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L'ANNÉE
PSYCHOLOGIQUE
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L'ANNEE PSYCHOLOGIQUE
(1'" Année. 1894.)
Un Vdlniiie in-S» de 020 pages.
MÉMOIRES ORIGINAUX
A. Binet et V. Henri. — Mémoire des mots.
— — Mémoire des piir.vses.
A. Binet et J. Passy. — Notes psychologiques sur les .\uteurs
DRAMATIQUES.
A. Binet. — F. de Curel.
Weeks. — Recherches phonétiques.
Flournoy. — I.nfluence du milieu sur l'idéation.
— Un cas de personnific.vtion.
— Illusions de poids.
E.-B. Delabarre. — Les laboratoires de psychologie en Amérique.
Épuisé. Derniers exemplaires : 20 fr.
(En dépôt chez M. Binet.)
Pour tout ce qui concerne la rédacU'on et rudminislralion de
VANNÉE PSYCHOLOGIQUE
S'adresser à M. BINET, Sorboniie, Paris.
LVHKU.X, IMPKIMEMIE ME CHARLES H K HISSE Y
Laboratoire de psychologie physiologique de la Sorbonne
(HAUTES Études)
L'ANNÉE
///
PSYCHOLOGIQUE
PUBLIEE PAR MM.
H. BEAUNIS
Professeur honoraire à la Faculté de médecine
de Nancy,
Directeur honoraire du Laboratoire
de psychologie physiologique de la Sorbonne
(Hautes Étudas).
A. BINET
Docteur es sciences, Lauréat de l'Institut
(Académie des sciences
et Académie des sciences morales),
Directeur du Laboratoire
de psychologie physiologique de la Sorbonne
(Hautes Éludes).
AVEC LA GOLLAIîOR ATION DE JIM.
TH. RIBOT ET VICTOR HENRI
ET DE
MM. AZOULAY, BIERVLIET, BOURDON, CHASLIN
COURTIER, FLOURNOY, FOREL, GLEY, PASSY, PHILIPPE, XILLIEZ
et M"» SCZAWINSKA
2' ANNEE
1895
PARIS
ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET (>
FÉLIX ALCAN, EDITEUR
108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108
1896
Tous droits réscrvd-s.
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L'ANNÉE PSYCHOLOGIQUE
1895
PREMIERE PARTIE
MEMOIRES DES COLLABORATEURS
I
LES CARACTÈRES ANORMAUX ET MORBIDES'
Dans plusieurs ouvrages publiés durant ces dernières années
(Ferez, 189^ ; Paulhan, 1894 ; Fouillée, 189o), les diverses formes
de caractère ont été classées, décrites, ramenées à des principes
explicatifs. Malgré des divergences d'interprétation et des dif-
férences de nomenclature, il y a des types acceptés par tous ;
ainsi les actifs, les sensitifs, les apathiques. Mais sont-ils équi-
valents ? telle est la question qui se pose d'abord comme transi-
tion des caractères normaux aux caractères morbides. On
semble admettre implicitement que chaque type ayant ses qua-
lités et ses défauts, ses avantages et ses inconvénients, on doit
les mettre sur la même ligne. Celui qui se borne à classer et à
décrire peut s'en tenir là et ne pas affronter la difliculté. Mais,
dès qu'on entre sur le terrain des caractères franchement mor-
bides, on est conduit à se demander préalablement si les carac-
tères réputés normaux le sont tous au même degré, ou si quel-
ques-uns, [)ar leur nature même, ne sont pas plus près des
(1) Cet article r.iil suite ;'i nue classilicatiim dus caractères i)iil)liée dans la
Reçue philosophitj lie (octobre 1893). que j'avais pris l'engagenieut iiii jieu
iujprudeut de compléter par celle des caractères morbides.
AXNÉK l'SVCHOLOGIOL'E. II. -J
2 MEMOIRES DES COLLABORATEURS
formes pathologiques, plus aptes à subir une métamorphose
régressive ; en d'autres termes, il s'agit d'établir non plus une
classification, mais une hiérarchie, une appréciation de valeur
souvent contestable et difficile à fixer.
Un anthropologiste russe, N. Seeland, est le seul à ma con-
naissance qui ait pris la question par ce biais. A la vérité, les
anciens auteurs classant les tempéraments et par contre-coup
les caractères, les divisaient en forts (colérique, mélancolique)
et faibles (sanguin, flegmatique . Cette division, acceptée par
Wundt, donnerait lieu à beaucoup d'objections que je passe
sous silence. Seeland, rompant avec la tradition, abandonne
résolument la division quadripartite. Il ne considère pas « tous
les tempéraments comme ayant la même valeur; les uns s'ap-
prochent plus de l'idée de perfection, les autres moins.. On a
avancé que chacun des tempéraments en vaut un autre et que
tous sont également nécessaires pour le progrès de l'humanité :
je ne le crois pas. » Sa classification est donc en fait une hié-
rarchie et voici en résumé celle qu'il propose *, en commen-
çant par les formes les plus [tarfaites du caractère.
I. — Les tempéraments forts ou positifs qui comprennent :
1" Le tempérament gai, qui est un type dont le « sanguin »
des divisions classiciues n'est qu'une variété, renferme trois
espèces principales : a) le sanguin fort : prédominance de la vie
végétative, réactions rapides mais a|tpropriées. conformes au
but, sans agitation, b) le sanguin moins fort : ressemble au
précédent avec mélange du tempérament nerveux, les réactions
ont moins de modération et de mesure; tels sont les Français
et les Polonais, c) le tempérament serein : se tient entre le
sanguin fort et le flegmatique, réunissant les avantages des
deux.
2" Le tempérament flegmatique ou calme ne dépasse pas
l'intensité moyenne et présente une uniformité singulière : c'est
une masse qui dans son mouvement ne se laisse ni accélérer
ni ralentir ; mais le calme n'exclut pas la force, il la suppose
tout an contraire. Comme peuples, les Hollandais, les Anglais,
les Norvégiens appartiennent à ce type.
II. — Nous descendons à un degré plus bas avec le tempéra-
ment moyen ou neutre « inconnu dans la science, quoiqu'il
{\) Le Ifiiipci'iiiiiciil (III [jn'iiil lie nii' //xi/i-liDlni/lf/nr ri ((iilhropoliKjKjui'.
Mémoire ])iibli«' duus les Uiillrlnis da CniKjri's in/cniii/lniial d'unl/iropo-
lof/le, IV. 1802. Siiiiil-P(Mrrsbiiiir;.:- (en fruiK-ais). p. 91 à i:<i.
Tri. RIBOT. — LES CARACTÈRES ANORMAUX ET MORBIDES 3
soit celui de la plupart des hommes ». Il correspond aux équi-
librés de Paulhan et à ceux qu'ailleurs nous avons appelés les
amorphes, parce qu'ils n'ont pas de marque nette qui leur soit
propre.
III. — Enfin nous descendons encore avec les tempéraments
faibles ou négatifs : « leur réaction peut être lente ou rapide,
mais ce qui les caractérise c'est l'irrégularité, le superflu et
même la perversité des manifestations. Trois variétés : a) le
mélancolique pur se distingue par la tristesse et l'apathie sans
symptômes nerveux, du moins dominants; b) \e nerveux, ver-
satile avec alternances d'activité normale ou d'abattement et
d'excitation; c) le colérique qui n'est pas un genre, est assez
rare ; il se distingue par l'irascibilité et peut se combiner avec
le mélancolique ou le sanguin moins fort ; le serein et le fleg-
matique l'excluent.
A l'appui de cette classification suit une longue enquête
anthropologique exposée en seize tableaux. Elle a été faite sur
160 hommes et 40 femmes appartenant aux quatre types princi-
paux gai, flegmatique, neutre, mélancolique ; et comprend .des
recherches comparatives sur la taille, la circonférence du thorax,
du cou, des bras, la capacité pulmonaire, la respiration, le
pouls, la température, la force dynamométrique, les indices
céphaliques, l'état des sens, etc., etc. Les résultats sont décidé-
ment favorables aux tempéraments gais et très défavorables
aux mélancoliques (voir partie, tableau V, p. 114 1 chez lesquels
on constate moins de force et de finesse sensorielle, sauf pour la
sensibilité à la douleur. Pour les femmes, le groupe nerveux,
qui remplace le groupe mélancolique des hommes, est le seul
qui offre des anomalies.
Dans ses conclusions, l'auteur combat « la tendance enra-
cinée à chercher l'essence des tempéraments dans les phéno-
mènes de la circulation et de son satellite, l'échange matériel ».
Huit soldats bien portants dont quatre appartenaient au type
gai et quatre au type mélancolique ont été soumis par lui à
une alimentation identique et rigoureusement surveillés : le
résultat de l'analyse du poids, des sécrétions et excrétions « ne
montre pas que l'échange matériel des sanguins ait été plus
intense que celui de leurs collègues mélancoliques ». Une
expérience si courte et si limitée est-elle probante?
Quoi qu'il en soit, rejetant la théorie chimique, Seeland pré-
fère une explication physique. Pour lui, « le tissu nerveux,
outre son activité générale, possède une vie élémentaire qui est
4 MEMOIRES DES COLLABORATEURS
la Ijase du tempérament et du caractère », Tout dépend de la
façon dont le système nerveux reçoit les excitations extérieures
et intérieures. Le tempérament gai correspondrait à des vibra-
tions moléculaires rapides et harmonieuses ; le flegmatique à
des vibrations moins rapides, mais d'une constance impertur-
bable ; le neutre à des vibrations peu rapides mais consoanantes ;
les formes négatives à des vibrations lentes et discordantes ou
rapides mais interrompues.
Cette disposition hiérarchique n'est pas à Tabri des objec-
tions. Je la donne seulement comme exemple d'une classifica-
tion d'après la valeur présumée des caractères et comme intro-
duction à l'étude des formes morbides que nous allons mainte-
nant aborder.
I
11 faut, avant tout, savoir à quels signes on peut reconnaître
qu'un caractère est une dérogation aux tj-pes normaux. Sans
revenir sur un sujet traité dans l'article précité, on peut dire
brièvement :
1° Un caractère vrai est réductible à une marque, à une ten-
dance prépondérante qui en fait l'unité et la stabilité pendant
la vie entière. Cette conception est un peu idéale ; plus le carac-
tère est tranché, plus il s'en rapproche.
2° Dans la pratique, un caractère net permet toujours l'sauf
des cas rares qui s'expliquent) de prédire et de prévoir. Nous
savons d'avance ce que fera, dans telles circonstances, un actif,
un sensitif. un flegmatique, un contemplatif. Les neutres qui
sont à proprement parler des non-caractères, sont régis par les
événements ou par d'autres ; aussi le calcul de prévision a son
point d'appui non en eux, mais hors d'eux.
Une de ces marques, ou les deux, manquent dans les carac-
tères anormaux et plus ils dérogent à ces deux conditions cons-
titutives — l'unité et la possibilité d'une prévision — plus ils
s'éloignent des formes typiques pour devenir à la fin franche-
ment morbides.
On serait tenté de croire que les anomalies du caractère, telles
que l'observation les donne, sont si variées et d'aspects si mul-
tiples qu'elles échappent à toute classification et qu'il est
impossible de sortir du désordre ; je crois pourtant que les
marques déterminées plus haut nous donnent un fil conducteur.
TH. RIBOT. — LES CARACTÈRES ANORMAUX ET MORBIDES 5 \
Il est à peine utile de dire que j'exclus du groupe des ano-
malies les déviations légères, temporaires, intermittentes qui à
ne sont que des infractions passagères à l'unité du caractère. \
(lésar, Richelieu, Napoléon sont des types bien tranchés et i
pourtant dans certains moments de leur vie, ils ont cessé d'être
eux-mêmes. Pendant qu'on le conduisait à l'île d'Elbe, devant |
la fureur et les injures du peuple, Napoléon eut des moments
de pusillanimité étrange attestés par des témoins oculaires dans
divers mémoires du temps. Les faits de ce genre prouvent encore
une fois que le caractère complet n'est qu'un idéal ; mais une
indisposition de quelques heures n'est pas une maladie. Cette
réserve faite, nous pouvons, pour classer, suivre la marche
régressive de l'unité coordonnée à la multiplicité incoordonnée,
de la stabilité à la dissolution et nous avons ainsi trois groupes
qui s'éloignent de plus en plus des formes normales : 1° les carac-
tères contradictoires successifs; !2°les caractères contradictoires
simultanés ; 3° les caractères instables ou polymorphes, dernier
degré de la désagrégation. Reste aies étudier dans cet ordre.
Par caractères contradictoires sitccessifs , j'entends deux
formes, deux manières opposées de sentir et d'agir, telles que
la vie embrassée tout entière semble celle de deux individus,
l'un avant la crise, l'autre après la crise.
Avant d'arriver aux cas vrais, il y a des éliminations préala-
bles à faire :
1° Les caractères contradictoires en apparence (le triumvir
Octave et V inrperalor Auguste) ; ils abondent dans l'histoire
politique. Bien loin de se contredire et d'être instable le carac-
tère dans tous ces cas est un et solide : parfaite unité dans le
but, la contradiction n'est que dans les moyens. Le moraliste
les appelle à bon droit des caractères faux parce qu'ils portent
des masques; pour le psychologue, ils sont normaux et bien
accentués. Ils se rencontrent en grand nombre dans la vie com-
mune et il n'est pas besoin pour se contredire en apparence
d'être acteur sur un grand théâtre ; il suffit de rester fidèle
au but qu'on poursuit et sans scrupules sur l'emploi des
moyens. Ceux qui, en temps de révolution, deviennent brus- ;
quement cruels par peur, sont de la même catégorie : leur unité
est dans le soin de leur conservation.
2° Les transformations produites par l'évolution de la vie et
le changement des circonstances. Ainsi un caractère actif peut
se déployer tour à tour dans l'amour, les aventures périlleuses,
l'ambition, la recherche de la richesse.
C MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
Débarrassés de ces équivoques, nous pouvons répartir les
caractères contradictoires successifs en deux classes : la pre-
mière comprend les anomalies, la seconde les formes patholo-
giques.
1'" classe. — Comme dans notre classification, nous nous éloi-
gnons pas à pas de l'état normal, il nous faut commencer par
les formes mitigées qui sont de simples déviations de l'idéal du
caractère, c'est-à-dire d'une unité constante et imperturbable.
Tout idéal à part, les caractères successifs sont des exceptions
par rapport à la généralité ; car même les neutres ont durant
toute leur vie une espèce d'unité, celle de leur plasticité perpé-
tuelle.
Dans cette première classe, je distingue deux cas. Si le lec-
teur trouve excessives ces divisions et subdivisions, je n'ai pas
à m'en excuser. On ne classe pas sans distinguer et on ne suit
pas un ordre régressif, sans marquer chaque pas vers la disso-
lution.
1" Le cas le plus simple, le plus proche de l'état normal con-
siste dans le changement d'orientation d"une seule et même
tendance prédominante chez Findividu. Telle est la métamor-
phose des amours profanes qui ont absorbé la première partie
de la vie, en un amour platonique et chevaleresque qui remplit
la seconde (Raymond Lull) ; le cas inverse n'est pas rare et on
en pourrait trouver des exemples chez les mystiques. Telles
sont les conversions sincères en religion ou en politique (saint
Paul, Luther). De même, les cas où la fougue du tempérament
s'étant dépensée dans le sens du bien, se dépense dans le sens
du mal ou inversement. Tout cela, pour le moraliste est un
changement complet, il y a deux hommes ; pour le psychologue
c'est un changement d'orientation, il n'y a qu'un homme. Il est
facile de voir que, sous les deux contraires, existe un fond
commun, une unité latente ; c'est la même (juantité ou la
même qualité d'énergie employée à deux fins contraires ; mais
sans eiïbrt, on peut retrouver la chrysalide dans le papillon.
t" Voilà les formes mitigées; les cas francs, qui nous éloi-
gnent davantage de la règle, impliquent une dualité foncière
et véritable. Exemple : le passage de la vie d'orgie à une vie
d'ascétisme qui dure (sans quoi, ce n'est qu'un accident pas-
sager) ; de la vie active à la vie contemplative (Dioclétien),
de la vie contemplative à la vie active (Julien l'Apostat) ; bref,
tous les cas où l'on brûle ce que l'on a adoré et où l'on adore
TK. RIBOT. — LES CARACTERES ANORMAUX Eï MORBIDES /
ce qu'on a brûlé, où Ton trouve deux individus dans le même
individu. — La langue courante appelle cela des « conver-
sions». Elles peuvent être religieuses, morales, politiques,
esthétiques, philosophiques, scientifiques, etc. ; toujours elles
consistent dans la substitution d'une tendance un d'un groupe
de tendances à leurs contraires, d'une croyance à une autre
contraire, d'une forme d'unité à une autre forme : expres-
sions synonymes qui traduisent les divers aspects psycholo-
giques de la transformation. Remarquons en passant que chez
les hommes qui ont traversé deux phases antithétiques, l'opi-
nion commune n'en voit jamais qu'une qui est ordinairement
la dernière, celle de la fin ; ou la plus longue ou la plus
éclatante : l'autre reste dans l'ombre. Saint Augustin est
l'homme d'après la conversion ; Dioctétien l'homme d'avant
l'abdication. Il y a, au fond de ce jugement, le besoin de sim-
plification et d'unité de l'esprit appliqué au caractère.
Comment se produit ce changement qui divise la vie en
deux phases contradictoires dans les cas extrêmes ? Il est
impossible de donner une réponse générale ; chaque cas
particulier suppose des conditions particulières. Cependant on
peut essayer de déterminer par approximation les causes qui
agissent le plus souvent.
D'abord les causes physiques. Il y a des maladies graves qui,
en changeant la constitution, transforment le caractère, mon-
trant ainsi à quel point il dépend de la cénesthésie : qu'on
suppose comme condition dernière des modifications chimiques
(de nutrition) ou des modifications physiques (hypothèse de
Henle et de Seeland), il n'importe. Il y a les chocs violents,
notamment les traumatismes de la tête dont nous parlerons
plus loin. Azam ^ donne quelques exemples de ces métamoi'-
phoses : un homme laborieux et rangé, à la suite d'une
fracture compliquée de la jambe, devient impulsif et intolé-
rable: l'auteur suppose une ischémie cérébrale. Un autre,
dans les mêmes circonstances, change un caractère gai pour
une mélancolie sans remède. Une névralgie faciale incurable
fait d'un homme foncièrement bon un être méchant et aca-
riâtre, etc.
Ensuite les causes morales. Elles paraissent agir à la
manière d'un choc dont l'effet est immédiat ou à longue
échéance ; de là les métamorphoses brusques ou à incubation
(1) Le canic/ère dniis Ir.s niiilddics. p. J88 sij.
O MEMOIRES DES COLLABORATEURS
lente. Les premières ont leur type dans les conversions qui
suivent une crise inattendue : saint Paul et sa vision, Pascal et
son accident, R. LuU et la révélation d'une de ses maîtresses,
le seigneur espagnol Marana dont on a tant de fois raconté
l'histoire, qui fut Don Juan pendant une moitié de sa vie et
que des chants d'église transforment soudainement. Le
« coup de la grâce » des théologiens est d'une psychologie
vraie. — Les secondes ne se produisent pas d'emblée, mais
après un combat entre les anciennes tendances et les nou-
velles : saint Augustin, Luther, Loyola, F. de Borgia qui en
voyant le cadavre de son impératrice (femme de Charles-Quint)
projette de renoncer au monde, mais ne le fait que bien plus
tard. A ces noms illustres, ajoutez les noms obscurs de gens
que chacun de nous connaît.
On peut se demander si les changements, même les plus
brusques, le sont autant qu'ils le paraissent; s'ils n'ont pas
leurs antécédents dans la vie de l'individu, s'ils ne sont pas le
résultat accéléré d'une incubation semi-inconsciente. Quoi
qu'on en pense, le mécanisme psychologique des conversions
ressemble fort à celui des impulsions irrésistibles. Dans son
évolution complète, il parcourt trois moments : I" la conception
d'un but ou d'un idéal contraire ; cela arrive à tout le monde,
sans durer ni agir ; cet état ne produira rien s'il traverse seu-
lement l'esprit, s'il est transitoire ; '"2' il faut donc que cette
conception devienne une idée fixe avec la stabilité, la prédo-
minance, l'obsession qui lui sont propres; 3° alors lacté se
produit, parce qu'il est déjà inclus dans l'idée fixe et parce que
l'idée fixe est une croyance et que toute croyance se pose
comme étant ou devant être. En somme, rien n'aboutit tant
que l'idée n'est pas devenue une impulsion. Dans les cas du
coup de foudre, le mouvement impétueux de la passion nait
d'emblée et triomphe immédiatement. C'est encore une ressem-
blance avec les impulsions irrésistibles qui passent à l'acte,
tantôt après une période de lutte, tantôt dans un rajjtus
soudain.
Il y a toutefois cette différence que le nouveau caractère —
c'est à dire une nouvelle manière de sentir, de penser et d'agir
— dure. Cette stabilité serait impossible si dans les deux cas,
d'incubation et d'éruption, un changement profond ne s'était
produit dans la constitution individuelle. Les conversions ne
créent pas une nouvelle tendance, mais elles montrent que les
plus antithétiques sont en nous et que l'une remplace l'autre.
TH. BIBOT. — LES CARACTÈRES ANORMAUX ET MORBIDES 9 \
non par un acte de volonté toujours précaire, mais par une
transformation radicale de notre sensibilité. |
"1" classe. — Elle comprend les caractères alternants, qui
parfois se succèdent avec une telle rapidité et une telle fré-
quence, qu'ils se rapprochent des caractères contradictoires il
simultanés. Au lieu de deux caractères différents, l'un avant, |
l'autre après la crise, dont la formule pour la vie entière de
l'individu serait A puis B, nous avons l'alternance de deux
formes de caractères (avec ou sans crise intermédiaire) et la
formule serait : A puis B, puis A, puis B et ainsi de suite.
Cette alternance se rencontre à l'état normal ou quasi-
normal ; mais elle est trop fugitive ou trop difficile à fixer,
pour qu'on la distingue des caractères instables ; il n'en est
pas de même pour les formes morbides qui les montrent en
grossissement. Tels sont les phénomènes tant étudiés de nos
jours sous les noms d'altérations, maladies, désordres de la
personnalité. Le lecteur les connaît ; ils sont d'ailleurs en partie
étrangers à notre sujet et si j'y touche, c'est simplement à
litre d'éclaircissement sur un point particulier : les variations i
du caractère.
Dans les cas d'alternance de personnalité, on peut considérer
ou bien les changements physiologiques qui sont assez obscurs,
ou bien les changements intellectuels qu'on réduit à peu près à
la mémoire, ou bien les changements affectifs qu'on néglige un
peu et qui sont même omis dans beaucoup d'observations :
ces derniers seuls nous intéressent, parce quils se résument en
des alternances de caractère.
Si l'on prend, en effet, les observations complètes, on voit
que les deux personnalités (il y en a quelquefois davantage) ne
consistent pas seulement dans l'alternance de deux mémoires,
mais aussi de deux dispositions affectives distinctes et ordinai-
rement opposées. La célèbre Félida d'Azam est, dans son état
premier, sombre, froide, réservée; dans son état second, gaie,
expressive, vive jusqu'à la coquetterie et la turbulence. Dans
le cas de Mary Reynolds, rapporté par Weir Mitchell, nous ^
avons d'abord une femme mélancolique, taciturne, fuyant le
monde ; puis dans sa nouvelle personnalité, « sa disposition est
totalement et absolument changée », elle est folle de plaisir,
bruyante, cherchant toujours lu compagnie, à moins qu'elle ne
courre à pied ou à cheval les forêts, les vallées, les montagnes,
s'enivrant des spectacles de la nature et ne connaissant pas la
10 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
peur. Ces alternances ont duré seize ans, puis « l'opposition
émotionnelle entre les deux états semble s'être graduellement
effacée pour aboutir à une moyenne entre les deux, à un
tempérament bien équilibré » qui a coexisté pendant un quart
de siècle avec son second état, devenu permanent. Rappe-
lons encore l'observation si connue de L. V... qui présente
spontancment au moins deux formes opposées de caractère :
bavard, arrogant, violent, brutal, insubordonné, voleur, voulant
tuer ceux qui lui donnent des ordres ; puis doux, poli, silen-
cieux, sombre, d'une timidité presque enfantine. Je dis sponta-
nément, car MM. Bourru et Burot ont produit artificiellement
cbez V... des modifications pliysiques qui s'accompagnent aussi
de quelques modifications du caractère ; mais je m'en tiens
aux changements naturels. — Pour d'autres exemples je renvoie
aux livres spéciaux.
J'incline à croire que les alternances de mémoire, quoique
les plus étranges et les plus troublantes, résultent d'une
alternance des dispositions affectives (du caractère) qui résul-
tent elles-mêmes de cliangeuients physiologiques; en sorte que
la réduction dernière conduit à la cénesthésie. Quand on voit
chez L. V... le caractère violent accompagner toujours l'hémi-
plégie et l'anesthésie droites, le caractère doux l'hémiplégie et
l'anesthésie gauches , — sans parler des modifications par-
tielles qui accompagnent la paraplégie, l'anesthésie totale, etc.,
produites artificiellement en état d'hypnotisme — il est difficile
de ne pas admettre que les changements de mémoire, de
caractère, d'habitus physique forment un tout ju'esque indis-
soluble ; c'est aussi la conclusion que Bourru et Burot ont tirée
de leurs expériences.
A défaut de preuves positives qui établissent que le change-
ment de la cénesthésie est primordial dans ces alternances du
caractère, nous pouvons les rapprocher d'une maladie mentale
où l'alternance, encore plus simple, laisse mieux saisir ses
conditions physiologiques : c'est la folie à double forme
(appelée aussi folie circulaire, à formes alternes, etc.). Elle con-
siste dans l'alternance régulière de deux périodes : dépression,
exaltation. La transition de l'une à l'autre est instantanée ou
se fait par des dégradations insensibles ; nuiis rien de plus net
que le contraste entre les deux périodes.
Pendant la dépression, les symptômes affectifs sont : mélan-
colie, sentiment de fatigue, torpeur, indifférence, frayeur
vague, inquiétude surtout. Physiquement le malade est amai-
TU. RIBOT. — LES CARACTERES ANORMAUX ET MORBIDES I I
gri, vieilli, cassé, ridé ; il y a abaissement de la température,
diminution énorme du pouls, des sécrétions et excrétions, du
poids du corps (jusqu'à dix livres en une semaine).
Pendant l'excitation le tableau est inverse, traits pour traits :
sentiment de bien-être, joie, orgueil, activité exubérante; le
malade est rajeuni, engraissé; les fonctions organiques sont
amples et faciles. « Ce contraste, dit un aliéniste, est une des
particularités les plus curieuses et les plus intéressantes de la
médecine mentale ^ »
Ici la connexion entre la disposition affective et l'état soma-
tique est de toute clarté et paraît réductible à une tropho-
névrose du cerveau (Schûle, KratTt-Ebing). Il faut reconnaître
que cette maladie qui est la forme extrême et les alternances
de la personnalité qui sont des formes mitigées, ne nous four-
nissent que des exemples pathologiques ; mais les manifesta-
tions morbides sont en germe dans la vie normale. Malheureu-
sement, ces alternances ne sont saisissables que par leur relief
et on ne peut citer que les gros cas. Comparés aux caractères
successifs dont l'un a tué l'autre, les caractères alternants
marquent une nouvelle étape vers la dissolution et forment une
transition à notre deuxième groupe, les caractères contradic-
toires coexistants.
II
Ils consistent dans la coexistence de deux tendances con-
traires, également prépondérantes et inconciliables ; il y a
deux caractères, deux sources d'action contradictoires et,
d'après notre critérium pratique, il y a, dans une circonstance
donnée, deux prévisions possibles et également probables. Ils
diffèrent et des caractères successifs oii le second homme a éli-
miné le premier, et des caractères alternants qui occupent la
scène à tour de rùle exclusivement et pendant quelque temps.
Ils se présentent sous deux formes principales.
1'^ La première forme n'est pas un type pur ni complet. Elle
résulte d'une contradiction entre le penser et le sentir, entre la
théorie et la pratique, entre les principes et les tendances.
Rien n'est moins rare et il est à peine besoin d'en fournir des
exemples : l'opposition tranchée entre l'homme privé et
(1) Régis. Maladies inenlales, p. 200.
'12 MÉMOIBES DES COLLABORATIiUHS
l'homme public, entre l'homme comme savant et l'homme
comme croyant ; tel, qui en matière de preuves scientifiques
est intraitable, sera, en religion ou en amour, d'une ingénuité,
d'une candeur sans pareilles. Quant à ceux qui professent
énergiquement une doctrine et agissent dans le sens contraire,
ils ne manquent pas. Schopenhaucr, en théorie pessimiste, myso-
gyne, pénétré de compassion pour tous les êtres, ascète, n'est
rien de tout cela en pratique. C'est une contradiction inconciliée
à laquelle j'opposerai la parfaite unité d'un Spinoza.
Un homme qui, par hypothèse, serait tout entier intellectuel
et qui cependant agirait (si cela est possible), échapperait par sa
constitution à cette dualité contradictoire. Le magistrat observé
par Esquirol qui, avec une parfaite lucidité d'esprit, avait
perdu toute sensibilité et « était aussi indifférent aux siens et
à toute chose qu'à un théorème d'Euclide » s'en rapproche. On
en trouve des formes atténuées chez les apathiques intelligents.
Mais cette dualité contradictoire est si commune qu'on n'ose-
rait pas y insister, si elle ne mettait en plein jour l'inanité de
ce préjugé si répandu : qu'il suffit d'inculquer des principes,
des règles, des idées, pour qu'ils agissent. Sans doute, l'auto-
rité, l'éducation, la loi, n'ont pas d'autre moyen d'influence
sur les hommes ; mais ce moyen n'est pas efficace par lui-
même ; il peut échouer ou réussir; c'est une expérience qu'on
essaie et qui se réduit à ceci : le caractère intellectuel (s'il y a
des caractères proprement intellectuels, comme l'admettent
certains auteurs) et le caractère affectif marcheront-ils de pair?
2" La deuxième forme est pure et complète ; elle renferme
une contradiction plus profonde, parce qu'elle existe entre
deux manières de sentir, deux tendances, deux modes d'agir
dont l'un nie l'autre. Ces caractères nous rapprochent de notre
dernier groupe (les instables) : ce sont des incohérents qui ne
veulent ou ne peuvent résoudre la contradiction qui est en eux.
L'un des plus communs exemples se trouve chez les gens qui
cumulent la sincérité religieuse et le libertinage. L'opinion les
juge sévèrement et les tient pour des hypocrites, confondant ainsi
deux cas très distincts : le sentiment religieux et le sentiment
sexuel, bien enracinés en eux, agissant tour à tour, sans qu'ils
se mettent en peine de les concilier. Citons encore les hommes
partagés entre le besoin de l'activité et celui du repos, qui
passent sans cesse de l'un à l'autre ; l'amant qui ressent à la
fois pour sa maîtresse un ardent amour et un violent mépris.
Dans les temps et les pays de profonde foi monarchique, on
/■
TH. RIBOT. — LES CARACTÈRES ANORMAUX ET MORBIDES 13
trouve un état analogue chez les sujets qui ont un sentiment
de fidélité inébranlable au roi et d'abjection pour sa personne.
En étudiant les caractères « composés », Paulhan rappelle que
Rubens, calme, tranquille, rangé dans la vie pratique, devenait .à
en proie à une fermentation tragique dès qu'il saisissait le ''
pinceau. On a dit d'un contemporain célèbre (Wagner) qu'il y 1
avait en lui des « instincts d'ascète et de satyre, le besoin '
d'aimer et de haïr, un appétit de jouissance et une soif d'idéal,
de la dignité hautaine et une plate courtisanerie, un mélange
de dévouement et de lâche trahison ». Ce portrait pourrait con-
venir à beaucoup d'autres. Il dénote plus qu'une dualité con-
tradictoires car il n'est pas réductible à deux marques essen-
tielles ; mais il n'est pas encore le type vrai de l'instable.
A en croire certains auteurs, la cause des caractères contra-
dictoires simultanés serait bien simple ; elle serait réductible à la
dualité cérébrale. On sait que les deux hémisphères du cerveau,
même normal, sont asymétriques, différents quant au poids, à
la distribution des artères, à l'importance fonctionnelle, le côté
gauche étant prépondérant ; que les hallucinations peuvent être
unilatérales ou bilatérales à caractères différents, etc. Bref, le
dualisme cérébral est indéniable ; mais qu'il suffise à expliquer
la dualité du caractère, c'est une hypothèse tellement simpliste
que je ne m'arrêterai pas un instant à la discuter.
Une explication tirée de la psychologie sera moins simple,
mais moins fragile. Pour comprendre comment ces caractères
se constituent, la marche suivante me paraît la meilleure. Pre-
nons comme point de départ les caractères bien équilibrés,
« complètement unifiés, » qui présentent une coordination hié-
rarchique des diverses tendances. Un premier pas vers la rup-
ture est marqué par la prédominance d'une seule et unique
tendance : on est actif, contemplatif, sensitif, etc. C'est encore
une unité ; mais au lieu d'une unité de convergence qui res-
semble à une fédération, nous avons une unité de prépondé-
rance qui correspond à une monarchie absolue. Un deuxième
pas, décisif, est marqué par l'apparition de deux tendances
dominatrices ; mais il faut qu'elles soient contradictoires. Ainsi,
Michel Cervantes, qui après une vie de batailleur chevaleresque
devient l'écrivain que l'on sait, offre l'exemple d'une nature
complexe, composite, nullement contradictoires. La contradic-
tion est dans les cas analogues à celui du croyant libertin, parce
que en même temps qu'il affirme des règles de morale pres-
crites par sa religion, il les nie par ses actes. Donc deux ten-
14 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
dances incoordonnées. Toutefois ce n'est que l'exagération d'un
fait normal : un homme très grave peut avoir des accès de joie
folle ; un autre peut être pris d'une passion qui dément toutes
ses habitudes. Donnez à cet état transitoire, épisodique, la sta-
bilité, la permanence et le caractère contradictoire s'établit. Les
causes de cette transformation peuvent être assignées aux cir-
constances ; je les crois bien plus encore dépendantes de l'in-
néifé, ce sont des dispositions inhérentes à la constitution
individuelle ; l'occasion ne sert qu'à les faire éclore.
En définitive, on peut soutenir, sans paradoxe, que ces carac-
tères sont ou ne sont pas contradictoires, selon le point de vue
adopté : pour la logique de l'intelligence, ils le sont ; pour la
logique des sentiments, ils ne le sont pas.
Quand nous jugeons un caractère contradictoire, .qu'il s'agisse
de nous ou des autres, nous procédons objectivement : nous
constatons dans l'individu l'existence simultanée de deux idées
directrices dont l'une nie l'autre; nous le déclarons illogique
rationnellement, parce que le principe de contradiction est le
nerf de toutes nos affirmations et que la logique de l'intelli-
gence repose sur lui.
La logique des sentiments est subjective ; elle est régie par
le principe de finalité ou d'adaptation. L'individu, comme être
purement affectif, ne vise qu"à une fin, la satisfaction de ses
désirs ; et en lui, chaque tendance spéciale vise sa fin spéciale,
son bien spécial. Si donc le savant mù par l'amour de la vérité
tend vers la vérité rigoureuse et mù par un vif sentiment reli-
gieux la satisfait par des croyances d'enfant, il n'y a pas, il ne
peut y avoir de contradiction entre ces deux désirs; elle n'existe
que dans la région des idées, objectivement. La logique des
sentiments a aussi ses illogismes, mais ils sont autres et je
n'en vois que deux : 1° ([uand une tendance isolée, en allant
vers son but, est une cause de nuisance ou de ruine pour l'in-
dividu tout entier ; 2*^ quand celui-ci se complaît dans sa propre
destruction, comme dans les cas de « plaisir de la douleur »
état dont beaucoup d'auteurs ne me paraissent pas avoir com-
pris la nature et que ce n'est pas le lieu d'étudier.
111
Les caractères instables ou polymorphes ne peuvent être
appelés « caractères » que par une extension tout à fait abusive
Tn. RIBOT. — LES CARACTÈRES ANORMAUX ET MORBIDES IS
de ce mot; car il n'y ft plus ni unité, ni stabilité, ni prévision
possible. Gomment agiront-ils ? A chaque moment nous sommes
en face d'une énigme. En fait, c'est la dissolution du caractère
et tous les échantillons de ce groupe sont pathologiques.
Il n'est pas utile de les décrire, car ils se comprennent d'eux-
mêmes. Leurs principaux types se rencontrent: chez les hysté-
riques dont la psychologie protéiforme a été tant de fois faite
et bien faite qu'il n'y a pas à insister ; chez les aventuriers
dont l'histoire avec des variations sans nombre est au fond
toujours la même et peut se résumer ainsi : précocité, indisci-
pline à la maison paternelle ou aux écoles, fugues fréquentes,
inaptitude à tout travail suivi ; passant brusquement de la
fougue au dégoût, essayant tout et laissant tout, roulant ainsi
au hasard des impulsions et des circonstances jusqu'à une
catastrophe finale qui les conduit en cour d'assises ou dans un
asile d'aliénés.
Les causes de cette instabilité sont congénitales ou acquises.
La diathèse spasmodiquc, comme l'appelle Maudsley, est le
plus souvent innée. Elle a pour marques les divers symptômes
qui sont compris sous le nom de dégénérescence, groupés en
stigmates physiques et stigmates psychiques : ils sont trop
connus pour qu'il soit besoin de les énumérer.
L'instabilité acquise au cours de la vie est le reliquat de cer-
taines maladies, surtout des blessures et chocs au cerveau et
avant tout des lésions du lobe frontal. Telle est la conclusion
qui ressort des observations de David Ferrier, de Boyer,
Lépine, etc. Plus récemment, Allen Starr ' sur quarante-six cas,
a constaté vingt-trois fois, comme seuls symptômes, l'obtusion
mentale, l'impossibilité de l'attention, l'irritabilité, les actes
incoordonnés et impulsifs, l'absence de contrôle volontaire, la
perte du pouvoir d'inhibition, phénomènes qui coïncident spé-
cialement avec les lésions du côté gauche de la région frontale.
M. Paulhan dans son livre sur les Caractères étudiant ceux
qu'il appelle les inquiets, les nerveux et les contrariants, en
donne plusieurs exemples, parmi eux Alfred de Musset, d'après
son propre portrait, confirmé par celui de G. Sand : « Au sortir de
ces scènes affreuses, un amour étrange, une exaltation pmissée
jusqu'à l'excès me faisaient traiter ma maîtresse comme une
divinité. Un quart d'heure après l'avoir insultée, j'étais à ses
genoux ; dès que je n'accusais plus, je demandais pardon ; dès
(1) Bmln, n" 32, p. 570 cl Hrum S,/r!jer>j (18'J3), ch. i.
16 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
que je ne raillais plus, je pleurais. » (Musset.) « Ses réactions
étaient soudaines et violentes en raison de la vivacité de ses
joies... L'on eût dit que deux âmes s'étant disputé d'animer son
corps, se livraient une lutte acharnée pour se combattre l'une
l'autre... Règle invariable, inouïe, mais absolue dans cette
étrange organisation, le sommeil changeait toutes ses résolu-
tions ; il s'endormait le cœur plein de tendresse, il s'éveillait
l'esprit avide de combats et de meurtres et s'il était parti la
veille en maudissant, il accourait le lendemain pour bénir. »
(G. Sand.) De là, et des cas analogues, Paulhan conclut que « ces
types résultent de la prédominance de l'association par con-
traste ». Il me paraît impossible de réduire la psychologie des
instables — et des caractères contradictoires qui y confinent —
à ce seul fait. D'abord, l'association par contraste n'est pas
primitive. Avec raison, les psychologues la réduisent indirecte-
ment à l'association par ressemblance, mélangée quelquefois
d'éléments de contiguïté. De plus, le contraste n'existe que par
couples et chez les « nerveux, inquiets, contrariants » il n'y a
pas seulement passage du contraire au contraire, mais du divers
au divers ; ils parcourent toute une gamme. Entin l'association
par contraste n'a une forme précise que comme phénomène
intellectuel et l'on ne pourrait soutenir que l'amour, en tant
que représentation, évoquerait par contraste la représentation
de la violence, ou Y idée de la jalousie celle de l'indiflerence.
Ici, l'association des idées n'est qu'un effet, un résultat, une
traduction dans la conscience d'événements plus profonds,
d'ordre affectif et même organique. Si Musset s'étant représenté
Sand comme une divinité, sévit aussitôt sur elle comme un
planteur brutal sur une esclave, son changement d'orientation
est dans sa manière de sentir, non de penser. J'y vois plutôt
l'effet d'un épuisement rapide, mais partiel, très fréquent chez
les déséquilibrés. Si l'on tient à conserver le mot contraste,
il faudrait le prendre, non dans son acception psychologique,
mais au sens des physiologistes lorsiju'ils parlent de « con-
traste successif » et quils l'attribuent (à tort ou à raison) à la
fatigue de certaines portions de la rétine.
La formule qui, à mon avis, résume et explique les instables
est celle-ci : infantilisme psychologique . On pourrait dire aussi
arrêt de développement, mais l'expression ne serait pas appli-
cable à tous les cas.
Si l'on considère, en elTet, les marques distinctives du carac-
tère des enfants (sauf exceptions), on constate d'abord la mobi-
TU. RIBOT. — LES CARACTÈRES ANORMAUX ET MORBIDES 17
lité ; ils désirent une chose, puis une autre et une autre, passent
vite aux extrêmes, de la fougue au dégoût, du rire au pleurer ;
c'est un faisceau incoordonné d'appétits et de désirs dont cha-
cun chasse l'autre. Puis, faiblesse ou absence totale de volonté
sous la forme supérieure de l'arrêt qui maîtrise et coordonne.
Sont-ils impulsifs par défaut d'inhibition ou incapables de se
gouverner par l'excès des impulsions? Les deux cas se rencon-
trent et le résultat est le même. Le tableau de leur caractère,
qu'il est inutile de poursuivre dans le détail, est celui des ins-
tables — c'est-à-dire d'une non-constitution du caractère.
Le terme infantilisme convient également aux formes con-
génitales et aux formes acquises. Les uns n'ont pas cessé d'être
enfants, les autres le redeviennent; ils sont au même niveau,
les uns pour n'avoir pas assez monté, les autres pour avoir
trop descendu : arrêt de développement ou régression. Et il n'y
a pas à objecter que cette instabilité s'est rencontrée mainte fois
chez des esprits supérieurs : le génie est une chose, le caractère
une autre chose et il ne s'agit ici que du caractère. Le vulgaire
qui frappé de l'incohérence de leur conduite appelle ces grands
hommes « de grands enfants » trouve la note juste, sans
subtilité d'analyse.
En somme, depuis le caractère vrai (c'est-à-dire l'afflrmation
d'une personnalité sous une forme stable et constante avec
elle-même) qui ne se réalise jamais complètement ni sans de
courtes éclipses, il y a tous les degrés possibles d'infraction à
l'unité et à la stabilité, jusqu'à ce moment de la multiplicité
incoordonnée, où le caractère n'a pu naître ou a cessé d'être.
Tll. RiBOT
Professeur au culic^e de France.
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II.
II
UN APERÇU DE PSYCHOLOGIE COMPARÉE
De tout temps la psychologie des animaux a intéressé l'homme.
Et de tout temps la psychologie des animaux sociaux a excité
la curiosité des penseurs et des naturalistes, par les singulières
analogies ou convergences qu'elle présente avec la société
humaine. En 1874 j'ai publié dans mes Fourmis de la Suisse
'Genève, chez Georg) un grand nombre d'observations et d'ex-
périences sur les mœurs des fourmis qu'à l'instar de Pierre
lluber j'ai déclaré posséder les instincts sociaux les plus com-
plexes et les plus complets de tout le règne animal. Dès lors les
faits se sont accumulés pour corrobort-r celte opinion. Les
remarques qui vont suivre ne sont qu'un résumé de mes vues
actuelles sur l'ensemble et les rapports fondamentaux du sujet.
Le temps et les limites d'un article de revue ne me permettent
pas d'entamer de discussions avec d'autres auteurs ni d'entrer
dans des détails descriptifs. Je suppose les diverses opinions et
sources connues pour aller droit au but.
Le fait fondamental que j'ai déjà relevé dans le livre cité est
le suivant :
L'instinct social des fourmis (et des autres insectes sociaux)
présente une série d'actes, dits automatiques, dont le résultat
arrive à un parallélisme surprenant avec certains produits
complexes d'une civilisation humaine plus ou moins avancée.
Je ne cite que l'esclavage pratiqué par diverses espèces d'une
fagon ([ui paraît raffinée, l'élevage du bétail (des pucerons) que
les fourmis savent même parfois transporter, claquemurer dans
des « écuries », et dont elles élèvent même les œufs, la récolte
et la conservation des graines, enfin le jardinage pratiqué par
les Attini avec un raffinement inouï. Les MUi d'Amérique vont
couper les feuilles des arbres, les portent dans leur nid, les
A. FOREL. — UN APERÇU DE PSYCHOLOGIE COMPARÉE 19
mâchent et en font un labyrinthe soigneusement aménagé
servant de gélatine nutritive à un champignon spécial, un
agaric, le Rhozites gongijlophora Môller, que les fourmis cul-
tivent avec un soin incroyable, coupant tous les fils du mycélium
à mesure qu'ils poussent, et ne laissant croître que les conidies
à massues farineuses (les choux-raves de Moller) dont elles font
leur nourriture. Les admirables observations du botaniste
docteur Mrdler faites au Brésil méridional sur les Atta sont un
vrai bijou biologique.
La contre-partie non moins fondamentale du fait que je viens
d'énoncer est que, prise individuellement et sortie de l'ornière
de son instinct, une fourmi est un simple insecte, incapable de
réflexion tant soit peu complexe, supérieur encore, il est vrai,
à la plupart des autres insectes, mais infiniment inférieur,
comme capacité d'adaptation, au plus inférieur des mammi-
fères, inférieur même à la plupart des vertébrés à sang froid.
De ces deux faits fondamentaux dont nous retrouvons le
contraste bien connu chez tous les animaux, et — j'insiste sur
le fait — dans le cerveau même de chatjue individu animal, y
compris l'homme, résulte l'antagonisme apparent et trop connu
aussi de deux sortes d'activités nerveuses qu'on a appelées
instinct et raison ou intelligence^ et du contraste desquelles on
a pendant des siècles déduit des théories métaphysiques plus
ou moins fausses, dont les religions sont entre autres encore
imprégnées.
Avant d'entrer plus avant dans notre sujet, il s'agit de s'en-
tendre sur la notion de psychologie humaine et comparée. La
terreur de la métaphysique et l'horreur de la religion aflectées
par nos savants modernes, tombent souvent dans le fétichisme
de l'atome matériel. On pourrait les appeler philosoj)hophobie
et misothéisme . Elles constituent un curieux symptôme qui
s'explique et s'excuse en partie par les excès de spéculations
stériles des anciennes métaphysiques et par les entorses épou-
vantables que les dogmes religieux ont données et donnent
toujours au bon sens et à la logique. Mais les hommes de science
tombent de leur côté presque régulièrement dans l'absurde en
s'imaginant voir des faits dans les produits de leur cerveau et
en négligeant d'étudier les principes philosophiques fonda-
mentaux de la connaissance humaine qui nous apprennent à
comprendre les faits et à ne pas leur faire dire ce qu'ils ne
disent pas. Ils perdent la boussole de la logique, font de la
métaphysique atomique à dormir debout sans s'en apercevoir,
:20 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
discréditent ainsi leurs plus belles recherches, ouvrent les
portes à l'obscurantisme et finissent souvent par retomber eux-
mêmes lourdement dans le mysticisme dualiste dont par suite
d'un quiproquo ils s'imaginaient seulement être sortis. Pour
nous entendre sur les termes, partons simplement de l'obser-
vation naïve et gardons-nous constamment de confondre nos
déductions ou abstractions avec les données symboliques que
nos sens nous donnent du monde extérieur.
L'être humain distingue avant tout deux choses : son moi
subjectif ei les phénomènes qui apparaissent à ce moi et qu'il
attribue à un monde hors de son moi. Appelons conscience le
subjectivisme du moi. Il est admis que l'objet de la psycholo-
gie à strictement parler se réduit à l'étude interne de ce qui se
passe dans notre conscience. Mais cette déiinition est meilleure
en théorie qu'en pratique. Les anciens états de conscience,
oubliés par le moi, sont-ils encore du domaine de la conscience ?
Le moi des autres a-t-il le droit d'être assimilé sans autre à la
psychologie d'un chacun ? Le moi des enfants, des vieillards,
des aliénés, des animaux est-il oui ou non du domaine de la
psychologie ? Si oui, où se place la limite dans la série animale ?
Et si nous accordons au moi les souvenirs oubliés (qu'on excuse
cette contradiction apparente), à quel âge commence le moi ?
Il suffît de poser ces questions pour les résoudre : le domaine
de la psychologie est relatif et sans limite, comme le moi.
Aucun sophisme ne réussira à marquer une limite qui n'existe
pas.
Mais d'autres faits d'observation doivent être notés. La notion
de conscience du moi et des choses est une notion bâtarde,
comme je l'ai dit ailleurs, et prête à confusion. Elle se com-
pose de deux notions : 1° le phénomène indécomposable du
subjectivisme, le fait interne par excellence ; 2° son contenu
mobile et dynamique, ce qu'on a appelé les états de cons-
cience, les sensations, perceptions, idées, volitions, etc.
Enlevons un instant théoriquement le subjectivisme, la cons-
cience même, et séparons-le de son contenu; alors ce dernier
nous apparaît soumis à des lois de dynamique cérébrale iden-
tiques à celles que nous observons dans les actions Aiie?> incons-
cientes, qu'elles soient automatiques ou raisonnables, peu
importe. Mais si nous voulons chercher à saisir cette conscience
privée de contenu, que nous venons d'éliminer si prestement,
nous nous trouvons en présence du néant le plus absolu. Il
71' existe pas de conscience sans contenu. Non seulement pareille
A. FOREL. — UN APERÇU DE PSYCHOLOGIE COMPARÉE !2 1
conscience n'a jamais été consciente ou connue à personne,
mais nous pouvons hardiment prétendre que cette conscience^
dépouillée du mouvement matériel de son contenu n'est que le
leurre d'une abstraction humaine, d'un phénomène interne ou
plutôt du miroitement interne dans lequel les phénomènes
nous apparaissent pris à tort pour une chose. La conscience
n'est que le reflet de son contenu. Je ne veux pas revenir en
détail sur ce que j'ai dit dans le numéro de novembre 189o de
la Revue philosophique ; j'}' renvoie le lecteur et je me résume
seulement.
D'un autre côté nous ne connaissons le monde extérieur que
symbolisé par nos sens et apparaissant ainsi dans le champ de
notre conscience. Pour se sortir de cette contradiction apparente
qui a causé de tout temps la célèbre dispute de mots entre
spiritualistes et matérialistes, il suffit d'admettre une chose
bien simple, c'est que la « conscience », c'est-à-dire le reflet
subjectif est un phénomène général de la force-matière, c'est-
à-dire de l'être en lui-même. Tout ce qui nous paraît inconscient
est en réalité conscient i si infinitésimalement que ce soit) et
si le champ de notre conscience humaine supérieure est res-
treint dans le temps et dans l'espace, cela provient simplement
de ce que, pour pouvoir travailler avec ordre et concentration,
l'activité principale de notre cerveau à l'état de veille est obli-
gée de lâcher ses connexions (associations) avec les activités
cérébrales subordonnées. Elle a cependant des connexions frag-
mentaires avec ces activités dont nous avons alors « conscience »
vague ou momentanée, de même qu'avec l'activité cérébrale
atténuée et transformée pendant le sommeil, avec le rêve.
Pas plus qu'il n'existe de matière sans force ou de force sans
matière, pas plus il n'existe de conscience ou d'âme sans force-
matière et inversement. Les raisonnements ont faussé l'esprit
humain en lui faisant prendre ses abstractions pour des choses
distinctes dont l'existence propre, isolée ou seulement réelle, n'a
jamais été démontrée à qui que ce soit par aucun être humain
ni surhumain.
II s'ensuit qu'il est foncièrement faux d'opposer une activité
dite inconsciente à l'activité consciente. Tout est conscient,
mais les consciences n'ont entre elles que des connexions de
voisinage immédiat. Elles ne se connaissent pas directement
les unes les autres. Ce qui « connaît », c'est l'ensemble moniste
cérébral ; ce qui est étudié ou connu par lui, ce sont les autres
complexions de phénomènes de l'univers, y compris le reste
22 MÉMOIRES DES COLLABORATKURS
du corps de riiidividu. L'hypnotisme nous donne la clé de ces
faits.
Qu'il me soit permis ici de faire réparation à qui de droit.
C'est un saint devoir de la science. J'ai été jusqu'à ces derniers
jours dans l'ignorance à peu près complète des travaux admi-
rables de M. Durand (de Gros) dont les premiers ont paru sous
le pseudonyme de Philips. Je n'en connaissais que les citations
de MM. Liébeault et Bernheim qui n'indiquent pas l'idée fon-
cière ; avec le courage et la perspicacité du génie, en dépit de
tous les préjugés scientifiques et académiques de son temps.
M. Durand a vu clair, là où toiit le monde voyait trouble, et
cela déjà en grande partie en 1835, dans son Electrodyna-
misme vital, quoique ce livre d'un jeune homme de vingt-cinq
ans renferme encore diverses opinions mal mûres. Certaines
idées que j'ai émises dans divers ouvrages, entre autres dans
mon livre sur l'hypnotisme [Der Hypnotismus, 2'= édition 1891
et 3*^ édition 1895 chez Enke), et dans mon discours Gehirn
und Seele, 1894, chez Strauss à Bonn, se trouvent avoir été
émises bien antérieurement par M. Durand sous le nom de
polypsychisme ei polyzo'isme humain. Comme moi, M. Durand
attribue une conscience et une activité propre aux centres ner-
veux subcérébraux qu'il fait avec raison dériver phylogénétique-
ment, avec le transformisme, de zoonites ou anciennes colonies
d'animaux agrégés, représentés chez nous parles vertèbres. Il
explique et comprend la conscience comme je l'ai fait, et son
monisme, peut-être un peu trop spéciflquement leibnizien,
représente bien l'idée moniste fondamentale. M. Durand a subi
le sort de trop de génies provinciaux. Paris a étouffé ses
œuvres par le silence, quoique plus d'un l'ait copié sans le
citer. Réparation lui est due et je cite spécialement encore ses
livres : Essais de p/iysiologie psychologique, Paris, Bail-
lière, 186(i, et Le merveilleux scienti/lque, Paris, Alcan, 1894,
en les recommandant à toute l'attention des naturalistes qui
veulent bien « penser » et ne pas être de simples entasseurs de
faits. Du reste, M. Durand me pardonnera mon ignorance ; la
priorité lui est assurée et une conlirmation par une personne
non iniluencée et arrivant d'elle-même aux mêmes conclusions
ne peut qu'être utile à la science. M. Durand (de Gros) me per-
mettra une réserve : je ne partage pas ses affirmations des faits
dits (ïoccultisme et de télépathie ; je ne les nie pas non plus,
mais je doute, et les preuves qu'il apporte sont loin de me
suffire, celles de M. (]h. Richct moins encore (jue les autres.
A. FOREL. — UN APERÇU DE PSYCIIOLOGIH: COMPARÉE 23
Qu'il existe peut-être des lois naturelles encore inconnues de
l'homme à la base de ces prétendus phénomènes, c'est possible ;
qui oserait assurer le contraire ! 11 est hors de doute que notre
esprit restreint ne connaît qu'un symbole très partiel des lois
de la nature. Mais, avant de chercher les lois, il faut mieux
étayer les faits. D'ici là je ne croirai pas à l'existence d'espi'its
sans cerveau vivant— entendons-nous bien — d'esprits voya-
geurs anthropoïdes ou anthropiques. Ce que j'entends par
« conscience » d'un ganglion ou d'une amibe n'est que le reflet
interne de l'activité protoplasmique du ganglion ou de l'amibe
et n'a aucun rapport avec la complexion de l'âme humaine. Du
reste, M. Durand lui-même fait de sages réserves et peut-être ne
sommes-nous pas trop loin de nous entendre aussi sur ce sujet ;
il avoue que rien n'est explicable dans la télépathie, et pense
qu'elle décèle une surnature ou sous-nature voilée, avec ses
lois, ses forces et sa matière propres; il croit qu'elle nous
révèle l'existence d'un univers sans bornes, la nuit de l'Infini,
que la nature classique du plein jour, avec son horizon borné
pour être mieux éclairé, ne peut nous faire entrevoir. C'est
possible ; mais que de fantômes ne voit-on pas dans la nuit et
le crépuscule, fantômes qui s'expliquent fort simplement au
jour !
Il découle des réflexions et des faits énoncés que le moi n'est
point une unité, mais une réunion temporaire et variable d'ac-
tivités naturelles sous la forme du cerveau vivant. Et, comme
l'a déjà très bien dit M. Durand, notre système nerveux lui-
même renferme des moi secondaires, subordonnés au cerveau,
ceux des divers centres nerveux cérébro-spinaux, subcérébraux
et des ganglions, sans parler du moi infinitésimal de chaque
neurone et de chaque cellule vivante.
Notre digression nous ramène en plein à notre sujet en
dévoilant un fait fondamental de psychologie comparée, dont
la priorité de découverte revient à M. Durand, mais qui a été
indépendamment retrouvé par Isidore Steiner et par moi-même.
Je veux tâcher de le rendre clair en complétant les réflexions
qui s'y rattachent.
Si nous étudions les origines phylogénétiques du système
nerveux, nous voyons dériver des cellules épithéliales, les
cellules à prolongements, qui sont les premiers neurones. Les
prolongements des unes sont centripètes et vont de la peau
aux viscères auxquels ils communiquent les impressions du
dehors ; ceux des autres vont communiquer par contiguïté leur
24 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
vague moléculaire à une cellule devenue contractile et origine
du muscle. De là à l'arc réflexe il n'y a qu'un pas. La disposition
des cellules nerveuses en groupes de neurones* produit les
centres dits ganglionnaires. Ces centres sont fort indépendants
les uns des autres, mais chacun d'eux constitue une àme gan-
glionnaire complexe en ce sens qu'elle consiste dans l'action
synergique des âmes cellulaires de chaque neurone. Les pre-
miers neurones isolés, non encore réunis en ganglions, avaient
une âme cellulaire fort analogue à celle de l'amibe, mais diffé-
renciée en ce sens que l'activité moléculaire {cymique) seule
était demeurée l'apanage du neurone, la contractilité s'étant
spécifiée dans le muscle. En se subordonnant à l'activité d'en-
semble du ganglion, l'âme du neurone perd de plus en plus
son individualité et devient de plus en plus partie d'un ensem-
ble, du ganglion. La formation par zoonites des animaux com-
posés amène la soudure des corps de chacun, mais pas encore
des centres nerveux. Du reste, il serait erroné de croire chaque
centre nerveux dérivé d'un zoonite ; certains ganglions se
forment séparément les uns des autres dans le même animal
primitif, et je ne crois pas qu'on ait le droit d'identifier complè-
tement le polypsychisme au polyzoïsme.
Les ganglions des zoonites finissent par agir l'un sur l'autre
par les prolongements axiaux de leurs neurones, et ainsi se
forme la chaîne axiale (ventrale) des articulés. Chez les vers,
l'indépendance de l'âme de chaque zoonite, de chaque ganglion,
est encore très grande.
Cependant, une coordination interganglionnaire s'opère
bientôt et se perfectionne. Puis, les neurones de reliement de
l'axe se renforcent, les activités de chaque ganglion com-
mencent à se spécialiser et, partant, à se subordonner (qu'on
étudie les travaux de Yersin et de Faivre).
Les organes de la vue et de l'odorat se différencient et se
spécialisent dans le zoonite antérieur ou tête. Dès lors, ce der-
nier grossit et commence à prendre la direction générale des
autres qui se subordonnent de plus en plus. Chez les articulés
supérieurs, nous voyons des lobes spéciaux (les corps pédon-
(1) D'ajirès l.i tlii'uiic émise et inolivép d'alinid par Ilis et jtar luoi-iiièuie,
puis confimiée plus tard par les recherches histolofriques de Ramon y Cajal,
on entend par neiinmc l'enseuihle d'une cellule nerveuse avec tous les
prolon;L,'euients suit ])iiiloj)lasniiques simples, soit transl'oi'més en fibres
nerveuses qui sont sortis d'elle, les((uels, à iu)tre avis, ne s'anaslonioseut
pas avec ceux des autres cellules.
A. FOREL. — UN APERÇU DE PSYCUOLOGIE COMPARÉE ^^'i
culés de Dujardin chez les Hyménoptères sociaux), indépen-
dants des organes des sens, se superposer au ganglion primitif
et constituer un cei'oeau directeur qui devient le moi supérieur
de l'insecte. Cependant, les âmes ou moi subordonnés des
autres ganglions de la chaîne, quoique de moins en moins
indépendants, quoique afiectés de plus en plus aux fonctions
spéciales des segments de plus en plus différenciés du corps,
continuent à exister séparément, et M. Durand cite avec raison
l'expérience bien connue du tronçon séparé d'un insecte et
continuant à se mouvoir d'une façon coordonnée. Yersin a
même démontré l'accouplement (provoqué par attouchement)
et la ponte de grillons séparés de leur ganglion cérébral.
Mais j'ai de mon cùté prouvé {fourmis de la Suisse) que les
actes de ces ganglions séparés sont des automatismes très
simples ou spécialisés, absolument incapables de guider Ten-
semble de l'insecte. Privés du cerveau, ces ganglions ne savent
plus s'entendre entre eux ; aucun d'eux ne sait prendre la
direction générale, et l'insecte sans cerveau parait frappé de
stupeur ou de démence absolue. La tête seule, par contre,
séparée du reste, donne des signes non é([uivoques de sa supé-
riorité. Elle veut encore , elle essaie, elle se démène de ses
antennes et mandibules; chez les fourmis, elle sait même
distinguer un ennemi d'un habitant du nid, et se comporter en
conséquence.
Il est presque impossible de réfléchira ces faits sans les com-
parer à un certain point de vue à ce qui se passe de nos jours
dans la société humaine prise comme ensemble et mise en
regard de l'animal composé. Nous voyons la complication aug-
menter par la division du travail entre les hommes. Nous voyons
le spécialiste se différencier dans sa spécialité comme un zoonite
et perdre par là son indépendance et ses vues générales, tandis
que le paysan indifl"érencié et plastique, plus amiboïde, est
encore individuellement adapté à tous les besoins généraux de
la vie. Mais, où sont les centres céphaliques, les cerveaux
capables encore de dominer l'ensemble ! Leurs rangs s'éclair-
cissent, et ils deviennent de moins en moins capables de sub-
venir à l'arbre de la connaissance qui grossit comme une ava-
lanche. Où cela nous conduira-t-il?
Chez les vertébrés, Isidore Steiner a démontré que le centre
directeur de l'animal varie, et que, chez les poissons osseux,
c'est en général le cerveau moyen (tubercules quadrijumeaux),
tandis que chez la plupart des autres vertébrés ce rôle est pris
^(j MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
par le cerveau antérieur (hémisphères cérébraux). L'axe céré-
brospinal des vertébrés constitue déjà une unité relative bien
supérieure à la chaîne ventrale des articulés. Cependant la
moelle épinière des poissons, des amphibiens, des reptiles
même, est beaucoup plus indépendante, a un moi, une àme bien
plus libre que celle des mammifères et surtout que celle de
l'homme. Ce n'est pas qu'elle soit plus complexe ou mieux orga-
nisée, loin de là, mais le commandement; la prépondérance du
cerveau est encore bien moindre. A mesure que le cerveau
grandit, dans l'échelle des ma^nmifères, il envoie un plus grand
nombre de neurones exécuteurs de ses ordres par le faisceau
pyramidal à la moelle épinière et par d'autres faisceaux au cer-
velet, au pont de Varole, aux tubercules quadrijumeaux et chez
les poissons électriques aux lobes électriques de la moelle
allongée. C'est ainsi et pas autrement que ces centres inférieurs
deviennent des âmes de plus en plus subordonnées et dépen-
dantes du cerveau. En ce sens, je ne fais que confirmer l'opinion
qui, émise par M. Durand (de Gros) dans son Eleclrody namisine
vitale en I800, avant que Darwin eut parlé, était un vrai trait
de génie.
L'âme humaine supérieure ou àme cérébrale est donc iden-
tique au dynamisme du cerveau vivant ; son reflet conscient
n'est rien par lui-même ; il est tout par ce dynamisme. Ce qui,
dans le dynamisme cérébral, nous apparaît surtout comme for-
mant la séquence des états de conscience n'est autre que l'ac-
tivité intense et concentrée dite attention qui se déplace sans
aucun doute à chaque instant dans le cerveau où elle forme
comme qui dirait une macula lutea mobile de la pensée, un
point central ambulant de concentration de la pensée distincte.
La mobilité du globe de l'œil et de notre tête permet à la
macula lutea de la rétine, immobile par elle-même, de suivre
la séquence des objets regardés. Dans notre cerveau immobile,
c'est le dynamisme de l'attention qui est obligé de voyager
pour réveiller et renforcer tour à tour les images dormantes de
la mémoire, les irritations sensorielles ou centripètes (psycho-
pètes) actuelles, et les volitions centrifuges (psychofuges).
Qu'est donc cette activité cérébrale, cette complexion de
forces neuriques, dont l'ensemble constitue notre âme? Ilodge
et d'autres après lui ont démontré que l'aspect du protoplasme
des cellules nerveuses centrales change lorsqu'elles ont été sou-
mises à de fortes excitations consécutive? pendant un certain
temps ; on voit ce changement au microscope. Il faut un repos
A, FOREL. — UM APERÇU DE PSYCDOLOGIE COMPARÉE 27
de plusieurs heures pour qu'elles reprennent leur aspect primi-
tif. Sur le protoplasme des fibres nerveuses cet effet n"a pu
encore être démontré à l'œil. Mais on ne peut douter que, là
aussi, à l'action moléculaire corresponde un changement maté-
riel passager de la substance. La rapidité avec laquelle une
excitation est transmise par un nerf ou transformée en mou-
vement par un arc réflexe prouve qu'il ne peut s'agir, du
moins dans le fil conducteur, c'est-à-dire dans le cylindraxe
de la fibre, que d'une onde moléculaire qui se propage soit à la
façon des ondes physiques, soit par des transformations chi-
miques isomériques extrêmement passagères et rapides, comme
l'ont pensé Spencer et d'autres. Il me semble qu'ici la physique
et la chimie se touchent et, sans préjudicier la question, j'ai
cru pouvoir donner à l'onde moléculaire nerveuse le nom de
neurocyme, car il faut des mots pour désigner les notions, et
cet onde a tout aussi droit à un nom que la lumière ou l'élec-
tricité, avec lesquelles, malgré les lois de transformation des
ondes physiques les unes dans les autres, on aurait tort de
l'identifier par théorie anticipée. L'organe électrique des gym-
notes et des torpilles démontre, il est vrai, d'un côté^que le
neurocyme peut produire de l'éleclricité, mais de l'autre qu'il
lui faut pour cela un appareil électrique spécial. Le neurocyme
transmet donc l'excitation d'un agent quelconque par la fibre
nerveuse, c'est-à-dire par le prolongement cylindraxe à struc-
ture fibrillaire d'un neurone, d'une cellule à l'autre, soit dans
un sens d'abord cellulipète, puis cellulifuge (nerfs sensibles
tactiles), soit dans un sens uniquement cellulifuge (nerfs moteurs,
nerf optique . La fibre nerveuse assure pendant ce trajet une
conductibilité relativement isolée par sa gaine de myéline.
Arrivé à l'extrémité d'un neurone, le neurocyme n'est plus trans-
mis à l'autre élément par un conducteur isolé, mais par le con-
tact des ramifications terminales du neurone qui s'appliquent en
patte d'oie sur la fibre musculaire ou sur le corps d'une autre
cellule nerveuse; ou bien, s'il est cellulipète, il se transmet
directement au protoplasme de la cellule du premier neurone.
Dans ces deux cas, il paraît évident que le neurocyme subit des
transformations, qu'il peut être soit renforcé, soit inhibé, soit
altéré par d'autres ondes analogues qui se surajoutent, se sous-
traient ou le modifient. Nou» voyons les effets, mais la nature
phijsiologique do l'action interneuronaire du neurocyme nous
échappe encore. Et c'est là cependant que se cache le secret du
mécanisme de notre âme!
28 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
Brown-Séquard a employé le terme de dynamogénie en oppo-
sition à celui d'inhibition pour exprimer le renforcement du
neurocyme dans un centre nerveux. Exner a proposé dernière-
ment le terme de Frayement (Bahnnng). Oscar YogiZeitschrifl
fur Hypnolis/mis, Juli-September I8O0, Leipzig, A. Barth
a établi une théorie qui nous parait constituer un progrès et
qui se rapproche des idées de SchilT. Il repousse avec raison
l'idée des centres spéciaux d'inhibition, des fibres dépressives
spéciales que j'ai, de mon côté, toujours considérées comme
aussi illusoires que l'idée des nerfs trophiques spéciaux, parce
qu'elle est contraire aux faits histologiques. D'après Vogt, les
inhibitions neuro-dynamiques reposent sur des écoulements
de neurocyme qui doivent être considérés comme la compen-
sation d'un afflux de neurocyme arrivé d'ailleurs. Vogt corro-
bore son opinion par des exemples. Une faible irritation d'un
nerf produit souvent l'effet contraire d'une forte irritation du
même nerf. Freusberg a montré qu'une faible irritation de la
verge d'un chien produit une érection, tandis qu'une forte
irritation fait cesser l'érection préexistante. D'après la loi de
Weber, il faut en conclure qu'une irritation nerveuse tend d'au-
tant plus à irradier qu'elle est plus forte. Une faible excitation
de la verge excite le centre de l'érection. Une forte excitation
y arrive aussi, mais une partie de son énergie en irradiant
arrive au centre réflexe des mouvements de la jambe. Par lui-
même ce dernier centre est plus excitable que celui de l'érection
de la verge. Dès que cette irradiation a frayé la voie au centre
plus facilement excitable, tout le neurocyme accumulé d'abord
au centre d'érection s'écoule dans la nouvelle voie et l'érection
cesse. Vogt cite une série d'autres exemples et en conclut que
l'augmentation de l'intensité attentionnelle repose sur un fraye-
ment par afflux de neurocyme, ce qui revient à l'idée émise
dans mon livre sur l'hypnotisme où je considère l'attention
comme une sorte de macula lutea mobile de la pensée cérébrale
mise en mouvement par les excitations sensorielles et passant
d'un groupe de neurones corticaux à l'autre, vivifiant les
anciennes images de mémoire et les combinant pour former de
nouvelles idées ou les déchargeant en actions centrifuges. Avec
Ilering, Vogt considère donc les phénomènes psychiques comme
déterminés par des excitations périphériques.
J'ai depuis longtemps insisté sur le fait qu'un état de cons-
cience attentionnel n'est pas le résultat simplement de celui ou
de ceux qui le précèdent, mais la résultante d'une infinité de
A. FOREL. — U.\ APERÇL' DE l'SYCUOLOGIE COMPARÉE :^9
composantes, la grande partie synchrone de la dynamique
cérébrale, de neurocymes. dont beaucoup sont subconscients,
c'est-à-dire ignorés de notre moi supérieur, et que même ce qui,
dans le miroir du subjectivisme conscient, nous paraît unité
est en réalité un agrégat très complexe dont les éléments sont
inconscients à notre moi. De là résulte l'illusion du libre
arbitre et tant d'autres illusions subjectives. 0. Vogt appelle
constellation cet ensemble de composantes, de frayements et
d'inhibitions des neurocymes d'où résulte l'activité attention-
nelle. Et c'est avec raison qu'il se base sur ce que les faits de
la conscience (de psychologie pure) ne peuvent être expliqués
à eux seuls par un enchaînement de causalité, tandis que c'est
le cas pour les faits de la physiologie cérébrale. Cette cons-
tatation ramène à l'opinion de Durand (de Gros; sur la cons-
cience, opinion qui est aussi la mienne.
J'ai appelé dissociation un état mental dans lequel l'incohé-
rence des représentations montre que l'échafaudage des asso-
ciations logiques conscientes ou sub-conscientes a souffert en
tout ou en partie, comme on l'observe dans certaines affections
mentales et dans le rêve où la dissociation provient évidem-
ment d'un repos cérébral plus ou moins complet, Vogt définit
la dissociation comme un état anormal de ce qu'il a appelé
constellation. Gela revient à peu près au même, car la constel-
lation représente l'ordre de l'association.
Je m'arrête ici dans cet aperçu psycho-physiologique, ren-
voyant le lecteur aux sources. On est obligé d'en déduire que les
faits psychologiques (d'observation interne) ne nous donnent
que des synthèses subjectives très incomplètes et souvent
trompeuses de l'enchaînement causal réel des faits de la phy-
siologie cérébrale. La correspondance des deux ordres de faits
existe ; nous progressons dans sa connaissance, mais nous ne
pourrons jamais arriver à l'établir en entier, parce que les
reflets conscients de notre moi supérieur à létat de veille
demeureront toujours une série fragmentaire synthétique, inca-
pable de se relier subjectivement aux consciences des âmes
subordonnées des centres cérébro-spinaux ou ganglionnaires
subordonnés et encore bien moins à celles des âmes élémen-
taires de chaque neurone. Or cette liaison serait indispensable
pour établir leur série de causalité.
Revenons maintenant à la psychologie comparée. Lorsque
nous parlons de psychologie, nous avons l'habitude d'assimiler
la pensée de notre prochain humain à la nôtre. Au sens strict,
30 MÉMOmiiS DES COLLABORATEURS
il n'existe pour chaque homme qu'une psychologie pure : la
sienne propre, le miroitement interne de sa conscience. Mais le
langage, écrit ou parlé, ce symbole ou cette monnaie de la
pensée, par laquelle nous rendons compte aux autres de nos
étals de conscience, le langage, dis-je. nous habitue à généra-
liser notre psychologie à l'aide de celle que les autres nous
donnent comme la leur. Sans dire comme Talleyrand tjue la
parole a été donnée à riiomme pour dissimuler sa pensée et
non pour la divulguer, nous devons cependant faire de grandes
restrictions à cette généralisation. Les « autres » ne nous don-
nent jamais quun compte rendu plus ou moins inexact de leur
pensée, ce qui provient, sans parler du mensonge, de la vanité
et des autres points auxquels pensait Talleyrand : 1° des illu-
sions subjectives dont nous soutirons tous quand nous nous
jugeons ou nous souvenons; 2'^ de l'imperfection du langage à
rendre la pensée et surtout la psychologie ; 3'' de l'inégalité
réelle et souvent profonde des diverses âmes humaines. Cette
inégalité est due à des dillérences tant héritées qu'acquises, et
va en croissant de plus en plus à mesure que la race, le lan-
gage et l'éducation divergent plus. L'homme comprend bien
mal la psychologie de la femme. Le banquier ne peut en
général comprendre la psychologie du paysan ou du savant.
L'Européen ne saisit pas la psychologie du Japonais, et vice
versa. Si nous mettons un Papou à côté d'un lettré d'Europe,
l'impossibilité d'une compréhension réciproque devient mani-
feste ; de même la folie amène par la déviation des fonctions
cérébrales une impossibilité croissante de l'assimilation psycho-
logique réciproque. Malgré toutes ces difficultés, il existe un
bon nombre de notions psychologiques simples et fondamen-
tales, sur lesquelles tous les hommes s'entendent plus ou
moins entre eux, malgré certaines différences subjectives plus
ou moins grandes dans la faron de les sentir et de les com-
prendre. Citons les notions de faim, de soif, de sommeil, de
co'it, d'enfance, etc. Or ces notions sont surtout des notions on
pourrait dire organisées, basées sur les instincts et phylogéné-
tiquement très anciennes, primordiales si l'on veut. Les diver-
gences psychologiques de races, et encore plus celles qui sont
individuelles, portent au contraire sur les notions secondaires,
compliquées, abstraites.
Il résulte de ces simples faits avec évidence que des recher-
ches de psychologie comparée ne peuvent porter que sur les
notions primordiales et que même pour celles-ci nous serons
A. FOREL. — UN APER);U DI-: PSYCHOLOGUE COMPARÉI-: 31
obligés de renoncer à toute assimilation proprement dite de
nos synthèses subjectives avec celles des animaux. Tout au plus
pourrons-nous hasarder quelques assimilations subjectives des
notions les plus élémentaires chez les animaux qui nous res-
semblent le plus, chez les singes anthropomorphes, chez les
chiens les plus intelligents. Là nous pouvons arriver à certains
éléments de langage, de compréhension mutuelle qui nous
permettront de reconnaître chez ces animaux surtout des états
affectifs, des sensations, même des perceptions et certains rai-
sonnements très élémentaires analogues aux nôtres. Le l'ait
même de la faculté variable de domestication chez ces animaux
est une preuve de leurs facultés psychologiques dites dintelli-
gence ou de raison et c'est là que nous avons à les étudier. La
faute générale dont se rendent coupable les historiens des ani-
maux et surtout des insectes est Vanthropisme, c'est-à-dire la
fausse interprétation des actes des animaux qu'on fait en leur
appliquant le raisonnement subjectif de l'observateur. Cela pro-
vient de deux confusions, d'abord celle de l'instinct avec le
raisonnement plastique et ensuite de celle d'une série d'actes
observés chez l'animal avec le subjeclivisme psychologique de
l'animal. Nous n'observons que les actes, mais nous ne voyons
ni le mécanisme des neurocymes de l'àme qui les produit, ni
son reflet subjectif, et ce mécanisme est si éloigné du nôtre que
nous pouvons encore bien moins l'assimiler au nôtre que celui
du Papou ou du chimpanzé.
Est-ce une raison pour renoncer aux études de psychologie
comparée ? Certes non ; nous ferons seulement mieux de parler
de biologie comparée et de renoncer une fois pour toutes à
transplanter notre subjectivisme, le contenu de notre cons-
cience supérieure, dans les actes des insectes et des animaux
en général, tout en faisant une exception partielle et très
réservée pour les mammifères les plus élevés.
Si nous observons les actes des différentes espèces d'ani-
maux, et si nous les comparons aux nôtres, nous retrouvons
partout le double fait fondamental que nous avons énoncé en
commençant, c'est-à-dire l'antagonisme apparent de l'instinct
et de l'intelligence, sur lequel il a été déjà tant écrit. L'instinct,
automatique et aveugle, opère cependant avec une telle préci-
sion dans la complexité des buts qu'il atteint, qu'il contrefait
la sagacité raisonnée. On dirait une sagacité automatisée, une
intelligence cristallisée. De fait, l'instinct et la raison p7^ouvent
que les centres nerveux peuvent travailler de deux façons diffé-
32 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
rentes pour arriver au même but : a) automatiquement; b)
d'une façon adaptative ou plastique que nous appelons intel-
ligence ou raison, parce qu'elle s'adapte aux circonstances
imprévues, actuelles, tandis que l'instinct agit d'après des lois
fixées et ne s'exécute que dans un certain ordre et sur l'appel
de certaines irritations sensorielles, à défaut desquelles tout le
mécanisme se refuse à agir, ou cesse d'agir ou au moins d'agir
d'une façon coordonnée. Nous appellerons ces deux activités,
la première automatique, la seconde plastique. Nous verrons
qu'il existe des formes d'activité transitoires entre l'automa-
tisme et la raison, et qu'il ne s'agit pas du tout d'un antago-
nisme net, comme l'a prétendu Descartes qui a décrété tous les
animaux machines automatiques, tandis qu'il a attribué à
l'homme une double nature bien distincte : une raison et une
machinerie animale automatique. Il n'y a qu'à comparer un
chien à un insecte pour voir que le chien est bien moins
machine que l'insecte, et cette seule comparaison lait écrouler
l'édifice de Descartes. Mais il est tout aussi faux de nier la
différence immense qui existe entre un automatisme bien fixé
et l'acte raisonnable d'un être qui, placé dans des conditions
absolument nouvelles, auxquelles ni lui ni ses ancêtres n'ont
jamais été adaptés, sait se tirer d'affaire en combinant les
nouvelles impressions de ses sens avec ses souvenirs et ses
facultés motrices, de façon à inventer. Mettons un homme
qui n'a jamais vu de lac, d'étang, de fleuve ni de mer pour la
première fois de sa vie devant un lac et sur un canot, il sera
d'abord ahuri, mais bientôt il regardera, tâtera, essaiera de se
servir des rames, et ne tardera pas à savoir guider le canot. Un
singe supérieur pourra peut-être même être amené à ramer et
on apprendra certaines choses à un chien. Mais il est impossible
d'apprendre un acte complexe à un insecte, lors même que par
lui-même il en exécute d'admirables. La chenille du papillon
Machaon se file un cordon de soie autour du thorax pour
maintenir sa chrysalide contre un mur. Jamais on n'apprendra
à la chenille très parente d'une Vanesse qui, elle, se suspend
simplement par les deux pattes postérieures, à se filer aussi un
cordon thoracique : elle n'eu a pas l'instinct et elle est trop peu
plastique pour l'apprendre.
Si. nous regardons de près, nous constatons cependant les
faits suivants :
V' L'homme lui-même est bourré d'automatismes dits secon-
daires et acquis par l'habitude. Ses actes, d'abord plastiques.
A. FOREL. — UN APERÇU DE PSYCHOLOGIE COMPARÉE 33
adaptatifs dans leurs détails, et, en même temps, hésitants,
lents, peu sûrs, deviennent par la répétition sûrs, rapides,
bien coordonnés, mais en même temps machinaux, fixés,
automatiques, pris dans l'ornière, de moins en moins adap-
tables. Par d'admirables synthèses de ces deux sortes d'ac-
tivités nous arrivons (par exemple dans les exécutions
musicales) à subordonner des automatismes complexes, ainsi
formés, à une plasticité supérieure qui les coordonne, les
module, les commande et s'adapte elle-même aux plus hautes
harmonies dans l'inspiration momentanée de l'imagination.
2° A côté des automatismes secondaires ou habitudes, il
existe des automatismes hérités ou instincts. Ceux-ci sont de
deux variétés. Les uns sont complets, c'est-à-dire qu'une simple
irritation sensorielle suffit à les mettre en action complète, dès
la naissance de l'animal ou dès le moment où leur manifesta-
tion apparaît. — Les autres sont incomplets et ont besoin d'une
école plus ou moins longue pour être efîectués. Ce sont les
dispositions héréditaires. La rnarcJie, absolument instinctive
chez le poulet, l'est à peu près chez le chien et doit être apprise
par l'homme.
3° Même dans l'exécution de l'automatisme paraissant le plus
complet, nous observons des intermezzo, de courtes et simples
activités plastiques ou adaptatives, même chez les insectes.
hP L'abandon, la non-activité d'un automatisme fait revenir
peu à peu le centre nerveux (ou le plasma germinatif; qui lui
est préposé à la plasticité (à VadaptabilUé).
5° Les automatismes cotnplexes, adaptés à un but spécial,
exigent un nombre infiniment plus re&treint de neuro7ies que
la faculté plastique d'adaptation individuelle à la même
complexité. Ce dernier fait me paraît constituer une sorte de
loi dans l'activité des neurones. Il s'ensuit que l'augmentation
du nombre des neurones augmente énormément la faculté
plastique ou d'adaptabilité individuelle. Mais c'est à tort qu'on
en a conclu à ce que cette faculté était secondaire, et dérivée
des automatismes. Il y a là, à mon avis, une grave méprise.
L'automatisme est toujours un produit fixé et ne peut être pri-
maire. Lorsque, par l'inaction, il s'affaiblit et se perd, ce n'est
pas sa complexion d'activités qui redevient plastique, mais
c'est le retour du protoplasma à l'indifférence, ou si l'on veut
à l'effacement de l'ornière, qui redonne libre jeu à d'autres
activités, à d'autres combinaisons de neurocymes. L'augmen-
tation de plasticité due à la multiplication des neurones n'est
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 3
34 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
donc pas un produit direct d'automatismes préexistants, mais
un effet de la multiplication des actions et réactions contradic-
toires des neurones les uns sur les autres, multiplication qui
résulte nécessairement de l'augmentation du nombre des élé-
ments jointe à leur diversification. Cette multiplication et
diversification a probablement sa cause plus profonde dans les
nécessités héréditaires du combat de la vie, de la sélection
naturelle, de l'antagonisme des forces naturelles, etc.
Mais quelle est en fin de compte la différence physique
actuelle entre l'activité plastique ou adaptable et l'activité
automatique du neurocyme ? La question est plus facile à
poser qu'à résoudre. Cependant, il me semble que les faits
nous répondent, en somme, partout que l'activité automatique
est une activité cyclique, répétée sous l'influence d'une com-
plexion de forces latentes, souvent transmissibles par l'héré-
dité, complexion qui est mise en jeu dans son ensemble par
une ou plusieurs irritations simples. Partout, au contraire, oîi
nous observons une activité plastique, nous la voyons résulter
de l'action de forces antagonistes qui occasionnent une pertur-
bation dans les automatismes en brisant leurs ornières et en
frayant de nouvelles voies. De là l'hésitation, l'effort, la résis-
tance qui n'existent pas dans l'automatisme. Ilàtons-nous
d'ajouter que les automatismes rencontrent constamment des
résistances imprévues. Ou ces dernières sont trop faibles, —
alors elles sont vaincues, et l'automatisme continue son che-
min, — ou bien elles triomphent ; alors l'automatisme est
brisé et il se produit une résultante plastique. Cette dernière
peut même résulter de l'antagonisme imprévu de deux automa-
tismes qui ne se sont pas encore adaptés l'un à l'autre pour
former un automatisme commun. Mais même là oii l'automa-
tisme est victorieux de la force antagoniste, il subit une légère
modification plastique, si inappréciable qu'elle puisse paraître.
De cette analyse il résulte que nous constatons un enchevê-
trement perpétuel , une élaboration et une lutte incessantes entre
les activités plastique et automatique, si bien qu'il y a trans-
formation perpétuelle par action et réaction.
L'activité plastique tend perpétuellement à se fixer et à s'au-
tomatiser par la répétition ; l'activité automatique est perpé-
tuellement dérangée, détruite ou modifiée par les chocs anta-
gonistes imprévus, par les perturbations qui rétablissent la
plasticité du protoplasma vivant et frnicnt de nouvelles voies.
Cependant, lorsqu'un ensemble d'automatismes organiques
A. FOREL. — UN APERÇU DE PSYCROLOGIE COMPARÉE 33
)
s'est si bien spécialisé dans une série de générations que tout ^
un ensemble d"organes du corps s'y est morphologiquement \
adapté, surtout si ces organes sont des produits secondaires, . . m
raides et de moins en moins susceptibles de modifications,
alors une destruction de l'automatisme n'est plus possible sans
la destruction de l'espèce, qui est devenue absolument dépen-
dante de lui. C'est ce que nous voyons chez nombre d'espèces
animales ou végétales trop spécialisées. Ici la sélection ne peut
plus agir qu'en perfectionnant l'automatisme à l'extrême, car
tout ce qui le dérange met l'existence même de l'espèce enjeu.
Ici, dès que le milieu change, l'espèce disparait.
Ce n'est pas sans hésitation que j'ose me demander si nous
avons déjà le droit d'en appeler aux analogies que nous trou-
vons dans le monde anorganique. Là aussi nous observons des
cycles répétés (l'astronomie en est la preuve vivante) et des
perturbations qui fraient des voies nouvelles. Mais la chaîne
paraît interrompue entre le monde organisé et le monde anor-
ganique, et tant que le lien ne sera pas retrouvé, toutes nos con-
jectures demeureront conjectures. Si j'en parle, c'est parce que
les champions des partis dans la lutte des opinions sur l'héré-
dité nous obligent à rappeler la question métaphysique, et
parce que nous ne pouvons éluder l'hérédité dans notre sujet.
Depuis Darwin, la question de la descendance des espèces
s'est fort approfondie. La descendance en elle-même a cessé
d'être une théorie. Elle est devenue l'assise fondamentale des
sciences de la vie organisée. Par contre les divergences portent
plus que jamais sur les facteurs qui produisent la transforma-
lion des espèces, c'est-à-dire sur les lois de l'hérédité, et les
deux opinions foncièrement contradictoires (l'idée d'une pré-
formation étant tombée comme contraire aux faits ontogéné-
tiques) sont celle de l'épigénèse de Haeckel et celle de la pré- (
détermination de Weismann. On se dispute beaucoup sur la (
question de savoir si des caractères acquis peuvent être hérités.
Le terme de caractères acquis par l'individu donnant lieu à
d'interminables quiproquos, il est nécessaire de préciser. La
question a moins d'intérêt pour les botanistes, parce que chez
les plantes la notion d'individu est insaisissable et celle des
cellules germinatives presque aussi peu déterminée. Mais chez
les animaux supérieurs, on sait positivement que l'espèce ne
peut être reproduite que par la conjonction de deux cellules,
l'une mâle, l'autre femelle (sauf les cas de parthénogenèse des
animaux, moyen où une cellule suffit), et l'on sait de plus que
36 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
ces cellules sont absolument difTérenciées des autres cellules du
corps, lesquelles ne sont plus capables de reproduire l'espèce.
Les cellules germinatives sont les œufs et les spermatozoïdes,
et il semble même certain maintenant que les cellules de l'em-
bryon proviennent seulement de la substance vivante du noyau
des cellules germinatives conjuguées (ou non conjuguées dans
la parthénogenèse). La question foncière est la suivante :
Est-ce que des modifications subies pendant la vie de l'indi-
vidu par les cellules non germinatives de son corps, ou des
complexions d'activités apprises à nouveau par ces mêmes
cellules, peuvent être transmises aux cellules germinatives,
c'est-à-dire projetées dans ces dernières cellules, de façon à
pouvoir être transmises à leur tour telles quelles aux descen-
dants ?
En d'autres termes, existe-t-il une épigenèse ainsi comprise,
comme le veut Ilaeckel, ou n'existe-t-elle pas? Pour admettre
une pareille épigenèse, il est clair qu'il faut admettre une sorte
d'imprégnation des cellules germinatives par les autres cel-
lules du corps, imprégnation qui serait capable de projeter les
fonctions des cellules du corps dans le germe des embryons
futurs. Ainsi le jeu de piano, une langue apprise, ou bien (en
sens inverse) la cessation d'une fonction seraient projetés en
puissance dans les cellules germinatives. Comment? Pour cela
on a imaginé la théorie des pangènes, petites agrégations de
molécules vivantes qui se détacheraient de toutes les cellules
du corps et viendraient imprégner les cellules germinatives.
J'avoue franchement que cette théorie me laisse absolument
sceptique et que tous les faits qui sont censés prouver que les
caractères acquis par les cellules somatiques peuvent être
transmis tels quels aux cellules germinatives me paraissent ou
bien être des contes de nourrices ou bien ne pas prouver du
tout ce qu'ils veulent prouver. En ce sens je me range h l'opi-
nion de Weismann, sans toutefois pouvoir le suivre dans toutes
les théories d'ides et de déterminantes qu'il croit devoir écha-
fauder.
Je ne comprends pas comment ces pangènes détachés pour-
ront transmettre des automatismes nerveux tels quels à un
ovule, et pas plus comment l'ovule se les assimilera autrement
que comme toute autre nourriture venant du sang. Si les puis-
sances des cellules germinatives étaient ainsi affectées de tout
ce que le sang leur assimile, il ne resterait bientôt plus rien
des puissances héréditaires.
\
A. FOREL. — UN APERÇU DE PSYCHOLOGIE COMPARÉE 37 f
Il me paraît clair que si V imprégnation était une loi natu-
relle, le prépuce que les juifs coupent à leurs enfants depuis
Moïse devrait avoir cessé de se former ou au moins fort dimi-
nué chez ceux-ci, n'ayant plus envoyé de pangènes aux cellules
germinatives depuis des milliers d'années. Nous le voyons cepen-
dant tel qu'à l'origine. 0. Hertwig a essayé d'une conciliation,
et il me paraît hors de doute que l'avenir approfondira la ques-
tion. Les recherches de Schmankewitsch, Merrifîeld, Standfuss
et autres ont prouvé que les constellations de forces ou puis-
sances embryogéniques peuvent être modifiées au point de
transformer l'individu futur en une espèce ou forme morpho-
logique différente, lorsqu'on soumet l'embryon à une certaine
époque de sa vie à l'influence prolongée d'agents tels que la
nature chimique du milieu, le froid, la chaleur etc. Schman-
kewitsch a transformé ainsi des Branchipus en Artemia par la
salaison de l'eau, et Standfuss des Vanessa lo presque en
Vanessa Urticae par l'action du froid sur la chrysalide. — Ces
faits démontrent que les formes des êtres vivants et par consé-
quent aussi leurs fonctions vitales ne dépendent pas seulement
de l'action sélective du combat pour la vie, mais aussi d'autres
facteurs que nous ne connaissons certainement pas tous. Mais
le fait que certains facteurs, certaines composantes, sont en
état de modifier les déterminantes ou puissances héréditaires
n'infirme pas l'existence de ces dernières, ni même leur im-
mense prédominance, car en fin de compte, le fait que du gland
sort un chêne et de la graine de chou un chou n'en demeurera
pas moins fait, et ce fait se produira lors même que ces deux
graines seront semées au même endroit, de la même façon et
dans les mêmes conditions.
Ajoutons par parenthèse qu'Hertwig a parfaitement raison
d'appuyer sur le fait que le développement du germe est abso-
lument subordonné à l'action des agents nutritifs, de l'eau, etc.,
c'est-à-dire d'autant de forces extérieures qui se combinent à
ses puissances héritées pour former petit à petit l'être adulte.
Mais, malgré toute la diversité de ces conditions du milieu, le
germe reproduit à peu de choses près l'image exacte de ses
parents.
Mais alors, comment se fait-il qu'un automatisme nerveux,
un instinct complet ou incomplet, s'hérite tel quel, si les ancê-
tres l'ont acquis avec des cellules non germinatives et ne peu-
vent le transmettre à leurs cellules germinatives? Là est la
question qui paraît donner raison à l'épigenèse, disons à la
38 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
théorie de l'imprégnation. Nous devons avouer que c'est là un
des plus profonds mystères de l'hérédité, et que ce mystère
nous amène aux confins de la métaphysique. Pour en com-
prendre la portée, voyons où nous conduit l'idée de l'épigenèse.
Admettons un instant l'imprégnation des pangènes et ramenons
toutes les formes organisées et leurs fonctions à des actions et
réactions de forces les unes sur les autres. Ces actions et réac-
tions nous conduisent de ce qui nous paraît simple ou élémen-
taire, à ce qui est complexe, c'est-à-dire de la cellule vivante
au cerveau humain et de l'atome à la cellule vivante. Allons
droit à la source de tout, à l'atome que nous supposons simple.
L'atome est une conception métaphysique avec laquelle les gens
de science jouent parfois comme les enfants avec les petites
bétes. Ou bien les atomes qui étaient à l'origine, de tout étaient
absolument égaux. Alors comment ont-ils pu se différencier
par eux-mêmes en forces antagonistes et former un monde com-
plexe ? Ou bien ils étaient doués d'une puissance différenciative
intrinsèque. Alors ils n'étaient plus simples, ni égaux 1 II est
absolumennt oiseux et inutile -d'échafauder des systèmes méta-
physiques ; l'histoire de la science et de la philosophie est là
pour le prouver. Mais il est au contraire très nécessaire de poser
les questions métaphysiques et de sonder les points où la faculté
de connaissance de notre cerveau a ses limites, afin de ne pas
divaguer dans le galimatias des mots et des phrases qui trop
souvent prend la place des notions et avec lequel on s'imagine
expliquer le monde par des termes tels que mécanique, lois
physiques, eic L'inconnu moniste et divin qui nous paraît pro-
céder du simple au composé, peut-être simplement parce que
nous ne saisissons pas la complexion de ce qui nous parait
simple, demeure et demeurera toujours le mystère métaphy-
sique qui renferme la puissance de tout ce qui existe, qu'on
l'affuble des noms de Monade, Volonté, Liberté, Idée, Être en
soi, Mécanique cosmique ou Dieu (dépouillé des attributs an-
thropiques que les dogmes religieux ont donnés à ce mot), peu
importe. Notre analyse nous oblige à considérer cette unité
métaphysique qui se cache sous le symbole relatif et restreint
de l'univers miroité dans notre cerveau comme étant à la fois
force, matière et conscience, en tant que principe moniste uni-
versel.
A quoi bon cette excursion, me dira-t-on? Nous allons le
voir. Elle nous montre que nous n'avons pas le droit de déclarer
simple ce qui nous paraît simple. Il s'ensuit qu'il n'y a pas de
A. FOREL. — UN APERÇU DE PSYCHOLOGIE COMPARÉE 39
limite aux possibilités des puissances embryonnaires ou ger-
minatives, même si Ton passe de l'organisé àl'anorganique, de
la cellule à l'atome. Il n'est donc pas absurde d'admettre la
possibilité d'une infinité de prédéterminations possibles dans
les molécules organiques d'un germe, ni d'admettre que la sélec-
tion naturelle ne fait que choisir parmi elles, au lieu de croire
à la création épigénétique par l'imprégnation des pangènes.
Alors on devra admettre que les automatismes héréditaires ne
s'héritent pas tels quels par imprégnation, mais que la sélection
naturelle choisit grain par grain dans la suite des générations
les puissances de leurs éléments parmi les différentes conjonc-
tions qui ont lieu, et que ces puissances éclosent pour ainsi
dire petit à petit en automatismes effectifs par suite d'une
impulsion intrinsèque, originaire, plus ou moins identique au
mystère originaire différenciateur des atomes de l'univers.
Partout dans l'univers nous retrouvons les deux lois de l'auto-
matisme ou reproduction cyclique et de la différenciation,
variabilité ou plasticité. D'où viennent-elles? Si nous arrivons
un jour à les analyser mieux, nous ne ferons que reculer la
limite. Le mystère métaphysique demeurera le même. Ramenées
à notre question première, ces considérations nous disent
ceci :
L'instinct social des insectes, en particulier des fourmis,
appartient sans aucun doute à la catégorie des automatismes
hérités complets, c'est-à-dire n'ayant pas besoin d'être appris
par l'individu. Quoique fort complexe et fort gros relativement
chez l'ouvrière qui seule a l'instinct social très développé, le
cerveau d'une fourmi est une association bien petite de petits
neurones et c'est avec raison que dans son admiration Darwin l'a
appelé l'atome de substance le plus remarquable du monde.
Mais nous avons vu que l'automatisme spécialisé exige infini-
ment moins de neurones que la complexité des activités plas-
tiques qui exige la possibilité d'adaptation à un nombre immense
d'activités effectives et non pas seulement potentielles. Donc on
peut comprendre comment le petit cerveau de la fourmi opère
automatiquement des choses que le cerveau humain a souvent
peine à apprendre. Ces actes sont fixés dans tout leur enchaî-
nement pour chaque espèce de fourmi, qui ne peut reproduire
que ceux qui lui sont propres, tandis que chaque homme pris
individuellement peut apprendre des automatismes aussi com-
plexes et plus complexes qu'il n'a nullement hérités, par
exemple l'usage d'une langue étrangère, le jeu d'un instrument
40 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
musical, etc. Il va sans dire que la plasticité s'hérite avec la
multiplicité des neurones qui en est la cause.
Mais nous avons cité deux extrêmes, l'extrême d'un instinct
complexe et l'extrême de la plasticité ou faculté d'adaptation du
cerveau humain. Etudions les faits de plus près et nous trou-
verons les passages.
L'homme a aussi des automatismes hérités plus ou moins
complets. Sans parler de l'haliileté souvent fort défectueuse
du nouveau-né à téter, nous pouvons citer les états affectifs,
les appétits sexuels et leur assouvissement, les mouvements
de défense et de fuite, le rire et les pleurs comme autant d'au-
tomatismes héréditaires bien près d'être complets.
Passons aux chiens et aux singes et nous devrons accorder
que leur faculté de saisir les volontés de leur maître, d'être
dressés et apprivoisés, leurs joies et leurs tristesses, leurs sen-
timents à l'égard de leurs petits et de leur maître ne permettent
pas de douter de leurs facultés plastiques très développées.
L'histoire de l'humanité montre du reste clairement que la per-
fectibilité a augmenté du tout au tout avec le langage écrit et
surtout imprimé qui a permis à l'individu humain d'emmaga-
siner son travail cérébral pour ses autres contemporains et
pour sa descendance. C'est là la vraie source de le civilisation
moderne. Verba volaïit, scriptamanent. Nous prenons le travail
de nos devanciers là où ils en sont restés. Il n'en était pas de
même chez nos ancêtres. On peut dire en gros que les 200 ou
2o0 grammes de cerveau que lEuropéen a de plus que le Papou
l'ont amené à découvrir peu à peu l'écriture et l'impression,
mais que ce sont ces dernières qui sans augmentation appré-
ciable des facultés cérébrales héritées ont produit la civilisation
moderne. La perfectibilité des races humaines les plus infé-
rieures est par cela presque plus rapprochée de celle des chim-
panzés que de la nôtre, lors même que leur organisation céré-
brale est infiniment plus voisine de la nôtre.
Mais il est, de plus, faux de croire que les animaux inférieurs
n'ont pas d'activité plastique ou adaptative. Une amibe est fort
plastique et un leucocyte aussi. Ces simples cellules n'ont guère
d'automatismes.
Les fourmis laissent reconnaître beaucoup de variations et
d'adaptations plastiques individuelles dans leurs actes à côté de
leurs grands instincts sociaux automatisés. J'en ai cité divers
cas dans mes Fourmis de la Suisse. En voici de nouveaux :
Dans le Bulletin de la Société Vaudoise des sciences natu-
A. FOREL. — UN APERÇU DE PSYCHOLOGIE COMPARÉE 4!
relies, XXX, n° 114, 1894, j'ai rapporté l'observation suivante
faite sur une fourmilière àe Myrmecocystus altisquarnis, André,
grande fourmi d'Algérie que j'avais rapportée moi-même d'Oran
et établie dans un jardin à Zurich :
« Un curieux fait à noter est que ces fourmis parurent
s'adapter peu à peu, par l'expérience, aux circonstances nou-
velles. En Algérie, elles n'ont rien à craindre des petites fourmis
qui y sont trop petites et trop peu guerrières. A Zurich, elles
eurent beaucoup à souffrir des attaques du Lasius niger (la peste
de nos jardins) et du Tetramorium cœspitum qui est chez nous
bien plus gros et plus guerrier qu'en Algérie. Pour se préserver
des incursions de ces petits intrus, les 31. altisqua^nis apprirent
peu à peu, dans le courant de l'été, à rétrécir de plus en plus
l'ouverture de leur nid et finalement à la boucher entièrement
avec des grains de terre, ce que je ne leur ai jamais vu faire en
Algérie. Qu'on n'objecte pas le climat, car notre été de 1893 fut
plus chaud que le printemps algérien (mars et avril) pendant
lequel j'observai le Myrmecocyslus à satiété. Je prie aussi de
remarquer la progression dans cette habitude prise, progression
qui frappa d'autres personnes à même d'observer ces fourmis
tout l'été. Etablies à la fin d'avril, elles commencèrent par faire
un gros trou de sortie, comme en Algérie. Les incursions des
Lasius les firent rétrécir leur trou peu à peu, et ce n'est que
plusieurs mois plus tard qu'elles finirent par le boucher entiè-
rement, tout le jour, comme plusieurs espèces d'Europe, ne se
ménageant qu'une petite ouverture temporaire, lorsqu'elles
sortaient par un beau soleil. »
Il y a dans cette observation un fait d'adaptation de l'instinct
qui me paraît exempt de toute erreur ou fausse interprétation,
pourvu qu'on se garde d'y mettre du raisonnement humain. Il
est hors de doute qu'en Algérie aussi, les Myrmecocystus
savent, lorsqu'ils sont attaqués, barricader leur trou de sortie
avec des grains de terre, comme le font d'autres fourmis. Mais
il est tout aussi certain que cela ne peut être que très rare,
accidentel et passager, sans quoi j'en aurais été témoin sur
les centaines de nids que j'ai observés. Le fait d'avoir rendu
la clôture du nid complète et durable est une adaptation à des
circonstances nouvelles et montre en outre une fois de plus à
quel point l'influence du changement de milieu (au point de
vue de la forme et de la flore ambiante) doit activer la transfor-
mation des espèces par sélection.
Dans mes Fourmis de la Suisse, page 3u6, j'ai écrit que je
■42 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
n'avais jamais vu des Camponotus (de notre faune) poursuivre
leurs ennemis ou leur ravir leurs nymphes ; ils se contentent
de se défendre (les grosses ouvrières), en écrasant leurs
ennemis entre leurs puissantes mandibules.
Cet été même, le 13 août 189o, ayant pris un jour de vacance
passé dans les forêts des environs de Sackingen, je trouvai
une grande fourmilière de Camponotus lifjniperdus et l'idée
me vint de répéter une ancienne expérience en la faisant
attaquer par des Formica pratensis que j'apportai à 10 heures
du matin avec leurs cocons dans un sac. Comme autrefois je
vis les pratensis commencer l'attaque, bousculer les quelques
ligniperdus qui gardaient les portes, et assiéger les entrées du
nid, parfois même en conquérir une ou deux à force d'audace.
Mais les Camponotus., revenus de leur première frayeur, appe-
lèrent des renforts dans le fond de leur nid et défendirent les
ouvertures en écrasant les assiégeants de leurs mandibules. Au
bout d'une demi-heure environ, pendant que les Formica sont
occupées à déménager leurs cocons et à les placer à l'ombre,
les Camponotus sortent de plusieurs trous en masse, — chose
à remarquer, seulement les grandes ouvrières à grosse tête —
et font une charge à fond sur leurs aggresseurs qui n'avaient
pas l'air de s'en douter. Au contraire de mes anciennes obser-
vations, je vis à mon grand étonnement ces Camponotus^ d'or-
dinaire si craintifs et jamais carnivores, se jeter avec fureur
sur les Formica, les tuer en masse et les poursuivre avec
acharnement jusqu'à trois et même quatre mètres de leur nidy
les débusquant de toutes leurs cachettes et couvrant linalement
un espace de deux mètres carrés au moins d'une immense
armée composée uniquement des splendides ouvrières à grosse-
tête de celte espèce qui est la plus grande d'Europe. Mais plus :
bientôt les Camponotus commencèrent à ramasser les cocons-
d'ouvrières et femelles des Formica en nombre toujours crois-
sant et à les emporter dans leur nid. Parfois même elles
ravirent des femelles ailées fraîchement écloses et les por-
tèrent chez elles.
Souvent les Camponotus laissaient choir leur proie en route^
ce qui montre bien qu'ils n'ont pas la tendance instinctive
de rapt des espèces du genre Formica, mais la plupart les
inti'oduisirent dans leur nid. Qu'en firent-ils ? Je soupçonne
qu'ils les mangèrent en partie ou les rejetèrent plus tard. En
tout cas nous avons ici un exemple de plus de variations dans-
l'instinct.
A. FOREL. — UN APERl/.U DE PSYCOOLOGIE GOMPARÉK 43
Je pourrais citer une foule d'exemples analogues qui
démontrent nettement l'activité plastique en petits jets chez
les fourmis, toutes les fois qu'en provoquant des événements
anormaux ou rares qui mettent l'instinct en défaut, on oblige
leur cerveau à s'adapter à ces nouvelles circonstances subites
aussi bien qu'il peut le faire. M. Nelter, un cartésien enragé,
qui veut démontrer à tout prix que les animaux sont des
machines (Netter, L'Homme et ranimai devant la méthode
exi:)érimentale, Paris, Dentu, 1883) foudroie non sans raison de
son sarcasme les raisonnements tout humains dont tant de
naturalistes et médecins se sont plu à doter les animaux. Mais
lui-même tombe dans l'absurde opposé (jette l'enfant avec le
bain, comme disent les Allemands) en niant l'intelligence plas-
tique des animaux, si faible soit-elle, là où elle existe, et en
dotant l'homme d'une autre espèce de raison qui n'existe pas.
Il croit pouvoir ramener les faits d'amitié et d'inimitié entre
fourmis de même espèce et de fourmilières différentes, etc., au
simple fait d'odeurs agréables ou désagréables. Il ne m'a pas
été difficile de réfuter cette opinion dans mes <y Expériences
et remarques critiques sur les sensations des insectes »
{Recueil zoologique suisse, 1880-87) par des expériences sur
des Camponotus qui reconnurent leurs anciens camarades au
bout de trois semaines et ne les reconnurent plus au bout de
six semaines, quoique les circonstances des deux nids après la
séparation fussent demeurées les mêmes. La mémoire chez les
insectes, surtout celle des lieux et l'utilisation des souvenirs
est un fait absolument démontré.
Un point de détail mérite encore d'être mentionné. La qua-
lité psychologique des sensations et des perceptions dépend
sans aucun doute de l'adaptation des organes des sens à cer-
taines formes d'ondes physiques et aux rapports plus ou moins
précis ou étendus qu'ils peuvent nous donner sur la situation
relative des objets dans l'espace à l'aide de ces ondes ou sur les
séquences des dites ondes dans le temps. (V. par exemple
Spencer, Principes de psychologie.) Ainsi l'œil nous donne
des relations exactes de l'espace, l'oreille des relations minu-
tieuses dans le temps, chacun de ces organes grâce aux dispo-
sitions spéciales à l'aide desquelles il recueille les ondes lumi-
neuses ou les ondes sonores. Notre odorat au contraire n'étant
frappé que par un tourbillon d'air imprégné sans aucun ordre
de particules chimiques qui lentement irritent la niu([ueuse
olfactive et se suivent sans aucun ordre, eu partie mêlées, et
44 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
se remplaçant petit à petit les unes les autres, toujours sans
aucune relation nette, ni dans le temps, ni dans l'espace,
notre odorat, dis-je, ne nous donne pas de connaissance du
temps ni de l'espace, par conséquent pas de perceptions asso-
ciées capables de former des images mémoriales ou représen-
tations distinctes. Dans les expériences que je viens de citer,
j'ai montré que l'odorat des insectes qui réside indubitable-
ment dans les antennes (voir les preuves expérimentales dans
le dit travail) doit leur procurer une autre qualité de sensa-
tions olfactives que les nôtres et surtout des perceplions dis-
tinctes et rationnelles, d'abord parce qu'il peut s'exercer au
contact direct des objets odorants, et ensuite, parce que les
antennes étant mobiles et situées à l'extérieur du corps, elles
peuvent donner des relations beaucoup plus précises de l'espace
par les odeurs que ne peut le faire notre muqueuse nasale.
Voilà donc un fait qui nous montre une fois de plus l'impos-
sibilité de transplanter notre psychologie dans celle des
insectes. Nous devons nous contenter d'observations biolo-
giques exactes et noter soigneusement les faits d'activité plas-
tique et d'activité automatique en tâchant de les comprendre
et de les apprécier aussi exactement que possible.
En résumé, je constate que les idées de Wundt qui admet
une causalité continue dans la série psychique (conscience)
sont absolument insoutenables, et je me rallie avec quelques
réserves de détail aux conceptions de Leibniz, Durand (de Gros),
etc., c'est-à-dire à un monisme qui est à la fois un panpsy-
chisme, un panatomisme et un panthéisme et qui est aussi peu
« matérialiste » que « spiritualiste » . Seul il rend compte des faits
psychologiques et des faits pbysiques, sans perdre la boussole
de la logique et du bon sens. Je recommande spécialement à
cet égard la lecture de Durand (de Gros), Ontologie, Paris, Bail-
lière, 1871 et docteur W. Ileinrich, Die moderne physiolo-
gische Psychologie, Zurich, E. Speidel, 1895.
D"" Auguste Forel,
Professeur à ruiiivcrsilé de Zùricli.
I
III
NOTE SUR LES TEMPS DE LECTURE ET D'OMISSION
L'objet de cette note est d'indiquer une expérience psycho-
métrique fort simple, propre à montrer certains effets des
processus cérébraux qui sont à la base de nos idées générales
On peut l'appeler l'expérience des temps de lecture et d'o-
mission ; car elle consiste à faire lire à une personne, aussi
vite que possible, deux listes ou colonnes, d'un nombre égal
de mots dont la moitié appartiennent à une même catégorie
A et les autres à des catégories diverses non-A, en la priant
de prononcer à haute voix dans la première liste tous les
mots de l'espèce A en sautant les autres, et, dans la seconde
liste, tous les autres mots en omettant ceux de l'espèce A. Les
listes dont je me sers ont chacune 24 mots, dont 12 sont par
exemple des noms d'animaux, et 12 des noms quelconques, pas
d'animaux. Ces mois sont pêle-mêle ; j'ai seulement soin que
chaque liste se termine par un de ceux qui doivent être pro-
noncés à haute voix. Il est alors facile de mesurer le temps
employé à la lecture de chaque liste ; à défaut d'instrument
plus perfectionné*, un compteur ordinaire donnant le cinquième
de seconde peut suffire : on le fait partir d'une main tandis que
de l'autre on découvre la liste aux yeux du sujet prévenu et
attentif, et on l'arrête au moment où le mot terminal est
articulé. Avec un peu de soin et d'habitude, les inexactitudes
de ce procédé (comprenant entre autres l'intercalation du temps
de réaction de l'opérateur lorsqu'il arrête le compteur à l'au-
dition du dernier mot prononcé) deviennent négligeables en
(1) Au laboratoire de Genève, nous nous servons pour les expériences
de ce genre d'une pendule marquant les centièmes de seconde, construtte
par Elbs (Fribourg en Brisgau) sur le modèle d'une que nous avions eu
l'occasion de voir au laboratoire de M. Miiusterberg.
I
46 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
face des temps mesurés, qui s'élèvent toujours à plusieurs
secondes.
Le résultat intéressant de l'expérience est que le temps
nécessaire à la lisle négative, où il faut omettre les A et
prononcer les non-A (je l'appellerai par abréviation temps
d'omission, f), est toujours notablement plus long que le
temps de la liste positive où l'on l'ait l'inverse (temps de lecture,
t). Cependant, analysées au point du vue de la logique abs-
traite, les deux listes se valent : chacune implique également
24 perceptions visuelles de mots, 24 jugements de récognition
dont 12 affirmalifs (ce mot est un A) et 12 négatifs (celui-ci
n'est pas un A), 12 volitions de lire à haute voix et 12 de ne
pas lire, enfin la prononciation réelle de 12 mots présentant
au total le même nombre de syllabes. Malgré cette égalité
apparente, le temps d'omission est en gros de 2o p. 100 plus
long que le temps de lecture. C'est que la psychologie n'est pas
la logique, et que la modification cérébrale correspondant au
concept A intervient d'une façon efTective en facilitant les opé-
rations relatives à ce concept, sur lequel l'attention du liseur a
été d'avance attirée, au détriment de celles relatives aux autres
catégories non-A.
Il va sans dire d'abord que les 84 opérations ci-dessus énu-
mérées ne sont pas chronologiquement distinctes et séparables ;
elles empiètent largement les unes sur les autres et s'effectuent
pour la plupart en raccourci. Pendant que le premier mot, par
exemple, vu à la vision directe, occupe le foyer de l'attention et
provoque la réflexion sur sa nature, les suivants, frappant déjà
la vision indirecte, agissent subconsciemment et préparent les
opérations cérébrales qui les concernent. De même, pendant
l'articulation extérieure d'un mot, la pensée consciente du
liseur l'a ordinairement déjà dépassé et vole au-devant du
suivant. Mais je ne m'arrête pas davantage à ce recouvrement
des opérations les unes par les autres, car il est évidemment le
même dans les deux listes.
La grande différence entre elles, fort sensible à la plupart
des personnes, du moins de celles qui savent s'observer et
rendre compte de leurs impressions, c'est que les noms d'ani-
maux de la liste positive sont prononcés et les autres mots
passés sous silence presque sans difficulté et sans erreur, tandis
que dans la liste négative il y a de fréquentes hésitations et
des heurts continuels d'une double nature : d'une part on
éprouve une tendance instinctive à lire les noms d'animaux, il
Tn. FLOURNOY. — SUR LES TEMPS DE LECTURE ET d'OMISSION 47
faut 1111 efTort pour les omettre, et il arrive souvent qu'on
commence à les articuler; d'autre part les autres mots, qu'on
doit prononcer, sont moins prompts à jaillir et on est tenté de
les oublier. De là un sentiment général d'embarras et de per-
plexité qui plane sur la lecture de la liste négative. Plu-
sieurs sujets ont aussi remarqué que tandis que les noms
d'animaux, dans les deux listes, donnent le sentiment qu'ils
sont parfaitement compris et évoquent parfois de fugitives
images visuelles relatives à l'animal désigné, les noms quelcon-
ques n'éveillent aucune idée précise et sont comme dépourvus
de signification positive ; ils ne disent rien de concret à l'esprit,
qui a seulement le sentiment uniforme que ce ne sont pas des
noms d'animaux, mais sans se rendre compte de ce qu'ils sont
réellement. Je passe sous silence diverses autres observations
sur le jeu des images mentales et les sentiments intellectuels
qui accompagnent cette expérience, parce qu'elles demandent à
être encore contrôlées sur un plus grand nombre de personnes.
Au lieu des noms d'animaux, il va de soi qu'on peut prendre
toute autre classe de mots. En laissant de côté beaucoup d'essais
non exactement comparables parce qu'ils ont porté sur des
listes différentes, les résultats obtenus jusqu'ici sur ;20 per-
sonnes avec cinq couples de listes (animaux, villes, couleurs,
métiers, prénoms) sont tout à fait concordants quant à la plus
grande longueur du temps d'omission : sur ces cent essais, il
n'y en a eu que trois oîi la liste positive ait pris un temps égal
ou légèrement supérieur à celui de la liste négative. Toutefois
les chiffres absolus varient notablement suivant les listes et
les individus. En prenant pour chaque personne la moyenne
des temps de lecture d'une part, et des temps d'omission de
l'autre, et en plaçant les sujets d'après la première de ces
moyennes, on trouve que celui qui est en tête pour la rapidité
de lecture des listes positives y est aussi pour les listes néga-
tives ; de même celui qui vient au dernier rang. Mais il n'en est
pas ainsi pour tout le monde ; beaucoup de personnes occupe-
raient un autre rang si on les plaçait suivant le temps d'omis-
sion au lieu du temps de lecture. Cela tient à ce que ces deux
temps ne sont pas exactement proportionnels l'un à l'autre ;
le rapport de l'excès du temps d'omission au temps de lecture
varie en effet du simple au double (0,171) à 0,377), comme on
peut le voir par le tableau ci-joint, oiij'ai réuni à titre d'exemple
les quatre cas qui ont fourni les chiffres extrêmes, et la
moyenne totale des 20 personnes. Il y a en résumé une aug-
48
MEMOIRES DES COLLABORATEURS
mentatioii de 3 secondes de la liste positive qui prend 11
secondes et demie, à la liste négative qui en prend 14 et demie ;
c'est-à-dire que le temps d'omission est de plus d'un quart
plus long que celui de lecture. (En assimilant chaque liste
à une série de 24 réactions avec choix complexe, où le sujet
répond d'une manière différente par ses organes vocaux à des
excitations visuelles différentes, le temps moyen de réaction
serait de 0 "'=''•,475 pour les listes positives et de 0,602 pour les
négatives ; mais le recouvrement des opérations dont j'ai parlé
plus haut s'oppose fortement à cette assimilation, et ne laisse
guère de valeur à ces derniers chiffres.)
RANG lil'S SLJETS
suivant le Temps
de l.LHtiire.
t
Temps de Lecture
(liste posilive.j
l'
Temps d'Omission
(li?.Le négative.)
D = r ^ <
D
t
n" 1
11" 4
11" 15
n" 20
7,75
8,80
13,18
19,92
11,41
9,39
12,12
i;;,;i4
26,32
14,45
1,84
3,32
2.36
6,40
3,04
0,237
0,:i77
0.179
0,321
0,266 1
moyenne des
20 siijels.
Ce résultat général se comprend aisément si l'on songe que
les phénomènes cérébraux correspondant à un concept tel
qu'animal, doivent consister avant tout en une excitation plus
ou moins forte de tous les plexus fonctionnels rattachés à ce
'mot, et, par une compensation inévitable, en une inhibition
simultanée des plexus étrangers. Cela revient à dire, en termes
psychologiques, que l'idée d'animal imposée à l'attention
réveille en bloc tous les souvenirs se rapportant aux animaux
et à leurs noms, en sorte que les images verbo-visuelles et
verbo-motrices, entre autres, étant comme ébranlées d'avance,
se trouvent plus disponibles, et permettront de percevoir, de
reconnaître et d'articuler plus vite les noms d'animaux que les
autres. Pour ce qui est de la plus grande rapidité de perception
et de récognition, elle ne saurait créer de différence entre les
deux listes puisque chacune contient le même nombre de mots
(1) Sinn lieu île prendre la moyenne arithnuHiquo on prend le ■■ Mêdi.in ••
(voir Scriplnrc, l'sijr/i. Hevtpw, jnill. 1895, p. 376), on trouve exartenicnl
0,250 (au lieu de 0,266) pour l'auguieutation relative du temps d'omission.
TU. FLOURNOV. — SUR LES TEMPS DE LECTURE ET d'oMISSION 49
jouissant de ce privilège ; mais il en est autrement pour l'acte
de lire à haute voix. Dans la liste positive, en effet, la pronon-
ciation effective n'est que le renforcement et comme le prolon-
gement naturel des images d'articulation déjà plus ou moins
subexcitées. Au contraire, dans la liste négative, il faut tour à
tour réprimer ces tendances motrices naissantes dont la vue
des noms d'animaux vient activer l'essor, et prononcer des
mots quelconques qui n'ont pu être ébauchés d'avance. Il y a
donc à la fois inhibition de mouvements déjà jusqu'à un certain
point commencés, et excitation ab ovo d'autres mouvements
imprévus et nullement préparés. On conçoit qu'il se perde du
temps à ce double travail.
Dans une vingtaine d'expériences où les sujets devaient
marquer les mots d'un trait de crayon au lieu de les lire à
haute voix, une différence du même ordre s'est manifestée entre
les deux sortes de listes ; ce qui montre qu'un acte, non plus
variable comme l'articulation d'un mot, mais identique comme
le mouvement de la main, est lui aussi plus vite exécuté lors-
qu'on peut le rattacher d'avance à une idée générale déterminée
que s'il faut s'en séparer pour le joindre à d'autres idées non
prévues.
J'ai dit tout à l'heure que l'attention dirigée sur l'idée d'ani-
mal réveille en bloc tous les souvenirs rentrant dans cette
catégorie : mais il faut se garder de prendre au pied de la lettre
celte terminologie psychologique, car sauf le mot même d'ani-
mal et parfois un petit nombre d'images accessoires variables,
ces souvenirs restent à l'état potentiel, latent, et n'apparaissent
point du tout dans la conscience. A moins donc que, pour le
plaisir d'étendre aux cas normaux les conceptions courantes de
la pathopsychologie, on ne suppose que ces souvenirs existent
comme tels dans une seconde personnalité ou un double-moi,
il doit être bien entendu que leur prétendu réveil n'exprime
qu'un fait physique, à savoir une excitation nerveuse trop
faible pour se traduire en images distinctes dans la conscience,
mais suffisante cependant pour influencer d'une façon appré-
ciable les opérations cérébrales subséquentes.
Nous touchons ici à la question encore si obscure de la nature
des idées générales. Au point de vue psychologique, les
enquêtes montrent la grande variabilité des images mentales
de choses ou de mots qui les accompagnent et les représentent
dans la conscience des diverses personnes, et de la même per-
sonne à des moments différents. Mais il est clair que ces images
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 4
50 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
toujours arbitraires et inadéquates n'épuisent point la valeur
de ridée, et sont loin d'en exprimer le contenu vraiment pensé.
C'est plus bas et plus profond, comme l'a justement relevé
M. Ribot^, qu'il faut chercher l'élément essentiel du concept,
dans ce dessous obscur, ces couches sous-jacentes du savoir
emmagasiné, qui échappent à la conscience ou du moins ne lui
sont présentes que sous la forme du sentiment caractéristique
qui différencie les termes significatifs et compris des mots
vides de sens et non compris. Le vrai centre psychologique du
concept semble donc se trouver, non dans les images qu'il
évoque, mais dans ces sentiments confus qui leur servent
d'arrière-plan et que M. James a si bien décrits sous le nom de
fringe, suffusion, psychic overtones, etc. ^
Au point de vue physiologique, quelle que soit encore notre
ignorance de la mécanique cérébrale, il n'est pas douteux qu'à
chaque idée corresponde une répartition spéciale de l'excitabi-
lité dans les plexus nerveux, un agencement ou un engrenage
particulier des centres fonctionnels entre eux. M. V. Kries a
récemment proposé le terme de « cérébrale Einstellungen" »,
qu'on peut traduire par ajustements cérébraux, pour désigner
ces modifications nerveuses, de nature d'ailleurs inconnue, qui
servent de substratum aux concepts et aux dispositions régnant
en nous à un moment donné, et dont on constate les efTets dans
notre façon différente de percevoir, de comprendre et de réagir.
Cette notion de l'ajustement cérébral me paraît heureuse ; non
qu'elle éclaircisse en rien les données mentales elles-mêmes
puisque c'est une notion physique, mais parce qu'elle fournit
un schème ou une explication mécanique commode pour une
foule de phénomènes qui se prêtent mal à une description en
ternies de pure conscience. En effet, sans parler d'expériences
artificiellement instituées, notre vie journalière fourmille de
faits dont on ne peut rendre compte psychologiquement qu'en
faisant appel à tout un enchaînement d'images, de souvenirs,
de tendances, qui en réalité n'est pas psychologiquement
observable, et .qu'il serait par conséquent moins contradictoire
de se représenter sous la forme d'un fonctionnement ou ajuste-
ment physiologique.
{\) IVihoi. Enquête sur lev idées générales, Revue pliildsopliitiue, t. XXXIl,
p. 387.
(2) James. l'rinc. of Ps]/cholo;/>j, I, 258 et passim.
(3) J. V. Kries. Uber die Sulur r/ewisser <}ehirnzuslande (Zeitscli. f. Psy-
chologie uud Physiologie, t. Vill, p. 4).
i
TH. FLOURNOY. — SUR LES TEMPS DE LECTURE ET d'OMISSION OÎ
Quand je me mets par exemple à lire de l'allemand, la ren-
contre des mots mit, sein, langes, etc., n'a pas sur ma pensée
le même effet que lorsque je les aperçois dans un livre français ;
ce qui s'explique en disant que ma préoccupation de l'allemand
a subconsciemment réveillé tout mon savoir potentiel de cette
langue au détriment de mes autres vocabulaires, c'est-à-dire a
déterminé dans mon cerveau un ajustement particulier. Si
j'écoute le discours d'un prédicateur, je suis par là même placé
dans un certain cercle d'idées latentes, un certain ajustement,
grâce auquel le terme « parabole » aura en moi un tout autre
écho et une autre signification qu'entendu dans une leçon
de géométrie. A la lecture de la phrase « les poules du
couvent couvent leurs œufs », le même groupe typographique
« couvent » suscite dans ses deux répétitions des images et des
prononciations très différentes, parce que l'orientation intel-
lectuelle ou cérébrale change à chaque mot. Le persécuté, sous
l'empire de ses sombres dispositions, entend des allusions bles-
santes dans les paroles des passants. Pour le musicien, une
sorte d'arabesque placé au commencement de la portée et
nommé clef de sol ou de fa, suffit à fixer une fois pour toutes
le sens ambigu des petites taches noires qui vont frapper ses
yeux, et un autre signe lui fait adopter d'emblée un mouvement
d'une certaine rapidité qui se conservera automatiquement
pendant tout le morceau, etc.
Tous ces exemples, qu'on peut multiplier indéfiniment et
subdiviser en divers groupes, illustrent un même fait fonda-
mental : l'influence de la disposition actuelle du sujet, momen-
tanée ou durable, sur la perception et l'interprétation des
données externes et sur le cours des idées et des actes qui en
résulte. Or cette disposition se dérobant à l'analyse directe par
la conscience, il y a tout avantage en pratique (les questions
métaphysiques étant, cela va sans dire, réservées) à n'y voir
qu'un état physiologique, un ajustement cérébral, concevable
si l'on veut comme un aiguillage très compliqué ouvrant tout
un système de voies nerveuses et en bloquant d'autres, ou
comparable encore au changement de registre par lequel un,
jeu d'orgue est substitué à un autre, au déplacement du cur-
seur qui règle les battements du métronome, etc. Ces symboles
mécaniques, inoffensifs en raison même de leur grossièreté, et
ne préjugeant rien sur la nature dernière des phénomènes,
n'ont pas ici les mêmes inconvénients que Icb termes psycho-
logiques d'aperception, assimilation, association systématique,
82 MÉMOIRES DES COLLABORATIÎURS
groupes psychiques, etc., dont on ne sait jamais s'ils ne sont
qu'une façon de parler, ou s'ils prétendent exprimer le contenu
réel de la conscience comme ils en ont l'air.
Pour en revenir à l'expérience des temps de lecture et d'omis-
sion, elle rentre également sous la notion de l'ajustement céré-
bral, et on peut la rapprocher de faits analogues déjà connus.
On sait, par exemple, qu'il faut moins de temps pour lire une
phrase dans sa langue maternelle qu'une autre de même lon-
gueur dans un idiome moins familier, et surtout qu'une série
de mots détachés ne formant pas un sens total ; c'est que, dans
le premier cas, la vue à vol d'oiseau de la phrase ou la percep-
tion de ses premiers mots circonscrivent d'emblée son sens
probable, et créent un ajustement progressif qui en facilite la
lecture, tandis qu'il fait plus ou moins défaut dans les deux
autres cas. De même, toutes les expériences relatives aux asso-
ciations d'idées prouvent que celles-là jaillissent de préférence
et le plus rapidement qui, bien qu'absentes de la conscience,
se trouvaient déjà dans un état de subexcitation latente grâce
à leur connexion avec les circonstances ambiantes ou la préoc-
cupation dominante du sujet.
Un point spécial, qui découle de la différence des temps de
lecture et d'omission, c'est que tandis qu'on peut réellement
concevoir une classe déterminée A, ce qui suppose la subexci-
tation d'un certain plexus aux dépens des autres, on ne peut
pas réellement concevoir la classe indéfinie non-A, c'est-à-dire
subexciter tout le cerveau à l'exclusion du plexus précédent.
Autrement, il ne serait pas plus difficile de lire la liste néga-
tive où l'on doit prononcer les non-A et sauter les A, que la
positive où l'on fait le contraire. Cela donne à penser que
les jugements indéfinis ou limitatifs (ceci est non-A) admis par
Kant comme distincts des jugements négatifs ordinaires (ceci
n'est pas A), n'existent au fond pas en dehors de la formule
verbale qui les consacre, et que la logique classique, en les
ignorant, est plus près de la vérité psychologique.
Ce qui corrobore l'impossibilité d'une excitation cérébrale
qui correspondrait à la sphère indéfinie non-A, c'est-à-dire à
toutes les catégories concevables sauf une, c'est la difficulté
qu'il y a à embrasser plusieurs classes à la fois. Si, dans l'expé-
rience qui nous occupe, on complique la tâche du liseur en
l'obligeant à remarquer plus d'une espèce de mots, on voit
diminuer la différence entre le temps de lecture et celui
d'omission, le premier s'accroissanl beaucoup plus vite que le
TH. FLOURNOY. — SUR LES TEMPS DE LECTURE ET d'oMISSION S3
second. Pour trois catégories déjà, leur difîérence est réduite à
presque rien, et le temps de lecture a doublé à peu près. J'ai
par exemple deux listes, toujours de vingt-quatre mots, dans
Tune desquelles il faut prononcer tous les noms d'animaux, de
villes, et de couleurs (quatre de chaque espèce) en sautant les
autres, tandis que dans la seconde on doit omettre ces trois
sortes de mots et lire les autres. Sur vingt personnes, il s'en est
trouvé six pour qui ce second temps a été plus court que le
premier, et chez les autres l'excès du temps d'omission est si
faible qu'au total la moyenne de ces vingt sujets donne prati-
quement le même cliifl're pour la liste positive (âO"'%lo) que
pour la négative (20"', 4o). L'étroilesse de la conscience, ou
la limitation de l'excitabilité nerveuse, s'oppose en effet à ce
que la pensée embrasse simultanément ces trois catégories,
trop disparates pour se laisser réunir dans un concept supé-
rieur ; latlention est ainsi obligée d'osciller sans cesse de l'une
à l'autre, et les liseurs éprouvent une difficulté si considérable
à exécuter la consigne, que plusieurs perdent le fil et s'inter-
rompent avant la fin de la colonne.
L'expérience des temps de lecture et d'omission est suscep-
tible d'applications variées, et peut être modifiée décent façons
dans le détail desquelles je n'entre pas maintenant. Disons seu-
lement en terminant qu'une condition essentielle pour sa réus-
site est de n'employer que des mots suffisamment familiers et
précis ; car tout terme rare ou équivoque tend à retenir et dis-
traire l'attention, ce qui allonge la durée totale de la liste.
C'est ainsi, pour ne citer ({u'un exemple, qu'une colonne où
l'on devait lire les noms de métiers ne put servir, parce qu'au
premier essai le liseur tomba en arrêt devant le mot Boulan-
ger, ne sachant s'il fallait le prononcer ou s'il s'agissait du
fameux général. (Dans nos listes, tous les mots commencent
par des majuscules, afin de permettre le mélange des noms
propres et des noms communs sans que la différence des ini-
tiales risque de faciliter indûment la distinction des mots.) Les
surprises de ce genre, bien qu'ùtant sa valeur psychométrique
à l'essai où elles se produisent, sont souvent les plus instruc-
tives par le jour qu'elles jettent sur les entre-croisements et les
conllits des ajustements cérébraux, et par les sentiments intel-
lectuels variés qui en résultent dans la conscience du sujet.
Tii. Flournoy,
Direcleur du lulioraloire de psychologie de Genève.
IV
RECHERCHES SUR LES PHÉNOMÈNES INTELLECTUELS
Pour les recherches dont il va être rendu compte, j'ai pro-
cédé de la manière suivante : j'ai écrit 500 mots, chacun sur un
bout de papier, j'ai placé les 500 bouts de papier dans une boîte,
puis j'ai pris au hasard successivement chacun d'eux et noté
les deux premières idées suggérées par chaque mot. Je n'ai
généralement pas voulu noter plus de deux idées, parce que
j'eusse été souvent incertain de leur ordre d'apparition : une
pareille incertitude peut même se produire dans le cas de deux
idées seulement notées. Parfois aussi je n'ai relevé qu'une
idée, parce qu'il ne s'en présentait pas assez tôt une seconde;
certains mots en effet provoquent une représentation dont
l'esprit a quelque peine à se débarrasser, tandis que d'autres
provoquent facilement et promptement plusieurs représen-
tations successives. On verra aussi notés quelquefois des phé-
nomènes qui ne sont pas à proprement parler des représen-
tations : tels sont une attention, un sens de mot.
Les résultats qui vont être rapportés n'ont qu'une valeur
individuelle. Il n'eût guère été possible de trouver des personnes
disposées à se prêter à des recherches longues et minutieuses
telles que les présentes. C'est à chacun de ceux ({u'intéresse la
psychologie- de refaire pour lui-même de pareilles recherches
«l d'en publier les résultats ; lorsque l'on disposera d'un certain
nombre de ces monographies, on pourra les comparer et for-
muler quelqu(>s conclusions générales.
11 ne faut d'ailleurs pas s'exagérer ce caractère individuel
des résultats qui vont être rapportés. Il est très probable qu'il
n'y est fortement marqué qu'en ce qui concerne l'analyse quan-
titative, mais que l'analyse qualitative fournira sensiblement
les mêmes éléments pour quiconque voudra faire des recherches
i
B. BOURDON. — SUR LES PHÉNOMÈNES INTELLECTUELS 55
analogues ; en d'autres termes, quelque autre pourra constater
chez lui une plus forte proportion de représentations de cou-
leur, par exemple, mais en somme elles ne font pas défaut ici.
Les principaux phénomènes suggérés ont été les suivants :
1° Une représentation non verbale ;
2° Une représentation verbale (mot ou expression) ;
3° Une attention à des objets ou à des phénomènes voisins ;
4° Un sentiment de connu, sans représentation ;
^° Une prononciation mentale emphatique ;
6° Un sens.
1° Représentations non verbales. — Telles sont la représen-
tation ou l'image d'un arbre, d'une couleur, d'un mouvement,
d'un bruit, etc. Je fais aussi rentrer dans ce groupe des repré-
sentations d'émotions.
2" Représentations verbales. — Il s'agit ici de mots ou d'ex-
pressions, parfois même de phrases entendus, articulés,
vus, etc., mentalement. Ces représentations ont été à peu près
exclusivement motrices-auditives ; quelques cas très rares de
vue de mots se sont aussi produits.
3° Attention à des objets ou à des pliénomènes voisins. —
Ainsi un mot comme cinq peut diriger l'attention sur la main ;
dans ce cas il y a perception. Mais l'attention peut être aussi
représentative, et alors il y a interférence entre ce troisième
groupe et le second: tel est le cas lorsque par exemple l'atten-
tion se dirige sur la représentation d'un meuble que l'on a der-
rière le dos.
4'^ Sentiment de connu, sans représentation. — Des noms
propres ont provoqué ce phénomène : ainsi en entendant ou
lisant un mot comme Berthe, on peut n'y associer de prime
abord aucune représentation, mais on peut sentir néanmoins
qu'on connaît ce nom-là. Le môme phénomène pourrait être
provoqué par des mots d'une langue étrangère avec laquelle on
ne serait pas très familier.
5'^ Prononciation mentale emphatique. — Ainsi, à la vue du
mot phrase, au lieu d'associer une représentation, par exemple
la vue d'un passage d'un livre, à ce mot, on prononcera menta-
lement avec emphase le mot lui-même {Phrases !). Ce groupe
pourrait peut-être se rattacher au premier, ces prononciations
emphatiques étant alors considérées comme des représentations
d'émotions. Le phénomène est du reste rare.
56 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
6° Sens. — Parfois raLlenlion s'arrête sur le sens du mot,
sans qu'il y ait représentation véritable. C'est ainsi qu'en lisant
rapidement, surtout s'il s'agit de choses abstraites, on comprend
le sens de ce qu'on lit, mais on n'a pas de représentations pro-
prement dites. On peut comparer le sens des mots, sur la
nature duquel il sera d'ailleurs discuté un peu plus loin, au
sentiment de connu dont il a été question ci-dessus. Le sens
des mots se manifeste très nettement dans certains cas, c'est
lorsque le mot qu'on considèce est amphibologique : on sent
alors parfois l'attention osciller d'un sens à l'autre, chacun des
sens mettant l'autre en relief; exemples : mémoire^ neuf, jjoli.
Les mots qui ont suggéré deux représentations non verbales
sont ceux que l'on peut appeler les plus concrets. Tels sont :
ouest, nuage, tonnerre, c/iien, orme, hauteur, .frêne, sajjùi,
armoire, etc. On est surpris de trouver parmi ces mots un,
définition, question, et deux ou trois autres ; les représenta-
tions provoquées par un ont été celle du chiffre 1, puis celle du
chiffre "1 (représentations visuelles) ; définition m'a fait voir
des pages du traité de logique de Wundt, question les signes
interrogatifs français, puis espagnols.
Les mots qui n'ont suggéré que des représentations ver-
bales sont au contraire, en général, ceux qui désignent les
idées les plus abstraites (au sens vulgaire du mot abstrait).
Tels sont : lundi, hypothèse, mars, idée, comparaison, six,
nombre, profession, demain, orthographe, parfait, lui, absolu,
rien, siècle, raisonner, mardi, jeudi, samedi, devoir, mille,
quelquefois, toujours, morale, devoir, vérité, animal, etc.
On remarque aisément parmi ces mots qui ne suggèrent de
prime abord que des mots la prédominance de noms de temps
(jours de la semaine, mois, etc.), de noms de nombre, de noms,
de choses philosophiques (parfait, absolu, etc.). Il est assez,
curieux de rencontrer parmi ces mots même hier et demain^
et les noms des nombres peu élevés, deux, quatre, six, sept,
huit. Le fait qu'on y trouve même deux et quatre, bien que
les nombres désignés par ces mots saient facilement percep-
tibles et imaginables, tient sans doute au caractère essentiel-
lement verbal de notre science arithmétique.
Entre ces deux extrêmes de l'abstraction et de la concrétion,
nous trouvons les mots qui provoquent d'abord une représen-
tation non verbale, puis une représentation verbale et ceux
qui provoquent les deux mêmes phénomènes, mais dans
l'ordre inverse. En réalité, ces mots désignent des choses
B. BOURDON. — SUR LES mÉNOMÈNlîS INÏlîLLKCTUELS 57
beaucoup plus concrètes qu'abstraites, et le fait n'a rien de
surprenant : même lorsque nous pensons à des objets très
concrets, nous sommes fortement poussés à les nommer, à
prononcer mentalement quelque chose à leur sujet; il existe
même des hommes pour qui penser sans parler mentalement
est presque une impossibilité : tels semblent être ceux qui ont
reçu une éducation extrêmement verbale, ceux qui s'adonnent
à des sciences verbales comme les mathématiques, la philo-
sophie, l'étude des langues. En outre, tous ceux qui ont de
vives dispositions naturelles à parler à haute voix en ont pro-
bablement aussi à parler mentalement, et leur pensée, même
lorsqu'elle porte sur des objets aussi concrets que possible,
doit tendre à prendre une forme relativement abstraite.
Une forte préoccupation involontaire, la plus persistante de
celles qui se sont manifestées pendant le cours de ces observa-
tions, m'a forcé pendant quelque temps et à plusieurs reprises
à associer des mots aux mots vus. C'a été la préoccupation de
traduire en allemand le mot français. Je n'ai pas essayé
d'y résister; tout effort pour cela n'eût abouti d'ailleurs qu'à
la rendre encore plus persistante et plus tenace. Dans un cas,
cette préoccupation a duré environ une demi-heure sans inter-
ruption.
Les mots qui ont suggéré deux représentations non verbales,
ceux qui ont suggéré deux représentations verbales, ceux qui
ont suggéré une représentation verbale, puis une représentation
non verbale ou inversement, enfin ceux qui ont suggéré une
représentation non verbale forment réunis la très grande ma-
jorité des oOO mots employés. Par conséquent le sentiment de
connu, le sens des mots, etc., sont des phénomènes qui ont
assez rarement sollicité l'attention. Non que les mots aient été
perçus indépendamment de leur sens ; au contraire, il faut plu-
tôt supposer que sens et mot ont en général été si étroitement
fusionnés que l'un n'a pu être perçu sans l'autre. De même,
en lisant, nous ne remarquons d'ordinaire aucune dissociation
des mots et de leur signification ; ce n'est que dans les cas de
fatigue intellectuelle, d'affaiblissement de l'attention, de lec-
ture très rapide ou de perception auditive de mots prononcés
très rapidement, qu'il nous arrive de remarquer l'indépendance
relative des deux phénomènes en constatant que nous lisons
ou entendons parfois sans comprendre. La pathologie fournit
également la démonstration de cette indépendance relative par
les cas de surdité et d'e cécité verbales.
58 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
Nature des représentations non verbales. — Suivant leur
nature, les représentations non verbales constatées peuvent se
diviser ainsi :
1° Représentations visuelles de forme, de direction et de
position. — Couleur indécise, tendant vers le blanc ou le gris.
Ces représentations ont été, parmi les représentations non ver-
bales, les plus fréquentes.
2° Représentatioyis de couleurs. — Elles ont été peu fré-
quentes. Les nuances chromatiques (bleu, rouge, vert, etc.)
s'y rencontrent cependant aussi bien que les nuances achroma-
tiques (blanc, noir et gris). Exemples : un ruban bleu, un savon
jaune.
3° Représentations visuelles de mouvements: — Il s'en est
produit de très nettes à la lecture des mots : mouche, joie,
grandir, indiquer, anguille, canard, etc.
4° Représentations tactiles de mouvements. — Les mots
hauteur, indiquer, bâiller, etc., ont provoqué de telles repré-
sentations.
5° Représentations auditives. — Par exemple la représentation
du bruit de tonnerre, celle de la voix de personnes connues.
6° Représentations d'odeurs. — Elles ont été très rares. Un
exemple assez net est fourni par la représentation de l'odeur
des jardins en tleurs associée au mot printemps.
7" Représentations de sentiments. — Les mots Marie, cou-
sine, ami, tristesse, patience, etc., ont provoqué de telles
représentations. Ainsi le mot Marie suggère le sentiment de la
bonté d'une personne qui porte ce nom. Les noms propres par-
ticulièrement sont aptes à éveiller ces représentations en même
temps que celles du caractère des personnes que ces noms dési-
gnent et du ti^iîbre de leur voix. La voix s'associe étroitement
pour moi au caractère et me sert beaucoup à le diagnostiquer.
8" Représentations de caractères. — Elles s'associent aux
noms propres et se rattachent assez étroitement par leur nature
aux représentations de sentiments.
%"" Représentations indéfinissables, confuses. — On n'en peut
rien dire de précis. Beaucoup de représentations assez nettes
au bout de quelque temps commencent par être confuses. Tel
est le cas notamment pour les idées formées parla combinaison
B. BOURDON. — SUR LES PRÉNOMÈNES INTELLECTUELS 59
d'éléments assez différents. Ainsi le mot animal, s'il ne pro-
voque pas simplement un autre mot, pourra éveiller une imajie
complexe très confuse, d'oîi émergeront peu à peu des images
plus nettes.
10'^ Absence de représentations. — Ce casse rencontre égale-
ment ; pendant un temps appréciable, il peut n'y avoir rien
dans l'esprit.
Les diverses espèces de représentations qui viennent d'être
énumérées diffèrent en netteté et vivacité. Celles qui viennent
au premier rang sous ce rapport sont les représentations
motrices-auditives verbales que j'ai opposées comme groupe
fondamental à celles dont il vient d'être parlé. Ensuite, viennent
d'une part les représentations visuelles de forme, direction,
position et mouvement, d'autre parties représentations tactiles
{ou musculaires ou articulaires) de mouvements autres que
verbaux, lesquelles sont encore assez vives. Les représenta-
tions visuelles les plus nettes dont je sois capable sont celles
des mots écrits ou imprimés : simple question d'habitude pro-
bablement.
On remarquera dans l'énumération qui précède l'absence
totale de représentations de température, de douleur, de saveur
•et de temps. Cependant les représentations de temps n'ont pas
fait absolument défaut, mais il ne s'en est produit que de très
fugitives et très confuses et c'est pourquoi il n'y avait pas lieu
de les signaler spécialement. Il est intéressant d'opposer cette
absence de représentations de temps au grand nombre et à la
netteté des représentations de lieu. Il est probable, d'après ce
■que nous savons sur la perception du temps et sur celle de l'es-
pace, qu'il ne s'agit pas là d'une particularité individuelle et
que tout le monde constaterait que la localisation dans l'es-
pace se produit beaucoup plus fréquemment, plus nettement et
plus vite que la localisation dans le temps. A ce propos, il est
curieux aussi de constater que la localisation dans le temps,
qui joue un rùle si peu important dans le monde de nos repré-
sentations, a été cependant souvent l'objet d'études très déve-
loppées (théories du souvenir), tandis qu'il est à peine fait
mention, dans les ouvrages sur l'intelligence, de la localisation
des représentations dans l'espace. Ce fait prouve une fois de
plus le caractère artificiel et arbitraire des analyses et distinc-
tions qui ont cours dans l'ancienne psychologie. Il importe
d'ailleurs, pour bien comprendre la remarque précédente, de ne
60 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
pas confondre la représentation du temps avec l'époque objec-
tive à laquelle peut <e rapporter la perception primitive d'oîi
sort la représeiitatiùu. 11 est intéressant de rechercher, ainsi
que 1 a fait Galton, à tjuel temps se place l'origine d'une repré-
sentation actuelle, de déterminer, parmi un certain nombre de
représentations actuelles, combien se rattachent à notre
enfance, ou à notre jeunesse ou à notre âge mûr. Cette
recherche est d'ailleurs très propre à développer la représen-
tation du temps elle-même. Mais si on laisse les représentations
s'éveiller spontanément, on constatera, nous en avons la con-
viction, le fait qui vient d'être signalé, savoir que la repré-
sentation du temps se produit rarement.
Localisation dans l'espace. — La représentation de lieu,
comme il a été dit, a été fréquente et nette : il est même arrivé
assez souvent qu'elle précédât la représentation de l'objet loca-
lisé. Sur 86 cas de mots ayant suggéré deux représentations
non verbales, il y en a 79 pour lesquels la localisation précise
s est produite immédiatement ou secondairement, ce qui prouve i
combien la tendance à localiser dans l'espace est forte. \_
Cette localisation a présenté des particularités qui sont
aujourd'hui connues; ainsi, j'ai constaté des cas de localisation
absolue : par exemple, l'ouest pour moi tend spontanément à
se placer à ma gauche, parce qu'on le place ainsi sur les cartes
de géographie ; le sud tend à se placer devant moi parce que
j'ai habité longtemps une maison qui faisait face au sud. J'ai
également constaté l'impossibilité de me représenter quelque
chose nettement en le supposant localisé derrière moi.
Il s'est produit plusieurs fois une image indéfinissable de lieu
résultant d'un conllit de localisations dilTérentes. Par exemple,
le mot épicier provoque d'abord une idée confuse de lieu parce
que plusieurs représentations de lieux dilTérents s'éveillent à la
fois et eiitreul eu lutte.
Représentations motrices, auditives et visuelles. — Les
représentations motrices se sont associées étroitement dans
beaucoup de cas à des représentations auditives ou visuelles.
Elles se sont associées aux premières notamment dans les
représentations verbales. La fusion de l'élément moteur et de
l'élément auditif est si intime ordinairement dans mes repré-
sentations verbales que j'ai de la peine à distinguer l'un de
1 autre. Ma parole intérieure s'accompagne d'un sentiment
B. BOURDON. — SUR LES PHÉNOMÈNES INTELLECTUELS 61
d'activité, ce qui indique la présence d'éléments moteurs:
d'autre part, j'y distingue les nuances d'intonation aussi facile-
ment que s'il s'agissait de ma parole à voix haute, et j'y recon-
nais très aisément les voyelles, ce qui semble prouver la présence I
d'éléments auditifs ; mais je n'y perçois ordinairement pas de
timbre, ce qui me paraît établir la prépondérance de l'élément
moteur ; car le timbre est le seul des phénomènes auditifs de
la parole qui ne s'associe à aucun mouvement particulier des j\
organes vocaux, à aucune sensation tactile ou musculaire. Les
variations de hauteur au contraire s'associent à des mouvements ^^^
du larynx, et c'est pourquoi on pourrait se tromper en croyant •■<!
les reconnaître et prendre pour des représentations auditives
les représentations tactiles et motrices correspondantes.
Les représentations motrices évoquent facilement aussi
des représentations rétiniennes. Ainsi, quand j'écris menta-
lement le mot chien, par exemple, je puis me représenter les
sensations tactiles que l'acte exécuté réellement produirait et
en outre je puis voir par la pensée le mot avec assez de netteté
pour être capable de l'épeler aussitôt à rebours. Si j'exécute
réellement les mouvements nécessaires pour écrire le mot, je <
vois peut-être plus nettement encore le mot tracé. Si je ne trace
pas, soit réellement, soit mentalement le mot. il m'est beau-
coup plus difficile d'en avoir rapidement une représentation
visuelle nette et de l'épeler à rebours. Quelquefois néanmoins
les représentations visuelles ainsi évoquées s'imposent plus à
mon attention que les sensations tactiles (ou musculaires ou
articulaires) qui les ont provoquées : ainsi il m'est quelquefois
difficile de constater les sensations tactiles qui se produisent
quand je dessine en l'air un 8 par exemple avec la main, parce
qu'alors l'image visuelle du 8 accapare mon attention.
Dans mes représentations des formes, des positions, des direc-
tions en général, je constate souvent la présence d'éléments
moteurs et d'éléments visuels associés. Parfois je remarque des
mouvements réels des globes oculaires, comme, dans la parole
mentale, on peut remarquer parfois des mouvements réels des
organes vocaux. Quand je considère mentalement un objet un
peu grand, souvent, sinon toujours, j'en vois les contours suc-
cessivement, c'est-à-dire je n'en aperçois bien qu'une partie
limitée à la fois ; ce fait s'accorde avec ce qui se passe dans la
perception : le champ de la vision distincte est en effet, comme
on sait, extrêmement peu étendu. Je doute qu'il me soit possible
de me représenter tactilement, sans le voir en outre avec plus
62 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
OU moins de netteté, un mouvement de mes yeux eux-mêmes,
ou de quelque autre partie de mon corps ; quand j'observe ma
parole intérieure, je surprends parfois, se mêlant aux repré-
sentations motrices auditives, des images visuelles des organes
vocaux et de leurs mouvements. Mais je puis voir mentalement
quelque chose sans qu'à cette vision s'associe d'une manière
appréciable une représentation tactile. Je conclurais donc volon-
tiers que la représentation rétinienne existe parfois indépen-
damment de la représentation motrice (tactile), mais que celle-
ci entraine régulièrement la première.
Mes représentations rétiniennes ont été d'ordinaire achro-
matiques, c'est-à-dire blanches, grises ou noires. II m'est arrivé
de me représenter l'arc-en-ciel lui-même achrom.atiquement,
c'est-à-dire de le voir comme un arc grisâtre. L'achromatisme
de mes représentations de formes est parfois si marqué que je
me demande si je les vois même simplement avec des nuances
grises, blanches ou noires, et si je ne dois pas plutôt prendre
alors le mot achromatisme dans toute son acception, c'est-à-
dire avec le sens d'absence totale de couleur. En d'autres termes,
j'ai cru parfois que je voyais mentalement des formes sans
couleur; supposons la même lettre A imprimée en rouge, en
bleu, en noir ; sous ces différences de couleur il reste toujours
la même forme : or c'est cette forme visuelle sans couleur que
quelquefois j'ai cru voir. Pourtant je doute finalement qu'une
représentation aussi abstraite soit possible, et je crois plutôt
qu'il v a toujours, sur la forme qu'on se représente, un peu de
couleur. Il reste néanmoins certain qu'on peut n'avoir aucune
hésitation à l'égard de la forme qu'on voit mentalement, tandis
qu'on peut être si peu sûr de la couleur de cette forme qu'on
se demande même si elle en a réellement une. D'où il suit qu'il
peut y avoir, pour la représentation, indépendance à un assez
haut degré entre la forme et la couleur.
Un mot pour terminer ce paragraphe sur la nature de mes
représentations motrices non rétiniennes. Je crois qu'elles sont
avant tout tactiles, et non pas musculaires ni articulaires, et
qu'elles se composent principalement de représentations de
contact. Je serais donc .assez porté à penser que ce qu'on a
appelé le type moteur est au fond un type tactile.
Représentations abstraites. — Le mot abstrait est pris ici
dans son acception technique : il s'agit donc de cas où une
partie, une propriété d'un objet est isolée dans la représenta-
B. BOURDON. — SUR LES PHÉNOMÈNES INTELLECTUELS 63
tion du reste de l'objet. L'abstraction ainsi entendue est un
phénomène tout à fait ordinaire ; il se rencontre d'ailleurs
dans la perception même, lorsqu'on fait attention par exemple
à la couleur d'un objet, ù la forme d'un chapeau ; il n'est au
fond que le résultat de la tendance de l'attention à se concen-
trer, à rétrécir le champ de la perception ou de l'imagina-
tion 1.
Des représentations abstraites que j'ai pu constater sont les
suivantes : représentation du mouvement d'une mouche, du
mouvement de mâchoires, d'un bec d'oiseau, etc. Dans le
premier cas, la mouche elle-mf^ne n'était pour ainsi dire pas
vue; le même fait se produit d'ailleurs dans la perception :
on voit très bien le mouvement d'une mouche, mais le corps
de la mouche n'est pas pen^u distinctement. L'exemple du
bec d'oiseau a été parfaitement net : la représentation d'un
bec s'est produite de prime abord : quant au corps de l'oiseau
il est resté à l'état d'image confuse, d'image oscillante, par
suite du conflit entre les images du geai, de la poule, etc.
Des abstractions tendent naturellement à se produire lors-
qu'on est mal doué pour un certain genre de représentations ;
c'est ainsi que dans mes représentations la couleur des objets
fait presque toujours défaut.
Représentations partiguliî;res et générales. — La particula-
risation consiste à se représenter un individu. En général,
toutes les représentations tendent à se particulariser. Ainsi sur
86 cas où le mot considéré a provoqué deux représentations
non verbales, il n'y a de prime abord que 27 représentations
qui ne soient pas particulières. Au bout de peu de temps d'ail-
leurs, sur ces 27 représentations, il n'en reste que 13 qui ne
soient pas particularisées et que 7 qui n'aient pas rePu une
localisation particulière.
D'après beaucoup d'observations, il me semble indubitable
(1) On pourrait du reste r.-icilouient ramener à une seule les deux accep-
1ii)ns du mot abstrait auxquelles il est l'ait allusion dans cette étude.
D'après le sens vulgaire du mot, abstrait est en effet à peu près l'équivalent
de rerbdt : les idées abstraites S(Uit celles qui ne contiennent, comme élé-
ments faciles à cnnstater, ((ue des perceptions ou représentations verbales.
Or, si nous considérons, ce qui ne peut soulever aucune difficulté sérieuse,
les mots, les désignations comme des propriétés des objets, un peu moins
adhérentes simplement que les autres, nous pourrojis dire rpae les idées
abstraites, au sens vulgaire du mol abstrait, ont lieu quand nous concen-
trons notre attention sur cette propriété des objets, leur nom, en négli-
geant les autres.
64 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
que, quand la particularisalion ne se produit pas tout de suite,
elle est précédée d'une phase de généralité. Ce fait se rattache
à un autre que j'ai souvent constaté aussi et dont j'ai rapporté,
plus haut, un exemple frappant : c'est que la représentation
d'une partie d'un tout peut précéder celle des autres parties,
on peut voir par l'imagination le bec d'un oiseau avant do
pouvoir apercevoir nettement le reste de son corps. L'explica-
tion de ces phénomènes est la suivante : les objets d'une même
espèce sont connus par des perceptions composées dont les
éléments n'ont pas une égale stabilité : ainsi les oiseaux usuels
diffèrent plus par les autres parties du corps que par le bec :
par conséquent, tandis que chaque perception nouvelle d'oiseau
fortifie notablement en nous le souvenir des .becs d'oiseaux,
elle fortifie moins le souvenir des autres parties et peut même
l'affaiblir par le conflit qui se produit entre la couleur, par
exemple, de l'oiseau actuellement perçu et celle d'un oiseau
vu auparavant. Le même principe s'applique au cas des repré-
sentations particulières ou générales : ainsi chaque chien nous
est connu par une perception composée ; toutes les perceptions
composées provenant des divers chiens que nous avons ren-
contrés se sont renforcées l'une l'autre par ce qu'elles avaient
d'identique, mais se sont affaiblies parce qu'elles avaient de
différent; comme d'autre part les souvenirs vivaces naissent,
en règle générale, plus vite que les souvenirs affaiblis, il s'en-
suit qu'en voyant le mot chien nous sommes d'abord portés à
penser à cette partie commune à toutes les perceptions qui nous
sont venues des chiens ; or, c'est cette partie commune qui
forme l'idée générale de chien. Ce n'est que peu à peu, à mesure
que l'attention se prolonge sur l'état de pensée provoqué par
le mot chien, que d'autres parties des images de chiens se
détachent nettement et que la représentation se particularise.
De même, celui qui est mal doué pour la mémoire des couleurs,
mais bien doué pour celle des formes, aperçoit d'abord par
l'imagination la forme des objets qu'il cherche à se représenter,
puis peu à peu seulement leur couleur. Des faits analogues se
constatent pour les représentations particulières; en général,
elles sont elles-mêmes le résultat de nombreuses perceptions
semblables sur certains points, différents sur d'autres : une
personne que l'on connaît a été vue assise, debout, jeune,
adulte, coiffée d'un certain chapeau, puis d'un autre, etc. ;
quand on se la représente, ce qui apparaît d'abord en général,
c'est la partie de cette personne qui, dans les diverses percep-
B. BOURDON. — SUR LES PDÉNOMÉNES INTELLECTUELS 65
lions, n'a pas changé ou a peu changé. 11 faut évidemment
tenir compte aussi de l'attention apportée à certaines parties
des perceptions, de ce fait que les perceptions sont plus ou ,
moins récentes, et en général des diverses conditions dont *
dépendent la vivacité et la promptitude de nos représentations.
DÉVELOPPEMENT DES REPRÉSENTATIONS. J'ai COnstaté dcS
exemples très nets de développement des représentations en
prolongeant mon attention sur elles. Ainsi le mot mai provoque
la vue d'une haie à ma gauche ; cette haie se présente d'abord
comme un objet confus ; mais, en insistant, j'y remarque des
détails, des troncs d'arbre, des branches, un passage étroit. J'ai
constaté mieux encore ce développement des représentations
en essayant plusieurs fois de dessiner les objets que je me repré-
sentais : ainsi, en essayant de dessiner une chèvre, j'ai remarqué '
que peu à peu Timage se précisait, que la forme du dos, d'abord '
douteuse, était aperçue finalement avec assez d'exactitude.
Mêmes résultats eu essayant de dessiner l'image d'une vache ;
je remarque en outre très nettement ici qu'il m'est impossible
d'avoir en un seul instant une vue de l'ensemble de la vache.
Sens des mots. — J'ai distingué plus haut le sens des mots
des représentations ; et en effet il n'est pas douteux qu'on
peut lire quelque chose, en comprendre le sens et n'avoir
cependant pas de représentations proprement dites. En quoi
consiste donc ce sens, cette sorte de sentiment vague qui s'as-
socie aux mots que nous comprenons et qui fait défaut quand
par exemple nous entendons des mots d'une langue que nous
ignorons? La question ne peut être résolue avec précision, en
raison même de l'obscurité inhérente par définition au phéno- f ^
mène.
Quanta la cause du sens des mots, il n'y a qu'une hypothèse
possible : il est le résultat des impressions qui, dans notre
expérience, ont accompagné le mot; ainsi, le mot chien s'est
trouvé associé pour nous à la vue de divers chiens, à la percep-
tion d'aboiements, à des sentiments de peur, d'amitié ; il s'est
trouvé associé également à d'autres mots dans les phrases
relatives aux chiens que nous avons prononcées, lues, enten-
dues ; toutes ces perceptions qui ont accompagné celle du mot
chien ont attaché quelque chose à ce mot, elles lui ont donné
un sens, comme les harmoniques accompagnant un son fon-
damental lui donnent un timbre ou comme les fréquentations
ANKÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 5
66 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
diverses qu'a un homme lui font prendre certaines manières
qu'il conserve alors même qu'il est isolé de ses semblables.
On a un peu raison d'affirmer que la représentation nette
qui se produit parfois après un mot ne constitue pas le sens de
ce mot, et de dire, par exemple, que Dieu n'est pas un vieillard
à barbe blanche, bien (jue le mot Dieu puisse évoquer l'image
d'un tel vieillard. Il ne faudrait pourtant pas exagérer cette
doctrine. Une telle image en effet a contribué à former le sens
du mot Dieu et on peut dire qu'elle se trouve toujours à l'état
confus dans le sens de ce mot. De même, si on dirige son atten-
tion sur l'un des harmoniques qui entrent dans le timbre d'un
son, on peut dire que cet harmonique ainsi isolé n'est pas le
timbre du son, mais il n'en reste pas moins certain qu'il con-
tribue à former ce timbre, qu'il s'y trouve lorsqu'on se borne
à percevoir ce timbre sans chercher à l'analyser. La doctrine
précédente s'applique également au cas des idées générales,
lesquelles présentent une parenté assez étroite avec le sens des
mots : l'image d'un chien particulier que me fait apercevoir le
mot chien ne doit sans doute pas être confondue avec l'idée
générale de chien ; mais il n'en est pas moins certain que cette
image entre, au moins partiellement, comme élément consti-
tutif, dans mon idée générale de chien. Et enfin il en est de
même encore des représentations particulières d'un être indi-
viduel : si par imagination j'aperçois assise une personne que
je connais, cette représentation de la personne assise doit être
distinguée de la représentation de cette personne en général,
mais néanmoins doit être considérée comme contribuant pour
quelque i)art à former cette dernière représentation.
Imagination. — Dans les observations que j'ai faites, j'ai eu
plusieurs fois l'occasion de constater des combinaisons Imagi-
natives, c'est-à-dire ne répondant pas à la réalité. Ainsi le mot
l07i7ierre me fait apercevoir un poteau indicateur à la bifurca-
tion de deux routes particulières ; or il n'y a pas de poteau en
cet endroit. Dans un autre cas j'aperçois un faucheur et surtout
sa faux dans une image qui se trouve elle-même dans l'alma-
n.ach des Fliegende Dldtter de cette année ; l'almanach, que je
consulte immédiatement, ne contient aucune figure semblable.
Remarques particulilires. — Certains mots ont provoqué
des phénomènes psychologiques plus ou moins intéressants.
Tels sont :
B, BOURDON. — SUR LES PHÉNOMÈNES INTELLECTUELS iu
Génisse. — Ce mot a provoqué une représentation confuse
de paroles entendues., très distincte de ma parole intérieure
nette ; néanmoins le sens de ces paroles était suffisamment cer-
tain. J'ai constaté des phénomènes analogues en d'autres cas;
la conclusion, cest que la parole intérieure peut aussi bien être
confuse que n'importe quelle autre espèce de représentation.
On peut rapprocher de ces phénomènes le fait qu'on a un
mot, un nom « sur le bout de la langue >, sans arriver pour-
tant à le retrouver complètement.
Centiînètre. — Vue d'une division centimétrique sur une règle ;
il m'est impossible de me représenter simultanément les deux
divisions qui limitent le centimètre; quand je vois l'une, l'autre
disparait comme si elle tombait sur la tache aveugle.
Parfum. — Vue d'une femme sur une affiche-réclame.
Localisation très nette et exacte de l'affiche ; mais j'ai beau cher-
cher, je ne retrouve pas l'attitude exacte de la femme ; cepen-
dant je vois en quelque sorte cette femme, je l'ai devant les
yeux comme on a un nom sur le bout de la langue.
Tirer. — Je sens très bien sans vision du mot écrit et avant
toute représentation nette de l'acte, que je prononce mentale-
ment tirer et non pas tiré. On ne peut objecter que j'ai vu le
mot tracé sur le papier, car le mot lu a été ici tiroir.
Est. — Je me vois moi-même, debout sur la dune à M., et je
me regarde d'en arrière; mon image est confuse, mais bien
localisée. Je puis me voir ainsi à distance assez facilement.
Albert. — Albert D. Les images de D. se multiplient en insis-
tant : D. écolier, D. gendarme, etc.
Lumière. — J'y associe le mot blasphémateur, et en même
temps je pense à un mot confus qui se précise en étalon. Ce
n'est qu'après un temps appréciable que j'ai trouvé le pour-
quoi de blasphémateur et d'étalon. Blasphémateur vient des
vers
Le Dieu poursuivant sa carrière
Versait des torrents de lumière
Sur ses obscurs blasphémateurs
et étalon doit être en partie une combinaison de torrent et de
lumière.
Mouchoir. — Mot confus, quelque chose comme tandter. Ce
mot, est je crois, un mélange de Handtuch et de handkerchief.
68 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
Système. — Mot confus où il y a, je crois, ciclo. Finalement
le mot chrysanthème.
Morale. — Morale en action (association verbale) ; en actio7i
ne venait pas bien, je sentais que ces mots interféraient avec
quelque chose qui s'est produit après et qui était sans obliga-
tion ni sanction.
Vue. — Je remarque l'opération subjective de fixer et je
perçois une douleur confuse autour des yeux que je ne remar-
quais pas auparavant.
Sale. — Je sens que je sais ce que c'est qu'être sale, mais
je n'ai pas d'abord de représentation nette d'une saleté quel-
conque.
Espérance. — Sentiment que c'est un nom de femme, mais
je n'y associe d'abord pas de représentation.
Aujourd'hui. — Pas de représentation, très difficile de dire
en quoi a consisté la sensation d'aujourd'hui éprouvée.
Applaudir, rire. — Vue de mains applaudissant, de joues
qui s'épanouissent, mais le reste du corps ou de la tête fait
défaut. Ce sont là encore des exemples très clairs d'abstraction.
Je citerai encore le mot entrer qui me fait voir une porte et
des jambes (sans corps) qui se meuvent et entrent.
Toi. — Représentation se développant assez péniblement :
une voix, qui n'appartient pas à une personne définie, dont le
timbre et l'accent deviennent au bout de quelques secondes
ceux d'une voix d'homme de Lille, me dit : « Toi ». Pas de
représentation nette de la personne elle-même, sauf un geste
d'indication vers moi.
Oreille. — Attention à mon oreille gauche. Je la vois très
confusément, à sa place.
Conclusion. — Des observations précédentes qui ont porté,
comme on l'a vu, sur un grand nombre de mots et de repré-
sentations, il m'est resté l'impression d'ensemble suivante :
c'est que les représentations imitent à un très haut degré les
perceptions. Ainsi les abstractions qu'on fait dans les repré-
sentations reproduisent presque toujours celles qu'on fait dans
les perceptions ; le champ visuel de la représentation a son
centre et sa périphérie comme celui de la perception ; les mots
qui se trouvent étroitement associés à des mots dans la pensée,
B. BOURDON. — SUR LES PHÉNOMÈNES INTELLECTUELS 69
c'est-à-dire les mots abstraits, sont aussi ceux qui sont d'ordi-
naire étroitement associés à des mots, et non à des objets, dans
la perception.
Un fait important pour la théorie des représentations géné-
rales et des représentations d'objets dans lesquels se distinguent
facilement des parties, c'est que les parties d'objet les plus
constantes, celles qui restent le plus identiques dans nos
diverses perceptions d'un même objet ou d'objets de même
espèce deviennent mieux connues et s'éveillent en général plus
rapidement et avec plus de vivacité que les autres. Tous ceux
qui voudront comprendre le mécanisme de la formation des
idées générales et même des idées particulières devront avoir
ce fait présent à l'esprit.
Lesjdées qu'on appelle d'ordinaire abstraites sont constituées
essentiellement par des représentations de mots et éveillent
d'autres mots plutôt que des images d'objets par exemple. Les
mots concrets éveillent au contraire facilement des images
d'objets ou de phénomènes autres que des mots.
L'abstraction, au sens technique du mot, n'a aucun rapport
étroit, comme tout le monde à peu près le reconnaît aujour-
d'hui, avec le langage. Il en est de même d'ailleurs, quoique
certains refusent encore de l'admettre, de la généralisation ; la
fonction généralisatrice peut s'exercer sur tous les phénomènes
psychologiques, y compris les mots eux-mêmes, loin d'être
sous la dépendance de ces derniers. On a vu plus haut par
quel mécanisme et pourquoi il se forme dans notre esprit des
idées générales.
Enfin j'appellerai l'attention sur ces divers phénomènes tels
que sentiment de connu, sens des mots, que l'on néglige d'or-
dinaire dans les ouvrages sur l'intelligence pour ne s'attacher
qu'aux représentations. Ils ont certainement une assez grande
importance et mériteraient d'être plus étudiés qu'ils ne l'ont
été jusqu'à présent.
B. Bourdon,
Professeur à la FaciiUé de Rennes.
V
ÉTUDE SUR QUELQUES CONDITIONS FAVORISANT
L'HYPNOSE CHEZ LES ANIMAUX
Les conditions nécessaires à la production de l'état hypno-
tique, soit chez l'homme, soit chez les animaux, ne sont pas
encore exactement déterminées; on ne possède sur ce sujet
que quelques données vagues, résultant d'observations particu-
lières, sans lien entre elles, et d'ailleurs peu nombreuses. Aussi
n'est-il pas inutile de relater les faits qui tendent à fixer avec
précision quelqu'une des conditions dans lesquelles l'hypnose
peut être à coup sûr provoquée.
C'est pour cette raison que j'ai communiqué dernièrement à
la Société de Biologie ' le résultat sommaire des expériences
que j'ai eu l'occasion de faire à plusieurs reprises, depuis
quelques années, sur l'hypnotisme chez les grenouilles.
I
On connaît cette expérience, souvent réalisée, qui consiste à
placer une grenouille sur le dos dans la paume de la main et à
la retenir dans cette position, l'autre main étant très légère-
ment appuyée sur la face ventrale de l'animal, pendant quel-
ques instants; par ce simple moyen on la réduit à l'immobilité
et à l'inertie complètes ou à peu près pour une ou plusieurs
minutes -.
(1) E. Gley. De (laelques coiu/itions favorisant riii/pnofifiine chez les gre-
nouilles [Coiitples rendus Soc. de Biol., sé.ancc du G juillet 1895, p. 518).
(2) Voici d'habitude comment les choses se passent. Je prends par
exemple deux grenouilles, mâle et femelle, hien portiintes, au laboratoire
depuis quinze jours seulement et pesant 38 et 44 grammes. La manœuvre
E. GLEY. — DE QUELQUES CONDITION'S FAVORISANT l'hYPNOSE 71
Mais comment se produit cet état ? On ne le ^ait pas sûre-
ment. En effet, il y a des grenouilles sur lesquelles cette
manœuvre réussit aisément, et d'autres sur lesquelles elle
f'choue ; d'autre part, le résultat même est plus ou moins
marqué suivant les animaux, et de plus ou moins longue durée.
C'est ce que E. Biernacki, qui a fait des recherches fort inté-
ressantes sur l'hypnotisme chez les grenouilles, a nettement
reconnu '.
indiquée ci-dessus dure une njiuute environ. Les deux grenouilles stuit
alors déposées sur une table, sur le dos. Elles gardent une immobilité
complète, dans cette attitude spéciale, bien connue de ceux qui ont souvent
pratiqué cette petite expérience, et que Ton peut appeler avec E. Hier-
nacki ivoy. ci-dessous) la position (/'Iti/pnose : les jambes sont fléchies
sur les cuisses et les cuisses sur le tronc et les membres antérieurs dis-
posés comme si fanimal voulait embrasser quelque chose ; on met leurs
membres postérieurs en extension, sans qu'elles remuent ; un léger pin-
cement d'une membrane interdigitale détermine chez la moins grosse un
réflexe, limité au membre du même côté : la patte se fléchit sur la cuisse :
on répète cette excitation, mais l'animal se retourne alors immédiate-
ment et saute. Le charme est rompu. Les mouvements de déglutition
sont restés suspendus deux minutes chez la plus grosse, une minute
seulement chez l'autre. Quelques secondes après, elles se retournaient
spontanément et étaient revenues à l'état normal.
(l) E. Biernacki. L'/u/pnofisme chez les i/renni/illes. Actions réciproques
de certains médicainenls et (te l'In/pnotisnie {Arc/i. de l'Iu/siol., .> série, lil,
p. 275-307, 1891). — On trouve dans ce travail les principales indications
bibliographiques relatives à la question de l'hypnotisme chez les ani-
maux.
C'est le physiologiste Czermak (S//;«//.7.s7;. itcr.R. Alnul. der Wissenscli.,
LXVL p. 334-381, 1872 et Arch. f. die ;jes. l'hi/si<d., VIL p. 107, 1873) ((ui
paraît avoir le premier scientifiquement rajjproché de l'hypnotisme, tel
qu'on l'observe chez l'homme, les phénomènes obtenus chez les animaux
à la suite de diverses pratiques. Depuis, on a très généralement admis,
au moins iuqjlicitement. celte ressemblance de nature. 11 est clair que la
question mériterait d'être auj(Uird'hui soumise à une critique approfondie,
l'hypnotisme chez l'honnue étant de plus en plus caractérisé par ses etlets
psychi((ues, alors que des réactions de celle nature, s'il s'en produit chez
les animaux, nous échappent toujours ciuiqdètement lui à peu près.
D'autre part, il y aurait aussi sans doute lieu de se demander si le rôle,
assurément très important, prépondérant même, des actions psychiques
dans l'état hypnotique ne masque pas j)résentement. aux yeux de beau-
coup de psychologues et de médecins, les phénomènes souiatiques égale-
ment constitutifs de cet état. Et, à ce point de vue, les faits constatés chez
les animaux, si l'on doit réellement les considérer comme identiipu>s à
l'hypnose de l'homme, ont une singulière valeur. — Je ne voudrais pas
entrer, pour le moment du moins, dans l'examen de cette question. C'est
donc par simple analogie que, dans ce .travail, comme du reste dans les
travaux antérieurs sur le même sujet, il est parlé d'hypnotisme à propos
de phénomènes j)hysiol(igiques dus à de certaines mancauvres et qui res-
semblent à ceux ipii surviennent ou peuvent survenir chez l'honnue, à la
suite de manœuvres du même genre (passes, fixation du regard) ou toutes
difl'érentes (suggestion verbale).
72 MÉMOIRES DES COLLABORAÏIX'RS
Or, j'ai détermine deux conditions dans lesquelles l'hypnose,
à un profond degré, est aisément produite chez ces animaux et
dure longtemps.
i° Les grenouilles très jeunes sont rapidement mises en cet
état, qui est d'ailleurs et d'emblée profond. Voici, par exemple,
quatre petites grenouilles, pesant moins de 1 gramme, très
jeunes par conséquent, prises dans une prairie, aux environs
de Paris, vers le milieu du mois de juillet; elles sont successi-
vement soumises, durant une minute à peine, à la pratique dé-
crite plus haut ; déposées ensuite sur le sol, sur le dos, elles ne
se retournent spontanément qu'au bout d'un quart d'heure; une
d'elles même, que l'on avait gardée 80 à 90 secondes dans la
main, est restée complètement inerte pendant une heure vingt
minutes. On pouvait mettre ses membres dans une position
quelconque sans qu'elle réagît, — Au bout de ce temps, on fait
une petite incision à la peau pour examiner le cœur; il se pro-
duit un mouvement respiratoire, puis l'animal retombe dans
son inertie.
Une autre fois, je pratique l'expérience sur il grenouilles,
dont 9 pèsent de 70 à 90 centigrammes et les deux dernières,
un peu plus grosses, 1 ^'', 50 et 2 grammes; toutes sont gar-
dées dans la main une minute ou une minute et demie. Placées
alors sur une table, sur le dos, elles restent complètement
immobiles pendant cinq minutes; il semble que les membres
postérieurs soient paralysés; l'une d'elles présente de la con-
tracture des membres; si on pince la peau, elles font un petit
mouvement, mais ne peuvent sauter ; la sensibilité de la cornée
est notablement diminuée. Sur o de ces animaux, cet état a
duré plus d'une heui*e; après 1 heure 15 minutes, 3 sont encore
complètement inertes; sur ces dernières le cœur est très ralenti.
— Vingt heures plus tard, deux de celles-ci sont mortes; on
les retrouve dans la position même où on les avait mises;
la troisième est redevenue vive.
J'ai constaté ce même ralentissement progressif du cœur et
la mort dans plusieurs autres cas analogues.
2" J'ai eu alors l'idée de rechercher si l'état hypnotique n'est
pas aussi plus facile à provoquer et n'est pas plus profond chez
les grenouilles malades etall'aiblies. L'expérience a vérifié cette
supposition.
Ainsi une grenouille, encore vive, mais malade (atteinte d'une
affection que l'on observe quelquefois dans les aquariums et
qui amène la chute des extrémités digitales, avec affaiblisse-
E. GLEY. — DE QUELQUES CONDITIONS FAVORISANT l'iIYPNOSE 73
ment de l'animal), est tenue deux minutes dans la main; pla-
cée sur une table, sur le dos, elle reste six minutes dans la
position d'hypnose; puis, au bout de ce temps, elle se retourne
d'elle-même. On la saisit alors par les deux pattes postérieures
et, durant cinquante secondes, on la maintient le dos appuyé
sur la table; elle retombe dans son inertie; si on pince la
membrane interdigitalc, elle retire les deux pattes, mais len-
tement, et ne peut d'ailleurs se retourner; mise sur le ventre,
elle ne peut davantage bouger; par intervalles, les mouvements
respiratoires, abolis, reparaissent; le réflexe cornéen est con-
servé. Au bout d'une demi-heure, les mouvements spontanés
recommencent; elle peut sauter, mais elle saute encore mal.
J'ai fait des observations identiques sur plusieurs grenouilles,
très amaigries à la suite d'un séjour prolongé dans un aqua-
rium, où elles avaient été privées de toute nourriture.
Ainsi inertie complète (suppression des mouvements volon-
taires) et catalepsie, diminution et même arrêt de la respiration^
affaiblissement des réflexes et diminution de la sensibilité, tels
sont les principaux phénomènes que j'ai observés, d'une façon
constante, chez les grenouilles jeunes ou très aff'aiblies, dans
l'état hypnotique ; ces phénomènes sont donc beaucoup plus
marqués que chez les animaux développés ; ils sont aussi plus
faciles à produire et de plus longue durée. J'ai même dans
quelques cas, vu survenir la mort par ralentissement progressif
et arrêt du cœur.
II
Connaît-on dans l'espèce humaine des faits analogues à
ceux-ci? D'une manière générale, on sait que l'hypnotisme est
souvent provoqué plus aisément chez les enfants que chez beau-
coup d'adultes.
S'il en est ainsi, et puisque du sommeil provoqué peuvent
résulter des accidents graves chez les très jeunes animaux, il
importe de ne pratiquer qu'avec une grande réserve et une
grande prudence l'hypnotisme chez les enfants.
Les faits qui se rapprocheraient le plus de ceux que je signale
sont les phénomènes anciennement observés par Du Potet, et,
plus récemment, par Liébeault. Du Potet aurait vu qu'en pro-
menant ses mains à la surface du corps d'un enfant endormi,
il déterminait de légères contractions musculaires ; si ces
74 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
passes étaient faites sur la tête, le sommeil devenait plus
intense. Mais le Manuel de l'étudiant magnétiseur (Paris, 1851)
ne peut passer pour une œuvre scientifique. Quant aux expé-
riences de Liébeault', elles consistent en des effets curatifs
(amélioration ou guérison de toux, coqueluche, diarrhée, etc.)
obtenus sur des enfants âgés de quelques mois à trois ans, par
la simple application, durant plusieurs minutes, d'une main
sur la poitrine et de l'autre sur la tête. Malheureusement la lec-
ture des observations sommaires rapportées par l'auteur suffit
à montrer que beaucoup de ces améliorations ont pu se pro-
duire spontanément ; elles ont pu coïncider avec la pratique indi-
quée, elles n'apparaissent pas comme en étant l'effet nécessaire.
C'est là d'ailleurs la critique qu'il est permis de faire d'un cer-
tain nombre de moyens thérapeutiques, puisque leur efficacité
ne peut être vérifiée, comme l'exigerait la méthode expérimen-
tale, par des contre-épreuves.
Il y a quelques années, les docteurs Le Menant des Chesnais
et Bérillon ont présenté à la Société d'hypnologie- une jeune
sourde-muette de vingt-deux ans, que l'on endormait facilement
par la tixation du regard et qui se trouvait alors en état de
catalepsie. Ce fait ne laisse pas d'être comparable, ce me semble,
aux phénomènes que l'on peut provoquer chez les animaux.
III
Des observations dont il s'agit, il est possible de tirer de;s
conséquences de divers ordres. Il y en a d'abord une, d'ordre
pratique, qui vient d'être mentionnée plus haut, c'est à savoir
que l'hypnotisme offre sans doute plus de dangers chez les
enfants que chez les jeunes gens et les adultes.
En second lieu, les idées dominantes sur la nature de l'hyp-
notisme, réduit par l'Ecole de Nancy (et cette définition a été
acceptée par beaucoup telle quelle ou plus ou moins modifiée)
à la « provocation d'un état psychique particulier qui augmente
la suggcstibilité » (Bernheim)^ sont peut-être trop absolues.
(1) A.-A. Liéhoanlt. Etude si/r le zoomagvétisine, Paris, Masson, 1883.
{2) Bi/lli'/in ('/ MciiKiircs de la Société /r/ii/ii/iid<i(/ic et de psjichol., séance
du 16 mars 1892, p. l.U.
(3) Bernbeim : De Vinfliience fii/pnofique et de ses direr.t dei/rés {Revi/e de
riijipnolifsme, I, n» 8, p. 225-23-, 1887). — « Je considère (•(Uiime établi,
écrivait récemment W. W'undt {Hypnotisme et stifjgestion, trad. Ir., Paris,
I
E. GLEY. — DE QUELQUES CONDITIONS FAVORISANT L'BYPNOSE 75
Dans ces phénomènes physiologiques provoqués chez les ani-
maux, comme dans ceux que Liébeault dit avoir obtenus sur
les enfants, pour peu qu'il y ait eu là quelque chose de réel, la
suggestion n'a point de part. A côté des actions psychiques, il
faut donc dans l'hypnotisme réserver une place aux phénomènes
d'ordre somatique. Le rôle respectif de ces deux séries de réac-
tions dans la production ou le maintien de l'état hypnotique,
leur influence réciproque ne sont peut-être pas encore détermi-
nés complètement.
Enfin une question se pose tout naturellement. De quelle ma-
nière, par quel mécanisme agit un simple contact, comme celui
qui suffit à endormir si profondément les grenouilles jeunes? Il
ne conviendrait peut-être pas d'examiner, à propos de ces quel-
ques observations, et de critiquer les différentes théories, hypo-
thétiques d'ailleurs, proposées pour expliquer l'hypnotisme. Je j
désirerais seulement faire remarquer qu'il n'est pas facile de \
concevoir comment une cause aussi faible, en apparence tout au
moins, que celle mise ici en jeu, le contact, produirait les phé-
nomènes que j'ai observés par épuisement du système nerveux.
Ces phénomènes consistent essentiellement, non seulement en
la suppression des mouvements volontaires, mais aussi en une
diminution de l'activité médullaire. Ce dernier fait concorde
avec les résultats des expériences de Biernacki [loc. cit.) qui a
vu que la strychnine, poison médullaire, comme on sait, a une
action plus faible sur les grenouilles hypnotisées. D'autre part,
si au moyen d'une dose faible d'atropine (autres expériences de
Biernacki) on excite les hémisphères cérébraux d'une grenouille,
il est plus facile de produire chez cet animal une hypnose pro- ^
fonde par la pratique habituelle. Il en est de même avec la
cocaïne. De là il résulte que dans l'état hypnotique l'excitabi-
lité du cerveau ' se trouve augmentée. Il y a donc durant l'hyp-
Alcan. 1893, p. 23), que la soi-disant suggestion, celle pratiquée par
paroles ou par actes pour suggérer des représentations, est la cause
principale, sinon unique, des états hypnotiques. »
(I) « Cette conclusion, fait observer avec raison Biernacki (/oc. cit., p. 305),
nécessite quelques remarques. Je ne puis pas affirmer que le cerveau
entier, dans toutes ses parties : hémisphères, lobes optiques, cervelet, etc.,
se trouve dans Tétat d'hyperexcitabilité. Je ne puis non plus assurer qu'en
appliquant Tatropine nous irritons tout le cerveau. On sait que les diverses
parties du système nerveux central ne se comportent pas identiquement
vis-à-vis des poisons et de leurs diverses doses... 11 est logl(|ue dépenser
que, dans Thypnotisme, certains centres seulement sont excités et d'autres
centres déprunés, ce que prouve d'ailleurs la disparition des actes volon-
taires dans le sommeil hypnotique. »
76 ■ MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
nose deux états opposés du système nerveux : affaiblissement
de l'excitabilité et des fonctions de la moelle épinière, et aug-
mentation de l'excitabilité cérébrale. On pourrait dire avec
Brown-Séquard qu'il y a inhibition dans la moelle et dynamo-
génie dans le cerveau.
Il s'agit maintenant de savoir si ces deux états opposés sont
en rapport l'un avec l'autre ? D'une façon générale, on sait que
l'excitation de diverses régions du cerveau diminue et, au
contraire, que la suppression de l'écorce cérébrale augmente
le pouvoir excito-moteur de la moelle. Des expériences récentes
ont accru nos connaissances sur ce point. Ainsi Tarkhanow '
a montré que les grenouilles privées des hémisphères cérébraux
et des parties antérieures des couches optiques ne présentent
pas de phénomènes d'excitation, lors de la narcose chlorofor-
mique. P. A. Baratynsky {loc. cit.) a retrouvé ce fait sur les
grenouilles et l'a constaté aussi pour les pigeons privés des
hémisphères cérébraux. Inversement N. 0. Yourinsky - a vu
que, chez les grenouilles et chez les pigeons préalablement
opérés comme les animaux précédents, le chlorhydrate d'am-
moniaque ne donne plus lieu à la dépression générale du sys-
tème nerveux que l'on observe avant la période convulsive
chez les grenouilles et les pigeons normaux ; mais l'excitation
du système nerveux, se manifestant par des convulsions, sur-
vient d'emblée. On est donc amené à penser que les phéno-
mènes d'excitation, bien connus, observés tout d'abord sous
l'influence des narcotiques, tiennent simplement à la paralysie
des centres nerveux supérieurs qui normalement modèrent
l'activité des centres inférieurs; et, d'un autre côté, que les
sels ammoniacaux ne d(''terminent pas d'abord une dépres-
sion, puis une excitation du système nerveux central ; mais
les centres nerveux supérieurs, modérateurs, sont excités
par l'ammoniaque ; de là les phénomènes de dépression qui
résultent seulement de l'action que les centres inférieurs
subissent de la part- des centres supérieurs irrités par le poison.
Et ainsi dans certaines intoxications une partie des phénomènes.
(1) Soc. (le psi/rhi'ifi^ie de Sainl-Pé/e/sboiirr/, séance du 2 mars 1891 ;■
cité par P.-A. Baratynsky [Arc h. des se. biol. de Sainl-l'élersbourq, t. III,
n" 2, p. 1(37-189, 189i).
(2) N.-O. Youriuskj'. Contvihul. n la phi/slol. el à hi pharmacnl. du syst.
nerv. central. Effets produits par le cltlurlnjdrute d'ammoniaque sur le
syst. nerv. central [Arcli. des se. biul. de Saint-l'étersbuury, III, n" 2^
p. 260-2<).>, 189i).
E. GLEY. — DE QUELQUES CONDITIONS FAVORISANT l'uYPNOSE 77
constatés doit s'expliquer par l'influence réciproque que les
centres nerveux, modifiés par les poisons, exercent les uns sur
les autres.
Or, des expériences de N.-O. Yourinsky sur les effets du
chlorhydrate d'ammoniaque chez les animaux privés des
hémisphères cérébraux, il résulte que l'action première de
cette substance est le phénomène d'excitation cérébrale,
puisque, les hémisphères supprimés, la phase de diminution de
l'excitabilité médullaire ne se produit plus : c'est donc que
celle-ci dépendait de celui-là. Il me semble que ce fait éclaire
les résultats qu'il s'agit justement d'expliquer concernant l'hyp-
nose chez les jeunes animaux. Ici aussi, l'affaiblissement des
fonctions médullaires serait dû à une excitation primitive des
centres nerveux supérieurs', et les phénomènes médullaires
consécutifs sont plus marqués parce que cette excitation est
plus forte chez les jeunes animaux.
Quoi qu'il en soit, cette hypothèse, tout en paraissant s'ac-
corder mieux avec les faits, en rend tout aussi bien compte
que l'hypothèse de l'épuisement. Par suite, il y aurait lieu
de se demander si cette dernière, très généralement admise,
comme on le sait, pour expliquer l'hypnotisme chez l'homme ,
ne devrait pas subir l'épreuve d'un nouvel examen critique. Il
se pourrait tout au moins que, si l'hypothèse de l'épuisement
du système nerveux restait suffisante pour expliquer une par-
tie des phénomènes constatés durant le sommeil provoqué et,
par exemple, la suppression des actes et des mouvements volon-
taires^, elle ne parût plus susceptible, en raison des données
récemment acquises sur les relations fonctionnelles entre les
(1) Il y a une dizaine d'années, P. Brémaud a rapporté très sommaire-
ment (Comptes rendus Soc. de BioL, séance du 22 mars 1884, p. 170) l'ob-
servation de trois jeunes gens sur lesquels un état d'hypnose profonde
(catalepsie, léthargie, somnambulisme) était très facile à produire : deux
de ces jeunes gens se livraient à des excès alcooliques et le troisième à
des excès vénériens. L'interprétation indiquée ici rendrait peut-être bien
compte de ces faits : l'action excitante de Falcool sur le cerveau, et encore
plus de l'absinthe, dont les deux sujets de Brémaud faisaient surtout un
usage exagéré, n'est-elle pas connue ?
(2) A. Espinas (.^oc/e7é d'anlhropoloçjie de Bordeaux, séance du 18 mars
1884) est un de ceux qui ont le plus clairement exposé cette théorie,
un des premiers d'ailleurs. Voyez aussi Schneider : Die psycliol. Ursachen
der hijpnot'tschen Erscheinunf/en, Leipzig 1880; Ch. Féré, Comples rendus
Soc. de BiuL, séance du 1"'' mai 188U, p. 220; A Binel et Ch. Ferc. Le
magnétisme animal, Paris, 1887; etc.
(3) Encore la suppression des ujouvcnients vcdoiitaires s'expliquerait-elle
aisément par la diminution de l'activité médullaire.
78 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
diverses parties du système nerveux central, de montrer la
genèse de toutes les réactions caractéristiques de cet état. Il se
pourrait aussi que l'on fût amené à distinguer, dans le dévelop-
pement des phénomènes hypnotiques, deux phases, la première
tenant à l'excitation cérébrale (que cette excitation, d'ailleurs,
se produise sur une plus ou moins grande partie de l'écorce)
qui amène à sa suite une paralysie plus ou moins complète de
la moelle, et la seconde, due à une diminution d'activité de
divers centres du cerveau, consécutive à la période d'excitation,
E. Gley,
f'rofesseur a la Faculté de médecine de Paris.
i
YI
LA MESURE DES ILLUSIONS DE POIDS
Trois travaux intéressants ont traité la question des illu-
sions de poids. Le premier est une étude, publiée ici même l'an
derniers et qui donne les résultats des recherches faites par
M. Flournoy au laboratoire de psychologie de Genève.
M. Flournoy se propose de démontrer « d'une manière à la fois
simple et probante la non-existence des sensations d'innervation
proprement dites».
Il choisit une sériede dix objets vulgaires tarés de façon àpeser
chacun 11:2 grammes. Ces objets sont très inégaux de volume,
le plus grand cube 2100 centimètres, le plus petit 10 centi-
mètres. Ils ne sont pas du tout de même forme, ni même de
dimensions aisément comparables.
L'expérimentateur présentait à divers sujets les dix objets
disposés sans ordre sur une table et les priait de les aligner
suivant le poids.
Sur cinquante personnes, « une seule, très exercée à estimer
le poids réel des corps d'après leur nature et leur volume a dia-
gnostiqué l'égalité des poids... aucune des 49 autres personnes
n'a deviné l'égalité de poids... et toutes ont éprouvé une diffé-
rence considérable, sinon entre tous les objets dont quelques-
uns paraissaient presque égaux et n'ont été classés qu'avec
incertitude, du moins entre les extrêmes de la série ». Le plus
grands des dix objets pesant 112 grammes a été déclaré le plus
léger; le plus petit a été estimé le plus lourd; les huit objets
intermédiaires ont généralement paru plus lourds à mesure que
leur volume se rapprochait du volume du dixième.
Dans la seconde série d'expériences, M. Flournoy a fixé à
(1) Année psycholo'jique, p. 198.
80 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
chaque objet un fil rigide terminé par une boucle dans laquelle
les sujets introduisaient le bout du doigt. 31 sujets nouveaux
ont été priés de ranger les objets (portés maintenant au
poids de 120 grammes) dans l'ordre des poids croissants. L'ar-
rangement a été le même que dans les expériences ^précédentes.
L'objet le plus grand a été déclaré le plus léger, et le plus
petit trouvé le plus lourd.
Quand les sujets répétaient l'expérience en tenant les yeux
fermés, tous les objets étaient estimés égaux en poids.
De ce fait que quand nous regardons les objets nous nous
trompons sur leur poids réel, M. Flournoy conclut que le sens
de l'innervation n'existe pas.
Il s'agit de s'entendre sur la nature de la sensation de poids.
Une expérience bien simple permettra à tout le monde de
constater que ce que nous appelons communément le poids
d'un corps n'est nullement son poids absolu, mais un poids
relatif, une certaine densité : c'est-à-dire un poids rapporté à
un volume -^.
Si tenant les yeux fermés, vous laissez placer sur votre main
tendue une bouteille de dimensions ordinaires, la bouteille
étant d'abord placé sur le goulot, vous aurez une impression
de poids d'une certaine intensité. Si alors on retourne brus-
quement la bouteille de façon que vous la teniez par le fond,
'elle vous semblera beaucoup plus légère que tout à l'heure. On
pourra verser dans la bouteille ainsi placée une quantité con-
sidérable de liquide avant que vous déclariez qu'elle pèse
autant qu'elle pesait dans la première position.
Cette expérience, que chacun peut répéter, montre qu'en
soupesant un objet nous touchons, nous percevons deux pro-
priétés de cet objet : son poids et son volume. Le poids est
mesuré par l'efTort que nous devons faire pour retenir l'objet ;
le volume est mesuré par l'étendue de la partie des téguments
en contact avec l'objet. Le poids P delà bouteille vide demeure
constant, que l'on tienne la bouteille par le goulot ou par le
fond ; mais dans le premier cas la surface cutanée comprimée
par l'objet est petite, dans le second cas elle est beaucoup plus
étendue. Dans le premier cas le volume de l'objet V nous parait
très petit, dans le second cas V est considérable.
Puisque nous percevons à la fois P et V, il nous est impos-
sible de ne pas immédiatement saisir leur rapport y , donc la
densité. Celle-ci sera considérable quand nous tiendrons la
t
VAN BIERVLIKT. — LA MliSUHi:: DES ILLUSIONS DE POIDS 81
bouleille par le goulot (le dénominateur V étant très petit) et
beaucoup plus faible quand la bouteille reposera sur le fond (le
dénominateur V étant considérable).
Dans les expériences faites par M. Flournoy, le volume des
objets soupesés n'était pas perçu par le sens du toucher mais
par celui de la vue.
Les sujets comparaient le corps le plus grand y ^ ., ^J^^ à tous
les autres pour lequels V était moindre, donc ils devaient
estimer que cet objet avait un poids relatif moindre étant plus
p = l H
léger que celui dont les dimensions étaient moindres ^ ^ ,,-,"•
L'intensité dans le premier cas était 0,045 et dans le second
cas 11,2.
On voit que pour expliquer les résultats obtenus par M. Flour-
noy, il faut absolument faire intervenir le sens de l'innervation
puisque c'est celui qui dans les pesées nous fournit l'un des
éléments du poids (en prenant ce mot dans son sens vulgaire).
La vue ou le toucher nous donne V, mais le sens musculaire
nous donne P'.
Quand on fait l'expérience en fermant les yeux et en tenant
les objets suspendus par un fil, V étant réduit à l'unité (la sur-
face de contact étant linéaire) il ne reste de perçu que P; en
p p
effet puisque V = 1, y = j-= P, c'est-à-dire, le poids absolu.
Un autre psychologue, M. Dresslar, a étudié la même illusion
de poids chez 173 enfants des deux sexes. Il s'est servi d'objets
moins disparates que ceux qu'a choisis M. Flournoy.
Les corps qu'il faisait soupeser étaient des tubes métalliques
au nombre de huit, tous de hauteur différente, mais pesant le
même poids.
Invités à ranger ces tubes suivant leur poids, les 173 sujets
ont placé les objets dans l'ordre de leur taille, considérant le
plus petit comme le plus lourd. La majorité a rangé ces poids
dans l'ordre exact de leur taille, la minorité dans l'ordre à peu
près exact.
Dans l'expérience de M. Dresslar, P était donné par le sens de
l'innervation, V était donné par la vision et le toucher à la fois.
Un tout récent travail de MM. Philippe et Glavière traitant le
sujet qui nous occupe a paru dans la Revue philosophique en
décembre dernier.
(1) Voyez le travail très intéressant de M. Charpentier dans Archives de
physiologie, année 1891, p. 122.
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 6
82 MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
Les auteurs de cette dernière étude rejetent énergiquement
l'opinion de M. Flournoy qui conclut à la non-existence du sens
de l'innervation. Ils montrent par l'expérimentation que l'illu-
sion n'est nullement explicable, comme le croyait M. Flournoy,
par l'hérédité, puisque chez les très jeunes enfants elle n'existe
pas.
De plus, ils ont essayé de mesurer la grandeur de l'illusion,
en choisissant des tubes de grandeur déterminée et en ajoutant
des poids aux plus légers jusqu'à ce qu'ils parussent égaux aux
plus pesants.
Mais ici, j'avoue ne pas bien saisir leur procédé opératoire.
Ils ont choisi des tubes mesurant respectivement 12, 15, 18,
20 et 2o centimètres.
Ces 5 tubes étaient, pour une série d'expériences, tous égaux
en diamètre.
Pour une dernière série d'expériences les tubes différaient en
volume et en diamètre. Je me demande par quel procédé les
sujets parviennent à toucher sur toute leur étendue et de tous
les côtés des tubes aussi longs?
J'imagine que le sujet, même en ( prenant à pleine main
chacun des tubes différents en diamètre ' », ne pouvait recouvrir
dans toute sa longueur l'objet soupesé.
Quelle idée avait-il du volume de l'objet?
Dans les expériences que nous avons faites au laboratoire de
psychologie de Gand, nous avons préféré suivre un procédé
opératoire notablement différent de ceux dont nous venons de
parler.
Nous avons fait construire 6 cubes creux en bois léger et
mince. Ces cubes avaient respectivement 5, G, 7, 8, 9, 10 cen-
timètres de côté. Leurs volumes respectifs étaient donc 125,
216, 343, 512, 729 et 1 000 centimètres cubes. Chaque cube
était recouvert de papier blanc, un anneau de cuivre fixé sur
l'une des faces permettait de suspendre les cubes à des crochets
pesant chacun 6 grammes.
Nous avons fait deux séries d'expériences. Dans chacune de
ces séries, on a examiné 39 sujets, jeunes gens et adultes, La
première série des recherches avait pour but de mesurer Tillu-
sion de poids quand le volume est perçu par le toucher seul.
Le sujet en expérience était prié de fermer les yeux, de
tendre les deux mains en supination.
Revue philosopliique, 11° 12, p. 674.
VAN BIERVLIET. — LA MESURE DES ILLUSIONS DE POIDS 83
On lui plaçait sur la main droite le cube de o centimètres de
côté, lequel pesait 39 grammes.
(33 grammes, poids du cube, -6 grammes ajoutés équivalent
au fil employé dans la deuxième série d'expériences, il importait
d'avoir des résultats tout à fait comparables.) On plaçait sur la
main gauche du sujet le cube de 6 centimètres de côté. Le
sujet déclarait ce dernier trop léger ; on ajoutait des poids
jusqu'à ce que le sujet éprouvât deux sensations de poids
d'égale intensité ^
Puis on faisait l'opération en sens inverse, en ajoutant un
poids trop fort, et en le diminuant jusqu'à sensation d'égalité.
De là un premier chiffre moyen. On recommençait la même
opération en plaçant le cube le plus petit sur la main gauche
et le plus grand sur la main droite. Le chiffre moyen obtenu
dans la seconde expérience étant toujours (sauf pour les gau-
chers où le résultat était inverse), plus fort que celui obtenu
d'abord. Ceci s'explique : la main droite est la plus forte, moins
vite fatiguée que l'autre ; le poids P plus considérable du cube
de 6 centimètres est plus aisément supporté à droite qu'à
gauche.
En prenant la moyenne entre les poids du cube de G centi-
mètres quand il est placé sur la main droite, son poids quand
il est placé sur la main gauche, on obtient un chiffre qui dans
nos expériences se rapprochait de 70 grammes. On opérait de
la façon que nous venons de décrire pour comparer successi-
vement au cube de 3 centimètres tous les autres cubes de la
série.
On avait grand soin de placer les cubes de manière à faire
toucher de toutes parts la surface inférieure, afin que le sujet
eut par le contact une idée très exacte du volume.
En outre, les diverses parties de la main étant inégalement
riches en filets sensitifs tactiles, on s'efforçait de placer les
deux cubes de façon à recouvrir des 'parties comparables. Ainsi
le cube de 10 centimètres recouvrait en avant jusqu'aux articu-
lations des phalangettes, en arrière il arrivait jusqu'aux émi-
nences thénar et hypothénar ; le petit cube de 5 centimètres
étant placé de façon à recouvrir seulement les premières pha-
langes des doigts, il ne dépassait pas l'articulation des pha-
langines. Cette disposition faisait que chaque cube reposait
(1) Une des faces des cubes est ouverte, par cette ouverture oniafrodui
les poids et on les place exactement au milieu du plancher du cube.
84
MKMOIRES DES COLLABORATEURS
par moitié sur une zone plus sensible en avant, moins sensible
en arrière.
Voici les résultats obtenus- dans la première série d'expé-
riences ; le volume des objets soupesés n'est connu que par le
toucher seul.
Cubes déclarés
Quand ils
Avec des
Ce iiui l'ait
La den-
NnUlbl'C
égaux en poids
,
variations
sité de I
pèsent en
une den-
des
au cube 1
moyenne
iiii>yeunes
'<le
sité de
qui pesé
ao gr.
sujets.
II (6c3)
70 -r.
4 gr.
0,32
0,31
39
III (7 c-<)
100
7
0,30
»
»
IV (8 i-3)
130
12
0,2;;
»
»
V (9 G»)
IW
12
0, 22
»
i>
VI (10 c^)
210
14
0,21
I
»
Ces chiffres montrent bien l'intervention des deux éléments P
et V dans l'appréciation de poids. Tant que P et V demeurent
petits, on obtient des sensations parfaitement égales, quand
les deux objets comparés ont la même densité.
A mesure que P et V augmentent, on considère comme égaux
deux objets dont le plus grand a une densité moindre que
celle du plus petit. L'erreur commise sur la densité est fort
naturelle ; il est évident que plus P augmente, plus vite le
sujet se fatigue, ce qui exagère singulièrement la valeur de P.
Nous avons constaté très fréquemment que si, après avoir
soupesé un poids avec la main droite, on soupèse ce même
poids avec la main gauche, il paraît plus lourd. C'est tout
naturel, à gauche (sauf chez les gauchers) les muscles sont
moins exercés, plus faibles et partant plus rapidement fatigués
qu'à droite. Pour soutenir P il faut un plus grand elfort à
gauche ; or, c'est l'elTort qui est la mesure du poids absolu.
Nous avons procédé dans une seconde expérience d'une
façon toute dilférente de celle suivie dans la première,
Les cubes n'étaient plus placés sur la main tendue, mais suspen-
dus à des fils rigides, terminés par un anneau. L'anneau était
entouré de fil pour supprimer le contact direct du métal sur l'épi-
derme. Le sujet était prié de tendre les deux index en demi-supi-
nation, pour recevoir les anneaux des fils supportant les cubes
au niveau de l'articulation de la phalangette avec la phalangine.
VAN BIERVLIET. — LA MESURE DES ILLUSIONS DE TOIDS
80
L'expérimentation dans la seconde série de ces recherches a
été beaucoup phis laborieuse, il est extrêmement difficile
d'empêcher le sujet de détourner, ne fût-ce qu'un instant, le
regard de dessus les objets à comparer. Or pour peu qu'il
observe avec négligence les cubes soupesés, le sujet néglige V
pour s'occuper davantage de P et par conséquent exagérer
celui-ci.
Un grand nombre de sujets ont très nettement observé qu'en
concentrant davantage l'attention sur le volume des objets, ils
faisaient varier le poids apparent.
Remarquons en outre que P doit sembler beaucoup plus
intense, quand on le soutient avec l'index seul, que lorsqu'on
le supporte avec la main entière. Ceci est vrai surtout pour les
poids d'une certaine importance. On peut donc prévoir que
pour les plus grands cubes de la série, on surestimera beau-
coup le poids P, on le croira fort alors qu'il est faible, p égal à P.
On considère donc une densité réelle faible — comme considé-
rable et égale k—.
C'est ce que montrent les chiffres du tableau ci-joint :
Cubes déclarés
égaux en poids
au cube I (5 cf)
Quand ils
pèsent
en moyenne
Avec des
variations
moyennes
Ce qui fait
une den-
sité de
Densité
du cube 1
N'ombre
des
sujets.
II (H c"^
68 gr.
ÎJ gr.
0,31
0,.31
39
III (7 0=»)
98
0
0, 29
it
>»
IV (8 c^)
112
7
0,22
»
)>
V (9 c»)
127
8
0,18
)
»
VI (10 c-')
IGl
11
0, IG
i>
»
Les chiffres de ce tableau sont sensiblement égaux h. ceux du
tableau précédent, pour les deux premières séries I et II, I et
III ; mais ils sont inférieurs pour les trois autres séries. Ces
différences s'expliquent par ce que nous avons dit plus haut de
îa difficulté d'éviter ces distractions, lesquelles distractions
quand elles se produisent mettent le sujet dans la situation
de ceux qui ne sentent plus que P et perdent la notion de V.
En résumé, nous croyons pouvoir affirmer que quand nous
soupesons un objet quelconque dont nous connaissons le
volume soit par la vision, soit par le toucher, nous n'appré-
\^
86 MÉMOIRES DES COLLABORAT!- UR5
cions pas son poids absolu, mais sa densité, ou plus exacte-
ment une certaine densité, le rapport d'un poids à un volume.
Quand les objets à soupeser sont de poids absolu faible et
de volume médiocre, le poids que nous leur attribuons se rap-
proche sensiblement de la densité réelle de ces objets. Si pour
divers motifs, fatigue, éréthisme, etc., la sensation musculaire
produite par P est altérée, le poids apparent, ou la densité
s'altère en même temps. Si pour un motif quelconque la sensa-
tion tactile ou visuelle est altérée, notre appréciation de V en
sera influencée. Enfin, si le corps à soupeser est suspendu de
telle façon que, ni par la vision, ni par le toucher nous ne
puissions rien savoir de son volume, si le contact est pour
ainsi dire linéaire, nous jugeons que Y est égal à 1 (recouvrant
l'unité de surface sensible), et nous percevons un poids absolu.
YaN BlERVLlET,
l'rofesscur à rUniiersilé de (iand.
TRAVAUX
DU
LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE
DE PARIS
CIRCULATION CAPILLAIRE DE LA MAIN
DANS SES RAPPORTS AVEC LA RESPIRATION ET LES ACTES PSYCHIQUES
Nous entrons en matière sans préambules, renvoyant pour
l'historique et la technique des recherches de pléthysmogra-
phie aux analyses publiées, sous le titre de pléthysmographie,
dans la deuxième parlie de ce volume.
Notre intention première était d'étudier l'inlluence des sen-
sations, du travail intellectuel et des émotions sur la circulation
du sang dans les capillaires, question rendue importante par
les hypothèses faites dernièrement sur le mécanisme des émo-
tions. Mais la suite de nos expériences nous a montré qu'il
fallait d'abord éclaircir le rôle de phénomènes plus élémen-
taires, par exemple de la respiration et du cœur. Puis, nous
avons vu que l'élude de la circulation artérielle, et l'étude des
courbes respiratoires faisaient partie intégrante de notre sujet, et
nous avons été obligés d'étendre encore davantage notre champ
d'observations et d'expériences ; tel qu'il est actuellement, notre
travail comprend, à titre principal, une recherche sur l'in-
fluence que les phénomènes de psychologie exercent sur la
respiration, la circulation capillaire et la circulation artérielle;
en outre, accessoirement, et comme introduction à ces
recherches, nous avons dû examiner diverses questions de
,■1
1
88 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCUOLOGIE DE PARIS
physiologie, sans lesquelles il serait impossible de comprendre
les rapports entre les processus intellectuels et la circulation.
Nos recherches, commencées en janvier 1895, ont continué
avec quelques interruptions jusqu'en décembre 189o. Des cen-
taines d'expériences ont été faites l'après-midi, de une heure
et demie à cinq heures. Le plus grand nombre des expériences
ont été faites sur nous ; des collègues, M. le professeur iïenne-
guy (du collège de France), M. Marbe (de Bonn), M. le profes-
seur Van Biervliet (de Gand), M. l'abbé Xilliez, M. le professeur
Bourdon (de Rennes), M. le docteur Ferrari, M. Eleffsen,
M. Vaschide, M. l'abbé Piat, M. Michel, M. Clavière, M. Chàlons.
M. Victor Henri, M. Philippe. M"'"* M. et A. B., etc., se sont sou-
mis à plusieurs expériences.
PREMIÈRE PARTIE
LES CAUSES D ERREUR DANS LES EXPERIENCES DE PLETHYSMOGRAPIIIE
Nous ne pouvons décrire toutes les causes d'erreur suscep-
tibles de se produire avec n'importe quel appareil de pléthys-
mographie ; nous nous bornons à celles que nous avons cons-
tatées avec les appareils dont nous nous sommes servis. Nous
en dressons ici la liste, avec des figures à l'appui, et l'indica-
tion des moyens capables de les prévenir.
Mais, tout d'abord, décrivons la disposition générale de nos
appareils.
Nos expériences ont été faites avec un appareil de caoutchouc,
qui nous a été obligeamment prêté par MM. Ilallion et Comte •.
Cet appareil dont nous avons indiqué le principe [Année psy-
chologique. I, p. 296; se compose d'un cylindre de caoutchouc
que l'on entoure avec les doigts; on coiffe la main d'une peau
de gant en forme de cloche, qui exerce une légère compression
sur la main et les doigts ; il en résulte que les changements de
(!) Nous croyons devoir remercier très vivement ces deux physinlogistes
de leur désintéressement ; ils nous ont prêté des appareils de leur inven-
tion, à im moment où ils s'en servaient eux-mêmes pour des expériences
<iont quelques-unes se sont trouvées idenliques avec les nôtres. Sans ce
prêt des plflliysmograplies en ca(uilcliuuc, notru travail n'aurait pas été
lait. M. Ilallion a bien voulu lire les épreuves de notre article, et nous
lui sommes redevables de beaucoup de corrections et de suggestions.
-i:
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 89
volume de la main se transmettent au cylindre de caoutchouc;
si la main diminue de volume, le cvlindre se dilate : si la main
augmente, le volume du cylindre diminue ; il y a donc un
changement inverse de la main et du cylindre. Cet appareil est
très simple, très facile à adapter à la main, bien que certaines
conditions de l'application restent indéterminées, par exemple
la pression exercée sur la main.
Un tube de verre enfoncé dans le bouchon qui forme la base
du cylindre communique, par un tube de caoutchouc, avec un
tambour enregistreur, dont la plume écrit sur un cylindre
tournant. On comprend que les changements de volume de la
main tendent à comprimer le cylindre, ce qui produit une pous-
sée d'air qui chemine dans le tube, arrive au tambour et par
l'intermédiaire de sa membrane élastique agit sur le stylet ; ce
stvlet écrit sur le cvlindre en mouvement non seulement les
changements de volume de la main, mais ses pulsations.
Il faut bien remarquer que, dans certaines expériences, il se
produit des changements de la pression du sang; ainsi, par
exemple, si la force provulsive du co:'ur augmente, la pression
du sang augmente. Ces changements dans la pression ne sont
point donnés directement par les appareils que nous venons
de décrire ; ceux-ci donnent essentiellement les changements
de volume, ce qui n'est pas entièrement la même chose.
Les courbes des changements de pression et des changements
de volume se développent à peu près parallèlement dans cer-
taines expériences, et divergent dans d'autres. Exemples : si on
■met la main dans une position déclive, elle se gorge de
sang, le volume augmente et la pression du sang "aug-
imente aussi dans la main ; au contraire, si on met un mor-
ceau de glace sur le bras, la main se resserre (constriction
réflexe), elle diminue de volume et la pression du sang aug-
jnente, parce qu'il est comprimé par les artérioles reserrées *.
(1) Dans les expériences de vivisection, on mesure la pression du sany
■an moj-en de manomètres à mercure qu'on met en communication avec
une artère ; la hauteur d'ascension à laquelle parvient dans le tube niano-
métrique le mercure refoulé par la pression du sang, donne la mesure
• de cette pression ; ces expériences, qui sont une application du principe
• de Pascal sur la pressiim des liquides, ont élc faites pour la première l'ois
par Poiseuille, reprises et perfectionnées ensuite par beaucoup d'auteurs.
Chez l'homme, il est extrêmement difficile de mesurer la pression du sang,
et les nombreuses tentatives qui ont été faites dans ce sens n'ont pas
toujours donné des résultats satisfaisants ; le sphygmomètre à ressort,
qu'on emploie parfois dans la clinique, ne constitue pas un pr<icédé précis ;
voici en quoi il consiste : ou met le pouce sur l'artère du sujet, et on
90 TRAVAUX DU LARORAÏOIRE DE PSYCUOLOGIE DE PARIS
Nous n'avons pas à décrire le sphygmographe à transmission
de Marey, qui nous a servi à prendre le pouls de l'artère
radiale, ni le pneumographe double qui nous a servi à prendre
les courbes respiratoires; ces appareils sont bien connus.
Nous avons cru nécessaire, pour résoudre certains problèmes
dont nous parlerons plus loin, de créer un pouls artificiel,
c'est-à-dire des courbes imitant le pouls et produites par des
instruments. Nous avons imaginé deux moyens pour produire
ce pouls arLificiel : le premier est un pas de vis en forme de
pouls sur lequel se meut un petit chariot muni d'une plume ;
lechariut ([ui suit toutes les sinuosités du pas devis, comme un
wagon suit les détours d'une voie ferrée, fait retracer à la
plume la forme du pouls. Le second procédé, le se.ul que nous
avons employé, est une application du principe adopté parDon-
ders pour son appareil vérilicateur de tambours, il consiste à
faire suivre à un levier, qui est relié à une membrane de tam-
bour, les sinuosités d'une came qui reproduit la forme du
pouls, de sorte que le stylet d'un second tambour en commu-
nication avec le premier par un tube de caoutchouc reproduit
le dessin de la came. Nous avons pu, en réunissant les effets
de plusieurs cames, connaître les cHels des combinaisons de
mouvements complexes.
examinons maintenant les causes d'erreur (|ui peuvent se
produire dans ces expériences :
1° Frottement de la plume sur le cylindre. — Ce frottement
peut être dû à ce que la plume a été trop appuyée sur le
cylindre, à ce (juc le cylindre est mal calibré ou mal nivelé, le
papier mal collé, etc. L'excès de frottement ne produit pas une
diminution régulière de la pulsation, mais une altération pro-
fonde de la forme.
.•ipixiic sur son ])uiice le sphyfiiiiiunrtro (qui "n'est en somme qu'un
ressiu-t dans une yainc). en îui^uu'iilant yraduelIcuiiMit la pression sur
l'ongle jusqu'à ce (pu' le pouce explorateur ne sente plus le battement de
l'artère; m\ admet ipi'à ce monu'ut la pression Irausuiise par le sphyg-
momètre au pouce conire-lialauce la piession arlcriidie, lui est égale et la
mesure; il suflil ddiu- de lire sur le sphygmnmèlre la lorre de pression
dépensée pour cnniiailic celle du sang. l/euq)loi de cri insirument exige
une grande hahilcle cl smlnul bcaucuup d'exercice; lud doute qu'il donne
de bons résultais dans ipielipu's conditions: son délaut copital est de
supposer un élément sulijcctir d'a|)i)rcciation, l'appréciation, par la pulpe
du pouce, de l'ettaceuiiiil du piuils dn a imagine quelipies appareils enre-
gistreurs de la pression du sang chez l'iionnue; Marey, iiascli, Krieset enfin
Mosso ont travaillé cette ipiesli m. Nous donnons plus loin uii' aiial\se du
sphygnKuuaiiomélrc de Mosso
BINKT ET COURTIER.
CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC.
91
2" Tension de la membrane de caoïilchouc du tambour. —
Il est de principe dans les expériences graphiques que pour
avoirdes résultats comparables, il faut les recueillir avec le môme
tambour. Nous donnons (fig. 1) un exemple de pouls artificiel
pris successivement avec trois tambours différents, substitués
les uns aux autres à l'aide de notre comïnutateur graphique * ;
le pouls le plus ample a été donné par le plus petit tambour à
membrane peu tendue; les deux autres tambours avaient la
même dimension ; la membrane de l'un était molle, celle de
l'autre au contraire était très tendue ; le pouls du premier est
beaucoup plus ample. Remarquons toutefois que la position du
dicrotisme ne varie pas, quel que soit le tambour employé :
Fig. 1. — Pouls arlificitM pris avec trois taiiiboiirs différents : en liant,
tracé donné par un grand tambour, à nieuibrane très molle: au milieu,
tracé donné par un petit tambour à membrane très molle ; en bas, ligne
inférieure, tracé pris avec un grand tambour à membrane dure.
mais plus le tambour est dur, moins le dicrotisme se marque;
il est plat au lieu d'être rebondi.
La cause d'erreur que nous signalons n'est pas à craindre
dans les expériences ordinaires, où l'on se sert d'un même
tambour. Mais il peut arriver au cours d'une expérience que la
membrane d'un tambour change de tension, par exemple, dans
les expériencs sur les vaso-moteurs, la main peut diminuer de
volume, ce qui produit un abaissement de pression dans
(1) Nous en faisons la descri[ilion dans notre chapitre de Vurlélés.
92 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSVCUOLOGIE DE PARIS
l'appareil, d'où il peut résulter que la membrane du tambour
sera moins tendue ; or, celte diminution de tension produit
une augmentation de la pulsation. Nous en donnons deux
exemples : l'un pris avec le pouls naturel, l'autre avec le pouls
artificiel. A noter qu'avec la diminution de pression il se pro-
duit facilement une projection de la plume, qui déforme le tracé.
En ce qui concerne le pouls physiologique, la question de
l'influence de la tension de la membrane est un peu complexe,
et ce serait une erreur de croire que le pouls sera d'autant plus
grand que la membrane sera moins tendue. Mosso a montré '
Fig. 2. — Pouls arlificiel coniLiné à une oscillation aitiUcielle : ces deux
mouvements, produits par deux cauies dillV'rcntes, associées à deux
tambours diïïérents, arrivent à un tambour unique, qui les combine et
les inscrit sur le cylindre. On voit qu'au sonuuet supérieur de l'ondiila-
tion, quand la membrane est très tondue, la pulsation est un peu plus
petite qu'au sommet inférieur.
qu'il y a un optimum de pression (égal à environIGO mm. de mer-
cure) pour lequel le pouls présente son maximum d"amplitude.
3° La co)nbinaison de plusieurs mouvements enregistrés
simultanément. — Nous verrons que dans le tracé capillaire il
y a des pulsations et des ondes (les oscillations respiratoires,
qui soulèvent au-dessus du niveau du tracé des séries de cinq
à huit pulsations) ; or les difl'érentes pulsations qui composent
une même oscillation n'ont pas la même forme ; celles qui sont
placées sur la montée diffèrent de celles qui sont placées sur la
descente. Cette différence de forme tient-elle à une propriété
physiologique, ou est-elle un résultat physique de la combinai-
son de la pulsation avec le mouvement de l'oscillation? Pour
le savoir, nous avons reproduit artificiellement le mouvement
du pouls et le mouvement de loscillation respiratoire, eu
employant deux cames dilTérentes, et nous avons enregistré
simultanément avec le même tambour ces deux mouvements
différents. Les figures 2 et 3 montrent tout d'abord que l'ascen-
(I) Voir plus loin les analyses des travaux de l'année sur la plélliys-
mograi)liic.
131RET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 93
sion du niveau du tracé augmente la longueur de la ligne
d'ascension de la pulsation, et diminue celle de la ligne de
descente ; l'efTet inverse se produit pendant la descente du
niveau du tracé. En ce qui concerne la forme du dicrotisme,
elle varie avec les changements de niveau, suivant la rapidité
d'ascension et de descente ; ainsi dans une oscillation très
ample, les changements sont imperceptibles (fig. 3); ils sont
énormes dans une oscillation courte et forte (fig. 2). Pour
apprécier ces différents effets, il faut faire varier l'oscillation
artificielle jusqu'à ce qu'elle soit égale à l'oscillation natu-
relle qu'on étudie.
4° Effet d'une fuite. — Toute fuite dans une partie quel-
conque des appareils a pour effet d'égaliser le tracé, et toutes
Fig. 3. — Pouls artificiel ei osciUatinii artificielle combines ; l'oscillation
étant très lente, la forme du dicrotisme ne change pas, la grandeur de
la pulsation change très peu.
les fois qu'on voit un tracé absolument rectiligne, il est bon
de penser à une fuite et de la rechercher. Une fuite de dimen-
sion considérable supprime complètement tout tracé, toute
pulsation; l'effet produit dépend, on le comprend, d'une foule
de conditions, de l'importance de la fuite, de la force du phé-
nomène qu'on enregistre et de sa rapidité. Nous avons étudié
méthodiquement les effets d'une fuite produite en ouvrant la
petite soupape qu'on place sur les tubes de transmission.
Dans ces conditions le pouls change un peu de forme, sa par-
tie inférieure est comme coupée, la pointe de la pulsation est
plus aiguë (ce qui tient à une diminution de pression dans le
circuit), les ondulations respiratoires sont supprimées.
Si, à ce moment, il se produisait une vaso-constriclion de la
main, elle ne s'inscrirait pas. Pour savoir d'une manière em-
pirique s'il y a une fuite ou non dans les appareils, il suffit de
lever la main adaptée à l'appareil en caoutchouc ; la main
levée se rapetisse et doit produire un abaissement de niveau ;
s'il ne se produit pas. il y a une fuite.
94 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSVCIIOLOGII:: DE PARIS
o° Déplacement des appareih. — L'appareil qui se déplace
le plus facilement est le sphygmographe ; si la main elle bras,
appuyés sur la table, sont dans une position intermédiaire entre
la pronation et à la supination, lappareil glisse lentement, et
produit un changement progressif de niveau, qui, n'étant pas
très brusque, pourrait être attribué facilement à une cause
physiologique. Il est bon que la main soit immobilisée, en supi-
nation ; c'est la position la plus favorable pour le sphygmo-
graphe; elle est malheureusement un peu fatigante à conserver,
et il se produit au bout de peu de temps de la fatigue, du
tremblement, des soubresauts, etc. Les changements de posi-
tion du corps influent grandement sur les courbes de la respi-
ration, qui, pour bien faire, devraient être prises chez des sujets
assis et immobilisés dans des fauteuils articulés.
G° Mouvements involontaires de V organe dans V appareil. —
L'immobilité du corps est de rigueur dans ces sortes d'expé-
lios|iirali(iii.
Tracé capillaire.
>«w^A>^^i
Fig. 4. — Tracé capillaire. Mouveiiiciit.s involontaires et hrnsqncs prodnils
par la tunx. Dans le tracé respiratoire, l'inspiration se l'ait par exception
(le bas en liant (tous les tracés se lisent de gauche à droite).
riences ; peu d'individus sont assez maîtres de leurs muscles
pour se discipliner complètement. Nous donnons (fig. 4) un
exemple de mouvement involontaire, un ébranlement produit
par la toux. Les mouvements involontaires sont fréquents chez
les enfants; ils se produisent chez les adultes sous l'influence
de la fatigue et des émotions.
Quand le tracé de la pulsation est très net, le mouvement
involontaire est en général facile à discerner, parce qu'il
déforme la pulsation. Quand le mouvement est très lent, on
peut ne pas le reconnaître. Nous donnons un exemple de mou-
vement très lent fait volontairement par un sujet pour imiter
une vaso-constriction (fig. 5); la pulsation n'est pas altérée, et la
simulation ne se reconnaît ici qu'à ce détail que la pulsation
conserve son amplitude, tandis (|u'elle se rapetisse constam-
ment dans une vaso-constriction vraie (fig. 6). Il se produit par-
BINET ET COL'RÏIER.
CIHCL-LAT'ON CAI'ILL.VIHE, ETC.
9o
fois dans la pratique des cas douteux, qui sont une grande cause
d'ennui.
7° Appareils défectueux. — Un appareil en caoutchouc trop
dur ou trop mou peut ne pas enregistrer fidèlement les change-
ments de volume de l'organe. Pour éprouver les appareils, nous
%
(icsj)iralion
Tracé
.■apillaire.
Fig. O.
Simulation de cmistrictiuii. priuluite par un déplacement des
doigts dans Tappareil. Ce qui décèle la simulation, c'est que le pouls ne
se rapetisse pas.
plaçons sur le tube de transmission un petit cylindre avec
piston, qui permet d'augmenter et de diminuer à volonté la
pression dans l'intérieur des appareils, ce qui donne, étant
connue la course du piston, la mesure des déplacements de la
Respira
tioii.
Fijr. 6. Constriction vraie, produite par une inspiration forte, et mon-
trant que le pouls se rapetisse pendant la constriction. Dans le tracé
respiratoire, Finspiration se fait par exception de bas en liaut. — Au bas
de la figure, la ligne des secondes. On remarquera que pendant la cons-
triction les oscillations respiratoires continuent à se marquer.
plume. Quelques explications sont ici nécessaires. Quand on
voit la plume se déplacer sur le tracé de 1 centimètre en hau-
teur, par exemple, il est impossible de dire quantitativement
la valeur du phénomène qui correspond à ce déplacement ;
cela dépend d'une foule de facteurs, au moins neuf ou dix
(longueur de la plume, frottement, rapport des deux bras de
96
TRAVAUX DU LABORATOIIŒ DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
levier de la plume, tension de la membrane de caoutchouc du
tambour, surface de celle membrane, grandeur du tambour,
longueur du tube de transmission, élasticité de ce tube, tem-
pérature, rapport entre la pression atmosphérique et la pression
dans rintérieur des appareils, etc., etc.). En général, on ne
cherche pas dans la méthode graphique une mesure, même
approximative, des phénomènes. Il est facile de l'obtenir avec
l'instrument que nous avons fait construire, puisqu'on sait avec
cet instrument la déviation subie par la plume pour une course
du piston égale à i cenlimèlre cube. Cette déviation est une
mesure, un étalon auquel on reporte les courbes prises dans
les mêmes conditions.
8° Emotion du sujet. — Toute personne qui se prête pour la
première fois à l'expérience éprouve à quelque degré une émo-
Vw^vMv^\'«>W^
HmH^mmmim^imhiiiim^'^'
Fig. 7. — Iniliicnce (riin état éniof idunel sur le pouls capillaire. Le tracé
supérieur, portion de gauche, est pris avant l'émotion; on interrompt
ensuite Texpérience , mais les appareils restent en place ; rémotion
s'étant produite, nous prenons le tracé, portion de droite, ligne supé-
rieure: quelques minutes après. (|uand le calme est revenu, nous prenons
le tracé du pouls normal, tracé inférieur.
lion qui a pour effet de rapetisser son tracé capillaire. Il faut
s'habituer à l'expérience. Nous donnons (fig. 7) un exemple
de ces émotions perturbatrices, pris dans les conditions sui-
vantes qui n'étaient pas concerlées d'avance : le sujet apprend
brusquement, pendant une expérience, qu'on l'appelle pour
une affaire importante ; un peu ému, il fait quelques mouve-
ments ; son pouls, qui était jusque-là très ample, devient très
petit ; nous le prions de rester encore cinq minutes en expé-
rience avant de se rendre à l'appel qui lui est adressé; son
émotion se calme, le pouls reprend son amplitude normale.
9" La compression, qu'il est nécessaire d'exercer sur l'ar-
tère avec le sphygmographe ou sur la main avec l'appareil de
Ilallion et Comte, a cet effet qu'au bout d'une demi-heure, une
heure, le pouls se rapetisse, et il faut suspendre l'expérience.
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 97
Kiesow a fait la même remarque avec le sphygmomanomèlre
de Mosso.
10° Dans les états de fatigue, de dépression mentale, déjeune,
ou, tout simplement, à un trop grand intervalle du repas, le
tracé capillaire s'affaiblit et ne donne point de bons résultats ;
il faut se méfier des tracés défectueux, où la forme du pouls se
lit très difficilement.
II
MODIFICATIONS PRODUITES DANS LES TRACÉS CAPILLAIRES et ARTERIELS
PAR DES AUGMENTATIONS OU DES DIMINUTIONS DE LA PRESSION ET
DE LA QUANTITÉ DE SANG CONTENUE DANS LES ORGANES EXPLORÉS.
Nous avons étudié les effets produits sur la forme du pouls
et sur le niveau des tracés par des changements mécaniques,
apportés artificiellement dans la quantité de sang qui est con-
tenue dans les vaisseaux ; nous nous sommes convaincus qu'il
est nécessaire de connaître dabordces questions de mécanique
circulatoire pour mieux comprendre les phénomènes délicats et
plus complexes qui se produisent dans la circulation sous Tin-
fluence des actes psychiques. Pour faire varier la quantité de
sang, nous avons eu recours à deux procédés, les changements
de position de la main, et les compressions d'artère ou de
veine. "Ces deux procédés ne sont pas absolument comparables.
Le changement de position produit des effets plus complexes
que la compression. Quand on élève la main, il se produit trois
choses : 1° une diminution dans la quantité de sang artériel ;
t" une diminution dans la quantité de sang veineux; 3° une
diminution de pression égale à environ 3 centimètres de mer-
cure *. Si on comprime l'artère axillaire, on produira bien dans
la circulation de la main le premier de ces effets, la diminuiton
de la quantité de sang artériel ; on n'aura pas une diminution
dans la quantité de sang veineux qui pourra agir, au retour du
sang artériel, en augmentant la pression que celui-ci a à vaincre ;
on n'aura pas non plus à considérer l'action de la pesanteur.
(l) Marey ilit que l'excès de prcssifui (|u'iiii ul^sri-ve dans raitèic dvi
ineiiibre déclive, par rapport à la valeur de la pression dans l'attilude
élevée, correspond an j)oids d'une colonne de sanir dont la hauteur serait
éf^'ale à la diO'ercnce de niveau entre les deu.x piisitious exlrênies. (dnu-
Iiilion du sa/ifj, p. 438 et seq.)
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. 7
1
98 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
1° Forme du pouls capillaire et du pouls artériel dans
différentes positions de la main.
Pouls capillaire. — Le sujet étant assis, l'appareil de caout-
chouc adapté à sa main, nous le prions soit d'élever sa main
pendant quelques minutes, soit de la poser sur la table devant
lui, soit de la laisser pendre le long de son corps.
Nos expériences ont été répétées sur quatre sujets, et elles
ont donné des résultats si parfaitement concordants, que nous
avons jugé inutile de les étendre davantage. Les causes d'erreur
qui peuvent les vicier nous paraissent peu nombreuses ; la
première est la production de mouvements involontaires de la
main dans l'appareil ; ces mouvements se manifestent sur les
tracés par des irrégularités assez grandes pour être reconnues
à première vue ; du reste, il suffît de quelque exercice pour
éviter ces mouvements. Une seule cause d'erreur, qu'on peut
concevoir à priori, consiste en ce que la main, en changeant
brusquement de position, change de volume ; ainsi, dans la
position élevée, elle s'anémie et son volume se réduit ; par con-
séquent, elle est moins comprimée par l'appareil et peut lui
transmettre moins bien ses pulsations ; d'autre part, par suite
également de cette diminution de volume, la plume inscrivante
change de niveau sur le cylindre, elle frotte autrement, la ten-
sion de la membrane du tambour se modifie, etc. Des recher-
ches de contrôle nous ont montré que ces erreurs sont négligea-
bles ; en effet, ayant, avec notre régulateur graphique, ménagé
dans les appareils un petit pertuis* pour que l'air qu'ils con-
tiennent soit toujours en équilibre avec l'air extérieur, et pour
que les niveaux de tracés dont nous parlons restent constants,
nous avons vu que les effets du changement de la position sur
le pouls sont sensiblement les mêmes qu'avec des appareils
complètement clos. Nous publions un de nos tracés de contrôle
(fig. 9).
(1) Nous avons appris, par une coninuinicalion orale de M. Ilalliou, à la
suite d'une de nos coninuinicalions à la Société de lUologie, où nous avions
exposé le procédé de la l'iiite pour éfjaliser les tracés, (|ue ce procédé est
en rpielque sdiie traditionnel au laboratoire de .M. Maroy, au Collè<!:e de
France. M. Ilallion ifiuore s'il a été publii-. Pour notre part, nous en
avons eu Tidée de la manière suivante : ui. jour, pendant les expériences,
nous nous souinies aper(;us cpie le })létliysuiograplie dont nous nous ser-
vions avait une fuite; et après un niouveuicnt de mauvaise humeur, en
regardant attentivement les tracés, nous avons constaté que cette fuite
présentait un grand avantage en égalisant les tracés. C'est donc tout sim-
])lenient le hasard, saisi an vol, qui nous a donné l'idée de cette méthode,
dont les applications sont multiples.
BINET ET COL'RTIEH. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC.
99
Main levée. — Si on élève lentement la main (fig. 8), la ligne
du tracé descend, et pendant la descente le pouls augmente
d'amplitude, son dicrotisme s'atténue et devient plus précoce,
remonte vers le sommet de la pulsation ; puis, si on main-
tient l'attitude (fig. 10) le tracé se développe dans le sens hori-
Fig. 8. — Elfet de l'atlitude de la main sur le pouls capillaire. Sujet assis.
Do A en B, main posi'c sur la table ; ])ouIs pefil. avec dicrotisme en bas ; de B en C, le
sujet éli've la main ; la pulsation se rapetisse, après avoir jiassé par luie phase d'agrandisse-
ment ; le dicrotisme s'elTace: de C en I), la main reste en l'air, pouls petit, à dicrotisme
imperccptilile : de D en E, la main s'abaisse : le niveau s'élève, le dicrotisme reparaît; de E
en F. main posée sur la table ; le dicrotisme descend.
zontal, le pouls est très petit, avec dicrotisme ' à peine distinct
et placé tout près du sommet; parfois le dicrotisme disparaît,
et le sommet de la pulsation est en plateau; les ondulations
respiratoires continuent à se marquer sur ce tracé, et on peut
W^J^J^J^J^^^jJMM^JVI^^
G
D
Fig. 9. — Trafé pris avec un appareil à fuite capillaire, île in.inière à
luainteiiir le niveau constant.
De A en B, la main est sur la table; de"B à C. on ('lè\e Icnlcinont la main, de C en I). la
main reste élevée : do D on K, la main est descendue linlement : lic E eu I', la main est
revenue à sa première position, sur la table.
constater que l'amplitude du pouls augmente beaucoup avec la
dilatation respiratoire; ce changement d'amplitude est bien
moins mai^iué chez le sujet qui a fourni le graphi(iue, dans les
oscillations respiratoires de la main posée ou pendante. A
mesure que la position élevée de la main se prolonge, — ce qui
(J) Le dicrdlisnie, ou rel)ondisseiuent du pouls sur la ligne de desccnle,
résulte, d'après .Marey, d'une rétlexion de l'onde sanguine sur les valvules
sigmoïdes.
100
TRAVAUX DU LABORATOIRE DE l'SYClIOLOGIE DE PARTS
amène rapidement de la fatigue, du trouble respiratoire et de
l'efTort, — la ligne du tracé prend une direction ascensionnelle,
le pouls augmente considérablement d'amplitude, son dicro-
tisme reste atténué, et placé près du sommet.
wM Quand on ramène la main sur la table, lentement,
^H sans secousses, le pouls, s'il était encore petit,
WS augmente régulièrement d'amplitude ; comme
■9 -ë dans l'élévation de la main, il passe par un maxi-
^H 2 mum d'amplitude, et diminue ensuite un peu.
Comme on pourrait supposer que ces modifica-
tions de la pulsation tiennent aux changements
de niveau du tracé — question que nous avons
posée d'une manière générale dans notre premier
chapitre — nous avons refait, ainsi que nous le
disions tout à l'heure, les mêmes expériences
avec une fuite dans les appareils, fuite assez petite
pour conserver la forme de la pulsation, et assez
grande pour maintenir le niveau constant ; les
changements dans la position du dicrotisme ont
été les mêmes (fig. 9).
ci
'-3
fcp
ic
^ o
o —
Oh
a
o
Discussion des tracés précédents. — La dimi-
nution d'amplitude de la pulsation pendant la
position élevée tient à ce que la main se vide
d'une partie de son sang ; c'est du reste ce que
prouve la pâleur de la main; le sujet éprouve en
même temps la sensation subjective que la main
cesse de remplir complètement l'appareil, par
suite de sa diminution de volume ; peu à peu la
main, tout en conservant sa position, rougit de
nouveau, et le sang y arrivant en plus grande
abondance y détermine un accroissement de la
pulsation. Quant à l'atténuation du dicrotisme, et
à sa position près du sommet, ce sont des carac-
^^1 tères très importants par leur constance ; nous
W^ supposons qu'ils sont sous la dépendance de la
WBÊ diminution qui s'est produite dans la pression et
dans la quantité de sang de la main ; et nous
admettrons par conséquent que lorsque la quantité de sang en
circulation est très faible par rapport au diamètre des vais-
seaux et que la pression vient à diminuer, le pouls e&i petit, à
dicrotisme atténué et rapproché du sommet.
fcD
BINET ET COURTIER. — CIRCULA.TION CAPILLAIRE, ETC. 101
Maintenant nous devons remarquer qu'à mesure que l'expé-
rience se prolonge et que le sang revient dans la main, le pouls
augmente d'amplitude, mais les caractères du dici'otisme ne
changent pas ; par conséquent, quand la quantité de sang est
faible par rapport au diamètre des vaisseaux, le pouls est
grande à dicrotisme atténué et rapproché du sommet.
Avant d'abandonner ces tracés, il est important de faire
quelques remarques sur la forme du pouls pendant le passage
d'une position déclive à une position élevée et inversement. Ce
pouls de transition ne peut être étudié que dans le cas où le sujet
n'a fait aucun mouvement brusque en élevant et en abaissant
la main. Sur la figure 8, nous pouvons voir que le pouls, pen-
dant l'élévation de la main, présente un agrandissement avant de
diminuer ; cet effet tient vraisemblablement à ce que la petite
mm^.
u-nm^'Hi4^44^
Fig. 11.
A B C
— Influence de l'attitude déclive de la main sur le tracé
capillaire.
iJe A à B, main posi'c sur la table, sujet assis ; de B à C, raaiu pendante ; le dicrotisme du
pouls s'abaisse, la pulsation se rapetisse.
diminution de quantité de sang, qui s'est déjà produite à ce
moment-là, est plus favorable à la mise en jeu de l'élasticité
artérielle. Pendant l'abaissement lent de la main, les mêmes
effets de modification de la pulsation se produisent en ordre
inverse.
Main pendante. — La main étant posée sur la table, si on
la laisse pendre le long du corps, de manière à ce qu'elle se
congestionne, rougisse et qu'on ait une sensation subjective
de chaleur et de tension, la ligne du tracé s'élève, le pouls
se rapetisse, le dicrotisme s'accentue et descend, parfois au
point de devenir intermédiaire entre deux pulsations. Ces
eflets ne se produisent pas avec autant d'intensité chez tous
les sujets, mais la modification a constamment lieu dans le sens
que nous indiquons (flg. 11).
Pour rendre ces effets plus apparents, nous prenons simul-
tanément le pouls de la main droite pendante, et de la main
gauche tenue horizontalement (sujet assis;; le pouls de la
-102
TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCnOLOGIE DE PARIS
main droite est plus petit, à diiirotisine plus bas et plus rebondi
(voir fig. 12).
J)iscussion. — En rapprochant les effets inverses produits par
la position pendante et la position élevée de la main, on cons-
tate que la forme de la pulsation et son amplitude sont égale-
ment modifiées. Supposons que le diamètre des vaisseaux reste
le même, et que la quantité de sang qui est contenue varie d'un
minimum (anémie) à un maximum (congestion) : l'amplitude
de la pulsation subira des modifications qui ne seront pas con-
cordantes : elle sera minima pour une ((uanlité. très faible, elle
atteindra son maximum pour une quantité moins faible, elle
diminuera pour une quantité moyenne, et diminuera encore
pour une quantité forte. C'est ce que nous représentons dans la
ttctih»!;
■
UjJiWWUW
Main droite
>WM-!> M^X.' JomJj^^
, ,j^WW|i(PW.'#%wiJ (.(i^^Wi^^lJ-'
him jjaiiclie.
t^ i**-*!!!, WivK.: -act«Ii.xXi^ .i^"A.»»Jt~''
vespiralion.
Fig. 12. — Inllueuco de l'altitude sur la foniie du pnuls: première ligne,
L main droite pendante; deuxième ligne, main gauche horizontale; en
bas, respiration.
figure 13, qui n'est pas enlièreinent schématique, car les rap-
ports entre les changements de volume et les changements
d'amplitude des pulsations sont reproduits d'après nos gra-
phiques.
En ce qui concerne le dicrotisme, la même figure reproduit
SCS modifications successives, que nous avons déjà décrites : le
dicrotisme augmente et s'aliaisse régulièrement depuis l'ané-
mie jusqu'à la congestion.
Le pouls artériel, dont nous n'avons pas parlé jusqu'ici, dif-
fère en général du pouls capillaire en ce que la ligne d'ascen-
sion et de descente est plus brusque, et le dicrotisme placé
plus bas ; on peut voir ces dcu>: différences sur bon nombre de
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC.
103
tracés pris en même temps sur un même sujet; à quoi tien-
nent ces différences? Incontestablement, pour une part, à
la différence des appareils enregistreurs ; nous avons pris
le pouls capillaire avec l'appareil de Hallion et Comte, ((ui
exerce une compression générale sur la main, et nous avons
pris le pouls artériel (radial) avec le sphygmographe à trans-
mission de Marey, qui comprime, à l'aide d'un ressort, une
portion limitée de l'artère ' ; les résultats ne doivent pas être
comparables. Du reste, il est probable que le pouls capillaire et
le pouls artériel, même s'ils étaient pris avec des appareils ana-
logues, n'auraient pas un tracé identique ; von Kries a bien
montré qu'ils n'ont pas la même signification. Quoi qu'il en
soit . nous avons cherché l'influence des changements de posi-
Bras pendant.
Position
horizontale.
Bras vertical. -■
Bras vertical.
Fis:. 13.
Contrestion.
État mojen.
y^
Anémie forte.
Scheiii;t dos chanjifiiieiits de loniie du punis produits par les
rliangements de position de la main.
k
i'i
tion de la main sur le pouls artériel : étude difficile, car le
sphygmographe le mieux adapté se déplace quand on meut la
main, et ses conditions d'applications se modifient. Cependant,
en employant un système de support inutile à décrire, nous
avons réussi à obtenir quelques tracés qui montrent qu'à
mesure que le bras s'élève, le dicrotisme du pouls tend à
monter, indice d'une diminution dans la quantité de sang qui
est contenue à ce moment dans le vaisseau, et d'une diminu-
tion dans la tension artérielle.
2° Effet iVune compression artérielle sur le pouls caiyillaire
et sur le pouls artériel.
La compression d'une artère, quand elle se fait entre le cœur
et l'organe qu'on étudie, a pour effet de diminuer l'apport de
(1) Notons qu'en Cduiprimant plus ou umins l'artère avec l'inslruiuenl,
on change la position du dicrotisme. Vicrordt a déjà vu ce l'ait iniporlant.
104
TRAVAUX DU LABORATOIRE Dli PSYCHOLOGIE DE PARIS
sang artériel dans cet organe, la diminution se faisant dans la
mesure de la force de compression, et dans la mesure aussi de
l'importance de l'artère comprimée.
Pouls capillaire. — Une compression forte de l'artère axil-
laire l'efface; tantôt le tracé descend, comme dans la figure 18,
tantôt, au contraire, il garde son niveau, parfois même il tend
à monter; en tout cas, la descente est moins profonde que dans
l'élévation du bras. Cette différence s'explique ainsi ; quand on
élève le bras, l'action de la pesanteur se fait sentira la fois sur
le sang artériel et sur le sang veineux, d'Bù une anémie brusque
du membre élevé ; la compression de l'artère axillaire ne dimi-
nue que l'apport du sang artériel ; le sang veineux déjà en cir-
culation ne reçoit plus au même degré la poussée du sang arté-
A B
Fig. li. — Exprnenrcs sur la forme du p(nils. Tracé capillaire
de la main.
Do A ou i; compression do l'^irlôre axillaire : le pouls s'pfîaco ol la liuiio doscciicl (collo
ilosceiile n'ost pas cousfaiiloi : iiuaml la compression cosse, le pouls esl petit, à dicrolisnio
nll'acé, le dicrolisme rejiarail au sommet de la ]julsation.
riel, de sorte ((ue la circulation veineuse se ralentit et l'effet de
cette stase est même très marqué chez certains sujets.
Si on examine les premières pulsations qui s'inscrivent quand
la compression cesse, on remarque qu'elles sont petites, sans
dicrotisme, tout à fait analogues à celles qu'on obtient avec le
bras levé ; le dicrotisme apparaît ensuite au sommet de la pul-
sation et descend graduellement ; à mesure que la quantité de
sang augmente, là pulsation augmente aussi. Ces tracés con-
firment la signification que nous avons attribuée au dicrotisme.
Pouls artériel. — La compression axillaire efface le pouls ;
quand la compression cesse, le pouls s'élève, en affectant une
forme en escalier déjà signalée par Fr. Franck*, puis le dicro-
tisme ai)paraît, et il tend à descendre dans les pulsations sui-
vantes ; pour le pouls artériel comme pour le pouls capillaire,
l'effet est si brusque qu'il ne se lit que sur deux ou trois pulsa-
(1) Le volume des utei/ibirs, dans T ruraux du laboratoire de Marey, II. 28.
n
■■■■1
BLNET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 103
lions; on constate cependant toujours que le dicrotisme est
plus élevé sur les premières pulsations que sur les suivantes.
Une compression de l'artère radiale au poignet, entre le point
uù le sphygmographeestplacéetlamain, produit une diminution
de la quantité de sang dans la main et une augmentation dans
l'artère radiale : les deux tracés capillaire et artériel présentent
une modification inverse : le tracé capillaire s'atténue, sans
Fig. 15. — Expériences sur la forme du pouls ; tracé
sphygmographique du pouls radial.
\)ti A cil B, conipressiou de l'artère axillaii'O ; le i)Oiils s'efface, le niveau baisse 1res léRÔ-
reineiit ; quand la coni|)ression cesse, il J a un pouls eu escalier, et une dilatation qui met le
niveau au-dessus de ce qu'il était avant la coniprcssion : le dicrotisme est plus haut, cl des-
cend dans les pulsations suivantes.
diminution de niveau ; le tracé artériel augmente d'amplitude,
et le dicrotisme de la pulsation s'accentue et descend.
Conclusions.
Les expériences de changement de position et les expériences
de compression d'artère montrent que lorsque la quantité de
sang et la pression sanguine varient dans un organe, l'ampli-
tude de la pulsation et le dicrotisme varient. Si on part d'une
pression et d'une quantité de sang minima et qu'on augmente
graduellement cette pression et celle quantité de sang, par les
procédés que nous avons indiqués, la pulsation, d'abord très
petite, grandit, passe par un maximum, et diminue ensuite.
(Les changements d'amplitude, nous le rappelons, sont étudiés
avec un appareil dans lequel on ménage une pression constante,
égale à la pression atmosphérique.)
Les changements relatifs au dicrotisme sont de deux sortes,
relatifs au développement du dicrotisme et à sa position. Pour
la position, nous avons vu qu'elle subit un recul constant, à
mesure que la pression augmente ; à pression minima, elle est
au sommet de la pulsation ; à pression maxima, elle est au bas
de la descente, entre deux pulsations. Comme développement, le
dicrotisme est faible avec une pression faible, il augmente avec
une pression forte et une quantité de sang forte.
106 TRAVAUX DL' LABORATOIRE DE PSYCUOLOGIE DE PARIS
Il ne faut pas donner une portée absolue à nos conclusions,
et considérer la position du dicrotisme comme un signe de la
quantité de sang dans le vaisseau ; on aurait tort, par exemple,
en constatant un pouls avec dicrotisme élevé, d'en induire
que l'organe contient une faible quantité de sang. Ce serait
oublier que plusieurs facteurs entrent dans cette question de
mécanique physiologique ; ce n'est pas seulement la quantité
de sang, mais encore la grandeur du vaisseau, la nature phy-
sique des parois, son état de dilatation, de constriction ou de
tonus, etc., etc., qui influent sur la forme et la position du
dicrotisme. Dans nos expériences, nous nous sommes arran-
gés pour que l'état du vaisseau fût peu modifié, et que la modi-
fication principale portât sur la quantité de sang et la pres-
sion, c'est ce qui nous a permis de constater que cette quantité
de sang et cette pression sont deux facteurs qui agissent sur
la position du dicrotisme.
En ce qui concerne les changements de niveau, les résultats
sont un peu plus complexes : l'élévation du bras produit un
abaissement constant de niveau, et l'abaissement du bras pro-
duit une élévation; ces deux changements de niveau prouvent
que le volume de la main a changé, a diminué dans le premier
cas, augmenté dans le second cas ; la cause de ces variations de
volume est double : elle tient à une variation dans la quantité
de sang artériel et dans la quantité de sang veineux ; c'est ce
qui explique que les effets sont plus nels que dans le cas d'une
compression d'artère ; la compression arrête simplement l'apport
de sang artériel ; le sang veineux, ne subissant plus l'action de
vis a tergo du sang artériel , a une circulation ralentie ; par
conséquent, la diminution de volume du membre est moins
rapide et moins considérable quand on comprime une artère
que quand on met le membre dans une position élevée.
Jetons maintenant un coup d'a;il sur les travaux, qui ont été
déjà faits relativement à celle question. La lecture de traités de
physiologie, même des plus récents, nous met dans un cruel
embarras, car les auteurs ne sont pas d'accord les uns avec les
autres, ni parfois avec eux-mêmes, sur la signification qu'il faut
attribuer à la position du dicrotisme, et sur les caractères gra-
phiques du pouls à haute tension. L'admirable traité de Marey
sur la circulation nous fournit des renseignements plus cohé-
rents et plus nombreux. D'abord, en ce qui concerne l'ampli-
lude du pouls, Marey pose en règle que « le cœur conservant
sa force d'impulsion, toute influence qui élèvera la tension
BINET ET COUinil'R. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 107
fi
artérielle diminuera ramplitude de ses variations (c'est-à-dire
du pouls) et réciproquement ' » ; ceci est bien conforme, dans
une certaine mesure, à nos expériences, puisque, le bras levé,
quand le sang commence à revenir dans la main, la pulsation 'VJ
a plus d'amplitude que le bras posé sur la table, quoique dans f
•cette dernière condition la quantité de sang soit plus grande. ;,
Nous avons vu également que lorsqu'on élève lentement la ■■
main, le pouls augmente avant de diminuer, tandis que la
pression artérielle diminue régulièrement; et l'efFet inverse se
reproduit quand on descend lentement la main. Il est bien
entendu que nous supposons que dans tous ces cas la force impul-
sive du cœur reste la même. Maintenant, il n'est pas certain
que la règle posée par Marey soit générale, et nous trouvons
même dans son livre des expériences qui semblent y contre-
dire, par exemple, la compression de l'artère au-dessous du
sphygmographe, ({ui a pour effet d'augmenter l'amplitude du
pouls (fig. 138. p. "2oG, op. cit.). Or, on voit coïncider dans ce
cas une augmentation de pression et une augmentation d'ampli-
tude. Le rapport enli-e la [ircssion et l'amplitude du pouls est
vraisemblablement plus complexe qu'on ne l'imagine.
