cellules  du  bulhe  (respiratoire),  de  1  minute 
et  demie  à  2  minutes  ;  4°  pour  les  terminaisons  nerveuses  dans 
h'S  muscles  et  les  corpuscules  du  tact,  de  10  minutes  à  40  minutes. 

Après  ce  résumé  reproduit  d'après  l'auteur,  entrons  dans  quelques 
détails. 

Pour  provoquer  l'anémie  du  cerveau,  on  peut  injecter  avec  une 
forte  seringue  de  l'eau  dans  les  carotides,  ou  de  la  poudre  de  lyco- 
|)ode,  on  peut  arrêter  le  cœur  par  l'électrisation,  on  peut  enfin  déca- 
piter l'animal.  La  vie  psychique  est  immédiatement  abolie  par  la 
décapitation,  car  la  disparition  du  réflexe  psychique  le  plus  élémen- 
taire (occlusion  des  paupières  à  l'approche  brusque  d'un  objet)  est 
toujours  immédiate  et  il  est  probable  que  l'intelligence  et  la  cons- 
cience sont  au  moins  aussi  fragiles  que  ce  réflexe.  Il  ne  faut  pas  con- 
fondre ces  effets  avec  ceux  de  l'activité  protubérantielle  ou  bulbaire. 
Les  bâillements,  grimaces,  contractions  flbrillaires  des  muscles  de  la 
face,  nystagmus,  mouvements  des  paupières,  rotation  des  yeux,  etc., 
qu'on  a  pu  observer  sur  des  tètes  décapitées  ne  prouvent  nullement 
la  survie  de  la  conscience.  De  même  Laborde  a  constaté  sur  les 
décapités,  et  François  Franck  sur  des  chiens  dont  on  avait  lié  les  caro- 
lides,  que  l'excitabilité  des  circonvolutions  cérébrales  à  l'électricité  est 
augmentée;  mais  c'est  un  phénomène  d'oi'dre  expérimental  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  l'activité  psychique.  Quand  l'anémie  est  plus 
lente,  par  exemple  par  éloctrisalion  du  cœur,  on  voit  pendant  une 
période  de  30  à  45  secondes  la  conscience  pei'sister.  Quoique  le  cœur 
se  soit  arrêté,  l'animal  continue  à  regarder  autour  de  lui,  et  à  com- 
jirendre  ce  qui  se  passe.  Bientôt  il  pousse  des  cris  de  douleur,  et  il 
manifeste  une  angoisse  efTrayante  ;  cela  tient  à  ce  qu'on  n'a  pas  réalisé 
une  anémie  complète.  Chez  les  animaux  à  sang  froid,  même  lorsque 
l'anémie  cérébrale  est  totale,  il  y  a  encore  persistance  de  l'activité 
intellectuelle.  Lorsqu'on  a  enlevé  le  cœur  d'une  grenouille  et  rem- 
placé le  sang  qui  irrigue  ses  tissus  par  une  solution  saline,  elle  con- 
tinue à  sauter,  à  voir  et  à  entendre,  étant  pendant  quelques  minutes 
tout  à  fait  semblable  à  une  grenouille  normale. 

Sous  l'influence  de  l'anémie,  la  moelle  meurt  avani  le  hulbc,  (pii 
permet  de  respirer  encore.  Les  fonctions  motrices  de  la  moelle  meu- 
rent avant  les  fonctions  sensibles. 

Les  nerfs  et  les  muscles,  avant  de  mouiir,  présentent  par  le  fait 
de  l'anémie  une  augmentation  d'excitabilité  ;  le  muscle  meurt  environ 
en  deux  heures.  Pour  étudier  la  vitalité  du  muscle,  il  faut  prendre 
des  précautions  spéciales,  ne  pas  employer  des  procédés  (jui  intéres- 
sent eu  bloc  les  muscles,  les  nerfs  et  la  moelle.  L'expérience  classiqut; 
de  Sténon,  qui  consiste  ù  lier  l'aorte  abdominale  d'un  cobaye  ou 
d'un  chien,  et  à  constater  que  cette  anémie  amène  une  paralysie  des 


6(M5  ANALYSES 

jambes,  ne  prouve  pas  ce  que  Ton  pourrait  croire  ;  la  moelle  est 
d'abord  atteinte,  puis  les  terminaison»  nerveuses,  et  ce  n'est  (ju'en 
dernier  lieu  que  le  muscle  se  prend. 

Le  nerf  périphérique  est  un  des  tissus  qui  résistent  le  mieux  à  la 
privation  du  sanir,  et  il  peut  survivre  trois  fois  plus  de  temps  que  le 
muscle.  11  faut  rapprocher  ce  fait  intéressant  de  ce  que  les  physio- 
logistes contemporains  ont  étudié  sous  le  nom  de  Vinfaligabililé  des 
nerfs.  Bowditch,  en  excitant  pendant  plusieurs  heures  un  nerf  sen- 
sitif,  n'a  pas  pu  trouver  après  quatre  heures  de  trace  d'épuisement. 

A.    Bl.NET. 

Ch.  RICHET.  —  Automatisme.  Diciionnaire  de  physiologie. 

I,  p.  940-932. 

Au  point  de  vue?  de  la  physiologie,  les  mouvements  automatiques 
sont  ceux  dans  lesquels  nulle  excitation  étrangère  à  l'appareil 
moteur  n'intervient  comme  cause  de  mouvement.  Jusqu'oii  s'étend 
cet  automatisme  ?  Il  existe  dans  les  cellules  isolées  ;  les  mouvements 
réguliers,  rythmiques  de  beaucoup  de  micro-organismes,  la  vibration 
des  cils  vibralik'S  des  infusoires,  les  pulsations  régulières  de  leurs 
vésicules  contractiles,  les  mouvements  oscillatoires  des  anthérozoïdes, 
des  spermatozoïdes,  des  bactéries  ne  peuvent  s'expliquer  par  des 
excitations  régulières  et  rythmiques  du  milieu  extérieur  ;  ces 
manifestations  motrices  de  l'activité  ont  leur  raison  d'être  dans  les 
mouvements  de  décomposition  et  de  recomposition  cliimique  du 
protoplasma.  Il  en  est  de  même  ])our  les  cellules  tirs  organes;  toute 
cellule  a  en  elle-même  de  quoi  vivre,  se  mouvoir  ou  sécréter;  elle 
est  automati(jue  ;  le  sang  sert  à  sa  nutrition,  et  le  nerf  à  sa  régula- 
tion. Ainsi  un  cœur  de  grenouille  continue  à  battre  rythmiquemtnit 
dans  le  vide  barométrique,  sans  le  secours  d'aucune  circulation  artiti- 
cielle,  et  en  dehors  de  tout  stimulus  extérieur.  En  ce  qui  concerne 
le  système  nerveux,  la  théorie  de  l'automatisme  est  d'une  application 
plus  douteuse  ;  on  l'a  surtout  étudiée  dans  le  cas  de  la  tonicité  des 
muscles,  et  dans  le  mécanisme  de  la  respiration,  l'our  la  tonicité 
musculaiie,  on  sait  qu'elle  est  en  grande  partie  entretenue  par  des 
réflexes  et  supprimée  par  la  section  des  nerfs  sensitifs;  mais  on  ne 
sait  pas  si  ccdte  tonicité  est  e»Y?V/'e»ie«/ d'origine  réllexe.  I.a  respira- 
tion, pour  Schiff,  dépenil  d'excitations  extérieures;  pour  Millier  et 
Hosenthal,  elle  est  automatique,  dépend  de  l'activité  du  bulbe,  qu'in- 
Uuence  la  teneur  du  sang  en  0  et  en  (]()-.  Les  expériences  de  Hosen- 
thal, et  celles  de  Schiptlolf  sur  ce  point  laissent  encore  des  doutes. 

L'automatisme  dans  l'ordre  psycliol<>gi([ue  ne  présente  pas  moins 
d'obscurité  ;  l'auteur  a,  intentionnellement  sans  doute,  beaucouji 
restreint  son  sujet,  qui  est  très  vaste,  en  définissant  l'acte  automa- 
ticjue  i-elui  ipii  n'est  provoqué  ni  par  des  excitations  extérieures  ni 
[lar  une  volonté  consciente.  Il  propose  la  classification  suivante  ; 


niSTOLOGIE,    ANATOMIE    ET    PHYSIOLOGIE  607 

1°  mouvements  réflexes,  déterminés  par  un  .stimulus  extérieur; 
2"  automatiques,  déterminés  par  un  stimulus  intérieur  qui  n'est  pas 
la  volonté  ;  3°  machinaux,  déterminés  par  la  volonté,  mais  qui  se 
continuent  sans  que  la  volonté  intervienne  ;  par  exemple  la  marche, 
le  jeu  du  piano,  etc.  ;  4°  volontaires,  déterminés  par  la  volonté  et  se 
poursuivant  jjar  le  fait  de  la  volonté.  On  voit  que  l'auteur  se  place  sur- 
tout au  point  de  vue  de  la  cause  occasionnelle,  provocatrice  de  l'acte  ; 
ce  point  de  vue  n'est  pas  le  seul,  ni  peut-être  même  le  plus  important. 

<  Le  mouvement  automatique  ne  diffère  du  mouvement  volontaire 
que  par  le  défaut  d'une  volonté  consciente,  douée  de  m(hnoire  et 
s'aftîrmant  elle-même  ;  mais  la  cause  efliciente,  elle  est  probable- 
ment la  même  ».  Ces  mouvements  automatiques  sont  peu  développés 
chez  l'homme  normal.  On  en  trouve  des  exemples  chez  les  som- 
nambules qui  accomplissent  des  séries  d'actes,  toujours  les  mêmes, 
chez  des  individus  atteints  de  commotions  cérébrales,  chez  les  épi- 
leptiques,  chez  les  hystériques,  chez  les  personnes  qui  présentent  de 
l'écriture  automatique,  les  spirites  ;  les  observations  et  les  expériences 
ont  montré  que  cet  automatisme  est  parfois  dirigé  par  une  pensée 
et  une  volonté  conscientes. 

On  s'est  également  demandé  si  les  phénomènes  supérieurs  de 
l'idéation  peuvent  s'exercer  automatiquement,  sans  la  sollicitation 
d'impressions  extérieures.  Le  principal  argument  de  fait  ap[)or(é 
dans  cette  vague  question  est  fourni  par  les  malades  de  Striimpell 
et  de  Ballet  qui  sont  presque  complètement  anesthésiques  ,  ne 
restent  en  rapport  avec  le  monde  extérieur  que  par  un  sens,  l'ouïe 
par  exemple,  et  s'endorment  si  on  leur  bouche  les  oreilles;  ces  cas 
semblent  fournir  un  véritable  experimentum  crucis  ;  mais  au  fond, 
il  n'en  est  rien  ;  ces  malades  sont  des  hystériques,  et  leur  insensibilité 
n'est  pas  une  suppression  de  la  sensation,  c'est  une  pseudo-anesf  hésie  ; 
d'autre  part,  l'occlusion  des  yeux  et  des  oreilles  agit  vraisemblable- 
ment sur  ces  sujets  en  produisant  une  suggestion  qui  les  hypnotise. 
En  résumé,  tout  ce  sujet  nous  paraît  être  extrêmement  vague,  il 
esta  regretter  qu'en  parlant  dt;  l'aulomatisme  l'auteur  n'ait  envi- 
sagé qu'un  tout  petit  côté  de  la  question. 

A.     H  IN  ET. 

0.  RŒTHER.  —  Bericht  iiber  neuere  Arbeiten  auf  dem  Gebiete  der 
Physiologie  und  Pathologie  des  Circulationsapparats.  {heviie  des 
travaux  récents  sur  la  physiologie  et  la  pathologie  de  l'appareil  de 
circulation.)  Schmidt's  Jahrbuclier  d.  Gesammt.  Medec,  vol. 
CCXLXIV,  p.  81-103  et  185-203,  1895. 

Revue  d'ensemble  très  comjtlète  de  264-  travaux  parus  en  1893  et 
1894  sur  la  physiologie  et  la  pathologie  de  la  circulation  sanguine. 

IL  STRŒBE.  —  Die  allgemeine  Histologie  der  degenerativen  und 
regenerativen  Processe  im  centralen  und  peripheren  Nervensystem 


608  ANALYSES 

nach  den  neuesten  Forschungen.  {L'histologie  générale  des  pro- 
cesssus  de  dégénérescence  et  de  régénérescence  dans  le  système  nerveux 
central  et  périphérique  d'après  les  recherches  récentes.)  Centralbl.  f. 
allgem.  Pathol.  u.  Pathol.  Anatom.  Dec.  1895,  p,  849-959. 

L'auteur  passe  en  revue  un  grand  nombre  de  travaux  faits  sur  la 
dégénérescence  et  la  régénérescence  des  éléments  nerveux,  il  insiste 
surtout  sur  ceux  faits  après  1891  ;  des  recherches  personnelles  sont 
ajoutées.  Pour  chaque  question  la  littérature  complète  est  dominée. 

TOMASIM.  —  L'excitabilité  de  la  zone  motrice  après  la  "résection  des 
racines  spinales  postérieures.  Arch.  italiennes  de  Biologie,  1895, 
fasc.  I,  II,  p.  36-40,  résumé  de  Lo  Sperimentale,  an.  XLYIII,  fasc.  4. 

Ce  résumé  contient  l'indication  du  procédé  opératoire,  mais  non 
le  nombre  d'expériences,  ce  qui  empêche  de  se  rendi^e  compte  de 
la  généralité  des  résultats.  Le  problème  était  de  savoir  l'effet  que  la 
section  d'une  racine  sensitive  de  la  moelle  produit  chez  le  chien  sur 
les  propriétés  de  la  racine  motrice  correspondante.  On  n'excitait 
pas  directement  cette  racine  motrice  ;  on  excitait  la  région  motrice 
du  cerveau,  qui  n'est  du  reste  que  le  prolongement  de  la  i^acine 
motrice  dans  le  cerveau.  Les  expériences  ont  montré  qu'aussitôt 
après  la  section,  l'excitabilité  de  la  racine  motrice,  explorée  par 
cette  méthode  indirecte,  augmente  ;  si  on  laisse  passer  quelques 
jours,  et  que  le  chien  guérisse  de  son  traumatisme,  l'excitabilité  de 
la  racine  motrice  diminue  ;  dans  tous  les  cas,  les  mouvements  qu'on 
provoque  sont  incoordonnés,  ce  sont  le  plus  souvent  des  convulsions 
épileptiformes  ;  tandis  que  les  mêmes  excitations  provoquent  des 
mouvements  coordonnés  quand  les  racines  sensitives  sont  intactes. 
Ce  fait  est  le  plus  important  de  ceux  qui  ont  été  mis  en  lumière  par 
ce  travail  ;  il  montre  la  nécessité  de  la  sensibilité  pour  la  coordina- 
tion des  mouvements,  soit  réflexes,  soit  volontaires. 

A.  Ri  NET 

IV.  —  INTERPRÉTATION  PHYSIOLOGIQUE 
DE  PROCESSUS  PSYCHOLOGIQUES 

EXNER.  Entwurf  zu  einer  physiologischen  Erkàlrung  der  psychis- 
chen  Erscheinungen.  {Essai  d'une  explication  physiologique  des 
phénomènes  psychiques.)  1  vol.  in-8°,  380  p.,  1894.  Deuticke,  Wieii. 

J.-V.  KRIES.  —  Ueber  die  Natur  gewisser  mit  den  psychischen  Vor- 
gàngen  verkniipf ten  Gehirnzustànde.  (Sur  la  nature  de  certains  états 
du  cerveau  liés  aux  processus  psychiques.)  Zeitschr.  f.  Psych.  u. 
Phys.  d.  Sinnesorgane,  t.  VIII,  p.  1-33. 

Deux  physiologistes,  dont  les  noms  sont  bien  connus  des  psycho- 
logues, se  sont  proposé  de  ramener  les  processus  psychiques  à  des 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PUYSIOLOGIE  609 

processus  physiologiques,  l'un  (Exner)  y  a  consacré  tout  un  volume, 
l'autre  n'a  fait  paraître  jusqu'ici  que  quelques  notes  préliminaires, 
promettant  prochainement  une  étude  plus  complète. 


Le  but  poursuivi  par  Exner  est  de  montrer  que  tous  les  phéno- 
mènes psychiques  peuvent  être  expliqués  physiologiquement,  c'est- 
à-dire  réduits  à  des  processus  physiologiques  du  système  nerveux 
ces  derniers,  quoique  inconnus,  peuvent  être  conjecturés,  à  la  con- 
dition de  ne  pas  être  en  contradiction  avec  les  faits  connus.  «  Je  me 
suis  proposé  de  réduire  les  phénomènes  psychiques  à  des  différences 
dans  le  degré  d'excitation  des  nerfs  et  des  centres  nerveux,  et  par 
conséquent  de  faire  reposer  tout  ce  (jui  apparaît  dans  notre  cons- 
cience comme  diversité  (MannigfaUigkeit)  sur  des  rapports  quanti- 
tatifs et  sur  des  difl'érences  dans  les  liaisons  de  centres  nerveux. 
([I.  3)  »  On  doit  donc  s'attendre  à  trouver  dans  ce  livre  une  suite 
d'hypothèses  et  de  réductions  des  différents  pr-ocessus  psychiques  à 
deux  causes  principales  :  intensité  des  excitations  et  liaisons  diffé- 
rentes ;  déjà,  a  priori,  avant  d'avoir  pénétré  dans  le  livre  plus  avant, 
on  est  tenté  de  croire  que  c'est  une  vue  bien  schématique,  que  l'ou- 
vrage ressemble  trop  à  une  machine  construite  d'après  un  seul 
principe,  ce  qui  ne  correspond  guère  à  la  diversité  si  grande  des 
jdiénomènes  psychiques  ;  et  puis  pourquoi,  si  tout  repose  sur  des 
intensités  d'excitations  et  sur  des  dilïërences  de  liaisons,  les  centres 
nerveux  ont-ils  cette  complexité  inouïe  de  structure? 

Le  premier  chapitre  (p.  5-36)  est  consacré  à  une  description  de  la 
structure  des  centres  nerveux,  il  est  écrit  «  pour  les  psychologues 
de  profession  »  (p.  2)  et  peut  être  laissé  de  côté  jiar  des  physio- 
logistes et  des  anatomistes.  Les  descriptions  y  sont  très  claires, 
courtes  et  les  ligures,  pour  la  plupart  prises  chez  Obersteiner,  très 
])onnes. 

Dans  le  deuxième  chapitre  (p.  37-140)  l'auteur  s'occupe  de  certains 
jdiénomènes  se  rapportant  à  la  physiologie  îles  centres  nerveux  ;  il 
rajtporte  d'abord  les  quelques  données  connues  sur  la  conductibi- 
lité nerveuse,  telles  que  l'oscillation  négative,  la  vitesse  de  transmis- 
sion de  l'excitation  dans  un  nerf,  etc.  ;  ensuite  il  passe  aux  phéno- 
mènes les  plus  simples  où  les  centres  nerveux  entrent  en  action,  ce 
sont  les  ditféients  mouvements  réfhîxes.  Les  rélle.^^'s  ne  sont  pas  de 
simples  transmissions  de  l'excitation  d'un  nerf  sensitif  à  un  nerf 
moteur,  il  se  produit  une  transformation  (Umsatz)  ;  en  effet  la  vitesse 
de  transmission  de  l'excitation  est  plus  faible  lorsijue  l'excitation 
passe  d'un  nerf  sensitif  à  un  nerf  moteur  que  lorsqu'elle  se  propage 
le  long  d'un  nerf;  de  jdus,  la  réaction  d'un  muscle  sous  l'action 

ANNÉE   PSYCHOLOGIQUE.    H.  39 


I 


610  ANALYSES 

réflexe  a  une  forme  toute  dilTéreule  de  la  n'acliou  ilu  mrmr  muscle 
sous  l'acUou  de  rexcitation  du  nerf  qui  y  aboutit;  euliu  le  n'ilexn 
est  souvent  plus  qu'une  transformation,  c'est  une  dt'cliari;f' ;  l'excita- 
tion arrivant  d'un  nerf  sensitifàune  cellule  motrice  y  produit  une 
décharge  d'éncririe;  l'auteur  en  voit  une  démonstration  dans  ce  fait 
que  lorsqu'on  jnoduit  luie  excitation  mécanique  d'un  nerf  sensitif 
en  laissant  tomber  un  certain  poids  d'une  liauli'ur  di'Icnniiiéc,  le 
muscle  qui  se  contracte  par  action  réflexe  est  capable  de  soulever  un 
[toids  bien  plus  considérable  à  la  même  hauteur. 

I. 'excitation  nerveuse  se  propage  avec  des  vitesses,  différentes  et 
aussi  avec  des  facilités  différentes  dans  différentes  directions  de  la 
substance  grise;  tel  est  h^  fait  admis  par  tous;  l'auieur  admet  (]ue 
cette  plus  ou  moins  grande  facilité  de  transmission  de  l'excitation 
d'une  cellule  nerveuse  à  une  autre  repose  sur  des  différences  de 
longueur  et  de  grosseur  des  libres  nerveuses  qui  i-elient  les  cellules 
entre  elles  ;  si  celte  fibre  nerveuse  est  plus  longue,  ou  plus  fine  ou 
enfin  présente  plus  de  ramifications,  l'excitation  se  propagera  le  long 
de  cet  élément  avec  une  vitesse  moindre  que  dans  le  cas  contraire. 

Les  lois  de  transmissions  des  réflexes  connues  sous  le  nom  de 
«  lois  de  l'fliiger  »  sont  expli(iuées,  par  l'auteur,  par  l'existence  de  liai- 
sous  entre  chaque  cellule  nerveuse  sensitive  et  toutes  les  cellules 
nerveuses  motrices  ;  ce  sont,  on  le  voit  dès  le  début ,  <les  hypothèses  qui 
ne  sont  appuyées  sur  aucun  fait  tit  qu'on  ne  peu!  m;i  intenant  ni  démon- 
trer ni  rejeter;  pourquoi,  en  effet,  ne  pas  admettre  que  les  cellules 
nerveuses  sensitives  sont  liées  à  certaines  cellules  motrices  et  puis  <pi(; 
celles-là  sont  liées  à  d'autres  cellules  motrices?  On  pourrait  cons- 
truire une  dizaine  d'hypothèses  différentes,  et  il  n'y  aurait  pas  de 
raison  d'admettre  l'une  plutôt  ({u'une  autre.  Nous  rencontreions 
bien  d'autres  liypothèses  encore  moins  justifiées  dans  le  courant  du 
livre . 

Deux  phénomènes  généraux  ont  ]iour  l'auti'Ur  luie  "importanct; 
capitale,  ce  sont  les  jdiénomènes  A'inhUniioii  et  de  dijnamof/ênie 
(Hahnung)  ;  ils  consistent  dans  la  pr(q)riété  de  certaines  parties  du 
système;  in-rveux  d(;  jiouvoir  soit  emi)ècher  et  diminuer  les  effets 
d'excitation  d'antres  parties  du  système  nerveux,  soil  an  contraiie 
faciliter  et  augmenter  ces  (effets;  donnons  quelques  exem[»les  :  ou 
prend  une  grenonilh;  non  déra|>ité(!  et  on  i)longe  sa  patte  dans  une 
solution  dilué(!  d'acide  sulfuriciue,  elle  la  relire;  on  marcjne  le  temps 
écoulé  entre  l'immersion  de  la  patte  et  le  mouvement  ;  (ui  coupe  l.i 
tète  de  cette  nn;me  grenouilh'  et  on  icconimence  l'expi-rience  ;  la 
patte  est  retirée  plus  vite,  l'existence  du  cerveau  lalentissait  donc 
la  durée  dn  re'dlexe,  on  dit  (|ue  le  cerveau  exerçait  une  action  inhi- 
bitricc  sur  le  n'ilexe.  Voici  un  cas  contraire  :  on  excite  la  patte  d'un 
lapin,  il  l'ait  lui  h'^ger  mouvement  réflexe;  on  peut  olilejiir  un  mouve- 
ment analogue  de  la  patte  en  excitant  luie  certaine  portion  du  cer- 
veau; maintenant  produisons  les  deux  excitations  l'une  aiirès  l'autre. 


mSTOLOGIE,    ANATOMIE   ET    PHYSIOLOGIE  611 

011  verra  se  produire  un  mouvement  de  la  patte  bien  plus  rapide 
ijue  les  mouvements  obtenus  après  les  excitations  isolées  ;  l'auteur 
dit  dans  ce  cas  que  la  partie  excitée  du  cerveau  exerce  une  action 
de  «  Bahnung  »  (dynamogénie)  sur  certaines  parties  de  la  moelle 
épinière. 

Ayant  décrit  avec  beaucoup  d'exemples  les  phénomènes  de  dyna- 
mogénie et  d'inhibition,  l'auteur  passe  à  l'explication  de  difTérents 
mouvements  réllexes  ;  voici  sur  quels  principes  toutes  les  hypothèses 
de   l'auteur  sont  basées  ;  l'excitation  se  propage  le  long  de  libres 
nerveuses  ;   elle  se  propage  plus  facilement  si  ces  fibres  sont  plus 
courtes  et  plus  grosses  ;  les  cellules  nerveuses  peuvent  emmagasiner 
de  l'énergie,  de  sorte  que  si  l'excitation  arrive  par  une  fibre  à  une 
cellule  nerveuse,  celle-ci  peut,  suivant  qu'elle  contient  plus  ou  moins 
d'énergie,  soit  retenir  l'excitation  et  se  charger,  soit  au  contraire  se 
décharger  sous  l'influence  de  cette  excitation  et  dans  ce  cas  envoyer 
une  quantité  d'énergie  supérieure  à  celle  qui  lui  est  arrivée  par  la 
libre  nerveuse  ;   en  se   déchargeant  la  cellule   envoie  de  l'énergie 
dans  tous  les  sens  ;  les  centres  nerveux  (les  cellules  uniques  aussi) 
peuvent  exercer  les  uns  sur  les  autres  des  actions  d'inhibition  et  de 
dynamogénie.  C'est  avec  ces  principes  que  tout  est  expliqué  ;  don- 
nons un  exemple  :  une  grenouille  décapitée  est  posée  sur  la  table, 
si  on  la  touche  elle  fait  un  saut  et  se  met  en  position,  prête  pour 
sauter  une  seconde  fois  ;  le  mouvement  est  brusque,  il  y  a  beaucoup 
de  muscles  qui  entrent  en  action  dans  un  ordre  déterminé,  le  mou- 
vement est  symétrique,  tels  sont  les  faits  que  chacun  peut  constater  ; 
Exner  les  explique  de  la  manière  suivante  :  l'excitation  sensorielle 
arrive  dans  la  moelle,  là  elle  arrive  dans  certaines  cellules  A,  qui 
sont  déjà  chargées  d'énergie,  donc  dès  que  l'excitation  y  arrivera 
une  décharge  brusque  se  produira  ;  ces  cellules  A  sont  reliées  à  des 
cellules  motrices  qui  gouvernent  les  muscles  contractés  pendant  le 
saut,  donc  en  se  déchargeant  ces  cellules  A  enverront  de  grandes 
(juantités  d'énergie   aux  cellules   motrices   et  ces  dernières  en  se 
déchargeant  à  leur  tour  produiront  une  contraction  brusque  des 
différents  muscles;  il  leste  à  expliquer  pourcpioi  les  différents  mus- 
cles ne  se  contractent  pas  en  mC-me  tenifis,  mais  suivent  un  ordn; 
bien  déterminé;  eh  bien,  c'est  facile,  il  siiflit  de  supposer  (}ue  les 
libres  qui  relient  les  cellules  A  aux  différentes  cellules  motrices  sont 
de  longueurs  et  d'épaisseurs  différentes;  l'énergie  produite  par  la 
décharge  des  cellules  A  se  prop.igi-ra  donc  [dus  vite  suivant  les  fils 
courts  et  épais  que  suivant  les  lils  longs  et  lins  ;  enfin  le  fait  que  le 
mouvement  est  symétrique  montre  que  les  cellules  A  sont  disposées 
symétriquement  dans  la  moelle  et  sont  reliées  entre  elles  par  des 
libres  courtes  et  bien  épaisses.  Il  y  a  des  cas  où  une  grenouille  déca- 
pitée  étant  touchée  ne  saute  pas,   mais  présente  des  mouvements 
tétaniques  ;  dan§  ces  cas,  dit  l'auteur,  l(;s  cellules  A  n'étaient  pas 
assez  chargées  lorsque  l'excitation  sensorielle  y  était  arrivée,  il  ne 


612  ANALYSES 

pouvait  donc  pas  se  produire  de  décharge  brusque  et  violente,  ces 
cellules  A  se  décharceut  lentement  et  peu,  Ténergie  envoyée  par  ces 
cellules  aux  cellules  motrices  y  produit  à  son  tour  une  décharge 
lente  ;  mais  d'après  une  hypothèse  posée  précédemment  une  cellule 
en  se  déchargeant  envoie  de  l'énergie  dans  tous  les  sens,  donc  les 
cellules  motrices  en  se  déchargeant  envoient  de  l'énergie  non  seule- 
ment aux  muscles,  mais  aussi  aux  cellules  A  ;  ces  cellules  A,  se 
déchargeant  lentement,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  sont  donc  encore 
chargées  d'énergie,  et  le  peu  d'énergie  qui  leur  arrive  des  cellules 
motrices  suflit  pour  produire  une  nouvelle  décharge",  cette  dernière 
se  propageant  vers  les  cellules  motrices  y  produit  des  décharges  de 
nouveau  et  il  en  résulte  des  mouvements  tétaniques.  Tel  est  le  typi^ 
de  toutes  les  «  explications  »  de  l'auteur  ;  on  ne  sait  pas  ce  qu'on 
acquiert  avec  ces  hypothèses  nombreuses,  qui  ne  peuvent  pas  être 
démontrées  et  où  on  peut  avec  le  même  droit  dire  oui  et  non. 

Je  ne  m'arrête  pas  sur  les  explications  toujours  du  même  genre, 
imaginées  pour  différents  mouvements  qui  ne  dépendent  que  de  la 
moelle  :  marche,  galop,  saut,  vol,  reptation,  etc.  ;  l'auteur  croit  néces- 
saire de  s'y  arrêter  longuement,  il  donne  des  schémas  pour  les 
mouvements  de  galop  du  lapin  décapité,  pour  1rs  mouvements  d«^ 
reptation  du  serpent  décapité,  etc.,  partout  c'est  l'ordre  dans  lequel 
les  différentes  cclluh's  nerveuses  sont  reliées  entre  elles  et  la  lon- 
gueur des  libres  qui  servent  pour  expliquer  pourquoi  tel  muscle  se 
contracte  après  ou  avant  ttd  autre  ;  les  cellules  nerveuses  peuvent, 
suivant  la  volonté  de  l'auteur,  soit  emmagasiner  de  l'énergie,  soil  en 
décharger  plus  ou  moins  vite. 

Ce  chapitre  est  terminé  par  une  classification  des  difTérents 
réflexes;  cette  classification  repose  sur  le  nombre  et  la  iialure  tles 
éléments  conscients  que  contient  le  réflexe  ;  voici  les  cas  disliagués  : 
1°  ni  l'excitation  sensoricdle  ni  le  mouvement  réflexe  ne  sont  jjcreus 
par  le  sujet  ;  2^*  l'un  des  deux  éléments  est  conscient,  mais  n'est  pas 
soumis  à  la  volonté  du  sujet,  l'autre  n'est  pas  perçu  ;  3°  les  deux 
éléments  sont  conscients  mais  non  soumis  à  la  volonté  ;  4'^  les  deux 
éléments  sont  conscients  et  ]>euvent  être  influencés  par  la  volonté. 
Dans  tous  ces  cas  différents  un  changement  de  la  sensibilité  produit 
des  troubles  différents  des  mouvements  réflexes.  L'auteur  cite  beau- 
coup d'exemples  de  chaque  cas,  il  donne  aussi  (iiiel(]ues  schémas, 
mais  nous  ne  nous  y  arrêtons  pas,  cela  nous  eniraînerail  trop 
loin. 

Avec  le  troisième  chapitre  nous  entrons  déjà  dans  l'étude  de  phé- 
nomènes psychiques  ;  il  est  consacré  aux  mouvements  volontaires 
(p.  141-162).  Tout  mouvenuMit  vuhMitaire,  nous  dit  l'auteur,  est  ]iro- 
duit  pour  un  certain  but,  pour  un  certain  effet  ;  on  ne  pense  pas 
aux  muscles  qui  entrent  en  action,  on  poursxiit  lui  Inil. 

Les  mouvements  volontaires  sont  divisés  j)ai'  Tauleur  en  ileux 
groupes  :  1°  les  mouvements  volontaires  en  jiarlie  et  2"  les  mouve- 


^ 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE    ET    PHYSIOLOGIE  613 

ments  volontaires  purs.  Le  premier  groupe  contient  les  mouvements 
dans  lesquels  une  partie  seulement  (le  commencement  par  exemple) 
est  soumis  à  la  volonté;  ainsi  dans  la  déglutition  ce  n'est  que  le  début 
qui  est  volontaire,  la  suite  des  mouvements  sont  réllexes  et  on  ne 
peut  même  pas  les  arrêter  lorsque  la  déglutition  a  commencé.  Le 
deuxième  groupe  contient  les  mouvements  qui  sont  en  entier  sou- 
mis à  la  volonté. 

L'explication  pliysiologicfue  de  ces  mouvements  est  analogue  à 
celle  donnée  pour  les  mouvements  réllexes,  seulement  ici  les  diiïe- 
rentes  cellules  sont  i-eliées  à  l'organe  de  la  conscience  qui  est  la 
substance  corticale.  Prenons  un  exemple  donné  par  l'auteur  :  c'est 
la  pi'ononciation  d'un  son  quelconque,  I  par  exemple  ;  beaucoup  de 
muscles  entrent  en  action  quand  on  le  prononce,  les  cellules  ner- 
veuses correspondant  à  ces  muscles  sont  reliées  à  la  substance  corti- 
cale par  des  libres  nerveuses  de  longueurs  différentes  et  peuvent 
recevoir  de  celle-ci  des  impulsions,  elles  peuvent  donc  de  cette 
manière  être  cbargées  plus  ou  moins.  Si  l'enfant  qui  apprend 
à  prononcer  le  son  I  y  arrive  après  quelques  tâtonnements,  il  s'établit 
une  relation  entre  les  parties  du  système  nerveux  qui  reçoivent  l'im- 
pressien  auditive  et  les  parties  dont  dépendent  les  mouvements  de 
prononciation  de  I  ;  cette  relation  devient  de  plus  en  plus  intime 
avec  la  répétition,  puisqu'une  libre  nerveuse  qui  est  traversée  sou- 
vent par  une  excitation  devient  plus  épaisse,  comme  le  suppose 
l'auteur;  une  représentation  du  son  I,  qui  produit  d'après  l'auteur 
une  excitation  analogue  dans  les  ci'utres  nerveux  à  celle  produite  par 
le  son  même,  pourra  donc  conduire  à  la  prononciation  du  son  L 
Telle  est  l'explication  que  l'auteur  donne. 

En  parlant  de  mouvements  volontaires  l'auteur  s'arrête  un  peu  sur 
leur  durée  et  il  parle  des  temps  de  réactions.  Voici  comment  les 
réactions  sont  explicjuées  :  la  substance  corticale,  qui  représente  la 
conscience,  envoie  avant  chaque  réaction  de  l'énergie  dans  les  cel- 
lules motrices  dont  dépendent  les  mouvements  de  réactions;  l'im- 
pression sensorielle  se  propageant  jusqu'à  ces  cellules  les  trouve 
chargées  d'énergie,  il  se  produira  don(;  une  déciiargc  brusi|ue  et  jtar 
suite  un  mouvement  brusque  de  réaction,  la  volonté  agit  donc  avant 
la  réaction  et  non  pendant. 

A  côté  des  mouvements  volontaires  l'auteur  place  l'attention 
(ch.  IV,  p.  162-172);  le  mécanisme  physiologique  correspondant  à 
l'attention  est  pour  lui  très  analogue  à  celui  des  mouvements 
volontaires  :  lorsqu'on  prête  son  allention  à  une  sensation  quel- 
conque, de  l'énergie  est  envoyée  vers  certaines  cellules  correspon- 
dant à  cette  sensation,  il  se  produit  pour  ces  cellules  un  phénomène 
de  «  Bahnung  »  ;  mais  en  même  temps  il  se  produit  un  ellet  d'inlii- 
bitiou  par  rapport  aux  autres  cellules  nerveuses,  c'est  pour  cela 
([Ue  lorsqu'on  prête  attention  à  quelque  chose  on  ne  remarque  pas 
des  excitations  éti^angères.  Telle  est  l'iiypollièse,  ou  voit  une  fois  de 


614 


ANALYSES 


]>lus   quelle  n'avance   en  rien  la  question,   puisquelle  ne  penl   ni 
èlre  démontrée  ni  être  réfutée. 

L'auteur  s'arrête  longuement  sur  des  exemples,  donne  toujours  des 
schémas  dans  lesquels  des  milliers  de  cellules  sont  représentées  jtar 
une  cellule,  où  telles  cellnles  sont  réunies  enln-  elles  par  di'S  fibres 
nerveuses,  d'autres  analogues  ne  le  sont  pas  parce  qu'on  n'en  a  pas 
besoin,  et  pourtant  à  d'autres  endroits  elles  étaient  réuni(^s  entre 
elles;  citons  un  exemple  :  pourquoi  dans  le  schéme  48  (p.  169),  qui 
représente  le  mécanisme  de  l'attention,  les  cellules  m*,  m-,  m^  et 
a',   ftS   rt'   ne    sont-elles   pas   réunies   entre    elles?  Pourtant  dans 
d'autres  schémas  analogues  (41, 45,  etc.),  représentant  les  mouvements 
successifs,  ces  mêmes  cellules  a',  a-,  a^..  étaient  réunies  entre  elles; 
c'est  que  dans  ce  dernier  cas  il  s'agit  de  mouvements  successifs, 
l'énergie  doit  donc  se  transmettre  de  a'  à  a-,  de  a-  à  a^,  etc.  ;  dans 
le  schéma  48  au  contraire  l'énergie  ne  doit  pas  passer  d'une  cellule  à 
une  autre,  jiuisqu'il  s'agit  de  l'effet  de  l'attention  qui  consiste  en  ce 
({ue  l'énergie  est  augmentée  en  a'  seulement  et  cette  augmentation 
d'énergie  ne  doit  pas  se  transmettre  aux  cellules  a-,  a',  etc.  ;  si  donc 
les  cellules  étaient  réunies  entre  elles,  cela  n'irait  pas  aus^i  facile- 
ment. On  pourrait  indiquer  encore  d'autres  contradictions  analogues, 
mais  nous  ne  nous  y  arrêtons  pas,  nous  en  trouverons  bien  d'autres 
plus  imiiorlanles. 

Nous  arrivons  à  un  chapitre  relatif  aux  sensations  (cli.  v,  p.  172- 
223).  L'auteur  débute   par  renonciation  de  cette  loi  que  «  toute  fibre 
nerveuse  quelle  que  soit  l'excitalion  qu'on  y  applique  apporta  dans  la 
conscience  une  sensation  qui  diffère  de  toutes  les  sensations  que  d'autres 
fibres  peuvent  y  apporter  ».  Voici  une  loi  qui  est  contraire  à  ce  que 
l'on  observe;  en  etVet  E.  H.  Weber  a  montré  ([ue  le  contact  de  deux 
points  voisins  de  la  peau  peut  produire  des  sensations  absolument 
identiques  à  condition  que  la  distance  des  deux  points  ne  dépasse 
pas  une  certaine  limite  ;  pourtant  il   est  certain  que   ce  sont  des 
libres   nerveuses    différentes   qui   conduisent  lexcilalion   i)our   les 
deux  points;  enfin  que  peut  signifier  une  pareilb-  «  ici  »,  puisqu'on 
n'a  Jamais  affaire  à  des  excitations  de  fibres  uniques?  Ou  ne  sait 
même  pas  ce  que  cela  veut  dire  qu'une  fibre  iKnveuse   excitée   et 
comment  cette  excitation  d'une  fibre  se  traduirait  dans  notre  cons- 
cience. C'est  pousser  la  Ici   de  l'énergie  spécifique  des  nerfs  jus- 
qu'aux limites  les  plus  extrêmes.  Remarquons  que  l'auteur  ne  suit 
pas  lui-même  cette  loi,  il  dit  en  effet  dix  pages  plus  loin  (182)  que 
(juelquefois  on  ne  peut  jias  distinguer  si   c'est  l'œil   droit  ou  l'u'il 
gauche  qui  voit,  tellement  les  sensations  sont  égales  ! 

Avant  de  dire  ce  qu'il  entend  sous  le  terme  sensation,  il  définit  la 
qualité  d'une  sensation  ;  toute  sensation,  dit-il,  a  un  certain  côté  sui- 
vant lequel  elle  peut  être  comparée  à  d'autres  sensations  relatives 
au  même  organe  sensoriel,  ce  côté  est  ce  que  l'auteur  appelle  la 
qualité  de  la  sensation.  On  voit  combien  cette  définition  est  vague  et 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PHYSIOLOGIE  615 

peu  précise  ;  on  le  voit  encore  mieux  si  on  prend  les  exemples 
donnés  par  Fauteur  :  la  sensation  d"un  certain  son  a  une  certaine 
ii'ssemblance  avec  la  sensation  d"un  autre  son,  cette  ressemblancr 
lait  que  les  deux  sensations  paraissent  plus  voisines  que  la  sensa- 
tion d"un  son  et  celle  du  chatouillement,  c'est  cette  ressemblance 
qui  est  la  qualité;  deux  sensations  de  bleu  évoquétîs  sur  deux  par- 
ties diflérentes  de  la  rétine  ne  sont  juis  identiques;  ce  qui  les  rend 
semblables  est  la  qualité  bleu. 

On  pourrait  continuer  avec  le  même  droit  :  la  sensation  de  bruit 
produit  par  une  boule  tombant  de  1  mètre  est  com>parable  suivant 
un  côté  à  la  sensation  de  bruit  produit  par  la  même  boule  tombant 
de  10  centimètres  de  hauteur,  ce  côté  sera  la  qualité  de  la  sensation  ; 
et  pourtant  lauteur  dit  quelques  lignes  plus  loin  que  toute  sensa- 
tion a  une  intensité,  il  dirait  donc  dans  ce  cas  que  le  côté  suivant 
lequel  on  compare  les  deux  sensations  de  bruit  est  l'intensité;  le 
défaut,  c'est  que  l'auteur  ne  donne  pas  de  définition  de  ce  qu'il 
.ippelle  intensité  d'une  sensation,  pourtant  la  question  est  impor- 
tante. Remarquons  que  80  pages  plus  loin  (p.  250)  l'auteur  oublie 
complètement  sa  définition  de  qualité,  il  dit  à  cet  endroit  que 
«  deux  couleurs  différentes,  l'excitation  des  deux  points  différents 
de  la  l'étine  peuvent  provoquer  deux  sensations  aussi  différentes 
lune  de  l'autre  que  la  sensation  d'un  son  et  celle  du  sucré  »  !!  La 
contradiction  est  évidente. 

Longuement  l'auteur  cherche  à  montrer  que,  lorsque  l'intensité 
d'une  sensation  change,  sa  qualité  change  aussi;  il  est  impossible 
d'entrer  en  quelque  critique  sur  ce  point  parce  que  l'auteur  s'exprime 
souvent  d'une  façon  confuse  et  difficile  à  comprendre. 

Nous  arrivons  donc  à  la  définition  des  sensations  :  toute  impres- 
.*iion  sensorielle  peut  être  analysée  par  la  conscience  ;  celle  qui  ne 
j»eut  plus  être  décomposée,  qui  ne  présente  jdus  qu'une  qualité  et 
une  intensité,  est  ce  (}ue  l'auteur  appelle  sensation. 

Les  sensations  se  divisent  en  pi  imaires  et  secondaires  ;  les  pre- 
mières résultent  d'une  seule  impression,  les  autres  sont  le  résultat 
de  plusieurs  impressions  sensorielles,  mais  qui  en  s'intluant  mutuel- 
lement donnent  lieu  à  une  sensatitm  telle  ({u'on  ne  peut  pas  l'ana- 
lyser par  la  conscience;  ces  sensations  secondaires  sont  de  trois 
.sortes  : 

1"  Celles  qui  résultent  de  l'excitation  simultanée  dv.  différentes 
parties  de  l'organe  sensoriel,  exemple  :  le  contraste  simultané,  le 
fait  que  l'acuité  visuelle  est  plus  forte  dans  la  vision  binoculaire  que 
dans  la  vision  monoculaire. 

2"  Celles  qui  résultent  d'excitations  successives  de  la  même  partie 
de  l'organe  sensoriel  ;  exemple  :  production  du  gris  par  la  rotation 
d'un  disque  avec  des  segments  blancs  et  noirs;  ici  l'auteur  [larle 
longuement  dés  sensations  de  changement  {Verunderitnf/s-empfi7i- 
dunr/j  ;  il  prétend  (jue  ces  sensations  de  changement  forment  un 


616  ANALYSES 

groupe  spécilique  de  sensations,  qui  possèdeiil    pur  suilc  des  nerfs 
spéciaux. 

3°  Celles  qui  résultent  d'excitations  successives  de  parties  difTé- 
rentes  de  l'organe  sensoriel.  A  ce  groupe  appartiennent  en  preniirre 
ligne  les  «  sensations  de  mouvement  »  {Beweguiigsempflndimgen), 
c'est-à-dire  les  sensations  qui  nous  apprennent  que  tel  corps  que 
nous  voyons  se  meut;  ces  «  sensations  de  mouvement  »  forment 
aussi  un  groupe  spécifique,  l'auteur  donne  quelques  exemples  bien 
curieux  :  lorsqu'on  place  un  objet  quelconque  tout  au  bord  du  champ 
visuel,  de  sorte  qu'on  ne  perçoit  de  ce  corps  «  ni  forme,  ni  couleur, 
ni  clarté,  etc.  »,  si  cet  objet  vient  à  se  déplacer  on  perçoit  le  mouve- 
ment et  même  la  direction  du  mouvement  !  Nous  verrons  plus  loin 
des  cas  analogues,  l'auteur  nous  parlera  d'un  malade  qui  ne  ])erce- 
vait  d'une  l)ougie  placée  dans  son  champ  visuel,  ni  la  forme,  ni  la 
clarté,  ni  la  couleur,  mais  qui  percevait  seulement  le  lieu  où  la  bou- 
gie se  trouvait  ! 

Pour  expliquer  le  mécanisme  de  ces  «  sensations  de  mouvement  », 
l'auteur  construit  un  schéma  bien  compliqué  :  ce  sont  tout  d'abord 
les  muscles  de  l'œil  qui  sont  innervés  inégalement,  et  ces  différences 
dans  leiirs  innervations  se  traduisent  dans  noti-e  conscience  par  des 
«  sensations  de  mouvements  »  ;  il  reste  donc  à  expliquer  pourquoi 
lorsque  différents  points  de  la  rétine  sont  excités  successivement  il 
se  produit  des  innervations  différentes  des  muscles  de  l'œil;  ceci  est, 
très  simple  pour  l'auteur  :  les  cellules  nerveuses  où  aboutissent  les 
fibres  venant  des  ditTérents  points  de  la  rétine  sont  à  des  distances 
différentes  des  cellules  nerveuses  dont  dépendent  les  muscles  des 
yeux,  le  reste  est  facile  à  coniplélcr.  Il  est  bien  commode  de 
faire  de  pareilles  hypothèses,  on  dispose  de  tant  d'éléments  tous 
arbitraires  et  inconnus  (longueur  des  fibres,  cellules  de  somma- 
tions, actions  d'inhibition,  actions  di'  dynamogénie,  manières  de 
réunir  les  éléments  nerveux  entre  eux  etc.),  qu'on  peut  faire  avec 
eux  tout  ce  qu'on  veut,  mais  cela  dépasse  les  limites  permises  pour 
une  explication. 

La  deuxième  partie  du  chapilrf  v  est  consacrée  aux  sentiments; 
l'auteur  a]ipelle  sentiments  «  les  sensations  liées  à  des  organes- 
internes  qiù  se  produisent  sous  l'iulluence  d'excitations  centiifuges 
ou  centripètes  et  qui  ensuite  se  rendent  à  l'orgaïuî  de  la  conscience- 
pareillement  aux  autres  sensations  »  (p.  202).  Voici  donc  sans  rien 
discutei',  sans  même  indiquer  que  beaucoup  de  [isychologues  consi- 
dèrent les  sentiments  comme  des  éléments  de  conscience  aussi 
simples  et  élémentaires  que  les  sensations,  une  affirmation  qu'il  est 
bien  difficile  d'adaietli'e  ;  il  est  viai  (jue  quehjues  psychologues  mo- 
dernes (.James,  Lange,  Ribot,  etc.),  *  arrivent  après  beaucoup  de  dis- 

(1)  Voir,  par  exemple,  le  compte  rendu  dans  V. innée  psychologique^ 
vol.  î,  p.  430. 


uistologiiî:,  anatomie  et  physiologie  617 

eussions  et  d'exemiiles  à  l'hypoUirs*^  ([iio  les  senlimenls  se  réduisent 
à  des  sensalions  ori^^aniquos,  mais  ils  discutent  la  question,  on  peut 
riiez  eux  critiquer  la  Ihruiie,  ici  on  est  en  face  d'une  affirmai  ion  ; 
les  quelques  exemples  que  fauteur  donne  dans  les  pages  suivantes 
ne  démontrent  absolument  rien;  en  efl'et  les  voici  :  le  premier  est 
relatif  à  la  «  sensation  de.  peur  chez  un  chien  »  ;  si  pendant  qu'on 
inscrit  la  pression  sanguine  d'un  chien,  on  fait  hurler  un  autre  chien 
dans  la  pièce  voisine  en  lui  faisant  mal,  la  pression  sanguine  du 
premier  chien  change  d'une  certaine  façon,  l'auteur  dit  que  ce 
changement  montre  que  le  chien  a  eu  peur  !  Un  deuxième  exemple 
mieux  choisi  est  relatif  aux  observations  internes  de  l'auteur  même 
pendant  la  joie  et  pendant  la  peine  ;  il  dit  cjne  les  traits  caractéris- 
tiques de  ces  sentiments  sont  quelques  sensations  dans  la  poitrine, 
un  trouble  de  la  respiration  et  i)uis  des  sensations  d'embrasser,  de 
retenir,  de  se  mettre  en  possession  de  quelque  chose  (joie),  ou  de 
repousser,  de  fuir,  de  se  débaiTtisser  de  quelque  chose  (peine).  Ou 
voit  ici  la  ressemblance  avec  la  théorie  des  sentiments  de  Munster- 
berg  1  ;  l'auteur  ne  le  dit  pas.  Nous  rencontrons  ici  un  bien  curieux 
exemple  pour  montrer  que  les  sentiments  de  joie  sont  accompagnés 
de  mouvements  d'embrassement  :  une  grenouille  décapitée  au  ]»riu- 
temps  fait  des  mouvements  d'embrassement  lorsqu'on  lui  touche  la 
poitrine  (p.  207)  ;  toute  cette  partie  relative  aux  sentiments  ne  pré- 
sente pas  de  lil  continu,  elle  est  écrite  par  petits  morceaux,  qui  se 
rattachent  peu  l'un  à  l'autre  ;  tantôt  l'auteur  parle  de  la  douleur,  il 
dit  à  ce  sujet  que  la  sensation  qu'on  obtient  en  touchant  la  corm-e 
est  un  sentiment  de  peine  ;  puis  il  parle  du  chatouillement,  il  dit  que 
le  chatouillement  es  t  un  sentiment  de  peine,  pourtant  il  y  bien  des 
cas  où  ceci  ne  répond  pas  aux  faits.  Entin  ici  l'auteur  donne  un 
schéma  du  «  centre  des  sentiments  de  peine  »,  ce  centre  influe  sur 
la  respiration,  sur  le  co'ur  et  sur  les  vaisseaux  sanguins  ;  le  schéma 
est  très  compliqué,  nous  ne  nous  y  arrêtons  pas,  il  présente  les 
mêmes  défauts  que  les  i)récédeuts  :  il  y  a  une  iiari  trop  large  donnée 
à  la  pure  hypothèse. 

Passons  donc  au  chapitre  suivant  relatif  aux  [lerceptions  (Waiirneli- 
niungen,  p.  224-207).  Uni;  perception  est  un  complexus  d'excitations 
qui  peut  être  analysé  par  la  conscience  en  des  sensations.  Les  pro- 
cessus don!  l'auteur  s'occupe  dans  ce  chapitre,  étant  iiitiuK.'ment  liés 
à  la  conscience,  il  décrit  d'abord  la  manièie  <lont  les  (excitations  se 
propagent  dans  l'organe  de  la  conscience.  Quatn*  lois  sont  énon- 
cées : 

«  a.  Toutes  les  prnjirii'h's  de  ([ualité  et  de  quaniilé  dv  sens;Uions 
conscientes,  de  perceptions  et  de  représentations  [x'uvent  être 
réduites  à  des  excitations  d'intensités  différentes  de  différentes  voies 
nerveuses. 

(1)  Beitrcifje  z.  exper.  I\s)jcliol.,  IV. 


(;i8 


ANALYSES 


«  p.  Deux  sonsalions  sont  ('■j.'alcs  pour  la  conscience  lorscjuc  les 
mêmes  voies  nerveuses  sont  cxcitt'es  avec  intensité  éi.'ale. 

«  Y-  Deux  sensations  sont  semblables  loisciue  au  moins  une  partie 
(le  voies  excitées  est  commune  aux  deux  sensations. 

«  0.  J.a  (jualilé  d'une  sensation  et  ses  signes  locaux  sont  donc  le 
résultat  d'excitalions  de  dillerentes  voies  du  cerveau.  » 

Il  serait  bien  long  d'entrer  dans  une  critique  détaillée  de  toutes 
ces  €  lois  »  (jui  sont,  on  le  voil,  des  extensions  de  la  loi  de  l'énergie 
spécifique  des  nerfs;  ce  sont  des  hypothèses  et  la  physiologie  du 
cerveau  est  encore  dans  un  élat  si  peu  avancé  qu'on  ne  peut  ni  en 
tirer  quelque  appui  pour  ces  hypothèses  ni  les  renverser. 

Les  perceptions  comme  les  sensations  sont  divisées  [lar  l'auteur 
eu  primaires  et  secondaires;  les  primaires,  sont,  dit-il,  un  résultat 
de  l'abstraction,  elles  ne  se  rencontrent  que  rarement,  «  on  aurait 
]iu  penser  aux  jH-rceplions  olfactives  et  gustatives,  mais  là  aussi  ou  a 
des  sensalions  locales,  au  moins  dans  C(!  sens  ({u'on  sait  que  ce  n'est 
pas  avec  la  main  ou  avec  la  jambe,  mais  avec  le  nez  et  avec  la  bouche 
i]ue  nous  percevons  les  odeurs  et  les  saveurs  !  »  Plus  loin,  l'auteur 
dit  que  ce  qu'il  appelle  perceptions  primaires  est  «  le  processus  que 
présente  un  nouveau-n(',  ou  un  aveugle  anesth(''si([ue  général  (pii 
tout  d'un  coup  deviendrait  voyant  et  recevrait  la  sensibilité  nor- 
male »,  page  235  ;  ces  processus  n'ont  pas  de  caractères  psychiques, 
ils  en  reçoivent  seulement  lorsque  des  associations  et  des  souvenirs 
sont  évoqués  et  alors  ils  deviennent  des  pei'ceptious  secondaires. 

Sans  insister  sur  ce  qu'il  a|qielle  perc(q)tions  secondaires,  l'auteur 
cite  quelques  exemples  et  s'arrête  longuement  sur  le  [)rinciiie  de 
la  reconnaissance  et  sur  les  signes  locaux.  La  reconnaissance  con- 
siste en  ce  que  la  conscience  jieut  savoir  si  ttd  processus  avait  déjà 
eu  lieu  avant  ou  s'il  se  présente  pour  la  première  fois.  Cette  recon- 
naissance rtqjose  .sur  les  changements  (ju'uni!  excitation  produit  dans 
les  voies  nerveuses  lorsqu'elh;  les  tiaverse  ;  si  donc  la  même  voie  est 
traversée  pour  une  seconde  fois  par  une  excitation,  l'ell'et  sera  diffé- 
rent  <le  celui  où  l'excitation  traverse  la  même  voie  pour  la  première 
fois. 

l'Ins  de-  vingt  jiages  sont  consacré-es  aux  signes  locaux  ;  dans  le 
chapitre  des  sensations  l'auteur  disait  qut;  les  sensations  ont  trois 
propriétés  générales  :  qualité,  intensité  et  signe  local  (pour  quelques- 
unes  seulement),  ici  il  dit  que  les  signes  locaux  sont  des  sensations 
•  omjilexes,  (]ui  consistent  en  grande  jiartie  en  sensations  d'innerva- 
tion de  certains  muscles  (p.  24ti),  voici  donc  encore  une  contradic- 
tion que  l'auteur  semble  ne  i)as  avoir  remarquée.  Il  appuie  beaucoup 
sur  ce  que  les  signes  locaux  sont  transmis  par  des  voies  siiéciales  ; 
ainsi  les  fibres  nerveuses  qui  se  rendent  de  laiétine  dans  le  cerveau 
se  partagent  ici  en  plusieurs  rameaux  ;  les  unes  servent  [tour  les  signes 
locaux  et  sont  liées  aux  centres  des  muscles  de  l'œil,  d'autres  servent 
jiour  les  couleurs,  d'autres  encore  se  rendent  aux  centres  de  plaisir 


niSTOLOGIlî,    ANATOMIE    ET    PHYSIOLOGIE  619 

«'t  (!<'  douleur,  enfin  il  y  a  des   fibres  spéciales  iiour  les  sensations 
de  changement,  etc. 

Povn-  montrer  que  les  signes  locaux  de  IVeil  ont  des  libres  spéciales 
Fauteur  cite  deux  cas  de  malades  :  l'un  ne  voyait  ni  la  couleur,  ni 
la  forme,  ni  la  clarté  d'une  bougie,  mais  il  percevait  les  changements 
dans  l'objet,  ainsi  il  reconnaissait  quand  la  bougie  était  éteinte  et 
puis  il  pouvait  dire  oi!i  se  trouvait  la  bougie  !  L'autre  malade  a  pré- 
senté le  cas  inverse,  il  percevait  la  clarté  d'une  bougie,  mais  ne  pou- 
vait pas  dire  où  elle  était  !  Ce  sont  on  voit  des  cas  bien  étranges,  on 
ne  sait  pas  trop  ce  qu'il  faut  en  penser,  les  observations  ont  trop 
jteu  de  précisions,  on  ne  dit  pas  comment  le  malade  était  interrogé, 
si  on  s'était  assuré  qu'il  ne  simulait  pas  et  surtout  s'il  comprenait  ce 
qu'on  lui  demandait;  ce  sont  des  points  très  importants;  sans  ren- 
seignements précis  sur  ces  points,  on  ne  peut  rien  tirer  de  ces  cas 
exceptionnels. 

L'auteur  admet  que  les  signes  locaux  sont  le  résultat  de  [trocessus 
subcorticaux,  il  en  voit  une  démonstration  dans  ce  fait  que  les 
images  consécutives  de  mouvement  peuvent  être  difl'érenles  pour  les 
deux  yeux  ;  ainsi  «  lorsqu'on  fait  mouvoir  un  oui  de  haut  en  bas  et 
lautre  de  droite  à  gauche,  on  a  concurrence  des  champs  visuels. 
Dans  l'image  consécutive  de  mouvement  cette  concurrence  des 
champs  visuels  subsiste,  seulement  le  sens  est  inverse  »  (p.  250)  ; 
l'auteur  ne  dit  pas  comment  il  arrive  à  mouvoir  en  même  temps  un 
œil  dans  le  sens  vertical  et  l'autre  dans  le  sens  horizontal,  nous  ne 
connaissons  personne  qui  puisse  le  faii'e. 

Il  ne  nous  reste  plus  ([ue  deux  chapitres  à  analyser;  il  est  difficile 
de  les  analyser,  il  faudrait  pour  être  complet  prendre  les  pages  l'une 
après  l'autre,  puisqu'on  y  trouve  beaucoup  de  contradictions  et  d'en- 
droits confus;  je  ne  ferai  qu'indiifuer  les  points  principaux  dont 
Fauteur  s'occupe  ;  passons  donc  au  chapitre  vu  relatif  aux  représen- 
tations (Vorstellungen)  (p.  268-314). 

On  peut  dire  qu'il  existe  autant  de  définitions  du  terme  représen- 
tation que  de  psychologues,  chacun  comprend  sous  ce  terme  quehjue 
chose  de  diflerent;  les  uns  y  voient  seulement  les  images  mentales, 
d'autres  y  font  entrer  les  perceptions,  etc.  L'auteur  donne  une  défi- 
nition basée  sur  une  hypothèse,  ce  (jui  ut-  jieut  pas  être  admis  ;  il 
dit  qu'une  représentation  est  comme  une  percejttion  un  conifilexus 
tl'excitations  dans  la  substance  corticale  saisi  par  la  conscience  ;  la  dif- 
férence entre  une  perce[)tiou  et  une  leprésentation  est  (|ue  la  pn.'- 
mière  disparaît  avec  l'excitation  externe,  la  représentation  au  con- 
traire peut  subsister  lorsque  l'excitation  externe;  a  tlisparu.  Deux 
représentations  sont  différentes  lorsque  les  voies  excitées  sont  diflé- 
lentes. 

Dans  les  représentations  (les  processus  physiologiques  étant  jijus 
compliqués  que  pour  les  perceptions),  il  y  a  plus  de  différences  imli- 
viduelles  que  dans  les  perceptions,  il  y  a  des  personnes  qui  se  repré- 


620  ANALYSES 

senfont  plus  fjicilcint'iit  un  objet  vu  qu'un  son  onlcndu,  crautres 
présentent  le  cas  contraire  ;  c'est  que  les  premiers  ont  une  quantité 
plus  considérable  de  voies  nerveuses  visuelles,  les  seconds  plus  de 
voies  nerveuses  auditives. 

Enfin  non  seulement  par  la  nature,  mais  aussi  par  le  contenu 
même  les  représentations  peuvent  être  très  diiïV-rentes  d'un  individu 
àl'aulre;  ainsi  la  représentation  qu'un  physiologiste  se  fait  d'une 
locomotive  est  bien  différente  par  son  contenu  de  celle  qu'un  ingé- 
nieur en  a.  On  voit  donc  combien  ce  terme  «  représentation  »  est 
large,  l'auteur  place  sous  la  même  catégorie  ime  simple  image 
mentale  d'un  son  par  exemple  et  la  «  rejjrésentation  d'une  locomo- 
tive »  ! 

Après  ces  quelques  remarques  d'introduction  viennent  cinq  pages 
consacrées  à  la  conscience  :  lorsqu'une  perception  ou  une  représen- 
tation s'associe  à  d'autres  repr(''sentalions  f[ui  reposent  dans  la 
mémoire,  l'auteur  dit  qu'elle  entre  dans  la  conscience  ou  qu'elle  est 
saisie  par  la  conscience.  La  somme  des  représentations  qui  reposent 
dans  la  mémoire  forme  la  conscience  ;  celles  qui  sont  j)lus  inti- 
mement liées  à  l'individu  même  forment  le  moi  de  l'individu.  >ious 
n'entrons  pas  dans  une  discussion  de  ces  points,  ce  sont  des  ques- 
tions liien  dif'tiiiles  et  nous  ne  croyons  pas  qu'une  sensation  devient 
consciente  alors  seulement  qu'elle  s'associe  à  d'autres  états  anté- 
lieurs. 

Ayant  défini  la  conscience  et  les  représentations,  l'auteur  étudie 
dans  quels  rap])orts  se  trouvent  les  repi'ésentations  avec  les  mouve- 
ments volontaires,  avec  les  sensations,  les  perceptions,  et  enfin  avec 
d'autres  représentations  ;  nous  ne  nous  arrêterons  qui;  sur  ces  der- 
nières. Nous  pouvons  nous  représenter  même  des  objets  que  nous 
n'avons  jamais  vus,  si  les  parties  dont  se  composent  ces  objets  nous 
sont  connues  ;  ainsi  par  exemple  nous  pouvons  nous  représenter  une 
table  toute  couverte  de  velours  quoique  peut-être  nous  n'en  ayons 
jamais  vu  ;  en  effet  nous  avons  vu  des  tables,  nous  avons  vu  du 
velours,  il  suffira  de  mettre  en  relation  entre  elles  les  voies  ner- 
veuses excitées  par  la  représentation  d'une  table  et  celles  excitées 
par  la  représentation  ilu  velours  ;  ceci  suppose  que  ces  voies  sont 
différentes;  si  cette  dernière  condition  n'est  pas  remplie,  la  représen- 
tation est  impossible  :  «  ainsi  par  exemple  si  je  me  propose  de  me 
représenter  une  ligne  droite  courbée,  les  voies  excitées  [lar  la  repré- 
sentation d'une  ligne  droite  et  ccdles  excitées  par  la  représentation 
d'une  ligne  courbée  étant  les  mêmes,  la  chose  sera  impossible  ». 
(p.  294).  Yoilà  une  affirmation  bien  curieuse  !  Le  fait  (]ue  nous  ne 
pouvons  pas  nous  représenter  une  «  ligne  droite  courbée  »  trouve, 
d'après  l'auteur,  pour  cause  l'organisation  spéciale  de  nolr(;  cerveau; 
on  en  conclut  donc  que  si  un  être  avait  des  organes  difierents  pour 
les  représentations  d'une  ligne  et  d'une  ligne  courbée,  il  pourrait  se 
représenter  une  ligne  droite  courbée  !  C'est  encore  le  môme  fait  de 


OISTOLOGIE,    ANATOMIE    ET    PHYSIOLOGIE  621 

l'organisation  du  ceiveau  (jui  explique  pourquoi  nous  ne  pouvons 
pas  nous  représenter  un  cheval  blanc  de  couleur  noire  (p.  300)  !  Ici 
l'auteur  va  trop  loin;  avant,  il  s'appuyait  sur  ce  que  les  difterentes 
couleurs  ont  des  voies  différentes  dans  le  cerveau,  ceci  faisait 
partie  de  toutes  ses  «  lois  »;  il  nous  dit  maintenant  qu'elles  ont  les 
mêmes  voies  nerveuses,  la  contradiction  est  évidente  ! 

Donnons  encore  un  exemple  de  la  confusion  qu'on  trouve  dans  ce 
chapitre  :  l'auteur  dit  (p.  304)  que  lorsqu'il  lit  les  mots  :  «  marchant 
à  travers  champs  et  forêts,  etc..  »  en  lisant  le  mot  forêt  il  a  une 
représentation  d'une  forêt  ;  s'il  s'arrête,  laisse  la  lecture  de  côté  et 
cherche  à  développer  cette  représentation  de  la  forêt,  elle  devient 
plus  étroite  et  plus  pauvre  en  attributs,  qu'elle  ne  l'était  précédemment 
pendant  la  lecture  !  C'est  bien  contraire  à  ce  que  chacun  peut 
observer  sur  soi-même  ;  mais  pour  la  tliéorie  de  l'auteur  il  faut  que 
ce  soit  ainsi. 

Le  chapitre  est  terminé  par  une  étude  sur  l'évocation  par  un  mot 
de  la  représentation  d'un  objet  ;  il  étudie  d'abord  comment  l'enfant 
apprend  à  comprendre  les  mots  ;  l'exemple  choisi  est  le  mot 
«  Kirche  »  (église)  ;  en  entendant  le  son  k  il  vient  à  l'esprit  de  l'en- 
fant une  série  de  mots  commençant  par  /•,  puis  lorsque  le  son  i 
arrive,  cette  série  de  mots  se  restreint,  il  ne  reste  j)lus  que  ceux  ({ui 
commencent  par  ki  et  ainsi  de  suite  ;  mais,  se  demaude-t-on,  comment 
ari'ive-t-il  donc  à  se  représenter  des  mots  commençant  par  A,  puis- 
qu'on suppose  qu'il  apprend  un  mot  pour  la  première  fois  '?  il  y  a  là 
un  cercle  vicieux;  chez  l'adulte  c'est  le  même  acte  qui  se  produit, 
seulement  il  devient  ti'ès  rapide  de  sorte  qu'on  n'eu  a  plus  cons- 
cience ;  il  est  inutile,  croyons-nous,  d'entrer  dans  des  critiques  sur 
ce  point,  ce  serait  trop  long. 

On  remarque  dans  tout  ce  chapitre  que  l'auteur  gihK'ialise  tro[) 
son  cas  personnel  ;  par  exemple,  de  ce  qu'il  n'arrive  pas  à  se  repré- 
senter un  son  sans  avoir  en  même  temps  la  sensation  de  le  pronon- 
cer il  conclut  que  personne  ne  peut  le  faire  (p.  3H),  etc. 

Quelques  mots  encore  sur  le  dernier  chapitre  (p.  314-375)  consacré 
aux  idiénomènes  de  l'intelligence  ;  ici  l'auteur  ramène  toute  la 
logique,  toute  la  morale  et  en  somme  toute  la  vie  de  l'individu  et  de 
la  société  à  des  différences  des  voies  du  cerveau  excitées  ;  il  est  vrai 
qu'il  ne  donne  plus  de  schéma,  il  se  contente  de  décrire  en  gros  les 
processus  physiologiques  correspondant  à  ces  différents  cas.  Don- 
nons quelques  exemples  ;  si  nous  voyons  une  feuille  de  châtaignier, 
par  exemple,  puis  celle  d'un  chêne,  nous  remar(|uoiis  (ju'elles  m; 
sont  pas  identiques,  cet  acte  s'appelle  un  jugement  (IJrtheil);  si 
nous  nous  représentons  dilîéreuts  arbres,  à  toutes  ces  représenta- 
tions correspondent  des  excitations  de  certaines  voies  du  cerveau  ; 
l'excitation  du  groupe  de  voies  communes  à  tous  ces  groupes  parli- 
iiculiers  produit  un  concept^  qui  traduit  en  mol  est  dans  cv.  cas 
«  arbre  »  (p.  SiOj. 


022  ANALYSES 

Les  sentiments  jouent  un  rùlc  important  dans  nos  actes  ;  si  nous 
nous  représentons  un  acte  quelconque,  il  naît  en  nous  une  série 
d'associations,  toutes  ces  associations  sont  accompagnées  de  senti- 
ments soit  agréables,  soit  désagréables  ;  si  les  premiers  prédominent, 
l'acte  sera  fait  ;  si  ce  sont  les  seconds  qui  prédominent,  l'acte  ne  le 
sera  pas  ;  si  le  cerveau  d'un  individu  est  construit  de  telle  façon  que 
quand  môme  les  sentiments  désagréables  prédominent,  l'acte  est 
fait,  cet  individu  est  imprudent  ;  c'est  de  la  même  manit're  que 
tous  les  tempéraments  sont  expliqués  par  l'auteur.  Les  actes  ins- 
tinctifs aussi  sont  accompagnés  de  sentiments,  seidement  pour  eux 
les  sentiments  agréables  prédominent  toujours:  ainsi  «  un  oiseau 
ramasse  avec  plaisir  d'abord  les  fortes  branches  et  quelques  jours 
après  il  ramasse  avec  plaisir  les  branches  fines  qu'il  avait  avant 
considérées  indifféremment  (p.  341)  ». 

Longuement  l'auteur  s'arrête  sur  les  instincts,  les  divisant  en 
trois  groupes,  suivant  qu'ils  servent  à  la  conservation  <lt'  l'individu, 
de  la  génération  ou  de  la  société.  Ils  reposent  tous  sur  des  commu- 
nications innées  dans  le  cerveau  qui  se  sont  développées  dans  le 
courant  des  siècles.  Toute  la  morale  repose  sur  les  instincts  de  con- 
servation de  la  société  ;  l'amour  repose  sur  les  instincts  de  conser- 
vation de  la  génération  et  tout  cela  se  ramène  à  des  voies  spéciales 
du  cerveau  qui  sont  liées  entre  elles  de  manières  spéciales. 

Enfin  dans  los  dernières  pages  l'auteur  s'efforci'  de  monlier  qu'il 
n'y  a  pas  de  libre  arbitre,  que  tout  acte  est  le  résultat  d'associations 
et  que  ceux  qui  soutiennent  l'existence  tlu  libie  arbitre  n'aper- 
çoivent pas  les  associations  existantes. 

Nous  sommes  au  bout  de  l'analyse  du  premier  mémoire,  nous 
avons  vu  que  l'auteur  a  passé  par  des  phases  bien  différentes  ; 
commençant  par  l'analomie  et  la  physiologie  du  système  nerveux 
où  il  est  maître  du  sujet,  il  a  parcouru  à  pas  rapides  les  sensations, 
perceptions,  représentations  et  les  fonctions  intellectuelles  supé- 
rievu'es  ;  partout  il  a  cherché  à  construire  des  hypothèses  sur  des 
hypothèses  et  est  arrivé  ainsi  à  voir  toute  la  vie  psychique  de 
l'homme  dans  des  actions  de  dynamogénie  et  d'inhibition  ;  on  peut 
dire  qu'il  a  ciicrché  à  montrer  qu'on  peut  consti'uire  des  hypothèses 
sur  les  processus  physiologicjues  correspondant  aux  piocessus  psy- 
chiques ;  ce  n'est  pas  un  problème  difticile  si  on  ne  s'impose  aucune 
autre  condition,  comme  l'a  fait  l'autcm',  il  aurait  été  bien  jilus 
difficile  et  peut-être  môme  impossible  à  l'épociue  actuelle  de  cons- 
truire des  liypothèses  basées  sur  quel(iues  faits,  ou  conduisant  à 
(]uel(jues  (b'<luclions  nouvelles. 

Reinar([uons  encore  <iue  jus([u"ici  il  u"a  paru  i.lu  livre  d'Exner  (pu? 
deux  analyses,  l'une  du  jdiysiologisle  Bernstein  dans  la  «  Allgcmeine 
Zeitschrift  fiir  Psychiatrie  »,  très  courte,  l'autre  de  Schwaiz  dans 
son  livre  paru  en  juillet  1895,  «  Die  L'mwdlzung  der  WaliniehiDiiunfjs- 
hypolhesen,  etc..  nebst  Beilrag  iïber  die  Grenzen  der physiologisr lien 


HISTOLOGIE,    ANATOMIE   ET   PHYSIOLOGIE  6:28 

Psychologie  »  (I.eipzig,  400  p.)  qui  y  consacre  environ  60  pugcs  ;  les 
deux  auteurs  louent  beaucoup  le  livre  d'Exner. 


II 

Passons  au  nn'moire  de  J.-V.  Kries  ;  ce  n'est  qu'une  premit-re 
note  écrite  sans  ordre  bien  arrtMr,  seulement  dans  le  but  de  poser 
quelques  problèmes  relatifs  à  l'importance  que  certains  états  du 
cerveau  i^résentent  dans  les  pliénomènes  psychiques. 

L'auteur  est  très  prudent  dans  ses  quelques  hypothèses  physiolo 
iiiqut'S  qu'il  ne  fait  qu'indiquer  comme  possibles,  mais  ({u'il  ne 
développe  pas  du  tout;  bien  au  contraire,  il  appuie  souvent  sur 
l'impossibilité  dans  laquelle  on  se  trouve  de  proposer  des  explica- 
tions physiologiques  des  processus  psychit^ues  supérieurs.  Son 
mémoire  contient  des  observations  et  des  remarques  très  intéres- 
santes et  importantes  pour  la  psychologie,  elles  sont  relatives  à  un 
groupe  de  processus  supérieurs  que  l'auteur  ajtpelle  «  Einslellung  » 
—  adaptation;  il  montre  l'imporlance  que  celte  adaptation  possède 
dans  la  vie  psychiijue  et  il  essaie  de  décrire  les  différentes  formes 
d'adaptation  qui  se  présentent.  Donnons  des  exemples,  pour  bit-n 
l'aire  comprendre  de  quoi  il  s'agit  :  lorsque  nous  lisons  des  notes  de 
musique,  qui  sont,  on  le  sait,  représentées  par  des  points  noirs  sur 
l'une  des  cinq  lignes  parallèles  ou  entre  ces  lignes,  un  point  sur 
une  ligne  quelconque,  la  troisième  par  exemple,  pourra  représenter 
des  notes  musicales  différentes;  ceci  dépend  du  registre  daus  le([U(d 
on  se  trouve  et  par  conséciuent  de  la  clef  mise  au  commencement 
de  la  ligne;  ainsi  dans  la  clef  de  fa  le  signe  précédent  représen- 
tera la  note  ré,  dans  une  autre  clef  le  mê\ne  signe  leprésentera  une 
autre  note  ;  et  lorsqu'on  est  habitué  à  lire  de  la  musi(|ui',  il  suffit  de 
jeter  une  seule  fois  un  coup  d'œil  sur  Ja  clef  mis»;  au  conunence- 
jnent  et  puis  on  lit  les  signes  écrits  dans  la  sigiiilicalion  ipii  leur 
appartient  sans  qu'on  pense  cha(jue  fois  qu'il  s'agit  df  telle  elef  et  (jne 
par  suite  ce  signe  doit  i-eprésenter  telle  note  spéciale  ;  cette  faculté 
(pie  nous  possédons  de  pouvoir  modilier  une  fois  ]iour  toutes  la 
signilication  de  ci;rtaines  re|iréseutations  est  ce  (jue  l'auteur  ap()elle 
{'adaptation  [Einslellung);  donnons  encore  un  exemple  :  nu  même 
signe,  0  par  exemple,  peut  suivant  les  circonstances  évoquei-  en  lums 
des  reiirésentations  di  fièrent  es,  tantôt  ce  sera  la  lellie  al|diabéli(|U(!  0, 
tantôt  le  chill're  zéro  (;t  enfin  dans  certains  cas  le  gaz  oxygènt;  ;  or 
en  lisant  quelcjne  chose  nous  ne  nous  trompons  ]ias  ;  c'est  encoïc 
l'adaptation  qui  fait  correspondre  au  même  signe  objectif  des  repré- 
sentations différentes  suivant  les  cas.  Cette  ada|italion  a  donc  |»onr 
résultat  de  faire  réunir  un  même  proct'ssus  A  à  dilféients  autres 
b,c,d...;  suivant  les  circonstances,  Tauteur  lui  donne  h;  nom  d'adaj.- 
tatio7i  connective  {Co7i7iective  Einslellung j  ;  rauliMU'  nous  donn»'  beau- 


6^4  ANALYSES 

coup  d'exemples  de  ce  genre  d'adaptation  :  c'est  elle  qui  se  produit 
lorsque  nous  cherchons  à  saisir  dans  quelle  langue  deux  personnes 
que  nous  entendons  parlent  entre  elles  ;  pour  le  faire  l'auteur  dit 
qu'il  se  représente  une  langue  spéciale,  le  français  par  exemple  et 
il  observe  si  pour  une  adaptation  pour  le  finançais  il  comprend  les 
mots  prononcés,  }iuis  il  se  dispose  à  écouter  de  l'allemand  et  ainsi 
de  suite.  Remaniuons  en  passant  que  l'auteur  est  dans  ses  aflirma- 
tions  toujours  très  i^rudenl;  ainsi  dans  tous  ces  exemples  en  par- 
lant d'obseivations  personnelles  il  ne  généralise  jamais,  bien  au 
contiaire,  il  déclare  que  ce  sont  ses  observations  personnelb's  et  (|ue 
peut-être  chez  d'autres  personnes  cela  se  passe  autrement  ;  c'est 
l'inverse,  on  le  voit,  du  procédé  employé  ])ar  Exncr. 

Voici  encoi'e  quelques  exemples  que  nous  reproduisons  vu  leur 
intérêt  psychologique  :  lorsque  i)lusieurs  compagnies  font  l'exercice 
militaire,  on  entend  les  commandements  de  plusieurs  côtés,  mais  on 
s'adapte  à  un  seul  de  tous  ces  commandements  de  façon  à  ne  réagir 
qu'à  celui-là  et  à  rester  ti'anquille  envers  les  autres.  —  On  connait 
le  jeu  d'enfants  consistant  à  convenir  d'avance  que  l'un  dira  dans 
un  ordre  irrégulier  les  mo(s  «  étendre  »,  «  plier  »  et  les  autres 
enfants  devront  au  mot  «  étendre  »  plier  les  bras  et  au  mot  «  [ùier  » 
les  étendre  ;  il  faut  dans  ce  cas  que  l'enfant  s'adapte  de  manière  à 
faire  coi'respondre  au  mot  «  étendre  »  non  le  mouvement  employé 
toujours,  mais  un  autre  parlieulier,  comme  pli(^rles  liras  ;  disons  ((ue 
■c'est  évidemment  le  même  genre  d"ada[italion  qui  entre  en  jeu  dans 
ce  jeu  connu  de  «  l'oiseau  qui  vole  »  où  il  faut  tantôt  lever  les  bras, 
lantôt  rester  tranciuille  suivant  que  l'être  dont  on  dit  qu'il  vole  peut 
en  réalité  voler  ou  non  ;  il  est  vrai  qu'ici  la  chose  est  un  peu  j)lus 
compliquée  :  en  efl'et,  on  fait  correspondre  un  mouvement  hVeamcti- 
tude  d'un  jugement;  ce  se'rait,  croyons-nous,  un  moyen  nouveau 
dont  on  pourrait  profiter  pour  étudier  la  fermeté  de  certaines  asso- 
i'iations  et  la  facilité  avec  laijuelle  des  associations  peuvent  être 
acquises;  remarquons  entin  que  c'est  la  même  adajilalion  (]ui  entre 
en  jeu  dans  les  expériences  sur  les  réactions  comph'xes  et  simples. 

11  peut  arriver  (pie  l'adaiilaliou  facilite  inm  seulement  la  rela- 
tion entre  des  représentations  spéciales,  mais  (ju'ellt.'  facilite  la 
lelation  entre  toutes  les  représentations  qui  peuvent  être  évoquées 
])ar  ime  représentation  quelconque  ;  dans  ce  cas  il  s'agit  de  l'atten- 
tion ;  l'attention  est  donc,  d'après  l'auleur,  une  adaplalimi  de  forme 
générale,  mais  cpii  peut,  suivant  les  cas,  èlre  dirigée  de  tel  ou  ttd 
côté  spécial. 

Si  nous  com[)arons  les  ellets  différents,  d'un  côté  lorsque  nous 
jtrêtons  attention  à  certains  processus,  et  de  l'auti^e  lorsque  nous  ne 
prêtons  pas  d'attention  à  ces  [uocessus,  nous  voyons  <|ue  dans  le 
jiremier  cas  nous  avons  un  certain  nombre  d'associations  évo({uées 
par  le  processus  cpii  mampient  dans  h;  second  cas  ;  l'attention  a 
donc  ici  pour  eifet  de  faciliter  la  pioduclion  d'associations,  elle  joue 


UISTOLOGIE,    ANATOMIE    ET   PHYSIOLOGIE 


Gi5 


lo  rôle  d'adaptalioit  conneclive.  ^lais  dans  <raulii's  cas  nous  [jonvons 
par  exemple  inèler  d'avance  l'atlenlion  pour  une  cerlaint^  sensaliun, 
nous  nous  disposons  d'avance  à  recevoir  une  impression,  nous  lacili- 
lonsdonclapercejîlionde  celte  impression,  dans  ces  cas  il  ncsai^il  jdus 
de  connt'clions  enire  des  processus  psycliii|U('s,  mais  de  disposilion^ 
pour  la  production  di'  tel  processus  psychique  [larliculicr  ;  laulcur 
(jualifle  ce  cas  d'adaptation  dispositive  {dispositive  Einstellung). 

lifinarcpions  (|u"il  csl  assez  diflii'ilc  de  Iracn-  ino'  lit;iii'  de  déniar- 
cation  uelte  entre  ces  deux  genres  d'adaplalion  ;  il  rsl  vrai  que  (laii> 
beaucoup  de  cas  on  peut  les  isoler,  mais  il  n<uis  scuiidc  ([ur  ilans  la 
plupart  des  cas  on  a  affaire  à  Tine  adaplalion  où  on  peu!  aussi  bien 
trouver  dos  sisnes  d'un  genre  (pie  ceux  de  ranhr  cl  où  il  .-i-ia  dirti- 
lilfdc  diit'  de  i[U(dli'  Sorte  d'adaptation  il  >"ai;it. 

l'n  (jut'slion  nalurtdle  se  pose  ici  :  rada|ilalion  se  manifeslc-t-elli' 
dans  notre  conscience  seulement  lorsqu"(dle  accompagne  des  pro- 
cessus psychiques,  ou  bien  peut-elle  aussi  exister  iiulépendammeut 
de  toute  relation  avec  les  processus  psychiciues"?  (Vcst  celte  queslioii 
qui  amène  l'auteur  à  discuter  la  question  des  concepts  et  des  idée> 
générales  évoquées  par  un  mot.  Lorsque  nous  entendons  |irononcer 
un  mot,  que  se  proiluit-il  en  nous  ?  Dansheaucouii  de  cas  nous  avons 
des  représentations  et  des  associations;  mais  souvent  on  n'a  pour 
ainsi  dire  rien,  et  pourtant  on  re(_-oiiiiaît  de  suite  si  un  mot  est 
connu  on  s'il  est  inconnu,  quoique  le  mot  connu  n"t''Voque  aucune 
association;  l'auteur  admet  que  dans  ces  cas  il  se  produit  en  nou^ 
une  ada[ttalion,  (pii  nous  renseigne  de  suite  si  nous  jiouvons  déve- 
lopper en  ni>us  une  série  d'associations  et  de  i-alMUiiiements,  ou 
bien  si  nous  ne  le  pouvons  ])as,  comme  dans  le  cas  d'un  mot  inconnu  ; 
c'est  cette  disposition  (jiii  nous  apprend  ([ue  le  mot  est  connu  ou 
qu'il  ne  re>t  jias  ;  elle  nous  jieiniet  aussi  de  comprendre  le  mol  ; 
jious  pouv<ins  exei'cer  une  action  iiilnhitiice  >ui-  celle  disposition 
<'t  par  conséM|nenl  ne  |i,is  di'velopper  les  idées  que  noii^  |iounioii-« 
dévtdopper  (lan>  le  cas  conliaiie,  uiai>  la  dispo-ilioii  >nli>iste  (juaiul 
même. 

En  quoi  consiste  donc  cette  adaptaliou  qui  joue,  ou  le  voit,  un  ixMe 
aussi  inqiorlaiil  ;  e>l-ce  un  pi-oci'ssu>  p>ye|iique  c(Mi>cienl  ou  liien 
un  proce»us  cért'hral  (pii  i''cliap|)e  à  notre  conscience  '!  Ce  sont  là 
des  (pu'stiiUis  extrèmeiuenl  dii'liciles.  l'auteur  l'avoue  et  ne  lesré>ond 
pas  ;  il  croit  (pi'en  g(''iiéTal  c'est  un  pidcessus  qui  n"e>l  pa^  conscient; 
rt  le  |udcessus  jdiysi(doL;i(pie  qui  de\iail  lui  eorropondre  serait 
Vinhibitiun  et  la  «  Bahnuiif/  »  :  «m  voil  que  dau^  le  cas  il  >e  rap- 
proche d'Kxner,  mais  il  m;  dévelopjic  pas  ces  liy|K)thèsi;s,  lecon- 
naissanl  l'impossibilité  d'arriver  à  qm-hpu-  c(uichi>ion  seulement 
ju'ohahle. 

Nous  croyons  que  le  iin'-moire  de  V.  Kries  est  liés  iiupoitaul,  il 
porte  ratteuliou  -m-  des  phénomènes  très  généraux  <|ui  se  n-uconlrent 
partout,  mais  il  a  It;  défaut  de  vouloir  faire  jouer  à  ladaplalion  un 

ANNÉE   rSYCHOLOGIQL'E.   II.  40 


(>26 


ANALYSES 


rùlo  lro|i  iiiipoi  l.iiil ,  liop  i^i'iiéral  :  c't'sl  clic,  dil-il,  (|iii  coiisliliio 
la  lias(^  cluii  Jiiucim'iil ,  cr^l  t-llc  (|ui  ni)ii.>  |irrmc(  dr  (•()iii])rcndre  un 
mot  ou  une  lanmic,  c'rst  t'ihî  (|ui  ronsliluf  le  fond  de  rallcnliou, 
c'est  eiiliu  (dh'  (jui  dirige  loulcs  nos  acli(>ii-<  ri  Idulcs  iids  jM'Usres  ! 
Ttdlos  sniil  lf;>  conclusions  (ju'on  dt.-viail  liiiT  ajurs  avoir  lu  le 
niiMunirc  du  l'auti'ur. 

Vll-.TlMi    IIk.mu. 


/ 


II 

SENSATIONS    VISUELLES 


SOMMAIRE 

I.  Perceplinn    de   ht   roi/lptir  pf  dr  la  cUirlé.   —   Expériences  ilo  Ilerinj^', 
Konig,  Liickey,  Parinaïul,  Pretori  et  Sachs,  Weinland,  Weiss. 

II.  Percep/ion  de  l'étendue.   —  Expériences  de  Kirschmann,  Loeb. 

III.  Iinar/rs  consécutives.  —  Expériences  de  Franz. 

IV.  Cécité.  —  Expériences  de  Heller. 

V.  Vision  c/k'z  les  uni  maux.  —  Expériences  de  Plateau. 


I.  —  PERCEPTION  DES  COULEURS  ET  DES  CLARTÉS 

HEUIXG   (E.).   —  Ueber  das  sogenannte    Purkinjesche  Phànomen. 

[Sur  le  phénomène  de  Purkinje.)  Plliig.  Arcli.  t'.  Pliysiol.,  vol.  I,.\, 
(1895),  }..  oi8-;J42. 

En  1825,  Purkinje^  purlaiL  ralLenlioii  sur  I(>  cliangemoni,  qui  so 
produit  dans  une  couleur  lorsqu'on  diminue  sou  iulensité,  il 
découvrit  ({ue  loi-siju'on  prend  deux  papiers  colorés,  l'un  rouge, 
l'autre  lileu,  si  poiu-  un  éclairement  moyen  le  second  paraît  plus 
foncé  que  le  premier,  on  remarque  en  diminuant  l'éclairement  de 
la  chambie  où  on  se  trouve  que  le  i)apier  lilni  parail  plus  clair  (pic 
le  papier  rouge  cl  on  peut,  en  diminuant  de  {)lus  en  plus  l'éclairt?- 
ment,  arriver  à  une  limile  où  le  papieihleu  paraîtra  giis  blanchâtre, 
le  ]iaiiici-  rouge  au  coniraire  tout  à  fait  noir;  ce  ph(''n(untMie  est 
■&\)\H'y-  phénomène  de  Purkinje.  Him  des  auteurs  se  sont  occupés  de 
l'i'liidr  de  ir  plu' ii(imèn<',  nu  a  l'ail  des  mesures  sur  les  rapports  des 
clartés,  etc.,  mais  les  auteurs  u"(Uit  pas  l'tudié  à  cpioi  était  dû  le 
phtMiomène,  (pudles  sont  les  conditions  né'cessainîs  et  snl'lisanics 
[lour  (|u"il  se  |)roduise  ;  on  trouve  en  effet  chez  Hcdmhollz  et  beau- 
couj)  d'autres  auteurs  que  la  condition  suflisante  pniii-  que  le  phé- 
nomène se  iniidiiise  est  une  diinimilinn  de  ri'claii'ement  des  deux 

(1)  Purkinje,  lieobac/ihnu/en  niai  Versuche  zur  l'iii/siolni/le  der  Sinne, 
Berlin,  1825,'  vol.  II.  ' 


628  ANALYSES 

couleurs;  Hering  a  soumis  ce  phénomène  à  une  f'iude  minutieuse 
dont  il  rapporte  les  résultats  dans  le  mémoire  analysé  ici.  Il  remarcinc 
tout  d"abord  qu'on  a  affniro  d"un  côté  à  l'intensité  objective  des 
couleurs  et  de  l'autre  à  la  nature  du  fond  sur  lequel  elles  appa- 
raissent ;  le  phénomène  se  produira-t-il  lorsque  seulement  l'inten- 
sité des  deux  couleurs  diminuera  sans  que  le  fond  sur  lequel  elles 
sont  vues  chanjie  ?  Se  pioduira-l-il  aussi  lorsqu'on  ffia  le  contraire, 
e'est-à-dire  qu'on  cliani^era  l'éclairemenl  du  IVuid  ••!  qu'on  ne  modi- 
liera  pas  l'intensiti'*  des  couleurs  '?  Kiilin  il  faut  lenir  cumpte  de 
l'adaptation  de  l'œil  :  y  auia-l-il  uii<-  difTérence  lorsque  l'œil  sera 
adapté  longtemps  pour  l'obscurité  et  lorsqu'il  ne  le  sera  i»as  ?  Telles 
sont  les  questions  examinées  dans  le  présent  mémoire. 

Voici  d'aboid  rinstallatiou  employée  :  le  sujet  est  assis  dans  une 
chambre  dont  les  murs  sont  clairs,  tendus  de  papier  blanc  ;  il  voit 
devant  lui  à  une  certaine  distance  une  porte  recouverte  aussi  de 
papier  blanc,  la  fenêtre  de  celte  chambre  peut  être  fermée  par  un 
rideau  noir  plus  ou  moins  rapidement  et  le  rideau  noir  est  bien 
adapté,  de  sorte  que  lorsipi'il  est  baissé  il  y  a  obscurité  absolue  dans 
la  chambre.  Dans  la  porte  qui  se  trouve  devant  r(diservaleur  sont 
pi;ili(iu(''es  deux  ouvertures  di'  3  à  a  centimètres  de  diamètre,  l'une 
au-dessous  de  l'autre,  à  l.i  liauleur  de  la  lète  de  l'observateur  :  devani 
ces  ouvertures  on  peut  mettre  des  verres  de  ditférentes  couleurs  ; 
de  l'autre  côté  de  la  porte  se  trouve  une  pièce  dont  la  fenèti-e  peul 
être  plus  ou  moins  couverte  d'un  rideau  unir  ;  un  veire  d(''|i(ili  ])lacé 
dans  cette  seconde  j)ièce  devant  les  ouvertures  envoie  p.ir  dilln- 
sion  les  rayons  de  la  fenêtre  ;  on  peul  donc,  en  abaissant  le  rideau 
dans  la  pièce  1  où  se  trouve  le  sujet,  diminuer  la  clailé  du  fond  sur 
lequel  apparaissent  les  deux  couleurs,  el  on  peut  en  abaissant  le 
rideau  dans  la  pièce  II  diniiiiuer  rinleusili'-  des  couleurs  indépen- 
damment de  la  clarté  du  fond.  Voici  les  résultats  trouvés  : 

1°  Une  diminulion  de  l'inlensité  des  couleurs  seules  ne  suftit  pas 
pcjur  produire  le  phénomèn».'  de  Purkinje  :  si  on  place  en  effet  dans 
l'une  des  ouvertures  un  verre  rouge,  dans  Taulre  un  verre  bleu  el 
([ue  ce  dernier  paraisse  un  ]ieu  jdus  foncé  ipie  le  piemier,  en  abais- 
sant le  rideau  dans  la  jtièce  II,  les  couleurs  devieniu'ul  de  plus  en 
]ilus  obscures,  mais  le  bleu  reste  toujours  plus  foncé-  que  le  rouge. 
Si,  pendant  qu'on  abaisse  le  rideau  dans  la  pièce  II,  on  l'abaisse 
aussi  dans  la  j)ièce  1,  on  vnit  ([ue  le  bleu  devieiil  bien  |iius  clair  que 
le  rouge  à  mesure  que  l'éclairement  diminue. 

2"  Pour  une  certaine  inlensilé  des  couleurs  la  diminution  de 
l'éclairement  du  fnnd  suflit  pour  produiie  le  ]thénomène  de  Pui- 
kinje.  Ici  l'autein  iu<Ii(iue  trois  méthodes  p(uir  le  iiioutier  : 

a.  Les  rideaux  dans  le>  deux  pièces  étant  relevés,  on  place  dans 
les  ouvertures  deux  verres,  un  rouge  el  un  vert,  qui  paraissent  de 
.même  clarté,  on  abaisse  alors  le  rideau  dans  la  pièce  II  jusqu'à  ce 
(pie  les  couleurs  puissent  encore  à  peine  être  reconnues  ;  on  abaisse 


SENSATIONS   VISUELLES  629 

alors  vite  le  rideau  dans  la  pièce  I,  les  couleurs  apparaissent  alors 
bien  plus  vives  et  de  plus  le  vert  parait  plus  clair  que  le  rouiie.  Ici 
Tauteur  indique  qu'on  peut  distinguer  deux  genres  d'adaptation 
pour  l'œil  :  l'une  momentanée  où  le  changement  de  l'éclairement  est 
rapide,  et  l'autre  durable,  que  l'œil  acquiert  après  un  séjour  pro- 
longé dans  un  même  éclairement  ;  c'est  sui"  cette  différence  dans 
l'adaptation  de  l'œil  que  repose  la  deuxième  méthode. 

b.  On  obtient  une  adaptation  durable  pour  un  ceil  ei\  dormant  la 
nuit  dans  une  chambre  obscure  et  en  recouvrant  Id-il  d'un  bandeau 
avant  (jue  le  Jour  paraisse;  puis,  le  jour  venu,  on  installe  l'expérience, 
un  œil  étant  toujours  bien  bandé.  On  diminue  considérablement 
l'éclairement  de  la  pièce  II,  on  met  dans  les  ouvertures  un  verre 
rouge  et  un  verre  vert,  on  choisit  ces  verres  de  façon  que,  en  dimi- 
nuant l'éclairement  de  la  pièce  I,  ils  apparaissent  pour  l'œil  ouvert 
(non  adapté  pour  l'obscurité)  de  clarté  égale  ;  ceci  étant,  on  ouvre 
le  rideau  dans  I.  puis  on  l'abaisse  vite  pendant  qu'on  regarde  les 
couleurs  avec  l'u'il  non  adapté  ;  elles  apparaissent  de  clarté  égale,  alors 
on  enlève  la  bande  de  l'ieil  ailapté  pour  l'obscurité  et  on  regarde 
avec  cet  œil  (après  avoir  fermé  l'autre),  le  vert  apparaît  bien  plus 
clair  que  le  rouge. 

c.  La  troisième  méthode  est  fondée  sur  le  fait  que  les  parties 
périphériques  de  la  rétine  sont  plus  sensibles  aux  changements  de 
clarté  que  le  centre  et  qu'elles  sont  au  contraire  moins  sensibles 
aux  couleurs  ;  on  peut,  lorsque  l'intensité  des  couleurs  et  de  l'éclai- 
rement est  abaissée  considérablement,  choisir  les  verres  rouge  et 
vert  de  sorte  qu'ils  apparaissent  également  clairs  lorsqu'on  les 
regarde  par  la  vision  directe  ;  si  on  détourne  les  yeux  et  qu'on  les 
regarde  par  la  vision  indirecte,  le  vert  paraît  plus  clair  que  le  rouge. 

3"  Voici  un  résultat  d'une  impoitance  capitale  :  le  phi'uomène  de 
Purkinje  est  caractérisé  aussi  bien  par  des  changements  dans  la 
saturation  des  couleurs  que  j»ar  des  changements  de  leurs  clartés. 
Ou  iK-ut  choisir  un  verre  rouyc  et  un  verre  bleu  tels  que  (le  rideau  II 
étant  presque  complètement  baissé)  par  la  diminution  de  {'('-claire- 
ment  de  la  pièce  I  ils  apparaissent  tous  les  deux  d(!  clart('S  égales  ; 
pour  un  éclairement  moyt.'U  le  verre  rouge  paraîtra  plus  <lair  que 
le  bleu.  On  remarque  (jue,  lorsqu'on  diminue  l'éclairenniii  tb-  la 
pièce  I,  les  couleurs  rouge  et  bleu  diminuent  de  saturation  et  tendent 
en  même  temps  vers  um;  même  clarté  ;  le  |dit'nomène  de  Purkinje 
ne  peut  pas  se  produire  sans  moditicatiun  de  la  saturation. 

i/auteur  termine  jiar  (pi(d(jiies  remarqm-s  critiques  sur  b'  travail 
de  A.  Kœnig  ^  qui  avait  fait  des  délermiiialiniis  (piaiilitatives  sur  le 
phénomène  de  Purkinje  ;  il  dé-teiniinait  (]uel   «Hait  le   lapport  des 

'1)  A.  Kœnig.  l'ebrr  ilcit  llclli'ihril.suprlli  dfv  Spcl.traf/'arheii  hci  vers- 
chiedener  absolu  1er  InleitsiliU.  hcitrii^re  z.  l'svfliol.  u.  l'iiysiul.  d.  Siiuius- 
nrg.  Festgruss  an  Ileinihullz,  1891,  p.  ;Ul-;j88. 


630 


ANALYSES 


iiiteiisilés  objectives  de  deux  couleurs  nécessaire  pour  que  It-s  deux 

couleurs  parussent  de  clarté  égale  ;  ce  rapportvariauL  avec  léclai- 

rement,  il  pouvait  être  employé  comme  une  mesure  du  pliénomène 

de  Purkiuje.   L'auteur  remarcpic  (pie  Kouii:  n'a  pas  l'ait  attention 

aux   influences   qui  résultent  de   l'état   d'adaptation  de   l'ii'il  ;   les 

résultats   sont  absolument  difï'érents,  suivant  ([Uf  r(eil  rst  jjIus  ou 

moins   adapté   i)Our   un   certain  éclairement    et    le   présent    travail 

montre  suftisamnit'nt  quel  rôle  ces  adaptations  de  l'œil  jouent  dans 

le  phénomène  de  Purkinje. 

Victor  Henri. 

KÔNKi  (Artir).  —  Ueber  die  Anzahl  der  unterscheidbaren  Spektral- 
farben  und  Helligkeitsstufen.  iZeit.  t.  l's.  n.  PU.  d.  Sinn.,  Mil, 
p.  375-380.) 

L'auteu]"  détermine  d'après  It-s  expériences  l';iites  jusqu'ici  par 
différents  auteurs  le  nombre  de  nuances  et  de  clartés  qu'une  per- 
sonne normale  jteut  distinguer  dans  le  spectre.  Vn  calcul  absolnment 
analogue  a  été  fait  par  Kûlpe  dans  sa  psychologie  (p.  i26  et  131  \  l'au- 
teur ne  le  connaît  pas,  il  dit  en  effet  au  commeiu'ement  de  l'aiticle 
qu'il  ne  connaît  pas  d'essais  de  pareilles  di-lerminatinns.  11  est  vrai 
que  les  formules  employées  par  ces  deux  auteurs  sont  un  ]ieu  diffé- 
rentes, mais  en  définitive  c'est  Idujours  la  même  méthode  basée  sur 
les  percei»tions  dilTihentielles  qui  est  employée.  I\<")nig  trouve  qu'on 
jieut  distinguer  d;ins  le  spt.'ctre  164  nuances  différentes,  le  ciiitfre 
donné  par  Kûlpe  est  150.  Pour  le  nombre  de  clartés  qu'on  distingue 
Konig  donne  GGO,  Kûl|ie  trouve  606.  On  voit  donc  que  les  chiffres 
donnés  par  ces  deux  auteurs  diffèrent  très  ])eu.  Ajoutons  ipieiques 
chifl'res  obtenus  non  par  le  calcul,  mais  dans  la  |irati(pie  :  la  manu- 
facture des  (joheh'ns  à  Paris  possède  18  000  inianci's  différentes,  et 
<ni  compte  dans  la  niosa'ique  ilalieiinr  Jusqu'à  30000  nuances  diffé- 
rentes, il  y  a  ici  liirn  entendu  des  différences  de  clartés  et  des  diffé- 
rences de  couleurs  combinées  entre  elles. 

Victor  Henri. 


LI'CKEV  ((i.-W.-A.).  —  L'ordre  de  perception  des  couleurs  dans  la 
vision  indirecte,  chez  les  enfants,  les  adultes,  et  les  adultes  exer- 
cés pour  les  couleurs.    Amer.  .1.  ut  Psycli.,  VI,  4,  p.  489-oOj.) 

Les  travaux  de  l\irsclnnann,  A.  E.  Fick,  Hess  et  A.  Fick  ont  mon- 
tié  ({ue  toute  la  surface  rétinienne  n'est  point  également  sensible  à 
la  couleur,  que  les  régions  centrales  perçoivent  mieux  les  couleurs 
(pu'  les  régions  i)ériphériques,  et  que  la  limite  pt'iiplii'-iiijue  <le  [)er- 
ception  est  la  plus  grande  pour  le  bleu,  la  jikis  petite  pour  le  violet. 
M.  I.nckey  a  recherché  l'influence  de  l'âge,  du  sexe  et  de  l'exercice 
sur  l'didre  de  perception  des  couleurs,  en  employant  comjiarative- 
ment  un  péxinièlre  et  un  campimètre.  On  sait  que  le  périmètre  se 


SENSATIONS    VISUELLES  631 

«'ompose  esseulielk-nionl  (rua  dt'iiii-oercle  doiif  1("  ccnlrc  csl  occupé 
j>ar  l'œil  du  sujet,  ([ui  doit,  rci^aidci-  fixement  un  point  uiai'qué  sur 
le  milieu  de  l'arc  pendant  ({u'on  promène  sur  l'arc  des  éclianlillons 
de  couleurs;  ces  écliantillons,  le  sujet  les  perçoit  dans  la  vision 
indirecte,  eton  compte  en  degrés  siu- l'arc  à  (pidlc  distance  du  point 
de  fixation  le  sujet  les  perçoit  correctemeni  ;  la  reclierclic  se  fait 
dans  plusieurs  m(''ridiens,  et  principalement  en  mettant  laïc  de 
cercle  dans  le  plan  horizontal  et  dans  le  plan  verlical.  Le  périmètre 
a  11'  d(''l'aut  ijui'  toutes  les  parties  de  l'arc  ne  sont  jias  toiijours  éclai- 
rées également.  Le  campimètre  se  compose  d'une  règle  linéaire  dont 
le  sujet  regarde  le  milieu;  le  reste  de  la  nn-tliode  d'expérimentation 
est  le  même  :  on  promène  des  échantillons  sur  la  règle  et  on  note 
le  point  où  le  sujet  cesse  de  les  voir.  Il  est  facile  d'obtenir  un  ('■elai- 
rage  uniforme  pour  le  campimètre;  son  défaut,  c'est  que  les  échan- 
tillons de  couleurs  (}u'on  y  place  ne  restent  pas  à  le  même  distance 
de  l'œil  du  sujet  quelle  que  soit  leur  position  sur  le  cani[iiinèlre;  de 
là  une  cause  d'erreur  assez  importante. 

Les  expériences  de  Luckey  on!  l'Ié-  faites  dans  une  pièce  éclairée, 
afin  de  pouvoir  surveiller  l'œil  du  sujet,  qui  exécute  souvent,  et 
surtout  chez  les  enfants,  des  mouvements  inconscients.  Le  sujet  doit 
regarder  avec  allention,  avons-nous  dit,  le  point  de  fixation;  mais 
à  mesure  qu'un  échantillon  de  ctuileur  est  avance-  dans  son  champ 
visuel,  son  attention  esl  allirée  par  ce  nouvel  objet,  etsans  qu'il  s'en 
rende  compte,  il  peut  déplacei-  son  regard  de  1  à  dO>^>,  et  même  de  15'^' 
vers  l'échantillon  de  couleur.  Pour  éviter  cette  causé  d'erreur,  il  n'y 
a  qu'un  seul  moyen,  que  l'exiiérimenlateur  surveille  constamment 
l'o'il  (lu  sujet  :  que  d'erreurs  on  a  dû  commellie  m  oinhanl  dans 
un  cabinet  noir  ! 

Les  recherches  ont  rlr  faites  snr  six  enfants  de  sept  ans,  six  de 
treize  ans,  six  adnlli-s.  Lr  rhanip  visuel  a  clir/.  Ions  la  même  forme, 
iiu  peu  plus  ellijtticjue  clicz  1rs  rnfanisila  liniilr  de  la  perception 
des  couleurs  esl  jiliis  ia|ipt  (mIh'c  du  irnlrc  chez  1rs  cnl'anls;  si  on 
repré'sente  pai'  100  la  suiface  ri'liniciini-  ])ercevanl  les  cmilriirs  chez 
l'adulte,  elle  sera  de  u9  |iuur  les  enfants  de  treize  ans  et  de  37  jiour- 
les  enfants  de  sepi  ans.  L'aiileiir  en  conclni  que  le  sens  de  la  lu- 
mière el  de  l'onibre  se  (b''veIo]i|ie  plus  vile  chez  I  eiilaul  que  le  sens 
<hrMmatique.  Le  sexe  n'a  paru  se  maripu'r  par  aucun  elVet  ai»[iré- 
<:iable.  En  comparant  six  adultes  exercé-s  peiidaul  ]dusieurs  aniu-es 
aux  couleurs  à  six  aulies  adultes  qui  n'oul  reçu  aiicuin-  éducali(Ui 
de  ce  genre,  on  ne  iioine  puinl  de  dillV-reuce  siqii'iieure  à  c(dles  que 
donnent  les  variations  indi\  i<iuelles  ;  résultat  négatif  (pie  l'auleuc 
«■xplitpu'  en  reniari|uanl  (pi'nne  [i(i>onne  ipii  manie  Siuiveiil  les  cou- 
leurs, un  iteintre  jtar  exenqde,  n'exerce  (pie  les  parties  cenliales  di 
sa  rétine  et  non  les  |jarlies  p('i  iplieriques;  il  n'y  a  donc  pas  de  laisoii 

p(UU'    (lUe    rc(IU('alion    de     I  (eil    pour    les    CouleUI'S    ('leUile     la     Innile 

(le  perception  des  coubnirs  sm-  la  i('tiiu';  cett('  (jducalion  a  plulôl 


C32  ANALYSES 

[»uur  i'ilvi   de    iciidic  l'u'il  sc'nsil)le   à   iiu  [dus  giaiid   jioinltro    de 
miances.  A.  Binet. 

H.  PAHIXAUD.  —  La  sensibilité  de  l'œil  aux  couleurs  spectrales. 
Ilcv.  SciiMililiiiiic,  8  juin  cl  3  adùL  18'Jo. 

I,"aul.(,'iir  en  se  servanl  d'un  spcclroscope  modilii-,  dans  Ii'(|uil 
l'ocnlaire  est  leniplact-  par  un  verre  dépoli  qui  reçoit  le  spceli'e,  et 
dans  lequel  l'intensilé  du  spectre  est  t:raduée  par  un  écran  à  ouver- 
ture variable  placé  en  arrièie  du  collimateur,  a  constain  que  la  seusi- 
hilité  de  l'œil  aux  couleurs  s^ieclrales  varie  suivani  (|iif  |,i  nMiin-  esl 
adaptée  ou  non;  la  rétine  non  adaiitée  est  celle  qui  reçoit  la  lumière 
din'use,  c'est-à-dire  celle  (jui  est  dans  les  conditions  où  la  vision 
s'exerce  normalemenl;  la  rétine  adaptée  est  celle  (jui  a  été  soustraite 
à  l'aclion  de  toule  lumière  pendant  vingt  à  quatre-vingts  minutes. 
L'accroissement  de  sensi])ilité  de  la  rétine  soumise  à  l'obscuration 
intéresse  inégalement  les  couleurs  de  réfrangibililé'  dillV-renle  :  nul 
pour  le  rouge  sjjeclral,  cel  accroissement  augmeiile  à  mesure  ([u'oii 
approclie  de  l'extrémité  violette,  où  il  devient  considérable. 

On  le  mesure  en  comi)arant  le  minimum  perce[ilible  jiour  ujie 
même  couleur,  pris  avec  ou  sans  adaptation  de  la  rétine.  «  (»n  prend 
comme  unité-  de  mesure  la  plus  petite  (|uantit(''  de  lumière  perçue 
]>ar  l'ti'il  (piaiid  il  a  atteint  son  maximum  de  sensibilité-  pai'  un 
si'jour  suflisanimenl  ])rolongé  dans  l'obscurité.  Les  radiations  pei- 
gnes avec  la  jilus  l'aible  intensité'  dans  ces  conditions  sont  celles 
cunqtriscs  enlrr  les  i^aies  E  et  F  du  spectre. 

«  Pour  lixer  les  idées,  nous  i)onvons  régler  la  soiuce  lumineuse  ou 
la  fente  du  collimateur,  de  jnanièie  (|ue  ces  radiations  soient  perçues 
avec  une  ouverture  du  diaplii-agine  gradué  de  i  millimètre  carr(''.  La 
sensibilité  dt»  l'œil  |»onr  les  dilTérentes  radiations  sera  inversement 
prcqtditionnelle  à  la  (luantité  de  niillinH''tres  carrés  cpTil  laudia 
donner  à  rouverliire  du  diapbragme  pour  (jue  ces  radiations  soient 
peri-ues.  Le  taltleau  suivant  indique  la  sensibilité  de  l'œil  pour  les 
radiations  voisines  des  lignes  de  Fraunhofer. 

«  L(?s  deux  valeurs  placées  au-dessous  de  cliaifue  lettre  exprinn-nt, 
la  première  la  sensibilité  de  la  rétine  ada|itt''e,  la  seconde  la  sensi- 
bilité de  la  rétine  non  adajitée.  ■> 


A     U 

C 

])    !•: 

1' 

c 

II 

1 

■     iUU 

1 

100 

1     1 

10 

1 

1 

100 

1 

'250 

1 

1 

1     1 

1 

1 

■> 

Rétine  adaptée 

Rétine  non  udaptcc     -.-    _    ^  ^   .^^  ^  .^ 

Ces  cbitTres  n'ont  point  nne  valenr  absolue  ;  ils  d('pendent  de  la 
Uatvuc  des  ieiililles,  de  la  nature  de  la  source  lumineuse,  de  lé-tat 
du  sujet,  etc.,  ils  mettent  seulement  en  évidence  une  fonction. 


SENSATIONS  VISUELLES  63o 

L'accroissement  (le  sensiliililé  <le  la  n'Iine,  soumise  à  robscuralioii, 
ne  porte  que  sur  Tuu  des  facteurs  de  la  sensation  que  détermineuL 
les  ladiations  simples,  savoir,  la  clarté  ou  intensité  lumineuse.  La 
couleur,  en  même  temps  qu'elle  ]iai;iîl  plus  lumineuse,  paraîtmoins 
saturée  et  lavée  de  blanc.  Finalement,  lors(iue  la  rétine  a  été  sou- 
mise à  une  obscuralion  suffisante,  les  couleurs  sjx'ctrales  les  ])lus 
pures  paraissent  blanches,  sous  une  faible  intensitt'',  à  re.\ce])tiou 
du  rouue  toutefois. 

Cet  accroissement  de  sensibilité  de  la  rétine  soumise  à  Tobscura- 
tion  ne  se  produit  pas  dans  la  fovea.  Pour  s'en  remle  compte,  on 
regarde  le  spectre  à  travers  un  trou  percé  jiar  une  aiiiuille.  Cette 
méthode  montre  que  la  différence  de  sensibilil/'  de  la  fovea  et  des 
parties  périphéritiues  pour  les  différentes  radialions  est  nulle  pour 
le  rouge,  et  augmente  à  mesure  que  Ton  explore  des  ladiations  jdus 
voisines  du  violet  :  en  d'autres  termes,  la  fovea  se  comporte  comme 
une  rétine  non  adaptée. 

Les  lumières  simples  d'intensité  minima  déterminent  primitivement 
une  sensation  de  couleur,  que  la  rétine  soit  ou  ne  soit  pas  adaiilée, 
contrairement  à  ce  (|ue  Ton  observe  sur  les  parties  périphériques 
où  les  couleurs,  autres  que  le  rouge,  déterminent  sous  une  faible 
intensité  une  sensation  de  lumière  incolore  avant  la  sensation  de 
couleui-.  Le  fait  esl  facile  à  établir  pour  la  ]>lupail  des  radialions. 
(iii  é'prouve  quelques  difliiull(''S  pour  le  jaune  et  le  violet  extrême. 
Pour  le  jaune,  eda  liml  à  ce  (pie  nous  avons  l'Iiabilude  d<?  juger 
blanches  des  lumiiMcs  arlilicielles  (pii,  en  réalité,  sont  jaunes.  Pour 
le  violet  les  diflicullés  sont  d'un  autre  ordre.  Elles  tiennent  à  la 
uiande  sensibililt-  des  parlies  voisines  de  la  forea  p(Uir  la  valeui- 
lilanche  du  violet,  aux  phénomi'ues  dt;  dispersion  (pii  se  [trodniseni 
m'cessairenu'nt  dans  le  milieu  de  l'o'il,  enlin  à  la  tluorescence  de 
ces  milieux.  Mais  ces  exceptions,  ou  plutôt  ces  causes  d'erreur  u'in- 
tirnniil   pa>  la  n'^L'ie  générale. 

Lauleur  termine  l'exposé  de  ses  rechei'ches  par  une  Iiy|)olhèse. 
Il  admet  ([ue  puis(pie  la  fovea  rpii  ne  s'adajile  i)as  m-  cmilient  i)as 
de  liàlonnels  et  (.le  pourpre  n'Iinien,  les  bâtonnets  elle  pourpre  ser- 
vent à  uiH^  vision  spi'ciale,  ipii  se  (b'veloppi!  surtout  dans  ridiscnrili''. 
la  vision  nocturne,  el  ipii  consisie  dans  la  perception  de  la  Inmière 
incolore  exlrênienn-nl  faible.  Ce  Serait  une  perception  dilfuse  el  non 
uiM'  perception  de  bnine,  comme  le  prouverait  ce  fait  (pi'une  cel- 
lule bi-polaire  de  la  r(''line  est  en  ia|iport  avec  plusieurs  bàloimels; 
tandis  <]ue  le  c(jne  n'esl,  en  ia|iport  (juavec  une  seule  cellule  bipo- 
laire. Le  pourpre  lélinien,  i]ni  enduit  les  l)àlonnets,  a  une  action  de 
la  nature  des  jdiénonu'-nc^s  de  llu(n(.'scence,  c'est-à-dire  (pi'il  absorbe 
tbs  rayons  lumineux  et  les  restilui;  en  diminuant  b;ur  réfrangibi- 
lité.  Celle  seconde  hypothèse  s'appuie  sur  les  faits  suivants  :  1"  le 
|i(Uirpre  esl  fluorescent  ;  2"  il  se  régi'nèi-e  dans  l'oiiscnrii(';  3"  la  Ikio- 
rescence  ne  se  dévekqipe  i)as  avec  les  rayons  rouges,  elle  donne  en 


634  ANALYSES 

cITcl  (l.s  layoïis  iintiiis  rt-fr.iDuibli'S  (jut;  la  luiiiièrr  iiicidi'iilc,  cl  il 
ii"v  cil  a  |ia-  (le  moins  réfrnni.'il)lf's  que  le  l'ongo;  orlarcliiio  adaptée 
iir  pcriMl   |i;i-  iiiii'iix  le  rmiL'e  i|u"iiiii'  n'Iiiif  imii  aila|il(M'. 

L'aiiiili'  cniiliciil  aiis>i  (|iicl(iii<'S  (rilii|U('S  di's  liavaiix  ri'criils  dt- 
Kii'IiIl;  i'I   d'l-]Miiiii;liaiis  siii-  la  rinirliim  de  la  forcd . 

A.     Ul.NET. 

l'UirrOlU  tl  SACIIS.  —  Messende  Untersuchungen  des  farbigen  Si- 
multancontrastes.  {Mesures  quanlilalives  du  contraste  simullané  des 
couleurs.)  Viluii.  Airli.  f.  IMiysio].,  vol.  I,\,  \k  71-110. 

I.disinron  |ilac(' à  cô\r  Tiiii  de  raiilic  un  |ia|iiri'  coloi-r,  rouirt»  jKir 
exemple,  et,  iiii  [tapier  ijiis  ou  hlauc,  ce  deniitT  apparail,  léixèieinenl 
coloré  el  il  est  coloré  dans  la.  couleur  compb'menlaii'e  ;  dans 
Texemple  choisi,  il  apjiaraîl  veidàire;  celte  iiillueiice  qu'exercent 
Tune  siu-  raulic  denx  siiriaces  de  couleurs  diUÏTeules  vues  siinulla- 
ii(''Uieiit  esl  ce  qiH'  l'on  a|qic||e  le  conirasie  siinnllané  des  conleni'S  ; 
les  auteurs  tnil  eidrepris  des  déterminations  (juantilalives  delà  va- 
leur du  contraste.  Avant  de  passer  à  leurs  expéiieuces  donnons 
(lU(d(iues  remar(iues  pr(''liminaires  sur  ce  (jue  Hering  ajqtcdle  valeur 
blanche  (Weissvaletiz)  d'une  couleni',  ceci  est  nécessaire  pour  com- 
pi'einire  les  cliillVcs  doiini'S  pai-  les  auteurs. 

(»ii  peu!  considi'rer,  d'apiès  llerini,',  toule  imi>ression  de  couleur 
cuninie  iHaut  l'ormée  de  deux  idéineuls,  clarl('  (blanc)  et  couleur; 
le  premier  est  apjtelé  valeur  blanche,  le  second  valeur  colorée  de 
l'inipi-ession  i\r  coidenr;  |ors(pie  le  rapport  de  la  valmi-  Manclir  à  la 
valeur  coloriM-  chaniif,  la  salnialion  de  la  conlciir  chani;c;  si  on  a 
deux  couleurs  conqih'Tnenlaii-es,  un  papier  l'ouye  et  \\n  |)apier  vert 
par  exein]ile,  on  peut  irouver  dans  cpn'l  ra|qiorl  les  deux  couleuis 
<|oivrnl  elle  nii''lani:<'es  pour  donner  du  hianc  ;  poiii-  cida  on  p(nil 
prendre  un  disrpo'  rolalit  el  cherelier  qiiellrs  >onl  le-  grandeurs  des 
secteurs  ioulm'  et  verl  né'cessaires  p(Uii'  (|ue  par  la  rolalion  rapide  on 
obtienne  du  blanc;  or,  d'ain'ès  llerini;,  deux  couleurs  com[ilénien- 
taires  (pii  pai  leni'  niédan^e  donnent  du  blanc  ont  des  valeurs  colo- 
l'ées  égales,  il  en  n-snlle  donc  ipie  le  rapport  de  la  valeur  colori''e  du 
nuiL'e  à  celle  du  verl  esl  r<j.;i\  au  rapporl  du  secleur  verl  an  secieui- 
longe  né'cessaires  pour  diuinei'  par  idialion  du  blanc. 

l'our  déterminer  la  valeur-  blanche  d'une  coiileiii mi  peiil  l;i  corn- 
parei'  à  des  gi'is  |dus  oir  moins  roncé'S  lors(iue  ri''claireiuiMil  général 
est  si  faible  (pi'oii  ne  \uil  pin-  la  coiileiii-,  mais  seiilenienl  sa  clarté, 
ou  bien,  si  on  peut  disposer-  d'uire  per-S(unie  qui  a  une  cé'cité  tolale 
p(uu-  les  ciudeurs,  qui  vojl  Nulles  les  couleuis  comme  des  gris  plus 
ou  moins  loncés,  l'aire  comparer  par  celle  |)ersonne  la  couleur  à 
des  gris  différents.  Les  auteurs  ont  employé  les  deux  nK'lhodes. 

Voici  comment  les  expériences  sont  faites  :  <ui  su|ierpose  l'un  à 
l'autre  trois  disques  de  façon  que  leurs  centres  coïncident;  le  disipie 


SENSATIONS    VISUELLES 


635 


Fi'j.  120. 


iulV'iicui' a  9"='", 9  dv  rayon,  le  (lis(iuc  iiKiyen  5'='",7  •■!  le  disquo  supé- 
rieur 4  cciiliiiii'ln's  (le  raydii.  (hi  aura  donc,  counnc  la  ligure  120. 
i"in(Ii(|ne,  un  cercle  interne  de  4  cenlinu'-lres  de  rayon,  puis  un  an- 
neau de  17  niillinièlres  de  largeur  el  puis  uu  S(,'Cond  anneau  de  4'"',2 
de  largeur;  chacun  des  (rois  (lis([uos  se  compose  de  secleurs  blanc, 
noir  e(  coloré  {roiif/c  par  f.\i'in|d('l,  on  pn'n<l  des  pnt|Mirl  i(Uis  égales 
pour  les  secleurs  dans  les  dis((nes  exirèun's,  ou  aura  donc  par  l'ola- 
lion  la  même  conleni'  longe  dans  le  cercle  A  cl  dans  Tannean  (1;  si 
lanneau  i>  ('lail  gris,  il  apparailrail  vcrdàlrc  pur  rcll'cl  {\\i  cnnirasie, 
on  pcnl  donc  clierclicr  (picjle  esl  la  (pian- 
lil(''  de  ronge  (pi'il  l'anl  ajonlei'  an  gris 
de  B,  pour  qnc  par  FeiTcl  dn  conlrasle 
l'auneau  apparaisse  giis;  on  peul.  proct''- 
<ler  encore  dune  manière  un  peu  dillV'- 
renle,  on  place  dans  l'anneau  li  un  sec- 
leur  rouge  delerminé;  de  20"^  par  exemple  ; 
lorscpu'  le  n.'sie  de  Fannean  esl  noii,  l'an- 
neau a])parailra  rongeàlic;  en  nH'UanI 
un  secteur  blanc,  la  Icinlc  ronge  de  15 
dis|iaraiha  pelil  à  pelil  à  no'snre  (pie 
l'on  augnienle  le  secleni-  blanc  el  ipi'on 

diminue    par   suite    le    seclenr    uoii,    on    arrivera    à    une    limite    où 
ranne.in    apparaîtra    gris;    ou    clienlie    donc    la    valeur  du  sectcin' 
iilanc  ipii  esl   n(''cessaire  pour  (pie  l'elTel  de  conirasie  (l('liiiise  le  Ion 
rouge  de   !>  el    ipie  cet    aniieau  apparaisse,  pai' suite,  gris;  on  trou- 
vera par  exeniiilc  (|ue  loiS((Ue  A  el  C.  .soûl  compl("'lenu'ul  longes,  il 
laudra  |iieudre  dans  linn  seclenr  blanc  de  H'^,îj  poui'  (pu;  M  jtaiaisse 
gris,  on  aiiia  donc  dans  l'anneau  H  un  seclenr  rouge  de  20",  un  sec- 
teur blanc  de  11",:'»  el  le  reste,  c'est-à-dire  328°, 5  noir;  on  peul cliei- 
clier  (piclle  esl  la  valeur  blanclie  du  ni(''lange  (dilenii  par  la  rolalion; 
la  valeur  blanche  d'un  >ecleur  iduge  de  20"^  esl  (d'apr('s  la  tlélermi- 
iialioii  des  auleui-s)  ('gale  à  .">,!  ;  c'(>s(,-à-dire  si  on  jireud  nu  dis(pie 
noir    avec    un    seclenr    iduge    de    20"    la    clarh'    de    ce    dis(pn'   (par 
l'olalion)    semblera  être  ('i^ale   à    la    clarh'   d'un   autre  dis(pn'   rolalil' 
se    com|i(isaul    d'un    secleni-    blanc    de    ['>".{     et    le    resle    noii  ;    la 
valeui'    blanche  du  seclenr    blanc   de    il",!)  est   ('^^ale   à   li,.>;    entin 
le    papier    noir    eniployi''    relb'iani    un    peu    la    lumi("'re,    il    aura    lui 
aussi   lun;   certaine   valeur  blanche,  elle   esl    piuir  328o.ï  (''gale  à  î>,5  ; 
ou  voil  donc   ([ue   la   valeur  blanche   du  mi'dauge  oblenu    |iar  rola- 
lion ra|)ide  sera  é-g-'ib"  à  5,1   -f-    I1,j  -j-  3,5  =  22,1;  ceci  élanl  Je 
■ciois  (ju'il  sera  facile  de  comprendre  les  chifl'res  donnés  dans  les 
labiés. 

Le  snjel  l'egardail  l'aniu'au  15  à  travers  un  lube  noirci  en  dedans, 
il  ('tail  à  une  dislance  de  l'",.')  du  dis(pu',  derrii''re  le  dis(pie  se  Irou- 
vail  un  ('cran  couverl  de  velours  noir;  le  sujel  regar'de  par  b^  lul)e, 
l'expérimenlaleur  jdace  uu  écran  noir  entre  le  lube  et  b;  discpie,  il 


C86 


ANALYSES 


mot  en  rol;itinii  \o  (lis([U(',  puis  enlève  rt'cran  pour  une  ou  ileu.v 
secondes,  le  leniet  et  le  sujet  doit  dire  de  (juelle  couleur  Tanneau  l> 
lui  t'tail  a|)paru  ;  |>uis  re.\|ir'rimenlateur  change  la  grandeur  du  sec- 
teui-  blanc  et  recommence. 

Voici  d'abord  les  chilTres  obtenus  lorsque  le  cercle  A  et  l'anneau  (1 
étaient  complMement  rouges;  dans  ces  tables  V.B.  signilie  valetir 
blanclie,  la  deinière  colonne  S.V.B.  contient  la  somme  des  valeurs 
blanches  du  nit-lange  des  couleurs  de  B. 

A  —  3Ô0''  rouiie,  C  —  360°  routre. 


SECTEUR 

SKCTEIR 

SECTEUR 

V.  B. 

V.  R. 

X.  V.  B. 

noi:r,E 

Ill.VNC 

MUR 

llL     HOl  r.K 

1)1"     M)IR 

0° 

5".2 

354. S 

0,0 

5.8 

11.0 

10° 

6  .5 

343,:. 

2,5 

5,7 

14.7 

20° 

Il  ,ô 

328,5 

5,1 

5,5 

22.1 

40° 

19 

306,0 

10,1 

5.0 

34.1 

70» 

32  ,2 

257,8 

17,7 

4,2 

54.1 

90° 

41  .4 

2-28,6 

22.8 

3,8 

68.0 

100» 

46,6 

203.4 

25.3 

3,3 

75.2 

120» 

61  ,8 

178,2 

30,  i 

3,0 

95,2 

La  première  liirnc  contient,  on  le  voit,  le  cas  oi'i  le  secteur  rouge 
est  nul,  c'est-à-dire  l'anneau  B  se  conspose  seulement  de  secteuis 
lilanc  et  noir;  si  l'anneaii  B  est  complètement  noir  et  (|ue  A  et  (1 
soicnl  t(juges,  l>  |iaiailra  rougeàtre,  il  faudra  y  ajdulci-  un  secteur 
lilanc  pour  ([uc  B  paiaisse  gris;  ce  secteur  l)lanc  est  de  5''2.  Si  on 
consiruit  uni'  roiirh»-  en  poitant  en  abscisst'  les  grandeurs  des  sec- 
teurs rouges,  en  or<lonu(''e  C(dles  des  secteurs  blancs,  la  courbe  obte- 
niir  difl'érera  très  peu  d'une  droite;  lorsque  le  secteur  rouge  dans  lî- 
augmente,  le  secleui-  blanc  nécessaire  augmente  proportionnelle- 
ment au  sectexir  rouge;  or  nous  avons  vu  ipie  la  valeur  colorée  d'un 
secteur  est  proportiiumelle  à  la  grandeur  du  secteur;  il  en  résulte 
donc  que  l'anneau  B  paraîtra  gris  lorsque  h'  rapport  de  la  valeur 
idanclie  à  la  valeur  colon'c  du  mi'lange  des  couleurs  de  l'anneau 
restera  constant.  Les  mêmes  résultats  on!  éti''  obtenus  lorsfiue  A  et  (] 
sont  verts,  bleus  ou  jaunes. 

Dans  d'autres  s(''ries  d'e.\[)éiiences  la  ciiuieur  de  A  et  de  C,  (''laienl 
ohlenues  pai-  le  mélange  de  secteurs  l'ouge,  blanc  et  noir,  il  s'est 
eiicor(,'  dégagé  des  eN|K''riences  (jue  dans  ce  cas  aussi  le  rap|torl  du 
secteur  rouge  de  B  au  secteur  hianc  n(''cessaiie  pour  obtenir  du  gris 
par  reflet  du  contraste  est  constant;  de  plus,  lorsque  les  couleurs  de 
A  et  de  G  (qui  sont  égales)  ont  luie  valeur  colorée  plus  grande  il  faut 
|iii  luhc  dans  B  un  secteur  blanc  moindre  ])our  neutraliser  un  cer- 
tain secteur  rouge  de  B  (pie  lorsque  .\  et  C  ont  des  valeurs  colorées 
jtlus  faibles.  Ainsi,   [lar  exemple,  lors(iue  A  et  C   se  composent  de 


SENSATIONS    VISUELLES  637 

180"  roiitre  +  43°blauc  +  137°  noir,  ranneau  15  paraîlra  giis  lorsqu'il 
sera  conipost-  de  : 

60°  rouge  +  00°  blanc  +  245°  noir. 

Si  A  el  C  se  composent  dt-  225°  ronge  +  320,0  ])lanc  +  102», 4  noir, 
l'anneau  B  paraîlra  gris  lorsqu'il  se  composera  de  : 

60°  rouge  +  45°  blanc  +  25o"  noir. 

Enfin  lors(iU('  A  et  C  sont  ; 

270°  rouge  +  21°  blanc  +  09"  noir, 

15  devra  avoir  la  comiiosition  : 

00°  rouge  +  41°  blanc  +  259°  noir; 

onvoil  que  les  quantités  de  blanc  dans  lî  soni  [lour  un  même  secteur 
de  60°  rouge  égales  à 

55°  lorsque  A  et  G  contienneni    180°  rouge 
4o°  —  —  225°     — 

41°  —  —  270"     — 

Le  résultai  est  le  même  pour  d'autres  couleurs. 

Lorsijue  au  contraire  on  laisse  la  valeur  colorée  de  A  t'I  de  C  cons- 
lante  et  qu'on  fait  varier  sa  valeur  blanche,  i)lus  celle  dernière  sera 
grande,  plus  il  faudra  ajouter  de  blanc  à  l'anneau  B  i)inu"  neutraliser 
une  même  quantité  de  rouge. 

Ainsi  lorsque  A  et  C  se  composent  de  : 

180°  rouge  +  43"  blanc  +  137°  noir, 

15  par;iîlia  gris  s'il  contient  ; 

60°  rouge  +  020,0  blanc  -4-  237°, 5  noir; 

si  A  et  C  sont  : 

180°  rouge  +  89°,o  blanc  +  90°, 5  noir, 

B  doit  être  : 

60°  rouge  +  79°,2  blanc  +  220«,8  noir  ; 

et  si  A  et  C  sont  : 

180°  louge  +  136°  biam-  +  44"  noii-, 
B  doit  r-lre  : 

60°  rouge  +  li8°,5  blanc  +  151°,:j  noir. 

Donc  pour  neutraliser  une  même  quaulilé  00"  d(;  louge  dans  B,  il 
faut  ajouter  un  secteur  blanc  égal  à 

62''.5  lorsque  A  et  C  contiennent  43"  blanc, 

79",2  —  -  89",o 

118",5       .      —     .  —  136". 


638  ANALYSES 

Les  résultats  sont  très  nets.  Eulin  il  icsic  uno  troisième  série 
d'expériences;  ici  les  auteurs  ont  cherché  à  maintenir  la  saturation 
de  A  et  de  C;  rapitrloiis  (\nr  l'intensité  d'une  couleur  est  mesurée 
par  sa  valeur  l)l;ini  lie  et  sa  saturation  ]iar  le  ra|ipiirl  enfrr  la  valeur 
colorée  et  la  valeur  blanclu'. 

Donnons  quehiues  exemples  : 

A  et  C  se  composent  de  175"  rouge  +  2"  Manc  +  ^83"  noir.  l.;i 
somnu^  des  videurs  Miinclies  est  égah;  à  49,2,  la  valeur  colorée  est 
égale  à  175,  la  saturation  est  donc  représentée  ]>ar  le  rapport  ^J'^ 
et  l'intensité  par  le  nombre  49,2;  dans  ce  cas,  pour'neiitraliser  un 
secteur  rouge  de  50°  dans  B  il  faut  un  secteur  blanc  de  50", 2  ;  lorsque 
A  et  C  sont  :  •<262"  rouge  +  0"  blanc  +  92"  noir,  la  saturation  est  de 
nouveau  -^t^  =z  ,'  ,  et  l'intensité  est  7.ï,2  une  fois  et  demi  idus 
grande  (|ue  dans  le  premier  cas;  B  devra  contenir  sur  00"  rouge 
46"  blanc  ;  entin  lorsque  A  et  C  seront  :  350"  rouge  +  10"  blanc  +  0"  noir, 
l'intensité  sera  98,5   et    la  saturation  -^-^  =^  -y^,  .  B  contiendra  sur 

60°  rouge  48"68  blanc. 

On  voit  donc  (]ue  lorsque  la  s.iluration  de  A  et  «le  G  reste  cons- 
tante et  que  l'inlensité  seule  vaiie  le  rapport  du  secteur  hiaiic  au 
secteur  ronge  dans  B  ne  varie  |ires((m^  pas;  il  ii'suile  doue  de  ces 
expériences  conqiar(''es  aux  pr('M('Mleules  i[Ue  l'intensité  du  contraste 
déqiend  de  la  saturation  de  A  et  de  C;  si  A  et  C  sont  |dus  satui(''S  il 
faudia  pour  un  même  secteur  rouge  de  B  moins  de  blanc  «[ue  loisi[ue 
A  et  (]  soûl  luoius  sal  urés. 

Tels  sont  les  princi[>aux  résultats  obtenus  par  les  auteurs. 
Bemarqu(Uis  pour  conclni'e  ([u'il  existe  une  ressemblance  eiUi'e  les 
résultais  olitenus  dans  ce  travail  et  ceux  obtenus  |iar  Hess  et  Pretori 
dans  nu  havjiil  sui-  b-  contraste  siiuullJiui'  des  darli's  auaiysi'  dans 
le  le-  volume  de  V Année  psychologique,  p.  317, 

Victor  Henri. 

K.  WKIM.A.M».  —  Neue  Untersuchungen  iib.  die  Funktionen  der 
Netzhaut,  nebst  einem  Versuch  einer  Théorie  iiber  die  im  Nerven 
wirkende  Kraft  im  Allgemeinen.  (Etudes  nouvelles  sur  les  fonctions 
de  la  rétine  suivies  d'un  essni  de  théorie  sur  la  force  agissant 
dans  les  nerfs  en  général.)  1  vol.  in-i",  125  p.,  1  pl.Tubingen,  1895. 

Ces  «  nouv(dles  études  »  a!)outissent  à  une  llu'tuie  de  la  propaga- 
tion des  excitations  dans  les  nerfs  (jui  est  bien  ancienne,  car  on  en 
trouve  déjà  une  discussion  et  une  ciitiiiue  <Iétaillée  chez  Haller  en 
1762  '  ;  l'auteur  ue  cite  (pu-  les  travaux  les  |ilus  ré-ceuls  et  ne  reclu'niu' 
pas  si  (piel(pie  autre  auteur  avant  lui  n'aurait  pas  ('mis  la  nu''mi^ 
théorie. 

Le  but  général   iionisuivi   est   de   donner  une   explicatiiui    de    la 

(1)  Ilaller.  Elemetita  physlologisc,  i.  IV,  p.  365-383. 


SENSATIONS   VISUELLES  639 

visiiui  avec  Ions  ses  i»hénomènes  en  se  servant  des  lerlierches  liis- 
loloiJjiques  de  la  strnoliuc  de  la  rétine.  On  sait  que  dans  les  dernières 
aiint''es  la  structure  de  la  rétine  a  fait  l'objet  d'un  nombre  considé- 
l'ahlc  (11-  travaux,  on  a  pu  poursuivre  les  diiîerentes  fibres  nerveuses, 
l'Iudin  la  slruclure  coiiipliipKM'  des  dilT'érenles  cellules  nerveuses 
i\r  ]a  ri'linr;  on  est  ainsi  ariivé  à  Tuie  imaije  des  plus  compliquées 
de  la  ri'line;  en  face  de  celte  complexité  inouïe  il  est  bien  difficile 
de  placer  une  tliéorie  e.\pli(juant  coninicnl  l'excitation  lumineuse  se 
transforme  dans  la  rétine  et  comjnent  elle  ai;it  sur  les  fibres  ner- 
veuses; il  faudrait  absolument  dans  une  pareille  tliéorie  tenir  compte 
de  Inules  les  complexités  qui  se  ]irésenlent  dans  la  rétine. 

Voyons  de  plus  près  celte  tliéorie  :  la  lumière  venant  de  l'extérieur 
après  avoir  traversé  les  difTérenis  milieux  réfrini^enfs  de  l'œil  et  les 
dinérentes  couclies  de  la  rétine  arrive  à  la  dernière  couclie  oîi  se 
trouvent  les  éléments  nerveux  appeb'S  côties  et  bàlonnels;  entre  ces 
l'ié'menls  se  trouvent  cerlaiiies  cellules  ipii  contiennent  un  piuineiil  : 
la  lumière  agit  chimiquement  sur  une  substance  qui  environne  les 
cônes  et  les  bàionut.'ts,  or  une  action  cliimi(|ue  s'accomi)aizne  en 
«énéral  d'un  clianuement  de  volume;  sous  l'action  de  la  lumière  le 
volume  augmente  par  liypotbèse,  par  conséquent  la  «  substance 
visuelle  »  exerce  une  pression  sur  les  éléments  nerveux,  ces  derniers 
cônes  et  bàlonnels)  se  com]>rinient  et  propagent  ainsi  la  pression 
par  les  libres  nerveuses  aux  ramifications,  ces  ramifications  se  trou- 
vent en  conlact  avec  d'autres  émanées  de  cellules  nerveuses  de  la 
rétine  (cellules  bipulaircs^  la  jiression  se  (ransmet  des  ]iremières 
ramifications  aux  secondes,  de  celles-ci  elle  se  transmet  aux  cellules 
bipolaires,  puis  elle  suit  les  ramifications  de  ces  cellules  qui  se  pro- 
|iagent  dans  l'autre  sens,  ces  dernières  se  trouvent  en  conlact  avec 
les  ramifications  de  muivelles  cellules  nerveuses,  cellules  ganglion- 
iiaii  es,  —  de  nouveau  la  pression  se  transmet  des  premières  ramifi- 
cations aux  secondes  et  arrive  ainsi  dans  les  cellules  ganglionnaires; 
ces  dernières  sont  en  relation  directe  avec  les  fibres  du  nerf  optique 
et  la  piession  pourra  facilement  se  transmettre  jusqu'au  cerveau. 
Mais  eoiiimeut  se  lail-il  i\\ùn\  puisse  distinguer  les  diflereutes  cou- 
leurs ei  les  difb'rentes  intensités  lumineuses  ?  Ceci  est  très  simple  : 
d'abord  cliaque  couleur  décompose  la  «  substance  visuelle  »  avec 
nue  vitesse  (jui  lui  est  toute  s|)i''ciale,  et  puis  plus  l'iiilensité  sera 
grande,  plu>  lôrleiiieiit  la  suli>laiice  visuelle  sera  dé-coiiiposée,  jiar 
conséquent  à  toute  couleur  el  à  toute  iulensiti'  lumineuse  cori-es- 
[londra  une  auguieiilaliou  de  volume  de  la  substance  visuelle  bien 
diMerminée  ijui  se  produira  avec  nue  certaine  vitesse;  la  pression 
à  l'intérieur  des  cônes  aura  dom  une  forme  bien  caractérisée  qui 
se  propagera  sur  le  long  cliemin  déiiil  [ilu>  lia  ni. 

Tous  les  pliénomènes  de  la  vision  (contraste,  images  consécutives,, 
cécité  des  couleurs,  ada|)tation,  médange  des  couleurs,  etc.)  sont 
expliqués  par  la  lliéoiie  iirécédeute;   nous  ne  nous  y  arrêtons  pas. 


640 


ANALYSES 


Cliaciiii  jHiiiiriiil  l'acilcuH'iil  iiivriilcr  liii-iiir'iiif  une  i>ni'rille  expli- 
cation. 

On  se  (leniandr  eu  lisanl  le  pirsent  Inivail  ]Miur(inoi  la  nalnie  qni 
ne  crée  rien  sans  i)ul,  (lui  a  sn  conslrnire  un  aii[iaii'il  aussi  précis 
et  délicat  que  l'œil  minii  (Tun  api)areil  réfrinucnl  pailail,  dans  lequel 
aucune  paitie  n'est  sans  inijiorlance,  pnuiquni  ci'llc  ualiiif  aurail- 
elle  été  aussi  injuste  pour  la  structure  de  la  rt'dine?  L'aclion  de  la 
lumière  consiste  dans  une  ])roi>ai;alion  d'iui  clianucmenl  de  pression 
et  la  nature  a  rendu  le  chemin  que  celli'  prcssioji  doit  parcourir 
extrêmement  sinueux  et  ]dein  de  difliciillés,  des  ramilicaiions  sans 
nombre,  des  inlcrruiilinus,  ])uis  de  vastes  cellules,  puis  encore  des 
lamilicalions,  de  nouveau  un  passage  à  d'aiilres  branches  et  pour 
une  seconde  lois  des  cellules  nerveuses;  el  pourtant  il  était  si  facile 
«le  rendre  le  chemin  moins  compliqué;  puis(]u'il  ne  s'agit  que  de 
transmellre  une  cerlaiiie  tonne  de  laugmenlation  de  ]»ression  d'un 
li(nit  à  Taulre,  il  ne  faudrait  ipi'une  seule  lilire  sans  rameaux  ipii 
irait  directement  vt;rs  le  cerveau. 

Le  défaut  de  la  lliéorie,  (|ui  la  fait  comj)lètenn'nt  rejeter,  est  (pi'elle 
ne  tient  pas  ilu  hnil  compte  de  la  conijilexilé  de  la  structure  de  la 
rétine,  idle  ne  nionlre  jias  |ionr(juoi  la  ii'line  |>i(''senle  telle  shuelure 
spéciale  et  non  telle  anire,  (die  ne  nionlif  pas  du  tout  les  avantages 
apportés  ]iar  celle  >l inclure  complexe. 

En  appendice  l'auleur  ])rt''senle  une  llii'oiie  >ni-  la  piopagalion  de 

Texcitatiuii  dans  les  neiT>;    celle   propagalimi  consisle,  d'aiHès  lui,, 

dans  une  pro|iagali(ni  dinie  angnienlalion  de  la  |iression  à  l'inli  rieur 

des   lilels  nerveux  ;  il  cherche  à  appuyei'  celle  lln'orie  sur  cpielques 

données   de  la  jdiysiipie  et  oublie  que  la  physicpie  ne  sait  encore 

rien  sur  les  nnnivements  de  lluides  dans  des  tubes  aussi  lins  (pie  les 

lilels   nervenx.  (;'esl,on   le   \oil,la   théorie   lr("'S  ancienne   i\\[  llnide 

neiveux  (pii   a   dû   élic  ahandonnée  aprt-s  les  crilicjues  des  pliysio- 

loi;isles;  l'auleur  semble  igU(n'er  ces  criliipu's  el  pr(''Senle  la  lln^orie 

comme  si  elle  u'eùl  jamais  été  faite  avant  lui. 

Victor  Henri. 


(i.  WELSS.  —  La  théorie  chimique  de  la  vision.  Uevue  géneiale  des 
sciences,  30  mars  1895,  ]t.  253. 

Ib'vue  (h'S  re(diei(lies  r(''cenles  sur  le  pouipre  i(''linien,  snh>lance 
(pie  lîoll  a  di'-couveile  en  187G  dans  les  liàl(iniiels  de  la  r(''line  de  la 
urenonilh';  Kiihne  l'a  isoh'e  (d  unnilra  la  iransloiiiialioii  du  ponrjire 
en  jaune  sons  rintlneuce  de  la  lumic-re.  Jh'puis  celle  ('poipie,  les 
lln-ories  les  ]ilus  opjtosées  ont  été  présentées  sur  la  f(nu'lion  de  ce 
pour|)re.  Ebbinghaus  croit  qu'il  est  utilisé  pour  la  vision  du  jaune 
Ideu;  K(jenig  pensf  (|ue  la  (h'-composilion  du  ])oinpre  piodiiit  la 
sensation  du  bleu,  etc.  Parinaud  croit  au  contrain;  «pie  la  j)erce|i- 
lion  des  couleurs  n'a  ]»oint  de  lafiport  av«'C  la  nature  «les  substances 
chimicjues  contenues  dans  la  létine. 


SENSATIONS    VISUELLES  6 il 


II.   -  PERCEPTION   DE  L'ÉTENDUE 

A.  KIRSGHMANN.  —  Die  Parallax  des  indirecten  Sehens  und  die 
spaltformigen  Pupillen  der  Katze.  (La  parallaxe  de  la  vision  indi- 
recte et  les  pupilles  en  forme  de  fente  chez  le  chat.)  Philos.  Slud., 
IX,  p.  447-496. 

Le  professeur  Kirsclimann,  1res  connu  par  ses  travaux  sur  Toplique 
[iliysiologique,  a  fait  paraître  deux  mémoires  d'une  importance 
capitale;  malgré  les  analogies  de  ces  deux  travaux,  nous  avons  pré- 
féré séparer  leurs  analyses  et  les  mettre  l'une  à  la  suite  de  l'autre. 
Disons  de  suite,  pour  orienter  le  lecteur,  de  «juoi  il  s'agit  dans  le 
premier  mémoire  :  c'est  l'étude  des  moyens  par  lesquels  nous 
arrivons  à  apitré'cier  la  distance  d'un  objet  à  notre  œil  lorsque  nous 
regardons  cet  objet  avec  un  seul  œil,  que  ce  soit  par  la  vision  directe 
ou  par  la  vision  indirecte. 

La  question  de  l'appréciation  des  distances  d'un  objet  à  l'œil  a 
jiréoccupé  beaucoup  de  physiologistes  et  de  psychologues;  les  uns 
ont  cherché  à  tout  ramener  aux  sensations  musculaires  transmises 
par  les  muscles  de  l'œil,  d'autres  considèrent  les  cercles  de  disper- 
sion sur  la  rétine  et  les  images  doubles  comme  le  moyen  principal, 
enliu  il  y  en  a  qui  aflirment  que  c'est  un  complexus  formé  dune 
[)art  de  sensations  musculaires  et  de  l'autre  des  cercles  de  dis- 
persion et  d'images  doubles  qui  nous  permet  de  juger  la  distance 
d'un  objet  à  nous.  Il  nous  est  absolument  impossible  de  donner  ici 
un  historique  de  la  question.  Kirsclimann  s'est  surtout  arrêté  sur 
l"ap[>iéciaiion  des  dislances  par  la  vision  monoculaire;  il  porte  l'at- 
tention sur  une  particularit('',daus  la  position  des  ceixles  de  disper- 
sion obtenus  dans  la  vision  indirecte.  Il  nous  faut  donner  une  ligure 
pour  bien  faire  comprendre  comment  les  choses  se  passent  (tig.  121). 

Soit  0  le  centre  d'un  o„m1  ([ue  nous  avons  dessiné  sphérique,  n  le 
deuxième  point  nodal  '  de  l'icil;  nous  n'avons  pas  tenu  com[)te  des 
<leux  i)oints  nodaux  jinici'  (pi'ils  sonl,  très  voisins  l'un  de  l'autre  et 
n'ont  pas  d'inlluence  sur  le  phénomène  dont  il  s'agil  ici. 

Supposons  (jue  l'œil  soit  tourné  vers  v  et  que  ii'  soit  l'ouverture 
4e  la  pupille.  Soient  trois  points  A,  B,  C  tels  que  A  se  trouve  plus 
près  de  l'œil  que  C,  mais  plus  loin  que  B;  immii-  ne  p.is  cniiipliquer 
la  ligure  nous  avons  supi)06é  que  ces  trois  points  étaient  sur  une  ligne 
droite  passant  par  le  pdint  nodal  7i;  il  est  évident  (]ue  les  distances 
des  points  A,  \i,  C  à  l'œil  sont  représentées  trop  faibles  i)ar  rapport 

(1)  Lorsqu'on  a  un  système  optique  centre,  luie  lentille  par  exemple,  il 
existe  sur  l'axe  principal  deux  points  tels  que  tout  rayon  (jui,  avant  Tinci- 
dence  passe  par  l'un  des  points,  passera  après  réfractiitn  par  Taiitre  j)oint 
et  de  plus  ce  rayon  réfracté  sera  parallèle  au  rayon  incident;  les  deux 
points  .fixes  s'appellent /;o(«/.s-  nodaux. 

ANNÉE    PSYCHOLOGIQUE.    H.  41 


64i 


A5ALr5ES 


aui  dimensions  de  Tœil,  ceci  est  fciil  î^ulemenl  pour  rendre  la  ûgure 
idus  claire.  Supposons  que  raccommodai  ion  de  Toeil  soil  telle  que 
l'imase  de  4  se  forme  juste  sur  la  rétine  de  Fœil  en  a,  le  faisceau 
de  rayons  qui  parti  de  A  pénétrera  dans  Fœil  sera  évidemment 
iaf:  nous  avons  mené  les  lianes  iA  et  fA  pour  montrer  que  ces 
rayons  Tiennent  de  A;  il  faudrait  pour  être  complet  tenir  compJe 
des  réfractions  sur  la  cornée,  mais  cela  ne  change  rien  à  la  question  ; 
l'image  du  point  C  plus  loin  que  A  se  trouvera  sur  la  liane  Cn  à  une 


F%.  i2I- 


dirli-ïBce  de  ■  iuï-ri-ure  à  na.  soit  c  cette  image;  les  rayon  partis 
Je  ''  -    -  '"rerx»nt  dans  Ttueil  seront  compris  dans  le  fs^-  -     "  '' "~. 

cé:?  -  _     _  -       aver£er<>nt  au  point  c  et  ce  s<*ut  leurs  prc». 
«|ui  rencontreront  La  rétine,  il  y  aura  sur  cette  dernière  une  tache  7 
é<.Jairée  par  les.  rayo:  -  -  de  C  :  celte  tache  apf»rfée  earcle  de  dis- 

-  3e  la  vision  indirecte  un  cercle,  c'est  un 

.  _■_  _  ^^_ ,    .„  ,.    -.lï  B  sera  sur  la  ligne  Bm  plus  loin  de  » 

qnr  n-  .  s*?"!  h  •'<*'.Se  imase:  les  rayons  fi>artis  de  B  qui  péné- 

lr>-  '.  compris  dans  le  faisceau  ihî,  or  h  étant 

demèr*-  k  rrline  cc>  layons  ne  pourront  pas  arriver  jusqu'à  h,  îl> 

-•  -:-  " -;-_-    'a  rétine  et  éclaireront  sur       * --  ■ 

I  : -„  .     ^  tigure  montre  de  suite  un 

■?■  lesi  potsiti'jins  de  7  et  de  ^,  on  voit  qu'elles  sont  sur  de.- 
-    -       :  rapp«>rit  à  Fimage  m  de  A. 
*ji  i    .  jaune  on  peut  juger  de  la  p^'SJUvu  diin  pciui 


SENSATIONS   >TSCELLES  643 

•Jans  le  champ  visuel,  lorsqu'on  le  voit  avec  un  œil,  de  deux  manij-res 
tlifTérentes  :  1'^  par  la  position  de  l'image  ou  du  cercle  de  di-spersiou 
•jue  ce  point  produit  sur  la  rétine  ;  ainsi  dans  ce  cas  on  aurait  par 
exemple  pour  le  point  B  un  justement  basé  sur  la  distance  de  la 
tache  ^  à  la  tache  jaune  J,  on  dirait  donc  d'après  ce  mode  de  juge- 
ment que  le  point  B  est  dans  une  direction  plus  à  droite  que  ne 
l'est  C,  puisque  p  est  plus  loin  de  J  que  ne  l'est  y  ;  -'  en  tournant 
l'œil  du  côté  du  point  dans  ce  cas  ce  sont  les  sensations  muscu- 
laires des  muscles  de  Fœil  qui  par  leur  intensité  permettraient  de 
juger  que  tel  point  se  trouve  plus  à  droite  que  tel  autre;  dans  le 
'•as  présent  pour  amener  l'image  du  point  B  sur  la  tache  jaune  en 
J,  il  faut  tourner  l'œil  autour  de  0  de  l'angle  rOB;  pour  C  il  faut 
tourner  l'œil  de  l'angle  rOC,  on  dirait  donc  que  C  est  plus  à  droite 
que  B,  jugement  contraire  au  précédent  ;  rappelons  de  nouveau 
qu'on  suppose  toujours  l'œil  accommodé  pour  le  point  A  situé  entre 
B  et  C;  les  deux  moyens  ne  se  correspondent  pas,  on  peut  donc  se 
hasant  sur  cette  incongruence  non  seulement  juger  si  un  point  se 
trouve  plus  à  gauche  qu'un  autre  mais  aussi  pouvoir  dire  lequel  des 
deux  points  est  plus  loin  et  lequel  plus  près  de  l'a^il  ;  on  peut, 
comme  le  fait  l'auteur,  appeler  les  sensations  musculaires  résultant 
de  la  rotation  oculaire  nécessaire  pour  amener  l'image  d'un  point 
sur  la  tache  jaune  le  signe  local  inlemif  du  point,  la  position  de 
l'image  ou  du  cercle  de  dispersion  produit  par  le  point  sur  la  rétine 
le  signe  local  qualitatif  du  point  ;  ainsi  pour  le  point  B  par  exemple 
le  signe  local  intensif  e.-t  donné  par  l'angle  VOB,  le  signe  local 
■  {ualitatif  par  la  distance  pJ,  la  combinaison  de  ces  deux  signes 
locaux  permet  d'apprécier  les  dislances  avec  un  œil  dans  la  vision 
iuiiirecle. 

Il  est  facile  de  montrer  qu'à  chaque  point  de  l'espace  •  uriespond 
une  combinaison  bien  déterminée  de  ces  deux  genres  de  signes 
locaux,  et  réciproquement  à  chaque  combinaison  des  signes  locaux 
correspond  un  seul  point  de  l'espace;  nous  ne  nous  y  arrêtons  pas. 