En ce qui concerne le dicrotisme. Marey ne s'est point
■occupé de sa position, mais de son amplitude, et il dit textuel-
lement : ï La brusque pénétration de l'ondée ventriculaire, son
petit volume et la faible tension artérielle augmentent l'ampli-
tude du dicrotisme. » (P. 274, op. cit.) Cette proposition
s'appuie, à ce qu'il semble, principalement sur des expériences
de physique relatives à la propagation des ondes dans des tubes
remplis de liquide. « Nous avons vu, dit l'auteur, que la vitesse
d'impulsion du li(iuide, l'extensibilité du tube et le petit volume
de l'ondée qui y est projetée augmentent l'amplitude des ondes
secondaires. » (P. i274, op. cit.) D'autre part, l'auteur s'appuie
sur beaucoup d'observations pathologiques j)riscs sur des
malades différents, ou sur les mêmes malades à des moments
différents, par exemple, pendant un état fébrile et pendant un
"état sans fièvre, ou avant et après une saignée abondante ; ces
sphygmogrammcs nous laissent, nous l'avouons, quelque doute
dans l'esprit, car rien ne prouve que l'application du sjjhygmo-
graphe sur l'artère soit faite de la même façon les deux fois ;
«t, d'autre part, puisqu'il s'agit de malades, pris dans des états
physiologiques tout à fait différents, on n'a point de garantie
(1) P. 183 et sq. : p. 288 cl si[.
V,
108 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
que la force propulsive du cœur soit restée la même pendant
ces états.
A côté de cet historique écrit, il existe ce qu'on pourrait
appeler un historique inconscient , provenant des figures
publiées; il n'est pas rare en effet de voir sur les tracés d'an-
ciens auteurs des caractères qui confirment des observations
plus récentes. Ces tracés précurseurs ne sont pas très fréquents,
en ce qui concerne la question du dicrotisme ; en voici, pen-
sons-nous, la raison ; un des meilleurs moyens de provoquer
les changements de la quantité de sang est de Changer l'atti-
tude du membre; or, on n'a eu jusqu'en ces dernières années
à sa disposition, pour enregistrer le pouls, que des appareils
qui ne donnent des indications justes que s'ils restent immo-
biles, et qui même exigent toujours la même position du
membre; un sphygmographe étant appliqué sur la radiale, si-
on élève la main, l'application change et les résultats ne sont
plus comparables. Il en est de même pour la plupart des plé-
thysmographes, on peut dire pour tous, sauf celui de llallion et ^^j
Comte, qui est d'invention toute récente.
Citons parmi ces tracés : celui de Marey sur l'effet de l'élé-
vation du bras, pris avec un s|)hygmographe ; le bras élevé,
pas de dicrotisme ; le bras abaissé, dicrotisme très net (p. 265).
Dans l'article classique de F. Franck sur le volume des organes '
on trouve plusieurs beaux tracés confîrmatils ; ainsi sa figure 7
(p. 26) montre l'effet de la compression de l'artère humérale
sur l'artère radiale ; les premières pulsations radiales qui se
dessinent après la suppression de la compression sont rondes
sans dicrotisme ; le dicrotisme apparaît vers le haut de la pul-
sation, puis descend. La figure 20 (p. o6j, qui représente l'effet
d'un effort sur le vOlume de la main, montre qu'au moment oii
la tension artérielle augmente le pouls devient très petit et que
son dicrotisme s'abaisse et augmente ; tracé tout à fait analogue
à celui que nous obtenons avec la main pendante. Il est sans
doute inutile de prolonger ces citations confirmatives, mon-
trant qu'avec une augmentation de tension et de quantité de
sang se produit une augmentation du dicrotisme -.
(1) Trai'aiij- du laboraluirc i/c M. Mar'i'i/, II, 187().
(2) Il y aurait lieu ui.iiulfii.iul de cliorclier à rlissocier l'iufluence
qu'exciTcnt sur la (nrmc du pouls la (juantitr' de sau^' ciuitenue dans Tor-
gane et la pression artérielle. 11 serait dillicile de tenter cette dissociation
chez riionuue. Nous croyons savoir que MM. llallion et Comte ont dirigé
(|ueli[ucs recherches dans ce sens, au uiuyeu d'expériences sur le chien.
î
I
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 109 j(
III
LA CIRCULATION CAPILLAIRE PENDANT UN ÉTAT
DE RESPIRATION TRANQUILLE
Le sujet est assis, la main posée sur la table ; il ne parle
pas, il conserve le corps immobile, et cherche, autant que
possible, à ne pas faire d'effort d'attention. Le premier venu
ne peut pas réaliser ces conditions; d'abord une personne novice
qui se soumet pour la première fois à l'expérience éprouve
toujours un peu d'émotion ; et cette émotion atteint la circula-
tion capillaire ; ensuite, il faut du temps pour apprendre à
discipliner son corps et son esprit, et pour savoir se maintenir
dans un état prolongé de repos.
Le tracé volumétrique qui s'écrit pendant le repos, présente
en outre des pulsations, des ondulations lentes qui durent un
temps variable, et correspondent d'une manière générale aux
respirations. On leur donne le nom d'oscillations respiratoires.
Nous allons en faire une étude particulière parce que le méca-
nisme exact de leur production n'est pas bien connu. Notre
description est faite d'après la figure 1(3, qui présente le tracé
du pouls capillaire et le tracé du pouls artériel (la radiale), et
d'après la figure 17, qui donne le pouls capillaire pris avec
une grande vitesse. Nous ne pouvons pas, ici, répéter les expé-
riences sur un grand nombre de sujets, parce que tous n'y sont
pas propres. Nous aurons en vue particulièrement un seul
sujet.
Les oscillations de ses tracés correspondent exactement auK
respirations; elles sont égales en nombre ; chez ce sujet elles
contiennent en moyenne huit pulsations ; chaque oscillation
est composée d'une dilatation suivie d'une constriction; elle a
la forme d'un arc de cercle dont la convexité est tournée vers
le haut, c'est-à-dire dans le sens de la dilatation. L'arc de
cercle n'est point régulier ; la montée de la ligne est généra-
lement plus brusque que la descente, comme le prouve ce
fait qu'en moyenne on compte 3 pulsations sur la ligne d'as-
cension et o pulsations sur la ligne de descente ; le maximum
de hauteur de la courbe correspond environ au premier tiers. Il
arrive rarement que les oscillations successives aient la même
grandeur et la même forme ; sans qu'on en puisse discerner la
I
IfO TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
raison, les unes s'élèvent davantage,, les autres moins, quel-
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ques-unes sont à peine perceptibles et leur tracé se développe
presque en ligne droite.
Fo7'me, grandeur et vitesse du pouls. — La forme et l'am-
plitude du graphique de la pulsation varient sous l'inlluence
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 111
d'un grand nombre de conditions; nous n'étudions ici que les
variations qui sont sous la dépendance de l'oscillation respira-
toire, et qui par conséquent se reproduisent périodiquement.
Etudiées sur un tracé pris à grande vitesse, les pulsations
apparaissent avec des formes tant soit peu différentes ; de la
première à la quatrième, c'est-à-dire pendant la phase de mon-
tée, le dicrotisme va s'accentuant et il monte un peu; il
s'efface légèrement dans la descente. De plus, les pulsations
sont plus petites sur la ligne d'ascension que sur la ligne de
descente ; la différence dans certains tracés est d'environ un
quart ; une pulsation à la montée ayant o"™,5, celle de la des-
cente a 4™'",o. Enfin, la vitesse du pouls est plus grande pen-
dant la montée, que pendant la descente. Nous avons pris des
mesures sur plusieurs tracés, qui nous ont montré que la vitesse
li
4
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Fig. 17. — Tracé du pouls capillaire et de la respiration.
D.'ins celte fiprure, par exception, l'iiisi)ir;itioii se fail de bas en haut l'ilans tous les auli'es
tracés où aucune mention n'est faite à cet é.saril. l'inspiration se l'ait do haut en bas, suivant
l'usaso adopté presque universellement); le [lOuls ca[iillairc est pris dans des conditions tic
vitesse qui permettent d'étudier sa forme.
n'est point uniforme, mais varie régulièrement pendant toute
kl durée d'un acte respiratoire ; la vitesse atteint un maximum
à la fin de l'inspiration ; ensuite, elle diminue régulièrement
pendant l'expiration, et jusqu'à la fin de l'expiration, oîi elle
atteint son minimum de vitesse ; à partir de ce moment, la
vitesse augmente pendant la pause ; elle continue à croître
jusqu'à la fin de l'inspiration. Une partie de ces faits est déjà
connue; la plupart des auteurs constatent le ralentissement du
pouls au moment de l'expiration, phénomène ({ui est tellement
net que si l'on fait plusieurs respirations profondes et rapides,
ce ralentissement devient un court arrêt du cœur. Fr. Franck
et Chauveau présentent, parait-il. ce phénomène ' ; l'un de nous
(Ij Marey, op. c//., p. 463.
^1
112 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
(Binet) le présente aussi d'une manière très accentuée. Il s'agit
là, en somme, d'un phénomène cardiaque bien connu. On l'a
depuis longtemps signalé chez le chien et le cochon, où il se
présente avec des proportions considérables ',
Avant d'aller plus loin, nous devons nous demander si les
différents caractères du graphique du pouls que nous venons
de signaler sont physiologiques, ou s'ils sont dus à l'un quel-
conque des nombreux appareils interposés entre la main et le
papier enfumé sur lequel le graphique s'inscrit. La vitesse du
pouls est le caractère qui certainement peut être admis avec le
plus de sécurité, car la méthode, graphique est surtout apte à
donner la mesure du temps des phénomènes. En ce qui concerne
l'amplitude du pouls, nous devons remarquer qu'elle n'est
point un résultat physique de l'oscillation respiratoire, car le
pouls petit se trouve sur la ligne d'ascension de l'oscillation;
or, à ce niveau, l'oscillation tend à augmenter la ligne d'ascen-
sion du pouls et non à la réduire. C'est ce que nous avons
montré plus haut. A quoi donc peut être dû ce rapetissement
de la pulsation? II y a plusieurs causes possibles, et nous
sommes pour le moment incapables de faire la part de cha-
cune d'elles. Ce sont : 1° une diminution possible dans la
force impulsive du ca?ur ; toutes choses égales d'ailleurs,
quand le cœur bat moins fort, les pulsations sont plus petites - ;
i2° une augmentation possible de la (juantité de sang et de la
pression artérielle ; nous avons vu que lorsque la pression
artérielle augmente, par suite d'une augmentation de la quan-
tité du sang, la pulsation se rapetisse.
Kn ce qui concerne la forme du dicrotisme, la question est
beaucoup plus embarrassante ; le dicrotisme, en effet, peut
être altéré par suite d'une combinaison purement mécanique
entre le mouvement de la pulsation et le mouvement de l'os-
cillation respiratoire. Nous désirons ne pas trancher la ques-
tion, tout en faisant remarquer que l'augmentation du dicro-
tisme, pendant la période ascendante, — si c'est un fait physio-
logique, — s'expliquerait de la manière la plus satisfaisante
par l'augmentation de pression artérielle.
(1) Nous revieiidnMis plus luiii, sur celte (|iieslitiii. en éUuliaiit le iiieea-
Bisuie (les oscillatioas respiratoires.
(2) Maroy [Cii-cnhilhni du s</ii;/. ]i, 282), eu l'aisanl des expérleiu-es avec
son schéma de la circulation, appareil de caoutclunic qui reproduit ingé-
nieusement les principales dispositions de la circulation réelle, a vu que
rau^'uieulatioii de coulraction du co'ur produit des jiulsations sphygmo-
graphiqucs [ilus grandes.
BINËT ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 113 ■ ;'
i
, j
Modifications des oscillations respiratoires suivant que la i
respiration est profonde ou superficielle, lente ou rapide. ,,1
La valeur des oscillations respiratoires varie avec chaque
sujet, pour des raisons qu'il est souvent difficile de saisir : elle
varie en outre chez un même sujet sous l'influence des modifi-
cations que ce sujet imprime volontairement à son rythme res-
piratoire. Pendant une respiration précipitée, les oscillations
suivent l'accélération de la respiration ; en outre, comme la res-
piration, en devenant plus rapide, devient d'ordinaire, par
compensation, plus superficielle, les oscillations diminuent de
grandeur. Il faut noter aussi que, pendant l'accélération respi-
ratoire, le niveau du tracé capillaire descend.
Le ralentissement de la respiration produit un effet inverse de
celui de Taccélération ; en général, voici comment le ralentisse-
ment se produit, quand une personne cherche volontairement
à le provoquer: l'inspiration est peu modifiée comme vitesse,
c'est surtout l'expiration que l'on prolonge ; en même temps, et
par compensation, on a une tendance à faire une respiration
plus profonde qu'à l'état normal. Les modifications du tracé
capillaire sont les suivantes : l'oscillation respiratoire
s'agrandit et se prolonge ; toutefois, elle n'augmente pas de
durée dans la même proportion que la respiration; ainsi, si
dans les conditions normales, elle présente la même durée qu'une
respiration de trois secondes, elle sera plus courte qu'une res-
piration de six secondes, elle ne durera dans ce cas que quatre
secondes. Un autre effet du ralentissement de la phase expira-
toire, c'est d'élever le niveau général du tracé capillaire.
Il est intéressant de remarquer que la respiration accélérée
et la respiration ralentie produisent sur le tracé capillaire des
effets exactement inverses.
Chronologie de la respnration et des oscillations volumétriques,
Xùus avons étudié cette chronologie avec d'autant plus de soin
que nos résultats ont été en désaccord avec ceux de physiolo-
gistes exercés, et nous avons longtemps supposé que nos expé-
riences personnelles étaient entachées d'erreur, jusqu'au
moment yj\x nous nous sommes aperçus que certains tracés
publiés par les physiologistes auxquels nous faisons allusion,
donnaient tort à leurs conclusions et confirmaient les nôtres.
Les premiers auteurs, Piégu, Chélius et les plus récents expé-
ASNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. g
il
114 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCDOLOGIE DE PARIS
rimeiitateurs, François Franck ', ont admis comrfie fait d'obser-
vation que l'élévation correspond à l'expiration du tracé capil-
laire et la descente à l'inspiration.
Nos observations nous conduisent à une conclusion difîérente.
et un peu plus compliquée. Nous devons dire que la plupart de
nos recherches ont été faites et continuées pendant plusieurs
mois sur un même sujet, adulte de trente-cinq ans, grand, fort,
un peu obèse, ayant une respiration lente (dix à douze respira-
tions par minute), à type abdominal ; il a été étudié assis, l'appa-
reil appliqué sur la main droite, celle-ci appuyée sur la table,
le bras étendu sans effort et sans position fléchie. Les observa-
tions faites sur ce sujet pendant un état de respiration tranquille
se retrouvent à peu de choses près sur les cinq autres personnes
qui se sont soumises à notre examen. Pour mieux saisir les
relations entre la respiration et la courbe volumétrique, nous
avons inscrit les deux tracés sur un cylindre tournant avec une
plus grande vitesse que celle qui nous sert habituellement.
Les plumes ont été repérées avec le plus grand soin au com-
mencement et à la fin de l'expérience. Au moment où l'ins-
piration commence, le tracé volumétrique est à son niveau le
plus inférieur ; il se relève lentement et progressivement dès
la pulsation suivante, et celte élévation ne se produit pas au
moment de l'expiration, mais plus tôt. en moyenne vers le
milieu de l'inspiration : de même, le commencement de la des-
cente du tracé volumétrique a lieu avant l'inspiration, en
pleine phase expiratoire. C'est ce qu'on peut résumer en disant
que l'inspiration correspond à la fin de la descente et au com-
mencement de la montée, et que l'expiration correspond à la
fin de la montée et au commencement de la descente.
Les observations des autres auteurs sont loin d'être toutes en
désaccord avec les nôtres. L'étude attentive d'un tracé- que
(t) Trtiraii.r du lnhiu-d/iiirc de M. Marcf/, H, j). 51.
(2) Figure 7. Du vdiuine des (Ugancs. Travail. r iln hiborato'ire de Marey,
Paris, 1876, II, p. 52. Pour les leclours qui dosireraient se reporter à cette
figure quel(pies indications sont nécessaires. La ligure j)résente deux tracés
pris siuiullanéuient, celui du pneumograplie et celui du pouls capillaire;
comme il n'y a point de repères marqués sur les deux tracés, nous pensons
qu'ils se citrrespnudenl exadenient, cl ((u'inu' perpendiculaire à leur direc-
tion générale les reuconlre au même moment. Le tracé se lit de gauche à
droite ; on y voit d'abord une pause, puis une expiration suivie d'un pla-
teau et d'une inspiraticm, laquelle est dirigée de liant en bas, c'est la règle:
sur le tracé capillaire, C(UU])tons à paitir de la gauche (piatrc imlsations.
la première est un peu coupée par le tracé, mais à compter tout de même;
la quatrième est en constrictimi, comme le montre la ligne de desconte
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. Mb
Fr. Franck a pris sur lui-même, confirme les nôtres, bien que
l'auteur en ait tiré une conclusion contraire ; on voit nettement
sur ce tracé que le début de la montée est en avance sur la
phase expiratoire. Mosso ' a publié, récemment encore, des
tracés analogues, et constate l'avance de la montée sur l'ex-
piration.
« La pression du sang, dit-il, augmente durant l'inspiration
et diminue dans l'expiration. Toutefois, la correspondance n'est
pas parfaite parce que les oscillations respiratoires sont en
léger relard avec les mouvements de la respiration. La pression
n'augmente pas aussitôt que commence l'inspiration, mais
quelques secondes après. Ces résultats, obtenus avec le sphyg-
momanomètre, confirment ceux que j'avais déjà obtenus avec
le pléthysmographe... »
Rappelons encore des expériences confirmalives sur quelques
animaux ; les observations de Frédéricq - sur le cerveau du
chien, et celles de Wertheimer^ sur les membres antérieurs et
postérieurs du chien, celles de Hallion et Comte' sur l'homme,
sans compter les observations beaucoup plus anciennes de
Vierordt.
Interprétation de la cause des oscillations respiratoires.
1. — Parlons d'abord d'une explication essentiellement
physique que l'on doit à Ludwig et qui a été soutenue en par-
ticulier par Marey et Franrois Franck ; ces auteurs placent
l'origine des oscillations dans les changements de pression qui
se font dans la cage thoracique ; au moment de l'expiration,
fait-on remarquer, l'air comprimé dans le thorax exerce une
pression sur l'aorte et sur la veine cave, il favorise l'écoule-
ment du sang vers les membres et en retarde le retour vers le
cœur ; de là une dilatation des membres. Au moment de l'ins-
tie cette iiiils.-itinn : l;i ciiiiiuièiiic' qui esl lini'izdiilalc. corrospuinl au
l)remier tiers de l'iusjiiratiiui, et la sixiiMne, qui esl fiaiiclieineiit en dila-
tation, correspond au deuxième tiers de l'inspiration. Uonc, pas de doute,
ce tracé est conforme aux nôtres, bien (pie pris avec un appareil à dépla-
eement liquide, fpii vraiseni])lablcnient altère la forme de la pulsation.
Notons que Fr. Franck parait aujourd'hui avoir abandoimé sa jjremière
opinion. Art. Encéphale du Diction, encycl. des Sciences uiédicales, p. 336.
(!) Spliy<rniomauomèlre jiour mesurer la pression tlu sang. .l/cA. i/al.
■de Binlof/ie, X.\II. l'asc. 1-2, p. 177 et scq. ; voir la ligure 4.
(2) Travail.)- ilu lnljuralnirc i/c Ia'uii Frcdéricq, 1, 95.
(3) Arcli. de ji/ii/siuloi/ie, oct. 1895, p. 735.
•(4) Arv/i. de ji/ii/siolni/ie, janv. 1896, p. 216.
\
I 16 THAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
l»iration, la pression de l'air dans le thorax diminue, et c'est
l'effet inverse qui se produit, il y a appel de sang dans la
poitrine, par conséquent déplétion des oryanes périphériques et
notamment de la main.
Marey ' insiste fortement sur cette théorie hydraulique et
a entrepris d'expliquer les divergences signalées par les diffé-
rents auteurs ; il pense que la clef de la difficulté se trouve dans
le type respiratoire du sujet. Lorsqu'on a une respiration prin-
cipalement thoracique, l'inspiration produit l'effet signalé plus
haut, un vide thoracique, d'où résulte un appel de sang dans la
poitrine et une diminution de volume dans les membres, par
exemple dans la main. Mais si c'est la respiration abdominale
qui prédomine, alors à chaque inspiration le diaphragme
s'abaisse fortement, refoule les viscères et augmente la pression
de la cavité abdominale; celte augmentation de pression, qui
correspond à l'inspiration, chasse le sang de l'aorte abdomi-
nale et des vaisseaux abdominaux vers la périphérie, d'où aug-
mentation de volume et de pression des membres au moment
de l'inspiration. Marey cite deux expériences principales
pour confirmer cette théorie : la première consiste à refouler la
masse abdominale chez un sujet couché sur le dos; aussitôt
la ligne du tracé sphygmographique s'élève, montrant l'aug-
mentation de l'afflux sanguin dans la main , et dans les
membres en général. Seconde expérience, due à M. Gauthier;
chez un lapin, les rapports entre les oscillations de la pression
sanguine et les respirations changent suivant que l'animal est
couché sur le dos ou sur le ventre, la respiration abdominale
est gênée, la respiration thoracique prend le dessus, et c'est à
ce moment ({ue la dilatation coïncide avec l'inspiration.
Nous ne pensons pas que ces expériences un peu brutales
tranchent définitivement la question. Elles ont le mérite de
bien mettre en lumière l'influence que les changements de pres-
sion thoracique et abdominale peuvent exercer sur la circula-
tion des membres ; mais la question est de savoir : 1" si ces
influences possibles sont les seules causes des oscillations res-
piratoires; 2" si même elles agissent pour une part quelconque
dans la production des oscillations respiratoires. Les condi-
tions où ces expériences sont faites s'éloignent trop de l'état
normal pour nous permettre d'apprécier l'influence de la pres-
sion thoracique dans l'état normal.
(1) Circalativ/i th( suinj, p. 4.j4 et se((.
il
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A '
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. I I I
2. — Une seconde explication est due à Mosso et reprise
tout dernièrement par Hallion et Comte '. Ces auteurs pensent
que l'augmentation de volume survenant au moment de l'ins-
piration est due en partie, et dans certains cas, à la compression
des veines causée par la contraction des muscles mis en mou-
vement dans une forte inspiration. Dans le très intéressant
travail de Hallion et Comte, on trouve trois arguments pour
étayer cette hypothèse; ces arguments sont plutôt des raison-
nements que des faits, les voici :
1° L'ascension inspiratoire du tracé volumétrique ressemble
à celle qu'on détermine artificiellement par une compression
veineuse momentanée. — Les auteurs ne mettent aucun tracé
sous nos yeux pour nous permettre de contrôler la ressem-
blance avancée. Il faut reconnaître que les changements du
tracé volumétrique sont peu variés de forme et de caractère et
que la ressemblance de deux changements de tracés ne suffit
pas à prouver que la cause des deux est la même. 2" Si on
comprime les veines à la racine du bras, toute ondulation cesse
sur la ligne obliquement ascendante du tracé. — L'argument
est un peu indirect, et il ne nous paraît pas prouvé qu'une ondu-
lation d'origine artérielle- ne serait pas elTacée également. —
3'^ Pendant une vaso-constriction d'origine réflexe, l'ondulation
respiratoire continue. Ceci exclut Ihypothèse que l'ondulation
est due à un phénomène vaso-moteur, car on comprendrait
assez mal une série de vaso-dilatations actives se greffant
.ainsi, sans le troubler dans son évolution, sur un acte vaso-
.constricteur prolongé. — Cet argument écarte Thypothèse dune
^ause vaso-motrice, il ne prouve pas directement que la com-
pression veineuse joue un rôle quelconque dans le phénomène.
En résumé, le défaut de ces trois arguments est de ne pas
vêtre directs.
Mais l'article de ces auteurs contient un fait expérimental
'bien curieux; quand le bras au lieu d'être pendant est tenu
horizontal en demi-abduction, le gonflement inspiratoire du
tracé volumétrique disparait. Ce fait est bien net sur une de
leurs figures, la figure G. Les auteurs disent à ce sujet : « La
dilatation respiratoire cesse d'exister quand le bras est dans
la position indiquée. Pourtant la perméabilité artérielle est
demeurée entière, et le système vaso-moteur intact. La con-
.clusion s'impose fp. 223). »
,<l) Arch. de phij.s'wloii'ie, 1890. l" janvier, p. 220.
118 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCUOLOGTE DE PARIS
On peut conclure que des compressions veineuses peuvent
jouer un rôle dans ces phénomènes, mais on ne peut pas dire
exactement si elles sont la cause principale de l'oscillation.
Nous noterons ici une de nos expériences qui semblent
montrer que la part de la compression veineuse peut être assez
faible dans l'oscillation respiratoire. On prend le tracé du pouls
radial ; on fait une compression en aval du sphygmographe :
l'oscillation respiratoire continue d'une manière très marquée,
bien que la compression soit constante. Autre exemple : l'on-
dulation respiratoire se répète, pendant une inspiration sou-
tenue, alors par conséquent que la compression veineuse a élé
unique (voir fig. 23j.
3. — Il y a une troisième explication possible : les oscilla-
tions respiratoires sont dues à des séries de vaso-dilatations et
de vaso-constrictions. C'est une interprétation que nous avons
proposée autrefois, et qu'aujourd'hui nous abandonnons en
partie faute de preuves suffisantes.
4. — Une quatrième explication fait intervenir les accéléra-
tions et les ralentissements du cœur.
Il est incontestable que dans beaucoup d'expériences l'efTet
du travail du cœur se marque sur le tracé. Ainsi, dans le tracé
capillaire de certaines personnes se produit fréquemment une
descente pendant laquelle le cœur se ralentit dans des propor-
tions considérables ; beaucoup d'auteurs ont publié des tracés
de ce genre; ce ralentissement du cœur se produit au moment
de l'expiration et on admet que c'est ce phénomène qui pro-
duit la diminution de niveau du tracé capillaire, signe d'une
diminution dans la pression '.
Si nous ne nous trompons, les faits précédents montrent bien
la possibilité que le travail du cœur intlue sur le niveau de
tracés, et de cette possibilité aucun auteur ne doute, pas plus
du reste de la possibilité que la pression thoracique exerce une
influence sur ces mêmes tracés capillaires. La possibilité une
fois prouvée, il reste à prouver deux choses :
1° Que les conditions physiologiques sont telles que réelle-
ment, à l'état normal, l'action du cœur favorise les montées et
descentes de l'oscillation respiratoire du tracé;
(1) Notons, (liuis le iiièine ordre d"iilées. (lu'uiie inlermitteuee du cœiir
profluit mic eliiite l)iiisi|iie du Iracé, avec iilhui^eiiieiil de haut en bas de
la piilsalion qui préeède riiiteniiillence ; la pnlsalloii r|iii stiil a une li^nii^
d'ascension plus loiiffue ipie la nmiuale. .Marey a étudie d'une niatiière
approfondie ce jihéniMiiène.
T'II
BIXET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 119
"1" Que cette action du cœur est la seule cause qui produit
cette oscillation.
Nous n'hésitons pas à répondre d'une manière affirmative à
la première de ces questions. En effet chez plusieurs sujets
le rythme du cœur ne varie pas seulement pendant l'expiration,
il présente une accélération correspondant à l'inspiration et
un ralentissement pendant l'expiration ^ Nous en concluons
que ce travail du cœur est une cause importante, sinon la cause
unique, des oscillations respiratoires ; l'accélération qui a lieu
pendant l'inspiration est apte, suivant nous, à produire une
augmentation de pression, qui à son tour produit une dilatation
passive du vaisseau ; pendant l'expiration, le ralentissement
du cœur produit un effet inverse, et c'est là en partie ce qui
constitue l'oscillation respiratoire du tracé capillaire. Récem-
ment M. Wertheimer a soutenu la même opinion en ce qui
concerne le chien, dont le rythme cardiaque est extrêmement
irrégulier.
Pour serrer les questions de plus près, nous avons recherché
quels rapports exacts il existe entre la montée et l'accéléra-
tion du cœur, soit pendant la respiration normale, soit pen-
dant des respirations profondes, et les graphiques que nous
avons construits nous prouvent les deux faits suivants :
1° Quand la montée est faible, les accélérations du cœur
sont plus faibles que dans les montées fortes ;
2' Pour chaque oscillation, étudiée séparément, le progrès
de la dilatation se fait parallèlement à celui de l'accélération
du cœur; l'accélération en général précède la dilatation et ceci
se comprend puisque la cause doit précéder l'effet;
3" Il n'y a pas parallélisme absolu entre les deux courbes
de l'accélération et de la montée. A quoi tiennent les diver-
gences? On pourrait les attribuer à deux causes différentes : ou
bien les changements de rythme du cœur ne sont pas les
seules causes de l'oscillation respiratoire, et ceci expliquerait
qu'il n'y ait pas correspondance exacte entre les deux, ou bien,
le cœur est la cause unique, seulement il se produit ici, comme
dans toutes les fonctions physiologiques, des perturbations,
des irrégularités provenant d'autres phénomènes qui ont lieu
par hasard en même temps, quoique ne faisant pas partie
intégrante du processus respiratoire; ainsi, supposons qu'il
(1) Ces faits ont déjà un long Iiislorique, bien résumé, avec expériences
nouvelles, par Wertheiner et Meyer, Arch. de p]n/slolo;/i(', 1889, u"^ 1 et 2.
p. 24. ' i
1:20 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE l'SYCllOLOGIE DE PARIS
se produise pendant le cours d'une respiration, une cons-
triction des vaisseaux d'origine réflexe ; cette constriction
pourra diminuer la hauteur de l'oscillation respiratoire ,
quoique le cœur n'ait rien changé à la vitesse de ses batte-
ments. Pour écarter ces irrégularités qui tiennent au concours
fortuit et au croisement de phénomènes d'un autre ordre, il
faut prendre une courbe moyenne, c'est-à-dire faire la moyenne
•d'un grand nombre de courbes. Des tracés nombreux nous
prouvent que le cœur, quoique jouant un rôle dans les oscilla-
lions respiratoires, n'agit pas comme cause .unique. Nous
comptons revenir sur cette question.
En résumé, nous pensons que l'oscillation respiratoire est le
produit complexe d'un grand nombre de facteurs.
IV
EFFET DE QUELQUES MODIFICATIONS VOLONTAIRES
DE LA RESPIRATION
Nous groupons sous ce chef une série d'expériences dont le
■caractère commun sera de nous amener à une même conclu-
sion.
Parole.
La première de ces expériences consiste dans la parole.
€hose curieuse, aucun auteur, à notre connaissance, n'a étudié
jusqu'ici l'action de la parole sur la circulation capillaire.
Pour faire l'expérience avec méthode, nous prions une personne
de prononcer 25 à 30 chilTres de suite, sans inspiration ; cette
récitation prolongée et fatigante se fait en expiration ; elle
■chasse des poumons une plus grande quantité d'air qu'une
expiration normale, et en effet, le sujet éprouve le besoin éner-
gique d'inspirer, dès qu'il a terminé sa récitation; si on le
laissait à lui-même, il ferait à ce moment une ou deux inspi-
rations profondes et rapides, pour aérer son poumon. Mais on
le prie de continuer et de réciter plusieurs fois de suite des
séries de chiffre. L'effet sur la circulation capillaire est bien
■curieux.
Dans la figure 18, on voit dans la partie gauche du tracé
respiratoire (thoraciquc) quatre grandes respirations qui cor-
respondent à l'émission de la parole ; à chaque inspiration le
BINET ET COURTIER.
CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC.
1-21
sujet récitait à haute voix des chiffres jusqu'à 30 ; l'inspiration
est brusque et assez profonde (par suite d'un petit accident,
la plume a butté et n'a pas continué sa course); l'expiration est
longue et présente de petites oscillations qui sont produites
par l'émission de la voix. La pause respiratoire est supprimée.
Quand le sujet se tait, le tracé respiratoire reprend son rythme
normal, avec une légère précipitation qui indique que le sujet
avait besoin de respirer. Le tracé capillaire présente bien
des modifications qu'il serait intéressant d'étudier. La plus
frappante à coup sûr est l'effet dépressif du début de l'inspi-
ration j effet à la fois brusque et profond. Une seule pulsation
KcS|iii-;iliou.
v.'^^^wA»^^^;^^^^^^
Ca |>lll>>ii'
ilf lii main.
Fig. 18. — Influence de la parole sur la respiratinn, sur le imuls artériel
et le punis capillaire.
Lf trace': arl(5fiel (radial i est au-dessus du tracé ca|iillaire : à gauche de la ligure, trois rps-
[lirations pendant lesquelles le sujet récite chaque fois uuc trentaine de cliifl'rcs sans inspirer.
est en dépression, celle qui la suit est en ascension. Le tracé
artériel présente absolument les mêmes modifications.
Cet effet de la parole ou plutôt de la récitation poussée jus-
qu'à ce qu'on soit à bout de souffle, nous a donné des résultats
constants chez tous les sujets, chez tous ceux du moins qui
n'inspirent pas brusquement pendant le cours de la récitation.
Quand on laisse le sujet respirer à volonté pendant l'expérience,
on observe beaucoup de variétés individuelles dans le mode
de respiration qu'il adopte. Cette question pourrait faire
l'objet de recherches spéciales; nous n'avons pas eu le temps
de la suivre, nous la signalons en passant. On observe aussj
\îl'2
Tli.VVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCnOLOGIl:; Di: l'ARIi
les mêmes effets de la parole sur le tracé quand le bras est
tenu verticalement, et nous en donnons un exemple dans la
figure 19.
Nous pensons que par sa correspondance exacte avec le début
de l'inspiration, et par suite de son apparition au moment où
le vide thoracique atteint un maximum, la dépression du tracé
s'explique par l'aspiration thoracique. Nous trouvons donc ici
une application de la théorie de Ludwig, Marey et Fr. Franck
sur l'influence mécanique que la respiration exerce sur le
-piralii
.v.,,,W^*«*..<^^
,4Kwm>^
Capillair
Idc lu iiuii
Fjfj. 19. — Pdiils capillaire fie la main enregistré pendant que le ])ras: est
levé verticalement.
De A eu D, rrciUUon île chilTres pendant quatre actes respiratoires. Le tracé resjiiratoire,
ici [lar exception, est pris avec l'inspiration dirigée de bas en haut.
pouls. Dans certains cas, sans qu'on puisse en trouver la raison,
à chaque inspiration l'efTet du vide thoracique se marque sur
le tracé capillaire i voir fig. 20).
Ralentissement de Vexpiration.
On peut soit suspendre sa respiration en inspiration, comme
dans un grand elTort musculaire, soit retarder simplement
l'expiration. Les efl'ets de ces diverses modifications respira-
toires n'ont pas une aussi grande constance que ceux de la
récitation, sans doute parce que les forces en jeu dans ces
expériences sont nombreuses et compliquées ; on ne peut pas,
dans une expérience particulière, prévoir à coup sur ce qui
doit se produire. Aussi insisterons-nous peu sur ce sujet. Nous
nous bornerons à poser cette règle que toutes choses égales-
d'ailleurs, plus on retarde l'expiration, plus le tracé capil-
laire monte en dilatation. Cet elifet se trouve bien marqué sur
notre figure 16; vers le milieu du tracé, le sujet fait une
inspiration profonde suivie d'une expiration ralentie; le tracé
BIiNliT ET COURTIER.
CIRCULATION C.Vl'ILLAIRE, ETC.
1^3
présente une montée régulière pendant cette expiration. Dans
le cas où l'on se maintient en inspiration pendant quelque
temps, avec les poumons pleins d'air, cette montée est encore
plus accentuée. Le tracé, par ses changements de niveau,
exprime dans une certaine mesure à la manière d'un mano-
mètre les changements de pression qui se produisent dans
les poumons ; et ce sont ces changements de pression qui pro-
duisent les élévations du tracé. Nous n'avons qu'à répéter ici
ce que Marey a dit si justement du mécanisme de l'effort, qui
se traduit lui aussi par une élévation du tracé', l'air retenu
dans les poumons exerce une compression sur l'aorte et les
Rcsj i ration.
Tculs
cajiilliuri".
Fig. tiU. — Trai"(' dans IimiucI ciiai(ue inspiration produit une dépression
dii pouls capillaire. Les inspirations se marquent de bas en haut.
veines caves, et refoule le sang à la périphérie dans les
mcmhres ; de là une élévation de niveau et une augmentation
de pression dans la circulation capillaire de la main.
Mais il est évident que la comparaison entre la circulation
capillaire et un manomètre n'est qu'une comparaison grossière ;
en réalité, la circulation capillaire est réglée par un grand
nombre de facteurs qui ajoutent leur action à celle de la pres-
sion thoraciquc, et en rendent par conséquent les effets très
complexes. Ainsi, dans la figure 16 que nous nous contentons
de prendre comme exemple, on remarque que pendant la légère
ascension du tracé capillaire correspondant à l'expiration pro-
longée, ce tracé présente de légères ondulations; à quoi sont
dues ces ondulations ? Peut-être à des changements de pression
dans le poumon; mais dans le tracé respiratoire rien n'indicjuc
ces changements de pression; peut-être faut-il mettre en cause
des changements dans le rythme du cœur, car dans chaque
descente de ces légères ondulations on voit la jiulsation se
(!) La ("irriiln linii du stnui, ji. i()i.
124 TRAVAUX DU LABOHATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
ralentir ; or, nous avons vu plus haut que sous l'influence d'un
ralentissement même léger du cœur la pression baisse*.
V
ACTE RESPIRATOIRE BRUSQUE ET PROFOND
Nous entendons pas là une inspiration profonde et rapide,
suivie d'une expiration également forte et rapide : cette modi-
fication de la respiration est celle de la surprise ; elle se produit
en général quand une personne perçoit un bruit intense auquel
elle ne s'attend pas ; des causes morales, une parole très grave,
peuvent amener le même eflet. Pour le moment nous ne nous
occupons pas de ces inspirations produites par un état émo-
tionnel ; nous cherchons simplement quel est l'effet d'une ins-
piration brusque que le sujet exécute volontairement. Avant
d'aller plus loin, il importe de dire que cette question est
extrêmement compliquée. Nous l'avons étudiée plusieurs mois
de suite, et nous avons pu constater que l'effet d'une inspira-
tion brusque peut varier sous l'influence d'une foule de condi-
tions dont quelques-unes ne sont pas encore connues.
Ce qui est à peu prc-'S constant — nous disons à peu près —
c'est qu'une inspiration brusque produit sur les tracés une
constriction avec effacement du pouls.
Cet effet est constant et très facile à constater ; mais il n'est
pas le seul à se produire ; lorsque le tracé volumétrique est
pris dans de bonnes conditions, que les pulsations ont une
grande amplitude, on constate antérieurement à la constric-
(I) Uirn (|ue ct'S vurialioiis ciiiiensL's" du lylluiic ilu rn'iir aient déjà
élc ctiidiées dans les niodiliciitions V(d()ntaircs de la respiration, nous
croyons utile de les signaler très brièvement. Nous avons vu <|ue, pen-
dant la respiration normale, il y a une aeeèlération du cœur corresjxindant
à ririspiratidiL et un ralentissement e(irres|Hinil.iiit à l'expiration. Ce
douille i)lièu(iniène l'orme une période respiratoire du travail cardiaque:
si ou prtdonge voloûtairemcnl un acte respiratoire, il se produira alors
chez certains suji'ls deux ]>criodes cardiaques, et même ti'cds ; on en ctmqite
trois sur le tracé de la (ij;iire 16; seulement, dans chacune de ces jiériodes
Kupplenu'nlaircs, les deux jiliases d'accélération et de ralentissement sont
moins accentuées (|uc dans la j)ériode correspondant à un acte rcspirattdre
luninal. Enlin, chez certains sujets pré'sen tant des ondulations vaso-nudrices
(Mosso), nous c(Uislat<uis ;iu moment de la phase de descente de l'ondula-
tion un ralentissement du pouls; ce ralentissement n'est point d'origine
respiratoire, car l'ondulation correspond à tr«.iis ou quatre respirations.
Nous donnons un spécimen de ces ondulations dans la figure 25.
BINET ET COLirriEH. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 125
lion plusieurs autres effets d'une importance moindre qui
jusqu'ici ont été souvent méconnus; la cause en est aux appa-
reils et aux sujets d'expérience; lorsque les appareils servant à
enregistrer ces mouvements d'expansion et de retrait manquent
de sensibilité, ou que le sujet n'a pas de « beaux vaso-moteurs » -
ces conditions diminuent le tracé de la constriclion qui reste
néanmoins visible, et suppriment celui de la dilatation. C'est
ainsi que nous nous expliquons l'absence de dilatation dans
certains tracés de llallionetComte, tracés analogues à quelques-
Rpspiialion.
i\\H#H«#%«\_
^'^!^U^^,v^^v,^^^^
Capillaire.
Fig. 21. — Elïet d'une inspiration brusque sur le pouls capillaire.
Ou a ciiregislré ici la rospiralioii aluloiniiialc. Par excciilion. riiispiraliou se fait ici
de lias 011 liaiil '.
uns des nôtres, où les pulsations se marquent mal et oit tous
les phénomènes sont amoindris.
Nous pensons qu'en ce qui concerne les tracés capillaires,
il faut poser en principe que les faits négatifs doivent être inter-
prétés avec la plus grande prudence.
En réalité, voici, selon nous, quelle est la série complète de
phénomènes qui se produisent sous l'influence d'une inspi-
ration forte et brusque; notre description est une synthèse
d'observations faites sur de très nombreux tracés; nous sui-
vrons pour guide les tracés 20 et 21, où tous les phénomènes
(I) Nous avons pris souveni la respiration ahilouiinalc en nirnic tcniiis
que la respiration tlioraciipie ; elles corrcspoudcnt assez. I)i(>n [leudaul un
état de respiration Iramiuille; mais dans lus respirations énergic)ues. pro-
fondes et soutenues, nous constatons souvent que la respiration abdomi-
nale faiblit; siui tracé a une li^'ue d'ascension moins brusque, et la lifîue
de descente commence plus tôt que poiu' la respiration thoraciiiue. Ces
observations ont été faites d'une manière suivie sur un sujet.
126
TliAVAUX DU LABÛRATOmi'. ETC.
sont bien marqués et un autre tracé pris
avec grande vitesse (fig. 22 .
1° Au moment même où Tinspiration
commence, ou plutôt avec un retard de
moins d'une seconde sur le commencement
de l'inspiration, il se produit dans le tracé
volumétrique une dépression; elle se lit net-
tement sur les figures 20 et 21 : elle a produit
un allongement de la pulsation qui corres-
pond au début de l'inspiration et, par suile
de cet allongement, cette pulsation est un
peu au-dessous du niveau général des pul-
sations précédentes; la pulsation qui la suit
est également en dépression, par son niveau,
mais elle est plus petite. En somme, il s'est
produit là une dépression très courte, très
légère, qu'on discerne surtout parce que les
pulsations du tracé sont très grandes. Nous
pensons que cette dépression est tout à fait
analogue à celle qui se produit sous l'in-
fluence d'une récitation prolongée; c'est le
résultat d'un appel de sang dans la poitrine,
appel produit par une inspiration brusque;
cbez quelques sujets, il se produit à ce
moment un rapetissement de trois pulsa-
tions.
2» Vers le milieu de l'inspiration se pro-
duit une élévation du tracé, plus forte et
plus durable que la dépression qui la pré-
cède ; elle dure d'ordinaire le temps de deux
ou trois pulsations. Ce second ell'et se lit sur
un plus grand nombre de tracés que le pré-
cédent. Il est parfaitement visible sur les
tracés 20, 21 et 22.
Nous avons été, croyons-nous, les pre-
miers à signaler la dépression initiale des
inspirations profondes. Il n'eu est pas de
même pour l'élévation qui suit cette dépres-
sion. De si minime importance que soit ce
phénomène, il a un historique, et, qui plus
est, un historique fort curieux. Parmi les
expérimentateurs, les uns, comme Féré.
•Il
t
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. i ^7
soutiennent que toute excitation brusque produit une vaso-
dilatation initiale, et comme l'excitation brusque amène gêné- :
ralement une inspiration brusque, ceci revient à dire en partie li
que l'efTet premier de l'inspiration brusque est une dilatation. |
Sans entrer dans le détail de cette question particulière, nous ^
remarquons que Fr. Franck a publié également des tracés
capillaires pris sur l'homme, où le premier effet d'une excita-
tion sensitive est une vaso-dilatation et Fr. Fi-anck concluait
que suivant la région examinée les effets devaient varier. Hallion '
et Comte soutiennent au contraire (jue dans leurs recherches ;
la vaso-dilatation ne s'est jamais montrée comme un phéno- \l
mène initial; ou plutôt ils pensent que ce gonflement du tracé
tient à une compression veineuse. |
Comme la dépression qui la précède, cette élévation de niveau
se l'ait en pleine inspiration ; plus exactement, elle se manifeste
vers le milieu de l'inspiration. C'est un fait assez curieux que
deux effets inverses soient sous la dépendance d'un même phé-
nomène physiologique, Tinspiration. Nous devons répéter ici
ce que nous avons dit plus haut ; ces phénomènes sont délicats
et ne se lisent que sur de bons tracés. On ne saurait les attri-
buer à des mouvements involontaires de la main, parce que la ;
forme du pouls exclut tout soupçon d'erreur.
Cette élévation présente le plus souvent les caractères sui-
vants : diminution d'amplitude du pouls, augmentation de
rapidité du pouls et accentuation du dicrotisme. Ces caractères
sont précisément ceux qu'on rencontre dans les oscillations
respiratoires normales ; aussi pensons-nous que la dilatation
dont nous parlons est due à la môme cause qu'une oscillation
normale ; l'explication qui conviendra à l'oscillation respira-
toire normale conviendra aussi à ce phénomène.
3° A la suite de cette élévation du tracé, il descend brusque- i
ment; et les deux premières pulsations de cette descente sont
un peu écartées les unes des autres, ce qui indique un ralen-
tissement du cœur; ce ralentissement est de même nature que
dans les oscillations de la respiration normale, seulement il ;
est ici un peu plus accentué. En somme, les caractères 2 et 3
se retrouvent dans une oscillation normale.
4" Le tracé continue à descendre, quoique le ralentissement
du cœur ait cessé : le pouls se rapetisse. C'est l'effet de beaucoup
le plus net de l'inspiration ; aussi a-t-il été constaté par tous
les expérimentateurs, et il ne manque presque sur aucun tracé.
Il se produit au moment de l'expiration ; il est caractérisé par
128 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE rSYCIIOLOGIE 1»E l'ARIS
les deux phénomènes suivants : une descente brusque et pro-
fonde du tracé et une diminution du pouls. Ces deux effets se
trouvent sur la figure 21 et tout aussi nettement sur la
ligure 22.
La dépression que nous signalons mérite bien le nom de
vaso-constriclion. Dans notre revue générale sur la pléthysmo-
graphie (voir plus loin. Analyses, ch. i}, nous donnons une
définition de la vasoconstriction et de la vaso-dilatation.
Prière de se reporter à cette revue. Ce n'est pas un phénomène
de cause centrale, agissant dans le même sens sur le tracé
capillaire et le tracé artériel ; c'est une constriction d'origine
vaso-motrice, se produisant dans les capillaires, et produisant
par contre-coup un effet bien diirérent sur le tracé artériel.
En effet, tandis que le tracé capillaire descend et que la pulsa-
tion diminue, le tracé de l'artère conserve ses pulsations d'am-
plitude habituelle; on peut même constater dans certains tra-
cés, ainsi que l'ont déjà l'ait Ilallion et Comte, que le pouls
artériel se modifie : son niveau s'élève légèrement, et la pulsa-
tion présciile un dicrotisme placé plus bas, ce qui indique une
augmentation de pression du sang arrêté dans l'artère par la
digue que lui offre la vaso-conslriction des artérioles ; mais au
bout de peu de temps, le tracé artériel présente également une
descente, qui, ([uoique plus faible que celle du tracé capillaire,
Cit vraisemblablement de même nature et nous pensons par
conséquent qu'il est très probable que l'artère, comme le capil-
laire, présente une vaso-constriction réflexe.
Pendant cette vaso-constriction, on voit encore se dessiner
les oscillations respiratoires', ce qui est un exemple bien net de
la superposition des influences nombreuses qui agissent sur le
tracé capillaire.
Il faut dire un mot du mode de terminaison de la vaso-cons-
triction. Lorsqu'une constriction profonde s'est produite, le
tracé, suivant les cas, se développe pendant un certain temps, par
exemple plusieurs minutes en constriction. ou bien il remonte
assez rapidement pour reprendre son premier niveau. Ces deux
effets différents se produisent sous une foule d'influences, dont
la moindre n'est pas la personnalité du sujet. Chez M. M..., par
exemple la vaso-constriction dure en moyenne une minute; chez
M. C..., au contraire, la moyenne de durée est de cinq à dix
secondes. Ainsi la figure 21 est un exemple de vaso-constric-
tion courte et la ligure 6 un exemple de vaso-constriclion
longue. L'amplitude du pouls, l'étal de fatigue du sujet et le
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 129 ,^
nombre des inspirations profondes jouent également un rôle.
Quui qu'il en soit, il se produit en général, et plus ou moins
vite, un retour du tracé à son niveau primitif, c'est-à-dire une
dilatation compensatrice, active, par relâchement du vaisseau.
Souvent le tracé dépasse même son niveau primitif. En outre,
la pulsation s'agrandit. Nous avons là le signe que la vaso-
constriction s'est terminée ; les vaisseaux reprennent leur
calibre ordinaire. Or, comme la quantité de sang qu'ils con-
tiennent est encore faible, car l'organe a été anémié par la cons-
triction, il en résulte que les pulsations ont une grande ampli-
tude.
La double oscillation cajrillaire.
Nous signalons ici, faute de savoir où le classer, un phé-
nomème tout à fait singulier, qui n'a encore été décrit par
aucun auteur; ce phénomème est une double oscillation
^'■»*^^-W-^V;,,,^^,,^_^,^^,,J^'-*^^^^^
Fig. 23. — Doiiblejnscill.itiou respiratoire. Dans le tracé de la respiration,
rinspiratiou se fait par exception de bas en haut.
respiratoire du tracé capillaire, correspondant à une respira-
tion unique. Selon toute apparence, ce phénomène est excep-
tionnel, il ne s'est produit que chez un seul de nos sujets.
Nous en donnons (fig. 23; un exemple type et (fig. 24) une
série d'exemples montrant toutes les variétés de forme que
peut présenter la double oscillation.
Dune manière générale, la double oscillation se produit
pendant une respiration lente et profonde ; la première oscilla-
tion a tous les caractères d'une oscillation normale, c'est la
seconde qui est surajoutée ; elle est d'ordinaire plus grande et
plus arrondie que la première ; mais ce n'est pas là son carac-
tère distinctif ; ce qui donne à cette oscillation supplémentaire
son cachet propre, c'est la forme du pouls ; le pouls, dans
l'espace compris entre la première ondulation et la seconde, se
ANNÉE PSYCHOLOGlulE. II. 9
■I'.
130
TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
rapetisse, son dicrolisme augmente et descend, devient inter-
médiaire entre deux pulsations ; en un mot la pulsation prend
le caractère de la pulsation de haute tension. On ne retrouve
pas ces caractères sur le tracé, dans l'espace compris entre la
seconde pulsation et la première.
La série d'oscillations de la figure 24 est instructive : elle
montre quelles sont les conditions respiratoires les plus favo-
rables à la double oscillation. Les respirations I à III sont
normales et correspondent à des oscillations uniques; la res-
piration IV, plus allongée, provoque une ébauche d'oscillation
supplémentaire; celle-ci est bien développée dans les respira-
Fig. 24. — Série d'oscillations respiratoires dont quelques-unes sont
simples et d'antres doubles. iJaiis le tracé de la respiration, l'inspiration
se fait par exception de bas en haut.
lions V et VII, moins bien dans la respiration VI où l'expira-
tion a été plus rapide ; une certaine lenteur de l'expiration
est donc nécessaire pour la production de l'oscillation double.
Ainsi que nous l'avons dit plus haut nous ne nous sentons
pas en mesure d'expliquer complètement ce singulier phéno-
mène ; à titre d'hypothèse, nous admettons qu'il dépend de
quatre causes principales : \'' l'inspiration brusque produit
une accélération, puis un ralentissement du cœur, ce qui
amène en partie la première oscillation; 2'* sous l'influence de
cette inspiration brusque il se produit aussi, mais un peu plus
tard, une vaso-constriction, qui explique le caractère de ten-
sion du pouls entre les deux oscillations ; 3*^ après quelque
temps, il se produit une nouvelle période cardiaque, avec accé-
lération du pouls, qui tend à dessiner une nouvelle courbe;
4" l'ascension de cette courbe est favorisée par la pression de
l'air dans les poumons ; le sujet doit prolonger en effet son
expiration pour amener l'oscillation double.
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 131
DEUXIEME PARTIE
Nous devons parler maintenant des influences que les divers
phénomènes psychologiques exercent sur la circulation capil-
laire, sur la circulation artérielle et aussi sur la respiration. Les
études précédentes ont servi simplement d'introduction à celle-ci.
Nous pensons qu'on doit examiner sous toutes ses faces le
grand problème que nous posons des rapports de la pensée
avec ces différentes fonctions organiques ; mais nous sommes
loin, jusqu'ici, d'avoir complètement terminé notre pro-
gramme d'expériences. Ce que nous allons en dire ne servira
guère qu'à en montrer l'intérêt et l'ampleur.
APPLICATION DES APPAREILS
Dans notre nouvelle étude, nous allons avoir surtout
recours à la méthode collective, que nous avons peu employée
jusqu'ici; dans tout ce qui précède, en effet, où il s'agissait
surtout d'éclaircir des questions de physologie, nous avons
opéré presque toujours sur un individu unique, un sujet d'élec-
tion ; nous cherchons maintenant à mettre en relief des varia-
tions individuelles. Or, quand on emploie la méthode collective,
la première condition est d'avoir des procédés comparables 1'
pour les différents individus. On peut donc se demander si les
pléthysmographes, et notamment si le pléthysmographe en
caoutchouc de Hallion et Comte peuvent s'appliquer de la même
façon chez des sujets différents, de manière que la différence
des résultats tienne seulement aux sujets et non aux appareils.
A dire vrai, nous ne le croyons pas; chacun a sa manière de
disposer ses doigts autour du cylindre de caoutchouc'; la peau
(1) Même quand il s'aj^it simplement d'enfoncer le doigt dans un tube,
en invaginaut dans le tube un doigt de gant en caoutchouc, comme dans
le sphygmomanumùtre de .Mosso, on ne fait pas deux fois l'opération de la
même manière.
^
'132 TRAVAUX DU LABORATCIRli: DE PSYCUOLOGIE DE PARIS
de gant recouvrant les doigts peut être plus ounioins tendue;
et même, quand une personne met, enlève et remet de suite
après l'appareil, il n'est pas certain qu'elle le dispose exacte-
ment de la même façon, d'autant plus qu'il en résulte une
friction de la peau qui excite la circulation.
Mais il y a un moyen, purement empirique, d'écarter ces
causes d'erreur: c'est de ne pas se contenter d'une ou deux
séances d'expériences, c'est de multiplier les essais et de
conserver seulement la moyenne des résultats. D'ailleurs, les
différences individuelles restent, on peut dire, -constanles et
indépendantes des circonstances extérieures, de sorte qu'elles
ne sont nullement effacées par les petites causes d'erreurs
dont nous signalons l'existence '. En résumé, les appareils de
pléthysmographie dont nous nous sommes servis ne donnent
pas des applications rigoureusement comparables, mais à un
point de vue empirique, et eu égard aux immenses différences
individuelles, les causes d'erreur qui proviennent de ce chef
sont loin d'enlever toute signification aux expériences.
II
MESURE DES REACTIONS
La mesure des réactions vaso-motrices et autres qu'on peut
provoquer dans la circulation capillaire ne peut être faite
d'une manière absolument rigoureuse, parce que ces réactions
dépendent d'un très grand nombre de facteurs qwi sont inacces-
sibles eux-mêmes à la mesure. Cependant, il est bien évident,
les tracés le montrent clairement, que certains individus ont
dans toutes les circonstances où on les étudie des réactions
très fortes, très rapides, tandis que d'autres, étudiés avec la
même assiduité dans une foule de circonstances analogues, ont
des réactions très lentes, très faibles et même nulles. On peut
se proposer de donner une mesure au moins approximative de
ces différences, qui s'inscrivent sur le tracé ; il n'est pas dan-
gereux de le faire si on a constamment présent à la pensée
que ces mesures ont une valeur toute relative ; et il est utile
de le faire, parce que, si incomplète qu'elle soit, celle
(1) 11 n'en est pas tout ;'i fait de uiême pour le sphygujographe à trans-
mission, dont les tracés varient énorniciiicut suivant les conditions d'njt-
plication.
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. ISS:
«i
mesure a Tavantage sérieux de donner aux différences indivi-
duelles un caractère objectif, et de supprimer par conséquent
l'interprétation toute subjective de l'observateur ; cette dernière
interprétation, qui elle aussi est une sorte démesure, est sujette
à une foule d'illusions. 1, '
Nous adoptons le procédé de mesure suivant : soit à connaître ti
l'influence du travail intellectuel sur la circulation capillaire ;
il se produit le plus souvent, par suite de cette influence, une t
diminution de la pulsation et une descente du tracé. Toutes nos ^
expériences, ou du moins toutes celles que nous comparerons^ ., ''
ont été prises avec le même tambour et la même longueur de î/j
plume ; donc : 1" pour chaque sujet, nous mesurerons quelle l; j
diminution d'amplitude la pulsation a subie, d'une manière j
absolue, et aussi par rapport à son amplitude antérieure. ' t
C'est surtout par rapport à l'amplitude antérieure qu'il faut |
faire cette mesure ; en effet, nous avons observé chez un sujet
qu'une multiplication mentale faite au début d'une séance,
quand le pouls était très fort, a réduit le pouls à peu près de j
moitié ; cinq minutes après, le pouls était devenu plus petit; .'|
une seconde multiplication mentale, qui était de même force '•
que la première, et qui a pris à peu près le même temps, a \
complètement effacé le pouls : l'effet absolu de cette seconde *
opération a donc été plus grand que celui de la première ; mais i
l'effet relatif a été à peu près le même ; 2'^ nous mesurerons en '
millimètres la vaso-constriction. Nous calculons une fois pour
toutes à quel changement de volume dans l'appareil correspond
chaque millimètre de descente de la plume (méthode indiquée
par Fr. Franck'). La descente du tracé est calculée d'après la _,;|j
hauteur qu'il présentait avant le début de l'expérience. Ici peut ;
se produire une cause d'erreur; supposons qu'au moment, par
exemple, où le travail intellectuel commence, le tracé était i
déjà en constriction ; l'effet sera un peu différent du cas oîi le
tracé aurait été en dilatation. Nous nous sommes efforcés de
ne provoquer le travail intellectuel ou toute autre modification
du tracé que lorsqu'un examen prolongé du tracé montrait
que le sujet était dans un état normal ; la meilleure précaution
à prendre est de laisser écouler envir(ni cinq minutes de repos
complet, sans faire aucune expérience.
(1) Volume des un/anes, Travaux du laboratoire de Marey, 1876, p. 22.
134 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCaOLOGIE DE PARTS
III
INFLUENCE DE L INDIVIDUALITE, DES REPAS, DE LA COMPRESSION
Pour donner une idée de l'influence de l'individualité, on peut
se contenter de mesurer l'amplitude moyenne du pouls capil-
laire chez divers individus, étudiés chacun dans une dizaine de
séances. Nous arrivons aux résultats suivants : .
M. C..., très beaux tracés capillaires. En calculant la moyenne
des tracés, pris au hasard, on a des pulsations à dicrotisme
unique, bien accentué, à lignes arrondies, sans pointes ni
tremblements, présentant une amplitude de 3 millimètres :
cette amplitude représente le pouls totalisé des cinq doigts et
d'une très petite portion de la paume.
M. E..., tracés capillairesbiendéveloppés; amplitudemoyenne,
M. V..., tracés filiformes; le plus souvent, pas de mesure
possible.
M. F..., tracés d'une belle amplitude de "2 millimètres; le pouls
o,st formé de lignes dures, brisées ; la descente est marquée de
plusieurs oscillations à arêtes vives.
Nous avons dit et nous répétons que les différences indivi-
duelles ne peuvent résulter entièrement des différences dans les
applications des appareils, parce que ces difl'érences indivi-
duelles sont énormes et constantes.
11 ne faudrait pas croire que la petitesse de la pulsation capil-
laire enlève tout intérêt aux tracés ; ce serait une erreur ; les
réactions vaso-motrices ne sont nullement en rapport, même
chez les sujets normaux, avec la grandeur de la pulsation. Tel
sujet, C... par exemple, a des pulsations énormes et a cepen-
dant des réactions vaso-motrices très faibles ; tel autre a des
pulsations filiformes et des réactions vaso-motrices très fortes.
Nous traiterons tous ces points dans une revue d'ensemble, à
la fin de notre travail.
Nous supposons que, par suite de l'inipurtance de la circu-
lation capillaire au point de vue de la nutrition des tissus, par
suite aussi des relations si étroites qui existent entre la circu-
lation capillaire et le système nerveux, les tracés de la circu-
lation capillaire et des phénomènes vaso-moteurs correspondent
à quelque chose de fondamental dans l'individu; ils expriment
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 135
un des caractères les plus importants de son individualité phy-
siologique et psychique, caractère qui n'est point soumis d'une
manière directe à sa volonté. 11 serait extrêmement important,
dans les recherches qu'on fait si souvent sur les altérations de
la personnalité, sur la folie circulaire et sur une foule de formes
morbides, de prendre le tracé capillaire avec les réactions
vaso-motrices. Quelques recherches ont été déjà faites dans
cette voie, mais sans systématisation '.
L'influence de la proximité du repas et de son abondance a
été constatée de la manière la plus nette; chaque fois que nous
devons faire une expérience, le sujet est averti d'avance qu'il
doit un peu se suralimenter. Hallion et Comte nous ont aussi
signalé cette influence.
Nous nous contentons d'indi(|uer — nos mesures n'étant pas
encore terminées — que sous l'influence de la compression de
la main par l'appareil, le pouls se rapetisse (Mosso et Kiesow
ont déjà signalé le fait 2). Ce qu'il y a de plus curieux, c'est que
dans les mêmes conditions il y a des différences individuelles
énormes. Chez tel sujet, l'influence de la compression se fait
sentir seulement au bout de trois quarts d'heure ; chez un
autre, la même compression agit au bout de cinq minutes. Nous
ignorons si cette différence est en rapport avec quelque facteur
important; elle est indépendante de l'amplitude du pouls et
de l'excitabilité du système vaso-moteur. Nous pensons que le
•sphygmomanomètre de Mosso, qui a surtout l'avantage de
jnesurer et de graduer la pression qu'on fait subir à la main,
€st tout à fait propre pour mesurer aussi cet effet de la com-
pression.
IV
EXCITABILITE ET ACTIVITE DU SYSTEME VASO-MOTEUR PENDANT L ETAT
DE REPOS VOLONTAIRE
Toute étude de pléthysmographie débute par une expérience
sur l'état de repos. On prie le sujet de rester immobile, de ne
pas faire de mouvements avec sa tête, ses mains et ses jambes,
(lj(*u sait que les Irnuliles v.'isn-inolcLirs jouent un rùle très iiiiportaut
■dans la maladie de Reynaud et dans l'érythromélalgie.
(2) Kiesow, Expériences avec Je .sjilii///iiioinatioiiicfrr de Mosso, Ar<li. ita
liennes de biologie, avril 18itô, p. '201.
136 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
de garder une respiration régulière, et autant que possible de
ne penser à rien. C'est par contraste avec cet état de repos
qu'on étudie les phénomènes physiologiques ou psychologiques
qu'on cherche à provoquer.
Il nous a paru très intéressant d'étudier la manière dont
chacun réalise cet état de repos et arrive à « ne penser à rien ».
Nous éliminons de suite, bien entendu, les tracés de la première
séance, où le sujet, toujours un peu ému par l'application
d'appareils qui lui sont inconnus, ne donne pas l'expressiou
pléthysmoiiraphique de son état de repos. Nous retenons seu-
lement les tracés fournis par des sujets qui se sont familiarisés
avec les expériences, qui s'y sont soumis pendant cin([ ou six
séances. Nous devons dire que nos recherches ont été faites sur
des individus de vingt à quarante ans, ayant une culture
intellectuelle bien développée, sachant se tenir tranquilles et
imposer le repos à leurs muscles; nous avons fait aussi quel-
ques recherches sur deux petites filles, de huit et de dix ans.
Or, l'étude de l'état de repos démontre qu'il y a parmi les
individus une grande différence dans la sensibilité du système
vaso-moteur. Les uns ont un tracé capillaire d'une régularité et
d'une uniformité absolument remarquables, oii ne se marque-
que linfluence d'une respiration régulière ; d'autres ont au
contraire un tracé capillaire qui présente constamment des^
mouvements ondulatoires.
Ce qu'il y a de curieux, parfois, c'est le contraste entre la
physionomie, l'aspect extérieur du sujet, la discipline qu'il
exerce sur son corps — et d'autre part les irrégularités de son
tracé capillaire. Nous avons soumis à l'expérience des élèves de
laboratoires allemands, qui peuvent rester assis pendant très
longtemps sans faire de mouvements et sans s'ennuyer ; mais
leurs tracés sont cependant en oscillation perpétuelle, bien
plus irréguliers que celui de quelques enfants que nous avons^
examinés. Celte différence, à laquelle nous étions loin de nous-
altendre, nous prouve que le tracé capillaire ne peut pas, à
lui seul, nous faire connaître l'état de calme ou d'activité dfr
l'intelligence et des émotions, car d'une part les facteurs psy-
chiques ne sont pas les seuls qui le modifient et d'autre part
les modifications de cause psychique qu'il présente ne peuvent
être considérées comme donnant la mesure des causes qui les
produisent. Nous devons entrer à ce propos dans quelques
détails.
Les irrégularités du tracé capillaire peuvent tenir d'abord à
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 137
des irrégularités de la respiration, dont le rythme et l'allure
présentent un très grand nombre de variations individuelles.
Nous avons vu, dans la première partie de ces études, comment
la respiration agit sur la circulation. Il se produit en outre sur
un très grand nombre de tracés de grands mouvements, de
grandes ondulations, qui ne correspondent pas aux respira-
tions, car elles durent beaucoup plus longtemps. Il est difficile
de comprendre et d'expliquer le mécanisme de toutes ces ondu-
lations ; chez beaucoup d'individus, c'est une chose difficile à
débrouiller. Sans vouloir faire un dénombrement complet,
nous signalerons deux phénomènes particuliers : 1° des ondu-
lations qui sont assez régulières se répètent et correspon-
dent à un certain nombre de respirations, quatre ou six
par exemple ; ce sont probablement les ondulations vaso-
motrices décrites par Mosso • ; :2" des mouvements de descente,
qui n'offrent aucune régularité, aucune périodicité ; ils sont
d'origine psychique ; en efTet, si l'on interroge le sujet au
moment même où l'on voit la descente du tracé se produire, il
reconnaît le plus souvent qu'il vient d'éprouver une émotion,
ou d'avoir un souvenir ou une idée quelconque. En outre, le
pouls artériel augmente légèrement de tension dans les points
correspondant aux descentes du tracé capillaire, ce qui prouve
(I) Nous avons observé nettement ces ondiilalions vaso-motrices chez
i|iiatre sujets sur douze. Elles soutdues a l'activité du système vaso-moteur,
et consistent dans des dilatations et consirictions actives des vaisseaux, il
ii.-!;A%kv,^i#lî^^%\'^;>^'WKVK^^^^^^^
Fig. 25. — Ondulations vaso-motrices. Chacune des ondulations correspond
en movenne à trois respirations.
I
.tut. à rexemple île Fr. Franck, distinguer les dilatations actives. — et les
dilatations passives. Ces dernières sont dues à des changements dans la
<|uaiititè et la pression du sang. Nmis pensons trouver un caractère dis-
tlMclir important des dilatations actives et passives dans les études tpienous
avons laites sur la rorme du pouls, l^orsquil ya dilataticm jiassive, par suite
d'une augmentation de pressimi et de sang (pii distend l'artère, le dicro-
tisme de la pulsation descend. An contraire, lorsqu'il y a dilatation
active du vaisseau, sous rintluence des nerl's vaso-dilatateurs, la quantité
de sang par rapp(ut au diamètre du vaisseau diminue, et le dicrotisme do
la pulsation monte. Or. nous constatons nettement cette élévation du
dicrotisme dans les dilatations vaso-motrices d'un de nos sujets, et c'est
ce qui nous l'ait [jenser (pu? ce smit des dilatations actives, produites par
une action nerveuse vaso-dilatatrice. (Voir lig. 2.0.)
:
138 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE l'AHIS
bien que ce sont des vaso-constriclions d'origine réflexe'. Nous
sommes donc amenés dès le début de nos recherciies de
psychologie pléthysmographique à établir deux catégories de
sujets, ceux dont le système vaso-moteur est sans cesse en
activité, même pendant un état de repos volontaire, et ceux dont
le système vaso-moteur reste au contraire calme dans ces
mêmes conditions.
Pour ne pas rester dans le vague des règles générales, nous
décrirons sommairement les tracés de quelques sujets, pris à
l'état de repos volontaire : M. C.., tracés d'une régularité sché-
matique sans aucune de nature psychique ; M. Ma..., tracés
très réguliers, interrompus de place en place par des cons-
triclions petites, qui sont d'origine psychiq'ue ; M.' E..., tracé
absolument régulier, sans constriclions ; M. P..., tracé régulier,
avec des constrictions aussi profondes que celles de M. Ma...,
et à début encore plus rapide ; M. B..., tracé très irrégulier,
avec ondulations vaso-motrices, et constrictions d'origine
psychique et modifications fréquentes dans le rythme du cœur.
Ces exemples montrent suffisamment combien les systèmes
vaso-moteurs des différents individus sont peu comparables.
Ce serait une question extrêmement intéressante que celle de
savoir à quelle cause sont dues ces difîérences. et de quel état
physique ou moral elles sont le signe. Nous ne pouvons ici que
poser cette très belle question, en indiquant quelques-uns des
éléments de la solution.
Tout d'abord, il ne faudrait pas croire que le système vaso-
moteur donne le taux et la nature de toutes les réactions orga-
niques d'un individu ; les théories récentes de Lange ont, sem-
ble-t-il, quelque peu exagéré le rôle de ce système ; d'autres
fonctions, le cœur, la respiration, les sécrétions, etc., sont in-
fluencées par les processus psychiques ou modifient eux-mêmes
les processus psychiques, et il n'est nullement prouvé que le
degré d'excitabilité des vaso-moteurs soit égal au degré d'excita-
bilité des autres fonctions. Il peut bien y avoir quelque parallé-
(1) An UKmieiit (m'i muis corrigeons nos épreuves, nous venons rie Hiirc
(les expériences sur un sujet qui à l'étal de repus présente irreguiiérenii''ut
<ies «uululations vaso-niolrices, des ciuislriclin-is et des accéleralinns du
ccEur. Cliez lui, nniis conslalous jiar uds inli irogatious que les constric-
tions avec accélérati(Ui du ca>ur s<uil le sigut; constant d'un travail dr
l'esprit, d'une préoccupatinii (piclconcpie : (puiud il ne {lense a rien. Ir
c(L'ur se ralentit et la constricti(ui cesse; cela est si net, la c(urespon-
dance est si exacte que nous savons à coup sur jiar rinsjiection de siui
tracé l'élat de son espi'il; sur vingt diagnostics de ce genir, iidus uc
luius sommes trompés (pi'une seule l'ois.
BINET ET COURTIER, — CIRCULATION CAPILLAIRE. ETC. 139
lisme entre ces fondions, mais jusqu'à ce qu'on ait fait des
expériences précises sur ce point, il ne faut pas faire de sup-
positions sur leur identité de réactions. Nous observons depuis
longtemps un sujet chez lequel l'excitabilité de l'appareil res-
piratoire est extrême ; il tressaille à un bruit soudain et intense
(coup de gong) et ne s'accoutume jamais complètement à ce
bruit, tandis que la majorité des autres individus cessent de
tressaillir et de faire une inspiration brusque dès la troisième
expérience. Ce sujet qui est si émotif au point de vue respira-
toire, a un système vaso-moteur d'une insensibilité presque
absolue. Peut-être constitue-t-il une exception, et existe-t-il peu
de personnes présentant une inégalité aussi frappante des
diverses fonctions organiques. C'est une question à étudier.
Une autre question embarrassante est celle de savoir àquelle
propriété psychologique se rattache l'excitabilité des vaso-
moteurs. Les théories contemporaines nous conduisent tout
naturellement à admettre que c'est la capacité émotionnelle de
l'individu qui est surtout caractérisée par l'état des vaso-
moteurs. Quelque vraisemblable que soit cette idée, ce n'est
qu'une hypothèse. Il nous a paru extrêmement difficile de
résoudre la question, vu qu'on ignore à peu près complètement
l'état d'émotivité des sujets. A première vue, et même après
une longue fréquentation, nous ne pourrions pas dire avec cer-
titude si M. C. est plus émotif que M. P. Peut-être des études -
sur des aliénés, sur des circulaires, sur des hystériques ou enfin vî
sur des individus suggestibles pourraient-elles donner des ^
indications utiles.
V
RÉACTION DU SYSTÈME VASO-MOTEUR A DES EXCITATIONS PHYSIQUES
En employant des excitations électriques ou l'excitation du
froid (pulvérisation d'éther, application de linges humides ou
de glace sur le poignet de la main en expérience) on obtient en
général des phénomènes de vaso-constriction dont M. François
Franck a étudié le mécanisme et montré la nature réflexe'.
Nous avons surtout employé ces excitations pour déceler des
différences individuelles, c'est-à-dire pour étudier l'excitabilité
(1) Volume (les- or;/tnies, travaux du laburatnire de .Marcy, 187G, p. 3'.», ■ n
I 4n TRAVAUX DU LA150BAT0IRE DE PSYCUOLOGIli DE PARIS
du système vaso-moteur chez les dilTérents individus ayant
servi à nos expériences. Nous avons pris les précautions néces-
saires pour opérer à peu près dans les mêmes conditions, et
nous avons constaté (jue l'intensité des réactions varie, dans
une très large mesure, suivant les individus ; chez les uns, une
même excitation ne produit aucun efTet appréciable ; chez
d'autres, celle excitation a un effet marqué ; chez d'autres enfin
la contriclion va jusqu'à l'effacement complet du pouls. Natu-
rellement, nous nous sommes inquiétés des différentes condi-
tions pouvant altérer les résultats, la disposition individuelle
du moment, la quantité de sang dans le membre, le mode d'ap-
plication de l'appareil, l'heure de la journée, etc. ; et pour éli-
miner ces diverses circonstances nous n'avons rien trouvé de
mieux que de répéter un grand nombre de fois les expériences-
à plusieurs jours d'intervalle ; les résultats sont restés constants^
les différences individuelles n'ont point varié d'un jour à l'autre.
Chez M, C, par exemple, l'application de glace au poignet '
ne produit aucun effet sur le tracé capillaire, bien que le sujet
ressente le froid et au bout de quelque temps la douleur, mais
c'est toujours un froid local, très limité, qui ne gagne pas les
doigts. Chez M. E., l'application du IVoid produit une descente
lente et régulière, peu profonde, du tracé, jusqu'au moment
où la sensation de froid se change en douleur très vive.
Les effets de contriction sont au contraire beaucoup plus
marqués et extrêmement brusques chez M. P, et M. B. Nous
signalons simplement les cas extrêmes. Or, si on se reporte à
ce que nous avons dit de l'activité du système vaso-moteur
pendant l'état de repos volontaire, on s'aperçoit que ce sont
précisément les mêmes sujets dont le système vaso-moteur reste
calme dans ces conditions, et inexcitable au froid ou à l'exci-
tation électrique ; et au contraire ce sont ceux dont le système
vaso-moteur est sans cesse en activité pendant un état de repos
volontaire qui réagissent fortement. Ce parallélisme nous
démontre que notre distinction des sujets est bien fondée, et
qu'il existe des diil'érences individuelles dans l'excitabilité du
système vaso-moteur, différences attestées à la fois par l'état
des vaso-moteurs pendant le repos et l'état des vaso-moteurs
sous l'influence des excitations périphériques.
(1) I^oiir qiif l'oNiJi-riciicc suit f.iitc dans des conditions coii)j)aral)los, il
laiit non seiilcniont employer des morceaux de jjflace de même volume
applirpies snr la même rt-ffion, mais encore tenircompte (Je la température
de la main. Nous ne pouvons i)as entrer ici dans tant de détails.
I
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 141 <
D'autres excitations, par exemple celle qui est produite par !
le bruit du gong, sont capables d'amener des constrictions vaso-
motrices, et la vaso-constriction varie beaucoup comme profon-
deur suivant les sujets; nous pouvons répéter ici ce que nous
venons de dire pour les autres genres d'excitation ; l'efTet dé-
pend surtout du degré d'excitabilité des vaso-moteurs.
Une des excitations dont l'efîet sur le système vaso-moteur
est le plus efficace est sans contredit l'inspiration brusque ;
c'est elle qui, de tous les procédés que nous avons employés,
donne la constriction la plus profonde. Elle agit même sur le
tracé de M. C, qui a un système vaso-moteur très peu excitable ;
seulement, chez ce sujet, la première inspiration épuise la sen-
sibilité du système; la seconde inspiration ne produit presque
plus aucun effet. Du reste, c'est un fait général et bien curieux
que l'épuisement rapide de la sensibilité vaso-motrice.
Nous devons rapprocher des excitations des sens certaines
excitations psychiques qui sont évidemment d'une nature ana-
logue. Ainsi, une porte qui s'ouvre, l'attente d'une excitation,
le mot attention ! qu'on adresse au sujet quelques instants
avant de faire entendre un bruit strident, produisent une
constriction analogue à celle d'une excitation réelle, mais
d'ordinaire moins forte. De même si, les électrodes d'un cou-
rant électrique étant posées sur la main, on fait marcher le
trembleur de l'appareil d'induction sans que le courant arrive
aux électrodes, le sujet suggestionné par le bruit du trembleur
et croyant qu'il va sentir un courant électrique traverser sa
main, a une vaso-constriction d'origine psychique. Il est remar-
quable que ces vaso-constrictions produites par un phénomène
d'idéation et d'émotion sont d'autant mieux caractérisées qu'il
s'agit d'un sujet chez lequel l'excitation réelle produit un grand
effet. Xous pouvons poser comme règle que si l'attente d'une
excitation ou la suggestion produisent une constriction forte,
l'excitation réelle produira également une constriction. Il y a là
une contribution inattendue à la théorie de la suggestion '.
(1) lUen souvent, en faisant ces expériences, et en voyant sur les tracés
de certains sujets se marquer les moindres bruits, nous avons pensé aux
belles expériences de .Mosso sur la circulation cérébrale; en lire un résumé
dans lu l'eur, Paris. 1886, p. bb.
i
14^ TRAVAUX DU L.VlîORAÏOIRE DE TSYCUOLOGIE DE PARIS
VI
RAPPORTS CHRONOLOGIQUES ENTRE l'exCITATION BRUSQUE, l'ÉMOTION
DE SURPRISE ET LA VASO-CONSTRICTION
Toute excitation des sens, quand elle est forte et inattendue,
produit une légère émotion, de courte durée, et de force
variable selon les personnes ; nous avons cru qu'il serait inté-
ressant d'étudier méthodiquement sur plusieurs personnes les
effets physiques de ces excitations brusques sur la respiration
et sur la circulation, et de mettre en parallèle avec ces effets
les états subjectifs de sensation et d'émotion que les sujets
éprouvent. Ces expériences ont été suivies sur trois personnes,
et on a fait pour chacune une vingtaine d'excitations; le sujet
avait les yeux fermés et ignorait quelle sensation on devait
employer ; on a eu recours à des bruits et à des contacts ; on a
varié autant que possible la nature de ces bruits et contacts,
leur intensité et leur localisation.
Au moment de l'excitation, le sujet devait dire quand l'effet
émotionnel était terminé; il prononçait le mot « fini », et l'ex-
périmentateur marquait à ce moment un signe sur le tracé
capillaire'. On pourrait être étonné, à priori, qu'une personne
soit capable d'indiquer le moment précis où elle cesse dêtre
émue, les émotions ayant surtout comme caractère d'être des
états vagues, à limites mal définies. Mais nous ferons remar-
quer que l'émotion étudiée ici est une émotion brusque de sur-
prise, accompagnée de fortes réactions corporelles ; on ne
saurait la comparer avec des émotions représentatives beaucoup
plus compliquées, comme la mélancolie; la surprise naît brus-
(luement, et sans se terminer avec autant de brusquerie qu'elle
commence, elle a une terminaison assez nette ; ce qui le prouve,
c'est qu'aucune des personnes soumises à l'épreuve n'a éprouvé
la moindre hésitation, le moindre scrupule pour déterminer le
moment de terminaison de l'émotion de surprise.
Cette émotion est en général très désagréable, surtout lors-
qu'elle est provoquée par un bruit très intense, comme le gong.
On a souvent un tressaillement général du corps, et, comme l'a
(I) 11 MOUS a paru inutile d'ciuployer des signaux électriques pour fixer
la fin (le réniolion, vu (pie colle tlL'h'ruiiualion esl toul ;i fait approxima-
tive.
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC.
143
indiqué Darwin, si on a les yeux ouverts, on ferme brusque-
ment les yeux. Cette occlusion réflexe est surtout provoquée
par un bruit intense. Les modifications de la respiration sont
importantes, elles sont de deux espèces, qu'il faut distinguer
avec soin : 1" il y a d'abord le réflexe respiratoire proprement
dit, qui consiste dans une inspiration brusque (fig. ); c'est là,
en général, l'efTet de la première excitation forte, surtout de
l'excitation à laquelle on ne s'attend pas ; quelle que soit la phase
respiratoire dans laquelle on est surpris, on fait une inspiration
brusque ; il y a souvent, à la suite, une légère précipitation de
la respiration. T-e premier effet manque rarement. Si, après
quelques secondes de repos, on répète la même excitation, on
a parfois la répétition de l'inspiration brusque, qui peut être
amoindrie ; on observe de nombreuses variétés individuelles
Fig. 26. — Tracé de la respirât inn.
En A, iispiiiilioii pi-oduile [Jiii' un In-nil. (Le Iracc se lil de droilc à gauche.)
qu'il serait trop long de signaler ici '; ce qui domine, c'est une
tendance à l'accoutumance, (jui s'établit rapidement chez les
uns, plus lentement chez les autres, qui tantôt est complète dès
la première épreuve, tantôt n'apparaît qu'après cinq ou six
excitations, tantôt même ne se forme pas après quinze ou vingt
excitations ; nous avons observé un sujet qui ne peut s'habituer
au bruit du gong, et a des inspirations respiratoires presque
aussi profondes au dixième coup de l'instrument qu'au pre-
mier-. Mais c'est une exception assez rare. Une fois établie,
l'accoutumance se perd parle repos ; une heure après et surtout
un jour après elle est presque complètement effacée . 2" Outre le
réflexe respiratoire consistant dans une inspiration brusque,
nous lisons sur nos tracés -respiratoires une autre modification
(1) NiHis ])(issf'doiis une ciillccHiPii assez cunsideriiljle de tracés, pris sur
huil .sujets.
(2) Si on rapproche les cdups de gmig, si on en l'ail entendre par exeiupie
rpiatre par seconde, le sujet n'a point ([uatre inspirations brusques, mais
sa respirât ioiî devient précipitée, haletante.
144 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
de nature bien différente, qui a la forme d'une encoche; cette
encoche n'amène aucun trouble dans la phase respiratoire où
elle se produit, elle reste indépendante du mouvement respi-
ratoire, et c'est là ce qui la dislingue du réflexe respiratoire ;
elle est produite par un tressaillement auquel prennent parties
muscles du thorax et des épaules. Très souvent, dans une série
d'excitations, le réflexe respiratoire disparaît par suite de l'ac-
coutumance, et on voit encore le tressaillement se produire à
chaque excitation ; mais, à la longue, il disparaît à son tour.
L'excitation brusque produit en outre d'autres effets sur les-
quels nous ne pouvons pas insister'. Celui dont nous avons
A
Fig. 27. — Tracé ilc la rt'Si)iralioii (le tracé se lit ilc ilmile à ^ruiclic .
En A, li-cssaillemcnt inotluil par un lnuil.
maintenant à nous occuper est la vaso-constriction du réseau
capillaire.
A quel moment de la vaso-constriction le sujet déclare- t-il
d'habitude que sa petite émotion est terminée? On serait en
peine de poser une règle.
Rappelons que la vaso-conslriclion se produit avec beaucou|)
de lenteur, en général trois à quatre secondes après l'excitation
provocatrice. Or, il est arrivé, dans quelques cas assez rares,
que le sujet a prononcé « c'est fini », avant que la vaso-cons-
triction eût commencé; plus souvent, le signal est donné pen-
dant le commencement de la vaso-constriction, pendant la
période de descente ; quelquefois aussi au moment où la vaso-
constriction est au maximum ; toujours avant que la vaso-cons-
triction soit terminée. (Voir fig. 28.)
La réaction émotionnelle est, d'une manière générale, plus
rapide que la réaction vaso-conslrictive. Ceci donne évidem-
(I) Notdns seulciiieiit un jicmi iraiinii-sic rclrniiindc. i.o lait est .singulier.
(Jiiand un vient de parler avec le sujet au UKUiient on Texcitation se pm-
<luit, on constate parfois (|n'il a ouliiic ce qu'cm vient de loi dire ; tré.s
souvent, le sujet a oublié de donner le signal convenu d'avance pour
déterminer la tin de l'énuition. Nous comptons reprendre celle expérience.
BINET ET COURTŒR. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC.
143
ment tort à la théorie de Lange, qui a voulu faire jouer aux
phénomènes vaso-moteurs un rôle beaucoup trop grand dans le
mécanisme des émotions'.
Même en tenant compte des erreurs de l'introspection, il nous
paraît établi par les réponses de nos sujets que le maximum
émotionnel est atteint, dans le cas de surprise, à un moment
oit les vaso-moteurs ne sont pas encore entrés en activité-.
Nous avons longuement interrogé les sujets sur le contenu de
leur conscience au moment où ils sont surpris par une excita-
tion brusque ; surtout, nous avons voulu savoir quel est le signe
I
Ai
Ucsiiiralioii.
f.v^s^^^ww*NW*^Wy
'**'•^^s,«;«>*^^^^ »
(Jiiliillaire
le la iiiaiu.
A B
Fig. 28. — Excitation auditive.
En A, avcrtissemeut : en B, lin de rémotiou (l'inspiration se fait de lias en haut)
qui leur permet de dire sans hésitation : « Je suis redevenu
calme, mon émotion est terminée. » Nous n'avons pas lardé à
nous apercevoir que les sujets prennent pour guide des sensa-
tions internes; ces sensations varient selon les personnes ; l'un
perçoit spécialement les battements de son cœur, et c'est
quand il cesse de les percevoir qu'il se sent revenu à l'état de
repos ; un autre est surtout impressionné par l'accélération de
sa respiration, et c'est quand sa respiration se calme qu'il juge
l'émotion terminée. Très probablement, si nous ne leur deman-
dions pas de s'observer, ils ne prêteraient pas une aussi grande
(1) On trniivciM plus loin une analyse de la tiièse de hauge.
(2) Nous devons peut-être ajouter quelques explications à l'affirmation
du texte. Eu moyenne, rémotion consciente de surprise est terminée vers
le milieu de la descente eu constriction du tracé capillaire. D'autre part,
il résulte des analyses que nos sujets ont faites sur eux-mêmes que le
maximinn émotionnel île la surprise est atteint très vite après l'excitation,
et que lémotion décroit ensuite lentement. On peut donc supposer avec
beaucoup de vraisemblance que l'émotion est en décroissance quand le
système vaso-moteur s'émeut à son tour. Cette expérieiu-e est très impor-
tante pour la théorie ; nous serions heureux qu'elle fût reprise par
d'autres.
ANNEE PSYCHOLOGigL'E. II.
10
146 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGUE DE PARIS
attention à ces fonctions du cœur et de la respiration, et leurs
réponses ne sont pas la preuve péremptoire que l'émotion con-
siste dans une perception d'états organiques ; il y a là simple-
ment une orientation d'esprit très spéciale, créée par l'expé-
rience. Tout ce que nous voulons retenir de leurs réponses,
c'est qu'il existe de grandes variétés individuelles.
Nous concluons aussi que le système vaso-moteur a des réac-
tions trop lentes pour qu'on puisse, à l'exemple de Lange,
expliquer par ses modifications les émotions brusques.
VII
INFLUENCE d'uNE EXCITATION INTELLECTUELLE (CALCUL MENTAL) SUR
LE TRACÉ CAPILLAIRE
Les notions que nous possédons actuellement sur cette impor-
tante question du travail intellectuel, et qui sont dues à Mosso
iR. Accculemia dei Lincel, vol. V, série ^li, Gley, Féré {Sen-
sation et moimement, passim), Kiesow [Anch. ital. de biolo-
gie, 18S)o). Fr. Franck, Burckhardt, Mays, etc., peuvent se
résumer de la manière suivante :
Il y a pendant le travail intellectuel une diminution de la cir-
culation dans les membres, le bras et le pied (Mosso), et une aug-
mentation dans la circulation du cerveau (Gley) ; cette aug-
mentation ne résulte pas, comme on pourrait le croire, de ce
que le sang se retire des extrémités ; en réalité, les change-
ments de volume du cerveau produits par l'activité psychique
sont tellement faibles, que leur valeur absolue comparée à
celle de l'avant-bras et du pied peut être négligée ; parfois
même il n'y a pas parallélisme entre les deux courbes (Mosso).
Enfin, il paraît résulter des recherches de Kiesow que le tra-
vail intellectuel produit une diminution dans la circulation
périphérique à la condition seulement que ce travail soit accom-
pagné d'un état d'émotion ; mais ce point est à revoir.
Nos recherches personnelles n'envisagent qu'un seul côté
de la question, la circulation périphérique ; nous ne pouvons
parler que de l'influence du travail intellectuel sur la circu-
lation de la main, et comme l'état de cette circulation n'offre
pas de relation exactement connue avec l'état de la circulation
du cerveau, nous nous abstiendrons de parler de ce dernier
point.
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 147
Nos recherches de calcul mental ont été faites sur douze
adultes, et six enfants de sept à douze ans. ;
Notre intention était de synthétiser les résultats obtenus avec if]
ces différents sujets ; mais ces résultats ne nous paraissent pas '!'
devoir être ramenés à une description commune ; ils présentent
en effet des variations extrêmement considérables. Nous ferons,
par conséquent, une série de descriptions typiques. Nous com-
mencerons toutefois par donner, d'après notre expérience per-
sonnelle, la description psychologique du calcul mental.
Notre calcul mental représente un travail intellectuel court .
(de cinq secondes à une minute) et intense : il comprend à la fois ' T
des combinaisons de raisonnement et des efforts de mémoire.
Dès qu'on entend des chiffres sur lesquels on doit opérer, par
exemple les deux facteurs de la multiplication, on cherche à
les graver dans son esprit ; de plus, on examine quelle est la
combinaison la plus simple pour arriver à un résultat. On peut,
à la rigueur, faire la multiplication de tête, comme sur le papier,
et c'est ce que font les personnes qui appartiennent au type
visuel, et qui ont en outre une grande puissance de représenta-
tion, comme Diamandi ; mais il est certainement plus fréquent \
de rencontrer des personnes qui, pour multiplier de tête des
nombres un peu complexes, les décomposent ou substituent à ]^
ces nombres d'autres plus simples. Quoi qu'il en soit du procédé '\
adopté, on fait les multiplications, avec plus ou moins de faci-
lité selon les individus ; quelques-uns s'attachent à un résultat
précis, d'autres font des à peu près, et multiplient au jugé.
Pendant ce travail de multiplication, une des principales diffi-
cultés est de ne pas oublier les produits partiels ; ces produits
partiels sont de simples souvenirs bruts qui ne s'associent le
plus souvent à aucune idée déterminée, et qui, par conséquent,
restent peu de temps dans la mémoire. On a en général la cons-
cience très nette que les produits partiels peuvent échapper,
et pour les retenir, on est obligé de revenir souvent à eux, de
les répéter, de les fixer d'une manière ou d'une autre, travail
qui produit de l'énervement et aussi quelque peu d'émotion.
Nous pensons que le calcul mental est un travail intellectuel [
qui, dans les expériences, est rarement dépourvu d'émotion ; à
moins, bien entendu, qu'il ne s'agisse d'un individu sûr de lui- ^
même, dressé par profession au calcul mental, ou, au contraire, jl
d'un de ces êtres insouciants qui ne tiennent nullement à don- jj
ner un résultat précis ; la plupart de nos sujets ont toujours eu ^
quelque émotion en exécutant leurs calculs. Il faut ajouter que
148 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE TSYCUOLOGIE DE TARIS
comme l'expérience était faite souvent en présence de plusieurs
personnes, l'influence de « la galerie » ajoutait à l'émotivité de
celui qui était sur la sellette.
Les résultats que nous allons enregistrer sont par conséquent
des résultats mixtes ; nous exposerons plus tard des recherches
spéciales dans lesquelles nous avons essayé, autant que cela
nous a été possible, de faire la part de l'émotion et du travail
intellectuel '.
Chez tous les sujets, les procédés employés ont été les mêmes ;
on leur a applicjué le pneumographe double sur l'a poitrine (les
courbes respiratoires sont aussi intéressantes que le tracé
capillairej ; le pléthysmographe de caoutchouc a été appliqué sur
leur main, et le sphygmographe sur leur artère radiale. Les
plumes une fois repérées, on a pris les différents tracés pendant
un état de repos^et de silence, le sujet assis et, autant que pos-
sible, ne songeant à rien ; son rythme respiratoire indiquait
bien son relâchement d'esprit ; au bout de quelque temps, on
lui donnait à haute voix les chiffres à multiplier; il commençait
aussitôt le travail, sans faire aucun mouvement de corps, mais
avec des expressions de physionomie bien caractéristiques chez
chacun; puis le résultat trouvé, le sujet l'indiquait. Il devait,
en outre, dès que la solution était trouvée, se remettre dans
l'état de repos le plus complet, sans songer à son opération,
sans cherchera faire la preuve, etc., notre désir en effet était
d'avoir, aussitôt après la fin du travail intellectuel, un tracé de
l'état normal, de l'état de repos, car c'est surtout par la compa-
raison immédiate entre l'état de repos et l'état d'activité qu'on
peut comprendre les caractères de ce dernier état ; plus le pas-
sage est brusque, mieux cela vaut. Voici pourquoi : par suite
(1) Quand on fait l'analyse expérimentale d'une question, on s'aperçoit
vite qu'elle est bien plus complexe qu'on ne l'avait supposé. Il y a, dans
le travail intellectuel, à distinguer non seulement une part d'émotion,
mais encore une part d'elï'nrt et de travail pliysique. Cette seconde part
est à son minimum dans le calcul mental, elle est au contraire assez
grande dans d'autres opérations qui supposent également un certain tra-
vail intellectuel : par excuq)le coinhiner doux images stéréoscopi(|ues, lire
un texte lin placé à grande distance, se représenter fortement un mnuve-
ment sans l'exécuter réellement, chercher à jjercevoir un bruit très
faible, etc. Les premières recherches que nous avons faites daus ce sens
nous montrent cpiil faut bien dislinguer ce travail particulier, dans leriuel
l'attention se (ixe sur des sensations et des mouvements, et le travail
intellectuel consistant à undtiplier de tête des nombres : les eifets de ces
deux genres de travail sur la respiration et la circulation ne paraissent
pas être identiques. C'est une (picstion rpii est en ce moment à l'étude
dans notre laboratoire.
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 149
des conditions très complexes où l'on étudie ces phénomènes
de circulation et respiration, le sujet ne reste pas longtemps
comparable à lui-même ; par exemple, la compression des appa-
reils sur la main altère la forme du pouls au bout de dix
minutes environ (le délai dépend des sujets) ; on a par consé-
quent un grand intérêt à aller vite.
Les causes d'erreur, dans ces expériences sur le travail intel-
lectuel, ne sont pas différentes de celles qui se produisent dans
les autres recherches de pléthysmographie ; nous noterons seu-
lement les déplacements fréquents du sphygmographe à trans-
mission ; pour prendre un pouls artériel de bonne amplitude,
nous faisons mettre le bras en supination, le poignet appuyé
sur un coussin, et dans une extension un peu forcée, de manière
à faire bomber l'artère. Le sujet maintient facilement cette posi-
tion, s'il y fait attention ; mais pendant le travail intellectuel,
il a oublié sa main, qui revient naturellement à une position
intermédiaire entre la pronation et la supination, l'appareil
glisse un peu, et le niveau moyen de son tracé change. Il faut
donc pendant les expériences avoir l'œil ouvert sur son sujet.
Enfin, pour terminer ces explications préliminaires, disons
que toutes les expériences ont été faites l'hiver entre une heure
et trois heures de l'après-midi, peu de temps après le repas,
dans une pièce bien chauffée.
Première observation. M. Ma...
Vingt-cinq ans, grand, vigoureux, flegmatique ; docteur en
philosophie d'une université allemande, a l'habitude de s'ob-
server et de discipliner son corps pour les expériences de
psychologie. Nous avons étudié chez lui la circulation capillaire
sous l'influence du travail intellectuel pendant six séances ; les
résultats sont incomplets parce que nous avons négligé de
prendre le tracé sphygmographique du pouls, qui facilite beau-
coup l'interprétation des phénomènes.
INous constatons chez lui que toutes les fois qu'au cours d'une ,
expérience monotone il a une pensée un peu vive (ce qu'il
nous apprend en pressant sur un signal) ou toutes les fois |
qu'il accomplit sur notre demande un calcul mental, il se pro- \
duit : 1° une modification du tracé respiratoire ; les respirations A
deviennent plus rapides et d'amplitude moindre ; nous trouve- ï
rons cette modification à peu près dans toutes les observations ; ji
ici,chezM. Ma..., l'accélération est d'undixième, c'est-à-dire que '
dans le même temps où le sujet fait dix respirations à l'état
I
.É
150 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
normal, il en fait onze pendant l'effort intellectuel ou pendant
un état d'idéation vive, sans effort; dans certains cas, l'accélé-
ration est encore plus faible ; dans quelques cas même elle
n'existe pas. Le niveau des expirations ne se modifie pas ;
2° le pouls capillaire se rapetisse de moitié ou davantage, il
peut devenir filiforme ; le dicrotisme descend un peu; en même
temps que le changement de grandeur de la pulsation se fait
un changement de niveau du tracé, une descente. L'absence de
tracé sphygmographiqne nous empêche d'interpréter sûrement
ces phénomènes; nous pensons toutefois qu'il s'est produit une
vaso-constriction active dans les artérioles. et que cette vaso-
constriction est indépendante du rythme respiratoire, qui est
resté parfaitement régulier. Chez M. Ma..., soit dit en passant,
le système vaso-moteur est beaucoup plus sensible que la res-
piration, il réagit plus fortement sous rinfluence d'une sensa-
tion brusque. Enfin, nous notons que les pulsations n'ont
présenté ni ralentissement, ni accélération appréciable, ce qui
nous prouve que le cœur n"a pas dû intervenir dans le phéno-
mène. Nous avons là en somme un exemple de réaction vaso-
motrice pure de toute complication.
Deuxième observation. M. C... (fig. 29).
Grand, gros, fort. Possède, à l'état normal, en dehors de tout
travail intellectuel, un pouls capillaire de très grande ampli-
tude, avec fortes oscillations respiratoires. Nous notons chez lui :
1^' la modification caracléristiquc de la respiration ; soit qu'il
fasse un vigoureux effort d'attention, par exemple, pour un cal-
cul mental, soit que sans effort volontaire il écoute simplement
une parole intéressante qu'on lui adresse, sa respiration devient
aussitôt plus régulière, plus rapide et plus superficielle ; nous
disons aussitôt; il est plus exact de dire : après une respira-
tion. Son rythme respiratoire est lent, à l'état normal (8 par
minute) ; sous l'influence de l'attention forte, l'accélération est
considérable ; elle double le nombre des respirations ; au lieu de
quatre pour une demi-minute, il s'en produit huit ;i dix; la dimi-
nution d'amplitude est également considérable, de deux cin-
quièmes ; le niveau des expirations, quoiqu'il varie moins que
celui des inspirations, présente une dépression légère; quand
l'opération est terminée et surtout dans les cas où elle a été
longue, le sujet fait une profonde inspiration. ^1° Les modifica-
tions du tracé capillaire sont plus faibles. Notons d'abord la sup-
pression des oscillations respiratoires, qui sont si développées
DINET ET COURTIER.
CIRCULATION CAPILLAIRE. ETC.
loi
■chez ce sujet à l'état normal. Nous constatons en outre que
dans un certain nombre de circonstances, le travail intellec-
tuel prolongé amène chez M. C... une dépression du tracé
capillaire ; cet etTet est absolument inconstant, on ne peut le
prévoir d'avance ; il se produit plus souvent à un premier essai
qu'à un second essai de la même journée, et dans tous les cas
son apparition est tardive. 3° Un effet beaucoup plus régulier
est la diminution d'amplitude du pouls ; la pulsation se rape-
11
^'^V%/JWS'J'^^
r.Hiis
c:i|iilliiire
le la main.
r/'
LfjiiMWjiwyiMi^^
l'ouls radial.
1 Secondes
ItespiraliOQ.
Fij,'. 29. — ■ Expérience sur le Ir.ivail iiilrlleduel. M. C... (lalcul mental
G32 X 13, exécuté entre les deux lignes verticales. Sa respiration devient
plus i^apide et plus superficielle, suppression presque complète de la
pause. Le tracé capillaire au bout d'une dizaine de secondes diniimm
légèrement d'amplitude ; il reprend soji aniplitu(.le normale cinq secondes
après que le travail intellectuel est terminé. Le tracé de l'artère radiale
ne présente d'autre modification qu'un très léger retard du dicrutisme,
une très légère augmentation d'amplitude, et une accélératinn.
tisse dans les tracés dont le niveau descend, il se rapetisse éga-
lement dans les tracés sans descente. Ce rapetissement ne se
produit pas brusquement, il n'est perceptible qu'au bout d'une
-douzaine de secondes, il se fait de la façon la plus graduelle ;
le dicrotisme de la pulsation descend un peu, devient moins
accentué et le sommet de la pulsation s'arrondit légèrement.
Le tracé artériel pendant ce temps-là s'est développé sans chan-
.gement; la pulsation de la radiale garde d'ordinaire son am-
plitude, sa forme, sa vitesse ; quelquefois cependant le pouls
s'accélère, ce qui indique que le travail du cœur s'est modilîc.
^
152
TRAVAUX DU LAUOlïATOIHE DE FSVcnOI.OGIE DE l'ARlS
Nous pensons d'après une foule d'expériences faites sur ce
sujet, que la diminution d'amplitude du pouls capillaire tient
chez lui en partie à la constriction et en partie à ur.c diminu-
tion de la force de contraction du cœur (jui en même temps
accélère ses battements.
En résumé, chez M. C..., ce qui domine, c'est une réaction
trèsrapide et très forte de la respiration ; la circulation présente,
l'oiils
capilhiiri'
■.le la muni
l'diils ralliai
^^^^^A^^^^^^J^/-^^Jy^/J^^^^^^^^^^^J\^Jw-,\^^f^ vN^^jj>|jgij>AMJk\»j,/,/,^^^^ Jk^^^^\^iJ^,^^^.'^.■.,^■JO.;^.'.,^^•^^,•:
Kc^l'iralioM.
Fig. 30. — Exiiérifiiccs sur le travail iiitellectiipl. M. F. Multiplicaliuu
mentale 312 x 24 entro los deux verticales (le sujcl n ii-duvo^ les pre-
miers chiffres , mais ralleutinn n"a été forte, à ce (|u"il dil. i|u"nu début);
le tracé capillaire diiuiuue (fainplitude pendant le travail intellectuel,
et il offre nu (lél)ul nue Iciicre dépressimi. Le trncé artériel (radial) pré-
sente lin abaissement du dicndisuie. La res[iiraliiin est peu modifiée.
sous l'influence de l'attention, une vaso-constriction très légère,
et très lente à se produire, avec une accélération du cœur.
Troisième observation. M. F... (fig. 30).
Petit, maigre, médecin, se dit nerveux et présente quel-
ques traces d'artério-sclérose ; peu d'aptitude pour la réten-
tion des chifl'res, par conséquent ne conduit à bien une opé-
ration de calcul mental qu'au prix d'un grand effort, et avec
un peu d'émotion. Il présente, comme M. Ma..., des modifica-
tions vaso-motrices même sous l'influence de l'idéalion sponta-
née. Prié de faire un calcul mental, il présente : 1" une légère
accélération du rythme respiratoire, qui est normalement
rapide, de vingt par minute ; l'accélération est d'un septième,,
avec amplitude diminuée du quart. 2" une diminution d'ampli-
tude de la pulsation capillaire ; ce qu'il y a de tout à fait
remarquable, c'est la rapidité de cette action ; si on prie le
sujet de faire l'opération, une seconde après la pulsation se-
BTN'I:T et courtier. — circulation CAPILLAIhE, ETC.
|Ï4Q
06
rapetisse. En général, celte diminution dure peu de temps.
Cette extrême rapidité d'elTet, contrastant avec celui de M. C...
donne les cas extrêmes de rapidité et de lenteur. 11 n'y a pas
toujours descente du niveau; l'accélération de la pulsation est
très légère.
D'autre part, le pouls artériel change un peu de forme ; son
dicrotisme descend ; de plus, il est parfois en dilatation dans
les points qui correspondent exactement à la vaso-constriction
du capillaire ; ces deux faits montrent que la tension artérielle
augmente, ce qui confirme notre interprétation sur la vaso-
constriction des capillaires.
En résumé, chez M. F..., modifications respiratoires peu
é
Pouls
ca.iillairo.
iimiuJJWJ4JllUJJllJ^ uOtl^UUWWluljW^^
WÊÊIÊÊÊÊÊM
'ouis radial.
Rcspiralioii.
Fitr. 31. — Expériences sur le travMil intellectuel. M. El. Multiplication
moniale 32x18 entre les deux verticales. Accélération très légère delà
res|)iration et suppression de la i)ause. Le pouls artériel (radial), placé
inimédiateuient au-dessus du tracé respiratoire, présente vingt seconde.^
après le commencement de l'expérience de calcul mental, une légère
diminution d'amplitude et une accélération. Le pouls capillaire présente
des niodificali(uis parallèles à celles de l'artère, une h'gère diminution
d'amplitude, avec descente et eil'acement du dicrotisme.
accentuées ; vaso-constriction des capillaires sans diminution
de volume appréciable de la main, et brusquerie des effets.
Quatrième observation. M. El... (Hg. 31).
Grand, maigre, pâle; directeur d'écoles, habitué au travail
intellectuel; état normal ; quatorze respirations par seconde ; le
pouls capillaire a des oscillations respiratoires bien marquées :
il n'est point volumineux. Sous l'influence d'un calcul mental
nous observons : 1' une accélération légère du rythme respira-
toire, qui est de seize au lieu de quatorze ; l'amplitude des mou-
\
I
454
TRAVAUX DU LAnORATOIRE DE PSYCnOLOGIE DE PARIS
vements ne varie pas; la pause expiratoire est supprimée.
2° La grandeur de la pulsation capillaire diminue lentement,
au point de devenir filiforme si l'expérience se prolonge ; des
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modifications de forme se produisent; le dicrolisme descend,
devient intermédiaire entre deux pulsations, puis finit par
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 155
s'efîacer complètement. Ces changements du pouls ne devien-
nent manifestes que cinq à vingt secondes après le commence-
ment du travail intellectuel; pour que le dicrolisme s'efface
complètement, il faut au moins vingt secondes. Quand le tra-
vail intellectuel est terminé, il se produit, tout aussi lentement,
un changement en sens inverse. Cette modification du pouls
n'est accompagnée d'aucune descente du niveau. 3° L'étude
du pouls artériel combinée à celle du pouls capillaire montre
la part jouée par le cœur dans ces phénomènes; il y a au début
de l'expérience un i^alentissement du cœur avec augmentation
de force des contractions; vers la fin de l'expérience, il y a au
contraire accélération du co?ur et diminution de force.
Cinquième observation. M. Cl... (fig. 3"2\
Grand, fort, nerveux, professeur de philosophie dans un
lycée de province. Il a été étudié seulement pendant deux
séances. Pendant le travail intellectuel, il présente les modifi-
cations classiques des fonctions organiques : 1° La respiration
s'accélère, les pauses sont supprimées; 2° le tracé capillaire
diminue d'amplitude et descend légèrement; cette modification
apparaît bien plus vite que chez M. El. ; elle dure pendant toute
la durée du travail intellectuel ; 3^ le tracé artériel présente une
augmentation d'amplitude des oscillations respiratoires.
Sixième observation. M. Y... (fig. 33).
Jeune étudiant roumain, grand, un peu pâle, très vif.
Mêmes effets que chez le précédent ; vaso-contriction pendant
(le travail intellectuel, et effacement du pouls.
Septième observation. M. Pi... (fig. 34 .
Professeur de philosophie, jeune, grand, vif. Présente pen-
dant l'état de repos une activité presque incessante du système
vaso-moteur. Pendant le travail intellectuel, on observe : 1° la
modification respiratoire ordinaire, mais peu accentuée ; 2" une
descente à pic du tracé capillaire, avec diminution de la pulsa-
tion, mais sans changement de forme ; 3'^ le tracé de l'artère
présente une élévation de niveau au moment de la descente du
•capillaire, et il a tous les caractères du pouls de haute tension.
Ensuite, le tracé artériel descend à son tour et épouse les
■oscillations du tracé capillaire. Il se produit là deux actions
antagonistes qui se superposent ; d'une part, l'artère est en
vaso-constriction comme le capillaire, et en même temps
h
loG
Tli.WAUX DU LABOJÎATOIKE DE PSYCHOLOGIE DE TARIS
que le capillaire, de sorte que si celle action se produisait
seule, les deux tracés seraient parallèles ; d'autre part, toutes
les fois qu'il se produit une constriction très forte des
capillaires, le sang rencontre un obstacle et la tension
augmente dans l'artère, qui par conséquent présente une
élévation de niveau à ce moment-là. C'est l'étude des tracés
de ce sujet qui nous a montré que Tartère peut, sous l'in-
fluence du travail intellectuel, se resserrer comme un capillaire.
Cet effet se produit aussi chez un certain nombre d'autres
sujets, mais moins nettement, et il est dissimulé par l'effet
inverse, l'élévation du niveau artériel produit mécaniquement
l'ouïs
;a|iillaii'C.
'oulsradial.
Secondes.
1! ('Spiral ion.
Fiir. 33. — Ivxpi rieiiccs sur le travail intcllorliipl. ^\. Yasrli. Eiifri* les
lieux verticales miiltiplieation 38 X 1'-. DiiiiimitiDii du pouls capillaire
avec coustrictinn très léoère. Dilatatic^i du pouls arliMiel. correspondant
à peu pi'ès à la constriction du capillaire : Ictère descente tin dicro-
tisine. Accélération de la respiration. Diminution des pauses. Acccléra-
I ion du ciiMir.
par la constriction des capillaires. Notons que chez M. Pi les
phénomènes spontanés d'idéation produisent des vaso-constric-
tions profondes.
Ifuih'i'me observai ion, M. /?.
Grand, gras, nerveux, émotif; Irente-huit ans, professeur de
psychologie. Son tracé capillaire et artériel, pris à l'état de
repos, est très irrégulier (irrégularités du cœur, phénomènes
d'idéation et d'émotion, etc.). Sous l'influence du travail intel-
I5INET ET COURTIER. — CIRCULATION CAflLLAIRE, ETC. 157
lecluel, il y a une accélération de la respiration, suppression
des pauses, inspiration plus brusque. Le tracé artériel se régu-
larise, il présente des oscillations respiratoires très nettes; de
plus, le dicrotisme de la pulsation descend, la pulsation prend
ouïs capillaire.
ouïs radial.
icsinration .
Fig. 34. — Expériences sur le travail intellectuel. M. P. 28 X "9 entre les
deux verticales. La respiration se rapetisse, s'accélère, et les pauses dinii-
nnent. Le tracé capillaire a une descente brusque, qui ne se maintient
pas ; la pulsation se rapetisse sans changer de forme. Le tracé artériel
présente une légère ascension au moment de la descente du capillaire;
puis il descend légèrement à son tour, et reproduit les flucttiations
successives du capillaire.
les caractères de la tension. Le capillaire est en constriclion
avec diminution d'amplitude et parfois effacement complet du
pouls.
ÉTUDE d'ensemble
Chez tous nos quinze sujets, le travail intellectuel court et
intense du calcul mental a produit des effets caractéristiques ;
ces effets ont été tantôt légers, tantôt profonds. Il est peut-être
intéressant d'ajouter ici que pendant longtemps ces effets
nous ont échappé. Nous avons commencé les expériences en
février 1895 ; à cette époque, nous étions pénétrés de cette
idée que le travail intellectuel produit une vaso-constriction
dans le tracé capillaire ; c'est bien là ce que nos devanciers
ont constaté.
Or, nos premières expériences ont porté sur un sujet, qui
ne présente presque jamais de vaso-constriction d'origine
intellectuelle ; ce résultat négatif nous désorienta complètement,
jusqu'au jour où par hasard une expérience faite sur une autre
personne, M. F., nous montra avec une évidence parfaite un
brusque rapetissement de la pulsation produit par un effort
intellectuel, rapetissement qui n'était accompagné d'aucune
i
lo8 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCnOLOGIE DE PARIS
descente du niveau. Cette expérience décisive nous ouvrit les
yeux ; nous reprîmes les études de nos anciens tracés qui nous
montrèrent la constance de ce caractère. Dès ce jour, nous
avons multiplié les expériences, et nous avons pu procéder avec
beaucoup plus de sûreté.
Le travail intellectuel du calcul mental et l'état émotionnel
({ui l'accompagne réagissent sur la circulation artérielle et
capillaire, la respiration et le cœur ; l'action n'est pas aussi
profonde sur toutes ces fonctions: chez quelques sujets (M. C),
c'est la respiration qui rei^oit les modifications" les plus pro-
fondes, chez d'autres c'est le cœur (M. E. j, chez d'autres les vaso-
moteurs. En outre, chacune de ces fonctions a, suivant les
sujets, une manière propre de réagir, dont nos descriptions
précédentes peuvent donner une idée ; ces variétés individuelles
ne tiennent nullement, comme on pourrait le croire, à une ap-
plication différente des appareils, car elles demeurent les
mêmes à plusieurs jours, plusieurs semaines et même plusieurs
mois d'intervalle ; rien que par la forme du pouls ou par le
mode de constriction des capillaires nous pouvons distinguer
un tracé de M. C. d'un tracé de M. F.
Respiration. — Des expériences très intéressantes sur les
changements respiratoires qui se produisent pendant le travail
intellectuel ont été faites par M. Delabarre à notre laboratoire
de Paris il y a quatre ans. M. Delabarre a montré en résumé
que la respiration devient plus superficielle et plus rapide pen-
dant l'effort mental. >ious vérifions complètement ces résultats,
en y ajoutant les détails nouveaux qui nous sont fournis par
l'étude d'un plus grand nombre d'individus.
On peut dire, en deux mots, que pendant le calcul mental
la respiration devient plus rapide, moins ample, et que la pause
expiratoire se supprime. Mais chacun de ces points mérite une
mention spéciale.
\^ Changements de rapidité. — Il serait difficile de donner
un chiffre quelconque exprimant la moyenne de l'accélération,
tant elle varie avec les individus. Chez les uns, la vitesse de la
respiration ne change pas, chez d'autres au contraire elle
double ; en tout cas, nous n'avons jamais observé de ralentis-
sement. En général, ce sont ceux qui normalement ont la respi-
ration la plus lente qui montrent le plus de changement.
Ainsi, M. G., dont le rythme est extrêmement lent, de 6 à
10 respirations par minute, atteint une vitesse de IG pendant le
BTNET ET COURTIER. — CIHCUL.VTION CAIMLLAIHE, ETC. 139
travail intellectuel, tandis que ceux qui ont une respiration
de 20 ne dépassent pas beaucoup ce nombre.
2° Changements d'amplitude. — Ils sont tout aussi variables
que les changements de rapidité. Chez les uns, l'amplitude
diminue beaucoup pendant le travail intellectuel, la diminution
peut même être de moitié ; chez d'autres, il n"y a pas de modi-
fication ; chez d'autres enfin, la respiration augmente considé-
rablement d'amplitude. Il y a du reste une proportion assez
constante entre l'amplitude et la vitesse. Quand la respiration
devient beaucoup plus rapide, comme chez M. C, elle devient
aussi beaucoup moins ample ; au contraire, chez ceux qui ne
présentent pas de modification de vitesse (malgré un travail
intellectuel dont la grande intensité est bien démontrée), l'am-
plitude respiratoire reste la même, ou peut croître. M. E. en
est un curieux exemple; dans les tracés où sa respiration n'a
point été accélérée pendant le travail intellectuel, elle est
devenue plus ample.
Les changements d'amplitude se font principalement par une
diminution dans la profondeur de la respiration ; les inspira-
tions deviennent moins profondes ; en d'autres termes, les
augmentations de volume de la cage thoracique sont moins
amples. C'est là un effet qu'on voit très nettement sur le tracé
de M. C. ; mais il se produit en outre dans quelques cas une
modification curieuse, de beaucoup moindre importance ; le
niveau moyen des expirations s'infléchit légèrement vers le
milieu de l'expérience, ce qui prouve que les poumons con-
servent un peu plus d'air entre deux respirations qu'à l'état
normal; cet effet ne se produit pas, tant s'en faut, sur tous les
tracés.
3° Régularité. — Ce qui frappe, c'est la très grande régula-
rité des respirations, qui, pendant le cours du travail, con-
servent la même amplitude; la respiration est bien plus régu-
lière que pendant le repos qui précède ou suit le calcul mental.
On observe parfois quelques respirations avortées qui tiennent
à ce que le sujet a prononcé des chiffres à voix basse. Cette
régularité s'observe également sur le tracé capillaire. Il est
clair que par suite de son absorption d'esprit dans un travail
intense, le sujet devient moins sensible aux excitations exté-
rieures.
4" Cliangemeïils de forme. — Dans ce qui précède on ne
pourrait pas trouver un signe caractéristique du travail iutel-
160 TRAVALX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
lectuel ; sans doute, la respiration s'accélère et devient super-
ficielle dans beaucoup de cas, mais chez certains sujets ces deux
caractères manquent à la fois. Il existe cependant un signe
caractéristique du travail intellectuel, signe que nous n'avons
jamais trouvé complètement en défaut : c'est la suppression
de la pause qui sépare l'expiration et l'inspiration. Cette pause,
qui normalement est un intervalle de repos, de relâchement,
séparant deux respirations successives, et qui se dessine sur
les tracés en forme de plateau plus ou moins incliné, est sup-
primée pendant le travail intellectuel ; de sorte fjue le plateau
est remplacé par un angle très aigu formé par la ligne d'ex[)i-
ration et la ligne d'inspiration. Alors même que, comme chez
M. E., la respiration du travail intellectuel ne s'accélère pas,
la pause expiratoire est supprimée. Nous considérons par
conséquent ce signe comme le plus constant et aussi le plus
important de tous.
Les différentes modifications que nous venons de décrire ne
s'observent pas seulement chez ceux qui ont l'habitude du
travail intellectuel ; nous les avons retrouvées chez un gaivon
de salle qui ne sait nullement fixer son attention sur une opé-
ration mentale ; quand on lui donne une multiplication à faire,
il est très embarrassé, ne sait comment s'y prendre, donne
après tâtonnement un résultat au hasard ; néanmoins sa respi-
ration, pendant cet effort si mal coordonné, présente une accé-
lération et une suppression de la pause expiratoire.
Les changements introduits par le travail intellectuel ne se
produisent pas brusquement et ne cessent pas brusquement, il
est impossible de dire exactement au bout de quel temps ils
commencent et prennent fin, parce que la transition est
presque toujours ménagée. Il est préférable de citer quelques
exemples typiques. Chez M. E. (fig. 31) il y a une respiration
de transition au début, et tout de suite après les respirations
typiques du travail intellectuel se manifestent; à la fin, il y a
au moins trois respirations de transition; on peut même dire
que chez lui il faut en moyenne cinq respirations pour retrouver
l'état normal. C'est là un exemple de changement brusque, qui
montre r[ue le début de l'effet du travail intellectuel est plus
brusque que sa terminaison. Chez M. C. (fig. 29), qui présente
au grand complet toutes les modifications respiratoires du
travail intellectuel, ces modifications se produisent dans un
ordre successif: d'abord la respiration diminue d'amplitude, au
bout d'une respiration; elle augmente de rapidité au bout de
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 161
deux respirations en moyenne ; la suppression des pauses respi-
ratoires s'opère graduellement avec beaucoup plus de lenteur;
elle n'est complète qu'au bout de cinq respirations. La cessa-
lion du travail intellectuel produit un effet plus rapide; dès
que la solution du calcul est indiquée, M. C. fait d'ordinaire un
profond soupir, la respiration retrouve son amplitude normale
et sa vitesse ; la pause augmente aussi tout de suite, mais elle
ne devient égale à celle de l'état normal qu'au bout de trois ou
quatre respirations. Chez M. IL, la modification respiratoire
dure parfois une minute après que le travail intellectuel a
cessé même quand ce travail a duré une minute seulement. Il
est incontestable que ces variétés individuelles serviront à
expliquer un jour comment certaines personnes se fatiguent
lentement et d'autres vite.
Pouls capillaire. — La modification du tracé capillaire est
aussi constante que celle de la respiration, à la condition bien
entendu que le travail intellectuel soit suffisamment intense et
prolongé pour la provoquer. Elle présente un assez grand
nombre de formes qui peuvent soit se réaliser isolément, soit
se combiner dans un même tracé; nous devons signaler : la
diminution d'amplitude de la pulsation ; le changement de
forme de la pulsation ; le changement de niveau ou vaso-
constriction. Rappelons aussi, pour n'y plus revenir, la régu-
larisation du tracé capillaire.
1» Diminution <T amplitude. — Ce caractère s'est présenté
isolément chez M. C. (fig. 29) et dans quelques tracés de M. F.
(fig. 30) ; chez M. C..., la diminution, quand elle a lieu, ce qui
est rare, se produit très lentement, sans changement de forme
et la pulsation est réduite à peine du quart; sur le tracé
ainsi réduit les oscillations respiratoires cessent de se mar-
quer. Chez M. F.., la diminution est curieuse par sa brusquerie ;
elle peut se manifester aussi sans changement de niveau ; il y
a une légère accentuation du dicrotisme.
Il paraît vraisemblable d'admettre que cette diminution de
la pulsation est produite par une constriction du réseau capil-
laire ; ce qui le prouve, c'est que, dans quelques tracés, le pouls
artériel augmente de tension dans les points correspondants à
ceux où le pouls capillaire diminue. Mais le cœur peut jouer un
rôle dans ces phénomènes.
i2^ Changement de forme de la pulsation. — Le changement
ANNÉE PSYCHOLOGIOUE. 1 |
162 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYGUOLOGIE DE TARIS
de forme de la pulsation ne s'est produit jamais seul ; il a tou-
jours été accompagné d'un changement de volume; il consiste
le plus souvent en un retard et une accentuation du dicrolisme,
indices de l'augmentation de pression sanguine produite par la
constriction des artérioles.
3° Descente du niveau. — Cet effet a été observé sur la majo-
rité de nos sujets ; la vaso-constriction s'accompagne toujours,
d'après nos observations, d'une diminution dans l'amplitude
de la pulsation, de sorte qu'on peut dire que c'est la diminution
d'amplitude qui estle signe le plus constant; elle s'accompagne
aussi le plus souvent d'un changement de forme. La vaso-cons-
triction présente beaucoup de variations individuelles: elle peut
être forte ou faible, lente ou rapide, longue ou courte. Nous
signalons ici un fait assez curieux ; les vaso-constrictions pro-
duites par le travail intellectuel s'observent surtout chez les
sujets dont le tracé, pris pendant l'état normal du repos, pré-
sente des accidents, des descentes dues à de l'idéation ou à
des émotions spontanées, de sorte que souvent on peut pré-
dire d'avance si une personne aura des vaso-constrictions pen-
dant le travail intellectuel ; quand on voit un tracé se développer
dans une direction rectiligne sans aucune descente, pendant
le repos, on peut supposer qu'il s'agit d'un système vaso-moteur
peu excitable, que le travail intellectuel n'impressionnera pas.
L'exemple le plus typique que nous ayons rencontré de vaso-
constriction pendant le travail intellectuel est celui de M. Pi.
(fig. 34) ; brusquement, dès que le travail intellectuel com-
mence, il y a une descente presque à pic du tracé ; la pulsation
se rapetisse, mais parfois elle conserve bien nettement saforme,
etledicrotisme ne change pas de position. Les modifications très
nettes du tracé artériel correspondant montrent plusieurs parti-
cularités intéressantes ; d'abord, tout au début du travail intel-
lectuel, à un moment qui correspond à la vaso-constriction du
capillaire, le tracé artériel présente une élévation, due certaine-
ment à la digue (jue lui présente le capillaire contracté ; dans
la suite du tracé, on remarque que le tracé artériel reproduit
très fidèlement, mais en les émoussant, les ondulations vaso-
motrices du tracé capillaire; ainsi, incontestablement, il pré-
sente lui-même une vaso-constriction. Ceci nous prouve — et
d'autres expériences le démontrent du reste — que l'artère
radiale peut se resserrer pendant le travail intellectuel. Les
phénomènes de cet ordre ne s'expliquent point par une dimi-
BINIÎT ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 163
nution dans la quantité de sang des membres, qui serait le fait
primitif; si c'était là la cause de la descente du niveau, le pouls
capillaire et le pouls artériel changeraient de forme, et présen-
teraient des caractères analogues à ceux qu'on obtient en levant
le bras, c'est-à-dire l'effacement du dicrotisme.
En résumé, les combinaisons qu'on observe le plus souvent
sont :
La diminution d'amplitude du pouls capillaire ;
La diminution damplitude et le changement de forme (pouls
capillaire de haute tension) ;
La diminution d'amplitude, le changement de forme et la
descente du niveau.
Pouls artériel. — C'est du pouls radial que nous voulons
parler. Les effets du travail intellectuel sur le pouls radial sont
moins intenses que sur le pouls capillaire. Nous signalerons les
effets suivants : les ondulations respiratoires, <jui d'ordinaire
disparaissent du tracé capillaire pendant le travail intellectuel,
deviennent au contraire plus nettes sur le tracé artériel, en
partie sans doute parce qu'il est moins contracté que le capil-
laire et qu'il subit une pression plus forte. Le tracé artériel
présente en général d'une façon plus ou moins accentuée une
augmentation de tension, provenant du resserrement des capil-
laires; il participe aussi, dans beaucoup de cas, à la vaso-cons-
triction des capillaires ; cependant, dans les parties correspon-
dantes à une constriction très brusque des capillaires, par
exemple au début du travail intellectuel, il présente une éléva-
tion avec tension forte, qui est certainement un contre-coup de
la constriction des capillaires. On voit qu'en somme la plupart
des caractères présentés par le pouls radial sont consécutifs
aux modifications du pouls capillaire.
Cœur. — Quand le travail intellectuel est un peu intense, le
cœur s'accélère, surtout vers la fin de l'opération de calcul.
Les modifications des tracés de la main produites par le cœur
sont assez difficiles à distinguer. L'exemple typique est celui
de M. E... chez lequel (fig. 31) nous voyons la pulsation capil-
laire et artérielle se réduire de volume, avec disparition du
dicrotisme; or, quels sont les cas où nous avons vu le dicro-
tisme tendre à disparaître? i" quand on élève les bras et ([ue
la quantité de sang diminue; mais dans ce cas la pulsation
passe par une phase d'agrandissement avant de se rapetisser
(voir p. 99), ce qui n'a pas eu lieu ici; 2" quand il y a vaso-
164 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
dilatation active (voir p. 137); mais dans ce cas la pulsation
reste grande d'une manière permanente, ce qui ne se présente
pas ici. Nous supposons donc que l'effet noté sur le tracé de
M. E... tient à une diminution de la force propulsive du cœur,
ce qui du reste est rendu vraisemblable par l'accélération qui
se produit au même moment.
En résumé, il y a des sujets à modifications respiratoires
prédominantes, M. C...; il y a des sujets à modifications car-
diaques prédominantes, M. E... ; il y a des sujets à modifications
vaso-motrices prédominantes, MM. Pi..., Y.... F..., B...,etc.; ils
sont en majorité.
CONCLUSION
Ce qui ressort le plus nettement de toutes nos expériences,
c'est qu'il existe, au point de vue de l'excitabilité du système
vaso-moteur, des dilTérences individuelles considérables ; ces
différences individuelles sont trop fortes pour tenir à l'applica-
tion différente des appareils, et de plus elles restent constantes
pendant de nombreuses séries de séances, ce qui supprime les
causes occasionnelles d'erreurs provenant d'une émotion de
débutant.
L'excitabilité du système vaso-moteur nous a paru présenter
ce caractère important de rester comparable à elle-même sous
l'influence de plusieurs espèces différentes d'excitation, le froid
de la glace, le courant électrique, Tidéation spontanée, les
émotions et le travail intellectuel. Nous réunissons dans un
tableau d'ensemble, les mesures, — évidemment bien approxi-
matives mais supérieures quand même à des appréciations
subjectives — que nous avons prises des réactions vaso-mo-
trices à ces différentes formes d'excitation. On y verra le
curieux parallélisme des effets produits par des excitations
bien différentes. Les trois premiers sujets ont un système
vaso-moteur qui se montre sensible à toutes les espèces d'exci-
tations ; les derniers sujets au contraire ont un système vaso-
moteur qu'aucune excitation n'ébranle fortement.
Outre cette sorte de classification générale qui ressort bien
de notre tableau, il faudrait ajouter une foule de petits détails
d'expérience, trop longs pour qu'il soit possible de les énumérer
tous, qui montrent cette identité d'excitabilité des vaso-moteurs
sous des influences bien différentes. Bornons-nous à trois
exemples, qui prouveront que l'ac^tion du froid et celle du tra-
vail intellectuel peuvent agir d'une manière très analogue sur
BINET ET COURTIER, — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC.
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166 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
un même individu. Chez M. P..., dès qu'on lui pose un problème
de calcul mental, le tracé capillaire a une chute brusque ; l'ap-
plication d'un morceau de glace sur le poignet produit égale-
ment une chute de même nature, sans doute parce qu'il se
joint quelque émotion à cette expérience et bientôt se produit
une douleur intense. Chez M. E..., le travail intellectuel agit
lentement, et le tracé descend peu ; avec une application de
glace, même genre de réaction lente et progressive. Chez M. C...,
le travail intellectuel ne produit presque jamais de modifica-
tions, et les applications de glace (faites dans les mêmes con-
ditions que pour les sujets précédents) sont à peine marquées.
Explication du tableau. — La première colonne verticale
de gauche contient l'initiale du nom du sujet; les colonnes
verticales :2, 3 et 4 présentent les eiTets de l'application d'un
petit morceau de glace, gros comme une noix, sur le poignet.
La constriction est mesurée en millimètres par rapport au
niveau du tracé antérieurement à l'application de la glace.
Toutes les expériences ayant été faites avec le même tambour
et la même longueur de plume, cette mesure est la même pour
tous les sujets; mais évidemment le niveau du tracé, antérieu-
rement à l'application de la glace, ne représente pas le même
état pour tous les sujets, car pour une cause ou une autre les
uns peuvent être en état de constriction à ce moment-là, les
autres en état de dilatation, les autres dans un état mixte.
Nous avons seulement pris des précautions pour que le tracé
fût pris dans des conditions ayant l'apparence de l'état normaL
c'est-à-dire après un assez long intervalle de repos. La mesure
de la constriction a été faite pour tous les sujets au bout de
quinze secondes, afin que les résultats fussent plus faciles à
comparer; mais il faut tenir compte de ce fait qu'au bout de
quinze secondes les uns ont atteint leur maximum de constric-
tion, tandis que chez d'autres, plus lents, la constriction des-
cend encore, et n'atteindra son maximum que beaucoup plus
tard, au bout de quarante-cinq secondes. (M. E. en est un
exemple.) Les chiffres de la colonne 3 indiquent la diminution
d'amplitude du pouls ; le premier chiffre indique en milli-
mètres le pouls antérieur à l'expérience, le second chiffre
indique en millimètres le pouls de constriction, mesuré comme
la constriction au moment indiqué par les temps de la 4" co-
lonne. Les colonnes 5, 6 et 7 sont relatives au travail intellec-
tuel; elles donnent la constriction, la diminution du pouls, et
BINET ET COURTIER. — CIRCULATION CAPILLAIRE, ETC. 167
les explications des colonnes 2, 3 et 4 conviennent ici, sauf
que pour le temps, nous avons indiqué le moment où se pro-
duit la constriction maxima ; les temps inscrits peuvent donc
servir à indiquer la rapidité avec laquelle les sujets arrivent à
s'absorber dans le problème qu'on leur pose ; le travail intel-
lectuel a toujours consisté dans une opération de calcul mental.
Les colonnes 8 et 9 mesurent la constriction et le pouls dans
une inspiration brusque, les colonnes 10 et II font de même
pour l'excitation brusque produite par un coup de gong; enfin,
dans la colonne 10 nous apprécions le plus ou moins de régu-
larité du tracé de chacun pendant un état de repos volontaire.
Nous regrettons beaucoup de terminer notre article sur cette
conclusion partielle. Nous avions pensé, en commençant
notre travail, qu'il serait achevé assez tôt pour être publié
intégralement dans V Année psychologique de 1896. Mais notre
programme d'expériences était très chargé, et des questions
qui, à première vue, nous paraissaient simples et susceptibles
d'une solution rapide, se sont trouvées, à l'expérimentation,
extrêmement complexes et entourées de nombreuses difficultés
qu'aucune théorie ne permettait de prévoir. De ce nombre est
surtout la question des sentiments, dont nous n'avons pour
ainsi dire pas parlé au cours du présent travail, bien que l'idée
de cette question n'ait pas cessé un moment d'être présente à
notre esprit pendant l'année entière qu'ont duré nos expériences
de pléthysmographie.
A. BiNET ET J. Courtier.
Il
RECHERCHES SUR LA LOCALISATION
DES SENSATIONS TACTILES
Dans la présente étude je me propose de décrire les résultats
les plus importants de l'étude de la localisation des sensations
tactiles que je poursuis depuis 1892. Avant de passer au sujet
même de cette élude je dois présenter ici mes remercîmenls à
mon cher maître M. Binet pour les nombreux conseils et les
indications qu'il a bien voulu me donner pendant cette étude et
à M. Kïdpe qui, pendant mon séjour à Leipzig pendant l'été
de 1892, m'a indiqué qu'on doit, d'une part, distinguer la per-
ception de deux points avec la peau et la localisation d'un con-
tact ponctuel, et qu'on doit, d'autre part, ne pas admettre que
la perception de deux points avec la peau est une mesure du
seuil de l'espace tactile ; c'est à la première question que je me
suis attaché.
Lorsque quehju'un touche un point de notre corps, si nous
prêtons attention au contact, nous le transportons en un point
de notre corps, nous avons idée que c'est tel point particulier
de notre corps qui est touché ; par conséquent, à tout contact
ponctuel de la peau nous attribuons une localisation. La pre-
mière question qu'on doit se poser est la suivante : le point de
nôtre corps où nous croyons que le contact a lieu correspond-
il bien au poii\t touché, et s'il ne lui correspond pas quelle est
la distance des deux points ?
Pour répondre à cette question il faut pouvoir préciser le
point où nous croyons que le contact a lieu, le sujet doit donc
indiquer le point où il croit que le contact est produit ; comment
l'indiquer? On peut, croyons-nous, distinguer plusieurs mé-
thodes de localisation :
1" On produit un contact avec une pointe, le sujet ayant les
V. HENRI. — LA LOCALISATION DES SENSATIONS TACTILES 169
yeux fermés, puis on enlève la pointe, le sujet ouvre les yeux et
indique sur la peau le point où il croit avoir été touché fmé-
thode de A. W. Volkmann^) ; en indiquant sur la peau le point
où il croit avoir été touché, le sujet peut soit le montrer avec
une T^oxnle san& le toucher , soit le montrer et le loucher en même
temps; ce dernier contact lui permettra dans quelques cas de
corriger son indication visuelle. Cette méthode exige un certain
acte de mémoire qui peut influer sur les résultats ; en elTet le
sujet montre le point lorsque la pointe est déjà enlevée, lorsque
le contact a déjà cessé ; il doit donc retenir dans sa mémoire le
lieu touché ; un autre défaut de cette méthode est qu'elle ne
permet pas l'emploi de contacts intenses puisque ceux-ci lais-
seraient une trace sur la peau et le sujet reconnaîtrait alors le
siège du contact. Nous avons apporté une modification à cette
méthode en laissant le sujet localiser soit sur une photographie
de grandeur naturelle de la région explorée, soit, d'après l'indi-
cation de M. Wundt, sur un modèle en gypse du membre touché.
L'expérience est donc faite de la manière suivante : le sujet a
son bras gauche par exemple caché derrière un écran, il a
devant lui un modèle en gypse de son bras gauche ; l'expéri-
mentateur touche un point du bras gauche, et le sujet doit
montrer sur le modèle le point qu'il croit être touché; ici le
contact dure tout le temps que la localisation est produite.
Cette méthode permet d'employer des contacts intenses aussi
bien que des contacts faibles.
2" Une deuxième méthode, différente de la précédente, est
celle proposée par E.-H. Weber - ; on touche un point du bras
gauche du sujet qui a les yeux fermés, celui-ci tient une pointe
dans la main droite et il doit avec cette pointe toucher le même
point de la peau que celui louché par l'expérimentateur. Cette
méthode se compose de plusieurs facteurs : il y a un mouve-
ment de localisation du bras droit, on doit donc étudier si ce
mouvement à lui seul peut donner lieu à une localisation pré-
cise ; l'expérience est faite de la manière suivante : on touche
un point du bras gauche du sujet qui a les yeux bandés, le
sujet doit avec son index droit montrer le point de la peau où
il est touché, c'est-à-dire il doit déplacer sa main droite de façon
(1) A.-W. Volkniîuin. \en'pnpliij.siolof/ie. \Vagners Ilandwôrterb il. l'hv-
siol., t. II, 1841. p. o7l.
(2) E.-M. W'-'licr. l'eber di'ii Hainnahin und die Eii)pf)u/iiii;/sl,rri.sp in fier
Haut und i>n A/.-;/(-. Bericlitc iJ. Siichs. Ges. d. Wiss., I8.V2, ji. 80-164.
170 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
qu'il lui semble que son index droit se trouve à 1 ou 2 cen-
timètres au-dessus du point touché, le sujet ne doit certaine-
ment pas toucher sa main gauche avec l'index droit.
Lorsqu'on fait les expériences par la méthode de localisation
de Weber et qu'on interroge les sujets sur la manière dont ils
font cette localisation, on remarque que quelques-uns se ser-
vent de l'image visuelle de l'endroit touché, c'est-à-dire lors-
qu'on touche un point du bras gauche ils se représentent le lieu
touché sous forme d'une image visuelle ; puis lorsqu'ils doivent
toucher avec une pointe le même point de la peau ils sont
guidés par l'image visuelle de l'endroit touché, ils touchent le
point de la peau qui leur semble correspondre au point repré-
senté; ceci étant, ils portent l'attention sur la nature du con-
tact ; il y a donc deux facteurs qui jouent un rôle : l'image
visuelle et la nature du contact (c'est-à-dire si le contact est
sur une partie molle de la peau, ou sur une saillie d'os, si la
peau est épaisse ou fine, etc., etc.).
Il fallait par conséquent chercher à isoler ces deux facteurs-
et étudier leurs influences séparément ; pour le faire nous avons-
procédé de la manière suivante :
a. Un point est marqué à l'encre sur le bras gauche du sujet
sans produire de contact, le sujet doit bien regarder ce point,
remarquer sa position sur la peau, puis il ferme les yeux et doit
avec une pointe qu'il tient dans la main droite toucher le point
marqué ; ici l'image visuelle joue le rôle prépondérant, la
nature de la sensation tactile joue un rôle moindre ; en effet,,
en regardant le point marqué, le sujet fixe sa position dans la
mémoire sous forme d'image visuelle, mais en même temps il
raisonne et se représente la nature du contact de ce point, il se
dit par exemple : c'est une partie molle de la peau ; donc en
cherchant le point je ne devrai pas rencontrer de résistance,
c'est une partie mobile de la peau, elle est fine, etc., etc. : en
somme, le sujet se représente aussi la nature du contact du point
marqué.
b. Le sujet regarde sa main gauche, l'expérimentateur touche
un point de cette main ; le sujet peut donc fixer ce point dans
sa mémoire d'une part par l'image visuelle et puis par la nature
du contact de ce point; ceci étant, le sujet ferme les yeux et doit
toucher avec une pointe le point marqué ; cette méthode diffère
de la précédente seulement en ce que le point, que le sujet doit
loucher, est touché ; le sujet, au lieu de se servir de l'image
visuelle et de la représentation tactile, pourra se servir de
V. niîNRI. — LA. LOCALTSATION DES SENSATIONS TACTILES 171
l'image visuelle et de la sensation tactile. En comparant ces
deux méthodes, on pourra peut-être déterminer Tinlluence que
la nature du contact peut avoir sur la précision de la localisa-
tion. Enfin, en comparant cette deuxième méthode avec la mé-
thode de localisation de AVeber dans laquelle le sujet se guide
surtout par la sensation tactile, on pourra avoir quelques don-
nées sur l'influence que la représentation visuelle peut avoir
dans la localisation.
3" La troisième méthode de localisation que nous avons étu-
diée peut être appelée en général une localisation par des mou-
vements. Nous avons indiqué plus haut pourquoi nous y avons
été amenés : on doit déterminer jusqu'à quel point les mouve-
ments de localisations seuls peuvent permettre une localisation
d'un contact tactile. Nous avons étudié cette question pour deux
genres de mouvements : a. Pour les mouvements de localisa-
tion du bras : un point du bras gauche est touché, le sujet qui
a les yeux fermés doit avec son index droit indiquer ce point,
mais sans toucher la main gauche ; il doit déplacer son bras
droit de façon que son index lui semble être à 2 centimètres
au-dessus du point touché, h. Pour les mouvements des yeux et
de la tête : le sujet a son bras gauche plié au coude de façon
que son avant-bras et sa main soient parallèles à sa poitrine ;
au-dessus de ce bras gauche se trouve un carton blanc avec des
divisions en carrés; on dit au sujet : « Fixez le milieu de la
2'' phalange du médius », il doit chercher à fixer ce point avec
ses yeux et doit indiquer quel point du carton correspond au
point fixé ; un artifice spécial que nous décrirons plus loin
permet de savoir h quel point du carton correspond en réalité
le point cherché ; on pourra donc facilement savoir la précision
avec laquelle cette localisation avec les yeux est faite.
Tellessont les différentes méthodes que nous avons employées ;
passons maintenant à l'exposition des résultats les plus impor-
tants obtenus pour ces différents genres de localisation.
METHODE DE LOCALISATION VISUELLE
Les expériences dont nous rapportons ici les résultats ont
été faites à Paris au laboratoire de la Sorbonne depuis oc-
tobre 1892 jusqu'en avril 1894, et ensuite au laboratoire de
172 TRAA'AUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
Leipzig depuis mai 4894 jusqu'en décembre i89o; à Paris les
expériences ont été faites sur deux sujets et sur moi-même, à
Leipzig elles ont été faites sur onze personnes : MM. Ari'er,
Brahn, Grolenfeld, fleller, Judd, Kiesow, KiUpe, Mnuiiann^
Moldovani, liddler et Rodo&laioow ; ]e me permets ici de les
remercier.
Nous ne donnerons pas dans la suite toutes les tables et tous
les chiffres obtenus ; nous nous contenterons de quelques
chiffres seulement.
La méthode de localisation que nous appeloris visuelle con-
siste à indiquer le point oii le contact semble être produit, soit
sur la peau même lorsque le contact a cessé, soit sur une pho-
tographie de la peau ou sur un modèle en gypse ; dans ce der-
nier cas la localisation peut être faite pendant que le contact
dure ; nous parlerons d'abord de cette deuxième modification
où on localise sur une photographie ou sur un modèle.
Nous avons fait des expériences presque exclusivement sur
l'avant-bras et la main. Voici comment l'expérience est faite :
le sujet a sa main et son avanl-bras posés sur la table, ils
sont cachés au sujet par un écran, devant lui le sujet a une
photographie de sa main ou un modèle en gypse ; l'expérimen-
tateur touche un point de la main du sujet, et celui-ci doit
montrer avec une pointe sur le modèle le point où il croît être
touché ; l'expérimentateur marque sur un modèle spécial le
point touché et le point indiqué par le sujet ; ceci fait, il inter-
roge le sujet, lui demande comment la localisation a été faite;
nous avons pris des observations internes des sujets après
chaque expérience ; il fallait certainement prendre beaucoup
de précautions en interrogeant les sujets ; on doit en effet être
toujours très prudent pour ne pas les influencer. On pose pour
cela des questions très générales : » Décrivez comment vous
avez fait la localisation ; » et on note tout ce que le sujet dit;
souvent lorsque la personne n'est pas habituée à s'observer,
elle ne répond que très vaguement dans les premières expé-
riences, il faut bien se garder de la pousser, de lui poser des
questions précises : si elle a eu une image visuelle, si elle a
employé quehfue point de repère, etc., etc.; il faut attendre et
seulement prier la personne de chercher à s'observer aussi
complètement que possible ; après un certain nombre d'expé-
riences, les observations deviennent plus longues et plus nettes,
alors on peut quelquefois poser à la personne des questions
plus précises; si elle dit, par exemple: «J'avais une image visuelle
V. UENRI. — LA LOCALISATION DES SENSATIONS TACTILES 173
de la partie touchée », on demande comment était cette image
visuelle, était-elle nette ou non, embrassait-elle une grande
partie delà peau, etc., etc.? Si le sujet dit, par exemple :
« Je me suis servi pour orienter et déterminer le point touché
de tel point de repère " ; on demande en quoi ce point de
repère peut aider à orienter et déterminer le point touché.
En somme, il ne faut jamais poser de questions nouvelles,
il faut s'attacher à ce que le sujet dit et le prier seulement
de préciser mieux telle expression spéciale qu'il emploie.
Il existe évidemment un certain nombre de personnes habi-
tuées à s'observer et avec lesquelles on n'a pas besoin d'em-
ployer autant de précautions.
Chaque expérience avec l'observation interne dure ainsi
de trois«à cinq minutes; après cinq expériences, une pause de
cinq minutes est faite pendant laquelle on cause de sujets tout
à fait difTérents des expériences ; de cette façon on évite une
fatigue qui pourrait modifier les résultats.
Ce sont les observations internes qui ont apporté les résul-
tats les plus intéressants ; ceux-ci, joints aux résultats numé-
riques des erreurs de localisation, permettent de se faire une
idée approximative de l'acte délocalisation. Nous appuyons sur
cette importance de l'observation interne prise après chaque
expérience, parce qu'en général elle est négligée; beaucoup
de psychologues la considèrent comme inutile et même nuisible,
ils se contentent de résultats numériques qui sont, d'après
eux, « précis », tandis que les observations internes sont
vagues, ne peuvent pas être mesurées et ne peuvent pas être
mises en tables. Dans notre cas présent si nous n'avions que les
résultats numériques nous pourrions en tirer que la localisa-
tion est plus précise en certains points de la peau que dans
d'autres, que souvent l'erreur de localisation a une direction
constante, et c'est tout; tels sont les résultats signalés par
KoUen Kampf et Ullrich et par Lewy qui ont fait des expé-
riences par la méthode de localisation de Weber sans prendre
les observations internes des sujets ; mais en général on ne se
contente pas d'énoncer ces résultats des chiffres, on veut les
interpréter et les expliquer; pour cela on construit une théorie
basée souvent sur l'observation interne de l'auteur de cette
théorie ; s'il a par exemple des images visuelles nettes de la
partie de la peau touchée, il affirmera que chacun doit avoir une
image visuelle de la partie touchée, et il construira une hypo-
thèse qui fera ressortir l'importance de l'image visuelle.
174 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
L'observation interne prise après chaque expérience permet
d'obtenir une explication des résultats numériques appuyée
sur des faits ; on pourrait même dire, croyons-nous, qu'il vau-
drait mieux laisser de côté les résultats numériques et tenir
compte seulement des observations internes que de faire le
contraire, c'est-à-dire ne s'occuper que des résultats numé-
riques ; on apprendrait dans le premier cas bien plus sur
l'acte de localisation que dans le second : les détails sont don-
nés par les chiffres, les choses essentielles par les observations
internes !
Nous avons pris quelques précautions dans l'ordre des
expériences : d'abord le sujet ne savait rien sur les résul-
tats, il ne savait pas quelles erreurs il faisait ; le même
point n'était jamais touché deux fois pendant une séance ; les
points touchés dans deux expériences successives étaient
choisis dans des parties éloignées de la peau, pour qu'on ne se
servît pas du contact précédent dans la localisation. Les con-
tacts étaient produits avec une pointe en bois, de façon à ne pas
provoquer de pi(]ûre douloureuse, l'intensité du contact était
moyenne de façon que le sujet put sentir le contact tout le
temps que la localisation durait; nous avons fait aussi avec
trois sujets des expériences où le contact était aussi faible que
possible, de façon que le sujet le sentît à peine pendant un
temps très court. Passons maintenant aux résultats obtenus
dans ces séries.
Tout d'abord nous devons décrire comment les différents
sujets font la localisation sur le modèle ; on peut dire ({ue
chacun a une méthode à soi, mais on peut, d'après les traits
généraux, diviser les sujets en deux grands groupes :
1" Ceux qui ont des images visuelles nettes et détaillées ;
2" Ceux qui n'ont que des images visuelles très vagues ou
n'en ont presque pas.
Les premiers localisent le contact d'abord sur une image
visuelle de leur main, et puis transportent cette localisation
sur le modèle; ils ferment les yeux et attendent le contact;
lorsque celui-ci est produit ils ont de suite une image visuelle
nette de la partie de la peau où le contact se trouve ; cette
partie de la peau qu'ils se représentent est de grandeur diffé-
rente suivant l'endroit : si c'est un doigt qui est touché, le
milieu de la première phalange du médius par exemple, ils se
représentent nettement toute la première phalange du médius,
la deuxième phalange est aussi représentée, mais moins nette-
V. HENRI. — LA LOCALISATION DES SENSATIONS TACTILES 1 iO
ment ; quant aux autres doigts chez quelques sujets ils sont
représentés très vaguement; chez d'autres, ils ne le sont pas du
tout ; cette représentation visuelle de la partie où le contact a
lieu est chez les uns très complète : ils « voient » la peau avec
la couleur, avec les plis, avec tous les détails; ils « voient »
la pointe en bois qui est posée sur un point de la peau ; ils
« voient » même l'ombre projetée par cette pointe de bois sur
la peau; d'autres ont des images visuelles moins détaillées,
ils se représentent les contours et les plis, mais ne se repré-
sentent ni la couleur de la peau, ni les détails, ni enfin la
pointe en bois avec laquelle on les touche ; c'est en somme une
image visuelle schématique, une image visuelle géométrique,
comme l'appelle notre maître M. Binet; en somme, cette image
visuelle de la partie de la peau oii le contact se trouve passe
par tous les stades d'une image aussi complète que la perception
a une image tout à fait schématique qui ne contient que les
points et les lignes proéminantes. La grandeur de la partie de
la peau représentée varie suivant les endroits ; ainsi elle
n'embrasse qu'une phalange sur les doigts ; sur le milieu de la
main elle embrasse au moins la moitié de la main ; sur l'avant-
bras elle embrasse d'abord toute la largeur de l'avant-bras et
puis une zone de 5 à 10 centimètres de longueur; en somme,
plus le sens du lieu de la partie de la peau touchée est déve-
loppé, moins sera grande la partie de la j)cau représentée.
Le sujet aj^ant cette représentation de la partie de la peau
cherche à localiser dans cette partie le point touché ; pour le
faire la plupart des sujets apprécient la distance du point touché
à certains points saillants de la peau, à des plis, aux bords, etc. ;
ils choisissent des points de repère auxquels ils rapportent le
point touché. Cette localisation du point dans l'image visuelle
étant terminée, le sujet ouvre les yeux et regarde le modèle, sur
lequel il indique le point qu'il s'était représenté ; quelquefois,
en voyant le modèle le sujet est obligé de faire une correction :
il s'était, par exemple, représenté sa main plus petite
qu'elle ne l'est en réalité, il s'était représenté que telle saillie
d'os se trouvait à un autre endroit qu'elle ne l'est en réalité ; en
somme, le sujet fait une correction lorsque la représentation
visuelle ne correspondait pas à la réalité ; mais un autre motif
encore a poussé quelques sujets à faire des corrections : c'est
la qualité du contact ; la représentation visuelle contient sur-
tout les contours, les plis et les saillies d'os, elle n'indique pas
clairement quelle qualité le contact doit avoir en tel point spé-
176 TRAVAUX nu LABORATOIHK DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
cial de la peau, elle n'est pas assez détaillée pour cela; en
voyant le modèle le sujet remarque quelquefois que le point où
il s'était représenté le contact est sur une partie où il y a peu
de muscles, où sous la peau se trouve un os ; son image visuelle
ne le lui avait pas indiqué; par conséquent le contact du point
où il crovait que le contact doit avoir lieu aurait une qualité
spéciale correspondant à une partie dure de la peau, et si le
contact senti n'a pas cette qualité, le sujet sera par cette qua-
lité conduit à modifier son indication primitive. On devrait donc
conclure de ce qui précède que la localisation sur un modèle a
des avantages par rapport à la localisation sur une représenta-
tion visuelle seulement; il faudrait donc s'attendre à ce que
les sujets en profiteraient et localiseraient sur le modèle aussi-
tôt que le contact est produit ; pourtant certains sujets disent
(ju'il leur est plus facile de localiser d'abord les yeux fermés
sur une représentation visuelle et puis de transporter cette
localisation sur le modèle, quoique quelquefois ce dernier
transport exige des corrections; ils disent qu'ils ne peuvent
pas aussi bien se concentrer, s'ils regardent tout le temps le
modèle, que ce modèle les gêne et les empêche de bien former
une représentation visuelle, que sur ce modèle toutes les par-
lies sont également nettes, tandis que sur une image visuelle
on augmente la netteté de certains points de la peau et on néglige
les détails, comme on le fait par exemple lorsqu'on copie une
ima-^e microscopique en indiquant les traits principaux et en
né"-ligeant les poussières et déchirures de la préparation.
Les sujets qui n'ont pas d'images visuelles nettes ou qui n'en
ont presque pas localisent de suite sur le modèle, ils disent que
sans modèle ils ne pourraient que décrire avec les mots l'endroit
touché, ils le feraient de façon à pouvoir le toucher, mais ils
n'ont pas d'image visuelle ; en localisant sur le modèle, ils
cherchent aussi à rapporter le point touché à des points de
repère, ils apprécient la dislance de ce point à des plis, à des
saillies d'os, à des tendons, aux bords, etc. ; lorsqu'on pose
tranquillement sa main sur la table et qu'on porte son atten-
tion sur la main et sur la sensation qu'on y éprouve, on
remarque qu'on perçoit un peu la position des plis, des bords
et des articulations ; lorsqu'un point de la peau est touché, le
sujet sait de suite dans quelle partie de la peau ce point se
trouve : s'il est sur le doigt, ou sur la main, ou sur l'avant-
bras, etc. ; pour préciser le point touché il tient compte de ces
sensations qu'il a des plis et des points remarquables de la
V. HENRI. — LA LOCALISATION DES SENSATIONS TACTILES 1""
peau, il apprécie la distance du point louché à ces points ae
repère; mais de plus ces sujets portent beaucoup leur attention
sur la qualité du contact, ils se demandent si le contact est sur
une partie molle, sur une partie dure, sur une partie mobile,
sur le milieu d'un membre ou sur le côté, sur un pli, sur une
partie où la peau est fine ou épaisse, etc., etc.; tous ces carac-
tères sont appréciés et le sujet cherche sur le modèle un point
qui corresponde d'une part à cette qualité spéciale du contact et
de l'autre aux distances appréciées des différents points.de
repère.
Deux des sujets ont ajouté à ces moyens de localisation
encore un troisième : ayant déterminé sur le modèle le point
où ils croient que le contact a lieu, ils font une vérification ;
soit A le point que le sujet a indiqué sur le modèle, il louche
ensuite sur le modèle un point voisin B et se
demande quelle devrait être la qualité du contact
de ce point B; celle représentation de la qualité
du contact de B est comparée au contact perçu ;
si elle ne correspond pas, le sujet en conclut que ^.^ o-
ce ne peut pas être le point B ; de même il pro-
cède à l'exclusion d'autres points C, D .., et, ceci fait, il loca-
lise définitivement le contact.
En examinant les erreurs de localisation commises, il faut
distinguer pour chaque erreur sa grandeur et sa direction ; il
s'est dégagé chez tous les sujets un résultat que nous avons
déjà publié en 1893 ', c'est que da)is la grande majorité des
cas les erreurs de localisation pour un contact ponctuel ont
une direction presque constante ; si on examine pour chaque
expérience l'erreur commise et l'observation donnée par le
sujet, on remarque que presque toujours Verreur de localisa-
tion est commise dans la direction des points de repère que le
sujet a employés pour localiser le contact ; si, par exemple,
pour localiser un contact il a apprécié la distance du point
touché à un certain pli, il localise le point plus près du pli
qu'il ne l'est en réalité ; il y a pourtant une exception où le sujet
localise le point plus loin du pli qu'il ne l'est ; ceci arrive
lorsque le sujet trouve la distance du point au pli grande,
lorsqu'il se dit « le point est loin du pli », dans ces cas la
distance est souvent exagérée.
(1) V. Henri. Recherclies sur la localisation des sensations tactiles. {Arch.
de Physiul., octobre 1893.)
.\NNÉE PSYCHOLOGIOUE. II. 12
178 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCnOLOGIE DE PARIS
Si on compare les grandeurs des erreurs de localisation pour
différents points, on remarque qu'elles varient suivant les
parties de la peau ; l'erreur de localisation est plus faible sur
les doigts que sur la main, plus faible sur celle-ci que sur
l'avant-bras; elle est plus faible sur les plis marqués et sur les
endroits marqués de la peau oîi le contact a une qualité tout à
fait caractéristique ; j'J^ifs il y a de points de repère dans le
voisinage du point touché et plus la qualité du contact est
caractéristique, moins Verreur de localisation sera grande.
Nous disons que la qualité du contact d'une partie de la peau
est caractéristique lorsqu'elle ditTère de la qualité du contact
d'autres parties.
Nous donnons dans la suite pour illustrer ces résultats quel-
ques tables; dans ces tables la direction de l'erreur de locali-
sation est indiquée par une flèche ; pour
Doigts chaque point nous avons donné les résul-
tats de plusieurs expériences sur ce point;
•rx ces expériences pour un même point cor-
respondent à des jours différents ; pour
bien expliquer comment on doit lire les
Avant -tras tables donnons un exemple ; nous voyons
Fig. 30. dans la table correspondant à M. Grotenfeld
qu'en touchant un point de la deuxième
phalange de l'index face dorsale, à un centimètre du pli de
la l'*^ phalange, le sujet a la première fois indiqué sur le modèle
un point qui se trouve à 1:2 millimètres du point touché dans
la direction de la première phalange du doigt(î) ; l'observation
interne nous montre que le sujel avait douté de quel côté du
pli le point était, c'est-à-dire s'il était sur la 1"-' ou la 2*^ pha-
lange ; la deuxième fois, un autre jour, le sujet commet une
erreur de localisation de 7 millimètres en bas et à droite ; il a
apprécié la dislance du point touché au pli et au bord droit de
l'index, etc.
/^
.-^ "^
G auche
É
V. UENRI. — LA LOCALISATION DES SENSATIONS TACTILES 171)
GROTENFELD. — Localisation d'un contact ponctuel
sur un modèle ; bras droit, face dorsale.
POINTS TOUCHÉS
" Index, 2" pha-
lange 1 cm. du
pli de la 1" pha-
lange.
2" Médius sur le pli
entre la 1'° et la
2'= phalange, côté
gauche du doigt.
3" Sur le tendon de
l'inde.v à 2 1/2 cm.
du métacarpien
de rinde.\.
4° Sur le tendon du
médius, ;ï31/2cm.
du métacarpien
du médius.
Milieu de la main
entre les tendons
du médius et de
l'index à 4 cm. du
métacarpien du
médius. A 8 milli-
12"
12"
2
6
7
13"'"'
6
U
12
10
18"
22
14
8
OBSERVATIONS INTERNES
Doute de quel côté du pli le point est.
Apprécie la distance au pli et au bord
droit de l'index.
Apprécie la distance au pli.
Ne sait pas d'abord si c'est l'index ou
le médius, puis sent sur le médius;
localise sur la 1'" phalange.
Ue suite indique le point, qualité spé-
ciale.
Apprécie la distance au bord gauche du
doigt.
Doute de quel côté du pli.
La qualité montre que le point est à
gauche du tendon du médius, ap|)ré-
cie la distance au métacarpien du
médius.
A gauche du tendon de l'index.
D'après la qualité semble sur le tendon
de l'index, apprécie la distance au
métacarpien de l'index.
kl. i</.
Entre les métacarpiens de l'index et
du médius, apprécie la distance aux
deux.
Entre les métacarpiens du médius et
de l'annulaire, apprécie la dislance,
relativement à ces repères.
La qualité montre que c'est le tendon,
apprécie la distance aux métacar-
piens.
«Jualité d'une partie dure, montre une
saillie d'os (os capitatum).
A droite du tendon de l'index, distance
à l'articulation du poignet.
A droite du tendon de l'index et en haut
de la saillie d'os (os capitatum).
180
TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE TARIS
Œ
c
POINTS TOUCIUÎS
ti; =
5
OBSERVATIONS INTERNES
mètres du point
12""°
V
Apprécie la distance aux métacarpiens
précédent à gau-
de l'index el du médius.
che et en bas.
G
/
Entre les tendons, apprécie la distance
aux métacarpiens-
10
ï
Apprécie la distance aux métacarpiens.
entre les tendons.
6° Sur la saillie d'os
30""°
%
Se demande de quel côté du pli de
à "20 mm. en bas
l'avant-bras, à égale dislance des
du point précé-
bords.
dent ; là oii il avait
2G
l
Apprécie la distance au pli de l'avant-
localisé la pre-
bras.
mière fois le point
précédent ; à 31/-2
23
t
hl. hl.
cm. de l'articula-
7
^
A gauche du tendon de l'index, partie
tion du poignet.
dure.
12
<-«
Partie dure, plus près du bord gauche
que du bord droit de la main.
4
^Ji^
Partie dure, tendon de l'index, distance
f
aux bords.
1
7° Avant-bras, à 4 1/2
.1 t:)inrn
Apprécie la distance aux bords, parait
cm. du poignet;
plus près du bord gauche ; parait être
à égale distance
sur un muscle (qui ressort sur le mo-
des bords.
dèle en bas et à gauche de ce point).
12
t
Distance aux bords el à ce muscle.
33
f
Distance au bord gauche et au muscle.
3i
*
hl. iil.
8" Milieu de Tavant-
r^2'"m
î
Apprécie la distance au coude et aux
bras à égale dis-
bords.
lance du poignet
13
\
Apprécie la distance au poignet el aux
et du coude, cette
tjords.
distance égale à
Jl cm.
8
/
Apprécie la distance aux bords, parait
également distant du coude et du
poignet.
48
t
La qualité montre que c'est une partie
molle, apprécie la dislance au coude
et aux bords.
8
r
Milieu de l'avant-bras, égale distance
du j)oigncl et du coude.
22
î
Plus près du coude que de la main ; la
(|ualité montre que c'est la partie la
plus haute de l'avant-bras, le point
est à égale dislance des bords.
V. HENRI. — LA LOCALrSATIOX DES SENSATIONS TACTILES 181
JUDD. — Localisation d'un contact sur un modèle ;
bras gauche, face dorsale.
POINTS TOUCHÉS
r Tendon de l'an-
nulaire à 2 1/2 cm.
du métacarpien.
2° Tendon de l'index
à 2 cm. du méta-
carp. de l'index.
3" A I 1/2 cm. à
Rauche du pli en-
tre le pouce et la
main, surla partie
moite du muscle.
' Milieu de la main
sur le tendon du
médius, à4 1/2cm.
du métacarpien
du médius.
' Avant -bras, à
4 1/2 cm. du poi-
gnet, à égale dis-
tance des bords.
6" Milieu de Tavant-
bras ; à 13 cm. du
poignet.
4 I intr
17
14
15
12"
12
13
W
17
14
14
11
OBSERVATIO.NS INTERNES
Apprécie la distance à l'avant-bras,
aux métacarpiens et au bord gauche
de la main.
Apprécie la distance au métacarpien
de l'annulaire.
Sur le tendon, apprécie la distance au
métacarpien.
Près du mètac. de l'index sur le tendon.
id. id.
id. id.
^ Partie molle, mais pas la plus molle
qu'on trouve dans celte partie; c'est
au bord du muscle, du c<"tté du tendon
de l'index ; la partie est trop molle
pour que ce soit le tendon de l'index,
c'est donc à droite du tendon de l'in-
dex ; apprécie de plus la dislance au
métacarpien de l'index.
s/
■Tmin
d
;j
\
15
l
15
l
i
\
10"""
t
27
l
7
/
Milieu de la main, partie dure.
A droite du tendon du médius, la qualité
montre que c'est une saillie d'un os.
Près du tendon, partie dure, milieu de
la main.
/-/. id.
.Apprecieladist.au poignetetaux bords.
id. id.
id. id.
id. id.
id. id.
Milieu entre le poignet et le coude.
Apprécie la dist. du coude et des bords.
/ ÎApprécie la distance du coude ; le mo-
\ dèle étant parallèle au bras pense <|uel
^ mouvement il devrait exécuter avec la
l main droite pour louclier avec son
/ ) index droit le point touché, la direc-
tion de ce mouvement rapporté au
modèle donne la position du point.
182
TRAVAUX DU LABORATOHiE DE PSYCnOLOGIE DE PARIS
RÂDLER. — Localisation d'un contact sur un modèle;
main droite, face dorsale.
POINTS TOUCHÉS
10 Index, pli entre
la V et la 2- pha-
lange, milieu.
2° Index, milieu de
la 1'" phalange.
3° Médius. 1"= pha
lange un peu au-
dessous du pli
avant la 2« pha-
lange.
a:
3
40"
38
18
12"'
22
20
4° Surlamain,dans
le iirolongemenl
de l'index à 4 cm.
duroétacarpiende
l'index.
' Côté gauche de
laniain,à2 l/2cm.
en. bas du pli
entre le pouce et
la main.
36"
7
6
10
25
27
OBSERVATIONS INTERNES
25
20
10
33
Sent nettement sur le métacarpien de
l'index.
A un peu appuyé le bout de l'index
contre la table, ceci lui permet d'ap-
précier la distance à l'ongle.
Sur le pli du milieu.
Apprécie la distance au métacarpien
et aux bords du doigt.
Sent sur le métacarpien de l'index.
i(L h/.
Sent sur le métacarpien du médius.
Sur le pli du milieu un peu à gauche.
l'/. id.
Se représente une ligne qui va du pli
du pouce avec la main au métacar-
pien de l'index, puis une ligne qui
joint le point louché au pli et une
autre qui joint le point au métacar-
pien de l'index, se construit ainsi un
triangle, apprécie les longueurs rela-
tives des côtés de ce triangle.
; jl,e point se trouve sur une ligne qui
' joint le métacarpe de l'index à l'ar-
I \ ticulalion du poignet, apprécie la
distance au métacarpien de l'index.
Partie molle, apprécie la distance au
pouce.
Apprécie la dislance au métacarpien de
l'index, la qualité est caractéristique :
partie molle, la pointe s'enfonce faci-
lement dans la peau.
Apprécie la distance à l'avant-bras et
au bord gauche de la main.
Apprécie la dislance au pli du pouce
avant la main.
Le point se trouve sur une ligne qui
va du pli au métacarpien de l'index,
il est au milieu de cette ligne.
V. HENRI. — LA LOCALISATION DES SENSATIONS TACTILES J 83
POINTS TOUCHES
0" Sur l'avant-bras
à 5 cm. du poi
gnet, à égale dis-
lance des bords.
7" Milieu de l'avant-
bras à 12 cm. du
poignet.
a
o
s ?
M s
H
ce
Ul
« S
a:
w ^^
o
16"""
^
10
/
4
7/
7
22
3Qmm
i )
40
! i
OBSERVATIONS INTERNES
Apprécie la distance au poignet et aux
bords.
Se représente une ligne transverse au
bras à la jointure de l'avant-bras et du
poignet; sur le milieu de cette ligne
élève une perpendiculaire, le point se
trouve sur cette perpendiculaire à une
certaine distance qui est appréciée.
S'est représenté une ligne transverse
au bras passant par l'articulation du
poignet, sur le milieu de cette ligne
élève une perpendiculaire, le point
est sur cette perpendiculaire, appré-
cie la distance au poignet.
V. II. — Localisation d'un contact sur une photographie ;
main gauche, face palmaire, fig. 37.
NUMÉRO
des
points touchés.
ce ^
o
H
O
£d
EE
ï
V /
î
i:
\\
\
i
OBSERVATIONS INTERNES
1
1 .')mm
13
18
12
12
8
Apprécie la distance du point au bord gauche
de l'avant-bras et au pli du poignet A.
Près du milieu, loin de A.
2
3
12
8
8
4
Apprécie la distance à A et au bord droit de
l'avant-bras.
Près du milieu, loin de A.
3
17'"'"
19
22
12
17
10
Apprécie la distance au coté gauche, le point
parait un peu au-dessous de A.
Milieu, pas loin de A.
Milieu, très loin de A.
■18^
TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
NCMERO
des
points lnuchi''S.
lU"'"
9
9
6
14
13
8
12
13
17
G
OBSERVATIO.SS INTERNES
i 'Moitié droite, paraît èlre sur le pli B ou peut-
2 i être un peu au-dessous.
î I
. 'Le point paraît être entre les plis A et B.
13'"
10
11
.0
o
Milieu, entre A et B.
Milieu, au-dessous de A et de B.
Un peu au-dessous de A.
Apprécie la disl. au bord gauche et au pouce.
Apprécie la dislance au bord gauche, le point
est sur B ou au-dessous.
14"
14
12
12
tl
0
V
j .Parait être sur le milieu du pli A.
r.ùté droit, un peu au-dessus du pli B.
r
G
h
2
6
3
K jMiiieu du bras sur A.
\
\
jUn peu
au-dessus de A.
.Au-dessous de A ou peut-être sur A.
S"""
(i
3
8
,S
il
Sur A au milieu.
^ ^Sur A cùté droit.
^ (.Milieu un peu au-dessus de A.
• [Sur le rùtè droit do la paume, loin du pli <;.
\
vpprécie la distance au pli C, n'en est pas loin,
apprécie la distance au milieu de la paume
et au pli C.
Apprécie la distance au bord droit de la
paume et au pli A.
Près du pli C.
V. HEXRI. — LA LOCALISATION DES SENSATIONS TACTILES
185
NUMÉRO
fies
points toucliôs.
C2 r
î
î
l
î
OBSERVATIONS INTERNES
10
10'"'"
9
7
9
10
5
Parait sur le pli C, près du croisement des
plis rt, apprécie la distance au pli A.
II était intéressant de comparer les résultats de la localisa-
tion sur un modèle à la méthode des compas de Weber par
laquelle on détermine la plus petite distance de deux points
de la peau qui, touchés simultanément, donnent lieu à la sensa-
tion de deux pointes ; cette comparaison était d'autant plus
Fig. 37.
intéressante à faire que beaucoup d'auteurs confondent la
perception de deux points sur la peau avec la localisation des
sensations tactiles ; ils aflirment même qu'on mesure la
faculté de localisation' Localisationsfnliigkeil) par la méthode
du compas de Weber.
Pour ce qui concerne d'abord la grandeur de l'erreur de locali-
sation, elle est pour certains endroits de la peau inférieure à la
limite de la distance des points, pour d'autres elle est supé-
rieure à cette limite. De plus, lorsqu'un point A est localisé par
le sujet en un point B du modêlf', le contact du point de la
<1) Wun.lt. r/ii/aiol. l>}<ychol., 1. 11. [i. G.
186 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYi^lIOLOGIE DE PARIS
peau correspondant à ce point B ne sera en général pas loca-
lisé en A, comme cela est supposé a priori par la plupart
des auteurs. Il y a donc beaucoup de divergences entre les
résultats de la localisation d'un contact sur un modèle et les
résultats d'étude du « sens du lieu * de la peau par la méthode
du compas de Weber.
Nous devons nous arrêter plus longuement sur un l'ait inté-
ressant qui pourrait peut-être servir d'appui pour l'une ou
l'autre des théories de la localisation des sensations tactiles
qu'on choisit; en 1893, nous l'avions signalé comnie une excep-
tion et comme une anomalie, depuis nous l'avons observé sur
plusieurs autres personnes et toujours sous la même forme.
Nous voulons parler ici de l'erreur de doigts : on touche un
point de l'un des doigts du sujet qui a sa main immobile ;
lorsque le- sujet veut indiquer sur le modèle le point où il
croit être touché, il éprouve quelquefois un doute relativement
au doigt touché et il commet même dans quelques cas des
erreurs de doigt sans commettre d'erreur de lieu considérable ;
ainsi, par exemple, lorsqu'on touche le milieu de la 1"' phalange
du médius, le sujet sent aussitôt que le contact a lieu sur le
milieu (environ) de la 1''^ phalange, mais quelquefois il ne sait
pas sur quel doigt le contact est produit, il ne sait pas si c'est
sur l'annulaire ou sur le médius ou sur l'index; pour le décider,
différents sujets procèdent dilïéremment, il y a pourtant quel-
ques traits communs à tous; ils fixent leur attention spéciale-
ment sur l'un des doigts, sur l'annulaire par exemple, et se
demandent si le contact a lieu sur ce doigt; la plupart ont une
tendance à faire un très léger mouvement avec le doigt sur
lequel leur attention est lixée ; chez les uns ce mouvement
consiste à appuyer un peu plus fortement la pointe du doigt
contre la table, chez d'autres à soulever à peine le doigt; enfin
chez un sujet, il suffisait de penser à un mouvement; il dit :
« Je me représente comment je soulèverai l'annulaire, et je
remarque alors si en le soulevant j'éprouverai une résistance du
côté de la pointe, ou bien je remarque que le doigt est libre,
qu'il n'y aurait pas de résistance, ceci me suffit pour décider si
le contact a lieu sur ce doigt ou bien s'il est sur un autre doigt. »
Donnons quelques chiffres qui montrent que le fait n'est pas
rare et se rencontre chez plusieurs sujets :
M. Grotenkeld :
Sur 17 contacts de Yannulaire, il y a eu sept fois doute rela-
V. HENRI. — LA LOCALISATION DES SENSATIONS TACTILES 187
livement au doigt touché ; six fois le sujet doute entre le médius
et lannulaire; une fois entre l'index, le médius et l'annulaire.
Sur 21 contacts du médius, il y a eu six fois doute ;
Dans 4 cas, doute entre le médius et l'annulaire ;
Dans 1 — — le médius et l'index ;
Dans i — — l'index, le médius et l'annulaire.
M. Radler :
Sur 8 contacts de l'annulaire, il y a eu une fois doute entre
le médius et l'annulaire, et une fois, il y a eu erreur de doigt,
le sujet a indiqué un point du médius.
Sur 10 contacts du médius, il y a eu deux fois doute entre
l'annulaire et le médius.
M. L...
Sur 38 contacts de Vïjidex, il v a eu une fois doute entre le
médius et l'index.
Sur '6') contacts du médius, il y a eu sept fois doute entre les
doigts et une fois un point de l'annulaire est indiqué.
Sur 40 contacts de V annulaire, il y a eu quatorze fois doute
entre le médius et l'annulaire, et deux fois erreur de doigt : un
point du médius est indiqué.
M. JUDD.
Sur i20 contacts de Vannulaire, il y a eu deux fois doute entre
le médius et l'annulaire.
Sur 24 contacts du médius, il y a eu quatre fois doute entre
le médius et l'annulaire.
V. H...
Sur 27 contacts de Vindex, il v a eu deux fois doute entre
l'index et le médius.
Sur 23 contacts du médius, il y a eu deux fois doute entre
l'index et le médius, et une fois un point de l'annulaire est
indiqué.
Sur 21 contacts de l'annulaire, il y a eu deux fois doute
entre le médius et l'annulaire.
M. Meumann.
Sur 10 contacts du médius, il y a eu une fois doute entre le
médius et l'annulaire.
Sur 12 contacts de Vannulaire, il y a eu deux fois doute entre
le médius et l'annulaire.
Enfin, notons que chez deux sujets, pas une seule fois il n'y
avait de doute de doigts.
188 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE TSYCllOLOGIE DE PARIS
Ces faits peuvent servir comme une nouvelle preuve pour la
différence entre la localisation des sensations tactiles et la per-
ception de deux points avec la peau.
Ils montrent que la qualité du contact et les mouvements
jouent un rôle important dans la localisation des sensations
tactiles ; en effet, la qualité du contact de deux points corres-
pondants du médius et de l'annulaire est peu différente, il en
résulte une hésitation pour les doigts, mais pas pour l'endroit
touché sur le doigt; pour reconnaître le doigt touché, un léger
mouvement du doigt suffit ; par conséquent, la qualité du con-
tact et le mouvement de la partie touchée sont deux facteurs
essentiels de la localisation des sensations tactiles ; nous n'af-
firmons pas que ce sont les seuls facteurs qui y entrent.
Les expériences que nous avons faites par la méthode de
Volkmann, où le sujet devait montrer sur la peau même le
point où il croit avoir été touché, ont donné les mêmes résul-
tats généraux que les expériences où le sujet devait montrer le
point sur un modèle ; les erreurs sont quelquefois un peu plus
fortes dans le premier cas que dans la localisation sur le
modèle, mais les observations générales et les méthodes
employées sont presque les mêmes; nous ne nous y arrêtons
pas.
II
MÉTHODE DE LOCALISATION TACTILE
Nous appelons de ce nom la méthode de localisation de
Wcber, qui consiste à prier le sujet de toucher les yeux fermés
un point de la peau qu'on lui touche ; dans l'acte de localisa-
tion, le sujet produit une sensation tactile qui dirige en grande
partie la localisation, de là le nom donné à la méthode.
Nos expériences, par cette méthode, ne sont pas encore assez
nombreuses pour que nous puissions rapporter ici les résultats ;
nous indiquerons seulement quelques traits généraux qui se
sont dégagés des observations internes ; il est possible que
lorsque le nombre d'expériences et de sujets sera plus grand,
nous serons obligés de les modifier. Un point de la peau est
touché, et le sujet doit, les yeux fermés, toucher avec une pointe
le même point; il faut distinguer deux cas : 1'^ le contact pro-
duit par l'expérimentateur n'a pas complètement disparu ;
V. HENRI. — LA LOCALISATION DES SENSATIONS TACTILES 189
dans ce cas, le sujet se guide surtout par cette trace de contact,
il cherche à loucher avec la pointe le point de la peau où il sent
encore la trace du contact ; ît° le contact a complètement dis-
paru ; dans ce cas, le sujet se guide, d'une part, par l'image
visuelle de l'endroit touché, et puis lorsqu'il croit avoir touché
l'endroit représenté, il porte l'attention sur le contact qu'il pro-
duit avec sa pointe et cherche à corriger un peu son indication
de façon que ce contact ait la même qualité que le contact pro-
duit par l'expérimentateur.
Depuis queWeber ', en 1852, publia cette méthode, elle a été
reprise par quelques auteurs, nous notons surtout Kottenkaynpf
et Ullrich-, Dartli^, Lewij'* et Pilhbury"^ ; tous ces auteurs se
sont arrêtés presque exclusivement sur les résultats numériques
et ont négligé les observations internes ; nous avons donc des
chiffres comparatifs des erreurs commises pour différents
endroits de la peau, mais nous ne savons pas quelle significa-
tion doit être attribuée à ces chiffres; la plupart des auteurs,
ssiui Barth, leur attribuent la même signification qu'aux résul-
tats obtenus par la méthode de contacts simultanés de deux
points, où on détermine la distance minimum de ces points
nécessaire pour qu'on sente deux points ; nous croyons que
cette identification ne peut pas être faite, les facteurs qui
entrent dans les deux processus sont bien différents. (Y. notre
Revue générale sur le sens du lieu de la peau.)
Il faut noter que les valeurs moyennes des erreurs commises
dans les localisations par la méthode de Weber sont bien infé-
rieures aux valeurs obtenues par la méthode du compas de
Weber; nous transcrivons ici deux tableaux du travail de
Kottenkampf et Ullrich, les points touchés sont pris sur l'avant-
bras face interne ; les auteurs ont choisi cinq points dont les
distances au coude sont de 93 lignes Par. (1 ligne = 2""",3o) ;
71,5; 50; 28,5 et 10 lignes; le premier tableau contient les
résultats obtenus par la méthode du compas de Weber ; les
(1) Der'tchie d. Siich.siscli. Cesell. d. Wiss., I8c2.
(2) Kottenkainpl' et UllricJi. Versi/che uh. deii lUitiinainn der Ihiiit der
oberen Extremilât. [Zett. f. Biol., VI. 1870, p. 40.)
(3) Barth, W. Etude sui- le sens du lieu de la peau el la uiéuwire de ce
sens. (En russe.) Dissert. Dorpat, 1891.
(4) Lewy W. E.vper. Ciilersuc/iuni/en ilb. dus (ieducltlniss. {Zeilsch. f.
l'sijch. u/l'Iujs. d. Sinn, VIII, p. 231.)
(5) Pillsbury. Culaneous se/tslbilifi/. {Amer. Juurn. of Psi/cIioL, VII,
p. 42-57.)
190 TRAVAUX DU LABORATOIHE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
chiffres de la première ligne horizontale représentent les dis-
tances des pointes exprimées en lignes Paris ; avec une même
distance, on a touché la peau 100 fois, sur ces 100 fois il y a
eu un certain nombre de réponses « deux points » ; les chiffres
du tableau indiquent combien de fois pour 100 contacts avec
une distance la réponse « deux points » a été donnée ; par
exemple lorsqu'on touche 100 fois le point a avec deux pointes
distantes de o lignes Paris le sujet a 33 fois senti deux points.
POINTS
SUR l'avant-bras
AVEC DISTANCE
AU COUDE
DISTANCES
DES POINTES
EN
LIGNES
5
33
7
56
8
77
36
30
9
1)0
47
55
10
<.)7
61
60
54
11
64
72
00
12
80
88
71
49
13
89
82
72
14
100
92
90
78
15
100
95
89
16
100
100
100
17
a. %\ lignes.
b. 71, ;> lignes.
c. 50 lignes.
d. 28,5 hgnes.
e. lu lignes.
Le tableau suivant contient pour les mêmes points les
moyennes des erreurs commises par la méthode de localisation
de Weber ; ces erreurs sont exprimées en lignes Paris
POINTS
a.
b.
c.
d.
1
i
Erreurs :
1,9*
2,72
3, 53
3,71
3,85
La comparaison des deux tableaux montre combien les
erreurs de localisation sontinférieures aux limites des distances
des points du compas.
V. HENRI. — LA LOCALISATION DES SENSATIONS TACTILES 191
III
METHODE DE LOCALISATION PAR LES MOUVEMENTS
Nous avons décrit plus haut en quoi consistait cette méthode
de localisation : le sujet a les yeux fermés, on touche un point
de sa main gauche par exemple, et il doit avec son index
droit indiquer le point touché sans le toucher lui-même, il
doit déplacer sa main droite de façon que son index droit
lui paraisse être à 1 ou 2 centimètres au-dessus du point
touché ; dans les expériences que nous avons faites, le bras
gauche était posé sur la table dans une direction perpendicu-
laire à la direction de la poitrine ; le contact était produit tout
le temps que le sujet faisait la localisation ; avant les expé-
riences le sujet voyait son bras gauche et sa position sur la
table ; lorsque le sujet approchait trop son index droit de la
peau, je disais halte, et il devait soulever un peu sa main
droite.
Deux sujets ont employé dans cette méthode des points de
repère, c'est-à-dire lorsque, par exemple, je touchais le milieu
de la main gauche, le sujet cherchait d'abord avec son index
droit la position du métacarpien du médius, et puis ceci étant
fait, il passait par un léger mouvement vers le corps au point
touché; dans tous ces cas, le sujet sous-estime le mouve-
ment ; un mouvement qu'il fait lui parait être moindre qu'il
ne l'est en réalité.
Les autres sujets ont cherché à localiser directement le point
touché, ils éprouvent tous plus de sûreté dans la direction du
mouvement de la main droite que dans Vamplilude de ce mou-
vement, et les erreurs sont aussi bien plus considérables pour
V amplitude du mouvement que pour la directioii.
Si on examine les erreurs commises, on remarque d'abord
qu'elles sont très considérables, elles atteignent 10 et 15 centi-
mètres ; de plus, elles ne sont pas différentes sur les doigts, sur
la main et sur l'avant-bras ; les parties qui ont le sens du lieu
le plus développé, comme le doigt, par exemple, donnent lieu à
des erreurs aussi considérables que les parties qui ont le sens
du lieu bien moins développé ; par conséquent, « les mouve-
ments de localisation » ne peuvent pas servir pour expliquer
19i TRAA\\UX.DU LABORATOIBE DE PSYCHOLOGIE DE l'ARIS
les (lifTérences dans la précision de la localisation des sensations
tactiles sur différents points de la peau.
Enfin, nous indiquons brièvement les résultats obtenus par
la localisation avec les mouvements des yeux : le sujet doit
fixer un point de la main, mais il ne peut pas la voir puisque
au-dessus de la main, àl centimètre d'elle, se trouve un carton.
Les erreurs commises sont environ de 2 à 3 centimètres, rare-
ment plus ; le sujet se représente sa main sous le carton et
lorsque le point qu'il doit fixer n'est pas un point remarquable,
comme un pli ou une saillie d'os, il choisit des points de
repère qu'il lui est plus facile de fixer avec les yeux, et puis il
passe au point touché.
Nous avons indiqué ici seulement les résultats les plus
importants, les tables et les détails seront publiés plus tard, et
nous essaierons de présenter une théorie de la localisation des
sensations tactiles.
Victor Henri.
III
LA CONTINUITÉ DANS LA MÉMOIRE IMMÉDIATE
DES CHIFFRES ET DES NOMBRES EN SÉRIE AUDITIVE
L'étude de la mémoire immédiate des chiffres et des nom-
bres est une source précieuse d'informations pour le psycho-
logue qui cherche à déterminer les lois du souvenir. Sans doute,
il ne s'agit ici que d'une mémoire spéciale, à objet strictement
déterminé; sans doute encore, il ne s'agit que d'une repro-
duction pour ainsi dire mécanique, et non d'une remé-
moration proprement dite : on ne saurait dire, en effet,
que le sujet reconnaît les chiffres et les nombres qu'il
répète ; il serait plus exact de dire qu'il ne fait que
traduire en états forts les états faibles qui ne sont pas encore
effacés de sa conscience. Mais, si l'étude de la mémoire des
chiffres et des nombres ne permet pas de découvrir les lois de la
reconnaissance, elle peut conduire à la découverte des lois de
la reproduction, ce premier moment du souvenir ; d'autre part,
la comparaison des différentes espèces de mémoires peut con-
duire à des lois dont la généralité corrige ce qu'il y avait de
trop spécial dans les résultats des investigations particulières ;
or, pour comparer les mémoires, il faut les connaître, et c'est
ainsi que l'étude des différentes mémoires spéciales est la
méthode la plus scientifique pour arriver soit à la confirmation
des lois déjà connues du souvenir, soit à la découverte de lois
nouvelles.
Aussi la mémoire des chiffres et des nombres a-t-elle été,
dans ces dernières années, l'objet de nombreuses recherches.
M. Bourdon ^ a étudié l'influence de l'âge sur la mémoire immé-
(1) Année psjjck., I, p. 406.
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. - 13
194 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
diate -, Miinsterberg et Bighami, l'influence qu'exerce sur la
mémoire la nature de l'organe sensoriel qui a reçu l'impression
à retenir ; Bigham -, l'influence du temps qu'on laisse s'écouler
entre la perception et la reproduction, la nature des erreurs
commises et la proportion respective des erreurs par oubli, par
déplacement, par substitution, le rang où les dilTérentes erreurs
se produisent le plus fréquemment dans la série ; Jacobs et Bol-
ton ^ la relation entre l'intelligence et la mémoire des chiffres;
enfin, M. Binet, dans son intéressante Psychologie des grands
calculateurs, a étudié surtout le mental span et les procédés de
calcul des sujets exceptionnels soumis à ses observations.
Mais il y a, dans cette question de la mémoire des chiffres
et des nombres, un point qui n'a pas encore été examiné, et
sur lequel nous voudrions appeler l'attention des psychologues.
D'une manière générale, il y a dans une série de chiffres ou
de nombres deux choses à considérer : les chiffres ou les
nombres, et les intervalles qui les séparent. Or, on a jusqu'ici
étudié le premier de ces deux éléments, on a négligé presque
entièrement le second. Pourtant l'intervalle a tout autant de
réalité que les termes qu'il sépare, — sinon en lui-même, du
moins dans ce qu'il représente et symbolise, l'effort exigé pour
le franchir. Il est bien plus facile, en effet, de passer de o à 6
et de 6 à 7 que de 2 à 9 et de 9 à o ; dans le premier cas, on
n'a qu'à se laisser aller à une habitude invétérée ; dans le
second cas, il faut lutter contre cette habitude, il faut contrarier
la tendance naturelle que nous avons à garder la continuité dans
la sériée.
L'idée nous est venue d'étudier cet élément méconnu, l'in-
tervalle, et de déterminer son influence sur la reproduction
immédiate des chiffres et des nombres en série. Voici, en même
temps (lue l'indication de la méthode que nous avons suivie,
l'énoncé du principal résultat auquel nous sommes arrivé.
Parlons d'abord des séries de chiffres.
On prononce, devant un sujet attentif, d'un cours de voix à
peu près uniforme (2 chiffres par seconde) et recto tono, une série
plus ou moins longue de chiffres, en demandant au sujet de les
répéter immédiatement et dans l'ordre même où ils ont été
entendus. On note toutes les réponses très exactement. Il reste
(1) Année psych., I, p. 411.
(2) Année psych., p. 398.
(3) MiniL, XU, p. 45.
p. XILLIEZ. — LA CONTINUITÉ DES CHIFFRES DANS LA MÉMOIRE 195
à travailler sur ces matériaux. Appelons inieryaWe po si ti'f celui
qui va d'un chiffre inférieur à un chiffre supérieur; par exemple,
5 est l'intervalle positif de 2 à 7 ; appelons intervalle négatif
celui qui va d'un chiffre supérieur à un chiffre inférieur; par
exemple, 3 est l'intervalle négatif de 9 à 6. Or, si nous com-
parons la somme des intervalles positifs et négatifs dans la
série proposée, et leur somme dans la série inexacte, nous
constatons qu'en général la seconde est inférieure à lapremière.
Cela montre évidemment que les erreurs, soit par déplacement,
soit par imagination, ne se font pas au hasard, et qu'il y a une
tendance à diminuer les intervalles, à rétablir la continuité.
Mais il arrive parfois que la série-réponse offre moins de
chiffres que la série proposée. Alors, au lieu de comparer
directement les deux sommes d'intervalles, on divise chacune
d'elles par le nombre des intervalles dont elle est le total, et on
compare les deux quotients. Cette simplification permet d'opérer
sur toutes les séries de chiffres. Supposons, par exemple, que
la série proposée soit : 2, 3, 6, 9,5, 4, 7, 1, et la série-réponse :
!:2, 3, 6, 9, 7, 5. Je ne puis évidemment comparer les deux
sommes d'intervalles 21 et 11, puisque les intervalles ne sont
pas en nombre égal dans les deux cas, mais je puis très bien
comparer les quotients de la division de ces deux sommes
parle nombre des intervalles, c'est-à-dire 21/7 et ll/o.
Si nous appelons ces quotients moyennes de discontinuité
de la série, nous pourrons dire alors qu'en général la moyenne
de discontinuité est plus faible dans la série inexacte que dans
la série proposée.
Ce n'est pas tout. Si je veux avoir la moyenne de disconti-
nuité, non plus seulement pour une série de chiffres, mais pour
un ensemble de séries proposées dans une même expérience,
je fais la somme des valeurs représentant les intervalles, puis
celle des intervalles eux-mêmes ; je divise la première somme
par la seconde et j'ai la moyenne de discontinuité de l'ensemble
des séries proposées et celle de l'ensemble des séries inexactes.
Le premier de ces deux quotients ne signifie rien par lui-
lui-même, puisque les chiffres proposés ont été alignés dans un
ordre arbitraire. Au contraire, le second est intéressant, parce
qu'il représente les modifications apportées dans la remémo-
ration. Nous aurons la valeur numérique exacte de ces modifi-
cations, si nous retranchons le second nombre du premier, lui
effet, puisque le premier nombre est le symbole de la disconti-
nuité moyenne dans les séries proposées, et le second le sym-
196 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
bole de la discontinuité moyenne dans les séries inexactes, leur
différence sera, à son tour, le symbole des changements
apportés par la mémoire dans la discontinuité première. Or,
nous l'avons vu, ces changements se font, en général, dans le
sens d'une continuité plus grande.
Au lieu de porter son attention uniquement sur la somme
des intervalles positifs et négatifs, on peut se demander quel
est le rapport des premiers aux seconds, soit dans une série, soit
dans un ensemble de séries , on peut rechercher si la mémoire
immédiate n'a pas pour l'une ou l'autre des continuités, ascen-
dente ou descendante, de secrètes préférences. Or il se trouve
que, d'une manière générale, la somme des intervalles positifs
est supérieure à celle des intervalles négatifs.
Mais il est.temps d'éclairer par un exemple ces considérations
trop abstraites. Des trois tableaux qui suivent, le premier
représente un ensemble de 2o séries proposées ; les deux autres,
les réponses faites par deux sujets différents.
La première colonne après la colonne des séries de chiffres
indique le nombre des chiffres; pouravoirle nombre des inter-
valles il suffit de retrancher l ; la seconde colonne indique la
somme des intervalles, soit positifs, soit négatifs ; la troisième,
la somme des intervalles ^jos?'^ //"s; la quatrième, la somme des
intervalles we^ra^i/s ; la cinquième, la moyenne de disconti-
7iuité ; la sixième, la somme des chiffres de la série.
Pour comparer entre elles les moyennes de discontinuité
pour deux séries complètes d'interrogations, il ne faut évidem-
ment pas tenir compte des réponses justes : c'est pourquoi
nous avons laissé en blanc la place oii elles devraient s'ins-
crire.
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198 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
D'après ces tableaux nous avons :
I. POUV M. F. J * Si'rics proposées. Séries n'-ponscs.
Nombre de chiffres 107 109
Somme des intervalles 406 370
— — positifs .... 213 193
— — négatifs .... 193 177
Somme des moyennes de discontinuité. 66,2 o6,64
Somme des chiffres S23 532
II. Pour M. 31'"
Nombre de chiffres 85 86
Somme des intervalles 314 274
— — positifs .... 166 144
— — négatifs .... 148 130
Somme des moyennes de discontinuité. bl,56 44, G8
Somme des chiffres 433 438
Sur tous les points, les lois que nous avons formulées se
trouvent donc vérifiées.
Dernier problème. La moyenne de discontinuité ne varie-
t-elle pas avec l'âge? Est-elle la même, par exemple, chez
l'enfant et chez l'adulte? En aucune façon. L'expérience montre
que, chez les enfants qui apprennent à compter, l'écart est
bien plus grand que chez l'adulte entre la discontinuité des
séries proposées et celle des séries réponses. Les enfants
substituent spontanément à la discontinuité des chiffres ou des
nombres la continuité et surtout la continuité ascendante.
Pour eux, 5 appelle G qui, à son tour, évoque 7, et le groupe
567 prévaut facilement contre tout autre groupe discontinu.
Des expériences faites par M. Binet sur les enfants des écoles
primaires de Paris, et dont le savant professeur a bien voulu
nous communiquer les résultats, nous ont permis de vérifier
cette loi, en ce qui concerne les séries de nombres.
M. Binet proposa successivement aux élèves de la 2" classe
et aux élèves plus jeunes de la 5*-' classe la série suivante :
35, 78, 4-29, 64, 817.
La somme des discontinuités dans celte série est : 43 + 351
-I- 3iJ5 -f 753 = 1 472. Or, dans la 2" classe, sur 2U séries réponses
on n'en trouve que 5 offrant une somme de discontinuités
supérieure à 1 472. Le total des discontinuités pour l'ensemble
p. XILLTEZ. — LA CONTINUITÉ DES CHIFFRES DANS LA MÉMOIRE 199
des séries-réponses est de 24 243, ce qui donne une moyenne
de 1212, 2 pour chaque série réponse. Or 1212, 2 est inférieur
de 2o9, 8 à 1 472, ce qui confirme la loi énoncée plus haut.
Les réponses de la o*^ classe nous en offrent une confirma-
tion plus frappante encore. Sur 18 séries réponses il n'y en a
qu'une présentant une somme de discontinuités supérieure à
1472. Le total des discontinuités pour l'ensemble des séries
est de 11 565, ce qui donne une moyenne de 642, 5 pour
chaque série. Or 642,5 est inférieur à 1472 de 829,5. Ce dernier
nombre, on le voit, dépasse de beaucoup le nombre corres-
pondant de la seconde classe.
Un mois après, M. Binetvint faire appel au souvenir des
mêmes élèves, et, sans leur répéter la série primitive, leur
demanda de la reproduire de mémoire. Un certain nombre de
réponses s'approchèrent de la série autrefois proposée : aucune
ne la reproduisit exactement. L'impression première était trop
lointaine, et les traces en étaient à peu près effacées ; la spon-
tanéité imaginative des enfants avait donc libre carrière ;
n'étant plus gênée par le rythme sonore et la discontinuité
d'une série dont le souvenir était perdu, elle avait rétabli,
dans une très large mesure, la continuité sériaire. Mais nous
n'insistons pas sur ce point, car c'est ici l'imagination qui est
enjeu, bien plus que la mémoire immédiate. Ce qui paraît
assuré, c'est que, chez l'enfant plus que chez l'adulte, on trouve
la tendance à supprimer les discontinuités et à exagérer la
continuité ascendante aux dépens de la continuité descendante.
Cette loi de continuité a d'ailleurs une relation évidente
avec une loi déjà connue et appliquée à la mémoire : la loi du
moindre effort. La reproduction s'accomplit suivant la ligne de
moindre résistance, et c'est pour cela que la continuité, soit
positive , soit négative , existe plus souvent dans la série
inexacte que dans la série proposée : nous avons contracté, en
effet, l'habitude de nommer les chiffres et les nombres en série
continue, soit ascendante, soit descendante, et cette habitude
générale l'emporte sur les habitudes particulières, ébauchées
en nous par l'audition de chiffres ou de nombres en série dis-
continue. Et comme l'habitude de nommer les chiffres et les
nombres en série continue ascendante est plus forte que celle
de les nommer en série continue descendante, la somme des
intervalles positifs est naturellement supérieure à celle des
intervalles négatifs.
Il y a donc un conflit entre l'habitude générale et l'intensité
200 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE TSYCHOLOGIE DE PARIS
de la perception remémorée. Tout ce qui fortifie l'habitude
particulière créée par la perception auditive afîaiblit l'habitude
générale ; au contraire, toutes les causes qui favorisent la dis-
sociation des sons entendus, et s'opposent à leur groupement,
laissent par le fait même à la spontanéité apparente de Tima-
gination, c'est-à-dire à l'habitude générale, le loisir de s'exercer
sans avoir à lutter contre une habitude rivale.
S'il fallait une conclusion à ce modeste travail, nous dirions
qu'il apporte une preuve de plus en faveur du déterminisme
psvchologique. Les lois de la psychologie ont toute la précision
et toute la rigueur des lois des sciences physiques ; les exceptions
apparentes, si elles ne s'expliquent pas toujours, parce que
certaines circonstances qui les déterminent nous échappent,
s'éliminent cependant et s'annulent quand on considère un
grand nombre de cas. Le caractère d'incertitude et d'approxi-
mation n'appartient qu'en apparence aux lois psychologiques :
ce qui produit cette illusion, c'est la complexité des faits, c'est
la multiplicité des éléments inconnus qui interviennent dans
chaque cas particulier, et dont l'action est pour nous indéter-
minable, mais en soi nullement indéterminée.
Paul Xilliez.
IV
RECHERCHES GRAPHIQUES SUR LA MUSIQUE
Nous nous sommes proposés, dans ces derniers temps *,
d'appliquer la méthode graphique à la musique, dans le but
d'étudier certains points de la psychologie des mouvements.
Après d'assez longs tâtonnements, nous avons obtenu quelques
résultats que nous désirons résumer ici : ces résultats intéres-
seront peut-être les musiciens. En jetant un coup d'œil sur
nos tracés, ils y retrouveront un certain nombre de faits que
les observations de chaque jour leur ont rendu familiei's ; ils y
apercevront peut-être aussi d'autres faits, dont ils n'avaient
probablement pas une conscience très nette. Si subtile qu'elle
soit, l'oreille musicale ne saisit pas certains détails légers et
rapides de l'exécution des morceaux; elle n'en donne qu'une
impression subjective et fugace. Il est avantageux de pouvoir
contrôler et même redresser le témoignage de l'oreille par celui
de la méthode graphique, qui met sous nos yeux un tracé per-
manent et mesurable.
Nos essais se bornent jusqu'ici aux mouvements des pia-
nistes; nous n'enregistrons pas le son, mais le travail méca-
nique des doigts sur les touches. L'enregistrement se fait au
moyen d'un tube de caoutchouc fixé sous les touches dans une
position convenable ; la touche, en s'aljaissant, rencontre le
tube et l'écrase ; il en résulte une poussée d'air, que l'on recueille
par les procédés connus dans un tambour à plume inscrivante ;
la pression de l'air imprime à cette plume un mouvement qui
(1) Une première communication de nos résultats a été faite à l'Acadé-
mie des sciences, le 18 mars 1895. De plus, l'un de nous (Binel) dans des
conférences de psychologie à Funiversité de Bucharest, a fait projeter les
graphiques musicaux, à mesure qu'ils se formaient, de manière à les
rendre visibles à un grand auditoire.
20!iJ
TRAVAUX DU LABORATOIRE DH PSYCHOLOGIE DE PARIS
s'inscrit sur une bande de papier qui se déroule. Si on ne frappe
pas les touches, la plume trace sur le papier une ligne droite
uniforme, c'est la ligne de repos, qu'on appelle l'abscisse. Dès
qu'une touche est frappée, la poussée d'air qui se fait dans le
Fig. 38. — Appareil pour rcnregislrcnieiil du doiglc des pianistes.
tambour soulève la plume et lui fait tracer, au-dessus de l'abs-
cisse, une courbe dont la hauteur correspond à laforcede lanote,
dont la longueur correspond à la durée de la note, et dont les
différents détails de forme correspondent, comme nous l'indi-
querons plus loin, aux détails de la force musculaire dépensée
parle pianiste. Ce que nous venons dédire d'une note s'applique
également aune série de notes, à leurs intervalles, à leurs com-
binaisons. En résumé, force, forme et durée, tels sont les trois
éléments sur lesquels la méthode graphique peut donner des
A. BINET ET J. COURTIER. — GRAPHIQUES DE LA MUSIQUE 203
renseignements infiniment plus précis que ceux de l'oreille la
mieux exercée.
I
Quel peut être l'intérêt de cette méthode de précision appli-
quée à la musique? L'intérêt est triple : psychologique, péda-
gogique et artistique.
1° Intérêt psychologique. — Notre première intention a été
de faire une étude de psychologie sur les mouvements. On
étudie en général en psychologie des mouvements simples,
sur des sujets placés dans des conditions un peu artificielles,
et le sujet est obligé de s'adapter à un instrument particulier
dont il n'a pas l'habitude, comme le dynamographe, l'ergo-
graphe, etc. Ici, avec le dispositif que nous étudions, nous
pouvons observer des mouvements volontaires complexes, beau-
coup plus complexes que ceux de l'écriture ou du dessin ; et
nous les prenons dans leur état normal, sans soumettre l'ar-
tiste à aucune contrainte, sans même lui laisser soupçonner
qu'il est en expérience. En efi"et, rien n'est modifié dans l'aspect
extérieur du piano sur lequel il joue, ni dans la résistance des
touches.
2° Intérêt pédagogique. — Ce second intérêt de nos recher-
ches a été ressenti de la manière la plus vive par tous les
artistes qui nous ont prêté leur concours. Les tracés indiquent
à chaque artiste le plus ou moins de perfection de son méca-
nisme et les erreurs qui lui sont habituelles ; indications si
précises que chacun est obligé de s'y soumettre, malgré des
résistances d'amour-propre. Un artiste nous disait, en regar-
dant avec mélancolie un de ses tracés : « C'est un confes-
sionnal ! » Dans des expériences avec un autre artiste, nous
lui demandions après chaque essai (il s'agissait de faire des
gammes en decrescendo) de nous dire ce qu'il pensait de l'exé-
cution : or, l'artiste ne pouvait se servir le plus souvent que de
phrases vagues : « C'est mou ! C'est brouillé ! C'est cotonneux ! »
Le tracé lui indiquait chaque fois le fait précis, et lui apprenait
en quelque sorte à prendre conscience de lui-même. Une pia-
niste des concerts Colonne, qui a été la cause occasionnelle de
nos recherches en venant nous demander d'enregistrer la
distinction de ses trois touchers, s'est servie de notre procédé
204 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
graphique pour contrôler et perfectionner son enseignement
musical. Nous sommes arrivés à la conviction raisonnée que
cette méthode doit rendre de grands services à tous ceux qui
cherchent à améliorer leur mécanisme ; aussi avons-nous cru
utile de faire construire un appareil enregistreur simplifié,
dont nous donnons plus loin la description.
3° Intérêt artistique. — On sait que malgré ses complications
la notation musicale est incapable de donner toutes les nuances
d'exécution d'un morceau; elle indique le temps sans aucune
délicatesse : il y a bien des nuances possibles entre la durée
des blanches, des noires ; les temps d'un morceau peuvent
s'accélérer ou se ralentir très légèrement sans que l'écriture
musicale puisse l'indiquer. Aussi use-t-on et abuse-t-on d'une
foule d'expressions vagues empruntées à la langue italienne
pour obvier à ces graves défauts. Rappelons aussi que le métro-
nome est pour les mêmes raisons un instrument trop grossier
pour la mesure du temps en musique. Bref, plusieurs personnes
peuvent exécuter un même morceau avec un esprit bien diffé-
rent, quoique chacune d'elles reste fidèle à la lettre de l'écriture
musicale. Il serait certainement du plus grand prix d'avoir le
tracé d'une œuvre exécutée par l'auteur lui-même : celui-ci ne
peut qu'accepter avec empressement un moyen d'expression
qui lui permettra d'indicjuer aussi exactement que possible sa
pensée. La méthode graphique en effet peut donner le temps à
un centième et à un millième de seconde près, et indiquer
l'intensité relative des notes.
II
Nous désirons maintenant décrire en peu de mots comment
nous avons appliqué la méthode graphique au piano. Cette
méthode a été portée par les travaux de Marey à un degré
remarquable de perfection, qui a singulièrement facilité notre
tâche ; néanmoins, nous avons eu à vaincre un grand nombre
de diflicultés avant de trouver un dispositif satisfaisant aux
conditions qui nous étaient imposées par les pianistes, et d'autre
part par les tracés. Tout d'abord, nous avons eu à nous préoc-
cuper de quelques questions de commodité pratique qui ne sont
pas à dédaigner. Il fallait que notre dispositif ne nécessitât
aucune modification dans la construction intérieure du piano,
A. BINET ET J. COURTIER. — GRAPHIQUES DE LA MUSIQUE 20o
et pût être adapté avec un minimum de travail à n'importe quel
instrument ; il fallait en outre que la partie enregistrante de
Tappareil, quand elle est logée dans le piano, pût être, à volonté,
par la pression d'un simple bouton, mise en état d'activité ou
soustraite à l'action des touches ; il était plus important encore
que la résistance des touches ne fût pas modiliée, car les pia-
nistes ont pris l'habitude d'un certain toucher. Nous avons pu
constater que lorsqu'on augmente, même dans des proportions
très faibles, la dureté des touches, les artistes en sont pénible-
ment impressionnés et perdent une partie de leurs moyens.
Les exigences n'étaient pas moins nombreuses du côté des
tracés ; il est bien certain tout d'abord que deux notes quel-
conques frappées d'une manière égale devaient donner la même
courbe ; mais ceci n'était rien : il a fallu disposer la partie
enregistrante de l'appareil, de manière qu'à l'intensité de
l'attaque d'une touche correspondît la hauteur du tracé et qu'un
accord de deux notes correspondît à un tracé ayant comme
hauteur le double (sensiblement) de celle d'une note isolée ; il
a fallu que les touches blanches et les touches noires, frappées
avec une force égale, eussent un tracé de même hauteur, quoi-
que leur bras de levier fût dilTérent ; enfin il était de toute
nécessité que pendant que deux notes sont tenues, par exemple
deux do en octave, les notes intermédiaires de la gamme
fussent capables de s'inscrire.
Le dispositif que nous avons employé n'est pas parfait ; mais
il a l'avantage de répondre à la plupart de ces desiderata si
complexes, et il y répond, ce qui est presque paradoxal, grâce
à sa simplicité (fig. 38).
11 se compose essentiellement' d'un tube en caoutchouc
unique, placé sous les touches, et réuni par ses deux extrémités
à un tambour enregistreur également unique. Cette unité d'or-
gane évite les erreurs provenant des différences de sensibilité
et de réglage d'appareils à air multiples.
Le tube de caoutchouc, de 6 millimètres de diamètre, est
porté sur une lame de bois qu'on adapte immédiatement en
arrière du plateau du piano ; le niveau de la lame de bois peut
être modifié à volonté au moyen d'un système de cales qu'on
règle avec un bouton, de sorte qu'on peut, en pressant ce
bouton, faire aflleurer la partie enregistrante au niveau des
touches ou l'abaisser. Quand elle affleure, le toucher s'inscrit ;
quand elle n'affleure pas, l'inscription cesse. Enfin, comme cette
partie enregistrante dépasse à peine de quelques millimètres le
206 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCUOLOGIE DE PARIS
niveau des mouches qui servent de butoirs aux touches, la
résistance des touches n'est augmentée que dans des pro})or-
tions insignifiantes.
Le tambour enregistreur que nous employons est un tambour
de Marey à fond de caoutchouc qui inscrit au moyen d'une
plume sur une feuille de papier. En général, on fait écrire la
plume sur un cylindre tournant enduit de noir de fumée. Pour
donner à l'instrument une forme pratique qui le rendît acces-
sible aux artistes, nous avons construit un appareil simplifié
composé d'une bande de papier qui est entraînée à frottement
par deux rouleaux qu'actionne un mouvement d'horlogerie.
L'appareil est portatif, de dimensions réduites ; il a à peu près
celles d'un volume in-octavo. Nous avons supprimé l'enfumage
du papier en emplo3^ant une plume à encre d'un modèle nou-
veau ; elle se compose d'un réservoir d'encre en amadou, qui
cède lentement, par capillarité, sa provision d'encre à un style
de bois poreux.
III
Examinons successivement ce que cet appareil donne au point
de vue de la force, du temps et de la forme.
Force. — Le tracé de la figure 39 permet d'étudier la fidélité
avec laquelle l'appareil enregistre des pressions de force iné-
gale.
Il correspond à une série d'accords : en a, On frappe une
note ; en 6, deux notes ; en c, trois notes, et ainsi de suite
jusqu'à six notes ; on voit que le tracé s'élève graduellement,
qu'il est plus haut par exemple pour (juatre notes que pour
deux, et pour six que pour quatre. La hauteur du tracé est-elle
proportionnelle au nombre des noies? C'est ce qu'il est difficile
de dire, parce que l'on ne sait pas, quand une personne frappe
trois notes à la fois, si elle dépense pour chacune la môme force
que si elle les frappait successivement. Une autre expérience,
reproduite aussi dans la figure 39, répond mieux à la question :
en a', on frappe une note et ensuite en h' une seconde note en
continuant à appuyer sur la première touche; on voit que le
tracé enregistre exactement ces deux notes successives, qui
représentent une exagération de ce qu'on appelle en musique le
lié ; puis, on abaisse une nouvelle louche, cl ainsi de suite, en
A. BINET ET J. COURTIER. — GRAPUIQUES DE LA MUSIQUE
'liUl
maintenant toujours abaissées les touches précédentes; chaque
note se marque indépendamment de celle qui la précède et qui
reste appuyée. L'ensemble figure un escalier dont chaque note
successive produit une marche ; la longueur et la hauteur des
marches ne sont pas rigoureusement égales, à cause de l'inhabi-
^
^m
s
aJ u^
s
t i t \
Fig. 39. — Tracés obtenus : a, en frappant une note ; b, c, d, e, /", en frappant
des accords de 2, 3, 4, 5 et 6 notes ; a', b', c', cl', e', en jouant cinq notes
successives et en maintenant les touches abaissées. Tous les tracés se
lisent de gauche à droite.
leté du sujet qui a fait l'expérience. Pour le dire en passant, cet
exercice, quoiqu'il n'ait aucune application musicale directe,
offre pour les musiciens un intérêt pédagogique sérieux, et leur
montre nettement l'égalité ou l'inégalité de leurs doigts.
En résumé, le tracé 39 prouve que l'appareil est suffisamment
sensible pour exprimer par la hauteur des courbes l'intensité
du toucher. Naturellement, nous ne devons pas chercher ici
une proportion rigoureusement mathématique entre la hauteur
et l'intensité, parce qu'une membrane de caoutchouc ne peut
pas la donner : son élasticité a une limite, et elle décroît à
mesure qu'on s'approche de cette limite. Il en résulte que si,
sous l'influence d'une poussée égale à i, la plume reliée à la
membrane se déplace d'un centimètre, elle pourra ne pas se
208
TRAVAUX DU LABORATOIRE DE TSYCnOLOGIE DE PARIS
déplacer de 10 centimètres pour une poussée égale à 10 :
l'efTet dépendra de la tension de la membrane, de sa dimension
et d'autres circonstances. On peut construire pratiquement une
échelle des rapports entre la force des pressions et les déplace-
céments de la membrane; mais ce sont là des recherches qui
n'ont point d'application pour les études que nous exposons :
aussi négligeons-nous d'insister plus longuement,
Nous avons parlé plus haut de la nécessité qu'il y a d'égali-
ser les touches blanches et noires, pour avoir des tracés équi-
valents. On sait que ces touches ne présentent pas la même
résistance : la touche noire est plus dure que la blanche, et
pour l'abaisser il faut la charger de quelques grammes de
plus; en outre, par sa forme et sa position elle est moins
facilement accessilile au doigt, et l'attaque ne se fait pas de la
même façon ; ces raisons sont plus que suffisantes pour expli-
quer que le tracé donné par les touches noires ne peut être
rigoureusement comparable au tracé des blanches. Nous avons
cherché simplement à ce que, lorsque les deux genres de touches
sont frappées avec un maximum d'intensité, les tracés soient
de hauteur égale : nous y sommes parvenus empiriquement,
après de longs tâtonnements. Le dispositif que nous avons
définitivement choisi donne de très bons résultats; il consiste
à évider légèrement le bois de la lame qui soutient le tube,
dans les parties correspondant aux touches noires ; de cette
manière la résistance de touches devient équivalente, et les
tracés ont exactement la même hauteur.
Fig. 40. — Traci- oIiIimui eu Itu.iiil ileiix i/o vu «'rtave et cii frappant une
note interuicdiaire. Eu a, ou i'iappe les deux du en octave ; b, tracés de
la note inlermédiaire, nul.
Relativement à la (luestion de la force de pression il existe
un autre desideratum, que nous avons indique plus haut : il
A. BINET ET J. COURTIER. — GRAPniQUES DE LA MUSIQUE 209
est nécessaire que l'appareil enregistre les notes intermédiaires
aux notes tenues, complication qui peut se présenter pendant
les exercices : nous avons assuré cet enregistrement en calcu-
lant la hauteur et le diamètre du tube, par rapport au niveau
des mouches, de manière à ce que le tube ne fût jamais écrasé
complètement. Il reste une faible lumière qui suffit à l'enregis-
trement des notes intermédiaires ; c'est ce que montre le
tracé 40, qui correspond à une expérience de ce genre.
En résumé, la hauteu" des courbes, comptée au-dessus de
l'abscisse, correspond bien à la force de la pression sur les
touches.
Temps. — Le temps est un des éléments que la méthode
graphique donne avec le plus de précision ; nous n'avons donc
pas à insister sur ce point. Nous nous bornerons à faire deux
simples observations relatives à notre appareil :
1» En unissant les deux extrémités du tube de caoutchouc au
tambour enregistreur, nous adoptons un dispositif qui prati-
quement a pour effet d'égaliser la distance de toutes les touches
au tambour. Supposons en effet que le tube soit fermé à une de
ses extrémités : les touches placées près de cette extrémité
seront plus éloignées que les autres du tambour, ce qui amè-
nerait un retard dans l'enregistrement de leur action.
2" L'unité du tambour enregistreur assure une mesure exacte
du temps s'écoulant entre diverses notes.
Forme. — Théoriquement, la méthode graphique doit don-
ner la forme du mouvement; dans la réalité, ce résultat n'est
pas toujours atteint. On sait que l'enregistrement des mouve-
ments extrêmement rapides est le désespoir de la méthode
graphique, parce que ces mouvements, en ébranlant fortement
la membrane de caoutchouc des tambours enregistreurs, déter-
minent une projection de la plume qui déforme le tracé. Nous
avons obtenu des déformations de ce genre dans nos premiers
essais, et il ne pouvait en être autrement puisque les mouve-
ments d'attaque des pianistes sont des mouvements extrême-
ment vils, qui durent à peine quelques centièmes de seconde.
Nos tracés étaient défigurés par les vibrations de la plume ins-
crivante, qui enlevaient aux courbes une grande partie de leur
intérêt. Nous donnons (flg. 41 , ligne A) un de ces tracés déformés
pour montrer l'importance de cette cause d'erreur produite par
l'inertie de l'appareil. Les physiologistes ont longuement cher-
ché une correction de ces appareils, et si l'historique de cette
ANNÉE PSYCHOLOGIQLE. II. U
ilO
TRAVAUX DU LA150RAT01RC DK PSYCHOLOGIE DE PARIS
intéressante question est en général peu connu, c'est parce que
beaucoup d'elTorts faits dans ce sens n'ont pas donné de résul-
tats appréciables. On s'est efforcé le plus souvent de réduire le
poids ou la longueur de la plume inscrivante, en se résignant à
produire des tracés presque microscopiques, qu'on amplifiait
ensuite par la photographie ou par des appareils à projection.
Ona aussi eu l'idée d'introduire dans le tambour ou dans le tube
de transmission de la plume, du coton, des matières inertes
quelconques, pour amortir le choc des poussées d'air rapides.
Nous ignorons l'efTet de ces différents expédients, les tracés
n'avant pas été publiés : il nous semble en tout cas qu'il serait
difficile de régler et de mesurer des effets de ce genre.
^
u. i
Fi- 41 - Tracés obtenus : en A. aver un lubu .le Irausmission libre; en
"b, avec un orifice capillaire intercalé dans le tube de transmission.
Des recherches patientes nous ont donné une solution toute
différente du problème. L'observation nous a montré qu'un
orifice capillaire intercalé dans le tube de transmission suffit
pour supprimer les oscillations de la plume et les diverses
déformations dues à l'inertie de l'appareil enregistreur; la
forme du tracé est en quelque sorte épurée par cet artifice,
comme on peut s'en assurer en comparant les deux tracés A et B
de la figure 41, dont lun, A, est pris par les mélhodes habi-
tuelles, et le second, B, est pris avec un orifice capillaire. Mous
avons fait construire un appareil dont le principal avantage est
de permettre pour chaque expérience de régulariser l'inscrip-
tion des phénomènes. Il se compose, dans sa partie principale,
d'un diaphragme percé d'orifices de dimensions graduées. Cet
A. BINET ET J. COURTIER. — GRAPOIQUES DE LA MUSIQUE 211
appareil, de la dimension d'une petite montre, est intercalé
dans le tube de transmission.
Des recherches historiques faites après coup nous ont appris
que Marey a employé le tube capillaire dans les manomètres
à mercure pour obtenir le niveau moyen de la pression san-
guine et supprimer les oscillations dues aux contractions du
cœur. II n'y avait de là qu'un pas à faire, semble-t-il, pour
appliquer le même dispositif à la transmission par air. Il est
vrai que le résultat des deux procédés a été bien différent :
celui de Marey égalisait les pressions ; le nôtre, au contraire,
les laisse subsister à ce point que nous pouvons enregistrer le
dicrotisme du pouls, et que le tracé ne diffère point de celui
qu'on obtient avec un tube libre '.
Nous avons appris depuis également que M. Ghauveau a
employé dans son laboratoire du Muséum des robinets rétré-
cisseurs. En réglant à l'aide de tâtonnements l'ouverture de
ces robinets, on rectifie les tracés. Maison ne connaît peut-être
pas la nature ni le degré de résistance introduit dans le tube
de transmission aussi exactement qu'avec des orifices capil-
laires gradués.
IV
La méthode que nous venons de décrire nous a permis de
recueillir des tracés qui éclairent plusieurs questions impor-
tantes pour les musiciens. Nous nous bornons à publier ces
tracés, en les accompagnant d'un court commentaire.
1" Egalité des doigts. — On sait que, par suite de la constitu-
tion anatomiquede la main, les doigts n'ont ni la même force,
ni la même indépendance : le principal but d'un grand nombre
d'exercices musicaux est d'augmenter la puissance des deux
derniers doigts de la main, qui sont les plus faibles de tous.
De bons juges assurent que quand l'annulaire et l'auriculaire
sont devenus aussi forts et aussi indépendants que le pouce et
l'index, on peut se jouer de la plupart des difficultés musicales.
Malheureusement, l'oreille seule est appelée à décider si dans
une gamme ou un morceau les doigts frappent ou non les
(I) Pour plus de détails sur ce point, voir nos communications à la So-
ciété de Biologie, mars el avril 1895, résumées dans le chapitre Vuriélés
du présent volume.
212
TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCUOLOGIE DE PARIS
louches avec une force égale; et l'oreille, nous le répétons,
peut se tromper. Ne vaut-il pas mieux avoir un tracé qui ren-
seigne exactement l'artiste sur Tétat moteur de sa main et sur
le travail que chacun de ses doigts est capable de donner ?
Nous avons recueilli un bon nombre de tracés dans lesquels
nous avons pu étudier l'égalité des doigts, on plutôt l'inégalité
des doigts, chez différentes personnes. Nous avons saisi des
défauts dont les personnes mêmes ne se doutent pas : l'une
d'elles, par exemple, a l'index beaucoup plus faible que les
autres doigts; elle ne s'en était pas apergue avant les expé-
riences ; elle se rend compte maintenant de ce défaut et arri-
vera peut-être à le corriger. Nous donnons le tracé d'un trille
exécuté par cette personne avec l'index et le médius (fig. 42 :
J\AAMvJ\,J\jM\/^MU\fMM^{^^
Fi!?. 42.
Trille exOcuté avec l'iiulcx cl le médius. Index luible.
en examinant le tracé, on peut se convaincre que les courbes
sont inégales et régulièrement inégales ; celles de nombre pair
qui correspondent au médius, sont plus élevées que celles de
nombre impair, qui correspondent à l'index. Cette inégalité ne
se manifeste bien entendu que dans le jeu rapide : les trilles de
la figure 42 ont été exécutés avec une vitesse de 8 à 10 notes
par seconde. Cette particularité appelle une remarque d'un
intérêt général : les défauts de mécanisme ne se manifestent
clairement que dans les mouvements rapides, et ces der-
niers sont la pierre de touche des virtuoses. Il est donc néces-
saire, quand on cherche à étudier le mécanisme d'une per-
sonne, de lui faire augmenter sa vitesse. Nous rapprochons de
ce premier tracé un trille exécuté par une main habile, celle
de M"'- Blanchard, distingué professeur de piano. On voit de
suite que le mouvement des doigts (2 et 8) a été beaucoup plus
régulier (fig. 44). La figure 43 est un trille exécuté par une per-
sonne qui ne sait pas du tout jouer du piano : les mouvements
sont extrêmement irréguliers. On a ainsi sous les yeux le
même exercice musical avec des degrés différents de précision,
et on peut d'un coup d'œil saisir les différences. L'inégalité
naturelle des doigts ne se marque pas seulement par l'inégalilé
de force et par les différences de hauteur dans les courbes gra-
A. BINET ET J. COURTIER. — GRAPHIQUES DE LA MUSIQUE 213
phiques : c'est bien là un des caractères les plus frappants de
l'inégalité; ce n'est pas le seul. Le « manque de sonorité » d'un
doi -t dépend, nous en sommes maintenant convaincus, d'un
Fig. 43. — Mauvais trille. Iiii"oordiuation des doigts apparaissant
après les dix premières notes.
grand nombre de conditions ; outre la force de pression que le
doigt développe sur la touche, il faut tenir compte aussi de la
f raie du mouvement, de sa vitesse et de la rapidité avec
Fig. 44.
Trille exécuté avec l'index et le médius, par un professeur
de piano. Le mouvement des doigts est régulier.
laquelle il se relève, au moment même où un autre doigt entre
en mouvement. Ceci nous amène à parler du lié.
i° Le lié. — Deux notes sont liées lorsque l'une d'elles con-
tinue à être un peu tenue pendant que Ton frappe la seconde.
Les notes liées ont une valeur musicale bien différente de
celle des notes détachées ; l'effet produit par la liaison con-
siste en ce que les notes successives se mélangent^, tandis
que les notes qui sont détachées, ou jouées en piqué, ne se
confondent pas et gardent chacune leur individualité. Cette
différence est due à l'action de l'étouffoir, qui éteint la vibra-
tion de la corde dès que l'on abandonne la touche, et que par
conséquent l'on supprime brusquement le son. Dans les notes
liées, l'étouffoir n'exerce pas au même degré son action, car
214 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCDOLOGIE DE PARIS
une note continue à vibrer d'une manière perceptible pendant
plusieurs secondes, parfois même une demi-minute et davan-
tage, lorsqu'elle est tenue jusqu'à l'extinction du son. La liai-
son des notes peut être volontaire et nécessaire à l'exécution
d'un morceau ; mais, dans un grand nombre de circonstances,
elle se produit contre le gré de l'exécutant, et constitue une
imperfection de son mécanisme : il peut donc être d'une grande
importance de savoir dans quel cas la liaison des notes se pro-
duit involontairement, et le tracé devient fort utile à consulter.
Nous citerons à ce propos l'observation suivante : dans une
série d'expériences pour lesquelles deux pianistes de profes-
sion nous prêtaient leur concours, nous nous sommes aperçus
par hasard qu'un des artistes, en jouant des gammes ascen-
dantes avec son maximum de vitesse, en liait les dernières
notes. Ce lié se faisait à son insu. Prévenu du fait, il chercha
à surveiller son jeu et à détacher les dernières notes : il n'y
réussissait pas toujours ; chose curieuse, ni lui ni les assistants
ne se rendaient exactement compte du résultat : le tracé seul
indiquait avec une précision infaillible comment les notes
avaient été jouées. On se demandera peut-être à ce propos : A
quoi bon chercher dans le tracé des renseignements qui sont
bien inutiles puisqu'ils portent sur des particularités qui échap-
pent à l'oreille, et puisque c'est à l'oreille seule que s'adresse
l'art musical? Nous ne sommes nullement embarrassés pour
répondre àl'objection. L'impressionartistique consciente est for-
mée par la synthèse d'éléments dont un bon nombre restent en
dessous de la conscience ; mais pour provoquer l'impression
consciente, il faut que le musicien soit maître de ces éléments
inconscients, et c'est à ce propos que la méthode grafihique
lui rendra de grands services.
Comment la liaison des notes s'inscrit'èlle sur nos tracés
lorsque la plume se maintient au-dessus de la ligne de l'abs-
cisse ? Quand on quitte la touche, la plume rejoint l'abscisse;
si on presse une autre touche avant de quitter la première, la
plume ne redescend pas, ou ne descend qu'à moitié. Le schéma
du lié est représenté par notre figure 39 {a' 6'), en escalier, qui,
bien entendu, n'a rien de musical : lii les notes ont été tenues
volontairement pendant un temps fort long; dans la réalité,
les choses se passent d'une manière un peu plus compliquée :
le doigt quitte une note pendant qu'un autre doigt presse sur
une autre note ; les deux actes peuvent avoir lieu simultané-
ment ou se suivre avec un intervalle très court, de sorte que ce
il
A. BINt:T ET J. C0URTII::R. — GRAPUIQUES DE LA MUSIQUE 215
qu'on rencontre le plus fréquemment sur les tracés, ce sont
des demi-descentes interrompues par des montées. Si l'on prie
une personne de faire une gamme ou une série de cinq notes,
sans lui donner d'autre explication, en général les notes sont
liées ; elles le sont à des degrés divers, qui donnent au tracé
une grande irrégularité.
La liaison des notes se produit, en dehors des raisons musi-
cales, dans un grand nombre de conditions différentes. Nous
i^fe
ï
■^ir^
Fig. 45. — Cinq notes frappées successivement. Doigté : 1 , 2, 3, 4, 5. Vitesses
croissantes. Ciiaque groupe correspond à un exercice. Les cinq notes
sont d'autant plus liées et d'autant plus irrégulières ciue la vitesse est
plus grande.
citerons trois de ces conditions : 1° dans les mouvements des
derniers doigts, surtout du 4'' et du o°; 2° dans l'état de fatigue :
la liaison des notes est un repos pour la main paresseuse ou
fatiguée ; 3° dans les mouvements de grande vitesse. Le tracé
de la figure 4o en donne un exemple : il représente cinq notes
jouées par un amateur avec une vitesse croissante ; les deux
premières séries sont faites avec quelque régularité, au moins
relativement aux suivantes, dans lesquelles la précipitation du
mouvement a produit une inégalité curieuse des doigts. En
outre, à mesure que la vitesse augmente, il se produit des liés :
les dernières séries donnent un tracé confus qui correspondait
bien à l'impression vague produite sur l'oreille par un jeu peu
correct.
Passage du pouce. — Chacun sait que le passage du pouce
•est d'une difficulté variable : le passage du pouce est facile
après le 2*" doigt et le 3'' ; il est plus difficile après le 4'', et
dune difficulté très sérieuse après le 5*^ doigt (comme on le
trouve dans certains exercices) surtout pendant un jeu rapide.
IVous donnons plusieurs tracés qui présentent diverses difficul-
216 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCUOLOGIE DE PARIS
lés de passage de pouce exécutées par le même artiste. L'ar-
tiste jouait une gamme montante de deux octaves; les doigts
jouaient dans Tordre ordinaire : 1. 2. 3 / 1. 2. 3. 4. / 1. 2.
3. / I. 2. 3. 4. 5. Il y avait trois passages de pouce, d'abord
après le 3'^ doigt, ensuite après le 4" doigt, et enfin après le
o^^ doigt. En comptant les passages du pouce, à partir du com-
mencement de la série, on voit qu'ils ont lieu entre la d'' et la
4'^ note, entre la 7*^ et la 8^ et entre la lO'' et la IP. C'est donc
sur ces notes-là que l'attention doit se porter pendant la lecture
des tracés.
WMlKfdkKiKJï
uAjIâjJolUlU
Mi\uAAAi
M^AUÀÂÀi___u:.MA.lUjiiX
j^jMiJ^kklX '_
jWuiWjUIuu
x^J\IdlJ\j\}X\}J^^-—J^J\k}Mld\j\J^'^ K^'
dM}J:
¥\g. 46. — -1, (Gammes de deux octaves en détache. (Exercice répété deux
fois.) — 7J, .Mèuics exercices. Vitesses croissantes. — C, Mêmes exercices.
Vitesses croissantes. — 7), Mêmes exercices. Vitesses croissautes.
Le tracé 46 (A) correspond à un jeu très lent ; les notes ont
été piquées ; elles sont régulières, les intervalles aussi sont
réguliers, tout cela est correct. Nous l'avons déjà fait remar-
quer, ce n'est pas dans le jeu lent que les défauts du méca-
nisme se manifestent. Maintenant nous prions le sujet déjouer
un peu plus vite ; sa vitesse est à peu près le double : fig. 46 (B)
la différence n'est pas considérable ; les passages de pouce se
A, BINET ET .1. COURTIER. — GRAPHIQUES DE LA MUSIQUE 217
font encore cozTectement. Avec une vitesse un peu plus grande,
nous avons le tracé fig. 46 iC), où les irrégularités sont fort
curieuses ; l'attaque des premières notes manque d'énergie, et
en outre, fait à noter, le troisième passage de pouce se recon-
naît sur le graphique ; il se produit entre la 10® et la 11'' note :
or. la 10' note est frappée moins fort que les autres. Si l'artiste
augmente encore la vitesse, même d'une quantité faible, et s'il
donne son maximum de vitesse, alors tous les passages de
pouce deviennent lisibles, fig. 46 {D), la 3" note, la 1" note, la
10" note, en un mot toutes celles qui précèdent le passage de
pouce sont ou peuvent être affaiblies. On ne peut souhaiter de
tracé plus démonstratif.
Intervalles. — Nous avons dit que de tous les renseigne-
ments que donne la méthode graphique, les plus précis ont
trait à la mesure du temps. Les tracés s'inscrivant sur une
surface animée d'un mouvement ,uniforme, le temps se trouve
transformé en une quantité linéaire, qu'on mesure au milli-
mètre. On peut donc, en recueillant un tracé, savoir exacte-
ment dans quel mouvement un morceau a été joué, connaître
la valeur exacte donnée aux noies et aux silences, et être ren-
seigné sur ces changements si légers de rythme que le métro-
nome ne peut pas donner, bien que les musiciens aient été
obligés de se contenter jusqu'ici de ce grossier instrument ! A
ce point de vue déjà, la méthode graphique devrait être appe-
lée par tous les compositeurs à éclairer une partition ; elle
seule, nous le disions plus haut, peut fixer la tradition suivant
laquelle un morceau doit être joué.
La mesure des intervalles exacts par la méthode graphique
n'est pas moins intéressante. Une question de psycho-physio-
logie se pose à ce sujet : Dans quelles limites est-on maître de
modifier les intervalles des notes? Si l'on joue par exemple
cinq notes en cherchant à ce que l'intervalle des temps croisse
légèrement et progressivement de la première note à la cin-
quième, quelle progression pourra-t-on obtenir? Une artiste
fort connue, qui a exécuté des expériences de ce genre avec notre
dispositif, a obtenu les résultats suivants : en jouant les cinq
notes en une demi-seconde, elle a pu mettre régulièrement entre
deux notes successives un retard d'un centième de seconde.
Nous n'aurions pas cru a ^vr^'on que le fait fût possible, et, sans
le tracé, nous aurions peine à admettre que la volonté d'une
personne pût agir sur un intervalle d'un centième de seconde.
218
TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
Il est vrai que clans ces expériences le doigt est en quelque
sorte guidé instinctivement par l'oreille et par la sensation de
rythme. Comme cette question a intéressé beaucoup de phy-
siologistes, nous citerons quelques détails. Les intervalles entre
les cinq notes jouées ont présenté, dans 10 expériences succes-
sives, les valeurs suivantes :
DUREE
DES INTER
VALLES EN!
'RE LES
MOYENNE
(le
1"' et 2'' notes.
f et o'^ noie*.
3'" et 4' noies.
4'' et 0*" noies. .
L".\CCnOISSEMENT
//
Il
//
//
II
0,08o
0,093
0,102
0,119
0,011
0,093
0,102
0,110
0,119
0,008
0,093
0,102
0,110
0,127
0,011
0,093
0,102
0,110
0,136
0,014
0,102
0,114
0,127
0,144
0,014
0,110
0,110
0,144
0,153
0,013
0,102
0,110
0,127
0,144
0,014
0,110
0.114
0,136
0,144
0,013
0,102
0,102
0,13G
0,144
0,013
0,102
0,127
0,136
0,136
0,011
Ce tableau montre que la moyenne de l'accroissement a
varié de l centième de seconde à 1 centième et demi. Jamais il
ne s'est produit de variations en sens inverse.
Crescendo et decrescendo. — Cette question, comme beau-
coup d'autres, mériterait de longs développements qui ne
$
/ Z S f
Fig. 47. — (Jaiiiiiifs. Qiiiitro (iclavcs. Les nclaves 1 et 3 eu cn'.SL'eniln.
Les octaves 2 et 4 eu clccrcace/ulo.
peuvent trouver place ici. La force avec laquelle on frappe une
note dépend de beaucoup de conditions dilTérentes, dont quel-
A. BINET ET .T. COURTIER.
GRAPHIQUES DE LA MUSIQUE 1219
ques-unes sont musicales, et les autres purement physiolo-
giques, c'est-à-dire dépendant du mécanisme de la main.
Le tracé 47 montre la difficulté assez grande qu'on éprouve
à graduer avec précision une gamme; ce tracé correspond
à des gammes piquées, jouées alternativement en cres-
cendo et en decrescendo ; elles ont été jouées assez lentement;
Fig. 48. — Gauime eu crescendo. (Exercice répété deux fuis.)
cependant il n'y a point de régularité d'une note à l'autre; le
crescendo et le decrescendo ne se marquent que dans l'ensemble
de la gamme. La personne qui nous a donné ce tracé a certai-
nement besoin de perfectionner son mécanisme.
Comme comparaison, nous plaçons ici une gamme en cres-
Fi". 49. — G
Ulllllli' eu (lei-ri'sceiido. (Kxcl'cici' ri'>|i('l('' ilcux. l'uis.)
cendo (fig. 48) et une gamme en decrescendo (fig. 49), exécu-
tées par un professeur de piano, avec une progression d'une
régularité remarquable : on saisit de suite la dilTérence.
Un rosle, chez un grand nombre d'exécutants, le crescendo
€t le decrescendo vont bien pour toute la série des notes jouées,
et non de note à note. On comprend par conséquent que l'ac-
220
TRAVAUX DU LABORATOIRE DE TSYCIIOLOGIE DE PARIS
centuation d'une note unique constitue pour l'exécutant une
difficulté sérieuse ; et la méthode graphique pourrait certaine-
ment donner des indications utiles à ceux qui s'exercent. Nous
avons constaté sur beaucoup de tracés qu'en général, lorsqu'on
cherche à accentuer une note unique, il se produit des modifi-
cations supplémentaires, à l'insu du pianiste, dans les notes
voisines. Ce sont bien là ces complications de nature physio-
logique qui allèrent dans une proportion considérable TefTet
musical du jeu. Il est d'autant plus utile de surveiller ces com-
plications qu'on peut, avec de la volonté, les atténuer, peut-
être même les faire disparaitre. Nous signalerons en particulier
les points suivants au sujet des notes accentuées : l'^ tendance
à détacher la note précédente ; 2'' tendance à lier la note accen-
tuée avec la note suivante ; 'd'' tendance à augmenter la durée
de la note accentuée, comme si celte augmentation de la durée
Fig. bO. —Do ré mi fn fiol. Le ini csi acceulué. Exercice répété qiuilre fois.
équivalait à une augmentation d'intensité. Le tracé de la
figure 50 montre ces trois particularités : cinq notes étaient
jouées, la troisième seule devant être accentuée ; on voit que
cette troisième note n'a pas été liée avec la seconde, mais
avec la quatrième, et que la durée d'appui est augmentée;
4° ce dernier point est le plus important : tendance, surtout
dans le jeu rapide, à augmenter l'intensité des notes qui suivent
la note accentuée. Ceci confirme encore les observations que
nous présentions i)lus haut relativement à la difficulté des
crescendo et decrescendo de note à note : les variations de
force demandent un contrôle de la volonté et par conséquent
le temps nécessaire pour que ce contrôle se produise ; quand
le jeu est rapide, les changements de force se produisent sur
plusieurs notes à la fois. Ajoutons cette observation complé-
mentaire qu'il est plus facile de passer rapidement d'un mou-
A. BINET ET J. COURTllîR. — GRAPUIQUES DE LA MUSIQUE ^21
vement léger à un mouvement fort que de faire le passage
inverse; et en effet, quand on doit accentuer une note, on a
une tendance à accentuer aussi la note qui suit, et non celle
qui précède.
Citons à ce propos une autre modification intéressante de la
force des doigts, qui est également soustraite à l'influence de la
volonté. Lorsqu'on exécute un série de notes, soit une gamme,
en donnant son maximum de rapidité, la note sur laquelle on
termine est frappée avec plus d'intensité que les autres. C'est
ce que nous montrons sur le tracé 51 au-dessus duquel nous
Fig. 51. — «. Série de mots prononcés : « Un, deux, trnis, quatre, cin<i. ■>
— b. Série de notes jouées : i/o, ré. mi. />/, sol.
plaçons un tracé d'une série de mots, « un, deux, trois, quatre,
cinq », prononcés avec une grande rapidité, et enregistrés avec
le microphone de Rousselot : dans les deux cas, le dernier
élément du tracé est plus élevé que les autres. C'est un rappro-
chement curieux à établir entre le toucher et la parole.
Vitesse. — Au point de vue de la vitesse, on peut étudier
un très grand nombre de questions : la rapidité de l'attaque
d'une note, le nombre maximum de notes pouvant être jouées
dans Tunilé de temps, les modilications que la vitesse apporte
dans le jeu, etc.
La rapidité de l'attaque, ou rapidité avec laquelle le doigt
enfonce la touche, a une grande importance musicale : on peut
la calculer très simplement sur des tracés pris avec une grande
vitesse de rotation du cylindre.
Le nombre maximum de notes jouées ne peut pas être donné
sans distinction préalable : la question doit être divisée. Le
nombre de notes dépend des doigts, de leur jeu simultané ou
22!2 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
successif, et d'une foule d'autres questions. Si l'on prend seu-
lement les mouvements de l'index, il peut en être exécuté
environ 6 à 8 par seconde ; si Ton compte les notes d'une gamme
exécutée avec tous les doigts de la main dans un ordre successif,
le nombre de notes jouées est beaucoup plus élevé, chez une
pianiste célèbre, nous constatons qu'il est de 16 par seconde.
Il y a certainement là, sur la distribution de la force et de la
rapidité dans les mouvements successifs, simultanés et alter-
natifs, de nombreuses recherches à faire.
Un des caractères les plus frappants du jeu rapide est dans |
la diminution d'intensité des mouvements. Lorsqu'on fait jouer |
une gamme d'abord lentement, puis plus vite, puis plus vite j
encore, on voit l'amplitude du mouvement qui diminue, puis ?
atteint une certaine limite au delà de laquelle il parait ne plus ^
guère varier, l'exécutant établit, sans s'en rendre compte, et en
obéissant à son instinct, une proportionnalité entre la rapidité ^
et la force de ses mouvements. Probablement, sous ces phéno-
mènes se trouve une loi qu'on démêlera bientôt sur l'impor-
tance des intervalles de temps qui précèdent les notes ; l'inter-
valle correspond peut-être à la période de préparation du mou-
vement, et il faut plus de temps pour préparer un mouvement
fort que pour préparer un mouvement faible.
Enfin, de tout ce qui précède on peut tirer cette conclusion,
fondée sur une foule de tracés, qu'il n'existe point de méca-
nisme impeccable ; on n'atteint jamais la perfection, la régu-
larité absolue, mais on s'en approche plus ou moins; en
d'autres termes, l'incoordination se montre dans le jeu rapide,
et elle requiert, pour se montrer, un jeu d'autant plus rapide
que l'exécutant est plus habile.
Tous ces détails, tous ces phénomènes complexes, dont notre
oreille ne nous donne qu'une impression confuse, nous les
voyons s'inscrire en traits indélébiles sur nos cylindres. Pen-
chés sur le papier noir où court la plume, nous voyons la force
des doigts, les intervalles, les accentuations se produire d'une
manière dont l'artiste lui-même n'a pas conscience et nous
saisissons parfois, nous entrevoyons du moins quelques-unes
des nombreuses lois psycho-physiologiques qui se manifestent
dans ces mouvements délicats et qui les dirigent. Assurément
la méthode est féconde, et ceux qui s'en serviront recueilleront
une riche moisson.
A. BiNET et J. Courtier.
LA PEUR CHEZ LES ENFANTS
Notre étude sur la peur chez les enfants a été faite par
plusieurs méthodes : 1° par questionnaires distribués à une
centaine d'instituteurs ; 2" par des interrogations que nous
avons adressées à des adultes, à des personnes que nous con-
naissons personnellement, qui nous paraissent dignes de toute
confiance et capables de bien s'analyser ; 3'' par des observations
personnelles faites sur des enfants de notre famille et de notre
connaissance 1.
Les questionnaires que nous avons fait distribuer aux insti-
tuteurs étaient imprimés dans la marge d'une grande feuille
blanche; les questions posées, que nous avons réduites à un
minimum, sont les suivantes :
1 ' Sous quelle forme et dans quelles circonstances avez-vous
observé le sentiment de la peur chez quelques-uns de vos élèves ?
(Prière de faire le récit de vos observations.)
2'^ Quels sont les signes physiques de la peur que vous avez
remar({ués?
3° Quelle est la proportion des enfants peureux ? (Par exemple
combien y en a-t-il sur une classe de 30 élèves ?)
4' Quelle est leur santé? (Développement physique, poids,
taille, force musculaire, sexe, âge.)
o'^ Quelle est leur intelligence? Quel est leur rang dans la
classe ?
6'^ Quel est leur caractère ?
(I) Il n'eiili'e pas dans nntre plan de faire une ijibli(if.'rajihie de la
i|iiesliuii. Nous renveiTous senlenient aux récents articles senii-[)(ppnlaires
de James Sully dans l'apiilar Science Monihli/ (189;)) ; l'anteur y a traité
avec beaucoup de détails la peur des enl'ants, et il a discuté le mécanisme
de la peur de Tobsicurité.
524 TRAVAUX DU LABORATOIRE I>E l'SYCUOLOGlK DE PARIS
7° Avez-vous observé sous quelle influence le sentiment de la
peur se développe chez les enfants ? Le tiennent-ils de leurs
parents? La contagion de l'exemple, les récits eiîrayants, etc.,
jouent-ils un rôle quelconque? Quelle est l'influence de l'âge,
de l'éducation religieuse, du milieu ville ou campagne) ?
8° Peut-on guérir un enfant peureux, et comment doit-on s'y
prendre ?
9° Nom et adresse du correspondant.
Environ deux cent cinquante exemplaires ont été distribués.
Ils n'ont pas été distribués indifféremment à tous les institu-
teurs, mais seulement à une élite. MM. les inspecteurs d'aca-
démie ont bien voulu choisir dans le personnel enseignant de
leur département les instituteurs les plus intelligents et les plus
zélés. Sans grand effort de notre part, nous avons recueilli
UO questionnaires remplis ; nous avons borné notre enquête
à six départements ; nous aurions pu certainement recueillir
un plus grand nombre de documents ; mais nous avons pensé
que ceux-là suffisent.
La bienveillante intervention de MM. les inspecteurs a assuré
le succès de cette enquête. Réduits à nos seules forces, nous
n'aurions pas réuni dix réponses. C'est une chose curieuse que
des personnes qui par profession ou par goût s'intéressent à
ces questions montrent une indolence extrême à remplir le
questionnaire et à le renvoyer. Une cinquantaine d'instituteurs
nous ont écrit spontanément pour nous demander des ques-
tionnaires ; sur ce nombre de volontaires, deux seulement nous
ont écrit des réponses.
Les questionnaires confiés à l'autorité académi(iue ont été
distribués entre les instituteurs et les institutrices d'école
primaire élémentaire, et un petit nombre ont été envoyés aux
directrices d'écoles maternelles. Parmi les réponses, quelques-
unes sont, sous une forme polie, de simples refus de répondre ;
elles sont, en général, rédigées de la manière suivante :
i Aucune circonstance ne m'a permis de constater le sentiment
de la peur chez les enfants confiés à mes soins ; » — ou encore :
« La directrice de l'école et ses adjointes, après avoir délibéré
sur la question, ont été d'accord pour affirmer qu'elles n'ont
jamais remarqué chez les élèves le moindre signe de peur. *
Un autre instituteur fait la même déclaration, dans des
termes qui méritent d'être reproduits : « Je n'ai jamais remarqué
de peur chez mes élèves. Au reste, ils auraient peur de quoi?
De leur maitre? Ce n'est plus de l'époque. — De l'école? Elle
A. BINET. — LA PEUR CUEZ LES ENI'ANTS 22o
leur est rendue aussi agréable que possible. — Du travail ? On les
instruit en les amusant. — Des punitions? Elles sont si légères
et si rares! Non ; à tort ou à raison, les enfants d'aujourd'hui
n'ont peur de rien; du moins, le sentiment de la peur n"a pas
Tùccasion de se manifester pendant le temps de l'école. » Saluons
celte heureuse école, et passons à d'autres.
Plusieurs correspondants, sans chercher dans ce motif une
dispense de répondre, ont remarqué avec raison que l'école où
les enfants sont en sécurité et entourés de leurs camarades,
n'est pas un milieu favorable pour l'observation du sentiment
de la peur, et il est incontestable que les pères de famille en
savent plus sur ce point que les instituteurs ; mais on ne peut
pas adresser aux pères de famille un questionnaire de psycho-
logie, ils n'y répondraient pas ; d'autre part, plusieurs institu-
teurs ont une famille, des enfants, et peuvent noter les obser-
vations qu'ils ont faites chez eux ; d'autres connaissent les
parents de leurs élèves, reçoivent des confidences, assistent à
des scènes intimes et ont par conséquent toute l'expérience
nécessaire poumons renseigner. Le questionnaire qu'on adresse
eux instituteurs de bonne volonté n'est donc pas inutile. Plu-
sieurs, en effet, nous ont envoyé des observations prises par
eux en dehors de l'école. Nous avons reçu de véritables mé-
moires, composés de 10 à 1:2 pages, et rédigés avec ce soin
calligraphique qui caractérise en général les instituteurs. En
moyenne, les réponses ont une longueur d'une demi-page de
texte imprimé. Il nous a semblé que les réponses des insti-
tutrices sont souvent plus détaillées, faites avec plus de soin,
sinon avec plus d'intelligence que celles des instituteurs; seule-
ment, elles manquent de détails précis; ainsi, pour le poids et
la taille des enfants, les institutrices se contentent souvent de
dire : poids ordinaire, taille élevée, et expressions analogues,
tandis que les instituteurs nous envoient d'ordinaire une
mesure précise en kilogrammes et en centimètres.
Notre questionnaire conviait surtout nos correspondants à
nous envoyer des faits d'observations. La {)lupart nous ont
envoyé des faits précis, des renseignements détaillés sur des
enfants en particulier, dont on nous donnait une courte biogra-
phie ; quelques-uns nous ont donné des observations un peu
diffuses, sans marques propres. Cinq ou six instituteurs ont
interrogé leurs élèves; il en est même qui ont fait composer
les élèves sur le sentiment delà peur, en les priant de raconter
les circonstances où ils ont éprouvé ce sentiment avec le plus
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 15
226 TRAVAUX LU LABORATOIRE DE PSYCUOLOGIE DE PARIS
de force. Ce sont là les meilleures observations. Nous leur oppo-
serons les réponses de correspondants qui, ne comprenant pas
exactement le but de notre enquête, nous ont envoyé une série
de réflexions morales, ou une véritable homélie plus édifiante
qu'instructive.
DEFINITION DE LA PEUR
Quelques correspondants ont commencé par remarquer, et
avec raison, qu'avant de faire des observations sur la peur des
enfants, il faut définir le sentiment de la peur, car il présente
plusieurs variétés bien différentes. Il existe une crainte légitime,
qui se manifeste en présence ou à Tidée d'un danger réel,
possible ou seulement probable, et qui nous permet d'agir avec
prudence. Ce n'est pas de ce sentiment naturel, à la fois raison-
nable et utile, que nous entendons parler en questionnant les
instituteurs sur la peur des enfants. La peur, telle que nous
l'entendons, est un sentiment déraisonnable, en ce sens qu'elle
s'applique soit à un danger tout à fait imaginaire, l'obscurité,
les fantômes, soit à un danger réel, mais absolument impro-
bable. On connaît, nous le rappelons, en aliénation mentale,
une grande catégorie d'individus qui sont atteints de phobies,
c'est-à-dire de peurs et de répulsions exagérées, produites par
les objets les plus différents ; tel craint d'être empoisonne par
le contact d'un objet malsain, tel autre dans la rue craint d'être
rencontré et' mordu par un chien, un troisième n'ose pas
traverser seul une grande place déserte. Quelques-unes de
ces peurs sont inspirées par des dangers absolument imagi-
naires ; mais, dans d'autres cas, le danger est possible ; il est
possible d'être mordu par un chien, d'être contaminé par le
contact d'un objet, d'être écrasé par la chute du lustre dans un
théâtre, d'être asphyxié dans un incendie, etc. Le caractère
morbide du sentiment de la peur, dans ces derniers cas, tient
à ce que les individus considèrent comme probables et même
imminents des dangers qui se produisent si rarement qu'un
homme sage et prudent ne doit pas s'en préoccuper.
Le sentiment de la peur qu'on doit chercher à corriger et à
guérir chez les enfants n'est donc pas un sentiment de crainte
légitime ; c'est une angoisse qui de toute façon est dispropor-
A. BINET. — LA PEUR CHEZ LES ENFANTS 227
tionnée avec le danger, soit qu'il s'agisse d'un danger imagi-
naire, soit qu'il s'agisse d'un événement possible, mais dont la
probabilité est à peu près nulle.