Tels  sont  les  moyens  qui.  d'après  l'auteur,  nous  permettent  d'appré- 
-ier  les  distances  dans  la  vision  monoculaire  ;  nous  avons  donné  * 
une  exposition  un  peu  différente  de  celle  de  l'auteur  ;  il  considère 
d'abord  le  cas  où  les  points  A.  Fi,  C  sont  sur  une  ligne  droite  passant 
par  n  ;  puis  il  examine  le  cas  où  les  points  A,  B  et  C  sont  sur  une  ligne 
droite  passant  par  le  milieu  de  la  rétine;  dans  ce  cas  les  taches  p  et 
-;  empieltent  l'une  ?ur  l'autre,  mai?  le  centre  de  ^  est  à  gauche  de 
a,  le  centre  de  y  à  droite  de  «.  il  y  aura  donc  encore  une  différence 
entre  les  signes  locaux  qualitatifs  des  points  Bet  C,  c'est-à-dire  entre 
les  distances  JS  et  Jy,  cette  différence  sera  d'autant  plus  sensible 
que  l'ouverture  de  la  pupille  l'i  sera  faible;  il  y  a  donc  avantage  à  ce 
que  l'ouvertuie  de  la  pupille  soit  aussi  faible  que  possible  ;  ceci 
étant  l'auteur  introduit  la  notion  de  la  parallixe  de  la  vision  indi- 
recte. Si  on  réunit  les  points  B  et  C  par  exemple  au  milieu  de  la 


644 


ANALYSES 


jnipille  m,  ces  lignes  (non  tracées  "sur  la  Hirure)  peuvent  s'appeler 
lignes  de  vision  :\'ix\\^\c  compris  entre  ces  deux  lignes  BmC  est  appel»'- 
angle  visuel;  l'auteur  api>elle  parallaxe  de  la  vision  indirecte  la  difié- 
rence  entre  l'angle  visuel  et  l'angle  de  rotation  de  l'œil  nécessaire 
pour  passer  de  l'un  des  points  à  l'autre;  ainsi  dans  le  cas  présent 
la  parallaxe  de  la  vision  indirecte  pour  les  points  B  et  C  est  la 
différence  entre  l'angle  BmC  et  l'angle  BOC.  Cette  parallaxe  nous 
permet  d'apprécier  la  distance  d'un  point  à  notre  œil  ;  en  effet 
l'angle  BOC  nous  est  donné  par  l'effort  musculaire  dépensé  dans  la 
rotation  de  l'u-il,  l'angle  visuel  BmC  ne  nous  est  pas  donné  direc- 
tement, mais  il  correspond  à  la  position  des 
taches  p  et  y  et  sa  grandeur  nous  est  donnée 
]>ar  la  distance  des  taches  p  et  v  l'une  de 
l'autre;  par  conséquent  dire  que  c'est  la  pa- 
rallaxe de  la  vision  indirecte  qui  nous  sert 
dans  l'appréciation  des  dislances  par  un  œil, 
c'est  la  même  chose  que  de  dire  que  cette 
appréciation  est  basée  d'une  part  sur  l'effort 
musculaire  dépensé  dans  la  rotation  de  l'œil 
et  de  l'autre  sur  la  position  relative  de  l'image 
ou  du  cercle  de  dispersion  sur  la  rétine  ; 
c'est  pour  cela  que  nous  avons  commencé 
par  ces  derniers  points,  croyant  que  l'ex- 
plication de  l'auteur  serait  peut-êli'e  de  cette  iiianii  re  ]»hi>  facile  à 
comprendre. 

11  était  important  de  savoir  si  les  giandeurs  de  ces  ]»arallaxes  de 
la  vision  indirecte  ne  sont  pas  trop  faibles  pour  qu'on  puisse  en 
lenir  compte,  l'auteur  a  calculé  les  maxima  de  la  pai'allaxe  pour  des 
distances  angulaires  différentes  de  la  ligne  de  vision  JV  et  aussi 
dans  les  diflërents  cas  où  le  pimctum  proximum  de  l'œil  esl  à  des 
distances  difî'érenles  ;  nous  transcrivons  le  tableau  parce  ijuil  pré- 
sente une  certaine  iiii|M)rlaiice. 

Expli(iuons  un  pence  que  ces  chiffres  signilient  :  supposons  qu'on 
ait  deux  poinis  B  et  li,  sur  l;i  ligne  m\l  (flg.  122),  la  parallaxe  de  la 
vision  indirecte  sera  mesurée  par  l'angle  liÛB,;  la  première  colonnt; 
du  tableau  donne  les  angles  vmB,  la  colonne  suivante  donne  la 
valeur  inaxinia  di'  l'angle  B(li),  lorsqu'on  sup|iose  (|ue  le  jioiut  le 
plus  voisin  de  l'œil  qui  puisse  être  vm  dislinctement  est  à  10  centi- 
mètres de  l'o'il.  On  voit  que  cette  [laialhixe  dépasse  toujours  de 
beaucoup  la  limile  de  plus  petite  différence  perce])lible  pour  un 
mouvement  de  l'œil  qui  est  inférieuie  à  1';  rappelons  pour  donner 
une  idée  de  la  grandeur  des  angles  que  le  diamètre  apparent  de  la 
lune  correspond  à  un  angle  de  29'. 


Fig.  122. 


SENSATIONS   VISUELLES 


645 


DISTANCE 

ANGULAIR  E 
DE  J.   V. 

VALEURS  MAXIMA  DE  LA  PARALLAXE 

DK    VISION    INDIRECTE 

PUNCTUM 
PROXIMIM 

à  10  cm. 

PUNCTUM 

PROXIMUM 

à  io  cm. 

PUNCTUM 
PROXIMUM 

à  i-T  cm. 

PUNCTUM 

PROXIMUM 

i  40  cm. 

10 

6']"" 

4'10" 

2'30" 

l'34" 

5" 

3ri4" 

20'49" 

12 '30" 

7 '49" 

10» 

1 

10  2' 14" 

41 '29" 

24'54" 

lô'34" 

20° 

2»  2'36" 

r-21'44" 

49'  2" 

30'39" 

30- 

i 

2o59'16" 

lo59'29" 

rir4i" 

44'48" 

!           45" 

4ol3'39" 

2°49'  1" 

l''4r23" 

lo  3'22" 

60° 

50  9-22" 

3"26'  5" 

2°3r36" 

loi7'i5" 

Il  est  donc  certain  qup  la  parallaxe  de  la  vision  indirecte  peut 
être  considérée  comme  jouant  un  rôle  capital  dans  l'appréciation 
(les  distances. 

Ceci  étant,  l'auteur  résume  les  moyens  principaux  qui  permettent 
l'appréciation  de  la  distance  d'un  objet  à  nous,  voici  le  tableau 
doniu^  : 


MOYENS   PRIMAIRES   POUR   LA   PERCEPTION    DES    PROFONDEURS 


Vision  monoculaire. 

1°  Les  sensations  musculaires  (|ui 
accompagnent  les  cliangeiiients  de 
raccoiniuodation. 

2"  L'incompatibilité  entre  l'angle 
visuel  et  l'angle  de  rotation  de  l'œil  : 

a.  pendant  les  changements  de 
raccoiiiniodation. 

b.  pendant  la  rotation  de  l'œil. 

c.  pendant  le  niotivement  des 
objets. 


Vision  binoculaire. 

\°  Les  sensations  musculaires  qui 
accompagnent  les  mouvements  de 
convergence  des  yeux. 

2°  L'incompatibilité  des  images 
rétiniennes  dans  les  deux  yeux  : 

a.  pendant  les  changements  de  la 
convergence. 

b.  pendant  la  rotation  commune 
des  deux  yeux. 

c.  pendant  le  mouvement  des 
objets. 


On  voit  combien  la  ressemblance  est  grande  entre  l'appréciation 
des  distances  avec  un  œil  et  par  la  vision  binoculaire,  c'est  un  grand 
mérite  de  l'avoir  montré  ;  la  plupart  des  auteurs  qui  s'en  sont 
occupés  ont  affirmé  que  l'appréciation  avec  un  œil  se  faisait  bien 
plus  mal  qu'avec  deux  yeux,  pourtant  cela  ne  correspond  guère  aux 


646 


ANALYSES 


faits  observés  fous  los  jouis  ;  en  efl'et,  lorsque  nous  regardons,  nous 
no  voyons  qu'une  partie  seulement  du  champ  visuel  avec  les  deux 
yeux,  de  grandes  portions  de  notre  champ  visuel  sont  vues  seule- 
ment avec  l'un  ou  l'autre  des  deux  yeux,  puisque  le  nez,  les  joues  et 
les  autres  parties  du  visage  ne  [lerniettenf  pas  à  l'autre  œil  de  voir 
ces  portions;  si  donc  il  y  avait  une  différence  notable  entre  l'ap- 
préciation des  distances  avec  un  œil  et  celle  avec  deux  yeux,  cette 
différence,  comme  le  remaïque  l'auteur,  nous  gênerait  toujours, 
elle  nous  empêcherait  de  nous  guider  avec  autant  de  sûreté  dans  les 
portions  du  champ  visuel  qui  ne  sont  vues  cpie  par  l'un  des  deux 
yeux  ;  l'observation  journalière  nous  apprend  le  contraire,  nous  ne 
remarquons  souvent  pas  si  nous  voyons  tel  objet  avec  un  d'il  ou 
avec  les  deux,  tellement  la  différence  est  insignifiante  ;  il  fallait  donc 
l'expliquer  et  on  peut  dire  que  l'auteur  y  est  arrivé  d'une  manière 
très  ingénieuse. 

Dans  la  dernière  partie  de  sou  mémoire  l'auteur  é-tudie  quel  est 
le  rôle  que  joue  la  grandeur  de  la  pupille  ;  nous  avons  déjà  indiqué 
plus  haut  ce  résultat  qu'il  y  a  avantage  à  ce  que  la  pupille  soit  plus 
étroite  pour  que  les  cercles  de  dis[iersion  de  deux  points  situés  à 
des  distances  différentes  soient  plus  distincts  l'un  de  l'autre  ;  en 
général  la  grandeur  des  cercles  de  dispersion  est  d'autant  plus  faible 
que  l'ouverture  de  la  pupille  est  faible,  mais  d'aulre  part  lorsque  la 
pupille  diminue,  la  quantité  de  lumière  qui  entre  dans  l'œil  diminue 
aussi  ;  il  doit  donc  dans  chaque  cas  y  avoir  une  grandeur  de  la 
l)Upille  qui  satisfait  le  mieux  à  ces  différentes  conditions  ;  c'est  jtai- 
ces  causes  que  l'auteur  explii}ue  pourquoi  en  regardant  de  près  un 
objet  la  ])upille  se  contracte  et  elle  se  dilate  lorsqu'on  regarde  un 
objet  éloigné  ;  enfui  c'est  la  même  explication  qu'il  donne  de  l'origine 
de  la  forme  en  fente  de  la  pupille  du  chat  ;  le  chat  doit  surtout 
regarder  des  objets  situés  dans  le  plan  horizcmlal,  il  n'a  pas  besoin 
de  bien  apprécier  les  distances  des  objets  dans  les  directions  verti- 
cales, la  pupille  est  par  suite  étroite  dans  le  plan  horizonlal,  allon- 
gée (i)our  itermettre  à  la  lumière  de  mieux  passer)  dans  le  plan 
vertical. 

Cherchons  maintenant  à  lésuiuer  l'idée  g.'iu'iale  de  ce  mémoire; 
nous  avons  vu  (|ue  la  question  principale  était  :  \i:n-  quels  moyens 
arrivons-nous  à  ajtprécier  la  dislance  d'un  objet  à  l'ieil  dans  la 
vision  monoculaire  ?  Voici  la  ré|ionse  :  étant  d(Uinés  deux  [)oinls 
situés  tous  li'S  deux  à  droite  par  exeuqde  et  à  des  distances  inégales 
de  l'o'il,  ou  peut  (Tune  |iari  l'aire  liuirner  l'o-il  île  façon  à  fixer 
d'abord  l'un  |>uis  l'aulr*-  poiiii,  l"elV(u!  musculaire  dépensé  pendant 
la  rotation  de  l'u'il  dépt-nd  de  la  distance  angulaire  des  deux  points 
rapportée  au  centre  de  l'œil;  de  plus  chacun  des  deux  points,  vus 
dans  la  vision  indirecte,  donne  lieu  à  une  tache  (cercle  de  dispersion) 
sur  la  rétine,  la,  forme  et  la  position  de  celte  tache  sur  la  réfine 
dépendent  d'une  part  de  la  distance  angulaire  des  deux  points  et 


SENSATIONS   VISUELLES  647 

jniis  (le  la  dislanco  du  p>ia(  à  l'cL'il  ;  il  ou  résulle  doue  que  la  com- 
liiuaisou  de  ces  deux  fadeurs  permettra  de  dire  lequel  des  poiuts 
est  le  plus  près  de  IVeil  et  puis  lequel  des  points  esl  à  une  distance 
angulaire  plus  grande  et  dans  quel  sens  de  la  ligne  de  vision  il  se 
trouve;  les  points  seront  donc  localisés  dans  l'espace. 

Victor  Henri. 

A.  KIUSCHMANX.  —  Der  Metallglanz  und  die  Parallaxe  des  indirec- 
ten  Sehens.  {L' éclat  métallique  et  la  parallaxe  de  lavision  indirecte.) 
Philos.  Stud.,  XI,  p.  147-190. 

La  question  de  l'éclat  mélallique  est  Lien  difficile,  l)ien  délicate  et 
complexe,  il  y  a  tant  de  facteurs  qui  enirent  dans  la  perception 
d'un  éclat  métalli(|ue  que  d'abord  il  est  difficile  de  les  isoler  tous  ; 
il  est  aussi  1res  difficile  de  reconnaître  lequel  de  ces  facteurs  joue 
le  rôle  le  plus  important.  Ou  a  vu  avec  quelle  ingéniosité  l'auteur  a 
traité  la  question  de  l'appréciation  des  dislances  avec  un  œil,  ici 
nous  ne  pourrons  pas  être  aussi  satisfait  par  les  explications  projto- 
sées,  nous  rencontrerons  bien  des  points  qu'il  nous  est  difficile 
d'admettre. 

La  nature  de  l'éclat,  c'est-à-dire  la  question  de  savoir  quels  sont 
les  facteurs  les  plus  impoilants  dans  la  perception  <le  l'éclat  d'une 
surface  a  été  discutée  jtar  bien  des  auteurs  ;  les  uns  {Drïicke^)  l'attri- 
buent à  la  couleur,  à  la  réflexion  considérable  de  la  lumière  inci- 
dente et  à  la  nature  opaque  des  corps,  d'autres  {Aubert  -,  Ilering  ^) 
admettent  (pie  la  clarté  générale  et  surtout  les  changements  de 
■clarti'  constituent  les  facteurs  principaux,  Dove^  dit  que  l'éclat  se 
produit  lors({ue  nous  lecevons  dans  l'ceil  en  même  temps  des  rayons 
xéfléchis  régulièrement  par  la  surface  du  corps  et  des  rayons  pro- 
venant de  la  diffusion  de  la  lumière,  enfin  Wundt^  voit  dans  la 
(iifîérence  de  clart(''  des  deux  images  rétiniennes  (correspondant  à 
•(•ha([ue  œil)  le  facteur  le  plus  important  ;  dans  le  cas  de  la  vision 
monoculaire,  Wundt  remanjue  que  l'éclat  repose  sur  les  changements 
de  clarté  de  l'image  obtenus  i)ar  le  mouvement  de  l'œil.  On  voit  com- 
bien les  différentes  théories  diffèrent. 

Kirschmann  examine  d'abord  ces  théories  l'une  après  l'autre  <■!  il 
les  ciili(pie  toutes  à  l'exception  de  celle  d(.'  WundI  (|u'il  admet  ;ii»so- 
Jument,  mais  i|u"il  complète  encore  en  ciierchant  à  ex{)Ii(pier 
comment  l'iM-lal  se   prodiiil  l(U'S([u'on  oliseive  un  (dijet  avec  nii  o'il 

(1)  Briickc.  l'eber  den  M('/(dl;/l(iiiz.  Wiener  Sitz.  Hericlite,  vol.  XLIIl. 

(2)  Aubert.  l'/i;j.slol.  Oplil;. 

(3)  Ilering.  l'iiijsiol.  OiUitc,  dans  le  Ilandhiidi  f.  IMivsiol.  v.  lleriii.inn, 
vol.  m. 

(4)  Dove.  Opiische  Sludien,  1853. 

(5)  Wundt.  Beibiifje  zar  Théorie  der  Sinnevœulirnehiiunif/eii,   1802. 


648 


ANALYSES 


sans  le  mouvoir:  ici  il  fait  Jouer  un  rôle  imporlaul  à  la  parallaxe 
de  la  visiûji  indirecte,  il  est.  à  regretter  qu'il  ne  déciive  pas  avec 
plus  de  précision  comment  il  croit  que  cette  parallaxe  de  la  vision 
indirecte  agit,  les  explications  qu'il  donne  sont  vagues. 

L'auteur  s'occupe  principalement  de  l'éclat  métallique;  il  considère 
que  l'éclat  métallique  est  de  la  même  nature  que  les  autres  éclats, 
repose  donc  aussi  sur  la  parallaxe  de  la  vision  indirecte,  mais 
présente  quel(iue  chose  de  particulier  :  les  rayons  lumineux  en  ren- 
contrant une  surface  métallique  se  partagent  d'une  jtart.en  des  rayons 
réfléchis,  d'auti-e  part  en  des  rayons  qui  entrent  à  l'intérieur;  ici  ces 
rayons  rencontrent  des  surfaces  qui  ont  des  directions  bien  variables, 
ces  rayons  se  réilécliissent  sur  ces  surfaces  et  sont  rcnvoyé-s  ainsi 
vers  la  surface  incidenle,  ils  jifuvent  suivant  les  cas  soit  sortir  du 
métal  soit  de  nouveause  rélléchir;  c'eslune  théorie  de  la  constitution 
des  métaux  et  de  la  réflexion  nn'-tallique  qui  est  admise  par  la  plupart 
des  i»hysiciens  et  qui  exiili([ue  le  mieux  les  propriétés  (polarisation 
elliptique,  différences  de  phases,  etc.)  (pic  itossèdent  les  rayons 
lumineux  réfléchis  par  une  surface  métallique,  nous  renvoyons 
pour  ]dus  de  détails  et  povu-  riiistoricpie  de  la  question  au  Traité 
d'optique  de  Mascart,  2'  vol.,  ji.  +41-578,  et  aux  lerons  de  M.  Fousse- 
reau  sur  la  réflexion  métalliciue  (1894).  11  résulte  de  cette  théorie  que 
l'œil  recevra  suivant  une  direction  déterminée  des  rayons  réfléchis 
sur  la  surface  externe  du  métal  et  des  rayons  qui  après  réfraction  et 
des  réflexions  à  l'inférieur  du  métal  en  sortent;  les  ciiemins  par- 
courus jiar  ces  deux  genres  de  layons  sont  ditfi'i-ents,  cela  est  certain, 
il  eu  résulte,  dit  l'auteui',  (pif  toiilc  rolalidii  de  l'o-il  on  Imil  clian- 
gement  de  l'accommodation  conduiront  avec  eux  des  déplacements, 
«lus  à  la  parallaxe,  des  éclairements  de  la  surface  vue  dans  la  vision 
indirecte  (p.  168),  la  distribution  relative  des  points  clairs  et  des 
points  sombres  de  la  surface  change  lors({ue  raccommodation  change 
t't  aussi  lorscpic  l'icil  ot  l(pnin(''.  Mais  comment  ces  dinv-rences  dans 
les  chemins  paicoiinis  |iar'  ic>  rayons  contribuent-elles  à  ces  modifi- 
cations dans  les  (-clairements  de  la  surface  nK'Ialliiiuc,  voilà  ce  que 
l'auteur  ne  dit  pas;  et  puis  les  physiciens  admet  lent  bien  que  les 
rayons  lumineux  entrent  à  une  certaine  profondeur  dans  le  métal, 
mais  cette  profondeur  est  certaincnicnl  Inqi  faible  ]i(iur  (pi'il  i)uisse 
en  résulter  quebpu'  différence  pour  nos  perceptions  visuelles;  rap- 
pelons que  les  lames  niétalli(pies  (pii  sont  transparentes  (Uit  des  épais- 
seurs qui  se  mesurent  ])ar  des  millièmes  de  niillini(''lre  ])our  les 
nn^taux  les  j)lns  transparents  comme  l'ai'gent  par  exemjilc  ;  an  point 
de  vue  physique  ces  ('-[jaisseurs  minimes  suffisent  pour  apporter  des 
modifications  jiarticulièi'es  dans  les  jtropiiétés  lihysicpics  des  radia- 
tions lumineuses,  mais  (pr(Mi  puisse  baser  sur  cette  j)ropriété  des 
met  aux  la  théorie  de  l'éclat  niélallique,  c'est  ce  qu'il  faudrait  démontrer. 

l.'anleur  croit  donner  une  démonstration  de  l'exactitude  de  ses 
raisonuemeuls  en  produisant  ailiticielleiiunt  r('>clat  métalli(pie;  il  y 


■; 


^ 


jr 


SENSATIONS   VISUELLES 


649 


arrive  en  superposant  Tune  à  l'autre  des  feuilles  de  gélatine  trans- 
parente ou  de  mica  dont  l'épaisseur  est  environ  —  de  millimètre. 
On  peut  obtenir  ainsi  diiTérents  éclals  métalliques  en  prenant  des 
feuilles  un  peu  colorées  ;  d'après  la  théorie  ile  l'auteur  ces  feuilles 
superposées  l'une  à  l'autre  (au  nombre  de  20  à  30)  devraient  pro- 
duire le  même  etîet  que  l'éclat  métallique,  et  cela  est  réalisé  d'une 

manière  parfaite. 

Victor  Henri. 


>r 


M 


Fi^ 


1-23. 


c 

d 


J.  l.OEB.  —  Ueber  den  Nachweiss  von  Contrasterscheinungen  im 
Gebiete  der  Raumempfindungen  des  Auges.  {Sur  la  démonslralion  de 
l'existence  du  contraste  dans  les  perceptions  visuelles  de  l'espace.) 
Pfliig.  Arch.  f.  Physiol.,  vol.  LX,  p.  509-519. 

Loeb  cherche  dans  le  travail  analysé  ici  à  démontrer  l'existence 
du  contraste  dans  les  percei)tions  visuelles  de  l'espace  ;  voici  sur 
quels  principes  reposent  les  expériences  :  lorsqu'un  point  se  trouve 
à  dioite  du  point  fixé  par  l'œil,  il  est  vu  aune  cer- 
taine distance  de  ce  dernier  point;  si  on  place  nu 
second  point  plus  loin  à  droite  que  le  premier  il  y 
aura  efTet  de  contraste ,  c'est-à-dire  le  premier 
point  api^araîtra  moins  loin  à  droite  (ju'il  ne  l'était 
auparavant  ;  si  au  contraire  on  place  le  second 
point  entre  le  point  lixé  et  le  premier  point,  cr 
ilernier  nous  jiaraîtia  situé  ]dus  loin  à  droite  ;  la 
même  chose  s'applique  aux  points  situés  en  liant, 
en  bas  ou  à  gauche  du  point  lixé'  par  l'œil.  i.e> 
expériences  sont  faites  de  la  manière  suivante  :  la 
tète  de  l'observateur  étant  fixée  et  celui-ci  regar- 
dant probablement  (l'auteur  ne  le  dit  pas,  mais  on  le  comprend  ainsi) 
un  point  fixe,  on  [>lace  d'abord  une  droite  ab  située  à  droite  du  plan 
médian  M  du  sujet,  la  distance  de  ab  à  M  est  de  40  centimètres, 
seulement  l'auteur  oublie  de  dire  à  (pielle  dislance  de  cette  droite 
se  trouve  le  sujet,  car  sans  cette  donnée  la  distance  40  centimètres 
ne  signifie  rien  du  tout;  le  sujet  di'place  une  lÎL'ne  c^/ [uirallèle  à  ab 
jus(|u"à  ce  (pu'  i-elle-ci  paraisse  pour  lui  i'oiiner  le  iirulongement  de 
ab,  comme  cela  est  indi(iuésur  la  figure;  si  maintenant  on  place  une 
ligne  //"(marquée  sur  la  figure  en  poinlilléj  à  gauciie  de  cd,  la  ligne 
cd  paraîtra  se  trouver  plus  à  droite  et  il  faudra  la  déplacer  vers  la 
gauclu;  pour  qu'elle  paiaisse  de  nouveau  èli-e  dans  le  prolongement 
de  ab;  si  on  i)la(e  la  ligne;  //"à  droite  de  cd  on  aura  le  résultat  con- 
tiaire:  iauteui-  dit  qu'il  a  l'ait  beaucoup  de  déterminations  (piantila- 
tives  sur  liuil  sujets,  mais  (ju'il  ne  donne  pas  de  tables  parce  (pi  il  n  en 
résulterait  lieii  de  nouveau;  le  (b'-placement  apparent  pruiluil  jiar  le 
eontraste  est  de  3  à  G  millimètres,  mais  à  <pielle  lii.^lame  se  rappoi  te- 
l-il?  l'auteur  ne  le  dit  jias,  ou  ne  comjireiid  pa>  du  tout  ces  chillVes. 


650 


ANALYSES 


Eii>uite  il  reinar(|no  qu'mio  condition  iKM-osi^airo  ])our  rexisfoncc.' 
du  coiilraslt'  est  (jue  ralleutioii  soit  dirigée  simultain'mcnt  sur  les 
deux  lignes  If  et  cd,  sans  celte  condition  le  contraste  ne  se  produit 
pas. 

Est-ce  bien  là  un  phénomène  de  conliaste?  nous  ne  le  croyons 
pas:  lorsqu'on  clierclie  à  placer  une  ligue  cd  dans  le  prolongement 
de  ab  ou  s'occupe  |»eu  que  la  dislance  de  tv/au  plan  nu-diau  M  suit 
égale  à  la  distance  de  aô  au  même  plan,  ou  ny  pense  pas;  ou  cliculif 
bien  plutôt  à  jirolonger  par  Timaginatiou  la  ligue  ah-  el  à  placer  la 
ligne  cd  de  façon  qu'elle  se  confonde  avec  ce  prolongement  imagi- 
naire; de  plus  lorsipi'on  place  ensuite  une  ligne  //"  à  une  distance 
faible  de  cd  (comuu'  le  fait  l'auteur)  et  que  l'on  considère  la  ligure, 
on  peut  supposer  ou  (juc  la  ligne  cd  parait  être  éloignée  à  droite 
ou  que  ab  paraît  se  déplacer  du  côté  //",  le  résullal  final  sera  iden- 
tique dans  les  deux  cas,  c'est-à-dire  la  ligue  cd  paraîtra  se  trouver 
trop  loin  à  droite;  l'auteur  ne  renuir(iue  même  pas  qu'on  pourrait 
expliquer  le  phénomène  de  celle  façon,  pourtant  il  n'y  a  pas  de 
raison  pour  admettre  l'une  des  explications  plutôt  (jue  l'autre:  si 
on  suppose  que  ce  sont  les  innervations  dilft'-renles  des  muscles 
(jui  sont  la  cause  des  ditTérenles  illusions  optiques  il  est  certain 
qu'on  devrait  admettre  l'iiypolhèse  que  c'est  la  position  apparente 
de  ab  qui  a  chaiigé. 

Eu  somme  l'auteur  rapporte  des  expériences  (ju'il  ne  décrit  pas 
complètement  el  (ju'on  peut  comprendre  de  plusieurs  manières,  il 
nemonlrt-  pas  (|ue  l'explicaliou  proposée  découle  des  expériences  el 
il  n'iiulii^ue  ménu'  pas  la  possibilité  d'autres  explications. 

Victor  Henri. 


r( 


III. 


IMAGES  CONSÉCUTIVES 


S.-J.  FRA.NZ.  —  The  After-Image  Threshold.  [Le  seuil  d'excilation 
des  images  consécutives.)  Psych.  Rev.,  mars  189o,  p.  130-136. 

(»n  n'a  [luint  ('1  udi(' Juscpi'ici,  paraît-il,  cpirl  e>l  le  minimum  d'ex- 
citatiou  visuelle  nécessaiic  pour  |ir((VO(Hicr  mif  image  consécutive. 
1,'anli'tu'  a  étudié  cemiiiiuimii  d'cxcilatioii  au  lii|d(_'  point  de  vui^  dr 
l'intensité,  de  la  (Umensiou  el  de  la  durée.  Il  éclaire  |iai' dei'rière  un 
verre  translucide  au  moyen  d'une  laui|ie;  le  sujet,  jdacé  dans  une 
])ièce  obscure  et  séparé  de  la  lampe  jiar  un  grand  i'm  lau  dans  luie 
oiiverlinc  (lii(|iie|  le  venc  Irausiucide  es!  |iia(i'',  lixe  les  yeux  sur  ce 
verre  ;  on  coniuul,  au  moyc.'ii  d'expériences  pliotomélri(iues,  l'éclai- 
remeut  de  ce  v(ure,  et  ou  p<'ut  le  faire  varier  dans  des  ]ir(q>ortions 
connues  en  rapprochant  ou  eu  éloignant  la  lanqie  ;  on  peut  égale- 
ment agrandir  (lu  diuiiiiuer  la  grandeur  (lu  verre  eu  eu  recouviaul 
une  partie  avec  du  papier  noir;  eulin,  la  durée  de  [lerceptiou  peut 


* 


SENSATIONS   VISUELLES  6ol 

f'ti'o  mesurée  en  faisant  derrière  le  verre  osciller  un  pendule 
dont  le  temps  d'oscillation  est  connu,  et  qui,  à  son  passage,  obture 
on  découvre  l'ouverlure  ;  on  peut  également  faire  tomber  devant 
Fonverture  des  écrans  percés  eux-mêmes  d'oritices,  après  avoir 
calculé  le  temps  pendant  lequel  ils  découvrent  l'ouverture.  En  ce 
qui  concerne  l'image  consécutive,  on  a  cherché  à  établir,  sur  un 
nombre  donné  d'expériences  (par  exemple  100),  combien  de  fois  elle 
a  apparu.  Quatre  sujets  ont  pris  part  aux  expt'ciences,  qui  montent 
à  3000.  En  considérant  comme  étant  au  seuil  de  conscience  une  exci- 
tation qui  donne  une  image  consécutive  dans  75  pour  100  des  cas, 
on  a  les  résultats  suivants  :  avec  une  durée  d'une  seconde  et  une 
lumière  égale  à  ^r  de  celle  d'une  bougie,  il  faut  un  espace  carré  de 
4  millimètres  ;  avec  un  espace  carré  de  64  millimètres,  une  inten- 
site  de  -„  de  celle  d'une  bonifie,  il  faut  . —  de  seconde  ;  avec  un 
espace  de  64  millimètres  et  une  durée  d'une  seconde,  il  faut  une 
lumière  égale  à  — r:  de  la  lumière  d'une  boueie,  ou  à  peu  près.  Les 
images  consécutives  qui  se  sont  montrées  étaient  positives  et  né- 
gatives; 1500  positives  pour  5  négatives;  la  rareté  de  ces  dernières 
montre  qu'elles  résultent  d'excitations  fortes  qui  fatiguent  Iceil.  Enlin, 
comparant  ces  trois  facteurs  :  intensité,  surface  et  temps,  l'auteur 
remarque  qu'en  les  augmentant  de  quantités  égales  on  n'obtient 
nullement  les  mêmes  résultats.  Pour  avoir  les  mêmes  résultats 
(c'est-à-dire  le  même  tant  pour  cent  d'images  consécutives),  il  faut 
porter  le  temps  au  carré,  ou  doubler  l'intensité  ou  quadrupler  la 
surface. 

A.  BlNET, 


IV.  —  CECITE 

Th.  HELLEU.  —  Studien  zur  Blinden-Psychologie.  {Eludes  sur  la 
psychologie  des  aveugles.)  l'hilosoph.  Stud.,  vol.  XI,  p.  226-254,) 
406-470,  531-563. 

Voici  une  étude  d'un  grand  intérêt  psychologique;  on  a  heau- 
<-()iqt  écrit  sur  les  aveugles,  mais  la  plupart  des  auteurs  se  sont  sur- 
tout ou  du  moins  souvent  occupés  exclusivement  de  l'éducation  de 
l'aveugle  ;  l'étude  que  nous  analysons  nous  donne  b;  portrait  psyciio- 
logique  de  l'aveugle  ;  l'auteur  nous  montre  (juel  est  Télat  de  cons- 
cience de  l'aveugle,  cjnels  genres  de  représentations  il  a  et  comment 
il  y  arrive.  On  m;  trouve  pas  beaucoup  d'expéiiences,  elles  manquent 
souvent  et  elles  seraient  à  désirer,  mais  en  revanclu;  on  a  tbîs  ana- 
lyses détaillées  des  différents  actes  psychiques  de  l'aveugb;  et  des 
observations  d'vni  grainl  int(''iêt.  Passons  aux  détails. 

L'aveugle,  n'ayant  à  sa  disposition  ([ue  le  toucher  et  le  sens  de 
l'ouïe,  doit  oertainement  dilTérer  beaucoup  du  voyant  jiar  rapp(ul 
aux  représentations  de  l'espace;  la  première  question  qui  se  jiose 


65-2 


ANALYSES 


donc  est,  rétude  lU'S  ropiésontations  de  Tespaee  cliez  Taveugle,  leur 
nature  et  leur  genèse.  L"auteur  croit  que  c'est  uniquement  le  toucher 
tjui  permet  à  l'aveugle  d'avoir  des  représentatious  de  l'espace,  que 
l'ouïe  ne  peut  le  guider  que  lorsqu'il  est  déjà  habitué,  Inrsqvi'il  a  par 
expi'nience    éprouvé    qu'à  telle    sensation   auditive    correspond    tel 
mouvement    nécessaire    [lom-  aiti'indic    le  corps    sonore;    1  ouïe  ne 
peiinel    pas  à  lui  seul  le  dév(doppement  de  représentai  ions  de  l'es- 
pace, il  faut  (ju'il  s'y  ajoute  le  toncliei-,   el  ce  n'esl  (pi'à  ce  moment 
que   la  représentation  de  l'espace   peut   être  formée..  On   voit  que 
railleur  contredit  ici  la  tiiéorie  de  Miïnsterberg  et  de  plusieurs  autres 
psycliologues  (pii    aftirment  que  l'ouïe  peut  à  elle    seule    conduire 
à  un  développemenl   île  icjni'sciitations  de  l'espace.  Mais  les  aftir- 
maiioiisde  Faulenr  restent  des  aftirmalious,  il  ne  les  démontre  pas; 
ilcit(;  quelques  cas  ondes  aveugles  ne  [louvaient  pas  distinguer  d'où 
un  son  venait,  où  ils  faisaient  des  erreurs  dans  la  détermination  de 
la  dislance  du   cor[is  sonore,  mais  ces   cas  ne  parlent  ni  pour  ni 
conlic  la  llié'oiic  de  Mûnsterberg  ;  ce  chapitre  manque  de  précision, 
il  faudrait   faire    des   expériences   dans  lesquelles  on   étudierait  si 
l'aveugle  peut,  après  exercice,    airiver   à  des  localisations  de  sons 
plus  [«récises  qu'avant  l'exercice,  il  faudrait  mener  des  expériences 
parallèles;    dans   les  unes    on  permettrait  à  l'aveugle  de    mesurer 
ave(-  les  pas  et  des  mouvements  des  bras  la  distance  au  corps  sonore  ; 
dans    d'autres,   on    les   lui    dirait   seulement  ;    tMitui,    dans  d'autres 
eiu-on;  on  ne  lui  dirait  rien  du  tout  ;  ce  n'est  (ju'après  des  expériences 
de  ce  genre  (pi'on  jiourrait,  croyons-uons,  arriver  à  quelque  con<  lu- 
sion  précise  rtdaliveinenl  à  rimpoilance  (pie  les  sensations  auditives 
possèdent  dans  la    formalion  di's  i-epn'-senlalions   de    l'esjiace  chez 
l'aveugle;  l'auteur  ne  l'a  pas  fait,  ce  ciiapitre   est  chez  lui  le  jdus 
faibli';  lums  avons  commencé  |)ar  son  analyse,  (pioiqu'il  soit  un  des 
derniers,  parce  qu'il  est  d'une  imporlancc!  cai>ilale. 

Ceci  ('■tani  dil,  on  doil  suppo>eique  l'auteiirs'arrèteralonguement 
sni-  le  lourlierde  Taveugle  ;  il  le  fail,on  peut  bien  h;  dire,  trop;  une 
psychologie  de  laveiigle  où  iOO  pages  sont  consacrées  à  l'étude  du 
toucher  et  30  pages  seulement  aux  sensations  auditives  et  aux 
autr(>s  processus  ])sychiqnes  est  dis[>roporlioniii''e. 

Dans  le  loucher  nous  avons  plusieurs  facleiirs  :  d'nn  côté,  lasensi- 
lùlilé  de  la  peau  et  de  l'autre  les  mouvemtuils  avec  toutes  les  sensa- 
tions ipii  les  accompagnent,  l.'anleui'  étudie  longnemeut  quid  n'de 
rhacun  de  ci^s  fadeurs  joue  ilan>  la  formation  des  représentai  ions 
(le  rcs|iace,  el  il  arrive  à  la  ronrIn>ion  ipie  rhacun  de  ces  l'acleiirs 
isuh-nienl  ne  suflirait  pas  iiour  la  formation  de  représentations  dt^ 
l'espace;  ceci  nous  i»arail  Iroj)  général;  cpie  les  reiuéseutalions  de 
l'espace  seront  plus  comi)lèles  et  plus  exactes  lorsque;  les  deux  fac- 
teurs (sens  du  lieu  de  la  peau  et  sensations  musculaires)  enireronl 
enjeu,  cela  est  évident,  peisonne  ne  peut  le  nier;  mais  dire  que 
(luebiu'un  qui  aurait  iienlu  la  >ensibililé  tle   la   [«eau  et  conservé  lé 


!  •• 


I 


4 


SENSATIONS    VISUELLES  653 

sens  musculaire,  ne  peut  pas  avoir  de  représentations  de  Fespaee, 
ou  bien  encore  dire  qu'un  paralytique  qui  aurait  conservé  la  sensi- 
liilité  tactile  ne  pourrait  jias  non  plus  avoir  de  représentations  de 
l'espace,  est  une  aflhmalion  trop  générale;  nous  croyons  que  ces 
deux  individus  arriveraient  bien  à  quelques  représentations  de  l'es- 
pace ;  et  nous  en  avons  des  preuves  dans  les  observations  de  ditté- 
rents  cas  pathologiques;  l'auteur  n'a  même  pas  signalé  ces  cas  patho- 
logiques, qui  seuls  cependant  peuvent  conduire  à  quehiue  conclusion 
précise  sur  ce  point. 

Lorsque  l'aveugle  examine  avec  son  toucher  un  corps  (pielconque, 
il  peut  le  faire  de  deux  manières  différentes  :  ou  bien  il  tàte  le  corps 
de  tous  les  côtés  rapidement,  sans  s'arrêter  sur  les  ([i''lails,  dans  le 
but  de  se  former  une  idée  générale,  schématicjue  du  corps,  c'est  ce 
que  l'auteur  appelle  le  toucher  synthétique  ;  ou  bien,  procédant  plus 
lentement,  il  [leut  étudier  le  corps  dans  tous  ses  détails  pour  s'en 
former  une  représentation  exacte  et  précise  ;  c'est  le  toucher  analy- 
tique. Dans  le  toucher  synthétique,  c'est  surtout  le  sens  du  lieu  de 
la  peau  qui  entre  en  jeu  ;  dans  le  toucher  analytique,  ce  sont  les 
mouvements  des  différentes  parties  du  corps  :  doigts,  bras,  pieds,  etc.  ; 
le  sens  du  lieu  de  la  peau  ne  permet,  d'après  l'auteur,  que  la  forma- 
tion d'une  représentation  schématique  de  l'objet,  il  ne  donne  pas 
l'analyse  des  différentes  parties  ;  il  permet,  par  exemple,  à  l'aveugle 
<le  dire  si  un  corps  est  rcnid  ou  s'il  a  des  angles,  si  le  coips  est 
régulier  ou  non,  mais  pour  avoir  une  idée  plus  précise,  l'aveugle  doit, 
se  servir  du  loucher  analytique  en  parcourant  avec  son  index  les 
différentes  lignes  du  corps. 

En  étudiant  le  sens  du  lieu  de  la  ])eau  chez  l'aveugle,  l'auteur 
donne  d'abord  un  historique  dé! aillé  ;  nous  ne  nous  y  arrêtons  pas, 
nous  renvoyons  à  noire  revue  générale  sur  le  sens  du  lieu  de  la 
peau;  puis  il  ra|iporlc  quelques  expériences  personnelles,  et  il 
conclut  ([ue  le  sens  (lu  lieu  mesuré  avec  le  compas  de  Weber  est 
plus  déveloit|)é  cliez  raveiii;le  (]ue  cliez  le  voyant,  ce  (ir>veloj)jM'ment 
étant  dû  à  l'exercice  (^ue  l'aveugle  en  fait. 

Longuement  il  parle  des  mouvements  involontaires  (jne  l'aveugle 
fait  constamment  lorsqu'il  touche  quehpie  chose  ;  ainsi,  par  exemple, 
si  on  pose  sur  l'index  les  deux  pointes  du  compas,  l'aveugle  fait  des 
mouvements  faibles  avec  l'index;  ces  mouvements  sont  souvent 
involontaires,  l'aveugle  ne  peut  y)as  les  arrêter,  ils  consistent  à  sou- 
lever légèrement  l'index  et  à  b'  déplacer  aussi  de  côti'-  ;  ils  sont  li'ès 
rapides  et  servent  à  l'aveugle  pour  mettre  son  doigt  dans  des  condi- 
tions aussi  favorables  (pie  possible  jioui-  bien  jieictîvoir  la  nature 
des  contacts. 

Les  mouvements  que  l'aveugle  emploie  dans  le  toucher  analyli(ju(î 
consistent  toujours  à  faire  déplacer  un  ou  plusieurs  doigts  suivant 
les  lignes  dé  démarcation  de  l'objet  ;  l'auteur  dislingiu-  un  champ 
tactile  étroit  et  un  champ  larye  ;  le  premier  est  constitué  par  l'espace 


654 


ANALYSES 


compris  ù  riiilérioui-  de  la  muiii,  dont  tous  les  points  peuvent  être 
alleinls  par  le  pouce  et  l'index;  le  cliamp  tactile  large  est  constitué 
l>ai  l'espace  qui  peut  tMre  embrassé  par  les  l)ras  ;  lorsque  l'aveugle 
tàte  uu  corps  quelconque»,  si  ce  corps  est  petit,  il  ne  se  servira  que 
du  cliamp  étroil,  c'est-à-dire  il  ])arcourra  avec  l'index  tous  les  liords 
du  cor|is  sans  l'aire  de  niouvemenls  avec  les  bras  ;  si  le  corps  est  grand, 
il  sera  obligé  de  faire  des  mouvements  avec  les  bras  ou  même  de  se 
déplacer  lui-même,  il  transportera  donc  d"un  point  du  cori)s  à  l'aulre 
sa  main,  c'est-à-dire  son  champ  taclile  étroit;  une  qua^tion  se  pose 
ici  :  y  a-t-il  des  relations  entre  ces  difl'érents  champs"?  L'aveugle 
peut-il  rapporler  les  mesures  qu'il  a  faites  avec  son  pouce  et  son  index 
à  celles  faites  avec  les  mouvements  des  bras?  Ceci  a  lieu  dans  la 
plupart  des  cas,  l'aveugle  sait  approximativement  dans  quel  rapport 
S(^  trouvent  telle  grandeur  mesurée  avec  le  pouce  et  l'index  et  une. 
autre  grandeur  uu'Surée  par  uu  mouvement  du  bras,  et  une  troisième 
mesurée  avec  des  pas  ;  il  est  à  regretter  que  l'auteiu'  ne  se  soit  pas 
ari'èlé"  plus  longuement  sur  ce  point  intéressant,  et  qu'il  n'ait  [»as 
fait  d'expériences. 

1/auteur  remarque  que  lorsepie  l'aveugle  examine  un  jielit  objet, 
il  ne  se  sert  pas  seulement  de  son  index,  mais  aussi  du  pouce  ;  il 
prend  l'objet  avec  ces  deux  doigts  en  deux  poinis  opposés,  et  puis 
les  déplace;  les  iiioiiidrcs  variatio))S  delà  distance  enire  le  pouce  et 
l'index  renseignent  l'aveugle  sur  la  convergence  ou  la  divergence  des 
lignes  de  l'objet  suivant  lesepiels  les  doigts  se  déjtlaceut  ;  l'aveugle 
se  sert  de  ces  deux  doigts  connue  d'un  compas  dont  il  connaît  à 
(•lia(|ue  momenl  l'iMarlemcnt. 

IJne  question  li'ès  importante  |iour  la  pédagogie  est  de  savoir 
reconnaître  si  l'aveugle  a  une  repri'seulalitui  exacle  d'un  (d)jel.  Ou 
donne  à  l'aveugle  un  objet  (juelconejue,  il  le  tàle  de  tous  les  côtt-s; 
commeni  savoir  s'il  se  représenie  bien  la  l'orme  de  l'objet  ?  I.a  (|ues- 
liuii  est  en  réalili-  bien  plus  dil'licilf  (|u"elle  ne  le  paiail  à  picniière 
vue  ;  eu  elle!  il  y  a  des  cas  (u'i  ou  <  roil  (pie  l'aveugle  a  une  Ixmne 
re|)résentalion  del'cdijel,  puiscpi'il  jieul  le  retnuiver  parmi  d'aulics, 
qu'il  peul  eu  d(Uiner  une  desciipliou  avec  des  juots,  et  (louitani,  si 
ou  le  jirir  de  re|ii(>dnin'  l'idijel  avec  de  la  terre  glaise  par  exemple, 
il  n'y  arrive  pas  ;  l'auleiii  cruil  que  la  coud  il  iou  nécessaire  et  suffisante 
pour  p(Uivoir  atliruierque  l'aveugle  ;i  uni'  repri''senlaiion  exacte  il'un 
obji'l,  c'est  (pie  l'aveugle  reprotluise  cet  objet;  la  question  devrait 
èlre,  croyons-nous,  T'Iudiée  plus  eu  détails  ;  c'est  ici  que  se  pose  aussi 
la  ipieslion  :  quidle  giandeiir  l'aut-il  choisir  pour  les  modèles  qui 
servent  à  euseigner  ditli'i  eiiles  choses  à  l'aveugle  ?  Il  ne  faut  jias, 
d'apiès  l'auleur,  choisir  de  modèle  trop  grand,  cela  embrouille 
l'aveugle,  il  faut  que  le  uindèle  puisse  bien  èlre  étudié  jiar  le 
champ  tactile  étroil  ;  de  plus,  il  faut  toujours  se  rappeler  que  le  tou- 
cher |ieiiiiel  de  mieux  di>l  iiiyiier  di's  coutours  et  des  lignes  lorsqu'ils 
sont  formés  par  des   poinis   isidi'N  (pu;  lorsiju'ils  sont   formés    par 


i 


SENSATIONS    VISUELLES  653 

(li's  ligues  cuulinui'S  ;  c'est  là  un  point  oultlii-  el   iiégligt'  [»;ii- bien 
(les  pédagogues  des  aveugles. 

Plus  de  25  pages  sont  consacrées  par  rauteurà  Télude  de  l'écriture 
et  de  la  leclun^  des  aveugles  ;  il  nous  doinie  d'al)ord  un  long  liislo- 
rique  de  l'écriture  des  aveugles.  Les  premiers  essais  d'écriture  des 
aveugles  datent  du  xvi"  siècle;  nous  ne  j)ouvons  pas  entrer  ici  dans 
li'S  détails,  voici  les  traits  généraux  qui  si-  dégagent  de  l'hislorique  : 
d'abord  les  lettres  de  l'aveugle  avaient  la  même  forme  que  celles  des 
voyants;  elles  étaient  seulement  plus  grandes  et  étaient  imprimi'-es 
sur  carton,  de  façon  à  sortir  en  relief;  puis  viennent  des  mo(li(ica- 
lions  dans  la  forme  des  lellrcs  écrites  toujours  avec  des  traits  con- 
tinus, ce  ne  sont  plus  ipie  les  lignes  caracléristiques  de  chaque  lettre 
qui  sont  tracées  ;  pui>  vient  une  modilicalion  im|)(M(anle  ;  les  lettres 
ne  sont  plus  traci-cs  avec  dfs  lignes  continues,  mais  avec  des  points  ; 
de  là  un  ]>as  pour  réduire  le  nombre  de  points  an  minimum  en 
conservant  toujours  la  l'orme  des  letlres  desvoyanis  ;  mais  le  progrès 
le  plus  imporlani  est  celui  apporté,  en  1820,  ]iar  l'aveugle  (l'auteur 
oublie  de  dire  (ju'il  l'-tail  aveugle).  Draille,  c'est  le  changement  de 
la  forme  des  lettres;  les  letlres  sont  représentées  par  des  points 
isolés,  le  nombre  nuiximum  de  points  est  six  ;  en  arrangeant  de 

toutes  les  manières  possibles  les  dillerents  points  de  la  ligure  3  •  •  4 

5  •  •  0 
on  peut  obtenir  timtes  les  letlres  de  l'alphabet  ;  ainsi  par  exemple  la 
lettre  A  est  représentée  jtar  le  [loint  1  tout  seul,  B  par  les  deux 
points  1  et  3,  Cjiar  1  et  2,1)  par  les  trois  points  1,  2  et  4  ;  E  par  deux 
points  1  et  4;  F  par  trois  points  1,  2  et  3;  (1  par  les  qnalie  jioiMts 
1,  2,  3  et  4;  J  jiar  trois  points  2,  3  et  4  ;  etc.  ;  enfin  (J  par  cin(|  |ioiiils 
1,2,  3,  4  et  5;  X  [>ar  les  quatre  points  1,  2,  5  et  6  et  ainsi  de  suite. 
C'est  cette  écriture  qui  est  admise  maintenant  partout. 

Pour  lire,  l'aveugle  se  sert  de  ses  deux  mains,  il  lit  avec  les  deux 
index,  il  dé'place  l'index  dioil  >,ins  s'arrêter  heaucoup  sur  clia(pie 
lettre,  pour  se  faiie  une  idé-e  générale  ;  l'index  gauche  (|ui  le  suit 
l'ait  des  mouvenu'uls  tiès  lajiides  pour  bien  analyser  ehaipie  lettre  ; 
chez  <pu'l([ues  aveugles  [lourtant  cette  dill'érence  n'est  pas  aussi 
marquée. 

1,'autenr  a  fait  (piehpies  ex|ii'Tiences  SUi'  la  vitesse  de  lecture, 
voici  les  rt'-suitats  :  eu  deux  luiuules  ont  é-té-  lues  : 

Texte  poétique 14()  mots. 

Texte  en  prose lo8     — 

Mots  bissyilai)i(|iies 92     — 

Mots  bissyllabiques  uayaut  pas  de  sens.    .   .         68    — 

Il  est  à  regretter  que  l'auleur  n'ait  jias  doinn'  \r  nomlire  de  lellie.s 
cmrespondant  à  chaque  i-as.  t)u  voit  en  tout  cas  (pi'un  texte  ayant 
un  sens  est  lu  bien  jjIus  vite  ({u'unc  série  de  nn)ts  isolés,  non  liés 
entre  eux,  et  ces  derniers  plus  vite  que  des  syllabes  n'ayant  aucun 


Go6  ANALYSES 

sens;  il  serait  bien  iuléressanl  de  voir  comment  les  différentes 
vitesses  de  lecture  se  comportent  chez  le  voyani,  il  y  auiait  là  iieut- 
être  quelque  conclusion  intéressante  sur  la  question  de  savoir  quelle 
part  appartient  à  l'élénu^nt  sensoriel  et  quelle  part  aux  l'iéments 
]isvchiques  dans  la  lecture,  (juestion  très  intéressante  (jui  n"a  pas 
été  encore  étudiée  jusqu'ici. 

Dans  les  derniers  chapitres  l'auteur  porlc  son  .illcnlion  sur  le  phé- 
nomène souvent  observé  que  l'aveugle  pfiil  savoir  qu'il  s'approche 
<run  mur  lorsipi'il  en  est  encore  à  uiu-  dislance  de  quelques 
mètres;  ce  renseignement  est  apporté  à  l'aveugle  parles  sensalion> 
tactiles  très  faibles  que  l'air  exerce  sur  le  front  et  sur  le  visage  lors- 
((u'on  marche  conln-  un  mur;  un  second  laclfur  (pii  guide  l'aveugle  j, 

c'est  le  bruit  de  ses  pas  (jui  change  lorsqu'on  s'approche  d'un  objet;  | 

l'auteur  cite  bien  (jnelques   expériences,   mais   elles  sont  Iroi)  peu 
nombreuses. 

Enfin,  les  dernières  pages  sont  consacrées  aux  Surrogatvovslel- 
lungen,  c'est-à-dire  à  des  représentations  ((m-  l'aveugle  a  de  certains 
(dqels  qui  ne  correspondent  pas  du  tout  aux  objets  niénu's;  ces 
représentations  iiroviennent  de  ce  que  la  langue  a  une  multitude 
d(!  mots  liés  aux  sensations  visuelles,  l'aveugle  ajtprend  à  les 
employer,  seulement  il  ne  les  emploie  pas  dans  le  même  sens  qw 
\('  voyant;  c'est  par  ces  représentations  que  l'auteur  explique  l'audi- 
tion colorée  qu'on  observe  si  souvent  chez  les  aveugles,  qui  consiste 
en  ce  que  l'aveugle  associe  à  un  son  le  nom  d'une  couleur,  souvent 
elle  correspond  à  la  couleur  de  l'instrunieut  nnisical,  souvent  c'est 
une  association  affective,  c'est-à-dire  l'aveugle  a  appris  des  voyants 
que  le  noir  est  une  couleur  tiiste,  le  rouge  une  couleur  vive,  etc., 
il  a|)pelle  noir  un  accord   triste,  louge  un  air  vif,  etc. 

l-:n  résunn;  h;  travail  de  lleller  ]K'Ut  être  considéré  comme  un  com- 
mencement, il  soulève  liieu  (le>  ([uestious  à  étudier,  il  numtre 
combien  le  terrain  est  vast(î  et  inexploré,  espérons  donc  que  cette 
étude  entraînera  d'antres  auteurs  vers  des  sujets  analogues. 

Victor  Henri. 


V.  —  VISION   CHEZ   LES  ANIMAUX 

1.  F.  IM.ATlvVU.  —  Comment  les  fleurs  attirent  les  insectes.  lUillelin 
Acad.  Roy.  de  Relgiqtu',  nov.  1895. 

2.  1,1.  _  Un  filet  empêche-t-il  le  passage  des  insectes  ailés?  Bulletin 
Acad.  lloy.  de  lielgiciue,  sept.-ocL.  181)5. 

1.  Les  auteurs  ne  sont  pas  d'accord  sur  la  cause  principale  t|ui 
attire  les  insectes  vers  les  Heurs;  pour  certains,  c'est  la  couleur 
(Sprengel,  Delpino,  Millier,  Darwin,  Lubbock,  Dodel-Port,  Barrois)  ; 
l>our  d'autres,  c'est  l'odeur  (.Nageli,  Erreia,  Gevaert);  pour  d'autres, 


SENSATIONS   VISUELLES  657 

il  n'y  a  pas  d'attraction  (G.  Bonnier)  ;  la  biblioirraphie  détaillée  de 
cette  question  se  trouve  dans  l'édition  anglaise  de  l'ouvrage  de  Hei- 
mann  MûUer  :  The  Fertilisation  of  Flowers  hy  H.  Mïdier,  London,  1883. 

Plateau  a  fait  des  expériences  curieuses  sur  les  visites  des  insectes 
dans  les  fleurs  de  dahlia  ;  ces  fleurs  sont  formées  au  centre  par  un 
groupe  de  petits  fleurons  jaunes,  et  au  pourtour  par  un  cei'cle  de 
fleurons  ligules,  teintés  suivant  les  plantes  expérimentées  en  rouge, 
lose  ou  saumon  ;  l'ensemble  est  très  voyant.  Ces  fleurs  étaient 
visitées  par  des  bourdons  et  des  papillons  diurnes.  En  masquant  ces 
fleurs  au  moyen  de  feuilles  de  vigne  vierge,  Fauteur  a  constaté  que 
le  nombre  de  visites  qu'elles  recevaient  ne  diminue  pas  ;  l'insecte 
contourne  la  feuille,  glisse  en  dessous,  pour  atteindre  la  fleur  ;  on 
peut  conclure  que  les  fleurons  péripliéri([ues  colorés  des  dahlias 
n'ont  pas  le  l'ôle  qu'on  leur  a  assigné,  et  que  la  forme  et  la  couleur 
ne  pai'aissent  pas  avoir  de  rôle  attractif;  les  insectes  sont  évidem- 
ment guidés  vers  les  capitules  de  composées  par  un  auti^e  sens  que 
la  vue,  probablement  par  l'odorat. 

Beaucoup  d'expériences,  d'ailleurs,  et  d'observations  prouvent 
i[ue  le  sens  de  l'odorat  est  fréquemment  très  développé  chez  ces 
animaux  ;  l'exemple  classique  est  le  suivant  :  les  mâles  de  lépidop- 
1ères  nocturnes  peuvent  arriver  en  nombre  de  la  campagne,  jusque 
dans  rintérieur  des  grandes  villes,  ]iour  retrouver  une  femelle 
captive  éclose  dans  une  chambre  ou  dans  une  boîte.  D'autre  part, 
il  n'est  pas  du  tout  certain,  quoique  on  le  ivpète  partout  à  la  légère, 
que  les  invertébrés  distinguent  comme  nous  les  couleurs,  et  les 
conclusions  que  Paul  Bert,  Lubbock,  etc.,  ont  cru  pouvoir  tirer  de 
leurs  recherches  sont  erronées.  Les  préférences  des  insectes  pour 
tel  genre  de  couleur  no  |uouvent  pas  qu'ils  la  [lerroivent,  cai- 
•Graber  a  montré  {Grimdlinien  ziir  Erforschung  des  Ilelligkeits  und 
Farbensinnes  der  Thiere,  l'rague  et  Leipzig,  1884)  (|ue  les  inver- 
tébrés leucophiles,  cest-à-dire  i)référant  les  lieux  éclairés,  quand  ils 
sont  soumis  à  des  lumières  colorées,  choisissent  toujours  celle  qui 
réjtond  aux  rayons  les  plus  réfrangibles,  que  ceux  au  conti-aire  qui 
sont  leuco|ihobcs,  c'est-à-dire  préfi'-rant  les  lieux  sombres,  recher- 
chent constamment  les  rayons  de  moindre  réfiangibilité,  le  rouge, 
par  exemple,  leur  jtroduisant  l'effet  de  l'obscurité.  Or,  la  plupart  des 
animaux  sont  ou  leuco])liiles  ou  leucophobcs. 

2.  Le  précédent  travail  avait  pour  olijetla  vision  des  couleurs  par 
les  insectes  ;  celui-ci  met  en  cause  la  vision  des  formes.  On  a  j)ensé 
que  l'œil  à  facette  des  insectes  produit,  ]»our  cliaqui^  «-'l'jet,  des 
images  multiples,  nettes  cl  renversées;  mais  depuis  1889,  Plateau  par 
une  foule  d'expériences  a  [)rolesté  contre  cette  conclusion  et  derniè- 
r(;ment  Sig.  Exncr,  dans  un  liavail  qui  a  fait  ([uehjue  bruit,  a  pu 
photographier  l'image  rétinienne  de  l'insecte  et  montrer  (]ue  c'est 
uni;  imagf!  unicpu',  mais  plus  ou  moins  confuse,  et  compaiable  à 
■celle   qui  s'opère   à   l'aide  de  la  périphéiie  de  la  rétine  humaine. 

ANNÉE  PSVClIOLOGiyUE.   11.  42 


658 


ANALYSES 


Rappelons  quelques  indications  bibliograithiqucs;  les  lecliriclics  di' 
Plateau  sur  la  vision  chez  les  Aithroiiodes  uni  paru  en  cin([  jiarlips 
d'dïïslos  Bullelins  de  VAcad.  Roy.  de  Belgique,  1887  cl  1888.  l/ouvraiic 
d'Exner,  I)ie  Physiologie  der  facetlirten  Angen  von  Krebsen  und  Insec- 
ten,  Leipzig  uud  Wien,  a  paru  en  1891  ;  cntin,  celle  année,  en  1893, 
l^arker  (  The  Relina  and  Optic  Ganglia  in  Decnpods,  especially  in 
Astacus,  dans  Mitthcilungen  A.  D.  Zool.  Station  zu  Neapet,  1895, 
Heft.  I,  p.  30)  a  dcmontré  encore  une  fois  ex|ici'imcnlalcmcnl  ijuc 
l'image  ([ni  se  i'oime  dans  l'o-il  composé  est  unique,  droite  et  [>ius 
ou  moins  confuse. 

Plateau  reprend  cette  (luestion  à  propos  d'observations  cl  d'cxijc- 
rieuces  de  Speuce,  Stanley,  Pissot,  qui  disent  qu'un  lilet  à  laigcs 
mailles  tendu  devant  une  l'enètrc  empêche  les  mouches  de  pénétrer 
dans  rappartement.  Les  deux  premiers  auteurs  cités  cousiatent. 
l'exactitude  du  lait,  dont  on  lire  du  rcsic  ]»arti  eu  Italie  et  dans  le 
midi  de  la  France  pour  se  défendre  conire  les  moustiques.  Pissol 
repreiul  rexpérience,  sans  idée  précuni;uc  ;  il  entoure  d'une  cage 
en  filet  un  nid  de  guêpes,  et  constate  qu'après  quelques  hésitalious 
ces  hyménoptères  traversent  les  mailles  du  filet;  «  après  un  (|uarl 
d'heure,  il  n'y  avjiit  ]iresque  jdus  d"li(''silantes,  elles  IraversaienI  le 
lilet  tant  en  sortant  qu'eu  entrant.  »  [Le Naturaliste,  août  et  sept.  1889.  i 
Nous  citons  ces  exjjéiiences  parce  qu'elles  montrent  combien  Tob- 
servation  peut  devenir  insuflisante  quand  elle  n'est  |)as  dirigt''e  par 
nue  idée  claire.  Pissot  concluait  simpleineiii  (|u'iiii  lilel  ireni|iè(lie 
pas  toujours  les  mouches  de  jiasscr.  Plaleau  a,  cei  iaiiienieiil,  uiienx 
comjiris  la  (jueslion  :  il  a  vu  cprelh'  dr^iiendail  de  la  iicitclé  tie  la 
vision  à  l'aide  des  yeux  coniposés  ;  il  a  supposé,  comme  fait  à  véi-i- 
liei',  «  (pie  les  fds  du  tilel,  comme  pour  nous  les  hachures  d'une 
gravure  vue  à  distance,  judduisent  a\rv  instsctes  l'illusion  il'uue  siii- 
face  conliiiue.  L"arlliropod(;  se  cniil  devanl  un  (dislach;  plus  ou 
moins  translucide,  mais  oi!i  il  ne  perçoit  |ias  d'ouverlui-es  ».  ()i-, 
c'est  c(;  (jue  l'observation  allentivc  a  conlirnu'.  I>cs  guêpes  traversent 
bien  un  lilet  à  mailles  ayant  \n\('  largeui-  de  l'"',5;  seulement,  le 
passa'^e  direct  au  vol,  le  seul  (pii  exige  la  perception  à  dislance  des 
ouvertures  des  mailles,  est  très  lare  ;  les  guè|ies  làlonnent,  ren- 
contrent le  lilet,  s'y  accrochent  des  [)altes,  passent  |)ai' une  (uivertui-e 
et  s'envolent.  Le  mécanisint;  du  ]iassage  est,  on  le  voit,  tout  à  fait 
dilTérent,  et  u'exige  jias  une  j)eive|iliou  nette  de  la  l'oiiuc;  une  fois 
dans  les  mailles,  riusede  ne  voit  plus  (roli>lacle  devant  lui. 

\.    lilNET. 


III 

SENSATIONS   AUDITIVES 


REVUE  DES  RECHERCHES  RÉCENTES  SUR  LA  PHYSIOLOGIE 
DE  L'OREILLE  CHEZ  LES  SOURDS-MUETS 

IvItKIDL.  —  Beitràge  zur  Physiologie  des  Ohrlabyrinths  auf  Grund 
von  Versuchen  an  Taubstummen.  [Contributions  à  la  physiologie 
du  labyrinthe  d'après  des  expériences  sur  des  sourds-muets.)  Pflui;. 
Arch.  f.  Physiol.,  vol.  LI,  p.  119.  (1892). 

PULLAK.  —  Ueber  den  galvanischen  Schwindel  bei  Taubstummen. 

[Sur   le   vertige   galvanique    chez   les    sourd  s -muets.)   Pfl.    Arch., 
vol.  LIV  (1893),  p.  188. 

A.  BRICK.  —  Ueber  die  Beziehungen  der  Taubstummheit  zum  soge- 
nannten  statischen  Sinn.  [Sur  les  rapports  de  la  surdité  avec  le 
sens  statique.)  PU.  Arch.  vol.  MX  (1894),  p.  16-42. 

\\ .  .STERN.  —  Taubstummensprache  und  Bogengang  functionen.  {Le 
langage  des  sourds-muets  et  les  fonctions  des  canaux  semi-circu- 
laires.: PU.  Arch.,  vol.  LX  (1893),  p.  124-13G. 

Voici  quatre  mcmoires  qui  ont  tous  trait  au  même  sujet,  ce  sont 
(les  expériences  faites  sur  la  locomotion  et  sur  le  vertige  chez  les 
sourds-muets. 

L'organe  interne  de  l'audition  se  compose  de  deux  parties  fonda- 
mentales :  d'une  part,  le  vestibule  avec  le  limaçon,  d'autre  part  les 
(rois  canaux  semi-circulaires;  on  a  observé  depuis  Flourens'  que 
lorsqu'on  sectionne  un  ou  plusieurs  des  canaux  semi-circulaires  chez 
un  animal  il  en  résulte  des  mouvements  de  la  tète,  et  de  plus 
l'animal  ne  peut  pas  bien  se  tenir  debout,  sa  locomotion  et  son 
équilibre  sont  troublés.  Goltz*  émettait  en  1870  l'hypothèse  que  les 
canaux  semi-circulaires  constituent  un  organe  sensoriel  spécial  qui 

'!)  I*'li)urens.  Recherches  e.rpérimen  laies-  sur  les  propriétés  et  les  fonctions 
(lu  sijslème  nerveux.  2"  éd.,  1842,  p.  454-482. 

(2)  Goltz.  Pfliig.  Arch.  f.  Physiol.,  vol.  III. 


660  ANALYSES 

nous  indique  la  position  de  notre  tête  et  de  notre  corps  dans  l'espace, 
et  qui  nous  permet  de  nous  tenir  en  équilibre  ;  par  suite  certaines 
excitations  de  ces  organes  doivent  produire  des  troubles  particuliers, 
par  exemple  la  rotation  de  l'animal  autour  de  Taxe  de  son  corps. 
W.  James ^  eut  l'idée  de  faire  des  expériences  sur  des  sourds-muets  ; 
il  se  disait  :  si  le  vertige  est  dû  à  des  excitations  particulières  des 
canaux  semi-circulaires,  il  doit  en  résulter  que  chez  les  sourds-muets, 
qui  le  plus  souvent  ont  les  canaux  semi-circulaires  détruits,  il  n'y 
aura  pas  de  vertige  ;  James  plaçait  des  sourds-muets  sur  une  plate- 
forme tournante  et  après  un  certain  temps  de  rotation,  il  arrêtai! 
le  mouvement  et  observait  s'il  se  produisait  du  vertige  ou  non. 

Sur  319  sourds-muets  étudiés  il  trouva  que  chez  199  seulement  il  y 
avait  un  vertige  net,  chez  134  il  y  avait  un  vertige  léger,  enlin  186  ne 
présentaient  aucun  vertige  ;  les  expériences  comparatives  faites  sur 
200  personnes  normales  ont  montré  que  toutes  ces  personnes  à  une 
exception  près  ont  présenté  un  vertige  net;  la  différence  était  donc 
évidente. 

Kreidl  a  repris  la  question,  et  Ta  étendue.  Pour  étudier  les  effets 
de  vertige  il  se  plaçait  avec  le  sujet  étudié  sur  la  plate-form»'  tnur- 
nante  et  il  observait  les  yeux  du  sujet;  on  sait  (ju'une  personne 
normale  après  avoir  été  placée  sur  une  plate-forme  tournante  pré- 
sente un  vertige  accompagné  de  mouvements  réflexes  des  yeux  dans 
le  plan  horizontal. 

Kreidl  trouve;  sur  lO-i  sourds-muets  étiuliés  que  72  ne  présentent 
pas  les  mouvements  léllexes  des  yeux  qui  accompagnent  le  vertige. 
Une  deuxième  série  d'expériences  faites  par  Kreidl  a  consisté  à 
|)lacer  le  sujet  sur  la  plate-forme  et  à  lui  faire  indiquer  la  verticah'  ; 
|>our  cela  le  sujet  avait  les  yeux  fermés  et  il  devait  placer  une  aiguille  . 
dans  le  sens  (jui  lui  paraissait  vertical  ;  l'expérience  faite  sur  des 
l»ersonnes  normales  montre  que  celles-ci  placent  l'aiguille  toujours 
dans  une  direction  oldique  ;  sur  33  sourds-muets  étudiés,  12  (Uif 
placé  l'aiguilIc!  dans  une  direction  verticale. 

Enfin  le  môme  auteur  a  étudié  si  les  sourds-muets  ne  présentent  | 

|)as  certains  troubles  locomoteurs  dans  des  conditions  où  il  est 
nécessaire  de  se  tenir  en  équilibre  ;  il  leur  lit  faire,  les  yeux  ouverts 
puis  fermés,  les  exercices  suivants  :  marcher  en  ligne  droite,  se 
tenir  debout  sur  deux  pieds  et  sur  un  pied,  jtasser  par-dessus  un 
arbre  couché  sur  le  [ilancliei';  les  17  sujets  expérimentés  ont  tous 
sans  exception  présenté  des  troublrs  marqués  de  la  locomotion  ;  un 
seul  des  actes  précédents  jiouvait  être  exécuté  par  les  sourds- 
muets  aussi  bien  (jue  par  des  individus  normaux,  c'est  la  station  sur 
deux  pieds,  tous  les  autres  actes  étaient  réalisés  par  les  sourds- 
muets  avec  beauroup   de    maladresse.  Kreidl  arrive    à   la  suite  de 

(1)  W.  .laines.  The  Seii.sc  of  Dizzlness  in  Denf-Mules.  The  Americau  Jmir- 
nal  of  Otology.  Boston,  1882,  vol.  IV,  p.  239-254. 


SENSATIONS    AUDITIVES  G61 

ces  expériences  à  la  conclusion  que  les  canaux  semi-circulaires 
jouent  un  rôle  important  dans  le  maintien  de  l'cMiuilibre  de  notre 
corps. 

Pollak  a  étudié  si  les  sourds-muets  ont  un  sentiment  de  vertige 
lorsqu'on  fait  passer  un  courant  électrique  par  les  organes  auditifs; 
on  applique  les  électrodes  des  deux  col  es  près  des  oreilles  et  on  fait 
passer  un  courant  d'induction  ;  chez  les  personnes  normales  il  se 
produit  un  vertige  accompagné  de  mouvements  réflexes  des  yeux  et 
de  la  tête  ;  les  expériences  faites  sur  82  sourds-muets  ont  montré 
que  61  p.  100  ont  des  mouvements  de  la  tète  et  64  p.  100  des  mou- 
vements des  yeux  accompagnant  le  vertige;  chez  30  p.  100  il  ne  se 
produit  aucun  des  deux  symptômes  précédents  ;  l'auteur  conclut 
que  le  vertige  obtenu  par  un  courant  électrique  est  dû  à  une  exci- 
tation des  canaux  semi-circulaires. 

Une  étude  jikis  complète  que  les  jirécédentes  a  été  faite  par  Bruck  ; 
il  s'est  arrêté  spécialement  sur  l'étude  de  certains  actes  qui  néces- 
sitent uns  attention  appliquée  à  l'équilibre  du  corps.  Voici  les  actes 
étudiés  :  marcher  en  ligne  droite,  sauter  sur  un  pied  en  ligne  droite, 
se  tenir  debout  sur  un  pied,  se  balancer  debout  sur  une  planche 
lixée  par  les  deux  extrémités  et  située  à  une  hauteur  de  40  centi- 
mètres du  sol.  Tous  ces  actes  devaient  être  efîectués  les  yeux  fermés 
et  ouverts.  Pour  avoir  quelque  point  de  comparaison  les  mêmes 
expériences  ont  été  refaites  avec  des  personnes  normales. 

68  sourds-muets,  élèves  d'une  école,  ont  été  soumis  aux  expé- 
riences; leur  âge  variait  de  six  à  seize  ans;  de  plus,  14  sourds-muets 
plus  âgés  appartenant  à  une  société  de  gymnastique  ont  été  soumis 
aux  mêmes  épreuves. 

Sur  les  68  enfants  32  ont  présenté  des  difTérences  très  marquées 
avec  les  enfants  normaux,  les  autres  ne  présentent  pas  grande  diffé- 
rence. C'est  la  station  sur  un  pied  qui  rend  la  différence  très  frap- 
pante, entre  les  sourds-muets  et  les  normaux  ;  l'auteur  donne  le 
protocole  complet  pour  tous  les  enfants  étudiés,  il  nous  est  impos- 
sible, faute  de  place,  de  nous  y  arrêter  ;  il  est  à  noter  que  les  expé- 
riences de  Bruck  sur  le  vertige  produit  par  la  rotation  ont  donné 
des  résultats  différents  de  ceux  des  auteurs  précédents  ;  en  effet  il 
a  trouvé  que  le  vertige  se  produisait  chez  65  des  68  enfants  sourds- 
muets,  3  ne  le  présentèrent  pas  du  tout  et  12  le  présentèrent  très 
légèrement;  ce  sont,  on  le  voit,  des  chiffres  différents  de  ceux  de 
James  et  Kreidl.  Très  intéressants  aussi  sont  les  résultats  obtenus 
en  comparant  les  sourds-muets  de  différents  âges  :  les  jeunes  pré- 
sentent bien  plus  de  troubles  que  les  plus  âgés  ;  en  effet  sur  34  enfants 
appartenant  aux  classes  supérieures  12  présentent  des  troubles  ;  sur 
33  sourds-muets  des  classes  inférieures  20  seulement  présentent  des 
troubles  ;  la  différence  est  notable. 

Sur  les  14  sourds-muets,  âgés  de  dix-huit  à  trente  ans,  six  ont  pré- 
senté des  troubles  de  locomotion;  il  est  intéressant  de  remarquer 


662 


ANALYSES 


que  sur  ce  nombre  cinq  ne  présentèrent  pus  de  vertige  par  rota- 
tion. 

En  résumé,  les  expériences  précédentes  montrent  que  sur  82 
sourds-muets  étudiés  (68  enfants  et  14  adultes),  il  y  en  a  eu  43,  un  peu 
plus  de  la  moitié,  qui  ont  présenté  des  dilTérences  avec  des  per- 
sonnes normales  au  point  de  vue  de  la  locomotion. 

Ceci  établi,  quelle  est  donc  l'origine  et  la  cause  de  ces  troubles 
de  locomotion?  II  est  certain  que  la  perte  de  rouie  entraîne  avec 
elle  certains  troubles  dans  l'équilibre  du  corps,  mais  ces  effets  sont- 
ils  dus  à  la  destruction  des  canaux  semi-circulaires  ou  bien  résultent- 
ils  de  la  perte  de  la  faculté  d'entendre?  L'auteur  se  décide  pour 
cette  seconde  conclusion  ;  il  dit  que  la  perte  de  chacun  des  organes 
des  sens  entraîne  avec  elle  certains  troubles  de  l'équilibre  du  corps  ; 
ces  troubles  sont  plus  ou  moins  considérables  suivant  l'organe 
atteint,  c'est  donc  un  phénomène  général,  et  non  un  phénomène 
spécial  à  l'organe  de  l'ouïe. 


SOURDS-MUETS  ÉTUDIES 


K  R  E  I  D  I.     ET    P  0  I.  L  A  C  K 


Mouvfiiifiils  des  jt'ux\ 
apri'S  lolalioii  sur. 
une  )ilatc-foriiic.        f 


Nombre  do  sujels  clu- 
dii'-s 

Nombre  (lui  présentent 
les  mouvements  .    . 

Nombre  qui  ne  les  pré- 
seiilent  pas   .... 


Nombre  éludié 
me  eni    >,(j|„i,[.,.  ,.„;  |^  placent 

lieale  ,  t  ' 


l'iacer  une  aiftuille  enl 

rosilion      verlieale,\       oblimiement 
pendant  la  rotation;  ^Tp,,,,,^  .j,,;  ,.^  ,,,ace,u 

ertiealement   .    .    . 


de  la  platc-formc. 


'(  "•." 


Mouvements  de  la  tète. 


Nombre  étudié. 


j)ar    des   excitations 
électriques. 


i  Nombre  qui   n  en 
[      pas 


ont 


105 


VITESSE 
de  la  parole. 


100 


NETTETK 
de  la  parole. 


53 
41 

12 


,   ,  ''/S^'^l   Nombre    qui    ont    des 

et  des  jeux  produits)       n,ouvenients  .... 


49 


.30  1/2 


26  1/2 
i'.l  1/3 
Iti  1/2 


p.  100 

00  1/2 

78 


73  1/2 
70  2/3 
83  1/2 


30   1/2  03   1/2 
43 


p.   100 

27  2/3 

36  1/2 
23  1/2 


28  1/2 
31  2/3 
10   1/2 


p.   100 

47   2/3 

45  1/2 
40 


54  1/2  17 


100 

2/3 

1/2 


39 
41 
35   1/2 


53  2/3 

58  1/2 


37  1/2 
:i:i  1/î 
11 


14  2/3 
25 


23   l/i 
23   1/, 

23   \l': 


SOURDS-MUETS  ÉTUDIÉS  l'AR  BRUCK 

Nombre            '  Pas  de  (roubles  locomoteurs 29 

total  des  sujets     \              pariui  eux  parlent  mal ^ 

étudiés            I  Présenteut  des  troubles 32 

61               \           parmi  eux  parlent  mal '6 


SENSATIONS   AUDITIVES  663 

Passons  enfin  au  quatiit-me  travail,  (lui  est  de  N\ .  Stern.  Ewald  *  ù 
la  suite  d'expériences  très  nombreuses  est  arrivé  à  la  conclusion 
(ju'une  destruction  ou  une  excitation  des  canaux  semi-circulaires 
auit  sur  tous  les  muscles  striés  du  corps  ;  ces  actions  sont  dilîérenles 
suivant  les  muscles.  Ewald  porte  l'attention  sur  les  changements 
dans  les  ciùs  qui  se  produisent  chez  les  animaux  auxquels  on  a 
enlevé  les  canaux  semi-circulaires.  Stern  a  pensé  qu'il  serait  intéres- 
sant d'étudier  si  tous  les  sourds  muets  apprennent  à  parler  avec  des 
facilités  égales.  I/en(iuéfe  a  été  faite  sur  les  mêmes  sourds-muets 
(jue  ceux  que  Pollak,  Kreidl  et  Bruck  avaient  étudiés  et  les  résultats 
obtenus  sont  comparés  avec  les  résultats  de  ces  auteurs  sur  l'équi- 
libre et  la  locomotion  des  sourds-muets. 

Stern  constate  que  les  sourds-muets  qui  présentent  le  plus  de 
I  roubles  moteurs  apprennent  le  plus  difticilement  à  parler  et  parlent 
mal  ;  nous  transcrivons  ci-dessus  deux  tables  données  par  l'auteur, 
on  voit  par  ces  tables  combien  les  résultats  annoncés  sont  réguliers. 

Il  sufJit  de  jeter  un  coup  d'oeil  sur  les  tableaux  précédents  pour  se 
persuader  que  ceux  des  sourds-muets  qui  se  distinguent  par 
(juelque  signe  des  j^ersonnes  normales  parlent  plus  difticilement  et 
moins  bien  que  ceux  qui  ne  se  distinguent  pas  des  personnes  nor- 
males ;  il  y  a  donc  quelque  rapport  entre  la  lacullé-  de  parler,  les 
(lifîérents  actes  locomoteurs  et  le  vertige,  tel  est  le  résultat  tinal 

aucjuel  arrive  Stern. 

Victor  Henri. 

(',.  LECHALAS.  —  Sur  l'absence  d'espace  sonore.   Revue  de 
métaphysique  et  de  morah',  sept.  i89o,  \k  622-630. 

A  l'occasion  de  réflexions  et  de  critiques  de  Dunan*  et  de  Dau- 
riac*  sur  l'espace  sonore,  Fauteur  examine  les  conditions  de  percei»- 
tion  de  l'étendue  par  le  toucher  et  par  la  vue  ;  la  principale  de  ces 
<-onditions  n'est  point  le  concours,  la  synthèse  psychique  ou  fusion 
associative  (Wundt)  des  sensations  musculaires  avec  les  sensations 
lacliles  ou  visuelles;  il  faut  en  oulic  (|ue  clia([ue  point  de  l'objet 
puisse  impressionner  un  point  dé-termiué  de  l'oigane.  Le  sens  île 
l'iiuïe  ne  réalise  pnini  ces  ((Uidilions  :  deux  points  vibrants  ne  cnr- 
i('Sp(Ui(lenI  |>as  à  deux  pDiuls  dislincls  de  l'organe  audilif.  i,e  méca- 
nisme très  perfet:lionné  de  l'oreille  ccuisiste  à  faire  vibrer  une  nu'mf 
lilire  sous  l'inllueuce  conibinée  de  toutes  les  vibrations  isochrones, 
i-e  qui  est  bien  dilb'-rent.  11  en  résulte  que  s'il  existf^  une  localisation 
(lu  son,  on  ne  saurait  parler  sans  abus  de  mots  d'un  espace  sonore. 

(1)  Ewald.  l'hi/siolo(/isc/ic  l'ii/ffsuc/iinif/en  iib.  i/iis  Jùiduri/aii  (/es  .\ei'Vi/s 
■Oc/acus,  \-o\.  I,  in-8o,  18!t2,  Wiesbaden,  p.  106-176. 

(2)  T/iéorie  psi/cholof/iqiic  (le  l'espace,  p.  48  à  53. 

(3)  Essai  sur  ht  psi/cliolof/ie  du  uiusicien.  Rev.  Philosophique,  mars  1895, 
p.  267  à  269. 


664 


ANALYSES 


Pourquoi  révolution  u'éi-l-t'lle jamais  dour  roii^ane  de  l'ouïe  de  cette 
perception  spatiale?  Pour  deux  raisons  :  la  généralité  des  corps 
n'étant  pas  habituellement  animée  de  vibrations  acoustiques,  une 
perception  spatiale  du  son  manque  d'utilité  ;  en  second  lieu,  l'exis- 
tence d'une  image  réelle  est  la  condition  nécessaire  de  la  i)erception 
par  un  sens  dont  l'organe  n'atteint  pas  directement  l'objet  :  or,  la 
production  d'une  image  sonore  réelle  est,  pour  des  raisons  phy- 
siques, plus  difticile  à  obtenir  qu'une  image  visuelle  réelle;  on  y 
arrive  dans  les  laboratoires  au  moyen  de  doubles  rétlecteurs  placés 
de  part  et  d'autre  de  la  source  sonore  ;  les  animaux  ne  sauraient 
évidemment  disposer  d'un  réflecteur  allant  se  placer  au  delà  de 
l'objet  à  percevoir, 

A.    RiNET. 


IV 

SENSATIONS  DU  TOUCHER  ET  DES  AUTRES  SENS 


SOMMAIRE 

1°  Expériences  récentes  sur  la  diftercnciation  des  diverses  sensibilités  de 
la  peau,  llevue  d'ensemble  des  travaux  de  Kiesow,  Frey,  Nagel. 

2"  Recherches  de  Cavazzani  et  Manca,  Féré,  Griesbach,  Griffing,  Parrish, 
Tawney*. 

F.   KIESOW.  —  Untersuchungen    ùber    Temperaturempfindungen. 
[Etudes  sur  les  sensations  thermiques.)  Philos.  Stud.,  XI,  p.  135-U5. 

M.  V.  FREY.  —  Beitràge  zur  Physiologie  des  Schmerzsinnes.  [Con- 
tributions à  la  physiologie  du  sens  de  la  douleur.)  Bericht.  d. 
Koii.  Sachs.  Gesellsch.  d.  Wissensch.  zu  Leipzig,  p.  185-196,  283- 
295,  1894. 

M.  V.  FREY.  —  Beitràge  zur  Sinnesphysiologie  der  Haut.  [Contri- 
butions à  la  physiologie  sensorielle  de  la  peau.)  Rer.  d.  Kon.  Siichs. 
(lesells.  d.  Wissensch.  zu  Leipzig,  p.  166-184,  1895. 

A.  NAGEL.  —  Die  Sensibilitàt  der  Conjunctiva  und  Cornea  des 
menschlichen  Auges.  {La  sensibilité  de  la  conjonctive  et  de  la  cornée 
de  l'œil  humain.)  Plliig.  Arch.  f.  Physiol.,  vol.  LIX,  p.  563-595. 

A.  NAGEL.  —  Zur  Priifung  des  Drucksinnes.  (Sur  V examen  du  sens 
do  pression.)  Plh\'^.  Airh.  r.  IMiy.^i.d.,  vol.  LIX,  |>.  595-603. 

Voici  une  série  d'aiticles  luiius  dans  le  cornant  d'une  annre  qui 
ont  tous  pour  sujet  l'étude  de  la  sensibilité  ponctuelle  de  la  peau; 
disons  d'abord  quchjues  mots  pour  faire  comprendre  Fétat  de  la 
question  :  en  1882,  Magnus  Hlix  ^  publia  un  Iravail  très  important 
dans  lequel  il  annomait  (|ue,  lorsqu'on  touche  la  peau  avec  une 
pointe  fine,  on  peut  percevoir  suivant  les  (linv-renls  points  soit  un 

(Ij  Quelques-uns  des  travaux  récents  sont  analysés  dans  la  Revue  géné- 
rale de  V.  Henri  sur  les  sensatinns  du  toucher. 

(2)  Expei-iinenlelle  Bei/riif/c  zur  hisnnf/  der  Fraye  tiber  d'œ  xpecifische 
Everr/iedes  Haut nervoi.  ZelUch.  f.  Riol.,  vol.  XXI. 


666 


ANALYSES 


M 


contact,  soit  une  sensation  de  froid,  soit  enlin  une  sensation  de 
chaud  ;  cliacun  peut  facilement  véi  ilier  sur  lui-même  rexislence  des 
«  points  froids  »,  il  suftit  de  toucher  avec  la  pointe  d'un  crayon 
dilférents  jjoints  du  dos  de  la  main,  surtout  dans  des  réirions  voi- 
sines des  veines,  on  remarquera  ([ue  (juclquefois  on  perroit  un 
simple  contact  ni  froid  ni  chaud,  d'autres  fois  ce  contact  païaîlia 
très  froid,  et  il  y  aura  des  cas  inteinnédiaires  ;  pour  chercher  les 
«  points  cliauds  »,  on  chaufTei^i  un  peu  la  pointe  du  crayon  et  ou 
verra  que  pour  certains  points  on  a  un  contact  légt'i;ement  chaud, 
pour  d'autres  le  contact  sera  bien  plus  chaud  ;  mais  la  recherche 
des  «  points  chauds  »  est  beaucoup  jdus  diflicile  et  délicate  que 
celle  des  «  points  froids  ».  Goldscheider  a  repris  la  question  avec 
beaucoup  de  détails  et  beaucoup  de  soins*;  il  cherche  les  points 
chauds  et  froids,  il  indique  qu'il  y  a  aussi  des  points  qui  sentent 
mieux  les  pressions  que  d'autres  ;  ces  points  ont  été  appelés  «  points 
de  pression  »  (Druckpunkte)  ;  il  fait  une  topographie  détaillée  poui' 
différentes  portions  de  la  peau,  se  préoccupant  surtout,  comme 
Blix,  de  la  question  de  savoir  si  ces  dillërents  points  sont  constants; 
les  deux  auteurs  précédents  ont  observi'  cette  constance. 

\-]n  1892,  Max  Dessoir  publiait  un  long  mémoire  sur  le  même 
sujet  -  ;  ce  mémoire  contient  surtout  une  étude  sur  les  points  ther-  qi 

miques  ;  l'auteur  est  arrivé  à  un  résultat  contraii'e  aux  précédents  : 
—  «  les  points  thermiques  ne  sont  pas  lixes,  ils  sont  variables  avec 
le  temps  et  les  résultats  des  prédécesseurs  sont  inexacts.  »  La  ques- 
liun  ('lait  donc  ouverte;  d'une  part  on  avait  les  recherches  minu- 
tieuses et  détaillées  de  Blix,  Goldscheider,  etc.,  de  l'autre  l'étude 
x'apide  faite  par  Dessoir  avec  résultat  contraire;  pourtant  la  question  a 
son  ini])oilance  non  seulement  comme  étude  de  la  sensibilili'  île  la 
peau,  mais  à  un  point  de  vue  général,  comme  pouvant  fournir  des 
arguments  poiu'ou  contre  la  théorie  de  l'énergie  spécifique  des  nei'fs. 

r.  Kiesow  a  repris  la  question  de  l'étude  des  points  Iheirniques  de 
la  peau  au  laboratoire  de  Wundt,  il  a  employé  le  même  dis[(ositif 
([ne  Goldscheider  :  un  cylindre  en  cuivi'e  de  8  centimètres  de  lon- 
gueur, de  1  centimètre  de  diamètre,  terminé-  jiar  des  pointes 
coniques  de  chaque  côté,  est  emiiloyi'  pour  produire  les  contacts  ; 
on  touche  les  dillV-rinils  points  de  la  peau  avec  la  poinle  du  cylindre 
et  le  sujet  n'a  qu'à  dire  s'il  sent  un  contact,  une  douleui,  un  contact 
froid,  très  froid,  un  contact  chaud,  très  chaud  ou  même  biùlani, 
La  portion  de  la  peau  (''ludii'e  es!  le  milieu  de  la  face  inli'rne  de 
l'avanl-bras  ;  les  ditVéïH'uts  points  sont  luarcjnés  àl'enci'e.  Le  jiremier 
résultat  est  une  contiiinalion  de  ceux  de  (joldscheider  et  Blix  :  les 

(l).Vc//e  TlHtI.suchen  iicher  die  llitii/.si/uteircii.  Arcliiv,  I'.  Pliysiolog.  v.  Du 
Bois-lleymond,  année  1885,  supplément,  p.  1-110. 

(2)  Ueber  deii  lldtilsiiiii.  Anli.  t.  l'Jivslol.  v.  Du  Hois-Rcviuond,  année 
1892,  p.  170-340. 


I 

i 


SENSATIONS    DU    TOUCHER  667 

points  thermiques  sont  constants,  ils  ne  chaiiireiit  pas,  un  iioinl  doni 
le  contact  a  été  froid  est  également  senti  froid  après  un  intervalle 
de  plusieurs  mois.  Le  nombre  de  points  theimi(}ues  trouvés  par 
Kicsow  est  moindre  que  celui  que  (ioldsclieider  indique,  mais  cette 
dilîérence  peut  tenir  à  ce  fait  que  bien  des  fois  on  a  des  cas  dou- 
teux :  on  a  un  contact  qui  parait  à  peine  froid  ;  faut-il  maixjuer  le 
point  ou  non?  (Joldscheider  le  marcjue,  Kiesow  ne  le  marque  pas, 
d'où  la  différence  dans  les  nombres  trouvés.  Enfin  un  résultat  inlé- 
ressant  et  nouveau  est  que  certaines  portions  de  la  peau  qui  ne 
contiennent  aucun  point  froid  peuvent  tout  de  même  sentir  le  froid 
lorsqu'on  touche  ces  parties  avec  une  surface  froide;  il  est  vrai  (jue 
lorsqu'on  applique  la  même  surface  froide  sur  une  portion  qui  con- 
tient beaucoup  de  points  froids,  la  sensation  de  froid  augmente  con- 
sidérablement. 

Kiesow  ne  fait  qu'indiquer  dans  cette  note  préliminaire  quiiii  poini 
froid  étant  touché  avec  une  pointe  chaude  peut  percevoir  la  chaleur 
si  celle-ci  dépasse  une  certaine  limite,  différente  i>our  les  différents 
points  froids;  un  point  chaud  au  contraire  touch(;  avec  une  pointe 
froide  ne  perçoit  pas  le  froid;  mais  il  ne  fait  qu'indiquer  cette  ques- 
tion, se  réservant  d"y  revenir  prochainement. 

M.  V.  Frey  a  repris  l'étude  de  la  sensibilité  de  différents  points  de 
la  peau  par  une  méthode  nouvelle  qui  l'a  amené  à  des  résultais  très 
intéressants  ;  il  s'est  moins  occupé  des  points  thermiques  et  il  a 
surtout  porté  son  attention  sur  les  points  de  contact  de  la  peau. 
Pour  produire  des  contacts  ponctuels,  il  s'est  servi  de  différents 
idieveux  de  20  à  30  millimètres  de  longueur  ajustés  au  bout  d'un 
jietit  bâton  de  10  centimètres  de  longueur  dans  le  sens  perpendicu- 
laire au  bâton;  comme  ces  cheveux  étaient  pris  d'épaisseurs  diffé- 
rentes on  pouvait  obtenir  des  [tressions  différentes  bien  déterminées, 
l'auteur  les  avait  déterminées  avant  les  expériences  en  pressant  avec 
li'xirémité  d'un  cheveu  sur  le  plateau  d'une  balance  chimicpie  et 
<n  notant  quel  poids  il  fallait  mettre  sur  l'autre  plateau  jtour  que  le 
<lieveu  se  courbât;  ces  chiffres  ont  été  trouvés  constants  à  des  jours 
<lifférenls;  ensuite  il  a  mesuré  sous  le  microscope  la  section  des 
cheveux  et  il  multiplie  le  chiffre  de  la  pression  donnée  par  la  balance 
par  la  surface  de  la  section  liansversale  du  cheveu,  il  ex[)rime 
<lonc  les  pressions  en  gr.  mm  ^  ;  cette  manière  de  procéder  est 
sujette  à  des  objections,  qui  ont  été  indiquées  par  A.  ÎN'agel  dans 
le  mémoire  analysé  plus  loin;  en  effet  la  peau  est  tellement  épaisse 
<'t  irrégulière  en  comparaison  de  la  section  très  faible  du  cheveu 
(le  diamètre  est  d'environ  1 /20'''  de  millimètre)  qu'on  se  d(.'nuinde 
si  une  différence  (iuelcon(iue  de  sensation  peut  provenir  de  ce 
([u'on  touche  un  point  de  la  jieau  avec  l'extrémité  d'un  cheveu 
ayant  1/20*'  de  millimètre  de  diamètre  ou  avec  un  autre  de  l/SO^ 
de  millimètre  de  diamètre  donnant  à  la  balance  la  même  pression 
(jue  le  précédent;  l'auteur  suppose  qu'il  y  a  une  différence  et  il 


068 


ANALYSES 


rapporte  les  pressions  faites  par  les  extrémités  des  cheveux  à  ime 
même  unité  de  surface  de  pression. 

Avec  ce  procédé,  M.  v.  Frey  a  déterminé  les  seuils  d'excitations 
des  différents  points  de  la  peau  ;  il  a  remarijué  que  lorsqu'on  touche 
la  peau  avec  l'extrémité  d'un  cheveu,  il  y  a  des  points  qui  ne  sen- 
tent rien,  d'autres  sentent  un  très  léger  contact,  d'autres  enfin  sentent 
un  contact  bien  plus  intense,  qui  a  un  caractère  dilTérent  du  pre- 
mier, qui  ressemble  plutôt  à  une  douleur  qu'à  une  pression;  ayant 
fait  la  topographie  des  points  qui  sentent  à  peine  u-n  contact  et  de 
ceux  qui  sentent  une  légère  douleur,  il  détermine  quelle  est  la 
pression  minimum  qui  est  perçue  par  ces  dilîérents  points.  .Nous 
transcrivons  ci-après  quelques  chifCres  indiquant  les  pressions 
minima  pour  les  points  de  contact  et  de  douleur  des  différentes 
régions  de  la  peau;  les  chiffres  indiquent  des  grammes-millimètres 
carrés. 


REGION   DE   LA   PEAU 


Cornée 

Coiijniictivc 

I^angue 

Nez 

Lèvre  

Extrémités  des  doigts    .    .   . 
Bord  de  la  paupière   .... 

Front  

Face  dorsale  des  <lolgls.  .  . 
Face  interne  de  l'avant-bras 
Face  interne  du  ])ras.  .  .  . 
Face  externe  de  l'avant-bras 
Bord  externe  de  l'aisselle.  . 
Mu(|neuse  de  la  joue.    .    .   . 

Dos  de  la  main 

Dos  du  pied 

Peau  de  la  joue 

Brns,  face  externe 

Ventre 

Mamelle 

Plante  des  pieds  

Gland  

Taltm 


POINTS 

POINTS 

DE     CONTACT 

PI-     POULE  LK 

0,3 

gr.  mur 

0,2 

gr.  mm' 

2,0 

— 

2.0 

— 

2,0 

— 

2,0 

— 

2,5 

— . 

3,0 

— 

300 

— 

3,0 

— 

3,0 

— 

5,0 

— 

7 

— ■ 

20 

— 

7 

— 

30 

— 

8 

— 

30 

— 

U 

— 

12 



12 

— 

100 

— 

15 

— 

50 

— 

16 

— 

30 

— 

26 

— 

26 



15 

— 

27 

— 

28 

— 

114 

— 

250 

— 

On  voit  dans  le  tableau  précédent  que  les  pressions  minima  sont 
différentes  pour  les  points  de  contact  et  ceux  de  douleur,  les  pre- 
mières sont  en  général  jdus  faibles  que  les  secondes. 

Uelativeiiient  à  la  position  des  dilîérents  itoints  de  contact  et  de 
douleur  l'auteur  remarque  que  les  premiers  se  trouvent  tout  près 
de  poils,  les  autres  ont  une  distribution  irrégulière.  Voici  en  quoi 
les  points  de  contacts  se  distinguent  des  points  de  douleur  :  1"  par 


SENSATIONS    DU    TOUCUER  669 

la  position  difrérenle,  les  premiers  se  trouvent  sur  la  papille   (ou 
tout  près)  des  poils; 

2°  Par  une  difl'érence  dans  les  pressions  nn'nima  néoessaiies  pour 
provoquer  une  sensation,  cette  pression  niinima  est  plus  faible  pour 
les  premiers  que  pour  les  seconds; 

3°  Lorsqu'on  excite  les  diflerents  points  par  un  courant  d'induc- 
tion, la  sensation  obtenue  par  l'excitation  de  points  de  contact  est 
intermittente;  même  dans  les  cas  où  le  nombre  de  vibrations  est 
('"i,'al  à  120  ])ar  seconde,  on  a  l'impression  d"un  tremblement;  les 
points  de  douleur  au  contraire  donnent  une  sensation  continue, 
même  lorsque  le  nombre  de  vibrations  est  égal  à  20  seulement;  la 
sensation  présente  le  caractère  désagréable  de  la  douleur,  elle  est 
pénible  ; 

4"  En  excitant  jiar  un  courant  continu  un  point  de  contact  on  a 
une  sensation  intermittente,  rythmique,  qui  revient  et  cesse  ;  un 
jiointde  douleur  donne  une  sensation  continue. 

I/auteur  étudie  l'influence  que  difTérenles  causes  externes  ont  sur 
la  valeur  de  la  pression  minima  pour  les  points  de  contact  et  de 
douleur;  après  avoir  tenu  pendant  deux  minutes  la  main  dans  de 
l'eau  froide,  la  i)ression  minimum  pour  les  points  de  contact  reste 
invariable,  celle  pour  les  points  de  douleur  augmente  du  double. 

Dans  le  cas  de  tension  de  la  peau  et  de  frottement  de  la  peau,  la 
pression  minimum  augmente  également  pour  les  deux  genres  de 
points.  Enfin  l'exercice  a  une  influence  considérable,  les  minima  des 
pressions  diminuent  après  l'exercice. 

Ayant  fait  ces   déterminations  générales  l'auteur  a  cherché   s'il 
n'existe  pas  de  parties  du  corps  où  l'une  quelconque  des  sensibilités 
fait  défaut;  il  étudie  d'abord  la  sensibilité  de  la  cornée  et  de  la  con- 
jonctive; sur  la  cornée  il  trouve  qu'il  n'existe  que  des  points  sentant 
la  douleur;  sur  la  conjonctive  il  y  a  des  points  de  douleur  et  puis 
des  ifoints  froids,  il  n'y  a  pas  de  i)oints  chauds,  qnoiipie  l'auteur  les 
ait  cherchés  avec  soin  par  des  procédés  dilleients;  il  n'y  a  pas  non 
|tlus  de  points  de  contact.  Les  points  froids  sont  surtout  nombreux 
sur  le   bord  de  la  conjonctive  de  l'œil.  11  y  a  un  autre  endroit  du 
corps  humain  où  l'on  ne  rencontre  que  des  points  de  douleur  et  des 
points  thermi(iues  et  où  les  points  de   contact  manquent,   c'est  le 
gland.  La  mu<}ueuse  de  la  joue  possède  des  points  de  contact  et  des 
points  thermiques,  il  n'y  a  pas  à  cet  endi'oit  de  points  de  douleur. 
Après  ces  constatations,  l'auteur  cherche  quelles  sont  les  particu- 
larités dans  la  structure  analomiqne  de  ces  différentes  parties  de  la 
peau  ;  il  remarque  que  dans  la  cornée  il  n'y  a  (jue  des  teiminaisons 
nerveuses  libres,  ce  sont  donc  les  terminaisons  nerveuses  libres  qui 
excitées  donnent  lieu  aux  sensations  de  douleur. 

Les  corpuscules  de  Krause  se  rencontrant  surtout  dans  la  conjonc- 
tive, l'auteur  conclut  tjuc  ce  sont  ces  corpuscules,  qui  excités  don- 
nent lieu  aux  sensations  di-  froid. 


(570  ANALYSES 

Les  corpuscules  de  Ruflîni  se  rencontrant  surtout  dans  le  gland, 
il  eu  déduit  que  ce  sont  ces  corpuscules  qui  servent  pour  les  sensa- 
tions de  chaud. 

Enfin  ce  sont  les  corpuscules  de  Meissner  (jui  correspondent  aux 
points  de  contact. 

Tels  sont  les  résultats  auxquels  est  arrivi'  M.  v.  Frey  après  des 
recherches  très  minutieuses,  qui  Jettent  une  lumière  nouvelle  sur  la 
sensibilité  de  la  peau,  et  qui  montrent  combien  c^ette  sensibilité 
simple  à  première  vue  est,  en  réalité,  compliquée. 

A.  Nagel  est  entré  en  discussion  avec  M.  v.  Frey,  il  a  repris  ses 
expériences  sur  la  sensibilil»'-  de  la  conjonctive  et  de  la  cornée  ;  seu- 
lement il  a  changé  la  méthode  ;  en  touchant  la  cornée  ou  la  conjonc- 
tive de  l'œil  avec  le  bout  d'un  cheveu,  il  obtient,  comme  Frey,  une 
sensation  de  douleur,  mais  on  peut,  dit-il,  produire  aussi  sur  ces 
endroits  des  sensations  de  contact  sans  douleur  en  touchant  avec 
un  objet  mou,  jilat  et  un  peu  mouilli',  comme  par  exemple  avec  un 
pinceau  mouillé  ;  dans  ces  cas  on  n"a  i)as  de  douleur,  on  a  une 
sensation  de  contact.  On  voit  qu'il  s'agit  là  d'excitations  ditlerenles, 
d'un  côté  le  contact  de  points  uniques  (Frey),  de  l'autre  le  contact 
d'une  surface;  on  ne  peut  jias,  à  noire  avis,  confondre  ces  deux  cas 
comme  le  fait  Nagel;  ce  sont  des  (]uestions  qui  doivent  certainement 
avoir  un  rapport  l'une  avec  l'autre  mais  qui  sont  tout  de  même  diffé- 
rentes et  qui  seraient  à  étudiei'  séparément;  il  serait,  croyons-nous, 
intéressant  de  voir  comment  sur  des  parties  différentes  de  la  peau 
les  conlacis  de  surfaces  se  nianifestent  ;  nous  avons  indiijué  un 
premier  essai  en  analysant  le  travail  de  Kiesow  ipii  trouve  qu'une 
région  qui  ne  contient  pas  de  poiiils  IVoids  sent  le  froid  lors(]u"on  la 
touche  avec  une  surface  IVoide. 

Nagel  a  aussi  fail  des  expériences  sirr  la  sensibililé  lhernii(|ue  de  la 
conjonctive,  il  liouve  comnu'  Frey  ([ue  la  conjonctive  peut  percevoir- 
le  froid,  ([u'il  y  a  des  jioints  froids  sur  la  conjonctive;  il  confirme 
tîucorc  le  résultat  obtenu  |)ar  l'rey  qne  la  conjonctive  m'  i)erçoit  pas 
le  chaud;  il  n'y  a  pas  de  jmmuIs  chauds  dans  la  conjonctive  de  l'œil. 

Le  second  m(''moii'e  de  Nagel  est  une  crili([U('  de  la  méliiode  de  la 
mesure  de  sensibilité  employée  pai'  Frey;  Jious  avons  vu  (|ue  celui-ci 
toucliait  la  ]iean  avec  l'extrémité  d'un  clieveu;  il  ne  ])renait  pas 
l'effort  nécessaire  pour  courber  le  cheveu  comme  mesure  de  la. 
pression,  il  mulli|iliait  cet  clforl  pai'  la  section  transversale  du 
cheveu;  Nagel  dit  (jne  la  section  du  clieveu  est  tellement  faible  que 
le  cheveu  en  pressant  sur  la  peau  n'agit  ])as  directement  sur  les  nerfs, 
il  agit  sur  les  nerfs  par  l'inteiinédiaire  de  la  peau,  donc  l'effet  sera 
le  même,  (ju'on  touche  un  point  de  la  peau  avec  le  bout  d'un  cheveu 
de  1  20"^  de  millimètre  de  diamètre  ou  avec  un  cheveu  de  d;30^  de 
millimètre  de  diamètre  si  les  efforts  de  ces  deux  cheveux  sont  égaux  ; 
il  fallait  des  expthiences  i)Our  étudier  ce  point  et  trouver  que  ces 
vues  sont  confirmées.   Il  est  bien  à  regretter   que  Frt^y   n'ait  pas 


SENSATIONS    DU    TOUCUER  671 

donné  dans  ses  tables,  à  côlr  des  chiffres  en  i;r.  mm  ^  les  eliiffres 
exprimant  les  efforts  totaux  de  i)ression  dans  les  différenls  cas. 

On  voit  que  les  observations  de  Blix  et  (îoldscheider  n'épuisent 
pas  le  sujet  si  int('ressant  de  la  sensibilité  des  points  iiniques  de  la 
peau,  nous  considérons  comme  un  résultat  des  plus  importants  pour 
la  physiologie  de  la  peau  les  observations  de  M.  de  Frey  sur  les 
sensibilités  des  difféientes  régions  de  la  peau  où  (elle  ou  telle  forme 
de  sensibilité  man(iue;  ce  défaut  dans  un  ou  [tlusieurs  des  genres 
de  sensiblilité  conduira  certainement  à  l'explication  du  rôle  que 
joueal  les  différents  corpuscules  nerveux  de  la  peau;  un  premier 
essai,  important  surtout  par  la  méthode  indiquée,  a  été  fait  comme 
nous  l'avons  montré  par  Frey. 

11  est  vraiment  curieux  que  ce  fait  de  la  sensibilité  des  difféi-ents 
points  de  la  peau  ait  été  remarqué  aussi  tard;  pourtant  on  avait, 
depuis  Weber,  pendant  trente  ans  fait  des  expériences  sur  la  sensi- 
bilité tactile  oii  on  touchait  la  peau  avec  deux  pointes  de  compas; 
si  on  ne  s'était  pas  contenté  de  réponses  seulement  sur  le  nombre 
de  contacts,  si  on  avait  interrogé  les  sujets  sur  la  nature  du  contact, 
en  somme  si  on  avait  pris  toutes  les  fois  l'observai  ion  interne  du 
sujet  sur  ce  qu'il  sent,  on  aurait  depuis  bien  longtemps  remarqué 
(|ue  souvent  on  perçoit  des  points  froids,  comme  ](>  remarquent 
maintenant  tous  ceux  qui  s'occupent  de  la  question  de  la  sensibilité 
<le  la  peau;  de  ces  simples  observations  internes  il  serait  résulté  des 
résultats  nouveaux  et  intéressants.  N'y  a-t-il  pas  là  une  leçon  pour 
tous  ceux  qui  font  des  expériences  de  psychologie  d'une  manière 
automatique,  sans  prendre  d'observations  internes?  souvent  celles-ci 
ifnft-rmeut  des  résultats  bien  i)lus  importants  que  tous  les  chiffi'es. 

Victor  Henri. 

r.AV.VZZAM  »'t  MANCA.  —  Alterazioni  délia  sensibilita  termice  e 
tattile  in  seguito  a  lesione  del  nervo  radiale.  {AUéraiions  de  la 
sensibililé  thermique  et  tactile  à  la  suite  d'une  lésion  da  nerf 
radial.)  Uifornui  niedica,  1895. 

Section  du  nerf  radial  par  traumatisme  un  peu  au-dessus  du  jtoi- 
unef  ;  paralysie  du  mouvement  et  de  la  sensibilité  dans  le  domaine 
(if  (lislribution  du  nerf  radial  ;  à  noter  (|ue  l'anesthésie  laclib^  n'oc- 
riipait  pas  exacleniciil  la  iiiriiif  /une  (juc  ran('>l  lir'>ii'  lbfniiii|iii',  la 
/(lue  de  celle-ci  élail  rn  ouln-  jihis  étendue.  Conclusion  :  les  libres  de 
transmission  pour  ces  dillVi  riilf- seiisibilKés  ne  sont  jias  les  mêmes. 

(",11.  FËIdi.  —  Note  sur  la  sensibilité  de  la  pulpe  des  doigts. 

(C.  R.  Soc.  dr  Hiologie,  19  wA.  180o,  p.  657-060.) 

Féré  avait  déjà  conslalé-  (pTil  existe  une  ndatiuii  eiilie  la 
disposition    des    crèl(.'S    papillaiies    des    doigts    el     leur    nudiicité 


672  ANALYSES 

(1891).  Une  relation  semblable  existe  avec  la  sensibilité  des  doigts. 
(Juand  la  sensibilité  digitale  est  peu  développée,  les  dis[)osilions 
des  lignes  papillaires  sont  les  plus  simples  et  le  idus  généralement 
transversales.  Les  dispositions  les  plus  compliquées  de  ces  crêtes 
sont  les  plus  favorables  à  la  discrimination. 

H.  Beaunis. 

H.  dniESBACH.  —  Beziehungen  zwischen  geistiger.Ermùdung  und 
Empfindungsvermogen  der  Haut,  /{apport  entre  la  fatiyiie  men- 
tale et  la  faculté  de  perception  de  la  peau.)  Aixb.  f.  Hygiène, 
Ed.  XXIV,  ncrt2,  189a. 

I/écart  à  donner  à  deux  poiules  pour  ({u'elles  soient  jierçues 
doubles  par  la  i)eau  (expérience  bien  connue  de  We])er)  augmente 
sous  l'influence  de  la  fatigue  mentale  ri  )m'hI  servir  à  mesurer  ceftc 
fatigue.  Dans  une  école,  l'écart  a  passé  de  "  inillimMres  à  17  milli- 
mètres, après  une  étude  de  grec  ;  à  14,  après  une  élude  de  lalin  ;  à 
7  après  une  étude  de  la  Bible.  11  y  a  là  une  métliode  nouvelle  pour 
l'apprécialioii  de  la  fatigue  mentale;  et  cette  métbode  devrail  élrr 
comparée  au  point  de  vue  de  la  rapidité  et  de  la  précision  avec  (-eHe 
de  l'ergograpbe  de  Mosso.  Ces  recherches  sont  importantes  ])our  la 
pédagogie. 

HABOLI)  C.lUFFlXt;.  —  On  Sensations  from  Pressure  and  Impact. 
{Les  sensations  de  pressions  e^  t/ec/toc.)  l*sycliological  Ueview,  Mo- 
nogiajih  Supiib'mi'iil,  \r\.  1895,  \\.  88. 

Le  nombre  des  scu>.ili(ms  que  nous  sommes  capables  d'éprouver 
<ivec  nuire  |>eaii  esl  1res  giand.  Il  y  a  d'abord  tout  un  groupe  de  sen- 
sations (jue  Dessoir  a  réceinmeul,  i)(mim('es  haptiques,  e1  qui  coi-- 
respondent  aux  sensations  tactiles  [iroiiremenl  dites  :  ce  sont 
1"  les  sensations  de  traction,  é[)rouvées  (juand  on  élire  la  peau,  par 
exemple;  2"  les  sensali(Mi>  de  pressidii  objective;  à  ce  sujet,  mi  a 
discuté  longuement  et  on  discute  encore  la  question  de  savoir  si  les 
sensations  de  jiressiun  sont  de  même  natnre  que  les  sensations  de 
contact  et  ne  diffèicnt  que  par  le  degré,  (tu  si  l'e  sont  des  sensations 
loni  à  l'ail  dilféieiiles.  Dans  la  revue  iniM-iMleule  de  \  .  Ilenii,  il  a  ('■!<'• 
l'ait  allusion  à  celle  (i|iiiiion.  Meissner,  Auliertel  Kaniiiiler,  Bronson, 
Dessoir  ont  admis  deux  sens,  Funke,  Wundt  et  Kiil]ie  n'en  admettent 
([u'un  ;  les  argunn^nts  employés  de  part  et  d'auti-e  sont  du  reste  peu 
iuq)orl.ants.  L'auteur  croit,  d'après  son  observation  interne,  (|ue  la 
sensation  de  pression  et  celle  île  conlail  ne  ditl'èrent  (pie  par  le  degré 
<'t  1  pense  que  les  individus  im  s'accordent  guère  |ioui(listinguer  ces 
deux  sensations,  l'n  individu  a  besoin  d'une  pression  de  3^!j  pour 
percevoir  une  seirsation  de  pression,  un  autre  a  cette  si.'usation  carac- 
lérisli(iue  avec  une  pression  d'un  kilo  seulement.  Continuant  notre 


SENSATIONS   DU   TOUCUER  673 

«'numération,  nous  trouvons  ensuite  3°  les  sensations  cl'  «  impact  » 
c'est-à-dire  de  choc,  qui  produisent  un  effet  tout  difîéi'ent  d'un  con- 
tact continu,  sans  choc.  Sur  ces  sensations,  encore  peu  connues, 
l'auteur  a  fait  beaucoup  d'expériences,  et  c'est  peut-être  là  la  partie 
la  plus  intéressante  de  son  nu-moire. 

A  côté  des  sensations  haptiques  on  peut  placer  les  sensations  de 
température,  dont  l'auteur  n'a  point  fait  ici  une  étude  spéciale,  et 
(ju'on  trouvera  indiquées  dans  une  de  nos  analyses  générales;  et 
enfin  un  autre  groupe  est  composé  de  sensations  demi-organiques, 
parmi  lesquelles  nous  citerons  le  chatouillement,  la  démangeaison  et 
la  douleur.  En  définitive,  on  peut  classer  de  la  manière  suivante  les 
sensations  de  la  peau,  dans  lesquelles  tout  élément  moteur  est  exclu  : 

/  Réaction. 

\  Pression  objective. 


Sensations  haptiques •'  p     ,        ,,,, 

(  Choc. 
Chaud. 


Sensations  thermiques <  „     .  . 

'  Chatouillement. 
Sensations  semi-organiques .   .    .    .    l  Démangeaison. 

(  Douleur. 

Voici  les  principales  questions  que  l'auteur  a  étudiées  :  l'intensité 
du  stimulus  (p.  10-47)  ;  le  siège  de  l'excitation  (p.  47-54)  ;  les  sensa- 
I  ions  de  choc  (p.  S4-6o)  ;  la  surface  d'excitation  (p.  Go-77)  ;  la  durée 
de  l'excitation  (p.  77-84).  Les  expériences,  à  part  un  petit  nombre 
d'exceptions,  n'ont  été  faites  que  sur  deux  sujets.  Les  conclusions 
lirincipales  sont  les  suivantes  : 

1°  Il  n'y  a  point  de  base  pour  l'identité  qu'on  a  cherché  à  établir 
(Dessoir)  entre  les  sensations  de  chaleur  et  de  pression.  Cependant, 
il  existe  certainement  des  relations  entre  la  sensibilité  de  pression 
et  la  sensibilité  thermique,  ce  que  Weber  avait  constaté  ;  l'auteur  a 
vu  par  exemple  qu'un  corps  pesant  1  kilo,  placé  sur  la  main,  paraît 
plus  léger  quaiul  il  est  chaud  que  quand  il  est  froid. 

2°  Le  seuil  dt;  conscience,  de  même  que  la  plus  [iclite  diiîéronce 
jierceptible,  n'est  point  une  quantité  viaie. 

3°  Si  le  jugement  porté  sur  l'intensité  d'un  stimulus  peut  être  con- 
sidéré comme  indiquant  une  augmentation  dans  l'intensité  de  la 
sensation,  on  i)eut  dire  que  cette  dcrnièri;  quantité  croît  l)eaucou[i 
jdus  h^'utement  que  le  stimulus;  ceci  a  lieu  suitoutpour  les  int(!nsités 
faibles  ;  mais  à  mesure  que  l'on  approche  du  seuil  de  la  douleur  l'es- 
timation de  l'intensité  augmente  beaucoup  plus  vite. 

4**  La  loi  de  Weber  tient  bon  {lour  les  poids  plus  élevés  que 
100  grammes,  et  jusqu'à  500  grammes. 

o"  L'exactitude  de  la  perception  des  stimulus,  au  point  de  vue  de 
rinlensité,  est  en  général  iiulépcndante  du  siège  du  stimulus. 

6*'  Le  choc  inllue  grandement  sur  la  perceiition. 

ANNÉE  PSYCHOLOGIQUE.  II.  43 


(J74  ANALYSES 

Par  exemple  : 

L'influence  du  clioc  sur  le  minimum  pt-rcf^plible  est  nette;  si  on 
met  un  poids  sur  la  main  avec  beaucoup  de  lenteur  (de  1  à  2  secondes 
pour  l'application)  un  poids  de  40  centigrammes  sera  perçu  i8  fois 
sur  oO  ;  s'il  y  a  un  petit  choc,  il  suffira  d'un  poids  de  1  centigramme 
pour  obtenir  le  même  résultat,  La  douleur  produite  par  un  choc  est 
en  fonction  du  poids  de  l'objet  et  de  la  hauteur  dont  il  tombe  ;  en  faisant 
tomber  de  hauteurs  différentes  différentes  boites  sur  la  paume  de  la 
main,  et  en  cherchant  le  plus  petit  choc  pouvant  produire  de  la  dou- 
leur, on  constate  que  le  produit  du  poids  par  la  hauteur  demeure  li 
peu  près  constant  ;  ainsi  un  poids  de  oO  grammes  en  tombant  de 
18  centimètres  produit  rm  iniuimum  de  douleur  et  un  poids  de 
300  grammes  doit  tomb-i  dr  3  centimètres,  pour  produire  le  même 
effet;  or  la  multiplication  du  poiils  par  la  hauteur  donne  dans  les 
deux  cas  le  même  chiffre.  L'auteur  a  encore  fait  plusieurs  expé- 
riences sur  le  choc,  et  il  les  résume  dans  la  conclusion  suivante  : 
dans  les  jugements  sur  l'intensité  du  clioc,  la  masse  a  en  général 
plus  d'effet  que  le  carré  de  la  vitesse,  et  moins  que  la  vitesse.  Les 
différences  de  vitesse  sont  perçues  plus  exactement  que  les  différences 
de  masse,  mais  avec  bien  moins  d'exactitude  que  les  différences  de 
carrés  de  vitesse  ;  les  variétés  individuelles  sont  considérables. 

6*^  L'intensité  de  la  sensation  tactile  est  eu  raison  inverse  de  l'aire 
de  stimulation. 

70  Le  prolongement  de  la  pression  diminue  l'intensité  de  la  sensa- 
tion, quand  elle  est  faible  ;  dans  le  cas  contraire,  quand  la  pression 
est  si  forte  quelle  devient  douloureuse,  la  douleur  augmente  avec  la 
durée . 

Nous  avons  omis  un  grand  nombre  d'expériences  intéressantes  sur 
la  douleur,  qui  prendront  place  dans  nus  analyses  relatives  à  c.- 

l'AlUll.-lf  C.-S.]-  —  Estimation  tactile  de  l'espace  vide  et  de  l'espace 
plein.  Arnt-r.  J.  uf  P.-^yrii.,  VI,  i,  iB'J.j,  p.  oi4-o23. 

Ces  expériences  rappellent  celb-s  de  Dresslar,  résumées  dans 
l'Année  psychologique  (i"=  année,  p.  345);  mais  la  méthode  a  été 
un  peu  différente,  et  le  résultat  opposé.  Dresslar  faisait  suivre  au 
doigt  d'une  personne  une  certaine  ligne  sur  une  carte,  ligne  qui  dans 
sa  première  portion  était  lisse  et  dans  la  seconde  portion  était  poin- 
tillée  :  le  sujet  avait  à  comparer  ces  deux  portions  au  point  de  vul- 
de  la  longueur,  et  dans  la  majorité  des  cas  il  était  d'avis  que  la  ligne 
pointillée  était  la  plus  longue  alors  même  quelles  étaient  réellement 
égales.  L'expérience  fut  faite  sous  deux  formes  :  i"  le  sujet  parcou- 
rait la  ligne  avec  son  doigt  ;  2°  le  doigt  restant  immobile,  la  carte  se 
déplaçait  sous  le  doigt  par  l'action  d'un  mécanism---.  Dans  les  deux 
cas,  il  y  avait  mouvemeut. 


SENSATIONS   DU   TOUCHER  675 

Or,  il  est  impoi-tant  de  remarque!'  à  ce  sujet  qu'il  existe  pour  le 
sens  de  la  vue  une  illusion  analogue  ;  un  espace  plein  paraît  plus 
grand  qu'un  espace  vide  égal,  et  la  question  est  de  savoir  si  cette 
illusion  provient  de  la  sensation  rétinienne  ou  des  mouvements  de 
l'œil.  II  était  donc  nécessaire  de  rechercher  si  l'illusion  du  toucher 
est  supprimée  quand  on  exclut  complètement  le  mouvement  de 
l'ohjet  et  celui  de  la  peau.  C'est  ce  qu'a  tenté  M.  Parrish. 

L'auteur  s'est  servi  de  règles  en  bois  dans  lesquelles  étaient  fixées 
des  pointes  de  caoutchouc  ;  toutes  les  règles  avaient  la  même  lon- 
gueur de  64  millimètres,  le  nombre  des  pointes  de  caoutchouc  fai- 
sait la  différence  et  variait  de  deux  à  neuf  ;  on  appliquait  les 
pointe  sur  le  bord  interne  de  Favaiit-bras,  et  on  demandait  au  sujet 
d'apprécier  la  longueur  totale  comprise  entre  les  deux  pointes  les 
plus  éloignées.  A  peu  d'exceptions  près,  les  sept  personnes  sur  les- 
quelles l'expérience  fut  faite  donnèrent  des  réponses  conduisant  à 
cette  conclusion  qu'une  distance  remplie  par  des  pointes  paraît 
plus  courte  qu'une  distance  vide,  qui  est  réellement  de  même  lon- 
gueur. 

D'autres  expériences  faites  en  appliquant  une  règle  sur  la  peau, 
et  ensuite  deux  pointes  de  compas,  et  en  faisant  comparer  au  sujet 
ces  deux  longueurs,  ont  montré  par  exemple  qu'une  distance  de  24 
millimètres  comprise  entre  les  deux  pointes  de  compas  paraît  égale 
à  la  longueur  d'une  règle  de  28  millimètres  qui  est  appliquée  sur  la 
peau. 

La  contradiction  qui  semble  exister  entre  ces  résultats  et  ceux  de 
Dresslar  tient  probablement  à  la  difTérence  des  procédés  d'étude,  et 
nous  montre  le  danger  des  généralisations  et  des  formules  toutes 
faites.  Dans  les  expériences  de  Diesslar,  la  comparaison  ne  portait 
pas  précisément  sur  l'espace  plein  et  vide,  mais  sur  une  surface  con- 
tinue et  une  surface  discontinue.  11  serait  à  désirer  que  les  expéri- 
mentateurs, au  lieu  de  se  borner  à  l'étude  de  questions  aussi 
limitées,  fissent  des  recherches  d'ensemble  en  variant  davantage 
leurs  procédés. 

A.  BiNET. 

(ilV  TAWNEY.  —  The  Perception  of  Two  Points  not  the  Space- 
Threshold.  [La  perception  de  deux  contacts  n'est  pas  le  seuil  de  la 
perception   de   Vespace.)  Psych.  Review,  nov.   189a,    p.  y8o-b92. 

'  L'auteur  de  ce  travail,  fait  au  laboratoire  de  Wundt,  se  propose  de 
démontrer  contrairement  à  Fecluier,  Weber  et  à  beaucoup  d'autres 
psycho-physiciens  que  la  perception  de  l'espace  n'exige  pas  pour  se 
produire  la  perception  de  deux  contacts,  mais  que  cette  percep- 
tion est  fondée  sur  la  qualité  de  la  sensation  tactile,  et  peut  être 
produite  par  une  sensation  unique.  On  arrive  à  ce  résultat  en  inter- 
rogeant très  soigneusement  le  sujet  après  chaque  contact  et  en  lui 


676 


ANALYSES 


faisant  décrire  la  sensation  qu'il  a  éprouvée,  au  point  de  vue  de  la 
forme,  de  la  grandeur,  etc.  On  observe  fréquemment  qu'un  seul 
contact  donne  lieu  aune  sensation  de  surface  plus  ou  moins  étendue. 
Mais,  objecterons-nous,  n'y  a-t-il  pas  là  de  simples  associations 
d'idées  ?  Travail  obscur  et  conclusion  bien  contestable. 

A.  BiNET. 


ILLUSIONS   DES  SENS 

SOMMAIRE 

Expériences  de  Baldwin,  Philippe  et  Clavière,  Thiery,  Warren,  Wood. 


.1.  MARK  BALDWIX.  —  The  EfFect  of  Size-Contrast  upon  Judgments 
of  Position  in  the  Retinal  Field.  [L'effet  des  contrastes  de  grandeur 
sur  le  jugement  de  la  position  dans  le  champ  visuel.)  Psych.  Rev., 
YII,  3,  mai  1895,  p.  244-259. 

Sous  ce  titre  un  peu  énigmatique,  Fauteur  a  étudié  deux  illusions 
des  sens  ;  il  les  a  étudiées  simultanément,  en  les  combinant  dans  une 
expérience  complexe  ;  il  eût  été  préférable,  à  notre  avis,  de  les  isoler. 
I>a  première  illusion  est  celle  qui  se  présente  lorsqu'on  chei'che  à 
diviser  par  le  milieu  une  ligne  réunissant  deux  carrés  de    gran- 
deur différente  ;  si  l'un  des  carrés  est  plus  grand  que  l'autre,  on  a 
une  tendance  à  diviser  la  ligne  trop  loin  du  plus  grand  carré.  L'autre 
illusion  a  lieu  quand  une  aiguille  parcourt  une  certaine  longueur, 
soit   10  centimètres,    et  qu'on  cherche  à  arrêter  cette  aiguille  au 
moment  précis  où  elle  atteint  le  milieu  de  la  ligne  ;  suivant  le  pi-o- 
cédé  qu'on  emploie,  on  commet  une  erreur  eu  plus  ou  en  moins, 
c'est-à-dire  que  le  point  où  l'on  arrête  l'aiguille  se  trouve  en  deçà  ou 
au  delà  du  milieu.  Combinant  ces  deux  illusions  qui  sont,  comme  on 
voit,  bien  distincte  ,  l'auteur  a  imaginé  une  expérience  (lig.  124)  dans 
laquelle  on  place  devant  les  yeux  du  sujet  deux  carrés  S  et  S'  de 
grandeur  différente,  le  plus  grand  ayant  20  centimètres  de  côté;  les 
deux  côtés  voisins   et   parallèles   des   carrés  sont   réunis   par  une 
ligue  droite  de  10  centimètres  de  long,  et  cette  ligne  est  parcourue 
par  une  aiguille  ([ui  est  animée  d'un  mouvement  automatique,  et  que 
le  sujet  peut  arrêter  au  moyen  d'un  interrupteur  de  courant  K;  cet 
interrupteur  agit  en  effet  sur  un  électro-aimant  EA,  qui  immoI)ilise 
l'aiguille.    Le  suj(;t  arrête    l'aiguille  au  moment  où  elle   lui   p;uaît 
occuper  le  milieu  de  la  ligne  joignant  les  deux  carrés. 
Quati'e  sujets  ont  pris  part  aux  expériences  ;  deux  ont  été  éliminés, 


C78 


ANALYSES 


nous  dit-on,  parce  que  leurs  réactions  n'étaient  pas  typiques.  (Nous 
ignorons  jusqu'à  quel  point  un  expérimentateur  a  le  droit  de  faire 
de  ces  éliminations.)  Disons  d'abord  ce  qui  se  rapporte  à  la  pre- 
mière illusion.  Constamment,  ou  du  moins  à  part  quelques  exceptions 
insignifiantes,  le  point  indiqué-  comme  milieu  présente  une  erreur 
de  1  à  4et  ij  millimètres,  qui  Téloigne  du  plus  grand  carré,  quand 
celui-ci  a  20  centimètres  de  côté  ;  la  grandeur  absolue  de  ce  cari'é 
n'influe  pas  seule  sur  l'erreur  ;  mais  celle-ci  dépend  également  du 


Fig.  124. 


rapport  de  grandeur  entre  les  deux  carrés  ;  le  plus  grand  carré  con- 
servant sa  grandeur  de  20  centimètres,  si  le  f)etit  carré  est  d'abord 
de  10  centimèlies,  et  ensuite  de  5  centimètres  de  côté,  l'erreur  sera 
plus  considérable  dans  le  second  cas  que  dans  le  premier.  Quand  les 
carrés  sont  dans  une  position  verticale,  l'erreur  est  deux  fois  plus 
forte  que  lorsque  les  carrés  sont  dans  une  position  liorizoulale. 

Disons  maintenant  un  mot  de  la  second(!  illusion.  Les  deux  sujets 
avaient  des  i)rt>cédés  dill'éienls  ])Our  arrêter  raiguille  au  milieu  de 
la  ligne.  Le  premier  suivait  dt;  rn'ii  l'aiguille  dans  sa  course,  et  l'ar- 
rêtait au  momeiil  nù  il  jugciil  (pi'elle  avait  atteint  le  milieu  de  sa 
course.  Le  second  sujft  commençait  par  regarder  la  ligne  fixe  et  en 
cbercber  le  milieu;  il  arrêtait  l'aiguille  quand  elle  ariivait  sur  ce 
j>oint  médian  cboisi  d'avance.  L'effet  de  ces  illusions  est  difficile  à 
extraire  des  expériences,  à  cause  de  leur  complexité.  On  peut  dire 
cependant  d'une  manière  générale  qu'on  a  une  tendance  à  corn- 


ILLUSIONS   DES   SENS  679 

mettre  une  erreur  dans  la  direction  du  mouvement  de  l'aiguille, 
surtout  si  on  ne  choisit  pas  d'avance  le  point  du  milieu,  mais  qu'on 
le  juge  par  le  mouvement  d(^  l'aiguille. 

A.  BiNET. 


.1.  PHILIPPE  et  J.  CLAVIÈRE.  —  Sur  une  illusion  musculaire.  Revue 
philosophique,  189b,  p.  672-082'. 

Lorsqu'on  soupèse  deux  ohjets  de  poids  égal  et  de  volume  dillé- 
rent  le  plus  gros  paraît  h;  plus  léger,  et  cette  illusion  persiste  même 
après  qu'on  sait,  pour  les  avoir  vérifiés  à  la  balance,  que  les  poids 
sont  égaux. 

MM.  Flournoy  ^  et  Dresslar^,  dans  leurs  recherches  sur  cette  ques- 
lion,  étaient  arrivés  aux  conclusions  suivantes  : 

1°  L'illusion  est  à  peu  près  la  même  chez  l'enfant  que  chez  l'adulte  ; 

2°  Elle  dis[»araît  lorsqu'on  supprime  simultanément  la  perception 
visuelle  et  tactile  de  l'inégalité  de  volume; 

S^Elle  démontre  (M.  Flournoy  insiste  surtout  sur  ce  point)  l'absence 
de  sensations  d'innervation  proprement  dites,  et  par  conséquent  de 
sens  musculaire. 

Nous  avons  repris  la  question  au  point  où  l'avaient  laissée  nos 
devanciers.  Pour  éviter  certaines  causes  d'erreur,  le  nombre  des 
objets  à  comparer  a  été  réduit  :  il  suffit,  pour  bien  étudier  l'illusion, 
de  deux  séries  de  5  tubes,  les  uns  de  diamètre  égal  et  longueurs 
difCé'rentes,  les  autres  de  longueurs  et  diamètres  croissants  graduelle- 
ment, de  façon  à  permettre  de  mesurer  l'illusion.  Chaque  tube  pesail 
50  grammes  :  la  surcharge,  pour  corriger  l'illusion,  était  fournie  par 
des  lamelles  de  plomb  de  1,5  et  10  grammes  introduites  dans  le 
tube. 

{°  V  illusion  est-elle  primitive  ou  acquise?  —  Autour  de  sept  ans, 
l'illusion  semble  bien  établie,  sauf  de  rares  exceptions  :  mais  au-des- 
sous de  cet  âge,  entre  six  et  trois  ans,  les  deux  tiers  des  sujets  nor- 
maux ne  présentent  pas  cette  illusion,  quoiqu'ils  sachent  déjà  bien 
apjirécier  les  différences  de  poids.  Au  contraire,  plusieurs  d'entre  eux 
])enchent  vers  l'illusion  opposée  qui  consiste  à  estimer  le  plus  lourd, 
rol)jet  le  plus  gros,  comme  nous  ferions  nous-mêmes  avant  de  soule- 
ver les  tubes.  Leur  illusion  est  renversée. 

Chez  les  aveugles,  l'illusion  apparaît  beaucoup  plus  tard  que  chez 

les  voyants  :  il  faut  reculer  jusqu'autour  de  dix-buitans,  l'âge  auquel 

cette  illusion  s'établit  chez  la  généralité  des  aveugles.  La  vue  a  donc 

bien  une  influence  sur  le  développement  de  l'illusion. 

2"  Développement  de  cette  illusion.  —  Ce  qui  j)récède  montre  que 

(1)  Travail  du  laboratoire  de  psycliolngic  de  Paris. 

(2)  Année  psycholof/ir/ue,  li9îj,  p.  198. 

(3)  American  Journ.  of  Psycholof/ij,  vol.  VI,  n»  3,  1895. 


1 


680  ANALYSES 

rillusiou  n'osl  ni  hérédilairo  ni  primitive  :  si  Ton  obseive  attentive- 
ment la  faeon  dont  elle  apparaît  chez  des  sujets  de  divers  âges,  on 
voit  qu'elle  se  développe  inégalement  pour  la  main  droite  et  la  main 
gauche,  qu'elle  semble  subir  des  arrêts,  que  ces  variations  se  produi- 
sent surtout  aufoiu"  des  périodes  critiques  du  développement  orira- 
nique.  Tout  cela  joint  au  retard  constaté  chez  les  aveugles,  nous 
incline  à  conclure  que  le  développement  de  l'illusiou  est  corrélatif 
au  développement  physiologique  du  sujet  et  le  suppose  :  si  l'on  pou- 
vait suivre,  à  ce  point  de  vue,  l'évolution  organiijue  et  mentale  d'un 
enfant  depuis  l'apparition  des  sensations  tactiles  et  visuelles,  on  viv- 
rait sans  doute  à  quel  moment  naît,  comment  et  sous  quelles 
influences  s'établit  l'illusion. 

3»  Mesure  de  V illusion.  —  M.  Dresslar  se  contentait  de  faire  apprécier 
la  dilTérence  du  poids  estimé  ;  M.  Flournoy  adopte  le  procédé  plus  pré- 
cis des  surcharges  ajoutées  à  l'objet  jugé  [dus  léger  jus(iu"à  ce  qu'i 
paraisse  aussi  lourd  que  l'autre  :  mais  il  n'applique  ce  procédé  qu'à 
l'objet  le  plus  lourd  et  au  plus  léger.  Nous  l'avons  étendu  à  tonte  la 
série  :  les  volumes  de  nos  tubes  étant  comparables,  l'accroissement  de 
l'illusion  à  mesure  que  s'accroît  le  volume  a  pu  être  exactement 
mesuré.  L'illusion  est  proportionnelle  au  rapport  de  longueurs  et 
diamètres,  et  non  au  rapport  des  volumes  :  ainsi,  un  tube  double  d'iiii 
autre  en  longueur  et  diamètre  paraît  peser  moitié  moins  (le  poids 
étant  uniformément  de  50  grammes).  Le  rapport  est  donc  de  i  à  2; 
celui  des  volumes  est  au  moins  de  1  à  4.  Notons  (}ue  si  l'illusion  est 
renversée,  c'est  au  lube  le  plus  petit  (ju'il  faut  rajouter  la  suichargi- 
pour  rétablir  l'équilibre. 

4°  Causes  de  F  illusion.  —  Elles  nous  semblent  doubles:  la  vue  es! 
au  premier  stade,  et  (piand  elle  agit  seule,  l'objet  le  plus  petit  paraît 
le  plus  léger  ;  mais  l'intervention  de  l'elToit  nécessaire  jiour  soidever 
l'objet  )-e^oî<;-ne  l'illusion,  et  c'est  l'objet  le  plus  gros  (pii  paraît  alors 
le  plus  léger.  Juscpi'à  preuve  du  contraire,  nous  e.\iili(pu'rons  cela 
comme  nos  d(nanciers  :  voyant  un  objet  plus  gros,  nous  mobilisons 
[tour  le  soulever  une  quantité  d'elTorls  [)lus  grande.  En  le  soulevant, 
nous  sentons  cet  elTort  trop  grand  et  en  relirons  une  partie  j.our 
adapter  notre  effoit  au  poids  vrai.  L'efl'ort  rentre  vient  alors  en  déduc- 
liou  de  l'elîort  réel,  et  le  l'ait  paraît  moindre  qu'il  n'est  en  fait  :  d'où 
l'illusion  d'une  sensation  de  poids  nioindie.  ('.ette  illusion  est  persis- 
tante chez  l'adulte  :  nous  avons  cependant  recueilli  un  témoignage 
montrant  que  l'éducation  peut  la  rectifier. 

D'autre  part,  sa  rareté  cliez  l'enfant  en  bas  âge  et  l'aveugle  adoles- 
cent prouve  qu'elle  n'est  pas  primitive.  Elle  ne  démontre  donc  [)as  la 
non-existence  du  sentiment  d'innervation. 

l'our  serrer  encore  davantage  le  jioint  criti(pie  de  ces  recherches, 
l'un  de  nous  a  commencé  une  série  d'expériences  pour  enregistrer 
d'un  côté  l'allure  du  nunivement  fait  ])oiu-  soupeser  l'objet,  et.de 
l'autre   la    fatigue    produite    [jar  l'effort    maintenant  soulevés   deux 


j 


ILLUSIONS   DES   SENS  681 

objets  de  poids  égal  (1  kilogramme  de  plume  et  1  kilogramme  de 
plomb)  mais  de  densités  et  volumes  très  ditTérenfs. 

J.  Philippe. 

A.  THIÉRY.—  Uebergeometrische-optischeTauschungen.  {Sur  les  illu- 
sions optiques  géométriques.)  IMiilos.  Stud.,  XI,  p.  307-371,  003-020  et 
vol.  XII,  p.  67-120. 

C'est  un  travail  très  complet  sur  les  illusions  optiques  géométriques, 
l'auteur  a  fait  un  grand  nombre  d'expériences  pour  les  différentes 
illusions  et  dans  chaque  cas  il  donne  une  explication.  Les  illusions 
géométriques  sont  divisées  par  lui  en  deux  groupes  : 

i°  Illusions  de  direction  : 

a.)  Illusions  sur  des  lignes  parallèles  coupées  par  des  lignes  trans- 
versales parallèles  ; 

b.)  Illusions  semblables  lorsque  les  transversales  convergent  ; 

c.)  Illusions  sur  les  transversales  elles-mêmes. 

2°   Illusions  de  grandeur  : 

a.)  Illusions  sur  des  figures  semblables  coupées  par  des  transver- 
sales parallèles  ; 

b.)  Illusions  sur  des  distances  mesurées  qui  sont  coupées  par  des 
transversales  convergentes  ; 

e.)  Illusions  analogues  sur  des  figures  non  semblables  coupées  par 
(les  transversales  parallèles  ; 

d.)  Illusions  sur  certaines  distances  sans  relation  spéciale  avec 
les  transversales  ; 

e.)  Causes  générales  des  illusions  dans  les  appréciations  de  gran- 
<leurs. 

La  troisième  pari  if  du  tiavail  di-  M.  Tbiéry  ayant  [laru  en  dé- 
it'mbre95,letemps  nous  a  man(jué  pour  faire  une  analyse  complète 
lie  ce  travail  capital;  nous  y  reviendrons  avec  des  détails  l'année 
prochaine  ainsi  que  sur  le  travail  de  Heymans:  Quantitative  Unter- 
suchungen  i'iber  das  opiiscfie  Pnradoxon  (Zeitsch.  f.  Psycb.  u.  IMiysiol. 
d.  Sinn.,  vol.  IX,  p.  221-255)  relatif  au  même  sujet. 

Vjctor  Henri. 

H.  C.  WAIIRKX.  —  Sensations  of  Rotation.  {Sensations  de  rotation.) 
Psych.  U.'v.,  Il,  3,  mai  1895,  p.  273-270. 

Le  sujet  est  étendu  sur  une  plalc-l'orme  touiiiaiilt;,  placi'e  dans 
une  chambre  dont  les  deux  rnnis  opposés  sont  recouverts  de  grandes 
bandes  verticales  de  |)apiiT  blanc  Des  écrans  l'entourent  de  manière 
à  ce  que  tous  les  objets  de  la  chambre  lui  soient  cachés,  saxif  les  murs. 
Un  très  grand  miroir  jilacé  devant  lui,  et  à  son  insu,  rélléchit  les 
bandes  des  murs  placées  derrière  bi  sujet;  ([uand  h;  sujet  tourne 
dans  le  sens  des  aiguilles  d'une  montre,  que  sa  tète  s'iulléchil  vers 


682  ANALYSES 

la  gauche,  les  bandes  défilent  dans  le  miroir,  placé  à  ses  pieds,  dans 
Tordre  de  gauche  à  droite,  c'est-à-dire  dans  le  même  sens  que  ses 
pieds,  mais  beaucoup  plus  vite.  Dans  ce  cas,  il  se  pi^oduit  une 
curieuse  illusion.  On  n'a  plus  la  sensation  de  tourner  eu  cercle  ;  les 
sensations  générales  du  corps  donnent  ({uand  mèine  la  sensation 
d'un  déplacement,  mais  cette  perception  de  déplacement,  sous  Tin- 
lluence  des  perceptions  visuelles,  se  trouve  modifiée,  et  l'on  croit 
qu'on  se  déplace  latéralement  dans  le  sens  où  la  tête  tourne  actuelle- 
ment ;  ainsi,  dans  le  cas  cité  comme  exemple,  on  a  l'illusion  d'un 
déplacement  latéi^al  vers  la  gauche.  L'auteur  explique  de  la  manière 
suivante  ce  résultat  :  on  [terroit  dansle  miroir  le  déplacement  rapide 
des  objets  vers  la  droite  (chacun  peut  en  faire  l'expérience  en  sui'- 
veillant  dans  une  glace  qu'on  tourne  lentement  le  déplacement  des 
images  des  objets  placés  derrière  soi);  les  pieds,  nous  l'avons  dit, 
se  déplacent  dans  le  même  sens,  mais  moins  i^apidement  ;  on  consi- 
dère les  objets  réfléchis  par  le  miroir  comme  immobiles,  et  on  con- 
sidère le  mouvement  des  pieds  comme  se  faisant  en  sens  inverse, 
c'est-à-dire  vers  la  gauche,  dans  la  direction  delà  tête,  d'où  l'illusion 
d'un  mouvement  latéral  vers  la  gauche.  Remarquant  que  dans  cette 
illusion  complexe,  la  direction  réelle  du  mouvement  des  pieds  est 
complètement  modifiée  et  même  tenue  pour  nulle,  tandis  que  le  sujet 
tient  compte  de  la  direction  du  mouvement  de  la  tête,  Fauteur  con- 
clut (pie  les  organes  des  sens  percevant  le  mouvement  de  progression 
sont  localisés  dans  la  tête.  Il  lui  semble  que  si  c'était  le  système  vaso- 
moteur  du  corps  tout  entier,  (pii  donnât  la  sensation  de  déplacement, 
il  n'y  aurait  jias  de  raison  pour  (jue  dans  ses  expériences  cette  sen- 
sation de  déplacemiMil  fut  conservée  seulement  dans  la  tète.  Cette 
conclusion  est  fort  importante.  Est-elle  légitime  ?  11  est  possible  (jue 
si,  dans  les  expériences  susdites,  la  direction  du  mouvement  de  la 
tête  est  mieux  conservée  que  celle  des  pieds  ila us  l'appréciation 
générale  du  sujet,  c'est  parce  que  l'illusion  produite  par  le  déplace- 
ment des  objets  dans  le  miroir  s'harmonise  mieux  avec  cette  inter- 
prétation ;  si  toutes  les  autres  conditions  lestant  pareilles,  le  dépla- 
cement des  objets  dans  le  miroir  se  faisait  de  droite  à  gauche  (ce 
•  lu'on  obtiendrait  facilement  avec  dc'ux  miroirs)  aurait-on  encore 
l'illusion  du  déplacement  latéral  du  corps  vers  la  droite,  ou  bien 
l'illusion  de  déplacement  se  ferait-elle  vers  la  gauche?  iS'ous  i)roj)0- 

sons  cette  expérience  à  M.  Warren. 

Alfred  Hinet. 

ll.-W.  WOOI).  —  The  Haunted  Swing. ';Lrt  balançoire  hantée.)  Psych. 
llev..  Il,  :!  mai,  189o,  |..  277-278. 

Illusion  i»roduite  par  une  balaneoire  immobile  placée  dans  une 
chambre  mobile  (contenant  un  piano,  des  chaises,  un  sofa,  le  tout 
axé  aux  murs  et  au  parcjuet)  ;  on  donne  une  impulsion  à  la  chambre 


ILLUSIONS   DES   SENS  683 

entière,  qui  se  meut  autour  de  la  balançoire,  et  donne  aux  personnes 
assises  dans  la  balançoire  l'illusion  que  celle-ci  se  meut.  Ce  curieux 
spectacle  a  été  donné  à  une  exposition  de  San  Francisco.  Quelques 
personnes  éprouvaient,  sous  l'influence  de  ces  sensations  visuelles, 
les  mêmes  sensations  de  vertige  que  dans  le  balancement  réel. 

A.   H  INET. 


f 

ATTENTION  ; 

•i 
REVUE  GÉNÉRALE  SUR  L'ATTENTION  ET  LA  DISTRACTION  I 

1.  PIERRE    JAXET.    —  Attention.  Dictionnaire  de   physiologie,  I,  I 
[).  831-839. 

2.  W.-G.  SMITH.  —  The  Relation  of  Attention  to  Memory.  {Les  rela- 
tions de  l'aUention  et  de  la  métnoire.)  Mind,  Janv.  1895,  p.  47-73. 

3.  A. -H.  DAMEES.  — The  Memory  After-Image  and  Attention.  (La 
mémoire  immédiate  et  l'altention.)  Amer.  J.  ol' Psycli.,  Ni,  i,  jan- 
vier 1895,  p.  558-564. 

4.  .1.  CRIER  HIRREN.  —  Sensory  Stimulation  by  Attention.  {Stimuta- 
tiondes  sens  par  rattenlion.)i*>\iU.]\f\.,  Il,4,.jnillel  1895,  [».  309-37(5. 

5.  R.  LÉPINE.  —  Sur  un  cas  particulier  de  somnambulisme.  Arch. 
d'anlhropolosjie  criminelle,  janv.  189:i,  \u  5  à  12. 

Il  n"a  point  [laiu  au  cours  de  l'année  de  travail  impoilanl  ayant  eu 
pour  objeLspi'cial  l'élude  de  rallniliou.  Mais  beaucoup  de  recherches 
d'un  autre  oïdie  contiennent,  cela  va  sans  dire,  des  renseignements 
qui  se  rai)itortent.  à  cette  (lueslion.  (TesL  ainsi  que  nos  expériences 
personnelles  sur  la  circulation  capillaire  nous  ont  amené  à  ilislin- 
guer  deux  espèces  d'aUenlion,  Pal  tention  portant  sur  des  phénomènes 
d'idéation,  et  laliention  portant  sur  des  objets  extérieurs  ;  ces  deux 
espèces  d'attention  ne  modilieiit  pas  dans  le  même  sens  les  mouve- 
ments res])iral()ires  et  la  ciiculation  ca|)illaire. 

1.  Dans  iiotr(!  présente  analyse,  nous  avons  à  parler  d'ahord  d'un 
article  de  dictionnaire,  signé  Pierre  Janet,  ([ui  traite  de  l'.itlenlion 
en  général. 

E'auteur  résume  rapidement  (luelques-uns  des  travaux  contempo- 
rains sur  l'attention  :  nous  nous  contentons  de  signaler  le  plan  de  son 
travail,  car  la  plupart  des  documents  qu'il  cite  se  trouvent  analysés 
dans  V Année  psycholo;/iqui',i89o.  1«  Délinition  de  l'attention  :  direction 
particulière  de  l'esprit  vers  un  objet  à  l'exclusion  de  tous  les  autres; 
2-^  etîets    de  l'attention  ;  augmente  l'intensité    des    états    de    cous- 


i 


ATTENTION  685 

cience  —  ceci  est  douteux;  produit  des  oscillations,  augmente  la 
rapidité  des  processus,  donne  naissance  à  des  associations  d'idées, 
à  des  souvenirs,  synthétise  ;  3°  degrés  de  l'attention  ;  4°  objets  de 
Tattention  :  elle  est  sensorielle,  ou  intellectuelle  (dérivée)  ;  5"  forme 
de  l'attention  ;  elle  est  automatique  ou  volontaire  ;  6°  théories  de 
Tattention  ;  certains  auteurs  pensent  que  l'attention  dépend  toujours 
de  mouvements  (Rihot,  Miinsterberg,  Lange,  etc.)  ;  d'autres  font 
jouer  surtout  un  rôle  à  l'idée  anticipante. 

La  principale  objection  qu'on  puisse  faire  à  cet  excellent  article, 
c'est  que  l'auteur  n'a  point  décrit  les  manifestations  physiques  de 
l'attention  ;  il  dit  qu'il  y  a  des  changements  respiratoires  analogues 
à  ceux  qui  accompagnent  tout  effort  ;  assertion  qu'on  pourrait  con- 
sidérer comme  inexacte  si  elle  n'était  pas  si  vague.  L'auteur  n'a  point 
jiarlé  de  la  mesure  de  l'attention. 

2.  Deux  articles  (2  et  3)  ont  pour  objet  l'étude  de  la  distraction, 
lejle  qu'elle  peut  être  réalisée  expérimentalement  au  laboratoire,  par 
(Ifs  individus  normaux;  l'innuence  de  cette  disfraction  volontaire  et 
({uelque  peu  artificielle  a  été  étudiée  surtout  au  point  de  vue  de  la 
mémoire  d'acquisition  ;  pendant  l'état  de  distraction,  il  y  a  un 
affaiblissement  'du  pouvoir  d'acquisition  de  la  mémoire.  Dans  les 
deux  autres  articles  (4  et  5),  on  trouvera  des  observations  patholo- 
giques d'un  certain  intérêt,  mais  un  peu  difficiles  à  comprendre  ;  il 
s'agit  de  sujets  qui  ne  fixent  point  leur  attention  sur  certains  genres 
d'objets,  et  qui  ne  paraissent  pas  percevoir  ces  objets;  la  distrac- 
lion,  si  on  peut  leur  appliquer  ce  terme,  produit  un  effet  bien  plus 
considérable  que  dans  les  expériences  précédentes  de  psycho- 
logie ;  elle  efface  complètement  des  ensembles  de  perception,  elle 
rend  les  malades  insensibles,  aveugles  et  sourds.  En  réunissant  dans 
une  analyse  commune  ces  différents  phénomènes,  nous  sommes 
loin  d'admettre  qu'ils  dépendent  d'une  même  cause,  et  que  la  dis- 
Iraction  expérimentale  soit  l'équivalent  de  la  distraction  patholo- 
gique. Il  suffit  même  de  s'en  tenir  aux  documents  que  nous  allons 
analyser  pour  bien  saisir  cette  vérité  importante  qu'il  y  a  deux 
formes  profondément  distinctes  de  distraction,  l'une  produite  pai' 
(les  sensations,  des  idées,  des  préoccupations  quelconques,  l'autre 
jiroduite  par  des  causes  qu'on  ignore  et  qui  en  tout  cas  j)euvent  ne 
jias  être  psychologiques.  Les  distractions  des  expériences  de  labora- 
toire sont  de  la  première  catégorie  ;  quant  aux  distractions  palliolo- 
giques,  on  n'en  connaît  pas  exactement  la  cause. 

Le  travail  consciencieux  de  Smith  a  été  commencé  à  Leipzig,  en 
1893,  dans  le  laboratoire  de  NVundt,  et  terminé-  en  ISUi  dans  le  labo- 
ratoire physiologique  d'Oxford;  neuf  sujets,  la  pluj)ail  étudiants  en 
psychologie,  se  sont  prêtés  aux  recherches.  La  méthode,  dont  le  prin- 
cipe a  été  emprunté  à  Miinsterberg',  consiste  à  illuminer  pendant 

{[}  Beitrâf/e  zur  experintenlellen  l'sijcholof/ie,  Ilcl't.  IV,  p.  121. 


686  ANALYSES 


dix  secondes,  avec  une  lampe  électrique  ou  une  lami>o  à  gaz,  une 
carte  sur  laquelle  douze  lettres  sont  disposées  en  carré,  en  trois 
rangées  de  quatre  lettres  chacune  ;  ce  sont  des  lettres  ne  formant  pas 
de  mots  ;  le  sujet  doit  regarder  les  lettres  pendant  dix  secondes,  les 
retenir,  et  quelques  secondes  après  les  reprodiiire  en  inditjuant  leur- 
position,  En  outre,  on  étudie  l'effet  de  distraction  produit  sur  la  mé- 
moire des  lettres  par  des  opérations  que  le  sujet  exécute  en  con- 
templant la  carte  de  lettres  ;  ces  opérations  sont  réglées  par  un 
métronome  battant  de  60  à  70  coups  par  minute";  le  sujet  doit 
suivre  le  rythme  du  métronome  soit  en  frappant  chaque  fois  un 
coTTp  sur  la  table  avec  le  doigt,  soit  en  prononçant  chaque  fois  la 
syllabe  la,  soit  en  prononçant  chaque  fois  un  terme  d'une  série  de 
chiffres  obtenue  par  addition,  par  exemple  la  série  2,  4,  6,  8..,  ou 
la  série  3,  6,  9,  12...;  la  première  distraction  est  musculaire,  la 
seconde  vocale,  la  troisième  mentale.  D'une  manière  générale,  ces 
causes  de  distraction  affaiblissent  le  travail  de  la  mémoire,  dimi- 
nuent le  nombre  de  lettres  exactes  retenues,  et  le  nombre  de  posi- 
tions exactes  indiquées.  Qiuitre  tables  résument  les  résultats.  L'au- 
teur a  employé  deux  méthodes  pour  calculer  les  erreurs,  l'une, 
négative,  consiste  à  compter  le  nombre  des  oublis,  des  changemenis 
de  position  et  des  lettres  fausses  ;  l'autre,  positive,  consiste  à  comp- 
ter le  nombre  des  lettres  exactes  retenues  et  des  positions  exactes 
retenues;  les  deux  méthodes  conduisent  à  des  résultats  analogues. 
La  distraction  musculaire  a  causé  une  augmentation  très  petite 
d'erreurs,  bien  plus  petite  que  la  distraction  vocale;  celle-ci  produit 
également  des  effets  moindres  que  la  disiraclion  mentale.  Le  nombre 
moyen  d'erreur  a  été  (pour  12  lettres,  nous  le  lappelons  ;  chaque 
genre  d'erreur,  omission,  inversion  et  invention  d'une  lettre  comii- 
tant  pour  l)  : 

État  normal 7,4 

Distraction  uiusculairo 7,95 

Distraction  vocale 8,7 

Distraction  mentale 9,7 

Si  la  distraction  vocale  est  plus  forte  que  la  distraction  musculaire, 
cela  tient,  non  à  ce  que  l'opération  musculaire  de  l'articulation  est 
compliquée,  mais  à  ce  qu'elle  empêche  le  sujet  de  prononcer, 
iiirinc  laililfuit'ut,  la  lettre  (pi'il  voit;  probablement  cette  arlicuia- 
(iou  faible  facilite  beaucoup  la  mémoire,  et  par  conséquent  ces 
expéiiences  montrent  le  lien  de  l'élément  sensoriel  avec  l'élément 
moteur.  Dans  la  distraction  mentale,  la  difficulté  de  prononcer  les 
noms  des  lettres  n'est  pas  augmentée  ;  mais  il  y  a  une  opération 
surajoutée,  l'addition,  qui  diminue  l'énergie  de  l'attention;  le  sujet 
ne  comprend  plus  le  sens  des  lettres  qu'il  voit,  il  n'en  perçoit  plus 
([ue  la  silhouette,  l'aspect  visuel,  il  est  dans  un  état  analogue, 
nous  dit-on,  à  celui  de  la  cécité  verbale;  et  l'auteur  suppose  que 


f 


ATTENTION  687 

dans  les  perceptions  ordinaires  il  existe  toute  une  masse  d'idées  et 
d'images  qui  s'associent  à  la  sensation,  et  résultent  d'une  excitation 
très  légère  des  centres  d'idéation  ;  tandis  que  dans  les  états  de  dis- 
traction ces  idées  interprétatives  ne  s'éveillent  pas.  L'auteur  aurait 
[lU,  sans  chercher  aussi  loin  que  la  cécité  verbale,  comparer  les  étals 
de  ses  sujets  distraits  à  ce  qui  se  passe  chez  chacun  de  nous  lorsque, 
pendant  une  lecture,  nous  suivons  une  idée  qui  nous  est  venue,  tout 
l'U  continuant  à  lire  des  yeux.  C'est  un  très  curieux  phénomène 
spontané  de  distraction,  qui  quoique  difficile  à  provoquer  à  volonté, 
mériterait  ce  nous  semble  une  étude  particulière. 