A un autre point de vue encore on peut distinguer la peur et
la crainte légitime. Celte dernière stimule l'intelligence et
augmente les forces physiques ; on voit le danger, on trouve
le moyen de se protéger, et l'acte suit rapidement la réflexion.
Bien différentes sont les conséquences de la peur, qui déprime
l'individu, lui enlève pour un temps la faculté de parler et
d'agir, jette le trouble dans son intelligence et sa mémoire, et
le prive en un mot de tous ses moyens de défense.
Il faut donc développer chez les enfants la prudence, la
crainte légitime du danger, la présence d'esprit et le jugemeat
qui permettent de se soustraire à un malheur ; mais il faut, au
contraire, agir contre la peur, et chercher à la supprimer dans
la mesure du possible. C'est une distinction sur laquelle tout
le monde tombera d'accord.
II
SUJETS DE PEUR
La liste des objets qui sont capables d'effrayer les enfants
serait interminable, et nous ne pouvons même pas songer à
faire l'énumération complète de tous les faits qu'on nous a
signalés. Quelques vues d'ensemble sufliront. i'' Il faut mettre
en première ligne la peur de la nuit, ou peur de l'obscurité, ce
qui est à peu près la même chose, sauf que la nuit produit à la
fois l'obscurité et l'isolement. La peur de l'obscurité est la
peur type, chez l'enfant ; d'abord, elle est pour ainsi dire géné-
rale, et si j'en crois les documents que j'ai sous les yeux, bien
peu d'enfants y échappent : en second lieu, la peur de l'obscu-
rité présente ce caractère de mystère, d'inconnu qui donne au
sentiment de la peur son cachet propre. Que de fois ne dit-on
pas à un enfant qui ne veut pas entrer dans une chambre
obscure : Mais de quoi as-tu peur? L'enfant ne le sait pas, ou
plutôt il aurait de la peine à définir clairement ce qu'il éprouve.
Plusieurs de nos correspondants l'ont remarqué ; la peur des
enfants s'adresse au.x choses mal comprises, mal définies,
mystérieuses ; sous une forme ou sous une autre, c'est toujours
la peur de l'inconnu. C'est peut-être pour ce motif que la peur
228 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
de l'obscurité est si générale : l'obscurité, en supprimant le
contrôle des perceptions visuelles, ouvre le champ a l'imagi-
nation, et on peut alors se figurer une foule de choses terribles,
sans que les yeux donnent un démenti à ces chimères'.
La peur de l'obscurité se manifeste chez les enfants dans une
foule de circonstances ; ils refusent de quitter la maison et de
sortir dans la rue ou dans la campagne quand la nuit est tom-
bée ; ils refusent de descendre à la cave sans lumière, ou même
avec lumière ; ils refusent de coucher seuls, loin de leurs
parents ; dans leur lit, ils retiennent leur respiration, et se
cachent entièrement sous l'édredon ou sous les couvertures.
Dans la même catégorie que la peur de la nuit, il faut placer
une foule d'autres peurs, qui ne sont également que des peurs
de l'inconnu et du mystère. Des correspondants les appellent
peurs psychiques, pour exprimer qu'elles sont produites par
des objets imaginaires. C'est par exemple la peur des masques,
la peur de la solitude, des fantômes, la peur du ramoneur, du
charbonnier, la peur des loups (qui défrayent tant de conver-
sations d'enfants sans que ceux-ci en aient jamais vu).
2" Voici un second groupe de peurs qui forment un con-
traste évident avec les précédentes : ce sont les peurs produites
par des bruits violents comme des détonations d'armes à feu,
le bruit d'un pétard, le craquement du tonnerre, le débouchage
d'une bouteille de limonade ou de Champagne.
Ces peurs sont fréquentes chez les tilles, mais les petits
garçons n'en sont pas exempts. La frayeur est d'une nature
particulière ; elle est produite par l'idée d'une détonation, qui
par elle-même ne cause qu'une sensation un peu désagréable
de tressaillement, avec une courte inspiration. L'enfant devant
lequel on s'apprête à tirer un coup de pistolet, et qui bouche
ses oreilles avec effroi, sait le plus souvent (ju'il ne court
aucun danger; il n'éprouvera, à tout prendre, qu'une petite
secousse ; la peur est, dans ce cas, aussi dénuée que possible
de toute représentation psychique effrayante ; elle se distingue
donc bien nettement de la peur de la nuit, ou peur de l'in-
connu.
3° Peurs dans lesquelles ce qui domine, c'est un sentiment
(1) Uue pe(i((' fille ((ui a riiahiliuk- de racniiter des histoires à sa snnir
tous les soirs, quand la hiiiiiùre est éteinte, me disait spontanément
qu'elle raconte dans l'obscurité parce qu'alors elle croit voir les choses
qu'elle rac()nte ; déiuonslration excellente de cette netteté qu'acquiert
riiiia''inution dans le noir.
*
A. BINET. — LA PEUR CHEZ LES ENFANTS 229
de dégoût, de répulsion. Peur des petits animaux, des rats, des
chenilles, des araignées, peur du sang, peur des cadavres, etc.
Exemple : « J'ai vu une petite fille qui jusqu'à l'âge de neuf
ans poussait des cris de frayeur et tremblait de tout son corps
quand elle voyait une souris. Une couverture de cahier avec la
gravure représentant une souris produisait presque le même
effet. »
Voici une seconde observation de ce genre qui peut servir
de type :
4 Une de mes propres fillettes, aujourd'hui âgée de dix-sept
ans, témoigna dès sa plus tendre enfance une grande frayeur à
la vue d'un colimaçon.
« La vue delà coquille même vide, ou de celle de tout autre
mollusque lui faisait une telle impression que nous dûmes, sa
mère et moi, prendre bien des précautions, afin de lui éviter
une crise nerveuse pouvant déterminer des convulsions. L'in-
tensité de cette frayeur restait la même pendant que l'enfant
grandissait. Nous fimes appel à son jugement en essayant de
la persuader que le colimaçon n'a rien d'horrible. Rien n'y
faisait, elle ne pouvait vaincre ce sentiment ; à tel point qu'elle
se privait de feuilleter les pages d'un livre quelconque où il y
avait des gravures, dans la crainte d'y rencontrer un colimaçon.
Aujourd'hui, par un effort de volonté, elle est arrivée à consi-'
dérer limage de l'animal ou l'animal lui-même ; mais elle
n'oserait guère y toucher. Par contre, elle ne s'est jamais guère
effrayée dans l'obscurité comme cela arrive à un certain nombre
d'enfants. »
4*^ Peur exagérée d'un danger simplement possible ; ce sont
en somme les peurs les plus raisonnables de toutes ; par exemple
peur de rencontrer en chemin un ivrogne, ou un mendiant, un
individu à allure équivoque, ou peur d'être attaqué par un
chien ; peur, le soir, des voleurs cachés sous le lit, derrière les
rideaux ou dans les placards. Ce sont des peurs produites par
l'imagination, mais ce ne sont pas des peurs entièrement ima-
ginaires. Dans cette catégorie peut être placé le cas suivant :
1 Un enfant, âgé de dix ans, quitte tout à coup sa place pendant
une leçon de lecture et se dirige vers le maître en s'écriant d'une
voix effrayée : « Je vais mourir ! Je vais mourir !» Il se sou-
tenait à peine, et sa figure exprime une grande épouvante. Il
avait mangé du pain chaud et éprouvait simplement le malaise
qui accompagne l'indigestion. Quelques mois plus tard, le
même fait se reproduisit dans la circonstance suivante : Je
230 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
venais de recommander aux enfants de s'abstenir d'aller dans
un village voisin, où sévissait la diphtérie. Le même élève quitta
encore tout ii coup sa place en portant sa main à sa gorge, et
en criant : « Je vais mourir !» Il se figurait avoir la maladie
dont on venait de parler. La première fois les autres élèves
avaient été effrayés ; mais ce jour ils accueillirent le cri de leur
camarade par un éclat de rire, qui guérit instantanément la
maladie du peureux. Les parents de cet enfant déclarent que
plusieurs fois, surtout la nuit, même chose est-arrivée. Il avait
peur de l'obscurité et de la mort et manifestait cette crainte
quand il était un peu malade. » La peur de mourir paraît rare
chez les enfants; elle n'a été notée que trois fois dans notre
enquête.
5" Peurs qui résultent d'un souvenir laissé par un accident
terrible; un enfant devient peureux à la suite d'une profonde
coupure ; un autre, ayant manqué être écrasé par une bicyclette,
tremble en traversant une rue fréquentée, et veut qu'on lui
donne la main ; un autre, ayant manqué se noyer dans une
rivière, a peur de l'eau, et s'arrange pour ne jamais passer
près de la rivière; un autre, âgé de deux ans, est surpris par un
chien, qui lui pose les deux pattes sur les épaules; de ce jour,
il a une peur extraordinaire des chiens. Certainement, beaucoup
de peurs, de répugnances instinctives que présentent certaines
personnes à l'âge adulte, proviennent d'impressions d'enfance.
Pour connaître l'importance relative de ces difTérenlcs espèces
de peurs, on peut consulter les résultats d'une expérience sco-
laire ; à 28 élèves d'une classe on donne comme travail de
composition le récit de la peur la plus forte qu'ils ont eue.
L'instituteur qui a dépouillé les copies nous envoie la conclu-
sion suivante :
« Sept ont raconté des peurs causées la nuit ou le jour par un
danger plus ou moins réel : un chien, un bœuf, un homme
ivre qui les a poursuivis, ou bien un accident, une chute dans
l'eau, un saignement de nez persistant.
« Treize ont eu peur d'un danger supposé : rencontre impré-
vue, bruit de branches, ombre prise pour un malfaiteur, roule-
ments du tonnerre, surprise causée par un mauvais plaisant.
« Quatre seulement ont trouvé dans leur imagination un sujet
de frayeur : l'un a eu peur de Croquemitaine, un autre du père
Fouetlard accompagnant saint Nicolas, le troisième a eu peur
du loup, et le quatrième simplement en passant la nuit près
d'une sapinière.
A. BINET. — LA PEUR CHEZ LES ENFANTS 231
« Deux ont confondu la peur avec l'inquiétude qu'ils ont
éprouvée. étant égarés,
« Enfin deux autres l'ont confondue avec la crainte d'une
punition méritée. »
Si on fait l'addition des peurs par imagination, on voit
qu'elles sont au nombre de dix- sept, par conséquent en
majorité.
III
SIGNES DE LA PEUR
Bien que les observations soient nombreuses, je crois qu'elles
n'ajoutent rien d'essentiel à ce que l'on connaît déjà sur les
signes de la peur. Je viens de relire le livre de Darwin sur
l'expression des émotions et il énumère tous les effets qui sont
signalés par nos correspondants. Ces effets peuvent être répar-
tis en trois groupes :
1° Moyens de défense. La fuite à toutes jambes, la fuite vers
une personne capable de défendre l'enfant, les gestes et les
attitudes prises pour éviter un coup ou une menace. Il est à
remarquer que les observations sont très pauvres sur ces diffé-
rents points, ce qui semblerait démontrer que la peur poussée
à l'extrême ôte à l'enfant la faculté de se défendre et de se pro-
téger par des actes bien adaptés.
2'^ Les signes expressifs de la peur. Les cris, les tremble-
ments de tout le corps, sont les deux signes qui ont été le plus
souvent indiqués ; viennent ensuite par ordre de fréquence la
pâleur de la face, l'altération des traits, la dilatation des yeux,
la suspension de la respiration, les palpitations, les pleurs.
Hien de tout cela, nous le répétons, n'est nouveau ni intéres-
sant ; le seul fait digne de remarque, c'est l'ordre d'importance
de ces phénomènes qui ressort du fait que les signes indiqués
le plus souvent sont les cris, le Iremblemenl, et la pâleur.
3° Phénomènes de paralysie. Sont notés presque aussi sou-
vent que les signes d'expression. Sous leur forme la plus simple,
c'est l'immobilité. L'enfant effrayé reste immobile. Dans les
veillées, quand on raconte quelque histoire terrible, il n'ose
plus bouger de sa chaise. Si on le surprend par quelque phé-
nomène qui l'effraye, il reste cloué sur place. Un enfant, envoyé
au préau le soir, voit deux hommes ; frappé de terreur, il reste
232 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
debout au milieu de la cour, incapable de faire un pas. Un
enfant de cinq ans est surpris par un tramway au milieu de la
voie ; ni les cris des voyageurs, ni ceux du cocher ne peuvent
l'éloigner; il reste cloué sur place jusqu'à ce qu'un passant
l'éloigné brusquement. Non seulement les enfants ne peuvent
plus marcher, mais ils deviennent muets; ils ne prononcent
pas une parole, perdent même la mémoire pendant un instant;
le trouble est dans leurs idées. On observe ce mutisme pendant
les examens de quelques enfants très timides. Enfin la forme
extrême est la syncope,, qui a été observée plusieurs fois pen-
dant l'angoisse produite par la crainte d'une opération, par
exemple la revaccination.
<i: Une enfant de neuf ans reste, pendant deux heures, comme
un linge mouillé, presque sans parole, les yeux hagards, pour
avoir entendu le récit d'une grave blessure du poignet, récit
fait par ses compagnes. »
Dans un grand nombre d'observations , nous voyons des
crises, des attaques, des syncopes, parfois même des maladies
très longues survenir à la suite d'une peur. En voici un
exemple :
a Un enfant, ayant appris qu'il y avait un pendu dans le
bois, près du village, voulut aller voir ce pendu. Il en fut très
effrayé et revint en classe tout tremblant. Pendant le reste de
la journée, il demeura sous l'impression de cette frayeur et ne
put apporter aucune attention à son travail. Le lendemain, il
paraissait plus calme, et aucun signe extérieur ne pouvait faire
penser que cette frayeur aurait pour lui des suites fâcheuses.
« Cependant, peu de temps après, il tombait tout à coup dans
la classe, en poussant des cris, en proie à des convulsions. Au
bout de quelques minutes, il revint à lui, mais si tremblant
I qu'il ne pouvait se tenir sur ses jambes. Un autre jour, il se
plaignit subitement de violentes douleurs dans le pouce et dans
if la main, puis il s'affaissa de nouveau et resta, comme la pre-
' mièrc fois, quelques minutes à crier et à se rouler. La peur
I avait déterminé chez lui un accident nerveux : jusqu'à cette
époque, il n'avait jamais rien éprouvé de semblable. Ses pa-
rents le soignèrent et depuis (il y a huit ans de cela), il n'a
plus eu aucune crise. Il est resté intelligent et jouit d'une
excellente santé. »
Je citerai aussi, à titre de curiosité, l'exemple suivant de
mutisme produit par la peur ; il est à remarquer que la peur
produit soit le mutisme, comme on l'observe parfois aux exa-
A. BINET. — LA TEUR CHEZ LES ENFANTS -33
mens, soit une excessive loquacité, de même qu'elle produit soit
la pâleur, soit la rougeur. Voici un cas assez rare de mutisme :
ï Un enfant de douze ans vient à l'école depuis un an, ac-
compagné de son petit frère, il cause en chemin et sitôt qu'il
approche de l'école, il devient complètement muet. Impossible
de lui faire dire un mot ni même de lui faire accepter une
récompense. Il refuse tout travail et reste toute la journée à sa
place les bras croisés. — La seule chose qui lui plaise, c'est la
gymnastique. Pendant les récréations, il ne joue pas, ne parle
pas non plus, mais lorsque sonne l'heure de la sortie, il met
beaucoup d'empressement à prendre son panier et son par-
dessus, s
IV
ÉTAT DE SANTÉ DES ENFANTS PEUREUX
Sur l'état de santé des enfants peureux, nos correspondants
ne peuvent guère nous donner des renseignements précis,
parce qu'ils manquent de connaissances médicales. Cependant
les réponses qu'ils nous envoient contiennent quelques indica-
tions utiles, que nous répartirons sous trois chefs principaux :
1° Quelques instituteurs nous font le récit d'accidents tra-
giques dont des enfants ont été les victimes (accident de voi-
ture, péril en mer, etc.), et ils rapportent qu'à la suite de la
terreur produite par ces accidents les enfants sont devenus
gravement malades ; plusieurs ont dû s'aliter pendant des
jours, et même des mois ; d'autres ont manifesté des maladies
nerveuses, parmi lesquelles celles qu'on nous cite le plus sou-
vent sont la chorée et l'épilepsie.
2" Les instituteurs nous décrivent à leur manière l'état de
santé des enfants qui sont particulièrement peureux ; quelques-
uns de ces enfants ne présentent aucun caractère frappant,
quelques-uns même ont un aspect robuste ; mais la plupart
sont doués d'une force musculaire inférieure à la moyenne, et
ont un tempérament nerveux. Voici quelques citations puisées
au hasard : frêles et délicats; — bonne santé, mais complexion
délicate ; — enfants maladifs, nerveux ; — délicats, nerveux,
impressionnables ; force musculaire au-dessous de la moyenne.
— anémiques ; — ne sont pas les premiers en gymnastique,
etc., etc. — Certainement, la répétition de ces descriptions est
:234 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCUOLOGIE DE PARIS
significative, et jusqu'à plus ample informé, nous serons d'avis
qu'un enfant particulièrement peureux est un débile. Les ins-
tituteurs emploient souvent le terme de nerveux, sans dire
exactement ce qu'ils entendent par ce mot. \}n enfant nerveux,
très probablement, est un enfant d'une physionomie mobile,
qui se fatigue vite, qui s'excite facilement, qui change d'humeur
souvent, et qui est incapable d'un effort long et soutenu.
D'après les réflexions de plusieurs instituteurs, la relation
entre la constitution physique de l'enfant et la peur est
double ; d'abord, la peur résulte d'une faiblesse du système
nerveux ; en second lieu, l'enfant, ayant conscience de sa fai-
blesse physique, perd confiance en lui-même, ce qui le rend
accessible à toutes les craintes.
Voici une observation, prise entre plusieurs, où se marque
l'influence des maladies :
» Un enfant de onze ans a eu la fièvre typhoïde ; de décidé
et courageux qu'il était avant sa maladie il est devenu timide,
craintif et peureux après. Si son maître le menace d'une puni-
tion légère ou non, il éprouve une peur qui le rend si sensible
et différent de lui-même qu'il fait tout pour s'y soustraire, par
exemple se sauve précipitamment de l'école et resterait à la
campagne sans revenir si on ne le contraignait pas à rentrer. »
CARACTERES INTELLECTUELS DES ENFANTS PEUREUX
Les réponses recueillies sur ce point se résument dans les
deux propositions suivantes : 1" // n'y a aucune relation entre
le développement de la peur et le développement de l intelli-
gence ; 2'^ Lea enfants à imagination vive sont prédi^wsés à la
peur. Il est à remarquer qu'aucune question précise n'a mis
sur la voie de ces deux réponses. Le questionnaire demandait
seulement : Quel est le caractère des enfants peureux?
1" L'instituteur a un moyen suffisamment précis pour faire
connaître rinlelligence d'un enfant, c'est de donner son rang
dans la classe. A ce point de vue l'instituteur est mieux ren-
seigné que le père, d'abord parce qu'il a un plus grand nombre
de points de comparaison, et ensuite parce qu'il n'est pas
rendu partial par son afl'ection. Il est évident que les pères qui
répondraient à notre questionnaire auraient une tendance à
A. BINET. — LA PEUR CUEZ LES ENFANTS 235
placer l'intelligence de leurs enfants au-dessus de la moyenne ;
nous en avons eu plusieurs exemples. Quant au rang dans la
classe, il ne donne peut-être pas une mesure exacte de l'intel-
ligence ; le rang n'est pas obtenu seulement par l'intelligence,
mais par le travail, c'est-à-dire surtout la volonté ; mais l'ap-
proximation est suffisante, et nous nous en contenterons.
On pourrait supposer à priori que la peur étant un senti-
ment déraisonnable doit surtout se manifester chez les enfants
qui manquent de bon sens et de jugement. Un ou deux insti-
tuteurs seulement ont indiqué cette déduction, et l'ont du
reste présentée comme une déduction plutôt que comme une
observation. D'une manière générale, les instituteurs n'ont pas
donné sur ce point des réponses concordantes. Les uns disent
que les enfants peureux qu'ils ont observés appartiennent à la
seconde moitié de la classe ; d'autres les trouvent parmi leurs
meilleurs élèves. Il n'est pas rare qu'un instituteur écrive : « Le
premier de ma classe est le plus peureux de tous. » D'autres
enfin placent les enfants peureux parmi les élèves d'une intel-
ligence moyenne. Quelques-unes de ces différentes indications
sont données en termes généraux ; d'autres, plus précises,
sont données avec les initiales de l'élève et quelques rensei-
gnements spéciaux. En faisant le dénombrement de ces réponses,
on ne constate pas de tendance marquée dans un sens ; ainsi,
dans deux départements réunis, les observations sur des enfants
peureux se répartissent ainsi :
Enfants d'une intelligence au-dessus de la moyenne . . 30
— — moyenne 23
— — au-dessous de la moyenne . . 24
Ces moyennes montrent que les enfants sujets à la peur ne se
distinguent pas sensiblement des autres au point de vue intel-
lectuel. C'est aussi ce que pensent une quinzaine d'instituteurs
qui paraissent avoir fait des observations assez étendues pour
arriver d'eux-mêmes à la moyenne exacte. « J'ai des enfants
courageux dans les derniers rangs, nous dit une institutrice, et
j'ai des enfants peureux dans les premiers rangs. » — « Rien
de marqué ni de général comme rang, » dit un autre. — « J'ai
des peureux intelligents et d'autres idiots, » dit un autre, avec
cet emploi du pronom personnel si fréquent chez les maîtres et
les chefs.
Cette conclusion négative est en accord avec mes observa-
tions personnelles. J'ai connu des jeunes filles d'un esprit vif,
iî36 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCUOLOGIE DE PARIS
délié, pleines de bon sens et de coup d'œil, qui sont tourmen-
tées par des peurs ridicules, dont elles sont les premières à
rire, tout en continuant à trembler. Ces faits, pris dans leur
généralité, nous montrent qu'il peut y avoir une indépendance
entre Tintelligence et les sentiments, chez un même individu.
Cette indépendance n'est pas une loi générale et absolue, évi-
demment, et il existe certainement des individus qui. à force
d'intelligence, dominent leurs penchants; chez d'autres, il doit
se produire une foule de réactions subtiles et copiplexes entre
le sentiment et la pensée ; nous ne cherchons nullement à mettre
en doute tout cet ordre de phénomènes, qui ont souvent tenté
l'analyse des moralistes. Tout ce que nous voulons affirmer,
c'est que la peur n'est pas le propre des enfants inintelligents,
elle n'est pas la preuve d'une médiocrité intellectuelle : l'intel-
ligence et la peur se développent chez les enfants d'une manière
indépendante '.
2'^ A propos de l'intelligence des enfants peureux, les institu-
teurs répètent souvent que c'est une intelligence vive et pré-
coce ; en outre, un très grand nombre affirment, sans y être
invités par aucune question précise de notre part, que les enfants
peureux ont l'imagination vive, d'où il résulte qu'ils ont ou
paraissent avoir une intelligence supérieure à la moyenne.
Cette affirmation se dégage de l'ensemble des observations
avec une netteté frappante. Du reste, elle ne doit pas nous éton-
ner. A la réflexion, nous voyons que le sentiment de la peur
est surtout excité par des dangers imaginaires ; alors même
qu'il provient d'un danger réel, imminent, comme la chute d'un
précipice, l'écrasement sur une voie ferrée, l'imagination y
prend aussi sa part, en représentant la suite directe de l'acci-
dent, la douleur, le sang. Par conséquent, les enfants qui ont
limagination vive et prompte seront disposés à la peur, parce
qu'ils se représenteront mieux que leurs camarades les objets
réels et imaginaires capables de les efl"rayer. Il y a ici, semble-
t-il, un contact direct, une solidarité entre une fonction intel-
lectuelle et un état de sentiment.
Je me permettrai cependant de corriger dans quelque mesure
cette proposition, en faisant appel à mes observations person-
nelles. J'ai étudié longuement deux petites sœurs qui, quoique
élevées dans le même milieu, présentent des difl'érences
(I) L'opinion vulgaire se trouve ici eu désaccord avec les résultats de
notre enquête. On entend souvent accuser les peureux de stupidité.
A. BI.NET. — LA PEUR CEEZ LES ENFANTS 237
curieuses de caractère. L'une, la cadette, a certainement l'ima-
gination plus vive que l'autre : ce n'est pas là Une impression
subjective et trompeuse, c'est un fait d'observation ; tous les
soirs depuis des années, dès que les deux enfants ont été cou-
chées dans leurs lits jumeaux, la cadette reprend la suite d'une
interminable histoire, qu'elle invente à mesure, et que l'aînée
écoute avec recueillement. J'ai souvent essayé de faire raconter
des histoires à l'aînée ; mais ses inventions sont sèches,
courtes, sans conviction ; son esprit s'est développé dans un
autre sens ; elle est sérieuse, raisonnable, douée d'un pouvoir
considérable d'attention. Voilà donc deux enfants chez les-
quelles la différence de pouvoir imaginatif est considérable ; or,
fait bien instructif, attesté par l'observation de tous les jours,
la cadette est plus hardie et plus courageuse que l'aînée.
Je ne pense pas que ce soit là un fait isolé ; j'ai recueilli une
autre observation du même genre ; comme j'attache une grande
importance à des faits que j'ai pu voir de mes yeux, je suis
amené à douter qu'il y ait une relation constante entre le déve-
loppement de l'imagination et le sentiment de la peur; je sup-
pose qu'on peut interpréter de la manière suivante les réponses
presque unanimes de nos correspondants. Un enfant n'a pas
peur par le seul fait qu'il a beaucoup d'imagination ; l'imagi-
nation n'est pas une cause directe ; elle joue plutôt le rôle de
caisse de résonnance ; elle amplifie le sentiment de la peur, en
lui donnant comme aliment tous les objets terribles qu'une
imagination vive se représente facilement. Un enfant peureux,
dont l'imagination est pauvre et courte, aura moins d'occasions
de s'effrayer : il se laissera prendre moins facilement à la con-
tagion de l'exemple. Mais dans tous les cas la peur est un sen-
timent qui prend son origine ailleurs, dans une faiblesse phy-
siologique mal définie et peut-être indéfinissable.
Nous dirons donc en résumé que :
1° La peur, chez les enfants, ne présente point de relation
avec le développement de l'intelligence ;
2'' Elle est augmentée par une imagination vive.
VI
CARACTÈRE MORAL DES ENFANTS PEUREUX
Cette question n'a pas provoqué de réponse précise, ou plu-
tôt elle a provoqué un si grand nombre de réponses différentes
238 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
qu'il nous est impossible de découvrir la moindre unité dans
cette diversité. A s'en tenir aux documents que nous avons
entre les mains, nous ne pouvons tracer le caractère moral de
l'enfant peureux. Voici à titre d'exemple quelques unes des
appréciations faites par les instituteurs sur les enfants peureux
qu'ils étudient :
Caractère doux et timide ; — craintif, timide, par exception
violent et volontaire; — caractère doux, manque d'initiative,
se laisse entraîner ; — caractère triste et taciturne ; — soup-
çonneux, poltron, parfois cruel ; — crédule ; . — imagination
facile à frapper; — émotif; — inconstant, passant du rire aux
larmes ; — amour-propre, irascibilité ; — concentré ; —
timide; — indécis; — doux, bon, compatissant; — bon; —
caractère indécis, très irritable.
En admettant que chacune de ces épithètes ait été bien pesée,
et s'applique exactement à chaque enfant, il faut convenir que
les enfants peureux n'ont pas tous le même caractère moral, ni
qu'il y ait dans cet ordre d'idées quelque chose de typique.
Tout au plus peut-on remarquer que la douceur et la timidité
sont les deux traits de caractère qui reviennent le plus souvent
dans l'observation des enfants peureux.
VII
QUELLE EST LA PROPORTION DES ENTANTS PEUREUX?
Si une question a été mal posée, c'est bien celle-là, et nos
correspondants ne se sont pas fait faute de le remarquer. Ils
ont eu bien raison ; on ne peut pas fixer la proportion des
enfants peureux, parce que ce nombre varie sous diverses
influences qu'on ne peut pas mesurer, l'éducation, le milieu,
les idées ambiantes, et surtout le caractère moral de l'observa-
teur. Celui-ci n'apprécie le degré de peur d'un enfant que par
rapport à ses idées personnelles et à son tempérament. Tel ins-
tituteur robuste, courageux jusqu'à l'indilTérence, ne portera
pas le même jugement qu'un de ses collègues dont la nature
est plus sensible, plus douce. Hâtons-nous d'ajouter qu'il ne
faut pas pousser le scrupule trop loin. Notre question, telle
qu'elle est, peut donner des renseignemenis utiles. Dans la pra-
tique de tous les jours, un inspecteur demandera à un institu-
teur : « Vos élèves travaillent-ils bien? Etes-vous content de
A. BINET. — LA PEUR CHEZ LES ENFANTS îl'Sd
voire classe ? » et quoique la personnalité de l'instituteur influe
sur la réponse à Tinspecteur, il est bien certain que cette
réponse n'est pas non avenue et contient quelque vérité. Une
classe de cancres a quelque chance pour ne contenter aucun
instituteur, et une classe d'élèves modèles les contentera
presque tous.
Notons d'abord que, d'après un avis unanime, tous les enfants
connaissent la peur, à quelque degré ; tous les enfants ont peur
de quelque chose, quel que soit leur état de santé et leur cons-
titution physique. Le sentiment de la peur fait normalement
partie de la psychologie de l'enfant, et exprime en quelque
sorte la faiblesse de son corps. Il est à remarquer que l'enfant
ressemble plus a la femme qu'à l'homme adulte, par la forme
gracile de son corps, par sa voix, par le peu de développe-
ment de ses poils, etc.. il lui ressemble également par ce côté
émotionnel, d'être enclin à la peur. Ainsi, tous les enfants sont
peureux. Ceux qui sont malingres et qui sont doués d'une ima-
gination vive se défont plus difficilement de ce sentiment, qui
est un signe de faiblesse; chez les autres, la peur s'efface gra-
duellement avec l'âge, avec l'expérience acquise et avec le
développement des forces physiques. Dans bien des cas, les
progrès de l'âge constituent le meilleur traitement de la peur,
le plus simple et le plus naturel.
Quelques instituteurs ont cherché à fixer avec précision le
début et la fin des peurs enfantines. Plusieurs directrices d'écoles
maternelles pensent que les enfants de deux ans ne sont pas
peureux; ce sentiment ne se développerait que vers trois ans.
Je fais ici une moyenne, car les âges indiqués varient un peu.
D'autre part, la décroissance de la peur commencerait assez
rapidement entre la neuvième et la douzième année.
Je crois quon peut faire quelques remarques relativement
au début de la peur. Il ne me paraît pas certain que les
enfants ne soient jamais accessibles à ce sentiment avant l'âge
de deux ans. D'autre part, il faut convenir que la crainte du
danger ne se développe en général que lorsqu'on a déjà eu
l'expérience de ce danger, et qu'on peut le prévoir et se le
représenter. Beaucoup de petits enfants restent insensibles
au danger par ignorance, ou par insuffisance de développe-
ment intellectuel.
Il nous reste à indiquer la réponse directe qui a été faite à
la question posée : Quelle est la proportion des enfants peu-
reux? Nos correspondants nous ont fait deux espèces de ré-
240 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARTS
ponses; tantôt ils se sont contentés d'indiquer un chiffre, sans
autre commentaire ; tantôt ils sont entrés dans quelques détails.
La proportion des enfants peureux qui a été indiquée varie
entre 1 sur 30 et 10 sur 30. Ce seul écart suffit à montrer que
la demande manque de précision.
Eu conservant l'indication donnée le plus souvent', on a la
proportion de 3 sur 30, qui indiquerait le nombre des vivais
peureux, c'est-à-dire de ceux qui sont tellement peureux qu'ils
constituent des cas exceptionnels, qu'ils sont, comme dit un ins-
tituteur, de « vrais martyrs ». D'autres instituteurs, disons-
nous, ont fait des réponses un peu plus précises. « 10 enfants
sur 30 (de huit à treize ans) avouent qu'ils n'osent pas sortir le
soir dehors de peur de rencontrer des voleurs. » — « 10 enfants
sur 30 ont peur des chiens et n'oseraient entrer dans une
maison où un chien aboie. » — « Plus de 40 élèves sur 56 affir-
ment qu'ils n'iraient pas la nuit dans le cimetière, par peur des
revenants et des fantômes. » — « 9 sur 30 m'ont avoué avoir
peur pour sortir de chez eux le soir quand il fait nuit, et ne
pas oser se coucher sans leurs parents. » « Sur loO élèves, il n'y
en a que S qui pourraient aller seuls, par une nuit obscure,
soit dans un cimetière, soit dans un endroit isolé. Un tiers
ne pourraient passer la nuit dans une chambre à part, » etc.
Bien que ces difTérentes réponses soient plus intéressantes
qu'un simple chiffre de proportion, elles ont le défaut de con-
tenir des appréciations qui ne reposent point sur des observa-
tions directes. Très vraisemblablement, l'instituteur s'est con-
tenté d'interroger les élèves, et ne les a pas soumis à une
épreuve. Y aurait-il une épreuve possible, une expérience
(luelconque, dépourvue de danger sérieux, à laquelle on pour-
rait soumettre les élèves pour mesurer en quelque sorte leur
courage? M. Thamin a bien voulu m'en suggérer une, dont il
a eu l'idée pour ses propres enfants : les faire sauter du haut
de quelques marches d'escalier ; le nombre de marches, ou la
hauteur du saut, varient avec l'âge des enfants, leur taille et
marque aussi leur hardiesse.
La recherche de la proportion des enfants peureux permet de
comparer les deux sexes. En rapprochant les réponses des ins-
tituteurs et des institutrices, on trouve une différence tout à
fait curieuse. La proportion indiquée plus haut, de 3 sur 30,
(I) Je prends Findication la plus fréquente et non la moyenne, parce
que celle-ci est trop intUiciicce par les divergences d'opinions.
A. BINET. — LA PEUR CHEZ LES ENFANTS 241
est spéciale aux gardons ; pour les filles, la proportion moyenne
indiquée est beaucoup plus forte, 10 sur 30 ; il y aurait donc, à
en croire ces chiffres, environ trois fois plus de filles peureuses
que de garçons peureux '.
En terminant ce paragraphe, nous remarquons encore une
fois que les renseignements que nous venons de résumer man-
quent en général de précision, et sont de simples indications
pour des recherches ultérieures.
^- II I
CAUSES DE LA P.EUR
La contagion. — De toutes les observations qu'on nous
envoie ressort ce fait, d'une importance capitale, que la pei<r
est un des sentiments les plus contagieux ; la peur, dit un ins-
tituteur, est aussi contagieuse que le rire, ou plutôt que le fou-
rire, et ces études, celle du rire et celle de la peur, offrent de
grandes analogies. Plusieurs directrices d'écoles primaires et
d'écoles maternelles nous décrivent presque dans les mêmes
termes l'état d'esprit des élèves pendant un violent orage ; ce
petit tableau que nous résumons ici montre l'influence de la
contagion.
Dans une école de filles, pendant la classe, la foudre tombe
tout près des bâtiments, et une pluie furieuse envahit la cour.
Instinctivement, toutes les élèves se tournent vers la maîtresse
et fixent leurs yeux sur les siens, non seulement pour lui
demander aide et protection, mais en quelque sorte pour la
consulter, et savoir d'elle si on doit s'effrayer ou non. A ce
moment, la maîtresse a la conscience nette que l'attitude qu'elle
va prendre décidera des sentiments de toutes ses élèves. Si elle
paraît effrayée, il se produit une panique générale. Si elle
réussit au contraire à conserver son sang-froid, les enfants
reprennent vite confiance et tout rentre dans le calme. — Dans
une école maternelle, des ouvriers étaient occupés à chercher
une fuite de gaz ; une cinquantaine d'enfants suivaient des yeux
ce travail avec tranquillité. Une petite explosion se produit;
(!) Une des dilit-renccs lus plus iiiipurlaiilus eiilrc les deux sexes à ce
point de vue, ce n'est pas le degré de la peur, c'est que les houiines ont
honte de la peur taudis rpie les l'eniiues l'avouent l'ranclieuieiit, circons-
tance qui doit intluer sur le développement de ce sentiment.
ANNÉE PSYCHO:.OGIQUE. 11. 16
242 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE TARIS
les enfants regardent la maîtresse, qui très calme, ordonne à
une femme de service de fermer le compteur. Celle-ci pousse un
cri d'effroi, donne tous les signes d'une peur réelle, que tous les
enfants partagent aussitôt.
Deux espèces de contagions s'exercent sur les enfants : il y a
la contagion en présence du danger; c'est celle qui se com-
munique par les gestes, par les expressions de physionomie;
contagion soudaine, par imitation directe, produisant des épi-
démies de frayeur comparables aux épidémies de maladies ner-
veuses, de chorée, de convulsions. Il y a aussi la contagion
lente, sourde, sournoise, par les conversations de tous les jours
et les exemples. Lorsqu'on n'a pas dix ans, dit une institutrice,
on ne voit pas impunément tous les jours des gens s'effrayer
sans s'effrayer soi-même. Les enfants, ces petits logiciens, doi-
vent penser : « Mes parents ont peur, donc il y a quelque
danger à craindre. > De ce dernier genre de contagion nous
pourrions citer un très grand nombre d'exemples, qui sont
d'une curieuse uniformité ; voici un cas de contagion d'enfant à
enfant qui est extrêmement fréquent : Une petite fille ne con-
naissant pas auparavant la peur de l'obscurité, et vivant depuis
quinze jours seulement avec une de ses compagnes sujette à
cette peur, éprouve maintenant ce sentiment. En voici une
autre observation : « Une enfant de quatre ans n'avait jamais
pensé à faire attention au « noir », restait seule aussitôt
couchée (sans lumière) : ayant passé un mois de vacances à la
campagne, elle vit des fillettes de douze et quatorze ans refuser
d'aller se coucher seules ou d'aller au jardin le soir. Rentrée
à Paris, elle demandait qu'on laissât la porte ouverte sur une
chambre éclairée, ne voulant plus faire de petites commissions
dans la pièce à côté sous prétexte qu'elle ne pouvait trouver
sans lumière, etc. Sans jamais dire qu'elle eût peur, elle le
montrait. — Elle n'avait pas entendu parler de la peur, mais
elle l'avait mie. »
Les petites filles ayant des frères sont beaucoup plus hardies
que celles qui n'en ont pas.
Queli[ues correspondants pensent que ce sont les enfants
les moins bien doués qui subissent le mieux la contagion de
l'exemple.
Imagiyiation surexcitée. — Les récits d'histoires effrayantes
ou simplement dramatiques entretiennent la peur et y prédis-
posent. Voici quelques observations :
A. BINET. — LA PEUR CHEZ LES ENFANTS 243
a J'ai remarqué, chez mes propres enfants (deux fillettes de
sept à neuf ans) que la lecture d'événements tristes ou tra-
giques amenait des rêves avec cris, larmes, oppressions doulou-
reuses pendant le sommeil, etc. Pour ramener le calme dans
le sommeil, j'ai dû supprimer toute lecture ou tout récit (ayant
trait à des histoires peu gaies) avant d'envoyer au lit ces deux
petites têtes folles à l'imagination trop vive. Les rêves, grâce
à ce procédé, ont disparu ; mais la rechute a lieu, si, pendant
la soire'e, on agite de nouveau telle ou telle question à effet. Un
dernier exemple pour finir : La représentation théâtrale de
Michel Strogoff a énervé mes deux enfants au possible. »
D'un autre correspondant :
« Une petite fille de cinq ans, que rien n'effrayait jusque-là,
devint peureuse à la suite d'un récit fait à l'école maternelle,
récit dans lequel il était question de monstres et notamment
d'hommes à tête de cheval ; il a fallu quelques années pour
la débarrasser de l'idée de ces monstres qui Tobsédait, même
dans le jour, et lui donnait des cauchemars toutes les nuits. *
Autre observation, tout à fait du même genre ; les observa-
tions de ce genre sont légion :
« J'ai été à même de constater la peur chez ma petite fille,
alors âgée de sept ans, à la suite d'une histoire de revenants
racontée en classe dans la commune où j'étais précédemment.
Le soir qui suivit cet entretien, une heure environ après être
couchée, elle m'appela : elle avait des tremblements convulsifs,
ses yeux étaient hagards et elle ne voulait pas que je la quitte,
ayant peur des gens qui allaient venir la chercher. Elle finit
par s'endormir de nouveau, mais plusieurs fois dans la nuit
elle poussa des cris aigus causés par la vision de revenants
qui voulaient la prendre. Les jours suivants, elle ne criait plus
la nuit, mais elle refusait d'aller seule dans une pièce voisine
de celle où nous nous tenions ainsi que dans la cour alors qu'il
faisait noir. »
Dernier exemple, dans lequel ce n'est pas un récit mais une
•émotion morale profonde qui a été la cause active, « Un enfant
de onze ans, qui fréquente ma classe, a perdu son père il y a
environ onze mois. Celui-ci est mort par suite d'un accident.
L'enfant en a été très affecté. Depuis ce moment, il est peu-
reux ; il ne veut plus rester seul à la maison. »
Hérédité. — L'influence de l'hérédité sur le développement
de la peur, comme toutes les questions relatives à l'hércdilé
244 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCUOLOGIE DE PARIS
psychologique, peut donner lieu à de nombreuses discussions,
et il est difficile d'arriver à une certitude. Je renonce à traiter
l'ensemble de la question, et je me contenterai d'extraire des
documents quelques propositions qui paraissent bien démon-
trées.
La première de ces propositions est la suivante : Deux frères
d'une même famille, élevés de la même façon, peuvent être
l'un courageux, l'autre peureux. Une vingtaine d'observateurs
l'affirment. Si le milieu dans lequel les deux enfants ont été
élevés est sensiblement le même, le différence doit être innée.
Il y a donc là une prédisposition apportée par l'enfant au
moment de sa naissance. D'où vient exactement cette prédis-
position ? Il se peut qu'elle résulte d'une influence exercée par
la mère ou par des agents extérieurs sur l'enfant pendant la
grossesse, — et alors, il n'est pas question d'hérédité, — ou bien
il se peut que ce soient certaines manières de sentir et de réagir
qui ont été transmises par des ascendants à l'enfant.
On nous cite plusieurs cas où des parents qui ont du sang-
froid et du courage se désolent d'avoir des enfants peureux.
Ceci ne prouve rien contre la transmission héréditaire, pour
plusieurs raisons faciles à comprendre. Un enfant ne résume
pas nécessairement les dispositions de tous ses ascendants,
mais seulement celles de quelques-unes. Il jteut arriver que
l'enfant hérite d'un ascendant éloigné certaines dispositions
morales, de même qu'il en hérite parfois les traits du visage
ou certains tics.
D'autre part, on nous rapporte plusieurs exemples de parents
peureux ayant des enfants également peureux. Faute d'une
observation très attentive, ces faits ne prouvent pas grand'-
chose, parce qu'il est possible que ces parents aient transmis
leurs dispositions aux enfants par d'autres moyens que l'héré-
dité, par l'éducation et l'exemple.
On voit combien de difiicullés soulève la question de l'héré-
dité psychologique ; les cas négatifs ne prouvent rien ; les cas
positifs peuvent souvent s'expliquer par d'autres influences que
l'hérédité.
Les mauvais traitements. — Plusieurs enfants, nous rap-
portent nos correspondants, sont journellement témoins des
mauvais traitements qu'un père brutal fait subir à leur mère ;
ces enfants portent sur la physionomie des marques de tristesse
et surtout de frayeur.
A. BI.NEÏ. — L\ PEUR CHEZ LES ENFANTS 24o
« J'ai un enfant qui est ordinairement frappé dans sa
famille, aucune maîtresse ne s'approche de lui. sans qu'il élève
aussitôt les bras comme pour se garantir, mu instinctivement
par la peur de mauvais traitements. 11 y en a d'autres qui, chez
eux, sont menacés de gendarmes, prison, loup, croquemi-
taine, etc., leur frayeur se montre dès que ces mots sont pro-
noncés devant eux, même sous forme de simple explication. »
Autre observation : € A mon début à Chàteau-Landon, cer-
tains enfants élevaient les mains au-dessus de leur tête lorsque
j'arrivais vivement pour voir comment ils faisaient le travail
que j'avais donné. Ces mouvements craintifs n'ont duré que
peu de temps, les enfants ayant bientôt reconnu que je ne fai-
sais pas usage des châtiments corporels. »
Voici une observation tout à fait typique :
« Je n'ai connu qu'une enfant réellement peureuse. Elle habi-
tait avec ses parents une maison isolée, près des bois. Le père,
fantasque et brutal (pas peureux, lui, par exemple), avait ter-
rorisé sa fille à tel point que cette enfant fuyait tout être
humain, pensant probablement que chacun voulait lui faire du
mal. La couturière avait beaucoup de peine lorsqu'il s'agissait
de lui essayer une robe.
« Lorsqu'on la conduisit en classe pour la première fois,
Jeannette avait neuf ans. D'abord, je n'en pus rien tirer :
quand je m'approchais, elle reculait. Llle ne fuyait pas ses
nouvelles compagnes; mais, quant à en avoir un mot, impos-
sible. C'était à la croire muette.
« Prévenue, j'observai beaucoup, mais sans en avoir l'air, de
peur de l'effrayer. Je vis de suite que l'enfant n'était pas
dépourvue d'intelligence, mais que ses idées sur le genre
humain la portaient à se tenir à l'écart. Son air triste, ses
grands yeux qui parlaient bien, eux, m'indiquèrent la voie à
suivre.
« Dans les commencements, je feignis de ne pas lui accorder
beaucoup d'attention; j'évitais même de l'approcher. Le troi-
sième jour, ses yeux, qui d'abord avaient fui les miens, com-
mencèrent à les chercher, et le premier croisement de nos
regards m'indiqua que ma cause était gagnée. Il est inutile de
relater ici toutes les phases de cette lutte contre une aversion
•occasionnée par la frayeur. Je dirai seulement que, peu de
temps après, la fillette causait avec moi, s'asseyait sur mes
genoux, me caressait spontanément et jouait même quelque
peu avec ses compagnes. Pour ses parents et pour beaucoup de
246 TRAVAUX DL- LABORATOIRE DE PSYCUOLOGIE DE PARIS
gens cela tenait, parait-il, du prodige : l'enfant, qui autrefois
n'ouvrait pas la bouche à la maison, parlait souvent de sa maî-
tresse et de ses compagnes. C'était bien simple, pourtant : on
prend plus de mouches avec du miel qu'avec du vinaigre. Ce
qui est beaucoup plus étonnant, à mon avis, c'est qu'un père
élève son enfant de cette faron.
« Voyant le résultat, il commençait ù comprendre; mais l'en-
fant ne souffrait pas toujours qu'il la caressât. Quel chagrin
pour un père !... Mais il l'avait voulu.
«t Cette enfant était d'une intelligence au moins ordinaire,
très soigneuse. Quatre ou cinq mois plus tard, elle syllabait et
commençait à écrire pas trop mal.
« Changée à ce moment, je n'ai pu continuer l'expérience. »
(M""" Dubreuil.)
IX
TRAITEMENT DE LA PEUR '
La question du traitement de la peur, question pédagogique
au premier chef, est celle qui a inspiré aux instituteurs le plus
grand nombre de remarques judicieuses et de conseils utiles.
Un bien petit nombre se sont dispensés de répondre en donnant
des indications vagues, comme celle-ci : i II faut s'adresser à
la raison de l'enfant, à son bon sens », ou « la science détruira
toutes les superstitions ».
D'abord est-il praticjuement possible de guérir tous les
enfants peureux? Personne n'ose le soutenir. Il faut faire des
distinctions parmi les enfants ; les instituteurs sont d'accord
pour considérer le traitement comme étant très long et très
difficile ; pour aboutir à un succès, il faut à la fois le concours
du maître et des parents; le rôle de ces derniers est le plus
important, parce qu'ils sont sans cesse en contact avec les
enfants. Avec beaucoup d'énergie et de persévérance on arrive,
dans la plupart des cas, à diminuer le sentiment de la peur;
quant à le supprimer complètement, cest assez rare. Plusieurs
instituteurs font remarquer que le sentiment de la peur diffère
d'un enfant à l'autre non seulement par le degré, mais encore
par la nature. Trois cas principaux ont été distingués :
(1) Rousse.-ui. VÉiiiilf, \\" livre. Il est probahic que plusieurs iustitu
leurs se sont iuspirOs de cet ouvrage.
A. BINET. — LA PEUR CHEZ LES ENFANTS 247
i" Chez certains enfants la peur est l'expression d'un état de
faiblesse du système nerveux; ces enfants ne réclament pas
seulement les conseils de l'instituteur, mais encore les avis des
médecins.
2° Chez d'autres enfants, la peur, quoique produite par une
prédisposition naturelle, est développée par des causes exté-
rieures, un accident terrible, des mauvais traitements, et plus
souvent encore des récits, des contes fantastiques ou efTrayants.
Ces enfants seront, plus facilement que les premiers, guéris par
un traitement purement moral.
3'^ Il y a un degré de peur qui se rencontre chez presque tous
les jeunes enfants, et qui fait partie de la psychologie enfantine
nonnale; il n'y a point à s'en occuper sérieusement. La plupart
des peursenfantinesdisparaissentnaturellement avec les années ;
on a remarqué que le temps, dans certains cas, est plus efficace
que tous les autres moyens employés.
Sans attacher une grande importance à cette distinction qui
n'a pas été formulée par les instituteurs aussi nettement que
par nous, nous pensons qu'elle répond à la vérité pratique de
tous les jours.
Le traitement moral de la peur doit être à la fois préventif et
curatif. Le traitement préventif comprend un ensemble de
moyens qu'on emploie chez un enfant peureux pour empêcher
le développement de ce sentiment. Le traitement curatif s'op-
pose à une peur déclarée et avouée.
Les moyens à mettre en usage varient avec les enfants et avec
les milieux : c'est une règle qui domine toute la question. Nous
nous contentons de considérations générales ; à chacun de les
adapter aux conditions particulières dont il doit s'occuper.
Ce qui m'a frappé, c'est que, dans le traitement de la peur,
les instituteurs sont tous, absolument tous, d'accord pour
proscrire certains remèdes qui viennent naturellement à l'es-
prit de ceux qui n'ont pas réfléchi suffisamment à la question;
il est même probable que ce traitement négatif est le plus
important de tous; et il y a grande utilité à savoir ce qu'il ne
faut pas faire. N'a-t-on pas remarqué souvent que le rôle le
plus efficace de la médecine consiste à écarter tous les moyens
nuisibles?
Ne jamais employer les chdtimenls corporels^ les menaces
et la moquerie. — Ce qu'on doit proscrire d'une manière
inflexible, c'est la violence contre les enfants peureux, la vio-
:l.
248 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
lence sous toutes ses formes, morale et physique : un enfant
refuse-t-il de se rendre dans un endroit obscur, d'aller à la cave,
ou de faire une commission au fond du jardin après la chute
du jour, il ne faut à aucun prix l'y forcer par menaces, et
encore moins le frapper pour sa désobéissance. Ces corrections
brutales sont cependant celles qui sont employées par la majo-
rité des parents, qui ont trop souvent une tendance à frapper
l'enfant qui leur résiste, ou à le forcer à exécuter l'acte auquel
il se refuse.
Je vois deux raisons principales pour expliquer ces habitudes
déplorables : I'^ Les corrections manuelles peuvent se donner
sans qu'on prenne la peine de réfléchir; un enfant a menti, ;i
été paresseux, voleur, ou grossier, on le frappe; au lieu de se
rendre compte des raisons qui l'ont poussé, au lieu de chercher
quels sont les mobiles qu'on doit faire agir sur lui, on emploie
un procédé expéditif , qui n'exige aucun effort de raisonnement.
C'est par paresse d'esprit qu'on est brutal, à moins que ce ne
soit par défaut d'intelligence, ce qui arrive chez les inférieurs,
les domestiques. 2'^ 11 y a une seconde raison, encore moins
avouable peut-être que la première. On est brutal, parce
qu'on s'adresse à un être sans défense. Tous les jours, on a
vis-à-vis quelques-uns de ses semblables des sentiments de
colère et d'indignation qu'on est obligé de réprimer par pru-
dence, parce qu'on a devant soi des individus capables de
répondre à des actes matériels par d'autres actes matériels.
On ne va donc pas jusqu'au bout de ces sentiments vio-
lents, dont la conséquence évidente et logique est de frapper,
comme le montrent les diverses photographies des expressions
des émotions. Quand il s'agit d'un' enfant, et que cet enfant a
excité notre colère, nous ne sentons pas dans sa personnalité
un individu à craindre, capable de nous rendre le mal pour
le mal, et, dans bien des cas. c'est par suite d'un sentiment
d'impunité et de sécurité qu'un parent frappe son enfant.
Pour prouver que les punitions corporelles ne sont pas un
bon remède contre la peur, il suffira de rappeler que les enfants
maltraités par leurs parents vivent dans une terz'eur continuelle,
et que ceux qui ont l'habitude d'être frappés par leur maître
lèvent les mains devant Itur tèle dès qu'on s'approche d'eux un
peu brusquement.
Non seulement il ne faut pas user de violence contre la peur,
mais il faut bien se garder d'accueillir les craintes par le rire,
par la moquerie : c'est encore un des points sur lesquels tous
I
A. BINET. — LA PEUR CHEZ LES ENFANTS 249
les instituteurs sans exception sont d'accord. Les raisons de ces
prohibitions me paraissent être les suivantes : la peur est un
sentiment dépressif, qui se développe surtout chez les enfants
chétifs et débiles, et qui exprime soit un état de surexcitation
de l'imagination, soit un état de faiblesse de la volonté, et sou-
vent les deux choses à la fois. Le peureux est un enfant qui
manque d'énergie morale. Or, le résultat auquel doit tendre
une éducation bien comprise, c'est d'augmenter l'énergie de
l'enfant, dans la mesure du possible, c'est de le rendre plus
fort, c'est par conséquent de développer en lui des sentiments
puissants capables de lutter contre la peur et d'en contre-
balancer les effets. Les punitions corporelles, les menaces, les
railleries peuvent-elles produire ces modifications de carac-
tère? Il est bien évident que non; ce sont là, au premier chef,
des moyens dépressifs, qui diminuent l'énergie morale d'un
enfant chétif. A la rigueur, on pourrait admettre que dans cer-
tains cas, surtout s'il s'agit d'enfants bien constitués, bien
nourris, un châtiment corporel peut éveiller des sentiments
actifs de colère, de révolte, de haine; et que, de même, la
moquerie, en excitant l'amour-propre, le réveille et lui donne
un surcroit de force; mais cette réaction psychologique ne se
produira pas chez un enfant faible ; il ne faut donc pas chercher
à la provoquer au hasard.
Supprimer les circonstances qui produisent chez V enfant le
sentiment de la peur. — S'il est une règle de bon sens, c'est
bien celle-là ; on veut diminuer le sentiment de la peur chez
un enfant ; le premier devoir est d'en supprimer les causes
habituelles, afin que l'enfant perde l'habitude de la peur. C'est
à la contagion de l'exemple qu'il faut d'abord penser; la con-
tagion est une des causes les plus répandues et les plus fortes;
la peur, nous a dit un correspondant, est aussi contagieuse
que le rire et ces deux études ont beaucoup de points de con-
tact.
Nous avons lu et cité plusieurs exemples d'enfants courageux
qui, après avoir causé quelque temps avec des camarades peu-
reux, ou même après avoir assisté aux terreurs de ces derniers,
sont pris dans la panique et manifestent les mêmes sentiments.
La poltronnerie des parents a les mêmes effets. Dans ce cas, le
changementdemilieus'impose. Les instituteurs pensentquecelte
peur par contagion n'est point aussi durable et aussi profonde que
la peur spontanée, on arrive facilement à l'éliminer. On veillera
250 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
aussi à ce que les enfants ne soient pas terrifiés dans le jeune
âge par des contes fantastiques ou superstitieux dont la tradi-
tion n'est malheureusement pas encore perdue ; on fera des
prescriptions sévères aux domestiques, aux amis et aux grands-
parents. On ne conduira pas l'enfant aux veillées. Non seule-
ment, on devra proscrire le récit circonstancié, mais encore la
menace d'un danger imaginaire (le loup, le commissaire, etc.),
menace dont on use si souvent pour obtenir l'ol^éissance et la
paix. En un mot, on cherchera à supprimer toutes les peurs
par suggestion.
Cela ne suffît pas encore ; on prendra des mesures pour que
l'enfant n'ait jamais l'occasion de s'efTrayer, à tort ou à raison.
On défendra ces jeux qui consistent à se cacher derrière une
porte pour se montrer brusquement et surprendre l'enfant qui
passe; petites taquineries qu'à l'école on exerce le plus sou-
vent contre les enfants d'une poltronnerie connue. De même,
on évitera d'envoyer l'enfant par des chemins où il peut ren-
contrer des ivrognes, ou dans une cave où il y a des rats. Pen-
dant tout le cours du traitement, on évitera la peur, comme
on évite dans une maladie nerveuse toutes les excitations pou-
vant ramener une crise.
Ne pas surexciter l' imagination. — Comme il existe beau-
coup de terreurs qui ont leur source unique dans limagina-
tion des enfants, il faut pour éviter ces terreurs ne donner
aucun aliment ù cette imagination, mais au contraire la
régler en plaçant l'enfant dans une atmosphère tranquille, et
en évitant l'excitation des récits, des lectures ou des repré-
sentations Ihcàlrales.
« Il est d'observation, nous écrit un correspondant, que le
peureux, quand il est en sécurité, se délecte des détails les
plus effrayants. On s'abstiendra de lui faire tout récit pouvant
exciter sa nervosité, (|ue ce récit soit fictif (contes de fées,
contes de revenants) ou historique (supplices des martyrs, tor-
tures du moyen âge, etc.), ou réel (accidents de chemin de
fer, grisou dans les mines). Si l'on cite ces faits, on suppri-
mera tout détail. » (Fontaine.) Chez deux petites filles, de sept
et neuf ans, la lecture faite le soir d'événements tristes ou tra-
giques produisait une nuit de cauchemars ; la suppression de
ces lectures ramena le calme.
C'est ainsi que par une étude patiente de tous les jours, on
écartera du chemin de l'enfant tout ce qui peut faire naître chez
A. BINF.T. — LA PEUR CHEZ LES ENFANTS 2o l
lui le seiiliment de la peur, soit direclement, soit indirecte-
ment ; le but est de faire perdre à l'enfant Thabitude de ce
sentiment.
Rendre à l'enfant la confiance en lui-même. — Ceci n'est
qu'un complément des idées que nous venons de développer.
Non seulement on ùte à la peur toute occasion de s'exercer,
mais encore on l'empêchera de subsister dans l'esprit de l'en-
fant sous forme de souvenir et de jugement ; et on s'arrangera
pour que l'enfant cesse d'avoir conscience de sa poltronnerie.
Au moment où se manifeste la frayeur de l'enfant, il ne faut
pas remarquer avec insistance son attitude, ni surtout la lui
faire remarquer ; si on le surveille, il ne faut pas qu'il s'aper-
çoive que sa poltronnerie a été reconnue et jugée. Il ne faut
ni accepter ses confidences, ni les provoquer. On ne force en
aucun cas un enfant à avouer qu'il a eu peur, ni à raconter les
impressions de ce genre qu'il a pu éprouver. De toute manière
il est bon d'empêcher que l'attention de l'enfant se fixe sur des
étals de conscience qu'on cherche à éliminer. On commettrait
donc une faute lourde en lui faisant remarquer qu'il a tremblé,
qu'il a manqué de présence d'esprit, etc.
Nous sommes loin, on le voit des pratiques de la confession.
La confession, qui est une forme grave et solennelle de la con-
fidence, et qui a été imposée par certaines religions à titre
d'expiation, doit présenter dans des circonstances que nous
n'avons pas à examiner, des avantages ; mais, d'après les
réponses des instituteurs, il paraît établi qu'en ce qui con-
cerne spécialement le sentiment de la peur, elle doit être reje-
tée.
Il faut, au contraire, s'appliquer avec tact à donner à l'enfant
la persuasion qu'il n'a pas peur, et le mettre au-dessus de lui-
même par la confiance qu'on lui témoigne. Avec un peu d'a-
dresse, on arrivera même à lui ménager l'occasion d'être brave
dans des circonstances qu'on fera naître à son insu. On lui
fera sentir qu'on le considère comme un enfant courageux, et
on excitera à ce propos son amour-propre. Un correspondant
conseille de le faire lutter avec des camarades plus forts qui
auront reçu l'ordre de se laisser battre.
Entraînement progressif à des actes de courage '. — C'est
le point capital du traitement; jusqu'ici, il n'a été question
(l) Sur ce point, consulter YÉmile de Rousseau.
252 TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
que d'un traitement par paroles et conseils ; il s'agit maintenant
d'expériences pratiques, d'actes que l'on amène les enfants à
exécuter. Œuvre difficile, œuvre de tact, de modération, de
douceur; entre des mains malhabiles, le traitement pourrait
aggraver le mal au lieu de le guérir.
Le but qu'on se propose est de familiariser graduellement
l'enfant avec l'objet dont il a peur. Au moment de la crise,
quand la terreur est à son comble, il n'est pas temps d'inter-
venir; il vaut mieux attendre que le calme soit. revenu, et pro-
céder toujours avec une extrême douceur. Le traitement doit
être confié à une personne qui a su inspirer une entière con-
fiance à l'enfant.
Comment cette personne peut-elle amener l'enfant à accom-
plir un acte quelconque dont il a peur?
D'abord, en s'adressant à son bon sens ; on l'instruit, on le
force à se rendre compte des choses. S'il s'agit d'un danger
réel, il est facile d'expliquer à un enfant que la peur para-
lyse les forces, le réduit à l'état d'impuissance, et l'empêche
par conséquent de lutter contre le danger. Pour les dangers
imaginaires, on lui en donne l'explication avec calme et assu-
rance, on essaye de le convaincre de son erreur, on lui fait
toucher du doigt la cause de l'illusion. Mais, le plus souvent.
il ne suffit pas de s'adresser à sa raison ; il faut mettre en jeu
tous les sentiments forts qu'il a en lui, l'amour-propre, l'ému-
lation, en lui citant des camarades et en n'ayant jamais l'air
de douter de lui. L'éducateur doit montrer un calme absolu,
non seulement par ses paroles, mais surtout par son attitude
tranquille et naturelle; il doit prêcher d'exemple; ce que l'on
fait impressionne un enfant plus que ce que l'on dit. C'est pour
cette raison qu'il faut, à l'école et dans les réunions, fuir la
compagnie des enfants peureux, afin de ne pas être pris par la
contagion de l'exemple ; les enfants peureux doivent être enca-
drés dans des troupes d'enfants qui ont donné leurs preuves
de courage.
L'éducateur doit diriger l'enfant à peu près comme l'on fait
dans le dressage d'un jeune poulain que tout elîarouche, et
que l'on fiatte pour le mener vers l'objet qui l'effraye. LTn
enfant a-t-il eu peur d'un masque, on le lui montre, on le lui
fait toucher, on le met sur sa figure, on lui dit de se regarder
dans la glace. S'il a horreur de petits animaux inoffensifs, une
limace, une souris, un orvet, ou les prend devant lui, on les
tient un moment dans la main, en expliquant, dans une leçon
A. HlNliT. — LA PEUR CHEZ LES ENFANTS
de choses, la nature elles mœurs de l'animal ; puis on l'amène,
sans le brusquer, à regarder de près le petit animal ; à une
autre occasion, on lui fera toucher l'objet, et il finira par le
prendre lui-même, cédant à l'exemple donné par ses maîtres,
ses camarades ou ses parents. Un de nos correspondants con-
seille à ce propos d'amuser les enfants avec de petits jouets
représentant des animaux, et donnant l'illusion de l'animal
vivant.
La crainte qui se produit dans les exercices physiques sera
efficacement combattue par des exercices gradués de gymnas-
tique. Il faut aussi amener les enfants à prendre part aux jeux,
afin de développer l'activité et la volonté.
« A Marcilly-sur-Seine, les enfants, habitués à parcourir les
bois et à monter sur les bateaux, sont en général moins peu-
reux que les enfants de plusieurs villages que je connais, où
ils n'ont ni bois, ni rivière. »
Psous avons longuement parlé de l'effroi qui se produit chez
les enfants dans des circonstances où aucun danger réel ne les
menace ; ce sont les peurs produites par le silence, l'obscurité,
l'isolement. La peur de l'obscurité, surtout, est presque géné-
rale chez les jeunes enfants'. On la combattra surtout par des
expériences pratiques. Il ne faut point raisonner celui qui a
peur de l'obscurité, mais l'y mener souvent; on aura surtout
soin d'aller progressivement, pour que le remède ne produise
pas par lui-même une folle terreur. On ira d'abord dans une
pièce où règne le demi-jour, en tenant l'enfant par la main ; et
on lui fera remarquer que, malgré la diminution de lumière,
tous les objets demeurent en place et qu'il n'y a aucun chan-
gement important. Puis, quelque temps après, en le tenant
toujours par la main, on conduira le petit enfant dans une
pièce plus sombre, dans un corridor, ou à la cave ; on sortira
dans la campagne après la tombée de la nuit, ou bien on res-
tera dehors, de manière à être surpris pendant une promenade
par la chute du jour; on cherchera à distraire l'enfant, à lui
parler d'autre chose, pour qu'il ne pense pas à avoir peur ; peu
à peu.(iuand il commencera à s'aguerrir, et qu'un germe d'habi-
tude se développera, on l'enverra seul faire de petites commis-
sions, à la cave, au grenier, dans le jardin, en ne l'accompa-
gnant que pendant une moitié du chemin ; il fera seul le
(Ij Des auteurs se sniit ileuiainlés si la peur de l'i)|jsi'uriti' est appi-ise
ou spoutauée.
2o4 TRAVAUX DU LABORATOIRK DE PSYCHOLOGIE DE PARIS
reste, mais on lui parlera à haute voix pour lui faire com-
prendre qu'on est là et qu'on l'attend.
Enfin, pour les détonations d'armes à feu, c'est toujours la
même méthode : faire entendre le bruit à plusieurs reprises,
d'abord l'enfant étant éloigné et ensuite en le décidant à se
rapprocher à petits pas. La seule répétition du bruit en atténue
l'effet. Un enfant a été guéri de la peur du tonnerre parce qu'il
est resté exposé fortuitement à un violent orage.
Les dangers supposés méritent également une mention.
« En cas de danger supposé, nous écrit un de nos correspon-
dants, bruit insolite la nuit, apparition d'objet à forme fan-
tastique, ou jugée telle, il faut que toute personne qui se trouve
avec un enfant, au lieu d'augmenter encore sa peur par des
paroles et des actes d'imprudence ou de faiblesse, obtienne de
lui par un raisonnement calme, doux et ferme qu'il s'approche
ou écoute sans crainte et sans préjugé, de manière à se rendre
compte de ce qui a pu causer un trouble de son imagination. »
(M. Méline.)
L'idée maîtresse de cette partie du traitement me paraît être
la graduation des exercices. Il n'est pas d'enfant, si iiollron
qu'il soit, qui ne puisse exécuter un acte quelconque démon-
trant un peu de volonté ; l'art de l'éducation consiste à trouver
des petites épreuves bien échelonnées qui trempent le caractère
de l'enfant et lui donnent progressivement l'habitude du
courage.
Le danger est de procéder trop vite et de réveiller la peur
au lieu d'exciter le courage. Il faut, évidemment, pendant le
cours du traitement, éviter toutes les occasions où l'enfant
pourrait éprouver une peur véritable, avant d'être suffisam-
ment aguerri pour lutter contre ce sentiment.
En terminant ce petit résumé, je pense iju'il est tout à fait
inutile d'ajouter que je ne crois pas avoir approfondi le méca-
nisme psychologique de la peur. Pour connaître ce mécanisme,
il faut faire une recherche expérimentale et physiologique de
la nature de celle qui m'occupe en ce moment sur la circula-
tion capillaire et la respiration. Notre étude par questionnaire
a simplement pour but de servir d'introduction à l'étude de la
peur, eu réunissant quelques faits d'observation courante qui
tous, ou presque tous, tendent à montrer, par une foule de
détails concordants, que la peur est une émotion dépressive.
A. BiNET.
REVUES GENERALES
1
PSYCHOLOGIE HISTOLOGIQUE '
ET TEXTURE DU SYSTÈME NERVEUX
LES RÉCENTES THÉORIES IIISTOLOGIQUES ET MÉCANIQUES
DU FONCTIONNEMENT DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAI
A l'État normal et I'athologique
(Idéation, associatiuus d'idées, couscience, attention, sommeil naturel
et provoqué, paralysies sensitivo-motrices hystériques, etc.)
BASÉES SUR LES NOUVELLES IDÉES DE SA TEXTURE
Les phénomènes psychiques, problèmes toujours irrésolus,
ont pour substance la matière nerveuse. La compréhension
de leur mécanisme, au moins, dépend de la connaissance et
des progrès que nous acquérons de la structure de cette ma-
tière.
De récentes méthodes, celle des Golgi et d'Ehrlich surtout,
nous ont fourni subitement des notions presque inespérées sur
la morphologie et les rapports des cellules nerveuses, et aussitôt,
l'esprit hanté des faits nouveaux, de hardis penseurs ont tenté
d'édifier quelque théorie capable de nous expliquer ces inson-
dables phénomènes psychiques.
Pour comprendre ces théories il faut nécessairement con-
(!) Malgré notre désir, ret article n'a pu être imprimé en nrliKjrafe mm-
vèle. D' Azoulay.
2o()
REVUES GENERALES
naître et la structure moderne et la structure ancienne du sys-
tème nerveux. En voici un ra-
pide croquis '.
Des petits éléments branchas, es-
sentiellement nerveux, les neurones
en nombre immense, mêlés d'une fa-
çon inextricable pour les méthodes
histologiques anciennes, entre eux
et avec d'autres petits éléments,
non nerveux, les cellules névrogli-
ques, tous ces éléments, absolument
indépendants les uns des autres,
absolument isolés et ne faisant que
se toucher les uns les autres, telle
est la masse nerveuse, du moins chez
les vertébrés.
Les petits éléments, essentielle-
ment nerveux, les neurones, ce qu'on
appelait naguère les cellules ner-
veuses, sont constitués, dans les
centres, par un corps de forme variée
d'où partent des prolongements que
leur aspect, leur structure et leur des-
tination ont fait distinguer en pro-
longements protoplasmiques, mas-
sifs, plus ou moins rugueux et en
prolongement nerveux ou cylin-
draxe, mince, lisse.
Le corps du neurone, la cellule
nerveuse proprement dite, est formé
d'une membrane enveloppante du
protoplasma différencié en un cy-
toplasma non homogène, et en un
noyau renfermant un ou deux nu-
cléoles. L(; défaut d'homogénéité du
cytoplasma est du à la présence
d'amas de chromatine isolés dans la
masse protoplasmique. Cette chro-
matine péiirtre jusqu'à une certaine
distance dans les prolongements protoplasmiques, tandis que non seu-
(1) Les lecteur.s au c.iur.iiit des découvertes faites ces teuips-ci dans le
doumirie nerveux n'uiit (ju'à négliger le petit texte.
(•_') Tous les dessins sont originaux et d'après nos jucjiaialion.s jiar la
méthude de Golgi rapide. La figure 10 est extraite d'une préparation de
M. Athias. Ce souf des réductions à 1/2 ou 1/3.
Fig. 52. — Cellule pyramidale de
i'écorce cérébrale d'un houinie
adulte ■.
( . corps; », lif;!:' iiroli)|ilasiiiiilU('', />, |ir-o-
loiiucmoiils |)rolo()lu>ini(Hios du |);in;iclic
IpiTiplicriiiue ; d, itroloiiKCniciils pidlo-
|j|iisiiiii|iics liasilaires. — Tous ccs]>r(il(>u-
Hcnii'uls seix'couvicnl de givre à une |)otilc'
disliuici' du corps de la cellule; — Ci/. c\ -
lindraxe ; cul, coUali'rales du cWiiidiaxe.
lous "lalircs. I.c neurone sérail complet si
nous avions pu fii;urer les lerniiiiaisons
éloignées du c\ lindraxe cl des collatérales.
AZOULAV.
PSYCHOLOGIE IlISTOLOGIOUE
257
lement elle ne pénètre pas dans le cylindraxe, mais fait même défaut
dans le corps de la cellule au niveau de son émergence. Ceci prouve déjà
une différence structurale entre le corps du neurone et les prolonge-
ments protoplasmiques d'une part et le cylindraxe de l'autre. Bien
plus, ainsi que Nissl, Fleschl, Cajal, etc., l'ont vu et que nous l'avons
vérifié sur nos préparations à l'alcool, les corps cellulaires sont tantôt
foncés et petits, tantôt pâles et gonflés, aspects qui, d'après Nissl,
répondraient, le premier à l'état d'usure, de fatigue et le second à
l'état d'activité, de fonctionnement.
Les prolongements protoplasmiques sont des branches divisées à
plusieurs reprises, ne s'éloignant guère de la cellule originelle et
couverts de varicosités plus ou moins volumineuses et régulières, ou
V,
Fig. .03. — Cellule de la Cdrnc anté-
rieure lie la iiioelle dorsale d'un
honune adulte. (Méthode de Nissl.)
Le coi'|)s et les iirolousemcnls pi'otojil.ns-
iiii(iu('s sont roni|ilis d'iiiiias ilc cliroiiKilinc
iiiullilOinies et indi'|icii(l;uits. Le noyau n en
|)Ossè(lo point, de mcinc t[ue le cUindraxe.
j)arlant en bas et à gauche de la cellule. Au
centre le nucléole pourvu d'un nucléolule
réfrinsenl. — Entre des amas do clnoma-
lino. on voit des grains de pismenl noir on
groupe. Gross. 460.
Fig. .j4. — Détail d'une branche
protoplasmique terminale de cel-
lule iiyramidale. (Ilnuinie adulte.)
La hianche n'est pas de ralihre
régulier, elle est couverte en tous
sens, de fines épines terminées
par mie s[)hérule. Gross. .320.
d'épines très fines, serrées, finissant en massue par une sphérule.
L"aspect de ces prolongements est donc celui de brindilles couvertes
de givre.
A cause de leur aspect, de leur genèse histologique et de l'identité
de structure et de fonctions qu'on leur attribue, à eux et au corps
du neurone, bien prématurément, puisque déjà Nissl y a décelé une
structure de chromaline différente, les prolongements protoplas-
miques sont considérés comme n"étant que de simples expansions de
ce corps, dont ils augmenteraient la surface et l'étendue. Aussi appel-
ASNÉE P.SYCHOLOGIQUE. II. 17
2K8
REVUES GENERALES
lerons-nous, pour abréger, le corps el les prolongements protoplas-
miques, partie protoplasmique du neurone.
Le cylindraxe, filament lisse, mince, reste dans les centres ner-
veux, en sort ou y rentre suivant la situation de sa cellule mère et
peut ainsi parcourir d'énormes distances; il se résout toujours pen-
dant son parcours, s'il en a un, et de toutes façons a sa terminaison
dans les centres nerveux ou dans les autres tissus, ce qui peut survenir
dès après son origine, en branches de divisions et de subdivisions
qui finissent toutes librement par des boutons sphériques, des
griffes, des massues variqueuses, des cônes étalés, des disques, qui,
dans le même tissu, se mettent en contact avec des' éléments diffé-
rents.
Ce filament est de structure complexe; il n'est pas nu même dans
les centres, comme la partie protoplasmique du neurone; il est
recouvert d'une gaine de myéline, sorte de substance graisseuse iso-
lante, qui se double en dehors d'eux d'une gaine plus ferme ; mais
cette myéline qui poursuit, en les engainant individuellement, chaque
Fig. 55. — T(M'HHrini.soii d'un cylindraxe dans récorce cérél)raled"nn lioinmo
adulte au niveau de la ronclie nudéculaire. — Les filaments dcvieiuicnt
si tenus cin'lls ne sont plus indiqués que jîar nne lii:no |iidnlillce Icnninée
|)ar nne tmile petite sjihcrnlc. Grnss. = 80.
branche de division et de subdivision du cylindraxe, s'arrête à des
distances plus ou moins considérables de leurs terminaisons, qu'elle
laisse tout à découvert ; ce filament prend ainsi l'aspect d'un tube
d'autant plus lactescent qu'il s'agit de oyiiudraxes plus gros ou de
branches de division plus importantes. Lui-même n'est qu'un faisceau
de centaines de fibrilles parallèles, infiniment minces, semblant baigner
dans une masse homogène interposée.
D'après cette apparence et cette constitution, on peut considérer
que les branches de division et de subdivision du cylindraxe sont,
elles aussi, des faisceaux de plus en plus ténus de librilles, et qu'en lin
AZOL'LAY. — PSYCnOLOGIE UISTOLOGIOUE
^59
i
de compte, les dernières branches de division du cylindraxe, c'est-
à-dire les plus fines, ne sont que la libération par épanouissement et
écartement des fibrilles élémentaires contenues ;
dans le cylindraxe et ses branches. Cette dispo- i^
sition fait aussitôt concevoir le cylindraxe
comme un câble électrique contenant dans son
âme, quantité de fibres destinées à des postes
divers, mais partant d'un même point central.
Les recherches à venir démontreront, si,
oui ou non, les fibrilles élémentaires du cylin-
draxe, quoique contenues dans une même
gaine, sont elles-mêmes isolées les unes des
autres, point capital pour l'évolution et le
fonctionnement du système nerveux.
Ainsi se présentent la plupart des neurones
centraux, atteignant souvent, grâce à leur
cylindraxe, à des distances énormes. L'accu-
mulation en certains points de la partie pro-
toplasmique d'un grand nombre d'entre eux,
de l'origine et des terminaisons cylindraxiles
produit cequ"on appelle delà substance grise;
l'accumulation en d'autres points des troncs
et des branches de division myéliniques des
cylindraxes, forme la substance blanche.
Ici nous ne nous occupons que de la subs-
tance grise, et plus spécialement de celle du
cerveau, organe essentiel de la pensée, comme Fiï- ^C. — Terminaisons
on l'admet.
Dans cette substance grise, les neurones,
(|uel que soit leur ordonnancement, sont par-
faitement isolés les uns des autres : jamais
les branches proloplasmiques et cylindraxiles
de l'un ne s'anastomosent avec les branches
protoplasmiques ou les terminaisons cylin-
draxiles d'un autre. Ce que l'on voit unique-
ment, ce sont des éléments en simple conli-
ffuïlé^, et ce que l'on découvre c'est que les
ultinjcs de branches
fines cylindraxiles dans
la substance grise. (Cer-
veau de cobaye de
15 jours.) Les fibres sont
si tenues qu'elles s'im-
prègnent seulement en
pointillé, présentant de
distance en distance do
petits renflement s. El les
se tenuinent librement
par une sphérule.
Gross. COO.
(l) Ce mot a uno très grande importance dans celte étuik-. M. Cajal f|ui
agénéralisélefait et (huit les travaux ont le plus contribué à répaiidru cette
notion, emploie inditl'érenunent contact et contiguïté. Ces deux uiols ont
un sens fort différent. Nous croyons, pour notre part, que M. Cajal penche
lilulôt pour la contiguïté dans les centres et le contact dans les organes
sensoriels et ims propres rectierches nous amènent aussi à celte conclusicm ;
mais les savants qui ont émis des théories psychicpies d'après la décou-
verte de M. Cajal, ont conçu l'un plutôt le contact, et l'autre la contiguïté,
de sorte que le mécanisme qu'ils .ittiiliurnt aux [ilienomènes psy<'hiipies
est diamétralem-ent opp(Jsé.
260
REVUES GENERALES
terminaisons cylindraxiles d'un neurone ou de plusieurs viennent
loucher les branches protoplasmiques. ou envelopper le corps (pro-
Fig. 57. — iplaques motrices, termi-
naisons crun même filet nerveux
musculaire à des stades dilicrenls
de dcveloppoinent. — ]\Iuscles
dorsaux d'une souris de trois
jours, (jross. 300.
Fig. 58. — Terminaison d'un nerl
seusitif dans la gaine d'un poil
seusihle de uuiseau de jeune
souris.
toplasmique) d'un ou de plusieurs autres neurones, et il semble d'après
Fig. 59.
Cellulo pyramidale dite psychii|uc, de la souris adulte, pour
montrer l'intriiaticu des fibres cylindraxiles, onvelojipant les prolon-
gements pr(dnplasmi(|ues, avec les épines des(picls elles semblent se
mettre au contact. Gross. 115.
AZOULAY. — PSYCHOLOGIE DISTOLOGIQUE 261
toutes les recherches qu'il n'existe aucun autre mode de rapport
de neurone à neurone. Pourtant M. Lugaro' admet que dans les
centres, les terminaisons cylindraxiles peuvent aussi se mettre au
contact les unes des autres, et M. Renaut - affirme que, dans la rétine,
les neurones se commandent aussi par le contact de leurs prolonge-
ments protoplasmiques et partiellement de leurs cylindraxes, quand
ils se couvrent de perles.
L'étude des organes des sens a démontré à M. Cajal que dans
ce mode de rapport de neurone à neurone, les rôles de la partie pro-
toplasmique et du cylindraxe étaient tout à fait distincts. Dans ces
organes sensoriels, les prolongements protoplasmiques et le corps
cellulaire reçoivent directement ou indirectement l'impression des
FliT. 60. — Portion tcniihiale d'un cylindraKc de cellule étoilée de la couche
moléculaire du cervelet. (Homme adulte.) — On voit le corps estompé
d'une cellule de Purkiuje enveloppé par les ramificatious variqueuses de
ce cylindraxe. Le corps est ainsi inclus dans ce qu'on appelle la cor-
be'dle termiiuile. C'est l'un des exeuiples les plus frappants du coït /ne/ ou
de la con/i(jt/'ité, entre terminaisons cylindraxiles et corps cellulaire.
agents extérieurs, et celte impression est transmise aux parties pro-
toplasmiques des neurones successifs jusques et y compris les neu-
rones percepteurs du cerveau, par le cylindraxe et ses terminaisons.
— Ce fait qui souffre une apparente exception dans les cellules bipo-
laires à 2 cylindraxes des ganglions spinaux, a été généralisé à
tout le système nerveux par M, Cajal, et d'après lui, on admet que
dans les prolongements protoplasmiques et le corps, le courant ner-
(l)Lugaro. H(cls/u sperimen/ale di [rena/rla e i/i tncdiciiia leyalc, V, 20,
fasc. 2, 3 et 4.
(2) La théorie de M. Renaul exposée dajis plusieiu-s articles dont les
deux, principaux sont parus dans les Bulletins de l'Académie de Médecine,
l'aiis. 1895. p. 207 et d.uis la Presse Médicale, Paris, 1895, p. 297. repose
sur des faits révélés de ton;/i/e da/e [lar la méthode di; (Jol-^i et d'Elu'iich
et que M. Renaul croit nmiveaux. La plus grande (ixnie de son auteur
consiste surtout à avuir iuiaginé la rurmation de perles dans les prolonge-
ments protoplasiiii([ues, perles (|u'il avoue avoir seulement vu disparaître.
Cela abstraction l'aile des erreurs de technique iiue M. Uenaul ne seud)lc
pas avuir su éviter.
262
REVUES GENERALES
veux, l'impression, le neurocyme ou comme on voudra appeler cet
inconnu, est celluiipéle, c'est-à-dire va vers les parties actives de la
cellule, amas de chromatine et noyau, tandis que dans le cylindraxe
et ses branches, le courant est toujours cellulifiigc, c'est-à-dire qu'en-
gendré par les parties actives de la cellule, il en part et se transmet
aux autres neurones par le cylindraxe, grâce au contact de ses ter-
minaisons avec leurs parties protoplasmiqucs. En d'autres termes, le
neurone est constitué par un appareil récepteur, sa partie protoplas-
mique ; un appareil transformateur ou générateur, les parties actives
du corps cellulaire, et un appareil transmetteur oli distributeur à
plus ou moins grande distance, le cylindraxe et ses divisions éten-
dues.
Quelques savants cependant n'admettent pas cet absolutisme dans
la polarité dynamique et fonctionnelle des prolongements du neurone
Fig. ()l. — Cellule névrogliquc de la moelle d'un'tétard, destinée à montrer
l'adaptation de la névruglie aux tissus où elle gît. — Cette même cel-
lule est velue, givrée dans la substance grise, et lisse ou presque dans
la substance blanche (d'après une prépar.ilinn de M. Mliins).
et M. Lugaro ', en particulier, croit que les cylindiaxes dans les
centres peuvent être à la fois transmetteurs et récepteurs, suivant les
nécessités, et un assez grand nombre d'autres savants en tète des-
quels Golgi, n'attribuent pas aux prolongements protoplasmiqucs de
fonctions nerveuses. Pour eux ces expansions ne sont que des organes
de nutrition de la cellule. La nutrition pourtant n'exclut pas le fonc-
tionnement; la fibre musculaire se nourrit, baignée dans la lymphe
nutritive et fonctionne, sans besoin d'organe spécial pour sa nutrition.
Seules des idées a priori peuvent pousser la spécialisation des diverses
parties d'une cellule, à ce point là, et eu faire pour ainsi dire une
colonie animale.
Les petits éléments non nerveux, les cellules névrogliques qui, his-
togenéliquemenl, sont de même origine ectodermique, sont distri-
buées iudilTéremment dans la substance grise et la substance blanche.
Ils apparaissent d'une façon schéniati(jue sous forme d'un petit amas
(1) Même désignation que [dus haut.
AZOULW. — PSVCnOLOGIE niSTOLOGlQUE
263
central de protoplasma avec membrane enveloppante et noyau, d'où
rayonnent dans tous les sens en rayons d'étoiles, des branches, tantôt
divisées et subdivisées, tantôt simples ; tantôt tortueuses, tantôt
rigides; tantôt couvertes de duvets, de givre, abondant ou rare, de
varicosités, tantôt absolument lisses; tantôt se portant assez loin,
tantôt fmissant à petite distance; tantôt libres, indépendantes, tantôt
attachées à un vaisseau, mais cela secondairement.
L'aspect si varié de ces éléments étoiles tient à une plasticité tout
à fait remarquable ; ils s'adaptent ù la perfection par leur forme, à
la structure du tissu nerveux dans
lequel ils se trouvent entremêlés
intimement mais toujours simple-
ment par contacts, et sont doués
d"un véi'itable mimétisme, leurs
branches devenant velues, givrées,
variqueuses, quand ils sont au mi-
lieu des prolongements proloplas-
mique et rectilignes, lisses, minces,
quand ils s'interposent aux cylin-
draxes myélinisés.
Malgré ce protéisme, on peut
distinguer en eux trois espèces de
cellules névrogliques, les cellules de
la substance blanche, celles de la
substance grise et les cellules névro-
gliques périvasculaircs presque ex-
clusives aussi à la substance grise.
Les cellules de la substance
blanche ont en général et chez
l'adulte un corps protoplasmique
nucléé réduit, et des branches rayon-
nées, rectilignes ou presque lisses, se
portant assez loin.
Les cellules névrogliques de la
substance grise, toujours chez le
vertébré supérieur adulte, ont un
corps nucléé plus volumineux, plus
d'aspect protoplasmique avec des branches très nombreuses, s'éloi-
gnant peu, tortueuses et couvertes soit d'épines très fines, givrantes,
soit d'une sorte de masse spongieuse, lanugineuse, plus ou moins
dense et plus ou moins étendue sur et autour des branches, soit de
varicosités et de boules irrégulières de distance et de volume.
Le premier aspect, qui donne une apparence pennée à ces branches
est le plus fréquent et semble l'état normal. Ces cellules sont complè-
tement libres.
Les cellules périvasculaircs ne difl'èrcnt des précédentes que par une.
Fi,!?. 62. — Cellule névroglique de
la substance blanche. (Cerveau
d'enfant de 22 jours.) Les branches
lisses sont d'inégale longueur
parce que la coupe les sectiimne
à des distances différentes. La cel-
lule complète nlîre toute ressem-
blance avec un oursin. Gvoss. 70.
(En comparant ce grossissement
à celui de la cellule névroglique
de la substance grise, on voit
quelle énorme étendue est par-
ctiurue par les branches de la cel-
lule névroglique de la substance
l)lanche.)
264
REVUES GENERALES
deux OU trois branches, qui. au lieu d'être libres, vont s'attacher par
un pied conique à la paroi externe d'un capillaire voisin ; et l'aspect
d'un capillaire auquel de tous côtés adhèrent ces corpuscules étoi-
les à branches plumeuses, contournées, fait penser à quelques
branches de polypier, de corail épanoui, ou à quelques colonies
d'aclinozoaires ou d'hydroniéduse attachées à un rameau d'algue
sous-marine.
Pour les anatomistes anciens et pour beaucoup de modernes, les
cellules névrogliques sont ou des organes de nutrition des éléments
Fijî. 63. — Cellule névrogliqnc de
la substance iirise. (Lcorce céré-
brale d'iiuiuaie adiille.) Elle cor-
respond au type le plus i'réquenl.
et représenterait la cellule iiévro-
glique à Ijranclies peuiu'es, éten-
dues, en état de re[ius. (Jross. '200.
Fig. 6i. — Cellules névrogliques péri-
vasculaires de la substance grise.
(Cerveau d'enl'aut de 22 jours. —
Méthode de Cox.) Elles, sont atta-
chées aux parois des capillaires,
indiquées par un Irait, à l'aide d'un
ou deux pieds, moins couverts d'é-
pines ou givre que les autres
branches. Gross. = 140.
nerveux proprement dits, ou des appareils de soutien, leurs branches
entremêlées formant la trame du tissu nerveux. Pour M. Cajal, les
cellules névrogliques de la substance grise et blanche ont pour rôle
d'isoler les neurones les uns des autres ; leur protoplasma serait
une matière isolante, mauvaise conductrice du courant nerveux.
Ici nous n'avons pas à discuter les rai^^ons militant en faveur de
telle ou telle de ces o|)inions; ce qu'il faut simplement constater c'est
leur divergence et par suite notre ignorance.
Onant aux cellules névrogliques périvasculaires, M. Cajal leur
aiuibue une l'onction que nous vendons par la suite exposée dans ses
théories psychologiques.
Bien entendu, le système nerveux est parcouru par d'innombrables
capillaires, d'où la lymphe soit pour baigner et nourrir ses éléments;
AZOULAY. — PSYCHOLOGIE niSïOLOGIQUE 265
mais, fait à retenir, ces capillaires ne sont pas contractiles spontané-
ment : leurs parois purement endothéliales ne reçoivent aucun filet
vasomoteur du sympathique.
Tels sont les faits nouveaux de structure viorphoJogique, en particu-
lier du tissu nerveux gris du cerveau. En eux-mêmes ils ne sont pas
encore irréfutablement établis, même la question de Findépendance
des neurones et de leurs contacts; et quant à leurs explications,
valables dans certains cas, elles sont contestables dans d'autres. C'est
que ces explications pèchent par leur généralisation même, car leurs
auteurs, semblent trop souvent oublier la loi nécessaire, qui lie,
comme cause et etTet, le milieu, la fonction et l'adaptation.
Le système nerveux n'a pas toujours été considéré comme édifié
de tels matériaux ainsi disposés.
La théorie cuitérieure encore plus hypothétique et la plus géné-
ralement acceptée il y a à peine huit ans encore était la suivante :
les cellules nerveuses (l'idée qu'on en avait était fore réduite), sont
enveloppées de fines fibres cylindraxiles. Celles-ci s'anastomosent et
s'unissent pour former des cylindraxes allant se rendre aux cellules
nerveuses ; au lacis de fines fibrilles, le neurospunyium, viennent se
souder les prolongements protoplasmiques des cellules, de sorte que,
du moins, sur une vaste étendue des centres, le cercle étant fermé,
toutes les cellules sont en continuité les unes avec les autres. (Juant
aux cellules névrogliques, englobées sous une seule et même espèce,
leur accordant un rôle de soutien dans la masse nerveuse, ou leur
attribuait un caractère tout à fait étranger au système nerveux.
Quelle que soit la réalité des deux modes de texture ancien et
actuel du tissu nerveux et des intermédiaires inévitables qui en
sont nés, ils sont, il faut bien se le persuader, seulement la
dissection du cadavre du système nerveux mort. Ils ne repré-
sentent tout au plus que son état statique, et en réalité, qu'une
minime partie des détails du vrai système nerveux, de celui qui
vil et fonctionne. Aussi qu'importe ces structures pour le biolo-
giste et le psychologue, s'ils ne savent comment à l'aide de
ces structures le système nerveux fonctionne ; si l'ancienne
théorie de la continuité nerveuse leur semble inférieure à la
théorie récente de la discontinuité, de la contiguïté, pour l'ex-
plication des faits de physiologie nerveuse, et d'une partie des
faits de psychologie, de l'éducation par exemple ; si elle s'ac-
corde moins avec ces faits et satisfait moins à l'évolution géné-
rale des cellules et des êtres qui en sont les composés! car
lorsqu'il s'agira de se rendre compte du mécanisme des phéno-
mènes psychiques et physiologiques, de concevoir le fonc-
tionnement du système nerveux dans son immense variabilité.
266 REVUES GÉNÉBALES
alors ils verront que les deux théories semblent valoir aussi
peu l'une que l'autre. En effet, si la continuité des terminai-
sons cylindraxiles avec la partie protoplasmique des neurones,
est supposée, constante, fixe, invariable comme la théorie
actuelle de la structure du système nerveux le laissait entendre
il y a à peine quelques mois, si on admet que le courant ner-
veux déterminé dans un premier neurone par une impression
du monde extérieur ou du monde intérieur (excitations prove-
nant d'un autre neurone ou d'une autre cellule de l'organisme),
et ensuite par propagation dans une série de neurones étages,
ne décroît pas en intensité à mesure du chemin parcouru, si on
admet encore que les neurones, infatigables, sont toujours
prêts à réagir à la moindre impression extérieure, si l'on table
encore sur les autres hypothèses ayant cours, on en arrive à
cette conclusion : il ne peut y avoir aucun repos, aucune régu-
larité d'action ni pour le neurone ni pour l'organisme, et cela
dans toutes les sphères de l'activité animale. Autant vaudrait
revenir à l'ancienne théorie de la continuité des cellules ner-
veuses, avec leurs rapports immuables.
Et cette conclusion, c'est parce que les histologistes, absorbés
par l'étude et la contemplation du cadavre nerveux, oublient
qu'il a été vivant, pensant et agissant. Aussi des savants moins
étrécis de pensée par la spécialisation, ou d'associations d'idées
plus étendues, ont-ils essayé de concevoir ce cadavre vivant,
fonctionnant en pensées et en actes. Ils ont tenté de créer,
comblant par imagination l'abîme entre le mort immuable et
le vivant mobile et changeant, ce qui dans les éléments du
tissu nerveux sous la forme que nous leur connaissons pour-
rait être mobile et changeant, ce je ne sais quoi dont les varia-
tions font le sommeil et la veille, la lenteur ou la vitesse de
l'idéation, les associations d'idées si intîniment diverses, la
conscience ou l'inconscience des faits et des pensées, l'atten-
tion ou l'inattention, les anesthésiës, les paralysies d'ordre hys-
térique, etc., etc.
De là leurs théories psychologiques. Ces théories sont au
nombre de quatre. Trois d'entre elles attribuent le rôle de
mobilité, de commutateur et- d'interrupteur du courant nerveux
aux éléments nerveux proprement dits ; la quatrième, l'accorde
aux cellules névrogliqucs. Les trois premières sont par ordre
chronologique celle de RablRuckardt(1890). de M. Lépine(I894)
et de Mathias Duval (180;j). Elles seront exposées dans cet
ordre qui est aussi celui de leur complexité, en rapport avec
AZOULAY. — PSYCHOLOGIE UISTOLOGIQUE :2G7
les progrès de rhistologie nerveuse. La quatrième et dernière
est due à Cajal ; elle est la plus récente en date.
THÉORIES MECANIOUES DES PHENOMENES PSYCHIQUES BASEES SUR LA
MOBILITÉ DES ÉLÉMENTS NERVEUX
l'' Théorie de Rabl liâckardt. — A l'époque où M, Rabl
Riickardt émettait sa théorie, en 1890, l'hypothèse du neiiro-
spongium, de la continuité des éléments nerveux entre eux
régnait. C'est d'après elle que sa théorie est construite.
l*" La cellule pyramidale, dit-il en substance, est le réservoir
d'une quantité déterminée et d'une sorte déterminée de repré-
sentations dont la somme est la mémoire.
Ces représentations doivent par suite être emmagasinées
dans les molécules constitutives du protoplasma cellulaire. Ce
protoplasma a donc de la mémoire.
2'' Si toutes nos activités intellectuelles sont liées aux com-
binaisons mobiles des représentations (associations d'idées) ou
des images emmagasinées dans le protoplasma des diverses
cellules, il doit donc y avoir dans la texture du système ner-
veux un point où cette mobilité se produit.
3° Dans cette texture, il y a un point qui semble certainement
de très grande importance, c'est le lieu où les prolongements
protoplasmiques' viennent se terminer (se souder) dans le neu-
rospongium. C'est donc (vraisemblablement) ce point de termi-
naison ou de soudure des prolongements protoplasmiques qui
doit être l'endroit de mobilité des combinaisons de représenta-
tions ou d'idées.
4" Comment peut se faire cette mobilité de combinaison en
ce point? Il suffit de supposer que le prolo7igement profoplas-
inique se rompt ou soit rompu en ce point, lorsque la combi-
naison na pas lieu et qu'il s'y ressoude ou s'y est ressoudé
lorsque la combinaison a lieu, et cela par un mouvement amœ-
boide de Cextrémité du prolongement protoplasmique.
L'expression -imagée de fil rompu des idées, correspon-
drait bien ainsi au fait d'un filament protoplasmique rompu ^ .
Si tel est le mécanisme de l'idéation, il devient facile d'ex-
(1) Conçus par R.-il)l Riick.-irdt et ses conlemporains (riiiic façon hicn
moins complète qu'à présciil.
(2) Il est curieux de si^ii.iln- ijue la logique ilc maints savants de nus
jours se base sur des expressions de langage et les considère connue des
expressions de fait.
2()8 REVUES GÉNÉRALES
pliquer les divers processus et qualités de celte idéation. Ainsi
une combinaison ingénieuse correspond à un jeu rapide de rup-
ture et de soudure des prolongements protoplasmiques de plu-
sieurs cellules nerveuses ; une pensée paresseuse et pauvre
répond à un jeu lent de ce phénomène dans les prolongements
de peu de cellules (Rabl Riickardt, dit simplement : c'est le con-
traire). Le sommeil avec ses rêves, l'hypnotisme, les divers
états pathologiques mentaux, etc., ne sont peut-être que des
paralysies partielles, éphémères ou durables du mouvement
amo'boïde des prolongements de certaines cellules.
!2° Théorie de M. Lépine. — Cinq ans après, en pleine efîer-
vescence des méthodes de Golgi et Cajal, et sous la suggestion
de leurs si nouveaux résultats, M. Lépine émet une théorie
toute semblable, basée, quoiqu'il ne le dise pas expressément,
sur l'amcebisme des éléments nerveux, et tout à fait indépen-
damment de Rabl Riickardt.
Frappé de la singularité et de l'extrême variabilité des phé-
nomènes observés chez un malade hystérique, chez qui il y
avait des alternatives brusques d'ouïe parfaite et de surdité
absolue, suivant qu'il prêtait attention ou non aux bruits (il en
était de même à un moindre degré pour la vue), M. Lépine se
demande si ces anesthésies sensorielles si variables par Tat-
tenlion ne constituent pas chez ce malade un état analogue à
celui d'une personne normale qui médite, c'est-à-dire cet étal
d'une personne qui, attentive à un seul point, est insensible à
toute impression. Il l'admet, et conclut : « Certaines cellules
cérébrales ont donc à Yétat normal la faculté de rompre leurs
communications avec la périphérie, de fermer en quelque sorte
la porte aux sensations importunes. »
Par quel mécanisme les cellules cérébrales peuvent-elles ainsi
s'isoler des impressions du monde extérieur?
Si l'on accepte, pense M. Lépine, la réalité de la structure du
système nerveux telle que l'a démontrée Cajal, c'est-à-dire le
simple contact des dillercntes parties de diverses cellules, on
est porté à concevoir :
h Qu'un simple défaut d'adhérence de contact entre les pro-
longements proloplasmi(iucs et nerveux, amené par n'imporle
(luellcinlluence psychique, suflit à melLre obstacle au passage
du courant nerveux et voilà tout le système des cellules corres-
pondant à un phénomène psychique sensoriel ou moteur réduit
à l'inaction, et ±" que le rétablissement de celte adhérence, de ce
l
AZOULAY. — PSYCnOLOGIE HISTOLOGIQUE 269
contact ramène à l'activité le même système de cellules par le
rétablissement du courant.
Le défaut d'adhérence, M. Lépine l'impute à un ratatinement
de l'extrémité des prolongements en contact. (M. Lépine ne
spécifie pas quelle espèce de prolongements, les protoplasmiques
ou cylindraxiles ratatine ses extrémités), à une sorte de retrait
dû lui-même à des modifications chimiques du protoplasma
cellulaire.
Le rétablissement de l'adhérence du contact, il en fait l'œuvre
d'un éréthisme de la cellule, corrélatif de la volonté.
Ces alternatives d'adhérence parfaite et de défaut de contact
entre les prolongements de diverses cellules, qu'on n'a pas
encore observées dans les centres nerveux chez les animaux
supérieurs, qui sait si on ne pourrait pas les saisir chez un
animal inférieur en pleine vie, sous forme de mouvements de
ratatinement et de restitution à l'état normal ' des prolonge-
ments nerveux. Et cela n'aurait rien d'impossible puisqu'on a
trouvé des mouvements dans la cellule elle-même. Une pareille
constatation serait la réalité de l'hypothèse.
Si l'on admet cette hypothèse des alternatives de contact et
de défaut d'adhérence, l'explication de toute une série de phé-
nomènes nerveux psychiques et physiologiques, normaux et
morbides, apparaît alors lucide. Par exemple :
Dans la méditation les communications du sensorium (centre
récepteur cérébral supposé des impressions) avec les organes
des sens sont rompues.
Le sommeil naturel et provoqué , l'hypnotisme pourraient
n'être dus qu'au retrait des prolongements des cellules du sen-
sorium, d"où leur isolement, et leur inactivité, synonyme de
sommeil. Ce retrait expliquerait aisément la soudaineté extraor-
dinaire du passage de l'état de veille au sommeil, et les diverses
variétés de somnambulisme ne seraient que l'expression de
l'absence de contact à tel ou tel niveau du sensorium.
Dans l'hystérie, les paralysies sensorielles et sensitives, les para-
lysies motrices seraient dues à un défaut plus ou moins durable
d'adhérence parfaite entre ramifications de cellules correspon-
dantes. Quant à la cessation, survenant parfois sous l'influence
de la volonté, des paralysies motrices, on peut l'attribuer au réta-
blissement du contact des neurones moteurs par celte volonté.
(1) Intenlinnnelloiiioiil uous eiiiiilnyuns cette expressiuii vague é'Hiiva-
lente d'érélhisme.
270 REVUES GÉNÉRALES
3' Théorie de M.Malliias Diival. — Celte théorie est celle qui a
rappelé les deux précédentes passées complètement inaperçues et
en a suscité d'autres, celle purement anatomique de M. Rcnaut,
et celle de M. Cajal. C'est même par son grand retentissement
que ce travail d'ensemble a pris naissance. Tout comme la
théorie de Lépine, elle a été imaginée tout à fait indépendam-
ment de ses devancières. Elle peut être exposée sous la
forme du raisonnement suivant :
1° Puisque l'endroit où se f;iit le passage du courant entre
deux cellules nerveuses est le point de contact des prolonge-
ments protoplasmiques de l'une avec les prolongements cylin-
draxiles de l'autre, point de véritable articulation des éléments
nerveux, il y a lieu d'admettre que ce point d'articulation ayant
une telle importance est le centre réflexe du courant nerveux,
et non plus la cellule qui la dernière a reçu le courant ; les
extrémités nerveuses qiii forment cette articulation sont donc
les éléments de ce centre réflexe, et elles possèdent une espèce
d'individualité en quelque sorte indépendante de la cellule, et
la preuve, c'est que les plaques motrices se paralysent par le
curare, et qu'il est à supposer que dans les centres, la strych-
nine, le bromure, etc., agissent sur les extrémités en contact
des cellules nerveuses.
2° -M. Tanzi, d'autre part, affirme que toutes les terminaisons
centrales ne semblent pas être en contiguïté à la même dis-
tance, et admet que si la loi corrélative de la fonction à l'organe
est ici valable, la fibre nerveuse doit s'allonger d'autant plus
que le courant la traverse ; par suite, les distances diminuent;
la contiguïté, d'abord éloignée, finit par devenir contact immé-
diat, et le phénomène psychique ou moteur, d'abord conscient
par l'effort, la volonté (qu'il exigeait) finit par devenir auto-
matique, réflexe, inconscient, grâce à l'extrême facilité d'un
passage du courant, ne demandant plus ni effort, ni volonté.
L'expansion nerveuse aurait donc une certaine mobilité de
croissance progressive à son extrémité.
3'^ Puis«iue la distance de la contiguïté n'est pas la même et
puisque les extrémités nerveuses sont douées de lente mobilité
de croissance, ne peut-on pas supposer que cette distance, pen-
dant les passages des courants nerveux, n'est pas fixe, perma-
nente, qu'elle est adventice, et qu'il y a tantôt contiguïté et
tantôt contact entre éléments nerveux? Ne peut-on pas supposer
pour expliquer cette variabilité de distance, que des extrémités
nerveuses possèdent en outre une mobilité .temporaire, sur
AZOULAY. — PSYCHOLOGIE IIISTOLOGIQUE 271
place, rapide, dérivant de la mobilité de croissance lente et
progressive ou coexistant avec elle, ce qui leur permettrait de
s'allonger pour se mettre en contact intime avec une autre
extrémité nerveuse au passage momentané d'un courant ner-
veux, par exemple, et de se rétracter à la cessation de ce courant?
En un mot l'extrémité nerveuse pour fonctionner, pour établir
et cesser les contacts et les courants, n'est-elle pas douée de
mouvements amœboïdes sortant et rentrant? On a d'autant
plus raison de croire à la possibilité de tels mouvements ama>
boides dans les extrémités des expansions des cellules ner-
veuses que M. Widersheim a observé des mouvements amœboïdes
très nets dans le corps de ces cellules nerveuses chez un crus-
tacé très transparent Leplodora hyalina, examiné en parfaite
vie. Chez ce crustacé les cellules nerveuses d'une certaine
zone du cerveau proprement dit présentent une transformabilité
surprenante, efTectuable et visible par degrés assez sensibles
en huit, douze, treize minutes ; elles changent de forme, pous-
sant des pseudopodes ou les rentrant ; elles changent d'aspect,
de contenu, devenant claires ou troubles; elles apparaissent là
où elles n'existaient pas ; disparaissent en se résolvant, elles et
leur noyau, en granulations très réfringentes, elles forment
en elles des vacuoles. Voilà bien une preuve évidente de la non-
iixité, de la mutabilité du système nerveux.
La raison de tels mouvements amoîboïdes, on peut la conce-
voir dans les phénomènes chimiques déterminés par l'excitation
nerveuse. On sait que, par exemple, les leucocytes ou globules
blancs du sang des vertébré? sont attirés et rendus plus actifs
ou repoussés et paralysés par les produits chimiques que
sécrètent ou composent les microbes introduits dans l'orga-
nisme. Ils sont doués de ce qu'on dénomme le chimiotropisme
positif ou négatif. Or rien n'empêche d'admettre que les cellules
nerveuses ou du moins leurs extrémités, ne soient à l'égal des
leucocytes et aussi des amibes, pourvues de ces chimiotropismes
moteurs ou paralysants. Et même on peut concevoir que la
dynamogénie n'est que la mise enjeu du chimiutropisme positif
sur les extrémités nerveuses, tandis que l'inhibition n'est que
l'expression de l'action sur ces mêmes extrémités de produits
chimiques déterminant un chimiotropisme négatif ou paraly-
sant.
Si l'on admet d'après ces preuves et ces hypothèses, l'im-
portance et la mobilité des extrémités nerveuses en contigu'ité
ou s'explique sans peine :
ilî RtlVUES GÉNÉRALES
1° Le mécanisme du sommeil et du réveil. Supposons l'animal
endormi. Dans cet état toutes les ramifications du neurone
sensitif central fcellule cérébrale réceptrice) sont rétractées,
et ses ramifications ne sonl que conliguës aux ramifications des
autres neurones. A un moment, des excitations faibles sont
exercées sur le dormeur, le centre médullaire y répond par des
réactions réflexes; le cerveau ne répond nullement, l'excitation
étant trop faible pour parvenir à réveiller ses éléments per-
cepteurs. Mais voilà que des excitations plus fortes ont lieu, la
moelle n'est plus seule à répondre pnr des réflexes ; l'excitation
a pu parvenir au cerveau grâce aux chimiotropismes positifs et
aux contacts subséquents et successifs qu'elle a déterminés dans
les extrémités nerveuses des neurones sensitifs, médullaires et
I>ulbairesi; au cerveau, elle excite un cbimiotropisme positif
dans les extrémités des ramifications nerveuses du dernier
neurone sensitif bulbaire, voisines de celles du neurone sen-
sitif central, et aussitôt se développe dans celles-ci un cbi-
miotropisme de même nature; mues par ces chimiotropismes
positifs les extrémités s'allongent plus ou moins vivement, en
pseudopodes, à la rencontre les unes des autres, se touchent,
le courant passe, et l'animal se réveille, le cerveau en grande
partie parcouru et ébranlé par l'excitation.
Vraiment, le réveil avec ses phases successives ne traduit-il
pas avec exactitude, ces rétablissements successifs de contacts
auparavant interrompus par rétraction des ramifications pseu-
dopodiques nerveuses ?
2° L'action excitante des agents tels que le café, le thé, etc.,
qu'est-ce? Sinon une excitation, une activité plus grande de
l'amœbisme des extrémités nerveuses, d'où passage des cou-
rants nerveux plus facile et plus abondant ?
3° Et si l'excitation périphérique ou centrale, est violente,
anormale, si, par suite, les extrémités nerveuses inhibées se
paralysent et restent des temps variables seulement conti-
guës, ne voit-on pas alors l'explication de ces paralysies des
sens et des muscles si fugaces, si versatiles, chez les hysté-
riques ? Et enfin ne peut-on pas à l'aide de cet amœbisme con-
cevoir clairement le mécanisme d'une foule d'autres phéno-
mènes psychiques ou physiologiques 1
(l) Ici le loniio Imlhairo n"a pas de réalité, nous l'employons pour indiquer
en un nu)( toute la chaîne des neurones intercalés entre la nicclle et
Técorce cérébrale.
AZOULAY. — PSYCHOLOGIE HISTOLOGIQUE ^1'^
Genèse de ces théories. — Voici exposées, avec plus de détails
et plus de chaînons de leurs pensées que n'en ont fourni leurs
auteurs, les théories mécaniques d'un certain nombre de phé-
nomènes psycho-physiologiques normaux et morbides dont la
base est la texture indéfiniment variable et mobile des cellules
nerveuses, ou neurones, durant leur fonctionnement.
Si avant d'exposer les critiques nombreuses opposées à ces
théories, nous étudions la genèse et le développement de celles-
ci dans l'imagination de leurs auteurs, nous verrons qu'elles
ne sont en aucune façon l'œuvre du hasard, et qu'au contraire
le mécanisme nerveux imaginé était le résulat à prévoir de la
façon dont chaque auteur a conçu ou compris la structure du
système nerveux, tel qu'il leur a été livré par l'histologiste de
leur temps, et le résultat aussi de la manière dont ils ont été
amenés à réfléchir à ce mécanisme, et enfin aussi le produit de
l'état actuel des conceptions de la biologie générale même
chez les esprits supérieures et érudits. Par là même notre cri-
tique sera en grande partie exécutée.
M. Rabl Riickardt, philosophe, cherchant à s'expliquer le
comment de la variabilité des fonctions psychiques du cerveau
et n'ayant à sa disposition qu'un système nerveux rigide,
indissoluble, le casse, le rompt en un des points des éléments
de sa structure, qui, après des raisonnements subtils, lui paraît
le plus important, et pour lui permettre de se resouder, il est
obligé, de par ses connaissances acquises, de lui attribuer des
mouvements d'amibe, animal dont la mobilité étrange et les
propriétés autoplastiques, encore un sujet d'étonnements et
d'études, ont ouvert à la biologie générale un vaste champ
d'idées.
M. Lépine étudie un hystérique dont l'allure est celle d'une
personne méditante. M. Lépine est encore imbu de la théorie
ancienne de la continuité substantielle nerveuse ; il a lu les
ouvrages de M. Cajal, qui parle indifféremment de contact et
de contiguïté, mais plus souvent de contact.
M. Lépine conçoit alors le système nerveux discontinu, mais
avec des éléments en contact, ce qui change à peine l'ancienne
théorie de la contiguïté et, lui aussi, parle de défaut d'adhé-
rence, de rupture, de ratatinement, de rétraction, et en réalité
d'amœbisme, quoique non expressément, pour amener le sys-
tème nerveux à l'état de repos ; car, continus ou en contact, les
cléments nerveux ne peuvent être qu'en continuelle activité,
en continuelle émission et sillonnement de courants. Il parle,
AN^ÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 18
ili REVUES GÉNÉRALES
par suite, de rétablissements de contacts, d'adhérence pour
expliquer le retour à l'activité. Trotiblé par la nouvelle théorie,
il reste pourtant indécis, ne sachant quelle est spécialement
l'expansion nerveuse qui normalement au contact s'écarte en
se ratatinant» Il ne pense, dans les applications de sa théorie,
qu'à des phénomènes psychiques où l'état de repos est plus
difficile à expliquer que l'état d'activité, puisque celui-ci est
l'état normal; il ne pense qu'à la méditation ou au sommeil,
aux paralysies hystériques, tous phénomènes de rupture de
contact. Mais chimiste biologique, M. Lépine pense à donner
une raison chimique à ces alternatives d'adhérence et de dis-
continuité.
M. Duval ayant à exposer dans 'des cours les nouvelles décou-
vertes nerveuses et partant du fait fondamental, principal,
de ces découvertes, c'est-à-dire, de la notion d'isolement,
d'indépendance absolue des neurones, arrive à choisir incons-
ciemment dans les œuvres de Gajal, de van Gehuchten, etc., le
terme contiguïté bien plus en rapport avec l'idée d'isole-
ment. Un objet qui est contigu à un autre, si étroitement
qu'on le veuille, ne le touche pas, il faut le faire avancer; et
M. Duval parle de diminution des distances, d'allongements, de
rapprochements, de contacts par amœbisme, pour expliquer
l'établissement de l'état d'activité du système nerveux qui pour
lui normalement est toujours à l'état de repos par suite de la
contiguïté, du non contact de ses éléments à l'état normal.
Et c'est pourquoi il pense pour l'application de sa thèse, moins
au sommeil qu'au réveil dont il développe le processus, moins
aux phénomènes inhibants ou paralytiques, qu'aux phéno-
mènes moteurs, excitants — c'est-à-dire à tous les phénomènes
qui exigent le rapprochement des extrémités nerveuses plutôt
que leur écartcment qui est la chose normale. Biologiste, his-
tologisle et physiologiste, M. Duval ne peut pas accorder aux
extrémités ou expansions protoplasmiques des mouvements
amiboïdes, à l'exclusion des extrémités cylindraxiles, car
toutes deux sont du protoplasma, pour ainsi dire nu, et de
même aspect très souvent ; enfin il ne donne des raisons de
ces mouvements amiboïdes (ju'après la réclamation en priorité
d'idée par M. Lépine, et cette raison est une raison chimique,
à tendance physique plus complexe et mieux dessinée que
celle de M. Lépine ; celle toute d'actualité du chimiotro-
pisme.
Cet exposé de la genèse de ces théories n'est-il pas la preuve
AZOULAY. — PSYCHOLOGIE niSTOLOGIQUE 275
de la parfaite indépendance de création? — L'amoîbisme leur
donne à toutes trois un air de famille, mais la conception du
système nerveux les rend étrangères. Quant aux raisonnements
par analogies, aux inductions et déductions, qui en sont la
trame, ils signifient qu'en matière d'hypothèse, on cherche où
l'on peut des arguments, impossibles d'être justes et valables,
car cela supposerait que l'hypothèse est devenue depuis long-
temps un fait de science.
Critiques. — L'hypothèse fondamentale de ces trois théories
c'est Vamœbisme des extrémités nerveuses, M. Rabl Riickardt
admettant celui des prolongements protoplasmiques, M. Lépine
selon toute vraisemblance celui des terminaisons cylindraxiles,
et M. Duval, celui tout à la fois des terminaisons protoplas-
miques et cylindraxiles K
a. L'hypothèse de Vamœbisme, en elle-même suppose l'ab-
sence de preuves directes et, en effet, M. Kolliker affirme que
chez les animaux transparents etvivants (larves de batraciens
et de sirédon, tête d'amphioxus), jamais on n'a vu le moindre
mouvement des terminaisons nerveuses. M. Renaut de son côté
avoue n'avoir rien vu bouger dans les rétines vivantes qu'il a
observées par la méthode du bleu de méthylène. Enfin, M. Ca-
jal, qui semble avoir compris que M. Duval visait dans sa théo-
rie, seulement les terminaisons cylindraxiles, oppose les cons-
tatations suivantes de la méthode de Golgi : 1° les arborisa-
tions cylindraxiles, dans le cervelet, le bulbe olfactif, les
ganglions acoustiques centraux, le lobe optique, etc., olTrent
toujours la même extension, le même degré de contiguïté aux
corps cellulaires, et cela quel que soit le mode de mort de l'ani-
mal (par le chloroforme, une hémorragie, le curare, la strych-
nine, etc.); 2" les terminaisons dans la rétine et le lobe optique
des reptiles et des batraciens se présentent sous le même aspect
chez les animaux morts après un long séjour à l'obscurité que
chez ceux restés plusieurs heures exposés au soleil. (M. Duval
pourrait répondre que les éléments nerveux ont été inhibés
par cet excès dimpression). — J'ai moi-même fait, à l'aide de la
méthode de Golgi, de semblables constatations sur les organes
centraux de souris, de même âge, sacrifiées de la même fagon,
(1) Une des critiques de M. Kolliker porte sur l'ainrebisuic prête par
M. Duval au cylindraxe. Or M. Duval n'a pas prétendu que le cylindraxe
avait un mouvement amœboïde dans sa totalité. 11 ne suppose ce mouve-
uieut qu'à son extréiuilé. ,C'est ce que MM, Kolliker et Morat n'ont pas
compris.
276 REVUES GÉNÉRALES
l'une après narcose par l'éther pendant une heure, l'autre après
agitation pendant vingt minutes et cela dans le but de sur-
prendre quelque modification pouvantplaider pour l'aniœbisme.
Leurs préparations exécutées dans des conditions identiques,
ne m'ont pas permis d'observer la moindre difîérence, malgré
l'emploi de très forts grossissements, pas plus d'ailleurs que
je n'en avais observé auparavant sur les nombreuses coupes
provenant d'animaux morts de causes diverses, mais non dans
le but, comme les précédentes, d'apercevoir les traces de l'amœ-
bisme.
Fig. 65 et 66. — Portions terminales de branches proloplasiuiques de cellules
pyramidales de la région occipitale, paroi de la scissure interhémisphé-
rique. Gross. = 300.
Fig. 65. — Provient du cerveau d'une souris adulte éthérisce pendant
1 heure.
Fig. 66. — Provient du cerveau d'une souris obligée de courir, de chercher
à luir, etc., pendant vingt minutes.
Les deux figures iudiquenl, par leur calibre irrégulior, couvert de boules, presque dénué
de givre, ((ue les cellules étaient altérées, iiialii<tes. — Celle de la souris agitée l'est à un
plus liaul degré. .Mais clie/. les deux souris tuées en pleine vie et dont le cerveau a été fixé
par l'osmioliichroniate, trois minutes après la section du cou, de tels iirolongenieiits malades
étaient tout à l'ait rares.
M. Demoor de Bruxelles a aussi tenté de résoudre la question
par la méthode de Golgi rapide. Sur des cerveaux de chiens
fortement narcolisés par le chloral ou la morphine, il a vu les
prolongements des cellules pyramidales couverts de varicosités
caractéristiques, varicosités tout à fait absentes chez les ani-
maux, ni fatigués, ni empoisonnés, mais tués de la même
façon. Aussi considère-t-il les varicosités comme la preuve des
mouvements amiboi'des des prolongements. Ce n'est en réalité
que la preuve de l'altération des cellules nerveuses rendues
malades par les poisons narcotiques trop violents et agissant
trop longtemps, car toutes les fois que les cellules pyramidales
AZOULAY. — PSYCHOLOGIE UISTOLOGIQUE 277
sont atteintes dans leur vitalité, elles se couvrent de ces boules.
D'ailleurs, comme le fait remarquer M. Cajal, il serait assez
surprenant, que les épines se contractent et rentrent dans la
branche principale pour la grossir et la rendre variqueuse,
précisément à l'état de repos, alors que chez les amibes et tous
les êtres, la contraction répond à l'état d'activité.
Ces faits négatifs sont eux-mêmes, il est vrai, critiquables,
car les observations faites sur les animaux vivants, trop res-
treintes, ne l'ont pas été, avec l'idée de rechercher attentive-
ment l'existence ou l'absence d'amœbisme ; et ceux qui ont
employé la méthode de Golgi n'ont pu peut-être apercevoir des
vestiges de ces mouvements amœboïdes à cause de l'extrême
faiblesse d'amplitude de ceux-ci. Que l'on veuille songer à la
difficulté de constater des changements sur des distances de
2 p. et même moins, comme on en voit couramment dans les
coupes au chromate d'argent.
Rien donc ne prouverait que l'esprit attiré vers ce problème
créé précisément par les théories mécaniques de l'idéation, on
ne parvienne, avec des moyens plus appropriés et plus étendus
à percevoir ces mouvements amœboïdes dans les extrémités
nerveuses.
Mais les arguments deprohahllité, les critiques refusent aussi
de les accepter.
b. La mobilité des cils vibr utiles des cellules nerveuses olfac-
tives de la muqueuse nasale, que M. Duval offre comme présomp-
tion de mobilité, car il les assimile aux prolongements pro-
toplasmiques des cellules nerveuses centrales, est niée par
bien des auteurs, parmi lesquels M. Cajal '.
c. V indépendance (\\XQ M. Duval attribue aux extrémités ner-
veuses et en particulier cylindraxiles en s'appuyant sur l'action
toute spécifique du curare sur les plaques motrices, tombe,
par cela même que Claude Bernard, qui, dit-on, aurait affirmé
cette spécificité, nel'affirme point du tout; car tantôtil suppose
l'action du curare sur les plaques motrices et tantôt sur leurs
cellules originelles médullaires motrices.
d. L'hypothèse de mobilité progressive et très lente de crois-
sance des filaments cylindraxiles, émise par Tanzi, bien pos-
térieurement à Cajal qui a supposé la création de nouveaux
rapports intercorticaux en plein état adulte, par allongement
(i) Nouvelles i(l(;cssi/r hi slraciurc du s/jslème nerveux : muqueuse olfac-
tive, p. 101.
278 REVUES GÉNÉRALES
et rapprochement des expansions protoplasmiques et cylin-
draxiles auparavant distantes, hypothèse qui trouve quelque
fondement dans cette mobilité si précise et si étrange du cône
d'accroissement du cylindraxe pendant la vie embryonnaire
que M. Cajal, dès 1892, expliquait par un phénomène de chi-
miotactisme positif, ou de différence de potentiel ou d'état
électrique, cette hypothèse n'est qu'une hypothèse, et se fon-
der sur elle comme le fait M. Duval, pour édifier l'hypothèse de
mobilité momentanée et rapide au passage de courants nerveux,
c'est accumuler les invraisemblances. Mais M. Kolliker va plus
loin, et il demande, si on admet les mobilités momentanées de
M. Duval combinées aux mobilités lentes de progression de
M. Tanzi dans les extrémités nerveuses à l'état adulte, si on
admet que les extrémités cylindraxiles se meuvent comme
des amibes et des leucocytes, qu'est-ce qui les arrêtera dans
leur progression? Gomment imaginer de la sorte la moindre
stabilité dans les processus intellectuels, la moindre longue et
tranquille méditation, le moindre travail intellectuel réglé,
méthodi({ue et à but déterminé? On pourrait demander alors
à M. Kolliker comment il se fait que tous les éléments histolo-
giques ayant du mouvement pendant leur fonctionnement,
comme par exemple le muscle, ne se développent pas démesu-
rément? Son objection est du même ordre d'idées, et pourtant
on sait que la fonction n'hypertrophie pas indéfiniment à cause
de l'équilibre réciproque que s'imposent éléments histolo-
giques, tissus et organes et organismes relativement à leur mi-
lieu.
e. Ce n'est absolument pas une raison suffisante pour accor-
der de la mobilité aux extrémités cylindraxiles ou protoplas-
miques comme le font MM. Lépine et Rabl Riickardt, et aux
deux à la fois comme le pense M. Duval parce que M. Widers-
heim ' a vu sous le microscope des mouvements considérables
des cellules du ganglion sus-œsophagien chez Leptodora liya-
lina; parce que M. Fleischl - a aperçu des mouvements de trans-
lation en totalité du noyau des cellules nerveuses sous l'in-
fluence de l'acide borique chez les grenouilles; parce que
M. Magini ' a vu de semblables phénomènes du noyau et des
nucléoles des cellules nerveuses du lobe électrique de la torpille
(1) Widershciui. Aitaloinisclier Auzeif/er, 1800, n" 23.
(2) Fleischl. ^V^rchow Medicin Jufirb., 1872.
(3) Maglui. Ardi. ilal. de Biologie, 189i, l. XXII, fiiso. 2.
AZOULAY. — PSYCHOLOGIE niSTOLOGIQUE 279
pendant les décharges de son organe électrique ; parce qu'enfin
M. Mann', aura constaté du ratatinement dans les noyaux des
cellules du sympathique après leur fatigue produite par des
commotions faradiques et que Nissl lui-même aurait démontré
cette mobilité par l'aspect différent des corps cellulaires ner-
veux, de même que Lugaro ^
D'abord ces mouvements appartiennent à la cellule et au
noyau et non aux terminaisons nerveuses, et puis, le fait le
plus important, celui de M. Widersheim n'est pas pur de tous
reproches.
f. Quant à comparer les cellules nerveuses à des amibes et
surtout à des leucocytes comme semble le faire M. Duval, et
quant à les supposer douées d'amœbisme parce qu'il existe dans
l'organisme supérieur des cellules, les leucocytes, capables de
tels mouvements, la biologie générale et l'évolution ne l'auto-
risent pas du tout, pensent certains auteurs. La cellule nerveuse
en effet, objectent MM. Renaut, Kolliker et Forel, quoique d'ori-
gine épithéliale, est trop évoluée dans l'échelle histologicjue et
surtout dans les vertébrés pour être comparée à ce qui reste de
mobile parmi les cellules, c'est-à-dire aux cellules épithéliales
vibratiles, à la libre musculaire et aux leucocytes.
Nous ne pensons pas de la sorte. Rien n'empêche les cellules
nerveuses, même chez l'homme, si cela est nécessaire à leur
fonction, d'avoir des extrémités mobiles, alors même qu'il n'en
serait pas ainsi chez des animaux inférieurs. — La fonction fait
l'organe, et la fonction naît de la nécessité d'adaptation au
milieu, cela aussi bien pour les éléments isolés des tissus,
que pour les tissus, les organes et les organismes qu'ils com-
posent. D'ailleurs ces derniers ne sont-ils pas la synthèse des
propriétés des premiers ?
La preuve que notre objection a une certaine valeur, que
l'idée d'évolution, telle qu'elle est conçue, est souvent erronée, et
que notre connaissance de la biologie générale est trop impar-
faite pour nous permettre encore des généralisations si auda-
cieuses, c'est qu'un esprit telque M. Cajal admet très bienl'amoe-
bisme ou plutôt la contractilité même chez l'homme, dans les
cellules névrogli<iues, cellules déjà passablement évoluées, et
qu'il fait une distinction très nette entre les rapports des élé-
(1) Journal of undtoimj and pln/sialof/y, 1894, vol. XXIX.
(2) Siillc iiiodificazioni délie cellule iiervose nei divcrsi slati funzionali
Lo Sperimenlale (scziuni biologica), anno XLIX, fasc. 2.
280 REVUES GÉNÉRALES
ments nerveux des chaînes sensorielles, et ceux des cellules ner-
veuses centrales ; il admet donc au point de vue fonctionnel
et structural une différence entre ces deux ordres d'organes
nerveux; c'est que pour lui il y a adaptation de la structure
à la fonction.
g. Et puis, même si on admet cet amo.'bisme des extrémités
nerveuses, comment sa lenteur serait-elle compatible avec la
vitesse extrême de tous les actes nerveux, surtout chez les ani-
maux supérieurs? De cette lenteur on a la preuve indirecte dans
les arguments mêmes de présomption fournis par MM. Duval
etLépine, puisque chez Leptodora hyalina, on peut suivre les
mouvements de ses cellules cérébrales et que les mouvements
des noyaux sont très lents. A cela on peut répondre qu'il peut
y avoir entre les cellules nerveuses des vertébrés et celles des
animaux inférieurs, entre le mouvement de leur corps et
noyaux et celui de leurs extrémités la même différence de
vitesse qu'entre la cellule musculaire lisse, si lente, et la cel-
lule musculaire striée si rapide, et, par suite, que les processus
nerveux psychiques et autres entre animaux inférieurs et supé-
rieurs peuvent avoir une différence de vitesse analogue et cor-
respondante.
h. Comment d'ailleurs penser, comme M. Lépine tacitement, et
après lui comme M. Duval, à expliquer des mouvements si hypo-
thétiques dans les extrémités nerveuses par des chimiotro-
pismes ? Pour admettre pareil mécanisme il faudrait que dans
les centres nerveux fût démontrée l'existence de substances
chimiques analogues aux produits de décomposition de cer-
tains tissus, ou des foyers microbiens (sécrétions microbiennes)
qui, attirant ou repoussant les leucocytes, déterminent leur
chimiotropisme positif ou négatif. M. Kùlliker, en faisant cette
objection, n'a vraisemblablement pas réfléchi qu'il n'y a pas de
fonction même normale, qui s'accomplisse sans produits de
décomposition et si la réalité de tels produits de décomposition
dans les centres nerveux et le cerveau n'était déjà prouvée par
la parcelle de chimie biologique que nous possédons, tous les
faits de la biologie plaideraient contre M. Kùlliker, et l'amœ-
bisme des extrémités nerveuses, par chimisme cellulaire,
coirune le veut M. Lépine, et par chimiotropisme, comme le
suggère M. Duval, ne sont pas ruinés tout à fait par l'objection
de M. Kùlliker.
Ce que l'on peut reprocher aux auteurs de ces théories, c'est
d'abord de n'avoir pas fait intervenir dans les causes mêmes de
AZOULAY. — PSYCUOLOGIE HISTOLOGIQUE 281
ramœbisme les phénomènes physiques corrélatifs des décompo-
sitions et recompositions chimiques, tels que différence variable
de potentiel électrique, de tension superficielle etc., etc., dans
les terminaisons nerveuses en contiguïté ou contact, suivant
létat de repos ou d'activité, et d'avoir négligé, la cause
même primordiale, originelle, ce je ne sais quoi appelé cou-
rant nerveux que le monde extérieur par ses impressions
incessantes ne cesse jamais de faire aller de la périphérie
aux centres, toujours prêt à faire fonctionner leurs cellules
dès que leur vitalité est suffisante par développement ou
reconstitution de leurs matériaux.
i). Toutes ces objections de fait et de présomption même écar-
tées, il en reste encore d'autres que la morphologie même des
cellules nerveuses soulève et auxquelles MM. Lépine et Duval
n'ont pas songé.
1" Les terminaisons cylindraxiles ne sont pas toutes mas-
sives, chargées en protoplasma, comme les plaques motrices,
les corbeilles du cervelet, du bulbe, etc. A cause de leur masse
protoplasmique on peut en effet accorder à celles-là la faculté
amœboïde, que M. Duval attribue indistinctement à toutes les
extrémités nerveuses. Il en est, — et dans les centres, et surtout
le cerveau, elles sont presque toutes ainsi, — qui se terminent
par une petite sphérule à peine deux à trois fois plus grosse que
le diamètre du filament cylindraxile, ayant lui tout au plus 1/10
ou 2/10 de \i. chez l'homme adulte, chez la souris, ou chez le
lapin. Un mouvement amœboïde à l'extrémité d'un fil si ténu!
ÎL" D'autre part, quantité de ces filaments minces semblent agir
non seulement par celte sphérule terminale, mais sur une lon-
gueur souvent considérable de leur trajet et presque dès que le
cylindraxe principal et les branches secondaires s'épanouissent
en arborisations, dépourvues de myéline ; par exemple : ces
plexus péricellulaires et les fibrilles des cellules à cylindraxe
court, sans compter que dans ces cas les filaments semblent être
en contact intime les uns avec les autres! L'amœbisme devrait
donc n'être plus limité aux extrémités, et alors on devrait conce-
voir une sorte de gonflement par exemple au passage du courant,
pour que le contact s'établisse, et cela dans un fil si réduit î
L'invraisemblance augmente. 3" Si, pour écarter cette invraisem-
blance, on admet la fixité de la plupart des terminaisons cylin-
draxiles, ce qui paraît bien vérifié par l'exemple des fibres grim-
pantes du cervelet, et qu'on suppose par contre l'amœbisme des
prolongements protoplasmiques en paraissant plus susceptible,
282 REVUES GÉNÉRALES
on se trouve en présence d'un obstacle, celui de la théorie
polaire des courants nerveux de M. Cajal. S'il est vrai que le
€0urant est cellulifuge dans les terminaisons eylindraxiles et
cellulipète dans les prolongements protoplasmiques dans les
centres comme dans les chaînes sensorielles, c'est alors aux
terminaisons eylindraxiles, fixes, grâce à leur courant cellu-
lifuge, à agir par influence sur les parties protoplasmiques
•contiguës, à les exciter par chimiotropisme ou tout autrement,
à venir à leur contact, pour recevoir le courant. Comment
expliquer, dans cette hypothèse, que le corps d'une cellule ner-
veuse enveloppée dans un plexus souvent très toufîu de fila-
ments minces, aille pousser un pseudopode à travers ce feu-
trage vers le filament, par exemple le plus extérieur, qui à un
moment donné est parcouru par un courant, à l'exclusion des
autres. Car il ne faut pas l'oublier, dans les centres nerveux
des animaux supérieurs, les filaments nerveux semblent
parfaitement spécialisés et agir isolément sur une ou plusieurs
cellules nerveuses. Cette action particulière des filaments ner-
veux correspond d'ailleurs au nombre considérable des faits
d'expérience emmagasinés dans les cellules centrales, à la pré-
cision de leurs sensations, de leur conscience et des mouve-
ments qu'elles incitent.
En somme, les difficultés sont tellement grandes et les hypo-
thèses s'accumulent si nombreuses et si compliquées que la
théorie de l'amœbisme qui paraît simple et expliquer facile-
ment les choses, devient, du moins dans l'état actuel de nos
connaissances et de notre intellect, de plus en plus inapplicable
à mesure qu'on essaie de l'adapter aux détails de la texture
nerveuse.
TllÉOniE MÉCANIQUE DES PHÉNOMÈNES rSYClIIOUES HASÉE SUR LA
MOBILITÉ DES CELLULES NEVROGLiQUEs. — Cette théoric , suscitéc
par celle de M. Duval, est due à M. Cajal. Elle est peut-être
plus valable que les précédentes ; elle s'appuie sur l'interpré-
tation (le faits d'observation; elle n'exclut pas la mobilité
d'autres éléments, celle démontrée des corps cellulaires ner-
veux, par exemple, comme facteur de la mutabilité psychique,
et en outre elle constitue un système presque complet de
psychologie mécanique.
M. Cajal est le premier à avoir soutenu que la névroglie avait
dans le tissu nerveux le rôle iVisolateur des courants; il lui
refusait les rôles d'éléments de nutrition ou de soutien qu'on lui
AZOULAY. — rSYCIIOLOGIE niSTOLOGIQUE 283
accordait. Survient une théorie mécanique de l'idéation fondée
sur l'amcibisme des prolongements protoplasmiques et cylin-
draxiles des cellules nerveuses. Lui qui a eu si souvent l'oc-
casion d'observer ces prolongements n'y a jamais vu la moindre
difTérence, que l'animal soit mort à l'état de repos ou d'activité,
que sa rétine ait été inondée de lumière ou plongée dans les
ténèbres. Il transporte alors l'idée d'amn?bisme qu'on lui suggère
et qui seule persiste après la critique, des cellules nerveuses
qui pour lui ne la possèdent pas, aux cellules névrogliques qu'il
a toujours dit être d'une grande importance, et voilà l'élément
isolateur, il y a un instant encore immobile, et toujours isola-
teur, qui, se contractant ou s'étendant, devient la source de la
pensée, des associations d'idées, de l'attention, du mouvement,
peut-être même de la volonté ou la cause du sommeil, du repos,
des paralysies, etc. Et l'on comprend ainsi pourquoi les auteurs
précédents n'ont pas pensé à amœbiser la cellule névroglique,
cette cellule roturière, ce bouche-trou ; et pourquoi M. Gajal,
la chérissant parce qu'elle l'avait déjà enrichi d'une idée neuve,
la proclame tout à coup la reine, et lui accorde le sceptre du
gouvernement nerveux.
Nous savons qu'il y a dans le système nerveux trois sortes
de cellules névrogliques, celles de la substance blanche à fila-
ments rayonnes rectilignes, celles de la substance grise à
branches subdivisées, pennées ou massives, les unes libres, les
autres adhérentes aux capillaires. (Voir fig. 62, 63, 64.)
Or, l'examen de la substance grise cérébrale, surtout des
régions où, d'après son opinion, se font avec le plus d'activité
les passages des courants, c'est-à-dire la zone moléculaire ou
de l'intricationdes panaches protoplasmiques des cellules pyra-
midales avec les lacis des fibres tangentielles, là l'examen des
préparations par la méthode de Golgi aurait révélé à M. Cajal
la présence de deux aspects fort différents de cellules névro-
gliques libres, reliées entre eux par tous les intermédiaires
possibles. Dans l'un de ses aspects, la cellule a un corps peu
volumineux; les branches étalées, divisées et subdivisées un
grand nombre de fois, sont duvetées et paraissent comme
pennées. Dans l'autre, le corps est plus volumineux, les
branches sont plus courtes et comme rétractées, moins sub-
divisées, noueuses et dépourvues de duvet. En voyant ces
deux aspects et leurs intermédiaires, il semble impossible de
ne pas concevoir qu'il s'agit d'une seule et même espèce de
cellule dans des états différents d'activité. Si l'on admet que
i8î
REVUES geni:rales
ces deux aspects puissent être produits par l'étal de contracti-
lité ou de repos du protoplasma, on acceptera sans peine que
le premier aspect correspond à l'état de relâchement ou de
repos de la cellule névroglique, et le second à l'état de con-
traction pendant lequel les appendices pennées rentrent
pour ainsi dire dans les prolongements plus gros, comme les
tentacules de l'escargot dans sa tête, et viennent les grossir
ainsi que le corps lui-même. Les cellules névrogliques seraient
en somme comparables aux cellules pigmentaires ou aux chro-
Fig. 67, 68, 69, 70. — Détails de structure de branches terminales appar-
tenant à des cellules névrogliques de la substance grise : Fig. 67, 68 et
70 de la couche moléculaire.
Fig. 67. — Branches correspondant à une cellule névruglique qui .serait
en plein repos, d'après la théorie de M. Cajal. Gross. 300.
Fig. 68. — La cellule de celte branche serait un peu rétractée. Gross. = 300.
Fig. 69. — Branche qui serait encore plus rétractée. On voit (jue les épines
sunt constituées de même sorte que celh's des prolongements proto-
plasmiques des neurones ou cellules nerveuses. Mais elles sont beau-
coup plus fines. Gross. 480.
Fig. 70. — Branche qui serait tout à fait rétractée. Elle est très épaisse,
couverte de boules, mais pourvue encore de nombreuses épines. Pour
nous cette cellule serait déjà en état de cadavérisation. Gross. 300.
matophores de la peau de certains animaux, cellules douées de
contractilité et qui étalent leurs appendices, au repos, et les
rétractent en se contractant.
Les cellules périvasculaires seraient aussi douées de contrac-
tilité; mais cette contractilité, M. Cajal ne l'attribue dans
ces cellules qu'aux pieds attachés aux parois vasculaires. (Cette
simple rej;narque suffit pour montrer l'apriorisme de l'idée.)
Si donc on admet la réalité de cette contractilité des cel-
lules névrogliques, on peut s'expliquer facilement, à l'aide des
deux aspects des cellules névrogliques qui en résultent, les
phénomènes psychiques de l'idéation, du sommeil, du rappel
d'un souvenir, etc.
AZOULAY. — PSYCHOLOGIE niSTOLOGTQUE 285
Supposons l'état de repos cérébral. Les cellules névrogliques
étant au repos aussi, ont tous leurs prolongements étalés, épa-
nouis. Les appendices pennés, qui jouent le rôle d'isolateurs
des éléments nerveux, sont interposés entre les terminaisons
cylindraxiles d'un neurone par exemple, et la partie protoplas-
miques d'un autre neurone. Le courant nerveux ne passe pas.
Sous l'influence de la volonté ou bien, moins souvent, d'une façon
automatique, les cellules névrogliques se contractent, leurs
duvets et leurs fines branches rentrent, comme les tentacules
de l'escargot, dans les branches plus importantes; aussitôt les
éléments cylindraxiles et protoplasmicjues se mettent en con-
tact, par l'effet de la simple pression inlracérébrale et le cou-
rant passe. Dès que l'action de la volonté cesse ou que l'auto-
matisme névroglique fait défaut, le duvet et les branches fines
de subdivision ressortent et, venant de nouveau s'intercaler
entre prolongements ou corps protoplasmiques et terminaisons
cylindraxiles, interrompent le courant.
Il ne faudrait pas croire que tout le système nerveux soit
soumis invariablement à ce jeu de rétraction et d'étalement des
cellules névrogliques. Il y a dans le système nerveux des par-
ties et des régions dans lesquelles les cellules névrogliques ne
jouent aucun rôle interrupteur. Dans ces parties, comme le sou-
tenait déjà Mauthner, en 1890, et avant lui Purkinje, le cou-
rant nerveux peut circuler toujours à l'état de veille ou de repos
central sans rencontrer le moindre duvet névroglique pour lui
barrer passage. Là, les cellules névrogliques n'auraient tout au
plus pour but que d'empêcher la diffusion des courants surtout
latéralement et par suite leur confusion. Ces parties sont les
organes et voies sensoriels jusques et y compris un certain
nombre d'articulations nerveuses intra-cérébrales précédant
l'articulation avec la cellule psychique ou pyramidale. Par
exemple, l'impression lumineuse peut, partant des cônes et
bâtonnets, parcourir les corps genouillés et parvenir au centre
visuel occipital sans risquer d'être arrêtée en route. Elle ne
peut être arrêtée qu'à la dernière étape au moment d'atteindre
la cellule psychique perceptrice, par l'interposition de quelque
cellule névroglique, que la volonté n'aura pas fait contracter.
€ette distinction dans le système nerveux de parties où le cou-
rant nerveux est tout à fait indépendant de la volonté et des par-
ties où il en dépend, est de la plus haute importance au point
-de vue de la psychologie et de la [)hysiologie, et elle pourrait
nous faire comprendre le pourquoi d'articulations nerveuses.
1:286 REVUES générales
que nulle cellule uévroglique ne peut interrompre, et sur
lesquelles la volonté ne peut rien, comme par exemple l'arti-
culation des fibres grimpantes et des cellules de Purkinje, celle
des cellules à cyliudraxe court et des grains du cervelet, celle
des plexus pcricellulaires dans les régions où les cellules ner-
veuses sont ordonnancées et où les cellules névrogliques sont
rares ou pauvres en appendices (olives bulbaires, grains de la
corne d'Ammon, etc.) ce qui suppose la nécessité absolue, et
peut-être permanente, des réactions qu'elles transmettent
(réflexes, respiration, etc.). Cela nous mettrait mieux sur la voie
des portions du système nerveux correspondant à telle ou
telle fonction.
A l'aide de cette théorie, le repos mental, le sommeil naturel
ou provoqué par des narcotiques ou la suggestion, s'explique
par interposition dans les articulations nerveuses des branches
isolantes étalées des cellules névrogliques, et leurs difTérents
degrés par le plus ou moins grand nombre de cellules psychi-
ques isolées, c'est-à-dire par le plus ou moins grand nombre de
cellules névrogliques étalées et par l'étalement plus ou moins
prononcé de leurs branches, car de là aussi dépend l'abondance
et l'intensité des passages de courants.
Le tour divers, et parfois insolite, des associations d'idées,
comme par exemple une impression visuelle qui détermine,
tantôt une sensation acoustique, tantôt une sensation gusta-
tive, tantôt nulle sensation, serait dû à des contractions névro-
gliques se faisant entre neurones ou groupes de neurones
n'ayant pas ordinairement de passage de courant.
Les idées aberrantes, les mots qui échappent seraient des cel-
lules névrogliques qui se contractent automatiquement.
L'obsession d'un souvenir, ce serait le passage du courant
d'une façon trop durable dans un neurone ou groupe de neu-
rones, réservoirs des images de ce souvenir, par suite de la
contraction tétanique des cellules névrogliques ordinairement
interposées.
La torpeur de la pensée et la difficulté du langage, la sus-
pension de la mémoire d'une idée oa d'une expression déter-
minée, c'est l'état d'étalement plus ou moins grand des cellules
névrogliques que la volonté n'a pas été à même de contracter
ou qui, trop paresseuses, ne se sont pas contractées d'elles-
mêmes.
Le rappel brusque d'une idée ou d'une expression, l'exaltation
de la pensée, ce serait l'obstacle subitement levé au passage du
AZOULAY. — PSYCHOLOGIE UISTOLOGIQUE 287
courant, la contraction brusque ou abondante des cellules
névrogliques correspondant aux neurones ou groupes de neu-
rones afférant à ces actes psychiques. Et ainsi pourraient être
élucidé le mécanisme des réactions motrices, conscientes ou vo-
lontaires, et d'autres phénomènes psychiques encore plus com-
pli«iués, etc., en se souvenant qu'à l'état de repos la névroglie
isole, et qu'à l'état de veille et de pensée, elle sert par ses con-
tractions et ses relâchements de commutateur pour l'édification
des différentes sortes d'idées, ou d'associations d'idées, des
mouvements volontaires. '
L'idée d'identité ' de deux objets par exemple naît de ce que
les cellules névrogliques contractées par des impressions iden-
tiques ont réveillé les images latentes dans les tnémes groupes
de cellules pyramidales (perceptions conscientes) ; pour le son,
cela est évident, la même note, abstraction faite des harmo-
niques qui suivent d'autres routes^, devant résider dans le
même amas de cellules corticales ; pour la vue cela semble a
priori bien hasardé, et il semble difficile de concevoir qu'un
grand carré par exemple puisse, comme un petit carré, exciter
les mêmes cellules névrogliques à laisser se réveiller les mêmes
cellules corticales qui renferment les images élémentaires du
carré. Cependant qu'on veuille se rappeler que, pour voir exac-
tement un objet quelconque, nous le plaçons invinciblement
par habitude à la même distance et en même situation, et par
suite ce seront les mêmes cônes ou les plus voisins, qui seront
impressionnés ; ils transmettront leurs courants aux mêmes
cellules corticales du centre visuel, qui seront réveillées par
la contraction des mêmes cellules névrogliques ; car il faut bien
le savoir, les centres cortico-sensoriels représentent une véri-
table projection amplifiée des surfaces sensibles, des organes
des sens, autrement dit : il existe dans les centres une véri-
table rétine, un véritable organe de Corti plus amples, que les
mêmes organes périphériques ; car, dans les centres à chaque
cône par exemple, correspondent plusieurs cellulespyramidales.
L'idée à' analogie serait due à ce que les cellules névrogliques
sous l'influence des impressions mettent en branle un nombre de
groupes de cellules pyramidales, communes aux deux sensations
ou images, proportionnel au degré de leur analogie.
(1) Nous avons couiLiué iri deux parties d'un mémoire de M. Clajal, et
nous devons avertir que M. Cajal na pus lui-même expli((ué les clioses
par le jeu des cellules névrogliques.
(2) Chacune d'elles celles de la note qui les parcourent.
288 REVUES GÉNÉRALES
L'idée de dissiiniliiude proviendrait du petit nombre de cel-
lules pyramidales communes excitées par la contraction névro-
glique, sous l'action de deux sensations ou images.
L'idée d'opposition serait le résultat du défaut complet de
coïncidence entre les groupes de cellules pyramidales actives
dans chaque perception. On pourrait encore, mais à litre de
soupçon dhypothèse, expliquer par le jeu des cellules névro-
gliques, les associations de lieu, de temps, d'analogie et de
contraste correspondant à tin même ordre de. sensations, en
supposant établi le contact entre les prolongements cylin-
draxiles et protoplasmiques de cellules pyramidales de la même
région cérébrale, tandis que les associations réalisées entre
images d'ordre sensoriel distinct (image gustative en évoquant
une visuelle ou inversement, etc.) seraient le produit d'un libre
courant né des cellules pyramidales d'un centre et transmis
à un autre centre par les cellules, dites d'association. On com-
prend ainsi qu'une seule perception ou une seule image d'ordre
sensoriel puisse rappeler toute la série compliquée des autres
images sensorielles.
L'attention. — Tous les phénomènes psychiques que nous
venons d'étudier à l'aide des mouvements de relâchement
et de contraction des cellules névrogliques libres sont variables
en intensité ; un des facteurs de cette intensité, c'est l'atten-
tion. Pour expliquer cette dernière M. Gajal fait appel à un
nouveau facteur, aux cellules névrogliques périvasculaires.
Les régions du cerveau où se fait plus spécialement le travail
cérébral relatif à une idée ou un groupe d'idées sur lesquelles
l'attention est portée, doivent subir une irrigation sanguine
d'autant plus abondante que le travail est plus actif, afin de
parer à l'usure des cellules actives. De l'état de repos à l'état de
travail cérébral intense il y a tous les degrés, auxquels doivent
correspondre de semblables degrés dans Tirrigation sanguine.
Faire varier cette irrigation, les capillaires cérébraux en sont
incapables puisque le sympatlii<iue ne les innerve pas. Amener
une irrigation exactement localisée au champ actif du cerveau,
les vaisseaux méningés mus par le vague en sont impuissants,
ils commandent de trop vastes domaines. A quoi donc peu-
vent servir ces cellules névrogliques fixées aux capillaires par
quelques-unes de leurs branches, et en si grand nombre qu'elles
semblent comme un ornement externe de chacune de leurs cel-
lules endothéliales ? Les cellules névrogliques libres peuvent
AZOULAY. — PSYCHOLOGIE HISTOLOGIQUE 289 •
avoir une conlractilité qui éluciderait bien des problèmes. Les
cellules névrogliques vasculaires pourraient aussi posséder cette
contractilité, et cela expliquerait peut-être les variations de
l'irrigation cérébrale. Supposons que, fixées par leurs corps, les
cellules contractent, sous Taclion de la volonté, le ou les pieds
attachés tout autour d'un capillaire ; celui-ci se dilate et admet
plus de sang ; il se fait une abondante transvasation de lymphe
dans la substance grise voisine et les cellules nerveuses travail-
lent davantage. Si les pieds se relâchent, le vaisseau revient
sur lui-même par la contractilité de son endothélium, l'irriga-
tion reprend son débit normal et le cerveau n'accorde plus
qu'une attention inconsciente aux idées ou même n'y est plus
attentif. Tous les degrés d'intensité, d'étendue de l'irrigation
seront possibles suivant le nombre des cellules névrogliques con-
tractées, et le degré de rétraction de leurs pieds. Grâce au jeu
des cellules périvasculaires la congestion sanguine pourra ainsi
atteindre toute la précision et la limitation qu'exige le mono-
idéisme de l'attention.
Critique. — Telle est la doctrine de psychologie mécanique
énoncée par M. Cajal. Elle n"a pour lui, il faut le dire, que la
valeur de toute hypothèse, celle d'ouvrir la voie à un nouveau
courant d'idées et à des recherches.
Nous allons cependant la soumettre à la critique *. Cette
théorie reconnaît pour bases : 1'^ que la névroglie agit dans le
système nerveux comme corps isolant ; 2'' qu'elle est douée
de contractilité; 3" que c'est la volonté la plupart du temps
qui la fait se contracter, parfois, un automatisme propre.
1'' La propriété isolante des éléments névrogliques n'est
encore qu'une hypothèse, ayant pour elle un certain nombre de
présomptions tirées surtout de la structure des organes senso-
riels (rétine, muqueuse olfactive, glomérules olfactifs, etc.),
et des organes centraux, dans les points où le corps cellulaire
nerveux et le cône d'origine du cylindraxe sont entourés de
cellules névrogli(iues (couche moléculaire cérébrale et céré-
belleuse (Cajalj, noyau denté du cervelet (Lugaro). Elle est,
malgré cela, aussi sujette à discussion que les théories anté-
rieures, n'ayant pour elles aucun fait de grande probabilité au
moins ; elle-même a besoin d'être étayée de nouveaux faits.
(1) M. le professeur Cajal, en réponse à une lettre où nous lui exposions
fpieliiucs objccti.ms, nous a développé plus explicitement sa théorie, en ce
'pii concerne surtout le l'acteur volonlé.
ANNÉK PSYCHOLOGIijUE. U. ' 19
290 REVCES GÉNÉRALES
2° Les dilTérents aspects des cellules névrogliques libres
imprégnées par la méthode de Golgi, desquels M. Gajal tire
l'hypothèse de leur contractilité, peuvent s'interpréter par
d'autres motifs. La plasticité de cet élément peu évolué et son
adaptation * parfaite aux éléments nerveux au milieu desquels
il vit, plaiderait contre la contractilité. Il suffit en effet de suivre
ses aspects différents à mesure qu'on s'éloigne de la pie-mère
vers la substance blanche cérébrale pour voir se succéder ses
variétés suivant qu'il baigne dans du tissu surtout cellulaire ou
surtout fibreux, à fibres myélinisées ou à fibre's fines, dans un
plexus serré ou lâche, etc. Les différences d'aspect pourraient
donc tenir à la situation.
Il semble difficile, mais non impossible, en outre, d'accorder
à de mêmes cellules la faculté d'avoir tout à la fois des branches
rétractées et des branches étalées cote à côte, comme cela se
voit fréquemment. D'ailleurs en observant avec de forts gros-
sissements les cellules dites rétractées, on constate qu'elles
aussi possèdent du duvet et de fines branches masquées souvent
par l'épaisseur des forts rameaux.
L'absence de duvet et les nodosités des branches dans les
cellules dites rétractées semble tenir un grand nombre de fois
à une imbibition trop forte de chromate d'argent, qui a chargé
les branches de grosses varicosités et dépôts aux dépens de fins
détails. En effet, on observe des cellules névrogliques dites : éta-
lées, pennées, pures, rouges, surtout en abondance dans les
préparations peu durcies, et dans les parties à peine pénétrées
de bichromate, blanches ou rouges ; et. au contraire, les
cellules dites rétractées, noires, variqueuses, se rencontrent
surtout en abondance vers la périphérie de la coupe et dans les
pièces très chargées de chromate d'argent. Le fait est surtout
évident pour les cellules névrogliques de la couche molécu-
laire du cervelet, parfois chargées de masses spongieuses
énormes, parfois presque glabres, et l'on peut expliquer la pré-
sence des deux aspects à la fois dans la môme coupe, à des
différences de densité et de durcissement du tissu nerveux, au
voisinage d'un capillaire, etc. Je ne cite que pour mémoire les
effets de la cadavérisalion sur les cellules névrogliques. Elles y
(I) Par adaplatidii, nous onlrndons ici le résultat ilu riiitlncnre du
môme luilion npissant sur les deux cellules nerveuses et iiévroyliques
dini'reuluieut ev(duées, de façon à leur donner un certain iu>uduc de
caractères communs. C'est ainsi ([u'il faudrait concevoir le iniinélisine.
par exemple.
AZOULAY. — PSYCHOLOGIE UISTOLOGIQUE 291
sont peut-être plus vite sensibles que les cellules nerveuses et
prennent alors l'aspect noueux, ramassé.
De toutes façons sur les souris qui avaient été l'une éthérisée
lentement pendant une heure et l'autre tenue en mouvement,
il ne m'a pas été possible de saisir de différence quant au
nombre des cellules dites rétractées ou pennées dans le cerveau ;
et quant au cervelet, les cellules avaient exactement même
acpect, les pièces ayant été traitées exactement de même.
Si l'on se refuse à admettre l'amœbisme des extrémités ner-
veuses qui pourtant n'exigerait, d'après la théorie, qu'une
mobilité presque invisible au microscope, comment pourrait-on
accepter la çontractilité des prolongements névrogliques qui
exigerait des déplacements atteignant 20, 30, 40 ;j. et même
davantage, si on s'en tient comme mesure à l'écart existant
entre les prolongements étendus et à demi rétractés? Il est
vrai que la cellule névroglique est une cellule épithélialeàpeine
différenciée. Mais cela suffîrait-il à lui donner pareille çontrac-
tilité?
Et comment concevoir le retour exact, à la même place, entre
prolongements cylindraxiles et partie protoplasmique des
cellules?
3*^ Enfin, grosse question, à quoi serait due la mise en œuvr&
de cette çontractilité? A la volonté la plupart du temps, répond
M. Cajal et parfois à l'automatisme propre des cellules névro-
gliques. C'est bien peu explicite. Si c'était l'automatisme tout
pur des cellules névrogliques qui réglât leur^eu, il faudrait le
supposer bien intelligent et placer du même coup le siège de
l'intelligence dans les cellules névroglii ues. Et comment agirait
cette volonté à qui M. Cajal attribue si grand rôle ? Serait-elle
propriété inhérente de la cellule névrogli<]ue, cellule nerveuse
arrêtée pendant son évolution? Ce serait bien singulier de voir
la cellule nerveuse vraie ainsi dépouillée d'une propriété qui lui
paraît si intime. Il faudrait ce semble interpréter le mot volonté
par le mot courant nerveux ou, comme le suppose M. Cajal, à
titre de pure hypothèse explicative, par une sorte d'excitation
dégageable de toutes les cellules nerveuses centrales, indépen-
dante de la fonction spéciale de chacune d'elles et qui, naissant
sous forme de produits chimiques ou de phénomènes physiques
(électrique, thermique ou inconnu encore) du neurone psychique
en travail d'idée, serait transmise par l'atmosphère cémcnlaire
environnant toutes ses parties, aux cellules névrogliques en
repos et isolantes. On comprendrait mieux alors le jeu des pro-
!i9:2 REVUES générales
longements névrogliques, au cas où il serait réel, par leur
rétraction plus ou moins brus({ue, plus ou moins étendue,
sous l'influence du courant nerveux qui voudrait traverser
l'articulation nervo-protoplasmique, ou sous l'influence de
l'excitation particulière dégagée par le neurone au moment où
il émet l'idée renfermée dans les molécules de son protoplasma.
Mais même alors le rôle de la névroglie, comme isolant, serait
à peu près nul ou superflu, puisque courant nerveux ou excita-
tion particulière ne se produisent qu'au moment du travail du
neurone, c'est-à-dire au moment où il reçoit ou transmet aux
autres neurones l'incitation à travailler de concert. La névro-
glie isolant des neurones qui ne pensent pas, la névroglie n'iso-
lant plus les neurones dès qu'ils pensent, cela ne semble-t-il pas
bien explétif? Ce serait tout juste si cette névroglie pourrait
servir à amortir les courants trop faibles pour déterminer sa
eontractilité et passer d'un neurone à l'autre.
Pour donner plus d'homogénéité à la théorie de M. Cajal et
à celles de ses prédécesseurs, il faudrait faire appel à des ques-
tions d'intensité de courant suivant la distance, suivant l'énergie
de l'impression extérieure ou centrale, comme M. Cajal l'avait
fait lui-même si brillamment pour l'explication de l'amplitude
du réflexe sensitivo-moteur ou médullaire, et encore à bien
d'autres conditions anatomiques, à la myéline par exemple,
que les auteurs négligent totalement, et dont l'histogenèse,
ontogénique et philogénique, dans les centres surtout, semble
si en rapport avec la localisation et la perfection de tous actes
physiologiques ; il faudrait recourir à bien d'autres conditions
physiologiques, dont les combinaisons nous sont tout à fait
inconnues. C'est pourquoi M. Kolliker, dont la critique était
antérieure à la théorie de M. Cajal, préfère s'en tenir, pour le
fonctionnement du système nerveux, à l'hypothèse toute simple,
admise par à peu près tout le monde, sans amœbisme, ni
contractiliié d'aucun élément, de l'activilé physico-chi?nique
variable des neurones tout entiers, à qui sans conteste sont dé-
volus les phénomènes psychiques de perception, de conscience,
de volonté, de mémoire, de pensée, de sommeil, etc., phéno-
mènes modifiés encore par le trajet parcouru par le courant
nerveux, l'exercice, l'habitude, etc.
Ainsi tout ce roman psychologique pourrait nous faire avouer,
en terminant, ([uelastructure du système nerveux parneurones
indépendants et seulement contigus, ou en contact, si elle ne
semblait prouvée, n'aurait pas plus éclairé, jusqu'à présent, le
AZOULAY. — PSYCUOLOGIE HISTOLOGIQUE 203
mécanisme des phénomènes psychiques que ne l'a fait la théorie
ancienne de la continuité. Comment n'en serait-il pas ainsi
quand les aventureux de la science, acculés par la pauvreté
actuelle de nos documents et de nos conceptions, mais trop
désireux d'imaginer l'inconnaissable, consciemment ou incons-
ciemment négligent de tenir compte de la loi fondamentale de
ioute méthode et de toute science, c'est qu'un phénomène si
insignifiant soit-il, est le résultat de la combinaison variable
d'un nombre, souvent inconcevable, d'inconnues variables elles
aussi. C'est ce que l'on oublie trop souvent, en science natu-
relle surtout; de là ces théories forcées, exclusives, et par
suite foncièrement fausses. Confessons pourtant un progrès
vraiment important dans la logique scientifique : tous les auteurs
de ces hypothèses ne leur accordent que la valeur d'une idée,
capable d'en réveiller d'autres et surtout de tourner les esprits
vers de nouveaux buts. A vérifier leur réalité les chercheurs
feraient-ils cependant, et comme presque toujours, de toutes
autres découvertes, n'y aurait-il pas là de quoi excuser et même
applaudir ce côté artistique de la science?
D"" AzOULAY.
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:294 REVUES GÉNÉRALES
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J. Demoor. — Communication au S*" congrès international de
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discuter plus à fond cette communication.
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dungs théorie. Neurologisches Gentralblatt, 1894, n'"^ 2 et o.
— L'auteur dit simplement que la théorie amœboïde n'est ni
invraisemblable ni impossible.
II
REVUE GÉNÉRALE SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU
Plus de soixante années se sont écoulées depuis les premières
recherches de E. II. Weber sur le sens du lieu de la peau ;
pendant ce temps les expériences de Weber ont été refaites
maintes fois ; on a modifié les méthodes ; sous l'influence de
Fechner on a cherché à obtenir des mesures précises en em-
ployant la méthode des cas vrais et faux ; on a étudié le sens du
lieu de la peau dans difTérentes conditions, en excitant la peau,
en produisant une anémie ou une hyperémie artificielle, en
échauffant ou en refroidissant la peau, enfin en absorbant des
substances narcotiques ; d'autres auteurs ont étudié le sens du
lieu chez les enfants, chez les aveugles, chez les femmes enceintes
et enfin chez les malades. A côté de ces recherches expéri-
mentales nombreuses nous voyons toute une série d'études
théoriques qui se développent, qui se critiquent les unes les
autres et qui cherchent à expliquer d'une part les différences
du sens du lieu des différentes parties de la peau et de l'autre
le mécanisme de la localisation ou projection externe des sen-
sations tactiles ; parmi les auteurs, les uns cherchent l'expli-
cation dans la structure anatomique soit de la périphérie, soit
des centres nerveux ; d'autres attribuent à la structure anato-
mique un rôle secondaire et admettent que des processus
psychiques jouent le rôle principal ; quelques-uns cherchent
à synthétiser les deux points de vue en disant que c'est la
réunion de la structure anatomirjue avec les processus psychi-
ques qui explique la localisation des sensations tactiles. De
même encore nous sommes en présence d'une série de théories
relativement au développement et à la genèse du sens du lieu
de la peau ; les uns admettent que l'enfant à sa naissance a
déjà l'idée du lieu où tel contact siège, d'autres le nient et
296 REVUES GÉNÉRALES
affirment que ce n'est que par expérience que l'enfant acquiert
la localisation des sensations tactiles ; enfin quelques-uns
cherchent à former une théorie moyenne. En somme nous
avons devant nous d'une part une quantité énorme de maté-
riaux expérimentaux et d'autre part toute une série d'études
théoriques les plus diverses.
Il n'est pas facile de présenter une revue générale de toutes
ces recherches. Les parcourir dans l'ordre chronologique, dire
pour chacune ce qu'elle contient, serait bien long, et de plus
une pareille énumération ne permettrait pas de se former une
idée d'ensemble des études expérimentales et théoriques, les
travaux sur des sujets analogues se trouveraient séparés par
d'autres bien différents ; j'essaierai donc de présenter les diffé-
rentes recherches dans un ordre logique ; dans la première
partie de ce travail, je parlerai des recherches expérimentales
faites d'une part sur l'homme normal dans les conditions nor-
males et dans des conditions artificielles, de l'autre sur les
malades.
Dans la deuxième partie je passerai en revue les théories
proposées pour expliquer les différences dans le sens du lieu
pour différentes parties de la peau et puis celles proposées
pour expliquer la localisation des sensations tactiles ; je ne
parlerai pas des théories sur la formation de l'espace tactile,
ceci nous entraînerait trop loin, parce qu'on serait obligé
d'exposer les théories d'un grand nombre de philosophes.
Enfin je donnerai à la fin une bibliographie aussi complète
que possible des recherches sur le sens du lieu de la peau.
ETUDES EXPERIMENTALES
Il faut d'abord bien préciser ce que l'on doit entendre par
sens du lieu de la peau, et comment on l'étudié; il le faut
d'autant plus que peu d'auteurs prennent ce soin et ils con-
fondent deux processus psychiques qui doivent être, croyons-
nous, séparés l'un de l'autre.
Lorsque quelqu'un touche un point de peau, si le contact
est assez fort et si nous y prêtons attention, nous sentons
d'une part ce qu'on peut appeler la nature du contact, nous
disons : « 11 est fort ou faible, il est froid, chaud ou indif-
V. HENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU ^91
férent, il entre dans la peau (lorsqu'il est sur une partie molle
de la peau), ou il rencontre une résistance (lorsqu'il est sur
la saillie d'un os par exemple), » etc.; d'autre part nous savons
de suite sur quelle partie de notre corps le contact a lieu.
nous disons : « Il est sur la main gauche face dorsale, ou sur
l'avant-bras droit près du coude face interne, etc., etc. ; »
nous localisons le contact sur notre corps ; analysons de plus
près ce processus de localisation : un contact étant produit sur
un point de notre corps, nous rapportons ce contact à une cer-
taine partie de notre corps.
ho. première question qui se pose est La suivante : le point de
notre corps auquel nous rapportons le contact produit corres-
pond-il bien au point touché ? Si, par exemple, le point touché
est le milieu de la face dorsale de la première phalange du
médius main gauche, le point où nous croyons sentir le contact
se trouve-t-il aussi sur le milieu de la première phalange du
médius main gauche ou bien en est-il différemment, et dans
ce cas quelle est la différence entre le point touché et le point
de la peau où nous croyons être touché ?
Plus cette différence sera faible, plus, pourra-t-on dire, la
précison de la localisation des sensations tactiles est grande ;
cette précision est ce que l'on appelle la finesse de la localisa-
tion des sensations tactiles ; nous ne disons pas finesse du sens
du lieu de la peau, parce que cela pourrait entraîner des
malentendus.
Il faut donc déterminer le point de la peau où on croit que
le contact a lieu ; ici se présente une difficulté : en effet, com-
ment déterminer ce point? Examinons de plus près comment
se fait la localisation d'un contact : un point étant touché, nous
le rapportons à un point de notre corps, nous pouvons donc
ou bien décrire avec des mots la partie où se trouve le point
touché, ou bien nous représenter visuellement cette partie, ou
enfin toucher avec le doigt le point que nous croyons être touché ;
ceci peut être fait soit en regardant la peau, soit en détournant
ou en fermant les yeux ; tels sont les différents moyens que
nous employons pour déterminer le lieu où un contact est pro-
duit*. Il faut, croyons-nous, distinguer ces.différentes méthodes
de localisation d'un contact, l'erreur de localisation sera diffé-
rente suivant qu'on emploie l'une ou l'autre de ces méthodes.
(I) Voir, polir plus de dofails, noire travail snr la localisation des sen-
sations tactiles. Année pfii/ch., H.
!298 REVUES GÉNÉRALES
En somme, lorsqu'on parle de la finesse, ou précision, de la
localisation des sensations tactiles, il faut bien préciser par quel
moyen la localisation est produite, on ne doit pas parler de
finesse de localisation en général ; il faut l'étudier séparément
pour chaque moyen de localisation. Nous ne connaissons aucun
auteur qui ait porté l'attention sur cette distinction que nous
croyons être capitale.
La deuxième question qu'on doit se poser est la suivante :
un point de la peau est touché, nous lui attribuons un certain
point de notre corps; si on touche un autre point voisin du pre-
mier, rapporterons-nous ce deuxième point à un point différent
de notre corps ou bien le rapporterons-nous au même point
que pour le premier? En d'autres termes, ce deuxième point
nous semblerat-il être ou non au mêrae endroit que le premier ?
Il faut d'abord déterminer comment on touche les deux points
de la peau : on peut, en effet : 1° les toucher simultanément,
2° les toucher successiveiiient en mettant un intervalle plus ou
moins long entre les deux contacts ; de plus, on peut s'arranger
de façon à ce que les deux contacts soient de nature identique,
ou bien qu'ils soient différents : l'un plus fort que l'autre,
l'un froid ou chaud, l'autre indifférent, etc., etc.
Pour chacun do ces cas, la question est donc de déterminer, "^
en employant des écarts différents des deux points touchés,
si on rapporte tous les deux points au même endroit de la peau
ou bien si on les rapporte à deux endroits différents de la
peau, et dans ce dernier cas dans quel rapport se trouve la dis-
tance des deux endroits oii on rapporte les points à la distance
des points touchés.
L'expérience démontre que pour chaque portion de la peau
il existe une limite au-dessous de laquelle les deux points
sembleront être au même endroit; plus cette limite sera faible,
plus on pourra dire que la finesse du sens du lieu de la peau
est grande ; nous croyons qu'il faudrait réserver le terme sens
du lieu de la peau à la faculté de pouvoir distinguer les endroits
de deux contacts voisins.
On voit que, dans cette deuxième question, nous n'avons pas
parlé de l'endroit où on croit que le contact a lieu, nous n'avons
pas eu besoin de nous demander si le point de la peau où on
croit que le contact a lieu correspond bien au point louché ; on
pourrait très bien faire des erreurs considérables dans la locali-
sation des contacts et pourtant avoir un sens du lieu de la peau
très fin ; nous verrons des exemples de ce genre dans la suite-
9i
V. UENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU 299
Pourtant il existe très peu d'auteurs qui remarquent la dllFé-
rence entre la première question et la deuxième, la plupart les
confondent complètement, et affirment même que la plus petite
distance de deux points de la peau qui sont perçus comme
deux points, c'est-à-dire la finesse du sens du lieu, donne une
mesure de l'erreur maximum qu'on peut commettre en locali-
sant le contact d'un point de la peau ; tels sont par exemple
E.-H. Weber, Wundt, etc., etc. Nous verrons dans la suite que
la finesse du sens du lieu et la précision de la localisation ne
vont pas parallèlement et peuvent être dans une très large
mesure indépendantes l'une de l'autre. Les auteurs qui ont
insisté sur la distinction entre la localisation des sensations
tactiles [Ortssinn) et le sens du lieu de la peau {Raumsinn) sont
Aubert et Kammler^. H. Hoffmann-, 3Iubius^, 11. Barth^ et
enfin un certain nombre de neurologistes qui par la pratique
ont été amenés à faire cette distinction. (V. bibliographie des
cas anormaux.)
Enfin une troisième question qui doit être étudiée est la per-
ception des formes et des mouvements avec la peau. Lorsqu'on
pose une ligne droite ou courbe ou bien lorsqu'on pose une
figure quelconque sur notre peau, que percevons-nous, quelle
est la ligne minimum nécessaire pour que nous percevions une
ligne ? Même question pour les figures. De même encore com-
ment percevons-nous le mouvement d"un point sur notre peau,
comment percevons-nous la vitesse, l'amplitude et la forme
décrite? Toutes ces questions ont encore été bien peu étudiées,
nous donnerons dans la suite les résultats acquis.
1" Individus normaux. — Nous passerons en revue les études
expérimentales faites sur le sens du lieu de la peau et sur la
localisation des sensations tactiles chez les individus normaux,
c'est-à-dire ceux qui ne présentent pas de sensibilité tactile
anormale ; nous y joindrons les aveugles ; dans la deuxième
partie nous étudierons le sens du lieu chez les malades nerveux.
Voici le plan général que nous suivrons dans cette première
partie :
(1) Aubert. u. Kaniniler. Uiit. iib. d. Druck u. Ramiisin/t dca lluul. Mol,
Int. z. Nul. d. Mensch., V, 1858, p. 174.
(2) II. Iluffmann. Slereof/noilii-c/ie Versi/c/œ. {Disaerl., Strassburg, 1883.
(3) Mobius. Allyein. Dia!/iiotili/c d. Xeiveit/n-ank/ieUen. Leipzig, 1886.
(4) lîartli. Etudes sur le seus du lieu de la peau. (En russe.) Disserl. Dor-
300 REVUES GÉNÉRALES
a. Etudes du sens du lieu pa7' le contact simultané de deux
2)oints de la peau :
Etudes dans les conditions normales chez les adultes ;
méthodes psychophysiques employées; résultats; rapports
entre le sens du lieu et la motilité du membre ; variations indi-
viduelles ; inlluence de l'exercice, et de la fatigue ; inlluence
de l'intensité des contacts et de leur qualité ; sens du lieu en
rapport avec les points sensoriels de la peau.
Etudes sur le sens du lieu chez les enfants, les' typographes
et les aveugles.
Etude de l'influence de différentes conditions artificielles :
tension de la peau, grossesse, influence des narcotiques, de
difl"érents médicaments, de l'anémie, de l'hyperémie, du refroi-
dissement, de l'échauflement, de l't/xcitation de la peau.
b. Eludes sur le sens du lieu par le contact successif de
deux points de la peau.
c. Etudes sur la localisation des sensations tactiles.
d. Perception de lignes, de figures et de mouvements avec
la peau.
Dans cette revue nous ne nous contenterons Das d'énoncer les
résultats obtenus, nous apporterons à Tappui toujours des
chiffres et des figures ; les résultats principaux seront écrits en
italiques; enfin on ne doit pas s'attendre à y trouver pour tel
mémoire spécial tout ce qu'il contient, nous nous attachons
surtout à donner un résumé détaillé de tout ce qui a été fait
sur le sens du lieu. Les chiffres mis à côté des noms indiquent
les numéros de la bibliograpliie.
a) Etudes sur le sens du lieu par le contact simultané de
deux points de la peau.
Conditions normales, adultes. — Nous avons vu précédem-
ment quel était le problème à résoudre : déterminer pour diffé-
rentes parties de la peau quelle doit être la distance minimum
de deux points pour qu'étant touchés simultanément on per-
çoive deux points ; cette distance minimum mesure la finesse
du sens du lieu pour la partie correspondante de la peau.
C'est à E.-H. Weber qu'on doit cette méthode et les pre-
mières recherches sur le sens du lieu de la peau ; en 1829 il
publia ses premières recherches où il annonçait que lorsqu'on
louche deux points voisins de la peau on ne perçoit deux points
que si la distance dépasse une certaine limite; cette limite est
différente pour les différentes parties de la peau : « Varia'
V. HENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU
301
partes organi lactus virtute duo corpora, a quibus uno eodem-
que tempore adtinguntur, distincte sentiendi non eodem gradu
pollent. » {Annot. phijs., p. 47.)
Examinons d'abord quelles sont les méthodes qui ont été
employées pour déterminer en un endroit de la peau la dis-
tance minimum en question.
Weber touchait la peau avec deux pointes émoussées d'un
compas ; le sujet qui avait les yeux fermés devait dire chaque
fois ce qu'il percevait ; nous remarquons que le sujet devait
décrire complètement ce qu'il percevait, il ne se contentait pas
de dire « un point i ou « deux points » ; il disait si les deux
points étaient distincts, dans quelle direction ils étaient, ou
bien s'ils étaient à peine différents l'un de l'autre ; ceci est
intéressant à noter puisque depuis Weber presque personne
n'a employé cette méthode d'interrogations détaillées, qui est la
seule, croyons-nous, pouvant conduire à des résultats exacts et
intéressants. Nous reproduisons comme exemple un extrait des
tables nombreuses publiées par Weber dans son premier travail.
GRADU s DISTINCTION IS
<è
duorum punctorum
cuti impressorum
PARTES CORPORIS
duobus simili
<"5
Circino horizontali
Circino perpendiculari
circini crucibus
r- Ç
linea posita.
linea posila.
lactie.
■X =
- '- — i^ — — -
— ^1^ ^— ^- — -
z.
Duo puncta
Situs
Duopuiula
.">itus
z.
dislincta.
pei'cei)tLis.
disUncla.
percepUis.
Brachium mé-
dium siiperf.
poster, etanter.
12
non dist.
non percept.
non dist.
non percept.
Locus idem . .
14
n. satis d.
obscure.
id.
id.
• •
16
dislincta
perceptus.
id.
id.
18
claredist.
clare perc.
id.
id.
— —
22
id.
id.
id.
id.
— —
30
n. ubique
non ul)ique
— —
36
id.
id.
~~ ~~ . .
42
dislincta.
perceptus.
Anlibrachii su-
perf. voiar. ma-
iiui proxima .
9
satis dist.
salis perc.
non dist.
non percept.
Locus idem . .
10
dislincta.
perceptus
id.
id.
''~~ • •
12
id.
id.
n. ubique
non ubique
, .
14
claredist.
clare perc.
dislincta.
perceptus.
Les chiffres du tableau précédent indiquent les distances des
30:2 REVUES GÉNÉRALES
deux pointes en lignes (1 ligne = 2'""'.2o); par direction
horizontale on entend les directions horizontales sur le corps en
supposant qu'on soit debout, c'est donc la direction transverse
du bras. On voit déjà par le tableau précédent combien les
termes varient ; nous trouvons en efTet les suivants : « Non dis-
tincta, obscure distincta, non satis distincta, non satis clare
distincta, distincta, clare distincta, satis distincta. per clare
distincta, » et de même pour la perception de la direction dans
laquelle les deux points semblent être.
Weber n'employait pas de règle spéciale pour rechercher la
limite, il variait irrégulièrement la distance et cherchait cette
limite par tâtonnement ; il employait une méthode irrégiilière.
C'est Lichlenfels (18) qui le premier employa une méthode de
détermination régulière, lamét/iodedes variations minima; on
touche la peau avec les deux pointes d'un compas en commen-
tant par des distances très faibles qu'on augmente successive-
ment jusqu'à ce qu'on arrive à la perception nette de deux
points, on marque la distance des points correspondante, soit
di ; puis on touche avec deux pointes éloignées perçues claire-
ment comme deux points, et on diminue successivement la
distance jusqu'à ce qu'on arrive à la limite où on ne perçoit plus
deux points, soit d.^ cette limite ; la valeur adoptée est !a
moyenne arithmétique -^i — -. Depuis, cette méthode a été
adoptée par un grand nombre d'auteurs. Elle présente des avan-
tages et des inconvénients ; en effet on n'a pas dans cette mé-
thode de phénomènes de contraste d'une expérience à l'autre i\m
peuvent être nuisibles dans la méthode irrégulière; mais
d'autre part le sujet peut très facilement être suggestionné ; il
faudrait, croyons-nous, disposer les expériences de façon que le
sujet ne sut absolument rien de la méthode employée, il ne
doit pas savoir si on travaille par la méthode irrégulière ou
parla méthode des variations minima ou par une autre; ce
n'est que dans ce cas qu'on peut obtenir des résultats indé-
pendants de toute suggestion; si au contraire, comme cela
arrive dans la grande majorité des travaux, le sujet sait qu'on
travaille [)ar la méthode des variations minima, il pourra très
facilement être suggestionné, il sera amené involontairement à
donner des réponses qui suivent un ordre régulier, il se dira en
effet : puisque la distance des pointes augmente régulièrement
d'une expérience à l'autre, la sensation devra aussi passer régu-
lièrement de la sensation d'un point à celle de deux points ;
cette conclusion paraît toute naturelle et est admise par tous
V. UENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE Lk PEAU
303
les auteurs sans discussion aucune ; pourtant lorsqu'on étudie
le sens du lieu en procédant de façon que le sujet ne sache
absolument rien sur la méthode employée, il arrive très sou-
vent, comme nous avons pu nous en convaincre en faisant des
expériences avec M. Taioney sur deux personnes, que lorsqu'on
augmente successivement la distance des pointes d'une expé-
rience à l'autre, les réponses jne suivent nullement un ordre
régulier ; nous donnons quelques exemples à l'appui :
Dislances
•
Réponses.
0 mm. .
1 point, très clag:.
3 — .
. 1 — très clair.
6 — .
1 — très clair.
9 — .
1 — très clair.
12 — .
I — très clair.
Ib — .
1 — très clair.
18 — .
1 — très clair.
21 — . .
1 — très clair.
24 — .
1 — très clair.
27 — .
1 — très clair.
30 — .
2 points tout près l'un de l'autre, distance per
eue 1 mm.
33 — .
1 point un peu obtus.
36 — .
2 points, très clairs à une distance de 15 mm.
39 — . .
1 point, très clair.
42 — .
2 points voisins.
45, — .
2 — à lo mm., très clairs.
48 — .
1 point, très clair.
51 — .
2 points voisins.
54 — .
2 — à 15 mm.
57 — .
2 — à l cm.
60 — .
2 — à 2 cm.
Nous ne voulons pas affirmer que de pareilles irrégularités
doivent toujours se produire, nous nous bornons à indiquer ici
une question nouvelle consistant à étudier si dans le cas de la
perception de deux points sur la peau la sensation varie paral-
lèlement à la variation de la distance des points touchés.
Lorsque le sujet sait qu'on travaille avec la méthode des
variations mininia on obtient bien une limite à partir de
laquelle on commence apercevoir deux points, mais il faut être
très prudent et ne jamais oublier que cette limite trouvée l'a
été par la méthode des variations minima et que de plus le
sujet savait qu'on travaillait avec cette méthode.
304 RKVUES GÉNÉRALES
La méthode des variations minima ne permet pas d'obtenir
de déterminations précises, elle donne des valeurs plus ou
moins approchées ; c'est qu'en réalité il n'existe pas de limite
bien déterminée et telle qu'au-dessous d'elle on sente un point
et au-dessus deux points; le passage delà sensation de un point
à celle de deux points se fait par beaucoup de stades : on sent
un point, puis un point un peu allongé, puis une sensation
indéfinie qui n'est ni un point ni deux points, c'est comme le
contact avec un corps obtus allongé, puis on commence à sentir
deux points tout près l'un de l'autre sans pouvoir en indiquer
la direction, puis deux points plus éloignés, etc. Cette zone de
passage de un point à deux points est de grandeur difTérente
sur différents endroits de la peau ; beaucoup d'auteurs depuis
Weber ont porté leur attention, sur ce passage successif; on ne
sait pas où mettre le limite en question ; est-ce au moment oii
on ne perçoit plus un point, ou bien là où on perçoit deux
points à peine distants, ou enfin là où on perçoit deux points
distinctement et où on peut indiquer la direction de la ligne
qui lesjoint ?Voilàdes questionsque les auteurs se sontposées;
il fallait trouver une nouvelle méthode de détermination qui
permit de comparer avec plus de précision entre eux le sens du
lieu de différentes parties de la peau; celte méthode a été
appelée par Fiero7'cZ^, qui l'indiqua le premier, méthode des cas
vrais et faux.
Arrêtons-nous donc un peu sur cette méthode. Voici le prin-
cipe sur le(iuel elle est fondée : supposons qu'on veuille compa-
rer le sens du lieu pour deux parties de la peau chez un même
individu, par exemple sur la lèvre supérieure et sur le front ; on
veut donc déterminer dans quel rapport se trouve la faculté de
pouvoir percevoir deux points voisins de la peau sur le front et
sur la lèvre supérieure.
On choisit d'avance un certain nombre de distances pour
chacune de ces parties, on tient certainement compte dans le
choix de ces distances des valeurs de la limite trouvée par la
méthode de Weber. Supposons donc qu'on prenne sept dis-
tances pour chacune de ces parties et ces distances sont pour
la lèvre ' : 1""" ; :i"'"\25 ; 3"^-,4 ; 4"'"',5 ; 6"'"',8 ; 9"'-" ; i3™"',o;
pour le front: 6,8 ; 9 ; 11,2 ; 13,o ; lo,8 ; 18; 22,5""".
On touche la peau avec chacune de ces distances et le sujet
(1) Nous cuiiHiiiildiis les cliillres au tr.iv.iil i\r A. Ricker (43) ; coiiaue il
mesure les flistances par îles lignes, il avait pris des chiffres ronds que
nous avons traduits eu iiiilliuiélres (1 ligne = 2""",25).
V. HENRI.
SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU
30?
doit répondre s'il sent un point ou deux points ; on fait avec
chacune de ces distances un grand nombre d'expériences, 100
par exemple, on trouve ainsi que pour chaque distance, sur
100 expériences, il y en a eu un certain nombre où le sujet a
perçu un point, il y en a eu quelques-unes où il a perçu deux
points, enfin dans quelques expériences il était incertain.
Voici par exemple les résultats de ces différents cas rapportés
à 100 expériences :
LEVRE SUPERIEURE
Ilislance.
3 4mm
4^5mm
6,8™-"
Onim
13,0'°"
points.
1). 100
4,3
43,2
91,6
100
100
100
100
1 poiiil.
|). 100
93,1
53,1
8,4
Incertain.
p. 100
2,6
3,7
Distance.
6,8'""'
Qmm
13,5'"'"
15,8""'»
Igmm
FRONT
l)oiuls.
p. 100
22
57,4
88,6
92,0
96
98,5
100
1 point.
p. 100
68,0
36,4
11,4
5,4
2,0
Incertain.
p 100
10
6,2
3,6
2.0
1,5
Ceci veut dire que si on provoque sur la lèvre supérieure le
contact avec deux points distants de 2™™, 25 par exemple, le
sujet dans 43,2 p. 100 de cas perçoit deux points, dans 53,1
p. 100 il ne perçoit qu'un point et, dans 3,7 p. 100 des cas, il
est incertain.
Mais cette détermination n'indique pas encore le rapport de
la sensibilité de la lèvre et du front ; il faut faire une hypothèse
qui a été avancée par Vierordt et ses élèves ; d'après cette hypo-
thèse, le rapport des sensibilités sera égal au rapport des dis-
tances qui donnent lieu à un même nombre relatif de cas vrais ;
on entend par cas vrais les cas où le sujet a senti deux points ;
ainsi si nous choisissons une distance quelconque sur le front,
gmm p^j. exemple, nous avons vu qu'il y a eu 57,4 p. 100 de
cas vrais (où le sujet avait senti deux points) ; nous devons
donc chercher une distance qui sur la lèvre donnerait lieu aussi
à 57,4 p. 100 de cas vrais : soit d cette distance ; on dira par
hypothèse que la sensibilité du front est à celle de la lèvre
comme 9 est à tZ ; il faut donc chercher la valeur de d. Pour
le faire, on se sert de l'interpollation graphique, c'est-à-dire on
porte sur l'abscisse les distances en millimètres (1 ; 2,25 ; 3,4. . .
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 20
306
REVUES GÉNÉRALES
et sur les ordonnées correspondantes, les nombres en p. 100
des réponses vraies.
On obtient ainsi une courbe comme celle de la figure 71 ; cette
courbe permet de savoir pour toute distance que l'on veut
combien de cas vrais on devrait obtenir et inversement pour
un nombre quelconque de cas vrais quelle devrait être la dis-
tance correspondante. Ainsi, dans le cas présent, nous devons
savoir quelle distance donnerait lieu sur la lèvre à 57,4 p. 100
de cas vrais; nous traçons l'abscisse du point o7, 4 qui coupe la
courbe au point A, ce point correspond à la division 2,3 environ
de l'abscisse ; par conséquent, le sens du lieu du front se rap-
lOO-
<■ "*
20-
€0-
£0-
40-
3C-
20-
10-
Û
5 6 7 8 9
Fiff. 71.
10 11 12 li
porte à celui de la lèvre supérieure comme 9 à 2,5. Tel est en
principe le procédé employé par Vierordt.
Il s'est pourtant présenté une difficulté qui a obligé Vierordt
à avoir recours à un artifice ; la difficulté est la suivante : nous
avons pris pour comparer la finesse du sens du lieu comme
point de départ une distance qui sur le front donnait lieu
à 57,4 p. 100 de cas vrais et nous avons trouvé le rapport
— ; si nous avions pris comme point de départ une autre
valeur, par exemple 13""", 5 qui sur le front donne lieu à 92 p. 100
de cas vrais, aurions-nous obtenu le même rapport? On trouve
que la valeur du rapport varie suivant qu'on choisit l'un ou
l'autre des cas ; il faut donc choisir des valeurs spéciales.
Vierordt détermine au moyen de la courbe pour chaque partie
de la peau des distances qui doivent donner lieu à 5 p. 100,
10 p. 100, lo p. 100, 20 p. 100,... 95 p. 100, 100 p. 100 de cas
vrais. Ceci établi, il fait la somme des distances correspon-
V. HENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU 307
dant aux nombres 2o p. 100, 30 p. 100, 3o p. 100, 40 p. 100,
45 p. 100..., 95 p. 100, 100 p. 100 de cas vrais ; pour la lèvre
supérieure cette somme est égale à 46,3 ; pour le front elle est
égale à 159,8 ; le rapport de la finesse du sens du lieu sur le
front à celle sur la lèvre sera, d'après l'admission de Vierordt,
égale à -^^ . C'est cette méthode qui a été employée par Vie-
rordt et ses nombreux élèves : Koltenkampf et Ullrich (42),
Riecker (43), Pauhis (4o), Hartmann (46), Schimpf (119).
On voit qu'elle nécessite un très grand nombre d'expériences.
Une autre méthode 'expérimentation et de groupement des
résultats a été propo^ par Fechner\{^<ô) et G.-E. Mïdler (69).
Nous avons montré 'p.uS haut que Vierordt, pour déterminer
la distance des points qui doit donner lieu à un certain nombre
de cas vrais, se servait de la méthode graphique, et pour pou-
voir s'en servir, il devait déterminer pour chaque partie de la
peau le nombre de cas vrais obtenus avec plusieurs distances
différentes ; Fechner s'est demandé s'il n'était pas possible de
déterminer la distance correspondant à un certain nombre de
cas vrais par le calcul ; on chercherait expérimentalement pour
chaque partie de la peau les nombres de différentes réponses
pour une ou deux distances seulement et en se basant sur ces
résultats, on calculerait par une formule les distances corres-
pondantes à un nombre déterminé de cas vrais ; si une pareille
méthode était possible, on n'aurait pas à faire un nombre aussi
considérable d'expériences, comme cela est nécessaire dans le
procédé de Vierordt.
Prenons de nouveau un exemple, il nous permettra peut-être
d'expliquer clairement les principes sur lesquels Fechner et
Mûller basent leurs formules et la manière dont on les applique.
Nous ne pourrons pas être complets : d'une part, cela prendrait
trop de place et puis cela nécessiterait l'emploi de mathéma-
tiques supérieures, que nous chercherons à éviter.
Supposons donc de nouveau qu'on veuille comparer la sensi-
bilité du front à celle de la lèvre supérieure et supposons qu'on
ait trouvé que sur la lèvre supérieure le contact de deux points
à une distance de 2"'">,2o a été senti 43, i2 fois p. 100 comme
deux points ; 53,1 p. 100 comme un point et 3,7 p. 100 incer-
tain ; que pour la distance des pointes égale à 3""", 4 on ait
obtenu 91,6 p. 100 fois réponses, de deux points et 8,4 p. 100 ré-
ponses d'un point. De même sur le front pour 6""", 8 on a obtenu
22 p. 100 fois deux points, 68 p. 100 fois un point et 10 p. 100
incertain, et pour 11""", 2 on a eu 88,6 p. 100 fois deux points
308 REVUES GÉNÉRALES
et 11,4 p. 100 fois un point. Le problème à résoudre est le sui-
vant : si on prend sur la lèvre une distance a, trouver sur le
front la distance b équivalente, c'est-à-dire telle que le nombre
de cas vrais obtenus avec b sur le front soit égal au nombre de
cas vrais obtenus sur la lèvre avec la distance a. Il faut donc
trouver une formule qui relie la distance des points D au
nombre de cas vrais r. Millier est arrivé à une formule par un
raisonnement théorique, Fechner a procédé surtout par tâton-
nement; les deux formules sont du reste presque identiques et
la différence entre les deux auteurs consiste en ce que MiïUer
attribue une signification bien déterminée aux constantes qui
entrent dans la formule, tandis que Fechner ne s'en occupe
pas.
Voici le raisonnement suivi par Millier : il suppose que dans
le courant d'une série d'expériences le seuil du sens du lieu
(c'est-à-dire la limite de la dislance de 2 points à peine percep-
tible) varie d'une expérience à l'autre sous l'influence de diffé-
rentes causes étrangères (manque d'attention, fatigue, exercice,
etc., etc.) ; soit S la valeur moyenne de toutes les valeurs que
le seuil prend dans le courant d'une série d'expériences, et
désignons par o les écarts des seuils, dans les expériences iso-
lées, de la valeur moyenne S; c'est-à-dire lorsque, par exemple,
dans la première expérience la valeur du seuil est Sj, dans la
deuxième S., etc., la différence S — S, sera l'écart dans la pre-
mière expérience, S — Sj l'écart dans la deuxième, etc. ; S est
une désignation générale d'un quelconque de ces écarts. SoitD
la distance des points de la peau qu'on touche ; on sentira
deux points lorsque cette distance D sera supérieure à la valeur
du seuil dans cette expérience ; si on fait un grand nombre de
fois l'expérience avec la même distance D, comme le seuil varie
d'une expérience à l'autre, le nombre de cas vrais (c'est-à-dire
où le sujet percevra deux points) sera égal au nombre d'expé-
riences dans lesquelles D a été supérieur au seuil ; il faut donc
déterminer le nombre d'expériences dans lesquelles D sera
supérieur au seuil. Puisque dans une expérience quelconque le
seuil est égal à S ±: ^ (il peut être suit supérieur, soit inférieur
au seuil moyen S) ; on aura une réponse vraie (deux points)
toutes les fois que D sera supérieur à S ±: o. Si D est supérieur
à S, il sera supérieur à S ± ô d'abord dans toutes les expé-
riences oîi le seuil sera inférieur au seuil moyen, ces expé-
riences correspondent au signe inférieur ; et de plus dans toutes
jes expériences oii le seuil ne dépassera pas le seuil moyen de
V. UENRI. — SUR LE SE\S DU LIEU DE LA PEAU 309
plus de la valeur D — S (en effet, si o est supérieur à D — S,
D sera inférieur à S + 8). Ici il faut faire une hypothèse sur la
manière dont o varie ; Mûller suppose que 0 varie d'après la loi
des erreurs de Gauss ; d'après cette loi, la probabilité pour
qu'une erreur (ou un écart) soit comprise entre 0 et 0 + do est
égale à
JLe-''''dl (A)
dans cette formule h est une constante appelée constante de
précision, - est le rapport de la circonférence au diamètre
= 3,141o, e est la base des logarithmes naturels = 2,7182, en-
fin dû représente une fraction très faible de 0 ; la formule (A)
montre que la probabilité est la même pour une même valeur
de 0 lorsqu'elle est négative ou positive, c'est-à-dire le nombre
des écarts négatifs sera égal au nombre des écarts positifs ; il
en résulte donc que dans la moitié des expériences l'écart 0 sera
négatif, c'est-à-dire le seuil sera inférieur au seuil moyen S ;
dans cette moitié des expériences D sera supérieur au seuil et
on aura des cas vrais ; mais on aura aussi des cas vrais lorsque
l'écart 6 étant positif ne dépassera pas la différence D — S ;
quel est le nombre de ces cas ? La probabilité pour qu'un écart
soit compris entre 0 et 0 -1- rfS est égale, par hypothèse, à A,
donc le nombre probable d'expériences dans lesquelles l'écart
sera compris entre 5 et 0 + dô sera n. A où n est le nombre
total d'expériences faites avec la distance D. Pour avoir le
nombre probable d'expériences dans lesquelles l'écart sera
compris entre 0 et D — S, il faudra partager l'intervalle de 0 à
D — S en un grand nombre d'intervalles pareils à l'intervalle 8,
0 H- dû, puis déterminer pour chacun de ces intervalles le
nombre d'expériences correspondant et enfin faire la somme
de ces différents nombres d'expériences, cette somme sera
égale à :
71. [somme de A pour 0 variant de 0 à D — S] (B.)
La quantité entre parenthèses est appelée l'intégrale définie
de A entre les limites 0 et D - S.
Par conséquent, le nombre de cas vrais, c'est-à-dire le nombre
d'expériences où le seuil ne dépassera pas le seuil moyen S de
plus de la valeur D — S est égal à :
r = — -+- n. [somme de A pour 6 variant de 0 à D — S].
et par conséquent le rapport des cas vrais au nombre total
d'expériences sera égal à :
>• 1
TT — ~r + [somme de A pour ô variant de 0 à I) — S]... (G.)
310 REVUES GÉNÉRALES
Millier pose pour faciliter les calculs :
h {D — S) = ^, c'est-à-dire < n= A D — hS, nous rappelons
que h est une certaine constante, le produit AS est désigné par
une lettre K, nous avons donc en définitive ^ = A D — K.
On peut calculer par la formule (C) les valeurs de — qui
correspondent aux différentes valeurs de t, on a ainsi une table
qui permet de trouver pour toute valeur de / la valeur de —
correspondante et inversement.
Nous ne pouvons pas entrer dans les détails relativement à
la formule de Fechner, celle de Mûller nous a déjà retenu
bien longuement ; Fechner est arrivé à sa formule par tâtonne-
ment, il a essayé un certain nombre de formules, les a véri-
fiées sur les expériences de Vierordt avec ses élèves et de
Camerer, les a remaniées et est arrivé à la fin à une formule
presque identique à celle de Mûller, sauf la seule différence
qu'il pose t — h D -\- K.
Ceci étant, revenons à notre problème initial. On a déterminé
le nombre de cas vrais pour le front et pour la lèvre corres-
pondants à deux valeurs de D pour chacune des parties. La
table de la formule (G) que l'on trouve chez Fechner (96 p. 206)
donne les valeurs correspondantes de A D -i- K ou de /, ce qui
est la même chose ; soient ti et t^ ces valeurs pour le front, on
a /, = A D, -i- K.
/j = A Dj -t- K où D, et D, sont les deux distances avec les-
quelles on a expérimenté, elles sont 6""", 8 et il"'"\2 dans le
cas présent.
Des deux formules précédentes on déduit en retranchant :
/., — ti = h (0-2 — D,) et par conséquent A ■= -J^ _ p ; en subs-
tituant dans l'une des formules cette valeur de A on a pour
déterminer K la formule : K = ;, — A D,. Il suffira donc de
faire les expériences avec deux distances seulement pour déter-
miner les constantes A et K ; ceci étant, on pourra, pour toute
valeur de D que l'on veut, calculer le nombre de cas vrais qu'on
devrait obtenir et inversement pour un nombre de cas vrais,
donné, calculer la distance D correspondante. En effet, si on
veut calculer combien de cas vrais on obtiendra pour une dis-
tance a, on a ^ — h a -\- K, or A et K sont connus ; par consé-
quent, on calculera t. dans la table on cherchera la valeur de r
correspondante, elle indiquera le nombre de cas vrais.
Faisons le calcul dans le cas présent ; nous avons :
D, = 6,8; D, = 11,2;
r, - 22 ; r, = 88,6.
V. HENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU 3H
La table donne les valeurs correspondantes de /, qui sont :
f, = 0,608: h = 1,343;
par conséquent h = ^^Z i)' =^ 0,17,
Donc on a K = /, — h. D, = — 0,oo.
Cherchons combien on doit obtenir de cas vrais lorsqu'on
touche le front avec deux points à une distance de 9 milli-
mètres ; nous avons :
t=h. a-^K= 0,17 X 9 — 0,55 = 0,98 ;
dans la table nous trouvons qu'à cette valeur de t correspond
une valeur de r égale à 67 p. 100, donc on devrait obtenir avec
la distance 9 millimètres 67 p. 100 de cas vrais ; nous avons
vu que l'expérience a donné seulement 57, 4 p. 100, il y a une
divergence, mais elle tient à ce que les expériences de Riecker
que nous avons prises pour exemple n'ont pas été faites avec
toutes les précautions nécessaires; si on fait les calculs en
prenant pour exemple les expériences de Gamerer on est étonné
de la parfaite concordance entre la formule et les résultats
expérimentaux.
Si nous appelons ^, et K, les constantes pour la lèvre supé-
rieure déterminées de la même façon que pour le front, nous
pourrons calculer quelle est la distance b sur la lèvre équivalente
à la distance a sur le front; en effet, les nombres de cas vrais
correspondant à a et à b doivent être égaux, donc les valeurs
de ï = /i a -h K et ^ = A, 6 -+- K, seront égales ; on aura donc
en égalant : /« a H- K = Aj & -i- K,, et il est facile d'en déduire
le rapport ~ = j^ h - — ^~^ ' • ... ( D). Cette formule montre que
le rapport des sensibilités n'est pas une valeur constante, il
varie avec la distance choisie pour comparer les deux parties
de la peau ; c'est ce que Vierordt avait trouvé par expérience.
La formule de Fechner et celle de Mûller aussi montrent que
le sens du lieu sur une jmrtie de la peau dépend de deux cons-
tantei< h et K ; ces constantes caractérisent la sensibilité de la
partie de la peau et pour les déterminer il suffit d'étudier,
comment se comportent les réponses pour deux distances seu-
lement.
On voit que, dans cette détermination de la sensibilité d'une
partie de la peau, il n'est plus question ni de seuil, ni de limite
à partir de laquelle on commence à sentir deux points, la sen-
sibilité est déterminée lorsqu'on a calculé les deux constantes
h et K. Il est vrai que Millier ne se contente pas de cette déter-
mination, il va plus loin et affirme que le rapport ~j- est égal
au seuil moyen S; mais la possibilité d'une pareille conclusion
312 REVUES GÉNÉRALES
est bien douteuse ; tant qu'il s'agit de formules d'inlerpollatiou
qui servent à traduire les résultats expérimentaux et à dispenser
d'une perte de temps inutile, comme dans la formule de
Fechner, on ne peut rien opposer du tout ; tandis que contre des
raisonnements théoriques comme celui de Mûller on peut
émettre bien des doutes si toutes les suppositions sur la varia-
tion du seuil pendant une série d'expériences sont bien exactes.
Nous nous sommes arrêtés aussi longuement sur le dévelop-
pement de cette formule parce que nous ne connaissons aucun
traité de psychologie où ces points soient exposes en détail sans
l'emploi de formules mathématiques compliquées qui effrayent
bien des lecteurs peu familiers avec les mathématiques ; pour
plus de détails relativement aux probabilités nous renvoyons à
notre étude sur le calcul des probabilités en psychologie. Nous
mettons à la fin de cette revue sur le sens du lieu un extrait de
la table de Fechner qui indique les valeurs de t correspondant
aux différentes valeurs de r.
Yne difficulté s'est présentée dans l'application pratique de
celte méthode des cas vrais et faux : si on fait un grand nombre
d'expériences toujours avec une même distance, on peut craindre
que le sujet à la fin s'en apercevra, il prêtera moins son atten-
tion et les résultats seront troublés; pour se convaincre que le
sujet prête bien son attention à toutes les expériences, pour le
contrôler, Vierordt a proposé d'intercaler dans les expériences
faites avec une certaine distance des expériences où on ne tou-
cherait qu'avec une seule pointe; c'est ce que l'on appelle des
« Vexirversuche y.
Camerer (94) et puis Fechner (96) ont discuté cette méthode
et ils sont arrivés au résultat que l'intercalation de pareilles
« expériences de contrôle » modifie les résultats, puisqu'il y a
.un effet de contraste entre le contact avec une pointe et les
contacts avec deux pointes ; il faut donc, d'après ces auteurs,
faire des séries d'expériences avec une même distance sans
intercaler d'expériences de contrôle.
Enfin une question encore a préoccupé les psychophysiciens :
que doit savoir le sujet des expériences qu'on fait sur lui ? Ne
doit-il savoir rien du tout {umcissentliches Yerfahren), ou bien
doit-il savoir la méthode générale suivie sans savoir la distance
employée [halbivissentliches T.), ou enfin doit-il tout savoir?
Camerer a fait des expériences comparatives avec ces trois
procédés et il conclut que les meilleurs résultats sont obtenus
lorsque le sujet sait tout.
V. UENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU 313
Il nous reste enfin une quatrième méthode qui a été em-
ployée par quelques auteurs pour comparer entre elles les
finesses du sens du lieu de deux parties de la peau, c'est la
méthode des équivalents. Quelques indications approximatives
sur cette méthode se trouvent chez. 1. -11'. Volkmann (lO)et chez
Weber (1), mais elle a été employée pour la première fois par
Fechner^ et Camerer. Voici son principe : on veut comparer
la sensibilité de deux parties de la peau, du front et de la lèvre
par exemple, on touche l'une d'elles avec deux pointes dont la
distance est supérieure au seuil, qui sont par conséquent per-
çues comme deux points; supposons qu'on touche la lèvre avec
une distance de o millimètres; ceci étant, on touche le front
avec deux pointes et on cherche une distance qui produirait
une sensation de deux points dont la distance semblerait être
égale à la distance des points sur la lèvre, soit 8™, 3 la distance
correspondante ; on dira que les distances équivalentes sur la
lèvre et sur le front sont 5 et 8,3 et le rapport des sensibilités
sera par définition égal à -4- .
Cette méthode a été rarement appliquée; elle a donné des
résultats intéressants :
1° Le rapport des distances équivalentes varie avec la gran-
deur des distances choisies ; ainsi à la distance 5 millimètres
sur la lèvre correspond une distance 8,3 -sur le front, à une
distance de 10 millimètres sur la lèvre ne correspondra pas une
distance de 16""", 6 sur le front, mais une distance moindre, de
13'"", o. A mesure que les distances augmentent, le rapport se
rapproche de l'unité.
2" Lorsqu'on prend trois parties de la peau : le front, la
lèvre et le dos de la main, on choisit une distance sur la lèvre,
de o millimètres par exemple, on cherche les distances équiva-
lentes sur le front et sur la main : soient F et M ces distances;
si ensuite on touche la main a^ec une distance M et le front
avec une distance F, ces deux dislances ne sembleront pas être
égales entre elles, ceci semble paradoxal; on a en effet deux
distances F et M qui semblent être égales à une troisième L,
mais qui ne semblent pas être égales entre elles.
Cette question devrait être étudiée de nouveau ; Camerer l'a
signalée, a donné quelques chiffres, mais il n'a pas pu en
donner l'explication ; nous croyons qu'il faudrait reprendre la
question en prenant l'observation interne du sujet; il devrait
(1) Fechner. /\//rA„////y.s;/,-, t. 11. 18G0.
314 REVUES GÉNÉRALES
dire comment il compare entre elles les distances des points;
ce n'est qu'en recueillant ces observations qu'on pourra espérer
d'avoir une explication exacte de ce phénomène curieux.
Nous avons terminé l'exposition des méthodes employées
dans la détermination de la finesse du sens du lieu de la peau.
On se demandera quelle est donc la méthode qu'il faut employer
dans la détermination de la finesse du sens du lieu? Ceci dépend
du problème qu'on se pose : si on veut déterminer approxima-
tivement chez une personne la limite à partir de laquelle elle
perçoit deux points, on emploiera la méthode des variations
minima en contrôlant ensuite les résultats trouvés par la
méthode irrégulière ; si au contraire on s'attache à avoir des
comparaisons aussi précises que possible entre les sensibilités
de deux parties de la peau, on se servira de la méthode des cas
vrais et faux, mais dans ce cas il faut se rappeler qu'on n'aura
pas à parler du seuil (ou limite), on déterminera pour chaque
partie de la peau les constantes h et k qui caractérisent la sen-
sibilité de cette portion comme nous l'avons indiqué plus haut.
Résultats obtenus. — Le premier résultat, que nous avons
déjà signalé plus haut, est que la distance minimum de deux
points qui sont encore sentis comme deux points est différente
sur les différentes 2^arties de la peau; elle est la plus faible sur
la pointe de la langue ( = 1 millimètre) sur les lèvres (4,3 milli-
mètres) et sur les bouts des doigts, elle est la plus grande
sur le dos, sur la cuisse et sur le bras. Nous donnons ci-après
une table qui contient les résultats obtenus par dilTérents
auteurs.
Pointe de la langue l,t mm.
Face palmaire de la troisième phalange des doigts. 2,2 —
Bord rouge des lèvres 4,5 —
Face palmaire de la deuxième phalange .... 4,5 —
Face dorsale de la troisième phalange 0,7 —
Bout du nez 0,7 —
Face palmaire de la lêle des métacarpiens ... 0,7 —
Ligne médiane du dos et des bords de la langue
à 2 mm. de la pointe 9,0 —
Bord cutané des lèvres 9,0 —
Métacarpe du pouce 9,0 —
Face plantaire de la deuxième phalange du gros
orteil 11,2 —
Dos de la deuxième phalange des doigts . ... 11,2 —
Joue 11,2 -
V. HENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU 315
mm.
Paupières 11,2
Voûte palatine 13,5 —
Partie antérieure de l'os malaire lo,7 —
Face plantaire du métatarsien du pouce .... 15,7 —
Face dorsale de la première phalange 15,7 —
Face dorsale de la tête du métacarpe 18,0 —
Face interne des lèvres 20,3 —
Partie postérieure de l'os malaire 22,5 —
Partie inférieure du front 22,5 —
Partie postérieure du talon 22,5 —
Partie inférieure de l'occipital 27,0 —
Dos de la main 31,5 —
Cou sous le menton 33,7 —
Vertex 33,7 —
Genou 36,0 —
Sacrum 40,5 —
Fesses 40,5 —
Avant-bras 40,5 —
Jambe 40,5 —
Dos du pied 40,5 —
Sternum 45,4 —
Nuque 54,1 —
Dos 54,1 —
Cuisse et bras 67,6 —
Nous avons emprunté le tableau précédent à la Physiologie
de M. Beaunis (t. II, p. 584).
Les mêmes résultats, sauf quelques divergences numériques
insignifiantes, sont représentés dans la figure 72*, qui repré-
sente la sensibilité de tout le corps (ligne pleine) et puis celle
de dilTérents points de la main et du bras (ligne ponctuée).
Un deuxième résultat, signalé aussi par Weber et étudié
ensuite par beaucoup d'auteurs, est que sur les membres du
C07JJS la limite de la distance des deux points est inférieure
dans le sens transverse au membre que dans le sens longitu-
dinal. Cette différence se remarque surtout sur le bras et moins
sur la jambe.
Un troisième résultat qu'on trouve aussi chez "Weber et qui
depuis a été souvent vérifié est que lorsqu'on touche deux
points d'une })artie de la peau la distance de ces points semblera
être d'autant plus faible que la finesse du sens du lieu de cette
portion de la peau sera faible ; pour l'illustrer, Weber a fait
(1) Celte figure est prise de la pliysi()l(jgie de Vicrordt, 5* éd., 1877, p. 344.
316
REVUES GÉNÉRALES
une expérience très élégante que chacun peut facilement véri-
fier sur soi-même :
On prend un compas, on l'ouvre de façon que les pointes
soient distantes d'environ 15 millimètres l'une de l'autre, et on
les déplace sur la main à partir des bouts des doigts jusqu'au
coude, de façon que les pointes du compas décrivent les deux
droites parallèles AC, BD ; il semblera, d'après la sensation.
Fk
que les pointes ne vont nullement parallèlement, mais décri-
vent deux lignes convergentes qui, sur l'avant-bras, se confon-
dent, comme cela est représenté sur la figure 73, par les traits
pleins xVBE.
Une expérience analogue peut être répétée sur la tète : on
déplace deux pointes d'une joue à l'autre en passant par les
lèvres, elles sembleront, d'après la sensation, décrire les deux
arcs de courbe abc et adc ((ig. 74).
C'est sur ce résultat que la méthode des équivalents a été
basée ; dans cette méthode, on doit chercher pour deux parties
de la peau les distances qui sembleront être égales entre elles.
Les expériences les plus nombreuses par cette méthode ont été
faites par Camerer (95), il a comparé entre elles différentes
parties de la peau, et puis, dans une même portion, il a com-
paré la perception des distances dans des directions diffé-
V. HENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU 317
reiltes. Donnons, pour illustrer, quelques exemples : on a à
comparer le fronl à la lèvre, on touche le front avec deux
pointes à une distance de 9 millimètres par exemple, puis on
touche la lèvre avec deux pointes et on cherche la distance
qui donne lieu à la sensation de deux points également
distants entre eux que les points sur le front ; la distance
trouvée est 5™'", 4 : le rapport de la sensibilité du front à
celle de la lèvre pour une distance de 9 millimètres sera
égal à j^ .
Voici quelques résultats que nous empruntons à Camerer :
Front
pour une dist.de 9'"°^ =1,67; p. 1 S'"™ = 1,36.
— — " 9""" =1,02; p. 18'"'" = 0,97.
— — 1'"" = 1,050;
— — 2'"™,2 = l,05o;
— — 3"i'",3 = 1,044;
— — 4">"',o = 1,033;
— — 5°»"S6 = 1,029;
— — 6"'°S7 = 1,024;
— — 9'°'" r= l,0i7;p. 18™-"= 1,04D.
— — 9"ii^ = 1,138 ; p. 18"!'"= 1,20.
o. u ;°""'" , ,. — — 9""« = l,o05:p. 18'"m = l,189.
3*= priai, (lu médius ^ r ^
dorsal
Expliquons par un exemple ce que ces chiffres représentent :
prenons le rapport ^"^ ^^ ^^ """" , le tableau montre que si on
touche le dos de la main avec deux pointes distantes de 9 mil-
limètres et qu'on touche la paume de la main avec une
distance égale à j-^ millimètres, il semblera que les deux dis-
tances sont égales ; si on touche le dos de la main avec une
distance de 18 millimètres, il faudra toucher la paume avec
une distance de ^û^ millimètres pour que les deux distances
paraissent égales entre elles.
Les chiffres précédents montrent que le rapport d'équivalence
pour deux parties de la peau varie avec la distance des points
qu'on choisit ; en général, il se rapproche de l'unité, c'est-à-
dire qu'à mesure que les distances augmentent, les différentes
Lèvre
Front
Doï
de la main
Lèvre
T- phal. l'ace dorsale
id.
id.
id.
id.
id.
Dos
de la main
Paume
Dos
de la main
3« pha
1. face dorsale
Paume
:-iiK ,
REVUES GENERALES
AB
parties de la peau tendent à percevoir avec la même précision
les distances des points.
Un autre résultat trouvé par Camerer et que nous avons déjà
signalé est que si, pour trois parties de la peau A, B et G on
détermine pour une distance prise sur B celles qui lui sont
équivalentes sur A et sur G, si ensuite on compare entre elles
ces dernières distances sur A et sur G, elles ne paraîtront pas
être égales entre elles. Ainsi, l'expérience montre qu'une dis-
tance sur le dos de la main de 9 millimètres
paraît égale à une distance de 8""°, 8 sur la
paume et à une distance de 7'"™, 8 sur la troi-
sième phalange du médius face dorsale ; si on
compare entre elles la distance de 8'"™, 8 sur la
paume et de 7"'"\8 sur la troisième phalange,
il semblera que cette dernière est plus grande
que la distance de 8"^™, 8 sur la paume, et si on
cherche les distances équivalentes, on trouve
qu'à une distance de 8-"'",8 sur la paume corres-
pond une distance de 6 millimètres sur la troi-
sième phalange.
Nous signalons encore un résultat qu'on trouve
aussi chez Weber, c'est que si on déplace un
peu les deux pointes avec
UJ I lesquelles on touche la
' peau on perçoit plus clai-
rement deux points que
dans le cas oie les pointes
Fig. 13, 74. sont immobiles.
On n'a pas fait de dé-
terminations quantitatives sur les différences de limites
lorsque les pointes sont immobiles ou lorsqu'elles sont dépla-
cées. Mais il a été fait un travail, celui de A. Stem (87), où
l'auteur a employé une nouvelle méthode pour mesurer la
finesse du sens du lieu : il trace sur la pulpe de l'index avec
les deux pointes deux traits parallèles, le sujet doit dire s'il
pcn^^oit un trait ou deux traits. L'auteur n'a pas remarqué lui-
même que c'était une méthode nouvelle différente de celle de
Weber, et il ne s'arrête pas sur la comparaison des résultais
obtenus par cette méthode avec ceux obtenus par la méthode
de Weber; mais les nombres qu'il donne indiquent qu'en géné-
i-al la distance limite des traits est inférieure à la distance
limite des deux points. Ce serait, peut-être, une bonne méthode
.«frx'
CED
V. HENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU 310
pour l'élude comparative du sens du lieu, il faudrait la com-
parer aux autres méthodes connues.
Nous arrivons maintenant à un résultat très important
trouvé par Vierordt (47 et 48) et qui porte le nom de loi de
yierordt : la finesse du sens du lieu d'une jjfo'tie de la peau
est d'autant plus développée que cette partie est plus mobile.
Pour s'en convaincre , nous renvoyons à la figure 72, qui
représente graphiquement les sensibilités des difîérentes par-
ties de la peau ; si on prend, par exemple, le bras et la main,
on voit que la ligne pointillée monte continuellement à partir
de l'extrémité des doigts jusqu'à l'épaule; la même chose a lieu
encore pour la jambe et la tête ; plus un membre est mobile,
plus le sens du lieu sur ce membre est développé. Cette loi a
été vérifiée pour toutes les parties du corps par les nombreux
élèves de Vierordt. Mais, de plus, on a fait aussi une contre-
épreuve de la loi, on a étudié si l'immobilisation très prolongée
d'un membre entraînait avec elle une modification du sens du
lieu de la partie immobilisée ; telles sont les expériences de
E. Schimpf (119) sur un individu qui, ayant une ankylose du
genou, a, pendant vingt ans, la jambe gauche immobile dans
le genou, le sens du lieu sur la jambe gauche dans la région
du genou est moins développé que le sens du lieu des mêmes
régions sur la jambe droite; telles sont encore les expériences
de Krohn (101 j faites sur un professeur de gymnastique qui,
ayant eu l'avant-bras gauche fracturé, a eu l'avant-bras com-
plètement immobilisé dans un appareil plâtré ; après trois
mois d'immobilisation, Krohn étudie le sens du lieu et le
trouve bien moins développé sur l'avant-bras gauche que sur
l'avant-bras droit, les différences sont très considérables ; en
effet, les distances minima sont pour l'avant-bras gauche
53 millimètres, pour le droit "20 millimètres; pour une autre
partie du bras gauche 7o millimètres, droit 17 millimètres.
Différences individuelles. — Valent iti (7) en 1840 ayant
refait les expériences de Weber sur 6 personnes a trouvé qu'il
y avait des différences individuelles très considérables, mais
•que chez chaque individu le rapport du sens du lieu de diffé-
rentes parties de la peau était le même ; depuis on a très peu
étudié les différences individuelles dans le sens du lieu, ce
n'est que dans ces dernières années que Lombroso 120) avec
ses élèves a étudié le sens du lieu chez les femmes et les crimi-
nels, puis Gallon (100) a fait une élude comparative sur les
320 REVUES GÉNÉRALES
hommes et les femmes, Dehn (70) a étudié le sens du lieu chez
les hommes et les femmes de différentes classes, enfin A. Stem
(87) a étudié le sens du lieu chez les hommes et les femmes,
de même que sur les enfants, les aveugles et les typographes ;
des résultats de ces dernières recherches nous parlerons plus
loin.
Les auteurs qui ont étudié la sensibilité comparative des
hommes et des femmes ne s'accordent pas entre eux, les uns
[Lomhroso) affirment que les femmes ont une sensibilité moins
développée que celle de l'homme et construisent des hypo-
thèses d'après lesquelles cela doit être ainsi ; d'autres {Gallon)
trouvent au contraire que les femmes sont plus sensibles que
les hommes ; le rapport de sensibilité de la nuque est environ
égal à 7 : 8 (sensibilité des hommes : celle des femmes), mais
qu'en revanche les résultats trouvés chez les hommes sont plus
réguliers que ceux obtenus chez les femmes ; enfin les deux
auteurs Dehn et A. Stem ne trouvent pas de différence mar-
quée.
Chez les criminels Lombroso et Ottolenghi (121 1 ont trouvé
une diminution assez considérable de la sensibilité. Enfin Delin
et aussi A. Stem ont trouvé que les personnes instruites ont
le sens du lieu plus développé que les personnes non instruites.
Tels sont les résultats obtenus jusqu'ici. On est porté à se
demander à quoi on doit attribuer ces différences individuelles ;
la question est plus compliquée qu'elle ne le paraît à première
vue: nous avons montré plus haut que le passage de la per-
ception de un point à celle de deux points n'était pas brusque,
il se fait petit à petit par stades successifs ; quel est celui de
ces stades intermédiaires que le sujet appellera « deux points » ?
Est-ce la sensation où le sujet ne sentira plus clairement un
point et où il pourrait peut-être se douter de la présence de
deux points sans encore pouvoir les séparer l'un de l'autre ? Ou
bien est-ce le moment où il sentira nettement deux points
séparés l'un de l'autre, ou enfin un autre stade intermédiaire?
L'expérimentateur ne demande au sujet ordinairement que
l'une des deux réponses : « un point » ou « deux points » ; on
voit donc qu'une différence dans les habitudes de deux sujets
peut amener avec elle une différence apparente de la sensibilité
quoique peut-être elle soit absolument identique chez les deux
et qu'ils diffèrent entre eux seulement par la signification
qu'ils attribuent aux réponses « un point » et « deux points » ;
il peut donc arriver que la différence de sensibilité soit due
V. HENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU 3i2i
crune part à une différence de la structure de l'organe et de
Tautre à une différence dans des fonctions psychiques supé-
rieures qui sont dans quelque relation avec les habitudes géné-
rales des individus, Il faudrait, croyons-nous, reprendre ces j
recherches, mais on ne demanderait pas aux personnes si ï
elles sentent un point ou deux points, on les prierait de décrire .|
complètement ce qu'elles sentent, ce n'est qu'après de pareilles ■ |
recherches qu'on pourrait conclure quelque chose sur les diffé- l
rences individuelles dans le sens du lieu. |
Influence de l'exercice et de la fatigue. — L'influence de ;;
l'exercice sur le sens du lieu de la peau a été signalée et aussi -j
étudiée spécialement par plusieurs auteurs ; déjà chez Czermak \
(:20) en l8oo nous trouvons quelques remarques sur cette \
influence qu'il a écrites à propos de ses expériences avec les |
aveugles, dont nous parlerons plus loin ; mais le premier qui
ait étudié méthodiquement l'influence de l'exercice est Volk- ,
mann (12; qui en I808 avait fait des expériences avec Fechner ; '
ensuite nous trouvons quelques remarques sur l'influence de
l'exercice chez Vierordt et ses élèves ; Camerer (95) rapporte
avec plus de détails les résultats sur l'influence de l'exercice
qu'il a obtenus dans le courant de ses recherches ; Klinkenbery
a étudié l'influence de l'exercice sur plusieurs parties de la
peau, enfin une étude approfondie de cette question a été
refaite par Dresslar (99) en 1894.
Voici comment Volkmann et Fechner ont procédé : ils ont
choisi 6 régions de la peau : 1 " la 3" phalange de l'index, face
palmaire, et 2° id,, face dorsale ; S"" milieu de la main, face pal-
maire et 4° dorsale, 5*^ milieu de l'avant-bras, face interne et
6' externe ; puis ils déterminent par la méthode des variations
minima les limites des distances pour les six parties 1, 2, 3,
4, 5, 6 ; puis ils déterminent les limites pour ces mêmes parties,
mais en partant dans l'ordre inverse : 6, o, 4, 3, 2, 1 ; puis de
nouveau dans le premier ordre 1, 2, 3, 4, u, 6 et ainsi de suite ;
la même partie de la peau se trouve donc étudiée pendant une
séance de deux heures plusieurs fois ; on compare entre elles
les limites trouvées et il s'est dégagé de ces expériences que la
limite diminue considérablement avec l'exercice, elle diminue
d'abord rapidement, puis lentement; V irifluence de l'exercice
est bien j)lus considérable sur les parties moins sensibles de la
peau que sur les parties plus sensibles ; l'influence de l'exer-
cice présente des variations individuelles considérables et
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 21
322
REVUES GENERALES
enfin V influence de V exercice n'est pas durable; après quelques
Jours la sensibilité primitive revient.
Le tableau suivant fait ressortir ces résultats ; les chifîres de
ce tableau sont les lignes parisiennes (= 2'"'", 25) :
INFLUENCE DE L'EXERCICE (VOLKMANN, 18b6)
3° PHALANGE, INDEX
MAIN
AVANT-BRAS
SERIES
' ;
■ ^
^- ^ •
_^
facc-iialriii[iri'
face dorsale
face iJalinriii-c
fafo dorsale
face interne
laeecxti'i ne
1
1
4
8
7,7
14,1
14,2
II
1
3,2
7,0
8,2
13,8
11,2
III
1
2,0
5,9
7,8
13,3
11,7
IV
0,8
Mi
3,6
6,8
13
11,1
V
0,8
1,8
3,2
3,7
7
5,5
VI
0,7
1,0
2,5
3,2
6,5
5
VII
0,6
1,0
2,5
3,1
0
4,8
VIII
0,6
1,4
2,1
2,4
5,6
4,9
IX
0,6
1,4
2
2,3
6
5,6
X
0,6
1,4
2,1
2.5
6,6
5,3
XI
0,7
1,4
2
2,3
2
5
XII
0,6
1,5
2
2,4
6
4,8
XIII
0,6
1,4
9 0
2,5
6,2
5
Les mêmes résultats ont été vérifiés par Volkmann par la
méthode des cas vrais et faux ; c'est lui qui le premier appliqua
la méthode des cas vrais et faux, indiquée par Vierordt', au
sens du lieu de la peau.
Mais l'influence de l'exercice ne se borne pas à une aiiii-
mentation de finesse du sens du lieu dans la partie de la peau
exercée, les parties symétriques du corps deviennent aussi plus
sensibles, comme Ta montré déjà Volkmann ; si on exerce difl'é-
rentes parties de la main gauche et qu'ensuite on étudie le sens
du lieu sur les mêmes parties de la 77iain droite, on remarque
une diminution considérable de la limite de la distance; le
tableau suivant montre clairement ce fait ; on a d'abord déter-
miné les limites sur dilTérentes parties de la main gauche et de
la main droite (série I), puis on a exercé les parties de la main
gauche (séries II, IV, IV) enfin on a de nouveau déterminé les
limites pour la main droite (série V); on remarque que les
chiffres de la série V sont bien inférieurs à ceux de la série I.
(1) Vierord's Arciiiv. UnlerachicdiiCinpftndlicltheil un Sc/iall;/cbivle, ï8Qb.
V. IIEXRI.
SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU
3-2e
Les nombres indiquent de nouveau les distances en lignes
{= 2""", 25) :
SERIES
I
I!
111
IV
V
3'- PHALANGE
lu ce
palmaii-e
0,7Li
0,85
0,65
0,00
0,io
0.40
face
dorsale
1,9
2,15
1.65
1,2
0,95
i ,05
MAIN
face
[julmaire
4,6
4,8
4,0
2.85
2,15
2,05
face
dorsale
5,4
5,85
4,35
4,05
3,1
3,2
AVANT-BRAS
face
itilernc
14
14,5
11,5
8,5
7,25
8.25
face
exleriic
10,5
11.5
8
6
5
7
COTE
gauche
droit
gauche
gauche
gauche
"^droit
Les expériences sur l'influence de l'exercice ont été vérifiées
depuis par plusieurs auteurs, notamment pav Funke (26j, mais
l'étude la plus approfondie qui ait été faite sur ce sujet est celle
de Dresslar (99) ; il a fait des expériences sur deux sujets, les
expériences étaient faites tous les soirs et matins pendant
quatre semaines, la partie de la peau choisie était l'avant-bras.
L'influence de l'exercice trouvée par cet auteur est très con-
sidérable, on a en efTet le tableau suivant :
DATES
Il octobre
Après une semaine
d'exercice
Après deux semaines
d'exercice
Après trois semaines
d'exercice
Après quatre semaines
d'exercice
1'='' SUJET
malin
-") •') m m
18
13
5,0
19,5
12,5
0
4,1
2*^ SUJET
malin
■; ( I u , m
21,5
10
5,5
2,8
•ij^mm
10,0
i0,5
0,1
2,3
Les chifl'res du tableau précédent suffisent pour montrer l'in-
fluence très forte de l'exercice, nous n'avons pas besoin d"y
ajouter quelque commentaire.
Dresslar a aussi étudié comment se comportait le sens du
324
REVUES GENERALES
lieu de la partie symétrique du corps et aussi d'autres parties
de la peau ; il trouve que la finesse du sens dît lieu augmente
considérablement aussi sur la partie symétrique de la partie de
la peau exercée, mais sur les autres parties de la peau il ne
trouve pas de modification appréciable.
Voici en effet les résultats :
DATE
10 octobre
Main gauche exercée pen-
dant un mois.
10 novembre
l^'' SUJET
sauchc (Iroil
-) [min
2'^ SUJET
saiicliL' (Iroil
33"
33"
Enfin il était intéressant d'étudier aussi si l'influence de
l'exercice subsiste longtemps, et comment elle se perd lorsque
la partie de la peau n'est plus exercée. Cette dernière étude a été
faite par Dresslar par la méthode des cas vrais et faux. Voici les
résultats pour un sujet :
DATE
DISTANCES
10 novembre
JJnim
11 —
10
19 —
;>
22
10
20 —
i:;
4 décembre
20
REPONSES
i poiiils
1 |iniiit
40
10
42
8
2o
23
3d
lii
32
8
32
8
Le tableau précédent signifie que l'on a touché la peau le
iO novembre 50 fois avec deux pointes distantes de 5 milli-
mètres, le sujet a 40 fois dit « deux points » et 10 fois « un
point ».
Avant de discuter les résultats obtenus sur l'influence de
l'exercice nous devons signaler encore quelques résultats trouvés
par Camerer (9o) sur l'influence de l'exercice dans l'étude du
V. HENRI. — SUR LE SENS DU LTËU DE LA PEAU Sio
sens du lieu par la méthode des équivalents ; il trouve qu'après
l'exercice le rapport des distances équivalentes de deux par-
lies de la peau se rapproche de l'unité. Voici quelques chiffres :
A une distance de 9 mm. sur le front correspond,
9
au début, une distance de : — — mm. sur la lèvre supérieure.
1 , 1 y
après exercice : — ^ mm.
A une dislance de 18 mm. sur le front correspond sur la lèvre,
au début : -r—r mm.
1,32
18
après exercice : — ^ mm.
A une distance de 9 mm. sur le dos de la main corresp., sur la lèvre,
9
au début : ■—— mm.
1, /o
9
après exercice : — — • mm.
A une distance de 18 mm. sur le dos de la main corresp. sur la lècre,
au début : —y- mm.
1 j"!"^
18
après exercice : 7—7- mm.
* 1,23
Camerer cherche à expliquer ces variations en admettant que
l'exercice a pour résultat de développer plus le sens du lieu
de la partie de la peau moins sensible que celui de la partie
plus sensible, c'est-à-dire que le sens du lieu du front dans un
cas et du dos de la main dans l'autre se développe plus que celui
de la lèvre.
A quoi doit-on donc attribuer l'influence considérable que
l'exercice a sur le sens du lieu de la peau ? Czermak le premier
ayant trouvé que le sens du lieu chez les aveugles était plus fin
que chez les voyants non seulement sur les parties exercées de
la peau comme les doigts mais sur tout le corps a conclu que ce
développement du sens du lieu était dû à une fonction cen-
trale et non périphérique. (V. aussi Goldscheider (97) p. 98.)
D'autres auteurs [Funke (26), Dresslar ont défendu cette thèse
que l'exercice doit être dû à des changements de l'organe péri-
phérique ; on a vu surtout une démonstration de ce fait dans
l'influence que l'exercice produit sur la partie symétrique de la
peau et non sur toutes les parties de la peau ; mais la question
est encore ouverte; les auteurs n'ont jusqu'ici fourni que des
326 REVUES GÉNÉRALES
chiffres, pas d'observations internes n'ont été prises, nous
croyons pourtant que ce ne sont que les observations internes
qui appuyées de résultats numériques peuvent conduire à l'une
ou l'autre explication ; voici comment il faudrait croyons-nous
procéder : il s'agit de déterminer si l'inlluence de l'exercice
doit être attribuée à des modifications dans les nerfs périphé-
riques qui aboutissent à la partie de la peau exercée ou bien
si elle est due à un développement de la faculté psychique de
discrimination et d'analyse de nos sensations ; si c'est un
développement de cette faculté psychique qui a lieu, l'in-
fluence de l'exercice devra se faire sentir non seulement sur la
partie exercée, mais sur d'autres parties de la peau; il est pro-
bable qu'elle ne se fera pas sentir de la même façon sur toutes
les parties de la peau; en effet supposons qu'on exerce une
partie quelconque de la paume de la main, la sensation y est
obtuse, la peau étant assez épaisse c'est la sensation d'une
partie molle de la peau, les pointes entrent dans la peau, en
somme la sensation a un certain caractère, une certaine qua-
lité, on pourra s'habituer à discerner avec beaucoup de préci-
sion les sensations ayant une qualité semblable, mais il n'en
résultera pas encore (ou au moins pas dans la même mesure)
une habitude pour l'analyse des sensations sur d'autres parties
de la peau qui sont de qualité bien différente, comme par
exemple la sensation sur le commencement du bras, ou sur la
saillie d'un os, en somme sur une partie où la peau est fine et
où on a une saillie d'un os; il faudra donc choisir un certain
nombre de parties de la peau telles qu'il y ait parmi elles
quebiues-unes donnant lieu à des sensations très ressem-
blantes au point de vue de la qualité et que d'autre part il yen
ait où les sensations seraient aussi différentes que possible; on
étudierait si l'inlluence de l'exercice de l'une des premières ne
se manifeste pas plus sur les premières parties que sur les der-
nières. Mais une autre méthode permettrait peut-être de sou-
mettre la question à une épreuve : on prendrait une partie de la
peau, on déterminerait la valeur du seuil (limite à partir de
laquelle on sent deux points); ceci fait, on exercerait la partie
de la peau avec des dislances bien supérieures au seuil, et dont
le sujet saurait qu'elles sont supérieures au seuil, de façon qu'il
aurait pendant tout le temps de l'exercice affaire seulement à
des sensations nettes de deux points séparés ; puis on détermi-
nerait de nouveau la valeur du seuil ; une autre fois, on déter-
minerait le seuil, puis on exercerait avec des distances très
V. UENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE L\ PEAU 327
voisines du seuil de façon que pendant l'exercice le sujet eut
affaire à des sensations tantôt de un point tantôt de deux points
à peine différents l'un de l'autre ; après l'exercice, on déter-
minerait de nouveau la valeur du seuil; dans le premier cas-
l'exercice consiste à développer la faculté de discrimination
de deux points séparés de la peau, dans l'autre on développe
la faculté de discrimination d'une sensation de deux points à
peine différents l'un de l'autre ; or, comme dans la déter-
mination de la valeur du seuil, c'est cette dernière faculté qui
joue le rôle principal il est possible que dans la deuxième série
l'exercice aura une influence plus considérable que dans la
première.
Ce n'est qu'après avoir fait ces expériences qu'on pourra,
croyons-nous, en y ajoutant toujours les observations internes
des sujets, donner une explication satisfaisante de l'influence S
de l'exercice sur le sens du lieu de la peau. Cette question est I
étudiée maintenant par M. Tawney au laboratoire de Leipzig, ;
les premières expériences faites sur deux sujets ont montré que
l'exercice développe le sens du lieu non seulement de la partie »
exercée, mais aussi dans d'autres parties de la peau différentes ,,
de la partie symétrique de la partie exercée. Ce résultat a aussi i
été obtenu par Klinkenberg (o9, p. lo). |;
Beaucoup d'auteurs font la remarque que la fatigue diminue •:
le sens du lieu de la peau ; mais nous ne connaissons qu'un
seul auteur //. Griesbach (130i qui ait étudié l'influence de la '
fatigue d'un peu près ; il a fait ses expériences surtout sur les
élèves de deux écoles ; il a trouvé que la fatigue intellectuelle
diminue considérablement le sens du lieu de la peau. Voici, par
exemple, quelques chiffres qui montrent les variations du seuil
pendant une matinée :
7 heures du matin, valeur normale du seuil. . .
8 — après la classe d'histoire. . .
9 — — de grec. . . .
10 — — de bible . . .
11 — — de lalin. . . .
12 — — de français . .
2 heures après midi, après deux heures de repos
7 mm.
i2,;i -
17 —
9 —
It —
17 —
10,5 —
On voit que les variations sont considérables.
Ces ([uelques chiffres montrent qu'il serait intéressant de sou-
mettre dans un laboratoire la question à une étude détaillée ;
là aussi, comme dans le cas de l'exercice, on devrait se poser la
question si l'influence de la fatigue doit être attribuée à une
328
REVUES GÉNÉRALES
diminution de la fonction des nerfs périphériques, ou bien si
elle est due à un affaiblissement de la faculté psychique de
discrimination de nos sensations.
Influence de Vintensité des contacts et de leur qualité. —
Pour ce qui concerne l'intensité des contacts on trouve quelques
remarques éparses (par exemple Heller (129), p. 23) d'après les-
quelles le seuil est plus faible pour des intensités faibles et
fortes que pour des intensités moyennes ; la question serait à
étudier de nouveau. Chez Weher'yV) on trouve déjà la remarque
que lorsque Tun des contacts est plus fort que l'autre, il est
plus difficile de distinguer les deux pointes. Czermak (21) et
Klug (123) remarquent que lorsque l'une des pointes est froide
ou chaude et que l'autre est indifférente, on perçoit deux points
encore au-dessous de la valeur du seuil par deux points égaux,
mais on perçoit alors les deux points comme ayant lieu au
même point de la peau ; on sent un contact et une sensation
thermique en un même point.
Enfin Rauber (50), Goldscheider (97) et Dessoir (98) ont
déterminé le sens du lieu pour des impressions froides et
chaudes ; voici les valeurs des seuils données par Goldscheider ;
remarquons que cet auteur a marqué toujours la distance
minimapour laquelle on sent quelquefois deux points :
ENDROITS
Front
Joue
Menton
Poitrine
Ventre
Dos
Bras, face iiiferne . . .
Bras, face externe . . .
Avant-bras, face interne
Avanl-hras, face externe
Paume de la main. . .
Dos de la main ....
Cuisse
Jambe
Pied
FROID
0,8 mm.
0,8 —
0,8 —
2
\-l —
1,0-2-
t,o -
2
2
3 —
0,8 —
2-3 —
2-3 —
2-3 —
3 —
CHALEUR
mm.
3
4
4-5
4-6
4-6
2-3
2-3
2
3
2
3-4
3-4
3-4
On voit que les distances sont bien supérieures lorsque les
deux pointes sont chaudes que lorsqu'elles sont froides.
V. HENRI.
SUR LE SENS DU LTEU DE LA PI^AU
329
Rapport avec les points sensoriels de la, peau. — On sait
qu'il existe sur la peau des points fixes qui sentent mieux le
froid, ou le chaud, ou la pression. (V. analyses des mémoires de
Frey et Kiesow.)
Goldscheider (97 p. 86) a étudié comment se comporte le
seuil du sens du lieu de la peau lorsqu'on touche deux points
sensoriels de la peau, soit en touchant deux « points froids » ou
deux « points chauds », il a obtenu les valeurs contenues dans
le tableau précédent ; voici les valeurs qu'il a obtenues pour le
seuil en touchant deux « points de pression » de la peau ; ces
valeurs sont non les valeurs moyennes de plusieurs détermina-
tions, mais les valeurs minima pour lesquelles le sujet a senti
deux points :
Dos 4-6 mm.
Poitrine 0,8 —
Ventre 1,5-2 —
Front 0,0-1 —
ïèle 1-1,4 —
Joue 0,4-0,6 —
Nez 0,.3 —
Menton 0,3 —
Bras, face interne 0,6-0,8 —
Avant-bras, face in-
terne 0,5 —
Avant-bras, face ex-
terne 1 —
Dos de la main 0,3-0,6 —
Paume de la main. . . 0,1-0,3 —
Les métacarpiens, face
dorsale 0,9 mm.
l'c et 2*^ phalange,
face palmaire 0,2-0,4 —
l'e et 2^ phalange,
face dorsale 0,4-0,8 —
3*^ phalange, face pal-
maire.. . . • 0,1 —
3« phalange , face
dorsale 0,3-0,5 —
Peau entre les doigts. 0,9 —
Cuisse 3 —
Jambe 0,8-2 —
Dos du pied 0,8- 1 —
Plante des pieds 0,8-1 —
On voit combien ces valeurs sont plus faibles que celles indi-
quées par Weber et les autres auteurs ; de plus, on remarque
que ces valeurs ne varient pas beaucoup pour différents endroits
de la peau.
Ces expériences devraient être reprises de nouveau, elles dif-
fèrent tellement de celles indiquées par tous les autres auteurs
qu'on ne sait pas si réellement ce sont des déterminations de
seuils et si elles ne sont pas ducs à quelque autre phénomène
que nous décrirons sommairement dans la suite.
Perception de deux points pendant le contact d'un seul point
de la peau. — En décrivant la méthode des cas vrais et faux,
nous avons montré comment Vierordt et ses élèves procédaient :
ils intercalaient entre les expériences faites avec une certaine
distance des « expériences de contrôle » [Vexirvcrsuche) dans
lesquelles ils touchaient la peau avec une seule pointe ; or, il
\.
330
RblVUES GENERALES
s'est dégagé des recherches que le sujet sentait deux points
lorsqu'on le touchait avec une seule pointe ; ce phénomène a
été spécialement étudié par Cambrer (94); Niciiols (83) l'a aussi
étudié sous un certain point de vue. Enfin nous avons fait avec
M. Tawney i 79i aussi quelques expériences sur ce sujet.
Deux théories ont été émises pour l'expliquer : l'une physio-
logique iWundt, G.-E. Mûller)^ l'autre psychologique iFechner,
Camerer, Nichols) ; d'après la première, la perception de deux
points, lorsqu'on touche un seul point, est due à un phénomène
physiologique, soit à un réflexe i Wundt), soit à une irradiation
(Mnller) ; d'après la deuxième, ce phénomène s'expliquerait par
les elTets de contraste et d'attente. Wundt appuie son hypo-
thèse sur l'ohservation de nialades qui avaient les réflexes très
exagérés et qui, constamment, sentaient deux ou plusieurs
pointslorsqu'on n'en touchait qu'un seul. Millier l'appuie sur
des considérations purement théoriques.
La théorie psychologique est appuyée sur un grand nombre
d'expériences de Camerer et de Nichols. L'influence du con-
traste d'une expérience à l'autre a été montrée par Camerer de
deux manières différentes : 1'^ Il a fait des séries d'expériences
avec diflerentes distances dans lesquelles il intercalait un
même nombre de contacts avec une pointe, il a vu que plus la
dislance est grande avec laquelle les expériences sont faites,
moins on a senti de fois deux points pour le contact d'un point ;
le tableau suivant indique très nettement ce résultat ; dans ce
tableau D est la distance en lignes (= 2""^', 29), H. et J. sont les
deux sujets sur lesquels Camerer a expérimenté ; les nombres
du tableau représentent combien de fois sur 100 contacts avec
une seule pointe, intercalés entre des contacts avec deux points
distants d'une certaine distance D, on a senti deux points :
EXTRÉXHTÉ DES
DOIGTS
l'HEMŒltE l'IlAI.ANdE
u:romion
D
11
J
1)
H
J
I)
II
J
1
8,0
7,0
2
7,17
y,o
14
12,57
0,43
i,D
4,5
3,0
3
4,33
7,43
17
9,63
8,0
2
2,33
2,17
4
2.17
:;,33
20
8,25
8. CI
.2,0
1
1
o
0.()7
2,0
23
5,25
(Î.O
i
0,33
2,0
25
30
3,88
4,0
0.3 S
3.38
V. HENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU
331
On voit qu'à mesure que la distance D (avec laquelle on fait
les expériences entre lesquelles les i expériences de contrôle »
sont intercalées) augmente, le nombre d' « erreurs de contrôle »
diminue, puisque plus la distance est grande, plus le contraste
avec une expérience oii on ne touche qu'un point est grand ;
par conséquent on aura une plus forte tendance à dire un point
pour les expériences de contrôle. 2" Pour diminuer l'inlluence
du contraste, Camerer a fait des expériences avec de longues
pauses : les expériences étaient faites dans une série toutes les
demi-heures une expérience, dans une autre série toutes les
cinq minutes une expérience ; on a vu que dans ces conditions
le nombre d' « erreurs de contrôle » était le même quelle que
fnt la distance avec laquelle on avait touché la peau dans l'ex-
périence précédant l'expérience de contrôle.
3"^ Enfin une troisième série a été faite par Camerer où le
sujet savait d'avance si on le touchait avec deux pointes ou
avec une seule ; voici les résultats obtenus avec 2 000 expé-
riences de contrôle :
CONI) ITIO.NS
RÉPONSES
-2 points nels.
i [loinls
iu(lolerniiii(''S.
Incei-laiu.
t jjoiiit.
Le sujet ne sait rien.
Le sujet sait tout. .
28,0 p. 100
9,0 p. 100
9,0 p. 100
0,1 p. 100
2,5 p. 100
0,2 p. 100
59,0 p. 100
84,2 p. 100
K
On voit donc que lorsque le sujet ne sait pas ce qu'on fait avec
lui, il commet plus d' « erreurs de contrôle » que lorsqu'il sait ;
mais il arrive que même lorsque le sujet sait qu'on le touche
avec une pointe il sent tout de même deux i^oints nettement.
Nichols est arrivé à la théorie psychologique à la suite des
expériences suivantes : il avait longtemps fait des expériences sur
le sens du lieu de la peau, dans lesquelles il ne touchait jamais
avec une pointe, et le sujet savait qu'on employait toujours deux
pointes; puis sans rien dire aux sujets, il fait des expériences
où il ne touche plus qu'avec une seule pointe, le sujet était
persuadé qu'on touchait avec deux pointes, un grand nombre
de fois les sujets ont senti deux pointes au lieu d'une.
Enfin nous signalons quelques expériences que nous avons
33:2 REVUKS générales
faites avec M. Tawney ; dans ces exi)ériences le sujet devait
décrire aussi complètement que possible la sensation ; nous
avons d'abord fait des séries d'expériences dans lesquelles le
sujet ne savait absolument rien de ce qui était fait sur lui;
parmi ces séries il y en avait où pendant toute une séance de
une heure nous ne touchions qu'un seul point ; dans d'autres
séries nous touchions tantôt un point tantôt deux ; on a vu que
dans les deuxièmes séries le sujet sentait moins souvent deux
points pour le contact d'un point de la peau que dans les pre-
mières; ainsi :
.Séries mélangées :
sur 76 expériences de contrôle . . 40 erreui's de contrôle. •
Séries pures :
sur 78 expériences de contrôle . . 66 erreurs de contrôle.
Ensuite il s'est dégagé des expériences que si on choisit deux
points de la peau A et B, pas très éloignés l'un de l'autre, 42 mil-
limètres par exemple sur l'avant-bras, et qu'on touche alternati-
^.. vement tantôt A tantôt B, il peut arriver que les
réponses obtenues pour le contact de A aient une
, certaine diirérence constante de celles obtenues
B*'" pour le contact de B ; nous avons trouvé ainsi dans
Fig. 75. un cas que pour le contact du point A, le sujet sur
39 expériences faites pendant six jours a 27 fois
senti deux points, ces deux points lui avaient paru être 1 fois
dans le sens longitudinal du bras, 25 fois dans le sens trans-
verse, et 1 fois dans le sens diagonal.
Sur 39 expériences faites pendant les mêmes six jours sur le
point B, il a 30 fois senti deux points qui étaient pour lui :
18 fois dans le sens longitudinal du bras. 11 fois dans le sens
transverse, 1 fois dans le sens diagonal.
On voit donc que lorsqu'on touchait le point A, le sujet disait
en général qu'il sentait deux points dans le sens transversal
dubras,etlorsqu'on touchait le point B,il percevait deux points
en général dans le sens longitudinal du bras ; cette dilTérence
n'est pas occasionnelle, elle a été constante pendant les six jours
où ces expériences étaient faites. Il résulte de ces expériences
qu'il existe une certaine relation constante entre la nature de
la perception de deux points et le point de la peau qui est tou-
ché ; on est porté à attribuer cette relation à des particularités
physiologiques de ce point. D'autres séries d'expériences ont
été faites dans lesquelles nous avions l'intention d'étudier l'in-
nENRI.
SUR LE SEXS DU LIEU DE LA PEAU
3'JO
fluence de l'attenle et de la suggestion' sur la perception de deux
points lorsqu'on ne touche qu'un seul point de la peau ; avant
chaque expérience nous montrions au sujet le compas pour que
le sujet sût d'avance avec quoi on touchait sa peau; en réalité
nous touchions toujours un seul point de la peau, les sujets
étaient persuadés que nous ne les trompions pas. ils devaient
décrire complètement la sensation ; pour pouvoir bien déterminer
quelle influence la suggestion avait sur les résultats nous mon-
trions alternativement tantôt une pointe, tantôt deux pointes
écartées d'une certaine distance, le sujet ayant vu le compas fer-
mait les yeux et nous touchions toujours avec, une seule pointe.
Voici quelques résultats obtenus :
DISTANCE
(les iioiules
nio)ilri''C5.
c: '1
u —
DISTANCES DES POINTS PERÇUS PAR LE SUJET |
EN" MILLIMÈTRES
rienccs.
2
3
5
1
1
3
8
0
1
3
10
1
2
î
3
11
1
15
1
3
4
20
2
1
1
1
"o
1
25
1
2
5
30
1
1
6
8
2
40
•-)
2
50
1
2
2
o =1,
5 mm.
10 —
15 —
2U —
2'6 —
:ki —
2
3
2
1
ï
6
6
6
()
6
21
ol
Somme :
il
Un point
montré.
14
23
1
On voit parle tableau pi'écédent que plus la distance montrée
est grande, plus la distance des deux points perçus pendant le
contact d'un seul point est grande, c'est-à-dire plus le sujet
s'attend à percevoir deux points éloignés, plus souvent il le
perçoit aussi, quoiqu'on n'ait touché qu'un point. L'influence
de la suggestion et de l'attente est donc très considérable. Déjà
pour le seul nombre de cas où le sujet perçoit deux points
lorsqu'on n'en touche qu'un il existe des différences considé-
rables, suivant que le sujet s'attend à percevoir un point ou
lorsqu'il s'attend à en percevoir deux ; dans le premier cas,
dans 14 cas sur 23, le sujet perçoit un point, dans le second il
:^34
REVUES GENERALES
perçoit un point seulement dans 11 cas sur 51 expériences; chez
un autre sujet cette différence est encore plus considérable ;
24 fois sur 28 expériences il a perçu un point lorsqu'il s'atten-
dait à en percevoir un. et 10 fois sur 49 expériences il a perçu
un point lorsqu'il s'attendait à en percevoir deux.
Sens du lieu chez les enfants, les aveugles et les typographes.
C'est à Czermak (20; que nous devons les premières expé-
riences sur le sens du lieu chez les enfants et les aveugles ;
depuis, les expériences ont été reprises : par C.amerer (92 et
A. Stem (87 1, sur les enfants, par Goltz (33), Gârttner {S)Z),
Ilocheisen (111) et A. Stem (87), sur les aveugles ; enfin ce der-
nier auteur a aussi étudié le sens du lieu chez les typographes.
Pour ce qui concerne les enfants, tous les auteurs s'accordent ;
le sens du lieu est plus développé chez les enfants que chez les
adultes.
Voici quelques chiffres trouvés par Czermak ; les chiffres sont
exprimés en lignes ( = 2'"'",2o) ; W. indique les valeurs trou-
vées sur les adultes par Weber, H., F., E. et B. sont quatre
garçons de onze à douze ans :
ENDIidlTS
Puiiile de la langue . . .
3'= phalange des doigls,
l'ace palmaire
Bord rouge des lèvres . .
2*^ phalange, face palm. .
3"^ phalange, face dorsale.
Bout du nez
Face palmaire des méta-
carpiens
i'arlie non rouge des
lèvres
2'' phalange, face dorsale.
f" phalange, face dorsale.
Métacarpiens, face dorsale.
Front, en bas
Dos de la main
Cou au-dessous du men-
ton
Avant-bras
Jambe
Dos du pied près des or-
teils
Sternum
Bras et cuisse
W"
1
2
2
3
3
7
IS
10
14
Jo
18
18
18
20
10-30
11
1 2
3/4
1
1 1 2
2
2 1 /2
■*
5
C
•t
'.I
0
lî
lii
l.'i
10
ll-l'J
3 4
3/4
1
■i
4
G
8
10
10
10
16
16
lo
14-1!
E
3/4
1
1 1/2
2
4
5
6
8
9
8
17
15
2-2
B
1/2
3/4
1
1 12
5
3
4
5
6
7
12
10
13
14
12
14
13-ia
HENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE L.V PEAU 335
Les résultats trouvés par Camerer et A. Stern sont analogues,
nous ne nous y arrêtons pas.