3.  Il  existe  plusieurs  espèces  de  mémoire  ;  celle  qui  a  été  le  plus 
souvent  et  le  mieux  étudiée  est  la  mémoire  médiate,  à  plus  ou  moins 
longue  échéance,  dans  laquelle  le  souvenir  est  rappelé  par  associa- 
tion d'idées.  Daniels  n'étudie  point  cette  mémoire,  mais  une  autre 
espèce  de  mémoire,  plus  élémentaire,  qui  consiste  presque  unique- 
ment dans  la  persistance  de  l'impression,  quelque  temps  après  que 
la  cause  excitante  a  cessé  d'agir;  c'est  ainsi  qu'on  compte  les  coups 
d'une  cloche  en  les  reprenant  depuis  le  commencement,  alors  même 
qu'on  commenceà  compter  après  les  premiers  coups.  Cette  mémoire 
a  été  appelée  par  Fechner*  Erinnerungsnachbild  ;  Exner'^  l'a  étudiée 
sous  le  nom  de  «  image-mémoire  primaire  »  et  en  donne  des 
exemples  tirés  du  sens  de  la  vue  et  du  sens  de  l'orne.  Il  remarque 
que  l'image  s'évanouit  en  quelques  secondes  si  elle  n'est  pas  fixée 
par  l'attention.  Dans  la  même  catégorie  rentrent  les  recherches 
faites  sur  la  mémoire  immédiate  des  chiffres  et  des  lettres,  au  sujet 
desquelles  l'auteur  fait  une  observation  qui  ne  nous  paraît  pas  juste  : 
c'est  que  comme  on  peut  en  moyenne  répéter  immédiatement  huit 
chiffres  dits  avec  un  intervalle  d'une  seconde  par  chiffre,  cela 
prouve  que  la  mémoire  immédiate  pour  le  premier  chiffre  est  de  huit 
secondes;  l'auteur  aurait  dû  tenir  compte  de  l'effet  perturbateur 
produit  sur  la  mémoire  par  les  chiffres  suivants.  Il  cite  encore 
comme  appartenant  au  même  sujet  les  expériences  de  Dietze  ^  et  do 
Wolle  -^  Les  premières  consistaient  à  produire  plusieurs  groupes  de 
battements  de  métronome,  et  à  comparer  ensemble  ces  groupes  ; 
or,  comme  on  ne  peut  comparer  un  groupe  qu'à  la  condition  de  le 
saisir  dans  son  ensemble  et  de  garder  dans  son  oreille  le  souvenir  du 
premier  son  du  groupe,  ces  expériences  peuvent  servir  à  connaître 
la  durée  des  souvenirs  immédiats.  Seulement,  les  résultats  sont  ici 
compliqués  par  la  présence  du  rythme,  qui  aide  et  soutient  la  mé- 
moire. Les  expériences  de  Wolfe  sont  plus  simples;  elles  consis- 
taient à  retenir  des  sons  musicaux,  et  à  les  reconnaître  au  bout  d'un 

{l)  Elemenle  de)'  Psychophysi/c,  II,  p.  491. 

(2)  Gonf.  James.  Psycholoyy.,  I,  p.  646. 

(3)  l'hil.  Slud.,  Il,  p.  362  ;  conf.  Wundt,  P/iya.  P.sych.,  i'  éd.,  II,  p.  288. 

(4)  Phil.  Stud.,  111,534;  conf.  Wuiidt,  Phys.  Psych.,  4«  édit.,  II,  p.  431. 


688  ANALYSES 

iiilervalle  donné  ;  Wolfe  a  trouvé  que  la  recouuaissauce  pouvait  se 
faire  encore  au  bout  de  soixante  secondes. 

Pour  éviter  que  la  mémoire  immédiate  ne  se  confondît  dans  ses 
expériences  avec  la  mémoire  médiate,  l'auteur  a  jugé  bon  de  faire 
les  expériences  pendant  un  état  de  distraction  des  sujets  ;  ceux-ci  i 

font  à  haute  voix  et  vite  une  lecture  intéressante,  et  pendant  cette 
lecture,  on  prononce  à  côté  d'eux  des  nombres  de  plusieurs  chiffres  ; 
ils  doivent  porter  exclusivement  leur  attention  sur  la  lecture  et  em- 
pêcher les  chiffres  de  leur  revenir  à  l'esprit  jus(|u'à  "ce  qu'un  certain 
intervalle  se  soit  écoulé  ;  au  bout  de  cet  intervalle,  ils  di^ent  quels 
sont  les  chiffres  qu'ils  se  rappellent. 

Ce  procédé  détourné  a  pour  but  d'empêcher  les  sujets  de  faire  des 
associations  pendant  qu'ils  perçoivent  l'impression  à  retenir  ;  on 
sépare  par  conséquent  la  mémoire  médiate,  si  complexe  par  suite 
du  travail  mental  qu'elle  supiiose,  et  la  mémoire  immédiate,  qui  est 
plus  simple.  Ajoutons  qu'on  étudie  également  par  ce  moyeu  la  mé- 
moire de  l'état  de  distraction,  ce  qui  offre  un  certain  intérêt. 

La  principale  difticulté  des  expériences  consiste  à  maintenir  l'état 
de  distraction.  Le  sujet,  qui  sait  qu'on  lui  demandera  de  répéter  les 
chiffres,  ne  peut  pas  toujours  s'empêcher  d'y  penser.  Les  retours  de 
chiffres  dans  la  conscience  pendant  la  lecture  sont  d'autant  plus  fré- 
(luents  que  le  temps  qu'on  laisse  écouler  jusqu'au  moment  où  le 
sujet  répète  les  chiffres  est  plus  grand.  Ainsi,  pour  une  des  personnes, 
les  résultats  sont  les  suivants  :  dans  un  intervalle  de  cinq  secondes 
le  nombre  de  cas  oîi  il  n'y  a  pas  de  retours  est  de  47  ;  jjourun  inter- 
valle de  vingt  secondes,  ce  nombre  de  cas  n'est  plus  que  de  19.  Ces 
retours  fréquents  sont  du  reste  un  des  procédés  les  plus  habituels 
[lar  lesquels  nous  fixons  nos  souvenirs. 

Les  expériences  faites  sur  deux  sujets  montrent  que  cette  mémoire 
immédiate,  pour  3  chiffres,  dure  peu  de  temps  ;  sa  limite  est  de 
(|uinze  secondes.  Au  delà  de  ce  temps  on  ne  peut  reproduire  aucun 
chiffre.  Encore  faut-il  tenir  comi>te  que  l'état  de  distraction  n'a 
jamais  été  complet  ;  s'il  l'avait  été,  l'auteur  pense  que  la  persistance 
serait  encore  moindre.  A  remarquer  aussi  que  sur  les  3  cliilfres  c'est 
le  dernier  qui  le  plus  souvent  est  mieux  retenu  que  les  autres.  Bien 
que  la  méthode  employée  par  l'auteur  ait  été  très  différente  de  celle 
Je  Sniilli  —  la  différence  a  consisté  principalement  en  ce  fait  que  la 
percei)tion  à  retenir  et  les  états  de  conscieMC(;  produisant  la  distrac- 
tion étaient  ici  de  même  nature  sensorielle,  de  nature  auditive,  tandis 
que  dans  les  reclicrches  de  Smith  c'étaient  des  sens  différents  qui 
entraient  en  activité  —  malgré  cette  différence,  les  résultats  ont  été 
assez  concordants.  Il  serait  à  désirer  ([u'un  expérimentateur  eut  le 
courage  d'exploi-er  tout  ce  domaine  dans  sa  totalité,  en  employant 
tous  les  modes  connus  de  distraction. 

4.  Hibben  a  appris  indirectement,  par  une  nourrice  intelligente 
et  aussi  par  le  témoignage   d'un   médecin,  l'existence   d'une  enfant 


ATTENTION  689 

([ui  présente  les  caractères  psychologiques  suivants  :  on  ]"a  crue 
longtemps  atteinte  de  surdité  congénitale;  on  a  même  consulté  un 
spécialiste  ;  on  s'est  aperçu  ([u'elle  entend  seulement  quand  son 
attention  est  lixée  sur  le  bruit  et  les  paroles  par  un  vif  intérêt,  par 
exemple  si  on  lui  montre  des  gravures  ;  quand  elle  regarde  par  la 
fenêtre,  on  peut  l'appeler  i)ar  derrière  et  lui  parler  à  haute  voix,  elle 
n'entend  rien.  Elle  est  aujourd'hui  âgée  de  huit  ans.  Le  développe- 
ment du  langage  s'est  fait  chez  elle  très  lentement.  Après  avoir  rap- 
porté cette  observation  curieuse,  mais  qui  nuui(|ue  malheureusement 
de  détails,  l'auteur  la  rapproche  des  observations  analogues  (jui 
existent  dans  la  science,  et  des  expériences  sur  l'action  de  l'atten- 
tion. Il  rappelle  que,  d'après  beaucoup  de  psychologues,  toute  per- 
ception comprend  une  action  sur  les  sens  et  une  réaction  de  l'esprit 
et  que  cette  réaction  qui  constitue  l'attention  permet  à  la  sensation 
de  devenir  consciente  ;  c'est  ce  ([u'on  constate  bien  facilement  en 
écoutant  un  bruit  faible,  celui  d'une  montre  tenue  à  distance  :  on 
n'ezitend  le  bruit  que  si  on  fait  un  effort  pour  écouter.  Mais  ce  que 
le  cas  de  celte  enfant  présente  de  particulier,  c'est  une  systématisa- 
tion de  l'attention,  comparable  à  celle  des  hystériques  et  des  som- 
nambules, (jui  ne  perçoivent  que  ce  qui  rentre  dans  le  cercle  de 
leurs  idées,  de  leurs  préoccupations  ou  de  leurs  actes,  comme  cette 
femme  en  somnambulisme  qui  voyait  la  bougie  qu'elle  avait  allumée 
et  ne  voyait  pas  la  bougie  allumée  par  une  autre  personne. 

5.  Description  curieuse  de  l'état  mental  pi'ésenté  par  un  hysté- 
rique de  vingt-deux  ans,  après  un  accès  de  somnambulisme.  11  n'en- 
tend absolument  (jue  les  bruits  qu'il  écoute.  In  luuit  assourdissant, 
une  cloche  agitée  près  de  son  oreille  ne  produit  aucun  soubresaut. 
Mais  il  entend  un  bruit  très  léger,  le  tic  tac  d'une  montre,  qu'on  le 
|>rie  d'écouter.  Si  une  i)ersoiine  lui  parle,  il  lui  répond  et  n'entend 
qu'elle;  un  tiers  ne  sera  ni  vu,  ni  entendu,  à  moins  qu'on  ne  le  lui 
])résente  ;  si  on  l'avertit  de  la  présence  de  ce  tiers,  il  se  tourne  vers 
le  nouveau  venu  et  cause  avec  lui  ;  dans  ce  cas,  le  plus  souvent  il 
perd  communication  avec  le  j»i'emier  intiirlocuteur.  En  lout  cas  (Ui 
na  pas  pu  réussir  à  le  maintenir  en  communication  avec  3  personnes 
à  la  fois.  I^uis,  si  la  sœur  de  l'hôpital  airive  avec  la  soupe,  il  se 
met  à  manger  et  cesse  d'être  en  communication  avec  les  autres 
])ersonnes.  Pour  la  vue,  l'effet  est  le  même,  mais  moins  marqué. 

Si  on  touche  le  malade  sans  qu'il  b'  voie,  il  tremble,  cliancelle  et 
lombe  en  arrière  (altaqvn;)  ;  cet  elfet  de  surprise  n'est  pas,  selon 
l'auteur,  sans  analogie  avec  ce  qu'on  observe  à  l'état  normal  ;  on 
sait,  dit-il,  qu'une  personne  saine,  fortement  surpi  ise,  se  met  à  trem- 
bler de  tous  ses  membix-s  et  éprouve  une  sorte  de  crise  sans  perte 
de  connaissance.  Si  on  touche  le  malade  ostensiblement,  si  par 
exemple  c'est  la  personni;  avec  knpndle  il  cause  (jui  h;  touche,  le 
malade  ne  tressaille  pas.  Enfin,  fait  curieux,  si  la  personne  avec 
laquelle  il  cause  lui  secoue  fortement  l'épaule,  il  continue  à  causer 

ANNÉE   PSYCHOLOGIQUE.   II.  4i 


690 


ANALYSES 


paisiblement  sans  païaîlre  s'apercevoir  de  ce  siniiulier  i>rocédé,  el 
il  ne  tressaille  pas. 

L'auteur  rapproche  cel  état  mental  de  Triât  de  dislraclioii  ([ui  se 
réalise  chez  toute  personne  qui  médite.  Ce  qu'il  y  a  seidemeut  do 
remarquable  chez  ce  malade,  c'est  (jue  pour  lui,  l)ien  qu'il  ni' médite 
pas,  l'état  de  distraction  est  absolu. 

Dans  laUevuede  médecine,  iwùl  1894,  l'aulcura  donné'  des  rensei- 
iinements  médicaux  sur  son  malade,  qui  est  \in  hystérique,  avec 
stigmates  et  attaques.  ]/auteur  exjtose  aussi  à  ce  sujet  une  hypo- 
thèse histoloeique  qui  a  fait  quelque  bruit  quand  Mathias  Duval  l'a 
reprise  :  l'absence  de  fterceptions  sensoriellrs  chez  ce  malade  serait, 
due  au  défaut  de  contittuité  des  extrémités  des  prolongements  qui 
mettent  en  communication  les  neurones  de  l'écorce  ;  le  contact  se 
produirait  au  moment  de  l'aUenlion.  Inutile  de  faire  remarque)' 
combien  cette  explication  est  hypothétique. 

Pour  terminer,  nous  insisterons  à  nouveau  sur  lidt'i'  (juc  nous 
avons  indiquée  plus  liant;  dans  les  exiiériences  de  laboiatoire  la 
distraction  est  produite  par  une  perception,  un  travail  mental  quel- 
conque ;  dans  les  deux  cas  pathologiques  signalés,  on  ignore  la  cause 
de  la  distraction;  est-ce  une  idé'c  tixe,  une  débilité  mentab',  um^ 
inertie  de  l'esprit?  On  ne  le  sait  pas  au  Juste,  c'est  (l'iicinlanl  la 
([uestidU  ([iii  serait  suitout  inli'icss.iiilc  à  ('iiicider.  .Iusc|iià  [dus 
ample  inforané,  on  ne  déviait  pas  a|i|iiii]ueià  des  cas  aii>si  dillei'ents 
le  même  terme  île  dis!  i  ad  ion. 

A  1.1  K  EU    Hl.NKÏ. 


VII 

MÉMOIRE    ET    ASSOCIATION    D'IDÉES 

SOMMAIRE 

Expériences  de   Baldwiu,    \Varren  et  Shaw,  Bourdon,  Lewv,  iNevers, 

Sinnuons. 


.1.  MAliK  BALDNVLN  et  W.-J.  SHAW.  —  Memory  for  Square-Size 
{Mémoire  de  la  grandeur  des  carrés). 

H.-C.  NVARUEN  et  W.-J.  SHAW.  Further  Experiments  on  Memory  for 
Square-Size  {Nouvelles  expériences  sur  la  mémoire  de  la  grandeur 
des  carrés).  Psycli.  llev.  II,  3,  mai  1895  ;  p.  236-244. 

Ces  recherches  ressemblent  beaucoup  à  celles  que  nous  avons 
publiées  Tan  dernier  en  collaboration  avec  V.  Henri  *  sur  la  mémoire 
(les  longueurs.  Les  auteui's  ont  étudié  la  mémoire  des  carrés.  Ils 
ont  fait  leurs  expériences  par  la  méthode  collective,  c'est-à-dire  en 
opt-rant  à  la  fois  sur  un  grand  nombre  d'individus,  ce  qui  est  une 
l'-liargne  considéi'able  de  temps.  Ils  avaient  à  leur  disposition  une 
classe  de  223  personnes,  dont  oO  étaient  des  dames.  Ce  nombre  est  bien 
considérable,  et  peut-être  faudrait-il  tenir  compte  de  la  distance  sépa- 
rant ces  i)crsonnes  du  modèle  ({u'on  leur  monti'ait;  nous  ne  trouvons 
|ias  dans  l'article  d'allusion  à  ce  point  particulier.  On  laissait  écouler 
onlre  le  moment  où  le  carré  était  montré  et  celui  où  se  faisait 
ré})reuve  de  mémoire,  un  temps  assez  long,  de  dix,  vingt  ou  qua- 
lante  minutes  selon  les  cas. 

Dans  une  premièi'e  recherche,  on  a  examiné  deux  points  particu- 
litîrs  :  quelle  est  la  nK'tliodt!  à  ('iii])loyer  pour  coimaîlre  l'état  de  la 
mémoire  —  et  quelle  est  rinlluence  du  temps  sur  les  souvenirs. 
Pour  les  méthodes,  trois  ont  été  mises  à  l'épreuve  :  1''  La  méthode 
de  reproduction,  consistant  à  dessiner  le  carré  de  mémoire  ;  la  gran- 
deur du  carré  modèle  était  de  170  millimètres.  Les  dessins  de  mé- 
moire ont  été  trop  petits,  ou  moyenne  de  146  millimètres.  Ce  résultat, 

(I)  Année  psychologique,  I,  p.  402. 


692  ANALYSES 

que  les  auteurs  considèrent  comme  inattendu,  est  confoimc  aux 
nôtres;  nous  avons  vu  que  les  enfants  de  8  à  12  ans  diminuent, 
en  la  reproduisant  de  mémoire  avec  la  main,  une  longueur  dv 
17  centimètres.  —  2°  La  méthode  de  sélection,  consistant  à  faire 
retrouver  un  modèle  de  130  millimètres  carn's  dans  une  série  com- 
prenant des  carrés  depuis  130  jusiju'à  210  millimètres.  —  3"  La  mé- 
thode d'identification,  consistant  à  comparer  le  carré  modèle,  de 
mémoire,  avec  un  autre  carré,  pour  juger  lequel  des  deux  est  le 
plus  grand  ou  s'ils  sont  égaux;  dans  tous  les  cas,  le' second  carré 
était  plus  grand  de  20  millimètres.  Les  résultats  de  ces  deux  mé- 
thodes sont  comparés  :  ceux  de  la  méthode  d'identification  sont  les 
meilleurs.  En  efTet,  en  comptant  le  tant  pour  cent  des  réponses 
justes,  on  a  pour  la  mélhode  de  sélection  :  64,1  (après  dix  minutes)  ; 
'o9,3  (après  vingt  minutes);  36,4  (après  trente  minutes)  ;  la  méthode 
tridenlification  donne  87,6  (après  dix  minutes)  ;  82,7  (après  vingt 
minutes)  ;  58,5  (après  trente  minutes). 

Mais  ces  deux  méthodes  présenlent  l'une  ri  raulre  des  causes 
d'erreurs  :  si,  quand  on  emploie  la  méthode  d'identilication,  le  sou- 
venir du  carré  diminue  dans  la  mémoire,  les  résultats  n'inditpieronl 
pas  l'erreur,  puis<iue  le  modèle  est  réellement  plus  pi'tit  i[\u-  le 
second  carré  que  l'on  montre  ;  ces  résultats  sont  donc  inconii)lels. 
D'autre  part,  la  méthode  de  sélection  serait  la  cause  d'crrciii^  loiil 
aussi  graves;  si  on  f.iit  retrouver  un  carré  dans  une  série  de 
10  carrés,  ayant  de  100  à  190  millimètres,  nous  disent  les  auteurs, 
et  que  le  modèle  à  letrouver  soit  dans  un  cas  de  120  millimètres  et 
dans  l'autre  cas  de  170  millimètres,  on  observera  que  le  snjel  e>l 
comme  attiré  vers  le  centre  de  la  série,  agrandissant  le  carré  le  plus 
petit,  et  diminuant  le  plus  grand.  Ainsi,  en  moyenne,  pour  le  carré 
de  120  millimètres,  on  en  désignera  un  de  123,3;  pour  le  carré  de 
170  millimèlres,  on  en  désignera  un  de  165.  Nous  ferons  remar- 
quer aux  auteurs  (pi'ils  auraient  pu  donner  plus  de  détails  sur  leurs 
expériences,  indiquer  surtout  le  nomhre  de  leurs  sujets.  Huant  à  nous, 
nous  avons  fait  nos  expériences  sur  plusieurs  centaines  d'enfants, 
et  la  méthode  de  sélection  —  que  nous  avons  employée  sous  un 
autre  nom;  celui  de  méthode  de  reconnaissance  —  ne  nous  a  jioinl 
donné  ces  résultais;  il  y  a  eu  constamment  diminuliou  de  la 
longueur    des    lignes  dans    la  mémoire. 

Poui-  obvier  à  ces  différents  inconvénients,  les  auteurs  ont  i>rocédé 
de  la  manière  suivante  :  on  montre  un  premier  carré,  qui  est  de 
150  millimètres  ;  puis,  an  bout  de  <lix,  vingt  ou  (piaraiile  minutes, 
on  en  montre  un  second,  don!  on  fait  varier  la  grandeur,  dans  des 
épreuves  successives,  jusipi'à  ce  (]u'il  paraisse  égal  au  piemicr.  On 
trouve,  d'une  manière  générale,  que  lorsque  l(>s  deux  cairés  sont 
égaux,  le  deuxième  est  jugé  plus  petit;  pour  qu'ils  soient  jugés 
égaux,  il  faut  que  le  premier  soit  plus  pelit  :  ce  (jui  semble  nuuilrer 
que  le  souvenir  du  carré  lend  à  augmenter,  à  s'exagérer.  Les  auteurs 


MÉMOIRE    ET   ASSOCIATION    d'iDÉES  693 

t^xpliquent  ce  résultat  par  une  application  bien  hasardée  de  la  loi  de 
Weber  aux  souvenirs, 

Alfred  Binet. 


BUl'RDOX.  —  Observations  comparatives  sur  la  reconnaissance,  la 
discrimination  et  l'association.  Hev.  Phil.,  août  1893,  p.  153-i8o. 

L'auleur  est  de  ceux  qui  pensent  que  sans  ni'-gliuer  l'étude  des 
sensations  les  psychologues  doivent  aujourd'hui  s'attaquer  résolu- 
ment à  des  fonctions  plus  élevées  de  l'entendement.  Son  travail  est 
une  série  de  recherches  expérimentales  sur  la  reconnaissance,  la 
discrimination  et  l'association;  les  recherches  de  ce  genre  n'exigent 
point  d'appareils,  mais  seulement  beaucoup  de  patience,  et  quelques 
personnes  de  bonne  volonté  consentant  à  servir  de  sujets.  Il  y  a  là, 
par  conséquiMil,  une  voie  à  indiquer  à  beaucoui)  de  professeurs  de 
philosophie  qui,  quoique  n'ayant  jamais  fréquenté  de  laboratoire, 
désireraient  faire  ch^  la  psychologie  expérimentale. 

Reconnaissance.  —  La  reconnaissance,  d'après  les  traités  classi({ues, 
est  le  troisième  temps  de  la  mémoire  ;  la  mémoire  consiste  à  con- 
server, à  reproduire,  et  en  troisième  lieu  à  reconnaître.  L'auteur  n'a 
point  étudié  la  reconnaissance  comme  phénomène  de  mémoire,  mais 
la  perception  de  reconnaissance,  c'est-à-dire  l'acte  par  lequel,  perce- 
vant un  objet  ou  une  personne,  nous  jugeons  que  cette  personne  et 
cet  objet  nous  sont  déjà  connus  et  ont  été  l'objet  d'une  perception 
antérieure.  Pour  étudier  la  reconnaissance  sous  une  forme  expéri- 
mentale, il  suffit  de  donner  à  un  sujet  une  série  d'impressions  des 
sens,  parmi  les(iuelles  deux  seront  identiques,  et  on  verra  sous  quelles 
conditions  le  sujet  s'aperçoit  de  cette  identité,  et  reconnaît  la  seconde 
impression  comme  répétée.  On  pourrait  faire  la  recherche  au  moyen 
d'odeurs,  de  saveurs,  de  contacts,  etc.  L'auteur  a  choisi  des  lettres 
et  des  mots.  Il  énonçait  devant  le  sujet  des  séries  de  lettres  ou  des 
séries  de  mots,  avec  une  vitesse  d'une  lettre  et  d'un  mot  par  seconde 
ou  par  demi-seconde  ;  il  avait  le  soin  que  dans  la  série  un  mot  ou  une 
lettre  fussent  répétés.  Le  sujet  ('tail  invili'  à  écouter  attentivement  la 
série,  dontla  longueur  était  telh-  qu'on  fût  incapable  de  la  remémorer 
tout  entière  :  on  cherchait,  en  elfef,  à  étudier  la  reconnaissance  et 
non  la  mémoire  de  reproduction.  Les  expériences  avec  des  lettres 
sont  [>lus  difliciles  ({u'avec  des  mots,  [laice  que  l'un  ne  [leut  pas 
changer  constamment  les  lettres,  d'une  expérience  à  l'autre,  comme 
on  peut  le  faire  pour  les  mots,  et  par  conséquent  le  sujet  peut  être 
embarrassé  par  le  souvenir  d'une  expérience  anl(';rieure. 

(Juel(iues  travaux  ont  déjà  été  faits,  notamment  en  Allemagne,  sur 
la  reconnaissance  des  impressions;  nous-mêmes,  en  coILaboialion 
avec  M.  V.  Henri  ',  nous  avons  fait  des  expi'-riences  sur  la  reconnais- 

(l)  Année  psycholuf/ique,  I.  p.   19. 


694  ANALYSES 

sance  des  mot?,  avec  une  métliode  analogue  à  celle  de  Bourdon, 
et  nous  avons  constaté  ce  point  important  que  Ton  peut  reconnaître 
une  quantité  considérable  de  mots  dont  on  ne  se  souvient  ]ilus. 
Bourdon  s'est  occupé  de  trois  points  principaux  :  a)  A  quel  inter- 
valle de  distance  la  reconnaissance  est-elle  possible?  Supposons  que 
la  série  de  mots  récités  soit  de  18;  le  mot  qui  est  répété  occupe  le 
rang  5  et  le  rang  14  ;  récart  entre  les  deux  mots,  qui  est  ici  de  9. 
exerce  une  grande  influence  sur  la  reconnaissance;  s'il  est  liop 
grand,  la  reconnaissance  est  impossible.  En  moyenne,  "on  trouve  (jue 
les  reconnnis'^ancespar  des  adultes  intelligents  ne  sont  ni  trop  faciles 
ni  trop  diiiiciles,  pour  les  lettres,  avec  un  nombre  de  5  à  10  de 
lettres  interposées  ;  pour  les  mots,  l'écart  doit  être  de  7  à  14  mots. 
Dans  ces  conditions  le  nombre  des  reconnaissances  est  de  50  p.  100, 
à  moins,  bien  entendu,  que  certaines  circonstances,  comme  le  sens 
particulièrement  intéressant  d'un  mot,  n'en  facilite  la  reconnais- 
sance. Pour  un  mot  donné,  la  distance  à  laquelle  il  peut  être 
reconnu  fournit  un  critérium  très  délicat  de  l'intérêt  qu'il  présente. 
L'éclat  phonétique  du  mot,  sa  position  au  premier  rang  de  la  série 
peuvent  également  rendre  la  reconnaissance  plus  facile  et  plus  sûre. 

b)  Erreurs  de  reconnaissance.  Les  études  publiées  tout  récemment 
sur  les  paramnésies  ou  fausses  reconnaissances  *  donnent  quelque 
intérêt  à  cette  question.  L'auteur  constate  <pieles  erreurs  de  lecon- 
naissance  ont  eu  pour  principales  causes  dans  ses  expériences  :  des 
analogies  phonétiques  {i  confondu  avec  j,  b  avec  p,  a  avec  /■,  et 
pour  les  mots,  fer  avec  mer,  jour  et  fourche,  etc.),  des  analogi(^s  de 
sens  (chaussure  et  bottine,  etc.)  ;  à  noter  aussi  que  l'on  se  seul  poi  té' 
à  reconnaître  les  lettres  ou  mots  qui  ('■veillent  l'attention.  «  Il  y  a 
donc  une  certaine  parenté  entre  le  sentiment  qu'on  éprouve  quand  on 
reconnaît  quelque  chose  et  celui  qu'on  éprouve  en  devenant  attentif.  » 

c)  Théorie  de  la  reconnaissance.  Cette  question  n'est  point  déplacée 
dans  une  é  tilde  expérimentale;  il  aurait  été  seulement  à  désirer  que 
l'auteur  l'eût  traitée  expérimentalement,  comme  les  autres.  Il  nous 
donne  ses  impressions  personnelles.  Pourquoi  n'a-t-il  pas  recueilli 
avec  soin  celles  de  ses  sujets  ?  On  a  décidé'ment  bien  de  la  peine  en 
psychologie  à  ne  pas  traiter  ses  sujets  en  purs  automates.  Quoi  (piil 
en  soit,  l'auteur  combat  l'hypothèse  d'après  laquelle  la  reconnais- 
sance se  ferait  par  la  comparaison  entre  un  souvenir  de  l'objet  et  sa 
perception  actuelle.  Ce  n'est  là,  dit-il,  que  du  raisonnement,  et  non 
de  robservalion.  Son  observation  personnelle  lui  montre  que  dans 
la  reconnaissance  il  y  a  simplement  une  perception  plus  rapide,  ]ilus 
facile,  avec  accompagnement  (Vun  sentiment  intellectuel  sui  generis, 
qu'on  appelle  sentiment  de  reconnaissance  et  qui  entre  dans  ce 
groupe  auquel  appartiennent  la  certitude,  le  doute,  le  sentiment  de 
savoir,  celui  de  comprendre  ou  de  ne  pas  comprendre.  Quand  nue 

(1)  Année  psychol..  L  p.  414. 


MÉMOIRE   ET   ASSOCIATIO"*  d'iDÉES  69o 

perception  ou  une  représentation  se  produit,  dit  Bourdon,  certains 
psychologues  supposent  tout  de  suite  d'autres  représentations, 
cachées  on  ne  sait  où,  et  qui  aperçoivent,  s'assimilent,  repoussent 
la  nouvelle  arrivante.  C'est  l'hypothèse  des  représentations  latentes, 
hypothèse  complètement  fausse,  et  la  psychologie  fera  un  progrès 
considérable  (d'après  Bourdon)  quand  cette  hypothèse  aura  été 
définit ivement  abandonnée. 

Discrimination.  —  C'est  une  opération  qui  ne  diffère  guère  de  la 
précédente.  L'auti-ur  met  sons  les  yeux  de  ses  sujets  un  texte  et  les 
prie  de  le  parcourir  le  plus  vite  possible  pendant  un  temps  donné 
(quatre  minutes)  en  barrant  d'un  trait  vertical  de  crayon  certaines 
lettres  convenues  d'avance,  par  exemple  tous  les  a.  Celte  recherche 
conduit  l'auteur  à  quelques  constatations  de  détail,  et  ensuite  à  une 
théorie.  Parmi  les  constatations  de  détail,  nous  signalons  les 
suivantes  :  le  temps  consacré  à  une  lettre  à  marquer  est  de  6  à 
M  fois  plus  long  en  moyenne  que  le  temps  consacré  aux  lettres  qui 
ne  sont  pas  à  marquer;  chaiiue  lettre,  pour  être  sommairement 
[lerçue,  exige  de  7  à  8  centièmes  de  seconde;  la  lettre  marquée  a 
licsdin  de  5  à  7  dixièmes  de  seconde.  Cette  diflV'rence  tient  d'abord 
à  ce  que  le  temjis  de  perception  nette  est  supérieur  au  temps  de 
percejiiion  confuse,  et  à  ce  que  la  perception  nette  exige  un  court 
effort  d'attention  qui  immobilise  un  moment  l'œil  ou  la  tète  ;  chacun 
sent  lui-même  ces  petits  arrêts  de  la  tête  ou  de  l'œil,  à  chaque  fois 
qu'il  rencontre  une  lettre  à  marquer  ;  mais,  en  outre,  il  faut  tenir 
compte  du  temps  relativement  considérable  pris  par  l'acte  de 
marfjuer  une  lettre  au  crayon,  et  il  est  bien  difficile  de  faire  la  part 
de  temps  exigé  par  cet  acte. 

Le  nombre  des  omissions  varie  avec  les  personnes  dans  une 
mesure  très  large  et  constitue  d'importantes  caractéristiques  indivi- 
duelles ;  tel  oublie  1  à  2  p.  100  des  lettres  à  marquer;  tel  autre  en 
oublie  Jusqu'à  20  p.  100.  Il  n'y  a  pas  de  relation  entre  le  nombre 
des  omissions  et  le  temps  mis  à  effectuer  les  opérations  :  on  trouve 
des  personnes  qui  peuvent  à  la  fois  travailler  vite  et  bien.  Ii'iinc 
manière  générale,  les  omissions  ont  été  le  moins  fiéquentes  pour  la 
lettre  e  et  le  plus  pour  l'o  ;  ce  qui  tiendrait,  dit  l'autfnir,  à  ce  que  la 
première  lettre  a  une  conqdexité  de  forme  qui  attire  l'attention, 
tandis  que  l'o  a  une  forme  très  simple. 

Sur  l'état  mental  des  sujets  pendant  les  expériences,  l'observation 
la  plus  curieuse  est  que  plusieurs  individus  peuvent  lire  les  lettres 
sans  les  prononcer  mentalement.  Ceux  qui  déclarent  (|u'ils  pronon- 
cent mentalement  présentent  un  temps  très  long  de  lecture  meiilale  : 
doù  l'auteur  liit-  cette  conclusion  pédagogique  que  les  maîtres 
<levraienl  liabiluer  les  élèves  à  lire  des  yeux,  sans  prononcer  menta- 
lement ;  ce  serait  inie  éionomie  de  temps  et  de  travail. 

Les  quelques  mots  qu'il  a  écrits  sur  le  mécanisme  de  la  discrimi- 
naT.ion  reposent  évidemment  sur  une  auto-observation;  il  pense  que, 


i 


69G  ANALYSES 

loisqiruii  a  à  iiiaiiiucr  une  li'lUe,  oeilo-ci  n'existe  pas  dans  l'esprit, 
pendant  le  coins  de  l'expérience,  à  l'état  de  repi^ésentalion.  La 
discrimination  n'est  jias  un  acte  volontaire,  et  très  souvent  on  sent 
très  bien  qu'on  marque  les  lettres  macliiiuilemenl.  Il  serait  à  désirer 
que  l'auleiu-  eûl  recueilli  sur  ces  (jueslions  le  l(''moianage  de  ses 
sujets. 

Associations  verbales.  —  Ou  a  déjà  fait  beaucoup  d'expériences 
sur  les  associations  verbales  ;  on  n'envisage  ici  qu'une  toule  |ie[ile 
partie  de  ce  iiraiid  sujel.  Des  listes  de  mots  comprenant  des 
noms,  des  adjeclil's  et  des  verbes,  sont  placées  entre  les  mains 
des  sujets,  qui  doivent  écrire  à  la  suite  de  chacun  de  ces  mots  celui 
i|ui  leur  vient  à  l'espril.  Le  nombre  de  ces  suggestions,  qui  aug- 
mente beaucoup  avec  la  répétition  des  expériences,  varie  de  dix 
à  vingt  par  minute.  Ces  expériences  ayant  été  répétées  pour  les 
mêmes  pei^sonnes,  et  avec  les  mêmes  mots,  à  un  ou  plusieurs  jours  ; 

d'intervalle,  on  a  pu  calculer  le  nombre  d'asociations  qui  se  réjjètent 
d'une  expérience  à  l'aulre;  la  persistance  des  associations  exprime 
à  la  fois  la  stabilité  intellectuelle  et  le  jjeu  de  richesse  des  idées  ;  siu- 
sept  sujets  examinés,  trois  forment  un  groupe  chez  qui  l'instabililé 
est  grande;  le  quatrième  a[i[iartient  à  un  type  moyen;  les  trois 
autres  présentent  une  izrande  stabilité.  Oi',  les  premiers  s'adonnent 
à  des  éludes  liltiMaires  et  les  derniers  sont  des  scientiliques  :  il  y 
a  donc  là  des  indications  pour  des  recherches  xdtérieures  sur  le 
caractère  intellectuel. 

La  nature  grammaticale  des  associations  donne  lieu  à  ([uel([ues 
reniar(]ues  curieuses  ;  on  trouve  4  [i.  100  d'associations  de  noms- 
verbes  (comme  porte-plume-écrire) ,  3  \k  100  d'associations  d'ad- 
jectifs-verbes (comme  froid-chau/fer)  ;  uiu-  proportion  plus  élevée/ 
lévélerait  même,  dit  l'auteur,  une  disposition  à  rincohérence.  Les- 
associations  nom-nom  (comme  chapeau-tête)  sont  de  55  p.  100, 
et  de  nom-adjectif  (comme  chapeau-blanc)  sont  de  41  p.  100. 
Les  associations  d"adjectif-nom  (comme  grand-mouchoir)  sont  de 
42  p.  100  et  d'adjectif-adjectif  (comnu^  bleu-rouge)  sont  de 
55  p.  100.  Kniin,  ou  trouve  60  p.  100  de  verbes-noms,  18  de  verbes- 
adverbes  et  19  de  verbes-verbes.  La  fr('-(|ueuce  de  l'une  ou  l'autre  de 
ces  associations  chez  un  inènu'  individu  peut  iM-lairer  dans  (piehiut; 
mesure  la  nature  de  sou  esj)ril.  «  Lors(|u"on  trouve  chez  une  même^ 
personne  beaucoup  de  nonis-iu)ms,  d'adje.^tifs-ailjectifs  et  de  verbes- 
verb(;s,  c'est  qu'on  aura  affaire  à  un  esprit  logiipu',  doué  d'une  forte- 
tendance  à  associer  i>ar  conrdinatiiui.  » 

L'auteur  a  mis  dans  son  travail  ses  qualités  habituelles  de  bon 
sens  et  de  conscience  ;  nous  regrettons  (lu'il  ait  nt-gligé  systémati- 
([uement  riustori(|ue  des  ([uestious  dont  il  traite;  il  parle  dt;  la 
reconnaissance,  de  l'association  des  idées  connut;  si  on  ne  s'était 
jamais  occupé  de  ces  jdn'nomènes  avant  lui  ;  pour  la  discrimination, 
il  cite  ru  note    le   travail  de  Callell  sur  le  temps  nécessaire  pour 


MÉMOIRE   ET  ASSOCIATION    d'iDÉES  697 

percevoir,  mais  il  n'a  pas  cru  utile  de  coniiiarer  ses  résultais  à  ceux 
(lu  psychologue  américain. 

Alfred  Binet. 

\\ .  LEWY.  —  Experimentelle  Untersuchungen  iiber  das  Gedàchtniss. 

—  {Eludes  expérimentales  sur  la  mémoire. j  Zciiscli.  L  l*s.  u.  l'iiys. 
a.  Sinn.,  VIII,  p.  230-232. 

Deux  travaux  sur  la  mémoire  sont  rapportés  par  Fauteur  ;  le  pre- 
mier est  consacré  à  Fétude  de  la  mémoire  visuelle  des  lonuueurs.  On 
présentait  au  sujet  pendant  un  temps  déterminé  une  certaine  lon- 
gueur marquée  par  deux  pointes  sur  un  (il,  puis  après  un  intervalle 
on  montrait  une  autre  longueur  et  le  sujet  devait  dire  si  la  première 
longueur  était  plus  grande  ou  plus  petite  que  celte  dernière  ;  ce  juge- 
ment donné,  on  déplaçait  l'une  des  pointes  dans  un  certain  sens 
jusqu'à  ce  que  le  sujel  considérât  cette  longueur  comme  étant  égale 
à  la  première  ;  on  oblenait  la  valeur  de  l'eiTeur  commise  par  le 
sujel  en  prenant  la  ditlerence  de  la  longueur  normale  et  de  la  der- 
nière longueur  qui  paraissait  être  égale  à  la  première.  L'auteur  a 
rapporté  cette  difléi-ence  à  la  longueur  normale  et  il  a  exprimé  ce 
rapport  eu  laiil  pom'  100. 

Les  longueurs  employées  par  l'auteur  variaient  de  20  à  200  mm., 
il  y  en  avait  en  tout  dix;  deux  sujets  seulement  ont  servi  pour  ces 
expériences.  La  première  étude  est  consacrée  à  l'intluence  de  la 
durée  de  l'intervalle  de  temps  entre  la  vision  de  la  longueur  noi- 
male  et  celle  de  la  deuxième  longueur  ;  9  intervalles  variant  entre 
une  et  soixante  secondes  ont  été  étudiés,  on  a  constaté,  en  prenant 
la  moyenne  de  toutes  les  longueurs,  que  la  valeur  de  l'erreur  aug- 
mente avec  la  durée  de  l'intervalle,  elle  augmente  en  général  len- 
tement jusqu'à  dix  secondes,  puis  plus  rapidement;  de  plus,  l'erreur 
est  en  général  plus  considérable  pour  un  intervalle  d'une  seconde 
que  pour  un  intervalle  de  deux  secondes  ;  l'auteur  croit  pouvoir 
expliquer  ce  résultat  par  l'oscillation  de  l'attention. 

Si  ou  examine  de  [)lus  près  les  tableaux  I  et  II  (pii  amènent  l'au- 
teur à  ces  conclusions  on  est  étonné  d'y  constater  une  variation 
moyenne  considérable  ;  cette  variation  moyenne  n'a  [lourlant  pas 
été  calculée  et  l'auteur  n'en  parle  pas  du  tout;  ainsi  par  exemple  si 
nous  prenons  un  même  intervalle  de  dix  secondes  nous  voyons  pour 
les  dinVionles  longueurs  l'erreur  varier  irrégulièreme-ntde  8,5  p.  100 
à  2,2  p.  100;  l'auteur  en  tire  la  moyenne  4,9  ;  nous  croyons  qu'on 
devrait  s'arrêter  sur  des  dilîérences  part^illes  dans  les  erreurs,  clier- 
clier  à  les  éliminer,  ou  bien  les  expliquei';  la  même  inconstance 
des  résultats  s'observe  encore  lorsqu'on  compare  les  rlii lires  pour 
une  même  longueur  ;  par  exemple  on  voit  pour  la  longueur  de  80  mm. 
que  l'erreur  moyeniu!  après  vingt  secoinles  est  de  9,7,  pour  (pia- 
ranle  secondes  de  8,0  et  pour  soixante  secondes  de  4,4  ;  i)our  200  mm. 


! 


698  ANALYSES 

Toireur  pour  vini;f  secondes  esl.  de  b,8,  pour  quaraule  secondes  de 
8,5  et  pour  soixante  secondes  de  3J.  On  ne  peut  i)as,  croyons-nous, 
secontenler  de  jiareilles  difTérences  et  simplement  les  nt'gliger.  Il 
serait  intéressant  de  noter  le  sens  dans  lequel  l'erreur  est  commise, 
l'auteur  n'en  parle  pas  ;  de  i)Ius,  il  faudrait  aussi  éludier  les  effets  de 
coniraste  qui  devaient  Jouer  uu  certain  rôle  dans  les  expéiiences 
faites  par  la  méthor'de  employée  par  Taulcur;  en  <'ll'el  il  dil  qu"il 
variail  irii'i.Mdièremeii(  l,i  longueur  lorsqu'il  passait  d'iuie  expé-rience 
à  l'autre  ;  il  peut  y  avoir  une  influence  jiroduite  pai-  la  longueur  de 
l'expérience  piéci-dente,  comme  nous  avons  pu  nous  en  convaincre 
dans  des  expériences  que  nous  poursuivons  sur  la  mémoire  des 
couleurs;  l'auteur  ne  suiqiose  même  pas  la  possibilité  de  l'exisfence 
d'une  pareille  source  d'erreur.  1 

L'auteur  a  ensuile  examiné  l'influence  de  difTérentes  distraclions 
pendant  l'inlervalle  ;  ces  disiraclions  consistaient  à  montrer  des  lon- 
gueurs pendant  l'intervalle,  ou  bien  à  montrer  des  photograi)liies, 
ou  enfin  à  faire  faire  des  calculs  ;  de  loules  ces  causes  c'est  la  der- 
nière qui  influe  le  plus  ;  ici  encore  on  trouve  la  même  inconstance 
dans  les  taldeaux  que  pré-cédemmenl. 

Enfin  la  durée  du  temps  de  rexposition  a  aussi  une  influence  sui' 
la  valeur  de  l'erreur.  L'influence  de  l'exercice  n'est  pas  considéral>le 
dans  ces  expériences.  Cette  première  partie  se  termine  par  les  obser- 
vations internes  des  deux  sujets;  ils  appartiennent  tous  les  deux  au 
type  visuel,  ils  se  représentent  bien  les  longueurs,  ces  re[)réseutations 
ne  sont  pas  constantes,  mais  ])résentent  des  oscillations. 

Le  deuxième  liavail  est  cdiisacré  à  léhKb'  de  la  nM'^nmire  dans  la 
localisation  des  sensations  tactiles.  On  toucliait  un  |H.iiil  du  bras  du 
sujet  qui  avait  les  yeux  bandés   et    qui  devait  a|Mès    un   intervalle 
donné  toucher  le  même  point  avec  la   |iointe  d'un  crayon.   Ordinai- 
rement on  notait  le  point  sur  leqmd  le  sujet   s'arrêtait  en  dernier 
lieu  mais  dans  (pielques  S('-ries  on  iiolail  aussi  le  preniiei'  point  de  la 
peau  touché  par  le  sujet.  Les  expériences   iailes  sur  cinq  sujets  ont 
montré  (pie  Terreur  de  localisation  augmente  avec  la  durée  de  l'in- 
tervalle, une  distraction   produite    pendant  l'intervalle  ninflue  pa^ 
beaucoup  sur  les  résultats.  Le  résullal  le  plus  impoilant  (jue  nous 
croyons  s'être  dégagé  des  expé'iiences  de  rauteur,  c'est  que  les  erreurs 
de  localisation  se  produisent  dans  la  grande  majorité  des  cas  dans 
un  sens  déterminé,  les  points  sont  localisés  trop  près  de  la  main  ; 
l'auteur  rapporte  ce  résultat  sans  l'exiditpier,  et  on  pouvait  prévoir 
qu'il  ne  pourrait  pas  en  d ler  une  expliialion  puiN(iiril  ne  deman- 
dait pas  aux  sujets   leurs  observations   inleines  a|>rès  cliaipie  expé- 
rience ;  nous  avons  conslalt'  il  y  a  dé'jà  enviion  deux  ans  le  même 
résultat  (v.  Archives  de  p/u/siologie,  oclohie  18!»3)  et   nous   l'avons 
encore  vérifié  bien  des  fois  depuis;  il  s'est  dégagé  des  interrogations 
des  sujets  que  le  sujet  en  localisant  un  point  cherche  à  le  rapporter 
à  des  points  de  repèr(>,  ce  sont  soit  des  plis  marqués  de  la   peau. 


I 


MÉMOIRE   ET    ASSOCIATION   d'iDÉES  G99 

soit  des  saillies  d"os,  soit  le  hord  du  membre  ou  entin  tel  muscle;  il 
apprécie  la  distance  du  point  touché  à  ce  point  de  repère,  cette  dis- 
tance est  en  général  appréciée  trop  petite,  d"où  il  résulte  que  le 
point  sera  localisé  trop  près  du  point  de  repère  choisi;  si  le  sujet 
conserve  toujours  le  même  point  de  repère  Terreur  de  localisation 
se  fera  toujours  dans  Tin  même  sens  ;  si  les  points  de  repère  chan- 
gent, les  directions  des  erreurs  changent  aussi  ;  cette  explication 
simple  à  première  vue  n'a  pu  être  obtenue  qu'à  la  suite  d'interro- 
gations minutieuses  des  sujets,  et  nous  sommes  persuadés  que  si 
l'auteur  n'avait  pas  négligé  les  observations  internes,  il  ne  serai  tpas 

étonné  de  trouver  de  pareils  résultats. 

V.  Henri. 

CORDELIA  C.  NEVERS.  —  Dr  Jastrow  on  Community  of  Ideas  of 
Men  and  Women.  {Les  idées  communes  des  f émanes  et  des  hommes, 
d'après  Jastrow.)  Psych.  Rev.,  II,  4,  juillet  1890,  p.  362-367. 

Rien  n'est  plus  fréquent  que  d'entendre  des  personnes  émettre 
des  assertions  sur  la  psychologie  comparée  des  hommes  et  des 
femmes.  On  peut  se  faire  une  idée  de  ce  que  valent  ces  jugements, 
qui  ne  reposent  sur  aucune  observation  précise,  lorsqu'on  voit  que 
des  observations  et  des  expériences  méthodiques  faites  sur  ce  sujet 
par  difi'érents  auteurs  aboutissent  à  des  l'ésultats  contradictoires. 
Jastrow  '  a  fait  écrire  à  25  hommes  et  25  femmes  de  l'Université  <Ic 
Wisconsin  des  listes  de  100  mots  détachés;  il  a  classé  les  mots  ainsi 
écrits  dans  un  minimum  de  temps,  et  en  a  tiré  des  conclusions  sur 
l'idéation  des  hommes  et  des  femmes.  Miss  Nevers  a  repris  l'expé- 
rience sur  les  élèves  femmes  du  collège  de  Wellesley  ;  chaque  élève 
a,  comme  à  Wisconsin,  dressé  sa  liste  de  100  mots,  sans  connaître 
bien  entendu  le  motif  de  l'épreuve.  On  a  fait  des  calculs  sur  les 
2  oOO  mots  ainsi  recueillis,  et  les  résultats  ne  sont  nullement  d'ac- 
cord avec  ceux  de  Jastrow.  Quelques  exemples  ^  : 

llonimps  (.1.) 

Articles  de  vêtement.   .    .   .  129 

Objets  d'intérieur 89 

Termes  abstraits 131 

Amusements 50 

Nourritiu'e 53 

D'après  .Jastrow,  les  mots  désignant  les  vêtements,  les  objets  d'in- 
térieur, la  nourriture,  les  amusements  dominent  dans  les  listes  dres- 
sées par  les   femmes;  les  mots  abstraits   dominent  dans  les  listes 

(1)  Jastrow.  .-1  Sliiihi  on  Men/nl  S/n/islirs,  New  Review,  déc.  1891. 

(2)  Première  colonne  du  tableau,  résultats  de  Jastrow  pour  les  hommes. 
Deuxième  colonne,  résultats  de  Jastrow  pour  les  femmes.  Troisième 
colonne,  résultats  de  Miss  Nevers  pour  les  femmes. 


•■ommos 

(•!•) 

Femmes  (N.) 

224 

96 

190 

84 

97 

280 

53 

102 

179 

56 

700 


ANALYSICS 


dressées  par  les  hommes.  Or,  nous  voyons  par  les  cliinVes  que  nous 
venons  de  citer  dans  le  tableau,  que  ce  ({ui  est  vrai  à  Wisconsin  ne 
Test  pas  à  Wellesley.  Ces  contradictions  montrent  que  cette  forme 
d'expérience,  quand  elle  porte  seulement  sur  25  personnes,  ne  donne 
pas  des  résultats  suflisamment  précis  pour  ('Lalilii-  la  difiérence  psy- 
chologique des  deux  sexes. 

Alfred  Hinet. 


MARGARET  B.  SIMMONS.  —  Prevalence  of  Paramnesia.  [Prédomi- 
nance des  paramnésies.)  l'sych.  Uev.,  11,  4,  juillet  iH'Jo,  p.  367-368. 

Courte  noie  sur  une  queslinii  Irrs  intéressante.  (Jn  présente  une 
couleur,  jtuis  vm  cliifTrf  ;  au  bout  île  quelque  temps,  on  présente 
une  seconde  couleur  et  un  second  chifl're  et  ainsi  de  suite  ;  le  sujet 
est  prié  d'associer  chaque  chifl're  à  la  couleur  qui  lui  a  été  présentée 
en  même  temps,  de  manière  à  ce  qu'à  la  lin  de  l'expérience,  quand 
on  lui  pK'seiilc  les  couleurs  seules,  il  écrive  les  chifi'ies  correspon- 
dants. 

Ces  expériences,  dont  le  di'-tail  ne  nous  est  point  donné  d'une  ma- 
nière assez  complète,  ont  surtout  montré  les  deux  faits  suivants  : 
l"  dans  47  p.  100  dr  cas,  le  sujet  donne  un  cliilîre  inexact  ;  c'est  ce 
(pic  laulrm  a|ipfllc  l;i  prédominance  des  paramnésies.  Xous  pen- 
sons que  cette  pr(''(|()ininance  tient  en  partie  à  ce  ({u'on  a  fait  l'ex- 
périence sur  des  chill'res;  avec  des  mots,  les  paramnésies  n'auraient 
pas  été  aussi  fréquentes.  De  jilus,  quelques  conditions  dr  l'cxpé-- 
rience  (Hil  pu  l'oiccr  les  résultats  ;  par  exemple  si  l'on  exiiieait  dans 
tous  les  cas  (jue  les  sujets  écrivissent  un  chifl're  [lour  chaque  couleur 
montrée;  2"  Quand  le  chifl'rt;  avait  été  écrit,  on  demandait  au  sujet 
s'il  en  était  sûr  ou  non.  Or,  deux  cas  principaux  peuvent  se  pré- 
senlfc  :  le  chifl're  d(unié  est  correct  ou  ne  l'est  pas.  Quand  il  est 
coiTect,  en  général  il  est  mainlmu  (76  p.  100  des  cas)  ;  quand  il  est 
incorrect,  il  est  maintenu  plus  rarement  (23  p.  100  dt-s  cas)  et  le  idus 
souvent  reconnu  comme  douteux  (environ  55  \k  100  des  cas). 

A.    R[NET. 


)^^! 


YIII 

DOULEUR,    PLAISIR,   SENTIMENTS 
SENS   ESTHÉTIQUE 


s  0  M  M  AIRE 

Douleur.  —  I.    Technifji/e  des  expériences  sur  la  douleur.  M(lCZvtko^vskl, 
Giiffing. 

II.  Recherches  expérinien laies  sur  la  douleur.  Luckey,  Mitchell,  Vos- 
kresenski,  Mac  Donald. 

III.  La  question  des  nerfs  de  la  douleur.  Strong.  Nichols,  Oppenheinier. 

IV.  Quelques  explications  psychologiques.  Mezes,  Miller. 
Sentiments.  —  I.  T/iéorie  de  Lange. 

11.  Discussions. 

m.  Strattou.  M.  Lennan,  Ferrero,  Irons. 
Sens  esthétique.  —  I.  Etudes  de  Dauriac,  Dimier,  Major,  Tarchanotl'. 
II.  Asiigmatisuie  et  estlié tique.  Pékar,  Laupts,  Henri,  Howe. 

I.   —   DOULEUR 

Il  a  clL'jà  été  parlé  de  la  doult'Ur  dans  la  serduii  di'  cet  ouvrage 
consacrée  aux  sensations  du  toucher  ;  ceci  ne  tient  i)as  à  ce  que  les 
matières  du  présent  volume  ne  sont  pas  méthodiquement  distribuées, 
mais  à  ce  que  la  sensibilité  à  la  douleur  est  étroiteme'ul  unie  à  la 
sensibilité  du  toucher,  bien  plus  élroitement  qu'à  la  sensibilité  de  la 
vue  et  de  rouie  ;  ou  a  même  contesté  qu"il  puisse  se  produire  dans 
le  domaine  des  sensations  visuelles  et  auditives  une  vraie  sensation 
de  douleur.  Nous  diviserons  notre  analyse  en  quatre  parties  :  1"  tech- 
nique des  expériences  sur  la  douleur;  2<*  recherches  expérimenlali's 
sur  la  douleur;  3'^  la  question  des  nerfs  spéciau.v  de  la  douleur; 
4**  théories  psychologiques  sur  la  douleur. 

I.    —   TECH.NIQUE   DES   EXPÉRIENCES   SUR   LA   DOULEUR 

M0(7.VTK0WSKI.  —  Un  algésimètre.  .Nouvelle  iconograpliii;  dt;  la 

Salpètrière,  janvier  IS'Jo. 
H.  (iRlFFING.  —  On  Sensations  from  Pressure  and  Impact  [Soisa- 


702  ANALYSES 

lions  de  pression  et  de  choc).  P-sycli.  llev.,  février  1893  (Monograph 
Supplemenl). 

Pour  explorer  la  sensibilité  à  la  douleur,  les  cliiiieiens  se  serveul 
liabiluellemeut  de  Tépingle  ou  de  l'aiguille,  qui  suftisent  dans  les 
cas  d'altérations  grossières  de  la  sensibilité  à  la  douleur,  mais  qui 
ne  peuvent  mettre  en  évidence  des  altérations  légères,  des  diminu- 
tions graduelles.  On  enifiloie  aussi  des  procédés  barbares,  le  pin- 
cement qui  amène  des  bleus,  la  brûlure  ou  la  perforation  de  la 
peau  de  part  en  part.  Le  D""  BJœrnstrœm,  dTpsala,  a  inventé  en 
1877  un  algésimèlre  consistant  à  serrer  entre  deux  mors  un  pli  de 
peau  ;  une  aiguille  marque  la  force  de  pression.  Cetajtpareil  donnant 
la  mesure  de  l'excitation  est  bien  préférable  à  l'aiguille,  mais  il  a 
des  inconvénients,  il  est  inexact,  la  grandeur  du  pli  et  son  enga- 
gement entre  les  mors  sont  variables  et  inlluent  sur  la  mesure  ;  de 
plus,  on  ne  peut  pas  de  celte  manière  explorer  la  sensibilité  d'un 
point  limité,  on  opère  toujours  sur  une  assez  grande  surface. 

D'autres  aiiparcils  mettent  en  œuvre  le  courant  faradique  dont  on 
augmente  graduellement  l'intensité  Jusqu'à  production  de  la  dou- 
leur. L'expérience  semble  avoir  moniré  ((ue  les  r(''sullals  obtenus 
par-  le  faradiiiiMr<'  ne  sont  pas  com[)arables  aux  autres,  et  que  la 
(loultïur  i)rovoquée  par  le  courant  faiadi([ue  n'est  pas  éf[uivalente  à 
la  douleur  de  cause  mécanique.  (Ottolengbi,  Congrès  de  Rome,  1894.)  J 

L'algésimèlre    de   Moczvtkowski    est  fondé   sur  un    jirincipe   tout  '1 

dilTérent  ;  il  se  compose  d'une  pointe  conique,  dissinnilée  dans  une 
gaine  cylindricpie  ;  la  l>ase  du  cylindre  étant  appuyée  sur  la  région, 
on  fait  sortir  la  pointe,  qui  s'enfonce  dans  la  peau;  jtar  un  réglage 
facile,  on  luifonce  la  pointe  de  la  quantité  voulue  ;  la  douleur  se 
tiouve  mesurée  en  millimètres,  c'est-à-dire  par  la  longueur  d'enfon- 
cement de  la  pointe  dans  la  ])eau  ;  la  |>lus  grande  longueur  est  de 
1""",5  ;  même  avec  le  maximum  d'eiifoncemeiil  la  pointe  est  assez 
mousse  ])0ur  (pu'  la  pi(|ùre  ne  donne  pas  de  sang.  La  pointe  est 
enfoncée  par  un  ressort. 

Le  dernier  algésimètre  (pii  nous  reste  à  signaler  est  le  plus  connu 
de  tous,  et  il  est  employé'  en  AnK^ricpie.  C'est  celui  de  Catfell  ;  c'est 
un  dynamomèti-e  à  lessort  ;  extérieurement  il  ressemble  beaucoup 
au  précédent,  il  contient,  dans  une  gaine  un  ressoit  (pii  agit  sur  une 
pointe  garnie  d'un  bout  en  caoulcbouc  ;  on  ap]»uie  la  jiointe  de  l'ins- 
trument sur  la  région,  on  appuie  progressivement  jusqu'à  ce  que  la 
douleur  se  manifeste  ;  la  force  de  pression  dépensée  par  l'expéi'i- 
menlateur  comprime  d'autant  le  ressort,  et  une  giaduation  exté- 
rieure à  l'instrument  permet  de  la  lire.  Les  résultats  s'expriment  en 
chinVes  de  pression,  qu'il  est  facile  dt;  transformer  en  poids  en 
appuyant  l'instrument  sur  le  |ilaleau  d'une  balance  ;  on  voit  que  par 
sou  principe  l'appareil  est  tout  à  l'ait  ilifTérent  de  celui  de  Moczvt- 
kowski, dont  les  résultats  s'expriment  en  longueur  de  pointe. 


DOULEUR  703 

l'oiir  pouvoir  apprécier  ces  diflërents  algésimètres,  il  faudrait 
comparer  attenliveuieuL  leurs  résullats.  C'est  une  recherche  qui  n'a 
pas  encore  été  faite,  el.  que  nous  in(li(iuons  aux  Iravailleurs. 

Voici  quelques  chin'res  donnt's  jiar  Tauleur  russe  : 

Front,  prés  des  cheveux O'""".  3 

Gencive 0,6 

Surface  interne  des  joues 0,9 

Fesses l     ,2 

I^lante  des  pieds 1     ,5 


(iriffnig  a  étudié  plus  méthodiquement  ce  sujet,  et  nous  extrayons 
de  son  mémoire  les  renseignements  suivants  :  la  quantité  de  pres- 
sion nécessaire  pour  provoquer  la  douleur  est  difficile  à  déterminer, 
parce  que  l'expérience  est  modifiée  par  beaucoup  de  facteurs,  l'é- 
])aisseui-  de  la  peau,  rimagiujiiion,  la  ix-ur,  le  sens  que  le  sujet 
attribue  au  mot  douleur.  Les  vaiiations  individuelles,  d'après  Grif- 
fing,  sont  tiès  fortes,  et  bien  plus  importantes  que  l'influence  de 
l'àgc  et  du  sexe,  quoiqu'on  puisse  dire  d'une  manière  générale  que 
les  femmes  et  les  enfants  sont  plus  sensibles  que  les  hommes.  Des 
expériences  faites  sur  différents  individus  par  Grifiing  au  moyen  de 
pression  sur  la  paume  de  la  main  gauche  avec  l'instrument  de  Cattell 
ont  donné  les  pressions  suivantes,  comme  minimum  de  perception 
de  douleur  (la  pression  s'exerrait  sur  une  surface  de  8™™  de  diamètre). 

50  enfants  de  12  k  15  ans 4^  8 

40  étudiants  de  16  à  21  ans 5",  1 

38  étudiants  en  droit,  de  19  à  2b  ans 7",  8 

58  fennnes  de  16  à  20  ans 3\  6 

40  étudiantes  de  17  à  22  ans 3%  6 

La  sensation  de  douleur  arrive  brusquement  et  il  semlih',  au 
témoignage  de  la  conscience,  que  c'est  une  sensation  nouvelle,  dis- 
tincte de  la  sensation  tactile  (Giifling,  op.  cit.,  p.  2o)  ;  ce  qui  ai)]mie 
cette  opinion,  c'est  (jue  la  sensation  de  douleur  ne  coïncide  pas  avec 
celle  du  contact,  mais  succède  ;  si  on  touche  un  objet  chaud,  on 
sent  l'objet  d'abord,  la  douleur  tliermitpui  ne  vient  (ju'après  ;  et  il  m 
est  de  même  pour  une  pression  douloureuse  ;  (ioldscheider',  I,(!li- 
mann-  et  d'autres  ont  bien  montrt*  que  les  temps  de  réaction  à  la 
douleur  sont  plus  longs  (jue  les  temps  de  réaction  aux  autres  sen- 
sations. 

D'après  les  expi'riences  de  (irifliug,  le  seuil  de  la  douleur'  varie  de 


(1)   Goldsclieider.    /'////.v//>/.   C.csclL,    oct.    1890:    Die    Lehre     der  Specif. 
Eiiergien  der  Sinftesorgane,  1881. 

(2) 'Lehmauu,  Die  ]laiip/</eselze  des  mensch.  Oe fiililslebeji,  ii,  45. 


04  ANALYSES 


l.i  manière  suivante  pour  les  différentes  parties  du  corps  (les  chif- 
fres expriment  des  kilogrammes;. 

Région  temporale  droite  de  la  tète 1 

Front 1,  3 

Abdomen 1  7 

Sommet  de  la  tète i,  S 

Poitrine,  sternum 2,  4 

Main  droite,  face  dorsale 3,  3 

Cuisse  droite 4,  3 

Talon  droit '  .  7,  0 

Main  droite,  paume 7,  3 

Le  seuil  de  la  douleur  est  élevé  pour  les  régions  à  peau  épaisse  et 
pour  celles  qui  recouvrent  des  masses  musculaires.  La  région  tem- 
porale de  la  tète  est  la  plus  sensible,  la  paiime  de  la  main  est  parmi 
les  moins  sensibles.  Ces  résultats  présenlent  (juelque  analogie  avec 
ceux  de  l'auteur  russe.  La  surface  sur  laquelle  on  exerce  la  pres- 
sion a  une  grande  importance  pour  la  iiroduction  de  la  sensation 
de  douleur.  On  sait  qu'une  certaine  pression  qui  provoque  une 
vive  douleur  quand  elle  sert  à  enfoncer  une  pointe  line  ne  provoque 
aucune  sensation  pénible  quand  elle  est  répartie  sur  une  grande 
suiface.  Voici  des  cliiflres.  Sur  une  surface  de  O*^'"-,!  il  faut  l''-,4 
de  jtression  jiour  provo(juer  la  douleur  ;  sur  une  surface  0'^"'^,3,  il  faut 
2.^r,S  de  jtression  ;  surface  de  0<="'-,9,  4'^r,4  ;  surface  de  2<="'-,7,  ù^r.Ù  ;  la 
pression  douloureuse  est  à  peu  près  proportionnelle  au  logarithme 
de  la  surface. 


II.    —    UECIIERCIIES    EXPERIMENTALES    SUR    LA    DOULEUR 

1.  LI'CKKV.  —  Some  Récent  Studies  of  Pain.  (Quelques  éludes  récentes 
sur  la  douleur.)  Amer.  J.  ol'.  Psych.,  VII,  n»  1,  octobre  1895,  p.  408- 
123. 

2.  \V.  MITCHELL.  —  Wrong  Référence  of  Sensations  of  Pain.  {Loca- 
lisation inexacte  des  sensations  de  douleur.)  Mrd.  .News,  LXVl,  ISOo. 

3.  VO.SKHKSI^.NSKI.  —  De  la  sensibilité  cutanée  chez  l'homme  sain 
et  chez  les  paralytiques  généraux.  (".(uiIïtciico  t\r^  m-'dccins  (h'  la 
clinique  mentale  et  nerveuse  de  Saint-Pétersbourg,  21  sept.  189:» 
(Extrait  des  .\rch.  de  Neurologie). 

4.  Arthur  MAC  Tk».\.\M>.  —  Sensibility  to  Pain  by  Pressure  in 
the  Hands  of  Individaals  of  Différent  Classes,  Sexes  and  Nationa- 
lities  [Sensibilité  à  la  douleur  produite  par  la  pression  sur  lu  main. 
chez  des  individus  différant  par  le  sexe,  la  classe  et  la  nationa- 
lilê).  Proceed.  of  Amer.  Psych.  Associalion,  1894.  Psych.  Rev., 
mars  1895,  p.  156-157. 

1.  -Nous  commencerons  j)ar  le  travail  de  Luckey,  qui  n"esl  ]>as  seu- 
lement une   analyse   des  recherches  récentes,  mais  un  rappel    de- 


<  1 
I 


DOULEUR  703 

curieuses  expériences  anciennes  et  un  peu  oubliées.  La  difficullé 
d'établir  une  théorie  quelconque  de  la  douleur  lient  au  nombre 
considérable  d'observations  quelque  peu  disparates  qu'il  faudiait  que 
celte  théorie  synthétisât  pour  se  faire  accepter.  Signalons  quelques- 
uns  de  ces  faits.  Si  on  exerce  une  forte  pression  sur  la  peau  —  et 
Crifling  en  a  déjà  fait  la  remarque  —  le  sujet  a  une  sensation  tac- 
tile (pii  ;i|i|iaraît  plus  tôt  qm:-  la  sensation  de  douleur,  et  qui  disparaît 
aussi  plus  tôt;  voilà  donc  les  deux  sensibilités  distinguées  parleur 
mode  d'ii})parition  à  la  conscience,  dans  un  cas  cependant  où  c'est 
le  même  stimulus  qui  les  met  enjeu.  Ajoutons  que  certains  anesthé- 
siques  détruisent  la  douleur  et  laissent  subsister  le  contact  ;  cer- 
taines maladies  (la  syringomyélie),  la  section  de  la  substance  grise  de 
la  moelle  (Schifl)  peuvent  amener  des  dissociations  analogues.  Dans 
le  même  oi'dre  d'idées,  on  peut  rappeler  des  expériences  de  Richet, 
(jui  monirent  que  la  douleur  provient  d'un  processus  de  sommation; 
ainsi,  avec  un  faible  courant  électrique,  des  chocs  rares  ne  sont  pas 
douloureux,  mais  quand  ils  deviennent  nombreux  par  seconde,  ils 
luoduisent  une  sensation  intolérable.  Naunyn  a  constaté  que  le 
contact  d'un  cheveu  sur  le  pied,  élant  répété  un  grand  nombre  de 
fois  (de  60  à  600  par  seconde),  devient  dans  le  tabès  dorsal  extrême- 
ment douloureux  nu  bout  de  6  à  20  secondes.  De  même,  une  pression 
peu  forte,  mais  très  longtemps  continuée,  est  d'abord  simplement 
désagréable,  puis  devient  douloureuse.  Tous  ces  faits  plaident  dans 
le  sens  d'une  dislinclion  entre  la  sensation  de  toucher  et  la  sensa- 
tion de  douleur;  mais  d'autre  part,  il  faut  tenir  compte  de  la  combi- 
naison <iui  existe  d'ordinaire  entre  des  sensations  tactiles  et  des 
sensations  douloureuses  ;  c'est  cette  combinaison  qui  donne  à  la 
douleur  son  caractère  particulier,  par  exemple,  dit-on,  sa  localisa- 
tion. Enliii,  il  y  a  beaucoup  tic  faits  obscurs,  comme  la  localisation 
de  la  douleur  dans  cerlaincs  parties  du  corps  éloignées  de  la  partie 
malade,  une  lésion  valvulain;  du  cœur  par  exemple  produit  une 
douleur  dans  le  bras  gauche,  une  irritation  de  l'estomac  produit  une 
diiulcur  dans  la  lêlc,  une  inflammation  du  diaphragme  produit  de 
la  douleur  dans  l'épaule  droite.  Même  difficulté  pour  interpréter  ce 
fait  (jue  quelques  parties  du  corps,  les  cheveux,  les  ligaments,  ne 
sont  jamais  douloureuses;  que  d'aulres,  les  nnniueuses,  les  tendons, 
rtc  ,  qui  ne  sont  pas  douloureuses  pendant  l'état  normal  le  devien- 
nent dans  une  mesure  extrême  sous  l'inlluencc  do.  conditions  patho- 
logiciues.  Ouelle  est  la  théorie  capable  d'expliquci'  tout  cela? 

2.  l'ne  femme;  saine  âgée  de  soixante-di'ux  ans  reçoit  une  blessure 
sur  le  pied  droif,  elle  sent  une  douleur  vive  sur  le  i)ied  (^awc/it!,  cette 
douleur  dure  niiil  el  jour  même  lojsqui'  la  lihîssure  a  disparu,  l/au- 
teur  ne  donne  pas  d'explication  de  ce  fail,  (jni  devrait  être  rappro- 
ché des  faits  de  l'allochirie. 

3.  L'auteur  a  examiné  se[it  hommes  bien  poitanis  et  r\nq  paraly- 
tiques généi'aux,  à  l'aide  de  l'csthésiomètrc  mécanique  du  D' Kou!- 

ANNÉE    PSYCHOLOGIQUE.    II.  45 


e 


706  ANALYSES 

bine.  Il  a  exploré  surtout  le  sens  du  tact  et  la  sensibilité  à  la  douleur 
et  montre  des  tableaux  à  l'appui.  Les  résultats  sont  les  suivants  : 
a).  Une  seule  et  même  région  cutanée  présente  des  vaiialions  indivi- 
duelles de  la  sensibilité,  qui  atteignent  un  domi-millimMre.  b).  Les 
variations  de  la  sensibilité  douloureuse  sont  plus  importantes  que 
celles  du  tact.  c).  Les  surfaces  cutanées  couvrant  immédiatement  les 
os  sont  plus  sensibles  à  la  douleur  et  au  toucher  que  celles  «pii 
couvrent  les  cavités  et  les  masses  musculaires.  Chez  les  paralytiques 
généraux  la  sensibilité  est  plus  ou  moins  diminuée.' 

4.  Les  études  expérimentales  de  Mac-Donald  sur  la  douleur  ont 
été  faites  avec  l'algomètre  de  Cattell,  instrument  très  simple  qui 
permet  d'exercer  une  pression  sur  la  main,  de  varier  la  force  de 
cette  pression,  et  de  la  mesurer.  La  pression  était  exercée  au  milieu 
de  la  paume,  et  augmentée  jusqu'cà  ce  que  le  sujet  accusât  de  la 
douleur.  Les  résultats  indiqués  sont  les  suivants  :  1°  la  majorité  des 
individus  sont  plus  sensibles  à  la  douleur  dans  la  main  gauche  ; 
2"  les  femmes  sont  plus  sensibles  que  les  hommes  ;  3°  les  individus 
.ippartenant  aux  classes  inférieures  sont  moins  sensibles  que  les 
individus  des  classes  supérieures  ;  l'épaisseur  de  la  peau  a  une 
inlluence,  mais  moindre  qu'on  ne  le  supposerait.  Nous  nous  bornons 
à  ces  quelques  extraits  empruntés  à  un  labhNUi  qui  est  sans  doute 
intéressant,  mais  dont  ([uelques  indications  ne  peuvent  vraiment  pas 
être  prises  au  sérieux  ;  ainsi  l'auteur  a  expérimenté  sur  six  Alle- 
mands de  profession  lilxTal.',  cl  cela  lui  suftit  pour  dii-e  que  les 
Allemands  de  profession  libérale  sont  moins  sensibles  à  la  doulfur 
que  les  Américains  !  A.  I>im;t. 


m.    —   LA    QUESTION    DES    NERFS    DE    LA    DOULEUR 

1.  C.-A.  STRONd.  —  The  Psychology  of  Pain  [La  psychologie  de  la 
douleur).  Psych.  Uev.,  11,  4,  juillrl  iHUo,  |..  329-347. 

2.  HERBERT  NICHOLS.  —  Pain  Nerves  [Nerfs  de  la  douleur).  Psycli. 
Rev.,  sept.  181>5,  p.  487-490. 

3.  L.  OPPENHEIMER.  —  Schmerz  und  Temperaturempfindung  (Dou- 
leur el  sensations  Ihennùiues).  Mil  lin,  lîcinin,  1895. 


Existe-l-il  des  neifs  spiM-iaux  (lu  |il,ii>ir  ri  ilc  l;i  dduleur,  ou  bien 
ces  états  sont-ils  pei'rus  par  rinlenni'diaire  tles  jh'iI's  du  toucher 
par  exemple  ?  Jusqu'ici  la  majorité  des  psycbologues  s'est  prononcée 
dans  le  premier  sens  :  plaisir  et  douleur  sont  des  degrés  des  .étals  d(î 
conscience.  Wundl',  lii'ilTding,  Kûlpe,   Ldiinann,  Sully-,  Ihadley  ^, 

(1)  Wiindt.  ]'/i!/.s.  i'.v.yr//.,   .T  rd..  I,  p.  509. 

(2)  Sully,  ïV/c  Uiniiaii  Muai,  II,  7. 

(3)  Bradley.  Mind,  XLLX,  p.  '2, 


DOULEUR  707 

Marshall'  ont  appuyé  cède  opinion  par  un  grand  n(im])rc  d'argu- 
menls.  Strong  limite  son  examen  à  la  psychologie  de  la  douleur,  en 
prenant  ce  mot  dans  le  sens  restreint  de  douleur  physique  cutanée, 
ce  que  les  Allemands  appellent  Schme7" ,  et  ce  tiu"ils  opposent  à 
l'nlust,  qui  exprime  un  senliment  de  déplaisir.  La  discussion  se 
divise  naturellement  en  deux  parties,  la  ]iremière  concernant  les 
cas  pathologiques,  la  seconde  les  observations  de  psychologie  nor- 
male. 

Il  est  d'observation  courante,  parmi  les  palliologistes,  que  la 
sensibilité  à  la  douleur  peut  être  supprimée,  le  toucher  étant  con- 
•  serve.  Cet  état  est  produit  pendant  un  moment  de  l'action  de  la 
coca'ine  sur  la  peau,  et  de  l'action  de  l'éther  et  du  chloroforme  sur 
les  centres  nerveux.  Dans  lasyringomyélie,  dans  l'ataxie  locomotrice, 
la  perte  isolée  de  la  douleur  est  fixMjuente,  elle  l'est  plus  encore 
dans  l'hystérie  ;  Weir  Mitchell-  a  rapporté  l'histoire  d'un  avocat  qui 
est  mort  à  cinquante-six  ans  sans  avoir  connu  la  sensation  de  dou- 
leur ;  c'i'-tait  un  homme  giand,  robuste,  intelligent  et  fort  actif  ; 
ayant  eu  un  abcès  énorme  à  la  main,  il  subit  une  opération  chirur- 
gicale sans  ressentir  de  douleur.  On  donne  encore  cet  autre  exemple 
curieux  de  son  insensibilité  jihysique  :  son  doigt  ayant  été  abîmé 
jtendant  une  rixe,  il  l'arracha  avec  ses  dents  et  le  cracha  par  terre. 
La  conservation  de  la  sensibilité  à  la  douleur,  quand  les  autres 
sensibilités  sont  détruites,  a  été  observée  dans  des  expériences  de 
vivisection,  dans  l'action  de  l'acide  carbonique  sur  la  peau,  et  dans 
diverses  maladies  nerveuses.  Ces  dissociations  ont  amené  beaucoup 
d'auteurs  à  admettre  qu'il  existe  dans  les  téguments  quatre  formes 
distinctes  et  indépendantes  de  la  sensibilité,  le  toucher,  le  chaud,  le 
froid  et  la  douleur.  Dans  les  sens  spéciaux,  la  vue,  l'ouïe,  il  n'y 
aurait  point  de  sensibilité  à  la  douleur,  comparable  à  celle  ({ui  est 
éveillée  par  une  coupure  ou  une  brûlure  de  la  peau. 

A  cette  première  interprétation,  qui  paraît  bien  naturelle,  on  ])eut 
opposer  des  faits  d'nbservation  qui  la  contredisent  comi)lètement. 
Chez  certains  sujets,  il  peut  se  produire  une  sensibilité  douloureuse 
à  la  clialeur  cl  au  froiil,  le  luuclicr  l'i.iiit  aïK'aiiti  ■' ;  ou  liini  le 
contraire  peut  exister,  les  ('XcitÀitions  tactiles  même  légères  tloiinant 
de  la  dduli'ui-,  et  les  excitations  thermi(|ues  comme  la  glace  et  le  fer 
rougr  n'i'laiil  |Kiint  senties  (syringoniyélie'i.  D'où  la  conclusion 
qu'il  y  a  uih'  ditfr>i','iicc  mire  la  sensiliilili'  (Idiilniircusc  pour  la 
temp(''ialiire,  et  la  sensibilité  ddulniirni-^f  jinui  les  excitations  méca- 
ni(pies.  Il  serait  difficile  d'ailnirllrc  dans  ce  cas  deux  sens  dilTi'ienls 
de  la  douleur,  l'un  pour  la  douleur  tliej'mique,  l'autre  pour  la  dou- 
leur mécanique. 

(1)  Mai'sliall.  Piiiii,  Pleasure  (iiu/  .■I'.s//if/ics.  p.   3. 

(2)  Médical  liecord,  déc.  24,  1892. 

(3)  Sturr.  Fumiliar  Fcrois  of  yercons  Dinease,  p.  173-175. 


708 


ANALYSES 


Minuit  a  ])ropost'  une  liy|iollR'se  '  destinée  ù  réconcilier  ces  faits 
contradictoires  ;  dans  les  nerfs  péripliériques,  les  voies  sont  les 
mêmes  pour  les  excitations  douloureuses  et  pour  les  autres  ;  c'est 
seulement  dans  la  moelle  que  la  distinction  se  produit  ;  les  excita- 
lions  sensorielles  se  propagent  à  travers  la  sul)stance  blanche,  et  les 
excitations  douloureuses,  qui  seraiei\t  une  simple  modalité  des  pré- 
cédentes, et  surtout  une  augmentai  ion  d'intensité  de  l'excitation,  ou 
parfois  une  altération  de  la  moelle,  correspondent  à  une  division 
du  courant  nei"veux,  qui  se  propage  à  la  fois  à  trave'rs  la  sul)stance 
lilanclic  et  la  substance  grise;  l'excitation  qui  passe  à  travers  la 
substance  grise  change  de  caractère  par  ce  seul  fait,  et  devient  dou- 
loureuse -.  On  peut  comprendre  à  la  rigueur  que  dans  dill'érenles 
situations  pathologiques  c'est  tantôt  la  voie  grise,  laiitùL  la  voie 
blanche  qui  est  suppiùmée,  parfois  les  deux  ensemble,  ce  qui  permet 
d'expliquer  toutes  les  dissociations  possibles.  En  somme  cetle  théo- 
lie  est  pour  le  moment  la  plus  vraisemblable. 

Plaçons-nous  maintenant  au  point  de  vue  de  l'analyse  menlalc,  de 
rinlrospection.  Deux  théories  principales  sont  en  présence  :  Tune 
fait  de  la  douleur  une  modalité,  un  degré  de  la  sensation,  compa- 
rable par  exemph;  à  l'intensité  ;  Taulre  considère  la  douleur  comme 
une  sensation  distincte  et  indépendante  des  autres,  l/auteur  soutient 
contre  Wundt  la  seconde  de  ces  théories,  [lar  les  arguments  sui- 
vants :  1"  si  le  plaisir  el  la  donleur  étaient,  comme  l'intensité,  des 
degrés  de  la  sensation,  on  devrait  les  ti-ouver  dans  toutes  les  sensa- 
tions; or,  il  existe  des  sensations  indifférentes,  dénuées  complète- 
ment de  plaisir  et  de  doub'ur.  WnndL  se  tire  dafVaire  en  disant  ipie 
dans  ce  cas  le  sentiment  est  égal  à  0  ;  mais  des  sensations  avec  un 
sentiment  égal  à  0  corres[iondenl  à  des  sensations  di''|i(iurvues  de 
sentiment;  2'^  si  le  plaisii'  cl  la  donleur  étaient  des  degrés,  ils  ne 
devraient  pas,  en  augmenlani  d"intensité,  ellacer  la  sensation  qu'ils 
accom|iagnent  ;  ()r,  ils  l'idlacent  ;  avec  une  forte  intensité,  ont 
remarqué  une  foule  de  pliysiologistes  et  de  psychologues  (Weber-', 
James*,  etc.),  clialeni-,  froid,  piession  se  confondent  ;  (Ui  ne  sent  plus 
(jue  de  la  douleur.  L'auteur  concint  donc  ((ue  la  douleur,  (inoi([ne 
[iroduite  physi(iuement  par  l'excitation  des  niènu'S  nerfs  ([ue  le 
toucher  ou  la  chaleur,  est,  au  [>oin!  de  vue  psychologique,  une  vraie 
sensation,  comme  la  faim,  la  soif,  la  nausée,  la  faligiu'. 


(1)  l'/u/.s.  /'.v//r7/oZ.,  4"  (■•dit..  I,  ji.  111-112.  Coidsciu'iilLT  a  .soiiti'iui  une  oiu- 
nioii  analogue  :  L'eher  den  Sviuiicrz.  lîerlin,  181)4. 

(2)  Ou  pourrait  ;'i  ro  sujet  faire  une  autre  liypotlièse,  l'excitation  (|ui  tra- 
verse la  sulist.uu-e  grise  parvient  à  un  centre  s[)cciul,  le  centre  de  la  dou- 
leur. Wundt  se  range  ;ï  l'hypothèse  du  texte. 

;'3)  W'ebei'.  T'is/.siini  iind  lîom'uiijcfiihl,  p.  118. 

(i)  Uiii-fer  Course,  p.  08. 


DOULEUR  709 

('-ette  opinion   a  dt'jà  t'U'  inili(jut'e  plus   ou  moins  explicilcmont 
par  Bain*,  Delbœuf^,  Mïmsterherg '. 

2.  Nichols,  (jui  a  monln''  l'an  dernier  '"  rexistence  des  nerfs 
spéciaux  pour  la  douleur,  au  moyen  d'expériences  sur  la  sensibilité 
de  certaines  parties  du  corps,  le  prépuce  par  exemple,  essaye  de 
comliallre  une  partie  de  la  llièse  de  Strong,  d'après  laquelle  les 
excitations  douloureuses  sont  des  exagérations  d'excitations  tactiles 
cl  liiermiques,  transmises  par  les  mêmes  nerfs.  A  Targumenl  lire 
des  observations  sur  l'.'ilaxie  locomotrice,  l'auleur  répond  ([u'on 
peut  admettre  autant  de  nerfs  spéciaux  de  la  douleur  qu'il  y  a 
d'espèces  de  nerfs  du  toucber  ;  il  existerait  donc  un  nerf  spécial 
pour  la  douleur  résullant  d'excilalions  tactiles,  un  nerf  pour 
la  douleur  produite  par  la  chaleur,  etc.,  etc.  ;  il  pense  aussi  que 
le  nerf  sensitif  et  le  nerf  de  la  douleur  ont  un  organe  terminal 
commun.  Evidemment,  cetle  sujqiosilion  lève  l'objeclion  de  SIrong, 
mais  l'hypothèse  est  un  peu  compliquée.  L'auteur  fait  également 
valoir  une  considération  importante  contre  la  théorie  de  AYundI, 
c'est  que  dans  certains  cas,  pathologiques  et  même  normaux,  on 
peut  éprouver  de  la  douleur  sans  avoir  des  sensations  simultanées 
(le  toucher,  de  chaud  ou  de  froid  ;  or,  d'après  Wundt,  la  doiileur 
correspondant  à  un  excès  de  courant  se  propageant  dans  la  subs- 
tance grise,  une  partie  du  courant  devrait  continuer  à  parcourir  se.s 
voies  habituelles  et  produire  les  sensations  de  toucher,  de  chaud  et 
•de  froid. 

3.  On  voit  que  la  question  reste  fort  ambiguë.  La  théorie  d'Op- 
penheimer,  bien  qu'ingénieuse,  est  trop  loin  de  l'expérimentation 
pour  fournir  une  solution  acceptable.  L'auteur  admet  que  la  don- 
leur  est  un  phénomène  pathologique,  qui  a  son  origine  dans  une 
altération  des  tissus,  d'où  résultent  des  produits  de  décomposition 
([iii  sont  anormaux;  la  transmission  df  l'excilatioii  douloureuse  se 
ferait  par  les  nerfs  vaso-moteurs,  ce  qui  exprKjnerait  aussi  la  con- 
comitlance  fréquente  deriiyperhémie  (troubh;  vaso-moteur)  avec;  la 
douleur.  Cette  opinion,  quoiqu(!  séduisante,  ne  paraît  pas  avoir  été 
généralement  acceptée. 

Que  conclure?  La  Ihi'oric  de  Wiiiidl,  rxposi'c  plus  haut,  reste  la 
plus  vraisemblable;  il  faut  admettre  jirovisoirement,  selon  nous, 
qu'il  existe  plusieurs  es|)èces(li'  douleurs;  d'ahoril  la  douleur  vraie, 
|irécise,  bien  localisi'e,  la  douleur  d'un  pauaris  par  exenijde,  puis 
des  douleurs  plus  vagues,  des  sensations  pi''iiililes  {Schmerziveh  de 
doldscheidei' ;  c'est  (ioldsciieidei-  qui  a  pi(q>osé  ces  dislinclions), 
comme  nn  malaise  d'estomac,  un    mal   à   la   tête,   (pii    liuiruienteut 

(1)  Bain.  T/ie  Sensés  atul  llie  InlellecL  p.  102  et  103. 

(2)  Delbœuf.  Kléuietils  île  })si/<'/i(ip/ii/si(/i/e,  p.  46. 
(8)  II.  MQnsterberg,  ]h>ilrii;/e,  Ileft  IV,  p.  216. 
(4)  \oir  Année  psi/ch.,  I,  p.  429. 


lu 


ANALYSES 


davantage  que  les  douleurs  de  pression;  on  Iroisième  lieu,  rangeons 
les  douleurs  de  nalure  psychique  qu'on  renconire  friMfuemment 
dans  l'hystérie,  Thypocondrie ,  qui  viennent  de  rinfiiiiétude,  de 
FauxitMé,  de  l'imagination,  etc.  Toutes  ces  trois  formes  de  douleurs 
peuvent  se  combiner,  et  le  plus  souvent  elles  se  trouvent  réunies; 
mais  il  faut  cependant  les  distinguer  avec  soin  ;  el  mais  |icnsons 
avec  Luckey,  qui  insiste  avec  lorc(,'  là-dessus,  (jue  la  sensation  de 
douleur  de  la  première  catégorie  est  quehjue  chose  de  simple,  de 
précis,  de  bien  localisé,  (pii  n"a  pas  son  correspondant  peut-être 
dans  la  sensation  de  jdaisir.  On  pt-ut  admettre  qu'il  n'y  a  pas  de 
nerfs  spéciaux  de  la  douleur,  bien  (ju'il  existe  des  points  de  douleur, 
comme  il  existe  des  jtoinis  ciiauds  et  froids  ;  d'après  celle  interpré- 
tai ioa  (({ui  est  de  Goldscheider),  ces  points  seraient  simplement  dis- 
posés de  manière  à  être  j)liis  sensibles  que  les  autres  points  aux 
])ressions  fortes.  Quant  aux  cas  patliologicpies  d"analgésie  sans  anes- 
thésie,  d'aneslhésie  sans  analgésie,  et  ainsi  de  suite,  on  peut  à  la 
rigueur  les  expliquer  d'une  manière  satisfaisante  par  l'hypothèse  de 
Wundl.  Mais  tout  ceci  est  2)rovisoire.  Mous  manquons  d'expériences 
précises  el  méllindicpies. 

IV.    —    QUELQUES    EXPLICATIONS    PSYCHOLOGIQUES 
DU    PLAISIR    ET    DE    LA    DOULEUR 


SIDNEY  E.  MEZES.  —  Pleasure  and  Pain  Defined  {Définition  du  plai- 
sir et  de  la  douleur).  Pliil.  Uev.,  Janvier  IS'JiJ. 
D.-S.  .MILLER.  —  Désire,  as  the  Essence   of  Pleasure  and  Pain  (Le 

désir  est  Pessotce  du  plaisir  el  de  la  douleur;.  Psych.  Uev.  mars  1895, 
1».  1G4-165. 

1.  Mezes  aclierciié  la  di>linclion  entre  le  plaisir  e!  la  doulcnnlans 
l'i'lal  de  l'attention;  ses  conclusions  sont,  comme  il  le  remaniue, 
très  voisines  de  relies  di-  Ward. 

Un  élal  indill'érent  est  celui  qui  n'i'veiile  aucun  degré  d'attention. 
Quand  raltention  est  éveill(''e  el  (|ii"e||e  s'exerce  en  toule  liberté, 
sans  aucun  empèciiemi'ut,  on  é[)rouve  un  sentiment  de  plaisir;  si  au 
contraire  l'attention  est  troublée,  si  un  ii  conscience  de  phénomènes 
d'inliibilion,  —  l'auleur  donne  l'exemple  d'idées  fixes  et  obsédantes 
(|ni  s'imposent  —  un  a  un  seuliment  de  peine;  si  l'inhibilion,  an 
lieu  d'être  [uoduile  par  dr:^  idées,  l'est  jiar  une  sensalion  forte  — ^ 
exemple,  rélancement  d'nne  di-nl  malade  (|ui  arrêle  brnst|uement 
un  mouvement  de  inaslicalion,  —  on  a  une  seu>aliou  de  dnnienr; 
de  même  (ju'un  sentiment  désagréable,  la  tlouleur  consiste  dans  la 
cojiscience  d'une  inhibition. 

2.  Miller  donne  une  antre  explicalion  du  plaisii'  e!  di;  la  douleur; 
il  i-emarque  (|ue  ces  états  de  conscienc(;  sont  accompagnés  de 
nu>uvemeuls  d<'  l'organisuH-  (pii  sont  de  nature  bien  différente  ;  dans 


SENTIMENTS  711' 

If  plaisir,  il  y  a  des  mouvements  vers  l'objet,  pour  s'en  rapprocher, 
le  saisir,  etc.,  dans  la  douleur,  ce  sont  des  mouvements  de  répul- 
sion, de  défense,  de  fuite  ;  or,  ce  serait  là  l'essence  du  plaisir  et  do 
la  douleur  :  donner  naissance  à  ces  mouvements  d'attraction  et  de 
répulsion,  et  la  tendance  à  ces  mouvements  s'appelle  désir,  de  sorte 
que  le  désir  est  au  fond  du  plaisir  et  de  la  douleur.  L'auteur,  sans 
paraître  s'en  douter,  côtoie  ici  une  théorie  ancienne,  soutenue  déjà 
par  Spinoza,  d'après  laquelle  le  désir  est  le  fait  primitif,  et  plaisir 
et  peine  ne  naissent  qu'après,  suivant  que  le  désir  est  satisfait  ou 
non.  Tout  cela  est  bien  loin  de  la  psychologie  exiîérimentale. 


II.  —  SENTIMENTS 

t.  LA.MiE.  —  Les  émotions,  étude  psycho-physiologique,  trad.  franc, 
de  L.  Dumas,  in-i8,  168  p.  Paris.  Alcan,  1895. 

2.  GARDINER.  —  Récent  Discussion  of  Emotion  {Discussions  récentes 
SU7'  (es  émotions).  Phil.  Rev.,  janvier  1896,  p.  102. 

3.  DKWEY.  —  The  Theory  of  Emotion  [La  Théorie  des  émotions). 
Psych.  Rev.,  nov.  1894  et  janvier  1893. 

4.  G. -M.  STRATTON.  The  Sensations  are  not  the  Emotion  [Les  sen- 
sations ne  sont  pas  V  émoi  ion).  Psych.  Rev.,  mars  1895,  p.  173-174. 

l".  S. -F.  M'LEXNAN.  —  Emotion.  Désire  and  Interest;  Descriptive 
{Elude  descriptive  de  V intérêt,  de  l'émotion,  et  du  désir).  Psych.  Rev., 
sept.  1895,  p.  402-475. 

6.  G.  FERRERO,  —  La  crainte  de  la  mort.  Revue  Scientifique, 
23  mars  1895,  p.  361-367. 

7.  DAVID  IRONS.  —  Descartes  and  Modem  Théories  of  Emotion 
{Descartes  et  les  théories  modernes  de  rémotion).  Phil.  Rev.,  IV,  3, 
mai  1895,  p.  291-302. 

L'é'lude  des  sentiments  a  été  remise  à  Tordre  du  jour,  avec  un 
renouvellement  d'intérêt,  non  par  des  découvertes  proprement  dites, 
mais  [lar  de  très  ingénieuses  théories  que  William  James  {Mind, 
avril  1884)  et  Lange  (1885)  ont  développées  presque  simultanément, 
et  auxquelles  beaucoup  de  psychologues  se  sont  ralliés  (Ribot,  Sergi, 
etc.).  Nous  n'avons  pas  encore  eu  l'occasion,  dans  notre  Année,  de 
l'aire  l'exposé  de  ces  théories:  nous  prolitons,  pour  le  faire,  de  la 
Iraduction  française  que  Dumas  vient  de  nous-donner  du  livre  de 
Lange.  C'est  peut-être  chez  cet  auteur  que  la  théorie  est  le  plus  sim- 
lilcment  présentée  ;  chez  James,  elle  a  un  aspect  plus  philosophique 
il  iilus  complexe  ;  chez  Sergi,  elle  se  noie  dans  une  foule  de  digres- 
sions d'un  intérêt  secondaire. 

1.  L'intéressant  ouvrage  de  Lange  sur  les  Emotions,  si  clair,  si 
net,"  si  sobre  de  détails  inutiles,  et  (jui  serait  un  modèle  de  monogra- 
idiie,  si...  il  contenait  des  preuves  expérimentales  de  sa  thèse,  com- 


712  ANALYSES 

prend  une  courte  introduction,  une  premit-re  partie  consacrt'e  aux 
faits,  une  seconde  partie  consacrée  aux  théories,  et  un  court  cha- 
pitre de  conclusions.  Les  idées  sont  présentées  avec  clarté  et  netteté, 
elles  s'appuient  en  général  sur  une  })hysiologie  sérieuse,  et  lorsque 
le  document  physiologique  lui  manque,  l'auteur  dit  nctlement  qu'il 
ignore.  Dans  son  introduction,  après  avoir  désapprouvé  l'opinion  de 
Kant  qui,  dans  un  passage  de  son  Anthropologie,  appelle  les  émo- 
tions des  maladies  de  l'àme,  l'auteur  développe  celte  idée  (pic  l'étude 
des  émotions  ne  deviendra  scientifique  que  du  jour  où,  sortant  du 
domaine  de  l'introspection,  elle  aura  pour  objet  des  iiln-nomènes 
objectifs  ;  «  tant  qu'on  s'en  tient  à  une  conception...  subjective  des 
émotions,  toute  analyse  scientifique  de  leur  contenu  est  naturelle- 
ment impossible  »  (p.  27).  «  Aucun  objet  ne  peut  être  étudié  scien- 
tifiquement s'il  ne  possède  des  caractères  objectifs  sur  la  nature 
desipiels  les  différents  observateurs  s'entendent  ou  peuvent  s'en- 
tendre ;  ce  qui  échappe  à  toute  discussion,  comme  la  perception  des 
couleurs  ou  la  sensation  spécifique  de  l'effroi  ou  de  la  colère  est  par 
lui-même  en  dehors  du  domaine  de  la  science...  l'étude  des  couleurs 
n'est  devenue  scientitique  que  du  jour  où  Newton  découvrit  un 
caractère  objectif,  la  différence  de  réfrangibilité  des  rayons  lumi- 
neux... (eod.  loco).  » 

Nous  pensons  que  l'auteur  exagère  un  i»eu  une  idée  juste.  L'in- 
trospection ne  doit  pas  être  bannie  de  l'étude  des  émotions  ;  loin  de 
là,  elle  doit  être  au  contraire  prali(iuée  avec  méthode,  pouj-  éclaiier 
les  signes  extérieurs,  objectifs  des  émotions  ;  et  c'est  précisément  le 
concours  de  ces  deux  méthodes  qui  donne  les  meilleurs  résultats. 
Quoi  qu'il  ensuit,  il  n'est  ipie  Irup  certain  qiie  «  nous  ne  conqirenons 
absolument  rien  aux  émotions,  et  que  nous  n'avons  pas  l'ombre 
d'une  lliéorie  sur  la  nature  des  émotions  eu  général,  ou  de  telle 
émotion  en  particulier  ».  D'une  part  les  observations  faites  depuis 
Aristote  sur  l'expression  ])hysiologique  des  émotions  sont  de  simples 
notes,  et  d'autre  jiart  nos  nulicins  sur  la  naiinc  |isy(lii(iue  i\Qi>  émo- 
tions sont^confuses,  parfois  même,  dit  Lange,  complètement  fausses; 
c'est  ainsi  qu'on  oppose  la  joie  à  la  tristesse,  ce  qui  est  exact  par 
hasard,  et  on  tient  la  colèi-e  poin'  plus  voisine  de  la  tiistesse  que  de 
lajoie,  tandis  (jne  c'est  le  contiaiie.  Ainsi,  Kant  (It'linil  la  colère 
comme  un  effroi  <pii  n'veille  lapidement  notre  résistance  devant  un 
danger  ininiineiil  [Aiilhropohigic,  III,  .^  73);  la  colère  et  l'effroi  sont 
pourtant  diamétralement  opjjusés  au  point  dt;  vue  psychologique. 

Ces  critiques  sévères  nous  ont  fait  supposer  ipie  dans  la  ])remière 
partie  du  livre,  iinrlaiil  le  lilre  de  faits,  nous  Irouveiions  un  exposé 
d'observations  et  d'expériences  précises  sur  les  caractères  extérieurs, 
c'est-à-dire  physiologiques  des  émotions.  L'attente  est  déçue.  Les 
cincj  chapitres  de  cette  partie  sont  consacrés  à  la  tristesse,  lajoie,  la 
peui',  la  colère  et  quelques  autres  émotions.  La  descripli(Ui  de  clm- 
cune  de  ces  émotions  est  curieuse  et  instructive,  cela  va  sans  dire. 


1 


SENTIMENTS  713 

mais  elle  a  été  faite  à  l'ancienne  modo,  on  pourrait  dire  sur  le  mo- 
dèle des  descriptions  de  Bain.  On  trouve  là  à  peu  près  ce  qu'xme 
liersonne  intelligente  et  douée  d'observation  a  pu  remarquer  pas- 
slm,  c'est-à-dire  des  faits  d'observation  courante.  Le  miMite  de  l'au- 
teur est  seulement  d'avoir  systématisé  celte  description  en  distin- 
guant trois  grands  groupes  dans  les  réactions  motrices  des  émotions  : 
les  mouvements  des  muscles  de  la  vie  de  relation;  ceux  des  muscles 
de  la  vie  organique  ;  ceux  des  muscles  vaso-moteurs,  qui  sont  con- 
tenus dans  les  parois  des  vaisseaux  et  règlent  la  circulation  du  sang 
dans  les  membres,  dans  le  corps  et  dans  la  tète.  A  la  diflérence  de 
Darwin,  dont  il  dédaigne  quelque  peu  les  théories  et  les  observa- 
tions. Lange  ne  s'attache  pas  à  décrire  le  jeu  de  tel  groupe  muscu- 
laire qui  exprime  un  genre  i^articulier  d'émotions,  par  exemitle  le 
muscle  zygomatique  qui  tire  en  dehors  et  en  haut  la  commissure 
des  lèvres  dans  la  joie;  il  ne  parle  mèmepas  des  études  de  Duchenne 
(de  Boulogne)  sur  la  mécanique  de  l'expression  des  émotions. 

Il  passe  rapidement  sur  ce  sujet,  en  donnant  comme  raison  qu'on 
ignore  pour  quelle  cause  tel  muscle  se  contracte  dans  la  joie,  tel 
autre  dans  la  souffrance.  Ce  qui  lui  paraît  plus  important,  c'est  d'éta- 
blir le  rôle  joué  dans  chaque  émotion  par  l'ensemble  d'un  système. 
Dans  la  tristesse,  il  y  a  :  1°  diminution  de  V innervation  volontaire: 
on  se  traîne,  on  est  affaissé,  la  voix  est  faible,  le  visage  s'allonge  par 
suite  de  la  faiblesse  des  masséters,  on  a  une  sensation  de  fatigue, 
on  porte  sa  douleur;  2°  contraction  des  muscles  vaso-moteurs  ;  le 
sang  est  exprimé  des  petits  vaisseaux,  les  organes  deviennent  exsan- 
gues ;  d'oîi  pâleur,  anémie  de  la  peau  et  des  organes,  sensation  de 
froid,  diminution  des  sécrétions,  bouche  sèche  ;  chez  les  femmes  qui 
allaitent,  le  lait  s'en  va;  par  suite  d'une  fatigue  qui  suit  leur  con- 
traction énergique,  les  vaso-moteurs  peuvent  se  relâcher,  alors  les 
sécrétions  augmentent,  on  pleure,  et  les  pleurs  soulagent.  Si  la  tris- 
tesse dure  des  mois  et  des  années,  les  désordres  de  l'irrigation  san- 
guine produisent  l'atrophie,  les  signes  de  la  sénilité. 

Dans  Vdjoie,  il  y  a  :  1°  suractivité  de  l'appareil  moteur  volontaire  ; 
on  se  sent  léger,  les  gestes  sont  rapides,  la  voix  éclatante,  les  yeux 
rayonnent,  la  joie  rajeunit;  2°  une  dilatation  des  vaisseaux  les  plus 
fins,  d'où  activité'  nutritive,  sur.'ibondance  d'idées. 

La  peur  ressemble  beaucoup  à  la  tristesse  et  présente  les  mêmes 
caractères  physiologicpies,  plus  une  contraction  spasmodique  de  tous 
les  muscles  organiques. 

La  colère  ressemble  à  la  joie,  et  les  effets  présentent  mèmi-  une 
ressemblance  qui  i)araît  avoir  un  })eu  embarrassé  l'auteur  ;  d';ii)ord 
1°  dilatation  des  petits  vaisseaux,  d'où  rougeur,  chaleur  ;  il  y  a  en 
outre  une  dilatation  des  grosses  veines  du  cou  ;  2°  awjmentation  de 
Vinnervation  dans  les  muscles  volontaires  ;  mouvenuMils  rapides, 
gesticulation  exagi''réi',  besoin  de  IVajqier  et  de  mordre,  cris  stri- 
dents.  L'auteur  j)euse  qu'il  se   produit  eu  outre  un  certain  degré 


7 1 4  ANALYSES 

iraneslhésie  de  la  peau  ;  los  adversaires  se  portent  des  blessures 
qu'ils  ne  sentent  que  plus  tard,  quand  l'ardeur  du  combat  a  cessé. 
Ce  sont  là  les  quatre  piinoipaux  types  d'émotions  décrits  par  l'au- 
teur, il  signale  en  passant,  sans  y  insister,  l'embarras,  l'impatience, 
le  désappointement.  On  voit  qu'il  a  écarté  de  son  sujet  les  passions, 
comme  la  haine,  le  mépris,  l'admiration,  etc.,  qui  sont  certainement 
des  états  beaucoup  plus  comjjlexes. 

Avant  di-  quitter  ces  chapitres,  nous  renouvelons  le  regret  que 
l'auteur  n'ait  pas  remplacé  ses  descriptions  par  quelques  expériences 
précises  sur  l'homme  ;  il  y  a  des  émotions  qu'on  peut  étudier  expé- 
rimentalement dans  un  laboratoire,  la  peur  par  exemple,  telle  que 
peut  la  produire  un  bruit  soudain,  ou  une  vive  lumière,  ou  un  choc. 

Abordons  maintenant,  avec  la  deuxième  partie,  les  théories. 

Un  premier  chapitre  est  consacré  à  démontrer  que  les  phénomènes 
vaso-moteurs  sont  primitifs.  C'est  par  là  que  la  thèse  de  Lange  dif- 
fère de  celle  de  James,  qui  n'a  point  fait  de  distinction  aussi  pro- 
fonde entre  les  réactions  du  corps.  Lange  pense  que  les  réactions 
des  muscles  de  la  vie  volontaire  ne  peuvent,  dans  l'état  actuel  de  la 
jdiysiologie,  expliquer  les  changements  dans  l'innervation  Aaso- 
motrice.  C'est  avec  quelque  étonnement  que  nous  avons  lu  celte 
assertion,  c{ue  M.  Dumas,  le  traducteur,  a  reproduite  sans  hésitation 
dans  sa  préface.  Comment  des  physiologistes  peuvent-ils  l'admettre? 
Les  recherches  que  nous  avons  faites  avec  M.  Courtier  sur  les  vaso- 
moteurs  nous  ont  montré  (ju'un  des  principaux  facteurs  qui  modi- 
lienl  la  circulation  est  le  mouvement  respiratoire  ;  une  ins])iration 
prol'diidf,  par  exenijile,  amène  une  très  forte  dimiuuliou  dans  la 
qiiaiilitt-  du  sang  à  la  périphérie,  ce  qu'on  appelle  une  vaso-cons- 
triclion.  Or,  la  respiration  est  gouvernée  par  les  muscles  du  thorax, 
qui  eux-mêmes  sontsous  l'inlluence  desémotions  ;  une  des  piincipales 
diflicultés  dans  l'étude  des  vaso-moteurs  consiste  à  faire  cJjstraction 
de  ces  perturbations  respiratoires.  Le  reste  de  la  llièse  dt;  l'auteur 
consiste  à  montrer  combien  les  changements  de  la  circulation 
intlucnt  sur  les  fonctions  des  muscles,  et  des  organes  en  général  : 
I  niiiprimez  vos  carotides  avec  les  doigts,  vous  ralentissez  la  circu- 
lai ion  cérébrale,  d'où  vertige,  faiblesse,  impotence,  et  même  perte 
de  conscience,  ce  (jui  vous  force  à  interrompre  l'expérience.  La 
compression  de  l'aorte,  chez  un  animal,  paialyse  l'arrière-lrain.  — 
Nous  ne  voyons  i)as  sortir  bien  nettement  de  tous  ces  faits  la  conclu- 
sion que  les  troubles  vaso-moteurs  sont  antérieurs  à  ceux  des 
muscles  de  la  vie  de  relation.  Du  reste,  l'auteur  remarque  lui-même 
que  cette  conclusion  importe  peu  au  fond  de  sa  théorie. 

Pour  l'étude  de  la  circulation,  chez  l'homme  il  eût  été  sans  doute 
iuléressant  de  montrer  les  méthodes  en  usage,  d'eu  discuter  les 
avantages  et  les  défauts.  Lange  s'est  contenté  de  signaler  les  travaux 
de  Mosso  et  de  quelques  autres.  On  voit  (pi'il  coupe  court  à  tous 
les  développements,  et  veut  se  contenter  d'exposer  sa  thèse. 


i 

1 

1 


SENTIMENTS  "15 

Celle  thèse  se  résume  ainsi  :  le  préjugé  populaire  et  jusqu"ii;i  la 
psychologie  scientifique  ont  admis  Tordre  suivant  dans  la  naissance 
des  émotions  :  Tune  cause,  une  sensation,  qui  agit  d'ordinaire  par 
l'intermédiaire  d'un  souvenir  ou  d'une  association  d'idées  ; 2°  un  état 
émotionnel  produit  directement  par  celte  cause  et  qui  se  passe  dans 
lame;  3*^  des  etle  ts  piiysioiogiques  qui  suivent  l'émotion,  qui  l'expri- 
ment au  dehors,  qui  sont  toujours  présentés,  mais  sont  des  épiidié- 
nomènes,  n'ayant  rien  d'essentiel.  D'après  Lange,  c'est  poser  la 
question  à  l'envers.  En  réalité,  l'effet  ]»hysiologique  succède  à  la 
cause  extérieure,  etl'élat  émotionnel  ne  vient  qu'après,  car  il  résulte 
de  la  perception  des  effets  physiologiques.  Un  enfant,  pour  ciler 
l'exemple  bien  connu,  ne  tremblerait  pas  parce  (pTii  a  peur  ;  non,  il 
commence  par  trembler,  et  c'est  la  conscience  de  son  tremblement 
et  des  autres  effets  i>hj-siologiques  qui  l'accompagnent,  qui  produit 
et  même  constitue  sa  peur;  il  a  peur  parce  qu'il  tremble.  Quels  sont 
les  arguments  que  l'auteur  apporte  pour  étager  son  ingénieuse  sup- 
position, qui,  quoi  qu'on  en  dise,  va  tout  juste  contre  le  sentiment 
général?  ^'ous  distinguons  deux  arguments  princiiiaux  : 

1°  Le  premier  est  de  jiure  logique.  «  Dans  la  conception  courante, 
les  émotions  sont  des  entités,  des  forces,  des  substances,  des  démons 
qui  saisissent  l'homme...  la  psychologie  scientifique...  ne  se  demande 
pas  ce  que  les  émotions  sont  en  elles-mêmes  pour  disposer  sur  le 
coijts  d'une  telle  puissance...  L'angoisse  psychique  peut-elle  expli- 
quer pourquoi  l'on  pâlit  et  pourquoi  l'on  tremlde  ?  »  Ces  citations 
suffisent  pour  donner  une  idée  de  l'argument.  Il  n'est  pas  convain- 
cant. Les  psychologues  qui  admettent  que  l'émotion  produit  des 
réactions  vaso-motrices  admettent  implicitement  que  l'émotion  est 
accom})agnée  de  ithénomèiies  physiologiques,  et  que  ce  sont  ces 
phénomènes  physiologiques  qui  sont  la  cause  des  eff'els  physiques 
désignés  sous  le  nom  d'expression  des  émotions.  Ce  n'est  pas  la  joie, 
comme  événement  mental,  qui  dilate  les  vaisseaux,  c'est  le  processus 
physiologique  inconnu,  et  concomittant  de  la  joie,  qui  produit  cet 
etlet  iiiiysiologiiiue.  Quant  à  la  question  de  savoir  pourcjuoi  l'angoisse 
fait  pâlir  et  trembler,  plutôt  que  de  i)roduire  un  efiet  tout  difi'érent, 
c'est  une  question  sans  doute  à  laquelle  notre  ignorance  nous 
emiiêche  de  répondre  ;  mais  aucune  autre  Ihéoiie  ne  pourrait 
donner  d'explication. 

2°  Les  diverses  émotions  ])euveni  être  produites  par  des  causes 
puieHienl  jihysiques,  qui  montrent  ([ue  les  émotions  ne  viennent 
(juà  la  suite  de  leur  expression  i)iiysique,  et  peuvent  se  manifester 
au  milieu  de  causes  qui  n'ont  rien  à  faire  avec  les  mouvements  de 
l'âme.  L'auteur  cite  la  joie  et  le  couiage  produits  i>ar  le  vin,  les 
accès  de  violence  et  de  rage  pioduits  par  le  liaschich  et  l'usage  de 
certains  champignons  et  en  particulier  les  agarics,  la  dépression  pro- 
vocpiée  par  l'ipéca  et  le  tartre  stibié,  l'action  sédative  du  bromure  de 
potassium,  etc. 


716 


ANALYSES 


('('S  ariiTimoiils  sont  (•filaiin'nifnt  plus  sih'ieux  que  les  précédents 
mais  ils  nt' sont  })as  absolunn-nt  convaincants.  Sans  vouloir  prendre 
parti  dans  ce  problème,  jusqu'à  ce  qu'il  soit  résolu  par  des  expé- 
riences précises,  nous  ferons  remarquer  que  les  diverses  substances 
énumérées  peuvent  provotpier  dans  les  cenires  nerveux  les  proces- 
sus physiologiques  qui  accompagnent  Témolion,  et  par  là  même 
provoquer  l'émotion. 

Sous  ce  mèmi'  chef  on  i>eut  ajouter  les  conclusions  tirées  par  l'au- 
teur des  émotions  morbides.  On  sait  que  chez  certains  malades, 
mélancoliques,  maniaques,  etc.,  des  états  émotionnels  profonds,  la 
tristesse  par  exemple,  s'installent  à  demeure,  et  que  ces  états  émo- 
tionnels ne  sont  point  provoqués  par  des  motifs  d'ordre  moral;  le 
motif  d'oi-dre  moral  (jue  le  malade  invoque  pour  légitimer  à  ses 
l)ropres  yeux  sa  tristesse  et  ses  pleurs  est  en  réalité  un  effet  secon- 
daire ;  l'éiat  émotionnel  a  sa  source  directe  dans  l'état  de  misère 
physiologique  '. 

Ici  encore  nous  remarcjuons  que  la  conclusion  n'a  rien  d'impé- 
rieux, puiscpi'nii  peu!  admet  lie  iiHc  cxçilai  iou  directe  des  centres  et 
des  processus  (jui  sont  en  rapport  avec  l'émotion.  Mais  il  est  incon- 
testable que  ce  sont  là  les  meilleurs  arguments  de  la  tliéorie  de 
Lange  et  que  les  critiques  de  ses  théories  n'en  ont  pas  suflisamment 
tenu  compte. 

Dans  le  dciiiitr  chapitre,  sur  le  mécanisme  cérébral,  l'auteur  a 
prévu  la  principale  objection  que  sa  théorie  devait  rencontrer,  et  il 
s'est  cfforci-  d'y  répondre.  11  jjrend  l'exenqile  suivant  :  on  braque 
sur  vous  un  revolver  chargé,  et  vous  tremblez  ;  évidemment,  ce  i[ui 
jiroduil  vohe  tremblement,  ce  n'est  ]>as  la  vue  ]tuie  et  simple  d'un 
objet  de  cette  forme  et  de  celte  couleur  (pii  s'aïqielle  revolver;  on 
tremble  parce  (|u"on  comprend  la  signilication  de  ce  qu  on  voit  et 
(ju'on  a  conscience  d'un  danger  imminent.  Eh  bien,  n'y  a-t-il  i)as 
nécessaireiiieiil  dans  la  conscience  de  ce  dangei- une  jiarl  (l'(''niotii«n  ? 
Si  on  l'ail  Taiialyse  de  cette  sihialion,  ne  Inmve-t-on  pas  (lue  poui' 
qu'elle  soit  conq)lète  il  faut  (lu'elle  mette  en  jeu  l'émotion  de  la 
peur?  C'est  précisément  la  (luestion  (jui  a  été  si  vivement  discnt(''e 
dans  ces  dernières  années,  c'est  robjectioii  de  WundI,  nnlamnieiil. 
>'(iiis  ne  pouvons  pas  dire  (pie  Lange  l'ait  coMiplèlenieul  (''cartee  ;  il 
s'est  coiilciih'  (l'analyser  avec  finesse  un  seid  exemple  de  ]teur  pio- 
duile  |iai  une  cause  [isyilii(pie,  afin  de  muutrer  ([ue  ce  cas  est  réduc- 
lilile  à  celui  (finie  cause  iiial(''iielle.  Son  argumentation  est  trop 
rapide,  et  son  exemple  est  tiop  simple.  Le  voici  ce|i<'ii(laiil.  Il  prend 
<ralioi(l  coiiiiiie  admis  (|iie  certaines  peins  |ieiiveiil  (Mre  le  produit 
direct  d'excilalioiis  sensorielles,  sans  (pie  le  souvenir,  le  laisoiine- 
uu'ut  y  aient  pari  ;  ainsi,  un  bruit  strident  fait  tressaillir  douloureu- 


•' . 


(1)  Voir  le  livi-f  de  Diinias,  amilvsé  dans  VAnnée  pfujcholuf/lqiw.  1,1895, 
p.  iS4. 


n 


SENTIMENTS  "17 

semont,  ou  a  ou  lôellemeut  peur,  et  la  peur  est  si  forte  que  cerlaiues 
persounes  ne  peuvent  s'en  défaire  et  ne  se  résignent  jamais  à  rester 
près  d'un  canon  qu'on  tire,  malgré  l'absence  de  tout  danger  ;  dans 
ce  cas,  la  sensalion  douloureuse  luoduit  directement,  c'est-à-dire 
I)ar  voie  réflexe  allant  du  centre  auditif  au  cenire  vaso-moleur,  l'ex- 
cilation  qui  amène  la  constriction  des  vaisseaux;  on  a  conscience  de 
celte  constriction  et  de  tous  les  états  organiques  qui  s'ensuivent; 
cette  conscience  sourde  constitue  la  peur.  Ici,  point  de  difliculté. 
Prenons  maintenant  une  peur  morale  ;  l'enfant  à  qui  on  a  déjà  donné 
une  médecine  avec  une  cuillère,  crie  et  a  peur  quand  on  lui  repré- 
sente la  même  cuillère  ;  l'analyse  de  ce  qui  se  passe  montre  que  la 
vue  de  la  cuillère  suggère  à  l'enfant  le  souvenir  d'une  sensation 
désagréable  du  goût  ;  c'est  cette  sensation  rappelée  qui  est  l'origine 
de  la  perturbation  vaso-motrice  ;  et  tout  se  passe  comme  si  le  centre 
sensilif  du  goût  était  excité  directement  une  seconde  fois.  L'inter- 
prétation est  satisfaisante,  mais  il  n'est  pas  démontré  qu'elle  con- 
vienne à  tous  les  cas.  Nous  ne  trancherons,  quant  à  nous,  la  ques- 
tion dans  aucun  sens,  espérant  qu'un  jour  des  faits  précis  viendront 
nous  montrer  si,  comme  le  pense  Lange,  c'est  à  notre  système 
vaso-moleur  que  nous  devons  luulr  la  part  émolionnelle  de  notr(; 
vie  psychique. 

Au  moment  où  j"écris  ces  lignes,  je  suis  en  plein  cours  d'expé- 
riences avec  M.  Courtier  sur  cette  question  intéressante  ;  nous  faisons 
des  études  sur  les  vaso-moteurs  d'enfants  chez  lesciuels  nous  }>rovo- 
quons  artificiellement,  au  moyen  de  cadeaux  successifs,  des  états  de 
plaisir,  et  au  moyen  de  menaces  successives  de  petites  secousses 
électriques,  des  états  de  crainte  ;  nous  faisons  aussi  des  expériences 
sur  des  adultes  qui  sont  capables  de  réveiller  en  l'ux,  par  une  forte 
absorption  intellectuelle,  des  émoliuiis  gaies  ou  tristes.  Les  résultats 
recut'illis  jusqu'ici  sont  absolument  nets  ;  mais  d'autre  part  ils  sont 
si  comjjli'xes  que  nous  ne  nous  sentons  pas  capables  de  les  résumer 
en  quelques  lignes. 

Nous  devons,  eu  terminant,  (aiii!  remarquer  ([Ut-  si  jiour  Laugi; 
rémotion  est  la  conscience  des  variations  physiiiucs  ([iie  Tcxcilation 
des  centres  vaso-moteurs  provoque  dans  le  corps,  William  Janu's  ne 
se  rallie  pas  à  cetle  formule  étroite,  et  échappe  par  conséfiucnt  aux 
objections  directes  ({u'on  peut  adresser  à  la  théorie  de  Lange  à  laide 
d'arguments  tiré-s  des  expériences  sur  les  vaso-iiidleins  ;  pour 
William  James,  ce  lU)  sont  pas  seulemeiil  les  muscles  vaso-muleuis, 
ce  sont  aussi  tous  les  autres  muscles  lisses,  et  tous  les  muscles  striés 
qui  entrent  en  jeu  et  produisent  des  impressions  diverses  dont  la 
conscience  constitue  mitre  tMat  d"émotion. 

2-3.  Il  nous  paraît  utile  de  résumer  d'après  l'article  de  (jardiner 
la  série  d'arguments  pn'sentés  jiour  et  contre  cette  Ihéorit;,  et  les 
modifications  qu'elle  a  subies.  Les  discussions  ont  eu  lieu  principa- 
lement avec  W.   James,  qui  a  fait  preuve  d'un  talent  bien  remar- 


718 


ANALYSES 


quahle  de  polémislc.  (Tout  ce  qui  suil  est  emprunté  ù  l'article  de 
Gardiner.  ) 

Preuves  directes  de  la  théorie.  —  Un  individu  coni|ilèlement  anes- 
Ihésique,  qui  ne  sentirait  pas  l'efTet  piiysique  produit  dans  son  orga- 
nisme par  une  excitation  ne  devrait  pas,  si  la  théorie  James-Lange 
esl  juste,  ressentir  d'émotion.  Maisoùesl  ranesthési(iue  qui  fournira 
cette  expérience  cruciale?  W.  James  a  cili'  ([vudcjucs  cas,  celui  dr 
Bréchet,  celui  de  Sirum|tell  [Psi/ch.  Hev.,  I,  p.  544;  cf.  Mind,  n.  s. 
IV,  p.  96)  qui  sont  équivoques  ;  le  cas  rapporté  par  Sellier  est  meil- 
leur {Rev.  Philosoph.,  mars  1894,  p.  24t),  mais  n'est  point  satisfai- 
sant; les  cas  en  sens  contraire  rapporl(''s  ]iar  Worcester  sont  t'gale- 
ment  sujets  à  critique. 

Objections  contre  la  throrie.  —  Les  premières  oïd  ('lé  failes  par 
Gurney,  ([ui  ne  se  doutait  guère  que  la  tli(''orie  de  James  aurail  lant 
de  succès;  il  la  liaitait  de  ])aradoxalc  [Mind,  IX,  p.  421}.  Les  princi- 
paux critiques  qui  sont  arrivés  ensuite  sont  Worcester  {Monist,  III, 
p.  285,  janv.  1893)  ;  Irons  {Mind.  n.  s.,  III,  p.  97,  janv.  1894;  Mind,  n. 
s.,  IV,  p.  92,  Janv.  1895  ;  Psych.  Rev.,  Il,  p.  279,  mai  1895);  Baldwin 
(Psych.  Rrv.,  I,  p.  GIO,  nov.  1894)  ;  J.  Dewey  (J'sych.  Rev.,  I,  p.  553  ; 
II,  p.  13,  nov.  1894  et  Janv.  1895).  Voici  les  principales  objections  : 
a)  la  même  émotion  peut  avoir  des  exjiressions  différentes,  et  des 
émotions  dilîérentes  peuvent  avoir  la  même  ex|)ression  ;  donc  ce 
n'est  pas  la  conscience  de  l'expression  ipii  constitue  l'émotion.  La 
réponse,  c'est  que  dans  les  différentes  expi-essions  d'une  même 
émolion,  il  jicut  y  avoir  assez  de  ressemblance  pour  ipie  rémoliiiu 
reste  la  même  ;  et  que  de  même,  dans  les  expressions  analogues 
d'émotions  difl'érenles,  il  peut  y  avoir  assez  de  différences  pour  ([ue 
les  énuttions  soient  de  diifi'-rente  nature.  Ces  raisoiinenu'uls-là  ne. 
mènent  à  rien,  car  ou  ne  sait  pas  exactement  quelle  est  la  ualure 
de  l'expressitin  ;  b)  loules  les  (Miiolions,  (piand  elles  sont  intenses, 
tendent  à  avoir  la  même  expicssion.  Réponse  :  l'émotion  elle-même, 
quand  (die  est  intense,  ne  teiul-elle  pas  à  devenir  la  même?  c) 
[deurer,  rire  |)euvent  ne  s'accompagner  d'aucune  émotion;  réponse  : 
rex|iression  djiiis  ce  cas  resie  inc(inipl("'le.  Toules  ces  ojijeclidiis  soiil 
en  somme  peu  S('Tieuses,  el  luuis  [muivoiis  les  ('carlei'  :  iii.iisen  voici 
de  plus  graves  :  (/)  les  uiduveiiienls  d'expression  el  les  eifels  orga- 
ni(pies  d'un  sliniulus  sont  hien  dinV'icnls  suivani  rinlerprélalion 
(pi'on  en  donne  :  ce  n"e>l  p.is  la  vne  d'nn  |uslolel  comme  corps 
allong('',  luiscinl,  de  lelle  l'orme,  (pii  peul  faire  penf,  c'esl  la  signi- 
lication  (pi'on  y  atlache;  de  même  |»our  la  vue  d'nn  animal  féroce, 
elc.  James  i(''|iond  en  faisan!  luie  plus  large  délinilion  du  stimulus  ; 
il  (lil  (pi'il  comprend  la  situation  totale  en  face  de  bupudle  ou  se 
trouve,  c'esl-à-dire  les  laisonnenienls  el  idées  qui  s'éveillent  à  ce 
moment,  e)  il  est  reconnu  (pu'  tous  les  actes  exécutés  ne  sont  pas  la 
cause  de  l'émotion  prodnite.  On  disait  autrefois  :  on  esl  effrayé 
parce   qu'on   court,  à   (pioi  Worcester  objectait  itlaisammeut  :  on  a 


t 


SENTIMENTS  719 

peur  d'être  mouillé  parce  qu'on  achète  un  parapluie.  James,  dans  son 
exposition,  s"é(ait  mis  à  l'abri  de  celte  objection  ;  il  ne  disait  pas  : 
on  est  eïïrayé  pai'ce  qu'on  hiil  ou  parce  qu'on  tremble;  il  disait  simple- 
ment que  l'ordre  successif  des  phénomènes  était  le  suivant  :  on  voit 
un  objet,  on  tremble,  on  est  effrayé.  On  admet  aujourd'hui  que  cer- 
tains actes  et  phénomènes  sont  accessoires,  tandis  que  d'autres 
sont  les  causes  réelles;  parmi  ces  autres,  il  faut  placer  les  pertuiba- 
tions  viscérales  et  vaso-motrices;  f)  on  limite  expressément  la  théorie 
à  une  phase  particulière  du  processus  émotionnel.  On  admet  que  la 
théorie  s'applique  surtout  à  l'excitation  ('motionnelle  brusque,  au 
saisissement,  à  ce  qu'on  appelle  «  Ihe  afl'ect  »;  et  on  pense  que  ce 
saisissement  est  produit  par  une  modification  orti;anique.  Gardiner 
dit  que  la  théorie  ainsi  comprise  devient  très  plausible.  Nous  croyons 
devoir  faire  ici  une  distinction;  pour  les  vaso-moteurs,  ils  ne  jouent 
pas  de  rôle  dans  le  saisissement  parce  que  leurs  réactions  sont  très 
lentes.  Il  en  est  autrement  pour  le  cœur  et  la  respiration. 

La  théorie  de  James  se  résume  actuellement  de  la  manière  sui- 
vante :  dans  l'analyse  d'une  émotion  par  la  conscience  on  trouve 
trois  éléments:  le  contenu  objeclif,  une  sensation  de  plaisir  ou  de 
peine,  et  une  sensation  de  saisissement,  provenant  de  sensations 
organiques. 

Deux  auteurs  principaux,  Baldwin  et  Dewey,  ont  présenté  des 
objections  de  détail.  Le  dernier  de  ces  auleui's  a  présenté  une  théorie 
nouvelle,  fondée  sur  les  mêmes  jirincipes  que  celle  de  James,  mais 
plus  compliquée  :  elle  est  une  combinaison  de  la  théorie  de  James 
avec  les  principes  évolutionnisles  indiqués  par  Darwin  dans  ses 
études  sur  l'expression  des  émotions.  D'après  Dewey,  toutes  les  soi- 
disant  expressions  des  émotions  seraient  en  réalité  la  réduclion  de 
mouvements,  primitivement  utiles,  à  des  altitudes;  ce  n'est  (hmc 
pas  en  rapport  avec  les  émotions  qu'on  doit  les  ex])li(iui'r,  mais 
comme  des  survivances  ou  des  modilicaLions  de  coordinations  té]('o- 
logiques.  Quand  il  y  a  conflit  entre  les  mouvements  inslinclifs  et  des 
mouvements  nouvraiix  |ii()vim|U(''s  par  des  idi'cs,  on  a  une  sensaliun 
de  tension  qui  est  la  basi;  de  l'émotion.  Sans  ce  conllit  il  n'y  auiaii 
point  d'émotions,  et  ce  n'est  jias  la  somme  d'états  de  sensations  orga- 
niques qui  serait  ca|table  de  les  faire  naître. 

4.  Xous  plaçons  ici  m  apiicndice  les  analyses  de  très  ruinlcs 
notes  de  contradicteurs,  Stratt,on,  M'Lennan,  qui  n'adopirni  |Miin! 
les  idées  de  James-Lange,  el  l-'eiiero  qui  fait  joiici'  nn  nMe  inqior- 
lant  aux  sensations  de  la  cénesthésie.  .Nous  indicjuons  eulin  une  cri- 
tique historique  d'irons.  v 

Oua  nd  nous  éprouvons  une  violente  émotion,  rfniar(|ui'  SI  ration, 
nous  avons  bien  des  sensations  d'origine  organicjue,  par  exemjtle  des 
battements  de  cœur,  des  troubles  respiratoires  et  des  sensations  pro- 
venant d'un  changement  dans  l'état  des  vaso-moteurs.  Mais  la  per- 
.  ception  de   ces   sensations  m;  l'onstitue   pas   r<''jnotion,    coniiiK,'  le 


720  ANALYSES 

prétendent  James  et  Lange,  car  si  nous  |ioitons  notre  altention  sur 
ces  sensations,  pendant  ([Uf  nous  sommes  émus,  l'état  émotionnel 
cesse,  quoique  les  sensations  continuent  ;  ces  sensations  nous  parais- 
sent alors  être  exti'-rieuros  à  nous  et  non  être  nous-mêmes. 

5.  M'Lennan  pense  que  l'intérêt  est  excité  par  tout  ce  qui  louche  à 
notre  existence  et  à  noire  bien-êlre  ;  quand  l'objet  excite  eu  nous  plu- 
sieurs réactions  contradictoires  et  en  lutte,  nous  avons  un  état  émo- 
tionnel; l'éniolion  se  caracléiise  par  un  man(pio  d'équilibre,  un  état 
d'inbibition;  ainsi  on  veut  fuir  un  objet  elîrayant,  m-ais  les  jambes  se 
dérobent  ;  on  veut  frapper  un  individu  détesté,  mais  on  a  conscience 
de  son  infériorité  physique  et  on  se  retienl.  Le  désir,  auquel  l'émo- 
tion conduit,  est  aussi  un  état  d'inhibition,  mais  l'inhibilion  ne 
porte  pas  sur  les  tendances;  elle  porte  sur  la  réalisation  de  l'acte. 

6.  L'homme  normal,  en  pleine  vigueur  de  santé,  dit  Ferrero, 
n'a  pas  peur  de  la  mort;  si  la  pensée  de  la  mort  se  présente  à  lui, 
elle  est  si  vague  et  se  lapporte  à  un  événement  si  incertain  quant  à 
l'époque  de  sa  réalisation,  (ju'aucun  sentiment  d'angoisse  ne  se  pro- 
duit. Cette  indifîéreuct-  tient  à  ce  (pie  le  tonus  vital  d'un  individu  en 
bonne  santé  est  contraire  à  la  production  d'images  vives  relativement 
à  la  mort.  Chez  le  vieillard  (lél)iiil('',  la  jjensée  de  la  mort  est  plus 
fréquente  et  |j1us  émouvante,  non  parce  que  la  mort  est  plus  pro- 
chaine (dans  les  duis  métieis  de  mineur  et  marin  où  la  mort  est 
toujours  menaçante,  |on  n'y  pense  guère),  mais  parce  que  la  sensation 
oriianique  de  la  faiblesse  du  corps  s'harmonise  bien  avec  l'idée  de  la 
mort.  Dans  beaucoup  de  circonstances,  suicide  par  amour  ou  vanité, 
pratiques  de  pleuplades  sauvages,  etc.,  la  mort  devient  agréable  par 
association  d'idées. 

7.  Le  traité  de  Descaries  sur  Les  passions  de  rame  st'  recommande 
aujourd'hui  encore  à  l'attention  des  psychologues  non  seulement 
parce  (|u'il  conlieiil  des  analyses  très  Unes  de  divers  élals  émotionnels 
(l'ingratitude,  le  respect,  le  mépris,  etc.),  mais  encore  parce  (pi'on 
liouve  dans  cet  ouvrage,  sous  une  forme  i)resque  achevée,  la  théorie 
moderne  de  l'émotion  due  à  W.  .lames  et  à  Lange,  théorie  d'après 
liiquelle  l'éniolion  est  caus(''e  jiai'  des  ciiangenieiils  physiques. 

Voici,  en  iM'snini',  comment  Descartes  présente  sa  théorie  :  tout 
objet  frappant  nos  sens  «  agit  »  par  les  nerfs  sur  la  glande  ])inéale  ; 
si  cet  objt't  a  vis-à-vis  d(!  nous  quehiue  relation  d'utilité,  il  se  fait 
dans  la  glande  pinéale  une  impression  de  ce  rapport;  cette  modi- 
lication  cérébrale  nud  les  esprits  animaux  en  mouvement  ;  il  se 
produit  des  changements  dans  le  cœur  et  dans  le  sang,  cpii  par  Tinter- 
niédiaiie  des  esjirils  animaux,  reviennent  au  cerveau,  et  impression- 
nent la  glande  ]iint'-ale  ;  ce  sont  des  effets  physicpu^s  (jui  produisent 
l'émotion;  eu  même  tenqts  les  esprits  aniuuiux  agitent  les  membres 
et  produisent  les  niouvenieiils  et  les  actes  nécessaires,  par  exemple 
la  fuite  eu  cas  de  peur.  Irons  [lense  ijue  le  point  faible  de  la  théorie 
de  Descartes  est  le  même  «lue  dans  la  théorie  de  James  et  de  Lange  : 


SENS    ESTHÉTIQL'E  721 

011  est  forcé  d'admettre  qu'entre  la  perception  de  l'objet  extérieur 
qui  cause  l'émotion,  et  les  effets  physiques  qui  s'ensuivent,  doit  s'in- 
tercaler une  condition  intellectuelle,  un  jugement,  une  idée  tout  au 
moins  sur  la  nature  de  l'objet  extérieur;  or  si  ce  point  est  admis, 
remarque  Irons,  pourquoi  ne  pas  admettre  aussi  que  c'est  l'idée  qui 
produit  l'émotion  ? 

A.    BiNET. 


III.  —  SENS  ESTHÉTIQUE 

DAURIAG.  —  Essai  sur  la  psychologie  du  musicien.  Revue  Philoso- 
phique, janv,  1895,  p.  31-36;  mars  1895,  p.  256-284;  avril  1895, 
p.  400-422. 

L'auteur  discute  un  sujet  extx'êmement  intéressant,  l'intelligence 
musicale  ;  il  présente  sur  cette  question  des  aperçus  suggestifs,  qui 
s'appuient  sur  un  grand  fond  de  connaissances  musicales  ;  néanmoins 
nous  croyons  qu'ici  comme  partout  les  questions  de  psychologie  ne 
peuvent  se  résoudre  que  par  l'appel  le  plus  large  à  la  m(''thode  expé- 
rimentale. Celle-ci  peut  seule  nous  dire  si  l'auteur  a  raison  dans  ses 
affirmations.  11  pense  que  l'intelligence  musicale,  c'est-à-dire  l'apti- 
tude à  distinguer  un  air  d'une  série  incohérente  de  sons,  consiste  à 
faire  une  unité  d'une  pluralité  ;  il  admet  que  cette  intelligence  est 
distincte  de  la  justesse  de  l'oreille,  qu'elle  peut  être  affinée,  mais 
que  c'est  un  don  de  nature,  et  un  don  précoce.  L'auteur  signale 
épisodiquement  plusieurs  conditions  qui  facilitent  l'intelligence  d'un 
morceau  ;  la  simplicité  d'abord  (mais  en  quoi  consiste-t-elle  ?)  la 
facilité  de  chanter  l'air  et  d'en  battre  la  mesure;  l'absence  de  varia- 
tions; l'absence  d'un  accompagnement  qui  ajoute  à  l'air  chanté  un 
dessin  mélodique,  et  oblige  d'entendre  deux  airs  à  la  fois  ;  l'emploi 
de  la  voix  humaine  ou  d'un  instrument  dont  le  timbre  se  rapproche  de 
la  voix  humaine. 

L'intelligence  musicale  permet  de  savoir  si  une  i)hrase  est  terminée 
ou  non,  mais  elle  ne  nous  fait  pas  connaître  le  sentiment  qu'une 
musique  exprime  ou  la  chose  qu'elle  prétend  décrire.  Hien  souvent 
les  compositeurs  n'ont  aucune  idée  définie,  et  ils  ne  cherchent  un 
nom  à  leur  œuvre  qu'après  coup.  La  plupart  du  temps  c'est  l'éditeur 
de  musique  qui  se  charge  de  trouver  le  nom  dun  morceau. 

La  mémoire  musicale,  qui  est  liée  à  l'intelligence  musicale  (car 
on  relient  surtout  ce  qu'on  a  compris),  renferme  iilusienrs  mémoires, 
celles  des  intensités,  des  timbres,  des  hauteurs  absolues  et  relatives 
et  des  rythmes.  Sur  le  rôle  de  ces  mémoires  et  leur  importance, 
l'auteur  discute  toujours  sans  i)reuve.  C'est  pour  ikhis  iiii  ('tonne- 
ment  profond  de,  voir  un  auteur  traiter  par  l'imagiiialion  un  sujet 
qui  dépend  directement  de  l'expérience. 

A.  BlNET. 

ANNÉE  PSYCHOLOGIQUE.  II.  46 


iT, 


ANALYSES 


L.  DIMIER.  —  Le  modelé  dans  la  peinture  et  la  troisième  dimension. 
Rev.  de  métaphysique  et  de  morale,  sept.  1895,  p.  oo0-57i. 

Réflexions  à  propos  des  doctrines  de  LéonaiJ  dt-  Vinci,  dont  les 
manuscrits  sont  publiés  en  ce  moment  par  M.  Ravaisson-Mollien  en 
trois  textes,  une  traduction  française,  Toriginal  italien  et  une  plioto- 
aiaphie  du  manuscrit.  Léonard,  qui  précéda  le  Corrège  et  }iar  con- 
séquent l'époque  où  la  pratique  du  clair  obscur  fut  .universellement 
connue,  insiste  sur  Timporlance  en  peinture  du  modelé,  qui  n'est  en 
somme  que  du  clair  obscur  restreint  à  la  ligure;  il  montre  que,  plus 
que  la  forme  et  la  couleur,  le  modelé  est  assujetti  à  des  règles  fixes, 
et  qu'il  faut  beaucoup  plus  d'études  et  de  réflexions  pour  donner 
des  ombres  à  une  figure  que  pour  en  dessiner  les  contours.  Cette 
doctrine  est  opposée  à  celle  des  impressionnistes,  qui  réduisent  la  pein- 
ture à  la  tache,  juxtaposition  de  petites  surfaces  de  couleur  homogène. 

Une  autre  doctrine  de  ce  peintre  est  moins  claire;  elle  est  relative 
à  ce  qu'il  appelle  le  corps.  «  Toute  forme  corporelle,  dit-il,  quand 
à  l'office  de  l'œil,  se  divise  en  trois  parties,  c'est-à-dire  corps,  figure 
et  co\ileur.  »  Peut-être  le  corps  signilie-l-il  la  nature,  la  qualité 
matérielle  de  l'objet  représenté,  el  peut-être  Léonard  a-t-il  voulu  dire 
que  par  certains  artifices  de  louclie,  de  pâte,  })ar  ces  procéd(''s  enfin 
que  chaque  j)einlre  invente  et  conserve  pour  lui  seul,  on  arrive  à 
rendre  la  nature  de  l'objet.  Ainsi,  on  rapporte  que  Reynolds,  vouhml 
apprendre  dt'S  Vi'-uilicns  le  secret  de  certains  efl'ets,  sacrifia  quel- 
ques tableaux  de  ces  grands  maîtres  qu'il  délayait  lentement  dans 
l'essence  pour  en  examiner  l'exécution. 

Enfin,  un  troisième  enseignement  de  Léonard  de  Vinci  i)arail 
aujourd'hui  encore  utile  aux  débutants,  mais  ne  peut  passer  à  l'étal 
<le  règle  inflexible  :  Léonard  prescrit  d'opposer  sur  le  inud  du 
tableau,  des  clairs  aux  ombres  des  tigures  et  des  ombres  à  leur 
lumière.  «  Si  Léonard  de  Vinci,  a  dit  Reynolds,  eût  vécu  assez  long- 
lem]is  pour  voir  l'elTet  brillant  et  extraindinaire  qu'on  a  obtenu 
depuis  par  une  méthode  exactement  coulrairf  en  juignanl  la  lumière 
à  la  lumière  et  l'omlire  à  ronibic.  il   l'aurait  sans  doule  admiré.  » 

Terminons  en  siiiiialant  les  idées  d(;  Léonard  sur  l'enseianemenl 
du  dessin  '.  On  place  aujourd'hui  sous  les  yeux  des  élèves  des  solides 
de  forme  géométritiue,  cubes,  cônes,  sphères.  Ainsi,  dit-on,  on  évite 
de  placer  enlie  le  tenqiéramenl  de  l'enfaiil  el  la  nature  uni'  iiiler- 
prélation  étrangère.  C'était  l'idée  de  Rousseau,  qui  ne  s'entendani 
l)oinl  à  la  peintur(%  enseigne  le  dessin  à  son  Emile  par  la  simple 
pratique  de  la  nalure.  Dirnier  l'cpousse  ce  système  elje  me  joins  à 
lui  :  cet  enseignement  n'est  [)oint  naturel,  comme  on  le  prétend. 

(1)  Voir  sur  ce  sujet,  qui  touche  de  très  près  à  la  psychologie,  le  Ru])- 
porl  de  F.  Ravaisson  sur  renneifpieineni  du  dessin,  et  le  Diclionnuue 
péduffogique,  au  mol  Dessin. 


SENS    ESTHÉTIQUE  723 

J'observe  depuis  longtemps  deux  enfants,  âgés  aujourd'hui  de  huit 
et  de  dix  ans,  qui  ont  un  goût  très  vif  pour  le  dessin,  et  auxquels  on 
laisse  pleine  et  entière  liberté  de  faire  ce  qu'ils  veulent;  ils  couvrent 
chaque  jour  des  feuilles  blanches  avec  des  dessins  de  leur  invention, 
qui  du  reste  se  répètent  sans  grandes  moditications.  Je  ne  les  ai 
jamais  vus  copier  d'après  nature;  ils  se  bornent  à  regarder  attenti- 
vement quand  ils  se  promènent  les  objets  qui  les  intéressent  le  plus, 
par  exemple  les  chevaux,  dans  le  but  de  les  dessiner  exactement,  et 
toujours  ils  travaillent  de  mémoire.  Voilà,  je  crois,  le  penchant 
naturel,  et  ce  penchant  conduit  directement  au  dessin  symbolique; 
l'enfant  a  dans  les  doigts  un  type  de  cheval,  qu'il  s'est  fait  à  lui- 
même,  qu'il  perfectionne  lentement ,  et  répète  à  satiété.  D'après 
Léonard  de  Vinci,  le  débutant  doit  apprendre  à  copier;  et  ce  n'est 
pas  la  nature  qu'il  doit  copier,  mais  des  dessins  de  maître.  C'était 
la  méthode  suivie  autrefois  chez  nous;  on  ne  débutait  pas  par  la 
bosse,  mais  par  la  copie  des  estampes. 

La  lecture  de  l'intéressant  article  de  Dimier  suggère  deux  études 
qui  n'ont  pas  encore  été  faites  :  i°  l'examen  de  l'évolution  historique 
de  la  peinture,  pour  nous  apprendre  par  quels  degrés  siiccessifs  les 
individus  sont  arrivés  à  se  rendre  compte  de  ce  qu'ils  voient  (évo- 
lulion  de  la  perception  de  la  forme,  de  la  couleur,  du  modelé,  de  la 
Iterspective,  etc.)  ;  2°  critique  de  l'enseignement  du  dessin,  en  prenant 
pour  ]ioint  de  départ  les  observations  de  psychologie  enfantine. 

A.    BiNET. 

I).-R.  MAJOR.  —  On  the  Affective  Tone  of  Simple  Sensé  Impres- 
sions {Sur  le  ton  affectif  des  impressions  sensoriel  les  simples.)  Amer. 
J.  of.  Psych.,  vol.  VII,  189o,  p.  57-77,  avec  trois  tableaux  graphiques. 

Ce  travail,  émané  du  laboratoire  de  Cornell  (directeur  Titchener) 
vient  s'ajouter  à  ceux,  encore  en  petit  nombre,  qui  traitent  sous  une 
forme  expérimentale  la  question  du  sentiment  esthétique.  L'auteur, 
quoique  ayant  entrepris  ses  recherches  avant  l'apparition  de  celles 
de  Colin*,  a  constamment  comparé  ses  résultats  avec  ceux  de*  cet 
Jiuteur,  cherchant  moins  à  obtenir  des  résultats  positifs  qu'à  l'claircir 
des  questions  de  méthode.  Du  reste,  il  n'a  opéré  que  sur  trois  sujets. 
Le  procédé  est  celui  de  la  série  ;  une  série  de  couleurs  ou  de  sensa- 
tions  de  l'ouïe  étant  oflerte  au  sujet,  celui-ci  est  prié  de  ciioisii',  cl 
d'estimer  à  propos  de  chaque  couleur  ou  de  chaque  son  la  valeur  du 
sentiment  qu'il  éprouve.  Cohn  a  fait  ftlusieurs  objections  contre 
l'application  d(.'  cette  miHliode  aux  couleurs  :  d'abord  la  juxtaposition 
des  couleurs  produit  des  phénomènes  de  contraste  qui  les  altèrent; 
en  second  lieu,  le  sujet  peut  seulement  désigner  dans  la  série  ce  qui 
lui  plaît  ou  ce  qui  lui  déplaît  le  plus,  il  ne  peut  comparer  deux  cou- 

(I)  Pour  une  anaivse  des  recherches  de  Cohn,  voir  Année  psychologique, 
L  p.  438. 


724 


ANALYSES 


leurs  quelconques,  et  établir  entre  toutes  uu  ordre  de  hiérarchie. 
Major  a  néanmoins  employé  la  méthode  des  séries,  en  ayant  soin  de 
présenter  les  couleurs  les  unes  après  les  autres,  pour  éviter  les  con- 
trastes, et  en  faisant  apprécier  chaque  couleur  d'après  une  échelle 
convenue  d'avance,  où  le  n°  1  exprime  la  satisfaction  maxima  et  le 
n°  7  le  déplaisir  maximum.  Notre  objection,  c'est  que  dans  ce  cas 
lapersonneest  obligée  de  faire  un  jugement  très  complexe  d'apprécia- 
tion, fondé  sur  des  souvenirs,  et  bien  plus  sujet  à  erreur  qu'une  com- 
paraison directe  de  sensations.  Le  nombre  des  sujets  observés  est  trop 
petit  pour  prêter  à  la  moindre  généralisation  ;  et  il  est  sans  intérêt 
de  reproduire  leurs  préférences  individuelles,  sauf  peut-être  cette 
particularité  que  chacun  est  resté  pendant  la  durée  des  expériences 
lîdèle  à  ses  préférences.  Quelques  essais  faits  sur  l'esthétique  des 
sons  ont  eu  des  résultats  tout  aussi  discordants.  La  partie  la  plus 
nouvelle  de  ce  travail  a  trait  à  l'esthétique  des  contacts;  les  sujets 
ont  palpé  56  étoffes  différentes,  les  yeux  fermés,  et  ont  trouvé  plus 
naturel  que  pour  les  couleurs  et  les  sons  de  qualifier  les  sensations 
tactiles  comme  agréables  et  désagréables;  de  plus,  ils  ont  été  d'accord 
d'une  manière  très  frappante  dans  leurs  appréciations  :  les  étoffes 
rudes,  fermes,  grossières  sont  plus  désagréables  que  les  étoffes 
douces  et  molles.  A.  Binet. 


TARCHANOFF,   —  Influence  de  la  musique  sur  l'homme  et  sur  les 
animaux.  Congrès  de  Rome,  t.  H,  p.  153. 

Lorsqu'on  prend  la  courbe  ergographique  et  ([ue  le  sujet  (>st  arrivé 
à  l'état  de  fatigue  complète  et  ne  peut  plus  soulever  le  poids',  si  à  ce 
moment  on  fait  entendre  une  musique  gaie,  d'un  mouvement  rapide, 
la  fatigue  disparaît  parfois  pour  un  certain  temps  plus  ou  moins  long 
et  les  sujets  peuvent  de  nouveau  soulever  le  poids.  La  musi(iue  triste 
et  lente  a  une  action  contraire.  Ces  lésultats  sont,  on  le  voit,  en 
accord  avec  ceux  de  M.  Féré  *.  —  Une  deuxième  série  d'expériences 
a  été  faite  sur  des  chiens  et  des  cobayes,  on  déterminait  la  quantité 
d'acide  carbonique  qu'ils  éliminaient  et  la  quantité  d'oxygène  ([u'ils 
consommaient  pendant  vingt-(iuatiT.  heures,  d'une  part  pendant  l'état 
de  repos,  et  de  l'autre,  pendant  qu'on  leur  faisait  entendre  toute  les 
cinq  secondes  une  clochette  électrique;  on  voit  que  le  dégagement 
de  CO-  et  l'absorption  de  0  augmentent  dans  ce  dernier  cas  : 

En  vingt-quatie  heures  sur  un  kilogramme  du  poids. 

lîcpos.  Excitations  auditives^ 

Les  cliiens  éliminent  CO- 18,66  21,78 

—  consoiiuiicut 16,06  20,01 

Les  cobayes  éliuiiuejit  CO- 38,20  42,23 

—  consomment  O 35,54  38,79 

(1)  Sur  l'ergograghe,  voir  Année  ps>jc/i.,  I,  p.  450. 

(2)  Féré.  Sensation  el  inouvonen/ . 


SENS    ESTHÉTIQUE  725 

Enfin  une  troisième  série  d'exiiériences  faites  sur  des  liommes  a 
niontrt'  que  les  courants  cutanés  de  la  main,  enregistrés  par  le  gal- 
vanomètre de  Wiedemann,  sont  modifiés  par  Tinfluence  de  la 
musique  ;  or  ces  courants  cutanés  étant  dus  à  une  augmentation  de 
la  sécrétion  de  la  peau,  fauteur  en  déduit  une  inlluence  de  la 
musique  sur  l'activilé  de  la  peau. 

Victor  Henri. 


ASTIGMATISME    ET    ESTHETIQUE 

Ch.  PÉKAR.  —  Astigmatisme  et  esthétique.  Rev.  Phil.,  août  1893, 

p.  186-188. 
LAUPÏS.  —  Ici.  Rev.  Pliil.,  oct.  189o,  p.  399-406. 
V.  HENRI.  —  Id.  Rev.  Pliil.,  oct.  1895,  p.  406-408. 
L.  HOWE.  —  Art  andEyesight  [Art  el  vision).  Pop.  Science  Monthly, 

août  1895,  p.  4b8-471. 

La  question  soulevée  a  une  portée  générale,  celle  des  rapports  qui 
existent  entre  les  imperfections  de  nos  sens  et  nos  œuvres  d'art. 
Aussi  mérite-t-elle  quelques  mots. 

Pékar  signale  à  Tattention  les  relations  qui  existent  entre  1  astig- 
matisme   et    Testhé tique.   Jl     pense  que    Fastigmalisme,    très   fré- 
(juent  chez  les   individus   et   notamment  chez  les    peintres,    peut 
expliquer  notre  tendance  à  préférer  aux  carrés  la  forme  du  parallé- 
logramme dans  une  foule  de  nos  omvres,  par  exemple  dans  les  toiles 
•des  peintres.   La  note  de  Fauteur  est  du  reste  un   peu  confuse. 
Laupts  (ce    pseudonyme  est   celui   d'un  médecin  militaire,   qui   a 
par  conséquent  l'habilude  de   procéder  à  des   examens  nombreux 
du  sens  visuel)  nous  donne  une  description  très  soignée  de  l'astig- 
malisuK;  et  de  ses  diverses  formes  ;  rappelons  en  quelques  mots 
cette  descrii)tion  pour  ceux  qui  ne  sont  pas  familiers  avec  les  ques- 
tions d'oculistique.  L'œil  humain  peut  être  considéré  en  bloc  comme 
une  lentille  unique  ayant  un  indice  de  réfraction  de  1,39  à  1,49, 
et  une    distance    focale   de   17'"'",48.   Les   différents  méridiens  de 
I'omI  normal  ayant  le  même  pouvoir  réfracteur  donnent  des  images 
situées  en  un  même  point,  soit  sur  la  rétine,  soit  en  avant,  soit  en 
arrière  ;   ceci  dépend   des  yeux.   L'astigmatisme  est  une  inégalité 
constante  de  réfraction  des  divers  méridiens  de  l'œil  perpendiculaires 
l'un  à  l'autre  présentant  l'un  le  maximum,  l'autre  le  minimum  de 
réfraction.  Il  est  facile  d'en  cnlculer  les  effets.  Supposons  un  jtoint  P 
placé  devant  un  uiil  astigmate  dans  lequel  deux  méridiens  perpen- 
liiculaires  l'un  à  l'autre   ont  une  réfringence  différente  :  l'un  AA 
présente  le  maximum,  l'autre  BB'  le  minimum  de  réfringence.  Oii 
se  fera  dans  cet  œil  l'image  du  point  P?  Le  méridien  AA'  a  son 
foyer  en  F  ;  tous  les  rayons  partis  de  P  et  passant  par  ce  méridien 
se  réunissent  en  F  et  continuent  leur  trajet.  Le  méridien  BB'  a  son 


l'26 


ANALYSES 


foyer  on  F'.  Il  en  résulte  que  l'image  du  point  P  sera  en  F  une  ligne 
horizontale,  en  ¥'  une  ligne  verticale  et  qu'en  tout  autre  point  de 
l'axe  l'image  sera  ou  une  surface  régulièrement  circulaire  ou  une 
ellipse.  C'est  ce  que  montre  l'examen  de  la  figure  •12i>.  Or,  supposons 
par  exemple  que  la  rétine  de  cet  œil  se  trouve  au  point  F',  et  que 
tout  point  qui  se  peint  sur  la  rétine  y  forme  une  petite  ligne  verti- 
cale. Si  le  sujet  legarde  une  croix,  la  barre  horizontale  de  la  croix 
se  décomposera  en  une  série  de  petites  verticales  placées  parallèle- 


Fig.  125.  —  Images  du  point  P,  recueillies  sur  un  écran  (rétine) 
pi  rpendiculaire  à  .r.  .%■'. 


ment,  et  cette  Juxiaposition  donnera  un  ensemble  lion  ;  la  baire 
verticale  se  décomposera  aussi  en  peliles  lignes  verticales,  mais  elles 
se  superposeront  les  unes  sur  les  autres,  ce  ([ui  prodiiiia  une  ligne 
nette  un  peu  allongée. 

Mais  l'auteur  jtense  que  l'astigmatisme  régulier  est  tnqi  rare 
pour  avoir  joué  ({uelque  rôle  dans  les  habitudes  esthélifjues  des 
hommes.  I.a  préférence  marquée  que  nous  t('moignons  au  jiarallélo- 
gramme  sur  le  carré  aurait  une  origine  bien  différente;  elle  vient 
(le  ce  ((ue  les  objets  f[ue  les  peintres  représentent  tiennent  ])lus 
naturellement  dans  un  paiall(''logranime  (jnedans  un  e;irr(''  ;  l'Iionime 
est  un  parallélogramme  vertical,  l'animal  est  nn  ]>ar;illt''Iogianime 
horizontal  ;  les  scènes  qu'on  peut,  iiqirésenler,  par  exemple  nn  bal 
populaire,  ont  plutôt  la  forme  d'un  paraliélogrannne  (jne  celle  d'un 
carré  :  les  livres  et  journaux  sont  allongés  parce  (jue  <le  cette 
manière  on  perd  moins  de  place  quand  on  va  à  la  ligne,  etc.;  toutes 
ces  raisons  sont  ]tlutôt  ingénieuses  (jue  convaiiicanles. 

Victor  Henri  admet  comme  Lau{)ts  (pie  l;i  préférence  de  cer- 
taines inégalités  ne  lient  pas  à  la  structure  de  l'organe  visuel.  Il 
insiste  sur  ce  fait  que  l'astignuitisme  physiologi(iue  est  tout  à  fait 
insignitmnt  (ne  pas  confondre  l'astigmatisme  physiologique,  appar- 
tenant à  ra:'il  normal,  avec  l'astigmatisme  dit  régulier,  dont  Laupis 
nous  a  parlé  plus  haut,  qui  est  un  vic(î  de  conslruclioii  jiroduisanl 
des  effets  considérables  sur  la  vision,  et  (m'on  appelle  réguliei-  à 
cause  de  la  distrihntion  des  différences  de  réfra(ti(ni  entre  les  UK'-ri- 
diens  de  l'feil).  Dans  nn  (eil  noiinal,  rapi>elle  Henii,  la  distance 
focab;   des   rayons  venant    du   plan  horizontal    et    du   |>lan    vertical 


SENS   ESTHETIQUE 


727 


iTalteint  pas  uu  dixième  de  millimèlre  ;  aussi  l'asligmatisme  est  si 
iusignilîant  qu'on  ne  s"en  aperçoit  que  dans  le  cas  où  il  s'agit  de 
lignes  croisées  à  voir  en  même  temps  et  avec  beaucoup  de  netteh'. 
Mais  ce  cas  est  très  rare,  et  le  plus  souvent,  dans  la  pratique,  on 
regarde  successivement  une  ligne  et  ensuite  l'autre.  De  plus,  si  on 
admettait  l'influence  de  l'astigmatisme  régulier,  il  n'en  résulterait 
pas  que  cette  influence  se  traduirait  par  une  tendance  à  rendre  les 


Fitr.  12G. 


dimensions  principales  (vei-licales  et  horizontales)  inégales,  car  ceci 
ne  résulterait  pas  du  tout  du  fait  qu'on  ne  peut  jias  voir  simultané- 
ment avec  une  nettfîti'-  égale  deux  lignes  croisées. 

Nntie  préféreni'e  [)i\\\y  les  rcclaiigics,  l'ait  reconnu  et  dé'jà  ('■ludii'' 
]M[v  h'crhnov  [Vorschule der  Aesthcii/i,  t.  I,p.d84),  vi(;ndfail  de  ce  nun 
nous  pi é'férons  à  une  symétrie  parfaite  une  inégalité  (pii  n'est  jii 
trop  faible  ni  trop  forte;  c'est  pour  cida  ({u'une  (|uinl(!  ()laît  |tlus 
qu'un  octave.  Fechner  a  clierché  exftérimentalement  (pielli's  étaient 
les  formes  géométriques  simples  préférées  aux  antres  ;  il  trouva 
qu'il  y  a  deux  cas  jiréférés,  d'abord  celui  de  l'égal ité;,  [)uis  celui  de  la 
section  d'or,  où  le  rapport  des  côté's  est  de  1,628.  Un  fait  analogue 
a  été  constaté  pour  les  intervalles  de  temjts  ;  si  on  partage  un  intn- 


ris 


ANALYSES 


valle  de  temps  (de  deux  secondes  environ)  compris  entre  deux  coups 
de  marteau,  par  un  troisième  coup  de  martetni,  la  division  la  plus 
agréable  n"est  pas  celle  du  milieu,  mais  une  division  jicu  diffcrenlt- 
de  la  section  d'or.  Kûlpe  voit  dans  ce  fait  une  application'  de  la  loi 
de  Weber  ;  en  elîet,  tlans  une  section  d'or,  la  somme  des  segments 
est  au  plus  grand  comme  le  plus  grand  est  au  plus  petit.  Il  y  a  donc 
égalité  de  rapports.   En  tout  cas,  la  cause   de  ces   ]diénomènes  ne 


W  -'  ''-  •^•^-^''  '^ 


Fi-.  1-27. 


réside  pas  dans  la  .-Uuclurr  de   l'nil,  mais  dans  des  l'onctions   psy- 
chiques générales. 

Quelque  peu  ilinVicnles  soiil  1<'S  réllcxions  i[ue  nous  tiouvons  dans 
l'article  de  liuwf.  i/auleur  croit  que  rasligmalisme  physiologique 
n  est  point  une  quantité  négligeable  ;  sur  cent  personnes  qui  pré- 
tendaient avoir  dexcellenis  yeux  ><n  a  lrouv<'  un  a>ligiiiatisme  moyen 
égal  à  0,68  (iii  di.qitries)  ;  celui  des  peintres  serait  supérieur,  de 
0,83,  et  il  est  dû  à  l'habitude  qu'oui  les  artistes  de  cligner  en  tra- 
vaillant; ce  clignement,  qui  e>l  liabiluel  pendant  le  travail,  a  pour 
etTet  d'exercer  une  pression  de  liaul  m  lias  >ur  le  globe  de  l'œil,  de 
le  déformera  la  longue,  et  de  produire  un  astigmatisme  permanent. 


SENS   ESTHETIQUE 


7iJ9 


L'auteur  rappelle  à  ce  sujet  les  recherches  de  Liebreich,  de  Londres, 
un  savant  ophtalmologiste  qui,  ayant  fait  fortune,  abandonna  sa 
pixifession  et  se  consacra  à  la  critique  artistique  ;  il  étudia  les 
tableaux  de  ïurner  et  arriva  à  la  conclusion  que  les  différentes 
manières  de  ce  peintre  proviennent  d'une  altération  graduelle  dans  la 
structure  de  ses  yeux.  On  trouve  encore  dans  l'article  de  Howe  trois 
photographies  très  curieuses  d'une  église  (fig.  126,  127  et  128),  Tune 


Fiff.  128. 


(tig.  120)  est  d'une  parfaite  nctielé;  la  secun<le  et  la  (loi-irnu'  ont 
été  obtenues  en  plai;ant  devant  la  chambre  noire  des  verres  cylin- 
driques de  manière  à  reprodiiiii'  iiih'  image  pareille  à  celle  (pii  se 
forme  dans  un  œil  astigmate  ;  elles  reproduisent  l'effet  d'un  astig- 
matisme égal  à  0,83,  ce  qui  est  l'astigmalisme  moyen  des  peintres. 
Pour  avoir  laligun;  127,  le  cylindre  de  verre  a  été  placé  avec  son  axe 
horizontal,  la  ligure  est  trouble,  iinilnse,  et  ses  lignes  linri/.(uifales 
sont  peu  marquées;  pour  la  figure  128,  l'axe  de  la  lentille  cylindri([ue 
était  vertical,  et  toutes  les  lignes  verticales  de  la  pliolograpliie  sont 
effacées.  Nous  avons  montré  ces  ligures  à  des  pi-rsnuiies  fraucliement 
astigmatiques  ;  l'iuie  d'elles,  qui,  quand  elle  regarde  une  croi.v,  voit 
trouble  la  ligne  verticale,  a  trouvé  très  nette  la  ligure  128  où  les  lignes 


730  ANALYSES 

verticales  sont  troubles;  c'est  évidemment  parce  (|ue  celle  figure 
reproduit  tidèi<,Mneut  ce  que  ses  yeux  voient  ;  au  conirairt;  la  liiiure  127 
lui  paraît  trouble,  parce  que  les  lignes  horizontales,  i\W'  ses  yeux 
lui  permeltent  de  voir  nettement,  y  sont  troubles. 

A.    15INET. 


IX 

MOUVEMENTS,    PAROLE,    ÉCRITURE 


SOMMAIRE 

Mouvements.  —  Richer.  Rossi. 

Parole.  —  Ajani. 

Ecriture.  —  Ciépieux-Jainin,  Preyer,  Weber. 

1.   —   MOUVEMENTS 

V.  lilCHER.  —  Physiologie  artistique,  1  vol.  iu-8",  334  pages, 
123  liguiL's  et  6  i)laiiclies,  Paris,  Doin,  1895. 

M.  Richer  est  bien  connu  des  psychologues,  par  ses  belles  études 
sur  Thystérie,  rattacjue  hystérique,  et  Thypnotisme,  et  par  ses 
recherches  en  collaboration  avec  Charcot  sur  les  «  démoniaques 
dans  l'art  ». 

Son  nouvel  ouvrage,  spécialement  destiné  aux  artistes,  a  pour  but 
de  leur  montrer  les  modifications  que  les  divers  mouvements  pro- 
duisent dans  la  forme  du  corps  et  du  modelé,  La  connaissance  de 
ces  moditicalions  plasticiues  ne  saurait  être  donnée  par  le  squelette, 
ni  même,  fait  plus  curieux,  par  l'écorché.  «  On  doit  penser  généra- 
lement, dit  l'auteur,  (jue  celui  qui  a  beaucoup  disséqué  possède; 
comme  par  surcroît  l'enticre  connaissance  de  la  forme  cxté'rieure. 
Eh  bien,  non;  entn;  l'anatomie  et  le  nu,  il  y  a  toulc  la  distance  du 
cadavre  au  vivant  (p.  13).  » 

La  forme  de  l'être  en  mouv(!ment  ne  peut  être  saisie;  par  l'œil 
seul,  et  Ingres  commettait  une  hérésie  physiologi(iut;  en  disant 
qu'il  serait  [)0ssible  à  la  rigueur  de  dessiner  de  mémoire  un 
liomme  tombant  d'un  toit.  La  mémoire  ne  peut  garder  ce  que  l;i 
rétine  n'a  pu  percevoir.  Il  faut  remplacer  l'œil  par  le  clinuio-plmto- 
graphie,  consistant  à  i)rendre,  à  des  intervalles  égaux,  une  série 
plus  ou  moins  grande  d'images  différentes  t;t  successives  d'un  même 
mouvement.  Cette  méthode  a  éti-  emidoyée  par  Muybridgc,  Ans- 
chidz,  Marey  et  Demeny;  ces  deux  derniers  seuls  l'ont  ap[»li(iuée  à 


732  ANALYSES 

riiomme.  On  a  déjà  public'  beaucoup  do  pholocraphies  des  difTc- 
reales  allures  du  cheval  ;  elles  ne  ressemblent  niillement  à  ce  que 
Yernet  et  (léricault  nous  ont  habitués  à  voir.  Les  artistes  les  ont 
fait  passer  dans  leurs  œuvres,  et  aujourd'hui  notre  éducation  com- 
mence à  se  faire  et  nous  trouvons  que  les  chevaux  de  Yernet  et 
do  Géricault  galopent  mal.  C'est  une  étude  de  ce  genre  que  Richer 
nous  présente  sur  la  marche  de  l'homme. 

Son  livre,  tout  de  détails,  est  impossible  à  résumer  en  quelques 
mots  ;  nous  le  parcourons  la  plume  à  la  main,  en  notant  surtout  les 
détails  (}ui  nous  paraissent  présenter  quchiue  intérêt  pour  la  psy- 
cliologie. 

Le  muscle.  —  Le  muscle  est  la  principale  cause  des  changements 
de  forme  qui  se  produisent  dans  le  corps  en  mouvement  ;  et  on  peut 
étudier,  par  l'examen  et  la  photographie  des  changements  de  forme, 
l'activité  du  muscle  et  sa  physiologie;  «  ce  point  de  vue,  que  les 
])hysiologistes  ont  un  peu  négligé,  est  cependant  le  seiil  qui  coiïsi' 
dère  le  muscle  dans  les  conditions  normales  de  son  fonctionne- 
ment, le  seul  qui  permette  d'étudier  la  contraction  musculaire  phy- 
siologique »  (p.  72).  Le  muscle  peut  se  ti^ouvor  dans  trois  états 
principaux,  le  relâchement,  la  contraction  et  la  distension.  1°  Le 
relâchement,  selon  Richer,  peut  être  complet  ;  contrairement  à  l'opi- 
nion de  beaucoup  d'auteurs  qui  soutiennent  (|ue  les  muscles  sont 
toujours  tendus  légèrement,  ce  qu'on  reconnaîtrait  à  la  légère  rétrac- 
tion qu'ils  subissent  quand  on  les  divise  en  travers  (p.  40)  ;  mais 
la  preuve  que  cette  opinion  n'est  pas  exacte,  c'est  que  certains 
muscles  à  Fétat  de  repos  présentent  des  sillons  transversaux  (sillons 
transverses  (pii  divisent  les  masses  lombaires  dans  la  station  droite). 
Sur  l'homme,  le  relâchement  musculaire  se  traduit  extérieurement 
par  un  relief  uniforme  et  anondi,  marqué  parfois  de  ces  sillons  que 
nous  venons  d'indiquer;  les  tendons  sont  peu  saillants  et  se  fondent 
avec  les  parties  voisines.  2°  Ln.  distension,  ipii  est  toujours  accompa- 
gnée de  l'allongement  du  muscle,  se  marque  par  un  relief  moindre, 
un  aplatissement,  et  quel(|ues  sillons  parallèles  à  la  direction  des 
libres  charnues.  3''  ha  contraction,  quand  elle  survient  sur  un  muscle 
relâché,  produit  un  raccourcissement  et  une  saillie  considérables  ; 
quand  elle  survient  dans  un  muscle  distendu,  le  muscle  reste  dis- 
tondu, il  ne  se  raccourcit  pas,  de  plus  son  relief  diminue,  et  ses 
divers  faisceaux  s'accentuent. 

La  contraction  musculaire  peut  affecter  trois  formes  difTérentes, 
elle  e^i dynamique,  statique o\\  frénatrice  (p.  81).  Prenons  unoxeniple, 
la  flexion  de  l'avant-bias  sui'  le  bras  ;  on  peut  maintenir  le  bras 
dans  une  position  d(!  llcxion,  en  luttant  contre  la  pesanteur, 
contraction  statique;  on  peut  faire  un  mouvement  actif  de  llexion, 
contraction  dynamique  ;  ou  laisse  le  bras  s'étendre  sous  rinlluence 
de  la  pesanteur,  mais  on  retarde  sa  chute,  contraction  frénatrice. 
Cette  dernière  forme  de  la  contraction  est  fréquente  dans  la  méca- 


MOUVEMENTS  733 

nique  humaine.  Que  Fliomme  se  penche  en  avant,  en  arrière  ou 
sur  le  côté,  qu'il  s'accroupisse,  etc.,  c'est  la  contraction  frènatrice 
qui  intervient.  Elle  siège  dans  les  niucles  antagonistes  du  mouve- 
ment exécuté,  dans  les  fléchisseurs,  lors  des  mouvements  d'exlen- 
j  sion.  A  l'œil,  on  voit  peu  de  dilîérences  entre  ces  deux  formes  de 

j  contraction;  qu'on  fléchisse  un  membre  ou  qu'on  l'étende,  la  forme 

reste  à  peu  pi'ès  la  même.  Cependant  quelques  photographies 
indiquent  une  petite  différence  ;  dans  la  îlexion  de  l'avant-bras,  où 
le  biceps  est  le  moteur,  la  saillie  qu'il  forme  est  un  peu  plus  forte 
que  dans  l'extension,  oii  il  joue  le  rôle  d'un  frein  ;  cette  différence 
s'accuse  avec  la  rapidité,  les  images  d'un  membre  qui  s'étend  diffè- 
rent d'autant  plus  de  celles  du  même  membre  qui  se  fléchit  que  la 
rapidité  du  movivement  est  plus  grande  (p.  86).  Cette  différence  tient 
en  partie  à  l'inégalité  du  travail  mécanique  développé  dans  les  deux 
cas  ;  la  contraction  active  est  supérieure  à  la  force  de  la  pesanteur, 
la  contraction  frènatrice  (qui  laisse  le  membre  subir  l'action  de  la 
pesanteur)  est  inférieure  à  cette  action.  Enfin,  on  peut  constater,  en 
regardant  de  près  le  muscle,  que  pendant  la  conlraction  frènatrice 
il  est  le  siège  de  petites  palpitations  qu'on  ne  voit  pas  au  même 
degré  pendant  la  contraction  active. 

A  part  ces  difl'érences  très  légères,  on  peut  dire  que  sur  l'image 
immobile  d'un  objet  qui  se  meut  il  est  complètement  impossible 
dans  certains  cas  de  distinguer  dans  quel  sens  il  se  meut.  Dans  les 
exercices  avec  les  haltères,  le  membre  qui  soulève  l'haltère  res- 
semble absolument  à  celui  qui  le  descend  ;  dans  le  pas  sur  place,  le 
pas  qui  se  lève  a  les  mêmes  apparences  que  celui  qui  s'ai)aisse  ; 
dans  l'exercice  qui  consiste  à  s'accroupir  et  à  se  relever,  le  modelé 
des  membres  inférieurs  est  le  même  dans  la  descente  et  dans  la 
montée. 

Les  antagonistes.  —  La  question  physiologique  se  complique  encore 
si  l'on  étudie  la  relation  des  antagonistes.  Diverses  études  ont  montré 
que  quand  un  groupe  musculaire  se  contracte,  le  groupe  antago- 
niste est  aussi  en  activité.  I^'auteur  cite  les  expériences  de  Beaunis 
sur  la  grenouille,  il  aurait  pu  citer  aussi  celles  de  Duchesne  et  celles 
de  Demeny  sur  l'homme.  D'après  ses  propres  expériences,  le  jeu 
des  antagonistes  dépend  à  la  fois  du  plan  du  mouvement  et  de  sa 
r  vitesse.   Prenons  d'abord  les  mouvements  lents.   S'ils  ont  à  lulter 

i  contre  la  pesanteur,  s'ils  se  font  dans  un  plan  vertical  ou  dhlique, 

l'action  musculaire  est  toujours  dirigée  du  même  côté,  quel  tju(! 
soit  le  sens  du  mouvement,  et  ce  côté  est  celui  de  l'cfTort  à  faire 
pour  vaincre  la  pesanteur;  ainsi  dans  la  flexion  ou  l'extension 
de  l'avant-bras  sur  le  bras,  celui-ci  restant  vertical,  l'elï'ort  mus- 
culaire est  toujours  au  biceps.  Dans  les  mouvements  lents  qui  sont 
affranchis  de  la  pesanteur,  ceux  qui  se  font  dans  un  i)lan  hori- 
zontal, l'action  musculaire  se  produit  du  côté  même  oîi  s'cd'ectue 
le  mouvement,  et  les  antagonistes  sont  h'gèrement  contractés.  Enfin, 


734  ANALYSES 

dans  les  mouvements  très  rapides,  l'action  de  la  pesanteur  n'a 
aucune  importance;  l'action  musculaire  existe  toujours  du  côté  du 
sens  du  mouvement  ;  dans  la  flexion  rapide  du  bras,  c'est  le  biceps 
qui  agit  le  plus  ;  dans  l'extension  rapide,  le  triceps  ;  en  outre,  ces 
muscles,  après  une  contraction  forte,  se  relàclienl,  avant  que  le 
membre  ait  terminé  sa  course  ;  et  dans  ce  cas  de  flexion  el  d'exten- 
sion successives,  rapides,  l'avant-bras  se  trouve  pour  ainsi  dire  lancé 
dans  les  deux  directions  différentes,  à  la  manière  d'une  balle  que 
deux  joueurs  de  paume  se  renvoient  (p.  94). 

Après  des  considérations,  que  nous  passons,  sur  la  morphologie 
de  quelques  muscles,  l'auteur  étudie  successivement  la  station  et  la 
locomotion. 

La  station.  —  La  station  est  une  attitude  de  repos,  dans  lequel 
le  corps  n'est  pas  entièrement  abandonné  à  l'action  de  la  pesan- 
teur, mais  y  résiste  en  employant  à  cet  eflVt  les  os  et  les  ligaments, 
et  en  faisant  l'économie  de  ses  forces  musculaires,  qui  sont  des  causes 
de  dépense  et  de  fatigue.  La  station  verticale  droite  ou  symétrique, 
attitude  du  soldat  sans  armes,  est  celle  oîi  l'on  se  rend  le  mieux 
compte  de  l'harmonie  des  formes  d'un  modèle.  On  s'est  demandé 
comment  il  se  fait  que  lorsque  l'homme  se  tient  debout,  les  dilTé- 
rents  segments  dont  il  est  formé,  et  qui  sont  essentiellement  mobiles 
les  uns  sur  les  autres,  ne  sont  pas  entraînés  par  la  pesanteur  à  se 
lléchir  les  uns  sur  les  autres,  à  la  manière  des  segments  d'une  tige 
articulée  inerte,  dressée  sur  le  sol,  puis  abandonnée  à  elle-même. 
Fabrice  d'Afiuapendente  admet  que  le  redressement  de  ces  segments 
est  dû  à  la  synergie  des  muscles  antagonistes  ;  les  frères  Weber,  en 
1846,  ont  fait  jouer  un  rôle  à  la  distension  des  ligaments  de  la  hanche 
et  du  genou.  Richer  admet  nw  lliéorie  éclectique  ;  l'examen  du  corps 
lui  montre  (pie  l'action  musculaire  intervient  seulement  pour  le 
maintien  de  la  tète  sur  la  colonne  vertébrale  et  pour  la  station  de 
la  jambe  sur  le  pied  ;  mais  pour  le  reste  du  corps,  il  en  est  autre- 
ment; les  muscles  quadriceps,  extenseurs  de  la  jambe  sur  la  cuisse, 
sont  dans  le  relâchement;  il  en  est  de  même  pour  les  muscles 
fessiers,  extenseurs  du  tronc  sur  les  cuisses,  et  aussi  pour  les 
masses  sacro-lombaires  qui  étendent  le  tronc. 

C'est  dans  la  station  verticale  qu'un  individu  doit  être  mesuré. 
D'après  le  canon  moyen  obtenu  iiar  de  noiubreuses  mesures,  voici 
les  proportions  du  corjis  humain  :  la  tête  est  comprise  sept  fois  et 
demie  dans  la  hauteur  de  la  taille  ;  la  hauteur  de  la  tête  est  divisée 
en  deux  parties  égales  par  la  ligne  des  yeux  ;  le  doigt  médius 
augmenté  de  la  tète  du  troisième  métacarpien  égale  \ine  demi- 
tête.  Le  membre  inférieur  mesure  quatre  têtes,  du  pli  de  l'aine  au 
sol.  Le  tronc  mesure  quatre  têtes  du  verlex  au  pli  fessier.  Le  membre 
supérieur  mesure  un  peu  moins  de  trois  têtes  et  demie  du  dessus  de 
l'acromion  à  l'exlrémité  du  doigt  nn'dius.  La  longueur  <lu  ])ied 
dépasse  une  tête  d'un  septième  environ. 


MOUVEMENTS  735 

La  ligne  de  gravité  du  corps  dans  la  station  droilo  a  été  prise 
par  RicUer  en  faisant  tenir  un  modèle  debout  sur  la  surface  de 
section  d'une  planche  verticale  ;  si  le  corps  porte  sur  la  pointe  des 
pieds,  il  penche  en  avant  pour  rester  en  équilibre  ;  si  le  corps 
repose  sur  les  talons  la  direction  des  membres  inférieurs  est 
anormale  ;  enfin  si  le  modèle  repose  sur  le  milieu  de  la  semelle, 
l'attitude  est  celle  de  la  station  normale,  où  le  sujet  est  debout  sur 
un  large  plan  résistant.  Les  photographies  prouvent  que  dans  la 
station  droite  la  ligne  de  gravité  passe  bien  en  avant  de  l'articulation 
libio-tarsienne,  dans  un  plan  transversal  situé  en  avant  de  l'apo- 
physe du  cinquième  métatarsien.  Si  on  supporte  une  charge,  i!  y  a 
un  déplacement  du  tronc  d'un  côté  ou  de  l'autre  qui  est  d'autant 
plus  accusé  que  le  poids  auquel  il  doit  faire  équilibre  est  plus 
lourd.  Si  on  porte  une  charge  en  arrière,  sur  le  dos,  le  corps  se 
porte  en  avant;  si  la  charge  est  en  avant,  le  corj)s  se  porte  en 
arrière  ;  l'homme  qui  porte  un  fardeau  à  la  main  se  renverse  de 
côté  pour  le  même  motif;  il  sera  facile  de  reconnaître  l'homme  qui 
porte  un  seau  vide  de  celui  qui  porte  un  seau  plein  (p.  189).  A  la 
suite  de  la  station  droite,  il  faut  placer  la  station  couchée,  assise,  à 
genoux,  etc. 

La  marche.  —  La  marcIie,  dont  l'étude  a  été  commencée  par  les 
Weber  en  1846,  et  reprise  par  Marey  et  Carlet  au  moyen  de  la 
méthode  graphique,  par  Marey  au  moyen  de  la  chrono-photographie, 
lient  une  place  importante  dans  le  livre  de  Richer  ;  il  a  fait  son  étude 
entièrement  d'après  des  travaux  personnels.  La  question  est  vrai- 
ment si  intéressante  que  nous  en  ferons  une  analyse  étendue,  par 
extraits. 

On  appelle  pas  ou  double  pas  la  série  de  mouvements  qui  s'exé- 
cutent entre  deux  positions  semblables  du  même  jiied.  11  est  un 
moment  oîi  les  deux  jambes  étant  écartées  à  la  manière  d'un  compas, 
les  deux  pieds  reposent  à  la  fois  sur  le  sol,  c'est  la  période  du  doul)le 
appui  (Hg.  129).  Puis  le  pied  qui  est  en  arrière  (juitte  le  sol  pour  se 
porter  en  avant  ;  à  ce  moment  le  corps  ne  repose  que  sur  un  pied, 
c'est  la  période  d'appui  unilatéral;  la  jambe  qui  porte  sur  le  sol,  ou 
jambe  portante,  exécute  jiendant  cette  jx'riodi;  un  mouvement  <lf 
rotation  dont  le  centre  est  au  jiied  et  la  circonférence  à  la  hanche, 
(tendant  que  la  jambe  qui  se  meut,  ou  jambe  oscillante,  déciit  un 
mouvement  analogue,  mais  en  sens  opposé,  le  centre  de  rotation  se 
trouvant  à  la  hanche  :  le  moment  oîi  les  deux  jambes  se  croisent 
s'appelle  moment  de  la  verticale,  la  période  (jui  précède  est  le  p;is 
postérieur,  la  période  qui  suit  est  le  pas  antérieur.  On  a  étudié  dans 
la  marche  les  mouvements  des  membres  inférieurs,  du  torse  et  des 
membres  supérieurs. 

Les  membres  inférieurs,  pendant  la  période  du  double  ajtpui, 
portent  à  la  fois  sur  le  sol,  l'antérieur  par  le  talon,  le  postérieur 
par  la  pointe  ;  ce  temps  est  extrômemeut  court  ;  la  jarnbe  postérieure 


736  ANALYSES 

est  alors  un  peu  plus  fléchie  que  l'antérieure.  Pendant  la  durée  du 
double  pas,  la  jambe  portante  est  en  extension,  elle  se  fléchit  très 
légèrement  pondant  le  pas  postérieur,  se  met  en  extension  forcée 
pe'ndant  le  pas  antérieur  ;  la  jambe  oscillante  se  fléchit  en  quittant 
le  sol,  la  flexion  s'exagère  pendant  le  pas  postérieur,  diminue  au 
moment  de  la  verticale,  et  arrive  en  extension  à  la  tin  du  pas  anté- 
rieur. 

Le  torse  subit  :  1°  un  mouvement  de  translation,  qui  est  en  défi- 
nitive le  but  de  la  marche  ;  2'»  en  même  temps,  il  subit  des  osciUa- 


^ 


Double  ;i|i|iui 


Pas  postérieur. 


Fig.  129. 


Moment 
le  la  verticale. 


Pas  antérieur. 


ftoulile  ai)iiui.  i 


Apimi  unilatéral. 

Dlllërents  temps  de  la  marche. 


tions  verticales,  de  3  à  4  centimètres;  pendant  le  doulde  appui,  à 
cause  de  l'obliquité  des  jambes,  il  y  a  diminution  de  la  hauteur  du 
marcheur;  le  maximum  se  produit  au  moment  de  la  verticale;  3° le 
torse  subit  aussi  des  mouvements  latéraux,  des  oscillations  trans- 
versales; quand  la  jambe  portante  est  la  gauche,  le  corps  se  porte 
vers  la  gauche  ;  il  se  porte  vers  la  droite  quand  la  jambe  portante 
est  la  droite  ;  ce  mouvement  a  pour  but  de  rapprocher  le  centre  de 
gravité  de  la  base  de  sustentation  ;  4"  pendant  le  pas  postérieur,  il 
y  a  inclinaison  du  corps  en  arrière  ;  pendant  le  pas  antérieur,  il  y 
a  inclinaison  en  avant  ;  5°  le  torse  subit,  en  même  temps  que  le 
bassin,  une  rotation  autour  d'un  axe  vertical  ;  dans  le  pas  postérieur, 
la  face  antérieure  du  bassin  est  tournée  du  côté  de  la  jambe  oscil- 
lanlc,  pour  se  porter  du  côté  opposé  lors  du  pas  anlt'rifur.  Au 
moment  de  la  verticale,  le  bassin  est  perpendiculaire  à  la  ligne  de 
marche  (fig.  130).  Ce  mouvement  est  une  conséquence  inévitable 
de  l'écartement  des  deux  membres  inférieurs,  celui  qui  est  en 
arrière  retenant  la  hanche  à  laquelle  il  est  attaché,  celui  (lui  est  eu 
avant  entraînant  avec  lui  la  lianche  qui  lui  correspond.  Le  mouve- 
ment des  épaules  se  fait  en  sens  inverse  de  celui  du  bassin,  ce  qui 


MOUVEMENTS 


737 


maintient  la  rectitude  du  torse;  6"  le  torse  a  une  rotation  autour 
ilun  axe  antéro-postérieur  :  au  moment  du  double  appui,  Taxe 
Iransverse  du  bassin  est  horizontal,  c'est-à-dire  que  les  deux  articu- 
lations coxo-fémorales  semblent  situées  à  la  même  hauteur;  mais 
i[uand  la  jambe  quitte  le  sol,  le  bassin  incline  du  côté  de  cette 
Jambe. 

Ces  études  siu'  la  marche  aboutissent  à  une  représentation  qui 
diffère  considérablement  de  Timage  que  chacun  a  dans  l'œil  et  qui 
est  comme  le  schéma  artistique  de  la  marche;  ainsi,  le  corps  dans 


Moment  de  la  verticale 


Moment  de  la  verticale 


Moment  de  la  verticale. 


Moment  de  la  MTlicale. 


l7 


Appui  unilatéral  droit. 

Double  apjiui. 

.\lipui  unilatéral  gauche. 

Double  appui. 

.\ppui  unilatéral  droit. 

Double  a|ipui. 

Ajipui  unilatéral  gauche. 


Fii:.  130.  —  Prf)jection  sur  plan  horizontal  de  Taxe  des  tianches  et  de  faxe 
des  épaides  aux  liitl'érents  temps  de  la  marche. 

son  ensemble  n'est  jamais  penché  en  avant  de  fai;on  bien  manifeste 
excepté  pendant  un  effort  de  traction  ;  or  les  artistes  représentent 
dans  la  marche,  tout  le  corps  fortement  penché  en  avant  ;  les  deux 
[lieds  ne  portent  jamais  sur  le  sol  dans  toute  leur  étendue,  tandis 
(jue  les  artistes  représentent  souvent  le  corps  soutenu  par  un  pied 
antérieur  fortement  appuyé  sur  le  sol,  le  postérieur  touchant  le 
sol  par  les  orteils  ;  enlin,  troisième  point,  la  jambe  placée  en 
avant,  et  dont  le  pied  touche  terre  n'est  que  très  légèrement  llécliit,' 
et  se  trouve  toujours  placée  bien  en  avant  de  la  ligne  de  gravité  du 
torse  ;  les  artistes  représentent  au  contraire  ce  membre  antérieur 
notablement  fléchi,  et  placé  tout  près  de  la  ligne  de  gravité  du  corps. 
On  peut  suivre  sur  les  figures  données  par  Richer  les  change- 
ments qui  se  produisent  dans  la  musculature  des  membres  infé- 


ANNÉE   PSYCHOLOGIQUE.    H. 


738  ANALYSES 

rieurs  ;  cette  étude  douue  tort  à  lu  théorie  des  iVèrcs  ^^■eber,  du 
reste  déjà  réfutée,  d'après  laquelle  la  jambe  oscillante  exécuterait 
son  oscillation  sous  la  seule  influence  de  la  pesanteur,  à  la  manière 
d'un  pendule. 


l.a  iiiarclie  à  reculons  donne  des  images  photographiques  qui  à 
jiremière  vue  ne  dilTèrent  i>as  beaucoup  de  celles  de  la  marche  nor- 
male ;  l'ait  bien  curieux,  la  marclie  à  leculons  ressemble  plus  à 
l'idée  qu'on  se  fait  généralcmenl  de  la  marche  d'après  les  formules 
artistiques  usuelles  que  les  altiludes  correspondantes  de  la  marche 
en  avant.  Ainsi,  pendant  la  marche  à  reculons,  le  corps  est  penché 
en  avant,  et  la  période  du  doul)le  appui  se  prolonge  ;  le  pied  anté- 
rieur peut  être  appuyé  sur  toute  sa  surface  pendant  que  le  pied 
postérieur  est  appuyé  sur  les  orteils;  or,  nous  avons  vu  que,  dans  la 
marche  en  avant,  le  jtied  antérieur  touche  le  sol  par  le  talon  seule- 
ment pendant  la  pliase  du  double  aiquii. 


MOUVEMENTS 


739 


Dans  la  marche  avec  un  fardeau  sur  l'épaule,  le  pas  devient  plus 
court,  et  la  période  de  double  appui  se  prolonge. 

Dans  la  marche  en  poussant  ou  en  tirant,  le  corps  s'incline  forte- 
ment  en  avant,   la  période   du  double  appui   se  prolonge,   et  le 


lu  n 

Fig.  131.  —  Figures  demi-schématiques  représentant  douze  positions  suc- 
cessives de  la  marche  (d"aprés  les  séries  chronophotographiques  obtenues 
par  M.  Londe). 

De  1  à  7,  double  pas  avec  la  jambe  droite  porlanlc  et  la  gauche  oscillante  ;  de  7  à  12,  double 
pas  suivant  avec  la  jamlin  droite  devenue  oscillante  et  la  gauche  portante.  N'"  1  cl  7,  double 
appui  :  2  et  8,  fin  du  double  appui  ;  3  et  9,  pas  ijoslérieur  ;  4  et  10,  nionirnl  de  la  verticale  ; 
5.0  el  tl,  12,  pas  antéiieur  :  du  n"  12  Ihonnnc  l'ovicnt  à  la  position  n"  1 ,  de  sorte 
qu'avec  ces  douze  figures  le  cj  cle  de  la  marche  est  complet. 


membre  oscillant  arrive  en  lle.xion  à  l'appui.  Dans  la  marche  sur 
plan  ascendant,  il  y  a  beaucoup  d'analogies  avec  la  marche  en 
poussant;  aucontraire,  dans  la  marche  sur  plan  dcscendaul,  il  y  a 
des  contrastes  nombreux  ;  le  membre  oscillant  arrive  à  l'appui  en 
extension  complète,  et  le  pied  rencontre  le  sol  par  le  talon. 


(40 


ANALYSES 


L'auteur  étudie  encore  la  montée  et  la  desoenle  d'un  escalier  et 
les  difîérentes  formes  de  saut.  Mais  nous  sommes  obligés  de  nous 
arrêter  ici,  pour  ne  pas  donner  à  notre  analyse  une  longueur 
démesurée.  Toute  notre  analyse  i)récédente  a  été  faite  avec  des 
extraits.  Ces  recherches  sont  bien  iiitéressantes  pour  la  psychologie, 
elles  montrent  la  variété  des  coordinations  musculaires  qui  se  font 
en  dehors  de  la  conscience  et  de  la  voloiitt-  pour  assurer  l'énuilibrc 
du  corps,  diminuer  la  fatigue,  ou  produire  la  ])his  grautlc  quaiililé' 
possible  de  travail  utile. 

A.    BiNET. 

(].  ROSSI.  —  Recherches  expérimentales  sur  la  fatigue  des  muscles 
humains  sous  l'action  des  poisons  nerveux.  Ardi.  ilalitiiiu-sdi'  Bio- 
logie, 1895,  fasc.  1,   11,  1».  49-02. 

Certaines  substances  que  l'on  considère  comme  agissant  spéciale- 
ment sur  le  système  nerveux,  i-t  ({u'ou  aiipelle  i)our  celte  raison 
poisons  nerveux  ou  réactifs  du  système  nerveux.,  ont  été  étudiées  par 
l'auteur  au  jioint  de  vue  de  leurs  effets  sur  le  travail  musculaire  des 
doigts.  On  a  employé  l'ergographe  '  de  Mosso,  on  a  jtris  chez  différents 
sujets  la  coiirbe  des  contractions  musculaires  poussées  Jusqu'à  la 
fatigue,  puis  on  a  recommencé  la  mènu^  expérience  le  lendemain 
après  absor[)li(tn  d'un  ])oison  nerveux. 

Certaines  de  ces  substances  augmentent  le  liavail  mé-caniiine  des 
muscles;  ce  sont  l'alcool,  l'absiAtiie,  l'atropine,  la  caféine,  le  cam- 
phre, l'étlier,  la  strychnine  ;  d'antres  dinunu(Mil  le  travail  musculaire, 
ce  sont  le  bromure,  le  cliloral,la  morphine,  l'opium.  I, 'article  de 
Uossi  est  bien  sommaire;  il  c(»nlieni,  heauconi»  de  ligures,  mais  on 
ne  nous  dit  pas  le  nombre  Ar^  snjets,  leur  ((nidilidn  meiilide  ;  con- 
naissaient-ils les  substances?  V  avail-il  place  jicuir  la  suggestion? 
Ce  serait  d'autant  plus  iniporlant  à  savoir  (pie  la  combe  ergogra- 
|»hique  est  grandement  intluencée  jiar  la  volonli'.  De  |>lns,  les  com- 
l»araisons  avec  l'i'-lat  normal  paraissent  faites  ailiilraiicnienl. 

A.    Bl.NET. 


II.  —  PAROLE 
,\JAM.  —  La  parole  en  public.  1  v(d.  in-i8,  j).  181,  Paris,  C.iiamuel,  1895. 

Lorsipuî  Cliarcoteul  bien  m(inlré,à  l'occasion  de  l'ajdiasie,  la  plu- 
ralité des  types  d'imagination,  il  devint  m'-cessaire  de  faire  sans 
parti  pris  une  enqiièle  de  psychologie  sur  le  langage  intérieur  des 
dilTérents    individus,   jiour   clieiclu'i    la   n'-alilt''    el   rinipoilanee   des 


(1)    Pour    la    ilcscviplioii    de   l'eryouraplio,    voii-  VAimcc  /isi/c/mloi/iquc, 
I,  p.  iôO. 


MOUVEMENTS  741 

(linVrentes  formes  désignées  sous  les  noms  de  types  auditifs,  visuels, 
moteurs,    indifTéreuts.   Sainl-Paul,  dirigé  par  Lacassagne,  lit  cette 
enquête  et  eu  a  résumé  les  résultats  dans  ses  Essais  sîir  le  langage 
ultérieur,  où  il  a  montré,  entre  autres  choses,  qu'il  faut  adopter  un 
vocabulaire  parliculier  pour  distinguer  les   images  d'objets  et  les 
images  de  mots  ;  il  y  a  des  personnes  en  effet  qui  se  représentent 
sous  forme  visuelle  les  objets  et  sous  forme  de  sons  les  mots  ;  appeler 
ces  personnes  des  visuels  ou  des  auditifs,  ce  serait  produire  une 
confusion;  pour  caractériser  leur  langage  intérieur,  il  faut  les  appeler 
des  cerbo-auditifs  ;  de  cette  manière  ont  été  formés  les  mots  verbo- 
visuel,  verbo-moteur,  qu'il  est  inutile  d'expliquer.  Saint-Paul  a  cons- 
taté que  les  types  i)urs  sont  rares,  que  les  types  indifférents  se  servant 
indifl'éremment  d'images  de  nature  différente,  sont  exceptionnels,  et 
(ju'il  y  a  au  contraire  une  grande  fréquence  d'associations,  en  par- 
liculier celle  du  moteur  et  de  l'auditif  constituant  le  type  auditivo- 
moteur  verbal. 

M.  Ajam  a  continué,  au  moins  en  partie,  l'œuvre  entreprise,  en 
opérant  comme  son  devancier  au  moyen  d'un  questionnaire  ;  il  a 
•'•tudié  spécialement  les  orateurs  professionnels.  Les  réponses  sont 
réunies  dans  le  dernier  chapitre  de  son  livre,  et  montrent,  entre 
autres  choses,  que  l'auditif  est  plus  troublé  par  des  incidents  du 
dehois,  moins  sûr  de  lui-même  que  le  moteur  pur. 

Ce  livre  contient  aussi  une  série  d'études  sur  les  orateurs  anciens, 
un  exposé  de  la  question  du  langage  et  des  conseils  pratiques  pour 
l'art  oratoire. 


f 


\.    BlNET. 


III.  -  ECRITURE 

CHËPIEUX-JA.MI.N.  —L'écriture  et  le  caractère.  1  vol.  in-8",  441  p. 

Paris,  Alcan,  189b. 

Le  livre  de  M.  Crépieux-.Jamin  est  l'un  dfs  |ilus  importants  qui 
existent  suv  hi  graphologie.  L'auteur  s'est  comith'.'lement  adonné  à 
l'étude  des  questions  qu'elle  comporte,  voyant  dans  les  particularités 
de  l'écriture,  non  seulement  un  moyen  de  connaître  le  caractère  des 
personnes,  mais  même  un  instrument  de  découverte  en  psychologie  ; 
car  un  caractère  est  une  synthèse  d'éléments  (bml  la  graphologie 
fait  l'analyse  ;  elle  permettra  ainsi  d'arriver  à  coniuùtre  les  modes 
d'association  et  de  subordination  de  ces  éléments. 

L'auteur  fait  d'aliord  un  court  histori(iue  des  origines  de  la  gra- 
phologie. C'est  l'Italien  Camille  Maldo  qui  en  fut  le  premier  promo- 
teur dans  son  livre  inlitub'  Du  moyen  de  connaître  les  mœurs  et  les 
qualités  d'un  écrivain  d'après  ses  lettres  missives  (1622).  Lavaler  et  le 
professeur  Moreau  (de  la  Sai  the  ,  (\u\  édita  ses  u'uvres,  l'abbé  Flan- 
diin,  Henze,dans  ^AChirogrammalomancie,  le  peintre  Delestre,  dans 


742  ANALYSES 

un  chapitre  de  son  ouvrage,  Be  la  physionomie,  en  ont  été  les  pre- 
miers fondateurs.  L'abbé  Miclion  qui  publia  en  1872  les  Mystères  de 
l'écriture  (livre  dont  Desbarolles  n'avait  écrit  que  l'avant-propos) 
et  qui  dirigea  de  1873  à  1881  le  journal  la  Graphologie,  fut,  dit 
M.  Ci'épieux-Jamin,  par  la  découverte  et  la  classification  d'une  foule 
de  signes,  le  fondateur  par  excellence  de  cette  science  nouvelle. 

La  base  de  la  graphologie  est  physiologique.  L'écriture  est  un 
geste,  et  le  rapport  de  l'écriture  au  caractère  ne  peut  ^Ire  établi  que 
par  analogie  avec  le  geste.  L'écriture  est  une  mimique  particulière. 
On  est  donc  en  droit,  dit  l'auteur,  d'y  rechercher  tout  ce  qui  rentre 
dans  le  champ  de  l'activité,  les  signes  de  supériorité  et  d'infériorilé, 
les  signes  delà  nature  et  des  moyens  de  l'intelligence,  les  signes  du 
caractère  moral  (mœurs  et  sentiments),  les  signes  de  la  volonté,  du 
sens  esthétique,  de  l'âge,  du  sexe,  de  la  santé  ou  de  la  maladie. 

L'auteur  insiste  sur  la  nécessité  de  se  servir  de  l'écriture  naturelle, 
courante  et  tracée  dans  des  conditions  matérielles  de  papier,  de 
plume  et  d'encre,  ordinaires  et  normales.  11  faut  aussi  que  l'état  de 
santé  du  sujet  soit  connu.  Enfin  le  graphologue  ne  doit  interpréter 
qu'à  l'aide  de  signes  consacrés  par  l'expérience. 

Dans  l'analyse  des  signes,  il  devra  se  conformer  à  ([uehiues 
règles  et  observations  générales,  que  l'auteur  formule.  Il  recher- 
chera la  signification  d'un  trait  en  le  considérant  comme  un  mouve- 
mentphysiologique  eten  le  mettant  en  rapportd'étendue,  de  constance 
et  d'énergie  avec  le  mouvement  psychologique  correspondant.  11 
tiendra  compte  que  notre  oi'ganismc  réagit  parfois  d'une  façon  simi- 
laire dans  des  états  psychologiques  dilTérents.  De  même,  un  signe 
graphologique  ne  représente  pas  nécessairement  un  seul  Irait  du 
caractère,  et  par  contre  un  seul  trait  du  caractère  peut  être  rendu 
par  des  signes  divei^s  ou  par  des  combinaisons  de  signes.  On  ne  devra 
pas  non  plus  conclure  de  l'absence  d'un  signe  à  l'existence  de  la  qua- 
lité opposée  à  celle  que  ce  signe  exprimerail. 

Les  signes  sont  généraux  ou  particuliers.  Les  signes  généraux  sont 
les  caractères  de  l'écriture  considérée  dans  un  ensemble  de  lignes 
ou  de  pages  :  l'écriture  peut  être  montante,  descendante,  grande, 
petite,  anguleuse,  arrondie,  mouvementée,  hésitante,  calligraphique, 
verticale,   inclinée,   renversée,   légère,   pâteuse,   compliquée,    sim- 
plifiée, lente  ou  rapide,  etc.  Les  signes  particuliers  sont  déterminés 
par  l'étude  minutieuse  des  mots,  des  lettres,  des  paraplies.  Les  lettres 
d'un  mot  peuvent  aller  en  diminuant  ou  en  augmentant  de  grandeur 
du  commencement  à  la  tin  ;  être  lilifoiuies,  c'est-à-dire  lisil)les  seu- 
lement dans  leurs  premières  lettres  ;  les  lettres  peuvent  être  liées 
ou  juxtaposées;  leur  forme  peut  différer  de   mille  manières,   des 
exemples  et  des  reproductions  peuvent  sur  ce  point  renseigner  per- 
tinemment le  lecteur.  De  même  pour  les  paraphes  en  lazzo,  fulgnranl  s, 
araclinéides,  enclavants,  etc.  M.  Crépieux-Jamin  multiplie  avec  raison 
les  figures. 


MOUVEMENTS  743 

L'cLude  des  signes  isolés,  puis  rapprochés,  pei'met  d'induire  le 
cai'aclère  des  personnes.  M.  Crépieux-Jamin  a  eu  à  sa  disposition  un 
nombre  vraiment  considérable  d'autographes.  Il  a  tenté  également 
des  expériences  de  graphologie  expérimentale.  Il  rappelle  d'abord 
les  recherches  très  intéressantes  de  MM.  Ferrari,  Héricourt  et 
Ilicliet  qui  ont  eu  recours  aux  suggestions  hypnotiques  pour  contrôler 
les  données  de  la  graidiologie.  «  .Si  la  forme  de  l'écriture,  disaient 
ces  auteurs,  est  réellement  sous  la  dépendance  des  états  de  conscience 
et  de  personnalité,  à  chaque  personnalité  diflërente  doit  correspondre 
une  écriture  difîérente.  »  Les  résultats  ont  confirmé  les  piévisions. 
L'on  suggère  à  une  dame  qu'elle  est  Napoléon  à  la  bataille  de 
Waterkio  ;  elle  écrit  ces  mots  ;  «  Immédiatement  faire  venir  (irouchy, 
l'heure  presse.  Tout  de  suite  ;  l'ennemi  déborde  mes  lignes.  Napoléon.  » 
Pendant  la  suggestion,  l'écriture  est  inégale,  rapide,  désordonnée. 
Les  mêmes  phrases  écrites  à  l'état  de  veille  sont  d'une  écriture 
calme,  régulière  et  posée  qui  fait  contraste. 

M.  Crépieux-Jamin  a  pensé  que  l'hypnotisme  compliquait  le  mode 
opératoire  ;  il  a  cherché  à  agir  par  persuasion.  Faisant  choix  d'uni; 
personne  qui  n'avait  jamais  entendu  parler  de  graphologie,  il  lui 
demanda  d'abord  d'écrire  quelques  phrases  sans  lui  donner  d'expli- 
cations, puis  de  se  mettre  dans  tel  et  tel  état  d'esprit,  et  de  récrire 
les  mêmes  phrases.  Il  a  obtenu  des  résultats  analogues  à  ceux  de  la 
suggestion  hypnotir[ue. 

Il  a  enfin  fait  des  épreuves  expérimentales  sur  lui-même,  en  étu- 
diant sa  propre  écriture  dans  les  conditions  les  plus  difîérentes 
d'heure,  de  milieu  physique,  d'événements  et  de  dispositions  intel- 
lectuelles et  morales.  11  en  [lublie  des  spécimens  variés.  Il  ressort 
de  ces  documents  qu'une  température  élevée  sans  tension  électrique 
tend  à  agrandir  notre  écriture,  elle  froid  à  la  diminuer;  qu'un  temps 
orageux  provoque  des  inégalités  du  tracé  et  favorise  la  direction 
ascendante  des  lignes  ;  qu'une  dépression  physique  ou  morale  dimi- 
nue la  hauteur  des  lettres  et  le  mouvement  ascendant;  qu'un  état 
fébrile  produit  une  éciMture  liliforme  ;  que  la  colère  rend  l'écriture 
plus  grande  et  incoordonnée;  que  le  travail  de  la  pensée  donne  une 
écriture  sinueuse,  plus  iietilc  cl  plus  li(''c.  Il  n'est  pas  douteux,  dil 
l'auteur,  que  la  sensibilité  est  la  signification  atlribuable  aux  chaiige- 
menls  de  direction,  que  l'espoir  est  la  cause  de  ligiuss  de  plus  en  [ilus 
ascendantes  et  l'angoisse,  le  motif  d'une  chute  relative.  Créi»ieux- 
Janiin  se  retient  d'ailleurs  de  trop  généraliser  et  considère  ses  essais 
comme  une  contribiition  individuelle,  souhaitant  de  provo(iuer  un 
ensemble  d'observations  semblables  et  d'engager  ainsi  la  graplndogie 
dans  la  voie  expérimentale. 

Dans  les  deux  chapitres  suivants,  il  insiste  sur  ces  divers  points 
qu'on  ne  saurait  interpréter  sérieusement  une  écriture  à  l'aide  d'iiii 
simple  tableau  des  signes  et  que  «  i)0ur  apjtrécier  un  signe  il  l'an! 
pénétrer  dans  son  milieu,  saisir  son  esjjril,  vivi'c  sa  vie  »,  que  la  gra- 


744  ANALYSES 

pliologie,  après  observation  de  signes  variés,  doit,  à  l'aide  de  calculs 
particuliers,  c  faire  des  déductions  qui  amènent  soit  la  modification 
d'un  trait  de  caractère,  soit  la  découverte  d'un  état  psycliulogique 
nouveau  »,  et  qu'enfin,  ce  qu'il  importe  de  déterminer  en  premier 
lieu,  c'est  le  degré  de  supériorité  ou  d'infériorité  générale  dv  ia  per- 
sonne. 

M.  Crépieux-Jamin  admet  cinq  points  de  vue  fondamenlaux  qui  se 
rapportent  à  chaque  partie  conslilutive  du  caractère.:  lactnité,  la 
sensibilité,  la  simplicité,  la  modération  et  la  distinction.  Puis  il  consi- 
<ière  sous  ces  cinq  titres,  l'intelligence,  la  moralité  et  la  volonté. 

En  ce  qui  concerne  l'intelligence,  il  ajoute  les  points  de  vue  de 
l'imagination  réglée,  de  la  réllexiou  et  de  la  clarté  de  l'esprit.  Poiu- 
la  moralité,  il  ajoute  la  droiture  et  l'altruisme;  pour  la  volonté,  la 
constance  et  l'énergie. 

Aux  traits  psychologiques  correspondent  des  signes  grapliologi(iues. 
La  sensibilité,  par  exemple,  sera  témoignée  par  une  écriture  inégale 
dans  ses  dimensions,  inclinée  et  légère,  par  des  lettres  séparées  à 
l'intérieur  des  mots  ;  l'imagination  par  de  grands  mouvements  de  la 
plume,  harmonieux  et  aisés;  la  volonté  énergique  par  la  barre  du  / 
courte  et  forte,  etc. 

Toute  qualité  a  son  coniraire  que  marquent  d'autres  signes.  La  vul- 
garité, par  exemple,  sera  reconnue  à  des  traits  grossiers  et  communs, 
à  des  ornementations  ridicules,  recherchées  et  prétentieuses. 

A  laquelle  des  trois  facultés,  intelligence,  moralité  ou  volonti'  faul- 
il  accorder  la  suprématie  ?  Dans  un  caractère  normal  elles  sont  hai- 
monieusement  groupées.  Mais  cela  n'arrive  pas  toujours.  Vaut-il 
mieux  êlre  intelligent  que  moral,  ou  moral  ({uinlelligent  ?  Le  déve- 
loppement exclusif  de  l'intelligence  produit  des  êtres  dangereux;  les 
meilleurs  sentiments,  s'ils  sont  mal  éclairés,  font  les  maladroits;  la 
volonté  primant  loule  raison  forge  les  brutes.  La  préféT(>nce  semble 
devoir  appartenir  à  la  moralité. 

Ces  classifications  une  fois  acceptées,  on  note  les  signes  grapholo- 
giques, généraux  et  particuliers,  correspondant  à  chaque  qualité  ou 
à  chaque  défaut  du  caractère.  On  les  considère  isolément,  dans 
l'écriture  on  cherche  les  dominantes,  puis  on  ra]iproclie  les  éléments 
discernés  et  l'on  détermine  les  résultantes.  Car  loule  (jualité,  bonne 
ou  mauvaise,  découverte  dans  un  caractère,  peut  trouver  à  côté 
d'elle  des  éléments  modificalcurs,  modérateurs  ou  multiplicateurs. 

Des  lettres  juxtaposées  indiipieni  sentiment  intellectuel;  l'écriture 
inégale  ou  inclinée  indi(jue  sensibilitt''  morale  ;  ces  deux  ordres  de 
signes  associés  à  une  écriture  très  liarmonique  jieuvent  dénoter  la 
vive  sensibilité  d'un  esprit  supiTieur;  associés,  au  contraire,  à  uni' 
écriture  inharmonique,  ils  peuvent  dénoter  la  sensibilité  vive  d'un 
esprit  médiocre. 

Les  grands  mouvements  de  la  plume  signifient  imagination  ;  asso- 
ciés à  des  mots  gladiolés  et  à  des  lignes  serpentines  qui  signifient  ruse, 


MOUVEMENTS  745 

ils  indiqueront  la  roueiie  ;  associés  à  des  t  faiblement  barrés,  (jui 
signitieut  peu  de  volonté,  ils  indiqueront  l'indécision  ;  associés  à  une 
écrilure  inharmonique  et  à  des  lignes  serpentines  (mensonge)  ainsi 
qu'à  des  crochets  en  retour  (égoïsme),  ils  indiqueront  escroquerie  ; 
associés  à  une  écriture  très  montante  (vive  ambition),  ils  indiqueront 
folie  de  grandeurs,  etc. 

Après  avoir  déterminé  les  résultantes  concernant  l'intelligence,  la 
sensibilité,  la  volonté,  la  moralité,  il  restera  à  faire  la  somme  de  ces 
résultantes  à  les  harmoniser  et  à  tirer  les  conclusions  de  l'ensemble. 
Les  signes  de  bienveillance,  de  jovialité,  de  médiocrité  réunis,  par 
exemple,  dénoteront  la  bonhomie  ;  la  gaieté,  le  sens  esthétique,  la 
délicatesse  et  la  vivacilé  associés  dénoteront  de  l'esprit,  etc. 

M.  Crépieu.\-.Jamin  après  une  monographie  de  l'écriture  inégale, 
de  l'écriture  des  malades,  et  de  l'art  dans  l'écriture,  aborde  en  dernier 
lieu  le  portrait  graphoIogi(}ue,  but  même  de  la  graphologie..  Ce  qui 
importe  dans  un  tiavail  de  ce  genre,  c'est  de  s'en  tenir  d'abord  exclu- 
sivement aux  grandes  lignes  du  caractère.  On  se  posera  un  certain 
nombie  de  questions  généiales  :  Est-ce  que  l'écrivain  est  sympathique 
ou  anlipalhique?  Actif  ou  inactif?  Sensible  ou  insensible '?  Simple  et 
naturel  ou  prétentieux  et  artificiel  ?  Modéré  ou  exagéré  ?  Distingué 
ou  grossier? 

On  se  demandera  :  1"  pour  l'intelligence,  s'il  a  l'esprit  cultivé,  s'il 
est  attentif  ou  étourdi,  s'il  a  l'esprit  clair  ou  confus?  S'il  est  souple 
ou  entêté?  Ouelle  est  la  nature  de  son  imagination,  quel  est  le  degré 
de  son  intelligence?  2°  Concernant  la  moralité,  s'il  est  franc  ou  men- 
teur? Spontané  ou  non?  Loyal  ou  non?  P]goïste  ou  altruiste?  Quel  est 
son  degré  de  moralité?  3°  Helativement  à  la  volonté,  s'il  est  constant 
ou  inconstant?  Energique  ou  non?  Quel  est  son  degré  de  volonté? 
Enfin  la  graphologie  se  posera  deux  questions  dont  la  solution  est 
donnée  par  la  combinaison  de  plusieurs  de  celles  qui  précèdent -.Est- 
il  perfectible?  Quel  est  son  sentiment  artistique  ? 

Tout  l'art  du  graphologue,  dit  M.  Crépieux-Jamin,  est  dans  ceci  : 
discerner  entre  plusieurs  significations  possibles  des  traits  de  l'écri- 
ture la  plus  convenable  par  rapport  au  milieu,  la  plus  sûre  logique- 
ment, la  plus  nécessaire  psychologiquement,  i-a  valeur  des  signes  est 
éminemment  relative,  parce  (]ue  le  même  mouvement  peut  être 
déterminé  par  des  causes  très  diverses. 

Il  se  sépare,  à  propos  de  la  théorie  des  signes  fixes,  de  l'abbé 
Michon  et  repousse  aussi  cette  prétendue  loi  qu'un  signe  jtositif  qui 
maïKiue,  donne  rigoureusement  le  signe  négatif  (jui  lui  est  o[q)osé. 

En  résumé,  la  pratiijuc  de  la  grapiK>logie  nécessite  beaucoup  d'ex- 
périence, de  prudence  et  de  finesse  d'esprit. 

Le  livre  de  M.  Crépieux-.Jamin  est  l'œuvie  d'un  esi)rit  critique  qui 
veut  placer  là  graphologie  sur  le  terrain  de  l'expérience.  11  faut 
approuver  ses  recherches  dans  cette  voie.  C'est  en  écrivant  dans  des 
conditions  physiques  et  jdiysiologiques  bien  observées  (ju'on  arrivera 


746  ANALYSES 

]ilns  facilemcnl  à  faire  le  aéi)aiL  des  influences  psychologiques  et  h 
savoir  si  telle  modification  de  notre  écriture  est  l'indice  de  tel  étal 
psychologique. 

Le  problème  devient  plus  diticile  à  résoudre  lorsqu'il  s"agit  de 
rattacher  telle  particularité  constante  de  notre  écriture  à  telle  qualité 
ou  à  tel  défaut  de  notre  caractère.  11  ne  semble  pas  que  la  grapho- 
logie sur  ce  point  ait  encoie  dépassé  le  domaine  de  la  conjecture. 
Sa  détermination  des  signes  généraux  et  paiticulicrs  repose  sur  des 
interprétations  plausibles,  mais  sans  rigueur  scientifique  et  c'est 
pour  cette  raison  qu'elle  ne  nous  paraît  pas  juscjuà  ce  jour  fournir 
une  méthode  pour  l'étude  des  caractères. 

J.  Courtier. 

\V.  PIÎEYER.    —  Zur  Psychologie   des    Schreibens.   Mit  besonderer 
Riicksicht   auf  individuelle  Verschiedenheiten   der  Handscriften. 

{La  psychologie  de  récriture,  avec  une  étude  spéciale  des  dl/férences 
individuelles  de  l'écriture.)  1  vol.  in-8%  223  \k  1895,  Voss,  avec  plus 
de  200  figures. 

Il  existe  un  certain  nombre  de  branches  d'occupations  que  les 
hommes  de  science  méprisent,  et  pourtant  s'ils  s'en  occupaient,  beau- 
coup de  questions  intéressantes  et  iniporlanles  pourraient  être  réso- 
lues, telles  sont  la  physionomie,  la  grapholoyie  et  le  spiritisme;  on 
doit  être  toujours  satisfait  lorsqu'un  homme  de  science  s'en  occupe, 
il  a  les  connaissances  scientifiques  nécessaires,  il  est  habitué  aux 
niétiiodes  scientifiques  et  a  le  sens  critique  déveloiipé  ;  malheureuse- 
ment il  arrive  (pi'au  lieu  d'apporter  dans  la  branche  qu'il  aborde 
les  méthodes  scientifiques,  le  savant  perd  son  iiouvoir  crili(|ui',  il 
s'exalte  et  oublie  les  règles  de  la  science;  on  connaît  plusieurs  cas 
de  ce  genre  pour  le  spiritisme.  Nous  avons  devant  nous  un  livre  qui 
ne  fait  nullement  ressortir  que  l'auteur  est  un  pliysiologisle  et  un 
psychologue  connu.  C'est  un  traité  de  graphologie,  pareil  à  tous  les 
autres,  qui  renferme,  il  est  vrai,  une  grande  collection  d'aulographes 
de  tous  genres,  mais  qui  ne  peut  pas  être  considéré  comme  un  livre 
de  science,  sauf,  peut-être,  le  deuxième  chapilre  sur  le(}uel  nous 
nous  arrêterons  plus  longuemenl. 

Dans  ce  chapitre  l'auteur  nnuilrc  que  les  caractères  d'une  écriluro 
ne  dépendent  pas  de  la  main  droile  avec  laquelle  on  écrit  ;  en  efiet. 
si  on  écrit  avec  la  main  gauche,  ou  avec  le  pied,  ou  avec  le  bout  dti 
nez,  ou  en  tenant  la  idunie  entre  les  denl,s,  etc.,  après  un  certain 
exercice  l'éciiture  acquiert  les  mêmes  caractères  que  l'écriture  nor- 
male avec  la  main  droite;  de  plus,  lorsqu'on  a  beaucoup  écrit  avec 
la,  main  dioile,  il  faut  un  exercice  relativement  très  court  i>oui- 
ap|>rendre  à  écrire  avec  une  autre  partie  du  corps. 

Ce  l'ait  montre  que  les  caractères  de  l'écriture  dépendent  de 
centres  cérébraux  ;  ces  centres  cérébraux  de  l'écriture  sont  d'abord 


MOUVEMENTS  747 

symétriques,  puisque  lorsque  la  main  droite  devient  paralysée  le 
malade  apprend  très  vile  à  écrire  couramment  avec  la  main  gauche  ; 
de  plus  ces  centres  sont  diftérenis  des  centres  de  la  [larole,  mais  ils 
se  trouvent  en  relation  avec  eux,  ceci  est  prouvé  par  les  différents 
cas  d'aphasies  (pii  montrent  que  la  parole  ou  récriture  peuvent  dis- 
paraître isolément,  mais  qu'une  perle  de  la  parole  influe  sur  l'écri- 
ture. 

Il  est  évident  que  ces  ohservations  sont  d'une  importance  capitale, 
l'iles  prouvent  que  l'écriture  peut  en  réalité  se  trouver  en  relation 
avec  des  processus  et  des  états  psychiques,  qu'elle  peut  dépendre 
de  quelques  processus  psychiques  ;  mais  l'auteur  ne  poui'suit  pas 
cette  voie  d'étude  scientifique  consistant  à  étudier  quels  sont  les  pro- 
cessus psychiques  qui  peuvent  influer  sur  l'écriture,  quels  sont  ceux 
qui  doivent  nécessairement  inflvier  et  quels  sont  ceux  qui  n'intluent 
pas;  cette  voie  se  i^résentait  d'elle-même;  l'auteur  préfère  commen- 
cer par  des  questions  qui,  dans  une  étude  scienlilh{ue,  devraient  se 
trouver  tout  à  la  fin,  il  pose  comme  certain  que  le  caractère  de  l'in- 
dividu se  traduit  dans  son  écriture  et  examine  en  détail  les  diffé- 
rents traits  de  l'écriture  en  disant  chaque  fois  à  quel  caractère  de 
l'individu  ces  traits  correspondent. 

Nous  ne  pouvons  pas  nous  arrêter  ici  sur  les  détails,  ce  serait 
inutile.  Disons  seulement  que  l'auteur  examine  10  points  différents 
dans  l'écriture;  ce  sont  :  la  forme  des  lettres,  la  manière  dont  elles 
sont  reliées  entre  elles,  la  grandeur  des  lettres,  les  traits  forts  et  fins, 
l'inclinaison  des  lettres,  la  direction  des  lignes,  la  longueur  des 
lignes,  la  distance  entre  les  lignes  et  enfin  la  signature.  Dans  chaque 
cas  particulier  il  indique  le  caractère  de  l'individu;  on  est  partout 
en  présence  de  cette  disproportion  qui  existe  entre  les  traits  de  l'écri- 
ture et  le  caractère  psychique  compliqué  qui  en  est  d(''duit;  ainsi 
par  exemple  de  ce  que  les  lettres  ne  sont  pas  liées  entre  elles  l'au- 
teur conclut  que  l'individu  est  un  idéaliste  ;  de  ce  que  les  lignes  vont 
en  montant  il  déduit  que  l'individu  est  optimiste,  etc.,  etc.,  pas  une 
démonstration  scientificj^ue  n'est  même  tentée,  ce  sont  150  i)ages 
remplies  d'affirmations  les  plus  cuiicuses.  .Notons,  m  [lassanl,  ([ue 
l'auteur  y  met  aussi  du  chauvinisme;  outre  les  allusions  (ju'il  fait  à 
la  guerre  de  1870  il  nous  api)rend  ijue  le  fondateur  de  la  l)actério- 
logie  est  R.  Koch  (p.  Ia2). 

Les  quelques  pages  que  raulnir  njdule  à  la  lin  du  livie  sur  la 
pathologie  de  l'écriture  sont  liè.s  itrèves  et  ne  renfei'meni  pas  de  faits 
originaux. 

En  résumé,  ce  n'est  pas  lui  livre  de  science,  coiiimt'  ou  |Miuv;iil  en 
attendre  un  de  l'auteur,  la  relation  entre  le  caractère  d'uu  linmme 
et  son  écriture  y  est  admise  à  piiuii,  taudis  que  c'est  précisément 
cette  question- qui  devrait  être  soumise  aune  étude  scientifique. 

Victor  IIe.nri. 


748 


ANALYSES 


H.  WEBEU.  Beitràge  zur  Erklàrung  des  Zustandekommens  der  Spie- 
gelschrift  und  Senkschrift.  (Elude  sur  l'origine  de  récriture  en  mi- 
roir et  de  l'écriture  verticale.)  Zcilschr.  f.  Klin.  Mfdec,  XXVIl, 
p.  260, 1895. 

Ayant  d'abord  critiqué  les  théories  qu'on  a  émises  pour  expli(juer 
la  production  de  l'écriture  en  miroir  avec  la  main  gauche  lorsque 
la  main  droite  devient  paralysée,  théories  qui  admettent  une  iniluence 
de  l'exercice  de  la  main  droite  se  transmdlant  par  voie  réflexe  à  la 
main  gauche,  —  l'auteur  présente  quelques  observations  person- 
nelles :  un  individu  paralysé  depuis  la  jeunesse,  de  la  main  droite, 
à  un  moment  où  il  ne  savait  pas  encore  bien  écrire  avec  cette  main, 
commence  à  écrire  avec  la  main  gauche  en  miroir  ;  il  imite  pour 
cela  avec  la  main  gauche  les  mouvements  que  le  maître  lui  avait 
appris  à  faire  avec  la  main  droite.  In  aulif  individu  aussi  paralysé 
de  la  main  droite  écrit  exactement  chaque  lettre  avec  la  main  gauche, 
seulement  au  lieu  de  les  placer  l'une  à  c^té  de  raulre,  il  les  place 
l'une  au-dessous  de  l'autre,  disposition  qui  est  plus  facile. 

Enfin  intéressantes  sont  les  observations  faites  sur  les  enfants, 
priés  d'écrire  avec  la  main  gauche;  ce  sont  les  plus  jeunes  ({ui  ont 
surtout  (43  p.  100)  écrit  en  miroir  ;  les  plus  âgés  ont  le  plus  souvent 
écrit  exactement,  il  n'y  a  parmi  eux  que  6  à  14  p.  100  (jui  ont  éci'il 
en  miroir.  De  ces  faits  l'auteur  déduit  que  lorsiju'on  commence  à 
apprendre  à  écrire  ce  sont  les  mouvements  de  la  main  el  non  limage 
visuelle  de  la  lettre  écrite  (jui  jouent  le  rôle  le  plus  important  et  (|iii 
sont  le  mieux  retenus  dans  la  mémoire;  par  consé(iuent  lorsqu  il 
s'agit  d'écrire  avec  la  main  gauch»;,  on  imite  les  mouvements  de  la 
main  droite,  on  oublie  la  forme  de  la  lettre  écrite  et  il  en  résulte 
une  écriture  symétrique  ou  en  miroir. 

V.  Henri. 


X 

SYCHO-PHYSIQUE,    PS  Y  CHOM  ÉTRI  E,    APPAREILS 


SOMMAIRE 

Psycho-physique.  —  I.  Mélltodes.  Ludwig  Lange,  Merkel. 
II.  i{fc7(ert7<es  </e  Scripture,  ^Valler. 

Psychométrie.  —  I.  Recherches  ^eBaldwin,  Mead  Hache. 
II.    Tec/niique. 

Appareils. 


I.   -   PSYCHO-PHYSIQUE 

LLDWKi  LANCE.  —  Ueber  das  Massprincip  der  Psychophysik  und 
den  Algorithmus  der  Empfindungsgrbssen.  JMiil.  Slud.,  X,  p.  125- 
139. 

Luulfur  essaie  de  criliiiuer  les  fondements  de  la  psychophysique 
de  Fechner  ;  c'est  surtout  la  recherche  de  la  fonction  qui  lie  la  sen- 
sation à  l'excitation  qu'il  cherche  à  réfuter  par  des  raisonnements 
|)urement  théoriques  et  ahstraits.  11  commence  par  donner  une  défi- 
nition de  la  mesure  d'un  rapport  de  deux  sensations;  le  raisonne- 
ment employé  est  le  suivant  :  nous  pouvons  comparer  les  différences 
de  sensations,  nous  disons  que  la  dinérence  entre  deux  sensations 
est  égale,  inférieure  ou  supérieure  à  la  différence  entre  deux  auties 
sensations  ;  d'après  cela,  nous  pouvons  l'iahh'r  une  série  de  sensa- 
tions croissantes  ti;lles  (}ue  : 

(1)  e,  —  0  =  e,  —  e,  =  e._,  —  e,  =z  e^  —  e.^  =... 

Si  maintenant  nous  avons  à  comparer  h-s  sensations  e  et  E,  on 
iherche  la  place  de  e  et  de  E  dans  la  série  précédente;  supposons 
que  e  soit  égal  à  e,,,,  I]  égal  à  e„,  ceci  veut  dire  qu'on  a  atteint  depuis 
la  sensation  zéro  la  sensation  e  en  passant  par  m  stades  d'intensités 
égales,  de  même  il  a  fallu  n  stades  de  la  même  intensité  pour  arriver 
à  la  sensation  E  ;  on  pourra  donc  écrire  par  définition  e  .•  E  =:  m  :  n. 


750  ANALYSES 

Ce  qui  me  semble  faux  dans  le  raisonnemeul  prcLH'deal,  c"esl 
l'expression  (1)  ;  d'abord  TauLeur  compare  des  différences  de  sensations 
(^2  —  ^1?  ^ï  —  ^2---)  '^  ^'^*^  sensation  simple,  unique  (f,),  ce  qui  ne 
me  paraît  ])as  possible,  sauf  peut-être  quelques  cas  exceptionnels  ; 
ensuite  il  suppose  a  priori  que  lorsque  la  différence  des  sensations 
Cj  et  Cj  paraît  être  égale  à  la  différence  des  sensations  Cj  et  e.,,  lorsque 
cette  dernière  paraît  être  égale  à  la  différence  des  sensations  e^  et 
^'3,  la  différence  entre  e,^  et  e^  paraîtra  aussi  égale  à  la  différence 
entre  e^  et  Cj,  c'est-à-dire  il  suppose  ([ue  deux  différences  égales 
séparément  à  une  troisième  sont  égales  entre  elles.  Une  pareille 
liypothèse  ne  peut  pas  être  faite  a  prioin  dans  le  cas  oiî  il  s'agit  de 
sensations,  il  faudrait  l'appuyer  par  des  vérifications  expérimentales. 
Donnons  un  exemple  :  lorsqu'on  trouve  (juela  différence  entre  les  pres- 
sions 10  et  il  grammes  est  égale  à  celle  entre  20  et  22  grammes,  et  que 
la  difîérence  des  pressions  20  et  22  grammes  est  égale  à  la  différence 
des  pressions  30  et  33  grammes,  on  ne  peut  pas  du  tout  affirmer 
que  la  différence  de  10  et  11  grammes  paraîtra  égale  à  la  difi'érence 
30  et  33  grammes.  Je  crois  qu'on  peut  expliquer  ceci  par  un  effet  de 
contraste  ;  en  effet  lorsqu'on  compare  la  différence  10  et  11  grammes 
avec  la  différence  20  et  22  grammes,  on  a  afTaire  à  des  excitations 
(10  gr.,  20  gr.),  qui  diffèrent  d'environ  10  grammes  ;  la  même  chose  a 
encore  lieu  dans  le  cas  où  on  compare  les  différences  20  et  22  gram- 
mes avec  30  et  33  grammes  ;  mais  en  comparant  les  difTérences  10  et 
11  grammes  et  30  et  33  grammes  on  a  des  excitations  (10  gr.,  30  gr.) 
(jui  diffèrent  maintenant  d'environ  20  grammes;  par  conséqueni, 
entre  les  sensations  correspondantes  il  y  aura  un  contraste  plus 
grand  (pi'fnlrc  b's  premières,  ce  conlrasti;  peut  avoir  um-  iallueiic(^ 
-sur  la  com[iaraison  des  différences.  En  somme  je  crois  que  si  on  a  à 
comparer  les  différences  de  sensations  E  —  E'  et  e —  e',  cette  com- 
liaiaison  dépendra  non  seulement  des  valeui^s  iiiêmes  de  E  et  de  e, 
mais  aussi  du  ra[qiort  de  IC  sur  e. 

Ayant  donné  la  définition  précédente  du  rapport  de  deux  sensa- 
tions. Fauteur  examine  la  question  suivante  :  étant  données  trois 
si-nsafions  Cj,  e^  et  e^,  obtiendra-t-on  la  même  valeur  pour  le  rapport 
des  différences  ''"  ~  '''  lorsfiu'on  changera  la  valeur  de  l'unité  (c'est- 
à-dire  des  stades)?  Ainsi  pai- cxeiiiplt"  lorsque  la  dincrcucc»  e^  —  e^  est 
égale  à  e.,  —  c,  [mur  une  cciiaiiif  valeur  de  stades,  sera-t-elle  encore 
égale  pour  une  autre  valeur  de  stades?  On  sait  que  pour  les  gran- 
(bnirs  physiques  et  mécanicjues  le  changement  d'unité  n'a  pas  d'in- 
fluence sur  le  l'apport  jirécédent;  l'auteur  croit  que  dans  le  cas  des 
sensations  la  valeur  de  l'iiiiili'  a  une  influence,  et  piir  conséquent  si 
avec  une  certaine  uiiih'  ou  houve  une  certaine  relation  entre  la  sen- 
sation et  l'excilalioii,  avec  une  autre  unité  on  trouvera  une  autre 
relation,  et  le  but  de  la  psychophysique  de  Fechner  est  irréalisable  ; 
l'auteur  arrive  donc  à  la  conclusion  qu'on  ne  peut  pas  exprimer  la 
sensation  comme  fonction  de  l'excitation  ;  cette  funclioii  déiieudra 


PSYCUO-PUYSIQUE  751 

(le  la  valeur  de  runilé  qu'on  a  choisie  et  c'est  dans  ce  sens  que  doi- 
vent èlre  faites  les  ex2>ériences  de  psychophysique. 

Victor  Henri. 

.IULIUS  MERKEL.  —  Die  Abhàngigkeit  zwischen  Reiz  und  Empfin- 
dung  {Relation  entre  l'excitation  et  la  sensation).  Pliilos.  SLud., 
t.  IV,  p.  o40-o9i;  t.  y,  p.  24o-29l;  l.  V,  p.  498-557;  t.  X,  p.  140- 
161,  203-249,  369-393,  507-523. 

J.  Merkel,  élrve  de  Wundt,  professeur  de  maihématiques,  a  con_ 
sacré  bien  des  années  à  des  études  de  psychophysique  et  particu- 
lièrement à  l'élude  de  la  relation  qui  existe  entre  l'excitation  et  la 
sensation  ;  comme  la  quatrième  partie  de  cette  étude  a  paru  dans 
le  courant  de  Tannée  1894,  les  autres  remontant  à  1887  et  1888,  nous 
avons  cru  qu'il  serait  peut-être  bon  de  profiter  de  l'occasion  pour 
soumettre  à  une  analyse  toutes  les  quatre  parties. 

La  recherche  de  la  relalion  qui  uni!  l'excitation  à  la  sensation 
produite  a  préoccupé  bien  des  esprits  ;  on  trouve  des  essais  déjà 
chez  Daniel  BernouUi,  Condorcet,  Laplace  et  Poisson;  Laplace'  a 
même  donné  une  formule  de  relation  absolument  identique  à  celle 
<iue  Fechner  jiroposait  en  1862  dans  sa  Psychopliysitiue.  Depuis, 
beaucoup  de  psychologues,  de  physiologistes  et  de  philosophes  ont 
discuté  la  question,  nous  ne  nonniions  que  les  plus  importants  : 
Bernstein,  G.-E.  Millier,  Hering,  Plateau,  Wundt,  Delbœuf,  etc.,  etc. 
Voici  de  quoi  il  s'agit  : 

On  produit  une  excitation  de  grandeur  ?•,,  une  iiression  p;ir 
exemple,  puis  une  autre  excitation  j-,,  puis  une  troisième  r^,  etc.;  à 
toutes  ces  excitations  correspondent  des  sensations  de  pression  qui 
ont  des  intensités  différentes;  les  unes  sont  plus  fortes,  les  autres 
plus  faibles;  connaissant  dans  quels  rajiporis  les  excitations  sont 
entre  elles,  ne  pourrait-on  pas  trouver  dans  ([ucls  rapjiorts  seront 
entre  elles  les  sensations  coiTCspondantes?  11  est  évident  ipTunc 
pareille  question  suppose  déjà  qu'on  peut  comparer  des  sensations 
différentes  au  point  de  vue  de  l'intensité,  qu'on  peut  non  seulenuMit 
faire  cette  comparaison  par  des  termes  généraux  «  plus  intense  », 
«  plus  faible  »,  «  égal  »,  mais  ([u'on  peut  même  i'exiJrimer  par  des 
chiffres;  c'est  nue  liypothèse,  on  ne  jieut  pas  la  di'-montrer,  il  faut 
l'admettre  si  on  veut  poursuivre  la  question  |)lus  loin. 

Un  fait,  remarqué  encon?  au  xvin*^  siècle,  ([ui  a  ('té  junir  la  ]ire- 
inière  fois  étudii'  alleiilivcment  jiai-  l'].-li.  Weber,  a  conduit  à  la 
formulation  de  la  relation  en  (pieslidii  jiar  Fei-lmer  ;  ce  fait  est  l'exis- 

(1)  Laplace.  Théorie  fnifih//i(/i/('  des  proljaljili/r\.  p.  432.  Il  est  vrai  que 
Laplace  parle  non  de  seiisatiims  mais  du  bien  moral  r(}sullant  do  telle 
somme  que  reco'd  un  individu  ;  au  fond  Tidce  est  la  nuMue  :  «  En  désignant 
par  y  la  fortune  morale  correspondant  à  la  fortune  physique  x,  on  aura  : 
y  =  /{.  log  X  -f  log  II  où  /:  et  li  sont  des  constantes  ». 


752  ANALYSES 

tence  dune  plus  petite  ilifférence  perceptible  :  lorsqu'on  produit  une 
excitation  pur  exemple  en  posant  un  poids  de  100  grammes  sur 
l'index,  on  a  une  certaine  sensation  ;  si  ensuite  on  produit  une 
seconde  excitation  peu  différente  de  la  première  (lOo  grammes  par 
exemple)  il  pourra  arriver  que  la  sensation  produite  par  cette 
deuxième  excitation  paraîtra  absolument  égale  à  la  première,  et  il 
existera  une  certaine  limite  pour  la  différence  entre  les  deux  exci- 
tations, limite  telle  que  les  deux  sensations  produites  paraîtront  à 
l»cine  différentes  ;  celte  limite  qui  varie  suivant  les  cas  est  ce  que 
l'on  appelle  la  plus  petite  di/l'érence  perceptible.  Weber  a  montré  que 
si  on  détermine  celte  plus  petite  difl'érence  perceptible  pour  des  exci- 
tations  différentes   elle   cbange  de  valeur,  elle  est  par  exemple  de 

I  gramme  pour  Texcitation  de  10  grammes,  de  2  grammes  i)Our  une 
.'xcitation  de  20  grammes,  de  10  grammes  pour  une  excitation  de 
100  grammes,  etc.;  la  valeur  absolue  de  la  plus  petite  différence 
perceptible  croît  lorsque  l'excitation  augmente,  mais  le  rapport  de 
la  plus  petite  différence  perceptible  à  l'excitation  corresi>ondante 
reste  constant,  c'est  ]aloide  Webe7' ;  on  voit  qu'il  n'est  dans  cette  loi 
(luestion  «lue  d'excitation  et  de  plus  petites  différences  perceptibles; 
quant  aux  sensations  produites,  on  dit  seulement  qu'elles  paraîtront 
à  peine  ditlV-renles  ;  il  n'est  pas  possible  avec  ces  données  des  expé- 
riences de  conclure  quoique  ce  soit  sur  la  relation  entre  uiu^  excita- 
tion et  la  sensation;  pour  y  arriver  il  faut  faire  des  hypotbèses;  c'est 
(•e  que  Fechner  et  ses  successeurs  ont  fait.  Donnons  un  exemple 
pour  bien  faire  comprendre  les  hypothèses  faites;  supposons  que  les 
sensations    correspondant  à   des   i»ressions    de   10  grammes    et   de 

II  grammes  paraissent  à  peine  différentes,  (pie  celles  qui  corres- 
|)ondent  à  20  grammes  et  à  22  grammes  le  soient  également,  de 
même  encore  i»our  celles  de  30  grammes  et  33  grammes  et  ainsi  de 
suite  ;  les  différents  auteurs  ont  fait  deux  hypothèses  différentes  : 
les  uns  (Fechner,  Wundt,  etc.)  supposent  que  la  différence  à  peine  exis- 
tante entre  les  sensatior.s  s  (10)  ets  (H)  'est  égale  à  la  différence  des 
sensations  s  (20)  et  s  (22),  celle-ci  est  égale  à  la  différence  entre  les 
sensations  5  (30)  et  s  (33)  et  ainsi  de  suite  ;  les  autres  (Plateau,  Bren- 
tano,  etc.)  supposent  que  ce  ne  sont  i.as  li-s  différences  entre  les 
sensations  à  peine  différentes  (pii  sont  égales  entie  elles,  mais  que 
.e  sont  les  rapports  de  ces  dilTérences  aux  sensations  qui  sont  cons- 
tants ;  ainsi  le  rai»port  de  la  différence  des  sensations  s  (10)  et  s  (11) 
à  la  sensation  s  (10)  est  égal  iiu  rapport  de  la  différences  (20)  et 
s  (22)  à  la  sensation  s  (20),  etc. 

I.a  première  hypotlièse  {hypothèse  des  di/ferences)  a  conduit  à  la 
relation  logaritlimique  entre  l'excitation  et  la  sensation  :  la  sen- 
sation varie  proportionnellement  au  logarithme  de  V excitation  (loi 

(1)  Nous  dcsigaons  par  le  syndiole  s  'p)  la  sensation  prodnitc  par  l'exci- 
tation p. 


PSYCHO-PHYSIQUE  753 

(le  Fechner).  La  deuxième  hypothèse  a  amen»;  la  loi  de  Plateau  :  la 
sensation  varie  proportioiinellement  à  une  certaine  puissance  de 
Vexcitation.  Il  est  certain  qu'on  pourrait  l'aiie  d'autres  hypothèses 
encore  sur  la  manière  dont  se  comporte  la  dill'érence  de  deux  sen- 
sations à  peine  dilîérentes  et  alors  on  arrivei-ait  à  d'autres  lois;  toutes 
ces  hypothèses  sont  plus  ou  moins  arbitraires. 

Les  résultats,  on  le  voit,  varient  beaucoup  suivant  l'hypothèse  qu'on 
admet;    mais   il    existe    d'autres    moyens    encore    pour  aider  à  la 
lecherche  de  la  relation  entre  l'excitation  et  la  sensation  ;  ces  moyens, 
dont  nous  allons  parler,  ont  été  surtout  mis  en  lumière  et  étudiés  par 
Merkel  dans  les  mémoires  analysés  ici  ;  ils  sont  au  nombre  de  deux  : 
1°  Ayant  produit  une  excitation,  on  en  produit  une  seconde  et  on 
cherche  à  la  varier  dételle  façon  que  la  deuxième  sensation  jtaraisse 
être  double  de  la  première,  c'est  la  méthode  des  excitations  doubles  : 
2°  On  pxoduit  deux  excitations  différentes  et  on  en  cherche  une  troi- 
sième qui  produise  une  sensation  située  juste  au  milieu  entre  les  deux 
premières  sensations.   La  première  méthode  est  sujette  à  bien   des 
objections  et  elle  est  inconstante,  on  ne  sait  pas  en  effet  quelle  part 
il  faut  attribuer  dans   cette    méthode  aux   habitudes    acquises    et 
si  en  général  on  peut  dire  qu'on  compare  directement  deux  sensa- 
tions lorsqu'on  dit  que  l'une  a  une  intensité  double  de  l'auti-e  ;  les 
habitudes  jouent  un  rôle  trop  important  pour  qu'on  puisse  arriver 
])ar    cette   méthode  à  des   résultats    significatifs  ;   il   reste    donc  la 
deuxième  méthode,  méthode  des  déterminations  moijennes.  Oji  peut 
trouver  trois  excitations  e„,  em,  e^  telles  que  la  sensation  Sm  corres- 
jvondante  à  e,,,  i)araisse  se   trouver  au   milieu  entre  les  sensations 
Sq  et  s„,  ceci  est  donné  par  l'expérience  ;  mais  ,c(.'la  ne  ](ermet  pas 
encore  d'arriver  à  une  conclusion   quelconque  sur  la  relation  entre 
l'excitation  et  la  sensation;  il  faut  de  nouveau  faire  des  liy[»othèses. 
D'abord  on  peut  supposer  (jue  lorsqu'on  dit  que  a-h.  parait  être  au 
milieu  entre  s^  et  s„    on  compare  l'intervalle  *  entre  les  sensations 
^■'"  et  «0  à  l'intervalle  entri;  s„  et  s,,,,  et  ([ue  ces  deux  intervalles  nous 
paraissent  égaux  ;   ceci  étant,  deux  hypotlièses  sont  possibles  :   ou 
bien  on  juge  de  l'intervalle  (jui  existe  entre  deux  sensations  sm  et  So 
[lar  exemple,   par  la  différence  enfie  les  intensités  d(;   ces  sensa- 
tions, ou  bien  on  juge  du  même  intervalle  jtar  le  rapport  entre  les 
intensités  de  ces  sensations  ;  dans  le  premier  cas  on  pourra  poser 
•Sm  —  À'o  =  Su  —  Sm,  ce  qui  donne  (1)  .s',„  =:    °  ^  '" ;  dans  le  second  cas 

on  aura  (2)  —  —  ^,  ce  qui    d'^mn;  .s-,„  =  ^s^.s,,  .  (Juelle    est  l'hypo- 

»•„  s„. 

thèse  qu'il  faut  ciioisir?  Voilà  une  questimi  hicn  dé'licatt;;  l'expé- 
rience ne  nous  donne  aucune  réponse,  les  observations  internes 
étant  trop  ditlifih.-s  loi'sque  les  processus  sont  aussi  simples,  relali- 

(1)  Nous  eiiijiloyons  exprès  le  ternie  itilervtillc  cl  ikmi  i/if/t'i-cuce  pnur  ne 
faire  aucune  liypolfiése  sur  la  niauicre  dont  rinterv.-ilic  v^,  i-t  -v»  est  apjiré- 
cié. 

ANNÉF,   PSYCHOLOGIQUE.   II.  48 


754 


ANALYSES 


vomont,  et  durcnl  si  peu  de  temps;  il  est  possible  qu"à  la  loni;ue 
riutrospectiou  attentive  pourrait  décider  la  questiou,  mais  les  auteurs 
qui  s'en  sont  occupés  n'y  ont  pas  fait  allciilion.  Remarquons  ([u'oii 
pourrai!  peut-être  faire  encore  d'autres  hypothèses  siu-  la  manière 
dont  on  juge  de  la  grandeur  de  rinlervalle  entre  deux  sensations, 
mais  les  deux  précédentes  sont  les  plus  simples. 

Nous  avons  donc  obtenu  une  relation  (1)  ou  (2)  entie  trois  sensa- 
tions s„„  «0  et  ^u  'l"i  correspondent  aux  excitations  déterminées  par 
les  expériences  e,„,  e^  et  e,..  Celte  relation  permettra  ou  bien  d'ex- 
clure certaines  relations  entre  l'excitation  et  la  sensation  oblemies 
par  le  moyeu  de  la  méthode  des  plus  petites  diflereiices  perceptibles 
ou  bien  de  déterminer  quelque  coustanle  (jui  entrait  dans  ces  rela- 
tions, tel  est  l'avantage  apporté  par  la  méthode  des  déterminations 
moyennes.  Donnons  un  exem[)le  ;  supposons  qu'on  admette  la  rela- 
tion s  =  Klog  c,  c'est-à-dire  la  sensation  est  égale  au  logarithme  de 
l'excitation  multiplié  par  une  constante  K;  prenons  deux  excitations 
eo  et  Cu  et  cherchons  une  troisième  e,»  telle  (pie  la  sensation  s,a 
paraisse  être  au  milieu  entre  6^^  et  s„  on  doit  avoir  Tune  des  deux 
hypothèses  : 

^  ^"  ou  s,„  =  JTV  en  remitlaçanl  s„  [uir  Klog  e,„  ,  .s'o  par 


5,„   = 


losP  0  -f-    Inpfu 


soit  lOUem 


Klog  e„  et  s„  par  Klog  c,  on  aura  >oit  log  ^„  = 
V^logeo  loge„;  comme  les  noiiihres  e,„,  e,,  et  e,  sont  connus,  ce  sont  les 
valeurs  des  excitations,  on  prendra  les  logarithmes  et  on  vérilieia  si 
l'une  des  deux  égalités  précédentes  est  vérifiée  ou  non;  si  aucune 
d'elles  ne  l'est  ou  la  relation  s  =  Klog  e  ne  peut  pas  être  admise,  cm 
Jiieii  il  existe  uiu'  autre  manière  déjuger  d'un  intervalle  entre  deux 
sensations.  Donnons  un  autre  exeuqde  ;  on  sup[iose  qu'on  a  la  rela- 
tion s  —  Kes  c'est-à-dire  la  sensation  est  éi.'ale  à  une  certaine  juiis- 
sance  s  de  l'excitation  multiiiliée  |>,ir  un  laileiir  couplant  K;  eu 
l)rocédant  connue  précédeninieiil  on  aina  soit  : 


c'est-à-dire 


1  _   ^ô  4-  i-\ 


soit  : 
c'est-à-dire 


•">■'"  —  \/s„  s„ 


=  V^''A+' 


ou 


''.„  =  \  '', 


On  substituera  dans  ces  formules  les  valeurs  données  par  les 
expériences  de  e,,,  c^  et  c^\  comme  t  est  inconnu,  on  pourra,  en  admet- 
tant que  les  équations  doivent  être  vérifiées,  déterminer  par  un 
certain  arlilice  de  calcul  l'inconnue  s,  et  par  suite  la  relation  sup- 
posée entre  l'excitation  et  la  sensation  s  =  K  t'^  sera  déterminée  en 


PSYCnO-PIIYSIQUE  75o 

ce  sens  qu'on  saura  (après  avoir  fait  les  hypothèses  précédentes)  à 
quelle  puissance  numérique  de  l'excitation  la  sensation  est  propor- 
tionnelle. 

Tels  sont  les  principes  employés  dans  la  détermination  de  la  rela- 
tion qui  existe  entre  Texcitalion  et  la  sensation.  Nous  avons  cherché 
à  n'employer  presque  pas  de  formules  mathématiques,  à  indiquer 
surtout  quelles  sont  les  hypothèses  qu'on  fait  à  différents  endroits 
et  quels  sont  les  résultats  que  l'expérience  seule  sans  hypothèses  peut 
nous  fournir  ;  l'auteur  s'arrête  peu  sur  les  hypothèses  faites,  il  parle 
de  différentes  relations,  de  différentes  conséquences  sans  même 
indiquer  souvent  (pie  ce  sont  des  hypothèses  ou  des  conséquences 
d'hypothèses  ;  de  plus,  les  expositions  théoriques  qu'il  donne  sont 
remplies  de  formules  mathématiques  qui  arrêtent  bien  des  lecteurs 
non  familiarisés  avec  les  mathématiques. 

Trois  parties  différentes  peuvent  être  distinguées  dans  les  mémoires 
de  Merkel,  la  première  consacrée  à  la  discussion  des  méthodes  à 
employer  et  des  différentes  prévisions  théoriques  ;  la  deuxième  com- 
prenant l'exposition  des  résultats  des  expériences  et  la  troisième 
consacrée  à  la  discussion  des  résultats  expérimentaux  trouvés. 

Les  méthodes  employées  étaient  celle  des  plus  petites  différences 
perceptibles  où  il  cherchait  les  minima  des  différences  entre  des 
fxcitatiiius  (jui  étaient  à  peine  perceptibles,  celle  des  excitations 
iloubles  et  celle  des  déterminations  moyennes;  nous  avons  exposé 
plus  haut  en  quoi  ces  méthodes  consistent.  La  relation  que  l'auteur 
admet  entre  l'excitation  et  la  sensation  est  s  rr  Ke  :  la  sensation  est 
égale  à  l'excitation  multipliée  par  un  certain  nombre  K  ;  il  cherche 
à  déterminer  par  des  calculs  faits  sur  des  résultats  expérimentaux 
la  valeur  de  ce  nombre  K  pour  les  différentes  valeurs  de  l'excitation  ; 
si  ce  nombre  K  était  liouvé  constant,  on  en  déduirait  que  la  sensation 
croît  proportionnellement  à  l'excitation.  Voici  comment  le  facteur  K 
est  calculé:  soient  e  et  Pj,  deux  excitations  qui  évo(pi('nt  deux  sensa- 
tions à  peine  différentes  l'une  de  l'autre,  on  a  suivant  l'hypotlièse  : 
s  =z  Ke  et  Si  =  K,ei,  d'oi!i  on  déduit  :  -^  =  -^  x  -^  et  par  suite 

Kj  =:  K  — ^-j  soient  e^  et  e,    deux  excitations  dont  les    sensation^ 

e 

sont  à  peine  différentes,  on  avua,   de  m«'me   ([ue   précédemment, 

Si 

K.,  =:  Kj— ^  ;  comme  l'auteur  admet  que  c'est  ht  rapport  de  la  dilfé- 


e\ 


l'ence  de  deux  sensalionsà  peine;  différentes  à  Juiiede  ces  sensations 
(hypothèse  des  relations)  ([ui  reste  constant,  ce  qui  en  d'autres  termes  est 
•  '^'  ~  ^'    =r  ■'^'  ~  '^  ,  il  en  résulte  que  le  rapport  —  est  égal  au  ia|i- 

port  -^  ,    la  formule   qui  donnait  K,  devient  :  K^  =  Kj— ^,   en 


iO 


6 


ANALYSES 


reniplarant  Kj  iia:-  la  vah-ur  K-^^p-  ou  a 


K., 


Ou  pourra  doue  calculer  K,  et  K^  eu  foucliou  de  K  et  du  rapiioi- 
—  ,  ou  pourrait  jtrocéder  de  la  même  façou  plus  loiu  et  ou  déler- 
miuerait  uue  série  de  valeurs  de  K  :  K,,  Kj,  K3,  K^,  ...  !{„  correspou- 
dautes  aux  excitatious  e,,  e,,  ^3,  e^,  ...  e„  telles  que  deux  excilalious 
voisiues  évoipicut  deux  sensatious  à  jumuc  diflereutes,  ces  valeurs 
de  K  serout  toutes  exprimées  ou  foucliou  de  K  et  du  rapport  —  ; 
l'auteur  suppose  que  ce  rapport  —  esl  éuai  au  rapport  des  excita- 

tious  —   ,  c'est  uue  liypothèse. 

Daus  la  quatrième  partie  de  son  mémoire,  parue  eu  1894,  Merkel 
admet  la  relatiou  s  =  Ke-  :  la  seusaliou  est  éizale  à  uue  certaine  puis- 
sauce  £  de  l'fxcitatiou  multipliée  par  uu  nombre  constant  K  ;  et  il 
cherche  à  déterminer  les  valeurs  de  s  pour  les  valeurs  diHërenles  de 
l'excilaliou  ;  nous  avons  moniré  plus  haul  comment  en  se  servant  de 
la  méthode  d(;s  déterminations  moyennes,  on  peut  déterminer  la 
valeur  de  z  ;  l'auteur  fait  l'hypoliièse  qu'on  juj^ie  d"un  intervalle  cuire 
deux  sensations  par  la  diflVTence  entre  les  inli.-nsités  de  ces  sensa- 
tions et  non  parleur  laiiporl,  ceci  n'est  pas  sans  raison  ;  nous  avons, 
en  efl'el,  montré  plus  liaul  (juc  l'on  a  l'uiir  des  deux  relations  sui- 
vantes : 


Cm'    =: 


e,,' 


ciu  e,„  =  \e^  e^ 


La  deuxième  ne  contient  pas  d'e;  par  suite,  lorsqu'une  excitation  e,„ 
éxtupie  une  sensation  qui  paraît  être  au  milieu  entre  les  sensations 
correspondantes  à  e»  et  à  e^,  si  l'on  admettait  la  deuxième  liypollièsc 
(qu'on  juge  d'un  iut(.'rvalle  entre  deux  sensations  par  leur  lapport), 
il  devrait  en  résulter  (pu-  e.  est  la  moyenne  géométrique  entre  les 
excitations  e»  d  e„:  lexitérience  apprend  ([ue  ceci  n'a  pas  lieu, 
les  valeurs  tiouvées  pour  e,„  se  rapprochent  toujours  bien  plus  de 
la  moyenne  ai'itlimétique  eulre  e„  et  e„,  que  de  la  moyenne  géo- 
métrique ;  il  faut  donc  soit  rejeter  l'hypothèse  que  l'on  juge  d'un 
intervalle  entre  deux  sensations  par  le  rapport  de  leurs  intensités, 
soit  rejeter  riiy]tolhèse  (ju'on  jteut  exprimer  la  relation  entre  la  sen- 
sation et  l'excitation  i»ar  s  =  lie-  ;  l'auteur  rejette  la  première  hypo- 
thèse, il  est  donc  conduit  par  cela  même  en  vertu  des  données  expé- 
rimentales à  admettre  l'hypothèse  qu'on  juge  d'un  intervalle  entre 
deux  sensations  par  la  diflérence  entre  leurs  intensités. 


psYcuo-pnYSiQUK  757 

Voici  donc  les  questions  principales  qui  restaient  à  résoudre  : 
1»  En  admeltant  la  relation  s=  Ke,  déterminer  les  valeurs  de  K, 
correspondantes  aux  difTérentes  valeurs  de  l'excitation,  pour  cela  cher- 
clier  les  minima  des  dilTérences  entre  les  excitations  qui  évoquent 
des  sensations  à  peine  dillV'rentes  et  puis  calculer  It'S  difi'érentes 
valeurs  de  K  comme  nous  l'avons  monin'-  [dus  haut. 

2"  En  admettant  la  relaliim  s  z=  Ke^ ,  déterminer  les  valeurs  de  z, 
coriespondantes  aux  ditTérentes  valeurs  de  l'excitation,  pour  cela 
(lélerminer,  par  la  mélliode  des  déterminations  moyennes,  pour  dil- 
lV'rentes valeurs  de  e^  et  de  e„,  des  valeurs  de  e„,  qui  évoquent  des 
sensations  correspondantes  à  p<,  et  à  e„  ;  ceci  étant,  porter  ces  valeurs 

de  e^  daiTs  la  formule  ?,„  ■  =  — —  et  chercher  la  valeur  de  z  qui 

v('Mitle  celte  équation;  nous  ne  nous  arrêtons  [las  sur  la  manière 
ilont  on  calcule  la  valeur  de  z,  ce  n'est  pas  difficile,  mais  c'est  long, 
i.es  expériences  faites  par  l'auteur  sont  relatives  aux  sensations 
visuelles,  auditives  et  de  ])ression,  il  est  à  regretter  qu'elles  n'aient 
été  faites  que  sur  une  seule  personne  seulement,  qui  est  Merkel  lui- 
même  ;  nous  ne  nous  arièlerons  pas  sur  les  détails  techniques,  disons 
seulement  que  comme  excitation  visuelle  il  se  servait  d'iuie  plaque  de 
verre  dépoli  éclairée  par  derrière  par  une  lampe;  on  i-egaidait  cette 
l)laquepar  un  tuhe  noirci  à  Tintérieur,  en  déplaçant  la  lampe  plus  ou 
moins  on  pouvait  faire  varier  l'éclairementde  la  plaque  ;  les  excitations 
de  pression  élaienl  produites  parla  pression  d'une  certaine  surface 
carrée  sur  un  doigt,  enfin  pour  produire  des  excitations  auditives  on 
faisait  tomber  de  hauteurs  ditTérentes  des  houles  de  poids  dilTérents 
sur  une  planchette  de  hois.  Passons  donc  à  l'exposition  un  peu  plus 
détaillée  de  la  manière  de  faire  les  expériences,  nous  prendrons 
pour  exemple  les  sensations  auditives,  les  méthodes  employées  étaient 
absolument  idenli({ues  pour  les  sensations  visuelles  et  de  pression  : 

1'^  Méthode  des  plus  pelilcs  différences  perceplibks.  On  fait  tomber 
une  boule  d'une  certaine  liautenr,  100  cenlimètres  i)ar  exemple,  puis 
on  fait  tomber  la  même  boule  d'une  hauteur  un  peu  plus  grande, 

101  centimètres  par  exemple;  il  n'y  a  jias  de  dilTéi-ence  |)erçue  ;  on 
fait  de  nouveau  tomber'  la  Ixnde  d'ahoid  de  100 cenlimètres,  puis  de 

102  centimètres,  il  n'y  a  pas  dt;  dillercnce;  on  continue  de  la  sorte 
jusqu'à  ce  (pie  l'on  airive  à  une  dilîérence  de  hauteur  telle  que  les 
sensations  soient  iiellenieiii  ditfi-rentes,  soit  par  exemple  ces  hau- 
teurs 100  et  114-  centimètres;  puis  on  revient  en  arrière,  c'est-à-dire 
iA\  fait  tomber  la  boule  de  100,  puis  de  H;t  cenlimètres.  la  diflV'ieiice 
est  pei-çue;  on  la  fait  tomber  de  100,  |)uis  de  112  cenlimètres,  la  dif- 
férence est  encore  perçue  et  ainsi  de  suite  justpi'au  moment  où 
un  ne  jiercoit  plus  de  diiréreiu'e  enlie  les  sensations,  soieiil  100  el 
110  centimètres  les  hauteurs  coirespondantes  ;  on  a  donc  obtenu 
deux  difTérences,  l'unt;  d(!  14,  l'autre  de  10  centimètres;  la  jjremière 
correspond  au  monu-nt  oh  la  dill'érence  est  perçue   nettement,  le 


758 


ANALYSES 


seconde  au  moment  où  celte  difl'érence  cesse  d"ètre  perçue;  \\'undt 
propose  de  prendre  la  moyenne  arithmélicpie  entre  ces  dilîérences 
■qui  est  ici  !^— =  12,  et  il  dit  que  12  est  l;i  diflV-rence  à  peine  per- 
ceptible ;  Merkel  prend  la  moyenne  géomélriquc  \H)X\if=  11,8  au 
lieu  de  12  obtenue  par  la  méthode  de  Wundt.  I/auteur  détermine 
donc  ces  difrérences  pour  dilTéi-entes  valeurs  de  l'excitation.  Voici 
quelques  i^ésultats  obtenus  '  : 


SENSATIONS     AUDITIVES 


e. 

eo. 

C. 

0,41 
0,68 
1,65 

1,03 
1,5'2 

1,47 

2,05 
2,78 
1,37 

4,05 
5,41 
1,33 

10,1 
13,1 
1,30 

24,9 
32,2 
1,29 

49,4 
63,7 
1,29 

132 

172 
1,30 

259 
336 
1,29 

488 
640 
1,31 

869 
1128 
1,29 

1590 
2075 
1,30 

'.^468 

3196 

1,29 

4936 

6476 

1,31 

SENSATIONS    VISUELLES 


r. 

1 
1,17 

1,96 
1,15 

4 
1,14 

7.8 
1,12 

16 
1,11 

31,3 
1,10 

«4 
1.09 

125 
1,08 

256 
1,09 

501 
1,08 

1024 
1,08 

2007 
1,09 

4096 
1,09 

SENSATIONS    DE     PRESSION 


e. 

1 
1,25 

1 ,25 

2 
2,39 
1,19 

5 
5,72 
1,14 

10 
ll.l 
1,11 

20 
21,8 
1 ,09 

50 
54 
1,08 

100 

108 
1,08 

200 
215 
1,07 

500 
537 
1,07 

1000 

2000 

5000 

t'u. 

1069 

2138 

5231 
1.0  i6 

C. 

1,069 

1.069 

Si  on  ex;imine  les  valcnis  de  C  dans  les  t;iblc;inx  pi(''((''(lciils  (Ui 
voit  qu'elb'S  d(''croissent  d'abord  lorsque  l'excilation  cioil  et  jinis 
sont  consliintcs.  La  loi  de  Weber  est  donc  applicable  ponr  les  sensa- 
tions auditives  lors(iiie  l'excitation  varie  enlr(,'  10  et  4  936,  pour  les 
sensations  visiudles  ciilri'  les  limites  31  et  4096,  enfin  pour  les  sensa- 
tions de  [HTSsidii  filtre  les  limiles  20  et  2  000. 

(1)  Dans  les  tableaux  c  est  rexcltation  nonualc  (bniil  de  JOO  (•ealimèlre.'; 
par  exemple),  c»  rexcltation  à  peine  différente;  G  est  le  rapport-^  ,  il  doit 
être  conslaiil  si  la  bu  de  Weber  est  vraie. 


PSYCUO-PIIVSIQUE 


739 


2°  Méthode  des  excitations  doubles.  Un  fail  lomber  une  boule  dabord 
de  100  puis  de  170  ccntimMros,  par  exemple,  la  deuxième  seusation 
paraît  moiiidri^  que  le  double  île  la  première;  on  fait  abus  lomber 
la  boule  des  bauteurs  100  et  175  centimètres,  elle  est  encore  moindre 
f[ue  le  double,  ou  continue  Jusqu'à  ce  qii'on  arrive  au  moment  où 
la  deuxième  sensalion  parait  double  de  la  juemièie,  suiqiosons  que 
les  bauteurs  correspondantes  soient  100  et  190  centimètres;  ceci 
étant,  on  fail  lomber  la  boule  de  100  et  de  220  centimètres,  la  seconde 
sensation  paraît  sujiérieure  au  dtuible  de  la  première  ;  on  fait  tomber 
alors  la  boule  de  100  et  de  21  o  ceulimètres,  elle  paraît  encore  supé- 
rieure au  double,  on  continue  ainsi  jusqu'au  moment  où  la  deuxième 
sensation  paraît  double  de  la  première,  soient  100  et  200  les  iiauleurs 
correspondantes;  on  calcule  la  moyenne  géométrique  (d'après  Mei'- 
kel)  des  deux  nombres  trouvés  190  et  200  et  on  oblient  le  nombre 
cbercbé.  Peu  d'expériences  ont  été  faites  par  celte  métbode,  nous 
avons  vu  plus  baut  pourquoi.  Donnons  de  nouveau  quelques  résul- 
tats; dans  ces  tableaux  e  représentera  l'excitation  normale,  e^  celle 
qui  pi'ovoque  une  sensalion  <[ui  parait  double  de  la  première,  U  est 
le  rapport  de  e^  à  e. 


SENSATIONS    AUDITIVES 


e. 

1,92 
4.42 
2,30 

3,84 

9,54 
20,4 

18,7 

50 

!»7 

185 

334 

642 

1102 

1 
27551 

Pl 

8,53 

39,0 
2,08 

102 

19  i 

308 

G59 

1257 

2140 

5317 

/;. 

2.22 

2,14 

2,03 

2.00 

1,!)9 

1,97 

1,95 

l,9i 

1,93 

SENSATIONS     VISUELLES 


I!. 

1 
2,06 

1,90 
2,02 

4 
2,00 

7,8 
1,98 

10 
1.97 

31,3 
1,95 

64 
1.93 

125 
1,92 

250 
1,93 

502 
1.95 

1024 
1,98 

2007 
1,98 

SENSATIONS     DE     l'HK3SI0\ 


]i. 


2,0 


2,6 


2,3 


11.2 


2,24 


21,4 


2,14 


20 

50 

100 

200 

500 

1000 

41,5 

100 
2,00 

200 
2,00 

398 
1 ,99 

983 

1906 
1,90 

2,07 

1,90 

2000 


3902 


1,85 


760 


ANALYSES 


On  voit  par  les  (;il)I(';tiix  précédents  que  le  rapport  des  excitations 
(pii  prodnisent  des  sensations  qni  paraissent  doubles Tnne  de  l'autre, 
(liiiiimie  à  mesuie  que  Texcilalion  auiimente  ;  pour  des  excitations 
faihles  ce  rapport  esl  supérieur  à  deux,  ])our  des  excitations  forles 
il  est  inférieur  à  deux. 

^° MtHhode  des  délermvintioiis  moyennes .  Deux  mélliodes  diflén-nles 
ont  élé  employées  par  Tanteur,  nous  décrirons  les  deux  : 

a).  On  fait  tomber  une  boule  de  100  centimèlres  de  .hauteur,  jmis 
de  140,  puis  Tuie  troisième  fois  de  200,  le  sujet  doit  dire  si  la  deuxième 
sensation  lui  paraît  plus  voisine  de  la  première  ou  de  la  deuxième,  ou 
f'uHn  si  elle  se  ti'ouv»-  au  milieu  ;  supposons  qu'il  dise  qu'elle  se  tiouve 
plus  près  de  la  première;  alors  on  fait  tomber  la  boule  de  iOO,  \io 
et  200  centimèlres  ;  la  deuxième  sensation  paraît  de  nouveau  plus^ 
près  de  la  ]>iemière  que  de  la  seconde  ;  on  continue  de  la  sorte  jus- 
qu'à ce  que  la  sensation  paraisse  se  trouver  au  milieu  entre  les  deux 
sensations  correspondant   à    100  et  à  200  centimètres,  soient  100, 
155  et  200  centimèlres,  les  hauteurs  correspondantes,  l'uis  on  recom- 
mence eu   sens   inverse  :  on  fait   tombei'  les  boules  de  100,    170  et 
200  centimètres,  la  dexixième  sensation  païaît  ]>lus  voisine  de  la  der- 
nière que  de  la  première,  on  fait  tomber  alors  des  liauleur-s  :  100, 
165  et  200  centinièti'es  ;  sujiposons  que  le  milieu  soit  atleinl  lorsque 
la  deuxième  boule   tombe  de   160  centimèties  de  hauteur;  ce  n'est 
pas  tini,  on  i-ecoinnicnce  les  deux  séries  dans  l'ordic   inverse,  ainsi 
lin  lait  Iniiiber  les  boules  des  hauteurs  200,  140  et  100  cenlimèires, 
et  on  fait  varier  la   deuxième  hauteur  jus(pi'à  ce  ((u'on  arrive  à  la 
sensation    moyenne,   soit  157   centimètres  cette    lianteui':   puis   on 
commence  parla  iiauteur  200,  170  et  100  cenlimèires,  el  on  diminne 
la  denxième  Jns(|u'à  la  sensation  moyenne,  soit  162  centimètres  celle 
hauteur;  on  a  doiir  obtenu  quaire  chiffres  :  155,  160,  157  et  102,  on 
juendra  la  moyenne  ariliiméti(pie  de  ces  chilfres  : 


155  +  160  +  157  +  162 


=  158,5 


c'est  le  nombre  clieiclié. 

b).  Nous  iH'  pouvons  j)as  exposer  en  détail  la  deuxième  nn''lliode 
em|iloyée,  cela  conduiiail  à  des  calculs  très  nombreux;  indiiiuons 
seulement  le  piincipe  :  on  choisit  trois  excilations  (pii  |ii-ovo(|uent  des 
sensations  telles  qm-  l'uiu'  paraisse  à  jteu  itrèsèlre  au  milieu  enlie  les. 
deux  autres,  soient  des  hauteurs  100,  160  et  200  cenlimèires.  On  fait 
tomber  la  boule  successivement  de  ces  trois  liauteiu\sel  le  sujet  doit 
dire  si  la  deuxième  sensation  lui  i>arail  plus  voisine  de  la  jiremière  {p), 
de  la  seconde  (ç),  ou  si  elle  lui  paraît  être  au  milieu  (/;);  on  recom- 
mence la  mêmt;  expé-rience  100  fois  sans  varier  aucune  des  trois  hau- 
teurs, on  aura  un  certain  nombre  de  jui^ements  (jj),  un  autre  nombre 
de  jugtîments  (7),  un  tioisiènu'  de  jut,'ements  {n}  :  soit  25  fois  {p), 
55  fois  (p)  et  20  foisf//),  on  partagera  d'une  cerlaine  manière  (soit  eu 


PSYCllO-PHYSIQUE 


■iC^\ 


parties  égales,  Fecliner,  soi(  pu  pnrlies  propnilionnelles  aux  iidiuhres 
25  el.  55,  Merkel)  les  jiigemenis  {ii)  entre  les  deux  anlr'cs  gioupes  et 
on  aura  deux  groupes  :  35  jugements  dans  lun,  65  dans  Taulre. 

On  fait  des  calculs  sur  lesquels  nous  ne  nous  airètons  pas,  et  on 
détermine  qiU'lle  devrait  èlrc  la  deuxième  liauleur  ])our  que  dans  les 
deux  groupes  on  ait  50  jugements;  celle  liauleur  est  le  nombre  clier- 
clié.  Celte  deuxième  méthode  repose  sur  l'hypothèse  que  la  loi  des 
eireiu's  de  Gauss  (!st  applicalde  aux  déterminations  des  sensalions 
moyennes,  uous  n'avons  pas  à  enirer  en  des  cjitiques  sur  ce  ]>oinl, 
cela  nous  entraînerait  trop  loin.  (V.  le  Iruvail  sur  les  Probabililés  en 
psyrholof/ie.) 

Voyons  quelques  résultats  obtenus;  il  est  diflicile  de  choisir  parmi 
le  grand  nombre  de  tables  données  par  l'auleiu-,  nous  en  prenons 
Irois  au  hasard. 

Dans  les  tableaux  suivants  Co,  e„,  e,„  représentent  les  excitations 
telles  que  e,,,  ]»araîl  au  milieu  enire  eo  et  e,.,  e-  représente  la 
moyenne  géoméliique  entre  les  excitations  Co  et  e^,  e^  est  la  moyenne 
arilliuK-lique  entre  les  mêmes  excitations  Co  et  e^. 

s  K  N  s  A  T I  0  N  s    AUDITIVES 


Co 

2,02 

4,9 

9,8 

3'.).  7 

77,8 

146,6 

260 

2.02 

4,  9 

9,8 

c„ 

1 

20.2 

49,9 

98,8 

397,  3 

778 

1466 

2608 

30.3 

74,8 

148 

''m 

11,4 

G.  4 

27.9 

M.  8 

210 

411 

757 

1330 

15.1 

38,2 

75 

P'S 

1C,8 

.31,2 

125 

24G 

463 

824 

7,8 

19,3 

38,2 

1 

11,1 

24,4 

.j4,3 

218 

428 

806 

1434 

16.2 

39,9 

79 

SENSATIONS 

VISUELLES 

c„ 

0,5 

0,5 

0,5 

0,5 

0,5 

0.5 

24 

2i 

24 

21 

24 

('\x 

32 

16 

8 

4 

2 

1 

1536 

768 

384 

192 

96 

\      Pm 

1 

8,3 

5,4 

2,98 

1,86 

1,16 

0,72 

472 

293 

157 

93.6 

58.2 

i       ''^ 

4 

2,8 

2 

1,41 

1 

0,71 

192 

136 

96 

()8.2 

48 

1 

16,25 

8,25 

4.25 

2,25 

1,25 

0,75 

780 

396 

20  i 

108 

(;o 

762 


ANALYSES 


SENSATIONS    DE    PRESSION 


Pu 

1 

2 

5 

10 

20 

50 

100 

200 

500 

Pu 

10 

20 

50 

100 

200 

500 

1000 

2000 

5000 

Pli, 

4,68 

0,8 

21,9 

46,3 

92,3 

215 

430 

948 

2435 

Pir 

3,16 

6,3 

15,8 

31.6 

63,2 

158 

316 

632 

1581 

Pa 

5.  5 

11 

27.5 

55 

110 

275 

550 

1100 

2750 

Si  on  examine  de  près  les  (ahlcaux  priM-i'-dciils,  on  voit  que  les 
valeurs  de  em  s'apiirochenl  bien  plus  de  e^  <]ue  de  e<r,  elles  sont  plus 
voisines  de  la  moyenne  arillimétifiue  que  de  la  moyenne  géomé(ri(pic 
entre  les  excilations  e»  et  e„,  il  en  résulte  donc  que  si  l'on  admet  la 
relation  s  =  Kes  on  doit  admettre  en  même  lemi>s  qu'on  juge  d'un 
inlervallc  pai-  la  (lillV'rence  enlre  lo  iulfiisih's  des  sensations. 

Arrêtons-nous  un  peu  encore  sur  les  déleiininations  des  valeurs 
de  K,  lorsqu'cm  admet  la  relation  *•  ^  Ke,  et  de  t  lorscju'on  adnu'l  la 
relation  s  r=  KeK  1/auteur  donne  lieaucouf)  de  taltleaux  pour  ces 
valeurs,  nous  en  choisirons  (jnehiues-uns  des  i)lus  caractéristiques. 


SENSATIONS    A  V  D  I  T  I V  E  S 


(' 

0,412 

1,06 

2.20 

4,08 

1,21 

12,31 

24,9 

r 

4936 

h 

1 

0,65 

0,53 

0, 48 

0,46 

0,46 

0,46 

0,46 

s 

0,412 

0,69 

1,17 

1 ,  98 

3,36 

5,68 

11.48 

2271 

SENSATIONS    V  I  S  l'  E  L  L  K  S 


e 

1 

0,75 

0,75 

2,03 

0,48 
0,97 

4,18 
0,33 
1,38 

8,12 
0,25 
2,06 

16,3 
0,20 
3,35 

39,9 
0,17 
5,68 

64,3 

127 
0,16 
20,3 

247 
0,16 
39,4 

478 
0,16 
76,3 

925 

0,16 

147 

1792  ' 

0,16  ' 

285 

/.■ 

0,16 

.V 

10,53 

1 


l'SYCIIO-PHYSIOUE 


?63 


Occupons-nous  dabord  de  la  relation  s  =r  Ke;  dans  les  tableaux 
e  représente  les  valeurs  des  excitations,  K  les  valeui^s  correspon- 
dantes de  K,  et  s  les  valeurs  des  sensations  déduites  par  la  mullipli- 
cation  de  K  par  e,  de  plus  pour  l'excitation  la  plus  faible  Fauteur 
admet  pour  K  la  valeur  1. 

Nous  ne  donnons  pas  de  lableaux  pour  la  sensation  de  pression, 
c'est  toujours  la  même  chose.  C'est  un  des  cas  rares  en  psychologie 
où  on  trouve  dans  les  tables  les  valeurs  des  sensations  exprimées 
en  chillres.  Donnons  encore  un  tableau  relatif  aux  valeurs  de  t  lors- 
qu'on suppose  (jue  la  relation  est  s  =  KeK 


SENSATIONS     DE     PRESSION 


Co 

51 

1 
51 

51 

51 

51 

110 

210 

510 

50 

100 

1 

en 

110 

210   510 

1 

1 

1015 

2010 

510 

1010 

2010 

500 

1000 

fil. 

78 

119 

238 

445 

840 

292 

585 

1263 

231 

460 

£ 

0,65 

0.58 

0,64 

0.70 

0,71 

0,75 

0.83 

1,01 

0,62 

0,61 

Les  deux  premiers  tableaux  montrent  que  dans  certaines  limites 
étendues  les  valeurs  de  K  restent  constantes,  donc  hi  sensation  croît 
proportionnellement  à  l'excitation.  Le  troisième  tableau  ne  présente 
pas  une  constance  de  £,  de  idus  les  valeurs  lie  t  .linèrent  beaucoup 
de  l'unité,  il  semble  donc  (jue  ce  lableau  coulrcdit  les  résultais  des 
premiers;  l'auleur  en  cherciie  la  cause,  il  remarque  que  lorsqu'on 
fait  des  expériences  par  la  mélliode  des  délerminalions  moyennes,  les 
dillerencesenlre  les  sensations  sont  considérables,  [lar  suite  les  sen- 
sations infhieiil  l'une  sur  l'antre  el  modifient  de  cette  fa'.oii  le  résultat; 
ceci  étant,  il  s'elTorcr  d'i'dimiiifr  ces  iuflucncrs,  il  l'ail  pour  cela  de 
nouveau  uiif  iiypolhèse  cpu;  lors(iu'une  sensation  iiniduitc  par  une 
excitation  c,„  vient  après  une  sensation  coriespoiidaiit  à  une  exci- 
tation eo,  cette  dernière  laisse  une  trace  dans  l'a pcrccplion  (pii  s'ajoute 
à  la  sensation  s,„  ;  cetU;  trace  peut,  d'après  lui,  s'expr  iiiier  comme 
unt!  certaine  frarlinn  de  l'excilalinn  c,,,  l'elTel  est.  donc  le  même 
(|ue  si  c'était  une  excitation  e„,  -|-  x  e„  (pii  agissait;  eellf!  hypo- 
thèse est  absolument  arbitraire,  in'-anmoins  l'auteur  s'en  sert,  il 
calcule  après  avoir  fait  d'autres  hypothèses  encore  les  valeurs  de  x, 
puis  en  faisant  les  corrections  il  calcule  de  nouvean  le>  videurs  de  eet 
trouve  ({u'elles  dill'èicnt  peu  de  liinil'',  il  arrive  donc  en  dédiniLive 
aux  deux  lois  suivantes  : 

{"  Lorsqu'on  élimine  les  effets  de  contraste  et  de  superposition  que 


764 


ANALYSES 


les  sensations  exercent  les  unes  sur  les  autres,  la  sensation  croît  pro- 
portionnellement à  l'excitation. 

2"  Si  on  n'élimine  pas  ces  effets,  la  sensation  croH  comme  la  puis- 
sanceO,Q'ô  de  l'excitation  pour  les  sensatiojis  auditives,  comme  la  puis- 
sance 0,67  pour  les  sensations  de  pression;  on  peut  donc  dans  tous  les 
cas  exprimer  la  relation  entre  une  sensation  et  l'excitation  par  la  for- 
mule :  s  =■  Kc'-. 

.\ous  sommes  loin  d'avoir  t'-puisé  les  points  traités  pa.i"  Tauffur,  ce 
serait  vraiment  troi>  long,  nous  avons  surtout  porté  notre  alleulion 
sur  les  méthodes  générales  employées,  sur  le  but  poursuivi  et  sur  les 
résultats  généraux.  Nous  avons  toujours  distingué  quelle  ('-tait  la  part 
([(Uinée  à  riiypotiièse,  c'est  ce  que  l'auteur  ne  t'ait  que  très  peu; 
pourtant  c'esl  un  des  points  les  plus  importants.  On  a  vu  combien  il 
lallail  l'aire  d'iiypothèses  pour  arrivei- à  une  relation  entre  l'excita- 
tion et  la  sensation;  nous  croyons  qu'il- y  a  peu  de  probabilité  pour 
(pie  ces  liypollièses  soient  exactes;  les  processus  de  la  sensation  sont 
Ircq)  compli(iués  pour  qu'on  puisse  les  traiter  comme  des  grandeurs 
physiques,  il  y  a  tan!  diiitluences  qui  exercent  des  actions  de  toutes 
sortes  qu'on  peut  être  sûr  ipu'  jamais  on  n'a  de  sensation  pure  et 
unique.  En  somme  on  peut  dire  que  l'auteur  ii  bien  recherché  com- 
ment se  com]»ortait  une  certaine  fonction  de  l'excitation  lorsqu'on 
l'ail  ditîérenles  liypolhèses  matli<''mali([ues  sur  les  ]>ropriétés  de  cette 
l'iuiclidn,  il  a  étudié'  si  cnlains  coellicienis  (pii  i-nlrcul  dans  ccih- 
fuiirlidii  restent  constants  nu  non,  ceci  a  exigé  plusieuis  années  de 
travail  continu  et  assidu,  mais  ce  (pie  l'auteur  n'a  jias  l'iiit  et  ce 
ipi'il  n'a  pas  pu  l'aire,  c'est  de  monli'rr  que  celle  l'onction  de  l'exci- 
tation correspond  à  la  sensation,  il  n'a  l'ail  qu'une  hypothèse. 

niicllf  est  donc  rimiKirlaiice  du  travail  tic  MitUcI  ?  .]..■  crois  (jue  le 
point  le  plus  important  et  qui  a  le  plus  de  valeur  est  ipi'il  a  montré  qu'il 
était  i>lus  (|ue  probable  que  la  formule  de  Fechner  n'est  pas  exacte, 
(pion  ne  peut  pas  admettre  ((Ue  la  sensation  croît  comme  le  loga- 
rithme de  l'excitation,  et  C(î  sont  surtout  les  exiM^rieuces  faites  juir 
la  iiK'lliode  des  di'lcriniualioiis  moyennes  (pii  y  ont  C(Ui(luit,  après 
certain('S  hyf»ollit'ses  évidcninieiil.  Quant  à  la  relation  s  =  K/-'  pro- 
]H)S('e  par  l'auteur,  elle  suppose  l'admission  de  tant  d'hypothèses  (pion 

a  jieine  a  les  admettre  toutes. 

Victor  Henri. 


E.-W.  SCHIPTIUE.  —  Practical  Computation  of  the  Médian  (Calcul 
pratique  de  la  «  mèdiioïc»).  Tsycli.  Hev.,  Il,  î, .juillet  i89o,i).  37G-J79. 

La  moyenne  arithmétique  d'une  série  de  chilfres  s'obtient  par  une 
addition  et  une  division.  Soit  les  chitlres  suivants,  exprimant  les 
temps  d'une  série  de  réactb.ns  ;  213,  215,  214.  210,  212,  214,  215, 
210,  212.  On  additionne  ces  chilTres,  et  on  trouve  1915;  ou  divise  ce 
tolal  [lar  le  nombre  de  réactions,  (pii  est  de  9,  et  on  a  au  tpiolient  212,7. 


i 


M 


PSYCHO-PUYSIQUE  76o 

C'est  la  moyenne  arithmétique;  c'est  elle  dont  on  se  sert  habituelle- 
ment en  psycholoiiie  ;  dans  les  tables  des  temps  de  réaction,  elle 
sert  à  représenter  le  temps  moyen.  Scrii)ture  pense  qu'on  doit  la 
rejeter  pour  les  deux  raisons  suivantes  :  1"  elle  est  longue  à  cal- 
culer ;  2"  les  mesures  de  psychologie  et  de  statistique  suivent  presque 
toujours  une  loi  asymétrique  de  probabilité.  Il  propose  de  substi- 
tuer à  la  moyennr  arithmélique  la  v.ileur  médiane,  discutée  par 
Laplace  et  Fechner;  c'est  la  valeur  qui  occupe  le  milieu  de  la  série, 
quand  on  a  rangé  les  différents  résultats  par  ordre  croissant.  Ainsi, 
dans  la  série  de  chillres  indiipiés  plus  haut,  213  est  la  moyenne 
médiane.  On  la  trouve  en  employant  la  formule  — - —  ,  dans  laquelle 
n  indique  le  nombre  des  résultats;  ainsi,  dans  l'exemple  cité,  le 
nombre  des  résultats  était  de  9,  ]iar  conséijuent  la  place  de  la  valeur 

9    -H    1 

médiane  était  indiquée  par  la  formule  ■■"  „  =  5,  c'était  la  cin- 
quième. 

L'auteur  prévoit  deux  petites  complications  qui  peuvent  se  pré- 
senter dans  ces  calculs  très  simples.  Si  le  nombre  des  résultats  est 
pair,  la  moyenne  médiane  sera  la  moyenne  arithmélique  des  deux 
chiffres  les  plus  près  du  milieu;  si  ces  deux  chiflres  sont  212  et  213, 
la  moyenne  médiane  sera  212,5.  —  Autre  cas,  un  peu  plus  complexe. 
Beaucoup  de  chiflres  d'une  série  sont  égaux  à  celui  de  la  valeur 
nii'diane.  Ou  a  par  exemple  la  série  9,  10,  11,  12,  13,  13,  13,  13,  14. 
La  valeur  médiane  est  13,  seulement  il  y  a  quatre  13.  La  formule  à 
employer  dans  ce  cas  est  la  suivante  : 

M  =  /•  +  -f- 

■2m 

M  est  la  valeur  médiane  cherchée,  /•  est  le  nombre  (jui  occupe  le 
milieu  de  la  série,  m  est  le  nombre  de  fois  que  r  est  répété,  a  est  le 
nombre  de  termes  au-dessus  de  r,  b  est  le  Jiombrc  de  termes  au- 
dessous,  et  c  est  égal  à  a  —  b.  Pour  faire  l'application  à  notre  exemple, 
r=  13,  ffl  =  l,  6=  4,  m  =  4,  c=— 3;  on  a  M  =  13  —  3  8  =  12 -f  58. 

A.    Bl.NKT. 

A.-D.  \VALLEU.  —  Points  relating  to  the  "Weber-Fechner  Law. 
Retina  ;  Muscle  ;  Nerve  Points  relatifs  à  la  loi  de  Webcr-l-'cchner. 
Ht'-tinc,  muscle,  nerf).  Brain,  juillet  1895,  p.  200-216. 

La  loi  de  Weber-Fechner  est  relative  à  la  relation  de  l'excilatiuii 
<'t  de  la  sensation  (jui  en  résulte  ;  d'après  celle  loi,  la  sensation 
serait  une  fonction  logarilliiniipic  de  rexcitatimi  ;  en  d'autres  termes, 
il  y  a  une  disproportion  telle  entre  la  cause  et  l'elfet  que  pour  avoir 
des  augmentations  égales  de  la  sensation,  il  faut  avoir  des  augmen- 
tations croissantes  de  l'excitation,  ou  encore,  en  d'autres  leiines, 
chaque  augmentation  égale  de  l'excitation  produit  une  augmentation 
décroissante  de  la  sensation. 


766 


ANALYSES 


l.";aileur  s't-sl  proposé  dr  olicirla-r  à  iiilcipiétcr  cède  lelation. 
l>f  slimulus  exiérieur,  son,  lumière,  ne  pidduit  pas  seulement  une 
sensation,  mais  encore  une  modilicalion  iiitt'iiie  dans  les  nerfs  sen- 
silifs.  Quelle  est  la  grandeur  de  celle  niodilicalion  inlcrne  ?  La 
relalion  élablie  par  la  loi  de  AVeber-Fecliner  a-t-elle  lieu  entre  le 
stimulus  et  la  modification  inlei'ne  des  nerfs,  ou  enire  celte  modifi- 
cation inteine  et  la  sensalion  '?  Des  expériences  directes  ont  été 
faites  pour  mesurer  cette  modification  interne. 

Pour  la  rétine,  les  travaux  de  Holmgren,  Dewar,  Mac-Kendreck, 
Kiiime  et  SIeiner  ont  montré  qu'une  excilalion  lumineuse  jiroduit 
un  changement  électrique,  qui  est  le  signe  objectif  dt,"  la  modification 
physico-chimique  produite  par  la  lumière,  et  peut  servir  à  mesurer, 
par  conséquent,  la  modilicalion  physiologiqvu^  dont  il  a  été  ques- 
tion. Un  œil  de  grenouille  est  placé  dans  une  boîte  obscure,  et  relié 
l)ar  deux  électrodes  à  un  galvanomètre  ;  la  lumière  d'une  bougie 
arrive  à  cel  œil  par  un  tube  noirci,  et  on  fait  varier  la  distance  de 
celle  excilalion  à  l'ieil,  à  intervalles  réguliers.  On  s'est  arrangé  pour 
que  les  excitations  croissent  en  série  arithméli([ue,  et  soient  égales 
successivement  à  d,  2,  3,  4,  5...  10  unité's  ;  les  effets  physiologiques 
mesurés  parle  galvanomètre  onl  augmcnlé'  plus  lenlemeni,  et  forment 
par  leur  enseml)lf!  une  courbe  (pii  nu>nlrerail,  d'après  l'auleur,  que 
l'augmentation  des  effels  a  l'-lé'  décroissanif,  landis  (|uc  raiignieiila- 
tion  du  stimulus  était  égale. 

Des  expériences  analogues  sonlTaites  sur  !••  muscle  m  comparant 
la  grandeui- du  sliMiiiliis  à  la  grandeur  de  la  conliaclion.  L'auleur. 
se  rencontrant  ici  avec  Preyer  (Das  mi/ophi/sisches  Geset: ,  li'iia, 
1894),  con>tale  (|ue  le  laccoui  cissemenl  du  muscle  varie  eonime  le 
logarithme  de  l'excilalion  ;  il  a  vu  en  oiilre  (|ue  pom-  les  petitesexci- 
tations,  il  y  a  projiorlion  entre  les  accroissenienls  de  l'excitant  et 
ceux  de  la  contraclion.  Les  expériences  les  i>lus  curieuses  ont  élé 
faites  sur  le  nerf,  dont  oji  a  mesuié  la  modification  physiologique  par 
le  courant  électri(jue  produit,  et  aussi  par  la  coiilraclion  du  muscle 
reli»'  à  ce  nerf.  Pour  le  nerf,  l'effet  est  [)rct|iortionnel  à  la  cause,  au 
moins  pour  des  excitations  de  grandeur  modéi'ée.  11  faut  ajouter  que 
le  nerf  est  piatiquenieut  inéj»uisable. 

A.    IJl.NKT. 


II. 


PSYCHOMÉTRIE 


RECHERCHES  RÉCENTES 


l.J.  M.\HK  J{.VLI)\VL\.  (avec   la  collaboiation  de   W.-J.    Shaw).   — 
Types  of  Reaction  {Ti/pes  de  réaction).  Psych.  Rev. ,  II,  3,  mai 

1895,  p.  259-273. 

2.  W.  ME.VD  BACHE.  —  Reaction-Time  with  Référence  to  Race  {La 


PSYCnO-PDYSIOUE  7(37 

psijchomélrie  dans  ses  rapports  avec  la  race),  l'sych.  Rev.,  sept. 
1805,  p.  475-483. 

Les  recherches  de  }isyclionit''lrie  tendent  à  se  l'aire  ])lus  rares,  et 
nous  sommes  persuadés  qu'on  ne  tardera  pas  à  s'apercevoir  (jue 
liulérèt  prêté  à  ces  méthodes  a  été  exagéré,  et  qu'on  a  fait  dans 
.(•  domaine  beaucoup  trop  de  psychologie  d'automate. 

1.  t)ii  se  raitpelle  (jne  Lang  et  Wundt  ont  élahli  une  distinction 
parmi  les  réactions  simples  ;  les  unes  seraient  sensorielles,  les 
autres  motrices;  dans  les  premières,  l'attention  est  fixée  sur  la 
sensation  qui  sert  de  signal;  dans  les  secondes,  l'allention  est  iixée 
sur  le  mouvement  à  produire,  et  on  maintient  la  main  dans  un  état 
de  tension.  Rappelons  encore  que  les  réactions  sensorielles  seraient 
en  général  plus  courtes  que  les  motrices.  La  jilupart  des  i)sycho- 
logues  ont  accepté  au  premier  moment  cette  distinction,  qui  se 
présentait  avec  la  garantie  de  Wundt;  mais,  depuis  quelques  années, 
des  dissidences  se  sont  produites.  Flournoy,  étudiant  un  sujet  qui 
l»ossède  un  type  visuel  d'imagination,  et  qui  se  représente  le  mou- 
vement sous  une  forme  visuelle,  constate  que  chez  ce  sujet  la  réac- 
tion sensorielle  est  phis  courte  que  la  motrice  '.  lîaldwin,  dès  1893, 
l'mel  l'idée  que  le  type  sensoriel  ou  moteur  du  sujet  doit  avoir 
quchiue  influence  sur  la  nature  de  ses  réactions  ^  Gattell  fait  sur 
hii-mème  et  sur  (juelques  autres  personnes  d'innombrables  expé- 
riences pour  démontrer  que  la  distinction  des  réactions  en  senso- 
riclh-s  et  motrices  est  démentie  par  les  faits. 

Haldwin  revient  de  nouveau  maintenant  sur  celte  (juestion  et 
donne  des  résultats  d'expérience.  Il  semble  que  pour  bien  juger  la 
(piolion,  qui  est  sans  doute  fort  curieuse,  et  que  nous  avons  nous- 
mème  soumise  au  contrôle  expérimental  il  y  a  i)rès  de  cimi  ans,  on 
devrait  bien  distinguer  deux  points,  et  les  traiter  tour  à  tour  :  1» 
"xisle-t-il  des  personnes  qui  jirésentent  constamment  des  réactions 
dites  sensorielles  plus  courtes  (|U(,'  des  réactions  i\\\v>  motrices?  Il 
est  bien  entemlu  «pie  les  temps  de  réaction  de  ces  sujets,  pour 
piouver  quoi  qu(;  ce  soit,  doivent  être  réguliers,  avec  une  variation 
moyenne  très  faible;  2»  à  ([Uidles  causes  attribuer  la  plus  grande 
rapidité  des  réactions  sensorielles?  Il  faut  iei  taiic  nu  examen 
psycliologique  des  sujets,  étudier  leur  type  d'imagination  pai- des 
éqireuves  variées  —  œuvre  fort  délicate  —  et  essayer  de  leur  faire 
rendre  compte  de  la  manière  dont  ils  compiennent  la  réaction  sen- 
soiielle  par  rapport  à  la  réaction  motrice'. 

L'article  de  Baldwin  jie  tiaite  [las  toutes  ces  questions.  L'auteur 
a  surtout  expliqué  comment  la  notion  de  types  de  mémoire,  (juc 
les  études  sur  les  maladies  du  langage  ont  introduite  en  ]>sychologie, 

(1)  Arch.  des  se.  plujs.  el  nul.,  XXVil,  p.  575,  et  XXVIll,  p.  319. 

(2)  Médical  Record,  15  avril  1893  (N.-Y.) 


7G8 


ANALYSES 


pciil  trouver  son  application  dans  les  temps  de  réaction.  Il  est  bien 
établi,  rappelle-L-il,  (jue  toutes  les  personnes  ne  se  représentent  pas 
les  mots  de  la  même  façon  avant  de  les  prononcer  ;  les  uns  se  les 
représentent  sous  la  forme  d'un  mouvement  d'jirlirulalioji,  c'est-à- 
•dire  avec  un  lapiiel  de  sensations  musculaires,  ce  sont  les  moteurs  : 
les  autres  se  les  [iréscntent  conimt-  des  sons  (jui  résonnent  dans 
leur  oreille  intérieure,  ce  sont  les  auditifs;  d'autres  se  représentent 
le  mot  éciit  et  en  IVuil  une  lecture  mentale,  ce  sont  les  visuels,  Bal- 
dwiu  suppose  ([ue  ce  (|ui  esl  vrai  des  niuuvements  de  la  [larule  doit 
être  également  vrai  punr  les  mouvements  de  la  main,  et  i]iie  jtai- 
consé(juent  lors([iie  nous  faisons  des  mouvements  de  la  main,  noii> 
nous  servons,  les  uns  d'imai;es  visuelles,  les  autres  d'images  audi- 
tives, It.'s  autii's  d'imaiies  motrices,  à  jiart  bien  entendu  les  cas  où  il 
s'agit  d'actes  liabilnels  nu  aulumatiques,  qui  ne  sont  précédés 
d'aucune  image  conscienle.  En  un  mot,  il  y  aurait  parmi  les  indivi- 
dus un  type  sensoriel  et  un  type  moteur  se  révélant  dans  les  mouve- 
ments de  la  nuiin  comme  dans  ceux  de  la  parole.  Maintenant,  il  est 
ù  siipposer  que  ces  lyjies  se  cumporlerout  ditîéremment  dans  les 
expériences  sur  les  lem[is  de  réaction  :  que  les  personnes  du  type 
sensoriel  exéculer(Uit  mieux,  plus  vite,  les  réactions  sensorielles  el 
les  types  moteurs  feront  de  même  jiour  les  réactions  motrices.  Sans 
crilifiuer  à  fond  celle  bypotlièse,  ([ui  renferme  peut-être  une  pari 
de  vérité,  nous  cioy(iii>  devdir  faire  remaïquer  ([u'elle  passe  trop 
rapidement  d'une  situai  ion  à  une  autre  situation  bien  dilîérente  ; 
les  ternies  sensoriels  et  moteurs  ne  se  corresponch'ut  pas  exactemeni 
dans  la  description  des  lypes  d'imagination,  et  dans  la  descri2)tiou 
des  expériences  de  [isycliométiie. 

]']ii  |isyiliométrie ,  rt'aclioii  sensorielle  signifie  réaclion  dan> 
l'opieile  on  ne  se  préoccupe  [tas  du  tout  du  mouvement  et  on  lixe  son 
attention  sur  le  signal  ;  or,  rien  n'emi)Ôclie  ù  la  rigueur  (ju'on  se 
représente  le  signal  sous  une  fornui  motrice  d'imagination  et  (ju'on  se 
comporte  en  type  nmleur;  de  laèine,  r(''artiou  motrice  signilie  réac- 
tion dans  la(|uelle  on  concentre  sou  allention  sur  le  mouvement  de 
réponse;  or,  on  ])eul  se  repri''seuler  ce  mouvement  sous  la  forme 
visuelle  de  sa  main  en  mouvement,  et  se  conqiorler  dans  ce  cas  en 
type  sensoriel.  La  vérilt''  est  qu'il  faut  dans  cliaciue  cas  particulier  se 
préoccuper  de  la  psychologie  individuelle  des  sujets,  et  les  interroger 
longuement  et  minutieusement. 

iJaldwin  s'est  borné  à  [irendrt;  les  lem[)S  de  léaction  de  quatic 
sujets,  dont  lui-même,  dans  des  condilions  diverses.  Les  temps  ont 
élé'  pris  soit  avec  1»;  cluonoscope  de  llijqi,  soit  avec  celui  de  d'Arson- 
val  ;  l'auteur  ne  donne  pas  la  variation  moyenne  des  réactions,  ce 
(jui  enqîèclie  d'apprécier  exactemeni  la  valeur  des  résultats. 

Sur  les  quatre  sujets,  deux  ont  des  léactions  sensorielles  plus 
courtes;  en  eH'et,  l'un  a  :  réaclion  sensorielle,  132  (millièmes  de 
seconde);  réaction  motrice,  iii";  un  autre  a  :  réaction  sensoiielle, 


f 


n 


PSYCnO-PHYSIQUE  769 

164;  réacUoii  motrice,  202,3.  Il  fût  été  ciirimix  de  savoir  comment 
ces  sujets  eutemlaient  et  m'-alisaient  la  dislinclion  des  deux  espèces 
de  réaction.  Baldwiu  a  eu  Tingénieuse  idée  de  convier  ses  sujets  à 
faire  des  réactions  motrices  en  se  représenlant  visuellement  leur 
main.  Ce  mode  de  réaction  a  allongé  la  durée  pour  tous  les  sujets, 
surtout  pour  celui  qui  a  des  réactions  motrices  plus  courtes  que  les 
sensorielles. 

Voici  les  temps  de  ce  suji-l  B  :  réaction  sensorielle,  178;  réaction 
motrice,  149.  réaction  motrice  (en  se  l'ei^résentant  sa  main),  171.  Sur 
deux  sujets,  on  a  comparé  les  temps  de  réaction  sensorielle  et 
motrice  pris  dans  la  lumière  et  dans  l'obscurité  ;  les  résultats  ont  été 
diflereuts. 

Ce  petit  travail  a  donn('  liru  à  une  discussion  inlerminablc  cnlre 
Baldwiu  et  ïitcheuer;  nous  croyons  et  nous  répélons  encore  qu'on 
ne  pourra  pas  avancer  dans  celte  question  sans  prendre  l'observation 
interne  des  sujets. 

2.  L'article  de  Mead  Bâche  conlient  deux  parties  distinctes  :  une 
vue  à  priori  et  des  expériences  destinées  à  contrôler  la  vue  de 
l'esprit.  Commençons  par  les  expériences  ;  elles  ont  été  conduites 
par  Lightncr  ^^iLmer  sur  une  trentaine  de  sujels,  dont  douze  appar- 
tiennent à  la  race  caucasique,  onze  à  la  race  indienne  et  onze  à  la 
race  africaine;  on  s'est  proposé  de  chercher  si  la  rapidilé  avec 
laquelle  un  individu  réagit,  c'est-à-dire  fait  ;m  mouvement  après 
avoir  perçu  un  signal  convenu  d'avance,  varie  avec  les  races. 

La  race  caucasique  a  donné  les  temps  moyens  de  réaction  : 
réactions  auditives,  146,92;  réactions  visuelles,  164,75;  réactions 
tactiles,  136,33.  Les  Indiens  ont  été  plus  i^rompts:  réactions  audi- 
tives, 116,27;  réactions  visuelles,  133,73;  l'éactions  tactiles,  114, oo. 
Les  Afiùcains  ont  été  moins  prompts  que  les  Indiens,  mais  plus 
prompts  que  les  Blancs  ;  réactions  auditives,  130  ;  réactions  visuelles, 
132,91  ;  réactions  tactiles,  122,91  (tous  ces  chiffres  expriment  des 
milli'èmes  de  seconde).  Ces  n'suUats  sont  intéressants.  Nous  remar- 
quons seulement  que  les  différences  observées  s'atténuent  un  peu 
si,  au  lieu  de  se  contenter  des  moyennes  brutes,  on  étudie  à  paît 
chaque  sujet  ;  iiarnii  les  Blancs,  on  relève  un  individu  doiil  les 
temps  de  réaction  extrêmement  lents,  sont  tout  à  fait  exceptionnels; 
il  réagissait  en  plus  de  20  centièmes  de  seconde.  Si  on  l'exclut,  la 
moyenne  de  146,  92  devient  une  moyenne  de  139,  peu  différente  de 
la  moyenne  correspondante  des  Africains.  Parmi  les  Indiens,  se 
trouve  au  contraire  un  sujet  d'une  promptitude  exceptionnelle,  qui 
a  donné  pour  les  excitations  visuelles  des  réactions  de  7  centièmes 
de  seconde;  si  on  l'élimine,  la  moyenne  des  autres  se  relève,  et 
passe  de  116  à  121.  Du  reste,  même  sans  ces  corrections,  les  résultats 
nous  paraissent  bien  peu  siLMiilicalifs.  il  ne  -iiriil  jms  d'éludier  la 
psychomélrie  de  douze  indiviilus  pour  dislinguer  en  eux  ce  qui 
appartient  à  la  race  et  ce  qui  ;ii>partient  aux  variations  individuelles. 

ANNÉE    PSYCIIOLOGIQCE.    II.  49 


770 


ANALYSES 


T, 'élude  de  ce  cas  particulier  moulre  la  nécessité  de  formuler  des 
règles  touchant  le  nombre  d'exi^ériences  (lu'il  f.iul  faire  pour  rendre 
une   conclusion  certaine. 

Les  idées  préconçues  qui  ont  amené  l'auleur  à  ces  reclierciies 
sont  instructives  à  signaler;  on  peut  les  résumer  de  la  manière  sui- 
vante :  1°  ce  qui  chez  l'homme  aciuel  est  mouvement  volonlaire  et 
conscient  a  d'abord  été  mouvement  rétlexe,  puis  mouvement  auto- 
malique;  2"  le  mouvement  d'origine  réflexe  ou  aulomatique  est 
plus  rapide  qu'uu  mouvement  volontaire  qui  lui  est  comparable  ; 
3"  les  races  inférieures,  étant  plus  près  de  leur  origine,  doivent  avoir 
un  plus  grand  développement  du  pouvoir  réflexe,  et  p;ir  conséquent 
une  plus  grande  rapidité  de  réaction.  Il  nous  semble  que  toutes  ces 
proposKions  sont  contestables,  et  qu'en  tout  cas  aucune  n'est 
démontrée. 

A.  Rl.NET. 


II.  —  LA  TECHNIQUE  DE  LA  PS  Y  CHOME  TRIE 
d'après  des  RECHERCHES  RÉCENTES 


P.-C.  COLLS.  —  On  a  Modification  of  W.  G.  Smith's  Reaction-Time 
Apparatus.  [Sur  une  modification  de  l'appareil  psychomélriquc  de 
Smith.)  l^hys.  Society,  déc.  189o. 

SCRIPTl'llE.  —  Thinking.  Feeling,  Doing. 

PATllIZl.  —  Le  graphique  psychométrique  de  l'attention.  Aich. 
ital.  de  biologie,  XXII,  fasc.  II,  p.  189-196. 

On  peut  mesurer  la  durée  des  actes  psychologiques  au  moyen  de 
trois  méthodes  diflerentcs  :  la  chronométrie,  la  photographie  et  la 
méthode  graphique  : 

1°  La  chronoméirie  consiste  dans  l'emploi  d'un  appareil  à  poids 
ou  à  ressort  qxii  fait  mouvoir  une  aiguille  sur  le  cadran,  et  on 
emploie  dillérents  mécanismes;  en  général,  c'est  un  éleclro-aimant, 
pour  faire  partir  l'aiguille  au  moment  où  commence  le  phénomène 
à  mesuier,  et  pour  faire  arrèler  l'aiguille  au  moment  où  \v  pli('no- 
mène  se  termine;  connaissant  la  vitesse  de  raiguille,  qui  est  déter- 
minée une  fois  pour  toutes,  il  suffit  de  lire  sur  le  cadrau  le  nombre 
d<!  divisions  (qu'elle  a  parcourues  pour  connaître  la  durée  du  phé- 
nomène qu'on  enregistre  ; 

2°  Une  seconde  ni('lliode,  dont  nous  ne  faisons  que  signaler  la 
possibilité  d'appliciition  à  la  [isyrhoméliie,  consiste  dans  l'emiiloi 
de  la  chronophotographie,  telle  (ju'elle  a  été  réalisée  par  }A"S\.  Marey 
et  Demeny  ;  elle  consiste  dans  une  série  d'épreuves  qu'on  prend 
i\'\u\  iilK'iKiniène,  avec  des  intervalles  de  temps  réguliers  entre 
chaque  épreuve,  [lai'  exenq)le  avec  un  intervalle  d'un  di/ième  de 
seconde,  ou  un  trentième  de  seconde  ;  cette  nn-lhode  a  l'avantage 
de  donner  non  seulement  le  temps  d'un  phénomène,  mais  la  forme, 


I 


TECHNIQUE   DE   LA.   PSYCIIOMÉTRIE  771 

])uisqvi'elle  reproduit  le  phénomène  dans  ses  détails  ;  mais  c'est  une 
méthode  coûteuse  et  d'un  maniement  délicat.  Nous  pensons  qu'il 
peut  être  intéressant  de  donner  ici,  d'après  une  note  inédite  de 
M.  Demeny,  accompagnée  d'une  figure  schématique,  le  principe  du 
clu'onophotographe. 

«  La  méthode  ciironophotographique  olTre  un  grand  intérêt  au 
point  de  vue  des  études  de  physiologie  psychologique,  on  en  a  vu 
précédemment  des  exemples,  mais  les  services  qu'elle  est  appelée  à 
rendre  dans  cette  hranche  sont  subordonnés  aux  perfectionnements 
pratiques  qui  en  facilitent  l'usage  et  la  mettent  entre  les  mains  d'un 
plus  grand  nombre  d'expérimentateurs. 

«  On  connaît  les  vues  d'ensemble  sur  cette  méthode  qui  ont  été 
développées  par  M.  le  professeur  Marey  dans  son  livre  Le  Motive- 
ment.  M.  G.  Demeny,  qui  a  pendant  quatorze  années  collaboré  à 
la  fondation  et  aux  travaux  de  la  Slalion  physiologique,  vient  de 
reprendre  cette  question  de  la  photographie  en  séries  et  de  la 
traiter  au  point  de  vue  de  la  popularisation. 

«  En  principe  les  appareils  à  pellicule  mobile  sont  basés  sur  l'en- 
Iraînement  de  la  bande  sensible  avec  arrêts  coïncidant  avec  l'im- 
pression lumineuse.  C'est  dans  la  réalisation  de  ce  mouvement 
intermittent  qu'est  toute  la  difficulté  et  toute  la  qualité  de  cons- 
truction des  appareils.  M.  Demeny  au  lieu  de  chercher  à  arrêter  la 
pellicule  par  une  compression  a  cherché  une  solution  cinématique 
du  problème  et  l'a  résolu  d'une  façon  précise,  extrêmement 
simple  (ilg.  132).  La  bande  pelliculaire  venant  d'un  l'ouleau  magasin  M 
passe  sur  des  rouleaux  où  elle  se  tend  devant  l'objectif  et  va  s'en- 
rouler sur  une  bobine  B  qui  commande  le  mouvement.  Le  mouve- 
ment d'enroulement  ser;iit  dune  uniforme  sans  un  organe  spécial 
placé  dans  le  trajet  de  la  jiiiiide.  Cet  organe  est  une  tige  d'acier 
poli  A  sur  laquelle  se  rélh'chil  la  pellicule  l'I  (jui  tourne  autour  d'un 
axe  relié  à  la  bobine  réceptrice  et  à  l'obturateur  lui-mênn'  par  des 
engrenages.  La  rotation  de  cette  tige  excentrique  fait  varier  à  cliaque 
instant  la  grandeur  du  circuit  de  pellicule  entre  le  rouleau  II  et  la 
bobine  B.  Par  construction  la  loi  de  variation  de  longueur  de  ce  cir- 
cuit est  telle  que,  lorsque  la  lig»'  tourne  dans  le  sens  de  la  llèche, 
et  dans  le  voisinage  de  l'angle  droit  HA  B,  la  quantité  de  ]icllicule 
lâcJiée  par  l'excentrique  est  exactement  égale  à  la  quantité  enroulée 
|)ar  la  bubimî  15  piMidanl  h-  temps  de  pose  réglé  par  l'obluralcur.  Ce 
qu'enroule  la  Imliiin'  c-l  dune,  ;'i  ce  moment,  pris  sur  la  (liiiiiiiulioii 
du  cii'cuit  BAR  par  suite  de  la  rotation  de  la  tige  A  et  la  pellicule 
s'arrête  donc  dans  la  partie  ItR'  où  se  peint  l'imagi». 

«  Par  cette  disposition,  aucun  organe  de  la  maciiiiic  n'a  ni  iimu- 
vemcnt  saccadé,  ni  choc,  tout  tourne  sans  bruit  d'une  fai'on  con- 
tinue, mais  la  commande  étant  forcée  et  la  loi  di'  dérouleniciil  tou- 
jours la  même,  l'arrêt  se  produit  à  toute  vitesse. 

«  Une  disposition  parliculièrfï  permet  sans   ouvrir  l'appareil   de 


772 


ANALYSES 


mettre  au  point,  de  commencer  et  d'interrompre  instantanément  la 
prise  des  images,  quelle  que  soit  la  longueur  des  séries,  de  régler  la 
durée  de  l'obturation  de  un  dixième  à  un  millième  de  seconde  ainsi 
que  la  fréquence  des  images,  de  viser  et  d'orienter  l'appareil  dans 
toutes  les  directions,  entîn  d'opérer  avec  une  bonne  lumière  diffuse 
sans  avoir  nécessairement  besoin  de  la  lumière  solaire. 

«  Celte  dernière  condition  est  nécessaire  pour  étudier  les  expres- 
sions de  la  physionomie  sans  les  altérer  par  l'éblouissement.  L'appa- 
reil peut  être  réduit  sous  le  rapport  du  poids  et  du  volume  de  façon  à 
être  transporté  et  à  fonctionner  partout  avec  la  plus  grande  facilité.  » 


FiL^  132. 


Schéma  de  l'appareil  clirouopliotoyraphique  de  G.  Demeuy. 


3°  La  troisième  méthode  est  la  méthode  graphique,  dont  l'usage, 
sous  diverses  formes,  paraît  se  généralisfr  en  psychologie.  Depuis 
longtemps,  à  notre  laboratoire  de  la  Sorbonne,  nous  avons  aban- 
donné le  chronomètre  de  Hipp  et  de  d'Arsonval,  et  employé  régu- 
lièrement ])0ur  la  psychométrie  la  niiHliode  graphique  ;  dans  im 
album  envoyé  à  l'exposition  de  Chicago  nous  avons  fait  placer  un 
certain  nombre  de  nos  feuilles  d'expériences.  Nous  constatons 
d'autre  part  que  Patiizi  en  Italie,  Max  Dessoir  à  Berlin,  Scripture  à 
Yale,  Colis  à  Londres  ont  employé  cette  même  méthode  giaphique 
puni-  la  mesure  du  temps  de  réaction,  en  lui  faisant  subir  quel- 
(jucs  modificalions  heureuses.  Nous  allons  indiquer  quelques-unes 
de  ces  modiUcations,  en  rappelant  d'abord  ce  qu'il  est  essentiel  de 
savoir  pour  les  comprendre. 