En ce qui concerne les aveugles nous rencontrons quelque
divergence chez les difîérents auteurs : les uns Czermak.Gollz,
Garttner et A. Stern) ont trouvé le sens du lieu bien plus déve-
loppé chez les aveugles que chez les voyants, Ilocheisen (IH)
au contraire trouve une très faible différence. D'après Czermak
le sens du lieu est bien plus développé chez les aveugles que
chez' les voyants ; ce développement a lieu pour tout le corps,
il n'est donc pas limité aux parties de la peau exercées ; enfin
les aveugles enfants ont le sens du lieu plus développé que les
aveugles adultes. Voici quelques résultats numériques ; N. et
Br. sont deux enfants aveugles de quinze ans, P. est un adulte
aveugle ; les distances sont exjUMmées en lignes :
E N D U 0 1 T s
N.
Br.
Bout de la langue - 14
3<= phalange des doigts, face palmaire. \ 12
Par lie rouge des lèvres 1
2*^ phalange, face palmaire 112
3« phalange, face dorsale 112
Boni du nez 2
Face palmaire des métacarpiens. . . 2
Partie non rouge des lèvres 2 1/2
2'-' phalange, face dorsale 3
1'* phalange, face dorsale 4
Métacarpiens, face dorsale 4 12
Front, en has 5
Dos de la main 5
Cou au dessous du menton 6 12
Avant-hras 9-11 I 2
Jambe 9-11
Dos du pied près de l'orleil 11
Sternum 1112
Bras et cuisse jlll 2-13
1
1
1 1
1 1
1 1
2
2
3
■i
2
2
2
•1
11-12
11-12
11
Il 1 :
13-lb
1
1
l
2
3
3
3
0
6
6
7
8
12
12
12
13-
13-
13
2/3
1 2
3 4
1 2
l'2
3 '4
1 2
14
20
Enfin A. Stern a étudié Je sens du lieu sur la pulpe des
doigts chez les typographes, et il trouve qu'il atteint ici un
développement aussi considérable que chez les aveugles et
même plus considérable que chez les enfants. Il en conclut que
la finesse extrême du sens du lieu des aveugles est due à l'exer-
cice et que les voyants en s'exercant peuvent acquérir un sens
du lieu aussi fin que les aveugles.
Nous devons encore signaler les résultats sur le sens du lieu
336 REVUES GÉNÉRALES
obtenus chez Laura Bridgman raveugle sourde-muette étudiée
avec beaucoup de détails par 5"/. Ilall^ ; cette femme se servait
seulement de son toucher qui avait acquis une finesse extrême.
Voici les valeurs des limites de la distance des pointes néces-
saire pour qu'elle pennlt deux points, les chiffres sont des
millimètres, entre parenthèses se trouvent les valeurs pour les
individus normaux :
Bout de la langue 0,5 mm. (l mm.)
Boul de l'index 0,7 — (2 — )
Partie rouge des lèvres . . 1, 2 — (3 — )
Joue 3,04 - (11 - )
Front 6,7 - (22 - )
On voit que ces chiffres sont bien inférieurs non seulement
aux valeurs chez les individus normaux, mais aussi à celles des
aveugles.
Influence de différentes conditions artificielles.
Parmi les conditions artificielles dont on a étudié l'influence
sur le sens du lieu de la peau nous porterons tout d'abord
l'attention sur l'influence de la tension de la peau et sur le
sens du lieu de la peau du ventre chez les femmes enceintes.
Les premières recherches sur ce sujet ont été faites par
Czermak (20) ; ensuite elles ont été refaites par l'élève de Yie-
rordt, Hartmann (46,, et aussi par Teuffel (37).
11 résulte de ces expériences que la tension de la peau dimi-
nue le sens du lieu de la peau.
Parlons d'abord de la tension de la peau du ventre chez les
femmes enceintes ; pour déterminer la valeur de la tension de
DISTANCE LIMITE
DISTANCE
NOMS
Di:S POINTKS
DU COMPAS
Di:S POINTS MAROUKS
"
"""
Aviiiil
A|ii('s
Avaiil
A |)r(-s
la iiait-suncc.
la iiaissaiico.
la iiaissaiico.
la naissance.
Kl. . . .
21
16
21
15
Dok. . .
18
14 3/4
18
13
Sk. . .
32
25 14
32
24
Lo. . . .
2'.) 1/2
26
29 1/2
25
No. . . .
32 1/4
27
32 1/4
25
;i) Sl.-llall. Luuru Urid<j,nun. Miiul, 1870.
V. UENRI.
SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU
337
la peau, Czermak marque deux points de la peau avec de
l'encre et il mesure leur distance, puis après l'accouchement il
mesure de nouveau la distance de ces deux points, la dimi-
nution montre de combien la peau était tendue. Le tableau
ci-contre, page 33G, contient les résultats principaux exprimés
G) m m Uy
en lignes
On voit que la diminution de la finesse du sens du lieu chez
les femmes enceintes est presque égale à la valeur de la ten-
sion de la peau.
Un résultat analogue a été obtenu par Czermak sur l'influence
que la tension artificielle de la peau produit sur le sens du
lieu. Ici de nouveau pour déterminer de combien la peau était
tendue on marcjuait à l'encre deux points et on mesurait leur
distance avant la tension et pendant la tension. Voici les résul-
tats pour un sujet, ils sont analogues pour les trois autres
sujets étudiés par Czermak :
DISTANCE LIMITE
DISTANCE
DES POINTES
DES POINTS MARQUÉS
ENDROITS
— ^
-- —
Avant
fondant
Avant
l'endant
la tension.
la tension.
la tension.
la tension.
Dos de la main
13
18
13
19
Partie rouge de la lèvre in-
férieure
1
1 1/2
3
0 1/4
Milieu de lavant-bras . . .
28
2U
28
32
Milieu du liras
32
30
32
37 1/2
Un résultat difîérent a été obtenu par Ilarlrnann; cet au-
teur a étudié l'influence de la tension de la peau sur le cou
et a trouvé que lorsque la tension augmentait du double la
distance de deux points marqués sur la peau, le seuil aug-
mentait seulement de 8 p. 100 de sa valeur initiale ; dans
tous les cas tous les auteurs s'accordent à reconnaître que
la tension de la peau diminue le sens du lieu de la peau.
Influence des narcotiques, de médicaments, d'excitations de
la peau, de Vanémie, de Vhyperémie, du refroidissement et de
l'échauffement sur le sens du lieu de la peau — Un grand
nombre de recherches ont été faites sur ces diirérentes in-
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 22
338
REVUES GENERALES
fluences, il est difficile de les embrasser toutes. L'influence
des narcotiques a été étudiée pour la première fois par
Lichtenfels (18) pour les narcotiques suivants : atropine, datu-
rine, morphine, strychnine, chloroforme, alcool, elles feuilles
de tabac, puis par Humpf [oQ), par A'remer (58), par A7rn/re/i-
berg (59) pour l'éther, le chloroforme ; enfin par Israël (G8)
pour le chloroforme, le nitrite d'amyle, ce dernier auteur a aussi
étudié l'influence de l'acide carbonique ; A. Ker (63; a étudié
l'influence de l'application du phénol; parmi les excitations de
la peau dont on a étudié l'influence, citons surtout l'excitation
par les sinapismes : Asch (84), Klinkenbçrg (59), Serebrenni{Ç)î),
A. Ker (63), Duccola e Seppilli (64), et Israël (68) ; puis l'excita-
tion par l'électricité : Su&lowa (62), Spanke (65), Duccola e Sep-
pilli (64) ; enfin Klinkenberg a étudié l'influence du frottement.
L'influence de l'anémie et de l'hypérémie est étudiée ^q^y Alsberg
SUBSTANCES
Atropine
id.
ici.
id.
Dalurine
id. -
id.
Morphine,
id. .
id.
Slryclinine.
id.
Alcool
id.
id.
id.
DOSE
TEMPS
aprcs l'iu-
geslion.
LIMITE
do
1 iioiiit.
LIMITE
(le
i jioiiiis
0. 10 gr.
100 m.
38
mm.
0,20 —
3 h.
39
—
0, 20 —
15 —
30
—
0,005 —
70 m.
34
—
0, 005 gr.
50 m.
44
m m .
0.005 —
115 —
48
—
0,005 —
16 h.
41
—
0,08 gr.
2 h.
48
niin.
0,08 —
4 —
40
—
0,08 —
15 —
38
—
0,01 gr.
50 m.
30
m m .
0,01 —
110 —
34
'lO gr.
10 m.
43
mm.
■iO —
(;0 —
51
—
40 —
12 —
38
—
40 —
00 —
50
—
46 mm.
pas obtenu
48 mm.
56 —
,M mm.
55 —
49 —
60 mm.
50 —
39 mm.
46 -
;).j mm.
60 —
58 —
59 —
VALEURS NORMALES
Limite
(le 1 poinl.
26 mm.
id.
id.
id.
30 mm.
id.
id.
29 mm.
id.
id.
28 mm.
id.
28 mm.
id.
33 mm.
id.
Liiiiilc (le
i |)oinls.
32 mm.
id.
id.
id.
41 mm,
id.
id.
38 mm
id.
id.
35 mm.
id.
id.
36 mm.
id.
(34) et Klinkenberg (59) ; l'influence du chaud et du froid
est étudiée par Slolnikow (90), Israël (68), et Klinkenberg (59).
V. niîN'RI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU
339
Pour l'influence des narcotiques nous donnerons les résultats
de Lichtenfels ; les auteurs qui ont refait ces expériences ont
obtenu des résultats analogues. Lichtenfels employait la mé-
thode des variations minima, il notait toujours la limite à par-
tir de laquelle on sent deux points nettement, et puis celle
au-dessous de laquelle on sent un point ; les tables contiennent
donc deux valeurs correspondant à ces deux limites; la partie
de la peau étudiée est l'avant-bras face externe.
Chacune des substances a un mode spécial d'action qui dure
plus ou moins longtemps suivant les substances et les doses ;
celles qui influent le plus sont la morphine et l'alcool, lastrych-
nine au contraire n'a qu'une influence très faible, qui se fait
surtout sentir deux heures après l'ingestion.
Israël a étudié l'influence de l'acide carbonique : il dirigeait
un courant d'acide carbonique pendant cinq à vingt minutes
sur une partie de la peau, puis étudiait le sens du lieu ; celui-ci
est considérablement abaissé ; voici quelques résultats :
ENDROITS
VALEUR
NORMALE
APRÈS
l'application
Coude
I3ras
33 mm.
50 — /
27,5 — /
8,0 —
21 —
8
r
65 mm.
80 —
41-48, 5 mm.
10 mm.
23,5 —
13 —
6.5 —
Avant-bra?, face interne, miheu .
Paume de la main
Dos de la main
l'"*^ phalange, face dorsale. . .
l'o phalange, face palmaire . . .
t
L'application du phénol sur la peau diminue presque de
moitié le sens du lieu, nous ne donnons pas de chiffres
(V. A.Kcr, p. 14) ;les sinapismes ont pour résultat de diminuer
aussi le sens du lieu.
L'influence de l'électricité a été soumise à une étude appro-
fondie par Spanke (Go), il trouve que, sous l'influence d'un cou-
rant constant, la sensibilité de la peau est diminuée à l'anode
et augmentée à la cathode ; ces modifications ne se produisent
pas instantanément, il faut qu'il s'écoule un certain temps
après la fermeture du courant.
Le frottement a pour résultat d'augmenter la sensibilité de
la peau, il en est de même pour réchauffement extérieur de la
peau et pour toute cause qui produit une hyperémic.
340
REVUES GENERALES
Enfin l'anémie et le refroidissement produisent une diminu-
tion de la sensibilité tactile.
Plusieurs auteurs ont porté leur attention sur le sens du lieu de
la partie symétrique de la partie excitée ; en général lorsque sur
la partie de la peau excitée le sens du lieu diminue il augmente
sur la partie symétrique et réciproquement; mais ces variations
dans le sens du lieu de la partie symétrique ne sont jamais
considérables, et souvent même elles sont à peine sensibles.
b. Études sur le sens du lieu par le contactjuccessif de deux
points de la peau.
Déjà Webe?- a remarqué que si on appliquait les deux pointes
du compas l'une après l'autre, on percevait plus clairement les
deux pointes que si on les appliquait simultanément. C'est
Czermak (:21) qui, le premier, étudia le sens du lieu de la peau
en appliquant les deux pointes du compas successivement, il
trouva que la limite inininium de la distance à partir de
laquelle onperroit deux pointes est bien plus faible lorsqu'on
applique les pointes successivement que lorsqu'on les applique
siïnultanément . Pour déterminer la valeur de la limite il tou-
chait un point de la peau, puis un autre point voisin et le sujet
devait dire si ce deuxième lui semblait séparé du premier ou
non, et dans le premier cas dans quelle direction, à partir du
premier, ce second point se trouvait; pour comparer ces résul-
tats à ceux obtenus par le contact simultané, il déterminait par
la méthode de Lichtenfels la limite au-dessous de laquelle on
sent un point et celle au-dessus de laquelle on sent deux points.
Voici quelques résultats que nous transcrivons, on les trouve
rarement cités ; les distances sont des lignes (= 2™'", 25).
ENDROITS
CONTACT
SUCCESSIF
!<='■ sujet.
Dos de la main ....
Avant-bras, l'ace externe
2® sujet.
Dos de la main ....
Avant-bras, l'ace externe
Bras, face externe . . .
1,"
;i,0
1,9
4,0
4,8
CONTACT Sl.MLLTANE
I.iinilc
I.inii((;
(If 1 |ioiul.
de 1 poiiils.
5, 1
0,9
8,5
11. 1
7.0
0,2
U,U
12,7
12.0
17, 6
V. HENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU 3'l-l
Czermak considère cette méthode de détermination de la
limite comme meilleure que la méthode de Weber par le con-
tact simultané, puisque le sujet peut plus facilement comparer
entre eux les deux contacts lorsqu'ils sont successifs que lors-
q^i'ils sont simultanés; celte méthode présente, d'après lui,
moins de causes d'erreurs et donne une mesure plus directe de
la finesse du sens du lieu de la peau.
La même méthode de contacts successifs a été employée
depuis par Goltz (33) et par Liebermeister^, le premier l'a
appliquée à l'étude du sens du lieu chez les aveugles, le second
à l'étude du sens du lieu chez les malades nerveux; les résul-
tats obtenus sont analogues à ceux de Czermak. Nous ne nous
y arrêterons pas.
c. Etudes sur la localisation des sensations tactiles.
Nous avons, tout au commencement, porté l'attention sur la
différence qui existe entre le « sens du lieu » de la peau et la
localisation des sensations tactiles. Le premier est la faculté de
distinction de deux points de la peau touchés simultanément
ou successivement, la localisation des sensations tactiles est la
faculté que nous possédons de rapporter tout contact à un
point de la peau ; la finesse de cette dernière faculté est me-
surée par la distance du point de la peau touché au point de la
peau auquel on rapporte (où on localise) le contact. Nous avons
remarqué au commencement que cette distance était difTérente
suivant la manière dont on localise le contact, c'est-à-dire sui-
vant la manière dont on détermine le point de la peau auquel
on rapporte le point touché.
La méthode la plus simple est de toucher un point de la
peau du sujet, puis il devrait en ouvrant les yeux indiquer le
point où il croit que le contact a eu lieu; il faut évidemment que
ie contact ne laisse aucune trace sur la peau ; en indiquant le
point de la peau que le sujet croit avoir été touché, il peut
soit montrer ce point avec une pointe sans toucher la peau
avec cette pointe, soit montrer le point et le toucher en même
temps; ce contact peut aider le sujet et lui montrer si le con-
tact du point qu'il montre est identique au contact du point
cherché, ou bien s'il y a quelque différence dans les contacts et,
dans ce dernier cas, il pourra corriger son indication.
Cette méthode n'a été employée jusqu'ici qu'une seule fois
par Yolkmann (11) qui l'avait appliquée dans quelques expé-
(1) Vorlcsi/„;/en iih. die KrniihlicUen des Xervensijslein.s, 1886.
342 REVUES GÉNÉRALES
riences seulement, en 1844; depuis elle a été complètement
oubliée et né^^ligée, nous l'avons reprise (78) en la modi-
fiant de difTérentes façons ; ces modifications sont les sui-
vantes : au lieu de prier le sujet de montrer le point, où il
croit que le contact avait lieu, sur la peau même, on le prie de
montrer ce point sur une photographie de grandeur naturelle
ou sur un modèle de gypse de la partie de la peau où le con-
tact a été produit; dans la « méthode de Volkmann » le sujet
ne peut indiquer le point que lorsque le contact a cessé ; lors-
qu'il localise sur une photographie ou sur un modèle, il peut
le faire pendant que le contact dure; ainsi l'expérience est faite
de la manière suivante : le sujet a par exemple sa main gauche
derrière un écran, il a devant lui un modèle de sa main gauche,
l'expérimentateur touche un point de la main et le sujet doit
indiquer sur le modèle le point où il croit que le contact a été
produit ; cette méthode a été reprise depuis par M. Washhurn
(86) et par PiUsbury 109) ; nous avons aussi depuis 1893 con-
tinué les expériences d'après cette méthode, nous rapportons
les résultats les plus importants dans notre article sur la loca-
lisation des sensations tactiles.
Une deuxième méthode pour localiser le contact d'un point
est celle indiquée par E. II. Weber (5) : on touche un point de
la peau, le sujet qui a les -yeux fermés doit toucher avec une
pointe qu'il tient dans la main le point de la peau où il croit
avoir été touché ; après AVeber plusieurs auteurs ont fait des
expériences par cette méthode, nous notons surtout les auteurs
suivants: Kottenkampf et Ullrich {^"2), Barth (71), Lewy {l\0)
et enim Pillsbu7'y (109) ; nous avons aussi fait des expériences
par cette méthode et nous avons de plus apporté plusieurs mo-
difications pourpouvoir étudier séparément l'influence des dif-
férents facteurs (jui font partie de cet acte de localisation ;
voici les expériences faites par nous : 1° nous marquons à
l'encre un point de la peau du sujet sans toucher ce point, le
sujet doit bien regarder sa position, mais ne doit pas le tou-
cher, puis, lorsqu'il l'a suflisammment regardée, il ferme les
yeux et doit avec une pointe toucher le point marqué à l'encre ;
2° le sujet aies yeux fermés, nous touchons un point de la
peau et il doit avec une pointe toucher le même point (méthode
de Weber); 3° le sujet regarde la peau, nous touchons un point
pendant qu'il le regarde, puis il doit fermer les yçux et cherche
à toucher le point en question. Nous n'avons pas encore fait
assez d'expériences par cette dernière méthode pour pouvoir
y. HENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU 343
les rapporter dans notre article ; les résultats seront publiés
plus tard.
Enfin, on peut employer encore une autre méthode pour
localiser le coatact : nous touchons un point de la peau, le
sujet ayant les yeux fermés doit indiquer avec son index le
point touché, mais il doit l'indiquer de façon à ne pas loucher
la peau avec l'index, il doit s'arrêter à une distance de 1 h.ll cen-
timètres de la peau ; c'est une localisation faite seulement par
le mouvement de la main. Pour les résultats voir notre article.
Nous ne nous arrêtons pas ici sur les résultats obtenus par
les dilTérents auteurs sur la localisation des sensations tactiles,
puisque nous en parlons avec plus de détails dans notre tra-
vail, à la fin duquel se trouve un résumé des points princi-
paux.
d. Perception de lignes, de figures et de mouvements avec la
peau.
On n'a fait que très peu d'études sur la perception de formes
et de mouvements par la peau.
La perception de lignes droites est étudiée par Parrish (109)
et Xichols (83), elle est soumise maintenant à une étude
approfondie par M. Judd au laboratoire de Leipzig ; la percep-
tion de figures a été un peu étudiée par ]yeber (4), puis par
Eisner (85) et enfin par Nichols (83) ; nous avons aussi, en
1892, fait des expériences sur la perception de lettres appli-
quées sur la peau ' ; enfin la perception de mouvements avec la
peau a été étudiée par Vierordt (132), St. Hall et Donald-
son (104), et Nichols (83). Passons rapidement en revue les
résultats obtenus par ces différents auteurs.
Aucun auteur n'a encore fait de déterminations sur la plus
petite longueur qui étant appliquée sur la peau produit l'im-
pression d'une ligne; cette question et beaucoup d'autres rela-
tivement au seuil du sens du lieu sont étudiées maintenant par
M. Judd; il s'est dégagé des premières séries que la longueur
minimum perçue comme longueur est plus faible que la distance
minimum de deux points qui sont perçus comme deux points.
Les auteurs américains Parrish (109) et Nichols (83) ont étudié
si une ligne droite appliquée sur la peau paraissait plus petite,
plus grande ou égale à la distance de deux p(tints; il s'est
dégagé des expériences qi\ une ligne droite parait sur la peau
plus courte que la dislance de deux points, qui en réalité est
(1) Voir plus loin untre éUuJe sur le calcu 1 des pn^julilês eu psychologie.
344
REVUES GÉNÉRALES
égale à la longueur de la droite. Voici quelques chiffres pris
chez Parrish; l'endroit étudié est le milieu de l'avant-bras, face
interne :
SUJETS
B.
lia.
T.
0.
01.
LONGUEUR
DE LA DROITE
28 mm.
20 —
28 —
28 —
28 —
DISTANCE
DE DEUX POINTS
ÉQUIVALENTE
24-23 mm.
lo mm.
25-24 mm,
24-23 —
23-22
Nota. — La li-oisièmo coloiiiio conlioul los dislaiiccs des di'U\ iioiiils qui pai-aisscnt
égales à la longueur de la ligne dioilc appliiiuée.
Un résultat aualogue est obtenu par Nicliols.
Nous remarquons que déjà Volkmann (12) avait en 1858 porté
l'attention sur le fait qu'une ligne appliquée sur la peau paraît
plus courte que la distance de deux points. Fechner [Psycho-
physik., II, p. 328) a fait quelques déterminations numériques
sur la comparaison entre la perception de longueur et de dis-
tances entre deux points; il trouve que sur la pulpe de l'index
une droite de 18 millimètres parait être égale à une distance
de deux points distants de 16 millimètres.
Les auteurs américains ont aussi étudié comment on com-
parait la distance de deux points touchés sur la peau et la
longueur d'une série de points qui se trouvent en ligne droite.
Ils ont vu que plus le nombre de points qui constituent cette
ligne ponctuée est grand, plus la ligne ponctuée parait être
inférieure à la distance de deux points, mais une ligne ponc-
tuée paraît être plus longue qu'une ligne droite appliquée sur
Ja peau.
La perception des figures par la peau a été d'abord étudiée
ipar Weber (4) ; il a montré que lorsqu'on applique sur la
peau un tube métallique de section circulaire, le diamètre du
tube, nécessaire pour qu'on perçoive la forme circulaire et qu'on
distingue que c'est un tube et non un cylindre plein, est diffé-
rent sur les différentes parties de la peau. Ainsi un tube de
3"'"', 3 de diamètre pouvait être perçu seulement sur la pointe
de la langue, sur les doigts il semblait qu'on appliquait, un
V. niîNRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE L.V PEAU 345
corps plein obtus. Un tube de 4™", 5 de diamètre est perçu sur
la lèvre et un peu sur les bouts des doigts. Un tube de 9 milli-
mètres de diamètre y est perçu sur la face palmaire de la 2'' pha-
lange, mais pas encore sur la 1'° phalange, ici il fallait que le
tube eut au moins M"'"\2. Sur le ventre le tube devait avoir
40 millimètres de diamètre pour qu'il fût perçu.
A côté de cette étude nous plaçons l'étude intéressante de
Eisner (8o); voici comment il a procédé : il applique sur la
peau du sujet un disque circulaire, puis sur le même endroit
un second disque de grandeur difTérente, le sujet doit répondre
si ce deuxième disque lui paraît égal, supérieur ou inférieur au
premier. Le tableau suivant indique les grandeurs des deux
disques nécessaires pour qu'on sente une différence ; on voit
que l'un des disques avait toujours la même grandeur de t mil-
limètres de diamètre.
Pointe de la langue i/2 mm. — 1 mm.
Troisième phalange, face pahiiaire. . 1 — — 2 —
Bord rouge des lèvres 2 — — 4 —
Deuxième phalange, face palmaire . 2 ^ _ 4 —
Première phalange, face palmaire. . 2 — — 6 —
Troisième phalange, face dorsale . . 2 — — 4 —
Bout du nez 2 — — 4 —
Joue 2 — — 4 —
Avant-bras, face int. près de la main. 2 — — 6 —
Première phalange, face dorsale. , . 2 — — 8 —
Front 2 — — G —
Dos de la main 2 — — G —
Genou 2 — — 10 —
Avant-bras, milieu 2 — — l.ï -
Dos du pied 2 — — lu —
Sternum 2 — — 23 —
Bras 2 — — 25 —
Le tableau précédent montre que lorsqu'on applique sur la
A'" phalange face dorsale par exemple un disque de 2 milli-
mètres de diamètre, il faut appliquer ensuite un disque au
moins de 8 millimètres de diamètre pour qu'on sente que le
deuxième disque est plus grand que le premier.
Signalons encore quelques résultats obtenus sur la perception
de figures avec la peau, ces résultats sont dus à )\ eber (5), ils
n'ont été vérifiés depuis que par Rumpf. AVeber écrivait sur la
peau une lettre, le sujet devait tracer sur le papier la forme
qu'il percevait: déjà les premières expériences ont montré que
346 REVUES GÉNÉRALES
souvent le sujet percevait bien la forme, mais ne pouvait pas
du tout reconnaître la lettre écrite, il ne la reconnaissait
qu'après l'avoir écrite sur le papier; la raison en est que lors-
qu'on trace une lettre sur la peau, cette lettre est perçue quelque-
fois comme renversée ou comme retournée pareillement à une
image dans le miroir. Voici quelques résultats :
Pour percevoir correctement la lettre L,
On doit l'écrire sur le front comme J ;
Sur la nuque comme L,
Sur le ventre comme 1,
Sur le dos comme T.
En somme, nous renversons de manières difTérentes les lettres
ou figures écrites sur notre peau. Cette étude est, croyons-nous,
d'une grande importance, et il est curieux qu'aucun auteur ne
l'ait reprise et examinée plus en détails, elle peut apporter
beaucoup de points de vue nouveaux sur la question de l'espace
tactile. Nous signalons quelques remarques analogues que
nous avions faites en 189!2 dans le courant de nos recherches
sur la perception de lettres avec la peau; lorsque le sujet avait
sa main posée sur la table la face palmaire en haut et que nous
appliquions une lettre sur la pulpe d'un doigt, la lettre sem-
blait être renversée comme dans un miroir : ainsi un B était
perçu comme ceci : g; si au contraire le sujet tournait sa main
en pronation, la face palmaire en bas et s'il appliquait lui-même
son doigt sur la lettre posée sur la table, il percevait la lettre
correctement, c'est-à-dire un B comme un B, quoique la par-
tie de la peau employée dans ces deux cas fût le même.
Ceci montre que la représentation visuelle doit probablement
jouer un rôle important dans la perception de formes avec la
peau; il serait très intéressant de faire des expériences sur les
aveugles ; l'expérience donnerait quelque éclaircissement sur le
rôle que les images visuelles jouent dans nos perception tactiles
de l'espace.
Sur la perception de mouvements avec la peau Czermak'
avait déjà affirmé que le même mouvement d'un corps sur la
peau est perçu comme étant plus rapide sur les parties qui ont
un sens du lieu développé que sur les parties où le sens du
lieu est moins développé. Vierordt - a vérifié ce fait. Il a de
plus remarqué qu'un mouvement d'une pointe sur la peau
(1) Zki- Lelirt' iih. il. Zrilsinn. lier. d. Wiener Akadeni., 1857.
(2j Vieroidl. I>er ZeiLslnnn ach Versi/chen., p. 118-122. Tûbingen, 18.(38.
V. BENRI. — SUR LE SI-MS DU LIEU DE LA. PEAU 347
paraît avoir une amplitude d'autant plus faible que la vitesse
est grande; enfin Fechner {Psychophysik., II, p. 330) remarque
que lorsqu'on touche la peau avec deux pointes et qu'ensuite on
déplace une pointe sur la même partie de la peau et si l'on fait
parcourir à cette pointe une longueur égale à la distance des
points, il semble que la pointe mobile parcoure une longueur
moindre que la distance des points touchés précédemment.
Yierordt montre que cette différence est d'autant plus forte que
la pointe est déplacée plus rapidement.
Enfin St. Hall et Donaldson (104) et puis Nichols ont aussi
étudié la perception de mouvements avec la peau ; aux résultats
précédents ils ont ajouté des déterminations sur la perception
de mouvements suivant que le corps déplacé est plus ou moins
appliqué sur la peau : l'amplitude du mouvement pour une
même vitesse paraît plus faible lorsque la pointe est appliquée
plus fortement que lorsqu'elle est appliquée faiblement.
Nous avons terminé la revue des études expérimentales, il
est certain que nous n'avons pas pu mentionner toutes les re-
cherches ; cela prendrait trop de place ; nous croyons avoir indi-
qué les résultats les plus importants; nous avons donné beau-
coup de tables, d'abord pour mieux illustrer les résultats
généraux, et puis parce qu'on n'a pas toujours la facilité de lire
le travail original, et pourtant sans résultats numériques, on ne
peut pas bien se représenter la portée de tel résultat spécial ;
beaucoup des tables précédentes ne se trouvent mentionnées
dans aucun traité de psychologie.
Nous passerons maintenant rapidement en revue les cas
pathologiques du sens du lieu et de la localisation des sensa-
tions tactiles.
2'^ Cas pathologiques. — Tout le monde connaît les études
célèbres de M. Ribot qui ont démontré l'importance que l'étude
de cas pathologiques peut jouer dans l'analyse et l'explication
de certains processus psychologiques ; on pourrait bien dire,
croyons-nous, qu'avant de développer quelque théorie sur un
processus psychique, avant de terminer une étude générale sur
une faculté psychique quelconque il faut voir si la pathologie
nenousapprend pas quelque chose de nouveau. Voyons donc si
les cas pathologiques ne peuvent pas nous apprendre quelque
chose de nouveau relativement au sens du lieu de la peau.
Un grand nombre d'auteurs ont observé que dans différentes
maladies nerveuses la limite minimum de la distance de deux
348 REVUES GÉNÉRALES
points nécessaires pour qu'on perçoive deux points peut
prendre des valeurs très considéralDles, et aussi dans certains
cas d'iiypereslhésie (v. Brown-Srquard [27]) cette limite peut
devenir très faible ; il faut noter que dans une certaine me-
sure « le sens du lieu » ne va pas parallèlement à la sensibilité
de la peau à des pressions ou à des impressions thermiques ;
on a observé des cas (v. Hoffmann [7"]i où la sensibilité pour
les pressions était diminuée et pourtant il n'y avait pas de
diminution du sens du lieu ; de même on a observé quelques
cas contraires.
Ce qui peut surtout nous être utile, c'est la relation entre le
sens du lieu de la peau et la localisation des sensations tactiles ;
pour les observations détaillées nous renvoyons à deux mé-
moires qui en contiennent un grand nombre ; c'est d'abord
celui de II. Hoffmann (77) et puis celui de M. Laehr (io3), le
premier a étudié chez difîérenls malades la faculté de pouvoir
percevoir des formes géométriques avec le toucher, le sujet
devait en tàtant un certain corps, un octaèdre par exemple,
dire quelle était la forme de ce corps ; pour déterminer les fac-
teurs qui jouent un rôle dans cette perception, l'auteur a étudié
chez chaque malade la sensibilité au toucher, la sensibilité à
la douleur, la sensibilité à la pression, le sens musculaire, la
faculté de s'orienter dans un espace, puis la finesse du sens du
lieu étudiée par la méthode du compas de Weber et enfin la
localisation d'un contact soit avec une pointe tenue dans la
main droite, soit en donnant une description aussi détaillée que
possible de l'endroit de la peau où le sujet croit que le contact
a lieu. Voici les résultats :
1° Dans sept cas la localisation des sensations tactiles était
normale ; dans cinq de ces cas le sens du lieu était un peu
diminué ; dans les deux autres il l'était beaucoup ;
2" Dans six cas la localisation des sensations tactiles était un
peu au-dessous de la valeur normale ; dans l'un de ces cas le
sens du lieu était beaucoup diminué ; dans les autres cinq la
limite de la dislance des deux pointes n'a pu être obtenue que
très difficilement, la diminution de la finesse du sens du lieu
était très considérable;
3° Dans un cas la localisation des sensations tactiles a été
trouvée beaucoup au-dessous de la valeur normale (erreurs de
plusieurs cm sur les doigts), tandis que le sens du lieu n'a été
que très peu diminué.
Les observations de Laehr ont amené les mêmes résultats.
V. HENRI, — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU 349
Ces résultats montrent, croyons-nous, clairement que la
localisation des sensations tactiles ne doit pas être confondue
avec le sens du lieu de la peau ; ce sont deux processus qui
ont certainement plusieurs côtés communs, mais suivant beau-
coup de côtés ils diffèrent considérablement l'un de Vautre. Il
est curieux de noter que bien peu de psychologues ont fait cette
distinction; même chez M. Wundt, nous voyons que dans sa
psychologie physiologique (t. Il, p. 5-30) il parle tout le temps
de Localisatio7isvermogen, c'est-à-dire de faculté délocalisation,
et il dit que la finesse de cette faculté de localisatiou est mesurée
par la méthode du compas de Weber.
Tandis que chez les psychologues, cette distinction n'est pas
faite, en général, elle l'est chez beaucoup de neurologues ; la
pratique leur a montré qu'on avait afïaire à deux genres de
symptômes : d'une part, la localisation des sensations tactiles
et de l'autre la perception de deux points avec la peau, c'est-à-
dire « le sens du lieu » de la peau.
Un autre genre d'anomalies a une grande importance pour
nous, c'est le symptôme appelé par les neurologues allochirie ;
le malade a une sensibilité tactile normale, ou presque; son
sens du lieu n'est pas modifié ou l'est très peu, mais lorsqu'on
touche un point de sajambe (/«itcAeprès du genou, par exemple,
et qu'on le prie de dire où le contact a lieu, il répond : « près
du genou, sur la jambe droite », il commet une erreur de côté ;
le contact d'un point d'un membre droit est rapporté au point
correspondant du membre gauche et réciproquement. Décrit
en 1881, par Obers(einer{\'iS) qui en a donné cin(| observations,
ce symptôme a ensuite été observé assez souvent ; en géné-
ral, il se rencontre chez des tabéticjues, il a été observé dans un
cas de sclérose en plaques, dans un cas de paralysie à la suite
de dyphtérie, chez plusieurs hystériques ; en somme, il existe
maintenant dans la littérature plus de vingt observations de
ce genre qui toutes confirment ce phénomène ; dans quelques
cas le phénomène a lieu pour tout le corps ; dans d'autres, il est
limité aux quatre membres, enfin dans la plupart il a lieu pour
les jambes seulement ; quelquefois il a été observé en rapport
avec des troubles moteurs, mais on connaît des cas où il n'était
accompagné d'aucun trouble moteur ni sensoriel autre que l'al-
lochirie.
Nous ne connaissons qu'un seul auteur, M. Pierre Janet (152),
qui ait porté l'attention sur l'importance psychologique de
pareilles observations ; en eflet, d'après les théories de Lotze et
350 REVUES GÉNÉRALES
de Wundt, un contact de notre corps est localisé en raison du
signe local dont il est doué, ce signe local est jiour cet auteur
la qualité du contact : s'il est sur une partie molle de la peau
ou sur une saillie d'un os, s'il est sur une partie où la peau est
fine ou bien sur une partie où elle est épaisse, etc., etc., ce sont
ces particularités liées à la structure de la peau qui permettent
de localiser un contact. Il va une difficulté, comme le remarque
Lotze (14 p, 398) pour la question de savoir comment on dis-
lingue le côté gauche du côté droit puisque sur les .points symé-
triques de la peau, les contacts sont très ressemblants quant à
leur nature ; les observations d'allochirie parlent pour cette
théorie de Lotze; en effet, une erreur de côté est possible, mais
dans cette erreur de côté, le point est rapporté au lieu symé-
trique du point touché, c'est-à-dire à un point où le contact a
la même nature, les mêmes signes locaux que le point touché.
La raison pour laquelle les malades se trompent constamment
de côté est difficile à expliquer maintenant; Ferrier (lolj a
donné une observation où, outre l'allochirie très prononcée, le
malade avait un trouble particulier pour les réflexes tendineux :
un coup de marteau sur le genou gauche laisse la jambe gauche
immobile, et la jambe droite réagit par réflexe et réciproque-
ment ; les autres auteurs qui ont étudié les cas d'allochirie ne
disent rien des réflexes, seulement dans le cas décrit par
M. Janet, lorsqu'on priait la malade (hystérique) de lever le
bras droit, elle n'hésitait pas et levait le bras gauche et réci-
proquement; on peut donc, peut-être, supposer que le phéno-
mène de l'allochirie est lié à quelque modification de l'appareil
moteur, mais ce n'est, répétons-le, qu'une hypothèse basée
seulement sur deux cas. Nous reviendrons sur ce point dans
notre article sur la localisation des sensations tactiles.
Enfin nous mentionnons un cas anormal décrit par Steward
(145) : un malade étant touché sur le petit doigt, dit qu'il est
touché sur le pouce ; touché sur le pouce, il localise le contact
sur le petit doigt; touché sur le bord externe de la main, il dit
être touché sur le bord inlerne de la main et réciproquement;
un contact sur la face externe de l'avunt-bras est rapporté sur
la face interne ; les contacts sur les points de la ligne médiane
du bras et de la main sont localisés exactement; dans tous ces
cas le malade, pour localiser, devait décrire avec les mots l'en-
droit où il croyait que le contact était produit. Cette observa-
tion est unique, il faut attendre qu'il en vienne d'autres avant
d'en. tirer quelque conclusion.
V. n^NRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA P::aU 351
En résumé, la revue des cas pathologiques nous a montré
clairement qu il fallait distinguer la localisation des sensations
tactiles et le sens du lieu de la peau; ces deux facultés sont
jusqu'à une certaine mesure indépendantes Vune de Vautre.
De plus, elle nous a montré qiCon peut rencontrer des cas oii.
dans la localisation une erreur de côté est commise, mais le
contact est localisé à un point symétrique de celui olc il est
jyroduit.
II
THÉORIES SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU
Nous ne pouvons pas entrer ici dans des détails relativement
aux différentes théories qui ont été présentées pour expliquer
la localisation des sensations tactiles, puis les différences dans
le sens du lieu de différentes parties de la peau et enfin la for-
mation de l'espace tactile. Ceci prendrait trop de place, nous
comptons y revenir en détails à un autre endroit. Dans celte
revue générale que nous avons voulu surtout consacrer aux
recherches expérimentales nous ne pouvons qu'indiquer briève-
ment les différentes théories.
Weber ayant trouvé que la finesse du sens du lieu variait
sur différentes parties du corps, a cherché à en donner une
explication ; on peut très bien suivre le développement de sa
théorie : en 183i dans son mémoire latin il dit que probable-
ment les différences du sens du lieu sont dues à des différences
dans le nombre et les ramifications des nerfs sous la peau ;
tt In partibus subtiliori sensu prœdicis plures fibrœ nerva^,
quam in partibus obtuso sensu instructis finiuntur » (p. 149) ;
de plus lorsqu'une même fibre nerveuse est touchée en deux
points différents, la sensation produite est unique, on ne sent
pas deux points on ne sent qu'un seul point. En 1848, dans son
mémoire allemand dans le Dictionnaire de Physiologie de
Wagner (4), Weber, probablement sous l'influence de J. Miiller,
a développé sa théorie des « cercles de sensations » d'après
laquelle la peau est partagée dans des cercles tels qu'à l'inté-
rieur de chacun de ces cercles se trouvent les ramifications
d'une fibre nerveuse, le contact de deux points d'un même
1 cercle de sensation » produit l'impression d'un seul point, et
pour qu'en touchant la peau avec deux pointes on sente deux
doU REVUES GÉNÉRALES
points, il faut que les deux pointes touchent d'abord deux « cer-
cles de sensation » différents et puis il faut qu'il y ait au
moins un cercle entre les deux touchés. Les < cercles de sensa-
tion ï ont, d'après Weber, sur différentes parties de la peau des
grandeurs et des formes différentes.
C'est donc une théorie basée sur la structure anatomique de
la périphérie des nerfs. En 1848, Weber affirmait (jue les cercles
t!e sensations sont représentés dans le cerveau d'une certaine
manière ; l'idée du lieu et de l'espace était innée. En 185:2,
Weber modifiait sa théorie à la suite des critiques de Kôllikev
(16j et de Lotze (14); il alfirme déjà qu'à la naissance l'enfant
ne sait rien de l'endroit où tel contact est produit, ce n'est que
par expérience que le contact de tel point de la peau s'associe à
sa position dans l'espace; on apprend ainsi par expérience à
connaître la position et la grandeur des « cercles de sensations »,
et lorsque deux pointes sont appuyées sur notre peau nous
comptons d'une manière inconsciente le nombre de cercles qui
se trouvent entre les deux pointes ; plus ce nombre sera grand
plus les pointes paraîtront être séparées l'une de l'autre.
Meissner i^'à) , eni8o3, a un peu modifié cette théorie; il attri-
bue une importance à l'irradiation produite, lorsqu'on touche
la peau avec une pointe.
A côté de cette théorie anatomique se développait une
théorie psychologique de la localisation des sensations tactiles;
déjà en 1846, dans son mémoire Seele uncl Seelenleben, in
Wagners Handworterb de Physiol., III, 1, 17:2, et même avant
en 1841 dans son système de philosopliie (t. II p. 193 et 543)
Lotze développait une théorie de la formation de l'espace tactile
et de la localisation des sensations tactiles qui a trouvé son déve-
loppement complet dans la Meclicinische Psychologie de Lotze.
D'après cette théorie le contact d'un point de la peau a une
certaine propriété, une certaine qualité qui est spécifique au
lieu de la peau touché ; elle est différente sur le bras et sur la
jambe, etc., ce quelque chose qui lie la sensation de contact au
lieu de la peau touché est appelé par Lotze signe local; Wundt
a développé cette théorie des signes locaux ; nous en avons
déjà parlé plus haut.
Czermak, en 1855, cherche à réunir la théorie des cercles de
sensations de Weber avec la théorie des signes locaux de Lotze,
il n'attribue plus aux cercles de sensations la signification
anatomique de Weber ; la sensation du contact de tout point
de la peau a un certain signe local ; si on prend des points voi-
V. HENRI. — SUR LE SENS DU LIEU DE LA PEAU
353
sins a, 6, c... il leur correspond des signes locaux x, ^, v,.--i
mais ces signes locaux doivent être différents de certaines
grandeurs au moins pour qu'on les distingue ; il existe donc
sur la peau des cercles tels qu'à l'intérieur de chaque cercle le
contact de tout point est accompagné d'un signe local, qui,
pour nous, semble être le même ; en réalité le signe local varie
à l'intérieur d'un cercle de sensation d'un point à l'autre, mais
cette variation se produit dans des limites qui ne sont pas per-
ceptibles. On voit que les « cercles de sensations » ont chez Czer-
mak une signification tout à fait différente de celle de Weber.
Nous signalons encore une théorie basée sur l'irradiation des
ramifications nerveuses non dans la périphérie mais dans les
centres nerveux; indiquée pour la première fois par J. Jluller
{Physiologie, I, p. 608, 4'" éd., 1844), elle a été développée par
Bernslein (o4) qui construit des théories sur la structure ana-
tomique des centres nerveux; ces hypothèses ne sont basées
sur aucun fait.
Nous ne pouvons pas entrer dans plus de détails sur ce
point; nous donnerons, peut-être, l'année prochaine une revue
générale consacrée spécialement aux théories de l'espace tactile.
Victor Henri.
Leipzig, 1" décembre 1895.
TABLE DONNANT LES VALEURS DE / CORRESPONDANT
.\ux NOMBRES DIFFÉRENTS DE CAS VRAIS (r). Formule de Fcchner.
r
t
7'
/
0
0, 470
70
1,018
M
0
0,505
75
1,083
10
0, 534
80
1,163
15
0,50t
85
1,259
20
0,395
90
1,356
25
0,627
92
1 , 452
30
0.661
9t
1,534
35
0, 696
93
1,383
40
0,733
96
1,643
45
0,772
97
1,720
50
0.813
98
1,821
55
0,858
99
1,984
60
0,906
99,5
2,138
63
0,059
99,9
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ANNEE PSYCHOLOGIQUE. II.
23
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Victor Henri.
m
REVUE GÉNÉRALE SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES
Je ne puis me flatter dans les pages qui suivent de rendre
compte d'une fagon complète de tous les travaux; je m'attache-
rai de préférence au côté expérimental, et sans me limiter à
une date déterminée, je rappellerai dans les travaux remontant
à quelques années ce qui garde encore un intérêt, de façon à
présenter autant que possible un tableau résumé des connais-
sances aujourd'hui acquises dans le domaine de l'olfaction.
Nous croyons utile de placer en tête de cet article quelques
figures anatomiques, et de les accompagner de quelques mots
d'explication pour faciliter aux lecteurs étrangers à cet ordre
de questions l'intelligence de ce qui suivra (fig. 7G).
Chez tous les mammifères, et même chez tous les vertébrés à
respiration aérienne, l'organe de l'olfaction se compose de
deux cavités plus ou moins anfractueuses, creusées dans la par-
tie antérieure du crâne, ouvertes sur l'extérieur, séparées par
une cloison médiane et servant en même temps qu'à la récep-
tion des émanations odorantes au passage du courant d'air
respiratoire; ces deux cavités prennent le nom de fosses nasales.
Chez l'homme en particulier, les fosses nasales sont protégées
extérieurement par une saillie de forme et de dimension très
variables, le nez.
On peut diviser les fosses nasales en trois parties : 1° les
narines ; ^2° les fosses nasales proprement dites ; 3" l'arrière-
cavilé des fosses nasales.
Les narines ou vestibule des fosses nasales se distinguent du
reste de la cavité olfactive par leur revêtement intérieur, qui
est formé par la peau, tandis que les fosses nasales proprement
dites sont tapissées par une véritable muqueuse, \âpi(iii(aire.
La partie inférieure des narines est garnie de poils longs et
364
REVUES GENERALIÎS
abondants appelés vibi'isses. L'orifice supérieur qui fait com-
muniquer les narines avec les fosses nasales est fort étroit, ce
qui donne aux narines la forme d'un entonnoir irrégulier. La
peau qui tapisse les narines ne diffère pas de celle du reste du
corps ; ce n'est qu'au voisinage de la pituitaire qu'elle subit
très brusquement les modifications qui doivent la transformer
en muqueuse.
Le squelette osseux des fosses nasales divise celles-ci en un
certain nombre d'anfractuosités, les cornets ;• ce sont : 1'^ le
fmm.
'^^^"^
Fig. 7G. — Nerfs de la paroi externe des fosses nasi
(D'après Debierrc, T rai 10 (/'itiKi/m/iie de riiummc.
A, nerf opliciuc. — li, iicrl' ociilo-ninlcui' ooiniiuin. — (!, liraiiolu' opliliili
— I, ncr-r nlfaclir. — 2, son |iii>saj,'o ii li';i\t'rs les Irons do la liimc crilih'c.
linUon à \:\ nnKinonsc di' la paroi i-xicrnc îles fossfs nasales. — 4, nerf nia\
— 5, lUM-r pliar\nf;i('n-palalin. — ti, lu'i'l' \i(iifn. — 7, losscdn nort'naso-palal
cxlcrnr dn nerf splirno-palalin. — 9, raincan nasal dn i;rand ncil' palal
palatins nioscn ol posléiicni-. — M, grand nerf palulin. — li, lik'l (Hlinioïda
de la (doison. — 14, rameau laléral des fosses nasales. — 13, rameau cxl
nasales.
lies.
nii|ne
de
Willis.
— W
sa
dislri-
illairc
sup
■rieni'.
in. —
S, 1
aniean
in. -
- in
, nerl's
1. —
13,1
anieau
eriie
des
fosses
cornet supérieur avec son méat; 2'- le cornet moyen avec son
méat ; ^° le cornet inférieur avec son méat. En outre, au-dessus
et en arrière du cornet supérieur, le cornet de Sanlorini avec
la dépression située au-dessous (récessus sphéno-clhmoïdal).
En outre, les os qui concourent à former le squelette des fosses
nasales sont creusés de vastes cavités, dont le rôle est mal
connu, qui chez l'homme tout au moins ne paraissent jouer
PASSY. — SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES 363
aucun rôle dans l'olfaction, et qui cependant communiquent
avec les fosses nasales par des conduits plus ou moins larges.
Ce sont le sinus sphénoïdal, les cellules ethmoïdales postérieures
et antérieures, et le sinus maxillaire.
La paroi supérieure ou voûte des fosses nasales est formée
par la lame criblée de l'ethmoale, lame osseuse percée de
trous qui livrent passage aux vaisseaux, à l'un des filets du
trijumeau et au nerf olfactif; c'est par la lame criblée de
l'ethmoïde que s'établit la communication entre les cavités
nasales et le bulbe olfactif.
La muqueuse nasale ou pif uitaire tapisse entièrement et sans
s'interrompre les diverses parois des fosses nasales (cornets,
sinus, cellules ethmoïdales). Au niveau de la lame criblée de
l'ethmoïde elle ferme tous les trous qui y sont creusés ; les
vaisseaux et les nerfs auxquels ces trous livrent passage ren-
contrent donc immédiatement au-dessus d'eux la face profonde
de la muqueuse et pénètrent alors dans l'épaisseur de cette
membrane.
11 s'en faut de beaucoup que toute la surface de la pituitaire
soit utilisée pour l'olfaction ; la région qui porte l'épithélium
olfactif proprement dit, et sur laquelle vient s'épanouir le nerf
olfactif, présente une coloration jaunâtre, qui tient à la présence
d'un pigment spécial, et diffère par ses caractères histologiques
du reste de la muqueuse. Elle a reçu les noms de tache olfac-
tive, locus luteus, regio olfactoria, etc., et s'étend exclusive-
ment à la partie supérieure de la voûte. Il est très important
d'être fixé sur l'étendue et la distribution de cette surface. On
admettait assez généralement et la plupart des traités d'anato-
mie enseignent que la muqueuse olfactive occupe la moitié
supérieure des fosses nasales; cette région aurait pour limite
inférieure le bord libre du cornet moyen, et sur la cloison une
ligne antéro-postérieure située au niveau correspondant. Les
travaux récents de Brûnn * semblent prouver que cette région
est beaucoup moins étendue.
La pigmentation, d'après cet auteur, ne coïnciderait pas
d'une façon exacte avec la distribution de l'épithélium olfactif,
et il serait nécessaire de distinguer au microscope, d'après les
caractères histologiques, la limite des deux régions. C'est ce
que l'examen de deux sujets, pratiqué immédiatement après la
mort, a permis de faire. Dans le premier cas la muqueuse
(1) A. von Brunu. Archlv fiir mihrosk. Anal., t. XX.MX, 1892, p. G32.
^m
REVUES GENERALES
olfactive mesurait 257 millimètres carrés dont 124 sur la paroi
externe et 133 sur la cloison. La région olfactive s'étendait
uniquement sur une partie du cornet supérieur et la partie
opposée de la cloison; elle ne s'approchait qu'à 7""", 5 environ du
bord du cornet supérieur. Dans le second cas, la surface couverte
était de 236 millimètres carrés dont 99 sur la cloison et 139 sur
le septum ; le bord inférieur du cornet n'était nulle part atteint.
Ainsi, contrairement à ce que l'on a admis jusqu'à présent, le
cornet supérieur seul, et en partie seulement, serait revêtu
parla muqueuse spécifique ; celle-ci est située sur la voûte des
fosses nasales, à la partie la plus éloignée des narines.
Fis. 77. — (D'après Briinn.) Distrilnition de rôpithéliiun olfactif.
Fosse nasale droite.
I.a cloison S airaclirc à l'cxcoplion «lu lionl su|n'riour cl lalialluc vcrticaleniont.
I.a parlic omlircc i-C|irésciilo la disliiliulioii ilc rcpilliclimn olfactif.
L'épithélium de la région olfactive comprend trois ordres
de cellules : P les cellules épilhéliales proprement dites. 2° les
cellules olfactioes ou cellules de SchiUtze, et 3° les cellules
basales dont le rôle est peu connu.
Les cellules olfactives^ véritables éléments sensoriels de la
pituitaire, présentent une grande analogie avec les cellules gus-
tatives. Elles sont essentiellement constituées par un gros noyau
sphériqueouovalaireautour duquel se dispose une mincecouche
de protoplasma; à peine visible sur les parties latérales du
noyau, il s'accumule aux deux extrémités et donne à la cellule
un aspect fusiforme. L'extrémité supérieure de la cellule s'amin-
cit et se prolonge jusqu'à la surface où elle est munie de G à
PASSY. — SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES 3G7
8 poils OU cils divergents, les poils olfactifs qui se dressent
librement à la surface de la muqueuse, et paraissent en der-
nière analyse être les véritables éléments récepteurs prenant
contact avec les émanations odorantes. L'extrémité inférieure
de CCS cellules s'allonge également et se rejoint sans interrup-
tion avec les fibres du nerf olfactif. Comme d'autre part on peut
suivre ces fibres jusqu'au bulbe olfactif, on peut dire que le
trajet nerveux, depuis la surface épithéliale jusqu'à l'appareil
récepteur central, nous est entièrement connu.
La muqueuse des fosses nasales reçoit deux ordres de nerfs :
des nerfs de sensibilité générale et des nerfs de sensibilité spé-
ciale. — Les premiers émanent du trijumeau. — Les nerfs de
sensibilité spéciale proviennent du nerf olfactif ; issus du bulbe
olfactif, ils traversent les trous de la lame criblée et se distri-
buent exclusivement à la portion olfactive de la muqueuse.
MECANISME EXTERIEUR DE L OLFACTION
Trajet du courant d'air dans les fosses nasales. — Des tra-
vaux intéressants ont été faits pour déterminer le chemin
suivi par le courant d'air dans les fosses nasales. Bidder ' avait
déjà remarqué que les odeurs ne sont perçues que pendant
l'inspiration; il ne suffit pas de placer un morceau de camphre
par exemple directement sous le nez, au point même d'en sen-
tir distinctement le picotement, il ne suffit pas d'amener ainsi
l'excitant physique dans le voisinage immédiat de la pituitaire,
il faut encore lui faire suivre le chemin prescrit. Pendant l'ins-
piration les narines sont élargies, les muscles élévateurs et les
muscles compresseurs des ailes du nez entrent en jeu; ces mo-
difications, insignifiantes dans la respiration ordinaire, devien-
nent très visibles lorsqu'on flaire intentionnellement; le vesti-
bule prend alors la forme d'un entonnoir, ce qui permet d'attirer
l'air d'un rayon plus considérable, surtout en avant et de
côté,
Fick- a montré qu'il ne suffisait pas encore que l'air chargé
(1) Wagner. Handirihicrhuch der l'/u/.'iiiilof/ie, t. Jl. l^iniinschweig, 1844,
p. 920.
(2j A. Fick. Analomie und l'hysiolor/ie der Sinnesorgcaie, 1S6'*, p. 99.
;j(38 REVUES GÉNÉRALES
d'odeui- fùl introduit dans le nez ; en efTet, l'air insufflé au moyen
d'un tube dans la moitié antérieure des narines est parfaite-
ment perçu; mais si le tube est placé dans la partie postérieure,
on ne perçoit rien. L'odeur doit donc suivre une voie déterminée
pour pouvoir être sentie, et l'on peut faire avec Meyer une dis-
tinction entre le chemin aérien et la fissure olfactive; le cou-
rant d'air principal suit le premier, et ce n'est que dans l'action
de flairer et par suite de la position particulière des ailes du
nez qu'une petite quantité peut arriver jusqu'à la fissure. Il y a
lieu de se demander dès lors comment, dans les conditions
habituelles, lorsqu'on ne fait pas efTortpour sentir, l'odeur peut
arriver jusqu'à l'épilhélium spécifique. La question a été exa-
minée par Paulsen* Zwaardemaker, Kayser, Franke.
Les expériences de Paulsen ont été faites sur le cadavre ; la
tête, détachée du tronc au-dessous du larynx, était munie d'un
tube de verre fixé dans le larynx et mettant le conduit aérien
en communication avec un soufflet de capacité à peu près égale
à celle des poumons; on établissait ainsi une respiration arti-
ficielle. Pour reconnaître le chemin suivi par le courant d'air.
Paulsen se servait de papier tournesol rougi, qui, comme cha-
cun sait, bleuit au contact de l'air chargé de vapeurs ammonia-
cales. Le crâne ayant été scié pour mettre à découvert les fosses
nasales, de petits fragments de papier étaient disposés de place
en place. Les résultats furent très nets.
L'air chargé d'ammoniaque décrit une courbe en forme d'arc ;
il se dirige principalement le long de la cloison, et aussi mais
en moindre quantité par les méats entre les cornets. Le cou-
rant s'élève assez haut, ce qui tient sans doute à la position
horizontale des narines, qui a pour conséquence la direction
verticale du courant d'entrée; il conserve quelque temps sa
direction ascendante, puis cède à l'aspiration qui l'entraîne
vers les fosses nasales. L'air entré à la partie antérieure des
narines monte le plus haut; celui (jui entre à la partie posté-
rieure reste dans la concavité de l'arc ; ceci concorde avec la
remarque de Fick.
Paulsen a répété ces expériences en se servant de vapeurs
d'acide osmique et en examinant la décoloration progressive
de la muqueuse.
La direction ascendante du courant d'air se trouve exagérée
fl) Paulsen. E.rperiment. Cnlersiirh. i/her die Slro/iiiiir/ (1er Si/f/ in der
Sascn/K'hlc. Silzimysbcriclit dork. Acad. d. Wisscuchafleii, 1882, t. lAXXV,
p. 3i8.
PASSY.
SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES
369
dans ces expériences ; en effet, le tube qui amène les vapeurs
ammoniacales pénètre jusque dans les narines et s'y dirige
verticalement; cependant, même dans eea condiiioas, jamais
une partie sensible du courant d'air ne parvient jusqu'à la
cavité supérieure.
Les expériences de Paulsen sont conduites avec beaucoup de
soin ; néanmoins certaines particularités du phénomène pou-
vant passer inaperçues, M. Zwaardemaker leur a donné une
Fig. 78. — (D'après Zwaardemaker . Essais de Paulsen sur rammoniaque.
Coii|io oblique menée à droite ilc la cloison et loul coiilro ccUo-ci. La coupe passe donc
pai- ia fosse nasale droite. On a l'ait tourner les deux nKiilii''s de la tèle autour d'un a\c
<ililii(ue AB |)assanl ])ar celle fosse. Sur le côté droit de la ligure on voit la cloison, sur le
côté gauche la paroi latéi'ale avec ses cornets.
Les lignes fortes indi(iueut la marche principale du courant ; les lignes faibles, les parties
où de faibles courants vieinient passer.
La tranche d'air H vient frapper la paroi inclinée au point a, rebondit et continue sa route
le long du septième. Le signe | indique le raccord sur les deux côtés de la figure.
Les petits carrés indiquent les fragments de papier tournesol : FF sinus frontal, SS sinus
sphéno'idal, E angle postérieur de la cloison.
autre forme permettant d'observer directement le phénomène
pendant qu'il s'accomplit. Il s'est servi d'une tète de cheval, ou
plutôt d'un moulage exécuté sur une tête de cheval. Celle-ci
étant sciée par le milieu, suivant un plan vertical passant tout
au ras de la cloison médiane, on coule du plâtre dans la cavité
ainsi mise à nu. Sur le moulage on remplace la cloison par
une plaque de verre et l'on peut suivre ainsi ce qui se passe à
l'intérieur. Devant l'entrée, on dispose une lampe qui fume en
produisant abondamment du noir de fumée ; l'autre côté est
mis en communication avec une pompe munie d'un manomètre ;
l'air aspiré se chargeant ainsi de noir de fumée, il devient
facile d'en suivre le mouvement.
AN.NKF, PSYCUOLOGIOl F,. It.
24
370 REVUES GÉNIÎRALES
Enfin Franke ' a exécuté des expériences analogues sur une
tête humaine ; celle-ci étant sciée comme dans l'expérience
précédente, la pituilaire est colorée en noir par de l'encre ; la
cloison est remplacée par une plaque de verre; on fait aspirer
de l'air chargé de fumée de tabac, et celle-ci dessine très net-
tement un nuage blanc sur le fond noir. Tous ces observateurs
arrivent aux mêmes conclusions ; l'air inspiré suit une courbe
en forme d'arc de la largeur du doigt environ; il s'élève d'abord
presque verticalement, puis se dirige vers le fond. Le point le
plus élevé atteint par ce courant est, d'après Paulsen : le bord
inférieur du cornet moyen; d'après Zwaardemaker :1e bord infé-
rieur et antérieur des ethmoïdales; le bord inférieur et antérieur
du méat supérieur, d'après Franke ; ce qui est hors de doute,
c'est que, nichez l'homme, ni chez les mammifères macrosma-
tiques, le courant d'air direct n'atteint la région olfactive pro-
prement dite, c'est-à-dire la zone pigmentée, sur laquelle s'épa-
nouissent les nerfs olfactifs. Si l'on se reporte aux travaux de
Briinn qui établissent que chez l'homme la partie supérieure
seule du méat supérieur doit être considérée comme région
olfactive, on voit que celle-ci est absolument à l'abri du contact
direct du courant respiratoire.
C'est là un résultat fort intéressant et qui peut sembler sur-
prenant au premier abord ; il paraîtrait naturel que l'organe
destiné à percevoir les odeurs répandues dans l'air fût situé
directement sur le passage de cet air de manière à n'en pas
laisser échapper la moindre quantité ; mais cet organe ainsi
placé serait exposé à toutes les causes d'irritation et de dété-
rioration, au contact d'un air trop froid, trop chaud, trop sec ou
trop humide ; au dépôt des poussières atmosphériques, aux
infections microbiennes, etc. ; situé au contraire au fond d'une
sorte de chambre tranquille, protégé contre les mouvements de
l'air, entouré d'une atmosphère dont la température et l'état
hygrométrique sont constants, il peut accomplir sa fonction
dans les circonstances les plus diverses ; c'est ce qui explique
que la région olfactive proprement dite participe si rarement
aux affections inflammatoires, aax rhumes, aux catarrhes,
dont le reste de la pituilaire est constamment atteint ; c'est ce
qui explique que les anosmies essentielles, c'est-à-dire par
altération de la muqueuse olfactive soient, comme nous le
verrons plus loin, relativement si rares. Mais, dira-t-on, si les
(1) Arch. l'iir L(trynf/olo(/ie und l{/tiit(jli>ijie, t. I, 2<^ fasc, 1893, p. 236.
PASSY. — SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES 371
poussières et l'air lui-même ne peuvent pénétrer dans la fis-
sure olfactive, comment les odeurs peuvent-elles y parvenir?
Mettons ce point en lumière ; les poussières, les germes
microbiens, si ténus soient- ils, ne sont que des matières
solides en suspension dans l'air, qui ne sont pas animées de
mouvements propres et qui ne peuvent arriver que là où l'air
les porte. Il en est tout autrement des parfums ; ceux-ci sont
des gaz, soumis aux lois de la diffusion, et qui tendent à péné-
trer même dans les cavités mortes, dans les culs-de-sac. Dès
lors, la disposition de la tache olfactive nous paraît admirable-
ment choisie ; c'est une sorte de grotte sur le seuil de laquelle
viennent défiler toutes les atmosphères qu'il s'agit d'analyser;
tout ce qui est matière solide passe sans entrer, emmené par
l'air qui l'amène ; toutes les molécules gazeuses, au contraire,
rencontrant un espace vierge tendent à s'y diffuser, y pénètrent
et vont frapper la paroi opposée recouverte d'épithélium. L'air
qui passe cesse-t-il d'être odorant ? Ce que la diffusion a fait,
la diffusion le défait ; les molécules gazeuses repassent le seuil
de la grotte dont l'atmosphère redevient ce qu'elle était. La
forme même du courant d'air, telle qu'elle a été décrite par les
différents observateurs, cette courbe dont la convexité vient
frôler de tout son développement l'entrée du méat supérieur, tout
cela parait réalisé en vue d'agrandir la surface de diffusion à
travers laquelle les échanges, mais les échanges gazeux seuls
peuvent se produire. C'est un bel exemple de la finalité qui
préside à la disposition de tous nos organes.
Il ne faudrait pas croire cependant que nous restions toujours
passifs et que nous ne puissions modifier en rien la circulation
de l'air respiré ; nous pouvons flairer; flairer, c'est respirer à
petits coups, avec des variations volontaires de sens et d'inten-
sité; il semble bien, d'après les remarques de Franke,que dans
ce cas l'air puisse monter un peu plus haut que d'habitude ; les
successions de petites pressions et dépressions ainsi produites
peuvent peut-être faciliter le mélange de l'air et en amener
quelqaes traces jusque dans la fissure olfactive, lorsque l'odeur
est trop faible pour être perçue autrement. En tout cas, nous
pouvons arrêter au passage et faire séjourner devant l'entrée
de la fissure telle tranche d'air déterminée ; c'est l'attention
portée sur une sensation olfactive, à peu près comme lorsque
nous portons un objet à notre œil.
Resterait à établir ce qui se passe quand l'odeur arrive en
contact avec la muqueuse. J. MiiUer a émis l'hypothèse que les
372 REVl-ES GÉNÉR.U.ES
corps odorants doivent d'abord se dissoudre dans la couche
très mince de mucus qui recouvre la pituitaire et agir ensuite
à rêlât dissous ; celte hypothèse rapprocherait l'odorat des
mammifères de celui des poissons chez lesquels les odeurs ne
peuvent évidemment agir qu'en dissolution dans l'eau. 11 était
indiqué de chercher si Tolfaction dans ces conditions était
possible pour l'homme et si en amenant au contact de la tache
olfactive une solution aqueuse d'une matière odorante, celle-ci
était perçue. Les premières expériences de Tourtual, "Weber.
Valenlin, Frôhlich ont été négatives : Weber en aspirant un
mélange d'eau et d'eau de Cologne déclarait n'avoir senti
aucune odeur. Mais ces expériences étaient mal instituées.
Aronsùhn ^ ayant repris l'expérience de Weber remplaça l'eau
pure qui désorganise les cellules olfactives et produit, lorsqu'on
l'aspire, une douleur intense, par la solution physiologique de
chlorure de sodium à 0,6 p. 100 amenée préalablement à la
température du corps, et s'en servit à l'aide d'une douche
nasale. Dans ces conditionsy rolfaclion s'accomplit parfaite-
ment, et l'on peut sentir et reconnaître les odeurs les plus
tliverses, telles que la vanilline, la coumarine, l'essence de
girofle, le brome, etc. Il est arrivé ainsi aux conclusions sui-
vantes : 1^ la température la plus favorable à l'olfaction est un
peu supérieure à celle du corps ; elle est comprise entre 38 et
40* ; È^ la concentration la plus favorable de la solution de
sel marin est de 0,73 p. 100 : 3* le sel marin peut être remplacé
par uc grand nombre d'autres sels, tels que le sulfate de soude,
le phosphate de soude, le sulfate de magnésie etc., pourvu qu-;
les proportions soient convenablement réglées de façon à cons-
tituer des solutions équivalentes au point de vue osmotique ;
4' en faisant varier la teneur en parfum de la solution, on
peut déterminer la dose minima qui donne lieu à la perception.
(Nous donnerons plus loin ces résultats quantitatifs.: Enfin
l'un des résultats les plus intéressants, résultat auquel l'auteur
ne s'attendait pas, c'est que certains sels, comme ceux que
nous venons de nommer, qui passent généralement pour être
sans odeur, sont odorants en solution aqueuse.
Zwaardemaker a fait à ces expériences l'objection suivante :
1 Est-il démontré par la que ces solutions sentent réellement
en tant que solutions ? Pas le moins du monde, car il faudrait
l; Aronâohn. Zur l'it^s. des Oerucks. — Thèse de diù>ct. Leipzig, iiiô.
Veit et C'^.
PaST- — 5H LZ5 S5!riTH3S ÎCJ'^ZirrîS
_ ^-wmiaaïïT ttl^ %;,lj^lil>f: . r lie ne
I wilfc sas ^^ ±JL tif - -àcass;
P - "
âf
5-- i_^ : r -==nriT>= ? Al.
S74 REVUES GÉNÉRALES
une seringue de Pravaz. puis achève de la remplir avec de l'air.
Une légère pression sur le piston suffit alors pour faire sortir
de la seringue une bouffée d'air parfumé, qui sert de source
odorante.
Le sujet tient entre les dents une feuille de papier ; on pique
ce papier par-dessous avec l'aiguille de la seringue et on
laisse échapper un peu d'air parfumé ; en même temps le sujet
flaire avec précaution ; si pendant la première seconde il per-
çoit l'odeur, un aide trace un cercle autour de l'aiguille. Quand
le nombre des points ainsi relevés suffit pour tracer le contour
du champ olfactif on réunit les points extérieurs par une courbe.
On trouve ainsi deux régions symétriquement placées devant
les narines et séparées par un intervalle d'environ un demi-
centimètre, correspondant à la cloison. Dans deux cas d'hémi-
plégie faciale, le côté paralysé a montré une étendue moindre
du champ olfactif.
Comparons aux figures ainsi obtenues les taches de buée, ou
taches respiratoires (Athemflecken) qu'on obtient en plaçant un
miroir à quelque distance du nez et en le retirant au bout
d'une expiration ; ces taches persistent assez longtemps pour
qu'on puisse les examiner à loisir; chacune d'elles présente une
forme arrondie, allongée dans le sens de la largeur et se divise
pendant lévaporation en deux parties séparées par une ligne
oblique dirigée d'avant en arrière et de l'intérieur à l'extérieur.
Cette division est un fait très constant, qui n'est guère influencé
même par les malformations pathologiques des cavités nasales.
Zwaardemaker y voit un effet de la saillie formée par le bord
du cornet inférieur ; l'air qui s'engouffre dans laplica vestibuli
est naturellement dirigé dans le méat inférieur ; inversement,
l'air expiré qui sort de ce méat va former sur le miroir la
moitié postéro-latérale de la tache. Au contraire, l'air qui passe
par la partie antérieure des narines doit passer au-dessus du
cornet inférieur ; cette partie seule, nous le savons, sert à
l'olfaction ; c'est celle qui correspond ù la moitié antéro-
médiane de la tache, d'où il résulte que la forme et la position
du champ olfactif se confondent sensiblement avec la forme et
la position de cette tache. Ce fait intéressant mis en lumière
par Zwaardemaker permet de remplacer dans les cas les plus
divers l'exploration du champ olfactif par une opération beau>
coup plus simple, l'examen de la tache respiratoire.
PASSY. — SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES 375
II
OLFACTOMETRIE
Méthodes. — Chaque fois qu'il s'agit d'explorer la sensibilité,
la première chose à faire, c'est de s'assurer une méthode per-
mettant de mesurer et de graduer l'excitation; dans le cas pré-
sent, il est nécessaire de doser ou tout au moins de comparer
les quantités de matière odorante correspondant à tel ou tel
degré de la sensation, et particulièrement de déterminer le
minimum perceptible, c'est-à-dire la plus petite quantité de
parfum nécessaire pour produire la sensation d'odeur.
Chacun sait que les quantités de substance suffisantes pour
impressionner la muqueuse olfactive sont tellement faibles
par rapport à nos procédés de mesure, qu'il est impossible de
songer à les peser directement; plusieurs observateurs se sont
attaqués à cette question. Je nedirairien ici des anciennes expé-
riences ni des méthodes défectueuses de Valentin et de Frôhlich
qui n'ont qu'un intérêt historique.
MM. Fischer et Penzoldt ' ont opéré de la manière suivante :
le local servant aux expériences était une salle nue d'une con-
tenance de 230 mètres cubes. On préparait une solution alcoo-
lique titrée de la substance à essayer, en dissolvant 1 gramme
dans 1 litre d'alcool, puis en étendant cette solution mère dans
des proportions déterminées. L'un des deux collaborateurs pré-
levait alors une quantité déterminée de cette solution et la
pulvérisait dans la salle d'expérience ; l'air de la salle était
ensuite brassé pendant quelques minutes avec un grand dra-
peau. Sur un signal donné, le sujet pénétrait dans la salle et
cherchait à percevoir l'odeur.
Cette méthode est évidemment en principe la plus simple et
la meilleure de toutes; mais elle ne saurait se prêter à une expé-
rimentation suivie. Les auteurs paraissent, d'ailleurs, l'avoir
reconnu, car ils n'ont publié que quatre expériences. Les essais
ont porté sur le mercaptan ou sulfhydrate d'éthyle, corps doué
(1) Fischer et Pl'iizoIiII. l>'iol. r,'iilriilhli(ll ., I. VI, p. fil. 1886.
376 REVUES GÉNÉRALES
d'une odeur fétide, et le chlorophénol. Elles ont donné les
résultats suivants :
Mercaptan. Cliloroplu'nol.
Minimum perceptible — —
par centim. cube. . 1/23.000.000 de milligr. i/230.000 de miliigr.
Les auteurs ne donnent pas ces chiffres comnne des minimums
proprement dits, mais comme des chiffres pour lesquels la per-
ception existe encore.
Nous avons vu plus haut les expériences d'Aronsohn sur
l'olfaction dans l'eau. En faisant varier le titre des solutions,
cet observateur est arrivé aux minimums perceptibles sui-
vants :
Essence de girofle. 0,00001
Camphre 0,001 j Minimums perceptibles
Eau de Cologne . . 0, 1 dose de substance
Coumarine .... 0,00001 — 0.000001 \ p. 100.
Vanilline 0,001
La méthode d'Aronsohn est intéressante, mais elle s'écarte
considérablement des conditions normales, et rien n'indique
a priori que les minimums perceptibles doivent être les mêmes
dans l'eau et dans l'air ; d'ailleurs ces expériences sont peu
agréables et les sujets qu'on a parfois déjà de la peine à retenir
se prêteront difficilement à des séances d'irrigation nasale.
Elle offre pourtant de grands avantages pour l'étude de cer-
tains points particuliers et reste une des contributions les plus
importantes à la connaissance de l'olfaction.
L'olfactomètre de Zwaardemaker ' est entré dans la pratique
médicale en Allemagne et en Hollande ; l'auteur s'est proposé
un but tout différent; il ne recherche pas les qiianlilés absolues
de matière correspondant à la perception olfactive; il a voulu
mettre entre les mains du clinicien un appareil simple porta-
tif, permettant de graduer les intensités relatives de l'excitation
et, par conséquent, d'explorer et de comparer la sensibilité
des différents sujets.
L'appareil se compose d'un tube cylindrique construit soit en
une substance naturellement odorante, telle que le caoutchouc.
(1) Zwaardeniakcr. lierl. kl'tn. Wor/icn.sc/iri//. 1888, n''47. — For/schril/c
der Medicin, 1889, ii° 19. Ou Iroiivera dans la l'/ii/siolor/ie des Geri/c/i^-,
■déjà (-ité, les détails les jihis circonstanciés snr cet appareil et la manière
■de s'en servir.
PASSV. — SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES 377
soit en porcelaine dégourdie imbibée d'une solution odorante.
Si l'on fait passer de l'air à travers ce tube, cet air se charge
d'odeur. Supposons maintenant un tube de verre concentrique
au premier et glissant àl'intérieur de celui-ci à frottement doux,
de manière à découvrir des longueurs variables du cylindre odo-
rant : l'air qui traverse le tube se charge de quantités variables
d'odeur et, dans une certaine mesure, proportionnelles aux sur-
faces découvertes. On a ainsi le moyen de faire varier l'excita-
tion et de mesurer le minimum perceptible par la longueur
découverte du cylindre.
Tel est le principe très simple de l'appareil. Il suffit d'un
coup d'œil sur la figure pour voir comment ces conditions sont
très heureusement réalisées dans la pratique. La graduation
peut être faite en centimètres ;
Zwaardemaker préfère le faire en
olfacties, l'olfactie étant la longueur
de cylindre correspondant à la
valeur normale du minimum per-
ceptible, établie sur un certain
nombre de résultats statistiques;
nous avouons ne pas attacher à cette
valeur normale une très grande
importance, surtout pour un sens ^^^ 79. - (Daprès ZAva.inie-
aussi variable que l'odorat, et pré- " maker). OllactomèUe.
férer considérer l'olfactie comme
une simple valeur arbitrairement choisie, dans l'ordre de
grandeur du minimum. Je ne ferai à cet olfactomètre que
deux objections : la première est relative au mode d'aspi-
ration et à l'introduction de la branche courbe du tube dans
les narines, ce qui est peu physiologique ; je sais bien que
l'entrée de l'autre extrémité étant parfaitement libre, l'air
obéit à la moindre aspiration et il suffit presque de placer le
tube devant la narine ; l'auteur prévoit l'objection et y répond
en partie; néanmoins il reste là quelque chose de défectueux ;
l'autre est relative à la facilité avec laquelle le tube conserve
les odeurs; il suffit d'une ou deux expériences pour que l'appa-
reil soit imprégné d'odeur, qu'on ne parvient que difficile-
ment à lui enlever en le soufflant. Malgré ces critiques l'appa-
reil de Zwaardemaker reste séduisant par son extrême simplicité ;
il permet de commencer paroles excitations les plus faibles et
de passer graduellement aux plus fortes ; il permet d'obtenir
des résultats comparables d'un sujet à l'autre ; c'est en somme
378 REVUES GÉNÉRALES
le seul appareil portatif (jui ait été mis à la disposition du
clinicien '.
Je me borne à donner le principe de l'olfactomètre de
M. Mesnard. Il consiste à déterminer l'égalité d'intensité entre
l'odeur à étudier et l'essence de térébenthine, puis à détermi-
ner la quantité de cette dernière existant dans le mélange.
Cette idée assez simple conduit dans la pratique à un appareil
extraordinairement compliqué, qui avait sans doute sa raison
d'être pour les recherches spéciales de botanique auxquelles il
était destiné -.
J'arrive à mes propres recherches. J'ai cherché avant tout à
réaliser une méthode simple, pratique, physiologique par
excellence, et telle que le sujet en expérience soit placé pour
sentir dans les conditions où il se trouve dans le courant de la
vie, bien persuadé que les causes d'erreur psychologiques ou
physiologiques ont une importance prépondérante. Je com-
mence par préparer une série de solutions titrées à 1/10", l/'iOO*^,
1/1000'^, etc., en dissolvant 1 gramme de matière odorante dans
9 grammes d'alcool, puis mélangeant 1 gramme de cette pre- ;
mière solution avec 9 grammes d'alcool et ainsi de suite. Cela '"^
fait, je prélève une goutte de la dernière dilution que je ^
laisse tomber sur un petit godet légèrement chaulTé, disposé %
dans un flacon de capacité connue. On attend quelques instants -l
pour permettre à l'odeur de se difTuser ; on découvre alors le
llacon et le sujet présente son nez à l'ouverture ; s'il ne perçoit
rien, on répète l'expérience avec une solution plus concentrée
et l'on continue ainsi jusqu'à ce que la perception apparaisse.
On conclut que le minimum est compris entre les deux der-
nières expériences ; il est facile alors de le déterminer d'une
façon plus précise ; il suffit de préparer les solutions intermé-
(1) IMus réceiuiiient Saveliell' a déciil un (iirai'InMit'tre; Zwaardeiiuiki'r eu
a lail miL' critique sévère et parfaitement jiislidée ; qu'il suffise ici do
reuiuniucr qu'avec cet appareil on conmicnce par les excitations les plu^i
fortes pour arriver jieu à peu jus(prau luiniiuuui I Voir Savelietl'. l'tifer-
.stic/i. t/i'.s l'.eriiclisiiuics zii Klin. Zirechen. SeunA. cen/i-ulùl., 1893, u" 10,
p. 3i0. — Zwaardeniaker. l'/ii/.s. r/c* Ceruchs., p. 99 et 100.
(2) J'aurais beaucoup désiré le voir loncliouner, mais les deux fois où je
me suis présenté au laboratoire de M. Ijonnicr où travaillait M. Mesnard
l'apjjareil ii'élait pas en élat. M. Mesnard m'a dit à ce moment qu'il s'oc-
cupait d'un appareil plus siuqdc, mais je ne crois pas qu'il ait rien publié
depuis. — Voy. .Mesnard. Appai'e'il Nouveau puar la mesure de l'infensUé
lies parfums. C. R. Ac. Se. 19 juin 1893. — Her. <ién. de nolanhjue, t. VI,
p. 97 (189i).
PASSY. — SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES 379
diaires entre la solution trop faible et la solution trop forte '.
Celte méthode extrêmement simple se prête facilement à
l'expérimentation suivie.
Quelles sont les causes d'erreur? En premier lieu, la présence
de l'alcool qui masque partiellement l'odeur en expérience ;
profitant du pouvoir odorant beaucoup moindre de l'alcool
mélhylique pur, je l'ai substitué à l'alcool éthylique ordinaire;
si Ton se sert, comme je le fais, d'un compte-gouttes qui donne
des gouttes ne pesant que l/oOG*^ de gramme et d'un flacon de
grande capacité ;2 litres), la quantité d'alcool méthylique tom-
bant au-dessous du minimum perceptible, cette cause d'erreur
disparaît complètement. La seconde cause d'erreur est la prise
d'air faite à chaque inspiration par le sujet, ce qui diminue la
teneur en parfum ; on se sert d'un flacon de grande capacité et
la première inspiration compte seule ; si elle est négative, on
recommence. La troisième cause d'erreur est l'odeur propre du
flacon ; je n ai jamais rencontré aucun objet qui fût réelle-
ment inodore quand on y porte son attention; le verre ne fait
fait pas exception ; si dans un flacon sec et paraissant inodore
on laisse tomber une goutte d'eau ou d'alcool, il se dégage
immédiatement une odeur de poussière extrêmement pro-
noncée et qui rendrait impossible toute expérience de préci-
sion. Cette odeur appartient en propre au verre, car aucun
lavage chimique ne peut la lui enlever. Je ne connais qu'un
moyen d'écarter celte difficulté, c'est d'opérer dans une paroi
d'eau.
A cet effet, le flacon étant parfaitement propre pour que l'eau
ne glisse pas à sa surface, on le rince à l'eau pure entre chaque
expérience, de fa(;on à séparer l'atmosphère du flacon de la
paroi de verre, par la mince couche de liquide qui y adhère.
J'ajoute qu'il est parfois difficile de trouver de l'eau inodore,
surtout à Paris.
Résultats. — J'appelle minimum perceptible la plus petite
quantité pei'ceptible de matière contenue dans un litre d'air.
L'extraordinaire petitesse des chiffres m'a fait adopter comme
unité le millionième de gramme ou millième de milligramme.
(1) Jacques Passy. Comptes lieiidufi Ac. >'t\, lévrier 1892. — Soc. de Biol.
30 jauvier et 20 février 1892. Il semble au premier abord (|u'nu pmirrait
remplacer l'alcool par Tcan, mais ce dissolvant donne de très mauvais ré-
sultats; l'eau s'évapore diriicilement, il l'aul lii.iutrer beaucoup et ab>rs il
se produit uue odeur de c/iaud qui rend toute expérience impossible.
380 REVUES GÉNÉRALES
Je n'ai employé que des corps purs, bien définis et par consé-
quent toujours identiques '.
Camphre 5
i Ether 1
„ ... ,, . \ flitral ' . . 0,5 à O.l
1 ar lilre cl air
Iléliotropine cristallisée. 0,1 à 0,0:1
/
Coumarino 0,03 à 0,01
\ Vanilline 0,00o à 0,0005
Quantité absolue déposée \ Musc naturel. . 0,001
sur un verre de montre } Musc artificiel . 0,00001 à 0,00000;;
La première conclusion qui ressort de ce tableau, c'est l'ex-
trême petitesse des chifTres; cette petitesse a toujours été
soupçonnée, mais il est intéressant d'en connaître la valeur
réelle et de se faire une idée de l'ordre de grandeur qu'elle
représente. La sensibilité de notre odorat dépasse de beaucoup
celle des réactions chimiques, y compris les réactions colorées
dont quelques-unes sont si délicates, et même l'analyse spec-
trale, la plus sensible de toutes. C'est ainsi (jue, d'après
MM. Kirchofîet Bunsen, l'analyse spectrale peut déceler la pré-
sence de 1/1400 000 de milligramme de sodium, tandis que
l'odorat perçoit une quantité 250 fois moindre de mercaptan
(Fischer et Penzoldt), et 10 000 fois moindre de musc artificiel.
Il faut remarquer que sensibilité et précision sont en général
en raison inverse l'une de l'autre dans les méthodes de mesure
comme pour les organes des sens ; ainsi l'odorat, le sens le plus
sensible, est en revanche le moins précis ; il ne nous renseigne
directement que d'une façon très grossière sur les quantités en
présence.
On peut distinguer deux sortes de minimums ; un minimum
simple et un minimum qualitalif. Si l'on fait croître l'excita-
tion graduellement depuis zéro, on constate que le sujet com-
mence par ne rien sentir, puis qu'il perçoit une odeur vague,
indéterminée, qu'il ne peut nommer, puis enfin qu'il perçoit
l'odeur caractéristique. Il ne s'agit pas ici d'une modification
objective du parfum, car cette limite varie avec les sensibilités
individuelles. Charpentier a noté depuis longtemps un fait ana-
logue pour les sensations visuelles : un minimum lumineux et
un minimum chromaticjue ; pour l'explicjuer il suppose la mise
en jeu à un moment donné d'une seconde classe d'éléments
(1) Jacques Passy. Soc. de liiul., 19 mars 1892.
PASSY. — SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES 381
nerveux. Sans rejeter le moins du monde cette explication, je
pense qu'il peut y avoir là aussi une raison de psychologie ;
l'acte de reconnaître et de classer une sensation est une opéra-
tion plus compliquée qu'une sensation brute, et il n'y aurait
rien d'étonnant à ce qu'elle demande une excitation plus forte.
Et la meilleure preuve c'est que cette zone indéterminée diminue
beaucoup pour un odorat exercé.
Acuité normale. — Zwaardemaker > donne les résultats
obtenus avec sonolfactomètre sur un certain nombre d'hommes
de troupe de son service hospitalier d'Utrecht; les sujets
étaient âgés de dix-huit à vingt-trois ans. Chez 34 d'entre eux
la symétrie des taches respiratoires indiquant le libre passage
de l'air, et l'exploration rhinoscopique ne montrant rien d'anor-
mal, on peut admettre que les organes explorés ne présentaient
pas de troubles pathologiques. Les résultats sont consignés
dans le tableau suivant :
Longueur découverte du cylindre de caoutchouc.
Jliniimim
Nombre ilo
)crcc|)tible
lois trouvr
0, 1
2
0,3
i
0,5
8
0,7
10
1,0
5
i,2
1
1,5
1
2,0
3
2,5
1
3,0
2
34
La moyenne de ces 34 cas donne une longueur de 1 centi-
mètre; d'autre part le chiffre qui revient le plus souvent est 0,7;
sans entamer une discussion sur les mérites respectifs de la
moyenne et de la normale, je me borne à indiquer que c'est cette
valeur de 0,7 que Zwaardemaker considère comme normale et
pour laquelle il propose le nom d'olfactie. Ces 34 cas, pris
tous dans le même sexe, au même âge et dans des conditions
identiques, fumeurs probablement — militaires et hollandais! —
exposés à l'odeur des médicaments qui traînent toujours plus
ou moins dans les cliniques, constituent je pense une statistique
(1) Zwaardeinaker. Op. c!l.,\). 131 et 132.
382 Rii:vuES générales
insuffisante ; elle demanderait à être largement contrôlée dans
la clientèle de ville; c'est sans doute ce que l'auteur a fait,
mais il ne le dit pas. Nous considérerons jusqu'à nouvel ordre
l'olfactie comme une expression commode pour les besoins du
langage plutôt que comme une acuité normale bien solidement
assise.
Anosmies et nvPEF.osMiES. — Nous dirons quelques mots des
anosmies et hyperosmies provenant de malformations des cavi-
tés nasales, ou anosmies respiratoires, des anosmies essen-
tielles c'est-à-dire intéressant directement l'épithélium olfactif,
et qui comprennent les anosmies toxiques, et enlin des anos-
mies qu'on peut appeler nerveuses.
1" Anosmies et Jii/perosmies respiratoires. — De légères
asymétries du squelette nasal sont chose fréquente chez des
sujets d'ailleurs normaux. La sténose ne se manifestant qu'en
cas d'inflammation de la muqueuse, ces imperfections passent
le plus souvent inaperçues. Ce défaut de symétrie est extrême-
ment fréquent ; Zuckerhandl' a noté J 40 cas de déviation de la
cloison médiane sur 870 crânes examinés.
Cette courbure n'entraîne le plus souvent qu'une anosmie
insignifiante ; cependant, lorsqu'elle intéresse la partie anté-
rieure, elle produit du côté de la convexité une diminution de
volume de la cavité respiratoire, ce qui entraîne un certain
degré d'anosmie ; en même temps il se produit du côté de la
concavité une augmentation de la cavité libre, ce qui peut
entraîner une hyperosmie relative. Les taches respiratoires sont
dans ce cas inégales, bien que peu altérées.
Les échondroses et exostoses produisent des effets plus mar-
qués, elles sont également fréquentes ; Zuckerhandl en a relevé
107 cas sur 370 crânes examinés ; la proportion est bien
moindre chez les peuples sauvages et nulle chez les enfants
au-dessous de sept ans. Ces excroissances ont le plus souvent
pour conséquence une anosmie assez marquée lorsqu'elles attei-
gnent un volume suffisant.
Cependant dans certains cas il peut arriver que par suite de
la disposition particulière de l'excroissance qui affecte la forme
d'une crête, elle ait pour effet de diriger le courant d'air
(11 Zuckcrliamll. Xontuilc ii.p<i/hoI(i;/. Aiml.der Sctsculntlde. Vienne, 1882,
1>. 4.^ et suivantes. Voyez aussi Alorell Maekenzic. Manual of Diseuses of
llic Tliroal fiin/ .\o.se.ljOndres, 1884, l. 11, p. 4:53.
PASSY. — SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES 383
inspiré plus près de la tache olfactive ; dans ce cas, elle a pour
conséquence au contraire un certain degré d'hyperosmie. On
trouvera, pages 140 et 141 de l'ouvrage de Zwaademaker, des
exemples de l'un et l'autre cas. — 11 conclut que c'est dans les
irrégularités respiratoires qu'il faut chercher la cause habituelle
des variations de l'acuité olfactive.
2° Hyperosmies et anosmies toxiques. — Les observations
sont rares sur ce sujet. Fruhlich ' a constaté une anosmie par-
tielle sous l'influence de la morphine, soit après insufflation
directe, soit au cours d'un empoisonnement. Zwaardemaker
rapporte quelques expériences avec le chlorhydrate de cocaïne.
On insufflait 1 centimètre cube environ d'un mélange de poudre
d"amidon et de chlorhydrate de cocaïne. Il se produit d'abord
une hyperosmie passagère ; puis une anosmie de plus longue
durée et qui s'étend aux substances les plus diverses. Enfin
Fruhlich ^ a noté une hyperosmie considérable sous l'influence
de la strychnine. La nature périphérique de ces variations
résulte de ce fait qu'elle n'intéresse qu'un des côtés du nez.
3" Anosmies nerveuses. — Elles sont beaucoup moins fré-
quentes que les anosmies respiratoires. 11 existe dans la littéra-
ture des cas (ï arhinencéphalie, c'est-à-dire d'absence plus ou
moins complète de l'appareil nervenx central. Claude Bernard
notamment a fait l'autopsie d'une femme privée entièrement de
nerfs olfactifs; il ne put rien relever de spécial dans son existence,
Nous ne nous arrêterons pas longtemps sur ces monstruosités
anatomiques '.Zwaardemaker a cherché aies rencontrer parmi
les individus dont le front est particulièrement étroit, dans la
pensée que celte conformation pouvait indiquer un développe-
ment insuffisant de la lame criblée de l'ethmoïde. Il n'a ren-
contré qu'un cas d'anosmie, celui d'un homme adulte intelli-
gent, qui à aucun moment de son existence n'avait jamais senti
aucune odeur. Le goût était conservé et les sensations tactiles
de la langue et de la bouche avaient acquis une grande finesse.
On rencontre plus fréquemment des gens chez lesquels
l'anosmie a fait son apparition après la première enfance, sans
que l'on puisse constater de troubles pathologiques de la
(1) Frôhlich. Complet rendus de iAc. des Se. de Vienne, t. M, 18ol, l). 332.
(2) Loco ci lato.
\l] Rudius Ilolfinet, Falkenbcrg, Magnaiiiiis cités par Cloquct, p. 733.
Eschricht, Fatnier, Valent iii.ll«>sennin lier. Criiilli. Pressai, rites par Longet,
Anal, el ptiy.s. dû .tijsL nercen.vA. 1, p. 38.
384 REVUES GÉNÉRALES
cavité nasale. Toutelois on doit se montrer très circonspect
dans le diagnostic, car d'une part ces anosmies données comme
aJDSolues ne sont parfois que relatives et d'autres fois on cons-
tate un état catarrhal exclusivement localisé à la région olfac-
tive et qui avait passé inaperçu ; ceci est très rare. Un autre
groupe est formé par les anosmies séniles. Des gens bien por-
tants d'ailleurs, de l'un ou de l'autre sexe, et qui n'ont pas
encore atteint la vieillesse proprement dite, après avoir
éprouvé des troubles olfactifs divers, se manifestant par des
sensations subjectives, des paresthésies diverses, perdent
ensuite peu à peu l'odorat. On ne peut donner à ces paresthé-
sies prémonitoires le nom d'hallucinations véritables ; elles
sont intermittentes, se montrent brusquement et cessent aussi
brusquement. Parfois aussi elles sont continues, mais sujettes
à des variations d'intensité. Les malades se plaignent tantôt
d'odeurs de brûlé, tantôt de puanteurs fécales. On remarque
également des sensations consécutives extrêmement prolongées :
l'odeur des aliments, par exemple, incommode les malades plu-
sieurs heures après les repas. Citons quelques exemples *.
« I. — Anosmie respiratoire gauche, compliquée d'anosmie
sénile ; acuité olfactive tombée à droite à 'J/2 à gauche à 1/45.
Sensations consécutives prolongées, pareslhies indéterminées
rappelant le brûlé.
« II. — Anosmie sénile chez un homme de quarante-quatre
ans qui présentait également un raccourcissement précoce de
l'échelle des sons. Acuité olfactive à droite I/o, à gauche 1/20.
Paresthésies principalement pendant la nuit, qui empêchent le
malade de dormir.
« III. — Anosmie sénile avec sensations consécutives très
caractérisées. Acuité normale à droite (cavité nasale parfaite-
ment normale), 1/10, à gauche 1/50. Paresthésies rappelant le
brûlé,
« IV. — Anosmie absolue. Les paresthésies eurent d'abord un
caractère fécal ; ensuite après usage du bromure de potassium,
elles rappelaient l'odeur des plantes médicinales d'une phar-
macie. L'odeur forte du scalol, au moment même où elle
correspondait absolument à la nature de ses paresthésies, n'était
nullement perçue. »
(I) Zwaardemaker. Op. cit.. p. 157.
PASSY. — SLR LES SENSATIONS OLFACTIVES 385
A ces anosmies nerveuses nous joindrons les observations de
M. Féré ' qui a publié un nombre considérable de chiffres pris
sur les hysléro-épilepliques de son service de Bicêtre; il résulte
de ces observations que l'acuité olfactive présente dans la
majorité des cas une diminution manifeste.
Il resterait à joindre ici les anosmies par épuisement, ou plus
exactement par adaptation. On sait avec quelle facilité le sens
de l'odorat s'émousse ; si l'on sent deux roses parfaitement
pareilles, la seconde paraît toujours sentir moins fort. Ce
qu'il y a de particulier pour l'odorat, c'est la lenteur avec
laquelle les fonctions olfactives retrouvent leur intégrité ; si les
excitations ont été fortes et prolongées, il faut plusieurs jours
pour que la sensibilité reparaisse. Enfin, lorsque ces excitations
sont constantes et habituelles, pour ceux qui par leur genre de
vie sont constamment exposés à l'action de parfums très con-
centrés, il s'établit un état définitif ou tout au moins extrême-
ment durable d'anosmie relative, anosmie qui n'est pas le signe
d'une détérioration de l'appareil olfactif mais qui représente une
véritable adaptation à un milieu différent, stable parce qu'elle
s'applique à un milieu stable. Si nous conservions au grand
jour la sensibilité à la lumière que nous avons en sortant de
l'obscurité nous souffririons horriblement. De même on s'étonne
parfois que les parfumeurs ne soient pas plus incommodés par
les odeurs qu'ils respirent ; cela n'a rien de surprenant : ils ne
les sentent plus -. Mes notes à ce sujet étant inédites, je ne m'y
arrête pas.
En résumé, les anosmies respiratoires sont de beaucoup les
plus fréquentes. Cela n'a rien d'extraordinaire étant donné que
la partie externe en quelque sorte de l'appareil — puisqu'elle
est en contact direct avec l'air — est infiniment plus exposée à
tous les accidents, à toutes les causes d'irritation physico-chi-
mique ou d'infection microbienne. Mais ceci amène à penser
que les variations passagères que peut subir la partie respi-
ratoire de la muqueuse même dans des limites physiologiques
ne sont pas sans influence sur le fonctionnement de l'odorat.
Ce sont par exemple le degré plus ou moins grand de plénitude
vasculaire et la plus ou moins grande abondance de la sécrétion
nasale.
(1) Ch. Féré. .Soc. de Bial., 30 juillet 1892.
(2) Il est bien clair i|ii'il s"agit ici de l'actiité (ilfactive et iinii de la (iiiessc ;
celle-ci chez les parruiiieurs se développe au contraire d'une façiui extra-
ordiuaire.
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 25
38G
REVUES GENERALES
On sait que la pituitaire est constituée en partie par du tissu
érectile, particulièrement au niveau du cornet inférieur et à la
partie inférieure du cornet moyen et supérieur et que d'une
fai^on générale sa structure se rapproche de celle du corps
caverneux de l'urèthre, On peut supposer que cet état de tur-
gescence ou de flaccidité joue un rôle important et que Thy-
perosmie des femmes enceintes par exemple est en rapport
avec la suractivité vasculaire antagoniste de l'utérus. Toutefois
cette hyperosmie n'ayant jamais été, que je sa-che, mesurée ni
vériliée par personne, il se peut très bien qu'on ait pris pour
une acuité exagérée de simples manifestations de dégoût, plus
prononcées pendant cet état physiologique.
III
PROPRIÉTÉS CARACTÉRISTIQUES DES ODEURS
(liitcnsitc. puissancp, qiialito.)
Les sons se distinguent entre eux par la hauteur, l'intensité
et le timbre. Cherchons à faire pour l'odeur une analyse de ce
genre.
En jetant les yeux sur le tableau ci-dessous, on voit que les
difTérentes substances nécessitent des doses extrêmement diffé-
rentes pour être perçues, d'où un premier caractère : la puis-
sance ou le pouvoir odorant. La. puissance, ou \e pouvoir odo-
rant se définit par l'inverse du minimum |)erceplible ; s'il faut
mille fois moins de vanille que de camphre pour provoquer la
perception caractéristique, on dira que la vanille a un pouvoir
odorant mille fois plus grand.
Camphre 5
, Kther i
,, ,.. 1- • ' Citral 0,5 à 0,1
l'ar lilre d an- „.,. . . . ,,. . „ .
I ik'liotropine cristaliisce. 0,1 a 0,05
' Coumarine 0,05 à 0,01
Vanilline 0,00:i à 0,0005
Musc naturel 0,001
Musc artificiel 0,00001 à 0,000005
On remarque ensuite que les odeurs peuvent être plus ou
moins intenses ; la benzine, le camphre, le citron, sont des
odeurs fortes ; l'iris, la vanille des odeurs faibles. Pour cxpri-
PASSY. — SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES 1:587
mer avec précision ce second caractère, V intensité, nous dirons
que lorsque deux odeurs sont en présence, la plus intense est
celle qui masque l'autre. On pourrait croire que l'intensité et
le pouvoir odorant sont des propriétés corrélatives et que les
odeurs les plus fortes sont celles qui sont encore perceptibles
aux plus petites doses. Il n'en est rien. Les substances rangées
dans le tableau par ordre de puissance sont à peu près dans
l'ordre inverse de leur intensité. On peut mettre ce fait en évi-
dence sous une forme particulièrement élégante ; préparons
une solution alcoolique contenant 1 p. 100 de camphre et
i p. 1000 de vanille ; si nous l'employons directement, nous ne
percevons que le camphre ; si nous la diluons dans lalcool de
façon à l'amener à un titre 10.000 fois moindre, c'est la vanille
seule que nous percevrons. L'intensité et le pouvoir odorant
correspondent à deux modes d'action bien distincts sur la sen-
sibilité :
1° La sensibilité différentielle n'est pas la même pour les
odeurs intenses et pour les odeurs puissantes. Si l'on présente
au sujet une série de solutions croissantes de camphre ou de
citron, la sensation croit parallèlement, d'une manière très
nette et très rapide ; il n'en est pas de même pour les odeurs
faibles, la vanille, la coumarine ; la sensation croît lentement,
d'une manière vague, elle atteint bientôt un maximum et
change alors de nature en devenant désagréable.
2° La sensibilité présente des variations individuelles consi-
dérables ; mais ces variations ne portent pas indifféremment
sur les deux classes de substances ; elles affectent tout parti-
culièrement celles dont l'intensité est faible : elles sont de i à
1.000 et même davantage pour la vanille, l'héliotropine, le
musc.
Hrlioli'opiiio (Jaiuphre
Mathilde Bob UO 5
Pauline Dell 0, 5 \)
Il y a même des substances qui ne sont jamais assez intenses
pour être perçues par certains sujets (iris, etc.). Enfin les varia-
lions peuvent porter à la fois sur les deux qualités et en sens
inverse, un sujet étant plus sensible à l'intensité, l'autre à la
quantité.
lli'lioUiiiiiiio Cili'ul
Paul Pass . 0,01 0, 5
Jacques Pass iiO, 0 ? 0, I
388 REVL'KS GÉNÉRALES
3" La sensibilité présente cliez le même individu des varia-
tions d'un jour à l'autre ; ces variations ne portent pas sur les
odeurs intenses, mais sur les odeurs faibles.
Il(-li(>liii|jiiif (;ilral
Blanche Dell, 15- mars 0,1 0, ".i
— 15 mars 5 0, 1
k^ On peut déterminer expérimentalement des variations
dans la sensibilité, par l'intervention de la fatigue ; la fatigue
porte sur les odeurs faibles, très peu sur les odeurs intenses.
Vaiiilliiic C;ini|ihie
Début de la séance 0,0005 l
Fin de la séance 0,01 5
Toutes ces expériences qui ne sont en somme que des illus-
trations delà même différence fondamentale, montrent que le
mode d'action des odeurs intenses et des odeurs puissantes est
absolument différent. On verra plus loin que Beaunis est arrivé
par la mesure des temps de réaction aux odeurs à distinguer
deux classes de substances : les premières auxquelles il propose
de réserver le nom Codeurs, pour lesquelles la réaction est
nette et rapide, les autres pour lesquelles le temps de réaction
est long et même impossible à préciser, auxquelles il réserve le
nom de parfums. Mes expériences conduisent par un chemin
tout différent à la même conclusion ; la première classe corres-
pondrait à l'intensité, la seconde à la puissance.
Il est bien clair que cette classification, dans ma pensée tout
au moins, n'est qu'un moyen de fixer les idées ; la plupart des
substances sont à la fois odeurs et parfums, c'est-à-dire
qu'elles agissent sur la sensibilité par deux modes différents ;
cependant la part relative de ces deux modes d'action est très
inégale pour chacune d'elles, et l'on peut trouver des types de
parfums presque purs, tels le musc, l'ambre, la vanilline, et des
types d'odeurs presque purs, tels que la benzine, le camphre
et la plupart des terpènes (essence de térébenthine, limonène.
etc.). Pour ces cas extrêmes, la distinction est parfaitement
claire. D'autres corps, l'acide butyrique par exemple, sont à la
fois des odeurs fortes et des parfums puissants.
Zwaardemaker critique cette distinction. La discussion assez
subtile, — d'ailleurs parfaitement courtoise — à laquelle il se
livre ne me parait pas convaincante ; ne pouvant la reproduire
PASSY. — SUR LliS SENSATIONS OLFACTIVES 381)
entièrement S je me borne à remarquer qu'elle parait reposer
sur ce raisonnement a priori, que tous les minima percep-
tibles sont égaux, puisque ce sont les plus petites excitations
possibles. Or, cela ne me paraît pas démontré, ni même pro-
bable ; il se peut que les minima perceptibles ne correspon-
dent ni au même phénomène physique, ni à l'excitation des
mêmes éléments nerveux ; en un mot, et pour rendre ma pensée
sous une forme un peu forcée, l'odeur de la menthe et celle de
la vanille ne sont pas plus comparables qu'un son et une cou-
leur.
Les odeurs se distinguent encore les unes des autres par la
qualité. La qualité, c'est ce qui nous permet de reconnaître et
de nommer une odeur, de distinguer par exemple la rose de la
vanille, de la menthe ou du citron. Au point de vue subjectif,
cette propriété ressemble à ce qu'est le timbre pour l'oreille, la
couleur pour l'œil.
Ces trois propriétés fondamentales étant posées, je me suis
proposé de rechercher comment elles variaient avec la compo-
sition chimique. A cet effet, j'ai étudié avec détail l'une des
grandes séries qu'offre la chimie organique, la série grasse.
On sait qu'on trouve dans cette série :
1" Des corps homologues, tels que les acides formique, acé-
tique, propionique, etc., les alcools méthylique, éthylique, pro-
pylique, butylique, etc., ayant la même formule générale, la
même composition et la même constitution chimique (chaque
terme ne diffère du précédent et du suivant que par CH^ en
plus ou en moins), les mêmes propriétés chimiques fondamen-
tales et présentant dans leurs propriétés physiques — point
d'ébullition, solubilité, etc., une progression régulière.
^" Des isomères, c'est-à-dire des corps dont la formule brute
exprimant la composition centésimale est la même, et qui ne
diffèrent que par l'arrangement intérieur, par la structure
moléculaire ;
-i' Des dérivés, c'est-à-dire des composés ayant la même ori-
gine et la même structure fondamentale, et ne différant entre
eux que par des modifications de détail, n'intéressant pas l'en-
semble de l'édifice chimique primitif.
En étudiant méthodiquement ces divers composés, on arrive
aux conclusions suivantes :
Dans une série homologue, le pouvoir odorant varie d'une
(I j Zwaardeiiiakcr. Op.rU.. p. 191 cl suivantes
300 REVUES GÉNÉRALES
manière périodique avec le poids moléculaire. Les minima
perceptibles des acides gras normaux sont respectivement (en
millionièmes de gramme) :
1 acide formique 2"j
2 — acétique o
3 — propionique 0,0y
4 — butyrique 0,001
:j — vatérique 0,01
6 — caproïque 0. 04
7 — œnanthyliquo 0, il
8 — caprylique 0, 05
9 — nonylique 0,02
10 — caprique 0, Oo
11 — — —
12 — laurique 0, 1
14 — myristique inodore
Les pouvoirs odorants sont par conséquent comme 1, 5. oOO,
2o0 000, m 000, 600, 80, oOO, i 000, 500, 250...
Ces chiffres peuvent s'ordonner en trois séries :
Première, comprend les termes de 1 à 7 ; le pouvoir odorant
croît du premier au quatrième terme, puis diminue;
Deuxième^ analogue à la première ; le pouvoir odorant croît
jusqu'au troisième, puis diminue;
Troisième, qui comprend le quatorzième terme et les sui-
vants, est inodore.
La même périodicité s'observe avec les alcools et avec les
aldéhydes correspondants ; j'ai préféré citer les acides parce
que la liste en est plus complète. Rapprochons ces résultats de
ceux qu'ont obtenu MM. Dujardin-Beaumetz et Audigé dans
leurs recherches sur le pouvoir toxique des alcools; la dose
toxique est la quantité d'alcool qui par kilogramme de poids
de l'animal amène la mort en 24 30 heures.
Alcool mélliylique .
— étliylique . .
— propyli(|ne . ,
— isuljiityli(iue . .
— isoamylique. ,
— œnanlliyhquc
— cétyHque . .
Dose to\i
l.ic
llose oiloiante
' gr.
1000
7,75
2o0
3,75
10
1 ,85
1
1,50
o,t
8
1
non toxique
inodore
PASSY. — SUR LES SIÎNSATIONS OLFACTIVES 391
En comparant ces deux tableaux, on y découvre un parallé-
lisme remarquable : le pouvoir toxique d'une part, le pouvoir
odorant de l'autre croissent parallèlement. Aussi MM. Dujardin-
Beaumetz et Audigé avaient-ils formulé leurs résultats en disant
(jue le pouvoir toxique croissait avec le poids moléculaire.
Mes expériences effectuées sur les mêmes alcools m'avaient
conduit à la même formule. Cependant, il y avait dans ces
expériences une cause d'erreur ; les alcools en expériences
n étaient pas les véritables homologues de l'alcool éthylique.
En opérant uniquement sur 'les alcools normaux et sur une
série aussi complète que possible, je suis arrivé à cette conclu-
sion que je suis, je crois, le premier à signaler, savoir : que l'ac-
tivité physiologique ne croit pas indéfiniment avec le poids
moléculaire, mais qu'elle a une forme périodique. Dès lors,
les irrégularités apparentes du tableau de Dujardin-Beaumelz
rentrent dans l'ordre ; en effet, l'alcool œnanthylique appartient
à la partie descendante de la période, et l'alcool cétylique à
la série inactive.
C'est toujours avec un vif sentiment de satisfaction qu'on
rencontre dans des notes d'expérience des faits en contradiction
avec la formule qui doit les résumer et qu'on s'appuie sur eux
parce qu'ils portent avec eux la preuve de leur sincérité.
Les expériences de M. Féré ' sur le pouvoir tératogène de ces
mêmes alcools (incubation de l'œuf de poule) concordent avec
celles que nous discutons et les confirment.
Il nous semble qu'il se dégage tout naturellement de cet
exposé quelques conclusions philosophiques relatives au rôle
et à l'origine de l'odorat. On s'accorde à regarder ce sens
comme un organe d'informations ; il renseigne l'animal sur la
nature des aliments, sur la qualité de l'air et le guide dans sa
vie. sexuelle, protégeant avec le goût les deux portes d'entrée de
l'organisme ; il constitue comme ce dernier un véritable sens
chimique ; ce qui échappe à l'un est contrôlé par l'autre. Or,
que nous montrent les faits précédents ? une grande série
organique agissant parallèlement sur l'odorat d'une part, sur
l'ensemble de l'organisme d'autre part ; l'action physiologi<iue
s'accroît en même temps que s'accroît l'activité odorante, elle
subit des variations de même sens ; puis quand cesse l'action
physiologique cesse l'action spécifique sur l'odorat. L'odorat
n'apparaît donc plus comme un appareil créé de toutes pièces,
(1) Soc. de UioL, 10 murs IS'.)l.
39:2 REVUES générales
doué d'une sensibilité mj^slérieuse sans lien avec les propriétés
générales des cellules ; mais bien plutAl comme un fragment
détaché de la sensibilité générale, spécialisée en vue d'une
fonction déterminée, réagissant aux mêmes causes d'excitation,
mais par suite de sa spécialisation et de son rôle d'avant-garde
avec une sensibilité infiniment plus grande.
La qualité est intimement liée à la structure moléculaire ; en
effet : 1° les homologues ont des odeurs extrêmement voisines,
à tel point qu'à dose atténuée et physiologiquement équiva-
lente, il est parfois presque impossible de distinguer deux termes
voisins; ainsi l'acide butyrique et l'acide valériques normaux;
les alcools méthylique et éthylique ; l'alcool isobutylique et
l'alcool isoamylique, etc. ; 11" les isomères ayant même for-
mule brute et différant par la constitution diffèrent également
par leur odeur; soient par exemple les différents alcools buty-
liques : l'alcool butylique normal; l'alcool isobutylique de fer-
mentation, l'alcool secondaire et l'alcool tertiaire ; ces quatre
alcools de même formule brute ne diffèrent que par leur
structure ; tous ont des odeurs différentes ; 3" enfin chaque
isomère se rapproche comme odeur de ses dérives. Ainsi, pour
reprendre l'exemple précédent, l'alcool butylique normal res-
semble à l'acide butyrique normal, l'alcool isobutylique à
l'alcool isoamylique de fermentation, son homologue, l'alcool
secondaire à l'alcool isopropylique son homologue inférieur,
l'alcool tertiaire possède une odeur camphrée qui lui est com-
mune avec l'alcool amylique tertiaire. De même encore, l'alcool
asopropylique diffère notablement de l'alcool propylique nor-
.mal, son isomère, et se rapproche nettement de l'acétone, son
•dérivé. Si la qualité dépend de la structure, une qualité parti-
culière peut être également le résultat du mélange de plusieurs
•odeurs, de même que telle ou telle couleur peut être obtenue
subjectivement par la superposition de rayons simples; nous
aurons occasion de revenir sur ce point en traitant du mélange
des odeurs.
LiNHTES DE PERCEPTiniLri'É. — Covps iHodores. Je suis arrivé à
-cette conclusion que les corps inodores peuvent l'être pour deux
raisons différentes et qu'il y a lieu de les partager en deux
•classes :
1° Ceux qui sont en dehors de nos limites de perceptibilité.
Par exemple, dans la série grasse, nous voyons l'odeur subir
entre le premier et le quatorzième terme certaines variations,
PASSY. — SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES 393
puis disparaître avec le quatorzième. Il n'est pas probable que
le phénomhie odeur disparaisse ainsi brusquement dans une
série régulière ; il est plus vraisemblable que le quatorzième
terme et les suivants sont simplement inodores pour nous par-
ce qu'ils ont dépassé la zone dans laquelle l'odeur nous est
perceptible. Serrons les choses de plus près ; comment se com-
portent les derniers termes de la série ? On remarque que l'in-
tensité diminue à mesure que l'on monte dans la série ; ainsi
l'acide butyrique, même à dose faible masque facilement les
acides nonylique ou caprique même à dose forte. Ainsi les
derniers termes se rapprochent peu à peu de la limite de per-
ceptibilité, et c'est faute d'inlensilé suffisante qu'à partir du
quatorzième terme l'odeur disparaît.
Remontons maintenant la série en sens inverse ; à partir du
quatrième terme, nous voyons la puissance diminuer ; si bien
que l'alcool méthylique qui exerce une action irritante très
marquée sur la muqueuse est pourtant presque dépourvu d'o-
deur spécifique.
Ainsi, à une extrémité de l'échelle, l'odeur disparaît faute
d'intensité, à l'autre faute de puissance. De même que pour le
son, de même que pour la lumière nous trouvons ici une double
limite de perceptibilité,
Soit au contraire l'acide benzoïque, par exemple, inodore dans
les conditions habituelles. Je remarque d'abord que les déri-
vés de cet acide : alcool, aldéhyde, éther, sont odorants ; ceci
m'amène à rechercher si cet acide est bien réellement inodore.
Or, il ne l'est qu'à Tétat cristallisé ; il suffit de le diluer pour
qu'il manifeste un parfum caractéristique, analogue à celui de
ses dérivés. L'expérience peut être réalisée de plusieurs façons :
1'^ En entraînant l'acide par la vapeur d'eau. Si l'on chauffe
dans une capsule une solution aqueuse d'acide benzo'îque, la
chambre se remplit d'un parfum caractéristique ;
:2'^ En le diluant dans l'alcool. Une solution ù 1/1000 par
exemple, évaporée spontanément sur un verre de montre, ou
mieux, sur un morceau de papier à filtrer, lui communique le
même parfum;
3'^ Par olfaction dans l'eau.
En répétant avec cet acide les expériences de M. Aronsohn,
■et se servant dans la douche nasale d'une solution à 1/1000 de
+;et acide, l'odeur est parfaitement perçue.
Les mêmes expériences réussissent avec l'acide cinnamique.
Ainsi cette seconde catégorie de corps n'est pas en dehors de
394 REVUES GÉNÉRALES
nos limites de perceptibilité ; seulement dans les conditions
ordinaires, ils ne prennent pas spontanément Vétat odorant.
IV
LE MÉLANGE DES ODEURS
On peut dire que toute l'industrie de la parfumerie repose
sur le mélange des parfums, mélange dont les gens du métier
parviennent à connaître empiriquement les effets. On ne sau-
rait mieux comparer le travail du parfumeur qui cherche à
composer un extrait — soit qu'il se propose d'imiter un modèle,
extrait ou fleur, soit qu'il veuille former de toutes pièces un
parfum conforme à un certain idéal esthétique. — quau travail
du peintre qui cherche un ton sur sa palette.
De même que le peintre dispose d'un certain nombre de cou-
leurs fondamentales dont il a appris à connaître les effets et
les actions réciproques, et avec lesquelles il doit reproduire
son modèle , de même le parfumeur dispose d'un certain
nombre de parfums avec lesquels il doit reproduire la nuance
particulière de parfum qu'il recherche. De même qu'un peintre
peut dire en voyant tel ton : il y a là dedans telle proportion
d'ocre jaune, de blanc, de cadmium, avec une pointe de ver-
millon, de même un parfumeur exercé peut dire : dans cet
extrait il y a tant de bergamotte, tant de rose, tant de citron,
avec un peu de civette, etc. ; vient ensuite la période de tâton-
nement pendant laquelle on compare la copie au modèle en la
moditiant graduellement.
Bien rarement les extraits vendus sous le nom de telle ou
telle fleur, œillet, lilas, pois de senteur, etc., proviennent réel-
lement de la fleur; le parfumeur ne dispose que d'un petit
nombre de parfums de fleurs authentiques, ce sont : la rose,
la fleur d'oranger, le jasmin, la tubéreuse, et d'une fat^on acces-
soire, la cassie, la jonquille, la violette et le réséda. C'est par
le dosage différent de ces quelques parfums, et par leur mé-
lange avec les essences tirées de bois, tels que le santal et le
bois de rose, de plantes vertes telles que la lavande, de fruits
tels que le citron et l'orange, et depuis quelques années par
l'adjonction de quelques parfums artiflciels tels que l'hélio-
tropinc, l'ionone et le terpinéol, qu'il parvient à imiter toute
la variété des fleurs naturelles. Cette méthode se rapproche
PASSY. — SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES 395
d'ailleurs souvent plus qu'on ne le croyait des moyens de la
nature, les parfums de fleurs les plus caractéristiques n'étant
eux-mêmes que des bouquets très complexes.
Voyons ce que rexp(''rimentation nous apprend sur ce sujet
complexe et presque inexploré :
La première question que je me suis posée est celle-ci ' :
l'odeur d'un corps chimique pur et bien défini est-elle simple,
ou bien est-il possible par un artifice expérimental de mettre
en évidence des odeurs différentes? Si plusieurs odeurs coexis-
tent dans le même composé, elles ne doivent pas avoir, ou du
moins elles peuvent ne pas avoir toutes la même limite de per-
ceptibilité ; si donc on fait diminuer progressivement la dose
on doit les voir disparaître l'une après l'autre. C'est ce que l'ex-
périence confirme. Soit par exemple, l'alcool butylique tertiaire ;
en faisant croître progressivement la dose, on observe la suc-
cession suivante :
Odeur spéciale rappelant le lierre terrestre et la benzine.
— camphrée.
— alcoolique.
Chacune de ces odeurs d'ailleurs ne disparait pas brusque-
ment, mais se prolonge dans la suivante.
On obtient encore un résultat très net avec l'aldéhyde saly-
cilique.
L'odeur de reine-des-prés n'apparaît absolument que dans
l'état d'extrême dilution. La plupart des parfums, d'ailleurs,
ne sont agréables qu'à faible dose ; lorsqu'on emploie des solu-
tions plus concentrées, ils changent de nature et deviennent
désagréables ; j'ai expliqué ce fait en admettant qu'ils con-
tiennent :
I" Un parfum agréable, peu intense, très puissant ;
t' Une odeur désagréable, peu puissante, intense, et qui
masque le parfum lorsqu'on augmente la dose.
On remarque encore très nettement cette dualité d'odeur
dans le bromoforme ; senti directement il possède l'odeur éthé-
rée, agréable du chloroforme ; dilué, le parfum safrané, insup-
portable de l'iodoforme ; il tient ainsi très exactement le milieu
entre ses deux voisins.
En revanche, il est un très grand nombre de corps avec les-
quels on n'observe pas ces variations d'odeur \ citons par
(I) Jiic(iiie.s Passy. ''. /.'. Ar.Sc, 31 oclobre 1892.
39C REVUKS GÉNÉRALES
exemple les composants de l'essence de bergamotte (linalool,
acétate de linalool, limonène), les corps à odeur de citron, tels
que le cilral et le citronellal, etc., etc.
Un corps pour lequel cette dualité est extrêmement marquée
c'est le parfum de violette, l'irone extrait de la racine d'iris, et
à un plus haut degré encore l'ionone, son isomère synthétique
fabriqué aujourd'hui industriellement; à dose extrêmement
faible, il rappelle le parfum de la violette dans toute sa suavité ;
à dose plus forte, il présente une odeur framboisée, et à dose
plus forte encore, une odeur très désagréable rappelant le
pétrole.
MÉLANGE DES ODEURS VOISINES. — Si nous prcuons dans une
série homologue les termes voisins, comme par exemple les
acides butyrique et valérique, nous constatons qu'ils pos-
sèdent des odeurs teHement voisines qu'il est presque impos-
sible de les distinguer ; constituons un mélange dans lequel
chacun de ces acides se trouvera à dose physiologiquement
équivalente, c'est-à-dire inversement proportionnelle à son mi-
nimum perceptible, — ce sera dans le cas présent l 1000 d'a-
cide butyrique et 1 p. 100 d'acide valérique, — et cherchons
le minimum perceptible du mélange; nous trouverons que la
dose perceptible est deux fois moindre que si l'un des acides
existait seul dans le mélange.
Le pouvoir odorant du mélange est donc la somme des
composants i.
On peut répéter l'expérience sur un nombre de corps plus
considérable et qui, tout en ayant des odeurs très analogues, ne
sont pas cependant identi(iues ; ajoutons par exemple aux pré-
cédents les acides propionique et caproïque, l'alcool buty-
iique ; ou constituons des mélanges divers dans lesquels nous
ferons entrer, outre les précédents, les alcools isobutylique et
isoamylique, etc., toujours nous constaterons un renforcement
considérable de l'odeur; nous pourrons donc dire que les
odeurs voisines se renforcent par leur partie commune.
Que se passe-t-il maintenant quand on mélange des odeurs
quelconques? Citons les expériences de Zwaardemaker. « Soient,
dit-il, une série de mes olfactomètres, construits en cèdre,
benjoin, caoutchouc, cire jaune, etc., chacun d'eux étant divisé
en olfacties ; mettons deux de ces olfactomètres bout à bout
(I) Il v!i sans (lire (|iic je ir.-illrihiic pas ù rettc expression abrégée ime
préeisitin niathéiiiatiipie rigoureuse.
PASSY. — SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES 397
de fac^on que l'air les traverse successivement ; en faisant glis-
ser plus ou moins le cylindre de verre, nous avons les moyens
de graduer l'intensité de chacune des odeurs et de les faire
varier dans des proportions déterminées.
« Dans ces conditions, dit-il, on ne perçoitpas une impression
composée; suivant que l'un ou l'autre des composants domine,
on perçoit l'un ou l'autre, et lorsqu'elles sont exactement égales
on ne pereoit rien du tout, ou une sensation très faible, indé-
terminée et qu'il faut beaucoup d'attention pour saisir. Cet
équilibre est obtenu par les longueurs suivantes :
En centimètres
lie l'olfactoniètre
En olfacties
Cèdre et caoutchouc 5 \ 2 : 10 2 3 4 : 14
Benjoin et caoutchouc . ... 3 1 2 : 10 3 1/2 : 10
Paral'Hne et caoutchouc ... 8 1/2 : 10 8 1/2 : 14
Caoutchouc et cire jaune. . . 10 : 7 14 : 28
Caoutchouc et baume de Tolu. 10 : 7 14 : 70
Cire et baume de Tolu .... 10 : 9 40 : 90
Parafline et cire 10 : 5 10 : 20
« Comme il a été dit, pources expériences, les deux cylindres
odorants sont placés l'un devant l'autre, de manière à obtenir
un mélange proprement dit des odeurs ; dans ces conditions
leurs actions chimiques et physiques ne sont pas exclues.
« Quoique cela ne soit pas probable, il n'est pas impossible
que les molécules se réunissent pour former de nouvelles com-
binaisons chimiques, maintenant inodores, ou qu'il se produise
une agglomération ne jouissant plus du pouvoir de produire
des impressions odorantes. Gomme nous ne savons presque rien
sur les particularités physiques et chimiques des essences,
les hypothèses ont ici libre cours.
« La méthode de V olfactomètre double fait disparaître ces
incertitudes. L'olfactomètre double consiste en deux olfacto-
mètres ordinaires fixés l'un à côté de l'autre ; il s'agit main-
tenant de répéter les expériences que nous avons exécutées
avec les deux cylindres placés bout à bout, avec cet olfacto-
mètre double. Cela n'est pas très facile au point de vue quan-
titatif, car il est difficile de trouver un organe dont les deux
côtés fonctionnent de la même façon... Mais en revanche il sera
extrêmement simple de se convaincre qualitativement, que par
la méthode de l'olfactomètre double également, deux sensations
peuvent se supprimer mutuellement. Ainsi l'odeur du caout-
chouc introduite dans une narine à dose suffisante fait dispa-
398 REVUES GÉNÉRALES
raître celle de la paraffine, de la cire, du baume de tolu. On
peut même employer des excitations assez fortes sans produire
une perception complexe. C'est soit Tune, soit l'autre des
odeurs, qui ressortira plus ou moins clairement. Enfin quand
on a trouvé la proportion convenable on ne perçoit plus la
moindre odeur. Ainsi l'élimination des sensations est absolue.
Il n'y a pourtant pas l'ombre de doute que les odeurs agissent
de la manière habituelle sur l'organe sensoriel. Elles sont intro-
duites séparément dans les narines et restent -séparées par la
cloison. Après l'expérience chacun des côtés est nettement
émoussé pour l'odeur qui lui était fournie et qui eût été nette-
ment perçue si elle n'eût pas été détruite par l'odeur amenée
à l'autre côté.
« Une des- plus belles expériences que l'on puisse instituer
avec l'olfactomètre double, est celle dans laquelle l'un des
olfactomètres contient de l'acide acétique et l'autre de l'ammo-
niaque. Que l'on se représente l'un des cylindres imbibé d'une
solution d'acide acétique à "2 p. 100, l'autre d'une solution d'am-
moniaque à 1 p. 100. et chacun d'eux aboutissant séparément
dans une des narines. Suivant que l'un ou l'autre des cylindres
est plus découvert, et par conséquent produit l'impression la
plus forte, on sent soit l'acide acétique, soit l'ammoniaque.
Jamais on ne sentira les deux à la fois, surtout si on ne fait
pas durer chaque expérience trop longtemps, car il serait pos-
sible dans ce cas de remarquer l'ammoniaque au début de l'ins-
piration et l'acide acétique à la fin. Sauf dans ce cas, on sentira
soit l'un, soit l'autre. Il est pourtant possible de trouver telle
proportion pour laquelle aucune des deux odeurs ne prend
nettementle dessus, et où l'on remarque à peine une très faible
odeur de l'un des composants; on pourra même enfin, trouver
un rapport tel que l'on ne perçoit absolument aucune impres-
sion. Ceci restera vrai même si l'on emploie des excitations
très fortes et qui séparément auraient produit un effet très
marqué '. »
Nous avons tenu à citer textuellement tout ce passage parce
que nous sommes en désaccord formel avec l'auteur. En pre-
mier lieu nous n'admettons nullement le rapprochement qu'il
établit entre les expériences faites d'une part avec les cylindres
placés bout à bout, et d'autre part avec les deux cylindres agis-
sant séparément sur chacune des narines; dans le premier cas
(1) Zwaavdcmakcr. Op. cil.. \\. 1()9, 170 cl 171.
PASSY. — SUK LES SENSATIONS OLFACTIVES 390
on produit un mélange véritable, dans le second on assiste à la
lutte des champs olfactifs ; or on sait qu'en ce qui concerne la
vue, par exemple, la lutte des champs visuels ne produit pas
du tout le même effet que le mélange de deux couleurs; dans
un cas on perçoit alternativement l'une et l'autre couleur, dans
le second on perçoit une couleur nouvelle différente des deux
composantes. Il n'y a aucune raison pour admettre, pour l'odo-
rat, l'identité des deux effets, ni même aucune raison pour
prévoir ce qui se passera. Nous retiendrons donc les expé-
riences de Zwaardemaker avec l'oli'actomètre double, comme
une contribution à l'étude de la lutte des champs olfactifs, et
nullement du mélange des odeurs.
Quant aux expériences faites sur les deux olfactomètres pla-
cés bout à bout, nous commencerons par indiquer deux causes
d'erreur. La première est l'extrême complication des conditions
d'expérience, chacune des substances dont on se sert étant
déjà un mélange très compliqué.
De même que pour étudier le mélange des couleurs on s'est
servi des couleurs simples du spectre, de même ici il convient
de se servir des odeurs les plus simples possibles, c'est-à-dire
de corps purs et bien définis. La seconde cause d'erreur est de
nature psychologique ; lorsqu'on mélange deux odeurs en pro-
portion telle que ni l'une ni l'autre ne domine, on transforme
deux odeurs caractéristiques, connues du sujet, en une odeur
inconnue, et l'expérience montre qu'une odeur inconnue du
sujet est toujours plus mal perçue. D'où l'indication d'exécuter
ces expériences de préférence sur des sujets exercés.
On peut se servir pour étudier ces mélanges de trois procédés
différents : i" préparer des solutions alcooliques, les mélanger
en proportion déterminée, y tremper un morceau de papier à
filtrer et laisser évaporer l'alcool ; le parfum reste et peut être
étudié assez longuement ; c'est le moyen employé par les par-
fumeurs ; il est exclusivement pratique et ne comporte aucune
précision ; 2" préparer des solutions aqueuses, les mélanger et
les sentir directement ; c'est un moyen commode, très bon
au point de vue qualitatif, mais il ne donne pas la mesure
des quantités absolues ; les résultats ne sont exprimés qu'en
fonction des solutions aqueuses employées ; 3'' mélanger les
solutions alcooliques et les employer en gouttes dans un flacon,
suivant la méthode que j'ai indiquée. Ces trois moyens conve-
nablement maniés permettent de fixer pas mal de points,
X" Je n'ai jamais pu observer le phénomène de la compen-
400 REVUES GÉNÉRALES
sation des odeurs indiqué jtar Zwaardeniaker. Je suis loin de
prétendre que ce phénomène n'exisle pas, et qu'on ne puisse
rencontrer certaines odeurs qui, mélangées en proportion con-
venable, s'annulent réciproquement; mais il n'a certainement
pas le caractère de généralité que lui attribue cet auteur, car
parmi le nombre considérable d'odeurs que j'ai expérimentées,
je ne l'ai jamais rencontré. Je ne vois pas que M. Mesnard, dont
l'olfactomètre repose tout entier sur l'égalité d'intensité entre
deux odeurs l'ait rencontré plus que moi. Voici en effet les
expressions dont il se sert :
« On peut réaliser un mélange pour lequel l'odorat arrive
à ne percevoir qu'une odeur neutre, c'est-à-dire une odeur telle
qu'il suffirait de faire varier un peu la proportion des essences
dans un sens ou dans l'autre, pour sentir, soit le parfum, soit
l'essence de térébenthine. »
L'auteur revient plus loin sur la même question, presque
dans les mêmes termes ; il est clair que, si un fuit aussi frap-
pant que la disparition de l'odeur s'était présenté, il n'aurait
eu garde de le laisser échapper.
Il ne me paraît pas exact de dire que lorsqu'on mélange
deux odeurs en proportion différente on ne perçoit que l'une ou
l'autre. Voici ce qu'on observe : si l'on mélange par exemple
du citron et du camphre, suivant que l'une ou l'autre domine,
on perçoit en effet l'une ou l'autre, mais on la perçoit modi-
fiée ; et quand les doses sont bien calculées, on perçoit une
odeur qui n'est ni l'une ni l'autre, mais qui tient de l'une et de
l'autre et dans laquelle un odorat exercé reconnaît et distingue
parfaitement les deux composants.
On étonnerait d'ailleurs singulièrement les gens du métier,
si on leur disait qu'ils ne sont pas capables de cette distinction.
Le nez qui, comme on sait, est un organe sans précision,
devient au contraire par l'usage un merveilleux instrument
d'analyse, capable de déceler un grand nombre de fraudes et
de falsifications dans les essences odorantes. Contre ces diverses
fraudes poussées à un grand degré de perfection, la chimie se
trouvait jusqu'à ces derniers temps absolument désarmée;
aujourd'hui encore, quoique l'on commence à connaître la
composition de quelques essences , jamais un parfumeur
n'achète une essence sans la soumettre à un examen olfactif.
(1) Eiij:. Mesiianl. La inesure de l'inlensilé (/es parfiiinv des plan/es. Paris,
1894, chez Klincksiek, p. 12.
PASSY. — SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES 401
Voici comment il procède ; on commence par tremper un
papier dans un type reconnu pur de l'essence ; on en l'ait
autant pour les échantillons soumis à l'examen ; puis on sent
attentivement en comparant sans cesse les échantillons au
type; dans ces conditions, un odorat exercé arrive non seule-
ment à classer les essences suivant leur valeur, mais à distin-
guer très clairement l'essence qui a été ajoutée. J'ai fait à cet
égard un nombre considérable d'expériences sur des parfu-
meurs ; elles sont intéressantes, mais défectiieuses au point de
vue scientifique à cause de la trop grande complexité des
essences essayées.
V
TEMPS DE RÉACTION
Quatre observateurs se sont occupés de la question :
Buccola(188^), Beaunis (1883), Moldenhauer (1883) et Zwaarde-
maker.
Dans les expériences de Buccola, une petite éponge imbibée
de substance odorante était placée au fond d'une sorte de boîte :
par l'action du doigt sur un ressort, le couvercle s'ouvrait brus-
quement et venait au contact de deux boutons métalliques ; le
circuit se trouvait ainsi fermé. En même temps un courant
d'air parfumé sort de la boîte ; aussitôt que le sujet' perçoit
l'odeur, il presse sur un bouton, qui interrompt le circuit. Les
expériences ont porté sur l'eau de Felsina, l'essence de girofle et
l'éther acétique.
" EAU DE FELSINA
Moyeuuo
Miiiimuin
Masiiiiuni
Suje
t I.
0, 39:3
0,314
0, 510
—
II.
0, 442
0, 349
0, 592
—
III.
0,431
0,350
0,61'!-
—
IV.
0, GSl
0, 537
0, 805
ESSENCE DE GIROFLE
Mdvcimc
Miliiiiiurii
Maxiniiiiii
Suje
t I.
0,412
0,304
0,509
—
II.
0, :i2o
0, 360
0,794
—
III.
0,374
0, 2u8
0,471
—
IV.
0, y09
0,410
0,678
N.NÉK
PSVCHOLOCIOUE. II.
26
IIAJ T \JJUkJ VIi:ii1U»H.-Ï.XJtjJ
ETIIER ACETIQUE
Mojeiino Miuiiiiiiin Maxiimim
Sujet I. 0,236 0, If.o 0,337
— II. 0,334 0,288 0,405
— III. 0,263 0,169 0,422
Dans les expériences de Moldenhauer, l'air parfumé était
insufflé directement dans les narines. La substance odorante
était placée dans"une capsule ovoïde munie de trois tubes, dont
l'un, le tube dentrée de l'air, était placé à l'un des pôles et dont
les deux autres, placés symétriquement de façon à recevoir la
même quantité d'air, conduisaient l'un au nez, l'autre à l'inter-
rupteur électrique. En chassant l'air dans la capsule au moyen
d'une poire en caoutchouc, Tair parvient en même temps par
l'un des tubes au nez du sujet, par l'autre à une plaque d'alu-
minium qui établit le contact électrique. Le bruit causé par la
pression et d'autre part l'impression tactile du souffle sur la
pituitaire, sont des causes de perturbation ; toutefois avec un
peu d'exercice on parvient à s'en abstraire. Les meilleurs résul-
tats ont été obtenus par deux expérimentateurs exercés du
laboratoire de Wundt :
MOYENNE EN MILLIÈMES DE SECONDES
Trautschokll Kreiikel
Essence de romarin 199 330
— de menthe 203 362
— de bergamote 212 374
Camphre 226 492
Kii'pt'liii
Essence de menthe 247
— de bergamote 268
— de rose 291
Camphre 246
Musc 319
Essence de pin 267
Ether acétique 235
Beaunis a employé une méthode analogue ; l'air était insufflé
directement dans les narines. Il s'est préoccupé en premier lieu
de l'action du souffle pour voir si elle n'annulerait pas ses expé-
riences. A cet efTet il a commencé par quelques essais à blanc,
en cherchant à prendre le temps de réaction au souffle ; il était
PASSY. — SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES 403
plus long que pour la plupart des substances employées, et
d'ailleurs vague et négligeable (63 centièmes en moyenne). Les.
expériences ont été faites sur lui-même :
Moyenne Minimum Maximnm
Ammoniaque 37,8 33 43
Acide acétique 46,2 43 50
Camphre 50,2 41 30
Assafœtida 52, o 47 58
Sulfhydrale d'ammoniaque . 54, 4 38 58
Chloroforme 56,3 40 67
Sulfure de carbone 59 45 75
Valériane 60 38 82 .
Menthe 63 45 90
Acide phénique 67 62 76
Sensation tactile de souffle. . 63 50 81
Les résultats de Beaunis concordent avec ceux de Molden-
hauer et Buccola et montrent que le temps de réaction est infini-
ment plus considérable pour l'odorat que pour les autres sens.
Le nombre assez considérable de substances sur lesquelles il a
expérimenté lui a permis de faire en outre quelques remarques
intéressantes ; dans le tableau précédent les substances sont ran-
gées suivant la rapidité de la réaction ; le musc également essayé
n"a pu y prendre place, parce qu'il a été impossible d'obtenir de
résultat net. « La puissance de pénétration, pour employer son
expression, est maximum pour l'ammoniaque, minimum pour
l'acide phénique, nulle pour le musc. » Beaunis s'est demandé
d'abord si les premières substances à réaction rapide ne conte-
naient pas un élément tactile ; mais l'examen des anosmiques
lui a montré que lassa fœtida, la menthe, le chloroforme, le sul-
ire de carbone ne produisent plus aucune sensation ; « en étu-
diant la question de près, on s'aperçoit bientôt que la seule
condition à laquelle puisse se rattacher cette puissance de péné-
tration est la quantité de substance nécessaire pour déterminer
une sensation, autrement dit la divisibilité de cette subs-
tance, ï Partant de là, on peut se demander, si le musc et ses
analogues (ambre gris, encens) d'une part et d'autre part le
camphre et ses analogues, n'agiraient pas sur deux catégories
distinctes.d'éléments nerveux ; Beaunis propose alors pour les
uns le nom de parfums en réservant le nom d'odeur pour les
autres. Comme nous avons examiné plus haut cette distinction,
je ne m'y arrêterai pas ici.
Enfin Beaunis remarque que le temps de réaction diminue
404
REVDES GENERALES
pour une impression plus intense etplus rapide, qu'il augmente
par la fatigue et qu'il augmente encore très fortement pendant
le coryza.
Zwaardemaker a cherché à faire varier l'intensité de l'excita-
tion ; en même temps il a voulu se placer dans des conditions
plus physiologiques, éviter l'insufflation d'air avec ses causes
d'erreur, impression tactile, bruit. — A cet effet, son olfacto-
mètre, au lieu de se terminer par un tube simple est en forme
de T, dont l'une des branches se rend à l'une des narines et
l'autre est mise en communication avec un tambour enregis-
treur. La figure 80 fait comprendre la disposition.
Fig. 80. — Dispositif de Zwaardemalier pour les temps de réaction.
Pour résumer toutes ces observations qui concordent parfai-
tement, nous dirons : 1" les temps de réaction aux odeurs sont
infiniment plus longs que pour les autres sens ; 2" ces temps
varient considérablement pour des odeurs différentes.
Fatigue. — Sans qu'il soit besoin de remonter à la vieille
remarque de Montaigne, chacun sait avec quelle rapidité l'odo-
rat s'émousse. On a cependant peu d'expériences sur ce sujet.
Aronsohn a cherché à déterminer la durée de la perception
(Geruchsdauer), c'est-à-dire le temps au bout duquel la fatigue
devenantcomplète pour une odeur, on cesse delà sentir. Ce temps
était en moyenne de trois minutes pour l'essence de citron et
d'orange; d'autres odeurs ont donné les résultats suivants :
/ Teinture d'iode 3 min.
i Baume de Copaiui 3 à 4 —
Durée \ Camphre aà7 —
de la perception ï Essence de térébenthine .... 5 —
f Sulfliydrate d'ammoniaque. . . 4 à D —
\ CoumarineàO, 2p. 100 dans l'eau. 13 4-2 1/3 —
PASSY. — SUR LES SliNSATIONS OLFACTIVES
405
\
I
Ces chiffres manquent de signification précise, parce que
l'intensité n'est pas spécifiée. Une expérience plus complète a
été faite avec une solution aqueuse de coumarine à 0,2 p. 100.
Chaque période d'essai était séparée par un repos (Erholungs-
pause) de trois minutes. La durée de la perception a diminué
rapidement, ainsi que le montrent les chiffres suivants : 140,
MO, 100, 6o, 45, 25, 35, 20, 20, 15, 17, 10, 10, 10, 8 et
8 secondes. Après chaque essai, la fatigue reparait donc plus
rapidement.
Aronsohn a cherché à tirer de ces expériences des conclu-
sions plus éloignées. L'odorat étant fatigué par la perception
d'une odeur déterminée, cette fatigue s'étend également à
d'autres odeurs. L'auteur a pensé que les odeurs pouvaient
affecter des éléments nerveux différents, et qu'en cherchant
quelles sont les odeurs qui participent plus ou moins à celte
fatigue indirecte, on pourrait les classer en groupes plus ou
moins voisins.
Exemple : Après fatigue complète pour la teinture d'iode *,
l'odeur de l'étheretde quelques essences était peu altérée, celle
de citron, de muscade, de térébenthine, de bergamote et de
girofle davantage, celle de l'alcool ^ et du copahu tout à fait
disparues. Après olfaction prolongée de sulfhydrate d'ammo-
niaque ^ la sensibilité pour les huiles essentielles et la cou-
marine est à peu près intacte ; au contraire l'hydrogène sulfuré ''
l'acide chlorhydrique et l'eau bromée à 1/1000 n'étaient plus
perçues. La fatigue pour le camphre entraîne celle pour l'eau de
Cologne et le girofle.
Le point de départ de ces expériences est ingénieux ; mais
l'exécution paraît défectueuse ; aussi trouvons-nous bien hâtive
la conclusion de M. Aronsohn : « Des qualités d'odeurs diffé-
rentes affectent inégalement des territoires nerveux diflérents:
de telle sorte 'qu'une catégorie déterminée, affecte principale-
ment une région, une seconde région à un degré moindre et
pas du tout une troisième zone. » La question est trop impor-
tante pour être tranchée ainsi.
(1) Mauviiis chuix, la teinture d'iude étanl un uiOlangc «l'iode et d'alcool.
(2) Résultat évident et sans valeur, l'alcool étant la base de la teinture
d'iode.
(3) Ce choix paraîtra encore critii|uable aux chimistes; le suH'liydrate
d'ammoniaque étant un composé mal défini, instable et toujours chargé
d'hydrogène sulfuré.
(4) Résultat' sans valeur. Voir note précédente.
40G REVUES GÉNÉRALES
VI
APPENDICE
Il n'entre pas dans le plan de cet article d'étudier l'odorat
dans la série animale ni l'influence de ce sens sur la vie de
relation (sens de direction, excitation sexuelle, etc.); nous
espérons revenir à une autre occasion sur cette question géné-
rale, qui présente tant d'intérêt pour la psychologie. Dans cet
appendice, nous noterons simplement quelques expériences de
MM. A. Binet et J. Passy '. Les expériences ont porté sur le
chien et la chèvre.
Le sujet était un carlin âgé de un ans et huit mois. Nous nous
sommes hornés à lui présenter une série d'odeurs différentes
pour déterminer celles qui avaient pour lui un caractère
■agréable ou désagréable.
L'un de nous préparait dans une chambre séparée des solu-
tions alcooliques titrées des diverses odeurs ; puis il y trempait
de petits fragments de papier étiquetés ; l'alcool s'évapore, le
parfum reste sur le papier, et celui-ci est alors prêt pour l'ex-
périence. On entrait alors dans la salle d'expérience et on pré-
sentait le papier au sujet.
Le premier point à noter, c'est la netteté avec laquelle il
réagit ; lorsque l'odeur lui plaît, il la flaire attentivement, puis
saisit le papier avec les dents comme pour le manger ; on a
quelquefois de la peine à le lui enlever. Quant lodeur lui déplaît,
il la sent, puis détourne la tête du papier, et le regarde de côté
avec une expression de dédain comique. Toute cette mimique
est très curieuse à suivre et même amusante. Il s'en faut de
beaucoup que tous les chiens montrent la même bonne volonté.
Nous avons répété ces expériences sur quatre autres individus :
i° unépagneul anglais (setter gordon); 2° une chienne danoise;
3" un gros chien de race indéterminée, et 4" un petit chien
anglais. Avec aucun d'eux il n'a été possible d'obtenir le
moindre résultat ; le numéro 1 et le numéro 8 saisissaient
(1) Coni/rès (le rassocialion pour rucancemenl des .sciences, Bordeaux, 1896.
PASSY. — SUR LES SENSATIONS OLFACTIVES
407
indistinctement tous les papiers pour jouer avec, et il était
impossible d'attirer leur attention sur le point qui nous inté-
ressait. La danoise avait peur des papiers et se couchait crain-
tivement; le petit chien anglais était hors de son milieu et se
montrait inquiet et préoccupé. Nous relevons ces détails parce
qu'ils montrent combien ces expériences de psychologie ani-
male sont délicates et le peu de cas qu'il faut faire d'un
résultat négatif. On rencontre tout autant de différences indivi-
duelles chez les animaux que chez l'homme et les mauvais
sujets y sont tout aussi fréquents.
Revenons au carlin, le seul qui nous ait donné quelque résul-
tat. On lui présente les odeurs dans l'ordre suivant :
Acide valérique-j^^
1
•accepté.
Héliotrope
accepte.
1000
Musc artificiel — accepté.
1
Fleur d'oranger
Camphre
tation.
Rose
s'écarte,
accepté, après hési-
accepté.
1000
Extrait de jasmin
il aire avec
méfiance, puis s'écarte obstiné-
ment.
Civette — dévore le papier.
1
Santal -— accepté.
2o ^
Musc — accepté.
Acide laurique — accepté.
Acide caproïque — accepté.
Alcool absolu — s'écarte obstiné-
ment.
Ether — s'écarte obstinément.
Ici. un repos de cinq minutes, après lequel on reprend
l'expérience.
Papier blanc
Violette
s'écarte.
— mange le pa-
10000
pier avec plaisir.
Fleur d'oranger — dédain.
Rose — s'éloigne.
Acide caproïque — s'éloigne.
Verveine — s'écarte d'abord, puis
mange le papier.
Thym — s'écarte.
Civette — mange le papier.
1
Géranium rosat
100
s'écarte.
Salol
s'ecarle.
Musc naturel — mange le papier.
Santal — dédain.
Musc artificiel — indifTérencc.
Musc naturel — mange le papier.
Jasmin — dédain.
Salicylale de méthyle — dédain.
Verveine — dédain accentué.
Acide caproïque — dédain.
Civclle — mange.
mange.
Musc naturel
Civette
Musc artificiel -
Musc naturel —
Civette — rien.
dédain.
- neutre.
neutre.
408
REVUES GENERALES
Repos d'un quart d'heure.
Fleur d'oranger — dédain.
Violette — aime, mord le papier.
Verveine — aime.
Géranium — n'aime pas.
Santal — n'aime pas.
Musc arliliciel — non.
Eau de Botot — dédain.
Musc naturel — dédain.
Civette — accepté.
Civette — accepté, mais moins de
joie.
Musc — dédain.
Civette — accepté.
Cette suite d'essais est curieuse en ce qu'elle montre qu'à
mesure que les expériences se répètent et que la fatigue de
l'animal s'accroît, il se produit une sélection parmi les odeurs
qui lui sont présentées ; au début, la plupart des odeurs (sauf
l'alcool et l'éther) l'excitent et il mange le papier qui est
imprégné ; à mesure que la fatigue se manifeste, les odeurs
perdent en majorité leur pouvoir d'excitation ; l'animal reste
indifférent, somnolent, clùt ses yeux, détourne à peine la tête ;
quelques odeurs d'origine animale conservent seules le pou-
voir de le sortir de sa torpeur ; remarquons que le musc natu-
rel, à ce moment-là, exerce plus d'effet sur lui que le musc
artificiel.
Après plusieurs jours de repos, nous reprenons la même
expérience en employant un nombre plus grand d'odeurs, d'ori-
gine animale, afin de déterminer l'ordre de préférence de notre
chien. Nous indiquons par un chiffre sa réaction, 1 exprimant
l'aversion complète, 10 l'excitation de plaisir maxima, o l'état
neutre, et ainsi de suite. Nous constatons alors :
Violette — 7.
Vanille — 3.
Anduelte — 7.
Ambre — 8.
Sdlicylate de méthyle
Violette — 5.
Ambrelte — 4.
Ambre — 7.
Musc artificiel — 6.
Vanille — 4
Musc — 4.
Castoreum — 8.
— 3.
Musc artificiel — 5.
Héliotrope — 4.
Musc naturel — 7.
Castoreum — ',».
Civette — 0.
Civette — 8.
Ambre — 4.
Castoreum — 8.
Civette — 4.
Castoreum — 4.
«
Acide caproïque — 4.
A ce moment, l'animal s'assoupit, et on est obligé de sus-
pendre l'expérience.
PASSY. — SUR LES SENSATIONS OLF"ACÏIVES 409
Des recherches assez nombreuses que nous avons faites sur
ce chien, nous sommes arrivés à la conclusion suivante :
1'^ certaines odeurs sont pour lui l'objet d'une aversion cons-
tante, la fumée de tabac, l'alcool, l'éther, etc. ; ^'^ d'autres
odeurs ont une action moins marquée, lai plaisent ou lui
déplaisent suivant les circonstances ; beaucoup de parfums
d'origine végétale sont de ce nombre ; 3° quelques odeurs
d'origine animale, le musc, la civette, le castoreum, et aussi sa
propre odeur exercent sur lui une action profondément
excitante ; cet effet est presque constant et très durable.
Quelques expériences analogues ont été faites par MM. Binet
et Passy sur des chevaux, des vaches, des ânes, des chèvres et
des moutons. Sans les rapporter en entier, nous signalerons
les points suivants : l'odeur de l'haleine de l'homme — odeur
évidemment très complexe, — ne produit pas le même effet
sur tous les animaux que nous venons d'énumérer. Si on
souffle deux ou trois fois, la bouche largement ouverte, sur
une feuille d'arbre, et qu'on la présente à l'animal, le cheval,
la vache et l'àne en général la mangent, le mouton au con-
traire et la chèvre la refusent, après l'avoir flairée. Evidemment
toutes les chèvres et tous les moutons ne témoignent pas le
même dégoût ; mais nous avons observé maintes fois le fait, et
dans des conditions excluant tous les doutes, chez des animaux
élevés loin des villes, dans lair pur et au milieu des vertes
prairies ; on présente par exemple à la chèvre une branche de
saule portant une vingtaine de feuilles, dont une seule a été
soufflée, sans que l'animal ait pu voir cette petite opération;
l'animal mange toutes les feuilles excepté celle-là ; après
l'avoir flairée, il détourne obstinément la tète. Citons un
exemple : une chèvre blanche, de douze ans, très vive et très
friande de feuilles vertes, accepte avec plaisir une petite branche
de pommier qu'on lui présente, mange toutes les feuilles, sauf
une, celle précisément sur laquelle on a soufflé. On la lui pré-
sente de nouveau, une vingtaine de fois, confondue et rappro-
chée avec d'autres feuilles du même pommier ; elle ne s'y
trompe pas, mange les autres feuilles et refuse toujours celle-
là ; ce n'est qu'au bout de trois quarts d'heure, montre en main,
qu'elle s'est décidée à brouter la feuille contaminée, après
beaucoup d'hésitations. Cette même chèvre a distingué et
refusé une feuille de chêne sur laquelle on avait soufflé une
bouffée de tabac de cigarette ; elle l'a reconnue constamment,
quand on là lui présentait avec d'autres feuilles de chêne, et
410 BEVUES GÉNÉRALES
ne l'a acceptée qu'au bout de douze minutes. Nous ne pensons
pas que l'odorat humain soit capable de ce tour de force. Ces
expériences ne peuvent évidemment nous donner la mesure du
minimum perceptible des animaux ; mais elles nous en donnent
au moins une idée approchée. Pour déterminer le minimum per-
ceptible des animaux, on rencontre de sérieuses difficultés, dont
la principale est la suivante : si on mêle l'odeur aux corps ser-
vant à l'alimentation de l'animal, celui-ci ne repoussera pas un
aliment qu'on a imprégné d'une odeur désagréable, s'il a faim ou
s'il est friand de l'aliment; ainsi une chèvre mangera plus faci-
lement une moitié de pomme sur laquelle on a soufflé qu'une
feuille de chêne sur laquelle on a également soufflé ; l'odeur
de l'haleine lui est aussi désagréable dans les deux cas, mais
elle est plus gourmande de la pomme que de la feuille.
Jacques Passy.
IV
LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE
• Nous abordons ici un sujet nouveau, difficile et encore très
peu exploré ; on ne devra donc pas s'attendre à trouver dans
notre travail des réponses définitives aux questions qui se pré-
senteront ; notre but principal sera d'indiquer les problèmes
dont doit s'occuper la psychologie individuelle, de mettre en
lumière Timportance pratique qu'elle présente pour le péda-
gogue, le médecin, l'anthropologiste et même le juge et enfin
d'indiquer par quels moyens on peut chercher à résoudre les
problèmes posés.
La psychologie individuelle, comme le nom même l'indique,
a pour but l'étude des différents processus psychiques de
l'homme; dans cette étude l'attention doit être portée sur les
différences individuelles de ces processus ; la psychologie géné-
rale étudie les propriétés générales des processus psychiques,
qui sont par conséquent communes à tous les individus ; la
psychologie individuelle, au contraire, étudie celles des pro-
priétés des processus psychiques qui varient d'un individu à
i'autre, elle doit déterminer ces propriétés variables et puis
étudier jusqu'à quel point et comment elles varient suivant les
individus ; ainsiun processus psychique étant donné, la mémoire
par exemple, la psychologie générale s'occupera des lois géné-
rales de la mémoire, elle établira par exemple que, lorsqu'on veut
retenir un certain nombre d'impressions, le temps nécessaire
pour les fixer dans la mémoire croît d'abord proportionnellement
au nombre d'impressions, mais à partir d'une certaine limite le
* temps d'acquisition « croît bien plus vite que le nombre des
impressions; c'est une loi générale delà mémoire, personne ne
peut y échapper ; la psychologie individuelle cherchera quelles
sont les propriétés partielles de la mémoire qui varient d'un
^12 REVUES GÉNÉRALES
individu à l'autre, elle étudiera si la position de la limite dont
nous venons de parler est la même pour différents individus,
si elle varie, dans quelle mesure elle varie, si cette variation
de la limite est la même pour des impressions de nature diffé-
rente ; ainsi, par exemple, lorsqu'un individu A peut retenir
après une seule audition jusqu'à 10 chiffres, et ({u'un autre B
n'en peut retenir que 7, cette différence subsistera-t-elle lorsqu'il
s'agira non de chiiTres, mais de lettres, ou de mots, ou de cou-
leurs ou enfin d'autres impressions, et dans le cas où la diffé-
rence subsistera, sera-t-elle aussi forte ?
Enfin la psychologie individuelle devra aussi étudier s'il n'y
a pas de relation entre les variations de la limite de mémoire
et les variations des autres facultés psychiques et même phy-
siques des individus ; ainsi, par exemple, n'y a-t-il pas quelque
relation entre l'âge de l'individu et la position de la limite, ou
bien entre le pouvoir d'attention de l'individu et la position de
la limite, etc. ? Voilà bien des questions pour un cas particulier
comme le précédent. Essayons de mettre de l'ordre et de systé-
matiser un peu les questions que la psychologie individuelle
doit résoudre.
On peut d'abord distinguer deux grands problèmes :
l" Etudier comment varient les processus psychiques suivant
les individus, quelles sont les propriétés variables de ces pro-
cessus et jusqu'à quel point ils varient.
2° Etudier dans quels rapports chez un même individu les
différents processus psychiques se trouvent entre eux ; y a-t-il
des processus psychiques qui sont plus importants que les
autres, jusqu'à quel point les différents processus peuvent-ils
être indépendants l'un de l'autre et jusqu'à quel point s'in-
fluencent-ils mutuellement?
, Examinons plus en détail les deux problèmes précédents.
Un processus psychique étant donné, on peut tout d'abord
déterminer celles des propriétés qui sont communes à tous les
individus, c'est là le problème de la psychologie générale; ce
processus peut ensuite avoir des propriétés plus ou moins
variables, c'est de celles-là que nous devons nous occuper. On
peut dans l'étude de ces propriétés variables se placer à deux
points de vue différents, suivant qu'on considère en première
ligne le processus psychique étudié, l'individu restant au second
plan, ou bien qu'on porte l'attention principale sur l'individu
et qu'on se demande en quoi un processus psychique chez tel
individu diffère du même processus chez tel autre ; donnons un
A. BINET ET V. UENRI. — LA PSYCDOLOGIE INDIVIDUELLE 413
exemple pour bien faire comprendre la différence : la repré-
sentation évoquée lorsqu'on entend prononcer le mot cloche
est-elle la même chez tous les individus? l'étude montre que
les uns se représentent le son d'une cloche, d'autres se repré-
sentent Vimage visuelle d'une cloche, d'autres enfin se repré-
sentent le mot cloche écrit, etc. ; on en conclura qu'en entendant
prononcer le mot cloche différents individus ont des représenta-
tions différentes et on pourra grouper les variétés de représenta-
tions qui se présentent, c'est le premier point de vue ; on pourra
au contraire se demander si deux individus A et B ont la même
représentation lorsqu'ils entendent'prononcer le mot cloche, ici
les individus sont déterminés ; c'est le deuxième point de vue;
on peut non seulement prendre ainsi des individus isolés, mais
aussi considérer des groupes plus ou moins grands d'individus,
on se demandera, par exemple, y a-t-il une différence entre les
représe^^ations évoquées par l'audition du mot cloche chez les
femmes et chez les hommes ? On trouve que les femmes ont
plus souvent des représentations visuelles que les hommes; de
plus, les femmes ont en général des représentations plus
détaillées que les hommes ; il est facile de comprendre qu'on
pourra restreindre autant qu'on le veut les différents groupes,
on se demandera, par exemple, s'il y a une différence entre la
représentation chez les peintres et les musiciens, etc., etc.
C'est ici que trouvent place les études psychologiques sur les
enfants, sur les criminels, sur les différences entre les personnes
exerçant des professions différentes, etc. C'est encore ici que
trouve place laquestion suivante ; étant donnés deuxou plusieurs
individus, quelles sont les différences entre les facultés psy-
chiques de ces individus? S'il était nécessaire pour donner une
réponse complète à cette question de passer en revue toutes les
facultés psychiques des individus, ceci prendrait au moins
plusieurs mois, mais comme en général on ne dispose pas
d'un temps aussi long, on doit s'attacher davantage à certaines
facultés et laisser de côté les autres ; quelles sont donc, se
demandera-t-on, les facultés qu'il faudra examiner et quelles
sont celles qu'on peut laisser de côté ?
Nous arrivons ainsi au deuxième problème, qui consiste dans
l'étude des rapports qui existent entre les différentes facultés
psychiques chez un même individu ; il est évident que, si on
déterminait ces rapports avec précision, il suffirait d'examiner
certaines facultés psychiques seulement, et on en déduirait les
autres ; il faut donc non seulement étudier dans quels rapports
414 REVUES GÉNÉRALES
les différentes facultés psychiques se trouvent entre elles, mais
aussi chercher si parmi les facultés psychiques il n'y en a pas
«jui gouvernent les autres, qui sont les plus importantes, dont,
dépendent les autres facultés ; l'ensemble de ces facultés pri-
mordiales formerait ce qu'on peut appeler le caractère de lin-
dividu ; en effet, lorsqu'on les aurait déterminées, on pourrait
dire que l'individu est caractérisé. On voit donc combien ce
deuxième problème est important et on prévoit déjà quelles
sont les applications pratiques qui peuvent en résulter ; mais
hàtons-nous de dire que la psychologie individuelle est encore
à un état si peu développé que, bien qu'il existe beaucoup de
matériaux sur le premier problème, c'est-à-dire sur l'étude des
différences individuelles pour les différents processus psy-
chiques, il n'en existe que très peu sur ce deuxième problème;
nous ne connaissons même aucun psychologue qui l'ait abordé
et posé sous la forme générale proposée ici ; on a, il est vrai,
écrit beaucoup de mémoires et de livres sur le caractère,
mais les auteurs qui s'en sont occupés ont voulu surtout don-
ner une classification des caractères ; ils commencent par donner
une classification des différents caractères ; ensuite, pour la
confirmer, ils donnent des exemples ; c'est là prendre le con-
tre-pied de la vraie méthode ; une étude scientifique sur les
caractères devrait, croyons-nous, aboutir à une classification
des caractères et non commencer par elle.
Avant d'exposer les méthodes qu'on doit suivre dans les diffé-
rentes études de psychologie individuelle, nous donnerons un
historique aussi court que possible de la psychologie indivi-
duelle ; nous essaierons d'indiquer quelles sont les questions
étudiées jusqu'ici et (juels sont les principaux résultats obtenus.
Cet aperçu historique doit se diviser en trois parties, suivant
les trois questions générales dont s'occupe la psychologie indi-
viduelle et que nous rappelons encore une fois :
l*^' Etude des différences individuelles des processus psy-
chiques, l'attention étant portée sur ces processus sans étude
spéciale des relations avec les individus qui les présentent;
2*^ Etude des différences entre les processus psychiques chez
des individus isolés ou des groupes d'individus;
3° Etude des rajiports existant entre les différents processus
psychiques chez un même individu, et recherche des processus
les plus importants dont dépendent les autres.
Il nous est absolument impossible de donner un historique
complet, et d'indiquer tous les résultats acquis jusqu'ici sur
A. BINET ET V. HENRI. — LA PSÏGUOLOGIE INDIVIDUELLE 415
ces différentes questions, il faudrait pour cela prendre tous les
processus psychiques l'un après l'autre et montrer quelles sont
les propriétés qui peuvent varier dans ces processus, jusqu'à
quel point elles peuvent varier, et quelles sont les relations
entre ces variations et les individus qui les présentent ; on voit
de suite que cela prendrait trop de place. Nous nous contente-
rons d'indiquer quelques exemples relatifs aux deux premières
questions ; quant à la troisième, nous en tracerons un histo-
rique plii complet.
Les pi :essus psychiques dont on a étudié le plus les diffé-
rences / dividuelles sont certainement les sensations ; leur
étude e/ bien plus facile que celle des autres processus, on a
la possf ilité de mesurer le processus extérieur, les expériences
sont ejf général simples et faciles à répéter, tout cela a contri-
bué ha ucoup à un développement considérable des études sur
les différences individuelles existant pour les sensations ;
parmi les différentes sensations on s'est attaché en première
ligne à l'étude de celles des différences individuelles qui pou-
vaient offrir quelque importance pratique ; c'est ainsi par
exemple qu'on a fait une quantité immense d'études sur la
cécité des couleurs et en général sur les différences individuelles
existant dans la perception des couleurs ; car, dans la vie réelle,
il importe que certains individus, mécaniciens, pilotes, marins,
distinguent des signaux à leur couleur ; de même encore les
études sur les différences individuelles du champ visuel, de la
sensibilité tactile des différentes parties du corps, de l'acuité
auditive et visuelle, éludes qui ont une grande importance pour
la connaissance et le diagnostic de certaines maladies nerveuses ;
un grand nombre d'études sur les différences individuelles des
sensations ont été faites pour déterminer quelles sont les
différences de sensibilité des différents individus, on a porté
surtout l'attention non sur des individus isolés, mais sur des
groupes d'individus ; nous trouvons, en effet, des études nom-
breuses sur les différences dans la sensibilité entre les hommes
et les femmes (Lombroso ', Galton -, A. Stern ^ etc.), entre les
personnes instruites et celles qui ne le sont pas (Dehn ^ etc.),
(1) Lombroso. Jm femme criminelle.
(2) Galtou. Sensibilité comparée de l'homine el de lu femme. NulLiru, 189 i _
(3) A. Stem. Zur e/hnof/n/phisc/ien Uulers. des Tatsinnes der MUnc/tener
SladlbeoOlkerun<i- lîcitr. /. Aiithrop., XI, 3 et 4.
(4) Deha. Vrruleichende l'ri/f/uii/cn ilh. den Ifaiit nnd (le.sc/i)iif(c/,siiin
bei Mânnern u: b'raiwn oerscliiedener Sldude, Disscrt. Juricw, 1894.
416 REVUES GÉNÉRALES
entre des criminels et des aliénés (Lombroso * et son école),
entre des enfants de différents âges (Riccardi -, etc.).
Il nous est impossible d'indiquer ici tous les résultats obte-
nus, disons seulement que dans la plupart des cas, sauf les ano-
malies maladives, les différences individuelles pour les sensa-
tions sont très faibles et insignifiantes par rapport aux diffé-
rences des facultés supérieures ; c'était à prévoir, mais il est
curieux que beaucoup d'auteurs semblent l'ignorer ou l'oublient
complètement; ils tirent en effet des études sur les différences
individuelles pour les sensations des conclusions trop géné-
rales; ainsi, par exemple, si on prend les études sur les crimi-
nels, quelques auteurs se contentent de déterminer chez les
criminels les facultés physiques et les sensations, et sur ces
données sont fondées des théories de la différence entre un cri-
minel et un homme normal ; nous croyons que bien que l'étude
des différences individuelles pour la sensation joue un rôle
assez important surtout dans quelques cas, il est plus impor-
tant de porter l'attention sur des processus supérieurs; ce n'est
certainement pas parce qu'un homme a un champs visuel"
rétréci, qu'il est moins sensible à la douleur, qu'il a une sen-
sibilité tactile moins fine, l'odorat aboli, et qu'il présente des
anomalies physiques particulières, ce n'est pas pour cela qu'il
est un criminel ; on ne peut pas douter que s'il ne présente que
ces anomalies, et si au point de vue des facultés psychiques
supérieures il ne diffère pas des hommes normaux, il ne com-
mettra pas de crime ; il faut différer des hommes normaux
d'abord dans des facultés psychiques supérieures et puis on
peut en différer aussi par des sensations pour être un criminel ;
ce ne sont pas les sensations, ce sont les facultés psychiques
supérieures qu'il faut étudier ; ce sont celles-ci qui jouent le
rôle le plus important et la psychologie individuelle devrait
porter bien plus son attention sur ces dernières.
Si nous passons des sensations à des processus plus élevés,
nous trouvons bien moins d'études sur les différences indivi-
duelles de ces processus ; il est vrai qu'il y a une exception pour
les mouvements graphiques de l'écriture qui ont été étudiés
très souvent, mais ces études ont été faites en général par des
personnes ayant des idées vagues sur la psychologie, et dans
le but de trouver quelque relation entre l'écriture et le carac-
(1) Lombroso. L'homme criminel.
(2) tUccardi. Anl/vpoloyia e pedcif/of/ùt. 1 vol. 1892. Modciui.
i^
A. BINET ET V. EENRI. — LA TSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE 417
tère de l'individu ; nous en parlerons plus loin. On a fait des
études sur les différences individuelles dans la fatigue (Mosso),
dans la durée des différents actes psychiques chez les per-
sonnes normales, les enfants et les aliénés (Witmer, Gilman,
Buccola, Walitzky, Bechterew, etc.) ; sur les différences des
associations chez les enfants et les adultes (Jastrow, Galton,
Bourdon, etc.), plus nombreuses ont été les études sur les diffé-
rences individuelles pour la mémoire, surtout chez les enfants
(Bolton, Baldwin, Binet, Henri, etc.) ; enfin rappelons les
études sur les différences individuelles dans les images men-
tales (Galton, Charcot, Ribot, Binet, etc.), sur les schèmes
visuels (Galton. Flournoy) et sur quelques autres proces-
sus supérieurs. Toutes ces études ne sont que des ébauches,
elles devraient être reprises, complétées et surtout étendues à
des processus plus intellectuels ; il serait utile de rassembler
tous les résultats acquis sur les différences individuelles pour
les différents processus psychiques ; on pourrait, croyons-nous,
en tirer quelques conclusions générales qui nous échappent
maintenant parce que ces études ne sont pas réunies et classées.
Parmi les résultats qui se dégagent de toutes ces études nous
en citerons quelques-uns. Le premier, le plus important de tous,
croyons-nous, est que plus un processus est compliqué et élevé,
— plus il varie suivant les individus : les sensations varient d'un
individu à l'autre, mais moins que la mémoire, la mémoire
des sensations varie moins que la mémoire des idées, etc.
Il en résulte donc que si on veut étudier les différences exis-
tant entre deux individus il faut commencer par les processus
les plus intellectuels et les plus compliqués, et ce n'est qu'en
seconde ligne qu'il faut considérer les processus simples et élé-
mentaires ; c'est pourtant le contraire qui est fait par la grande
majorité des auteurs qui ont abordé cette question.
Un autre résultat qui mérite d'être rappelé est celui obtenu
par Mosso relativement aux différences individuelles dans la
manière dont un individu se fatigue ; on peut distinguer deux
genres différents d'individus : les uns peuvent travailler pendant
un certain temps avec une intensité presque invariable et puis
tout d'un coup la fatigue se produit, ils perdent très rapidement
le pouvoir de travail ; les autres en travaillant se fatiguent
petit à petit, l'intensité du travail diminue lentement sans saut
brusque. Ce résultat nous semble présenter une importance
considérable puisqu'il parait être relié à d'autres, relatifs au
repos, à l'exercice, et peut-être même à certaines réactions
ANNÉE l'SVCHOLOGIQUE. H. , 27
il8 REVUES GÉNÉRALES
émolionnelles ; ainsi un individu qui se fatigue brusquement se
reposera aussi après la fatigue d'une manière autre que
celui qui se fatigue graduellement ; le premier individu reste
fatigué un certain temps, ])uis il se repose vite ; le second se
repose plus graduellement ; de même encore pour Texercice, il
y a des individus qui acquièrent une dose considérable d'exer-
cice en peu de temps, rapidement et puis la faculté d'exercice
monte lentement ; chez d'autres l'exercice se développe graduel-
lement.
Nous avons fait des observations de ce genre dans le cours
d'autres recherches ; Krœpelin en parle aussi, mais ce sujet
devrait être fouillé de plus près ; nous y reviendrons, lorsque
nous parlerons de la troisième question.
Passons donc à l'historique de cette question.
Chacun possède, on le sait, une écriture bien caractéristique
et personnelle, qui ne peut en général changer pour chaque
individu qu'entre des limites bien restreintes ; déjà au xviu'^
siècle et peut-être même avant, on a cherché à profiter de cette
différence dans l'écriture, on a cherché à tirer de l'écriture des
conclusions relatives au caractère de l'individu, il s'est même
formé une branche de recherches spéciales : « la Graphologie » ;
mais on a voulu faire trop de choses à la fois, on se repré-
sentait le problème comme trop facile, ce qui a amené le
mépris des hommes de sciences envers la graphologie ; c'est là,
croyons-nous la raison pour laquelle les mouvements gra-
phiques ont encore été étudiés si peu par des hommes de
science; pourtant on ne peut pas douter qu'on puisse en tirer
quelque profit pour la psychologie individuelle ; nous ne vou-
lons certainement pas affirmer qu'un jour on pourra déduire
de l'écriture d'un individu son caractère, mais il existe très vrai-
semblablement des relations entre les mouvements graphiques
et certains processus psychiques ; ce sont ces relations qui
devraient être étudiées de plus près par la méthode expérimen-
tale.
La question générale des relations entre les différents pro-
cessus psychiques chez un môme individu est d'une importance
capitale aussi bien pour la pratique que pour la théorie ; elle
est pourtant encore très peu étudiée jusqu'ici; la question est
difficile, elle est si large qu'on ne sait pas trop par quelle partie
commencer, mais une méthode précieuse se présente ici, cette
méthode nous est donnée par les cas anormaux : lorsqu'une
personne présente un affaiblissement considérable d'une faculté.
A. BINET ET V. HENRI. — LA TSYCnOLOGIE INDIVIDUELLE 419
OU bien si elle présente un développement extraordinaire de
cette faculté psychique, on peut étudier si, pour les autres
facultés, la personne reste normale ou bien si l'anomalie pour
une faculté entraine avec elle des anomalies d'autres facultés ;
en assemblant des cas de ce genre on peut arriver à obtenir des
résultats précis sur les relations entre les différentes facultés
psychiques. Les études de ce genre qui ont été faites jusqu'ici ont
surtout montré l'indépendance de certaines facultés les unes
par rapport aux autres ; ainsi par exemple les cas de perte ou
de développement extrême des mémoires partielles montrent
qu'on peut avoir une mémoire extraordinaire pour les chilfres et
ne pas surpasser la moyenne pour la mémoire des lettres ou des
couleurs ou d'autres impressions quelconques (v, Binet, Psych.
des grands calculateurs et joueurs d'échecs), il en est de même
des pertes de mémoires partielles sans influence sur les autres
mémoires partielles (v. Ribot, Charcot) ; ce sont des résultats
contraires aux idées qu'on professait avant ces recherches.
On ne peut donc .pas dire d'un individu qu'il a une bonne
mémoire ; il faut toujours préciser de quelle mémoire on parle ;
il faut donc, pour avoir une idée de la mémoire d'un individu,
ne pas se contenter de recherches sur une seule mémoire par-
tielle, celle des lettres ou des chiffres par exemple, mais prendre
autant de mémoires partielles qu'on le peut; notons que
quelques auteurs, Krcepelin par exemple, commettent cette
faute, ils se contentent de l'étude d'une seule mémoire pour
parler ensuite de la mémoire en général.
Mais si on a fait beaucoup d'observations sur les influences
que les différentes mémoires partielles exercent les unes sur
les autres, on n'en a fait que très peu ou même presque pas
sur les relations entre les différentes mémoires et les autres
processus psychiques ; si nous parcourons en effet les cas patho-
logiques de pertes de mémoire, nous trouvons bien chez quelques
auteurs des remarques sur les pertes de l'intelligence ou de la
faculté d'imagination ou enfin de la faculté de fixer son atten-
tion qui accompagnent les pertes de telle mémoire partielle,
mais ces observations sont encore trop peu nombreuses et elles
ont une forme si générale qu'on ne peut pas pour le moment
en tirer quelque conclusion précise sur le sujet.
Une question non sans importance se pose ici : il peut arri-
(1) Kncpelia. Dcr jjsi/choloyhche Vcnuch in der l'mjchialrie. Psychulc-
gische Arbeiten, 1, 1895.
420 REVUES GÉNÉRALES
ver que la perte ou le développement extrême d'une faculté
influe sur quelques autres facultés psychiques, mais a-t-on le
droit d'en conclure que dans les cas normaux, lorsque les diver-
gences des difl'érentes facultés ne sont que très faibles et ne
peuvent pas être appelées anormales, ces relations entre les
différentes facultés subsisteront?
Ainsi lorsque nous observons que la perte d'une faculté A
entraîne un affaiblissement d'une faculté B et que le déve-
loppement extrême de A entraîne un développement de B,
pourra-t-on affirmer que lorsque de deux individus normaux
l'un a la faculté A mieux développée que l'autre, il aura aussi
la faculté B mieux développée ? Voici une question que nous ne
pouvons pas résoudre, nous n'avons pas assez de données sur
ce sujet. Il faudrait pour pouvoir donner une réponse sur cette
■question étudier de combien doit au moins différer la faculté A
de la moyenne normale pour qu'il en résulte une différence
aussi pour la faculté B. Donnons encore un exemple :
Chacun sait qu'il existe des individus lents et flegmatiques et
d'autres rapides, mobiles et vifs ; les premiers ont la marche
lente, tous leurs mouvements sont lents, leur temps de réac-
tions, simples et complexes, sont plus lents, leur esprit travaille
plus lentement, ils n'arrivent qu'après beaucoup de temps à
une résolution; ils sont indifférents à beaucoup de phénomènes,
ils préfèrent la musique lente et tranquille et n'aiment pas les
tableaux à couleurs vives et changeantes ; les autres présentent
des qualités absolument contraires ; ceci est connu ; mais
lorsque de deux individus que nous voyons pour la première
fois l'un a des temps de réaction plus lents que l'autre, lorsque
l'un ne peut pas trouver une association aussi vite que l'autre,
faut-il en conclure qu'il sera en général dans toutes ses actions
et toute sa manière de vivre plus lent que l'autre? Non, cela
dépend de la différence trouvée entre les durées des différents
actes ; si elle est considérable, si elle se maintient pour les
différents actes, on pourra dire que probablement l'un est en
général plus lent que l'autre ; mais il faut bien se garder de
généralisations trop rapides ; de ce qu'un individu, par exemple
peut trouver dans un temps donné un nombre moins grand
d'associations déterminées qu'un autre il ne faut pas conclure
que le second a un contenu de mémoire plus considérable,
comme le fait Krœpelin, par exemple' ; nous rappelons ici le
(1) Loc. C77., p. 74.
A. BLNrr ET V. HENRI. — LA PSYCUOLOGIE INDIVIDUELLE 421
fait curieux que quelques personnes ne peuvent pas citer à la
suite des séries de chiffres sans suivre l'ordre naturel; tel était
par exemple Charcot; il faut donc être très prudent dans des
conclusions sur ces différentes questions.
Nous devons maintenant dire quelques mots de la nature des
processus psychiques qui ont été étudiés par la méthode des
cas anormaux.
On a surtout porté l'attention sur les anomalies dans les sen-
sations et étudié si les anomalies pour une sensation entraînent
avec elles des changements dans d'autres sensations ; c'est ainsi
qu'on a trouvé que les aveugles ont le tact et l'ouïe plus déve-
loppés que les normaux, que les sourds-muets ont des mouve-
ments plus fins et plus rapides que les normaux, qu'en mar-
chant ils appuient bien plus fortement avec leurs pieds contre
le sol que ne le font les normaux parce que ces derniers se guident
dans leur marche par les sensations de la vue, de l'ouïe et du
toucher à la plante des pieds ; les sourds-muets au contraire
n'ont pour se guider que la vue et le toucher ; enfin on a
observé maintes fois que les personnes qui ont une cécité des
couleurs distinguent mieux les clartés que ne le font les per-
sonnes normales, etc., etc. Mais tous ces faits ne peuvent pas,
croyons-nous. "apporter un appui considérable à l'étude indivi-
duelle des sujets normaux ; les sensations diffèrent trop peu
d'un individu à l'autre et ces différences minimes n'amènent
pas avec elles des variations bien déterminées dans d'autres
processus psychiques ; on doit étudier les sensations lorsqu'il
s'agit de comparer des individus n'appartenant pas au même
milieu et à la même classe, on étudiera les sensations lorsqu'on
aura à comparer des individus de classes différentes, ou des
groupes d'individus entre eux ; ainsi par exemple, lorsqu'on
aura à comparer les enfants de différents âges entre eux, ou
des gens de différentes professions entre eux ; ce n'est que
dans ces cas que les différences entre les sensations seront
assez fortes pour qu'on puisse en déduire des conclusions rela-
tivement à d'autres processus psychiques
Les cas anormaux nous apprennent qu'il existe des relations
entre les sensations et différents processus psychiques, mais
ces relations n'apparaîtront que lorsqu'on aura affaire à des
différences considérables.
Cette méthode des cas anormaux n'est pas la seule qui nous
permette d'étudier les relations entre les différents processus
psychiques.
422 REVUES GÉNÉRALES
On peut étudier ces relations chez les individus normaux
par deux méthodes encore :
i" Chez un même individu on fait varier un processus psy-
chique et on étudie si cette variation entraîne avec elle des
changements dans d'autres processus du même individu ;
2° On choisit d'avance un certain nombre de processus psy-
chiques et on les étudie chez plusieurs individus, on examine
alors si les différences individuelles pour les différents proces-
sus ne vont pas parallèlement les unes aux autres. et ne se cor-
respondent pas d'une manière régulière; de cette correspon-
dance on peut déduire la relation plus ou moins intime entre
les différents processus.
Examinons plus en détail chacune des deux méthodes précé-
dentes.
Nous devons bien préciser comment la première méthode
doit être appliquée pour donner des résultats intéressants pour
la psychologie individuelle, car sans cette restriction, on se
trouve en face d'une méthode qui sert aussi bien pour la
psychologie générale que pour la psychologie individuelle. La
méthode consiste, avons-nous dit, à faire varier chez un indi-
vidu un processus et à voir quelles influences cette variation
produit sur d'autres processus ; or le but de la psychologie indi-
viduelle est de rechercher les relations entre les différents pro-
cessus de façon qu'on puisse de l'examen d'un certain processus
conclure l'état de quelques autres chez le même individu ; nous
devons donc faire un choix dans les processus à étudier, nous
devons étudier des relations entre des processus qui peuvent
nous être utiles dans la comparaison de différents individus
entre eux ; un grand nombre de recherches faites par cette
méthode se trouve donc ainsi éliminées, telles sont par exemple
les expériences sur les influences des différentes sensations les
unes sur les autres, expériences faites surtout par Urbant-
schitsch ' et Féré, expériences d'après lesquelles la position du
seuil pour une sensation est modifiée lorsqu'on produit on
même temps une autre sensation de nature différente ; telles
sont encore les expériences de Mosso, Krœpelin, etc., sur l'in-
fluence que la fatigue mentale ou physique ont sur différents
processus psychiques ; ces recherches nous montrent bien qu'il
existe des relations plus ou moins intimes entre différents pro-
(I) Urbantscliifsch. Eiiifliisseiner Sin/ieserret/iiiif/ mif <He Hbrirjen Sinin'fi-
einppndainien. Pflug. Aivli. r. Pliysiul., vol.x'ljr,' 1888.
A. BINET ET V. UENRI. — LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE 423
cessus, mais nous ne pouvons rien en tirer pour la psychologie
individuelle. Il est certain que nous pouvons bien comparer
différents individus entre eux au point de vue de ces relations ;
nous pouvons étudier, par exemple, si chez plusieurs individus
la fatigue a une influence égale sur différents processus, mais
c'est là une question différente, qui entre dans la première
partie de la psychologie individuelle.
Comment donc faire ce choix? N'existe-t-il pas quelque cri-
térium qui nous permette de décider quels sont les processus
qu'il faut choisir ? Essayons d'analyser la question : supposons
qu'on prenne un processus A chez un individu et on veut étu-
dier si ce processus peut influer sur un autre B ; pour le voir
on fera varier le processus A et il deviendra par exemple Ai,
Aj, A3 ; pour chacun de ces états on déterminera comment s'est
comporté B ; supposons qu'il soit devenu Bi, B, et B3 ; on dira
donc qu'il existe une relation entre A et B telle que lorsque A
est devenu successivement Ai, A2, A3, le processus B a aussi
changé et est devenu Bi, B., B;., ; c'est la forme générale de la
méthode. Dans la psychologie individuelle on a à comparer
différents individus entre eux, cette comparaison est faite pour
des individus qu'on place autant que possible dans les mêmes
conditions externes, on les prend par exemple tels qu'ils se
trouvent à l'état normal, en bonne santé et dans un état de
repos ; chacun de ces individus diffère des autres dans les pro-
cessus A et B. supposons que trois individus ont respectivement
à l'état normal des processus A', B', A", B" et A'", B'". Dans quels
cas pourra-t-on de l'étude générale des relations entre le pro-
cessus A et B déduire une conclusion quelconque sur les rela-
tions entre ces mêmes processus chez plusieurs individus ;
c'est-à-dire, en d'autres mots, quelles sont les conditions néces-
saires pour qu"on puisse, après avoir détermine chez les trois
individus les processus A, qui sont A', A" et A'", en déduire que
le processus B devra se comporter chez ces individus comme
B', B" et B'"? La première condition, c'est que chez un même
individu on puisse changer le processus A, de façon qu'il
devienne respectivement A', A" et A'" ; la seconde condition est
que dans ces différents cas l'état mental de l'individu ne soit
pas trop influencé et ne diffère pas trop de l'état mental nor-
mal. Mais cela ne suffit pas, il faut encore supposer que lorsque
chez un individu le processus A est respectivement A', A" et A'",
les influences sur le processus B seront les mêmes que lorsque
chez plusieurs individus à l'état normal le processus A est
424 REVUES GÉNÉRALES
A', A" et A"'. Ou voit donc combien les conditions sont complexes,
mais il ne faut pas en déduire que la méthode ne peut être jamais
applicable ; il y a des cas où elle peut donner des résultats impor-
tants, non qu'elle puisse nous permettre de conclure d'après des
observations sur un individu sur les différences individuelles,
ceci est rare, mais elle peut surtout nous amener dans des voies
nouvelles, nous donner des appareils pour les études compara-
tives des individus et nous indiquer dans quelle direction on
peut chercher des réponses sur les relations entre les différents
processus chez différents individus. Avantage précieux ; en effet,
on a le plus souvent dans les laboratoires de psychologie la
possibilité d'étudier longuement un nombre bien limité d'in-
dividus; les études de psychologie individuelle ne peuvent pas
en général être répétées beaucoup de fois sur les mêmes indi-
vidus; il faut donc préparer d'avance les expériences à faire,
il faut choisir les processus et c'est pour ce choix ([ue peuvent
être très utiles des expériences faites sur des individus isolés.
Nous avons donc vu qu'on doit faire varier dans cette
méthode les processus de façon que ces variations correspon-
dent aux différences individuelles. Donnons quelques exemples
pour montrer que la méthode est applicable. On sait qu'il y a
des individus distraits qui peuvent difficilement fixer leur
attention sur un même sujet et d'autres qui sont très attentifs ;
on peut produire chez un même individu des états de distrac-
lion différents, en le distrayant et l'occupant par des excitations
étrangères ; supposons qu'on veuille étudier si la faculté d'at-
tention influe sur les expériences de réaction, on fait les
expériences chez un même individu lorsqu'il prête toute
son attention et lorsqu'il est plus ou moins distrait, on
remarque qu'il se produit deux sortes d'influences : les temps
de réaction deviennent d'abord plus irréguliers et puis ils
s'allongent. (C'est ce qu'on appelle augmentation de la
moyenne, et augmentation de la variation moyenne.) On est
donc conduit ainsi à examiner s'il n'existe pas quelque diffé-
rence dans les réactions d'un individu distrait et d'un individu
qui a un pouvoir d'attention développé ; et on trouve en effet
que les personnes distraites ont des temps de réaction plus
longs et plus irréguliers que les personnes qui peuvent bien
lixer leur attention ; par conséquent si on veut se faire une
idée de la faculté d'attention d'un individu il faudra entre
autres expériences prendre aussi des temps de réaction et
examiner jusqu'il quel point ils sont réguliers et courts.
A. BINET ET V. niîNRI. — LA PSYCUOLOGIE INDIVIDUELLE 425
C'est dans cette catégorie que nous devons ranger les expé-
riences de Krœpelin et de ses élèves sur les influences d'empoi-
nements légers sur différents processus psychiques ; ces
empoisonnements légers aveo l'alcool, la morphine, etc., per-
mettent, comme le remarque Krœpelin, de produire dans un
individu normal des états analogues aux états ^ mentaux au
début de certaines maladies mentales ; on peut donc discuter
quelles peuvent être les influences de certaines maladies men-
tales à leur début sur difl'érents processus psychiques; pour
cela on fera des expériences de laboratoire sur des personnes
normales amenées artificiellement à des états analogues aux
malades ; ceci fait, on pourra sans perdre de temps faire des
expériences instructives sur les malades mêmes.
Passons maintenant à la deuxième méthode qui consiste à
choisir un certain nombre de processus psychiques qu'on
déterminera par des expériences arrêtées d'avance ; on les
déterminera chez plusieurs individus, et on examinera si les
variations individuelles pour ces processus ne se correspondent
pas d'une manière régulière. Les expériences faites par cette
méthode ne sont pas nombreuses, elles l'ont été surtout chez
des enfants des écoles, on a comparé les moyennes des diff'érentes
classes les unes aux autres pour difl'érents processus psychiques ;
telles sont par exemple les expériences de Gilbert (Yale) rela-
tives surtout aux sensations des enfants, nos expériences com-
paratives sur la perception des longueurs, la mémoire et la sug-
gestibilité des enfants, etc. Chez les adultes nous notons les
expériences de Jastrow (Am. Journ. of Psych., IV, p. 420), de
Oehrn [Individual psychologie), de Krœpelin, enfin de Bourdon
Rev. Philos., 1893, VIIli, etc. Mais toutes ces expériences sont
encore trop peu nombreuses, elles donnent bien quelques résul-
tats particuliers, mais on ne peut pas encore en tirer de conclu-
sion générale relativement aux relations constantes qui existent
entre les difl'érents processus psychiques chez un même indi-
vidu ; ce n'est qu'une étude complète et systématique de
cette question qui peut amener à des résultats importants
et surtout à une réponse à la question de savoir quels sont les
processus psychiques les plus importants dont les autres
dépendent, quels sont les processus psychiques qui carac-
térisent les différences individuelles. Nous ne disons pas qui
caractérisent l'individu, mais qui le caractérisent par rapport
à d'autres individus, il y a une différence ; en effet, pour
caractériser complètement un individu, il faut déterminer non
426 REVUES GÉNÉRALES
seulement les processus par lesquels il diffère des autres, mais
aussi ceux qui sont communs ou presque, comme les sensations
par exemple, et qui par conséquent ne jouent aucun rôle lors-
qu'il s'agit de comparer les individus entre eux et de chercher
les différences psychiques qui les séparent.
Dans l'état présent de la psychologie individuelle nous ne
pouvons pas donner de réponse à la question précédente, mais
ceci n'a pas empêché certains psychologues de traiter la ques-
tion pratiquement; ils ont essayé d'établir des séries d'expé-
riences qui permettent d'obtenir des résultats relatifs aux diffé-
rences individuelles pour plusieurs processus psychiques.
Il faut noter ici qu'on est en face d'une difficulté très grande;
en effet, les processus qui a priori d'après notre observation et
analyse journalière, paraissent être les plus importants et qui
marquent le mieux les différences entre les individus, sont les
processus les plus intellectuels ; mais d'un autre côté ces pro-
cessus sont les moins accessibles aux expériences et aux déter-
minations quantitatives ; on peut bien dire ici que les processus
qui peuvent le mieux être déterminés par les expériences sont
ceux qui nous servent le moins pour distinguer les individus
les uns des autres : a-t-on besoin de savoir que A a une sensi-
bilité tactile plus fine que B, qu'il peut mieux distinguer deux
couleurs que B ou enfin qu'il ne peut pas mouvoir aussi rapide-
ment son bras que B, pour les caractériser et pour les distinguer
l'un de l'autre ? Certainement non ; et, d'un autre côté, comment
vouloir les caractériser et les distinguer l'un de l'autre si on n'a
pas de données sur leur imagination, leur mémoire, leur pou-
voir d'attention, leur pouvoir d'observation, leur pouvoir
d'analyse, leur raisonnement, leur fermeté volontaire, leur vie
affective, etc. ? Ce sont des faits que chacun admettra ; mais si
on examine les séries d'expériences à faire, les mental tests,
comme disent les Anglais, proposés par différents auteurs
pour caractériser un individu, on est étonné par la place consi-
dérable réservée aux sensations et aux processus simples et par
le peu d'attention prêté aux processus supérieurs; quelques-uns
même les négligent complètement. C'est là, croyons-nous,
une influence de la psychologie générale ; que par l'analyse
poussée à l'extrême on puisse décomposer tous les processus
psychiques en des sensations, cela peut être admis; mais il ne
faut pas en déduire qu'il suffit d'étudier les processas élémen-
taires pour connaître la nature des processus complexes.
Voyons donc de plus près quels ont été les mental tests pro-
A. BINET ET V. HENRI. — LV PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE 't^21
posés par les différents auteurs. Nous nous arrêterons plus spé-
cialement sur cinq essais de ce genre, ce sont les plus impor-
tants et les plus complets qui ont été faits jusqu'ici, les autres
sont trop partiels et ne poursuivent pas de but aussi général
que les cinq en question. C'est d'abord la liste proposée par
Cattel, Mental Tests and Measurements, Mind, 1890, p. 373-
381, puis celle de Mûnsterberg. Zur Jndividual Psychologie
Centralbl. f. Nervenheilk. u. Psychiat. 1891, p. 196, puis celle
de Jastrow qui a été pratiquée par lui à l'exposition de Chi-
cago de 1893 et dont on trouve une analyse dans Y Année psy-
chologique, 1894, p. 522; la quatrième appartient à Krœpelin,
Der psycholog'sche Versuch in der Psychiatrie {Psycholo-
gische Arbeiten, vol. I, p. 1-92, 189o); enfin la dernière est
de Gilbert, Researches on ihe Mental and Physical Develop-
ment a f School-children (Stud. Yale Laboratory^ II).
Examinons chacune d'elles de plus près.
Cattell propose dans son article deux séries différentes de
« tests », l'une de 10, l'autre de oO. La première de 10 se com-
pose des déterminations suivantes :
1" Pression dynamométrique ;
2° Vitesse maxima d'un mouvement du bras ;
3° Distance minima entre deux points de la peau pour qu'on
perçoive encore deux points ; l'endroit choisi est la face dorsale
de la main entre les tendons de l'index et du médius, dans le
sens longitudinal ;
4"' Pression nécessaire pour produire la douleur;
5'^ Plus petite différence perceptible pour un poids de
100 grammes ;
6'' Temps de réaction simple à une impression auditive ;
1° Temps nécessaire pour nommer une couleur ;
8'' Diviser une longueur de oO centimètres en deux parties
égales ;
9'^ Reproduire un intervalle de 10 secondes ;
10" Nombre de lettres retenues après une seule audition.
On voit combien les processus les plus élémentaires pré-
dominent, il n'y a même aucun test pour des processus plus
élevés. Les expériences étaient faites sur des personnes qui se
présentaient au laboratoire de l'université de Pensylvanie ; l'au-
teur ne donne pas les résultats obtenus. Nous croyons inutile
d'entrer dans une critique de ces tests ; ce que nous avons dit
précédemment suffit, croyons-nous, pour montrer ce que nous
en pensons.
428 RIÎVUES GÉNÉRALES
La deuxième série de 50 lests est proposée pour être employée
dans des écoles.
Les 14 premiers sont relatifs aux sensations visuelles,
12 d'entre eux à des déterminations élémentaires : accommoda-
tion, perceptibilité pour les couleurs, seuils, contraste, etc. ; le
1)^'' est relatif aux « erreurs de perception », c'est-à-dire bissec-
lion d'une longueur, tracé d'un carré ; le 14" est relatif au sen-
timent esthétique : ranger des couleurs par ordre d'agrément.
Puis viennent 8 pour les sensations auditives ; tous sauf le
dernier sont relatifs aux épreuves élémentaires de sensations,
le dernier consiste à indiquer les sons et les intervalles les
plus agréables.
Ensuite 3 pour le goût et l'odorat, dont 2 pour les sensations
et 1 pour le goût et l'odorat les plus agréables et les plus
désagréables.
Puis 7 pour le toucher et le sens thermique, tous relatifs à
des déterminations de sensations.
Puis 4 pour le sens de l'efTort et les mouvements, tous rela-
tifs à des processus élémentaires.
Puis 7 sur les « durées mentales » consistant dans la mesure
du temps de réaction simple et complexe et dans l'élude de
l'influence que l'atlenlion, la pratique et la fatigue ont sur les
temps de réaction.
Puis 2 pour la détermination de « l'intensité mentale », qui
comprend la détermination des plus petites difl'érences percep-
tibles pour différentes sensations.
Et enfin o sur « l'extension mentale », comprenant la déter-
mination du nombre d'impressions pouvant être perçues simul-
tanément ; le nombre d'impressions successives pouvant être
retenues dans la mémoire, la vitesse avec laquelle une sensa-
tion disparait de la mémoire et la précision avec laquelle un
intervalle de temps peut être retenu.
Voici encore une série qui serait bien longue à faire complè-
tement, puisque la plupart des tests comprennent en réalité
plusieurs questions, mais qui ne nous donnerait de renseigne-
ments que sur la sensibilité et sur (juelques processus élémen-
taires des individus. Inutile de nous arrêter plus longuement
sur ces tests.
La série des épreuves que Miinsterberg a proposée a pour
but d'étudier comment les différentes professions et les diffé-
rents enseignements se traduisant dans 1' « organisation psy-
chique » des individus. Voici les tests proposés :
A. BliNET ET V. HENRI. — LA TSYCUOLOGIE INDIVIDUELLE 429
D'abord viennent 10 déterminations de la durée de différents
actes qui consistent à lire à haute voix aussi rapidement que
possible 10 mots monosyllabiques; dire pour 10 noms d'objets
écrits sur une feuille, les couleurs des objets correspondants :
exemple, pour le mot neige, dire blanc; en lisant 10 noms de
plantes, d'animaux et de minéraux, dire aussi vite que possible
quelle est la catégorie à laquelle appartient chaque mot ; même
expérience pour des noms d'étoffe, de nourriture et de parties
du corps; nommer, aussi vite que possible, les noms de 10
dessins simples, les noms de 10 carrés de couleurs ; addition
de 10 nombres d'un chiffre ; dire le nombre de sommets de 10
polygones irréguliers ; enfin nommer 3 parfums différents.
Puis viennent des expériences d'un autre genre : nombre de
chiffres et de lettres pouvant être retenus après une seule audi-
tion ; détermination du coup d'œil en faisant diviser en deux
parties égales une longueur de 80 centimètres ; puis en faisant
apprécier combien de fois une longueur est contenue dans une
autre et enfin reproduire une longueur après un intervalle de
5 secondes ; puis la détermination de la plus petite différence
perceptible entre le poids pour les deux mains ; la précision
avec laquelle un son peut être localisé et enfin la construction
d'un carré et d'un triangle régulier lorsqu'on en donne la
base.
Toute cette série d'expériences peut être faite en une heure
pour chaque individu. Quoique étant bien meilleure que celle
de Cattell au point de vue psychologique, elle est aussi trop
spéciale à des processus simples ; d'abord la place réservée aux
déterminations de la durée de différents actes psychiques
est trop large ; il est utile d'avoir des renseignements sur la
durée des actes psychiques, mais il existe d'autres processus
bien plus importants qui ne sont même pas eflleurés par Miins-
terberg.
On nous répondra que les processus élémentaires peuvent
être déterminés avec bien plus de précision que les processus
supérieurs ; ceci est certain, mais remarquons ({ue les différences
individuelles pour les processus élémentaires sont bien plus
faibles que les différences individuelles pour les processus
supérieurs, on n'aura donc pas besoin pour constater ces diffé-
rences d'avoir de méthode aussi précise pour les processus
supérieurs que pour les élémentaires, c'est là un point qu'on
oublie trop souvent; et pourtant ce n'est qu'en s'appuyant sur
ce point qu'on peut aborder l'étude des différences individuelles
4ùU REVUES GÉNÉRALES
pour des processus supérieurs, comme nous essayerons de le
montrer à la fin.
Le psychologue américain Jastrow s'est occupé depuis bien
des années des « mental tests » ; il a écrit plusieurs études à ce
sujet [New Review. Amer. J. of Psych., IV, etc.); mais la série
de test la plus complète qu'il ait employée Ta été à l'exposi-
tion de Chicago. On trouvera la description détaillée de ces
tests dans le premier volume de VAnnée psychologique,
page o:23. Quoique l'auteur réserve plus de place aux processus
supérieurs, à la mémoire surtout, que les deux auteurs précé-
dents, il porte encore trop son attention sur les sensations ;
la plupart des tests se rapportent, en elTet. à des sensations
et à des mouvements simples ; parmi les processus supérieurs
il ne s'occupe que de la mémoire des sensations simples.
Passons à la série des tests proposée par Krœpelin ; le pro •
fesseur de psychiatrie de Ileidelberg a déjà dans des mé-
moires antérieurs porté l'attention sur l'importance que la
psychologie individuelle peut jouer pour la pratique ; sous sa
direction a été fait un travail, en 1889, par Oehrn sur la psycho-
logie individuelle ; dans son article « der psychologische Versuch
in t/er Psychiatrie » paru en 1893 dans ses Psychologische Ar-
heiten, il a développé et complété les notions qu'il profasse
depuis longtemps ; il propose dans ce mémoire une série de
tests qui suffiraient, d'après lui, pour avoir une idée suffisante
sur les facultés de travail d'un individu [LeistungsJ'dhigeil) ;
ce sont ces facultés qui caractérisent, d'après lui, le mieux
un individu ; voici la liste de ces facultés :
1'^ La faculté de Vexercice; pour la mesurer l'auteur proj)Ose
de faire des additions pendant une heure, par exemple, et de
voir après un repos de un quart d'heure si les additions se font
plus vite et de combien ; ou bien faire apprendre des séries de
1^ chiffres et voir si, après un certain temps, on les apprend
plus vite et de combien.
2" La persistance de l'exercice acquis ; il s'agit de savoir
combien de temps l'exercice acquis pour le calcul mental, par
exemple, persiste ; l'auteur remarque qu'il y a ici une grande
ressemblance avec la mémoire ; ce serait, dit-il, une mémoire
générale {Generalgeddch tu iss) .
?)"Ventrainemenl{Anregung). L'auteur déduit des expériences
qu'il a faites sur les effets du repos, que le repos n'a pas tou-
jours pour conséquence de faciliter le travail ; bien au contraire
lors([ue ce repos est très court (jusqu'à o minutes) et lorsqu'on
A. BINET ET V. HENRI. — LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE 431
n'est pas encore fatigué, il allonge le temps, puisqu'on perd
cet entraînement général, cette excitation dans laquelle on
entre lorsqu'on fait un travail ; cette faculté d'entraînement est
en étroite liaison avec l'intérêt qu'on prête aux expériences, elle
augmente avec ce dernier.
^° La. fatigue ; on remarque différents types d'individus sui-
vant la manière dont se produit la fatigue, les uns se fatiguent
brusquement, les autres lentement.
'•)° Le repos, soit ù l'état de veille, soit sous la forme du
sommeil.
6'^ La distraction ; l'auteur porte son attention sur ce <(u'il
existe des personnes qu'aucun bruit, aucun phénomène ne dis-
trait de leur travail ; d'autres, au contraire, sont dérangés par
le moindre bruit; pour étudier ces différences, l'auteur pro-
pose de produire différentes causes de distraction pendant
qu'on fait des additions.
7'^ Vhabitude. Les différentes causes de distraction n'ont pas
une influence persistante, le sujet s'y habitue et son attention
n'est pas troublée par ces causes ; on peut donc avoir une idée
de la manière dont l'habitude se produit en étudiant la persis-
tance de l'action des différentes causes de distraction.
8" La mémoire partielle., qu'on détermine en observant le
nombre d'impressions qui peuvent être retenues après un temps
donné.
Ceci étant posé, l'auteur décrit comment il conduit les expé-
riences chez un même individu, pour étudier chez lui ces difle-
rentes facultés ; l'épreuve est faite pendant cinq jours de suite,
une heure chaque jour, ce qui fait en tout cinq heures pour
un seul individu ; le premier jour, l'individu doit faire pen-
dant une heure sans interruption des additions de nombres
de un chiffre ; le nombre des fautes et la vitesse des calculs
donnent, d'après Kra^pelin, une idée de la vitesse et de l'exac-
titude avec laquelle des associations simples peuvent être évo-
quées ; la comparaison de la vitesse des calculs à la fin de
l'heure avec la vitesse des calculs faits le jour suivant tout au
début montre le degré de fatigue de l'individu.
Le deuxième jour, l'individu doit faire d'abord des additions
comme le premier jour pendant une demi-heure ; la difl'érence
dans la vitesse de ces calculs avec celle des calculs effectués
pendant la première demi-heure du premier jour donne une
idée de la faculté ^exercice de l'individu ; pendant la deuxième
demi-heure l'individu d^it de nouveau faire des additions aiia-
432 REVUES GÉNÉRALES
logiies, seulement on le distrait en lui lisant quelque chose à
haute voix ; la variation dans la vitesse des calculs nous ren-
seigne, d'après l'auteur, sur la facilité de distraction [Ahlenk-
barkeit) de l'individu ; enfin la différence des calculs au début
de cette demi-heure et à la fin montre comment se comporte la
faculté dliabitude chez l'individu.
Le troisième jour, on fait de nouveau faire à l'individu des
additions pendant une heure en faisant des pauses de repos de
€inq minutes après chaque quart d'heure de travail inititerrompu.
Les comparaisons des vitesses à la fin de chaque quart d'heure
et au début du suivant renseignent sur la faculté de rejjos de
l'individu.
Lequatrième jour, l'individu doit pendant une heure apprendre
par cœur des séries de douze chiffres ; la comparaison des
vitesses à la fin de l'heure avec celle au début de l'heure du
cinquième jour donne un renseignement sur le degré de
fatigue chez l'individu ; la vitesse des répétitions des séries
apprises indique la manière d'apprendre : sensorielle si "^s
répétitions sont lentes, motrice si elles sont rapides. ..p^'"
Enfin le cinquième jour on varie un peu : le sujet doit'd'abord
apprendre pendant une demi-heure des séries de douze chiffres
et puis faire pendant une demi-heure des additions. On en
déduit l'influence de Vexercice.
Il est vrai queKriepelin admet que les expériences de ce genre
ne peuvent pas amener à des résultats précis et exacts, mais
nous croyons que c'est une grande perte inutile de temps que
de faire de pareilles expériences. D'abord elles ne sont pas
pratiques, l'auteur parle partout de la faculté d'exercice, de la
fatigue, de l'entrainement, etc., mais il ne dit pas un mot de
l'influence de l'ennui ; en effet, faire des additions pendant une
heure et cela trois jours de suite, il faut avoir bien de la patience
et de la bonne volonté pour exécuter consciencieusement un
pareil travail ; la plupart des personnes ({u'on soumet aux
expériences de psychologie individuelle ne reviendraient pas -^
le second jour au laboratoire. Ces expériences sont trop
ennuyeuses, elles preiment trop de temps en comparaison des
résultats minimes qu'elles peuvent donner, et enlin elles sont
trop partielles, elles ne peuvent pas du tout caractériser un
individu. En somme, nous ne croyons pas que de pareils tests
puissent être pratiques ; d'abord il faut toujours se rappeler
qu'on n'a le plus souvent l'occasion d'examiner une personne
^{ue pendant un temps limité, on ne peut pas la faire revenir
A. BINRT KT V. UENRI. — LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE 433
au laboratoire pendant un mois par exemple ; il faut donc
choisir des tests dont l'examen ne dure pas longtemps : une
heure ou une heure et demie au plus pour l'ensemble de tous
les tests ; ce n'est que dans ces conditions que les tests choisis
peuvent être pratiques.
Nous terminons par l'indication des recherches de Gilbert,
qui diffèrent des précédentes en ce qu'elles ont été faites sur
des enfants, et surtout en ce qu'elles ont donné des résultats
appréciables ; onze tests ont été emploj^és ; trois sont sur le
poids, la taille, la capacité pulmonaire, indiquant des qualités
purement physiques, mais pouvant influencer grandement, la
dernière surtout, l'énergie morale des individus ; deux sur des
sensations, le sens musculaire et la perception des couleurs;
une sur l'habileté motrice, mesurée par la faculté de frapper
des coups rapides ; deux sur les temps de réaction simple et
avec choix ; une sur la mémoire, et une sur la force de sugges-
tion. Ce dernier test, qui est le plus original de tous, est presque
identique avec les expériences que nous avons faites nous-
mêmes sur la suggestibilité naturelle des jeimes enfants. Les
résultats obtenus par Gilbert au moyen de ses nombreuses
expériences montrent qu'à tous les points de vue étudiés les
enfants les plus jeunes diffèrent de leurs aînés en degré ; ils
perçoivent moins bien, ils réagissent moins bien, etc., avec
cette particularité uniforme qu'il y a au moment de la puberté
un retard intellectuel. Le même schéma conviendrait pour
représenter toutes les espèces de résultats. Cependant, il est
incontestable que ces recherches ne nous donnent pas toutes
les différences de l'enfant et de l'adulte.
L'enfant a non seulement une moindre mémoire, une moindre
habileté motrice, une moindre attention, mais il a aussi, vrai-
semblablement, une manière à lui de penser, de raisonner, de
vouloir, de se souvenir. C'est ce que les recherches de Gilbert
ne nous disent pas ; et il serait important cjue les tests ne se
réduisissent pas à nous faire connaître des différences de degré.
Nous sommes à la fin de notre historique ; on voit combien
les essais de tests proposés jusqu'ici sont incomplets et sont
même impraticables.
Il serait trop long de revenir en détail sur les méthodes à
suivre dans les recherches de psychologie individuelles, nous
en avons parlé déjà bien longuement ; nous nous arrêterons
seulement sur les méthodes des « mental tests ». Nous croyons
que cette méthode peut jouer dès maintenant un certain rôle
ANNÉE PSYCHOLOCKJIE. 28
434 REVUES GÉNÉRALES
pratique ; on ne peut pas attendre que l'étude scientifique soit
poussée assez loin pour nous indiquer quels sont les processus
les plus importants qu'il suffît d'étudier pour caractériser la
personne ; il faut chercher si avec les connaissances et les
moyens que nous possédons à l'état actuel nous ne pouvons
pas déjà déterminer des séries d'épreuves à faire sur un individu
pour le distinguer des autres, et pour pouvoir en déduire quel-
ques conclusions générales relativement à certaines habitudes
et facultés de cet individu. La chose nous paraît possible en
quelque mesure. 11 faut tout d'abord distinguer les cas où on a
à examiner des personnes appartenant à un même milieu,
exerçant la même profession, et où on se propose de les com-
parer entre elles pour déterminer leurs difl'érences individuelles
les plus importantes et les plus caractéristiques; ces cas doi-
vent être traités à part de ceux où on voudra comparer entre
eux des individus qui exercent des professions difîérentes ; ainsi
par exemple, il faudra employer d'autre lests dans la compa-
raison de deux étudiants de la même faculté et dans la com-
paraison d'un prestidigitateur avec un des étudiants ; cela est,
croyons-nous, évident; ensuite les tests doivent être appropriés
au milieu et aux occupations journalières des individus ; on ne
pourra pas employer les mêmes tests pour comparer entre eux
deux maçons que pour comparer deux étudiants ou deux enfants
d'une école.
Les études de psychologie individuelle, qui sont une des
plus importantes applications pratiques de la psychologie, puis-
qu'elles ont pour but de connaître les individus, doivent être
envisagées et dirigées d'après le but qu'on se propose d'at-
teindre ; il y a, semble-t-il, quatre directions principales dans
lesquelles on peut s'engager : l'étude des races, l'étude des
enfants, l'étude des malades, l'étude des criminels. Notre tra-
vail se diviserait donc en quatre parties, l'une surtout ethnique,
la seconde surtout pédagogique, la troisième surtout médicale,
la quatrième surtout juridique et criminologique ; le nombre et
la nature des tests varient nécessairement dans ces quatre cas.
Ps'ous ne pouvons pas entrer dans tant de détails, et nous expo-
serons ici simplement les grands lignes du sujet. Il faudra
ensuite, à une autre occasion, reprendre les subdivisions que
nous venons d'indiquer'.
(1) La nieillcuro inaniùi-e de luire avaiiecr la (|iiesti(>n, ce serait que les
instiliitcui's, les antlirojxijogistes, les professeurs lie philosophie, les cli-
nieiens, et siuloiil les cliers de services d'alir'nés fissent l'essai de nos
A. BINET ET V. HENRI. — LA PSYCnOLOGIE INDIVIDUELLE 435
Nous rappelons encore une fois que le but poursuivi n'est
pas de déterminer toutes les différences entre les facultés psy-
chiques de deux ou plusieurs individus, mais de déterminer les
différences les plus fortes et les plus importantes ; les tests
doivent nous apprendre quels sont les traits caractéristiques
({ui distinguent deux individus entre eux et non quels sont tous
les traits de ces individus. C'est là une règle qui n'a été con-
sidérée et suivie par aucun auteur ; en effet, s'ils l'avaient eue
bien présente à l'esprit, ils n'auraient pas posé tant de tests pour
la détermination des sensations et des processus les plus élé-
mentaires. Il faut donc porter l'attention sur les facultés psy-
chiques supérieures. Rappelons qu'il ne faut pas s'arrêter devant
la difficulté que ces facultés ne peuvent pas être déterminées
avec autant de précision que les facultés élémentaires ; on n'a
pas besoin de tant de précision puisque les différences indi-
viduelles sont fortes.
Nous proposons l'étude des dix processus suivants :
Mémoire, nature des images mentales, imagination, attention,
faculté de comprendre, suggestibilité, sentiment esthétique,
sentiments moraux, force musculaire et force de volonté, habi-
leté et coup d'œil K
Ce sont, croyons-nous, des facultés psychiques qui diffèrent
beaucoup d'un individu à l'autre, et telles que la connaissance
de leur état pour un individu nous donne une idée générale de
cet individu, nous permettent de le distinguer des autres indi-
vidus appartenant au même milieu.
Comment donc déterminer l'état de ces différentes facultés
chez un individu? Il faut d'abord que les méthodes soient
simples, et ne prennent pas trop de temps ; ensuite il faut,
autant que possible, que les moyens de détermination soient
indépendants de la personne de l'expérimentateur; il faut qu'on
puisse comparer entre eux les résultats obtenus par un obser-
vateur avec ceux obtenus par d'autres.
tests sur les sujets qu'ils ont à leur disposition. Nous serons très heureux
d'entrer en relation avec eux, de leur donner tous les renseignements
(■ouipléuienlaires dojil ils auront besoin-, et de prendre C(uinaissauce de
leurs résultats. Nous les prions d'adresser direclcnienl leurs ccuiununicu-
tions à M. liinet, Sorboiine, Paris.
(1) Nous supposons, dans tout ce qui va suivre, que l'expcrinicntateur
examine un sujet sur la conduite et rexistence duquel il n'a aucun ren-
seignement ; s'il en est autrement, si par exemple il s'agit d'un criminel
ayant commis un acte matériellcmenl pruuvê, il devient de prime impor-
tance d'étudier cet acte <|ui, mieux qu'un examen, peut révéler une partie
de la personnalité de sua auti-ur.
436 REVUES GÉNÉRALKS
I
MÉMOIRE
Il faut étudier de très près dans toutes ses formes, et autant
que possible mesurer la mémoire de chaque individu, parce que
la mémoire joue un rôle considérable dans toute notre vie, et
parce que, d'autre part, elle diffère beaucoup d'un individu à
l'autre. Voici, en résumé, quels enseignements peuvent être
tirés d'un examen de la mémoire : a) le pouvoir général d'ac-
quisition d'un individu ; il est certaines personnes atteintes de
ce qu'on a appelé « l'amnésie continue » (Janet), c'est-à-dire
qui oublient à mesure qu'elles apprennent ; d'autres, sans avoir
une débilité aussi caractérisée, retiennent mal et peu; des expé-
riences précises peuvent attester, le degré de cette amnésie,
même quand elle est faible ; b) le pouvoir de concentration
volontaire de l'attention -, toutes les expériences de mémoire se
font par un appel à l'attention volontaire, et le résultat dépend
autant de l'attention que de la mémoire ; quand deux personnes
essayent de retenir des chiffres prononcés ou lus une seule
fois, que l'une en retient 4 et l'autre 7 après une seule audi-
tion, cette différence de trois chiffres ne peut pas être mise seu-
lement sur le compte d'une inégalité de mémoire, mais l'iné-
galité d'attention y prend une part importante ; c) les goûts et
tendances de l'individu ; nous avons parlé plus haut des
mémoires partielles, locales, qui peuvent être indépendantes
les unes des autres ; certains individus ont surtout la mémoire
des chiffres, d'autres celle des couleurs, d'autres celle de la
musique, du rythme, des émotions, etc. Il est probable que le
développement d'un genre particulier de mémoire exprime une
tendance de l'individu, qu'une mémoire des couleurs à la fois
exacte et riche est une des qualités du peintre', etc.; l'étude
des mémoires partielles devient, quand on l'envisage à ce point
de vue, un moyen de découvrir les aptitudes, souvent cachées;
d) la nature des erreurs commises par une personne en cher-
chant à fixer un souvenir dont elle n'est pas certaine indique
(1) M. Arréal a fait celte observation fort curieuse que les écrits des'
peintres (P'ronientiu, par exemple) rcurcrnient un nombre considérable-
ment plus grand d'épilhètes colorées que les écrits des littérateurs qui
passent pour des coloristes (par exemple Victor Hugo).
V
'4
A. BINliT ET V. HENRI. — LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE 437
la tendance générale de son esprit. Un esprit bien coordonné
devrait, toutes les fois qu'une lacune de mémoire se présente,
la percevoir et la mesurer; d'ordinaire, et sans en avoir une
conscience bien claire, on a une tendance à suppléer aux
lacunes de mémoire ; cette tendance, chez les esprits qui ont
beaucoup d'imagination et peu de discernement, est portée au
point de fausser complètement la sûreté des souvenirs. Au
point de vue médico-légal, cette question est importante pour
la valeur des témoignages. Dans des expériences inédites sur
la mémoire nous avons rencontré quelques exemples de ces
erreurs par substitution ou imagination; ainsi une personne
à qui on lit une histoire de quatre lignes se passant rue des
Pyramides, ajoute en répétant de mémoire : rwe des Pyra-
mides, n° 7. Cette même personne dans une expérience ana-
logue, répétant l'histoire de l'arrestation d'un individu ajoute :
« un individu très bien mis », etc.' ; e) le dernier point que
nous avons à signaler est peut-être le plus important ; l'étude
de la mémoire peut nous renseigner sur la faculté de com-
prendre ; la mémoire en effet n'est pas une simple fixation
de sensations, c'est un processus plus intellectuel, qui con-
siste à coordonner la sensation et à la pénétrer d'intelligence :
on retient surtout bien ce qu'on a compris. L'immense avan-
tage de la mnémotechnie est de rendre intelligible ce qui sans
son secours reste à l'état brut; pour les chiffres, par exemple,
on peut en retenir plus de cent par la mnémotechnie, tandis
qu'on n'en retiendrait dans le même temps guère plus de
10 à lo avec la mémoire naturelle. On nous a rapporté le
fait suivant, que nous tenons pour véridique : M. Inaudi, le
célèbre calculateur qui possède une mémoire énorme déchiffres,
a pour ami un mnémotechnicien fort habile; parfois, ils font la
gageure, se trouvant ensemble, de retenir les numéros de
fiacres qui passent; tous deux y arrivent aussi vite, avec des
procédés tout différents ; huit jours après, Inaudi ne se rap-
pelle plus rien, et le mnémotechnicien se souvient encore.
On ne pourrait pas citer un meilleur argument en faveur de la
mnémotechnie. Pour en revenir à la mémoire, on doit poser
en règle qu'on retient d'autant mieux qu'on a mieux compris.
Montrons un modèle de lignes à retenir : si la figure est com-
plexe, il faut l'avoir analysée, c'est-à-dire s'en être rendu
(I) Viiir aussi dans noire arlirlo sur la luijiiiuire 'des phrases (Année
psijcii., I, p. 16) quelques e.teiuples aualugues.
438 REVL'ES GÉNÉRALES
compte, l'avoir comprise, pour la reproduire exactement de
mémoire. Ecoute-t-on une phrase musicale, si on ne la com-
prend pas. si on ne perçoit qu'une série incohérente de sons,
on ne la retient pas ; pour la retenir, il faut l'avoir comprise,
l'avoir découpée dans son esprit, avoir saisi le moment où la
phrase se termine, et le moment où elle est encore en suspens.
Mais l'exemple le plus frappant de cette subordination de la
mémoire à la compréhension est peut-être celui de la mémoire
des phrases ; lisez un passage de logique à un individu de demi-
culture, il pourra affirmer avoir compris ; si réellement il n'a
pas pu suivre la suite des raisonnements, l'épreuve de mémoire
le montrera avec évidence, et l'amour-propre du sujet se trou-
vera en sécurité, car il ne manquera pas d'accuser sa mémoire :
« On se plaint de sa mémoire, dit La Rochefoucauld, on ne se
plaint pas de son jugement. »
Voici les mémoires partielles qu'il nous paraît utile d'é-
tudier.
1) Mémoire visuelle d'un dessin géomélrique ; on montre
pendant un temps déterminé un dessin géométrique et le sujet
doit, après un intervalle de quelques secondes, le reproduire de
mémoire ; des expériences faites sur les élèves du lycée de
Leipzig ont montré qu'il existe des différences individuelles
très considérables ; nous donnons le modèle (fig. 81) montré
Fig. 81. — Modèle.
aux élèves et les trois formes principales de reproduction de
mémoire qui ont été faites (fig. 8:2, 83 et 84).
On peut, suivant les résultats, voir jusqu'à quel point l'ana-
lyse des figures a été poussée, ou quel est l'élément qui a le
plus frappé les élèves.
2) Mémoire d'une phrase ; on prendra une phrase choisie
convenablement, de 60 mots environ, le sujet devra la lire lui-
A. BINET DT V. UEXRI. — LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE
^39
même une fois, avec une vitesse naturelle, qu'on marquera;
ensuite il devra écrire la phrase de mémoire ; on marquera le
temps; ceci fait, il devra indiquer les endroits dont il est abso-
lument sur, ceux dont il est presque sûr, ceux dont il doute
Fig. 82. — Kepi'ûiluctirtii do niéinoirc.
et^enfin ceux qu'il sait être faux. On fera l'expérience pour une
série de phrases, présentant une augmentation progressive
du caractère logique et abstrait.
Nous donnons ci-après, à titre d'exemple, un modèle de
dictée faite dans une école ; le morceau a été lu une seule fois,
et les élèves ont dû le reproduire de mémoire.
Fig. 83.
Reproduction de inéinoire.
€ J'ai vu hier M. Pierre Corneille, notre parent et ami. Nous
sommes sortis ensemble après le diner et, en passant par la
rue de la Parchemincrie, il est entré au n° 39 dans une bou-
tique pour faire raccommoder sa chaussure qui était décousue.
Il s'est assis modestement sur une planche, et moi auprès de
lui ; et, lorsque l'ouvrier eut fini, il lui a donné six pièces de
cuivre qu'il avait dans sa poche... J'ai pleuré qu'un si grand
génie fût réduit à cet excès de misère. »
Voici la copie d'un élève de la (juatrième classe : « Hier j'ai
440 REVUES GÉNÉRALES
VU M. Cornet aller chez un marchand de chaussures faire
raccommoder ses souliers, au n° 39, rue des Parchemineries ;
je l'ai vu donner six pièces de cuivre et ça me fesait de la
peine. »
Cet élève n'a pas compris ou n'a pas su expliquer le sens du
du morceau.
Fig. 84. — lleproduotioii de mémoire.
Voici un élève de la deuxième classe. Non seulement il n'a
pas saisi le côté sentiment, mais il n'a pas compris les détails
matériels de la scène : « J'ai vu hier M. Pierre. Après avoir
dîné nous sommes allés nous promener; en passant rue de la
Parcheminerie M. Pierre est entré dans la boutique d'un cor-
donnier et a fait raccommoder son soulier qui était décousu;
nous étions assis sur une modeste planche et quand l'ouvrier
eut fini sa besogne, il tirade sa poche des morceaux de cuir
qu'il tendit à M. Pierre. »
Un autre élève de la deuxième classe a mieux compris le fait
matériel, mais il l'a mal interprété; il n'indique aucun senti-
ment de pitié ou d'attendrissement : « Hier j'ai rencontré
M. Pierre qui passait dans la rue de la Parcheminerie, n° 32.
Il est entré chez un cordonnier pour faire raccommoder sa
chaussui-e qui était décousue. Il avait dans sa poche six pièces
de cuivre qu'il donna au cordonnier. Il se croyait plus riche
que cela. »
Pour terminer, voici la copie d'un enfant de la quatrième
classe, qui a parfaitement compris et bien exprimé. « J'ai été
hier chez M. Corneille, nous sommes sortis après le dîner,
et en passant rue de la Parcheminerie, il est entré au n° 39'
chez un cordonnier pour faire ressemeler sa chaussure, il
s'assit posément sur une planche, moi je me mis à côté de lui,^
et quand l'ouvrier eut fini, il lui donna six pièces de cuivre.
A. BINET ET V. HENRI. — LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE 4il
qu'il avait dans sa poche. J'ai été étonné quand j'ai vu un si
grand génie réduit à une telle misère. »
Quelle différence entre la copie de cet élève, et celle du
précédent, qui est en deuxième classe, qui est par conséquent
bien plus avancé dans ses études!
3) Mémoire musicale; on joue quelques notes d'un morceau
et on prie le sujet de le reproduire par la voix ou sur un ins-
trument; le morceau choisi doit être simple, et on le fait suivre
de morceaux plus difficiles.
4) Mémoire des couleurs: on montre au sujet une teinte et
après quelques secondes, — il vaut mieux choisir un intervalle
plus long (30 secondes par exemple) parce qu'alors les diffé-
rences individuelles apparaissent mieux, — le sujet doit retrou-
ver cette teinte dans une série bien graduée ; expérience à faire
au moins pour trois teintes différentes '.
Au lieu de faire retrouver la teinte montrée dans une série
graduée, on peut prier le sujet de reproduire la teinte montrée ;
on emploiera pour cela des disques rotatifs : l'un, le modèle, con-
tiendra par exemple trois de rouge et deux de blanc, l'autre
ayant du rouge et du blanc, et le sujet devra augmenter le
rouge et le blanc de façon à obtenir une teinte égale au modèle.
Nous croyons que le premier dispositif est préférable, à la
condition qu'on ait une bonne série de teintes graduées, con-
tenant par exemple 2o à 30 teintes pour chacune des couleurs
rouge, bleu, etc.
Ces expériences ont déjà été entreprises au laboratoire de la
Sorbonne, il y a trois ans, avec un dispositif différent et un peu
plus compliqué, qui consistait essentiellement à retenir une
teinte complexe, formée par la superposition de hachures de
couleurs différentes ; après avoir retenu cette teinte, il fallait
la retrouver dans une planche qui contenait une cinquantaine
de teintes différentes. Cette épreuve a été essayée sur des étu-
diants de la Sorbonne, sur des peintres, sur des artistes de
la manufacture des Gobelins et sur des élèves de l'Ecole des
arts décoratifs ; le nombre des erreurs commises a constam-
ment été plus faible chez les peintres, les artistes des Gobelins
et les élèves des arts décoratifs que chez les étudiants de la
Sorbonne ; ce résultat confirme bien la proposition que nous
avons avancée plus haut : l'étude des mémoires partielles, disions-
nous, peut renseigner sur les aptitudes des individus.
(1) On peut employer à cet elfet des feuilles colorées de gélatine, (|ii'ou
fait regarder par transparence ou réflexion.
442
REVUES GENERALES
5) Mémoire des chiffres. Nombre de répétitions ou temps
nécessaire pour apprendre une série de douze chifl'res, de faron
a pouvoir la répéter une fois sans faute.
II
NATURE DES IMAGES MENTALES
On sait, d'après les études de Galton, Charcot, etc., que cer-
tains individus ont plus souvent des images visuelles, d'autres
des images auditives, d'autres enfin des images motrices ou
verbales ; mais il faut se rappeler que les cas extrêmes ne se
réalisent presque jamais; on a toujours affaire à des cas mixtes
(Saint-Paul) où tous les genres d'images existent, seulement
l'une quelconque est plus développée que les autres. On peut
en étudiant les différentes mémoires interroger le sujet après
chaque expérience sur les représentations qu'il a eues; seu-
lement il faut poser les questions de façon qu'il comprenne
bien ce qu'on lui demande.
On peut se faire une idée de la nature des images mentales
qui prédominent par l'expérience suivante. On présente au
sujet un tableau analogue au présent, qui contient douze lettres
écrites dans douze carreaux ;
le sujet doit lire ces douze
lettres deux fois de suite
avec une vitesse naturelle ;
puis on donne au sujet un
tableau de douze carreaux
et ce sujet doit y inscrire
de mémoire les lettres ; les
erreurs commises indiquent
si ce sont des erreurs par
ressemblance de son ou par
ressemblance de forme ; le sujet ayant écrit, on pourra lui
demander comment il a procédé, s'il a vu mentalement les lettres
ou s'il les a entendues; en répétant cette expérience simple avec
trois tableaux différents, on peut avoir une idée de quel genre
de représentations le sujet s'est servi ; il faudra, après avoir
interrogé le sujet sur la manière dont il a fait cette répétition
de lettres, l'interroger aussi sur les images mentales qu'il a
dans d'autres cas ; l'expérience précédente permettra de mieux
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A. BINET ET V. DENRI. — LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE 443
faire comprendre au sujet ce qu'on lui demande et de quoi il
s'agit'.
III
IMAGINATION
Il existe au moins deux .espèces d'imagination : 1" l'imagi-
nation involontaire, semi-consciente, qui se mêle à un grand
nombre d'autres processus, qui peut les secourir et parfois
les dénaturer : nous avons indiqué plus haut que les lacunes
des souvenirs peuvent être comblées parfois par des actes
inconscients d'imagination; dans la lecture, une étude attentive
des suggestions a montré à M. Courtier que souvent l'imagina-
tion ajoute au sens des mots lus, ou altère les images que
les mots devraient évoquer ; dans le langage abstrait l'imagi-
nation fournit des images symboliques, à demi conscientes (la
balance de la justice, le trou noir de l'infini, la forme de vieil-
lard pour Dieu) que certainement on ne confond pas avec l'idée
abstraite, mais qui servent à la comprendre et à la fixer dans
l'esprit; ici l'imagination est utile. "2" La seconde espèce
d'imagination est délibérée, volontaire, cherchée; de celle-là
nous ne pouvons donner un meilleur exemple que l'imagination
littéraire et musicale, dont l'exercice devient une profession
aussi régulière et souvent plus lucrative que le travail des
mains.
La meilleure description de cette imagination professionnelle
qui existe actuellement dans la science est celle qui nous a été
récemment donnée par M. F. de Curel, qui a bien montré en
quoi elle diffère de la pensée consciente et du raisonnement;
elle est dépourvue d'antécédents logiques, elle est brusque,
soudaine, automatique et parfois dissociée de la personnalité-.
Il faudrait, par quelques tests rapides, bien connaître l'état
de ces différentes formes de l'imagination chez un individu.
Après l'avoir interrogé sur ses goûts et ses tendances, sur le
nombre de romans qu'il a l'habitude de lire, sur le genre de
plaisir qu'il y trouve, sur son goût pour le théâtre, la musique,
(1) Quelquos expériences sur le e;ilciil mental seraienl jienl-i'tre intéres-
santes ; Iheoriquenient, ou pourrait admettre que les auditifs décomposeîit
les multiplications mentales, et que les visuels les font comme sur le
papier, mais il faudrait chercher si l'expérience est cnnfnrme à la [lié'urif.
('2) Voir Année psijcliolor/ùjite, l, p. 119.
444
REVUES GENERALES
le jeu, etc., on peut procéder à quelques expériences directes.
Soit une tache d'encre à contour bizarre sur une feuille blanche ;
à quelques-uns cette vue ne dit rien; à d'autres qui ont une
vive imagination des yeux (Léonard de Vinci par exemple) la
petite tache d'encre apparaît remplie de figures, dont on
notera les espèces et le nombre, sans poussar bien entendu
l'expérience jusqu'à cette espèce d'hypnotisation que les Anglais
aiment à provoquer avec leur cristal-vision. En outre, les expé-
riences précédentes sur la mémoire, et des expériences analo-
gues à celles de M. Ribot sur les mots abstraits", peuvent don-
ner des renseignements sur l'imagination semi-consciente et
parasite des individus; en ce qui concerne l'imagination cons-
truclive, il faut donner au sujet un thème à développer, ou
quelques éléments de ce thème à compléter ou à coordon-
ner. Pour l'imagination du dessin, un tableau à composer
ou un morceau de tableau à compléter (par le dessin ou la
description écrite) ; pour l'imagination littéraire, étant donnés
trois ou quatre substantifs ou verbes, les relier par une phrase,
essayer den faire plusieurs différentes, autant qu'on le pourra;
on marquera le temps nécessaire et la nature des phrases faites.
Exemple : construire des phrases avec les trois substantifs
encrier, arbre ei cheval; avec le trois verbes : acheter, battre^
lire ; avec les substantifs : travail, nombre, espace, etc., il
faut dire au sujet qu'on demande de lui une phrase dans,
laquelle il n'entre pas d'autre substantif que ceux indiqués, ou
qui ne contienne pas d'autre verbe que les verbes donnés. Le
nombre de phrases qu'une personne peut former avec trois,
mots et leur nature pourra peut-être donner une idée de la
faculté d'imagination dans quelques cas particuliers.
Une autre expérience peut aussi nous donner des renseigne-
ments sur les différences individuelles dans l'imagination, au
moins lorsqu'il s'agira de cas extrêmes ; elle consiste à faire le
développement d'un sujet quelconque, par exemple un enfant
égaré dans une forêt^. Ce déveloi)pement doit être écrit; il faut
(1) Ces expéricuces ronsistent à interroger le sujet sur ce qu'il se repré-
sente, quand on lui dit un nom abstrait, force, inlini, justice, etc.
(2) Nous avons fait des expériences dans une école sur tous les tests.
(|ue nous proposons ici. Ils ont di>nné des résultats curieux. Le test
in-ht-e, encrier, rhevdl, a donné jiarfciis lieu à des liais(uis tout à fait arti-
ticielles de juxtaposition, connue : « J'ai acheté un arbre, un encrier et
un cheval » et parfois des liaisons complexes et logiques, comme celle-
ci : <■ .r.ii renversé mon encrier, et mon père pour me punir m'a dit que
diniaiiche prochain je ne moutcrai pas à cheval pour aller voir l'arbre de
A. BINET ET V. OENRI. — LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE 445
limiter le temps d'avance : dix minutes par exemple: de plus,
il faut prier de tracer un tableau aussi complet que possible.
Ces tests ne nous renseignent que sur l'imagination littéraire.
On pourrait étudier l'imagination auditive en faisant terminer
à un sujet une phrase musicale dont on lui donnerait les pre-
mières notes.
IV
ATTENTION
L'attention n'est pas un état sut genei'is, comme la mémoire
ou la perception, c'est une qualité, une manière d'être des
processus ; on peut raisonner, percevoir, comparer, se souve-
nir avec attention ou sans attention : l'attention consiste dans
la manière dont une fonction s'exerce, et suivant qu'on est plus
ou moins attentif, le fonctionnement peut devenir plus ou
moins bon. Malgré les nombreuses études qu'on a faites sur
l'attention, ce sujet est encore mal connu, de sorte que nous
sommes assez embarrassés pour indiquer sur quel point doivent
porter les expériences ; on pourrait étudier : 1'^ la durée de
l'attention, c'est-à-dire la régularité et l'exactitude avec laquelle
on exécute une série d'opérations mentales sans s'interrompre.
On se fera une idée de la constance avec laquelle l'attention
est prêtée en prenant une série de temps de réaction et étudiant
leur régularité, techniquement leur variation moyenne*; on
peut remplacer les temps de réaction par d'autres actes : par
exemple, faire reproduire de mémoire une longueur plusieurs
Robinson. » Certainemeut, voilà deux produits intellcctnels de nalure
bien dillcrente. Nous avons fait l'expérience dans plusieurs classes, de
manière à saisir lintluence de l'âge. Nous publierons prochaiueuient nos
résultats. En ce qui concerne le thème à développer. iu)us en avons
choisi deux : un enfant égaré dans une forêt, et un enfaut sauvé par un
chien. Ce dernier thème a provoqué chez tous les enlanls presque lo
même développement ; les enfants ont en grande majorité imaginé un
enfant tombé à l'eau et sauvé par le chien. Au c(uitrairc. l'eufaut iienlu
dans une forêt a suggéré îles récits beauciuq) plus variés, où se marquent
mieux les dilTérences individuelles. Nous n'aurions pas prévu à pritui
l'elfet si différent de ces deux titres.
(1) Si les signaux auxquels on dnit réagic S(uit très raiiprocliés et à des
intervalles réguliers, par e.xemple un signal ciiaquc demi-seconde, on a
une tendance à faire des réactiiuis anticipées, et il faut un ctl'ort très
énergique d'attention pour réagir réguliérenient. Cette épreuve étant [ilus
difficile que celle des réactions simples fait apparaître plus nettement
les différences individuelles.
446 REVUKS GÉNÉRALES
fois de suite : on montre une longueur de 10 centimètres par
exemple, le sujet doit la tracer de mémoire, puis une seconde
fois, puis une troisième sans voir avant chaque fois la longueur
modèle ; on observera si les longueurs tracées successivement
varient régulièrement ou non, et on construira une courbe ana-
logue à celle des temps de réaction. Il est évident que presque
tous les actes intellectuels peuvent être exécutés en série et
donner lieu à une étude sur la régularité de l'elTort d'attention.
Pour en citer encore un exemple, rappelons les expériences de
Bourdon consistant à faire barrer tous les a dan§ une page
imprimée ; le nombre des oublis et des erreurs et la rapidité
de lecture peuvent donner une idée de la persistance de l'at-
tention des personnes.
2° Champ de l'attention, ou nombre maximum d'impressions,
de raisonnements et de mouvements qu'on peut englober dans
un même acte d'attention. Nous citerons ici seulement deux
exemples, quoique le nombre pourrait être facilement aug-
menté.
Métronomes. — On fait battre deux métronomes à des
vitesses un peu différentes, le sujet devant compter le nombre
de coups total ; cette expérience nécessite une fixation de l'at-
tention très intense ; on fait varier la vitesse des métronomes
jusqu'à ce que le sujet ne puisse plus compter le nombre de
coups. Les expériences faites au laboratoire de la Sorbonne
ont montre que la limite des vitesses varie beaucoup suivant les
individus ; chez les personnes douées d'un pouvoir d'attention
très développé, comme înaudi et certains prestidigitateurs
habiles, les limites ont surpassé de beaucoup celles des
personnes normales ; ainsi, par exemple, Inaudi pouvait
encore bien compter les coups pour des vitesses de 100 et 110
coups par minute, les personnes normales n'arrivant à compter
les coups que difficilement pour des vitesses de 50 ou GO par
minute.
Exécution de plusieurs actes simuUancmenl. — Les diffé-
rences individuelles sont très considérables à ce point de vue ;
il y a des individus qui en faisant quelque chose sont complè-
tement absorbés par leur travail, ils n'entendent pour ainsi
dire pas ce qui se passe autour d'eux ; d'autres au contraire
peuvent très bien, tout en lisant autre chose, suivre une con-
versation. L'expérimentation est assez facile : on fait lire à
haute voix une personne avec sa vitesse naturelle dix lignes, et
A. BINET ET V. UENRI. — LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE 447
011 marque le temps nécessaire ; puis on fait de nouveau lire
dix lignes, mais la personne doit tout en lisant écrire des lettres
ou des chiffres ; on fait d'abord écrire une même lettre a par
exemple, on marque la vitesse de lecture ; on recommence en
faisant écrire pendant la lecture deux lettres a et h, et ainsi
de suite on va en compliquant de plus en plus les choses à
écrire, on arrive à une limite qui est bien différente suivant les
individus; de plus l'écriture simultanée à la lecture influe diffé-
remment sur la lecture chez différentes personnes ; nous nous
rappelons par exemple qu'au laboratoire de la Sorbonne un
prestidigitateur arriva à écrire l'alphabet complet pendant la
lecture à haute voix, sans que sa lecture fût modifiée d'une
manière bien notable, les personnes normales ne pouvant que
diflicilement dépasser quatre ou cinq lettres différentes, c'est-
à-dire a, b, c, d, e.
Ces quelques indications sont loin d'épuiser le sujet; et il y
aurait lieu aussi de faire des expériences sur la force de l'atten-
tion, c'est-à-dire sur la résistance aux causes de distraction.
Nous ignorons encore quelles indications on doit donner aux
recherches parce que l'on n'a pas établi d'un manière certaine
quelles sont les qualités fondamentales de l'attention. La
question des meilleures méthodes pour mesurer l'attention est
encore à l'ordre du jour.
FACULTE DE COMPRENDRE
Nous adoptons ces termes bien vagues et peu usités en
psychologie pour désigner un vaste ensemble de facultés
complexes dont la psychologie a le tort de ne guère s'occuper.
Ily a en nous une faculté de comprendre, de saisir la signifi-
cation d'un fait, d'un objet, ou d'une idée, d'une suite de
raisonnements ; on donne à des variantes de cette faculté com-
plexe des noms différents : c'est le talent tt observation grâce
auquel nous démêlons dans ce que nous percevons la réalité et
l'apparence, nous distinguons l'essentiel et l'accessoire, nous
saisissons les relations de cause à effet, nous analysons, nous
synthétisons, nous comprenons en un mot ; c'est Vesprit de
finesse, intuitif plutôt que raisonné, grâce auquel nous saisis-
sons un calembour, ou une intention, une nuance imperceptible
-448 REVUES GÉNÉRALES
de langage, ou nous nous rendons compte du motif d'un acte,
du caractère d'un individu ; c'est le coup d'œil, le bo7i sens, le
jugement, V esprit des affaires, qui nous indique les suites pro-
bables des événements, les chances d'une situation, le meilleur
parti à prendre, etc. Il y a dans ces opérations tant de processus
accessoires variant à Tinfini que le phénomène se refuse à une
description générale. Il importe cependant d'avoir quelques
tests donnant au moins des renseignements vagues. Nous
proposons les suivants, dont nous ne nous dissimulons pas
l'insuffisance : pour l'esprit d'observation, on prendrait par
exemple un mécanisme en marche, celui d'une machine à
coudre par exemple, le sujet devrait dans un temps donné
observer comment les différents mouvements se font et com-
ment ils se tiennent entre eux ; le sujet devrait ensuite obser-
ver comment un insecte marche. Il faudrait trouver des dispo-
sitifs appropriés, qui permettent de classer les individus.
Pour l'esprit de finesse, nous proposons de donner à définir,
à indiquer les ressemblances et les différences entre deux ou
plusieurs synonymes, par exemple entre bonté, tendresse et
amabilité ; le sujet devrait écrire quelles sont les différences
et les ressemblances de ces expressions. On pourrait aussi don-
ner une série de textes contenant des impropriétés de terme,
des sophismes, des erreurs de raisonnement, que le sujet
aurait à découvrir. Exemples : Voici un certain nombre de
phrases à critiquer.
Phrases à critiquer : « Pendant le grand séminaire. » Ceci est
le titre d'un chapitre de mémoires. — « Dans la dernière leçon,
nous avons vu que la cellule nerveuse était composée, etc. »
Ceci est extrait d'un livre d'histologie. — « M. le procureur
général, dans un réquisitoire d'une forme littéraire très pure,
a demandé la peine de mort. » Ceci est emprunté au compte
rendu judiciaire d'un petit journal.
VI
SUGGESTIBILITÉ
Les mots de suggestion et de suggestibilité évoquent surtout
l'idée des expériences très spéciales qui ont été faites pendant ces
dernières années dans les laboratoires et dans les cliniques sur
A. BINET ET V. UENRI. — LA PSYCnOLOGIE INDIVIDUELLE 449
des individus dressés, des hystériques par exemple, ou d'autres
malades, et même des individus quelconques ; mais le terme
de suggestion n'a pas un sens et une portée aussi restreints ;
les suggestions de clinique et de laboratoire ne sont qu'une
reproduction limitée et, si l'on veut, exagérée, d'un phénomène
social qui présente la plus grande importance ' : ce phéno-
mène social consiste dans l'intluence qu'exercent les unes sur
les autres les personnalités en contact; qu'onjappelle cette action
du nom d'autorité, influence, empire, fascination, charme,
sympathie, le mot importe peu ; c'est toujours une action
morale, que les individus dégagent et subissent dans des pro-
portions variables : cette action est visible partout dans la vie
sociale ; c'est elle qui règle la conversation la plus futile,
comme l'affaire la plus grave ; c'est elle qui fixe la situation
de chacun, pousse celui-ci au pouvoir, empêche cet autre d'ar-
river ; c'est elle qui fait qu'il n'y a point à proprement parler
dans la société une liberté et une égalité absolues, mais tou-
jours des individus qui commandent et d'autres qui obéissent.
11 y aurait donc un intérêt majeur à étudier cette action morale,
et à pouvoir déterminer par des expériences ceux. qui l'exercent
et ceux qui la subissent, et surtout à pouvoir mesurer l'action
dégagée par chacun. Dans les différentes notes formant la
caractéristique d'un individu, celle qui est relative à la sugges-
tibililé devrait figurer en première ligne.
Malheureusement, l'action morale n'est point une quantité
qui se compte ou se pèse; on peut bien arriver par un détour
à comparer à ce point de vue tel individu à un autre ; on cons-
tate par exemple que tel hypnotiseur ne réussit à influencer
que dix personnes sur cent ; tel autre en influence cinquante ;
tel autre n'en « manque » pas une ^ ; ces statistiques, à la
condition d'être bien faites, — qualité rare pour une statistique
— prouvent que le premier hypnotiseur a une action morale
moins forte ou moins habile que le second, et que le second
est inférieur au troisième. De même, on pourrait dire qu'un
sujet qui arrive à résister à l'influence d'un hypnotiseur est peu
(1) Notons actuellement une tendance ràchciise à étendre outre mesure
le sens du mot suggestion ; on veut lui l'aire exprimer tout éveil, toute
association d'idées; à ce compte la suggestion engloberait presque toute
la psychologie ; mais si ce mot signifie trop de choses, il liuira par ne
plus rien signiiier du tout.
(2) 11 paraît avéré que M. lîernheim et M. DelhoMif si oit 1res habiles à
suggestionner ;, ceci dépend d'al)ord d'une qualité naturelle, qu'aucun
diplôme ne saurait donner : il y a également une part d'habileté acquise.
ANNÉE PSYCHOLOGigUE. H. 29
450 RlilVUES GÉNÉRALES
sensible au genre particulier d'action morale que cet hypnoti-
seur emploie, et qu'un autre qui succombe clans les mêmes
circonstances est plus sensible, plus suggestible. Mais ce sont là
des constatations qui ne peuvent être faites que dans des circons-
tances assez complexes ; on n'a pas souvent l'occasion de con-
naître la suggestibilité d'une personne. De plus, ces notions
restent toujours relatives, ce ne sont à aucun degré des
mesures; on est suggestible par rapport à tel individu, tel
genre de suggestion ; on n'est pas suggestible pour un indi-
vidu différent, pour une suggestion d'une autre nature. Si l'on
était même bien persuadé du caractère tout relatif de ces phé-
nomènes de suggestion, on couperait court à ces discussions
oiseuses qui continuent encore aujourd'hui sur la question de
savoir si tous les individus sont ou non suggestibles. Il est
clair pour nous que tout le monde est le suggestible de
quelqu'un, comme tout le monde est le radical de quelqu'un,
comme tout poltron peut trouver plus poltron que soi.
Pour apporter la précision et la mesure dans ces recherches
de psychologie sur le caractère, il faut éliminer ou du moins
réduire au minimum l'action morale de Tindividu, et organiser
des conditions d'expérience de telle sorte que le sujet qu'on
examine se trouve suggestionné par des objets extérieurs.
Simultanément MM. Scripture, Gilbert', et d'autre part nous-
mêmes (Binet et Henri), nous avons eu l'idée d'une méthode
nouvelle donnant la mesure de la suggestion, et excluant ou
réduisant au minimum le rùle de l'action morale ; simultané-
ment les expériences ont été faites dans le même milieu, dans
des écoles, elles ont été menées à bonne fm et publiées ; les
nôtres ont été publiées en octobre 1894, celles de nos con-
frères américains en novembre 1894 : nous avons par conséquent
sur eux l'avantage de l'antériorité-, mais il est absolument cer-
tain que les deux recherches ont été conçues d'une manière
indépendante. Nous allons inditiuer en quoi les unes et les autres
ont consisté ; nous montrerons ensuite comment elles peuvent
être développées méthodiquement.
Commençons par nos expériences personnelles ^ Une ligne
droite, tracée sur un carton, est montrée à un enfant, qui
doitremarquer cette longueur, puis indiquer unelongueuriden-
(1) Scripture. Thiiikii);/, Feelin;/. Doiii;/, -p. 266.
(2) Nos expériencps ont été faites pendant l'année scol.iire 1892-1893.
(3) Binet et Henri. De Tétai de suggeslicm naliiicllc chez les enfants.
Ik'V. 1'hilosfi]ihi(iii(\ ocliibre 1894.
A. BINCT ET V. HENRI. — LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE 4o l
tique dans un grand tableau qui présente une série de lignes
rangées parallèlement par ordre de grandeur. L'expérience peut
être faite de mémoire ou par comparaison directe ; de mémoire,
c'est-à-dire qu'après avoir montré le carton à l'enfant, on le
cache, et on laisse écouler un certain temps avant de lui pré-
senter le tableau de la série de longueurs ; par comparaison,
c'est-à-dire que l'enfant garde le modèle sous les yeux quand
on lui présente le tableau. L'artifice de l'expérience consiste en
ceci : on montre à l'enfant plusieurs modèles de grandeur
croissante ; chaque fois il les retrouve dans le même tableau ;
un dernier modèle qu'on lui montre ne se trouve pas dans le
tableau parce qu'il est plus grand que la plus grande ligne du
tableau. Cependant, vers l'âge de dix ans, la majorité des
enfants croient retrouver dans le taljleau le modèle montré.
Pourquoi commettent-ils cette erreur? Sans doute, ils obéis-
sent à plusieurs mobiles : le principal peut-être est l'habitude
que les expériences précédentes ont formée : ils ont retrouvé
dans le tableau les premiers modèles, ils pensent les retrouver
tous : ils s'abandonnent à la pente d'un raisonnement par
induction.
Les expériences de Scripture et Gilbert ont été faites avec des
illusions de poids; elles reposent sur le fait suivant : quand
deux corps ont même poids et volume inégal, c'est le corps
dont le volume est le plus petit qui parait le plus lourd. Le
volume produit donc une suggestion. Voici comment l'expé-
rience est arrangée. On présente aux enfants un disqiie d'un
poids déterminé, de oo grammes par exemple, et ayant 3 centi-
mètres de diamètre : puis, on présente à l'enfant une série de
disques beaucoup plus petits, dont les poids varient de l.j à
80 grammes : on le prie d'indiquer dans cette série le disque
dont le poids lui parait égal à celui du disque modèle de
60 grammes : comme tous les disques de la série sont plus
petits, ils ont une tendance à paraître, à égalité de poids, plus
lourds que le disque modèle: la différence réelle de poids entre
le disque modèle et le disque indiqué mesure la suggestion
produite par la perception visuelle du volume. Ainsi, quand
un enfant choisit un poids égal à 23 grammes, comme égal au
disque qui pèse oo grammes, la suggestion par le volume, par
la différence par exemple de 2 centimètres de diamètre, a eu
comme valeur oo — 23 = 30 grammes. Cette suggestion varie
avec l'âge ; elle augmente de six à neuf ans, et diminue ensuite
régulièrement.
I
452 REVUES GÉNÉRALES
Au fond, l'expérience de MM. Scripture et Gilbert n'est pas
autre chose que la mesure d'une illusion des sens chez les
enfants, et à ce titre nous pensons pouvoir en rapprocher les
expériences de l'un de nous (Binet) sur la mesure de Tillusion
de Miiller-Lyer chez les enfants % et les expériences de Knox,
de Thierry et de Ileymans (V. Anabjses, Année psych., II.) sur
la mesure de certaines illusions visuelles chez les adultes. Rap-
pelons encore les travaux récents de Dresslar, de Flournoy,
de Philippe et Glavière sur ces questions ou des questions
analogues.
Après ces préliminaires, que nous considérons simplement
comme l'historique de la question, cherchons à la traiter d'une
manière méthodique. Notice but, ne l'oublions pas, est de cher-
cher à connaître l'état de suggestibilité d'une personne. Or,
la suggestibilité peut porter sur tous les phénomènes psycho-
logiques, sur les sensations et perceptions, sur l'imagination,
sur les émotions, sur les mouvements.
X'' Sensations et perceptions. — Cesl dans ce domaine que les
recherches les plus précises peuvent être faites. Nos expériences,
comme celles de Scripture et Gilbert, ont eu pour résultat
de provoquer des perceptions fausses, des illusions, des hallu-
cinations. Cette provocation a été faite, il est vrai, par des
procédés un peu différents. Scripture et Gilbert ont utilisé des
illusions des sens préexistantes, et communes à tous les indi-
vidus, la suggestibilité consistant dans le plus ou moins do
sensibilité à ces illusions. On pourrait facilement, avons-nous
dit, développer ce thème et étendre la recherche à toutes les
autres espèces d'illusions. Serait-ce une méthode à recom-
mander pour connaître la suggestibilité d'un individu en par-
ticulier? Nous ne le croyons pas, précisément parce qu'il s'agit
d'illusions générales, qui laissent une fort petite place aux diver-
gences individuelles. Nous préférons une illusion moins pro-
fonde, que l'expérimentateur a créée lui-même de toutes pièces,
et qui ne repose pas sur une manière générale de percevoir et
de sentir. Ainsi, dans notre expérience sur l'identification des.
longueurs, l'illusion est préparée par ce fait que dans une
première, dans une seconde épreuve, l'identihcation a été
possible; l'illusion s'édifie sur une habitude que l'expérimen-
tateur prépare lui-même, et qui n'existe point en dehors de
(1) Hcv. Philosophlqi/e. février 1895.