I 


TECHNIQUE   DE   LA    PSYCQOMÉTRIE 


773 


Le  cylindre  enduit  de  noir  de  fumée  tourne  devant  une  plume 
immobile,  et  il  faut  que  le  signal  de  la  réaction  et  que  le  mouvement 
de  réponse  du  sujet  agissent  sur  cette  plume  et  lui  fassent  faire  une 
marque  reconnaissable  sur  le  cylindre.  En  général,  on  emploie  une 
plume  qui,  comme  dans  le  signal  Deprez,  est  mobile  sous  Tiniluence 
d"un  électro-aimant  ;  et  il  est  facile  de  s'arranger  pour  que  le  signal 
et  pour  que  la  réaction  du  sujet  modifient  un  courant  qui,  agissant 
sur  l'électro-aimant  de  Deprez,  déplace  la  plume  chaque  fois.  Paral- 
lèlement à  la  ligne  tracée  par  la  plume  on  en  fait  couiir  une  autre 
qui  trace  les  vibrations  d'un  diapason  électrique  ;  ce  diapason  est 
destiné  à  contrôler  la  marché  du  cylindre. 

Colis  et  Scripture  ont  eu  l'idée  d'une  modification  qui  supprime 
la  dualité  des  plumes  et  fail    faire  par  une   seule  la  besogne  qu'on 


Fig.  133.  —Principe  de  la  disposition  adoptée  par  P.-C.  Colis. 

partageait  entre  les  deux.  Scripture  conserve  la  plume  qui  trace 
les  vibrations  du  diapason  ;  cette  plume  est  en  outre  armée  d'une 
pointe  métallique  mise  en  rapport  avec  un  circuit  électrique  qui 
comprend  le  cylindre  de  métal;  c'est  sur  ce  circuit  qu'on  agit  soit 
pour  donner  le  signal,  soit  pour  faire  la  réaction  ;  il  eu  résulte  (ju'au 
moment  où  le  circuit  est  fermé,  il  se  produit  enire  la  puiiilo  de  la 
plume  et  le  cylindre  en  niouvi'nn'nt  une  étincelle  qui  l'ail  nnuiclie 
sur  le  papier  :  on  voit  un  point  blanc  sur  le  tracé  des  vibialions  ; 
le  nombre  de  vil)rations  séparant  deux  points  blancs  donne  la  mesure 
du  temi)S  écoulé  entre  le  signal  et  la  n'-aclion. 

Le  dispositif  imaginé  par  Colis  ((ig.  1.33)  est  encore  jiliis  -impie,  en 
ce  qu'il  emploie  un  seul  «ircnil,  (cliii-là  même  sur  li-qnel  se  trouve 
le  diapason  électrique.  C<-  cinnit  pari  de  la  pile  (A),  passe  par  le 
diapason  (li)  et  se  rend  dans  réleclro-aimant  du  signal  Deprez  (C) 
et  de  là  revient  à  la  pile  ;  c'est  là  la  disposition  ordinaire,  et  on  sait 
([ue  la  vibralioii  du  diapason  r^\  disposée  de  (elle  smii'  (|u"elle  inter- 
rompt et -rétablit  successivement  le  couranl,  el  que,  ces  séries  do 
modifications  agissant  sur  ]'(declro-:iiinint  el  |>ar  lui  sur  la  plume, 
celle-ci  reproduit  fidèlement  les  vii>r,ilions  d'un  diapason.  L'innova- 


774 


ANALYSES 


lion  de  Colis,  qui  n'est  qu'une  sini]iliflcatiou  d'une  disposilion  de 
Smith,  consiste  à  [daoer  sur  le  circuit  deux  clefs  D  et  E.  (Juand  la 
clef  D  est  fermée  (comme  dans  la  figure),  le  courant  électrique  passe 
par  ci'lte  clef  et  ne  va  pas  jusqu'à  l'électro-aimanl  ;  la  plume  reste 
immobile  et  trace  sur  le  cylindre  tournant  devant  elle  une  ligne 
droite.  Or.  vuici  comment  on  fail  l'expérience  :  on  ouvre  la  clef  D,  le 
son  qui  en  résulte  sert  de  signal  ;  à  ce  moment,  le  courant  ne  peut 
plus  passer  par  D,  il  passe  par  l'électro-aimant  de  la  plume,  il  la  fait 
vibrer,  et  elle  trace  sur  le  cylindre  une  ligne  sinueuse;  la  réponse  du 
sujet  se  fait  en  fermant  la  clef  E,  ce  qui  fait  passer  le  couraul  par  E  : 
il  en  résulte  que  le  courant  cesse  de  passer  dans  l'électro-aimant  C 
de  la  plume,  que  celle-ci  revient  au  repos  et  recommence  à  tracer 
une  ligne  droih'  :  la  longueur  de  la  ligne  sinui'iisc  mesure  le  temps 
où  les  dfux  clefs  ont  été  ouvertes,  el  par  conséciueuL  le  temps  de  la 
réaction. 

Palrizi  nous  donne  la  description  détaillée  d'une  installation 
imaginée  par  lui  dans  le  l;d»oraloire  de  Mosso  pour  prendre  des 
temps  de  réaction.  Celle  iusiallalinii  ressemble  beaucouji  à  celle  de 
notre  laboratoire  de  la  Sorliomii',  et  consiste  dans  l'emploi  de 
cylindre-enregistreur,  don!  la  juarclie  est  conliôlée  par  un  diapasmi 
électiique,  qui  inscrit  ses  vibrations  sur  le  cylindre  au  moyen  diiii 
signal  de  Deprez.  En  Iniirnanl,  le  cylindre  ferme  à  cliaipie  loiir  un 
circuit  éleclri(iue,  (|u"on  uIIUm'  soit  pniii'  produire  un  son,  soi! 
pour  produire  une  excitation  \isuelle  ou  tactile;  comme  rexcilaliou 
se  produit  conslammeni  au  même  moment  de  la  rotation  du 
cylimhr,  elle  [»eul  être  repn'scnlé'e  jiar  une  de  ses  génératrices;  a\i 
moyen  d'un  uianipnhdeur  le  suji'l  inscrit  sur  le  cylindre  le  inouu'u! 
de  la  perceplion.  Ce  dispositif  nous  paraît  être  bien  préféiaiile  aux 
cbronoscoiies  ilonl  on  se  sert  liabituellement  ;  ceux-ci  ont  ifabord 
l(i  tort  d'être  d'un  contrôle  difficile;  le  chronoscope  de  d'Arsonval, 
en  pratique,  s'emploie  liabituellement  sans  qu'on  cherche  à  le  con- 
trôler ;  le  chronosco|ie  de  llip|)  est  bien  contrôlé  par  un  marteau, 
mais  si  la  vérification  prouve  (|u"il  ne  maicliepas  correctement,  ou 
n'a  guère  d'autre  ressource  (|ue  de  le  renvoyer  au  mécanicien.  Au 
conlraii-e,  le  cylindre  enregistreur  peut  être  employé  même  dans 
le  cas  ou  son  mouvement  n'est  pas  régulii'i,  puisi[u'il  sullil  «le 
compter  les  vibraliims  ilu  diapas(Ui  pour  connaîlie  le  temps  exact  de 
la  rotation  du  cylindie. 

Mais  le  ])rincipal  avanlaue  de  la  méthode  graiiliiiiue  n'est  jias  là, 
il  consiste  en  ce  ([uc  celle  mé'lliode  donne  tout  lui  ensemble  de  ren- 
seignements sur  Ifs  expé-iiiMices  de  psyclionié'Irie,  tandis  que  les 
chronomètres  wr  nous  font  connaître  (qu'une  chose,  la  durée  d'une 
jéaclion.  Enumércurs  rapidement,  les  renseignements  fournis  à  la 
psychométrie  par  la  méthode  graphiciue  :  a,  le  temps  qui  s'écoule 
entre  deux  temps  de  réaction  est  indiqué  sur  le  cylindre;  6,  ce 
lfm|is  jicut  être  c(uisi(!('rableiiient  abrégé,  ce  (jui  est  nécessaire  pour 


TECHNIQUE   DE   LA   rSYCHOMÉTRIE  775 

rétiulo  de  la  fatigue,  du  rythme  ou  de  rentraînement;  c,  le  graphique 
de  l'expérience  se  dessine  tout  seul  sur  le  cylindre,  sans  qu'on  ail 
besoin  de  le  consli'uire  sur  le  papier  quadrillé  ;  d,  ([uand  on  réagit 
avec  une  pression  se  comnuinii[uant  à  un  (anibour  de  ^larey,  la 
forme  de  la  coniracliou  musculaire  est  indiquée  ;  ceci  est  important 
à  difl'érents  points  de  vue. 

l'alrizi  a  cherché  à  obtenir  par  celte  méthode  la  courbe  de  l'at- 
tenlion,  en  obligeant  la  personne  à  réagir  avec  un  inteivalle  court  et 
fixe  de  2"'  entre  deux  réactions  successives,  de  la  même  manière 
que  dans  les  recherches  avec  l'ergograplie  de  Mosso  on  contraint  la 
personne  à  faire  une  série  d'efforts  muscuhiires,  séparés  par'  des 
intervalles  de  repos  très  courts.  La  courbe  psycliométrique  de  l'at- 
tention, dit-il,  change  peu  chez  une  même  personne  d'un  jour  à 
l'autre  ;  le  lemps  va  graduellement  en  diminuant,  montrant  une 
augmentation  de  l'énergie  de  l'attention;  puis,  après  avoir  atteint 
un  optimum,  le  lemps  s'allonge,  indice  de  fatigue.  Pour  certaines 
pei^sonnes,  la  phase  de  renforcement  se  produit  très  vite,  et  la 
phase  de  relâchement  est  lente  à  se  manifester.  Chez  d'autres,  au 
contraire,  il  suffît  de  soixante  réactions  pour  que  les  deux  phases 
aient  lieu.  Chez  des  personnes  incapables  de  fixer  l'attention,  une 
enfant  de  sept  ans  et  une  jeune  femme  atteinte  d'une  affection 
nasale,  le  relâchement  survient  l)eaucoup  plus  vile. 

Nous  saisissons  cette  occasion  pour  ajouter  aux  oliservations  de 
Patrizi  quelques  observations  personnelles,  prises  avec  la  colla- 
boration de  MM.  Philippe  et  Courtier,  en  nous  servant  de  la  méthode 
graphique.  Nous  avons  étudié  l'inlhience  des  excitations  très 
rapides.  Les  excitations  dont  nous  nous  servions  étaient  des  coups 
de  timbre;  ils  se  succédaient  régulièrement,  avec  un  iiilervaHe  très 
court;  malgré  la  régularité  de  la  succession,  le  sujet  ne  devait 
réagir  qu'après  avoir  entendu,  et  il  devait  éviter  les  réactions  anti- 
cipées. Ce  dispositif  expérimental  permet  de  noter  que  ditTéreutes 
personnes  peuvent  aller  jusqu'à  des  limites  différentes  pour  les  inter- 
valles entre  deux  réactions  successives;  ainsi  la  |iluj>arl  iieuvenl 
réagir  lorsque  le  coup  de  marteau  arrive'  toutes  les  deux  secondes; 
lorsqu'il  arrive  toutes  les  secondes  il  est  déjà  très  difficile  de  réagir 
à  cliaque  coup,  on  a  une  lendant^o  très  forte  à  soulever  le  doigt 
simnltaniMncnt  avec  le  cmqi  du  mailcjiii,  c'est-à-dire  à  faire  des 
mouvements  rythmiques  correspondant  aux  coups  de  marteau,  il 
faut  exercer  un  effort  d'attention  très  considérable  pour  arriver  à 
des  réactions  aussi  rapides;  la  plupart  des  ))ersonn(\s  ('chtiucnl 
après  une  dizaine  de  réactions  faites  de  celle  sorte;  de  plus,  les 
durées  des  réacliuiis  varieut  beaucoup  el  iieiivi'iil  indiiiuer  le  degré 
(l'atleution  soutenue,  et  aussi  la  fatigue. 

Quehiues,  personnes  peuvent  fain'  d(;  bonnes  r('acli<uis,  nullement 
anticipé-es,  avec  des  intervalles  d'une  deiui-sec(Ui(le.  Xous  signalons 
en  passant  cette  méthode  expérimentale  parce  (pieilc  |m'iiI  iii<li(piei' 


776  ANALYSES 

chez  certains  sujets  une  inféiioiitL'  du  pouvoir  de  réaction  que  les 
méthodes  ordinaires  ne  permettent  pas  de  constater.  Des  expé- 
riences ont  é(é  faites  sur  (■in(i  sujets,  parmi  lesquels  il  s'en  est 
trouvé  un  qui  a  constamment  l'ail  des  réactions  anticipées  avec  des 
intervalles  d"unc  seconde  et  demie. 

Alfred  Binet. 


III.   —  APPAREILS 

NOUVELLES  APPLICATIONS  ET  MODIFICATIONS  DE   LA  MÉTHODE   GRAPHIQUE 

Il  s'est  trouvé,  par  suile  d'un  certain  nombre  de  circonstances, 
que  j'ai  donné  une  large  place,  dans  le  laluiraloire  de  psychologie 
de  Paris,  à  la  méthode  graphique.  Dans  celle  dernière  année,  j"ai 
cherché  avec  M.  Courtier  à  l'appliquer  à  reuiogisirement  du  jeu  au 
piano,  à  reniegislremcnt  de  I'im  rilure  (^Iravail  encore  iuédil)  el  j'ai  dû 
aussi  liii  faire  subir  que]([ues  iiindilicatiuns  |Miurnus  expériences  sur 
la  circulation  capillaire.  Lu  ceitaiu  nombre  dcnos  innovalionsont  été 
indiquées  d'une  manière  sufllsaule  dans  nos  articles  de  celle  Année 
sur  la  circulation  cajjillaire  el  sur  la  musique.  Je  crois  qu'il  est  bon 
d'insister  sur  les  ap|)aieiJs  nouveaux,  el  s]>écialênienl  Mir  le  régula- 
teur graphique  et  le  cumnailaleur  gia|iliii|ue.  Je  ré'jièle  (jue  j"ai  eu 
comme  collalioraleur  dans  Idul  cet  ordre  de  reciierches  M.  Couitier.  | 

Régulateur  graphique.  —  Ou  sait  que  dans  l'enregislremenl  des 
mouvemenis  rapides  par  l'intermédiaire  de  tubes  à  air  le  slylet  ins- 
cripteur  est  aninn''  de  vilualiims  dues  à  soii  ineiiie,  el  i|iieces  vi])ra- 
tions  ont  pour  elTel  de  dénaturer  les  lracés._pn  a  cherclii's  par  divers 
moyens  plus  ou  moins  conipli(|Més,  à  obvier  à  ces  inconvénienis,  en 
employant  des  slyles  liés  couiis  el  liés  h'gers  qui  ont  le  tort  de 
donner  des  Iracés  1res  réduils.  Après  avoir  mis  à  l'épreuve  ce  dernier 
moyen,  qui  ne  nous  a  ]ias  (hinin'  de  ré'suUals  salisfaisanis,  nous 
avons  eu  recours  au  procédé  suivant  ;  nous  avcuis  inlercalé'  dans  le 
tube  de  transmission  un  orifice  capillaire. 

La  figure  ci-joinle  (fig.  134),  |u-ise  dans  les  mêmes  cdiulilions  el  avec 
le  même  tambour  muni  il'iine  plinue  de  \'6  cenliinèlres,  monire  b:'S 
avantages  de  noire  disposilif.  I,a  ligne  snp'''rienre  du  Iracé'  repi(''senle 
divers  exercices  musicaux  Iraiisniis  au  lainlidiir  par  un  lul)e  libre  ; 
on  y  voit  les  oscillalions  el  projections  de  la  plnme  qui  allèrent 
complètement  la  forme  du  Iraeé*.  Au-dessous  se  Irouve  le  Iracé  des 
mômes  exercices  Iraiisniis  à  Iravers  l'iuilice  (apillaire. 

Nous  avons  été  amenés  à  conslaler  la  propri('h'  dnn  oi  iliee  capil- 
laire à  la  suile  de  beaucoup  de  làlonnemeiils  ;  nous  devons  dire  (pie 
nous  avons  Ironvé  après  coup,  dans  un  Iravail  de  M.  Marey,  des 
indicalions   relalives  à  un  pi-oeédé   analogue    an   nôIre   {Travail  du 

Laboratoire  de  M.  Maroj,  p.   tO:>,  aniu'»^  187(j).   il  dé'cril    i .nio- 

nièlre  rouqien>,ilenr  <lans   le{|uel  l;i  cohuine   est  séparée   tlu   réser- 


APPAREILS  777 

voir  à  mercui'e  par  un  (ube  capillaire  assez  fui.  «  Cette  étroitesse, 
dit  M.  Marey,  empêche  la  colonne  d'osciller  sous  rinfluence  des 
variations  cardiaques  de  la  pression  du  sang  ;  aussi  voit-on  le  mei"- 
cure  rester  sensiblement  lixe  à  un  niveau  qui  exprime  la  valeur 
moyenne  d(^  la  pression  dans  les  artères.  »  C'est  le  même  dispositif, 
en  somme,  que  nous  avons  appliqué  à  la  transmission  par  air,  avec 
cette  différence  toutefois  qu'en  graduant  l'effet  du  tube  capillaire, 
nous  ne  diminuons  pas  la  sensibilité  do  l'appareil,  mais  ([ue,  bien 
au  contraire,  nous  en  épurons  le  tracé.  Remarquons  combien  il  est 
curieux  qu'ayant  appliqué  di'jiuis  liiciilùt  vingt  ans  la  inéthodc  du 


Fig.  134.  —  A.  Tracé  obtenu  avec  un  tulie  lil)re.  —  B.  Tracé  obtenu  avec  uii 
orifice  capillaire  intercalé  dans  le  tube  de  transmission. 

tube  cai)illaire  aux  transmissions  parles  liquides,  on  n'ait  pas  songé 
à  ajipliquer  cette  même  mélliotle  aux  transmissions  par  l'air. 

L'instrument  qui  nous  sert  aujourd'hui  à  régler  notre  orifice  capil- 
laire porte  le  nom  de  rêgulatnir  (irapliupu'  (fig.  135).  11  se  compose 
de  trois  rondelles.  Deux  d'entre  elles,  A  et  H,  sont  solidaires  et  réunies 
par  un  axe  a.  Entre  ces  deux  rondelles  est  emboîtée  une  troisième 
rondelle  G,  mobile  autour  de  l'axe  a. 

Les  rondelles  en  cuivre  A  et  B  cul  à  leur  p('iimèlre  une  ouviTline 
de  4  millimètres  de  diamètre  munie  d'embouts  cb  aiiM|Ui'is  cm  lixe 
de  part  et  d'autre  les  tubes  de  transmission. 

La  londelb;  en  cuivre  C  est  percée  sur  s{m  j^'i-inièlrc  de  dix  luiver- 
lures  0  dont  les  diamètres  son!  de  :  4  2,  1"""  1/2,  1""",  9/10,  8/10, 
7/10,  6/10,  5/10  et  4/10  de  milliu.èlre. 

Celte  rondelle  C  élant  immobile,  on  peut  amener  successivement 
dans  Taxe  de  l'ouverture  drs  embiuils  chacun  des  oriliciîs  pré(;ités, 
et  choisir  celui  qui  CDUvicnl  le  mieux  à  l'exiMuience  qu'(Ui  [lunrsuit. 

Le     lu.lllienieiil     de    l";!  |  i|i;i  l'eil    esl     fnll     >iui|i|e.    (hl     lieul     (|;iu<     UUe 

main  la  parlie  A,  eu  appuyaul  les  dui::!-,  -^ur  l'eiulioul  t'ji  el  >ur  la 
tig(;  ligide  m.  Avec  les  doigts  ite  l'aiihe  main,  eu  l'ait  Idurnei-  la  lon- 
delle  C  anloni'  de  l'axe  a. 

Cette  rondelle  C  porte  une  eucdche  n.  Sur  b'  |ininl<uir  de  la  inn- 
delle  A  son!  gravés  dix  liails  numérotés  en  iliitIVes  correspondant  à 


778 


ANALYSES 


des  dixièmes  de  millimètre.  (Les  chifl'res  sont  placés  sur  la  partie 
plaie  de  la  rondelle  A.) 

Si  Ton  veut  utiliser  Touverlnre  de   8/10,  ]iar  exemple,  on  amène 


Fig.  135.  —  llépulateur  grapliitpie. 

1.  Uondcllc  à  orifice.  —  2.   Appareil  ilémoulé.  —  3.  Appareil  monté,  vu  ilo  profil 


\ 


l'encoche  n  de  la  rondelle  C  devant  le  trait  porlaul  ]•'  n°  8;  si  Ton 
voulait  une  ouverture  de  6/10,  ou  ramènerait  drvaul  le  (rail  n"  6,  et 
ainsi  de  suite. 

Si  Fou  l'ail  coïncider  rouverlure  de  4  milliiuèlres  avec  celle  des 
embouts,  on  se  trouve^  dans  les  conditions  ordinaires  d"un  lulie  libre. 


ArrAREILS 


779 


Notre  appareil  est  do  petite  dimension  afin  de  pouvoir  tMre  facile- 
ment interposé  dans  le  trajet  des  tubes  de  transmission.  Son  dia- 
mètre extérieur  est  de  34  millimèlres  et  son  épaisseur  de  4  millimè- 
tres. Son  poids  est  de  25  t;ramnies'. 

L'avantage  otîert  par  cette  méthode  de  correction  est  de  donner 
la  mesure  exacte  de  la  résistance  introduite  dans  le  (uhc  de  Irans- 
mission,  puisque,  d'une  pari,  on  connaît  le  diamètre  de  l'orifice  em- 
ployé et  que,  d'autre  part,  la  forme  des  orifices  reste  toujours  la 
même. 

Nous  avons  trouvé  dans  l'appareil  de  Donders  un  procédé  capable 
■de  contrôler  exactement  les  effets   du  régulateur  graphi(|ue.  Nous 


Fig.  136.  —  Tracé  lent  d  un  uiouveuieot  donné  par  la  came  du  Dumlers,  et 

servant  de  modèle. 

<lonnons  ici  nos  résultats  avec  figures  à  l'appui,  ce  qui  nous  ])ermel- 
Ira  d'abréger  notre  commentaire,  L"ap|»areil  de  Doiidi-is  se  coni|»ose 
<'ssenliellement  de  deux  tambours  grapliicpies  :  l'un,  h-  récf|i|i'iir, 
■écrit  sur  un  cylindre  Imirnanl  lr  iinnivcinriil  (|ni  lui  l'st  Iransniis, 
au  moyen  d'un  tube  de  caoutchouc,  par  l'antn'  laniliour,  on  tam- 
bour manipulateur  ;  ce  dernier  est  re]i('-  à  un  long  bras  île  levier 
qui  ap]inii',  grâce  à  l'action  d'un  ressml,  p,n  nne  de  ses  extrémités, 
sur  le  bord  d'une  came,  dis(|Ui'  i\<'  ini'tal  .Mnincl  (in  donne  plus  ou 
moins  la  biino'  d'un  i'xccntri(|nr  ;  cet  te  canic  lionne  d'un  nnnivcnn'nt 
jégulier  et  imiirinn'  |iar  consé-ipicnl  di-s  monvenn-nts  au  levier  ; 
((uand  c'est  une  partie  saillante  de  son  bord  iini  passe  sous  le  leviei', 
<:elui-ci  est  repoussé  vers  le  tambour,  et  augmenle  la  pression  de  lair 
■dans  la  caisse  du  tambour;  (jnand  c'est  une  partie  excavi'e  de  la 
■came  qui  passe,  le  levier  est   éloigné-  du    landMmi,    ei   la   picssion 


(1)  Nous  en  avons  confié  rexécution  à  l'habile  constrnilcui,  M.  <ttle  l.uud. 


780 


ANALYSES 


diminue;  il  en  résuUc  que  le  tamlmnr  manipulateur  liansmet  nu 
tambour  inscripteur  un  tracé  qui  reproduit  —  en  rallérant,  bien 
entendu  —  le  protll  de  la  came.  Ceci  dit,  on  va  comprendre  sans 
difficulté  le  parti  que  nous  avons  pu  liicr  (]>•  l'appari'il  de  Donders, 
Cet  appareil  nous  donne  un  certain  tracé,  plus  ou  moins  complexe, 
qui  demeure  constant  lorscpie  toutes  les  jtièces  de  l'appareil  sont  en 
bon  état,  et  il  suffit  d"aui.nnenter  la  rapidité  de  rotation  de  la 
came  pour  ({ue  la  forme  du  mouvement  transmis  ne  variant 
pas,  on  voie  se  manifester  les  causes  d'erreur  inoduiles  i)ar  les 
projections  de  plume  dans  les  mouvements  trop  rapides.  Nous 
donnons  dans  la  figure  136  le  tracé  obtenu  avec  un  mouvement  d'une 


Fig.  137.  —  Tracé  ra]  i  Je  du  iiièiiic  iiuniveniciit.  (ItlunnO  par  des  projections 

de  plume. 


* 


lenteur  e.xlième,  le  Iraci'  a  pris  environ  une  minute,  on  n'a  donc 
à  craiiidie  dans  ce  cas  aucune  diMornialion  due  à  la  vitesse.  ï.e 
mouvement  a  été  communi(|ué  à  la  came  jtar  un  ap|iareil  d'iiorlo- 
gerie.  Ensuite  (fig.  13"),  nous  ne  cbangeons  rien  aux  appareils,  à  la 
came,  à  la  plimie,  mais  nous  communiquons  à  la  came  un  mou- 
vement extrènieinenl  rapide,  et  n(Uis  augiiienldus  dans  la  même 
mesure  le  mouvement  di'  rotation  du  cylindre  sur  liMjnel  l'inscription 
se  fait,  pour  fjue  bîs  deux  liaci's  136  et  137  gardent  à  jxMi  |)rèsla  même 
dimension  en  largeui  ;  de  cette  manière,  ils  sont  plus  couqtarables. 
i.a  i:omi)araison  monlr(;  de  suite  que  les  très  petits  accidents  de  la 
jolie  Cdiirhe  136  se  trouvent  exagi'rés  |iar  la  projeclion  de  plnuie  ;  en 
augmentant  encore  la  viti.'sse,  on  aurait  une  d(''formation  encore 
pins  grande. 

Laissant  toujours  le^  ;ipp;iieih  en  placi',  et  gardant  la  vitesse  qui 
nous  a  Servi  à  (dilenir  le  Ir.ii'i''  137,  nous  interposons  dans  le  tube  de 
transmission  un  oritice  capillaire,  dont  ikuis  déterminons  les  dimcu- 


APPAREILS  781 


sions  à  Taido  de  noire  irgulalcui'  grapliiiiue,  nous  oldenons  ainsi, 
après  quelques  talonnemenls,  la  Heure  138  dans  laquelle  les  projec- 
lions  de  plume  sonlefi'aoées,  et  qui  reproduil  le  modèle  136  avec  bien 
plus  de  lidélité  que  la  figure  137.  Avec  les  Iracés  que  le  lecteur  a 
sous  les  yeux,  nous  pensons  qu'il  serait  inutile  d'insister. 

Il  ne  nous  appartient  pas  de  présenler  une  explication  physique 
des  effets  produits  par  Toritice  capillaire  dans  le  tube  de  transmis- 
sion à  air  ;  nous  constatons  seulement,  grâce  à  des  expériences 
que  nous  avons  faites  en  Irausmellant  au  tambour  enregistreur  des 
mouvements  de  différenles  vitesses,  à  l'aide  de  cames  analogues  à 
celle   de   l'appareil  de  Donders,  que   l'orillce   capillaire  éteint  les 


Fig.  138.  —  Trace  aussi  r.iiiiilc  ipic  le  picccilcni,  m.ùs  eurrigé  par  un  oiitîce 
capillaire,  de  manière  à  imiter  plus  exactement  le  tracé  modèle. 

mouvements  les  plus  rajtides;  il  permet,  par  cons('(iuent,  de  faire 
l'analyse  entre  deux  mouvemenls  de  vitesse  dinV'rente  qui  se  trou- 
vent réunis  et  confondus  dans  un  jiième  lrai;(';  il  supprime  le  mou- 
vement très  rapide  et  laisse  subsisler  le  niduvcmcnl  1res  lent,  et  l'ana- 
lyse sera  d'autant  mieux  faile  que  les  mouvemenls  présenteront  une 
différence  plus  grande  de  vitesse.  Exemple  :  nous  avons  eu  derniè- 
rement à  étudier  des  courbes  cardiogra|diiques  chez  l'homme  ;  on 
obtient  ces  courbes  à  l'aidi'  d'un  lanilmur  expbualeur  apidi<[U('  sur 
la  poitrine  au  point  correspondant  au  choc  du  cœur  ;  le  tracé  se 
<-ompose  de  grands  mouvements  respiratoires  et  de  pulsations  cardia- 
ques beaucoup  plus  peliles.  En  interposant  dans  le  tube  de  Irans- 
mission  un  orifice  capillaire  d'une  grandeur  appropriée,  ou  l'iiinl 
les  pulsations  tlu  cœur  et  on  oblicnl  un  lr;icé  respiratoire  piu-  de 
toute  combiiuiisou  cardiaque. 

Pourrait-on  faire  l'analyse  inverse,  c'est-à-dire  conserver  la  pulsa- 
tion cardiaque  et  éliminer  le  mouvement  respiratoire  ?  Nous   y 


78^ 


ANALYSES 


sommes  arrivés  on  om|tloyanf  un  apjiareil  à  fuile,  analosno  à  celui 
(]Uo  nous  avons  décril  dans  nade  élude  sur  la  eirculatiou  capillaire  ; 
cette  disposition  est  si  simple  qu"on  la  comprendra  sans  figure  :  sur 
If  lube  de  transmission  on  branche  un  aulre  Inbe  qui  se  termine 
par  un  oi-ilîce  capillaire  réglable;  on  a  aloi-s  luie  fuilc,  (|ui  tend  à 
maintenir  la  |n"ession  inlerne  des  appareils  égale  à  la  pression 
exii'rieure.  Il  en  résulle  ({ue  les  mouvements  lents  (ju'on  enregislre 
et  qui  passent  par  le  tube  de  transmission  ne  parviendront  pas 
jusqu'au  tambour  parce  que  raugmentalion  de  pression  qu'ils  déter- 
minent s'écoule  par  la  fuile  ;  au  contraire,  les  mouvements  rapides, 
si  la  fuite  est  élroite,  seront  enregistrés,  quoique  légèremenl  modi- 
liés  (fig.  139);  tout  dépend  de  la  grandeur  et  du  débit  de  la  fuite, 
qu'on  parvient  à  régler  d'une  manière  satisfaisante  avec  quelques 


Fig-.  139.  —  Tracé  du  pouls  rapiiluire:  se  lit  de  gauche  à  droite:  à  partir 
de  A,  on  détermine  une  fuite  capillaire  dans  les  appareils  :  les  oscilla- 
tions respiratoires  du  tracé,  qui  étaient  bien  visibles,  disparaissent  ;  la 
forme  du  pouls  cliange,  la  partie  inférieure  de  la  pulsation  est  sup- 
primée, le  dicrotisnie  devient  intermédiaire  entre  deux  pulsations,  le 
sommet  de  la  pulsation  est  plus  aigu. 

tâtonnements.  Nous  avons  obicnu  ainsi  des  courbes  cardiograidn(|ucs 
réduites  à  la  pulsation  du  cœur  s'inscrivant  sur  un  Iracé  |ires(iu(' 
complèteineni  linéaire. 

La  réunion  de  ces  deux  procédés,  la  fuile  el  Torilice  capillaire, 
constitue  donc  une  précieuse  méthode  d'analyse  grapiiiqiie,  qui 
perd  rendre  de  grands  services. 

Nous  signalerons  encore  deux  de  nos  innovations  :  le  comvmtalew' 
graphique,  qui  perm'ît  do  changer  rapidement  le  tambour  iuscri  pleur, 
air  cours  d'une  expérience,  sans  rien  changer  à  la  pression  dans 
l'inlérieur  des  ap|)ai('ils,  id  \v  piston-étiilon,  (pii  dmini'  la  mesure  de 
l'amplilude  dt's  I racées  piis  dans  les  conditions  les  jdus  complexes, 
en  donnant  comme  uiiih''  de  mesur(>  le  dcplaccmcid  du  slyle  pour 
une  diminution  de  volume  dc'  1  cenlimèlro  cubi'. 

Je  rappelle  que  toutes  ces  recherches  ont  éli''  failes  en  commun 
avec  M.  Courtier. 

A.    BlNET. 


K.  MAITRE.  —  Vorrichtung  zur  successiven  Variirung  der  Sectoren 
rotirender  Scheiben  und  zur  Ablesung  der  Sectorenverhàltnisse 
wàhrend  der  Rotation.  [Appareil  pour  faire  varier  successivement 


APPAREILS 


783 


les  secteurs  de  disques  rotatifs  et  permettant  de  lire  pendant  la  rota- 
tion le  rapport  des  secteurs.)  Gentrall)!.  f.  Pliysiol.,  1894,   10  mars. 

Un  axe  creux  a  (lîl,^  140  et  141)  porte  ù  son  extrémité  une  boîle  K 
d,  0  '  qui  contient  un  ressort,  le  couvercle  (/,  o  de  cette  boîte  peut 
luurner  autour  de  l'axe  a  indépendamment  de  la  rotation  de  cet 
axe  ;  un  disque  en  ébonile  r,/'plus  grand  que  le  couvercle  rf  est  ajusté 
comme  l'indique  la  ligure  140,  il  tourne  donc  lorsque  l'axe  a  tourne. 
Ce  dernier  porte  sur  la  face  postérieure  une  série  de  petites  roues 
e 


>^T*r'?"\     ^'T I  '  i  I 


V 


Fig.  140. 

«[ui  dépassent  à  peine  h:  bord  exirème  du  disque,  comme  le  monire 
la  figure  141. 

Le  couvercle  d  j)orte  une  pelili'  Janic  nn'lallique  /,  X,  qui  dépasse 
Hii  peu  le  bord  du  disque  r;  si  on  lient  le  disciue  r,  f,  immobile  et 
(pi'on  tourne  dans  l'un  ou  dans  l'anlre  sens  la  lame  /,  1,  elle  entraîno 
avec  elle  le  couvercle  d,  o  ;  |)ar  conséciuent,  si  on  ajuste  sur  le  discjuc  /' 
un  disque  de  papier  coloré  et  sur  le  couvercle  un  aulre  disque  (b^ 
même  grandi'iir  que  b-  premier,  (prnii  les  ((nipc  chacun  suivaiil  nii 
rayon  et  qu'on  le  lasse  s'entre-croiser  y  en  lir;int  sur  l,  X  on  fera  varier 
le  rapport  de  secteurs  des  deux  disques;  il  faut  pouvoir  tirer  sur  la 
lame  pendant  la  rotalion,  voici  comment  l'auteur  y  arrive  ;  une 
corde  «passe  par  le  miliiMi  de'  l'axe  a  qui  est  creux,  elle  passe  aulonr 
d'une  [lelile  poulie  Z,  l'ail  le  lour  ilii  ilisque  /"en  passantsur  les  petites 
roues  (pie  ce  (li>(iue  [)url(,'  ijignt;  pointillée  de  la  figure  141)  et  enfin 
son  bout  est  atlacbé  à  l'exlrémité  de  la  laiiK^  /,  k  ;  l'autre  bout  de  la 
corde  est  attacbé  à  un  pelit  croclu'l  ipii  peu!  facilement  tourner 
autour  de  lui-même    el    ipii   e-l    tixi''    à  une   pLuiue  S    qu'on   peut 


(1)  Les  lettres  grecques  se  rapportent  à  lu  ligure  1  il, 


'/84 


ANALYSES 


déplacer  le  long  crime  règle  graduée  b,  b.  En  tirant  cette  plaque  S 
dans  le  sens  de  la  llèche,  la  corde  s,  s  est  tirée,  elle  entraîne  avec 
elle  la  lame  l,  X  et  par  consé([uent  fait  varier  pendant  la  rotation  le 
rapport  des  secteurs  ;  si  maintenant  on  d('place  S  en  sens  inverse,  le 


Fiff.  141. 


ressort  qui  se  trouve  dans  la  Imîle  A'  fait  tournrr  le  couvercle  d,  o 
ainsi  que  la  lame  qui  tire  jnir  conséquent  sur  l;i  coid'-. 

On  peut  facilement  construire  une  table  (|iii  tasse  correspondre 
les  rapporis  en  degrés  des  secleurs  aux  divisions  de  la  régie  b,  b. 

Cet  appareil  pi'ul  élic  employé  iiour  un  granit  nomlu'e  de 
recherches,  son  manii'inent  est  simple,  [tuisiiull  suflit  d'avoir  un 
moleiu'  quelconque  —  à  eau,  éleclrique  ou  à  ressort,  et  on  comniu- 
nique  la  rotation  par  un  lil  sans  lin  qui  passe  par  Féchancrure  n,  n. 

L\il>pareil  est  conslruil  par  le  mécanicien  E.  Zimmermaau  à 
Leipzig,  son  prix  est  enviion  de  90  nuirks  (110  francs). 

V.  Henri. 


XI 


CARACTÈRE,    PSYCHOLOGIE  INDIVIDUELLE, 
BIBLIOGRAPHIES 


s  0  M  M  AIRE 

I.  Le  caractère,  d'après  des  travaux  récents. 

II.  l'sijc/iolo;/ie  individuelle.  Bettman,  EUis,  Oelirn,  Lapioque,  Miles. 

III.  Bibliof/raphies.  Allier,  Janet,  Milhaud,  Zûrcher. 


I.  —  LE  CARACTÈRE   D'APRÈS   LES  TRAVAUX  RÉCENTS 

Ber.nard  PEUEZ.  —  Le  caractère  de  l'enfant  à  l'homme.  Paiis,  1892. 

p.  iv-308. 
Th.  HlHOT.  —  Classification  des  caractères.    Hcv.  Pliil.,  iiuv.  1892, 

p.  48U-O00. 
V.  PAULH.VN.  —  Les  caractères,  l'ai  is,  181)4,  p.  237. 
Alf.  FOUILLÉE. —  Tempérament  et  caractère.  Paris,  1895,  ji.  .\x-374. 

LY'Iliolotîip  f'st  ('iicurc  loin  ilT-tie  une  science  :  cependant  l'élude 
et  la  classilication  des  caractt"'res  entreni,  depuis  ces  dernières 
années,  ilans  une  pliaM'  imiivrllf.  Pln>irMis  ouvrages  onl  i''lé  consa- 
crés à.  préciser  roi)Jet  il(;  ces  recliei'clifs  et  à  dégaici-r  la  nii'-IlHidc  la 
plus  cajialde  de  conduiii-  à  drs  ii'-sultals  piarnpics,  et  ces  travaux  fii 
(irovoqueront  dautres.  Il  est  doin'  utile  di-  pn-scnler  I(mu'  eiiscnilde 
et  de  noter  leurs  conclusions,  iicrùl-ce  (pirpour  indi(|uei'  la  position 
actuelle  de  la  (iU(,'siion. 

Elle  est  à  la  fois  j)sycliologi(|ii<'  l'I  iM('lapliysi(|ne,  le  cai'actèic 
étant  la  plus  parfaih;  exfiression  de  rindividualili-  personnelle.  Il  ne 
laut  donc  ftas  s'élnnnei'  de  la  voir  très  diversement  n'soliie  |iar  le> 
divers  auteur>  (pii  I  nul  alinriji'-e.  Sous  ces  diveruences,  il  est  cepen- 
dant facile  de  reconnaître  |e>  pnlnt^  enuiniiMi^  :  rliai|ue  aulein'  a  i't('- 
conduit  à  la  classitiralinn  ipiil  adopte  par  des  |irini:i|ies  (pii  Ini  sont 
propres,  et  des»juel>  il  a  lin'',  une  l'ois  sa  cla>>ilicalion  élaldie,  la 
inétliode  à  suivre  ])our  les  reclierches  futures. 

ANNÉE   PSYCHOLOGIQUE.    H.  50 


786  ANALYSES 


I 


1.  Le  premier  en  date  est  le  livre  de  Bernard  Perez  :  il  fait  époque 
chez  nous,  paxxe  que  l'auteur  y  déclare  très  nettement  se  séparer  de 
tous  ceux  qui  ont  étudié  le  caractère  en  moralistes  ou  en  médecins 
et  non  en  psychologues. 

Pour  délimiter  les  divers  genres  de  caractères,  l'auteur  emploie 
des  portraits,  à  grouper  ensuite  en  classes  ;  mais  it  veut  ijue  chaque 
[lortrait  soit  complet  ;  d'ahord  physique  et  physiologique,  ensuite 
psychologique  et  entin  moral.  Ce  sont  comme  trois  degrés  superpo- 
sés :  le  premier  est  une  sorte  d'anthropométrie  (taille,  poids,  etc.), 
dont  les  données  peuvent  se  ramener  à  des  quantités  numériques 
iiomogènes  et  com[iariibh'S.  Entre  li-s  limites  iixées  par  ces  indices 
éthologiques  se  développe  la  variabilité  humaine  de  chaque  race,  et, 
dans  cette  race,  celle  de  chaque  individu.  De  là  naissent  les  facultés 
communes  à  tous  les  hommes  ;  mais  tandis  (jue  les  unes  surabondent, 
d'autres  sont  atténuées  et  parfois  restent  virtuelles.  Voilà  les  élé- 
ments propres  de  l'individu,  après  ceux  de  la  race,  et  son  mode  do 
réaction  au  milieu  social  dans  lequel  il  vit.  Un  troisième  élément  va 
donner  à  cet  ensemble  une  direction  propre,  et  caractéristique  do 
l'individu.  Ces  trois  éléments  dégagés  nmis  donneront  louL  ce  'qui 
fait  l'homme  et  constitue  l'individualité  complexe  de  chacun  de  nous. 
Pour  les  analyser,  il  faut  aller  du  ]diysi(iue  au  moral,  du  général  à 
l'individuel,  de  l'organique  à  l'intelleclucl. 

2.  Cette  métiiode  n'est  pas  sans  analogie  ;i\rc  Cflle  proposée  par 
M.  Th.  lîilidt,  dans  son  ariich;  trop  condensé,  sur  le  caractère.  Mais 
à  cela  Hiltot  ajoute  deux  principes  qui  nous  semblent  de  la  plus 
grande  importance  pour  l'élhologie  naissante. 

Le  premier  est  qu'il  faut  déblayer  le  terrain  r!  ne  pas  se  croire 
obligé  de  classer,  au  [)oinl.  de  vue  du  caractère,  tous  les  individus  ;. 
il  y  a  des  individus  (peut-èlie  très  nombicux}  (pii  ne  sauraient  être 
classés,  parce  (ju'ils  n'ont  pas  de  caractère  à  eux.  Témoin  les  incon- 
sistants, les  instables,  ({ui  sont  ceci  ou  cela  au  gré  des  circons- 
tances, sans  être  jamais  eux-mêmes  :  ce  soid  toujours  des  autres;, 
à  côté  tl'eux  sont  les  amorpiies,  qui  paraissent  avoir  un  caractère  à 
l'ux,  mais  ne  sont  en  réalité  (jue  le  reflet  des  conditions  dans  les- 
(|uels  ils  vivent  et  par  lesquelles  ils  sont  dirigés  complètement,  sans 
jamais  avoir  une  réaction  ])ropre.  L'homme  de  caractère  est  quel- 
qu'un en  toutes  cii'constances  et  dans  tiuis  les  jnilieux  :  c'est  lui  (pie 
il  tlioloiçistedoit  d'abord  étudier  comme  le  naluialiste  étudie  d'abord 
les  tyjies  très  nets  d(!  la  série  animale. 

Comment  étudier  et  classer  ces  cararlères?  En  renumlant  du 
irénéral  et  de  l'abstrait  au  particulier  et  au  réel.  Mais  il  importe  de 
iiii'u  préciser  ce  point.  J-e  général  dont  il  s'agit  ici  n'est  pas  cet 
ensemble  de  caractèies  extérieurs  dont  parle  D.  Perez  et  t[ui  peuvent 


caracti;;re  787 

se  rencontrer  les  mêmes  chez  des  individus  de  caiactèrc  liés  diffé- 
rent, de  telle  sorte  que  deux  personnes  de  caractère  très  différent 
peuvent  avoir  les  mêmes  indices  anthropométriques,  et  inversement. 
Ce  sont  les  caractères  généraux  de  tout  individu,  la  substructure  sur 
laquelle  s"élève  la  pei^sonnalité  et  qui  continuera  à  caractériser  l'in- 
dividu dans  la  classification  adoptée,  tout  en  se  précisant  et  se  spéci- 
fiant à  mesure  que  Ton  serrera  l'individu  de  plus  près  pour  le  défi- 
nir plus  complètement.  On  définira  d'abord  les  eenres  :  de  ces  genres 
on  s'élèvera  aux  espèces  et  de  celles-ci  aux  variétés  qui  enferment 
l'individu  lui-même.  Ainsi,  à  tous  ses  degrés,  cette  méthode  s'attache 
au  vivant  directement,  sans  construction  a  priori  :  elle  n'établit 
ainsi  rien  qu'elle  ne  doive  par  la  suite  conserver  et  utiliser,  parce 
(ju'elle  étudie  toujours  la  nature  réelle,  mais  en  considérant  d'abord 
ce  qui  est  général  et  commun,  pour  arriver  par  degrés  à  ce  qui  est 
particulier  et  individuel. 

3.  Toute  autre  est  la  méthode  proposée  par  M.  Paulhau,  qui  part 
des  lois  abstraites  de  la  psychologie  générale  pour  descendre  aux 
applications  et  aux  expressions  particulières  de  ces  lois  dans  les 
individus.  C'est  la  déduction  opposée  à  l'induction,  la  finalité  au  lieu 
de  l'évolutionnisme.  La  psycliologie  concrète,  la  science  (\(ii  carac- 
tères (si  ce  mot  peut  convenir  à  une  étude  morale  qui  ne  veut  se 
plier  au  mécanisme)  étudie  les  incarnations  différentes  de  ces  lois 
abstraites.  M  Paulhan  part  donc  de  ce  principe  :  «  le  fond  même 
ilu  caractère,  c'est-à-dire  les  tendances  particulières  concrètes  qui 
composent  la  personnalité,  se  ramène  à  des  systèmes  d'éléments 
|)syohiques  groupés  autour  d'un  élément  pn'dominant.  »  Ce  qu'il 
faut  étudier  se  réduit  donc  aux  différentes  formes  de  l'esprit  :  d'une 
part  le  degré  de  perfection  de  l'association  systématique,  et  de  l'autre 
l'importance  de  l'élément  dominateur  qui  se  mesure  elle-même  à  la 
perfection  de  la  systématisation.  On  obtient  ainsi  une  série  de  types 
moraux  classés  selon  leur  valeur  morale  :  au  sommet  les  types  les  plus 
voisins  de  la  perfection  telb;  qu'elle  est  courue  a  priori  :  à"  l'extrême 
opposé,  les  plus  éloignés  ;  et  tous  les  autres  étages  clincuii  à  sa  jilace 
sur  les  degrés  intermédiaires.  C'est  donc  avant  tout  uik;  classification 
morale,  destinée  ànous  guider  dans  l'élude  et  la  discussion  des  pro- 
blèmes de  la  morale  :  l'auteur  ciit(Mid  bien  ne  {tas  faire  une  ciassili- 
caliou  psychologique;  aussi  a-t-il  relégué  au  second  plan  et  négligé 
3  presque  entièrement  l'élément  organi(iue.  On  j)eut  liiir  qu'il  classe 

*  nos  caractères  d'après  ce  que  nous  devrions  èlr(!  |)uur  réaliser  sa 

I  morale,  et  non  d'après  ce  que  nous  sommes  en  fait.  C'est  une  élho- 

'.  logie  théorique,  idéale. 

4.  Avec  l'ouvrage  de  M.  Fouillée,  nous  revenons  à  la  réalité.  I.niu  d,- 
négliger  l'élément  organique,  il  estime  que  l'on  doit  (»ar(ir  di;  là  [tour 
suivre  le  développement  de  l'individu  Jusqu'à  sesfornu's  b-s  plus  éle- 
vées. >»otre  caractère  est  la  résultante  de  deux  élénuMits,  l'un  acquis, 
l'autre  inné.  Celui-ci  est  fait  de  couches  superposées,  la  première 


788  ANALYSES 

est  due  à  la  mce,  la  seconde  à  la  division  fondamentale  des  sexes 
(et  sur  ce  point  M.  Fouillée  ne  partage  pas  TindifTérence  de  M.  B.  Ferez) 
dont  l'importance  est  à  la  fois  biologique  et  psychologique  ;  la  der- 
nière est  le  produit  de  la  constitution  individuelle  et  du  tempéra- 
ment propre.  (-(•  dernier  élément  peut  lui-même  être  divisé  en  deux 
parties  :  d"abord  un  fonds  de  tendances  qui  exprime  la  manière 
d'être  générale  de  l'organisme  ;  en  second  lieu  des  traits  particuliers 
qui  expriment  la  valeur  spéciale  de  chaque  organisme,  en  prédispo- 
sitions. Tout  cela  est  le  résultat  présent  dune  longue  évolution  à 
travers  les  âges;  c'est  aussi  le  point  de  départ  de  l'évolution  indivi- 
duelle qui  va  s'exprimer  dans  le  caractère  acquis  de  chacun  de 
nous.  Ce  caractère  acquis  peut  l'être  de  deux  façons  différentes  :  en 
partie  d'une  manière  active,  par  la  réaction  de  l'intelligence  et  de  la 
volonté  sur  le  naturel  propre  et  le  milieu  social.  C'est  cette  réaction 
personnelle  (à  laquelle  M.  Ribot  réserve  le  nom  de  caractère)  qui 
constitue  par  excellence  le  caractère  proprement  dit,  par  opposition 
au  tempérament  et  à  la  constitution  innée. 

Mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  notre  caractère  présent  ne  nous 
exprime  pas  tout  entier  :  l'homme  n'est  pas  seulement  ce  qu'il  est, 
mais  encore  devient  ce  qu'il  veut,  grâce  à  l'idée  qu'il  se  fait  de  lui 
et  de  son  but.  Le  propre  de  notre  nature  est  que  nous  pouvons  lon- 
jours  la  modifier. 

CLASSIFICATION  DE  BERNARD  PEREZ 

Le  caractère  à  la  formation  duquel  concourent  la  sensibilité,  l'in- 
telligence et  la  volonté  est  un  équilibre  plus  ou  moins  instable  des 
forces  existant  au  moins  virtuellement  dans  une  organisation  donnée 
et  non  un  amalgame  d'éléments  divers  en  nombre  et  en  degré. 

On  classera  les  caractères  en  indiquant  au  moins  approximative- 
ment leur  direction,  et  par  suite  l'intensité  des  plus  importantes  de 

ces  forces. 

Tous  les  processus  psychiques  sont  des  phénomènes  réductibles  à 
des  phénomènes  de  mécanique  moléculaire,  c'est-à-dire  à  des  mou- 
vements :  ceux-ci  non  seulement  exprinient  les  phénomènes  de  la 
personne  morale,  mais  encore  sont  éléments  et  facteurs  de  ces  phé- 
nomènes. On  lient  donc  classer  les  caractères  d'après  la  prédomi- 
nance de  certains  mouvements. 

1.  Rapidité  des  mouvements.  —  Les  vifs  *,  dont  la  sensibilité  est 
mobile,  l'inlelligence  souple  sans  beaucoup  de  profondeur,  la  volonté 
inconstante. 

IL  Lenteur  des  mouvements.  —  Les  to«/s,  dont  la  sensibilité  est 

(1)  Chacun  de  ces  caractères  est  explique  et  uulic'uluaUsé  par  deux  por- 
traits, ou  plutôt  inonof/rajiliies. 


CARACTÈRE  789 

peu  profoiule,  rintellitifiice  luécise,  bien  ordonnée  mais  limitée,  la 
volonté  constante,  mais  sans  initiative. 

III.  Energie  des  mouvements.  —  Les  arrfen/s,  dont  la  sensibilité  est 
nerveuse  et  forte  ;  rintt'llii.'ence  très  vive,  mais  souvent  fausse,  ontran- 
ciére;  la  volonté  impétueuse,  parfois  égoïste,  toujours  personnelle. 

IV.  Energie  et  vivacité  des  mouvements  combinées,  —  Les  vifs- 
ardents  dont  les  impressions  et  les  émotions  sont  à  la  fois  mobiles  et 
persistantes;  l'intelligence  inconsistante  avec  de  fréquents  retours 
de  réflexion  pour  se  fixer,  la  volonté  tantôt  régulière  et  persistante, 
tantôt  changeante  et  incohérente. 

V.  Energie  accusée  et  lenteur  de  mouvements  combinées.  —  Les 
lents-ardents,  dont  la  sensibilité,  calme  en  apparence,  est  en  réalité 
profonde,  féconde  en  rêveries  sentimentales  ;  l'intelligence  nette  et 
ouverte,  mais  conduite  par  la  fantaisie;  la  volonté  énergique  et  per- 
sévérante à  condition  que  le  sentiment  continue  de  la  soutenir. 

VI.  Mouvements  équilibrés.  —  Les  tempérés,  ce  sont  les  caractères 
du  juste  milieu  dont  la  sensibilité  est  très  développée  et  très  étendue 
mais  égale  ;  Tintelligence  est  assez  large,  souple,  nette,  quoique 
d'une  profondeur  limitée  ;  la  volonté  réfléchie  et  persévérante. 

CLASSIFICATION  DE  TH.   RIBOT 

Le  caractère  suppose  deux  conditions  :  l'unité  et  la  stabilité.  Ceci 
conduit  à  éliminer  les  i)seudo-caractères  (les  amorphes  et  les  ins- 
tables) ;  restent  les  véritables  caractères  que  nous  classons  par  degrés, 
en  allant  du  général  (abstrait)  au  concret  (réel), 

I.  Genres.  —  Les  éléments  considérés  à  l'état  simpir,  pur. 

I>a  vie  psychique  se  résume  en  sentir  et  agir;  doù  deux  types  : 
\"  \(t?,  sensitifs  {^\u\c\\\[.  émotionnels,  affectifs);  — 2°  \vs  actifs  (sur- 
tout spontanés,  entreprenants). 

11  faut  y  joindre  :  3°  les  apathiques  (atones  comme  les  anciens 
lymphatiques)  ;  —  4''  les  tempérés  (chez  qui  la  vie  psychique  est  plutôt 
rquilibrée). 

H.  Espèces.  —  Les  éléments  inii-.iili'i('s  à  l'i'tat  complexe,  mixte. 

l"  Seusitifs  :  —  a),  les  liiiiiibles,  les  treniblcnrs,  ipie  font  effrayr, 
bornés  de  toutes  farons,  —  J»),les  contemplatifs,  plus  di'-veloii|>és  (pie 
les  précédents,  s'analysent  au  lieu  d'agir,  —  c)  les  émotionnels  (non 
pas  au  sens  large  ilu  mot  adopti-  jiar  Bain)  dont  l'activité  estinleiini- 
tenle. 

2°  Actifs  :  —  a),  les  actifs  médiocres  :  iiia<liiiies,  solides,  agissant 
toutes  les  fois  qu'il  faut  agir,  mais  d'intelligence  bornée,  —  b),  les 
grands  actifs  :  à  grande  intelligence  dont  ils  réalisent  les  conceptions 
jus(|iran  bout. 


790  ANALYSES 

2°  Apathiques  :  —  a),  les  apathiquos  médiocres  :  bornés  de  toutes 
façons  :  moins  maniables  cependant  que  les  amorphes,  —  h),  les 
afiatbiques  intelligenls  :  les  uns  spécvdalifs  (certains  savanls)  ;  les 
autres  actifs  (agissant  pour  autrui,  ourdissant  des  trames). 

III.  Variétés.  Combinaisons  des  éléments  complexes. 

1°  Sensitifs-aclifs  :  réunissant  les  qiialités  compatibles  de  ces  deux 
types. 

2°  Apathiques-actifs  :  caraclère  à  passions  jdutôt  défensives  (ju'a- 
gissantes. 

3°  Apathiques  sensitifs  :  caractères  dont  Fapafliie  est  irritable  par 
des  émotions,  etc. 

4°  Tempérés  :  d'équilibre  à  la  fois  siîr  et  stable,  comme  doit  Têtre 
un  caractère  :  leur  manière  d'agir  leur  est  propre,  mais  toujours 
constante  avec  elle-même.  Reste  à  savoir  si  elle  vient  du  tempéra- 
ment 011  du  milieu. 

IV.  Substituts  de  caractère  :  ce  nom  désigne  fous  ceux  chez  les- 
quels domine  une  disposition  quelconque  prépond<''ranli'  el(iai  seule 
peut  les  faii-e  agir. 


CLASSIFICATION  DE  PAULIIAN 

Les  formes  de  caractère  sont  des  manifestations  des  lois  abstraites 
dont  l'ensemble  a  été  donné  par  la  psychologie  générale  :  un  type 
moral  est  une  incarnation  concrète  de  ces  lois  idéales. 

L'activité  mentale  tendant  à  la  perfection  peut  être  envisagée  de 
deux  façons  :  soit  ([uant  à  la  simple  forme  de  ses  éléments,  soit 
quant  aux  rapports  des  éléments  concrets  qui  la  tlirig(Mit. 

I.  Formes  de  l'activité  mentale.  —  1°  Formes  (jénèrales  de  l'acti- 
vité des  éléments  :  ces  types  divers  sont  donnés  par  les  diverses  formes 
de  l'association  systématique  et  par  son  degré  de  coordinalion  (équi- 
librés, uniiîés,  incohérents,  faibles).  —  2°  Qualités  di/féreittes  des  ten- 
dances diverses  :  sans  considérer  déjà  la  nature  projtie  des  éléments 
constituant  chaque  i)ersonn;ililé,  un  examiDO  si  ces  éb''ments  sont 
tous  également  développés,  ou  si,  au  contraire,  certains  éléments 
l'emportent  et  déterminent  le  dévidoppement  général  du  Mijct. 

II.  Eléments  concrets  dirigeant  l'activité  mentale.  —  Les  ten- 
dances sont  des  systèmes  de  jdiénomènes  liés  par  une  loi  de  linalité  et 
«'unissant  pour  produire  un  fait  organique  ou  psychique.  Tantôt  elles 
dirigent  un  individu  dont  les  formes  générales  sont  sur  le  même  plan  ; 
tantôt  elles  dirigent  un  caractère  dont  les  formes  sont  inégales.  On 
peut  former  deux  groupes,  selon  que  ces  tendances  se  combinent  ou 
que  certaines  d'entre  elles  prédominent. 

1°  Prédominance  de  run  des  éléments  :  l'individu  est  alors  dirigé 


CARACTÈRE  791 

par  cette  tendance  ijui  relègue  les  autres  au  second  plan,  et  s'en 
sert  pour  elle  au  lieu  de  marcher  avec  file. 

2°  Combinaison  de  ces  éléments,  en  tolalilé  ou  pailic  :  le  caractère! 
est  alors  une  résultante  complexe,  ([u"il  faut  d('coin[ioser  pour  eu 
retrouver  les  éléments. 

Reste  à  classer  ces  tendances,  qui  détermineroid,  surtout  lorscjue 
l'une  d'elles  prédomine,  drs  types  cax'actérisés.  M.  Paullian  distingue  : 
rt),les  tendances  qui  si'  ra]iportent  à  la  vieorgani(iue  ou  mentale,  —  b), 
(■elles  qui  se  rapiiorlrnl  à  des  individus, —  c)  celles  qui  se  rapportent 
à  la  société,  —  d),  ccllfs  qui  se  rap[iorlcnt  au  supra-social  [méUi\A\y- 
siquc,  ndigion  . 

CLASSll-MUATlON  DE  FOUILLÉE  • 

Le  caractère  est  la  façon  jtarliculière  à  chacun  do  nous  de  réagir 
aux  influences  extérieures  :  il  se  compose  de  deux  sortes  d'éléments 
<rinégale  importance  :  l'un  de  ces  éléments  est  inné  :  il  correspond 
à  peu  près,  mais  dans  une  acceptation  différente,  àce  que  les  anciens 
appelaient  lempéranieiil.  (l'evl  le  premier  degré.  Sur  ce  fond  brode 
l'élément  supérieur,  dont  rintelligence  est  la  jilus  haute  expression, 
et  qui  dirige  le  tem[Ȏrament  dans  tel  ou  tel  sens,  selon  qu(;  lel  ou 
tel  élément  psychi([ue  prédomine. 

A.—  1.  Tempérament  SENsrriF.  —  1"  Le  sensilif  à  réaction  prompte, 
chez  lequel  toutes  les  fonctions  organi(|ues  sont  rapides  et  qui  eor- 
respond  à  lieu  jirès  à  ce  (|ui'  l'on  appelait  san*7i«'H.  —  2°  le  sensilif  à 
réaction  intense,  qui  réagit  avec  ]dus  de  duré»;  et  iriiiiensilé  que  le 
sanguin,  mais  aussi  >'(''puise  plus  vile,  la  dépense  étant  plus  forte  ijne 
racqui>ilion  :  il  correspondrait  au  nerveux. 

II.  — Tempérament  ACTIF.  —  1°  \.'actifà  réaction  promj) te  et  intense, 
■liiez  lequid  les  l'oni'tidiis  d'intégialion  et,  de  di''sinl(''gratiou  se  tout 
d'une  façon  très  ii)liMi>e  :  il  en  résulte  souveiil  de  in  ns(|ues  di^pin^es 
•de  fûi'ces.  Les  colériques  corres|tondiaieut  à  peu  juès  à  ii-  lenqn'-- 
aanient.  —  2"  Les  actifs  à  réaction  lente  et  ]ieu  intense  :  les  fonctions 
.organiques  sont  régulières,  mais  l'organisme,  est  jiaresseux,  parce 
.(|u'il  y  a  [leu  d'échange.  C'est  ce  que  l'on  ap[telait  tempéranu'Ut  lym- 

Jiiialiqui'. 

Voyons  niainliiiant  coniiihnl  les  fonctions  psycliiijues  vont  eni- 
jiloycr  et  niodilier  ces  élément >.  Selon  (pic  [elle  mi  ti'ile  de  j!osfaculti''S 
prédomine,  oJi  a  'i  groupes  djilérents. 

i>  —  I.  Les  sensitiks.  —  Ce  sont  les  plus  lapprocln's  de  la  vie  orga- 
nique; on  lient  di>tinguer  :  1"  les  sensilifs  ayant  pen  irintidlluence 
et  peu  dejvolonlé  ;  —  2°  les  sensilifs  ayant  de  li'neriiiii'  \o|niilairi', 
mais  peu  d'intelligence;  —  3"  les  sensi'<t/s,  ayant  peu  de  volonté,  mais 
beaucoup  d'intelligence. 


792  ANALYSES 

H.  Les  intellectuels.  —  (^.e  sont  ceux  dontlo  caraclèie  est  le  plus 
t'oitomenl.  acciisi'',  le  drvel(i|ipt'nieiit  de  rintclliijenoe  allant  ordinai- 
rement de  pair  avec  celvii  de  la  volonté  et  de  la  sensibilité. 

III.  Les  volontaires.  —  Ce  sont  les  caractères  décidés,  soit  que 
leur  volonté  s'applique  à  agir,  soit  qu'elle  ail:  jdulôt  de  la  ténacité. 
On  peut  distinguer  :  1°  les  volontaires  ayant  jn'u  df  sensibilité  et 
d'intelligence  ;  —  2°  les  volontaires  ayant  beaucoup  de  sensibilité  et 
peu  d'intelligence;  — Z°  \c<<  volontaires  ayant  beaucdU])  d'inlcUigence 
et  peu  de  sensibilité. 


II 

Malgré  les  divergences  drs  lliéories,  ces  recbeiches  ont  cpiiains 
points  communs  qu'il  faut  signaler. 

Tous  les  auteurs  (sauf  les  réserves  faites  par  M.  Paullian)  s'accor- 
dent à  demander  que  la  science  du  caractère  procède  désormais  par 
observations  précises  et  métbodiquement  conduites.  Les  simples 
portraits,  les  descriptions  plus  ou  moins  littéraires  ne  peuvent  désor- 
mais suffire  ;  il  se  passe  ici  la  même  chose  que  dans  les  aulics  ])ar- 
ties  de  la  psychologie  :  on  demande  d'abord  des  faits,  scru]»uleuse- 
ment  recueillis,  interprétés  sans  idées  préconçues,  hors  de  toute 
construction  à  priori.  C'est  le  seul  moyen  de  l'aire  progresser,  lente- 
ment peut-être,  l'Etiiologie  vraie.  Comme  toutes  les  sciences  qui  ont 
le  vivant  pour  objet,  elle  ne  jteiit  sortir  tout  entière  d'une  pensée 
géniale  :  c'est  chose  d'autant  plus  im[»ossible  (lu'elle  sera  la  science 
du  .vivant  le  plus  complexe  de  tous. 

A  cette  première  remarque,  il  laul  en  ajonler  une  seconde  non 
moins  caractéristique  :  c'est  l'abandon  à  ]ieu  jirès  général  de  lan- 
cienne  théorie  des  tempéraments,  aujovud'hui  considé-rée  comme 
insuffisante.  Dire  de  queliiu'un  (ju'il  est  un  nerveux,  ee  n'est  jias 
définir  son  caraclèr'c,  encore  l)i(Mi  moins  l'analyser  pour  en  dé'con- 
vrir  le  mécanisme  :  on  peut  être  nerveux  de  bien  des  l'ai.'ons,  et  réa- 
gir aux  influences  extérieures  de  bien  des  manières  différentes.  S'il 
est  vrai  que  le  cai-actère  plonge  dans  l'organisnu'  de  jjrofondes  ra- 
cines, il  est  indnbi table  aussi  (jue  l'organisme  tel  (pie  nous  le  connais- 
sons ne  suffit  pas  à  l'expliquer  dans  son  entier.  11  faut  donc  tenir 
compte  en  même  temps  de  l'élément  psychiciue,  l'analyser  non 
moins  délicatement  que  l'éb'ment  soniali(|ue,  et  considérer  les  deux 
ensembles  lors(iu"on  veut  définir  l'individu.  De  ce  côté  encore,  notre- 
science  n'est  pas  fixée,  ou,  pour  mieux  dire,  nos  connaissances  ne- 
sont  encore  guère  scientifiques  :  c'est  là  ce  qui  empêche  les  classifi- 
cations proposées  d'être  définitives  :  elles  le  sont  même  d'autant 
moins,  à  notre  point  de  vue,  tpi'elles  sont  de  contours  plus  arrêtés. 

Surtout  il  faut  signaler  la  i)lus  caractéristique  des  tendances  rele- 
vées dans  les   recherches  qui  précèdent  :  c'est  celle  qui  demande 


t 


I 


l'SYClIOLOGIE   INDIVIDUELLE  793 

elinlroduire  dans  les  recherches  qui  précèdent  Tidée  de  développe- 
ment ou  d"(''volutiou  au  sens  naturel  de  ce  mot.  Sauf  chez  M.  Paul- 
han,  elle  est  très  nette  ;  tous  demandent  une  histoire  naturelle  des 
caractères,  l'histoire  de  la  vie  psychique  d'un  certain  nombre  de 
types,  qui  serviront  à  classer  ensuite  la  masse  des  individus.  C'est  le 
vrai  moyen  de  mettre  de  l'ordre  dans  cette  diversité.  On  s'est  trop 
habitué  à  considérer  presque  exclusivement  le  caractère  d'un  adulte, 
sans  se  demander  assez  comment  ce  caractère  s'est  formé,  par 
({uelles  phases  il  a  dû  passer  pour  arriver  au  point  où  il  en  est  lors- 
qu'on l'étudié.  Il  y  a,  dans  la  vie  de  l'àme  comme  dans  celle  du 
corps,  des  époques  critiques,  des  périodes  décisives,  des  bifurcations 
([u'il  faut  noter  d'autant  plus  soigneusement  qu'elles  sont  comme  le 
squelette  de  la  vie  tout  entière,  les  points  culminants  et  les  grandes 
arêtes  de  la  vie  de  chacun  de  nous.  Or,  il  faut  bien  avouer  (jue  sur 
ces  points  si  importants,  nous  manquons  de  données  précises  :  ils 
passent  inaperçus  de  ceux  qui  observent  ensuite  l'individu  du  de- 
hors. Rappelant  les  études  de  ïaine,  Egger  et  Perez  sur  ce  point, 
M.  R.  Thamin  '  demandait  récemment  qu'il  fut  consacré  des  mono- 
graphies à  riiistoire  du  développement  de  l'enfant  :  ce  serait  certai- 
nement un  des  meilleurs  moyens  de  faire  avancer  l'éthologie.  Nous 
aurions  ainsi,  au  lieu  d'observations  éparses  ]uises  à  des  époques 
indéterminées,  des  histoires  complètes  et  méthodiques  de  la  genèse 
de  chaque  caractère,  et  ce  serait  une  mine  précieuse  de  documents 
pour  arriver  enfin  à  faire  de  l'éthologie  une  science,  au  vrai  sens  du 

mot. 

.1.  Philippe. 


II. —   PSYCHOLOGIE    INDIVIDUELLE 

S.  HETTMA.N.N.  —  Ueber  die  Beeinflussung  einfacher  psychischer 
Vorgànge  durch  korperliche  und  geistige  Arbeit.  Kiatiielins  Psy- 
chologische  Arbcilm,  vol.  I,  p.  la2-208. 

L'auteur  a  fait  iicndant  deux  mois  des  i'X|i('rii'nces  avec  un  seul 
sujet  sur  l'influence  que  produisi-nl  Ir  travail  jiliy>i(iiic  et  le  travail 
ntellectuel  sur  la  dui  »'c  dr  (pielques  processus  psychiques;  ces  pro- 
cessus étaient  des  lemiis  de  choix,  des  additions,  des  séries  de 
12  chiffres  à  apjtrendre  par  cd'ur,  et  la  lecture,  l.r,  travail  physique 
consistait  dans  une  marche  de;  deux  heures  et  le  travail  intellectuel 
dans  ime  heuif  d'adilitions.  l'our  ce  qui  concerne  les  temps  de 
choix  on  remarque  (ju'après  un  travail  intelbîcluel  d'une  heure  ils 
sont  allongés;  après  un  travail  physique  au  contraire  leur  durée  est 
diminuée;  seulement  tandis  (pià  l'état  noiinal  il  n'y  a  presque  pas 
de  réactions  anticipées,  après  un  travail  physique  le  nombre  de  ces 

(1)  De  pi/eronim   'nulole,  j).  6.j. 


794  ANALYSES 

réaclions  anticipées  est  environ  égal  au  ijuarl  du  nomluc  lolal  des 
réactions. 

La  durée  des  réaclious  (jui  consistent  à  ré[)éfer  un  mot  entendu 
est  augmentée  à  la  suite  du  travail  intellectuel  et  aussi  du  travail 
physique. 

En  ce  qui  concerne  la  dm-ée  nécessaire  pour  apprendi'e  des  séries 
de  12  cliitTres,  on  remarque  également  une  augmentation  à  la  suilf 
des  deux  travaux  précédents. 

En  résumé,  Fauteur  arrive  au  résultat  que  le  travail  physi([ue  [leut 
aussi  bien  que  1(^  travail  intellectuel  influer  sur  certains  ja-ocessus 
]isychiques  simples  et  les  rendre  plus  difficiles. 

Cette  recherche  présente  cei^tainement  un  grand  intérêt,  seule- 
ment on  aurait  pu  Texposer  en  dix  pages  au  lieu  d"en  employer 
soixante. 

Victor  Henri. 

HAVELOCK  ELUS.  —  Mann  und  Weib.  [L'homme  et  la  femme.  Elude 
anthropologique  et  psycliolofjuiiu-  des  différences  sexuelles  secon- 
da ires.)  Tvadiùl  de  l'anglais  par  IL  Ivurella.  Leipzig,  AVigand,  1894, 
408  pages. 

Ce  livn;  est  le  résultat  d"un  travail  de  douze  aimées  peiiilant  les- 
quelles l'auteur  a  réuni  de  nombreux  matériaux  dispersés  et  difficiles 
à  obtenir;  ce  livre  contient  ddiic  à  peu  près  tons  les  ré>ullals  posi- 
tifsacqnis  jus(]u'à  ce  jour  sur  la  ([uestion  des  diffV'UMices  secondaires 
des  sexes;  i)artont  l'auteur  abord»;  les  sujets  avec  mie  rigueur  scien- 
tifique, il  avoue  souvent  lui-même  (jifil  m;  peut  ai  river  dans  telle 
<|uestion  ]iailiciiliric  à  des  résullafs  di''liiiilils,  mais  il  ciieiilie  à 
contribuer  à  la  solution  dr  (iiieslidiis  dont  riiiiporlance  e>l  hors  île 
doute. 

Dès  les  chapitres  préliminairiis  1  auleur  passe  en  n-viic  Ir  iap[iorl 
des  deux  sexes  entre  eux  chez  les  peuples  primitifs  e(  dans  l'Iiistoire; 
il  si'iail  à  désirer  i|iic  l'aiileiii-  s'ariêlàl  un  jieii  plus  sur  riiisldiic  de 
la  société;  il  y  aiiiail,  aussi  iiilérêt  à  insisler  sur  la  |ilace  de  la 
femme  chez  les  peuples  civilisés  anciens.  On  pourrai!  se  demander 
si  la  comparaison  des  ileux  types,  choisis  ]tar  railleur,  pi'iit  êlrr 
menée  Jusipiau  boni  dans  la  forme  employée  jiar  lui;  ers  deux 
types  sont  ïinfanlilisme  représenli;  par  renfanl  avec  ses  caraclères 
]diysiolugiques  et  analomiipies  et  la  sénilité  à  kujuelli'  a|qiarlieiiiirnl 
le  singe,  le  sauvage  et  riiomme  civilisé  dans  la  vieilli;sse. 

Pour  ce  qui  concerne  la  position  de  la  femme  dans  la  soci(''l('' 
contempuraine,  on  ne  lroiive|i;is  chez  railleur  d'indicalimis  positives 
sur  l'importance  des  femmes  dans  différentes  professions  —  comme 
médecins,  institutrices,  gardes-malades,  etc.,  elc.  I, 'auleur  passe  en 
revue  d'abord  les  différinices  anatomiques  et  physiologiques  des 
sexes,  il  énumèrc  les  différences  dans  la  structure  des  différents 


I 


i 


jk' ,. 


PSYCUOLOGIE   INDIVIDUELLE 


795 


organes,  les  différences  clans  les  échanges  de  sul»slauces,  la  respira- 
tion, la  couleur  des  cheveux,  des  yeux,  etc.  ;  plus  longuement,  il  s'ar- 
rête sur  les  périodes  de  menstruation  des  femmes;  la  voix;  enlin  il 
passe  à  la  comparaison  de  la  sfusibilité  qui  semble  être  pi'ii  diffé- 
rente chez  les  deux  sexes.  Lt-s  différences  dans  les  fonctions  intellec- 
tuelles sont  plus  difficiles  à  constater  et  à  observer;  il  semble»,  se 
dégager  des  études  (^ue  les  femmes  ont  une  faculté  de  comprendre 
plus  développée  et  peuvent  plus  vite  s'accoutumer  aux  différentes 
conditions  de  la  vie  journalière,  Tbomme  est,  au  conlrair(\  très  apte  à 
s'occuper  de  problèmes  abstraits  et  compliqués.  Dans  les  industries 
les  deux  sexes  se  valent  en  général,  mais  là  où  il  faut  un  travail  sou- 
tenu l'homme  remporte  sur  la  fennne.  Il  est  intéressant  de  voir  que 
tandis  qu'on  trouve  très  peu  de  femmes  parmi  les  initiateuis  de  dif- 
férentes religions  et  sectes,  ce  sont  souvent  les  femmes  qui  ont 
défendu  et  ont  soulevé  les  hommes  pour  une  religion.  En  somme 
chez  les  femmes  les  centres  nerveux  supéiieurs  exercent  une  action 
de  contrôle  moindre,  mais  les  centres  inférieurs  sont  plus  actifs. 
L'émotivité,  la  susijestibilité  sont  plus  fortes  chez  les  femmes,  elles 
sont  aussi  plus  souvent  sujettes  à  des  hallucinations,  à  l'hystérie  et  aux 
maladies  mentales.  Les  émotions  sont  plus  faciles  à  évoquer  chez  les 
femmes  que  chez  les  hommes.  Bans  les  arts  au  commencement  les 
femmes  dépassent  les  hommes,  mais  à  mesure  que  les  arts  se  déve- 
loppent les  hommes  prennent  h-  dessus;  seulement  pour  fart  drama- 
tique on  aune  exception,  ce  qui  tient  à  une  vivacité  plus  grande  et  a 
l'émotivité  plus  forte  de  la  femme.  Enlin  l'auteur  rapi)orte  les  résul- 
tats sur  la  criminologie  et  les  maladies  mentales  chez  les  deux  sexes. 
A  la  suite  de  toutes  ces  conclusions  qui  se  contredisent  quelquefois, 
l'auteur  atteint  cette  conclusion  générale  que  la  femme  se  rap])roch(! 
plus  du  type  infantile,  tandis  que  l'iionmie  se  rapproche  ]dus  du 
type  sénile.  On  ne  peut  pas  jiarler  de  supérioriti'  jtonr  l'un  ou 
l'autre  des  sexes,  les  deux  ont  des  avantages  dans  certains  iioiiils  et 
des  désavantages  dans  d'autres. 

Fr.  KiEsow. 

rrôliariilpurau  lalioialoiiv  ilc  Wuiull. 

A.  UEIIUX.  —  Experimentelle  Studien  zur  Individualpsychologie. 
[Etude  expérimentale  sur  la  psychologie  individuelle.)  Kraeitelins 
Psychologische  Aibeiteii,  vol.  i,  |).  l)2-lo2. 

Ce  travail  a  déjà  été  publié  en  1889  comme  dissertation  à  J)oi  pal, 
Kraepelin  l'a  mis  à  la  suite  de  son  niémoiie  (|ue  nous  avons  analysé 
plus  haut.  L'auteur  a  essayé  d'étudier  expérimentalement  un  certain 
nombre  de  différences  individuelles  ;  dix  personnes  ont  été  soumises 
à  ces  expériences.  Quatie  processus  psychi(|ues  ont  été  étudiés  chez 
ces  dix  personnes;  ce  sont  :  1'^  le  processus  de  perception  [Wahr- 
nehmungsvorgang),  qui  consiste  à  compter  des  lettres,  à  chercher  dans 


i96 


ANALYSES 


un  morceau  des  lettres  déterminées  et  enfin  à  remarquer  les  erreurs 
l>endant  la  lecture  des  épreuves  ;  2°  la  mémoire,  pour  l'étudier  l'au- 
teur a  fait  apprendre  des  séries  de  12  chifTres  et  aussi  des  séries  de 
12  syllabes  ;  3°  le  processus  d'association,  étudié  en  faisant  faire  des 
additions  de  nombres  de  un  cliiffre  ;  4°  les  fonctions  motrices  sous 
deux  formes,  comme  écriture  sous  la  dictée  et  puis  lecture  aussi 
rajtide  que  possible. 

C'est  la  durée  de  ces  ditférents  processus  qui  a  surlout  aîîiré  l'at- 
tention de  l'auteur;  nous  extrayons  ici  les  cliitfres  principaux  en 
rangeant  les  processus  par  ordre  de  rapidité  : 


DURÉE 

DLRÉE 

[jLRÉE 

Lecture  il'mie  svUabe 

mininiuni 

niaximuni 

nioxenne     i 

116 

172 

138 

Actede('(inij)tf>rdesctiitl'res:  inoveune 

1 

pour  un  cliillre 

Si- 
sal 

530 
603 

323 
435 

Ecriture  (i"unc  lettre 

Addition  de  deux  chitl'res 

754 

1533 

1255 

Séries  de  12  chillres  apprises  par  cœur. 

temps  movea  par  cliitîre 

4200 

20000 

9619 

Séries   de   12  sv  labes    apprises    par 

cœur,  temps  moyen  par  syllabe.   . 

7890 

21430 

11800 

1 

Les  cliitfres  précédents  sont  des  millièmes  de  seconde  ;  les  cliitfres 
des  deux  premières  colonnes  monlrent  jus(|u'à  (piel  point  les  ditfé- 
rences  individuelh's  sont  grandes  ]>our  les  dilféicnts  processus. 

On  voit  (|ue  les  différences  individuelles  augmentent  avec  la  durée 
et  par  conséi|ui'iil  aussi  avec  la  complexilé  du  processus  psychique. 

A  côté  de  ces  expériences  l'auteur  a  aussi  jiorté  son  attention  sur  les 
effets  de  l'exercice  et  de  la  fatigue  ;  ces  effets  sont  difl'érents  suivant 
le  processus  choisi;  si  on  calcule  la  valeui'  du  rappori  de  la  variation 
de  la  durée  d'un  certain  acte  à  la  durée  minimum  de  cetacle,  c'est- 


a-(lire  1  expression 


M  — 


ii'i  M  {•>[  la  (Iuii't  (le  l'acte  après  un  extn- 


cice  et  m\  la  (lui(''e  du  même  acte  au  coiiimencemenl,  et  >i  ou  la 
multiplie  par  100,  on  oblieiit  les  cliift'res  suivants  : 

Ecriture,  1,8;  lecture,  5,7  ;  acte  d'apprendre  des  séries  de  12  syl- 
labes, 6,2;  acte  de  coniiiler  les  lettres,  0,9;  atlditions,  7,9;  acte 
d'apprendi  (■  des  séries  dt^  chiffres,  28,0. 

On  voil  iloiii-  que  l'exercice  a  le  moins  d'influence  sur  l'écriture  et 
la  lecture,  il  alleint  le  maximum  d'tdfet  pour  l'acte  d'apprendre  des 
séries  de  chiffres. 

Les  chiffres  analogues  pour  la  fatigue  sont  :  lecture,  5,9  ;  acte  de 
compter  des  lettres,  6,2;  écriture,  8,4;  addition,  15,4;  acte  d'ap- 
pieiidre  des  séries  de  chiffres,  22,3;  acte  d'apprendre  des  séries  do 
syllabes,  38,.'».  Ici  encore  on  voit  très  bien  que  la  fatigue  a  une 
iiitluenctt  différente  sur  les  difléreuts  actes  psychiques. 


rSYGUOLOGIE   INDIVIDUELLE  7*J7 

Nous  transcrivons  encore  les  résultais  très  intéressants  qui  mon- 
trent que  le  maximum  de  l'exercice  arrive  pour  les  dinérents  pro- 
cessus après  des  intervalles  dilïérenfs;  ainsi  le  maximum  d'exercice 
est  acquis  : 

Pour  l'acte  d'apprendre  des  syllabes  après  24  minutes. 

—  l'écriture  26       — 

—  l'addition  28 

—  la  lecture  38       — 

—  l'acte  de  compter  des  lettres  39       — 

—  —     d'apprendre  des  chiffres  60       — 

Pour  ce  qui  concerne  les  différences  individuelles,  l'auteur  montre 
([ue  pour  un  certain  nombre  de  processus  les  différences  indivi- 
duelles sont  analogues,  elles  vont,  pour  ainsi  dire,  parallèlement  ; 
ces  processus  sont  :  l'acte  de  compter  des  lettres,  l'addition,  l'écriture 
et  la  lecture  ;  au  contraire  pour  l'acte  d'apprendre  des  séries  de 
cliiffres  et  de  syllabes  les  différences  individuelles  sont  tout  autres. 

Enfin,  on  remar(pie  une  difTérence  considérable  dans  l'action  de 
l'exercice  et  de  la  l'aligne  chez  les  différentes  personnes. 

En  somme  ce  travail  présente  un  grand  intérêt,  il  montre  que  les 
dilTérences  individuelles  peuvent  très  facilement  être  étudiées  non 
seulement  pour  des  sensations  et  des  fonctions  psychiques  élémen- 
taires, mais  aussi  pour  des  processus  psychiques  plus  compliqués 
qui  se  rapprochent  davantage  de  le  vie  journalière. 

Victor  Henri. 

LAPICQUE.  —  Anthropologie.  Dictionnaire  de  physiologie, 

I,  p.  579-382. 

Quelques  mots  intéressants  sur  les  différences  physiologiques  des 
laces.  La  température  est  exactement  la  même  chez  les  ^lalais  et 
chez  les  Européens  habitant  la  Malaisie.  La  ration  alimentaire  est  à 
peu  près  la  même  chez  les  peuftles  qu'on  a  étiidiés,  en  dépit  du 
préjugé  populaire  qui  admet  que  certaines  races  vivent  de  rien. 
(Lapicque.  Etude  (jKantitativc  sur  le  régime  alimentaire  des  Abyssin>^. 
Bulletins  de  la  Soc.  de  biologie.  Paiis,  1893,  p.  2,')l.)  Les  caractères 
de  la  peau  et  des  poils  sojit  des  caractères  ethnicpies,  ])lutùt  (pie  des 
adaptations  à  des  conditions  diverses  d'éclairage,  de  chaleur,  dlin- 
midité.  Dans  la  Péninsule  malaise,  on  peut  Vdii  dans  la  iiiênic  inrèl 
deux  espèces  de  gibbons  très  voisines  ;  l'une  eniièreint-nt  noire 
IHylobates  syndacli/lits),  l'autre  au  pelag(!  d'un  blond  très  clair 
presque  blanc  (//.  agilis]  ;  de  même  ofn  trouve  dans  des  vallées  sé[iarées 
seulement  par  quelques  journées  de  marche  des  tribus  de  sauvages 
vivant  dans  les  mêmes  conditions,  et  dont  les  unes  sont  d(!  couleur 
chocolat,  et  les  autres,  guère  plus  foncées  (jue  des  Européens  liàlés. 
Il  y  aurait  lieu,  pens»;  l'aulenr,  d'étudier  les  ililf('-renc(!S  psycho- 
logiques; mais  sur  ces  faits  nous  manquons  non  seulement  d'obser- 


798  ANALYSES 

vatiniis  [iiécisos,  mais  encore  d'uat;  bonne  méthode  d'observation. 
Il  propose  Tétude  de  phénomènes  qui  sont  sur  le  seuil  de  la  physio- 
logie et  (ju'ou  nii'sure  par  les  méthodes  jisycho-|iliysiques,  comme 
l'acuité  sensorielle,  la  sensibilité  à  la  douleur,  la  pression  au  dyna- 
momètre, le  temps  do  réaction.  Nous  avons  en  l'occasion,  M,  Henri 
et  moi,  dans  notre  essai  sur  la  psychologie  individuelle,  de  traiter 
cette  question  ;  nous  ne  nous  sommes  pas  placés  an  point  de  vue 
des  races,  nous  avons  pris  la  question  dans  son  ensemble  ;  il  est  l)ien 
certain  que  les  méthodes  doivent  changer  stiivant  (ju'on  s'occnpe 
d'anthropologie,  de  pédagogie  ou  de  médecine  ;  néannioins  nous 
sommes  arrivés  à  une  conclusion  qui  nous  paraît  être  générale,  et 
cette  conclusion  est  diamétralement  opposée  à  celle  de  l'auteur  :  il 
faut,  en  psychologie  individuelle,  étudier  les  fonctions  complexes. 

A.    HlNET. 

Caroline  MILES.  —  A  Study  oî  Individual  Psychology.  Amer.  .1.  of 
Psych.,  YI,  4,  janvier  189o,  p.  534-U58. 

Questionnaire  sur  un  grand  nombre  de  ipieslions  de  (tsychologie  ; 
ce  questionnaire  a  été  rempli  par  100  élèves-femmes  du  collège  de 
Wellesley.  Voici  quelques  exemples  des  demandes  cl  réponses  : 

1"^  Gomment  reconnaissez-vous  votre  main  droite  et  votre  main 
gauche?  33  répondent  en  invoquant  quelque  association,  comme 
d'écrire  ou  de  manger  ;  27  disent  qu'il  y  a  dans  les  deux  mains  une 
sensation  différente  de  force,  d'habileté  ;  37  invoipieut  un  iustinct. 
A  la  question  subsidiaire  :  Hésitez-vous  pai'fois  à  distinguer  l'une  des 
deux  mains?  57  répondent  non  et  40  oui. 

2'^  Comment  vous  rappelez-vous  un  nom  oublié  ?  88  répondent  :  En 
employant  une  association,  en  général  en  pensant  aux  circonstances 
où  le  nom  a  été  entendu  ;  (juel<|uefois  aussi  en  cherchant  la  premièi'O 
lettre. 

3°  Comment  faites-vous  pour  appeler  le  sommeil?  Les  moyens  les 
plus  divers  ont  élé  cités;  le  plus  fréquent  est  de  com[)ter. 

4°  Quelles  étaient  vos  peurs  d'enfants?  Ce  qui  est  cilé  le  plus  sou- 
vent, ce  sont  la  peur  de  la  nuit  et  la  [icur  des  animaux. 

5°  Quels  sont  les  motifs  qui  vous  ont  le  plus  fré(]uemment  mis  en 
colère  ?  Les  motifs  très  variés  qui  ont  élé  donnés  sont  en  général  de 
nature  morale,  et  consistent  dans  une  oflense  à  la  dignité  de  la 
personne. 

6°  Quelles  sont  les  couleurs  préférées  ?  Quelles  associations  faites- 
vous  naturellement  avec  les  diverses  couleurs?  L'ordre  de  préférence 
a  été  le  bleu,  le  xouge,  le  jaune  (rappelons  qu'il  s'agit  de  jeunes 
filles)  ;  le  bleu  est  associé  avec  le  ciel,  l'enfance,  la  mer,  la  musique 
et  les  émotions  douces  ;  le  rouge  avec  les  émotions  fortes  ;  le  jaune 
avec  les  fleurs  et  le  soleil. 

70  Souvenirs  d'enfance.    Les   premiers  remontent  en  général    à 


PSYCnOLOGIE  INDIVIDUELLE  799 

trois  ans.  Ils  onl  pour  ol)Jel  le  moiulo  extérieur  (70),  plus  rarement 
l'enfant  lui-même  (37).  Ce  sont  en  majorité  des  souvenirs  décrits 
comme  un  spectacle  visuel.  F/objet  même  du  souvenir  a  été  :  une 
naissance  ou  une  mort  dans  la  famille  (17  cas)  ;  ini  effroi  (14)  ;  une 
maladie  (12),  etc. 

En  somme,  ces  éludes  sont  1res  suggestives,  et  elles  permettent 
une  première  exploration  de  terrains  encore  inconnus. 

A    Bl.NET. 


III.  —  BIBLIOGRAPHIES 

II.  ALLIER.  —  La  philosophie  d'Ernest  Renan.  1  vol.  in-lS,   182  p. 

Taris,  Alcan,  180;i. 

Ce  livre,  dont  plusieurs  cha|)ilres  ont  déjà  jtaru  dans  la  Bévue 
chrétienne,  en  1894,  est,  sous  une  forme  bienveillante,  une  critique 
implacable  de  la  philosophie  d'Ernest  Renan;  l'auteur  lui  reproch(i 
de  n'avoir  compris  d'autre  pbilosophie  que  celle  de  Cousin,  d'avoir 
vu  dans  les  plus  hautes  questions  philosophiques  des  prétextes  à 
poèmes,  sans  jamais  employer  d'argumentation  ni  de  preuve,  d'avoir 
réduit  la  morale  à  un  heureux  instinct  ou  à  un  commandement 
extérieur,  d'avoir  confondu  le  sentiment  religieux  avec  le  sentiment 
l'Sthétique,  d'avoir  rêvé  en  politique  une  oligarchie  de  l'intelligence, 
et  d'avoir  na'ivement  affiché  des  prétentions  scientiliqui's  alors  ([u'il 
n'a  jamais  été  qu'un  artiste  et  iju'un  impressionniste. 

\.    MiNKT. 

Pierre  .L\>'ET.  —  J.-M.  Charcot;  son  œuvre  psychologique. 
Rcv.  pliilosi)])liique,  juin  189;l. 

Il  l'st  facili'  di'  l'aire  I'i'Iol'c  d'un  niaîire  aussi  éniinrni  ipu'  Cliaicnl, 
>uitinii  (piand  un  a  eu  b'  ImnlMMic  ili'  liavaiiliT  jdn^lciiqis  dans  son 
service;  il  est  facile  de  résumer  son  u'uvic  coiisid<''ral)le.  Ce  ipii  l'est 
moins,  c'est  de  dégager  la  caractéristique  d»;  l'homme  et  de  .sa 
nji'lhode.  Pierre  .lanet  a  très  heureusement  montré  (jue  Charcot 
a  toujours  ou  presque  toujours  été  guidé  par  la  mi'IlKnlr  des  types, 
i[ui  a  consisté  à  prendre  comme  mudèb;  un  malade;  particulier,  choisi 
parmi  un  LTand  nombre  jiarce  que  les  sym|)lùnn's  i|u'il  présentait 
étaient  plus  nets  et  jikis  faciles  à  c(Uiiiirendr(;  ;  puis,  le  ma  lire  cher- 
chait à  grouper  autour  de  et;  protolyp»;  les  autres  formes  morbides, 
([u'il  considéiait  comme  frustes,  incomplètes,  rudimentaiies,  ou 
comme  des  variations  accessoires,  des  comliinaisons  du  ly|ie  sinqde. 
Cette  méthode,  exccdlenle  |ioui'  l'c-nseigni-ment,  en  vue  dinpiel  elle 
est  spécialenient  faite  ,  peut  présenter  des  inconvénients  lidut  lu 
moindre   est   de  donner  lieu  à  beaucoup  de   critiques.  Comme  le 


800  ANALYSES 

lypo  clioisi  poui'  iciursciilri'  JalUuiiic  (l"liy>(éiiL'  [lar  exciiiiile  ou  le 
grand  hypnotisme,  on  telle  aphonie,  n'est  pas  le  type  le  plus  com- 
mun, le  plus  fréquent,  le  plus  vulgaire,  il  arrive  souvent  que  d'autres 
observateurs  ne  le  rencontrent  pas  et  en  contestent  la  réalité. 

Je  remar(iue  qu'actuellement  en  psychologie,  ce  qui  prévaut,  c"est 
la  méthode  collective  ;  on  prend  en  quelque  sorte  tous  les  sujets 
qui  se  présentent,  à  la  condition  bien  entendu  qu'ils  soient  capables 
d'attention  et  capables  de  se  rendre  compte  de  ce  qu'ils  éprouvent  ; 
on  fait  la  synthèse  de  tous  les  résultats,  et  on  "eu  lire  une  sorte 
d'image  composite  qui  à  la  manière  des  photographies  de;  Galton 
représente  la  moyenne  de  tous  les  résultats.  Cette  méthode  a  surtout 
l'immense  avantage  de  réunir  des  observations  qui  se  vérifient  entre 
toutes  les  mains.  Je  ne  crois  pas  cepend;int  qu'on  doive  l'employer 
d'une  manière  exclusive  ;  on  lencontie  parfois  des  personnalités 
d'élite,  comme  Inaudi,  Diamandi,  M.  d<;  Curel,  qui  doivent  être 
mises  à  part,  et  nous  permettent  de;  |)énétrer  bien  |ilus  avant  daus 
le  mécanisme  des  phénomènes  que  les  moyennes  toujours  un  \>f\\ 
grises  des  individus  normaux.  D'autre  |i;irf,  je  crois  devoir  sigiuiler, 
dans  l'emjiloi  de  la  métliode  collective,  une  tendance  nouvelle  qui 
se  fait  jour  dans  beaucoup  de  laboratoires,  et  contre  l;i(|uelle  on  ne 
saurait  fro|i  résister.  Un  expérimentatein-  opère,  |Miin-  nii  travail 
particulier,  sur  un  certain  nombre  de  sujets,  mettons  six;  un  de  ces 
sujets  donne  des  résultats  qui  ne  concoident  pas  avec  cctix  des 
autres  ;  (imd(iuerois  même,  sur  un  groupe  de  six,  il  y  a  deux  ou  trois 
dissidents*  ou  les  écarte,  on  les  élimine,  on  ne  lient  pas  compte  de 
leurs  résultats.  Quel(}uefois,  l'auteur  du  travail  ne  dii  pas  qu'il  a 
fait  ces  éliminations,  et  cette  négligence  fait  commettre  des  erreurs 
sur  la  généialilé  de  ses  conclusions.  (Juand  on  s'expliijue  là-dessus, 
on  déclare  soinnuiirenu'nt  que  les  sujets  n(>  réalisent  pas  telh;  dis- 
]iosition,  ou  uv  sont  jias  de  bons  sujets.  C'est  ce  qui  s'est  passé  pour 
la  tiiiMirie  des  réactions  sensorielles  et  niotiices.  .Nous  croyons  au 
lontiaiie  que  c'est  un  devoir  scient  ili(iMe  de  duniu'r  tous  ses  7'ésullats. 

A.     UiNKT. 

(,.  MlldlAll).  —  Kant  comme  savant.  Ite\.  pliilosoplii(|ur,  mai  189u. 

Kant  a  écrit  sur  Ions  les  jiroblèines  di-  la  natinc,  la  physique,  la 
inécani(|ue,  la  cosmogra|diii'.  la  géologie,  la  botani(|ue,  la  zoologie  ; 
il  semble  avoir  eu  tonte  sa  \ie,  et  dès  longtemps  avant  d'tM  rire  la 
critique  de  la  laison  pure,  la  priMiccupatitui  continue  des  sciences 
de  la  nature.  Mais  il  n'a  jamais  oiiservé  de  ses  yeux  et  décrit  un 
|»hénoniène  nouveau;  il  ji"<'st  ni  homiiH!  de  laboiatoire  ni  excvu- 
sionuiste.  C'est  chez  lui,  dans  cette  ville  de  KoMiigsbi^g  où  il  est  né, 
on  il  a  fait  ses  études,  où  il  enseigne,  et  où  il  nionira,  qu'il  mi'dile 
sur  les  transformations  du  glolie  terresti'e.  Ses  moyens  de  recherche, 
ci;   sont  les  livres.  Or,   sa  cosmogonie,   i)ien   qu'elle  ait   un  air  de 


PSYCHOLOGIE   INDIVIDUIJLLE  801 

famille  avec  celle  de  Laplace,  ressemble  à  cette  dernière  comme  la 
rêverie  à  la  science  ;  elle  donne  la  preuve  d'ignorance  de  vérités 
connues  à  l'époque,  par  exemple  le  principe  des  aires.  Ses  idées 
sur  la  mécanique  sont  ingénieuses,  mais  vagues  ;  malgré  les  appa- 
rences de  la  forme  savante,  elles  font  souvent  Itien  plus  songer  à 
certaines  théories  d'Aristote  ou  même  des  Ioniens  ({u'à  Euler  ou  à 
>»ewton. 

A.    Bl.NET. 

Jos.  ZÙRCHER.  —  Jeanne  d'Arc.  Vom  psychologischen  und  psycho- 
pathologischen  Standpunkte  aus.  {Jeanne  d'Arc  ;  étude  faite  à  un 
point  de  vue  psychologique  et  psycho-pathologique.)  Inn.  Dissert. 
(Zurich).  Leipzig,  1895. 

Jeanne  d'Arc  avait  de  nombreuses  hallucinations,  elle  était  per- 
suadée d'avoir  reçu  de  Dieu  la  mission  de  sauver  la  France,  deux 
Iraits  qui  appaiiiennent  à  la  symptomatologie  de  la  monomanie; 
mais,  d'après  l'auteur,  Jeanne  n'était  pas  aliénée,  car  elle  avait 
une  grande  intelligence,  une  grande  puissance  logique,  une  moralité 
sérieuse  et  iiTéprochable,  une  adhésion  complète  aux  dogmes  de 
son  Eglise  ;  les  symptômes  morbides  qu'elle  présente  appartiennent 
à  la  pathologie  du  génie.  Cette  thèse,  écrite  par  une  femme,  a  été 
inspirée  par  Foiel. 


XNNEE    l'SYCHOLOGIOLE.    11.  51 


XII 

PSYCHOLOGIE  DES  ENFANTS.  —  PÉDAGOGIE 
PSYCHOLOGIE  COMPARÉE 

SOMMAIRE 

I.  Psychologie  des  enfan/s  et  pédagogie.  Badanes,  Baldwin,  lU'rrirk, 
Schmid-Monnard . 

II.  La  vie  émolioiuielle  des  enf'nnis. 

III.  Psyc/iologie  comparée.  Mills,  Plateau. 

I.  —  PSYCHOLOGIE  DES  ENFANTS  ET  PÉDAGOGIE 

SAUL  BADANES.  —  The  Falsity  of  the  Grube  Method  of  Teaching 
Primary  Arithmetic.  [L'erreur  de  la  méthode  de  Griibe  pour  l'ensei- 
gnement de  rufithmélir/ue  élémentaire.)  Ncw-Yoïk,  1895. 

L'enseignemenl  de  rarilinn('li(|ue  ('liMnenUiire  ôlail  peu  dévelo])i)t; 
chez  les  anciens,  à  cause  de  leurs  inélluid(>s  si  imparfailes  de  luda- 
lion,  qui  rendaient  les  opérations  liés  dil'liciles.  Le  système  tléciinal 
do  notation,  introduit  par  fierbert  en  France  et  en  Italie,  et  emprunté 
aux  Arabes,  facililales  calculs  et  remplui  de  nombres  élevés.  Au  xvnr' 
siècle,  l'enseignement  de  rarilliméli(iue  est  fondé  presque  uni(pie- 
ment  sur  la  mémoire.  Contlorcet,  Peslak)zzi  eKirulte  ont  introduit  de 
]irorondes  réformes  dans  cet  cnseignennuit. 

L'auteur  critique  le  système  de  Grube,  ([ui  part  do  ce  princi|M-  que 
les  nombres,  comme  toutes  les  connaissances,  n'arrivent  à  rintelli- 
gence  que  par  l'intermédiaire  des  sens,  et  en  coiudut  que  l'enseigne- 
ment de  l'arithmétique  doit  surtout  s'adresser  aux  sens  ;  il  faut 
apprendre,  d'après  ce  système,  à  percevoir  chaque  nombre  ;  or, 
comme  l;i  séparation  des  opérations  (addilion,  soustraction,  multi- 
plication, division)  a  pour  effet  d'affaiblir  la  perception  des  nombres, 
il  est  nécessaire  d'appliquer  les  quatre  règles  à  cliaque  nombre,  à 
mesure  qu'on  l'appreinl.  Ainsi,  dès  qu'on  fait  connaître  aux  enfants 
le  nombre  4,  on  lui  apprend  2-f2  =  4,  4  —  2  =  2,  2x2=r4, 
4  :  2  =z  2. 


PSYCUOLOGIE   DES   ENFANTS  803 

nadaues  soutient  que  ce  système  part  d"un  princiiie  psychologique 
couipiètement  faux.  Ou  ne  perçoit  pas  les  nombres,  de  la  même 
manière  qu'on  perçoit  les  objets.  D'après  Galtou  *,  les  indigènes  de 
Damar  comptent  sur  leurs  doigts  jusqu'à  u,  et  sont  très  gènes  pour 
compter  au-dessus  de  ce  nombre,  qui  épuise  tous  les  doigts  d'une 
main  ;  s'ils  ne  perdent  pas  d'animaux  de  leur  troupeau,  c'est  parce 
qu'ils  les  reconnaissent  chacun  individuellement,  procédé  qui  n'a  rien 
à  faire  avec  le  calcul.  D'après  G.  Leroy  ^,  la  corneille,  voyant  des 
hommes  entrer  dans  une  cabane  au  pied  de  l'arbre  où  elle  a  fait  son 
nid,  ne  vole  vei^s  l'arbre  que  lorsque  tous  les  hommes  qu'elle  a  vu 
entrer  sont  sortis  ;  elle  peut  ainsi  compter  jusqu'à  3  et  4  ;  au  delà  elh^ 
se  trompe.  Preyer'  dit  que  son  enfant  à  un  an  et  demi  voyait  d'un 
coup  d'œil  si  un  de  ses  dix  objets  lui  manquait  ;  mais  ceci  n'est  pas 
du  calcul,  et  cet  exemple  ne  doit  pas  être  ajouté  à  la  liste  de  ceux  mon- 
trant que  la  perception  des  nombres  est  ou  n'est  pas  développée  chez 
les  enfants.  Je  me  permets  de  rai)peler  ici  mes  propres  expériences, 
que  l'auteur  ne  connaît  pas,  et  qui  sont  autrement  probantes  que 
celles  de  Pi-eyer.  Je  montre  à  un  enfant  qui  ne  sait  pas  compter,  cinq 
jetons,  je  les  étale  sur  la  table  devant  lui  ;  puis  je  les  prends  dans 
ma  main  fermée  et  je  les  donne  un  par  un  à  l'enfant,  en  lui  deman- 
dant s'il  y  en  a  encore  ;  l'enfant,  sans  le  secours  du  langage,  ne  va 
pas  au  delà  de  4  à  6.  {Revue  philosophique,  ']\\\\\(il  1890.) 

L'auteur  conclut  que  la  perception  des  nombres  ne  se  fait  point 
comme  celle  des  objets;  elle  ne  dépasse  pas  les  premiers  nombres, 
à  moins  d'être  aidée  par  la  forme  et  le  groupement.  C'est  là  la  pre- 
mière période  du  développement  des  nombres.  Dans  la  seconde 
période,  on  arrive  à  déterminer  une  quantité  qui  ne  peut  être  perçue 
directement  :  ceci  se  fait  en  donnant  un  nom  à  un  nombre  et  en  indi- 
(fuant  qu'une  unité  lui  est  ajoutée.  Ainsi,  au  lieu  de  0,  tiui  ne  peut 
être  perçu,  on  appellera  aune  main,  et  on  dira  une  main|)lus  un.  On 
a  pu  également  indiquer  10  païune  image  spéciale.  Celle  foi  inalinn  dos 
iiDuibres  [»ar  l'addition  d'unités  à  un  mindire  ne  pouvait  conduire 
loin.  L'i'Sjirit  s'e.it  alors  d<'laché  encore  plus  des  perceptions  sen>ibles, 
et  a  appris  à  ajouter  des  nombres  à  des  nombres,  les  uns  et  les  autres 
étant  désignés  par  des  images,  i'uis,  les  images  ont  éh-  remplacées 
par  des  signes  artificiels;  et  ces  signes  arLifici<Ms  ont  (Ué  réduits  à  un 
petit  nombre,  grâce  à  ce  procédé  qui  consiste  à  faire  dépendre  la 
valeur  des  chiffres  de  leur  i)Ositi(iu.  I, "auteur  [lense  (ju'il  ne  faut  point 
dans  l'enseignement  di-  l'arithmi-tique  jn  Imt  l'enfant  de  ce  secours 
de  la  notation  ;  et  il  comlul  que  Ir  juiiicijir  de  |,i  iiii'lliode  de  Ci  iijic, 
daprès  laipudli;  la  jjerciqitinii  jouerait  un  très  grand  jôle  dans  nos 
idées  de  nombre,  est  conq)lètem(3nt  inexact.  A.  IJinet. 

(1)  Narrative  nf  an  Explorer  in  Tropical  South  Africa,  p.  133. 

(2)  The  Intellif/ence  and  l'erfectibililij  of  Animais.  Londou,  1870. 

(3)  Tlie  Minci  of  the  Cltiltl,  II,  p.  8. 


804  ANALYSES 


.1.  M.  R.VL[)\VL\.  —Mental  Development  in  the  Child  and  the  Race. 
Methods  and  Processes.  (Développement  mcnlal  chez  l'enfant  et  dans 
la  race.  Méthodes  et  procédés.)  189iJ,  1  vul.  iu-8",  490  p.  Macmillau. 
New-York. 

Les  matériaux  do  ce  livre  sont,  comme  le  d'il  l'auteur  dans  sa  pré- 
face, constitués  par  une  série  d'articles  parus  dans  diverses  revues 
anglaises  et  américaines,  The  Mind^  The  P hilosophical  licview,  The 
Psychological  Review^  The  American  Journal  of  Psijchology,  etc.  Cet 
ouvrage  est  en  somme  un  essai  de  théorie  du  développement  de  la 
conscience  chez  l'enfant  et  dans  la  race,  essai  qui  doit  sa  valeur  aux 
observations  et  aux  expériences  faites  par  Fauteur. 

L'ancienne  conceplion  de  l'àme  était  celle  d'une  substance  fixe 
avec  des  altribuls  fixes.  L'idée  génétique  a  renversé  cette  conception. 
Au  lieu  d'une  substance  fixe,  nous  avons  une  activité  qui  croît  et  se 
développe.  La  psychologie  fonctionnelle  remplace  la  psychologie  des 
facultés.  Au  lieu  d'étudier  la  conscience  à  son  maximum  de  dévelop- 
pement, il  y  a  tout  avantag(,'  à  l'étudier  d;ins  son  élat  le  jilus  simple 
d'activité,  chez  l'enfant.  Les  piiénomènes  de  la  conscience  sont  clicz 
lui  plus  simples,  plus  spontanés,  mieux  dégagés  des  influences  dis- 
turbantes  de  l'observation  interne,  de  la  réflexion,  des  circonstances 
extérieures,  des  conventionssociales.  L'élude  de  l'enfantpréstMilc  jiIus 
d'avantages  que  la  psychologit?  comparée  et  la  pathologie  mentale. 
Il  y  a  ce])endnnt  des  causes  d'erreur  dans  les  observations  et  les 
expériences  faites  sur  les  enfants  et  l'auteur  y  insiste  lui-même  en 
formulant  certains  principes  du  développement  mental  qui  ne  doivent 
pas  être  ])erdus  de  vue. 

A  côté  de  la  iisychologie  de  l'enfant  qui  se  base  sur  Vontogenèse,  se 
place  la  psychologie  de  la  race,  qui  se  base  sur  la  phyloyenèse,  et  les 
mêmes  UKilifs  qui  ont  été  invoqués  pour  l'emploi  de  la  première, 
peuvent  l'être  iuissi  [lour  la  seconde. 

Les  analogies  sont  évidentes  entre  l'ontogenèse  et  la  phylogenèse 
de  la  conscience.  Il  faut  remaiYjuer  r|ueparcc  lerme  de  phylogenèse 
l'auteur  embrasse  non  seulement  le  développement  de  la  vie  psy- 
chique de  la  race  humaine,  mais  toute  la  vie  psychique  ancestrale, 
de  (piehpK!  natuic  qu'elle  soit. 

On  peut,  dans  le  dévelo])i>ement  outogenétique  et  ])hylogenétique 
de  la  vie  psychique  distinguer  quatre  grandes  périodes  : 

1°  La  simple  contractilité  avec  les  processus  sensilifs  rudimentaires, 
les  piocessus  de  plaisir  et  de  douleur,  et  les  simples  adaptations 
motrices,  époque  affective; 

2°  L'intégration  nerveuse  correspondant  à  des  fondions  sensitives 
spéciales,  époque  de  présentation,  de  mémoire,  d'imitation,  d'aclion 
défensive,  d'instinct  ; 

3'  Intégx'ation  nerveuse  plus  complète,   époque  de  présentation 


PSYCHOLOGIE   DES   ENFANTS  805 

complexe,  de  coordinafion  modice  complexe,  de  conquèlc,  d'acliou 
ofTensive,  de  volition  rudimentaire  ; 

4"  La  fouclioii  ci'n'ltiale,  époque  de  pensée  conscienle,  d'action 
volontaire  et  d'émotion  idéale. 

Considérées  au  point  de  vue  de  la  conscience,  les  époques  2"  et  3" 
sont  ce  qu'il  appelle  les  époques  objectives j  la  qualiirme,  l'époque 
subjective. 

Cependant,  ce  parallélisme  entre  l'ontogenèse  et  la  pliylogenèse 
n'est  pas  absolu,  et  il  y  a,  sous  ce  rapport,  deux  moditications  ]irin- 
cipales  à  faire  subir  à  la  théorie  de  la  récapitulation,  c'est-à-dire  à 
la  théorie  qui  fait  de  l'ontogenèse  la  répétition  de  la  phylogenèse. 

D'abord,  certains  éléments  ou  certains  stades  de  développement 
([ui  étaient  nécessaires  chez  les  ancêtres,  disparaissent  chez  les  des- 
(^endants  par  suite  de  l'héréditi;  oix  de  la  sélection.  C'est  ce  que  l'au- 
teur appelle  la  théorie  des  raccourcissements  ou  des  chemins  de  tra- 
verse [short-cut  theory),  et  dont  il  donne  des  exemples.  Il  faut  faire 
ensuite  la  part  de  la  variation  «  accidentelle  ■»  ou  «  spontanée  »  qui 
peut  agir  soit  pendant  la  vie  intra-utérine,  soit  après  la  naissance  sous 
des  influences  diverses. 

Après  ces  prolégomènes  qui  occupent  le  premier  chapitre  viennent 
les  méthodes  et  procédés. 

L'étude  psychique  de  l'enfant  doit  avant  tout  être  scientifique, 
faite  par  un  homme  habitué  à  l'observation  et  à  l'expérimentation 
psychologiques.  Il  ne  faut  pas  cependant  repousser  d'une  façon  abso- 
lue les  résultats  obtenus  par  des  personnes  étrangères  à  ce  genre 
d'études,  mais  ils  ne  doivent  être  accueillis  qu'avec  réserve. 

Pour  donner  un  exemple  des  diftlcultés  de  cette  étude,  l'auteur 
rappelle  les  expériences  de  Preyer  et  de  Binet  sur  le  développement 
des  perceptions  des  couleurs  chez  les  enfants. 

11  part  de  ce  principe  que  les  mouvements  de  la  main  senties  meil- 
leurs indices  de  la  sensibilité  gé-m'rah;  et  spétnale  de  l'enfant  et 
(Ml  déduit  ce  qu'il  appeUc  la  méthode  dynamogéniquc. 

On  peut  ainsi  répundri-  aux  (pu'slions  suivantes  (au  iiiuiiluv  di'  12)  : 

1°  Présence  desensalinns  dr  .nulruis  différentes  indiipKv-  parle 
nombre  et  la  persistance  des  eflorts  de  l'enfant  pour  saisir  l'olijid 
cidoré  ; 

2'^  Degré  d'attraction  exi.'icé  par  d<'S  conlcuis  ditrércntcs,  indii^ué 
]tar  le  même  moyen  ; 

3°  Attraction  relative  exercée  par  les  combinaisons  do  cindeurs 
différentes  ; 

4"  Exactitude  ndative  d(;  rcsfinialion  df  la  dislanci,',  d'ajirès  les 
efforts  de  l'enfant  jiour  atteindre  les  objets; 

0"  Attraction  H'Ialivi-  dr  (igun-s  visuellfs  différent(^s  (étoiles, 
cercles,  etc.)  tie  différentes  conirnrs  ; 

6°  Usage  de  la  main  droite,  dt;  la   main  gaui'lie,  des  deux  mains; 

7"  Apparition  des  mouvements  imilatifs  ; 


806  ANALYSES 

8°  Apparition  des  mouvements  volontaires  ; 

9°  Présence  et  caractère  des  «  mouvements  d'accompagnement  »  à 
différents  stades  du  développeiflent  moteur. 

10"  Energie  du  désir  et  de  Tinhibition  volontaire  d'après  la  persis- 
tance relative  des  mouvements  de  saisir  les  objets; 

11°  Energie  relative  des  sensations  disparates  à  difîérentes  périodes 
de  la  vie  de  l'enfant,  d'après  la  compai^aison  des  expressions 
motrices  ; 

12°  Influence  inhibitoire  des  associations  élémentaires,  douleurs, 
punitions,  etc. 

Réduite  à  ses  termes  les  plus  simples,  c'est-à-dire  apiiliquée  ùl"en- 
fant  assez  ûgé  pour  saisir  les  objets  qu'il  voit,  la  méthode  dynamo- 
génique  implique  deux  variables,  la  distance  de  l'objet  et  la  natun- 
du  stimulus  ou  sa  qualité  (couleur  rouge  par  exemple).  Soit  D  l'in- 
fluence dynamogénique  d'un  stimulus,  q  la  qualité  de  ce  stimulus,  d 
sa  distance,  k  le  signe  de  proportion,  D  variera  avec  q,  et  en  raison 
inverse  derf,  dans  un  rapport  à  déterminer.  Ou  aura  donc  l'équation  : 

a 

équation  à  laquelle  naturellement  il  ne  faut  pas  donner  une  valeur 
mathématique  absolue. 

Dans  les  expériences,  on  gardera  constante  une  des  valeurs  q  ou  d, 
de  façon  à  étudier  séparément  les  influences  de  la  dislance  et  de  la 
qualité  du  stimulant. 

Le  troisième  chapitre  traite  des  perceptions  de  dislance  et  de  cou- 
leur chez  les  enfants. 

Les  expériences  ont  porté  sur  une  petite  fdle  de  neuf  mois.  En  les 
classant  d'après  le  degré  d'attraction  qu'elles  exerçaient  surTenfani, 
les  couleurs  se  rangeaient  ainsi:  bleu,  blanc,  rouge,  vert,  brun, 
résultat  qui  se  rapproche  beaucoup  plus  de  ceux  de  Binet  que  de 
ceux  de  Preyer. 

Pour  la  dislance,  l'enfant  cherche  à  saisir  tous  les  objets  qui  l'al- 
tirent  dès  qu'ils  sont  situées  à  10  pouces  au  plus,  distance  en  rai)poi'l 
avec  la  longueur  du  bras,  tandis  que  pour  13  et  14  pouces,  il  y  a  8  et 

14  p.  100  de  refus. 

L'auteur  reconnaît  du  reste  lui-même  le  trop  petit  nombre  de  ses 
expériences,  217  en  tout,  faites  sur  un  seul  enfant.  Il  faut  dire  que  ces 
expériences  ne  peuvent  êlre  multipliées  à  cause  de  la  faligue  et 
d'une  foule  de  condilinns  ipii  jicuveni  exisl(>r  chez  un  enfant  de  cet 
âge  el  Irnuliler  l'observalion. 

Pour  ce  qui  concerne  l'usage  de  la  main  droite  ou  de  la  main 
gauche,  il  a  observé  que,  tant  que  l'objet  à  atteindre  était  placé 
à  la  portée  de  la  main,  l'enfant  se  servait  indifï'éremment  de  la 
main  droite  ou  de  la  main  gauche;  mais  si  l'objet  était  placé  à  12  à 

15  pouces,  el  exigeait  de  sa  part  un  effort  musculaire jiolent  pour 


PSYCHOLOGIE   DES   ENFANTS  807 

«liciLher  à  le  saisir,  il  se  servait  de  préférence  de  sa  main  droite, 
?|)écialement  quand  robjet  avait  une  couleur  brillante;  dans  ce  cas 
nième,  il  employait  la  main  droite  à  nimporte  quelle  distance  (T^  et 
8'-  mois).  A  celte  époque,  l'enfant  ne  pouvait  encore  ni  se  tenir 
debout  ni  se  traîner  (to  creep). 

L'auteur  discute  ensuite  la  cause  possible  de  l'usage  de  la  main 
droite  ou  de  la  main  gauche  et  rapprochant  les  mouvements  de  la 
main  des  mouvements  de  la  parole,  trouve  la  cause  de  la  prédomi- 
nance des  mouvements  de  la  main  di^oite  dans  la  prédominance  do 
Ihémisphère  cérébral  gauche.  La  difticulté  ne  fait  que  reculer,  car 
cette  prédominance  de  l'hémisphère  gauche  n'a  pas  encore  reçu 
d'explication  satisfaisante. 

Ses  expériences  montrent  en  outre  que  l'usage  de  la  main  droite 
varie  en  raison  inverse  de  l'influence  dynamogénique  du  stimulus, 
([uil  s'agisse  de  la  couleur  ou  de  la  distance.  Elles  prouvent  aussi 
<[ue,  même  à  cet  âge,  l'enfant  a  déjà  acquis  une  estimation  visuelle 
l'xacte  de  la  distance.  Ace  point  de  vue,  il  se  comporte  différemment 
«suivant  la  distance  ;  si  l'objet  est  à  une  distance  telle  qu'il  soit  sur  de 
raltfindre,  il  se  sert  indifféremment  d'une  main  quelconque  ou  des 
deux  mains  ;  s'il  n'y  a  pas  certitude,  il  se  sert  de  la  main  droite  ;  si 
l'objet  est  hors  de  sa  portée,  riiiliibilion  se  produit  et  il  n'y  a  jias  de 
mouvement  des  mains. 

Le  chapitre  v  est  consacré  aux  mouvements  de  l'enfant  et  spécia- 
lement aux  mouvements  de  dessin  avec  ou  sans  modèle,  et  l'auteur 
donne  un  certain  nombre  de  fac-similés  des  dessins  exécutés  par 
l'enfant  (entre  la  dernière  semaine  du  19^  mois  et  le  milieu  du  27®  mois). 
Jusqu'au  commencement  du  27*  mois,  le  dessin  n'est  qu'une  imita- 
tion vague  des  mouvements  faits  devant  lui,  mais,  à  partir  de  ce 
moment,  le  procédé  change  ;  l'enfant  cherche  à  retracer  la  ligure 
t|u'on  lui  montre,  même  quand  on  lui  retire  le  modèle,  donc  à 
rejiroduire  le  dessin  dont  il  a  la  représinitation  mentale 

(>ette  imitation  graphique  {tracerij  iniilation)  est  la  base  d(.'  l'acqui- 
sition de  l'écriture  chez  l'enfant.  L'analyse  conduit  aux  résultats 
suivants  : 

L'enfant  commence  par  acquérir  la  notion  de  la  forme  des  lettres, 
Visual  form  séries,  puis  il  fait  lui-même  les  mouvements  jtour  tracer 
b'S  lettres  et  emmagasine  ainsi  nu  certain  noml)re  de  sensations  de 
mouvement,  muscidar  form  séries,  lùilin,  il  voit  h's  mouvements 
(l'écriture  faits  par  celui  qui  lui  ap[irend  à  écrire  et  par  lui-môme, 
d'où  un  certain  nombre  de  notions  de  mouvements  acquises  par  la 
vue,  oiitical  raovcmenl  séries.  C(iii\.iQ\^  séries  de  sensations  concourent 
à  l'écriture  et  dès  que  l'une  d'elles  man<iue,  m»'mo  chez  l'adulte, 
l'écriture  est  altérée. 

L'auteur  analyse  ensuite  la  façon  dont  se  fait  rac(pii>ili()n  d(! 
l'écriture.  Les  résultats  de  celte  analyse  liitï'èrrnt  de  ir-ux  tXo  (iolds- 
cheider  [Physiol.  u.  Pat.  der  Ilandschrift,  inZeilschri/'t  ////•  /'si/chia- 


808  ANALYSES 

trie,  1892),  en  ceci  suiiout  que  rcnfaiit,  d'aprrs  Raldwin,  possède  les 
sensations  de  forme  des  lettres  dues  primitivenKMit  à  la  vision  seule, 
tandis  que  Goldscheider  laisse  de  côté  les  sensations  Tisuelles  de 
forme  acquises  indépendamment  des  mouvements  de  la  main. 

Le  chapitre  vi  traite  de  la  suggestion.  I^'auteur  définit  la  sucsestion 
au  point  de  vue  de  la  conscience,  la  tendance  d'un  état  sensoriel  ou 
idéal  à  être  suivi  par  un  état  moteur.  Le  fait  fondamental  de  toute 
suggestion,  c'est  la  disparition  des  inhibitions  de  mouvement  pro- 
duite par  une  certaine  condition  de  conscience  qu'on  peut  appeler 
suggestibilité.  Dans  cet  état,  la  conscience  donne  à  toutes  les  présen- 
tations la  même  valeur  et  répond  à  toutes,  chacune  à  son  tour,  éga- 
lement et  avec  facilité. 

Chez  l'enfant  d'un  mois  ou  six  semaines,  la  conscience  est  pour 
ainsi  dire  absente  ;  il  n'y  a  pas  d'idées  dans  le  sens  d'images  mémo- 
rielles  distinctes  ;  la  vie  psychique  est  purement  affective.  Cepen- 
dant, même  à  cette  période,  l'enfant  est  accessible  à  la  suggestion 
du  sommeil  (tin  du  premier  mois).  Les  faits  de  suggestion  physiolo- 
gique chez  de  très  jeunes  enfants  ont  surtout  été  étudiés  par  Lii'- 
beault. 

On  peut  distinguer  les  stades  suivants  dans  la  luarciie  progrc'ssive 
des  phénomènes  de  suggestion  chez  reniant  : 

1"  Suggestion  physiologique.  —  Tendance  iVun  n'tlexe  nu  d'un 
processus  automatique  secondaire  à  s'associer  ù  des  processus  de 
stimulation  physiologiques  et  vaguement  sensoriels  et  à  être  influen- 
cés ijar  eux.  Le  cas  le  ]ilus  franc  en  est  poul-ètre  dans  la  dispari- 
tion des  instincts  quand  ils  ne  sont  plus  adaptés  aux  besoins  diî 
l'individu. 

2°  Suggestion  sensori-motn'ce  et  idco-motrice.  —  Tendance  de  fout(^s 
les  réactions  nerveuses  à  s'adapter  aux  stimulations  nouvelles,  sen- 
sorielles et  idéales,  de  façon  à  répondre  plus  promptement  à  la  répé- 
tition ou  à  la  continuation  de  ces  stimulations. 

3"  Suggestion  délibérative.  —  Tendance  de  processus  sensoriels, 
différents  à  se  fondre  en  un  état  de  conscience  simple  avec  une 
réaction  motrice  simple,  d'après  les  principes  de  la  sommation  ner- 
veuse et  de  l'arrêt. 

4°  Suggestion  imitative.  —  Tendance  d'un  processus  sensoriel  ou 
idéal  à  se  maintenir  par  une  adaptation  des  décharges  nerveuses  île 
façon  qu'elles  se  reproduisent  par  suite  de  stimulations  nouv(dles 
du  même  genre. 

L'auteur  passe  ensuite  en  revue  les  faits  de  suggestion  sub-cons- 
ciente  chez  l'adulte  (par  exemple  riniluence  des  sons  subjectifs  sur 
les  rêves,  etc.),  les  phénomènes  de  suggestion  inhibilrice  (action  in- 
liibitrice  de  la  douleur,  contrôle  des  mouvements,  timidité),  la  sug- 
gestion hynoptique. 

En  résumé,  la  suggestion  peut  être  considérée  comme  un  princijie- 
de    dynamogenèse   en  ce  sens  que  l'action  suit  le  stimulus.  Mais- 


PSYCHOLOGIE    DES    ENFANTS  809 

quand  on  se  demande  à  quelle  ?orle  d'aclion  on  a  affaire,  on  voil  (|u'il 
y  a  deux  choses  possibles,  ou  nno  lialiilude,  ou  une  accommodation. 
Pourquoi  l'une  plutôt  que  Taulre?  C'est  là  une  question  qui  rentre 
dans  la  théorie  du  développement  organique,  étudiée  dans  les  cha- 
pitres suivants. 

Le  chapitre  vu  Irailc  de  la  théorie  du  développement  et  en  premier 
lieu  de  l'adaptation  organique  en  généial. 

La  question  qui  se  pose  maintenant  est  celle-ci  :  Comment  dans  la 
fonction  d'un  organisme,  se  produit  le  fait  remarquable  de  la  sélec- 
tion ?  Comment  un  organisme  choisit-il  les  choses  qui  lui  convien- 
nent pour  s'y  accommoder  et  repousse-l-il  colles  (jui  ne  lui  con- 
viennent pas  ?  Ceci  en  somme  revient  à  dire  :  Comment  un  orga- 
nisme ac([uierl-il  un  mouvement  d'adaptation  nouveati?  Ces  nouvelles 
accommodations  peuvent  être  acquises  par  un  organismi^  de  diffé- 
rentes façons  : 

1»  La  sélection  naturelle  peut  agir  directement  sur  les  organismes 
individuels.  Si  nous  supposons  d'abord  que  les  organismes  sont 
capables  de  réagir  aux  stimulations  par  des  mouvements  de  hasard, 
nous  pouvons  admettre  que  ces  slimulalions  auxquelles  ils  réagissent 
sont  les  unes  favorables,  les  autres  nuisibles.  Si  les  slimulalions 
favorables  reviennent  plus  fréquemment  à  certains  organismes  qu'à 
d'autres,  la  survivance  des  premiers  sera  favorisée;  ils  auront  été 
l'objet  d'une  sélection  ;  c'est  en  somme  comme  si  des  organismes  de 
caractère  neutre  avaient  appris,  chacun  jinur  soi,  à  ne  réagir  qu'à 
certaines  stimulations  favorables.  C'est  la  doclrino  l)iologi([ue  cmi- 
rante. 

Mais  on  peut  faire  un  pas  de  plus,  l'armi  les  formes  organiques, 
il  peut  y  en  avoir  qui  réagissent  de  façon  à  rester  en  contact  avec 
le  sliniuliis  l't  à  réagir  à  ce  slimulus  |iar  une  séiic  (h;  réaclions 
successives,  compaiables  par  exemple  aux  mouvemenis  lytlnniques 
de  la  respiration.  La  répélilion  ou  la  persistance  de  ces  slimula- 
lions et  des  réactions  qu'idles  [iroduisent  sera  ulih'  on  nuisible,  mais, 
dans  ce  dernier  cas,  aboutira  à  la  disparition  de  l'organisme  tandis, 
que  la  survivance  n'aura  lieu  i|ue  |i(iiii-  les  (n:,'aiiisiiies  placés  dans 
le  premier  cas.  Il  en  résultera  donc  (|Ut!  tous  les  organismes  vivants 
auront  poiu'  propriété  générale  de  réagir  de  façon  à  conserver  leurs, 
propres  stimulations  vitales.  C'est  al)solnmeMt  comme  si  les  orga- 
nismes originairement  neutres  avaient  appris  à  inanii'e.sler  ce  genre 
particulier  de  réactions. 

Dans  ce  premier  stade  de  la  sélection  nalurelii'  la  conscience  n'a 
pas  à  intervenir  et  par  conséquent  nous  n'avons  lien  à  en  tirer 
pour  l'origine  de  la  conscience. 

2°  La  sélection  naturelle  peut  produire  des  réaclions  différente» 
dans  le  même  organisme.  C'est  ce  qu'on  peut  appeler  la  sélection 
organique.  Les  réactions  déjà  existantes  dans  un  organisme  sont 
moditiées  par  rinlluencc  de  nouvelles  conditions,  d<;  sorte  que  ces 


810 


ANALYSES 


réactions  modifiées  servent  à  maintenir  les  slimulalions  favorables 
(lu  nouveau  milieu  en  éliminant  les  stimulalions  nuisibles.  Comment 
les  organismes  individuels  acquièrent-ils  ces  nouvelles  adaplations 
dans  le  cours  de  leur  existence  ?  C'est  le  premier  iirnbjt-nie  à 
résoudre. 

Comment  se  fait  l'ajuslenient  fonctionnel  des  processus  vitaux 
d'un  organisme  aux  variations  de  ses  propres  réactions  motrices,  de 
telle  sorte  que  dans  la  masse  enlièro  de  ces  léactions  les  réactions 
utiles  sont  seules  clioisies  1 

Ce  processus  est,  pour  le  dire  d'avance,  Vanalogue  orr/anique  ou 
névrolorjique  de  la  conscience  du  plaisir  et  de  la  douleur  {hedonic 
consciousness).  Les  stimulai idus  qui  soni  conservées  ou  répétées 
sont  celles  qui  produisent  du  plaisir,  celles  qui  sont  évilées  son! 
celles  qui  causent  de  la  douleur. 

L'auteur  rappelle  à  ce  point  de  vue  les  tiiéories  de  Bain  et  de 
Meynert  sur  le  plaisir  et  la  douleur.  Mais  à  la  formule  de  la  sélection 
organique  il  a  joule  le  iaiiiri[)e  auxiliaire  de  l'excès.  Celle-  loi  de  l'excès 
n  est  pas  autre  cbose  que  l'application  dans  un  oiganisme  donné  du 
principe  par  lequel  la  sélection  naturelle  des  organismes  particuliers 
est  assurée,  ju'incipe  connu  sous  le  nom  de  surproduction. 

C'est  ce  principe  t[u"il  étudiera  plus  loin  dans  les  Irois  modes  de 
l'adaptation,  iuiilation  organique,  imitation  conscieiile  et  volilioii. 

IMais  aujiaravaut  il  examine;  les  théories  biologiques  C(Uiiaiites  de 
l'adaptation,  théories  de  Darwin,  Bain  et  ."Spencer. 

Il  discute  les  trois  postulats  de  lîain  :  1°  la  sponlanéilé  des  mouve- 
ments ;  2"  une  cerlaiue  loue  cpii  puisse  lixer  et  conlirmer  une 
l'o'incidence  forluile  heureuse;  3°  l'adhésion  contiguë  entre  les  deux 
états,  l'état  de  sentiment  (M.  l'élat  musculaire  approprié  i,  et  montre 
les  lacunes  et  les  imperfections  de  cette  théorit;  ainsi  (juc  de  celle 
de  Spencer. 

Si  on  laisse  d(!  côlé  provisoirement  la  iiueslion  de  la  spontanéité, 
le  postulat,  que  W  plaisir  dû  à  mi  mouvement  heureux  est  l'agent 
de  l'adaptation,  n'a  de  valeur  que  si  on  admet  la  régularité  et  la 
constance  des  actions  ambiantes  de  slimulalion. 

Ce  n'est  pas  là  la  seule  olijeeliuu  à  faire  à  la  Ihéorie  de  Spencer 
et  Bain.  Mais,  ne  pouvant  suivre  l'auleur  dans  celle  discussion 
purement  théorique,  je  nn^  contenterai  de  résumer  les  différences 
l'ondamentalcs  qui  existent  entre  la  théorie  de  l'auteur  et  celle  de 
Spencer  et  Bain.  Ces  différences  concernent  la  première  adaptation 
organique. 

Pour  Baldwin,  la  première  adaptation  est  phylogenétîque;  c'est 
une  variation.  Par  suite  de  la  sélection  naturelle  chez  les  orga- 
nismes, ceux-là  survivent  qui  répondent  par  une  expansion  à  cer- 
taines stimulations  (aliments,  oxygène,  etc.)  et  par  une  contraction 

(l)  Voir  Bain:  Les  émolions  cl  la  volonté,  trad.  fr..  p.  307. 


PSYCHOLOGIE   DES   ENFANTS  811 

à  certaines  autres  stimulations  ;  cette  expansion  iirodiiil  une 
augmentation  d'énergie  centrale  qui  est  la  l)ase  organique  df  la 
conscience  du  plaisir  ;  de  là  des  mouvements  excessifs  variés 
(manifestations  diverses  de  suractivité  motrice)  parmi  lesquels 
se  fait  par  association  une  sélection  d(*s  adaptations  ontogéné- 
tiques  des  organismes  individuels,  ces  mouvements  eux-mêmes 
tendent  à  perpétuer  les  stimulations  qui  procurent  du  plaisir  ;  ces 
stimulations  excitent  à  leur  tour  les  processus  moteurs  et  ainsi  de 
suite. 

Dans  la  théorie  courante  de  Spencer-Bain  au  conti'aire  la  pre- 
mière  adaptation  organique  est  onlogenétique,  c'est-à-dire  due  à  des 
adaptations  accidentelles  qui  se  produisent  dans  les  mouvements 
spontanés  ou  diffus  d'un  organisme  simple  ;  ces  adaptations  déter- 
minant une  augmentation  d'énergie  centrale  qui  est  la  base  orga- 
nique de  la  conscience  du  plaisir  et  qui  à  son  tour  ahoulit  à  des 
mouvements  excessifs  sur  lesquels  la  sélection  forluite  opère  de 
nouveau,  ces  adaptations  étant  lixées  et  deven<iut  iiermaneiites  par 
l'association  entre  l'idée  des  mouvements  qui  procurent  le  plaisir  et 
les  souvenirs  du  plaisir  qu'ils  ont  procuré. 

Après  quelques  considérations  générales  sur  le  développement  et 
l'hérédité,  l'auteur  aborde  le  problème  de  l'origine  de  la  conscience. 

On  a  vu  que  la  base  physique  de  la  conscience  du  plaisir  —  le  fait 
d'une  augmentation  d'énergie  vitale  centrale  se  l'ésolvant  en  mouve- 
ments d'expansion —  est  une  variation  dans  les  organismes  primitifs, 
variation  d'origine  lihylogénétique  plutôt  ({u'une  acquisition  due  à 
une  adaptation  dans  la  vie  des  organismes  particuliers.  La  Ijifurca- 
lion  originelle  des  mouvements,  expansion  et  rétraction,  est  un 
produit  piiylogenétique,  une  variation  dans  les  formes  contractiles 
les  plus  primitives. 

On  peut  cependant,  comme  Spencer  et  Bain,  avoir  une  autre  opi- 
\non.  Dans  ce  dernier  cas,  la  conscience  du  plaisir  et  de  la  douleur 
apparaît  à  un  moment  donné  de  la  vie  de  la  créature  ;  à  (juid  moment 
Juste  ?  Spencer  ne  fournit  pas  de  réponse  précise  à  cette  question. 
Mais  si  nous  admettons  que  le  tissu  contractile  unifornif  n'a  pas  la 
conscience  tant  que  ne  s'est  pas  produite  l'augmentai  ion  d'énergie 
des  processus  qui  corresponde  au  plaisir,  et  que  celte  augmentation 
d'énergie  est  due  aux  adaptations  accidentelles  de  mouvement,  la 
conscience  ap[iaKiîtra  alors  à  la  suite  de  ces  adaptations. 

Mais  nous  avons  vu  que  ces  adaptations  de  mouvement  n'ont  de 
t-ignifîcalion  pour  l'organisme  qu'autan!  qu'elles  délerniinent  cer- 
taines stimulations  vitah.'S.  Donc  après  tout  l'apparition  de  la  cons- 
cience semblerait  due  à  l'influence  de  ces  stimulations  vitales  et 
comme  ces  stimulations  vitales  sont  devenues  des  hahitudes  (jm- 
l'hérédité  a  transmises  aux  organismes  particuliers  et  qui  consli- 
tuent  la  vie  elle-même,  la  conscience  devicMit  en  réalité-  un  [iroduil 
piiylogénétique. 


812  ANALYSES 

A  cette  manière  de  voir  s'attachent  des  diflicullés  et  des  avan- 
tages. 

Les  difficultés,  Romanes  les  a  vues  et  les  discute  dans  sou  livre  sur 
révolution  niculalc  des  animaux.  En  réalili'',  le  problème  se  réduit  à 
ceci:  faut-il  admettre  iirimitivement  une  vie  sans  conscience  et  seu- 
lement plus  tard  une  vie  avec  conscience,  ou  bien  la  conscience  est- 
elle  liée  à  la  vie  elle-même  et  n'apparaissent-elles  pas  toutes  les  deux 
en  même  temps?  Pour  lui,  c'est  à  cette  deiniière  o]îinioii  i\n"il  s'ar- 
rête. 

En  résumé  deux  grands  faits  dominent  le  développement,  Tlmbi- 
lude  et  l'accommodation. 

L'oi'ganisme  tend  à  répéter  ce  qu'il  a  dé'jà  fait,  et  ce  fait  de  répéti- 
tion est  admis  comme  la  pieire  angulaire  de  toutes  les  théories.  Sous 
sa  forme  ordinaire  ce  piincipe  se  formvile  ainsi  :  l'habitude  est  la 
tendance  de  l'organisme  à  répéter  ses'propres  mouvements.  L'auteur 
a  modifié  cette  formule  en  se  basant  sur  ce  fait  ([ue  tous  les  nu)uve- 
ments  ne  sont  pas  ainsi  répétés,  mais  seulement  ceux  qui  causent 
du  plaisir  et  sont  favorables  au  maintien  de  l'existence;  ù  ce  point 
de  vue  l'habilude  est  la  tendance  d'un  organisme  à  rester  en  contact, 
par  le  moyen  du  mouvement,  avec  les  stimulations  favorables  ou 
plus  brièvement,  ;'i  assurer  et  à  maintenir  ses  stimulations  vitales. 

Le  second  principe  est  celui  de  l'adaptation  lUi  dr  l'accommodation 
qui  peut  se  résumer  ainsi  :  un  organisme  s'accommode  ou  apprend 
de  nouvelles  adaptations,  sim]ilement  en  exereant  les  mouvements 
cju'il  a  déjà  faits,  autrement  dit  ses  habitudes,  avec  un  excès  ou  un 
redoublement  d'intensité;  l'accommodation  dans  cliaqne  cas  est 
simplement  le  résultat  et  le  fruit  de  l'iialMludi'  niènu'  (pii  a  été 
exercée. 

Le  chapitre  viii  est  cousacn'-  à  Vorirjinc  des  atliludcs  et  des  expres- 
sions motrices. 

L'expression  n'est  qu'une  fonction  de  l'i'voiutiou  organi(iue  et  la 
science  de  l'expression  une  luauclie  de  la  niorpliolo^ie. 

Il  classe  les  émotions  sous  (huix  groupes,  C(;lles  qui  l'clèvent  de 
l'instinct  seul,  comm(>  celles  (ju'éprouve  par  exemple  un  eiil'aut  d'un 
an,  et  celles  rpii  rtdèvent  des  idées. 

Il  y  a  deux  ([uestious  à  résoudre.  Pourquoi  les  ('•motions  différentes 
ont-elles  des  voies  particulières  d'expressioii  ou  de  décliarges 
motrices,  et  pourquoi  les  deux  sortes  d'émotions,  celles  des  instincts 
et  celles  des  idées,  ont-elles  les  mêmes  modes  d'exitression  ? 

Trois  principes  doivent  être  invoqués  pour  une  théorie  génétique 
des  émotions,  l'iiabitude,  l'accommodation  et  la  dynamogenèse. 

1°  La  dynamogenèse  exprime  simplement  le  fait  d'une  connexion 
régulière  entre  les  modes  sensoriels  et  moteurs  de  toutes  les  réac- 
tions vivantes.  Ce  principe  a  toujours  été  en  action  et  est  toujours 
en  action  dans  toutes  nos  réactions.  Le  professeur  James  a  montré 
que  l'esprit  u'a   jamais  deux  fois  le  même  contenu;  mais  le  corré- 


PSYCHOLOGIE   DES    ENFANTS  813 

latif  est  vrai  aussi  que  nous  n'agissons  jamais  deux  fois  do  la  même 
faeon.  Donc  dans  tonte  action  de  chaque  organisme,  comme  dans 
tout  contenu  mental,  se  présentent  deux  éléments,  un  élément 
ancien  dû  à  Tliabitude  et  un  élément  nouveau,  un  x,  qui  se  surajoute 
à  Fane i en. 

Ce  sont  ces  nouveaux  éléments  qui  déterminent  dans  toute  émo- 
tion, comme  dans  tout  état  de  conscience  oii  existent  ces  nouveaux 
éléments,  l'apparition  d'une  teinte  de  plaisir  ou  de  douleur  et  ce 
sont  eux  aussi  qui  dans  toutes  les  actions  produites  sous  les  mêmes 
conditions,  entrent  en  jeu  dans  les  mouvements  dits  expressifs  de 
cet  état  de  conscience. 

2°  Il  est  évident  maintenant  (ju'une  réaction  motrice  quelconque 
a  deux  antécédents  de  stimulation,  d'une  part  une  influence  due  à 
l'habitude  et  d'antre  part  une  inlluence  due  aux  éléments  nouveaux 
de  stimulation.  Or,  nous  savons  que  l'habitude  tend  à  rendi^e  les 
réactions  automatiques  et  réflexes  et  à  en  faire  disparaître  la  cons- 
cience. l)onc  les  réactions  les  plus  dominées  par  l'habitude,  les  plus 
anciennement  héritées,  les  plus  instinctives  sont  celles  qui  s'ac- 
compagnent de  la  plus  faible  somme  de  conscience.  Au  contraire  la 
conscience  est  à  son  maximum  (juand  l'habilude  est  à  son  minimum 
et  quand  des  éléments  nouveaux  interviennent. 

Et  cependant  ce  sont  précisément  ces  réactions  expressives,  qui 
sont  les  plus  instinctives  et  réflexes  (peur,  joie,  etc.),  qui  entraînent 
à  leur  suite  ce  maximum  de  conscience  que  nous  appelons  émotion. 
Comment  cela  se  fait-il"?  Il  n'y  a  pourtant  pas  là  d'éléments  nou- 
veaux et  on  est  obligé  d'en  venir  à  la  théorie  de  Lange  et  James,  que 
l'émotion  est  consécutive  à  l'expression  pour  toutes  les  formes  ins- 
tinctives de  l'émotion. 

3°  On  a  vu  que  l'accommodation  agit  de  deux  façons  :  1°  elle 
exprime  le  mode  de  chaque  nouvelle  adaptation  sous  l'action  de  la 
ilynamogenèse  ;  2"  elle  assure,  par  l'action  de  l'association,  la  répé- 
tition et  la  iiermanence  des  mouvements  les  jilus  favorables  et  les 
lixe  en  habitudes  <h'  l'organisme  (réactions  ulilr-s,  réflexes,  ins- 
tincts, etc.). 

Chaqut;  élément  nouveau  (expérience  ou  mouvement),  cluuiuc 
adaptation  nouvelle  réveille  une  grande  masse  d'éléments  anciens 
associés  qui  font  irruption  dans  la  conscience,  s'ajoufant  à  la  valeur 
intrinsèque  motrice  et  émotioniielhî  de  cet  élément  nouveau.  Les 
sensations  organi(jues  ordinairement  disparues  }»ar  suite  de  l'haln- 
tude  reparaissent  dans  la  conscience  comme  des  vagues  soulev('M\s; 
c'est  ce  qui  explique  ce  (ju'oii  a  appelé-  l'cxpicssion  des  é'inolinDs. 

Quels  sont  maintenant  les  rapports  de  l'attention  avec  l'émotion? 

Chez  les  oi'ganismes  supéiieurs,  chez  l'homme  par  exemple,  c'est 
surtout  l'espiit  (et  par  cons('quent  la  cojjscience)  qui  est  devenu 
l'agent  le  jtlus  important  d'adaptation,  et  l'altenlion  est  elle-même 
l'instrument  premier  de  l'esprit  r(  l'agent  esscnlicl  de  l'adaptation. 


814  ANALYSES 

Si  ratteiilion  n'est  quL-  lu  forme  Iiabituelle  de  raLCuiuinodatioii 
mentale,  nous  devons  y  relronver  les  facteurs  que  nous  avons  déjà 
trouvés  dans  les  émotions  d'oidre  inférieur,  mais  à  un  niveau  plus 
élevé,  niveau  où  le  stimulus  est  une  image  mentale,  un  souvenir, 
une  idée. 

On  y  trouve  d'abord  une  augmentation  de  la  dynamogenèse  se 
traduisant  en  plaisir  (idéal)  ou  en  peine,  ensuite  des  éléments  quali- 
tatifs provenant  des  mouvements  habituels  de  l'attention  (contrac- 
tions des  muscles  frontaux,  etc.),  enfin  des  manifestations  orga- 
niques et  motrices,  correspondant  au  caractèi'e  même  de  l'idée  ou 
de  l'objet  sur  lequel  se  porte  l'attention  (attention  plus  spécialement 
visuelle  pour  les  idées  de  vision,  auditive  pour  les  idées  d'audi- 
tion, etc.).  Ces  raffinements  spécialisés  de  l'attention  se  groupent 
en  habitudes  relativement  indépendantes  et  sont  le  point  de  départ 
des  états  émotionnels  les  plus  élevés  (sentiments  esthétiques, 
éthiques,  etc.). 

Seulement  jilus  les  émotions  sont  élevées,  plus  elles  se  dégagent 
de  la  résonnance  des  réflexes  instinctifs  et  des  éléments  émotion- 
nels dus  aux  habitudes  organiques.  En  résumé,  on  trouve  dans  l'émo- 
tion :  le  plaisir  et  la  peine  de  l'accommodai iiui,  plus  le  ]ilaisir  et  la 
peine  de  l'habitude,  plus  un  certain  nombre  de  qualités  apportées  à 
la  conscience  par  les  processus  plus  ou  moins  habituels  des  milscles, 
des  organes,  des  glandes,  qui  se  produisent  au  même  moment. 

Quant  à  l'expression  des  émotions,  elle  consiste  en  ceci  :  certains 
processus  plus  ou  moins  habituels  qui  se  passentdans  l'organisme,  plus 
les  éléiru'Uts  de  coulraction  musculaire  et  de  mouvements  organiques 
qui  sont  dus  au  plaisir  et  à  la  peine  présente.  C'est  ce  qu'il  appelle 
un  peu  plus  loin  l'expression  hédoniqnc,  qui  traduit  le  plaisir  ou  la 
douleur  de  l'organisme.  Comment  exi)li(iuer  maintenant  les  expres- 
sions particulières  qui  s'atlaclient  aux  états  émotionnels  particuliers 
et  comment  s'est  dév(dop|)i'('  cbacunc  de  ces  expressions  organiciues 
et  musculaires  ".Ml  faut  remar(iut'r  (|ui'  ces  états  particuliers,  associés 
aux  émotions  telles  que  la  crainte,  clc,  ne  se  sont  pas  développés 
comme  l'expression  di^  quebiuc'  chose,  mais  ne  sont  que  des  coordi- 
naliniis  et  {[('■r<  associiilions  de  r('ai'li<ins  qui  piiniilivcMicul  ont  été 
utiles  à.  l'organisme  pour  maintcuir  et  augmenter  sa  vilalité.  Toutes 
ces  expressions  diverses  d'émotions  ont  été  originairement  des 
réactions  utiles  et  des  adaptations  spéciales.  Ce  ne  sont  (jue  des  cas 
parliculiers  de  la  théorie  de  l'adaplalion. 

Ici  se  place  une  critique  des  opinions  de  Darwin  sur  l'expression 
des  émotions  et  spécialem(!nt  de  son  principe  de  l'anlillièse.  Tîaldwin 
fait  rentrer  ces  cas  de  mouvements  et  d'attitiules  anti(bé(i([ues  dans 
sa  théorie  de  l'expression  hédonique.  C'est  sinq)hMnent  une  conse- 
il uence  de  la  tendance  originelle  des  formes  organiques  à  réagir  de 
deux  façons  opposées  aux  stimulations  (|ui  produisent  les  deux 
sortes  d'effets  vitaux  originels  correspoudani  au  plaisir  et  à  la  don- 


PSYCHOLOGIE   DES   ENFANTS  815 

leur.  C'est  là  en  réalité  le  mode  di'  formai  ion  des  mouvements  et 
des  muscles  antagonistes,  car  les  muscles  ne  sont  autre  chose  que 
des  habitudes  et  des  combinaisons  spéciales  de  mouvomenls  dis- 
posés soit  pour  maintenir,  soit  pour  écarter  des  stimulations. 

II  discute  ensuite  le  principe  de  l'action  directe  du  système  ner- 
veux de  Darwin  et  montre  comment  il  s'accorde  avec  sa  théorie. 

Le  chapitre  ix  est  consacré  à  ce  que  l'auteur  appelle  Yimilation 
organique. 

L'imitation  est  une  réaction  sensori-motiire  ordinaire  qui  pré- 
sente seulement  celle  particularité ditTérentiellr  (|u'('He  imilc  linéique 
chose.  C'est  une  activité  circulaire  suivant  l'expression  do  rauh'm-, 
c'est-à-dire  qu'on  y  trouve  :  un  état  cérébral,  ài\  à  certaines  condi- 
tions de  stimulation,  une  i^éaction  motrice  qui  repi'oduit  ou  retient 
ces  conditions  de  stimulation,  le  retour  du  même  état  cérébral  dû 
aux  mêmes  conditions  de  stimulation,  et  ainsi  de  suite.  Les  ques- 
tions à  résoudre  sont  les  suivantes  :  Quelle  sera  dans  la  théorie  psy- 
ciio-physique  la  place  de  cet  ordre  particulier  de  réactions?  Quelle 
est  sa  valeur  dans  la  conscience  et  dans  le  développement  mental  ? 
Gomment  apparaît-il  "? 

Le  cerveau  est  un  organe  qui  répète  et  l'imitation,  en  prenant  le 
mot  dans  son  sens  le  plus  large,  entre  en  jeu  dès  qu'un  organisme 
vivant  est  en  rapport  avec  le  monde  extérieur. 

La  place  de  l'imitation  dans  le  développement  de  la  vie  peut  se 
résoudre  de  deux  façons  :  1°  en  examinant  les  imitations  actuelles 
des  créatures  vivantes;  2'^  en  déduisant  l'imitation  de  la  théorie 
névrologique  et  psychologique  de  la  ré-pétition. 

L'auteur  prend  d'abord  la  question  au  point  de  vue  névroIogi(iue 
et  après  avoir  rappelé  les  travaux  de  Verworn  et  PfcfTer,  arrive  aux 
conclusions  suivantes. 

Partout  où  il  y  a  vie,  il  y  a  irritabilité,  propriété  nerveuse.  Partout 
où  il  y  a  vie,  il  y  a  sélection  si)ontanée  des  slinndations  et  des 
adaptations  motrices  nécessaires  à  son  maintien,  et  perpétuation  des 
stimulations  favorables.  Les  phénomènes  do  sélection  (do  réaction 
sélective)  ne  se  passent  pas  autrement  chez  les  êtres  unicelhdaires 
que  chez  les  organismes  sujiéi leurs,  l'accommodation  organiiiue  et 
l'accommodation  mentale  sont  une  seule  et  même  chose. 

L'adaptation  de  tous  les  organismes  a  été  assurée  par  lenr  ten- 
dance à  agir  do  faoon  à  reproduire  ou  à  inainlcnir  les  stimulations 
qui  sont  favorables.  C'est  de  cette  [façon  seulement  (jue  de  nouvelles 
réactions  peuvent  être  rendues  favorables  et  répétées,  et  fixées  en 
habitudes.  Mais  cette  réaction  qui  tend  à  assurer  la  continuation  de 
sa  propre  stimulation,  est  exactement  le  processus  nerveux  do  limi- 
talion  consciente.  Aussi  i)out-on  dire  que  toute  adaptation  orga- 
nique en  pré.sence  d'un  changonioni  «laiis  le  milieu  o-(,  un  jihéno- 
mène  cVirnilation  organique  ou  biologique. 
De  nombreuses  critiques  ont  été  adressées  à  l'auteur  au  sujet  de 


816  ANALYSES 

l'emploi  de  ce  mot  imitation  pour  cet  ordre  de  phénomènes,  cri- 
tiques qu'il  clierclie  à  réfuter  dans  une  note.  Comme  il  le  dit  lui- 
même,  il  Ta  employé  faute  de  mieux,  en  l'absence  d'un  terme  con- 
venable. Il  y  a  peut-être  là  cependant  aulre  chose  (ju'une  simple 
question  de  terminologie. 

L'auteur  étudie  ensuite  la  base  physique  de  la  mémoire  et  de  l'asso- 
ciation. 

La  mémoire  au  point  de  vue  physiologique  est  la  réintégration, 
dans  les  centres  nerveux,  des  processus  mis  en  jeu 'originairement 
dans  la  perceplion,  la  sensation,  etc.  Ces  processus,  une  fois  en 
train,  tendent  à  se  résoudre  en  mouvement,  quelque  ait  été  leur 
mode  de  production.  Donc  que  ce  soit  la  sensation  elle-même  ou  la 
mémoire  de  la  sensation,  la  tendance  au  mouvement  sera  exacte- 
ment la  même. 

Dans  la  mémoire  la  chose  remémorée  est  absente  ;  mais  les 
résultats  sont  absolument  les  mêmes  que  si  le  processus  cérébral 
avait  son  poini  de  départ  dans  un  slimulus  extérieur.  L'organisme 
tend  à  rester  en  contact  avec  le  slinndus  s'il  est  favorable,  à  s'en 
écarter  s'il  lui  est  nuisible. 

Les  souvenirs  sont  des  copies  du  monde  extérieur  (jut»  nous  casons 
dans  la  conscience  et  (jui  nous  servent  de  modèles  jiour  rimilalion. 
Gha(]ue  acte  que  j'accomplis  est  ou  bien  l'imitation  de  quelque 
chose  que  je  trouve  devant  moi  au  moment  actuel  ou  la  reproduction 
de  quelque  chose  dont  les  éléments  sont  dans  ma  mémoire  et  ont 
été  ]uis  dans  le  monde  extérieur. 

Ces  copies  for  imitation  s'enchaînent  les  unes  aux  aulres  et  il 
sufllt  que  l'une  d'elles  soit  mise  en  train  par  un  stimulus  extérieur 
pour  que  toutes  les  autres  entrent  en  jeu  à  leur  tour  et  que  les 
réactions  qu'elles  peuvent  produire  puissent  se  réaliser.  C'est  ainsi 
([ue  se  forment  ces  habitudes  de  plus  en  jdus  variées  et  complexes 
de  l'organisme  ([ui  le  rendent  de  moins  en  moins  dépendant  du 
monde  extérieur. 

Les  deux  factcnas  essentiels  de  la  théorie  névrologi(iut;  ont  déjà 
été  indiqués  par  Tarde  et  Sighele.  C'est  d'une  i)art  tjue  les  répéti- 
tions sont  assurées  par  l'imitation,  idée  s|iécidaliv(;  basée  sur  ce 
simple  fait  que  les  animaux  et  l'homme  imitent  consciemment, 
d'autre  part  que  la  mémoir(;  est  (•onsid('"r('e  comme  un  moyen  de 
jier|iéluer  les  elfcis  de  la  lépélilioii  dans  le  dé'veloppement  menlal, 
et  de  les  rendn;  [)lus  complexes.  Mais  il  faut  ajouter  un  troisième 
facteur  fondamental,  c'est  que  l'imitation  elle-même  a  son  origine 
dans  les  processus  vitaux  siuqdes  d'un  organisme  par  la  rencontre, 
parmi  les  «  variations  s[tont;uiées  de  la  vie  »,  de  créatures  dont  les 
dégagements  vitaux  [vital  discharges)  sont  des  mouvements  du  type 
«  circulaire  »  qui  tendent  directement  à  assurer  la  répétition  ou  le 
maintien  de  certaines  stimulations  favorables. 

Ici  se  place  une  nouvelle  phase  dans  l'histoire  de  la  race.  A 


PSYCUOLOGIE   DES   ENFANTS  817 

mesure  que  l'IiabiLude  conlinue  à  agir,  1  "accommodulion  prend  une 
nouvelle  forme  et  le  principe  d'association  pixMid  toute  sa  valeur 
dans  le  développement  nerveux  et  mental. 

L "associalion  nerveuse  a  deux  effets.  En  premier  lieu  elle  fait  là 
ce  qui  a  été  fait  dans  les  organismes  inférieurs  ;  elle  lie  l'un  à  l'aulrc 
le  sens  de  la  stimulation  et  le  sens  du  mouvement,  mais  elle  fait  plus 
encore  ;  elle  réunit  ensemble  des  réactions  différentes  et  en  fait  un 
tout,  de  sorte  que,  un  stimulus  étant  donné,  il  se  produit  non  seu- 
lement la  réaction  spéciale  à  ce  stimulus,  mais  par  son  association 
avec  un  autre  stimulus  ou  avec  son  souvenir,  une  autre  réaction  et 
ainsi  de  suite.  Le  cerveau  devient  ainsi  un  ensemble  de  processus 
sensoriels  et  moteurs  réunis  par  des  «  libres  d'association  ». 

Les  fonctions  volontaires  les  plus  complexes  dérivent  des  fonctions 
les  plus  simples  et  les  plus  anciennes  par  ce  principe  de  l'association 
organique.  Les  cooixlinalions  les  plus  infimes  entrent  comme  élé- 
ments nécessaires  dans  les  coordinations  les  plus  élevées. 

Un  fait  à  noter,  c'est  que,  des  deux  côtés  de  l'appareil  nerveux, 
le  sensitif  et  le  moteur,  c'est  le  moteur  qui  est  le  plus  fixe.  Le 
moteur  représente  les  habitudes,  les  réponses,  les  réactions  de  l'or- 
ganisme dont  les  différents  sens  et  les  processus  psychiques  plus 
élevés  se  servent  en  commun.  Le  côté  sensitif  représente  les 
variables,  le  relatif,  les  modifications  qui  mettent  en  jeu  l'accommo- 
dation. L'habitude  motrice  mesure  l'unité  nerveuse  et  mentale. 

Un  autre  fait  de  grande  importance  résulte  de  l'augmentation  de 
complexité  des  associations  dans  le  cerveau.  On  sait  quelle  lumière 
la  pathologie  apporte  sur  les  connexions  directes  qui  se  forment 
entre  des  régions  céi'ébrales  différentes,  connexions  qui  n'existaient 
pas  primitivement.  Exemple  :  l'acquisition  du  langage. 

Les  trois  chapitres  suivants  sont  consacrés  à  Viniilalion  consciente. 

L'auteur  rappelle  d'abord  certains  faits  généraux.  Psychologique- 
ment, riiabitude  veut  dire  défaut  de  surveillance,  diffusion  de  l'at- 
tention, disparition  de  la  conscience;  l'accommodation  veut  dire 
reviviscence  de  la  conscience,  concentration  de  l'attention,  contrôle 
de  la  volonté,  en  un  mot  état  mental  ([ui  a  son  expi'ession  la  plus 
générale  dans  ce  que  nous  appelons  intérêt.  L'iialiitiidc  et  l'intérêt 
constituent  les  pôles  psychologiques  correspondants  à  ce  qu'il  y  a 
de  plus  infime  et  à  ce  qu'il  y  a  de  plus  élevé  dans  les  activités  du 
système  nerveux. 

La  plupart  des  psychologues  ont  négligé  la  question  de  rimilalion. 
Après  quelques  citations  de  Sully  {The  Jlwnan  Minci)  il  passe  en 
revue  les  quatre  faits  principaux  de  l'imitation  : 

1°  L'apparition  de  l'imitatiou  consciente  chez  l'enlant  a  lieu  au 
plus  tard  le  sixième  ou  le  septième  mois.  Jusque-là  il  n'a  que  des 
habitudes  héréditaii^es  ou  des  imitations  fortuites  accidentelles  ; 

2°  L'imitation  est  souvent  une  simple  réaction  scnsori-molrice  sans 
but  conscient,  autrement  dit  involontaire; 

ANNÉE   PSYCHOLOGIQUE.    II.  52 


818  ANALYSES 

3"  Sauf  quelques  exceptions,  l'imitation  est  plus  développée  chez 
Tenfant  que  chez  l'animal  ; 

4°  La  tendance  à  l'imitation  peut  entrer  en  conflit  avec  les  ensei- 
gnements du  plaisir  et  de  la  douleur.  Un  enfant  peut  se  livrer  à  des 
actes  d'imitation  qui  déterminent  de  la  douleur  et  y  persister.  La 
suggestion  ou  l'habitude  peut  l'emporter  en  dépit  de  la  douleur  qui 
doit  en  être  la  conséquence.  C'est  ainsi  de  même  que  l'enfant  apprend 
à  abandonner  un  plaisir  immédiat  pour  un  plaisir  futur. 

Les  réactions  qui  étaient  primitivement  de  simples  suggestions 
imitatives  finissent  par  perdre  toute  apparence  de  leur  véritable 
origine.  Les  chainons  d'images  {copy-links)  qui,  primitivement, 
étaient  distinctement  présents  comme  objets  extérieurs  et  ensuite 
présents  presque  aussi  distinctement  comme  souvenirs  internes, 
peuvent  disparaître  complètement  dans  les  progrès  rapides  de  la 
conscience.  De  nouvelles  connexions  s'établissent  dans  le  réseau  de 
Tassociation  et  de  nouvelles  décharges  motrices  sont  dégagées  qui 
n'étaient  possibles  primitivement  que  par  l'imitation  et  lui  devaient 
leur  existence. 

Si  ce  principe  est  susceptible  d'une  application  universelle  nous 
pouvons  dire  que  toute  action  intelligente  a  pour  point  de  départ 
des  images  imitatives  dont  l'action  en  question  tend  à  maintenir  ou 
à  supprimer  la  présence. 

Les  plus  hautes  fonctions  mentales  ne  représentent  qu'un  progrès 
dans  l'accommodation.  La  mémoire  et  Fassociation  font  tardivement 
exactement  la  même  chose  pour  l'organisme  que  ce  qu'ont  fait  de 
bonne  heure  la  perception,  la  sensation,  la  coniraclilité.  L'associa- 
tion nous  permet  de  réagir  aux  faits  éloignés,  mais  alliés  à  des  faits 
présents,  La  mémoire  nous  permet  de  réagir  aux  faits  futurs  comme 
s'ils  étaient  présents  et  de  conserver  les  leçons  du  passé.  La  percep- 
tion nous  permet  de  mettre  dans  leur  situation  propre  les  faits  pré- 
sents et  de  réagir  ainsi  à  ces  faits  en  pleine  connaissance  de  cause. 
La  sensation  nous  permet  de  réagir  aux  faits  d'après  leur  valeur 
immédiate  pour  l'organisme.  La  contractililé,  se  manifestant  dans 
«  l'imifalion  oiganique  »,est  la  forme  originelle  de  réaction  adaptive 
qui  agit  dans  tout  le  processus  du  développement. 

Dans  toutes  ces  étapes  de  l'accommodation  la  méthode  reste  la 
même. 

L'auteur  étudie  ensuite  V assimilation  et  la  reconnaissance. 

L'assimilation  est  la  base  nécessaire  des  i)remières  associations. 
Elle  unit  le  contenu  mental  ancien  au  contenu  mental  nouveau  et 
les  identifie  tous  deux.  Cette  question  de  l'assimilation  a  été  étudiée 
par  Wundt  dans  ses  Philosophische  Studien  ((.  VII),  et  l'auteur  en 
montre  toute  l'importance.  Celle  importance  devient  plus  évidente 
encore  quand  on  examine  plus  en  diMail  la  nature  des  processus  mo- 
teurs qui  interviennent  dans  l'assimilation  et  siiécialement  les  pro- 
cessus moteurs  qui,  comme  on  l'a  vu,  entrent  enji'u  dans  l'attention. 


PSYCIIOLOGIli:   DES   ENFANTS  819 

l.;i  recouiiaissance  comprend  en  gi'iiéral  les  élémenls  du  contenu 
mental  unis  par  le  processus  d'assimilation  et  ainsi  repose  sur  l'at- 
fenlion  considérée  comme  un  phénomène  d'habilude  motrice.  On 
peut  distinguer  la  reconnaissance  relative  ou  reconnaissance  par 
un  co".f(lcient  objectif  [HÔffding's  Behanntheilsqualitat)  et  la  recon- 
naissance absolue  comme  par  exemple  dans  la  reconnaissance  de 
sons  simples  ou  de  couleurs  simples. 

La  reconnaissance  présente  deux  aspects,  un  aspect  objectif,  qui 
correspond  à  la  complexité  du  contenu  menlal  (qualités  de  l'objet 
réunies  par  l'association  et  l'assimilation)  et  un  aspect  subjectif, 
élément  plus  uniforme  et  représenté  par  la  facililé  plus  ou  moins 
grande  avec  laquelle  l';iltention  rattache  le  conlenu  menlal  nouveau 
à  l'ancien,  ou  autrement  dit  par  les  sensations  luoirices  d'adaptation 
qui  coirespondent  aux  degrés  différents  de  l'effort  d'attention. 

Au  point  de  vue  pbylogenétique  il  n'y  a,  ealre  la  mémoire  et  la 
reconnaissance,  qu'une  difTérence  de  degré.  La  mémoire,  fonction 
purement  organique,  quand  il  m^  s'y  joint  pas  la  reconnaissance,  est 
uniquement  un  premier  degré  d'aSsocialion  entre  deux  aires  sensi- 
tives  ou  une  aire  sensilive  et  une  aire  de  mouvement.  La  réaclion 
représente  une  accommodation  du  premier  degré.  Dans  la  reconnais- 
sance nous  trouvons  l'organisation  motrice  représenlée  par  l'alten- 
lion  et  le  développement  complexe  de  l'écorce  cérébrale.  Les  réac- 
tions représentent  loules  les  adaplalions  de  l'induslrie  et  de  l'art  et 
toutes  les  adaplalions  de  la  volonlé  aux  exigences  de  la  vie. 

Si  l'on  passe  à  la  sphère  de  la  conception  et  de  la  pensée,  un 
large  horizon  s'ouvr(;  à  la  loi  de  l'imitation.  Le  principe  de  l'identité 
et  la  tendance  de  l'esprit  à  assimiler  les  matériaux  nouveaux  aux 
anciennes  images,  se  retrouve  génétiquement  dans  le  simple  fait 
que  les  répétitions  sont  agréables  à  l'enfant.  Dire  que  l'identilé  est 
nécessaii'e  à  la  ]>ensée,  ce  n'est  pas  autre  chose  qu'exprimer  par  une 
généralisation  la  méthode  du  dé'veloppemenl  menlal  par  réaclion 
imilative.  L'idenlité  est  l'expression  formelle  ou  logique  du  principe 
de  l'habitude. 

Le  principe  de  la  raison  suftisanle  prête  à  unt^  expression  géné- 
li([ue  correspondante  au  jinini  de;  vue  d(,'  l'accommodation.  Il 
représente  l'énoncé  formel  ou  logique  du  fait  de  l'accommodalion. 
La  raison  suffisante,  dans  l'esprit  de  l'cuifant,  esl  une  allilude,  \ine 
croyance,  quel(|ue  chose  dans  son  expérience  (|ui  leml  à  modifier  le 
cours  de  ses  réactions  habiliieili's  d'une  faeoii  (]ii"ii   puisse  accepter. 

La  conception  grandit  peu  à  ])eu  et  procède  ]);n-  identités  et  rai- 
sons suffisantes,  et  ceci  nous  mène  à  une  nouvelle  vue  sur  la  genèse 
des  notions  générales.  L'enfant  commence  par  ce  qui  est  général. 
Tous  les  hommes  sont  pour  lui  «  papa  ».  Ceci  veut  dire  en  réalité 
que  ses  altitudes  motrices  sont  en  plus  petit  nombre  que  ses  expé- 
riences réceptives. 

Cette  vue  peut  donner  une  réponse  à  la  question  ordinaire  :  Com- 


820  ANALYSES 

ment  le  coiicepl  naîl-il  du  percept  ?  Mais  dire  que  le  concept  naît 
tout  à  fait  du  percept  n'est  (pie  partiellement  vrai,  en  n'alité  les 
deux  paraissent  en  même  lemiis,  par  le  même  mouvement  mental, 
savoir  rappercepliun  ou  la  synthèse  motrice.  Ce  point  mérite  d'être 
examiné  de  plus  près  chez  l'enfant. 

Soit  une  présentation  simple,  A,  dans  la  conscience  de  l'enfant,  et 
soit  A  disparu.  Deux  voies  s'ouvrent  à  l'enfant,  le  passé  et  le  futur. 
Il  se  souvient  et  il  attend.  Comme  souvenir,  son  exp.érieuce,  A^  est 
particularisée,  c'est  une  sensation  et,  après  un  certain  temps,  un 
pncept.  Mais  il  y  a  autre  chose  qu'un  simple  état  réceptif.  Il  réagit 
à  A  et  se  tient  prêt  à  réagir  de  nouveau.  Cette  aptitude  à  réagir  est 
une  expectalion,  ime  tendance  à  une  réaction  délinie.  Son  souvenir 
devient  un  concept.  Ce  qui  doit  arriver  est  cet  A  pour  lequel  il  a 
di'jà  réagi.  Il  y  a  là  un  fait  général,  l'expérience  passée  est  prise 
comme  repi-ésentant  l'expérience  future,  fait  général  qu'on  peut 
appeler  concept  du  premier  degré.  Les  choses />n'ses  en  général  n'ont 
pour  mesure  que  des  expériences  particulièies  ;  l'enfant  est  sous  le 
règne  de  l'habitude  ou  de  Fidentité. 

Mais  à  mesure  que  les  expériences  particulières  augmentent,  elles 
se  limitent  l'une  l'autre  à  la  fois  dans  le  souvenir  et  dans  l'expecta- 
tion.  Et  un  nouveau  pas  est  fait  dans  la  généralisation.  Le  rouge  par 
exemple  se  particularise  vis-à-vis  du  vert  et  ce  rouge  et  ce  vert 
peuvent  se  présenter  sous  la  figure  de  cercles,  de  carrés,  etc., 
mais  (luelle  que  soit  la  ligure  sous  laquelle  ce  rouge  se  présente, 
c'est  toujours  du  rouge.  Celle  paiiicularisalion  des  expériences 
l'une  par  rapport  à  l'autre  est  un  fait  de  perception  et  celte  généra- 
lisation d'une  expérience  est  un  fait  de  conception  qui  donne  le 
concept  général  de  second  degré. 

C'est  alors  que  l'expérience  prend  un  autre  aspect  psycho- 
logique. Non  seulement  [les  nouvelles  expériences  s'ajoutent  aux 
anciennes,  mais  ces  anciennes  elles-mêmes  sont  soumises  à  une 
revision.  Certaines  qualités,  comme  le  concept  coulfur  ])ar  exemple, 
sont  ahsti-ailcs  des  expériences  particulières.  Mais  la  vraie  abstrac- 
tion n'est  ])as  un  choix;  c'est  plutôt  une  usure,  une  érosion.  C'est 
ainsi  qu'on  obtient  le  concept  général  du  troisième  degré.  Elle  repré- 
sente ce  qui  est  essentiel  dans  une  expérience,  ce  qui  est  attesté  non 
seulement  par  son  retour  constaiii  au  milieu  ih's  détails  variables 
et  changeants,  mais  encore  par  la  fixité  des  réactions  qu'il  ap]ielle. 

L'auteur  donne  à  ce  processus,  considéré  comme  fonction  men- 
tale, le  nom  d'apperception  et  pour  lui  le  percept  et  le  concept  sont 
le  résultat  de  la  fonction  apperceptive  de  la  conscience.  A  ce  point  de 
vue  ils  deviennent  de  simples  aspects  différents  d'une  même  chose 
—  une  synthèse  d'éléments.  Si  on  regarde  eu  arrière,  le  produit  est 
un  événement  {event),  un  fait  particulier,  un  percept;  si  on  regarde 
en  avant,  il  est  représentatif  d'autres  événements,  uu  fait  général» 
un  concept. 


PSYCHOLOGIE   DES   ENFANTS  821 

En  résumé,  cp  qu'on  appelle  apperceplion  es(,  au  point  de  vue 
génétique,  le  simple  fait  de  l'habitude  modioe  avec  les  assimilations 
et  les  associations  auxquelles  elle  donne  lieu.  L'attention  est  la 
forme  la  plus  raffinée  et  la  plus  subtile  de  Thabilude  motrice,  la 
pensée  n'est  qu'un  stade  nouveau  de  l'accommodation  motrice. 

On  voit  encore  pourquoi  on  n'a  jamais  pu  trouver  un  contenu 
mental,  a  mental  piclure  or  coulent,  pour  une  notion  générale.  Il 
est  évident  que  le  «  général  »  ou  «  l'abstrait  »  n'est  pas  du  tout  un 
contenu.  C'est  une  attitude,  une  expectation,  une  tendance  motrice. 
C'est  la  possibilité  d'une  réaction  répondant  également  à  un  grand 
nombre  d'expériences  particulières. 

L'auteur  étudie  ensuite  les  relations  de  la  reconnaissance  avec  les 
notions  générales.  Comment  un  objet  simple  est-il  reconnu  comme 
appartenant  à  la  classe  couverte  par  un  concept  général?  Il  appelle 
ce  mode  de  reconnaissance  class-recognition. 

Si  on  a  égard  aux  éb'ments  compris  dans  l'attention,  on  peut 
représenter  l'attention  parla  formule  A  •{-  a  -\-  a.  A  représente  les 
mouvements  organiques  lîxes,  habituels,  compris  dans  tout  acte 
d'attention,  les  éléments  stables  du  sens  du  moi  et  correspond  à 
l'identité  personnelle. 

Le  troisième  élément,  a,  correspond  à  la  reconnaissance  absolue 
des  objets  simples,  l'élément  du  milieu  correspond  aux  faits  de 
class-recognition,  aux  contenus  sujets  à  l'association  et  à  l'assimi- 
lation. Ce  sont  ces  trois  éléments  additionnés  qui  donnent  la  formule 
motrice  de  l'attention,  A  +  a  +  a. 

Nous  trouvons  aussi  dans  la  vie  affective  l'action  du  principe  de 
rimitation.  Ceci  se  voit  surtout  dans  une  classe  d'émotions,  les  émo- 
tions sympathiques.  La  sympathie  est  l'émotion  imilalive  par  excel- 
lence. 

L'auteur  insiste  sur  le  rôle  de  l'imitation  dans  la  genèse  de  l'émo- 
tion et  en  donne  un  certain  nombre  d'exemples  (développement  du 
sens  du  moi  chez  les  enfants,  développement  du  sens  moral)  pour 
lesquels  je  ne  puis,  malgré  l'intérêt  qu'ils  présentent,  que  renvoyer 
à  l'original. 

Revenant  maintenant  à  sa  définition  de  l'imitation  qui  a  été  don- 
née plus  haut,  définition  très  large  et  qui  fait  de  l'imitation  un 
lijpe  organique,  il  cherche  à  la  classer  en  différents  groupes,  suivant 
son  degré  de  coin[tlc.\ili'  dans  le  (bheloppemenl  de  la  conscience. 

En  premier  lieu  on  a  ce  ipTil  appelle  Yimilatlon  biologique  ou  orga- 
nique. Ce  sont  celles  dans  b'S(}ueIles  la  réaction  organi(jue  tend  à 
maintenir,  à  répéter,  à  reproduire  sa  propre  stimulation,  ([ue  ce 
soii'Ut  la  simple  contractilité,  la  contraction  musculaire  ou  les  réac- 
tions fixées  par  la  sélection  et  devenues  habituelles.  Au  point  de  vue 
de  l'innervaiion,  ces  imitations  peuvent  être  appelées  sous-corticales 
et,  en  vue  d'une  autre  classe  qui  sera  mentionnée  plus  loin,  sous 
corticales  primaires. 


822 


ANALYSES 


Une  sPcoii(l(>  clnsse  comprend  les  unïlnWon^  psychologiques,  cons- 
cientes ou  corticales. 

La  troisième  classe  comprend  les  imitalions  qu'il  appelle  plastiques 
ou  sous-corticales  secondaires,  c'est-à-dire  tous  les  cas  de  réaction  ou 
d'allilude  vis-à-vis  les  actes,  les  coutumes,  les  opinions  des  autres, 
qui  représenlaient  primitivement  les  adaïUalions  plus  uu  moins 
conscientes  dfins  la  race  et  l'individu,  mais  qui  sont  devenues  peu  à 
peu  «  automatiques  secondaires  »  et  «  subconscientes  ».  Tels  sont  les 
faits  qui  ont  été.  étudiés  par  Tarde  dans  ses  travaux'sur  Timitation, 
les  faits  de  suggestibilité,  etc. 

Ces  chapitres  sur  l'imitation  se  terminent  par  un  parograiilie  : 
comment  observer  les  imitations  chez  les  enfants  ?  paragraphe  qui  se 
compose  surtout  de  détails  et  n'est  guère  susceptible  d'analyse.  Je 
me  contenterai  d'y  renvoyer  le  lecteur. 

Le  chapitre  xiii  traite  de  Vori(jine  de  la  volition. 
La  première  manifestation  de  la  volition  chez  l'enfant  se  trouve 
dans  ses  elTorls  répi'tés  pnur  imllrr  (pielque  chose,  et  ce  (ju'il  imite, 
son  modèle,  peut  être  :  suit  (juelque  chose  d'extérieur,  p;u'  exemple 
les  mouvemenis  qu'il  voit  ou  les  bruits  qu'il  entend,  soit  t[uel(|U(' 
chose  d'intérieur,  provenant  de  sa  mémoire,  de  sou  imagination  ou 
de  sa  pensée. 

L'analyse  de  la  volonté  révèle  trois  grands  facteurs,  trois  éléments 
du  processus  volontaire  le  désir,  la  délibération  et  Ve/l'ort. 

Le  désir  se  dislingue  de  l'impulsion  par  sa  qualité  intellectuelle, 
^•pst-à-dire  par  ce  fait  (ju'il  se  rapporte  à  une  présentation  ou  à  lui 
objet  imaginé  (pictured).  Lfs  im[)ulsions  organiijues  peuvcnl  se  trans- 
former en  (b'sirs  quanti  leurs  t>l)jcls  tMiInMil  dans  la  conscience.  Les 
deux  caractéristi([ues  du  désir  sont  :  i"  un  objet  imaginé  suggérant 
des  expériences  associées  qu'il  ne  sutlit  [uis  à  réaliser,  et  2",  une 
réaction  motrice  commençante  que  l'objet  imaginé  stimuh'  sans  pou- 
voir la  réaliser. 

11  est  relativement  facile  <le  ib'liMiuiner  l'époque  de  ra|)i>arilion  du 
désii' cbez  l'enfant.  11  faut  (pie  la  nn-nioire  >oil  dt'jà  iiieu  développée 
et  lui  fouinissi^  l'image  nienlale  bien  (bMiiiie  (pii  s-era  le  noyau  d'un 
désir  particuli(M-.  Ce  soiil  les  souvenirs  Ar  la  vue  et  de  l'ouïe  (|ui 
eulr<'iil  les  |ireiuiers  enjeu,  ensuite  les  souveuiis  musculaires.  Les 
premières  expressions  du  désii' chez  renlaul  se  IronvenI  dans  les  mou- 
vements des  mains  vers  les  objets  qu'il  voit,  mouvemenis  (jui  n'étaieni 
au  début  que  de  sinqiles  réactions  suggestives  sensori-motrices. 

Le  second  élément  de  la  volili(Ui  est  la  délibération.  Ce  n'est  en 
somme  (jne  la  sufjgeslion  déiibéralive  dont  il  a  (b'jà  ])arlé  précé- 
demnienl,mais  à  un  niveau  plus  élevé.  Taiulis  cpu.'  la  suggestion  déli- 
bérative  est  analogue  à  l'état  de  contlitd'inipulsiuns  d'incoordination 
motrice,  de  caprice  qu'on  observe  chez  certains  sujets  pathologiques 
la  délibération  de  la  volilion  impli(iue  Tattentiou  normale  et  les 
coordinations  motrices  qiù  la  caractérisent. 


PSYCHOLOGIE   DES   ENFANTS  823 

L'efforf,troisiit'me  élément  do  la  volition  depuis  le  simple  consente- 
ment, racceptation  d"uno  action  comme  bonne  ou  comme  réelle  jus- 
qu'à la  manifestai  ion  violente  du  désespoir  ou  de  la  passion  naît 
juste  après  la  délibération  et  termine  le  tout.  Le  sens  de  l'efTort 
accompagne  ou  peut-être  même  7iest  autre  chose  que  le  passage  de 
la  conscience  à  l'état  de  monoidéisme  moteur  ou  de  forte  attention, 
après  les  perplexités  de  la  délibération. 

Il  étudie  ensuite  la  genèse  de  la  volition  cliez  l'enfant  et  dans  la 
race  et  illustre  cette  étude  d'un  certain  nombre  de  schémas  repré- 
sentant les  diagrammes  de  riniitation  simple  et  de  l'imitation  per- 
sistante», du  développement  ontogénétique  et  du  développement 
phylogénétique. 

L'imitation  persistante  fournit  les  éléments  nécessaires  de  la 
volonté.  Elle,  représente  un  progrès  sur  l'imitation  simple  de  deux 
fa.;ons  :  1'^  L'onfant  compare  le  premier  résultat  produit  (mouvement, 
son),  avec  l'image  suggestive  qu'il  a  imitée.  C'est  la  délibération  nais- 
sante. Il  découvre  des  ditTérences  entre  le  son  qu'il  a  imité  et  le  son 
qu'il  a  produit  et  trouve  ces  différences  désagréables.  De  là  le  désir. 
2'^  Il  essaye  par  ses  mouvements  répétés  de  diminuer  cette  difTérence, 
de  là  l'efl'ort,  et  s'il  y  arrive,  il  y  a  là  une  simple  question  d'adapta- 
lion . 

En  résumé  la  vulilion  est  une,  adaptation  nouvelle  de  la  cr(''ulure 
vivante  à  son  milieu  et  elle  suit  la  loi  de  l'accommodation  par  iinila- 
liun  qui  est  l'agent  de  toutes  les  adaptations  primitives. 

A  l'appui  de  cette  théorie,  il  invoque  un  certain  nombre  de  faits. 

l«  Les  exemples  de  volition  dite  prcimitative  chez  les  enfants.  Il 
discute  à  ce  propos  les  opinions  de  Picyer. 

2°  Des  expériences  faites  sur  des  étudiants  sur  Vimîlation  persis- 
tante. On  a  les  cas  suivants  : 

a.  Le  sujet  doit  r(q»roduire  d'un  seul  Irait  de  crayon  ou  de  craie 
un  modèle,  une  ligure  simple  placi's  devant  lui.  Il  comi)are  son  dessin 
au  modèle  et  recommence  jus(iu'à  ce  qu'il  soit  satisfait  du  résultat  ; 
cas  avec  comparaison.  On  note  le  nombre  des  essais. 

b.  Même  expérience;  mais  les  yeux  sont  bandés  de  sorte  (iii'il  \w 
pi'ut  comparer  ses  résultats  au  modèle  ;  cas  sans  comparaison. 

L(;  nombre  relatif  des  essais  dans  chaque  cas  indique  quantitati- 
vement la  tendance  du  sujet  à  continmr  l'imitation  et  correspond  à 
ce  ([u'on  peut  appelrr  la  (|iianiili'  de  stimulus  de  la  volonté.  Or  dans 
le  cas  b,  le  sujet  est  satisfait  a|»rès  un  très  petit  nombre  d'essais, 
tandis  qu'il  eu  faut  beaucoup  dans  le  cas  a. 

Si  au  lieu  de  laisser  le  modèle  sous  les  yeux  du  sujet  on  W  lui 
enlève,  de  sorte  que  le  sujet  dessine  la  figure  de  nié;inoire,  le  nombre 
(les  essais  tend  à  diminuer  en  raison  de  lalongucin-  du  li  lups  ('coulé. 

(1)  Oa  trouvera  ces  schémas  dans  :  IidenialloiuU  Coiif/ross  uf  Expéri- 
mental Psycholof/ij,  1892,  p.  53  et  Di. 


824 


ANALYSES 


Il  y  a  dans  ces  expériences  une  tcnlalive  inléressante  pour  Télude 
expérimentale  de  la  volonté. 

3"  Un  troisième  ordre  de  preuves  se  trouve  dans  l'élat  de  l'alten- 
tion  chez  l'enfanl  dans  ses  mouvements  volontaires. 

4°  Les  faits  pathologiques  d'aboulie. 

Ici  se  place  une  étude  des  divei'ses  formes  de  l'aphasie  faite  au 
point  de  vue  de  la  volition. 

Le  tableau  suivant  résume  les  idées  de  Fauteur  sur  ce  sujet  : 


I 


ORDRE   d'acquisition 

'  Audilion  de  sons 

1.  Suggestion  \  îl""^'-  dolmsanloU.rritrs. 
pr6-imitalive.  i  *'""^-  coordonnes  par  s.m- 
'  /       |)le  suggestion,   plaisir  et 

\       douleur,    etc 

^  Reconnaissance  d'olijels.   . 

2.  Simple inii-  \  Mots  et  sons 

lation 
suggestive,     j  Articulation  imiiaifailo.   .    . 

Chant  

Compréhension  tlo  la  parole. 
j  Usage  des  objets,  elc.  .  . 
V    Coordination  voloiilaire  des 

■i.  Imitation    )  .,  "'""^''"'"'^"ts 

persistante.     \  [.'"■."'•= 

I   r.ciihire 

f    Musique 

1    Interprétai  ion    visuelle    des 

\       signes  cl  lecture 


ORDRE    DE    DISPARITION 


?  "f  Surdité  corticale. 
Aphasie  motrice. 

Ataxic  générale. 

(  Cécité  objective. 
'   Surdité  verbale. 
Surdité  rvthmique. 
»   Ataxie  partielle. 
(  Aphasie  sensorielle. 
^  Agraphio  sensorielle. 
(  Amusie  motrice. 

.\mnésie  verbale. 
Apraxie. 


.\phasie  amnésitiue. 
.•\graphie  amnésique. 
.\musie  amnésique. 

^  ^  .\lexie. 


0\slalie  3. 


Djsphasic  2. 


Dvslogie  1. 


5"  Enfin  à  l'appui  de  sa  llK'oric,  il  invoque  les  faits  du  dévoloppe- 
ment  du  cerveau  et  de  TiMiibryologie  comparée. 

6°  De  même  pour  les  phénomènes  de  la  suggestion  hypnotique. 

Mais  la  volition  chez  l'enfant  peut  naître  d'une  autre  façon  que  par 
l'imitation  de  mouvements  extérieurs,  de  sons,  elc.  ;  elle  peut  se 
développer  aussi  aux  dépens  des  éléments  ceniraux,  souvenirs, 
images,  pensées.  En  outre  l'enfant  a  des  appétits,  des  instincis,  des 
impulsions,  tendances  héréditaires  qui  se  sont  produites  dans  le 
cours  du  développement  phylogénélique  et  qui  font  que  l'enfant 
n'est  pas  également  prèl  pour  toutes  les  suggestions  et  que  dans  ses 
réactions  motrices  il  y  a  conflit  intérieur  el  choix  suhconscient 
peut  être,  mais  volonlaiic. 

Dans  le  chapitre  xiv,  l'auteur  éludie  onsuile  successivement  la 
parole  intérieure,  le  chant  intérieur,  la  reconnaissance  de  la  hauteur 
des  sons  en  donnant  des  exemples  auxquels  il  applique  sa  théorie 
générale  de  l'assimilation. 

Le  chapitre  xv  est  consacré  à  Vorigine  de  Vattcntion. 

Le  principe  {^excès  dont  il  a  été  parlé  idus  haut  se  retrouve  dans 
l'origine  de  l'attention.  L'atleiilion  est  la  fonction  mentale  correspon- 
dant à  la  coordination  motrice  habituelle  des  processus  de  déchariie 
nerveuse  en  excès,   et  raltcnlion  volontaire  peut  être  identifiée  avec 


PSYCnOLOGIE   DES   ENFANTS  825 

Tine  réaction  molrice  «  excessive  »  dans  les  centres  de  coordination 
les  plus  élevés. 

Comment  l'enfant  passe-t-il,  sans  miracle,  de  la  vie  involontaire  à 
la  vie  volontaire  "?  Pour  répondre  à  celte  question,  il  est  bon  de  rap- 
peler quelques  considérations  générales. 

Le  problème  de  l'adaptation  est  un  problème  de  sélection.  L'atten- 
tion est  évidemment  une  fonction  sélective  de  la  conscience,  et 
toutes  les  sélections  que  fait  la  conscience  lui  sont  dues.  Théori(|ue- 
ment  il  y  a  donc  ime  connexion  entre  ces  deux  cboses  :  les  adapta- 
lions  des  organismes  inférieui's  et  les  sélections  de  la  conscience.  Il 
s'agit  de  voir  si  le  même  principe  psyclio-physique  préside  au  déve- 
loppement tout  entier. 

L'attention  est  un.e  sorte  de  phénomène  moteur  généralisé.  Elle 
entre  enjeu  dans  l'adaptation  consciente  et  contribue  aux  plaisirs  de 
la  vie  intellectuelle  et  émotionnelle. 

11  traite  ensuite  des  différentes  formes  de  l'attention. 

h'alleniion  réflexe  est  une  simple  affaire  d'association  motrice, 
comme  la  conscience  d'un  groupe  de  processus  musculaires  et  orga- 
niques, comme  quand  on  est  surpris  jiar  un  coup  de  tonnerre  par 
exemple. 

l.'atlention  primaire  est  la  forme  primitive  de  l'attention,  celle  cjui 
est  dirigée  sur  les  qualités  des  sens. 

Pour  étudier  le  développement  de  l'attention,  il  prend  maintenant 
comme  type  de  fonction  volontaire  le  mécanisme  de  la  parole. 

Pour  lui,  comme  pour  beaucoup  d'autres  individus,  la  présence  ou 
l'absence  d'éléments  de  mouvement  dans  la  conscience  d'un  mot 
dépend  beaucoup  de  la  direction  de  l'altention.  Si  l'attention  est 
dirigée  sur  les  organes  vocaux,  il  eu  s<'i)t  les  mouvements;  si  elle 
l'est  sur  l'oreille  les  mots  sont  pensés  comme  sons  et  les  sensations 
musculaires  disparaissent.  Il  y  a  donc  deux  grands  types  de  jtarole, 
le  type  moteur  et  le  type  sensoriel  qui  correspondent  aux  deux 
modes  de  réaction,  réaction  sensitive  et  réaction  motrice. 

Il  y  a  une  relation  entie  le  type  d'un  individu  (moteur,  vism-l, 
auditif)  et  les  mouvements  et  les  habitudes  de  son  attention.  Or  on 
sait  qu'une  augmentation  d'intensité-  de  la  sensation  tend  à  attirer 
ratteiition  et  que  l'attention  augmente  rinteiisil('  des  sensations. 
C'est  là  un  de  ces  processus  circulaires  i\\ù  Jouciil  un  si  gi;iiid  rôle 
dans  le  développenif^ut  du  corps  cl  de  rrs|iril.  Toute  augnientatiou 
d'intensité  de  la  sensation  augmeiilc  ré-nci  gie  des  centres  moteurs  et 
nous  savons  aussi  que  l'exercice  de  raltenlion  im|ilique  une  grande 
(juantité  de  processus  moteurs;  on  comprend  facilement  alors  com- 
ment l'attention  agit  pour  renforcer  la  sensation  el  coninieiil  le  ren- 
forcement des  sensations  sert  de  stimulus  à  l'atlention.  On  peut 
réunir  ces  deux  faits  sons  un  même  principe  qu'il  ajipelle  loi  de  Tas- 
sociation  sensori-motrice  et  (ju'il  formule  ainsi  :  tout  état  mental  est 
un  complexus  d'éléments  moteui^s  et  sensitifs  et  toute  influence  ([ni 


826  ANALYSES 

teiul  à  renforcer  un  de  ces  éléments  fend  aussi  à  renforcer  Taulre. 

Ceci  permet  d'expliquer  pourquoi  la  n'',iition  motrice  est  en  général 
plus  courte  que  la  réaction  sensorielle  ;  il  a[)plique  les  mêmes  consi- 
dérations à  ["interprétation  des  ditîérenis  types  visuels,  auditifs, 
moteurs. 

Maintenant  si  on  examine  la  conscience  et  les  divers  états  de  l'al- 
teution,on  voit  que  ratlcntion  n'est  pas  une  chose  fixe,  une  cpianlité 
constante;  il  en  est  d'elle  comme  de  la  mémoire;  il  ny  a  pas  une 
seule  attenlion,  il  y  en  a  plusieurs.  En  outre  le  contenu  actuel  du 
sealiment  de  ratlenlion  diffère  beaucoup  d'un  sens  à  l'autre.  Si  l'at- 
lenlion  se  porte  spécialement  sur  un  son,  un  olijei  visuel,  un  con- 
tenu mental  (souvenir,  etc.),  le  sentiment  produit  par  l'attention 
varie  énormément.  Dans  tous  ces  cas,  le  contenu  senli  comme  atten- 
tion est  mofem-,  mais  ce  contenu  varie.  Ce  changement  dans  le  con- 
tenu de  la  réaction  motrice,  suivant  l'acte  d'altenlion  aurait  d'après 
lui  deux  équivalcnis  dans  la  conscience,  sentiments  vagues  généra- 
lisés, inanalysables,  ce  sont  la  reconnaissance  et  la  croyance  {belief). 

Xous  pouvons  voir  maintenant  les  trois  stades  du  développement 
du  mouvement  volontaire  clifz  l'individu.  D'abord  l'esprit  est  occupé 
d'un  objet,  présentation  ou  stimulus  qui  détermine  une  léaction 
musculaire  native,  acquise  ou  faite  au  hasard. 

Un  peu  plus  tard  l'esprit  est  occupé  par  une  présentation  ou  une 
idée  dumouvement  ainsi  produit  qui,  avec  ses  associés,  tend  à  stimuler 
les  processus  moteurs  correspondants  et  à  produire  le  même  mou- 

VeUKMll. 

iùifin  l'espiit  es!  de  nouveau  occupé  d'un  objet,  mais  pour  la  pos- 
session du(pii']  le  mouvement  est  nécessaire,  un  mouvement  qui 
maintenant  est  devenu  subconscienl. 

L'enfant  commence  d'abord  à  parler  sans  faire  attenlion  à  ses 
organes  vocaux.  Pais,  par  liniilalidu  persislaule,  il  a|i|irend  à  faire 
les  mouvements  convenables  jiour  parler.  Enfin  une  fois  le  contrôle 
musculaire  ar([uis,  les  mouvements  devienm^nt  habituels,  la  cons- 
cience musculaire  s'alTaiiilit  et  ce  qui  resie,  c'est  l'objet,  le  mot  parlé. 

Le  cliapitre  xvi  résume  la  théorie  du  développement  de  Vorga- 
nisme.  Deux  lois  domineni  ce  développenienl,  l'iialiilude  et  l'accom- 
modalion. 

\.' habitude  i'^\  la  lendance  d'un  organisme  à  continuer  de  plus  en 
plus  facilenu'ul  les  processus  qui  sont  favorables  à  la  vie.  Pour  cela 
l'organisme  doit  avoir  d'abord  la  eonlrarlilili''  et  en^uile  une  incila- 
ti(ui  à  faire  et  à  continuel  le  mode  convenable  de  mouvemeni.  La 
chose  essenliell(>  dans  riiabilude  est  li>  mainlien  des  stimulations 
avantageuses  par  les  propres  mouvements  de  l'organisme. 

Mais  quelle  est  l'incitation  au  mode  convenable  de  mouvements? 
Trois  réponses  sont  possibles. 

1°  La  seule  incilalion  possible  est  le  stimulus  actuel,  placé  en 
dehors  de  l'organisme  et  le  mouvement  convenable  n'est  qu'une 


iï* 


PSYCHOLOGIE  DES   ENFANTS  827 

st'lectiou  foiluili'  dans  beaucoup  do  mouvomeiiLs  de  hasard.  C'est  la 
théorie  biologique  ordinaire. 

2°  I/incitaliou  fst  en  partie  en  dehors  de  l'organisme,  c'est-à-dire 
(]ue  le  slimidus  extérieur  doit  rester  constant;  mais  l'organisme, 
après  la  première  réaction  au  stimulus,  tend  à  répéter  de  nouveau 
ses  réactions  favorables.  C'est  la  linVuie  psychologique  (théorie  de 
Spencer-Bain).  Il  y  a  donc  une  incitation  organique  interne  qui 
assure  et  maintient  les  habitudes,  mais  seulement  après  des  adapta- 
tions favorables  fortuites.  Dans  cette  théorie  le  plaisir  et  la  douleur 
sont  le  réflexe  du  mouvement  produit  par  la  réaction. 

3"  Ce  sont  les  stimulations  (jui,  en  tant  que  stimulations,  sont  les 
agents  du  plaisir  et  de  la  douleur  et  ce  sont  ces  processus  de  plaisir 
et  de  douleur  qui  déterminent  les  i)remiers  mouvements  adaptés  à 
certains  genres  de  stimulation.  C'est  la  théorie  de  Fauteur. 

V accommodation  est  le  principe  par  lequel  un  organisme  s'adapte 
à  des  conditions  plus  complexes  de  slimiilation  en  accomidissant 
des  fonctions  plus  complexes.  Le  trait  commun  dans  toutes  les 
acquisitions  motrices  (parole,  écriture,  etc.),  c'est  le  maintien  du 
stimulus  par  la  décharge  motrice  eu  excès  «lu'il  excite.  C'est  Vinci- 
tnlion. 

Mais  la  continuation  de  raccommodafion  ne  serait  pas  possible 
sans  l'habitude  qui  conserve  le  passé  et  doiuu^  di^s  points  d'appui  pour 
de  nouvelles  accommodations.  A  mesure,  en  outre,  que  par  trans- 
port du  monde  extérieur  à  l'esprit,  l'image  devient  susceptible  d'être 
ravivée  dans  la  mémoire,  l'accommodation  prend  un  nouveau  carac- 
tère, un  caractère  conscient,  sulqectif,  dans  la  voliiion. 

L'haliitude  et  l'accommodation  pinivent  s'appliquer  toutes  deux  au 
même  type  de  réactions,  aux  réactions  qui  tendent  à  réintégrer  le 
stimulus  qui  a  délermint'  la  réaction.  Ces  deux  jirincipes,  l'habitude 
et  l'accommodai  ion  constituent,  donc  un  ddubb;  facteur  dans  toute 
activité  organique  quelle  qu'elle  soit. 

On  a  vu  comment  les  grandes  habitudes  se  forment.  L'hérédité  les 
ti\(;  et  en  même  temps  les  rend  plus  inquirlanles,  comnn'  instincts, 
tout  en  effaçant  1rs  preuves  de  leur  origine  et  en  ai)régeant  h^  pro- 
cessus phyloL.'''Mi('li(|ui'  dans  la  croissanci'  de  l'individu.  C'est  ce 
qu'il  appelle  la  centralisation  ni-ganifjui'. 

L'auteur  discute  ensuite,  au  point  de  vue  de  sa  tliéMuif,  la  (juestion 
de  l'existence  de  iierl's  spéciaux  poiw  le  plaisir  et  la  douleur  et 
examine  la  théorie  de;  Munsterberg  et  termine  par  des  considérations 
sur  la  «  centralisation  «  de  l'attention. 

J'ai  cherché,  par  une  analyse  aussi  succincte  (pu-  [Hissibie,  adonner 
une  idée  exacte  du  livrt?  de  Baldwiii.  Cet  ouvrage  continue  la  série 
si  bien  commencée  par  hi  Handboock  of  Psi/chology  et  les  EIcmonts  of 
Psycholofiy  du  même  auteur  et  se  recommande  par  les  mêmes  (|ua- 
lités.  Comme  on  a  pu  le  voir  d'après  cetti,'  analyse,  l'auteur  a  fait 
à  la  théorie  une  part  très  large,  trop  large  peut-être  et  (jui  sera  vive- 


828  ANALYSES 

menl  disculi'i'.  Celle  discussion  ne  pouvail  èlre  faite  ici  et  j"ai  dû 
me  horiier  à  une  simple  exposition. 

Ce  livre  se  recommande  non  seulement  aux  psychologues,  mais  à 
Ions  ceux  qui,  nu  point  de  vue  professionnel  ou  philosophique,  s'in- 
téressent à  rerifaut.  Ils  y  trouveront  des  vues  ingénieiises,  des  expé- 
riences et  des  ohservations  nombreuses  et  surtout  des  méthodes  et 
des  procédés  nouveaux  pour  l'iudier  les  phénomènes  psychiques  cliez 
les  enfants. 

Ih.  Beaunis. 

C.-L.  HERRICK.  —  Notes  on  Child  Expériences.  {Notes  sur  la  psy- 
chologie des  enfants.)  Joiu^n.  of  Compar.  Neurology,  juillet  189o, 
p.  119-123. 

Observation  d'un  enfant  de  douze  ans  qui  associe  aux  chiffres  des 
imaires  mentales  d'individus,  dont  le  caractère  sympathique  ou  anti- 
pat  hiiiue  est  gén('ralement  bien  tranché.  C'est  à  ce  pliénomène  que 
Flournoy  donne  le  nom  de  ])ersonnirication.  On  en  a  observé  cinq 
ou  six  cas.  .J'en  ai  moi-même  recueilli  un. 

M.  A.  IIEI{R[CK.  —  Children's  Drawings.  (Z)e5sms  d'enfants.)  Vt^dixa. 

hjeminary,  lit,  3. 

L'auteur  a  employé  la  même  méthode  que  Barncs  [Pcdagog.  Semi- 
narg,  déc,  1893)  consistant  à  lire  à  des  enfants  une  histoire  et  à  leur 
faire  dessiner  ensuite  comme  ils  l'entendent  xuie  scène  de  cette 
hisloire.  1,'iiisloire  n'étant  [)as  re])roduite  dans  l'ail icie,  il  imus  est 
difficile  de  comju'endre. 

Notons  seulement  que  le  nombre  des  figures  de  profil  faites  par 
l'enfant  croît  avec  l'âge;  il  est  de  9  p.  100  à  six  ans  et  d(î  63  p.  100  ^ 

à  neuf  ans;  il  y  a  une  période  intermédiaire  ovi  le  profil  est  enrichi 
de  denx  yeux  el  d'im  nez  el  d'une  bouche  vus  île  face. 

M.  A.  m:RRICK.  —  Children's  Stories.  {Histoires  d'enfants.)  Pedag. 

Seniinaiy,  III,  2. 

Cette  étude,  qui  émane  de  Widlesley  Collège,  où  sous  la  direction 
intelligente  de  Miss  Calkins  on  multiplie  b>s  <>nquètes  sur  la  psycho- 
logie des  enfants,  a  consisté  à  demander  à  des  enfants  d'école 
d'écrire  une  histoire  (jiKdconcpie  de  leur  iii\-eiilinii  ;  iieii  seuleiiieiil 
le  développement  mais  le  sujet  même  de  l'iiishiire  était  laissé  à  leur 
choix.  On  a  pu  faire  les  remarques  suivantes  :  chez  les  enfants  de 
six  ans,  nombreuses  histoires  sur  un  objet  possédé  par  l'eufaiil 
(37  ji.  100),  par  exemple  :  «  mon  petit  chat  »,  etc.  La  proportion 
d(''croît  avec  l'âge;  elle  n'es!  plus  que  de  3  p.  100  à  quinze  ans.  Sur 
<Ies  expériences  personnelles,  le  nombre  des  histoires  est  grand  à 
six  ans  (25  p.  100),  à  neuf  ans  (18  p.  100\  à  onze  ans  (65  p.  100);  il 


'^s 


PSYCHOLOGIE   DES    ENFANTS 


829 


décroît  à  quinze  ans  (10  p.  100).  Au  contraire  sur  les  objets  possédés 
pai'  d'autres,  sur  des  événements  arrivés  à  d'autres,  il  y  a  un  chan- 
gement inverse  ;  peu  chez  les  tous  jeunes  enfants  (22  p.  100)  et  beau- 
coup chez  les  enfants  de  quinze  ans  (70  p.  100).  Le  petit  enfant 
s'occupe  donc  davantage  de  sa  propre  personne.  Sur  les  137  histoires 
réunies,  16  sont  sur  des  sujets  de  la  nature,  39  sur  les  animaux,  et 
67  sur  le-s  personnes.  A  deux  exceptions,  les  histoires  sont  sérieuses, 
sans  esprit  de  moquerie  (probablement  parce  qu'il  s'agissait  de 
devoirs  de  classe).  Les  histoires  des  plus  jeunes  sont  courtes  (de 
9  à  60  mots),  consistent  dans  quelques  propositions  brèves;  plus 
lard,  ce  sont  de  vraies  histoires,  avec  commencement,  milieu  et  lin. 
Dans  les  copies  des  plus  jeunes,  ce  qui  domine  au  point  de  vue 
grammatical,  ce  sont  les  noms  et  les  veibes;  puis  viennent  les  pro- 
noms, puis  les  articles,  les  adjectifs  et  les  propositions.  Yoici  les 
résultats  de  cette  analyse,  comparés  à  ceux  de  Kirkpatrick  pour 
l'adulte,  et  à  ceux  de  Tracy  pour  d'autres  enfants,  plus  jeunes,  des 
bébés  : 


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Cfi 

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P3 

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1 

Bébés  

"■" 

60 

20 

9 

5 

2 

2 

0,3 

Enfants  de  6  ans  1/2. 

27 

n.i 

17,4 

5,8 

17,1 

7,9 

0,6 

Adultes 

60 

II 

22 

5,5 

» 

'• 

■' 

A.    blNET. 


SCHMID-MONNARD.  —  Ueber  den  Einfluss  der  Jahreszeit  und  der 
Schule  auf  das  "Wachstlium  der  Kinder.  [Sur  l'iulluence  de  l'cjioquc 
de  l'année  et  de  iécole  sur  la  croissance  des  enfants.)  —  Jahrb.  f. 
Kinderlieilkunde,  XL,  p.  84,  1895. 

L'auteur  a  étudié  pendant  plus  d'un  au  comment  varient  le  poids 
r.l  la  taille  des  enfants  ;  20  enfants  de  un  à  deux  ans  et  190  de  deux  à 
treize  ans  ont  été  soumis  aux  ('preuves;  on  délei-minuitle  poids  et  la 
taille  toutes  les  trois  semaines. 

L'auirmentation  de  poids  est  la  plus  forte  dans  la  deuxième  moitié 
de  l'année,  elle  atteint  son  maximum  en  août  et  septembre. 

De  février  à  juin,  le  i)oids  augmente  très  peu,  en  mars  on  observe 
même  une  diminution  du  poids.  Les  vacances  sembliMil  ne  ]>as  avoir 
d'inlluence  sur  ces  variations.  Les  enfants  au-dessous  de  deux  ans 
ne  présentent  pas  ces  variations. 


830  ANALYSES 

Pour  ce  qui  concerne  la  laille,  elle  augmente  le  moins  de  sep- 
tembre jusqu'en  janvier,  i)lus  de  février  en  juin  et  raugmenlation 
maximum  se  produit  en  juillet  et  août. 

En  comparant  ces  résultais  avec  les  données  slalisliques  sur  le 
nombre  de  maladies  dans  les  différentes  époques  de  Tannée,  l'auteur 
remarque  que  la  période  de  croissance  maximum  correspond  à  la 
période  où  le  nombre  de  maladies  est  minimum. 

Il  serait  intéressant  de  reprendre  ces  expériences  et  d'y  ajouter 
encore  quelques  recherches  sur  le  développement,  intellectuel  des 
enfants,  ce  dernier  correspondra-t-il  aussi  au  d('-veloppcment  maxi- 
mum du  corps?  N'y  aurait-il  pas  là  quelqu»-  point  commun  qui  pour- 
rait peut-être  guider  pour  une  organisation  rationnelle  de  l'époque 
des  vacances,  de  leur  durée  et  aussi  de  la  distribution  des  études 
dans  l'année?  C'est  une  question  importante  et  pour  la  pédagogie  et 

pour  la  psychologie. 

Victor  Henri. 


II.  —  LA  VIE  ÉMOTIONNELLE  DES  ENFANTS 

KATHARLNE  FACKENTHAL.  —  The  Emotional  Life  of  Children.  [La 
vie  émotionnelle  des  enfants.)  Pedngogical  Seminary,  III,  2. 

MARY  E.  BOWLES.  —  Emotions  of  Deaf  Children  Compared  with 
Emotions  of  Hearing  Children.  [Émotions  des  enfants  sourds,  com- 
parées aux  émotions  des  enfants  qui  entendent.)  Ibid. 

Ces  deux  études,  faites  à  Wellesley  Collège  sous  la  direction  de 
Mary  Whiton  Calkins,  sont  une  application  de  la  mélhode  des  (iu(>s- 
tionnaires  à  une  question  cpiil  est  bien  dil'ticile  d'aborder  par  une 
autre  voie.  Pour  connaître  la  vie  émotionnelle  des  enfants,  trois 
méthodes  peuvent  être  employées  :  1°  l'observation  directe  des  phé- 
nomènes spontanés;  elle  est  nécessairemeni  limitée;  les  parents 
peuvent  connaître  à  fond  leurs  enfants;  les  pédagogues,  instituteurs, 
médecins,  peuvent  faire  des  observations  un  peu  plus  nombreuses, 
mais  moins  précises.  Cette  mélhode  nous  a  déjà  fourni  quelques 
bonnes  étudt>s,  notamment  celle  de  Preyer  sur  son  fils  ;  2°  l'expéri- 
mentation, (jui  (|uoi(pie  difficile  chez  les  enfants,  à  cause  de  l'ins- 
tabilité de  b'vu-  attention,  et  de  leur  suggestibilité,  a  l'avantage  de 
réunir  un  grand  nombre  de  matériaux;  exemple  :  les  rcclierches  de 
Garbini  '  sur  l'évolution  du  sens  chromatique  chez  les  enfants;  3"  la 
méthode  des  inlenogalious  multipliées  et  des  questionnaires;  cette 
méthode  employée  sans  discernement,  donne  des  anecdotes,  et  vrai- 
ment la  psychologie  enfantine  est  encombrée  d'anecdotes;  le  ques- 
tionnaire, tel  que  je  le  comprends,  a  ce  contrôle  qu'on  opère  sur  de 

(1)  Voir  Année  psychologique,  I,  p.  467. 


PSYCHOLOGIE  DES  ENFANTS  831 

grands  nombres  et  qu'on  conserve  seulement  les  observations  qui 
se  répètent. 

M™«  Fackentbal  s'est  servie  d'un  questionnaire  adressé  aïix  mères 
de  famille  et  aux  enfants  d'école  ayant  plus  de  six  ans.  Les  résultats 
réunis  sont  curieux,  quoique  l'article  soit  encombré  de  tables. 

Peur.  —  Elle  est  plus  fréquente  au-dessus  de  six  ans  (99  p.  100) 
qu'au-dessous  (80  p.  100)  ;  plus  fréquente  cliez  les  filles  que  chez  les 
garçons  après  six  ans;  le  contraire  est  vrai  avant  cet  âge.  Les  sensa- 
tions de  la  vue  ont  causé  de  la  peur  bien  plus  souvent  (62  p.  100) 
que  les  sensations  de  l'ouïe  (17  p.  100);  le  nombre  des  peurs  innées 
ou  héréditaires  est  plus  petit  (26  p.  100)  que  le  nombre  des  peurs 
acquises  (48  p.  100)  ;  les  objets  les  plus  fréquents  de  peur  sont  les 
animaux  sauvages  (48  p.  100)  ;  les  objets  imaginaires  sont  aussi  fré- 
quemment causes  de  peur  que  les  objets  réels  ;  les  garçons  mon- 
trent plus  d'imagination  que  les  tilles  dans  la  construction  d'objels 
effrayants. 

Affections.  —  On  demandait  aux  enfants  :  Quels  objets  aimez-vous  ? 
La  plupart  des  enfants  aiment  les  animaux  (78  p.  100).  (C'est  un  fait 
que  j'ai  moi-même  souvent  observé.  J'ai  demandé  dans  une  école  à 
des  enfants  d'écrire  la  couleur  préférée  ;  cela  fut  fait  en  silence  ; 
(jiiand  je  leur  demandai  d'écrire  l'animal  préféré,  il  y  eut  un  grand 
cii  de  joie  dans  toute  la  classe.)  Les  garçons  préfèrent  les  animaux 
du  dehors,  le  cheval  par  exemple,  les  fdles  préfèrent  les  animaux 
du  foyer.  L'affection  pour  l'élude  diminue  avec  Tàge  (n'oublions  pas 
qu'il  s'agit  de  réponses  à  un  questionnaire)  ;  l'afTection  pour  les  fleurs, 
pour  la  musique  et  les  sports  augmente,  montrant  de  cette  manière 
le  développement  du  sens  eslbétique  ;  par  exemi)lc  pour  les  Heurs  : 
au-dessous  de  6  ans,  9  p.  100;  au-dessus,  25  p.  100. 

Sentiments  du  juste  {devoir)  et  de  Vinjuste.  —  Réponse  à  la  ques- 
tion :  Nommez  trois  choses  (ju'il  est  bien  de  faire,  nommez  trois 
choses  qu'il  est  mal  de  faire.  On  a  répondu  plus  à  la  seconde  ([ueslion 
qu'à  la  première.  Les  devoirs  religieux  occupent  peu  de  place  ;  [larmi 
les  acies  répréhensibh.'S,  la  plupart  sont  négatifs.  L'auteur  conclut 
en  indiquant  l'inlluence  de  l'enseignement  et  de  l'exemple  sur  les 
émotions  des  enfants. 

Il  y  a  dans  ce  travail  un  point  faible,  c'est  la  comparaison  des  gar- 
çons et  des  filles,  que  l'auteur  croit  éclaircie  par  ses  observations  ; 
en  réalité,  il  faudrail  beaucoup  de  milliers  d'observations  pour  arri- 
ver à  quelque  probabilili'  sur  ce  |Miiul.  .Notre  crilique  s'adresse  éga- 
lement à  Miss  Bowles,  qui  a  voulu  connaître  les  dillérences  émotion- 
nelles des  enfants  qui  entendent  el  des  sourds;  les  conclusions  de 
ce  parallèle,  nous  les  signalons  avec  les  plus  expresses  réserves  :  les 
sourds  ont  moins  d'inuii,'i nation  etmoins  de  variété  de  sentiments. 


832  ANALYSES 

III.  —  PSYCHOLOGIE  COMPARÉE  i" 

WESLEY  Ml  M, S.  —  The  Psychic  Development  of  Young  Animais  and 
its  Physical  Corrélation.  The  Dog.  {Le  dcveloppeiuenl  psychique  des 
a)ii>naux  et  les  corrélaiions  physiques  de  ce  développement.  Le 
chien.)  Trausac.  Roy.  Soc.  Canada,  1894. 

Bien  que  ces  notes  expérimentales  ne  soient  accompagnées  d'au- 
cun historique,  il  est  bien  certain  qu'elles  constituent  le  document 
le  plus  important  qui  existe  actuellement  sur  la  question.  L'auteur 
a  noté  jour  par  jour  le  résultat  de  ses  observations  sur  de  jeunes 
cliiens  Saint-Bernard  et  d'autres  espèces,  depuis  le  moment  de  la 
naissance  jusqu'au  soixantième  jour;  c'est  dans  ce  laps  de  temps 
([ue  le  développement  psychique  présente  le  plus  d'intérêt;  on  peut 
diviser  la  période  du  développement  en  deux  parties,  celle  qui  pré- 
cède l'ouverture  des  yeux  et  l'établissement  de  la  vision,  et  celle  qui 
suit.  l^La  première  rappelle  par  ses  caractères  négatifs  la  vie  fœtale  ; 
c'est  celle  où  l'animal  est  en  relalion  avec  le  monde  extérieur  surlout 
par  l'odorat,  le  touclier,  la  sensibilité  générale.  Dans  les  tout  premiers 
jours,  le  jeune  chien  montre  surlout  le  désir  de  sucer,  d'avoir  chaud 
et  de  doiniir.  L'instinct  de  rechercber  laclialeur  est  aussi  important  '^ 

que  celui  de  sucer;  ce  dciiiicr  inslincl,  (iiuiiipie  pouvant  être  cité 
comme  exemple  type,  se  perfectionne  avec  l'exercice;  l'animal 
d'abord  suce  tous  les  objets  à  sa  portée,  et  ce  n'est  qu'après  un  peu 
d'exercice  qu'il  apprend  à  cesser  tfC  sucer  quand  le  lait  ne  vient  pas; 
il  lui  faut  deux  semaines  pour  apprendre  à  presser  la  mamelle  avec 
le  pied.  Le  senlimeut  de  la  douleur,  la  sensation  de  toucher  et  de 
chaleur  se  dévelopi>ent  1res  vite.  11  y  a  de  bonne  heure  chez  les 
chiens  une  sensiinlilé  mu>culaire  de  nature  1res  complexe,  que  l'au- 
teur appelle  le  sentiment  du  support,  et  (jui  consiste  en  ce  que 
l'animal  étant  placé  au-dessus  du  sol  sui'  une  table  ou  une  boite,  il 
s'effraye  en  approchant  du  liord  et  fait  d(;s  efforts  poui'  ne  pas  tom- 
ber. (J'ai  publié  une  observation  analogue  cliez  un  très  jeune  enfant.) 
Les  sens  de  l'odorat  et  du  goût,  très  faibles  au  début,  se  développent 
cependant  avant  le  sens  visuel.  2"  L'ouverture  des  yeux  se  fait  len- 
tement, elle  commence  le  douzième  jour,  et  dure  quebiues  jours  ;  dès 
que  les  yeux  sont  bien  ouverts,  le  clignement  ne  se  produit])as,  quaiul 
on  remue  la  main  devant  leurs  yeux;  il  faut  encore  deux  ou  trois 
jours  ;  de  même,  la  vision  a  besoin  de  quelque  tenqjs  pour  s'exercer 
utilement.  A  la  naissance,  le  jeune  chien  est  non  seulement  aveugle, 
mais  sourd;  l'oreille  est  cucort;  mal  dévelo[>i)t'i',  et  on  ne  peut  y  faire 
pénétrer  une  line  sonde.  Le  jeune  chien  est  plus  sensible  à  la  vibra- 
tion de  l'air  qu'au  son  proprement  dit  ;  le  seizième  jour,  des  sons 
stridents  ne  produisent  pas  encon;  d'elTets;  le  dix-septième  jour, 
on  constate  des  réflexes  des  oreilles  produits  parle  son.  La  tendance 
à  jouer  ne  se  montre  à  aucun  degré  tant  ([ue  les  yeux  sont  fermés, 


PSYCHOLOGIE    COMPARÉE  833 

mais  seulement  après,  vers  le  quinzième  jour  ;  le  premier  jeu  consiste 
à  mordre  :  c'est  d'abord  le  plaisir  du  mouvement,  il  s'y  joint  ensuite 
des  sentiments  plus  complexes  de  plaisanterie  et  d'humour.  L'action 
de  i,'ralter  une  partie  du  corps  qu'on  irrite  est  un  réllexe  héréditaire  ; 
on  a  pu  le  provoquer  dès  le  dix-septième  jour.  Il  serait  à  désirer, 
pense  l'auteur,  qu'une  étude  spéciale  fût  faite  sur  ce  point.  Les  mou- 
vements de  la  queue,  qui  sont  si  expressifs  chez  le  chien,  ne  se  pro- 
duisent point  pendant  la  période  des  yeux  fermés.  La  peur  se  mani- 
feste surtout  pour  des  sons,  et  par  conséquent  n'a  lieu  que  quand 
l'audition  commence  ;  on  note  cependant  de  l'alarme  chez  un  chien 
de  neuf  jours. 

Même  à  lui  jour,  le  chien  qui  est  sur  le  point  de  tomber  d'un  sup- 
port (voir  plus  haut)  donne  certains  signes  qui  pourraient  (?)  s'inter- 
préter comme  signes  de  peur.  Le  cri  du  chien  nouveau-né  ressemble 
à  celui  du  chat,  et  des  chiens  adultes  s'y  trompent .  Ce  miaulement 
se  change  peu  à  peu  en  grognement  qui  se  fait  entendre  dans  le  jeu 
etdans  k  sommeil  ;  l'aboiement  n'a  lieu  qu'après,  il  se  fait  entendre 
pour  la  première  fois  dans  le  sommeil.  Au  trente-cinquième  jour, 
rêve  constaté. 

La  colère  s'est  manifestée  pour  la  première  fois  dans  le  jeu,  le 
trente-cinquième  jour.  Comme  mémoire,  un  exemple  :  on  marche 
sur  le  pied  d'un  chien  le  quarante-septième  jour  ;  il  s'en  souvient  et 
se  méiie  encore  de  la  personne  le  soixantième  jour.  La  fatigue- vient 
extrêmement  vite  dans  les  premiers  jours  et  explique  le  besoin  de 
somnifil  si  accentué  chez  les  jeunes  chiens.  Ceci  trouble  bien  les 
expériences;  jusqu'au  vingtième  jour,  la  répétition  d'un  même  sti- 
mulus produit  le  plus  souvent  un  eifet  négatif.  Le  développement  de 
la  vuldulé,  en  tant  que  distincte  des  mouvements  réflexes,  est  bien 
dillirili'  à  dt'-ridci'.  Sans  traiter  la  question  à  fond,  l'auteur  cite  quel- 
ques exemples  à  interprétation  douteuse  :  au  vingtième  jour,  le  fait 
(!(•  vouloir  sauter  par-dessus  le  mnr  de  la  cage  ;  le  quarante  et  unième 
jour,  la  tentative  pour  hap[)cr  une  mouciie  au  vol,  après  l'avoir 
iiuetlée  quelque  tem[)S.  L'action  iuiilalive  se  montre  suiloul  dans  |f 
jeu.  En  somme,  à  cin(iuanlc  jours,  la  rcsscinitlanct!  avec  Faduile 
devient  frappante,  •'!  b's  cliaiigt'uu'nts  cpii  se  produii'ont  encore  ne 
sont  ]dus  aussi  importants.  L'auteur  i)ense  étudier  dans  un  autre 
travail  la  corrélation  des  diverses  facultés  psychiques  avec  le  déve- 
loppement graduel  des  divers  centres  nerveux.  Tel  (ju'il  est,  sou  tra- 
vail nous  paraît  être  extrêmement  utile,  et  conduit  avec  beaucoup 
,1,.  ;.,,iii.  Alfiœd  Hinet. 

F.  PLATEAU.  —  Abeille.  Diclionnaiie  de  Physiologie,  Paris, 

Alcan,  1,  p.  1-9. 

De  cet  intéressant  article  lunis  détaciions  siMilciuent  ce  qui  con- 
cerne la  psychologie  de  rabeille,  1)  La.  colonie  c/'a6ei7/es  a  été  proposée 

ANNÉE   PSYCHOLOGIQUE.   II.  &3 


834  ANALYSES 

comme  le  modèle  d'une  société  humaine  parfuite.  Erreur,  car  tous 
les  actes  convergent  vers  un  seul  but,  la  reproduction;  les  individus 
sont  sacrifiés  à  l'ensemble,  et  il  n'existe  aucune  tendance  au  progrès. 
Cette  colonie  est  comparable  aux  industries  modernes  où  l'ouvrier 
n'est  qu'un  automate  condamné  à  répéter  sans  cesse  le  même  mou- 
vement machinal.  2)  Sens  de  direction.  Les  abeilles  se  transportent 
généralement  à  2  kilomètres,  parfois  à  7  kilomètres  de  leur  ruche. 
Ont-elles  un  sens  de  direction  pour  le  retour?  Fabre,  ayant  lâché 
en  tout  144  chalicodomes  à  3  kilomètres  de  leur  demeure,  4"  retrou- 
vèrent leur  route,  97  se  perdirent.  Romanes  constata  dans  ses 
expériences  que  les  abeilles  ne  retrouvent  leur  ruche  que  si  par 
des  voyages  de  plus  en  plus  longs  autour  de  la  colonie,  elles  ont 
acquis  une  expérience  suffisante  de  la  contrée,  ce  qui  veut  dire 
qu'elles  se  guideraient  comme  l'homme.  L'expérience  fut  faite  de  la 
façon  suivante  :  des  abeilles  d'une  ruche  avaient  l'habitude  de 
butiner  sur  les  fleurs  d'un  jardin,  et  ne  se  dirigeaient  jamais  vers 
une  pelouse  sans  fleurs  qui  s'étendait  jusqu'au  bord  de  la  mer.  On 
en  prit  un  ceiiaiu  nombre,  on  les  lâcha  au  bord  de  la  mer,  aucune 
ne  revint  à  la  ruche,  quoique  la  distance  fût  de  200  mètres  seule- 
ment; on  en  lâcha  autant  au  fond  du  jardin,  et  quoique  la  distance 
à  la  ruche  fût  plus  grande,  toutes  y  parvinrent.  G.-W.  et  E.-G.  Peck- 
ham  ont  fait  des  expériences  sur  les  guêpes  et  ont  eu  des  résultats  ^j 

analogues.  3)  Communications  et  rapports  entre  individus.  Lubbock  a 
montré  qu'une  abeille  qui  a  trouvé  un  trésor  (une  grande  quantité  j 

de  miel),  souvent  n'y  revient  pas,  et  en  tout  cas  ne  ramène  pas  avec  \ 

elle  d'autres  abeilles.  Enfin  les  abeilles  ne  se  reconnaissent  pas  entre 
elles  ;  des  abeilles  de  même  espèce  introduites  dans  une  autre 
ruche  n'en  sont  point  chassées. 

La  bibliographie  contient  les  principales  indications  suivantes  : 
Swammerdani.  Biblki  naturœ,  II,  j».  307,  Leyde,  1738.  —  Réaumur. 
Mémoires  pour   servir  à  l'histoire  des  insectes,   Y,  Paris,   1740.   — 
Huber.  Nouvelles  observations  sur  les  Abeilles.  Paris  et  Genève,  1814. 

—  Maurice  Girard.  Les  Abeilles,  Paris,  1878.  —  Fabre.  Nouveaux 
souvenirs  entotnologiques,  p.  99  et  seq.  Paris,  1882.  —  G. -J.  Romanes. 
Ilominrj  Faculty  of  Ili/menoplera.  Nature  (Anglais),  29  octobre  1885.  — 
(J.-W.  et  E.-G.Peckliam.  Some  Observations  on  Spécial  Sensés  of  Wa^ps 
(Proceed.  Nat.  llist.  Soc,  Wisconsin,  août  1887).  —  Lubbock.  On  the 
Sensés,  Insti)ict  and  Intelligence  of  Animais,  [>.  202.  Londres,  1888, 

—  Lubbock.  Ants,  Becs  and  Wasps,  p.  274-289.  Londres,  1882. 

A.    HlNET. 


XIII 

TRAITÉS  ET  ÉTUDES   D'ENSEMBLE 

SOMMA I R  E 
Ouvrages  de  Biervliet,  Mercier,  Scripture,  Thierry. 

J.-.I.  VAN  BIERVLIET.  —  Eléments  de  psychologie  humaine, 

1  vol.  in-S",  317  p.,  34  fig.,  Garni,  Sifîer,  1895. 

Ce  manuel  de  psychologie,  destiné  spécialement  aux  étudiants, 
commence  par  une  introduction  sur  l'organisme  humain;  c'est  une 
introduction  de  66  pages,  faite  avec  beaucoup  de  soin,  accompagnée 
de  26  ligures  d'anatomie  et  d'histologie,  mise  au  courant  des  idées 
récentes  de  Golgi  et  de  Cajal,  avec  de  larges  emprunts  au  livre  de 
Van  Gehuchten,  de  Louvain,  sur  Le  système  nerveux  de  Vhomme. 

L'auteur  a  bien  comiiris  que  si  Ton  s'adresse  aux  étudiants  et 
qu'on  veuille  leur  donner  des  notions  fondamentales  de  physiologie 
et  d'anatomie,  on  ne  doit  pas  se  borner  au  système  nerveux  ;  il  a 
également  consacré  des  chapitres  au  système  osseux  et  musculaiie, 
à  la  circulation,  etc.  ;  nous  lui  signalons  l'oubli  de  ce  qui  concerne 
la  digestion,  la  sécrétion  urinaire,  les  vaso-moteurs;  toutes  ces 
fonctions,  et  les  deux  dernières  suilont,  présentent  de  nombreuses 
applications  à  la  psychologie. 

L'ouvrage  contient  trois  parties  :  la  première,  physiologie  des 
phénomènes  conscienls,  comprend  la  sensation  et  h-  mouvement, 
phénomènes  accessibles  à  l'observation  et  à  l'cxpérimenlalion  ;  la 
deuxième  partie,  psychologie  des  phénomènes  conscients,  comprend 
l'idée,  le  raisonnement,  la  volonté,  phénomènes  que  lu  conscituice 
seule  peut  atteindre  ;  enlin,la  troisième  ipaiVie,  psycho-physiologie  des 
phénomènes  conscienls,  comprend  la  mémoire,  l'iniagination,  certains 
mouvements,  le  caractère  et  la  personnalité,  les  mesures  psycho- 
physiologiques, phénomènes  r|iif  Idn  peut  aborder  à  la  fois,  dit 
l'auteur,  par  la  science  et  la  métaphysi(jue. 

On  voit  donc  que  le  plan  du  livre  rei)Ose  sur  la  distinction  des 
méthodes  ;  l'auteur  paraît  appeler  physiologie  ce  qui  relève  de  l'obser- 


83t>  ANALYSES 

valion  et  de  rexpérience,  et  psychologie  ce  qui  repose  sur  l'inlro- 
speclion.  ]Nous  ne  pouvons  accepter  celle  dislinction  :  la  physiologie 
est  ])0ur  nous  la  connaissance  des  phénomènes  matériels,  et  la  psy- 
chologie la  science  df  riiilrospection,  (jue  celle-ci  s'exerce  isolément 
ou  soit  contrôlée  par  l'observation  exiernc,  lïnlerrogalion  ou  l'ex- 
périmentation. 

Première  partie.  Physiologie  des  phénomènes  conscients.  —  La  seii- 
salioii  ([I.  66-13G)  est  étudiée  d'une  manière  assez  complète  dans  un 
style  concis;  il  y  a  d'abord  un  premier  chapitre  (p.  60-111)  (jui 
résume  les  notions  qu'on  trouve  habituellement  dans  les  traités  de 
physiologie  sur  l'anatomie  et  la  ]Tjiysiologie  des  organes  des  sens; 
le  chapitre  H  (p.  111-137)  contient  un  résumé  de  la  loi  de  Weber  et 
de  celle  de  Fechner  sur  les  relations  entre  Taccroissement  di^  l'exci- 
tation et  celui  de  la  sensation,  des  notions  très  succinctes  sur  le 
ton  afi'ectif  et  le  pouvoir  dynamogène  des  sensations,  sur  la  locali- 
sation des  sensations  (comprenant  direction  et  dislance);  sous  le 
titre  d'associations  de  sensations,  est  désignée  la  suscestion  de  sou- 
venirs  qu'engendre  toute  sensation  ;  la  partie  la  plus  développée  de 
celte  étude  géjiérale  sur  la  sensation  a  trait  aux  illusions  des  sens  ^ 

(p.  123-133).  11  faut  d'abord  définir  l'illusion.  Les  idéalistes  ont  pré- 
tendu (jue  le  monde  extérieur  est  une  illusion;  la  lumière  et  le  son, 
d'après  les  physiciens,  sont  des  mouvemenls,  et  ceiieudaul  nous  ne 
les  jiercevons  pas  comme  des  mouvemenls;  ce  sont  encore  là  des 
illusions.  Mais  l'auteur  écarte  ces  exemples,  et  entend  par  illusion 
l'erreur  commise  en  ajtpréciant  les  sensations  autrement  (jue  le 
ferait  l'honuiie  normal.  11  dislingue  deux  espèces  d'illusions  : 
a),  celles  qui  résultent  d'un  défaut  organique;  exemples  :  la  cé-cité 
complète  (est-il  correct  de  l'appeler  une  illusion?),  la  cécité'  [)arlielle 
])Our  certain(!s  couleurs,  l'altéra  lion  des  organes  par  la  fatigue,  les 
maladies  nerveuses,  la  paralysie  des  muscles  de  l'œil,  la  fusion  des 
sensidions,  les  elTels  de  contraste.  (Notons  que  ces  etTels  de  contraste 
ap[iartiennenl  à  la  psyclioltigie  de  l'individu  noinial,  ce  (pii  contredit 
la  (l<''linitiou  de  rijjusicni,  telle  qu'elle  es!  ddnné'e  par  l'auteur); 
I)),  illusions  résultant  d'un  élat  anormal  de  l'oiganisme  ;  exemple  : 
les  hallucinalidus,  les  illusions  de  dislance,  etc. 

Les  tuouvenu'n.ls  (p.  l:i7-16())  font  l'objel  d'une  l'Iude  analogue  à 
celle  des  sensations,  mais  moins  longue.  V\\  ])remicr  chapitre  dis- 
lingue les  mouvements  en  automatiques  (ceux  de  la  resjiiration,  tlu 
co'ur),  qui  se  répètent  C(udinuellement  ;  réflexes,  rpii  sont  incons- 
cients et  nécessaiies  ;  instinctifs,  (jui  smil  une  tendance  à  augmenter 
les  sensations  agréahles,  et  volontaires,  (pii  lUi  sont  autre  chose  que 
des  mouvemenls  instinctifs  précédés  d'uni'  délibération.  Peut-être  la 
description  des  mouvements  inslinclifs  est-elle  un  peu  incomplète. 
l)aus  un  second  chapitre,  l'auteur  traite  brièvement  les  questions 
suivantes  :  origine  de  nos  mouvenu'uts,  associations  et  combinai- 


TRAITÉS   ET   ÉTUDES    d'eNSEMBLE  837 

sons  de  nos  mouvenionls,  défaufs  de  nos  niouvemeals,  variabililé  et 
perfectibilité. 

Deuxième  partie.  Psychologie  des  phénomènes  conscients .  — Celte 
seconde  partie  fait  avec  la  première  un  contraste  violent  et  inattendu. 
Tout  d'abord  l'auteur  définit  Vidée;  c'esl,  dit-il,  la  représenlalion 
mentale  dun  être,  et  par  mentale  il  veut  dire;  que  celle  idée  dillère 
profondément  d'une  image  cérébrale,  telle  qu'on  l'obtient  en  se 
représentant  un  objet qn'on  vient  de  regarder.  Il  y  a  une  différence, 
dit-il,  entre  l'idée  que  je  me  fais  de  mon  cliien  et  l'image  cérébrale 
que  j'en  possède  (p.  181)  ;  cette  différence  est  encore  plus  nette 
pour  les  idées  générales,  bien  que  celles  -ci  soient  parfois  accompa- 
gnées d'images  sensibles  ;  ainsi  tel  individu  se  repr(''senle  Dieu  sous 
la  forme  d'un  vieillard  à  liarbe  blanclie,  mais  il  sait  parfaitement 
bien  que  Dieu  n'est  pas  un  vieillard,  que  Dieu  est  l'être  ayant 
existé  le  premier  et  t[ui  a  fait  les  autres  êtres,  etc.  Le  propre 
de  l'idée  serait  de  contenir  des  éléments,  ce  que  l'auteur  appelle 
des  notes,  ([ui  ne  correspondent  à  aucune  sensation  et  ne 
sont  pas  venus  à  l'esprit  par  l'intermédiaire  des  nerfs.  De  plus, 
l'idée  ne  correspondrait  dans  le  cerveau  à  aucuir  pbénomène  maté- 
riel. Il  en  serait  de  même  du  jugement  et  du  raisonnement,  ces 
actes  par  lesquels  on  constate  une  ressemblance  et  une  différence 
ne  résultant  pas  de  phénomènes  physiologiques.  «  Supposons  qu'une 
cellule  A  soit  traversée  par  un  mouvement  représentatif  rouge,  puis 
par  un  mouvement  représentalif  bleu;  ces  modifications  succes- 
sives seront  de  nature  différente;  mais  deux  mouvement  s  ne  peuvent 
pas  donner  comme  résultante  un  troisième  mouvement  (jui  sérail  la 
constatation  diî  la  ressemblance  ou  de  la  dillerence  des  deux  pre- 
miers (p.  185).  »  Il  faut  (jue  (jnelqu'un  constate,  et  ce  quebiu'un 
est  une  substance  immatérielle,  rame.  «  Il  n'est  pas  plus  néces- 
saire de  démontrer  rininiah'-iialili' de  ICsiiril  ipi'ii  m-  laiil  prouver  à 
une  mère  qu'idle  (bdl  aimer  son  enfant  (p.  187).  »  Les  idées  ne  déri- 
vent pas  des  sens  (hypothèse  mali'-rialiste),  elles  ne  sont  pas  iniu-es 
(liypothèse  idéaliste),  elles  résultent  du  travail  de  resi)rit  sur  les 
images  cérébrales  (p.  200). 

La  volition  est  \nie  tb''iisi(in  pris(>  après  (b'lib('rati(in,  el  (|iii  produit 
dans  les  centres  nervcHix  nue  arlion  à  la  l'nis  sus|)ensive  et  inqtulsive 
(p.  212).  L'auteur  fiense  que  riionnneseul  délibère,  (|ue  i'inlelligence 
animale  ne  délibère  pas.  La  pi(''p()ndi'iance  du  nndiile  lieiil,  au 
moins  en  [larlie,  à  ce  ijui'  lalliMilinn  le  li\e  plus  longuenieiil  ;  la 
liiierlé  existe,  elle  e>t  la  |)ns>iliilil.''  di'  faiie,  dan--  la  direelidii  di' 
notre  activité  volontaire,  pn'doniiniT  nos  élals  inlellecluels  sur  nos 
étals  émotionnids  (p.  221;,  —  L'a  court  chapitre  sur  riiy|tnolisnie 
termine  cette  partie. 

Troisième  partie.  Les  imayes  \).  2io-202).  —  Laulem-  .'indie  briè- 
vement leur  complexiff',  leur  localisation  cérébi'ale,  leurs  différenles 


3 


838  ANALYSES  '4 

S;', 

'I 
variétés  (types  visuel,  auditif,  etc.),  l'imagination  passive  et  active.  ^^ 

La  mémoire  (p.  262-293).  —  Incontestablement,  c'est  la  partie  la  plus 
originale  du  livre  ;  elle  est  faite  surtout  de  larges  emprunts  à  une 
brochure  du  même  auteur  sur  la  mémoire.  11  étudie  d'abord  la 
mémoire  de  fixation,  et  pour  se  rendre  compte  de  la  modification 
matérielle  qui  coirespoud  à  cette  fixation,  il  présente  une  théorie 
mieux  étudiée  que  celles  que  nous  connaissions  déjà.  Pour  faire 
comprendre  son  idée,  empruntons-lui  un  de  ses  exemples.  Supposons 
im  ressort  étiré  par  un  poids;  il  en  résultera  un  allongement  égal 
à  a.  Quand  on  enlève  le  poids,  le  ressort,  n'étant  pas  parfaitement 
élastique,  ne  reprend  pas  sa  longueur  primitive,  il  conserve  un 
allongement  plus  petit  que  a,  soit  —  .  Il  en  résulte  que  si  on  sus- 
pend de  nouveau  le  même  poids,  le  ressort  déjà  allongé  s'allongera 
davantage  ;  il  en  résulte  aussi  que  pour  produire  la  seconde  fois  un 
allongement  égal  à  a,  il  faudra  un  poids  plus  faible  que  la  première 
fois.  Celte  déformation  secondaire,  beaucoup  plus  faible  que  la 
déformation  momentanée,  est  une  partie  de  l'action  déformante, 
(jui  demeure  comme  résidu.  Les  choses  se  passeraient  de  même  dans 
la  substance  nerveuse,  qui  réalise  des  conditions  de  plasticité  vou- 
lues pour  conserver  la  trace  des  mouvements  qui  l'ont  passagère- 
ment déformée.  La  mémoire  de  reproduction  (p.  274)  est  traitée  plus 
laconiquement,  mais  avec  iine  insistance  justifiée  sur  le  rôle  de 
l'attention;  l'apparition  des  images  est  soumise  aux  deux  lois  de  la 
contiguité  et  de  la  succession,  mais  pour  que  les  images  simultanées 
ou  si'iiées  contractent  un  lien  entre  elles,  il  faut  que  l'attention  ait 
formé  ce  lien,  en  passant  successivement  des  unes  aux  autres.  La 
reconnaissance  des  impressions  et  leur  localisation  sont  également 
décrites  avec  des  ti^aits  nouveaux  et  intéressants.  Il  nous  est  montré 
tout  d'abord  que  la  reconnaissance  ne  se  fait  pas  par  une  comparaison 
entre  l'image  actuelle  et  l'image  ancienne;  il  y  a  dans  l'image 
renaissante  un  caractère  propre  qui  nous  donne  l'impression  du  déjà 
vu,  et  ce  caractère  serait  dans  la  conscience  du  moindre  effort 
développé  lors  de  l'apparition  d'une  image  qui  se  réjièlc.  La  locali- 
sation dans  If  |»assé  est  de  deux  sortes  :  a)  artificielle,  faite  au  moyen 
de  calendriers  et  d'horloges  et  aboutissant  à  une  date  ;  b)  naturelle, 
accessible  aux  enfants,  et  nous  donnant  simplement  la  conviction 
qu'un  souvenir  est  très  ancien,  ancien  ou  relativement  récent  ;  cette 
localisation  se  fonde  sur  le  caractère  plus  ou  moins  lacunaire  du 
souvenir  ;  quand  un  souvenir  est  ancien,  il  s'appauvrit,  il  [)erd  de 
ses  éléments.  «  Je  me  souviens  comme  si  c'était  d'hier  »  est  une 
expression  vulgaire  pour  traduire  ce  caractère  exceptionnel  d'inté- 
grité, de  profusions  de  détails,  que  gardent  certains  souvenirs 
anciens.  Enlin,  dans  un  dernier  chapitre,  l'auteur  apiilicpie  son 
hypothèse  des  traces  aux  nuiladies  de  la  mémoire;  mais  les  ct>iisidt''- 
rations  qu'il  expose  sont  un  peu  hypothétiques.  Ainsi,  à  propos  des 
hyperninésics,  il  donne  l'explicalion  suivante  :  «  Si  au  moment  oùje 


TRAITÉS   ET   ÉTUDES    d'eNSEMBLE  839 

suspends  pour  la  deuxième  fois  un  poids  moindre  que  P  au  fil  qui 
après  la  première  action  de  P  garde  l'allongement  —  ,  je  chauffe  ce 
til,  le  poids  moindre  que  P  produira  un  allongement  plus  considé- 
rable que  a;  car  à  la  trace-disposition -^  s'ajoute  l'allongement  g, 
produit  par  l'action  dilatante  de  la  chaleur  »  (p.  294).  De  même  pour 
les  amnésies,  l'auteur  compare  le  mécanisme  à  ce  qui  se  passe  en 
refroidissant  le  111,  ce  qui  diminue  la  déformation  permanente  —. 
Quant  à  nous,  nous  ne  voyons  pas  la  nécessité  d'insister  tant  sur  de 
pures  hypothèses.  Le  reste  de  cette  troisième  partie  contient  de  très 
courtes  études  sur  la  parole,  l'écriture,  la  mimique,  le  caractère  et 
la  iDersonnalité,  et  les  mesures  psycho-physiologiques. 

Ce  traité  élémentaire  de  psychologie  est  certainement  le  plus 
scientifique  qui  existe  à  l'heure  actuelle  en  français;  il  faut  le 
prendre  pour  ce  qu'il  est,  c'est  un  livre  de  commeni;anf.  Son  principal 
caractère  est  de  faire  un  appel  prescjue  continu  à  l'anatomie  et  à  la 
physiologie.  La  psychologie  expérimentale  proprement  dite  n'y 
tient  pas  la  place  (ju'elle  mérite. 

A.  BiNET. 

D.  MERCIER.  —  Cours  de  philosophie.  II.  Psychologie,  1  vol.  in-8% 

542  p.,  Louvain,  1895. 

Il  y  a  des  ouvrages  qui  sont  moins  intéressants  en  eux-mêmes  que 
comme  signes  des  temps.  La  psychologie  de  Mî?""  Mercier  est  de 
ceux-là;  elle  se  rattache  à  ce  grand  mouvement  thomiste  dont 
Léon  XIII  est  en  majeure  partie  l'initiateur,  et  qui  a  fait  de  si  impor- 
tants progrès  dans  ces  dernières  années  en  Belgique,  oîi  depuis  les 
élections  de  1884  le  parti  catholique  a  repris  le  pouvoir  et  jmiit 
d'une  majorité  énorme.  L'Institut  thomiste  de  Louvain,  la  Revue  néo- 
scolastique  témoignent  de  ce.  mouvement.  Dans  la  Revue  philnso- 
phique  de  janvier,  Picavet  vient  de  consacrer  à  ces  événements  une 
étude  nourrie,  qu'il  conclut  de  la  manière  suivante  : 

«  Les  néo-thomistes  font  l'apologie  de  saint  Thomas  et  lui  deman- 
dent leurs  principes directeius;  ils  relèvent  les  orreurs  des  historiens 
de  la  philosophie,  les  lacunes  de  nos  histoires  du  moyen  âge;  ils  en 
éditent  les  grands  pensexns,  exposent  leurs  doctrines  et  relèvent  ce 
qu'en  ont  conservé  les  modernes.  Ain>i  nous  serons  obligés  d(,'  l'.iiie 
une  histoire  plus  impartiale  et  plus  complète  des  idées  au  moyen 
âge,  de  ce  qu'il  dut  à  l'anliquité  et  de  ci;  qu'il  a  li.iiisinis  aux  temps 
modernes.  Puis  les  catlioliques,  unis  par  le  thomisme,  qu'ils  com- 
plètent avec  une  ample  information  scientifitjue,  sont  devenus  les 
maîtres  de  la  Belgique;  on  compte  avec  eux  en  Aim'i  icjue  et  en 
Allemagne,  leur  intluence  grandit  en  France,  même  en  Hollande  et 
en  Suisse.  Les.  hommes  d'Etat,  en  tous  pays,  devront  s'en  préoccu- 
per, non  seulement  pour  les  affaires  intérieures,  mais  encore  pour 
la  politique  étrangère. 


840  ANALYSES 

«  Les  progrt's  des  oailiuli(iues  ont  été  rapides,  imrce  (\i\o  leurs 
adversaires  ont  dédaigné  de  les  suivre  sur  le  nouveau  terrain  où  ils 
ont  porté  la  lutte.  Mais  si  l'on  avait  oublié  saint  Thomas,  on  avait 
oublié  aussi  ses  prédécesseurs  et  ses  adversaires.  Avec  le  Ibomisme 
renaissent  les  docirines  antérieures,  contemporaines  ou  rivales.  En 
.supposant  que  cette  rénovation  et  les  luttes  entre  Jésuites  et  Domi- 
nicains n'altèrent  pas  l'unité  catholique  —  ce  qui  toulefois  pourrait 
.se  produire  dans  l'avenir  comme  dans  le  passé  —  les  adversaires 
puiseront  chez  saint  Anselme,  Roger  Bacon,  Duns  Scot,  Ockham  et 
tant  d'autres,  des  arguments  pour  battre  en  brèche  le  thomisme.  Ils 
en  trouveront  chez  les  hommes  de  la  Renaissance,  chez  Descartes, 
Leibniz  et  Kanl.  Entln  les  partisans  d'une  philosophie  fondée  sur 
les  sciences  refuseront  de  couronner  leurs  données  positives-,  par 
une  métaphysique  jointe  autrefois  aune  connaissance  incomplète  et 
inexacte  du  monde  phénoménal.  Ils  ajouteront  que  si  les  sciences 
sont  excellentes  comme  auxiliaires  du  thomisme,  elles  le  sont  plus 
encore  pour  fonrnir  une  règle  suprême  à  la  spéculation  et  à  la  pra- 
tique. 

«  La  lutte  sera  vive;  elle  sera  féconde,  parce  qu'elle  poilera  sur 
des  idées.  Peut-être  les  adversaires  s'apercevront-ils  enfin  qnil  est 
nécessaire  d'user  entre  eux  d'une  tolérance  réciproque  ;  i)eut-être 
cherclit  l'ont-ils,  dans  les  sciences  et  dans  le  but  qu'ils  i>oursuivent, 
ies  points  ([ui  les  rapprochent,  au  grand  prolil  de  la  science  et  même 
de  la  religion,  de  la  philosophie  et  de  la  civilisation.  » 

Nous  ajouterons  à  ces  lignes  si  sensées  (ju'en  nous  mettant  pour 
juger  le  mouvement  nouveau  à  noire  jioiiil  de  vue  tout  spécial  ri 
restreint  de  la  psychologie  expérimentale,  nous  ne  pouvons  })as  don- 
ner notre  apiuobalion  à  un  état  d'esprit  qni  clicrche  dans  l'observa- 
lion  et  dans  rexi)érience  la  confirmation  d'une  idée  préconi;u(>,  sur- 
tout d'une  idée  vieille  de  plusieurs  siècles.  Nous  sommes  habitués 
au  contraire  à  fircndre  l'observation  comme  |ioiiil  de  (b'qiarl,  comme 
origine  des  recherches,  source  de  la  v(''iilé  et  souveraine  maîtresse 
de  la  science. 

On  IrouvL'  dans  la  psyclioh>gie  de  M^'"  Mercier  une  jiixlaposilion 
curieuse  des  recherches  psychologiques  les  jdus  récentes  et  des 
doctrin(.'s  tlioniistes.  Son  omiage  se  di\ise  en  tidis  paiiies  :  1"  la  pre- 
mière partie,  consacrée  à  la  vie  organi(iueou  végétative,  traite  de  la 
morphologie  de  la  cellule,  de  la  |iliysiologie,  des  questions  de  repro- 
duction et  d'hérédit('',  el  sni  tout  de  la  vie,  dr  l'essence  de  la  vie. 
L'auteur  cite  toutes  les  diMinilions  connues  de  la  vie,  et  liiuive  celle 
de  saint  Thomas  supérieure  à  toutes  les  autres.  Nous  découpons  le 
passage,  qui  est  curieux  : 

«  Il  serait  fastidieux  de  faire  la  nomenclature  des  innombrables 
définitions  de  la  vie  que  les  naturalistes  et  philosoidies  ont  essayées. 
Aucune,  nous  semble-t-il,  ne  vaut  celle  de  saint  Thomas,  et  ce 
qu'elles  valent,  elles  le  doivent  à  ce  iju'elles  ont  de  commun  avec  elle. 


I 


TRAITÉS  ET   ÉTUDES   d'eNSEMBLE  841 

«  Ci  Ions  quelques  spécimens  : 

«  Bicliat  :  La  vie  est  l'ensemble  des  fondions  qui  résistent  îi  la 
mort. 

<(  Déclnrd  :  La  vie  est  Torganisalion  en  action. 

«  Littré  :  La  vie  est  l'état  d'aclivilé  de  la  substance  organisée. 

«  Beaunis  :  La  vie  est  l'évolulion  déterminée  d'un  corjjs  organisé 
susceptible  de  se  reproduire  et  de  s'adapter  à  son  milieu. 

«  De  Blainville  :  La  vie  est  un  double  mouvement  interne  de  com- 
position et  de  décomposition,  à  la  fois  général  et  continu. 

i>  S. -G.  Mivart  :  L'être  vivant  est  eidui  (pii  a  la  propriété  naturelle 
de  parcourir  un  cycle  de  cliangements  délinis. 

«  Herbert  Spencer  :  La  vie  est  la  combinaison  définie  de  cliangements 
bétérogènes,  à  la  fois  simultanés  et  successifs,  en  rapport  avec  cer- 
taines relations  extérieures  de  coexistence  et  de  succession  (in  cor- 
respondence  wilh  external  co-ejcistences  and  séquences),  ou  plus  briève- 
ment :  la  vie  est  l'adaptalion  continuelle  des  relations  internes  aux 
relations  externes. 

«  La  définition  de  Bicbat  s'inspire  d'une  fausse  supposition.  Elle  part 
de  l'idée  qu'il  y  aurait  chez  l'être  vivant  une  sorte  d'antagonisme 
entre  les  forces  physico-chimiques  et  une  force  vitale  :  la  vie  ne 
serait,  dans  cette  conception,  (ju'uue  réaction  de  la  force  vitale 
contre  les  éléments  matériels. 

«  Les  définitions  de  Béclard,  de  Littré  et  de  Beaunis  ne  font  que 
décrire  en  tei'mes  généraux,  et  par  leurs  traits  extérieurs  seulement, 
les  fonctions  qui  s'accomplissent  cbez  les  organismes  vivants.  Elles 
ne  nous  renseignent  pas  sur  le  caractère  intime  de  ces  fonctions 
distinctives,  et  ne  peuvent,  dès  lors,  prétendre  au  litre  d'une  défini- 
lion  proprement  dite. 

«  La  formule  de  Spencer  est  très  abstraite,  vague,  compliffuée  ;  elle 
ne  s'applique  pas  aux  actes  les  plus  simples  de  la  vie,  tels  (jue  la 
sensation,  le  concept,  le  désir,  le  mouvement  spontané. 

«  Seule,  à  notre  connaissance,  la  définition  de  saint  Thomas...  s'a[)- 
plique  omni  et  soli  dejlnilo.  » 

Celte  définition  est  la  suivante  : 

La  vie,  dit  saint  Thomas  d'Aquin,  c'est  la  propriété  dislinclive  des 
èlres  qui  se  meuvent  eux-mêmes;  l'être  vivant  est  celui  ([ui  a  dans 
sa  natiuo  de  se  mouvoir  lui-même  :  Illa  propriè  sunt  viventia  quœ 
seipsa  secundum  aliquam  speciem  motus  movent.  Ou  encore  :  Ens 
vivens  est  substantia  cui  convenil  secundum  suam  naturam  movere 
seipsam. 

Pour  ex[irn[iiei-  la  \ie,  laiileiir  admet  un  vilalisme  mitigé,  celui 
de  saint  Thomas,  nalurellcnicul  ;  il  d(''liiiil  la  vie  :  Lu  principe  miIis- 
tanliel  doué  d'une  incliualioii  ualuidle.  Voici  sou  raisonnement 
pour  repousser  la  tiié-orie  adverse,  roi^anicisme,  (|ui  explitiue  la  vie 
par  les  propriétés  ciiimi(iues  de  la  matière.  «  Il  y  ;i  dans  l'oi^auisme, 
dit-il,  un  gi'oupement  harmonieux  et  slalde  irrh'meuts  malt'riels  et 


842 


ANALYSES 


>n 


^ 


de  force,  en  nombre  quasi  infini  auquel  il  faut  assigner  une  raison 
suffisante.  Or  cette  raison,  quelle  est-elle? 

«  Elle  ne  gît  jias  dans  les  conditions  d'organisation,  c'est-à-dire 
dans  les  éléments  anahuniques  et  leurs  forces  respectives,  car  c'est 
tout  juste  de  ces  conditions  d'organisation  qu'il  faut  rendre  compte 
en  montrant  le  pourquoi  et  le  comment  de  la  convergence  merveil- 
leuse et  persistante  des  éléments  anatomiques  et  de  leurs  énergies 
dans  la  constitution  et  la  conservation  des  organismes.  » 

>'ous  signalons  ce  raisonnement  à  titre  de  curiosit'é  (p.  59). 

2'^  La  deuxième  partie  traite  de  la  vie  sensitive  ou  animale  :  on  y 
trouve  des  études  sur  le  système  nerveux  et  les  organes  des  sens,  la 
sensation,  l'imagination,  la  mémoire,  avec  des  détails  pris  aux  recher- 
ches de  psycho-physique  récentes.  L'auteur  est  très  au  courant  de  la 
littérature,  et  il  remplit  très  habilement  avec  des  faits  modernes  les 
cadres  séculaires  du  thomisme.  Nous  devons  même  avouer  qu'il 
n'existe  pas  en  France,  actuellement,  de  traité  élémentaire  de  psy- 
chologie qui  soit  aussi  bien  documenté.  Après  cette  première  sec-  1 
tion,  on  en  trouve  une  seconde  sur  Tappétilion  sensible  et  l'appétit 
sensitif,  et  une  troisième  sur  le  mouvement  spontané.  Le  tout  se 
termine  par  des  considérations  sur  le  principe  de  la  vie  sensitive.  \ 
L'auteur  admet  une  âme  sensilive,  qui  est  «  un  composé  matériel 
formé  de  deux  parties  substantielles,  constitutives,  la  matière  pre- 
mière, et  l'âme  sensitive,  (jui  en  est  la  forme  substantielle  inlrinsè- 
(juement  dépendante  ».  Cette  âme  sensilive  est  mortelle.  Ces  concep- 
tions, exposées  à  quelques  pages  d'expériences  sur  la  psycho-physique, 
forment  le  contraste  le  plus  curieux. 

La  troisième  partie,  sur  la  vie  intelleclive  ou  raisonnable,  com- 
prend les  études  suivantes  :  nalure  de  la  pensée,  origine  de  la  pen- 
sée, processus  du  développement  de  la  pensée,  volilion  et  volonté, 
l'homme  et  l'animal,  les  sens  et  la  raison,  nature  de  l'âme  humaine,. 

origine  de  l'âme  humaine,  destinée  de  l'homme. 

A.   BiNET. 


E.-W.  SCIUPÏL'UE.  —  Thinking,  Feeling,  Doing  (Penser,  seutir,  agir\ 
in-18,  304  p.,  209  ligun-s,  index,  Fluod  and  VincenI,  Mcadville 
Penna  (Étals-Unis  d'Amérique),  1895. 

Ce  très  curieux  et  très  amusant  ouvrage  est  nouveau  à  deux  points 
de  vue  :  a).  11  est  luie  tentative  d'exposition  tout  à  fait  populaire  de 
la  psychologie  de  lalioraloire  ;  psychologie  de  laboratoire  n'est  pas 
tout  à  fait  synonymtî  de  jtsyciiologie  exi>érinientale  ;  dans  cette 
dernière,  il  y  a  un  ensemble  dliyisolhèses,  de  théories,  d'interpré- 
tations et  de  conclusions  et  d'observations  j)ures  ;  la  psychologie  de 
laboratoire  se  borne  à  ce  (]u"on  peut  montrer  et  prouver  dans  un 
laboratoire  ;  c'est  un  fait  singulier  qu'on  ne  Irouverait  peut-être  pas 
dans  tout  ce  livre  un  seul  exemple  d'observation  psychologique,  je 


TRAITÉS  ET   ÉTUDES   D'eNSEMBLE  843 

veux  dir»^  d'introspection.  6).  L'auteur  a  essayé  de  faire  de  la  psy- 
(iiologie  illustrée  ;  le  nombre  considérable  des  figures,  égal  aux 
deuxW^iers  du  nombre  des  pages,  est  une  cliose  absolument  nouvelle 
dans  le  domaine  de  la  psycbologie  ;  ce  sont,  pour  la  plupart,  des 
dessins  d'appareils,  de  grapliiques,  de  scbémas  ;  nous  notons  en 
outre  bon  nombre  de  jiliotographies  représentant  des  personnes 
installées  dans  le  laboratoire  et  faisant  des  expériences  de  psycho- 
logie. Ces  piiotographies,  eu  général  très  curieuses,  quelques-iuies 
putuiles,  donnent  aux  i)rofanes  quelque  idée  de  ce  qui  se  passe  dans 
nos  laboratoires. 

11  est  impossible  d'analyser  une  série  de  petits  faits  ;  le  mieux  est 
de  signaler  les  plus  importants. 

Chapitre  premier.  Sur  V observation  en  général  (1  h  loi.  —  11  faut 
observer  sans  que  le  sujet  le  sache  ;  il  ne  faut  pas  observer  avec  des 
idées  préconeues  (malades  qui  croient  observer  que  certaines  pilules 
leur  font  du  bien,  parce  qu'ils  eu  sont  convaincus  d'avance)  ;  il  ne 
faut  pas  faire  d'addition  inconsciente  à  ce  qu'on  observe;  exemples 
de  ces  additions  dans  la  correction  des  fautes  d'impiimerie  ;  autre 
exemple  tiré  du  volume  de  Romanes  sur  l'intellieence  animale  : 
Pierre  Huber,  ayant  enlevé  quelques  fourmis  de  leurs  nids,  et  les 
ayant  ramenées  ensuite,  vit  que  les  autres  fourmis  ne  les  tuaient 
pas,  et  en  conchit  qu'elles  les  reconnaissaient,  car  d'autres  fourmis 
de  même  espèce,  mais  de  fourmilières  différentes  étant  introduites 
étaient  tuées.  Lubbock  montra  l'erreur  du  raisonnement  ;  il  prit  des 
larves  d'une  fourmilière  et  ne  les  remit  que  lorsqu'elles  furent 
devenues  insectes  parfaits  ;  elles  ne  furent  point  tuées  ;  cependant 
l'Iles  ne  pouvaient  être  reconnues.  L'auteur  donne  des  figures  et 
(ii'S  lettres  qu'il  prie  le  lecteur  de  regarder  rapidement  et  de  dessi- 
ner de  suite,  pour  montrer  les  erreurs  d'ojjscrvalioji  ;  il  insiste  sur 
l'utilité  des  obsei'vations  rapides.  Trois  degrés  d'expérimentation  : 
les  tests,  les  expérimentations  ([ualitatives,  les  mesures. 

Chapitre  IL  Le  temps  et  Vaction.  —  ^Icsure  du  temps  avec  un 
cylindre  tournant  et  un  diapason  électrique  ;  mesure  de  la  simulla- 
uéité  d'action  des  deux  mains,  chez  un  pianiste.  Acte  de;  frapper  des 
i:oups  rajiides  (le  médius  a  besoin  d(>  8  centièmes  de  seinnde,  la 
main  de  7,  la  langue  de  7,  le  pied  de  11  pour  frapper  un  couii).  La 
faculté  de  fra[qier  des  coups  rapides  augmente  avec  l'Age.  (Je  crois 
du  reste  en  avoir  fait  la  déuionstralinn  liim  jivaiil  le>>  .iniciirs  améri- 
••ains,  mais  ceux-ci  ne  citent  presque  jamais  les  Français.)  Toute 
activité  mentale  concomitlante  ralentit  le  nombre  des  couits. 

Chapitre  III.  Temps  de  réaction.  —  Anecdote  bien  connue  de 
lasIroïKime  anglais  qui  renvoie  son  aide  jiarce'  que  c(dui-ci,  en 
iiutaiil  le  jiassage  d'une  étoile,  était  en  retard  d'une;  demi-seconde. 
C'est   léqualion  personuelle.  Description  de  la  psychométrie  mo- 


844  ANALYSES 

derne.  La  Lliaiiilire  isolée,  matelassée  et  obscure  (avec  figui'es).  L'au- 
teur remarque  (|ue  lorsqu'il  est  dans  sa  chambre  noire,  les  moindres 
bruils,  craquement  du  parquet,  de  la  chaise,  froissement  des  vête- 
ments, paraissent  énormes  ;  la  lueur  oculaire  des  yeux  clos  ail  ire 
l'attenlion  ;  un  sent  baltre  son  pouls  et  bruire  son  sanij,  etc.  Quelle 
singulière  méthode  d'isolement,  dirons-nous!  Description  et  ligure 
dune  bonne  clef  pour  réagir  :  deux  plaques  percées  chacune  d'un 
Irou  pour  \\n  duigt  glissent  sur  des  tringles  ;  on  met  le  [touce  dans 
lune,  l'index  dans  l'autre  ;  leur  moindre  mouvement  ouvre  et  ferme 
des  contacts  électriques.  Le  bruit  provoffue  des  réactions  plus 
rapides  que  le  son.  L'auteur  a  l'ail  (pielques  expériences  sur  la 
rapidit('  ilii  déparl  des  coureurs;  le  signal  est  un  coup  de  pistolet: 
on  se  sert  du  mouvement  d'air  sorlani  du  cainin  [loui'  produire  un 
contact;  un  lil  attaché  au  pied  du  coureur,  el  qu'il  rompt  en 
sélançani,  agit  sur  un  levier  et  interrompt  un  contact.  Les  temps  de 
réaction  sont  plus  longs  ijuand  h.'  corps  entier  doit  se  mettre  eu 
mouvement  cpu.'  (juand  luinsigil  avtM' un  doigt.  Le  temps  de  réaction 
(.liminue  avec  l'âge  de  six  à  dix-sept  ans. 

Chapitre  IV.  Durée  de  hi  pensée.  — •  Tenqis  de  recoiuiaissance. 
Temps  de  choix.  Associations  forcées.  Associations  libres.  Etudes 
sur  l'escrime  el  la  l)oxe.  l,e  lireuide  prores>ion  n'esl  ]ia>  jilus  rapide 
(ju'un  autre,  d'après  les  expriiences,  à  i'é[)ondre  [lar  un  mouvement 
à  lui  signal;  il  est  plus  rapide  à  exécuter  le  mouvement.  Pour  mesurer 
ce  temps  de  iéa('li(Ui,  l'éjiée  es!  en  contact  avec  un  disque,  et  ipiaud 
le  tireur  se  l'eml,  il  tuucli(,'  avec  son  ('qti''e  un  autre  disiiui'  :  il  ne 
doit  se  fendre  (pi'au  niojiienl  d'uu  .--ignal,  ([ui  est  enregistré  :  on 
mesure  ainsi  le  temps  qui  s'écoule  entre  le  signal  et  le  commence- 
ment du  mouvement,  enire  le  commencement  du  mouvement  et  hi 
lin.  Il  nous  semble  qu'il  y  aurait  beaucoup  d'autres  choses,  bien 
plus  intéressantes,  à  étudier  dans  la  ]isycliologie  de  l'escriine. 

Chapitre  V.  Slabililè  el  contrôle.  —  Ehule  de  rimmohilih''  dans 
une  position.  On  [tresse  le  doigt  sui'  le  levier  d'un  laiid)our  de  Marey 
et  on  maintient  ce  levier  à  la  hauteur  d'un  poiiil  marqué  sur  une 
feuille  de  papiei'  ;  jamais  ou  ne  reste  immoliile  ;  un  liicui'  qui  vise  : 
à  l'extrémité  du  cau(Mi  e>l  alladn'  un  lil  tendu  pai  un  poids  et  relié 
à  un  levier  de  lanilKUU'  ;  |iour  riuiinoliilin''  dans  la  .slalion  debout, 
un  tambour  a  sou  levier  IIm'^  sni-  la  lèle.  flludes  sur  l'allilude  du 
corps  la  meillenie  |Hini'  Iraci'i'  une  ligne  droile.  Description  d'un 
apjiareil  servani  à  riialiileh' ;  il  faut  enroncei'  une  |)oiiile  dans  des 
orifices;  le  bord  des  orilices  est  en  nnMal,  el  ipiaiid  la  pointe,  (jui 
est  aussi  en  métal,  touche  les  bords,  il  y  a  un  contact,  et  une  sonne- 
rie électrique  avertit  de  la  maladiesse.  Le  iani  |iour  cent  des  i-éus- 
sites  exprime  riialiileh''.  (Juand  on  a  exr'rc('  pinsieuis  Jouis  le  bras 
ilroil  seul,  le  gauche  devient    ('gaiement   plus  habile.  Ajqiareil    pour 


I 


TRAITÉS   ET   ÉTUDES   d'eNSEMBLE  843 

l'iuiliei'  la  conseivalion  de  la  liauteur  du  sou,  par  uu  procédé  aua- 
loaue  à  celui  des  flammes  mauométiiques. 

Chapitre  YI.  Pouvoir  et  volonté.  —  Dynamomètre.  Dynamographe. 
]*ressiou  d'une  main  et  des  deux  mains.  Influence  de  l'intelligence, 
de  l'état  émotionnel,  des  sons,  des  lumières,  des  odeurs  sur  la 
force  de  pression.  L'auteur  cite  des  expériences  de  Féré  et  reproduit 
ses  figures  sans  prononcer  son  nom.  Pourquoi?  Il  n'iiésite  cependant 
]jas,  à  l'occasion,  à  se  citer  lui-même. 

(Chapitre  VII.  Attention.  —  Chapitre  sans  expérience  et  presque 
sans  ligure.  Lois  de  l'attention  :  a.  La  grandeur  attire  l'attention. 
Ai)plicaliou  à  la  réclame,  b.  L'intensité  et  l'éclat  excitent  l'attention. 
Les  écoliers  seront  moins  intéressés  par  uu  appareil  sale  et  vieux 
i|ue  par  un  appareil  hrillant.  Les  étudiants  en  chimie  travaillent 
mieux  sur  des  tahles  très  propres  que  sur  des  tahles  noires  et  sales. 
c.  Ce  qui  éveille  fortement  les  sentiments  éveille  Fattenlion.  d.  L'at- 
tente augmente  l'attention,  e.  Le  changement  Tentretient.  L'auteur 
pense  que  la  fatigue  de  l'atlcnliou  provoque  l'hypnotisme. 

Chapitre  YIII.  Toucher.  —  Définition  du  seuil  de  conscience, 
.'■ludié  avec  des  disques  légers  de  moelle  de  sureau  qu'on  pose  sur 
hi  main  jiour  produire  des  contacts  très  légers.  Exemples  de  chatouil- 
lement [iroduit  eu  excitant  la  peau  avec  un  cheveu  iixé  à  l'ext remit.'- 
d'un  diapason  vihi\ant.  Élude  de  la  pression,  en  mettant  la  main 
sous  le  plateau  d'une  balance  qu'on  charge  lentement  avec  du  sable. 
La  plus  petite  difTéreuce  perceptible.  Esthésiométrie.  Les  aveugles 
ont  une  sensibilité  plus  fine  que  les  voyants,  même  dans  1(>  dos.  Moyen 
<réludier  la  sensibilité  tactile  chez  un  enfant  même  1res  jeune,  en 
lui  faisant  loucher  du  doigt,  sans  voir,  le  point  excité.  Illusion 
d'Aristole. 

Chapitre  IX.  Chaud  et  froid.  —  Recherche  des  points  chauds  et 
(Voids.  On  se  sert  d'un  crayon,  on  eu  lrem|ie  l'extrémité  d'abord 
dans  l'eau  chaude,  puis  dans  l'eau  glacée.  On  fait  un  moulage  en 
creux  de  sa  main  avec  du  plâtre  ;  on  excite  des  points  dill'érents  de 
^a  main,  et,  suivant  qu'on  sent  le  froid  ou  le  chaud,  on  marque  sur 
les  points  correspondants  du  moulage,  en  rouge  pour  les  points 
chauds,  eu  bl^'U  pour  les  i)oinl-^  froids. 

Chapitre  X.  Goût  et  odorat.  —  W'wn  de  luxurau. 

Chapitre  XI.  Audition.  —  Cli;uii:enienis  daii^  la  liaulciir  du  son, 
yuoduits  par  les  curseurs  d'un  diapason,  ce  (pii  pn  nid  d  ('ludicr  le 
minimum  de  difTéreuce  de  liauteur  perceptible.  Pour  le  seuil  de 
lintensilé,  emploi  de  la  montre  ou  d'un  appareil  d'imluclion  (Chariot 
de  Dubois-Reymond)  dont  on  écarte  les  bobines.  Pour  trouver  le 
ton  moyen  entre  deux  tons,  ou  place  trois  diapasons  devant  trois 


84G  ANALYSES 

rrsonnateurs  :  Vnn  des  diapasons  peut,  èlre  gradué.  Les  résonnateurs 
communiquent  avec  un  tube  qui  va  jus(iu';i  une  pièce  éloignée  où 
se  trouve  le  sujet  ;  on  lui  fait  entendre  les  sons  des  deux  diapasons 
extrêmes,  puis  le  son  du  diapason  gradué,  et  on  fait  varier  celui-ci 
jusqu'à  ce  qu'il  paraisse  à  égale  distance  des  deux  autres.  L'auteur 
a  quelques  pages  intéressantes  sur  la  notation  musicale  ;  il  voudrait 
qu'on  indiquât  l'intensité  de  la  note  par  la  manière  de  l'ombrer,  les 
changements  de  l'intensité  (crescendo,  decrescendo,  note  soute- 
nue, etc.)  par  la  forme  de  la  note.  Nous  avons  étudié  la  question 
à  un  point  de  vue  un  peu  dilïérent  par  la  méthode  graphique. 

Chapitre  XII.  La  Couleur.  —  Les  notions  fondamentales  sur  la 
couleur  sont  ingénieusement  groupées  autour  de  l'expérience  des 
disques  colorés,  qui  permettent  de  mélanger  les  couleurs  et  d'en 
obtenir  l'équation. 

Chapitre  XIII.  Sensibilité  aux  couleurs.  —  Le  meilleur  moyen 
pour  étudier  la  cécité  des  couleurs  consiste  dans  l'usage  des  disques 
rotatifs  :  si  une  personne  est  insensible  pour  le  rouge,  il  faut  pour 
ses  yeux  moins  de  rouge,  mais  plus  de  vert  et  plus  de  violet  pour 
former  le  gris. 

Chapitre  XIV.  Vision  monoculaire.  —  Périmètre.  Tache  aveugle. 
Illusions  d'ojiliipic. 

Chapitre  XV.  Vision  binoculaire.  —  Sléréoscopie. 

(Chapitre  XVI.  Sentiments.  —  Principalement  une  étude  du  scnli- 
ment  eslli<''li(pi('.  Ou  préfère,  dil  l'auleur,  les  couleurs  brillantes; 
comme  couleurs  associées,  les  claires  avec  les  sombres,  et  les  com- 
idi'mentaires.  Ces  conclusions  sont  d'accord  avec  celles  de  Colin  ; 
juais  nous  les  croyons  Irop  absolues.  Il  y  aurait  beaucoup  à  faire 
dans  celle  question.  Esihétique  des  formes.  Ce  chapitre  se  termine 
par  des  réllexions  et  tracés  relatifs  à  l'iutlueuce  des  émotions  sur 
le  pouls.  Les  Iracés  nous  i>araissent  bien  crili(iuables. 

Chapitre  XVII.  Emotions.  —  Quelques  rares  ligures  pour  l'expres- 
sion des  émoi  ions. 

Chapitre  XVlil.  Mémoire.  —  Vw  des  meilleurs  chapitres,  entière- 
ment expérimenlaL  Méthodes  i)our  mesurer  la  mémoire  et  conclu- 
sions jtédagogiques. 

Chapitre  XIX.  Action  rythmique.  —  Mesure  du  rythme  de  divers 
mouvements  :  mouvement  militaire,  mouvement  du  chef  d'orchestre, 
du  pianiste,  au  moyen  de  contacts  électriques. 

Chapitre  XX.  Suggestion  et  attente.  —  L'auleur  parle  en  termes 
véhéments  contre  tous  ceux  qui  de  près  comme  de  loin  font  de  la 


♦ 


TRAITÉS   ET    ÉTUDES   d'eNSEMBLE  847 

suggestion.  Les  expériences  qu'il  rapporte,  celles  de  son  t'iève 
Gilbert,  sont,  dit-il,  les  seules  scientifiques;  il  ignore  les  nôtres, 
faites  dans  les  mêmes  conditions,  presque  absolument,  et  parues 
avant  celles  de  Gilbert. 

Chapitre  XXI.  Matérialisme  et  spiritualisme  en  psychologie.  — 
Citations  empruntées  à  Wundt. 

Chapitre  XXII.  La  nouvelle  psychologie.  —  Historique,  Herbart, 
Fechner,  Helmlioltz  et  Wundt,  appelé  le  plus  grand  psycliologue 
depuis  Aristote.  (Scripture  est  son  élève.)  Nous  espérons  que  ces 
quelques  notes  peuvent  donner  une  idée  du  contenu  d'un  livre  qui 
présente,  comme  tentative  de  vulgarisation  illustrée,  une  originalité 
frappante.  Ses  défauts  sont  évidents  ;  un  style  parfois  enfantin, 
comme  si  le  livre  était  fait  pour  un  enfant  de  douze  ans,  parfois 
arrogant  au  possible  :  l'auteur  traite  d'escrocs  les  savants  qui  font 
de  l'hypnotisme.  Nous  remarquons  que  les  analyses  de  ce  livre, 
])arues  en  Amérique  [American  Journal  of  Psychology,  Psychological 
lieview,  Philosophical  Beview,  nov.  1895)  sont  d'une  sévérité  exagé- 
rée. Décidément,  les  psychologues  américains  manquent  de  complai- 
sance pour  leurs  compatriotes  ! 

A.   BiNET. 

A.  TU  1ER  Y.  —  Introduction  à  la  psycho-physiologie.  l\evue  néo-sco- 
lastique,  avril  189"<j,  p.  176-188. 

Ces  quelques  mots  d'introduction  sont  intéressants  parce  qu'ils 
émanent  d'un  élève  de  Wundt  qui  est  chargé  du  cours  de  psycho- 
physiologie à  l'Université  catholiqu»;  de  Louvain  ',  Le  professeur 
revendique  à  la  fois  contre  les  matérialistes  qui  nient  l'existence  de 
l'àme,  et  contre  les  dualistes  s]>irilualisles  qui  préiciident  (jue  l'âme 
est  immatérielle  et  intangible,  les  droits  de  la  jtsycliulogie  expéri- 
mentale. Il  divise  la  psychologie  en  deux  parties  :  l'étude  des 
impressions  et  l'étude  des  représentations. 

(t)  A  ce  cours  est  annexé  un  lal)oiMtoire,  ce  qui  roustitue  un  enseigno- 
uient  complet  de  psycliH-jihysidldgie  nonualc  qui,  à  l'heure  actuelle, 
n'existe  pas  encore  eu  France. 


t. 


XIV 

PSYCHOLOGIE   ANORMALE    ET    MORBIDE 


SOMMAIRE 


Sommeil  et  rêves.  —  II.  Siif/r/eslion.  —  111.  Télépalhie.  —  lY.  Troubles 
(les  sens  et  de  la  mémoire.  —  V.  Aphasies.  —  VI.  Troubles  de  rinlelli- 
{/ence,  de  la  volonlé  et  des  mouvements.  —  VII.  Dédoublement  de  la 
personniililé.  —  VIII.  Études  d'ensemble. 


I.   —   SOMMEIL   ET   RÊVES 

IL  ELLIS.  —  On  dreaming  of  the  Dead.  [Les  rêves  relatifs  aux  morts.) 
Psych.  Rev.,  sept.  1895,  p.  458-461. 

ïvlur  ri  (riuilii's  aulcurs  oui  inonliM'  (|iic  les  rêves  sont  roiigiin' 
de  la  croyance  à  la  sui-vic  ili'  ràinr  apirs  la  morl.  Il  es!  à  présumer 
que   certains  rùves   jibis   parlioulièremenl    (jne    d'autres,  les  rêv.;s 
relatifs  aux  parents  el   amis  morts,  ont  joué  un  grand  rôle  dans 
l'évolution  de  ces  croyances.  Lorsqu'on  rêve  à  un  ami  mort,  par 
exemple,  deux  ordres  de  souvenirs  contradictoires,  ceux  qui  nous 
représenlenl  Taini  vivaiil  cl  ceux  qui  son!  relatifs  à  sa  morl,  s'éveil- 
l,nl   siniiillanémenl,  se  conirediseni   el    produisent  une  sorte  d'im- 
pression résullanle  qui  représente  l'ami  comme  vivant  encore.  Ellis 
rapporte  quelques  observai  ions  de  ce  cenre,  et  les  conclusions  aux- 
(pielles  le  rêveur  arrive  sont  :  i'rami  a  élécnlerii'' vivant  ;  2*^  l'ami  est 
bien  mi>il,  mais  il  rrvii'nl  sur  terre  ]icnilanl  (pielques  instants  pour 
visiter  les  i)ersonncs  (ju'il  a  connues  ;  3" on  découvre  que  l'ami  n'était 
pas  morl,  mais  seulement  absent;  4°  l'ami  élait  bien  mort,  mais  il 
a  revécu  cnsuile,  sans  qu'on  puisse  expli([ner  comment  ;  o°  la  con- 
Iradiclion    ne    s'explique    ]ias,    el    cause   un   >eiilimenl   d'angoisse; 
0*^  la  nouvelle  de  la  ninrl   élail  fausse,  el  jirovenait  d'une  erreur  de 
journalistes,  (leci  est  un  rêve  de  M.  Ellis;  il  rêve  à  un  ami,  directeur 
d'une  revue  psycliologique,  mort  à  ce  moment-là;  ille  voit  causer 
avec  d'autres  psychologues,  qui  ont  pris  la  succession  de  la  revue  ; 
il  discerne  même  >ni-  un  nuni(''ro  de  la  i  evue  b^s  noms  des  nouveaux 
directeurs;  surpii>  de  la  cunliadicliun,  il  airive  à  la  conviction  que 


t 


SOMMEIL   ET    RÊVES  849 

son  ami  n'Ofait  pas  mori,  el,  inrou  a  r('-|iaii(iii  à  ce  sujcl  une  fausse 
nouvelle.  —  .J(.'  [luis  rilrr  un  de  mes  luojires  rêves  qui  est  toul  à 
fait  du  même  genre.  Je  connaissais  autrefois,  à  Paris,  un  vieux 
médecin,  (jui  un  an  avant  sa  mort  se  retira  à  la  campagne,  près  de 
Melun  ;  nous  ajiprîmes  un  jour  par  dépêche  sa  morI,  le  jour  et 
riieure  de  son  enterrement  à  Melun.  l'n  mois  après,  je  le  revis  en 
rêve  ;  il  élait  dans  notre  petit  salon,  causant  comme  d'habitude  ; 
tout  en  l'écoutant,  j'avais  un  senliment  de  stupéfaclion  profonde, 
me  rappelant  sa  mort  el  sa  dé[iéche,  et  j'en  vins  à  l'interpeller  pour 
lui  demander  si  réellement  il  n'était  pas  mort.  Il  me  répondit  que 
la  dépêche  était  complètement  fausse  et  ipu'  lui-même  l'avait  envoyée 
pour  savoir  à  combien  d'amis  la  nouvelle  de  sa  mort  ferait  faire  le 
voyage  de  Paris  à  Melun.  —  Entin,  j'emprunte  encore  à  mes  notes 
personnelles  un  exemple  (lui  doit  s'ajouter  à  la  liste  précédente: 
7"  le  mort  dont  on  rêve  apjiaraît  comnui  devant  mourir  plus  tai'd. 
J'ai  eu  deux  fois  un  rêve  de  ce  genre,  causant  avec  une  personne 
ijui  était  réellement  morle  ;  j'avais  le  sentiment  ({u'elle  élait  encore 
<'ii  vie,  mais  qu'elle  allait  bientôt  mourir;  elle  ne  me  paraissait  pas 
malade,  mais  bien  portante,  se  promenant  avec  moi  dans  la  cam- 
pagne, 

H.  Ellis  croit  trouver  un  exemple  de  ces  genres  de  rêves  dans  h; 
•  juatrième  évangile,  ch.  xx,  v.  5,  où  Marie-Madeleine,  allant  visiter 
la  tombe  de  Jésus,  voit  le  jardinier,  lui  parle  et  a  brusquement  le 
sentiment  que  c'est  Jésus,  sorti  de  la  tombe. 

Il  serait  à  désirer  que  ceux  qui  ont  eu  des  rêves  de  ce  genre  en 
fissent  la  relation  exacle,  pour  nous  les  envoyer. 

A.    BiNET. 

MAURICE  DEFLEURY.  —  L'insomnie  et  son  traitement.  Paris,  1894. 

L'élude  de  la  pression  artérielle  au  moyen  ilu  spliygniomètre  à 
ressort  de  Verdin  ajjplitjué  sur  la  radiale  monire  que  l'insomnie  es! 
due  lanlôt  à  une  exagéralion  df  la  jucs-ion  arlé-iir-llc.  laiilôl  à  une 
diminution.  Citons  quelques  chiffres  :  une  [lersonne  évtnjlée  a  en 
moyenne  une  pression  de  IT  cenlinu'-tres  de  mercure  ;  (juand  elle 
dort  d'un  sommeil  calme,  la  jnession  baisse,  elle  est  en  moyenne  de 
11  centimètres;  si  la  picssion  «•>!  un  peu  au-dessus  ou  au-dessous 
lie  cette  zone,  il  y  a  sommeil  partiel,  agité,  avec  rôves,  elc.  Si  l'écart 
est  encoi'e  plus  grand,  de  20  à  25  par  <.'xem|il<'  ou  de  4  à  6,  comme 
chez  les  grands  anémiques,  il  y  a  insomnie. 

.MARIE  DE  M.VX.VCEI.NE.  —  Quelques  observations  expérimentales 
sur  l'influence  de  l'insomnie  absolue.  Anh.  iial.  ,|c  |{i,,|.,  x\|, 
]i.  322,  1894,-  aussi  (^mi-'iès  de  Roini-,  vn|.  il,  p.  174. 

Il  existe  peu  d'observalions  sur  rinllucncr  di'  rinsonini«',  l'auleiir 

A.NNÉE    PSYCHOLOGIQUE.    H.  54 


830  ANALYSES 


ne  cite  que  Ronandin^  et  Ilammond-  qui  l'iiicnl  élndii'e.  Los  (expé- 
riences (le  lautcur  ont  (''!('■  faites  sur  dix  jeunes  ciiiens  de  deux  ;'i  y 
(juatre  mois;   il  s'est  d(-'gag(j  un  i^(?sul(at   très  imporiani,  (|iu'  Y  in- 
somnie absolue  exerce  une  influence  plus  pernicieuse  sur  l'organisme             ^ 
que  l'absence  absolue  de  nourriture  ;  les  animaux  mouraient  ajirès  ': 
96  à  120  heures  lorsqu'ils  ('(aient  empêclu''S  de  dormir;  les  chiens 
[dus  àgt's  supportent  plus  longtemps  la  privation  de  sommeil.  La 
température  a  commencé  à  s'abaisser  apri'S  vingt-quatre  heures  d'in- 
somnie, cet  abaissement  lent  d'abord  s'accéltlîre  et  à  la  lin  la  tempe-              ; 
rature  est  de  4°  à  5°   au-dessous  de   la  normale.  Les  mouvements              J 
réilexes  deviennent  de  plus  en  plus  lents  et  faibles.  Le  nombre  de              .;i 
globules  rouges  diminue  considérablement  de  5  à  2  millions  dans 
un  millim('tre  cube.  L'examen  histologique  des  dilférents  organes 
des  chiens  morts   à  la   suite  de   l'insomnie  absolue   a  montré   des 
changements  considérables:  beaucoup  de  ganglions  présentent  une 
dégénérescence  graisseuse  ;  de  petites  hémorragies  capillaires  se  sont 
produites  dans  toute  la  substance  grise.  Le  muscle  cardiaque   était 
paie,  les  libres  de  ce  muscle  i»rés(,'nlaieut  une  dégénérescence  gra-             4 
nuleuse.  En  général,  l'insomnie  produit  surtout  dans  le  cerveau  des  ; 
changements  profonds  et  «  irréparables  ».  Ces  exitériences  montrent              ■ 
combienle  sommeil  est  important  pour  la  vie  psychique  et  organique. 

Victor  Henri, 

UE  TARCIIAXOFF.  —  Quelques  observations  sur  le  sommeil  normal. 
Congrès  de  Home,  I.  Il,  \>.  22. 

Les  expériences  ont  été  faites  sur  ih-  jeunes  chiens  de  Irois 
semaines  à  deux  et  Irois  mois;  ces  jeunes  chiens  i)résenlent  cet 
avantage  iunM;ieux  sur  les  chiens  adulles  qu'ils  peuvent  très  facile- 
ment s'endormir,  même  ayant  subi  une  lrépan;ilion  ou  une  autre 
opération.  Voici  les  résidtals  obtenus  : 

1°  Les  animaux  ne  j»euv(;nt  pas  dormir  lorsqu'on  les  place  la  lète 
en  bas,  qucbiues-uns  dorment  mieux  la  lète  en  haut  (|ue  couchée 
horizonlalement  ;  ceci  monire  que  la  cpianlité  du  sang  dans  le  cer- 
veau intlue  sur  le  sommeil. 

2°  On  mettait  d'abord  à  nu  les  zones  motrices  du  cerveau,  [mis  on 
endormait  l'aninuil  eu  le  caressant  et  on  excitait  la  zone  motrice; 
l'excilaliiliié  de  cette  zoikï  diminue  considérablement  pendant  le 
sommeil. 

.3"  l'^n  inscrivant  la  pression  sanguin(;  de  la  carolide,  on  observe^- 
qu'cllr  diminue  de  20  à  50  niillinièires  pendant  le  soinnu'il. 

De  ces  résultais  l'auteur  conclut  que  le  somnu'il  nonnal  s'accom- 

(1)  lîon.iiulin.  Ohservullons  st/r  Viiifliicnce  palhoi/éiiique  de  Vimomnie. 
Annales  niédico-i)syclioj(>g.,  18ô7,  t.  ill. 

(2)  Ilammond.  On  Sleep.  Gaillard's  Med.  Journ..  1880,  t.  XXIX. 


SOMMEIL   ET    RÊVES  85 

poixne  crime  certaine  anémie  du  cerveau  et,  par  suite,  d'un  abaisse- 
ment d'excitaliilité  des  centres  cérébraux  qui  détermine  uu  certain 
degré  de  relâchement  fonctionnel  des  centres  moteurs  de  l'écorce 
grise  ainsi  que  des  centres  vaso-moteurs. 

4"  Entîn  il  rapporte  des  expériences  faites  sur  des  jeunes  chiens 
qui  avaient  la  moelle  épinière  sectionnée  au-dessus  de  la  moelle 
lombaire  ;  de  celte  façon  les  pattes  de  derrière  se  trouvaient  en 
rapport  seulement  avec  la  moelle,  les  pattes  de  devant  avec  la  moelle 
et  le  cerveau  ;  en  étudiant  les  réflexes  dans  les  pattes  de  derrière  et 
celles  de  devant  il  trouve  :  que  les  actes  réflexes  dans  les  pattes  pos- 
léiieuresne  changent  pas, tandis  que  les  pattes  antérieures  présentent 
pendant  le  sommeil  une  dépression  très  marquée  des  actes  réflexes. 

l/auteur  en  conclut  que  la  moelle  épinière  ne  dort  pas  et  que  le 
cerveau  pendant  le  sommeil  n'est  pas  inactif  dans  toutes  ses  parties, 
mais  il  est  au  contraire  la  source  d'une  action  dépressive  se  propa- 
geant sur  les  parties  de  la  moelle  épinière  qui  sont  en  contiguïté 
avec  le  cerveau  ;  par  conséquent,  le  sommeil  normal  ne  peut  pas  être 
considéré  comme  la  suite  de  l'élimination  complète  de  toutes  les  fonc- 
tions du  cerveau,  ce  qui  est  admis  par  un  grand  nombre  de  théories. 

Victor  Henri. 

TITCHE.XER,  E.-B.  —  Rêves  de  sensations  gustatives.  Amer.  J.  of 
Psych.,  VI,  4,  1895,  p.  ;]05-b09. 

I/auteur  a  réuni  cinq  observations  de  rêves  dans  lesquels  des 
images  gustatives  se  sont  produites  sans  qu'on  puisse  supposer  que 
ces  images  étaient  dues  à  des  sensations  gustatives  réelles;  il  cite 
deux  de  ses  observations  :  dans  l'une,  qui  lui  est  personnelle,  il  n'y 
avait  point  d'indigestion,  la  salive  contrôlée  au  réveil  avait  une- 
saveur  normale  ;  le  rêve  élail  l'clld  d'une  auto-sugg('slii)ii,  l'aulcur 
essayait  depuis  trois  Jours  de  provoquer  un  rêve  gnslalif.  On  sait 
((ue  le  nombre  de  rêves  gustatil's  connus  est  assez  petit.  M""  (lalkins,, 
sur  un  total  de  335  rêves,  n'ini  a  rencontré  (jue  deux,  el  sur  un 
total  de  298  n'en  a  [las  reiicdiiln'-  du  Iniil.  (Amer.  J.  iii'  l'>yili.,  V.) 

A.    lilNET. 

II.  —  SUGGESTION 

(^11.  l'iiiJÉ.  —  Note  sur  une  épidémie  de  borborygmes.  licv.  neurol. 
11"  9,  15  mai  1895,  p.  2rt3-2G5. 

Dans  Lin  atelier  de  coulun;  où  iieiil'  pi'i-.soiines  vivi'iit  cùle  ;"i  côte, 
ciiKi  personnes  sont  atteintes  de  borborygmes  (bruits  jjroduits  pai' 
des  déplacements  dr  liiiuides  et  di-  gaz  dans  l'estomac),  ce  ipii  est  un 
curieux  exemple  de  contagion  mentale  ;  ces  cinq  personnes  présentent 
des  phénomènes  hystériques  plus   ou  moins  niartiués  ;   l(;s  quatre 


852  ANALYSES 

autres  qui  ont  échappé  à  la  coulaiiiou  sont  exeuipli's  de  IrouJiles 
hystéri(ju(s  ;  la  cuiilairion  a  donc  été  favoi'isée  par  le  lcri;iin. 

A.  FOREL.  —   Der  hypnotismus.   3'-   ('ilil.   avrc  aunol.   de  0.  Vogl, 

1  vol.  iu-8",  223  p.,  1895. 


A.  LACASSAC.NK.  —  L'affaire  Guindrand-Jouve.  Testament  en  faveur 
d'un  magnétiseur  et  d'une  somnambule.  Aie  h.  danlluopulogie  cri- 
minelle, Lyon,  Slorrk,  15  scpl.  IS'Ji),  p.  o44-S69. 

En  France,  ou  compile  plusieurs  affaires  dans  h^sqnrllrs  nu  lesla- 
ment  aété  attaqué  pour  cause  de  suggesliiui,  lalTaire  Marlies  [Gazette 
des  tribunaux,  décembre  1889  et  janvier  1890)  et  ralTairc;  (Irévin 
{id.,  mars  1895).  M.  Lacassagno  publie  son'rapiiort  médico-légal  sur 
une  autre  affaire,  l'affaire  fluindrand-Jonve.  Il  s'agit  d'une  femme  de 
soixante-quinze  ans,  M'"^  Cuindrand,  faihlc  d'esprit,  sans  instruction, 
à  la  lèlc  d'une  grosse  forlinie,  (jui  visilait  des  somnambules,  et 
confie  la  gestion  de  ses  iiiens  aux  époux  Jouve  ;  la  femme  Jouve  est 
une  somnambule  exira-lucide  et  l'époux  est  lui  magnétiseur.  Jouve 
prend  riiabilad(!  d'endormir  M™°  (luindraud,  parfois  malgré  elle  ; 
il  l'endort  quand  elle  souffre,  il  essaye  même  de  l'endormir  un 
jovu'  avant  sa  mort.  La  malheureuse  teste  en  faveur  de  ces  intri- 
gants. Le  Iribunal  de  Lyon  a  refusé  de  casser  le  testament  pour  des 
motifs  de  fail  dont  nous  n'avons  pas  à  nous  occuper,  et  aussi  pour 
ce  motif  curieux  (|ue  l'existence  de  la  suggestion  n'est  pas  encore 
démontrée  scien(ifi([ueiiieiil.  Notons  en  passant  que  celle  atfaire 
donne  raison  à  ceux  (pii  peusml  (pie  la  suggestion  criininelle  est 
possible,  et  ([ue  ce  n'est  [las  seulement  une  cuiiosité  de  lai)oratoire. 
Nous  partageons,  M.  Féré  et  moi,  cette  opinion  avec  l'école  de  Nancy. 
(Voir  notre  Magnétisme  animal,  F.  Alcan,  Paris,  1886.) 

A.  BiNET. 

W.-R.  NE\M?OLJ).  —  Expérimental  Induction  of  Automatic  Processes. 
[Induction  expcrime/tlalc  de  processus  ai(lomati</ues.)  l'sycli.  Itt'V., 
11,4,  Juillet  1895,  p.  348-363. 

Ce  petit  travail  a  été  communiqué  à  l'Association  américaine  de 
psychologie  (en  décembre  1894)  sous  un  titre  beaucoup  i)lus  clair  ; 
Note  sur  la  provocation  expérimentale  d'hallucinations  et  d'illusions. 


l 


Cette  troisième  édition  ne  présente  pas  beaucoup  de  changements 
sur  les  précédentes;  sauf  quelques  notes  faites  par  le  docteur  Vogt 

sur  les  processus  cérébraux  qui  accompagnent  la  suggestion.  Inté-  ■. 

ressantes  sont  les  données  de  la  statistique  rapportée  par  Vogt  rela-  .^ 

tivement  au  nombre  de  personnes  qu'il  a  pu  hypnotiser:  tous  les  '^ 

119  sujets  ont  été  influencés  par  lui,  et  99  ont  été  hypnotisés.   Ces  S 

chifï'res  dépassent  ceux  rapportés  par  les  autres  statistiques.  V 


f 


SUGGESTION  8o3 

Cette  jirovoL-Jiliun  se  fait  en  luiaiit  une  personne  de  regarder  allenti- 
vement  pendant  quelques  instants  un  ohjt'l  brillant,  un  miroir,  une 
houle  de  verre,  un  verre  plein  d'eau,  une  goulle  d'Iiuile,  etc.  De 
nombreuses  expériences  ont  été  déjà  faites  dans  ces  conditions,  et 
publiées  sous  le  nom  de  Crystal- Visions,  par  Myers  et  d'autres 
membres  de  la  Société  antjlaise  de  recherches  psychiques;  Max  Des- 
soir a  écrit  un  article  populaire  pour  le  Monist  (revue  publiée  à  Chi- 
cago) sur  le  Miroir  magique,  pour  montrer  l'origine  très  ancienne  de 
ces  pratiques.  jL'arlicle  de  i\ew])old  n'apporte  pas  beaucoup  de  faits 
nouveaux  ;  mais  comme  il  remet  sous  nos  yeux  des  phénomènes 
intéressants,  dont  il  n'a  pas  encore  été  parlé  dans  V Année  psycholo- 
!/ique,  nous  pensonsulile  d'en  faire  une  analyse  quelque  peu  détaillée. 
L'auteur  a  fait  ses  essais  sur  86  personnes,  et  a  réussi  à  provo- 
quer des  hallucinations  sur  22,  dont  20  étaient  des  jeunes  filles.  Il 
les  priait  de  regarder  attentivement  une  boule  de  verre  bien  éclairée, 
ou  un  petit  miroir  réfléchissant  une  surface  blanche.  Au  bout  de 
cinq  à  dix  secondes,  chez  les  bons  voyants,  l'objet  contemplé  pré- 
sente des  modifications  de  couleurs;  il  paraît  se  remplir  de  masses 
nuageuses,  lailcusos;  d'autres  fois,  il  se  colore  brillammenl.  Puis 
une  image  se  forme,  au  bout  d'une  minute  ou  deux,  et  dure  quelques 
secondes.  Ces  -  images  sont  de  nature  très  variée;  des  vues,  des 
paysages,  des  monuments,  des  scènes,  des  portraits,  des  person- 
nages, etc.  Les  unes  proviennent  de  souvenirs  personnels,  d'autres 
sont  des  créations  de  l'imaginai iun  ;  parfois  ce  sont  des  souvenirs 
réels,  mais  que  le  sujet  ne  reconnaît  pas.  Plusieurs  images  de 
nature  difTérente  peuvent  se  succéder;  elles  s'appellent  parfois  par 
similarité;  parfois  on  ne  discerne  entre  elles  aucun  lien.  Vn  mou- 
vement imprimé  à  l'objel  lirillaiil,  une  (li>lraflion  sii|i|U  iiueiit  en 
gém'ral  1  lialhiriii.ilinu  ;  mais  les  etfels  vaiienl  beaucou[)  avec  les 
sujets.  Certains  conserveni  riiallucinalion  les  yeux  fermés  ;  d'autres 
peuvent  la  projeter  sur  un  objet  dilférenl,  sur  un  écran,  en  dessiner 
le  contour.  On  nous  dit  que,  dans  un  cas,  l'image  ainsi  extériorisée 
(dii'issait  aux  lois  des  images  consécutives. 

Si  l'on  avait  considéré  dès  l'origine  l'enijibii  de  niimiis  el  d'objets 
biillants  comme  servant  uniquement  à  créer  dc'S  lialluciiiations, 
[leut-êlre  n'y  avu'ait-on  pas  attaché  grand  intérêt.  Myers  a  pensé  que 
les  «  cryslal-visions  »  étaient,  comme  l'écriture  autoniali(|ue  des 
nié-diums,  un  moyen  de  faire  eoniiailif  la  vie  subconscienle  de  l'es- 
pril,  ce  qu'il  appelle  la  consci(;nc(!  subliiuinale.  Newhold  n'accepte 
point  cotte  interjirétalion.  Il  pense  (jue  ce  suni  là  simi>lemeni  des 
hnWnchvAïonii  h  point  de  repère  *  qui  sont  liées  inlimenu  ni  aux  sen- 
sations visuelles  produites  j)arrol)jet  brill.nii.  I.e  piincipal  argument 
de  l'auteur  paraît  être,  bien  ipi'il  ni'  le  dise  pas  e.\|>lieitetueiil,  ([ue 

(I)  Je  crois  avoir  clé  le  premier  à  étudier  les  Iiallnclnations  à  point  de 
repère.  [Revue  pliil.,  1884,  !<•■'■  semestre,  L'/iallucination,  recherclies  lltéo- 


8o4  ANALYSES 

le  sujet  en  expérience  a  souvent  uiif  (leiiii-cunseience  île  riialluci- 
nation  avant  qu'elle  ne  se  forme,  qu'il  sent  qu'elle  va  veuir,  et  que  s"il 
n'y  applicjuait  pas  foilcnieni  son  attention,  die  ne  se  piiMluiiail  pas. 
C'est  bien  ainsi  que  les  phéncanènes  se  sont  développés  ciiez  A.  B., 
un  homme  qui,  dit  l'auteur,  assistant  un  jour  à  une  scène  de  spiri- 
tisme, a  présenté  bientôt  de  l'écriture  automatique,  a  rulrudu  des 
voix,  a  eu  des  liallucinalioiis  et  finalement  des  attaques  (liiy>l(''rie. 
Comme  dans  son  écriture  automatique  il  écrivait  des  choses  très 
sensées  et  très  logiques,  on  aurait  pu  croire  —  "et  lui-même,  le 
patient,  le  crut  un  instant  —  qu'il  avait  été  envahi  par  une  person- 
nalité secondaire  ;  mais,  en  s'analysant  avec  soin,  le  sujet  constata 
([u'il  avait  la  prévision  vague  de  ce  que  sa  main  allait  écrire,  et  que 
bien  souvent  même,  W  soufflait  la  réponse  de  sa  main  à  une  question 
qu'il  posait.  — Xous  pensons  que  ces  phénomènes  ne  sont  nuUemenl 
contraires  aux  théories  admises  sur  les  ail éral ions  de  la  personna- 
lité :  nous  en  avons  trouvé  des  exemples  très  nets  chez  .M.  de  Curel 
dont  l'auto-observation  très  développée  a  été  publiée  ici  même*; 
d'après  l'analyse  de  M.  de  Curel,  tantôt  les  idées  viennent  spontané- 
aient  à  ses  personnages,  tantôt  c'est  lui  qui  les  leur  souille  et  même 
les  leur  impose  ;  ce  sont  là  des  degrés  et  des  aspects  divers  du  dédou- 
blement, phénomène  qui  est  extrêmement  complexe. 

Alfred  Hlnet. 


P.  SOLLIER  ET  E.  PARMEMIEH.  —  De  l'influence  de  l'état  de  la  sen- 
sibilité de  l'estomac  sur  le  chimisme  stomacal.  Ardi.  Ar  physio- 
logie, 18'J5,  n"  2,  p.  335-348. 

Les  expérinicnlateurs  supjuinicnt,  par  suggestion,  la  ^en^illilil•' en 
masse  de  l'estomac  chez  des  hystériques  liypmilisi's  ;  à  cfllc  injonc- 
tion, le  sujet  commence  par  faire  des  conlraclions  de  l'esloinac  ;  il 
sent  des  crampes,  des  picotements,  uin;  sorli'  d'engnuidissemenl, 
avec  sensation  de  vide,  de  froid,  enlin  plus  rien  ;  au  ri'vcil,  la  snrfaci; 
cutanée  répondant  à  restomac  est  aneslln'siéc,  et  les  malades 
n'éprouvent  plus  la  faim.  EtMclour  de  la  seiisihililé  pai- une  nouvelle 
sussestion  s'annonce  par  des  contractions  très  doulonreusi'S  de  l'es- 
lomac,  puis  viennent  des  sensations  de  fourmillement  et  de  chaleur, 
et  enfin  la  zone  d'anesthésie  disparaît. 

PendanI  raneslln'sie  slmnacale,  il  se  produil  des  modifications 
intéressantes  du  chimisme  gastrique  ;  poin-  mettre  en  ('videnie  celle 
influence  de  la  sensibilité  et  de  l'anesthésie,  on  reciu'iile  et  on  ana- 

riques  et  e.rpérimeiildlcs.)  ha  llieorie  du  point  de  repère  a  été  reprise  par 
Pierre  Janet  et  développée  rrime  manière  fort  ingénieuse.  (Au/ouialismc 
psijcholof/ifji/e.) 

(1)  A7inëe  iis-i/c/iiildi/iqi/r.  T.  1895,  p.   1 10. 


TÉLÉPATHIE  800 

Iy>o  ]('  liijuiilo  stomacal,  après  nu  repas  d'épreuve,  toujours  le  même, 
appelé  re[)as  d"E\vakl,  composé  de  60  grammes  de  pain  et  2o0  grammes 
d'infusion  de  thé.  Les  auteurs  ont  fait  pratiquer  les  analyses  par 
.M.  Winler ',  analyses  consistant  dans  le  dosage  du  chlore  total,  du 
<  Idore  combiné  organique  et  des  chlorures  fixes. 

La  suppression  de  la  sensibilité  a  exercé  quatre  fois  sur  cinq  séries 
d'expériences  une  action  modératrice  et  retardante  sur  l'évolution 
générale  du  cbimisme  ;  cette  action  a  consisté  dans  une  diminution 
<lu  chlore  total  et  des  chlorures  fixes.  Dans  un  cas,  Taction  s"est  mani- 
festée par  une  accélération  de  la  digestion  à  son  début  seulement. 

Par  conséquent,  le  chimisme  stomacal  peut  varier  chez  le  même 
individu  d'un  moment  à  l'autre  sous  riiifinence  de  troubles  purement 
IVinclionnels.  D'après  l'opinion  de  M.  NVinter,  la  sensibilité  intervient 
dans  ce  cas  par  voie  indirecte,  par  l'intermédiaire  des  phénomènes 
vaso-moleurs.  A.  Binet. 


III.  —  TELEPATHIE 

E.    BOIUAC.   —   Un  appareil   pour   expérimenter  l'action  psycho- 
dynamique. Annales  des  se  icn  ers  psycliii[Ufs,  mars  1891),  p.  100-112. 

Une  petite  aiguille  en  paille  est  suspendue  à  un  til  de  soie  qui  es! 
tixé  avec  de  la  cire  au  point  central  de  la  concavité  intérieure  d'une 
cloche  de  verre;  la  cloche  repose  sur  une  plaque  de  verre,  elle  est 
lutée  avec  du  mastic.  Ce  petit  pendule  aurait;  la  propriété  de  se  mettre 
dans  la  direction  de  l'aiguille  aimantée;  si  une  personne  se  trouve 
dans  la  pièce,  l'aiguille  se  tourne  vers  <dle  très  lentemeiil,  au  boni 
4'une  heure.  Crt appareil  servirait-il  à  enregistrer  le  prétendu  Ihi'uU' 
nerveux  qui  émane  de  nos  mains  el,  de  notre  corps"?  L'auteur 
■remar({ue  que  son  aiguille  se  meut  à  l'approche  d'un  foyer  de  cha- 
;leur;  peut-être  est-ce  là  la  cause  toute  simple  des  mouvements  de 
t'aiguilb'  ;  il  sei-ait  bon  de  se  préoccuper  de  celle  canse  d'erreur, 
.avant  d'aller  plus  loin.  -A.  BiNET. 


E.  IU»IK AC  — Une  nouvelle  méthode  d'expérimentation  pour  vérifier 
l'action  nerveuse  à  distance.  Annales  iU'>  sciences  psychique's,  iS'Jl», 
p.  240-2b2. 

Le  sujet,  éveilh'',  a  les  yeux  baudi'<  ;  mi  ne  le  huirlie  pas,  (Ui  ne 
prononce  pas  un  mol,  on  ne  lui  a  lien  dil  de  ce  (pi'dii  cnniple  faire; 
un  pr('6ente  la  main,  à  .'i  à  l;j  cenliniMres  de  dislance,  vis-à-vis  d'une 
partie  de  son  corps;   et  il  se  produit  que^jnes-uns  des  plii'nnnièues 

(l)  \Yinter.  Les  lois  de  révolution  des  fonclion-i  dir/esUvcs.  Acad.  des 
isciences,  3  juillet  1893. 


Sof) 


ANALYSES 


suiviiuts,  dans  1<'S  parlics  visées  :  ancsllirsic.  ;maL('si('.  l'diilracliiuis, 
ronliaclures,  alliaclions,  sensations  de  oliairur,  de  piqùic,  de  foui- 
niillomenl,  d(^  ideolenient,  soupii'S,  elc.  1/auleni  liace  le  pinuramnie, 
indique  les  i-ésultals  en  bloc,  mais  ne  donne  iminl  le  luoldcole  de 
ses  ex|)éiien('es.  Il  serait  d'abord  nécessaire  de  redierclier  si  un 
sujet  liabile  ne  jieut  rien  percevoir  ni  deviner  tles  nionvemenis  de 
l'expérimentateur.  J'ai  toujours  pensé  qm-  la  collalniralinn  dtin 
prestidigitateur  est  nécessaire  ponr  déceler  ces  causes  d'erreur. 

A.    BiNET. 

.Marcel  MANGLX.  —  La  photographie  spirite  en  Angleterre. 

Annales  des  sciences  psychiques,  juillet  1895,  p.  234-242. 

I>a  pbolograpliie  ayant  été  faite  dans  certains  cas  au  moyen  d'un 
appareil  stéréoscopique,  on  a  pu  constater  que  l'image  de  l'esprit, 
lixée  sur  les  deux  i)laques,  était  plate  et  n'avait  pas  de  caractère 
stéréoscopique;  ce  qui  prouve  (ju'elle  n'avait,  pas  passé  par  les  len- 
tilles. Constatation  intéressante,  (d  moyen  ingénieux  pour  di'pisler 
la  Fraude,  conslammenl  à  craindre  dans  ces  sortes  de  retliercbes. 

A.    BiNET. 

A.  GUEBIIAllI».  —  Sur  l'évocation  psychique  des  objets  réels. 

Annales  des  sciences  [tsychiques,  mai  189iJ,  p.  12U-i3(j, 

Très  curieuse  observation,  émanant  d'un  jdiysicieu,  professeur 
agrégé  de  la  Faculté  de  médeciiu'  île  Paris.  1/auleur,  se  pnuuenant 
à  la  campagne,  a  l'image  mentale  d'une  monsiruosilé  bolauiiiue  très 
rare  ;  ses  yeux  vont  ('yisrn'^e  direclenu'nl  au  spi''cimen  qui  esl  devant 
lui:  il  a  ensuite  l'image  mentale  d'une  seconde  monstruosité,  puis 
diiue  Iroisièjue,  et  chaque  fois  ses  yeux  renconirent,  sans  tâtonne- 
nu'iil,  l'espèce  rare  (]u"il  vient  d'évoquer.  Celle  successicui  rajude  de 
trois  évocations  suivies  de  trouvailles  s'esl  réjK'lée  plu>ieurs  luis  dans 
son  expérience.  La  queslicui  serait  de  savoir  s'il  n'y  a  pas  eu  une 
|M'ii(qilion  inconsciente  ayant  pré[iaré  l'évocalion  menlale. 

A.    BiNET. 


^.; 


IIA.NSEN  ET  A.  Li'dlMANX.  —  Ueber  unwillkiirliches  Fliistern.  Eine 
Kritische  und  experimentelle  Untersuchung  der  sogenannten 
Gedankeniibertragung.  (Le  chuchotement  involontaire.  Etude  cri- 
tique et  expèrimoitale  sur  la  transmission  des  ])e/isce.)  Philos. 
Slud.  XT,  p.  470-330. 

Les  questions  de  transmission  de  pensée  ont  élé  encore  très  |)eu 
étudiées  par  des  psychologues  dans  les  laboratoires  de  psychologie., 
il  existe  enaénéral  un  ceilain  dédain  des  hommes  de  science  envers 


TÉLÉPATHIE  857 

00  snjcl,  Ii's  uns  oui  pour  do  so  compromellro,  d'audos  oui  dos  o|»i- 
iiious  arrôtôos  travanco  ri  uc  voulont  lion  croiro.  C'ost  en  ofl'ot  un 
sujot  bion  drli(;at  où  on  no  saurait  êlro  trop  ])rudont  ;  d'abord  los 
obsorvations  failos  sur  la  transmission  des  pensée  l'ont  élé  en 
liguerai  surdos  «  médiums  »,  sur  des  personnes  hypnotisées  ;  ces 
personnes  no  so  rendent  (juo  difticilement  dans  un  lalioratoire  de 
psychologie  où  ou  les  priera  d'opérer  en  pleine  lumière  et  où  on  les 
surveillera  de  très  près. 

Les  aulours  ont  essayé  de  faire  des  expériences  de  transmission 
lie  pensée  sur  eux-mêmes.  Voici  leur  point  [de  départ  :  si  on  admet 
(|ue  la  transmission  de  pensée  d'une  personm^  à  Taulro  csl  possible 
sans  qu'il  y  ait  contact  entre  elles,  on  peut  supposer  ([ne  cotte  trans- 
mission se  fera  par  l'intermédiaire  d'un  mouvement  d'une  subs- 
lance  très  fine;  on  peut  admetire  que  cette  substance  se  l'éfléchira 
surdos  surfaces  uK'Ialliques  d'après  los  mêmes  lois  ({uo  la  lumière 
et  le  son  ;  par  conséqueni,  si  on  construit  deux  miroirs  sphériques 
concaves  et  qu'on  los  place  de  manière  que  la  tète  de  l'une  des  per- 
sonnes soit  située  dans  le  foyer  do  l'un  dos  miroirs  et  que  colle  de 
l'autre  personne  soit  dans  le  foyer  do  l'aulre  miroir,  et  que  de  plus  les 
miroirs  soient  tournés  l'un  vers  l'aulre  jiar  leurs  surfaces  concaves, 
la  transmission  de  pensée  devra  s'olfoctuor  plus  facilement.  Les 
auteurs  ont  donc  construit  deux  miroirs  sphériques  concaves  de 
ïj4  centimètres  de  rayon  chacun,  ces  miroirs  étaient  placés  à  une  dis- 
lanco  do  2  mètres  l'un  de  l'autre  et  los  observateurs  étaient  assis  se 
tournant  le  dos  do  façon  que  les  yeux  ou  l'oreille  étaient  au  foyer 
du  miroir  correspondant. 