A. lîINET ET V. HEXRI. — LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE 453
l'expérience. L'épreuve, du reste, peut être faite saus la pré-
sence de l'expérimentateur, et cela vaut mieux ainsi. ISous
citerons deux exemples de recherches à faire.
a). Vexpérience sur V identification des lignes : elle a déjà
été décrite : inutile d'y revenir.
b). Vexpérience sur la perception des odeurs. Une série de
flacons est placée devant le sujet, qui les débouche l'un après
l'autre, les flaire, cherche à reconnaître l'odeur et l'écrit sur
une feuille de papier. Tous les flacons, sauf un ou deux, con-
tiennent une odeur. Gomme dans le cas précédent, l'illusion est
produite par la répétition d'expériences analogues ayant donné
un résultat positif '.
Si nous cherchons à analyser l'état mental que des tests de
ce genre peuvent nous faire connaître, nous remarquons (|ue
les sujets sont soumis à deux tendances contraires : la première
tendance consiste à prendre une sérieuse connaissance de
l'objet qu'on leur montre, la seconde consiste à obéir à la
routine des expériences antérieures. Ceux qui succombent à
l'épreuve présentent par conséquent une tendance faible à se
rendre compte de ce qu'ils perçoivent ; et en effet nous avons
remarqué que précisément les enfants qui ont le moins de coup
d'œil forment la majorité des suggestibles ; nous constatons
aussi que le nombre des suggestibles augmente quand l'épreuve
se fait de mémoire, et s'accompagne par conséquent d'un sen-
timent de sécurité plus faible. Ne pas chercher à se rendre
compte, manquer de confiance en soi, manquer de fermeté et
-de réflexion, s'abandonner à la routine, être impressionné par
une idée préconçue, être superficiel, être crédule, telles sont à
peu près les caractéristiques mentales qui sont mises en
lumière par le test précédent.
Nous avons fait un certain nombre de ces expériences avec
les odeurs en 1893 sur les élèves d'une école du gouvernement;
•ces élèves avaient dix-huit à vingt ans. Voici comment l'expé-
rience était faite : une boîte contenait huit flacons fermés à
l'émeri; dans chaque flacon se trouvait de la ouate pure, les
flacons portaient des étiquettes avec des numéros ; le sujet
s'asseyait, l'expérimentateur disait: Voici huit flacons, contenant
(I) Une cx^jorience aiialoguc, dOjù fuite par rua de nuiis, mais ziou en
vue de la psychologie individuelle, consiste à montrer au sujet deux pointes
de compas écartées, à lui laisser croire rpTuii appuie sur sa maiu avec les
deux pointes, de sorte que beaucoup de sujets s'iiuagiuent sentir deux
«contacts.
Oe
—
5
3e
—
li
4e
—
5
5^
—
5
6«
—
4
7e
—
3
454 REVUES GÉNÉRALES
des quantités extrêmement faibles de différents parfums : les
noms des huit parfums sont les suivants : muguet, violette,
musc, jasmin, tabac, vanille, rose, eau de Cologne ; je vous
donnerai un flacon, vous le déboucherez et vous chercherez à
reconnaître l'odeur qui s'y trouve. En réalité sept flacons ne
contenaient absolument rien, et un seul contenait un peu
d'extrait de vanille. Sur neuf élèves soumis à l'épreuve, un
seul n'a absolument rien senti; il disait toujours « rien >, seu-
lement le flacon avec de la vanille était bien reconnu ; les autres
sept ont senti des odeurs ; voici les résultats donnés par chaque
élève, nous les classons par rang de suggestibilité en com-
mençant par les moins suggestibles :
l'^'' élève 7 flacons rien, \ flacon vanille.
— rien, \ violette, i musc, 1 vanille.
— rien, 1 tabac, 1 eau de Cologne, 1 vanille.
— rien, 1 violette, 1 muguet, t vanifle.
— rien, i musc, 1 jasmin, 1 vanille.
— rien, 1 jasmin, i musc, 1 violette, 1 vanille.
rien, 1 rose, 1 musc, 1 eau de Cologne, 1 indé-
terminé, 1 vanille.
8» -- 3 — rien, 1 tabac, l muguet, 1 musc, 1 violette,
1 vanille.
Ces expériences ne sont qu'un premier essai, elles montrent
tout de même que les différences individuelles sont sensibles.
'il" Imagination. Attention expectante. — Tout le monde a pu
connaître et observer des individus dont l'imagination est sans
cesse en travail, qui font sur toute chose une foule de conjec-
tures, grossissent et dénaturent les faits, sont dupes de leurs
inventions, et qui sous l'influence d'un état de dépression
deviennent facilement des hypochondriaques ou des malades
imaginaires. Il nous paraît facile d'étudier cette classe d'in-
dividus, en employant des tests très simples, dont nous
empruntons l'idée première à Yung, mais que nous avons quel-
que peu modifiés. L'expérience porte le nom d'expérience sur
le minimum perceptible ; elle consistera à laisser croire au
sujet qu'on applique sur son doigt un excitant extrêmement
faible, qu'il percevra à la condition de faire un très grand effort
d'attention ; et le sujet devra décrire ce qu'il ressent.
Voici maintenant le dispositif. Le doigt est placé dans un
tube auquel est adaptée une roue dont chaque tour fait entendre
un bruit sec. Le sujet est averti qu'on lui fera éprouver une
A. BINET ET V. HENRI. — LA PSYCDOLOGIE INDIVIDUELLE 455
sensation extrêmement faible, d'une nature inconnue ; cette
sensation croîtra en intensité à chaque tour de roue. Il devra
décrire ce qu'il éprouve. Cette expérience donnera quelque
idée sur l'attention expectante et sur l'imagination. Le dispo-
sitif employé donne en efîet: 1° quelle qualité de sensation est
imaginée ; 2'' combien il faut de tours de roue, c'est-à-dire de
suggestions pour que l'effet soit obtenu. Peut-être cette expé-
rience donnera-t-elle plus de résultats que toutes les autres.
3" Emotivité. Appréhension. Peur. — Les hypnotiseurs, qui
cherchent à réussir les suggestions plutôt qu'à en étudier le
mécanisme mental, n'ont point étudié le rôle de l'émotion dans
leurs expériences ; il est cependant bien certain que quelques
suggestions sont imposées par la peur, d'autres par le respect,
la sympathie ou l'amour. Nous pensons utile d'avoir un test
dans lequel le sentiment delà peur joue un rôle. Il faut employer
un algésimètre : les usages qu'on en peut tirer sont tellement
nombreux qu'on ne saurait les citer tous ; la pratique seule
indiquera quels sont les plus importants. En voici quelques-uns,
cités seulement à titre d'exemples :
a) Le sujet sait qu'on va faire une expérience sur la pression
douloureuse. On augmente jusqu'à ce qu'il dise d'arrêter. On
recommence ensuite. D'après les observations de Jastrow, à la
première épreuve le sujet arrête bien plus tôt qu'à la seconde.
Ceci mesure Y appréhension .
b) On laisse le sujet choisir lui-même le degré de douleur
qu'il veut subir, etc. On observe ses tâtonnements, etc.
4o Mouvements involontaires et incoïiscients. — Notre qua-
trième expérience de suggestion porte sur les mouvements ; elle
est double ; on peut provoquer des suggestions de mouvements,
1° à la connaissance du sujet, qui y résistera, et 2° à son insu.
Premier cas. — Un modèle est placé sous les yeux d'une
personne, qui est priée de le copier aussi vite que possible, en
mettant des majuscules aux noms et aux adjeclifs. Comme le
texte est imprimé avec des minuscules, il y a là une double
tendance, obéir au texte et obéir à la demande de l'expérimen-
tateur.
Une expérience de ce genre a été faite sur une jeune dame ;
elle avait à écrire de mémoire la fable « Le loup et l'agneau »;
elle l'a fait en cinq minutes. Il y avait dans ce texte 29 subs-
tantifs et G adjectifs seulement. Les oublis de majuscules ont
été faits sur 2 substantifs et sur S adjectifs ; le nombre des
4o6 REVUES GÉNÉRALES
erreurs pour les adjectifs est donc bien plus considérable ; pour
les substantifs, les erreurs ont été faites sur des expressions
où la forme du substantif ne se dégage pas bien ; par exemple:
« au fond » et « plus de vingts pas ». Notons en outre qu'il y
a eu deux corrections.
Deuxième cas. — Expérience sur les mouvements incons-
cients et l'écriture automatique. L'un de nous (Binel) a longue-
ment étudié cette question [Minci, janv. 1890) et montré com-
ment on doit s'y prendre pour provoquer des mouvements
passifs, des mouvements d'adaptation et autres phénomènes
semblables chez un sujet qui ne s'en doute pas. On cache la
main du sujet derrière un écran, et on le prie de lire attentive-
ment, ou bien on le distrait par une conversation, ou encore
on le prie de penser attentivement à un nom, le sien par
exemple ; après un court dressage, la main commence à mon-
trer une activité automatique. Myers, Jastrow et beaucoup
d'autres auteurs ont fait des recherches sur l'écriture automa-
tique, soit avec la planchette spirite, soit avec d'autres instru-
ments plus commodes et plus précis. Un compte rendu des
expériences de Jastrow a été publié dans VAmej'ican Journal
of Psi/chology, avril lSd'2, p. 31)8.
VII
SENTIMENT ESTHÉTIQUE
Outre le travaux classiques de Fechner, des expériences ont
été faites dans ces dernières années en Allemagne (Witmer.
Cohn) et en Amérique (Pierce, Mayor) sur l'esthétique des cou-
leurs et des formes (v. Année psijch., I, p. 438) ; mais ces expé-
riences sont trop complexes pour pouvoir être appliquées à
l'examen individuel. Il peut paraître, à priori, assez difficile de
déterminer le sentiment esthétique d'un individu sans faire une
hypothèse sur la justesse du sentiment esthétique et sur le crité-
rium du beau ; comment, en effet, dira-t-on, pourra-t-on juger
qu'une personne a un sentiment esthétique faible si on n'a pas
commencé par déterminer de quelle nature est le sentiment
esthétique maximum? Quand il s'agit, par exemple, de mesurer
l'habileté motrice d'un individu, on imagine un acte difficile
à exécuter, par exemple mettre une balle au centre d'une
mire ; l'expérience définit le maximum d'habileté, et c'est à ce
A. BINET ET V. HENRI. — LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE 457
iiiaximum qu'on peut comparer les tentatives des différents
individus. Mais en est-il de même en esthétique ? Peut-on affir-
mer qu'il existe une forme, une proportion de ligne, un assem-
blage de couleurs ou de nuances qui soit plus beau qu'un autre?
Nous croyons qu'il existe deux moyens d'échapper à cette dif-
ficulté, moyens qui permettent d'étudier expérimentalement le
sentiment esthétique sans résoudre ces hautes questions. 1° On
peut prendre comme norme, comme base de comparaison, un
sentiment esthétique moyen ; cette moyenne est obtenue non
pas en recueillant les avis et sentiments de tout le monde sur
une forme ou une couleur, mais en prenant les avis des artistes,
c'est-à-dire de ceux qui ont le sentiment esthétique le plus
exercé, ou en tirant des conclusions des œuvres d'art. C'est de
celte manière qu'on est arrivé à admettre que certaines propor-
tions d'un rectangle sont plus agréables à l'œil que dautres
proportions; le carré par exemple donne un sentiment moins
agréable que le rapport -j^^ , appelé la section d'or. Montrons
à une personne une série de rectangles de bristol, de toutes
proportions, posés sur un fond noir ; prions la personne de
classer ces carrés suivant le sentiment qu'elle éprouve, ou de
lescompafêr"tmrs^wa€^essivement deux à deux ; si une per-
sonne trouve que la section d'or donne moins de satisfaction à
l'œil que le carré, nous pourrons en conclure quelque chose
sur la manière dont elle est douée. Nous devons cependant con-
fesser que nous ignorons complètement la valeur réelle de la
section d'or, n'ayant pas eu l'occasion de faire à ce sujet des
•observations personnelles sur les artistes ^ En ce qui concerne
les couleurs, le critérium est plus difficile à trouver ; d'une
part, des expériences sur des étudiants ont montré que l'asso-
ciation des couleurs complémentaires est en général préférée
aux autres associations; d'autre part, les observations et inter-
rogations que nous avons pu faire sur quelques artistes des
•^Gobelins nous ont donné un résultat tout à fait différent, les
artistes préférant juxtaposer les couleurs voisines du spectre,
parce que le passage est plus doux. Il est à supposer que l'asso-
ciation des couleurs produit un effet esthétique différent sui-
vant le but qu'on se propose d'atteindre ; on cherchera par
•exemple le contraste violent dans les couleurs d'un drapeau,
■et des teintes fondues dans une tapisserie de cabinet de travail.
(l) Depuis que ces li<rnes sont écrites, l"un de nous a coniniencc dos
expériences dans les écoles sur la section d"or; les résultats paraissent
-î'tre extrêmement comidexes.
458 REVUES GÉNÉRALES
Il faut aussi tenir compte de ce fait que chez certains individus
le sentiment esthétique est produit par chaque ton séparément,
tandis que d'autres, plus raffinés, sont sensibles en outre au
rapport de deux ou trois tons. Enfin, n'oublions pas un dernier
facteur, l'influence de la mode, du goût du jour, de l'exemple
des maîtres, des notions scientifiques', de l'enseignement, qui
exercent une grande modification sur le sentiment esthétique,
et parfois le suppriment et le remplacent soit par des sentiments
d'amour-propre, soit par un simple jugement iatellectuel.
M. Jacques Passy, qui fait depuis longtemps des études sur les
parfums, nous apprend qu'il a perdu une partie du sentiment
de plaisir qu'il éprouvait autrefois à percevoir un parfum
agréable ; il pense que beaucoup de parfumeurs sont dans le
même cas ; on juge le parfum, on le déclare exquis, parfait,
sans éprouver de plaisir véritable, mais parce qu'on juge que
ce parfum se rapproche plus ou moins d'un certain idéal esthé-
tique.
Le critérium qui nous fait défaut pour l'esthétique des cou-
leurs, nous le trouverons peut-être plus facilement dans la
musique ; non pas qu'on puisse dire scientifiquement qu'un
morceau de musique est plus beau qu'un autre ; les discussions
d'école qui se sont élevées si nombreuses suffiraient à prouver
l'incertitude d'un tel jugement. Nous voulons seulement rappe-
ler que dans l'audition d'un morceau musical il y a, outre le
sentiment de plaisir, un sentiment particulier, difficile à définir,
qui consiste à comprendre ; on peut comprendre une phrase
musicale simple et ne pas comprendre une phrase plus compli-
quée ; le Béotien qui saisit la ritournelle d'une chanson de
café-concert n'entend qu'une suite incohérente de sons dans la
musique de chambre. La complexité musicale peut donc
fournir un critérium du sentiment esthétique.
2" Nous avons parlé d'un second genre d'épreuves sur le senti-
ment esthétique ; elle consiste à répéter la première expérience
au bout d'un temps suffisant pour qu'elle soit oubliée, de
(t) {;ohn, dans son l'iiulc sur TestlnMiinic dos roiik'urs, a Irouvr que les
roiikMM's (■(iiiiplciiiciilaires sont celles ijiii produisent par leur juxlaposi-
lion l'clieL le plus ayreable ; ses expériences ont été i'aitcs sur des indi-
vidus très cultivés qui connaissent la théorie des couleurs complénien-
tairos, qui savent j^ar exemple (pu^ les couicurs complénienlaires se vont
valoir. Cette nolimi subconsciente n'a-t-elle pas pu intluencer leur choix ?
Nous posons cette question parce que des expériences en cours de l'un
de nous (Binet) sur des enfants de douze ans qui ignorent conipléteniont
ce que c'est qu'une couleur couqjlcuientaire ont donné des résultats tout
à l'ait ditJ'erents.
A. BINET ET V. DENRI. — LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE 459
manière à ce qu'on puisse constater les variations qui se pro-
duisent. Dans des recherches, que nous n'avons pas publiées, sur
l'esthétique des couleurs, nous avons constaté que quelques
personnes restent fidèles à leur premier jugement, même après
un mois d'intervalle, tandis que, pour d'autres personnes, les
résultats des examens successifs n'ont pour ainsi dire rien de
commun. Ces variations prouvent soit que la sensibilité esthé-
tique de ces derniers individus est soumise à un grand nombre
d'influences, soit plutôt que leur sensibilité esthétique n'est
pas développée, et que le choix qu'ils ont fait une fois est tout
à fait arbitraire et ne repose pas sur une manière profonde de
sentir.
En résumé, trois questions à examiner :
1). Quelles sont les préférences esthétiques d'une personne?
Ceci se déterminera facilement.
2). Quel rapport existe-t-il entre ces préférences et celles des
arlistes? Sur ce point, il reste encore beaucoup de doutes,
3). Ces préférences sont-elles stables ou changeantes? En
d'autres termes, correspondent-elles ou non à un sentiment
esthétique développé ? L'étude des variations d'une expérience
à l'autre répond suffisamment à cette troisième question.
Ces diverses questions peuvent être étudiées au moyen de
trois tests principaux, le premier avec des rectangles, le second
avec des carrés de couleurs à associer, le ti'oisième avec une
série graduée de phrases musicales à comprendre.
VIII
SENTIMENTS MORAUX
A notre connaissance, aucune expérience n'a jamais été ten-
tée dans cet ordre d'idées, sauf peut-être quelques épreuves
épisodiques de Lombroso qui a eu l'idée d'appliquer le pneu-
mographe et le pléthysmographe à des criminels pendant
qu'on leur montrait des objets capables de les exciter, une pièce
d'or, un couteau, un verre de vin. Théoriquement, on doit
admettre que les différentes émotions qui nous agitent ayant
toujours une contre-partie somatique, on pourrait, en étudiant
avec des appareils de précision les signes physiques des émo-
tions d'un individu, savoir ce qu'il éprouve.
Il est encore prématuré de dire si le pneumographe, le plé-
460 REVUES GÉNÉRALES
Lhysmographe et les appareils analogues ne pourraient pas
encore donner des indications suffisamment précises pour servir
à un examen individuel '. Sans négliger, en tout cas, ce que
peut apprendre l'étude de la circulation et de la respiration,
on pourra avoir recours, en outre, à un procédé moins précis,
peu scientifique nous l'avouons, et que nous appellerons le
procédé des images. Il consiste à offrir aux yeux du sujet une
série d'images, de photographies de toutes sortes, représentant
des scènes bien significatives, des vues, des sujets religieux el
de guerre ; on observera la contenance du sujet, ses expressions
de physionomie, ses réflexions, le temps pendant lequel il regar-
dera chacune des photographies. Nous donnons à ce sujet un
exemple.
Nous avons montré à plusieurs personnes des photographies
qui représentent des vues de Buchara {Asie) ; parmi ces photo-
graphies qui en général représentent des monuments et des
types d'individus et de costumes, s'en trouve une qui représente
la décapitation des criminels faite à Buchara; nous mettons cette
photographie au milieu des autres, le sujet qui la regarde ne
s'attend guère à voir une pareille scène. DifTérentes personnes
que nous avons soumises à cette expérience ont réagi bien difTé-
remment ; quelques-unes ne voulaient même pas regarder
davantage les photographies, d'autres faisaient des remarques
sur l'abomination de la scène ; enfin, une personne a regardé
assez tranquillement et n'en a pas été émue ; ces différences
semblent correspondre un peu aux différences dans l'émotivité
des personnes ; seulement, il faut distinguer, croyons-nous,
deux genres différents d'émotivité : l'une produite par des sensa-
tions fortes et inattendues; l'autre, par des impressions intellec-
tuelles ; une personne peut être très impressionnée par une
photographie pareille à la précédente, et ne pas être du tout
effrayée, par exemple, par un bruit fort et inattendu ; nous
avons observé des cas de ce genre ; remarquons, en passant, que
Texpérience décrite plus haut avec les photographies a été faite
sans que les personnes se doutassent qu'elles étaient en expé-
rience ; elles étaient persuadées que nous montrions les photo-
graphies seulement pour l'intérêt qu'elles présentent ; c'est ce
genre d'expériences qu'il faudrait essayer de faire, ce sont ces
expériences qui donnent des résultats bien plus instructifs que
(1) (iii Irniiver.'i dans le travail de lUiiet cl Cmirtier sur la Clrciilalion
capillaire quelques indications se rapportant à cette question.
A. BINET ET V. HENRI. — LA PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE 46!
les expériences faites sur des sujets prévenus qu'on les étudie.
Pout éprouver !'« émotivité toute sensorielle », on peut voir si
l'individu est peu ou beaucoup effrayé par un bruit inat-
tendu, etc.
FORCE MUSCULAIRE ET FORCE DE VOLONTÉ
Notre but est de trouver un test qui donne des renseigne-
ments à la fois sur la force musculaire et sur la force de
volonté. En réalité , dans les explorations qu'on fait ordi-
nairement sur la force musculaire volontaire de l'homme*,
trois facteurs au moins interviennent : la force impulsive de
la volonté ; la force de contraction du muscle ; les sensations
particulières de douleur et de fatigue qui accompagnent une
contraction énergique du muscle, surtout quand elle se pro-
longe, et qui. agissant indirectement sur la force impulsive
de la volonté, déterminent le sujet à suspendre ou à modérer
son effort ^.
On peut montrer l'importance relative de chacun de ces
facteurs en choisissant des circonstances dans lesquelles
l'un de ces facteurs augmente d'importance, sans que les autres
subissent une augmentation parallèle. L'épreuve a été faite
bien souvent pour la volonté. On sait qu'un jeune homme qui
presse un dynamomètre sous l'œil d'une femme atteint en
général un chiffre de pression dont il reste loin dans d'autres
conditions ; et la différence entre les deux chiffres peut donner
quelque idée de sa vanité ou de son émotivité sexuelle. On sait
aussi qu'une violente colère décuple les forces. Quant à l'action
modératrice de la sensation de fatigue, elle se fait sentir surtout
au bout d'un effort prolongé, et elle agit bien plus sur la volonté
du sujet que sur la fibre musculaire ; c'est par la fatigue et non
par l'épuisement qu'on est arrêté dans un état de contraction
prolongé. Quelques hystériques qui perdent la sensation de
fatigue sont capables d'un prolongement d'effort bien plus
considérable que des individus normaux des plus vigoureux ;
l'un de nous (Binet) a observé avec Féré une femme hystéri({ue
(i) Consulter Féré. Sensalinn cl mouvement.
(2) L'un de. nous a déjà insisté sur celte idée. V"ir AlU-ralioiis de la
personnalité, Paris, 1892.
462 REVUES GÉNÉRALES
qui grâce à son anesthésie pouvait garder le bras (Hendu une
heure vingt minutes. Quel est l'athlète qui en ferait autant?
Enfin l'excitation directe des muscles par l'électricité pourrait
probablement donner quelques renseignements sur la force
musculaire proprement dite.
Nous devons chercher dans nos tests à réunir le plus grand
nombre de renseignements possible sur ces trois facteurs.
Aussi rejetons-nous l'emploi du dynamomètre ; outre que cet
instrument est en général mal gradué et d'un maniement peu
commode pour des personnes qui n'en ont point rhaijitude, il
ne donne que le résultat d'une pression unique ; or, dans une
pression unique, le rôle de la volonté est réduit en quelque sorte
au minimum ; c'est par la persistance de l'état volontaire que les
différences individuelles s'accusent ; tout le monde, — pourrait-
on dire en exagérant beaucoup une idée vraie, — tout le monde
est capable du même elTort volontaire ; mais tout le monde n'est
pas capable de faire durer cet effort aussi longtemps ; durer,
voilà la vraie mesure de la volonté. Il y a donc lieu d'arranger
une expérience de manière à ce que la part de volonté y
devienne manifeste, notamment comme force de résistance à
la fatigue. On pourrait avoir recours soit à l'effort soutenu pris
avec le dynamographe, soit à une expérience plus simple, ne
nécessitant point d'appareil, et consistant à tenir un poids
soulevé, aussi longtemps que possible. La courbe dynamo-
graphique donne la durée de l'effort, sa forme et sa hauteur ;
le soulèvement du poids permettrait d'étudier, outre le temps,
le tremblement, la descente du bras, l'effort respiratoire, etc.
Voici un autre procédé, que nous jugeons plus complet : faire
soulever avec un seul doigt un poids connu, le plus vite et le
plus longtemps possible. Avec un seul doigt, pour que les effets
soient plus rapides et plus nets qu'avec la main entière dont
les groupes musculaires peuvent se suppléer, ce qui introduit
une cause d'erreur dans les résultats ; un poids connu, pour
qu'on puisse mesurer la quantité de travail ; le plus vite possible.
parce que, grâce à la vitesse, on atteint rapidement la fatigue,
on empêche le muscle de se reposer ; et, de plus, la vitesse du
mouvement est une notion très importante, presque aussi impor-
tante que la force ; on sait quelle a été considérée par des psy-
chologues américains (Bryan') comme la mesure de l'habileté
motrice; le plus longtemps possible, pour voir la persistance de
(I) Amer. J. of l'sijvhiilixjij, \ . \\. IJO.
A. BINET ET V. HENRI. — LA PSYCUOLOGIE INDIVIDUELLE 4(m
l'elTort malgré la fatigue. Or, d'après le dispositif choisi, on ne
connaîtra pas seulement la durée de l'effort, mais ses troubles,
les contractions manquantes, la manière de se fatiguer, etc.
L'ergographe de Mosso* ne satisfait pas entièrement à ces
conditions, parce que le soulèvement du poids a lieu en flexion,
et, par conséquent, ce mouvement, qui a beaucoup d'amplitude,
demande du temps ; on ne peut pas faire de contractions
rapides, par exemple trois contractions par seconde. Evidem-
ment, il faut modifier l'ergographe tout en en conservant le
principe ; choisir un mouvement d'extension du doigt, et faire
soulever des poids plus légers qu'un kilo, chaque soulèvement
s'inscrivant sur le cylindre.
X
HABILETÉ MOTRICE ET COUP d'œIL
Un test pour l'étude de l'habileté motrice a été proposé par
Bvy-àn {Amei'. Journ. of Psych., V, p. loO), consistant à faire
entrer une aiguille dans un petit trou fait dans une planchette.
On pourrait employer ce test, ou bien encore le sujet devrait
jeter 10 fois de suite une balle dans une mire, on marquerait
les écarts du centre de la mire.
Le coup d'œil est en relation avec l'habileté motrice ; quel-
qu'un qui a un bon pouvoir d'observation, qui a une habileté
motrice développée aura aussi en général un bon coup d'œil,
sauf les cas où il est par ses occupations spécialement déve-
loppé.
Pouréprouver le coup d'œil, on peut demander à un individu
combien de fois une ligne est contenue dans une autre, puis le
prier de partager une ligne en sept parties égales, indiquer sur
une circonférence la treizième partie de la circonférence, etc.
Nous sommes au bout des tests que nous proposons; il y a
certainement beaucoup de lacunes à combler ; il faut modifier
plusieurs des tests précédents, ceci est certain. Rappelons que
ce n'est qu'un premier essai, et c'est la pratique et l'expérience
qui doitcompléter et modifier les tests précédents. Nous croyons
tout de même qu'ayant obtenu des réponses à toutes les questions
0) Voir la descriptinn dans Wiinn'c j/si/rfinlnr/ifii/r^ I. p. 451.
464 REVUES GÉNÉRALES
précédentes, ayant ensuite interrogé le sujet sur ses occupations
principales, on pourra se faire une idée d'ensemble des facultés
de l'individu ; les tests précédents sont choisis de façon qu'on
puisse les faire tous en une séance de une heure ou une heure
et demie au plus ; si on dispose d'un temps plus long, il faudra
augmenter les expériences et les varier autant que possible ; il
est possible que les tests précédents ne suffisent pas pour bien
caractériser les différences entre deux individus appartenant au
même milieu, qui vivent de la même façon et qui ont les mêmes
occupations, mais nous croyons qu'ils peuvent donner des
renseignements utiles lorsque les individus à comparer ditTèrent
plus fortement.
Nous avons déjà dit au début de l'étude sur les tests qu'ils
doivent être appropriés au milieu auquel appartiennent les
individus étudiés; il faudra s'arrêter plus sur quelques-uns que
sur les autres ; pour des individus qui exercent certaines pro-
fessions, toutes ces questions doivent être étudiées en détail.
Dans celte étude il faudra surtout s'occuper des modifications à
apporter dans les tests pour l'étude des différences individuelles
chez les enfants des écoles, puisque c'est là surtout que les
tests peuvent trouver leur aj)plication maintenant, et aussi
c'est sur les élèves des écoles qu'il est le plus facile de faire des
expériences de ce genre.
Nous ne pouvons pas, faute de place, nous arrêter sur l'im-
portance pratique que la psychologie individuelle peut pré-
senter pour le pédagogue, pour le médecin et pour le juge, ceci
nous entraînerait trop loin.
Résumons donc pour conclure les points principaux dévelop-
pés dans cette étude :
1° La psychologie individuelle a deux problèmes à résoudre :
a). Étude des dilTérences individuelles pour différents processus
psychiques ; cette étude peut être faite en portant l'attention
surtout sur les processus étudiés sans s'occuper des relations
entre les variations individuelles et les individus, ou bien elle
peut être faite en portant l'attention sur les individus ({ui pré-
sentent les variations.
b). Elude des relations qui existent entre les différents pro-
cessus psychiques, de manière à pouvoir déduire de l'état de
certaines facultés psychiques chez un individu l'état de quelques
autres facultés du même individu ; et enfin pour arriver à éta-
blir quels sont les processus psychiques les plus importants
qui gouvernent les autres et dont l'ensemble peut le mieux
A. BINET ET V. IIEiNRI. — LA PSYCUOLOGIE INDIVIDUELLE 46o
caractériser les différences psychiques entre plusieurs indi-
vidus.
i° Les différences individuelles sont plus fortes pour les pro-
cessus supérieurs que pour les processus élémentaires; par con-
séquent, si on veut étudier les différences psychiques entre deux
individus, il faut surtout porter son attention sur les processus
supérieurs et ne considérer qu'en seconde ligne les processus
élémentaires; de cette même loi résulte cette conséquence que
la détermination des processus supérieurs n'a pas besoin d'être
faite avec autant de précision que celle des processus élémen-
taires.
3" Parmi les différentes méthodes de la psychologie indivi-
duelle il faut porter une attention spéciale sur la méthode des
« mental tests ». consistant à choisir un certain nombre d'ex-
périences qui permettraient d'avoir des idées approximatives
sur les différences individuelles pour différentes facultés psy-
chiques. Cette méthode peut déjà à l'état actuel jouer un cer-
tain rôle pratique, surtout pour le pédagogue et le médecin.
Les conditions pour les mental tests sont : qu'ils soient aussi
variés que possible de façon à embrasser le plus grand nombre
de facultés psychiques ; qu'ils soient surtout relatifs aux facul-
tés supérieures; que leur exécution ne dure pas plus d'une
heure et demie pour un individu ; qu'ils soient assez variés, de
façon à ne pas fatiguer trop ni ennuyer l'individu soumis à
l'épreuve ; qu'ils soient appropriés au milieu auquel appartient
l'individu, et enfin qu'ils ne nécessitent pas d'appareils com-
pliqués et d'installation spéciale.
A. BiNET ET V. Henri.
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 30
LE CALCUL DES PROBABILITÉS EN PSYCHOLOGIE
« Tous les événements, ceux mêmes qui par leur petitesse
semblent ne pas tenir aux grandes lois de la nature, en sont
une suite aussi nécessaire que les révolutions du soleil. Dans
l'ignorance des liens qui les unissent au système entier de
l'univers, on les a fait dépendre des causes finales, ou du hasard
suivant qu'ils arrivaient et se succédaient avec régularité, ou
sans ordre apparent ; mais ces causes imaginaires ont été suc-
cessivement recplées avec les bornes de nos connaissances, et
disparaissent entièrement devant la saine philosophie qui ne
voit en elles que l'expression de l'ignorance où nous sommes
des véritables causes. >
Laplace.
On ne peut pas faire un pas dans la psychologie expérimen-
tale sans avoir recours aux principes du calcul des probabilités
et cependant il existe peu de psychologues qui aient porté leur
attention sur les hypothèses qu'on doit faire en appliquant tel
principe spécial ; on s'est le plus souvent contenté de mention-
ner qu'on suppose la loi des erreurs de Gauss applicable aux
processus psychiques ; quant aux cas où on se servait d'autres
principes plus simples comme le théorème des probabilités
composées ou la recherche de la |)robabilité des causes, en
général on l'a fait sans prononcer un mot sur les conventions
qu'on doit admettre pour justifier l'emploi de ces principes.
Donnons quelques exemples.
On pose sur le bout de l'index des poids de grandeurs difîé-
rentes en commençant d'abord par des poids assez faibles pour
qu'ils ne soient pas perçus, et en les augmentant petit à petit
jusqu'à ce que l'on arrive à un poids qui provoque une sensa-
tion à peine perceptible ; on marque ce poids limite et on
V. DENRI. — PROBABILITÉS EN PSYCUOLOGIE 467
recommence l'expérience de la même manière; le poids limite
dans ce deuxième essai ne sera pas tout à fait égal au premier;
on répète vingt fois et on obtient vingt valeurs pour le poids
limite; quelle est celle qu'il faudra choisir pour représenter la
sensibilité à la pression du bout de l'index étudiée dans les
conditions précédentes? On prend, en général, la moyenne
arithmétique entre les vingt valeurs ; mais pourquoi ? On pour-
rait, ce semble, tout aussi bien prendre la moyenne géométrique
ou la racine carrée de la moyenne de la somme des carrés des
vingt valeurs ; y a-t-il quelque raison qui fait préférer l'une des
moyennes aux autres?
On veut étudier les associations médiates, c'est-à-dire celles
qui se produisent par l'intermédiaire d'un terme commun
inconscient; on montre au sujet une série de cinq mots ayant
des signes géométriques au-dessus, puis cinq syllabes ayant
les mêmes signes géométriques, mais dans un ordre différent;
ceci fait, on montre un mot sans signe et le sujet doit associer
à ce mot l'une des cinq syllabes de la deuxième série ; on
marque le nombre total d'expériences et le nombre de celles
où la syllabe associée avait au-dessus d'elle le même signe
géométrique (jue le mot montré; ({uel doit être au moins le
nombre de ces a coïncidences » pour qu'on puisse les attribuer
à l'existence d'associations médiates et non au simple hasard ?
Quelques auteurs ont calculé ce nombre, mais ils ont oublié de
signaler certaines hypothèses importantes (|u'on doit faire en
appli((uant le calcul des probabilités.
C'est une vérité vieille comme le monde (|ue les observations
répétées valent plus qu'une observation unique, tout le monde
se sert de cette vérité et dans la vie journalière et dans les
sciences, mais il y a là un point intéressant dont on s'est rare-
ment occupé en psychologie, c'est de savoir s'il n'existe pas
pour le nombre des observations une limite à partir de laquelle
on ne pourra plus tirer profit de nouvelles observations. Je donne
un exemple : on veut étudier si les « points froids » de la peau,
touchés par une pointe en bois, donnent lieu à des sensations de
froid ; on choisit dix points froids sur la peau et on les touche
chacun vingt fois à différentes reprises avec la pointe en bois ;
si pour tous les deux cents contacts ainsi produits le sujet a eu
une sensation de froid, faudra-t-il se contenter de ces expé-
riences ou bien y aura-t-il quelque profit à refaire les expériences
encore deux cents fois ? Sous une forme générale le problème
à envisager est le suivant : on veut étudier un certain processus
468 REVUES GÉNÉRALES
psychique, on se dit d'avance qu'on sera satisfait par tel degré
d'approximation; pourra-t-on dire avant d'avoir l'ait des expé-
riences le nombre minimum nécessaire pour arriver aune con-
clusion satisfaisante ? La question a son importance pratique ;
souvent on voit des recherches expérimentales entreprises avec
un plan fixé d'avance dans lequel le nombre d'expériences à
faire est indiqué ; nous nous rappelons un Américain qui étu-
diait la sensibilité à la douleur des différentes personnes ; il
avait voyagé dans toute l'Europe, s'arrêtant dans Gha(|ue ville
autant de jours qu'il lui fallait pour faire tant de milliers d'ex-
périences sur les habitants; interrogé sur les résultats obtenus,
il répondit qu'il n'avait pas encore étudié les résultats, quoiqu'il
eût déjà rassemblé plus de trente mille expériences.
Un dernier exemple nous montrera encore mieux jusqu'à
(juel point les différentes méthodes « psychophysiques » dépen-
dent de l'application du calcul des probabilités :
On produit deux bruits A et B d'intensité un peu différente,
onveut étudier quelle doit être la différence minimum entre les
deux bruits pour qu'on perçoive encore cette différence. Le
sujet ayant entendu les deux bruits doit indiquer lequel des
deux lui paraît plus intense ou s'ils lui paraissent égaux; cette
indication donnée, on recommence l'expérience avec les mêmes
bruits, le sujet fait connaître de nouveau son observation et
ainsi de suite jusqu'à ce (jue l'on ait fait cent expériences ; il y
aura en définitive un certain nombre de cas oîi le sujet aura
perçu B comme plus intense que A, soit 60 ce nombre ; dans
d'autres cas il aura perçu B égal à A, soit :20 ce nombre, et enfin
dans lo cas B lui aura semblé être plus faible que A ; peut-on
déduire de ces chiffres l'intensité que doit avoir un bruit B' pour
(jue, comparé au bruit A dans les conditions précédentes, il
donne lieu à 50 réponses « plus fort » et 50 « plus faible » ? La
différence A — B' mesurerait par définition le « seuil de diffé-
rence » ; il est certain que si l'on ne fait aucune hypothèse la
solution est impossible ; on admet ([ue les variations dans les
réponses du sujet pendant une série d'expériences sont dues à
des causes accidentelles et (|uc les erreurs qui en résultent sont
comparables à des erreurs d'observation et suivent par consé-
quent la loi des erreurs de Gauss, c'est-à-dire qu'elles sont dis-
tribuées d'une certaine manière bien déterminée autour de la
moyenne; cette hypothèse faite, le problème devient dès lors
un simple exercice de calcul mathématique ; mais (juelles sont
les conditions nécessaires et suffisantes pour que la loi de Gauss
^/
V. HENRI. — PROBABILITÉS EN PSYCnOLOGIE 469
soit appliquable ? Ces conditions sont-elles remplies pour les
processus psychiques ?
— Nous sommes loin d'avoir épuisé tous les cas différents où
le calcul des probabilités trouve son application en psychologie,
nous donnerons plus loin d'autres exemples ; passons donc
après ces préliminaires au sujet même de cette étude ; nous
essaierons d'exposer les points les plus importants du calcul
des probabilités en nous arrêtant surtout sur les applications
à la psychologie expérimentale.
Il est bien diflicile de donner une définition satisfaisante de
ce que l'on appelle « probabilité » ; la définition qu'on trouve
en général est très insuffisante, comme l'a encore montré der-
nièrement M. Poincaré '. On dit ordinairement que la probabi-
lité de l'arrivée d'un certain événementest égale, par dc/hiition,
au rapport du nombre de cas où cet événement peut se produire
au nombre total de cas différents, en supposant que tous
les cas sont également possibles. Ainsi, quelle est la pro-
babilité de tirer d'un jeu de 32 cartes un roi ? Il y a 4 rois,
32 cas différents sont possibles, ils le sont également, on le
suppose, donc la probabilité demandée sera, par définition,
égale à p- •
Au fond cette probabilité ne nous apprend rien de nouveau ;
si quelqu'un vous demande : Quelle est la probabilité d'amener
« un trois » en jetant un dé une fois ? que vous lui répondiez :
six cas différents sont également possibles, un seul parmi euxest
favorable, ou que vous lui disiez: Cette probabilité est égale à —
votre réponse sera dans les deux cas la même ; mais on aura
bien raison de protester contre une réponse comme la première
en objectant qu'on le savait déjà d'avance et qu'on n'a par con-
séquent rien appris de nouveau. En réalité, il faut bien se
garder de croire qu'en prononçant le mot « probabilité d'un
événement * on apprend quelque chose de nouveau ; « ainsi,
quelle est la probabilité pour que la quatrième décimale du loga-
rithme d.'un nombre entier soit 1? C'est f-, , car il n'y a pas plus
de raison pour une décimale que pour une autre ; nous avouons
de cette manière notre ignorance complète... » (Poincaré). Mais
d'un autre côté on aurait bien tort de diminuer l'importance
du calcul des probabilités.
Nous avons fait dans la définition de la probabilité une res-
triction : en supposant que tous les cas sont également possibles ;
(1) Poincaré. Calcul des- prohahili/rs-, Paris, 1896.
470 REVUES GÉNÉRALES
cette restriction est nécessaire, sans elle les principes se trou-
veraient en défaut ; supposons qu'un sac contienne cent boules
égales dont quatre-vingts blanches et vingt noires ; en tirant
la première boule qui tombe sous la main on doit s'attendre
davantage à voir sortir une boule blanche qu'une noire, la pro-
habilité de la sortie de la première étant -j^ et celle de la
seconde -j^ ; si donc on a un autre sac pareil au premier, qui
contient soixante boules blanches et quarante noires, on devra
s'attendre moins que dans le premier cas à voir sortir une boule
blanche ; mais si les boules blanches du premier sac, tout en
restant égales aux noires, sont deux fois plus lourdes que ces
dernières tous nos raisonnements tombent, les boules blanches
vont au fond du sac et les cas ne sont plus également possibles,
nous ne pouvons rien dire sur la probabilité dans cette expé-
rience. La restriction de l'égalité des cas est donc importante;
citons encore quelques exemples où on n'en a pas tenu compte :
on rencontre chez M. Bertrand la phrase suivante : « Tous les
soldats d'une nombreuse armée sont appelés tour à tour à dire
un nombre moindre que 7, lepremiervenu. Dans leurs réponses,
inscrites deux par deux, on rencontre deux 6 une fois sur ^16. »
Si on faisait l'épreuve on peut être sûr qu'on n'obtiendrait pas
du tout ce résultat ; un prestidigitateur habile racontait un jour
au laboratoire de la Sorbonne que si on priait une personne de
penser à un chiffre quelconque au-dessous de 10, dans la majo-
rité des cas elle pensait au chiffre « sept », il l'avait remarqué
dans sa pratique et s'en servait pour quelques trucs ; notre
maître, M. Binet, a fait une enquête sur ce point, d'où il s'est
dégagé qu'en réalité plus de la moitié des personnes interrogées
pensaient au chiffre « sept », les autres avaient choisi trois,
cinq et huit; en somme on voit que les différents cas sont
loin dêtre également possibles.
La Société Anglaise des Recherches psychiques a fait une large
enquête sur les hallucinations en portant une attention spéciale
sur des cas où la « vision » d'une personne coïncidait avec la
mort de cette même personne, l'halluciné ignorant à ce moment
le décès : du nombre total des cas d'hallucinations personnelles
et de celui des « death-coïncidcnces » les auteurs déduisent que
le rapport est égal à 1 sur 43 ; de plus la mortalité moyenne par
an étantde 10,15 sur 1 000, « la probabilité qu'une personne
mourra tel jour est de 19,15 sur 1 000 X 305 ou 1 sur 19000 »,
par conséquent « entre la mort et l'apparition du mourant existe
une connexion qui n'est pas due au seul hasard ». Dans cet
V. HENRI. — PROBABILITÉS EN PSYCUOLOGIE 474
exemple on a supposé que les différents cas étaient également
possibles, tandis qu'ils ne le sont pas en réalité. D"abord si
quelqu'un a une apparition de la mort d'une personne qu'il
connaît, il est bien probable qu'il l'aura plus facilement pour
une personne qu'il sait être bien malade que pour une personne
<aine el bien portante ; tous les cas ne sont donc pas également
possibles ; de plus, lorsqu'on voit en hallucination une personne,
si rien n'est lié à cette apparition on l'oubliera bien vite, surtout
si les hallucinations ne sont pas rares ; une apparition, au con-
traire, qui coïncidera avec la maladie ou la mort de la personne
apparue restera plus fixement dans la mémoire ; le recensement
des observations réunies par la société anglaise a été fait par
questionnaires, et on ne répond, en général, à un questionnaire
que si l'on a quelque chose d'intéressant à signaler, comme par
exemple la coïncidence d'une apparition avec le décès ; toutes
ces raisons, et il y en'a bien d'autres encore, montrent que le
calcul précédent est loin d'être exact, les différents cas ne sont
pas également possibles et de plus on ne connaît pas tous les cas.
La restriction que tous les cas doivent être considérés
comme également possibles peut donner lieu quelquefois à
des difficultés ; si en effet on analyse de plus près cette res-
triction on remarque qu'elle conduit facilement à une pétition
de principe : on veut déterminer la probabilité d'un événement
et pour le faire on doit supposer quelque chose sur cette pro-
babilité. Si donc on ne sait pas d'avance que tous les cas sont
également possibles aucun des principes du calcul des proba-
bilités ne pourra être appliqué.
Jusqu'ici nous n'avons considéré que les circonstances où on
avait affaire à un nombre fini de cas ; comment se comporte
donc la probabilité lorsqu'on sera en face d'un nombre infini
de cas ? Nous ne croyons pas qu'en psychologie on ait l'occa-
sion de l'appliquer, nous n'en parlerons que très brièvement
pour prévenir quelques difficultés qui peuvent se présenter et
pour montrer combien il est délicat de donner une définition
du mot « probabilité ». Un exemple que nous empruntons
en partie à M. Bertrand suffira :
Soit un cercle, on trace une corde, quelle est la probabilité
pour que cette corde soit plus petite que le côté du triangle
équilatéral inscrit ? On peut faire un grand nombre de raison-
nements différents ; en voici quelques-uns :
1" Si on se donne une extrémité de la corde, on ne change
pas la probabilité cherchée, puisque la symétrie du cercle ne
472
REVUES GENERALES
permet d'y attacher aucune influence favorable ou défavorable
à l'arrivée de l'événement demandé. Soit A un point de la circon-
férence, trarons les deux cordes
AB, AB' égales aux côtés du
triangle équilatéral inscrit ; pour
que la corde tracée par A soit
moindre que ce côté, il faut et il
suffit que l'autre extrémité de la
corde soit en un point quelcon-
que de l'arc BAB', qui est deux
fois plus large que l'arc BDB', il
semble donc que la probabilité
cherchée est égale à —■
2° Le point A étant choisi,
toutes les cordes passant par ce
point ont des longueurs com-
prises entre 0 et le diamètre :2r,
la longueur du côté du triangle
équilatéral inscrit est égale à n'3,
par conséquent l'événement de-
mandé arrivera si la longueur de la corde est comprise entre 0
et r\ 3, il semble donc que la probabilité demandée est égale
»/3
N
K
K
/^^
F ^
\
^
B'
M
'D
Fig. 85.
a
3° On sait que le côté du triangle équilatéral coupe au milieu
le rayon perpendiculaire ; on peut dire que choisir une corde
au hasard revient au même que de choisir au hasard son milieu ;
si on trace un cercle concentrique au premier, mais de rayon
moitié, il faudra que le milieu de la corde soit entre les deux
cercles, la surface du cercle intérieur étant de quatre fois plus
petite que celle du cercle donné, la probabilité demandée sem-
blera égale à — •
4° Si on se donne le rayon du cercle sur lequel le milieu de la
corde se trouve on n'influencera pas la probabilité cherchée
par la même raison que dans le premier cas ; pour que Tévéne-
ment se produise, il suffit que le milieu de la corde se trouve
sur la moitié FK du rayon, donc la probabilité demandée sem-
blera égale à -^•
Xf Donnons-nous de nouveau une extrémité A de la corde et
traçons la perpendiculaire KGB' à la corde AB égale au côté du
triangle équilatéral inscrit, prolongeons cette perpendiculaire
•dans les deux sens ; pour que la corde passant par A soit infé-
V. HENRI. — PROBABILITÉS EN PSYCUOLOGIE 473
rieure au côté du triangle équilaléral il faudra et il suffira
qu'elle (ou son prolongement) rencontre la perpendiculaire MN
en des points qui sont en dehors de la partie FB' de cette per-
pendiculaire ; choisir au hasard une corde passant par A revient
donc à choisir au hasard son point d'intersection avec la per-
pendiculaire MN ; pour tous les points de FB' l'événement ne se
produira pas, pour tous les points de la ligne indéfinie MN en
dehors de FB' l'événement se produira : la probahilité pour que
l'événement se produise est donc infiniment plus grande que la
probabilité pour qu'il ne se produise pas.
On voit combien ces différents cas varient ; à quoi tiennent
donc les contradictions précédentes ? C'est qu'on a mal posé les
problèmes, on n'a pas défini exactement ce qu'il fallait entendre
par probabilité lorsqu'on a affaire à un nombre infini de cas.
M. Poincaré a repris le problème sous sa forme générale et a
montré que le plus souvent on ne pouvait rien dire du tout sur
la probabilité d'un événement, lorsqu'il y avait un nombre
infini de cas, avant d'avoir choisi d'avance une certaine forme
absolument arbitraire servant à définir la probabilité ; ce qui
revient à dire que dans le problème précédent on devrait indi-
quer d'avance le mode de raisonnement dont on doit se servir
et c'est seulement après avoir fait ce choix qu'on pourra indi-
quer la probabilité demandée ; il semble donc qu'ici comme aupa-
ravant on est en face d'une pétition de principe difficile à éviter.
Revenons aux problèmes où le nombre de cas est fini. Deux
théorèmes d'une importance capitale doivent être signalés, nous
n'en donnerons pas de démonstration, elle est si simple que
chacun peut facilement la faire lui-même ; le premier est le
théorème des probabilités totales ; lorsqu'un événement peut se
produire de plusieurs manières différentes, mais que deux
d'entre elles ne peuvent arriver simultanément, la probabilité
pour que l'événement se produise est égale à la somme des
probabilités de l'arrivée de l'événement dans chacune des
manières. Exemples : la probabilité d'amener avec deux dés
une somme supérieure à 9 est égale à la somme des probabilités
d'amener 10, 11 et 12; la probabilité de tirer « une figure »
d'un jeu de cartes est égale à la somme des probabilités de tirer
un roi, une dame ou un valet, chacune de ces dernières est
égale à -^' la probabilité cherchée sera donc :
4 _4_ _4 ^
32 + 32 + 32 — 32 ■
474 REVUES GÉNÉRALES
Le deuxième théorème est celui des probabilités composées :
la probabilit»'- pour ([ue plusieurs événements indépendants l'un
de l'autre se produisent simultanément est égale au produit
des probabilités de l'arrivée de chacun de ces événements sépa-
rément. Exemples : on jette deux dés, quelle est la probabilité
que chacun amène 0 ? La probabilité que l'un amène 6 est -g- ^
la probabilité que l'autre amène 6 est -^ , donc la probabilité
cherchée est -r x tt
0 0 30
Jusqu'ici le calcul des probabilités ne nous a" encore rien
appris de nouveau, il fallait savoir d'avance que tous les cas
étaient également possibles, savoir quels étaient les nombres
des cas possibles et des cas favorables à l'événement, et de ces
deux derniers nombres on déduisait la probabilité ; maintenant
nous arrivons à un théorème qui peut certainement être consi-
déré comme la base du calcul des probabilités, c'est le théorème
de Jacques Bernotdli : lorsque laprobabilité dhm événement A
est p et que celle de l'événement contrairr B est q, si on fait
[j. fois répreuve le nombre d'arrivées de A le plus probable est
p 'j. et pour B il est q a. Exemples : on jette un dé 1000 fois, quel
est le nombre d'arrivées d'un certain point, trois par exemple,
le plus probable ? Lorsqu'on jette un dé, six cas sont possibles,
un seul est favorable, donc l'arrivée de « trois » a pour proba-
bilité ~ , l'arrivée d'un autre point quelconque autre que trois
est 4 , donc on devra s'attendre davantage avoir sortir « trois »
-^ fois qu'aie voir sortir un autre nombre de fois. On jette
une pièce de monnaie 100 fois en l'air, la probabilité de voir
arriver « pile » 50 fois sera plus grande que la probabilité de
la voir arriver un autre nombre de fois. Un sac contient nombre
égal de boules blanches et noires, on puise du sac 100 boules
à la fois, les premières qui tombent sous la main, il y aura
plus de probabilité de voir sortir oO boules blanches et oO noires
que de voir sortir une autre combinaison quelconque. Telle
est la signification du théorème ({ue nous allons démontrer
maintenant.
Cherchons la probabilité pour que sur ;j. épreuves l'événe-
ment A se produise ;j. — a fuis. Si ces deux événements devaient
se produire dans un ordre indiqué d'avance, par exemple
AAABBABBA.... d'après le théorème des probabilités compo-
sées, la probabilité cherchée serait pppqqpqqp.--, c'est-à-dire
py. q;..—j. (puisque A se trouve a fois et B ;j. — a fois) ; or l'ordre
est quelconque, il faut donc multiplier cette probabilité/?* q-"-—^
V. HENRI. — PROBABILITÉS EN PSYCHOLOGIE 475
par le nombre de combinaisons différentes qu'on peut former
avec a lettres A et [j. — y. lettres B, ce nombre est égal À
1.2.3.
1.2 a. 1.2.3 ;JL — a)'
par conséquent la probabilité pour que sur \j. épreuves A se
produise a fois est égale à :
1.2.3 IX "■ :■■ -"■ ,
7-P- Q (')
1.2 a. 1.2.3 ([x
Cette expression est maximum * lorsque :x est compris entre
les deux nombres [x j^ -+- 2^ et ;j. p — q, or j) + q =^ l puisque
les événements A et B sont deux événements contraires, donc
y. est complètement déterminé puisque c'est un nombre entier
compris entre les deux nombres fractionnaires différents d'une
unité.
Nous avons donc démontré le théorème de Bernoulli, mais
en même temps nous avons trouvé quelque chose de plus
encore, c'est l'expression (!) qui nous indique la probabilité de
Tarrivée d'une combinaison quelcon<]ue,
Illustrons-la par un exemple numérique : on jette une pièce
:20 fois, quelle est la probabilité de voir arriver pile 18 fois et
face 2 fois ? Quelle est la probabilité de voir pile lo fois et face
cinq fois? Quelle est enfin la probabilité de voir pile et face cha-
cun 10 fois ?
Dans ce cas, p = g = -r ; dans le premier cas, a est égal à
18, [j. = 20. on a pour l'expression (I) :
1.2. .. 20 / 1 \-" /n -»
1.2.3.... 18. 1.2'\2y -^2
Dans le deuxième cas, x est égal à 15, on a pour la probabilité
demandée :
1.2... lo. 1.2.3.4.5-V ij \~J
(1) Pour s'en assurer il suffit de prendre le rapjiort de l'expression (I) h
la même expression où on aurait c-lian<<é « en « — 1, te rapport doit être
supérieur ù 1. puis prendre le rapjx.rt de (1) à la même expressidu où ou
changerait « en « -}- 1, ce rapport lioil de nouveau être supérieur à l : en
etletTon cherche le nombre a tel que la probabilité de l'arrivée de A « l'ois
soit supérieure à la probabilité de l'arrivée de \ « — 1 l'ois ou ». -f l lois;
en combinant les deux inégalités obtenues on obtient :
476 REVUES GÉNÉRALES
Enfin dans le dernier cas a = 10 on a :
1.2 20 / 1 X-" .. /' 1 X'";
1.2 iO. 1.2.:{ 10
.('4-y'' = 184 7aGYy^
quant à (4-)'' ^^ '^^'' ^ë^^ '"^ ,„Jg-,. ; on voit donc que la
probabilité de voir arriver 10 fois pile est 12 fois plus grande
que celle devoir arriver IS fois pile, et 972 fois plus grande que
la probabilité de voir 18 fois pile.
On remarque déjà cette propriété fondamentale, à laquelle
nous voulons arriver, que plus une combinaison s éloigne de
la comhinaiiion la plus probable plus la p7'obabilité de l'arri-
vée de cette combinaison sera faible ; il peut donc y avoir quel-
que profit à prendre la combinaison la plus probable comme
point de départ et à déterminer toute autre combinaison par
la grandeur de son écart par rapport à la combinaison nor-
male.
Cherchons la probabilité pour que sur \i. épreuves l'événe-
ment A se produise ]i.p — h fois ; et par conséquent que B se
produise u. — {\q) — h) = \i.q + h fois «'puisque p -\- cf= 1 ?.
L'expression 1(1) devient en y remplaçant x par \j.p — h et
;j. — X par [j.(7 -f h :
1.2 a iV - '' l'-î -+- ''' „,
p q ... (Il]
1.2 {^p — h). 1.2 [[j-q + A)
La grandeur h est appelée écart ; l'expression (II) représente
donc la probabilité de l'arrivée d'un écart h. Sous cette forme
l'expression (II) conduirait à des calculs très longs, on la
remplace par une formule aj^proximative qu'il est bien plus
facile de calculer ; l'approximation de la formule que nous
donnerons de suite est d'autant plus grande que le nombre
d'épreuves [j. est grand. L'expression (II) peut s'écrire approxi-
mativement sous la forme :
(A)
,- . e -K,.pq
V/2- ixpq
Nous ne pouvons pas nous arrêter ici sur la démonstration, on
la trouvera dans les traités spéciaux ; dans l'expression (A)
:r est le rapport de la circonférence au diamètre (— 3,14139)
e est la base des logarithmes népériens (e = 2,71828...).
Voyons comment on se sert de l'expression (A) dans les appli-
cations. La probabilité pour qu'un écart h se 'produise esl.(A);.
V. IIKNRI. — PROBABILITES EN PSYCHOLOGIE 477
on peut montrer facilement que la probabilité pour qu'en fai-
sant a fois l'épreuve on ait un écart compris entre h et h + dh
où dh est une portion très faible de h, est approximativement
égale à (A) dh et s'en approche d'autant plus que dh est
faible.
Cherchons la probabilité pour que sur ces a épreuves on ait
un écart compris entre — x et + x ; x étant un nombre donné.
L'expression (A) ne contient que h-, donc elle ne change pas
lorsque nous y changeons h en — h\ il suffira de calculer la
probabilité pour que l'écart soit compris entre 0 et + a et puis
on prendra le double de l'expression trouvée. Partageons l'in-
tervalle de 0 à + a en un très grand nombre d'intervalles, un
(juelconque d'entre eux sera de la forme h, h + dh. D'après le
théorème des probabilités totales, la probabilité pour que
l'écart soit compris entre 0 et -i- a est égale à la somme des
probabilités relatives à chacun des intervalles formés ; or la
probabilité pour que l'écart soit compris dans l'intervalle h,
h -h d/< est égale à (A), dh, par conséquent la probabilité totale
demandée s'obtiendra en prenant la somme des expressions
telles que (A), dh pour toutes les valeurs de h comprises entre
(> et -+- a; cette somme est appelée intégrale définie.
h-
L'expression (A) est . • ^ ''^'^ . Si nous remplaçons
par t elle prendra une forme plus simple : — . e
—V
puisque , ' - = t on peut aussi poser - __ = dt, c'est-à-dire
dh = dt. \ ?Ip7 ; nous avons vu que la probabilité pour que
l'écart soit compris entre o et -h a est égal à la somme des
expressions (A), dh pour toutes les valeurs de h entre 0 et
-ha; l'expression (A), dh par suite de la transformation précé-
dente est égale à
1 -t'
c'est-à-dire
c . dt. \'2ixpq
-j= . e ■ dl
V-
par conséquent la probabilité pour que l'écart soit compris entre
(J et -h 7. est égale à la somme des expressions -7^ . e— '' dl
pour toutes les valeurs de t entre 0 et -^=^ ; et la iirobabilité
pour que l'écart soit compris entre — x et -h x est double de la
478 ri: VUES générales
somme précédente. Nous désignerons par 0 (t) celte somme
double. Si on forme une table qui contienne les sommes des
expressions 2. —^ . e~'' dt pour différentes limites de /, cette
table suffira pour tous les cas qui pourront seulement se
présenter, tel est l'avantage des simplifications indiquées plus
haut ; nous nous sommes arrêtés aussi longuement sur ces
points parce que très souvent en psychologie les auteurs se
rapportent à la formule 12. — e -r- dt en supposant qu'on con-
naît la signification de t.
A la fin de notre étude se trouve une table qui donne les
valeurs des sommes correspondant à des limites de t dilTé-
rentes.
Donnons quelques exemples pour montrer comment on doit
se servir des formules précédentes :
P Quetelet, « curieux de soumettre le principe à l'expérience ».
a fait jeter dans une urne 20 boules blanches et un égal nombre
de boules noires, de sorte que la probabilité était la même et
égale à — ; ayant fait 4 096 tirages, il a obtenu 2 066 boules
blanches et 2 030 .noires. Voyons quelle est la probabilité d'un
pareil écart du nombre le plus probable qui est 2048 ; la valeur
de l'écart est 2 048 — 2 080 = 18. _ai
La probabilité d'un écart h est . . e '''"^ , il faut faire
' \ -r.Lpq
dans cette formule u. = 4 096, ;; = g = -^- et // = 18. On obtient
alors pour probabilité de cet écart :
\/^
•^ - 4096. 4-
par conséquent si on répétait 100 fois la série de 4 096 tirages,
on obtiendrait 100 x 0,34 ou 34 fois un écart égal à 18.
2" Nous avons fait en 1892 au laboratoire de psychologie de
la Sorbonne des expériences sur la reconnaissance de formes
par le toucher ; les expériences étaient faites avec des carac-
tères d'imprimerie de lettres ayant des grandeurs différentes ; le
sujet posait sa main sur la table la face palmaire en haut, et
l'expérimentateur appliquait sur la troisième 'phalange d'un
doigt le caractère d'imprimerie; le sujet sans faire des mouve-
ments devait dire quelle était la lettre qu'il croyait percevoir ;
six lettres avaient été choisies, c'étaient les lettres A, B, H,0,U, M:
pour chaque grandeur c'étaient les mêmes six lettres qui étaient
V. HENRI. — PROBABILITÉS EX PSYCnOLOGIK 479
employées ; le sujet avait devant les yeux la liste des six lettres
parmi lesquelles il devait choisir celle qu'il croyait percevoir ;
pour étudier comment se faisait la marche des cas « vrais »,
le sujet était prié de dire chaque fois une lettre, même lorsque
la sensation lui semblait être si indécise qu'il lui était indiffé-
rent de dire l'une ou l'autre des six lettres ; nous n'insistons
pas ici sur les précautions qui avaient été prises et pour la suite
des lettres et pour la suite des grandeurs, disons seulement
que le sujet ne savait pas les résultats des expériences pendant
toute la durée de cette étude. Trois sujets normaux avaient été
employés dans ces expériences.
Dans les premières séries nous avons employé six grandeurs
différentes de lettres, leurs grandeurs variaient de 1 mm. à
7,'"™ o en longueur , voici les résultats des 7:20 premières expé-
riences, il y a eu 120 expériences pour chaque grandeur; les
chiffres suivants sont rapportés à lîiO expériences pour chaque
grandeur.
Graudcui's des letlros. K(-coiiuuos cxaclciueiil.
l"'^ grandeur 2o
2° — .28
3° — 37
4<= — o6
3e — 53
6« — 03
Le tableau précédent montre que sur 120 lettres de la plus
petite grandeur. 2.j fois le sujet a dit la lettre exacte et par
suite 95 fois il a dit une lettre fausse.
On voit, en jetant un coup d'œil sur le tableau précédent,
que d'abord les nombres de réponses exactes vont en croissant
régulièrement avec la grandeur des lettres ; mais il y a un pro-
blème qui se pose : le sujet a dit une lettre à chaque expérience
indifféremment, qu'il en fût sûr ou non; par conséquent, il doit
y avoir des coïncidences dues au hasard, le sujet disant la pre-
mière lettre qui lui venait à l'esprit et devinant par hasard la
lettre appliquée sur son doigt; comment donc savoir si, pour
les différentes grandeurs, les nombres de coïncidences n'étaient
pas dus au simple hasard, ou si réellement le sujet avait perçu,
dans un certain nombre de cas, la lettre appliquée?
Il y avait six lettres, le sujet sachant que c'était l'une de ces
six qui était appliquée, avait en disant l'une d'elles au hasard
une probabilité égale à -— de tomber juste; par conséquent.
•ii
80 RlîVUES GÉNÉRALES
sur 120 expériences faites avec une grandeur en répondant à
ciiaque expérience au hasard il y avait une probabilité maximum
d'obtenir 120. 4- = 20 réponses justes ; or, nous voyons que,
pour la plus petite grandeur, le sujet a donné 2o réponses justes,
il y avait donc un écart égal à -h 5 ; pour la deuxième grandeur,
l'écart est égal à -f- 8 ; pour la troisième à 17 ; pour la qua-
trième à 36 ; pour la cinquième à 33 ; enfin, poir la dernière,
à 43. Voyons si on peut admettre que les deux premiers écarts
sont dus au simple hasard. Calculons pour cela la probabilité
pour que l'écart soit égal ou supérieur à S, et puis faisons la
même chose pour 8. Si nous appelons 7?- la probabilité pour que
l'écart soit égal ou supérieur à o, 1 — p,, sera la probabilité
pour que l'écart soit inférieur à 5. Or nous avons vu précé-
demment que la probabilité pour que l'écart soit compris entre
— a et H- a est égale à 0 (/), et de plus t et 1. sont liés par la
relation : t = n== ; dans le cas présent on a y. = o, le nombre
d'expériences ;j. est égal à 120, p la probabilité d'une « coïnci-
dence » est -- , a est — : donc, en substituant, on obtient :
^ °'L = 0,87.
V (5 6
la table, qui se trouve à la fin de notre article, montre que la
valeur de 6 correspondant à / = 0,87 est 0,7814, telle est la
probabilité pour qu'on ait un écart inférieur à 5 ; donc, la pro-
babilité pour qu'on ait un écart égal ou supérieur à 5 est
1 — 0,7814 = 0,2186; cette probabilité n'est pas assez faible
pour qu'on puisse considérer l'arrivée de 25 coïncidences au
lieu de 20 par suite du hasard comme extraordinaire, et pour
qu'on puisse y attacher quelque signification importante,
quoique certainement il y ait plus de chance que ce soit une
cause spéciale, et non le hasard, qui ait apporté ce nombre de
coïncidences.
Pour la seconde grandeur, l'écart obtenu est 8 ; donc, dans la
relation t = 77=^ , il faut rendre a = 8 en donnant à a, p et q
les mêmes valeurs que précédemment ; on trouve ainsi
t — T== =: 1,40 ; donc, la probabilité pour que l'écart ne
dépasse pas 8 est égale à la valeur de 0, qui correspond à
t = 1,40 ; cette valeur est 0,9523 ; par suite, la probabilité de
voir se produire un écart égal (»u supérieur à 8 est 1 — 0,9523 =
0,0477; cette probabilité est déjà bien inférieure à la précédente,
V. HENRI. — PROBABILITÉS EN PSYCHOLOGIE 481
elle est comparable à la probabilité de tirer une boule noire
dans un sac contenant 1000 boules dont 47 noires, tandis que
la première était égale à la probabilité de tirer une boule noire
dans un sac contenant sur 1000 boules 218 noires. Si donc on
voit se produire un pareil écart (= 8), on est porté à soup-
çonner l'existence d'une cause spéciale qui le favorise. — Pour
17.1')
la troisième grandeur l'écartétait 17, ona donc t = ^]-^ =2. 9b,
la probabilité de l'arrivée d'un écart inférieur à 17 est 0,991)1)7 ;
donc, la probabilité pour que le basard seul amène un pareil
écart est égale à 0,00003 ; elle est comparable à la probabilité
de tirer une boule noire dans un sac qui, sur cent mille boules,
contiendrait seulement trois noires; il est absolument impos-
sible de ne pas voir, dans ce cas, l'existence d'une cause (jui a
augmenté le nombre de coïncidences. — Quelle est donc la
conclusion psychologique qu'on pourrait tirer de ces chiffres?
La question est bien délicate; nous voyons d'abord que le
nombre de réponses exactes augmente avec la grandeur des
lettres appliquées ; mais y a-t-il un moment où on peut dire
que le sujet commence à percevoir la lettre, peut-on indiquer
un seuil tel qu'au-dessous le sujet ne perçoive pas de lettre et
qu'il perçoive au-dessus ? Les chiffres montent régulièrement
avec la grandeur, sans saut brusque, le passage de la non-
perception à la perception claire est lent et continu. Faut-il
considérer que le sujet a perçu un peu les lettres de la première
et de la deuxième grandeur? Les calculs précédents montrent qu'il
y a plus de probabilité de croire que le sujet a un peu perçu les
lettres de la première grandeur que d'attribuer les coïncidences
obtenues au simple hasard : quant aux lettres de la deuxième
grandeur, il y a bien plus de chance que pour les premières
qu'elles ont été un peu perçues par le sujet. Nous avons fait
quelques séries d'expériences où le sujet devait dire s'il était
sur ou non de sa réponse, s'il disait la lettre au hasard ou bien
si la sensation le guidait un peu ; il s'est dégagé de ces séries,
et aussi des remarques que les sujets faisaient dans le courant
des premières séries d'expériences, que les sujets prétendaient
dire les lettres des deux premières grandeurs absolument au
hasard, la sensation étant toujours la même pour toutes les
lettres de ces grandeurs; ce résultat des observations internes
semble être en contradiction avec les résultats numériques ;
ne pourrait-on pas en déduire que, bien (juc le sujet croit; ne
pas percevoir du tout la lettre et la dire absolument au hasard,
il existe une certaine cause, suhconscienle si Ton veut, rpii
ANNÉE PSYCHOl-OCini E. II. 31
482 REVUES GÉNÉRALES
dirige les réponses du sujet sans qu'il s'en aperçoive lui-même?
— Nous avons fait ensuite d'autres séries d'expériences iden-
tiques aux premières, seulement avec des lettres de 8 grandeurs
difFérentes variant entre 1 et 12 millimètres. Le tableau suivant
contient les résultats ; avec chaque grandeur, de nouveau
120 expériences avaient été faites; dans ces séries comme
précédemment, le nombre de coïncidences le plus probable
dues au simple hasard, est 120 — rr 20, puisque six lettres
différentes ont été employées.
Graiulcur des Icllros, Nombres de coïncidences.
V° grandeur 26
2*^ — 36
3« — 37
4« — 4i
ge — 59
6^ — 60
7" — 74
8^ — 80
Dans cette série, de nouv^eau, on peut affirmer presque avec
sûreté que le sujet a un peu perçu les lettres des deux pre-
mières grandeurs quoiqu'il ne s'en soit pas du tout aperçu;
attribuer les écarts précédents au simple hasard serait trop
invraisemblable, la probabilité étant trop faible.
3'' Un troisième exemple que nous prenons aussi dans nos
expériences personnelles montrera un côté nouveau qui per-
met quelquefois de décider si une série d'événements est due
au simple hasard ou bien si une certaine cause y a contribué.
Chacun connaît les jeux de devinettes : on cache un objet
dans Tune des deux mains, et une autre personne doit deviner
la main où l'objet est caché ; celui qui cache cherche à tromper
son adversaire, celui-ci s'efforce de prévoir ou de deviner la
main dans laquelle l'objet sera caché ; le jeu est banal, il con-
tient pourtant un élément psychologique qu'il est intéressant
d'étudier : c'est le même élément psychologique qui entre en
jeu lorsque deux enfants courent l'un après l'autre autour
d'une pelouse ; celui qui attrape s'arrête brusquement, fait
semblant de vouloir courir dans le sens opposé, pour tromper
l'autre, et puis reprend sa course dans le sens primitif; c'est
encore le même processus ([ui, à côté de bien d'autres, permet
souvent de bien « toucher » à l'escrime : on fait semblant de
vouloir tirer de telle manière spéciale, on fait une feinte, l'ad-
V. HENRI. — PROBABILITÉS EN PSYCHOLOGIE 483
versaire y est pris, il pare de ce côté et en réalité on tire autre-
ment et on le touche, c'est surtout avec les commençants que
cela réussit toujours ; il y a là en somme un certain processus
psychique qui consiste à commencer un certain ordre d'idées
ou d'actions de façon à entraîner l'adversaire dans ce sens,
par une habitude acquise, il croira que cet ordre commencé
suivra sa voie ordinaire ; à ce moment précis, on change brus-
quement de direction et l'adversaire est pris. La plupart des
tours que font les prestidigitateurs sont fondés en grande
partie sur ce processus. Nous renvoyons pour plus de détails à
ce sujet à l'article de notre maître, M. Binet, sur la psycholo-
gie de la prestidigitation {Revue des Deux-Mondes^ 1894).
Nous avons cru qu'il serait intéressant de faire quelques
expériences à ce sujet. Au lieu de cacher un objet dans l'une
des mains et de le faire deviner par un autre, on peut convenir
avec une personne que chacun écrira au même moment l'un
des deux chiffres 1 ou 2 ; l'un cherchera à écrire ces chiffres
de façon que l'autre ne « devine » pas, tandis que ce dernier
cherchera à « deviner », c'est-à-dire à écrire le même chiffre
que le premier.
Plusieurs cas pouvaient se présenter :
1° Aucune des deux personnes ne connaît les résultats; on
peut bien admettre que dans ce cas les « coïncidences » seront
dues au simple hasard.
2" Après avoir écrit simultanément un chiffre (1 ou 2), celui
qui cherche à « tromper » son adversaire dit le chiffre qu'il
vient d'écrire, l'adversaire ne dit pas s'il a écrit le même chillVe
ou s'il n'a pas deviné ; ceci fait, on passe à la deuxième expé-
rience identique à la première et ainsi de suite.
3" Cette fois, c'est celui qui cherche à deviner les chiffres qui
dit après avoir écrit le chiffre celui «ju'il vient d'écrire, mais il
n'apprend pas s'il a deviné ou non.
4'^ Après avoir écrit un chiffre, tous les deux disent le chiffre
qu'ils viennent d'écrire.
Nous avons fait des expériences nombreuses avec deux sujets,
ici nous rapporterons seulement les résultats avec l'un ; il a été
fait 10 000 expériences de la première série, et puis 4 000 pour
chacune des trois autres séries.
Voici d'abord les résultats totaux :
Dans la première série, sur 10 000 expériences, il y a eu
4 981 co'încidenccs au lieu de îj 000, nombre le plus probable,
soit un écart de 19 ; cherchons la probabilité d'un pareil écart :
I
484 REVUES GÉNÉRALES
onaf = —^ — où il faut faire a =19, i;.= 10000, /?=r^= -L,
\ -j.-^ p il
donc t = —j==== 0,27 ; la probabilité de ne pas dépasser
V ^ lOÛOO -i-
un pareil écart (= 19) est 6 (0,27) = 0,2974), donc la probabi-
lité d'un écart égal ou supérieur à 19 est : 1 — 0,2974 = 0,7026,
c'est la même probabilité que celle de tirer une boule noire
dans un sac contenant sur 100 boules 70 boules noires, elle
est relativement grande.
Dans la deuxième série, sur 4 000 expériences il y a eu
2 181 coïncidences, donc un écart de 2 000 égal à 181 ; quelle
est la probabilité pour qu'un pareil écart se produise par suite
du hasard ?
On a a=4000, a = 181, jo=g = -J- , donc^
181
V"
000-4-
4
4,04; la probabilité d'un écart égal ou supérieur à 181 est donc
1 _ e (4,04) = 1 — 0,99999998 = 0,00000002.
On n'aura pas tort en donnant à une probabilité aussi faible
\e nom ([''impossibilité ; par conséquent le calcul des probabi-
lités nous apprend que dans cette deuxième série le nombre des
coïncidences a été augmenté par une certaine cause, sur
laquelle nous reviendrons plus loin.
Dans la troisième série, sur 4 000 expériences il y a 1 928 coïn-
cidences, soit un écart de — 72 : la probabilité d'un écart égal
ou supérieur à 72 est : 1 — <-> (1,61) = 1 — 0,9772 = 0,0228 :
elle est la même que celle de tirer une boule noire dans un sac
qui, sur 100 boules, ne contiendrait que 2 boules noires; on
peut donc affirmer qu'ici, aussi, une certaine cause a agi.
Enfin dans la quatrième série sur 4 000 expériences 2 045 coïn-
cidences se sont produites ; la probabilité d'un écart égal ou
supérieur à 45 est : 1 — 0 (1,00) — 0,134 ; il y a donc plus de
chance qu'il y ait ici aussi une influence d'une certaine cause.
Voyons de plus près quelles peuvent être ces dilTérentes
causes. Dans la deuxième série, après avoir écrit un chilTre,
celui qui cherche à « tromper » dit seul le chiffre qu'il vient
d'écrire, par conséquent l'adversaire qui veut « deviner » le
chiffre apprend chaque fois le résultat ; il est certain que le
premier aura un désavantage : en écrivant les chiffres (1 ou 2)
il ne pourra se guider pour l'ordre à choisir que par ses prévi-
sions ; par exemple, ayant écrit trois fois de suite 2, il se dira :
« Mon adversaire ayant vu (jue j'ai écrit trois 2, pensera que
j'écrirai cette fois-ci un 1, eh bien, je n'écrirai pas 1, mais j'écri-
rai encore 2 », et si l'adversaire a fait au même moment le
V. HENRI. — PROBABILlTl':S EN PSYGUOLOGIE 485
même raisonnement il devinera. Voici quelques raisonnements
qui se sont présentés chez les trois sujets de la même manière
et qui ont été employés pour « tromper » l'adversaire : 1° on
écrit les chifîres (1, 2) dans un certain ordre bien déterminé;
après l'avoir écrit deux fois de suite, on se dit : « L'adversaire
croira que je vais changer Tordre, eh bien, je ne le change pas, »
et on continue à écrire encore deux, trois ou même quatre fois
dans le même ordre; exemples : on écrit 1, 2,1, 2; à ce moment
on fait le raisonnement précédent ; on se dit : « L'adversaire
croira que je vais écrire maintenant 2, eh bien, j'écris 1, » et
on écrit 1, 2, 1, 2, etc. ; ou bien encore on écrit dans trois expé-
riences successives 2, 2, 2 ; puis on se dit : « Il croira que je vais
écrire 1, non, j'écris encore 2 », et on arrive, en répétant à
chaque fois ce raisonnement, à écrire jusqu'à 8 ou 9 fois, suc-
cessivement, le même chiffre ; encore un exemple qui s'est sou-
vent présenté ; on écrit dans six expériences successives
2, 1, 1, 2, 1, 1 ; puis on fait le raisonnement précédent et on con-
tinue 2, 1, 1, 2, 1, '] , etc. ; il y a ici des différences individuelles
considérables, chaque sujet a une certaine limite (de sagacité
peut-on dire) qu'il ne dépasse guère; ainsi l'un des sujets
écrivait jusqu'à 12 fois de suite le même chiffre, un autre ne
dépassait jamais le nombre six. Si dans ce cas celui qui veut
« tromper » dit seul le chiffre écrit, il ne pourra pas suivre les
raisonnements faits par l'adversaire, il ne saura pas si celui-ci
ne pense pas en même temps la même chose ou bien s'il est
réellement « pris » ; quand, au contraire, tous les deux
apprennent le résultat après chaque expérience (4® série), on
fera tel raisonnement ou tel autre, suivant qu'on remarque que
l'adversaire devine trop souvent ou qu'il ne devine pas.
2° Un autre genre de raisonnement employé aussi par tous
les sujets est le suivant : on écrit dans un certain ordre plusieurs
fois de suite, puis à un moment donné on écrit dans une expé-
rience un chiffre qui altère l'ordre précédent; on fait alors le
raisonnement : « Mon adversaire pensera que j'ai changé l'ordre,
eh bien, je le reprends j , et on recommence de nouveau à écrire
dans le premier ordre ; exemples : on écrit dans cinq expériences
successives!, 2, 1, 2,1 ; on se dit: « Il croira que je maintiendrai
l'ordre et j'écrirai 2. j'écris 1 », puis on se dit de nouveau : « U
croira que j'ai abandonné le premier ordre (1, 2), eh bien, je le
reprends *, et on écrit de nouveau 2, 1, 2, 1 ; on a donc écrit
en définitive dans les dix expériences : 1, 2, 1, 2, 1, 1, 2, 1,2, 1 ;
on remarque que ce raisonnement est déjà bien plus fin que le
48G REVUES GÉNÉRALES
premier, et en réalité l'adversaire y est pris plus souvent.
Autre exemple : on écrit dans cinq expériences 2. 2, 2, 2, 2, puis
on écrit 1 et on se dit : « Il pensera que je vais écrire plusieurs
1 à la suite puisque j'ai déjà écrit tant de 2, eh bien, j'écris de
nouveau des 2 » ; on a donc en définitive : 2, 2, 2, % 2, 1,2,2, 2 ;
cet 1 intercalé sert à «: troubler > l'adversaire ; si on dit seul le
clîifTre écrit sans apprendre celui écrit par l'adversaire, on ne
saura pas à quel moment il vaut mieux intercaler cet 1 ; dans
le cas au contraire où tous les deux apprennent k résultat, on
saura mieux choisir ce moment.
S'' Il y a enfin un raisonnement encore plus raffiné employé
moins souvent que les deux premiers, et employé surtout dans
la quatrième série : on écrit comme précédemment dans un
certain ordre, puis on altère dans une expérience cet ordre et
on se dit : « l'adversaire pensera que je l'ai fait seulement pour
le troubler et que je reprendrai de nouveau l'ordre précédent ; eh
bien non, je ne le fais pas ; » exemple : on écrit 2, 2, 2, 2,2,1,
et puis par suite du raisonnement précédent, on écrit encore 1.
En somme ces expériences, si simples et banales qu'elles
paraissent au premier abord, sont en réalité très compliquées ;
tout le temps on fait des raisonnements, on cherche à prévoir
ce que l'adversaire pense à son tour ; à mesure que les expé-
riences augmentent en nombre, et que les séries se compliquent,
on fait des raisonnements de plus en plus raffinés et de plus
en plus complexes ; on remarque dans les exemples précédents
la grande analogie qui existe entre ces raisonnements et les
différents moyens de « tirer » à l'escrime ; nous comptons
revenir une autre fois sur ce sujet nouveau ; disons seulement
qu'on devrait tenir compte de ces faits, lorsqu'on veut inter-
préter les « lectures de pensées ».
En résumé, lorsque dans une série d'expériences ou d'obser-
vations un certain événement se produira n fois, si le hasard
peut à lui tout seul amener cet événement, on calculera le
nombre le plus probable de fois que l'événement devrait se
produire par suite du hasard seul ; pour faire ce calcul il faudra
d'abord supposer que tous les cas sont également possibles,
puis savoir le rapport du nombre de cas favorables au nombre
total de cas ; ceci fait, on regardera si le nombre n diffère peu
ou beaucoup du nombre calculé et on pourra, en s'appuyant sur
les formules précédentes, calculer dans chaque cas quelle doit
être la probabilité pour que l'écart observé soit dû seulement au
hasard ; plus cette probabilité sera faible, plus on sera en
V. HEN'RI. — PROBABILITÉS EN PSYCHOLOGIE 487
droit d'affirmer qu'une cause spéciale a influé sur l'arrivée de
l'événement.
Mais il peut très bien arriver que le nombre d'arrivées de
l'événement n ne diffère que très peu du nombre calculé de
€es arrivées dues au seul hasard, et que pourtant l'arrivée de
l'événement ne soit pas due au hasard, n'y a-t-il pas quelque
moyen de le reconnaître ?
Donnons un exemple : supposons que deux personnes con-
viennent d'écrire des séries de chiffres (l ou 2) : l'une écrirait
dix fois 1, puis dix fois 2, puis dix fois 1 et ainsi de suite ;
l'autre écrirait tout le temps l, 2, 1, 2. i, 2,1,2, 10 000 fois;
supposons de plus que cette dernière, en tournant la page ou
par inattention, se soit trompée 19 fois; si on compte les
nombres de « coïncidences » entre les chiffres des deux séries
de 10 000 chiffres, on en trouvera 4 981, c'est-à-dire un nombre
qui diffère peu (de 19j du nombre oOOO, ce nombre de coïn-
cidences ne révèle donc pas à lui tout seul l'existence de la
•cause qui a amené les coïncidences ; si on ne donnait que ce
nombre 4 981, on pourrait très bien confondre cette série avec
la première série de nos expériences où c'était le hasard qui
■seul avait amené les coïncidences.
11 y a un moyen précieux qui permet de révéler l'existence de
causes même lorsque le nombre total des événements s'éloigne
peu du nombre probable. Partageons les dix mille expériences
de notre première série en 400 groupes de 25 expériences cha-
cun (on aurait pu aussi bien prendre d'autres groupes) ; si on
fait 2o expériences, il y a probabilité égale d'obtenir 12 ou 13
coïncidences (puisque la probabilité d'une coïncidence est
égale à—) ; la probabilité d'obtenir 11 ou 14 coïncidences sera
déjà plus faible, celle d'obtenir 10 ou lo coïncidences le sera
encore plus et ainsi de suite ; on peut facilement calculer ces
différentes probabilités ; il suffit pour cela de rendre dans la
formule t = .7==-
a = 2o, nombre des expériences ;
P —^/ = -j probabilité d'une coïncidence
et y. — l'écart — successivement = 1 pour 12 et 13 coïnci-
dences, = 2 pour 11 et 14 coïncidences, etc.; ceci étant, on
aura des valeurs de t et on cherchera dans la table les valeurs
de h correspondantes, ces valeurs de 0 représenteront les pro-
babilités pour qu'on ait 12 et 13 coïncidences, 1! et 14, 10 et
15, etc.
Nous avons 400 groupes de 25 expériences, la probabilité
488
REVUES GENERALES
d'avoir sur 25 expériences 12 et 13 coïncidences est 0,, celle
d'avoir 11 et 14 est 0.,, etc.; par conséquent d'après le théorème
de Bernoulli, on devra avoir dans 40U. ôi groupes 12 et 13 coïn-
cidences, dans 400. G, groupes 11 et 14 coïncidences et ainsi de
suite ; on peut comparer ces nombres calculés aux nombres
obtenus réellement ; le tableau suivant contient les résultats :
C A L C U L É
OBSERVÉ
l'AR LA THEORIE
12 et 13 coïncidences sont dans. .
i:{4 groupes
1
123
H et 14 — — . .
92 —
lOu
10 et 15 — — . .
87 —
78
9 et 10 — — .
41 —
49
8 et 17 — — . .
29 —
26
7 et 18 — — . .
10 —
11
0 et 19 — — . .
B —
6
5 et 20 — — . .
1 —
2
Si on compare entre eux les chiffres calculés et les nombres
observés, on remarque qu'ils ne dilTèrent pas beaucoup les uns
des autres ; dans le cas au contraire que nous avons supposé
précédemment oîi les deux personnes convenaient d'écrire les
chiffres chacune dans des ordres bien arrêtés en partageant
les 10 000 chiffres en 400 groupes de 25 chacun, on aurait dans
181 groupes 13 coïncidences et dans 219 groupes 12 coïnci-
dences ; on voit la différence énorme avec le cas que le hasard
amène, cette différence qui consiste ici dans une régularité trop
parfaite révèle l'existence d'une cause, qui est l'ordre spécial
convenu d'avance entre les deux personnes.
En somme, une régularité trop parfaite des arrivées succes-
sives de l'événement et aussi bien une irrégularité trop forte
suflisent pour découvrir l'existence d'une cause.
11 ne serait pas pratique de faire toujours ces calculs longs
et pénibles ; on peut le plus souvent simplifier de beaucoup la
marche à suivre pour découvrir l'existence d'une cause. On a
recours pour cela à un écart particulier appelé écart ])7'obable :
on appelle écart probable l'écart qu'il y a probabilité égale de
surpasser et de ne pas surpasser. Ainsi on fait \l épreuves, un
événement A de probabilité p se produit \>.p — a fois ; a est,
par définition, l'écart ; la probabilité de l'arrivée d'un écart
moindre que a est donnée par l'expression 0 {t), t et a étant
V. HENRI. — PROBABILITÉS EN PSYCUOLOGIE 489
liés par la relation : t = -^ — ; pour une certaine valeur de t
cette expression 9 [t) sera égale à — , la table nous montre que
cette valeur de t est 0,4769;]6, la valeur de a correspondante
est donc y. = 0,476936. \ ïTTy > cette valeur de a s'appelle écart
probable, la probabilité pour que l'écart ne dépasse pas cette
valeur est — •
Donnons un exemple : on jette une pièce de monnaie 200 fois,
quel est l'écart probable ?
On a ;j. = 200ji=^=: 4- , y- - 0.476936. y^^.soo. i- = 4,76936,
telle est la valeur de l'écart probable ; cela signifie qu'il y a
probabilité égale d'obtenir pour le nombre d'arrivées de « pile »
un écart au-dessous de 4,77 que d'obtenir un écart supérieur;
donc, si on jetait la pièce 20 000 fois et si on partageait les
résultats en 100 groupes de 200 cas chacun, en additionnant
les nombres de groupes dans lesquels on aurait 100 piles, 99,
98, 97, 96, 101, 102, 103 et 104 piles la somme obtenue doit être
égale à oO; dans oO groupes, on aurait des écarts plus grands
que 4,77 et dans oO des écarts inférieurs à ce nombre.
Si en faisant cette vérification on trouve que dans un nombre
bien différent de la moitié les écarts obtenus sont inférieurs ou
supérieurs à l'écart probable on peut affirmer que la série obte-
nue n'est pas due au simple hasard.
Nous arrivons à un sujet nouveau bien délicat à exposer et
(jui est fondamental pour la psychophysique, c'est la théorie
des erreurs d'observations. On mesure une certaine grandeur
plusieurs fois dans les mêmes conditions et on obtient des
résultats différents ; quelle est la valeur qu'il faut adopter
pour représenter la grandeur mesurée ? On adopte la moyenne
arithmétique des différentes mesures ; il est difficile de dire à
qui on doit l'adoption de la moyenne, il est certain que lors(jue
Archimède remplaçait un nombre de points matériels par un
point unique {centre de gravité), il se servait de la moyenne ;
mais c'est surtout Gauss qui développa la théorie des moyennes
en posant ce postulatum célèbre qne dans une série de mesures
qui inspirent même confiance, après avoir écarté les erreurs
constantes, la moyenne arithmétique est la valeur la plus jiro-
bable ; c'est un postulatum qu'on ne peut pas démontrer, mais
qui est admis généralement puisqu'il satisfait aux nécessités
pratiques.
Nous devons d'abord nous arrêter un peu sur la signification
que peut avoir la moyenne. « En prenant la moyenne, dit
490 REVL'ES GÉNÉRALES
Quetelet, on peut avoir en vue deux choses bien difTérentes :
on peut chercher à déterminer un nombre qui existe véritable-
ment ; ou bien à calculer un nombre qui donne l'idée la plus
rapprochée possible de plusieurs quantités difTérentes, expri-
mant des choses homogènes, mais variables de grandeur. »
« En mesurant la hauteur d'un édifice vingt fois de suite, je
ne trouverai peut-être pas deux fois identiquement la même
valeur; cependant, on conçoit que l'édifice a une hauteur
déterminée, et si je ne l'ai pas estimée exactement par chacune
des opérations que j'ai faites pour la reconnaître, c'est que ces
opérations comportent quelque incertitude. Je me borne alors
à prendre la moyenne de toutes mes déterminations pour la
véritable hauteur cherchée. Les limites plus ou moins larges
dans lesquelles se trouvent renfermées les mesures que j'ai
obtenues, dépendent de mon plus ou moins d'adresse et de
l'exactitude des instruments dont j'ai fait usage.
a Je puis encore employer le calcul de la moyenne dans un
autre sens. Je voudrais donner une idée de la hauteur des
maisons qui se trouvent dans une rue déterminée.
« Il faudra mesurer la hauteur de chacune d'elles, faire la
somme des hauteurs observées, et diviser le résultat par le
nombre des maisons. La valeur moyenne ne représentera la
hauteur d'aucune d'elles en particulier, mais elle aidera à faire
connaître leur hauteur en général ; et les limites plus ou moins
larges dans lesquelles se trouveront renfermées toutes les
mesures obtenues dépendront de la diversité des maisons. »
Cette distinction est bien souvent négligée en psychologie,
où elle a une importance capitale; c'est que souvent on a
affaire à des mesures de processus psychiques et on ne sait pas
au juste si on mesure une certaine valeur qui existe réellement
et par conséquent si les variations observées sont dues seule-
ment à des causes accidentelles, ou bien s'il n'existe pas de
valeur bien déterminée et dans ce cas la moyenne donnerait
une idée approchée d'un processus variable ; telle est i)ar
exemple la discussion sur l'existence d'un seuil de perception,
les uns affirment qu'il existe un seuil fixe et que les valeurs
difTérentes qu'on obtient dans les expériences sont dues à des
influences de causes accidentelles, d'autres soutiennent, au
contraire, que le seuil varie d'une expérience à l'autre et qu'on
ne peut obtenir que la valeur moyenne de ces variations du
seuil. De même encore lorsqu'on prend des temps de réactions
simples, et qu'on représente ensuite les temps de réactions par
V. DENRI. — PROBABILITÉS EN PSYCQOLOGIE 491
la moyenne des valeurs obtenues dans une série, que signifie
cette mo3enne? représente-t-elle un nombre existant réellement
qui serait la durée d'une réaction simple normale, ou bien est-ce
un nombre abstrait qui ne correspond à aucun processus réel?
L'adoption de la moyenne arithmétique entre plusieurs
mesures d'une même grandeur suppose donc d'une part que les
erreurs constantes ont été écartées et puis que toutes les
mesures méritent une confiance égale ; voilà de nouveau deux
conditions qu'on n'oublie que trop souvent en psychologie.
Mais la moyenne à elle seule ne suffit pas pour caractériser
la série de mesures et pour indiquer le degré de confiance qu'il
faut attacher à la mo\enne, il faut y ajouter encore Yerreur
probable ou la précision de la série des mesures ; qu'est-ce
donc que cette erreur probable ?
Chaque mesure donne lieu à une valeur qui diffère de la
moyenne, cette différence est Yerreur dans cette mesure ; dans
une série de mesures les erreurs faibles se produiront plus
souvent que les erreurs plus fortes, on pourra dire que toute
erreur a une certaine probabilité de se produire ; Yerreur pro-
bable est l'erreur qu'il y a chance égale d'atteindre ou de ne
pas atteindre ; cette erreur probable à côté de la moyenne
suffira à caractériser la série de mesures, à condition qu'il n'y
ait pas d'erreur constante, que les variations dans les diffé-
rentes mesures soient dues à des causes accidentelles et qu'en-
fin toutes les mesures méritent la même confiance.
Mais comment obtenir cette erreur probable ? Il faut pouvoir
déterminer la probabilité d'une certaine erreur; il n'existe pas
de loi déterminée qui permette de savoir la probabilité d'une
erreur donnée, il faut faire une hypothèse, c'est ce que Gauss
a fait en supposant que la probabilité d'une erreur ne dépend
que de la valeur de l'erreur ; ainsi la probabilité pour qu'une
erreur soit comprise entre A et A + f^ A est^>flr hypothrse égale
à une fonction de A multipliée par d A ((/ A est une portion
très faible de A). En s'appuyant sur le postulatum que la
moyenne arithmétique est la valeur la plus probable et sur
l'hypothèse précédente on déduit par un raisonnement mathé-
matique, que nous ne reproduisons pas, la loi des erreurs de
Gauss: la probabilité de l'arrivée d'une erreur comprise entre
Z et Z + d Z est égale à :
K - K' 1-
-=. e . dZ. (B)
V-
492 REVUES GÉNÉRALES
On remarque ridentité de cette formule avec celle que nous
avions obtenue pour la probabilité d'un écart compris entre Z
et Z -h dZ, il suffit en effet de poser K = ^^"7^ pour obtenir la
formule relative aux écarts ; or, la formule qui donnait la pro-
babilité des écarts n'était qu'approximative, tandis que la for-
mule (B) est déduite directement des hypothèses et du postula-
tum de Gauss sans approximation, par conséquent l'hypothèse
et le postulatum ne sont pas exacts dans le sens précis, mais
ils suffisent pour la pratique.
Indiquons maintenant la manière dont on doit se servir pour
le calcul de la probabilité d'une erreur ne dépassant pas telle
limite donnée.
La probabilité d'une erreur comprise entre Z et Z -t- rfZ est
1^ IT: 2,:
(B)..,-=-.e dZ, quelle est la probabilité d'une erreur
comprise entre — a et H- a ? Partageons l'intervalle de 0 à -+- a
en un très grand nombre de parties, l'une de ces dernières sera
de la forme Z, Z -r- dZ et la probabilité pour que l'erreur soit
dans cette partie est (B) ; donc en vertu du théorème des pro-
babilités totales la probabilité pour qu'une erreur soit comprise
entre 0 et h- a sera égale à la somme des probabilités corres-
pondantes à chacune des parties de la division, c'est-à-dire elle
sera égale à la somme d'expressions (B) pour toutes les valeurs
de Z comprises entre 0 et + a.
Posons t= KZ, l'expression (B) devient alors ^ • e dZ;
on peut remplacer K dZ par dt. On a donc en définitive pour
l'expression de la probabilité d'une erreur comprise entre Z et
Z. -{- dZ-^ e- dt, et la probabilité pour qu'une erreur soit
comprise entre 0 et -f- a est égale à la somme des expressions
V
1 — 1=
7= e
dt pour toutes les valeurs de t comprises entre 0 et
Ka (puisque t=- KZ) ; or, la table de la fin contient la valeur
de ces sommes 0 pour les différentes valeurs de t, on pourra
donc facilement calculer la probabilité pour qu'une erreur soit
comprise entre — a, et -t- a si on a déterminé la valeur de
la constante K qui s'appelle la précision; en elfet, on cherche
dans la table la valeur de 0 qui correspond à la valeur de t
égale à K. a, cette grandeur représentera la probabilité deman-
dée. Voyons quelle est la grandeur /. de Verreur probable :
la probabilité de ne pas dépasser ). doit être égale k-^ ; \a. table
montre que la valeur de t correspondant à 0 = -^ est 0, -47693,
donc on a K/. = 0,47693 (puisque t = Ka) ; par conséquent
V, UENRI. — PROBABILITÉS EN PSYCHOLOGIE 493
A = -^Kf-- '■> tout se réduit donc à calculer la valeur de la cons.
tante de précision K ; on se sert pour cela de certaines relations
mathématiques existant entre K et la somme des erreurs ou
des puissances des erreurs ; nous ne pouvons pas entrer ici sur
la démonstration de ces relations, nous les signalerons seule-
ment : soient ^i, x.,, X3,... x„, les n mesures d'une grandeur,
on prend la moyenne arithmétique.
M = , les erreurs commises dans les n
mesures sont : (?i = M — x^^ <?^ = M — ^o, e-^ = M — x^,
e„ = M — Xn'i on peut étaJjlir que la moyenne des erreurs est
égale à jt^ ,
c'est-à-dire :
e, -f So + + ^n _ 1
n
K\/- '
de même on établit que la moyenne arithmétique des carrés des
erreurs est égale à -j^ '■
e\ + eK_ + eK + + e^, _ J_ . ,„.
n ~ 2/v2 ' ^ '
c'est de l'une de ces relations qu'on peut se servir pour calculer
la valeur de K ; il vaut mieux se servir de la deuxième rela-
tion ; on risque alors une erreur moindre.
Si nous désignons par Si la somme des erreurs, par S2 la
somme des carrés des erreurs, on déduit des relations (1) et (2) :
(3)
le rapport de la moyenne des carrés des erreurs au carré de
la moyenne des erreurs est égal à la moitié du rapport de la
circonférence au diamètre. Quel contraste énorme ! D'un côté,
on a des erreurs que le hasard a fait naître et de l'autre une
quantité aussi constante et remarquaJjle que le rapport de la
circonférence au diamèlre. « Cette formule singulière, dont le
premier membre est fourni par le hasard, mérite tant de con-
fiance qu'un calculateur à qui des observations sont remises et
qui trouve cette égalité eu défaut peut tenir pour certain qu'on
a retouché et altéré les résultats immédiats de l'expérience. »
(Bertrand.) Plusieurs auteurs ont fait la vérification de la loi
494
REVUES GlîlNÉRALES
des erreurs de Gauss, Bessel a rassemblé les observations de la
déclinaison et de l'ascension droite faites par Bradley, il a
calculé les nombres des erreurs de grandeurs différentes et a
comparé ces nombres calculés aux nombres d'erreurs observés ;
voici quelques-uns de ses résultats :
■
N0MI$RES d'erreurs |
ERREURS
- — .^
C A L C U I. K s
OBSER\'ÉS
De 0, 0 à 0, 1"
95
94
— 0, 1 — 0, 2"
89
88
— 0, 2 — 0, 3"
78
78
— 0, 3 — 0, 4"
64
58
— 0,4 — 0, o"
50
51
— 0,5 — 0, 6"
36
36
— 0, 6 — 0, 7"
24
26
— 0,7 — 0.8"
15
14
— 0,8 — 0,9"
9
10
— 0,0 — 1,0"
5
7
Au-dessus de 1"
5
8
La coïncidence de la théorie avec les observations peut être
considérée comme parfaite.
Jusqu'ici nous n'avons encore rien dit sur la nature des
causes accidentelles qui donnaient lieu à ces variations dans
les mesures. Quelles sont ces causes accidentelles? Elles sont
en partie d'ordre physique, en partie aussi d'ordre psychique :
c'est, par exemple, l'ébranlement de l'appareil par suite des
mouvements de l'observateur, les changements de température
dans le courant d'une série d'expériences, les vibrations de
l'air modifiant sa réfraction, puis des défauts d'appréciation
dans les visées, des troubles de l'attention, la fatigue, etc.;
toutes ces causes en s'ajoutant produisent des variations dans
les résultats des mesures, et nous avons vu que ces variations
suivent la loi des erreurs de Gauss. Les astronomes et les
physiciens se contentent de cette constatation de fait. le psy-
chologue ne peut pas le faire, il y a là un point important pour
lui, c'est la question si la loi de Gauss est applicable aux
processus psychiques. Expliquons bien de quoi il s'agit : on
produit, par exemple, deux bruits  et B peu dillérenls l'un de
l'autre, le sujet percevra 6o fois B plus fort que A, 20 fois B
V. HENRI, — PROBABILITÉS EN PSYCHOLOGIE 495
égal àA et lo fois B plus faible que A; il y a dans 100 expé-
riences, qui consistent chacune à comparer les intensités des
deux bruits A et B, des oscillations d'une expérience à l'autre ;
à quoi sont dues ces oscillations? A des causes fortuites : inat-
tention, fatigue, attente, contraste d'une expérience à l'autre,
etc.. etc., la plupart d'ordre psychicjue (si les appareils sont
bien réglés) ; mais ces causes fortuites influent aussi dans les
observations astronomiques et physiques et donnent ici lieu à
des erreurs qui suivent la loi de Gauss; pourquoi ne pas sup-
poser que, dans le cas présent, de la comparaison de deux
intensités de bruits, les variations d'une expérience à l'autre
devraient aussi être considérées comme des « erreurs d'observa-
tions » pareilles à celles qu'on a en astronomie ? On introduit
ici l'idée d'un seuil de différence : pour que deux sensations a
et b nous paraissent être différentes (en intensité) l'une de
l'autre, il faut que la diff'érence des intensités des excitations
correspondantes à ces sensations soit supérieure à une certaine
limite appelée seuil de différence ; cette limite est supposée,
d'après les uns, fixe dans une série d'expériences; d'après les
autres, elle varie d'une expérience à l'autre. (V. Revue générale
sur le sens du lieu de la peau.)
M
• • . — ■ .
A C B
Fig. 8G
Soient deux points A et B et un troisième G voisin du milieu M
de la ligne A B; on présente au sujet les trois points A, G, B,
et il doit dire si le point G lui paraît être plus voisin de A ou
plus voisin de B; on recommence 100 fois l'expérience ; suppo-
sons que dans 63 cas il a dit que G lui semblait être plus voisin
de A. et dans 35 cas G a paru être plus près de B. On demande
quelle est la valeur de la coniilanle de précision, qui peut servir
comme mesure du seuil de difl'érence ?
En regardant les trois points A, G, B, le sujet a cru dans 6o cas
que G était à gauche du milieu M et en a déduit qu'il était plus
voisin de A; dans3o cas le poinl G a paru au sujet être à droite
du milieu M; ces variations dans les expériences sont dues à
dos causes fortuites (en supposant que les causes constantes
aient été éliminées), l'influence de ces causes fortuites consiste
à modifier la position apparente du point G, et dans 35 cas
nous avons vu que celte position apparente de G a été modifiée
496 REVUES GÉNÉRALES
d'une grandeur telle qu'il a paru être à droite du milieu M ; or.
on suppose que les causes fortuites font modifier la position
apparente de G suivant la loi des erreurs de Gauss. c'est-à-dire
que si on marque les différentes positions apparentes de G, elles
seront groupées autour du point réel G de la même manière
que les mesures d'une série d'observations sont groupées
autour de leur moyenne. Pour que la position apparente de G
soit modifiée par les causes fortuites d'une grandeur telle qu'il
paraisse être à droite de M, il faut une certaine probabilité,
cette dernière est égale à la probabilité de l'arrivée d'une
erreur positive supérieure à CM, c'est-à-dire elle est égale
à -^ moins la probabilité d'avoir une erreur comprise entre
0 et -i- CM (puisque la probabilité d'avoir une erreur positive
est égale à la probabilité d'une erreur négative, c'est-à-dire
égal à — ) ; nous avons vu précédemment que la probabilité
d'avoir une erreur comprise entre — a et h- a est égale à 0 (t)
où t =:ïi y. ; donc la probabilité d'une erreur comprise entre 0
fi ( t \
et -i- a est — 7, — ; dans le cas présent, a = CM. donc la proba-
bilité d'une erreur comprise entre 0 et CM est égale à — :r~ où
t = K. CM; par conséquent, la probabilité pour que la position
apparente de G soit à droite du milieu M est égale k ~ —
—r~ ; or d'un autre cùté le sujet a dans 35 cas dit que G lui
semblait être plus près de B, donc cette probabilité est aussi
égale à -j^ ; par conséquent, on a en égalant -^^ = 4 ^
30
OU bien 0 it) = j— ; la table montre que la valeur de / corres-
pondante est t = 0,28, donc on a 0,28 = K. CM. CM étant connu,
on aura la constante de précision K et par suite la mesure du
seuil de différence.
On voit qu'il a fallu faire des hypothèses nombreuses pour
pouvoir appliquer la méthode « des cas vrais et faux » à la
mesure du seuil de différence. Beaucoup d'auteurs ont fait des
vérifications expérimentales et ont, en général, trouvé que si
on prend les précautions nécessaires, les chiffres obtenus véri-
fient ceux prévus par les calculs. (V. Analyse de J. Merkel.)
Nous avons de notre coté aussi fait quelques expériences
pour voir Jusqu'à quel degré la loi de Gauss peut être appli-
quée aux processus psychiciues. Voici en quoi elles consis-
taient : deux points A et B sont marqués sur une li^-ne, le sujet
doit marquer avec un crayon le point milieu G entre les points
A et B ; la distance AB choisie était IGO mm. et dans une série
V. UENRI. — PROBABILITÉS EN PSYCUOLOGIE 497
120 mm. ; le sujet était assis pendant toute une série d'expé-
riences toujours dans la même position, les conditions d'éclai-
rage et de position de la ligne AB étaient maintenues cons-
tantes, le crayon avec lequel le sujet marquait le milieu était
taillé très fin; enfin, en faisant une expérience, le sujet ne
voyait pas les résultats des expériences précédentes ; nous
notons tous ces détails puisqu'on pourrait peut-être objecter
que les erreurs ont été produites par ces différentes causes
d'ordre physique et non psychique. Trois sujets ont fait ces
expériences : l'un (A) a fait une série de 400 expériences avec
la division d'une longueur de 160 mm. etune autre de 300 expé-
riences pour la division d'une longueur de 120 mm. ; le
deuxième (Y.) a fait une série de 100 expériences pour des lon-
gueurs de IGO mm.; enfin le troisième (C) une série de
200 expériences aussi pour des longueurs de 160 mm.
Ayant fait ces expériences, nous avons calculé pour chaque
série d'abord la moyenne arithmétique des longueurs AC, soit
M ; puis la moyenne des erreurs ou, comme on dit souvent, la
variation moyenne, nous l'avons désignée précédemment par
^ ; puis nous avons calculé la movenne des carrés des erreurs
^~ ; cette dernière permet de calculer la valeur de la constante
de précision K par la relation '--^^^j^.'-, ayant la valeur de K,
on peut savoir la probabilité d'une erreur de grandeur donnée
X, il suffit de chercher dans la table la valeur de 0 qui corres-
pond à Kx; cette valeur sera la probabilité demandée; nous
avons donc calculé le nombre probable d"erreui"s de grandeurs
différentes et comparé ces nombres calculés aux nombres d'er-
reurs observés.
Passons aux résultats :
l''-" Série, sujet (A.). — 400 expériences, longueur AB égale à
160 millimètres ; la moyenne arithmétique des 400 valeurs de
AG est M = 82,74; la variation moyenne -^ = 1,63 ; la moyenne
des carrés des 400 erreurs est 4,27 = — ; nous avons montré
plus haut' qu'il devait exister une relation remarquable entre
^-2 (t)
^ 6^ [jr) *l^^ est ;^" 2 = -|-; dans le cas précédent ce rapport
yn'J
€st égal à 1,60 ; or, -f = 1,'>7; la différence des deux rapports
est très faible. De la relation ~= :;j^ , on déduit pour la cons-
tante de précision K = 0,34 ; voici maintenant les nombres
d'erreurs calculés et observés :
ANNÉE PSYCHOLOGKJLE. 32
498
REVUES GENERALES
NOMBRES d'erreurs |
VALEURS DE L'ERREDR
'^ '
" — — " — ~
C A L C r L É s
OBSERVÉS
0, à 0, 5 mm.
75
84
0,5 — 1
72
75
1 — 1,5 —
64
37
1,3-2 -
54
62
2 —2,5 —
43
47
2,5 — 3 —
32
15
3 —3,5 —
23
23
3,5 — 4 —
15
13
4 — 4,3 —
9
7
4,5 — 5 —
6
6
5 — 5, 5 —
4
4
Au-dessus de 5, 5 mm.
3
7
On voit que les différences entre les nombres observés et
ceux prévus par la théorie sont en général faibles.
2" Série, sujet (A.). — AB = 120 millimètres, 300 expériences.
Si
\- S-j
On a, comme précédemment : M = Gl,14, '—==1,07,':;^ =
(ï
1,859 ; le rapport ^^ j est égal à 1,64; enfin K = 0,o2.
\n )
Les nombres des erreurs calculés et observés sont dans cette
série plus concordants que dans la série précédente, les voici :
NiniBRES d'erreurs |
VALEURS DE L'ERREUR
^-^'
—
c A L c f L É s
0 B s E R \- É s
0 à 0,39 mm.
67
73
0, 30 — 0, 03 —
40
40
0,63—0,88 —
37
37
0,88-1,12 —
32
37
1,12-1,63 —
55
43
1,63-1,88 —
18
17
1,88—2,12 —
15
17
2,12—2,63 —
19
17
2,63 — 2,88 —
(i
6
Au-dessus de 2, 88
10
12
3'^ 5'e?ve, sujet (V.). — 100 expériences, AB = 160 mm
X-.
ii
V. HENRI. — PROBABILITES EN PSYCHOLOGIE
499
M = 79,205 ; ,7 = 1 ,496 ; J = 3,517 ; le rapport -~ = i ,61 au
lieu de 1,57 = I ; enfin K = 0,40. tj
Dans cette série, quoique le nombre d'expériences soit faible,
les nombres calculés et observés concordent mieux qu'on ne
pouvait s'y attendre :
NOMBRES
d'erreurs
VALEURS DES
ERREURS
•"
- ^— -
CALCULÉS
OBSERVÉS
0 à 0,5
mm.
22
22
0,5 — 1
—
21
21
1 -1,5
—
17
18
1,5-2
—
14
10
2 2 5
—
10
9
2,0-3
—
7
8
3 —3,5
—
4
5
3,5—4
—
3
1
4 —4,5
— ■
2
5
4,5 — 5
"•^
1
1
4'^ Série, sujet (C). — 200 expériences, ABr=160mm. ; il s'est
dégagé : M = 76,66 ; ^ = 2,39 ; Ç- 8,53, le rapport ^ = 1 ,49,
la valeur de K est 0,24. (tJ
valeurs des erreurs
0 à 1 mm.
1 — 2 —
2—3 —
3— 4 —
4— 5 —
0— G —
G— 7 —
7— 8 —
8— 0 —
9 — 10 —
nombres des erreurs
CALCULES
53
47
38
27
17
9
5
2
1
1
OBSERVES
49
48
36
31
20
10
4
2
0
0
On voit en somme qu'en général les nombres observés con-
cordent bien avec ceux prévus par la théorie ; il faut en con-
clure que les erreurs accidentelles, d'ordre psychique surtout,
500
REVUES GÉNÉRALES
dans ce cas, en produisant des variations dans des mesures et
des observations, le font d'une certaine manière bien détermi-
née : les variations faibles non seulement se produisent plus
souvent que les variations fortes, mais de plus chaque variation
a une probabilité bien déterminée de se produire; cette proba-
bilité est donnée par la loi des erreurs de Gauss.
Nous espérons avoir indiqué les points les plus importants du
calcul des probabilités dont on peut avoir besoin dans la psy-
chologie expérimentale ; il y avait certainement beaucoup de
questions à traiter encore; nous ne l'avons pas fait parce que
cela nous aurait entraîné trop loin. Partout nous avons essayé
de ne pas faire usage de mathématiques ou d'en employer
aussi peu que possible en citant toujours beaucoup d'exemples
pour bien préciser la portée de tel principe ou théorème parti-
culier. Victor Henri.
i ^— t'
TABLE DES VALEURS DE LA SOMME fc) DES EXPRESSIONS 2. -7=^ . cll
POUR TOUTES LES VALEURS DE t COMPRISES ENTRE 0 ET T
0,00
0, 02
0,04
0,06
0,08
0, 10
0,12
0,14
0,16
0,18
0, 20
0,22
0,24
0,26
0,28
0,30
0,32
0,34
0,36
0,38
0,40
0,42
0, 44
0,46
0,48
0,30
0,52
0, 0000
0,0223
0,0431
0,0676
0, O'.IOO
0, 1124
0,1347
0, 1361)
0, 1790
0,2009
0,2227
0, 2443
0, 2637
0, 2860
0, 3079
0, 3286
0,3491
0, 3694
0, 3893
0,4090
0, 4284
0, 4475
0, 4662
0, 4846
0, 3027
0, 5203
0,5379
0,34
0, 36
0,38
0,60
0,62
0,64
0.66
0,68
0,70
0,72
0,74
0,76
0,78
0,80
0,82
0. 84
0, 86
0,88
0,90
0, 92
(t, 9 't
0, 96
0, 98
1 , 00
1,03
1, 10
1,15
0, 5549
0,5716
0,5879
0, 6038
0,6194
0,6346
0, 6494
0, 6638
(», 6778
0,6914
0, 7047
0,7175
0,7300
0,7421
0,7338
0,7631
0,7761
0,7867
0,7969
0, 8068
0,8163
0,8231-
0,8342
0,8427
0, 8624
0. 8802
0,8961
1.20
1,23
1,30
1 , 3;i
1 , 40
1 , 43
1 , 30
1,33
1,60
1 , 6!)
1,70
1,73
1,80
1 , s;;
1,90
1 , 95
2,00
2,05
2,10
2,15
2,20
2,25
2,30
2,40
2,30
2,60
2,80
0,9103
0, 9229
0, 9340
0, 9437
0, 9323
0, 9597
0,9661
0,9716
0, 9763
0,9804
0, 9838
0, 9867
0,9891
0,9911
0, 9928
0, 9942
0, 9953
0, 9962
0, 9970
0, 9976
0,9981
0, 9985
0, 9988
0, 9993
0,9996
0, 9998
0, 9999
DEUXIEME PARTIE
BIBLIOGRAPHIE
I
HISTOLOGIE, ANATOMIE
PHYSIOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX
SOMMAIRE
Histologie. — I. S/ruc/ure de la cellule. Delage, Henneguy.
II. Derniers travaux sur la cellule nerveuse. Flemining, Dogiel, etc.
m. Activité fonctionnelle de la cellule nerveuse. Demoor, Duval, Lu-
garo, Magi, Roncoroni, Verworn, Vitzu.
IV. Problèmes de biolof/ie f/énérale qui se rattachent à la cytologie.
Delage.
Anatomie. — I. Structure des centres nerveux. Bechterew, Dejerine, Mari-
nesco.
II. Développement du cerveau. Donaldson, Mlngazzini.
Physiologie. — I. Pléthystnographie. Mosso, Ilallion et Comte, Dumas et
Klippel, Kiesow, Binet et SoUier, Wertheimer.
II. Coordination des mouvements et utaxie. Thomas, Mott et Sherring-
ton, Contejean, Bastian, etc.
III. Diverses questions de ph;jsiolo{/ie nerveuse.
lY. Interprétationphysioloriiquedesprocessuspsychologiques. Exner, etc.
HISTOLOGIE
I. — STRUCTURE DE LA CELLULE
F. HENXEtiLY. — Leçons sur la morphologie et la reproduction de
la cellule, faites au collège de France pendant le semestre d'hiver
1893-1894, recueillies par Fabre-Douiergue, un vol. in-8>^, Paris,
1896, G. Carré.
YVES DELAGE. — La structure du protoplasma et les théories sur
KOiî ANALYSES
l'hérédité, et les grands problèmes de biologie générale, nu vol.
in-S", 878 p., Taiis, lleinwald, 1895'.
Ces deux ouvrages, dont l'un vient de paraître, et dont Taulre est
encore sous presse, contiennent l'analyse de tout ce que l'on con-
naît actuellement sur la cellule. Le livre d'Henneguy est surtout
expérimental ; il émane d'un savant auquel ses études de cytologie
ont valu un juste renom, et qui peut parler de toutes les questions
traitées dans son livre avec l'autorité que donne l'expérience per-
sonnelle ; d'autre part, son livre est très sobre de réflexions, il
contient peu d'indications sur les théories et les hypothèses aux-
quelles les découvertes de ces dernières années ont donné lieu. On
sent chez l'auteur un certain parti pris contre les Ihéoiies qui ne
reposent pas directement sur les faits. Le livre de Delage présente,
en quelque mesure, les qualités inverses. L'auteur ne s'est pas
encore fait connaître dans le domaine de la cytologie par des
recherches originales, et il ne peut pas juger des observations et
découvertes récentes avec la même autorité qu'Henneguy ; mais
en revanche son esprit est fortement frappé par le caractère philo-
sophique des questions et leur portée générale. Psous pensons que
ces deux ouvrages se complètent l'un l'autre, et que nous ferons
bien de les réunir dans une analyse commune, pour laquelle nous
emprunterons à Henneguy un bon nombre de ligures.
Les cellules ne furent vues pour la jJremière fois que cinquante
ans après la découverte du microscope, par Robert Hooke, dans une
tranche de liège ; il y aperçut des cavités qu'il appela cellules, sans
se douter de leur importance (fig. 8"). Puis vinrent les observations
de Grew et Malpighi, Mirbel, Turpin et Meyen sur la constitution
cellulaire des végétaux. Le noyau de la cellule fut découvert en 1831
par Robert Brown, la tliéorie cellulaire de Schleiden et Schwann
date de 1838; la division des cellules était observée en 1835 par
Mohl. Ce fut une belle époque !
La cellule se compose de deux éléments principaux : le proto-
plasma (ou cytoplasma) et le noyau. Le protoplasma est un ensemble
de matières organiques qui ne peuvent être délinies au point de vue
chimique, parce que la constitution du protoplasma est extrêmement
variable, et varie non seulement d'une cellule à l'autre, mais aussi
d'un moment à l'autre. On peut en dire autant de ses caractères
physiques. Au point de vue de la morphologie, on a émis beaucoup
d'hypothèses. En 1841,Dujardin admettait (jue le protoj)lasma est une
substance homogène ; idé-e qui a été si bieç abandonnée qu'en 1882,
on n'a pas compté moins de cinq théories princi|jales sur la mor-
phologie du protoi)lasnia. Ces théories i)euvent être désignées sous
les noms d'homogène, léticulaire, librillaire, alvéolaire et granulaire.
(1) Une partie de l'ouvrage de Dekigc, relulive à l'hérédité, est analysée
plus loin.
HISTOLOGIE, AXATÛMIE ET PHYSIOLOGIE
503
La théorie de la structure homogène est aujourd'liui abandonnée ;
elle admet que le protoidasma est formé d'une substance liomogène,
jouant le rôle fondamental, et contenant des granulations éparses,
qui sont non vivantes et n'ont qu'un rôle subordonné.
D'après la théorie réliculaire, il y aurait dans le protoplasma un
Fig. 87. — Fac-similé d'un fraguieut d'une planche de Hooke, représen-
tant une coupe de liège. Les cellules sont vues en section transversale.
réseau délicat formé d'une substance ferme, et dans les mailles du
réseau une substance visqueuse et amorpbe. On ne s'accorde pas sur
l'importance à attribuer à ces deux substances; les uns pensent que
le protoplasma actif et vivant, c'est le réseau; d'autres, parmi les-
Fig. 88. — Cellules interstitielles du testicule du chat adulte, montrant la
structure en réseau du prntoplasma (d'après Klein).
quels Leydig, soutiennent au contraire que le réticulum n'est qu'une
charpente de soutien [spongioplasma) et que la substance visqueuse
(hyatoplasma) est seule vivante. Cette théorie réticulaire a été sou-
tenue par Klein (fig. 88) et confii rnée par Fromann et Arnold.
La théorie fibrillaire, à laquelle se rattache le grand nom de
Flemming, ne diiïère de la précédente que par une nuance ; le
réticulum serait formé par des fibrilles individualisées qui s'entre-
lacent ; la fibrille est permanente, le réseau est accessoire ; il consis-
504
ANALYSES
ferait mrme tout simplemenl, pour corlains autours, dans une
apparence créée par les réaclifs; enlin la fibrille constitue le pro-
toplasma vrai, vivant et contractile; elle baii.Mie dans une substance
amorphe, semi-fluide, inerte et d'ordre inférieur. Fleniining est
arrivé à cette interprétation en examinant les cartilages branchiaux
de la salamandre ; il a reconnu dans les cellules la pré'sence de
petits filaments disposés en couches concentriques autour du noyau
(flg. 89). Voilà ce que Ton voit dans la cellule à l'état frais. Dans les
cellules du cartilage fixées par Facide osmique, la disposition paral-
lèle des filaments disparaît pour faire place à un ]ielotonnement
Flg. 89. — Cellule cartilagineuse de
la tète du féuun- de la salamandre,
examinée à fétat frais dans l'hu-
meur aqueuse du même animal.
Le corps protoplasmique est rem-
pli de filaments onduleux (d'après
Flemmingj.
Fig. 90. — Cellule cartilagineuse
d'une larve de salamandre trai-
tée par Tacide osmique (d'après
Flemminif).
ressemblant à un réseau, sur lecpud on aperçoit des coagulations
représentant les nodosités décrites par les anteurs précéulents
(fig._90).
D'après la théorie granulaire, soutenue pai- Maggi et Altmann, les
granulations ou microsomcs (jui nagent dans le protoplasma ne
sont point des corjis inertes, mais les seuls ('■{('■meuts vivants, les
organiles élémentaires constitutifs de tout [)rofo|»lasnia ; ils se
mulliplient par division et forment en se juxtaposant les réseaux et
les alvéoles, dispositions slruduiales sans imporl.ince.
La théorie alvéolaire, qui a été pi'oposée par Kunstler et surtout
développée par JUifschli, admet que le cyfoplasma (>st composé de
petites alvéoles pressées les unes contre b's autres, le ]uoto|)lasma
formant la |iaroi des alvi'oles. i{i"ilsciili pense (pie ras[n'ct léticulé
du protoplasma est produit par le système des [)lus grosses alvéoles,
(-e savant a essayé d'imiter l'uMare de la nature, en'traitant certaines
builes par un liquide alcalin; il a obtenu des émulsions artificielles,
des mousses à bulles très petites, dans lesquelles les alvéoles pro-
duites par la compression réciproque des bulles sont occupées par
HISTOLOGIE, AXATOMIE ET PHYSIOLOGIE
505
la solution alcaline tandis que l'huile forme les parois et toute la
substance interalvéolaire. Il y a, paraît-il, de très fines ressemblances
entre ces mousses et le protoplasma de certains infusoires ; à la
■ ulo
;,; . Ç,'. il ^ ; ,^i ,:.. i , ,. l i ..
Fig. 91. — Coupe optique de la partie corticale d'une goutelette d'une émul-
sion d'Iuiile d'olive et de sel marin, montrant ime couche alvéolaire,
alv, très nette et relativement épaisse. Grossissement 1.250 diamètre
(d'après Bûtschli).
périphérie les alvéoles sont disposées radiairement, et elles sont
prismatiques, tandis qu'au centre elles sont polyédriques (fig. 91).
Fig. 92. — Cellules de la cavité du corps de ['lùic/ii///trœns albidus.
n, ù lY'tat vivant dans lo liquide de l'animal ; //, apn'^s l'action de l'eau pure ; c. après l'ac-
tion de l'acide ac(''li(iue dilué; il. apiùs l'action d'une solution d'alun à 1 p. 100; e, après
l'action de l'alcool au tiers ; /(, nojau.
Sous l'influence d'un peu de chaleur la petite mousse rampe et se dé-
place avec des mouvements amn^boïdes, comme un petit être vivant.
Delagc n'accorde de pr('férence à aucune de ces théories, il en
retient seulement celte donnée, (jue certainement personne ne lui
contestera, que la substance chimique du pi^otoplasma n'est pas
seulement organique, mais organisée. Toutes les structures décrites
506 ANALYSES
seraient vraies, mais aiunnie n'est essentielle, et aueuni; ne conlit-nl
la raison nitjcaniqne ou pliysioloi:i(|ne des plit-noniènes vilaux. C'est
à jieu près à la même oonelusioii ii'fanivr Hniiii'imy, niais il pré-
sente à ce propos d'autres réflexions, (huil (|uelques-unes sont
curieuses. Il s'insurtre conire l'abus des jii'iK'-ralisalions. « Drs qu'on
a découvert un fait jiarticulier, reposant sur quelques observations,
quelquefois sur une seiile, on se liàte de le publier aussitôt, dans la
crainte ([u'uii autic travailieiu- ne le trouve de sou côté. Si l'on se
contentait de le faire connaître, ce serait apporter une donnée nou-
velle, destinée ]tlus tard à éditier une loi générale. Mais ce serait un
rôle trop modeste. Pour donner 2'lus d"im[iorlance-au fait constaté,
on en tire des conclusions généi'ales, on le prend pour poiiit de
départ d'une tiiéoric nouvelle, (pii, tnut au [ilus, ne devrait être
regardée que comme; une simple liypotlièse. » Henneguy insiste
ensuite sur la nécessité d'observer les é-b-ments à l'état frais, et il
montre sur une cellule d'Eucliytrœus (fig. 92 i toutes les modilications
d'aspect que produisent les réactifs; à l'état vivant, a>pect vacuo-
laire; sous l'influence de l'eau, plasma bomogène avec granulations;
sous l'influence de l'acide acétique, aspect réticulé; sous l'influence
de l'alun, réliculum serré ; sous rinflucnce de l'alcool, gonllemenl.
Henneguy, tout en admettant que le protoplasma peut piésenter
des structures variées, ne paraît pas disposé à reconnaître l'exacti-
tude de la théorie granulaire ; il consitlère les granulations comme
<les produits de différenciation de la cellule. A la théorie alvécdaire
de Biitschli il objecte avec Herlwig que cette structure ne s'apidique
pas au noyau, puisque dans la division indirecte il se produit des
figures (voir nos figures 97 à 101) (jui ne se peuvent expliquer au
moyen d'alvéoles.
A l'étude du protoplasma se rattache celle des communications
proloplasmiques (jui existent entre les différentes cellules d'un même
animal ; ces connnunications, sous forme de lllameuls, ont été vues
chez les Rhizopodes, le Volvox et même annoncées par Sedgwick chez
le Peripate du Cap (Myriapode) chez des Céjdialopodes, des Poissons
et des Oiseaux.
Notons en passant combien ces faits ressemiilent peu à ceux ipie
les histologistes décrivent en ce nioiiieiil dans le systènu- nerveux,
où ils refusent toute communication protojdasmique entre les neu-
rones différents. Mais il faut attendre encore un [leu, avant de se
faire Uik; opinion sur les observations de Sedgwick.
Le noyau. — Son iiistoire a passé par à peu près les mêmes phases
<]ue l'histoire du protojtlasnui. l)écouv*'rt par Leuwenluek, il a été
longtemps décrit connue une petite vésicule close, limitée par une
membrane, contenant une substance semi-licpiidt; dans la(iut,'lle se
trouvent sus|)endus un ou deux corps (dus denses , le ou les
nucléoles. Il y a loin cb; cette constitution simple à celle qu'on
admet aujourd'hui, et (pie nous jiouvons résumer ainsi : le noyau
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE
507
possède une membrane, il renferme un suc nucléaire, et en plus
Irois éléments, le réseau de linine, la chromaline, les nucléoles ; la
1
Fig. 93. — Cellule du germe de truite. Première phase tle la division. Le
noyau, dont la membrane est encore intacte, renferme un peloton chro-
matique. A chacun de ses pôles se trouve une sphère attractive (d'après
les figures originales d'IIenneguy).
linine diffère de la chromatine par son peu d'aflinilé pour les ma-
tières coloi'antes.
Le centrosome est un élément figuré de la cellule, sur lequel ou a
Fig. 9i. — La iiiembraMC du noyau Fig. 95. — La mcndjranc du noyau a
a disparu aux deux pôles. I>es entièrement disparu. Le fuseau
rayons des asters pénètrent dans achromatique est à peu près cons-
rintérieur du novau. tilué.
beaucoup discuté : on est même loin d'un accord. Le centrosome se
voit nettement dans une cellule qui se divise ; aux deux pôles du
noyau on voit deux taclies claires, entourées de lignes rayonnantes;
508
ANALYSES
ce sont deux splièros ndraclives, qui contiennent rliarune à leur
centre le ceutrosonie, lequel exerce une action directrice sur les
4 5
m^^mm^^^m:
Fig. 96.
Stade dit de la plaque
équaloriale.
Fig. 97. — Les asters se sont dila-
tés et contiennent chacun deux
sphères attractives filles. La pla-
que équatoriale s'est dédoublée.
pliénomt-nes de division ; pour rappeler le rôle des centrosomes et
les modiiications du noyau pendant la division de la cellule, nous
6
Fig. 98. — Les s^^hèrcs attractives
filles sont plus dcvchqipces.
Fig. 99. — Le corps cellulaire
commence à se diviser.
reproduisons, d'après Henneguy, plusieurs figures représentant les
phases de division de la cellule de germe de ti^uite (fig. 93 et seq.)
En ce qui concerne l'origine du centrosome, certains auteurs pré-
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PUYSIOLOGIE
509
tendent qu'il est indépendant du noyau, d'autres le font provenir des
substances chromatiques du noyau, et en particulier des nucléoles.
Les premiei^s admettent en outre • — et parmi eux il faut citer au
premier rang Guignard — ({ue les controsomes se trouvent à l'état
permanent dans le protoplasnia de la cellule, pendant que celle-ci
est en repos.
La composition chimique de la cellule est encore peu connue,
malgré la richesse du vocabulaire eu ine ; la linine, \ii pyrénine, la
8
9
Fig. 100. — Deux noyaux sont
formés.
Fig. 101. — |Dans la cellule inférieure,
les sphères attractives occupent
leurs positions définitives aux
pôles du noyau.
paranucléine, etc., ne sont pas des substances chimiques définies; ce
sont des substances qu'on a distinguées d'après la manière dont elles
se comportent en présence de certaines matières colorantes.
Lei> produila de la cellule, qu'ils soient sécrétés ou excrétés, pro-
viennent pour la plupart de dédoublements du i)iotoplasma opérés
avec hydratation, et sans oydalion, peut-être môme avec réduction.
C'est seulement quand ces corps se transforment en produits plus
simples, eau, acide carbonique, etc., (^ue l'oxygène intervient
(d'après Delage) ; Y assimilalion de la cellule se fait au moyen de phé-
nomènes osmotiques et de réactions chimiques, ]»arnii lesquelles
sont des fermentations.
Le rôle du noyau dans la vie de la cellule a été interprété de
beaucoup de façons dill'érentes. Au début, ou attribuait au proto-
plasma toutes les fonctions vitales. Puis quand on découvrit la part
considérable que prend le noyau à la fécondation et à la division de
la cellule, on considéra le jirotoplasma comme une substance inerte
olO ANALYSES
et le noyau comme l'organe direcleur de la vie cellulaire : exagéra-
tion dont on paraît revenir aujourd'hui. Ce qui montre l'importance
du noyau, c'est son volume dans les cellules jeunes et en voie d'ac-
croissement, c'est aussi ce fait que lorsque les phénomènes d'accrois-
sement ou de sécrétion sont plus actifs dans une région de la cellule,
le noyau se rapproclie de cette région. De plus les expériences de
Klebs, Gruber, Nussbaum, Balbiani, Verworn ont montré que si l'on
divise une cellule ou un organisme unicellulaire en deux fragments
— opération (jui porto le nom de mérotomie — cdui des deux qui
contient le noyau peut d'ordinaire régénérer la cellule entière, et
continuer à vivre et à se diviser; l'autre, au contraire, est incapable
de vivre et de se reproduire. Enfin, les observations faites sur la
fécondation ont laissé croire que la tète du spermatozoïde qui
pénètre dans l'ovule femelle pour le féconder est formée essentielle-
ment d'un noyau cellulaire, que le père se rattache aux produits uni-
quement par le noyau, d'où les théories nouvelles de l'hérédité,
celle de Yiies et de \N'eissmann, qui localisent dans le noyau Vidio-
plasma, c'est-à-dire la portion du plasma cellulaire qui transmet les
caractères héréditaires. Mais des recherches récentes ont semblé
montrer (d'après Delage) que le spermatozoïde contient sûrement
un centrosome et peut-être même du protoplasma, ce qui ruinerait
la théorie précédente. On admet plutôt aujourd'hui que la vie cellu-
laire dépend d'un ensemble de relations mutuelles entre le noyau
et le protoplasma, et que ces deux parties ont une importance égale
dans les fonctions de la cellule et dans la transmission des caractères
héréditaires.
A. BlNET.
II. — RECHERCHES RECENTES SUR LA STRUCTURE HISTOLOGloUE
DES CELLULES NERVEUSES
1. BENDA. Ueber die Bedeutung der durch basiche Anilinfarben
darstellbaren Nervenzellstructuren. .Nemulogisches CenlialMall.,
1895, ji'J 17.
2. DOtilEl.. — Die Struktur der Nervenzellen der Retina. Aichiv f.
mikrosk. Anatomie, Bd. XIJ, Ht. 3, 1893.
3. FI,i:mM!N(;. — Ueber den Bau der Spinalganglienzellen bei
Saugethieren und Bemerkungen iiber den der centralen Zellen.
Aniiiv. r. jni>ki'. Aiialoiiiie, Itd. XLVl, III 3, 189o.
4. IJ:M1()SSEK.— Der feinere Bau der Nervensystems im Lichte
neusster Forchungen.
fj. Nl.'SSL. — Ueber die sogenannten Granula [der Nervenzellen.
Neurologisches Ceiiliaiii., 1894, ii'^^ 19, 21, 22.
6. NISSL. — Ueber die Nomenklatur in der Nervenzellenanatomie
und ihre nachsten Ziele. Neurolog. Centralb., 189li, n"* 2, 3.
]1IST0L0GIE, ANATOMIE Eï l'IlYSIOLOGIE ol 1
7. FLIEC-KE. — Zur Kenntniss der feineren Bau der Nervenzellen
bei Wirbellosen. Zcit-chr. 1'. \Vi~s. Zoul., lid. LX, lli :?, IsOii.
8. RODHH. — Ganglienzelle , Axencylinder , Punktsubstanz und
Neuroglia. Arcli. f. mikr. Analomie, Bd. XLV, Ht. 5, 1895.
L'inlioductionde laïuiHliodo d'iiiipii-gnatiou de (iul^i-Uainon dans
les recherches sur le système nerveux a jeté dans l'oiihli ki struc-
ture histologique des cellules nerveuses. Toute l'allention des nom-
breux investigateurs a été portée vers un seul et unique point, le
mode de terminaisons des prolongements des cellules nerveuses
(neurones de Waldeyer) en vue de déterminer les rapports entre
ces cellules. Et pendant que les nouvelles méthodes cytologiques
découvraient tout un mondi' à l'intérieur des cellules des différents
tissus, dans le domaine de l'histologie des cellules nerveuses on était
encore à l'ancienne conception de Max Schultze, suivant laquelle
toute cellule nerveuse possède la même structure typique et est
composée de fibrilles entre lesquelles se trouve la substance intei--
lihrillaire. A cette conception de la structure librillaire des cellules
nerveuses, confirmée par Ranvier, Kœlliker, AYalter, Leydig et autres,
s'opposait celle de la structure granulaii^e défendue par Key et
Retzius.
Ce n'est que depuis quelques années que l'on est revenu à l'iiis-
lologie de la cellule nerveuse. Les nombreux travaux de Nissl, Quer-
vain, Schaffer, Flemming, Kronthal, Dogiel traitant son anatomie,
leux de Hodge, Vas, Lugaro , Mann touchant à sa physiologie,
marquent cette époque. Et l'année 189o abonde particulièrement en
recherches hislologiques sur les eellules nerveuses. Flemming
reprend ses anciennes observations sur les cellules des ganglions
spinaux des mammifères, Dogiel sur les cellules de la rétine, >{issl
essaie d'établir une classiticafion des cellules nerveuses basée sur
leur structure histologiipie, Lenliossek traile lliislulogie des cellules
lies ganglions rachidiens et des cornes antérieures de la moelle,
IMliicke donne la structure de la cellule nerveuse chez les inver-
li'-brés. Pour compléter la liste des travaux de l'année 1895, nous
devons citer le travail de Benda et un travail qui occupe une place k
part, celui de itudlie. Dans ce travail, cet auteiii- l'oiuiiit encore des
|)reuves à rap])ui de l'idée singulière émise di''Jà ailleurs i[u'une
|iarlie du contenu des cellules nerveuses est constituée par les
lilaments névrogliques, et que ces lilaments se coiilinuent avec la
[lartie librillaire des cellules elles-mêmes, consi il iiaii! ce (pie l'auteur
appelle le « spongioplasma ».Ce spongioplasma ^ei (de sorte de char-
pente à la partie nerveuse [tropremeiit dite, ou « liyalo[ilasina » des
cellules nerveuses. Nous ne reviendrons plus à ce sujet.
L'impulsion aux nouvelles recherches histologiques du système
nerveux a été donnée par les travaux de Nissl. .NissI par l'apjjlica-
tion d'une nouvelle mélliod»; dans TiHude du sytènu- nerveux, nié-
ol2
ANALYSES
tliotle qui porte son [nom cl ijui consiste dans la fixation du tissu
nerveux par l'alcool (95 p. lUO) et la coloration avec les couleurs
basiques d'aniline, a démonti^é dans le cytoplasnia des cellules ner-
Fig. 102. — Cellule motrice (gruiipe sticliochrome).
(NissLg. (ira/itdu.)
C. a. cjliiidraxc; c. f. cori)usculc fusiforiiie ;' c. b. conc do liifurnalion : f. g. (ilaraeuls
granules. (Dans les dessins lOi à IOj, la subslaucc cliromophile csl iudiquéc eu uoir.)
veuses l'existence d'un nouvel clément constitué par des grains et
des corpuscules de formes et de dimensions diverses. Il a démon-
tré en outre que ces grains et corpuscules s'agencent de manières
variables dans les dillereutcs cellules uei'vcuses, opposant ainsi
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE
513
l'hétérogénéité de structure des cellules nerveuses à l'ancienne
conception de l'unité de cette structure. Ce nouvel élément du cyto-
plasma nerveux ayant la propriété de se colorer sous l'influence
des matières colorantes, a |élé appelé par NissI le plasma chromo-
phile, pour le distinguer de l'autre partie du cytoplasma, partie sans
structure et non colorahle. Nissl s'occupe spécialement du plasma
Fig. 103.
Cellule du ganglion spinal (groupe slichochromc).
(NisSL,;. Granula.)
cliromopliile des cellules nerveuses. Ce plasma , coninn; nous le
savons déjà, apparaît sous foimes des grains et de corpuscules (Plas-
mascliollen) , c'est-à-dire de particules plus considérables de la
substance chronn>itiiile.
Les grains apparaissent taiilôt isob'-s, taiilùt réunis en amas ou
prennent une disposition lilanicnti-use (lig. 102). Les corpuscules re-
vêtent des formes très diverses. Le plus souvent ils sont fusiformes ou
triangulaires, parfois ilsoccupent des espaces très graiuls formant une
sorte de calotte j)our le noyau (KiTnI<;i|>|)en) ou des cônes à l'i-ndioil
de bifurcation du cori)S celluhiire ( Vi-i/.weigungskegidj (lig. 102 et 104).
Les grains, les (ilam<;nts granulaires, les corpuscules se présentent
ou séparément ou mêlés ensemble dans les mêmes cellules, ils soni
indépendants ou se réunissent pour former un réseau (lig. 105 et I06i.
ANNÉE PSYCUOI-OiaoïF. H. 33
514
ANALYSES
Nissl a remarqué que cerlaines formes du plasma chromophile sont
liées à certains groupes de cellules neiveuses et dans son dernier
travail il a fait un essai de nomenclature et une classiiication des
cellules nerveuses, basée sur la structure de leur plasma cliromo-
pliile. Il dislingue quatre grands groupes de cellules nerveuses, le
c. n.
Fig. 104.— Grande cel-
lule de la corne (rAiii-
uion (groupe sticlio-
crouie).
{Nissl 5. Granulu.)
c. n. Calotte du no\nu.
Fig.lOô.
Cellule olfactive (groupe arkyochrome).
(Nissl 5. Granulu.)
giouiie des cellules arkijochromes à plasma (•liromo])liile formant
unréseau (tig. 105) ; le groupe des celluh's s//c/toc/tro?«es dans loS(iurllt!S
ce plasma forme des l)âlonnels réguliers (tig. 104); le groupe des cel-
lules arbjoslichochromcs dans lesquelles les itdlonnets des cellules pré-
cédentes s'ajoutent au réseau (lig. 106); eulin le groupe des cellules
;/ryochromes dont le [dasma cliromopliile présente de simples grains.
Les plus nombreuses sonl les cellules sticliochromes, el parmi celles-
ci, se dessineul quatre lypes ditï'érenls suivant rugcncemenl de leurs
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE
515
liàionnets chromophiles : le type des cellules motrices (fig. 102), le type
des cellules de la corne d'Ammon (fig. lOi), les cellules des ganglions
spinaux (fig. 103), enfin les cellules corticales. L'auteur connaît un
seul type des cellules arkyosticlio-
chromes, c'est celui des cellules de
Purkinje (fig. 106) ; parmi les cellules
gryochromes il n"a pu reconnaître
aucun type. Trois types ditïerents
réalisent les cellules arkyochromes :
les cellules olfactives (fig. 103) et les
cellules répandues dans tout l'axe
cérébro-spinal ; parmi les dernières
il y a les cellules à réseau très
épais, que Nissl appelle ampharkyo-
chromes pour les distinguer des
autres appelées enarkyocliromes.
Tous ces quatre groupes de cel-
lules, vu le développement assez
marqué de leur corps cellulaire,
reçoivent le nom de cellules soma-
tochromes. Car il y a des cellules,
comne celles de la couche granu-
leuse du cervelet, celles de la subs-
tance gélatineuse de Rolando, dans
lesquelles le corps cellulaire est
presque invisible. Les premières,
Nissl les appelle cellules cylocliro-
mes, les secondes karyocbromes.
Ainsi a un type » de cellules ner-
veuses d'après Nissl est un ensemble
de cellules dont l'uniformilé de
structure correspond à la siniili-
lude de fonctiou, ri .Nissl a déjà
reconnu buit de ces types. Mallicu-
reuscment un seul de ces types a
une fonction déterminée, c'est celui
des cellules motrices.
Deux types de cellules de Nissl :
celles du type moteur et celles des ganglions spinaux ont été recon-
nus par Lenbossek et Flemming. Ces deux auteurs oui particulière-
nieiiL étudié la structure du pioloplasma de ces dcmx catégories de
cellules. Flemming a constaté non seulement la difl'érence diins la
disposition de leur plasma cbromopbile, mais encore une difïerence
dans celle d'un auln; élément du cyto[)lasnia nerveux dont Nissl ne
s'occupe pas du tout et (jue Lenbossek ne veut pas reconnaître, les
fibrilles. Ces fibrilles, courtes, à parQjurs sinueux dans les cellules
Fig. lOt). — CeUide de Piukinje
(groupe ;u'kyoslichochroiiie).
(N1SSL5. Grcuiida.)
516 ANALYSES
ganglionnaires, prennent une disposition linéaire et parallèle dans
les cellules des cornes antérieures d<' la nidrlle. Lciiliossek pousse la
différence entre les deux catégories des cellules en question beaucoup
plus loin que ne le font les deux autres auteurs. Car tandis que pour
ceux-ci les cellules centrales et les cellules gangliounaiies se distin-
guent surtout par la disposition de leurs corpuscules chromopliiles,
pour Lenhossek les éléments chromopliiles des premières n'ont rien
de commun avec ceux des secondes. Les grands corpuscules des cel-
lules centrales, dit-il, ne peuvent être comparés aux Unes granula-
tions des cellules ganglionnaires, Fleniminga démontré que les obser-
vations de Lenhossek tout en étant exactes sont loin d'être complètes:
car chez les lapins et les chiens les éléments chromophiles des cel-
lules ganglionnaires sont assez grands [tour mérilei'b- nom de corpus-
cules au même titre que les particules des cellules centrales.
Benda et Dogiel n'admettent pas les types cellulaires de Mssl.
Benda est d'accord avec Nissl que la structure des cellules ner-
veuses change suivant la région qu'elles occupent, seulement il
n'admet pas le « type » cellulaire dans le sens de Nissl, type devant
être l'expression d'une dilléreiiciation fonctionnelle ; car même dans
un type aussi caractéristique que celui des cellules des cornes anté-
rieures, Benda reconnaît la structure réticulaire; et les cellules des
cornes postérieures ont suiv.,iiit lui la même structure que les cel-
lules motrices,
iJûgiel attaque la tiiéorii; do Nissl d'une toute auti'e manière.
Presque tous les auteurs cités jusqu'ici se servaient sinon exclusive-
ment au moins entre autres de la méthode de Nissl, Dogiel a observé
les cellules nerveuses de la rétine à l'état vivant au moment où elles
se colorent par le bleu de méthylène, et il a constaté (jue certaines
d'entre elles prennent plus de temps pour se colorer, les autres se
colorant plus facilement. C'est ainsi (piil a eu sous les yeux à la fois
les cellules aux différents moments de leur coloration et il a
reconnu trois périodes dans l'acte de la coloration, chacune mettant
en évidence une autre [lartie constitutive du cytoplasma nerveux.
La première période est caractérisée par l'apparition dans le proto-
plasma des grains lins qui d'abord n'ont aucune disposition régu-
lière, et qui peu à peu laissent voir leur agencement linéaire, de
sorte que l'ensemble preml un aspect fibrillaire à libiilles variqueuses.
Bientôt cet aspect dis[)arait, les grains lins se tassent en des grains
de dimension plus grande. Cette période, Dogiel la désigne par le
nom de période de grains (Cran'ula-Periode),
La seconde période commence lorsque les grosses granulations
se réunissent pour former les corpuscules (Plasmaschollen) très
serrés autour du noyau, disposés plus librement au bord des cel-
lules. A la même période apparaît le second élément du contenu
cellulaire, les lihrilles. Klles sont longues, nettement visibles au
bord des cellules où l'on voit comme elles passent d'un [irolonge-
UISÏOLOGTE, ANATOMIK ET PHYSIOLOGIE 517
ment cellulaire dans un aulre. Cette période est appelée par Dogiel
période des corpuscules et des fibrilles (Période der Schollen und
Faden).
Enfin pendant la dernière période de la coloration la substance
fondamentale apparaît colorée d'une manière plus ou moins intense,
masquant toutes les autres parties constitutives du cytoplasma. Cette
apparition progressive de presque toutes les formes sous lesquelles
se montre le plasma cbromophile, formes qui pour Nissl servaient
de caractères distinctifs pour établir les difi'érents types cellulaires,
Dogiel l'a observée dans toutes les cellules de la rétine et du système
sympathique et il conclut que ce phénomène doit être général pour
tout le système nerveux. De là Dogiel émet l'opinion que toute clas-
sification des cellules nerveuses fondée sur la structure du plasma
chi'omophile est encore prématurée.
De toutes ces recherches se dégage un point de valeur biologique
générale, c'est la constitution du cytoplasma des cellules nerveuses;
tous les auteurs cités, Lenhossek excepté, sont d'accord sur l'exis-
tence de trois éléments dans les cellules nerveuses : la substance
cbromophile, la substance fondamentale et les fibrilles. Le désaccord
commence à propos de la structure et du rapport entre ces éléments.
Tandis que d'après les uns la substance cbromophile peut revêtir des
formes et des dimensions différentes, granules, grains, corpuscules
(Nissl, Lenhossek), suivant les autres toute particule de la substance
cbromophile procède d'une plus ou moins grande accumulation de
fines granules dont l'agencement donne les formes variées (Dogiel),
et ces formes peuvent apparaître successivement dans les mêmes
cellules, comme conséquence peut-être de l'activité cellulaire, d'où
il résulte que les différents types des cellules nerveuses établis par
les premiers sont contestés par les seconds.
Il me semble que la disposition des particules chromophiles est
plutôt liée à la forme de la cellule qu'à sa fonction. Je dirai même
davantage, la disposition des particules chromojdiiles dépend du
nombre des prolongements des cellules ainsi que de la manière
dont ils naissent sur le corps cellulaire. Il suffit de jeter un coup
d'cril sur les dessins de Mssl pour s'en apercevoir (comparez lig. 102
t't 103, 104, lOo, 106). Il est vrai que certains groupes cellulaires rem-
plissant probablement la même fonction ont invariablement la même
forme; ils auront évidemment la même structure de plasma cbromo-
phile. Cela n'emj)êche pas qu'une cellule d'un groupe différent
affectant la même forme ne puisse avoir la même structure, nu vice,
versa, ce que j'ai eu l'occasion d'observer dans les cellules du raphé
de la moelle allongée des sélaciens. Ces cellules a[»partiennent au
type moteur de Nissl, mais comme elles offrent des formes très
variables, tantôt éloilées, tantôt bipolaires ou autres, la disposition
de leur plasma chromo[)liile change en conséqu(;nce. Il ne manque
cependant pas de cellules dans lesquelles le plasma cbromophile ne
51 8 ANALYSES
prend aucune dispositiou particulière, li.'urs pari icules étant iiidil-
féremment dispersées dans le corps entier. La disposition des parli-
cules chromopliiles serait-elle liée avec un certain état de fonction-
nement des cellules, comme le suppose Doctiel? dépendrait-elle de
la direction du courant nerveux"? Il est difficile dans lélat actuel
de nos connaissances d'émettre une opinion à ce sujet.
Cependant les faits constatés par Dogiel pour les cellules de la
rétine que seuls les petits granules ont une individualité propre et
que les grains ne sont que l'accumulation des premiers et ainsi de
suite, ne peuvent pas être généralisés. Il n'est pas difficile d'observer
que la substance chromopbile dans les cellules centrales prend des
formes et des dimensions différentes : il y a par conséquent des
granules, des grains et des corpuscules de cette substance pré-
sentant des unités indépendantes sans être toujours des conglomérats
de granules. Ces trois éléments peuvent former des composés plus
ou moins complexes comme les grands corpuscules des cellules des
cornes antérieures, les calottes de noyau, les cônes des endroits de
bifurcation, etc. C'est peut-être la formation de ces derniers qui est
liée avec l'état de fonctionnement de la cellule. Les expériences
physiologiques (Lugaro, Vas) ne disent rien à ce sujet. Les expé-
riences pathologiques démontrent au contraire que tout changement
j)athologique dans les cellules nerveuses se trahit par le changemr'iit
dans l'agencement de leurs jjarticules chromopliiles (Nissl).
L'accord n'existe pas non plus, quant à la structure des fibrilles :
la plupart des auteurs qui les ont observées (Benda,Flemming) nient
leur continuité, ils supposent plutôt l'existence des courtes fibrilles,
à parcours sinueux ou linéaire suivant l'espèce de la cellule (Flem-
ming). Dogiel seul reste à défendre les longues fibrilles de Schultze
traversant le corps cellulaire pour se rendre dans ses prolongements.
Elles sont, d'après lui, très fines et ont un parcours très capricieux.
C'est peut-être ce dernier détail qui est la cause de divergence
entre les auteurs : Dogiel observait les cellules entières, les autres
auteurs les coupes des cellules.
Quant au rapport entre les corpuscules et les libiillts, picsque tous
les auteurs cités se sont exprimés pour riiulépend.incc de ces deux
éléments. Il n'en est pris de même pour l'iliicke.
Pour cet auteur les lilaments et les grains l'ont un lout commun.
Pflûcke a fait des recherches sur les cellules nerveuses des inverté-
brés. Ici les corpuscules du plasma chromophile jn- piciuiciil ]>as
ces dispositions variées qui caractérisent les cellules des vertébrés.
Chez les invertébrés (crustacés, insectes) ils sont épars dans la
«substance fondanienlale et dans le corps cellulaire ; ils se réunissent
entre eux par des filaments, jmis |Miurfniiiicr un réseau visible, sur-
tout autour du noyau. IMliicke a constaté en outre que ce réseau
entre en rapport avec le réseau niudéaire. Dans la-couclie péri]dié-
rique des cellules ainsi que dans leurs prolongements les corpuscules
mSToLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 519
prennent une disposition lini'aiie. Elant fusiformes dans la plupart
des cas, l'ensemble donne l'aspect lilamenteux à filaments i>erlés.
La substance dite fondamentale des auteurs est considérée comme
sans structure. Lenhossek lui attribue une structure alvéolaire, Benda
uvoue son ignorance à ce sujet ; il est loin cependant d'admettre
«{u'flle n'ait aucune sirncinre; au contraire, suivant lui, elle doit en
avoir une, seulement les n'-aclifs employés Jus(ju"ici n'ont pas pu
révéler ses détails.
Quand on définit la cellule nerveuse, on met tout d'abord en évi-
dence son rapport avec le cylindraxe de la fibre nerveuse et on
parle de ses prolongements ramifiés. Aujourd'liui on est plus caté-
gorique : la cellule nerveuse, appelée neurone, est une cellule qui
émet deux sortes de prolongements, un prolongement cylindraxile,
ou Axone, et un ou plusieurs prolongements protoplasmiques ou Den-
drites. Le rôle du premier est reconnu depuis longtemps, ce qui n'est
pas le cas pour les seconds ; on discute encore pour savoir s'il faut
(jonsidérer les prolongements dendritiques comme organes conduc-
teurs des excitations nerveuses (Kamon y Cajal, Van Gebucliten)
ou comme simple expansion du protoplasma cellulaire en vue d'aug-
menter la surface excitable (Lenhossek), ou enfin comme organes
nulrilifs (Golgi). La connaissance de la structure intime de ces pro-
longements pourrait peut-être porter quelque lumière sur ce sujet.
Tous les auteurs sont d'accord que la structure des dendrites est
la même ({ue celles des corps cellulaires. Donc pour ceux qui ad-
mettent l'existence des librilles, trois éléments entrent dans leur cons-
titution : la substance chromophile, dont les corpuscules ont ici une
forme allongée, la substance fondamentale et les librilles qui pren-
nent ici une disposition linéaire. Les corpuscules chromopbiles sont
•seulement moins nombreux qu'ils ne sont dans le corps cellulaire.
Dans le prolongement cylindraxile les mêmes auteurs, Dogiel
■excepté, excluent la présence de la substance chromophile : ce pro-
longement serait donc constitué par la substance fondamentale et
les librilles, de là la naissance conique de ce prolongement qui
tranche d'une manière très nette sur le corps cellulaire. Pour Dogiel
le cylindraxe n'est [las dtqiourvu de la substance clnomophile, etcel
auteur s'exprime d'une manière catégorique pour l'unité de struc-
ture du neurone entier. La seule différence qui existe, suivant lui,
•entre les trois parties du neurone consiste dans le rapport entre les
éléments constitutifs de leur contenu : la substance chromophile
est la plus abondante dans h; corps cellulaire, la substance fonda-
mentale prédomine dans la naissance conique de l'axone, et les
librilles dans le cylindraxe môme ; dans les dendrites on trouve un
peu de tout. Benda signale un cas où il a observé les corpuscules
<;hromophiles dans l'axone : c'est à la naissance des collatérales du
<:ylindraxe des cellules pyramidales. Nous les avons observés aussi fré-
rfjuemment dans les axones des cellules motrices de la moelle allontré-e.
520 ANALYSES
La stiucluie de deux sorles de prolongements dey cellules ner-
veuses ne lévélant pas entre eux de diflérences morplioloi.'iques
l'ondamentales amène à la conclusion que les diflérences physio-
logiques ne doivent pas exister non plus. Seulement, comme l'axone
est souvent destiné à porteries excitations jierveuses à une grande
distance, la fonction spéciale, nerveuse, a prévalu chez lui sur les
autres ; de là sa difl'érencialion morphologique, sa structure presque
exclusivement fibrillaire.
Il reste encore à ]iarler du noyau. Seuls Lenhossek et .Nissl en
parlent dans leurs travaux. Ils lui reconnaissent la,structiu-e com-
mune au noyau des cellules de tous les autres tissus, réseau de
linine, suc nucléaire, grains cliromopliiles, membrane nucléaire,
nucléoles, etc.
AVaisda Sczawinska,
Docteur es sciences.
m. — ACTIVITE FONCTIONNELLE DES CELLULES NERVEUSES
1)EM00R (Bruxelles). — Mouvements amiboïdes des prolongements
des cellules nerveuses. Congrès de Berne (1895)
Chez des chiens soumis à de fortes doses dt; chloral et de jnor-
jdiine, les cellules nei^veuses, étudiées par la méthode de Golgi,
montrent <les prolongemenis iiKUiilirormes, aiiahigues à ceux f[u'on
observe dans les pseudoi)0(les d'amiltes soumises aux narcotiques.
Les cellules neiveuses des ganglions auraient donc la propriété de
mouvoir leuis j)rolongements.
MATJIIAS DIVAL. — Hypothèses sur la physiologie des centres
nerveux; théorie histologique du sommeil. (Stic, de lîiol., l,S".t.T, |).74.i
LKPINE (R.). — Théorie mécanique de la paralysie hystérique, du
somnambulisme, du sommeil naturel et de la distraction. (C. H.
Soc. de liiol. 18'j:;. jt. Hii.)
.MATHIAS DIVAL. — Remarques à propos de la communication de
M. Lépine. (C. R. Soc. de BioL, 1895, p. 8()).
Mathias Duval, lappelaiit (pie \Viedersheiiii a observé îles mouve-
ments amiboïdes sur les cellules nei'veuses du cerveau de la Lepto-
dera hyalina, se demande si le^fail de ramihoïsme des cellules et
des prolongemenis nerveux ne doit pas être admis d'une façon géné-
rale. Le neurone cérébral, avec ses ramilicalions, serait comparable
à une amibe avec ses pseiulopodes, et ces ramilications pourraient
s'allonger ou se jt'tracter sous des intluences diverses comme les
|)seudopodes des amibes, d'où contif/uïté plus ou moins intime des
neurones cérébraux. Dans le sommeil les ramitications cérébrales du
neurone seusitif central seraient à l'état de rétraction. Les phéno-
HISTOLOGIE, ANATOMIbî ET PHYSIOLOGIE 521
niriies d'inhibilion, les troublf'S do riiystéiie houveiaieni aussi leur
explication dans ces niouvemenls amiboïdes des neurones. Je rappel-
lei'ai à ce propos que la contractililt' des cellules nerveuses avait déjà
été admise par Urd.
Lépine rappelle que dans la Revue de médecine d'août 1894 il a
déjà émis l'hypotlièse que les anestiiésies sensorielles et sensitives et
les paralysies motrices des byslériques résulleraient de défaut de
contiguïté parfaite, entre les ramilications des cellules. 11 en serait
de même du sommeil naturel. Il fait remarquer en outre que les
diverses variétés de somnambulisme s'expliqiuMit assez bien avec la
même liypotbèse.
H. Heacms.
E. LLdARO. SuUe modificazioni délie cellule nervose nei divers!
stati funzionali. [Les modifications des cellules nerveuses dans
divers étals fonctionnels.) Lo Sperimentale, XI.IX (extrait).
Dans ces dernières années, on a fait beaucoup de reclierches pour
connaître les moditication matérielles que présentent les cellules
nerveuses à la suite de difiV'ientes excitations. Beaucoup d'expéri-
mentateurs, lialbiani, Verworn, Bruno Hofer se sont adressés de
préférence aux mi(.'ro-organismes, rliizopodes, infusoires, etc., dont
on peut étudiei' la structure à l'état vivant sous le microscope.
D'autres auteurs ont suivi une voie différente; ils ont soumis à leurs
expériences des animaux élevés en organisation (crustacés, batra-
ciens, oiseaux, mammifères) ; cliez ces animaux, ils ont produit
pendant une longue durée une excitation artificielle de certains gan-
glions nerveux ; puis, sacrifiant l'animal, ils ont disséqué le ganglion
sur lequel avait été faite l'expérience ; ils l'ont fixé, coupé en trancbes
miui-es, colon*, et étudié au microscope, en le compai'ant à un
ganglion symt''lri(iu(' du même animal, ou à un ganglion similaire
d'un autre animal, afin de savoir si les excitations répétées avaient
piodiiit dans les cellules nerveuses un effet visible. On a porté l'at-
tt'niion sur la coloiabilité des ccllnles et sur leur diamètre; Xissi,
étudiant le noyau d'oiigine du facial croit conslaler (jui' les celluh's
nerveuses j)risf'S à l'état di' repos se colorent faiblement, tandis ({ue
les ctdlules nn vru>es qui sont é'puisées ]iar unr trop giaiidi- aclivitt'
lixentavec intensité les matières colorantes. Vas, a[)rès avoir étudié
les effets des excitations sur les cellules dii sympat!ii([ue, arrive
aussi à cette conclusion i]ut' l'activitc' de la cellule ])rodiiit nmi aug-
mentation de sa subslam r rlirniii,ili([ue. Hodge constate au contraire
que le protoplasma de la (■rlliilc nerveuse, après une excitation élec-
trique prolongée, se teint faiblement. On n'est pas mieux d'accord
sur les cbangemenis de volumi- ih'-:^ cellules nerveus(;s. Nissl admet
(ju'elles diminuent de volunir pendant leur état d'activité ; Vas
trouve ({u'après des excilaliims f.iiblrs duraiil nn iiuaii d'Iiruic, \r
522
ANALYSES
corps collulairc autimonlo d'un licis; Hodi:»^ conslalo do son côté
que dans les ganglions spinaux du chat excites pendant plusieurs
heures, et dans le cerveau des mammifères et oiseaux en état de
fatigue, les cellules nerveuses diminuent de masse, et leur proto-
plasma se cx-euse de vacuoles. Tout récemment, G, Mann reprend
les expériences de Vas sur le sympathique, et en institue de nou-
velles sur la rétine du chien, afin de se rendre compte de la contra-
diction existant entre les résultats des précédents expérimentateurs.
Ses conclusions sont que la suhslance cliromatique (ou appelle de
ce nom la substance qui est contenue dans le noyau et lixe la
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Fig. 107. — Courbes des dimensions du corps cellulaire (à gauche) et du
noyau (à droite) dans un ganglion normal (ligne épaisse) et dans un
ganglion excité pendant trois heures (ligne fine).
En abscisse sonl portées les dimensions en millièmes de millimèlres ; en ordonnée sont
indiqués les nombres do cellules avant les dimensions indiciuécs. Exemple : <raiirès le gra-
|iliii|uc de gauche, 40 cellules avaient une dimension de II millièmes de millimètres l}:an-
glioii non excité; et 40 avaient une dimension de lo millièmes de millimètres ganylion excité).
matière colorante) s'accumule pendant l'état dr repos, et se dépense
pendant Taclivih'' ; l'adivil»' cclhilaiic est accoiii|iagni'(' d'une aug-
mentation de volume du corps cellulaire ; (juaiid l'activité est poussée
jusciu'à la fatigue, le cor])S cellulaire et \r. noyau diminuent de
voliune. On comprend par consétiuent que Hodge et Vas, se plaçant
dans des conditions expérimrnlalcs différentes, aient abouti à des
effets contraires.
E. Lugaro a repris et confirmé d'iuie manière gém'rale les obser-
vations de G. Manu, en y ajoutant (luehiues compléments et correc-
tions qui ne manquent i)as d'intérêt. Il a étiulié le ganglion cervical
du sym|ialbi(|uc. Il observe d'abord (juc jiour obtenir les cellules
nerveuses à l'état de repos, il ne faut pas disséquer le ganglion sur
1 animal vivant, parce que celte dissection ixnit produire une iiiitation
HISTOLOGIE, AXATOMIE ET PHYSIOLOGIE
523
qui éveille ractivité des cellules; l'immersion des cellules vivantes
dans l'alcool, pour les fixer, produit aussi le même eflel; il faut faire
mourir rapidement l'animal par le cliloroforme, et n'enlever le gan-
glion que plusieurs heures aprèsla mort, quand la mort a atteint toutes
les cellules. On obtient, grâce à cette précaution, un ganglion ner-
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Fig. 108. — Synthèse des modifications rencontrées ù diiférentes périodes
d'excitation dans la grandeur du corps cellulaire [ligne épaisse) du
noyau (ligne fine) du nucléole (ligne pointiliée).
La dur(''e de l'excitation est marquée sur l'abscisse, la valciir de raugmculaliou de
volume est portée sur l'ordonnée.
veux pris dans un <'lal idi'al de repos. (Nous nous demandons seule-
ment à ce profios si la cidlule nerveuse en mourant ne s'altère pas
et ne change pas de forme et de grandeur.) Il faut maintenant
mesurer au micromètre la grandeur des cellules, et cette mesure
présente bien des chances d'erreur, puisque , dans un même gan-
glion, les éléments ont un diamètre variant de 5 à 40 millièmes de
de millimètres. L'auteur s'est astreint à n'opérer aucun choix parmi
les éléments qu'il a trouvés sous son microscope, et à mesurer,
pour chaque ganglion 1000 cellules dans leur plus grand diamètre,
o24 ANALYSES
afin d'arriver à des moyennes sérieuses. II a constriiit avec ses
résultats des graphiques selon la méthode en séiie, dans lesquels
l'abscisse exprime les dimensions des cellules, et l'ordonnée la fré-
quence relative des cellules de grandeur délt-rminée. Voici quelques-
uns des résultats numériques mis en lumière par cette méthode. En
comparant un glanglion mort en place et un ganglion détaché par
vivisection sur l'animal vivant, on trouve que les cellules de ce
dernier sont plus petites de 4,95 p. 100. Les excitations électriques
ont été produites en plaçant les électrodes à une distance de 3 cen-
timèti^es du ganglion; l'état d'activité était contrôlé par la dilatation
de la pupille; ces excitations produisent une augmentation de dimen-
sion d'abord, durant pendant la première demi-heure ; à la suite il
y a une diminution de volume. Au bout de cinij minutes, augmen-
tation de 6,69 p. 100 ; après ini quart d'heure, l'augmentation est
déjà moindre, elle est de 4,85 p. 100; après une demi-licurr, de
3,1 p. 100. Après une heure, diminution de 0,84 p. 100 ; après trois
heures, diminution de 1J,d ]>. 100; après six heures, 16,53 p. 100.
Ces chiflres se rapportent au corps cellulaire seul; le noyau et les
nucléoles participent également aux variations de volume, chacun
de ces éléments dans une mesure particulière; ainsi les augmen-
tations de volume sont jilus marcpiées pour les nucléoles (pie pour
le noyau, comme le montrent la ligure 107 relatant létal des cellules
d'après la méthode indiquée plus haut et le graphiiiue 108 résumant
un très grand nombre d'expériences. L'auteur attribue la dimi-
nution de volume à la fatigue; mais peut-être aurait-il dùdf'monfrer
directement cette fatigue, en donnant dans son travail les variations
pupillaires des animaux en expérience.
(le travail nous paraît intéressant et consciencieux quoique les
méthodes auxquelles ont est obligé jusqu'ici d'avoir recours pour
évaluer les modilications de volume des cellules soient si compliquées
et si détournées qu'elles doivent contenir plusieurs causes d'erreur.
A. Bl.NKT.
<;. MAdlM. — L'orientation des nucléoles des cellules nerveuses
motrices dans le lobe électrique de la torpille, etc.. An h. il. biol.,
I. XXII. Février 1894.
.Magini a observt' (jue dans les grandes cellules nerveuses du lobe
électriqTie de la lor|tille adulte, vivisectionnée, le noyau est toujours
excenlriijue et orienté veis le prolongement nerveux, et le nucléole
est lelh-nient ih'qilacé de sa ])osition centrale de repos qu'il se trouve
toujours en contact avec la surface interne de la membrane du
noyau, laquelle par ce fait se trouve souvent en jtartie soulevée.
Mais si on laisse Uiourir la torjiille tranquillement hors de l'eau, les
imcléoles se présentent au centre des noyaux ou en position excen-
trique très variée, mais jamais accentuée de manière à ce qu'ils
HISTOLOGIE, ANAÏOMIE ET PUVSIOLOGIE 525
touchent la membrane du noyau; ils ne sont pas orientés vers les
nerfs électriques. Dans les cellules des torpilles très jeunes, qui
ne donnent pas encore des décharges, le nucléole est central. Sur
ces faits Magini a hâli une hypothèse : l'excitation produit un déplace-
ment du nucléole vers le prolongement nerveux de la cellule, le
nucléole en se déplaçant produit une compression sur le point
d'origine des fibrilles axiles, qui par cela même sont excitées méca-
niquement. Ainsi les impulsions psycho-motrices pourraient être
considérées comme le produit d'une excitation mécanique due au
déplacement du nucléole.
Cette hypothèse ne nous semble pas fondée sur des données suffi-
santes, car le déplacement des nucléoles n'est pas un fait ({u'on
puisse absolument généraliser. Dans les cellules ganglionnaires du
sympathique excitées 'même longuement on n'observe jamais de
déplacements caractéristiques dans les nucléoles ou les noyaux. A
propos de ces cellules on peut ajouter qu'il n'est pas facile de conce-
voir une action de leurs nucléoles sur leurs prolongements nerveux,
parce que, tout en ayant un seul prolongement nerveux, elles ont
très fréquemment deux noyaux avec plusieurs nucléoles qui n'ont
pas d'orientation spéciale par rapport au prolongement nerveux.
L'hypothèse de Magini, au lieu d'expliquer et de coordonner les faits,
introduit de nouvelles inconnues dans les problèmes. On ne com-
prend pas le but biologi(iue de la transformation de l'onde nerveuse
afférente en un mouvement mécanique et la transformation de ce
mouvement en onde nerveuse efférente, et on ne connaît pas le
mécanisme de cette transformation.
]a' déplacement du nucléole que Magini a constaté dans les cellules
du lobe électrique dv. la torpille reste donc un fait isolé, qui ne nous
pei-met aucune conclusion sur les fonctions générales de cet élément.
E. LUOARO.
ROXr.OUOM. — Un nuovo reperto nel nucleo délie cellule nervose.
[Un nouveau détail du noijaa des cellules nerveuses.) H. Accad.
med. Turin, juin 189u.
Le bleu de métiiylène dans une solntion de borate de soude et
d'autres réactifs munirent (pie certains noyaux d»;s cellules pyra-
midales présentent une ligne bleue, allant d'un pôle à l'autre du
noyau et située sur sa surface. Est-ce un plissement de la couche
superficielle du noyau ?
M. VEUWOUN. — AUgemeine Physiologie (physiologie générale)
1 v<d., iu-Ho, 384 p., 2G8 lig. léiia, 189u. "
Presque simultanément ont paru en Fiance et en Allemagne deux
traités consacrés presque au même sujet, ce sont celui do Delage
02b ANALYSES
et celui de Verwoi n ; tous deux contiennent des éludes sur la vie
cellulaire et sur différents phénomènes vitaux; un caractère général
les distingue : Delage porte son attention particulière sur les diffé-
rentes théories, il suppose chez son lecteur une connaissance de
nombre de faits que Verworn rapporte avec tous les détails ; en
somme les deux ouvrages se complètent et forment par leur en-
semble une œuvre capitale sur la cellule et les phénomènes biolo
giques.
Une physiologie générale doit être, dans l'état présent de la science,
nous dit M. Verworn, une physiologie de la cellule. Les problèmes
de la physiologie consistent à étudier les phénomènes de la vie ;
pour le faire il faut d'abord pouvoir distinguer les organismes vivants
des organismes morts, d'où la première question : présenter ui>
critérium pour pouvoir faire cette distinction; le deuxième pro-
blème, plus important que le précédent, consiste à rechercher les
principes de la vie ; la physique et la chimie en expliquant les diffé-
rents phénomènes et en remontant aux causes premières ramènent
tous les phénomènes à la matière et au mouvement; peut-on ramener
les phénomènes de la vie aussi à ces mêmes principes ou bien est-il
nécessaire d'introduii^e des principes nouveaux ?
La physiologie ayant pour but d'expli({uer les phénomènes de la
vie, c'est-à-dire de rechercher leurs causes élémentaires, de les mettre
dans des rapports de causalité les ims avec les autres, enfin de
voir si ces causes premières sont les mêmes que pour le monde
inorganique, il est naturel de se demander ce qui a été fait jusqu'ici
dans celte direction. On a déciit les différents phénomènes, on
connaît certaines propiiétés, mais on est loin d'être arrivé aux
causes dernières ; on sait par exemple que telle glande donne telle
sécrétion, une autre nourrie du même sang, donne une autre sécré-
tion, mais le pourquoi, on ne le sait pas. D'où vient la contraction
des cellules musculaires ? que se passe-t-il dans la rétine, dans h^
nerf oculaire et dans le cerveau lorsqu'un point de la rétine est
éclairé? Voilà des ([uestions qu'on ne sait pas encoi'e résoudre.
Mais peut-on an moins espérer les résoudre un jour ? On arrive
ainsi à la question des limites de notre connaissance de la nature.
L'auteur expose l'opinion de Du Bois-Raymond, d'apiès lequel les
sciences naturelles ont pour but de ramener tous les phénomènes à
des mouvemenis d'alomes, un atome étant de la matière douée d'une
force, mais la nature de l'atome reste et restera inconnue ; un»;
deuxième limite de notre connaissance est le rapport du psychique
avec le pliysique, on ne pourra jamais remplir le passage des mou-
vements d'atomes à des processus conscients.
L'auteur soumet ces opinions à une critique, il essaie de nionlrer
par des spéculations mélapjiysiques sur le monisme qu'on ne peut
pas assigner de limite à notre connaissance de la nature, et que
toute élude de la nature se ramène en dernier lieu à la psychologie ;
UISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 527
cette dernière a pour but de décomposer les difïerents phénomènes
psychiques pour pouvoir remonter des j^rocessus psychiques élé-
mentaires aux phénomènes psychiques complexes ; la mélhode de
la psychologie est rinlrospection ; il n'y a pas de limites i^our notre
connaissance de la nature, nous dit l'auteur.
La physiologie s'est contentée jusqu'ici surfout de l'étude grossière
des phénomènes de la vie; maintenant « qu'il n'y a plus à attendre
de découvertes imporlantes dans cette direction » elle doit chercher
à étudier les phénomènes de la vie là où ils naissent, c'est-à-dire
dans la cellule, elle doit donc devenir une j^hysiologie de la cel-
lule.
Avec le deuxième chapitre (p. 58-141) nous entrons dans le sujet
même de l'ouvrage, il a pour litre « de la substance vivante ».
L'auteur parle d'abord de la composition de la substance vivante -
il faut commencer par définir ce que l'on appelle individu orga;
nique : un individu organique est une masse uniforme de substance
vivante sous une forme capable de suffire à la conservation de soi-
même ; plusieurs ordres d'individus peuvent être distingués :
1*^ Individus du premier ordre, les cellules, ce sont les organismes
les plus élémentaires;
2*^ Individus du deuxième ordre, les tissus, ce sont des réunions
de cellules égales entre elles ;
.3'^ Individus du troisième ordre, les organes, composés de tissus.
4° Les personnes, composées d'organes;
5° Les états, réunions de pei^sonnes.
Par conséquent tous les individus se ramènent en dernier lien à
des cellules ; c'est donc sur la cellule qu'il faut porter une attention
spéciale.
Quelles sont les propriétés fondamentales des organismes vivants?
L'auteur discute d'al)ord les difï'érences entre les corps du monde
inorganique et ceux du monde organique; ni la structure morpho-
logique, ni les difiérences de genèse et d'accroissement, ni enfin les
(lilférences physiques comme par exemple la molricité et l'irritabilité
ue suffisent pour établir des différences fondamentales; les diffé-
rences de constitution chinu(iue sont les seules qui ont une impor-
tance, non par les élémeiils chimiques qui y entient, mais par la
forme des combinaisons très complexes qui se rencontrent seulement
dans le monde organique, par exemple dans les albuminoïdes et
les graines ; on ne connaît aucun organisme qui m; contienne pas
d'albuminoïdes et il n'existe pas de corps inorgani({ue qui en
contienne.
Puis l'auteur passe aux différences entre le monde organique
vivant et mort. Il n'y a pas de limite précise entre la vie et la mort
d'un organisme, le passage est continu. On juge d'un organisme iju'il
est vivant par l'existence de phénomènes spéciaux (jui se réduisent
surtout à dès-échanges de substances albuminoïdes.
528
ANALYSES
Lo chapitre m (p. 142-272) ost consacic aux |ili('iiom('nes éh-meii-
taires de la vie.
Trois piiénomènes généraux sont distingués par l'auleur : échanges
de substances, cliangenienis de forme et échanges (rénergie.
Dans ce chapitre sont rapportés les faits rel;itiis à la nulrilion des
cellules, la phylogenèse, Tontogenèse, entin les échanges d'énergie
de différentes formes : chimique, moléculaire, mécaniiiur, de gra-
vitation, thermiiiue, photique, électrique et nn^léculaire. Tous ces
faits sont analysés, de nombreux exemples sont cités pour chaque
cas, et enfin une conclusion générale est tirée que tous les change-
ments de forme et d'énergie sont la suite d'échangés de sultsiances.
Le chapitre iv, p. 273-344 traite des phénomènes généraux de la vie.
L'auteur y parle d'abord des coiulilions de la vie à l'épocjne
actuelle sur la terre : ce sont des conditions externes : nourriture,
eau, oxygène, température et pression, puis des conditions internes,
ces dernières se résument i)0ur l'auteur dans la condition que la vie
ne peut exister que là où existe du protoplasme uni au n(nau; en
somme il arrive à la conclusion de Cl. Bernard : « les manifestations
vitales résultent d'un conflit tintre deux facteurs: la suhsl.iiice ori:a-
nisée vivante et le milieu ».
De là, la question de l'origine de la vie. La r{'poMse i\w l'auteur
trouve la plus juste est celle de llœckel : (jue la substance vivante
a dû S(! développer aux dépens des substances mortes, d'abord sous
forme de petites masses albuminoïdes uniformes, de sliucture très
sim[ile, les « Monères », (jui ensuite se combinant et se conipli(|uai!t
ont donné lieu à des oigauismes unicellulaires les « Protistes ».
Ces derniers se différencient en deux groupes : les Protophytes
qui se iiouirissent de sid)slan(fs inorgani(iues, et les Protozoaires
qui ont besoin pour l'existence de substances organicjues, les pre-
miers donnent lieu aux |)iantes, les autres aux animaux.
A côté de la vie il faut aussi considérer la mort ; lauleur ra[)porte
les différents caractères de la mort des organismes cellulaires; puis
les conditions de la mort externes el internes.
\yant décrit les phénomènes de la vie, l'auteur jiasse à l'étude des
(excitations exfenu'S et de leur iiilluence .sur les organismes vivants ;
c'est à cette élude ([ue le chapitre \ est consacré (p. 34.Ï-1-GI).
Tout changenieni des laclcurs cxleines i|ui inlliieni sur l'orga-
nisme peut être (•(Uisi(l('r(' cnninie inie excilalion externe (Reiz) ; on
peut donc consicb'icr loule excitation comme un changement
d'énergie et par suite distinguer autant d< foi'nn-s différentes d'exci-
tations ({u'il y a de formes ifc-nergie ; l'auleur distingue! des excita-
tions chimiques, nH'(ani([ues, lhfrmi(pn.'S, pli(ili(iues et, ('let'Iricpu'S.
Toute influence des excitai iiuis est caractérisée surtout par les
(iuanlit(''s d'(''uei'gi(! apportée et dégagée ; les pln'nomènes de la vie
sont modifiés; or ils |ieuv(Mit l'ètri; de deux fa(;ous diffV'rentes : soit
arrêtés, inhibition, soit augmentés, dynamogénie (Erregung).
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 529
L'auteur décrit les difTérentes formes d'excitations avec leurs
influences, parlout il distingue les deux formes d'inlluence, il trace
les caractères généraux des excitations, indique les limites entre
lesquelles elles intlueut et la marche générale de cette inllueuce.
D'abord sont considérés les cas où l'excitation agit sur tout l'orga-
nisme, puis ceux où elle n'agit que sur une partie seulement, c'est
là que trouvent place les différents tropismes.
La fin du chapitre est consacrée aux effets de surexcitation; ce
sont surtout la fatigue et l'épuisement, dont la caractéristique est
une diminution de l'inlluence de l'excitation. Ces phénomènes se
produisent d'une part lorsque certaines substances nécessaires à la
vie sont dépensées en plus grande quantité qu'elles ne se forment
dans l'organisme, de l'autre lorsque certaines substances se forment
comme produits de destruction pendant l'excitation, et s'accumu-
lent en quantité telle qu'elles arrêtent les influences des excitations;
la première forme est appelée par l'auteur épuisement, la seconde
fatigue.
Chap. VI et dernier, p. 402-571. Le mécanisme de la vie.
Ayant étudié les différents phénomènes de la vie avec les in-
fluences qui les modifient l'auteur se propose de tracer le passage
des phénomènes de la vie au mécanisme de la vie, ou au processus
de la vie.
Les phénomènes de la vie se réduisent principalement à des
échanges de substances, c'est l'existence de ces échanges qui dis-
tingue un organisme vivant d'un organisme mort; or la constitution
chimique des organismes est étudiée surtout sur dos organismes
morts ; il est naturel de se demander si la conslitulion chimique des
organismes vivants est la même que celle des organismes morts,
s'il n'existe pas quelque substance qui entre dans l'organisme vivant
et qui n'existe pas dans l'organisme morl. Les observations mon-
trent qu'en réalité certaines combinaisons très complexes existent
seulement dans les organismes vivants et se décomposent avec la
mort de l'organisme; ces combinaisons ont de jilus la jiropriété
(l'entrer très facilement dans un grand nombre de combinaisons
différentes, c'est donc, conclut l'auteur, à ces combinaisons cbimiques
que les phénomènes de la vie doivent être liés intinieiiicnl.
Ces substances sont des substances albuminoïdes qui jouent dans
les organismes un rôle primordial : on ne connaît aucune cellule
vivante qui ne contienne pas des substanc(!S alhumino'ùhîs, mais on
trouve des substances albuminoïdes aussi dans des organismes
morts; il faut distinguer entre les substances albuminoïdes <t vivantes »
il, « mortes », les [)remières sont instables, les dernières au c(uilraire
stables ; cette « albumine vivante » dont l'auteur admet l'existence
d'après Pfliïger, reçoit un nom nouveau chez l'auteur — « Biogène ».
On ne connaît que très peu de chose sur la nature du « biogène » ;
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. U. 34
530 ANALYSES
c'est en comparant les piodnits de décomposition de « l'albumine
vivante et morte » que Pfliïger moiilia (|iu' les produits des décom-
positions azotées difïereiit complètement jiour ces deux sortes d'albu-
mine; en somme le carbone et l'azote sont réunis dans la molécule
de biogène au radical Cyan, CAz, qui manque complètement à l'albu-
mine morte.
L'auteur conclut donc que le biogène est l'élément constitutif de
la vie ; sa décomposilicuî et sa reconstitution continues forment h;
processus de la vie avec tous les pliénomènes qui raccompagnent.
Les échanges de substances se réduisent à deux formes générales :
V assimilation et les désassimilations : la jnemière embrasse tous les
iliangements qui amènent la formation du biogène, la deuxième tous
les cliangcments qui amènent la décomposition du biogène.
Le rajjport de l'assimilation à la désassimilation -j— pendant liinité
de temps reçoit chez l'auteur le nom de « Biolonus » ; ce rapport
est fondamental pour la caractéristique du pliénomène de la vie.
Lorsque ce rapport est égal à 1, on a égalité des échanges de
substances ; la somme des sul>slances ingérées est égale à la somme
des substances rejetées.
A \
Lorsque -^> { on a le phénomène de croissance; si ^ < 1 on
a Valrophie ({ui mène à la mort.
Tous les phénomènes de la vie se réduiront donc à des change-
ments du liiogène, les influences des différentes excitations décrites
])lus haut doivent s"expli(iuer par les inlluences de ces excitations
externes sur le biogène. Deux cas sont à distinguei- :
1° Toute la substance organique est soumise à l'action de l'exci-
tation externe ; dans ce cas cette excitation peut agir soit sur les
]diénomènes de décomposition du biogène (désassimilalion) soit sui'
les phénomènes de reconstitution du biogène (assimilation), rlk-
peut agir sur ces deux genres de phénomènes séparément ou simul-
tanément, enfin elh' peut soit accélérer ces phénomènes (excitation)
soit les arrêter (inhibition) ; de là huit formes différentes d'action :
a.) Excitation de désassimilation;
b.) Inhibition de désassimilation;
c.) Excitation d'assimilation;
d.) Inhibiliiin d'assimilation ;
e.) Excitati<)n gi'nérale (de désassimilalinn rt d'assimilaliun simul-
tanées ;
/'.) Inhibiiiiin gi'ni'iajc ;
g.) Excitation d'assimilali(in -f inliiliilioii (h' désassimilation :
h.) Inhibition d'assimilation + excitation de désassimilation ;
2° L'excilalion lient agir sui- une ]iarlie senlcmcnl de rorganisnic,
les changements des plié-ncnnèncs de dé-sassiniilalion et d'assiniila-
lioii seront |iid(lnils dans une partie seulement de l'organisme el
donneront ainsi lieu à des mouvements et aux diflerenls tid[iismes.
On voit en somme que l'auteur ramène toute la vie à des [ilnhio-
UISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE o31
niriios cliimiques, c'est lu substance albumiuoïde très complexe et
instable, le biogène, qui par ses combinaisons et décompositions
<lonne lieu à tous les phénomènes de la vie que nous observons chez
les êtres vivants. Mais l'auteur a oublié une partie bien large de
phénomènes, ce sont les phénomènes psychicjues ; il ne dit pas
comment ces derniers peuvent se réduire à des processus chimiques,
il ne dit pas en quoi, d'après cette théorie, consiste la conscience
et quelle est la diflerence entie les processus conscients etjincons-
cients, c'est une lacune regrettable.
Victor Henri.
VrrZÛU (Bucarest). — Cécité par ablation des zones corticales
Acad. des Sciences, 16 sept. 1895.
L'ablalion totale des lobes occipitaux amène chez le chien et chez
le singe une perte complète de la vue. Un singe qui avait subi cette
opération a commencé vers le quatrième mois à apercevoir les i)er-
sonnes et les objets. Au bout de deux ans et deux mois, le singe
devenait capable d'éviter les obstacles. L'auteur à ce moment a
constaté, dans [une nouvelle opération, que l'espace occupé aupa-
lavunt par les lobes occipitaux était rempli par un tissu néofoi'mé,
très vasculaire, contenant des libres nerveuses et des ceUules pyra-
midales. Ce fait semblerait démontrer la possibilité de régénération
du tissu nerveux.
A. BlNET.
IV. — PROBLEMES DE BIOLOGIE GENERALE
QUI SE RATTACHENT A LA CYTOLOGIE
YVES DELACE. — La structure du protoplasma et les théories sur
l'hérédité et les grands problèmes de la biologie générale. 1 vol.
in-S", 878 p., Paris, Reimvald.
Nous avions drpuis longlemps le projet de luésrnicr , dans
notre Année, nu résumé drs théories aujouid'bui si ru faveur sui-
l'hérédité, et aussi un examen de ([uel({ues problèmes coniu'xes de
biologie générale. Le livre dt; iJelagtî qui vient de paraître nous
i'ournit l'occasion de donner une idée de ces problèmes. Notre ana-
Ivsi' (le ce livre si-ra iikiIiis succincle (}ue d'habilude; ce sera sur-
font une série d'extraits, reli(''S au moyen de courts résumés.
Cet énorme ouvrage (li'liule par une iniroduclion vrainu-nt élo-
/[uente où l'auteur traili; une (pieslion de méthode qui n'inléresse
|ias seulement la zoologie et la botani(|ue mais que les psychologues
feront bitMi de nK'diler. L'aiileiu se plaint ipi'en Eranee depuis des
années, les zoologistes entassent des matf'riaux immenses sur de
petits faits de détails, d(.' petits faits de structure, ilont ne sortent
53:2 ANALYSES
(jne de très minimes et très peu impoifantes conclusiGiis. Prenant
comme exemple quelques-uns de ses propres travaux, il montre que
ses patientes injections dans le système circulatoire des crustacés
édrioplilalmes ont permis de reconnaître que le cœur a folle forme,
qu'il envoie tant d'artères en avant, quatre ou cinq de plus qu'on
ne croyait, mais qu'en somme ces détails ont été tout à fait inutiles
à connaître, car ils n'ont rien ajouté à notre conception du crustacé
ou de la fonction circulatoire. C'est là le type de travaux innom-
brables, d'origine française, qui nefontniillement avancer la science,
tandis que dans d'autres pays, en Angleterre et surtout en Allemagne,
on étudie avec les matériaux que nous avons réunis comme des
subalternes, des questions bien autrement importantes, des questions
de biologie générale, comme les suivantes : Qu'est-ce que la cellule?
comment vit-elle ? comment assimile-t-elle ? pourquoi se divise-
t-elle ? Quelle est la cause mécani({ue ou physique ou chimique des
mouvements du protoplasma? comment se fait la division de fonctions
entre les cellules? comment se fait la régénération ? quel est le rap-
port entre l'hérédité et les éléments sexuels? quelle est la structure
intime du protoplasma?
Toute recherche pour avoir un réel intérêt, continue l'auteur, doit
aujourd'hui viser la solution d'une question théorique : il faut partir
d'un problème important, et essayer de le résoudre dans une expé-
rience décisive*
Il y a cei-tainement beaucou[i de vrai dans cette conceplion iIl- la
science, et nous ne voudrions pas raflaiblir eu faisant quelques
l'éserves pourtant nécessaires sur l'utilité des études de détail ipi'il
faut continuer à imposer, aux étudiants en zoologie non seulement
pour leur apprendre la technique mais pour leur appiendre le respect
de l'observation. En ce qui concerne la {)sychologie le point de vue
est un peu différent ; nous débordons, nous mourons de théories de
toutes sortes ; ce sont les faits qui nous manquent, les observations
bien prises; la jjsychologie est certainement aune phase d'évolution
bien différente de celle de la biologie et ce qui convient à l'une ne
convient pas à l'autre.
L'ouvrage de Delage, comme on a [)u déjà en juger, s'adresse
moins aux spécialistes de la zoologie qu'aux philosophes; l'auteur
leur demande en quelque sorte le secours de leur intelligence, et
dans ce l)ut, il veut leur donner non une instinctiou pratitjue qui ne
leur servii^ait à rien, mais un livre les mettant à l'aise au milieu des
(juestions biologiques. C'est pour nous un motif d'analyser son livrt^
avec fpielque détail. >'ous suivrons l'ordre ([u'il a adopté. Il traite
dans trois parties différentes, les faits, les théories par liculièves et les
théories générales.
I^REMIÈRE PARTIE i p. 19-298). Celhile, individu et race, tels sont les
trois thèmes développés successivement.
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 533
Nous avons déjà fait plus haut l'analyse des chapitres qui concer-
nent la cellule (p. 304; s'y reporter pour la détinilion de quelques
termes); nous ne parlerons donc ici que de Tindividu et de la race.
I.IVRE II. L'individu. — 1/iiidividu pluricellulaire diffère de hi
cellule et de l'individu unicellulaire, non pas seulement parce qu'il
est foimé par l'agrégation de plusieurs cellules, mais encore et sur-
tout parce que les cellules qui le composent ont subi une différen-
ciation histologique et anatomique, c'est-à-dire sont devenues de
tflli' nature et sont composées de telle façon : de là découlent des
fonctions biologiques nouvelles, la régénération, la greffe, la géné-
ration, la reproduction, l'ontogenèse, les alternances et mélamor-
jihoses, les caractères sexuels secondaires, la mort.
Régénération. — La régénération régulière est le processus par
lequel sont remplacées les parties qui tombent naturellement, l'épi-
derme, les poils, les ongles, la ramure des cerfs, les dents de lait,
la carapace des crustacés, etc., c'est un remplacement des parties
caduques par continuation de l'activité formatrice des parties per-
manentes qui les ont engendrées une première fois. La régénération
accidentelle reproduit des parties qui n'auraient pas dû être enle-
vées ; ainsi, si on coupe le bras à un triton, il repousse ; l'humérus
coupé ne reforme pas seulemerd au niveau de la plaie un simple
bourrelet osseux informe, mais il reproduit ce qui lui manque, plus
les deux os de l'avant-bias, tous les petits os du carpe, les métacar-
liiens et les doigts dans leur position normale. La répartition de la
faculté régénératrice est très irrégulière dans le règne animal; elle
est faible chez les mammifères, oiseaux, reptiles, poissons, très
développée chez les amphibiens, nulle chez les céphalopodes, peu
marquée chez les mollusques, les insectes, diverse chez les vers, les
cœlentérés et les échinodermes. Le lézard régénère sa queue, le
triton sa patte, l'étoile de mer ses bras, tandis que le serpent, la
grenouille, l'oursin ne peuvent le faire. Le membre régénéré ue
répète pas les phases successives (pi'il a parcourues dans la première
formation ; on l'a cru, on s'est trompé : un crabe régénère une patte
d'a{hilte et non une jialte s('ml)lable à ceih' de sa larve, la zoé, La
régénération reprcxhiit la partii; qui normalement devrait exister, et
•elle la reproduit à sa place; c'est luie faculté d'orientation; ainsi, si
•ou coupe une planaii-e en deux tionrons, la tète pousse une queue,
•et la queue une télé,
A la question de la régénération se rattachent les expériences très
curieuses, malheureusement contradictoires, de Chabry , Roux,
Driesch, Fiedler, llei iwig, etc., sur l'œuf segmenti'. On détruit par
piqûre une des deux cellules provenant de la première segmentation
de l'œuf. Souvent alors il se forme un demi-embryon, mais <juel-
(juefois, et assez tard, ce demi-embryon se complète et régénère
toute la moitié manquante du corps.
534 ANALYSES
Cicatrisation et greffe. — I>a soudure dos dfux lèvros d'uno plaie
est un plirnomt-ne analottue à lu régénérai iou ; c'est uno n'irénéra-
Uon circonscrito de cellules Jeunes (|ui se soudent ejitic elles dune
It'vre de la |iiaif à raulrc. Kn lii'Mi'Tal, (diacjue tissu fiiuinit les clc-
monts de sa soudure. Dans la i^aN-Hc, qui consisie à rallaclier une
partie séparée à un organisme vivant, les tissus mis en contact ne
sont pas de même nature, et i>arfois n'appartiennent pas à des indi-
vidus de même espèce.
Un des prohlènu-s les jilus intéressants jirésentés ])ar la lîrclTr est
celui des conditions de la reprise. Il faut ([ue les tissus mis en pré-
sence soient compatibles. Voici ((uelijues fails curieitx ((ui jettent du
jour sur cette question. Vociiling décou|)(; une pyramide dans une
betterave et replace le morceau dans la cavité qu'il a laissée : il se
resoude; si on le retourne en faisant louriier la |iyr;iniide autour de
son axe, bien (pie l'adhérence soit la même, il n'y a pas de soudure.
D'autre part, P. B(n't a soudé le bout de la queue écorchée d'un raf
sous la peau du dos de ce même animal, et la lii'etîe ayant pris, il a
coupé la queue à la racine. Ce fait paraît contredire le précédent, et
montre qu'il est bien difticile de poser des lois. Que devient la
ifrefîe ? elle développe ses éléments; ainsi, pour aidera la fermeture
d'un ulcère, Bryant greffa quatre petits morceaux de peau de nègre
sur la jambe d'un blanc. Ces morceaux grandirent, se soudèrent et
formèrent une largo plaque de j)e;iu noire, ce cpii piduve (pi'ils
s'étaient accrus par multiplication de leurs éléments. Dans la gretTe
végétale, le greffon se développe le ]ilus souvent sans ressentir l'ac-
tion du sujet, (jui ne lui fournit qu'un su[qiort et de la nourriture.
Parfois cependant cette action du sujet se manifeste au point d'équi-
valoir à un V(''rilalile métissage.
Génération. — Klle a deux formes principales, la multiplication et la
reproduction. Dans la multi[ilicalion, l'individu nouveau a ])our ori-
gine une masse de tissus qui évolue sur place en continuant à faire
partie des tissus nialeniels. Ainsi beaucoup d'aiiiiiiaux, les actinies,
les hydres, des .'innédides ^o. multiplient par scissiparité, ("esl-à-dire
se divisent spontanément, en deux moitiés transversales, dont cha-
cune se complète ensuite ; on ignon; jiouniuoi lui être, resté sinqtle,
se divise, tandis que d'autres aussi volumineux et souvent de même
espèce ne le l'ont jtas. D'autres ,niini,inx se niulliplieni par hour-
geonneuKMit; unt! certaine masse dt! tissus malernels/^omjirenant des
cellules jeunes se dilîérencie, forme des organes, un animal complet
qui ensuite se détache. Ce bourgeonnement ou gemmi[)arilé se
rencontre chez des protozoaires (les vorticelles) les éponges, les
cœlentérés etc., il pent être iirovinpié accidentellement, au moyen
d'irritation des tissus, surtout chez les plantes.
Dans la reproduction, il y a une cellule uniipu-, u'uf ou spoi'c (pii
se détache de l'organisme avant d'entri-r en évolution; celle cellule
renferme en elle-même tous les caractère de loryanisme nouveau et
HISTOLOGIE, ANATOMIE Eï PHYSIOLOGIE 535
c'est un problème très difficile que celui d'expliquer comment et
sous quelle forme celle transmission a lieu.
La reproduction présente tous les degrés de complexité et
surtout d'innombrables variétés qui débordent les classifications les
mieux établies. On peut cependant distinguer les formes suivantes :
1" La reproduction par spore, reproduction asexuelle, qui consiste
en ce qu'une cellule du corps se détache et par des divisions succes-
sives reproduit un organisme semblable à celui dont elle provient.
Ce mode de reproduction, fréquent chez les [dantes (champignons,
algues, etc.) ne se trouve parmi les animaux que chez les proto-
zoaires.
2° La reproduction demi-sexuelle par conjugaison. C'est une pre-
mière étape vers la différenciation des sexes. A la dift'érence de la
reproduction par spoi^e, la reproduction par conjugaison se fait
après le rapprochement de deux cellules difi'érentes ; seulement ces
deux cellules ne présentent pas toujours des caractères sexuels
différents. Ainsi, chez certaines algues, deux cellules provenant de
la plante se conjuguent, se fondent complètement l'une dans
l'autre, et forment une cellule unique qui se divise et reproduit
l'algue entière. C'est la conjugaison totale ; on l'observe surtout
chez les plantes. Chez les protozoaires, la conjugaison est le plu^
souvent partielle, nucléaire; les deux microorganismes se rap-
prochent, s'accolent après des préliminaires de conjugaison, et
échangent un demi-noyau; ensuite ils se séparent et se divisent
un grand nombre de fois; cette conjugaison parait favoriser la
division.
S'' La reproduction sexuelle par éléments mâles et femelles diffé-
renciés. C'est la forme de reproduction la plus compliquée ; la cel-
lule qui se détache de l'organisme pour évoluer et reproduire un
organisme semblable, porte le nom d'ovule; elle a été fécondée par
son union avec un élément sexuel mâle ; et avant la fécondation,
il y a eu toute une série de phénomènes pour la préparation et
la maturation îles produits sexuels. C'est par celte préparation que
nous devons commencer notre description.
La préparation des éléments sexuels mâles (spermatozoïdes) porte
le nom de spermatugenèsi' ; elle consiste dans le ju'ocessus suivant :
les culs-de-sac du testicule sont tapissés de cellules jeunes, d'où
doivent [iiovenir les éléments sexuels; elles se multiplient et
deviennent très jtetites ; ensuit(; elles grossissent considéi'ahlement,
jtuis elles se divisent deux fois coup sur coup, et donnent lieu à une
cellule qui prend la forme d'un si)ermatozoïde.
Le spermatozoïde est de forme 1res variable suivant lf;s animaux ;
il est formé chez l'homme d'une tête effilée, suivie d'un long flagel-
lum, la queue; de i)lus, à la pointe de la tète se trouvi; un petit glo-
hule clair, et entre la tète et la (jueue se trouve une pièce étroite, h^
segment intermédiaire. La tèle renferme le noyau de la cellule, le
536 ANALYSES
globule son cenirosome, et le segment intermédiaire du protoplasma' ;
toutes ces parties sauf la queue interviennent dans la fécondation.
L'ovogenèse, ou pré])aration de l'ovule, se fait par un processus
analogue de multii)lication, accroissement, puis double division.
Il se produit en outre, pendant la préparalidii des éléments
sexuels, un pliénomène de réduction dont nous devons expliquer
la nature. Quand une cellule se divise, son noyau se divise aussi, et
il se forme dans l'intérieur du noyau des filaments disposés dans un
certain ordre, qu'on appelle des anses chromatiques ou chromo-
somes ; le nombre des chromosomes reste fixe dans la division cel-
lulaire ; si le noyau de la cellule qui se divise en contient huit jiar
exemple, chacun de ces chromosomes se divise en deux, de sorte
que chacune des cellules filles, c'est-à-dire produites par la division,
aura dans son noyau huit chromosomes. Dans la fécondation, s'il en
était de même, si l'élément mâle et l'élément femelle contenaient
chacun huit chromosomes, l'ovule fécondé en contiendrait seize, et
toutes les cellules provenant de l'ovule en contiendraient aussi seize,
de sorte que le nombre des chromosomes irait en doublant à chaque
génération. Pour qu'il reste invariable, il faut ipi'à lui moment
donné il diminue de moitié; c'est ce qui se léalise, pour l'ovule, au
moyen de ce qu'on appelle Vémission des globules polaires, c'est-à-
dire division du noyau de l'ovule, avec sortie, expulsion au dehors
d'un des produits de la division ; pour les cellules mules, le phéno-
mène est moins bien connu.
La fécondation, qvi'on n'a étudiée de prt^s que depuis moins de
vingt ans, se produit de la manière suivante : lorsque l'œuf mùr est
placé dans un liquide oii nagent des spermatozoïdes mûrs, ceux-ci
sont attirés vei^s l'œuf (ils n'entourent pas un œuf d'une espèce voi-
sine; s'ils l'abordent, ils s'en écartent après l'avoir tàté un instant).
L'attraction est en fonction inverse de la distance. Quand un des
spermatozoïdes est très près de la surface de l'œuf, une partie du
vitellus de ce dernier forme un cône d'attraction vers le spermato-
zo'ïde, s'accole à la tête et entraîne la tête du spermatozoïde dans l'œuf.
Api'ès l'entrée, l'œuf s'entoure d'une mince membrane vilelline, et la.
foule des spermatozoïdes qui assiégeait l'ieuf (juelque temps aupara-
vant se disperse. La tête du s])ermatozoïde s'avance vers le noyau de
l'ovule, qui se déplace aussi et va à sa rencontre; ces deux noyaux
se fusionnent et forment un noyau unique, le noyau de segmenta-
tion. En outre, avec^ la tète a pénétré le centrosome de l'élément
mâle, sous la forme d'iui globule; ce centrosome, d'après Fol, joue-
rait un rôle singulier vis-à-vis du centrosome de l'ovule; quand la
conjugaison a en lieu, ces deux centrosomes se sont jdacés en deux
points diann'lralement opposés du noyau de segmentation ; chacun
se divise en deux; ces deux demi-centrosomes se dirigent en sens
(1) Beaucoup de ces points sont encore contestés.
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 537
opposé, et se placent à 90° de leur position initiale ; chacun des
lieux demi-centrosomes mâles (spermocentres) rencontre l'un des
demi-centrosomes femelles (ovocentres) ; ils se fusionnent. Tonte
cette série de déplacements a reçu de Fol le nom de quadrille des
centres K Mais Boveri a montré que Fovocentre j^eut manquer, et
même manque normalement.
La parthénogenèse, dontFélude se rattache étroitement à celle de
la reproduction sexuée, consiste dans le développement d'œufs non
fécondés, souvent même pondns par des ft'melles entièrement
vierges. Ce mode de reproduction a été étudié spécialement chez
les abeilles, les pucerons et de petits crustacés (daphnies). Chez les
abeilles, c'est une parthénogenèse facultative. La leine n'est fécon-
dée qu'une fois et reçoit dans sa poche copnlatrice une provision
de sperme qui lui sert pendant les quatre ou cinq ans de son i-ègne.
A volonté, au moment du passage des œufs, elle ouvre sa poche
copulatrice et en expulse une petite goutte de sperme, ou la main-
tient fermée et produit alors des œufs non fécondés qui donnent
exclusivement des mâles. Chez les pucerons, la parthénogenèse est
saisonnière, elle se reproduit surtout quand la nourriture est abon-
dante et la température élevée.
Ontogenèse. — L'œuf fécondé se divise, se développe, et forme des
êtres adultes ; la série de transformations qu'il subit porte le nom
d'ontogenèse ; le processus est la différenciation progressive ; la dif-
férenciation se fait lentement ; quand une cellule se divise, les deux
cellules jumelles lui ressemblent au début; c'est pendant leur
accroissement qu'elles divergent. Cette différenciation histologique
est accompagnée d'une différenciation anatomique, c'est-à-dire d'un
groupement de cellules en organes, qui varie avec la nature des
êtres. On a constaté, et quelque peu exagéré, les ressemblances des
premiers groupements chez les embryons, et on a décrit certaines
manières d'arrangements qui sont assez fréquentes : d'abord une
masse arrondie de cellules, morula, puis une sphèi-e creuse, blastula,
puis une moitié de la sphère s'invaginant dans l'autre donne ce (jn'on
iippelle la gastrula, composée de deux feuillets, Vectoderme et l'endo-
derme, qui sont accob'-s l'un à l'autre; bientôt entre eux se forme un
troisième feuillet, le mésoderme, généralement engendré parle l'cuillet
intérieur; des feuillets dérivent les organes. Fait remarquable, le
•développement ne donne pas directement la lornif adulte; l'miloge-
nèse dessine des rudiments inutiles, fait pousser des membrcîs qui
ne serviront j)as, perce des fentes branchiales chez un animal pul-
moné, pour les fermer ensuite; on a constaté que bien souvent les
formes embryonnaires ra[q)ellent celles des êti'es (pi'on peut consi-
dérer comme des ancêtres (l'onlogénie est une répétition de la phy-
logénie, Fritz Millier), mais bien souvent aussi il n'en est pas ainsi.
(1) L'exactitude de cette observation vient d'être contestée.
338 ANALYSES
Pondant son développement, l'animal passe d'abord par une phase
(V indèlermination sexuelle, il n'est ni mâle ni femelle; ce qui ne
veut pas dire que sou sexe u'est pas encore déterminé, mais seule-
ment que les signes visibles du sexe restent méconnaissables. La
détermination du sexe paraît tenir à des causes mu]lij)l('s ; elle peut,
être contemporaine de la conception, ainsi les omis non lécondés
des pucerons, des daphnies, etc., se dévelop[)ent parlhénoyenési-
(juement et donnent des femelles. Au contraire, chez les abeilles,
l'œuf non fécondé donne un niàie. La fécondation agit donc sur le
sexe, mais dans un sens qui varie selon les espèces. L'abondance tle
la noixrriture agit également, comme le prouvent uiie foule d'obser-
vations et d'exp«''iiences sur les animaux elles plantes. Des chenilles
de ])apillon ayant jeûné donnent des mâles, celles qui ont reçu une
nourrituie abondante donnent des femelles. Les femelles des puce-
rons engendrent des mâles à l'approche de l'hiver, et ou peut retar-
der l'apparition des mâles en les noxn'rissant avec altondance. La
culture en semis scuré de plantes dioïques (mercuriale, lychnis, etc.)
donne trois fois plus de mâles que la culture eu semis lâche.
La d('termiuation des sexes dans chaque individu est proiluilc jiar
la nature de la cellule germinale, qui est \\n spermatozoïde ou un
ovule ; ce caractère s'accompagne de caractères sexuels secondaires,
barbe, crinière, ei-gols, cornes, crêtes dorsales, (jui se dt-veloppent
par suite d'une relation inconnue avec les cellules germinales, on
donne à ce phénomène le nom de corrélation.
L'onlogrnèse se termine par la mort. La mort n'est pas une con-
séquence inévitabh^ de la vie ; elle n'existerait pas pour les proto-
zoaires ; ces petits êtres unicellulaires sont extrêmement fragiles el
meurent d'accidenl, mais on ptMise qu'ils ne meurent pas de vieillesse,
de mort naturelle; eu elfet, ils peuvent se conjuguer les uns avec
les autres, ce qui produit lui rajeunissement de leur noyau, et ils se
niulliplient ensuite par division. Sjtencer a pensé que cette multi-
plication des protozoaires par division est une sorte de moil <le leur
individualité ; mais Weismann a répliqué qu'il n'y a ]>as de mort
sans cadavre *. Le métazoaire, au contraire, c'esl-à-dire l'êlre com-
(I) Delage considère cette réponse roinuie étant sans répliqiio. 11 est
ccpendiuit pcrnùs de sonicnir, cnninie le lait llciinc^Miy dans le livre que
nous avons analysé i)lus liant, (pui l'iiMlividu luourt pendant la division;
quand ini Stentor se divise et donne naissance à deux individus, sa subs-
tance passe bien tout entière à ces deux Individus, mais son indivi-
dualité périt, et la preuve, c'est que les deux produits possèdent cliacun
des or^'anes (jue le Stentor priiuitil' ne possédait pas; aussi un seul des
deux Stentors hérite de la hoiielie du premier, l'autre Stentor en reforme
une autre. D'autre part, Balbiaui a décrit, précisément chez les Stentors,
un caractère d'âge, consistant en ce que l'individu régénère de temps en
tenqis sa l)ouchc, (pii s'use par l'usage; cette régénération se voit à la
dirertioii des stries du j)érislome, et on peut constater chez quelques
individus deux, trois, quatre ré^^énérations. Ce caractère d'âge ne se con-
cilie guère avec l'idée d'inunortalilé.
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 539
posé de plusieurs cellules, est mortel ; l'est-il léellement d'une
manière naturelle et non par arcidcnt? Spencer en doute et pense que
les cellules (jui h; composent fiourraieiit vivre indéliniment si on les
mettait dans des conditions convenables ; il ci(e l'exemple des Elodea
dont les masses immenses proviennent de lamulliplicalionasexuelle
d'un seul individu; Délaye ajuule l'exemple des pommes de terre
qui se reproduisent par bourgeon depuis leur découverte.
Quoi qu'il en soil, si h; métazoaire meurt, il ne meurt pas tout
t'Ulier ; on distingue en lui une paille périssable, son propre corps,
formé de ce (jn'on appelle des cellules somatiques, et inie partie
immortelle formée de ses cellules sexuelles, ovules ouspermatozo'ides ;
ces cellules, si elles sont fécondées, se multiplient et donnent lieu à
un second individu, qui est fait tout entier di; la substance des
parents; dans cet individu, la cellule sexuelle survit également à la
mort des cellules somatiques, et il y a par conséquent une ct^rtaine
(luantité de substance qui se transmet de génération en génération,
(}ui est immortelle à la manier»^ des infusoires. On a donné le nom
de plasma >jenninalif îi cette partie de la substance des parenis qui
ne meurt pas avec eux et se perpétue dans leurs enfants, et on
désigne cette perpétuation dans les termes, aujourd'liui bien connus,
de continuité du plasma germinatif.
Livre III. La race. — Dans une race, les êtres engendrés res-
semblent à leurs générateurs, mais ne leur sont pas identiques ; de
là l'étude de deux problèmes, celui de l'héi'édité, ([ui traite des res-
semblances du produit avec ses parents, et celui de la variation, qui
traite des caractères nouveaux qui se montrent dans l'être engen-
dré.
Hérédité. — Les caractèrt'S di; race se transmetleni tous, à moins
(|ue le produit ne soit un monstre. Pour les caractères individuels,
il faut faire une distinction, connu(; et banale de[»uis longtemps,
mais dont Weisman a montré le piemier toute l'importance ; c'est la
ilistiuction entre li's caractères innés et les caractères acquis. Il faut
dire : caractères innés, et non caractères congénitaux, car ce n'est
pas la même chose; certains caiactères congénitaux sont ré'eilement
acquis, par exemjde à la suitt; d'un traumatisme ou d'une; adapta-
tion pendant la vie intra-ulérine. Ainsi, la petite difformité (ju'on
ajqjelle le [lied plat |ieut provenir de ce que les eaux de l'anniios
étant peu abomlantes, les pieds de l'embryon ont a()puyé' pendaul
leur formation sur le fond de la matrice.
Les caractères ium'-s sont ceux ([ui ont im[iiessi()iiM('' l'ovule, (pii
ont agi sur les éb'-nieiits se.xuels. Tous sans exception sont Iransinis-
sibles. On peut citer comme exemple de caractères auatomiques, la
physionomie, la taille, la lèvre des llabsl)ouig, le m-z iU'> liour-
bons, etc. ; comme exemple de caractères physiologi(iues, h; limbriî
de la voix, les tics (dont Darwin a donné un curieux exem])le) la
540
ANALYSES
longéviti', la gaucherie. La hansmissioii des caractères psycholo-
giques est une question souvent délicati- en fait, parce qu'il est dif-
licile de faire les paris de l'éducation et de riniilalion dans ce résul-
tat. Mais on peut admettre d'une manière générale que les caractères
psychologiques sont transmissihles. Dans les maladies, deux choses
seulement se transmettent, les dispositions anatomiques ou ]diysio-
Iogi(jues déterminant la maladie ou favorisant son dévelo|i|iemenf,
et les microhes des maladies infectieuses. Dans le premier cas
rentrent les maladies mentales et nerveuses. Pour les maladies infec-
tieuses, l'auteur admet que le microbe de la syphilis est assez petil
pour trouver asile dans l'ovule et même dans le spermatozoïde, qui
sert de véhicule au parasite ; au contraire pour la tuberculose, le
microbe ne peut trouver place dans une tèt(; de spermatozoïde ; ce
qui se transmet, c'est la prédisposition. Les caractères tératologiques,
doigts surnuméraires, etc., se transmettent également.
L'héréditf' des caractères aciiuis, jusque dans ces dernières années,
était acceptée non seulement par les [lartisans de l'évolulion mais
aussi par ses adversaires. Weismann le premier s'est élevé contre
l'opinion courante, il a d'abord soulevé un toile unanime, il a ensuite
fini par convaincre bien des gens, et les partisans de l'hérédité des
caractères acquis sont devenus une minorité. On doit à Weismann
une délinitiou précise du caractère acquis, et uu(î discussion
sérieuse, quelquefois même un peu subtile, des observations pi"é-
sentées par les auteurs. Est acquis un cai'actère cpii s'introduit dans
l'organisme sans avoir été présent dans l'ovule et dans le sperma-
tozoïde. On admettait autrefois que lorsqu'un être présente un
caractère que ses ancêtres n'ont pas possédé, il s'agissait toujours
d'un caractère acquis; mais tout d'abord, il est clair que ce carac-
tère peut être hérilé et avoir sauté plusieurs générations ; d'autre
part, il est possible que les (pialités en apparence spontan('es d'un
être, le gigantisme par exem])le, ou une folit; sans cause apiiarente,
]u-oviennent d'altérations ou de particularités du germe. Il n'y a guère
que les mutilations (jui seraient cai)ables de prouver la Irausmis-
sibilih' d'nn caractère vraiment acquis.
Mais arrèlons-iuius un peu sur celle question inléressante, el
montrons d'après Delage, avec (pielle snblililé de dialectique Weis-
mann se tire des observations (|ui sont contraires à sa thèse. Tue
femme a dans sou enfance le lohide de l'oreille déchiié- par l'arra-
chement d'Miii' boucle d'oreille. L'un d(; ses enfants a du même côté
le lobule de l'oreille fendu. Est-ce une mutilation transmise? Non, dit
Weismann, parce que la déformation n'est pas nellement stnnbhible
et que la mère et sa tille iront pas la même forme d'oreille (!). —
Aulre exemple. Les Hol'aUujo inr(jaurea des Alpes (plante vulgairement
appelée verge d'or) sont plus pi'écoces tpie ceux d(; la plaine, carac-
tère acquis jtai' suiti; des conditions cliniati(|ues ; ces exemplaires,
tiansplautés ailleurs, en serre, conservent leur précocité. Est-ce un
UISTOLOGIE, ANATOMIE ET PUVSIOLOGIE 541
caractère acquis qui s'est transmis? Non, dit Weismann ; c'est une
variété précoce fixée par sélection; la précocité provient d'une
particularité individuelle, qui a passé par le germe, et qui ne résulte
pas du climat; protégée par la si'-lection, cette particularité a fondé
une variété nouvelle. Cette dernière argumentation est fort curieuse.
Mais en somme, que dit l'observation ?
En ce qui concerne les mutilations répétées ou non répétées, il
paraît à peu près certain qu'elles ne se transmettent pas; en ce qui
concerne les maladies acquises, il est un exemple qui paraît être
tout à fait probant de Iransmissibilité, c'est celui dr l'épilepsie expé-
rimentale des cochons d'Inde. Brown-Séquard rend des cochons
d'Inde épileptiques en pratiquant l'hémisection transversale delà
moelle ou la section du nerf sciatique ; l'épilepsie peut ensuite être
provoquée par l'excitation d'une zone bien délimitée, située en arrière
de l'œil du côté de la lésion ; le moindre attouchement de celte zone
épileptogène provoque l'attaque. Les petits de ces cobayes sont épi-
leptiques comme leurs parents. Ce n'est pas une coïncidence, car
l'épilepsie spontanée n'a pas été observée chez ces animaux. Weis-
mann a object(; que l'épilepsie est peut-être produite par un microbe
introduit par l'opération et transmis du }»arent à l'enfant par le
germe. Mais il paraît que l'épilepsie peut être produite par le simple
écrasement du sciatique sans plaie à la peau et par conséquent
sans inoculation possible.
L'hérédité des effets (b; l'usage et de la désuétude ne p(Hit être
tranchée positivement ou négativement. Ainsi, l'accroissement pro-
gressif de la capacité crânienne, qui, d'après Broca, est passée du
xn« au xix'' siècle de 1409 à 1442 centimètres cubes, peut être due
soit à l'hérédité d'un caractère acquis, soit à des variations acciden-
telles accumulées par la sélection.
Au sujet de l'hérédité des caractères acquis sous l'influence des
conditions de vie, Weismann a fait une distinction : ces influences,
pense-t-il, produisent des effets (jui deviennent héréditaires dans
certains cas, parce que la modification atteint directement la cellule
sexuelle.
La question de l'Iiérédilé se divise en deux parties : la première,
i|ue nous venons de résumer, cojisisfe dans l'énuméralion tles carac-
tères qui peuvent ètit; transmis; la seconde, dont il nous reste à
parler, concerne les chances de transmission. L'auteur passe en
revue toutes les combinaisons possibles oi'i l'hérédité jieul. se inaui-
fester, la multi|dicaliuii par division, par bourgeonnement et par
spore, la l'eproduction sexuelle, et dans celle-ci les unions de race
pure, les unions consanguines, les croisements, le métissage, l'Iiy-
briditi'', jioui' eji arriver enliu à un cas singulier — (jui n(^ ressemble
que de loin aux phénomènes de la reproduction et de l'hérédité
— à savoir l'inlluence du porte-greffe; sur le giefl'on. Dans l'exposi^-
tiou de ce sujet très vaste et très complexe, les observations et sur-
)42
ANALYSES
loul les anecdotes foiiimilloiil, mais peu de iioinfs sont solidement
«dablis; à une série d'observations et d'anecdotes démontrant tel fait
ou telle tendance il est rare (ju'on ne puisse pas opposer une série
contraire, tout aussi topique ; noions seulement, en passant, l'exis-
tence bien établie de l'atavisme, dans le(]uel l'hérédité saule une ou
plusieurs générations, les caractères transmis pouvant rester latents
chez un certain nombre d'individus, qui sont cependant capables de
les transmettre ; notons encoie, à l'encontre du préjugé populaire
le plus tenace, l'inocuité des unions consanguines entre individus
sains; la consanguinité ne crée point les tares, elle ne fait qu'addi-
tionner les tendances généralement similaires des conjoints ; signa-
lons encore ce fait que le croisement est aisé entre espèces voisines
mais qu'il n'y a pas de proportionnalité entre l'affinité tnxonomique
et la faculté de se croiser. Pour le reste, l'auteur refuse avec pleine
raison d'accepter des lois ; il réponse toutes celles (ju'on a prétendu
jioser sur l'jiérédité directe et l'hérédité croisée, sur l'influence pré-
pondérante de la mère sur les fils, du père sur les filles, sur lliéré-
dité alternante et autres combinaisons. Ce sont là des faits, de-
simples faits, qu'on a eu tort de donner sous forme de lois; en réa-
lité il n'y a pas de loi de ressemblance entre les enfants et levu's
jiarenls, dans ce domaine « tout est ]iossible, rien n'est certain »
(p. 238).
Variation. — La variation, qui s'oppose à l'héréditi', s'applicjue à
tout caractère nouveau d'un produit, tout caractère (jui n'est jkis
hérité d'un ancêtre même très éloigné, et qui ne résulte pas non
plus d'une combinaison de caractères ancestraux. Darwin a inoulré
que la variation est universelle et incessante, et que les espèces
varient, même (juand elles ne se transforment ]ias. La variation
peut être lente et continue, par exemple i)ar suite de modilications
biologiques, telles que nourriture, chaleur, ou brusque et discon-
tinue ; ce dernier cas donne tort à l'adage scolasticpie connu :
nalura non facit salins. La variation peut être indépendante, c'est-
à-dire affecter un seul oigane, ou corrélative, c'est-à-dire en affecter
]dusieuis à la fois; elle peut jiorler sur la grandeur, la couleui', la
forme, la |»osition, It; nombre, etc.
Les variations sont tantôt s|innlanées (c'est-à-dire cpir Von mCm
connaît pas la cause), tantôt dues à des ciiangenuMits dans les condi-
tions d'existence. De cela on peut citer (luehiues exemples bien
curieux : chez Vartemia les lobes de la (pu'ue et les soies diiiii-
nuful quand ce petit crustacé est élevé dans luic eau de plus eu
()lus salée. Ce fait se [uoduisit sjiontanénu'nt aux salines d'Odessa,
par suite des ruptures d'une digue, et Schmaukew itch a jmi lépéler
rex|)érience avec succès.
Pour (lu'une rspècf unuvcllc se fonuf, il faut ([ue la variation
soit lixée. L'auteur n'admet |)as d'autre origine des espèces (pic
celle-là; toute autre, dit-il, est antiscieutili(]U(', et il .'carte par une
niSTOLOGIIÎ, ANATOMIH ET PUYSIOLOGIE 548
fin de non-rccovoir a priori los doux autres oxplicatious qu'on a
(lonnt'es, h'S seules qu'on puisse ilonner, la création des espèces
[•ar un pouvoir divin et la génération spontanée. Seulement, ces
raisons théoriques mises à part, il constate qn aucun fait démontrant
la llxation d'une variation doniiant naissance à une espèce vé-ritable
n'est à l'abri de toute objection. On a bien pu constater à l'état sau-
vage, et l'homme, l'éleveur a bien pu fixer des caractères im[ior-
tants, suffisants pour constituer une espèce ; ces caractères ont bien
|)u se transmettre de génération en génération, mais leur fixité n'a
jamais été comparable à celle des espèces ou des variétés indivi-
duelles. L'homme peut obtenir des formes nouvelles ayant la valeur
d'espèces, mais il n'a jamais obtenu la formation d'une race ou
variété nouvelle capable de se maintenir sans son aide. Nos diverses
races de chiens, de chevaux, notre cochon domestique, notre chat
diffèrent des formes sauvages par des caractères nettement spéci-
li(iues, mais, rendus à l'état sauvage, tous nos animaux <lomesli<iues
reprennent les traits des formes sauvages parentes. En définitive
« là théorie de la descendance s'appuie sur une induction absolu-
ment légitime, la seule raisonnable, la seule scientifique. Mais il n'y
a rien dans les faits qui puisse forcer la conviction de ceux qui
refusent toute autre preuve que celles tirées de l'observation »
(p. 298).
Nous avons tenu à donner une analyse aussi étendue que possible
des faits, parce qu'ils sont curieux, recueillis souvent avec sagacité,
et qu'ils ont pour nous plus dimpoitance que It.'s théories. Toute
cette partie de 300 pages est d'une lecture extrêmement attachante ;
elle j»orte l'empreinte d'un es[uit éminemment philosophi(|ue. On
peut regretter seulement — et c'est moins un re]iroclie à l'auteur
(fu'un regret inspiré par l'état actuel de notre connaissance — on
jieut regretter que la description réunisse pèle-méle dans une sorte
de gâchis des faits empruntés au règne animal et au règne végi'-tal,
laits (pii très certainement sont soumis à bon nombre de lois diffé-
leutes ; le progrès de nos connaissances montrera un jour qui^ là
dû, sous prétexte de biologie gén(''rale, nous faisons des ra[)proclie-
nients qui produisent la confusinii, il faudra probablement établir
de nombreuses distinctions [iro fondes.
Deuxième partie. Tliéories parliculières. — Nous aurons à |>ail('r
si longuement des th(''ories générales qui sont les |>remièr(!S en
importance, que imus passerons plus ra|iidement sur les llii'-ories
jiarliculières ; celles-ci ont trait aux pioblèmes suivants : h; mou-
vement du protoplasmn, la division cellulaire, la régé-ni-ialion, les
globules polaires, l'isolriqjie de fujul', l'oiigine des sexes, et la théo-
rie de la sélection natmclle. Arrêtons-nous un moment sur celte
dernière théorie. Acceptée d'enliiousiasnie (|iiaiid elle lui ]Mdpos(''(!
par Darwin, elle voit ;nij<iui(rhui le uombre de ses adejiles décroître
544 ANALYSES
sensiblement ; on reconnaît qne la sélection existe, mais on conteste
sa puissance et sa capacité de former des espèces nouvelles. Delage
groupe la plupart des objections sous les quelques propositions sui-
vantes : 1° la sélection est impuissante parce que la plupart des
caractères qu'elle est censée avoir développés sont inutiles. Romanes
remarque que la plupait des caractères par lesquels les espèces se
distinguent les unes des autres sont sans ulilité pour elles. 2° il y a
de nombreux caractères utiles que la sélection n"a pu former parce
que leur utilité ne se montre que lorscju'ils sont complètement
développés. Il en est ainsi surtout du mimétisme. Une imitation
protectiice ne devient utile que quand elle est presque pai^faite. Les
premiers stades de la variation sont sans intérêt et ne peuvent don-
ner prise à la sélection. (Il y a ici, croyons-nous, une erreur psy-
chologique évidente ; une ressemblance n'a pas besoin d'être par-
faite pour agir; une petite ressemblance agit moins qu'une grande,
mais elle agit'). 3° Les variations, même lorsqu'elles sont utiles à
tous les degrés, le sont trop peu pour créer im avantage donnant
prise à la sélection. Cela est démontré par l'extMnple de la girafe ; si
son cou a mis par exemple mille générations pour s'allonger d'un
mètre, un gain d'un millimètre par génération a été d'une utilit(''
insignifiante, et du reste, quand la disette! vient, ceux qui meurent
sont les plus malades, les plus âgés, les plus jeunes, non ceux qui
ont le cou le plus court. Autre exemple, tiré du fémur de la baleine.
Cet os atroi)liié pèse 1 once. Comment la si'dection a-t-elle pu le
réduire? Supposons que quand il jiesait 2 onces, un individu en ait
eu par hasard un de 1 once seulement. Quel avantage pouvait lui
donner sur les autres cette réduction d'un organe; inutile?
ISous bornons là ces considérations ([ui montrent biiMi à quelles
attaques la sélection est en butte aujourd'hui. Si on ajoute, comme
nous lu verrons plus loin, ([ue l'on contest(> aussi l'hérédité des
caractères acquis, on s'apercevra que la théorie de l'évolution
devient singulièr<Mnent confuse et embrouillt'e.
Troisième partie. Les théories générales. — Ce sont celles qui se
proposent d'explicpier, non tel phénomène |)articulier, comme la
formation des (.'spèces ou le mouvenu'ut du proloplasma, mais l'es-
sence de la vie, comment elle commence, se continue et se transmet.
L'auteur distingue quatre théories principales : 1^ l/a théorie animiste
(1) Au moiuent où luuis faisons iiiipriuier cette analyse, nous trouvons
dans le récent livre de Donaidson sur la croissance du cerveau une expé
rieuce de IMerce et de Jastnnv qui confirnuî oUièrenicnt l'opinion ([U(
nous avançons dans le texte. Deux surfaces sont éclairées avec des inlen
sites dilîérentes ; la diflérence est si petite qu'on ne peut pas la recon
naître ; le sujet est \mé de deviner. Le résultat montra que la surface 1;
plus brillanle était désignée avec une telle frc(|ucnce que cette différence,
(|u'on ne pouvait pas rccijiuiaitre, agissait bien certainement sur l'opération
du choix. (Pierce et Jastrow, Mon. \a(. Acad. Se. Washington, 1884.)
ue
a
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 545
qui place la vie dans un principe spirituel, dirigeant et animant le
corps. Aristote, Platon, saint Augustin, tout le moyen âge, ont
essayé d'expliquer la vie par l'àme ; l'école de Montpellier a cru à
une force vitale. Chez beaucoup do sauvages, ajoute ironiquement
l'auteur, on retrouve une idée analogue. 2" La théorie de l'évolutio-
nisme ou de l'emboîtement des germes, d'après laquelle tous les
individus à naître sont contenus et emboîtés dans les oreanes
sexuels des individus actuellement existants ; théorie qui efface
toutes les difficultés de la ti-ansmission de la vie et des caractères,
mais à la condition d'admettre un fait absurde, que l'observation
directe dément. 3° Théorie micromériste consistant à attribuer la vie
et la formation des organismes à la réunion de particules très petites,
de nature spéciale, douées de propriétés dépendant de leur cons-
titution, réunies en nombre immense et groupées d'une façon par-
ticulière dans chaque espèce d'être et dans chaque organe de l'in-
dividu. ^° Vorganicisme, pour lequel les propriétés du corps sont un
ensemble provenant de tous les éléments, libres, cellules, organes,
tissus, le tout étant un consensus de phénomènes indépendants.
Delage écarte sommairement les deux premières théories, et ne
retient que les deux dernières.
Le nombre de théories microméristes est considérable, et nous ne
pouvons pas, à l'exemi^le de l'auteur, les analyser l'une après
l'autre. Signalons simplement celles des molécules organiques de
Buffon et des microzymas de Béchamp; ce dernier est un de nos
contemporains. Ces naturalistes ont admis que les particules
vivantes sont universelles et indestructibles; après la mort de l'être
vivant, elles se séparent simplement. Buffon pense que les molé-
cules organiques pénètrent dans l'être avec la nourriture, se rendent
aux organes, dont elles accroissent les cellules ; et quelques-unes
de ces molécules se rendent des organes dans la liqueur séminale,
où elles se groupent d'après des affinités commandées par la nature
des organes dont elles sont issues. Celles provenant du foie se
rangent à la place où sera le foie, celles provenant du cerveau à la
place où elles devront former le cerveau. Ceci explique du même
coup la reproduction et l'hérédité. Seulement, c'est xine hypothèse
({ui admet que les molécules organiques sont spécifiques. Une
molécule qui faisait partie d'un brin d'herbe, en devenant partie
intégrante du foie de l'herbivore, deviendrait dans cet organe molé-
cule spécifique du foie. Comment? c'est la lacune de la théorie, et
il est singulier que Buffon ne s'en soit pas aperçu.
Théorie de Spencer. — Cette théorie, que Delage qualifie de hardie
et de puisssante, qui date de 1864, et qui a ouvert la voie à beaucoup
de théories l'écentes, notamment celle de Darwin, prend comme
point de départ la polarité, c'est-à-dire l'attraction pliysico-chimique
des molécules appelées unités physiologiques. « Los cellules ne sont
pas les éléments organisés ultimes qui conslituent les êtres vivants.
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. H. 35
o46
ANALYSi:S
Elles ont une organisation trop avancée pour résulter d'un simplf
groupement d'élémenls cliiniiques. Entre les unités cliiuùques (molé-
cules) et les unités morphologiques (cellules) il doit exister un troi-
sième ordre d'unités, composé de molécules et composant les
cellules, ce sont là les unités morphologiques. » Des chimistes les
appelleraient simplement des molécules organiques. Pour faire
comprendre l'idée de Spencer, on peut dire que toute sa théorie
repose sur un parallèle enlre l'organisalion df la malirre vivante et
la cristallisation. De même qu'une petite particule de cristal sul'lit,
<'n attirant à elle des particules semhlables poUr construire un
cristal volumineux., de même une molécule organique étant donnée,
elle s'accroît et construit le corps entier de l'animal ou de la plante :
il n'y a qu'une din'éri'UCi? de comi)lexité entre le cristal, cube,
ihomboèdre, aiguille, croix de Saint-André, boule épineuse, etc., et
le corps d'un animal, avec ses membres, ses poils, ses organes
internes ; il y a encore une différence de stabilité; le cristal a une
l'orme plus définie, l'organisme étant plus complexe, est plus plas-
tique. Il suit de là que les unités organiques qui, en se cristallisant,
forment le corps de l'être vivant, n'ont aucune spécificité ; celles du
foie sont idenlicjues à celles de la tête, de même que dans un cristal,
toutes les molécules sont identiques. Ceci explique bien la répara-
tion de l'usure et la régénération ; tovil ^c jiasse comme dans un
cristal ébréché qui, placé dans une solution mère, se réparc. La
reproduction et l'hérédité, ces deux grands problèmes d'une diffi-
culté inouïe, reçoivent une solution presque satisfaisante puisqu'il
suffit d'une unité physiologique pour reconstituer tout l'ensemble ;
nous passons sur les détails de la reprudiidion sexuelle, sur l'avan-
tage que présente l'union du spermatozoïde à l'ovule pour la nou-
velle cristallisation ; les ex[)lications dans ce cas deviennent un peu
artificielles. On peut dire ccqtendant d'une manière générale que la
théorie de Spencer résout à la rigueur le ])roblème de l'héi-édité,
mais elle est impuissante en face de celui de l'inolution ; en efl'ef,
1° elle n'exj)li(pie pas pour(|Uoi et comment se fornu-nt des organes
IH'ovisoires et des formes larvaires dans h; dévelopjx'inent de l'indi-
vidu, pourijuoi la forme adulte ne se cristallise jias de suite ; 2" elle
n'explique pas comment dans son développement un individu
répèt.e la phylogi-nie ; 3*^ elle n'explique pas l'évolution, les change-
nuMits graduels des espèces, sinon en invocpiant de la façon la plus
vague le jirincipe de la conservation de l'énergie, llaacke a modifié,
sans paraître la connaître, la théorie de Spencer, en donnant aux
unités physiologiques, qu'il appelle gemmaires, la forme de petits
[)rismes droits à base rhombe, pour expli(juer les difi'érenles formes
du corps. N'insistons point, ce serait tout à l'ait inutile.
Aux lhéori(;s i)récédenles, on peut opposer celles de Dolbear,
Erlsberg, Haeckel, (jui attribuent tous les phénomènes biologiques à
des particules devant leurs piopriétés aux mouvements vibratoires
HISTOLOGIli:, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 547
dont elles sont douées. La thèse de Hoîckel n'est pas la meilleure, ni
la plus originale, mais c'est la plus connue ; elle fait jouei* le prin-
cipal rôle au mouvement des plastidules, et les choses sont prises à
ce point au pied de la lettre que la reproduction sexuelle devient
inie fusion des deux protoplasmas dans lesquels les plastidules, en se
mélangeant, combinent leurs mouvements suivant la règle du paral-
lélogramme ; les produits représentent la diagonale des caractères
des parents. Il faut ajouter que Hœckel attribue aux plastidules
sensation, mémoire et volonté, ce que Delage considère, nous ne
savons trop pourquoi, comme un exécrable fatras métaphysique.
Ecartant des théories nombreuses, et plus ou moins voisines des
précédentes, nous arrivons à celles de Weismann, Darwin, Na?geli,
de Yries, pour lesquelles les particules du protoplasma représentent
chacune une partie définie de l'organisme ou quelqu'un d<?^ses carac-
tères. C'est juste le contre-pied de la théorie de Spencer.
Théorie de Weisniami. — Cette théorie, qui a fait lant de bruit dans
le monde, et que son auteur a mise au jour, modiliée et fait pro-
gresser dans une dizaine de mémoires successifs auxquels lui oïd
permis de travailler les loisirs causés par une maladie des yeux, la
théorie de Weismann peut être distinguée, pour la commodité de l'ex-
position, en deux manières difT(h('ntes. La première manière recevra
le nom de théorie de l'idioplasma. Weismann part de l'idée que le
noyau de la cellule est directeur de la vie de la cellule, idée qui parais-
sait vi'aie à l'époque de ses premiers essais, en 1882, et qui aujour-
d'hui est en partie ruinée ; mais peu importe ce détail, car une simple
transposition de termes suffirait pour mettre les idées de Weismann
au courant de la science. La substance contenue dans le noyau, l'au-
liMir la désigne sous le nom d'idioplasma. Or, cet idioplasma est néces-
sairement fort complexe ; quand une cellule, au cours du dévelop-
pement de l'être, se divise et que les deux cellules tilles évolueront
dans im sens dilféi'ent, l'une devant l'aire par exemple du système
nerveux, l'autre de l'épiderme, il faut admettre qu'elles reçoivent de
la division des idioplasmas différents. Il y a donc autant d'idio-
plasmas différents (ju'il y a de tissus difTérents, et il y a d(nix espèces
de division de cellules, l'une homogène, dans laquelle ridio{)lasma
maternel se partage identiquement entre les deux noyaux filles,
l'autre hétérogène, dans laquelle il se divise en deux parts ([uali-
tativement différentes. D'après ce ([ui précède, l'idioplasma de
l'œuf fécondé (jui se segmente! contient les idioplasmas de tous les
tissus différents du coips. Mais si, à mesure que h; dévelo|)pement
s'effectue, tous les idioplasmas d'abord réunis dans l'œuf s'épar-
pillent dans les difTérents tissus, cojnment l'ovule (pii se formel"!
dans cet être nouveau, de deuxième génération, ])ourra-t-il réunir
à son tour tous les idioplasmas devant seivir à former l'individu dr
troisième génération? (^'est ici ([n'intervient l'hypothèse de la conti-
nuité du plasma germinatif. L'ovule contieijt outre les idioplasmas
548 ANALYSES
piuliculiers des (issus, un plasma spécial, dit g(M-minalif, capable
tle reproduire uu être nouveau semblable au premier. Ce plasma
germinatif, à chaque division, passe dans certaines cellules, précisé-
ment dans celles qui doivent donner lieu, par des divisions répétées,
aux cellules sexuelles ; ces cellules mères reçoivent une minime
parcelle du plasma germinatif, et le Iransmetteut aux cellules
sexuelles.
La sortie du premier globule polaire s'explique dans cette théorie
de la manière suivante; l'œuf a reçu, pour se former et grossir, un
idioplasma particulier ; il est en cela comparable à toutes les autres
cellules ; ce plasma particulier porte ici le nom de plasma ovogène ;
il contient en outre le plasma germinatif (]ui présidera au dévelop-
pement; le ]»remier globule i)olaire sert à faire sortir de l'œuf le
plasma ovogène, dont il n'a plus besoin quand il va èlre fécondé.
Cela est bien ingénieux, mais aussi bien artificiel !
A quoi sert maintenant le second globule polaire? On sait que
dans les œufs destinés à être fécondés il y eu a deux, laudis ({ue
dans les œufs parthénogenésiques il n'y en a qu'un. Le deuxième
globule polaire sert à éliminer une part des [dasmas ancestraux,
afin de faire de la place aux plasmas nouveaux qu'apporte le sper-
matozoïde fécondateur. Eneiï'el, dans toute fécondation, il y a com-
binaison de deux [ilasmas germinatifs, celui de l'ovule et celui de
l'élément mâle; quand, dès l'origine de la vie, la première fécon-
<lation a eu lieu, le noyau de l'ovule fécondé a conlcnu 2 ])lasmas
germinalifs, celui du i)ère et celui de la mère; à la seconde
généralion, l'ovule fécondé en a contenu 4, les 2 siens et les 2 qui
lui sont apportés par le spermatozoïde; à la troisième génération,
chaque éh'iiienl en conlieut 4, et après la fécondation, Tovide en
a 8 ; il s'est formé une quant il é énorme de plasmas ancestraux repré-
sentés dans la cellule sexutdle par aulant de parcelles (]u'elle a eu
d'ancêtres; mais ce nombic; ne peut pas êlre illimité', |uiis(iue le
volume du noyau reste toujours le même. Il faut donc, à un certain
moment, qu'une i|uautilé de plasma geriiiinatif sorte de l'ovule pi>ur
que la quantité a[)portée par le spermalozoïtle puisse y trouver place.
1/émission du deuxième globule polaire représente cett»; éliminalion
nécessaire, et on comprend du même coup que dans un œuf partht'-
nogenésique, comme il n'y a ]ias de fécondai inn, il n'y a pas de
nécessité d'éliminer des plasmas ancesliaux, et par conséquent le
deuxième globule jiolaire n'existe pas.
Reste une dernière nécessité biologique, ctdie d"expli(iuei' la varia-
tion et la formation des espèces. Pour expli(juer la formation des
espèces, deux lliétuies |)iincipales et Idul à l'ait distinctes sont en
l>résence : celle de i.amarck, qui admet que l'origine de la variation
se trouve dans l'acliou directe des milieux, et (jue l'héréilité peut
agir sur ces modilicalioiis acquises; la théorie de Darwin, telle
([u'cUe est habituellement présentée, emprunte à celle de Lamaick
UISTOLOGIE, ANAÏOMIE ET PUYSIOLOGIE 549'
ces deux principes ; mais elle iieul s'en passer à la rigueur, et se
contenter d'affu^mer que, par suite du Jeu des forces biologiques, des
variations se produisent, et la sélection, c'est-à-dire la persistance
(lu plus apte dans la concurrence vitale, suflit à assui^er la perpétuité
de ces variations fortuites quand elles sont utiles à l'individu. Weis-
mann s'est vu obligé d'écarter l'idée de Lamarck ; car le j^lasma gei-
minatif est trop profondément placé pour subir l'action modifica-
trice des conditions ambiantes, et les caractères acquis n'ont aucini
moyen de communiquer au germe une modilîcation adéquate qui
permette de les reproduire. Il a donc été amené par la force de sa
théorie — et non jiar l'observation des faits, remarquons-le en pas-
sant — à repousser la transmissibilité des caractères acquis, et il a
trouvé la cause des variations dans la reproduction sexuelle, qui,
mélangeant des plasmas ancestraux différents, engendre une
diversité entre les produits. Sur ce point s'élève une petite difficulté.
D'oîi vient que les plasmas ancestraux sont différents, puisque
les différences que les animaux ont acquises — et on ne voit pas
quelle autre origine elles pourraient avoir qu'une acquisition — ne
sont pas ti^ansmissibles? Il faut, pour échapper à ce dilemne, sup-
poser que les métazoaires descendent des protozoaires, que chez
ceux-ci les modifications acquises se transmettent parce que chez
eux le soma et le plasma germinatif sont confondus; et ce sont ces
modifications acquises par les protozoaires qui ont été la première
amorce de la différenciation des métazoaires ; les combinaisons de
la fécondation ont travaillé sur cette donnée première.
Telle est cette théorie, très cohérente, sans doute, mais plus
curieuse que convaincante ; nous venons de la résumer sous sa
première forme ; les objections de fait ne lui ont pas manqué. Signa-
lons-en quelques-unes. Strasburger oppose à l'idée de plasma ger-
minatif le fait bien connu que chez les bégonias des fragments de
feuille, plantés dans le sable humide, reproduisent la plante entière.
Y a-t-il donc du plasma germinatif dans ces feuilles? Et Weismann
fait cette concession, presque comique, qu'il y en a peut-être un peu.
— La variation, a-t-il [irétendu, a pour cause le mélange des plasmas
dans la reproduction sexuelle. Mais Vines lui montre des groupes
entiers de champignons parthénogeuésiijues riches en genres et en
espèces descendues évidemment les unes des autres, et Weismann est
obligé d'admettre qui; les conditions extérieures peuvent agir sur le
jilasma germinatif (ît provoquer des variations.
Son interprétation des globules polaires paraît être aussi démentie
par les recherches nouvelles, et il en convient presque. Enfin,
Hartog, Pfeffer et Delage font une objection capitale à l'origine des
plasmas ancesti'aux. « A qui fma-t-on admettre (|ue les caractères
des mollusques, des insectes, etc., l'hcctocotyle du jjoulpe, la main
de l'homme et l'œil de l'aigle puissent résulter d'une combinaison
quelconque des caractèi'es des protozoaires ? (p. 530). » Nous verrons
550
ANALYSES
x\n peu plus loin la seconde forme que Weismann a donnée à sa
théorie.
Théorie de Dancin. — I.a pnngpn('''se. Pourjuper avec équité la
théorie de I);irwin, il faut d'ahord se rappeler sa date d'apparilion ;
elle est de 1858, et heaucouf» de théories plus récentes, qui lui
paraissent infiniment supérieures, en ont profité. Darwin n eu lui-
même quelques précurseurs, Démocrite, Hippocrate, Maupertuis,
et même son grand-père Erasme Darwin. La théorie de Darwin,
comme celle de Spencer et celle de AVcismann, met en Jeu des par-
ticules vivantes; elle diffère de celle de Spencer en ce que les parti-
cules ne sont pas toutes identiques, mois spécifiques, c'est-à-dire
représentatives des diffé-rentes parties du corps; à ce point de vue,
l'idée de Darwin ressemble à celle de Weismann ; elle en difiére par
l'origine assignée à ces particules. Pour Meismann, les particules,
appelées plasma germinatif, sont renfermées dans l'ovule, et trans-
mises par les ancêtres ; il y a continuité du plasma germinatif, et à
chaque développement, il y a distribution de l'héritage jilasmatique
entre les difi'érents tissus du corps ; cette théorie a le défaut de ne
|)as laisser comprendre la fixation héréditaire des caractères nou-
veaux acquis parles individus. Darwin prend le contre-pied de cette
idée; les particules vivantes, qu'il apftelle gemmules, sont formées
par et dansles cellules du corps; et elles représentent ces cellules,
(lui sont des masses inertes ; ce sont ces gemmules qui doniuMit l'acti-
vité aux cellules par une sorte de fécondation incessante, appelée
pangenèse ; au moment de la repi-oduction, les gemmules subissent
une émigiation, elles se rendent dans les cellules sexuelles, s'y
accumulent, et représentent là toutes les parties de l'organisme; dt;
cette manière est expliquée la ressemblance des produits avec le
générateur; c'est cette resseml)lance, ne l'oublions pas, qui consti-
tue le fait le plus difficile à expliquer; tout le reste, l'utilité de la
fécondation, la régénération, etc., n'est rien à côté. Or, il sembh'
bien que la théorie des gemmules rende compte que la cellule
sexuelle contienne une miniature du corps enliei-, et du corps modi-
fié, avec des carfictères acquis, puisqu'elle contient des gemmules
émanées de toutes les cellules de ce corps ; mais cette solution n'est
atteinte qu'au prix d'une hypothèse vraiment fantastique, uni; immi-
gration qui se fait on ne sait commeni, on ne sait par quelle voie,,
et de ])lus, une immigration intelligente : les gemmules connaissent
leur chemin, distinguent les cellules les unes des autres, passent
ici, s'airêtent là. Evidemment, on en demande trop à notre ci'oyance.
Théorie de Nœrjeli. — Elle date ih; 188i-, et si elle n'est pas plus
connue, c'est qu'elle est extrêmement compliquée, surchargée de
détails inutiles, et de plus elle a été exposée dans un gros ouvrage
obscui'. Elle a pour point de départ une idée fort ingénieuse ; elle
admet, comme les théories de Weismann et de Darwin, l'existence
de particules matérielles douées d'un pouvoir représentatif; seule-
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 5o 1
ment, pour économiser un cerlain nombre de ces particules, Nœgeli
ne leur fait pas représenter les cellules du corps, qui sont en nombre
inimtMise chez ceilains êtres ; il leur fait représenter les propriétés
élémentaires de Torganisme, qui sont en nombre beaucoup plus
restreint. Sans entrer dans des détails qui allongeraient indûment
cette interminable analyse, disons que l'auteur se représente dans
les êtres supérieurs, animaux ou plantes, l'idioplasma comme un
immense réseau continu répandu dans tout l'organisme, passant
d'une cellule à l'autre par des pores ultramicroscopiques de leur
paroi et étendant ses mailles dans toutes leurs parties, aussi bien
dans leur noyau que sous leur membrane et dans leur protoplasma.
Il faut ajouter que ce réseau est formé de cordons, de faisceaux
dont chaque élément est en rapport avec une propriété biologique
particulière, de sorte que toute partie de l'organisme, renfermant
les faisceaux et cordons idioplasmatiques, renferme par là même
toutes les capacités ; en un mot, toute cellule de l'organisme con-
tient les mêmes éléments formateurs que la cellule mère de cet
organisme. Mais nous serions bien étonné que jamais un auteur, si
ce n'est Naegeli ou quehjues-uns de ses élèves, crut à l'existence de
ce réseau compliqué que l'on n'a jamais vu.
Passons sur la théorie de de Viies, qui est une modilicalion de celle
de Darwin et de celle de Naegeli, et arrivons à la seconde forme de
la théorie de Weismann, exposée en 1892 :
Théorie des délerminants de Weismann. — C'est là, à ce que
pense Delage, le dernier effort du système des particules représen-
tatives. Weismann en a tiré tout ce qu'on pouvait en tirer. Avec une
application d'esprit étonnante et une adresse prodigieuse, il s'est
servi de tous les progrès accomplis par ses prédécesseurs, il leur a
emprunté à pleines mains leurs meilleures idées, pour compléter sa
première théorie, qui est devenue de la sorte une sorte de chef-
d'œuvre. On sent qu'après lui il n'y a plus rien à tenter dans cette
voie. Et pour le dire tout de suite, il a échoué.
Dans sa première forme, sa théorie des plasmas ancestraux laissait
de côté la constitution intime du protoplasma. C'est cette lacune
qvi'il a voulu comhh'r, et il a d'abord supposé l'existence de bio-
phores, corps organiques qui ont la propriété de se nourrir, de
s'accroître et de se reproduire, qui habitent dans le noyau, y sont à
l'état latent; quelques-uns, en petit nombre, sortent par les trous de
la membrane nucléaire, arrivent au protoplasma ; ce sont eux qui
déterminent telles et telles propriétés du protoplasma ; les biophores
se transmettent de noyau en noyau par division. Com.me un organe
tout eiUier peut varier, il faut que les biophores qui font varier ses
diverses propriétî's "soient groupés ensemble, de manière à entrer
simultanément en activité; à ce grou{»emenf, on donne le nom de
délerminants ; de même, il y a des groupements de déterminants,
et on leur donne le nom d'ides. Les ides correspondent aux plasmas
552 ANALYSES
ancestraux. Quand los cellules se divisent, un certain nombre de
déterminants restent à l'état latent dans le noyau des cellules lilles,
et quelques déterminants se répandent dans le proloplasma et en
déterminent la nature. On voit que cette conception nouvelle de
Weismann diffère surtout de sa première conception en ce que les
particules de Tidioplasma représentaient des cellules, tandis que les
déterminants et biophores représentent des caractères de cellules ;
c'est une idée ingénieuse empruntée à jVfogeli et ta de Yries. Cette
idée nouvelle, sans bouleverser la théorie ancienne, permet de lui
apporter quelques corrections de détail. Ainsi, de nouvelles recher-
ches ont obligé Weismann à admettre que les deux globules polaires
servent à éliminer le plasma germinatif.
Comment faire alors pour éliminer le plasma ovogène? Avec la
nouvelle théorie, c'est inutile ; les biophores qui ont déterminé le
plasma ovogène n"ont plus qu'à se dissoudre et à disparaître dans ce
plasma, après l'avoir déterminé. Be plus, et c'est peut-être là son
plus grand mérite, cette théorie exprime avec une très grande sou-
plesse toutes les combinaisons possibles de ressemblance présentées
par l'hérédité, et on sait si elles sont nombreuses. Dans le noyau
de l'ovule fécondé se trouvent réunis un grand nombre de détermi-
nants qui peuvent avoir des vigueurs différentes, ou qui peuvent se
répartir en groupes dont les uns se renforcent mutuellement , parce
qu'ils sont assez analogues, ils sont donc homodynames, tandis que
les autres sont très différents entre eux, se paralysent, ils sont hété-
rodynames. Avec ces quelques données de mécani(jue, on compnMid
les caractères latents pendant plusieurs générations, on comprend
les ressemblances avec des ascendants et même des collatéraux éloi-
gnés ; on comprend aussi ce que c'est que la force héréditaire, grâce
à laquelle un certain caractère, le faciès des César, le nez des Bour-
bon, par exemple, a persisté dans mie famille en dépit d'alliances
variées qui auraient dû le détruire ; on peut admettre (jne ce carac-
tère est représenté par un groupe vigoureux de déterminants homo-
dynames. Autre avantage de la théorie : elle admet la transmission
des variations produites. Weismann l'a d'abord rejetée, cette trans-
mission, dans sa ])remière théorie, parce qu'il avait supposé que
pour l'admettre, il fallait admettre aussi une réaction ndé((uate du
soma sur le plasma gerniinalil', chose (jue rien ne jtrouvi' et qui ne
se peut concevoir ; comment admettre en effet qu'une blessure de
l'épidernie jmisse correspondre dans le geime à quelque chose de
précis et d'adéquat? Mais du moment que le soma et le i>lasma ger-
minatif contiennent des déterminants identi(|ues, on comprend
qu'ils soient modifiés semblablement par les conditions extérieures.