Dans  los  premières  séries  luji  dos  observateurs  pensait   intensive- 
mont   à   un   nombre  au-dessous   do   100,   l'autre  devait  prêter  son 
attention  aux  imaues  visuelles  de  chiffres  (|ui  pouvaient   se  produire 
en  lui;  après  un  temps  do  5  à  10  minules,  ce  dernier  arrivait  à  avoir 
une  image  visuelle  précise  d'une  forme  quelconque,  il  traçait  alors 
cette  forme  sur  le  pai)ier,  puis  on  passait  à  une  seconde  expérience. 
(Jniiize     expériences    seulement  ont  (''h'-   l'ailes  [lar  cotte  ui(''lliode  ; 
dans  ]ilu<ieurs  cas  les  nom])res  représentés  par  h;  deuxième  obser- 
va leur    correspondaient  à   ceux   pensés  par  le    i)reinier,    mais  les 
auleiu'S  ont  abandonné  C(.'S   expériences;  los  coïnoidences  Irouvées 
sont,  d'après  eux,  illusoires  ;  i)0urlanl   les  formes  qu'ils   jap])orteni; 
ilaiis  leui'  iiH''nioire  ju(''seiileiil  ('videmiiiciil  une  liraiide  ressemblance 
avec  le  nom])re  pensé.  Imi   ellel    >nr   11  cliiflres,  il  y  en  a  eu  V>  iden- 
ti(iues  et  les  6  autres    ])résonlent    tous   (|iii'li|ne    analogie   avec   les 
cliiffres    pensés.  Nous    ne    comprenons   ji;i>    du   tout    pointiuoi  les 
auteurs  considèrent    ces  coïncidi'iices  comme  illusoires,  ils  no  s'ex- 
piiiuent    pas    claii-eiuont  là-dessus;    que  la  [»remière  liguic   puisse 
être    considérée  comme;    l'cssoinblanl    peu    à   77,  cela    est  certain, 
mais  dans  les  ligxucs  suivantes  nous  avons  des  coïncidences  remar- 
(juablos,  qu'il  serait  vraiment  très  intéressant  de  poursuivre  plus 


8o8 


ANALYSES 


loin  oL  d'ùLuditT  jiliis  en  drlails  ;  ulliiluicr  l'cs  (•(lïncidi'iici'S  ;'i  un 
simple  hasard,  c'csl  impossible  ;  si  on  calculail  m  cllcl  la  pi(d)al)i- 
lil('  de  laiiL  de  coïiieideuecs  ]iour  (juinze  expériences  sculciiicnl  clic 
serait  d'une  valeur  exlrèmement  faible.  Cela  u'empècbe  pas  les 
auleurs  de  conclure  (jue  loutes  les  coïncidences  de  tigures  obtenues 
par  (ransmissious  de  pensées  sont  illusoires;  f[ue  le  pcrcepleur,  en 
traçant  la  ligun'  dnnl  il  a  l'iiiiagi'  mentale,  dnniir  à  cette  liguii'  une 
toute  autre  signilication  (pie  c(dle  qui  lui  devrait  ap[iarleiii)' ;  ainsi. 
])ar  exemple,  le  premier  observateur  jiensaiit  à  un  'cliaudeiier,  le 
second  (le  percepteur)  a  une  image  visuelle  qui  ressemble  à  un  chat 
placé  la  tète  en  bas,  il  en  trace  une  figure  schématique  et  cette  ligure 
est  considérée  par  le  [iremier  observateur  comme  ressenil)lant  à 
un  chandelier  ;  [lourlaut  le  perceiiteur  n'avait  ]ias  du  tout  pensé  à 
un  chandelier. 

C'est  l'unicpu;  expérience  que  les  auteurs  aient  exécutée  avec  des 
figures.  Des  quinze  premières  expériences  et  de  cette  dernière  ils 
CDinluenl  ([u'il  n'existe  ])as  de  transmission  dépensées  parla  vision, 
que  tous  les  cas  observés  par  Richet,  Sidgwick  et  les  autres  auteurs 
sont  illusoires,  la  ressemblance  entre  le  dessin  et  la  figure  pensée 
n'apparaissant  (jue  lorsqu'on  connaît  la  figure  et  lorsqu'on  veut  abso_ 
lument  lriuiv(  r  une  ressemblance.  11  est  évident  i\\io  ces  conclusions 
ont  une  parlde  véril(',  mais  elles  sont  trop  généiales  ;  non  seule- 
ment les  expérienc(îs  des  auteurs  m:;  conduisent  pas  celte  conclu- 
sion, bien  au  contraire  elles  i^arlent  contre  celle-ci  :  dans  quinze  expé- 
riences avec  des  nombres  au-dessous  de  100  il  y  a  eu  ein(| 
(oïncideni'es  !  Est-ce  une  iJInsidU,  un  un  hasard?  On  a  le  droil  de 
sufiposer  (jue  ce  n'est  jias  \\i\  l'ail  de  liasard,  la  |irobabililé  en  est 
\vo\)  faible. 

Les  auleuis  ayani  rt'inaiijué  (|ue  pendant  les  ex[)ériences  de  ce 
genre  on  a  toujours  une  tendance  à  prononcer  les  nombres  auxquels 
<in  pense,  se  sont  demandé' si  une  Iran'-missinn  ji^'^laiL  pas  possible 
avec  un  cbucbolemeul  de  la  bduclie  exécuté  sans  mouvemenls  appa- 
l'cnts  et  si  faible  (pie  les  perMiniu's  environnantes  ne  le  reniai(pn'- 
raient  pas. 

Les  observateurs  s'asseyaient  de  fa'on  t\\ir  la  ImiucIh'  de  ((dni  (|ui 
]  te  usa  il.  aux  munbres  (d  Tore  il  le  du  perce  pleur  rn>seiil  dans  les  foyers 
des  miroirs  corr(!spondaiils.  Le  |ireinier  observateur  tirait  un  numéro 
d'un  J(Hi  d(»  loto  conlenani  les  nunn'M'os  de  10  à  100  td,  pensait 
iidensivement  à  ce  nunn'id;  en  y  pen>anl  il  avait  une  lendanci;  à 
pronniicer  l(''g(''reinenl  le  nduilnc,  il  irair('dail  pas  (-(die  lendance, 
nuiis  prononçai!  le  ndinbre  d'niie  manière  à  midli(''  xidunlairc;  les 
auteui's  n'appuieul  pas  as-^c/.  sur  la  mani("'re  (buit  ils  pi  (incmeaienl  ; 
dans  la  ]p)(Mni(''re  partie  du  travail  éciite  |»ar  L(diniann  il  dit  ([u'on 
laissait  la  idcine  libeih'  aux  mouvements  d'arliculati(Uis  involon- 
taires, (]uc  la  Ihiik  lie  (Mail  en  g(''n(''ral  fermée  td  (pi'il  n'y  avait  pas 
de  mouvemenls  exicrnes  de  proinjucialiou  ;  dans  la  deuxi(''nie  partie 


TELEP.VrUIli 


859 


rci'ilo  ]iar  Hans(Mi  et  consacrée  an  mécanisme  )iliysio]ogi(iu<'  du 
cliucliolement,  l'anlenr  dit  ({ue  le  chncliolement  étant  produit  ])ar 
1(^  nez,  la  bouche  l'in^née,  on  devait  d'abord  s'exercer;  puis  il  dit 
qu'en  général  le  ])ercept:eur  ne  perc'evait  pas  le  nombre  lorsfjuc 
celui-ci  était  chuchoté  une  fois,  il  fallait  le  chuchoter  plusieurs  fois 
df  suite.  En  somme,  il  parle  <run  chuchotement  volontaire,  au(iU(d 
les  observateurs  prêtaient  une  attention  spéciale,  il  y  a  ici  une  con- 
tradiction entre  les  deux  auteurs.  Dans  tous  les  cas,  ce  c^ue  les  deux 
aflirmenf,  c'est  que  les  mouvements  n'étaient  pas  a]iparents  et  une 
personne  se  trouvant  à  côté  n'entiMidail  rien  du  Idul.  Lorscpie  le 
percepteur  croyait  bien  percevoir  le  nomljre,  il  ré'crivail  ;  500  expé- 
riences ont  été  faites,  250  avec  chaque  observatevu-  ;  les  résultats  sont 
très  peu  différents  pour  les  deux  observateurs.  En  (■iTet,nous  avons 
les  chiffres  suivants  : 


Nombres  perçus  exactement 

Un  chilïre  perçu  exactement 

HANSEN 

LEHMANN 

34  p.    100 

40      - 
26      — 

32  p.   100 
43         — 

25      — 

On  voit  par  ce  tableau  combien  les  coïncidences  sont  nombreuses; 
le  résultat  est  vraiment  remarqualde.   Pour  étiulier  de  plus  près  b' 
mécanisme  du  chuchotement  et  surtout  pour  pouvoir  comparer  ces 
expériences  à  celles  faites  par  Sidgwicket  Smilii  ^  dans  lesquidlcsunc 
personne  pensait   à  un  nombre  et  une  autre  personne,  hypnotisée, 
devait  se  repi'ésenter  visuellement  h'  nombre  pensé  parla  première, 
les  auteurs  ont  classé  les  erreurs  commises;  cette  classitic;iti(ni  des 
erreurs  avait  été  faite  dans  les  expériences  anglaises  de  Sidgwiciv  et 
Smith  et  ces  auteurs  avaient  afliiiii('>   (pie  les  erreuis  peuvent  tontes 
s'expliquer  par  une  ressemblance  de.  forme  des  chilfres  et   (pi  elles 
ne  peuvent  pas  être  exidi(|uées  par  une  ressemlilance  dans  la  jiro- 
nonciation    des     ciiilVre-^  ;    l'en-eur    cduiuiise    par    ces    auteurs    est 
(ju'ils    admettent    ipie    le     smi    d'iiii    clnlfre   cIiucIkiIi''   e>l    le    ini'iiie 
que    celui    d'[i\\    cliilTre    |ijiiii(Mic('    à    liaiile    vdix;   or  ceci    n'est   pas 
exact  coninit^   le   UKHiIre    Maiisen   dans  la  deuxiènu!   ])artie   dn   iwr- 
moire.  11  s'est  dégag(''  de  la  slatisti(pie  des  erreurs  commistis  (pie  ces 
erreurs  ressemblent  lieaucou]»  à  celles  rap|>ortées   par   les  auteurs 
anglais;  en  (dVel   >i  un  eimipare  les  iiiiiru>ion-  le  pins   souvent    cdin- 
mises  dans  les  e.xpi'riences  anglaises  et   dans  ((dles  des  anlenis  on 


(l)  E.ipei'iinenfs  in  Thot/f/IU  Transferciicc  Proccet/ini/s  >)f  Soc. /or  l'si/ch. 
Research.,  vol.  V  et  VI. 


860 


ANALYSES 


voit  que  boaufnup  de  ces  confusions  sont  idcnliiiuos.  Voici  les  résul- 
tais : 


EXPÉRIENCKS 

EXPÉRIENCES 

anglaises 

de 
Ilansencl  I.ehmanii 

I  a 

été  coni 

ondn  avec 

0,     3,     2.     4 

5.     9.     4.     2 

2 

— 

— 

3.     4.     1.     6 

3-.     8,     7.     4 

3 

— 

— 

2.     5.     1.     0 

5.     t).     7,     S 

4 

. — 



3,     1,     2,     5 

5,     1.     2,     3 

5 

— 



6.     4,     3,     2 

6,     7.     4,     2 

0 





7.     8,     3,     4 

7.     5.     3,     4 

i 

— 



2,     6.     5.     1 

5.     4,     2.     1 

8 

— 

—              

3,     7.     4,     5 

3,     7.     2.     1 

9 

— 



3,     0.     8,     5 

4,     3,     8.     5 

0 

— ' 

—              

3,     5,     4,     7 

5,     7.     3,     8 

Ex]ili([uons  un  [icii  ci-  (|ue  le  tableau  |iit'ci'ilcnt  ie]iii'scnte  ; 
|ifcn(ins  un  exem2:)le,  le  cliillïe  quatre  ;  le  lahicau  mms  luiuilrc  que 
dans  les  expériences  anglaises,  lorsque  le  |ireniier  o])servateur  avait 
pens('  au  chitï're  4,  dans  les  cas  où  le  ]iercepleur  n'avait 'pas  deviné 
ce  chillre,  il  l'avait  confondu  avec  les  chilVres  3,  1,  2,  5;  de  pins, 
les  confusions  avec  3  sont  les  plus  nombreuses,  ctdles  avec  1  le  sont 
nidins,  puis  vieiiiieiil  celles  avec  2  et  enOn  celles  avec  a  ;  dans  les 
expériences  des  auteurs,  lorsque  le  cliilTre  4  étail  <  Iniciudé  et  que 
le  percepteurs'étaiti rompe,  il  l'avait  confondu  avec  les c lu ffreso,  1,2,3, 
et  de  nouveau  les  confusions  avec  5  sont  les  plus  nombreuses,  etc. 

Si  ou  l'xamine  de  plus  près  le  lableau  pr('c(''denl  on  voil  (pie  sur 
40  cas  (4  confusions  ]ioni'  chacun  des  10  chiffres),  dans  28  b'S  coid'u- 
sions  sont  les  niènn's  pour  les  ex[)(''rieuces  auiilaises  et  les  expé- 
riences des  auteurs.  Pourquoi  donc  celte  ressemblance  exirème 
dans  les  résultais  ?  (A)mme  les  auteurs  anglais  expliiiuenl  leurs 
erreurs  par  des  ressemblances  dans  la  loi  nie  des  chilIVes,  il  élait 
intéressant  d'élndier  ipielles  peuveni  èlre  les  confusions  |iar  sude 
de  la  ressemblance  des  foi-mes  ;  poiu'  le  faire,  les  auleurs  uionlraient 
pendant  un  leiiqis  1res  coni't deux  ou  (rois  cliilfres  écrits  sur  ]i;q)ier, 
le  sujet  devail  dire  ce  (lu'il  percevait;  de  ces  expériences  il  s'est 


dégagé  que   1 

'   e 

hillVe   : 

1  et 

dt 

COIirnlldll    1 

(■  plus  souvent 

avec 

4. 

7, 

2, 

3. 

2 

— 

— 

4. 

<), 

0. 

7 . 

3 



— 

2. 

8, 

6. 

9. 

4 

— 

— 

1. 

7, 

9, 

5. 

5 

— 

— 

3, 

9, 

7, 

fi. 

(5 

— 

— 

8, 

9. 

3, 

4. 

7 

— 

—  ' 

4, 

6, 

9, 

1. 

8 

— 

— 

6, 

4, 

9, 

3. 

9 

— 

— 

ti, 

0, 

3, 

4. 

0 



— 

4, 

9, 

1, 

3. 

•i'- 


TÉLÉPATUIE  8G1 

Si  on  compnre  cos  confusions  ducs  aux  ressemblances  de  forme 
des  chiffres,  comme  raflirment  les  auleurs,  aux  coiifusiiuis  repré- 
sentées dans  le  tableau  précédent,  on  voit  (jue  dans  22  cas  sur  40 
les  confusions  sont  les  mêmes  que  pour  les  expériences  auiilaises  et 
dans  18  elles  sont  les  mêmes  (pie  dans  les  expériences  de  chucho- 
tement des  auleurs.  .)us(pi'ii'i  on  ne  peut  rien  objecter  ;  ce  sont  des 
faits  expérimenlaux,  mais  les  auteurs  ne  s'y  arrêtent  jias,  ils  discu- 
tent ces  résultais  et  commettent  dans  cette  discussion  des  erreurs 
graves  qu'ils  semblent  ne  pas  avoir  remarquées;  le  but  qu'ils  pour- 
suivent est  de  montrer  que    dans   les  expériences  anglaises  on   a 
affaire  aune  transmission  de  pensée  par  chuchotement  involontaire 
et  que  les  erreurs  des  expériences  anglaises  ne  peuvent  pas  s'expli- 
(juer  par  la  ressemblance   de   forme  ;  le   procédé   emjiloyé  est  de 
calculer  quelle  est  la  probabilité  pour  que  le  hasard  amène  dans  des 
expériences  analogues  aux  précédentes  d'une  part  28  coïncidences 
sur   40   confusions,    de   l'aulre    22    coïncidences   et    18    aussi    sur 
40    confusions  ;    le    problème    est   le  suivant  :    chaque    chiffre    est 
confondu  avec  quaire  des  neuf  autres  chiffres  ;  ceci  a  lieu  d'une 
part  pour  les  expériences  de  chuchotement  et  de  l'autre  pour  les 
expériences  anglaises;   quelle  est  d'abord  1;l  probabililé  pour  (}ue 
dans  ces  deux  séries  d'expériences  les  quatre  chifTres  avec  lesquels 
on  confond  un  chiffre  soient  les  mêmes,  comme   cela  a  lieu  par 
exemple  pour  le  chifï're  4  qui  est  confondu  avec  3,  1,  2,  5  ?  Le  pro- 
blème n'est  pas  bien  posé,  il  n'est  pas  complet  ;  il  faut  ajouter  ou 
bien  que  tous  les  cas  sont  également  possibles,  c'esl-à-dire  qu'un 
chiffre  peut  être   confondu  avec   chacun  des  neuf  autres  avec  la 
même   probabililé,   ou  bien,  si  tous  les  cas  ne  sont  pas  égalemenl 
possibles,  il  faut  dire  quelle  est  la  probabililé  de  cha([U(;  casparlicu- 
lier.  Les  auteurs  ne  pailent  pas  de  celle  condilion,  ils  comparent 
les  expériences  à  des  lirages  dans  un  sac  contenant  neuf  houles,  ils 
admettent  donc  par  cela  même  ([ne   tous  les   cas  sont   égalemenl 
])Ossibles  et    ([ue  les  tirages  sont  dirigés  seulement  ]>ar  le  hasard. 
Ces  conditions  étant  supposées,  ils  calculent  les  probabilités  pour 
les  coïncidences  dans  les  confusions  jurnc  les  e.\pi''i  iences  anglaises 
et  de  chuchotement  pour  les   expériences  ;inglaises  et  de  lecture 
pour  celles  de  chiu;iiotemenl  et  de  lecture;   et  ils  arrivent  ainsi  au 
résultat  que    la  piobabilili''    des  28  coïncidences   entre  les  confu- 
sions des  deux  premiers  genres  d'ex|i(''riences  est  4000  fois  moindre 
([ue  la  probabililé  des  22  coïncidences  et  des  18  coïiieidciices  dans 
les  autres    exiiérie)u;es  ;   de    cette    relation    entre   les   probabilités 
ils  déduisent  cette  conclusion  inexacte   «  t\nr.  la  coïncid(,'nce  des 
erreurs  n'est  pas  due  au  hasard,  et  que   les  confusions  des  deux 
séries  d'expériences  (anglaises  et  de  cburholemcnl)  onl    une  cause 
commune»,    (p.    492)    et  plus    loin    :   <f  que    les   Iransniissioiis    de 
pensées   (anglaises)    se    sont  i)roduiles  par   le    chueholement,  au 
moins   la  probabilité  de   cette    cause    est   4  000  fois    supérieure   à 


8()^ 


ANALYSES 


celle  d'uno  aulrc  cause  ».  Nous  disons  que  ces  conclusions  sont 
inexactes;  en  ell'et,  on  peut  bien  afiîrmer  que  les  coïncidences  ne 
sont  ijas  dues  au  liusaid,  que  les  confusions  ne  peuvent  pas  être 
assimilées  à  des  tirages  au  soit  dans  un  sac  contenant  neuf  houles, 
([u'il  y  a  certaines  causes  ({ui  iulluent  sur  les  tirages  et  (ju'enfin 
ces  causes  sont  telles  qu'elles  produisent  des  effets  très  ressemblants 
dans  les  deux  séries  d'expériences  ;  on  voit  donc  que  l'erreur  prin- 
cipale des  auteurs  consiste  en  ce  que  de  la  ressembkmce  dans  les 
(dfets  ils  déduisent  Tidentité  des  causes  qui  produisent  ces  effets; 
(ieci  n'est  nullement  nécessaire.  >'otons  encore  un  point  douteux  : 
les  auteurs  admettent  sans  discussion  aucune  qu'on  peut  mesurer 
le  degré  de  ressemblance  des  formes  de  chiffres  en  montrant  pen- 
dant un  temps  extrêmement  court  un  ou  plusieurs  chiffres  et 
observant  quelles  sont  les  erreurs  commises  dans  la  lecture  ;  cette 
expérience  devrait  être  étudiée  de  plus  près;  il  faudrait  voir  si  en 
réalité,  comme  les  auteurs  le  sui)posent,  les  erreurs  reposent  seule- 
ment sur  la  ressemblance  de  formes  ;  et  si  même  ceci  avait  lieu,  on 
ne  pourrait  pas  encore  déduire  que  les  ressemblances  de  formes 
vues  pendant  un  instant  sont  les  mêmes  que  celles  qu'on  contemple 
longuement;  ce  sont  des  points  importants  ipTil  fallait  discuter;  les 
auteurs  ne  l'ont  pas  fait. 

La  deuxième  ])arlie  du  mémoire, écrite  par  llansen,  est  relalive  au 
mécanisme  du  ciiucbolement  et  aux  modificalions  |ib<iii(''liipies 
ap[)ortées  aux  (lilIV'iciiles  lellit-s  par  le  (Iiuciujtenieui .  1. "auteur 
dislingue  trois  g(,'nres  de  cliuciuilenieiil  : 

a)  \jd  bouche  lui  peu  ouverte,  distance  entre  les  lèvres  d'un  demi- 
centimètre,  la,  respiration  se  |)ro(luit  pai'  la  bouclie  el  juir  le  nez. 

h)  La  bouche  connue  prt''cédemmeiil,  la  resiiiialhui  |ii-eM[ue  exclu- 
sivemeul  par  le  nez. 

c)  La  bouche  l'erni('e,  respiration  par  le  nez. 

C'est  la  troisième  méthode  (jue  les  auteurs  ont  eni[)loyée  ;  le  cliu- 
chotement  par  le  nez. 

.Nous  ne  [(uuvdiis  pas  nous  arièler  sur  ri'lude  di'l.iiilt'M"  des  modi- 
fications phonéli(pu's  a[tportées  par  ce  cliuchotement  dans  les 
voyelles  et  les  consonnes;  nous  renvoyons  pour  ces  ilélails  au 
mémoir(-'  même. 

lui  somme,  les  expériences  rapportées  par  les  auteurs  sont  d'un 
grand  iuti'ii''!,  l'Iles  nionireiil  riniporlance  du  r(Me  (pie  le  cliuiho- 
\rmvul  peut  Jouer  dans  les  expériences  de  ce  genre,  mais  elles  ne 
montrent  pas,  à  l'inverse  de  ce  que  pensent  les  auteurs,  ijue  les 
expériences  anglaises  sur  la  transmission  des  pensées  doivent  être 
allribuées  au  chuchotement. 

Victor  Henri. 


TROUBLES   DES    SENS   ET    DE    LA   MÉMOIRE  863 


IV.  —  TROUBLES  DES  SENS  ET  DE  LA  MÉMOIRE 

I,.  BIAXCHI.  —  Paralisi  progressiva  e  frenosi  sensoria.  [Paralysie pro- 
gressive et  folie  sensorielle.)  Naples,  1895,  p.  loi. 

.Ni'ur  leiMiiis;,  doni  les  quatre  dernières,  ipii  lursenlent  jiliis  d'iii- 
Irrêt  que  les  premières  pour  la  psychologie,  sont,  consacrées  à  la  folie 
sensorielle,  élal  morbide  qui  présente  une  ressemblance  étroite  avec 
le  délire  sensoriel  aigu  (de  .'^rhiile  et  de  KrafTt-Eliing),  la  Yerwirrtlieit 
et  la  Verworrenheit  (Zielien,  Fritsch,  AVille,  Koniad),  la  stupidité,  lacon- 
lusion  mentale  (Dagonet,  Cliaslin).  L"auteur  soutient  que,  dans  cette 
forme  morbide,  les  désordres  de  la  perception,  illusions  des  sens  ou 
hallucinations,  sont  toujours  primitifs;  ils  agissent  à  la  manière  d'un 
traumatisme  sur  une  organisation  débile,  et  produisent  consécuti- 
vement de  la  mélancolie  ou  de  la  confusion  mentale.  Ces  leçons  con- 
tiennent plusieurs  observations  intéressantes  et  un  schéma  de  la 
mécanique  psycho-physiologique  dr  la  formai imi  dos  images,  des 
conceptions  et  des  réactions. 

A.  BlNET. 

|{IA.\(-HI.  —  Di  una  nuova  forma  di  nevrasteniaparziale,  anagnosias- 
tenia.  {L'ne  nouvelle  forme  de  neurasthénie  partielle,  V anagnosias- 
thénie.)  Annale  di  Neurologia,  anno  XIIT,  fasi-.  1. 

Le  trouble  particulier  signalé  ici  se  développe  pendant  la  lecture  ; 
il  y  a  incapacité  de  fixer  l'attention,  de  coordonner  les  mouvements 
des  yeux,  de  recueillir  et  de  se  rappeler  le  sens  des  mots  et  des 
[tlu-ases  ;  puis,  si  la  lecture  se  prolonge,  douleur  de  tète,  angoisse, 
vertige;  tous  ces  symptômes  se  dissipent  au  bout  de  quelque  temps. 
Les  malades,  en  dehors  de  ces  symptômes,  ont  toute  leur  intelligence 
et  leur  mémoire.  L'auteur  rapporte  12  cas  de  cette;  affection  ;  elle  est 
liée  parfois  à  lastigmatisme,  mais  i)as  toujours;  elle  se  dislii'.gue  de 
Falexie,  puisque  le  malade  comprend  ce  qu'il  lit.  L'auteur  en  fait, 
une  forme  de  neurasthénie,  distincte  des  phobies  ordinaires  en 
ce  que  le  malade  n'a  pas  la  crainte  de  lire;  au  contraire,  il  lirùb; 
du  tlt'-sir  de  lire  et  n'est  arrêté  (pif  jiar  la  soulfrance. 

A.    iîl.NKT. 


C.-L.  DANA.  —  The  Localization  of  Cutaneous  and  Muscular  Sensa- 
tions and  Memories.  (La  localisation  de  sensations  cutanées  et 
motrices  et  de  leur  mémoire.)  .Ncw-Vork,  Tin-  Alliance  i»rcss,  27  |i. 

2o  observations  cliniques  dans  lesquelles  des  paralysies  motrices 
ont  été  accompagnées  de  troubles  des  sens,  consistant  principale- 
ment en  pertes  de  la  faculté  de  localiser  les  contacts,  et  de  la  mémoire 


864  ANALYSES 

(lu  loucher  actif.  Conclusion,  (lue  les  circoiivoliilious  moliices  sont 
à  la  fuis  dos  centres  sensoriels  et  mnémoniques. 

Dl'M.  —  Double  Hemiplegia  with  Double  Hemianopsia  and  Loss  of 
Geographical  Centre,  {lléiniplégie  double  avec  hémianopsie  double 
et  perte  du  sens  du  lieu.)  University  Med.  Mai:azine,  mai  1895, 
p. 578. 

Nous  extrayons  de  cette  observalioii  médic;ile  les  détails  ([ui  ont  un 
intérêt.  psyclioloii;i(iue.  A  la  suite  d'allaques  de  paralysie,  un  malade 
de  soixante-huit  ans  présente  à  lélat  persistant  depuis  deux  ans  une 
hémianopsie  latérale  double  avec  conservation  de  la  vision  centrale; 
rintelligence  est  normale,  mais  le  malade  a  perdu  le  sens  du  lieu  ;  il  ne 
peut  se  rendre  compte  de  la  situation  de  sa  maison  et  de  la  place 
qu'elle  occupe.  11  peut  dire  seulement  que  sa  maison  se  trouve  à  la 
rencontre  de  deux  rues,  mais  ignore  la  direction  de  ces  deux  rues. 
Cette  perte  du  sens  du  lieu  est  un  signe  important  de  riiémianopsu- 
double.  Exisle-t-il  un  centre  pour  les  souvenirs  de  locali>alioii  ? 

G.-C.  FERRARI.  —  Un  caso  di  amnesia  parziale  continua,  [('n  cas 
d'amnésie  partielle  continue).  Riv.  sperim.  di  freiiialiiaf  ili  medicma 
légale,  XX,  l'asc.  IH-IV,  1894. 

Ce  petit  travail  contient  l'oliservation  clinique  d"un  cas  d'anuiésie 
des  chifl'res.  On  sait,  par  les  observations  de  Drobiscli,  heland, 
Criesinger,  et  jiar  les  études  de  Ribot',  ii's  leçons  de  Cbaicol  -,  ([ue 
certains  malades  |ieuveut  perdre  un  seul  grme  de  jm'iiioire  ;  les 
cas  d'aniii(''>ii'  localisi'-i-  aux  ciiillii's  ne  S(ud,  pas  IVi'ipirnts. 

RiboL^citertîxeniplr  d'[in  voyageur  qui,  ayant  été  longlein[is  exposé 
au  froid,  perdit  la  faculté  de  faire  des  calculs  et  d<'  retenir  des  ciiillres. 
l-'urbes\Vinslo\v'Ma|iporte  ([u'un  soldat,  après  uiu'  Iréiia nation,  perdit 
pour  un  temps  \i-  si  uiveiiir  des  nombres  5  et  7.  Au  moyen  de  la  >ngges- 
lioii  bvpnoliqni',  on  |irul  faiib'iiicnt  abolir,  cbc/,  les  sujris  entraînés, 
la  mémoire  des  cbitl'res  ou  d'un  cbilTre  en  jiarliculicr  ;  je  un' rappelle 
une  de  mes  expériences  ainjiennes,  où  J'enlevai  à  une  malade  la 
mémoire  du  chitlVe  7;  ayant  oublié  de  snpprinu'r  celte  suggestion, 
je  lui  lai>sai  une  amm'sic!  gênante,  (|ui  pemlanl  plu.^ienis  jours  lui 
lii  faire  (les  erreurs  de  complabilili',  d'où  résidt(''rent  des  (li>pules. 

Le  cas  nouveau  )aiip(U'l(''  pai'  l'aulenr  est  inléressaul,  jiarce  (pi  il 
s'at^it    d'un    liomun;    instiuit    el    capable   de    rendic   couq)le    de   ses 

(1)  Les  maladies  de  ht  /iicinoirc,  Paris,  Alcan. 

(2)  Leçom  du  Mardi,  1890,  p.  200.  Conf.  Sollier,  Les  affaiblissements  de 
la  mémoire,  Paris,  18'J2. 

(3)  Op.  cit.,  p.  116. 

(i)  On  the  Obscure  Diseuses  of  llie  Brain.,  4»  édit.,  j).  Ihl. 


TROUBLES   DES    SENS   ET   DE    LA   MÉMOIRE  865 

impressions  ;  aussi  est-il  dommage  que  l'on  n'ait  l'ail  sur  lui  aucune 
(■\[iérience.  Agé  de  vingt-sept  ans,  ayant  gagné  au  concours  un  grade 
académique,  il  à  remarqué  lui-même  que  pendant  les  examens  il 
était  sujet  à  de  iiartielles  et  brusques  pertes  de  mémoire,  au  point 
qu'il  perdait  juscfu'à  l'idée  des  matières  sur  lesquelles  on  l'interro- 
geait, quand  même  il  les  avait  apprises  soigneusement.  Il  esl 
<lépourvu  de  stigmates  hystériques,  ne  présente  rien  de  particulier; 
excellente  mémoire,  spécialement  visuelle,  mais  inaptitude  com- 
plète à  retenir  des  chillres,  au  point  qu'il  a  renoncé  à  apprendre  la 
table  de  multiplication  ;  il  ne  sait  bien  que  la  séiie  par  2  et  par  ;>. 
Dans  un  récit  qu'il  fait  de  souvenii',  il  a  l'habitude  inconsciente  d'in- 
venter des  chifîres  p)Our  remplir  les  lacunes  de  sa  mémoii^e  ;  en 
général,  ce  cliilTrr  inventé  est  plus  fort  que  le  chiffre  réel.  Si  on 
n'attire  pas  son  attention  sur  l'erreur,  il  ne  la  remarque  pas,  et  il  ne 
fait  d'ailleurs  aucun  effort  pour  se  remémorer  le  chiffre  exact.  Il  se 
>frt  parfois  d'une  mnémotechnie  rudimenlaire.  Nous  pensons  qu'il 
y  aurait  eu  intérêt  à  faire  des  expériences  spéciales  sur  cet  individu  : 
mesure  de  la  mémoire  immédiate,  pouvoir  de  reconnaissance,  etc. 
J.i*  mécanisme  des  amnésies  est  encore  si  peu  connu! 

A.  HiNET. 

1>ALL  GARMEU  ET  LE  FILIATUE.  —  Coexistence  d'hallucinations 
verbales  auditives  (sensorielles)  et  d'hallucinations  verbales  psycho- 
motrices. Dialogue  entre  les  voix  extérieures  et  intérieures.  Annales 

médico-psychologiques,  janvier  1895,  p.  79-91. 

Baillarger  est  le  premier  aliéniste  qui  s'est  aperçu  qu'il  existe  deux 
■espèces  d'hallucinations  de  l'ouïe  ;  dans  l'une  de  ces  espèces,  les  voix 
que  le  malade  entend  sont  extérieures,  elles  lui  paraissent  venir  de 
dehors,  d'un  interlocuteur  ;  dans  l'autre  espèce  d'hallucination,  la  voix 
e.st  d'origine  iiileme,  c'est  une  vni.x  intérieure,  et  Haillarger  jioiii  rop- 
|)oser  aux  hallucinations  auditives  l'apiielb'  hallucination  psychique. 
.Max  Simon  a  bien  compris  la  nature  de  C(;tte  halluciiialion  psyciiique; 
remar(juant  ([u'elle  s'accompagne  d'un  mouvement  dans  les  organes 
de  l'articulation,  il  a  considéré  ({u'elle  consiste  dans  une  impulsion 
de  la  fonction  langage  ;  c'est  une  parole  que  le  malade  prononce  ou 
du  moins  ébauche,  sans  ]iarfois  en  avoir  conscience.  Séglas  est  le 
Iroisièjue  aliéniste;  (jui  a  attaché  son  nom  au  dévelo]>penu;nt  histo- 
rique de  celte  question.  Il  a  repris  et  développé  l'idée  de  Max  Simon, 
étudié  dans  une  série  d'observations  clini(|nes  Ions  1rs  di-gn-s  de 
riiallncination  psychi(iue,  à  laquelle  il  a,  donné  son  vrai  nom,  l'Iial- 
lucination  verbale  psycho-motrice*.  Sous  une  forme  atténuée  l'Iial- 
lucinalion  i)sycho-motrice  ne  s'accompagne  pas  de  mouvements 
.'l'articulation  visibles  ;  dans  d'autres  cas,  le  iiiouvem(;ut  se  voit  el 

{])  Troubles  (lu  laiifjuf/e  chez  les  aliénés.  Paris,  Hiicff. 

ANNÉE    PSVCHOI.OOIQCE.    H.  55 


866  ANALYSES 

mémo  la  parole  [vul  rlrt-  (Milriidiio.  l)i-  plus,  un  ImuMi'  ;iii;i]ni.nK'  à 
celui  de  la  parole  i)ciil  se  s;iisir  dr  la  main,  ri.  li'  nialndc,  au  lieu  df 
parler  meutaliMiitMil  ou  i«'-ell('nieiil,  peut  éciiie.  l/i'-l;d  de  cDiiscieuee 
(lui  ac(ompai.'iie  ces  plii'Udiuènes  est  v;iii;ilili',  liii'u  t\\\r  d  une 
manière  g(''uérale  ces  phénomènes  soii'ul  involontaires;  lanlnt  le 
malade  parle  involonlairemenl,  irrésistiMcnicnt,  maissa  parole  reste 
l'expression  de  sa  i>ensi'e  ])ersonni'Ile  ;  tantôt  la  pensée  ipi'il  rxprime 
lui  pai'aît  étrangère,  imposée;  il  ii"a  [ilus  conscience  (pi. •  <li's  tnou- 
vementstr.ii'lii'iilaliiin  qu'il  (•x(''cule  ;  lanlôl,  il  perd  crili'  (•(uiscience 
des  mouvements,  alors  même  qu'ils  sont  assez  intenses  [lour  que  la 
r('ponse  soit  proférée  à  voix  haute;  la  parole  devient  à  la  l'ois  invo- 
lontaire et  inconsciente,  ce  qui  donne  lieu  à  des  phénomènes  com- 
plexes de  dé'doniilenienl  ineiilal. 

i/()liseivali(Ui  pulilii'e  pai-  (iainier  el  l,e  Fillialre  est  intéressante 
parce  que  cliez  leur  nialadi;  les  hallucinalions  verhales  auditives  se 
séparent  des  hallucinalions  psycliD-molrices  ;  le  malade  lui-inènu'en 
perçoit  la  dilTV-rence,  et  dans  raiilfi-observation  qu'il  écrit,  il  lait  saisir 
sur  le  vit  h'  dialogue  ipii  se  ]iiii(luil  entre  ces  deux  espèces  d  hallu- 
rinalidus.  Jean  Henri  e-.!,  un  dé'iiénéré  leMi'dilaii-e,  alleini  de  délire 
de  perséciUion.  Il  a  des  lialliu-inations  auditives,  il  enlend  des  voix 
qui  lui  disent  des  injures;  ces  voix,  il  les  rappmle  à  des  persécuteurs 
auxquels  il  a  diunu'  des  luuns,  tels  ipie  je  niunde,  la  ven^eresse  ilu 
ociire  liiiiuain,  l'autre,  etc.  Aux  in-ulti'S  (|ui  lui  parviennent  aux 
(Ui'illes  il  répond  malgré  lui,  iuvoloidairement,  jiar  des  mots  d'injure  ; 
il  se  rend  liien  i'iuu|ile  (pi'il  ne  piononce  pas  ces  mois  avec  sa 
houclu- ;  c'est  une  liallueinal  ion  psycho-motrice  an  premier  degré, 
sans  pailicipaliou  des  organes  luécaniipies  de  la  painle.  l.e  malade 
consiilère  ipu'  la  pens('-e  vieni  de  lui.  A.  Iîi.nkt. 

IMerue.IA.NKT.— Anesthésie.ltieliounairi'de  jdiysiologie.  I,  ]i.'D0(')-3i3. 

I, article  de  .lanet  (-(mlienl  une  liés  iii-Iruclive  ilas>ilical  ion  des 
anesthésies,  et  nous  allons  en  itquoduire  les  grandes  ligues.  I.'aues- 
thésie  est  imc  suppression  de  la  seiisihilili'  consciimte,  (die  pn'sente 
heaucoup  d'espèc(!S  (lilTérentes. 

Anesthésies  •périphériques.  —  Elles  i>euvenl  être  duo  à  la  lé'snui 
des  corpuscules  du  tact,  comme  dans  la  lèpiv,  le  mal  perforant, 
Teczénia,  h;  psoriasis,  etc.,  à  l'acliou  de  eerlaines  sulislances,  cocaïne, 
phénol,  froid,  anémie,  elc.;  il  y  a  dan>  ce  dernier  ca>  une  péiiode 
d'augmentatitui  île  sensibilité  (hyperesllu'sie)  ipii  pn'céile  I  in-~en>i- 
liilih'.  |,a  seclimi  des  nerfs  snppiime  ans-~i  la  seiisiliilili',  mais  pas 
il'ane  manière,  aussi  radicale  (ju'on  pouiiail  limaginei  ;  la  vnisihi- 
lilé  est  plulùt  engourdie,  C(;  (pu  tiendrait  à  ce  (pie  les  nerfs  d  un 
membi'e  s'anastomos(Mit  à  leiu'  extrémité  et  S(>  siqipli''enl  les  uns 
les  autres.  (Voir  Tli(ulmrii,  Itrain,  180:{,  [..  3oy.)  I,es  h'sious  de  In 
moelle,    (lu    pied    du    pi''(|oncule    ci'n'diral    el    de    la    r(''giiui    [)oslé- 


TROUBLES   DES    SENS   ET    DE   LA   MÉMOIRE  867 

lifure  de  la  capsule  iuteiiie  produisent  également  de  rinsensiliilitt'-. 
Toutes  ces  aneslhésies  péiipliériques  ont  un  certain  nombre  de 
caractères  communs  :  1°  elles  peuvent  être  dissociées,  une  forme  de 
1,1  siMi>iliilité  est  conservée,  les  autres  atlcintcs  ;  dans  certains  cas, 
le  contact  se  conserve,  la  sensation  thermique  disparaît.  Il  ne  faut 
[las  trop  se  presser  d'en  conclure  que  chaque  sensibilité  a  un  con- 
ducteur différent  ou  un  organe  périphérique  diflérent;  il  faut  aussi 
tenir  compte  des  réflexes  très  nombreux  qui  accompagnent  la  sen- 
sation, modilicnl  sa  nuance,  et  qui  peuvent  disparaître  ou  être  con- 
servés, ce  qui  produit  des  effets  qu'on  attribue  à  tort  à  rinsensibilité; 
2°  les  anesthésies  périphériques  ne  sont  pas  systématiques;  si  la 
température  d'un  objet  n'est  pas  sentie,  celle  d'un  autre  ne  le  sera 
pas  davantage;  3°  la  localisation  dépend  de  la  disiribution  des  nerfs, 
une  lésion  du  plexus  brachial  produit  une  anesthésie  de  l'avant-bras 
et  respecte  la  région  de  l'épaule,  qui  est  innervée  par  le  plexus  cer- 
vical (Klumpke,  Revue  de  médecine,  1885,  p.  604);  4°  le  malade 
connaît  la  lacune  de  sa  sensibilité,  il  s'en  rend  compte  et  en  soufîre; 
3°  il  peut  se  rappeler  les  sensations  perdues,  soit  à  l'état  de  veille, 
soit  en  rêve  (exemple  des  amputés). 

Aneslhésies  centrales.  —  L'iiémiplégie  (paralysie  d'une  moitié  du 
corps)  qui  survient  à  la  suite  d'un  ramollissement  ou  d'une  attarpie 
d'aiinplexie  cérébrale,  est  le  plus  souvent  accompagnée  d'insensibi- 
lilé-  dans  les  membres  paralysés.  Il  paraît  résulter  de  quelques  obser- 
vations que  le  malade  perd  les  images  l'elatives  à  son  bras  et  à  sa 
Jambe  paralysés.  C'est  encore  une  question  peu  étudiée,  sur  laquelle 
l'auteur  passe  rapidement.  Il  insiste,  au  contraire,  sur  une  auti^e 
espèce  d'anesthésie  centrale,  qu'il  appelle  anesthésie  par  dé'faut 
d'assimilation,  ce  qui  est,  soit  dit  en  passant,  toute  une  théoiùe.  Ces 
anesthésies  s'observent  chez  l'individu  sain,  dans  les  intoxications 
légères,  dans  les  névroses  et  sur! ont  dans  l'hystérie.  La  sensation 
n'est  pas  perdue,  l'auleui-  jinur  le  prouver  rappelle  les  fails  observés 
par  Lasègue  sur  les  liysli-riques  anesthésiques,  par  exemple  la  con- 
servation d'une  ;il(ilnd(\  Je  rappelle  à  cette  occasion  que  nous  avons 
prouvé  expérimentalemenl,  Féré  et  moi,  cette  conservation  de  la 
sensation  chez  beaucoup  d'hystériques  par  l'expérience  des  mouve- 
ments jiassifs  répétés  ;  nu'-  plume  étant  mise  dans  la  main  insensible 
du  sujet,  derrière  un  écran,  on  iiii|iiinie  à  cette  main  un  mouvement 
grnphique  quelconque,  et  la  main  le  répète.  C'est  une  expérience 
bien  démonstralive  et  bien  siiiqile,  et  je  défie  qu'on  en  trouve  une 
meilleure  sans  employer  la  suggestion  et  beaucoup  de  procédés  com- 
plexes. Ces  anesthésies  présentent  plusieurs  caractères  généraux, 
que  Janet  résume  ainsi  : 

i°  Ces  anesthésies  ne  sont  localisées  d'après  aucune  règle  analo- 
mique  ;  2°  elles  ne  produisent  aucune  perturbation  notable  dans  les 
fonctions  de  nuliilinii,  les  mouvements,  les  réflexes  (ceci  ne  me 
semble  pas  tout  à  fait  exact)  ;  3"  elles  sont  indifférentes  à  l'hystérique  ; 


868  ANALYSES 

4"  elles  soni  iiinliilrs  ri  nmlradirinires  ;  '6"  elles  inléressenl  non  seu- 
lement la  sensulion,  mais  encuie  la  mémoire  et  les  sentinienis  aussi; 
l'anesthésie  viscérale  peut  supprimer  la  pudeur.  De  plus,  on  a  pensé 
que,  dans  le  cas  d'anestliésie  générale,  l'intelligeuce  est  atteinte;  si 
on  ferme  les  yeux  du  malade,  il  dort.  Slriïmpell  a  décrit  l'un  dr- 
premiers  un  cas  de  ce  genre  :  une  petite  fille  de  dix  ans,  (]ni  ne  con- 
servait de  sensations  que  dans  l'œil  droit  et  l'oreilh'  ganclie,  s'en- 
dormait si  on  lui  fermait  ces  deux  organes.  (Voir  Slrùmi)e]l,P/?.  j4/-c/(., 
XV,  573.  —  Raymond,  Rev.  de  médecine,  1891,  \\.  389.  —  Féré,  Patho- 
logie des  émotions,  1893,  p.  83.  —  Séglas  et  Bonnus,  Arch.  de  neuro- 
logie, 1894,  p.  353.)  Il  est  bien  possible  que  l'occlusion  des  yeux, 
dans  ces  cas,  produise  simplement  l'hypnose. 

L'auteur  rappelle  en  quelques  mots,  pour  expliquer  ces  anestlié- 
sies,  son  intei'prétation  qui  fait  intervenir  la  pei'sonnalité  ;  il  y  aurait  | 

dans  la  perception   normale  une  opération  de  synthèse  laliacliaiii  | 

les  sensations  à  la  notion  vaste  et  antérieure  de  la  iiersonnalité. 
Cette  perception  personnelle  ne  se  produirait  pas  ciiez  riiystéri(|ue. 
Ce  n'est  pas  ici  la  place  de  critiquer  cette  tiès  ingénieuse  th(''orie, 
(jui  certainement  mérite  un  examen  api>rofondi  ;  nous  dirons  sim- 
plement :  la  théorie  de  la  |ierceplion  personnelle  s"a]ipli(ine  bifii 
i[uand  il  s'agit  d'hystériques  «jui,  ayant  conscience  d(î  certains  sou- 
venirs de  leur  vie  passée,  ne  les  rattachent  })as  à  elles,  croient  ([ue 
ce  sont  des  souvenirs  qui  leiu'  sont  étrangeis.  Mais  ]wur  les  sensa- 
tions des  réginus  anesthi'>i(|iii's,  il  en  est  auticMiciil  ;  elles  ne  sont 
])as  senties  par  telle  ijersonnalilé,  elles  sont  non  avenues,  elles  ne 
sont  pas  comme  des  sensations  qui  paraîtraient,  auire>,  apiiaileuaul 
à  un  iutlividu  dinV'rent;  on  ne  peut  donc  pas  dire  qm-  cf  i\u\  leur 
man(|ne,  c'est  railiibulion  au  moi.  .lanet  pense  que  la  disjiarition  de 
la.  d(uili'ur  provji'ul  dans  certains  cas  «  d'un  d(''taul  d'assimilation 
des  plii'nomènes  |)sycliologi(|ues  élémentaires  à  la  jiersonnalité  ». 
(lomment  l'admettre ?11  faudrait  snpposerque  l'iiystériciueperçoitcetle 
douleur  comme  un  phénomène  (pii  lui  est  étranger;  mais  en  réalité 
rhyst(''ri(pie  qui  ikmis  iiarlc,  pciidant  les  expériences  on  ou  provo(]ue 
des  excitations  douloureuses  dans  une  région  insensible  de  soncor]is, 
cette  hystéiiipu'  ne  sent  aucune  druileui-. 

A.     IJl.NET. 


i'iERRE  JAM':T.  —  Amnésie.  Dictionnaire  de  jiliysiol.,  1,  [i.  431-43G. 

Le  mot  amnésie,  fpii  signifie  abolition  de  mémoire,  ne  s"ajqdi(pu' 
l>as  à  des  abolitions  totales  de  riulelligence,  où  la  jnémoire  sombre 
avec  le  reste,  mais  à  des  étais  pailiculiers  où  c'est  l'altération  de  la 
mémoire  qui  est  le  caractère  dominant.  On  a  proijosi;  un  grand 
nombre  de  classifications  des  anniésies,  classifications  fondées  le 
plus  souvent  sur  Féliologie,  c'est-à-dire  sur  la  cause  médicale  du 
phénomène.  Voisin  a  divisé  en  six  classes  les  causes  de  l'amnésie 


TROUBLES  DES  SENS  ET  DE  L.V  MÉMOIRE  869 

(Arl.  Amnésie,  et  Nouveau  dictionnaire  de  médecine  et  de  chirur- 
rjie pratique)  ;  Li'i^naiiddu  SauUe  distingue  :  1°  des  amnésies  se  ratta- 
i-lianl  à  des  vices  de  structure  ou  à  des  lésions  anatomiques  de  la 
substance  cérébrale  ;  2°  des  amnésies  dépendant  d'un  trouble  fonc- 
tionnel primitif  des  cellules  nerveuses;  S"  des  amnésies  dues  à  des 
troubles  de  la  circulation  cérébrale;  4"  des  amnésies  dues  à  des 
.illéralions  du  sang,  infection  ou  toxémie.  Ribot',  se  plaçant  au  point 
de  vue  de  rétendue  et  de  l'évolution  du  symptôme,  dislingue  les 
amnésies  générales  et  les  amnésies  partielles,  et  dans  ces  dernières, 
1"  les  amnésies  temporaires,  2°  les  amnésies  périodiques,  3°  les  am- 
nésies à  forme  progressive,  4"  les  amnésies  congénitales.  Enfin  Sol- 
lier  -  distingue  les  amnésies  dues  à  des  modifications  organiques  et 
irré[»arables,  et  les  amnésies  en  rapport  avec  de  simples  troubles 
fonctionnels  et  curables.  Janet  adopte  un  ordre  différent,  il  étudie 
tour  à  tour  la  localisation  de  l'amnésie,  sa  forme  et  son  degré. 

Localisation.  —  Il  ne  faut  pas  comprendre  parce  mot  la  faculté 
de  dater  un  souvenir,  de  lui  assigner  telle  place  dans  le  passé,  ques- 
tion qui  évidemment  serait  1res  curieuse  à  étudier;  il  y  a  là  une 
«qiération  complexe  qui  dépend  autant  du  jugement  que  de  la  mé- 
moire. >'ous  en  avons  parlé  dans  notre  travail  sur  la  mémoire  des 
mois  ^.  Janet,  par  localisation  —  le  mot  est  bien  mal  choisi  — entend 
parb-r  du  groupe  de  souvenirs  ou  de  la  péiiode  de  temps  sur  lesquels 
|i<irlr  Tamnésie  ;  il  distingue  : 

1°)  Les  amnésies  systématiques,  portant  sur  tout  un  système,  par 
exemple  tous  les  chiffres,  tout  ce  qui  a  rapport  à  une  affaire,  à  une 
famille,  etc.  Un  des  exemples  les  mieux  connus  est  l'aphasie,  qui 
consiste  dans  la  perte  de  tous  les  souvenirs  relatifs  au  langage.  Il  y 
a  aussi  des  amnésies  systématiques  qui  portent  sur  des  mouvements 
particuliers,  ceux  de  la  station  et  de  la  marche,  ce  qui  constitue 
Vastasie-abasie. 

On  constate  dans  cette  afïeclion  «  une  perte  des  synergies  mus- 
culaires qui  assurent  j'^'^quililuc  dans  la  station  verticale  et  dans  hi 
marche,  perte  contrastant  avec  l'intégrité  de  la  sensibiHlé,  (b^  la 
tVirce  musculaire  et  de  la  coordination  des  autres  mouvements  des 
membres  inférieurs*  ».  On  admet  d'ordinaire  que  pour  (-ffectuer 
les  mouvements  il  faut  des  images  motrices,  et  que  ces  pertes  de 
mouvements  aiqiris  viennent  d'une  amnésie  des  images  motrices, 
•lanet  paraît  se  rallier  à  cette  interprétation  traditionneHe,  (pii  nous 
est  devenue  fort  suspecte.  Il  y  aura  à  revenir  sur  le  rôle  exagéré 
qu'on  attribue  à  l'image  motrice. 

(1)  Les  maladies  de  la  mémoire,  I\iris,  Alcan,  1881. 

(2)  Les  troubles  de  la  mémoire,  Paris,  1892. 

(3)  Année  psycltolofjique,  I,  1894,  p.  23. 

(4)  Paul  Blocq.  Arc/i.  de  neurolof/ie,  1888.  —  Pierre  Joli  y.  Cuniribution 
à  Vétude  de  l'aslasie-aljusie.  Lyon,  1892,  p.  9. 


f 


4)  Amnésie  (Tassimilulivu.  «  Dans  liieii  di's  cas,  ilil    railleur, 
trouble  psychologique  qui  amèue  ramnésie  est  encore  ukmiis  pro- 
fond. Non  sculcnicul,  la   c(Miscrvali(in,  mais  nirinc  la   rc|inHlucliiin 
des  souvenirs  ]taraîl  subsister.  Mais  celle  refirotluclion  des  images 
ne  se  fait  que  d'une  manière  automatique  et  à  Tinsu  du  sujet  lui- 
même.  Ces  souvenirs  en   aftparencc   ]ier(Ius  manifeslent  leur  jin'- 
sence  par  les  iiKMlilical  ions  (juils  inipriiiiciit  aux  senlimcnls  et  aux 
aclions  du  su.jcl  ;  ils  son!  même  exprimés  quand  le  sujet  est  distrait, 
liarle  ou  écril,  jion  seulement  sans  réflexion,  mais  sans  conscience, 
sans  savoir  ce  (pfil  Pail.  Ces  re[)roductions  inconscientes  des  souve- 
nirs ont   été  (]U('lqucriiis  signalées  dans  les  amnésies  alcooliques; 
elles  sont  1res  i'r(''quenles  ei  très  nettes,  ainsi  tpie  nous  avons  essayé 
de   le  montrer,   dans    la    |ilupart   des    amnésies   liysléri((ues.  Voici 
«■omnient  on  jiourra  peut-èlre  essayer  de   se  représenter  ces  faits 
curieux.  Il  ne  sul'lit  pas,  pour  que  nous  ayons  conscience  d'un  sou- 
vcnii-,  (pie  lelle  cui  telle  Image  Suit  reproduit(>  [lar  le  ji'U  auloniati(pie 

(1)  Une  étude  spéciale  des  purauuiésies  a  paru  dans  V Année  psj/cholo- 
f/i(]iie,  1,  IS'Ji,  p.  414. 


870  ANALYSES 

2°  Vamnésie  localisée,  qui  |)orle  sur  une  piuiode  <l"exisleni;e.  (»n 
distingue  Vamnésie  simple,  ou  l'oubli  (l"uu  se\il  évi'nenii'ul,  ['amné- 
sie rétrograde,  signalée  souvent  à  l'occasion  de  traumalisuies  crâ- 
niens, et  portant  sur  les  événements  ([ui  ont  précédé  raecideni, 
Vamnésie  anlérograde,  qui  comprend  les  événemenis  ayant  suivi 
VaccAdent,  Vamnésie  générale,  très  rare,  comprenant  tons  les  souve- 
nirs, et  Vamnésie  continue  (Janet)  qui  est  l'incaiiacité  d'acquérir  des 
souvenirs  nouveaux.  . 

Formes  de  ramnésie.  —  C'est  une  étude  de  l'amnésie  au  jioint  de  '; 

». 
vue  du  mécanisme.  ] 

1)  Amnésie  de  conservation.  ■ —  Le  souvenir  n"est  pas  fixé.  '■ 

.11 

Il  me  semble  qu'on  sait  bien  peu  de  chose  sur  ce   i)Oint,  parce  ); 

({u'on  ne  connaît  pas  le  subslralum  anatomique  du  souvenir.  .Janet 
emprunte  à  divers  auteurs  des  expressions  métaphoriques  qui  ne 
signihenl  pas  grand'chose.  Dans  les  amnésies  congénitales,  les  cel- 
lules sont  idiotes,  dit  Maudsley.  Cette  épithète  ne  nous  ajqirend  rien. 
Contentons-nous  donc  d'observer  c[ue  les  lésions  destructives  de 
l'aphasie  et  d'une  foule  de  cas  pathologiques  ou  d'expériences  de 
vivisection  |ieuvent  supprimer  les  souvenirs. 

2)  Amnésie  de  reproduction.  —  Ici  h;  souvenir  est  conservé,  maison 
ne  peut  pas  le  rejudduire  :  il  renaît  parfois  dans  un  rêve,  uiu'  ivresse, 
un  délire,  preuve  ([u'il  n'était  i)as  perdu.  «  l.a  rtqiroduction  semble 
demander  entre  autres  conditions  un  état  psycho-pliysiologi(iue  ana- 
logue à  celui  dans  lequel  les  souvenirs  ont  été  acquis.  »  j 

'S)  Amnésie  de  reconnaissance  et  de  localisation.  <>n  a  des  souve-  fl 

nirs,  mais  on  les  localise  ni;il  dans  le  passé,  du  iiien,  on   emil  à  un 
souvenir  qui  ne  correspond  à  rien  (paramuési<')  '. 


TROUBLES    DES   SENS    ET   DE    LA    MÉMOIRE  871 

de  l'associaliou  des  idc'os  :  il  faul  cncoro  (|U('  la  [icrcoiilioii  [tcrsoii- 
iielle  saisisse  celte  image  et  la  lallaclie  aux  aulics  souvenirs,  aux 
sensalious  neife'S  ou  confuses,  exiérieures  ou  iuléiieiu'es,  dont  Teu- 
semble  conslilue  nuire  personnalilr  ;  qu(^  Ton  appelle  celle  opération 
comme  on  voudra,  que  Ton  forge  pour  elle  le  mot  de  persoiuiifica- 
tion,  ou  que  l'on  se  contente  des  termes  vulgaiics  que  nous  avons 
toujours  employés,  perception  personuelle  des  souvenirs,  ou  assimi- 
lation psychologique  des  imaijes,  il  faut  toujours  constater  le  fait  lui- 
même,  et  lui  donner  une  place  dans  la  psychologie  de  la  mémoire 
comme  dans  celle  des  sensations.  » 

Intensité.  —  l/amn(''si(^  peut  être  complète  ou  incomidèle,  brusque 
ou  graduelle,  progressive,  régressive,  etc. 

Nous  avons  jilacé  l'analyse  de  ce  petit  article  dans  les  sections  de 
psychologie  normale,  parce  que  l'auteur  n"a  traité  i[ue  de  l'amnésie 
]ialhologique  ;  il  ne  s'est  pas  départi  un  seul  inslanl  de  ce  point  de 
vue,  comme  si  Ton  n'avait  pas  fait  de  très  nombreuses  expériences 
siu-  la  marclu,'  de  roubli  chez  les  individus  normaux. 

A.    BiNET. 

l'iERKE  JANET.  —  Un  cas  d'hémianopsie  hystérique.  Arch.  de 
neurologie,  mai  1895,  [>.  337-358. 

Le  Iroulde  visuel  que  l'on  désigne  sous  le  nom  d'hémianopsie,  et 
qui  consiste  dans  une  suppression  d'une  moitié  du  champ  visuel,  a 
été  considéré  dans  ces  dernières  années  comme  ne  faisant  pas  partie 
de  la  symplomatologie  hystéri([ue '.  M.  Janet  a  observé  une  femnn- 
hystérique  de  (juarante-qualre  ans  (jui  d(q)uis  (luelque  temps  se  plaiid 
({u'elle  ne  voit  [)lus  (jne  le  coté  gauche  de  tous  les  objets,  l/examen 
des  yeux  au  périmètre  montre  qu'elle  présente  dans  l'a-il  droit  un 
i('trécissement  conceiilri([ue  du  iliaïuii  visuel  (ce  (|ui  e>l  très  fré- 
({uent  chez  les  hystéric^ues),  et  eu  nuire  dans  les  i\r\\\  yeux  une 
hémianopsie  nasale,  c'est-à-dire  (jiie  la  moilié  latérale  iulerne  (b' 
chacun  des  deux  yeux  est  supprinu'e.  I/auteur  démunhe  (pic  celle 
héiuiaiKqisie  est  de  nature  liysléMi(pie,  en  reprodui^anl  une  expé'- 
rieiice  ingi'iiieii>e  de  mhi  iineiil  i<iii  (|u"(iM  peut  brièveiuenl  d('M'rire  de 
lamanièic  suivante  :  riiisensil)iiit(';  hystéii(|ue,  —  el  ici  il  s'agit  d'in- 
^jcnsibililé'  visuelle  —  ne  détiuil  pas  la  sensation,  mais  Ja  rend  sub- 
<;onscienti' ;  or  si  <in  dnnne  à  la  malade,  après  l'avoii' endormie,  la 
suggestion  de  faiic  hd  aeli'  huiles  les  l'ois  (pi'on  lui  pn''-,ciilera  un 
I)apicr  blanc,   et  >i   on   présente   ensuite  un   ]>apier  blanc   dans  Ja 


(1)  F'éré.  Çoiil.  à  l'i-lnde  des  /rouhtes  fonctionnels  de  la  vision.  Paris, 
1882.  —  Ctiarcot.  Lc/ons  du  mardi,  1,  88.  —  Gilles  de  la  Tonrette,  Tniilé 
de  r/ii/siéric.  —  i-'rLMid.  l'arali/sics  inoli'ices  orr/uiii(/i(es  et  Injstrrii/i/i's, 
Arcti.  de  Neurcdogie,  1893,  H,  36.  —  Dejerine  et  Vialet.  Soc.  de  Biot., 
28  juillet  189i. 


872  ANALYSES 

pailit'  (le  son  cli.iinp  visuel  où  clic  dil  no  ritMi  voir,  ;iiis^ilôt  elle 
cxcculc  ce  ([ui  lui  a  clc  ooniinaiulc  :  preuve  (|u'c||i'  a  |icrru  incous- 
ciemmenl.  L'auteur  cherche  ensuite  à  expli(iuer  comment  riu'mia- 
nopsi(^  a  ]iu  se  produire  chez  la  malade  ;  sa  conjeclurc  est  ([ue  la 
malade,  soull'raiit  siutorit  du  côté  droil,  a  pu  su[ij)Oscr  (|uc  le  côté 
droit  des  objels  élait  mal  vu  et  devenait  invisible. 

A.    HiNET. 

MENDEL.  —  Ueber  den  Schwindel.  [Sur  le  verlir/e.)  Uerliner  klinisclic 
Woch.,  l'"- juillet  1895,  ]).  îJo7. 

Revue  des  laits  i)atlioloiiiijucs  et  discussion  des  expériences  physio- 
logiques. Le  vertii^e  déjtend  d'un  (roxihle  d'é((uilihralion  ])roduit  par 
dr>  altéralions  dans  les  muscles  de  l'œil,  (Ui  juir  une  lésion  circula- 
loi  r<^  des  noyaux  de  ces  muscles. 

11.  SCULESINGEH.  —  Die  Syringomyélie.  i  vol.  in-8",  287  p.,  29  lig. 

Deulicke,  189a.  ^ 


C'est  une  monographie  très  comidète  de  celle  maladie  si  intéres- 
sante et  imporlaule  [lour  la  psychologie,  car  c'esl  une  des  maladies 
nerveuses  où  ou  observe  des  perles  parlielles  ilc;  sensibilité  :  anal- 
gésie, perle  du  sens  t  lieiiui(|ue  sans  anesl  lii''sie,  etc.,  etc.,  ranleur 
appuie  beaucoup  sur  ces  [lerles  de  sensibililé-.  .32  observations  per- 
sonnelles sont  i'ai)portées"  (h;  plus,  une  liildiographit;  très  complète 
(526  numéros)  est  donnée. 

11.  LAMV.  —  Hémianopsie  avec  hallucinations  dans  la  partie  abolie 
du  champ  de  la  vision.  Hev.  ueurologiipie,  15  mars  1895,  p.  129-1 35. 

Uuelques  auteurs  mil  rapp(irl(''  dans  ces  dernières  annexes  des 
exemples  triiallucinalious  visuelles  se  produisant  dans  des  jiarties 
du  champ  visuel  (pii  sontabolii's.  Seguin  '  a  lapporlé  l'histoire  d'une 
l'emme  qui,  au  moment  ménu'  où  elle  tut  atteinte  d'hémio|tie,  par 
suite  d'une  emliojie  céréluale,  eut  (]uel(pies  lialluciiialions  simples;. 
elle  vit  une  chaise,  une  poule.  Dans  une  observation  de  Vrir  -  un 
vieillard  dr,  soixaule-dix-neut  ans,  luMuiplégiciue  gauche  à  la  suite 
d'une  alla(pie  d'épilepsie,  eut  tle  rhemiano|isie  homonyme  du  jnème 
côté,  avec  diniiuutiou  de  la  sensibilité  dans  le  bras  gauche.  A  la 
suite,  il  seiilail  des  corps  étrangers  dans  Ja  inaiu  gauche,  laulôl  une 
pomme,  un  nuuiche  à  balai,  tantôt  de  menus  objels  comme  une 
aiguille  à  tricoter.  En  même  temps  il  voyait  sur  le  côté  gauche  île  son 
lit  dos  paquets  c[u'il  voulait  pousser  de  la  main  alors  (|u'il  n'ai»erce- 
vail  pa>  les  objets  ri'-els  danscelte  jtarlie.  Pelerson  en  1890  (A eH'-Yor/r 

(1)  Jotirnal  u/'  .Sc/'c.  luid  Meiilal  />w.,  août  1886. 

(2)  Les  épilepsien  et  les  éjy'depllques.  Paris,  1890. 


/ 


TROUBLES   DES   SENS    ET    DE    LA   MÉMOIRE  878 

Médical  Jownal)  \Mih\iciit  Fliistoiro  d'iint»  femme  (|ui  vil  ;i|iii,'ii,'iî(re 
dans  la  iiailie  ol)scuie  de  son  chani]»  visuel  dtvs  clials,  des  cliiens,  et 
des  enfanis  marclianl  en  ceicle;  celle  liallucinalinn  oonlinua  sans 
aulie  inlerrupliou  que  celle  du  Sduimeil  pejidaul  (iiialie  semaines, 
beaucoup  d'autres  auteurs,  ])armi  lesquels  udus  citerons  Hensclien  *, 
Bidon  2  et  lli(juier3  ^,|,(  puhjié  de  cas  analogues.  Donnons  la  dernière 
cd)servaliou,  celle  de  l-amy,  dont  nous  avons  fait  une  simple  mention 
dans  VAimée  pst/chologique  (I,  p.  491).  Il  s'agit  d'une  coulurière  qui 
présente  de|iuis  Iruis  ans  nue  li(''mianopsie  homonyme  dr(»ile,  d'ori- 
gine syphilitique,  el  des  absences  caractérisi'es  par  une  légère  ohnu- 
liilation  intellectuelle. 

pendant  ces  absences,  elle  voil  de  l'o'il  dioil  une  lèle  renversée 
d'enfant  tpii  lui  sourit;  la  ligure  esl  très  nelle  et  persiste  dans  la 
mémoire,  elle  apparaît  tout  jirès  de  TumI  droil,  à  20  oii  30  centi- 
mètres, et  un  peu  à  droite  de  la  ligne  m(''diane.  Vn  traitement  avec 
le  bromure  a  fait  cesser  ces  hallucinations,  mais  l'hémianopsie  a 
I  persisté. 

On  voit  [lar  ces  exemples  (|ue  certaines  hémianopsies  d'origine  cor- 
ticale s'accompagnent  d'hallucinations  visuelles  dans  la  |»artie  du 
champ  de  la  vision  dont  la  fonction  est  abolie.  Les  hallucinations 
sont  moins  durables  que  l'hémianopsie;  elles  ont  un  caiaclère  remar- 
([uable  de  pi'écision  et  d'uniformité,  ne  s'accompagnent  d'aucune 
idée  délirante,  et  ne  se  propagent  pas  aux  autres  sens.  Il  s'agit,  à 
n'vn  pas  douter,  dit  l'auteur,  d'un  phénomène  d'excitation  ayant 
pour  siège  la  sphère  visutdle  du  lobe  occipital,  comjtarable  aux 
phénomènes  d'excitation  motrice  de  l'épilepsie  jacksonienne,  et  lié 
à  la  présence  d'une  alléralion  localisée  de  la  substance  curlicale. 
I.orsipi'un  centre  moteur  est  intéressé'  par  une  lé-sion  (|Utdconqm', 
le  mouv(.'ment  volontaire  peid  être  aboli  dans  les  parties  corres[)on- 
dantes.  Et  ce[)endant  dans  certaines  condiliinis  l'on  voit  surveniides 
mouvements  convulsifs  dans  les  muscles  paralysés.  On  s'accorde  à 
faire  dépendre  ces  convnl.-ions  d'une  excitation  pas>agère  du  centre 
cérébral  lésé.  La  même  interprétation  convient  aux  hallucinations 
(|ui  se  produiseid  dans  le  donuiine  d'une  fonction  sensorielh;  abolie. 
.\insi,  il'après  Tand)urini,  ''  «  Les  hallucinations  seraient  une  épilepsie 
tir>  centres  sensoriels  ». 

Nous  ne  croyons  pas  celte  comparaison  juste;  est-il  permis  de 
comparer  des  mouvements  convul>irs,  connue  ceux  de  répilep>ie, 
aux  inuiges  précises  et  intelligentes  des  hallucinations?  Si  une  iiri- 

(1)  klininclie  mil/  a/ni/mn.  Ileilrii;/e  zui-  l'u/lmlui/ii'  '/c.v  (ic/iini.s.  l  psala, 
1890. 

(2)  Revue  de  méileciiir,  18'Jl. 

(3)  Wiener  KlinUc,  juin  1894. 

(4)  Théorie  physiologique  des  hallucinulions.  Ilev.  Scieatifiquc,  29  jau- 
vier  1881. 


8-'- 


i-i 


ANALYSES 


(alion  |iliysii|ii(',  iiiic  niinjirfs>i(iii  par  cvriniilc  d'un  cimiIit  luoleiu-, 
suflil  ]niiii-  l'aiir  ('■clalcr  une  di''eluirg(3  de  iiiniivcincuU,  ((iMiinciil 
admctlre  qu'iiin'  iirilalidu  idiysi(|uc  immiI  à  elle  ^eiilc  |iiiivtM|uei- 
l'imaire  0()m|ilfxc  d'iiiu'  "  liiiuif  d'eiilaiil,  viir  rrnvri^rc,  avec  une 
(■\|ircssi(ii)  soiiiiaulc,  et  les  yeux  obslinéuieul  lixés  sur  la  malade  »  ? 

A.    BlNET. 
AMNÉSIE  RÉTROGRADE 


RE(iIS.  — Note  sur  l'amnésie  rétrograde  après  des  tentatives  de  sui- 
cide par  pendaison.  Aivli.  cliniiiuesde  Hordcaux,  iiuv.  1804. 

l.rilHMA.NX.  —  Ueber  Krampfe  und  Amnésie  nach  Wiederbelebung 
Erhangter.  [Coiiviilsiuns  et  amnésie  ajjrès  reloiir  à  la  rie  chez-  /- .v 
/tendus.)  Allg.  Zcilsclir.  f.  Psychialric,  LII,  1,  [i.  18a. 

(In  donne  Je  nom  d'anii)i'>ii'  n'Iioi^iadc  ou  rél  rua  clive  à  une  ihtIc 
de  la  ni(''moirc  (jni  cniilnlic  inic  [nhindi'  d'exislence  anlrrieure  à  un 
éviMiciiicnl  diiiiné;  le  icrini'  de  ri''lr(jaelir,  ciiiiiruiih''  au  laiiuaui'  du 
drciii,  exprime  (|ue  la  jierle  de  inihunire  s'est  ]>riiilnile  ajirès  rdnp,  el 
qu'avant  le  l'ail  ([ni  la  diMermiMée,  la  iiK'mdire  dn  Mijel  t'Iail  cun- 
servée.  (les  amnésies  se  |irodiiiseiil  le  plus  suuvenl  à  la  suilc  de 
lranmali>mi's  (In  crâne,  el  mi  peul  en  Ironvernue  bonne  deseriplion 
dans  le>  (_iuvi'ai;es  de  Ilihdl  et  de  Sidliei-  sur  les  maladies  de  la 
méniniic  ;  un  exemple  ly|ie  esl  celui  (Tun  nriicier  liuuliaiil  de  cheval , 
faisani  une  cinile  ^ul•  la  IT'Ie,  iierdani  cnuuaissance  ;  (piand  il  revieiil 
à  lui,  il  a  (Uililii''  l'accideul,  el  eu  (uilie  les  iieures  avaul  pii^cédi'- 
I  accident;  le  souvenir  d'un  jmn'  l'I  mt~'me  d'un  laps  de  temps  [dus 
CUllsid('Malili'  peu!  T'Ire  ellan''.  (iel  le  niiMlie  amm''>ie  peul  se  |irnduire 
jiar  ccimmolidu  nmrale  vicdenie,  du  à  la  suile  d'une  al  laque  d'Iiys- 
ii''iie,  lui  à  la  suile  (l'absorpl  i(Ui  de  ijaz  drd(''lèi'es,  ou  enliii  à  la  suile 
d  ini  suicide  par  |iendai>(iu.  C/esl  à  celle  dernière  origiiu'  i]ue  se 
rappiirleni   le^  idiser\ali(Uis  t\{-^  deux  auleurs  cilt''S. 

1"  individu  de  xdxaule  el  un  ans,  alleini  de  |yp(''manie  anxieuse, 
qui  l'ail  Tiiie  lenlalive  de  pendaison  :  il  esl  l'amem''  à  la  vie  à  l'aide 
lie  1,1  i-e>piial  iou  arlilicielle.  luterrogi'-  le  soir  menu-,  il  iguoic  com- 
pleleiuenl  Son  suicide,  et  le  médecin  peul  se  convaincie  qu'il  esl 
sincèi'e.  I,a  lacune  de  ^a  UM'inoire  remoulail  eu  arrièic  jU'-qu'à  la 
vi'ille.  au  Jiiomenl  dn  riqio-,  du  soir,  el  (die  s'(''len(lail  eu  avaul  à 
loule  la  p(''rio(le  de  raninieiuenl.  1,'auleui-  a  ('ludi(''  la  lilh'ralure  de 
la  (piolioii,  (pii  c(mlienl  plusieui's  oliseivaliiuis  semblables  à  la 
sienne,  el  pense  (pie  loulo  |esamm''sies  ri'd  l'oacl  ivcs  smil  des  cas 
d'aulo-inloxicalion. 

2"^  Tiois  cdiservalions  où  il  s'est  r(qu"oduit  de  ramni''sie  rélrogracle 
s  étendant  à  la  lenl;div(\  Hystérie  dans  un  cas  seulement. 

A.    HiNET. 


TROUBLES    DES   SENS    ET   DE    LA    MÉMOIRE  875 


TOrLOrSI'].  —  Amnésie  rétro-antérograde  à  type  continu  et  pro- 
gressif par  choc  moral.  Aich.  de  .Neuiul.,  XXVIII,  p.  167,  1894. 

Histoire  truiic  malade  de  cinquante-sept,  ans  qui  à  Fàge  de  cin- 
quante ans  ayant  été  eflVayée  par  un  incendie  a  i)erdu  sa  mémoire  ; 
elle  a  oublié  où  elle  est  née,  son  âge,  ses  parents,  seulement  les 
connaissances  apprises  à  l'école  lui  restent  encore  ;  oublie  ses  actes 
quelques  minutes  après  les  avoii-  fails,  mt  sait  plus  trouver  son  lit, 
ne  retient  rien  de  ce  qu'on  lui  dit;  cherclie  junirlant  à  le  retenir 
dans  sa  mémoire. 

.1.  DE  TARCHANOFF.  —  Illusions  et  hallucinations  des  grenouilles 
chloroformisées.  liev.  scicntitique,  17  août  18'.io,  p.  203-205  (avec 
une  pliuloul'ilpilie  de  itrenouilles  en  calalepsie). 

La  cliloroforniisalioii  des  grenouilles,  produite  en  les  pkujant  dans 
un  espace  clos,  avec  un  morceau  de  ouate  imbibé'  de  30  à  40  gouttes 
de    chloroforme,    détermine   chez    ces    animaux,    au    bout    de    dix 
minutes,  et  après  une  période  d'excitation,  un  état  de  narcose  com- 
plète, avec  suppression  de  la  sensibilité  et  du  mouvement  ;  le  conir 
continue  à  ballie.  Si  alors  on  remet  les  animaux  à  l'air  lilire,  il  se 
produit  pendant  l'élimination  du  cblorofornu",  c'est-à-dire  ]iendan! 
une  heure  ou  deux,  différents  états  curieux  ipii  sont,  par  oidre  d'ap- 
parition :  1°  Yétat  calaleplique  :  2'>Yc'lat  agressif:  3"  Vélat  défensif. 
Dans  l'état   cataleplique,    l'animal    a   la    tète   dressée,   conserve   les 
attitudes  (ju'oii   lui  imprime,  et  [larfois  fait  le  geste  il'attraper  une 
proie   imaginaire   en   ouvrant   lnusquement  la    liouclie    et    laneanl 
même  (juelquid'ois  la  langue  au  deliors,  comme   il    le    l'eiait  à   l'état 
normal.    La   période  agressive    est    une  jx-iiode  de    bdie    rnri(;use 
avec  lialluciiialions  ;   l'animal    a    i(''cnp('ié  la   vue   et   l'uuïe  ;  un  rien 
l'excite  ;  il  se  j)i'éci|iite  siu'tous  les  (dijels,  la  bnuclie  duverle,  l'exci- 
tation s'étend  aux  organes  sexuels,  etp(Mit  donner  lieu  à  de.s  accouple- 
ments, même  (juand  l'expérience  se  fait  en  hiver.  La  période  déjtres- 
sive  i»résente  ihm'  alliiic  linilr  ditlV-ri'nle.   On  ohserve  crlle  s(''rie   de 
phénomènes  cbez  des  grenouilb's  privé'cs  d'un  liémi>p!:ère  cérébral; 
mais  si   deux    lié'niisplières  cérébraux    ont    été   supprimés  avant  la 
chlorofoiniisation,  on   ne  retrouve  aihuiue    trace   des   piié'nonu''nes 
précédents,   (]ui   S(Uil,   d'après   l'auteur,   de   nature    psyclii(p]e.    Les 
observalioirs  on!   été'  laites  -~ur  la  Hana  lemporaria;  avec  la  Rana 
esculenla  il  ne  se  pidduit  (pir  la  pliasi;  calale[itique.  Ajout(uis  (pu- 
ni  l'éllier  ni  l'alcool   ne  produi^uit  les  mêmes  elfels  que  le  chloro- 

fomn;. 

A.  BlNET. 


"!(■ 


876  ANALYSES 


V.   —  APHASIES 

Paul  BLOCQ.  —  Agraphie.  I)i( iionnaire  de  physiologie,  Paris, 

Alcali,  I,  p.  162-163. 

Le  terme  aciapliie,  inliodiiil  dans  la  science  par  Oglc,  désigne 
Taphasie  motrice  graphique,  c'est-à-dire  la  perte  de  la  tacidti' 
d'écrire  (écriture  volontaire,  ou  sous  dictée,  ou  copiée')  —  sans  |iara-  '4 

lysie  des  oi^ganes  moteurs,  éj)aule,  bras,  main.  On  ne  s'enlend  pas 
sur  le  mécanisme  psychologique  de  ce  symptômii.  Pour  les  uns, 
pour  Charcot  par  exemple,  l'agraphie  résulte  d'une  jierte  de  mémoire 
partielle,  locale,  la  mémoire  des  mouvements  nécessaires  poxu" 
écrire  et  elle  aurait  ])our  cause  anatomique  une  lésion  du  centre 
nerveux  graphique  situé  i|uelque  part  dans  les  circonvolutions  rolan- 
diques  du  cerveau.  Wernicke  et  Dejeriiie  n'ont  point  acce[)té  cette 
théorie  ;  ils  pensent  que  l'écriture  consiste  à  copiri-  un  modèle 
mental  de  nature  visuelle,  et  n'a  pas  hesoin  de  posséder  un  centre 
spécial;  l'agraphie  seiait  surtout  liée  à  la  perle  de  la  mémoire 
visuelle  des  mots,  i:)erte  qui  d'autre  part  produit  la  cécité  verbale, 
c'est-à-dire  l'impossibilii''-  de  lire.  Ces  questions  sont  encore  très 
discutées. 

A.    BiNET. 

BOL'RNEYIU.E  ET  B0YEI5.  —  Traitement  et  éducation  de  la  parole 
chez  les  enfants  idiots  et  arriérés.  An  h.  de  neundogie,  aov'il  1893, 
p.  108-120. 

Ou  lixe  ratlenlioii  de  l'ididl  p;n-  des  impressions  brusques  de 
rouie  et  de  la  vue,  on  lui  tail  imiter  des  gestes  et  des  sons,  on  lui 
nomme  des  objets  (ju'on  lui  préseide,  en  employant  surtout  des 
syllabes  redoublées;  on  lui  a[>prend  ainsi  les  noms  d'olijets,  les 
adjectifs,  les  verbes. 

mil  .\S.  —  Nouvelle  observation  d'alexie  avec  hémianopsie  homonyme 
du  côté  droit,  .\eurol.  Ceniralbl.,  Xlil,  I8'.)i. 

.MaLule  atteiuLe  d'liémiauo[>sie  droite.  Comprend  la  parole,  répèle 
ce  qu'on  dit,  parle  sponliinément  et  écrit  spontanément  sous  la 
dictée.  La, dénomination  tles  (dijets  ne  se  l'ait  jias  :  la  malade  recon- 
naît les  objets  qu'on  lui  |>résente,  mais  ne  trouve  pas  leur  nom 
d'emblée.  Les  troubles  les  plus  signiticatifs  sont  ceux  de  la  lecture  : 
eili;  lu'  peut  jias  trouver  h'  son  des  mots  et  des  lettres  qu'on  lui 
rnonlic,  abus  même  (|u'elle  le>  ((ipie.  Nous  allirons  i'allenlion  sur 
le  point  suivant  :  le  uudaile  reconnaît  les  letli'es,  mais  ne  peut  les 
nommer  :  pour  les  mots,  elles  ne  les  reconnaît  pas  et  m;  les  nomme, 
pas.  On  iloniui  à  ce  défaut  de  reconnaissance  le  nom  d'alexie.  La 
malade  i>i  donc  atteinte  d'alexie  verbale,  non  d'alexie  littérale. 


APHASIES  b  (  , 

J.  DEJERINE  ET  Ch.  MIRAI.IJÉ.  —  Sur  les  altérations  de  la  lecture 
mentale  chez  les  aphasiques  moteurs  corticaux.  [C.  11.  .Suc  de 
Biologie,  6  juillet  1805,  p.  023-527.) 

Les  auteurs  ont  employé  les  procédés  suivaiils  pour  éludiur  Télal 
Je  la  lecture  mentale  clu'z  les  aphasiques.  (Ces  procédés  peuvent 
recevoir  leur  application  en  psychologie  expérimentale,  ainsi  chez 
les  enfants.) 

1°  On  présente  un  malade  un  certain  nombre  de  mots  imprimés 
ou  manuscrits,  désignant  des  objets  et  on  lui  demande  de  montrei- 
l'objet  correspondant  au  mot.  C'est  le  seul  [trocédé  possible  (luand 
l'aphasie  motrice  est  complète. 

2"  Si  le  malade  a  encore  quelques 'mots  à  sa  disposition,  on  lui 
donne  à  lire  un  fuit  divers  par  exemple  et  on  lui  demande  de 
raconter  à  l'aide  de  la  mimique  et  des  mots  qui  lui  restent  ce  qui 
est  contenu  dans  l'article  qu'il  vient  de  lire. 

3"  On  pose  par  écrit  au  malade  une  question  familière  dont  le 
sujet  l'intéresse  directement.  Exemple  :  Quel  âge  a  votre  dernier 
enfant  "?  etc. 

Dans  ces  expériences,  le  centre  de  lu  leciurc  agit  seul.  Dans  les 
suivantes,  on  fait  intervenir  le  centre  de  l'auiliiion. 

4"  On  donne  un  livre  au  malade  et  on  lui  dit  dr  chercher  tel  mol 
qu'on  lui  indique. 

5°  On  montie  au  malade  un  mot  quelcmique  (ex.  :  liberté)  et  on 
lui  demande  si  ce  n'est  pus  un  autre  mot  (ex.  :  république). 

Il  ne  faut  jamais  employer  le  nom  jiropre  ou  \r  lui'iioiu  du 
malade.'. 

Les  recherches  ont  porté  sur  18  malades  de  la  SalpèUière.  Elles 
ont  montré. (pie,  conformément  à  l'oiiiniou  de  Trousseau,  b'S  ai)ha- 
siques  moteurs  corticaux  sont,  pendant  une  cerlaini'  duri-e  <b' 
l'évolution  de  leur  affection,  incapables  de  comprendre  l'écri- 
ture imprimée  ou  manuscrite.  Ils  sont  atteints  de  cécité  verbale 
de  par  une  lésion  localisée  à  la  circonvolution  de  Ihoca,  cécité 
verbale  qui  est  la  conséquence  d'une  alléialiou  de  la  notion  du 
mot. 

Cette  conception,  basée  sur  l'altération  de  lu  notion  du  mot  dans 
le  langage  intérieur,  est  applicable  à  toutes  les  variétés  d"a[diasie 
relevant  d'une  lésion  de  la  zone  du  langage,  ajdiasie  motiice,  aphasie 
sensorielle,  —  mais  non  à  celles  dans  lesquelles  lu  b'siou  .siège  eu 
dehors  de  cette  zone,  aphasii;  motrice  sous-corticale,  cécité  verbale 
et  surdité  verbale  pures,  formes  dans  les(]uidles  la  lujiion  du  mot 
est  intacte  et  où,  par  conséquent,  l'écriture  .spontanée  est  con- 
servée. 

Cette  conception,  différenle  de  celle  qui  est  en  général  admise, 
tend  à  prouver  que  la  faculté  du  langage  dans  ses  diverses  modalités 


î 


878  ANALYSES 

—  parole,  ('cl  il  me,  li'cliirc,  .luiillinii  —  n'est  pas  sons  la  (l('|>('ii(lance 
(le  phisieuis  cciilies  spéciaux,  indépendants  \cb  uns  des  autres, 
ayant  tliacuu  \inv  fonction  ])ieu  spécialisée.  (Freud  s'éiait  déjà  élevé 
conlrc  celle  oinnion  dans  un  travail  :  Uebcr  die  A)i/assung  der  Apha- 
sien,  1891.) 

En  ri'>>uuii',  il  existe  pour  la  fomlidu  du  langat;e  un  ceiiire 
uni(pu',  complexe,  étendu  du  [)ied  de  la  lioisiènie  circonvidiilinn 
Ironlale  au  pli  courbe,  en  passant  j)ai'  la  partie  post-c'-rieure  de  la 
|)remière  circonvdlulion  temporale.  Cdiaque  exirémité  de  cette  zone 
cumjireiid  un  ceiilre  d'images  du  laiiiiage,  la  eireniivnlul  ioii  de 
Broca  coni|ireiiant  le  centre  moteur  d'arliciilalieii,  la  |U'eiiiière 
temporale,  celui  des  images  auditives  el  le  pli  courbe  celui  des 
images  visuelles  des  mots.  Ces  centres  reliés,  entre  eux  par  des  fais- 
ceaux d'association,  sont  en  outre  en  contact  avec  les  fibres  d'où  ? 
dérivent  leurs  l'cuictions  :  libres  de  projection  bulbaire  jiour  le 
centre  moteur,  libres  d'expansion  terminales  de  l'auditif  pour  la 
première  temporale,  libres  reliant  le  [)li  courbe  à  la  zone  coriicale  i 
visuelle.                                                                                                                                         i 

Les  images  audilives,  molrices  d'arliculaliiui,  visuelles  et  gra- 
|diii|ues,  se  développent  suivant  un  (udre  liii'ti  déleiinint',  loujuurs 
le  même  cliez  les  sujets  Jiormaux. 

C.'r>{  par  l'ouïe  d'abord  (|ue  nous  actpit'ions  la  notion  des  mots.  Il 
y  a  une  véritable  biérarcbie  des  ceiitr<»s  présidant  aux  dilTérentes  'i 

niiidalili'-,  (lu  langag(>  et  les  images  S(uil  d'autant  plus  lixes,  d'autant  i 

plus  résistantes  [ipi'elles  sont  d'ordre  d'acnuisition  plus  ancieum)s. 
Les  centres  les  plus  lixes  sont  les  ceidres  des  images  auilitives  el 
motrices  d'articulation;  les  images  visutdb^s  des  mots  ne  viennent 
qu'à  la  suite  et  c'est  l'écriture  (|ui    vient,  en  dernier. 

Aussi  ragraj)liie  cxisle-t-e||e  dans  lentes  les  formes,  tandi> 
i[\io  1(>  cfudre  (bis  images  auditives  le  i)lus  anciennement  formé  est 
aussi  le  plus  résistant  et  que  la  compréliension  de  la  parole  parlée 
est  celle  (pii  se  |terd  en  dernier  lieu.  ((;oid'(''r.  Année  psi/cholo- 
gi'pti',  I,  1S94,  p.  iHi  et  scj.) 

IL  Beaunis. 

KiXiRIvN.  —  Amusie.    {Aphasie  mnsicaU'.)  J)eulscli.  Ziitseli.   I'.  .Xim- 
venlieilk.,  vol.  VI,  1895,  [).  1-04. 

l^lude  très  comidète  sur  les  dilTi'rc'nis  cas  d'amnsie  et  sur  ses  rap- 
]>urls  avec  l'apliasie;  plusieurs  auteurs  ont  cité  des  observations  de 
malades  qui  avaient  perdu  la  faculté  de  com|)rendre  les  mots  ]n\)- 
noiicés  ou  de  lire;  les  mois  écrits  et  ipii  pouvaient  encore  chantei 
mie  mélodie  même  avec  les  paroles,  ou  bien  pouvaient  lire  les  notes 
é'criles,  il  semblait  donc  qu'on  devait  séparei-  les  cas  d'apbasie  rela- 
tifs aux  mots  de  ceux  relatifs  aux  sons  musicaux.  L'auteur  passe  en 
revue  les  différentes  opinions  émises  sur  ce  sujet,  présente  les  clas- 


APHASIES  879 

>ilicaliôns  de  KiKiblaucli ',  \\  allaMluk -,  Hia/.ici'' et  Blork  '  cl  a(ln[)lr 
en  (l'''liiiiliv("  (l'Ile  (les  Jeux  dciuicrs  aulcurs  :  le  Icnne  amusie  est 
riiiployé  dans  le  sens  général  comme  aphasie  ;  la  l'orme  sensorielle 
de  l'aniHsie  est  di'-signée  parallMenienI  à  la  surdilé  verbale  el  la  cé- 
rilé  verbale  par  les  termes  :  surdité  des  sons  et  cécité  des  notes;  la 
l'orme  motrice  de  l'amusie  est  désignée  i)ar  :  amusie  motrice  ver- 
bale, amusie  uinlricc  iir-^lrumeniale  et  agrapliii^  musicale. 

Puis  Fauleur  rapporte  un  grand  nombre  d'observations  pul)liées 
jus(|u"ici;   ces  observations  sont  groupées  en  Irois  catégories  : 

A.  Cas  d'aphasie  sans  amusie,  il  y  en  a  24; 

B.  Cas  d'aphasie  avec  amusie.  Tailleur  en  rappoiii'  22; 

C.  Cas  d'amusii'  sans  aphasie;  il  y  en  a  six,  dont  une  obseivalion 
Irés  complète  ([ue  l'auteur  a  faite  Ini-mèmi'. 

Ces  différentes  observations  conduisent  l'auleur  aux  conclusions 
suivantes  : 

1°  La  faculté  musicale  peut  élic,  pareillement  à  la  faculté  verbale, 
dé'Iruite  complètement  ou  partiellement  par  des  processus  pallndo- 
giipies,  et  donner  ainsi  lieu  à  différeirtes  formes  de  l'amusie  ; 

2'^  Les  dillerentes  formes  d'amusie  possèdent  un  certain  degié 
iTindépendance  les  unes  relativement  aux  aulri's  et  relalivemeiil  aux 
formes  de  l'aphasie; 

3"  Les  formes  d'amusie  sont  analogues  à  celb^s  de  l'apliasie  et  se 
pioduisent  souvent  ensemble; 

4°  L'amusie  peut  arriver  sans  aphasie,  et  l'aiiliasie  sans  ;imusie; 

b°  Il  est  probable  que  les  différentes  formes  de  l'amusie  ont  (\i'^ 
sièges  anatomiques  particuliers  qui  sont  voisins,  non  identi(|ues,  des 
sièges  corticaux  des  ilifférentes  formes  de  l'aphasie  ; 

6°  11  est  très  probable  que  l'une  des  formes  de  l'amusie  —  la  sur- 
dité des  sons  —  est  localisée  diins  la  première  ou  dans  la  première 
<'t  là  deuxième  circonvolutions  du  lube  teiiqioral  gauche,  jiiès  du  lieu 

de  localisation  de  la  surdilé  verbale. 

Victor  Henri. 

I.A.N.NOIS  (de  Lyon  .  —  Cécité  verbale  sans  cécité  littérale  et  sans 
hémianopsie.  Congrès  di-  Bordeaux,  août  i8'.to.  Kxirail  de>  Anli. 
de  .Nemologie,  oct.  1895,  \k  338. 

l'ne  femme  de  li  eiile-ddix  ans,  ayant  contrarié  la  syphilis  [)ar 

allailiTiienI  el  ayant  |in'>enli'  peu  de  tempsuprès  des  accidents  céré- 

(1)  Ceh.  S/nifinn/cn  d.  iiiiisil;iil .  I.i'i.s/in)i/sfii/tif//{eit  in  folf/P  von  (ichirnlâ- 
sionen.  Dcutscli.  Anii.   t.  Kliii.  Me.J.,  vol.  Xf.III,  1888. 

(2)  Ucb.  d.  Bedi'iil .  d.  Aj//i'isic  /'.  (/m  )iin.si/calischen  Atisdruch.  \'iuilcl- 
jiitu-sclir.  f.  .Musikwissonscliart.  vol.   \||,  1891. 

(3)  Troufjles  de.^  fi/cul/rs  )in/.sir/il(:s  dans  l'iiplidsic.  Ilevuc  pliilos., 
vol.  XXXIV,  1892,  p.  337. 

(4)  Eludes  sur  les  n.ndadies  nerveuses,  l'aris,  189i.  p.  347. 


880  ANALYSES 

Liaux  graves  (apoplexie,  liémipb'gie  ilroile,  a|iluusie  motrice  et  cé- 
eité  verbale),  eiilre  à  riiôjiilal  avec  une  hémiplégie  droite  accompa- 
gnée de  contractures.  Elle  présente  en  outre  une  cécité  verbale  tn'-s 
accusée,  sans  cécilé  [lour  les  IcKrcs  ni  pour  les  dlijets  et  sans  liémia- 
nopsic.  Le  clumip  visuel  mesuré  j^lusieiirs  l'ois  n"a  Janiîiis  pii'senlt'' 
ni  rélrécisseincnt  ni  hémionopsie.  C'est  là  un  f;iit  nouveau  puisque  la 
coexislence  de  ces  troubles  oculaires  a  été  signalée  dans  tous  les  cas 
où  elle  a  été  recherchée  jusqu'à  présent. 

Cm.  m  ira  lue.  —  Sur  le  mécanisme  de  l'agraphie    dans  l'aphasie 
motrice  corticale.  (C.  li.  So<-.  d^  Hiolouii',  :W  mais  1895,  2110-252.1 

DE.IEIILNE.  —  Remarques  à  propos  de  la  communication  de  M.  Mi- 

rallié.  (/</.,  i».  252-25:1) 

On  sait  que,  d'après  la  loi  de  Trousseau,  vraie  dans  la  très  grandi- 
majorité  des  cas,  chez  l'aphasique  moteur  cortical,  les  troubles  dn 
langage  écint  sont,  pour  ce  qui  concei'ue  l'écriture  spontanée  et  sous 
dictée,  proportionnels  à  ceux  du  langage  parlé,  tandis  que  la  fuculli'- 
de  copier  est  conservée. 

Pour  expliquer  ces  altérations  de  récriture,  Exner,  Charcot,  ci 
récemment  l'itres,  ont  admis  un  centre  moteur  graphiciue  auto- 
nome, siégeant  dans  le  jjied  de  la  deuxième  circonvolution  frontale 
du  côté  gauche.  Ce  centre  est  ni(''  par  la  [iliipart  des  neuro-patholo- 
gistes. 

Pour  résoudre  la  question,  Liciilheim  a  institué  rexiiérience  sui- 
vante : 

L"apliasi(pie  cortical  est  [irivé  de  la  facull(''  d'écrire  parce  (lue  ce 
centre;  moteur  graphique  est  (bHiuit;en  lui  donnant  des  lel(re> 
toutes  faites,  comme  des  caractères  d'imprimerie,  il  devra  pouvoir 
écrire  à  la  façon  d'un  ouvriei'  lypografdie  en  assemblant  les  lettres, 
puis(|u'ou  a  sup[uimé  ainsi  loule  la  partie  graphique  de  l'écriture. 

Celle  exjiérieuce  a  élé  ré|ii''l(''e  sui'  10  malades  de  la  Salpèlrière 
dans  le  serviciï  de  M.  Déjeriue.  En  voici  le  résultat  : 

J>ans  tous  les  cas  il  y  a  eu  ])arall(''lism(î  absolu  entre  l'écriture 
rdiuaire  et  l'écriture  avec  les  caractèics  tracés  d'avance  (cubes 
alpiialiéliques).  Les  malades  écrivent  ave<;  un  procédé  exactement 
leiil  ce  (ju'ejles  peuveiil  écrire  avec,  l'auli'e;  si  toule  es|ièçe  d'écri- 
ture oriliuaire  a  dis|iaru,  la  malade  es!  incafiable  de  re[)roduire  les 
mots  en  assemhlant  les  cubes;  si  au  contraire  l'amélioration  se  pro- 
duit, ou  si  la  malade  est  moins  gravement  atteinte,  les  mêmes  modes 
tl'écriture  sou!  I(iucli('s  ou  icspeclés,  ([ue  Icm  se  serve  de  l'un  ou  de 
l'autrt!  procédé  d'écriliuc.  Donc  eu  résumé  :  P  dans  l'aphasie 
motrice  corticale,  l'agraidiie  ne  consiste  [tas  dans  l'inipossibililé  de 
tracer  sur  le  pai»ier  les  letlies  et  de  les  assembler  en  mots.  Elle 
résulte  (le  l'impossibilité  d'évoquer  dans  le  langage  intéiieur  la 
noliou  même   des  lettres  et  des  mots,  c'est-à-dire  d'une  altération 


II 


a 


APUASIES  881 

mt'me  de  la  noliou  du  mot.  2"  I/agraphie  ne  résulle  donc  pas  d'un 
I rouble  moteur,  d'une  perte  d'images  graphiques,  et  par  suite  ne 
relève  pas  de  raltération  d'un  cculre  moteur  graphique  autonome, 
spécialisé  par  les  mouvements  dr  l'écriture. 

M.  Dejerine,  à  propos  de  cette  communication,  insiste  sur  les 
l'ails  qui  démontrent  qu'il  n'y  a  juis  de  centre  spécialisé  pour  les 
mouvements  de  l'écriture.  (Possibilité  d'écrire  avec  une  partie  quel- 
<:onque  du  corps  pourvu  qu'elle  soit  mobile,  usage  de  la  machine 
à  écrire,  conservation  de  la  faculté  de  copier  chez  l'aphasique 
moti'ur,  agraphique  pour  l'écriture  spontanée  et  sous  dictée.) 

U.  Beaunis. 

S.  MUUUAD.  — Om  Afasi,  sorligt  hos  Kejthaamdede.  [Sur  V aphasie, 
en  pai'ticulier  chez  des  gauchers.)  Hosititalstidende,  189o,  p.  073. 
(Exti-aitRev.  neurul.,  Paris.) 

Femme  de  soixante-trois  ans,  devenue  aphasiijut;  à  la  suite  d'une 
[laralysie  du  C(Mé  gauche.  C'était  une  gauchére.  Depuis  sa  neuvième 
année,  à  cause  d'une  lésion  de  la  main  droite,  elle  était  devenue 
gauchère;  ce[>endaut  elle  écrivait  de  la  main  droite.  —  Nous  rappe- 
lons que,  chez  les  droitiers,  l'aphasie  s'accomi)agnc  d'une  paralysie 
du  côté  droit. 

PITRES.  —  Etude  sur  l'aphasie  chez  les  polyglottes.  Uev.  de  méde- 
cine, 1895,  n''  M. 

Ciiez  les  aphasiques  qui  guérissent,  et  dont  les  centres  corticaux 
n'ont  jias  été  réellement  détruits,  mais  ont  simplement  présenté  un 
état  général  d'inertie  fonctionnelle,  on  remarque  que  l'amélioralion 
suit  l'ordre  suivant:  1°  le  malade  récupère  d'abord  les  langues  qui  lui 
étaient  les  plus  familières;  2"  il  commence  à  les  cominendre  avant 
de  savoir  les  parler.  Le  premier  ]»oint  avait  déjà  été  mis  en  lumière 
par  des  recherches  de  Ciiarcot.  Pitres  pense  que  l'inertie  ti'mporaire 
<les  centres  corticaux  du  langage  rend  mieux  conqile  de  Tordre  des 
jibénomènes  que  la  supposition  des  centres  spéciaux  ]Miur  cluKine 
langue.  Cette  dernière  snpposilion  est  en  effet  toute  gratuile;  mais 
i'hypotjièse  de  l'inertie  ne  nous  païaît  rien  expli(|uer  du  foui. 

A.    IJINET. 

I.-L.  PUEVOST  (de  (i.'nèvet.  —  A  propos  d'un  cas  d'épilepsie  jackson- 
nienne  avec  aphasie  motrice  sans  agraphie.  Ilev.  médicale  de  la 
Suisse  romande,  ^Ujuin  1895,  |».  309. 

Ee  malade,  à  une  ceitaine  ('poque,  ne  [louvail  pas  diie  un  mut, 
nuiis  il  écrivait  sansaucuue  ln^vilalioii.  Cette  ubservalinn  piimverail, 
contre  Dejerine,  (jue  l'aphasie  motrice  peut  exister  sans  agraphie 

ANNÉE   PSYCHOLOGigUE.   II.  56 


88^ 


ANALYSES 


loucoinilaulo.   On   sait   ([uc,   (Vapn'S  Dejciinc,  il  n'existe  point  de 
oenlre  spécitilisé  el  adapté  |iuur  i'éciilure. 

SOMMER.  —  Nouvel  examen  du  malade  dont  l'observation  a  servi  à 
établir  la  théorie  de  l'épelage  pour  la  lecture  et  l'écriture.  Cen- 
hali.l.  f.  .Xrivciilirilk.,  V,  1894. 

Malade  tombé  d'une  échelle  et  ayant  présenté  1-es  symplônies 
d"une  fiactuie  de  la  base.  On  a  fait  sur  lui  diverses  ol)servations 
psychologiques,  parmi  lesquelles  nous  signalons  les  suivantes  :  le 
malade,  en  percevant  les  objets,  ne  peut  liuuver  lenr  nom;  il  Ir 
trouve  en  écrivant;  l'écriture  n'est  pas  précédée  d'une  re|iré>t'n!a- 
lion  auditive  ou  visuelle  du  nom. 


A.THOMAS  ET  .l.-(',n.  ISOIX.  —  Du  défaut  d'évocation  spontanée 
des  images  auditives  verbales  chez  les  aphasiques  moteurs  (Apha- 
sie motrice  de  Ihoca).  C.  U.  Soc.  de  Biologie,  10  nov.  1893, 
p.  731-732.) 

Id.  Essai  sur  la  psychologie  des  associations  verbales  et  sur  la  réédu- 
cation de  la  parole  dans  l'aphasie  motrice  {id.,  [>.  733-73")}. 

Les  auteurs  ont  imaginé  un  procédé  pour  ('liidicr  révocation 
spontanée  des  images  auditives.  Voici  en  quoi  il  consiste  : 

1"  On  montre  au  sujet  un  objet  usuel  (vétemcnl,  partie  ducor[i>. 
etc.)  dont  le  nom  contic-nt  plusieurs  syllabes;  les  (dijcls  clioisis  ne 
doivent  avoir  qu  iinr  désignation; 

2°  On  prononce  aussitôt  plusieurs  syllabes  pauni  If-qncllfs  se 
trouve,  soit  la  ]ii'emière  syllalie  du  nom  de  l'objet,  soit  la  dernière, 
soit  lasyllalie  intermédiaire; 

3°  Quand  la  syllabe  faisant  partie  du  nom  de  Tidijel  est  prniiuncée, 
le  sujet-  doit  faire  un  signe  aftirmatif  iiidi(|uant  (pi"il  recnimaîl  celle 
syllabe. 

('hez  les  sujets  noimaux,  toutes  les  syllabes  sont  reconnues  sans 
hé>ilalion. 

Cdiez  les  apliasi(|ues  moteurs,  la  pii'mière  syllabe  est  souvent 
reconnue,  la  tlerjiière  ou  riiilernié'diaii-e  ne  le  xml  jamais. 

('c  fait  prouve  ([ue  la  nudadc  uinvotjuaiL  pas  limage  auditive  du 
imm  de  l'objet,  sinon  elle  eût  reconnu  la  dernière  syllabe  ou  lu 
syllabe  intermédiaire. 

Les  reijieiches  ont  l'Ié-  faites  sur  sept  femmes  du  service  de 
M.  Itejerine. 

l'ourle  [trocédé  de  rééducation  d(!  la  parole  dans  l'aphasie  motrice,, 
je  renvoie  à  la  communication  des  auteurs. 

H.  He.\unis. 


TROUBLES   DE   L'INTELLIGENCE,    DE    LA    VOLONTÉ,    ETC.  883 

A.  THOMAS  ET  .T. -Cil.  ROUX.  —  Sur  les  troubles  latents  de  la  lec- 
ture mentale  chez  les  aphasiques  moteurs  corticaux.  (C.  K.  Suc.  de 
Biologie,  6juillft  1893. ) 

Les  recherches  ont  porté  sur  dix-sept  malados  du  service  de 
M.  Dejerine  à  la  Salpètrière  atteintes  d'aphasie  motrice  corticale. 

Ces  recherches  comprenaient  :  l^la  lecture  du  mot  imprimé  par 
lettres  isolées  présentées  successivement  ;  2"  lecture  du  mot  imprimé 
verticalement  ;  3"  lecture  du  mot  par  syllahes  séparées  ;  4"  lecture; 
du  mot  par  lettres  séparées. 

Le  résultat  est  le  suivant  : 

1»  Les  troubles  de  la  lecture  qui  sont,  pour  ainsi  dire,  constants 
chez  les  aphasiques  moteurs  corticaux,  disparaissent  lentement, 
mais  laissent  encore,  à  une  époque  très  reculée,  des  traces  qu'il  est 
possible  de  mettre  en  lumière; 

2"  L'aphasique  moteur  cortical  qui  commence  à  lire,  recouvre 
successivement  : 

(i.  Le  dessin  du  mol  ; 

b.  L'association  des  syllabes  qui  forment  le  mol  ; 

c.  L'association  des  lettres  qui  forment  la  syllabr  ou  le  mot.  Ils 
récupèrent,  en  un  mot,  la  lecture  dans  un  ordre  chronologique 
absolument  inverse  de  celui  suivant  leciuel  Tenfanl  apprend  à  lire. 

H.  Beacnis. 


VL  —  TROUBLE  DE  L'INTELLIGENCE,  DE  LA  VOLONTE 
ET  DU  MOUVEMENT 

BUALNERD.  —  Le  critérium  de  la  responsabilité  dans  la  folie.  The 

Alii'iii-t  and  .Ni'urnlogi.-t,  avril  1894. 

Ce  critérium  consiste  dans  deux  facultés  [:  Vliscernement  du  bien 
du  mal  en  ce  qui  i;oncerne  l'acte  incriminé,  ai)sence  d"inq)uUiun 
irrési-stible  poussant  à  l'acte. 

S.  FREl'I)  (de  Vienne).  —  Obsessions  et  phobies.  Leur  mécanisme 
psychique  et  leur  étiologie.  iîi'v.  nturolngicjuc,  ;ju  janv.  189;», 
p.  33-38. 

L'élude  des  plu'nomèmes  nervenx  ou  névroses  (ju'on  désigne  sous 
le  nom  généri(|ue  d<'  |)hid)i('S  a  fait  robjetde  beaucoup  de  reclierclies 
récentes  *.  Freud  cmil  ([ut;  la  piiobie  doit  être  distinguée  de  Tobses- 
sion,  car  elle  ni-  [irés(;nte  j)as  le  même  mécanisme  ;  dans  les  deux 

(I)  Gelineau.  Des  peurs  malad'ices  ou  phobies,  Paris,  1894  ;  Ilack  Tuke. 
On  Imperative  hleas.  Braiu,  189i. 


884  ANALYSES 

formes,  il  y  a  une  idée  qui  s'impose  au  malade  et  un  l'ial  t'inolij 
associé  à  ceLte  idée.  Dans  l'obsession,  Télal  émolif  a  été  jusiilié,  à  sa 
naissance,  par  des  motifs  sérieux;  mais  cet  élat  émolif  s'est  éternisé, 
et  aux  premiei'S  motifs,  d'autres  se  sont  substitués.  Dans  les  phobies, 
l'élat  émotif  anxieux  n'a  point  pour  origine  des  idées;  il  est  ]jriinitif, 
et  c'est  lui  (|ui  fait  ressortir  toutes  les  idées  propres  à  devenir  l'objet 
d'une  pJKiliie. 

C.-S.  FRELIND.  —  Ueber  psychische  Làhmungen  (Sia-  les  paralysies 
pyschiques).  >i'eurok>i;iscbes  CenlralJjlatl,  1893,  n"  21. 

M.  Freund  trouve  que  l'on  a  agrandi  beaucoup  Irop  le  concept  de 
riiystérie  qui,  pour  lui,  doit  être  seulement  caractérisée  p;ir  l'irréso- 
IulidU  et  la  contradiction  du  caractère  et  l'instabilité  du  Ion  émo- 
lioMiiel.  Aussi,  pour  lui,  si  les  paralysies  hystériques  sont  des 
|iai;ilysies  psychiques,  il  ne  s'ensuit  pas  que  loulr  paralysie  psy- 
chique soit  hysléri(pie. 

La  paralysie  psychique  est  une  paralysie  centrale,  et  connue  telle 
une  paralysi(;  de  certaine  forme  de  mouvements,  mais  non  de  cer- 
tains muscles.  (]e  qui  est  perdu  daus  la  [>aralysie  psychique,  ce  n'est 
pas  le  mf'caiiisnu!  de  mouvenicnls  anatomicpiement  comhiin's,  mais 
cfdui  de  ivKuivernents  ac(juis  |iar  rinlermédiaire  de  l'expéiicnce 
(Erfahrung).  (^les  mouvements  sont  Texpression  des  représentations 
(jui  sont  la  conséquence  de  nos  «  expériences». 

i, 'auteur  addpii;  comjilMcniriil  les  opini(Uis  de  11.  Sachs  lnucliaiit 
la  façon  dont  ces  représentations  se  forment  cl  le  fonctionnement 
de  l'i'corce  cérébrale.  Celle-ci  est  un  lieu  d'entre-croisement  où  se 
l'niil  lt!s  dilTérentes  excitations  dont  le  point  de  départ  se  trouve 
daus  les  dilIV'renls  centres  ih'  ri'T(Uci'.  !,(■  |Hiiul  inifiorlaul  de  la 
lii(''ori('  (h'  Sachs  est  celui-ci  :  uuf  icpn'snitaliou  n'es!  jias'lc 
ré'sullat  de  Fexcitalion  d'une  cidlule  s|iéciale,  mais  bien  le  ri'sullat 
de  la  comhinaison  de  l'excitai icni  de  jdusicuu's  territoires.  Suivant  le 
(legr(''  d'iuleusilé  ih;  cette  résullauh-,  la  représenlation  devient  cons- 
ciente ou  iKUi.  Les  représeiilalious  se  succèdent  de  telle  sorte  ()ue 
<<  Ténergie  psychi(iue  »  serait  à  peu  |uès  constante. 

Lnrsqiu;  rinlensité  delà  représenlaliou,  constituée  par  une  sorte 
"  d'nude  m(il(''culaire  »,  alleini  un  cei'taiu  degré,  (die  peut  provo([U(M' 
un  umuveiueut  ;  mais  si  la  disi  lihulion  de  l'éin-rgie  psychicpuî  est 
iusuilisaiile  pou  i-  ddu  lier  une  ce  il  a  lue  in  (ensilé  à  la  reju't'scnlaidu  du 
mouvenieiil,  c(dui-ci  n'a  pas  lieu.  Cette  iidiihiliou  ne  peut  |ias  être 
du(;  à  un  lronhh>  localisé  anatomiciuement  :  tout  ce  (]ne  l'on  peut  dire, 
c'est  qu'il  doit  avoir  jiour  siège  le  vastt;  territoire  des  faisceaux 
(rass()ciali(Ui.  Haiis  les  ]iaialysies  psyclii(pies,  ce  (]ui  a  lieu  est  la 
(lisliihulion  anorjiiale  de  l'éucngie  dans  les  dllférents  faisceaux  ass.o- 
cialils,  de  telle  soi'te  ([u'il  arrive;  souvent  qu'avec  une  paralysie 
P'ychi(iue    de  certains  mouvements,  avec    des    anestliésies   ou  des 


TROUBLES    DE    l'iNTELLIGENCE,    DE   L.V   VOLONTÉ,    ETC.  883 

amnésies  coïncident,  d'aulre  pari,  des  contractures,  des  liypereslhé- 
sies  ou  des  idées  fixes. 

Au  point  de  vue  anatomique,  l'idée  de  Fauteur  est  que  :  «  l'organe 
de  l'intelligence  n'est  pas  l'écorce  cérébrale  en  général,  mais 
l'ensemble  des  faisceaux  d'association  ». 

Chaslin. 


M.  FRIEDMAXN.  —  Ueber  die  Beziehungen  der  pathologischen 
Wahnbildung  zu  der  Entwickelung  der  Erkenntnissprincipien, 
insbesondere  bei  Naturvolkern  \Sur  les  rapports  de  la  formation 
patho/ogique  du  délire  avec,  le  développement  des  principes  de  la 
connaissance,  particulièrement  chez  les  peuples  non  civilisés).  AUg. 
Z.  f.  Psychiatrie,  t.  LU,  2,  p.  393,  1895. 

On  sait  (jue  le  paranoique  (persécuté  systématique)  raisonne  fort 
bien  et  se  conduit  foit  bien  en  dehors  du  cercle  de  son  délire;  il  est 
incapable  de  percevoir  la  contradiction  qui  existe  entre  la  façon  par 
laquelle  il  arrive  à  ses  convictions  délirantes  et  celle  par  laquelh^ 
il  arrive  à  ses  convictions  non  di'liranies.  Cela  a  frappé  beaucouj» 
de  gens  sans  qu'on  ait  remarqué  que  «chaque  individu  normal  lient 
un  double  registre  loul  à  fait  analogue  de  ses  connaissances  et  cela 
parce  que  à  l'heure  actuelle  nous  avons  appris  à  distinguer  comiilé- 
tement  deux  genr(;s  de  connaissances,  d'un  côté  notre  savoir  fojulé 
sur  des  jugements  complètement  et  logiquement  construits  et, 
d'autri'  part,  nos  croyances  et  nos  idées  (au  sens  restreint)  logique- 
ment insufilsantes  ou  môme  sans  aucun  fondement  ».  Bien  entendu, 
chez  l'aliéné  il  y  a  une  raison  palbologique  à  sa  conviction  délirante; 
on  a  essayé  de  l'expliquer  de  difJV' renies  façons,  mais  |»ourlant  on 
a  toujours  cherché  cette  cxpliciilinii  dans  une  nniditicalion  paliio- 
logiqur  de  la  puissance  du  raiMtiiiiemenl,  en  s"a|i])uyant  siu'  les 
théories  de  la  connaissance  (|ui  dé-couleut  de  la  doctrine  anemande 
de  raperce[)tion. 

T/id(''e  de  M.  Friedniann,  cojnnie  il  l'a  exposée  longnemeni  dans 
son  livre  sur  le  délire,  est  (]ue  cliez  le  peisi'cult'-  l,i  conviclion  à  la. 
réalité  de  ses  idées  (b'diianles  vient  tout  sirn|ilement  de  ce  ({ue  celles- 
ci  sont  intenses  et  (|ue  cliaciue  re|iré'senlalion  intense  a  la  iiropriéti'- 
d'être  considérée  comme  corresjiondanl  à  la  réalilé,  en  un  mol  d'èlri; 
considérée  comme  vraie.  D'ailleurs,  ralii'ni-  ne  s'éloigne  pas  dans 
ses  opérations  iideib'cliiflles  Ar>  piocesstis  nnini;iiix,  il  aiiiv(!  à  ses 
idées  délirantes  par  des  opérations  logii|U(>s  qui  sont  du  même  ordre 
que  celles  d'un  liomme  sain.  La  seule  différence  est  que  ce  dernier 
s'entoure  de  plus  de  piécaulions  avant  de  ])orler  un  jugemen!, 
tandis  qu(!  le  persécuté  juge  avec  une  ijipidili''  et  une  |in'cipilation 
préventive.  Cette  façon  d'arriver  ù  |,i  vi'iilé  subjective  qui  tient  à 
un  élat  ])atiiologiqiie  clie/,  ralii'né,  peut  èlre  reti'ouvée  a  l'état 
physiologiijue  lorsijue   l'un  cherche  dans    b;   di''V(doppement  histo- 


886  A.\ALvsi:s 

riqne  do  l'iiili-lliucMico  laimoinp  quels  sont  les  procédés  successifs 
par  lesquels  riioninie  airive  à  la  connaissance  de  la  réalité. 

Chez  les  peuples  sauvages,  les  juirements  se  font  au  moyen  de 
rassocialion  dans  le  temps,  sans  la  moindre  crili([iie  e(  suivant  les 
analogies  les  plus  grossières.  Cela  suffil  pour  eniraîner  la  convic- 
tion. 

Chez  les  peuples  civilisés  il  y  a  eu  d'ahurd  la  période  de  Tabslrac- 
lion  non  critique,  pai  liculièrement  chez  les  peuples  orientaux, 
ensuile  la  période  de  Tabstraction  critique  chez  les  Grecs,  k  période 
de  la  lulle  enire  la  vérité  fondée  sur  l'autorité  et  celle  fondée  sur 
Tinduction,  entln  la  période  moderne  de  ridentification  de  la  réalité 
objective  avec  la  vérité,  c'est-à-dire  du  triomphe  de  Tunluction. 

Pourtant  ces  habitudes  mentales  induclives  ne  régnent  pas  sans 
partage,  comme  l'a  montré  déjà  au  dédml  M.  Friedmann  lorsqu'il  a 
lappelé  la  tenue  de  ce  double  registre  inlidlectuel.  Quoi  qu'il  en 
soif,  cet  examen  du  développement  intellecluel  montre  ({ue  les 
opinions  régnantes  sur  les  fondements  de  la  conviction  logique  que 
l'auteur  a  combattues  dans  tout  le  courant  (h^  l'article  sont  erronées; 
il  n'y  a  pas  dans  l'intelligence  de  juge  suprême  qui  décide  de  la 
vérité  et  de  l'erreur,  suivant  les  principes  de  la  connaissance,  car 
quel  que  soit  le  procédé  grossier  ou  compliqué  qui  permette  de 
l'obtenir,  la  croyance  à  la  réalité  est  toujours  la  même. 

Toute  idée  suffisammeiil  intense  nous  suggestionne  à  cet  égard  et 
nous  sommes  sans  recours  contre  elle.  i;id('('  la  moins  fondée  à 
^^•ondition  qu'elle  soit  «  impressionnante  »  et  liabitueljc  entraîne 
immédiatement  la  conviction  qu'elle  ré|)ond  à  la  réalité. 

Chez  ralié'iK'  allcinl  de  paranoia,  c'est  l'hyperexcitabilité,  consé- 
quence d'une  disposition  congénitale,  (|ui  rniraîne  la  iin'ddiiiinance 
lie  l'idée,  qui  le  fait  conclure  que  tout  ce  (pii  ariive,  comme  pour 
le  sauvage,  a  rapport  avec  sa  propre  personnalité. 

Pu.    ClIASLIN. 

Pierre  JA.XET.  —   Aboulie,    itididnnaire    de    pli\>iologic,    Paris, 

Alcan,  I,  p.  'J-i3. 

C<'t  article  e^l  inlt'icssant  en  ce  (pi'il  condense  les  idi''es  de  l'au- 
teur, (]ui  a  fait  beancoup  d'investigalidiis  [mm  sunnidlrs  snr  la  (pies- 
lion.  1/aboulie  est  lun:»  altération  de  tous  les  phénomènes  ipii  dépen- 
dent de  la  volonté,  les  résolutions,  les  actes  volontaires,  les  efforts 
«l'attenliiin.  Il  n'existe  du  côté  des  membres  aucun  empêchement 
organi(|ue,  paialysie  ou  Cdnharluie  ;  le  di'sir  inTinc  iir  |iaiait  pas 
manquer,  d'indinaiie.  Les  malades,  piii'-s  de  l'aire  un  nHUiveinenl, 
d'étendre  la  main,  signer  \\n  |ia|iier.  cmiqtreniH'nl  ce  (|u'on  leur 
demande,  essaient,  avancent  la  main,  jiuis  recnleiil.  l.i'S  essais  d'ex- 
jiliiation  donnés  par  les  anieuis  sont  en  généial  incomplets,  et  ne 
conviennent  pas  à  tous  les  cas.  Voici  les  différentes  variétés  cliniques 


TROUBLES    DE   l'iNTELLIGENCE,    DE   L.V   VOLONTÉ,    ETC.  887 

<iu'un  peut  signaler  :  l"  l'aboulii'  fail)l(>  dos  neuraslhéniquos,  qivuji 
lien  décourage  et  rebute,  qui  n'oni  poiiit  de  conviclions  fermes,  el 
<lnulent  de  tout,  par  impuissance  à  croire;  2"  l'aboulie  s'exagère, 
riiésilalion  augmente  et  réduit  le  malade  à  l'imuKdiililé,  ce  qui  pro- 
duit la  confusion  mentale  et  la  stupeur  ;  3"  l'aboulie  est  systéma- 
tique, l'impuissance  de  la  volonté  porte  seulement  sur  un  acte  parti- 
culier, (ju  svn-  un  certain  genr(>.  d'actes,  par  exemple  ceux  de  la 
profession  (aboulie  professionnelle,  Levillain).  Ces  divers  malades,  qui 
se  résolvent  si  difticilement  à  agir,  ne  peuvent  plus  s'arrèler  quand 
ils  ont  une  fois  commencé,  et  ne  peuvent  se  débarrasser  d'une  idée 
une  fois  comprise.  I.'aboulie  conduit  à  um^  foule  d'autres  troubles, 
surtout  à  des  altérations  delà  personnalité  (Cotard). 

Cinq  explications  principales  ont  été  données  :  1°  pour  Billod, 
Taboulie  dépend  d"un  trouble  préexistant  des  sentiments  et  de  l'intel- 
ligence. (Maladies  de  la  \olonté,  AiDiales  médico-psycho ., in'ûïet  1847.) 
A  rappi'ocher  de  cette  explication  les  aboulies  par  suite  de  délire  du 
contact  ;  certains  malades  ne  ijeuvent  se  décider  à  toucher  des  bou- 
tons de  porte,  des  clefs,  etc.,  par  crainte  d'être  souillés  ;  mais  l'aboulie 
peut  exister  en  dehors  de  ce  délire  ;  il  y  a  un  moyen  de  les  différen- 
cier; dans  le  délire  du  contact,  le  malade,  non  seulement  ne  peut 
toucher  l'objet,  mais  en  redoute  le  contact,  si  on  l'approche  de  lui. 
Les  abouliques  ne  redoutent  pas  le  contact  passif. 

2"  Pour  Magnan,  Legrain,  Dejerine,  l'aboulique  est  empèclié 
d'agir  par  suite  d'un  arrêt,  d'une  idée  inlii])itoire.  (Langle,  De  Vac- 
tion  d'arrêt  dans  les  phénomènes  psychiques,  1886,  p.  10.)  Haggi  et 
Paulhan  rattachent  ces  phénomènes  à  la  prédominance  d'association 
de  contraste  ;  c'est  au  fond  la  même  idée.  (Uaggi.  Fcnomeni  di  con- 
trasta...  Arch.  ital.  pour  les  mal.  nerv.,  1887  ;  [Paulban.  L'activité 
mentale  et  les  éléments  de  Tesprit,  1889,  ]i.  341-337.)  Ceci  m;  s'appli- 
querait iju'aux  aboidiques  qui  ont  des  idées  de  résistance,  sorte 
d'exagération  de  l'esprit  de  contradiction,  que  Pitres  a  bien  étudiée. 

3°  Ex|dication  sur  laquelle  .lanet  n'insiste  pas:  amnésie,  oubli  de 
la  manière  d'exécuter  l'acte  (Itivière,  Contribution  à  Vétudc  clinique 
des  aboulies,  1891,  [i.  ili. 

4°  L'exidication  de  Ribot.  Les  malades  ne  sont  pas  touchés  par  les 
motifs,  ils  ne  sont  [tas  émus,  leurs  seuliments  sont  affaiblis,  et  leur 
ardente  envie  d'agir  n'i?st  (fu'une  illusion.  Janet  pense  que  cette 
explication  ne  peut  ètn;  générale. 

5<>  Explication  de  .Janet  {Stir/mates  mentaux  des  hystériques,  1893, 
p.  122).  1"  Les  actes  inexécutables  sont  nouveaux  ;  le  trantran  auto- 
matique persiste  ;  il  y  a,  pour  l'aboulique,  impossibilité  de  commencer 
un  acte,  de  comprendre  et  d'a|)prendre  ([uebjue  chose  de  nouveau. 
(Raymond  et  Arnaud.  Quelques  cas  d'aboulie.  Annales  médico- 
])syclio.,  1892,  II,  p.  74.)  2'^  Ces  actes  sont  conscieiils  ;  ils  devraient 
être  rattachés  à  la  personnalité,  ils  sont  des  synthèses  psycliolo- 
.giques,  et  l'abuulie  serait  un  alfaiblissement  de  l'esprit  caractérisé 


888  ANALYSES 

par  la  <liiiiiiiiili()ii  du  |)oiivnir  île  syiillii'sc  II  osl  luoliaMc  i|iic  ct^Ur. 
f'X|ilicali(iu  III'  couviciil  |)a>  à  hms  lo  cas. 

A.    HlNET. 

Pierre  JANEÏ.  —   Les  idées  fixes  de   forme   hystérique,   lirv.   de 
riiypiuiliMiic,  juin  iS'.i:;,  |i.  353-307. 

Uniilif,  liasscl-Ui'viiitlds  cl  Ij-limil  iiiniilii' ipic  cfilaiiics  |iaralysics  f 

peuvent  dcpondrc  dr^  idées;  Cliarcol  ',  icpiiMiaiil  celle  imlinii,  l'a 
a|)p1iquée  aux  accideuls  liauiiiali(iiies  tU'^  Jiysh'riinics,  el  lUDiilri'- 
que  ces  malades  ([ui  [in'seiileiil  par  exemple  mie  paralysie  du  bras  à 
la,  su i le  d'une  cliule,  d'un  chue  (pielcoïKpu',  suiil  paralysés  par  auto- 
suggesiioii,  jiar  l'idi'e  et  la  crainle  de  la  paralysie  (pii  >(■  produiseiil 
à  la  suite  île  raccideiil.  Celle  inler|iri''lalioii,  Cdiarcot  rappliipia,  mais 
avec  beaucoup  de  réserves,  ù  d'aulres  symplômes  liysh''ii(jiies,  cou- 
lractur(>s,mulismes,  anorexies;  Mieiiius-  a  acce[)lé  riiilcrprétationde 
(]liarcol,  mais  Oppenlieim',  r.rassel  ^,  Baslian  ^  Tonl  repoussée. Pierre 
Janet  jieiise  que  les  iilées  (pii  pinduiseiit  ces  accidents  sont  des  idées 
lixes  comparahles  à  certains  ])oinls  de  vue  à  ces  idées  lixes  des 
aliénés,  (pi'on  dési,i;ne  sous  le  nom  de  délire  émotif,  vertige  men- 
tal, obsession,  impulsions,  phobies,  syndromes  é/iisodir/ncs  des  dér/é- 
nérés  :  ]diisicuis  caraclères  soni  communs  enlre  les  idi'es  fixes  iW> 
aliénés  et  les  idées -fixes  des  liysh'-iicpn's  ;  il  y  a  clie/.  les  malades 
trois  i,'r(Uipos  de  symplômes  :  I"  un  ('lai  d'espril  parliciilier  (pii  per- 
met révnlulinii  de  \"u\vr  li.\e;  par  exemple,  sui.'i;esliliililé,  aiiin(''sie 
cdiiliiiiie,  (liiiiiiiulion  de  la  volmilé  et  de  raltenlion,  elc;  2"  l'idée 
lixe  ;  3"  les  coiisiMpu'nces  qii'tdle  eiilraiiie,  acies,  é'iiiol  ions,  Icduldes 
inlellecliiids,  eli'.  Le  caractèie  |)ropre  des  idées  lixes  de  l'ornu;  hys- 
léri(HU',  c  ev|  ([Ile  rii|(''e  l'csle  snitconscieiile  ;  la  malade  ne  s'en  r(Mid 

pas  coniple  [lelldanl  (pi'elle  e-l  à  l^'lal.  de  veille,  mais  (die  peut 
liécrii'e  son  idi'e  (piaiid  (Oi  la  me|  en  ximiiainlMilisme.  l/aideiic  cile 
à  l'appui  plusienis  idiservaliiuis.  !>...,  (pii  a,  dans  le  jiuir,  des  peurs 
sans  en  coiinaîlre  le  ludlil',  ii''vèle  en  soiiinainhulisme  (pi'elle  e~.|  à 
ce  moment-là  luinli'e  par  l'idiM'  de  serjieuls  ;  c'est  un  souvenir  d'en- 
fance qni  lui  revieiil.  (1...,  (pii  a  des  alla(|ues  de  sommeil  sans  savoir 
ce  (jui  les  jiroduil,  ('prouve  en  ii'alih''  iiih'  liallucinalioii.  où  elle 
voit  une  amie  iiKuie  ;  (die  peut  racoiiler  celle  liallncinali(m,  une  l'ois 
hypnotisée.  Enlin,  W...  se  com|iorle  coiiime  nue  dipsoniane;  de 
temps  on  temps,  (die  est  prise  il'un  besoin   irr(''sislible  de   boire,  et 

(1)  Charcel,  (tlùirrcs-,  111,  335,  442. 

{•1)  t'clier  (len   llt'i/ri/f  (tcf   Ih/s/cric.  Ceidralhl.    T.  .\ervenheilkini(l(.\  XL 
3,  1888. 

(i)  Nerrcn-Klliill.-  dcr  Chari/e,  »>ct.  1889. 

(4)  Lerons  sur  ilinsU-ro-lntinnnlhine,  1889. 

(5)  If'j.slerical  l'urali/sis,  1893. 


TROUBLES    Dli   L"iNTELLIGE.NCE,    DE    L\    VOLONTÉ,    ETC.  889 

après  avoir  coii.sommt*  une  grande  quaiiLité  de  vulin'raire  et  d'élher, 
elle  s"endort  ;  mais,  au  réveil,  elle  ne  se  rappelle  pas  avoir  bu  ;  mise 
en  somnambulisme,  elle  raconte  l'originf!  de  cette  obsession,  qni 
>"est  formée  ]»ar  contagion;  son  père  était  un  ivrogne;  elle  a  com- 
mencé par  boire  pendani  drs  atlaques  d'hystérie.  Puis  cette  période 
de  Taltaque,  jicndant  la(jiu'llf  la  malade  bnvail,  se  dévebqipa  au 
détriment  du  reste  de  Tatlaipu'. 

Ces  observations  sont  cerlainriiiriil  intéressantes  ;  pi/ul-élic  dnil-du 
lapproclier  ci's  idé'cs  lixes,  pliH  on  nmiiH  spniitanées,  ib's  liysh'-- 
rifjues,  des  idées  qui  leur  sont  suggérées  ;  ainsi  que  M.  Féré  et  moi 
nous  l'avons  indiqué-  il  y  a  longtemps  dans  nos  études  sur  l'hypno- 
iisme,  quand  une  hystérique  restt>  sous  Tempire  d'une  suggestion, 
l>ar  exemple  d'une  suggestion  d'acte,  elle  ne  conserve  pas  eu  géné- 
ral le  souvenir  de  la  jiersonne  (|ui  l'a  suggestionnée,  ni  de  la  parole 
i|ui  lui  a  été  adressée;  l'origine  du  [dié-nomène  demeure  inconsciente. 
(V.  noire  Magnétisme  aninuil.j 

A.   BlNET. 


iirfililJXCS-JACKSOX,    SAYAr.E,    MERCIEH,    MILNE- BRAMWEIJ.. 

—  On  Imperative  Ideas  (>';//•  Irs  idées  impérdliocs),  Rrain,  été  1895, 
\^.  3I8-:Jol. 

Discussion  élevée  au  sujet  d'une  communication  "du  docteur 
Hack  Tuke  (Brain,  1894)  sur  les  obsessions  et  idées  lixes.  Hughlings- 
.lackson  pense  (pie  ciulaines  dt;  ces  obsessions  sont  des  idées  de 
l'état  noimial  qui  deviennent  tixes  par  suite  d'un  changement  mor- 
liiib'  dans  le  ci-rveau,  pouvani  se  [iroduiie  par  exemple  pendant 
le  sommeil.  Savage  donne,  d'ajtrès  sa  pralicjue,  de  très  cuiii-ux 
exem]iles  de  ces  plK'Uomèni's.  Mercier  donne  une  exi»Iicalion  psy- 
chologique de  leur  ini''cani>nie,  l'ondé-e  sur  des  (diseivalions  person- 
nelles. Il  remarque  (pie  lorsipi"(Ui  e>L  poursuivi  par  un  souvenir, 
une  phrase  mu>iiale,  on  n'e^l  pas  entièremenl  inocenpé',  on  u  est 
pas  non  plus  dans  nn  (''lat  dallenlion  concenlré'e  ;  ri''lal  le  jilns 
lavorable  esti^ejni  où  l'on  exiMiiie  (juelque  acte  mé^canique,  jardi- 
ner pai-  exemple,  fair<'  de  la  menuiserie,  etc.,  actes  rpii  exigent  nn 
grand  éveil  d'atlenlioii;  senlenieni  l'attention  n'ot  (las  continue; 
de  temps  en  lenip--  elle  .-c  lixe  siu-  le  travail  el  le  diriL'e.  puis  elle 
devient  inactive,  (^t  li'  travail  se  poursuit  nuiciiinalenienl  ;  c  i'>l  |ien- 
dant  ces  intervalles  de  rejjos  où  l'atlf-nlion,  si  vivement  éveilh'-e,  e-t 
comme  désœuvrée,  que  l'idée  lix»;  appaïaît,  que  la  jdna-e  juusicale 
bourdonne  dans  la  mémoire;  ces  plnMioniènes  >oiil  d'ordinain'  ^nh- 
conscients;  ils  piofilenl,  pour  devenir  conscienl>,  île  cet  l'-veil  de 
l'attention,  de  cette  suiexcilalion  d'aclivili-  (pii  ne  liouvi'  pas  à  m- 
dépenser  dans  le  liavail  ni(''e;ini(pie  des  mains.  .Nous  pmivons  ajou- 
ter, jiour  (■oiilirnier  l'ingiMiJen^e  I  ||(''oiie  de  Taule  ur,  que  le^  peintres, 
les  sculpteurs,  et  un  grand  nombre  d'artisans  chantind,  sinient  eu 


890 


ANALYSES 


liavaillaiil.  nu  imiicI  Icnl  drs  |ii(i|i(is,  des  [ilaisaiilcrics,  des  ('(Xj-à- 
l'àiif,  ([iii  iii'  xiiil  le  |iliis  .souvciil,  (jiu'  lies  iiiaiii IVsl a i ioiis  auU)ina- 
liiiucs,  |iiiMiiiili's  ludliahli'iiiciil  par  iiin'  surcxcilalidu  d'aclivilé  non 
di'p('jist''f. 

Il  y  a  là  iiii  i''lal  inciilal  iiiii  iiii''rilcia!l  d'rlic  ('diidii'  di'  pirs. 

Milnc-riiaiiiwcll  a  rclract',  dans  celle  mrmc  discussion,  un  liislo- 
ii([U('  ciuuplel  du  délire  du  doulc  et  du  délire  du  Imicliei',  el  il 
puldie  uiH'  l>ilili(ima[diie  relalive  à  ces  déliies. 

A.    1)1. NET. 

DE  SAX(7riS.  —  Impulsion!  musicali  di  un  degenerato  {Im/iulsioiis 
iinisirah's  chez  un  (léyéiiéré).  Sociela  laiiii>iaiia  dei;li  nspedali  di 
Ronia,  Juars  189o. 

Jeuue  liutnnii'  de  viuiil-liois  ans,  d('gént'i'é  liérédilaire,  ayant 
(■lia(|ue  s(iii-,  à  liiliMurili'' ,  (|uand  il  se  trouve  seul  dans  sa  chambre, 
rinipulsiun  à  chauler,  avec  senlirnent  d'anxiélé  se  localisant  à  la 
pdiliiue  el  sur  le  IVonl.  Le  Iravail  contient  une  élude  i,'énérale  sur 
les  impulsions  verliales  el   nuisicalc>s. 


D'  Kiil^CKI':  (de  Munich).  —  Ueber  Selbstbeschâdigungen  der  Hyste- 
rischen.  [Sur  les  lc.si()iis  que  se  foiil  elh's-tnciiirs  les  /iiJf;l('riql(i'S.j 
Mimcli.  iiied.  Wocli.,  189o,  n'^  4,  p.  08. 

Ohservalinn  d'une  hyslé'rii|ue  de  suixauU;  el  un  ans,  auaiirési([Ui', 
présenlani  des  uh^érations  ol  dos  eschares  ((u'elle  faisait  croire  spou- 
laui's,  el  (pTelle  prn\(i(|uail  inienlinunelieiuenl,  en  caclielle,  avec  de 
la,  [)olasse  causlitjue.  I/auleui-  juMise  que  celte  malade  sinndaiL  en 
|)arlie  [mur  (ddeiiir  des  sec(uirs  des  médecins;  mais,  comme,  il 
ari'ive  rr(''ipieiuuienl  chez  les  hysl(''ri(jues,  ci;  n'est  pas  un  cas  de  juire 
simulation,  Jid  ipi'il  pdurrail  se  manileslei'  che/,  un  indi\idu  sain 
■d'c^pril  ;  la  malade  (''lail  alleinle  de  ce  (|u"on  ptuirrail-  appeler 
«  mania  o/K'raloria  passiva  »,  se  prèlaul  avec  empressement  à  toutes 
sortes  d'opéialious,  les  e.xigeaul.  «  Vous  pouvez,  en  général,  dil- 
(dle,  m'eidever  tout  ce  que  vous  voudrez.  » 

A.     Ih.NKT. 


i 


I-].  lUlliiS.  —  Le  régicide  Caserio.   .\rcli.  d'anlhropolouie  criminidle, 

l;i,janv.  IbUo,  p.  5'.»-7l«. 

l/auleur,  (|ui  a  puhlic''  un  ouvraiie  sur  les  régicides  ',  rappelle  les 
luincipaux  caractères  de  ce  ly|te  morhide  et  monire  (|u"ils  se  reii- 
conlrent  tous  ou  presque  tous  chez  Caserio,  l'assassin  dn  président 
r.arnol;  ces  caractères  sont  :  1"  ùyc :  tle  vingt  à  vingt-cin([  ans;  2°  ori- 


(1)  Les  n''(/ici(le.s  duiis  l'hisloirc  cl   dans  le  pcéscn/.   i   vol.   iii-S",   Lyon, 
Storck,  1890. 


TROUBLES    DE    l'iNTELLIGENCE,    DE    LA   VOLONTÉ,    ETC.  891 

^ùfe.'excenlricilt'',  suicide  ou  ('iMlrpsiecliêzles  ascoutlaufs  ;  Z"  nature  : 
défaut  d'équililiic  dans  les  faeullrs,  instabilité  maladive  (qui  les  fait 
changer  sans  cesse  de  condition),  mysticisme  religieux,  puliliiiue  ou 
.social;  4"  état  mental:  délire  se  traduisant  par  la  croyance  à  une 
mission  à  remplir,  mission  devani  être  couronm'c  par  li'  martyre  ; 
parfois  il  y  a  des  lialluciiuitions  de  rêve  ;  b"  attentat  :  pas  de  com- 
jdice,  prémédilalion  réllécliie,  em|iloi  d'un  instrument  tranchant, 
coup  ferme,  ne  cherchent,  jias  à  fuir  ajués  l'attentat  ;  6"  procès  :  ne 
oherchent  pas  à  déguiser  leur  culpabilité,  mais  se  vantent  de  leur 
crime,  et  se  livrent  à  des  accès  de  la  colère  la  plus  violente,  quand 
on  touche  aux  trois  points  essentiels  pour  eux  :  absence  de  compli- 
cité, inexistence  de  folie,  lecluic  d'une  profession  de  foi;  1°  supplice  : 
courage,  insensibilité  et  pose  théâtral»'  devant  la  mort.  ]-]ulin,  pour 
terminer;  8"  attitude  des  médecins  experts  :  impressionnés  [>ar  la 
gravité  de  ratteiital,  ils  concluent  à  la  responsabilité,  bien  ([ue  le 
régicide  soit  un  aliéné  irresponsable.  Or,  ce  portrait  s'a[»pliqne  si 
rigoureusement  à  Caserio  que  celui-ci  est  considéré  par  l'auteur 
comme  le  prototype  du  régicide.  1^  Il  avait  vingt  et  un  ans  ;  2"  son 
père  était  atteint  d'épilepsi»^  ;  3"  lui-rnéme,  malgré  une  vive  intelli- 
gence, était  sur  certains  points  un  faiidcï  d'esprit  ;  c'était  un  itinérant 
(Lacassagne)  mystique  religieux  dans  son  enfance  (|>iété,  ferveur,  il 
liguiail  en  pelii  saint  Jean  dans  les  processions),  devient  mysli([ue 
social,  ne  souifre  aucune  contradiction  dans  ses  idées;  4"  Caserio 
avait  l'idée  d'une  mission  à  remplir  ;  il  est  vrai  qu'il  n'avait  pas  d'hal- 
lucinations; o"  juis  de  complice,  mais  crime  prémédité;  il  frappe  avec 
lui  couteau,  de  toutes  ses  forces,  et  crie  :  Vive  la  révolution!  vive 
l'anarchie!  a]uès  l'attentat;  G"  ne  veut  pas  (pu;  l'avocat  plaide  la 
folie;  dénégaliojis  énergiqties  au  sujet  de  hi  compliciti'- ;  a  «ui,  pen- 
dant tout  le  procès,  à  cœur  de  lire  soufacUuu,  coutenanl  l'exjiosé 
de  ses  doctrines  ;  7»  au  moment  du  supplice,  a  paru  avoir  (pu'l([ues 
faiblesses,  mais  n'en  a  pas  muiiis  crié  eu  lUdiiraiiL  :  «  Cmirage, 
camarades,  vive  l'anarcliie  !  » 

Les  conclusions  de  llégis  ne  sont  point  les  mêmes  que  (;elles  de 
Lacassagne,  qui  a  considéré  ('aserio  comme  un  «  fanal icpie  assas- 
sin »,  responsable.  l{i''gi^  jieiise  (]ue  ce  n'es!  là  i|u"uiie  diJlV'icnce  de 
mots  :  l'analiipie  assassin,  en  laii^ai:e  nii'dical,  signitie  obsédé  déli- 
l'ant  et  meurtrier.  Cett(;  synonymie  nous  jiaraîl  dnuleiise  :  l'exis- 
tence du  délire  chez  Caserio  n'est  pas  démontrée  *. 

A.   HlNET. 

(l)  Nous  avons  connnimi(|iio  nos  objections  à  l'auteur  qui  y  a  répondu 
par  la  note  suivante  : 

"  Vous  nie  demandez  de  préciser  pMiin(ii(ii  j"ai  appelé  Caserio  un  aliscdé 
■délirant  au  lieu  de  f(in(it'i<jitp  voxuunt  Lacassagne,  une  nuance  existant 
entre  ces  deux  termes,  puisque,  dites-vous,  on  peut  être  fanatique  et 
respansalde,  tandis  qu'on  est  obsédé  déliirmf-et  irresponsable. 

"  Si  je  n'ai  pas,  avec  Lacassagne,  appelé  Caserio  un  fanalit/ue,  c'est  que 


89i  ANALYSES 

I..  liONCORIM  ET  (;.  DIETTRICH  .  —  L'ergograihie  des  aliénés. 
Arcli.  ilalii-iiiics  tic  biologie,  iSOo,  fac.  1,  il,  ji.  ! 72-174.  lÎ!'.-;umi'- 
(les  Arcli.  d\  jisycliiatria,  scionzc  penali  ed  antropologiacriminale, 
\V,  fasc.  G. 

Les  tii's  Ix'llcs  ivclu'iciirs  (le  Mosso  avec  riMgograplie  qui  consli- 
lue  jusqu'ici  1(î  meilleur  des  dynamomètres  ont  provoqué  de  la  pari 
de  beaucoup  de  physiologistes  des  recberches  d'une  originalité 
moindre,  mais  cependant  d'une  utilité  incontestalde,  consistant  à 
faire  des  applications  de  l'ergographe  dans  une  foule  de  conditions 
variées.  Les  auteurs  ont  étudié  non  pas  Tergograiihie  de  tous  les  aliénés 
—  quelques-uns  seraient  incapables  de  comprendre  la  [>rali([ue  de 
l'appareil  —  mais  celle  de  (jualre  épileptiques,  unebypocliondriaque, 
un  hystériqu(i  et  deux  normaux.  Les  conclusions  auxquelles  ils  sont 
arrivés,  et  dont  la  généralité  nous  paraît  fort  douteuse  à  priori,  sont 
que  :  1°  la  courbe  ergograpliique  des  aliénés  est  plus  grande  le  matin 
(juc  laprcs-midi,  taudis  que  c'est  le  contraire  pour  les  normaux. 

ce  iiint  n'est  pas  scientifique  et  que,  par  conséquent,  il  ne  saurait  carac-  |' 

tériser  uicdicalcinent  l'état  mental  d'un  individu. 

"  Et  si  je  lui  ai  suljstitué,  roinnie  plus  précise,  l'expression  d'oft.srV/c'  r/c'//- 
/v/«/,  c'est  (pic  c'était  celle  qui  me  paraissait  le  uucux  convenir  au  meur- 
trier (lu  président  Carnot. 

■■  Ou'est-ce  en  elfct  (|u'un  ohxrdr  :'  C'est,  je  crois,  nn  individu  ctiez  lequel 
une  idée  fixe,  duminante  et  irréductible,  s'est  implantée  dans  l'esprit,  à 
l'état  de  mono'idélsme  plus  ou  nutins  al)solu. 

..  l/cd)sédé  ainsi  conqiris  peut  être  déUrdiit  mi  non  di-Hranl  suivant  (piil 
a  ou  non  conscience  de  son  obsession  et  (|u'il  lutte  ou  non  pour  s'en 
alfranctiir.  Par  cxcnqde,  un  onouiatomane  (pu  se  sait  en  proie  à  l'obses- 
sion d'un  mot  à  prononcer  et  (pu  cherche  à  s'en  abstenir,  honteux  et  tour- 
mente de  cette  propension  inqndsive  qui  pèse  sur  sa  volonté,  est  nn 
iihsi-i/é  uoii  t/éliranf  :  de  même,  le  défjénéré  rpà  se  sent  dominé  par  l'idée 
lie  tuer  son  enfant  et  qui  plein  d'épouvante,  vient  chercher  un  appui 
contre  lui-mrMue  auprès  de" son  médecin.  Par  contre,  le  régicide,  obsédé 
par  l'idée  fixe  de  tuer  un  chef  d'Etat  pour  le  bien  de  sa  cause,  qui  croit 
réellement,  en  ce  faisant,  accomplir  uu  acte  glorieux,  digne  de  l'innnor- 
tiliti'  et  du  martyre,  est  un  obsédé  drlinni/ . 

'  VA  c'est  le  cas  de  Gaserio. 

..  Obsédé,  il  l'était.  Je  n'en  veux  pour  preuve  (pie  le  passage  suivant 
de  l.acassaune  lui-même  :  «  C'est  donc  un  honune  dont  les  facidtés  parais- 
sent intactes;  sviilc,  Vidée  anarchUi ne  //  (ivnll  fait  brèche el  s';/  éla'il  infdlrée 
nu  jiiiiiil  d'absorber  toute  son  iitlr/itioii  et  de  concentrer  toutes  ses  facultés 
sur  ce  seul  but,  l'onarc/iic.  dont  il  se  cnn/nit  le  champion  et  le  martyr  ». 
(Voy.  ma  brochure.  Étal  mental,  p.  7.)  Voilà,  si  je  ne  m'abuse,  l'idée 
fixe,  le  mono'idéisme,  robscssion. 

.  Délirant,  Caserio  l'était  aussi,  puis((u'il  n'av.dl  pas  conscience  de  son 
obsession  et  se  considérait  réellement  comme  le  cliauipion  et  le  martyr 
d(î  sa  cause,  nu^Miie  au  prix  d'un  assassinat. 

•-  VoiJj'i,  mon  cher  collègue,  autant  (pu;  des  choses  aussi  délicates  peuvent 
s'exprimer  et  se  préciser,  ce  que  j'entends  par.  oAseV/e'f/c'Z/'rrt?!/  et  pourquoi 
j'ai  appli(pié  cette  expression  médicale  à  Caserio  au  lieu  du  terme  f'ana- 
tifjiie  ipd,  bien  (piéquivalent,  est  scientifiquement  très  imprécis.   ■• 


f 


THOUBLES   DE   l'iNTELLIGENCE,    DE   LA.   VOLONTÉ,    ETC.  893 

Commont  prendre  une  pareille  conclusion  au  sérieux  !  2°  l'excita- 
tion électrique  ne  produit  pas  d"épuisement  musculaire  chez  les 
aliénés,,  comme  il  arrive  chez  les  normaux  ;  la  ligne  de  contraction 
se  maintient  à  l'intini  à  la  même  hauteur.  — Tant  que  ce  fait  ne  sera 
pas  expliqué  et  justifié,  nous  le  considérerons  comme  une  erreur 
d'observation;  3°  il  y  a,  après  l'accès  épileptique,  perte  de  la  coor- 
dination des  mouvements,  elle  sujet  doit  apprendre  de  nouveau  le 
maniement  de  l'appareil;  quant  à  la  perte  de  force  musculaire,  elle 
est  en  rapport  avec  l'intensité  de  l'accès. 

Richard  SANDIîERG.  —  Zur  Psychopathologie  der  chronischen  Para- 
noïa, AUg.  Zeilschril't  fur  l»sychiatric,  t.  LU,  3  11.  18'jj,  ]..  GiO. 

Ce  travail  reproduit  en  partie  sans  chang('ment  notable  la  thèse 
que  Fauteur  a  soutenue  en  1887  inliluh'e  :  «  Conlribulion  à  l'étude  du 
caractère  du  délire  chez  les  Verrïicklen  '  chroniques.  »  Le  but  de 
M.  Sandberg  est  de  rechercher  le  mécanisme  suivant  lequel  se  déve- 
loppent les  idées  délirantes  du  persécuté  chronique.  Les  explications 
qu'on  a  données  avant  lui  peuvent,  dit-il,  se  réduire  à  deux,  bieii 
différentes  l'une  de  l'autre.  La  première,  qui  s'appuie  sur  l'ancienne 
et  célèbre  communication  de  Westphal,  peut  s'énoncer  ainsi  :  le 
paranoïaque  (.l'emploie  ce  terme  peu  français,  mais  qui  correspond 
au  persécuté  et  au  fou  allciiil  de  délire  de  grandeurs)  perçoit  la 
modification  pathologi(iue  de  son  cerveau  comme  une  modification 
indéterminée  de  sa  propre  personnalité.  Au  contraire,  suivant  la 
deuxième,  le  délire  n'est  pas  motivé  psychologiquement,  mais  cons- 
titue l'expression  d'une  modification  pathologique  de  riulelligence 
elle-même. 

L'auteur  cherche  à  établir  fjue  l'explication,  d'ailleurs  hypothé- 
.ti(}ue  de  Westphal,  est  la  seule  qui  puisse  èln;  salishiisante,  à  coiuli- 
tion  d'être  comi)létée  et  il  énonce  ainsi  ([u'il  suit  l'explication  com- 
plète qu'il  propose  : 

1"  Il  y  a  chez  le  persécuté  chroniiiue  primitif  une  modification 
palhologiijue  des  éléments  centraux  cérébr;iux  au  niveau  desquels 
toutes  les  sensations  se  transforment  en  perceptions  conscientes. 

2°  Les  idées  délirantes  du  persécutt'  piiniilif  ne  sont  pas  l'expres- 
sion directe  d'un  processus  pathologique  ipii  allcindrait  les  mani- 
festations inteliciluelles  spécifiipies,  les  bmctinns  cérébrales  qui 
conditionnent  la  logiciue  et  la  crili([ue,  c'est-à-dire  (pu;  ces  idées 
délirantes  ne  sont  pas  l'expression  de  la  faiblesse  psychique. 

Elles  constituent  des  jugements  parfiiiliiurul   irnnuaux  physiolo- 

(1)  Il  n'est  pas  possible  de  traduire  cxacteiMenl  ce  runt,  f|ui  veut  dire 
en.  réalité  «  tourné  de  travers  »,  mais  il  s'agit  des  délu-cs  de  persécution 
ou  de  grandeur  cfironiques  bien  connus  depuis  les  travîuix  de  I>asèf,nic 
et  Fah-et  en  France,  et  que  l'un  appelle  aussi  jinranuUi. 


894  ANALYSES 

giquos  qui  si'  (li'vcloppcul  socoiidairoment  à  la  scnsalion  palliologiqno 
(lu  monde  cxli'-iiour,  seiisalion  palliologique  qui  esl,  la  conséquence 
(It!  Falir-raliou  sonialiqne  indiquée  jtlus  )iaul. 

I/auleui'  fail  reiiiai'(|uer  que,  en  adinellaiil  la  lésion  des  édé'ineuts 
(u"i  se  l'ail  la  perce|plion  couscienlo,  le  juilieiil  seiiliia  changer  le 
monde  e-\lé'iieiu'  eu  même  lemps  que  sa  ]iidpre  personualit(î,  11 
remai(ine  aussi  pour  ce  qui  loucdie  à  la  secomliî  partie  de  son  intcr- 
[iréLaliou  (pie  ce  u'esl  pas  la  formation  des  jugemenfs,-  que  ce  n'est 
|tas  l'associa  lion  (jui  est  altérée,  mais  bien  les  éléments  de  celle-ci  : 
les  perceptions  sont  modifiées  pathologiquemeiit  et  la  posilimi 
intellectuelle  prise  par  le  malade  vis-à-vis  de  cette  modilicalion 
constitue   précisément  le  (ItMire.   Cette  luodification ,  dont  le   côté  % 

anatomique  nous  est  inconnu,  se  produit  peu  à  peu  et  amène  len-  f 

tement  une  certaine  désadaptation  du  malade  (jui  ne  s'est  pas  encore  ï. 

Iiaiiitué  au  monde  nouveau  que  ses  perceplions  lui  r('vèlenl.  Os 
perceptions  lui  Iniil  apparaître  le  monde  et  sa  propre  personne  non  * 

pas  grossièrement  ciiaiigés,  mais  cliangés  d'une  fa{;on  mystérieuse  :  ^ 

«  II  y  a  un  je  ne  sais  (judidaus  l'air.  »  Les  objets,  quoique  normaux,  ;,. 

oïd  ipielqiie  chose  d"i''lrange  (pii  trappe  le  malade,  et  ce  même  vague  ^\ 

changement,  celni-ci  le  peci'oil  avr<si  dans  son  cor[is,  dans  sa  ju'opi'e 
[•ersonnalilé.  La  ronséijuence  est  un  sentiment  de  délîance,  sen- 
tinu'ut  (■aractéristi(|ue  poui'  M.  SandhtM'g  de  l'affection  paranoïa 
(îomme  la  dépression  esl  caract<''risli(|ue  de  la  mélancolie  et  l'eupho- 
lie  de  la  manie.  Celle  diMiance  e>l  le  point  de  di'pail  d'un  (hdire  de^ 
persécution  comme  la  dépression  est  le  point  de  dépari  du  dt'lire 
d'auto-accusalion  et  l'euphorie  le  point  d(;  départ  du  d(''liic  de 
grandeur.  Celle  (h'iiance  iirspire  rid(''e  très  géuérah;  de  persi'-culion, 
la  disposition  à  la  persécution;  les  idées  délirantes  particulières 
n'en  sont  ipie  l'expression  en  (hMail  :  <<  Le  délire  m^  Iraiisloiine 
donc  i)as  le  moi,  mais  c'est  la  Iransl'ormalion  du  moi  (pii  crée  le 
délire.  Ces  idées  délirantes  j)arliculières  reposent  sur  les  sensations 
in)rmales  et  ]»atliologi([ues  et  leiu-  l'orme  spéciale  (r(digienses,  éro- 
li([iies,  etc.)  lia  aucune  iiii|i(>ii;ince,  car  le  l'und  est  toujours  la 
persiMulioii.''» 

Ce  eaiacl("'re  (rinleipiétalion  du  délire  ddil  être  aussi  reconnu 
pour  le  di'dire  de  grandeur  du  persi'cuh'. 

Ainsi  le  délire  est  pour  ainsi  diic  |iaiT,iileiiieiil  iKUiual  dans  les 
conditions  pal  lidlogiipies  où  se  trouve  le  malade.  Cet  (''lai.  inlelleclmd 
a  de  grandes  analogies  avec  celui  (riiii  Ikuiiiiu'  intrinal,  au  cerveau 
mirmal,  mais  ayant  uni;  concepli(m  du  monde  [larliculière,  comme 
par  exemph;  mi  fakir  indien,  et  p(Mulant  le  pers(''cuté  est  pour 
nous  encore  jilus  étranger  (|ue  h;  sauvage  le  moins  civilisé,  car  il 
ahoutit  souvent  à  des  actes  absoknuenl  étranges  ou  Itaroipies.  ("(da, 
lient  en  j>arti(ndier  à  ce  qu'il  y  a  d'aulies  syni|)tômes  ([ui  viennent 
se.joindr(^  à  l'idée  délirante'  ])urt;  et  parmi  eux  un  phénomène  très 
im[)orlant,  à  savoir  :  l'hallucination.  Les  hallucinations  ne  créent  pas. 


TROUBLES   DE    l'i.NTELLIGENCE,    DE   LA    VOLONTÉ,    ETC.  893 

le  délire;  elles  naissent  sur  la  même  base  paUiologi(iue  ;  elles  eous- 
liluent  la  repiéseulatiou  objeclivée  dt;  Tidéo  délirante.  Mais  il  y  a 
(Taulres  hallucinations  qui  ne  sont  pas  en  relation  directe  avec  l'idée 
délirante  et  d'autres  encore  qui  n'ont  pas  le  caiactère  plastique  bien 
marqué.  (Je  crois  que  M.  SandbiMi;  veut  probablement  parler  de 
i-e  qu'on  appelle  en  France  les  hallucinations  ])sychiques  ou  psycho- 
mol  rices.)  Mais  même  ces  hallucinations  d'ordre  spécial  ou  ces  hal- 
lucinations incomplètes  sont  interprétées  dans  le  sens  du  délire. 
Toutes  ces  circonstances  concourent  à  rendre  le  malade  étranger 
pour  ainsi  dire  à  l'humaniLé  normale,  d'autant  plus  que  y'ien  ne 
l'intéresse  plus  en  dehors  du  cercle  de  son  délire,  ce  qui  est  tout 
naturel,  étant  donné  que  ce  délire  roule  sur  des  questions  capitales 
[lour  le  malade.  On  ne  peut  donc  pas  considérer  ce  délire  comme 
l'expression  d"uu  changement  du  caractère. 

Ce  changement  de  caractère  n'a  pas  lieu  chez  le  persécuté,  il  a 
lieu  au  contraire  chez  le  maniaque  et  chez  ]>•  mélancolique. 

L'auteur  a  cherché  jusqu'à  présent  à  montrer  que,  quelle  que 
soit  l'apparence  extérieure,  grotesque  ou  Itizarre  du  persécuté,  elle 
n'autorise  pas  à  conclure  à  un  état  pathologitpie  de  l'intelligence,  à 
l'aîl'aiblissement  intellectuel. 

Meynert,  Schùle  et  d'aulrt's  soutiennent  au  contraire  (lu'il  y  a 
véritablement  an'aiblissement  intellectuel;  aussi,  M.  Sandberg  s'ef- 
lorce-t-il  dans  la  dernière  partie  de  son  mémoire  de  démontrer 
directement  le  bien-fondé  de  son  opinion. 

L'afl'aiblissement  intellectuel  consisterait  dans  l'incapacité  de 
reconnaître,  par  un  défaut  de  logiijue  ou  de  critique,  le  caractère 
erroné  des  idées  délirantes.  Chez  l'individu  sain,  la  faiblesse  de 
la  logique  est  caractérisée  par  l'erreur;  le  délire  donc  serait-il  com- 
parable, comme  le  ci'oit  Emminghaus,  à  cette  erreur  ?  Nullement, 
car  dans  l'erreur  il  y  a  un  éh'nient  ([ui  manque  à  l'associa li(m,  la 
synthèse  est  incomplète,  tandis  que  chez  l'aliéné,  aux  éléments 
perceptifs  dont  celui-ci  ctinclut  son  idée  délirante  on  jie  peut  ajouter- 
aucun  autre  élément  dont  l'absence  puisse  être  attribuée-  à  l'idée 
délirante  elle-même.  Mais  toutes  les  perceptions  elles-mêmes  sont 
pathologiques  et  c'est  ce  (im-lc  jiatirnl  ne  [.eut  pas  reconnaître;  c'est 
donc  l'absence  du  seulimi-nt  de  sa  maladie  (pii  est  le  puinl  lajiilal,  et 
cette  absence  provient  précisément  d(-  ce  lait  que  b-s  ])eiceptions 
elles-mêjues  sont  altéré-(,-s  sur  toute  la  surface  du  cerveau.  J.e  pou- 
voir logique  n'est  donc  |ias  affaibli,  niais  est  seulement  influencé 
(beeinllust).  Ci-s  remarques  conduisent  à  chercher  les  véritables 
analogies  du  (b'-lire  du  jiersécuté,  non  [las  avec  l'erreur  mais  avec 
les  manières  de  voir  spéciales  qui  snid.  la  cons('(|uence  d'uni; 
influence  exercée  sur  le  pouvoir  crili(iue.  On  j)eiil  trouver  des 
exemples  d'iiillnence  ain>i  exercéi;  passagèrement  par  des  nn'-dica- 
ments,  et  d'une  façon  duiable  par  des  convictions  ou  des  o|)inions 
particulières  ])nlilii{ues  ou  religieuses.  (I/incapacilé  de  reconnaître 


896  ANALYSIDS 

son  propic  ('liil  noinuil  u'csl  doiir  pas  nu  oaraclère  s]i(''rial  à  l"iii- 
lolligonco  (jiii  diUiie;  mais  elle  se  Liouve  dans  loulc  ii)li'lliy;cace 
ayant  une  «  loimiure  »  iiarlicnlirro,  ne  reposant  ])as  mit  un  l'onc- 
lionnemciit  incomplet  (eiii'iir  on  superstition),  ahoulissaiit  à  une 
concepli'iii  (iriuiiialf  du  monde.  C-elte  conception  du  iiiniidc  a  xin 
dernier  tnndfiiii'utdansla  disjjosilion  physique  normali-  ou  pallicdo- 
LMCjue  du  cerveau. 

Il  s'ensuit  (jue  c'est  par  loi^i([ue  (jue  le  malade  ci-ée  son  délire. 
M.  Sandberg  ajoute  encore  qu'il  ne  faut  pas  s'empresser  de  conclure 
(l'une  réponse  du  jialienf  à  .sa  faiblesse  psychique  comme  jiarexemple 
lorsque  le  fou  se  refuse  à  vérilier  de  visu  l'existence  des  machine.* 
cachées  dans  des  souterrains  que  ses  ennemis  dirigent  contre  lui. 
I,a  conviction  que  possède  le  patient  de  l'existence  de  ces  machines, 
dit  rautciir,  suflit  à  expliquer  le  défaut  de  vérification,  (.le  ne  ]iuis 
m'empècher  de  dire   que  celle  l'xplicalion  ne  me  satisfait  ]ias  com-  | 

plètement.)  '^ 

Le  processus  pathologique  en  ju-oduisant  h;  délire  ne  produit 
rien  de  nouveau  spécifiquement,  ce  qui  lient  à  ce  que  le  fonction- 
nement des  associations  ne  peut  être;  ([u'accéléré  (manie),  ralenti 
(mélancolie]  oi:  bouleversé  (paralysie)  et  non  modifié  :  comme  le 
dit  Broussais,  les  dérangements  de  l'inslincl  et  de  Tintellect  ne 
]>cuvent  résuUei'  que  de  l'excès  ou  du  (hd'aul  de  rexcilalion  de 
rencéphale.  C'est  ce  cjui  fait  qu'en  prali(|ui'  il  est  souvent  difficile  de 
.*-avoir  si  une  idée  qu'émet  h'  malade  correspond  à  la  réalité  ou 
doit  être  tenue  j)Our  délirante. 

11  faut  aussi  remarquer  avec  Meynert  (pu'  si  le  délire  se  traduit  le 
plus  souvent  par  des  idées  de  perséctilion  ou  de  grandeur,  c'est  que, 
à  r('tat  1101  mal,  mi  a  déjà  une  lemlance  à  ctdles-ci.  D'ailleurs  les 
lappiirls  de  l'homme  avec  le  monde  ext(''iieni'  ne  peuvent  ^"e^|l^inler 
(pie  sons  forme  d'idées  de  j)eiséculion,  de  grandeur  ou  de  petitesse; 
ces  dernières  sont  moins  fré(|uentes  (]ue  les  autres,  de  même  que, 
chez  les  gens  normaux,  la  modestie  est  jilus  l'are  que  la  mélîanc(^ 

et    roigueil. 

Pm.  ('iiaslin. 

rilo.MSI^.N.  —  Klinische  Beitràge  zur  Lehre  von  den  Zwangsvorstel- 
lungen  und  verwandten  psychischen  Zustanden.  {(loiitrihution  cli- 
nicpic  à  /'rlin/f  des  ahscssioiis  iiiciildlcH  cl  </cs  èldls  psyc/iiQues  sem- 
hhihU-s.)  .\irli.  f.  Psyeliial.,  X.WII,  p.  ;M9,  ISOii. 

Les  o})sessions  mentales  on  impulsions  intellectuelles  sont  consi- 
dérées |>ar  (pielquesautt'urs  (Westphal)  comme  formant  une  maladie 
mentale  sitéciliipie  bien  caractérisée,  par  d'autres  auteurs  (Magnan) 
elles  ne  sont  considi'rées  que  comme  un  symiitôme  (jui  accompagne 
d'autres  maladies  mentales. 

I.'auleiu'  lapporte   cpielcpies  observations  intéressantes  et  conclut 


TROUBLES   DE   L'iMELLIGEKCE,    DE   LA   VOLONTÉ,    ETC.  897 

]>uui-  rcxisicnci' (ruiif  nialiuliu  nit'iitale  spiM-iale  caractérisée  |)ar  des 
symptômes  psycliiques  et  oriianiijues  :  idées  et  actes  imiiératifs,  tics 
convulsifs,  (''cholalie,  ooprolalie  ;  puis  troubles  de  la  digestion,  de  la 
circulation  et  iniuraines,  tels  sont  les  symptômes,  ({ui  présentent 
beaucoup  de  variations  individuelles. 

V.  Henri. 

Th.  TILINti.  —  Ueber  angeborene  moralische  Degeneration  oder 
Perversitàt  des  Characters.  {Sur  la  déijénérescenca  morale  ou  per- 
rrrsilé  du  rdrurtèrc.)  Allg.  Z.  f.  Psychialrie,  t.  LU,  2,  p.  258,  1895. 

.M.  Tiling  à  propos  de  trois  observalions  fort  curieuses  de  folie 
morale  fait  une  esquisse  de  celte  forme  en  discutant  préalablement 
les  manières  différentes  qu'ont  les  aliénistes  de  la  concevoir.  Il 
s'élève  d'abord  contre  Topinion  adoptée  par  une  grande  partie  des 
médecins  allemands  ([ue  cette  forme  doit  être  rattacbée  à  la  débilité 
intellectuelle  congénitale.  11  combat  aussi  la  tlièse  de  Sollier  suivant 
laquelle  l'idiot  devrait  être  soigneusement  distingué  au  point  de  vue 
moral  do  l'imbécile,  ce  dernier  seul  étant  un  anti-social. 

M.  Tiling  montre  avec  Vrocb  qu'il  n'y  a  pas  de  relalion  nécessaire 
entre  le  développement  intellectuel  et  celui  du  carai^tère  moral.  On 
trouve  en  effet  beaucoup  d'individus  très  peu  intelligents,  remplis 
de  sentiments  charitables,  et  dévoués  à  leur  prochain.  Il  est  égale- 
ment erroné  de  croire  que  le  fou  moral  et  le  criminel-né  sont  au 
même  degré  de  développement  que  l'eafant  normal  ou  le  sauvage. 
Il  n'y  a  d'ailleurs  aucun  parallèle  à  établir  entre  le  développement 
de  l'intelligence  et  celui  du  caractère  comme  le  montre  l'expéi-ience 
lie  tous  les  jours. 

On  a  aussi  voulu  considérer  le  fou  iiioial  comme  un  païaiioiaque 
ilironique,  mais  il  est  bien  cnniiii,  comiiie  l'a  l'ail  voir  aussi  Char- 
pentier, que  le  fou  moral  n'a  pas  d'idr'cs  (bdiranles.  11  n(!  peut  pas 
mm  plus  être  considéré  commi;  un  iiiaiiia(iue. 

Il  faut  remarf[uer  d'ailleurs  (pie  l'on  peu!  trouver  <les  symptômes 
de  folie  moiale  chez  les  imi)éciles,  les  maniaipies,  les  paianoiaques, 
b>  |iaialyl  iqiie<,  les  liyslt'riipies,  les  (''iiileiil  ii[ues  et  les  d(''menls. 

Mais  il  iK!  s'agit  pas  là  de  la  \(''ril,able  folie  morab'  idiiqiathique. 
\'a\  réalité  ,  la  folie  morale  doit  être  placée  à  côté  des  autres 
formes  de  troubles  mentaux  (pii  a|)partiennent  à  la  dé-générescence, 
mais  on  va  trop  loin,  |ioui'  l'auteur,  en  idenliliaiit  l'iiidn'cile  moral 
avec  le  criminel  instinctif.  Sommei'  dit  avec  Justesse  que  cette  dis- 
tinction ({Uoi(pie  diflicile  doit  èti'e  faite  et  c'est  un  bon  signe  de  folie 
morale  lorsipie  le  patiiMit  se  nuit  à  lui-même.  M.  Tiling  est  de  cet 
avis,  mais  il  croit  de  plus  que  d'autres  signes  encore  pi^rmettent  de 
distinguer  led'ou  moral  du  criminel  :  en  elfe!  le  l'on  moral  est  aussi 
étranger  au  monde  des  criminels  (pi'au  monde  normal  ei  il  ne  peu' 
s'adafilcr  pas  [ilus  à  l'un  qu'à  l'autie.   Les  criminels  sont  en  état  de 

AX.NÉi;    PSYCUOLOGInLK.    II.  57 


898  ANALYSES 

constituer  uik;  communauté,  ils  suivent  certaines  rèifles,  ont  un 
système  et  unl)utréel.  Il  en  est  tout  autrement  chez  les  ions  moraux; 
ils  ne  se  rangent  pas  parmi  les  criminels,  ils  se  llattent  d'être  des 
hommes  honnêtes  et  utiles,  ils  ont  de  grandes  ambitions  ;  mais  ils 
n'arrivent  à  rien. 

l/opinion  des  aliénistes  allemands  est  anire  arluellcmi'iil  (pi'il  y  a 
([Viclques  années,  sur  la  possibilité  d'une  modilication  paliiologiiiuc 
du  côté  moral,  indépendante  du  côté  purement  intellectuel.  «  Le  l'ait 
indubitable  que  tous  les  actes,  sentiments  et  désirs  ne  sont  pas  sépa- 
rables  de  représentations,  ne  suffit  pas  comme  on  va  le  voir  plus  bas, 
dit  M.  Tiling,  pour  rendre  comme  on  l'a  fait,  la  totalité  de  l'intelli- 
gence responsable  des  actes  répréliensibles.  »  Le  caractère  suivant 
lequel  l'homme  se  conduit  dans  la  vie  est  le  résultai,  la  composante 
de  forces  difi'érentes,  d'un  côlé-  le  pouvoir  d'arrêl  ou  de  régulation  et 
de  l'autre  les  instincts  et  les  lendances  ;  c'est  ce  qui  donne  Tindivi- 
dualilé  des  sentiments  et  des  actes.  Si  l'un  des  facteurs  du  caractère, 
le  pouvoir  de  régulation  est  atïïiibli  ou  si  l'autre  facteur  opposé 
prend  la  su[irématie,  il  s'ensuit  le  déréiilrnirnl  di-  la  conduite.  C'est 
dans  ce  sens  que  l'on  a  ajqieb'  la  folie  morale  unr  maladie  du  carac- 
tère. 

.]ns(iu"à  i]U(d  |M)intle  prc'Uiier  facteur  sc'  tronve-t-ii  en  rajijKul  avec 
la  totalité  de  l'intelligence?  Est-ce  que  celte  totalité  est  en  rapjiorl 
avec  les  d(''c,isions  et  les  acles"?  M.  Tiling  adon-t  que  la  jilns  graiule 
partie  <le  nos  idées  n'a  pas  d'inlhumce  sur  nos  relations  avec  nos 
semblables  ni  sur  la  conduite  de  notre  vie.  Ce  n'est  qu'un  toutpelil 
groupe  d(!  nqu-é-sentalions  ipii  est  en  rapport  avec  nos  actes  moraux 
et  c'est  ce  groupe  qui  d(dl  être  sid'lisaninient  constant  ou  cunliiiu 
|i(iiii'  que  nntis  |iossédions  un  caractère.  Si  donc  on  dcvaii  admeldc 
dans  la  jx-rversité  morale  une  maladie  île  l'intelligence,  elle  devrait 
èlre  limil(''e  à  ce  petit  cercle  diilées  ({ni  règle  Jios  relations  praliijues 
en  laissant  intactes  toutes  les  idées  biillantes  ou  profondes  qui  élè- 
veiil  d"aillcnis  l'espril.  Le  jielil  groupe  de  re|ir(''seiilaliniis  qui  règle 
nos  dt'derniiiialiniis  ne  contieni  au  c(Uilrair((  que  les  concepts  les 
plus  édémentaires,  1rs  jdus  sinqiles,  les  plus  cniupri'liensibles  poui- 
tout  h'  momie  du  dioit  et  du  devoir. 

Et  ce  groupe  est  en  ra|i|iort  étioit  avec  le  sentinieni  snus  l'oinie 
de  senliuMMil  d"li(iiincui-,  de  limile,  cic.,  eu  un  mot  avec  ce  (pie  l'on 
;i[q)elle  la  ciuiscience  ((iewissen).  C'est  lui  qui  reste  constant  au  mi- 
lieu du  changement  des  idées  et  des  désirs  et  il  est  sensiblement  le 
même  cliez  Ions  les  adultes,  du  moins  dans  les  pays  civilisés.  Mais  il 
t'aul  avoir  grand  s(Mn  de  nniaïquci  que  beau(;oup  tro|>  souvent  chez 
l'inilividu  moyeu  el  oi<Iiiiaire  rinlluen(;e  dt;  ces  idées  est  contre- 
balancée par  cidle  de  l'intérêt  ino[ire. 

(^-c  ({ui  revient  à  dire  que  le  caractère  nioial  en  général  n'est  pas 
de  niveau  élevé.  Au-dessus  et  au-dessous  de  celui-ci,  il  y  a  des  carac- 
tères très  moraux  et  d'autres  (jui  le  sont  très  [icu. 


TROUBLES    DE    l'iNTELLTGENCE,    D1:    LV    VOLONTÉ,    ETC.  899 

Le  deuxième  facteur  dans  la  formation  du  caractère  moral  est 
constitué  par  les  sentiments,  mais  [tar  la  plus  petite  partie  des  sen- 
timents de  l'individu  comme  pour  les  représentations,  la  majeure 
partie  de  ceux-ci  étant  subordonnée  aux  premiers;  lorsque  les  senti- 
ments qui  entrent  dans  la  constitution  du  caractère  moral  sont 
moins  développés  qu'ils  le  devraient,  la  plupart  des  auteurs  considè- 
rent ([u"il  s'agirait  d'un  fait  patholoiiique.  Les  concepts  de  devoirs 
et  d'honneur  existent,  mais  ils  n'éveillent  pas  une  émotion  suffisante; 
et  restent  à  l'état  abstrait. 

Pour  augmenter  la  discordance  qui  se  produit  alors,  il  y  a  souvent 
chez  ces  individus  pervers  une  tournure  d'esprit,  une  imagination 
déréglée  qui  daus  ces  circonstances  exerce  une  influence  déplorable. 
Cette  tournure  d'esprit  devient  véritablement  pathologique  chez 
certains  hâbleurs  ou  menteurs. 

Cette  imagination  pathologique  se  trouve  chez  un  certain  nombre 
de  fous  moraux.  Ceux-ci  sont  les  premières  dupes  de  leurs  men- 
songes ;  ils  perdent  le  sentiment  exact  de  la  réalité,  et  par  suite  de 
leurs  rapports  avec  la  société  où  ils  se  trouvent. 

L'auteur  vient  de  dire  qu'il  y  a  une  certaine  indépendance  entie 
l'intelligence  proprement  dite  et  le  caractère  moral,  de  telle  sorte 
que  si  une  grande  partie  de  ces  fous  moraux  sont  en  même  temps 
des  faibles  d'esprit  il  y  en  a  qui  se  développent  de  bonne  heure  et 
5e  distinguent  par  des  dons  intellectuels  souvent  remarquables. 

Mais  ces  cajtacités  intellectuelles  manquent  le  plus  souvent  de 
solidité,  et  surtout  ces  malades  ne  savent  pas  se  conduire.  L'auteur 
ajoute  à  ces  remarques  une  esquisse  d'ensemble  très  exacte  du 
caractère  spécial  de  ces  fous  moraux,  qui  correspond  dans  ses 
.grandes  lignes  avec  celle  (ju'a  donnée  Charpentier  dans  ses  Folies 
du  caractère.  M.  Tiling  croit  aussi  qu'étant  donné  le  fait  que  cette 
altération  pathologique  du  fou  moral  est  plus  près  ([ue  n'importe 
iquel  autre  trouble  mental  tle  la  méchanceté  pliysiologique,  et  étant 
donné  que  le  caractère  dans  beaucoup  de  familles  païaît  une  mani- 
festation héréditaire  plus  constante  (pie  les  autres  ajititudes  intellec- 
tuelles, M.  Tiling  croit  que  ces  individus  doivent  leur  constitution 
2jsychi({ue,  non  pas  à  l'héiédité  des  troubles  mentaux,  mais  au  déve- 
Jopitemeiit  anormal  du  caractère  di;  leur  famille.  ^L  Tiling  a  cinq 
•observations  de  c<!  gc'iire  cpii  proviennent  de  familles  bien  connues. 

Mais  quelle  est  la  limite  entre  l'é-lat  physiologique  et  la  folie 
morale  ■?  Elle  est  évidemment  conventionnelle,  mais  avec  Sommer  on 
jK'Ut  admettre  que  les  deux  signes  les  plus  importants  en  ilehm'S  de 
l'examen  de  l'ensemble  sont  rap[)arition  précoce  des  tcuidances  per- 
verses et  la  nuisance  pour  soi-même. 

On  trouvera  à  la  tin  de  <;r|,  article  les  trois  (diseival ions  très  détail- 
lées et  très'  intéressantes  de  folie  morale  (jui  ont  sei  vi  de  base  aux 
^développements  de  l'aulein'. 

1'.    Cll.VSI.IN. 


900  ANALYSES 


Auguste  VùISI.X.  —  Délire  du  doute,  ses  relations  pathogéniques 
avec  la  sthénie  et  l'asthénie  vasculaires.  Fréquence  du  délire  hypo- 
chondriaque  chez  ces  malades.   Union  nii'dicalc,    1895,  23  mars. 

Il  cpl  possible  ([uc  If  délire  du  doule,  k'.s  obsessions  el  les  phobies 
aienl.  un  subsIraUim  analoinique  démonirable,  un  étaL  particulier 
de  la  eircnlalion,  soil  de  la  slliénie  soit  de  ra>llit'nii'  vasculaiie.  (Test 
ce  que  Fauleur  a  cliercJK'  à  nionlici-  en  |iailie  par  des  liacés  spliyg- 
inoyra]ilii(pics. 


DELIRES  AMBULATOIRES   ET  FUGUES 

l'AllAM.  —  Des  impulsions  irrésistibles  des  épileptiques.  Congrès  dr 

Bordeaux,  3  aoùL  18U5.  Discussion  de  l'ilres,  Reyis,  ïissié,  .Jules 
Voisin,  Cliac[M'iilier,  (iarnier,  etc.  Arcli.  de  neurologie,  se[d.  189i), 
p.  242-251. 

ILWMOND.  —  Les  délires  ambulatoires  et  les  fugues,   (iazelle  des 
liôpitaux,  2  juillet  1893. 

('.\|{.\T)É.   —   Un   cas   d'automatisme    ambulatoire   comitial.    An  h. 

cliniipies  de  IJonlcaiix,  a\rii  18',»o. 

Autrefois,  il  n'y  a  pas  encore  bien  loniilenips,  ([uand  un  malade 
l'aisait.  une  i'iigue,  s'il  inéscntaiL  v.n  même  tciniis  i|m'li|uc  >liuniali' 
de  déiçénéresccnce,  il  t''lail  classé  comme  ('|iil('|ili(pic.  Aclindlrmcni, 
la.  (incslion  i'>l  di'venut^  plus  coni|ilcxc.  hoinKins  d'aboid,  d'aprrs 
{]abadé,  uu  exemple  ly|>e  de  liii^ne  (■|)ilepliipie. 

Il  .s'agit,  d'un  liomni(!  d»;  tpiaranie-ueid' ans,  cnilivaleur  laborieux 
([ui,  sortant  de  chez  lui  ]iour  aller  voir  du  b(''laii,  <lis|iaraîl  jiendaut 
plusieurs  Jniirs  sans  qu'on  ail  de  ses  nouvelles;  il  a  en  nne  alla(pie 
d'('|rr,e|i>ie  dans  hnpudle  a  donuin''  l'impulsion  à  la  marche:  senlani 
un  vent  violent  soid'lb-r  sur  sou  visage,  il  partit  en  courant  des  bords 
de  la  (laronne,  conrut  pendaid  sejit  jonrs  sans  manger  ni  boire, 
franchit  600  kilomètres,  et  vint,  tomber  exténui''  sur  les  bords  de  la 
MédileiraniM'  ;  ù  demi  uuirt  de  laim.  il  \(iiilul  parler  à  cenx  ipii 
étaient  là,  mais  S(!  trouva  incapable  de  piononcei'  une  parole.  I)e> 
marins  le  tirent  manger,  remmenèrent  à  Toulon;  il  revint  à  pied 
chez  lui,  mendiant,  se  cachant,  et  se  gnidaid  siu-  les  voies  l'ec- 
réos.  Après  son  alla(pie,  il  a  riqiris  sa  vie  babiluidle  de  cullivaleiir, 
peisuadi'  (pu!  c'est  le  diable  (pii  l'a  lran^port('' sur  les  rivages  île  la 
.M(''diteirani''e. 

Dans  l'inquilsinii  ('■pilepli(pie,  il  y  a  [larlois,  comme  dans  l'obsi^r- 
vatiiiBi  pi(''(édenle,  nne  trace  de  ralla(pie  (aura,  sensation  subjective 
de  sounie,  pri'ci''daid  l'imimlsion  !.  I.'imiiulsiou  épile|il  i(|U(M'sl  suivie 
d'onbli  ;   [lailois  oubli  conqdt'l,  pait'ois  vague  réminiscence  de  cer- 


TROUBLES   DE    l'iNTELLIGENCE,    DE    LA.   VOLONTÉ,    ETC.  1)0 1 

tains  incidents  de  la  crise;  parfois  le  souvenir  revient  par  réllexidn, 
ou  au  moyeu  des  indications  de  l'entourace.  Pas  de  remords,  indillr- 
reuce.  I/impulsion  se  répMe  (oujours  la  même,  et  peut  revenir 
périodiquement  avec  une  certaine  régularité.  Tels  sont  d'aprrs  Parant 
les  caractères  de  rim|tulsioii  épilepti(|ue.  Outre  l'épilepsie,  il  y  a  : 

1"  Des  fugues  liysléri([ues.  Lien  d<''montré(>s  depuis  que  ïissié  a  pu 
plonger  son  malade  dans  le  sommeil  hypnotique  et  lui  faire  raconter 
toute  sa  fugue  ; 

2"  Des  fugues  liées  à  la  dégénérescence  mentale  {dromomanie  de 
Régis)  ;  impulsifs  conscients. 

C'est  le  sujet  qui,  à  un  moment  donné,  sans  raison  suflisanle,  sans 
délire,  sans  perte  de  connaissance,  part  et  fait  une  fugue  de  plusieurs 
heures  à  plusieurs  mnis. 

Ce  sont  là  trois  genres  difierenls  d'impulsions.  Il  y  a  en  outre  des 
individus  qui  ont  le  hesoin  psychicpu;  de  maroiier  et  de  se  déplacer. 
Voici,  à  ce  sujet,  la  classification  de  Pitres.  Le  hesoin  psychi(iue  de 
la  marche  se  renconln'  chez  : 

1"  Les  vagabonds,  (^es  vagahonds  ont  une  psychologie  très  intéres- 
sante, l'ne  première  variété  est  repri'sentiM!  par  les  ^rîma?'rfeMri",' ces 
derniers  ne  travaillent  jamais,  ils  sont  toujours  en  tournée,  ne  com- 
mettent guère  que  quelques  atteintes  contre  la  petite  propriété  et 
n'entrent  pas  poiu'  une  grande  [lart  dans  la  criminalité.  C'est  la 
paresse  seule  qui  ies  tMigage  à  mener  cette  vie  errante. 

2"  A  côté  des  trimardeurs,  il  y  a  les  ouvriers  errants.  M.  Pitres 
vii'iit  d'en  ohserver  un  ({ui  a  fait  (juarante  fois  le  tour  de  la  France  ; 
il  se  grise,  travaille  m  passant  dans  les  villes  jusqii'au  jmu'  où  il 
touche  sa  jiaye,  puis  se  grise  de  nouveau  et  repart. 

3"  Une  troisième  variété  est  constituée  par  les  hi/pocJiondrifKjues 
errants;  ceux-ci  courent  les  hô])itaux  et  même  les  vill(>s  poui'  se 
faire  débarrasser  de  maux  imaginaires. 

4"  La  (pialrièine  vaiiélc'  cniiiprend  les  aliénés  divers  qui  se  (h'pla- 
<'ent  sous  riiitlneiice  d'une  conception  délirante.  C'est  ainsi  ([u'un 
jiaralytique  géni'-ial,  par  exemple,  a  pu  faire  148  kilomètres  en  voi- 
1ur(î  sans  désemparer,  fori;ai)t  le  cheval  (pii  toniha  moil,  et  il  conti- 
nna  à  jned  cette  course  efîrénée,  jusciu'à  ce  (pTon  le  ramenât  de  vive 
.force  elle/  lui. 

A.  nrxKT. 


VIL   —   DÉDOUBLEMENTS   DE  LA   PERSONNALITE 

LEWIS  C.  IJIU'Cdv—  Notes  on  a  Case  of  Dual  Brain  Action.  (^Vo/e  «wr 
un  cas  de  dualité  d'action  du  cerveau.)  Brain,  jn  intemps  18'Jo,  p.  y4-6U. 

SÉCLAS.  —  Les  hallucinations  et  le  dédoublement  de  la  personnalité 
dans  la  folie  systématique.  Annales  médico-psychologiques,  août 
1834. 


902  ANALYSES 

JOSIAU  liOYCE.  —  Some  Observations  on  the  Anomalies  of  Self- 
consciousness.  l*s\rli.  lieview,  sept,  ri  iiov.  lîS9;i. 

Arthur  IMKliCi:,  Frank  PODMORK.  —  Subliminal  Self  or  Uncons- 
cious  cerebration  ?  \Moi  sous-conscient  ou  cérébration  inconsciente  y) 
Proceod.  Psychical.  Researcli,  Juillcl  18U5. 

Les  éludes  sur  les  dédoublemenls  de  la  persounalilé  uni,  élé  dans 
ces  dix  dernières  années  si  nombreuses  et  si  concordanles  que  c'esf 
là  le  principal  molif  (jui  nous  force  à  acce]»ter  comme  exacts  et  Itifii 
observés  des  phénomènes  aussi  délicats  et;  aussi  complexes.  Ou  a 
étudié  spécialement  jusqu'ici  :  1°  le  dédoublement  chez  les  hysté- 
riques pendant  leui'S  attaques,  ou  eu  dehors  des  attaques,  ou  dans 
des  expéxiences  de  laboratoire  :  ces  recherches  sont  dues  principa- 
lement à  Azam,  Pierre  Janet,  Bourru  et  Burot,  et  moi-même*  ; 
2"  chez  les  spiriles;  l'auteur  qui  a  réuni  le  jilus  grand  nombre  d'ob- 
servations est  i)robablement  Myers  ;  3"  chez  les  aliénés  ;  il  faut  ici 
rappeler  surtout  le  nom  de  l'aliéniste  français  Séglas,  et  ses  obseï^- 
valions  sur  les  hallucinations  psycho-molrices  ;  4"  chez  les  individus 
sains  ;  le  principal  document  à  citer  est  celui  de  M.  F.  de  Curel, 
auteur  dramatique  français,  (jui  s'est  analysé,  sur  ma  demande,  el 
a  écrit  une  auto-observation  d'une  imjjortance  capitale. 

Les  notions  puisées  à  ces  diflérenles  sources  ne  sont  ])as  encore 
assez  nombreuses  pour  édifier  une  lliéorie  d'ensemble.  Les  i>rrson- 
nalités  multiples  se  d(''veloppent  tantôt  sous  des  inlluences  connues., 
tantôt  dans  des  conditions  diflîciles  à  saisir,  et  le  mécanisme,  le 
pour({uoi  de  ce  d(''donl)!enient  n'est  ])as  encore  expli(|ué  d'une- 
manière  satisfaisanle.  Pendant  ranm'-c  ISUii  onl  pain  Iduir  une  série- 
d'observations  (|ai  sans  nous  a[q)oil('i'  un  renseignement  de  prime 
importance  sur  ces  questions,  nous  en  nionireiit  «'ependant  une  fois 
d(;  plus  les  multiples  aspects. 

1.  L'observation  de  Lewis  Bruce  nous  donne  un  exeni|ih'  de  ([('dou- 
blement, sous  le  litre  de  dualiti'  d'aclion  du  cerveau;  il  s'agit  d'nn 
matelot  du  jiays  de  dalles,  agi''  de  (juai-ante-sept  ans,  (jui  pendant 
des  périodes  de  leiups  [ilus  ou  moins  huigues  se  comporte  comme 
un  dément,  de  caractère  apalhiciue,  prononce  des  mois  gallois,  puis 
flans  d'autres  périodes  devient  excité,  liavard,  deshuclem',  dangereux, 
comprend  et  parle  l'anglais.  On  le  mel  en  (diservalion  pendant  (rois 
mois,  de  novembre  à  nuirs,  et  on  constate  qu'entre  les  deux  états  exis- 
tent les  différences  suivantes  :  dans  l'un  des  états,  où  il  i)arle  anglais,^ 
il  est  droitier,  jiarle  l'anglais  et  le  gallois,  montre  de  l'intelligence,, 
se  rappelle  sa  vie  passée,  sauf  ce  (pii  s'est  passé  dans  l'anire  élal,  il 
écrit  et  dessine,  il  est  goulu,  aime  à  se  haigner,  vif,  destructeur, 
voleui',  ses  sens  sont  bien  conservi''s.  Dans  l'autre  élal,  l'élat  gallois,. 


(1)  Voir  dans  VAtau-e  ]hsi/c/ioto;/ique,  1,  p.  484,  l'analyse  d'une  observa- 
bpon  de  Dana. 


TROUBLES    Dl']    l'iNTELLIGENCE,    DE   LA    VOLONTÉ,    ETC.  903 

il  est  (li'meiit,  ji.ult'  le  gallois  (ruiie  inaiiiric  iaiiiiclligiblo,  ne  com- 
prend  i)as  l'anglais,  icsle  pendant  des  heures  immobile  plié  en  deux, 
jusqu'au  monieni  du  repas;  il  est  impossible  d'explorer  son  éduca- 
tion et  sa  mémoire  ;  il  a  l'air  soupi:onneux,  craintif,  ne  reconnaît 
pas  les  médecins  ;  sa  circulation  est  faible,  extrémités  livides,  jambes 
a'dématiées  ;  il  est  gaucher  et  écrit  de  la  main  gauche.  Ces  deux 
états  ne  se  succèdent  pas  toujours  brusquement  ;  il  y  a  parfois  entre 
eux  un  état  intermédiaire  pendant  lequel  l'individu  est  ambidextre, 
mélange  les  mots  anglais  el  gallois;  ces  changements  se  produisent 
souvent  après  un  repas  ou  un  bain. 

Ce  (}u"il  y  a  certainement  de  jjIus  curieux  dans  cette  observation, 
ce  sont  les  changements  circulatoires  des  deux  états.  Les  tracés 
sphygmograpliiques  sont  très  différents  :  dans  l'état  dit  anglais, 
pouls  ample,  de  forte  tension  ;  dans  l'état  dit  gallois,  pouls  petit,  de 
faible  tension.  En  soumettant  le  sujet  à  des  bains  de  diverses  tem- 
pératures, on  a  pu  reproduire  à  volonté  ces  états  du  pouls,  mais  non 
les  états  intellectuels  correspondants. 

En  terminant,  l'auteur  se  range  à  la  théorie  assez  naïve  qui  attribue 
le  dédoublement  mental  à  une  action  séparée  des  deux  Jiémisphères  ; 
il  paraît  du  reste  complètement  ignorant  de  la  littérature  psycho- 
logique du  sujet;  il  ne  dit  pas  un  mot  non  jilus  des  troubles  vaso- 
moteurs  observés  dans  la  folie  circulaire  (Uitli,  Annales  médico- 
psych.,  1882)  et  dans  l'hystérie. 

2.  Séglas  reconnaît  que  la  folie  systématique  avec  délire  de  per- 
sécution présente  tiois  espèces  difféi-entes  ;  elles  sont  rendues  ditlV'- 
rentes  par  le  genre  des  hallucinations  qui  les  accoinpagnent  :  1"  dans 
une  première  catégorie,  les  malades  n'ont  point  d'hallucinalions,  ce 
sont  des  persécutés  pterséculeurs  ;  2"  persécutés  avec  des  hallucina- 
tions sensorielles,  qui  intéressent  principalement  l'ouïe,  l'odorat,  le 
goût,  le  sens  génital,  et  même  la  vue  ;  mais  ceci  est  exceptionnel  ; 
3°  la  troisième  catégorie  de  malades,  qui  seule  nous  intéresse  ici,  se 
caractérise  surtout  parle  développiMiient  des  iiallucinations  psycho- 
motrices; ce  sont  d(;s  paroles  involontaires  (|ui'  le  malade  pro- 
nonce ou  ([u'il  se  sent  prononcer,  et  qu'il  a  II  ri  hue  à  une  pcisonnalité 
étrangère  ;  ces  Iiallucinations  conduisent  h's  malades  à  la  conviction 
qu'un  autre  s'empare  de  liMirs  idées,  et  (jue,  ]»ar  conséquent,  ils  sont 
possé'dés  ;  cette  altéralion  de  la  j)Crsonnalit('!  se  dév(doppe  bien  moins 
sous  l'iniluence  des  hallucinations  sensorielles  que  des  hallucination 
motrices,  parce  ([ue  celles-ci  altei^iienl  le  sens  c(en(\sthésique,  ou 
sens  du  corps,  (lui  est  la  base  fumlanienlale  (h;  la  personnalité.  La 
différence  entre  ce  dé'douhlemeiit  et  celui  di;  l'hystérique,  c'est  que 
rhysléri(iue  est  souvent  dédoublée  sans  le  savoir,  tandis  (|ue  le  per- 
sécuté sent  en  lui  le  développement  d'une  aulic  peiscinnaliti''. 

3"  L'essai  du  iirofesseur  Royce  est  curieux  ;  il  i''iMaiie  d'un  profes- 
seur de  ]jhilosophie,  qui  n"a  guère  pris  le  pli  de  l'observa  lion.  C'est 
un  travail  qui  contient  une  théorie  à  i)riori  du  dédoublement  de  la 


s 


904 


ANALYSES 


personnalité,  et  une  observation  particulit're,  décrilr  en  lonncs  un 
peu  vagues;  robservation  ne  paraît  ni  conlinncr  ni  infirmer  la 
théorie.  Autant  que  nous  pouvons  la  comprendre,  elle  se  résume 
ainsi  :  mi  Jeune  homme,  qui  est  venu  demander  des  conseils  philo- 
sophiques au  professeur  Royce,  présente  une  tendance  très  forte  à 
la  méditalion  automatique  et  à  récriture  automatique;  pendant  des 
lieures,  il  pense  ou  il  écrit  sur  un  sujet  qui  s'est  présenté  à  lui  comme 
un  problème,  et  il  cherche  en  vain  à  résoudre  ce  problème  ;  malgré 
ses  goûts  studieux,  ce  jeune  homme  est  livré  à  la  vie  la  plus  dissipée  ; 
pendant  les  conversations,  il  prend  parfois  des  jioses  dr;imali(iues, 
semblables  à  celles  d'une  hystérique,  et  avoue  (pie  ces  poses  man- 
quent de  sincérité.  C'est  Tabsence  de  conlrole  personnel  qui  jiaiail 
caractériser  la  vie  mentale  de  cet  individu. 

4"  A.  Pierce,  un  élève  américain  de  Mûnsterberg,  après  avoir  lu 
toute  la  littérature  sur  la  division  de  conscience,  croit  que  les  théories 
admises  par  Janet,  Dessoir  et  moi  sur  la  conscience  seconde  sont 
gratuites,  et  doivent  élre  remplacées  parl'explicalion  bien  plus  simple 
de  la  cérébration  inconsciente,  c'est-à-dire  de  processus  physio- 
logiques sans  conscience.  Podmore  répond  à  ces  crili(]uc>,  (]ui  soiil 
au  nombre  de  trois  :  l»  l'hypothèse  d'une  conscience  secondaire 
est  inutile.  Eu  effet,  dit  l'auteur,  que  voyons-nous"?  des  hystéii(]nrs 
qui  accomplissent  des  mouvements  intelligents  sans  s'en  rendre 
compte  ?(pii  écrivent  par  e.\em[de  sans  le  savoir  (jnand  on  nn'l  une 
plume  dans  leur  main  insensible,  cachée  derrière  un  écran  ?  A  quoi 
bon  supposer  ([ue  ces  actes  sont  accompagné-s  de  conscience?  iJans 
les  laboratoires  de  physiologie  on  enlève  les  iu-misphères  des  pigeons 
et  des  grenouilles,  et  ces  animaux  continuent  h  marcher,  éviter  les 
obstacles,  avalej'  la  iKUirriUire  comme  s'ils  l'iaieni  inlacis,  avec  cette 
seule  différence  (ju'ils  perdent  leur  spontanéité  et  n'accomplisseni 
ces  actes  que  sous  l'excitation  d'un  stimulus  appronrii'.  11  en  est  de 
même  pour  les  hystériques,  el  ni  pour  les  uns  ni  i)our  les  auties  il 
n'est  nécessaire  de  faire  une  bypolhèse  sur  la  conscience;  il  s'agit 
simplement  iTun  fonclionnement  au(oma(i(pH'  des  cenlics  nerveux. 
Cette  argnmentalion,  que  l'auteur  poursuit  avec  une  belle  conliance, 
nous  paraît  ètie  contredite  pai'  les  fails.  Qnand  on  met  une  plume 
dans  la  main  insensible  de  l'hysléricpie,  et  (pu'  cette  main  j)reud 
Fallilude  pour  écrire,  on  peu!  iiien  penser  à  un  simplt>  acte  réflexe 
d'adaptation  sans  conscieinc  ;  mais  si  la  main  ('■cri!  uw  mot,  toujours 
à  l'insu  du  sujet,  si  ce  mol  est  suivi  par  d'autres,  si  ce  sont  dos 
piirases  (|ui  se  lienneni,  (pii  (Uit  un  sens,  et  que  tout  cela  se  produise 
sans  que  le  sujet  sincère  en  ;iil  connaissance,  dira-t-on  encore  qu'il 
s  agit  de  cérébialion  inconscienle  ?  (Jii.ind  nous  sommes  en  présence 
d'idées  lii'es  logi(]nemeiil ,  (pii  répondent  à  d'autres  idées,  nous 
devons  bien  admettre  la  ccniscience,  sinon  nous  ne  l'admetlrons 
jamais  ;  2°  le  second  argnment  est  une  réfutai  ion  [tar  l'absurde  ;  si 
l'automatisme  est  l'efi'et  d'une  sous-conscience,  chacun  de  nous  doit 


TROUBLES   DE   L'iNTELLIGENCb:,    DE    LA    VOLONTÉ,    ETC.  903 

avoir  en  lui  un  iikù  cailu'  qui  le  .surveille,  le  repieud,  le  emrii:*', 
l'inspire,  ef,  accomplil  pour  lui  la  basse  besogne  des  acies  vulgaires; 
ee  n'est,  pas  moi  (jui  mels  mes  mains  dans  mes  poches,  (]ui  marelir, 
t>tc.,  c'est  l'aulre  personnalité.  Voilà,  d'après  Pierce,  où  il  faut,  en 
venir  si  on  veut  avoir  une  théorie  consistante.  .Je  réponds  simple- 
ment que  j'ai  montré  en  détail  dans  mon  livn^  sur  les  Altérations  de 
la  personnalité  ([u'il  y  a  plusieurs  étapes  dans  ces  jduMioménes  :  la 
désagrégation  d'abord,   et  ensuite  la  construction  de  personnalités 

,  nouvelles;  ce  dernier  phénomène  est  jdus  complexe,  et  se  ren<Nnilii' 
surtt)ut  dans  l'hysléiie,  sans  être  projire  à  cette  affection  et  sans  y 
être  constant.  Le  premier  degré,   la  désagrégation  mentale,  est  ce 

"  qui  se  produit,  à  mon  avis,  dans  notre  automatisme  de  tous  les  jours; 
'.\^  le  troisième  argument  consiste  à  dire  (|u'i]  n'y  a  pas  de  preuve 
de  conscience  double.  .J'ai  déjà  répondu  à  cet  argument.  Ya\  ter- 
minant, remarquons  que  l'auteur  est  bien  forcé,  à  la  fin  de  son 
article,  d'admettre  une  mulli[ilicité  de  conscienr(\>^  cliez  ces  malades 
<{ui,  comme  J^'élida,  durent  plusieurs  mois  dans  des  états  mentaux 
différents.  En  résumé,  ji'  suis  tout  dispos(''  à  reconnaître  que  la 
théorie  des  consciences  multiples,  que  j'ai  contribué  à  d(''velop|)er 
avec  .Janet,  Myers,  Dessoir  et  autres,  est  fausse  ;  mais  il  me  laul 
d'autres  arguments  que  ceux  de  Pierce  ou  (jue  les  remarques  iro- 
niques de  Wiindl. 

A.   BiNET. 


VIII.    —  ETUDES  D'ENSEMBLE 

I^H.  CHASIJN.  —La  confusion  mentale  primitive.  J'aris,  1891»,  Asselin 
et   ii(tu/.e,iii,  1  viil.  iii-18  de  2Gt  p. 

La  confusion  mentale  jiriniilive,  stupidité-,  dtMnence  aiguë,  stu|ieiir 
primitive,  que  l'on  n'étudiait  plus  en  l'rance  (elle  nt-  figurait  pas 
dans  les  traités  les  [dus  récents)  a  été  l'objet  depuis  trois  ans  de  nou- 
veaux travaux.  Le  livre  de  M.  ('Iiaslin  a  |K)ur  but  de  |n  ('■senicr  un 
tableau  aussi  complet  que  |in>>iMe  de  celle  nnecliim  meiilale.  sur 
laquelle  il  a  rappelé  l'attenliiui  en  l"i  .imi'.  |„i  pi-emiei  e  |i,iilie  du  livre 
est  consacrée  à  riiistorique,  dans  le(|iH'l  sont  analysi'set  cités  souvent 
textuellement  d'abord  les  auteurs  fran(;ais,  (pii  ont  (b'-ccil  com|dète- 
ment,  bien  avant  les  étrangers,  la  confusion  mentale.  pui>  lesauteurs 
allemands,  qui  ont  ]ieife<tiunne  son  i-liide,  entin  le>  ,iuleui<  russes, 
anglais,  américains  et  italiens. 

La  conclusion  de  cette  |(nii;ue  revue  bistoricpie  e>l  ipo'  la  couiii- 
sion,  après  avoir  éti;  étudi(;e  jiar  l']sc[uir()l,  (ieorgel,  i^'eiiu-;,  l-]to(:- 
JJemazy  était  en  France  vers  1843  admise  coninn'  imi-lil  imuI  une 
affectinu  à  jieu  près  aiilnnome.  .Malheureusenienl  K.mILm  i;er  soutint 
l'opinion  erronée  que  la  stupidité'  doit  rentier  daus  la  inidaucolie  avec 
■stupeur,  opinion   qui  fut  adiqdi'e  jusqu'à  uns  junc^   par  la   majorité 


906 


ANALYSES 


dos  aliéiiislos.  Elle  fui  |>(aii(,aul  combalJui'  avec  un  sens  (•liiii(|iii' 
bien  rcmaniual)!»'  ]iar  Dclasiauve  ;  oelui-i-i  ('•ciivit  à  propos  de  cctU' 
l'oinic  une  st'-rif  (rarliclcs  qui  panuoiil  [triiicipalcnit'ul,  dans  son 
Journal  de  médecine  mentale.  .M.  Cliaslin  ([('uioiiln'  par  do  longues 
<;ilali(iiis  (cxhirlics  (iiie  celle  descripliou  Ac  ])elasiauve  est  presque 
complèle,  si  liieu  que  les  auleurs,  même  les  plus  réeenfs,  (Uil  ajouté 
bien  peu  de  chose  de  nouveau  à  ce  qu'il  avait  dit. 

I/adeclion  que  Delasiauve  décrivait  sous  le  nom  de.  confusion,  de 
slu|)idité,  était  ponr  lui  essenliollement  caractérisée  par  l'incoordi- 
natioii  el  le  raleiilissemenl  des  i(i(''es  ([ui  (loiiueiil  au  malade  l'aspect, 
de  la  slupidih'  ou  de  la  slu[ieur  et  qui  peuvent  s'accompagnor  d'hal- 
luciualious  el  de  délir(>.  Après  Delasiauve,  quebiues  rares  auteurs 
décrivent  isolément  cette  affection,  comnu-  Foville  et  surtout  II.  Dago- 
net. 

C'est  avant  tout  d'a|irès  les  descriptions  et  les  conceptions  de 
D(dasianve,  en  s'aidani  d'ailleurs  des  travaux  étrangers  les  plus 
récents  el  de  ses  pnqnt'S  observations,  ({ue  M.  ("liaslin,  dans  la 
seconde  partie,  aborde  l'exposé  de  ce  que  l'on  sail  acliu'llenieut  sur 
la  coid'usioM  iiieiilaie  primitive.  Il  admet  (|ue  la  confusion  mentale 
primitive  idiopallii(pie  est  une  l'ormi-  pai'aissant  avoir  une  existence 
relaliveiiieiil  iu(l(''iieudaute  dans  la(|uelle  les  troubles  somaticpies 
jouent  un  giaud  rôle,  tandis  (|ue  c'est  le  symptôme  confusion  (^ui 
mar(jue  le  trouble  mental  de  son  empreinte.  A  côté  de  cette  confu- 
sion menlale  primilive  idiopal  lii(pie  ,  il  existe  des  confusions 
mentales  primilives  syniploniali([nes  dairs  une  séiio  de  troubles 
organifjnes,  vaiii'S  et  bien  recoiiuaissaliles.  (''est  la  descripilii>u  <b' 
l'alVectioii  idiopal  hii|ue  (jui  occujie  la  [dace  principale  de  la  deuxième 
p.iiiie;  les  coiifusions  symplonialiiiues  ne  doniiaut  lieu  qu'à  une 
i''nuni(''ialiiui  rapide  ipi'il  (''lail  pouilant  né(U'Ssaire  de  faire  atin  de 
j)ouvoir  élablii'  \v.  diagnostic  de  lalVecliou  idiopalbitpie. 

Dans  la  symplomatologie  de  la  confusion  nn-ntale,  alleclion  idio- 
palliique,  on  doit  successivement  décrire  la  pc'-riode  d'incubation,  le 
début,  la  pt'iiode  d'iMal  sous  sa  l'oiiue  complèle  et  moyenne  et  les 
dinV'icnIs  modes  de  lerniinaison.  Dans  la  piM'iode  d'état,  l'examen 
clini<iue  du  malade  doit  èlre  l'ait  aussi  bien  au  point  de  vue  mental 
(pi'au  point  de  vut^  sonuitique  :  l'asjtecl  du  patient,  ses  actes,  ses 
par(des,  son  expression  dénottuit  avant  loul  la  présence  prédomi- 
nanle  du  sym[itôme  confusion,  c'est-à-dire  de  rincoordin.dion  de  Ions 
les  processus  psychiques,  accom|>agné'e  de  leur  alfaiblissenu'ul.  On 
peut  voir  s'y  joindre  des  idées  di'-liranles,  des  illusiiuis,  des  halluci- 
nations très  variables,  des  variations  brusques  dans  le  ton  émotionnel 
et  dans  la  rapidili'  a|qiarenle  des  |uocessus  intellectuels,  l'aiallèle- 
ment  à  ces  Irouldes  mentaux  existent  des  troubles  somatiques  dont 
la  c;iracléiisti([ue  est  l'airaiblissement  giMiéralist',  ré|)uiseunMit,  la 
dénutrition,  (juebpiefois  avec  des  symplônn-s  ([ui  jappellent  une 
infection,  la  {laralysie  générale  ou  la  méningite.  La  marche  et  la  durée 


TROUBLES   DE   l'IiNTELLTGENCE,    DE   LA    VOLONTÉ,    ETC.  907 

sont  très  variables;  les  terminaisons,  annonct;es  souvent  par  une  crise 
(Sauze),  peuvent  être  la  guérison,  un  état  de  confusion  clironi(]ue,  la 
démence,  la  mort  qui  peut  être  amenée  par  une  complication.  A  côté 
de  cette  foi-me  complète  et  moyenne  on  peut  en  distinguer  d'autres  : 
le  délire  de  collapsus  (H.  Weher,  Krfopeliu),  la  démence  aitriië  (agitée 
ou  stuporeuse),  la  confusion  mentale  légère  (slupiditt'  lé-gère  de  Dela- 
siauve),  enlîn  les  formes  typhoïdes  ou  méningitiques. 

Toul  un  chapitre  est  rempli  jiar  l'élude  de  la  psychologie  patholo- 
gique. Après  avoir  exposé  successivement  les  conceplions  de  Meynert, 
d'Aschafl'enhurg,  de  Ki'œpelin,  de  Ziehea,  sans  avoir  pu  résumer 
celles  de  Friedmanu  ilont  le  livre  sur  le  délire  venait  à  peine  de 
paraître,  l'auteur  cherche  à  faire  de  cette  psychologie  palholngiiiue 
un  exposé  indépendant  de  toute  lliéorie  et  fondée  uniquement  sur 
une  analyse  clinique  exacte.  Le  fond  du  trouble  mental  est  essen- 
tiellement constitué  par  la  désagrégation  accompagnée  d'aulonudisme, 
mais  cette  désagrégation  paraît  plus  profonde  que  dans  n'importe 
(}uelle  autre  forme  mentale,  car  dans  l'hystinùe  l'automatisme  admet 
encore  un  certain  ordie  ;  dans  la  confusion,  au  contraire,  loul  est 
désordre. 

A  propos  de  la  psycliologi»-  |iallioli>gique,  .M.  ("diaslin  croit  bon  de 
mettre  eu  relief  ce  fait  (jue  le  symptôme  confusion,  qui  apparaît  dans 
la  confusion  mentale  idiopathique  (comme  aussi  dans  la  confusion 
î^y\n\)i(dmd{\i\\w) pvimilivement,  c'est-à-dire  indépendamment  de  tout 
autre  trouble  intellectuel,  jifut  dans  d'autres  formt;s  mentales  se 
])résenter  secondairement  à  la  suite  de  l'excitation,  de  la  production 
de  nombreuses  hallucinations,  etc. 

Par  suite,  le  diagnostic  de  ratlection  idiofiathique  est  souvent 
difficile  à  faire  avec  les  affaiblissements  congénitaux  ou  ac(piis,  la 
paralysie  g(''iiérale,  la  médancolie  (surtout  avec  stupeui',  ]>oui-  ne  p;is 
retomber  dans  l'erreur  de  l>aillarger),  etc.;  iMiliii  sinhiui  avec  la 
[)aranoïa  aiguë  et  les  délires  balluciiialniri^s. 

Le  pronostic  est  st'rieux,  car  la  mort  peut  survenir  sans  cniii|ili- 
catioii  ap|)arente. 

Dans  l'étiologie  il  faut  ailacliei'  une  iiii|nijlaiice  Iniije  jiarliculière 
aux  infections.  L'analomie  pallnilogique  est  encore  peu  cmiiiue. 

La  nature  de  la  confusion  menlaie  et  sa  placi;  dans  la  classifica- 
tion sontl'olqet  d'une  longue  discussion.  M.  (^iiaslin  montre  (pie  l'on 
abuse  singulièrement  du  mot  de  prédis|t(>silion  comme  explication 
unique  que  l'on  donne  de  la  genèse  des  Icduliles  mentaux. 

Il  semble  que,  coninie  |hiiic  les  maladies  m-iveuses,  au  lue  et  à 
mesure  (|ii'(iii  les  connaît  mieux,  les  causes  exté'iieuies  prennent  de 
plus  en  plus  d'impoilance  ;  en  d'aulies  termes,  dans  la  grande  majo- 
rité des  cas,  il  l'aul  la  co>///>i!"/(aîso«  de  la  prédis|iosilion  avec  un  agent 
extérieur  pour  (pie  le  truuiile  pathologique  soit  ciV;é  ;  piunlaiit  il 
paraît,  en  s'en  lenaiil  aux  tinuliles  nieiilaux,  ipie  ipiehpu^s-uns 
d'entre  eux  peuvent,  ,juM[u'à    plus  ani[de   inrurnii'',  être  considérés 


908 


ANALYSi:S 


comme  naissant  et  évoluant  on  (Iflims  de    loule  raiisc   exif'i  iciii'c 
particulière  nclueile. 

La  confusion  mcnlaif^  [uiniilivc  idi(iiiallii(ju('  ne  pcul  rlri*  consi- 
dérée comme  rendant  dans  ce  a;rou|ie  de  folies  ;  il  faut  ordinairenienl 
une  cause  exté'iii'urc  jinlpalilc  jinur  auiciu'i'  la  jutIui  iialinn  ]ialli(i- 
loiîique.  Celle  cause  extérieure  est  le  ])lus  souvcnl  iiih'  iiiriclioii. 
Il  faut  avoir  soin  de  remarquer  qui»  la  confusion  ninilalr  idicqia- 
lliique  n'est  pas  une  espèce  morbide,  une  maladie;  nous  ne  savons 
pas  encore  à  (jindles  maladies  elle  peut  être  i-a{tacii(''e  ;  on  ne  peul 
jusqu'à  préseni  l'envisaiiei'  ([ue  comme  affection,  (".rllc  alIVciidu  i-sl- 
elle  la  cons('M|uence  d'une  infeclion  m'^cessaire,  ou  liieii  esl-idle  le 
résultai  d'un  épuisement  /' 

Mal^n''  rinsuflisauce  de  nos  connaissances,  il  semble  lont  au 
moins  que  cette  afi'eci ion  dnil  (Mre  |ii<d'on(lément  sépai'ée  du  groupe 
des  folies  diles  endniiènes,  mais  il  est  impossible  d  allei'  \\\n>  loin  ; 
cette  an'eclion  parail,  tout  au  moins  clini<iuemenl,  assez  bien  di'di- 
mitée,  poui'tant  on  ne  saisit  pas  encore  clairement  les  iidalions  (|ui 
existent  entre  la  confusion  idiopatliiipie  d'une  jiarl,  el  danlie  pari 
cerlains  cas  de  délire  aii:u,  de  pai'alysie  g(''n»''rale  el  de  di'liir  balln- 
«inaloiie.  M.  (ihaslin  évite  soigneusement  de  confiuulre  ce  dernier 
avec  la  paraiKtïaaigui'.  La  psycbose  polyn(''Viili{[ue  doil  èlre  raliacln'-e 
à  la  ((infnsion.  L'auleur,  suivant  en  cela  Delasiauve,  fait  rentrer  dans 
la  c(infnsi(in  i(liii|iatlnque  le  (b'dire  de  collapsus  et  la  démence  aiguë. 
Ce  chapiii-e  abdotil  à  duiinei"  de  la  cenfnsiiui  iiienlaje  ]iiiinili\'e  idin- 
palliiqne  une  dT'Hiiil ion  (pii  i'(''sume  ce  (pn-  ("nn  |ienl  avancer  de 
cerlain  sur  ce  liouble  mental  (bnd.  le  fond  est  si  peu  cennu  encore. 

Pour  ('(unprendre  cette  di'linilion,  il  faut  se  l'apptder  enim*'  une 
fois  que  b'  mot  (b'  confusion  meiilale  ib-signe  un  synqiliiiiie  psy- 
eliiqne  pa  il  i<'id  ier,  el  l'expression  ronl'nsion  nienlale  piiniilive  idio- 
pallii(pie  (b'signe  un  ensenibb^  de  symptômes  c(ni>liluanl  une  alfec- 
lioii.  La  (b'Iinilion  propos(''e  est  la  suivanic  :  la  confusion  nn-nlale 
|ii  inniive  i<liopalbi(pH'  e>l  wui'  all'ection,  ordinal  remeid  ai  gin,  consi'- 
lulise  ,'i  laclioii  d'nne  cause  ordinaiicnienl  appri'ciabb',  en  gi''n(''ial 
une  infeclioii,  (pii  s(^  caractérise  ])ar  des  |ilii''iionn"'iies  soniaiitpu'S 
de  (bniulrilion  et  (b'S  pin'nomènes  m^nlaux  :  le  fond  essentiel  (b' 
l'cux-ci, n'-snllal  preniiei-  de  l'é'lat  somali<pn',  est  conslitU(''  jiai'  une 
bii'me  (ralTaiblisx'nn'iil  et  de  dissociation  inlellecinels,  coid'nsion 
ineiiljilr.  (pii  peni  èlic  accoin[iagni''e  on  non  <le  didii'e,  dbalhicina- 
lions,  d"agilali(ni  ou  au  conliaiic  dinerlie  moliice,  a\ec  ou  sans 
variations  inai(juées  de  r('lal  l'oiolionind. 

L'élxide  (In  IrailenuMil  Ici  mine  le  volume  :  on  doil  d'abord  s'adresser 
a  I  état  somali(pie  el  .M.  (lliaslin  iii--isle  >nr  le  maini  ien  i\\\  malade  an 
lil.  IN>ndanl  la  convalescence,  il  faut  a\(iir  en  oulre  recours  au  Irai- 
lemenl-  moial  dont  les  règles  ont  ('■!(''  Iiact''es  si  claii-emenl  pai' 
Sau/.e  m  18o2  dans  sa  Ibèse,  (pu-  mènu'  anjourd'bni  on  n'a  rit'u  de 
mi'Mix  à  faire  (pie  de  les  suivre  à  la  lellre.  L'iidei'prétation  de  ces 


i 


ÏUOUBLES   DE    L'INTELLIGENCE,    DE    LA    VOLONTÉ,    ETC.  909 

règles  amt'uc  aussi  M.  (".hasliii  à  ic|iuusscr  comme  imisihlt'  ]i(iur  le 

malade,    sauf   fxceptiou,    la  >('(jucslraliuu    daus   uu    asile   ou    uue 

maison  de  sanlé. 

Pu.  Chaslin. 

II.  MAUDSLEY.  —  Pathology  of  Mind.  (l'allioloiiie  de  l'espril.)  Vol. 
iii-8",  :j71  p.  Londres,  Macmillaii,  189o. 

Voici  la  i|ualiième  édiliou  d'un  livre  (jui  a  paru  poui'  la  lucmirre 
fois  en  1869,  dont  il  a  été  publié  une  traduclion  française,  et  qui  a 
exercé  une  aciion  profonde  sur  le  mouvement  jjsyclioloyique  con- 
temporain. A  ce  lilrt-,  comme  document  lnstorii|ue,  le  livre  restera; 
il  restera  aussi  pour  la  vivacilé  des  lajili'aux  (|ue  l'auleur  nous  a  ])ré- 
sentés  de  certaines  formes  de  l'aliénalion  nifulale.  Mais  la  doctrine 
a  fait  son  temps;  rauleur  croit  encore  que  les  Irouhlcs  de  l'esprit, 
ainsi  du  reste  (jne  ses  mauifestalions  uiunialcs,  doivent  trouver  une 
explicalion  dans  la  physiologie  rnali'riellc  du  cerveau;  s'il  fallait  se 
linriier  à  cette  exjdical  ion-là,  il  est  proiialde  qu'on  Tallcudrail  cucore 
louglemps. 

i:.  .NKJllSELLI.  —  Manuale  di  semejotica  délie  malattie  mentali, 
v(d.  H,  Milauo,  Fr.  Vallardi,  1  vol.  in-16  de  xviii-852  j».  avec 
77  lig.  el  XIII  lalilfs  jiliysiiniomiques. 

Ce  second  volume  paraît  plus  de  dix  ans  après  le  premier,  ('.elui- 
ci  avait  pour  sujet  l'examen  jjliysiologique  et  anlhropologi(jue  de 
Taliéué;  le  volume  II  traile  de  l'examen  psychologicjue.  Il  suffit 
d'indiquer  les  titres  des  différents  articles  dont  il  se  compose  pour 
en  montrer  rimportauce  théorique  et  pratique  ;  ce  sont  les  suivants  : 
importance  et  supériorité  clinique  de  TexanuMi  psychologi(|ue  ;  con- 
cepts fondamentaux  pour  l'examen  i)sycliique  ;  lègles  génitales  poui- 
l'examen  psychologique  des  aliénés;  procédés  de  recheiches  dans 
i"examen  psychologiipie  ;  \v.6  états  psycliiquc's  et  leur  expression; 
["as])ect  extérieur  de  l'aliéné;  son  langage;  sa  conduite;  généralités 
sur  l'aiiiilyse  de  l'e.-prit  ;  les  lioniiles  i^iMHMaux  de  la  c()nscience  ; 
les  Irouldes  de  l'inttdligence,  du  sentiment  et  de  la  volonté. 

l'.nlin  un  appendice  renferme  des  écrits  iraliiMU-s,  une;  note  liihlio- 
t;ra|diiqne  -ur  la  sém(''i(dogie  des  maladies  mentales;  [mis  en  derniei- 
lieu  des  leproductions  de  pliulogra[iliies  d'alié'ués. 

P.    CllASLIN. 

WFJî.NK.KF..  —  Grundriss  der  Psychiatrie.  Teil  I.  Psycho-physiolo- 
gische  Einleitung.  (!M('Mi>  de  [i^yiliialiie,  1"^  |iartie.  lui  r.Hinriiun 
psycho-physiologique.)  1  vul.  in-8",  80  p.,  1894.  Leij>/.ig,  Thieine. 

Le  psychiatri!  bien  connu  W'ernieke,  pi((|'e>seur  à  I5re>lau,  entie- 
prend  la  publication  d'un  cours  de   [isychialrie  ;  le  premier  cahier 


<J10 


ANALYSES 


osf,  consacré  à  (|Ut'I(iU('S  ([ucslioiis  [isyclioIiiuii[ucs,  los  autres  jfoiit 
pas  encore  |taru. 

I,a  |irriiii("'n'  i|iii'>liuii  ifiii  se  pose  dans  un  coins  c(nisacn'  à  un 
groupe  (le  m.iiiidies  est  de  (l(''tiMir  ce  groupe,  c'est  ainsi  (jur  Weiiiicke 
commence  par  donner  une  d('dini(ion  des  maladies  menlales  ;  la 
question  est  plus  dilticile  que  dans  le  cas  d'autres'  maladies.  Si  on 
considère  la  substance  du  cerveau,  il  y  a  des  parties  ([ui  sont  liées 
soit  à  des  organes  de  sens  soit  à  des  organes  de  mouvement,  toutes 
ces  parties  avec  les  fibres  qui  servent  pour  les  relier  aux  oi'ganes 
correspondants  ont  reçu  (hquiis  Meynert  le  nom  de  système  de  pro- 
jection :  mais  la  substanct;  du  cerveau  n'est  pas  uniijuement  formée 
par  ce  système  de  projections,  il  y  a  des  libres  qui  relient  entre  elles 
différentes  parties  dn  cerveau,  il  y  a  îles  portions  de  la  surface  cor- 
ticale qui  ne  sont  liées  à  aucun  organe  sensoriel  ni  moteur;  Wer- 
nicke  semble  l'oublier,  il  afiirme  (|ue  de  tout  jioiut  de  la  surface 
corticale  parlent  des  libres  ([ui  la  relient  à  des  organes  externes,  ce 
qui  est  contraire  aux  récentes  reclierclies  sur  Tanatomie  du  cerveau. 
Toutes  ces  parties  peuvent  être  groupées  sous  le  nom  de  système 
d'association  ;  une  maladie  mentale  est,  d'après  la  di'linilieiu  de  l'au- 
teur, une  maladie  de  ce  système  d'associations. 

Les  mouvements  jouent  un  rôl(!  des  plus  inqiorljints  dans  les  ma- 
ladies menlales;  eii  efîel,  ce  son!  eux  i|ui  nous  ren^eignenl  surréial 
des  processus  psycluipies  ;  il  faut  donc  toni  s|it''cialenienl  s'airètei- 
sur  les  mouvements  ([ui  sont  en  (luebpie  relation  avi'c  les  processus 
psyc!ii(pies.  I. 'auteur  partage  ions  les  mouvenu'nts  en  trois  groupes  : 
mouvement  d'expression,  de  réaction  et  d'inilialion. 

Les  mouvenu'uls  d'exiiressicni  sont  <:eu\  (pii  nous  renseignent  sur 
l'état  affectif  de  l'iiomme  ;  l'anieiu'  semble  S(!  rallie)'  à  la  lliéorie  des 
émotions  de  Lange  et  James,  il  admet  en  effet  qut,-  les  états  atfeclil's 
sont  la  conscience  des  sensations  organi(pu'S  et  cpie  les  mouvements 
d'expression  sont  n('Tessairemenl  li(''s  à  des /'molions. 

I^es  mouvements  de  réaction  sont  ceux  (|ui  se  produisent  à  la 
suite  d'impressions  extérienres. 

Enliu  les  nuuivements  inilialifs  sont  ceux  ([ui  sont  produits  san> 
impression  aucinie,  dune  manière  sftontanée. 

1,'auleur  (  loil  |ioii\nir  Lir'm'Taliseï' le  si'hème  de  l'aidiasie  :  lorscpie 
tiuebpi'uu  ((rononce  un  uuti,  (Ui  doit d'abonl  l'eutemlre,  reconiiailie 
que  c'est  un  mol,  c'est  Videnti/ication  primaire  ;  imis  il  faut  le  com- 
prendre, c'est  un  acte  su[iéiieur,  idenli/icatioii  secondaire;  de 
menu;  pour  les  uionvernenls  on  peut  distinguer  une  identilicaliou 
[U-imaire  et  une  secondaire;  les  cas  d'aphasie  nous  donneiil  i\r> 
[lertes  de;  ces  dillV-rentes  idenlilications.  Si  nous  considérons  xuw 
association  (|U(dcon(iue,  par  exeinphî  prononcer  le  nom  d'un  objel 
qu'on  voit,  nous  [touvons  distinguer  les  centres  suivants  :  d'abord 
un  ceii[|-e  .s  (rideiililicilinii  piiniaiie  où  la  sensali(Ui  visuelle  alunilil. 
puis  un  centre  A  dont   la  liaison  ;ivec  s  représente  l'association  de 


I 


TROUBLES    DE    l'iNTELLIGENGE,    DE    LA   VOLONTÉ,    ETC.  DU 

ridée  de  l'objet  avec  l;i  sfiisaliuii,  [mis  Z  un  c<'ii(rc  ddiit  dépend  lu 
suite  ordonnée  dc^  niouvenicnls  (rail iciilal ion  du  nom  de  l'tdtjel, 
et  m  un  centre  dont  dépendtMit  les  mouvements  des  muselés  d"aifi- 
culation.  Nous  avons  donc  en  présence  deux  centres  s  et  m  (jui  foui 
partie  du  système  de  projections  et  puis  des  centres  d'association.  La 
maladie  menlalc  ]ieut  allcindrc  Tune  des  Irois  voies:  sA,  AZ  ou  Zm; 
les  désordres  apportés  sont  de  trois  sortes  :  ou  Meu  abolition  de 
lonction,  ou  auiimcntalion  de  la  fonction  ou  enfin  cliaiigenient  de  la 
l'onction;  de  là  résultent  tous  les  cas  possibles  île  changements  qu'on 
observe  dans  les  maladies  mentales;  l'auleur  partage  donc  tous  les 
symptômes  des  maladies  mentales  en  trois  groupes  : 

l'si/chosensoriels.  Vsijclujmoleurs.  In  Irapsf/chicj  (tes. 

Anesthésie.  Akiaésie.  Afonction. 

Hyperesttiésie.  Ilyperkinésie.  Ilyperfonction. 

Parestliésie.  Paralcinésie.  Paral'onctiou. 

Toute  une  leçon  est  consacrée  par  l'auleur  à  la  mémoire  et  sur- 
tout à  la  difîérence  entre  les  images  mentales  et  les  perceptions.  Les 
images  mentales  sont  localisées,  d'après  l'auteur,  dans  les  mêmes 
«■entres  que  les  sensations. 

La  comparaison  entre  l'image  mentale  et  la  sensation  est  laite 
surtout  pour  les  sensations  visuelles  parce  qu'ici  on  a  une  possibilité 
de  comparer  l'image  mentale  avec  l'image  consécutive.  Les  diffé- 
rences existant  entre  ces  images  sont,  d'après  l'auteur,  les  suivantes  : 

1°  L'image  consécutive  est  intermittente,  l'image  mentale  ne  l'est 
|ias;  ceci  n'est  pas  exact,  car  l'image  mentale  est  également  inter- 
mittente; si  on  cherche  à  la  maintenir  longleni]is,  elle  oscille,  tantôt 
devient  nette,  tantôt  disparaît  presfjue  complètement;  2o|a  première 
est  projetée  au  dehors,  la  deuxième  m;  l'est  jamais  ;  il  y  a  pourlant 
des  personnes  <iui  peuvent  ])rojeter  au  (bdiors  une  inuige  mentale. 
Ces  différences  sont  expliquées  par  l'auteur  par  le  fait  (|ue  les  images 
mentales  sont  liées  à  des  centres  qui  pré'senleiil  des  lihres  d'asso- 
ciation, tandis  que  les  images  consécutives  sont  liées  à  la  rétine  où 
il  n'y  a  pas  de  fibres  d'association  ;  ceci  est  encon;  inexact,  les  der- 
nières recherches  de  Ramoa  y  Cajal  '  ont  monti't'  qu'il  existi;  dans 
la  i<''iiiie  des  «  cellules  horizontales  internes  »  qui  envoient  des  rami- 
tications  dans  différents  sejis  et  (pii  seinhlenl  ne  servir  ([u'à  la  liai- 
son des  diflerentes  régions  de  la  rétine  entre  elles. 

Nous  avons  déjà  mentionné  (jue  l'auteur  admet  ([ue  h.'s  ét,ats  affec- 
tifs consistent  dans  des  sensations  organi(|ues.  Ces  sensations  oi'ga- 
iii(iues  jouent  (fapr  es  lui  un  rôle  tiès  inqHutant:  huile  sensation  est 
accompagnée   de  certaiu<'S  sensations   organi([ues,  (jui   l'oiiiK'nt  ce 


(1)  Voir  R.  y  Cajal.  f.i'.s  noaceUes  idéea  sur  la  straclnre  du  siiaU-iiu;  ner- 
veux. Paris,  1894,  p.  116. 


912  ANALYSES 

(|ii\)u  a|»|K'llc  le  (imbrc  {Gefifhlslo)i)  do  la  sonsation  ;  ce  linibre  c'esl- 
à-dirc  ccL  allrihul,  ([iii  (luiiiic  à  Iniilo  sensation  nu  caracirie  jilus  on 
moins  agiéublf,  scil,  d'après  lauleur,  dans  h;  cas  de  sensalions 
tactiles  et  visuelles  à  la  localisation  de  ces  sensations  ;  c'est  ce  ([ui 
constitue  le  signe  local  des  sensations  ;  nous  ne  comprenons  altsolu- 
ment  pas  comnnnit  de  ce  ({u'un  contact  est  |ilus  ou  moins  agréable 
on  peut  conclure  quelque  cliose  sur  le  lieu  où  le  contact  se  produit  ; 
voilà  une  théorie  bien  étrange  ([ui  n"est  fondée  sur  aucun  fait 
fxpérinieiilai. 

Les  sensalions  sont  toujours  accompagnées  de  ce  linibre,  c'est 
pova-  cela  i|u"clles  sont  localisées  dans  l'espace;  les  images  mentales 
au  contraire  ne  sont  pas  liées  au  timbre,  elles  ne  sont  par  suite  pas 
localisées  dans  l'espace,  telle  est  Texplicalion  cuiueuse  que  l'auteur 
nous  donne  (p.  46). 

i.onguemeut  l'auteur  parle  du  contenu  de  la  conscience,  il  dis- 
tingue une  conscience  de  l'extérieur  {dci'  Aussonvctt),  une  cons- 
cience ducorpsetmie  conscience  de  la  personnalité.  Les  expositions 
de  l'auteur  sont  souvent  métapliysi([ues,  elles  ne  sont  pas  claires, 
nous  croyons  donc  ne  pas  devoii'  nous  y  arriver. 

En  résum»'-,  les  parties  les  plus  originales  sont  celles  relatives  aux 
mouvements  el  aux  symptAines  d(^s  maladies  mentales. 

N'icTou  Henri. 


XV 

NÉCROLOGIE 

CAI.MKIL 

Le  docteur  Louis-Floke.\ti.\  Calmkil,  le  doyeu  des  alù'iiistes  fran- 
çais, est  mort  à  Fonteiiay-sous-Bois,  le  H  mars  1895.  >'é  à  Poitiers, 
le  9  août  1798,  il  vint  terminer  ses  t'tudes  médicales  à  Paris,  et  fut 
attaché  pendant  plus  de  cinquante  ans  àCharenton,  comme  inlernc, 
comme  inspecteur,  comme  médecin-adjoint  et  enfin  comme  médecin 
en  chef.  Ses  travaux  ont  été  nombreux  ;  citons  Vépilepsie  étudiée  sous 
le  rapport  de  son  siège  et  de  son  influence  sur  la  production  de  V  aliénât  Ion 
mentale,  thèse  de  uK-decine  (1824)  où  il  a  étudié  spécialement  Vétat 
(le  mal;  De  la  paralysie  considérée  chez  les  aliénés  (182G);  de  nom- 
breux articles  dans  le  Dictionnaire  en  trente  volumes;  De  la  folie 
considérée  sous  le  point  de  vue  pathologique,  philosophique,  historique 
et  judiciaire,  depuis  la  Renaissance  des  sciences  en  Europe  jusqu'au 
xix"  siècle  ;  Traité  des  maladies  inflammatoires  du  cerveau  (18o9).  Il 
a  contribué  à  faire  connaître  la  paralysie  générale  des  aliénés,  et 
employé  un  des  premiers  le  microscope  pour  l'étude  des  lésions  du 
cerveau. 

T. -II.   lirXLEYi 

N'é  le  4  mai  1825,  à  Kaliiig,  pi'lil  village  des  envirmis  dr  Londres, 
il  lil  à  viimt  ans  un  voyage  di'  ijiialri'  ans  autour  de  l'Anslialic  sur  li; 
Halllesnake,  fut  ai>pe](''  à  une  cliaiiv  de  professenr  d'hisloire  natii- 
n-lle  à  Londres  en  1854.  A  ce  i)ostc,  il  enjoignit  une  foule  d'autres, 
professeur  de  physiologie  à  la  Royal  Institution,  professeur  d'anatn- 
mie  au  Royal  collège  of  Surgeous,  président  de  la  Société  géologique, 
r.'cleur  de  l'université  d'Al)erdeen,  membre,  secrétaire  et  enfin  pré- 
>i(lfnt  de  la  Société  Royale  de  Londres.  Il  s'est  retiré  de  la  vie 
putili([ae  en  1885,  et  il  est  mort  d"une  m'pluite  avec  troubles  car- 

(l)Les  détails  principaux  de  cotte  Cdiirtc  biblingrapliic  sonl  niipnintcs 
à  un  excellent  iulicle  de  IL  de  Varigny.  (Jiev.  ScieiiUflrita;  II  janvier  1890.) 

ANNÉE    PSYCnOLOGIf)UE.    II.  58 


91 4  NÉCROLOGIE 

diaques,  le  29  Juin  189b.  l'ciidaiil  sa  longue  carrière,  si  remplie  el. 
si  active,  il  a  mené  de  fronl  deux  espèces  de  travaux;  comme  zoolo- 
giste et  paléontologiste,  il  a  publié  beaucoup  de  reclierclies  qui  soni 
restées;  notons  ses  études  sur  les  Poissons  du  Dévonien,  sur  les 
Méduses,  les  Ascidies,  les  Mollusques  :  mais  il  s'est  surtout  fait  con- 
uaîti(--  du  grand  public  par  ses  travaux  pliiliiso]ihii[ues,  sa  défense 
du  darwinisme  et  ses  attaques  violentes  contre  les  dogmes  chrétiens. 
Les  psychologues  connaissent  son  essai  si  intéressant  sur  la  vie  cl 
sur  l'œuvre  de  Hume. 


Docteur  Daniel  HACIv  TLKE 

L'aliéniste  Hack  Tuke,  mort  en  mars  189;j,  était  né  à  York  le 
19  avril  1827;  il  avait  été  reçu  médecin  à  Jleidelberg  eu  18b3  ;  il  a 
été  «  lecturer  on  psychology  »  à  l'école  de  médecine  de  York  ;  en 
1857,  à  la  suite  de  graves  hémorragies  pulmonaires,  il  dut  abandon- 
ui'r  la  praliipie  médicale  et  se  retira  pendani  ([iiinze  ans  à  Falmouth  ; 
il  i^evint  en  1874  à  Londres,  fit  de  nouveau  de  la  clientèle.  Malgré 
une  santé  jtrécaire,  il  travaillait  et  écrivait  beaucoup.  Il  a  i)Ublié  un 
Traité  de  pathologie  mentale  (avec  Bucknill)  ;  un  Dictionnaire  de 
médecine  mentale,  etc.,  etc.  ;  son  livre  le  plus  connu,  (jui  a  élé'  tra- 
duit (Il  IVaiirais,  est  :  Le  corps  de  l'c-yu-il,  action  du  moral  et  de 
l'imagination  sur  le  physique  ;  c'est  un  ouvrage  qui  contient  un 
grand  numiire  de  faits  curieux  ;  mais  (-(unine  idées,  il  est  un  pt'u 
démodé. 

r.  A  R  T  II  K  LE  M  Y    S  A  L\T-  Il  II.  A  1  RE 

Né  le  19  août  180i>,  mort  à  Paris  le  4  novembre  189o,  RAiirmii.KMV 
SAi.NT-llii. \ii{K  se  raltaclic  à  la  pliildsiipliic  jiar  de  nombreux  écrits 
sur  les  religions,  les  Védas,  le  iJoutldliisnif,  le  Coran,  et  surtout  jiar 
sa  remai(piabli'  traduction  complète  des  Oeuvres  d'Aristole,  v(''i-ilable 
monuuKuit  de  science  et  de  patience.  Il  n'a  pas  eu  en  pliilosopliie 
de  système  ni  d'idées  bien  originales,  c'était  surtout  un  disciple  de 
Cousin. 


TROISIEME  PARTIE 

TABLE  BIBLIO&RÀPHIQUE 


I,  —  Études  d'ensemble'. 

A.   —  Manuels  et  traités   systématiques 

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[Voir  aussi  Ild,  Ylld,  VlIId.] 


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entwickelun'js'jcschichllichen  und  der  Deyenerationsmethode  mit 
Vivisectionen  fur  die  expcrimentcUe  Physiologie  des  Nervensysiems 
und  liber  die  Rolle  der  Zarten  und  Kleinhirnbundel  in  der  Glcich- 
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der  Grosshirnrinde  des  Mcnsclien.  Ganglion  ciliare.  Die  embryo- 
nale  Enlwickelung  der  Riic/;enniarkselemente  bei  den  Ophidiern. 
Die  Endigungsioeise  des  Gehornerven  bei  den  Replilien.  Die  Riech-  \ 
zellen  der  Ophidier  in  der  Rieclnchleimliaut  und  ini  Jacobson'sehen 
Organ.  Zur  Entwic/;elung  der  Zellen  des  Ganglion  spirale  acnslici 
und  zur  Endigungsweise  des  Gehornerven  bei  klen  Snugetieren. 
Kiirzere  Milteilungen  :  Zur  Kenntnis  des  Ependyms  im  menschli- 
chen  Rïtckenmark.  Zur  Erage  von  den  frciet  Nervenendigungen  in 
den  Spinalganglien.  Ueber  die  Endigungsiveise  der  Nerven  an  den 
Haaren  des  Menschen.  Einige  Beitriige  zur  Kenntnis  der  intra- 
epithelialen  Endigungsweise  der  Xervenfasern.  Zur  Kenntnis  der 
Endigungsiveise  der  Nerven  in  den  Zdhnen  der  Sàugetiere.  Die 
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946 


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ben  nicht  in  eia  und  derselben  Lage  der  Xetzhaut  statt  .^  Arch.  f.  d. 

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V.  Ueber  die  im  eigenen  Auge  sv-htbare  Bewcgung  der  Pigment- 
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[Voir  aussi  IIIc,  IVa,  Vie] 


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[Voir  aussi  IlIe.J 


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[Voir  aussi  Ville.] 

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(Voir  aussi  IVrt,  \g.) 


E.  —   Durée  et    intensité 

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9o4  TABLE    BIBLIOGRAPHIQUE 

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786.  Bradley.  Iii   What  Sensr  are  Psyehical  States  Exiended  y  Mind, 
N.  S.  IV,  225-230. 

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(Voir  aussi  Vf.) 

F.   —   Perception   de    l'espace,   tejips 

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[Voir  aussi  Va,  Ve,  \\i.  Vie.] 


(i.   —    Raisonnement    et    croyance 

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[Voir  aussi  le] 


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Music.  Mind,N.  S.  IV,  28-35. 

[Voir  aussi  VIb.] 


VII.  —  Mouvement  et  Volition. 

A.    —    Généralités,    mouvement,    fatigue 

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and  Sensori/  Centres  to  Voluntary  Movements.  Proc.  Iloy.  Soc, 
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"986.  Kiesow  (F.).  Versuchemit  3Iossos's  Sphygmomanomcter  iiber  die 

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in  Arch.  ital.  de  BioL,  XXII,  198-211. 
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Influence  of  Sensory  Nerves  upon  Movement  and  Nutrition  of  the 

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,3 
964  TABLE  bibliograpiiiouh:  i 

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on  tlie  Eye  Movements.  Oplithalm.  Rev.,  XIV,  247. 

993.  Santessûn  (C.-G.).  Einige  Bemerkungen  iiber  die  Ermiidbnrkeil 
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Arch.  f.  Phys.,V,394. 

994.  Thurston  (R.-H.).  The  Animal  as  a  Machine  and  Prime  Mover. 
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99o.  VuiLLAUME  (M.).  La  photographie  parlante  et  animée.  Rev.  En- 
c}-clop.,  V,  (II),  oo-GO. 

[Voir  aussi  Va.  VIb.] 


/>'.     —    Fo>CTIONS     PARTICULIÈRES 

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*1001 .  Prever  (W.).  Zur  Psychologie  des  Schreibens.  Ilamburg  and 
Leipzig,  Voss.  p.  230. 

1002.  SciiooLiNG  (J.-II.).  Wrilten  Gesture.  Ninleenlh  Cent.,  XXXVI, 
477-490. 

1003.  Weeks.  Recherches  phonétiques.  Année  psychol.,  I,  174-180. 

[Voir  aussi  VIb,  VIIc] 


TABLE    BIBLIOGRAPHIQUE  965 


C.    —    Instinct,    oipulsion 

1004.  Gavanescul  (T.).  Tkc  A  Itruistic  Impulse  in  Man  and  Animais. 
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1008.  Tarde    (G.).    Les    lois   de    l'imilation.    2'-'    éd.    Paris,   Alcaii. 
p.  xxiv  +  428. 

1009.  Weber  (L.).  Remarques  sur  le  problème  de  Vinslinct.  Rev.  de 
métaph.  et  de  mor.,  III,  27-59. 

D.    —  Ethique    et   conduite 

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p.  XX  +  378. 

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1016a.  Jones  (L.).  Siiminarg  of  Tolmrskig's  «  liise  and  Development 
of  the  Moral  Feelings  ».  Psychol.  Rev.,  II,  522-524. 

1017.  Mackenzie  (J.-S.).  Self-Assertion  and  Self-Denial.   Int.  J.  of 
Eth.,  V,  273-295. 

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1021 .  SiMMEL  (G.).  S/iizze  einer  Willoistheorie.  Ztsch.  f.  Psychol.,  IX, 
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960  TABLE    BIBLIOGRAPHIQUE 

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1022a.   SoLOViEFF  (V.-S.j.  Sur  les  fadeurs  phydqucs  de  la  conduite 

droite.  Voprosi  Phil.,  VI. 
10226.   SoLOViEFF  (V.-S.j.  Sur  la  vertu.  Voprosi  Phil.,  VI. 

1023.  Stiegutz  (T.).  Ueber  den  Ursprung  des  Sitllichen  und  die  For- 
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'"Voir  aussi  Ild,  Ile.l 


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mann,  p.  40. 

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1028.  Bowden  (E.-M.).£;</iics,  Theoretical  and  Applied.  Philos.  Rev.. 
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(Diss.)  Griefswald,  J.  Abel.,  p.  65. 

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u.  phil.  Kr.,  CV,  161-177. 

1032.  Chrysostom,  Brother.  The  Freedom  of  the  Will.  Psychol.  Rev.. 
II,  157-108. 

M033.   Fouillée  (A.).  Les  abus  de  V inconnaissable  en   morale.  Rev. 

Philos.,  XXXIX,  457-481.  i|| 

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1035.  Y.    GizvcKi    (G.).     Vorlesungen    iiber    soziale    ElhiL    Berlin. 
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1037«.   IIiBBEN.  Ik'view  of  liccent  Literature  on  Ethics.  Psychol.  Rev., 

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1038.  llvsLOP   (J.-IL).    Eléments    of    Ethics.  New-York,    Scribners,  ç\ 
p.  vu  -I-  470. 

1039.  IIvsLoi'.  Mr.  Tlilc/bie  on  Frce-Will  and  Responsibiliti/.  Int.  J. 
or  Elh.,  VI.  101-103. 


i.fi 


TABLE    BIBLIOGRAPHIQUli;  9(57 

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mer»r  et  Go,  p.  71. 

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Sclirift.,  Leipzig. 

1048.  RiTGHiE   D.-G.  .  Free-  Will  and  Responsibilily .  Int.  .J.  of  Eth..  V, 
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1052.  TiiON   0.].  Die  Grundprinzipien  der  Kanlisclien  Moralpldloso- 
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1053.  TiKYiN  ,S.'.  Die  Lelire   von  den    Tuyenden  und  Pfiichlen  hei 
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of  Eth.,  VI,  97-101. 

1056.  WiLDS   ^N.  i.    The   Question   of  Aulhoritij  in    EarUj    English 
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[Voir  aussi  le,  llla.] 


VIII.  —  Psychologie  anormale  et  pathologicxue. 

.1.  —  Généralités 

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C.  —  Désordres  de  la  sensation,  de  la  perception 

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i-. 


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[Voir  aussi  Va,  Vb.] 


.*^ 


IXDEX   DES  AUTEURS 


Aars. 

591 

Bach. 

540 

Abel. 

1185 

Bâche. 

783 

Abelsdurfl'. 

538,  561 

Baer. 

342 

Abaey. 

592 

Baels  (de). 

1062 

Aceves. 

339 

Baldwin.   22, 

23,  81,   137 

,  212,   213, 

Achter. 

1025 

28  i. 

757,  784,  792 

,  793,  1027 

Adams. 

1186 

Balfour. 

827 

Adickes. 

10,  17 

lUllaulî. 

941 

Aiguan. 

658 

Baquis. 

1189 

Aikias, 

204 

Barduel. 

1189 

Ajani. 

996 

Barkaii. 

1307 

Alaux. 

125 

Barnes. 

214-216 

Albee. 

1026 

Bariis. 

217 

Alberlolti. 

593 

Barr. 

1259,  1260 

Aldertoii. 

659 

Barth. 

794 

AUbalt. 

10.57 

Barthez. 

942 

Allen. 

719,  720 

Bastiaii  (A.)- 

285 

Allier. 

283 

Bastian  (ll.-C 

•)• 

976 

Allin. 

755 

Bauingarlher 

850 

Alling. 

1187 

Beach. 

1261 

Alt. 

1188,  1306 

Beaunis. 

24 

Alzheinier. 

594 

Beau regard. 

375 

Amberg. 

705 

Bechterew  (v 

).  376, 377, 430.  457,885, 

Angiolella. 

340 

977,  1063, 

1064,  1308 

Anttm. 

18,  539,  1058,  11.50 

Bectz. 

1190 

Apel. 

849 

Begou. 

1010 

Arleth. 

19 

Bell. 

1191,  1309 

Ariiistrong. 

20,  21 

Bclloni. 

886 

Arndt. 

1059 

Belot. 

286 

Arnhart. 

99 

Beiiedikt. 

101 

Arnoux. 

126 

Benigiii, 

722 

Arréat. 

756 

Bergel. 

595 

Aschall'enburg. 

1256,  756  a. 

Bergciuaun. 

758 

Asher. 

1060 

Berger. 

1310 

Athius. 

721 

iJergriiaiin. 

851, 

1065.  1311 

Aueibach. 

1061 

Bernard  ini. 

1261 

Avenarius. 

100 

Bernés. 

287,  288 

Axenfeld. 

1151 

Beriilieiiu. 
Bernslein. 

1312,  1313 
660 

Babcock. 

1257,  12.58 

Belliuaiin. 

706 

Baca. 

341 

Bettoni. 

458 

<)86 


INDEX    DES   AUTEURS 


Beyer. 

1192,  1193 

Bruni. 

346 

Blanchi. 

343,  459,  1314 

Brunner. 

662 

Bie. 

943 

Bryan. 

221 

Biedermann. 

378 

Brvaut, 

910 

Biedl. 

431 

BnVk. 

762 

Bielscho-^sky. 

460 

Buckiiian. 

200 

Bierens  de  lla.in. 

828 

Bllllrli. 

1267 

Billruth. 

944 

BurUhardt. 

947 

Billet.  24.  82,  289,  290 

379,  723,  759, 

Burol. 

1317 

760, 

795,  945.  1066 

Burton. 

663 

Bjurnstrniii. 

1315 

Buschan. 

27 

Black  (C). 

344 

Busse. 

854,  1031 

Black  (J.-S.). 

218 

Bûtow. 

141 

Blé. 

1211 

Butzke. 

763 

Blcch. 

661,  1194 

BliioiiilieM. 

291 

Calkins. 

83,  84,  222,  587 

Bliini. 

432 

Caïuiolo. 

664 

Boas. 

138,  219,  292 

Cauiidioll. 

468 

Bobnrykin. 

946 

Cannicii. 

543 

Bochefuntainc. 

461 

Capesius. 

28 

Boegle. 

139 

Carlilc.                   29, 

855,  lOil,  1012 

Boliiner. 

907 

Carus. 

380 

Boirai- . 

724 

Castcllino. 

469 

Biinaniio. 

345,  908 

Cattell.  142,  293,653 

,  682,  764.  786^/. 

Bonjour. 

1316 

Cavazzani. 

1197 

Bonnier. 

.541,542 

Chabot. 

658 

liorri. 

1067 

Ciianiberlain. 

911 

Bunittaii. 

433 

Charcot.     470,  471, 

1153,   1163,  1319 

Bc'SMiiqiiet. 

852 

Charrin. 

11.54 

Bourdon. 

761 

Chasiin. 

1069,  1268 

Bonrneville. 

1263,  1265 

Chcrviu. 

1155 

lîniirrii. 

1317 

(^lirisniann. 

223 

lînllIl'dUX. 

127 

Christensen. 

1070 

iiciwden. 

1028 

Chrysost(un. 

1032 

Bowles. 

909 

Chud/inski. 

472 

Bover. 

1265 

daiborae. 

887 

Bradley. 

128,  785,  786 

Clavièrc. 

696 

Braniwell. 

1221 

(:lo(|U('t. 

948 

Brandis. 

462 

(llozicr. 

1320 

Brandt  (F.-B.). 

25 

Co^MU'lli  de  Marliis 

1071 

Brandt  (G.). 

853 

Collet. 

434 

Brascli.' 

1152 

Ctdlineau. 

473 

Brassert. 

1266 

Collozza. 

224 

Braune. 

997 

(>oliiian. 

1185 

Brennclcain. 

1029 

ConslanI  inescu. 

441 

Breuor. 

1318 

Coula. 

143 

Brissaud. 

1068 

Contejean. 

455.  474 

Broadbcnt. 

463 

Copc. 

144,  381 

Brocckaert. 

464,  465 

Coronat. 

596 

Brooks. 

26. 140 

Coster  (de). 

707 

Brosius. 

1195 

Courtenay. 

998 

Brown. 

978 

Courtier. 

945 

Bruce  (A.). 

466 

Cowell. 

225 

Bruce  (L.-C). 

467 

Coyne. 

543 

Bruck. 

681 

Cox. 

1072 

Bruinine- 

1196 

Cramer. 

1198,  1199 

Brunotiére. 

220,  1030 

Cranz. 

829 

INDEX   DES   AUTEURS 


987 


f'.rawlry. 

294   ' 

Durand. 

1325 

('.rei,i.'hliMi. 

830 

Durante. 

1078 

(Irépieux-Jainin. 

912   1 

Diirklieim. 

301 

Crichton-Bruwn. 

736  ! 

Diitil. 

456 

Crothers. 

295   ' 

Duval. 

383 

Cu  11  erre. 

347. 

1073 

Van  Dvek. 

1326 

(kitler. 

1200 

Dyde.  ' 

145 

C.uyer. 

913 

(àiylits, 

132J    î 

Eaton. 
Ebbinphaus. 

600 
103 

1). 

737   ; 

Eberliard. 

799 

D'Abundo. 

348, 

1074 

Eckhard. 

545 

Dagoiiet. 

1201, 

1269   ' 

Ediniier. 

384 

478 

Dauiiillon. 

1075  : 

Elfertz. 

1327 

Daluiis. 

1202   i 

Egger. 

738 

Dalby. 

1203   ! 

Einthoven. 

601 

Dallemagrne. 

1270   1 

Eleuthempulus. 

858 

Dam  111. 

1076 

Ellis. 

739 

Dana. 

1077 

Engelmann. 

385 

Daniels. 

765 

EDgelnieyer  (de). 

708,  831 

832 

Danilewsky. 

435   i 

Epstein. 

654 

Darkjcvitch. 

296 

Erdniann. 

31 

Darzeas. 

597 

Ennacora. 

725 

,726 

Danriac. 

297 

Ermoni. 

104 

Dehierre. 

349 

Erny. 

86 

Deci-dix. 

1322 

Errera. 

740 

Deliio. 

416 

Essarts  (des). 

146 

Dejerine  (J.)- 

475,  476.  1156, 

1157 

Eiicken. 

32 

Dejerine  M'"". 

475 

,  476 

Enlenburg. 

1079, 

1080 

Delabarre. 

85,  ô 

98  a. 

Ewald. 

547 

Delape. 

147 

Delbonif. 

856 

F. 

602 

Deniôor. 

226 

Fark. 

/ 

769 

Denhart. 

1158 

Fackeuthal. 

227 

De  Sanctis. 

748 

,  766 

1,  33 

.  951 

De  Silvestri. 

350 

Fajersztajn. 

437 

Dewev. 

871 

,  814 

Falckenbert;. 

800 

De  Wulf. 

949 

Fano. 

915 

Dill. 

1323 

Farraud . 

77 

Diller. 

1324 

Feist. 

1273 

DissarJ. 

749 

FelUin  'E.). 

228 

Dixon  (A.-F.). 

430 

Felkln  (ll.-.M.).      ■ 

228 

Dixon  (E.-T.). 

796 

,  950 

Feikin  (U.-W.). 

1204 

Diieicl. 

544,  545 

Fcré.               34,201, 

202,  351, 

1159. 

Donalilson. 

382,  477 

Fergiisnn. 

229 

Diiriiif^. 

1013 

Ferra  nd. 

479 

.  7il 

Dnruian. 

102 

Ferrari  (C). 

105 

,  859 

Dorner. 

1014 

!   Ferrari   G.-M.). 

952 

Drewry. 

1271 

Ferrcrc).  343,  352,  30 

i,  770,  833 

,  916 

Drott."^ 

598 

1    Ferri(E.). 

353 

Dubor. 

30 

1    Ferri  (S.). 

771 

Dnbosq. 

.599 

Ferriani. 

354 

Duckworlh. 

298 

Ferrier. 

480 

Diigas. 

299,  300,  707,  857 

'    Firalbi. 

148 

Diuiias. 

797, 

1272 

Fick. 

548 

,  979 

Diuiiont. 

768 

Finzi. 

726 

Diiiian. 

605,  798 

Fisi'her. 

997 

988 


INDEX    DES    AUTEURS 


Fisher. 

230   ' 

(idudard. 

1338 

Fite. 

106 

Gorton. 

1277 

Fitz. 

801 

Gowers. 

1207 

Flechsig. 

386,  481 

Grabhaui. 

153 

Flciuing. 

417,  418 

Gradenigd. 

606,  1339 

Fldiirijoy. 

302,  :j88,  (183 

Gradie. 

1208,  1066 

Flower. 

231,  727 

Graefe. 

1160 

P'iûgel. 

917 

Grafé. 

774 

Fogazzaro. 

303 

Graflïinder. 

742 

Forel.                  3! 

<7.  1-274,  1328,  1331 

Grashey. 

1340 

Fornelli. 

232 

Grasserie  (de  la^. 

30c 

Foster(II.-M.). 

149 

Greef  (R.). 

1209,  1210 

Foster  (M.)- 

388 

Greef  (de). 

306 

Fouché. 

980 

Green. 

1323 

Fouillée. 

lOIo,  1033 

Greenlees. 

1278 

Francis. 

1081 

Greideuberg. 

1161 

Fraiicke. 

580 

Griesbaeli. 

684 

Franklin. 

003,  604,  604  a. 

Gritling. 

685,  686,  889 

l'Yanz. 

605 

Grilliths. 

355 

Frpge. 

860 

Grig-orescLi. 

440,  441 

Freud. 

1205 

Grivean. 

667,  954  a 

Frcuud. 

1082.  1206,  1318 

Groddeck. 

1279 

Frey  (v.). 

888 

Grosglik. 

483 

Friedinann. 

304,  1275 

Grossmann. 

1341 

Fruit. 

1304 

Grote. 

1016 

Fuchs  (F.). 

1332 

Gruenbug. 

687 

Fuchs  (S.). 

438 

Griitzner. 

552 

]-'nllertoD. 

35 

Guibert. 

1211 

Guillery. 

607 

(jaltdii. 

150,  834 

GuilldZ. 

1212 

(iart)ini. 

606 

Gupta. 

863 

fiarrjair. 

772,  835.  860  a. 

Giirney. 

728 

<jarnauit. 

549 

Gurrieri. 

356 

Garnier. 

1083,  !333 

Gutberlel. 

787 

Casser. 

151 

Guthrie. 

1213 

Gates. 

836 

Gutzniann. 

234,  1162 

Gattei. 

482 

GauUieur. 

1334 

Ilaab. 

655 

Gavanescui. 

1004 

llaaeke. 

38,  154 

G  av. 

1335 

Ilaan  (Bierens  de). 

828 

(Jerliardt. 

439 

llacks. 

864 

(îerlach. 

1276 

Iladden. 

667 

<îeiling. 

1336 

Hall. 

235 

Germain. 

953 

llalleek. 

837 

(îessuiann. 

1337 

llallion. 

1163 

(Jeycr  (().). 

36 

Ilanilin. 

803 

Geycr  (R.). 

802 

Ilaunnerberg. 

1280 

Giessler. 

773 

Ilamon. 

357 

Gilbert. 

233 

Ilaneock. 

981 

Girondin. 

1084 

Ilanot. 

155 

Gizyrki  (v.). 

37.  1035 

Ilansen. 

890 

GiMclin. 

.550 

llanstein  (v.). 

1214 

<".neisse. 

1036 

Ilarris. 

39 

Gddwin. 

861 

Hartmann  (von). 

891 

Goenner. 

152 

Ilartog. 

203 

G(ddfi-iedricli. 

862,  954 

Ilartwell. 

1164 

Giddiug-Bird. 

551 

Harvev. 

1215 

INDEX    DES   AUTEURS 


989 


liasse. 

442 

Ireland. 

1086 

H  avérait. 

156,  157 

Irons. 

919,  921 

Ilazeltine. 

1072 

Italo. 

956 

Ileiberg. 

1108 

Izoulet. 

309 

Ilemrich. 

87 

Ileller. 

12IG.  1217 

Jackson. 

488.  I0S7,  1221 

Ilelniholtz  (v.). 

609 

Jack. 

984 

Henri.               236, 

759,  760,  804,  960 

Jacob. 

39a 

Henry. 

610-612,  955,  982 

JarU. 

957 

Ilenschen. 

484 

Jaesche. 

61 

llerbst. 

158 

James. 

775,  728  a 

Ilerek. 

671 

Janes. 

1840 

Ileriiig. 

612,  1218 

Janet.                    44, 

1350,  1351,  1378 

Ilerrick. 

237,  485 

Jansen. 

1165 

Ilerniarm. 

865,  999 

Jastro-vx-. 

88 

Ilerter. 

614 

Jelgersma. 

391,  392 

Hertz. 

1 28 1 

Jensen. 

419 

Ilerz. 

1085 

Jérusalem. 

8G6 

IIe.ss. 

892 

Joël. 

1088 

Ilewilt. 

307 

Johnson  (G.-E.). 

241 

Heyilner. 

238 

Johnson  (G.-L.). 

556 

Ilevnuins. 

805 

Jones  (E.-E,-t:.) 

1041 

Ilibben. 

759.  1037.   1037  a 

Jones  (IL). 

867 

Hilbert. 

580,  615 

Jones  (L.). 

1016  a 

Iliiisdale. 

239 

Juliusburger. 

1222 

Hippel  (von). 

1219 

Ilirsch. 

1342-1344 

Kaes. 

48» 

liirt. 

1.340 

Kahnis. 

10i2 

Hirth. 

486,  487 

Kam. 

490 

Hitzi^. 

1282 

Katz. 

.557,  618,  619 

Ilocti. 

708  a 

Kauders. 

13.52 

Hoche. 

443 

Kaulî'aiann. 

620 

Hiidge. 

204 

Keith. 

491 

Iloegeisberger. 

918 

Kerest. 

1353 

Ilofïding. 

40 

Kellner. 

688 

Ilcrtîinann. 

308 

Keraval. 

1285 

HOtler. 

709 

Kidd. 

985 

Ilolden. 

590.  1220 

Kiernan. 

358,  1089.  1354 

lidliues. 

983 

Kiesnw. 

689,  986 

Hunier. 

1345 

King. 

46 

Hosch. 

553 

Kircliner. 

â 

llotchkiss. 

41 

Kirschmann. 

621 

Howard  (J.). 

1346 

Klelller. 

107 

IIuward(\V.-L.). 

1347 

Klemiierer. 

492,  512 

HdWC. 

616 

Knight. 

47 

Iltidson. 

240 

Knory. 

1355 

liiUler. 

554 

Koch'(E.). 

868 

Hiigenschniidt. 

!3i8 

Kucli  ;j.-L.-.\.) 

48,  393 

Hughes. 

1283 

K.mIIs. 

868  a 

Iliighlings-Jackson.                         488 

.    Kiiganei. 

310 

Iliimbert. 

893 

KnhI. 

558 

Hume. 

42 

Kidiii. 

751 

Humphry. 

1284 

K.dier. 

1.59 

Hurst. 

555 

Koliiker  (v.). 

39  i,  49:i 

II  ver. 

1319 

Knnig  (.\.). 

622 

IIvslop  iJ.-H.j. 

2,  43,  1038.  1039 

;    K/.nig  (E.î. 

395 

Ilyslop  (T.-B). 

389 

j    Konig  (\V  ). 

122Î 

990 

Kctstcr. 

Xostliii. 

Kottgen. 

Kracpelin. 

Kraft-Ebiii/j  'v. 

Kraiisc. 

Krauss. 

Krecke. 

Krcidl. 

Krenser. 

Rries  (v.). 

Krohn. 

Kucera. 

Kiiline. 

Kiiliiieiiiann. 

Kiiithau. 

Kiil|ie. 

Kuptrer. 

K  (ire  lia. 

Kysney. 

Labiirde. 

Lachelicr. 

Ladd. 

Laelir(ll.). 

Lat'hr  (M.)- 

Lagrangf . 

Laiiiy. 

Laiiduiaiin. 

Laiii;. 

Limge . 

Laiif,'c  (K.-A.) 

Laniiiiis. 

Lanphear. 

l..ai)ie. 

J^asplasas. 

Lasswitz. 

I.arpls. 

J.farnyd. 

J.e  lion . 

Le eh a las. 

hc  (lôiite. 

Le  Dantec. 

Leièbvro. 

Le  Gendre. 

Le^q-ain. 

Lcliiiiann. 

L(;  Moud. 

Le  Lorrain. 

Lener. 

Léonard. 

Lépine. 

Li.'sélr(\ 

LeiicUfeld. 

Levè(pie. 

Levy. 

l,e\vv. 


•160, 


INDEX   DES 

AUTi:URS 

bà9,  rj(JO 

Leynardi. 

962 

838 

Liebermeister. 

1362 

5G1 

Liebniann. 

1167 

1090,  708  a 

Liepniann. 

1227 

101(1.  1093 

Lindenliiuir. 

712 

502,  563 

Link. 

1286 

494 

Lion. 

245 

1365 

Lipps  (G. -F.). 

807 

205 
396 

Lipps  (T.). 
Lodge. 

924 
730 

564.  623 

Loeb. 

808 

242,  243 

Logan. 

690 

743 

Loinbroso  fC).       165,360 

,  364.  894, 

565 

1098, 

1168, 

1169,  1287 

839,  958 

Loinbroso  (P.). 

240,  1099 

160 

Londe. 

1170 

4.  108 
397 

Lôpez. 
L(dz 

1171 
925 

161 

Louch. 

247 

359 

Lourliel. 

314 

Lowden. 

248 

102,  398 

LiAvenlrld. 

1228 

1363-1364 

869 

Lucianl. 

496,  497 

5,  49.  50,  311,  840 

Lnekey. 

625 

51 

Lugaro. 

498 

1224 

Lui. 

499,  500 

1357 

Lnys.        365,  1 100, 

1229, 

1365,  1367 

1225 

710,  1094,  1166 

Mac  Donald. 

895,  1101 

729.  1226 

Mac  Doiii^al . 

1()C) 

922 

Mac  h. 

55 

52 

Mac  Intyre. 

809 

566 

Mackay. 

1230 

1358 

Mackenzie. 

315, 

1017,  1044 

53 

-Mac  Kinney. 

167 

959 

Mac  Lcnnan  (.J.-.\.) 

, 

871 

711 

Mac  Lennaun  (S. -F 

). 

926 

0,  1000.  1095.  1359 

Macmiilcan. 

56 

244 

Mac  .Miirrav  (F. -M. 

. 

249 

312 

Mac  .Mnrray  (L.-H.) 

250 

668,  806,  1360 

Magnan. 

1102, 

1103,  1288 

313.  624 

Mauri. 

1368 

399,  420 

Mailland. 

251 

1043 

Major. 

896 

163,  164 

Mailo<-k. 

316,  317 

lO'.tii,  1103 

Manca. 

1197 

890 

Mandclslanun. 

1365 

10117 

Mann. 

501 

7i4 

.Maiionvrier. 

57,  168 

923 

Mansbi-idgc. 

169 

421 

Maraver. 

318 

1361 

Marcliesini. 

6,  713 

54 

Marin. 

810 

870 

Marinesco. 

502 

IHil 

.Marre  L 

1231 

495 

Marschner. 

58 

776 

Marsh . 

170 

•'.f 


'fi 


INDEX    DES    AUTEURS 


'JOI 


Marshall  (C.-D.). 

444 

Mosher. 

1112 

Marshall  (II.-R.) 

691.  897-899.  963, 

Mossu. 

90 

lOOo 

Moszutkowski. 

903,  904 

Mniiiu. 

503 

]\Iott. 

402,  987 

:\lartv. 

872 

Millier. 

926 

Masuu  (R.-O.). 

1370 

Mûller-Lyer. 

812 

Masdii  (0  -T.). 

319,  320 

Muiuaugh. 

581 

Mas  se  i. 

1314 

Munk. 

510 

Matte. 

587 

Munro. 

176 

Maudsley. 

306,  1104 

Miiuz. 

254 

Mauxinu. 

927 

Miinzer. 

403 

Mayer. 

445,  1172 

.Miiratotr. 

1113 

Mayn-Sinith. 

321 

Myers. 

728 

Mazier. 

1105 

Mead. 

928 

Nacke. 

1114 

Mcige. 

322,  10G8 

Nagel. 

626.  693,  694 

Meijer. 

1289 

Natorp. 

255,  1018 

Mi'iuoug. 

927 

Nevers. 

207 

Meirle. 

667 

N'evius. 

1115 

Mt'liiiaiul. 

930 

Xewbold. 

1372,  1373 

MelInlK'. 

1045 

Nicati. 

110.  628 

Mellus. 

504 

Xichols. 

256,  905,  931,  988 

Mriidel. 

692 

IS'iciford. 

369 

Meiitz. 

670 

Nicolai. 

629 

Mercier.  7,  129, 

505,  Ç64,  1106.  1224 

Nissiiu. 

1374 

Meriiiixer. 

1172 

Nissl. 

422,  423 

:»Ierkel. 

109 

Noël. 

873 

^leschede. 

1107 

Nordau. 

1116,  1118 

Meyer. 

1108 

Norden. 

1046 

Mezes. 

900 

Nossig. 

61 

Mi.ill. 

252 

Novani. 

874 

Mii'liaelis. 

745 

Nussbaum. 

447,  1119 

Mi.-kle. 

1109,  1110 

Middleniass. 

206,  1111 

Obersteiner. 

404,  405 

Mih-s  (C). 

89 

Oehrii . 

208 

Miles  (M.). 

811 

Ogdea. 

841 

Miller  (D. -S.). 

59,  901 

Oiileiiiaim. 

569,  1235 

Miller  (S.-M.). 

171,  1232 

Olivier  (v.). 

813 

Mills. 

507,  508 

Oltuszewski. 

1175 

Miuard. 

253 

Ônodi. 

511,  512 

Mingazzini. 

206,  400.  1233 

Oppenheim. 

257 

Miunt. 

172,  731.  732 

Oniif. 

424 

Miut. 

671 

Oscrelzkowsky. 

570 

M  irai  lié. 

1157,  1173 

Oshea. 

258 

Mitchell. 

902 

Ostcrniann. 

259 

Mivart. 

173 

Ostwald. 

1047 

Mobiiis. 

965,  1371 

Ois  y  Ksquerdii. 

513 

Mouakow  (v.). 

509 

Oltolenghi. 

582.  1236,  1237 

blondis . 

367 

Ovis. 

030 

Mdurad. 

960,  1174 

Mmiro. 

568 

l'ace. 

lll 

Montgniucry. 

00 

Pal. 

484 

Moraglia. 

368 

Palazzi. 

177 

Murât. 

401,  446 

Pandi. 

514,  olô 

Morgan. 

8,  1006 

Paiiizza. 

1 238 

Mnrris. 

174 

Pansier. 

1375 

Morselli. 

175,  123  i,  1210 

1   Papale. 

323 

99^2 

Parinaïul . 

Parkiiisnii. 

Parrish. 

Passy. 

Patrick. 

Patrizi. 

Paiiiliau. 

Paulson. 

Poarson. 

Peillaube, 

Pékar. 

Pellat. 

Pellizi. 

Perez. 

Pergens. 

Penigia. 

PetersDU. 

Pcttit, 

Petznlilt. 

Plcti'er. 

Pliilippe. 

Piat. 

Pick    A.). 

Pick  (F.). 

Pilgriui. 

Pillsbury  (J.-II.). 

Pillsbui-v  (^V.-B.'l. 

Pilo. 

Pioger . 

Pipping. 

Pitres. 

Ploetz. 

PodiiKire. 

Pohl. 

Poiiicarc. 

Poliiiianti. 

Pnp(.fr(N.-M.). 

Popotf(S.). 

Powell  (E.-P.). 

Po\vcll(J.-W.). 

Prang. 

Prestnn. 

Prenlicc  (C.-F.). 

Prcntire  (C). 

Prévost. 

Prelori. 

Preycr.  262,  1001. 

Proal. 

Proust. 

Pudor. 

Qiiaiitz. 

Ral)l. 
Ilabii.s. 
Raulilirianii. 
Rakowicz. 


INDEX   DES 

AUTEURS 

631    1 

Raiiion  y  Cajal. 

435 

777 

Ransoin. 

1243 

814 

Ratzel. 

326 

290,  695 

Raupert. 

734 

62 

Raymond. 

1294,  1378 

752 

Rayot. 

9 

324,  932 

Reimtel. 

1066 

112 

Rf])er. 

1244 

730 

Redii.-h. 

1178 

778,  779 

Regnault. 

426,  969 

967 

Reicli. 

371 

672 

Reissig. 

1379 

449 

Renaiit. 

427 

260 

Renoult. 

327,  427 

1239 

Retzius. 

406 

1261 

Revnolds. 

452 

450,  1291 

Ribot. 

1121 

178 

Richardson. 

1295 

842 

RiclR't. 

407,  1380 

179 

Rienier. 

182 

696 

Rietz. 

517 

715 

Riggs. 

1372.  1122 

1120,  1240 

Riley. 

209 

1176 

Rinieri  di  Uocctii. 

183 

1292 

Riqiiier. 

876 

632 

Rltchie. 

1048 

697 

Ritschl. 

843 

968 

Hivers. 

1296 

716 

Roark. 

263 

673 

Roberto  (de). 

933 

470,  471 

Rolierts. 

408 

1018  n 

Robertson. 

1111.  1297 

728,  733 

Robiu. 

1123 

989 

Robiiisoa  (L.). 

210 

815 

Robiuson  (T.-R.). 

635 

451 

Rochas  (dc^. 

817 

571 

Romanes. 

114,  184 

516 

Rosner. 

1124 

180 

Rossi. 

990,  991,  1245 

181,  325 

Rothe  (V.). 

1125 

632 

Rousseau. 

328 

113 

Roux. 

1181 

633 

Royce.                     844,  845.  877,   1007 

1376 

Riicker. 

074 

201,  1177 

iUinge. 

264 

634 

Rupp. 

64 

1340,  1377 

Russell. 

992,  1126,  1127 

370 

Ryder. 

573 

1293 

Ryland. 

10 

583 

Sachs  (11.). 

1128 

816 

Saclis  (.M.). 

634,  1128 

Sanctis  (de). 

766,  748,  818 

572 

Sanduieyer. 

745 

875 

Sanford. 

91,92 

1241 

Santesson. 

993 

1242 

Sauberschwarz, 

675 

I 

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I 

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INDEX    DE 

S    AUTEUKS 

9'J3 

Savaije. 

1221 

Sigwart. 

878 

Schaefer  (E.-A.). 

551 

Sitiler. 

410 

Schaefer  (K.-L.). 

676 

Simmel . 

879,  1021 

Schaffer. 

1381 

Simmuns. 

1247 

Schaffer. 

1129 

Simrulli. 

187 

Schaik.  (van). 

677.  678 

Sinclair. 

694 

Schanz. 

656 

Skurdine. 

1299 

Schapringer. 

636 

Smith  (E.). 

1248 

Scheier. 

698 

Smith   G.-E.) 

519,  520 

Schellwieu. 

115 

Smith  (\V.). 

846,  1051 

Schenck. 

409 

Smith  (W.-G.) 

780 

Shick. 

1130 

Snow. 

1249 

Schiller. 

819 

Socoliu. 

130,  131 

Shinz. 

1049 

Soens. 

880 

Schlôss. 

1298 

Sollier. 

379 

Schmidkimz. 

1131 

Solovielï. 

1022 

Schmidt. 

575 

Sommerland. 

973 

Schmidt-Riinpler. 

1246 

Sonry. 

521.  522 

Schneider. 

1019,  1050 

Spalïitta. 

640 

SchoUe. 

65 

Spanbock. 

1135,  1384 

Schooling  (J.-II.). 

1002 

Spencer. 

331 

Schooliug  (W.). 

970 

Spir. 

69,  70.  934 

Schreuck-Notzing  (v.). 

1132,  1340 

Spitzka. 

523 

Schroeder. 

1382 

Spitzner. 

271 

Schubert-Soldern  (v.). 

584 

Stadelmann. 

1385 

Schuchter. 

116 

Staderini. 

428 

Schuppe. 

117 

Stanley. 

754,  820,  881,  935 

Schuschny. 

265 

Starlingcr. 

453 

Schiissler. 

185 

Starr  (F.). 

332 

Schwalbe. 

373 

Starr  (M.-.V.). 

524,  1081,  1136,  1139 

Sehwarz. 

118 

Stein. 

188 

Schwarzbart 

1383 

Stein  (v.). 

700 

Schweigger. 

637 

Steinach. 

454 

Schweinitz  (de). 

638 

Steiner. 

525 

Scioscia. 

1020 

Stern  (A.). 

333 

Scribuer. 

186 

Stern  (R.). 

526 

Scripture .                   93, 

9i,  119,  120 

Stern  (L.-W.). 

576,  1179 

Séailles. 

66 

Stevens. 

641,  679 

Seebohni. 

329 

Stieglitz. 

1023 

Seglas. 

1133 

Stimptl. 

272 

Seguin. 

266 

Stirling. 

883 

Seidel. 

1072 

Stohr. 

837 

Semelaigne. 

1134 

Stokes. 

642 

Sergi. 

11,  267,  330 

Stratton. 

936 

Serran 0. 

268 

StrehI. 

577 

Seydel. 

971 

Strong. 

906 

Seytlarth . 

209 

Stnimpell. 

937 

Shand. 

753 

Stiilp. 

527 

Shaw  (J.). 

518 

Stumpf. 

71 

Shaw  'W.-J.). 

757,  782,  784 

Sturgis. 

1386 

Shermau . 

972 

Sully. 

273,  274 

Sherrington. 

987 

Surbled. 

.528,  529,  746,  1300 

Shields. 

699 

Suriani. 

882 

Shorey. 

121 

Shuttleworth. 

270 

Talbot. 

717 

Sidgwick. 

67 

Tangl. 

530 

Sighele. 

68,  343 

Tarchanoff  (de). 

1180,  13b7 

.\N.NEE   PSYCHOLOGIQUF.    II. 


63 


994 

INDEX   DES 

AUTEURS 

Tarde. 

334,  33j,  1008 

Verworn. 

414 

Tardieu. 

1140 

Vignoli  (E.-T.). 

191 

Tawney. 

804,  821 

Vignoli  (T.;. 

76 

Tavlur  (H.)- 

275 

Vogel. 

646 

Taylor  (M.-L.). 

244 

Voges. 

647 

Tenchini. 

374 

Voisin  (A.). 

1303,  1391,  1392 

Tennant. 

643 

Voisin  (J.). 

1302 

Thamin. 

276 

Volkell. 

974 

Thiéry. 

95,  822,  823 

Voîkmann. 

14 

Thomas. 

277.  1181 

Vorbrodt. 

848 

Thomsen. 

1250 

Vostrovsky. 

280 

Thomson. 

411 

Vrooman. 

281 

Thon. 

1052 

Vuillaume. 

995 

Thurston. 

994 

Tikyin. 

1053 

Wagner  (F.  von). 

192 

Tiling. 

1141 

Wagner  (G.). 

648 

Tille. 

189 

Wagner  (W.-A.). 

974  a 

Tissot. 

455 

Wahle. 

76  a 

Titchener.     96-98, 

122,  747,  781,  788 

Waldeyer. 

337.  41.5,  429 

789 

Wallace  (A.-R.). 

193,  939 

Tokarski. 

938 

Wallace  (E.). 

649 

Tompkins. 

278 

Wallaschek. 

975 

Tôrok  (v.). 

336 

Waller. 

791 

Toulouse. 

1301 

Walter-Jourde. 

134 

Tourelle  (de  la). 

1388 

Ward. 

338 

Traglia. 

72 

Warda- 

534 

Trénel. 

1142 

Warreu. 

77,  701,  782 

Triepel. 

1251 

Washburn. 

825 

Trifiletti. 

1389 

Watanabe. 

650 

Trubetskoy. 

1053  a 

Watson. 

78.  826,  1054 

Tscherning. 

644,  645 

Weber. 

1009,  1182 

Tschigajew. 

885 

Weeks. 

1003 

Tschitscherin. 

82  i 

Weidenbauni. 

578 

Turner  (W.  Sir). 

190 

Weiland. 

657 

Turner  (\V.-.\.). 

531 

Weinland. 

579 

Tiirtschanizow. 

532 

Weismann. 

194,  195,  211 

Weiss. 

456 

LexkuU. 

412,  413 

Weldon. 

196 

Ufer. 

585 

Wells. 

730 

Ulrich. 

1024 

Weruer. 

535 

Uphues. 

74,  123 

Wernicke . 

536 

Urraburu. 

12 

West. 

1145 

L'rquhart. 

1143 

White  (F. -M.). 

1055 

Whitc  (W.-Il.). 

883 

Vuldarnini. 

718 

White  (E.). 

79 

Vallon. 

1333 

WhiUell. 

1146 

Van  Biervliet. 

13,  790 

Wideroe. 

1304 

Van  lircro. 

1144 

Wilde. 

1056 

Van  Eeden. 

1390 

Wiltse. 

282 

Van  Fleet. 

1252 

Winslow, 

1305 

Van  Gehuchlcn. 

533 

Wlassack. 

702 

Van  Gieson. 

1081,  1139 

Wolfe. 

80 

Vannerns. 

75 

Wood. 

1253 

Van  lienterghem. 

1390 

Worotynsky. 

1393 

Veitch. 

133 

Wormser. 

1254 

Vergara. 

413 

AVri-ht  (A.-E.). 

651,  940 

Verrall. 

735 

Wundt. 

124,  680,  884 

i 

« 


INDEX   DES   AUTEURS 


995 


Wvld. 
Wyllie. 

York. 

Zahntleisch. 
Zehender  (v.). 
Zeller. 
Ziefïelroth. 


1147 

Ziehen. 

15,  586, 

1149 

1183 

Ziem. 

1184 

Zoller. 

197 

918 

Zondek. 

198 

Zoppi. 

199 

135 

Zuinmo. 

636 

602 

Zuniga  (de). 

1394 

136 

Zûrcher. 

1255 

1148 

Zwaardemaker 

703 

.  704 

X.  B.  —  La  table  bibliographique  et  l'index  des  Auteurs  sont  de  MM.  Far- 
raud  et  AVarreu,  qui  ont  réuni  ces  documents  pour  la  l'sycholof/lcal 
Revieir  ;  nous  les  remercions  d'avoir  consenti  à  ce  que  leur  table  et 
index  lussent  reproduits  intégralement  dans  notre  Année. 


I 


TABLE 


I.    -   GENERALITES 

<i.  Traités  élémentaires  et  systématiques 1)15 

h.  Livres  et   articles    de   psychologie   constructive,   histi>rii|Mi'. 

critique  et  expériuientale 916 

c.  Méthodes,  domaine  et  relations  de  la  psychologie 920 

II.  —  PSYCIIOGÉNIE,  PSYCHOLOGIE  COMPARÉE  ET  INDIVIDUELLE 

II.  Développement  mental,  théorie  de  rév(dutinn,  hérédité.   .    .  921 

h.  Psychtdogie  conq^arée '.'24 

c.  Psych(dogie  des  enlants,  pédagogie 925 

(/.  Anthropologie,  sociologie 928 

fi.  Criminuliigie 930 

ni.  —  ANATOMIE  ET  PHYSIOLOGIE  DU  SYSTÈME  NERVEUX 

(t.  Généruiitt's,  lelations    du   systèuu>   nerveux   et   de    l.i    cons- 
cience      932 

/;.  Cellules  nerveuses 935 

c.  Moelle  et  nerfs 935 

il.  Cerveau,  localisation 937 

I'.  Les  organes  des  sens  et  des  mouvcineuts 941 

IV.    —   SENSATION 

(i.  (Jcnéralités 943 

h.  Vision 944 

<J.  Audition 947 

'/.  Autres  sensations 949 

V.  —  CONSCIENCE,  ATTENTION  ET  INTELLECT 

(t.  Généralités 950 

h.  SoinnuMJ,  rêves,  suhconscience 951 

c.  -Mtenlimi 952 

'/.  .Méuudre  et  association 952 

c.  Durée  et  intensité  de  la  conscience  .•  .    .       953 

f.  Perceplii>n  de  l'espace,  du  temps  ...       954 

.'/.  Uaisonnemcnt  et  croyance.  Conscience  du  n\o\ 956 


I 


TABLE  907 


YI.   —  SENTIMENTS 

II.  Gt'ucralités,  plaisir  et  douleur 9Ô9 

h.  Emotion,  i^assiou  et  expression .    .  9(j0 

c.  Esthétique 961 

VH.    —  MOUVEMENT  ET   VOLlTKi.N 

a.  Généralités,  mouvement,  fatigue 9(j3 

h.  Fonctions  particulières 964 

c.  Instinct,  impulsion 965 

il.  Ethique  et  conduite 9G5 

VIII.   —  PSYCHOLOGIE  ANORMALE   ET  PATHOLOGIQUE 

rt.  Généralités 967 

b.  Désordres  du  mouvement  et  du  langage 972 

c.  Desordres  de  sensation,  perception  et  mémoire,  liailucinalions 

et  illusions 973 

(/.  Insanité,  idiotie  et  imbécillité 977 

e.  Hystérie,  hypnotisme  et  suggestion 979 

Index  des  auteurs 985 


Jm  date  de  chaque  11  Ire  esl  1895,  en  tY«  de  non-lndicaliun  conlrahe. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


PREMIERE  PARTIE 

MÉMOIRES   DES   COLLABORATEURS 

Th.  Ribot.  Les  caractères  anormaux  et  morbides 1 

FoREL.  Un  aperçu  de  psychologie  comparée 18 

Flocrnoy.  Temps  de  lecture  et  d'omission 45 

BouHDON.  Sur  les  phénomènes  intellectuels 54 

Gley.  Note  sur  les  conditions  favorisant  l'hypnose 70 

BiERVLiET.  Les  illusions  de  poids 7',) 

TRAVAUX    DU   LABORATOIRE  DE  PSYCHOLOGIE 
PHYSIOLOGIQUE  DE  PARIS 

BiNET  et  Courtier.  La  circulai  ion  capillaire  dans  ses  rapports 

avec  la  respiration  et  les  phénomènes  psyciiiques 87 

V.  Henri.  La  localisation  des  sensations  lacliles 108 

XiLLiEZ.  La  continuité  des  chifri-es  et  di'^  nombres  dans  la  mé- 
moire immédiate 1*J3 

Bi.net  et  Courtier.  Recherches  graphiques  sur  la  musii|Uf.    .    .  201 

Bi.NET.  La  ])eur  chez  1rs  enfants 223 

REVUES  GÉNÉRALES 

AzouLAY.  Psychologie  hislologiijuc 255 

V.  He.nri.  Revue  générale  sur  le  sens  du  lieu  df  la  [H'au   .    .    .  295 

J.  1*ASSY.  Revue  générale  sur  les  sensations  olfactives 363 

A.  BiNET  et  V.  Henri.  Psychologie  individuidh; 411 

V.  Henri.  Le  calcul  des  probabilités  eu  psychologie 400 


1000  TABLE    DES   MATIÈRES 

DEUXIÈME  PARTIE 

ANALYSES 


i 


CHAPITRE  l'UEMlEU 
Histologie,  anatomie,  physiologie  du  système  nerveux. 

HISTOLOGIE 

I .   —  f  ;  Y  T  <  I L  0 1  ;  1  K 

Hennei;uy.  De  la  cellule 501 

Delage.  La  struclure  du  ]iiiil(i[ilasma •iOi 

II.    —    HECHERCIIES    RP:CE.\TES    SIR     LA    STRUCTUHE    H  I  S  T  0  L  0  (i  I  U  U  E 

DE   LA    CELLULE    NERVEUSE 

Revue  générale  (Benda,  Itoiiifl.  Flmiming,  Lenhossek,  Nissl, 
Rodliê) :J10 

111.    ACTIVITÉ    F  O.NCri  (IN.NELLE    DE    LA    CELLULE    NERVEUSE 

De.mouk.  Mouvements  amiliuidcs  des  prolongements  des  celiidcs.  520  ^ 

DuvAL,  LÉi'iNE.  Théories  i»liy>iolugiqiies  sur  les  neurones   .    .    .  520 
LuGARO.  Les  modifications  des  celhilt'S  ni'rvcuses   dans  divers 

états  fonctionnels 021 

Magini.  I/orienlafion  des  iiuiI('m.|cs 524 

RoNcoRONi.  Un  ili'lail  nouveau  de  siructure  du  noyau 525 

M.  Verworn.  Physiologie  g(''m'ialc 525 

ViTzou,  C<'ci(é  par  ahlalion  des  zones  corlieales 531 

IV.     —     PRORLIOMES     DE     lî  1  O  L  0  G  1  E    'GÉNÉRALE 

Delage.  Sliiului c  du  luolojilasnia 531 

ANATOMIE 

I.  —  STRUCTURE  DES  CENTRES  NERNEUX 

Rechterew.  Les  tubercules  f|iiadrijiiiueaux  comme  ceiiires  de 
l'audilion,  de  la  voix  el  des  mouvemenls 557 

]\L  el  M""  De.ierine.  Sur  les  cctiUK'xiuiis  du  ruhaii  de  Ucil  avec 
la  cortical ité  cérébi^ale 557 

M.  et  M™'  Dejerine.  Sur  les  connexions  du  imyau  rouge  avec 
la  corlicalilé  cérébrale 558 


TABLE    DES   MATIÈRBS  lUOI 

Dejerixe  et  SoTTAs.  Sur  la  disliihulion  des  libres  endogènes.    .     oo',) 

Df.jeri.ne.  Anatomie  des  centres  nervenx oo9 

Mari.vejco.  Des  connexions  du  corps  strié  avec  le  lobe  ironlal.     060 

II.    —    I)  É  V  E  L  0  V  1'  E  M  E  N  T    D  U    C  E  R  ^■  E  A  U 

DiiNALDsox.  Le  développement  du  cerveau 360 

Mix(;azzixi.  Le  cerveau  dans  ses  ra|i]ior(s  avec  les  phé'uomènes 
psycliiques 376 

PHYSIOLOGIE 

1.    —    RECHERCHES    DE    P  L  K  T  H  V  S  M  0  0  R  A  IMI  I  E 

Revue  générale 576 

Wertheimer.  Variations  de  volume  di'>  memincs  ]i('es  à  la  respi- 
ration     .    .     581 

Mosso.  Spliygmomanomèlre  pour  mesurer  la  pression  du  sang 
chez  riiomme 582 

KiEsow.  Expériences  avec  le  spliygniomanomètre  de  Mosso  sur 
les  changements  de  la  pression  du  sang  chez  riiomme,  pro- 
duits par  les  excitations  psychiques 588 

Klippel  et  Dlmas.  De  la  paralysie  vaso-motrice  dans  ses  rapports 
avec  Téfat  affectif  des  paralytiques  généraux 589 

Halliox  et  Comte.  Sur  les  réflexes  vaso-moteurs  liulbo-niédul- 
laires  dans  quelques  maladies  nerveuses 59u 

BiNET  et  SoLLiER.  Reclierclies  sur  le  pouls  céréliral  dans  ses 
rapports  avec  les  attitudes  du  corps,  la  respiration  et  les 
actes  psychiques 590 

11.    —   COOROIN  ATIOX    DES    MOUVEMENTS    ET    A  T  A  X  I  K 

Revue  générale  (Thomas,  Mott  et  Sherrington,  Bastian,  Conte- 
jean) 504- 

III.   —    DIVERSES    QUESTIONS    DE    PHYSIOLOGIE    NEUVEU-E 

Carus.  La  condition  physiologi(|ue  di^  la  cnnsrience 598 

Flechsig.  Le  cerveau  et  l'àine 598 

Grigorescu  etCoNsTANTiNEscu.  Vitcsse  de  la  conductibilité  sensi- 
tive  dans  le  sciatique  et  dans  la  moelle  ('iiini.' re  chr/.  rhdMime 

sain  et  chez  l'ataxique 599 

LuciANi.  Les  récentes  recherciies  sur  la  phy>iidogie  du  cerve- 
let    590 

MuNZER  et  WiENEn.  AiLilniiiie  ri  pliysiologie  du  système  nerveux 

central 001 

PoLiMANTE.  Distribution  des  racine-;  mnliices  dans  les  niuscb's.  002 

RiCHET.  Addilion.    .    • 003 

RicHET.  Anémie 004 


lOO^i  TABLE    DES   MATIÈRES 

lliniiET.  Automalisme 60G 

ItiETHEK.  Revue  des  travaux  sur  la  circula liuu GO" 

Strœbe.  Histologie  générale  <les  processus  de  dégénérescence.  607 

ToMAsiM.  L'excitabilité  de  la  zone  rnolricc 008 

IV,    —     INTEIirR  KT.\  TION     PHYSIOLOGIQUE    DES    PKOUESSUS 

1>  S  Y  G  H  0  L  0  (J  I  Q  U  E  S  •  ^ 


ExNER.  Essai  d'un»;  ex[)lication  physiologique  des  pliéuiunènes 
psychiques 008 

J.-V.  Kries.  Sur  la  nature  de  certains  états  du  cerveau  liés  aux 
[irocessus  psychiques 023 


4^ 


CHAPITRE  II  I 

Sensations  visuelles.  h 

I.  —  PERCEPTION  J)E  LA  COULEUR  ET  DE  LA  CLARTÉ 

Herim;.  Sur  if  iihénomène  de  l'uikinje 627 

KoMG.  Nombre    des   dilTérences  de   clartés  et  de   nuances  du 

spectre 630 

Ix'CKEY.  L'ordi'e  de  perception  des  couleurs  dans  la  vision  indi- 
rect».' chez  les  enfants,  les  adultes  et  les  adultes  exercés  aux 

couleurs 630 

Paki.naii).  La  sensibiiilé  de  l'iril  aux  couleurs  spectrales  .    .    .     632 
I'retori  et  Sachs.  Mesures  <juaulilativcs  du  contraste  simullané- 

des  couleurs 634 

\Veixla.\I).  Etudes  luiuvellcs  sur  les  tondions  de  la  rétine,  sui- 
vies d'un  (;ssai  d'une  théorie  sur  la  force  agissant  dans  les 
iie.fs  en  gi'iu'r.il 638 

IL  —  l'ERCEPTION  DE  LA  PROFONDEUR 

KntsciiMA.NN.  La  parallaxe;  de  la  vision  indirecte  et  les  luipillcs 
(;n  forme  de  fente  chez  le  ihat 641 

KntsciiMA.N.N.  L'éclat  mi'lalliquc  d  la  paralhixi;  di-  la  vision  indi- 
recte  647 

LoEB.  Sur  la  déinonslraliondé  l'existence  du  contraste  dans  les 
perccqitions  visuelles  de  l'espace 649 

III.  —  IMAGES  CONSÉCUTIVES 
rnA.N/..  Le  seuil  d'excitation  des  images  consécutives 650 

IV.  —  CÉCITÉ 
Heller.  Eludes  sur  la  psychologie  des  aveugles 651 


TABLE    DES   MATIÈRES  lOOB 

V.  —  VISION  CIIKZ  LES  ANIMAUX 

Plateau.  Comment  li's  ileurs  alliieiil  les  insocles 656 

Plateai".  Un  filet  empèche-l-il  le  passage  des  insectes  ailés?.    .     (Jo7 

C.llAi'lTRK  111 
Sensations  auditives. 

Kkeidl.  Contribution  à  la  physiologie  du  labyiinllie  d'après  les 

expériences  sur  des  sourds-mue I  s ObD 

PoLLAK.  Sur  le  vertige  galvaniiiue  chez  les  sounls-muels  .    .    .  6oD 

Brugk.  Sur  les  rapports  de  la  surdité  avec  le  sens  statiijuc  .  .  Oo'J 
Stern.  Le  langage  des  sourds-muets  et  les  fonctions  des  canaux 

semi-circulaires 639 

Lécha  las.  Espace  sonore      663 

rtlAPITRE   TV 
Sensations  du  toucher  et  des  autres  sens. 

KiEsow.  Etudes  sur  les  sensations  thermiques 065 

M.  V.  FitEY.  Contributions  à  la  physiologie  du  sens  de  la  doiilmu  .  663 

M.  V.  Fkey.  Contribution  à  la  physiologie  sensorielle  de  la  peau.  663 
A.  Xacel.  La  sensibilité  di-  la  conjonclivc  d  de  la  cdruée  de  Fu'il 

humain 665 

A.  -N'agel.  Sur  l'examen  du  sens  de  [irfs>i(in 663 

Cavazzam  et  Ma.nca.  Altérations  de  la  sensibilité 6"l 

C».  Féké.  Note  sur  la  sensibilité  de  la  pulpe  des  doigts.  ...  671 
H.  GuiEsuAcir.  Rapport  entre  la  fatigui'  nienlali*  et  la  faculté  de 

peixeption  de  la  peau 672 

(iHiFKi.NG.  Les  sensations  de  pression  et  >\r  iImm; 672 

Pahuish.  Estimation  tactile  de  l'espace  vidf  ri  [ijciii 674 

Taw.nev.  La  perception  di-  deux  contacts  n'est  pa»  le  seuil  de 

perception  de  l'espace 675 

C.ILWIÏI'.  E    V 
Illusions  des  sens. 

Baldwlx.  L'effet  des  contrastes  de  grandeur  sur  h;  jugement 

de  la  position  . 677 

l'niLUU'E  et  (^LAViÈiŒ.  Sur  une  illusinii  luusculaire    ......  670 

TiUKUv.  Sur  les  illusions  opti(|Ues  gé'omi'tritiues 681 

AVakuen.  Sensations  de  rotation 681 

Wudi).  La  balançoire  hantée 682 


1004  TABLE    DliS   MATIÈRES 

CHAPITT^E   VI 

Attention. 

P.  Jankt.  Allculiou .' 684 

Smith.  Les  relations  de  rallcnlion  et  de  la  inéiiioire 680 

Daniels.  L;i  mémoire  immédiate  et  ralleiitiuu 687 

HiBiiK.N.  Slimulaliun  des  sens  par  Tattention.    ........  688 

Lki'i.nk.  Sur  un  cas  particulier  de  somnambulisme 689 

CH.U'ITRE  VII 

Mémoire  et  association  d'idées. 

liALiJWi.N,  SiiAw  cl    \Vahi!e\.  Mé'moire  de  la  yrjindem'  drs  car- 
rés.   691 

BoriiDON.  Observations  coniparalives  sur  la  r('e(iiiiiais>aiiiT.  la 

discrimination  et  Fassocialion 693 

Lewv.  Eludes  expérimentales  sur  la  mémoire 697 

NEVKits.  Les  idées  communes  des  hommes  •■!  dis  rcinmcs.    .    .  699 

SiMMo.Ns.  Prédominance  des  i)aramnésies 700 

CILM'ITIÎE    VIII 
Douleur,  plaisir,  sentiments,  sens  esthétique. 

DOULEUR 

1.   —  TEC  II  .M  MUE    DES    EXPÉRIENCES    S  r  U     1.  A     1)0  CI.  Kl"  H 

MoczoTKowsKi.  En  ali;<'siiiiMii' 701 

(ian  rixc.  Sensations  de  pression  et  de  choc 701 

11.     —    K  E  C  H  K  II  C  H  E  S    E  X  P  É  H  I  .M  E  N  TALE  S    S  V  K     L  A     U  0  L'  L  E  V  It 

Ll(;kkv.  Ouelques  éludes  récenles  sur  la  douleur 704 

MiTciiELL.  Localisalion  inexade  des  sensations  de  douleur  .    .  704 
VosKREsE.NSKi.  De  la   sensibilili''  cutanée  chez  Thomme  sain  et 

chez  les  paralyli(iues  t;;énéraux 704 

Mac-Do.xald.  Sensii)ilité  à  la  douh'ni' 704 

m.     —    LA     QUESTION     ItES     .NEUFS     DE     LA     IlOULEUlt 

StiîoN(;.  La  psyriiolugie  de  la  iloulciii' 706 

KiciiOLs.  A'erl's  de  ki  douleur 706 

Oppenhelmer.  Douleur  et  sensalions  tliermi(|ues .    .    .     706 

IV.    —    QUELQUES    EXPLICATIONS    PSYCHOLOGIQUES 
DE     LA     DOULEUR 

Mezes.  Déllnilion  du  plaisir  cl  (le  la  douleur 710 

Miller.  Le  désir  est  l'esseuce  du  plaisir  et  de  la  douleur  ...     710 


I 


TABLE    DES    MATIÈKES  lOOo 

SENTIMENTS 

Lange.  Los  émotions 7H 

(JARDINER.  Discussions  récentes  sur  It's  éiiiotioiis 711 

Dewey.  La  théorie  des  émotions 711 

Stuatto.x.  Les  sensations  ne  soni  pus  Téniolion 711 

M"Le\xax.  Etude   descri[tlive   de  rinlérèt,  de  l'éinotion  et  du 

désir 711 

Ferrero.  La  crainte  de  la  niurl 711 

Irons.  Descartes  et  les  théories  modernes  de  l'émotion  ....  711 

SENS  ESTHÉTIQUE 

Dauriac.  Essai  sur  la  psychologie  du  musicien 721 

DiMiER.  Le  modelé  dans  la  peinture  et  la  troisième  dimension.  722 

Major.  Sur  le  ton  afTeclif  des  impressions  sensorielles  simples.  723 
Targhanoff.  Inlluence  de  la  musi(iue  sur  l'homme  et  sur  les 

animaux 724 

Revue  sur  l'asligmalismi'  et  re>lhéli(iue  (Pékar,  Laupts,  Henri, 

Ilowe) 725 

CIIAPITIIE   IX 
Mouvements,  parole,  écriture.    ■ 

f.   —   MOUVEMENTS 

RicHER.  Physiologie  artisti([ue 731 

Rossi.  Recherches  expérimentales  sur  la  i'atigue  des  muscles 
humains  sous  l'action  des  poisons  nerveux 740 

II.  _  PAROLE 
A.iAM.  Ln  parole  en  public 740 

m.    —  ÉCUITUKE 

CRÉriELX-jA.MiN.  L'f'ciilurc  cl   le  c;ii;iclcic 741 

Prever.  La  psychologie  de  l'écriture 746 

Webeh.  Etude  sur  ToriiTinc  de  réciilurc  eu  miroir  et  de  ri'eii- 

ture  verticale 748 

CHAPITUE   X 
Psycho-physique,  psychométrie,  appareils. 

I.   —  PSVCIlo-l'li  VSIuL  E 

[,AXOE.  Mesures  psychologi([ues 749 

J.  Merkel.  Des  rap[)orts  entre  l'excilalion  ci  la  sensation  .    .    .  751 

Scru>ture.  Calcul  pratique  de  la  valeur  médiane 7G4 

Waller.  Points  relatifs  à  la  loi  de  Wehcr-Feclnier 76i> 


1006  TABLE   DES   MATIÈRES 

II.  —  PSYCIIOMÉTRIE 

Baluwi.n.  Types  de  réaction 76G 

Meau  Bâche.  La  psychomélrie  dans  ses  rapports  avec  la  race.  769 
La    tecJmiqui'    do    la    ]wyrliom''lrio    d'apirs    des    recherches 

récentes 770 

m.  —  APPAREILS 

Mouvelles   a|iplicnlinns  d    modiflcalions    de    la    méthode  era- 
pliitiue 770 

CHAPITRE   XI 
Caractère,  psychologie  individuelle,  bibliographies. 

I.   —  CARACTÈRE 

Bernard  Pehez.  Le  caiactère  de  l'enfant  à  l'homme 785 

Th.  RiROï.  Classification  des  caractères 785 

F.  Pauluan.  Les  caractères 785 

A.  Fouillée.  Tempérament  et  caractère 785 

II.    —  PSYCI10L(»GIE   INDIVIDUELLE 

S.  Bett.mann.  Influence  du  travail  physique  et  intellecluel  sur 

la  durée  de  queh^ues  processus  psychiques 793 

Havelock  Elus.  L'homme  et  la  femme 794 

Oehr.x.  Etude  expérimentale  snr  la  itsyilndoi/ie  individuelle    .  795 

Lai'icole.  Anthropologie 797 

•Miles.  Une  élude  de  psychologie  individuelle 798 

III.  —  HIHLIOCHAPIIIE 

Allier.  Renan 799 

.L\.NET.  Cliarcot 799 

MiLHAUD.  Kajit  comme  savaiil 800 

ZiiRCHER.  Jeanne  d'Arc 801 

CHAPITRE   Xil 
Psychologie  enfantine,  pédagogie,  psychologie  comparée 

I.  —  PSYCHOLOGIE  DES  ENFANTS  ET  PÉDAGOGIE 

Paul  BAD.A..NES.  L'erreur  de  la  iiii'Mliude  de  Cruhe 802 

Baldwix.  Développement  mental  chez  Uenfant  et  dans  la  race.  804 

C.-L.  Herrick.  Notes  sur  la  psychologie  des  enfants 828 

.M.-A.  Herrick.  Dessins  d'enfanis 828 

•M. -A.  Herrick.  Histoires  d'enfanis. 828 


TABLE    DES   MATIÈRES  ^  J007 

II.   —  LA  VIE   ÉMOTIONNELLE   DES   ENFANTS 

Facke.nthal.  La  vie  émotionnelle  des  enfants 830 

BowLEs.  Emotions  des  enfants  sourds 830 

III.   —    PSYCHOLOGIE  COMPARÉE 

Wesley  Mills.  Le  développement  psychique  des  animaux.    .    .     832 
Plateau.  Abeille 833 

CHAPITRE   XIII 
Traités  et  études  d'ensemble. 


Biervliet.  Eléments  de  psychologie  iiumaine 834 

Mergieh.  Cours  de  philosophie.  II.  Psycholoi.nc 839 

E.-W.  ScRU'TURE.  Penser,  sentir,  agir 842 

Thiérv.  Introduction  à  hi  psycho-physiologie 84" 


CHAPITRE  XIV 
Psychologie  anormale  et  morbide. 

I.  —  SOMMEIL  ET  RÊVES 

Ellis.  Les  rêves  relatifs  aux  niorls 848 

M.  DE  Flelrv.  L'insomnie  et  son  traitement 849 

M.  UE  Manacélxe.  Quelques  observations  sur  l'insomnie  absolue.  849 

Tarchaxoi-f.  Quelques  observations  sur  le  sommeil  normal  .    .  850 

Titcuener.  Rêves  de  sensations  guslatives 8ol 

II.  -   SUGGESTION 

FÉRÉ.  Note  sur  une  épidémie  de  borborygmes 851 

Forel  L'hypnotisme 852 

Lacassagxe.  L'affaire  Guindraud-.Iouve 852 

Newbold.    L'induction    expérimentale    de    processus   automa- 
tiques   852 

Solder  et  Parmextier.  JJe  l'inlluenoe  de  l'iMat  d<;  la  sensibilité 

de  l'estomac  sur  le  chimisme  stomacal 854 

m.   —   TÉLÉPATHIE 

E.    BoiRAC.   l'ii   a|i[iareil    i)Our  expérimenter  l'action   psycho- 
dynamique  ...  855 

E.    BontAC.    Une    nouvelle    mi'-lhode    d'expérimentation    ]iour 

vériiier  l'action  nerveuse  à  dislance 855 

Manglx.  La  photographie  spirite  en  Angleteire 850 

GuEBHARD.  Sur  l'évocation  psychique  des  objets  réels  .....  850 

ILvxsex  et  Leumaxx.  Le  chuchotement  involontaire 850 


1008  TABLE   DKS   MATIÈRES 

IV.  _  TROUBLES   DES   SENS  ET  DE    LA  MÉMOIRE 

RiANCHT.  Paralysie  progressive  et  folie  sensorielle 863 

151A.NGHI.  Une  nouvelle  forme  do  neurasilit'nie  parliellc  ....  803 
Da.na.  La  localisation  des  sensations  cutanres  et  motrices  et  de 

leur  mt'moire 863 

DuM.  Hénii[dt''ij;ie  double  avec  liémianopsie  double  et  perle  du 

sens  du  lieu. 804 

Ferraui.  Tu  cas  d'amnésie  partielle  continue .  864 

Garmer  et  Le  Filiathe.  Coexistence  d'hallucinations  auditives 

et  verbales  psyclio-moirices 805 

Pierre  Janet.  Aneslliésie 860 

Pierre  Janet.  Amnésie 868 

l>iERRE  .Ja.net.  l'n  cas  d'hémianopsie  hystérique 871 

[,AMv.  Hémianopsie  avec  hallucinations  dans  la  |iartie  abolie  du 

champ  de  la  vision 872 

Menuel.  Sur  le  vertige 872 

SciiLEPLNCER.  La  syringomyélic • 872 

IAegis.  Note  sur  l'amnésie  rétrograde  après  fenlative  de  suicide 

par  pendaison 874 

LuHRMA.N.v.  Conviilsions  el   ainiit''sie  a[uès  retour  à  la  vi»;  cliez 

les  pendus 874 

Toulouse.  Amnésie  rélro-aiili'rdiiradi^  à  (y|ie   continu  et   pi<^- 

gressif  par  choc  moral 875 

Tarchanoi-f.  Illusions  et,  lialhicinalions  des  grenouilles  chloro- 

formisées 875 

V.  —  APHASIES 

Biocu.  Agraphie 876 

Horn.NKviLLK   el  Rover.  Traitement  el   éducation   de  la   [larole 

chez  les  idiots 876 

Riu  xs.  .\ouv(dle   observaliitu  d'alexie  avec  h(''iuiaiio[)si(;  liomo- 

nyme  du  côté  droit 876 

De-ikhink  et  MiuALLiÉ.  Sur  h'S   allératioir-^  de  la  leelure  meiilah; 

liiez  les  a|diasi(pies  moteurs  corticaux 877 

l'Ihi.iîK.N.  Aiuusie 878 

La.n.N(iis.  (",écil(''  verbale  sans  ci'cilé  lilli'rale  et  sans  hémianopsie.  87i) 
MujALLiÉ.  Sur  lé  mécanisme  de   l'agraphie  ilans  l'ajdiasie   mo- 
trice corticale 880 

De.ierune.  Noie  à  pro[ios  de   la  commuiiicalion  de   .M.  .Miiairn'  .  880 

.MoUHAii.  Aphasie  des  gauchers 881 

PriREs.  Ai)hasie  des  polyglottes 881 

l'iiKvosT.  A   propos  d'un   cas   d'éiiile[isie  jacksonnienne   avec 

ajdiasie  motrice  sans  agraphie SSL 


Jf 


TABLI-:   DES    MATIÈRES  1000 

Sommer.  Nouvel  pxamni  du  malade  doni  robseivaliou  a  servi  à 
établir  la  théorie  de  Tépelage  pour  la  lecture  et  l'écriture.   .     882 

Thomas  et  Roux.  Du  défaut  d'évocation  spontanée  des  images 
auditives  verbales  chez  les  aphasiques 882 

Thomas  et  Roux.  Essai  sur  la  psychologie  des  associations 
verbales  et  sur  la  réduction  de  la  parole  dans  l'aphasie  mo- 
trice   882 

Thomas  et  Roux.  Sur  les  troubles  lalciils  de  la  lecture  mentale 
chez  les  aphasiques  moteurs  corlicaux 883 

VI.  —  TROUBLES  DE  LA  VOLONTÉ  ET  Dl'  MOUVEMENT 

Braixerd.  Le  crilérium  de  la  responsabilité  dans  la  folie   .    .    .  883 
S.  Freud.  Obsessions  el   phobies.   Leur  mé'canisme  psychique 

et  leur  étiologie 883 

Freuxd.  Sur  les  paralysies  psychiques 88i 

Friedmaxx.  Sur  les  rapports  de  la  formation  patiiologique  dw 
délire  avec  le  dévelo[qiemenf  (h's  principes  de  la  connais- 
sance   885 

Pierre  Jaxet.  Aboulie 886 

Pierre  Jaxet.  Les  idées  iixes  de  fornu^,  hystéri([ue 888 

HuGHLiXGs  Jackson,  Savage,  Mercier,  Mjlxe-Bramwell.  Les  idées 

impératives 889 

De  Saxctis.  Impulsions  musicales  cliez  un  dégénéré 890 

Kreeke.  Sur  les  lésions   (jin-  se   hml    eux-mêmes   les   hysh'-ri- 

ques 890 

Régis.  Le  régicide  Caserio 890 

]{0NC0R0Xi  et  DiETTRicH.  l/eigograpliie  des  aliénés 892 

Saxdberg.  Psycho-pal liologie  de  la  paranoïa  chronique  ....  893 
TiioMSEX.  Contribulion  clini(|iie  à  l'étude  des  obsessions  men- 
tales    896 

TiLiXG.  La  dégénérescence  morale  ou  la  perversilé'  du  e;ii,ic- 

tère 89" 

Voisin.  Délire  du  doute 900 

Délires  ambulatoires  et  fugues  (Pureiil,  itayniond,  Cabaib')  .    .  900 

VIL   -    DÉDOUIILEMUNT   DK    LA    1' E  RSO  N  N  A  L  I  TÉ 

Lewis  Bruce.  Note  sur  un  cas  de  dualib-  d'acli(ui  du  cerveau   .     901 
SÉGLAS.  Les  hallucinations  et  les  (h'iloublemenN  de   |,i  person- 
nalité  ^01 

Royce.  Quelques  observations   >ui'  les  anonialie-,  de   |,i   ((Uis- 
cience  du  moi ^"*- 

PlERCE,    PODMORE.     Moi     SOUS-COnSCieUl    oll    (('Kdu  al  i(UI     iui(UlS- 

ciente *^*^~ 

ANNÉE   PSYClIOroClnUi:.    II.  ^'^ 


1010  TABLE   DES    MATIÈRES 

Vm.  —  ÉTUDES  D'ENSEMBLE 

Chasllx.  La  confusion  mentale  primitive 905 

Maudslev.  Pathologie  de  l'esprit 909 

MoRSELLi.  Manuel  de  séméiolique  des  maladies  mentales   .    .    .  909 

Wer.mcke.  Précis  de  psychiatrie 909 

CHAPITRE   XIV 

Nécrologie. 

Calmeil 913 

Huxley  .   , 913 

Hack-Ture 914 

Barthélémy  Salm-Hilaihe 914 


TROISIEME  PARTIE 

Tables  bibliographiques 915 


EVREUX,  IMPKI.MERIE  DE  CHARLES  HÉRISSEY 


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2 

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L'Année  psychologique 


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