Nous passons sur quelques difficultés accessoires de la théorie, par
exemjtle l'explication de la régénération. Ce qu'il y a de certain, en
définitive, et sur ce point Delage a parfaitement raison, c'est que la
théorie des particules représentatives est complètement impuissante
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 5S3
à oxpliquer l'ensemble des grands problèmes biologiques. Delage
adresse des critiques fort pénétrantes à ce dernier perfectionnement
de Na^geli et de Weismann, d"après lequel la particule vivante repré-
senterait non la cellule mais ses propriétés, ses caractères élémen-
taires, croyant faire ainsi une grosse économie de particules. Ils se
sont bien gardés de faire une énumération de ces caractères élémen-
taires. Delage a essayé de combler cette lacune, et il dit: de deux
choses Tune, on prend pour facteurs élémentaires des caractères
objectifs aussi limités que possible, comme par exemple pour les
feuilles des formes de pétiole, de limbe, des dispositions de nervures,
etc. Si on arrive avec 2000 éléments de ce genre à constituer tous
les caractères qui se trouvent dans tous les organes d'une plante, on
n"y arrivera jamais pour un être aussi différencié qu'un mammifère.
I.a seconde manière consiste à décomposer les cai^actères en facteurs
subjectifs, tels que tendance à l'accroissement en longueur, en lar-
geur ou en épaisseur, d'où résulte la forme ; conception que Delage
juge incompréhensible. « Je ne vois pas, dit-il, la fibrine se coagu-
lant en lilaments, dans une solution de cette substance, sous l'action
de trois agrégats contenus dans la solution, dont l'un lui dit : Ion
coagulum sera long ; l'autre : il sera étroit ; le troisième : il sera
mince ; d'où résulte qu'il forme un filament » (p. 638).
Outre cette objection de détail, il y a une objection plus générale
et plus grave, qu'on peut adresser à toutes les théories micromé-
ristes, c'est qu'elles n'expliquent pas comment l'onlogénie peu!
répéter la phylogénie. Nous avons indiiiué plus haut le sens de cette
répétition, par suite de laquelle le développement passe par des
formes transitoires avant d'atteindre les formes définitives. \Veis-
mann invoque la maturité comme raison de la sortie des bioi»liores
à tel moment et en tel point, mais ce n'est qu'un mot. Bien d'autres
objections se pi-essent. Delage conclut nettement : 11 n'y a point,
dans le plasma germinatif, de particules distinctes l'eprésentant les
parties du corps, ou les caractères et les propriétés de l'organisme.
Organicisme. — Les organicistes sont peu nombreux ; du moins
la plupart de ceux qui s'y rattachent, comme Von Bœr, Claude Her-
naid, Bichat, Pfliiger, etc., n'ont point fait de tliéorie complèlc 1/or-
ganicisme ne sujii)OStî pas une préderminalion aussi précise (jue le
micromérisme ; il suiq)Ose le concours d'une détermination modérée
et des forces ambiantes, qui sont nécessaires pour assurer la déter-
mination finale.
I,(! père de l'organicisme est probai)lement Descartes, qui ex|ili(iue
la i'orniation des organes par des actions et réactions mécaniques
des parties les unes sur les autres, selon leur volume, leur fluidité,
leur température, leur élasticité et la direction que leur imprime le
cours du sang. « Même en tenant compte de l'époque, dit Delage,
on est obligé de reconnaître que la fantaisie et les assertions gra-
tuites jouent un rôle un peu trop grand dans sa doctrine » (p. 723).
554 ANALYSES
La théorie do Houx (1881) est bien supérieure. Roux est ce natu-
raliste autrichien qui s'est fait connaître par ses l>enes expériences
sur la mécanique du développement ; il a cherché à monirer que la
tâche de Thérédité- esl moins forte qu'on ne la juge, car les causes
purement extérieurrs interviennent pour une large part dans la
détermination des ctdlules de l'organisme. Voici comment il rai-
sonne. Dans le plasm;i de chaque cellule, il y a un grand nombre
de molécules chimiqiu^s qui n'ont ni les mêmes jiropriélés ni l;i
même force ; elles sont en lui le entri' elles ; elles sont différemment
sensibles aux excitations cxli-rieures ; quand une molécule est
excitée plus souvent que les autres par les irrilan'ts qui lui con-
viennent, elle acquiert plus d'importance, et toutes les molécules
semblables deviennent, sous l'intluence de cette excilation fonction-
nelle, prépondérantes dans la cellule. C'est ainsi, jiar cette concur-
rence des molécules et par l'excitation fonctionnelle, que certaines
cellules deviennent musculaires, d'autres nerveuses, osseuses ou
glandulaires; il reste toujours dans les cellules quelques molécules
non ditîérenciées; celles-là serviront, (piand le besoin se piésentera,
à faire des régénérations.
Voici une application de cette théorie. On sait (jue les trabécules
de la substance spongieuse de l'os sont partout dirigés dans le sens
du plus grand effort : or, dans une fracture mal réparée, (juand les
deux fragments principaux sont n'-unis par un segment oblique,
les trabécules prennent dans ce segment la direction du plus grand
effort, direction naturellement aulre (pie si le segment intercalairi'
eût été sur le prolongement des deux fragments principaux. Ceci
s'explique de la manière suivante. Dans l'os, l'excitation fonction-
nelle est l'acliou mécanique qui s'exeice en ses différents points
lors(ja'il résiste aux elforts ([ni lendeni à détruire sa rigidité. Dans
les trabécules oi'ientés suivant, la direction du plus grand effort,
cette excitation est plus énergiipie (ju'ailleurs, et ])roduit une ini{iul-
si(jn nutritive qui développe ces trabécules (p. 128). De même, les
fractures soumises à des mouvements pendant leur consolidation,
donnent naissance à une pseudarthrose, c'est-à-dire qu'il se forme du
cartilage et des ligaments,, appopiiés à la fonclion nouvelle, sans (jue
l'hérédité puisse intervenir en rien. L'excitant des nerfs, c'est la
sensation, c'est la pensée; l'excitant des glandes, c'est le sang;
l'excitant des tissus conjonctifs, c'est l'action mécanique. « C'est la
lumii'To (|ui a formé l'o'il, le son l'oreille, et ainsi des autres sens »
(p. 731).
Cette théorie ingénieuse n'expli(ine ni la régénéral ion ni rinilo-
genèse, ni surtout rhér(''dil('. En effet « l'excitation fonctionnelle ne
peut déterminer que les traits généraux de la différenciation et non
les minimes détails qui constituent la ressemblance héréditaire...
Est-ce la lutte moléculaire ou l'tîxcitation fonctionnelle (jui donnera
à cette main ses caractères individuels et la rendra effilée comme
UTSTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE
ooo
chez lo père, ou courte romme cliez la mère, qui ïova ce nez un peu
plus droit comme cliez celui-ci, ou un peu plus recourbé comme
chez celui-là, qui fera naître sur lui ce petit sicne noir juste à la
même place que chez l'un ou l'autre ? » (p. 740).
Nous en avons fini avec tous ces chercheurs de l'absolu. On ne
peut pas leur repiochr-r de ne jias avoir atteint le but, dit Delage,
parce que ce but dcpasse la portée de l'intelligence humaine. Et il
ajoute cette considération bien curieuse que toutes ces hypothèses
où l'on imagine de toutes pièces une constitution précise et com-
pliquée du protoplasma sont condamnées d'avance parce qu'elles
inventent des choses qui ne s'inventent pas. « Il est impossible de
tomber juste en imaginant les dispositions de détail d'une chose
extrêmement compliquée qui ne se révèle que par des effets iiuli-
rects et éloignés. L'histoire tout entière des progrès de l'histologie
est là pour le montrer. A-t-on jamais deviné les moindres structures
que le microscope a dévoilées? A-t-on deviné la striation transversale
des muscles, les cils des épitheliums vibratiles, les prolongements des
cellules nerveuses, etc. ? Et l'on vomirait que, personne n'ayant
jamais pu deviner la moindre de ces choses, quelqu'un un jour pût
tomber juste en inventant le détail de la structure du profoplasma
et des mouvements combinés de ses particules constitutives ? C'est
impossible ! » (p. 746).
Après avoir assisté à cet avorlement de tant d'liy]i(ilhèses, et avoir
dressé, au sujet des grands problèmes biologiques, un bilan de
faillite qui jure quelque peu avec le coup de clairon de la préface,
l'auteur a eu le courage de présenter une théorie personnelle, qui
est surtout un perfectionnement de la théorie de Roux, bien qu'elle
se soit développée dans son esprit avant qu'il connût <'elle de Roux;
il l'appelle la théorie des causes acinelles; elle s'appuiera peut-être
un jour, à ce qu'il nous annonce, sur des faits d'expérience. « J'ai
entrepris, dit-il, diverses expériences qui seraient décisives pour la
solution de questions préjudicielles indispensables. Mais ces expé-
riences toujours fort longues, porlnni fiarfois sur plu>ieurs généra-
tions, ne sont pas assez avanc(''es pour qu'il me semble utile
d'escompter les résultais (ju'elles laissent entrevoii'. »
Sa préoccupation principale paraît avoir été de >iin|ilifier; on
complique tro{) l'hérédité, peuse-l-il, on la charge de faire trop de
choses ; il n'y a pas tan! de caractères, d'organes et de formes pré-
déterminés dans l'ovule, l/a-uf m; contient pas en lui tous les élé-
ments de son évolution ; le plus grand nombre est en dehors de lui,
et il les rencontrera ou les fabri(|uera en route. Delage le compare
à un fleuve qui, alinienl/' par la fnnle d'un glacier, dtîscend de la
montagne, forme une cascade, s'étale dans la plaine, tourne un
moulin, et se perd dans la mer; aucmi de ces divers jihénonn'-nes
n'est déterminé à l'avance dans l'eau, le nuage, le glacier. De même,
l'évolution de l'individu est le produit de nombreux facteurs, d(nit
5S6 ANALYSES
l'un est la constitution de l'œuf, et dont les autres sont les tropismes
et les taclismes, Texcitation fonctionnelle l'action des ingesta et
egesta de la nutrition, et les conditions ambiantes de tout ordre.
Et le plasma germinatif ? Que faut-il penser de ce précieux dépôt,
qui, selon Weismann, reste toujours distinct du plasma somatique ?
« L'observation la plus minutieuse n'a jamais montré dans les cel-
lules la mise à part de quoi que ce soit c[ui dans leur substance
serait transmis intact » (p. 767). La cellule sexuelle et toutes celles
de sa lignée ascendante jusqu'à l'œuf, sont simplement des cellules
peu différenciées, et capables de faire retour à leur état initial; et
c'est précisément parce qu'elles sont peu différenciées qu'elles sont
immortelles, car elles peuvent se diviser, et la division homogène ne
diminue jamais la vitalité des cellules (affirmation ipii nous paraît
sans preuve). Au contraire les cellules hautement différenciées ne
peuvent plus se diviser, voilà pourcjuoi elles meurent.
L'explication de l'hérédité devient dés lors toute simple, trop
simple même. « 11 est inévitable que l'œuf suive la même évolution
que l'œuf du parent, i)uisqu"il a la même constitution physico-chi-
mique que lui et rencontre, dans le même ordre, une série de
conditions identiques rigoureusement déterminées. 11 n'est donc
pas nécessaire qu'il contienne en lui tous les facteurs de son évolu-
tion. Il suffit qu'il contienne un des nombreux facteurs indispen-
sables à la reproduction i(lcnti(iue de tous les phénomènes évolutifs,
les autres facteurs non moins indisjiensables sont situés en dehors
de lui, mais il est sûr de les rencontrer, à point et à temps, sans quoi
il meurt, et l'évolution n'est pas déviée, mais arrêtée » (p. 177). C'est
à peu près l'idée de Roux, et Delage lui avait très bien objecté
([u'on peut expliquer ainsi à la rigueur une forme générale et non
une ressemblance de détail itrécise et locale entre le parent et
l'enfant, comme un nœvus sur telle partie de la main. Il est bien sin-
gulier que l'auteur ne se soit plus souvenu de sa ciiticiue quand il
s'est agi de sa propre lliéorie.
L'auteur arrive à assigner à l'œuf un minimuu de détermination.
Mais ce mininum nous senijjje, somme toute, aussi iiiexplicabh^ (jue
le nuiximum.
Au reste, noire inleiilioii ii"e^t point de nous ;irrèler sur cette
première esquisse de la théorie île rauleiir. Aileiidoiis les faits
d'observation (ju'il nous annonce. Il ne faut voir dans son ouvrage
qu'un livre d(; critique, de haute critique philosophique, faiti; avec
une ardeur de conviction, une ricliesse d'iiifoiinalion, une confiance
et une puissance d';^Ilaly^e vraiment admirables.
Le style, malgré l'abus ilu luonom cela, est d'une clarti' |iari'aile.
Nous croyons qu'il a atteint le but iju'il s'est i)roposé ; il a
donné aux piiilosophes une représentation i)arfaitement claire de
toutes les solutions proposées par les savants contemporains aux
grands problèmes biologi(iues de tous les tem[ts. Il reste maintenant,
llISTOLOGIi:, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 557
croyons-nous, pour les philosophes à démonter le mécanisme de ces
théories, — indépendamment des faits auxquels elles s'appliquent, —
à mettre en lumière leurs caractères psychologiques et logiques, les
analogies conscientes ou non qui leur ont servi de base.
A. Bl.NET.
ANATOMIE DU SYSTÈME NERVEUX
I. — STRUCTURE DES CENTRES NERVEUX
\V. V. BECIITEREW. — Die hintere Zweihùgel als Centrum fur das
Gehôr, die Stimme und die Reflexbewegungen (Neurol. Central-
hlatt, 1895, n" 16;.
Les recherches de l'auteur, faites sur des rats blancs, des cobayes
et des lapins, lui ont démontré que les tubercules quadrijumeaux
postérieurs et les corps geuouillés internes ont pour l'audition la
même signification que les tubercules quadrijumeaux antérieurs et
les corps genouillés externes pour la vision.
Les tubercules quadrijumeaux postérieurs contiennent en outre le
centre de la voix. A ce point de vue ses expériences confirment les
résultats obtenus par Onodi.
Enfin ces tubei'cules ont des relations étroites avec les mouve-
ments. Les animaux auxquels on les a extirpés totalement ne peu-
vent plus se tenir debout ni marcher, quoicjue les mouvements isolés
des membres soient conservés. L'auteur décrit aussi les mouve-
ments qui se produisent par l'excitation de ces tubercules, mouve-
ments qui sont probablement en rapport, à l'état normal, avec les
sensations auditives.
H. Be.vc.nis.
M. ET M™« .1. DEJERIXE. — Sur les connexions du ruban de Reil avec
la corticalité cérébrale. <;. H. Soc. de Biologie, 6 avril 1895,
p. 283-291.)
Le ruban de Reil est considéré aujourd'hui comme la voie par
laquelle les impressions sensitivcs cheminent du bulbe rachidien
vers le cerveau.
Les recherches analomo-pathologiqucs des auteurs les ont conduits
aux résultats suivants.
La dégénérescence du ruban de Reil, à la suite de lésions de la
protubérance ou du bulbe, est une dégénérescence ascendante, et
cette dégénérescence ne peut être suivie au delà de la partie infé-
rieure de la couche oitti([ue.
Dans les cas de lésions thalamiques, sous-thalamiques ou pédon-
I
>58
ANALYSES
culuiix's, le lubau de licil ne subiL pas de dégénérescence, mais une
atrophie lente, rélroiiiade, diminuant de haut en bas.
Le ruban de Ueil n"a que des cunnexions indirectes avec la corti-
calité cérébrale.
En résumé, le riihaii de Reil ne monte pas directement des noyaux
de GoU et de Burdach (^cordons postérieurs de la moelle) vers la coi-
ticalité cérébrale. La voie sensitive bulbo-corticale comprend deux
neurones, un neurone inférieur, balbo-thalamique, représenté par
la parli(! médiane du ruban de Ueil, et un neurone supérieur ou
cérébral, reliant \i; tluilamus à l'écorce cérébrale.
H. Heaunis
M. ET M"« J. DEJERINE. — Sur les connexions du noyau rouge avec
la corticalité cérébrale. (C. R. Soc. de Biologie, 30 mars 1895,
p. 22(J-23U.)
Les auteurs publient deux cas qui élucident les connexions, encore
<liscutées, du noyau rouge avec la corticalité cérébrale. Les laits qui
se dégagent de leurs recherchtîs sont les suivants.
1° 11 n'y a pas de connexion directe entre le i)édoncule cérébel-
leux supérieur et la corticalité cérébrale. Dans riiémiatropbie croisée
du cervelet à la suite (fln'-iniplégie cérébrale infantile, le pédoncule
cérébelleux supérieur n'est pas dégénéré, mais simplement diminué
<Je volume, atrophié. Donc il ne reçoit pas de libi-es directes de la
corticalité cérébrale.
Le pédoncule céiébelli-nx sup('rieur prend son origine dans le
noyau rouge qu'il relie à l'olive cérébelleuse. Il s'entre-croise incom-
plètement et contient un faisceau direct tjui se détacbe du pédon-
cule cérédielleux supérieur avant son entre-croisement, et se rend,
jiar les radiations de la calotte dans le thalamus du même côté.
2^^ \j' noyau rouge est en connexion indirecte avec la corticalité
cérébrale par Fintermédiaire de la couche optique (cas personnel
des aut(!urs). Cette; voie cortico-rubrique indirecte passe par la
couche o|)ti(iue et son jiremier neurone est constitué i»ar les radia-
tions thalaniitjues (jui relient la roiticalité cén'dirale aux noyaux de
la couche optic]ue, le second, |>ar les radiations de la calotte qui
unissi'utle thalamus au noyau rouge.
3'^ Le noyau rouge est aussi en connexion directe avec la ctuticalité
cérébrale par des radiations cortico-rubriques directes dont ils ont pu
suivre le trajet chez un hémi[)légi(|ue aphasique (cas personnel des
auteurs).
4" 11 résultt; de l'ensembh; de leurs recherches (jue la voie céré-
bro-cérébelleuse qui passe par le noyau rouge et le corps denté du
cervelet (>st, conlrairemeiit à l'opinion de Meynert, Flechsig et Hôsel,
non pas une \o'\e directe, mais une voie indirecte composée au
moins de trois neurones : un neurone supérieur, cérébral oncortico-
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 559
rubrique, couslitu»'' par les radiations du noyau rouge, un neurone
moyeu ou rubro-cérébelleux, constitué par le pédoncule cérébelleux
supérieur et un neurone inférieur ou cérébelleux représenté par
les libres qui relient Tolive cérébelleuse à lécorce cérébelleuse.
H. Beaums.
J. DEJERINE ET J. SOTTAS. — Sur la distribution des fibres endo-
gènes dans le cordon postérieur de la moelle et sur la constitution
du cordon de Goll. (C. U. Soc. de Biulouie, 111 juin 1895, p. 4Go-
409.)
Les conclusions des auteurs sont les suivantes.
1° Le cordon de Goll ne reçoit pas de libres endogènes ou médul-
laires ; 2" il ne reçoit pas non jtlus de libres radiculaires descen-
dantes. 11 est uniquement formé par l'adjonction successive des
libres longues des racines postérieures. Les faisceaux radiculaires
une fois entrés dans ce cordon sont pour ainsi dire classés, ils émet-
tent bien dans leur trajet ascendant des collatérales, mais aucune
libre étrangère ne vient se mêler à eux.
Les libres d'origine médullaire n'existent donc que dans le cordon
de Burdacb surtout en arrière de la commissure et le long de la
corne postérieure.
H. Beaums.
J. DE.IERINE. — Anatomie des centres nerveux Tome premier,
Crand in-8", 189:j, 816 [k el 4U1 ligures
L'ouvrage de J. Dejerine sur FAnatumie des centres nerveux
dont le tonu,' premier a seul paru encore, est un véritable monu-
ment. Il rendra les plus grands services à ceux qui veulent s'occuper
sérieusement de l'étude des centres nerveux et ne pas se contenter
comme on le fait trop souvent d'uni; étude superliciidle.
Il n'y a pas aujourd'bui de i)sycliologie possible sans la connais-
sance approfondie de la structure du cerveau et des lésions qui
altèrent cette structure. Aussi voit-on, par la force même des choses,
cette vérité pénétrer peu à l'eu dans les rs|irils et les jeunes psy-
chologues, rompant avec les anciens eiTements et reprenant des
traditions perdues, fré([uenter les auipliilliéàlres, suivre les cliniques,
entrer dans les asiles et faire mènn; leurs éludes médicales. Il y a là
une tendance heureuse ; la psychologie et la médecine y gagneront
toutes deux.
Le livre de Dejerine paraît à un moment favorabhî.
Depuis quelques années nous assistons à une véritable révolution
en anatomie nerveuse; la tiiéorie du neurone, basiM! sur les travaux
de Forel, His, Ramon yCajal, a luniliiir; du l.piUau loul nos connais-
sances sur la structure des ceiiti'es nerveux et spécialement sur 1<îs
o60
ANALYSES
connexions des tlifTéienls éléments nerveux entre eux'. La tliéoiie
du réseau aniistomotii[ue de Gerlacli a vécu et le système nerveux,
périphérique et central, apparaît comme constitué par une série de
neurones superposés, ne communiquant entre eux que pai' simple
contact.
Deux traits principaux caractérisent ce livre : remjilui des coupes
macroscopiques et microscopiques sériées dont un i,Mand nombre
sont reproduites fidèlement jiar la })liotograpliie, le calque ou la
projection, le contrôle incessant de l'anatomie normale par l'ana-
tomie pathologique et spécialement par la méthode des dé'généres-
cences secondaires. Son service de Bicètre fournissait sur ce point à
Fauteur un riche ensemble de matériaux qu'il a largement utilisés.
Une brève introduction, après quelques généralités un peu trop
écourlées peut-être sur le système nerveux dans la série animale,
donne en quelques lignes le plan général de l'ouvrage.
La première partie est consacrée à l'embryologie, à l'iiistogenèse
et à l'histologie.
Un chapitre préliminaire traite des méthodes usitées dans l'étude
des centres nerveux.
L'auteur rappelle d'abord les métiiodes générales d'étude i^coupes
sériées, méthode des dégénérescences secondaires, etc.), puis décrit
av(,'c détails la technique des coupes macroscopiques et microsco-
pi(iues, les procédés de durcissement et de coloration, eic, etc.
44 pages sont consacrées à ces détails do technique dunt on ne peut
iut''connaîlre l'importance ; car l'emploi d'un réactif nouveau, comme
on l'a vu pour la théorie du neurone, peut bouleverser la face de la
science.
Pour le durcissement des cerveaiix, l'auteur enq)loie surfout le
lic^uidi! de .MQllor (Eau, 100 grammes; bichromate de potasse,
2 grammes ; sul l'aie de soude, 1 giamme). Le liquide doit être
changé très souvent, tous les Jours mèiiii' la [iremière semaine. H
faut 8 à 10 litres île liiiuide pour uu (-erveau humain entier et
le durcissement n'est guère conqdeL (pi'au hou! de dix à quinze
mois.
Pour l'inclusion des pièces pour les coupes il se sert soit du collo-
dion épais de Mathias iJuval, suit île la paral'line, snil d'au pro-
cédé mixt(>, imprégnation au coilodion et enrobement à la paraf-
fine.
Le micruli>uie est une modification duniicrotome de (iudden avec
lequel on jieut diviser un cerveau en 1,800 à 2,000 coupes (sens ver-
tico-transversal). Ces coupes sont montées sui' verre, après avoir été
traitées, suivant le besoin, parles différents piocédés de coloration
et conservé(,'s dans la gédatine stérilisée.
Pour examiner au microscope des coupes de cette étendue, il
(1) \oli Année psychologique, I, p. 258.
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE
561
TABLEAU DES DIFFERENTES PARTIES DU NEVRAXE DERIVEES
DE CHAQUE VÉSICULE ENCÉPHALIQUE
NEVRAXE
liOSLLK ÉPIM^RE
Arrii'-re-
cervean.
PLANCHER
Soptuni antérieur
de la moelle.
Raphé.
Cerveau Raphé.
postérieur
J proprement
dit.
Istliuie
dit cerveiiic
postérieur.
2* TÉSlCtLE E^-
CÉHHALIQL'E PRI-
MITIVE (cEBVEAU
1I0YE>)
Cerveau
inter-
médiaire.
f Cerveau
an térieur.
Raphé.
Kaplié. Substan-
ce jierforée pos-
térieure.
Particantérieure
de la substance
perforée posté-
rieure . Tubcr
cincreuin et in-
fundibuluni du
■i'^ ventricule.
Lame sus - opti-
que.
PAROIS LATERALES
LAME
FONDAMENTALE
Corne antérieu-
re. Conniiissure
grise antérieu
re. Cordon an-
térieur, partie
antérieure du
cordon latéral.
Calotte du bulbe.
Calotte protubé-
rantiello.
Partie postérieu-
re de la calotte
prolubérantiel-
le.
Calotte des pé-
doncules céré-
braux.
Région sous-op-
tique de Forel.
Tubercules ma-
niillaiies. Corps
Keiioiiillés. Raii-
ilcIeMe opti(|UC
et cliiasma.
ÎS'existe pas.
LAME ALAIRE
Col et corne posté
rieurs. Commissure
grise postérieure
Cordons postérieurs
et partie postérieure
des cordons laté-
raux à l'exception
du faisceau pvrami
dal.
Pédoncules céré -
belleux inférieurs
IVoyaux des cordon-
de Goll et de Bur-
dach. Système des
olives su|)érieurcs et
inférieures . Tuber-
cule acoustique. A /((
cinerea.
Cervelet. Pédoncule;
cérébelleux inox eus,
Pédoncules cérébcl
Icux supérieurs.
Tubercules quadri-
junieaux. Faisceau
triangulaire de l'is-
llinie (Ruban de Reil
latéral).
Couches optiques
(Commissure molle
VOUTE
Partie postérieu-
re du septum
])Ostérieur de la
moelle.
Membrane obt u-
ralrice du 4«
ventricule. 0-
bex, tœnia du
4'' ventricule.
CAVITE S
Canal cen-
tral de l'é-
pendyme.
Vcrmis. Valvu-
les de Tarin.
' ventri-
cule.
Valvule de Yieus-
soiis.
Membrane unis-
sante des tuber-
cules quadriju-
meaux.
Oimmissurc pos-
térieure.(ilande
liinéale. Tienia
tlialami, gan-
glion de riiabe-
niila.inembiaiie
obturatrice du
'i" ventricule.
Ecorcc cérébrale, lobes olfactifs et
masses blanche sous-jacenle. Fais-
ceau pyramidal. Corps calleux, tri-
goiie cérébral, septum luciiluni.
(Commissure antérieure. (Corps strié.
Lobule de l'insula.
.\queducde
S\ Ivins.
3« ventri-
cule.
Ventricules
latéraux.
ANNEE PSYCHOLOGIQUE. II.
36
56:2 ANALYSES
faut des iiistrumenls spéciaux. Il emploie un microscope à platine
mobile et à axe optique tournant, construit par Nacliet sur les
indications du docteur Bordas et modifié par Dejerine.
L'auteur entre dans des détails minutieux sur les procédés de
coloration des fibres nerveuses et des cellules (métliode de Weigert,
de Pal, de fiolgi, etc.) pour lesquels je ne puis que renvoyer à l'ori-
ginal.
Le chapitre n traite du développement du système nerveux.
Dans cette étude embryologique, il utilise surtout les travaux de His
et Mathias Duval auxquels il emprunte de nombreuses planches.
Ce sont d'abord les premiers développements du névraxe, forma-
tion du canal neural, apparition des trois vésicules encéphaliques
primitives, formation des cinq vésicules encéphaliques secondaires,
iullexions de l'encéphale embryonnaire, cavités du névraxe embryon-
naire.
Le tableau ci-dessus, très instructif, résume les diverses parties
du névraxe qui dérivent de chaque vésicule encéphalique (voir à
la page S61).'
Vient ensuite le développement ultérievu^ du nén^axe, moelle
épinière, encéphale et ses diverses parties. Des figures demi-sché-
matiques coloriées (fig. 52 à 63) représentent d'une façon très claire,
sur des coupes vertico-transversales et horizontales, les phases prin-
cipales du développement des ganglions centraux, de la capsule
interne, du corps calleux et du trigone cérébral.
Le troisième chapitre traite de l'histogenèse du système nerveux.
Les ti-avaux de His, Vigual, Retzius, etc., en ont élucidé les points
[irincipaux.
A l'époque de sa formation, la gouttière neurale est constituée
par une couche simple de cellules épithéliales cylindriques, cellules
neuro-épithé Haies de His, qui formeront la cliarpente épendymaire
ou la substance de soutien de l'axe nerveux. Entre ces cellules apjîa-
raissent bientôt de nouvelles cellules, cellules germinatives qui se
transforment en neuroblastes et donneront naissance aux cellules
nerveuses proprement dites et aux cellules de la névroglie. Cette
transformation des neuroblastes se fait vers le troisième mois de la
vie intra-utérine. Le jirolongement cylindraxile apparaît le pre-
mier et de très bonne heure (déjà avant la lin du premier mois)
tandis que les prolongements protoplasmiques de la cellule
nerveuse ou dendrites ne se montrent que plus tard, dans le troisième
mois.
Alors le neurone cellulaire se constitue peu à peu par l'extension
des prolongements cylindraxiles et surtout des dendrites et de leurs
ramitications.
Chez les invertébrés, les cellules sensitives sont situées à la péri-
phérie, et disséminées dans toute l'étendue du tégument externe,
entie l'épithélium, comme chez les vers oligochètes. A mesure qu'on
UISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 563
monte dans la série, la cellule sensitive s'éloigne de plus en plus de
la surface épideimique ; chez les vers polychètcs {Nei'eis vei'sicolor) ,
elle occupe les couches profondes sous-épilhéliales, et dans les naol-
lusques sa situation est encore plus profonde. Chez les vertébrés, la
cellule sensitive périphérique n'est jîlus représentée que par
les cellules olfactives situées dans l'éxiithélium de la muqueuse
nasale.
L'étude histogénétique montre donc les faits suivants :
Les cellules nerveuses du 'cerveau, de la moelle ou des ganglions,
sont toutes isolées au début, sans connexion aucune, soit entre elles,
soit avec la périphérie. Bientôt ces cellules émettent des prolonge-
ments cylindraxiles et plus tard des prolongements protoplas-
miques ou dendrites.
Tous ces prolongements se terminent par des extrémités libres
(arborisations terminales).
Les ramifications libres des dendrites et des cylindraxes
forment, non pas un réseau anastomotique comme le croyait Golgi,
mais un simple feutrage plus ou moins serré.
Il n'existe donc pas dans le système nerveux deux éléments, la
cellule nerveuse et la libre nerveuse, mais un seul élément, une
seule unité, présentant son autonomie i^ropre, le neurone (cel-
lule nerveuse avec ses pi'olongements) et le système nerveux
n'est constitué que par une chaîne de neurones plus ou moins longs.
11 n'existe pas une cellule motrice et une cellule sensitive, une
libre motrice et une fibre sensitive.
La fonction motrice ou sensitive dépend de la terminaison péri-
1 ibérique de la fibre, soit dans un élément moteur comme le
muscle, soit dans un élément sensible comme la surface cutanée.
Ces vues ne font que confirmer les vues émises par Vulpian il y
a plus de trente ans sur le fonctionnement nerveux.
Enfin les connexions des cellules entre elles sont toujours de
simples connexions de contact, de contiguïté, jamais des connexions
de continuité de substance.
C'est sur ce principe du contact que repose toute la théorie nou-
velle.
Je ne feiai que passer sur le chapitre iv consacré à l'histo-
logie générale du système nerveux chez l'adulte, dans lequel l'auteur
résume les notions les plus récentes sur la structure des cellules, des
libres et des terminaisons nerveuses.
La deuxième partie du livre est consacrée à, l'anatomic du cer-
veau.
Le chapitre premier comprend la morphologie cérébrale. Après
quelques considéiations géiiéiales sur l'encéphale (foiiue, poids,
volume, densité), l'auteur étudie en détail la configuration exté-
rieure du cerveau, circonvolutions et anfractuosités cérébrales, base
du cerveau, région des pédoncules cérébraux, puis la configuration
564
ANALYSES
intérieure du cerveau e(, tout i-e qu'où peul éludier sans avoir
recours aux coui)es. ('elte partie, purement descriptive et ne
s'écartant pas des descriplions classiques, est 1res complète et très
documentée.
Le chapitre ii, beaucoup plus personnel, comprend lélude topo-
i^raphique du cerveau à l'aide de coupes macroscopiques sériées.
On trouve dans ce cluipitre 56 figures qui reproduisent en aran-
ileur naturelle, des coupes iriiémisphères durcis dans le liquide de
Mïdler et pratiquées avec le microtome de Gudden. Les coupes
comprennent trois séries, 16 coupes horizontales, 30x:oupes vertico-
transversales, et 10 coupes sagittales.
Toutes ces coupes sont décrites dans le texte en se limitant à ce
qui est visible à l'œil nu, l'auteur renvoyant, pour l'anatomie de tex-
ture, aux coupes microscopiques qui sont données dans le chapitre
suivanl.
Je puis al'lirmer, après les avoir examinées, que cidui (jui les
'■(udiera consciencieusement après avoir surmonlé l'aridité appareule
de cette étude, acqueiia rapidement une connaissance approfondie
de la disposition et des rapports des différentes parties du cerveau
et [s'orientera avec la jilus grande facilité dans l;i topographie
cérébrale. Il pourra alors aborder avec fruit le chapitre suivant où
se trouvent nquoduiles les coupes microscoitiques sériées vues à un
faible grossissement, suflisant pour étudier la texture du cerveau.
Ces ligures, au nombre de 46, conîi)rennent quatre séries de
coupes à direction vertico-tiansversale et horizontale. Ces coupes,
colorées par les métiiodes de Weigert et de Pal ont été dessinées à
l'aide de l'appareil à ]troJectioii de l'aïUt-ui' et ont la lulélil('' d'une
photographie. CluKjue dessin est la reproduction d'une seule prépa-
ration et s'accompagne d'un texte df-laili»'' connue pour les coupes
macroscopiques.
Ces coui>es sont très instructives, surtout (piand on les l'approche
tle celles du chaj)itre |»récétlent et permettent de suivre par leur
superposition, la marche des divers faisceaux dans le cerveau el les
connexions des ganglions cérébraux entre eux et avec l'écorce céré-
brale.
1-e chapitre iv est consacré à l'étude de la structure de
l'écorce cérébrale, étude faite en grande partie d'après les recherches
de Meynert, Uctzius, Hamon y Cajal, etc. Ce chapitre ne comprend
pas moins de 138 juiges ; c'est dire avec qu(ds détails est traitée
cette (luestion de l'écorce du cerveau; 42 figures, en partie schéma-
ti(|ues, originales ou empruntées aux auteurs les [plus récents et
surtout à Hamon y Cajal ])erinettent d'étudier facilenuMit les élé-
ineiils divi'rs (pii enlii'iit dans la constilulioii de Técorce et les
connexions de ces élémeiils.
Kntin le Cinquième cliaiiitie, le dernier _dn tome ']>remier, traite
dt; la substance blanche des hémisphères cérébraux.
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 565
La substance blanclic des hémisplièies comprend quatre espèces
«le fibres :
Des libres d'association,
Des fibres conimissuriiles.
Des fibres de projection,
Des libres centripMes ou ferniinalcs.
Les systèmes des libres d'association et des libres commissurales
sont seuls étudiés dans ce cliapitre. Les autres systèmes sont ren-
voyés au chapitre suivant du toni*' IL
Je n'entrerai pas dans le détail des divers faisceaux blancs appar-
tenant à ces deux systèmes de libres.
Cette description, à moins dèlre très familier avec l'anatomie du
cerveau, ne pourrait être comprise sans de nombreuses planches. Je
me contenterai de signaler les recherches personnelles de l'auteur
(jui donnent à ce cliapitre un cachet particulier et spécialement les
recherches sur le faisceau occipito-frontal, le faisceau longitudinal
inférieur, le faisceau de Turck, le corps calleux, la commissure
antérieure, etc.
Il est à désirer que le tome II de l'anatomie des centres nerveux
ne tarde pas à paraître. Nous aurons alors un ouvrage d'ensemble
dans lequel ser;i lixé l'état actuel d(i nos connaissances sur le
névraxe de l'homme et qui rendra les plus grands services.
En terminant l'analyse de ce livre je m'en voudrais d'omettre le
nom de M">e Dejerine-Klumpke qui y a contribué pour une large part
et dont l'auteur a voulu consacrer la ^collaboration [assidue en asso-
ciant leurs deux noms au frontispice de l'ouvrage.
H. Beaums.
M. G. MAIILNLSCO. — Des connexions du corps strié avec le lobe
frontal. (C. H. Soc. de Biol., 1895, i». 77.)
Après la destruction complète ou partielle du lobe frontal chez
le singe et le chien, M. Marinesco a constaté la présence de faisceaux
dégénérés qui suivent le trajet de la capsule interne et pénètrent
dans le noyau caudé. Il existe don»; des libres cortico-striées (jui
mettent en relation le lobe frontal et le cor[ts strié. Ces fibres sont
considérées par lui comme des libres d'association à cause de la
parenté embryologi(jue du corps strié et des iiémisphères qui
dérivent du cerveau antéiieur.
Ces expériences ont été faites dans le laboratoire du professeur
Munk, à Bel lin.
IL Beaunis.
566 ANALYSES
II. — DEVELOPPEMENT DU CERVEAU
HE.MIY HERIJEl^T DONAI.DSO-X. The Growth of the Brain. A Study
of the Nervous System in Relation to Education. {Le développe-
ment du cerveau. Etude du système nerveux en rapport avec Védu-
cation.) Londres, 1895, p. 374.
CROISSANCE ET DÉCROISSANCE DU CERVEAU
Cet ouvrage est remarquable par la clarté, la sûreté avec laquelle
y sont exposés les pi'incipaux résultats acquis sur la ci^oissance du
cerveau; comme cette question n"a pas encore été exposée dans
V Année psychologique, nous protitons du travail de Donaldson pour
faire une analyse générale ; nous emprunterons par consécjuent à ce
travail un certain nombre de ses tables, et ses documents les plus
intéressants.
Parlons d'abord des rapports entre la croissance du cerveau et
celle du reste du corps. Pour bien saisir ce rapi^ort, il faut d'aboixl
rappeler les faits connus relativement à la croissance du corps. Cette
croissance que l'on peut mesurer par la taille ou par le poids — (le
poids est de beaucoup le moyen le plus précis), — est extrêmement
rapide depuis la fécondation de l'œuf jusqu'à la naissance ; c'est une
période où la segmentation des cellules se fait avec une très grande
activité ; après la naissance, pendant la première année, la crois-
sance suit encore l'impulsion donnée pendant la vie embryonnaire ;
pendant la première année, l'enfant augmente de 240 p. 100 ; mais
ensuite la croissance devient beaucoup plus lente ; dès la seconde
année elle tombe à 28 p. 100, et jusque vers douze ans elle se main-
tient entre 10 et 20 p. 100; au moment de la puberté il y a un léger
réveil de cette propriété; le réveil se fait plus tôt pour les filles, vers
douze ans, et elles sont alors plus lourdes que les garçons ; mais ceux-
ci les dépassent vers quatorze ans, et acquièrent alors une supério-
rité de poids qu'ils conservent toujours dans la suite.
Dans ces indications de la croissance, nous avons compris le corps;
entier; Vierordt a publié beaucoup de fables fpii permettent de faire-
la part de plusieurs organes importants. Voici une de ses labiés; elle-
est relative au sexe mfile; les poids sont indiqués en grammes.
Age.
Cerveau.
C(cur.
L'oumon.
l'oie.
Kcins.
Raie.
Poids
du corps
Nouveau-né
381
24
30
142
23
11
3,1
1 an
943
41
83
333
73
20
9,0
5 ans
1,263
81
130
539
115
57
15,9
10 -
1.408
128
236
837
161
88
25,2
15 —
1 ,490
199
383
1,300
240
145
41,2
20 -
1,445
305
514
1,561
296
18G
59,5
25 —
1,431
301
513
1,819
306
163
66,2,
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE
567
Augmentation relative, le poids à la naissance étant = 1,
an
ans
1
5
10 -
15 —
20 —
9n —
2,48
3,32
3,70
3,91
3,79
3,76
1,75
3,43
5,41
8,45
12.94
12.74
2,76
4,35
7,82
12,67
17,01
16,97
2,3
3,8
5,9
9,2
11,0
12,8
3,12
4,92
6,90
10,29
12,72
13,12
1,92
5,40
8,28
13,68
17,57
15,38
3
5
8
13
19
21
Un coup (l'œil sur ces chiffres et sur d'autres que nous ne trans-
crirons pas montre que la proportion du squelette, de la peau et de
la graisse est à peu près la même chez l'enfant et l'adulte. La pro-
portion des viscèx'es est deux fois plus forte chez l'enfant que chez
l'adulte, la proportion du cerveau est même huit fois plus forte, celle
des muscles est une demi-fois plus faible. Ainsi l'augmentation rela-
tive du poids chez l'adulte se fait au maximum dans la masse mus-
culaire et au minimum dans le cerveau. Cette croissance se fait par
au moins deux processus distincts, l'hypertrophie (augmentation de
volume des cellules) et l'hyperplasie (augmentation du nombre).
Dans les tissus connectifs, c'est l'hyperplasie qui domine ; tandis que
dans le système nerveux, la formation de cellules nerveuses nou-
velles cesse quelques mois avant la naissance.
L'augmentation de la taille, qui dépend surtout du squelette, et
exprime seulement l'augmentation du corps dans un seul de ses
diamètres, correspond à peu près à l'augmentation de poids; en
général, elle la précède un peu ; les chiffres montrent qu'entre douze
et quatorze ans les filles ont un poids plus élevé que les garçons, et
les garçons les dépassent ensuite. Voici quelques chiffres; la taille est
exprimée en inches. i inch ^ 2 cm., 54.
STATURE
Age.
Garçons.
Filles.
Age.
Garçons.
Filles.
Naissance
19,5
19,3
12
55,0
55,7
0-1
27,0
24,8
13
56,9
57,8
1
33,5
27,5
14
59,3
59,8
2
33,7
32,3
15
62,2
60,9
3
36,8
36,2
16
64,3
61,7
4
38,5
38,3
17
66,2
62,5
5
41,0
40,6
18
67,0
62,4
6
44,0
42,9
19
67,3
62,8
7
46,0
44,5
20
67,5
63,0
8
47,0
46,6
21
67,6
63,0
9
49,7
48,7
22
67,7
62,9
10
51,8
51,0
23
67,5
63,0
11
53,5
53,1
24
67,7
62,7
Passons maintenant au poids du cerveau ; il est établi actuelle-
ment (en 1896) sur 13,000 pesées faites tant sur l'individu noi^mal
568
ANALYSES
que sur Tindividu sain, en Angleterre et en Allemagne principale-
ment : mais toutes les pesées ne sont pas comparables entre elles,
car il faut tenir compte du poids de la dure-mère, qui est en moyenne
de 55 grammes chez le mâle, et de 48 chez les femmes (Broca), et du
double environ chez les aliénés (Morselli, Rev. de l'antiiropologie, I,
1890) ; il faut aussi tenir compte du poids du liquide contenu dans
les ventricules latéraux, qui est en moyenne de 26 'grammes. Ces
corrections faites, on peut étudier le pourcentage d'eau dans la
substance nerveuse, le poids spécifique de la substance nerveuse, et
le poids total de l'encéphale ou de telle partie du système nerveux
central. Voici quelques chiffres.
Proportion d'eau. — Substance grise du cerveau, 85,5 ; substance
blanche, 69,6 ; cervelet, substance grise et blanche, 80,4 ; moelle,
substance grise et blanche, 74,8.
Poids spécifique. — Lobe frontal, 1,0308; lobe pariétal, 1,0325;
;cipital, 1,0362; lobe temporal, 1,0326.
lobe occipi
Poids total. — Ici les pesées ont été nombreuses, mais toutes n'ont
pas été bien prises. Les meilleures, les plus complètes sont celles du
IJ' Boyd (Phil. Trans., 1861) récemment mises en œuvre par Mar-
shall {Journal of A nalomy and Physiology, 1 892), et qui portent sur les
cerveaux de 2,086 individus morts (la mesure du poids sur le vivant
ne donne point de résultats sérieux) ; les liquides du cerveau
n'étaient pas pesés, mais la pie-mère restait en place. Les résultats
des pesées (en grammes) sont groupés de deux manières, afin de
bien indiquer les deux influences principales, Tàge et la taille.
Age.
20-40
41-70
71-90
20-40
41-70
71-90
20-40
41-70
71-90
Hommes.
Femmes.
Taille de 17.j cm. et au-dessus. Taille de 163 cm. et au-dessus.
1,409 J,265
1,363 1,209
1.330 1,166
Taille de 172-167 cm. Taille de 160-lo5 cm.
1,360 1,218
1,335 1,212
1.305 1,121
Taille de 164 cm. et au-dessous. Taille de 1.^2 cm. et au-dessous.
1.331 1,199
1,297 1,205
1.251 1,122
Le poids de l'encéphale diminue progressivement avec làge ; il est
également lié à la taille et est plus considérable chez les individus de
haute taille. Boyd a pris également le soin de peser à i»art le cer-
Telet, l'isthme de rencéj)hal(!, etc., et constaté qu'il y aune corréla-
tion constante entre les poids de ces différentes parties. Pour le
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE
569
iléveloppement du ceivpau au-dessous de vini^'t ans, il faut se rap-
porter aux pesées de Vierordt (Arch. f. Auat. und Physiol., 1890):
Age.
Hommes.
Femmes
0 mois
381
384
l an
945
872
2 aus
1,025
961
3 —
1,108
1.040
4 —
1.330
1,139
5 —
1.263
1.221
6 —
1,359
1.265
7 —
1,348
1,296
8 -
1,377
1.150
9 -
1.425
1.2i3
0 —
1.408
1.284
1 —
1,360
1.238
2
1.416
1.245
Age.
Hommes.
Femmes
13 aus
1,487
1,256
14 —
1,289
1.345
15 —
1.490
1,238
16 —
1.435
1,273
17 —
1.409
1,237
18 —
1,421
1.325
19 —
1,397
1,234
20 —
1,445
1,228
21 —
1,412
1.320
22
1,348
1,283
23 —
1,397
1,278
24 -
1,424
1,249
25 -
1,431
1,224
Cette table montre ce fait de juimi' importance que la croissance
du cerveau augmente sensiblement jusqu'à sept ou buit ans, et qu'à
partir de celte époque la. croissance est à peu près terminée, bien
que cette épo(}ue précède celle de l'instruction projHement dite. Il
est vrai qu'en contradiction avec ces mesures de Vit'rordt s(; trou-
vent les recbercbes de Venu (Nature, 1890) et West {Arch. f. An-
thropoL, 1893 I sur le vivant ; ces auteurs en mesurant la longueur et
la largeur des tètes cbez les écoliers, ont noté une augmentation de
capacité, de cinq aus à vingt-un ans et au delà; la din'érence des
résultats tient peut-être à ce (}ue les cbifîres de Vierordt proviennent
<Ie nécropsies, et expriment le poids du cerveau d'enfants morts à
l'âge considéré ; le seul fait de la mort à un âge aussi peu avancé
peut faire supposer quoique trouble palbologique ; d'autre part les
mesures de Venu et de West sur le crâne n'indiquent pas précisé-
ment une augmentation de la masse cérébrale, l'augmentation de
la tète peut résulter d'une augmentation d'épaisseur des os du crâne
ou de l'espace compris entre le cerveau et la dure-mère.
Les rapports entre le poids du cerveau et la race ont fait l'oltjetde
nombreuses recbercbes, dont l'une des [dus curieuses, celle de Davis,
a donné les résultats snivaiits :
Kurnpêen 1,340
(•céanien 1,293
Américain 1.282
Asiatique 1,278
Africain 1,268
Australien 1,190
Ces cbiffres ont été obtenus en calculant le poids du cerveau par
des formules spéciales, après avoir jiris avec de l'eau ou autrement
la capacité crânienne. Celte mé-tliode est malbeureusement sujelte à
beaucoup d'erreurs dont les principales sont : à l'inspection duciâne
570
ANALYSES
seul, on peuL se tromper sur le sexe ; le cerveau remplit le crâne
dans une mesure différente suivant le sexe, l'âge, e genre de mort; la
signification du poids du cerveau reste liii'n incrrlaiin' l.iiil (pi'on
ignore l'âge et la iaillc de l'individu, elc.
Il reste, pour lormincr ce ijui a trail au poids du icrveau, à indi-
quer deux questions importantes, crlji- du i;i|i|hii l du poids et de
l'intelligence, et celle du poids du cerveau chez le> ali('iH''S. Que de
recherches n*a-t-on pas fait déjà dans celte voie !
Les recherches comparatives sur les races semhlent indii^uer un
rapport entre l'intelligence et le poids du cerveau, i^iais ce n'est pas
un fait entièrement étahli, ni très clair.
La différence du sexe n'est pas exempte non plus d'amhiguïté; le
cerveau de l'européen mâle pèse 120 grammes de plus «pie celui de
la femme ; mais est-ce la preuve d'une ditférence inleUectuelle ? Si
on tient compte de la différence de poids du corps, c'est le cerveau
de la femnif; qui a le poids relatif le [dus élevé ; cette seconde diffé-
rence, en sens inverse, tient peut-être à ce que le corps féminin est
moins dévelopi)é que celui de l'homme. On a eu l'idée de comparer
le poids du cerveau chez des individus moyens, des hommes émi«
nents et des meurtriers appartenant à la même race. Les meil-
leurs résultats à citer sont ceux de Manouvrii-r. Xons en cilons quel-
ques-uns '.
Age. Poids (le l'oiicéplialc. Iloiiinios ('•miiiciils.
î^kobeleff, général russe.
(j. Ilarless, pliysidlogiste.
Gauilietta, homme d'État.
Assezat, écrivain politique.
Chauncey Wright, nuxthéuuaticien.
Asseline, écrivain politique.
J. Ihiber, philosophe.
Seizel. sculiitcur.
(loudereau, uieiiccin.
lleruiann, phitolotïue.
Fuchs, pallio!o<,riste.
Tti.'ickcray, romancier.
De .Morny, homme d'iital.
(îoodsir, anatoudste.
Derirhict, mathématicien.
Schleich, écrivain.
lîroca. anthropologiste.
Spurzheim, phrcnologistc.
v. Lasuaix, médecin.
Dupuytren, chirurgien.
.1. Siuqjson. nu'decin.
Pfeufer, uiédecin.
Ik'rtillon, anthropologiste.
(1) Dans celte table ne fii,nircnt pas les poids de cerveau de Cromwcli
(2.231 f,M-ammes), ISyrou (2.238), et Tourguenell' (2.012), car Donaldsoa
considère ces chitlVes couuiie peu sérieux.
39
1.457
40
1.238
43
1.294
45
1.403
45
1,516
49
1,468
49
1.409
50 (?)
1.312
50
1,378
52
1.358
52
1,41)9
53
1,644
54
1,520
54
1.629
55
1.520
56
1..503
56
1.485
57
1.5.59
57
l,2.-.0
59
1 .436
60
1,533
60
1,488
62
1 .398
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PnYSIOLOGIE
571
Age. Poiils (le reiicéi>hale.
62 (?)
1,415
63
1,449
63
1.332
63
1,830
64
1,785
65
1 ,498
66
1,512
67
1.502
70
1.352
70
1,516
71
1,207
71
1,349
71
1,390
73
1,590
Hommes éminents.
Melchior Mayer, poète.
Lauiarque, général.
J. Hughes Bennett, médecin.
G. Cuvier, naturaliste.
Abercrorabie, médecin.
De Morgan, mathématicien.
Agassiz. naturaliste.
Chai mers, prédicateur.
Liebig. chimiste.
Daniel Webster, homme d'État.
Dôllinger, anatomiste.
Fallmerayer, historien.
Whewell, philosophe.
Ilermann, économiste.
Broca et ensuite Manouvrier, saisissant parfaitement bien la com-
plexité du problème, se sont efforcés de le résoudre en tenant
compte de l'influence reconnue de la taille sur le poids du cerveau.
Les tables de Manouvrier sont si intéressantes que nous eu donnons
un extrait.
POIDS
de
PARISIENS
—~ ~
L EN'CEPHALE
TAILLE ORDINAIRE
TAILLE ÉLEVÉE
ÉMINENTS
en a:rammes.
168 cm.
1 71-185 cm.
900-1,000
0,6
1.001-1,100
0,6
—
—
1,101-1,200
',1
3,5
1,2
1,201-1,300
23,3
15.5
7,5
1.301-1,400
31,5
27,5
17,5
1,401-1,500
23,8
34,6
40,0
1,-501-1,600
9,6
15,5
23,8
1,601-1.700
3,5
3,4
3,3
1.701-1,800
—
1,3
1,801-1,900
—
—
1,3
1.901-2,000
—
—
—
2,001 et plus
Total. . . .
—
—
3,8
100
100
100
Un simple commentaire de cette table en donnera rintelligence.
Sur 100 Parisiens de taille ordinaire, mis en série, le i)]us fort
groupe (soit 31, ii p. 100) a un encéphale pesant de 1 301 à
1 400 grammes; sur 100 Parisiens de grande taille, le groupe le plus
fort (soit 34, G sur 100) a un poids supérieur, de 1401 à 1500; parmi
les grands hommes, le groupe le plus fort correspond au poids de
140i-lo00 ; et de plus, pour le poids de 1501 à 1600, on trouve un
plus grand nombre dliommes éminents que diiommos ordinaires de
:
572 ANALYSES
grande taille. L'objoclioii (|ue fait Donaldson à ces résullats si frap-
pants, c'est (juc 1rs J'arisiens ordinaires quon a comparés aux
lioninies éminenls appartenaient à une classe intérieure, et que
rinféiiorité de la classe peut suffire à produire ces différences df
poids. Peut-être robjection exagère-t-elle une cause d'erreur réelle-
ment efficace, mais nous doutons qu'elle supiirime les conclusions vrai-
ment importantes qu'on peut exliaire de ce tableau de Manouvrier.
Pour les aliénés les tables extraites des rechercbes de lioyd mo)i-
Irent (ju<! le ]ioids du cerveau a une inférioiité de 15 gianunes sur
le cerveau de l'individu non aliéné : de plus, ce sont surtout les cir-
convolutions cérébrales qui sont moins lourdes, le cervelet, le bulbi-
ft ristlime ont au contraire un poids relativement plus considérable.
L'augmentation de poids du cerveau résulte de rauginiMitation des
élérnenls (pii le com[iosent; cette augmentation liistologique peut
être, nous l'avons dit, une bypertro[diie ou une liyperplasie. C'est
surtout, on peut même dire exclusivement l'iiypertropbie, c'est-à-dire
l'augmentation de volume des cellules nerveuses qui produit l'accrois-
scnient du cerveau ; diffé-reiits calculs montrent même que loin
d'augmenter en nombre, les cellules nerveuses contenues dans l'em-
bryon auraient plutôt une tendance à décroître. Le nombre de ces
cellules nerveuses chez l'homme serait d'environ 3000 millions et
le rajqKirt entre le volume (nous disons volume et non diamètre) des
<'ellul(,'s chez l'embryon de trois semaines et l'adull»; serait comme
1 à 100. Voici (juebjues chiffres (pii monti eut la mai clie de cet acciois-
semeiif '.
TOMME
SI JET du corps des collulcs.
Fœtus (le 4 scuiaincs 1
— de 20 — 17
— de 24 — 3f
— de 28 — 67
— de 36 — 81
Naissance 124
15 ans 124
Adulte 160
On u pris, dans cette table, la dimension tie la cellule, à (juatre
semaines, coinmi; représentant l'unité ; cette dimension est alors de
700 II" (le [i. ex|)rime le millième de millimètre, c'est l'unité de me-
sure! microscopicpiej. iJe ces mesures lésulle cette conclusion ifu'à
partir de la naissance la cellule nerveuse a déjà atteint son volunu;
maximum ; m;iis d'jiutre pail, il faut bien comprendre ipi'il existe
dans les centres neiveux nn>me après la n.iissance des cellules qui
sont destinées à enlicr en fonction plus tard et à s'accroître en consé-
quence, quand leur mise en fonction commencex'a. Ci; sont des cel-
(1) D'après Kaiser, Die Funklionen der Gaiif/lienzellen des Halsmarker.
Haaf:, 1891.
IIISTOLOGIK, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE oTH
Iules toules petites avec un seul inolongement et un uoynu volumi-
neux. On en trouve à tous les âges. Dans le cerveau de la nifilhcu-
leuse Laura Bridgman, et surtout dans les régions correspondant à
des fonctions inexistantes chez elle, le nombre de ces cellules
embryonnaires était extrêmement grand, représentant ainsi des
réserves qui n'ont jamais pu être utilisées. Les cellules nerveuses
de l'adulte se distinguent aussi et surtout de celles de l'enfant par
la richesse de leurs arborisations. Ramon y Cajal a insisté plus que
tout autre sur la différence qui existe entre le nombre et la com-
[ilexité des prolongemenis émanés des cellules nerveuses chez
rhomme et chez les autres mammifères.
Après avoir vu ce qui concerne le nombre et la dimension des élé-
ments nerveux, examinons les relations existant entre la croissance
du cerveau et son architecture, c'est-à-dire l'organisai ion de ses élé-
ments. Dans beaucoup de pays la coutume, inspirée par différents
motifs, a f^iit comprimer de différentes façons le crâne des enfants
t't a produit des déformations caractéristiques qui persistaient chez
l'adulte (voir Ambialet. La déformation artificielle de la tête dans la
région toulousaine, Toulouse, 1893) ; le cerveau, soit qu'il tendît à
se mouler mécani(|uement sur la forme du crâne, soit qu'il y fût
amené par des phénomènes de nutrition, subissait des déformations
équivalentes. On s'est demandé quelle influence ces pratiques
ont exercé sur le poids du cerveau. Les pesées comparatives de
liioca montrent (jucn moyenne le cerveau déformé pèse moins,
1220 grammes au lieu de 1280; de plus, la diminution de poids est
d'autant plus considérable que la déformation est plus mar({uée ;
dans un cas où elle était exagérée, le poids du cerveau n'était plus
que de 1 091 grammes. La forme naturellement large (brachy-
oéplialie) ou longue (dolycocéphalie) de la tète a aussi quelque
importance, car la forme large- augmente plus la capacité crâ-
nienne et par conséquent le poids du cerveau que la forme longue.
Qua.nt à la question, si souvent agitée, de savoir le([uel des deux
iiémisphères est le plus lourd, elle a donné Heu à des recherches
absolument contradictoires. Pour Bioca, il y aurait excès de l'hé-
misphère droit égal à ls'',93 ; i»ourBoyil, il yaurait un excèsile l'hémi-
sphère gauche de S?"", 7 ; étant donné le poids total du cerveau, ces
différences sont insignifiantes. Donaldson iteiisc qu'on ne ])eut rien
conclure tant qu'on ne connaît pas le piocédé- emijloyé [uii' cha(|ue
auteur pour sectionner les deux hémisphères; il faut serai)i»eler (|u'en
sectionnant une ligne en deux, un tlroitici- a i\n généial uue leu-
dance à faire la moitié droite plus grande : en sectionnant le cer-
veau, si on place les lobes antérit;ures vers l'expérimentateur, on
augmentera les hémisphères gauches; et les hémisphères droits si le
cerveau est tourné à linvcrse. La comparaixui de l'épaisseui' de la
substance grise des deux hémisphères ne donne pas d(! mc-illeurs
résultats. Sur la signilicalion du développement des circonvolutions
574 ANALYSES
cérébrales et de lu forme de ces circoiivoluLiuns, il lauL être tout
aussi réservé. Le résultat de beaucoup de recherches sur ce point a
été absolument négatif, et la signification attribuée à lafoi'me des cir-
convolutions n'est pas plus scientifique que la signification attribuée
aux traits de la physionomie. On a pensé que le nombre et la com-
plication des circonvolutions est en rapport avec l'intelligence ; Tana-
tomie comparée ne confirme pas cette hypothèse, puisque les chiens
ont les circonvolutions moins plissées que les ruminants; les chien>
sont cependant en général plus intelligents. On a voulu aussi établir
à ce point de vue un type criminel, et on a même retrouvé dans
les circonvolutions des assassins quelques analogies avec celles des
carnivores, mais comme le cerveau humain, dans son développe-
ment, ne traverse pas une phase Carnivore, cette théorie manqur
d'appui ; on a encore prétendu que chez le criminel les sillons
compris enli-e les circonvolutions sont plus continus que chez l'indi-
vidu normal; assertion aussi hasardée que les précédentes. Tout
ce qu'on peut dire à ce sujet, c'est que chez l'embryon les circon-
volutions sont plus lisses que chez l'adulte, et que leurs troubles
de croissance, qui sont accompagnés d'anomalies dans leur fissu-
ration, sont reliés à des désordres intellectuels. On s'accorde aujour-
d'iiui à penser que la formation des circonvolutions dépend de fac-
teurs nombreux, dont quelques-uns sont purement mécaniques.
L'existence des circonvolutions a pour effet d'augmenter la sur-
face de l'écorce cérébiale, qui mesure environ un cinquièmi' de
mètre carré; l'augmentation de surface produite de celte manière
triple les dimensions de l'écorce. Le principal mécanisme de la for-
mation des circonvolutions est un retard de développement dans les
parties déprimées des sillons; cet clfet se montre à la ciu([uièmt'
semaine de la vie fœtale, où apparaissent des fissures transitoires ;
le retai'd de développement de certaines parties tiendrait à ce mo-
ment au retai'd de développement du crâne. Puis ces fissures transi-
toires disparaissent pour la idupart, il n'en subsiste plus qu'une ou
deux, et vers la vingtième semaine les circonvolutions permanentes
se dessinent; elles tiennent en bonne partie à une inégalité de déve-
loppement, elles requièrent en outre un allongement de fibi^es sous-
corticales, de sorte que le développement des circonvolutions peut
tenir, dans une mesure différente, à l'une ou l'autre de ces deux
causes, ou à ces deux causes combinées : grand développement de
l'écorce, grend développement des fibres sous-corticales.
Après la croissance, il faut dire un mot de la décroissance. Le cer-
veau commence à diminuer de poids vers quarante-cinq ans pour
les f(;mmes, et vers cinquante-cin([ pour les hommes, d'après les
observations de Bischolf (liirngewicht des Menschen, Bonn, 1880) ;
les hommes émincnts ont un cerveau qui ne subit ce déchet qu'à
partir de soixante-cinq ans, c'est-à-dire dix ans plus tard ; il est vrai
<iue cette difl'ércnce n'est pas solidement établie, vu que les chiffres
mSTOLOGIE, ANATOMIE ET PUVSIOLOGIE 575
relatifs aux hommes moyens résultent d'études faites sur les basses
classes, tandis que les hommes éminents appartiennent en général
aux classes aisées, et les conditions iiarficulières d'existence peuvent
amener des différences très importantes. Broca a recherché quelles
sont les régions du cerveau qui subissent le plus fortement l'effet
dé l'âge ; ce sont les régions frontale et temporo-pariétale ; elles
perdent en moyenne, la première 73 grammes, la seconde 94 grammes
tandis que la région occipitale ne varie pas de poids. Donnons main-
tenant les moyennes de la perte totale de poids du cerveau. Le cer-
veau de l'homme pèse 1300 grammes à trente-cinq ans, 1320 giammes
à soixante-cinq ans et 1280 grammes à soixante-quinze ans.
Besmodiiications juir l'effet de l'âge se produisent dans la structure
de la cellule nerveuse, modilications bien apparentes si on compare
une cellule de nouveau-né à une autre cellule nerveuse prise dans
la même région du cexveau, chez un vieillard. Hodge {Journ. of Phy-
siology, 1894) a montré que chez le vieillard, le noyau de la cellule
se réduit presque de moitié, que les nucléoles disparaissent, et que
la masse protoplasmique se pigmente fortement. Il a trouvé en
comparant des cellules nerveuses prises dans le ganglion antennaire
d'abeilles à différents âges, que le noyau se réduit considérablement
îivec les progrès de l'âge et que le protoplasma se creuse de vacuoles.
Ces différences sont comparables — sans être toutefois identiques —
à celles qu'on observe entre des cellules nerveuses fraîches et des cel-
lules nerveuses ju-ovenant d'un animal fatigué jusqu'à l'épuisement.
Ces altérations cellulaires expliquent la diminution de l'activité
musculaire et psychique chez les vieillards. Pour se rendre compte
de cette diminution d'activité, il faut voir ce qui se produit dans les
différents métiers. Il résulte d'un travail de Browne [Brit. Med. Journ.
Londres, 1891), qu'un ouvrier travaillant les boutons d'ivoire végétal
tni produit 100 à (juarante ans, 80 à quarante-cinq ans, 60 à cin-
quante-cinq ans et 40 à soixante-cinq ans. Il y aurait lieu certaine-
nient d'étendre ces recherches aux différents métiers.
Cet ensemble de faits que nous venons de résumer ne conduit à
aucune conclusion spéciale. L'auteur a cependant indiqué deux
conclusions ; la première, c'est que le cerveau a un développement
*\m devance de beaucoup l'époque de l'éducation scolaire; d'oîi il
semble résulter, avec quelques réseives bien entejulu, (jue le rôle de
<^ette éducation n'est pas considérable ; la seconde conclusion, c'est
que les races les plus civilisées n'ont jias nécessairement un poids
cérébral supérieur à celui des races moins civilisées; l'auteur déve-
loppe ici une idée indiquée par notre collaborateur M. Forel, à savoir
que la civilisation résulte moins d'une augmentation d'intelligence
de chaque individu que de la sommation de tous les lésultats acquis
par les générations antérieures, sommation qui se fait i)rincipale-
ment au moyen de l'écriture.
A. Bl.NET.
57G
ANALYSES
MLNdAZZIM. — Il cervello in relazione con i îenomeni p-ichici. [Le
cerveau dans ses rapports avec les phénomènes psychiques.) Turin,
1895.
Ce livre est surlout nu résumé de nos connaissances actuelles sur
le cerveau, éludié dans sa mor|thologie extérieure, son volume e( sa
densité. On y trouve une com[>araisou détaillée entre le cerveau de
riiomme et celui des primates, une étude sur lintluence du sex(;,
de la race, du développement intellectuel cl ilu izéuic, des déforma-
tions du crâne, de la criminalité, de l'aliénation mentale et de la
surdi-mutité. La conclusion est que nous possédons bien peu de
<lonnées positives sur ces divers points. A propos de lamiciocéplialie,
l'auteur fait une critique de la question de la dégénérescence ; il ne
l'explicjue pas par l'atavisme ni par la pathologie, mais par une com-
binaison des deux théories, pouvant être résumée de la manière
suivante : c'est par suite de causes pathologiques que l'atavisme se
manifeste.
PHYSIOLOGIE
I. — RECHERCHES DE 1' LETH Y S M 0 GR AP H lE
Avant de résumer les expériences nombreuses (pii oui été faites
cette année sur la cii'culation capillaire de l'homme, et sur les phé-
nonn'Mies vaso-moteurs, nous pensons utile de délinir quelques
expressions, et de donner un aperçu historiipie di.'<, méthodes em-
ployées. Cette étude d'introduction servira aussi au mémoire origi-
nal (jue j'.ii pulilié' en (•(•llalKiraliou avec ,M. Couilier dans la pre-
mière partie de ce volume.
L'étude pl(''tliysmogra|)hi([ue a t'té dé'signée sous divers termes qui
ne sont pas des synonymes vrais : un l'a a|)])elée recherche volumé-
Irique, recherches de spliygmographie volumètrique : cette expression
est de beaucoup la meilleuic ipie l'on puisse enqiloyer, car elle ne
préjuge lien sur le fond de la (piestion. Recherche volumètrique
veut simplement dire tpron étudie les modilications de volume qui
se pi-oduis(mt dans le corps, ou dans un membre en particulier, par
(•xemple la main, sous des iniluences diverses, telles (pie les alti-
tudes du corps, la respii-ation, la température, les excitations des
sens, his actes intellectuels, les (''motions. Or, c'est bien là, ce (jne les
appareils pléthysmographiipies enregistrent ; ils nous renseignent
précisément sur les changements de volume.
Ainsi, dans les appareils à d('placement li(]uide (jue nous allons
décrire dans un instant, l'élévation de niveau du liquide dans lequel
la main plonge prouve (pie pour une raison ou une autre le volume
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 577
de la main a augmenté. Bien entendu, nous ne voulons parler que
des changements lents de niveau ; des changements très brusques et
très considérables pourraient être dus à un mouvement de la main,
à la contraction brusque d'un faisceau musculaire, sans qu'il y eût
de modification dans le volume de la main.
On emploie aussi l'expression de [recherche sur la circulation
capillaire, sur le pouls total on totalisé : l'expression est moins réser-
vée, elle implique que ces changements de volume dont nous par-
lons sont dus à des changements dans la circulation du sang, sur-
tout dans la circulation du réseau capillaire. Prise au pied de la
lettre, cette expression est impropre, parce qu'elle est trop étroite ;
les changements de volume de l'organe tiennent non seidement à la
circulation dans les capillaires, mais aussi à la circulation dans les
veines, dans les artères et dans les artérioles ; ce sont même les arté-
lioles qui donnent lieu aux phénomènes du pouls, qu'on enregistre.
On désigne encore quelquefois, par abus de langage, ces phéno-
mènes sous le nom de phénomènes vaso-moteurs. Rappelons qu'on
donne le nom de vaso-moteurs aux filets nerveux qui se rendent
dans la tunique musculaire des vaisseaux, et qui ont pour effet de
changer d'une manière active la lumière de ces vaisseaux; ainsi les
nerfs vaso-constricteurs ont la propriété de faire contracter les
artérioles.
On a parfois, disons-nous, appelé les recherches de pléthysmogra-
phie recherches sur les vaso-moteurs. L'expression est tout à fait
inexacte, en ce sens qu'elle paraît attribuer les changements volu-
méti'iques des membres à la seule action du système vaso-moteur.
Le cœur, la pression intra-thoracique, les compressions veineuses,
et beaucoup d'autres causes qui agissent souvent d'une manière très
efficace sur le volume des membres seraient ainsi méconnues. Il
faut donc se garder d'employer cette expression d'une manière géné-
rale, et de l'appliquer sans discernement à tous h'S phénomènes de
pléthysmographie.
Prenons l'exemple d'un cas particulier pour saisir eu (quelque
sorte cette erreur d'interprétation en flagrant délit. J'ai la main
dans un appareil liquide à déplacement, le niveaii du liquide baisse
])rusqucmfiit. Que voit-on"? une descente du liiiuidc Que peut-on
en conclure '?que la main a diminué de volume (à moins bien entendu
(juil ne se produise des causes d'erreur dans l'appareil, des fuites,
des refroidissements du liquide, etc.). A-t'on le droit d'appeler cette
descente une constriclion, c'est-à-dire une diminution de volume
par resserrement actif des vaisseaux de la main? Non, car le même
effet de descente pourrait être produit par une toute autre cause,
par exemple par une diminution dans l'arrivée du sang artériel
dans la main. Cette diminution du sang artériel pouiTaît être pro-
duite par hypothèse au moyeu d'une compression d'une artère
importante du' bras.
ANNÉF. PSYCHOLOGIQUE. II. - 37
578 ■ ANALYSES
Quand la dilatation des vaisseaux est produite par le système vaso-
moteur, on la dit active; quand elle est produite par le sang qui dis-
tend les artères, elle est dite passive; il en est de nirino pour la
constriction.
Ces questions de tei^minologie une fois t'claircies, nous devons
rappeler en quelques mots très brefs les iiriucipaux pliénomènes
auxquels nous pouvons avoir atTaire.
Sans que le système vaso-moteur entre en jeu, la circulalion d'un
organe peut se modilier; il peut y avoir augmentation ou diminution
dans la quantité de sang contenue à un moment donné dans un
organe ; mettez la main dans une position déclive, elle rougit, s'en-
gorge et augmente de volume ; dans une position élevée, par rap]iort
au reste du corps, elle subit les efl'ets inverses et diminue de volume ;
ces cbangements de volume sont bien dus à des changements dans
la quantité de sang.
Il iM'iil y avoir augmentation ou diminution de la pression arté-
rielle dans un organe. Celte augmentation ou diminution peut varier
dans le même sens que la quantité de sang, ou dans un sens diffé-
rent : c'était dans le même sens, dans le cas de l'expérience pré-
cédente.
Enfin, il peut y avoir augmentation ou diminution de la vitesse
du sang, et cet effet peut également être indé])cndant des deux
autres.
Les appareils de plétliysmographie, nous le rappelons, donnent
principalement les changements de volume, et ils sont directement
m i"ipport avec la qnantilé de sang.
Ces expériences ont déjà un historique assez long, et fort intéres-
sant, qui est principalement un histori({ue d'appareils. On a cherché
à apprécier les changemeiils ib- viibinic soil p.ii' des épreuves indi-
rectes, soit par des expériences directes. Les principaux procédés
emfiloyés ont été : 1° Examen à Wril nu de la tuméfaction des
organes, procédé tout à fait enipiririue et défectueux ; 2*^ Exann-n des
changements (b' cobiralinii ; on sait que la main exsangue estblanche,
la main rouge est congestionnée, etc.; procédé aussi imprécis que
le nrécédcnt; 3° Thermométrie. On sait que pendant la dilatation, il y
a augmentation de chaleur; pendant la constriction, an contraire, le
membre se refroidit. Le thermomètre appliqué à la surface des mem-
bres a le d< l.iul (b; donner des indications lentes ; il ne mesure [tas b"
degré de dilatation, comme Dastre et Morat l'ont bien indiqué '. On
se rappelle ipn- dernièrement Mosso a fait une application du Ibcrmo-
mèlrc à la circulation cérébrale dans les cas de iierte de substance ^;
^t" Quaiilih' de sang qui s'écoule après une incision ; avec une pres-
sioji forte, il s'écoule peu de sang. Ce procédé ne peut être mis en
(1) Arc/i. de physiologie, 1879.
(2) Voir analyse dans V Année psycholocjiq ne, I, p. 300.
mSTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 579
usage que chez les animaux; o° Pléthysmogiaphie, observatiou
directe des changements de volume au moyen d'appareils spéciaux.
C'est de pléthysmographie que nous nous occupei-ous spécialement;
6° Sphymomanométrie, étude de la pression du sang. La pression du
sang dans les vaisseaux, dans les capillaires en particulier, dépend
de la force propulsive du cœur et de la résistance des vaisseaux.
Les augmentations de pression ne sont pas toujours parallèles aux
augmentations de volume ; il y a des cas oîi le parallélisme a lieu ;
par exemple, si on met la main dans une position élevée, elle se
décongestionne, diminue de volume, et la pression du sang diminue ;
il y a au contraire des cas où la pression ne change pas dans le même
sens que le volume ; ainsi, sous l'influence d"une excitation psychique
ou d'une inspiration forte, les petits vaisseaux artériels de la main
.se resserrent, ce qui produit une diminution de volume ; mais la pres-
sion du sang augmente.
Les changements de volume des membres ne s'observent point
à Tœil nu ; pour les étudier, on a cherché aies amplitier, en
employant des appareils un peu compliqués, dits à déversement, qui
rendent visibles la dilatation et la constriction des membres en obser-
vation, en faisant agir leur effet totalisé sur le niveau de l'eau con-
tenue dans un tube d'étroit diamètre. C'est là le principe des
appareils inventés par Piégu, Ghelius, Fick, Mosso, François-Franck
et ses élèves ; ces appareils consistent essentiellement dans des
récipients pleins d'eau et en communication avec des tubes de verre ;
on introduit la main, par exemple, ou le bras dans le récipient,
qu"on ferme ensuite soigneusement ; et les augmentations et dimi-
nutions de volume de la main, agissant sur le liquide du récipient,
et par là sur le liquide contenu dans le tube de verre, en élèvent et
en abaissent le niveau. Piégu et Chelius se sont contentés d'étudier
de visu les oscillations de cette colonne liquide, et il est curieux
qu'avec des moyens d'observations aussi grossiers ces auteurs aient
pu analyser avec une grande approximation Teffet combiné qu'exer-
cent sur le volume des membres le travail du cœur et les actes res-
piratoires.
Le physiologiste Fick a réalisé un grand progrès, en appliquant à
l'étude des changements de volume des membres, la méthode gra-
phique, que Ludwig venait d'introduire en physiologie; Fick plaça
sur le liquide du tube un flotteur portant un style! terminé par une
plume; celle plume frottait coiilre un (ylindre louraant, recouvert
de noir de fumée et placé verticalement, et inscrivait jiar consé-
quent sur ce cylindre la hauteur des oscillations du liquide et leur
<lurée. Ces premiers tâtonnements de la méthode ont donné des
résultats assez satisfaisants, si l'on en Juge par les tracés que Fick a
publiés ; nous signalerons notamment sou tracé agrandi d'une [)ul-
sation.
A partir de Fick commence la période contemporaine des recher-
580 ANALYSES
ches; dans celle période il y a deux noms qui reviennent constam-
ment, ceux de Mosso et de Fr.-Franck; ces deux physiologistes ont
inventé plusieurs appareils nouveaux et ils ont étudié les change-
ments de volume des membres dans les conditions expérimentales
les plus diverses. Quelques autres auteurs ont publié des travaux
sur ces questions, mais leur rôle est resté secondaire.
Mosso s'est attaché, avec une grande ingéniosité d'esprit, à analyser
la question et à en étudier séparément les différentes parties ; ainsi,
il a d'abord imaginé un appareil, Fhydrosphygmographe, destiné à
donner la valeur des changements de volume d'un membre, en cen-
timètres cubes ; négligeant les variations brusques de volume, qui se
lisent sur les tracés, il a voulu mesurer exactement les pertes ou
augmentations de volume qui se font à la suite d'actions très lentes ;
dans ce but, il a modifié l'ancien appareil de Piegu et de Chelius ; au
lieu d'étudier les mouvements du liquide dans un tube vertical, qui
ne peut pas donner les changements absolus de volume, puisque à
mesure que le liquide s'élève dans le tube, la pression change dans
le récipient, il recueillait le liquide dans une éprouvette flottante,
les conditions étant disposées de telle sorte que la pression du liquide
dans lequel la main plongeait n'était pas modifiée.
Fr.-Franck s'est attaché de préférence à l'élude des variations
brusques, qu'un tracé peut seul donner, et de fait les tracés qu'il a
publiés sont très beaux. Son appareil est une heureuse modification
de celui de Fick; il a substitué au flotteur muni d'une tige inscri-
vante la transmission par air et par membrane de caoutchouc ; mode
de transmission dont il a trouvé l'idée dans la thèse de Buisson, phy-
siologiste mort jeune et presque oublié. Nous sommes aujourdliui tous
bien familiarisés avec ce mode de transmission, et il est iniitile d'eu
[larler longuement. La main plonge dans un récipient plein d'eau,
et le tube qui cummunitiue avec le récipient, présente une ililalation
en forme d'ampoule, destinée à éteindre les mouvemenis Irop
brusques d'ascension du lif|uide.
Pour supprimer différenis inconvénients qui tiennent à la présence
de l'eau dans le récipient, F.-Franck a eu aussi Tingénieuse idée d'en-
registrer directement au moyen d'un double levier amplificateur les
changements de volume du doigt ; la pulpe du doigt reposant sur un
plan résistant, on applique sur la face unguéale une tige verticale
qui est en communication avec un système de leviers, et ceux-ci
écrivent direcloineut sur un cylindre, en les amplifiant, les déplace-
ments de la tige verticale. Malheureusement cet appareil enregistre
avec la plus grande facilité les déplaceincnls involontaires de la
main, qui s'inscrivent en même temps que les tracés volumélriques.
Dans ces dernières années, F.-Franck a imaginé, avec la collabora-
lion de deux de ses élèves, Ilallion et Comte, des pléthysmographes
de caoutchouc, portatifs, légers et très commodes, qui sont fondés
sur le principe suivant : l'organe à explorer et une ampoule élas-
HISTOLOGIE, ANATOMTE ET PHYSIOLOGIE 581
tique sont enfermés dans une enveloppe commune et rigide, de telle
manière que les cliangemeuts de volume de Forgane et de l'ampoule
se font dans Tordre invei'se. oSous avons donné [Année psych., I,
}i. 296) une figure schématique de M. Haillon, destinée à éclairer
cette définition.
Enfin, tout dernièrement Mosso a construit un spliygmomano-
mètre dont nous publions plus loin la description et la figure, et qui a
l'avantage de faire connaître exactement la pression avec laquelle
ou enregistre le volume de l'organe : les tracés sont malheureuse-
ment peu délicats, comme le prouve l'absence de dicrotisme du
pouls.
Il a été fait dans rannée courante des recherches sur un grand
nombre de ces questions : recherches de Fr. -Franck sur les capil-
laires du poumon ; études de Kiesow sur l'influence du travail intel-
lectuel; recherches de Klippel et Dumas sur l'influence des états
émotionnels chez les paralytiques généraux ; recherches de Binet et
Sollier sur la circulation cérébrale ; enfin recherches de Binet et
Courtier sur la circulation capillaire de la main.
A. Binet.
E. WERÏHEIMEU. — Sur les variations de volume des membres
liées à la respiration. Arch. de physiologie, p. 735-744, 1895,
Recherches faites sur le chien. Pour inscrire le volume du cerveau,
on a adapté hermétiquement avec de la cire à cacheter, sur le pour-
tour d'un trou de trépan (trou pratiqué dans le crâne de l'animal
pour mettre l'encéphale à découvert] un tube de verre ayant, sur
une longueur de 4 à 5 centimètres, un diamètre un peu supérieur à
celui de l'orifice osseux, et se terminant par une partie rétrécie,
longue également d'environ 5 centimètres. 11 est rempli d'eau jusqu'à
une certaine distance de son bout supéxieur et mis en communi-
<:ation avec un tambour de Marey. Pour prendre Ile volume des
membres, on se sert du système des ballons conjugués. Un manchon
<[e caoutchouc est maintenu le long du membre au moyen d'une
bande plâtrée et communique avec un ballon élastique enfermé dans
un flacon, lequel, par une deuxième tubulure, est relié cà un tam-
bour de Marey. Après solidification du plâtre le système des deux
ampoules est gonflé au degré voulu*.
On constate chez le chien que le volume des membres, et aussi
celui du cerveau, augmente à l'inspiration et diminue à l'expiration.
Quelle en est la cause? Est-ce le changement de pression de l'air
<lansle thorax pendant la respiration? On sait que dans l'inspiration,
il y a un élargissement de la poitrine et une diminution de pression
^{ui a pour efl'ct d'appeler l'air du dehors dans la poitrine. Par suite
(1) Voir Arch. de physiologie, 1894, p. 732.
582 ANALYSES
de cette diminution de pression, le sang des veines et des artères
est également niipelé vers le thorax, ce qui produit une déplétion
des organes pt'ri|diériques. Cet efîet mécanique de la pression devrait
donc produire une diminution de volume des mcmlirrs dans Tinspi-
ration, et pour des liaisons analogues une augmrniati.tn de volume
à l'expiration. Or, c'est le contraire qui se [irodnit chez If eiiieii.
L'auteur admet que la dilatation eu inspiral imi lient à laceéh'ralion
du cœur pendant l'inspiration; cette accéléralion augmente la pres-
sion du sang, qui distend les capillaires. l.'efTet s'observe sur le cer-
veau, sur le membre antérieur et sur le membre posirii.nr. Si les
battements du cœur deviennent réguliers, comme dans la cidorofor-
misation, aloi^s l'inspiration produit une diminution de volume, qui
s'explique par l'aspiration du sang vers lu poitrine. En somme, il y
a là deux intluences, de sens contraire, celle du ca-ur et celle de
l'aspiration liinraeique ; suivant les condilion-, i.inlnt lune 1 em-
porte, tantôt l'autre.
A. FÎINET.
X. MOSSO. — Sphygmomanomètre pour mesurer la pression du sang
chez l'homme. Arcli. liai, de Biologie, XXIII, lasc. I, II, p. 177.
On a mesuré Jusqu'iei la juession du sang ilans les artères de
l'homme en ciiereli.inl >\\[r\\i- est la pression exlei ne miniina qui est
nécessaire pour l'aire disparaître les pulsations des altères. YierordI
(1855) employant le levier de son .spbygmographe, le chargeait de
poids pour empêcher les ])ulsations de l'artère radiale'. Marey aug-
mentait la pression de l'.iir (lan> un ré(i|iieiil clos et en verre oi'i le
bras était plongé, jusiiu'à ce (ju.; cette pression lil pâlir la couleur de
la main; ou ])ieu encore, il taisait varier celle iiression jusqu'à ce
que les pulsations de la main, liansmises à un taniboiu' à levier par
les méthodes graiihiques ordinaires, fassent conqilèlement suii-
primées^ >'. v. Kries, v. Basch, et ^Valdeuliurg (uit enqdoyé des
méthodes qui sont des variantes de celle de Vierordt. Mosso emploi*-
une méthode tout à fait différente; il mesure avec son sphygmoma-
nomètre la pression externe sous laquelle les pulsations des artères
acquièrent leiu' maximum d'ampleur; il [mmisc qu'à ce moment-l;i
la contre-pi-ession corx-espond à la pressi(ui du sang. On aurait pu,,
à première vue, supposer ([ue plus la cnulre-pressidn externe est
forte plus les pulsations seront laildes, et (pie plus la contre-pression
est faible plus les pulsations seront fortes. Il n'eu <'-t lien : si on
fait varier graduidlement la pression subi'' par la main, en allant di'
40 millimètres de mercure à 110 millimètres, on ob.serve, en
prenant en même temps le graphique des ]>ulsations, que celles-cii
(1) K. Vierordt, Die Lehre vom Arlerienpids. Braunschweig, 1855, p. 164.
(2) Marey, mcsoro iiifiiiiuii(Hrii|ue de la pression du sang dans les artères,
de l'iiomme. (Travaux du laburuluire, 1876, p. '616.)
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 583
sont petites pour la contre-pression de 40 millimètres, qu'elles
augmentent graduellement d"amplitude à mesure que la contre-
pression augmente, par exemple jusqu'à 60 ou 70 millimètres (le
rhifTre exact varie avec les sujets et les conditions d'expérience) et
qu'au delà, quand la contre-pression augmente encore, l'amplitude
diminue ; elle peut être avec une pression de 110 aussi petite qu'avec
une pression de 40. Mosso a répété l'expérience avec une membrane
de caoutchouc dont les deux faces subissent une pression, et il a
constaté ([ue c'est quand la pression d'un côté fait équilibre à celle
de Fautre que les pulsations transmises à la membrane par un cœur
artificiel en caoutchouc acquièrent leur maximum d'amplilude. En
ce qui concerne les vaisseaux sanguins, Mosso donne l'explication
suivante de cet effet : « chaque pulsation des artères est limitée par
la résistance que lui opposent l'élasticité et la tonicité des parais de
iartèi^e. Il s'établit un équilibre entre la tension des vaisseaux et la
pression interne du sang. Si au moyen d'une force externe, nous
arrivons à contre-balancer la partie de la tension qui se perd pour
distendre les vaisseaux, les oscillations des artères acquerront le
maximum d'ampleur, lorsque la pression interne sera égale à la
pression externe. » Cette explication manque un peu de clarté. Un
peu plus loin, parlant de la contre-épreuve sur la membrane de
caoutchouc, Fauteur dil ([u'au moment où la pression et la contre-
[iression subies par cette membrane se contre-balancent, la membrane
n'est plus tendue, elle est relâchée : par conséquent, elle ne fait plus
é'quilibre à la pression interne qui représente la tension du sang
dans lés artères et les variations que subit cette pression interne
sont transmises dans b'ur valeur absolue au sphygmomanomètre.
En tout cas, nous pouvons laisser de côté la question de savoir si
la contre-pression externe coïncidant avec un maximum d'amplitude
des puisai ions mesure la pression du sang; nous pouvons aussi ne
pas trancher la question de savoir jiourquoi, quand la coulre-pression
égale la pression du sang, les i)ulsations atteignent leur maximum
d'amplitude. L'importance de la recherche de Mosso est d'apporter
ilaus les expériences de sphygmographie une détermination numé-
rique : celle de la pression avec laquelle on enregistre les pulsa-
tions.
Décrivons en quelques mots l'instrument qu'il a imaginé dans ce
but, le sphygmomanomètre ; cet instrument' (lig. 109) sert à enre-
L'istrer là pression des doigts; il est formé de tubes métalliques
dans lesquels on introduit les doigts comme on le voit dans la figure.
J]n versant de l'eau dans le flacon D, on remplit ces tubes d'eau ; les
doigts ne sont pas mouillés, car les ouvtutures des tubes sont fermées
par des doigts de gant qui rentrent à l'intérieur des tubes et coifTeut
(1) Il est absolument analogue, pour ne pas dire identique, à celui décrit
par Marey dans sa Circulation du sang, p. 450, Paris, 1882.
584
ANALYSES
les doigts introduits dans les tubes ; on voit sur le bord externe des
tubes, en a, b, c, d, l'extrémité des doigts de ganl. Les tubes sont
fixés sur une plate-forme N 0 q n en fer fondu, et la main du sujet
est dans l'attitude indiquée par la figure, le dos de la main fixé au
moyen d'une plaque de métal F arquée et rembourée, qui glisse sur
Fig. 109.
une colonnette J et II, et est fixée par une vis M. Un piston métal-
lique E qu'on élève et qu'on abaisse au moyen d'une vis K, peut
exercer une i)ression sur l'eau, qui se transmet par le tube k li aux
doigts. L'eau monte dans le tube op, et agit sur le manomètre à
mercure LL, dont le niveau indique exactement la pression d'eau
exercée sur les doigts; en effet cbaque fois qu'on abaisse le piston E,
celui-ci repousse le liquide qui renijilii ]'a]ipareil, et élève le niveau
de la colonne manométrique. Un lloLteur r, qui surmonte cette
colonne, est muni d'une plume pouvant écrire sur un cylindre tour-
nant les oscillations de la colonne.
Les tracés que Mosso a recucnllis avec son ap]jareil nouveau sont
instructifs ; ils nous montrent d'abord que ranifililude des pulsaiions
est augmentée ])ar un opiiniuin de pression extérieure (fig. 110). En
outre, l'auteur a employé son sjdiygmomanomèlre pour enregistrer
des faits déjà connus, comme les lapports entie la resj)iration et les
oscillations de la pression, question dont nous nous sommes occupés
longuement dans nos recbercbes de celte année.
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE
585
58G
ANALYSES
On peut constater sur Iti' Iraeé de l'aulfiu' (Og. 1 ll),;iinsi dur. •si,, qn,
surlt\s nôtres, que la dilatai ion commence avant le commencemeul di
vUUUWVï
In niilMilillllmli lilllilliillllillllill Hilli
80 m m
90 m/m
Fig. Jll. —Tracé de la pression avec osciliatinns respiratoires. La ligue
supérieure, inscrite en même temps, avec le pneiunographe doutjle de
Marey. indique le tracé de la respiratiiui.
100 mm
■iBIt,
Fig. 112. — Trace de la pression.
l'fXjuralion. Signalons aussi à l'altention des lecteurs le tracé (fig. 112)
<iui montre les curieux ellets[>iuduils par un état prolongé d'ex[iiral ion
mSTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE
587
suivi d'uno inspiralion pro-
fonde ; nous avons noté des
réactions analogues dans nos
Iracés. Aproposde cette t'igure,
nous notons en passant une
remarque de l'auteur. « Il esl
utile de remarquer, dit-il, que,
en A, où la respiration devieni
superticielle, et où les mouve-
ments ont la moitié de l'am-
pleur des précédents, la hau-
teur des ondulations respira-
toires de la pression n'est pas
modifiée d'une manière cor-
respondante. » N'en déplaise
à l'auteur, son tracé lui donne
tort ; l'oscillation correspon-
dant à la respiration superli-
cielle est modifiée et diminuée.
Enfin, le tracé 113 montre les
ondulations périodi(iues de la
pression sanguine (jue Mosso
attribue au centre vaso-mo-
teur.
L'ensemble des graphiques
(lue le lecteur a sous les yeux
montre ce que donne le spiiyg-
niomanom«4re de Mosso. Cel
appaieila un séiieuxavanlagi'
que nous avons déjà indiqué-,
il mesure la pression exté-
rieure avec laquelle on prend
le tracé; mais il y a des in-
convénients; pur suite de son
volume et de sa lixilé, il enre-
gistre les mouvements invo-
lontaires des doigis; de jilii>,
il ne s'applique qu'aux doigts ;
les tracés sont [)cn délicals,
comme le montre l'absence
de dicrotisme du jtouls ; il
est vraisembluiile ([lU' les réac-
tions rapides et de peu d'am-
plitude sont détruites par
l'inertie et la complicalion
des organes de transmission ;
ci
o
. àc
—
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.::;
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- -^
588 ANALYSES
eu outre, quand il se produit au cours d'une expérience des change-
ments de pression sanguine, l'appareil n'indique pas dans quel sens
ce changement a eu lieu; oiitiu, les cliangemonts de la circulation
capillaire ne peuvent élrc ('Uidi(!'S qu'arlilicieilemeuL sous une pres^
sion aussi considérable et aussi éloignée de l'état norm;il.
A. HlNKT.
KIESOW (F.). — "Versuche mit Mosso's Sphygmomanometer iiber die
durch psychische Erregungen hervorgerufenen Verànderungen des
Blutdrucks beim Menschen. {Expériences avec le sjjhyijjitomano-
mètre de Mosso sur les changements de la pression du sang, chez
rhomrne, produits par les excitations psychiques.) l'hilos. Slud., XI,
p. 41-61. id. Arcli. liai, de Biologie, XXIII, p. 198-211.
L'auteur s'est proposé d'étudier si le travail intellectuel et les
<lifîérents sentiments sont accompagnés de cliangements dans la
jn-ession sanguine, et quels sont ces changements. L'appareil
employé est le sphygmomanoinèlre de Mosso, représenté sur la
figure 109.
L'auteur a toujours cherché d'abord la pression de l'eau pour
laquelle les ani|)liludes des pulsations étaient maxima et il faisait
inscrire pendant toute l'expérience les pulsations correspondant à
cette pression externe ; lorsque à un certain moment on remarque
que l'amplitude devient moindre, on peut en déduire que ou bien
la pression du sang a changé on ne sait pas dans quel sens, ou bien
l'intensité du pouls est devenue moindre ; voilà des cas que l'auteur
ne distingue pas assez ; il dit dans les dillerenls cas (p. 58 et 59) que
la pression sanguine a dimiiuu'', <pi'elle a augmenté, que les vais-
seaux sanguins se sont contractés, qu'ils se sont relâchés, etc., mais
de quel fait-il tiré des conclusions pareilles, (piels sont les change-
ments des courbes qui lui font conclure ceci pliilùt que cela, il ne le
■dit pas. En somme l'aj^pareil est très compliqué, il donne une courbe
irrégulière, la res])iration s'y inscrit, les cliangemenis dv volume de
doigts s'y inscrivent aussi, l'intensité des pulsations, enlin la pression
sanguine et puis d'autres causes inconnues s'inscrivent toutes, tous
(;es éléments sont compris dans une covube, et il ('st, ou peut dire,
impossible de les démêler et de dire dans des cas jiarLiculiers : ce
changement est dû à la coi)?lri(:lion des vaisseaux; celui-là à un
changement de la jtression sanguine, etc. ; raul(;ur senilile ne pas
avoir remarqué cette comph'xité du phénomène, les conclusions
(fu'il tire des dinérentes courbes sembhiut souvent arbitraires.
L'auteur rapporte un cerliiin nombre il'expériences faites avec cet
appareil, où le sujet devait faire certains juoblèmes, ou bien il était
effrayé spontanément par un bruit très fort, ou bien on lui mettait
sur la langue une substance d'un goût agréable ou désagréable, ou
•enfin il.devait fixer sonaltention sur des sensations très faibles, etc.
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 589
Il s'est dégagé des expériences qu'il existe des difterences indivi-
duelles très considérables, chez les uns on n'observe aucun change-
ment dans les courbes de pulsation, d'autres enfin en présentent
de très marqués. En général ce sont les personnes nerveuses, les per-
sonnes émotives qui présentent des changements les plus marqués.
L'auteur conclut que le travail intellectuel tout seul, ou bien une
sensation qui n'est pas accompagnée d'un sentiment vif n'amènent
pas de cliangement dans la pression sanguine ; et que ce ne sont que
les sentiments désagréables qui sont « la cause » des changements
dans la pression sanguine, les sentiments agréables n'en sont géné-
ralement pas accompagnés. 11 nous semble que la dernière conclu-
sion est trop générale, on ne peut en effet pas dire que les senti-
ments désagréables sont la cause des changements dans la pression,
on ne peut maintenant que dire qu'ils sont accompagnés de change-
ments dans la pression.
L'auteur voit un défaut de cette méthode en ce que l'observateur
et le sujet sont dans la même pièce; il serait, dit-il, pour la psycho-
logie d'une grande importance que l'observateur et le sujet fussent
dans des pièces séparées. Nous ne croyons absolument pas que ce
soit là un avantage, bien au contraire, ce serait ne pas profiter de
ce que le sujet peut parler, ne pas profiter des observations directes
du sujet, qui sont souvent bien plus instructives que des expériences
faites automatiquement avec des appareils, il est vrai, très précis;
nous croyons que le défaut de la méthode se trouve dans l'appareil
qui donne une moyenne générale, qui transcrit la somme des
inlluences de beaucoup d'élémenls différents (pression sanguine,
intensité des pulsations, constriction et relâchement des parois des
vaisseaux, etc.), et il est impossible de séparer ces éléments les uns
des autres.
Victor Henri.
KLIPPEL ET DUMAS (D1-: PARIS). — De la paralysie vaso-motrice
dans ses rapports avec l'état affectif des paralytiques généraux.
Congrès des aliénistes et neurologistes de France, tenu à Bordeaux
en août 1893. Extrait de la Tievue neurologique, 13 sept. 1893,
p. 313.
Les auteurs ont appliqué le plélliysmographe d'IIallion et Comte
à l'étude du pouls capillaire chez les paralytiques généraux.
Chez ceux qui étaient en élat de délire expansif, ils ont constaté
deux particularités : 1° l'amplitude des oscillations isochrones au
pouls estbeaucoup plus grande que chez les sujets sains ; 2° ces oscil-
lations pulsaliles ne s'effacent jamais sous l'inlluence d'une piqûre.
Les auteurs admettent, d'après ces faits, qu'il existe chez ces
malades une paralysie des vaso-constricteurs, entraînant un état de
dilatation vasculaire.
590 ANALYSES
Au point dt^ vue psychologique, ces conslalalions ont de l'impor-
lance. Cl. Beniaid, l-ani^'o et la plupart des psycliopliysiologistes
modernes considèrent la dilatation vasculaire périphérique comme
liée à la joie, ou plulôt la déterminant; l'état de salisi'action des^
paralyti(iues généraux, que rien ne justilie, et dont la ténacité est
souvent extrême, s'expliquerait par ces modifications circulatoires,
base physiologique du phénomène mental.
Des expériences plus récentes ont paru démontier à ces auteurs
que les mêmes moditications ne se produisent pas dans les périodes
de dépression.
M. Charpentier (de Paris) dit n'avoir jamais constaté de rap|>orl
entre la température et les états d.- déiiression et d'excitation des
paralytiques généraux.
M. Klippel répond que ce n'est pas là une ohjection valable ; la
tem[iérature n ofl're pas de rapport constant avec l'état des vaisseaux.
L. HALl.ION ET CH. COMTE. — Sur les réflexes vaso-moteurs bulbo-
méduUaires dans quelques maladies nerveuses (hystérie, syrin-
gomyélie, etc.j. Arch. de Piiysiologie, 189o, p. 90-99.
Les recherches des auteurs ont été faites avec le même appareil
<lé)à employé ]iar eux dans leurs travaux antérieurs (V. Ann.
psychologique, 1894, p. "299).
J'emprunte à ce travail des résultais (pii [irésentent de l'intérêt au
point de vue de la psychologie physiologique.
Les anesthésies se comportent d'une façon absolument diilV-renle,
suivant (ju'il s'agit d'une anesthésie.liysléri(iue ou d'une anesthésie de
^ause organique.
Dans le premier cas les réflexes vaso-moteurs sont normaux, dans
le second, ils sont abolis. Ces faits s'accordent avec la théorie des
psychologues (pii font de l'anesthésie hystérique un simple trouble
<le la perception consciente.
Certains processus psychiques, que ne décèle aucun aulre phéno-
mène objectif appréciable, sont mis en évidence, dans l'élat hypno-
li(iue, parle [uocédé plélhysmographique.
H. Bealms.
A. HLNET ET J». SÔLLIEU. — Recherches sur le pouls cérébral
dans ses rapports avec les attitudes du corps, la respiration et les
actes psychiques. Arcli. de l>lly^iologie, octobre 189^.
Divers expéri nlad-uis, notamment Mosso ' et Fr. -Franck ont
4;tudié sur riioiunie les moditications de volume du _cerveau qui se
(1) A. Mosso. Siipra un. iniovo melodu per scr'iverc i inovimenll (Ici vasi
:<an;/ui!/ni nelV vuino, Tin-iii, \%n. — SulUi clrcuhdlone del sa»r/ue iiel
cefcello delVuomo, 1879.
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PUYSIOLOGIE
591
produisent sous des iiilluences diverses, telles que la respiration,
l'altitude du corps et les actes psychiques. Pour faire ces études,
on a profilé de ce que certains sujets présentaient une perte de
substance osseuse, qui mettait une partie du cerveau et de ses
méninges à la portée des moyens d'exploration graphiques, tels que
des ampoules de baudruclie, ou de caoutchouc, ou des tambours
Fiff. 114.
enregistreurs. Quel (jue fût le procédé employé, les mouvements
d'exjjansion et de retrait de la substance cérébrale étaient transmis à
des cylindres et s'y inscrivaient: sous la forme de gra]ihiques. Sur
ces graphiques on lit ordinairement plusieurs formes d'ondes, dont
les plus petites sont les pulsations du ((our; elles se développent sur
des ondes plus longues, qui cori'espondcnt aux respiui lions, cf
qui sont les oscillations lespiratoires.
Binet et Sollier ont fait leurs éludes sur une vieilhî délinfiiiantede
Saint-Lazare (fig. 114), piV'scnl.inl imc porte de substance du Irunlal.
Leurs expériences, faites au moyen de l'ajtplication d'un laniliour à
long boulon de bois sur les méninges à découvei'l, monlrcnl que l;i
princi|iale influence sur la ciiculalidu céiébrale est la position de la
tète; quand la malade incline la tète eu avant, la ligue des puisa-
592
ANALYSES
HISTOLOGIE, ANATOMII': ET TIIYSIOLOGIE 598
tiens cérébrales s'élève, ramplilude des pulsations augmente, et les
Fig. 117. — Schéma des relations entre le pouls de la iiiaiii (P M), le pouls
cérébral (P C) et la respiration (R).
Fig. 118. — Schéma des relations entre la resjiir.ilion, le pouls de la mata
et celui du cerveau dans une inspiration profonde.
oscillations respiratoires deviennent plus marquées (iig. 115). L'in-
fluence de la respiration sur b; ])Ouls cérébral (>st (•oni[)lexe et
difficile à expliquer en quelques mots. Si on compare à ce point de
ANNÉE PSYCHOLOGlOUi;. u. 38
594
ANALYSES
vue de rinlluence resjiiiatoiie la circulaliou dvi cerveau à celle de la
main, voici les principales difTérences à noter : pendant que la res-
piration est. normale, les pulsations correspondant à l'inspiration
sont plus piMites dans le cerveau que dans la main; en d'autres
termes, l'influence de l'inspiration se fait
g sentir plus nettement sur le pouls céré-
"•§ hral que sur le pouls de lamain(fil,^ 1 17 et
H. 119). Quand on fait une inspiralinn pro-
fonde, on a, dans le cerveau : dépression
courte avec pulsations petites, puis gon-
llement avec pulsations très grandes, iiuis
di'-pression assez longue ; et dans la main,
au même moment, on a les phénomènes
inverses {fig. 116 et H8) '. Les auteurs
ne se prononcent pas sur les causes de
ci
cl
o
-3
ci'lte différence. Ils ont étudié également
rinfluence de quelques actes psychiques
simples, surprises, calcul mental, lecture,
etc.; dans la plupart des expériences, la
7. respiration a été modifiée et par consé-
§ (juentles modifications du tracé cérébral
-^ |icuvent être dues à une cause respira-
^. toire ; dans quelques cas très rares, la
^- respiration est restée calme, et on peut
= sujiposer que les modifications du tracé
'^ cérébral, qui ont été des dilatations, sont
7 [iroduites par le travail intellectuel.
" A. Bl.NET.
ci
te
H. — COORDINATION DES MOUVEMENTS
ET ATAXIE
i. THOMAS. — Ataxie. Dictionnaire de
]>hysiologie, I, p. 803-813.
2. F.-W. MOTT-ET C.-S. SHERRINCTO.X.
— Experiments upon the Influence of
Sensory Nerves (Expériences sur rin-
fluence des nerfs sensil ifs sur le mouve-
ment et la nutrition des membres). Vioc.
of the Royal Society, vol. LVII, 1895.
3. H. CHARLTON BASTIAN. — Note on
the Relations of Sensory Impressions
(I) Ce rnriei.x effet de rinspiration profonde sur le pouls cérébral avait
déjà été noté 1 ar Mosso ; il est vrai que cet auteur u'a pas rapproche le
pouls cérchnd et le pouls de la main.
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 595
and Sensory Centres to Voluntary Movements. {Relations dett
centres sensoriels avec les mouvements volontaires.) Proc. Royal Soc,
avril 1895.
La question des rapports exacts qui existent entre la sensibilité
d"un membi'e et ses mouvements a été interpi'étée dans des sens
très divers, sans doute parce que les faits qui ont servi à ces inter-
prétations sont encore peu connus et souvent peu comparables :
il est clair par exemple qu'on ne saurait comparer l'anesthésie hys-
térique et l'anesthésie organique au point de vue de l'action exercée
sur la motilité des membres, puisque la première de ces anesthésies
laisse subsister la transmission des excitationsjusqu'au cerveau, tandis
que l'autre la supprime. L'article très informé de M. Thomas nous
jiermet de présenter ici rapidement un historique de la question.
L On désignait autrefois sous le nom d'ataxie un désoi'dre morbide ;
on appelait ataxiques les fièvres parce qu'elles étaient désordonnées.
Aujourd'hui, depuis les travaux d'Andral, et surtout de Duchennc
iW Boulogne, l'ataxie désigne ime incoordination des mouvements;
dans un mouvement, il y a des forces impulsives, et des forces
modératrices et collatérales ; les unes sont produites par la contrac-
tion de certains muscles dont le rôle est prépondérant, les autres
proviennent des muscles antagonistes ; une destruction de l'harmo-
nie de ces forces produit l'incoordination. Il ne faut pas confondre
l'incoordination avec la titubation vertigineuse et l'espèce d'ivresse
qui résulte de lésions du cervelet. Luciani a démontré que les
lésions du cervelet ne produisent pas d'ataxie.
L'ataxie s'observe dans une maladie spéciale du système nerveux
<[u'on appelle l'ataxie locomotrice, dans la paralysie générale, par-
fois dans l'iiystérie et dans divers empoisonnements. Le mécanisme
de l'incooidination n'est pas encore connu, quoiqu'on ait cherché à
l'étudier par deux voies difi'éreutes, chez les malades et dans les
expériences de vivisection. L'incoordination se ])résente souvent
associée, chez les malades, à des troubles de la sensibilité de diverse
nature, et on a pensé qu'elle eu dépend ; mais on a fait une distinc-
tion ; l'incoordination ne dépend pas de l'insensibilité de la peau,
mais de la perte du sens musculaire (Hcll), de la sensibilité profimdf
(Axenfeldj ou de la sensibilité dcà articulations (Duchenne) ; anato-
miquement, on a trouvé que, dans l'ataxie locomotrice, il y a des
lésions dans les cordons postérieurs de la moelle, dans les racines
postérieures (sensitives) et dans les nerfs périphéri(|ues, de sorte que
cftte maladie nous offre un parallélisme frappant entre les altéra-
lions des voies de la sensibilité, les moditications de la sensibilité, et
l'incoordination, bien qu'on ne puisse pas affirmer qu'il y ait là un
vrai rapport de causalité.
Les expériences des ijbysiologistes ont essayé de; jett-r un peu
jJe lumière dans cette question, en produisant de l'insensibilité chez
596 ANALYSES
les animaux et t'ii suivant les ofîets de cette insensibilité sur les mou-
vements.
On a vu (Claude Bernard, Longet, Yulpian, Brown-Sequard) que
si on coupe les racines postérieures (sensitives) des membres, les
mouvements de l'animal, tout en conservant leur force, deviennent
désordonnés, maladroits ; cet effet ne se produit pas après la simple
section des nerfs cutanés. Claude Bernard ayant coupé les filets
cutanés de la serre sur un épervier, Toiseau ne présenta aucun
trouble de son mouvement. Ces diverses expériences paraissaient
démonstratives jusqu'en ces dernières années, où Leyden, Roscntîial,
Schepeloff (1891), Ilering (1893), Mott et Shenington, Chauveau,
Tissot et Contejean (1895) ont montré que les résultats expérimen-
taux avaient été mal interprétés, et que la section des racines sensi-
tives ne produit pas à proprement parler Fataxie, mais l'immobilité,
la perte de mouvement, et même la paralysie motrice.
2. Dans l'article de Tliomas on a pu voir quel est l'effet de la sec-
tion des racines sensitives sur le mouvement. Il a été fait une courte
mention du travail de Mott et Sherrington. Ajoutons ici quelques
détails; les expériences de ces auteurs ont été faites sur un singe, le
Macacus rhésus. La section de toute la série de racines sensitives;
appartenant à un membre abolit les mouvements du pied et de lu.
main, surtout ceux qui servent à des actes très délicats et très spé-
cialisés ; les mouvements de la racine du membie et les mouve-
ments associés sont mieux conservés. La section d'une seule racine
sensitive ne permet de constater aucune altération des mouvements.
Si on coupe seulementdes nerfs sensitifs qui se rendent aux muscles,
en respectant ceux qui se rendent à la peau, l'altération des mouve-
ments est inappréciable; elle devient très grande au contraire
lorsiju'ou coupe seulement les nerfs sensitifs de la peau. Enfin ^
(juand on a coupé tous les nerfs sensitifs et observé les phénomènes
si accentués de paralysie, l'excitation électrique des circonvolutions
motrices et l'épilepsie provoquée par l'absinthe donnent lieu chez,
l'iinimal à des convulsions (|ui ne diffèrent point de ce ({u'elles sont
chez l'animal ininct.
3. Les préct'denls auteurs iuleiprèleiil leurs exiiériences d'abord
comme démontrant que, pour l'accomplissement d'un acte volontaire,,
l'intégrité des voies sensorielles depuis la périphérie jusqu'au cer-
veau est nécessaire ; en second lieu, ils iiensent avoir démontré que
la suppression de toutes les sensibilités d'un membre entraîne la
perte du pouvoir volontaire de mouvoir ce membre.
Le docteur Bastian, dont les travaux de psychologie physiologique
sont bien connus de tous, a vivement critiqué ces deux assertions :.
a). Contre la première, il objecte que chez beaucoup de malades, une
lésion cérébrale de la capsule inteine (portion postérieure) produit
la i)erte de la sensibilité et cependant le membre devenu insensible
ne cesse pas d'être aux ordres dt^ la volonté ; oi', remarquons bien
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PUYSIOLOCIE 597
qu'il s'agit ici d"iuie lésion des voies sensorielles, située dans le cer-
veau; malgré cette lésion, l'activité volontaire continue à s'exercer.
h). L'idée que les animaux opérés par Mott et Sherrington ont perdu la
faculté volontaire de mouvement paraît reposer sur ime conception
inexacte du mécanisme de l'acte volontaire. Le docteur Bastian, se
rappelant ses idées anciennes, dont nous croyons utile de reproduire
ci-dessous la bibliographie ', pense que les centres dits moteurs du
cerveau, situés dans les circonvolutions ascendantes, ne sont pas de
vrais centres moteurs; ceux-ci sont placés dans le bulbe ou la
moelle ; dans les circonvolutions ascendantes n'existeraient que des
centres kinesthésiques, c'est-à-dire centres oii se déposent les
images motrices des mouvements. Deux types principaux de mou-
vements sont à distinguer au point de vue de notre analyse, les
mouvements réflexes et les mouvements volontaires ; les premiers
sont produits par des excitations périphériques et sensitives, qui
parviennent aux centres moteurs du bulbe et de la moelle ; si on
coupe les racines sensitives en rapport avec ces centres moteurs
ies réflexes sont supprimés ; les mouvements volontaires sont pro-
duits dans le cerveau, par suite de l'éveil des images visuelles et
motrices des mouvements à exécuter; le centre visuel et le centre
kinesthésique entrent donc en activité, et ils transmettent leur
excitation aux centres moteurs de la moelle ; ces derniers exécutent
le mouvement, en envoyant l'incitation appropriée aux muscles.
Comme, dans les expériences de Mott et Sherrington, on n'a point
lésé le cerveau, les centres visuels et kinesthésiques sont restés
intacts, l'animal continue à concevoir et k vouloir le mouvement.
Où gît l'obstacle ? C'est ici le point délicat. Bastian suppose que ce
sont les centres moteurs de la moelle qui sont altérés, et n'obéissent
plus aux ordres du cerveau; on a coupé, en effet, les nerfs sensitifs
4ui étaient en relation avec ces centres moteurs et médullaires; il
■est probable que ces nerfs maintenaient les centres dans un état de
■sub-activité, de tonus physiologique qui était nécessaire à leur fonc-
tionnement normal, et que la suppression des excitations sensitives
qui leur parvenaient a amené leur paralysie. Bien entendu, c'est
une simple hypothèse, mais elle paraît bien plus vraisemblable que
l'interprétation de Mott et Sherrington.
4. Nous transcrivons ici, pour terminei% un résumé de ses tra-
vaux (en collaboration avec Tissot) (juf M. Contejeau a bien voulu
nous envoyer.
(1) " On the Neurai Processes underlying Attention and Volition », Brain,
^vril 1892. — « On the Localisation of Funrtion in tlio Ccrcbral Hémis-
phères », Joitrn. of Ment. Science, janvier 1869 ; et « On the Muscular Sensé
and the Physiology of Thinking », lirit. Med. Jourii., mai 1869. — « Phy-
siology of Thinking », Forln'ufhtlij Hevleu:, janvier 1869; et •< Defects of
Speech in Brain Disease », Brit. and For. Med. Chir. lieview, janvier et
-avril 1869.
oUS ANALYSES
« Les faits que j'ai constatés sont les suivants :
Après la section de leurs nerfs sensitifs, les muscles perdent leur
tonicité (déjà vu par Brondti;eest sur la ^reiiouille). l.a queue est
déviée du côté sain si on a énervé sensitivemcnt les muscles d'un
côté de cet organe. La lèvre gauche pend plus bas que la droite
après la section à gauche du nerf sous-orbitaire et du nerf auriculo-
temporal.
On peut même observer la paralysie totale de tout un membre
énervé au point de vue sensilif, les nerfs moteurs étant rigoureuse-
ment intacts. Bans ce cas, on constate l'atrophie mais non la régé-
nération des muscles.
J'ai vu aussi revenir les mouvements volontaires dans le meml)re
opéré, moiivements toujours ataxiques, bien entendu, mais assez
bien exécutés.
On n'avait vu jusqu'ici que des mouvements associés (Cl. Bernard,
.Mott et Sherrington).
Les membres opérés peuvent exécuter des actes (donner la patte,
lever la patte pour pisser) qui sont inhibés par l'extirpation de cer-
taines régions du cerveau [g cenlralis anterior, g sigmoidus, g cen-
tralis poslerior). Ce faitruine des interprétations de Schifîet de Noth-
nagel qui attribuent à la perte de la sensibilité tactile ou de la sen-
sibilité musculaire les troubles de motilité consécutifs à l'extirpation
de certaines régions de l'écorce du cerveau. »
A. Rl.NET.
m. — DIVERSES QUESTIONS DE PHYSIOLOGIE NERVEUSE
Paul CARUS. — The physiological Condition oi Consciousness.
{La condilion phi/siologiijue de ta conscience.) Journ. of Conqiarat.
Neurology, juillet 1895, p. 129-138.
Réponse aux critiques que Herrick a adressées à la thèse de Carus,
soutenant que le corps strié est le siège de la coordination des états
de conscience et réalise leur unité. L'article est suivi dune biblio-
graphie relative aux fonctions du corps strié.
P. FLECIISI»;. — Gehirn und Seele {Cerveau et àme).
liiaug. Dissert., Leipzig, 1895, iu-i".
L'émincnt anatomiste pense (ju'il existe dans les circonvolutions
cérébrales, outrt; les centres sensoriels et les centres psycho-moteurs
aujourd'lmi connus de la vue, de louïe, des mouvements des
membres et de la parole — des centres d'idéation {geistige Centren)
qui seraient disséminés entre les centres sensoriels, et occuperaient
quatre sièges principaux, les lobes frontaux, liiisula de Reil, une
pare du lobo temporal et une partie du lobe occipital. Ces centres
UISTOLOGIK, ANATOMIE ET PUYSIOLOGIE oJ9
(i'idéation se distingueraient des autres centres : 1° par un caractère
histûlogique ; on y rencontrerait plus nettement qu'ailleurs hîs cinq
couches cellulaires décrites par Meyuert ; 2° par un caractère
embryogénique ; les éléments y seraient plus lents à se développer
que dans les centres sensoriels ; la myéline y apparaîtrait plus tard.
Ce retard de développement s'expliquerait par cette considération
que l'éveil des sens se fait avant l'éveil de l'intelligenci'.
Flechsig pense aussi que ces quatre centres, formant par leur réu-
nion l'organe de la pensée (Denkorgane) sont spécialement altérés
dans la démence, dans la paralysie progressive, dans le rainolisse-
ment cérébral. Il leur attribue surtout une fonction d'association, de
synthèse, et paraît sur ce point s'inspirer des idées un peu surannées
lie l'école psychologique anglaise.
A. RlNET.
(iRir.ORESCU ET CONSTANTIXESr.U. — Vitesse de la conductibilité
sensitive dans le sciatique et dans la moelle épinière chez l'homme
sain et chez l'ataxique. (G. R. Soc. de Biologie, 30 mars 189j, [>.
254-256.)
De leurs expériences faites par la méthode de Schelsee avec le
chronomètre d'Arsonval (Labor. de physiologie de la Faculté de
médecine de Bucarest) il résulte que :
1° La vitesse de conductibilité sensitive dans le sciatique est de
24™, 77 à 31"", 35 par seconde; cette vitesse se rapproche beaucoup
.lu chifTre de 28 mètres trouvé par A. René dans ses recherches faites
dans mon laboratoire. Par contre, le chiffre de ol'",43 trouvé pour la
moelle épinière est six fois et demie plus grand que la vitesse de
8 mètres par seconde, admise jusqu'à présent.
2° Dans l'ataxie locomotrice, cette vitesse diminue surtout dans la
moelle.
H. Beaunis.
IX'IGI LUCIAM. — Les récentes recherches sur la physiologie du
cervelet. Rectifications et répliques. Arch. ilalieunes dt; biologie,
fasc. 1 et 11, p. 217-242.
Réponse d'un ton acerbe adressée à David Ferrier, qui dans son
discours à la Société neurologi(iuc de Londres (Brain, part. LXV),
tout en rendant un grand hommage aux recherches de Luciani sur
le cervelet, a critiqué quelques-unes de ses observations et théories.
Dans une note sur le modus opcrandi, Luciani crili.jne la démolition
du cervelet au galvanocautère, (jui ne donne pas de résultats [trécis,
et il montre que les photographies des cerveaux de singes opérés par
FeiTier avec le concours de ïurner laissent voir (jue l'extirpation
n'a jamais ou presque jamais été telle que les expérimentateurs se
COO ANALYSES
proposaient dp la faire. Pour ces raisons, on doil. préférer l'usa^re
(les instruments Iranoliants.
L'emploi des causiiques doit aussi être rejeté, parce qu'il produil
une irritation de la dure-mère, et que cette irritation produit à son
tour des symptômes totalement différents de ceux que produit le
scalpel.
Relativement aux théories, Ferrier a reconnu que Luciani a détruit
par des preuves écrasantes la doctrine de (iall, lequel croyait le cer-
velet en rapport avec l'instinct sexuel, la doctrine de ceux qui ont
supposé dans le cervelet un centre psychique ou un centre de sen-
sibilité cutanée ou musculaire, et enfin la doctrine de Nothnagel,
(jui circonscrivait au lobe moyen toutes les fondions attribuées au
cervelet; outre ces conclusions négatives, Ferrier reconnaît (jue
Luciani a été le premier à montrer que l'influence du cervelet est
spécialement directe et non croisée, c'est-à-dire (ju'elle s'exerce
spécialement par chaque moitié de l'oreane dans la moitié corresi)on-
dante du corps. Voici maintenant les principaux points controversés :
1° Luciani a 'appelé irrilaiifs les plK-nomènes (jui prédominent
immédiatement après les ablations cérébelleuses, car ils consistent en
une altération ou une exaltation fonctionnelle des centres nerveux
en connexion intinie avec le cervelet, ils sont en rapport avec le
degré du traumatisme, ils sont d'autant plus intenses que la muti-
lation s'étend davantage vers la base des pédoncules cérébelleux,
ils prédominent dans le côté spécialement otTensé. Ferrier pense
avec Goltz qu'on devrait donner à ces phénomènes la qualitlcation
de dynamiques ou d'inhibition ; mais la divergence tiendrait à ce
que l'emploi de caustiques, auquel Ferrier a recours, produit de
Thébètement, tandis que la destruction par le scalpel amène de
l'agitation et des plaintes.
2" La destruction du lobe cérébelleux d'un côté produit, selon
Luciani, d'accord avec Longet, un mouvement de rotation vers le
côté sain ; Ferrier soutient (|ue le mouvement a lieu vers le côté
de la lésion, mais par suite d'une rotation autour de l'axe vertébral
du côté endommagé vers le côt(î sain. La discussion nous paraît assez
(■omplexe et obscure.
3" Les phénomènes de déficit produits par les [extirpations du cer-
Telet sont ceux de l'asthénie, de l'atonie et de l'astasie. L'asthénie
est un défaut d'énergie dans les muscles ; l'astasie est un défaut
de stabilité, provenant d'une imiiarfaite fusion ou sommation des
impulsions élémentaires d'où dépendent les contractions. L'auteur,
en répondant passhn à des objections de Ferrier, donne de curieux
exemples de ces symptômes pathologiques. Des malades atteints
d'atrophie et de maladie du cervelet, ne pouvant plus rester debout
f'I marcher, peuvent cependant, quand ils sont couchés, faire des
mouvements des jambes avec sûreté et rapidité. Cela tient à ce (ju'ils
n'ont pas d'incoordination, mais de la faiblesse, de l'asthénie, et que
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 601
leurs' muscles, quoique incapables de soutenir le poids du corps,
peuvent exécuter des mouvements. Autre exemple : un chien sans
cervelet di'oit, jeté dans un bassin, nage avec la moitié gauche du
corps hors de l'eau, et se dirige plutôt vers la gauche, car le coup
de rame qu'il donne avec les pattes gauches est plus énergique que
celui des pattes droites, et de plus ce coup de rame est dirigé de
dehors en dedans et de haut en bas.
A ce sujet, une petite discussion s'est élevée entre Ferrier et
Luciani, Ferrier prétendant qu'un nageur quand il fait des effox'ts
vigoureux du côté droit tourne à gauche ; mais évidemment Ferrier
a tort, et Luciani a raison : l'eflet dépend de la direction du coup de
rame ; si le coup est donné de dedans en dehors, comme par
l'homme, on se diiige vers le côté opposé au bras qui a fait le mou-
vement le plus énergique ; c'est le contraire si le coup est donné
de dehors en dedans, comme cela se passe chez le chien. Exemple
d'atonie. « Pendant que l'animal mange debout, les membres écai'-
tés pour élargir sa base de soutien, les membres du côté opéré flé-
chissent lentement de temps en temps, de sorte que la chute vers
ce côté se produirait si l'animal ne s'apercevait à temps de ce qui
va arriver, et ne se remettait en équilibre par des mouvements
adaptés de compensation. » En résumé, c'est par ces trois symp-
tômes de déficit que Luciani continue à expliquer l'ataxie cérébel-
leuse, et il refuse de considérer le cervelet comme un organe d'équi-
libration, ou comme un amas de centres inconscients d'adaptation
réflexe.
A. BiNET.
MUNZER ET WIENER. — Beitràge zur Anatomie und Physiologie
des Centralnervensy stems. [Etudes sur Vanatomie et la physiologie
du système nerveux central.) kic\\. f. experim.PathoI. u. Piiarmakol.
XXXY, p. 113, 1895.
Si on met chez le lapin une ligature sur l'aorte abdominale
un peu au-dessous des artères rénales, une heure après la liga-
ture il se produit une paralysie des pattes de derrière et une perte
de la sensibilité de ces pattes ; les auteurs étudient histologiquement
la moelle lombaire ; il n'y a de moditications sensibles que six
heures au moins après la ligature, ce sont surtout les cellules gan-
glionnaires qui sont atteintes. 11 est intéressant de constater que
chez les lapins qui avaient conservé la sensibilité à la douleur
les cellules des cornes postérieures sont restées intactes, par con-
séquent on déduit ce résultat important que la sensibilité à la dou-
leur est liée aux cellules des cornes postérieures de la moelle,
résultat qui concorde avec ceux observés chez l'homme dans une
foule de conditions.
V. Henui.
602 ANALYSES
0. POLIMANTE. — Sur la distribution fonctionnelle des racines
motrices dans les muscles des membres. Archives italiennes de
lîiologie. III, 189o.
Les recherches ont été faites sur le plexus brachial et lombo-sacré
(lu chien et du chat, et sur le plexus lombo-sacré des lapins. Voici
les principales conclusions :
l» L'innervation des membres présente, dès les origines médul-
laires, une systématisation évidente ; cette systématisation est fonc-
tionnelle, c'est-à-dire que les filets moteurs, tels qu'ils' sortent de la
moelle à un niveau donné, se distribuent à des groupes musculaires
synergiques et concourent ainsi à un mouvement associé.
2" Ce mouvement associé, que l'on obtient par l'excitation d'une
seule racine et par la contraction simultanée de plusieurs muscles
ou faisceaux musculaires appartenant à des muscles différents,
représente toujours un mouvement complet, correspondant à l'ac-
complissement d'une fonction donnée.
3° C'est pour cette raison que, par suite de l'excitation d'une seule
racine, peuvent entrer en jeu des muscles d'action antagoniste (par
exemple : extenseur et fléchisseur, abducteur et adducteur), mais
qui concourent à un mouvement combiné, lequel aura pour résul-
tat l'accomplissement d'un acte, même très complexe, comme le
saut, habituel ou volontaire.
4° Un fait notable, c'est que, par suite de l'excitation de racines
correspondantes et ayant uiu; distribution égale ou peu diverse chez
les dilférents animaux, on n'obtient pas précisément les mêmes
résultats pour ce qui concerne la fonction.
5° Ces résultats sont en rapport direct avec les instincts et les
habitudes de l'animal en expérience. Ainsi l'excitation de la deuxième
racine sacrée qui produit chez le chien les jnouvements latéralisés
de la queue par lesquels il exprime sa joie, donne chez, le chat des
déplacements de la queue semblables à ceux que fait l'animal dans
les mouvements de colère.
0" Les diiïérences concernent non seulement la diversité de la
fonction, mais encore son intensité, Ic.njours en rapport, suivant
l'auteur, avec les instincts et habitudes des différents animaux.
7° On peut en inférer que, par hérédité, habitude lente ou exercice
répété, il s'établit des conditions fonctionnelles ([ui facilitent et
rendent plus eflicace l'inlluence des centres supérieurs ; cela
explique en outre que, non seulement certains actes instinctifs, mais
encore quelques autres qui nous sembleraient d'ordre psychique,
puissent se développer également, indépendamment de l'inlluence
cérébrale.
8"^ La destruction fonctionnelle des racines modices a une grande
importance au point de vue physiologique et clinique. Dans les cas
UISTOLOGIE, ANATOMIE ET PIIYSIOLOGIE 603
normaux elle nous explique comment l'action des centres s'exerce
d'une manière si rapide et si ordonnée ; dans les cas pathologiques,
•'lie nous fait comjneudre comment est possible, dans quelques cas,
la paralysie ou parésit^ d'une fond ion sans qu'il y ait paralysie d'un
groupe musculaire bien distinct.
Ch. RICHP]T. — Addition. Dictionnaire de physiologie.
Paris, Alcan. I, p. 145-151.
Helmholtz a appliqué pour la première fois le nom d'addition à la
superposition de deux secousses musculaires. C'est llichet qui a
étendu cette notion et en a tiré des déductions très intéressantes
pour la physiologie et la psychologie. Voici en quoi consiste l'addi-
lion : supposons qu'avec un excitant électrique on fasse contracter
un muscle, et qu'on mesure par la méthode graphique l'intensité de
celte contraction ; si ou attend longtemps, si le muscle est revenu
complètement à l'état de repos, et qu'on lépète la môme excitation,
on jirovoque une seconde contraction qui est à peu de chose près
égale à la première. Mais si on produit la seconde excitation avant
que la première ait terminé son elfet, les deux secousses se fusion-
nent, il n'y en a qu'une seule, et cette secousse unique est bien plus
forte que ne le serait la somme des deux secousses premières. Il
n'y a pas à proprement parler une addition, mais une multiplica-
tion. Cet effet est dû à ce que les excitations successives produisent
une excitabilité croissante. Vn muscle qui n'est pas revenu à son
repos complet, et qui est à la période de descente est plus excitable
(ju'un muscle qui est complètement inerte.
Il est une variété d'addition qui est bien curieuse, c'est l'addition
latente ; elle consiste en une sommation d'excitations dont chacune
isolément ne produit aucun effet, et qui, rapprochées, se suivant
d'après un certain rythme, deviennent efJicaces, car elles ont aug-
menté l'excitabilité du muscle. Au fond, cet effet n'a absolument ricui
de surprenant, car il est clair que si une excitation se trouve en
dessous du seuil, une excitation double peut très bien produirez un
elfet, et se trouver au-dessus du seuil ; ce cju'il y a de particulier dans
l'addition latente, c'est que les excitations ne sont pas faites sinuil-
tanément, mais successivement, et que l'eflet de ce rapprochement
successif est jusqu'à un certain ]»oint comparable à un(! simultanéité.
Voici l'exemple de Uiciiet. « Si l'on fait passer par uji muscK; de la
liince de l'écrevissc; un série de courants d'induction rythmés à un
assez long intervalle (de deux secondes, par exem[)le), au giaduant
l'intensité du courant, on peut diminuer l'intensité de telle sorte
(jutî ces courants seront inefficaces, mais à la limite jn-écisément d(^
leur eflicacité. Ai)rès avoir bien constaté que le muscb; ne répond
pas à ces excitations, rythmées à intervalles de deux secondes, on
change le rytliine sans modilier l'intensité, et on constate aussitôt
604 ANALYSES
que ces mêmes excitations deviennent eflicaces qu;md le rythme est
plus fréquent, par exemple de dix par seconde. La même sommation
s'observe pour les excitations de la moelle, les excitations tactiles
(Richet), visuelles (Ricliet et Breguet, trav. du laboratoire de Richet,
I, p. H2;Bloch, Bidlelins de la Soc. de hiolfxjie, 1885, p. 494; Char-
pentier, Ibid., 1887, p. 3), les excitations de la substance grise et
blanche du cerveau (Franck. Fonctions motrices du cerveau, 1887,
p. 52. — BubnofTet Heidenhain. Erregungs undllemmungsvorgànge... ;
Arch. de Pflùger, 1888, XVI).
Pour le cerveau, l'excitation latente peut se faire encore avec un
intervalle de trois secondes, mais non au delà : mais nous pensons
que cet intervalle dépend de l'intensité des excitations. Notons que
dans cet article, qui, comme on le voit, traite des problèmes d'un
grand intérêt, l'auteur ne signale pas qu'on ait fait des recherches
pour savoir quel l'apport existe, au point de vue des etï'ets obtenus,
entre les excitations successives et les excitations simultanées. Il
y aurait là un moyen d'étudier la mémoire élémentaire des sensa-
tions.
A. BiNET.
CH, RICHET. — Anémie. Dictionnaire de physiologie. I, p. 492-506.
En pathologie, anémie signitie une maladie caractérisée par wnv.
diminution des globules rouges du sang, ou par l'appauvrissement de
la teneur des globules rouges en hémoglobine. En physiologie
générale, l'anémie signifie la privation de sang d'un tissu. L'effet
de cette privation est surtout chimique ; malheureusement on ne
connaît encore ({u'imparfaitement le mécanisme de la nioit par
anémie. On peut admettre que les cellules des tissus sont en voie
perpétuelle de destruction pour dégager de la force, et que lorsqu'elles
ne trouvent pas dans le sang les éléments chimiques nécessaires à
la reconstitution de la substance qui a disparu, elles périssent. D'après
une autre hypotiièse, qui n'est i>as inconciliable avec la précédente,
la vie chimique des tissus produit une substance toxique que le sang
a j)our mission d'enlever, au fur et à mesure de sa production ; si le
sang manque, la substance toxique s'accumule et empoisonne la
cellule. La résistance variable d'une cellule à l'anémie pourra pro-
venir, conformément à ces vues, d'un grand nombre de conditions
différentes : activité chimique ilc la cellule, matériaux de réserve,
([uantité de substance toxique produite, degré de résistance à l'in-
loxication.
L'auteur étudir successivement ranéniic; des din'érentes parties de
l'axe cérébro-spinal, des nerfs périphéricjues et des muscles. Il montre
([ue chaque tissu résiste pendant une durée différente à l'anémie,
il'uù il tire sa conception de la hiérarchie des tissus. Plus un tissu
résiste, moins il a une activité chimique complexe, plus il est inférieur.
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 605
Chez les animaux à sang chaud la mort est : 1° pour les cellules de la
vie psychique, de quelques secondes ; 2° pour les éléments médullaires
([ui président aux réflexes et pour les ganglions cardiaques, de 20 à 30
secondes ; 3° pour les cellules du bulhe (respiratoire), de 1 minute
et demie à 2 minutes ; 4° pour les terminaisons nerveuses dans
h'S muscles et les corpuscules du tact, de 10 minutes à 40 minutes.
Après ce résumé reproduit d'après l'auteur, entrons dans quelques
détails.
Pour provoquer l'anémie du cerveau, on peut injecter avec une
forte seringue de l'eau dans les carotides, ou de la poudre de lyco-
|)ode, on peut arrêter le cœur par l'électrisation, on peut enfin déca-
piter l'animal. La vie psychique est immédiatement abolie par la
décapitation, car la disparition du réflexe psychique le plus élémen-
taire (occlusion des paupières à l'approche brusque d'un objet) est
toujours immédiate et il est probable que l'intelligence et la cons-
cience sont au moins aussi fragiles que ce réflexe. Il ne faut pas con-
fondre ces effets avec ceux de l'activité protubérantielle ou bulbaire.
Les bâillements, grimaces, contractions flbrillaires des muscles de la
face, nystagmus, mouvements des paupières, rotation des yeux, etc.,
qu'on a pu observer sur des tètes décapitées ne prouvent nullement
la survie de la conscience. De même Laborde a constaté sur les
décapités, et François Franck sur des chiens dont on avait lié les caro-
lides, que l'excitabilité des circonvolutions cérébrales à l'électricité est
augmentée; mais c'est un phénomène d'oi'dre expérimental qu'il ne
faut pas confondre avec l'activité psychique. Quand l'anémie est plus
lente, par exemple par éloctrisalion du cœur, on voit pendant une
période de 30 à 45 secondes la conscience pei'sister. Quoique le cœur
se soit arrêté, l'animal continue à regarder autour de lui, et à com-
jirendre ce qui se passe. Bientôt il pousse des cris de douleur, et il
manifeste une angoisse efTrayante ; cela tient à ce qu'on n'a pas réalisé
une anémie complète. Chez les animaux à sang froid, même lorsque
l'anémie cérébrale est totale, il y a encore persistance de l'activité
intellectuelle. Lorsqu'on a enlevé le cœur d'une grenouille et rem-
placé le sang qui irrigue ses tissus par une solution saline, elle con-
tinue à sauter, à voir et à entendre, étant pendant quelques minutes
tout à fait semblable à une grenouille normale.
Sous l'influence de l'anémie, la moelle meurt avani le hulbc, (pii
permet de respirer encore. Les fonctions motrices de la moelle meu-
rent avant les fonctions sensibles.
Les nerfs et les muscles, avant de mouiir, présentent par le fait
de l'anémie une augmentation d'excitabilité ; le muscle meurt environ
en deux heures. Pour étudier la vitalité du muscle, il faut prendre
des précautions spéciales, ne pas employer des procédés (jui intéres-
sent eu bloc les muscles, les nerfs et la moelle. L'expérience classiqut;
de Sténon, qui consiste ù lier l'aorte abdominale d'un cobaye ou
d'un chien, et à constater que cette anémie amène une paralysie des
6(M5 ANALYSES
jambes, ne prouve pas ce que Ton pourrait croire ; la moelle est
d'abord atteinte, puis les terminaison» nerveuses, et ce n'est (ju'en
dernier lieu que le muscle se prend.
Le nerf périphérique est un des tissus qui résistent le mieux à la
privation du sanir, et il peut survivre trois fois plus de temps que le
muscle. 11 faut rapprocher ce fait intéressant de ce que les physio-
logistes contemporains ont étudié sous le nom de Vinfaligabililé des
nerfs. Bowditch, en excitant pendant plusieurs heures un nerf sen-
sitif, n'a pas pu trouver après quatre heures de trace d'épuisement.
A. Bl.NET.
Ch. RICHET. — Automatisme. Diciionnaire de physiologie.
I, p. 940-932.
Au point de vue? de la physiologie, les mouvements automatiques
sont ceux dans lesquels nulle excitation étrangère à l'appareil
moteur n'intervient comme cause de mouvement. Jusqu'oii s'étend
cet automatisme ? Il existe dans les cellules isolées ; les mouvements
réguliers, rythmiques de beaucoup de micro-organismes, la vibration
des cils vibralik'S des infusoires, les pulsations régulières de leurs
vésicules contractiles, les mouvements oscillatoires des anthérozoïdes,
des spermatozoïdes, des bactéries ne peuvent s'expliquer par des
excitations régulières et rythmiques du milieu extérieur ; ces
manifestations motrices de l'activité ont leur raison d'être dans les
mouvements de décomposition et de recomposition cliimique du
protoplasma. Il en est de même ])our les cellules tirs organes; toute
cellule a en elle-même de quoi vivre, se mouvoir ou sécréter; elle
est automati(jue ; le sang sert à sa nutrition, et le nerf à sa régula-
tion. Ainsi un cœur de grenouille continue à battre rythmiquemtnit
dans le vide barométrique, sans le secours d'aucune circulation artiti-
cielle, et en dehors de tout stimulus extérieur. En ce qui concerne
le système nerveux, la théorie de l'automatisme est d'une application
plus douteuse ; on l'a surtout étudiée dans le cas de la tonicité des
muscles, et dans le mécanisme de la respiration, l'our la tonicité
musculaiie, on sait qu'elle est en grande partie entretenue par des
réflexes et supprimée par la section des nerfs sensitifs; mais on ne
sait pas si ccdte tonicité est e»Y?V/'e»ie«/ d'origine réllexe. I.a respira-
tion, pour Schiff, dépenil d'excitations extérieures; pour Millier et
Hosenthal, elle est automatique, dépend de l'activité du bulbe, qu'in-
Uuence la teneur du sang en 0 et en (]()-. Les expériences de Hosen-
thal, et celles de Schiptlolf sur ce point laissent encore des doutes.
L'automatisme dans l'ordre psycliol<>gi([ue ne présente pas moins
d'obscurité ; l'auteur a, intentionnellement sans doute, beaucouji
restreint son sujet, qui est très vaste, en définissant l'acte automa-
ticjue i-elui ipii n'est provoqué ni par des excitations extérieures ni
[lar une volonté consciente. Il propose la classification suivante ;
niSTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 607
1° mouvements réflexes, déterminés par un .stimulus extérieur;
2" automatiques, déterminés par un stimulus intérieur qui n'est pas
la volonté ; 3° machinaux, déterminés par la volonté, mais qui se
continuent sans que la volonté intervienne ; par exemple la marche,
le jeu du piano, etc. ; 4° volontaires, déterminés par la volonté et se
poursuivant jjar le fait de la volonté. On voit que l'auteur se place sur-
tout au point de vue de la cause occasionnelle, provocatrice de l'acte ;
ce point de vue n'est pas le seul, ni peut-être même le plus important.
< Le mouvement automatique ne diffère du mouvement volontaire
que par le défaut d'une volonté consciente, douée de m(hnoire et
s'aftîrmant elle-même ; mais la cause efliciente, elle est probable-
ment la même ». Ces mouvements automatiques sont peu développés
chez l'homme normal. On en trouve des exemples chez les som-
nambules qui accomplissent des séries d'actes, toujours les mêmes,
chez des individus atteints de commotions cérébrales, chez les épi-
leptiques, chez les hystériques, chez les personnes qui présentent de
l'écriture automatique, les spirites ; les observations et les expériences
ont montré que cet automatisme est parfois dirigé par une pensée
et une volonté conscientes.
On s'est également demandé si les phénomènes supérieurs de
l'idéation peuvent s'exercer automatiquement, sans la sollicitation
d'impressions extérieures. Le principal argument de fait ap[)or(é
dans cette vague question est fourni par les malades de Striimpell
et de Ballet qui sont presque complètement anesthésiques , ne
restent en rapport avec le monde extérieur que par un sens, l'ouïe
par exemple, et s'endorment si on leur bouche les oreilles; ces cas
semblent fournir un véritable experimentum crucis ; mais au fond,
il n'en est rien ; ces malades sont des hystériques, et leur insensibilité
n'est pas une suppression de la sensation, c'est une pseudo-anesf hésie ;
d'autre part, l'occlusion des yeux et des oreilles agit vraisemblable-
ment sur ces sujets en produisant une suggestion qui les hypnotise.
En résumé, tout ce sujet nous paraît être extrêmement vague, il
esta regretter qu'en parlant dt; l'aulomatisme l'auteur n'ait envi-
sagé qu'un tout petit côté de la question.
A. H IN ET.
0. RŒTHER. — Bericht iiber neuere Arbeiten auf dem Gebiete der
Physiologie und Pathologie des Circulationsapparats. {heviie des
travaux récents sur la physiologie et la pathologie de l'appareil de
circulation.) Schmidt's Jahrbuclier d. Gesammt. Medec, vol.
CCXLXIV, p. 81-103 et 185-203, 1895.
Revue d'ensemble très comjtlète de 264- travaux parus en 1893 et
1894 sur la physiologie et la pathologie de la circulation sanguine.
IL STRŒBE. — Die allgemeine Histologie der degenerativen und
regenerativen Processe im centralen und peripheren Nervensystem
608 ANALYSES
nach den neuesten Forschungen. {L'histologie générale des pro-
cesssus de dégénérescence et de régénérescence dans le système nerveux
central et périphérique d'après les recherches récentes.) Centralbl. f.
allgem. Pathol. u. Pathol. Anatom. Dec. 1895, p, 849-959.
L'auteur passe en revue un grand nombre de travaux faits sur la
dégénérescence et la régénérescence des éléments nerveux, il insiste
surtout sur ceux faits après 1891 ; des recherches personnelles sont
ajoutées. Pour chaque question la littérature complète est dominée.
TOMASIM. — L'excitabilité de la zone motrice après la "résection des
racines spinales postérieures. Arch. italiennes de Biologie, 1895,
fasc. I, II, p. 36-40, résumé de Lo Sperimentale, an. XLYIII, fasc. 4.
Ce résumé contient l'indication du procédé opératoire, mais non
le nombre d'expériences, ce qui empêche de se rendi^e compte de
la généralité des résultats. Le problème était de savoir l'effet que la
section d'une racine sensitive de la moelle produit chez le chien sur
les propriétés de la racine motrice correspondante. On n'excitait
pas directement cette racine motrice ; on excitait la région motrice
du cerveau, qui n'est du reste que le prolongement de la i^acine
motrice dans le cerveau. Les expériences ont montré qu'aussitôt
après la section, l'excitabilité de la racine motrice, explorée par
cette méthode indirecte, augmente ; si on laisse passer quelques
jours, et que le chien guérisse de son traumatisme, l'excitabilité de
la racine motrice diminue ; dans tous les cas, les mouvements qu'on
provoque sont incoordonnés, ce sont le plus souvent des convulsions
épileptiformes ; tandis que les mêmes excitations provoquent des
mouvements coordonnés quand les racines sensitives sont intactes.
Ce fait est le plus important de ceux qui ont été mis en lumière par
ce travail ; il montre la nécessité de la sensibilité pour la coordina-
tion des mouvements, soit réflexes, soit volontaires.
A. Ri NET
IV. — INTERPRÉTATION PHYSIOLOGIQUE
DE PROCESSUS PSYCHOLOGIQUES
EXNER. Entwurf zu einer physiologischen Erkàlrung der psychis-
chen Erscheinungen. {Essai d'une explication physiologique des
phénomènes psychiques.) 1 vol. in-8°, 380 p., 1894. Deuticke, Wieii.
J.-V. KRIES. — Ueber die Natur gewisser mit den psychischen Vor-
gàngen verkniipf ten Gehirnzustànde. (Sur la nature de certains états
du cerveau liés aux processus psychiques.) Zeitschr. f. Psych. u.
Phys. d. Sinnesorgane, t. VIII, p. 1-33.
Deux physiologistes, dont les noms sont bien connus des psycho-
logues, se sont proposé de ramener les processus psychiques à des
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PUYSIOLOGIE 609
processus physiologiques, l'un (Exner) y a consacré tout un volume,
l'autre n'a fait paraître jusqu'ici que quelques notes préliminaires,
promettant prochainement une étude plus complète.
Le but poursuivi par Exner est de montrer que tous les phéno-
mènes psychiques peuvent être expliqués physiologiquement, c'est-
à-dire réduits à des processus physiologiques du système nerveux
ces derniers, quoique inconnus, peuvent être conjecturés, à la con-
dition de ne pas être en contradiction avec les faits connus. « Je me
suis proposé de réduire les phénomènes psychiques à des différences
dans le degré d'excitation des nerfs et des centres nerveux, et par
conséquent de faire reposer tout ce (jui apparaît dans notre cons-
cience comme diversité (MannigfaUigkeit) sur des rapports quanti-
tatifs et sur des difl'érences dans les liaisons de centres nerveux.
([I. 3) » On doit donc s'attendre à trouver dans ce livre une suite
d'hypothèses et de réductions des différents pr-ocessus psychiques à
deux causes principales : intensité des excitations et liaisons diffé-
rentes ; déjà, a priori, avant d'avoir pénétré dans le livre plus avant,
on est tenté de croire que c'est une vue bien schématique, que l'ou-
vrage ressemble trop à une machine construite d'après un seul
principe, ce qui ne correspond guère à la diversité si grande des
jdiénomènes psychiques ; et puis pourquoi, si tout repose sur des
intensités d'excitations et sur des dilïërences de liaisons, les centres
nerveux ont-ils cette complexité inouïe de structure?
Le premier chapitre (p. 5-36) est consacré à une description de la
structure des centres nerveux, il est écrit « pour les psychologues
de profession » (p. 2) et peut être laissé de côté jiar des physio-
logistes et des anatomistes. Les descriptions y sont très claires,
courtes et les ligures, pour la plupart prises chez Obersteiner, très
])onnes.
Dans le deuxième chapitre (p. 37-140) l'auteur s'occupe de certains
jdiénomènes se rapportant à la physiologie îles centres nerveux ; il
rajtporte d'abord les quelques données connues sur la conductibi-
lité nerveuse, telles que l'oscillation négative, la vitesse de transmis-
sion de l'excitation dans un nerf, etc. ; ensuite il passe aux phéno-
mènes les plus simples où les centres nerveux entrent en action, ce
sont les ditféients mouvements réfhîxes. Les rélle.^^'s ne sont pas de
simples transmissions de l'excitation d'un nerf sensitif à un nerf
moteur, il se produit une transformation (Umsatz) ; en effet la vitesse
de transmission de l'excitation est plus faible lorsijue l'excitation
passe d'un nerf sensitif à un nerf moteur que lorsqu'elle se propage
le long d'un nerf; de jdus, la réaction d'un muscle sous l'action
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. H. 39
I
610 ANALYSES
réflexe a une forme toute dilTéreule de la n'acliou ilu mrmr muscle
sous l'acUou de rexcitation du nerf qui y aboutit; euliu le n'ilexn
est souvent plus qu'une transformation, c'est une dt'cliari;f' ; l'excita-
tion arrivant d'un nerf sensitifàune cellule motrice y produit une
décharge d'éncririe; l'auteur en voit une démonstration dans ce fait
que lorsqu'on jnoduit luie excitation mécanique d'un nerf sensitif
en laissant tomber un certain poids d'une liauli'ur di'Icnniiiéc, le
muscle qui se contracte par action réflexe est capable de soulever un
[toids bien plus considérable à la même hauteur.
I. 'excitation nerveuse se propage avec des vitesses, différentes et
aussi avec des facilités différentes dans différentes directions de la
substance grise; tel est h^ fait admis par tous; l'auieur admet (]ue
cette plus ou moins grande facilité de transmission de l'excitation
d'une cellule nerveuse à une autre repose sur des différences de
longueur et de grosseur des libres nerveuses qui i-elient les cellules
entre elles ; si celte fibre nerveuse est plus longue, ou plus fine ou
enfin présente plus de ramifications, l'excitation se propagera le long
de cet élément avec une vitesse moindre que dans le cas contraire.
Les lois de transmissions des réflexes connues sous le nom de
« lois de l'fliiger » sont expli(iuées, par l'auteur, par l'existence de liai-
sous entre chaque cellule nerveuse sensitive et toutes les cellules
nerveuses motrices ; ce sont, on le voit dès le début , <les hypothèses qui
ne sont appuyées sur aucun fait tit qu'on ne peu! m;i intenant ni démon-
trer ni rejeter; pourquoi, en effet, ne pas admettre que les cellules
nerveuses sensitives sont liées à certaines cellules motrices et puis <pi(;
celles-là sont liées à d'autres cellules motrices? On pourrait cons-
truire une dizaine d'hypothèses différentes, et il n'y aurait pas de
raison d'admettre l'une plutôt ({u'une autre. Nous rencontreions
bien d'autres liypothèses encore moins justifiées dans le courant du
livre .
Deux phénomènes généraux ont ]iour l'auti'Ur luie "importanct;
capitale, ce sont les jdiénomènes A'inhUniioii et de dijnamof/ênie
(Hahnung) ; ils consistent dans la pr(q)riété de certaines parties du
système; in-rveux d(; jiouvoir soit emi)ècher et diminuer les effets
d'excitation d'antres parties du système nerveux, soil an contraiie
faciliter et augmenter ces (effets; donnons quelques exem[»les : ou
prend une grenonilh; non déra|>ité(! et on i)longe sa patte dans une
solution dilué(! d'acide sulfuriciue, elle la relire; on marcjne le temps
écoulé entre l'immersion de la patte et le mouvement ; (ui coupe l.i
tète de cette nn;me grenouilh' et on icconimence l'expi-rience ; la
patte est retirée plus vite, l'existence du cerveau lalentissait donc
la durée dn re'dlexe, on dit (|ue le cerveau exerçait une action inhi-
bitricc sur le n'ilexe. Voici un cas contraire : on excite la patte d'un
lapin, il l'ait lui h'^ger mouvement réflexe; on peut olilejiir un mouve-
ment analogue de la patte en excitant luie certaine portion du cer-
veau; maintenant produisons les deux excitations l'une aiirès l'autre.
mSTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 611
011 verra se produire un mouvement de la patte bien plus rapide
ijue les mouvements obtenus après les excitations isolées ; l'auteur
dit dans ce cas que la partie excitée du cerveau exerce une action
de « Bahnung » (dynamogénie) sur certaines parties de la moelle
épinière.
Ayant décrit avec beaucoup d'exemples les phénomènes de dyna-
mogénie et d'inhibition, l'auteur passe à l'explication de difTérents
mouvements réllexes ; voici sur quels principes toutes les hypothèses
de l'auteur sont basées ; l'excitation se propage le long de libres
nerveuses ; elle se propage plus facilement si ces fibres sont plus
courtes et plus grosses ; les cellules nerveuses peuvent emmagasiner
de l'énergie, de sorte que si l'excitation arrive par une fibre à une
cellule nerveuse, celle-ci peut, suivant qu'elle contient plus ou moins
d'énergie, soit retenir l'excitation et se charger, soit au contraire se
décharger sous l'influence de cette excitation et dans ce cas envoyer
une quantité d'énergie supérieure à celle qui lui est arrivée par la
libre nerveuse ; en se déchargeant la cellule envoie de l'énergie
dans tous les sens ; les centres nerveux (les cellules uniques aussi)
peuvent exercer les uns sur les autres des actions d'inhibition et de
dynamogénie. C'est avec ces principes que tout est expliqué ; don-
nons un exemple : une grenouille décapitée est posée sur la table,
si on la touche elle fait un saut et se met en position, prête pour
sauter une seconde fois ; le mouvement est brusque, il y a beaucoup
de muscles qui entrent en action dans un ordre déterminé, le mou-
vement est symétrique, tels sont les faits que chacun peut constater ;
Exner les explique de la manière suivante : l'excitation sensorielle
arrive dans la moelle, là elle arrive dans certaines cellules A, qui
sont déjà chargées d'énergie, donc dès que l'excitation y arrivera
une décharge brusque se produira ; ces cellules A sont reliées à des
cellules motrices qui gouvernent les muscles contractés pendant le
saut, donc en se déchargeant ces cellules A enverront de grandes
(juantités d'énergie aux cellules motrices et ces dernières en se
déchargeant à leur tour produiront une contraction brusque des
différents muscles; il leste à expliquer pourcpioi les différents mus-
cles ne se contractent pas en mC-me tenifis, mais suivent un ordn;
bien déterminé; eh bien, c'est facile, il siiflit de supposer (}ue les
libres qui relient les cellules A aux différentes cellules motrices sont
de longueurs et d'épaisseurs différentes; l'énergie produite par la
décharge des cellules A se prop.igi-ra donc [dus vite suivant les fils
courts et épais que suivant les lils longs et lins ; enfin le fait que le
mouvement est symétrique montre que les cellules A sont disposées
symétriquement dans la moelle et sont reliées entre elles par des
libres courtes et bien épaisses. Il y a des cas où une grenouille déca-
pitée étant touchée ne saute pas, mais présente des mouvements
tétaniques ; dan§ ces cas, dit l'auteur, l(;s cellules A n'étaient pas
assez chargées lorsque l'excitation sensorielle y était arrivée, il ne
612 ANALYSES
pouvait donc pas se produire de décharge brusque et violente, ces
cellules A se décharceut lentement et peu, Ténergie envoyée par ces
cellules aux cellules motrices y produit à son tour une décharge
lente ; mais d'après une hypothèse posée précédemment une cellule
en se déchargeant envoie de l'énergie dans tous les sens, donc les
cellules motrices en se déchargeant envoient de l'énergie non seule-
ment aux muscles, mais aussi aux cellules A ; ces cellules A, se
déchargeant lentement, comme on l'a vu plus haut, sont donc encore
chargées d'énergie, et le peu d'énergie qui leur arrive des cellules
motrices suflit pour produire une nouvelle décharge", cette dernière
se propageant vers les cellules motrices y produit des décharges de
nouveau et il en résulte des mouvements tétaniques. Tel est le typi^
de toutes les « explications » de l'auteur ; on ne sait pas ce qu'on
acquiert avec ces hypothèses nombreuses, qui ne peuvent pas être
démontrées et où on peut avec le même droit dire oui et non.
Je ne m'arrête pas sur les explications toujours du même genre,
imaginées pour différents mouvements qui ne dépendent que de la
moelle : marche, galop, saut, vol, reptation, etc. ; l'auteur croit néces-
saire de s'y arrêter longuement, il donne des schémas pour les
mouvements de galop du lapin décapité, pour 1rs mouvements d«^
reptation du serpent décapité, etc., partout c'est l'ordre dans lequel
les différentes cclluh's nerveuses sont reliées entre elles et la lon-
gueur des libres qui servent pour expliquer pourquoi tel muscle se
contracte après ou avant ttd autre ; les cellules nerveuses peuvent,
suivant la volonté de l'auteur, soit emmagasiner de l'énergie, soil en
décharger plus ou moins vite.
Ce chapitre est terminé par une classification des difTérents
réflexes; cette classification repose sur le nombre et la iialure tles
éléments conscients que contient le réflexe ; voici les cas disliagués :
1° ni l'excitation sensoricdle ni le mouvement réflexe ne sont jjcreus
par le sujet ; 2^* l'un des deux éléments est conscient, mais n'est pas
soumis à la volonté du sujet, l'autre n'est pas perçu ; 3° les deux
éléments sont conscients mais non soumis à la volonté ; 4'^ les deux
éléments sont conscients et ]>euvent être influencés par la volonté.
Dans tous ces cas différents un changement de la sensibilité produit
des troubles différents des mouvements réflexes. L'auteur cite beau-
coup d'exemples de chaque cas, il donne aussi (iiiel(]ues schémas,
mais nous ne nous y arrêtons pas, cela nous eniraînerail trop
loin.
Avec le troisième chapitre nous entrons déjà dans l'étude de phé-
nomènes psychiques ; il est consacré aux mouvements volontaires
(p. 141-162). Tout mouvenuMit vuhMitaire, nous dit l'auteur, est ]iro-
duit pour un certain but, pour un certain effet ; on ne pense pas
aux muscles qui entrent en action, on poursxiit lui Inil.
Les mouvements volontaires sont divisés j)ai' Tauleur en ileux
groupes : 1° les mouvements volontaires en jiarlie et 2" les mouve-
^
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 613
ments volontaires purs. Le premier groupe contient les mouvements
dans lesquels une partie seulement (le commencement par exemple)
est soumis à la volonté; ainsi dans la déglutition ce n'est que le début
qui est volontaire, la suite des mouvements sont réllexes et on ne
peut même pas les arrêter lorsque la déglutition a commencé. Le
deuxième groupe contient les mouvements qui sont en entier sou-
mis à la volonté.
L'explication pliysiologicfue de ces mouvements est analogue à
celle donnée pour les mouvements réllexes, seulement ici les diiïe-
rentes cellules sont i-eliées à l'organe de la conscience qui est la
substance corticale. Prenons un exemple donné par l'auteur : c'est
la pi'ononciation d'un son quelconque, I par exemple ; beaucoup de
muscles entrent en action quand on le prononce, les cellules ner-
veuses correspondant à ces muscles sont reliées à la substance corti-
cale par des libres nerveuses de longueurs différentes et peuvent
recevoir de celle-ci des impulsions, elles peuvent donc de cette
manière être cbargées plus ou moins. Si l'enfant qui apprend
à prononcer le son I y arrive après quelques tâtonnements, il s'établit
une relation entre les parties du système nerveux qui reçoivent l'im-
pressien auditive et les parties dont dépendent les mouvements de
prononciation de I ; cette relation devient de plus en plus intime
avec la répétition, puisqu'une libre nerveuse qui est traversée sou-
vent par une excitation devient plus épaisse, comme le suppose
l'auteur; une représentation du son I, qui produit d'après l'auteur
une excitation analogue dans les ci'utres nerveux à celle produite par
le son même, pourra donc conduire à la prononciation du son L
Telle est l'explication que l'auteur donne.
En parlant de mouvements volontaires l'auteur s'arrête un peu sur
leur durée et il parle des temps de réactions. Voici comment les
réactions sont explicjuées : la substance corticale, qui représente la
conscience, envoie avant chaque réaction de l'énergie dans les cel-
lules motrices dont dépendent les mouvements de réactions; l'im-
pression sensorielle se propageant jusqu'à ces cellules les trouve
chargées d'énergie, il se produira don(; une déciiargc brusi|ue et jtar
suite un mouvement brusque de réaction, la volonté agit donc avant
la réaction et non pendant.
A côté des mouvements volontaires l'auteur place l'attention
(ch. IV, p. 162-172); le mécanisme physiologique correspondant à
l'attention est pour lui très analogue à celui des mouvements
volontaires : lorsqu'on prête son allention à une sensation quel-
conque, de l'énergie est envoyée vers certaines cellules correspon-
dant à cette sensation, il se produit pour ces cellules un phénomène
de « Bahnung » ; mais en même temps il se produit un ellet d'inlii-
bitiou par rapport aux autres cellules nerveuses, c'est pour cela
([Ue lorsqu'on prête attention à quelque chose on ne remarque pas
des excitations éti^angères. Telle est l'iiypollièse, ou voit une fois de
614
ANALYSES
]>lus quelle n'avance en rien la question, puisquelle ne penl ni
èlre démontrée ni être réfutée.
L'auteur s'arrête longuement sur des exemples, donne toujours des
schémas dans lesquels des milliers de cellules sont représentées jtar
une cellule, où telles cellnles sont réunies enln- elles par di'S fibres
nerveuses, d'autres analogues ne le sont pas parce qu'on n'en a pas
besoin, et pourtant à d'autres endroits elles étaient réuni(^s entre
elles; citons un exemple : pourquoi dans le schéme 48 (p. 169), qui
représente le mécanisme de l'attention, les cellules m*, m-, m^ et
a', ftS rt' ne sont-elles pas réunies entre elles? Pourtant dans
d'autres schémas analogues (41, 45, etc.), représentant les mouvements
successifs, ces mêmes cellules a', a-, a^.. étaient réunies entre elles;
c'est que dans ce dernier cas il s'agit de mouvements successifs,
l'énergie doit donc se transmettre de a' à a-, de a- à a^, etc. ; dans
le schéma 48 au contraire l'énergie ne doit pas passer d'une cellule à
une autre, jiuisqu'il s'agit de l'effet de l'attention qui consiste en ce
({ue l'énergie est augmentée en a' seulement et cette augmentation
d'énergie ne doit pas se transmettre aux cellules a-, a', etc. ; si donc
les cellules étaient réunies entre elles, cela n'irait pas aus^i facile-
ment. On pourrait indiquer encore d'autres contradictions analogues,
mais nous ne nous y arrêtons pas, nous en trouverons bien d'autres
plus imiiorlanles.
Nous arrivons à un chapitre relatif aux sensations (cli. v, p. 172-
223). L'auteur débute par renonciation de cette loi que « toute fibre
nerveuse quelle que soit l'excitalion qu'on y applique apporta dans la
conscience une sensation qui diffère de toutes les sensations que d'autres
fibres peuvent y apporter ». Voici une loi qui est contraire à ce que
l'on observe; en etVet E. H. Weber a montré ([ue le contact de deux
points voisins de la peau peut produire des sensations absolument
identiques à condition que la distance des deux points ne dépasse
pas une certaine limite ; pourtant il est certain que ce sont des
libres nerveuses différentes qui conduisent lexcilalion i)our les
deux points; enfin que peut signifier une pareilb- « ici », puisqu'on
n'a Jamais affaire à des excitations de fibres uniques? Ou ne sait
même pas ce que cela veut dire qu'une fibre iKnveuse excitée et
comment cette excitation d'une fibre se traduirait dans notre cons-
cience. C'est pousser la Ici de l'énergie spécifique des nerfs jus-
qu'aux limites les plus extrêmes. Remarquons que l'auteur ne suit
pas lui-même cette loi, il dit en effet dix pages plus loin (182) que
(juelquefois on ne peut jias distinguer si c'est l'œil droit ou l'u'il
gauche qui voit, tellement les sensations sont égales !
Avant de dire ce qu'il entend sous le terme sensation, il définit la
qualité d'une sensation ; toute sensation, dit-il, a un certain côté sui-
vant lequel elle peut être comparée à d'autres sensations relatives
au même organe sensoriel, ce côté est ce que l'auteur appelle la
qualité de la sensation. On voit combien cette définition est vague et
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 615
peu précise ; on le voit encore mieux si on prend les exemples
donnés par Fauteur : la sensation d"un certain son a une certaine
ii'ssemblance avec la sensation d"un autre son, cette ressemblancr
lait que les deux sensations paraissent plus voisines que la sensa-
tion d"un son et celle du chatouillement, c'est cette ressemblance
qui est la qualité; deux sensations de bleu évoquétîs sur deux par-
ties diflérentes de la rétine ne sont juis identiques; ce qui les rend
semblables est la qualité bleu.
On pourrait continuer avec le même droit : la sensation de bruit
produit par une boule tombant de 1 mètre est com>parable suivant
un côté à la sensation de bruit produit par la même boule tombant
de 10 centimètres de hauteur, ce côté sera la qualité de la sensation ;
et pourtant lauteur dit quelques lignes plus loin que toute sensa-
tion a une intensité, il dirait donc dans ce cas que le côté suivant
lequel on compare les deux sensations de bruit est l'intensité; le
défaut, c'est que l'auteur ne donne pas de définition de ce qu'il
.ippelle intensité d'une sensation, pourtant la question est impor-
tante. Remarquons que 80 pages plus loin (p. 250) l'auteur oublie
complètement sa définition de qualité, il dit à cet endroit que
« deux couleurs différentes, l'excitation des deux points différents
de la l'étine peuvent provoquer deux sensations aussi différentes
lune de l'autre que la sensation d'un son et celle du sucré » !! La
contradiction est évidente.
Longuement l'auteur cherche à montrer que, lorsque l'intensité
d'une sensation change, sa qualité change aussi; il est impossible
d'entrer en quelque critique sur ce point parce que l'auteur s'exprime
souvent d'une façon confuse et difficile à comprendre.
Nous arrivons donc à la définition des sensations : toute impres-
.*iion sensorielle peut être analysée par la conscience ; celle qui ne
j»eut plus être décomposée, qui ne présente jdus qu'une qualité et
une intensité, est ce (}ue l'auteur appelle sensation.
Les sensations se divisent en pi imaires et secondaires ; les pre-
mières résultent d'une seule impression, les autres sont le résultat
de plusieurs impressions sensorielles, mais qui en s'intluant mutuel-
lement donnent lieu à une sensatitm telle ({u'on ne peut pas l'ana-
lyser par la conscience; ces sensations secondaires sont de trois
.sortes :
1" Celles qui résultent de l'excitation simultanée dv. différentes
parties de l'organe sensoriel, exemple : le contraste simultané, le
fait que l'acuité visuelle est plus forte dans la vision binoculaire que
dans la vision monoculaire.
2" Celles qui résultent d'excitations successives de la même partie
de l'organe sensoriel ; exemple : production du gris par la rotation
d'un disque avec des segments blancs et noirs; ici l'auteur [larle
longuement dés sensations de changement {Verunderitnf/s-empfi7i-
dunr/j ; il prétend (jue ces sensations de changement forment un
616 ANALYSES
groupe spécilique de sensations, qui possèdeiil pur suilc des nerfs
spéciaux.
3° Celles qui résultent d'excitations successives de parties difTé-
rentes de l'organe sensoriel. A ce groupe appartiennent en preniirre
ligne les « sensations de mouvement » {Beweguiigsempflndimgen),
c'est-à-dire les sensations qui nous apprennent que tel corps que
nous voyons se meut; ces « sensations de mouvement » forment
aussi un groupe spécifique, l'auteur donne quelques exemples bien
curieux : lorsqu'on place un objet quelconque tout au bord du champ
visuel, de sorte qu'on ne perçoit de ce corps « ni forme, ni couleur,
ni clarté, etc. », si cet objet vient à se déplacer on perçoit le mouve-
ment et même la direction du mouvement ! Nous verrons plus loin
des cas analogues, l'auteur nous parlera d'un malade qui ne ])erce-
vait d'une l)ougie placée dans son champ visuel, ni la forme, ni la
clarté, ni la couleur, mais qui percevait seulement le lieu où la bou-
gie se trouvait !
Pour expliquer le mécanisme de ces « sensations de mouvement »,
l'auteur construit un schéma bien compliqué : ce sont tout d'abord
les muscles de l'œil qui sont innervés inégalement, et ces différences
dans leiirs innervations se traduisent dans noti-e conscience par des
« sensations de mouvements » ; il reste donc à expliquer pourquoi
lorsque différents points de la rétine sont excités successivement il
se produit des innervations différentes des muscles de l'œil; ceci est,
très simple pour l'auteur : les cellules nerveuses où aboutissent les
fibres venant des ditTérents points de la rétine sont à des distances
différentes des cellules nerveuses dont dépendent les muscles des
yeux, le reste est facile à coniplélcr. Il est bien commode de
faire de pareilles hypothèses, on dispose de tant d'éléments tous
arbitraires et inconnus (longueur des fibres, cellules de somma-
tions, actions d'inhibition, actions di' dynamogénie, manières de
réunir les éléments nerveux entre eux etc.), qu'on peut faire avec
eux tout ce qu'on veut, mais cela dépasse les limites permises pour
une explication.
La deuxième partie du chapilrf v est consacrée aux sentiments;
l'auteur a]ipelle sentiments « les sensations liées à des organes-
internes qiù se produisent sous l'iulluence d'excitations centiifuges
ou centripètes et qui ensuite se rendent à l'orgaïuî de la conscience-
pareillement aux autres sensations » (p. 202). Voici donc sans rien
discutei', sans même indiquer que beaucoup de [isychologues consi-
dèrent les sentiments comme des éléments de conscience aussi
simples et élémentaires que les sensations, une affirmation qu'il est
bien difficile d'adaietli'e ; il est viai (jue quehjues psychologues mo-
dernes (.James, Lange, Ribot, etc.), * arrivent après beaucoup de dis-
(1) Voir, par exemple, le compte rendu dans V. innée psychologique^
vol. î, p. 430.
uistologiiî:, anatomie et physiologie 617
eussions et d'exemiiles à l'hypoUirs*^ ([iio les senlimenls se réduisent
à des sensalions ori^^aniquos, mais ils discutent la question, on peut
riiez eux critiquer la Ihruiie, ici on est en face d'une affirmai ion ;
les quelques exemples que fauteur donne dans les pages suivantes
ne démontrent absolument rien; en efl'et les voici : le premier est
relatif à la « sensation de. peur chez un chien » ; si pendant qu'on
inscrit la pression sanguine d'un chien, on fait hurler un autre chien
dans la pièce voisine en lui faisant mal, la pression sanguine du
premier chien change d'une certaine façon, l'auteur dit que ce
changement montre que le chien a eu peur ! Un deuxième exemple
mieux choisi est relatif aux observations internes de l'auteur même
pendant la joie et pendant la peine ; il dit cjne les traits caractéris-
tiques de ces sentiments sont quelques sensations dans la poitrine,
un trouble de la respiration et i)uis des sensations d'embrasser, de
retenir, de se mettre en possession de quelque chose (joie), ou de
repousser, de fuir, de se débaiTtisser de quelque chose (peine). Ou
voit ici la ressemblance avec la théorie des sentiments de Munster-
berg 1 ; l'auteur ne le dit pas. Nous rencontrons ici un bien curieux
exemple pour montrer que les sentiments de joie sont accompagnés
de mouvements d'embrassement : une grenouille décapitée au ]»riu-
temps fait des mouvements d'embrassement lorsqu'on lui touche la
poitrine (p. 207) ; toute cette partie relative aux sentiments ne pré-
sente pas de lil continu, elle est écrite par petits morceaux, qui se
rattachent peu l'un à l'autre ; tantôt l'auteur parle de la douleur, il
dit à ce sujet que la sensation qu'on obtient en touchant la corm-e
est un sentiment de peine ; puis il parle du chatouillement, il dit que
le chatouillement es t un sentiment de peine, pourtant il y bien des
cas où ceci ne répond pas aux faits. Entin ici l'auteur donne un
schéma du « centre des sentiments de peine », ce centre influe sur
la respiration, sur le co'ur et sur les vaisseaux sanguins ; le schéma
est très compliqué, nous ne nous y arrêtons pas, il présente les
mêmes défauts que les i)récédeuts : il y a une iiari trop large donnée
à la pure hypothèse.
Passons donc au chapitre suivant relatif aux [lerceptions (Waiirneli-
niungen, p. 224-207). Uni; perception est un complexus d'excitations
qui peut être analysé par la conscience en des sensations. Les pro-
cessus don! l'auteur s'occupe dans ce chapitre, étant iiitiuK.'ment liés
à la conscience, il décrit d'abord la manièie <lont les (excitations se
propagent dans l'organe de la conscience. Quatn* lois sont énon-
cées :
« a. Toutes les prnjirii'h's de ([ualité et de quaniilé dv sens;Uions
conscientes, de perceptions et de représentations [x'uvent être
réduites à des excitations d'intensités différentes de différentes voies
nerveuses.
(1) Beitrcifje z. exper. I\s)jcliol., IV.
(;i8
ANALYSES
« p. Deux sonsalions sont ('■j.'alcs pour la conscience lorscjuc les
mêmes voies nerveuses sont cxcitt'es avec intensité éi.'ale.
« Y- Deux sensations sont semblables loisciue au moins une partie
(le voies excitées est commune aux deux sensations.
« 0. J.a (jualilé d'une sensation et ses signes locaux sont donc le
résultat d'excitalions de dillerentes voies du cerveau. »
Il serait bien long d'entrer dans une critique détaillée de toutes
ces € lois » (jui sont, on le voil, des extensions de la loi de l'énergie
spécifique des nerfs; ce sont des hypothèses et la physiologie du
cerveau est encore dans un élat si peu avancé qu'on ne peut ni en
tirer quelque appui pour ces hypothèses ni les renverser.
Les perceptions comme les sensations sont divisées [lar l'auteur
eu primaires et secondaires; les primaires, sont, dit-il, un résultat
de l'abstraction, elles ne se rencontrent que rarement, « on aurait
]iu penser aux jH-rceplions olfactives et gustatives, mais là aussi ou a
des sensalions locales, au moins dans C(! sens ({u'on sait que ce n'est
pas avec la main ou avec la jambe, mais avec le nez et avec la bouche
i]ue nous percevons les odeurs et les saveurs ! » Plus loin, l'auteur
dit que ce qu'il appelle perceptions primaires est « le processus que
présente un nouveau-n(', ou un aveugle anesth(''si([ue général (pii
tout d'un coup deviendrait voyant et recevrait la sensibilité nor-
male », page 235 ; ces processus n'ont pas de caractères psychiques,
ils en reçoivent seulement lorsque des associations et des souvenirs
sont évoqués et alors ils deviennent des pei'ceptious secondaires.
Sans insister sur ce qu'il a|qielle perc(q)tions secondaires, l'auteur
cite quelques exemples et s'arrête longuement sur le [)rinciiie de
la reconnaissance et sur les signes locaux. La reconnaissance con-
siste en ce que la conscience jieut savoir si ttd processus avait déjà
eu lieu avant ou s'il se présente pour la première fois. Cette recon-
naissance rtqjose .sur les changements (ju'uni! excitation produit dans
les voies nerveuses lorsqu'elh; les tiaverse ; si donc la même voie est
traversée pour une seconde fois par une excitation, l'ell'et sera diffé-
rent <le celui où l'excitation traverse la même voie pour la première
fois.
l'Ins de- vingt jiages sont consacré-es aux signes locaux ; dans le
chapitre des sensations l'auteur disait qut; les sensations ont trois
propriétés générales : qualité, intensité et signe local (pour quelques-
unes seulement), ici il dit que les signes locaux sont des sensations
• omjilexes, (]ui consistent en grande jiartie en sensations d'innerva-
tion de certains muscles (p. 24ti), voici donc encore une contradic-
tion que l'auteur semble ne i)as avoir remarquée. Il appuie beaucoup
sur ce que les signes locaux sont transmis par des voies siiéciales ;
ainsi les fibres nerveuses qui se rendent de laiétine dans le cerveau
se partagent ici en plusieurs rameaux ; les unes servent [tour les signes
locaux et sont liées aux centres des muscles de l'œil, d'autres servent
jiour les couleurs, d'autres encore se rendent aux centres de plaisir
niSTOLOGIlî, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 619
«'t (!<' douleur, enfin il y a des fibres spéciales iiour les sensations
de changement, etc.
Povn- montrer que les signes locaux de IVeil ont des libres spéciales
Fauteur cite deux cas de malades : l'un ne voyait ni la couleur, ni
la forme, ni la clarté d'une bougie, mais il percevait les changements
dans l'objet, ainsi il reconnaissait quand la bougie était éteinte et
puis il pouvait dire oi!i se trouvait la bougie ! L'autre malade a pré-
senté le cas inverse, il percevait la clarté d'une bougie, mais ne pou-
vait pas dire où elle était ! Ce sont on voit des cas bien étranges, on
ne sait pas trop ce qu'il faut en penser, les observations ont trop
jteu de précisions, on ne dit pas comment le malade était interrogé,
si on s'était assuré qu'il ne simulait pas et surtout s'il comprenait ce
qu'on lui demandait; ce sont des points très importants; sans ren-
seignements précis sur ces points, on ne peut rien tirer de ces cas
exceptionnels.
L'auteur admet que les signes locaux sont le résultat de [trocessus
subcorticaux, il en voit une démonstration dans ce fait que les
images consécutives de mouvement peuvent être difl'érenles pour les
deux yeux ; ainsi « lorsqu'on fait mouvoir un oui de haut en bas et
lautre de droite à gauche, on a concurrence des champs visuels.
Dans l'image consécutive de mouvement cette concurrence des
champs visuels subsiste, seulement le sens est inverse » (p. 250) ;
l'auteur ne dit pas comment il arrive à mouvoir en même temps un
œil dans le sens vertical et l'autre dans le sens horizontal, nous ne
connaissons personne qui puisse le faii'e.
Il ne nous reste plus ([ue deux chapitres à analyser; il est difficile
de les analyser, il faudrait pour être complet prendre les pages l'une
après l'autre, puisqu'on y trouve beaucoup de contradictions et d'en-
droits confus; je ne ferai qu'indiifuer les points principaux dont
Fauteur s'occupe ; passons donc au chapitre vu relatif aux représen-
tations (Vorstellungen) (p. 268-314).
On peut dire qu'il existe autant de définitions du terme représen-
tation que de psychologues, chacun comprend sous ce terme quehjue
chose de diflerent; les uns y voient seulement les images mentales,
d'autres y font entrer les perceptions, etc. L'auteur donne une défi-
nition basée sur une hypothèse, ce (jui ut- jieut pas être admis ; il
dit qu'une représentation est comme une percejttion un conifilexus
tl'excitations dans la substance corticale saisi par la conscience ; la dif-
férence entre une perce[)tiou et une leprésentation est (|ue la pn.'-
mière disparaît avec l'excitation externe, la représentation au con-
traire peut subsister lorsque l'excitation externe; a tlisparu. Deux
représentations sont différentes lorsque les voies excitées sont diflé-
lentes.
Dans les représentations (les processus physiologiques étant jijus
compliqués que pour les perceptions), il y a plus de différences imli-
viduelles que dans les perceptions, il y a des personnes qui se repré-
620 ANALYSES
senfont plus fjicilcint'iit un objet vu qu'un son onlcndu, crautres
présentent le cas contraire ; c'est que les premiers ont une quantité
plus considérable de voies nerveuses visuelles, les seconds plus de
voies nerveuses auditives.
Enfin non seulement par la nature, mais aussi par le contenu
même les représentations peuvent être très diiïV-rentes d'un individu
àl'aulre; ainsi la représentation qu'un physiologiste se fait d'une
locomotive est bien différente par son contenu de celle qu'un ingé-
nieur en a. On voit donc combien ce terme « représentation » est
large, l'auteur place sous la même catégorie ime simple image
mentale d'un son par exemple et la « rejjrésentation d'une locomo-
tive » !
Après ces quelques remarques d'introduction viennent cinq pages
consacrées à la conscience : lorsqu'une perception ou une représen-
tation s'associe à d'autres repr(''sentalions f[ui reposent dans la
mémoire, l'auteur dit qu'elle entre dans la conscience ou qu'elle est
saisie par la conscience. La somme des représentations qui reposent
dans la mémoire forme la conscience ; celles qui sont j)lus inti-
mement liées à l'individu même forment le moi de l'individu. >ious
n'entrons pas dans une discussion de ces points, ce sont des ques-
tions liien dif'tiiiles et nous ne croyons pas qu'une sensation devient
consciente alors seulement qu'elle s'associe à d'autres états anté-
lieurs.
Ayant défini la conscience et les représentations, l'auteur étudie
dans quels rap])orts se trouvent les repi'ésentations avec les mouve-
ments volontaires, avec les sensations, les perceptions, et enfin avec
d'autres représentations ; nous ne nous arrêterons qui; sur ces der-
nières. Nous pouvons nous représenter même des objets que nous
n'avons jamais vus, si les parties dont se composent ces objets nous
sont connues ; ainsi par exemple nous pouvons nous représenter une
table toute couverte de velours quoique peut-être nous n'en ayons
jamais vu ; en effet nous avons vu des tables, nous avons vu du
velours, il suffira de mettre en relation entre elles les voies ner-
veuses excitées par la représentation d'une table et celles excitées
par la représentation ilu velours ; ceci suppose que ces voies sont
différentes; si cette dernière condition n'est pas remplie, la représen-
tation est impossible : « ainsi par exemple si je me propose de me
représenter une ligne droite courbée, les voies excitées [lar la repré-
sentation d'une ligne droite et ccdles excitées par la représentation
d'une ligne courbée étant les mêmes, la chose sera impossible ».
(p. 294). Yoilà une affirmation bien curieuse ! Le fait (]ue nous ne
pouvons pas nous représenter une « ligne droite courbée » trouve,
d'après l'auteur, pour cause l'organisation spéciale de nolr(; cerveau;
on en conclut donc que si un être avait des organes difierents pour
les représentations d'une ligne et d'une ligne courbée, il pourrait se
représenter une ligne droite courbée ! C'est encore le môme fait de
OISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 621
l'organisation du ceiveau (jui explique pourquoi nous ne pouvons
pas nous représenter un cheval blanc de couleur noire (p. 300) ! Ici
l'auteur va trop loin; avant, il s'appuyait sur ce que les difterentes
couleurs ont des voies différentes dans le cerveau, ceci faisait
partie de toutes ses « lois »; il nous dit maintenant qu'elles ont les
mêmes voies nerveuses, la contradiction est évidente !
Donnons encore un exemple de la confusion qu'on trouve dans ce
chapitre : l'auteur dit (p. 304) que lorsqu'il lit les mots : « marchant
à travers champs et forêts, etc.. » en lisant le mot forêt il a une
représentation d'une forêt ; s'il s'arrête, laisse la lecture de côté et
cherche à développer cette représentation de la forêt, elle devient
plus étroite et plus pauvre en attributs, qu'elle ne l'était précédemment
pendant la lecture ! C'est bien contraire à ce que chacun peut
observer sur soi-même ; mais pour la tliéorie de l'auteur il faut que
ce soit ainsi.
Le chapitre est terminé par une étude sur l'évocation par un mot
de la représentation d'un objet ; il étudie d'abord comment l'enfant
apprend à comprendre les mots ; l'exemple choisi est le mot
« Kirche » (église) ; en entendant le son k il vient à l'esprit de l'en-
fant une série de mots commençant par /•, puis lorsque le son i
arrive, cette série de mots se restreint, il ne reste j)lus que ceux ({ui
commencent par ki et ainsi de suite ; mais, se demaude-t-on, comment
ari'ive-t-il donc à se représenter des mots commençant par A, puis-
qu'on suppose qu'il apprend un mot pour la première fois '? il y a là
un cercle vicieux; chez l'adulte c'est le même acte qui se produit,
seulement il devient ti'ès rapide de sorte qu'on n'eu a plus cons-
cience ; il est inutile, croyons-nous, d'entrer dans des critiques sur
ce point, ce serait trop long.
On remarque dans tout ce chapitre que l'auteur gihK'ialise tro[)
son cas personnel ; par exemple, de ce qu'il n'arrive pas à se repré-
senter un son sans avoir en même temps la sensation de le pronon-
cer il conclut que personne ne peut le faire (p. 3H), etc.
Quelques mots encore sur le dernier chapitre (p. 314-375) consacré
aux idiénomènes de l'intelligence ; ici l'auteur ramène toute la
logique, toute la morale et en somme toute la vie de l'individu et de
la société à des différences des voies du cerveau excitées ; il est vrai
qu'il ne donne plus de schéma, il se contente de décrire en gros les
processus physiologiques correspondant à ces différents cas. Don-
nons quelques exemples ; si nous voyons une feuille de châtaignier,
par exemple, puis celle d'un chêne, nous remar(|uoiis (ju'elles m;
sont pas identiques, cet acte s'appelle un jugement (IJrtheil); si
nous nous représentons dilîéreuts arbres, à toutes ces représenta-
tions correspondent des excitations de certaines voies du cerveau ;
l'excitation du groupe de voies communes à tous ces groupes parli-
iiculiers produit un concept^ qui traduit en mol est dans cv. cas
« arbre » (p. SiOj.
022 ANALYSES
Les sentiments jouent un rùlc important dans nos actes ; si nous
nous représentons un acte quelconque, il naît en nous une série
d'associations, toutes ces associations sont accompagnées de senti-
ments soit agréables, soit désagréables ; si les premiers prédominent,
l'acte sera fait ; si ce sont les seconds qui prédominent, l'acte ne le
sera pas ; si le cerveau d'un individu est construit de telle façon que
quand môme les sentiments désagréables prédominent, l'acte est
fait, cet individu est imprudent ; c'est de la même manit're que
tous les tempéraments sont expliqués par l'auteur. Les actes ins-
tinctifs aussi sont accompagnés de sentiments, seidement pour eux
les sentiments agréables prédominent toujours: ainsi « un oiseau
ramasse avec plaisir d'abord les fortes branches et quelques jours
après il ramasse avec plaisir les branches fines qu'il avait avant
considérées indifféremment (p. 341) ».
Longuement l'auteur s'arrête sur les instincts, les divisant en
trois groupes, suivant qu'ils servent à la conservation <lt' l'individu,
de la génération ou de la société. Ils reposent tous sur des commu-
nications innées dans le cerveau qui se sont développées dans le
courant des siècles. Toute la morale repose sur les instincts de con-
servation de la société ; l'amour repose sur les instincts de conser-
vation de la génération et tout cela se ramène à des voies spéciales
du cerveau qui sont liées entre elles de manières spéciales.
Enfin dans los dernières pages l'auteur s'efforci' de monlier qu'il
n'y a pas de libre arbitre, que tout acte est le résultat d'associations
et que ceux qui soutiennent l'existence tlu libie arbitre n'aper-
çoivent pas les associations existantes.
Nous sommes au bout de l'analyse du premier mémoire, nous
avons vu que l'auteur a passé par des phases bien différentes ;
commençant par l'analomie et la physiologie du système nerveux
où il est maître du sujet, il a parcouru à pas rapides les sensations,
perceptions, représentations et les fonctions intellectuelles supé-
rievu'es ; partout il a cherché à construire des hypothèses sur des
hypothèses et est arrivé ainsi à voir toute la vie psychique de
l'homme dans des actions de dynamogénie et d'inhibition ; on peut
dire qu'il a ciicrché à montrer qu'on peut consti'uire des hypothèses
sur les processus physiologicjues correspondant aux piocessus psy-
chiques ; ce n'est pas un problème difticile si on ne s'impose aucune
autre condition, comme l'a fait l'autcm', il aurait été bien jilus
difficile et peut-être môme impossible à l'épociue actuelle de cons-
truire des liypothèses basées sur quel(iues faits, ou conduisant à
(]uel(jues (b'<luclions nouvelles.
Reinar([uons encore <iue jus([u"ici il u"a paru i.lu livre d'Exner (pu?
deux analyses, l'une du jdiysiologisle Bernstein dans la « Allgcmeine
Zeitschrift fiir Psychiatrie », très courte, l'autre de Schwaiz dans
son livre paru en juillet 1895, « Die L'mwdlzung der WaliniehiDiiunfjs-
hypolhesen, etc.. nebst Beilrag iïber die Grenzen der physiologisr lien
HISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE 6:28
Psychologie » (I.eipzig, 400 p.) qui y consacre environ 60 pugcs ; les
deux auteurs louent beaucoup le livre d'Exner.
II
Passons au nn'moire de J.-V. Kries ; ce n'est qu'une premit-re
note écrite sans ordre bien arrtMr, seulement dans le but de poser
quelques problèmes relatifs à l'importance que certains états du
cerveau i^résentent dans les pliénomènes psychiques.
L'auteur est très prudent dans ses quelques hypothèses physiolo
iiiqut'S qu'il ne fait qu'indiquer comme possibles, mais ({u'il ne
développe pas du tout; bien au contraire, il appuie souvent sur
l'impossibilité dans laquelle on se trouve de proposer des explica-
tions physiologiques des processus psychit^ues supérieurs. Son
mémoire contient des observations et des remarques très intéres-
santes et importantes pour la psychologie, elles sont relatives à un
groupe de processus supérieurs que l'auteur ajtpelle « Einslellung »
— adaptation; il montre l'imporlance que celte adaptation possède
dans la vie psychiijue et il essaie de décrire les différentes formes
d'adaptation qui se présentent. Donnons des exemples, pour bit-n
l'aire comprendre de quoi il s'agit : lorsque nous lisons des notes de
musique, qui sont, on le sait, représentées par des points noirs sur
l'une des cinq lignes parallèles ou entre ces lignes, un point sur
une ligne quelconque, la troisième par exemple, pourra représenter
des notes musicales différentes; ceci dépend du registre daus le([U(d
on se trouve et par conséciuent de la clef mise au commencement
de la ligne; ainsi dans la clef de fa le signe précédent représen-
tera la note ré, dans une autre clef le mê\ne signe leprésentera une
autre note ; et lorsqu'on est habitué à lire de la musi(|ui', il suffit de
jeter une seule fois un coup d'œil sur Ja clef mis»; au conunence-
jnent et puis on lit les signes écrits dans la sigiiilicalion ipii leur
appartient sans qu'on pense cha(jue fois qu'il s'agit df telle elef et (jne
par suite ce signe doit i-eprésenter telle note spéciale ; cette faculté
(pie nous possédons de pouvoir modilier une fois ]iour toutes la
signilication de ci;rtaines re|iréseutations est ce (jue l'auteur ap()elle
{'adaptation [Einslellung); donnons encore un exemple : nu même
signe, 0 par exemple, peut suivant les circonstances évoquei- en lums
des reiirésentations di fièrent es, tantôt ce sera la lellie al|diabéli(|U(! 0,
tantôt le chill're zéro (;t enfin dans certains cas le gaz oxygènt; ; or
en lisant quelcjne chose nous ne nous trompons ]ias ; c'est encoïc
l'adaptation qui fait correspondre au même signe objectif des repré-
sentations différentes suivant les cas. Cette ada|italion a donc |»onr
résultat de faire réunir un même proct'ssus A à dilféients autres
b,c,d...; suivant les circonstances, Tauteur lui donne h; nom d'adaj.-
tatio7i connective {Co7i7iective Einslellung j ; rauliMU' nous donn»' beau-
6^4 ANALYSES
coup d'exemples de ce genre d'adaptation : c'est elle qui se produit
lorsque nous cherchons à saisir dans quelle langue deux personnes
que nous entendons parlent entre elles ; pour le faire l'auteur dit
qu'il se représente une langue spéciale, le français par exemple et
il observe si pour une adaptation pour le finançais il comprend les
mots prononcés, }iuis il se dispose à écouter de l'allemand et ainsi
de suite. Remaniuons en passant que l'auteur est dans ses aflirma-
tions toujours très i^rudenl; ainsi dans tous ces exemples en par-
lant d'obseivations personnelles il ne généralise jamais, bien au
contiaire, il déclare que ce sont ses observations personnelb's et (|ue
peut-être chez d'autres personnes cela se passe autrement ; c'est
l'inverse, on le voit, du procédé employé ])ar Exncr.
Voici encoi'e quelques exemples que nous reproduisons vu leur
intérêt psychologique : lorsque i)lusieurs compagnies font l'exercice
militaire, on entend les commandements de plusieurs côtés, mais on
s'adapte à un seul de tous ces commandements de façon à ne réagir
qu'à celui-là et à rester ti'anquille envers les autres. — On connait
le jeu d'enfants consistant à convenir d'avance que l'un dira dans
un ordre irrégulier les mo(s « étendre », « plier » et les autres
enfants devront au mot « étendre » plier les bras et au mot « [ùier »
les étendre ; il faut dans ce cas que l'enfant s'adapte de manière à
faire coi'respondre au mot « étendre » non le mouvement employé
toujours, mais un autre parlieulier, comme pli(^rles liras ; disons ((ue
■c'est évidemment le même genre d"ada[italion qui entre en jeu dans
ce jeu connu de « l'oiseau qui vole » où il faut tantôt lever les bras,
lantôt rester tranciuille suivant que l'être dont on dit qu'il vole peut
en réalité voler ou non ; il est vrai qu'ici la chose est un peu j)lus
compliquée : en efl'et, on fait correspondre un mouvement hVeamcti-
tude d'un jugement; ce se'rait, croyons-nous, un moyen nouveau
dont on pourrait profiter pour étudier la fermeté de certaines asso-
i'iations et la facilité avec laijuelle des associations peuvent être
acquises; remarquons entin que c'est la même adajilalion (]ui entre
en jeu dans les expériences sur les réactions comph'xes et simples.
11 peut arriver (pie l'adaiilaliou facilite inm seulement la rela-
tion entre des représentations spéciales, mais (ju'ellt.' facilite la
lelation entre toutes les représentations qui peuvent être évoquées
])ar ime représentation quelconque ; dans ce cas il s'agit de l'atten-
tion ; l'attention est donc, d'après l'auleur, une adaplalimi de forme
générale, mais cpii peut, suivant les cas, èlre dirigée de tel ou ttd
côté spécial.
Si nous com[)arons les ellets différents, d'un côté lorsque nous
jtrêtons attention à certains processus, et de l'auti^e lorsque nous ne
prêtons pas d'attention à ces [uocessus, nous voyons <|ue dans le
jiremier cas nous avons un certain nombre d'associations évo({uées
par le processus cpii mampient dans h; second cas ; l'attention a
donc ici pour eifet de faciliter la pioduclion d'associations, elle joue
UISTOLOGIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE
Gi5
lo rôle d'adaptalioit conneclive. ^lais dans <raulii's cas nous [jonvons
par exemple inèler d'avance l'atlenlion pour une cerlaint^ sensaliun,
nous nous disposons d'avance à recevoir une impression, nous lacili-
lonsdonclapercejîlionde celte impression, dans ces cas il ncsai^il jdus
de connt'clions enire des processus psycliii|U('s, mais de disposilion^
pour la production di' tel processus psychique [larliculicr ; laulcur
(jualifle ce cas d'adaptation dispositive {dispositive Einstellung).
lifinarcpions (|u"il csl assez diflii'ilc de Iracn- ino' lit;iii' de déniar-
cation uelte entre ces deux genres d'adaplalion ; il rsl vrai que (laii>
beaucoup de cas on peut les isoler, mais il n<uis scuiidc ([ur ilans la
plupart des cas on a affaire à Tine adaplalion où on peu! aussi bien
trouver dos sisnes d'un genre (pie ceux de ranhr cl où il .-i-ia dirti-
lilfdc diit' de i[U(dli' Sorte d'adaptation il >"ai;it.
l'n (jut'slion nalurtdle se pose ici : rada|ilalion se manifeslc-t-elli'
dans notre conscience seulement lorsqu"(dle accompagne des pro-
cessus psychiques, ou bien peut-elle aussi exister iiulépendammeut
de toute relation avec les processus psychiciues"? (Vcst celte queslioii
qui amène l'auteur à discuter la question des concepts et des idée>
générales évoquées par un mot. Lorsque nous entendons |irononcer
un mot, que se proiluit-il en nous ? Dansheaucouii de cas nous avons
des représentations et des associations; mais souvent on n'a pour
ainsi dire rien, et pourtant on re(_-oiiiiaît de suite si un mot est
connu on s'il est inconnu, quoique le mot connu n"t''Voque aucune
association; l'auteur admet que dans ces cas il se produit en nou^
une ada[ttalion, (pii nous renseigne de suite si nous jiouvons déve-
lopper en ni>us une série d'associations et de i-alMUiiiements, ou
bien si nous ne le pouvons ])as, comme dans le cas d'un mot inconnu ;
c'est cette disposition (jiii nous apprend ([ue le mot est connu ou
qu'il ne re>t jias ; elle nous jieiniet aussi de comprendre le mol ;
jious pouv<ins exei'cer une action iiilnhitiice >ui- celle disposition
<'t par conséM|nenl ne |i,is di'velopper les idées que noii^ |iounioii-«
dévtdopper (lan> le cas conliaiie, uiai> la dispo-ilioii >nli>iste (juaiul
même.
En quoi consiste donc cette adaptaliou qui joue, ou le voit, un ixMe
aussi inqiorlaiil ; e>l-ce un pi-oci'ssu> p>ye|iique c(Mi>cienl ou liien
un proce»us cért'hral (pii i''cliap|)e à notre conscience '! Ce sont là
des (pu'stiiUis extrèmeiuenl dii'liciles. l'auteur l'avoue et ne lesré>ond
pas ; il croit (pi'en g(''iiéTal c'est un pidcessus qui n"e>l pa^ conscient;
rt le |udcessus jdiysi(doL;i(pie qui de\iail lui eorropondre serait
Vinhibitiun et la « Bahnuiif/ » : «m voil que dau^ le cas il >e rap-
proche d'Kxner, mais il m; dévelopjic pas ces liy|K)thèsi;s, lecon-
naissanl l'impossibilité d'arriver à qm-hpu- c(uichi>ion seulement
ju'ohahle.
Nous croyons que le iin'-moire de V. Kries est liés iiupoitaul, il
porte ratteuliou -m- des phénomènes très généraux <|ui se n-uconlrent
partout, mais il a It; défaut de vouloir faire jouer à ladaplalion un
ANNÉE rSYCHOLOGIQL'E. II. 40
(>26
ANALYSES
rùlo lro|i iiiipoi l.iiil , liop i^i'iiéral : c't'sl clic, dil-il, (|iii coiisliliio
la lias(^ cluii Jiiucim'iil , cr^l t-llc (|ui ni)ii.> |irrmc( dr (•()iii])rcndre un
mot ou une lanmic, c'rst t'ihî (|ui ronsliluf le fond de rallcnliou,
c'est eiiliu (dh' (jui dirige loulcs nos acli(>ii-< ri Idulcs iids jM'Usres !
Ttdlos sniil lf;> conclusions (ju'on dt.-viail liiiT ajurs avoir lu le
niiMunirc du l'auti'ur.
Vll-.TlMi IIk.mu.
/
II
SENSATIONS VISUELLES
SOMMAIRE
I. Perceplinn de ht roi/lptir pf dr la cUirlé. — Expériences ilo Ilerinj^',
Konig, Liickey, Parinaïul, Pretori et Sachs, Weinland, Weiss.
II. Percep/ion de l'étendue. — Expériences de Kirschmann, Loeb.
III. Iinar/rs consécutives. — Expériences de Franz.
IV. Cécité. — Expériences de Heller.
V. Vision c/k'z les uni maux. — Expériences de Plateau.
I. — PERCEPTION DES COULEURS ET DES CLARTÉS
HEUIXG (E.). — Ueber das sogenannte Purkinjesche Phànomen.
[Sur le phénomène de Purkinje.) Plliig. Arcli. t'. Pliysiol., vol. I,.\,
(1895), }.. oi8-;J42.
En 1825, Purkinje^ purlaiL ralLenlioii sur I(> cliangemoni, qui so
produit dans une couleur lorsqu'on diminue sou iulensité, il
découvrit ({ue loi-siju'on prend deux papiers colorés, l'un rouge,
l'autre lileu, si poiu- un éclairement moyen le second paraît plus
foncé que le premier, on remarque en diminuant l'éclairement de
la chambie où on se trouve que le i)apier lilni parail plus clair (pic
le papier rouge cl on peut, en diminuant de {)lus en plus l'éclairt?-
ment, arriver à une limile où le papieihleu paraîtra giis blanchâtre,
le ]iaiiici- rouge au coniraire tout à fait noir; ce ph(''n(untMie est
■&\)\H'y- phénomène de Purkinje. Him des auteurs se sont occupés de
l'i'liidr de ir plu' ii(imèn<', nu a l'ail des mesures sur les rapports des
clartés, etc., mais les auteurs u"(Uit pas l'tudié à cpioi était dû le
phtMiomène, (pudles sont les conditions né'cessainîs et snl'lisanics
[lour (|u"il se |)roduise ; on trouve en effet chez Hcdmhollz et beau-
couj) d'autres auteurs que la condition suflisante pniii- que le phé-
nomène se iniidiiise est une diinimilinn de ri'claii'ement des deux
(1) Purkinje, lieobac/ihnu/en niai Versuche zur l'iii/siolni/le der Sinne,
Berlin, 1825,' vol. II. '
628 ANALYSES
couleurs; Hering a soumis ce phénomène à une f'iude minutieuse
dont il rapporte les résultats dans le mémoire analysé ici. Il remarcinc
tout d"abord qu'on a affniro d"un côté à l'intensité objective des
couleurs et de l'autre à la nature du fond sur lequel elles appa-
raissent ; le phénomène se produira-t-il lorsque seulement l'inten-
sité des deux couleurs diminuera sans que le fond sur lequel elles
sont vues chanjie ? Se pioduira-l-il aussi lorsqu'on ffia le contraire,
e'est-à-dire qu'on cliani^era l'éclairemenl du IVuid ••! qu'on ne modi-
liera pas l'intensiti'* des couleurs '? Kiilin il faut lenir cumpte de
l'adaptation de l'œil : y auia-l-il uii<- difTérence lorsque l'œil sera
adapté longtemps pour l'obscurité et lorsqu'il ne le sera i»as ? Telles
sont les questions examinées dans le présent mémoire.
Voici d'aboid rinstallatiou employée : le sujet est assis dans une
chambre dont les murs sont clairs, tendus de papier blanc ; il voit
devant lui à une certaine distance une porte recouverte aussi de
papier blanc, la fenêtre de celte chambre peut être fermée par un
rideau noir plus ou moins rapidement et le rideau noir est bien
adapté, de sorte que lorsipi'il est baissé il y a obscurité absolue dans
la chambre. Dans la porte qui se trouve devant r(diservaleur sont
pi;ili(iu(''es deux ouvertures di' 3 à a centimètres de diamètre, l'une
au-dessous de l'autre, à l.i liauleur de la lète de l'observateur : devani
ces ouvertures on peut mettre des verres de ditférentes couleurs ;
de l'autre côté de la porte se trouve une pièce dont la fenèti-e peul
être plus ou moins couverte d'un rideau unir ; un veire d(''|i(ili ])lacé
dans cette seconde j)ièce devant les ouvertures envoie p.ir dilln-
sion les rayons de la fenêtre ; on peul donc, en abaissant le rideau
dans la pièce 1 où se trouve le sujet, diminuer la clailé du fond sur
lequel apparaissent les deux couleurs, el on peut en abaissant le
rideau dans la pièce II diniiiiuer rinleusili'- des couleurs indépen-
damment de la clarté du fond. Voici les résultats trouvés :
1° Une diminulion de l'inlensité des couleurs seules ne suftit pas
pcjur produire le phénomèn».' de Purkinje : si on place en effet dans
l'une des ouvertures un verre rouge, dans Taulre un verre bleu el
([ue ce dernier paraisse un ]ieu jdus foncé ipie le piemier, en abais-
sant le rideau dans la jtièce II, les couleurs devieniu'ul de plus en
]ilus obscures, mais le bleu reste toujours plus foncé- que le rouge.
Si, pendant qu'on abaisse le rideau dans la pièce II, on l'abaisse
aussi dans la j)ièce 1, on vnit ([ue le bleu devieiil bien |iius clair que
le rouge à mesure que l'éclairement diminue.
2" Pour une certaine inlensilé des couleurs la diminution de
l'éclairement du fnnd suflit pour produiie le ]thénomène de Pui-
kinje. Ici l'autein iu<Ii(iue trois méthodes p(uir le iiioutier :
a. Les rideaux dans le> deux pièces étant relevés, on place dans
les ouvertures deux verres, un rouge el un vert, qui paraissent de
.même clarté, on abaisse alors le rideau dans la pièce II jusqu'à ce
(pie les couleurs puissent encore à peine être reconnues ; on abaisse
SENSATIONS VISUELLES 629
alors vite le rideau dans la pièce I, les couleurs apparaissent alors
bien plus vives et de plus le vert parait plus clair que le rouiie. Ici
Tauteur indique qu'on peut distinguer deux genres d'adaptation
pour l'œil : l'une momentanée où le changement de l'éclairement est
rapide, et l'autre durable, que l'œil acquiert après un séjour pro-
longé dans un même éclairement ; c'est sui" cette différence dans
l'adaptation de l'œil que repose la deuxième méthode.
b. On obtient une adaptation durable pour un ceil ei\ dormant la
nuit dans une chambre obscure et en recouvrant Id-il d'un bandeau
avant (jue le Jour paraisse; puis, le jour venu, on installe l'expérience,
un œil étant toujours bien bandé. On diminue considérablement
l'éclairement de la pièce II, on met dans les ouvertures un verre
rouge et un verre vert, on choisit ces verres de façon que, en dimi-
nuant l'éclairement de la pièce I, ils apparaissent pour l'œil ouvert
(non adapté pour l'obscurité) de clarté égale ; ceci étant, on ouvre
le rideau dans I. puis on l'abaisse vite pendant qu'on regarde les
couleurs avec l'u'il non adapté ; elles apparaissent de clarté égale, alors
on enlève la bande de l'ieil ailapté pour l'obscurité et on regarde
avec cet œil (après avoir fermé l'autre), le vert apparaît bien plus
clair que le rouge.
c. La troisième méthode est fondée sur le fait que les parties
périphériques de la rétine sont plus sensibles aux changements de
clarté que le centre et qu'elles sont au contraire moins sensibles
aux couleurs ; on peut, lorsque l'intensité des couleurs et de l'éclai-
rement est abaissée considérablement, choisir les verres rouge et
vert de sorte qu'ils apparaissent également clairs lorsqu'on les
regarde par la vision directe ; si on détourne les yeux et qu'on les
regarde par la vision indirecte, le vert paraît plus clair que le rouge.
3" Voici un résultat d'une impoitance capitale : le phi'uomène de
Purkinje est caractérisé aussi bien par des changements dans la
saturation des couleurs que j»ar des changements de leurs clartés.
Ou iK-ut choisir un verre rouyc et un verre bleu tels que (le rideau II
étant presque complètement baissé) par la diminution de {'('-claire-
ment de la pièce I ils apparaissent tous les deux d(! clart('S égales ;
pour un éclairement moyt.'U le verre rouge paraîtra plus <lair que
le bleu. On remarque (jue, lorsqu'on diminue l'éclairenniii tb- la
pièce I, les couleurs rouge et bleu diminuent de saturation et tendent
en même temps vers um; même clarté ; le |dit'nomène de Purkinje
ne peut pas se produire sans moditicatiun de la saturation.
i/auteur termine jiar (pi(d(jiies remarqm-s critiques sur b' travail
de A. Kœnig ^ qui avait fait des délermiiialiniis (piaiilitatives sur le
phénomène de Purkinje ; il dé-teiniinait (]uel «Hait le lapport des
'1) A. Kœnig. l'ebrr ilcit llclli'ihril.suprlli dfv Spcl.traf/'arheii hci vers-
chiedener absolu 1er InleitsiliU. hcitrii^re z. l'svfliol. u. l'iiysiul. d. Siiuius-
nrg. Festgruss an Ileinihullz, 1891, p. ;Ul-;j88.
630
ANALYSES
iiiteiisilés objectives de deux couleurs nécessaire pour que It-s deux
couleurs parussent de clarté égale ; ce rapportvariauL avec léclai-
rement, il pouvait être employé comme une mesure du pliénomène
de Purkiuje. L'auteur remarcpic (pie Kouii: n'a pas l'ait attention
aux influences qui résultent de l'état d'adaptation de l'ii'il ; les
résultats sont absolument difï'érents, suivant ([Uf r(eil rst jjIus ou
moins adapté i)Our un certain éclairement et le présent travail
montre suftisamnit'nt quel rôle ces adaptations de l'œil jouent dans
le phénomène de Purkinje.
Victor Henri.
KÔNKi (Artir). — Ueber die Anzahl der unterscheidbaren Spektral-
farben und Helligkeitsstufen. iZeit. t. l's. n. PU. d. Sinn., Mil,
p. 375-380.)
L'auteu]" détermine d'après It-s expériences l';iites jusqu'ici par
différents auteurs le nombre de nuances et de clartés qu'une per-
sonne normale jteut distinguer dans le spectre. Vn calcul absolnment
analogue a été fait par Kûlpe dans sa psychologie (p. i26 et 131 \ l'au-
teur ne le connaît pas, il dit en effet au commeiu'ement de l'aiticle
qu'il ne connaît pas d'essais de pareilles di-lerminatinns. 11 est vrai
que les formules employées par ces deux auteurs sont un ]ieu diffé-
rentes, mais en définitive c'est Idujours la même méthode basée sur
les percei»tions dilTihentielles qui est employée. I\<")nig trouve qu'on
jieut distinguer d;ins le spt.'ctre 164 nuances différentes, le ciiitfre
donné par Kûlpe est 150. Pour le nombre de clartés qu'on distingue
Konig donne GGO, Kûl|ie trouve 606. On voit donc que les chiffres
donnés par ces deux auteurs diffèrent très ])eu. Ajoutons ipieiques
chifl'res obtenus non par le calcul, mais dans la |irati(pie : la manu-
facture des (joheh'ns à Paris possède 18 000 inianci's différentes, et
<ni compte dans la niosa'ique ilalieiinr Jusqu'à 30000 nuances diffé-
rentes, il y a ici liirn entendu des différences de clartés et des diffé-
rences de couleurs combinées entre elles.
Victor Henri.
LI'CKEV ((i.-W.-A.). — L'ordre de perception des couleurs dans la
vision indirecte, chez les enfants, les adultes, et les adultes exer-
cés pour les couleurs. Amer. .1. ut Psycli., VI, 4, p. 489-oOj.)
Les travaux de l\irsclnnann, A. E. Fick, Hess et A. Fick ont mon-
tié ({ue toute la surface rétinienne n'est point également sensible à
la couleur, que les régions centrales perçoivent mieux les couleurs
(pu' les régions i)ériphériques, et que la limite pt'iiplii'-iiijue <le [)er-
ception est la plus grande pour le bleu, la jikis petite pour le violet.
M. I.nckey a recherché l'influence de l'âge, du sexe et de l'exercice
sur l'didre de perception des couleurs, en employant comjiarative-
ment un péxinièlre et un campimètre. On sait que le périmètre se
SENSATIONS VISUELLES 631
«'ompose esseulielk-nionl (rua dt'iiii-oercle doiif 1(" ccnlrc csl occupé
j>ar l'œil du sujet, ([ui doit, rci^aidci- fixement un point uiai'qué sur
le milieu de l'arc pendant ({u'on promène sur l'arc des éclianlillons
de couleurs; ces écliantillons, le sujet les perçoit dans la vision
indirecte, eton compte en degrés siu- l'arc à (pidlc distance du point
de fixation le sujet les perçoit correctemeni ; la reclierclic se fait
dans plusieurs m(''ridiens, et principalement en mettant laïc de
cercle dans le plan horizontal et dans le plan verlical. Le périmètre
a 11' d(''l'aut ijui' toutes les parties de l'arc ne sont jias toiijours éclai-
rées également. Le campimètre se compose d'une règle linéaire dont
le sujet regarde le milieu; le reste de la nn-tliode d'expérimentation
est le même : on promène des échantillons sur la règle et on note
le point où le sujet cesse de les voir. Il est facile d'obtenir un ('■elai-
rage uniforme pour le campimètre; son défaut, c'est que les échan-
tillons de couleurs (}u'on y place ne restent pas à le même distance
de l'œil du sujet quelle que soit leur position sur le cani[iiinèlre; de
là une cause d'erreur assez importante.
Les expériences de Luckey on! l'Ié- faites dans une pièce éclairée,
afin de pouvoir surveiller l'œil du sujet, qui exécute souvent, et
surtout chez les enfants, des mouvements inconscients. Le sujet doit
regarder avec allention, avons-nous dit, le point de fixation; mais
à mesure qu'un échantillon de ctuileur est avance- dans son champ
visuel, son attention esl allirée par ce nouvel objet, etsans qu'il s'en
rende compte, il peut déplacei- son regard de 1 à dO>^>, et même de 15'^'
vers l'échantillon de couleur. Pour éviter cette causé d'erreur, il n'y
a qu'un seul moyen, que l'exiiérimenlateur surveille constamment
l'o'il (lu sujet : que d'erreurs on a dû commellie m oinhanl dans
un cabinet noir !
Les recherches ont rlr faites snr six enfants de sept ans, six de
treize ans, six adnlli-s. Lr rhanip visuel a clir/. Ions la même forme,
iiu peu plus ellijtticjue clicz 1rs rnfanisila liniilr de la perception
des couleurs esl jiliis ia|ipt (mIh'c du irnlrc chez 1rs cnl'anls; si on
repré'sente pai' 100 la suiface ri'liniciini- ])ercevanl les cmilriirs chez
l'adulte, elle sera de u9 |iuur les enfants de treize ans et de 37 jiour-
les enfants de sepi ans. L'aiileiir en conclni que le sens de la lu-
mière el de l'onibre se (b''veIo]i|ie plus vile chez I eiilaul que le sens
<hrMmatique. Le sexe n'a paru se maripu'r par aucun elVet ai»[iré-
<:iable. En comparant six adultes exercé-s peiidaul ]dusieurs aniu-es
aux couleurs à six aulies adultes qui n'oul reçu aiicuin- éducali(Ui
de ce genre, on ne iioine puinl de dillV-reuce siqii'iieure à c(dles que
donnent les variations indi\ i<iuelles ; résultat négatif (pie l'auleuc
«■xplitpu' en reniari|uanl (pi'nne [i(i>onne ipii manie Siuiveiil les cou-
leurs, un iteintre jtar exenqde, n'exerce (pie les parties cenliales di
sa rétine et non les |jarlies p('i iplieriques; il n'y a donc pas de laisoii
p(UU' (lUe rc(IU('alion de I (eil pour les CouleUI'S ('leUile la Innile
(le perception des coubnirs sm- la i('tiiu'; cett(' (jducalion a plulôl
C32 ANALYSES
[»uur i'ilvi de iciidic l'u'il sc'nsil)le à iiu [dus giaiid jioinltro de
miances. A. Binet.
H. PAHIXAUD. — La sensibilité de l'œil aux couleurs spectrales.
Ilcv. SciiMililiiiiic, 8 juin cl 3 adùL 18'Jo.
I,"aul.(,'iir en se servanl d'un spcclroscope modilii-, dans Ii'(|uil
l'ocnlaire est leniplact- par un verre dépoli qui reçoit le spceli'e, et
dans lequel l'intensilé du spectre est t:raduée par un écran à ouver-
ture variable placé en arrièie du collimateur, a constain que la seusi-
hilité de l'œil aux couleurs s^ieclrales varie suivani (|iif |,i nMiin- esl
adaptée ou non; la rétine non adaiitée est celle qui reçoit la lumière
din'use, c'est-à-dire celle (jui est dans les conditions où la vision
s'exerce normalemenl; la rétine adaptée est celle (jui a été soustraite
à l'aclion de toule lumière pendant vingt à quatre-vingts minutes.
L'accroissement de sensi])ilité de la rétine soumise à l'obscuration
intéresse inégalement les couleurs de réfrangibililé' dillV-renle : nul
pour le rouge sjjeclral, cel accroissement augmeiile à mesure ([u'oii
approclie de l'extrémité violette, où il devient considérable.
On le mesure en comi)arant le minimum perce[ilible jiour ujie
même couleur, pris avec ou sans adaptation de la rétine. « (»n prend
comme unité- de mesure la plus petite (|uantit('' de lumière perçue
]>ar l'ti'il (piaiid il a atteint son maximum de sensibilité- pai' un
si'jour suflisanimenl ])rolongé dans l'obscurité. Les radiations pei-
gnes avec la jilus l'aible intensité' dans ces conditions sont celles
cunqtriscs enlrr les i^aies E et F du spectre.
« Pour lixer les idées, nous i)onvons régler la soiuce lumineuse ou
la fente du collimateur, de jnanièie (|ue ces radiations soient perçues
avec une ouverture du diaplii-agine gradué de i millimètre carr(''. La
sensibilité dt» l'œil |»onr les dilTérentes radiations sera inversement
prcqtditionnelle à la (luantité de niillinH''tres carrés cpTil laudia
donner à rouverliire du diapbragme pour (jue ces radiations soient
peri-ues. Le taltleau suivant indique la sensibilité de l'œil pour les
radiations voisines des lignes de Fraunhofer.
« L(?s deux valeurs placées au-dessous de cliaifue lettre exprinn-nt,
la première la sensibilité de la rétine ada|itt''e, la seconde la sensi-
bilité de la rétine non adajitée. ■>
A U
C
]) !•:
1'
c
II
1
■ iUU
1
100
1 1
10
1
1
100
1
'250
1
1
1 1
1
1
■>
Rétine adaptée
Rétine non udaptcc -.- _ ^ ^ .^^ ^ .^
Ces cbitTres n'ont point nne valenr absolue ; ils d('pendent de la
Uatvuc des ieiililles, de la nature de la source lumineuse, de lé-tat
du sujet, etc., ils mettent seulement en évidence une fonction.
SENSATIONS VISUELLES 63o
L'accroissement (le sensiliililé <le la n'Iine, soumise à robscuralioii,
ne porte que sur Tuu des facteurs de la sensation que détermineuL
les ladiations simples, savoir, la clarté ou intensité lumineuse. La
couleur, en même temps qu'elle ]iai;iîl plus lumineuse, paraîtmoins
saturée et lavée de blanc. Finalement, lors(iue la rétine a été sou-
mise à une obscuralion suffisante, les couleurs sjx'ctrales les ])lus
pures paraissent blanches, sous une faible intensitt'', à re.\ce])tiou
du rouue toutefois.
Cet accroissement de sensibilité de la rétine soumise à Tobscura-
tion ne se produit pas dans la fovea. Pour s'en remle compte, on
regarde le spectre à travers un trou percé jiar une aiiiuille. Cette
méthode montre que la différence de sensibilil/' de la fovea et des
parties périphéritiues pour les différentes radialions est nulle pour
le rouge, et augmente à mesure que Ton explore des ladiations jdus
voisines du violet : en d'autres termes, la fovea se comporte comme
une rétine non adaptée.
Les lumières simples d'intensité minima déterminent primitivement
une sensation de couleur, que la rétine soit ou ne soit pas adaiilée,
contrairement à ce (|ue Ton observe sur les parties périphériques
où les couleurs, autres que le rouge, déterminent sous une faible
intensité une sensation de lumière incolore avant la sensation de
couleui-. Le fait esl facile à établir pour la ]>lupail des radialions.
(iii é'prouve quelques difliiull(''S pour le jaune et le violet extrême.
Pour le jaune, eda liml à ce (pie nous avons l'Iiabilude d<? juger
blanches des lumiiMcs arlilicielles (pii, en réalité, sont jaunes. Pour
le violet les diflicullés sont d'un autre ordre. Elles tiennent à la
uiande sensibililt- des parlies voisines de la forea p(Uir la valeui-
lilanche du violet, aux phénomi'ues dt; dispersion (pii se [trodniseni
m'cessairenu'nt dans le milieu de l'o'il, enlin à la tluorescence de
ces milieux. Mais ces exceptions, ou plutôt ces causes d'erreur u'in-
tirnniil pa> la n'^L'ie générale.
Lauleur termine l'exposé de ses rechei'ches par une Iiy|)olhèse.
Il admet ([ue puis(pie la fovea rpii ne s'adajile i)as m- cmilient i)as
de liàlonnels et (.le pourpre n'Iinien, les bâtonnets elle pourpre ser-
vent à uiH^ vision spi'ciale, ipii se (b'veloppi! surtout dans ridiscnrili''.
la vision nocturne, el ipii consisie dans la perception de la Inmière
incolore exlrênienn-nl faible. Ce Serait une perception dilfuse el non
uiM' perception de bnine, comme le prouverait ce fait (pi'une cel-
lule bi-polaire de la r(''line est en ia|iport avec plusieurs bàloimels;
tandis <]ue le c(jne n'esl, en ia|iport (juavec une seule cellule bipo-
laire. Le pourpre lélinien, i]ni enduit les l)àlonnets, a une action de
la nature des jdiénonu'-nc^s de llu(n(.'scence, c'est-à-dire (pi'il absorbe
tbs rayons lumineux et les restilui; en diminuant b;ur réfrangibi-
lité. Celle seconde hypothèse s'appuie sur les faits suivants : 1" le
|i(Uirpre esl fluorescent ; 2" il se régi'nèi-e dans l'oiiscnrii('; 3" la Ikio-
rescence ne se dévekqipe i)as avec les rayons rouges, elle donne en
634 ANALYSES
cITcl (l.s layoïis iintiiis rt-fr.iDuibli'S (jut; la luiiiièrr iiicidi'iilc, cl il
ii"v cil a |ia- (le moins réfrnni.'il)lf's que le l'ongo; orlarcliiio adaptée
iir pcriMl |i;i- iiiii'iix le rmiL'e i|u"iiiii' n'Iiiif imii aila|il(M'.
L'aiiiili' cniiliciil aiis>i (|iicl(iii<'S (rilii|U('S di's liavaiix ri'criils dt-
Kii'IiIl; i'I d'l-]Miiiii;liaiis siii- la rinirliim de la forcd .
A. Ul.NET.
l'UirrOlU tl SACIIS. — Messende Untersuchungen des farbigen Si-
multancontrastes. {Mesures quanlilalives du contraste simullané des
couleurs.) Viluii. Airli. f. IMiysio]., vol. I,\, \k 71-110.
I.disinron |ilac(' à cô\r Tiiii de raiilic un |ia|iiri' coloi-r, rouirt» jKir
exemple, et, iiii [tapier ijiis ou hlauc, ce deniitT apparail, léixèieinenl
coloré el il est coloré dans la. couleur compb'menlaii'e ; dans
Texemple choisi, il apjiaraîl veidàire; celte iiillueiice qu'exercent
Tune siu- raulic denx siiriaces de couleurs diUÏTeules vues siinulla-
ii(''Uieiit esl ce qiH' l'on a|qic||e le conirasie siinnllané des conleni'S ;
les auteurs tnil eidrepris des déterminations (juantilalives delà va-
leur du contraste. Avant de passer à leurs expéiieuces donnons
(lU(d(iues remar(iues pr(''liminaires sur ce (jue Hering ajqtcdle valeur
blanche (Weissvaletiz) d'une couleni', ceci est nécessaire pour com-
pi'einire les cliillVcs doiini'S pai- les auteurs.
(»ii peu! considi'rer, d'apiès llerini,', toule imi>ression de couleur
cuninie iHaut l'ormée de deux idéineuls, clarl(' (blanc) et couleur;
le premier est apjtelé valeur blanche, le second valeur colorée de
l'inipi-ession i\r coidenr; |ors(pie le rapport de la valmi- Manclir à la
valeur coloriM- chaniif, la salnialion de la conlciir chani;c; si on a
deux couleurs conqih'Tnenlaii-es, un papier l'ouye et \\n |)apier vert
par exein]ile, on peut irouver dans cpn'l ra|qiorl les deux couleuis
<|oivrnl elle nii''lani:<'es pour donner du hianc ; poiii- cida on p(nil
prendre un disrpo' rolalit el cherelier qiiellrs >onl le- grandeurs des
secteurs ioulm' et verl né'cessaires p(Uii' (|ue par la rolalion rapide on
obtienne du blanc; or, d'ain'ès llerini;, deux couleurs com[ilénien-
taires (pii pai leni' niédan^e donnent du blanc ont des valeurs colo-
l'ées égales, il en n-snlle donc ipie le rapport de la valeur colori''e du
nuiL'e à celle du verl esl r<j.;i\ au rapporl du secleur verl an secieui-
longe né'cessaires pour diuinei' par idialion du blanc.
l'our déterminer la valeur- blanche d'une coiileiii mi peiil l;i corn-
parei' à des gi'is |dus oir moins roncé'S lors(iue ri''claireiuiMil général
est si faible (pi'oii ne \uil pin- la coiileiii-, mais seiilenienl sa clarté,
ou bien, si on peut disposer- d'uire per-S(unie qui a une cé'cité tolale
p(uu- les ciudeurs, qui vojl Nulles les couleuis comme des gris plus
ou moins loncés, l'aire comparer par celle |)ersonne la couleur à
des gris différents. Les auteurs ont employé les deux nK'lhodes.
Voici comment les expériences sont faites : <ui su|ierpose l'un à
l'autre trois disques de façon que leurs centres coïncident; le disipie
SENSATIONS VISUELLES
635
Fi'j. 120.
iulV'iicui' a 9"='", 9 dv rayon, le (lis(iuc iiKiyen 5'='",7 •■! le disquo supé-
rieur 4 cciiliiiii'ln's (le raydii. (hi aura donc, counnc la ligure 120.
i"in(Ii(|ne, un cercle interne de 4 cenlinu'-lres de rayon, puis un an-
neau de 17 niillinièlres de largeur el puis uu S(,'Cond anneau de 4'"',2
de largeur; chacun des (rois (lis([uos se compose de secleurs blanc,
noir e( coloré {roiif/c par f.\i'in|d('l, on pn'n<l des pnt|Mirl i(Uis égales
pour les secleurs dans les dis((nes exirèun's, ou aura donc par l'ola-
lion la même conleni' longe dans le cercle A cl dans Tannean (1; si
lanneau i> ('lail gris, il apparailrail vcrdàlrc pur rcll'cl {\\i cnnirasie,
on pcnl donc clierclicr (picjle esl la (pian-
lil('' de ronge (pi'il l'anl ajonlei' an gris
de B, pour qnc par FeiTcl dn conlrasle
l'auneau apparaisse giis; on peul. proct''-
<ler encore dune manière un peu dillV'-
renle, on place dans l'anneau li un sec-
leur rouge delerminé; de 20"^ par exemple ;
lorscpu' le n.'sie de Fannean esl noii, l'an-
neau a])parailra rongeàlic; en nH'UanI
un secteur blanc, la Icinlc ronge de 15
dis|iaraiha pelil à pelil à no'snre (pie
l'on augnienle le secleni- blanc el ipi'on
diminue par suite le seclenr uoii, on arrivera à une limite où
ranne.in apparaîtra gris; ou clienlie donc la valeur du sectcin'
iilanc ipii esl n(''cessaire pour (pie l'elTel de conirasie (l('liiiise le Ion
rouge de !> el ipie cet aniieau apparaisse, pai' suite, gris; on trou-
vera par exeniiilc (|ue loiS((Ue A el C. .soûl compl("'lenu'ul longes, il
laudra |iieudre dans linn seclenr blanc de H'^,îj poui' (pu; M jtaiaisse
gris, on aiiia donc dans l'anneau H un seclenr rouge de 20", un sec-
teur blanc de 11",:'» el le reste, c'est-à-dire 328°, 5 noir; on peul cliei-
clier (piclle esl la valeur blanclie du ni(''lange (dilenii par la rolalion;
la valeur blanche d'un >ecleur iduge de 20"^ esl (d'apr('s la tlélermi-
iialioii des auleui-s) ('gale à .">,! ; c'(>s(,-à-dire si on jireud nu dis(pie
noir avec un seclenr iduge de 20" la clarh' de ce dis(pn' (par
l'olalion) semblera être ('i^ale à la clarh' d'un autre dis(pn' rolalil'
se com|i(isaul d'un secleni- blanc de ['>".{ et le resle noii ; la
valeui' blanche du seclenr blanc de il",!) est ('^^ale à li,.>; entin
le papier noir eniployi'' relb'iani un peu la lumi("'re, il aura lui
aussi lun; certaine valeur blanche, elle esl piuir 328o.ï (''gale à î>,5 ;
ou voil donc ([ue la valeur blanche du mi'dauge oblenu |iar rola-
lion ra|)ide sera é-g-'ib" à 5,1 -f- I1,j -j- 3,5 = 22,1; ceci élanl Je
■ciois (ju'il sera facile de comprendre les chifl'res donnés dans les
labiés.
Le snjel l'egardail l'aniu'au 15 à travers un lube noirci en dedans,
il ('tail à une dislance de l'",.') du dis(pu', derrii''re le dis(pie se Irou-
vail un ('cran couverl de velours noir; le sujel regar'de par b^ lul)e,
l'expérimenlaleur jdace uu écran noir entre le lube et b; discpie, il
C86
ANALYSES
mot en rol;itinii \o (lis([U(', puis enlève rt'cran pour une ou ileu.v
secondes, le leniet et le sujet doit dire de (juelle couleur Tanneau l>
lui t'tail a|)paru ; |>uis re.\|ir'rimenlateur change la grandeur du sec-
teui- blanc et recommence.
Voici d'abord les chilTres obtenus lorsque le cercle A et l'anneau (1
étaient complMement rouges; dans ces tables V.B. signilie valetir
blanclie, la deinière colonne S.V.B. contient la somme des valeurs
blanches du nit-lange des couleurs de B.
A — 3Ô0'' rouiie, C — 360° routre.
SECTEUR
SKCTEIR
SECTEUR
V. B.
V. R.
X. V. B.
noi:r,E
Ill.VNC
MUR
llL HOl r.K
1)1" M)IR
0°
5".2
354. S
0,0
5.8
11.0
10°
6 .5
343,:.
2,5
5,7
14.7
20°
Il ,ô
328,5
5,1
5,5
22.1
40°
19
306,0
10,1
5.0
34.1
70»
32 ,2
257,8
17,7
4,2
54.1
90°
41 .4
2-28,6
22.8
3,8
68.0
100»
46,6
203.4
25.3
3,3
75.2
120»
61 ,8
178,2
30, i
3,0
95,2
La première liirnc contient, on le voit, le cas oi'i le secteur rouge
est nul, c'est-à-dire l'anneau B se conspose seulement de secteuis
lilanc et noir; si l'anneaii B est complètement noir et (|ue A et (1
soicnl t(juges, l> |iaiailra rougeàtre, il faudra y ajdulci- un secteur
lilanc pour ([uc B paiaisse gris; ce secteur l)lanc est de 5''2. Si on
consiruit uni' roiirh»- en poitant en abscisst' les grandeurs des sec-
teurs rouges, en or<lonu(''e C(dles des secteurs blancs, la courbe obte-
niir difl'érera très peu d'une droite; lorsque le secteur rouge dans lî-
augmente, le secleui- blanc nécessaire augmente proportionnelle-
ment au sectexir rouge; or nous avons vu ipie la valeur colorée d'un
secteur est proportiiumelle à la grandeur du secteur; il en résulte
donc que l'anneau B paraîtra gris lorsque h' rapport de la valeur
idanclie à la valeur colon'c du mi'lange des couleurs de l'anneau
restera constant. Les mêmes résultats on! éti'' obtenus lorsfiue A et (]
sont verts, bleus ou jaunes.
Dans d'autres s(''ries d'e.\[)éiiences la ciiuieur de A et de C, (''laienl
ohlenues pai- le mélange de secteurs l'ouge, blanc et noir, il s'est
eiicor(,' dégagé des eN|K''riences (jue dans ce cas aussi le rap|torl du
secteur rouge de B au secteur hianc n(''cessaiie pour obtenir du gris
par reflet du contraste est constant; de plus, lorsque les couleurs de
A et de G (qui sont égales) ont luie valeur colorée plus grande il faut
|iii luhc dans B un secteur blanc moindre ])our neutraliser un cer-
tain secteur rouge de B (pie lorsque .\ et C ont des valeurs colorées
jtlus faibles. Ainsi, [lar exemple, lors(iue A et C se composent de
SENSATIONS VISUELLES 637
180" roiitre + 43°blauc + 137° noir, ranneau 15 paraîlra giis lorsqu'il
sera conipost- de :
60° rouge + 00° blanc + 245° noir.
Si A el C se composent dt- 225° ronge + 320,0 ])lanc + 102», 4 noir,
l'anneau B paraîlra gris lorsqu'il se composera de :
60° rouge + 45° blanc + 25o" noir.
Enfin lors(iU(' A et C sont ;
270° rouge + 21° blanc + 09" noir,
15 devra avoir la comiiosition :
00° rouge + 41° blanc + 259° noir;
onvoil que les quantités de blanc dans lî soni [lour un même secteur
de 60° rouge égales à
55° lorsque A et G contienneni 180° rouge
4o° — — 225° —
41° — — 270" —
Le résultai est le même pour d'autres couleurs.
Lorsijue au contraire on laisse la valeur colorée de A t'I de C cons-
lante et qu'on fait varier sa valeur blanche, i)lus celle dernière sera
grande, plus il faudra ajouter de blanc à l'anneau B i)inu" neutraliser
une même quantité de rouge.
Ainsi lorsque A et C se composent de :
180° rouge + 43" blanc + 137° noir,
15 par;iîlia gris s'il contient ;
60° rouge + 020,0 blanc -4- 237°, 5 noir;
si A et C sont :
180° rouge + 89°,o blanc + 90°, 5 noir,
B doit être :
60° rouge + 79°,2 blanc + 220«,8 noir ;
et si A et C sont :
180° louge + 136° biam- + 44" noii-,
B doit r-lre :
60° rouge + li8°,5 blanc + 151°,:j noir.
Donc pour neutraliser une même quaulilé 00" d(; louge dans B, il
faut ajouter un secteur blanc égal à
62''.5 lorsque A et C contiennent 43" blanc,
79",2 — - 89",o
118",5 . — . — 136".
638 ANALYSES
Les résultats sont très nets. Eulin il icsic uno troisième série
d'expériences; ici les auteurs ont cherché à maintenir la saturation
de A et de C; rapitrloiis (\nr l'intensité d'une couleur est mesurée
par sa valeur l)l;ini lie et sa saturation ]iar le ra|ipiirl enfrr la valeur
colorée et la valeur blanclu'.
Donnons quehiues exemples :
A et C se composent de 175" rouge + 2" Manc + ^83" noir. l.;i
somnu^ des videurs Miinclies est égah; à 49,2, la valeur colorée est
égale à 175, la saturation est donc représentée ]>ar le rapport ^J'^
et l'intensité par le nombre 49,2; dans ce cas, pour'neiitraliser un
secteur rouge de 50° dans B il faut un secteur blanc de 50", 2 ; lorsque
A et C sont : •<262" rouge + 0" blanc + 92" noir, la saturation est de
nouveau -^t^ =z ,' , et l'intensité est 7.ï,2 une fois et demi idus
grande (|ue dans le premier cas; B devra contenir sur 00" rouge
46" blanc ; entin lorsque A et C seront : 350" rouge + 10" blanc + 0" noir,
l'intensité sera 98,5 et la saturation -^-^ =^ -y^, . B contiendra sur
60° rouge 48"68 blanc.
On voit donc (]ue lorsque la s.iluration de A et «le G reste cons-
tante et que l'inlensité seule vaiie le rapport du secteur hiaiic au
secteur ronge dans B ne varie |ires((m^ pas; il ii'suile doue de ces
expériences conqiar(''es aux pr('M('Mleules i[Ue l'intensité du contraste
déqiend de la saturation de A et de C; si A et C sont |dus satui(''S il
faudia pour un même secteur rouge de B moins de blanc «[ue loisi[ue
A et (] soûl luoius sal urés.
Tels sont les princi[>aux résultats obtenus par les auteurs.
Bemarqu(Uis pour conclni'e ([u'il existe une ressemblance eiUi'e les
résultais olitenus dans ce travail et ceux obtenus |iar Hess et Pretori
dans nu havjiil sui- b- contraste siiuullJiui' des darli's auaiysi' dans
le le- volume de V Année psychologique, p. 317,
Victor Henri.
K. WKIM.A.M». — Neue Untersuchungen iib. die Funktionen der
Netzhaut, nebst einem Versuch einer Théorie iiber die im Nerven
wirkende Kraft im Allgemeinen. (Etudes nouvelles sur les fonctions
de la rétine suivies d'un essni de théorie sur la force agissant
dans les nerfs en général.) 1 vol. in-i", 125 p., 1 pl.Tubingen, 1895.
Ces « nouv(dles études » a!)outissent à une llu'tuie de la propaga-
tion des excitations dans les nerfs (jui est bien ancienne, car on en
trouve déjà une discussion et une ciitiiiue <Iétaillée chez Haller en
1762 ' ; l'auteur ue cite (pu- les travaux les |ilus ré-ceuls et ne reclu'niu'
pas si (piel(pie autre auteur avant lui n'aurait pas ('mis la nu''mi^
théorie.
Le but général iionisuivi est de donner une explicatiiui de la
(1) Ilaller. Elemetita physlologisc, i. IV, p. 365-383.
SENSATIONS VISUELLES 639
visiiui avec Ions ses i»hénomènes en se servant des lerlierches liis-
loloiJjiques de la strnoliuc de la rétine. On sait que dans les dernières
aiint''es la structure de la rétine a fait l'objet d'un nombre considé-
l'ahlc (11- travaux, on a pu poursuivre les diiîerentes fibres nerveuses,
l'Iudin la slruclure coiiipliipKM' des dilT'érenles cellules nerveuses
i\r ]a ri'linr; on est ainsi ariivé à Tuie imaije des plus compliquées
de la ri'line; en face de celte complexité inouïe il est bien difficile
de placer une tliéorie e.\pli(juant coninicnl l'excitation lumineuse se
transforme dans la rétine et comjnent elle ai;it sur les fibres ner-
veuses; il faudrait absolument dans une pareille tliéorie tenir compte
de Inules les complexités qui se ]irésenlent dans la rétine.
Voyons de plus près celte tliéorie : la lumière venant de l'extérieur
après avoir traversé les difTérenis milieux réfrini^enfs de l'œil et les
dinérentes couclies de la rétine arrive à la dernière couclie oîi se
trouvent les éléments nerveux appeb'S côties et bàlonnels; entre ces
l'ié'menls se trouvent cerlaiiies cellules ipii contiennent un piuineiil :
la lumière agit chimiquement sur une substance qui environne les
cônes et les bàionut.'ts, or une action cliimi(|ue s'accomi)aizne en
«énéral d'un clianuement de volume; sous l'action de la lumière le
volume augmente par liypotbèse, par conséquent la « substance
visuelle » exerce une pression sur les éléments nerveux, ces derniers
cônes et bàlonnels) se com]>rinient et propagent ainsi la pression
par les libres nerveuses aux ramifications, ces ramifications se trou-
vent en conlact avec d'autres émanées de cellules nerveuses de la
rétine (cellules bipulaircs^ la jiression se (ransmet des ]iremières
ramifications aux secondes, de celles-ci elle se transmet aux cellules
bipolaires, puis elle suit les ramifications de ces cellules qui se pro-
|iagent dans l'autre sens, ces dernières se trouvent en conlact avec
les ramifications de muivelles cellules nerveuses, cellules ganglion-
iiaii es, — de nouveau la pression se transmet des premières ramifi-
cations aux secondes et arrive ainsi dans les cellules ganglionnaires;
ces dernières sont en relation directe avec les fibres du nerf optique
et la piession pourra facilement se transmettre jusqu'au cerveau.
Mais eoiiimeut se lail-il i\\ùn\ puisse distinguer les diflereutes cou-
leurs ei les difb'rentes intensités lumineuses ? Ceci est très simple :
d'abord cliaque couleur décompose la « substance visuelle » avec
nue vitesse (jui lui est toute s|)i''ciale, et puis plus l'iiilensité sera
grande, plu> lôrleiiieiit la suli>laiice visuelle sera dé-coiiiposée, jiar
conséquent à toute couleur el à toute iulensiti' lumineuse cori-es-
[londra une auguieiilaliou de volume de la substance visuelle bien
diMerminée ijui se produira avec nue certaine vitesse; la pression
à l'intérieur des cônes aura dom une forme bien caractérisée qui
se propagera sur le long cliemin déiiil [ilu> lia ni.
Tous les pliénomènes de la vision (contraste, images consécutives,,
cécité des couleurs, ada|)tation, médange des couleurs, etc.) sont
expliqués par la lliéoiie iirécédeute; nous ne nous y arrêtons pas.
640
ANALYSES
Cliaciiii jHiiiiriiil l'acilcuH'iil iiivriilcr liii-iiir'iiif une i>ni'rille expli-
cation.
On se (leniandr eu lisanl le pirsent Inivail ]Miur(inoi la nalnie qni
ne crée rien sans i)ul, (lui a sn conslrnire un aii[iaii'il aussi précis
et délicat que l'œil minii (Tun api)areil réfrinucnl pailail, dans lequel
aucune paitie n'est sans inijiorlance, pnuiquni ci'llc ualiiif aurail-
elle été aussi injuste pour la structure de la rt'dine? L'aclion de la
lumière consiste dans une ])roi>ai;alion d'iui clianucmenl de pression
et la nature a rendu le chemin que celli' prcssioji doit parcourir
extrêmement sinueux et ]dein de difliciillés, des ramilicaiions sans
nombre, des inlcrruiilinus, ])uis de vastes cellules, puis encore des
lamilicalions, de nouveau un passage à d'aiilres branches et pour
une seconde lois des cellules nerveuses; el pourtant il était si facile
«le rendre le chemin moins compliqué; puis(]u'il ne s'agit que de
transmellre une cerlaiiie tonne de laugmenlation de ]»ression d'un
li(nit à Taulre, il ne faudrait ipi'une seule lilire sans rameaux ipii
irait directement vt;rs le cerveau.
Le défaut de la lliéorie, (|ui la fait comj)lètenn'nt rejeter, est (pi'elle
ne tient pas ilu hnil compte de la conijilexilé de la structure de la
rétine, idle ne nionlre jias |ionr(juoi la ii'line |>i(''senle telle shuelure
spéciale et non telle anire, (die ne nionlif pas du tout les avantages
apportés ]iar celle >l inclure complexe.
En appendice l'auleur ])rt''senle une llii'oiie >ni- la piopagalion de
Texcitatiuii dans les neiT>; celle propagalimi consisle, d'aiHès lui,,
dans une pro|iagali(ni dinie angnienlalion de la |iression à l'inli rieur
des lilels nerveux ; il cherche à appuyei' celle lln'orie sur cpielques
données de la jdiysiipie et oublie que la physicpie ne sait encore
rien sur les nnnivements de lluides dans des tubes aussi lins (pie les
lilels nervenx. (;'esl,on le \oil,la théorie lr("'S ancienne i\\[ llnide
neiveux (pii a dû élic ahandonnée aprt-s les crilicjues des pliysio-
loi;isles; l'auleur semble igU(n'er ces criliipu's el pr(''Senle la lln^orie
comme si elle u'eùl jamais été faite avant lui.
Victor Henri.
(i. WELSS. — La théorie chimique de la vision. Uevue géneiale des
sciences, 30 mars 1895, ]t. 253.
Ib'vue (h'S re(diei(lies r(''cenles sur le pouipre i(''linien, snh>lance
(pie lîoll a di'-couveile en 187G dans les liàl(iniiels de la r(''line de la
urenonilh'; Kiihne l'a isoh'e (d unnilra la iransloiiiialioii du ponrjire
en jaune sons rintlneuce de la lumic-re. Jh'puis celle ('poipie, les
lln-ories les ]ilus opjtosées ont été présentées sur la f(nu'lion de ce
pour|)re. Ebbinghaus croit qu'il est utilisé pour la vision du jaune
Ideu; K(jenig pensf (|ue la (h'-composilion du ])oinpre piodiiit la
sensation du bleu, etc. Parinaud croit au contrain; «pie la j)erce|i-
lion des couleurs n'a ]»oint de lafiport av«'C la nature «les substances
chimicjues contenues dans la létine.
SENSATIONS VISUELLES 6 il
II. - PERCEPTION DE L'ÉTENDUE
A. KIRSGHMANN. — Die Parallax des indirecten Sehens und die
spaltformigen Pupillen der Katze. (La parallaxe de la vision indi-
recte et les pupilles en forme de fente chez le chat.) Philos. Slud.,
IX, p. 447-496.
Le professeur Kirsclimann, 1res connu par ses travaux sur Toplique
[iliysiologique, a fait paraître deux mémoires d'une importance
capitale; malgré les analogies de ces deux travaux, nous avons pré-
féré séparer leurs analyses et les mettre l'une à la suite de l'autre.
Disons de suite, pour orienter le lecteur, de «juoi il s'agit dans le
premier mémoire : c'est l'étude des moyens par lesquels nous
arrivons à apitré'cier la distance d'un objet à notre œil lorsque nous
regardons cet objet avec un seul œil, que ce soit par la vision directe
ou par la vision indirecte.
La question de l'appréciation des distances d'un objet à l'œil a
jiréoccupé beaucoup de physiologistes et de psychologues; les uns
ont cherché à tout ramener aux sensations musculaires transmises
par les muscles de l'œil, d'autres considèrent les cercles de disper-
sion sur la rétine et les images doubles comme le moyen principal,
enliu il y en a qui aflirment que c'est un complexus formé dune
[)art de sensations musculaires et de l'autre des cercles de dis-
persion et d'images doubles qui nous permet de juger la distance
d'un objet à nous. Il nous est absolument impossible de donner ici
un historique de la question. Kirsclimann s'est surtout arrêté sur
l"ap[>iéciaiion des dislances par la vision monoculaire; il porte l'at-
tention sur une particularit('',daus la position des ceixles de disper-
sion obtenus dans la vision indirecte. Il nous faut donner une ligure
pour bien faire comprendre comment les choses se passent (tig. 121).
Soit 0 le centre d'un o„m1 ([ue nous avons dessiné sphérique, n le
deuxième point nodal ' de l'icil; nous n'avons pas tenu com[)te des
<leux i)oints nodaux jinici' (pi'ils sonl, très voisins l'un de l'autre et
n'ont pas d'inlluence sur le phénomène dont il s'agil ici.
Supposons (jue l'œil soit tourné vers v et que ii' soit l'ouverture
4e la pupille. Soient trois points A, B, C tels que A se trouve plus
près de l'œil que C, mais plus loin que B; immii- ne p.is cniiipliquer
la ligure nous avons supi)06é que ces trois points étaient sur une ligne
droite passant par le pdint nodal 7i; il est évident (]ue les distances
des points A, \i, C à l'œil sont représentées trop faibles i)ar rapport
(1) Lorsqu'on a un système optique centre, luie lentille par exemple, il
existe sur l'axe principal deux points tels que tout rayon (jui, avant Tinci-
dence passe par l'un des points, passera après réfractiitn par Taiitre j)oint
et de plus ce rayon réfracté sera parallèle au rayon incident; les deux
points .fixes s'appellent /;o(«/.s- nodaux.
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. H. 41
64i
A5ALr5ES
aui dimensions de Tœil, ceci est fciil î^ulemenl pour rendre la ûgure
idus claire. Supposons que raccommodai ion de Toeil soil telle que
l'imase de 4 se forme juste sur la rétine de Fœil en a, le faisceau
de rayons qui parti de A pénétrera dans Fœil sera évidemment
iaf: nous avons mené les lianes iA et fA pour montrer que ces
rayons Tiennent de A; il faudrait pour être complet tenir compJe
des réfractions sur la cornée, mais cela ne change rien à la question ;
l'image du point C plus loin que A se trouvera sur la liane Cn à une
F%. i2I-
dirli-ïBce de ■ iuï-ri-ure à na. soit c cette image; les rayon partis
Je '' - - '"rerx»nt dans Ttueil seront compris dans le fs^- - " '' "~.
cé:? - _ _ - aver£er<>nt au point c et ce s<*ut leurs prc».
«|ui rencontreront La rétine, il y aura sur cette dernière une tache 7
é<.Jairée par les. rayo: - - de C : celte tache apf»rfée earcle de dis-
- 3e la vision indirecte un cercle, c'est un
. _■_ _ ^^_ , .„ ,. -.lï B sera sur la ligne Bm plus loin de »
qnr n- . s*?"! h •'<*'.Se imase: les rayons fi>artis de B qui péné-
lr>- '. compris dans le faisceau ihî, or h étant
demèr*- k rrline cc> layons ne pourront pas arriver jusqu'à h, îl>
-• -:- " -;-_- 'a rétine et éclaireront sur * -- ■
I : -„ . ^ tigure montre de suite un
■?■ lesi potsiti'jins de 7 et de ^, on voit qu'elles sont sur de.-
- - : rapp«>rit à Fimage m de A.
*ji i . jaune on peut juger de la p^'SJUvu diin pciui
SENSATIONS >TSCELLES 643
•Jans le champ visuel, lorsqu'on le voit avec un œil, de deux manij-res
tlifTérentes : 1'^ par la position de l'image ou du cercle de di-spersiou
•jue ce point produit sur la rétine ; ainsi dans ce cas on aurait par
exemple pour le point B un justement basé sur la distance de la
tache ^ à la tache jaune J, on dirait donc d'après ce mode de juge-
ment que le point B est dans une direction plus à droite que ne
l'est C, puisque p est plus loin de J que ne l'est y ; -' en tournant
l'œil du côté du point dans ce cas ce sont les sensations muscu-
laires des muscles de Fœil qui par leur intensité permettraient de
juger que tel point se trouve plus à droite que tel autre; dans le
'•as présent pour amener l'image du point B sur la tache jaune en
J, il faut tourner l'œil autour de 0 de l'angle rOB; pour C il faut
tourner l'œil de l'angle rOC, on dirait donc que C est plus à droite
que B, jugement contraire au précédent ; rappelons de nouveau
qu'on suppose toujours l'œil accommodé pour le point A situé entre
B et C; les deux moyens ne se correspondent pas, on peut donc se
hasant sur cette incongruence non seulement juger si un point se
trouve plus à gauche qu'un autre mais aussi pouvoir dire lequel des
deux points est plus loin et lequel plus près de l'a^il ; on peut,
comme le fait l'auteur, appeler les sensations musculaires résultant
de la rotation oculaire nécessaire pour amener l'image d'un point
sur la tache jaune le signe local inlemif du point, la position de
l'image ou du cercle de dispersion produit par le point sur la rétine
le signe local qualitatif du point ; ainsi pour le point B par exemple
le signe local intensif e.-t donné par l'angle VOB, le signe local
■ {ualitatif par la distance pJ, la combinaison de ces deux signes
locaux permet d'apprécier les dislances avec un œil dans la vision
iuiiirecle.
Il est facile de montrer qu'à chaque point de l'espace • uriespond
une combinaison bien déterminée de ces deux genres de signes
locaux, et réciproquement à chaque combinaison des signes locaux
correspond un seul point de l'espace; nous ne nous y arrêtons pas.
Tels sont les moyens qui. d'après l'auteur, nous permettent d'appré-
-ier les distances dans la vision monoculaire ; nous avons donné *
une exposition un peu différente de celle de l'auteur ; il considère
d'abord le cas où les points A. Fi, C sont sur une ligne droite passant
par n ; puis il examine le cas où les points A, B et C sont sur une ligne
droite passant par le milieu de la rétine; dans ce cas les taches p et
-; empieltent l'une ?ur l'autre, mai? le centre de ^ est à gauche de
a, le centre de y à droite de «. il y aura donc encore une différence
entre les signes locaux qualitatifs des points Bet C, c'est-à-dire entre
les distances JS et Jy, cette différence sera d'autant plus sensible
que l'ouverture de la pupille l'i sera faible; il y a donc avantage à ce
que l'ouvertuie de la pupille soit aussi faible que possible ; ceci
étant l'auteur introduit la notion de la parallixe de la vision indi-
recte. Si on réunit les points B et C par exemple au milieu de la
644
ANALYSES
jnipille m, ces lignes (non tracées "sur la Hirure) peuvent s'appeler
lignes de vision :\'ix\\^\c compris entre ces deux lignes BmC est appel»'-
angle visuel; l'auteur api>elle parallaxe de la vision indirecte la difié-
rence entre l'angle visuel et l'angle de rotation de l'œil nécessaire
pour passer de l'un des points à l'autre; ainsi dans le cas présent
la parallaxe de la vision indirecte pour les points B et C est la
différence entre l'angle BmC et l'angle BOC. Cette parallaxe nous
permet d'apprécier la distance d'un point à notre œil ; en effet
l'angle BOC nous est donné par l'effort musculaire dépensé dans la
rotation de l'u-il, l'angle visuel BmC ne nous est pas donné direc-
tement, mais il correspond à la position des
taches p et y et sa grandeur nous est donnée
]>ar la distance des taches p et v l'une de
l'autre; par conséquent dire que c'est la pa-
rallaxe de la vision indirecte qui nous sert
dans l'appréciation des dislances par un œil,
c'est la même chose que de dire que cette
appréciation est basée d'une part sur l'effort
musculaire dépensé dans la rotation de l'œil
et de l'autre sur la position relative de l'image
ou du cercle de dispersion sur la rétine ;
c'est pour cela que nous avons commencé
par ces derniers points, croyant que l'ex-
plication de l'auteur serait peut-êli'e de cette iiianii re ]»hi> facile à
comprendre.
11 était important de savoir si les giandeurs de ces ]»arallaxes de
la vision indirecte ne sont pas trop faibles pour qu'on puisse en
lenir compte, l'auteur a calculé les maxima de la pai'allaxe pour des
distances angulaires différentes de la ligne de vision JV et aussi
dans les diflërents cas où le pimctum proximum de l'œil esl à des
distances difî'érenles ; nous transcrivons le tableau parce ijuil pré-
sente une certaine iiii|M)rlaiice.
Expli(iuons un pence que ces chiffres signilient : supposons qu'on
ait deux poinis B et li, sur l;i ligne m\l (flg. 122), la parallaxe de la
vision indirecte sera mesurée par l'angle liÛB,; la première colonnt;
du tableau donne les angles vmB, la colonne suivante donne la
valeur inaxinia di' l'angle B(li), lorsqu'on sup|iose (|ue le jioiut le
plus voisin de l'œil qui puisse être vm dislinctement est à 10 centi-
mètres de l'o'il. On voit que cette [laialhixe dépasse toujours de
beaucoup la limile de plus petite différence perce])lible pour un
mouvement de l'œil qui est inférieuie à 1'; rappelons pour donner
une idée de la grandeur des angles que le diamètre apparent de la
lune correspond à un angle de 29'.
Fig. 122.
SENSATIONS VISUELLES
645
DISTANCE
ANGULAIR E
DE J. V.
VALEURS MAXIMA DE LA PARALLAXE
DK VISION INDIRECTE
PUNCTUM
PROXIMIM
à 10 cm.
PUNCTUM
PROXIMUM
à io cm.
PUNCTUM
PROXIMUM
à i-T cm.
PUNCTUM
PROXIMUM
i 40 cm.
10
6']""
4'10"
2'30"
l'34"
5"
3ri4"
20'49"
12 '30"
7 '49"
10»
1
10 2' 14"
41 '29"
24'54"
lô'34"
20°
2» 2'36"
r-21'44"
49' 2"
30'39"
30-
i
2o59'16"
lo59'29"
rir4i"
44'48"
! 45"
4ol3'39"
2°49' 1"
l''4r23"
lo 3'22"
60°
50 9-22"
3"26' 5"
2°3r36"
loi7'i5"
Il est donc certain qup la parallaxe de la vision indirecte peut
être considérée comme jouant un rôle capital dans l'appréciation
(les distances.
Ceci étant, l'auteur résume les moyens principaux qui permettent
l'appréciation de la distance d'un objet à nous, voici le tableau
doniu^ :
MOYENS PRIMAIRES POUR LA PERCEPTION DES PROFONDEURS
Vision monoculaire.
1° Les sensations musculaires (|ui
accompagnent les cliangeiiients de
raccoiniuodation.
2" L'incompatibilité entre l'angle
visuel et l'angle de rotation de l'œil :
a. pendant les changements de
raccoiiiniodation.
b. pendant la rotation de l'œil.
c. pendant le niotivement des
objets.
Vision binoculaire.
\° Les sensations musculaires qui
accompagnent les mouvements de
convergence des yeux.
2° L'incompatibilité des images
rétiniennes dans les deux yeux :
a. pendant les changements de la
convergence.
b. pendant la rotation commune
des deux yeux.
c. pendant le mouvement des
objets.
On voit combien la ressemblance est grande entre l'appréciation
des distances avec un œil et par la vision binoculaire, c'est un grand
mérite de l'avoir montré ; la plupart des auteurs qui s'en sont
occupés ont affirmé que l'appréciation avec un œil se faisait bien
plus mal qu'avec deux yeux, pourtant cela ne correspond guère aux
646
ANALYSES
faits observés fous los jouis ; en efl'et, lorsque nous regardons, nous
no voyons qu'une partie seulement du champ visuel avec les deux
yeux, de grandes portions de notre champ visuel sont vues seule-
ment avec l'un ou l'autre des deux yeux, puisque le nez, les joues et
les autres parties du visage ne [lerniettenf pas à l'autre œil de voir
ces portions; si donc il y avait une différence notable entre l'ap-
préciation des distances avec un œil et celle avec deux yeux, cette
différence, comme le remaïque l'auteur, nous gênerait toujours,
elle nous empêcherait de nous guider avec autant de sûreté dans les
portions du champ visuel qui ne sont vues cpie par l'un des deux
yeux ; l'observation journalière nous apprend le contraire, nous ne
remarquons souvent pas si nous voyons tel objet avec un d'il ou
avec les deux, tellement la différence est insignifiante ; il fallait donc
l'expliquer et on peut dire que l'auteur y est arrivé d'une manière
très ingénieuse.
Dans la dernière partie de sou mémoire l'auteur é-tudie quel est
le rôle que joue la grandeur de la pupille ; nous avons déjà indiqué
plus haut ce résultat qu'il y a avantage à ce que la pupille soit plus
étroite pour que les cercles de dis[iersion de deux points situés à
des distances différentes soient plus distincts l'un de l'autre ; en
général la grandeur des cercles de dispersion est d'autant plus faible
que l'ouverture de la pupille est faible, mais d'aulre part lorsque la
pupille diminue, la quantité de lumière qui entre dans l'œil diminue
aussi ; il doit donc dans chaque cas y avoir une grandeur de la
l)Upille qui satisfait le mieux à ces différentes conditions ; c'est jtai-
ces causes que l'auteur explii}ue pourquoi en regardant de près un
objet la ])upille se contracte et elle se dilate lorsqu'on regarde un
objet éloigné ; enfui c'est la même explication qu'il donne de l'origine
de la forme en fente de la pupille du chat ; le chat doit surtout
regarder des objets situés dans le plan horizcmlal, il n'a pas besoin
de bien apprécier les distances des objets dans les directions verti-
cales, la pupille est par suite étroite dans le plan horizonlal, allon-
gée (i)our itermettre à la lumière de mieux passer) dans le plan
vertical.
Cherchons maintenant à lésuiuer l'idée g.'iu'iale de ce mémoire;
nous avons vu (|ue la question principale était : \i:n- quels moyens
arrivons-nous à ajtprécier la dislance d'un objet à l'ieil dans la
vision monoculaire ? Voici la ré|ionse : étant d(Uinés deux [)oinls
situés tous li'S deux à droite par exeuqde et à des distances inégales
de l'o'il, ou peut (Tune |iari l'aire liuirner l'o-il île façon à fixer
d'abord l'un |>uis l'aulr*- poiiii, l"elV(u! musculaire dépensé pendant
la rotation de l'u'il dépt-nd de la distance angulaire des deux points
rapportée au centre de l'œil; de plus chacun des deux points, vus
dans la vision indirecte, donne lieu à une tache (cercle de dispersion)
sur la rétine, la, forme et la position de celte tache sur la réfine
dépendent d'une part de la distance angulaire des deux points et
SENSATIONS VISUELLES 647
jniis (le la dislanco du p>ia( à l'cL'il ; il ou résulle doue que la com-
liiuaisou de ces deux fadeurs permettra de dire lequel des poiuts
est le plus près de IVeil et puis lequel des points esl à une distance
angulaire plus grande et dans quel sens de la ligne de vision il se
trouve; les points seront donc localisés dans l'espace.
Victor Henri.
A. KIUSCHMANX. — Der Metallglanz und die Parallaxe des indirec-
ten Sehens. {L' éclat métallique et la parallaxe de lavision indirecte.)
Philos. Stud., XI, p. 147-190.
La question de l'éclat mélallique est Lien difficile, l)ien délicate et
complexe, il y a tant de facteurs qui enirent dans la perception
d'un éclat métalli(|ue que d'abord il est difficile de les isoler tous ;
il est aussi 1res difficile de reconnaître lequel de ces facteurs joue
le rôle le plus important. Ou a vu avec quelle ingéniosité l'auteur a
traité la question de l'appréciation des dislances avec un œil, ici
nous ne pourrons pas être aussi satisfait par les explications projto-
sées, nous rencontrerons bien des points qu'il nous est difficile
d'admettre.
La nature de l'éclat, c'est-à-dire la question de savoir quels sont
les facteurs les plus impoilants dans la perception <le l'éclat d'une
surface a été discutée jtar bien des auteurs ; les uns {Drïicke^) l'attri-
buent à la couleur, à la réflexion considérable de la lumière inci-
dente et à la nature opaque des corps, d'autres {Aubert -, Ilering ^)
admettent (pie la clarté générale et surtout les changements de
■clarti' constituent les facteurs principaux, Dove^ dit que l'éclat se
produit lors({ue nous lecevons dans l'ceil en même temps des rayons
xéfléchis régulièrement par la surface du corps et des rayons pro-
venant de la diffusion de la lumière, enfin Wundt^ voit dans la
(iifîérence de clart('' des deux images rétiniennes (correspondant à
•(•ha([ue œil) le facteur le plus important ; dans le cas de la vision
monoculaire, Wundt remanjue que l'éclat repose sur les changements
de clarté de l'image obtenus i)ar le mouvement de l'œil. On voit com-
bien les différentes théories diffèrent.
Kirschmann examine d'abord ces théories l'une après l'autre <■! il
les ciili(pie toutes à l'exception de celle d(.' WundI (|u'il admet ;ii»so-
Jument, mais i|u"il complète encore en ciierchant à ex{)Ii(pier
comment l'iM-lal se prodiiil l(U'S([u'on oliseive un (dijet avec nii o'il
(1) Briickc. l'eber den M('/(dl;/l(iiiz. Wiener Sitz. Hericlite, vol. XLIIl.
(2) Aubert. l'/i;j.slol. Oplil;.
(3) Ilering. l'iiijsiol. OiUitc, dans le Ilandhiidi f. IMivsiol. v. lleriii.inn,
vol. m.
(4) Dove. Opiische Sludien, 1853.
(5) Wundt. Beibiifje zar Théorie der Sinnevœulirnehiiunif/eii, 1802.
648
ANALYSES
sans le mouvoir: ici il fait Jouer un rôle imporlaul à la parallaxe
de la visiûji indirecte, il est. à regretter qu'il ne déciive pas avec
plus de précision comment il croit que cette parallaxe de la vision
indirecte agit, les explications qu'il donne sont vagues.
L'auteur s'occupe principalement de l'éclat métallique; il considère
que l'éclat métallique est de la même nature que les autres éclats,
repose donc aussi sur la parallaxe de la vision indirecte, mais
présente quel(iue chose de particulier : les rayons lumineux en ren-
contrant une surface métallique se partagent d'une jtart.en des rayons
réfléchis, d'auti-e part en des rayons qui entrent à l'intérieur; ici ces
rayons rencontrent des surfaces qui ont des directions bien variables,
ces rayons se réilécliissent sur ces surfaces et sont rcnvoyé-s ainsi
vers la surface incidenle, ils jifuvent suivant les cas soit sortir du
métal soit de nouveause rélléchir; c'eslune théorie de la constitution
des métaux et de la réflexion nn'-tallique qui est admise par la plupart
des i»hysiciens et qui exiili([ue le mieux les propriétés (polarisation
elliptique, différences de phases, etc.) (pic itossèdent les rayons
lumineux réfléchis par une surface métallique, nous renvoyons
pour ]dus de détails et povu- riiistoricpie de la question au Traité
d'optique de Mascart, 2' vol., ji. +41-578, et aux lerons de M. Fousse-
reau sur la réflexion métalliciue (1894). 11 résulte de cette théorie que
l'œil recevra suivant une direction déterminée des rayons réfléchis
sur la surface externe du métal et des rayons qui après réfraction et
des réflexions à l'inférieur du métal en sortent; les ciiemins par-
courus jiar ces deux genres de layons sont ditfi'i-ents, cela est certain,
il eu résulte, dit l'auteui', (pif toiilc rolalidii de l'o-il on Imil clian-
gement de l'accommodation conduiront avec eux des déplacements,
«lus à la parallaxe, des éclairements de la surface vue dans la vision
indirecte (p. 168), la distribution relative des points clairs et des
points sombres de la surface change lors({ue raccommodation change
t't aussi lorscpic l'icil ot l(pnin(''. Mais comment ces dinv-rences dans
les chemins paicoiinis |iar' ic> rayons contribuent-elles à ces modifi-
cations dans les (-clairements de la surface nK'Ialliiiuc, voilà ce que
l'auteur ne dit pas; et puis les physiciens admet lent bien que les
rayons lumineux entrent à une certaine profondeur dans le métal,
mais cette profondeur est certaincnicnl Inqi faible ]i(iur (pi'il i)uisse
en résulter quebpu' différence pour nos perceptions visuelles; rap-
pelons que les lames niétalli(pies (pii sont transparentes (Uit des épais-
seurs qui se mesurent ])ar des millièmes de niillini(''lre ])our les
nn^taux les j)lns transparents comme l'ai'gent par exemjilc ; an point
de vue physique ces ('-[jaisseurs minimes suffisent pour apporter des
modifications jiarticulièi'es dans les jtropiiétés lihysicpics des radia-
tions lumineuses, mais (pr(Mi puisse baser sur cette j)ropriété des
met aux la théorie de l'éclat niélallique, c'est ce qu'il faudrait démontrer.
l.'anleur croit donner une démonstration de l'exactitude de ses
raisonuemeuls en produisant ailiticielleiiunt r('>clat métalli(pie; il y
■;
^
jr
SENSATIONS VISUELLES
649
arrive en superposant Tune à l'autre des feuilles de gélatine trans-
parente ou de mica dont l'épaisseur est environ — de millimètre.
On peut obtenir ainsi diiTérents éclals métalliques en prenant des
feuilles un peu colorées ; d'après la théorie ile l'auteur ces feuilles
superposées l'une à l'autre (au nombre de 20 à 30) devraient pro-
duire le même etîet que l'éclat métallique, et cela est réalisé d'une
manière parfaite.
Victor Henri.
>r
M
Fi^
1-23.
c
d
J. l.OEB. — Ueber den Nachweiss von Contrasterscheinungen im
Gebiete der Raumempfindungen des Auges. {Sur la démonslralion de
l'existence du contraste dans les perceptions visuelles de l'espace.)
Pfliig. Arch. f. Physiol., vol. LX, p. 509-519.
Loeb cherche dans le travail analysé ici à démontrer l'existence
du contraste dans les percei)tions visuelles de l'espace ; voici sur
quels principes reposent les expériences : lorsqu'un point se trouve
à dioite du point fixé par l'œil, il est vu aune cer-
taine distance de ce dernier point; si on place nu
second point plus loin à droite que le premier il y
aura efTet de contraste , c'est-à-dire le premier
point api^araîtra moins loin à droite (ju'il ne l'était
auparavant ; si au contraire on place le second
point entre le point lixé et le premier point, cr
ilernier nous jiaraîtia situé ]dus loin à droite ; la
même chose s'applique aux points situés en liant,
en bas ou à gauche du point lixé' par l'œil. i.e>
expériences sont faites de la manière suivante : la
tète de l'observateur étant fixée et celui-ci regar-
dant probablement (l'auteur ne le dit pas, mais on le comprend ainsi)
un point fixe, on [>lace d'abord une droite ab située à droite du plan
médian M du sujet, la distance de ab à M est de 40 centimètres,
seulement l'auteur oublie de dire à (pielle dislance de cette droite
se trouve le sujet, car sans cette donnée la distance 40 centimètres
ne signifie rien du tout; le sujet di'place une lÎL'ne c^/ [uirallèle à ab
jus(|u"à ce (pu' i-elle-ci paraisse pour lui i'oiiner le iirulongement de
ab, comme cela est indi(iuésur la figure; si maintenant on place une
ligne //"(marquée sur la figure en poinlilléj à gauciie de cd, la ligne
cd paraîtra se trouver plus à droite et il faudra la déplacer vers la
gauclu; pour qu'elle paiaisse de nouveau èli-e dans le prolongement
de ab; si on i)la(e la ligne; //"à droite de cd on aura le résultat con-
tiaire: iauteui- dit qu'il a l'ait beaucoup de déterminations (piantila-
tives sur liuil sujets, mais (ju'il ne donne pas de tables parce (pi il n en
résulterait lieii de nouveau; le (b'-placement apparent pruiluil jiar le
eontraste est de 3 à G millimètres, mais à <pielle lii.^lame se rappoi te-
l-il? l'auteur ne le dit jias, ou ne comjireiid pa> du tout ces chillVes.
650
ANALYSES
Eii>uite il reinar(|no qu'mio condition iKM-osi^airo ])our rexisfoncc.'
du coiilraslt' est (jue ralleutioii soit dirigée simultain'mcnt sur les
deux lignes If et cd, sans celte condition le contraste ne se produit
pas.
Est-ce bien là un phénomène de conliaste? nous ne le croyons
pas: lorsqu'on clierclie à placer une ligue cd dans le prolongement
de ab ou s'occupe |»eu que la dislance de tv/au plan nu-diau M suit
égale à la distance de aô au même plan, ou ny pense pas; ou cliculif
bien plutôt à jirolonger par Timaginatiou la ligue ah- el à placer la
ligne cd de façon qu'elle se confonde avec ce prolongement imagi-
naire; de plus lorsipi'on place ensuite une ligne //" à une distance
faible de cd (comuu' le fait l'auteur) et que l'on considère la ligure,
on peut supposer ou (juc la ligne cd parait être éloignée à droite
ou que ab paraît se déplacer du côté //", le résullal final sera iden-
tique dans les deux cas, c'est-à-dire la ligue cd paraîtra se trouver
trop loin à droite; l'auteur ne renuir(iue même pas qu'on pourrait
expliquer le phénomène de celle façon, pourtant il n'y a pas de
raison pour admettre l'une des explications plutôt (jue l'autre: si
on suppose que ce sont les innervations dilft'-renles des muscles
(jui sont la cause des ditTérenles illusions optiques il est certain
qu'on devrait admettre l'iiypolhèse que c'est la position apparente
de ab qui a chaiigé.
Eu somme l'auteur rapporte des expériences (ju'il ne décrit pas
complètement el (ju'on peut comprendre de plusieurs manières, il
nemonlrt- pas (|ue l'explicaliou proposée découle des expériences el
il n'iiulii^ue ménu' pas la possibilité d'autres explications.
Victor Henri.
r(
III.
IMAGES CONSÉCUTIVES
S.-J. FRA.NZ. — The After-Image Threshold. [Le seuil d'excilation
des images consécutives.) Psych. Rev., mars 189o, p. 130-136.
(»n n'a [luint ('1 udi(' Juscpi'ici, paraît-il, cpirl e>l le minimum d'ex-
citatiou visuelle nécessaiic pour |ir((VO(Hicr mif image consécutive.
1,'anli'tu' a étudié cemiiiiuimii d'cxcilatioii au lii|d(_' point de vui^ dr
l'intensité, de la (Umensiou el de la durée. Il éclaire |iai' dei'rière un
verre translucide au moyen d'une laui|ie; le sujet, jdacé dans une
])ièce obscure et séparé de la lampe jiar un grand i'm lau dans luie
oiiverlinc (lii(|iie| le venc Irausiucide es! |iia(i'', lixe les yeux sur ce
verre ; on coniuul, au moyc.'ii d'expériences pliotomélri(iues, l'éclai-
remeut de ce v(ure, et ou p<'ut le faire varier dans des ]ir(q>ortions
connues en rapprochant ou eu éloignant la lanqie ; on peut égale-
ment agrandir (lu diuiiiiuer la grandeur (lu verre eu eu recouviaul
une partie avec du papier noir; eulin, la durée de [lerceptiou peut
*
SENSATIONS VISUELLES 6ol
f'ti'o mesurée en faisant derrière le verre osciller un pendule
dont le temps d'oscillation est connu, et qui, à son passage, obture
on découvre l'ouverlure ; on peut également faire tomber devant
Fonverture des écrans percés eux-mêmes d'oritices, après avoir
calculé le temps pendant lequel ils découvrent l'ouverture. En ce
qui concerne l'image consécutive, on a cherché à établir, sur un
nombre donné d'expériences (par exemple 100), combien de fois elle
a apparu. Quatre sujets ont pris part aux expt'ciences, qui montent
à 3000. En considérant comme étant au seuil de conscience une exci-
tation qui donne une image consécutive dans 75 pour 100 des cas,
on a les résultats suivants : avec une durée d'une seconde et une
lumière égale à ^r de celle d'une bougie, il faut un espace carré de
4 millimètres ; avec un espace carré de 64 millimètres, une inten-
site de -„ de celle d'une bonifie, il faut . — de seconde ; avec un
espace de 64 millimètres et une durée d'une seconde, il faut une
lumière égale à — r: de la lumière d'une boueie, ou à peu près. Les
images consécutives qui se sont montrées étaient positives et né-
gatives; 1500 positives pour 5 négatives; la rareté de ces dernières
montre qu'elles résultent d'excitations fortes qui fatiguent Iceil. Enlin,
comparant ces trois facteurs : intensité, surface et temps, l'auteur
remarque qu'en les augmentant de quantités égales on n'obtient
nullement les mêmes résultats. Pour avoir les mêmes résultats
(c'est-à-dire le même tant pour cent d'images consécutives), il faut
porter le temps au carré, ou doubler l'intensité ou quadrupler la
surface.
A. BlNET,
IV. — CECITE
Th. HELLEU. — Studien zur Blinden-Psychologie. {Eludes sur la
psychologie des aveugles.) l'hilosoph. Stud., vol. XI, p. 226-254,)
406-470, 531-563.
Voici une étude d'un grand intérêt psychologique; on a heau-
<-()iqt écrit sur les aveugles, mais la plupart des auteurs se sont sur-
tout ou du moins souvent occupés exclusivement de l'éducation de
l'aveugle ; l'étude que nous analysons nous donne b; portrait psyciio-
logique de l'aveugle ; l'auteur nous montre (juel est Télat de cons-
cience de l'aveugle, cjnels genres de représentations il a et comment
il y arrive. On m; trouve pas beaucoup d'expéiiences, elles manquent
souvent et elles seraient à désirer, mais en revanclu; on a tbîs ana-
lyses détaillées des différents actes psychiques de l'aveugb; et des
observations d'vni grainl int(''iêt. Passons aux détails.
L'aveugle, n'ayant à sa disposition ([ue le toucher et le sens de
l'ouïe, doit oertainement dilTérer beaucoup du voyant jiar rapp(ul
aux représentations de l'espace; la première question qui se jiose
65-2
ANALYSES
donc est, rétude lU'S ropiésontations de Tespaee cliez Taveugle, leur
nature et leur genèse. L"auteur croit que c'est uniquement le toucher
tjui permet à l'aveugle d'avoir des représentatious de l'espace, que
l'ouïe ne peut le guider que lorsqu'il est déjà habitué, Inrsqvi'il a par
expi'nience éprouvé qu'à telle sensation auditive correspond tel
mouvement nécessaire [lom- aiti'indic le corps sonore; 1 ouïe ne
peiinel pas à lui seul le dév(doppement de représentai ions de l'es-
pace, il faut (ju'il s'y ajoute le toncliei-, el ce n'esl (pi'à ce moment
que la représentation de l'espace peut être formée.. On voit que
railleur contredit ici la tiiéorie de Miïnsterberg et de plusieurs autres
psycliologues (pii aftirment que l'ouïe peut à elle seule conduire
à un développemenl île icjni'sciitations de l'espace. Mais les aftir-
maiioiisde Faulenr restent des aftirmalious, il ne les démontre pas;
ilcit(; quelques cas ondes aveugles ne [louvaient pas distinguer d'où
un son venait, où ils faisaient des erreurs dans la détermination de
la dislance du cor[is sonore, mais ces cas ne parlent ni pour ni
conlic la llié'oiic de Mûnsterberg ; ce chapitre manque de précision,
il faudrait faire des expériences dans lesquelles on étudierait si
l'aveugle peut, après exercice, airiver à des localisations de sons
plus [«récises qu'avant l'exercice, il faudrait mener des expériences
parallèles; dans les unes on permettrait à l'aveugle de mesurer
ave(- les pas et des mouvements des bras la distance au corps sonore ;
dans d'autres, on les lui dirait seulement ; tMitui, dans d'autres
eiu-on; on ne lui dirait rien du tout ; ce n'est (ju'après des expériences
de ce genre (pi'on jiourrait, croyons-uons, arriver à quelque con< lu-
sion précise rtdaliveinenl à rimpoilance (pie les sensations auditives
possèdent dans la formalion di's i-epn'-senlalions de l'esjiace chez
l'aveugle; l'auteur ne l'a pas fait, ce ciiapitre est chez lui le jdus
faibli'; lums avons commencé |)ar son analyse, (pioiqu'il soit un des
derniers, parce qu'il est d'une imporlancc! cai>ilale.
Ceci ('■tani dil, on doil suppo>eique l'auteiirs'arrèteralonguement
sni- le lourlierde Taveugle ; il le fail,on peut bien h; dire, trop; une
psychologie de laveiigle où iOO pages sont consacrées à l'étude du
toucher et 30 pages seulement aux sensations auditives et aux
autr(>s processus ])sychiqnes est dis[>roporlioniii''e.
Dans le loucher nous avons plusieurs facleiirs : d'nn côté, lasensi-
lùlilé de la peau et de l'autre les mouvemtuils avec toutes les sensa-
tions ipii les accompagnent, l.'anleui' étudie longnemeut quid n'de
rhacun de ci^s fadeurs joue ilan> la formation des représentai ions
(le rcs|iace, el il arrive à la ronrIn>ion ipie rhacun de ces l'acleiirs
isuh-nienl ne suflirait pas iiour la formation de représentations dt^
l'espace; ceci nous i»arail Iroj) général; cpie les reiuéseutalions de
l'espace seront plus comi)lèles et plus exactes lorsque; les deux fac-
teurs (sens du lieu de la peau et sensations musculaires) enireronl
enjeu, cela est évident, peisonne ne peut le nier; mais dire que
(luebiu'un qui aurait iienlu la >ensibililé tle la [«eau et conservé lé
! ••
I
4
SENSATIONS VISUELLES 653
sens musculaire, ne peut pas avoir de représentations de Fespaee,
ou bien encore dire qu'un paralytique qui aurait conservé la sensi-
liilité tactile ne pourrait jias non plus avoir de représentations de
l'espace, est une aflhmalion trop générale; nous croyons que ces
deux individus arriveraient bien à quelques représentations de l'es-
pace ; et nous en avons des preuves dans les observations de ditté-
rents cas pathologiques; l'auteur n'a même pas signalé ces cas patho-
logiques, qui seuls cependant peuvent conduire à quehiue conclusion
précise sur ce point.
Lorsque l'aveugle examine avec son toucher un corps (pielconque,
il peut le faire de deux manières différentes : ou bien il tàte le corps
de tous les côtés rapidement, sans s'arrêter sur les ([i''lails, dans le
but de se former une idée générale, schématicjue du corps, c'est ce
que l'auteur appelle le toucher synthétique ; ou bien, procédant plus
lentement, il [leut étudier le corps dans tous ses détails pour s'en
former une représentation exacte et précise ; c'est le toucher analy-
tique. Dans le toucher synthétique, c'est surtout le sens du lieu de
la peau qui entre en jeu ; dans le toucher analytique, ce sont les
mouvements des différentes parties du corps : doigts, bras, pieds, etc. ;
le sens du lieu de la peau ne permet, d'après l'auteur, que la forma-
tion d'une représentation schématique de l'objet, il ne donne pas
l'analyse des différentes parties ; il permet, par exemple, à l'aveugle
<le dire si un corps est rcnid ou s'il a des angles, si le coips est
régulier ou non, mais pour avoir une idée plus précise, l'aveugle doit,
se servir du loucher analytique en parcourant avec son index les
différentes lignes du corps.
En étudiant le sens du lieu de la ])eau chez l'aveugle, l'auteur
donne d'abord un historique dé! aillé ; nous ne nous y arrêtons pas,
nous renvoyons à noire revue générale sur le sens du lieu de la
peau; puis il ra|iporlc quelques expériences personnelles, et il
conclut ([ue le sens (lu lieu mesuré avec le compas de Weber est
plus déveloit|)é cliez raveiii;le (]ue cliez le voyant, ce (ir>veloj)jM'ment
étant dû à l'exercice (^ue l'aveugle en fait.
Longuement il parle des mouvements involontaires (jne l'aveugle
fait constamment lorsqu'il touche quehpie chose ; ainsi, par exemple,
si on pose sur l'index les deux pointes du compas, l'aveugle fait des
mouvements faibles avec l'index; ces mouvements sont souvent
involontaires, l'aveugle ne peut y)as les arrêter, ils consistent à sou-
lever légèrement l'index et à b' déplacer aussi de côti'- ; ils sont li'ès
rapides et servent à l'aveugle pour mettre son doigt dans des condi-
tions aussi favorables (pie possible jioui- bien jieictîvoir la nature
des contacts.
Les mouvements que l'aveugle emploie dans le toucher analyli(ju(î
consistent toujours à faire déplacer un ou plusieurs doigts suivant
les lignes dé démarcation de l'objet ; l'auteur dislingiu- un champ
tactile étroit et un champ larye ; le premier est constitué par l'espace
654
ANALYSES
compris ù riiilérioui- de la muiii, dont tous les points peuvent être
alleinls par le pouce et l'index; le cliamp tactile large est constitué
l>ai l'espace qui peut tMre embrassé par les l)ras ; lorsque l'aveugle
tàte uu corps quelconque», si ce corps est petit, il ne se servira que
du cliamp étroil, c'est-à-dire il ])arcourra avec l'index tous les liords
du cor|is sans l'aire de niouvemenls avec les bras ; si le corps est grand,
il sera obligé de faire des mouvements avec les bras ou même de se
déplacer lui-même, il transportera donc d"un point du cori)s à l'aulre
sa main, c'est-à-dire son champ taclile étroit; une qua^tion se pose
ici : y a-t-il des relations entre ces difl'érents champs"? L'aveugle
peut-il rapporler les mesures qu'il a faites avec son pouce et son index
à celles faites avec les mouvements des bras? Ceci a lieu dans la
plupart des cas, l'aveugle sait approximativement dans quel rapport
S(^ trouvent telle grandeur mesurée avec le pouce et l'index et une.
autre grandeur uu'Surée par uu mouvement du bras, et une troisième
mesurée avec des pas ; il est à regretter que l'auteiu' ne se soit pas
ari'èlé" plus longuement sur ce point intéressant, et qu'il n'ait [»as
fait d'expériences.
1/auteur remarque que lorsepie l'aveugle examine un jielit objet,
il ne se sert pas seulement de son index, mais aussi du pouce ; il
prend l'objet avec ces deux doigts en deux poinis opposés, et puis
les déplace; les iiioiiidrcs variatio))S delà distance enire le pouce et
l'index renseignent l'aveugle sur la convergence ou la divergence des
lignes de l'objet suivant lesepiels les doigts se déjtlaceut ; l'aveugle
se sert de ces deux doigts connue d'un compas dont il connaît à
(•lia(|ue momenl l'iMarlemcnt.
IJne question li'ès importante |iour la pédagogie est de savoir
reconnaître si l'aveugle a une repri'seulalitui exacle d'un (d)jel. Ou
donne à l'aveugle un objet (juelconejue, il le tàle de tous les côtt-s;
commeni savoir s'il se représenie bien la l'orme de l'objet ? I.a (|ues-
liuii est en réalili- bien plus dil'licilf (|u"elle ne le paiail à picniière
vue ; eu elle! il y a des cas (u'i ou < roil (pie l'aveugle a une Ixmne
re|)résentalion del'cdijel, puiscpi'il jieul le retnuiver parmi d'aulics,
qu'il peul eu d(Uiner une desciipliou avec des juots, et (louitani, si
ou le jirir de re|ii(>dnin' l'idijel avec de la terre glaise par exemple,
il n'y arrive pas ; l'auleiii cruil que la coud il iou nécessaire et suffisante
pour p(Uivoir atliruierque l'aveugle ;i uni' repri''senlaiion exacte il'un
obji'l, c'est (pie l'aveugle reprotluise cet objet; la question devrait
èlre, croyons-nous, T'Iudiée plus eu détails ; c'est ici que se pose aussi
la ipieslion : quidle giandeiir l'aut-il choisir pour les modèles qui
servent à euseigner ditli'i eiiles choses à l'aveugle ? Il ne faut jias,
d'apiès l'auleur, choisir de modèle trop grand, cela embrouille
l'aveugle, il faut que le uindèle puisse bien èlre étudié jiar le
champ tactile étroil ; de plus, il faut toujours se rappeler que le tou-
cher |ieiiiiel de mieux di>l iiiyiier di's coutours et des lignes lorsqu'ils
sont formés par des poinis isidi'N (pu; lorsiju'ils sont formés par
i
SENSATIONS VISUELLES 653
(li's ligues cuulinui'S ; c'est là un point oultlii- el iiégligt' [»;ii- bien
(les pédagogues des aveugles.
Plus de 25 pages sont consacrées par rauteurà Télude de l'écriture
et de la leclun^ des aveugles ; il nous doinie d'al)ord un long liislo-
rique de l'écriture des aveugles. Les premiers essais d'écriture des
aveugles datent du xvi" siècle; nous ne j)ouvons pas entrer ici dans
li'S détails, voici les traits généraux qui si- dégagent de l'hislorique :
d'abord les lettres de l'aveugle avaient la même forme que celles des
voyants; elles étaient seulement plus grandes et étaient imprimi'-es
sur carton, de façon à sortir en relief; puis viennent des mo(li(ica-
lions dans la forme des lellrcs écrites toujours avec des traits con-
tinus, ce ne sont plus ipie les lignes caracléristiques de chaque lettre
qui sont tracées ; pui> vient une modilicalion im|)(M(anle ; les lettres
ne sont plus traci-cs avec dfs lignes continues, mais avec des points ;
de là un ]>as pour réduire le nombre de points an minimum en
conservant toujours la l'orme des letlres desvoyanis ; mais le progrès
le plus imporlani est celui apporté, en 1820, ]iar l'aveugle (l'auteur
oublie de dire (ju'il l'-tail aveugle). Draille, c'est le changement de
la forme des lettres; les letlres sont représentées par des points
isolés, le nombre nuiximum de points est six ; en arrangeant de
toutes les manières possibles les dillerents points de la ligure 3 • • 4
5 • • 0
on peut obtenir timtes les letlres de l'alphabet ; ainsi par exemple la
lettre A est représentée jtar le [loint 1 tout seul, B par les deux
points 1 et 3, Cjiar 1 et 2,1) par les trois points 1, 2 et 4 ; E par deux
points 1 et 4; F par trois points 1, 2 et 3; (1 par les qnalie jioiMts
1, 2, 3 et 4; J jiar trois points 2, 3 et 4 ; etc. ; enfin (J par cin(| |ioiiils
1,2, 3, 4 et 5; X [>ar les quatre points 1, 2, 5 et 6 et ainsi de suite.
C'est cette écriture qui est admise maintenant partout.
Pour lire, l'aveugle se sert de ses deux mains, il lit avec les deux
index, il dé'place l'index dioil >,ins s'arrêter heaucoup sur clia(pie
lettre, pour se faiie une idé-e générale ; l'index gauche (|ui le suit
l'ait des mouvenu'uls tiès lajiides pour bien analyser ehaipie lettre ;
chez <pu'l([ues aveugles [lourtant cette dill'érence n'est pas aussi
marquée.
1,'autenr a fait (piehpies ex|ii'Tiences SUi' la vitesse de lecture,
voici les rt'-suitats : eu deux luiuules ont é-té- lues :
Texte poétique 14() mots.
Texte en prose lo8 —
Mots bissyilai)i(|iies 92 —
Mots bissyllabiques uayaut pas de sens. . . 68 —
Il est à regretter que l'auleur n'ait jias doinn' \r nomlire de lellie.s
cmrespondant à chaque i-as. t)u voit en tout cas (pi'un texte ayant
un sens est lu bien jjIus vite ({u'unc série de nn)ts isolés, non liés
entre eux, et ces derniers plus vite que des syllabes n'ayant aucun
Go6 ANALYSES
sens; il serait bien iuléressanl de voir comment les différentes
vitesses de lecture se comportent chez le voyani, il y auiait là iieut-
être quelque conclusion intéressante sur la question de savoir quelle
part appartient à l'élénu^nt sensoriel et quelle part aux l'iéments
]isvchiques dans la lecture, (juestion très intéressante (jui n"a pas
été encore étudiée jusqu'ici.
Dans les derniers chapitres l'auteur porlc son .illcnlion sur le phé-
nomène souvent observé que l'aveugle pfiil savoir qu'il s'approche
<run mur lorsipi'il en est encore à uiu- dislance de quelques
mètres; ce renseignement est apporté à l'aveugle parles sensalion>
tactiles très faibles que l'air exerce sur le front et sur le visage lors-
((u'on marche conln- un mur; un second laclfur (pii guide l'aveugle j,
c'est le bruit de ses pas (jui change lorsqu'on s'approche d'un objet; |
l'auteur cite bien (jnelques expériences, mais elles sont Iroi) peu
nombreuses.
Enfin, les dernières pages sont consacrées aux Surrogatvovslel-
lungen, c'est-à-dire à des représentations ((m- l'aveugle a de certains
(dqels qui ne correspondent pas du tout aux objets niénu's; ces
représentations iiroviennent de ce que la langue a une multitude
d(! mots liés aux sensations visuelles, l'aveugle ajtprend à les
employer, seulement il ne les emploie pas dans le même sens qw
\(' voyant; c'est par ces représentations que l'auteur explique l'audi-
tion colorée qu'on observe si souvent chez les aveugles, qui consiste
en ce que l'aveugle associe à un son le nom d'une couleur, souvent
elle correspond à la couleur de l'instrunieut nnisical, souvent c'est
une association affective, c'est-à-dire l'aveugle a appris des voyants
que le noir est une couleur tiiste, le rouge une couleur vive, etc.,
il a|)pelle noir un accord triste, louge un air vif, etc.
l-:n résunn; h; travail de lleller ]K'Ut être considéré comme un com-
mencement, il soulève liieu (le> ([uestious à étudier, il numtre
combien le terrain est vast(î et inexploré, espérons donc que cette
étude entraînera d'antres auteurs vers des sujets analogues.
Victor Henri.
V. — VISION CHEZ LES ANIMAUX
1. F. IM.ATlvVU. — Comment les fleurs attirent les insectes. lUillelin
Acad. Roy. de Relgiqtu', nov. 1895.
2. 1,1. _ Un filet empêche-t-il le passage des insectes ailés? Bulletin
Acad. lloy. de lielgiciue, sept.-ocL. 181)5.
1. Les auteurs ne sont pas d'accord sur la cause principale t|ui
attire les insectes vers les Heurs; pour certains, c'est la couleur
(Sprengel, Delpino, Millier, Darwin, Lubbock, Dodel-Port, Barrois) ;
l>our d'autres, c'est l'odeur (.Nageli, Erreia, Gevaert); pour d'autres,
SENSATIONS VISUELLES 657
il n'y a pas d'attraction (G. Bonnier) ; la biblioirraphie détaillée de
cette question se trouve dans l'édition anglaise de l'ouvrage de Hei-
mann MûUer : The Fertilisation of Flowers hy H. Mïdier, London, 1883.
Plateau a fait des expériences curieuses sur les visites des insectes
dans les fleurs de dahlia ; ces fleurs sont formées au centre par un
groupe de petits fleurons jaunes, et au pourtour par un cei'cle de
fleurons ligules, teintés suivant les plantes expérimentées en rouge,
lose ou saumon ; l'ensemble est très voyant. Ces fleurs étaient
visitées par des bourdons et des papillons diurnes. En masquant ces
fleurs au moyen de feuilles de vigne vierge, Fauteur a constaté que
le nombre de visites qu'elles recevaient ne diminue pas ; l'insecte
contourne la feuille, glisse en dessous, pour atteindre la fleur ; on
peut conclure que les fleurons péripliéri([ues colorés des dahlias
n'ont pas le l'ôle qu'on leur a assigné, et que la forme et la couleur
ne pai'aissent pas avoir de rôle attractif; les insectes sont évidem-
ment guidés vers les capitules de composées par un auti^e sens que
la vue, probablement par l'odorat.
Beaucoup d'expériences, d'ailleurs, et d'observations prouvent
i[ue le sens de l'odorat est fréquemment très développé chez ces
animaux ; l'exemple classique est le suivant : les mâles de lépidop-
1ères nocturnes peuvent arriver en nombre de la campagne, jusque
dans rintérieur des grandes villes, ]iour retrouver une femelle
captive éclose dans une chambre ou dans une boîte. D'autre part,
il n'est pas du tout certain, quoique on le ivpète partout à la légère,
que les invertébrés distinguent comme nous les couleurs, et les
conclusions que Paul Bert, Lubbock, etc., ont cru pouvoir tirer de
leurs recherches sont erronées. Les préférences des insectes pour
tel genre de couleur no |uouvent pas qu'ils la [lerroivent, cai-
•Graber a montré {Grimdlinien ziir Erforschung des Ilelligkeits und
Farbensinnes der Thiere, l'rague et Leipzig, 1884) (|ue les inver-
tébrés leucophiles, cest-à-dire i)référant les lieux éclairés, quand ils
sont soumis à des lumières colorées, choisissent toujours celle qui
réjtond aux rayons les plus réfrangibles, que ceux au conti-aire qui
sont leuco|ihobcs, c'est-à-dire préfi'-rant les lieux sombres, recher-
chent constamment les rayons de moindre réfiangibilité, le rouge,
par exemple, leur jtroduisant l'effet de l'obscurité. Or, la plupart des
animaux sont ou leuco])liiles ou leucophobcs.
2. Le précédent travail avait pour olijetla vision des couleurs par
les insectes ; celui-ci met en cause la vision des formes. On a j)ensé
que l'œil à facette des insectes produit, ]»our cliaqui^ «-'l'jet, des
images multiples, nettes cl renversées; mais depuis 1889, Plateau par
une foule d'expériences a [)rolesté contre cette conclusion et derniè-
r(;ment Sig. Exncr, dans un liavail qui a fait ([uehjue bruit, a pu
photographier l'image rétinienne de l'insecte et montrer (]ue c'est
uni; imagf! unicpu', mais plus ou moins confuse, et compaiable à
■celle qui s'opère à l'aide de la périphéiie de la rétine humaine.
ANNÉE PSVClIOLOGiyUE. 11. 42
658
ANALYSES
Rappelons quelques indications bibliograithiqucs; les lecliriclics di'
Plateau sur la vision chez les Aithroiiodes uni paru en cin([ jiarlips
d'dïïslos Bullelins de VAcad. Roy. de Belgique, 1887 cl 1888. l/ouvraiic
d'Exner, I)ie Physiologie der facetlirten Angen von Krebsen und Insec-
ten, Leipzig uud Wien, a paru en 1891 ; cntin, celle année, en 1893,
l^arker ( The Relina and Optic Ganglia in Decnpods, especially in
Astacus, dans Mitthcilungen A. D. Zool. Station zu Neapet, 1895,
Heft. I, p. 30) a dcmontré encore une fois ex|ici'imcnlalcmcnl ijuc
l'image ([ni se i'oime dans l'o-il composé est unique, droite et [>ius
ou moins confuse.
Plateau reprend cette (luestion à propos d'observations cl d'cxijc-
rieuces de Speuce, Stanley, Pissot, qui disent qu'un lilet à laigcs
mailles tendu devant une l'enètrc empêche les mouches de pénétrer
dans rappartement. Les deux premiers auteurs cités cousiatent.
l'exactitude du lait, dont on lire du rcsic ]»arti eu Italie et dans le
midi de la France pour se défendre conire les moustiques. Pissol
repreiul rexpérience, sans idée précuni;uc ; il entoure d'une cage
en filet un nid de guêpes, et constate qu'après quelques hésitalious
ces hyménoptères traversent les mailles du filet; « après un (|uarl
d'heure, il n'y avjiit ]iresque jdus d"li(''silantes, elles IraversaienI le
lilet tant en sortant qu'eu entrant. » [Le Naturaliste, août et sept. 1889. i
Nous citons ces exjjéiiences parce qu'elles montrent combien Tob-
servation peut devenir insuflisante quand elle n'est |)as dirigt''e par
nue idée claire. Pissot concluait simpleineiii (|u'iiii lilel ireni|iè(lie
pas toujours les mouches de jiasscr. Plaleau a, cei iaiiienieiil, uiienx
comjiris la (jueslion : il a vu cprelh' dr^iiendail de la iicitclé tie la
vision à l'aide des yeux coniposés ; il a supposé, comme fait à véi-i-
liei', « (pie les fds du tilel, comme pour nous les hachures d'une
gravure vue à distance, judduisent a\rv instsctes l'illusion il'uue siii-
face conliiiue. L"arlliropod(; se cniil devanl un (dislach; plus ou
moins translucide, mais oi!i il ne perçoit |ias d'ouverlui-es ». ()i-,
c'est c(; (jue l'observation allentivc a conlirnu'. I>cs guêpes traversent
bien un lilet à mailles ayant \n\(' largeui- de l'"',5; seulement, le
passa'^e direct au vol, le seul (pii exige la perception à dislance des
ouvertures des mailles, est très lare ; les guè|ies làlonnent, ren-
contrent le lilet, s'y accrochent des [)altes, passent |)ai' une (uivertui-e
et s'envolent. Le mécanisint; du ]iassage est, on le voit, tout à fait
dilTérent, et u'exige jias une j)eive|iliou nette de la l'oiiuc; une fois
dans les mailles, riusede ne voit plus (roli>lacle devant lui.
\. lilNET.
III
SENSATIONS AUDITIVES
REVUE DES RECHERCHES RÉCENTES SUR LA PHYSIOLOGIE
DE L'OREILLE CHEZ LES SOURDS-MUETS
IvItKIDL. — Beitràge zur Physiologie des Ohrlabyrinths auf Grund
von Versuchen an Taubstummen. [Contributions à la physiologie
du labyrinthe d'après des expériences sur des sourds-muets.) Pflui;.
Arch. f. Physiol., vol. LI, p. 119. (1892).
PULLAK. — Ueber den galvanischen Schwindel bei Taubstummen.
[Sur le vertige galvanique chez les sourd s -muets.) Pfl. Arch.,
vol. LIV (1893), p. 188.
A. BRICK. — Ueber die Beziehungen der Taubstummheit zum soge-
nannten statischen Sinn. [Sur les rapports de la surdité avec le
sens statique.) PU. Arch. vol. MX (1894), p. 16-42.
\\ . .STERN. — Taubstummensprache und Bogengang functionen. {Le
langage des sourds-muets et les fonctions des canaux semi-circu-
laires.: PU. Arch., vol. LX (1893), p. 124-13G.
Voici quatre mcmoires qui ont tous trait au même sujet, ce sont
(les expériences faites sur la locomotion et sur le vertige chez les
sourds-muets.
L'organe interne de l'audition se compose de deux parties fonda-
mentales : d'une part, le vestibule avec le limaçon, d'autre part les
(rois canaux semi-circulaires; on a observé depuis Flourens' que
lorsqu'on sectionne un ou plusieurs des canaux semi-circulaires chez
un animal il en résulte des mouvements de la tète, et de plus
l'animal ne peut pas bien se tenir debout, sa locomotion et son
équilibre sont troublés. Goltz* émettait en 1870 l'hypothèse que les
canaux semi-circulaires constituent un organe sensoriel spécial qui
'!) I*'li)urens. Recherches e.rpérimen laies- sur les propriétés et les fonctions
(lu sijslème nerveux. 2" éd., 1842, p. 454-482.
(2) Goltz. Pfliig. Arch. f. Physiol., vol. III.
660 ANALYSES
nous indique la position de notre tête et de notre corps dans l'espace,
et qui nous permet de nous tenir en équilibre ; par suite certaines
excitations de ces organes doivent produire des troubles particuliers,
par exemple la rotation de l'animal autour de Taxe de son corps.
W. James ^ eut l'idée de faire des expériences sur des sourds-muets ;
il se disait : si le vertige est dû à des excitations particulières des
canaux semi-circulaires, il doit en résulter que chez les sourds-muets,
qui le plus souvent ont les canaux semi-circulaires détruits, il n'y
aura pas de vertige ; James plaçait des sourds-muets sur une plate-
forme tournante et après un certain temps de rotation, il arrêtai!
le mouvement et observait s'il se produisait du vertige ou non.
Sur 319 sourds-muets étudiés il trouva que chez 199 seulement il y
avait un vertige net, chez 134 il y avait un vertige léger, enlin 186 ne
présentaient aucun vertige ; les expériences comparatives faites sur
200 personnes normales ont montré que toutes ces personnes à une
exception près ont présenté un vertige net; la différence était donc
évidente.
Kreidl a repris la question, et Ta étendue. Pour étudier les effets
de vertige il se plaçait avec le sujet étudié sur la plate-form»' tnur-
nante et il observait les yeux du sujet; on sait (ju'une personne
normale après avoir été placée sur une plate-forme tournante pré-
sente un vertige accompagné de mouvements réflexes des yeux dans
le plan horizontal.
Kreidl trouve; sur lO-i sourds-muets étiuliés que 72 ne présentent
pas les mouvements léllexes des yeux qui accompagnent le vertige.
Une deuxième série d'expériences faites par Kreidl a consisté à
|)lacer le sujet sur la plate-forme et à lui faire indiquer la verticah' ;
|>our cela le sujet avait les yeux fermés et il devait placer une aiguille .
dans le sens (jui lui paraissait vertical ; l'expérience faite sur des
l»ersonnes normales montre que celles-ci placent l'aiguille toujours
dans une direction oldique ; sur 33 sourds-muets étudiés, 12 (Uif
placé l'aiguilIc! dans une direction verticale.
Enfin le môme auteur a étudié si les sourds-muets ne présentent |
|)as certains troubles locomoteurs dans des conditions où il est
nécessaire de se tenir en équilibre ; il leur lit faire, les yeux ouverts
puis fermés, les exercices suivants : marcher en ligne droite, se
tenir debout sur deux pieds et sur un pied, jtasser par-dessus un
arbre couché sur le [ilancliei'; les 17 sujets expérimentés ont tous
sans exception présenté des troublrs marqués de la locomotion ; un
seul des actes précédents jiouvait être exécuté par les sourds-
muets aussi bien (jue par des individus normaux, c'est la station sur
deux pieds, tous les autres actes étaient réalisés par les sourds-
muets avec beauroup de maladresse. Kreidl arrive à la suite de
(1) W. .laines. The Seii.sc of Dizzlness in Denf-Mules. The Americau Jmir-
nal of Otology. Boston, 1882, vol. IV, p. 239-254.
SENSATIONS AUDITIVES G61
ces expériences à la conclusion que les canaux semi-circulaires
jouent un rôle important dans le maintien de l'cMiuilibre de notre
corps.
Pollak a étudié si les sourds-muets ont un sentiment de vertige
lorsqu'on fait passer un courant électrique par les organes auditifs;
on applique les électrodes des deux col es près des oreilles et on fait
passer un courant d'induction ; chez les personnes normales il se
produit un vertige accompagné de mouvements réflexes des yeux et
de la tête ; les expériences faites sur 82 sourds-muets ont montré
que 61 p. 100 ont des mouvements de la tète et 64 p. 100 des mou-
vements des yeux accompagnant le vertige; chez 30 p. 100 il ne se
produit aucun des deux symptômes précédents ; l'auteur conclut
que le vertige obtenu par un courant électrique est dû à une exci-
tation des canaux semi-circulaires.
Une étude jikis complète que les jirécédentes a été faite par Bruck ;
il s'est arrêté spécialement sur l'étude de certains actes qui néces-
sitent uns attention appliquée à l'équilibre du corps. Voici les actes
étudiés : marcher en ligne droite, sauter sur un pied en ligne droite,
se tenir debout sur un pied, se balancer debout sur une planche
lixée par les deux extrémités et située à une hauteur de 40 centi-
mètres du sol. Tous ces actes devaient être efîectués les yeux fermés
et ouverts. Pour avoir quelque point de comparaison les mêmes
expériences ont été refaites avec des personnes normales.
68 sourds-muets, élèves d'une école, ont été soumis aux expé-
riences; leur âge variait de six à seize ans; de plus, 14 sourds-muets
plus âgés appartenant à une société de gymnastique ont été soumis
aux mêmes épreuves.
Sur les 68 enfants 32 ont présenté des difTérences très marquées
avec les enfants normaux, les autres ne présentent pas grande diffé-
rence. C'est la station sur un pied qui rend la différence très frap-
pante, entre les sourds-muets et les normaux ; l'auteur donne le
protocole complet pour tous les enfants étudiés, il nous est impos-
sible, faute de place, de nous y arrêter ; il est à noter que les expé-
riences de Bruck sur le vertige produit par la rotation ont donné
des résultats différents de ceux des auteurs précédents ; en effet il
a trouvé que le vertige se produisait chez 65 des 68 enfants sourds-
muets, 3 ne le présentèrent pas du tout et 12 le présentèrent très
légèrement; ce sont, on le voit, des chiffres différents de ceux de
James et Kreidl. Très intéressants aussi sont les résultats obtenus
en comparant les sourds-muets de différents âges : les jeunes pré-
sentent bien plus de troubles que les plus âgés ; en effet sur 34 enfants
appartenant aux classes supérieures 12 présentent des troubles ; sur
33 sourds-muets des classes inférieures 20 seulement présentent des
troubles ; la différence est notable.
Sur les 14 sourds-muets, âgés de dix-huit à trente ans, six ont pré-
senté des troubles de locomotion; il est intéressant de remarquer
662
ANALYSES
que sur ce nombre cinq ne présentèrent pus de vertige par rota-
tion.
En résumé, les expériences précédentes montrent que sur 82
sourds-muets étudiés (68 enfants et 14 adultes), il y en a eu 43, un peu
plus de la moitié, qui ont présenté des dilTérences avec des per-
sonnes normales au point de vue de la locomotion.
Ceci établi, quelle est donc l'origine et la cause de ces troubles
de locomotion? II est certain que la perte de rouie entraîne avec
elle certains troubles dans l'équilibre du corps, mais ces effets sont-
ils dus à la destruction des canaux semi-circulaires ou bien résultent-
ils de la perte de la faculté d'entendre? L'auteur se décide pour
cette seconde conclusion ; il dit que la perte de chacun des organes
des sens entraîne avec elle certains troubles de l'équilibre du corps ;
ces troubles sont plus ou moins considérables suivant l'organe
atteint, c'est donc un phénomène général, et non un phénomène
spécial à l'organe de l'ouïe.
SOURDS-MUETS ÉTUDIES
K R E I D I. ET P 0 I. L A C K
Mouvfiiifiils des jt'ux\
apri'S lolalioii sur.
une )ilatc-foriiic. f
Nombre do sujels clu-
dii'-s
Nombre (lui présentent
les mouvements . .
Nombre qui ne les pré-
seiilent pas ....
Nombre éludié
me eni >,(j|„i,[.,. ,.„; |^ placent
lieale , t '
l'iacer une aiftuille enl
rosilion verlieale,\ oblimiement
pendant la rotation; ^Tp,,,,,^ .j,,; ,.^ ,,,ace,u
ertiealement . . .
de la platc-formc.
'( "•."
Mouvements de la tète.
Nombre étudié.
j)ar des excitations
électriques.
i Nombre qui n en
[ pas
ont
105
VITESSE
de la parole.
100
NETTETK
de la parole.
53
41
12
, , ''/S^'^l Nombre qui ont des
et des jeux produits) n,ouvenients ....
49
.30 1/2
26 1/2
i'.l 1/3
Iti 1/2
p. 100
00 1/2
78
73 1/2
70 2/3
83 1/2
30 1/2 03 1/2
43
p. 100
27 2/3
36 1/2
23 1/2
28 1/2
31 2/3
10 1/2
p. 100
47 2/3
45 1/2
40
54 1/2 17
100
2/3
1/2
39
41
35 1/2
53 2/3
58 1/2
37 1/2
:i:i 1/î
11
14 2/3
25
23 l/i
23 1/,
23 \l':
SOURDS-MUETS ÉTUDIÉS l'AR BRUCK
Nombre ' Pas de (roubles locomoteurs 29
total des sujets \ pariui eux parlent mal ^
étudiés I Présenteut des troubles 32
61 \ parmi eux parlent mal '6
SENSATIONS AUDITIVES 663
Passons enfin au quatiit-me travail, (lui est de N\ . Stern. Ewald * ù
la suite d'expériences très nombreuses est arrivé à la conclusion
(ju'une destruction ou une excitation des canaux semi-circulaires
auit sur tous les muscles striés du corps ; ces actions sont dilîérenles
suivant les muscles. Ewald porte l'attention sur les changements
dans les ciùs qui se produisent chez les animaux auxquels on a
enlevé les canaux semi-circulaires. Stern a pensé qu'il serait intéres-
sant d'étudier si tous les sourds muets apprennent à parler avec des
facilités égales. I/en(iuéfe a été faite sur les mêmes sourds-muets
(jue ceux que Pollak, Kreidl et Bruck avaient étudiés et les résultats
obtenus sont comparés avec les résultats de ces auteurs sur l'équi-
libre et la locomotion des sourds-muets.
Stern constate que les sourds-muets qui présentent le plus de
I roubles moteurs apprennent le plus difticilement à parler et parlent
mal ; nous transcrivons ci-dessus deux tables données par l'auteur,
on voit par ces tables combien les résultats annoncés sont réguliers.
Il sufJit de jeter un coup d'oeil sur les tableaux précédents pour se
persuader que ceux des sourds-muets qui se distinguent par
(juelque signe des j^ersonnes normales parlent plus difticilement et
moins bien que ceux qui ne se distinguent pas des personnes nor-
males ; il y a donc quelque rapport entre la lacullé- de parler, les
(lifîérents actes locomoteurs et le vertige, tel est le résultat tinal
aucjuel arrive Stern.
Victor Henri.
(',. LECHALAS. — Sur l'absence d'espace sonore. Revue de
métaphysique et de morah', sept. i89o, \k 622-630.
A l'occasion de réflexions et de critiques de Dunan* et de Dau-
riac* sur l'espace sonore, Fauteur examine les conditions de percei»-
tion de l'étendue par le toucher et par la vue ; la principale de ces
<-onditions n'est point le concours, la synthèse psychique ou fusion
associative (Wundt) des sensations musculaires avec les sensations
lacliles ou visuelles; il faut en oulic (|ue clia([ue point de l'objet
puisse impressionner un point dé-termiué de l'oigane. Le sens île
l'iiuïe ne réalise pnini ces ((Uidilions : deux points vibrants ne cnr-
i('Sp(Ui(lenI |>as à deux pDiuls dislincls de l'organe audilif. i,e méca-
nisme très perfet:lionné de l'oreille ccuisiste à faire vibrer une nu'mf
lilire sous l'inllueuce conibinée de toutes les vibrations isochrones,
i-e qui est bien dilb'-rent. 11 en résulte que s'il existf^ une localisation
(lu son, on ne saurait parler sans abus de mots d'un espace sonore.
(1) Ewald. l'hi/siolo(/isc/ic l'ii/ffsuc/iinif/en iib. i/iis Jùiduri/aii (/es .\ei'Vi/s
■Oc/acus, \-o\. I, in-8o, 18!t2, Wiesbaden, p. 106-176.
(2) T/iéorie psi/cholof/iqiic (le l'espace, p. 48 à 53.
(3) Essai sur ht psi/cliolof/ie du uiusicien. Rev. Philosophique, mars 1895,
p. 267 à 269.
664
ANALYSES
Pourquoi révolution u'éi-l-t'lle jamais dour roii^ane de l'ouïe de cette
perception spatiale? Pour deux raisons : la généralité des corps
n'étant pas habituellement animée de vibrations acoustiques, une
perception spatiale du son manque d'utilité ; en second lieu, l'exis-
tence d'une image réelle est la condition nécessaire de la i)erception
par un sens dont l'organe n'atteint pas directement l'objet : or, la
production d'une image sonore réelle est, pour des raisons phy-
siques, plus difticile à obtenir qu'une image visuelle réelle; on y
arrive dans les laboratoires au moyen de doubles rétlecteurs placés
de part et d'autre de la source sonore ; les animaux ne sauraient
évidemment disposer d'un réflecteur allant se placer au delà de
l'objet à percevoir,
A. RiNET.
IV
SENSATIONS DU TOUCHER ET DES AUTRES SENS
SOMMAIRE
1° Expériences récentes sur la diftercnciation des diverses sensibilités de
la peau, llevue d'ensemble des travaux de Kiesow, Frey, Nagel.
2" Recherches de Cavazzani et Manca, Féré, Griesbach, Griffing, Parrish,
Tawney*.
F. KIESOW. — Untersuchungen ùber Temperaturempfindungen.
[Etudes sur les sensations thermiques.) Philos. Stud., XI, p. 135-U5.
M. V. FREY. — Beitràge zur Physiologie des Schmerzsinnes. [Con-
tributions à la physiologie du sens de la douleur.) Bericht. d.
Koii. Sachs. Gesellsch. d. Wissensch. zu Leipzig, p. 185-196, 283-
295, 1894.
M. V. FREY. — Beitràge zur Sinnesphysiologie der Haut. [Contri-
butions à la physiologie sensorielle de la peau.) Rer. d. Kon. Siichs.
(lesells. d. Wissensch. zu Leipzig, p. 166-184, 1895.
A. NAGEL. — Die Sensibilitàt der Conjunctiva und Cornea des
menschlichen Auges. {La sensibilité de la conjonctive et de la cornée
de l'œil humain.) Plliig. Arch. f. Physiol., vol. LIX, p. 563-595.
A. NAGEL. — Zur Priifung des Drucksinnes. (Sur V examen du sens
do pression.) Plh\'^. Airh. r. IMiy.^i.d., vol. LIX, |>. 595-603.
Voici une série d'aiticles luiius dans le cornant d'une annre qui
ont tous pour sujet l'étude de la sensibilité ponctuelle de la peau;
disons d'abord quchjues mots pour faire comprendre Fétat de la
question : en 1882, Magnus Hlix ^ publia un Iravail très important
dans lequel il annomait (|ue, lorsqu'on touche la peau avec une
pointe fine, on peut percevoir suivant les (linv-renls points soit un
(Ij Quelques-uns des travaux récents sont analysés dans la Revue géné-
rale de V. Henri sur les sensatinns du toucher.
(2) Expei-iinenlelle Bei/riif/c zur hisnnf/ der Fraye tiber d'œ xpecifische
Everr/iedes Haut nervoi. ZelUch. f. Riol., vol. XXI.
666
ANALYSES
M
contact, soit une sensation de froid, soit enlin une sensation de
chaud ; cliacun peut facilement véi ilier sur lui-même rexislence des
« points froids », il suftit de toucher avec la pointe d'un crayon
dilférents jjoints du dos de la main, surtout dans des réirions voi-
sines des veines, on remarquera ([ue (juclquefois on perroit un
simple contact ni froid ni chaud, d'autres fois ce contact païaîlia
très froid, et il y aura des cas inteinnédiaires ; pour chercher les
« points cliauds », on chaufTei^i un peu la pointe du crayon et ou
verra que pour certains points on a un contact légt'i;ement chaud,
pour d'autres le contact sera bien plus chaud ; mais la recherche
des « points chauds » est beaucoup jdus diflicile et délicate que
celle des « points froids ». Goldscheider a repris la question avec
beaucoup de détails et beaucoup de soins*; il cherche les points
chauds et froids, il indique qu'il y a aussi des points qui sentent
mieux les pressions que d'autres ; ces points ont été appelés « points
de pression » (Druckpunkte) ; il fait une topographie détaillée poui'
différentes portions de la peau, se préoccupant surtout, comme
Blix, de la question de savoir si ces dillërents points sont constants;
les deux auteurs précédents ont observi' cette constance.
\-]n 1892, Max Dessoir publiait un long mémoire sur le même
sujet - ; ce mémoire contient surtout une étude sur les points ther- qi
miques ; l'auteur est arrivé à un résultat contraii'e aux précédents :
— « les points thermiques ne sont pas lixes, ils sont variables avec
le temps et les résultats des prédécesseurs sont inexacts. » La ques-
liun ('lait donc ouverte; d'une part on avait les recherches minu-
tieuses et détaillées de Blix, Goldscheider, etc., de l'autre l'étude
x'apide faite par Dessoir avec résultat contraire; pourtant la question a
son ini])oilance non seulement comme étude de la sensibilili' île la
peau, mais à un point de vue général, comme pouvant fournir des
arguments poiu'ou contre la théorie de l'énergie spécifique des nei'fs.
r. Kiesow a repris la question de l'étude des points Iheirniques de
la peau au laboratoire de Wundt, il a employé le même dis[(ositif
([ne Goldscheider : un cylindre en cuivi'e de 8 centimètres de lon-
gueur, de 1 centimètre de diamètre, terminé- jiar des pointes
coniques de chaque côté, est emiiloyi' pour produire les contacts ;
on touche les dillV-rinils points de la peau avec la poinle du cylindre
et le sujet n'a qu'à dire s'il sent un contact, une douleui, un contact
froid, très froid, un contact chaud, très chaud ou même biùlani,
La portion de la peau (''ludii'e es! le milieu de la face inli'rne de
l'avanl-bras ; les ditVéïH'uts points sont luarcjnés àl'enci'e. Le jiremier
résultat est une contiiinalion de ceux de (joldscheider et Blix : les
(l).Vc//e TlHtI.suchen iicher die llitii/.si/uteircii. Arcliiv, I'. Pliysiolog. v. Du
Bois-lleymond, année 1885, supplément, p. 1-110.
(2) Ueber deii lldtilsiiiii. Anli. t. l'Jivslol. v. Du Hois-Rcviuond, année
1892, p. 170-340.
I
i
SENSATIONS DU TOUCHER 667
points thermiques sont constants, ils ne chaiiireiit pas, un iioinl doni
le contact a été froid est également senti froid après un intervalle
de plusieurs mois. Le nombre de points theimi(}ues trouvés par
Kicsow est moindre que celui que (ioldsclieider indique, mais cette
dilîérence peut tenir à ce fait que bien des fois on a des cas dou-
teux : on a un contact qui parait à peine froid ; faut-il maixjuer le
point ou non? (Joldscheider le marcjue, Kiesow ne le marque pas,
d'où la différence dans les nombres trouvés. Enfin un résultat inlé-
ressant et nouveau est que certaines portions de la peau qui ne
contiennent aucun point froid peuvent tout de même sentir le froid
lorsqu'on touche ces parties avec une surface froide; il est vrai (jue
lorsqu'on applique la même surface froide sur une portion qui con-
tient beaucoup de points froids, la sensation de froid augmente con-
sidérablement.
Kiesow ne fait qu'indiquer dans cette note préliminaire quiiii poini
froid étant touché avec une pointe chaude peut percevoir la chaleur
si celle-ci dépasse une certaine limite, différente i>our les différents
points froids; un point chaud au contraire touch(; avec une pointe
froide ne perçoit pas le froid; mais il ne fait qu'indiquer cette ques-
tion, se réservant d"y revenir prochainement.
M. V. Frey a repris l'étude de la sensibilité de différents points de
la peau par une méthode nouvelle qui l'a amené à des résultais très
intéressants ; il s'est moins occupé des points thermiques et il a
surtout porté son attention sur les points de contact de la peau.
Pour produire des contacts ponctuels, il s'est servi de différents
idieveux de 20 à 30 millimètres de longueur ajustés au bout d'un
jietit bâton de 10 centimètres de longueur dans le sens perpendicu-
laire au bâton; comme ces cheveux étaient pris d'épaisseurs diffé-
rentes on pouvait obtenir des [tressions différentes bien déterminées,
l'auteur les avait déterminées avant les expériences en pressant avec
li'xirémité d'un cheveu sur le plateau d'une balance chimicpie et
<n notant quel poids il fallait mettre sur l'autre plateau jtour que le
<lieveu se courbât; ces chiffres ont été trouvés constants à des jours
<lifférenls; ensuite il a mesuré sous le microscope la section des
cheveux et il multiplie le chiffre de la pression donnée par la balance
par la surface de la section liansversale du cheveu, il ex[)rime
<lonc les pressions en gr. mm ^ ; cette manière de procéder est
sujette à des objections, qui ont été indiquées par A. ÎN'agel dans
le mémoire analysé plus loin; en effet la peau est tellement épaisse
<'t irrégulière en comparaison de la section très faible du cheveu
(le diamètre est d'environ 1 /20''' de millimètre) qu'on se d(.'nuinde
si une différence (iuelcon(iue de sensation peut provenir de ce
([u'on touche un point de la jieau avec l'extrémité d'un cheveu
ayant 1/20*' de millimètre de diamètre ou avec un autre de l/SO^
de millimètre de diamètre donnant à la balance la même pression
(jue le précédent; l'auteur suppose qu'il y a une différence et il
068
ANALYSES
rapporte les pressions faites par les extrémités des cheveux à ime
même unité de surface de pression.
Avec ce procédé, M. v. Frey a déterminé les seuils d'excitations
des différents points de la peau ; il a remarijué que lorsqu'on touche
la peau avec l'extrémité d'un cheveu, il y a des points qui ne sen-
tent rien, d'autres sentent un très léger contact, d'autres enfin sentent
un contact bien plus intense, qui a un caractère dilTérent du pre-
mier, qui ressemble plutôt à une douleur qu'à une pression; ayant
fait la topographie des points qui sentent à peine u-n contact et de
ceux qui sentent une légère douleur, il détermine quelle est la
pression minimum qui est perçue par ces dilîérents points. .Nous
transcrivons ci-après quelques chifCres indiquant les pressions
minima pour les points de contact et de douleur des différentes
régions de la peau; les chiffres indiquent des grammes-millimètres
carrés.
REGION DE LA PEAU
Cornée
Coiijniictivc
I^angue
Nez
Lèvre
Extrémités des doigts . . .
Bord de la paupière ....
Front
Face dorsale des <lolgls. . .
Face interne de l'avant-bras
Face interne du ])ras. . . .
Face externe de l'avant-bras
Bord externe de l'aisselle. .
Mu(|neuse de la joue. . . .
Dos de la main
Dos du pied
Peau de la joue
Brns, face externe
Ventre
Mamelle
Plante des pieds
Gland
Taltm
POINTS
POINTS
DE CONTACT
PI- POULE LK
0,3
gr. mur
0,2
gr. mm'
2,0
—
2.0
—
2,0
—
2,0
—
2,5
— .
3,0
—
300
—
3,0
—
3,0
—
5,0
—
7
— ■
20
—
7
—
30
—
8
—
30
—
U
—
12
12
—
100
—
15
—
50
—
16
—
30
—
26
—
26
15
—
27
—
28
—
114
—
250
—
On voit dans le tableau précédent que les pressions minima sont
différentes pour les points de contact et ceux de douleur, les pre-
mières sont en général jdus faibles que les secondes.
Uelativeiiient à la position des dilîérents itoints de contact et de
douleur l'auteur remarque que les premiers se trouvent tout près
de poils, les autres ont une distribution irrégulière. Voici en quoi
les points de contacts se distinguent des points de douleur : 1" par
SENSATIONS DU TOUCUER 669
la position difrérenle, les premiers se trouvent sur la papille (ou
tout près) des poils;
2° Par une difl'érence dans les pressions nn'nima néoessaiies pour
provoquer une sensation, cette pression niinima est plus faible pour
les premiers que pour les seconds;
3° Lorsqu'on excite les diflerents points par un courant d'induc-
tion, la sensation obtenue par l'excitation de points de contact est
intermittente; même dans les cas où le nombre de vibrations est
('"i,'al à 120 ])ar seconde, on a l'impression d"un tremblement; les
points de douleur au contraire donnent une sensation continue,
même lorsque le nombre de vibrations est égal à 20 seulement; la
sensation présente le caractère désagréable de la douleur, elle est
pénible ;
4" En excitant jiar un courant continu un point de contact on a
une sensation intermittente, rythmique, qui revient et cesse ; un
jiointde douleur donne une sensation continue.
I/auteur étudie l'influence que difTérenles causes externes ont sur
la valeur de la pression minima pour les points de contact et de
douleur; après avoir tenu pendant deux minutes la main dans de
l'eau froide, la i)ression minimum pour les points de contact reste
invariable, celle pour les points de douleur augmente du double.
Dans le cas de tension de la peau et de frottement de la peau, la
pression minimum augmente également pour les deux genres de
points. Enfin l'exercice a une influence considérable, les minima des
pressions diminuent après l'exercice.
Ayant fait ces déterminations générales l'auteur a cherché s'il
n'existe pas de parties du corps où l'une quelconque des sensibilités
fait défaut; il étudie d'abord la sensibilité de la cornée et de la con-
jonctive; sur la cornée il trouve qu'il n'existe que des points sentant
la douleur; sur la conjonctive il y a des points de douleur et puis
des ifoints froids, il n'y a pas de i)oints chauds, qnoiipie l'auteur les
ait cherchés avec soin par des procédés dilleients; il n'y a pas non
|tlus de points de contact. Les points froids sont surtout nombreux
sur le bord de la conjonctive de l'œil. 11 y a un autre endroit du
corps humain où l'on ne rencontre que des points de douleur et des
points thermi(iues et où les points de contact manquent, c'est le
gland. La mu<}ueuse de la joue possède des points de contact et des
points thermiques, il n'y a pas à cet endi'oit de points de douleur.
Après ces constatations, l'auteur cherche quelles sont les particu-
larités dans la structure analomiqne de ces différentes parties de la
peau ; il remarque que dans la cornée il n'y a (jue des teiminaisons
nerveuses libres, ce sont donc les terminaisons nerveuses libres qui
excitées donnent lieu aux sensations de douleur.
Les corpuscules de Krause se rencontrant surtout dans la conjonc-
tive, l'auteur conclut tjuc ce sont ces corpuscules, qui excités don-
nent lieu aux sensations di- froid.
(570 ANALYSES
Les corpuscules de Ruflîni se rencontrant surtout dans le gland,
il eu déduit que ce sont ces corpuscules qui servent pour les sensa-
tions de chaud.
Enfin ce sont les corpuscules de Meissner (jui correspondent aux
points de contact.
Tels sont les résultats auxquels est arrivi' M. v. Frey après des
recherches très minutieuses, qui Jettent une lumière nouvelle sur la
sensibilité de la peau, et qui montrent combien c^ette sensibilité
simple à première vue est, en réalité, compliquée.
A. Nagel est entré en discussion avec M. v. Frey, il a repris ses
expériences sur la sensibilil»'- de la conjonctive et de la cornée ; seu-
lement il a changé la méthode ; en touchant la cornée ou la conjonc-
tive de l'œil avec le bout d'un cheveu, il obtient, comme Frey, une
sensation de douleur, mais on peut, dit-il, produire aussi sur ces
endroits des sensations de contact sans douleur en touchant avec
un objet mou, jilat et un peu mouilli', comme par exemple avec un
pinceau mouillé ; dans ces cas on n"a i)as de douleur, on a une
sensation de contact. On voit qu'il s'agit là d'excitations ditlerenles,
d'un côté le contact de points uniques (Frey), de l'autre le contact
d'une surface; on ne peut jias, à noire avis, confondre ces deux cas
comme le fait Nagel; ce sont des (]uestions qui doivent certainement
avoir un rapport l'une avec l'autre mais qui sont tout de même diffé-
rentes et qui seraient à étudiei' séparément; il serait, croyons-nous,
intéressant de voir comment sur des parties différentes de la peau
les conlacis de surfaces se nianifestent ; nous avons indiijué un
premier essai en analysant le travail de Kiesow ipii trouve qu'une
région qui ne contient pas de poiiils IVoids sent le froid lors(]u"on la
touche avec une surface IVoide.
Nagel a aussi fail des expériences sirr la sensibililé lhernii(|ue de la
conjonctive, il liouve comnu' Frey ([ue la conjonctive peut percevoir-
le froid, ([u'il y a des jioints froids sur la conjonctive; il confirme
tîucorc le résultat obtenu |)ar l'rey qne la conjonctive m' i)erçoit pas
le chaud; il n'y a pas de jmmuIs chauds dans la conjonctive de l'œil.
Le second m(''moii'e de Nagel est une crili([U(' de la méliiode de la
mesure de sensibilité employée pai' Frey; Jious avons vu (|ue celui-ci
toucliait la ]iean avec l'extrémité d'un clieveu; il ne ])renait pas
l'effort nécessaire pour courber le cheveu comme mesure de la.
pression, il mulli|iliait cet clforl pai' la section transversale du
cheveu; Nagel dit (jne la section du clieveu est tellement faible que
le cheveu en pressant sur la peau n'agit ])as directement sur les nerfs,
il agit sur les nerfs par l'inteiinédiaire de la peau, donc l'effet sera
le même, (ju'on touche un point de la peau avec le bout d'un cheveu
de 1 20"^ de millimètre de diamètre ou avec un cheveu de d;30^ de
millimètre de diamètre si les efforts de ces deux cheveux sont égaux ;
il fallait des expthiences i)Our étudier ce point et trouver que ces
vues sont confirmées. Il est bien à regretter que Frt^y n'ait pas
SENSATIONS DU TOUCUER 671
donné dans ses tables, à côlr des chiffres en i;r. mm ^ les eliiffres
exprimant les efforts totaux de i)ression dans les différenls cas.
On voit que les observations de Blix et (îoldscheider n'épuisent
pas le sujet si int('ressant de la sensibilité des points iiniques de la
peau, nous considérons comme un résultat des plus importants pour
la physiologie de la peau les observations de M. de Frey sur les
sensibilités des difféientes régions de la peau où (elle ou telle forme
de sensibilité man(iue; ce défaut dans un ou [tlusieurs des genres
de sensiblilité conduira certainement à l'explication du rôle que
joueal les différents corpuscules nerveux de la peau; un premier
essai, important surtout par la méthode indiquée, a été fait comme
nous l'avons montré par Frey.
11 est vraiment curieux que ce fait de la sensibilité des difféi-ents
points de la peau ait été remarqué aussi tard; pourtant on avait,
depuis Weber, pendant trente ans fait des expériences sur la sensi-
bilité tactile oii on touchait la peau avec deux pointes de compas;
si on ne s'était pas contenté de réponses seulement sur le nombre
de contacts, si on avait interrogé les sujets sur la nature du contact,
en somme si on avait pris toutes les fois l'observai ion interne du
sujet sur ce qu'il sent, on aurait depuis bien longtemps remarqué
(|ue souvent on perçoit des points froids, comme ](> remarquent
maintenant tous ceux qui s'occupent de la question de la sensibilité
<le la peau; de ces simples observations internes il serait résulté des
résultats nouveaux et intéressants. N'y a-t-il pas là une leçon pour
tous ceux qui font des expériences de psychologie d'une manière
automatique, sans prendre d'observations internes? souvent celles-ci
ifnft-rmeut des résultats bien i)lus importants que tous les chiffi'es.
Victor Henri.
r.AV.VZZAM »'t MANCA. — Alterazioni délia sensibilita termice e
tattile in seguito a lesione del nervo radiale. {AUéraiions de la
sensibililé thermique et tactile à la suite d'une lésion da nerf
radial.) Uifornui niedica, 1895.
Section du nerf radial par traumatisme un peu au-dessus du jtoi-
unef ; paralysie du mouvement et de la sensibilité dans le domaine
(if (lislribution du nerf radial ; à noter (|ue l'anesthésie laclib^ n'oc-
riipait pas exacleniciil la iiiriiif /une (juc ran('>l lir'>ii' lbfniiii|iii', la
/(lue de celle-ci élail rn ouln- jihis étendue. Conclusion : les libres de
transmission pour ces dillVi riilf- seiisibilKés ne sont jias les mêmes.
(",11. FËIdi. — Note sur la sensibilité de la pulpe des doigts.
(C. R. Soc. dr Hiologie, 19 wA. 180o, p. 657-060.)
Féré avait déjà conslalé- (pTil existe une ndatiuii eiilie la
disposition des crèl(.'S papillaiies des doigts el leur nudiicité
672 ANALYSES
(1891). Une relation semblable existe avec la sensibilité des doigts.
(Juand la sensibilité digitale est peu développée, les dis[)osilions
des lignes papillaires sont les plus simples et le idus généralement
transversales. Les dispositions les plus compliquées de ces crêtes
sont les plus favorables à la discrimination.
H. Beaunis.
H. dniESBACH. — Beziehungen zwischen geistiger.Ermùdung und
Empfindungsvermogen der Haut, /{apport entre la fatiyiie men-
tale et la faculté de perception de la peau.) Aixb. f. Hygiène,
Ed. XXIV, ncrt2, 189a.
I/écart à donner à deux poiules pour ({u'elles soient jierçues
doubles par la i)eau (expérience bien connue de We])er) augmente
sous l'influence de la fatigue mentale ri )m'hI servir à mesurer ceftc
fatigue. Dans une école, l'écart a passé de " inillimMres à 17 milli-
mètres, après une étude de grec ; à 14, après une élude de lalin ; à
7 après une étude de la Bible. 11 y a là une métliode nouvelle pour
l'apprécialioii de la fatigue mentale; et cette métbode devrail élrr
comparée au point de vue de la rapidité et de la précision avec (-eHe
de l'ergograpbe de Mosso. Ces recherches sont importantes ])our la
pédagogie.
HABOLI) C.lUFFlXt;. — On Sensations from Pressure and Impact.
{Les sensations de pressions e^ t/ec/toc.) l*sycliological Ueview, Mo-
nogiajih Supiib'mi'iil, \r\. 1895, \\. 88.
Le nombre des scu>.ili(ms que nous sommes capables d'éprouver
<ivec nuire |>eaii esl 1res giand. Il y a d'abord tout un groupe de sen-
sations (jue Dessoir a réceinmeul, i)(mim('es haptiques, e1 qui coi--
respondent aux sensations tactiles [iroiiremenl dites : ce sont
1" les sensations de traction, é[)rouvées (juand on élire la peau, par
exemple; 2" les sensali(Mi> de pressidii objective; à ce sujet, mi a
discuté longuement et on discute encore la question de savoir si les
sensations de jiressiun sont de même natnre que les sensations de
contact et ne diffèicnt que par le degré, (tu si l'e sont des sensations
loni à l'ail dilféieiiles. Dans la revue iniM-iMleule de \ . Ilenii, il a ('■!<'•
l'ait allusion à celle (i|iiiiion. Meissner, Auliertel Kaniiiiler, Bronson,
Dessoir ont admis deux sens, Funke, Wundt et Kiil]ie n'en admettent
([u'un ; les argunn^nts employés de part et d'auti-e sont du reste peu
iuq)orl.ants. L'auteur croit, d'après son observation interne, (|ue la
sensation de pression et celle île conlail ne ditl'èrent (pie par le degré
<'t 1 pense que les individus im s'accordent guère |ioui(listinguer ces
deux sensations, l'n individu a besoin d'une pression de 3^!j pour
percevoir une seirsation de pression, un autre a cette si.'usation carac-
lérisli(iue avec une pression d'un kilo seulement. Continuant notre
SENSATIONS DU TOUCUER 673
«'numération, nous trouvons ensuite 3° les sensations cl' « impact »
c'est-à-dire de choc, qui produisent un effet tout difîéi'ent d'un con-
tact continu, sans choc. Sur ces sensations, encore peu connues,
l'auteur a fait beaucoup d'expériences, et c'est peut-être là la partie
la plus intéressante de son nu-moire.
A côté des sensations haptiques on peut placer les sensations de
température, dont l'auteur n'a point fait ici une étude spéciale, et
(ju'on trouvera indiquées dans une de nos analyses générales; et
enfin un autre groupe est composé de sensations demi-organiques,
parmi lesquelles nous citerons le chatouillement, la démangeaison et
la douleur. En définitive, on peut classer de la manière suivante les
sensations de la peau, dans lesquelles tout élément moteur est exclu :
/ Réaction.
\ Pression objective.
Sensations haptiques •' p , ,,,,
( Choc.
Chaud.
Sensations thermiques < „ . .
' Chatouillement.
Sensations semi-organiques . . . . l Démangeaison.
( Douleur.
Voici les principales questions que l'auteur a étudiées : l'intensité
du stimulus (p. 10-47) ; le siège de l'excitation (p. 47-54) ; les sensa-
I ions de choc (p. S4-6o) ; la surface d'excitation (p. Go-77) ; la durée
de l'excitation (p. 77-84). Les expériences, à part un petit nombre
d'exceptions, n'ont été faites que sur deux sujets. Les conclusions
lirincipales sont les suivantes :
1° Il n'y a point de base pour l'identité qu'on a cherché à établir
(Dessoir) entre les sensations de chaleur et de pression. Cependant,
il existe certainement des relations entre la sensibilité de pression
et la sensibilité thermique, ce que Weber avait constaté ; l'auteur a
vu par exemple qu'un corps pesant 1 kilo, placé sur la main, paraît
plus léger quaiul il est chaud que quand il est froid.
2° Le seuil dt; conscience, de même que la plus [iclite diiîéronce
jierceptible, n'est point une quantité viaie.
3° Si le jugement porté sur l'intensité d'un stimulus peut être con-
sidéré comme indiquant une augmentation dans l'intensité de la
sensation, on i)eut dire que cette dcrnièri; quantité croît l)eaucou[i
jdus h^'utement que le stimulus; ceci a lieu suitoutpour les int(!nsités
faibles ; mais à mesure que l'on approche du seuil de la douleur l'es-
timation de l'intensité augmente beaucoup plus vite.
4** La loi de Weber tient bon {lour les poids plus élevés que
100 grammes, et jusqu'à 500 grammes.
o" L'exactitude de la perception des stimulus, au point de vue de
rinlensité, est en général iiulépcndante du siège du stimulus.
6*' Le choc inllue grandement sur la perceiition.
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 43
(J74 ANALYSES
Par exemple :
L'influence du clioc sur le minimum pt-rcf^plible est nette; si on
met un poids sur la main avec beaucoup de lenteur (de 1 à 2 secondes
pour l'application) un poids de 40 centigrammes sera perçu i8 fois
sur oO ; s'il y a un petit choc, il suffira d'un poids de 1 centigramme
pour obtenir le même résultat, La douleur produite par un choc est
en fonction du poids de l'objet et de la hauteur dont il tombe ; en faisant
tomber de hauteurs différentes différentes boites sur la paume de la
main, et en cherchant le plus petit choc pouvant produire de la dou-
leur, on constate que le produit du poids par la hauteur demeure li
peu près constant ; ainsi un poids de oO grammes en tombant de
18 centimètres produit rm iniuimum de douleur et un poids de
300 grammes doit tomb-i dr 3 centimètres, pour produire le même
effet; or la multiplication du poiils par la hauteur donne dans les
deux cas le même chiffre. L'auteur a encore fait plusieurs expé-
riences sur le choc, et il les résume dans la conclusion suivante :
dans les jugements sur l'intensité du clioc, la masse a en général
plus d'effet que le carré de la vitesse, et moins que la vitesse. Les
différences de vitesse sont perçues plus exactement que les différences
de masse, mais avec bien moins d'exactitude que les différences de
carrés de vitesse ; les variétés individuelles sont considérables.
6*^ L'intensité de la sensation tactile est eu raison inverse de l'aire
de stimulation.
70 Le prolongement de la pression diminue l'intensité de la sensa-
tion, quand elle est faible ; dans le cas contraire, quand la pression
est si forte quelle devient douloureuse, la douleur augmente avec la
durée .
Nous avons omis un grand nombre d'expériences intéressantes sur
la douleur, qui prendront place dans nus analyses relatives à c.-
l'AlUll.-lf C.-S.]- — Estimation tactile de l'espace vide et de l'espace
plein. Arnt-r. J. uf P.-^yrii., VI, i, iB'J.j, p. oi4-o23.
Ces expériences rappellent celb-s de Dresslar, résumées dans
l'Année psychologique (i"= année, p. 345); mais la méthode a été
un peu différente, et le résultat opposé. Dresslar faisait suivre au
doigt d'une personne une certaine ligne sur une carte, ligne qui dans
sa première portion était lisse et dans la seconde portion était poin-
tillée : le sujet avait à comparer ces deux portions au point de vul-
de la longueur, et dans la majorité des cas il était d'avis que la ligne
pointillée était la plus longue alors même quelles étaient réellement
égales. L'expérience fut faite sous deux formes : i" le sujet parcou-
rait la ligne avec son doigt ; 2° le doigt restant immobile, la carte se
déplaçait sous le doigt par l'action d'un mécanism---. Dans les deux
cas, il y avait mouvemeut.
SENSATIONS DU TOUCHER 675
Or, il est impoi-tant de remarque!' à ce sujet qu'il existe pour le
sens de la vue une illusion analogue ; un espace plein paraît plus
grand qu'un espace vide égal, et la question est de savoir si cette
illusion provient de la sensation rétinienne ou des mouvements de
l'œil. II était donc nécessaire de rechercher si l'illusion du toucher
est supprimée quand on exclut complètement le mouvement de
l'ohjet et celui de la peau. C'est ce qu'a tenté M. Parrish.
L'auteur s'est servi de règles en bois dans lesquelles étaient fixées
des pointes de caoutchouc ; toutes les règles avaient la même lon-
gueur de 64 millimètres, le nombre des pointes de caoutchouc fai-
sait la différence et variait de deux à neuf ; on appliquait les
pointe sur le bord interne de Favaiit-bras, et on demandait au sujet
d'apprécier la longueur totale comprise entre les deux pointes les
plus éloignées. A peu d'exceptions près, les sept personnes sur les-
quelles l'expérience fut faite donnèrent des réponses conduisant à
cette conclusion qu'une distance remplie par des pointes paraît
plus courte qu'une distance vide, qui est réellement de même lon-
gueur.
D'autres expériences faites en appliquant une règle sur la peau,
et ensuite deux pointes de compas, et en faisant comparer au sujet
ces deux longueurs, ont montré par exemple qu'une distance de 24
millimètres comprise entre les deux pointes de compas paraît égale
à la longueur d'une règle de 28 millimètres qui est appliquée sur la
peau.
La contradiction qui semble exister entre ces résultats et ceux de
Dresslar tient probablement à la difTérence des procédés d'étude, et
nous montre le danger des généralisations et des formules toutes
faites. Dans les expériences de Diesslar, la comparaison ne portait
pas précisément sur l'espace plein et vide, mais sur une surface con-
tinue et une surface discontinue. 11 serait à désirer que les expéri-
mentateurs, au lieu de se borner à l'étude de questions aussi
limitées, fissent des recherches d'ensemble en variant davantage
leurs procédés.
A. BiNET.
(ilV TAWNEY. — The Perception of Two Points not the Space-
Threshold. [La perception de deux contacts n'est pas le seuil de la
perception de Vespace.) Psych. Review, nov. 189a, p. y8o-b92.
' L'auteur de ce travail, fait au laboratoire de Wundt, se propose de
démontrer contrairement à Fecluier, Weber et à beaucoup d'autres
psycho-physiciens que la perception de l'espace n'exige pas pour se
produire la perception de deux contacts, mais que cette percep-
tion est fondée sur la qualité de la sensation tactile, et peut être
produite par une sensation unique. On arrive à ce résultat en inter-
rogeant très soigneusement le sujet après chaque contact et en lui
676
ANALYSES
faisant décrire la sensation qu'il a éprouvée, au point de vue de la
forme, de la grandeur, etc. On observe fréquemment qu'un seul
contact donne lieu aune sensation de surface plus ou moins étendue.
Mais, objecterons-nous, n'y a-t-il pas là de simples associations
d'idées ? Travail obscur et conclusion bien contestable.
A. BiNET.
ILLUSIONS DES SENS
SOMMAIRE
Expériences de Baldwin, Philippe et Clavière, Thiery, Warren, Wood.
.1. MARK BALDWIX. — The EfFect of Size-Contrast upon Judgments
of Position in the Retinal Field. [L'effet des contrastes de grandeur
sur le jugement de la position dans le champ visuel.) Psych. Rev.,
YII, 3, mai 1895, p. 244-259.
Sous ce titre un peu énigmatique, Fauteur a étudié deux illusions
des sens ; il les a étudiées simultanément, en les combinant dans une
expérience complexe ; il eût été préférable, à notre avis, de les isoler.
I>a première illusion est celle qui se présente lorsqu'on chei'che à
diviser par le milieu une ligne réunissant deux carrés de gran-
deur différente ; si l'un des carrés est plus grand que l'autre, on a
une tendance à diviser la ligne trop loin du plus grand carré. L'autre
illusion a lieu quand une aiguille parcourt une certaine longueur,
soit 10 centimètres, et qu'on cherche à arrêter cette aiguille au
moment précis où elle atteint le milieu de la ligne ; suivant le pi-o-
cédé qu'on emploie, on commet une erreur eu plus ou en moins,
c'est-à-dire que le point où l'on arrête l'aiguille se trouve en deçà ou
au delà du milieu. Combinant ces deux illusions qui sont, comme on
voit, bien distincte , l'auteur a imaginé une expérience (lig. 124) dans
laquelle on place devant les yeux du sujet deux carrés S et S' de
grandeur différente, le plus grand ayant 20 centimètres de côté; les
deux côtés voisins et parallèles des carrés sont réunis par une
ligue droite de 10 centimètres de long, et cette ligne est parcourue
par une aiguille ([ui est animée d'un mouvement automatique, et que
le sujet peut arrêter au moyen d'un interrupteur de courant K; cet
interrupteur agit en effet sur un électro-aimant EA, qui immoI)ilise
l'aiguille. Le suj(;t arrête l'aiguille au moment où elle lui p;uaît
occuper le milieu de la ligne joignant les deux carrés.
Quati'e sujets ont pris part aux expériences ; deux ont été éliminés,
C78
ANALYSES
nous dit-on, parce que leurs réactions n'étaient pas typiques. (Nous
ignorons jusqu'à quel point un expérimentateur a le droit de faire
de ces éliminations.) Disons d'abord ce qui se rapporte à la pre-
mière illusion. Constamment, ou du moins à part quelques exceptions
insignifiantes, le point indiqué- comme milieu présente une erreur
de 1 à 4et ij millimètres, qui Téloigne du plus grand carré, quand
celui-ci a 20 centimètres de côté ; la grandeur absolue de ce cari'é
n'influe pas seule sur l'erreur ; mais celle-ci dépend également du
Fig. 124.
rapport de grandeur entre les deux carrés ; le plus grand carré con-
servant sa grandeur de 20 centimètres, si le f)etit carré est d'abord
de 10 centimèlies, et ensuite de 5 centimètres de côté, l'erreur sera
plus considérable dans le second cas que dans le premier. Quand les
carrés sont dans une position verticale, l'erreur est deux fois plus
forte que lorsque les carrés sont dans une position liorizoulale.
Disons maintenant un mot de la second(! illusion. Les deux sujets
avaient des i)rt>cédés dill'éienls ])Our arrêter raiguille au milieu de
la ligne. Le premier suivait dt; rn'ii l'aiguille dans sa course, et l'ar-
rêtait au momeiil nù il jugciil (pi'elle avait atteint le milieu de sa
course. Le second sujft commençait par regarder la ligne fixe et en
cbercber le milieu; il arrêtait l'aiguille quand elle ariivait sur ce
j>oint médian cboisi d'avance. L'effet de ces illusions est difficile à
extraire des expériences, à cause de leur complexité. On peut dire
cependant d'une manière générale qu'on a une tendance à corn-
ILLUSIONS DES SENS 679
mettre une erreur dans la direction du mouvement de l'aiguille,
surtout si on ne choisit pas d'avance le point du milieu, mais qu'on
le juge par le mouvement d(^ l'aiguille.
A. BiNET.
.1. PHILIPPE et J. CLAVIÈRE. — Sur une illusion musculaire. Revue
philosophique, 189b, p. 672-082'.
Lorsqu'on soupèse deux ohjets de poids égal et de volume dillé-
rent le plus gros paraît h; plus léger, et cette illusion persiste même
après qu'on sait, pour les avoir vérifiés à la balance, que les poids
sont égaux.
MM. Flournoy ^ et Dresslar^, dans leurs recherches sur cette ques-
lion, étaient arrivés aux conclusions suivantes :
1° L'illusion est à peu près la même chez l'enfant que chez l'adulte ;
2° Elle dis[»araît lorsqu'on supprime simultanément la perception
visuelle et tactile de l'inégalité de volume;
S^Elle démontre (M. Flournoy insiste surtout sur ce point) l'absence
de sensations d'innervation proprement dites, et par conséquent de
sens musculaire.
Nous avons repris la question au point où l'avaient laissée nos
devanciers. Pour éviter certaines causes d'erreur, le nombre des
objets à comparer a été réduit : il suffit, pour bien étudier l'illusion,
de deux séries de 5 tubes, les uns de diamètre égal et longueurs
difCé'rentes, les autres de longueurs et diamètres croissants graduelle-
ment, de façon à permettre de mesurer l'illusion. Chaque tube pesail
50 grammes : la surcharge, pour corriger l'illusion, était fournie par
des lamelles de plomb de 1,5 et 10 grammes introduites dans le
tube.
{° V illusion est-elle primitive ou acquise? — Autour de sept ans,
l'illusion semble bien établie, sauf de rares exceptions : mais au-des-
sous de cet âge, entre six et trois ans, les deux tiers des sujets nor-
maux ne présentent pas cette illusion, quoiqu'ils sachent déjà bien
apjirécier les différences de poids. Au contraire, plusieurs d'entre eux
])enchent vers l'illusion opposée qui consiste à estimer le plus lourd,
rol)jet le plus gros, comme nous ferions nous-mêmes avant de soule-
ver les tubes. Leur illusion est renversée.
Chez les aveugles, l'illusion apparaît beaucoup plus tard que chez
les voyants : il faut reculer jusqu'autour de dix-buitans, l'âge auquel
cette illusion s'établit chez la généralité des aveugles. La vue a donc
bien une influence sur le développement de l'illusion.
2" Développement de cette illusion. — Ce qui j)récède montre que
(1) Travail du laboratoire de psycliolngic de Paris.
(2) Année psycholof/ir/ue, li9îj, p. 198.
(3) American Journ. of Psycholof/ij, vol. VI, n» 3, 1895.
1
680 ANALYSES
rillusiou n'osl ni hérédilairo ni primitive : si Ton obseive attentive-
ment la faeon dont elle apparaît chez des sujets de divers âges, on
voit qu'elle se développe inégalement pour la main droite et la main
gauche, qu'elle semble subir des arrêts, que ces variations se produi-
sent surtout aufoiu" des périodes critiques du développement orira-
nique. Tout cela joint au retard constaté chez les aveugles, nous
incline à conclure que le développement de l'illusiou est corrélatif
au développement physiologique du sujet et le suppose : si l'on pou-
vait suivre, à ce point de vue, l'évolution organiijue et mentale d'un
enfant depuis l'apparition des sensations tactiles et visuelles, on viv-
rait sans doute à quel moment naît, comment et sous quelles
influences s'établit l'illusion.
3» Mesure de V illusion. — M. Dresslar se contentait de faire apprécier
la dilTérence du poids estimé ; M. Flournoy adopte le procédé plus pré-
cis des surcharges ajoutées à l'objet jugé [dus léger jus(iu"à ce qu'i
paraisse aussi lourd que l'autre : mais il n'applique ce procédé qu'à
l'objet le plus lourd et au plus léger. Nous l'avons étendu à tonte la
série : les volumes de nos tubes étant comparables, l'accroissement de
l'illusion à mesure que s'accroît le volume a pu être exactement
mesuré. L'illusion est proportionnelle au rapport de longueurs et
diamètres, et non au rapport des volumes : ainsi, un tube double d'iiii
autre en longueur et diamètre paraît peser moitié moins (le poids
étant uniformément de 50 grammes). Le rapport est donc de i à 2;
celui des volumes est au moins de 1 à 4. Notons (}ue si l'illusion est
renversée, c'est au lube le plus petit (ju'il faut rajouter la suichargi-
pour rétablir l'équilibre.
4° Causes de F illusion. — Elles nous semblent doubles: la vue es!
au premier stade, et (piand elle agit seule, l'objet le plus petit paraît
le plus léger ; mais l'intervention de l'elToit nécessaire jiour soidever
l'objet )-e^oî<;-ne l'illusion, et c'est l'objet le plus gros (pii paraît alors
le plus léger. Juscpi'à preuve du contraire, nous e.\iili(pu'rons cela
comme nos d(nanciers : voyant un objet plus gros, nous mobilisons
[tour le soulever une quantité d'elTorls [)lus grande. En le soulevant,
nous sentons cet elTort trop grand et en relirons une partie j.our
adapter notre effoit au poids vrai. L'efl'ort rentre vient alors en déduc-
liou de l'elîort réel, et le l'ait paraît moindre qu'il n'est en fait : d'où
l'illusion d'une sensation de poids nioindie. ('.ette illusion est persis-
tante chez l'adulte : nous avons cependant recueilli un témoignage
montrant que l'éducation peut la rectifier.
D'autre part, sa rareté cliez l'enfant en bas âge et l'aveugle adoles-
cent prouve qu'elle n'est pas primitive. Elle ne démontre donc [)as la
non-existence du sentiment d'innervation.
l'our serrer encore davantage le jioint criti(pie de ces recherches,
l'un de nous a commencé une série d'expériences pour enregistrer
d'un côté l'allure du nunivement fait ])oiu- soupeser l'objet, et.de
l'autre la fatigue produite [jar l'effort maintenant soulevés deux
j
ILLUSIONS DES SENS 681
objets de poids égal (1 kilogramme de plume et 1 kilogramme de
plomb) mais de densités et volumes très ditTérenfs.
J. Philippe.
A. THIÉRY.— Uebergeometrische-optischeTauschungen. {Sur les illu-
sions optiques géométriques.) IMiilos. Stud., XI, p. 307-371, 003-020 et
vol. XII, p. 67-120.
C'est un travail très complet sur les illusions optiques géométriques,
l'auteur a fait un grand nombre d'expériences pour les différentes
illusions et dans chaque cas il donne une explication. Les illusions
géométriques sont divisées par lui en deux groupes :
i° Illusions de direction :
a.) Illusions sur des lignes parallèles coupées par des lignes trans-
versales parallèles ;
b.) Illusions semblables lorsque les transversales convergent ;
c.) Illusions sur les transversales elles-mêmes.
2° Illusions de grandeur :
a.) Illusions sur des figures semblables coupées par des transver-
sales parallèles ;
b.) Illusions sur des distances mesurées qui sont coupées par des
transversales convergentes ;
e.) Illusions analogues sur des figures non semblables coupées par
(les transversales parallèles ;
d.) Illusions sur certaines distances sans relation spéciale avec
les transversales ;
e.) Causes générales des illusions dans les appréciations de gran-
<leurs.
La troisième pari if du tiavail di- M. Tbiéry ayant [laru en dé-
it'mbre95,letemps nous a man(jué pour faire une analyse complète
lie ce travail capital; nous y reviendrons avec des détails l'année
prochaine ainsi que sur le travail de Heymans: Quantitative Unter-
suchungen i'iber das opiiscfie Pnradoxon (Zeitsch. f. Psycb. u. IMiysiol.
d. Sinn., vol. IX, p. 221-255) relatif au même sujet.
Vjctor Henri.
H. C. WAIIRKX. — Sensations of Rotation. {Sensations de rotation.)
Psych. U.'v., Il, 3, mai 1895, p. 273-270.
Le sujet est étendu sur une plalc-l'orme touiiiaiilt;, placi'e dans
une chambre dont les deux rnnis opposés sont recouverts de grandes
bandes verticales de |)apiiT blanc Des écrans l'entourent de manière
à ce que tous les objets de la chambre lui soient cachés, saxif les murs.
Un très grand miroir jilacé devant lui, et à son insu, rélléchit les
bandes des murs placées derrière bi sujet; ([uand h; sujet tourne
dans le sens des aiguilles d'une montre, que sa tète s'iulléchil vers
682 ANALYSES
la gauche, les bandes défilent dans le miroir, placé à ses pieds, dans
Tordre de gauche à droite, c'est-à-dire dans le même sens que ses
pieds, mais beaucoup plus vite. Dans ce cas, il se pi^oduit une
curieuse illusion. On n'a plus la sensation de tourner eu cercle ; les
sensations générales du corps donnent ({uand mèine la sensation
d'un déplacement, mais cette perception de déplacement, sous Tin-
lluence des perceptions visuelles, se trouve modifiée, et l'on croit
qu'on se déplace latéralement dans le sens où la tête tourne actuelle-
ment ; ainsi, dans le cas cité comme exemple, on a l'illusion d'un
déplacement latéi^al vers la gauche. L'auteur explique de la manière
suivante ce résultat : on [terroit dansle miroir le déplacement rapide
des objets vers la droite (chacun peut en faire l'expérience en sui'-
veillant dans une glace qu'on tourne lentement le déplacement des
images des objets placés derrière soi); les pieds, nous l'avons dit,
se déplacent dans le même sens, mais moins i^apidement ; on consi-
dère les objets réfléchis par le miroir comme immobiles, et on con-
sidère le mouvement des pieds comme se faisant en sens inverse,
c'est-à-dire vers la gauche, dans la direction delà tête, d'où l'illusion
d'un mouvement latéral vers la gauche. Remarquant que dans cette
illusion complexe, la direction réelle du mouvement des pieds est
complètement modifiée et même tenue pour nulle, tandis que le sujet
tient compte de la direction du mouvement de la tête, Fauteur con-
clut (pie les organes des sens percevant le mouvement de progression
sont localisés dans la tête. Il lui semble que si c'était le système vaso-
moteur du corps tout entier, (pii donnât la sensation de déplacement,
il n'y aurait jias de raison pour (jue dans ses expériences cette sen-
sation de déplacemiMil fut conservée seulement dans la tète. Cette
conclusion est fort importante. Est-elle légitime ? 11 est possible (jue
si, dans les expériences susdites, la direction du mouvement de la
tête est mieux conservée que celle des pieds ila us l'appréciation
générale du sujet, c'est parce que l'illusion produite par le déplace-
ment des objets dans le miroir s'harmonise mieux avec cette inter-
prétation ; si toutes les autres conditions lestant pareilles, le dépla-
cement des objets dans le miroir se faisait de droite à gauche (ce
• lu'on obtiendrait facilement avec dc'ux miroirs) aurait-on encore
l'illusion du déplacement latéral du corps vers la droite, ou bien
l'illusion de déplacement se ferait-elle vers la gauche? iS'ous i)roj)0-
sons cette expérience à M. Warren.
Alfred Hinet.
ll.-W. WOOI). — The Haunted Swing. ';Lrt balançoire hantée.) Psych.
llev.. Il, :! mai, 189o, |.. 277-278.
Illusion i»roduite par une balaneoire immobile placée dans une
chambre mobile (contenant un piano, des chaises, un sofa, le tout
axé aux murs et au parcjuet) ; on donne une impulsion à la chambre
ILLUSIONS DES SENS 683
entière, qui se meut autour de la balançoire, et donne aux personnes
assises dans la balançoire l'illusion que celle-ci se meut. Ce curieux
spectacle a été donné à une exposition de San Francisco. Quelques
personnes éprouvaient, sous l'influence de ces sensations visuelles,
les mêmes sensations de vertige que dans le balancement réel.
A. H INET.
f
ATTENTION ;
•i
REVUE GÉNÉRALE SUR L'ATTENTION ET LA DISTRACTION I
1. PIERRE JAXET. — Attention. Dictionnaire de physiologie, I, I
[). 831-839.
2. W.-G. SMITH. — The Relation of Attention to Memory. {Les rela-
tions de l'aUention et de la métnoire.) Mind, Janv. 1895, p. 47-73.
3. A. -H. DAMEES. — The Memory After-Image and Attention. (La
mémoire immédiate et l'altention.) Amer. J. ol' Psycli., Ni, i, jan-
vier 1895, p. 558-564.
4. .1. CRIER HIRREN. — Sensory Stimulation by Attention. {Stimuta-
tiondes sens par rattenlion.)i*>\iU.]\f\., Il,4,.jnillel 1895, [». 309-37(5.
5. R. LÉPINE. — Sur un cas particulier de somnambulisme. Arch.
d'anlhropolosjie criminelle, janv. 189:i, \u 5 à 12.
Il n"a point [laiu au cours de l'année de travail impoilanl ayant eu
pour objeLspi'cial l'élude de rallniliou. Mais beaucoup de recherches
d'un autre oïdie contiennent, cela va sans dire, des renseignements
qui se rai)itortent. à cette (lueslion. (TesL ainsi que nos expériences
personnelles sur la circulation capillaire nous ont amené à ilislin-
guer deux espèces d'aUenlion, Pal tention portant sur des phénomènes
d'idéation, et laliention portant sur des objets extérieurs ; ces deux
espèces d'attention ne modilieiit pas dans le même sens les mouve-
ments res])iral()ires et la ciiculation ca|)illaire.
1. Dans iiotr(! présente analyse, nous avons à parler d'ahord d'un
article de dictionnaire, signé Pierre Janet, ([ui traite de l'.itlenlion
en général.
E'auteur résume rapidement (luelques-uns des travaux contempo-
rains sur l'attention : nous nous contentons de signaler le plan de son
travail, car la plupart des documents qu'il cite se trouvent analysés
dans V Année psycholo;/iqui',i89o. 1« Délinition de l'attention : direction
particulière de l'esprit vers un objet à l'exclusion de tous les autres;
2-^ etîets de l'attention ; augmente l'intensité des états de cous-
i
ATTENTION 685
cience — ceci est douteux; produit des oscillations, augmente la
rapidité des processus, donne naissance à des associations d'idées,
à des souvenirs, synthétise ; 3° degrés de l'attention ; 4° objets de
Tattention : elle est sensorielle, ou intellectuelle (dérivée) ; 5" forme
de l'attention ; elle est automatique ou volontaire ; 6° théories de
Tattention ; certains auteurs pensent que l'attention dépend toujours
de mouvements (Rihot, Miinsterberg, Lange, etc.) ; d'autres font
jouer surtout un rôle à l'idée anticipante.
La principale objection qu'on puisse faire à cet excellent article,
c'est que l'auteur n'a point décrit les manifestations physiques de
l'attention ; il dit qu'il y a des changements respiratoires analogues
à ceux qui accompagnent tout effort ; assertion qu'on pourrait con-
sidérer comme inexacte si elle n'était pas si vague. L'auteur n'a point
jiarlé de la mesure de l'attention.
2. Deux articles (2 et 3) ont pour objet l'étude de la distraction,
lejle qu'elle peut être réalisée expérimentalement au laboratoire, par
(Ifs individus normaux; l'innuence de cette disfraction volontaire et
({uelque peu artificielle a été étudiée surtout au point de vue de la
mémoire d'acquisition ; pendant l'état de distraction, il y a un
affaiblissement 'du pouvoir d'acquisition de la mémoire. Dans les
deux autres articles (4 et 5), on trouvera des observations patholo-
giques d'un certain intérêt, mais un peu difficiles à comprendre ; il
s'agit de sujets qui ne fixent point leur attention sur certains genres
d'objets, et qui ne paraissent pas percevoir ces objets; la distrac-
lion, si on peut leur appliquer ce terme, produit un effet bien plus
considérable que dans les expériences précédentes de psycho-
logie ; elle efface complètement des ensembles de perception, elle
rend les malades insensibles, aveugles et sourds. En réunissant dans
une analyse commune ces différents phénomènes, nous sommes
loin d'admettre qu'ils dépendent d'une même cause, et que la dis-
Iraction expérimentale soit l'équivalent de la distraction patholo-
gique. Il suffit même de s'en tenir aux documents que nous allons
analyser pour bien saisir cette vérité importante qu'il y a deux
formes profondément distinctes de distraction, l'une produite pai'
(les sensations, des idées, des préoccupations quelconques, l'autre
jiroduite par des causes qu'on ignore et qui en tout cas j)euvent ne
jias être psychologiques. Les distractions des expériences de labora-
toire sont de la première catégorie ; quant aux distractions palliolo-
giques, on n'en connaît pas exactement la cause.
Le travail consciencieux de Smith a été commencé à Leipzig, en
1893, dans le laboratoire de NVundt, et terminé- en ISUi dans le labo-
ratoire physiologique d'Oxford; neuf sujets, la pluj)ail étudiants en
psychologie, se sont prêtés aux recherches. La méthode, dont le prin-
cipe a été emprunté à Miinsterberg', consiste à illuminer pendant
{[} Beitrâf/e zur experintenlellen l'sijcholof/ie, Ilcl't. IV, p. 121.
686 ANALYSES
dix secondes, avec une lampe électrique ou une lami>o à gaz, une
carte sur laquelle douze lettres sont disposées en carré, en trois
rangées de quatre lettres chacune ; ce sont des lettres ne formant pas
de mots ; le sujet doit regarder les lettres pendant dix secondes, les
retenir, et quelques secondes après les reprodiiire en inditjuant leur-
position, En outre, on étudie l'effet de distraction produit sur la mé-
moire des lettres par des opérations que le sujet exécute en con-
templant la carte de lettres ; ces opérations sont réglées par un
métronome battant de 60 à 70 coups par minute"; le sujet doit
suivre le rythme du métronome soit en frappant chaque fois un
coTTp sur la table avec le doigt, soit en prononçant chaque fois la
syllabe la, soit en prononçant chaque fois un terme d'une série de
chiffres obtenue par addition, par exemple la série 2, 4, 6, 8.., ou
la série 3, 6, 9, 12...; la première distraction est musculaire, la
seconde vocale, la troisième mentale. D'une manière générale, ces
causes de distraction affaiblissent le travail de la mémoire, dimi-
nuent le nombre de lettres exactes retenues, et le nombre de posi-
tions exactes indiquées. Qiuitre tables résument les résultats. L'au-
teur a employé deux méthodes pour calculer les erreurs, l'une,
négative, consiste à compter le nombre des oublis, des changemenis
de position et des lettres fausses ; l'autre, positive, consiste à comp-
ter le nombre des lettres exactes retenues et des positions exactes
retenues; les deux méthodes conduisent à des résultats analogues.
La distraction musculaire a causé une augmentation très petite
d'erreurs, bien plus petite que la distraction vocale; celle-ci produit
également des effets moindres que la disiraclion mentale. Le nombre
moyen d'erreur a été (pour 12 lettres, nous le lappelons ; chaque
genre d'erreur, omission, inversion et invention d'une lettre comii-
tant pour l) :
État normal 7,4
Distraction uiusculairo 7,95
Distraction vocale 8,7
Distraction mentale 9,7
Si la distraction vocale est plus forte que la distraction musculaire,
cela tient, non à ce que l'opération musculaire de l'articulation est
compliquée, mais à ce qu'elle empêche le sujet de prononcer,
iiirinc laililfuit'ut, la lettre (pi'il voit; probablement cette arlicuia-
(iou faible facilite beaucoup la mémoire, et par conséquent ces
expéiiences montrent le lien de l'élément sensoriel avec l'élément
moteur. Dans la distraction mentale, la difficulté de prononcer les
noms des lettres n'est pas augmentée ; mais il y a une opération
surajoutée, l'addition, qui diminue l'énergie de l'attention; le sujet
ne comprend plus le sens des lettres qu'il voit, il n'en perçoit plus
([ue la silhouette, l'aspect visuel, il est dans un état analogue,
nous dit-on, à celui de la cécité verbale; et l'auteur suppose que
f
ATTENTION 687
dans les perceptions ordinaires il existe toute une masse d'idées et
d'images qui s'associent à la sensation, et résultent d'une excitation
très légère des centres d'idéation ; tandis que dans les états de dis-
traction ces idées interprétatives ne s'éveillent pas. L'auteur aurait
[lU, sans chercher aussi loin que la cécité verbale, comparer les étals
de ses sujets distraits à ce qui se passe chez chacun de nous lorsque,
pendant une lecture, nous suivons une idée qui nous est venue, tout
l'U continuant à lire des yeux. C'est un très curieux phénomène
spontané de distraction, qui quoique difficile à provoquer à volonté,
mériterait ce nous semble une étude particulière.
3. Il existe plusieurs espèces de mémoire ; celle qui a été le plus
souvent et le mieux étudiée est la mémoire médiate, à plus ou moins
longue échéance, dans laquelle le souvenir est rappelé par associa-
tion d'idées. Daniels n'étudie point cette mémoire, mais une autre
espèce de mémoire, plus élémentaire, qui consiste presque unique-
ment dans la persistance de l'impression, quelque temps après que
la cause excitante a cessé d'agir; c'est ainsi qu'on compte les coups
d'une cloche en les reprenant depuis le commencement, alors même
qu'on commenceà compter après les premiers coups. Cette mémoire
a été appelée par Fechner* Erinnerungsnachbild ; Exner'^ l'a étudiée
sous le nom de « image-mémoire primaire » et en donne des
exemples tirés du sens de la vue et du sens de l'orne. Il remarque
que l'image s'évanouit en quelques secondes si elle n'est pas fixée
par l'attention. Dans la même catégorie rentrent les recherches
faites sur la mémoire immédiate des chiffres et des lettres, au sujet
desquelles l'auteur fait une observation qui ne nous paraît pas juste :
c'est que comme on peut en moyenne répéter immédiatement huit
chiffres dits avec un intervalle d'une seconde par chiffre, cela
prouve que la mémoire immédiate pour le premier chiffre est de huit
secondes; l'auteur aurait dû tenir compte de l'effet perturbateur
produit sur la mémoire par les chiffres suivants. Il cite encore
comme appartenant au même sujet les expériences de Dietze ^ et do
Wolle -^ Les premières consistaient à produire plusieurs groupes de
battements de métronome, et à comparer ensemble ces groupes ;
or, comme on ne peut comparer un groupe qu'à la condition de le
saisir dans son ensemble et de garder dans son oreille le souvenir du
premier son du groupe, ces expériences peuvent servir à connaître
la durée des souvenirs immédiats. Seulement, les résultats sont ici
compliqués par la présence du rythme, qui aide et soutient la mé-
moire. Les expériences de Wolfe sont plus simples; elles consis-
taient à retenir des sons musicaux, et à les reconnaître au bout d'un
{l) Elemenle de)' Psychophysi/c, II, p. 491.
(2) Gonf. James. Psycholoyy., I, p. 646.
(3) l'hil. Slud., Il, p. 362 ; conf. Wundt, P/iya. P.sych., i' éd., II, p. 288.
(4) Phil. Stud., 111,534; conf. Wuiidt, Phys. Psych., 4« édit., II, p. 431.
688 ANALYSES
iiilervalle donné ; Wolfe a trouvé que la recouuaissauce pouvait se
faire encore au bout de soixante secondes.
Pour éviter que la mémoire immédiate ne se confondît dans ses
expériences avec la mémoire médiate, l'auteur a jugé bon de faire
les expériences pendant un état de distraction des sujets ; ceux-ci i
font à haute voix et vite une lecture intéressante, et pendant cette
lecture, on prononce à côté d'eux des nombres de plusieurs chiffres ;
ils doivent porter exclusivement leur attention sur la lecture et em-
pêcher les chiffres de leur revenir à l'esprit jus(|u'à "ce qu'un certain
intervalle se soit écoulé ; au bout de cet intervalle, ils di^ent quels
sont les chiffres qu'ils se rappellent.
Ce procédé détourné a pour but d'empêcher les sujets de faire des
associations pendant qu'ils perçoivent l'impression à retenir ; on
sépare par conséquent la mémoire médiate, si complexe par suite
du travail mental qu'elle supiiose, et la mémoire immédiate, qui est
plus simple. Ajoutons qu'on étudie également par ce moyeu la mé-
moire de l'état de distraction, ce qui offre un certain intérêt.
La principale difticulté des expériences consiste à maintenir l'état
de distraction. Le sujet, qui sait qu'on lui demandera de répéter les
chiffres, ne peut pas toujours s'empêcher d'y penser. Les retours de
chiffres dans la conscience pendant la lecture sont d'autant plus fré-
(luents que le temps qu'on laisse écouler jusqu'au moment où le
sujet répète les chiffres est plus grand. Ainsi, pour une des personnes,
les résultats sont les suivants : dans un intervalle de cinq secondes
le nombre de cas oîi il n'y a pas de retours est de 47 ; jjourun inter-
valle de vingt secondes, ce nombre de cas n'est plus que de 19. Ces
retours fréquents sont du reste un des procédés les plus habituels
[lar lesquels nous fixons nos souvenirs.
Les expériences faites sur deux sujets montrent que cette mémoire
immédiate, pour 3 chiffres, dure peu de temps ; sa limite est de
(|uinze secondes. Au delà de ce temps on ne peut reproduire aucun
chiffre. Encore faut-il tenir comi>te que l'état de distraction n'a
jamais été complet ; s'il l'avait été, l'auteur pense que la persistance
serait encore moindre. A remarquer aussi que sur les 3 cliilfres c'est
le dernier qui le plus souvent est mieux retenu que les autres. Bien
que la méthode employée par l'auteur ait été très différente de celle
Je Sniilli — la différence a consisté principalement en ce fait que la
percei)tion à retenir et les états de conscieMC(; produisant la distrac-
tion étaient ici de même nature sensorielle, de nature auditive, tandis
que dans les reclicrches de Smith c'étaient des sens différents qui
entraient en activité — malgré cette différence, les résultats ont été
assez concordants. Il serait à désirer ([u'un expérimentateur eut le
courage d'exploi-er tout ce domaine dans sa totalité, en employant
tous les modes connus de distraction.
4. Hibben a appris indirectement, par une nourrice intelligente
et aussi par le témoignage d'un médecin, l'existence d'une enfant
ATTENTION 689
([ui présente les caractères psychologiques suivants : on ]"a crue
longtemps atteinte de surdité congénitale; on a même consulté un
spécialiste ; on s'est aperçu ([u'elle entend seulement quand son
attention est lixée sur le bruit et les paroles par un vif intérêt, par
exemple si on lui montre des gravures ; quand elle regarde par la
fenêtre, on peut l'appeler i)ar derrière et lui parler à haute voix, elle
n'entend rien. Elle est aujourd'hui âgée de huit ans. Le développe-
ment du langage s'est fait chez elle très lentement. Après avoir rap-
porté cette observation curieuse, mais qui nuui(|ue malheureusement
de détails, l'auteur la rapproche des observations analogues (jui
existent dans la science, et des expériences sur l'action de l'atten-
tion. Il rappelle que, d'après beaucoup de psychologues, toute per-
ception comprend une action sur les sens et une réaction de l'esprit
et que cette réaction qui constitue l'attention permet à la sensation
de devenir consciente ; c'est ce ([u'on constate bien facilement en
écoutant un bruit faible, celui d'une montre tenue à distance : on
n'ezitend le bruit que si on fait un effort pour écouter. Mais ce que
le cas de celte enfant présente de particulier, c'est une systématisa-
tion de l'attention, comparable à celle des hystériques et des som-
nambules, (jui ne perçoivent que ce qui rentre dans le cercle de
leurs idées, de leurs préoccupations ou de leurs actes, comme cette
femme en somnambulisme qui voyait la bougie qu'elle avait allumée
et ne voyait pas la bougie allumée par une autre personne.
5. Description curieuse de l'état mental pi'ésenté par un hysté-
rique de vingt-deux ans, après un accès de somnambulisme. 11 n'en-
tend absolument (jue les bruits qu'il écoute. In luuit assourdissant,
une cloche agitée près de son oreille ne produit aucun soubresaut.
Mais il entend un bruit très léger, le tic tac d'une montre, qu'on le
|>rie d'écouter. Si une i)ersoiine lui parle, il lui répond et n'entend
qu'elle; un tiers ne sera ni vu, ni entendu, à moins qu'on ne le lui
])résente ; si on l'avertit de la présence de ce tiers, il se tourne vers
le nouveau venu et cause avec lui ; dans ce cas, le plus souvent il
perd communication avec le j»i'emier intiirlocuteur. En lout cas (Ui
na pas pu réussir à le maintenir en communication avec 3 personnes
à la fois. I^uis, si la sœur de l'hôpital airive avec la soupe, il se
met à manger et cesse d'être en communication avec les autres
])ersonnes. Pour la vue, l'effet est le même, mais moins marqué.
Si on touche le malade sans qu'il b' voie, il tremble, cliancelle et
lombe en arrière (altaqvn;) ; cet elfet de surprise n'est pas, selon
l'auteur, sans analogie avec ce qu'on observe à l'état normal ; on
sait, dit-il, qu'une personne saine, fortement surpi ise, se met à trem-
bler de tous ses membix-s et éprouve une sorte de crise sans perte
de connaissance. Si on touche le malade ostensiblement, si par
exemple c'est la personni; avec knpndle il cause (jui h; touche, le
malade ne tressaille pas. Enfin, fait curieux, si la personne avec
laquelle il cause lui secoue fortement l'épaule, il continue à causer
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 4i
690
ANALYSES
paisiblement sans païaîlre s'apercevoir de ce siniiulier i>rocédé, el
il ne tressaille pas.
L'auteur rapproche cel état mental de Triât de dislraclioii ([ui se
réalise chez toute personne qui médite. Ce qu'il y a seidemeut do
remarquable chez ce malade, c'est (jue pour lui, l)ien qu'il ni' médite
pas, l'état de distraction est absolu.
Dans laUevuede médecine, iwùl 1894, l'aulcura donné' des rensei-
iinements médicaux sur son malade, qui est \in hystérique, avec
stigmates et attaques. ]/auteur exjtose aussi à ce sujet une hypo-
thèse histoloeique qui a fait quelque bruit quand Mathias Duval l'a
reprise : l'absence de fterceptions sensoriellrs chez ce malade serait,
due au défaut de contittuité des extrémités des prolongements qui
mettent en communication les neurones de l'écorce ; le contact se
produirait au moment de l'aUenlion. Inutile de faire remarque)'
combien cette explication est hypothétique.
Pour terminer, nous insisterons à nouveau sur lidt'i' (juc nous
avons indiquée plus liant; dans les exiiériences de laboiatoire la
distraction est produite par une perception, un travail mental quel-
conque ; dans les deux cas pathologiques signalés, on ignore la cause
de la distraction; est-ce une idé'c tixe, une débilité mentab', um^
inertie de l'esprit? On ne le sait pas au Juste, c'est (l'iicinlanl la
([uestidU ([iii serait suitout inli'icss.iiilc à ('iiicider. .Iusc|iià [dus
ample inforané, on ne déviait pas a|i|iiii]ueià des cas aii>si dillei'ents
le même terme île dis! i ad ion.
A 1.1 K EU Hl.NKÏ.
VII
MÉMOIRE ET ASSOCIATION D'IDÉES
SOMMAIRE
Expériences de Baldwiu, \Varren et Shaw, Bourdon, Lewv, iNevers,
Sinnuons.
.1. MAliK BALDNVLN et W.-J. SHAW. — Memory for Square-Size
{Mémoire de la grandeur des carrés).
H.-C. NVARUEN et W.-J. SHAW. Further Experiments on Memory for
Square-Size {Nouvelles expériences sur la mémoire de la grandeur
des carrés). Psycli. llev. II, 3, mai 1895 ; p. 236-244.
Ces recherches ressemblent beaucoup à celles que nous avons
publiées Tan dernier en collaboration avec V. Henri * sur la mémoire
(les longueurs. Les auteui's ont étudié la mémoire des carrés. Ils
ont fait leurs expériences par la méthode collective, c'est-à-dire en
opt-rant à la fois sur un grand nombre d'individus, ce qui est une
l'-liargne considéi'able de temps. Ils avaient à leur disposition une
classe de 223 personnes, dont oO étaient des dames. Ce nombre est bien
considérable, et peut-être faudrait-il tenir compte de la distance sépa-
rant ces i)crsonnes du modèle ({u'on leur monti'ait; nous ne trouvons
|ias dans l'article d'allusion à ce point particulier. On laissait écouler
onlre le moment où le carré était montré et celui où se faisait
ré})reuve de mémoire, un temps assez long, de dix, vingt ou qua-
lante minutes selon les cas.
Dans une premièi'e recherche, on a examiné deux points particu-
litîrs : quelle est la nK'tliodt! à ('iii])loyer pour coimaîlre l'état de la
mémoire — et quelle est rinlluence du temps sur les souvenirs.
Pour les méthodes, trois ont été mises à l'épreuve : 1'' La méthode
de reproduction, consistant à dessiner le carré de mémoire ; la gran-
deur du carré modèle était de 170 millimètres. Les dessins de mé-
moire ont été trop petits, ou moyenne de 146 millimètres. Ce résultat,
(I) Année psychologique, I, p. 402.
692 ANALYSES
que les auteurs considèrent comme inattendu, est confoimc aux
nôtres; nous avons vu que les enfants de 8 à 12 ans diminuent,
en la reproduisant de mémoire avec la main, une longueur dv
17 centimètres. — 2° La méthode de sélection, consistant à faire
retrouver un modèle de 130 millimètres carn's dans une série com-
prenant des carrés depuis 130 jusiju'à 210 millimètres. — 3" La mé-
thode d'identification, consistant à comparer le carré modèle, de
mémoire, avec un autre carré, pour juger lequel des deux est le
plus grand ou s'ils sont égaux; dans tous les cas, le' second carré
était plus grand de 20 millimètres. Les résultats de ces deux mé-
thodes sont comparés : ceux de la méthode d'identification sont les
meilleurs. En efTet, en comptant le tant pour cent des réponses
justes, on a pour la mélhode de sélection : 64,1 (après dix minutes) ;
'o9,3 (après vingt minutes); 36,4 (après trente minutes) ; la méthode
tridenlification donne 87,6 (après dix minutes) ; 82,7 (après vingt
minutes) ; 58,5 (après trente minutes).
Mais ces deux méthodes présenlent l'une ri raulre des causes
d'erreurs : si, quand on emploie la méthode d'identilication, le sou-
venir du carré diminue dans la mémoire, les résultats n'inditpieronl
pas l'erreur, puis<iue le modèle est réellement plus pi'tit i[\u- le
second carré que l'on montre ; ces résultats sont donc inconii)lels.
D'autre part, la méthode de sélection serait la cause d'crrciii^ loiil
aussi graves; si on f.iit retrouver un carré dans une série de
10 carrés, ayant de 100 à 190 millimètres, nous disent les auteurs,
et que le modèle à letrouver soit dans un cas de 120 millimètres et
dans l'autre cas de 170 millimètres, on observera que le snjel e>l
comme attiré vers le centre de la série, agrandissant le carré le plus
petit, et diminuant le plus grand. Ainsi, en moyenne, pour le carré
de 120 millimètres, on en désignera un de 123,3; pour le carré de
170 millimèlres, on en désignera un de 165. Nous ferons remar-
quer aux auteurs (pi'ils auraient pu donner plus de détails sur leurs
expériences, indiquer surtout le nomhre de leurs sujets. Huant à nous,
nous avons fait nos expériences sur plusieurs centaines d'enfants,
et la méthode de sélection — que nous avons employée sous un
autre nom; celui de méthode de reconnaissance — ne nous a jioinl
donné ces résultais; il y a eu constamment diminuliou de la
longueur des lignes dans la mémoire.
Poui- obvier à ces différents inconvénients, les auteurs ont i>rocédé
de la manière suivante : on montre un premier carré, qui est de
150 millimètres ; puis, an bout de <lix, vingt ou (piaraiile minutes,
on en montre un second, don! on fait varier la grandeur, dans des
épreuves successives, jusipi'à ce (]u'il paraisse égal au piemicr. On
trouve, d'une manière générale, que lorsque l(>s deux cairés sont
égaux, le deuxième est jugé plus petit; pour qu'ils soient jugés
égaux, il faut que le premier soit plus pelit : ce (jui semble nuuilrer
que le souvenir du carré lend à augmenter, à s'exagérer. Les auteurs
MÉMOIRE ET ASSOCIATION d'iDÉES 693
t^xpliquent ce résultat par une application bien hasardée de la loi de
Weber aux souvenirs,
Alfred Binet.
BUl'RDOX. — Observations comparatives sur la reconnaissance, la
discrimination et l'association. Hev. Phil., août 1893, p. 153-i8o.
L'auleur est de ceux qui pensent que sans ni'-gliuer l'étude des
sensations les psychologues doivent aujourd'hui s'attaquer résolu-
ment à des fonctions plus élevées de l'entendement. Son travail est
une série de recherches expérimentales sur la reconnaissance, la
discrimination et l'association; les recherches de ce genre n'exigent
point d'appareils, mais seulement beaucoup de patience, et quelques
personnes de bonne volonté consentant à servir de sujets. Il y a là,
par conséquiMil, une voie à indiquer à beaucoui) de professeurs de
philosophie qui, quoique n'ayant jamais fréquenté de laboratoire,
désireraient faire ch^ la psychologie expérimentale.
Reconnaissance. — La reconnaissance, d'après les traités classi({ues,
est le troisième temps de la mémoire ; la mémoire consiste à con-
server, à reproduire, et en troisième lieu à reconnaître. L'auteur n'a
point étudié la reconnaissance comme phénomène de mémoire, mais
la perception de reconnaissance, c'est-à-dire l'acte par lequel, perce-
vant un objet ou une personne, nous jugeons que cette personne et
cet objet nous sont déjà connus et ont été l'objet d'une perception
antérieure. Pour étudier la reconnaissance sous une forme expéri-
mentale, il suffit de donner à un sujet une série d'impressions des
sens, parmi les(iuelles deux seront identiques, et on verra sous quelles
conditions le sujet s'aperçoit de cette identité, et reconnaît la seconde
impression comme répétée. On pourrait faire la recherche au moyen
d'odeurs, de saveurs, de contacts, etc. L'auteur a choisi des lettres
et des mots. Il énonçait devant le sujet des séries de lettres ou des
séries de mots, avec une vitesse d'une lettre et d'un mot par seconde
ou par demi-seconde ; il avait le soin que dans la série un mot ou une
lettre fussent répétés. Le sujet ('tail invili' à écouter attentivement la
série, dontla longueur était telh- qu'on fût incapable de la remémorer
tout entière : on cherchait, en elfef, à étudier la reconnaissance et
non la mémoire de reproduction. Les expériences avec des lettres
sont [>lus difliciles ({u'avec des mots, [laice que l'un ne [leut pas
changer constamment les lettres, d'une expérience à l'autre, comme
on peut le faire pour les mots, et par conséquent le sujet peut être
embarrassé par le souvenir d'une expérience anl(';rieure.
(Juel(iues travaux ont déjà été faits, notamment en Allemagne, sur
la reconnaissance des impressions; nous-mêmes, en coILaboialion
avec M. V. Henri ', nous avons fait des expi'-riences sur la reconnais-
(l) Année psycholuf/ique, I. p. 19.
694 ANALYSES
sance des mot?, avec une métliode analogue à celle de Bourdon,
et nous avons constaté ce point important que Ton peut reconnaître
une quantité considérable de mots dont on ne se souvient ]ilus.
Bourdon s'est occupé de trois points principaux : a) A quel inter-
valle de distance la reconnaissance est-elle possible? Supposons que
la série de mots récités soit de 18; le mot qui est répété occupe le
rang 5 et le rang 14 ; récart entre les deux mots, qui est ici de 9.
exerce une grande influence sur la reconnaissance; s'il est liop
grand, la reconnaissance est impossible. En moyenne, "on trouve (jue
les reconnnis'^ancespar des adultes intelligents ne sont ni trop faciles
ni trop diiiiciles, pour les lettres, avec un nombre de 5 à 10 de
lettres interposées ; pour les mots, l'écart doit être de 7 à 14 mots.
Dans ces conditions le nombre des reconnaissances est de 50 p. 100,
à moins, bien entendu, que certaines circonstances, comme le sens
particulièrement intéressant d'un mot, n'en facilite la reconnais-
sance. Pour un mot donné, la distance à laquelle il peut être
reconnu fournit un critérium très délicat de l'intérêt qu'il présente.
L'éclat phonétique du mot, sa position au premier rang de la série
peuvent également rendre la reconnaissance plus facile et plus sûre.
b) Erreurs de reconnaissance. Les études publiées tout récemment
sur les paramnésies ou fausses reconnaissances * donnent quelque
intérêt à cette question. L'auteur constate <pieles erreurs de lecon-
naissance ont eu pour principales causes dans ses expériences : des
analogies phonétiques {i confondu avec j, b avec p, a avec /■, et
pour les mots, fer avec mer, jour et fourche, etc.), des analogi(^s de
sens (chaussure et bottine, etc.) ; à noter aussi que l'on se seul poi té'
à reconnaître les lettres ou mots qui ('■veillent l'attention. « Il y a
donc une certaine parenté entre le sentiment qu'on éprouve quand on
reconnaît quelque chose et celui qu'on éprouve en devenant attentif. »
c) Théorie de la reconnaissance. Cette question n'est point déplacée
dans une é tilde expérimentale; il aurait été seulement à désirer que
l'auteur l'eût traitée expérimentalement, comme les autres. Il nous
donne ses impressions personnelles. Pourquoi n'a-t-il pas recueilli
avec soin celles de ses sujets ? On a décidé'ment bien de la peine en
psychologie à ne pas traiter ses sujets en purs automates. Quoi (piil
en soit, l'auteur combat l'hypothèse d'après laquelle la reconnais-
sance se ferait par la comparaison entre un souvenir de l'objet et sa
perception actuelle. Ce n'est là, dit-il, que du raisonnement, et non
de robservalion. Son observation personnelle lui montre que dans
la reconnaissance il y a simplement une perception plus rapide, ]ilus
facile, avec accompagnement (Vun sentiment intellectuel sui generis,
qu'on appelle sentiment de reconnaissance et qui entre dans ce
groupe auquel appartiennent la certitude, le doute, le sentiment de
savoir, celui de comprendre ou de ne pas comprendre. Quand nue
(1) Année psychol.. L p. 414.
MÉMOIRE ET ASSOCIATIO"* d'iDÉES 69o
perception ou une représentation se produit, dit Bourdon, certains
psychologues supposent tout de suite d'autres représentations,
cachées on ne sait où, et qui aperçoivent, s'assimilent, repoussent
la nouvelle arrivante. C'est l'hypothèse des représentations latentes,
hypothèse complètement fausse, et la psychologie fera un progrès
considérable (d'après Bourdon) quand cette hypothèse aura été
définit ivement abandonnée.
Discrimination. — C'est une opération qui ne diffère guère de la
précédente. L'auti-ur met sons les yeux de ses sujets un texte et les
prie de le parcourir le plus vite possible pendant un temps donné
(quatre minutes) en barrant d'un trait vertical de crayon certaines
lettres convenues d'avance, par exemple tous les a. Celte recherche
conduit l'auteur à quelques constatations de détail, et ensuite à une
théorie. Parmi les constatations de détail, nous signalons les
suivantes : le temps consacré à une lettre à marquer est de 6 à
M fois plus long en moyenne que le temps consacré aux lettres qui
ne sont pas à marquer; chaiiue lettre, pour être sommairement
[lerçue, exige de 7 à 8 centièmes de seconde; la lettre marquée a
licsdin de 5 à 7 dixièmes de seconde. Cette diflV'rence tient d'abord
à ce que le temjis de perception nette est supérieur au temps de
percejiiion confuse, et à ce que la perception nette exige un court
effort d'attention qui immobilise un moment l'œil ou la tète ; chacun
sent lui-même ces petits arrêts de la tête ou de l'œil, à chaque fois
qu'il rencontre une lettre à marquer ; mais, en outre, il faut tenir
compte du temps relativement considérable pris par l'acte de
marfjuer une lettre au crayon, et il est bien difficile de faire la part
de temps exigé par cet acte.
Le nombre des omissions varie avec les personnes dans une
mesure très large et constitue d'importantes caractéristiques indivi-
duelles ; tel oublie 1 à 2 p. 100 des lettres à marquer; tel autre en
oublie Jusqu'à 20 p. 100. Il n'y a pas de relation entre le nombre
des omissions et le temps mis à effectuer les opérations : on trouve
des personnes qui peuvent à la fois travailler vite et bien. Ii'iinc
manière générale, les omissions ont été le moins fiéquentes pour la
lettre e et le plus pour l'o ; ce qui tiendrait, dit l'autfnir, à ce que la
première lettre a une conqdexité de forme qui attire l'attention,
tandis que l'o a une forme très simple.
Sur l'état mental des sujets pendant les expériences, l'observation
la plus curieuse est que plusieurs individus peuvent lire les lettres
sans les prononcer mentalement. Ceux qui déclarent (|u'ils pronon-
cent mentalement présentent un temps très long de lecture meiilale :
doù l'auteur liit- cette conclusion pédagogique que les maîtres
<levraienl liabiluer les élèves à lire des yeux, sans prononcer menta-
lement ; ce serait inie éionomie de temps et de travail.
Les quelques mots qu'il a écrits sur le mécanisme de la discrimi-
naT.ion reposent évidemment sur une auto-observation; il pense que,
i
69G ANALYSES
loisqiruii a à iiiaiiiucr une li'lUe, oeilo-ci n'existe pas dans l'esprit,
pendant le coins de l'expérience, à l'état de repi^ésentalion. La
discrimination n'est jias un acte volontaire, et très souvent on sent
très bien qu'on marque les lettres macliiiuilemenl. Il serait à désirer
que l'auleiu- eûl recueilli sur ces (jueslions le l(''moianage de ses
sujets.
Associations verbales. — Ou a déjà fait beaucoup d'expériences
sur les associations verbales ; on n'envisage ici qu'une toule |ie[ile
partie de ce iiraiid sujel. Des listes de mots comprenant des
noms, des adjeclil's et des verbes, sont placées entre les mains
des sujets, qui doivent écrire à la suite de chacun de ces mots celui
i|ui leur vient à l'espril. Le nombre de ces suggestions, qui aug-
mente beaucoup avec la répétition des expériences, varie de dix
à vingt par minute. Ces expériences ayant été répétées pour les
mêmes pei^sonnes, et avec les mêmes mots, à un ou plusieurs jours ;
d'intervalle, on a pu calculer le nombre d'asociations qui se réjjètent
d'une expérience à l'aulre; la persistance des associations exprime
à la fois la stabilité intellectuelle et le jjeu de richesse des idées ; siu-
sept sujets examinés, trois forment un groupe chez qui l'instabililé
est grande; le quatrième a[i[iartient à un type moyen; les trois
autres présentent une izrande stabilité. Oi', les premiers s'adonnent
à des éludes liltiMaires et les derniers sont des scientiliques : il y
a donc là des indications pour des recherches xdtérieures sur le
caractère intellectuel.
La nature grammaticale des associations donne lieu à ([uel([ues
reniar(]ues curieuses ; on trouve 4 [i. 100 d'associations de noms-
verbes (comme porte-plume-écrire) , 3 \k 100 d'associations d'ad-
jectifs-verbes (comme froid-chau/fer) ; uiu- proportion plus élevée/
lévélerait même, dit l'auteur, une disposition à rincohérence. Les-
associations nom-nom (comme chapeau-tête) sont de 55 p. 100,
et de nom-adjectif (comme chapeau-blanc) sont de 41 p. 100.
Les associations d"adjectif-nom (comme grand-mouchoir) sont de
42 p. 100 et d'adjectif-adjectif (comnu^ bleu-rouge) sont de
55 p. 100. Kniin, ou trouve 60 p. 100 de verbes-noms, 18 de verbes-
adverbes et 19 de verbes-verbes. La fr('-(|ueuce de l'une ou l'autre de
ces associations chez un inènu' individu peut iM-lairer dans (piehiut;
mesure la nature de sou esj)ril. « Lors(|u"on trouve chez une même^
personne beaucoup de nonis-iu)ms, d'adje.^tifs-ailjectifs et de verbes-
verb(;s, c'est qu'on aura affaire à un esprit logiipu', doué d'une forte-
tendance à associer i>ar conrdinatiiui. »
L'auteur a mis dans son travail ses qualités habituelles de bon
sens et de conscience ; nous regrettons (lu'il ait nt-gligé systémati-
([uement riustori(|ue des ([uestious dont il traite; il parle dt; la
reconnaissance, de l'association des idées connut; si on ne s'était
jamais occupé de ces jdn'nomènes avant lui ; pour la discrimination,
il cite ru note le travail de Callell sur le temps nécessaire pour
MÉMOIRE ET ASSOCIATION d'iDÉES 697
percevoir, mais il n'a pas cru utile de coniiiarer ses résultais à ceux
(lu psychologue américain.
Alfred Binet.
\\ . LEWY. — Experimentelle Untersuchungen iiber das Gedàchtniss.
— {Eludes expérimentales sur la mémoire. j Zciiscli. L l*s. u. l'iiys.
a. Sinn., VIII, p. 230-232.
Deux travaux sur la mémoire sont rapportés par Fauteur ; le pre-
mier est consacré à Fétude de la mémoire visuelle des lonuueurs. On
présentait au sujet pendant un temps déterminé une certaine lon-
gueur marquée par deux pointes sur un (il, puis après un intervalle
on montrait une autre longueur et le sujet devait dire si la première
longueur était plus grande ou plus petite que celte dernière ; ce juge-
ment donné, on déplaçait l'une des pointes dans un certain sens
jusqu'à ce que le sujel considérât cette longueur comme étant égale
à la première ; on oblenait la valeur de l'eiTeur commise par le
sujel en prenant la ditlerence de la longueur normale et de la der-
nière longueur qui paraissait être égale à la première. L'auteur a
rapporté cette difléi-ence à la longueur normale et il a exprimé ce
rapport eu laiil pom' 100.
Les longueurs employées par l'auteur variaient de 20 à 200 mm.,
il y en avait en tout dix; deux sujets seulement ont servi pour ces
expériences. La première étude est consacrée à l'intluence de la
durée de l'intervalle de temps entre la vision de la longueur noi-
male et celle de la deuxième longueur ; 9 intervalles variant entre
une et soixante secondes ont été étudiés, on a constaté, en prenant
la moyenne de toutes les longueurs, que la valeur de l'erreur aug-
mente avec la durée de l'intervalle, elle augmente en général len-
tement jusqu'à dix secondes, puis plus rapidement; de plus, l'erreur
est en général plus considérable pour un intervalle d'une seconde
que pour un intervalle de deux secondes ; l'auteur croit pouvoir
expliquer ce résultat par l'oscillation de l'attention.
Si ou examine de [)lus près les tableaux I et II (pii amènent l'au-
teur à ces conclusions on est étonné d'y constater une variation
moyenne considérable ; cette variation moyenne n'a [lourlant pas
été calculée et l'auteur n'en parle pas du tout; ainsi par exemple si
nous prenons un même intervalle de dix secondes nous voyons pour
les dinVionles longueurs l'erreur varier irrégulièreme-ntde 8,5 p. 100
à 2,2 p. 100; l'auteur en tire la moyenne 4,9 ; nous croyons qu'on
devrait s'arrêter sur des dilîérences part^illes dans les erreurs, clier-
clier à les éliminer, ou bien les expliquei'; la même inconstance
des résultats s'observe encore lorsqu'on compare les rlii lires pour
une même longueur ; par exemple on voit pour la longueur de 80 mm.
que l'erreur moyeniu! après vingt secoinles est de 9,7, pour (pia-
ranle secondes de 8,0 et pour soixante secondes de 4,4 ; i)our 200 mm.
!
698 ANALYSES
Toireur pour vini;f secondes esl. de b,8, pour quaraule secondes de
8,5 et pour soixante secondes de 3J. On ne peut i)as, croyons-nous,
secontenler de jiareilles difTérences et simplement les nt'gliger. Il
serait intéressant de noter le sens dans lequel l'erreur est commise,
l'auteur n'en parle pas ; de i)Ius, il faudrait aussi éludier les effets de
coniraste qui devaient Jouer uu certain rôle dans les expéiiences
faites par la méthor'de employée par Taulcur; en <'ll'el il dil qu"il
variail irii'i.Mdièremeii( l,i longueur lorsqu'il passait d'iuie expé-rience
à l'autre ; il peut y avoir une influence jiroduite pai- la longueur de
l'expérience piéci-dente, comme nous avons pu nous en convaincre
dans des expériences que nous poursuivons sur la mémoire des
couleurs; l'auteur ne suiqiose même pas la possibilité de l'exisfence
d'une pareille source d'erreur. 1
L'auteur a ensuile examiné l'influence de difTérentes distraclions
pendant l'inlervalle ; ces disiraclions consistaient à montrer des lon-
gueurs pendant l'intervalle, ou bien à montrer des photograi)liies,
ou enfin à faire faire des calculs ; de loules ces causes c'est la der-
nière qui influe le plus ; ici encore on trouve la même inconstance
dans les taldeaux que pré-cédemmenl.
Enfin la durée du temps de rexposition a aussi une influence sui'
la valeur de l'erreur. L'influence de l'exercice n'est pas considéral>le
dans ces expériences. Cette première partie se termine par les obser-
vations internes des deux sujets; ils appartiennent tous les deux au
type visuel, ils se représentent bien les longueurs, ces re[)réseutations
ne sont pas constantes, mais ])résentent des oscillations.
Le deuxième liavail est cdiisacré à léhKb' de la nM'^nmire dans la
localisation des sensations tactiles. On toucliait un |H.iiil du bras du
sujet qui avait les yeux bandés et qui devait a|Mès un intervalle
donné toucher le même point avec la |iointe d'un crayon. Ordinai-
rement on notait le point sur leqmd le sujet s'arrêtait en dernier
lieu mais dans (pielques S('-ries on iiolail aussi le preniiei' point de la
peau touché par le sujet. Les expériences iailes sur cinq sujets ont
montré (pie Terreur de localisation augmente avec la durée de l'in-
tervalle, une distraction produite pendant l'intervalle ninflue pa^
beaucoup sur les résultats. Le résullal le plus impoilant (jue nous
croyons s'être dégagé des expé'iiences de rauteur, c'est que les erreurs
de localisation se produisent dans la grande majorité des cas dans
un sens déterminé, les points sont localisés trop près de la main ;
l'auteur rapporte ce résultat sans l'exiditpier, et on pouvait prévoir
qu'il ne pourrait pas en d ler une expliialion puiN(iiril ne deman-
dait pas aux sujets leurs observations inleines a|>rès cliaipie expé-
rience ; nous avons conslalt' il y a dé'jà enviion deux ans le même
résultat (v. Archives de p/u/siologie, oclohie 18!»3) et nous l'avons
encore vérifié bien des fois depuis; il s'est dégagé des interrogations
des sujets que le sujet en localisant un point cherche à le rapporter
à des points de repèr(>, ce sont soit des plis marqués de la peau.
I
MÉMOIRE ET ASSOCIATION d'iDÉES G99
soit des saillies d"os, soit le hord du membre ou entin tel muscle; il
apprécie la distance du point touché à ce point de repère, cette dis-
tance est en général appréciée trop petite, d"où il résulte que le
point sera localisé trop près du point de repère choisi; si le sujet
conserve toujours le même point de repère Terreur de localisation
se fera toujours dans Tin même sens ; si les points de repère chan-
gent, les directions des erreurs changent aussi ; cette explication
simple à première vue n'a pu être obtenue qu'à la suite d'interro-
gations minutieuses des sujets, et nous sommes persuadés que si
l'auteur n'avait pas négligé les observations internes, il ne serai tpas
étonné de trouver de pareils résultats.
V. Henri.
CORDELIA C. NEVERS. — Dr Jastrow on Community of Ideas of
Men and Women. {Les idées communes des f émanes et des hommes,
d'après Jastrow.) Psych. Rev., II, 4, juillet 1890, p. 362-367.
Rien n'est plus fréquent que d'entendre des personnes émettre
des assertions sur la psychologie comparée des hommes et des
femmes. On peut se faire une idée de ce que valent ces jugements,
qui ne reposent sur aucune observation précise, lorsqu'on voit que
des observations et des expériences méthodiques faites sur ce sujet
par difi'érents auteurs aboutissent à des l'ésultats contradictoires.
Jastrow ' a fait écrire à 25 hommes et 25 femmes de l'Université <Ic
Wisconsin des listes de 100 mots détachés; il a classé les mots ainsi
écrits dans un minimum de temps, et en a tiré des conclusions sur
l'idéation des hommes et des femmes. Miss Nevers a repris l'expé-
rience sur les élèves femmes du collège de Wellesley ; chaque élève
a, comme à Wisconsin, dressé sa liste de 100 mots, sans connaître
bien entendu le motif de l'épreuve. On a fait des calculs sur les
2 oOO mots ainsi recueillis, et les résultats ne sont nullement d'ac-
cord avec ceux de Jastrow. Quelques exemples ^ :
llonimps (.1.)
Articles de vêtement. . . . 129
Objets d'intérieur 89
Termes abstraits 131
Amusements 50
Nourritiu'e 53
D'après .Jastrow, les mots désignant les vêtements, les objets d'in-
térieur, la nourriture, les amusements dominent dans les listes dres-
sées par les femmes; les mots abstraits dominent dans les listes
(1) Jastrow. .-1 Sliiihi on Men/nl S/n/islirs, New Review, déc. 1891.
(2) Première colonne du tableau, résultats de Jastrow pour les hommes.
Deuxième colonne, résultats de Jastrow pour les femmes. Troisième
colonne, résultats de Miss Nevers pour les femmes.
•■ommos
(•!•)
Femmes (N.)
224
96
190
84
97
280
53
102
179
56
700
ANALYSICS
dressées par les hommes. Or, nous voyons par les cliinVes que nous
venons de citer dans le tableau, que ce ({ui est vrai à Wisconsin ne
Test pas à Wellesley. Ces contradictions montrent que cette forme
d'expérience, quand elle porte seulement sur 25 personnes, ne donne
pas des résultats suflisamment précis pour ('Lalilii- la difiérence psy-
chologique des deux sexes.
Alfred Hinet.
MARGARET B. SIMMONS. — Prevalence of Paramnesia. [Prédomi-
nance des paramnésies.) l'sych. Uev., 11, 4, juillet iH'Jo, p. 367-368.
Courte noie sur une queslinii Irrs intéressante. (Jn présente une
couleur, jtuis vm cliifTrf ; au bout île quelque temps, on présente
une seconde couleur et un second chifl're et ainsi de suite ; le sujet
est prié d'associer chaque chifl're à la couleur qui lui a été présentée
en même temps, de manière à ce qu'à la lin de l'expérience, quand
on lui pK'seiilc les couleurs seules, il écrive les chifi'ies correspon-
dants.
Ces expériences, dont le di'-tail ne nous est point donné d'une ma-
nière assez complète, ont surtout montré les deux faits suivants :
l" dans 47 p. 100 dr cas, le sujet donne un cliilîre inexact ; c'est ce
(pic laulrm a|ipfllc l;i prédominance des paramnésies. Xous pen-
sons que cette pr(''(|()ininance tient en partie à ce ({u'on a fait l'ex-
périence sur des chill'res; avec des mots, les paramnésies n'auraient
pas été aussi fréquentes. De jilus, quelques conditions dr l'cxpé--
rience (Hil pu l'oiccr les résultats ; par exemple si l'on exiiieait dans
tous les cas (jue les sujets écrivissent un chifl're [lour chaque couleur
montrée; 2" Quand le chifl'rt; avait été écrit, on demandait au sujet
s'il en était sûr ou non. Or, deux cas principaux peuvent se pré-
senlfc : le chifl're d(unié est correct ou ne l'est pas. Quand il est
coiTect, en général il est mainlmu (76 p. 100 des cas) ; quand il est
incorrect, il est maintenu plus rarement (23 p. 100 dt-s cas) et le idus
souvent reconnu comme douteux (environ 55 \k 100 des cas).
A. R[NET.
)^^!
YIII
DOULEUR, PLAISIR, SENTIMENTS
SENS ESTHÉTIQUE
s 0 M M AIRE
Douleur. — I. Technifji/e des expériences sur la douleur. M(lCZvtko^vskl,
Giiffing.
II. Recherches expérinien laies sur la douleur. Luckey, Mitchell, Vos-
kresenski, Mac Donald.
III. La question des nerfs de la douleur. Strong. Nichols, Oppenheinier.
IV. Quelques explications psychologiques. Mezes, Miller.
Sentiments. — I. T/iéorie de Lange.
11. Discussions.
m. Strattou. M. Lennan, Ferrero, Irons.
Sens esthétique. — I. Etudes de Dauriac, Dimier, Major, Tarchanotl'.
II. Asiigmatisuie et estlié tique. Pékar, Laupts, Henri, Howe.
I. — DOULEUR
Il a clL'jà été parlé de la doult'Ur dans la serduii di' cet ouvrage
consacrée aux sensations du toucher ; ceci ne tient i)as à ce que les
matières du présent volume ne sont pas méthodiquement distribuées,
mais à ce que la sensibilité à la douleur est étroiteme'ul unie à la
sensibilité du toucher, bien plus élroitement qu'à la sensibilité de la
vue et de rouie ; ou a même contesté qu"il puisse se produire dans
le domaine des sensations visuelles et auditives une vraie sensation
de douleur. Nous diviserons notre analyse en quatre parties : 1" tech-
nique des expériences sur la douleur; 2<* recherches expérimenlali's
sur la douleur; 3'^ la question des nerfs spéciau.v de la douleur;
4** théories psychologiques sur la douleur.
I. — TECH.NIQUE DES EXPÉRIENCES SUR LA DOULEUR
M0(7.VTK0WSKI. — Un algésimètre. .Nouvelle iconograpliii; dt; la
Salpètrière, janvier IS'Jo.
H. (iRlFFING. — On Sensations from Pressure and Impact [Soisa-
702 ANALYSES
lions de pression et de choc). P-sycli. llev., février 1893 (Monograph
Supplemenl).
Pour explorer la sensibilité à la douleur, les cliiiieiens se serveul
liabiluellemeut de Tépingle ou de l'aiguille, qui suftisent dans les
cas d'altérations grossières de la sensibilité à la douleur, mais qui
ne peuvent mettre en évidence des altérations légères, des diminu-
tions graduelles. On enifiloie aussi des procédés barbares, le pin-
cement qui amène des bleus, la brûlure ou la perforation de la
peau de part en part. Le D"" BJœrnstrœm, dTpsala, a inventé en
1877 un algésimèlre consistant à serrer entre deux mors un pli de
peau ; une aiguille marque la force de pression. Cetajtpareil donnant
la mesure de l'excitation est bien préférable à l'aiguille, mais il a
des inconvénients, il est inexact, la grandeur du pli et son enga-
gement entre les mors sont variables et inlluent sur la mesure ; de
plus, on ne peut pas de celte manière explorer la sensibilité d'un
point limité, on opère toujours sur une assez grande surface.
D'autres aiiparcils mettent en œuvre le courant faradique dont on
augmente graduellement l'intensité Jusqu'à production de la dou-
leur. L'expérience semble avoir moniré ((ue les r(''sullals obtenus
par- le faradiiiiMr<' ne sont pas com[)arables aux autres, et que la
(loultïur i)rovoquée par le courant faiadi([ue n'est pas éf[uivalente à
la douleur de cause mécanique. (Ottolengbi, Congrès de Rome, 1894.) J
L'algésimèlre de Moczvtkowski est fondé sur un jirincipe tout '1
dilTérent ; il se compose d'une pointe conique, dissinnilée dans une
gaine cylindricpie ; la l>ase du cylindre étant appuyée sur la région,
on fait sortir la pointe, qui s'enfonce dans la peau; jtar un réglage
facile, on luifonce la pointe de la quantité voulue ; la douleur se
tiouve mesurée en millimètres, c'est-à-dire par la longueur d'enfon-
cement de la pointe dans la ])eau ; la |>lus grande longueur est de
1""",5 ; même avec le maximum d'eiifoncemeiil la pointe est assez
mousse ])0ur (pu' la pi(|ùre ne donne pas de sang. La pointe est
enfoncée par un ressort.
Le dernier algésimètre (pii nous reste à signaler est le plus connu
de tous, et il est employé' en AnK^ricpie. C'est celui de Catfell ; c'est
un dynamomèti-e à lessort ; extérieurement il ressemble beaucoup
au précédent, il contient, dans une gaine un ressoit (pii agit sur une
pointe garnie d'un bout en caoulcbouc ; on ap]»uie la jiointe de l'ins-
trument sur la région, on appuie progressivement jusqu'à ce que la
douleur se manifeste ; la force de pression dépensée par l'expéi'i-
menlateur comprime d'autant le ressort, et une giaduation exté-
rieure à l'instrument permet de la lire. Les résultats s'expriment en
chinVes de pression, qu'il est facile dt; transformer en poids en
appuyant l'instrument sur le |ilaleau d'une balance ; on voit que par
sou principe l'appareil est tout à l'ait ilifTérent de celui de Moczvt-
kowski, dont les résultats s'expriment en longueur de pointe.
DOULEUR 703
l'oiir pouvoir apprécier ces diflërents algésimètres, il faudrait
comparer attenliveuieuL leurs résullats. C'est une recherche qui n'a
pas encore été faite, el. que nous in(li(iuons aux Iravailleurs.
Voici quelques chin'res donnt's jiar Tauleur russe :
Front, prés des cheveux O'""". 3
Gencive 0,6
Surface interne des joues 0,9
Fesses l ,2
I^lante des pieds 1 ,5
(iriffnig a étudié plus méthodiquement ce sujet, et nous extrayons
de son mémoire les renseignements suivants : la quantité de pres-
sion nécessaire pour provoquer la douleur est difficile à déterminer,
parce que l'expérience est modifiée par beaucoup de facteurs, l'é-
])aisseui- de la peau, rimagiujiiion, la ix-ur, le sens que le sujet
attribue au mot douleur. Les vaiiations individuelles, d'après Grif-
fing, sont tiès fortes, et bien plus importantes que l'influence de
l'àgc et du sexe, quoiqu'on puisse dire d'une manière générale que
les femmes et les enfants sont plus sensibles que les hommes. Des
expériences faites sur différents individus par Grifiing au moyen de
pression sur la paume de la main gauche avec l'instrument de Cattell
ont donné les pressions suivantes, comme minimum de perception
de douleur (la pression s'exerrait sur une surface de 8™™ de diamètre).
50 enfants de 12 k 15 ans 4^ 8
40 étudiants de 16 à 21 ans 5", 1
38 étudiants en droit, de 19 à 2b ans 7", 8
58 fennnes de 16 à 20 ans 3\ 6
40 étudiantes de 17 à 22 ans 3% 6
La sensation de douleur arrive brusquement et il semlih', au
témoignage de la conscience, que c'est une sensation nouvelle, dis-
tincte de la sensation tactile (Giifling, op. cit., p. 2o) ; ce qui ai)]mie
cette opinion, c'est (jue la sensation de douleur ne coïncide pas avec
celle du contact, mais succède ; si on touche un objet chaud, on
sent l'objet d'abord, la douleur tliermitpui ne vient (ju'après ; et il m
est de même pour une pression douloureuse ; (ioldscheider', I,(!li-
mann- et d'autres ont bien montrt* que les temps de réaction à la
douleur sont plus longs (jue les temps de réaction aux autres sen-
sations.
D'après les expi'riences de (irifliug, le seuil de la douleur' varie de
(1) Goldsclieider. /'////.v//>/. C.csclL, oct. 1890: Die Lehre der Specif.
Eiiergien der Sinftesorgane, 1881.
(2) 'Lehmauu, Die ]laiip/</eselze des mensch. Oe fiililslebeji, ii, 45.
04 ANALYSES
l.i manière suivante pour les différentes parties du corps (les chif-
fres expriment des kilogrammes;.
Région temporale droite de la tète 1
Front 1, 3
Abdomen 1 7
Sommet de la tète i, S
Poitrine, sternum 2, 4
Main droite, face dorsale 3, 3
Cuisse droite 4, 3
Talon droit ' . 7, 0
Main droite, paume 7, 3
Le seuil de la douleur est élevé pour les régions à peau épaisse et
pour celles qui recouvrent des masses musculaires. La région tem-
porale de la tète est la plus sensible, la paiime de la main est parmi
les moins sensibles. Ces résultats présenlent (juelque analogie avec
ceux de l'auteur russe. La surface sur laquelle on exerce la pres-
sion a une grande importance pour la iiroduction de la sensation
de douleur. On sait qu'une certaine pression qui provoque une
vive douleur quand elle sert à enfoncer une pointe line ne provoque
aucune sensation pénible quand elle est répartie sur une grande
suiface. Voici des cliiflres. Sur une surface de O*^'"-,! il faut l''-,4
de jtression jiour provo(juer la douleur ; sur une surface 0'^"'^,3, il faut
2.^r,S de jtression ; surface de 0<="'-,9, 4'^r,4 ; surface de 2<="'-,7, ù^r.Ù ; la
pression douloureuse est à peu près proportionnelle au logarithme
de la surface.
II. — UECIIERCIIES EXPERIMENTALES SUR LA DOULEUR
1. LI'CKKV. — Some Récent Studies of Pain. (Quelques éludes récentes
sur la douleur.) Amer. J. ol'. Psych., VII, n» 1, octobre 1895, p. 408-
123.
2. \V. MITCHELL. — Wrong Référence of Sensations of Pain. {Loca-
lisation inexacte des sensations de douleur.) Mrd. .News, LXVl, ISOo.
3. VO.SKHKSI^.NSKI. — De la sensibilité cutanée chez l'homme sain
et chez les paralytiques généraux. (".(uiIïtciico t\r^ m-'dccins (h' la
clinique mentale et nerveuse de Saint-Pétersbourg, 21 sept. 189:»
(Extrait des .\rch. de Neurologie).
4. Arthur MAC Tk».\.\M>. — Sensibility to Pain by Pressure in
the Hands of Individaals of Différent Classes, Sexes and Nationa-
lities [Sensibilité à la douleur produite par la pression sur lu main.
chez des individus différant par le sexe, la classe et la nationa-
lilê). Proceed. of Amer. Psych. Associalion, 1894. Psych. Rev.,
mars 1895, p. 156-157.
1. -Nous commencerons j)ar le travail de Luckey, qui n"esl ]>as seu-
lement une analyse des recherches récentes, mais un rappel de-
< 1
I
DOULEUR 703
curieuses expériences anciennes et un peu oubliées. La difficullé
d'établir une théorie quelconque de la douleur lient au nombre
considérable d'observations quelque peu disparates qu'il faudiait que
celte théorie synthétisât pour se faire accepter. Signalons quelques-
uns de ces faits. Si on exerce une forte pression sur la peau — et
Crifling en a déjà fait la remarque — le sujet a une sensation tac-
tile (pii ;i|i|iaraît plus tôt qm:- la sensation de douleur, et qui disparaît
aussi plus tôt; voilà donc les deux sensibilités distinguées parleur
mode d'ii})parition à la conscience, dans un cas cependant où c'est
le même stimulus qui les met enjeu. Ajoutons que certains anesthé-
siques détruisent la douleur et laissent subsister le contact ; cer-
taines maladies (la syringomyélie), la section de la substance grise de
la moelle (Schifl) peuvent amener des dissociations analogues. Dans
le même oi'dre d'idées, on peut rappeler des expériences de Richet,
(jui monirent que la douleur provient d'un processus de sommation;
ainsi, avec un faible courant électrique, des chocs rares ne sont pas
douloureux, mais quand ils deviennent nombreux par seconde, ils
luoduisent une sensation intolérable. Naunyn a constaté que le
contact d'un cheveu sur le pied, élant répété un grand nombre de
fois (de 60 à 600 par seconde), devient dans le tabès dorsal extrême-
ment douloureux nu bout de 6 à 20 secondes. De même, une pression
peu forte, mais très longtemps continuée, est d'abord simplement
désagréable, puis devient douloureuse. Tous ces faits plaident dans
le sens d'une dislinclion entre la sensation de toucher et la sensa-
tion de douleur; mais d'autre part, il faut tenir compte de la combi-
naison <iui existe d'ordinaire entre des sensations tactiles et des
sensations douloureuses ; c'est cette combinaison qui donne à la
douleur son caractère particulier, par exemple, dit-on, sa localisa-
tion. Enliii, il y a beaucoup tic faits obscurs, comme la localisation
de la douleur dans cerlaincs parties du corps éloignées de la partie
malade, une lésion valvulain; du cœur par exemple produit une
douleur dans le bras gauche, une irritation de l'estomac produit une
diiulcur dans la lêlc, une inflammation du diaphragme produit de
la douleur dans l'épaule droite. Même difficulté pour interpréter ce
fait (jue quelques parties du corps, les cheveux, les ligaments, ne
sont jamais douloureuses; que d'aulres, les nnniueuses, les tendons,
rtc , qui ne sont pas douloureuses pendant l'état normal le devien-
nent dans une mesure extrême sous l'inlluencc do. conditions patho-
logiciues. Ouelle est la théorie capable d'expliquci' tout cela?
2. l'ne femme; saine âgée de soixante-di'ux ans reçoit une blessure
sur le pied droif, elle sent une douleur vive sur le i)ied (^awc/it!, cette
douleur dure niiil el jour même lojsqui' la lihîssure a disparu, l/au-
teur ne donne pas d'explication de ce fail, (jni devrait être rappro-
ché des faits de l'allochirie.
3. L'auteur a examiné se[it hommes bien poitanis et r\nq paraly-
tiques généi'aux, à l'aide de l'csthésiomètrc mécanique du D' Kou!-
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 45
e
706 ANALYSES
bine. Il a exploré surtout le sens du tact et la sensibilité à la douleur
et montre des tableaux à l'appui. Les résultats sont les suivants :
a). Une seule et même région cutanée présente des vaiialions indivi-
duelles de la sensibilité, qui atteignent un domi-millimMre. b). Les
variations de la sensibilité douloureuse sont plus importantes que
celles du tact. c). Les surfaces cutanées couvrant immédiatement les
os sont plus sensibles à la douleur et au toucher que celles «pii
couvrent les cavités et les masses musculaires. Chez les paralytiques
généraux la sensibilité est plus ou moins diminuée.'
4. Les études expérimentales de Mac-Donald sur la douleur ont
été faites avec l'algomètre de Cattell, instrument très simple qui
permet d'exercer une pression sur la main, de varier la force de
cette pression, et de la mesurer. La pression était exercée au milieu
de la paume, et augmentée jusqu'cà ce que le sujet accusât de la
douleur. Les résultats indiqués sont les suivants : 1° la majorité des
individus sont plus sensibles à la douleur dans la main gauche ;
2" les femmes sont plus sensibles que les hommes ; 3° les individus
.ippartenant aux classes inférieures sont moins sensibles que les
individus des classes supérieures ; l'épaisseur de la peau a une
inlluence, mais moindre qu'on ne le supposerait. Nous nous bornons
à ces quelques extraits empruntés à un labhNUi qui est sans doute
intéressant, mais dont ([uelques indications ne peuvent vraiment pas
être prises au sérieux ; ainsi l'auteur a expérimenté sur six Alle-
mands de profession lilxTal.', cl cela lui suftit pour dii-e que les
Allemands de profession libérale sont moins sensibles à la doulfur
que les Américains ! A. I>im;t.
m. — LA QUESTION DES NERFS DE LA DOULEUR
1. C.-A. STRONd. — The Psychology of Pain [La psychologie de la
douleur). Psych. Uev., 11, 4, juillrl iHUo, |.. 329-347.
2. HERBERT NICHOLS. — Pain Nerves [Nerfs de la douleur). Psycli.
Rev., sept. 181>5, p. 487-490.
3. L. OPPENHEIMER. — Schmerz und Temperaturempfindung (Dou-
leur el sensations Ihennùiues). Mil lin, lîcinin, 1895.
Existe-l-il des neifs spiM-iaux (lu |il,ii>ir ri ilc l;i dduleur, ou bien
ces états sont-ils pei'rus par rinlenni'diaire tles jh'iI's du toucher
par exemple ? Jusqu'ici la majorité des psycbologues s'est prononcée
dans le premier sens : plaisir et douleur sont des degrés des .étals d(î
conscience. Wundl', lii'ilTding, Kûlpe, Ldiinann, Sully-, Ihadley ^,
(1) Wiindt. ]'/i!/.s. i'.v.yr//., .T rd.. I, p. 509.
(2) Sully, ïV/c Uiniiaii Muai, II, 7.
(3) Bradley. Mind, XLLX, p. '2,
DOULEUR 707
Marshall' ont appuyé cède opinion par un grand n(im])rc d'argu-
menls. Strong limite son examen à la psychologie de la douleur, en
prenant ce mot dans le sens restreint de douleur physique cutanée,
ce que les Allemands appellent Schme7" , et ce tiu"ils opposent à
l'nlust, qui exprime un senliment de déplaisir. La discussion se
divise naturellement en deux parties, la ]iremière concernant les
cas pathologiques, la seconde les observations de psychologie nor-
male.
Il est d'observation courante, parmi les palliologistes, que la
sensibilité à la douleur peut être supprimée, le toucher étant con-
• serve. Cet état est produit pendant un moment de l'action de la
coca'ine sur la peau, et de l'action de l'éther et du chloroforme sur
les centres nerveux. Dans lasyringomyélie, dans l'ataxie locomotrice,
la perte isolée de la douleur est fixMjuente, elle l'est plus encore
dans l'hystérie ; Weir Mitchell- a rapporté l'histoire d'un avocat qui
est mort à cinquante-six ans sans avoir connu la sensation de dou-
leur ; c'i'-tait un homme giand, robuste, intelligent et fort actif ;
ayant eu un abcès énorme à la main, il subit une opération chirur-
gicale sans ressentir de douleur. On donne encore cet autre exemple
curieux de son insensibilité jihysique : son doigt ayant été abîmé
jtendant une rixe, il l'arracha avec ses dents et le cracha par terre.
La conservation de la sensibilité à la douleur, quand les autres
sensibilités sont détruites, a été observée dans des expériences de
vivisection, dans l'action de l'acide carbonique sur la peau, et dans
diverses maladies nerveuses. Ces dissociations ont amené beaucoup
d'auteurs à admettre qu'il existe dans les téguments quatre formes
distinctes et indépendantes de la sensibilité, le toucher, le chaud, le
froid et la douleur. Dans les sens spéciaux, la vue, l'ouïe, il n'y
aurait point de sensibilité à la douleur, comparable à celle ({ui est
éveillée par une coupure ou une brûlure de la peau.
A cette première interprétation, qui paraît bien naturelle, on ])eut
opposer des faits d'nbservation qui la contredisent comi)lètement.
Chez certains sujets, il peut se produire une sensibilité douloureuse
à la clialeur cl au froiil, le luuclicr l'i.iiit aïK'aiiti ■' ; ou liini le
contraire peut exister, les ('XcitÀitions tactiles même légères tloiinant
de la dduli'ui-, et les excitations thermi(|ues comme la glace et le fer
rougr n'i'laiil |Kiint senties (syringoniyélie'i. D'où la conclusion
qu'il y a uih' ditfr>i','iicc mire la sensiliilili' (Idiilniircusc pour la
temp(''ialiire, et la sensibilité ddulniirni-^f jinui les excitations méca-
ni(pies. Il serait difficile d'ailnirllrc dans ce cas deux sens dilTi'ienls
de la douleur, l'un pour la douleur tliej'mique, l'autre pour la dou-
leur mécanique.
(1) Mai'sliall. Piiiii, Pleasure (iiu/ .■I'.s//if/ics. p. 3.
(2) Médical liecord, déc. 24, 1892.
(3) Sturr. Fumiliar Fcrois of yercons Dinease, p. 173-175.
708
ANALYSES
Minuit a ])ropost' une liy|iollR'se ' destinée ù réconcilier ces faits
contradictoires ; dans les nerfs péripliériques, les voies sont les
mêmes pour les excitations douloureuses et pour les autres ; c'est
seulement dans la moelle que la distinction se produit ; les excita-
lions sensorielles se propagent à travers la sul)stance blanche, et les
excitations douloureuses, qui seraiei\t une simple modalité des pré-
cédentes, et surtout une augmentai ion d'intensité de l'excitation, ou
parfois une altération de la moelle, correspondent à une division
du courant nei"veux, qui se propage à la fois à trave'rs la sul)stance
lilanclic et la substance grise; l'excitation qui passe à travers la
substance grise change de caractère par ce seul fait, et devient dou-
loureuse -. On peut comprendre à la rigueur que dans dill'érenles
situations pathologiques c'est tantôt la voie grise, laiitùL la voie
blanche qui est suppiùmée, parfois les deux ensemble, ce qui permet
d'expliquer toutes les dissociations possibles. En somme cetle théo-
lie est pour le moment la plus vraisemblable.
Plaçons-nous maintenant au point de vue de l'analyse menlalc, de
rinlrospection. Deux théories principales sont en présence : Tune
fait de la douleur une modalité, un degré de la sensation, compa-
rable par exemph; à l'intensité ; Taulre considère la douleur comme
une sensation distincte et indépendante des autres, l/auteur soutient
contre Wundt la seconde de ces théories, [lar les arguments sui-
vants : 1" si le plaisir el la donleur étaient, comme l'intensité, des
degrés de la sensation, on devrait les ti-ouver dans toutes les sensa-
tions; or, il existe des sensations indifférentes, dénuées complète-
ment de plaisir et de doub'ur. WnndL se tire dafVaire en disant ipie
dans ce cas le sentiment est égal à 0 ; mais des sensations avec un
sentiment égal à 0 corres[iondenl à des sensations di''|i(iurvues de
sentiment; 2'^ si le plaisii' cl la donleur étaient des degrés, ils ne
devraient pas, en augmenlani d"intensité, ellacer la sensation qu'ils
accom|iagnent ; ()r, ils l'idlacent ; avec une forte intensité, ont
remarqué une foule de pliysiologistes et de psychologues (Weber-',
James*, etc.), clialeni-, froid, piession se confondent ; (Ui ne sent plus
(jue de la douleur. L'auteur concint donc ((ue la douleur, (inoi([ne
[iroduite physi(iuement par l'excitation des niènu'S nerfs ([ue le
toucher ou la chaleur, est, au [>oin! de vue psychologique, une vraie
sensation, comme la faim, la soif, la nausée, la faligiu'.
(1) l'/u/.s. /'.v//r7/oZ., 4" (■•dit.. I, ji. 111-112. Coidsciu'iilLT a .soiiti'iui une oiu-
nioii analogue : L'eher den Sviuiicrz. lîerlin, 181)4.
(2) Ou pourrait ;'i ro sujet faire une autre liypotlièse, l'excitation (|ui tra-
verse la sulist.uu-e grise parvient à un centre s[)cciul, le centre de la dou-
leur. Wundt se range ;ï l'hypothèse du texte.
;'3) W'ebei'. T'is/.siini iind lîom'uiijcfiihl, p. 118.
(i) Uiii-fer Course, p. 08.
DOULEUR 709
('-ette opinion a dt'jà t'U' inili(jut'e plus ou moins explicilcmont
par Bain*, Delbœuf^, Mïmsterherg '.
2. Nichols, (jui a monln'' l'an dernier '" rexistence des nerfs
spéciaux pour la douleur, au moyen d'expériences sur la sensibilité
de certaines parties du corps, le prépuce par exemple, essaye de
comliallre une partie de la llièse de Strong, d'après laquelle les
excitations douloureuses sont des exagérations d'excitations tactiles
cl liiermiques, transmises par les mêmes nerfs. A Targumenl lire
des observations sur l'.'ilaxie locomotrice, l'auleur répond ([u'on
peut admettre autant de nerfs spéciaux de la douleur qu'il y a
d'espèces de nerfs du toucber ; il existerait donc un nerf spécial
pour la douleur résullant d'excilalions tactiles, un nerf pour
la douleur produite par la chaleur, etc., etc. ; il pense aussi que
le nerf sensitif et le nerf de la douleur ont un organe terminal
commun. Evidemment, cetle sujqiosilion lève l'objeclion de SIrong,
mais l'hypothèse est un peu compliquée. L'auteur fait également
valoir une considération importante contre la théorie de AYundI,
c'est que dans certains cas, pathologiques et même normaux, on
peut éprouver de la douleur sans avoir des sensations simultanées
(le toucher, de chaud ou de froid ; or, d'après Wundt, la doiileur
correspondant à un excès de courant se propageant dans la subs-
tance grise, une partie du courant devrait continuer à parcourir se.s
voies habituelles et produire les sensations de toucher, de chaud et
•de froid.
3. On voit que la question reste fort ambiguë. La théorie d'Op-
penheimer, bien qu'ingénieuse, est trop loin de l'expérimentation
pour fournir une solution acceptable. L'auteur admet que la don-
leur est un phénomène pathologique, qui a son origine dans une
altération des tissus, d'où résultent des produits de décomposition
([iii sont anormaux; la transmission df l'excilatioii douloureuse se
ferait par les nerfs vaso-moteurs, ce qui exprKjnerait aussi la con-
comitlance fréquente deriiyperhémie (troubh; vaso-moteur) avec; la
douleur. Cette opinion, quoiqu(! séduisante, ne paraît pas avoir été
généralement acceptée.
Que conclure? La Ihi'oric de Wiiiidl, rxposi'c plus haut, reste la
plus vraisemblable; il faut admettre jirovisoirement, selon nous,
qu'il existe plusieurs es|)èces(li' douleurs; d'ahoril la douleur vraie,
|irécise, bien localisi'e, la douleur d'un pauaris par exenijde, puis
des douleurs plus vagues, des sensations pi''iiililes {Schmerziveh de
doldscheidei' ; c'est (ioldsciieidei- qui a pi(q>osé ces dislinclions),
comme nn malaise d'estomac, un mal à la tête, (pii liuiruienteut
(1) Bain. T/ie Sensés atul llie InlellecL p. 102 et 103.
(2) Delbœuf. Kléuietils île })si/<'/i(ip/ii/si(/i/e, p. 46.
(8) II. MQnsterberg, ]h>ilrii;/e, Ileft IV, p. 216.
(4) \oir Année psi/ch., I, p. 429.
lu
ANALYSES
davantage que les douleurs de pression; on Iroisième lieu, rangeons
les douleurs de nalure psychique qu'on renconire friMfuemment
dans l'hystérie, Thypocondrie , qui viennent de rinfiiiiétude, de
FauxitMé, de l'imagination, etc. Toutes ces trois formes de douleurs
peuvent se combiner, et le plus souvent elles se trouvent réunies;
mais il faut cependant les distinguer avec soin ; el mais |icnsons
avec Luckey, qui insiste avec lorc(,' là-dessus, (jue la sensation de
douleur de la première catégorie est quehjue chose de simple, de
précis, de bien localisé, (pii n"a pas son correspondant peut-être
dans la sensation de jdaisir. On pt-ut admettre qu'il n'y a pas de
nerfs spéciaux de la douleur, bien (ju'il existe des points de douleur,
comme il existe des jtoinis ciiauds et froids ; d'après celle interpré-
tai ioa (({ui est de Goldscheider), ces points seraient simplement dis-
posés de manière à être j)liis sensibles que les autres points aux
])ressions fortes. Quant aux cas patliologicpies d"analgésie sans anes-
thésie, d'aneslhésie sans analgésie, et ainsi de suite, on peut à la
rigueur les expliquer d'une manière satisfaisante par l'hypothèse de
Wundl. Mais tout ceci est 2)rovisoire. Mous manquons d'expériences
précises el méllindicpies.
IV. — QUELQUES EXPLICATIONS PSYCHOLOGIQUES
DU PLAISIR ET DE LA DOULEUR
SIDNEY E. MEZES. — Pleasure and Pain Defined {Définition du plai-
sir et de la douleur). Pliil. Uev., Janvier IS'JiJ.
D.-S. .MILLER. — Désire, as the Essence of Pleasure and Pain (Le
désir est Pessotce du plaisir el de la douleur;. Psych. Uev. mars 1895,
1». 1G4-165.
1. Mezes aclierciié la di>linclion entre le plaisir e! la doulcnnlans
l'i'lal de l'attention; ses conclusions sont, comme il le remaniue,
très voisines de relies di- Ward.
Un élal indill'érent est celui qui n'i'veiile aucun degré d'attention.
Quand raltention est éveill(''e el (|ii"e||e s'exerce en toule liberté,
sans aucun empèciiemi'ut, on é[)rouve un sentiment de plaisir; si au
contraire l'attention est troublée, si un ii conscience de phénomènes
d'inliibilion, — l'auleur donne l'exemple d'idées fixes et obsédantes
(|ni s'imposent — un a un seuliment de peine; si l'inhibilion, an
lieu d'être [uoduile par dr:^ idées, l'est jiar une sensalion forte — ^
exemple, rélancement d'nne di-nl malade (|ui arrêle brnst|uement
un mouvement de inaslicalion, — on a une seu>aliou de dnnienr;
de même (ju'un sentiment désagréable, la tlouleur consiste dans la
cojiscience d'une inhibition.
2. Miller donne une antre explicalion du plaisii' e! di; la douleur;
il i-emarque (|ue ces états de conscienc(; sont accompagnés de
nu>uvemeuls d<' l'organisuH- (pii sont de nature bien différente ; dans
SENTIMENTS 711'
If plaisir, il y a des mouvements vers l'objet, pour s'en rapprocher,
le saisir, etc., dans la douleur, ce sont des mouvements de répul-
sion, de défense, de fuite ; or, ce serait là l'essence du plaisir et do
la douleur : donner naissance à ces mouvements d'attraction et de
répulsion, et la tendance à ces mouvements s'appelle désir, de sorte
que le désir est au fond du plaisir et de la douleur. L'auteur, sans
paraître s'en douter, côtoie ici une théorie ancienne, soutenue déjà
par Spinoza, d'après laquelle le désir est le fait primitif, et plaisir
et peine ne naissent qu'après, suivant que le désir est satisfait ou
non. Tout cela est bien loin de la psychologie exiîérimentale.
II. — SENTIMENTS
t. LA.MiE. — Les émotions, étude psycho-physiologique, trad. franc,
de L. Dumas, in-i8, 168 p. Paris. Alcan, 1895.
2. GARDINER. — Récent Discussion of Emotion {Discussions récentes
SU7' (es émotions). Phil. Rev., janvier 1896, p. 102.
3. DKWEY. — The Theory of Emotion [La Théorie des émotions).
Psych. Rev., nov. 1894 et janvier 1893.
4. G. -M. STRATTON. The Sensations are not the Emotion [Les sen-
sations ne sont pas V émoi ion). Psych. Rev., mars 1895, p. 173-174.
l". S. -F. M'LEXNAN. — Emotion. Désire and Interest; Descriptive
{Elude descriptive de V intérêt, de l'émotion, et du désir). Psych. Rev.,
sept. 1895, p. 402-475.
6. G. FERRERO, — La crainte de la mort. Revue Scientifique,
23 mars 1895, p. 361-367.
7. DAVID IRONS. — Descartes and Modem Théories of Emotion
{Descartes et les théories modernes de rémotion). Phil. Rev., IV, 3,
mai 1895, p. 291-302.
L'é'lude des sentiments a été remise à Tordre du jour, avec un
renouvellement d'intérêt, non par des découvertes proprement dites,
mais [lar de très ingénieuses théories que William James {Mind,
avril 1884) et Lange (1885) ont développées presque simultanément,
et auxquelles beaucoup de psychologues se sont ralliés (Ribot, Sergi,
etc.). Nous n'avons pas encore eu l'occasion, dans notre Année, de
l'aire l'exposé de ces théories: nous prolitons, pour le faire, de la
Iraduction française que Dumas vient de nous-donner du livre de
Lange. C'est peut-être chez cet auteur que la théorie est le plus sim-
lilcment présentée ; chez James, elle a un aspect plus philosophique
il iilus complexe ; chez Sergi, elle se noie dans une foule de digres-
sions d'un intérêt secondaire.
1. L'intéressant ouvrage de Lange sur les Emotions, si clair, si
net," si sobre de détails inutiles, et (jui serait un modèle de monogra-
idiie, si... il contenait des preuves expérimentales de sa thèse, com-
712 ANALYSES
prend une courte introduction, une premit-re partie consacrt'e aux
faits, une seconde partie consacrée aux théories, et un court cha-
pitre de conclusions. Les idées sont présentées avec clarté et netteté,
elles s'appuient en général sur une })hysiologie sérieuse, et lorsque
le document physiologique lui manque, l'auteur dit nctlement qu'il
ignore. Dans son introduction, après avoir désapprouvé l'opinion de
Kant qui, dans un passage de son Anthropologie, appelle les émo-
tions des maladies de l'àme, l'auteur développe celte idée (pic l'étude
des émotions ne deviendra scientifique que du jour où, sortant du
domaine de l'introspection, elle aura pour objet des iiln-nomènes
objectifs ; « tant qu'on s'en tient à une conception... subjective des
émotions, toute analyse scientifique de leur contenu est naturelle-
ment impossible » (p. 27). « Aucun objet ne peut être étudié scien-
tifiquement s'il ne possède des caractères objectifs sur la nature
desipiels les différents observateurs s'entendent ou peuvent s'en-
tendre ; ce qui échappe à toute discussion, comme la perception des
couleurs ou la sensation spécifique de l'effroi ou de la colère est par
lui-même en dehors du domaine de la science... l'étude des couleurs
n'est devenue scientitique que du jour où Newton découvrit un
caractère objectif, la différence de réfrangibilité des rayons lumi-
neux... (eod. loco). »
Nous pensons que l'auteur exagère un i»eu une idée juste. L'in-
trospection ne doit pas être bannie de l'étude des émotions ; loin de
là, elle doit être au contraire prali(iuée avec méthode, pouj- éclaiier
les signes extérieurs, objectifs des émotions ; et c'est précisément le
concours de ces deux méthodes qui donne les meilleurs résultats.
Quoi qu'il ensuit, il n'est ipie Irup certain qiie « nous ne conqirenons
absolument rien aux émotions, et que nous n'avons pas l'ombre
d'une lliéorie sur la nature des émotions eu général, ou de telle
émotion en particulier ». D'une part les observations faites depuis
Aristote sur l'expression ])hysiologique des émotions sont de simples
notes, et d'autre jiart nos nulicins sur la naiinc |isy(lii(iue i\Qi> émo-
tions sont^confuses, parfois même, dit Lange, complètement fausses;
c'est ainsi qu'on oppose la joie à la tristesse, ce qui est exact par
hasard, et on tient la colèi-e poin' plus voisine de la tiistesse que de
lajoie, tandis (jne c'est le contiaiie. Ainsi, Kant (It'linil la colère
comme un effroi <pii n'veille lapidement notre résistance devant un
danger ininiineiil [Aiilhropohigic, III, .^ 73); la colère et l'effroi sont
pourtant diamétralement opjjusés au point dt; vue psychologique.
Ces critiques sévères nous ont fait supposer ipie dans la ])remière
partie du livre, iinrlaiil le lilre de faits, nous Irouveiions un exposé
d'observations et d'expériences précises sur les caractères extérieurs,
c'est-à-dire physiologiques des émotions. L'attente est déçue. Les
cincj chapitres de cette partie sont consacrés à la tristesse, lajoie, la
peui', la colère et quelques autres émotions. La descripli(Ui de clm-
cune de ces émotions est curieuse et instructive, cela va sans dire.
1
SENTIMENTS 713
mais elle a été faite à l'ancienne modo, on pourrait dire sur le mo-
dèle des descriptions de Bain. On trouve là à peu près ce qu'xme
liersonne intelligente et douée d'observation a pu remarquer pas-
slm, c'est-à-dire des faits d'observation courante. Le miMite de l'au-
teur est seulement d'avoir systématisé celte description en distin-
guant trois grands groupes dans les réactions motrices des émotions :
les mouvements des muscles de la vie de relation; ceux des muscles
de la vie organique ; ceux des muscles vaso-moteurs, qui sont con-
tenus dans les parois des vaisseaux et règlent la circulation du sang
dans les membres, dans le corps et dans la tète. A la diflérence de
Darwin, dont il dédaigne quelque peu les théories et les observa-
tions. Lange ne s'attache pas à décrire le jeu de tel groupe muscu-
laire qui exprime un genre i^articulier d'émotions, par exemitle le
muscle zygomatique qui tire en dehors et en haut la commissure
des lèvres dans la joie; il ne parle mèmepas des études de Duchenne
(de Boulogne) sur la mécanique de l'expression des émotions.
Il passe rapidement sur ce sujet, en donnant comme raison qu'on
ignore pour quelle cause tel muscle se contracte dans la joie, tel
autre dans la souffrance. Ce qui lui paraît plus important, c'est d'éta-
blir le rôle joué dans chaque émotion par l'ensemble d'un système.
Dans la tristesse, il y a : 1° diminution de V innervation volontaire:
on se traîne, on est affaissé, la voix est faible, le visage s'allonge par
suite de la faiblesse des masséters, on a une sensation de fatigue,
on porte sa douleur; 2° contraction des muscles vaso-moteurs ; le
sang est exprimé des petits vaisseaux, les organes deviennent exsan-
gues ; d'oîi pâleur, anémie de la peau et des organes, sensation de
froid, diminution des sécrétions, bouche sèche ; chez les femmes qui
allaitent, le lait s'en va; par suite d'une fatigue qui suit leur con-
traction énergique, les vaso-moteurs peuvent se relâcher, alors les
sécrétions augmentent, on pleure, et les pleurs soulagent. Si la tris-
tesse dure des mois et des années, les désordres de l'irrigation san-
guine produisent l'atrophie, les signes de la sénilité.
Dans Vdjoie, il y a : 1° suractivité de l'appareil moteur volontaire ;
on se sent léger, les gestes sont rapides, la voix éclatante, les yeux
rayonnent, la joie rajeunit; 2° une dilatation des vaisseaux les plus
fins, d'où activité' nutritive, sur.'ibondance d'idées.
La peur ressemble beaucoup à la tristesse et présente les mêmes
caractères physiologicpies, plus une contraction spasmodique de tous
les muscles organiques.
La colère ressemble à la joie, et les effets présentent mèmi- une
ressemblance qui i)araît avoir un })eu embarrassé l'auteur ; d';ii)ord
1° dilatation des petits vaisseaux, d'où rougeur, chaleur ; il y a en
outre une dilatation des grosses veines du cou ; 2° awjmentation de
Vinnervation dans les muscles volontaires ; mouvenuMils rapides,
gesticulation exagi''réi', besoin de IVajqier et de mordre, cris stri-
dents. L'auteur j)euse qu'il se produit eu outre un certain degré
7 1 4 ANALYSES
iraneslhésie de la peau ; los adversaires se portent des blessures
qu'ils ne sentent que plus tard, quand l'ardeur du combat a cessé.
Ce sont là les quatre piinoipaux types d'émotions décrits par l'au-
teur, il signale en passant, sans y insister, l'embarras, l'impatience,
le désappointement. On voit qu'il a écarté de son sujet les passions,
comme la haine, le mépris, l'admiration, etc., qui sont certainement
des états beaucoup plus comjjlexes.
Avant di- quitter ces chapitres, nous renouvelons le regret que
l'auteur n'ait pas remplacé ses descriptions par quelques expériences
précises sur l'homme ; il y a des émotions qu'on peut étudier expé-
rimentalement dans un laboratoire, la peur par exemple, telle que
peut la produire un bruit soudain, ou une vive lumière, ou un choc.
Abordons maintenant, avec la deuxième partie, les théories.
Un premier chapitre est consacré à démontrer que les phénomènes
vaso-moteurs sont primitifs. C'est par là que la thèse de Lange dif-
fère de celle de James, qui n'a point fait de distinction aussi pro-
fonde entre les réactions du corps. Lange pense que les réactions
des muscles de la vie volontaire ne peuvent, dans l'état actuel de la
jdiysiologie, expliquer les changements dans l'innervation Aaso-
motrice. C'est avec quelque étonnement que nous avons lu celte
assertion, c{ue M. Dumas, le traducteur, a reproduite sans hésitation
dans sa préface. Comment des physiologistes peuvent-ils l'admettre?
Les recherches que nous avons faites avec M. Courtier sur les vaso-
moteurs nous ont montré (ju'un des principaux facteurs qui modi-
lienl la circulation est le mouvement respiratoire ; une ins])iration
prol'diidf, par exenijile, amène une très forte dimiuuliou dans la
qiiaiilitt- du sang à la périphérie, ce qu'on appelle une vaso-cons-
triclion. Or, la respiration est gouvernée par les muscles du thorax,
qui eux-mêmes sontsous l'inlluence desémotions ; une des piincipales
diflicultés dans l'étude des vaso-moteurs consiste à faire cJjstraction
de ces perturbations respiratoires. Le reste de la llièse dt; l'auteur
consiste à montrer combien les changements de la circulation
intlucnt sur les fonctions des muscles, et des organes en général :
I niiiprimez vos carotides avec les doigts, vous ralentissez la circu-
lai ion cérébrale, d'où vertige, faiblesse, impotence, et même perte
de conscience, ce (jui vous force à interrompre l'expérience. La
compression de l'aorte, chez un animal, paialyse l'arrière-lrain. —
Nous ne voyons i)as sortir bien nettement de tous ces faits la conclu-
sion que les troubles vaso-moteurs sont antérieurs à ceux des
muscles de la vie de relation. Du reste, l'auteur remarque lui-même
que cette conclusion importe peu au fond de sa théorie.
Pour l'étude de la circulation, chez l'homme il eût été sans doute
iuléressant de montrer les méthodes en usage, d'eu discuter les
avantages et les défauts. Lange s'est contenté de signaler les travaux
de Mosso et de quelques autres. On voit (pi'il coupe court à tous
les développements, et veut se contenter d'exposer sa thèse.
i
1
1
SENTIMENTS "15
Celle thèse se résume ainsi : le préjugé populaire et jusqu"ii;i la
psychologie scientifique ont admis Tordre suivant dans la naissance
des émotions : Tune cause, une sensation, qui agit d'ordinaire par
l'intermédiaire d'un souvenir ou d'une association d'idées ; 2° un état
émotionnel produit directement par celte cause et qui se passe dans
lame; 3*^ des etle ts piiysioiogiques qui suivent l'émotion, qui l'expri-
ment au dehors, qui sont toujours présentés, mais sont des épiidié-
nomènes, n'ayant rien d'essentiel. D'après Lange, c'est poser la
question à l'envers. En réalité, l'effet ]»hysiologique succède à la
cause extérieure, etl'élat émotionnel ne vient qu'après, car il résulte
de la perception des effets physiologiques. Un enfant, pour ciler
l'exemple bien connu, ne tremblerait pas parce (pTii a peur ; non, il
commence par trembler, et c'est la conscience de son tremblement
et des autres effets i>hj-siologiques qui l'accompagnent, qui produit
et même constitue sa peur; il a peur parce qu'il tremble. Quels sont
les arguments que l'auteur apporte pour étager son ingénieuse sup-
position, qui, quoi qu'on en dise, va tout juste contre le sentiment
général? ^'ous distinguons deux arguments princiiiaux :
1° Le premier est de jiure logique. « Dans la conception courante,
les émotions sont des entités, des forces, des substances, des démons
qui saisissent l'homme... la psychologie scientifique... ne se demande
pas ce que les émotions sont en elles-mêmes pour disposer sur le
coijts d'une telle puissance... L'angoisse psychique peut-elle expli-
quer pourquoi l'on pâlit et pourquoi l'on tremlde ? » Ces citations
suffisent pour donner une idée de l'argument. Il n'est pas convain-
cant. Les psychologues qui admettent que l'émotion produit des
réactions vaso-motrices admettent implicitement que l'émotion est
accom})agnée de ithénomèiies physiologiques, et que ce sont ces
phénomènes physiologiques qui sont la cause des eff'els physiques
désignés sous le nom d'expression des émotions. Ce n'est pas la joie,
comme événement mental, qui dilate les vaisseaux, c'est le processus
physiologique inconnu, et concomittant de la joie, qui produit cet
etlet iiiiysiologiiiue. Quant à la question de savoir pourcjuoi l'angoisse
fait pâlir et trembler, plutôt que de i)roduire un efiet tout difi'érent,
c'est une question sans doute à laquelle notre ignorance nous
emiiêche de répondre ; mais aucune autre Ihéoiie ne pourrait
donner d'explication.
2° Les diverses émotions ])euveni être produites par des causes
puieHienl jihysiques, qui montrent ([ue les émotions ne viennent
(juà la suite de leur expression i)iiysique, et peuvent se manifester
au milieu de causes qui n'ont rien à faire avec les mouvements de
l'âme. L'auteur cite la joie et le couiage produits i>ar le vin, les
accès de violence et de rage pioduits par le liaschich et l'usage de
certains champignons et en particulier les agarics, la dépression pro-
vocpiée par l'ipéca et le tartre stibié, l'action sédative du bromure de
potassium, etc.
716
ANALYSES
('('S ariiTimoiils sont (•filaiin'nifnt plus sih'ieux que les précédents
mais ils nt' sont })as absolunn-nt convaincants. Sans vouloir prendre
parti dans ce problème, jusqu'à ce qu'il soit résolu par des expé-
riences précises, nous ferons remarquer que les diverses substances
énumérées peuvent provotpier dans les cenires nerveux les proces-
sus physiologiques qui accompagnent Témolion, et par là même
provoquer l'émotion.
Sous ce mèmi' chef on i>eut ajouter les conclusions tirées par l'au-
teur des émotions morbides. On sait que chez certains malades,
mélancoliques, maniaques, etc., des états émotionnels profonds, la
tristesse par exemple, s'installent à demeure, et que ces états émo-
tionnels ne sont point provoqués par des motifs d'ordre moral; le
motif d'oi-dre moral (jue le malade invoque pour légitimer à ses
l)ropres yeux sa tristesse et ses pleurs est en réalité un effet secon-
daire ; l'éiat émotionnel a sa source directe dans l'état de misère
physiologique '.
Ici encore nous remarcjuons que la conclusion n'a rien d'impé-
rieux, puiscpi'nii peu! admet lie iiHc cxçilai iou directe des centres et
des processus (jui sont en rapport avec l'émotion. Mais il est incon-
testable que ce sont là les meilleurs arguments de la tliéorie de
Lange et que les critiques de ses théories n'en ont pas suflisamment
tenu compte.
Dans le dciiiitr chapitre, sur le mécanisme cérébral, l'auteur a
prévu la principale objection que sa théorie devait rencontrer, et il
s'est cfforci- d'y répondre. 11 jjrend l'exenqile suivant : on braque
sur vous un revolver chargé, et vous tremblez ; évidemment, ce i[ui
jiroduil vohe tremblement, ce n'est ]>as la vue ]tuie et simple d'un
objet de cette forme et de celte couleur (pii s'aïqielle revolver; on
tremble parce (|u"on comprend la signilication de ce qu on voit et
(ju'on a conscience d'un danger imminent. Eh bien, n'y a-t-il i)as
nécessaireiiieiil dans la conscience de ce dangei- une jiarl (l'(''niotii«n ?
Si on l'ail Taiialyse de cette sihialion, ne Inmve-t-on pas (lue poui'
qu'elle soit conq)lète il faut (lu'elle mette en jeu l'émotion de la
peur? C'est précisément la (luestion (jui a été si vivement discnt(''e
dans ces dernières années, c'est robjectioii de WundI, nnlamnieiil.
>'(iiis ne pouvons pas dire (pie Lange l'ait coMiplèlenieul (''cartee ; il
s'est coiilciih' (l'analyser avec finesse un seid exemple de ]teur pio-
duile |iai une cause [isyilii(pie, afin de muutrer ([ue ce cas est réduc-
lilile à celui (finie cause iiial(''iielle. Son argumentation est trop
rapide, et son exemple est tiop simple. Le voici ce|i<'ii(laiil. Il prend
<ralioi(l coiiiiiie admis (|iie certaines peins |ieiiveiil (Mre le produit
direct d'excilalioiis sensorielles, sans (pie le souvenir, le laisoiine-
uu'ut y aient pari ; ainsi, un bruit strident fait tressaillir douloureu-
•' .
(1) Voir le livi-f de Diinias, amilvsé dans VAnnée pfujcholuf/lqiw. 1,1895,
p. iS4.
n
SENTIMENTS "17
semont, ou a ou lôellemeut peur, et la peur est si forte que cerlaiues
persounes ne peuvent s'en défaire et ne se résignent jamais à rester
près d'un canon qu'on tire, malgré l'absence de tout danger ; dans
ce cas, la sensalion douloureuse luoduit directement, c'est-à-dire
I)ar voie réflexe allant du centre auditif au cenire vaso-moleur, l'ex-
cilation qui amène la constriction des vaisseaux; on a conscience de
celte constriction et de tous les états organiques qui s'ensuivent;
cette conscience sourde constitue la peur. Ici, point de difliculté.
Prenons maintenant une peur morale ; l'enfant à qui on a déjà donné
une médecine avec une cuillère, crie et a peur quand on lui repré-
sente la même cuillère ; l'analyse de ce qui se passe montre que la
vue de la cuillère suggère à l'enfant le souvenir d'une sensation
désagréable du goût ; c'est cette sensation rappelée qui est l'origine
de la perturbation vaso-motrice ; et tout se passe comme si le centre
sensilif du goût était excité directement une seconde fois. L'inter-
prétation est satisfaisante, mais il n'est pas démontré qu'elle con-
vienne à tous les cas. Nous ne trancherons, quant à nous, la ques-
tion dans aucun sens, espérant qu'un jour des faits précis viendront
nous montrer si, comme le pense Lange, c'est à notre système
vaso-moleur que nous devons luulr la part émolionnelle de notr(;
vie psychique.
Au moment où j"écris ces lignes, je suis en plein cours d'expé-
riences avec M. Courtier sur cette question intéressante ; nous faisons
des études sur les vaso-moteurs d'enfants chez lesciuels nous }>rovo-
quons artificiellement, au moyen de cadeaux successifs, des états de
plaisir, et au moyen de menaces successives de petites secousses
électriques, des états de crainte ; nous faisons aussi des expériences
sur des adultes qui sont capables de réveiller en l'ux, par une forte
absorption intellectuelle, des émoliuiis gaies ou tristes. Les résultats
recut'illis jusqu'ici sont absolument nets ; mais d'autre part ils sont
si comjjli'xes que nous ne nous sentons pas capables de les résumer
en quelques lignes.
Nous devons, eu terminant, (aiii! remarquer ([Ut- si jiour Laugi;
rémotion est la conscience des variations physiiiucs ([iie Tcxcilation
des centres vaso-moteurs provoque dans le corps, William Janu's ne
se rallie pas à cetle formule étroite, et échappe par conséfiucnt aux
objections directes ({u'on peut adresser à la théorie de Lange à laide
d'arguments tiré-s des expériences sur les vaso-iiidleins ; pour
William James, ce lU) sont pas seulemeiil les muscles vaso-muleuis,
ce sont aussi tous les autres muscles lisses, et tous les muscles striés
qui entrent en jeu et produisent des impressions diverses dont la
conscience constitue mitre tMat d"émotion.
2-3. Il nous paraît utile de résumer d'après l'article de (jardiner
la série d'arguments pn'sentés jiour et contre cette Ihéorit;, et les
modifications qu'elle a subies. Les discussions ont eu lieu principa-
lement avec W. James, qui a fait preuve d'un talent bien remar-
718
ANALYSES
quahle de polémislc. (Tout ce qui suil est emprunté ù l'article de
Gardiner. )
Preuves directes de la théorie. — Un individu coni|ilèlement anes-
Ihésique, qui ne sentirait pas l'efTet piiysique produit dans son orga-
nisme par une excitation ne devrait pas, si la théorie James-Lange
esl juste, ressentir d'émotion. Maisoùesl ranesthési(iue qui fournira
cette expérience cruciale? W. James a cili' ([vudcjucs cas, celui dr
Bréchet, celui de Sirum|tell [Psi/ch. Hev., I, p. 544; cf. Mind, n. s.
IV, p. 96) qui sont équivoques ; le cas rapporté par Sellier est meil-
leur {Rev. Philosoph., mars 1894, p. 24t), mais n'est point satisfai-
sant; les cas en sens contraire rapporl(''s ]iar Worcester sont t'gale-
ment sujets à critique.
Objections contre la throrie. — Les premières oïd ('lé failes par
Gurney, ([ui ne se doutait guère que la tli(''orie de James aurail lant
de succès; il la liaitait de ])aradoxalc [Mind, IX, p. 421}. Les princi-
paux critiques qui sont arrivés ensuite sont Worcester {Monist, III,
p. 285, janv. 1893) ; Irons {Mind. n. s., III, p. 97, janv. 1894; Mind, n.
s., IV, p. 92, Janv. 1895 ; Psych. Rev., Il, p. 279, mai 1895); Baldwin
(Psych. Rrv., I, p. GIO, nov. 1894) ; J. Dewey (J'sych. Rev., I, p. 553 ;
II, p. 13, nov. 1894 et Janv. 1895). Voici les principales objections :
a) la même émotion peut avoir des exjiressions différentes, et des
émotions dilîérentes peuvent avoir la même ex|)ression ; donc ce
n'est pas la conscience de l'expression ipii constitue l'émotion. La
réponse, c'est que dans les différentes expi-essions d'une même
émolion, il jicut y avoir assez de ressemblance pour ipie rémoliiiu
reste la même ; et que de même, dans les expressions analogues
d'émotions difl'érenles, il peut y avoir assez de différences pour ([ue
les énuttions soient de diifi'-rente nature. Ces raisoiinenu'uls-là ne.
mènent à rien, car ou ne sait pas exactement quelle est la ualure
de l'expressitin ; b) loules les (Miiolions, (piand elles sont intenses,
tendent à avoir la même expicssion. Réponse : l'émotion elle-même,
quand (die est intense, ne teiul-elle pas à devenir la même? c)
[deurer, rire |)euvent ne s'accompagner d'aucune émotion; réponse :
rex|iression djiiis ce cas resie inc(inipl("'le. Toules ces ojijeclidiis soiil
en somme peu S('Tieuses, el luuis [muivoiis les ('carlei' : iii.iisen voici
de plus graves : (/) les uiduveiiienls d'expression el les eifels orga-
ni(pies d'un sliniulus sont hien dinV'icnls suivani rinlerprélalion
(pi'on en donne : ce n"e>l p.is la vne d'nn |uslolel comme corps
allong('', luiscinl, de lelle l'orme, (pii peul faire penf, c'esl la signi-
lication (pi'on y atlache; de même |»our la vue d'nn animal féroce,
elc. James i(''|iond en faisan! luie plus large délinilion du stimulus ;
il (lil (pi'il comprend la situation totale en face de bupudle ou se
trouve, c'esl-à-dire les laisonnenienls el idées qui s'éveillent à ce
moment, e) il est reconnu (pu' tous les actes exécutés ne sont pas la
cause de l'émotion prodnite. On disait autrefois : on esl effrayé
parce qu'on court, à (pioi Worcester objectait itlaisammeut : on a
t
SENTIMENTS 719
peur d'être mouillé parce qu'on achète un parapluie. James, dans son
exposition, s"é(ait mis à l'abri de celte objection ; il ne disait pas :
on est eïïrayé pai'ce qu'on hiil ou parce qu'on tremble; il disait simple-
ment que l'ordre successif des phénomènes était le suivant : on voit
un objet, on tremble, on est effrayé. On admet aujourd'hui que cer-
tains actes et phénomènes sont accessoires, tandis que d'autres
sont les causes réelles; parmi ces autres, il faut placer les pertuiba-
tions viscérales et vaso-motrices; f) on limite expressément la théorie
à une phase particulière du processus émotionnel. On admet que la
théorie s'applique surtout à l'excitation ('motionnelle brusque, au
saisissement, à ce qu'on appelle « Ihe afl'ect »; et on pense que ce
saisissement est produit par une modification orti;anique. Gardiner
dit que la théorie ainsi comprise devient très plausible. Nous croyons
devoir faire ici une distinction; pour les vaso-moteurs, ils ne jouent
pas de rôle dans le saisissement parce que leurs réactions sont très
lentes. Il en est autrement pour le cœur et la respiration.
La théorie de James se résume actuellement de la manière sui-
vante : dans l'analyse d'une émotion par la conscience on trouve
trois éléments: le contenu objeclif, une sensation de plaisir ou de
peine, et une sensation de saisissement, provenant de sensations
organiques.
Deux auteurs principaux, Baldwin et Dewey, ont présenté des
objections de détail. Le dernier de ces auleui's a présenté une théorie
nouvelle, fondée sur les mêmes jirincipes que celle de James, mais
plus compliquée : elle est une combinaison de la théorie de James
avec les principes évolutionnisles indiqués par Darwin dans ses
études sur l'expression des émotions. D'après Dewey, toutes les soi-
disant expressions des émotions seraient en réalité la réduclion de
mouvements, primitivement utiles, à des altitudes; ce n'est (hmc
pas en rapport avec les émotions qu'on doit les ex])li(iui'r, mais
comme des survivances ou des modilicaLions de coordinations té]('o-
logiques. Quand il y a conflit entre les mouvements inslinclifs et des
mouvements nouvraiix |ii()vim|U(''s par des idi'cs, on a une sensaliun
de tension qui est la basi; de l'émotion. Sans ce conllit il n'y auiaii
point d'émotions, et ce n'est jias la somme d'états de sensations orga-
niques qui serait ca|table de les faire naître.
4. Xous plaçons ici m apiicndice les analyses de très ruinlcs
notes de contradicteurs, Stratt,on, M'Lennan, qui n'adopirni |Miin!
les idées de James-Lange, el l-'eiiero qui fait joiici' nn nMe inqior-
lant aux sensations de la cénesthésie. .Nous indicjuons eulin une cri-
tique historique d'irons. v
Oua nd nous éprouvons une violente émotion, rfniar(|ui' SI ration,
nous avons bien des sensations d'origine organicjue, par exemjtle des
battements de cœur, des troubles respiratoires et des sensations pro-
venant d'un changement dans l'état des vaso-moteurs. Mais la per-
. ception de ces sensations m; l'onstitue pas r<''jnotion, coniiiK,' le
720 ANALYSES
prétendent James et Lange, car si nous |ioitons notre altention sur
ces sensations, pendant ([Uf nous sommes émus, l'état émotionnel
cesse, quoique les sensations continuent ; ces sensations nous parais-
sent alors être exti'-rieuros à nous et non être nous-mêmes.
5. M'Lennan pense que l'intérêt est excité par tout ce qui louche à
notre existence et à noire bien-êlre ; quand l'objet excite eu nous plu-
sieurs réactions contradictoires et en lutte, nous avons un état émo-
tionnel; l'éniolion se caracléiise par un man(pio d'équilibre, un état
d'inbibition; ainsi on veut fuir un objet elîrayant, m-ais les jambes se
dérobent ; on veut frapper un individu détesté, mais on a conscience
de son infériorité physique et on se retienl. Le désir, auquel l'émo-
tion conduit, est aussi un état d'inhibition, mais l'inhibilion ne
porte pas sur les tendances; elle porte sur la réalisation de l'acte.
6. L'homme normal, en pleine vigueur de santé, dit Ferrero,
n'a pas peur de la mort; si la pensée de la mort se présente à lui,
elle est si vague et se lapporte à un événement si incertain quant à
l'époque de sa réalisation, (ju'aucun sentiment d'angoisse ne se pro-
duit. Cette indifîéreuct- tient à ce (pie le tonus vital d'un individu en
bonne santé est contraire à la production d'images vives relativement
à la mort. Chez le vieillard (lél)iiil('', la jjensée de la mort est plus
fréquente et |j1us émouvante, non parce que la mort est plus pro-
chaine (dans les duis métieis de mineur et marin où la mort est
toujours menaçante, |on n'y pense guère), mais parce que la sensation
oriianique de la faiblesse du corps s'harmonise bien avec l'idée de la
mort. Dans beaucoup de circonstances, suicide par amour ou vanité,
pratiques de pleuplades sauvages, etc., la mort devient agréable par
association d'idées.
7. Le traité de Descaries sur Les passions de rame st' recommande
aujourd'hui encore à l'attention des psychologues non seulement
parce (|u'il conlieiil des analyses très Unes de divers élals émotionnels
(l'ingratitude, le respect, le mépris, etc.), mais encore parce (pi'on
liouve dans cet ouvrage, sous une forme i)resque achevée, la théorie
moderne de l'émotion due à W. .lames et à Lange, théorie d'après
liiquelle l'éniolion est caus(''e jiai' des ciiangenieiils physiques.
Voici, en iM'snini', comment Descartes présente sa théorie : tout
objet frappant nos sens « agit » par les nerfs sur la glande ])inéale ;
si cet objt't a vis-à-vis d(! nous quehiue relation d'utilité, il se fait
dans la glande pinéale une impression de ce rapport; cette modi-
lication cérébrale nud les esprits animaux en mouvement ; il se
produit des changements dans le cœur et dans le sang, cpii par Tinter-
niédiaiie des esjirils animaux, reviennent au cerveau, et impression-
nent la glande ]iint'-ale ; ce sont des effets physicpu^s (jui produisent
l'émotion; eu même tenqts les esprits aniuuiux agitent les membres
et produisent les niouvenieiils et les actes nécessaires, par exemple
la fuite eu cas de peur. Irons [lense ijue le point faible de la théorie
de Descartes est le même «lue dans la théorie de James et de Lange :
SENS ESTHÉTIQL'E 721
011 est forcé d'admettre qu'entre la perception de l'objet extérieur
qui cause l'émotion, et les effets physiques qui s'ensuivent, doit s'in-
tercaler une condition intellectuelle, un jugement, une idée tout au
moins sur la nature de l'objet extérieur; or si ce point est admis,
remarque Irons, pourquoi ne pas admettre aussi que c'est l'idée qui
produit l'émotion ?
A. BiNET.
III. — SENS ESTHÉTIQUE
DAURIAG. — Essai sur la psychologie du musicien. Revue Philoso-
phique, janv, 1895, p. 31-36; mars 1895, p. 256-284; avril 1895,
p. 400-422.
L'auteur discute un sujet extx'êmement intéressant, l'intelligence
musicale ; il présente sur cette question des aperçus suggestifs, qui
s'appuient sur un grand fond de connaissances musicales ; néanmoins
nous croyons qu'ici comme partout les questions de psychologie ne
peuvent se résoudre que par l'appel le plus large à la m(''thode expé-
rimentale. Celle-ci peut seule nous dire si l'auteur a raison dans ses
affirmations. 11 pense que l'intelligence musicale, c'est-à-dire l'apti-
tude à distinguer un air d'une série incohérente de sons, consiste à
faire une unité d'une pluralité ; il admet que cette intelligence est
distincte de la justesse de l'oreille, qu'elle peut être affinée, mais
que c'est un don de nature, et un don précoce. L'auteur signale
épisodiquement plusieurs conditions qui facilitent l'intelligence d'un
morceau ; la simplicité d'abord (mais en quoi consiste-t-elle ?) la
facilité de chanter l'air et d'en battre la mesure; l'absence de varia-
tions; l'absence d'un accompagnement qui ajoute à l'air chanté un
dessin mélodique, et oblige d'entendre deux airs à la fois ; l'emploi
de la voix humaine ou d'un instrument dont le timbre se rapproche de
la voix humaine.
L'intelligence musicale permet de savoir si une i)hrase est terminée
ou non, mais elle ne nous fait pas connaître le sentiment qu'une
musique exprime ou la chose qu'elle prétend décrire. Hien souvent
les compositeurs n'ont aucune idée définie, et ils ne cherchent un
nom à leur œuvre qu'après coup. La plupart du temps c'est l'éditeur
de musique qui se charge de trouver le nom dun morceau.
La mémoire musicale, qui est liée à l'intelligence musicale (car
on relient surtout ce qu'on a compris), renferme iilusienrs mémoires,
celles des intensités, des timbres, des hauteurs absolues et relatives
et des rythmes. Sur le rôle de ces mémoires et leur importance,
l'auteur discute toujours sans i)reuve. C'est pour ikhis iiii ('tonne-
ment profond de, voir un auteur traiter par l'imagiiialion un sujet
qui dépend directement de l'expérience.
A. BlNET.
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 46
iT,
ANALYSES
L. DIMIER. — Le modelé dans la peinture et la troisième dimension.
Rev. de métaphysique et de morale, sept. 1895, p. oo0-57i.
Réflexions à propos des doctrines de LéonaiJ dt- Vinci, dont les
manuscrits sont publiés en ce moment par M. Ravaisson-Mollien en
trois textes, une traduction française, Toriginal italien et une plioto-
aiaphie du manuscrit. Léonard, qui précéda le Corrège et }iar con-
séquent l'époque où la pratique du clair obscur fut .universellement
connue, insiste sur Timporlance en peinture du modelé, qui n'est en
somme que du clair obscur restreint à la ligure; il montre que, plus
que la forme et la couleur, le modelé est assujetti à des règles fixes,
et qu'il faut beaucoup plus d'études et de réflexions pour donner
des ombres à une figure que pour en dessiner les contours. Cette
doctrine est opposée à celle des impressionnistes, qui réduisent la pein-
ture à la tache, juxtaposition de petites surfaces de couleur homogène.
Une autre doctrine de ce peintre est moins claire; elle est relative
à ce qu'il appelle le corps. « Toute forme corporelle, dit-il, quand
à l'office de l'œil, se divise en trois parties, c'est-à-dire corps, figure
et co\ileur. » Peut-être le corps signilie-l-il la nature, la qualité
matérielle de l'objet représenté, el peut-être Léonard a-t-il voulu dire
que par certains artifices de louclie, de pâte, })ar ces procéd(''s enfin
que chaque j)einlre invente et conserve pour lui seul, on arrive à
rendre la nature de l'objet. Ainsi, on rapporte que Reynolds, vouhml
apprendre dt'S Vi'-uilicns le secret de certains efl'ets, sacrifia quel-
ques tableaux de ces grands maîtres qu'il délayait lentement dans
l'essence pour en examiner l'exécution.
Enfin, un troisième enseignement de Léonard de Vinci i)arail
aujourd'hui encore utile aux débutants, mais ne peut passer à l'étal
<le règle inflexible : Léonard prescrit d'opposer sur le inud du
tableau, des clairs aux ombres des tigures et des ombres à leur
lumière. « Si Léonard de Vinci, a dit Reynolds, eût vécu assez long-
lem]is pour voir l'elTet brillant et extraindinaire qu'on a obtenu
depuis par une méthode exactement coulrairf en juignanl la lumière
à la lumière et l'omlire à ronibic. il l'aurait sans doule admiré. »
Terminons en siiiiialant les idées d(; Léonard sur l'enseianemenl
du dessin '. On place aujourd'hui sous les yeux des élèves des solides
de forme géométritiue, cubes, cônes, sphères. Ainsi, dit-on, on évite
de placer enlie le tenqiéramenl de l'enfaiil el la nature uni' iiiler-
prélation étrangère. C'était l'idée de Rousseau, qui ne s'entendani
l)oinl à la peintur(% enseigne le dessin à son Emile par la simple
pratique de la nalure. Dirnier l'cpousse ce système elje me joins à
lui : cet enseignement n'est [)oint naturel, comme on le prétend.
(1) Voir sur ce sujet, qui touche de très près à la psychologie, le Ru])-
porl de F. Ravaisson sur renneifpieineni du dessin, et le Diclionnuue
péduffogique, au mol Dessin.
SENS ESTHÉTIQUE 723
J'observe depuis longtemps deux enfants, âgés aujourd'hui de huit
et de dix ans, qui ont un goût très vif pour le dessin, et auxquels on
laisse pleine et entière liberté de faire ce qu'ils veulent; ils couvrent
chaque jour des feuilles blanches avec des dessins de leur invention,
qui du reste se répètent sans grandes moditications. Je ne les ai
jamais vus copier d'après nature; ils se bornent à regarder attenti-
vement quand ils se promènent les objets qui les intéressent le plus,
par exemple les chevaux, dans le but de les dessiner exactement, et
toujours ils travaillent de mémoire. Voilà, je crois, le penchant
naturel, et ce penchant conduit directement au dessin symbolique;
l'enfant a dans les doigts un type de cheval, qu'il s'est fait à lui-
même, qu'il perfectionne lentement , et répète à satiété. D'après
Léonard de Vinci, le débutant doit apprendre à copier; et ce n'est
pas la nature qu'il doit copier, mais des dessins de maître. C'était
la méthode suivie autrefois chez nous; on ne débutait pas par la
bosse, mais par la copie des estampes.
La lecture de l'intéressant article de Dimier suggère deux études
qui n'ont pas encore été faites : i° l'examen de l'évolution historique
de la peinture, pour nous apprendre par quels degrés siiccessifs les
individus sont arrivés à se rendre compte de ce qu'ils voient (évo-
lulion de la perception de la forme, de la couleur, du modelé, de la
Iterspective, etc.) ; 2° critique de l'enseignement du dessin, en prenant
pour ]ioint de départ les observations de psychologie enfantine.
A. BiNET.
I).-R. MAJOR. — On the Affective Tone of Simple Sensé Impres-
sions {Sur le ton affectif des impressions sensoriel les simples.) Amer.
J. of. Psych., vol. VII, 189o, p. 57-77, avec trois tableaux graphiques.
Ce travail, émané du laboratoire de Cornell (directeur Titchener)
vient s'ajouter à ceux, encore en petit nombre, qui traitent sous une
forme expérimentale la question du sentiment esthétique. L'auteur,
quoique ayant entrepris ses recherches avant l'apparition de celles
de Colin*, a constamment comparé ses résultats avec ceux de* cet
Jiuteur, cherchant moins à obtenir des résultats positifs qu'à l'claircir
des questions de méthode. Du reste, il n'a opéré que sur trois sujets.
Le procédé est celui de la série ; une série de couleurs ou de sensa-
tions de l'ouïe étant oflerte au sujet, celui-ci est prié de ciioisii', cl
d'estimer à propos de chaque couleur ou de chaque son la valeur du
sentiment qu'il éprouve. Cohn a fait ftlusieurs objections contre
l'application d(.' cette miHliode aux couleurs : d'abord la juxtaposition
des couleurs produit des phénomènes de contraste qui les altèrent;
en second lieu, le sujet peut seulement désigner dans la série ce qui
lui plaît ou ce qui lui déplaît le plus, il ne peut comparer deux cou-
(I) Pour une anaivse des recherches de Cohn, voir Année psychologique,
L p. 438.
724
ANALYSES
leurs quelconques, et établir entre toutes uu ordre de hiérarchie.
Major a néanmoins employé la méthode des séries, en ayant soin de
présenter les couleurs les unes après les autres, pour éviter les con-
trastes, et en faisant apprécier chaque couleur d'après une échelle
convenue d'avance, où le n° 1 exprime la satisfaction maxima et le
n° 7 le déplaisir maximum. Notre objection, c'est que dans ce cas
lapersonneest obligée de faire un jugement très complexe d'apprécia-
tion, fondé sur des souvenirs, et bien plus sujet à erreur qu'une com-
paraison directe de sensations. Le nombre des sujets observés est trop
petit pour prêter à la moindre généralisation ; et il est sans intérêt
de reproduire leurs préférences individuelles, sauf peut-être cette
particularité que chacun est resté pendant la durée des expériences
lîdèle à ses préférences. Quelques essais faits sur l'esthétique des
sons ont eu des résultats tout aussi discordants. La partie la plus
nouvelle de ce travail a trait à l'esthétique des contacts; les sujets
ont palpé 56 étoffes différentes, les yeux fermés, et ont trouvé plus
naturel que pour les couleurs et les sons de qualifier les sensations
tactiles comme agréables et désagréables; de plus, ils ont été d'accord
d'une manière très frappante dans leurs appréciations : les étoffes
rudes, fermes, grossières sont plus désagréables que les étoffes
douces et molles. A. Binet.
TARCHANOFF, — Influence de la musique sur l'homme et sur les
animaux. Congrès de Rome, t. H, p. 153.
Lorsqu'on prend la courbe ergographique et ([ue le sujet (>st arrivé
à l'état de fatigue complète et ne peut plus soulever le poids', si à ce
moment on fait entendre une musique gaie, d'un mouvement rapide,
la fatigue disparaît parfois pour un certain temps plus ou moins long
et les sujets peuvent de nouveau soulever le poids. La musi(iue triste
et lente a une action contraire. Ces lésultats sont, on le voit, en
accord avec ceux de M. Féré *. — Une deuxième série d'expériences
a été faite sur des chiens et des cobayes, on déterminait la quantité
d'acide carbonique qu'ils éliminaient et la quantité d'oxygène ([u'ils
consommaient pendant vingt-(iuatiT. heures, d'une part pendant l'état
de repos, et de l'autre, pendant qu'on leur faisait entendre toute les
cinq secondes une clochette électrique; on voit que le dégagement
de CO- et l'absorption de 0 augmentent dans ce dernier cas :
En vingt-quatie heures sur un kilogramme du poids.
lîcpos. Excitations auditives^
Les cliiens éliminent CO- 18,66 21,78
— consoiiuiicut 16,06 20,01
Les cobayes éliuiiuejit CO- 38,20 42,23
— consomment O 35,54 38,79
(1) Sur l'ergograghe, voir Année ps>jc/i., I, p. 450.
(2) Féré. Sensation el inouvonen/ .
SENS ESTHÉTIQUE 725
Enfin une troisième série d'exiiériences faites sur des liommes a
niontrt' que les courants cutanés de la main, enregistrés par le gal-
vanomètre de Wiedemann, sont modifiés par Tinfluence de la
musique ; or ces courants cutanés étant dus à une augmentation de
la sécrétion de la peau, fauteur en déduit une inlluence de la
musique sur l'activilé de la peau.
Victor Henri.
ASTIGMATISME ET ESTHETIQUE
Ch. PÉKAR. — Astigmatisme et esthétique. Rev. Phil., août 1893,
p. 186-188.
LAUPÏS. — Ici. Rev. Pliil., oct. 189o, p. 399-406.
V. HENRI. — Id. Rev. Pliil., oct. 1895, p. 406-408.
L. HOWE. — Art andEyesight [Art el vision). Pop. Science Monthly,
août 1895, p. 4b8-471.
La question soulevée a une portée générale, celle des rapports qui
existent entre les imperfections de nos sens et nos œuvres d'art.
Aussi mérite-t-elle quelques mots.
Pékar signale à Tattention les relations qui existent entre 1 astig-
matisme et Testhé tique. Jl pense que Fastigmalisme, très fré-
(juent chez les individus et notamment chez les peintres, peut
expliquer notre tendance à préférer aux carrés la forme du parallé-
logramme dans une foule de nos omvres, par exemple dans les toiles
•des peintres. La note de Fauteur est du reste un peu confuse.
Laupts (ce pseudonyme est celui d'un médecin militaire, qui a
par conséquent l'habilude de procéder à des examens nombreux
du sens visuel) nous donne une description très soignée de l'astig-
malisuK; et de ses diverses formes ; rappelons en quelques mots
cette descrii)tion pour ceux qui ne sont pas familiers avec les ques-
tions d'oculistique. L'œil humain peut être considéré en bloc comme
une lentille unique ayant un indice de réfraction de 1,39 à 1,49,
et une distance focale de 17'"'",48. Les différents méridiens de
I'omI normal ayant le même pouvoir réfracteur donnent des images
situées en un même point, soit sur la rétine, soit en avant, soit en
arrière ; ceci dépend des yeux. L'astigmatisme est une inégalité
constante de réfraction des divers méridiens de l'œil perpendiculaires
l'un à l'autre présentant l'un le maximum, l'autre le minimum de
réfraction. Il est facile d'en cnlculer les effets. Supposons un jtoint P
placé devant un uiil astigmate dans lequel deux méridiens perpen-
liiculaires l'un à l'autre ont une réfringence différente : l'un AA
présente le maximum, l'autre BB' le minimum de réfringence. Oii
se fera dans cet œil l'image du point P? Le méridien AA' a son
foyer en F ; tous les rayons partis de P et passant par ce méridien
se réunissent en F et continuent leur trajet. Le méridien BB' a son
l'26
ANALYSES
foyer on F'. Il en résulte que l'image du point P sera en F une ligne
horizontale, en ¥' une ligne verticale et qu'en tout autre point de
l'axe l'image sera ou une surface régulièrement circulaire ou une
ellipse. C'est ce que montre l'examen de la figure •12i>. Or, supposons
par exemple que la rétine de cet œil se trouve au point F', et que
tout point qui se peint sur la rétine y forme une petite ligne verti-
cale. Si le sujet legarde une croix, la barre horizontale de la croix
se décomposera en une série de petites verticales placées parallèle-
Fig. 125. — Images du point P, recueillies sur un écran (rétine)
pi rpendiculaire à .r. .%■'.
ment, et cette Juxiaposition donnera un ensemble lion ; la baire
verticale se décomposera aussi en peliles lignes verticales, mais elles
se superposeront les unes sur les autres, ce ([ui prodiiiia une ligne
nette un peu allongée.
Mais l'auteur jtense que l'astigmatisme régulier est tnqi rare
pour avoir joué ({uelque rôle dans les habitudes esthélifjues des
hommes. I.a préférence marquée que nous t('moignons au jiarallélo-
gramme sur le carré aurait une origine bien différente; elle vient
(le ce ((ue les objets f[ue les peintres représentent tiennent ])lus
naturellement dans un paiall(''logranime (jnedans un e;irr('' ; l'Iionime
est un parallélogramme vertical, l'animal est nn ]>ar;illt''Iogianime
horizontal ; les scènes qu'on peut, iiqirésenler, par exemple nn bal
populaire, ont plutôt la forme d'un paraliélogrannne (jne celle d'un
carré : les livres et journaux sont allongés parce (jue <le cette
manière on perd moins de place quand on va à la ligne, etc.; toutes
ces raisons sont ]tlutôt ingénieuses (jue convaiiicanles.
Victor Henri admet comme Lau{)ts (pie l;i préférence de cer-
taines inégalités ne lient pas à la structure de l'organe visuel. Il
insiste sur ce fait que l'astignuitisme physiologi(iue est tout à fait
insignitmnt (ne pas confondre l'astigmatisme physiologique, appar-
tenant à ra:'il normal, avec l'astigmatisme dit régulier, dont Laupis
nous a parlé plus haut, qui est un vic(î de conslruclioii jiroduisanl
des effets considérables sur la vision, et (m'on appelle réguliei- à
cause de la distrihntion des différences de réfra(ti(ni entre les UK'-ri-
diens de l'feil). Dans nn (eil noiinal, rapi>elle Henii, la distance
focab; des rayons venant du plan horizontal et du |>lan vertical
SENS ESTHETIQUE
727
iTalteint pas uu dixième de millimèlre ; aussi l'asligmatisme est si
iusignilîant qu'on ne s"en aperçoit que dans le cas où il s'agit de
lignes croisées à voir en même temps et avec beaucoup de netteh'.
Mais ce cas est très rare, et le plus souvent, dans la pratique, on
regarde successivement une ligne et ensuite l'autre. De plus, si on
admettait l'influence de l'astigmatisme régulier, il n'en résulterait
pas que cette influence se traduirait par une tendance à rendre les
Fitr. 12G.
dimensions principales (vei-licales et horizontales) inégales, car ceci
ne résulterait pas du tout du fait qu'on ne peut jias voir simultané-
ment avec une nettfîti'- égale deux lignes croisées.
Nntie préféreni'e [)i\\\y les rcclaiigics, l'ait reconnu et dé'jà ('■ludii''
]M[v h'crhnov [Vorschule der Aesthcii/i, t. I,p.d84), vi(;ndfail de ce nun
nous pi é'férons à une symétrie parfaite une inégalité (pii n'est jii
trop faible ni trop forte; c'est pour cida ({u'une (|uinl(! ()laît |tlus
qu'un octave. Fechner a clierché exftérimentalement (pielli's étaient
les formes géométriques simples préférées aux antres ; il trouva
qu'il y a deux cas jiréférés, d'abord celui de l'égal ité;, [)uis celui de la
section d'or, où le rapport des côté's est de 1,628. Un fait analogue
a été constaté pour les intervalles de temjts ; si on partage un intn-
ris
ANALYSES
valle de temps (de deux secondes environ) compris entre deux coups
de marteau, par un troisième coup de martetni, la division la plus
agréable n"est pas celle du milieu, mais une division jicu diffcrenlt-
de la section d'or. Kûlpe voit dans ce fait une application' de la loi
de Weber ; en elîet, tlans une section d'or, la somme des segments
est au plus grand comme le plus grand est au plus petit. Il y a donc
égalité de rapports. En tout cas, la cause de ces ]diénomènes ne
W -' ''- •^•^-^'' '^
Fi-. 1-27.
réside pas dans la .-Uuclurr de l'nil, mais dans des l'onctions psy-
chiques générales.
Quelque peu ilinVicnles soiil 1<'S réllcxions i[ue nous tiouvons dans
l'article de liuwf. i/auleur croit que rasligmalisme physiologique
n est point une quantité négligeable ; sur cent personnes qui pré-
tendaient avoir dexcellenis yeux ><n a lrouv<' un a>ligiiiatisme moyen
égal à 0,68 (iii di.qitries) ; celui des peintres serait supérieur, de
0,83, et il est dû à l'habitude qu'oui les artistes de cligner en tra-
vaillant; ce clignement, qui e>l liabiluel pendant le travail, a pour
etTet d'exercer une pression de liaul m lias >ur le globe de l'œil, de
le déformera la longue, et de produire un astigmatisme permanent.
SENS ESTHETIQUE
7iJ9
L'auteur rappelle à ce sujet les recherches de Liebreich, de Londres,
un savant ophtalmologiste qui, ayant fait fortune, abandonna sa
pixifession et se consacra à la critique artistique ; il étudia les
tableaux de ïurner et arriva à la conclusion que les différentes
manières de ce peintre proviennent d'une altération graduelle dans la
structure de ses yeux. On trouve encore dans l'article de Howe trois
photographies très curieuses d'une église (fig. 126, 127 et 128), Tune
Fiff. 128.
(tig. 120) est d'une parfaite nctielé; la secun<le et la (loi-irnu' ont
été obtenues en plai;ant devant la chambre noire des verres cylin-
driques de manière à reprodiiiii' iiih' image pareille à celle (pii se
forme dans un œil astigmate ; elles reproduisent l'effet d'un astig-
matisme égal à 0,83, ce qui est l'astigmalisme moyen des peintres.
Pour avoir laligun; 127, le cylindre de verre a été placé avec son axe
horizontal, la ligure est trouble, iinilnse, et ses lignes linri/.(uifales
sont peu marquées; pour la figure 128, l'axe de la lentille cylindri([ue
était vertical, et toutes les lignes verticales de la pliolograpliie sont
effacées. Nous avons montré ces ligures à des pi-rsnuiies fraucliement
astigmatiques ; l'iuie d'elles, qui, quand elle regarde une croi.v, voit
trouble la ligne verticale, a trouvé très nette la ligure 128 où les lignes
730 ANALYSES
verticales sont troubles; c'est évidemment parce (|ue celle figure
reproduit tidèi<,Mneut ce que ses yeux voient ; au conirairt; la liiiure 127
lui paraît trouble, parce que les lignes horizontales, i\W' ses yeux
lui permeltent de voir nettement, y sont troubles.
A. 15INET.
IX
MOUVEMENTS, PAROLE, ÉCRITURE
SOMMAIRE
Mouvements. — Richer. Rossi.
Parole. — Ajani.
Ecriture. — Ciépieux-Jainin, Preyer, Weber.
1. — MOUVEMENTS
V. lilCHER. — Physiologie artistique, 1 vol. iu-8", 334 pages,
123 liguiL's et 6 i)laiiclies, Paris, Doin, 1895.
M. Richer est bien connu des psychologues, par ses belles études
sur Thystérie, rattacjue hystérique, et Thypnotisme, et par ses
recherches en collaboration avec Charcot sur les « démoniaques
dans l'art ».
Son nouvel ouvrage, spécialement destiné aux artistes, a pour but
de leur montrer les modifications que les divers mouvements pro-
duisent dans la forme du corps et du modelé, La connaissance de
ces moditicalions plasticiues ne saurait être donnée par le squelette,
ni même, fait plus curieux, par l'écorché. « On doit penser généra-
lement, dit l'auteur, (jue celui qui a beaucoup disséqué possède;
comme par surcroît l'enticre connaissance de la forme cxté'rieure.
Eh bien, non; entn; l'anatomie et le nu, il y a toulc la distance du
cadavre au vivant (p. 13). »
La forme de l'être en mouv(!ment ne peut être saisie; par l'œil
seul, et Ingres commettait une hérésie physiologi(iut; en disant
qu'il serait [)0ssible à la rigueur de dessiner de mémoire un
liomme tombant d'un toit. La mémoire ne peut garder ce que l;i
rétine n'a pu percevoir. Il faut remplacer l'œil par le clinuio-plmto-
graphie, consistant à i)rendre, à des intervalles égaux, une série
plus ou moins grande d'images différentes t;t successives d'un même
mouvement. Cette méthode a éti- emidoyée par Muybridgc, Ans-
chidz, Marey et Demeny; ces deux derniers seuls l'ont ap[»li(iuée à
732 ANALYSES
riiomme. On a déjà public' beaucoup do pholocraphies des difTc-
reales allures du cheval ; elles ne ressemblent niillement à ce que
Yernet et (léricault nous ont habitués à voir. Les artistes les ont
fait passer dans leurs œuvres, et aujourd'hui notre éducation com-
mence à se faire et nous trouvons que les chevaux de Yernet et
do Géricault galopent mal. C'est une étude de ce genre que Richer
nous présente sur la marche de l'homme.
Son livre, tout de détails, est impossible à résumer en quelques
mots ; nous le parcourons la plume à la main, en notant surtout les
détails (}ui nous paraissent présenter quchiue intérêt pour la psy-
cliologie.
Le muscle. — Le muscle est la principale cause des changements
de forme qui se produisent dans le corps en mouvement ; et on peut
étudier, par l'examen et la photographie des changements de forme,
l'activité du muscle et sa physiologie; « ce point de vue, que les
])hysiologistes ont un peu négligé, est cependant le seiil qui coiïsi'
dère le muscle dans les conditions normales de son fonctionne-
ment, le seul qui permette d'étudier la contraction musculaire phy-
siologique » (p. 72). Le muscle peut se ti^ouvor dans trois états
principaux, le relâchement, la contraction et la distension. 1° Le
relâchement, selon Richer, peut être complet ; contrairement à l'opi-
nion de beaucoup d'auteurs qui soutiennent (|ue les muscles sont
toujours tendus légèrement, ce qu'on reconnaîtrait à la légère rétrac-
tion qu'ils subissent quand on les divise en travers (p. 40) ; mais
la preuve que cette opinion n'est pas exacte, c'est que certains
muscles à Fétat de repos présentent des sillons transversaux (sillons
transverses (pii divisent les masses lombaires dans la station droite).
Sur l'homme, le relâchement musculaire se traduit extérieurement
par un relief uniforme et anondi, marqué parfois de ces sillons que
nous venons d'indiquer; les tendons sont peu saillants et se fondent
avec les parties voisines. 2° Ln. distension, ipii est toujours accompa-
gnée de l'allongement du muscle, se marque par un relief moindre,
un aplatissement, et quel(|ues sillons parallèles à la direction des
libres charnues. 3'' ha contraction, quand elle survient sur un muscle
relâché, produit un raccourcissement et une saillie considérables ;
quand elle survient dans un muscle distendu, le muscle reste dis-
tondu, il ne se raccourcit pas, de plus son relief diminue, et ses
divers faisceaux s'accentuent.
La contraction musculaire peut affecter trois formes difTérentes,
elle e^i dynamique, statique o\\ frénatrice (p. 81). Prenons unoxeniple,
la flexion de l'avant-bias sui' le bras ; on peut maintenir le bras
dans une position d(! llcxion, en luttant contre la pesanteur,
contraction statique; on peut faire un mouvement actif de llexion,
contraction dynamique ; ou laisse le bras s'étendre sous rinlluence
de la pesanteur, mais on retarde sa chute, contraction frénatrice.
Cette dernière forme de la contraction est fréquente dans la méca-
MOUVEMENTS 733
nique humaine. Que Fliomme se penche en avant, en arrière ou
sur le côté, qu'il s'accroupisse, etc., c'est la contraction frènatrice
qui intervient. Elle siège dans les niucles antagonistes du mouve-
ment exécuté, dans les fléchisseurs, lors des mouvements d'exlen-
j sion. A l'œil, on voit peu de dilîérences entre ces deux formes de
j contraction; qu'on fléchisse un membre ou qu'on l'étende, la forme
reste à peu pi'ès la même. Cependant quelques photographies
indiquent une petite différence ; dans la îlexion de l'avant-bras, où
le biceps est le moteur, la saillie qu'il forme est un peu plus forte
que dans l'extension, oii il joue le rôle d'un frein ; cette différence
s'accuse avec la rapidité, les images d'un membre qui s'étend diffè-
rent d'autant plus de celles du même membre qui se fléchit que la
rapidité du movivement est plus grande (p. 86). Cette différence tient
en partie à l'inégalité du travail mécanique développé dans les deux
cas ; la contraction active est supérieure à la force de la pesanteur,
la contraction frènatrice (qui laisse le membre subir l'action de la
pesanteur) est inférieure à cette action. Enfin, on peut constater, en
regardant de près le muscle, que pendant la conlraction frènatrice
il est le siège de petites palpitations qu'on ne voit pas au même
degré pendant la contraction active.
A part ces difl'érences très légères, on peut dire que sur l'image
immobile d'un objet qui se meut il est complètement impossible
dans certains cas de distinguer dans quel sens il se meut. Dans les
exercices avec les haltères, le membre qui soulève l'haltère res-
semble absolument à celui qui le descend ; dans le pas sur place, le
pas qui se lève a les mêmes apparences que celui qui s'ai)aisse ;
dans l'exercice qui consiste à s'accroupir et à se relever, le modelé
des membres inférieurs est le même dans la descente et dans la
montée.
Les antagonistes. — La question physiologique se complique encore
si l'on étudie la relation des antagonistes. Diverses études ont montré
que quand un groupe musculaire se contracte, le groupe antago-
niste est aussi en activité. I^'auteur cite les expériences de Beaunis
sur la grenouille, il aurait pu citer aussi celles de Duchesne et celles
de Demeny sur l'homme. D'après ses propres expériences, le jeu
des antagonistes dépend à la fois du plan du mouvement et de sa
r vitesse. Prenons d'abord les mouvements lents. S'ils ont à lulter
i contre la pesanteur, s'ils se font dans un plan vertical ou dhlique,
l'action musculaire est toujours dirigée du même côté, quel tju(!
soit le sens du mouvement, et ce côté est celui de l'cfTort à faire
pour vaincre la pesanteur; ainsi dans la flexion ou l'extension
de l'avant-bras sur le bras, celui-ci restant vertical, l'elï'ort mus-
culaire est toujours au biceps. Dans les mouvements lents qui sont
affranchis de la pesanteur, ceux qui se font dans un i)lan hori-
zontal, l'action musculaire se produit du côté même oîi s'cd'ectue
le mouvement, et les antagonistes sont h'gèrement contractés. Enfin,
734 ANALYSES
dans les mouvements très rapides, l'action de la pesanteur n'a
aucune importance; l'action musculaire existe toujours du côté du
sens du mouvement ; dans la flexion rapide du bras, c'est le biceps
qui agit le plus ; dans l'extension rapide, le triceps ; en outre, ces
muscles, après une contraction forte, se relàclienl, avant que le
membre ait terminé sa course ; et dans ce cas de flexion el d'exten-
sion successives, rapides, l'avant-bras se trouve pour ainsi dire lancé
dans les deux directions différentes, à la manière d'une balle que
deux joueurs de paume se renvoient (p. 94).
Après des considérations, que nous passons, sur la morphologie
de quelques muscles, l'auteur étudie successivement la station et la
locomotion.
La station. — La station est une attitude de repos, dans lequel
le corps n'est pas entièrement abandonné à l'action de la pesan-
teur, mais y résiste en employant à cet eflVt les os et les ligaments,
et en faisant l'économie de ses forces musculaires, qui sont des causes
de dépense et de fatigue. La station verticale droite ou symétrique,
attitude du soldat sans armes, est celle oîi l'on se rend le mieux
compte de l'harmonie des formes d'un modèle. On s'est demandé
comment il se fait que lorsque l'homme se tient debout, les dilTé-
rents segments dont il est formé, et qui sont essentiellement mobiles
les uns sur les autres, ne sont pas entraînés par la pesanteur à se
lléchir les uns sur les autres, à la manière des segments d'une tige
articulée inerte, dressée sur le sol, puis abandonnée à elle-même.
Fabrice d'Afiuapendente admet que le redressement de ces segments
est dû à la synergie des muscles antagonistes ; les frères Weber, en
1846, ont fait jouer un rôle à la distension des ligaments de la hanche
et du genou. Richer admet nw lliéorie éclectique ; l'examen du corps
lui montre (pie l'action musculaire intervient seulement pour le
maintien de la tète sur la colonne vertébrale et pour la station de
la jambe sur le pied ; mais pour le reste du corps, il en est autre-
ment; les muscles quadriceps, extenseurs de la jambe sur la cuisse,
sont dans le relâchement; il en est de même pour les muscles
fessiers, extenseurs du tronc sur les cuisses, et aussi pour les
masses sacro-lombaires qui étendent le tronc.
C'est dans la station verticale qu'un individu doit être mesuré.
D'après le canon moyen obtenu iiar de noiubreuses mesures, voici
les proportions du corjis humain : la tête est comprise sept fois et
demie dans la hauteur de la taille ; la hauteur de la tête est divisée
en deux parties égales par la ligne des yeux ; le doigt médius
augmenté de la tète du troisième métacarpien égale \ine demi-
tête. Le membre inférieur mesure quatre têtes, du pli de l'aine au
sol. Le tronc mesure quatre têtes du verlex au pli fessier. Le membre
supérieur mesure un peu moins de trois têtes et demie du dessus de
l'acromion à l'exlrémité du doigt nn'dius. La longueur <lu ])ied
dépasse une tête d'un septième environ.
MOUVEMENTS 735
La ligne de gravité du corps dans la station droilo a été prise
par RicUer en faisant tenir un modèle debout sur la surface de
section d'une planche verticale ; si le corps porte sur la pointe des
pieds, il penche en avant pour rester en équilibre ; si le corps
repose sur les talons la direction des membres inférieurs est
anormale ; enfin si le modèle repose sur le milieu de la semelle,
l'attitude est celle de la station normale, où le sujet est debout sur
un large plan résistant. Les photographies prouvent que dans la
station droite la ligne de gravité passe bien en avant de l'articulation
libio-tarsienne, dans un plan transversal situé en avant de l'apo-
physe du cinquième métatarsien. Si on supporte une charge, i! y a
un déplacement du tronc d'un côté ou de l'autre qui est d'autant
plus accusé que le poids auquel il doit faire équilibre est plus
lourd. Si on porte une charge en arrière, sur le dos, le corps se
porte en avant; si la charge est en avant, le corj)s se porte en
arrière ; l'homme qui porte un fardeau à la main se renverse de
côté pour le même motif; il sera facile de reconnaître l'homme qui
porte un seau vide de celui qui porte un seau plein (p. 189). A la
suite de la station droite, il faut placer la station couchée, assise, à
genoux, etc.
La marche. — La marcIie, dont l'étude a été commencée par les
Weber en 1846, et reprise par Marey et Carlet au moyen de la
méthode graphique, par Marey au moyen de la chrono-photographie,
lient une place importante dans le livre de Richer ; il a fait son étude
entièrement d'après des travaux personnels. La question est vrai-
ment si intéressante que nous en ferons une analyse étendue, par
extraits.
On appelle pas ou double pas la série de mouvements qui s'exé-
cutent entre deux positions semblables du même jiied. 11 est un
moment oîi les deux jambes étant écartées à la manière d'un compas,
les deux pieds reposent à la fois sur le sol, c'est la période du doul)le
appui (Hg. 129). Puis le pied qui est en arrière (juitte le sol pour se
porter en avant ; à ce moment le corps ne repose que sur un pied,
c'est la période d'appui unilatéral; la jambe qui porte sur le sol, ou
jambe portante, exécute jiendant cette jx'riodi; un mouvement <lf
rotation dont le centre est au jiied et la circonférence à la hanche,
(tendant que la jambe qui se meut, ou jambe oscillante, déciit un
mouvement analogue, mais en sens opposé, le centre de rotation se
trouvant à la hanche : le moment oîi les deux jambes se croisent
s'appelle moment de la verticale, la période (jui précède est le p;is
postérieur, la période qui suit est le pas antérieur. On a étudié dans
la marche les mouvements des membres inférieurs, du torse et des
membres supérieurs.
Les membres inférieurs, pendant la période du double ajtpui,
portent à la fois sur le sol, l'antérieur par le talon, le postérieur
par la pointe ; ce temps est extrômemeut court ; la jarnbe postérieure
736 ANALYSES
est alors un peu plus fléchie que l'antérieure. Pendant la durée du
double pas, la jambe portante est en extension, elle se fléchit très
légèrement pondant le pas postérieur, se met en extension forcée
pe'ndant le pas antérieur ; la jambe oscillante se fléchit en quittant
le sol, la flexion s'exagère pendant le pas postérieur, diminue au
moment de la verticale, et arrive en extension à la tin du pas anté-
rieur.
Le torse subit : 1° un mouvement de translation, qui est en défi-
nitive le but de la marche ; 2'» en même temps, il subit des osciUa-
^
Double ;i|i|iui
Pas postérieur.
Fig. 129.
Moment
le la verticale.
Pas antérieur.
ftoulile ai)iiui. i
Apimi unilatéral.
Dlllërents temps de la marche.
tions verticales, de 3 à 4 centimètres; pendant le doulde appui, à
cause de l'obliquité des jambes, il y a diminution de la hauteur du
marcheur; le maximum se produit au moment de la verticale; 3° le
torse subit aussi des mouvements latéraux, des oscillations trans-
versales; quand la jambe portante est la gauche, le corps se porte
vers la gauche ; il se porte vers la droite quand la jambe portante
est la droite ; ce mouvement a pour but de rapprocher le centre de
gravité de la base de sustentation ; 4" pendant le pas postérieur, il
y a inclinaison du corps en arrière ; pendant le pas antérieur, il y
a inclinaison en avant ; 5° le torse subit, en même temps que le
bassin, une rotation autour d'un axe vertical ; dans le pas postérieur,
la face antérieure du bassin est tournée du côté de la jambe oscil-
lanlc, pour se porter du côté opposé lors du pas anlt'rifur. Au
moment de la verticale, le bassin est perpendiculaire à la ligne de
marche (fig. 130). Ce mouvement est une conséquence inévitable
de l'écartement des deux membres inférieurs, celui qui est en
arrière retenant la hanche à laquelle il est attaché, celui (lui est eu
avant entraînant avec lui la lianche qui lui correspond. Le mouve-
ment des épaules se fait en sens inverse de celui du bassin, ce qui
MOUVEMENTS
737
maintient la rectitude du torse; 6" le torse a une rotation autour
ilun axe antéro-postérieur : au moment du double appui, Taxe
Iransverse du bassin est horizontal, c'est-à-dire que les deux articu-
lations coxo-fémorales semblent situées à la même hauteur; mais
i[uand la jambe quitte le sol, le bassin incline du côté de cette
Jambe.
Ces études siu' la marche aboutissent à une représentation qui
diffère considérablement de Timage que chacun a dans l'œil et qui
est comme le schéma artistique de la marche; ainsi, le corps dans
Moment de la verticale
Moment de la verticale
Moment de la verticale.
Moment de la MTlicale.
l7
Appui unilatéral droit.
Double apjiui.
.\lipui unilatéral gauche.
Double appui.
.\ppui unilatéral droit.
Double a|ipui.
Ajipui unilatéral gauche.
Fii:. 130. — Prf)jection sur plan horizontal de Taxe des tianches et de faxe
des épaides aux liitl'érents temps de la marche.
son ensemble n'est jamais penché en avant de fai;on bien manifeste
excepté pendant un effort de traction ; or les artistes représentent
dans la marche, tout le corps fortement penché en avant ; les deux
[lieds ne portent jamais sur le sol dans toute leur étendue, tandis
(jue les artistes représentent souvent le corps soutenu par un pied
antérieur fortement appuyé sur le sol, le postérieur touchant le
sol par les orteils ; enlin, troisième point, la jambe placée en
avant, et dont le pied touche terre n'est que très légèrement llécliit,'
et se trouve toujours placée bien en avant de la ligne de gravité du
torse ; les artistes représentent au contraire ce membre antérieur
notablement fléchi, et placé tout près de la ligne de gravité du corps.
On peut suivre sur les figures données par Richer les change-
ments qui se produisent dans la musculature des membres infé-
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. H.
738 ANALYSES
rieurs ; cette étude douue tort à lu théorie des iVèrcs ^^■eber, du
reste déjà réfutée, d'après laquelle la jambe oscillante exécuterait
son oscillation sous la seule influence de la pesanteur, à la manière
d'un pendule.
l.a iiiarclie à reculons donne des images photographiques qui à
jiremière vue ne dilTèrent i>as beaucoup de celles de la marche nor-
male ; l'ait bien curieux, la marclie à leculons ressemble plus à
l'idée qu'on se fait généralcmenl de la marche d'après les formules
artistiques usuelles que les altiludes correspondantes de la marche
en avant. Ainsi, pendant la marche à reculons, le corps est penché
en avant, et la période du doul)le appui se prolonge ; le pied anté-
rieur peut être appuyé sur toute sa surface pendant que le pied
postérieur est appuyé sur les orteils; or, nous avons vu que, dans la
marche en avant, le jtied antérieur touche le sol par le talon seule-
ment pendant la pliase du double aiquii.
MOUVEMENTS
739
Dans la marche avec un fardeau sur l'épaule, le pas devient plus
court, et la période de double appui se prolonge.
Dans la marche en poussant ou en tirant, le corps s'incline forte-
ment en avant, la période du double appui se prolonge, et le
lu n
Fig. 131. — Figures demi-schématiques représentant douze positions suc-
cessives de la marche (d"aprés les séries chronophotographiques obtenues
par M. Londe).
De 1 à 7, double pas avec la jambe droite porlanlc et la gauche oscillante ; de 7 à 12, double
pas suivant avec la jamlin droite devenue oscillante et la gauche portante. N'" 1 cl 7, double
appui : 2 et 8, fin du double appui ; 3 et 9, pas ijoslérieur ; 4 et 10, nionirnl de la verticale ;
5.0 el tl, 12, pas antéiieur : du n" 12 Ihonnnc l'ovicnt à la position n" 1 , de sorte
qu'avec ces douze figures le cj cle de la marche est complet.
membre oscillant arrive en lle.xion à l'appui. Dans la marche sur
plan ascendant, il y a beaucoup d'analogies avec la marche en
poussant; aucontraire, dans la marche sur plan dcscendaul, il y a
des contrastes nombreux ; le membre oscillant arrive à l'appui en
extension complète, et le pied rencontre le sol par le talon.
(40
ANALYSES
L'auteur étudie encore la montée et la desoenle d'un escalier et
les difîérentes formes de saut. Mais nous sommes obligés de nous
arrêter ici, pour ne pas donner à notre analyse une longueur
démesurée. Toute notre analyse i)récédente a été faite avec des
extraits. Ces recherches sont bien iiitéressantes pour la psychologie,
elles montrent la variété des coordinations musculaires qui se font
en dehors de la conscience et de la voloiitt- pour assurer l'énuilibrc
du corps, diminuer la fatigue, ou produire la ])his grautlc quaiililé'
possible de travail utile.
A. BiNET.
(]. ROSSI. — Recherches expérimentales sur la fatigue des muscles
humains sous l'action des poisons nerveux. Ardi. ilalitiiiu-sdi' Bio-
logie, 1895, fasc. 1, 11, 1». 49-02.
Certaines substances que l'on considère comme agissant spéciale-
ment sur le système nerveux, i-t ({u'ou aiipelle i)our celte raison
poisons nerveux ou réactifs du système nerveux., ont été étudiées par
l'auteur au jioint de vue de leurs effets sur le travail musculaire des
doigts. On a employé l'ergographe ' de Mosso, on a jtris chez différents
sujets la coiirbe des contractions musculaires poussées Jusqu'à la
fatigue, puis on a recommencé la mènu^ expérience le lendemain
après absor[)li(tn d'un ])oison nerveux.
Certaines de ces substances augmentent le liavail mé-caniiine des
muscles; ce sont l'alcool, l'absiAtiie, l'atropine, la caféine, le cam-
phre, l'étlier, la strychnine ; d'antres dinunu(Mil le travail musculaire,
ce sont le bromure, le cliloral,la morphine, l'opium. I, 'article de
Uossi est bien sommaire; il c(»nlieni, heauconi» de ligures, mais on
ne nous dit pas le nombre Ar^ snjets, leur ((nidilidn meiilide ; con-
naissaient-ils les substances? V avail-il place jicuir la suggestion?
Ce serait d'autant plus iniporlant à savoir (pie la combe ergogra-
|»hique est grandement intluencée jiar la volonli'. De |>lns, les com-
l»araisons avec l'i'-lat normal paraissent faites ailiilraiicnienl.
A. Bl.NET.
II. — PAROLE
,\JAM. — La parole en public. 1 v(d. in-i8, j). 181, Paris, C.iiamuel, 1895.
Lorsipuî Cliarcoteul bien m(inlré,à l'occasion de l'ajdiasie, la plu-
ralité des types d'imagination, il devint m'-cessaire de faire sans
parti pris une enqiièle de psychologie sur le langage intérieur des
dilTérents individus, jiour clieiclu'i la n'-alilt'' el rinipoilanee des
(1) Pour la ilcscviplioii de l'eryouraplio, voii- VAimcc /isi/c/mloi/iquc,
I, p. iôO.
MOUVEMENTS 741
(linVrentes formes désignées sous les noms de types auditifs, visuels,
moteurs, indifTéreuts. Sainl-Paul, dirigé par Lacassagne, lit cette
enquête et eu a résumé les résultats dans ses Essais sîir le langage
ultérieur, où il a montré, entre autres choses, qu'il faut adopter un
vocabulaire parliculier pour distinguer les images d'objets et les
images de mots ; il y a des personnes en effet qui se représentent
sous forme visuelle les objets et sous forme de sons les mots ; appeler
ces personnes des visuels ou des auditifs, ce serait produire une
confusion; pour caractériser leur langage intérieur, il faut les appeler
des cerbo-auditifs ; de cette manière ont été formés les mots verbo-
visuel, verbo-moteur, qu'il est inutile d'expliquer. Saint-Paul a cons-
taté que les types i)urs sont rares, que les types indifférents se servant
indifl'éremment d'images de nature différente, sont exceptionnels, et
(ju'il y a au contraire une grande fréquence d'associations, en par-
liculier celle du moteur et de l'auditif constituant le type auditivo-
moteur verbal.
M. Ajam a continué, au moins en partie, l'œuvre entreprise, en
opérant comme son devancier au moyen d'un questionnaire ; il a
•'•tudié spécialement les orateurs professionnels. Les réponses sont
réunies dans le dernier chapitre de son livre, et montrent, entre
autres choses, que l'auditif est plus troublé par des incidents du
dehois, moins sûr de lui-même que le moteur pur.
Ce livre contient aussi une série d'études sur les orateurs anciens,
un exposé de la question du langage et des conseils pratiques pour
l'art oratoire.
f
\. BlNET.
III. - ECRITURE
CHËPIEUX-JA.MI.N. —L'écriture et le caractère. 1 vol. in-8", 441 p.
Paris, Alcan, 189b.
Le livre de M. Crépieux-.Jamin est l'un dfs |ilus importants qui
existent suv hi graphologie. L'auteur s'est comith'.'lement adonné à
l'étude des questions qu'elle comporte, voyant dans les particularités
de l'écriture, non seulement un moyen de connaître le caractère des
personnes, mais même un instrument de découverte en psychologie ;
car un caractère est une synthèse d'éléments (bml la graphologie
fait l'analyse ; elle permettra ainsi d'arriver à coniuùtre les modes
d'association et de subordination de ces éléments.
L'auteur fait d'aliord un court histori(iue des origines de la gra-
phologie. C'est l'Italien Camille Maldo qui en fut le premier promo-
teur dans son livre inlitub' Du moyen de connaître les mœurs et les
qualités d'un écrivain d'après ses lettres missives (1622). Lavaler et le
professeur Moreau (de la Sai the , (\u\ édita ses u'uvres, l'abbé Flan-
diin, Henze,dans ^AChirogrammalomancie, le peintre Delestre, dans
742 ANALYSES
un chapitre de son ouvrage, Be la physionomie, en ont été les pre-
miers fondateurs. L'abbé Miclion qui publia en 1872 les Mystères de
l'écriture (livre dont Desbarolles n'avait écrit que l'avant-propos)
et qui dirigea de 1873 à 1881 le journal la Graphologie, fut, dit
M. Ci'épieux-Jamin, par la découverte et la classification d'une foule
de signes, le fondateur par excellence de cette science nouvelle.
La base de la graphologie est physiologique. L'écriture est un
geste, et le rapport de l'écriture au caractère ne peut ^Ire établi que
par analogie avec le geste. L'écriture est une mimique particulière.
On est donc en droit, dit l'auteur, d'y rechercher tout ce qui rentre
dans le champ de l'activité, les signes de supériorité et d'infériorilé,
les signes delà nature et des moyens de l'intelligence, les signes du
caractère moral (mœurs et sentiments), les signes de la volonté, du
sens esthétique, de l'âge, du sexe, de la santé ou de la maladie.
L'auteur insiste sur la nécessité de se servir de l'écriture naturelle,
courante et tracée dans des conditions matérielles de papier, de
plume et d'encre, ordinaires et normales. 11 faut aussi que l'état de
santé du sujet soit connu. Enfin le graphologue ne doit interpréter
qu'à l'aide de signes consacrés par l'expérience.
Dans l'analyse des signes, il devra se conformer à ([uehiues
règles et observations générales, que l'auteur formule. Il recher-
chera la signification d'un trait en le considérant comme un mouve-
mentphysiologique eten le mettant en rapportd'étendue, de constance
et d'énergie avec le mouvement psychologique correspondant. 11
tiendra compte que notre oi'ganismc réagit parfois d'une façon simi-
laire dans des états psychologiques dilTérents. De même, un signe
graphologique ne représente pas nécessairement un seul Irait du
caractère, et par contre un seul trait du caractère peut être rendu
par des signes divei^s ou par des combinaisons de signes. On ne devra
pas non plus conclure de l'absence d'un signe à l'existence de la qua-
lité opposée à celle que ce signe exprimerail.
Les signes sont généraux ou particuliers. Les signes généraux sont
les caractères de l'écriture considérée dans un ensemble de lignes
ou de pages : l'écriture peut être montante, descendante, grande,
petite, anguleuse, arrondie, mouvementée, hésitante, calligraphique,
verticale, inclinée, renversée, légère, pâteuse, compliquée, sim-
plifiée, lente ou rapide, etc. Les signes particuliers sont déterminés
par l'étude minutieuse des mots, des lettres, des paraplies. Les lettres
d'un mot peuvent aller en diminuant ou en augmentant de grandeur
du commencement à la tin ; être lilifoiuies, c'est-à-dire lisil)les seu-
lement dans leurs premières lettres ; les lettres peuvent être liées
ou juxtaposées; leur forme peut différer de mille manières, des
exemples et des reproductions peuvent sur ce point renseigner per-
tinemment le lecteur. De même pour les paraphes en lazzo, fulgnranl s,
araclinéides, enclavants, etc. M. Crépieux-Jamin multiplie avec raison
les figures.
MOUVEMENTS 743
L'cLude des signes isolés, puis rapprochés, pei'met d'induire le
cai'aclère des personnes. M. Crépieux-Jamin a eu à sa disposition un
nombre vraiment considérable d'autographes. Il a tenté également
des expériences de graphologie expérimentale. Il rappelle d'abord
les recherches très intéressantes de MM. Ferrari, Héricourt et
Ilicliet qui ont eu recours aux suggestions hypnotiques pour contrôler
les données de la graidiologie. « .Si la forme de l'écriture, disaient
ces auteurs, est réellement sous la dépendance des états de conscience
et de personnalité, à chaque personnalité diflërente doit correspondre
une écriture difîérente. » Les résultats ont confirmé les piévisions.
L'on suggère à une dame qu'elle est Napoléon à la bataille de
Waterkio ; elle écrit ces mots ; « Immédiatement faire venir (irouchy,
l'heure presse. Tout de suite ; l'ennemi déborde mes lignes. Napoléon. »
Pendant la suggestion, l'écriture est inégale, rapide, désordonnée.
Les mêmes phrases écrites à l'état de veille sont d'une écriture
calme, régulière et posée qui fait contraste.
M. Crépieux-Jamin a pensé que l'hypnotisme compliquait le mode
opératoire ; il a cherché à agir par persuasion. Faisant choix d'uni;
personne qui n'avait jamais entendu parler de graphologie, il lui
demanda d'abord d'écrire quelques phrases sans lui donner d'expli-
cations, puis de se mettre dans tel et tel état d'esprit, et de récrire
les mêmes phrases. Il a obtenu des résultats analogues à ceux de la
suggestion hypnotir[ue.
Il a enfin fait des épreuves expérimentales sur lui-même, en étu-
diant sa propre écriture dans les conditions les plus difîérentes
d'heure, de milieu physique, d'événements et de dispositions intel-
lectuelles et morales. 11 en [lublie des spécimens variés. Il ressort
de ces documents qu'une température élevée sans tension électrique
tend à agrandir notre écriture, elle froid à la diminuer; qu'un temps
orageux provoque des inégalités du tracé et favorise la direction
ascendante des lignes ; qu'une dépression physique ou morale dimi-
nue la hauteur des lettres et le mouvement ascendant; qu'un état
fébrile produit une éciMture liliforme ; que la colère rend l'écriture
plus grande et incoordonnée; que le travail de la pensée donne une
écriture sinueuse, plus iietilc cl plus li(''c. Il n'est pas douteux, dil
l'auteur, que la sensibilité est la signification atlribuable aux chaiige-
menls de direction, que l'espoir est la cause de ligiuss de plus en [ilus
ascendantes et l'angoisse, le motif d'une chute relative. Créi»ieux-
Janiin se retient d'ailleurs de trop généraliser et considère ses essais
comme une contribiition individuelle, souhaitant de provo(iuer un
ensemble d'observations semblables et d'engager ainsi la graplndogie
dans la voie expérimentale.
Dans les deux chapitres suivants, il insiste sur ces divers points
qu'on ne saurait interpréter sérieusement une écriture à l'aide d'iiii
simple tableau des signes et que « i)0ur apjtrécier un signe il l'an!
pénétrer dans son milieu, saisir son esjjril, vivi'c sa vie », que la gra-
744 ANALYSES
pliologie, après observation de signes variés, doit, à l'aide de calculs
particuliers, c faire des déductions qui amènent soit la modification
d'un trait de caractère, soit la découverte d'un état psycliulogique
nouveau », et qu'enfin, ce qu'il importe de déterminer en premier
lieu, c'est le degré de supériorité ou d'infériorité générale dv ia per-
sonne.
M. Crépieux-Jamin admet cinq points de vue fondamenlaux qui se
rapportent à chaque partie conslilutive du caractère.: lactnité, la
sensibilité, la simplicité, la modération et la distinction. Puis il consi-
<ière sous ces cinq titres, l'intelligence, la moralité et la volonté.
En ce qui concerne l'intelligence, il ajoute les points de vue de
l'imagination réglée, de la réllexiou et de la clarté de l'esprit. Poiu-
la moralité, il ajoute la droiture et l'altruisme; pour la volonté, la
constance et l'énergie.
Aux traits psychologiques correspondent des signes grapliologi(iues.
La sensibilité, par exemple, sera témoignée par une écriture inégale
dans ses dimensions, inclinée et légère, par des lettres séparées à
l'intérieur des mots ; l'imagination par de grands mouvements de la
plume, harmonieux et aisés; la volonté énergique par la barre du /
courte et forte, etc.
Toute qualité a son coniraire que marquent d'autres signes. La vul-
garité, par exemple, sera reconnue à des traits grossiers et communs,
à des ornementations ridicules, recherchées et prétentieuses.
A laquelle des trois facultés, intelligence, moralité ou volonti' faul-
il accorder la suprématie ? Dans un caractère normal elles sont hai-
monieusement groupées. Mais cela n'arrive pas toujours. Vaut-il
mieux êlre intelligent que moral, ou moral ({uinlelligent ? Le déve-
loppement exclusif de l'intelligence produit des êtres dangereux; les
meilleurs sentiments, s'ils sont mal éclairés, font les maladroits; la
volonté primant loule raison forge les brutes. La préféT(>nce semble
devoir appartenir à la moralité.
Ces classifications une fois acceptées, on note les signes grapholo-
giques, généraux et particuliers, correspondant à chaque qualité ou
à chaque défaut du caractère. On les considère isolément, dans
l'écriture on cherche les dominantes, puis on ra]iproclie les éléments
discernés et l'on détermine les résultantes. Car loule (jualité, bonne
ou mauvaise, découverte dans un caractère, peut trouver à côté
d'elle des éléments modificalcurs, modérateurs ou multiplicateurs.
Des lettres juxtaposées indiipieni sentiment intellectuel; l'écriture
inégale ou inclinée indi(jue sensibilitt'' morale ; ces deux ordres de
signes associés à une écriture très liarmonique jieuvent dénoter la
vive sensibilité d'un esprit supiTieur; associés, au contraire, à uni'
écriture inharmonique, ils peuvent dénoter la sensibilité vive d'un
esprit médiocre.
Les grands mouvements de la plume signifient imagination ; asso-
ciés à des mots gladiolés et à des lignes serpentines qui signifient ruse,
MOUVEMENTS 745
ils indiqueront la roueiie ; associés à des t faiblement barrés, (jui
signitieut peu de volonté, ils indiqueront l'indécision ; associés à une
écrilure inharmonique et à des lignes serpentines (mensonge) ainsi
qu'à des crochets en retour (égoïsme), ils indiqueront escroquerie ;
associés à une écriture très montante (vive ambition), ils indiqueront
folie de grandeurs, etc.
Après avoir déterminé les résultantes concernant l'intelligence, la
sensibilité, la volonté, la moralité, il restera à faire la somme de ces
résultantes à les harmoniser et à tirer les conclusions de l'ensemble.
Les signes de bienveillance, de jovialité, de médiocrité réunis, par
exemple, dénoteront la bonhomie ; la gaieté, le sens esthétique, la
délicatesse et la vivacilé associés dénoteront de l'esprit, etc.
M. Crépieu.\-.Jamin après une monographie de l'écriture inégale,
de l'écriture des malades, et de l'art dans l'écriture, aborde en dernier
lieu le portrait graphoIogi(}ue, but même de la graphologie.. Ce qui
importe dans un tiavail de ce genre, c'est de s'en tenir d'abord exclu-
sivement aux grandes lignes du caractère. On se posera un certain
nombie de questions généiales : Est-ce que l'écrivain est sympathique
ou anlipalhique? Actif ou inactif? Sensible ou insensible '? Simple et
naturel ou prétentieux et artificiel ? Modéré ou exagéré ? Distingué
ou grossier?
On se demandera : 1" pour l'intelligence, s'il a l'esprit cultivé, s'il
est attentif ou étourdi, s'il a l'esprit clair ou confus? S'il est souple
ou entêté? Ouelle est la nature de son imagination, quel est le degré
de son intelligence? 2° Concernant la moralité, s'il est franc ou men-
teur? Spontané ou non? Loyal ou non? P]goïste ou altruiste? Quel est
son degré de moralité? 3° Helativement à la volonté, s'il est constant
ou inconstant? Energique ou non? Quel est son degré de volonté?
Enfin la graphologie se posera deux questions dont la solution est
donnée par la combinaison de plusieurs de celles qui précèdent -.Est-
il perfectible? Quel est son sentiment artistique ?
Tout l'art du graphologue, dit M. Crépieux-Jamin, est dans ceci :
discerner entre plusieurs significations possibles des traits de l'écri-
ture la plus convenable par rapport au milieu, la plus sûre logique-
ment, la plus nécessaire psychologiquement, i-a valeur des signes est
éminemment relative, parce (]ue le même mouvement peut être
déterminé par des causes très diverses.
Il se sépare, à propos de la théorie des signes fixes, de l'abbé
Michon et repousse aussi cette prétendue loi qu'un signe jtositif qui
maïKiue, donne rigoureusement le signe négatif (jui lui est o[q)osé.
En résumé, la pratiijuc de la grapiK>logie nécessite beaucoup d'ex-
périence, de prudence et de finesse d'esprit.
Le livre de M. Crépieux-.Jamin est l'œuvie d'un esi)rit critique qui
veut placer là graphologie sur le terrain de l'expérience. 11 faut
approuver ses recherches dans cette voie. C'est en écrivant dans des
conditions physiques et jdiysiologiques bien observées (ju'on arrivera
746 ANALYSES
]ilns facilemcnl à faire le aéi)aiL des influences psychologiques et h
savoir si telle modification de notre écriture est l'indice de tel étal
psychologique.
Le problème devient plus diticile à résoudre lorsqu'il s"agit de
rattacher telle particularité constante de notre écriture à telle qualité
ou à tel défaut de notre caractère. 11 ne semble pas que la grapho-
logie sur ce point ait encoie dépassé le domaine de la conjecture.
Sa détermination des signes généraux et paiticulicrs repose sur des
interprétations plausibles, mais sans rigueur scientifique et c'est
pour cette raison qu'elle ne nous paraît pas juscjuà ce jour fournir
une méthode pour l'étude des caractères.
J. Courtier.
\V. PIÎEYER. — Zur Psychologie des Schreibens. Mit besonderer
Riicksicht auf individuelle Verschiedenheiten der Handscriften.
{La psychologie de récriture, avec une étude spéciale des dl/férences
individuelles de l'écriture.) 1 vol. in-8% 223 \k 1895, Voss, avec plus
de 200 figures.
Il existe un certain nombre de branches d'occupations que les
hommes de science méprisent, et pourtant s'ils s'en occupaient, beau-
coup de questions intéressantes et iniporlanles pourraient être réso-
lues, telles sont la physionomie, la grapholoyie et le spiritisme; on
doit être toujours satisfait lorsqu'un homme de science s'en occupe,
il a les connaissances scientifiques nécessaires, il est habitué aux
niétiiodes scientifiques et a le sens critique déveloiipé ; malheureuse-
ment il arrive (pi'au lieu d'apporter dans la branche qu'il aborde
les méthodes scientifiques, le savant perd son iiouvoir crili(|ui', il
s'exalte et oublie les règles de la science; on connaît plusieurs cas
de ce genre pour le spiritisme. Nous avons devant nous un livre qui
ne fait nullement ressortir que l'auteur est un pliysiologisle et un
psychologue connu. C'est un traité de graphologie, pareil à tous les
autres, qui renferme, il est vrai, une grande collection d'aulographes
de tous genres, mais qui ne peut pas être considéré comme un livre
de science, sauf, peut-être, le deuxième chapilre sur le(}uel nous
nous arrêterons plus longuemenl.
Dans ce chapitre l'auteur nnuilrc que les caractères d'une écriluro
ne dépendent pas de la main droile avec laquelle on écrit ; en efiet.
si on écrit avec la main gauche, ou avec le pied, ou avec le bout dti
nez, ou en tenant la idunie entre les denl,s, etc., après un certain
exercice l'éciiture acquiert les mêmes caractères que l'écriture nor-
male avec la main droite; de plus, lorsqu'on a beaucoup écrit avec
la, main dioile, il faut un exercice relativement très court i>oui-
ap|>rendre à écrire avec une autre partie du corps.
Ce l'ait montre que les caractères de l'écriture dépendent de
centres cérébraux ; ces centres cérébraux de l'écriture sont d'abord
MOUVEMENTS 747
symétriques, puisque lorsque la main droite devient paralysée le
malade apprend très vile à écrire couramment avec la main gauche ;
de plus ces centres sont diftérenis des centres de la [larole, mais ils
se trouvent en relation avec eux, ceci est prouvé par les différents
cas d'aphasies (pii montrent que la parole ou récriture peuvent dis-
paraître isolément, mais qu'une perle de la parole influe sur l'écri-
ture.
Il est évident que ces ohservations sont d'une importance capitale,
l'iles prouvent que l'écriture peut en réalité se trouver en relation
avec des processus et des états psychiques, qu'elle peut dépendre
de quelques processus psychiques ; mais l'auteur ne poui'suit pas
cette voie d'étude scientifique consistant à étudier quels sont les pro-
cessus psychiques qui peuvent influer sur l'écriture, quels sont ceux
qui doivent nécessairement inflvier et quels sont ceux qui n'intluent
pas; cette voie se i^résentait d'elle-même; l'auteur préfère commen-
cer par des questions qui, dans une étude scienlilh{ue, devraient se
trouver tout à la fin, il pose comme certain que le caractère de l'in-
dividu se traduit dans son écriture et examine en détail les diffé-
rents traits de l'écriture en disant chaque fois à quel caractère de
l'individu ces traits correspondent.
Nous ne pouvons pas nous arrêter ici sur les détails, ce serait
inutile. Disons seulement que l'auteur examine 10 points différents
dans l'écriture; ce sont : la forme des lettres, la manière dont elles
sont reliées entre elles, la grandeur des lettres, les traits forts et fins,
l'inclinaison des lettres, la direction des lignes, la longueur des
lignes, la distance entre les lignes et enfin la signature. Dans chaque
cas particulier il indique le caractère de l'individu; on est partout
en présence de cette disproportion qui existe entre les traits de l'écri-
ture et le caractère psychique compliqué qui en est d(''duit; ainsi
par exemple de ce que les lettres ne sont pas liées entre elles l'au-
teur conclut que l'individu est un idéaliste ; de ce que les lignes vont
en montant il déduit que l'individu est optimiste, etc., etc., pas une
démonstration scientificj^ue n'est même tentée, ce sont 150 i)ages
remplies d'affirmations les plus cuiicuses. .Notons, m [lassanl, ([ue
l'auteur y met aussi du chauvinisme; outre les allusions (ju'il fait à
la guerre de 1870 il nous api)rend ijue le fondateur de la l)actério-
logie est R. Koch (p. Ia2).
Les quelques pages que raulnir njdule à la lin du livie sur la
pathologie de l'écriture sont liè.s itrèves et ne renfei'meni pas de faits
originaux.
En résumé, ce n'est pas lui livre de science, coiiimt' ou |Miuv;iil en
attendre un de l'auteur, la relation entre le caractère d'uu linmme
et son écriture y est admise à piiuii, taudis que c'est précisément
cette question- qui devrait être soumise aune étude scientifique.
Victor IIe.nri.
748
ANALYSES
H. WEBEU. Beitràge zur Erklàrung des Zustandekommens der Spie-
gelschrift und Senkschrift. (Elude sur l'origine de récriture en mi-
roir et de l'écriture verticale.) Zcilschr. f. Klin. Mfdec, XXVIl,
p. 260, 1895.
Ayant d'abord critiqué les théories qu'on a émises pour expli(juer
la production de l'écriture en miroir avec la main gauche lorsque
la main droite devient paralysée, théories qui admettent une iniluence
de l'exercice de la main droite se transmdlant par voie réflexe à la
main gauche, — l'auteur présente quelques observations person-
nelles : un individu paralysé depuis la jeunesse, de la main droite,
à un moment où il ne savait pas encore bien écrire avec cette main,
commence à écrire avec la main gauche en miroir ; il imite pour
cela avec la main gauche les mouvements que le maître lui avait
appris à faire avec la main droite. In aulif individu aussi paralysé
de la main droite écrit exactement chaque lettre avec la main gauche,
seulement au lieu de les placer l'une à c^té de raulre, il les place
l'une au-dessous de l'autre, disposition qui est plus facile.
Enfin intéressantes sont les observations faites sur les enfants,
priés d'écrire avec la main gauche; ce sont les plus jeunes ({ui ont
surtout (43 p. 100) écrit en miroir ; les plus âgés ont le plus souvent
écrit exactement, il n'y a parmi eux que 6 à 14 p. 100 (jui ont éci'il
en miroir. De ces faits l'auteur déduit que lorsiju'on commence à
apprendre à écrire ce sont les mouvements de la main el non limage
visuelle de la lettre écrite (jui jouent le rôle le plus important et (|iii
sont le mieux retenus dans la mémoire; par consé(iuent lorsqu il
s'agit d'écrire avec la main gauch»;, on imite les mouvements de la
main droite, on oublie la forme de la lettre écrite et il en résulte
une écriture symétrique ou en miroir.
V. Henri.
X
SYCHO-PHYSIQUE, PS Y CHOM ÉTRI E, APPAREILS
SOMMAIRE
Psycho-physique. — I. Mélltodes. Ludwig Lange, Merkel.
II. i{fc7(ert7<es </e Scripture, ^Valler.
Psychométrie. — I. Recherches ^eBaldwin, Mead Hache.
II. Tec/niique.
Appareils.
I. - PSYCHO-PHYSIQUE
LLDWKi LANCE. — Ueber das Massprincip der Psychophysik und
den Algorithmus der Empfindungsgrbssen. JMiil. Slud., X, p. 125-
139.
Luulfur essaie de criliiiuer les fondements de la psychophysique
de Fechner ; c'est surtout la recherche de la fonction qui lie la sen-
sation à l'excitation qu'il cherche à réfuter par des raisonnements
|)urement théoriques et ahstraits. 11 commence par donner une défi-
nition de la mesure d'un rapport de deux sensations; le raisonne-
ment employé est le suivant : nous pouvons comparer les différences
de sensations, nous disons que la dinérence entre deux sensations
est égale, inférieure ou supérieure à la différence entre deux auties
sensations ; d'après cela, nous pouvons l'iahh'r une série de sensa-
tions croissantes ti;lles (}ue :
(1) e, — 0 = e, — e, = e._, — e, =z e^ — e.^ =...
Si maintenant nous avons à comparer h-s sensations e et E, on
iherche la place de e et de E dans la série précédente; supposons
que e soit égal à e,,,, I] égal à e„, ceci veut dire qu'on a atteint depuis
la sensation zéro la sensation e en passant par m stades d'intensités
égales, de même il a fallu n stades de la même intensité pour arriver
à la sensation E ; on pourra donc écrire par définition e .• E =: m : n.
750 ANALYSES
Ce qui me semble faux dans le raisonnemeul prcLH'deal, c"esl
l'expression (1) ; d'abord TauLeur compare des différences de sensations
(^2 — ^1? ^ï — ^2---) '^ ^'^*^ sensation simple, unique (f,), ce qui ne
me paraît ])as possible, sauf peut-être quelques cas exceptionnels ;
ensuite il suppose a priori que lorsque la différence des sensations
Cj et Cj paraît être égale à la différence des sensations Cj et e.,, lorsque
cette dernière paraît être égale à la différence des sensations e^ et
^'3, la différence entre e,^ et e^ paraîtra aussi égale à la différence
entre e^ et Cj, c'est-à-dire il suppose ([ue deux différences égales
séparément à une troisième sont égales entre elles. Une pareille
liypothèse ne peut pas être faite a prioin dans le cas oiî il s'agit de
sensations, il faudrait l'appuyer par des vérifications expérimentales.
Donnons un exemple : lorsqu'on trouve (juela différence entre les pres-
sions 10 et il grammes est égale à celle entre 20 et 22 grammes, et que
la difîérence des pressions 20 et 22 grammes est égale à la différence
des pressions 30 et 33 grammes, on ne peut pas du tout affirmer
que la différence de 10 et 11 grammes paraîtra égale à la difi'érence
30 et 33 grammes. Je crois qu'on peut expliquer ceci par un effet de
contraste ; en effet lorsqu'on compare la différence 10 et 11 grammes
avec la différence 20 et 22 grammes, on a afTaire à des excitations
(10 gr., 20 gr.), qui diffèrent d'environ 10 grammes ; la même chose a
encore lieu dans le cas où on compare les différences 20 et 22 gram-
mes avec 30 et 33 grammes ; mais en comparant les difTérences 10 et
11 grammes et 30 et 33 grammes on a des excitations (10 gr., 30 gr.)
(jui diffèrent maintenant d'environ 20 grammes; par conséqueni,
entre les sensations correspondantes il y aura un contraste plus
grand (pi'fnlrc b's premières, ce conlrasti; peut avoir um- iallueiic(^
-sur la com[iaraison des différences. En somme je crois que si on a à
comparer les différences de sensations E — E' et e — e', cette com-
liaiaison dépendra non seulement des valeui^s iiiêmes de E et de e,
mais aussi du ra[qiort de IC sur e.
Ayant donné la définition précédente du rapport de deux sensa-
tions. Fauteur examine la question suivante : étant données trois
si-nsafions Cj, e^ et e^, obtiendra-t-on la même valeur pour le rapport
des différences ''" ~ ''' lorsfiu'on changera la valeur de l'unité (c'est-
à-dire des stades)? Ainsi pai- cxeiiiplt" lorsque la dincrcucc» e^ — e^ est
égale à e., — c, [mur une cciiaiiif valeur de stades, sera-t-elle encore
égale pour une autre valeur de stades? On sait que pour les gran-
(bnirs physiques et mécanicjues le changement d'unité n'a pas d'in-
fluence sur le l'apport jirécédent; l'auteur croit que dans le cas des
sensations la valeur de l'iiiiili' a une influence, et piir conséquent si
avec une certaine uiiih' ou houve une certaine relation entre la sen-
sation et l'excilalioii, avec une autre unité on trouvera une autre
relation, et le but de la psychophysique de Fechner est irréalisable ;
l'auteur arrive donc à la conclusion qu'on ne peut pas exprimer la
sensation comme fonction de l'excitation ; cette funclioii déiieudra
PSYCUO-PUYSIQUE 751
(le la valeur de runilé qu'on a choisie et c'est dans ce sens que doi-
vent èlre faites les ex2>ériences de psychophysique.
Victor Henri.
.IULIUS MERKEL. — Die Abhàngigkeit zwischen Reiz und Empfin-
dung {Relation entre l'excitation et la sensation). Pliilos. SLud.,
t. IV, p. o40-o9i; t. y, p. 24o-29l; l. V, p. 498-557; t. X, p. 140-
161, 203-249, 369-393, 507-523.
J. Merkel, élrve de Wundt, professeur de maihématiques, a con_
sacré bien des années à des études de psychophysique et particu-
lièrement à l'élude de la relation qui existe entre l'excitation et la
sensation ; comme la quatrième partie de cette étude a paru dans
le courant de Tannée 1894, les autres remontant à 1887 et 1888, nous
avons cru qu'il serait peut-être bon de profiter de l'occasion pour
soumettre à une analyse toutes les quatre parties.
La recherche de la relalion qui uni! l'excitation à la sensation
produite a préoccupé bien des esprits ; on trouve des essais déjà
chez Daniel BernouUi, Condorcet, Laplace et Poisson; Laplace' a
même donné une formule de relation absolument identique à celle
<iue Fechner jiroposait en 1862 dans sa Psychopliysitiue. Depuis,
beaucoup de psychologues, de physiologistes et de philosophes ont
discuté la question, nous ne nonniions que les plus importants :
Bernstein, G.-E. Millier, Hering, Plateau, Wundt, Delbœuf, etc., etc.
Voici de quoi il s'agit :
On produit une excitation de grandeur ?•,, une iiression p;ir
exemple, puis une autre excitation j-,, puis une troisième r^, etc.; à
toutes ces excitations correspondent des sensations de pression qui
ont des intensités différentes; les unes sont plus fortes, les autres
plus faibles; connaissant dans quels rajiporis les excitations sont
entre elles, ne pourrait-on pas trouver dans ([ucls rapjiorts seront
entre elles les sensations coiTCspondantes? 11 est évident ipTunc
pareille question suppose déjà qu'on peut comparer des sensations
différentes au point de vue de l'intensité, qu'on peut non seulenuMit
faire cette comparaison par des termes généraux « plus intense »,
« plus faible », « égal », mais ([u'on peut même i'exiJrimer par des
chiffres; c'est nue liypothèse, on ne jieut pas la di'-montrer, il faut
l'admettre si on veut poursuivre la question |)lus loin.
Un fait, remarqué encon? au xvin*^ siècle, ([ui a ('té junir la ]ire-
inière fois étudii' alleiilivcment jiai- l'].-li. Weber, a conduit à la
formulation de la relation en (pieslidii jiar Fei-lmer ; ce fait est l'exis-
(1) Laplace. Théorie fnifih//i(/i/(' des proljaljili/r\. p. 432. Il est vrai que
Laplace parle non de seiisatiims mais du bien moral r(}sullant do telle
somme que reco'd un individu ; au fond Tidce est la nuMue : « En désignant
par y la fortune morale correspondant à la fortune physique x, on aura :
y = /{. log X -f log II où /: et li sont des constantes ».
752 ANALYSES
tence dune plus petite ilifférence perceptible : lorsqu'on produit une
excitation pur exemple en posant un poids de 100 grammes sur
l'index, on a une certaine sensation ; si ensuite on produit une
seconde excitation peu différente de la première (lOo grammes par
exemple) il pourra arriver que la sensation produite par cette
deuxième excitation paraîtra absolument égale à la première, et il
existera une certaine limite pour la différence entre les deux exci-
tations, limite telle que les deux sensations produites paraîtront à
l»cine différentes ; celte limite qui varie suivant les cas est ce que
l'on appelle la plus petite di/l'érence perceptible. Weber a montré que
si on détermine celte plus petite difl'érence perceptible pour des exci-
tations différentes elle cbange de valeur, elle est par exemple de
I gramme pour Texcitation de 10 grammes, de 2 grammes i)Our une
.'xcitation de 20 grammes, de 10 grammes pour une excitation de
100 grammes, etc.; la valeur absolue de la plus petite différence
perceptible croît lorsque l'excitation augmente, mais le rapport de
la plus petite différence perceptible à l'excitation corresi>ondante
reste constant, c'est ]aloide Webe7' ; on voit qu'il n'est dans cette loi
(luestion «lue d'excitation et de plus petites différences perceptibles;
quant aux sensations produites, on dit seulement qu'elles paraîtront
à peine ditlV-renles ; il n'est pas possible avec ces données des expé-
riences de conclure quoique ce soit sur la relation entre uiu^ excita-
tion et la sensation; pour y arriver il faut faire des hypotbèses; c'est
(•e que Fechner et ses successeurs ont fait. Donnons un exemple
pour bien faire comprendre les hypothèses faites; supposons que les
sensations correspondant à des i»ressions de 10 grammes et de
II grammes paraissent à peine différentes, (pie celles qui corres-
|)ondent à 20 grammes et à 22 grammes le soient également, de
même encore i»our celles de 30 grammes et 33 grammes et ainsi de
suite ; les différents auteurs ont fait deux hypothèses différentes :
les uns (Fechner, Wundt, etc.) supposent que la différence à peine exis-
tante entre les sensatior.s s (10) ets (H) 'est égale à la différence des
sensations s (20) et s (22), celle-ci est égale à la différence entre les
sensations 5 (30) et s (33) et ainsi de suite ; les autres (Plateau, Bren-
tano, etc.) supposent que ce ne sont i.as li-s différences entre les
sensations à peine différentes (pii sont égales entie elles, mais que
.e sont les rapports de ces dilTérences aux sensations qui sont cons-
tants ; ainsi le rai»port de la différence des sensations s (10) et s (11)
à la sensation s (10) est égal iiu rapport de la différences (20) et
s (22) à la sensation s (20), etc.
I.a première hypotlièse {hypothèse des di/ferences) a conduit à la
relation logaritlimique entre l'excitation et la sensation : la sen-
sation varie proportionnellement au logarithme de V excitation (loi
(1) Nous dcsigaons par le syndiole s 'p) la sensation prodnitc par l'exci-
tation p.
PSYCHO-PHYSIQUE 753
(le Fechner). La deuxième hypothèse a amen»; la loi de Plateau : la
sensation varie proportioiinellement à une certaine puissance de
Vexcitation. Il est certain qu'on pourrait l'aiie d'autres hypothèses
encore sur la manière dont se comporte la dill'érence de deux sen-
sations à peine dilîérentes et alors on arrivei-ait à d'autres lois; toutes
ces hypothèses sont plus ou moins arbitraires.
Les résultats, on le voit, varient beaucoup suivant l'hypothèse qu'on
admet; mais il existe d'autres moyens encore pour aider à la
lecherche de la relation entre l'excitation et la sensation ; ces moyens,
dont nous allons parler, ont été surtout mis en lumière et étudiés par
Merkel dans les mémoires analysés ici ; ils sont au nombre de deux :
1° Ayant produit une excitation, on en produit une seconde et on
cherche à la varier dételle façon que la deuxième sensation jtaraisse
être double de la première, c'est la méthode des excitations doubles :
2° On pxoduit deux excitations différentes et on en cherche une troi-
sième qui produise une sensation située juste au milieu entre les deux
premières sensations. La première méthode est sujette à bien des
objections et elle est inconstante, on ne sait pas en effet quelle part
il faut attribuer dans cette méthode aux habitudes acquises et
si en général on peut dire qu'on compare directement deux sensa-
tions lorsqu'on dit que l'une a une intensité double de l'auti-e ; les
habitudes jouent un rôle trop important pour qu'on puisse arriver
])ar cette méthode à des résultats significatifs ; il reste donc la
deuxième méthode, méthode des déterminations moijennes. Oji peut
trouver trois excitations e„, em, e^ telles que la sensation Sm corres-
jvondante à e,,, i)araisse se trouver au milieu entre les sensations
Sq et s„, ceci est donné par l'expérience ; mais ,c(.'la ne ](ermet pas
encore d'arriver à une conclusion quelconque sur la relation entre
l'excitation et la sensation; il faut de nouveau faire des liy[»othèses.
D'abord on peut supposer (jue lorsqu'on dit que a-h. parait être au
milieu entre s^ et s„ on compare l'intervalle * entre les sensations
^■'" et «0 à l'intervalle entri; s„ et s,,,, et ([ue ces deux intervalles nous
paraissent égaux ; ceci étant, deux hypotlièses sont possibles : ou
bien on juge de l'intervalle (jui existe entre deux sensations sm et So
[lar exemple, par la différence enfie les intensités d(; ces sensa-
tions, ou bien on juge du même intervalle jtar le rapport entre les
intensités de ces sensations ; dans le premier cas on pourra poser
•Sm — À'o = Su — Sm, ce qui donne (1) .s',„ =: ° ^ '" ; dans le second cas
on aura (2) — — ^, ce qui d'^mn; .s-,„ = ^s^.s,, . (Juelle est l'hypo-
»•„ s„.
thèse qu'il faut ciioisir? Voilà une questimi hicn dé'licatt;; l'expé-
rience ne nous donne aucune réponse, les observations internes
étant trop ditlifih.-s loi'sque les processus sont aussi simples, relali-
(1) Nous eiiijiloyons exprès le ternie itilervtillc cl ikmi i/if/t'i-cuce pnur ne
faire aucune liypolfiése sur la niauicre dont rinterv.-ilic v^, i-t -v» est apjiré-
cié.
ANNÉF, PSYCHOLOGIQUE. II. 48
754
ANALYSES
vomont, et durcnl si peu de temps; il est possible qu"à la loni;ue
riutrospectiou attentive pourrait décider la questiou, mais les auteurs
qui s'en sont occupés n'y ont pas fait allciilion. Remarquons ([u'oii
pourrai! peut-être faire encore d'autres hypothèses siu- la manière
dont on juge de la grandeur de rinlervalle entre deux sensations,
mais les deux précédentes sont les plus simples.
Nous avons donc obtenu une relation (1) ou (2) entie trois sensa-
tions s„„ «0 et ^u 'l"i correspondent aux excitations déterminées par
les expériences e,„, e^ et e,.. Celte relation permettra ou bien d'ex-
clure certaines relations entre l'excitation et la sensation oblemies
par le moyeu de la méthode des plus petites diflereiices perceptibles
ou bien de déterminer quelque coustanle (jui entrait dans ces rela-
tions, tel est l'avantage apporté par la méthode des déterminations
moyennes. Donnons un exem[)le ; supposons qu'on admette la rela-
tion s = Klog c, c'est-à-dire la sensation est égale au logarithme de
l'excitation multiplié par une constante K; prenons deux excitations
eo et Cu et cherchons une troisième e,» telle (pie la sensation s,a
paraisse être au milieu entre 6^^ et s„ on doit avoir Tune des deux
hypothèses :
^ ^" ou s,„ = JTV en remitlaçanl s„ [uir Klog e,„ , .s'o par
5,„ =
losP 0 -f- Inpfu
soit lOUem
Klog e„ et s„ par Klog c, on aura >oit log ^„ =
V^logeo loge„; comme les noiiihres e,„, e,, et e, sont connus, ce sont les
valeurs des excitations, on prendra les logarithmes et on vérilieia si
l'une des deux égalités précédentes est vérifiée ou non; si aucune
d'elles ne l'est ou la relation s = Klog e ne peut pas être admise, cm
Jiieii il existe uiu' autre manière déjuger d'un intervalle entre deux
sensations. Donnons un autre exeuqde ; on sup[iose qu'on a la rela-
tion s — Kes c'est-à-dire la sensation est éi.'ale à une certaine juiis-
sance s de l'excitation multiiiliée |>,ir un laileiir couplant K; eu
l)rocédant connue précédeninieiil on aina soit :
c'est-à-dire
1 _ ^ô 4- i-\
soit :
c'est-à-dire
•">■'" — \/s„ s„
= V^''A+'
ou
''.„ = \ '',
On substituera dans ces formules les valeurs données par les
expériences de e,,, c^ et c^\ comme t est inconnu, on pourra, en admet-
tant que les équations doivent être vérifiées, déterminer par un
certain arlilice de calcul l'inconnue s, et par suite la relation sup-
posée entre l'excitation et la sensation s = K t'^ sera déterminée en
PSYCnO-PIIYSIQUE 75o
ce sens qu'on saura (après avoir fait les hypothèses précédentes) à
quelle puissance numérique de l'excitation la sensation est propor-
tionnelle.
Tels sont les principes employés dans la détermination de la rela-
tion qui existe entre Texcitalion et la sensation. Nous avons cherché
à n'employer presque pas de formules mathématiques, à indiquer
surtout quelles sont les hypothèses qu'on fait à différents endroits
et quels sont les résultats que l'expérience seule sans hypothèses peut
nous fournir ; l'auteur s'arrête peu sur les hypothèses faites, il parle
de différentes relations, de différentes conséquences sans même
indiquer souvent (pie ce sont des hypothèses ou des conséquences
d'hypothèses ; de plus, les expositions théoriques qu'il donne sont
remplies de formules mathématiques qui arrêtent bien des lecteurs
non familiarisés avec les mathématiques.
Trois parties différentes peuvent être distinguées dans les mémoires
de Merkel, la première consacrée à la discussion des méthodes à
employer et des différentes prévisions théoriques ; la deuxième com-
prenant l'exposition des résultats des expériences et la troisième
consacrée à la discussion des résultats expérimentaux trouvés.
Les méthodes employées étaient celle des plus petites différences
perceptibles où il cherchait les minima des différences entre des
fxcitatiiius (jui étaient à peine perceptibles, celle des excitations
iloubles et celle des déterminations moyennes; nous avons exposé
plus haut en quoi ces méthodes consistent. La relation que l'auteur
admet entre l'excitation et la sensation est s rr Ke : la sensation est
égale à l'excitation multipliée par un certain nombre K ; il cherche
à déterminer par des calculs faits sur des résultats expérimentaux
la valeur de ce nombre K pour les différentes valeurs de l'excitation ;
si ce nombre K était liouvé constant, on en déduirait que la sensation
croît proportionnellement à l'excitation. Voici comment le facteur K
est calculé: soient e et Pj, deux excitations qui évo(pi('nt deux sensa-
tions à peine différentes l'une de l'autre, on a suivant l'hypotlièse :
s =z Ke et Si = K,ei, d'oi!i on déduit : -^ = -^ x -^ et par suite
Kj =: K — ^-j soient e^ et e, deux excitations dont les sensation^
e
sont à peine différentes, on avua, de m«'me ([ue précédemment,
Si
K., =: Kj— ^ ; comme l'auteur admet que c'est ht rapport de la dilfé-
e\
l'ence de deux sensalionsà peine; différentes à Juiiede ces sensations
(hypothèse des relations) ([ui reste constant, ce qui en d'autres termes est
• '^' ~ ^' =r ■'^' ~ '^ , il en résulte que le rapport — est égal au ia|i-
port -^ , la formule qui donnait K, devient : K^ = Kj— ^, en
iO
6
ANALYSES
reniplarant Kj iia:- la vah-ur K-^^p- ou a
K.,
Ou pourra doue calculer K, et K^ eu foucliou de K et du rapiioi-
— , ou pourrait jtrocéder de la même façou plus loiu et ou déler-
miuerait uue série de valeurs de K : K,, Kj, K3, K^, ... !{„ correspou-
dautes aux excitatious e,, e,, ^3, e^, ... e„ telles que deux excilalious
voisiues évoipicut deux sensatious à jumuc diflereutes, ces valeurs
de K serout toutes exprimées ou foucliou de K et du rapport — ;
l'auteur suppose que ce rapport — esl éuai au rapport des excita-
tious — , c'est uue liypothèse.
Daus la quatrième partie de son mémoire, parue eu 1894, Merkel
admet la relatiou s = Ke- : la seusaliou est éizale à uue certaine puis-
sauce £ de l'fxcitatiou multipliée par uu nombre constant K ; et il
cherche à déterminer les valeurs de s pour les valeurs diHërenles de
l'excilaliou ; nous avons moniré plus haul comment en se servant de
la méthode d(;s déterminations moyennes, on peut déterminer la
valeur de z ; l'auteur fait l'hypoliièse qu'on juj^ie d"un intervalle cuire
deux sensations par la diflVTence entre les inli.-nsités de ces sensa-
tions et non parleur laiiporl, ceci n'est pas sans raison ; nous avons,
en efl'el, montré plus liaul (juc l'on a l'uiir des deux relations sui-
vantes :
Cm' =:
e,,'
ciu e,„ = \e^ e^
La deuxième ne contient pas d'e; par suite, lorsqu'une excitation e,„
éxtupie une sensation qui paraît être au milieu entre les sensations
correspondantes à e» et à e^, si l'on admettait la deuxième liypollièsc
(qu'on juge d'un iut(.'rvalle entre deux sensations par leur lapport),
il devrait en résulter (pu- e. est la moyenne géométrique entre les
excitations e» d e„: lexitérience apprend ([ue ceci n'a pas lieu,
les valeurs tiouvées pour e,„ se rapprochent toujours bien plus de
la moyenne ai'itlimétique eulre e„ et e„, que de la moyenne géo-
métrique ; il faut donc soit rejeter l'hypothèse que l'on juge d'un
intervalle entre deux sensations par le rapport de leurs intensités,
soit rejeter riiy]tolhèse (ju'on jteut exprimer la relation entre la sen-
sation et l'excitation i»ar s = lie- ; l'auteur rejette la première hypo-
thèse, il est donc conduit par cela même en vertu des données expé-
rimentales à admettre l'hypothèse qu'on juge d'un intervalle entre
deux sensations par la diflérence entre leurs intensités.
psYcuo-pnYSiQUK 757
Voici donc les questions principales qui restaient à résoudre :
1» En admeltant la relation s= Ke, déterminer les valeurs de K,
correspondantes aux difTérentes valeurs de l'excitation, pour cela cher-
clier les minima des dilTérences entre les excitations qui évoquent
des sensations à peine dillV'rentes et puis calculer It'S difi'érentes
valeurs de K comme nous l'avons monin'- [dus haut.
2" En admettant la relaliim s z= Ke^ , déterminer les valeurs de z,
coriespondantes aux ditTérentes valeurs de l'excitation, pour cela
(lélerminer, par la mélliode des déterminations moyennes, pour dil-
lV'rentes valeurs de e^ et de e„, des valeurs de e„, qui évoquent des
sensations correspondantes à p<, et à e„ ; ceci étant, porter ces valeurs
de e^ daiTs la formule ?,„ ■ = — — et chercher la valeur de z qui
v('Mitle celte équation; nous ne nous arrêtons [las sur la manière
ilont on calcule la valeur de z, ce n'est pas difficile, mais c'est long,
i.es expériences faites par l'auteur sont relatives aux sensations
visuelles, auditives et de ])ression, il est à regretter qu'elles n'aient
été faites que sur une seule personne seulement, qui est Merkel lui-
même ; nous ne nous arièlerons pas sur les détails techniques, disons
seulement que comme excitation visuelle il se servait d'iuie plaque de
verre dépoli éclairée par derrière par une lampe; on i-egaidait cette
l)laquepar un tuhe noirci à Tintérieur, en déplaçant la lampe plus ou
moins on pouvait faire varier l'éclairementde la plaque ; les excitations
de pression élaienl produites parla pression d'une certaine surface
carrée sur un doigt, enfin pour produire des excitations auditives on
faisait tomber de hauteurs ditTérentes des houles de poids dilTérents
sur une planchette de hois. Passons donc à l'exposition un peu plus
détaillée de la manière de faire les expériences, nous prendrons
pour exemple les sensations auditives, les méthodes employées étaient
absolument idenli({ues pour les sensations visuelles et de pression :
1'^ Méthode des plus pelilcs différences perceplibks. On fait tomber
une boule d'une certaine liautenr, 100 cenlimètres i)ar exemple, puis
on fait tomber la même boule d'une hauteur un peu plus grande,
101 centimètres par exemple; il n'y a jias de dilTéi-ence |)erçue ; on
fait de nouveau tomber' la Ixnde d'ahoid de 100 cenlimètres, puis de
102 centimètres, il n'y a pas dt; dillercnce; on continue de la sorte
jusqu'à ce (pie l'on airive à une dilîérence de hauteur telle que les
sensations soient iiellenieiii ditfi-rentes, soit par exemple ces hau-
teurs 100 et 114- centimètres; puis on revient en arrière, c'est-à-dire
iA\ fait tomber la boule de 100, puis de H;t cenlimètres. la diflV'ieiice
est pei-çue; on la fait tomber de 100, |)uis de 112 cenlimètres, la dif-
férence est encore perçue et ainsi de suite justpi'au moment où
un ne jiercoit plus de diiréreiu'e enlie les sensations, soieiil 100 el
110 centimètres les hauteurs coirespondantes ; on a donc obtenu
deux difTérences, l'unt; d(! 14, l'autre de 10 centimètres; la jjremière
correspond au monu-nt oh la dill'érence est perçue nettement, le
758
ANALYSES
seconde au moment où celte difl'érence cesse d"ètre perçue; \\'undt
propose de prendre la moyenne arithmélicpie entre ces dilîérences
■qui est ici !^— = 12, et il dit que 12 est l;i diflV-rence à peine per-
ceptible ; Merkel prend la moyenne géomélriquc \H)X\if= 11,8 au
lieu de 12 obtenue par la méthode de Wundt. I/auteur détermine
donc ces difrérences pour dilTéi-entes valeurs de l'excitation. Voici
quelques i^ésultats obtenus ' :
SENSATIONS AUDITIVES
e.
eo.
C.
0,41
0,68
1,65
1,03
1,5'2
1,47
2,05
2,78
1,37
4,05
5,41
1,33
10,1
13,1
1,30
24,9
32,2
1,29
49,4
63,7
1,29
132
172
1,30
259
336
1,29
488
640
1,31
869
1128
1,29
1590
2075
1,30
'.^468
3196
1,29
4936
6476
1,31
SENSATIONS VISUELLES
r.
1
1,17
1,96
1,15
4
1,14
7.8
1,12
16
1,11
31,3
1,10
«4
1.09
125
1,08
256
1,09
501
1,08
1024
1,08
2007
1,09
4096
1,09
SENSATIONS DE PRESSION
e.
1
1,25
1 ,25
2
2,39
1,19
5
5,72
1,14
10
ll.l
1,11
20
21,8
1 ,09
50
54
1,08
100
108
1,08
200
215
1,07
500
537
1,07
1000
2000
5000
t'u.
1069
2138
5231
1.0 i6
C.
1,069
1.069
Si on ex;imine les valcnis de C dans les t;iblc;inx pi(''((''(lciils (Ui
voit qu'elb'S d(''croissent d'abord lorsque l'excilation cioil et jinis
sont consliintcs. La loi de Weber est donc applicable ponr les sensa-
tions auditives lors(iiie l'excitation varie enlr(,' 10 et 4 936, pour les
sensations visiudles ciilri' les limites 31 et 4096, enfin pour les sensa-
tions de [HTSsidii filtre les limiles 20 et 2 000.
(1) Dans les tableaux c est rexcltation nonualc (bniil de JOO (•ealimèlre.';
par exemple), c» rexcltation à peine différente; G est le rapport-^ , il doit
être conslaiil si la bu de Weber est vraie.
PSYCUO-PIIVSIQUE
739
2° Méthode des excitations doubles. Un fail lomber une boule dabord
de 100 puis de 170 ccntimMros, par exemple, la deuxième seusation
paraît moiiidri^ que le double île la première; on fait abus lomber
la boule des bauteurs 100 et 175 centimètres, elle est encore moindre
f[ue le double, ou continue Jusqu'à ce qii'on arrive au moment où
la deuxième sensalion parait double de la juemièie, suiqiosons que
les bauteurs correspondantes soient 100 et 190 centimètres; ceci
étant, on fail lomber la boule de 100 et de 220 centimètres, la seconde
sensation paraît sujiérieure au dtuible de la première ; on fait tomber
alors la boule de 100 et de 21 o ceulimètres, elle paraît encore supé-
rieure au double, on continue ainsi jusqu'au moment où la deuxième
sensation paraît double de la première, soient 100 et 200 les iiauleurs
correspondantes; on calcule la moyenne géométrique (d'après Mei'-
kel) des deux nombres trouvés 190 et 200 et on oblient le nombre
cbercbé. Peu d'expériences ont été faites par celte métbode, nous
avons vu plus baut pourquoi. Donnons de nouveau quelques résul-
tats; dans ces tableaux e représentera l'excitation normale, e^ celle
qui pi'ovoque une sensalion <[ui parait double de la première, U est
le rapport de e^ à e.
SENSATIONS AUDITIVES
e.
1,92
4.42
2,30
3,84
9,54
20,4
18,7
50
!»7
185
334
642
1102
1
27551
Pl
8,53
39,0
2,08
102
19 i
308
G59
1257
2140
5317
/;.
2.22
2,14
2,03
2.00
1,!)9
1,97
1,95
l,9i
1,93
SENSATIONS VISUELLES
I!.
1
2,06
1,90
2,02
4
2,00
7,8
1,98
10
1.97
31,3
1,95
64
1.93
125
1,92
250
1,93
502
1.95
1024
1,98
2007
1,98
SENSATIONS DE l'HK3SI0\
]i.
2,0
2,6
2,3
11.2
2,24
21,4
2,14
20
50
100
200
500
1000
41,5
100
2,00
200
2,00
398
1 ,99
983
1906
1,90
2,07
1,90
2000
3902
1,85
760
ANALYSES
On voit par les (;il)I(';tiix précédents que le rapport des excitations
(pii prodnisent des sensations qni paraissent doubles Tnne de l'autre,
(liiiiimie à mesuie que Texcilalion auiimente ; pour des excitations
faihles ce rapport esl supérieur à deux, ])our des excitations forles
il est inférieur à deux.
^° MtHhode des délermvintioiis moyennes . Deux mélliodes diflén-nles
ont élé employées par Tanteur, nous décrirons les deux :
a). On fait tomber une boule de 100 centimèlres de .hauteur, jmis
de 140, puis Tuie troisième fois de 200, le sujet doit dire si la deuxième
sensation lui paraît plus voisine de la première ou de la deuxième, ou
f'uHn si elle se ti'ouv»- au milieu ; supposons qu'il dise qu'elle se tiouve
plus près de la première; alors on fait tomber la boule de iOO, \io
et 200 centimèlres ; la deuxième sensation paraît de nouveau plus^
près de la ]>iemière que de la seconde ; on continue de la sorte jus-
qu'à ce que la sensation paraisse se trouver au milieu entre les deux
sensations correspondant à 100 et à 200 centimètres, soient 100,
155 et 200 centimèlres, les hauteurs correspondantes, l'uis on recom-
mence eu sens inverse : on fait tombei' les boules de 100, 170 et
200 centimètres, la dexixième sensation païaît ]>lus voisine de la der-
nière que de la première, on fait tomber alors des liauleur-s : 100,
165 et 200 centinièti'es ; sujiposons que le milieu soit atleinl lorsque
la deuxième boule tombe de 160 centimèties de hauteur; ce n'est
pas tini, on i-ecoinnicnce les deux séries dans l'ordic inverse, ainsi
lin lait Iniiiber les boules des hauteurs 200, 140 et 100 cenlimèires,
et on fait varier la deuxième hauteur jus(pi'à ce ((u'on arrive à la
sensation moyenne, soit 157 centimètres cette lianteui': puis on
commence parla iiauteur 200, 170 et 100 cenlimèires, el on diminne
la denxième Jns(|u'à la sensation moyenne, soit 162 centimètres celle
hauteur; on a doiir obtenu quaire chiffres : 155, 160, 157 et 102, on
juendra la moyenne ariliiméti(pie de ces chilfres :
155 + 160 + 157 + 162
= 158,5
c'est le nombre clieiclié.
b). Nous iH' pouvons j)as exposer en détail la deuxième nn''lliode
em|iloyée, cela conduiiail à des calculs très nombreux; indiiiuons
seulement le piincipe : on choisit trois excilations (pii |ii-ovo(|uent des
sensations telles qm- l'uiu' paraisse à jteu itrèsèlre au milieu enlie les.
deux autres, soient des hauteurs 100, 160 et 200 cenlimèires. On fait
tomber la boule successivement de ces trois liauteiu\sel le sujet doit
dire si la deuxième sensation lui i>arail plus voisine de la jiremière {p),
de la seconde (ç), ou si elle lui paraît être au milieu (/;); on recom-
mence la mêmt; expé-rience 100 fois sans varier aucune des trois hau-
teurs, on aura un certain nombre de jui^ements (jj), un autre nombre
de jugtîments (7), un tioisiènu' de jut,'ements {n} : soit 25 fois {p),
55 fois (p) et 20 foisf//), on partagera d'une cerlaine manière (soit eu
PSYCllO-PHYSIQUE
■iC^\
parties égales, Fecliner, soi( pu pnrlies propnilionnelles aux iidiuhres
25 el. 55, Merkel) les jiigemenis {ii) entre les deux anlr'cs gioupes et
on aura deux groupes : 35 jugements dans lun, 65 dans Taulre.
On fait des calculs sur lesquels nous ne nous airètons pas, et on
détermine qiU'lle devrait èlrc la deuxième liauleur ])our que dans les
deux groupes on ait 50 jugements; celle liauleur est le nombre clier-
clié. Celte deuxième méthode repose sur l'hypothèse que la loi des
eireiu's de Gauss (!st applicalde aux déterminations des sensalions
moyennes, uous n'avons pas à enirer en des cjitiques sur ce ]>oinl,
cela nous entraînerait trop loin. (V. le Iruvail sur les Probabililés en
psyrholof/ie.)
Voyons quelques résultats obtenus; il est diflicile de choisir parmi
le grand nombre de tables données par l'auleiu-, nous en prenons
Irois au hasard.
Dans les tableaux suivants Co, e„, e,„ représentent les excitations
telles que e,,, ]»araîl au milieu enire eo et e,., e- représente la
moyenne géoméliique entre les excitations Co et e^, e^ est la moyenne
arilliuK-lique entre les mêmes excitations Co et e^.
s K N s A T I 0 N s AUDITIVES
Co
2,02
4,9
9,8
3'.). 7
77,8
146,6
260
2.02
4, 9
9,8
c„
1
20.2
49,9
98,8
397, 3
778
1466
2608
30.3
74,8
148
''m
11,4
G. 4
27.9
M. 8
210
411
757
1330
15.1
38,2
75
P'S
1C,8
.31,2
125
24G
463
824
7,8
19,3
38,2
1
11,1
24,4
.j4,3
218
428
806
1434
16.2
39,9
79
SENSATIONS
VISUELLES
c„
0,5
0,5
0,5
0,5
0,5
0.5
24
2i
24
21
24
('\x
32
16
8
4
2
1
1536
768
384
192
96
\ Pm
1
8,3
5,4
2,98
1,86
1,16
0,72
472
293
157
93.6
58.2
i ''^
4
2,8
2
1,41
1
0,71
192
136
96
()8.2
48
1
16,25
8,25
4.25
2,25
1,25
0,75
780
396
20 i
108
(;o
762
ANALYSES
SENSATIONS DE PRESSION
Pu
1
2
5
10
20
50
100
200
500
Pu
10
20
50
100
200
500
1000
2000
5000
Pli,
4,68
0,8
21,9
46,3
92,3
215
430
948
2435
Pir
3,16
6,3
15,8
31.6
63,2
158
316
632
1581
Pa
5. 5
11
27.5
55
110
275
550
1100
2750
Si on examine de près les (ahlcaux priM-i'-dciils, on voit que les
valeurs de em s'apiirochenl bien plus de e^ <]ue de e<r, elles sont plus
voisines de la moyenne arillimétifiue que de la moyenne géomé(ri(pic
entre les excilations e» et e„, il en résulte donc que si l'on admet la
relation s = Kes on doit admettre en même lemi>s qu'on juge d'un
inlervallc pai- la (lillV'rence enlre lo iulfiisih's des sensations.
Arrêtons-nous un peu encore sur les déleiininations des valeurs
de K, lorsqu'cm admet la relation *• ^ Ke, et de t lorscju'on adnu'l la
relation s r= KeK 1/auteur donne lieaucouf) de taltleaux pour ces
valeurs, nous en choisirons (jnehiues-uns des i)lus caractéristiques.
SENSATIONS A V D I T I V E S
('
0,412
1,06
2.20
4,08
1,21
12,31
24,9
r
4936
h
1
0,65
0,53
0, 48
0,46
0,46
0,46
0,46
s
0,412
0,69
1,17
1 , 98
3,36
5,68
11.48
2271
SENSATIONS V I S l' E L L K S
e
1
0,75
0,75
2,03
0,48
0,97
4,18
0,33
1,38
8,12
0,25
2,06
16,3
0,20
3,35
39,9
0,17
5,68
64,3
127
0,16
20,3
247
0,16
39,4
478
0,16
76,3
925
0,16
147
1792 '
0,16 '
285
/.■
0,16
.V
10,53
1
l'SYCIIO-PHYSIOUE
?63
Occupons-nous dabord de la relation s =r Ke; dans les tableaux
e représente les valeurs des excitations, K les valeui^s correspon-
dantes de K, et s les valeurs des sensations déduites par la mullipli-
cation de K par e, de plus pour l'excitation la plus faible Fauteur
admet pour K la valeur 1.
Nous ne donnons pas de lableaux pour la sensation de pression,
c'est toujours la même chose. C'est un des cas rares en psychologie
où on trouve dans les tables les valeurs des sensations exprimées
en chillres. Donnons encore un tableau relatif aux valeurs de t lors-
qu'on suppose (jue la relation est s = KeK
SENSATIONS DE PRESSION
Co
51
1
51
51
51
51
110
210
510
50
100
1
en
110
210 510
1
1
1015
2010
510
1010
2010
500
1000
fil.
78
119
238
445
840
292
585
1263
231
460
£
0,65
0.58
0,64
0.70
0,71
0,75
0.83
1,01
0,62
0,61
Les deux premiers tableaux montrent que dans certaines limites
étendues les valeurs de K restent constantes, donc hi sensation croît
proportionnellement à l'excitation. Le troisième tableau ne présente
pas une constance de £, de idus les valeurs lie t .linèrent beaucoup
de l'unité, il semble donc (jue ce lableau coulrcdit les résultais des
premiers; l'auleur en cherciie la cause, il remarque que lorsqu'on
fait des expériences par la mélliode des délerminalions moyennes, les
dillerencesenlre les sensations sont considérables, [lar suite les sen-
sations infhieiil l'une sur l'antre el modifient de cette fa'.oii le résultat;
ceci étant, il s'elTorcr d'i'dimiiifr ces iuflucncrs, il l'ail pour cela de
nouveau uiif iiypolhèse cpu; lors(iu'une sensation iiniduitc par une
excitation c,„ vient après une sensation coriespoiidaiit à une exci-
tation eo, cette dernière laisse une trace dans l'a pcrccplion (pii s'ajoute
à la sensation s,„ ; cetU; trace peut, d'après lui, s'expr iiiier comme
unt! certaine frarlinn de l'excilalinn c,,, l'elTel est. donc le même
(|ue si c'était une excitation e„, -|- x e„ (pii agissait; eellf! hypo-
thèse est absolument arbitraire, in'-anmoins l'auteur s'en sert, il
calcule après avoir fait d'autres hypothèses encore les valeurs de x,
puis en faisant les corrections il calcule de nouvean le> videurs de eet
trouve ({u'elles dill'èicnt peu de liinil'', il arrive donc en dédiniLive
aux deux lois suivantes :
{" Lorsqu'on élimine les effets de contraste et de superposition que
764
ANALYSES
les sensations exercent les unes sur les autres, la sensation croît pro-
portionnellement à l'excitation.
2" Si on n'élimine pas ces effets, la sensation croH comme la puis-
sanceO,Q'ô de l'excitation pour les sensatiojis auditives, comme la puis-
sance 0,67 pour les sensations de pression; on peut donc dans tous les
cas exprimer la relation entre une sensation et l'excitation par la for-
mule : s =■ Kc'-.
.\ous sommes loin d'avoir t'-puisé les points traités pa.i" Tauffur, ce
serait vraiment troi> long, nous avons surtout porté notre alleulion
sur les méthodes générales employées, sur le but poursuivi et sur les
résultats généraux. Nous avons toujours distingué quelle ('-tait la part
([(Uinée à riiypotiièse, c'est ce que l'auteur ne t'ait que très peu;
pourtant c'esl un des points les plus importants. On a vu combien il
lallail l'aire d'iiypothèses pour arrivei- à une relation entre l'excita-
tion et la sensation; nous croyons qu'il- y a peu de probabilité pour
(pie ces liypollièses soient exactes; les processus de la sensation sont
Ircq) compli(iués pour qu'on puisse les traiter comme des grandeurs
physiques, il y a tan! diiitluences qui exercent des actions de toutes
sortes qu'on peut être sûr ipu' jamais on n'a de sensation pure et
unique. En somme on peut dire que l'auteur ii bien recherché com-
ment se com]»ortait une certaine fonction de l'excitation lorsqu'on
l'ail ditîérenles liypolhèses matli<''mali([ues sur les ]>ropriétés de cette
l'iuiclidn, il a étudié' si cnlains coellicienis (pii i-nlrcul dans ccih-
fuiirlidii restent constants nu non, ceci a exigé plusieuis années de
travail continu et assidu, mais ce (pie l'auteur n'a jias l'iiit et ce
ipi'il n'a pas pu l'aire, c'est de monli'rr que celle l'onction de l'exci-
tation correspond à la sensation, il n'a l'ail qu'une hypothèse.
niicllf est donc rimiKirlaiice du travail tic MitUcI ? .]..■ crois (jue le
point le plus important et qui a le plus de valeur est ipi'il a montré qu'il
était i>lus (|ue probable que la formule de Fechner n'est pas exacte,
(pion ne peut pas admettre ((Ue la sensation croît comme le loga-
rithme de l'excitation, et C(î sont surtout les exiM^rieuces faites juir
la iiK'lliode des di'lcriniualioiis moyennes (pii y ont C(Ui(luit, après
certain('S hyf»ollit'ses évidcninieiil. Quant à la relation s = K/-' pro-
]H)S('e par l'auteur, elle suppose l'admission de tant d'hypothèses (pion
a jieine a les admettre toutes.
Victor Henri.
E.-W. SCHIPTIUE. — Practical Computation of the Médian (Calcul
pratique de la « mèdiioïc»). Tsycli. Hev., Il, î, .juillet i89o,i). 37G-J79.
La moyenne arithmétique d'une série de chilfres s'obtient par une
addition et une division. Soit les chitlres suivants, exprimant les
temps d'une série de réactb.ns ; 213, 215, 214. 210, 212, 214, 215,
210, 212. On additionne ces chilTres, et on trouve 1915; ou divise ce
tolal [lar le nombre de réactions, (pii est de 9, et on a au tpiolient 212,7.
i
M
PSYCHO-PUYSIQUE 76o
C'est la moyenne arithmétique; c'est elle dont on se sert habituelle-
ment en psycholoiiie ; dans les tables des temps de réaction, elle
sert à représenter le temps moyen. Scrii)ture pense qu'on doit la
rejeter pour les deux raisons suivantes : 1" elle est longue à cal-
culer ; 2" les mesures de psychologie et de statistique suivent presque
toujours une loi asymétrique de probabilité. Il propose de substi-
tuer à la moyennr arithmélique la v.ileur médiane, discutée par
Laplace et Fechner; c'est la valeur qui occupe le milieu de la série,
quand on a rangé les différents résultats par ordre croissant. Ainsi,
dans la série de chillres indiipiés plus haut, 213 est la moyenne
médiane. On la trouve en employant la formule — - — , dans laquelle
n indique le nombre des résultats; ainsi, dans l'exemple cité, le
nombre des résultats était de 9, ]iar conséijuent la place de la valeur
9 -H 1
médiane était indiquée par la formule ■■" „ = 5, c'était la cin-
quième.
L'auteur prévoit deux petites complications qui peuvent se pré-
senter dans ces calculs très simples. Si le nombre des résultats est
pair, la moyenne médiane sera la moyenne arithmélique des deux
chiffres les plus près du milieu; si ces deux chiflres sont 212 et 213,
la moyenne médiane sera 212,5. — Autre cas, un peu plus complexe.
Beaucoup de chiflres d'une série sont égaux à celui de la valeur
nii'diane. Ou a par exemple la série 9, 10, 11, 12, 13, 13, 13, 13, 14.
La valeur médiane est 13, seulement il y a quatre 13. La formule à
employer dans ce cas est la suivante :
M = /• + -f-
■2m
M est la valeur médiane cherchée, /• est le nombre (jui occupe le
milieu de la série, m est le nombre de fois que r est répété, a est le
nombre de termes au-dessus de r, b est le Jiombrc de termes au-
dessous, et c est égal à a — b. Pour faire l'application à notre exemple,
r= 13, ffl = l, 6= 4, m = 4, c=— 3; on a M = 13 — 3 8 = 12 -f 58.
A. Bl.NKT.
A.-D. \VALLEU. — Points relating to the "Weber-Fechner Law.
Retina ; Muscle ; Nerve Points relatifs à la loi de Webcr-l-'cchner.
Ht'-tinc, muscle, nerf). Brain, juillet 1895, p. 200-216.
La loi de Weber-Fechner est relative à la relation de l'excilatiuii
<'t de la sensation (jui en résulte ; d'après celle loi, la sensation
serait une fonction logarilliiniipic de rexcitatimi ; en d'autres termes,
il y a une disproportion telle entre la cause et l'elfet que pour avoir
des augmentations égales de la sensation, il faut avoir des augmen-
tations croissantes de l'excitation, ou encore, en d'autres leiines,
chaque augmentation égale de l'excitation produit une augmentation
décroissante de la sensation.
766
ANALYSES
l.";aileur s't-sl proposé dr olicirla-r à iiilcipiétcr cède lelation.
l>f slimulus exiérieur, son, lumière, ne pidduit pas seulement une
sensation, mais encore une modilicalion iiitt'iiie dans les nerfs sen-
silifs. Quelle est la grandeur de celle niodilicalion inlcrne ? La
relalion élablie par la loi de AVeber-Fecliner a-t-elle lieu entre le
stimulus et la modification inlei'ne des nerfs, ou enire celte modifi-
cation inteine et la sensalion '? Des expériences directes ont été
faites pour mesurer cette modification interne.
Pour la rétine, les travaux de Holmgren, Dewar, Mac-Kendreck,
Kiiime et SIeiner ont montré qu'une excilalion lumineuse jiroduit
un changement électrique, qui est le signe objectif dt," la modification
physico-chimique produite par la lumière, et peut servir à mesurer,
par conséquent, la modilicalion physiologiqvu^ dont il a été ques-
tion. Un œil de grenouille est placé dans une boîte obscure, et relié
l)ar deux électrodes à un galvanomètre ; la lumière d'une bougie
arrive à cel œil par un tube noirci, et on fait varier la distance de
celle excilalion à l'ieil, à intervalles réguliers. On s'est arrangé pour
que les excitations croissent en série arithméli([ue, et soient égales
successivement à d, 2, 3, 4, 5... 10 unité's ; les effets physiologiques
mesurés parle galvanomètre onl augmcnlé' plus lenlemeni, et forment
par leur enseml)lf! une courbe (pii nu>nlrerail, d'après l'auleur, que
l'augmentation des effels a l'-lé' décroissanif, landis (|uc raiignieiila-
tion du stimulus était égale.
Des expériences analogues sonlTaites sur !•• muscle m comparant
la grandeui- du sliMiiiliis à la grandeur de la conliaclion. L'auleur.
se rencontrant ici avec Preyer (Das mi/ophi/sisches Geset: , li'iia,
1894), con>tale (|ue le laccoui cissemenl du muscle varie eonime le
logarithme de l'excilalion ; il a vu en oiilre (|ue pom- les petitesexci-
tations, il y a projiorlion entre les accroissenienls de l'excitant et
ceux de la contraclion. Les expériences les i>lus curieuses ont élé
faites sur le nerf, dont oji a mesuié la modification physiologique par
le courant électri(jue produit, et aussi par la coiilraclion du muscle
reli»' à ce nerf. Pour le nerf, l'effet est [)rct|iortionnel à la cause, au
moins pour des excitations de grandeur modéi'ée. 11 faut ajouter que
le nerf est piatiquenieut inéj»uisable.
A. IJl.NKT.
II.
PSYCHOMÉTRIE
RECHERCHES RÉCENTES
l.J. M.\HK J{.VLI)\VL\. (avec la collaboiation de W.-J. Shaw). —
Types of Reaction {Ti/pes de réaction). Psych. Rev. , II, 3, mai
1895, p. 259-273.
2. W. ME.VD BACHE. — Reaction-Time with Référence to Race {La
PSYCnO-PDYSIOUE 7(37
psijchomélrie dans ses rapports avec la race), l'sych. Rev., sept.
1805, p. 475-483.
Les recherches de }isyclionit''lrie tendent à se l'aire ])lus rares, et
nous sommes persuadés qu'on ne tardera pas à s'apercevoir (jue
liulérèt prêté à ces méthodes a été exagéré, et qu'on a fait dans
.(• domaine beaucoup trop de psychologie d'automate.
1. t)ii se raitpelle (jne Lang et Wundt ont élahli une distinction
parmi les réactions simples ; les unes seraient sensorielles, les
autres motrices; dans les premières, l'attention est fixée sur la
sensation qui sert de signal; dans les secondes, l'allention est iixée
sur le mouvement à produire, et on maintient la main dans un état
de tension. Rappelons encore que les réactions sensorielles seraient
en général plus courtes que les motrices. La jilupart des i)sycho-
logues ont accepté au premier moment cette distinction, qui se
présentait avec la garantie de Wundt; mais, depuis quelques années,
des dissidences se sont produites. Flournoy, étudiant un sujet qui
l»ossède un type visuel d'imagination, et qui se représente le mou-
vement sous une forme visuelle, constate que chez ce sujet la réac-
tion sensorielle est phis courte que la motrice '. lîaldwin, dès 1893,
l'mel l'idée que le type sensoriel ou moteur du sujet doit avoir
quchiue influence sur la nature de ses réactions ^ Gattell fait sur
hii-mème et sur (juelques autres personnes d'innombrables expé-
riences pour démontrer que la distinction des réactions en senso-
riclh-s et motrices est démentie par les faits.
Haldwin revient de nouveau maintenant sur celte (juestion et
donne des résultats d'expérience. Il semble que pour bien juger la
(piolion, qui est sans doute fort curieuse, et que nous avons nous-
mème soumise au contrôle expérimental il y a i)rès de cimi ans, on
devrait bien distinguer deux points, et les traiter tour à tour : 1»
"xisle-t-il des personnes qui jirésentent constamment des réactions
dites sensorielles plus courtes (|U(,' des réactions i\\\v> motrices? Il
est bien entemlu «pie les temps de réaction de ces sujets, pour
piouver quoi qu(; ce soit, doivent être réguliers, avec une variation
moyenne très faible; 2» à ([Uidles causes attribuer la plus grande
rapidité des réactions sensorielles? Il faut iei taiic nu examen
psycliologique des sujets, étudier leur type d'imagination pai- des
éqireuves variées — œuvre fort délicate — et essayer de leur faire
rendre compte de la manière dont ils compiennent la réaction sen-
soiielle par rapport à la réaction motrice'.
L'article de Baldwin jie tiaite [las toutes ces questions. L'auteur
a surtout expliqué comment la notion de types de mémoire, (juc
les études sur les maladies du langage ont introduite en ]>sychologie,
(1) Arch. des se. plujs. el nul., XXVil, p. 575, et XXVIll, p. 319.
(2) Médical Record, 15 avril 1893 (N.-Y.)
7G8
ANALYSES
pciil trouver son application dans les temps de réaction. Il est bien
établi, rappelle-L-il, (jue toutes les personnes ne se représentent pas
les mots de la même façon avant de les prononcer ; les uns se les
représentent sous la forme d'un mouvement d'jirlirulalioji, c'est-à-
•dire avec un lapiiel de sensations musculaires, ce sont les moteurs :
les autres se les [iréscntent conimt- des sons (jui résonnent dans
leur oreille intérieure, ce sont les auditifs; d'autres se représentent
le mot éciit et en IVuil une lecture mentale, ce sont les visuels, Bal-
dwiu suppose ([ue ce (|ui esl vrai des niuuvements de la [larule doit
être également vrai punr les mouvements de la main, et i]iie jtai-
consé(juent lors([iie nous faisons des mouvements de la main, noii>
nous servons, les uns d'imai;es visuelles, les autres d'images audi-
tives, It.'s autii's d'imaiies motrices, à jiart bien entendu les cas où il
s'agit d'actes liabilnels nu aulumatiques, qui ne sont précédés
d'aucune image conscienle. En un mot, il y aurait parmi les indivi-
dus un type sensoriel et un type moteur se révélant dans les mouve-
ments de la nuiin comme dans ceux de la parole. Maintenant, il est
ù siipposer que ces lyjies se cumporlerout ditîéremment dans les
expériences sur les lem[is de réaction : que les personnes du type
sensoriel exéculer(Uit mieux, plus vite, les réactions sensorielles el
les types moteurs feront de même jiour les réactions motrices. Sans
crilifiuer à fond celle bypotlièse, ([ui renferme peut-être une pari
de vérité, nous cioy(iii> devdir faire remaïquer ([u'elle passe trop
rapidement d'une situai ion à une autre situation bien dilîérente ;
les ternies sensoriels et moteurs ne se corresponch'ut pas exactemeni
dans la description des lypes d'imagination, et dans la descri2)tiou
des expériences de [isycliométiie.
]']ii |isyiliométrie , rt'aclioii sensorielle signifie réaclion dan>
l'opieile on ne se préoccupe [tas du tout du mouvement et on lixe son
attention sur le signal ; or, rien n'emi)Ôclie ù la rigueur (ju'on se
représente le signal sous une fornui motrice d'imagination et (ju'on se
comporte en type nmleur; de laèine, r(''artiou motrice signilie réac-
tion dans la(|uelle on concentre sou allention sur le mouvement de
réponse; or, on ])eul se repri''seuler ce mouvement sous la forme
visuelle de sa main en mouvement, et se conqiorler dans ce cas en
type sensoriel. La vérilt'' est qu'il faut dans cliaciue cas particulier se
préoccuper de la psychologie individuelle des sujets, et les interroger
longuement et minutieusement.
iJaldwin s'est borné à [irendrt; les lem[)S de léaction de quatic
sujets, dont lui-même, dans des condilions diverses. Les temps ont
élé' pris soit avec 1»; cluonoscope de llijqi, soit avec celui de d'Arson-
val ; l'auteur ne donne pas la variation moyenne des réactions, ce
(jui enqîèclie d'apprécier exactemeni la valeur des résultats.
Sur les quatre sujets, deux ont des léactions sensorielles plus
courtes; en eH'et, l'un a : réaclion sensorielle, 132 (millièmes de
seconde); réaction motrice, iii"; un autre a : réaction sensoiielle,
f
n
PSYCnO-PHYSIQUE 769
164; réacUoii motrice, 202,3. Il fût été ciirimix de savoir comment
ces sujets eutemlaient et m'-alisaient la dislinclion des deux espèces
de réaction. Baldwiu a eu Tingénieuse idée de convier ses sujets à
faire des réactions motrices en se représenlant visuellement leur
main. Ce mode de réaction a allongé la durée pour tous les sujets,
surtout pour celui qui a des réactions motrices plus courtes que les
sensorielles.
Voici les temps de ce suji-l B : réaction sensorielle, 178; réaction
motrice, 149. réaction motrice (en se l'ei^résentant sa main), 171. Sur
deux sujets, on a comparé les temps de réaction sensorielle et
motrice pris dans la lumière et dans l'obscurité ; les résultats ont été
diflereuts.
Ce petit travail a donn(' liru à une discussion inlerminablc cnlre
Baldwiu et ïitcheuer; nous croyons et nous répélons encore qu'on
ne pourra pas avancer dans celte question sans prendre l'observation
interne des sujets.
2. L'article de Mead Bâche conlient deux parties distinctes : une
vue à priori et des expériences destinées à contrôler la vue de
l'esprit. Commençons par les expériences ; elles ont été conduites
par Lightncr ^^iLmer sur une trentaine de sujels, dont douze appar-
tiennent à la race caucasique, onze à la race indienne et onze à la
race africaine; on s'est proposé de chercher si la rapidilé avec
laquelle un individu réagit, c'est-à-dire fait ;m mouvement après
avoir perçu un signal convenu d'avance, varie avec les races.
La race caucasique a donné les temps moyens de réaction :
réactions auditives, 146,92; réactions visuelles, 164,75; réactions
tactiles, 136,33. Les Indiens ont été plus i^rompts: réactions audi-
tives, 116,27; réactions visuelles, 133,73; l'éactions tactiles, 114, oo.
Les Afiùcains ont été moins prompts que les Indiens, mais plus
prompts que les Blancs ; réactions auditives, 130 ; réactions visuelles,
132,91 ; réactions tactiles, 122,91 (tous ces chiffres expriment des
milli'èmes de seconde). Ces n'suUats sont intéressants. Nous remar-
quons seulement que les différences observées s'atténuent un peu
si, au lieu de se contenter des moyennes brutes, on étudie à paît
chaque sujet ; iiarnii les Blancs, on relève un individu doiil les
temps de réaction extrêmement lents, sont tout à fait exceptionnels;
il réagissait en plus de 20 centièmes de seconde. Si on l'exclut, la
moyenne de 146, 92 devient une moyenne de 139, peu différente de
la moyenne correspondante des Africains. Parmi les Indiens, se
trouve au contraire un sujet d'une promptitude exceptionnelle, qui
a donné pour les excitations visuelles des réactions de 7 centièmes
de seconde; si on l'élimine, la moyenne des autres se relève, et
passe de 116 à 121. Du reste, même sans ces corrections, les résultats
nous paraissent bien peu siLMiilicalifs. il ne -iiriil jms d'éludier la
psychomélrie de douze indiviilus pour dislinguer en eux ce qui
appartient à la race et ce qui ;ii>partient aux variations individuelles.
ANNÉE PSYCIIOLOGIQCE. II. 49
770
ANALYSES
T, 'élude de ce cas particulier moulre la nécessité de formuler des
règles touchant le nombre d'exi^ériences (lu'il f.iul faire pour rendre
une conclusion certaine.
Les idées préconçues qui ont amené l'auleur à ces reclierciies
sont instructives à signaler; on peut les résumer de la manière sui-
vante : 1° ce qui chez l'homme aciuel est mouvement volonlaire et
conscient a d'abord été mouvement rétlexe, puis mouvement auto-
malique; 2" le mouvement d'origine réflexe ou aulomatique est
plus rapide qu'uu mouvement volontaire qui lui est comparable ;
3" les races inférieures, étant plus près de leur origine, doivent avoir
un plus grand développement du pouvoir réflexe, et p;ir conséquent
une plus grande rapidité de réaction. Il nous semble que toutes ces
proposKions sont contestables, et qu'en tout cas aucune n'est
démontrée.
A. Rl.NET.
II. — LA TECHNIQUE DE LA PS Y CHOME TRIE
d'après des RECHERCHES RÉCENTES
P.-C. COLLS. — On a Modification of W. G. Smith's Reaction-Time
Apparatus. [Sur une modification de l'appareil psychomélriquc de
Smith.) l^hys. Society, déc. 189o.
SCRIPTl'llE. — Thinking. Feeling, Doing.
PATllIZl. — Le graphique psychométrique de l'attention. Aich.
ital. de biologie, XXII, fasc. II, p. 189-196.
On peut mesurer la durée des actes psychologiques au moyen de
trois méthodes diflerentcs : la chronométrie, la photographie et la
méthode graphique :
1° La chronoméirie consiste dans l'emploi d'un appareil à poids
ou à ressort qxii fait mouvoir une aiguille sur le cadran, et on
emploie dillérents mécanismes; en général, c'est un éleclro-aimant,
pour faire partir l'aiguille au moment où commence le phénomène
à mesuier, et pour faire arrèler l'aiguille au moment où \v pli('no-
mène se termine; connaissant la vitesse de raiguille, qui est déter-
minée une fois pour toutes, il suffit de lire sur le cadrau le nombre
d<! divisions (qu'elle a parcourues pour connaître la durée du phé-
nomène qu'on enregistre ;
2° Une seconde ni('lliode, dont nous ne faisons que signaler la
possibilité d'appliciition à la [isyrhoméliie, consiste dans l'emiiloi
de la chronophotographie, telle (ju'elle a été réalisée par }A"S\. Marey
et Demeny ; elle consiste dans une série d'épreuves qu'on prend
i\'\u\ iilK'iKiniène, avec des intervalles de temps réguliers entre
chaque épreuve, [lai' exenq)le avec un intervalle d'un di/ième de
seconde, ou un trentième de seconde ; cette nn-lhode a l'avantage
de donner non seulement le temps d'un phénomène, mais la forme,
I
TECHNIQUE DE LA. PSYCIIOMÉTRIE 771
])uisqvi'elle reproduit le phénomène dans ses détails ; mais c'est une
méthode coûteuse et d'un maniement délicat. Nous pensons qu'il
peut être intéressant de donner ici, d'après une note inédite de
M. Demeny, accompagnée d'une figure schématique, le principe du
clu'onophotographe.
« La méthode ciironophotographique olTre un grand intérêt au
point de vue des études de physiologie psychologique, on en a vu
précédemment des exemples, mais les services qu'elle est appelée à
rendre dans cette hranche sont subordonnés aux perfectionnements
pratiques qui en facilitent l'usage et la mettent entre les mains d'un
plus grand nombre d'expérimentateurs.
« On connaît les vues d'ensemble sur cette méthode qui ont été
développées par M. le professeur Marey dans son livre Le Motive-
ment. M. G. Demeny, qui a pendant quatorze années collaboré à
la fondation et aux travaux de la Slalion physiologique, vient de
reprendre cette question de la photographie en séries et de la
traiter au point de vue de la popularisation.
« En principe les appareils à pellicule mobile sont basés sur l'en-
Iraînement de la bande sensible avec arrêts coïncidant avec l'im-
pression lumineuse. C'est dans la réalisation de ce mouvement
intermittent qu'est toute la difficulté et toute la qualité de cons-
truction des appareils. M. Demeny au lieu de chercher à arrêter la
pellicule par une compression a cherché une solution cinématique
du problème et l'a résolu d'une façon précise, extrêmement
simple (ilg. 132). La bande pelliculaire venant d'un l'ouleau magasin M
passe sur des rouleaux où elle se tend devant l'objectif et va s'en-
rouler sur une bobine B qui commande le mouvement. Le mouve-
ment d'enroulement ser;iit dune uniforme sans un organe spécial
placé dans le trajet de la jiiiiide. Cet organe est une tige d'acier
poli A sur laquelle se rélh'chil la pellicule l'I (jui tourne autour d'un
axe relié à la bobine réceptrice et à l'obturateur lui-mênn' par des
engrenages. La rotation de cette tige excentrique fait varier à cliaque
instant la grandeur du circuit de pellicule entre le rouleau II et la
bobine B. Par construction la loi de variation de longueur de ce cir-
cuit est telle que, lorsque la lig»' tourne dans le sens de la llèche,
et dans le voisinage de l'angle droit HA B, la quantité de ]icllicule
lâcJiée par l'excentrique est exactement égale à la quantité enroulée
|)ar la bubimî 15 piMidanl h- temps de pose réglé par l'obluralcur. Ce
qu'enroule la Imliiin' c-l dune, ;'i ce moment, pris sur la (liiiiiiiulioii
du cii'cuit BAR par suite de la rotation de la tige A et la pellicule
s'arrête donc dans la partie ItR' où se peint l'imagi».
« Par cette disposition, aucun organe de la maciiiiic n'a ni iimu-
vemcnt saccadé, ni choc, tout tourne sans bruit d'une fai'on con-
tinue, mais la commande étant forcée et la loi di' dérouleniciil tou-
jours la même, l'arrêt se produit à toute vitesse.
« Une disposition parliculièrfï permet sans ouvrir l'appareil de
772
ANALYSES
mettre au point, de commencer et d'interrompre instantanément la
prise des images, quelle que soit la longueur des séries, de régler la
durée de l'obturation de un dixième à un millième de seconde ainsi
que la fréquence des images, de viser et d'orienter l'appareil dans
toutes les directions, entîn d'opérer avec une bonne lumière diffuse
sans avoir nécessairement besoin de la lumière solaire.
« Celte dernière condition est nécessaire pour étudier les expres-
sions de la physionomie sans les altérer par l'éblouissement. L'appa-
reil peut être réduit sous le rapport du poids et du volume de façon à
être transporté et à fonctionner partout avec la plus grande facilité. »
FiL^ 132.
Schéma de l'appareil clirouopliotoyraphique de G. Demeuy.
3° La troisième méthode est la méthode graphique, dont l'usage,
sous diverses formes, paraît se généralisfr en psychologie. Depuis
longtemps, à notre laboratoire de la Sorbonne, nous avons aban-
donné le chronomètre de Hipp et de d'Arsonval, et employé régu-
lièrement ])0ur la psychométrie la niiHliode graphique ; dans im
album envoyé à l'exposition de Chicago nous avons fait placer un
certain nombre de nos feuilles d'expériences. Nous constatons
d'autre part que Patiizi en Italie, Max Dessoir à Berlin, Scripture à
Yale, Colis à Londres ont employé cette même méthode giaphique
puni- la mesure du temps de réaction, en lui faisant subir quel-
(jucs modificalions heureuses. Nous allons indiquer quelques-unes
de ces modiUcations, en rappelant d'abord ce qu'il est essentiel de
savoir pour les comprendre.
I
TECHNIQUE DE LA PSYCQOMÉTRIE
773
Le cylindre enduit de noir de fumée tourne devant une plume
immobile, et il faut que le signal de la réaction et que le mouvement
de réponse du sujet agissent sur cette plume et lui fassent faire une
marque reconnaissable sur le cylindre. En général, on emploie une
plume qui, comme dans le signal Deprez, est mobile sous Tiniluence
d"un électro-aimant ; et il est facile de s'arranger pour que le signal
et pour que la réaction du sujet modifient un courant qui, agissant
sur l'électro-aimant de Deprez, déplace la plume chaque fois. Paral-
lèlement à la ligne tracée par la plume on en fait couiir une autre
qui trace les vibrations d'un diapason électrique ; ce diapason est
destiné à contrôler la marché du cylindre.
Colis et Scripture ont eu l'idée d'une modification qui supprime
la dualité des plumes et fail faire par une seule la besogne qu'on
Fig. 133. —Principe de la disposition adoptée par P.-C. Colis.
partageait entre les deux. Scripture conserve la plume qui trace
les vibrations du diapason ; cette plume est en outre armée d'une
pointe métallique mise en rapport avec un circuit électrique qui
comprend le cylindre de métal; c'est sur ce circuit qu'on agit soit
pour donner le signal, soit pour faire la réaction ; il eu résulte (ju'au
moment où le circuit est fermé, il se produit enire la puiiilo de la
plume et le cylindre en niouvi'nn'nt une étincelle qui l'ail nnuiclie
sur le papier : on voit un point blanc sur le tracé des vibialions ;
le nombre de vil)rations séparant deux points blancs donne la mesure
du temi)S écoulé entre le signal et la n'-aclion.
Le dispositif imaginé par Colis ((ig. 1.33) est encore jiliis -impie, en
ce qu'il emploie un seul «ircnil, (cliii-là même sur li-qnel se trouve
le diapason électrique. C<- cinnit pari de la pile (A), passe par le
diapason (li) et se rend dans réleclro-aimant du signal Deprez (C)
et de là revient à la pile ; c'est là la disposition ordinaire, et on sait
([ue la vibralioii du diapason r^\ disposée de (elle smii' (|u"elle inter-
rompt et -rétablit successivement le couranl, el que, ces séries do
modifications agissant sur ]'(declro-:iiinint el |>ar lui sur la plume,
celle-ci reproduit fidèlement les vii>r,ilions d'un diapason. L'innova-
774
ANALYSES
lion de Colis, qui n'est qu'une sini]iliflcatiou d'une disposilion de
Smith, consiste à [daoer sur le circuit deux clefs D et E. (Juand la
clef D est fermée (comme dans la figure), le courant électrique passe
par ci'lte clef et ne va pas jusqu'à l'électro-aimanl ; la plume reste
immobile et trace sur le cylindre tournant devant elle une ligne
droite. Or. vuici comment on fail l'expérience : on ouvre la clef D, le
son qui en résulte sert de signal ; à ce moment, le courant ne peut
plus passer par D, il passe par l'électro-aimant de la plume, il la fait
vibrer, et elle trace sur le cylindre une ligne sinueuse; la réponse du
sujet se fait en fermant la clef E, ce qui fait passer le couraul par E :
il en résulte que le courant cesse de passer dans l'électro-aimant C
de la plume, que celle-ci revient au repos et recommence à tracer
une ligne droih' : la longueur de la ligne sinui'iisc mesure le temps
où les dfux clefs ont été ouvertes, el par conséciueuL le temps de la
réaction.
Palrizi nous donne la description détaillée d'une installation
imaginée par lui dans le l;d»oraloire de Mosso pour prendre des
temps de réaction. Celle iusiallalinii ressemble beaucouji à celle de
notre laboratoire de la Sorliomii', et consiste dans l'emploi de
cylindre-enregistreur, don! la juarclie est conliôlée par un diapasmi
électiique, qui inscrit ses vibrations sur le cylindre au moyen diiii
signal de Deprez. En Iniirnanl, le cylindre ferme à cliaipie loiir un
circuit éleclri(iue, (|u"on uIIUm' soit pniii' produire un son, soi!
pour produire une excitation \isuelle ou tactile; comme rexcilaliou
se produit conslammeni au même moment de la rotation du
cylimhr, elle [»eul être repn'scnlé'e jiar une de ses génératrices; a\i
moyen d'un uianipnhdeur le suji'l inscrit sur le cylindre le inouu'u!
de la perceplion. Ce dispositif nous paraît être bien préféiaiile aux
cbronoscoiies ilonl on se sert liabituellement ; ceux-ci ont ifabord
l(i tort d'être d'un contrôle difficile; le chronoscope de d'Arsonval,
en pratique, s'emploie liabituellement sans qu'on cherche à le con-
trôler ; le chronosco|ie de llip|) est bien contrôlé par un marteau,
mais si la vérification prouve (|u"il ne maicliepas correctement, ou
n'a guère d'autre ressource (|ue de le renvoyer au mécanicien. Au
conlraii-e, le cylindre enregistreur peut être employé même dans
le cas ou son mouvement n'est pas régulii'i, puisi[u'il sullil «le
compter les vibraliims ilu diapas(Ui pour connaîlie le temps exact de
la rotation du cylindie.
Mais le ])rincipal avanlaue de la méthode graiiliiiiue n'est jias là,
il consiste en ce ([uc celle mé'lliode donne tout lui ensemble de ren-
seignements sur Ifs expé-iiiMices de psyclionié'Irie, tandis que les
chronomètres wr nous font connaître (qu'une chose, la durée d'une
jéaclion. Enumércurs rapidement, les renseignements fournis à la
psychométrie par la méthode graphiciue : a, le temps qui s'écoule
entre deux temps de réaction est indiqué sur le cylindre; 6, ce
lfm|is jicut être c(uisi(!('rableiiient abrégé, ce (jui est nécessaire pour
TECHNIQUE DE LA rSYCHOMÉTRIE 775
rétiulo de la fatigue, du rythme ou de rentraînement; c, le graphique
de l'expérience se dessine tout seul sur le cylindre, sans qu'on ail
besoin de le consli'uire sur le papier quadrillé ; d, ([uand on réagit
avec une pression se comnuinii[uant à un (anibour de ^larey, la
forme de la coniracliou musculaire est indiquée ; ceci est important
à difl'érents points de vue.
l'alrizi a cherché à obtenir par celte méthode la courbe de l'at-
tenlion, en obligeant la personne à réagir avec un inteivalle court et
fixe de 2"' entre deux réactions successives, de la même manière
que dans les recherches avec l'ergograplie de Mosso on contraint la
personne à faire une série d'efforts muscuhiires, séparés par' des
intervalles de repos très courts. La courbe psycliométrique de l'at-
tention, dit-il, change peu chez une même personne d'un jour à
l'autre ; le lemps va graduellement en diminuant, montrant une
augmentation de l'énergie de l'attention; puis, après avoir atteint
un optimum, le lemps s'allonge, indice de fatigue. Pour certaines
pei^sonnes, la phase de renforcement se produit très vite, et la
phase de relâchement est lente à se manifester. Chez d'autres, au
contraire, il suffît de soixante réactions pour que les deux phases
aient lieu. Chez des personnes incapables de fixer l'attention, une
enfant de sept ans et une jeune femme atteinte d'une affection
nasale, le relâchement survient l)eaucoup plus vile.
Nous saisissons cette occasion pour ajouter aux oliservations de
Patrizi quelques observations personnelles, prises avec la colla-
boration de MM. Philippe et Courtier, en nous servant de la méthode
graphique. Nous avons étudié l'inlhience des excitations très
rapides. Les excitations dont nous nous servions étaient des coups
de timbre; ils se succédaient régulièrement, avec un iiilervaHe très
court; malgré la régularité de la succession, le sujet ne devait
réagir qu'après avoir entendu, et il devait éviter les réactions anti-
cipées. Ce dispositif expérimental permet de noter que ditTéreutes
personnes peuvent aller jusqu'à des limites différentes pour les inter-
valles entre deux réactions successives; ainsi la |iluj>arl iieuvenl
réagir lorsque le coup de marteau arrive' toutes les deux secondes;
lorsqu'il arrive toutes les secondes il est déjà très difficile de réagir
à cliaque coup, on a une lendant^o très forte à soulever le doigt
simnltaniMncnt avec le cmqi du mailcjiii, c'est-à-dire à faire des
mouvements rythmiques correspondant aux coups de marteau, il
faut exercer un effort d'attention très considérable pour arriver à
des réactions aussi rapides; la plupart des ))ersonn(\s ('chtiucnl
après une dizaine de réactions faites de celle sorte; de plus, les
durées des réacliuiis varieut beaucoup el iieiivi'iil indiiiuer le degré
(l'atleution soutenue, et aussi la fatigue.
Quehiues, personnes peuvent fain' d(; bonnes r('acli<uis, nullement
anticipé-es, avec des intervalles d'une deiui-sec(Ui(le. Xous signalons
en passant cette méthode expérimentale parce (pieilc |m'iiI iii<li(piei'
776 ANALYSES
chez certains sujets une inféiioiitL' du pouvoir de réaction que les
méthodes ordinaires ne permettent pas de constater. Des expé-
riences ont é(é faites sur (■in(i sujets, parmi lesquels il s'en est
trouvé un qui a constamment l'ail des réactions anticipées avec des
intervalles d"unc seconde et demie.
Alfred Binet.
III. — APPAREILS
NOUVELLES APPLICATIONS ET MODIFICATIONS DE LA MÉTHODE GRAPHIQUE
Il s'est trouvé, par suile d'un certain nombre de circonstances,
que j'ai donné une large place, dans le laluiraloire de psychologie
de Paris, à la méthode graphique. Dans celle dernière année, j"ai
cherché avec M. Courtier à l'appliquer à reuiogisirement du jeu au
piano, à reniegislremcnt de I'im rilure (^Iravail encore iuédil) el j'ai dû
aussi liii faire subir que]([ues iiindilicatiuns |Miurnus expériences sur
la circulation capillaire. Lu ceitaiu nombre dcnos innovalionsont été
indiquées d'une manière sufllsaule dans nos articles de celle Année
sur la circulation cajjillaire el sur la musique. Je crois qu'il est bon
d'insister sur les ap|)aieiJs nouveaux, el s]>écialênienl Mir le régula-
teur graphique et le cumnailaleur gia|iliii|ue. Je ré'jièle (jue j"ai eu
comme collalioraleur dans Idul cet ordre de reciierches M. Couitier. |
Régulateur graphique. — Ou sait que dans l'enregislremenl des
mouvemenis rapides par l'intermédiaire de tubes à air le slylet ins-
cripteur est aninn'' de vilualiims dues à soii ineiiie, el i|iieces vi])ra-
tions ont pour elTel de dénaturer les lracés._pn a cherclii's par divers
moyens plus ou moins conipli(|Més, à obvier à ces inconvénienis, en
employant des slyles liés couiis el liés h'gers qui ont le tort de
donner des Iracés 1res réduils. Après avoir mis à l'épreuve ce dernier
moyen, qui ne nous a ]ias (hinin' de ré'suUals salisfaisanis, nous
avons eu recours au procédé suivant ; nous avcuis inlercalé' dans le
tube de transmission un orifice capillaire.
La figure ci-joinle (fig. 134), |u-ise dans les mêmes cdiulilions el avec
le même tambour muni il'iine plinue de \'6 cenliinèlres, monire b:'S
avantages de noire disposilif. I,a ligne snp'''rienre du Iracé' repi(''senle
divers exercices musicaux Iraiisniis au lainlidiir par un lul)e libre ;
on y voit les oscillalions el projections de la plnme qui allèrent
complètement la forme du Iraeé*. Au-dessous se Irouve le Iracé des
mômes exercices Iraiisniis à Iravers l'iuilice (apillaire.
Nous avons été amenés à conslaler la propri('h' dnn oi iliee capil-
laire à la suile de beaucoup de làlonnemeiils ; nous devons dire (pie
nous avons Ironvé après coup, dans un Iravail de M. Marey, des
indicalions relalives à un pi-oeédé analogue an nôIre {Travail du
Laboratoire de M. Maroj, p. tO:>, aniu'»^ 187(j). il dé'cril i .nio-
nièlre rouqien>,ilenr <lans le{|uel l;i cohuine est séparée tlu réser-
APPAREILS 777
voir à mercui'e par un (ube capillaire assez fui. « Cette étroitesse,
dit M. Marey, empêche la colonne d'osciller sous rinfluence des
variations cardiaques de la pression du sang ; aussi voit-on le mei"-
cure rester sensiblement lixe à un niveau qui exprime la valeur
moyenne d(^ la pression dans les artères. » C'est le même dispositif,
en somme, que nous avons appliqué à la transmission par air, avec
cette différence toutefois qu'en graduant l'effet du tube capillaire,
nous ne diminuons pas la sensibilité do l'appareil, mais ([ue, bien
au contraire, nous en épurons le tracé. Remarquons combien il est
curieux qu'ayant appliqué di'jiuis liiciilùt vingt ans la inéthodc du
Fig. 134. — A. Tracé obtenu avec un tulie lil)re. — B. Tracé obtenu avec uii
orifice capillaire intercalé dans le tube de transmission.
tube cai)illaire aux transmissions parles liquides, on n'ait pas songé
à ajipliquer cette même mélliotle aux transmissions par l'air.
L'instrument qui nous sert aujourd'hui à régler notre orifice capil-
laire porte le nom de rêgulatnir (irapliupu' (fig. 135). 11 se compose
de trois rondelles. Deux d'entre elles, A et H, sont solidaires et réunies
par un axe a. Entre ces deux rondelles est emboîtée une troisième
rondelle G, mobile autour de l'axe a.
Les rondelles en cuivre A et B cul à leur p('iimèlre une ouviTline
de 4 millimètres de diamètre munie d'embouts cb aiiM|Ui'is cm lixe
de part et d'autre les tubes de transmission.
La londelb; en cuivre C est percée sur s{m j^'i-inièlrc de dix luiver-
lures 0 dont les diamètres son! de : 4 2, 1""" 1/2, 1""", 9/10, 8/10,
7/10, 6/10, 5/10 et 4/10 de milliu.èlre.
Celte rondelle C élant immobile, on peut amener successivement
dans Taxe de l'ouverture drs embiuils chacun des oriliciîs pré(;ités,
et choisir celui qui CDUvicnl le mieux à l'exiMuience qu'(Ui [lunrsuit.
Le lu.lllienieiil de l";! | i|i;i l'eil esl fnll >iui|i|e. (hl lieul (|;iu< UUe
main la parlie A, eu appuyaul les dui::!-, -^ur l'eiulioul t'ji el >ur la
tig(; ligide m. Avec les doigts ite l'aiihe main, eu l'ait Idurnei- la lon-
delle C anloni' de l'axe a.
Cette rondelle C porte une eucdche n. Sur b' |ininl<uir de la inn-
delle A son! gravés dix liails numérotés en iliitIVes correspondant à
778
ANALYSES
des dixièmes de millimètre. (Les chifl'res sont placés sur la partie
plaie de la rondelle A.)
Si Ton veut utiliser Touverlnre de 8/10, ]iar exemple, on amène
Fig. 135. — llépulateur grapliitpie.
1. Uondcllc à orifice. — 2. Appareil ilémoulé. — 3. Appareil monté, vu ilo profil
\
l'encoche n de la rondelle C devant le trait porlaul ]•' n° 8; si Ton
voulait une ouverture de 6/10, ou ramènerait drvaul le (rail n" 6, et
ainsi de suite.
Si Fou l'ail coïncider rouverlure de 4 milliiuèlres avec celle des
embouts, on se trouve^ dans les conditions ordinaires d"un lulie libre.
ArrAREILS
779
Notre appareil est do petite dimension afin de pouvoir tMre facile-
ment interposé dans le trajet des tubes de transmission. Son dia-
mètre extérieur est de 34 millimèlres et son épaisseur de 4 millimè-
tres. Son poids est de 25 t;ramnies'.
L'avantage otîert par cette méthode de correction est de donner
la mesure exacte de la résistance introduite dans le (uhc de Irans-
mission, puisque, d'une pari, on connaît le diamètre de l'orifice em-
ployé et que, d'autre part, la forme des orifices reste toujours la
même.
Nous avons trouvé dans l'appareil de Donders un procédé capable
■de contrôler exactement les effets du régulateur graphi(|ue. Nous
Fig. 136. — Tracé lent d un uiouveuieot donné par la came du Dumlers, et
servant de modèle.
<lonnons ici nos résultats avec figures à l'appui, ce qui nous ])ermel-
Ira d'abréger notre commentaire, L"ap|»areil de Doiidi-is se coni|»ose
<'ssenliellement de deux tambours grapliicpies : l'un, h- récf|i|i'iir,
■écrit sur un cylindre Imirnanl lr iinnivcinriil (|ni lui l'st Iransniis,
au moyen d'un tube de caoutchouc, par l'antn' laniliour, on tam-
bour manipulateur ; ce dernier est re]i('- à un long bras île levier
qui ap]inii', grâce à l'action d'un ressml, p,n nne de ses extrémités,
sur le bord d'une came, dis(|Ui' i\<' ini'tal .Mnincl (in donne plus ou
moins la biino' d'un i'xccntri(|nr ; cet te canic lionne d'un nnnivcnn'nt
jégulier et imiirinn' |iar consé-ipicnl di-s monvenn-nts au levier ;
((uand c'est une partie saillante de son bord iini passe sous le leviei',
<:elui-ci est repoussé vers le tambour, et augmenle la pression de lair
■dans la caisse du tambour; (jnand c'est une partie excavi'e de la
■came qui passe, le levier est éloigné- du landMmi, ei la picssion
(1) Nous en avons confié rexécution à l'habile constrnilcui, M. <ttle l.uud.
780
ANALYSES
diminue; il en résuUc que le tamlmnr manipulateur liansmet nu
tambour inscripteur un tracé qui reproduit — en rallérant, bien
entendu — le protll de la came. Ceci dit, on va comprendre sans
difficulté le parti que nous avons pu liicr (]>• l'appari'il de Donders,
Cet appareil nous donne un certain tracé, plus ou moins complexe,
qui demeure constant lorscpie toutes les jtièces de l'appareil sont en
bon état, et il suffit d"aui.nnenter la rapidité de rotation de la
came pour ({ue la forme du mouvement transmis ne variant
pas, on voie se manifester les causes d'erreur inoduiles i)ar les
projections de plume dans les mouvements trop rapides. Nous
donnons dans la figure 136 le tracé obtenu avec un mouvement d'une
Fig. 137. — Tracé ra] i Je du iiièiiic iiuniveniciit. (ItlunnO par des projections
de plume.
*
lenteur e.xlième, le Iraci' a pris environ une minute, on n'a donc
à craiiidie dans ce cas aucune diMornialion due à la vitesse. ï.e
mouvement a été communi(|ué à la came jtar un ap|iareil d'iiorlo-
gerie. Ensuite (fig. 13"), nous ne cbangeons rien aux appareils, à la
came, à la plimie, mais nous communiquons à la came un mou-
vement extrènieinenl rapide, et n(Uis augiiienldus dans la même
mesure le mouvement di' rotation du cylindre sur liMjnel l'inscription
se fait, pour fjue bîs deux liaci's 136 et 137 gardent à jxMi |)rèsla même
dimension en largeui ; de cette manière, ils sont plus couqtarables.
i.a i:omi)araison monlr(; de suite que les très petits accidents de la
jolie Cdiirhe 136 se trouvent exagi'rés |iar la projeclion de plnuie ; en
augmentant encore la viti.'sse, on aurait une d(''formation encore
pins grande.
Laissant toujours le^ ;ipp;iieih en placi', et gardant la vitesse qui
nous a Servi à (dilenir le Ir.ii'i'' 137, nous interposons dans le tube de
transmission un oritice capillaire, dont ikuis déterminons les dimcu-
APPAREILS 781
sions à Taido de noire irgulalcui' grapliiiiue, nous oldenons ainsi,
après quelques talonnemenls, la Heure 138 dans laquelle les projec-
lions de plume sonlefi'aoées, et qui reproduil le modèle 136 avec bien
plus de lidélité que la figure 137. Avec les Iracés que le lecteur a
sous les yeux, nous pensons qu'il serait inutile d'insister.
Il ne nous appartient pas de présenler une explication physique
des effets produits par Toritice capillaire dans le tube de transmis-
sion à air ; nous constatons seulement, grâce à des expériences
que nous avons faites en Irausmellant au tambour enregistreur des
mouvements de différenles vitesses, à l'aide de cames analogues à
celle de l'appareil de Donders, que l'orillce capillaire éteint les
Fig. 138. — Trace aussi r.iiiiilc ipic le picccilcni, m.ùs eurrigé par un oiitîce
capillaire, de manière à imiter plus exactement le tracé modèle.
mouvements les plus rajtides; il permet, par cons('(iuent, de faire
l'analyse entre deux mouvemenls de vitesse dinV'rente qui se trou-
vent réunis et confondus dans un jiième lrai;('; il supprime le mou-
vement très rapide et laisse subsisler le niduvcmcnl 1res lent, et l'ana-
lyse sera d'autant mieux faile que les mouvemenls présenteront une
différence plus grande de vitesse. Exemple : nous avons eu derniè-
rement à étudier des courbes cardiogra|diiques chez l'homme ; on
obtient ces courbes à l'aidi' d'un lanilmur expbualeur apidi<[U(' sur
la poitrine au point correspondant au choc du cœur ; le tracé se
<-ompose de grands mouvements respiratoires et de pulsations cardia-
ques beaucoup plus peliles. En interposant dans le tube de Irans-
mission un orifice capillaire d'une grandeur appropriée, ou l'iiinl
les pulsations tlu cœur et on oblicnl un lr;icé respiratoire piu- de
toute combiiuiisou cardiaque.
Pourrait-on faire l'analyse inverse, c'est-à-dire conserver la pulsa-
tion cardiaque et éliminer le mouvement respiratoire ? Nous y
78^
ANALYSES
sommes arrivés on om|tloyanf un apjiareil à fuile, analosno à celui
(]Uo nous avons décril dans nade élude sur la eirculatiou capillaire ;
cette disposition est si simple qu"on la comprendra sans figure : sur
If lube de transmission on branche un aulre Inbe qui se termine
par un oi-ilîce capillaire réglable; on a aloi-s luie fuilc, (|ui tend à
maintenir la |n"ession inlerne des appareils égale à la pression
exii'rieure. Il en résulle ({ue les mouvements lents (ju'on enregislre
et qui passent par le tube de transmission ne parviendront pas
jusqu'au tambour parce que raugmentalion de pression qu'ils déter-
minent s'écoule par la fuile ; au contraire, les mouvements rapides,
si la fuite est élroite, seront enregistrés, quoique légèremenl modi-
liés (fig. 139); tout dépend de la grandeur et du débit de la fuite,
qu'on parvient à régler d'une manière satisfaisante avec quelques
Fig-. 139. — Tracé du pouls rapiiluire: se lit de gauche à droite: à partir
de A, on détermine une fuite capillaire dans les appareils : les oscilla-
tions respiratoires du tracé, qui étaient bien visibles, disparaissent ; la
forme du pouls cliange, la partie inférieure de la pulsation est sup-
primée, le dicrotisnie devient intermédiaire entre deux pulsations, le
sommet de la pulsation est plus aigu.
tâtonnements. Nous avons obicnu ainsi des courbes cardiograidn(|ucs
réduites à la pulsation du cœur s'inscrivant sur un Iracé |ires(iu('
complèteineni linéaire.
La réunion de ces deux procédés, la fuile el Torilice capillaire,
constitue donc une précieuse méthode d'analyse grapiiiqiie, qui
perd rendre de grands services.
Nous signalerons encore deux de nos innovations : le comvmtalew'
graphique, qui perm'ît do changer rapidement le tambour iuscri pleur,
air cours d'une expérience, sans rien changer à la pression dans
l'inlérieur des ap|)ai('ils, id \v piston-étiilon, (pii dmini' la mesure de
l'amplilude dt's I racées piis dans les conditions les jdus complexes,
en donnant comme uiiih'' de mesur(> le dcplaccmcid du slyle pour
une diminution de volume dc' 1 cenlimèlro cubi'.
Je rappelle que toutes ces recherches ont éli'' failes en commun
avec M. Courtier.
A. BlNET.
K. MAITRE. — Vorrichtung zur successiven Variirung der Sectoren
rotirender Scheiben und zur Ablesung der Sectorenverhàltnisse
wàhrend der Rotation. [Appareil pour faire varier successivement
APPAREILS
783
les secteurs de disques rotatifs et permettant de lire pendant la rota-
tion le rapport des secteurs.) Gentrall)!. f. Pliysiol., 1894, 10 mars.
Un axe creux a (lîl,^ 140 et 141) porte ù son extrémité une boîle K
d, 0 ' qui contient un ressort, le couvercle (/, o de cette boîte peut
luurner autour de l'axe a indépendamment de la rotation de cet
axe ; un disque en ébonile r,/'plus grand que le couvercle rf est ajusté
comme l'indique la ligure 140, il tourne donc lorsque l'axe a tourne.
Ce dernier porte sur la face postérieure une série de petites roues
e
>^T*r'?"\ ^'T I ' i I
V
Fig. 140.
«[ui dépassent à peine h: bord exirème du disque, comme le monire
la figure 141.
Le couvercle d j)orte une pelili' Janic nn'lallique /, X, qui dépasse
Hii peu le bord du disque r; si on lient le disciue r, f, immobile et
(pi'on tourne dans l'un ou dans l'anlre sens la lame /, 1, elle entraîno
avec elle le couvercle d, o ; |)ar conséciuent, si on ajuste sur le discjuc /'
un disque de papier coloré et sur le couvercle un aulre disque (b^
même grandi'iir que b- premier, (prnii les ((nipc chacun suivaiil nii
rayon et qu'on le lasse s'entre-croiser y en lir;int sur l, X on fera varier
le rapport de secteurs des deux disques; il faut pouvoir tirer sur la
lame pendant la rotalion, voici comment l'auteur y arrive ; une
corde «passe par le miliiMi de' l'axe a qui est creux, elle passe aulonr
d'une [lelile poulie Z, l'ail le lour ilii ilisque /"en passantsur les petites
roues (pie ce (li>(iue [)url(,' ijignt; pointillée de la figure 141) et enfin
son bout est atlacbé à l'exlrémité de la laiiK^ /, k ; l'autre bout de la
corde est attacbé à un pelit croclu'l ipii peu! facilement tourner
autour de lui-même el ipii e-l tixi'' à une pLuiue S qu'on peut
(1) Les lettres grecques se rapportent à lu ligure 1 il,
'/84
ANALYSES
déplacer le long crime règle graduée b, b. En tirant cette plaque S
dans le sens de la llèche, la corde s, s est tirée, elle entraîne avec
elle la lame l, X et par consé([uent fait varier pendant la rotation le
rapport des secteurs ; si maintenant on d('place S en sens inverse, le
Fiff. 141.
ressort qui se trouve dans la Imîle A' fait tournrr le couvercle d, o
ainsi que la lame qui tire jnir conséquent sur l;i coid'-.
On peut facilement construire une table (|iii tasse correspondre
les rapporis en degrés des secleurs aux divisions de la régie b, b.
Cet appareil pi'ul élic employé iiour un granit nomlu'e de
recherches, son manii'inent est simple, [tuisiiull suflit d'avoir un
moleiu' quelconque — à eau, éleclrique ou à ressort, et on comniu-
nique la rotation par un lil sans lin qui passe par Féchancrure n, n.
L\il>pareil est conslruil par le mécanicien E. Zimmermaau à
Leipzig, son prix est enviion de 90 nuirks (110 francs).
V. Henri.
XI
CARACTÈRE, PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE,
BIBLIOGRAPHIES
s 0 M M AIRE
I. Le caractère, d'après des travaux récents.
II. l'sijc/iolo;/ie individuelle. Bettman, EUis, Oelirn, Lapioque, Miles.
III. Bibliof/raphies. Allier, Janet, Milhaud, Zûrcher.
I. — LE CARACTÈRE D'APRÈS LES TRAVAUX RÉCENTS
Ber.nard PEUEZ. — Le caractère de l'enfant à l'homme. Paiis, 1892.
p. iv-308.
Th. HlHOT. — Classification des caractères. Hcv. Pliil., iiuv. 1892,
p. 48U-O00.
V. PAULH.VN. — Les caractères, l'ai is, 181)4, p. 237.
Alf. FOUILLÉE. — Tempérament et caractère. Paris, 1895, ji. .\x-374.
LY'Iliolotîip f'st ('iicurc loin ilT-tie une science : cependant l'élude
et la classilication des caractt"'res entreni, depuis ces dernières
années, ilans une pliaM' imiivrllf. Pln>irMis ouvrages onl i''lé consa-
crés à. préciser roi)Jet il(; ces recliei'clifs et à dégaici-r la nii'-IlHidc la
plus cajialde de conduiii- à drs ii'-sultals piarnpics, et ces travaux fii
(irovoqueront dautres. Il est doin' utile di- pn-scnler I(mu' eiiscnilde
et de noter leurs conclusions, iicrùl-ce (pirpour indi(|uei' la position
actuelle de la (iU(,'siion.
Elle est à la fois j)sycliologi(|ii<' l'I iM('lapliysi(|ne, le cai'actèic
étant la plus parfaih; exfiression de rindividualili- personnelle. Il ne
laut donc ftas s'élnnnei' de la voir très diversement n'soliie |iar le>
divers auteur> (pii I nul alinriji'-e. Sous ces diveruences, il est cepen-
dant facile de reconnaître |e> pnlnt^ enuiniiMi^ : rliai|ue aulein' a i't('-
conduit à la classitiralinn ipiil adopte par des |irini:i|ies (pii Ini sont
propres, et des»juel> il a lin'', une l'ois sa cla>>ilicalion élaldie, la
inétliode à suivre ])our les reclierches futures.
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. H. 50
786 ANALYSES
I
1. Le premier en date est le livre de Bernard Perez : il fait époque
chez nous, paxxe que l'auteur y déclare très nettement se séparer de
tous ceux qui ont étudié le caractère en moralistes ou en médecins
et non en psychologues.
Pour délimiter les divers genres de caractères, l'auteur emploie
des portraits, à grouper ensuite en classes ; mais it veut ijue chaque
[lortrait soit complet ; d'ahord physique et physiologique, ensuite
psychologique et entin moral. Ce sont comme trois degrés superpo-
sés : le premier est une sorte d'anthropométrie (taille, poids, etc.),
dont les données peuvent se ramener à des quantités numériques
iiomogènes et com[iariibh'S. Entre li-s limites iixées par ces indices
éthologiques se développe la variabilité humaine de chaque race, et,
dans cette race, celle de chaque individu. De là naissent les facultés
communes à tous les hommes ; mais tandis (jue les unes surabondent,
d'autres sont atténuées et parfois restent virtuelles. Voilà les élé-
ments propres de l'individu, après ceux de la race, et son mode do
réaction au milieu social dans lequel il vit. Un troisième élément va
donner à cet ensemble une direction propre, et caractéristique do
l'individu. Ces trois éléments dégagés nmis donneront louL ce 'qui
fait l'homme et constitue l'individualité complexe de chacun de nous.
Pour les analyser, il faut aller du ]diysi(iue au moral, du général à
l'individuel, de l'organique à l'intelleclucl.
2. Cette métiiode n'est pas sans analogie ;i\rc Cflle proposée par
M. Th. lîilidt, dans son ariich; trop condensé, sur le caractère. Mais
à cela Hiltot ajoute deux principes qui nous semblent de la plus
grande importance pour l'élhologie naissante.
Le premier est qu'il faut déblayer le terrain r! ne pas se croire
obligé de classer, au [)oinl. de vue du caractère, tous les individus ;.
il y a des individus (peut-èlie très nombicux} (pii ne sauraient être
classés, parce (ju'ils n'ont pas de caractère à eux. Témoin les incon-
sistants, les instables, ({ui sont ceci ou cela au gré des circons-
tances, sans être jamais eux-mêmes : ce soid toujours des autres;,
à côté tl'eux sont les amorpiies, qui paraissent avoir un caractère à
l'ux, mais ne sont en réalité (jue le reflet des conditions dans les-
(|uels ils vivent et par lesquelles ils sont dirigés complètement, sans
jamais avoir une réaction ])ropre. L'homme de caractère est quel-
qu'un en toutes cii'constances et dans tiuis les jnilieux : c'est lui (pie
il tlioloiçistedoit d'abord étudier comme le naluialiste étudie d'abord
les tyjies très nets d(! la série animale.
Comment étudier et classer ces cararlères? En renumlant du
irénéral et de l'abstrait au particulier et au réel. Mais il importe de
iiii'u préciser ce point. J-e général dont il s'agit ici n'est pas cet
ensemble de caractèies extérieurs dont parle D. Perez et t[ui peuvent
caracti;;re 787
se rencontrer les mêmes chez des individus de caiactèrc liés diffé-
rent, de telle sorte que deux personnes de caractère très différent
peuvent avoir les mêmes indices anthropométriques, et inversement.
Ce sont les caractères généraux de tout individu, la substructure sur
laquelle s"élève la pei^sonnalité et qui continuera à caractériser l'in-
dividu dans la classification adoptée, tout en se précisant et se spéci-
fiant à mesure que Ton serrera l'individu de plus près pour le défi-
nir plus complètement. On définira d'abord les eenres : de ces genres
on s'élèvera aux espèces et de celles-ci aux variétés qui enferment
l'individu lui-même. Ainsi, à tous ses degrés, cette méthode s'attache
au vivant directement, sans construction a priori : elle n'établit
ainsi rien qu'elle ne doive par la suite conserver et utiliser, parce
(ju'elle étudie toujours la nature réelle, mais en considérant d'abord
ce qui est général et commun, pour arriver par degrés à ce qui est
particulier et individuel.
3. Toute autre est la méthode proposée par M. Paulhau, qui part
des lois abstraites de la psychologie générale pour descendre aux
applications et aux expressions particulières de ces lois dans les
individus. C'est la déduction opposée à l'induction, la finalité au lieu
de l'évolutionnisme. La psycliologie concrète, la science (\(ii carac-
tères (si ce mot peut convenir à une étude morale qui ne veut se
plier au mécanisme) étudie les incarnations différentes de ces lois
abstraites. M Paulhan part donc de ce principe : « le fond même
ilu caractère, c'est-à-dire les tendances particulières concrètes qui
composent la personnalité, se ramène à des systèmes d'éléments
|)syohiques groupés autour d'un élément pn'dominant. » Ce qu'il
faut étudier se réduit donc aux différentes formes de l'esprit : d'une
part le degré de perfection de l'association systématique, et de l'autre
l'importance de l'élément dominateur qui se mesure elle-même à la
perfection de la systématisation. On obtient ainsi une série de types
moraux classés selon leur valeur morale : au sommet les types les plus
voisins de la perfection telb; qu'elle est courue a priori : à" l'extrême
opposé, les plus éloignés ; et tous les autres étages clincuii à sa jilace
sur les degrés intermédiaires. C'est donc avant tout uik; classification
morale, destinée ànous guider dans l'élude et la discussion des pro-
blèmes de la morale : l'auteur ciit(Mid bien ne {tas faire une ciassili-
caliou psychologique; aussi a-t-il relégué au second plan et négligé
3 presque entièrement l'élément organi(iue. On j)eut liiir qu'il classe
* nos caractères d'après ce que nous devrions èlr(! |)uur réaliser sa
I morale, et non d'après ce que nous sommes en fait. C'est une élho-
'. logie théorique, idéale.
4. Avec l'ouvrage de M. Fouillée, nous revenons à la réalité. I.niu d,-
négliger l'élément organique, il estime que l'on doit (»ar(ir di; là [tour
suivre le développement de l'individu Jusqu'à sesfornu's b-s plus éle-
vées. >»otre caractère est la résultante de deux élénuMits, l'un acquis,
l'autre inné. Celui-ci est fait de couches superposées, la première
788 ANALYSES
est due à la mce, la seconde à la division fondamentale des sexes
(et sur ce point M. Fouillée ne partage pas TindifTérence de M. B. Ferez)
dont l'importance est à la fois biologique et psychologique ; la der-
nière est le produit de la constitution individuelle et du tempéra-
ment propre. (-(• dernier élément peut lui-même être divisé en deux
parties : d"abord un fonds de tendances qui exprime la manière
d'être générale de l'organisme ; en second lieu des traits particuliers
qui expriment la valeur spéciale de chaque organisme, en prédispo-
sitions. Tout cela est le résultat présent dune longue évolution à
travers les âges; c'est aussi le point de départ de l'évolution indivi-
duelle qui va s'exprimer dans le caractère acquis de chacun de
nous. Ce caractère acquis peut l'être de deux façons différentes : en
partie d'une manière active, par la réaction de l'intelligence et de la
volonté sur le naturel propre et le milieu social. C'est cette réaction
personnelle (à laquelle M. Ribot réserve le nom de caractère) qui
constitue par excellence le caractère proprement dit, par opposition
au tempérament et à la constitution innée.
Mais il ne faut pas oublier que notre caractère présent ne nous
exprime pas tout entier : l'homme n'est pas seulement ce qu'il est,
mais encore devient ce qu'il veut, grâce à l'idée qu'il se fait de lui
et de son but. Le propre de notre nature est que nous pouvons lon-
jours la modifier.
CLASSIFICATION DE BERNARD PEREZ
Le caractère à la formation duquel concourent la sensibilité, l'in-
telligence et la volonté est un équilibre plus ou moins instable des
forces existant au moins virtuellement dans une organisation donnée
et non un amalgame d'éléments divers en nombre et en degré.
On classera les caractères en indiquant au moins approximative-
ment leur direction, et par suite l'intensité des plus importantes de
ces forces.
Tous les processus psychiques sont des phénomènes réductibles à
des phénomènes de mécanique moléculaire, c'est-à-dire à des mou-
vements : ceux-ci non seulement exprinient les phénomènes de la
personne morale, mais encore sont éléments et facteurs de ces phé-
nomènes. On lient donc classer les caractères d'après la prédomi-
nance de certains mouvements.
1. Rapidité des mouvements. — Les vifs *, dont la sensibilité est
mobile, l'inlelligence souple sans beaucoup de profondeur, la volonté
inconstante.
IL Lenteur des mouvements. — Les to«/s, dont la sensibilité est
(1) Chacun de ces caractères est explique et uulic'uluaUsé par deux por-
traits, ou plutôt inonof/rajiliies.
CARACTÈRE 789
peu profoiule, rintellitifiice luécise, bien ordonnée mais limitée, la
volonté constante, mais sans initiative.
III. Energie des mouvements. — Les arrfen/s, dont la sensibilité est
nerveuse et forte ; rintt'llii.'ence très vive, mais souvent fausse, ontran-
ciére; la volonté impétueuse, parfois égoïste, toujours personnelle.
IV. Energie et vivacité des mouvements combinées, — Les vifs-
ardents dont les impressions et les émotions sont à la fois mobiles et
persistantes; l'intelligence inconsistante avec de fréquents retours
de réflexion pour se fixer, la volonté tantôt régulière et persistante,
tantôt changeante et incohérente.
V. Energie accusée et lenteur de mouvements combinées. — Les
lents-ardents, dont la sensibilité, calme en apparence, est en réalité
profonde, féconde en rêveries sentimentales ; l'intelligence nette et
ouverte, mais conduite par la fantaisie; la volonté énergique et per-
sévérante à condition que le sentiment continue de la soutenir.
VI. Mouvements équilibrés. — Les tempérés, ce sont les caractères
du juste milieu dont la sensibilité est très développée et très étendue
mais égale ; Tintelligence est assez large, souple, nette, quoique
d'une profondeur limitée ; la volonté réfléchie et persévérante.
CLASSIFICATION DE TH. RIBOT
Le caractère suppose deux conditions : l'unité et la stabilité. Ceci
conduit à éliminer les i)seudo-caractères (les amorphes et les ins-
tables) ; restent les véritables caractères que nous classons par degrés,
en allant du général (abstrait) au concret (réel),
I. Genres. — Les éléments considérés à l'état simpir, pur.
I>a vie psychique se résume en sentir et agir; doù deux types :
\" \(t?, sensitifs {^\u\c\\\[. émotionnels, affectifs); — 2° \vs actifs (sur-
tout spontanés, entreprenants).
11 faut y joindre : 3° les apathiques (atones comme les anciens
lymphatiques) ; — 4'' les tempérés (chez qui la vie psychique est plutôt
rquilibrée).
H. Espèces. — Les éléments inii-.iili'i('s à l'i'tat complexe, mixte.
l" Seusitifs : — a), les liiiiiibles, les treniblcnrs, ipie font effrayr,
bornés de toutes farons, — J»),les contemplatifs, plus di'-veloii|>és (pie
les précédents, s'analysent au lieu d'agir, — c) les émotionnels (non
pas au sens large ilu mot adopti- jiar Bain) dont l'activité estinleiini-
tenle.
2° Actifs : — a), les actifs médiocres : iiia<liiiies, solides, agissant
toutes les fois qu'il faut agir, mais d'intelligence bornée, — b), les
grands actifs : à grande intelligence dont ils réalisent les conceptions
jus(|iran bout.
790 ANALYSES
2° Apathiques : — a), les apathiquos médiocres : bornés de toutes
façons : moins maniables cependant que les amorphes, — h), les
afiatbiques intelligenls : les uns spécvdalifs (certains savanls) ; les
autres actifs (agissant pour autrui, ourdissant des trames).
III. Variétés. Combinaisons des éléments complexes.
1° Sensitifs-aclifs : réunissant les qiialités compatibles de ces deux
types.
2° Apathiques-actifs : caraclère à passions jdutôt défensives (ju'a-
gissantes.
3° Apathiques sensitifs : caractères dont Fapafliie est irritable par
des émotions, etc.
4° Tempérés : d'équilibre à la fois siîr et stable, comme doit Têtre
un caractère : leur manière d'agir leur est propre, mais toujours
constante avec elle-même. Reste à savoir si elle vient du tempéra-
ment 011 du milieu.
IV. Substituts de caractère : ce nom désigne fous ceux chez les-
quels domine une disposition quelconque prépond<''ranli' el(iai seule
peut les faii-e agir.
CLASSIFICATION DE PAULIIAN
Les formes de caractère sont des manifestations des lois abstraites
dont l'ensemble a été donné par la psychologie générale : un type
moral est une incarnation concrète de ces lois idéales.
L'activité mentale tendant à la perfection peut être envisagée de
deux façons : soit ([uant à la simple forme de ses éléments, soit
quant aux rapports des éléments concrets qui la tlirig(Mit.
I. Formes de l'activité mentale. — 1° Formes (jénèrales de l'acti-
vité des éléments : ces types divers sont donnés par les diverses formes
de l'association systématique et par son degré de coordinalion (équi-
librés, uniiîés, incohérents, faibles). — 2° Qualités di/féreittes des ten-
dances diverses : sans considérer déjà la nature projtie des éléments
constituant chaque i)ersonn;ililé, un examiDO si ces éb''ments sont
tous également développés, ou si, au contraire, certains éléments
l'emportent et déterminent le dévidoppement général du Mijct.
II. Eléments concrets dirigeant l'activité mentale. — Les ten-
dances sont des systèmes de jdiénomènes liés par une loi de linalité et
«'unissant pour produire un fait organique ou psychique. Tantôt elles
dirigent un individu dont les formes générales sont sur le même plan ;
tantôt elles dirigent un caractère dont les formes sont inégales. On
peut former deux groupes, selon que ces tendances se combinent ou
que certaines d'entre elles prédominent.
1° Prédominance de run des éléments : l'individu est alors dirigé
CARACTÈRE 791
par cette tendance ijui relègue les autres au second plan, et s'en
sert pour elle au lieu de marcher avec file.
2° Combinaison de ces éléments, en tolalilé ou pailic : le caractère!
est alors une résultante complexe, ([u"il faut d('coin[ioser pour eu
retrouver les éléments.
Reste à classer ces tendances, qui détermineroid, surtout lorscjue
l'une d'elles prédomine, drs types cax'actérisés. M. Paullian distingue :
rt),les tendances qui si' ra]iportent à la vieorgani(iue ou mentale, — b),
(■elles qui se rapiiorlrnl à des individus, — c) celles qui se rapportent
à la société, — d), ccllfs qui se rap[iorlcnt au supra-social [méUi\A\y-
siquc, ndigion .
CLASSll-MUATlON DE FOUILLÉE •
Le caractère est la façon jtarliculière à chacun do nous de réagir
aux influences extérieures : il se compose de deux sortes d'éléments
<rinégale importance : l'un de ces éléments est inné : il correspond
à peu près, mais dans une acceptation différente, àce que les anciens
appelaient lempéranieiil. (l'evl le premier degré. Sur ce fond brode
l'élément supérieur, dont rintelligence est la jilus haute expression,
et qui dirige le tem[Ȏrament dans tel ou tel sens, selon qu(; lel ou
tel élément psychi([ue prédomine.
A.— 1. Tempérament SENsrriF. — 1" Le sensilif à réaction prompte,
chez lequel toutes les fonctions organi(|ues sont rapides et qui eor-
respond à lieu jirès à ce (|ui' l'on appelait san*7i«'H. — 2° le sensilif à
réaction intense, qui réagit avec ]dus de duré»; et iriiiiensilé que le
sanguin, mais aussi >'(''puise plus vile, la dépense étant plus forte ijne
racqui>ilion : il correspondrait au nerveux.
II. — Tempérament ACTIF. — 1° \.'actifà réaction promj) te et intense,
■liiez lequid les l'oni'tidiis d'intégialion et, de di''sinl(''gratiou se tout
d'une façon très ii)liMi>e : il en résulte souveiil de in ns(|ues di^pin^es
•de fûi'ces. Les colériques corres|tondiaieut à peu juès à ii- lenqn'--
aanient. — 2" Les actifs à réaction lente et ]ieu intense : les fonctions
.organiques sont régulières, mais l'organisme, est jiaresseux, parce
.(|u'il y a [leu d'échange. C'est ce que l'on ap[telait tempéranu'Ut lym-
Jiiialiqui'.
Voyons niainliiiant coniiihnl les fonctions psycliiijues vont eni-
jiloycr et niodilier ces élément >. Selon (pic [elle mi ti'ile de j!osfaculti''S
prédomine, oJi a 'i groupes djilérents.
i> — I. Les sensitiks. — Ce sont les plus lapprocln's de la vie orga-
nique; on lient di>tinguer : 1" les sensilifs ayant pen irintidlluence
et peu dejvolonlé ; — 2° les sensilifs ayant de li'neriiiii' \o|niilairi',
mais peu d'intelligence; — 3" les sensi'<t/s, ayant peu de volonté, mais
beaucoup d'intelligence.
792 ANALYSES
H. Les intellectuels. — (^.e sont ceux dontlo caraclèie est le plus
t'oitomenl. acciisi'', le drvel(i|ipt'nieiit de rintclliijenoe allant ordinai-
rement de pair avec celvii de la volonté et de la sensibilité.
III. Les volontaires. — Ce sont les caractères décidés, soit que
leur volonté s'applique à agir, soit qu'elle ail: jdulôt de la ténacité.
On peut distinguer : 1° les volontaires ayant jn'u df sensibilité et
d'intelligence ; — 2° les volontaires ayant beaucoup de sensibilité et
peu d'intelligence; — Z° \c<< volontaires ayant beaucdU]) d'inlcUigence
et peu de sensibilité.
II
Malgré les divergences drs lliéories, ces recbeiches ont cpiiains
points communs qu'il faut signaler.
Tous les auteurs (sauf les réserves faites par M. Paullian) s'accor-
dent à demander que la science du caractère procède désormais par
observations précises et métbodiquement conduites. Les simples
portraits, les descriptions plus ou moins littéraires ne peuvent désor-
mais suffire ; il se passe ici la même chose que dans les aulics ])ar-
ties de la psychologie : on demande d'abord des faits, scru]»uleuse-
ment recueillis, interprétés sans idées préconçues, hors de toute
construction à priori. C'est le seul moyen de l'aire progresser, lente-
ment peut-être, l'Etiiologie vraie. Comme toutes les sciences qui ont
le vivant pour objet, elle ne jteiit sortir tout entière d'une pensée
géniale : c'est chose d'autant plus im[»ossible (lu'elle sera la science
du .vivant le plus complexe de tous.
A cette première remarque, il laul en ajonler une seconde non
moins caractéristique : c'est l'abandon à ]ieu jirès général de lan-
cienne théorie des tempéraments, aujovud'hui considé-rée comme
insuffisante. Dire de queliiu'un (ju'il est un nerveux, ee n'est jias
définir son caraclèr'c, encore l)i(Mi moins l'analyser pour en dé'con-
vrir le mécanisme : on peut être nerveux de bien des l'ai.'ons, et réa-
gir aux influences extérieures de bien des manières différentes. S'il
est vrai que le cai-actère plonge dans l'organisnu' de jjrofondes ra-
cines, il est indnbi table aussi (jue l'organisme tel (pie nous le connais-
sons ne suffit pas à l'expliquer dans son entier. 11 faut donc tenir
compte en même temps de l'élément psychiciue, l'analyser non
moins délicatement que l'éb'ment soniali(|ue, et considérer les deux
ensembles lors(iu"on veut définir l'individu. De ce côté encore, notre-
science n'est pas fixée, ou, pour mieux dire, nos connaissances ne-
sont encore guère scientifiques : c'est là ce qui empêche les classifi-
cations proposées d'être définitives : elles le sont même d'autant
moins, à notre point de vue, tpi'elles sont de contours plus arrêtés.
Surtout il faut signaler la i)lus caractéristique des tendances rele-
vées dans les recherches qui précèdent : c'est celle qui demande
t
I
l'SYClIOLOGIE INDIVIDUELLE 793
elinlroduire dans les recherches qui précèdent Tidée de développe-
ment ou d"(''volutiou au sens naturel de ce mot. Sauf chez M. Paul-
han, elle est très nette ; tous demandent une histoire naturelle des
caractères, l'histoire de la vie psychique d'un certain nombre de
types, qui serviront à classer ensuite la masse des individus. C'est le
vrai moyen de mettre de l'ordre dans cette diversité. On s'est trop
habitué à considérer presque exclusivement le caractère d'un adulte,
sans se demander assez comment ce caractère s'est formé, par
({uelles phases il a dû passer pour arriver au point où il en est lors-
qu'on l'étudié. Il y a, dans la vie de l'àme comme dans celle du
corps, des époques critiques, des périodes décisives, des bifurcations
([u'il faut noter d'autant plus soigneusement qu'elles sont comme le
squelette de la vie tout entière, les points culminants et les grandes
arêtes de la vie de chacun de nous. Or, il faut bien avouer (jue sur
ces points si importants, nous manquons de données précises : ils
passent inaperçus de ceux qui observent ensuite l'individu du de-
hors. Rappelant les études de ïaine, Egger et Perez sur ce point,
M. R. Thamin ' demandait récemment qu'il fut consacré des mono-
graphies à riiistoire du développement de l'enfant : ce serait certai-
nement un des meilleurs moyens de faire avancer l'éthologie. Nous
aurions ainsi, au lieu d'observations éparses ]uises à des époques
indéterminées, des histoires complètes et méthodiques de la genèse
de chaque caractère, et ce serait une mine précieuse de documents
pour arriver enfin à faire de l'éthologie une science, au vrai sens du
mot.
.1. Philippe.
II. — PSYCHOLOGIE INDIVIDUELLE
S. HETTMA.N.N. — Ueber die Beeinflussung einfacher psychischer
Vorgànge durch korperliche und geistige Arbeit. Kiatiielins Psy-
chologische Arbcilm, vol. I, p. la2-208.
L'auteur a fait iicndant deux mois des i'X|i('rii'nces avec un seul
sujet sur l'influence que produisi-nl Ir travail jiliy>i(iiic et le travail
ntellectuel sur la dui »'c dr (pielques processus psychiques; ces pro-
cessus étaient des lemiis de choix, des additions, des séries de
12 chiffres à apjtrendre par cd'ur, et la lecture, l.r, travail physique
consistait dans une marche de; deux heures et le travail intellectuel
dans ime heuif d'adilitions. l'our ce qui concerne les temps de
choix on remarque (ju'après un travail intelbîcluel d'une heure ils
sont allongés; après un travail physique au contraire leur durée est
diminuée; seulement tandis (pià l'état noiinal il n'y a presque pas
de réactions anticipées, après un travail physique le nombre de ces
(1) De pi/eronim 'nulole, j). 6.j.
794 ANALYSES
réaclions anticipées est environ égal au ijuarl du nomluc lolal des
réactions.
La durée des réaclious (jui consistent à ré[)éfer un mot entendu
est augmentée à la suite du travail intellectuel et aussi du travail
physique.
En ce qui concerne la dm-ée nécessaire pour apprendi'e des séries
de 12 cliitTres, on remarque également une augmentation à la suilf
des deux travaux précédents.
En résumé, Fauteur arrive au résultat que le travail physi([ue [leut
aussi bien que 1(^ travail intellectuel influer sur certains ja-ocessus
]isychiques simples et les rendre plus difficiles.
Cette recherche présente cei^tainement un grand intérêt, seule-
ment on aurait pu Texposer en dix pages au lieu d"en employer
soixante.
Victor Henri.
HAVELOCK ELUS. — Mann und Weib. [L'homme et la femme. Elude
anthropologique et psycliolofjuiiu- des différences sexuelles secon-
da ires.) Tvadiùl de l'anglais par IL Ivurella. Leipzig, AVigand, 1894,
408 pages.
Ce livn; est le résultat d"un travail de douze aimées peiiilant les-
quelles l'auteur a réuni de nombreux matériaux dispersés et difficiles
à obtenir; ce livre contient ddiic à peu près tons les ré>ullals posi-
tifsacqnis jus(]u'à ce jour sur la ([uestion des diffV'UMices secondaires
des sexes; i)artont l'auteur abord»; les sujets avec mie rigueur scien-
tifique, il avoue souvent lui-même (jifil m; peut ai river dans telle
<|uestion ]iailiciiliric à des résullafs di''liiiilils, mais il ciieiilie à
contribuer à la solution dr (iiieslidiis dont riiiiporlance e>l hors île
doute.
Dès les chapitres préliminairiis 1 auleur passe en n-viic Ir iap[iorl
des deux sexes entre eux chez les peuples primitifs e( dans l'Iiistoire;
il si'iail à désirer i|iic l'aiileiii- s'ariêlàl un jieii plus sur riiisldiic de
la société; il y aiiiail, aussi iiilérêt à insisler sur la |ilace de la
femme chez les peuples civilisés anciens. On pourrai! se demander
si la comparaison des ileux types, choisis ]tar railleur, pi'iit êlrr
menée Jusipiau boni dans la forme employée jiar lui; ers deux
types sont ïinfanlilisme représenli; par renfanl avec ses caraclères
]diysiolugiques et analomiipies et la sénilité à kujuelli' a|qiarlieiiiirnl
le singe, le sauvage et riiomme civilisé dans la vieilli;sse.
Pour ce qui concerne la position de la femme dans la soci(''l(''
contempuraine, on ne lroiive|i;is chez railleur d'indicalimis positives
sur l'importance des femmes dans différentes professions — comme
médecins, institutrices, gardes-malades, etc., elc. I, 'auleur passe en
revue d'abord les différinices anatomiques et physiologiques des
sexes, il énumèrc les différences dans la structure des différents
I
i
jk' ,.
PSYCUOLOGIE INDIVIDUELLE
795
organes, les différences clans les échanges de sul»slauces, la respira-
tion, la couleur des cheveux, des yeux, etc. ; plus longuement, il s'ar-
rête sur les périodes de menstruation des femmes; la voix; enlin il
passe à la comparaison de la sfusibilité qui semble être pi'ii diffé-
rente chez les deux sexes. Lt-s différences dans les fonctions intellec-
tuelles sont plus difficiles à constater et à observer; il semble», se
dégager des études (^ue les femmes ont une faculté de comprendre
plus développée et peuvent plus vite s'accoutumer aux différentes
conditions de la vie journalière, Tbomme est, au conlrair(\ très apte à
s'occuper de problèmes abstraits et compliqués. Dans les industries
les deux sexes se valent en général, mais là où il faut un travail sou-
tenu l'homme remporte sur la fennne. Il est intéressant de voir que
tandis qu'on trouve très peu de femmes parmi les initiateuis de dif-
férentes religions et sectes, ce sont souvent les femmes qui ont
défendu et ont soulevé les hommes pour une religion. En somme
chez les femmes les centres nerveux supéiieurs exercent une action
de contrôle moindre, mais les centres inférieurs sont plus actifs.
L'émotivité, la susijestibilité sont plus fortes chez les femmes, elles
sont aussi plus souvent sujettes à des hallucinations, à l'hystérie et aux
maladies mentales. Les émotions sont plus faciles à évoquer chez les
femmes que chez les hommes. Bans les arts au commencement les
femmes dépassent les hommes, mais à mesure que les arts se déve-
loppent les hommes prennent h- dessus; seulement pour fart drama-
tique on aune exception, ce qui tient à une vivacité plus grande et a
l'émotivité plus forte de la femme. Enlin l'auteur rapi)orte les résul-
tats sur la criminologie et les maladies mentales chez les deux sexes.
A la suite de toutes ces conclusions qui se contredisent quelquefois,
l'auteur atteint cette conclusion générale que la femme se rap])roch(!
plus du type infantile, tandis que l'iionmie se rapproche ]dus du
type sénile. On ne peut pas jiarler de supérioriti' jtonr l'un ou
l'autre des sexes, les deux ont des avantages dans certains iioiiils et
des désavantages dans d'autres.
Fr. KiEsow.
rrôliariilpurau lalioialoiiv ilc Wuiull.
A. UEIIUX. — Experimentelle Studien zur Individualpsychologie.
[Etude expérimentale sur la psychologie individuelle.) Kraeitelins
Psychologische Aibeiteii, vol. i, |). l)2-lo2.
Ce travail a déjà été publié en 1889 comme dissertation à J)oi pal,
Kraepelin l'a mis à la suite de son niémoiie (|ue nous avons analysé
plus haut. L'auteur a essayé d'étudier expérimentalement un certain
nombre de différences individuelles ; dix personnes ont été soumises
à ces expériences. Quatie processus psychi(|ues ont été étudiés chez
ces dix personnes; ce sont : 1'^ le processus de perception [Wahr-
nehmungsvorgang), qui consiste à compter des lettres, à chercher dans
i96
ANALYSES
un morceau des lettres déterminées et enfin à remarquer les erreurs
l>endant la lecture des épreuves ; 2° la mémoire, pour l'étudier l'au-
teur a fait apprendre des séries de 12 chifTres et aussi des séries de
12 syllabes ; 3° le processus d'association, étudié en faisant faire des
additions de nombres de un cliiffre ; 4° les fonctions motrices sous
deux formes, comme écriture sous la dictée et puis lecture aussi
rajtide que possible.
C'est la durée de ces ditférents processus qui a surlout aîîiré l'at-
tention de l'auteur; nous extrayons ici les cliitfres principaux en
rangeant les processus par ordre de rapidité :
DURÉE
DLRÉE
[jLRÉE
Lecture il'mie svUabe
mininiuni
niaximuni
nioxenne i
116
172
138
Actede('(inij)tf>rdesctiitl'res: inoveune
1
pour un cliillre
Si-
sal
530
603
323
435
Ecriture (i"unc lettre
Addition de deux chitl'res
754
1533
1255
Séries de 12 chillres apprises par cœur.
temps movea par cliitîre
4200
20000
9619
Séries de 12 sv labes apprises par
cœur, temps moyen par syllabe. .
7890
21430
11800
1
Les cliitfres précédents sont des millièmes de seconde ; les cliitfres
des deux premières colonnes monlrent jus(|u'à (piel point les ditfé-
rences individuelh's sont grandes ]>our les dilféicnts processus.
On voit (|ue les différences individuelles augmentent avec la durée
et par conséi|ui'iil aussi avec la complexilé du processus psychique.
A côté de ces expériences l'auteur a aussi jiorté son attention sur les
effets de l'exercice et de la fatigue ; ces effets sont difl'érents suivant
le processus choisi; si on calcule la valeui' du rappori de la variation
de la durée d'un certain acte à la durée minimum de cetacle, c'est-
a-(lire 1 expression
M —
ii'i M {•>[ la (Iuii't (le l'acte après un extn-
cice et m\ la (lui(''e du même acte au coiiimencemenl, et >i ou la
multiplie par 100, on oblieiit les cliift'res suivants :
Ecriture, 1,8; lecture, 5,7 ; acte d'apprendre des séries de 12 syl-
labes, 6,2; acte de coniiiler les lettres, 0,9; atlditions, 7,9; acte
d'apprendi (■ des séries dt^ chiffres, 28,0.
On voil iloiii- que l'exercice a le moins d'influence sur l'écriture et
la lecture, il alleint le maximum d'tdfet pour l'acte d'apprendre des
séries de chiffres.
Les chiffres analogues pour la fatigue sont : lecture, 5,9 ; acte de
compter des lettres, 6,2; écriture, 8,4; addition, 15,4; acte d'ap-
pieiidre des séries de chiffres, 22,3; acte d'apprendre des séries do
syllabes, 38,.'». Ici encore on voit très bien que la fatigue a une
iiitluenctt différente sur les difléreuts actes psychiques.
rSYGUOLOGIE INDIVIDUELLE 7*J7
Nous transcrivons encore les résultais très intéressants qui mon-
trent que le maximum de l'exercice arrive pour les dinérents pro-
cessus après des intervalles dilïérenfs; ainsi le maximum d'exercice
est acquis :
Pour l'acte d'apprendre des syllabes après 24 minutes.
— l'écriture 26 —
— l'addition 28
— la lecture 38 —
— l'acte de compter des lettres 39 —
— — d'apprendre des chiffres 60 —
Pour ce qui concerne les différences individuelles, l'auteur montre
([ue pour un certain nombre de processus les différences indivi-
duelles sont analogues, elles vont, pour ainsi dire, parallèlement ;
ces processus sont : l'acte de compter des lettres, l'addition, l'écriture
et la lecture ; au contraire pour l'acte d'apprendre des séries de
cliiffres et de syllabes les différences individuelles sont tout autres.
Enfin, on remar(pie une difTérence considérable dans l'action de
l'exercice et de la l'aligne chez les différentes personnes.
En somme ce travail présente un grand intérêt, il montre que les
dilTérences individuelles peuvent très facilement être étudiées non
seulement pour des sensations et des fonctions psychiques élémen-
taires, mais aussi pour des processus psychiques plus compliqués
qui se rapprochent davantage de le vie journalière.
Victor Henri.
LAPICQUE. — Anthropologie. Dictionnaire de physiologie,
I, p. 579-382.
Quelques mots intéressants sur les différences physiologiques des
laces. La température est exactement la même chez les ^lalais et
chez les Européens habitant la Malaisie. La ration alimentaire est à
peu près la même chez les peuftles qu'on a étiidiés, en dépit du
préjugé populaire qui admet que certaines races vivent de rien.
(Lapicque. Etude (jKantitativc sur le régime alimentaire des Abyssin>^.
Bulletins de la Soc. de biologie. Paiis, 1893, p. 2,')l.) Les caractères
de la peau et des poils sojit des caractères ethnicpies, ])lutùt (pie des
adaptations à des conditions diverses d'éclairage, de chaleur, dlin-
midité. Dans la Péninsule malaise, on peut Vdii dans la iiiênic inrèl
deux espèces de gibbons très voisines ; l'une eniièreint-nt noire
IHylobates syndacli/lits), l'autre au pelag(! d'un blond très clair
presque blanc (//. agilis] ; de même ofn trouve dans des vallées sé[iarées
seulement par quelques journées de marche des tribus de sauvages
vivant dans les mêmes conditions, et dont les unes sont d(! couleur
chocolat, et les autres, guère plus foncées (jue des Européens liàlés.
Il y aurait lieu, pens»; l'aulenr, d'étudier les ililf('-renc(!S psycho-
logiques; mais sur ces faits nous manquons non seulement d'obser-
798 ANALYSES
vatiniis [iiécisos, mais encore d'uat; bonne méthode d'observation.
Il propose Tétude de phénomènes qui sont sur le seuil de la physio-
logie et (ju'ou nii'sure par les méthodes jisycho-|iliysiques, comme
l'acuité sensorielle, la sensibilité à la douleur, la pression au dyna-
momètre, le temps do réaction. Nous avons en l'occasion, M, Henri
et moi, dans notre essai sur la psychologie individuelle, de traiter
cette question ; nous ne nous sommes pas placés an point de vue
des races, nous avons pris la question dans son ensemble ; il est l)ien
certain que les méthodes doivent changer stiivant (ju'on s'occnpe
d'anthropologie, de pédagogie ou de médecine ; néannioins nous
sommes arrivés à une conclusion qui nous paraît être générale, et
cette conclusion est diamétralement opposée à celle de l'auteur : il
faut, en psychologie individuelle, étudier les fonctions complexes.
A. HlNET.
Caroline MILES. — A Study oî Individual Psychology. Amer. .1. of
Psych., YI, 4, janvier 189o, p. 534-U58.
Questionnaire sur un grand nombre de ipieslions de (tsychologie ;
ce questionnaire a été rempli par 100 élèves-femmes du collège de
Wellesley. Voici quelques exemples des demandes cl réponses :
1"^ Gomment reconnaissez-vous votre main droite et votre main
gauche? 33 répondent en invoquant quelque association, comme
d'écrire ou de manger ; 27 disent qu'il y a dans les deux mains une
sensation différente de force, d'habileté ; 37 invoipieut un iustinct.
A la question subsidiaire : Hésitez-vous pai'fois à distinguer l'une des
deux mains? 57 répondent non et 40 oui.
2'^ Comment vous rappelez-vous un nom oublié ? 88 répondent : En
employant une association, en général en pensant aux circonstances
où le nom a été entendu ; (juel<|uefois aussi en cherchant la premièi'O
lettre.
3° Comment faites-vous pour appeler le sommeil? Les moyens les
plus divers ont élé cités; le plus fréquent est de com[)ter.
4° Quelles étaient vos peurs d'enfants? Ce qui est cilé le plus sou-
vent, ce sont la peur de la nuit et la [icur des animaux.
5° Quels sont les motifs qui vous ont le plus fré(]uemment mis en
colère ? Les motifs très variés qui ont élé donnés sont en général de
nature morale, et consistent dans une oflense à la dignité de la
personne.
6° Quelles sont les couleurs préférées ? Quelles associations faites-
vous naturellement avec les diverses couleurs? L'ordre de préférence
a été le bleu, le xouge, le jaune (rappelons qu'il s'agit de jeunes
filles) ; le bleu est associé avec le ciel, l'enfance, la mer, la musique
et les émotions douces ; le rouge avec les émotions fortes ; le jaune
avec les fleurs et le soleil.
70 Souvenirs d'enfance. Les premiers remontent en général à
PSYCnOLOGIE INDIVIDUELLE 799
trois ans. Ils onl pour ol)Jel le moiulo extérieur (70), plus rarement
l'enfant lui-même (37). Ce sont en majorité des souvenirs décrits
comme un spectacle visuel. F/objet même du souvenir a été : une
naissance ou une mort dans la famille (17 cas) ; ini effroi (14) ; une
maladie (12), etc.
En somme, ces éludes sont 1res suggestives, et elles permettent
une première exploration de terrains encore inconnus.
A Bl.NET.
III. — BIBLIOGRAPHIES
II. ALLIER. — La philosophie d'Ernest Renan. 1 vol. in-lS, 182 p.
Taris, Alcan, 180;i.
Ce livre, dont plusieurs cha|)ilres ont déjà jtaru dans la Bévue
chrétienne, en 1894, est, sous une forme bienveillante, une critique
implacable de la philosophie d'Ernest Renan; l'auteur lui reproch(i
de n'avoir compris d'autre pbilosophie que celle de Cousin, d'avoir
vu dans les plus hautes questions philosophiques des prétextes à
poèmes, sans jamais employer d'argumentation ni de preuve, d'avoir
réduit la morale à un heureux instinct ou à un commandement
extérieur, d'avoir confondu le sentiment religieux avec le sentiment
l'Sthétique, d'avoir rêvé en politique une oligarchie de l'intelligence,
et d'avoir na'ivement affiché des prétentions scientiliqui's alors ([u'il
n'a jamais été qu'un artiste et iju'un impressionniste.
\. MiNKT.
Pierre .L\>'ET. — J.-M. Charcot; son œuvre psychologique.
Rcv. pliilosi)])liique, juin 189;l.
Il l'st facili' di' l'aire I'i'Iol'c d'un niaîire aussi éniinrni ipu' Cliaicnl,
>uitinii (piand un a eu b' ImnlMMic ili' liavaiiliT jdn^lciiqis dans son
service; il est facile de résumer son u'uvic coiisid<''ral)le. Ce ipii l'est
moins, c'est de dégager la caractéristique d»; l'homme et de .sa
nji'lhode. Pierre .lanet a très heureusement montré (jue Charcot
a toujours ou presque toujours été guidé par la mi'IlKnlr des types,
i[ui a consisté à prendre comme mudèb; un malade; particulier, choisi
parmi un LTand nombre jiarce que les sym|)lùnn's i|u'il présentait
étaient plus nets et jikis faciles à c(Uiiiirendr(; ; puis, le ma lire cher-
chait à grouper autour de et; protolyp»; les autres formes morbides,
([u'il considéiait comme frustes, incomplètes, rudimentaiies, ou
comme des variations accessoires, des comliinaisons du ly|ie sinqde.
Cette méthode, exccdlenle |ioui' l'c-nseigni-ment, en vue dinpiel elle
est spécialenient faite , peut présenter des inconvénients lidut lu
moindre est de donner lieu à beaucoup de critiques. Comme le
800 ANALYSES
lypo clioisi poui' iciursciilri' JalUuiiic (l"liy>(éiiL' [lar exciiiiile ou le
grand hypnotisme, on telle aphonie, n'est pas le type le plus com-
mun, le plus fréquent, le plus vulgaire, il arrive souvent que d'autres
observateurs ne le rencontrent pas et en contestent la réalité.
Je remar(iue qu'actuellement en psychologie, ce qui prévaut, c"est
la méthode collective ; on prend en quelque sorte tous les sujets
qui se présentent, à la condition bien entendu qu'ils soient capables
d'attention et capables de se rendre compte de ce qu'ils éprouvent ;
on fait la synthèse de tous les résultats, et on "eu lire une sorte
d'image composite qui à la manière des photographies de; Galton
représente la moyenne de tous les résultats. Cette méthode a surtout
l'immense avantage de réunir des observations qui se vérifient entre
toutes les mains. Je ne crois pas cepend;int qu'on doive l'employer
d'une manière exclusive ; on lencontie parfois des personnalités
d'élite, comme Inaudi, Diamandi, M. d<; Curel, qui doivent être
mises à part, et nous permettent de; |)énétrer bien |ilus avant daus
le mécanisme des phénomènes que les moyennes toujours un \>f\\
grises des individus normaux. D'autre |i;irf, je crois devoir sigiuiler,
dans l'emjiloi de la métliode collective, une tendance nouvelle qui
se fait jour dans beaucoup de laboratoires, et contre l;i(|uelle on ne
saurait fro|i résister. Un expérimentatein- opère, |Miin- nii travail
particulier, sur un certain nombre de sujets, mettons six; un de ces
sujets donne des résultats qui ne concoident pas avec cctix des
autres ; (imd(iuerois même, sur un groupe de six, il y a deux ou trois
dissidents* ou les écarte, on les élimine, on ne lient pas compte de
leurs résultats. Quel(}uefois, l'auteur du travail ne dii pas qu'il a
fait ces éliminations, et cette négligence fait commettre des erreurs
sur la généialilé de ses conclusions. (Juand on s'expliijue là-dessus,
on déclare soinnuiirenu'nt que les sujets n(> réalisent pas telh; dis-
]iosition, ou uv sont jias de bons sujets. C'est ce qui s'est passé pour
la tiiiMirie des réactions sensorielles et niotiices. .Nous croyons au
lontiaiie que c'est un devoir scient ili(iMe de duniu'r tous ses 7'ésullats.
A. UiNKT.
(,. MlldlAll). — Kant comme savant. Ite\. pliilosoplii(|ur, mai 189u.
Kant a écrit sur Ions les jiroblèines di- la natinc, la physique, la
inécani(|ue, la cosmogra|diii'. la géologie, la botani(|ue, la zoologie ;
il semble avoir eu tonte sa \ie, et dès longtemps avant d'tM rire la
critique de la laison pure, la priMiccupatitui continue des sciences
de la nature. Mais il n'a jamais oiiservé de ses yeux et décrit un
|»hénoniène nouveau; il ji"<'st ni homiiH! de laboiatoire ni excvu-
sionuiste. C'est chez lui, dans cette ville de KoMiigsbi^g où il est né,
on il a fait ses études, où il enseigne, et où il nionira, qu'il mi'dile
sur les transformations du glolie terresti'e. Ses moyens de recherche,
ci; sont les livres. Or, sa cosmogonie, i)ien qu'elle ait un air de
PSYCHOLOGIE INDIVIDUIJLLE 801
famille avec celle de Laplace, ressemble à cette dernière comme la
rêverie à la science ; elle donne la preuve d'ignorance de vérités
connues à l'époque, par exemple le principe des aires. Ses idées
sur la mécanique sont ingénieuses, mais vagues ; malgré les appa-
rences de la forme savante, elles font souvent Itien plus songer à
certaines théories d'Aristote ou même des Ioniens ({u'à Euler ou à
>»ewton.
A. Bl.NET.
Jos. ZÙRCHER. — Jeanne d'Arc. Vom psychologischen und psycho-
pathologischen Standpunkte aus. {Jeanne d'Arc ; étude faite à un
point de vue psychologique et psycho-pathologique.) Inn. Dissert.
(Zurich). Leipzig, 1895.
Jeanne d'Arc avait de nombreuses hallucinations, elle était per-
suadée d'avoir reçu de Dieu la mission de sauver la France, deux
Iraits qui appaiiiennent à la symptomatologie de la monomanie;
mais, d'après l'auteur, Jeanne n'était pas aliénée, car elle avait
une grande intelligence, une grande puissance logique, une moralité
sérieuse et iiTéprochable, une adhésion complète aux dogmes de
son Eglise ; les symptômes morbides qu'elle présente appartiennent
à la pathologie du génie. Cette thèse, écrite par une femme, a été
inspirée par Foiel.
XNNEE l'SYCHOLOGIOLE. 11. 51
XII
PSYCHOLOGIE DES ENFANTS. — PÉDAGOGIE
PSYCHOLOGIE COMPARÉE
SOMMAIRE
I. Psychologie des enfan/s et pédagogie. Badanes, Baldwin, lU'rrirk,
Schmid-Monnard .
II. La vie émolioiuielle des enf'nnis.
III. Psyc/iologie comparée. Mills, Plateau.
I. — PSYCHOLOGIE DES ENFANTS ET PÉDAGOGIE
SAUL BADANES. — The Falsity of the Grube Method of Teaching
Primary Arithmetic. [L'erreur de la méthode de Griibe pour l'ensei-
gnement de rufithmélir/ue élémentaire.) Ncw-Yoïk, 1895.
L'enseignemenl de rarilinn('li(|ue ('liMnenUiire ôlail peu dévelo])i)t;
chez les anciens, à cause de leurs inélluid(>s si imparfailes de luda-
lion, qui rendaient les opérations liés dil'liciles. Le système tléciinal
do notation, introduit par fierbert en France et en Italie, et emprunté
aux Arabes, facililales calculs et remplui de nombres élevés. Au xvnr'
siècle, l'enseignement de rarilliméli(iue est fondé presque uni(pie-
ment sur la mémoire. Contlorcet, Peslak)zzi eKirulte ont introduit de
]irorondes réformes dans cet cnseignennuit.
L'auteur critique le système de Grube, ([ui part do ce princi|M- que
les nombres, comme toutes les connaissances, n'arrivent à rintelli-
gence que par l'intermédiaire des sens, et en coiudut que l'enseigne-
ment de l'arithmétique doit surtout s'adresser aux sens ; il faut
apprendre, d'après ce système, à percevoir chaque nombre ; or,
comme l;i séparation des opérations (addilion, soustraction, multi-
plication, division) a pour effet d'affaiblir la perception des nombres,
il est nécessaire d'appliquer les quatre règles à cliaque nombre, à
mesure qu'on l'appreinl. Ainsi, dès qu'on fait connaître aux enfants
le nombre 4, on lui apprend 2-f2 = 4, 4 — 2 = 2, 2x2=r4,
4 : 2 =z 2.
PSYCUOLOGIE DES ENFANTS 803
nadaues soutient que ce système part d"un princiiie psychologique
couipiètement faux. Ou ne perçoit pas les nombres, de la même
manière qu'on perçoit les objets. D'après Galtou *, les indigènes de
Damar comptent sur leurs doigts jusqu'à u, et sont très gènes pour
compter au-dessus de ce nombre, qui épuise tous les doigts d'une
main ; s'ils ne perdent pas d'animaux de leur troupeau, c'est parce
qu'ils les reconnaissent chacun individuellement, procédé qui n'a rien
à faire avec le calcul. D'après G. Leroy ^, la corneille, voyant des
hommes entrer dans une cabane au pied de l'arbre où elle a fait son
nid, ne vole vei^s l'arbre que lorsque tous les hommes qu'elle a vu
entrer sont sortis ; elle peut ainsi compter jusqu'à 3 et 4 ; au delà elh^
se trompe. Preyer' dit que son enfant à un an et demi voyait d'un
coup d'œil si un de ses dix objets lui manquait ; mais ceci n'est pas
du calcul, et cet exemple ne doit pas être ajouté à la liste de ceux mon-
trant que la perception des nombres est ou n'est pas développée chez
les enfants. Je me permets de rai)peler ici mes propres expériences,
que l'auteur ne connaît pas, et qui sont autrement probantes que
celles de Pi-eyer. Je montre à un enfant qui ne sait pas compter, cinq
jetons, je les étale sur la table devant lui ; puis je les prends dans
ma main fermée et je les donne un par un à l'enfant, en lui deman-
dant s'il y en a encore ; l'enfant, sans le secours du langage, ne va
pas au delà de 4 à 6. {Revue philosophique, ']\\\\\(il 1890.)
L'auteur conclut que la perception des nombres ne se fait point
comme celle des objets; elle ne dépasse pas les premiers nombres,
à moins d'être aidée par la forme et le groupement. C'est là la pre-
mière période du développement des nombres. Dans la seconde
période, on arrive à déterminer une quantité qui ne peut être perçue
directement : ceci se fait en donnant un nom à un nombre et en indi-
(fuant qu'une unité lui est ajoutée. Ainsi, au lieu de 0, tiui ne peut
être perçu, on appellera aune main, et on dira une main|)lus un. On
a pu également indiquer 10 païune image spéciale. Celle foi inalinn dos
iiDuibres [»ar l'addition d'unités à un mindire ne pouvait conduire
loin. L'i'Sjirit s'e.it alors d<'laché encore plus des perceptions sen>ibles,
et a appris à ajouter des nombres à des nombres, les uns et les autres
étant désignés par des images, i'uis, les images ont éh- remplacées
par des signes artificiels; et ces signes arLifici<Ms ont (Ué réduits à un
petit nombre, grâce à ce procédé qui consiste à faire dépendre la
valeur des chiffres de leur i)Ositi(iu. I, "auteur [lense (ju'il ne faut point
dans l'enseignement di- l'arithmi-tique jn Imt l'enfant de ce secours
de la notation ; et il comlul que Ir juiiicijir de |,i iiii'lliode de Ci iijic,
daprès laipudli; la jjerciqitinii jouerait un très grand jôle dans nos
idées de nombre, est conq)lètem(3nt inexact. A. IJinet.
(1) Narrative nf an Explorer in Tropical South Africa, p. 133.
(2) The Intellif/ence and l'erfectibililij of Animais. Londou, 1870.
(3) Tlie Minci of the Cltiltl, II, p. 8.
804 ANALYSES
.1. M. R.VL[)\VL\. —Mental Development in the Child and the Race.
Methods and Processes. (Développement mcnlal chez l'enfant et dans
la race. Méthodes et procédés.) 189iJ, 1 vul. iu-8", 490 p. Macmillau.
New-York.
Les matériaux do ce livre sont, comme le d'il l'auteur dans sa pré-
face, constitués par une série d'articles parus dans diverses revues
anglaises et américaines, The Mind^ The P hilosophical licview, The
Psychological Review^ The American Journal of Psijchology, etc. Cet
ouvrage est en somme un essai de théorie du développement de la
conscience chez l'enfant et dans la race, essai qui doit sa valeur aux
observations et aux expériences faites par Fauteur.
L'ancienne conceplion de l'àme était celle d'une substance fixe
avec des altribuls fixes. L'idée génétique a renversé cette conception.
Au lieu d'une substance fixe, nous avons une activité qui croît et se
développe. La psychologie fonctionnelle remplace la psychologie des
facultés. Au lieu d'étudier la conscience à son maximum de dévelop-
pement, il y a tout avantag(,' à l'étudier d;ins son élat le jilus simple
d'activité, chez l'enfant. Les piiénomènes de la conscience sont clicz
lui plus simples, plus spontanés, mieux dégagés des influences dis-
turbantes de l'observation interne, de la réflexion, des circonstances
extérieures, des conventionssociales. L'élude de l'enfantpréstMilc jiIus
d'avantages que la psychologit? comparée et la pathologie mentale.
Il y a ce])endnnt des causes d'erreur dans les observations et les
expériences faites sur les enfants et l'auteur y insiste lui-même en
formulant certains principes du développement mental qui ne doivent
pas être ])erdus de vue.
A côté de la iisychologie de l'enfant qui se base sur Vontogenèse, se
place la psychologie de la race, qui se base sur la phyloyenèse, et les
mêmes UKilifs qui ont été invoqués pour l'emploi de la première,
peuvent l'être iuissi [lour la seconde.
Les analogies sont évidentes entre l'ontogenèse et la phylogenèse
de la conscience. Il faut remaiYjuer r|ueparcc lerme de phylogenèse
l'auteur embrasse non seulement le développement de la vie psy-
chique de la race humaine, mais toute la vie psychique ancestrale,
de (piehpK! natuic qu'elle soit.
On peut, dans le dévelo])i>ement outogenétique et ])hylogenétique
de la vie psychique distinguer quatre grandes périodes :
1° La simple contractilité avec les processus sensilifs rudimentaires,
les piocessus de plaisir et de douleur, et les simples adaptations
motrices, époque affective;
2° L'intégration nerveuse correspondant à des fondions sensitives
spéciales, époque de présentation, de mémoire, d'imitation, d'aclion
défensive, d'instinct ;
3' Intégx'ation nerveuse plus complète, époque de présentation
PSYCHOLOGIE DES ENFANTS 805
complexe, de coordinafion modice complexe, de conquèlc, d'acliou
ofTensive, de volition rudimentaire ;
4" La fouclioii ci'n'ltiale, époque de pensée conscienle, d'action
volontaire et d'émotion idéale.
Considérées au point de vue de la conscience, les époques 2" et 3"
sont ce qu'il appelle les époques objectives j la qualiirme, l'époque
subjective.
Cependant, ce parallélisme entre l'ontogenèse et la pliylogenèse
n'est pas absolu, et il y a, sous ce rapport, deux moditications ]irin-
cipales à faire subir à la théorie de la récapitulation, c'est-à-dire à
la théorie qui fait de l'ontogenèse la répétition de la phylogenèse.
D'abord, certains éléments ou certains stades de développement
([ui étaient nécessaires chez les ancêtres, disparaissent chez les des-
(^endants par suite de l'héréditi; oix de la sélection. C'est ce que l'au-
teur appelle la théorie des raccourcissements ou des chemins de tra-
verse [short-cut theory), et dont il donne des exemples. Il faut faire
ensuite la part de la variation « accidentelle ■» ou « spontanée » qui
peut agir soit pendant la vie intra-utérine, soit après la naissance sous
des influences diverses.
Après ces prolégomènes qui occupent le premier chapitre viennent
les méthodes et procédés.
L'étude psychique de l'enfant doit avant tout être scientifique,
faite par un homme habitué à l'observation et à l'expérimentation
psychologiques. Il ne faut pas cependant repousser d'une façon abso-
lue les résultats obtenus par des personnes étrangères à ce genre
d'études, mais ils ne doivent être accueillis qu'avec réserve.
Pour donner un exemple des diftlcultés de cette étude, l'auteur
rappelle les expériences de Preyer et de Binet sur le développement
des perceptions des couleurs chez les enfants.
11 part de ce principe que les mouvements de la main senties meil-
leurs indices de la sensibilité gé-m'rah; et spétnale de l'enfant et
(Ml déduit ce qu'il appeUc la méthode dynamogéniquc.
On peut ainsi répundri- aux (pu'slions suivantes (au iiiuiiluv di' 12) :
1° Présence desensalinns dr .nulruis différentes indiipKv- parle
nombre et la persistance des eflorts de l'enfant pour saisir l'olijid
cidoré ;
2'^ Degré d'attraction exi.'icé par d<'S conlcuis ditrércntcs, indii^ué
]tar le même moyen ;
3° Attraction relative exercée par les combinaisons do cindeurs
différentes ;
4" Exactitude ndative d(; rcsfinialion df la dislanci,', d'ajirès les
efforts de l'enfant jiour atteindre les objets;
0" Attraction H'Ialivi- dr (igun-s visuellfs différent(^s (étoiles,
cercles, etc.) tie différentes conirnrs ;
6° Usage de la main droite, dt; la main gaui'lie, des deux mains;
7" Apparition des mouvements imilatifs ;
806 ANALYSES
8° Apparition des mouvements volontaires ;
9° Présence et caractère des « mouvements d'accompagnement » à
différents stades du développeiflent moteur.
10" Energie du désir et de Tinhibition volontaire d'après la persis-
tance relative des mouvements de saisir les objets;
11° Energie relative des sensations disparates à difîérentes périodes
de la vie de l'enfant, d'après la compai^aison des expressions
motrices ;
12° Influence inhibitoire des associations élémentaires, douleurs,
punitions, etc.
Réduite à ses termes les plus simples, c'est-à-dire apiiliquée ùl"en-
fant assez ûgé pour saisir les objets qu'il voit, la méthode dynamo-
génique implique deux variables, la distance de l'objet et la natun-
du stimulus ou sa qualité (couleur rouge par exemple). Soit D l'in-
fluence dynamogénique d'un stimulus, q la qualité de ce stimulus, d
sa distance, k le signe de proportion, D variera avec q, et en raison
inverse derf, dans un rapport à déterminer. Ou aura donc l'équation :
a
équation à laquelle naturellement il ne faut pas donner une valeur
mathématique absolue.
Dans les expériences, on gardera constante une des valeurs q ou d,
de façon à étudier séparément les influences de la dislance et de la
qualité du stimulant.
Le troisième chapitre traite des perceptions de dislance et de cou-
leur chez les enfants.
Les expériences ont porté sur une petite fdle de neuf mois. En les
classant d'après le degré d'attraction qu'elles exerçaient surTenfani,
les couleurs se rangeaient ainsi: bleu, blanc, rouge, vert, brun,
résultat qui se rapproche beaucoup plus de ceux de Binet que de
ceux de Preyer.
Pour la dislance, l'enfant cherche à saisir tous les objets qui l'al-
tirent dès qu'ils sont situées à 10 pouces au plus, distance en rai)poi'l
avec la longueur du bras, tandis que pour 13 et 14 pouces, il y a 8 et
14 p. 100 de refus.
L'auteur reconnaît du reste lui-même le trop petit nombre de ses
expériences, 217 en tout, faites sur un seul enfant. Il faut dire que ces
expériences ne peuvent êlre multipliées à cause de la faligue et
d'une foule de condilinns ipii jicuveni exisl(>r chez un enfant de cet
âge el Irnuliler l'observalion.
Pour ce qui concerne l'usage de la main droite ou de la main
gauche, il a observé que, tant que l'objet à atteindre était placé
à la portée de la main, l'enfant se servait indifï'éremment de la
main droite ou de la main gauche; mais si l'objet était placé à 12 à
15 pouces, el exigeait de sa part un effort musculaire jiolent pour
PSYCHOLOGIE DES ENFANTS 807
«liciLher à le saisir, il se servait de préférence de sa main droite,
?|)écialement quand robjet avait une couleur brillante; dans ce cas
nième, il employait la main droite à nimporte quelle distance (T^ et
8'- mois). A celte époque, l'enfant ne pouvait encore ni se tenir
debout ni se traîner (to creep).
L'auteur discute ensuite la cause possible de l'usage de la main
droite ou de la main gauche et rapprochant les mouvements de la
main des mouvements de la parole, trouve la cause de la prédomi-
nance des mouvements de la main di^oite dans la prédominance do
Ihémisphère cérébral gauche. La difticulté ne fait que reculer, car
cette prédominance de l'hémisphère gauche n'a pas encore reçu
d'explication satisfaisante.
Ses expériences montrent en outre que l'usage de la main droite
varie en raison inverse de l'influence dynamogénique du stimulus,
([uil s'agisse de la couleur ou de la distance. Elles prouvent aussi
<[ue, même à cet âge, l'enfant a déjà acquis une estimation visuelle
l'xacte de la distance. Ace point de vue, il se comporte différemment
«suivant la distance ; si l'objet est à une distance telle qu'il soit sur de
raltfindre, il se sert indifféremment d'une main quelconque ou des
deux mains ; s'il n'y a pas certitude, il se sert de la main droite ; si
l'objet est hors de sa portée, riiiliibilion se produit et il n'y a jias de
mouvement des mains.
Le chapitre v est consacré aux mouvements de l'enfant et spécia-
lement aux mouvements de dessin avec ou sans modèle, et l'auteur
donne un certain nombre de fac-similés des dessins exécutés par
l'enfant (entre la dernière semaine du 19^ mois et le milieu du 27® mois).
Jusqu'au commencement du 27* mois, le dessin n'est qu'une imita-
tion vague des mouvements faits devant lui, mais, à partir de ce
moment, le procédé change ; l'enfant cherche à retracer la ligure
t|u'on lui montre, même quand on lui retire le modèle, donc à
rejiroduire le dessin dont il a la représinitation mentale
(>ette imitation graphique {tracerij iniilation) est la base d(.' l'acqui-
sition de l'écriture chez l'enfant. L'analyse conduit aux résultats
suivants :
L'enfant commence par acquérir la notion de la forme des lettres,
Visual form séries, puis il fait lui-même les mouvements jtour tracer
b'S lettres et emmagasine ainsi nu certain noml)re de sensations de
mouvement, muscidar form séries, lùilin, il voit h's mouvements
(l'écriture faits par celui qui lui ap[irend à écrire et par lui-môme,
d'où un certain nombre de notions de mouvements acquises par la
vue, oiitical raovcmenl séries. C(iii\.iQ\^ séries de sensations concourent
à l'écriture et dès que l'une d'elles man<iue, m»'mo chez l'adulte,
l'écriture est altérée.
L'auteur analyse ensuite la façon dont se fait rac(pii>ili()n d(!
l'écriture. Les résultats de celte analyse liitï'èrrnt de ir-ux tXo (iolds-
cheider [Physiol. u. Pat. der Ilandschrift, inZeilschri/'t ////• /'si/chia-
808 ANALYSES
trie, 1892), en ceci suiiout que rcnfaiit, d'aprrs Raldwin, possède les
sensations de forme des lettres dues primitivenKMit à la vision seule,
tandis que Goldscheider laisse de côté les sensations Tisuelles de
forme acquises indépendamment des mouvements de la main.
Le chapitre vi traite de la suggestion. I^'auteur définit la sucsestion
au point de vue de la conscience, la tendance d'un état sensoriel ou
idéal à être suivi par un état moteur. Le fait fondamental de toute
suggestion, c'est la disparition des inhibitions de mouvement pro-
duite par une certaine condition de conscience qu'on peut appeler
suggestibilité. Dans cet état, la conscience donne à toutes les présen-
tations la même valeur et répond à toutes, chacune à son tour, éga-
lement et avec facilité.
Chez l'enfant d'un mois ou six semaines, la conscience est pour
ainsi dire absente ; il n'y a pas d'idées dans le sens d'images mémo-
rielles distinctes ; la vie psychique est purement affective. Cepen-
dant, même à cette période, l'enfant est accessible à la suggestion
du sommeil (tin du premier mois). Les faits de suggestion physiolo-
gique chez de très jeunes enfants ont surtout été étudiés par Lii'-
beault.
On peut distinguer les stades suivants dans la luarciie progrc'ssive
des phénomènes de suggestion chez reniant :
1" Suggestion physiologique. — Tendance iVun n'tlexe nu d'un
processus automatique secondaire à s'associer ù des processus de
stimulation physiologiques et vaguement sensoriels et à être influen-
cés ijar eux. Le cas le ]ilus franc en est poul-ètre dans la dispari-
tion des instincts quand ils ne sont plus adaptés aux besoins diî
l'individu.
2° Suggestion sensori-motn'ce et idco-motrice. — Tendance de fout(^s
les réactions nerveuses à s'adapter aux stimulations nouvelles, sen-
sorielles et idéales, de façon à répondre plus promptement à la répé-
tition ou à la continuation de ces stimulations.
3" Suggestion délibérative. — Tendance de processus sensoriels,
différents à se fondre en un état de conscience simple avec une
réaction motrice simple, d'après les principes de la sommation ner-
veuse et de l'arrêt.
4° Suggestion imitative. — Tendance d'un processus sensoriel ou
idéal à se maintenir par une adaptation des décharges nerveuses île
façon qu'elles se reproduisent par suite de stimulations nouv(dles
du même genre.
L'auteur passe ensuite en revue les faits de suggestion sub-cons-
ciente chez l'adulte (par exemple riniluence des sons subjectifs sur
les rêves, etc.), les phénomènes de suggestion inhibilrice (action in-
liibitrice de la douleur, contrôle des mouvements, timidité), la sug-
gestion hynoptique.
En résumé, la suggestion peut être considérée comme un princijie-
de dynamogenèse en ce sens que l'action suit le stimulus. Mais-
PSYCHOLOGIE DES ENFANTS 809
quand on se demande à quelle ?orle d'aclion on a affaire, on voil (|u'il
y a deux choses possibles, ou nno lialiilude, ou une accommodation.
Pourquoi l'une plutôt que Taulre? C'est là une question qui rentre
dans la théorie du développement organique, étudiée dans les cha-
pitres suivants.
Le chapitre vu Irailc de la théorie du développement et en premier
lieu de l'adaptation organique en généial.
La question qui se pose maintenant est celle-ci : Comment dans la
fonction d'un organisme, se produit le fait remarquable de la sélec-
tion ? Comment un organisme choisit-il les choses qui lui convien-
nent pour s'y accommoder et repousse-l-il colles (jui ne lui con-
viennent pas ? Ceci en somme revient à dire : Comment un orga-
nisme ac([uierl-il un mouvement d'adaptation nouveati? Ces nouvelles
accommodations peuvent être acquises par un organismi^ de diffé-
rentes façons :
1» La sélection naturelle peut agir directement sur les organismes
individuels. Si nous supposons d'abord que les organismes sont
capables de réagir aux stimulations par des mouvements de hasard,
nous pouvons admettre que ces slimulalions auxquelles ils réagissent
sont les unes favorables, les autres nuisibles. Si les slimulalions
favorables reviennent plus fréquemment à certains organismes qu'à
d'autres, la survivance des premiers sera favorisée; ils auront été
l'objet d'une sélection ; c'est en somme comme si des organismes de
caractère neutre avaient appris, chacun jinur soi, à ne réagir qu'à
certaines stimulations favorables. C'est la doclrino l)iologi([ue cmi-
rante.
Mais on peut faire un pas de plus, l'armi les formes organiques,
il peut y en avoir qui réagissent de façon à rester en contact avec
le sliniuliis l't à réagir à ce slimulus |iar une séiic (h; réaclions
successives, compaiables par exemple aux mouvemenis lytlnniques
de la respiration. La répélilion ou la persistance de ces slimula-
lions et des réactions qu'idles [iroduisent sera ulih' on nuisible, mais,
dans ce dernier cas, aboutira à la disparition de l'organisme tandis,
que la survivance n'aura lieu i|ue |i(iiii- les (n:,'aiiisiiies placés dans
le premier cas. Il en résultera donc (|Ut! tous les organismes vivants
auront poiu' propriété générale de réagir de façon à conserver leurs,
propres stimulations vitales. C'est al)solnmeMt comme si les orga-
nismes originairement neutres avaient appris à inanii'e.sler ce genre
particulier de réactions.
Dans ce premier stade de la sélection nalurelii' la conscience n'a
pas à intervenir et par conséquent nous n'avons lien à en tirer
pour l'origine de la conscience.
2° La sélection naturelle peut produire des réaclions différente»
dans le même organisme. C'est ce qu'on peut appeler la sélection
organique. Les réactions déjà existantes dans un organisme sont
moditiées par rinlluencc de nouvelles conditions, d<; sorte que ces
810
ANALYSES
réactions modifiées servent à maintenir les slimulalions favorables
(lu nouveau milieu en éliminant les stimulalions nuisibles. Comment
les organismes individuels acquièrent-ils ces nouvelles adaplations
dans le cours de leur existence ? C'est le premier iirnbjt-nie à
résoudre.
Comment se fait l'ajuslenient fonctionnel des processus vitaux
d'un organisme aux variations de ses propres réactions motrices, de
telle sorte que dans la masse enlièro de ces léactions les réactions
utiles sont seules clioisies 1
Ce processus est, pour le dire d'avance, Vanalogue orr/anique ou
névrolorjique de la conscience du plaisir et de la douleur {hedonic
consciousness). Les stimulai idus qui soni conservées ou répétées
sont celles qui produisent du plaisir, celles qui sont évilées son!
celles qui causent de la douleur.
L'auteur rappelle à ce point de vue les tiiéories de Bain et de
Meynert sur le plaisir et la douleur. Mais à la formule de la sélection
organique il a joule le iaiiiri[)e auxiliaire de l'excès. Celle- loi de l'excès
n est pas autre cbose que l'application dans un oiganisme donné du
principe par lequel la sélection naturelle des organismes particuliers
est assurée, ju'incipe connu sous le nom de surproduction.
C'est ce principe t[u"il étudiera plus loin dans les Irois modes de
l'adaptation, iuiilation organique, imitation conscieiile et volilioii.
IMais aujiaravaut il examine; les théories biologiques C(Uiiaiites de
l'adaptation, théories de Darwin, Bain et ."Spencer.
Il discute les trois postulats de lîain : 1° la sponlanéilé des mouve-
ments ; 2" une cerlaiue loue cpii puisse lixer et conlirmer une
l'o'incidence forluile heureuse; 3° l'adhésion contiguë entre les deux
états, l'état de sentiment (M. l'élat musculaire approprié i, et montre
les lacunes et les imperfections de cette théorit; ainsi (juc de celle
de Spencer.
Si on laisse d(! côlé provisoirement la iiueslion de la spontanéité,
le postulat, que W plaisir dû à mi mouvement heureux est l'agent
de l'adaptation, n'a de valeur que si on admet la régularité et la
constance des actions ambiantes de slimulalion.
Ce n'est pas là la seule olijeeliuu à faire à la Ihéorie de Spencer
et Bain. Mais, ne pouvant suivre l'auleur dans celle discussion
purement théorique, je nn^ contenterai de résumer les différences
l'ondamentalcs qui existent entre la théorie de l'auteur et celle de
Spencer et Bain. Ces différences concernent la première adaptation
organique.
Pour Baldwin, la première adaptation est phylogenétîque; c'est
une variation. Par suite de la sélection naturelle chez les orga-
nismes, ceux-là survivent qui répondent par une expansion à cer-
taines stimulations (aliments, oxygène, etc.) et par une contraction
(l) Voir Bain: Les émolions cl la volonté, trad. fr.. p. 307.
PSYCHOLOGIE DES ENFANTS 811
à certaines autres stimulations ; cette expansion iirodiiil une
augmentation d'énergie centrale qui est la l)ase organique df la
conscience du plaisir ; de là des mouvements excessifs variés
(manifestations diverses de suractivité motrice) parmi lesquels
se fait par association une sélection d(*s adaptations ontogéné-
tiques des organismes individuels, ces mouvements eux-mêmes
tendent à perpétuer les stimulations qui procurent du plaisir ; ces
stimulations excitent à leur tour les processus moteurs et ainsi de
suite.
Dans la théorie courante de Spencer-Bain au conti'aire la pre-
mière adaptation organique est onlogenétique, c'est-à-dire due à des
adaptations accidentelles qui se produisent dans les mouvements
spontanés ou diffus d'un organisme simple ; ces adaptations déter-
minant une augmentation d'énergie centrale qui est la base orga-
nique de la conscience du plaisir et qui à son tour ahoulit à des
mouvements excessifs sur lesquels la sélection forluite opère de
nouveau, ces adaptations étant lixées et deven<iut iiermaneiites par
l'association entre l'idée des mouvements qui procurent le plaisir et
les souvenirs du plaisir qu'ils ont procuré.
Après quelques considérations générales sur le développement et
l'hérédité, l'auteur aborde le problème de l'origine de la conscience.
On a vu que la base physique de la conscience du plaisir — le fait
d'une augmentation d'énergie vitale centrale se l'ésolvant en mouve-
ments d'expansion — est une variation dans les organismes primitifs,
variation d'origine lihylogénétique plutôt ({u'une acquisition due à
une adaptation dans la vie des organismes particuliers. La Ijifurca-
lion originelle des mouvements, expansion et rétraction, est un
produit piiylogenétique, une variation dans les formes contractiles
les plus primitives.
On peut cependant, comme Spencer et Bain, avoir une autre opi-
\non. Dans ce dernier cas, la conscience du plaisir et de la douleur
apparaît à un moment donné de la vie de la créature ; à (juid moment
Juste ? Spencer ne fournit pas de réponse précise à cette question.
Mais si nous admettons que le tissu contractile unifornif n'a pas la
conscience tant que ne s'est pas produite l'augmentai ion d'énergie
des processus qui corresponde au plaisir, et que celte augmentation
d'énergie est due aux adaptations accidentelles de mouvement, la
conscience ap[iaKiîtra alors à la suite de ces adaptations.
Mais nous avons vu que ces adaptations de mouvement n'ont de
t-ignifîcalion pour l'organisme qu'autan! qu'elles délerniinent cer-
taines stimulations vitah.'S. Donc après tout l'apparition de la cons-
cience semblerait due à l'influence de ces stimulations vitales et
comme ces stimulations vitales sont devenues des hahitudes (jm-
l'hérédité a transmises aux organismes particuliers et qui consli-
tuent la vie elle-même, la conscience devicMit en réalité- un [iroduil
piiylogénétique.
812 ANALYSES
A cette manière de voir s'attachent des diflicullés et des avan-
tages.
Les difficultés, Romanes les a vues et les discute dans sou livre sur
révolution niculalc des animaux. En réalili'', le problème se réduit à
ceci: faut-il admettre iirimitivement une vie sans conscience et seu-
lement plus tard une vie avec conscience, ou bien la conscience est-
elle liée à la vie elle-même et n'apparaissent-elles pas toutes les deux
en même temps? Pour lui, c'est à cette deiniière o]îinioii i\n"il s'ar-
rête.
En résumé deux grands faits dominent le développement, Tlmbi-
lude et l'accommodation.
L'oi'ganisme tend à répéter ce qu'il a dé'jà fait, et ce fait de répéti-
tion est admis comme la pieire angulaire de toutes les théories. Sous
sa forme ordinaire ce piincipe se formvile ainsi : l'habitude est la
tendance de l'organisme à répéter ses'propres mouvements. L'auteur
a modifié cette formule en se basant sur ce fait ([ue tous les nu)uve-
ments ne sont pas ainsi répétés, mais seulement ceux qui causent
du plaisir et sont favorables au maintien de l'existence; ù ce point
de vue l'habilude est la tendance d'un organisme à rester en contact,
par le moyen du mouvement, avec les stimulations favorables ou
plus brièvement, ;'i assurer et à maintenir ses stimulations vitales.
Le second principe est celui de l'adaptation lUi dr l'accommodation
qui peut se résumer ainsi : un organisme s'accommode ou apprend
de nouvelles adaptations, sim]ilement en exereant les mouvements
cju'il a déjà faits, autrement dit ses habitudes, avec un excès ou un
redoublement d'intensité; l'accommodation dans cliaqne cas est
simplement le résultat et le fruit de l'iialMludi' niènu' (pii a été
exercée.
Le chapitre viii est cousacn'- à Vorirjinc des atliludcs et des expres-
sions motrices.
L'expression n'est qu'une fonction de l'i'voiutiou organi(iue et la
science de l'expression une luauclie de la niorpliolo^ie.
Il classe les émotions sous (huix groupes, C(;lles qui l'clèvent de
l'instinct seul, comm(> celles (ju'éprouve par exemple un eiil'aut d'un
an, et celles rpii rtdèvent des idées.
Il y a deux ([uestious à résoudre. Pourquoi les ('•motions différentes
ont-elles des voies particulières d'expressioii ou de décliarges
motrices, et pourquoi les deux sortes d'émotions, celles des instincts
et celles des idées, ont-elles les mêmes modes d'exitression ?
Trois principes doivent être invoqués pour une théorie génétique
des émotions, l'iiabitude, l'accommodation et la dynamogenèse.
1° La dynamogenèse exprime simplement le fait d'une connexion
régulière entre les modes sensoriels et moteurs de toutes les réac-
tions vivantes. Ce principe a toujours été en action et est toujours
en action dans toutes nos réactions. Le professeur James a montré
que l'esprit u'a jamais deux fois le même contenu; mais le corré-
PSYCHOLOGIE DES ENFANTS 813
latif est vrai aussi que nous n'agissons jamais deux fois do la même
faeon. Donc dans tonte action de chaque organisme, comme dans
tout contenu mental, se présentent deux éléments, un élément
ancien dû à Tliabitude et un élément nouveau, un x, qui se surajoute
à Fane i en.
Ce sont ces nouveaux éléments qui déterminent dans toute émo-
tion, comme dans tout état de conscience oii existent ces nouveaux
éléments, l'apparition d'une teinte de plaisir ou de douleur et ce
sont eux aussi qui dans toutes les actions produites sous les mêmes
conditions, entrent en jeu dans les mouvements dits expressifs de
cet état de conscience.
2° Il est évident maintenant (ju'une réaction motrice quelconque
a deux antécédents de stimulation, d'une part une influence due à
l'habitude et d'antre part une inlluence due aux éléments nouveaux
de stimulation. Or, nous savons que l'habitude tend à rendi^e les
réactions automatiques et réflexes et à en faire disparaître la cons-
cience. l)onc les réactions les plus dominées par l'habitude, les plus
anciennement héritées, les plus instinctives sont celles qui s'ac-
compagnent de la plus faible somme de conscience. Au contraire la
conscience est à son maximum (juand l'habilude est à son minimum
et quand des éléments nouveaux interviennent.
Et cependant ce sont précisément ces réactions expressives, qui
sont les plus instinctives et réflexes (peur, joie, etc.), qui entraînent
à leur suite ce maximum de conscience que nous appelons émotion.
Comment cela se fait-il"? Il n'y a pourtant pas là d'éléments nou-
veaux et on est obligé d'en venir à la théorie de Lange et James, que
l'émotion est consécutive à l'expression pour toutes les formes ins-
tinctives de l'émotion.
3° On a vu que l'accommodation agit de deux façons : 1° elle
exprime le mode de chaque nouvelle adaptation sous l'action de la
ilynamogenèse ; 2" elle assure, par l'action de l'association, la répé-
tition et la iiermanence des mouvements les jilus favorables et les
lixe en habitudes <h' l'organisme (réactions ulilr-s, réflexes, ins-
tincts, etc.).
Chaqut; élément nouveau (expérience ou mouvement), cluuiuc
adaptation nouvelle réveille une grande masse d'éléments anciens
associés qui font irruption dans la conscience, s'ajoufant à la valeur
intrinsèque motrice et émotioniielhî de cet élément nouveau. Les
sensations organi(jues ordinairement disparues }»ar suite de l'haln-
tude reparaissent dans la conscience comme des vagues soulev('M\s;
c'est ce qui explique ce (ju'oii a appelé- l'cxpicssion des é'inolinDs.
Quels sont maintenant les rapports de l'attention avec l'émotion?
Chez les oi'ganismes supéiieurs, chez l'homme par exemple, c'est
surtout l'espiit (et par cons('quent la cojjscience) qui est devenu
l'agent le jtlus important d'adaptation, et l'altenlion est elle-même
l'instrument premier de l'esprit r( l'agent esscnlicl de l'adaptation.
814 ANALYSES
Si ratteiilion n'est quL- lu forme Iiabituelle de raLCuiuinodatioii
mentale, nous devons y relronver les facteurs que nous avons déjà
trouvés dans les émotions d'oidre inférieur, mais à un niveau plus
élevé, niveau où le stimulus est une image mentale, un souvenir,
une idée.
On y trouve d'abord une augmentation de la dynamogenèse se
traduisant en plaisir (idéal) ou en peine, ensuite des éléments quali-
tatifs provenant des mouvements habituels de l'attention (contrac-
tions des muscles frontaux, etc.), enfin des manifestations orga-
niques et motrices, correspondant au caractèi'e même de l'idée ou
de l'objet sur lequel se porte l'attention (attention plus spécialement
visuelle pour les idées de vision, auditive pour les idées d'audi-
tion, etc.). Ces raffinements spécialisés de l'attention se groupent
en habitudes relativement indépendantes et sont le point de départ
des états émotionnels les plus élevés (sentiments esthétiques,
éthiques, etc.).
Seulement jilus les émotions sont élevées, plus elles se dégagent
de la résonnance des réflexes instinctifs et des éléments émotion-
nels dus aux habitudes organiques. En résumé, on trouve dans l'émo-
tion : le plaisir et la peine de l'accommodai iiui, plus le ]ilaisir et la
peine de l'habitude, plus un certain nombre de qualités apportées à
la conscience par les processus plus ou moins habituels des milscles,
des organes, des glandes, qui se produisent au même moment.
Quant à l'expression des émotions, elle consiste en ceci : certains
processus plus ou moins habituels qui se passentdans l'organisme, plus
les éléiru'Uts de coulraction musculaire et de mouvements organiques
qui sont dus au plaisir et à la peine présente. C'est ce qu'il appelle
un peu plus loin l'expression hédoniqnc, qui traduit le plaisir ou la
douleur de l'organisme. Comment exi)li(iuer maintenant les expres-
sions particulières qui s'atlaclient aux états émotionnels particuliers
et comment s'est dév(dop|)i'(' cbacunc de ces expressions organiciues
et musculaires ".Ml faut remar(iut'r (|ui' ces états particuliers, associés
aux émotions telles que la crainte, clc, ne se sont pas développés
comme l'expression di^ quebiuc' chose, mais ne sont que des coordi-
naliniis et {[('■r< associiilions de r('ai'li<ins qui piiniilivcMicul ont été
utiles à. l'organisme pour maintcuir et augmenter sa vilalité. Toutes
ces expressions diverses d'émotions ont été originairement des
réactions utiles et des adaptations spéciales. Ce ne sont (jue des cas
parliculiers de la théorie de l'adaplalion.
Ici se place une critique des opinions de Darwin sur l'expression
des émotions et spécialem(!nt de son principe de l'anlillièse. Tîaldwin
fait rentrer ces cas de mouvements et d'attitiules anti(bé(i([ues dans
sa théorie de l'expression hédonique. C'est sinq)hMnent une conse-
il uence de la tendance originelle des formes organiques à réagir de
deux façons opposées aux stimulations (|ui produisent les deux
sortes d'effets vitaux originels correspoudani au plaisir et à la don-
PSYCHOLOGIE DES ENFANTS 815
leur. C'est là en réalité le mode di' formai ion des mouvements et
des muscles antagonistes, car les muscles ne sont autre chose que
des habitudes et des combinaisons spéciales de mouvomenls dis-
posés soit pour maintenir, soit pour écarter des stimulations.
II discute ensuite le principe de l'action directe du système ner-
veux de Darwin et montre comment il s'accorde avec sa théorie.
Le chapitre ix est consacré à ce que l'auteur appelle Yimilation
organique.
L'imitation est une réaction sensori-motiire ordinaire qui pré-
sente seulement celle particularité ditTérentiellr (|u'('He imilc linéique
chose. C'est une activité circulaire suivant l'expression do rauh'm-,
c'est-à-dire qu'on y trouve : un état cérébral, ài\ à certaines condi-
tions de stimulation, une i^éaction motrice qui repi'oduit ou retient
ces conditions de stimulation, le retour du même état cérébral dû
aux mêmes conditions de stimulation, et ainsi de suite. Les ques-
tions à résoudre sont les suivantes : Quelle sera dans la théorie psy-
ciio-physique la place de cet ordre particulier de réactions? Quelle
est sa valeur dans la conscience et dans le développement mental ?
Gomment apparaît-il "?
Le cerveau est un organe qui répète et l'imitation, en prenant le
mot dans son sens le plus large, entre en jeu dès qu'un organisme
vivant est en rapport avec le monde extérieur.
La place de l'imitation dans le développement de la vie peut se
résoudre de deux façons : 1° en examinant les imitations actuelles
des créatures vivantes; 2'^ en déduisant l'imitation de la théorie
névrologique et psychologique de la ré-pétition.
L'auteur prend d'abord la question au point de vue névroIogi(iue
et après avoir rappelé les travaux de Verworn et PfcfTer, arrive aux
conclusions suivantes.
Partout où il y a vie, il y a irritabilité, propriété nerveuse. Partout
où il y a vie, il y a sélection si)ontanée des slinndations et des
adaptations motrices nécessaires à son maintien, et perpétuation des
stimulations favorables. Les phénomènes do sélection (do réaction
sélective) ne se passent pas autrement chez les êtres unicelhdaires
que chez les organismes sujiéi leurs, l'accommodation organiiiue et
l'accommodation mentale sont une seule et même chose.
L'adaptation de tous les organismes a été assurée par lenr ten-
dance à agir do faoon à reproduire ou à inainlcnir les stimulations
qui sont favorables. C'est de cette [façon seulement (jue de nouvelles
réactions peuvent être rendues favorables et répétées, et fixées en
habitudes. Mais cette réaction qui tend à assurer la continuation de
sa propre stimulation, est exactement le processus nerveux do limi-
talion consciente. Aussi i)out-on dire que toute adaptation orga-
nique en pré.sence d'un changonioni «laiis le milieu o-(, un jihéno-
mène cVirnilation organique ou biologique.
De nombreuses critiques ont été adressées à l'auteur au sujet de
816 ANALYSES
l'emploi de ce mot imitation pour cet ordre de phénomènes, cri-
tiques qu'il clierclie à réfuter dans une note. Comme il le dit lui-
même, il Ta employé faute de mieux, en l'absence d'un terme con-
venable. Il y a peut-être là cependant aulre chose (ju'une simple
question de terminologie.
L'auteur étudie ensuite la base physique de la mémoire et de l'asso-
ciation.
La mémoire au point de vue physiologique est la réintégration,
dans les centres nerveux, des processus mis en jeu 'originairement
dans la perceplion, la sensation, etc. Ces processus, une fois en
train, tendent à se résoudre en mouvement, quelque ait été leur
mode de production. Donc que ce soit la sensation elle-même ou la
mémoire de la sensation, la tendance au mouvement sera exacte-
ment la même.
Dans la mémoire la chose remémorée est absente ; mais les
résultats sont absolument les mêmes que si le processus cérébral
avait son poini de départ dans un slimulus extérieur. L'organisme
tend à rester en contact avec le slinndus s'il est favorable, à s'en
écarter s'il lui est nuisible.
Les souvenirs sont des copies du monde extérieur (jut» nous casons
dans la conscience et (jui nous servent de modèles jiour rimilalion.
Gha(]ue acte que j'accomplis est ou bien l'imitation de quelque
chose que je trouve devant moi au moment actuel ou la reproduction
de quelque chose dont les éléments sont dans ma mémoire et ont
été ]uis dans le monde extérieur.
Ces copies for imitation s'enchaînent les unes aux aulres et il
sufllt que l'une d'elles soit mise en train par un stimulus extérieur
pour que toutes les autres entrent en jeu à leur tour et que les
réactions qu'elles peuvent produire puissent se réaliser. C'est ainsi
([ue se forment ces habitudes de plus en jdus variées et complexes
de l'organisme ([ui le rendent de moins en moins dépendant du
monde extérieur.
Les deux factcnas essentiels de la théorie névrologi(iut; ont déjà
été indiqués par Tarde et Sighele. C'est d'une i)art tjue les répéti-
tions sont assurées par l'imitation, idée s|iécidaliv(; basée sur ce
simple fait que les animaux et l'homme imitent consciemment,
d'autre part que la mémoir(; est (•onsid('"r('e comme un moyen de
jier|iéluer les elfcis de la lépélilioii dans le dé'veloppement menlal,
et de les rendn; [)lus complexes. Mais il faut ajouter un troisième
facteur fondamental, c'est que l'imitation elle-même a son origine
dans les processus vitaux siuqdes d'un organisme par la rencontre,
parmi les « variations s[tont;uiées de la vie », de créatures dont les
dégagements vitaux [vital discharges) sont des mouvements du type
« circulaire » qui tendent directement à assurer la répétition ou le
maintien de certaines stimulations favorables.
Ici se place une nouvelle phase dans l'histoire de la race. A
PSYCUOLOGIE DES ENFANTS 817
mesure que l'IiabiLude conlinue à agir, 1 "accommodulion prend une
nouvelle forme et le principe d'association pixMid toute sa valeur
dans le développement nerveux et mental.
L "associalion nerveuse a deux effets. En premier lieu elle fait là
ce qui a été fait dans les organismes inférieurs ; elle lie l'un à l'aulrc
le sens de la stimulation et le sens du mouvement, mais elle fait plus
encore ; elle réunit ensemble des réactions différentes et en fait un
tout, de sorte que, un stimulus étant donné, il se produit non seu-
lement la réaction spéciale à ce stimulus, mais par son association
avec un autre stimulus ou avec son souvenir, une autre réaction et
ainsi de suite. Le cerveau devient ainsi un ensemble de processus
sensoriels et moteurs réunis par des « libres d'association ».
Les fonctions volontaires les plus complexes dérivent des fonctions
les plus simples et les plus anciennes par ce principe de l'association
organique. Les cooixlinalions les plus infimes entrent comme élé-
ments nécessaires dans les coordinations les plus élevées.
Un fait à noter, c'est que, des deux côtés de l'appareil nerveux,
le sensitif et le moteur, c'est le moteur qui est le plus fixe. Le
moteur représente les habitudes, les réponses, les réactions de l'or-
ganisme dont les différents sens et les processus psychiques plus
élevés se servent en commun. Le côté sensitif représente les
variables, le relatif, les modifications qui mettent en jeu l'accommo-
dation. L'habitude motrice mesure l'unité nerveuse et mentale.
Un autre fait de grande importance résulte de l'augmentation de
complexité des associations dans le cerveau. On sait quelle lumière
la pathologie apporte sur les connexions directes qui se forment
entre des régions céi'ébrales différentes, connexions qui n'existaient
pas primitivement. Exemple : l'acquisition du langage.
Les trois chapitres suivants sont consacrés à Viniilalion consciente.
L'auteur rappelle d'abord certains faits généraux. Psychologique-
ment, riiabitude veut dire défaut de surveillance, diffusion de l'at-
tention, disparition de la conscience; l'accommodation veut dire
reviviscence de la conscience, concentration de l'attention, contrôle
de la volonté, en un mot état mental ([ui a son expi'ession la plus
générale dans ce que nous appelons intérêt. L'iialiitiidc et l'intérêt
constituent les pôles psychologiques correspondants à ce qu'il y a
de plus infime et à ce qu'il y a de plus élevé dans les activités du
système nerveux.
La plupart des psychologues ont négligé la question de rimilalion.
Après quelques citations de Sully {The Jlwnan Minci) il passe en
revue les quatre faits principaux de l'imitation :
1° L'apparition de l'imitatiou consciente chez l'enlant a lieu au
plus tard le sixième ou le septième mois. Jusque-là il n'a que des
habitudes héréditaii^es ou des imitations fortuites accidentelles ;
2° L'imitation est souvent une simple réaction scnsori-molrice sans
but conscient, autrement dit involontaire;
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. 52
818 ANALYSES
3" Sauf quelques exceptions, l'imitation est plus développée chez
Tenfant que chez l'animal ;
4° La tendance à l'imitation peut entrer en conflit avec les ensei-
gnements du plaisir et de la douleur. Un enfant peut se livrer à des
actes d'imitation qui déterminent de la douleur et y persister. La
suggestion ou l'habitude peut l'emporter en dépit de la douleur qui
doit en être la conséquence. C'est ainsi de même que l'enfant apprend
à abandonner un plaisir immédiat pour un plaisir futur.
Les réactions qui étaient primitivement de simples suggestions
imitatives finissent par perdre toute apparence de leur véritable
origine. Les chainons d'images {copy-links) qui, primitivement,
étaient distinctement présents comme objets extérieurs et ensuite
présents presque aussi distinctement comme souvenirs internes,
peuvent disparaître complètement dans les progrès rapides de la
conscience. De nouvelles connexions s'établissent dans le réseau de
Tassociation et de nouvelles décharges motrices sont dégagées qui
n'étaient possibles primitivement que par l'imitation et lui devaient
leur existence.
Si ce principe est susceptible d'une application universelle nous
pouvons dire que toute action intelligente a pour point de départ
des images imitatives dont l'action en question tend à maintenir ou
à supprimer la présence.
Les plus hautes fonctions mentales ne représentent qu'un progrès
dans l'accommodation. La mémoire et Fassociation font tardivement
exactement la même chose pour l'organisme que ce qu'ont fait de
bonne heure la perception, la sensation, la coniraclilité. L'associa-
tion nous permet de réagir aux faits éloignés, mais alliés à des faits
présents, La mémoire nous permet de réagir aux faits futurs comme
s'ils étaient présents et de conserver les leçons du passé. La percep-
tion nous permet de mettre dans leur situation propre les faits pré-
sents et de réagir ainsi à ces faits en pleine connaissance de cause.
La sensation nous permet de réagir aux faits d'après leur valeur
immédiate pour l'organisme. La contractililé, se manifestant dans
« l'imifalion oiganique »,est la forme originelle de réaction adaptive
qui agit dans tout le processus du développement.
Dans toutes ces étapes de l'accommodation la méthode reste la
même.
L'auteur étudie ensuite V assimilation et la reconnaissance.
L'assimilation est la base nécessaire des i)remières associations.
Elle unit le contenu mental ancien au contenu mental nouveau et
les identifie tous deux. Cette question de l'assimilation a été étudiée
par Wundt dans ses Philosophische Studien ((. VII), et l'auteur en
montre toute l'importance. Celle importance devient plus évidente
encore quand on examine plus en diMail la nature des processus mo-
teurs qui interviennent dans l'assimilation et siiécialement les pro-
cessus moteurs qui, comme on l'a vu, entrent enji'u dans l'attention.
PSYCIIOLOGIli: DES ENFANTS 819
l.;i recouiiaissance comprend en gi'iiéral les élémenls du contenu
mental unis par le processus d'assimilation et ainsi repose sur l'at-
fenlion considérée comme un phénomène d'habilude motrice. On
peut distinguer la reconnaissance relative ou reconnaissance par
un co".f(lcient objectif [HÔffding's Behanntheilsqualitat) et la recon-
naissance absolue comme par exemple dans la reconnaissance de
sons simples ou de couleurs simples.
La reconnaissance présente deux aspects, un aspect objectif, qui
correspond à la complexité du contenu menlal (qualités de l'objet
réunies par l'association et l'assimilation) et un aspect subjectif,
élément plus uniforme et représenté par la facililé plus ou moins
grande avec laquelle l';iltention rattache le conlenu menlal nouveau
à l'ancien, ou autrement dit par les sensations luoirices d'adaptation
qui coirespondent aux degrés différents de l'effort d'attention.
Au point de vue pbylogenétique il n'y a, ealre la mémoire et la
reconnaissance, qu'une difTérence de degré. La mémoire, fonction
purement organique, quand il m^ s'y joint pas la reconnaissance, est
uniquement un premier degré d'aSsocialion entre deux aires sensi-
tives ou une aire sensilive et une aire de mouvement. La réaclion
représente une accommodation du premier degré. Dans la reconnais-
sance nous trouvons l'organisation motrice représenlée par l'alten-
lion et le développement complexe de l'écorce cérébrale. Les réac-
tions représentent loules les adaplalions de l'induslrie et de l'art et
toutes les adaplalions de la volonlé aux exigences de la vie.
Si l'on passe à la sphère de la conception et de la pensée, un
large horizon s'ouvr(; à la loi de l'imitation. Le principe de l'identité
et la tendance de l'esprit à assimiler les matériaux nouveaux aux
anciennes images, se retrouve génétiquement dans le simple fait
que les répétitions sont agréables à l'enfant. Dire que l'identilé est
nécessaii'e à la ]>ensée, ce n'est pas autre chose qu'exprimer par une
généralisation la méthode du dé'veloppemenl menlal par réaclion
imilative. L'idenlité est l'expression formelle ou logique du principe
de l'habitude.
Le principe de la raison suftisanle prête à unt^ expression géné-
li([ue correspondante au jinini de; vue d(,' l'accommodation. Il
représente l'énoncé formel ou logique du fait de l'accommodalion.
La raison suffisante, dans l'esprit de l'cuifant, esl une allilude, \ine
croyance, quel(|ue chose dans son expérience (|ui leml à modifier le
cours de ses réactions habiliieili's d'une faeoii (]ii"ii puisse accepter.
La conception grandit peu à ])eu et procède ]);n- identités et rai-
sons suffisantes, et ceci nous mène à une nouvelle vue sur la genèse
des notions générales. L'enfant commence par ce qui est général.
Tous les hommes sont pour lui « papa ». Ceci veut dire en réalité
que ses altitudes motrices sont en plus petit nombre que ses expé-
riences réceptives.
Cette vue peut donner une réponse à la question ordinaire : Com-
820 ANALYSES
ment le coiicepl naîl-il du percept ? Mais dire que le concept naît
tout à fait du percept n'est (pie partiellement vrai, en n'alité les
deux paraissent en même lemiis, par le même mouvement mental,
savoir rappercepliun ou la synthèse motrice. Ce point mérite d'être
examiné de plus près chez l'enfant.
Soit une présentation simple, A, dans la conscience de l'enfant, et
soit A disparu. Deux voies s'ouvrent à l'enfant, le passé et le futur.
Il se souvient et il attend. Comme souvenir, son exp.érieuce, A^ est
particularisée, c'est une sensation et, après un certain temps, un
pncept. Mais il y a autre chose qu'un simple état réceptif. Il réagit
à A et se tient prêt à réagir de nouveau. Cette aptitude à réagir est
une expectalion, ime tendance à une réaction délinie. Son souvenir
devient un concept. Ce qui doit arriver est cet A pour lequel il a
di'jà réagi. Il y a là un fait général, l'expérience passée est prise
comme repi-ésentant l'expérience future, fait général qu'on peut
appeler concept du premier degré. Les choses />n'ses en général n'ont
pour mesure que des expériences particulièies ; l'enfant est sous le
règne de l'habitude ou de Fidentité.
Mais à mesure que les expériences particulières augmentent, elles
se limitent l'une l'autre à la fois dans le souvenir et dans l'expecta-
tion. Et un nouveau pas est fait dans la généralisation. Le rouge par
exemple se particularise vis-à-vis du vert et ce rouge et ce vert
peuvent se présenter sous la figure de cercles, de carrés, etc.,
mais (luelle que soit la ligure sous laquelle ce rouge se présente,
c'est toujours du rouge. Celle paiiicularisalion des expériences
l'une par rapport à l'autre est un fait de perception et celte généra-
lisation d'une expérience est un fait de conception qui donne le
concept général de second degré.
C'est alors que l'expérience prend un autre aspect psycho-
logique. Non seulement [les nouvelles expériences s'ajoutent aux
anciennes, mais ces anciennes elles-mêmes sont soumises à une
revision. Certaines qualités, comme le concept coulfur ])ar exemple,
sont ahsti-ailcs des expériences particulières. Mais la vraie abstrac-
tion n'est ])as un choix; c'est plutôt une usure, une érosion. C'est
ainsi qu'on obtient le concept général du troisième degré. Elle repré-
sente ce qui est essentiel dans une expérience, ce qui est attesté non
seulement par son retour constaiii au milieu ih's détails variables
et changeants, mais encore par la fixité des réactions qu'il ap]ielle.
L'auteur donne à ce processus, considéré comme fonction men-
tale, le nom d'apperception et pour lui le percept et le concept sont
le résultat de la fonction apperceptive de la conscience. A ce point de
vue ils deviennent de simples aspects différents d'une même chose
— une synthèse d'éléments. Si on regarde eu arrière, le produit est
un événement {event), un fait particulier, un percept; si on regarde
en avant, il est représentatif d'autres événements, uu fait général»
un concept.
PSYCHOLOGIE DES ENFANTS 821
En résumé, cp qu'on appelle apperceplion es(, au point de vue
génétique, le simple fait de l'habitude modioe avec les assimilations
et les associations auxquelles elle donne lieu. L'attention est la
forme la plus raffinée et la plus subtile de Thabilude motrice, la
pensée n'est qu'un stade nouveau de l'accommodation motrice.
On voit encore pourquoi on n'a jamais pu trouver un contenu
mental, a mental piclure or coulent, pour une notion générale. Il
est évident que le « général » ou « l'abstrait » n'est pas du tout un
contenu. C'est une attitude, une expectation, une tendance motrice.
C'est la possibilité d'une réaction répondant également à un grand
nombre d'expériences particulières.
L'auteur étudie ensuite les relations de la reconnaissance avec les
notions générales. Comment un objet simple est-il reconnu comme
appartenant à la classe couverte par un concept général? Il appelle
ce mode de reconnaissance class-recognition.
Si on a égard aux éb'ments compris dans l'attention, on peut
représenter l'attention parla formule A •{- a -\- a. A représente les
mouvements organiques lîxes, habituels, compris dans tout acte
d'attention, les éléments stables du sens du moi et correspond à
l'identité personnelle.
Le troisième élément, a, correspond à la reconnaissance absolue
des objets simples, l'élément du milieu correspond aux faits de
class-recognition, aux contenus sujets à l'association et à l'assimi-
lation. Ce sont ces trois éléments additionnés qui donnent la formule
motrice de l'attention, A + a + a.
Nous trouvons aussi dans la vie affective l'action du principe de
rimitation. Ceci se voit surtout dans une classe d'émotions, les émo-
tions sympathiques. La sympathie est l'émotion imilalive par excel-
lence.
L'auteur insiste sur le rôle de l'imitation dans la genèse de l'émo-
tion et en donne un certain nombre d'exemples (développement du
sens du moi chez les enfants, développement du sens moral) pour
lesquels je ne puis, malgré l'intérêt qu'ils présentent, que renvoyer
à l'original.
Revenant maintenant à sa définition de l'imitation qui a été don-
née plus haut, définition très large et qui fait de l'imitation un
lijpe organique, il cherche à la classer en différents groupes, suivant
son degré de coin[tlc.\ili' dans le (bheloppemenl de la conscience.
En premier lieu on a ce ipTil appelle Yimilatlon biologique ou orga-
nique. Ce sont celles dans b'S(}ueIles la réaction organi(jue tend à
maintenir, à répéter, à reproduire sa propre stimulation, ([ue ce
soii'Ut la simple contractilité, la contraction musculaire ou les réac-
tions fixées par la sélection et devenues habituelles. Au point de vue
de l'innervaiion, ces imitations peuvent être appelées sous-corticales
et, en vue d'une autre classe qui sera mentionnée plus loin, sous
corticales primaires.
822
ANALYSES
Une sPcoii(l(> clnsse comprend les unïlnWon^ psychologiques, cons-
cientes ou corticales.
La troisième classe comprend les imitalions qu'il appelle plastiques
ou sous-corticales secondaires, c'est-à-dire tous les cas de réaction ou
d'allilude vis-à-vis les actes, les coutumes, les opinions des autres,
qui représenlaient primitivement les adaïUalions plus uu moins
conscientes dfins la race et l'individu, mais qui sont devenues peu à
peu « automatiques secondaires » et « subconscientes ». Tels sont les
faits qui ont été. étudiés par Tarde dans ses travaux'sur Timitation,
les faits de suggestibilité, etc.
Ces chapitres sur l'imitation se terminent par un parograiilie :
comment observer les imitations chez les enfants ? paragraphe qui se
compose surtout de détails et n'est guère susceptible d'analyse. Je
me contenterai d'y renvoyer le lecteur.
Le chapitre xiii traite de Vori(jine de la volition.
La première manifestation de la volition chez l'enfant se trouve
dans ses elTorls répi'tés pnur imllrr (pielque chose, et ce (ju'il imite,
son modèle, peut être : suit (juelque chose d'extérieur, p;u' exemple
les mouvemenis qu'il voit ou les bruits qu'il entend, soit t[uel(|U('
chose d'intérieur, provenant de sa mémoire, de sou imagination ou
de sa pensée.
L'analyse de la volonté révèle trois grands facteurs, trois éléments
du processus volontaire le désir, la délibération et Ve/l'ort.
Le désir se dislingue de l'impulsion par sa qualité intellectuelle,
^•pst-à-dire par ce fait (ju'il se rapporte à une présentation ou à lui
objet imaginé (pictured). Lfs im[)ulsions organiijues peuvcnl se trans-
former en (b'sirs quanti leurs t>l)jcls tMiInMil dans la conscience. Les
deux caractéristi([ues du désir sont : i" un objet imaginé suggérant
des expériences associées qu'il ne sutlit [uis à réaliser, et 2", une
réaction motrice commençante que l'objet imaginé stimuh' sans pou-
voir la réaliser.
11 est relativement facile <le ib'liMiuiner l'époque de ra|)i>arilion du
désii' cbez l'enfant. 11 faut (pie la nn-nioire >oil dt'jà iiieu développée
et lui fouinissi^ l'image nienlale bien (bMiiiie (pii s-era le noyau d'un
désir particuli(M-. Ce soiil les souvenirs Ar la vue et de l'ouïe (|ui
eulr<'iil les |ireiuiers enjeu, ensuite les souveuiis musculaires. Les
premières expressions du désii' chez renlaul se IronvenI dans les mou-
vements des mains vers les objets qu'il voit, mouvemenis (jui n'étaieni
au début que de sinqiles réactions suggestives sensori-motrices.
Le second élément de la volili(Ui est la délibération. Ce n'est en
somme (jne la sufjgeslion déiibéralive dont il a (b'jà ])arlé précé-
demnienl,mais à un niveau plus élevé. Taiulis cpu.' la suggestion déli-
bérative est analogue à l'état de contlitd'inipulsiuns d'incoordination
motrice, de caprice qu'on observe chez certains sujets pathologiques
la délibération de la volilion impli(iue Tattentiou normale et les
coordinations motrices qiù la caractérisent.
PSYCHOLOGIE DES ENFANTS 823
L'efforf,troisiit'me élément do la volition depuis le simple consente-
ment, racceptation d"uno action comme bonne ou comme réelle jus-
qu'à la manifestai ion violente du désespoir ou de la passion naît
juste après la délibération et termine le tout. Le sens de l'efTort
accompagne ou peut-être même 7iest autre chose que le passage de
la conscience à l'état de monoidéisme moteur ou de forte attention,
après les perplexités de la délibération.
Il étudie ensuite la genèse de la volition cliez l'enfant et dans la
race et illustre cette étude d'un certain nombre de schémas repré-
sentant les diagrammes de riniitation simple et de l'imitation per-
sistante», du développement ontogénétique et du développement
phylogénétique.
L'imitation persistante fournit les éléments nécessaires de la
volonté. Elle, représente un progrès sur l'imitation simple de deux
fa.;ons : 1'^ L'onfant compare le premier résultat produit (mouvement,
son), avec l'image suggestive qu'il a imitée. C'est la délibération nais-
sante. Il découvre des ditTérences entre le son qu'il a imité et le son
qu'il a produit et trouve ces différences désagréables. De là le désir.
2'^ Il essaye par ses mouvements répétés de diminuer cette difTérence,
de là l'efl'ort, et s'il y arrive, il y a là une simple question d'adapta-
lion .
En résumé la vulilion est une, adaptation nouvelle de la cr(''ulure
vivante à son milieu et elle suit la loi de l'accommodation par iinila-
liun qui est l'agent de toutes les adaptations primitives.
A l'appui de cette théorie, il invoque un certain nombre de faits.
l« Les exemples de volition dite prcimitative chez les enfants. Il
discute à ce propos les opinions de Picyer.
2° Des expériences faites sur des étudiants sur Vimîlation persis-
tante. On a les cas suivants :
a. Le sujet doit r(q»roduire d'un seul Irait de crayon ou de craie
un modèle, une ligure simple placi's devant lui. Il comi)are son dessin
au modèle et recommence jus(iu'à ce qu'il soit satisfait du résultat ;
cas avec comparaison. On note le nombre des essais.
b. Même expérience; mais les yeux sont bandés de sorte (iii'il \w
pi'ut comparer ses résultats au modèle ; cas sans comparaison.
L(; nombre relatif des essais dans chaque cas indique quantitati-
vement la tendance du sujet à continmr l'imitation et correspond à
ce ([u'on peut appelrr la (|iianiili' de stimulus de la volonté. Or dans
le cas b, le sujet est satisfait a|»rès un très petit nombre d'essais,
tandis qu'il eu faut beaucoup dans le cas a.
Si au lieu de laisser le modèle sous les yeux du sujet on W lui
enlève, de sorte que le sujet dessine la figure de nié;inoire, le nombre
(les essais tend à diminuer en raison de lalongucin- du li lups ('coulé.
(1) Oa trouvera ces schémas dans : IidenialloiuU Coiif/ross uf Expéri-
mental Psycholof/ij, 1892, p. 53 et Di.
824
ANALYSES
Il y a dans ces expériences une tcnlalive inléressante pour Télude
expérimentale de la volonté.
3" Un troisième ordre de preuves se trouve dans l'élat de l'alten-
tion chez l'enfanl dans ses mouvements volontaires.
4° Les faits pathologiques d'aboulie.
Ici se place une étude des divei'ses formes de l'aphasie faite au
point de vue de la volition.
Le tableau suivant résume les idées de Fauteur sur ce sujet :
I
ORDRE d'acquisition
' Audilion de sons
1. Suggestion \ îl""^'- dolmsanloU.rritrs.
pr6-imitalive. i *'""^- coordonnes par s.m-
' / |)le suggestion, plaisir et
\ douleur, etc
^ Reconnaissance d'olijels. .
2. Simple inii- \ Mots et sons
lation
suggestive, j Articulation imiiaifailo. . .
Chant
Compréhension tlo la parole.
j Usage des objets, elc. . .
V Coordination voloiilaire des
■i. Imitation ) ., "'""^''"'"'^"ts
persistante. \ [.'"■."'•=
I r.ciihire
f Musique
1 Interprétai ion visuelle des
\ signes cl lecture
ORDRE DE DISPARITION
? "f Surdité corticale.
Aphasie motrice.
Ataxic générale.
( Cécité objective.
' Surdité verbale.
Surdité rvthmique.
» Ataxie partielle.
( Aphasie sensorielle.
^ Agraphio sensorielle.
( Amusie motrice.
.\mnésie verbale.
Apraxie.
.\phasie amnésitiue.
.•\graphie amnésique.
.\musie amnésique.
^ ^ .\lexie.
0\slalie 3.
Djsphasic 2.
Dvslogie 1.
5" Enfin à l'appui de sa llK'oric, il invoque les faits du dévoloppe-
ment du cerveau et de TiMiibryologie comparée.
6° De même pour les phénomènes de la suggestion hypnotique.
Mais la volition chez l'enfant peut naître d'une autre façon que par
l'imitation de mouvements extérieurs, de sons, elc. ; elle peut se
développer aussi aux dépens des éléments ceniraux, souvenirs,
images, pensées. En outre l'enfant a des appétits, des instincis, des
impulsions, tendances héréditaires qui se sont produites dans le
cours du développement phylogénélique et qui font que l'enfant
n'est pas également prèl pour toutes les suggestions et que dans ses
réactions motrices il y a conflit intérieur el choix suhconscient
peut être, mais volonlaiic.
Dans le chapitre xiv, l'auteur éludie onsuile successivement la
parole intérieure, le chant intérieur, la reconnaissance de la hauteur
des sons en donnant des exemples auxquels il applique sa théorie
générale de l'assimilation.
Le chapitre xv est consacré à Vorigine de Vattcntion.
Le principe {^excès dont il a été parlé idus haut se retrouve dans
l'origine de l'attention. L'atleiilion est la fonction mentale correspon-
dant à la coordination motrice habituelle des processus de déchariie
nerveuse en excès, et raltcnlion volontaire peut être identifiée avec
PSYCnOLOGIE DES ENFANTS 825
Tine réaction molrice « excessive » dans les centres de coordination
les plus élevés.
Comment l'enfant passe-t-il, sans miracle, de la vie involontaire à
la vie volontaire "? Pour répondre à celte question, il est bon de rap-
peler quelques considérations générales.
Le problème de l'adaptation est un problème de sélection. L'atten-
tion est évidemment une fonction sélective de la conscience, et
toutes les sélections que fait la conscience lui sont dues. Théori(|ue-
ment il y a donc ime connexion entre ces deux cboses : les adapta-
lions des organismes inférieui's et les sélections de la conscience. Il
s'agit de voir si le même principe psyclio-physique préside au déve-
loppement tout entier.
L'attention est un.e sorte de phénomène moteur généralisé. Elle
entre enjeu dans l'adaptation consciente et contribue aux plaisirs de
la vie intellectuelle et émotionnelle.
11 traite ensuite des différentes formes de l'attention.
h'alleniion réflexe est une simple affaire d'association motrice,
comme la conscience d'un groupe de processus musculaires et orga-
niques, comme quand on est surpris jiar un coup de tonnerre par
exemple.
l.'atlention primaire est la forme primitive de l'attention, celle cjui
est dirigée sur les qualités des sens.
Pour étudier le développement de l'attention, il prend maintenant
comme type de fonction volontaire le mécanisme de la parole.
Pour lui, comme pour beaucoup d'autres individus, la présence ou
l'absence d'éléments de mouvement dans la conscience d'un mot
dépend beaucoup de la direction de l'altention. Si l'attention est
dirigée sur les organes vocaux, il eu s<'i)t les mouvements; si elle
l'est sur l'oreille les mots sont pensés comme sons et les sensations
musculaires disparaissent. Il y a donc deux grands types de jtarole,
le type moteur et le type sensoriel qui correspondent aux deux
modes de réaction, réaction sensitive et réaction motrice.
Il y a une relation entie le type d'un individu (moteur, vism-l,
auditif) et les mouvements et les habitudes de son attention. Or on
sait qu'une augmentation d'intensité- de la sensation tend à attirer
ratteiition et que l'attention augmente rinteiisil(' des sensations.
C'est là un de ces processus circulaires i\\ù Jouciil un si gi;iiid rôle
dans le développenif^ut du corps cl de rrs|iril. Toute augnientatiou
d'intensité de la sensation augmeiilc ré-nci gie des centres moteurs et
nous savons aussi que l'exercice de raltenlion im|ilique une grande
(juantité de processus moteurs; on comprend facilement alors com-
ment l'attention agit pour renforcer la sensation el coninieiil le ren-
forcement des sensations sert de stimulus à l'atlention. On peut
réunir ces deux faits sons un même principe qu'il ajipelle loi de Tas-
sociation sensori-motrice et (ju'il formule ainsi : tout état mental est
un complexus d'éléments moteui^s et sensitifs et toute influence ([ni
826 ANALYSES
teiul à renforcer un de ces éléments fend aussi à renforcer Taulre.
Ceci permet d'expliquer pourquoi la n'',iition motrice est en général
plus courte que la réaction sensorielle ; il a[)plique les mêmes consi-
dérations à ["interprétation des ditîérenis types visuels, auditifs,
moteurs.
Maintenant si on examine la conscience et les divers états de l'al-
teution,on voit que ratlcntion n'est pas une chose fixe, une cpianlité
constante; il en est d'elle comme de la mémoire; il ny a pas une
seule attenlion, il y en a plusieurs. En outre le contenu actuel du
sealiment de ratlenlion diffère beaucoup d'un sens à l'autre. Si l'at-
lenlion se porte spécialement sur un son, un olijei visuel, un con-
tenu mental (souvenir, etc.), le sentiment produit par l'attention
varie énormément. Dans tous ces cas, le contenu senli comme atten-
tion est mofem-, mais ce contenu varie. Ce changement dans le con-
tenu de la réaction motrice, suivant l'acte d'altenlion aurait d'après
lui deux équivalcnis dans la conscience, sentiments vagues généra-
lisés, inanalysables, ce sont la reconnaissance et la croyance {belief).
Xous pouvons voir maintenant les trois stades du développement
du mouvement volontaire clifz l'individu. D'abord l'esprit est occupé
d'un objet, présentation ou stimulus qui détermine une léaction
musculaire native, acquise ou faite au hasard.
Un peu plus tard l'esprit est occupé par une présentation ou une
idée dumouvement ainsi produit qui, avec ses associés, tend à stimuler
les processus moteurs correspondants et à produire le même mou-
VeUKMll.
iùifin l'espiit es! de nouveau occupé d'un objet, mais pour la pos-
session du(pii'] le mouvement est nécessaire, un mouvement qui
maintenant est devenu subconscienl.
L'enfant commence d'abord à parler sans faire attenlion à ses
organes vocaux. Pais, par liniilalidu persislaule, il a|i|irend à faire
les mouvements convenables jiour parler. Enfin une fois le contrôle
musculaire ar([uis, les mouvements devienm^nt habituels, la cons-
cience musculaire s'alTaiiilit et ce qui resie, c'est l'objet, le mot parlé.
Le cliapitre xvi résume la théorie du développement de Vorga-
nisme. Deux lois domineni ce développenienl, l'iialiilude et l'accom-
modalion.
\.' habitude i'^\ la lendance d'un organisme à continuer de plus en
plus facilenu'ul les processus qui sont favorables à la vie. Pour cela
l'organisme doit avoir d'abord la eonlrarlilili'' et en^uile une incila-
ti(ui à faire et à continuel le mode convenable de mouvemeni. La
chose essenliell(> dans riiabilude est li> mainlien des stimulations
avantageuses par les propres mouvements de l'organisme.
Mais quelle est l'incitation au mode convenable de mouvements?
Trois réponses sont possibles.
1° La seule incilalion possible est le stimulus actuel, placé en
dehors de l'organisme et le mouvement convenable n'est qu'une
iï*
PSYCHOLOGIE DES ENFANTS 827
st'lectiou foiluili' dans beaucoup do mouvomeiiLs de hasard. C'est la
théorie biologique ordinaire.
2° I/incitaliou fst en partie en dehors de l'organisme, c'est-à-dire
(]ue le slimidus extérieur doit rester constant; mais l'organisme,
après la première réaction au stimulus, tend à répéter de nouveau
ses réactions favorables. C'est la linVuie psychologique (théorie de
Spencer-Bain). Il y a donc une incitation organique interne qui
assure et maintient les habitudes, mais seulement après des adapta-
tions favorables fortuites. Dans cette théorie le plaisir et la douleur
sont le réflexe du mouvement produit par la réaction.
3" Ce sont les stimulations (jui, en tant que stimulations, sont les
agents du plaisir et de la douleur et ce sont ces processus de plaisir
et de douleur qui déterminent les i)remiers mouvements adaptés à
certains genres de stimulation. C'est la théorie de Fauteur.
V accommodation est le principe par lequel un organisme s'adapte
à des conditions plus complexes de slimiilation en accomidissant
des fonctions plus complexes. Le trait commun dans toutes les
acquisitions motrices (parole, écriture, etc.), c'est le maintien du
stimulus par la décharge motrice eu excès «lu'il excite. C'est Vinci-
tnlion.
Mais la continuation de raccommodafion ne serait pas possible
sans l'habitude qui conserve le passé et doiuu^ di^s points d'appui pour
de nouvelles accommodations. A mesure, en outre, que par trans-
port du monde extérieur à l'esprit, l'image devient susceptible d'être
ravivée dans la mémoire, l'accommodation prend un nouveau carac-
tère, un caractère conscient, sulqectif, dans la voliiion.
L'haliitude et l'accommodation pinivent s'appliquer toutes deux au
même type de réactions, aux réactions qui tendent à réintégrer le
stimulus qui a délermint' la réaction. Ces deux jirincipes, l'habitude
et l'accommodai ion constituent, donc un ddubb; facteur dans toute
activité organique quelle qu'elle soit.
On a vu comment les grandes habitudes se forment. L'hérédité les
ti\(; et en même temps les rend plus inquirlanles, comnn' instincts,
tout en effaçant 1rs preuves de leur origine et en ai)régeant h^ pro-
cessus phyloL.'''Mi('li(|ui' dans la croissanci' de l'individu. C'est ce
qu'il appelle la centralisation ni-ganifjui'.
L'auteur discute ensuite, au point de vue de sa tliéMuif, la (juestion
de l'existence de iierl's spéciaux poiw le plaisir et la douleur et
examine la théorie de; Munsterberg et termine par des considérations
sur la « centralisation « de l'attention.
J'ai cherché, par une analyse aussi succincte (pu- [Hissibie, adonner
une idée exacte du livrt? de Baldwiii. Cet ouvrage continue la série
si bien commencée par hi Handboock of Psi/chology et les EIcmonts of
Psycholofiy du même auteur et se recommande par les mêmes (|ua-
lités. Comme on a pu le voir d'après cetti,' analyse, l'auteur a fait
à la théorie une part très large, trop large peut-être et (jui sera vive-
828 ANALYSES
menl disculi'i'. Celle discussion ne pouvail èlre faite ici et j"ai dû
me horiier à une simple exposition.
Ce livre se recommande non seulement aux psychologues, mais à
Ions ceux qui, nu point de vue professionnel ou philosophique, s'in-
téressent à rerifaut. Ils y trouveront des vues ingénieiises, des expé-
riences et des ohservations nombreuses et surtout des méthodes et
des procédés nouveaux pour l'iudier les phénomènes psychiques cliez
les enfants.
Ih. Beaunis.
C.-L. HERRICK. — Notes on Child Expériences. {Notes sur la psy-
chologie des enfants.) Joiu^n. of Compar. Neurology, juillet 189o,
p. 119-123.
Observation d'un enfant de douze ans qui associe aux chiffres des
imaires mentales d'individus, dont le caractère sympathique ou anti-
pat hiiiue est gén('ralement bien tranché. C'est à ce pliénomène que
Flournoy donne le nom de ])ersonnirication. On en a observé cinq
ou six cas. .J'en ai moi-même recueilli un.
M. A. IIEI{R[CK. — Children's Drawings. (Z)e5sms d'enfants.) Vt^dixa.
hjeminary, lit, 3.
L'auteur a employé la même méthode que Barncs [Pcdagog. Semi-
narg, déc, 1893) consistant à lire à des enfants une histoire et à leur
faire dessiner ensuite comme ils l'entendent xuie scène de cette
hisloire. 1,'iiisloire n'étant [)as re])roduite dans l'ail icie, il imus est
difficile de comju'endre.
Notons seulement que le nombre des figures de profil faites par
l'enfant croît avec l'âge; il est de 9 p. 100 à six ans et d(î 63 p. 100 ^
à neuf ans; il y a une période intermédiaire ovi le profil est enrichi
de denx yeux el d'im nez el d'une bouche vus île face.
M. A. m:RRICK. — Children's Stories. {Histoires d'enfants.) Pedag.
Seniinaiy, III, 2.
Cette étude, qui émane de Widlesley Collège, où sous la direction
intelligente de Miss Calkins on multiplie b>s <>nquètes sur la psycho-
logie des enfants, a consisté à demander à des enfants d'école
d'écrire une histoire (jiKdconcpie de leur iii\-eiilinii ; iieii seuleiiieiil
le développement mais le sujet même de l'iiishiire était laissé à leur
choix. On a pu faire les remarques suivantes : chez les enfants de
six ans, nombreuses histoires sur un objet possédé par l'eufaiil
(37 ji. 100), par exemple : « mon petit chat », etc. La proportion
d(''croît avec l'âge; elle n'es! plus que de 3 p. 100 à quinze ans. Sur
<Ies expériences personnelles, le nombre des histoires est grand à
six ans (25 p. 100), à neuf ans (18 p. 100\ à onze ans (65 p. 100); il
'^s
PSYCHOLOGIE DES ENFANTS
829
décroît à quinze ans (10 p. 100). Au contraire sur les objets possédés
pai' d'autres, sur des événements arrivés à d'autres, il y a un chan-
gement inverse ; peu chez les tous jeunes enfants (22 p. 100) et beau-
coup chez les enfants de quinze ans (70 p. 100). Le petit enfant
s'occupe donc davantage de sa propre personne. Sur les 137 histoires
réunies, 16 sont sur des sujets de la nature, 39 sur les animaux, et
67 sur le-s personnes. A deux exceptions, les histoires sont sérieuses,
sans esprit de moquerie (probablement parce qu'il s'agissait de
devoirs de classe). Les histoires des plus jeunes sont courtes (de
9 à 60 mots), consistent dans quelques propositions brèves; plus
lard, ce sont de vraies histoires, avec commencement, milieu et lin.
Dans les copies des plus jeunes, ce qui domine au point de vue
grammatical, ce sont les noms et les veibes; puis viennent les pro-
noms, puis les articles, les adjectifs et les propositions. Yoici les
résultats de cette analyse, comparés à ceux de Kirkpatrick pour
l'adulte, et à ceux de Tracy pour d'autres enfants, plus jeunes, des
bébés :
■ji
Cfi
z
z
cfi
K
in
o
o
en
P3
H
H
7^
o
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ce
û
O
o
ifl
O
O
>
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<
o.
es
z
o
1
Bébés
"■"
60
20
9
5
2
2
0,3
Enfants de 6 ans 1/2.
27
n.i
17,4
5,8
17,1
7,9
0,6
Adultes
60
II
22
5,5
»
'•
■'
A. blNET.
SCHMID-MONNARD. — Ueber den Einfluss der Jahreszeit und der
Schule auf das "Wachstlium der Kinder. [Sur l'iulluence de l'cjioquc
de l'année et de iécole sur la croissance des enfants.) — Jahrb. f.
Kinderlieilkunde, XL, p. 84, 1895.
L'auteur a étudié pendant plus d'un au comment varient le poids
r.l la taille des enfants ; 20 enfants de un à deux ans et 190 de deux à
treize ans ont été soumis aux ('preuves; on délei-minuitle poids et la
taille toutes les trois semaines.
L'auirmentation de poids est la plus forte dans la deuxième moitié
de l'année, elle atteint son maximum en août et septembre.
De février à juin, le i)oids augmente très peu, en mars on observe
même une diminution du poids. Les vacances sembliMil ne ]>as avoir
d'inlluence sur ces variations. Les enfants au-dessous de deux ans
ne présentent pas ces variations.
830 ANALYSES
Pour ce qui concerne la laille, elle augmente le moins de sep-
tembre jusqu'en janvier, i)lus de février en juin et raugmenlation
maximum se produit en juillet et août.
En comparant ces résultais avec les données slalisliques sur le
nombre de maladies dans les différentes époques de Tannée, l'auteur
remarque que la période de croissance maximum correspond à la
période où le nombre de maladies est minimum.
Il serait intéressant de reprendre ces expériences et d'y ajouter
encore quelques recherches sur le développement, intellectuel des
enfants, ce dernier correspondra-t-il aussi au d('-veloppcment maxi-
mum du corps? N'y aurait-il pas là quelqu»- point commun qui pour-
rait peut-être guider pour une organisation rationnelle de l'époque
des vacances, de leur durée et aussi de la distribution des études
dans l'année? C'est une question importante et pour la pédagogie et
pour la psychologie.
Victor Henri.
II. — LA VIE ÉMOTIONNELLE DES ENFANTS
KATHARLNE FACKENTHAL. — The Emotional Life of Children. [La
vie émotionnelle des enfants.) Pedngogical Seminary, III, 2.
MARY E. BOWLES. — Emotions of Deaf Children Compared with
Emotions of Hearing Children. [Émotions des enfants sourds, com-
parées aux émotions des enfants qui entendent.) Ibid.
Ces deux études, faites à Wellesley Collège sous la direction de
Mary Whiton Calkins, sont une application de la mélhode des (iu(>s-
tionnaires à une question cpiil est bien dil'ticile d'aborder par une
autre voie. Pour connaître la vie émotionnelle des enfants, trois
méthodes peuvent être employées : 1° l'observation directe des phé-
nomènes spontanés; elle est nécessairemeni limitée; les parents
peuvent connaître à fond leurs enfants; les pédagogues, instituteurs,
médecins, peuvent faire des observations un peu plus nombreuses,
mais moins précises. Cette mélhode nous a déjà fourni quelques
bonnes étudt>s, notamment celle de Preyer sur son fils ; 2° l'expéri-
mentation, (jui (|uoi(pie difficile chez les enfants, à cause de l'ins-
tabilité de b'vu- attention, et de leur suggestibilité, a l'avantage de
réunir un grand nombre de matériaux; exemple : les rcclierches de
Garbini ' sur l'évolution du sens chromatique chez les enfants; 3" la
méthode des inlenogalious multipliées et des questionnaires; cette
méthode employée sans discernement, donne des anecdotes, et vrai-
ment la psychologie enfantine est encombrée d'anecdotes; le ques-
tionnaire, tel que je le comprends, a ce contrôle qu'on opère sur de
(1) Voir Année psychologique, I, p. 467.
PSYCHOLOGIE DES ENFANTS 831
grands nombres et qu'on conserve seulement les observations qui
se répètent.
M™« Fackentbal s'est servie d'un questionnaire adressé aïix mères
de famille et aux enfants d'école ayant plus de six ans. Les résultats
réunis sont curieux, quoique l'article soit encombré de tables.
Peur. — Elle est plus fréquente au-dessus de six ans (99 p. 100)
qu'au-dessous (80 p. 100) ; plus fréquente cliez les filles que chez les
garçons après six ans; le contraire est vrai avant cet âge. Les sensa-
tions de la vue ont causé de la peur bien plus souvent (62 p. 100)
que les sensations de l'ouïe (17 p. 100); le nombre des peurs innées
ou héréditaires est plus petit (26 p. 100) que le nombre des peurs
acquises (48 p. 100) ; les objets les plus fréquents de peur sont les
animaux sauvages (48 p. 100) ; les objets imaginaires sont aussi fré-
quemment causes de peur que les objets réels ; les garçons mon-
trent plus d'imagination que les tilles dans la construction d'objels
effrayants.
Affections. — On demandait aux enfants : Quels objets aimez-vous ?
La plupart des enfants aiment les animaux (78 p. 100). (C'est un fait
que j'ai moi-même souvent observé. J'ai demandé dans une école à
des enfants d'écrire la couleur préférée ; cela fut fait en silence ;
(jiiand je leur demandai d'écrire l'animal préféré, il y eut un grand
cii de joie dans toute la classe.) Les garçons préfèrent les animaux
du dehors, le cheval par exemple, les fdles préfèrent les animaux
du foyer. L'affection pour l'élude diminue avec Tàge (n'oublions pas
qu'il s'agit de réponses à un questionnaire) ; l'afTection pour les fleurs,
pour la musique et les sports augmente, montrant de cette manière
le développement du sens eslbétique ; par exemi)lc pour les Heurs :
au-dessous de 6 ans, 9 p. 100; au-dessus, 25 p. 100.
Sentiments du juste {devoir) et de Vinjuste. — Réponse à la ques-
tion : Nommez trois choses (ju'il est bien de faire, nommez trois
choses qu'il est mal de faire. On a répondu plus à la seconde ([ueslion
qu'à la première. Les devoirs religieux occupent peu de place ; [larmi
les acies répréhensibh.'S, la plupart sont négatifs. L'auteur conclut
en indiquant l'inlluence de l'enseignement et de l'exemple sur les
émotions des enfants.
Il y a dans ce travail un point faible, c'est la comparaison des gar-
çons et des filles, que l'auteur croit éclaircie par ses observations ;
en réalité, il faudrail beaucoup de milliers d'observations pour arri-
ver à quelque probabilili' sur ce |Miiul. .Notre crilique s'adresse éga-
lement à Miss Bowles, qui a voulu connaître les dillérences émotion-
nelles des enfants qui entendent el des sourds; les conclusions de
ce parallèle, nous les signalons avec les plus expresses réserves : les
sourds ont moins d'inuii,'i nation etmoins de variété de sentiments.
832 ANALYSES
III. — PSYCHOLOGIE COMPARÉE i"
WESLEY Ml M, S. — The Psychic Development of Young Animais and
its Physical Corrélation. The Dog. {Le dcveloppeiuenl psychique des
a)ii>naux et les corrélaiions physiques de ce développement. Le
chien.) Trausac. Roy. Soc. Canada, 1894.
Bien que ces notes expérimentales ne soient accompagnées d'au-
cun historique, il est bien certain qu'elles constituent le document
le plus important qui existe actuellement sur la question. L'auteur
a noté jour par jour le résultat de ses observations sur de jeunes
cliiens Saint-Bernard et d'autres espèces, depuis le moment de la
naissance jusqu'au soixantième jour; c'est dans ce laps de temps
([ue le développement psychique présente le plus d'intérêt; on peut
diviser la période du développement en deux parties, celle qui pré-
cède l'ouverture des yeux et l'établissement de la vision, et celle qui
suit. l^La première rappelle par ses caractères négatifs la vie fœtale ;
c'est celle où l'animal est en relalion avec le monde extérieur surlout
par l'odorat, le touclier, la sensibilité générale. Dans les tout premiers
jours, le jeune chien montre surlout le désir de sucer, d'avoir chaud
et de doiniir. L'instinct de rechercber laclialeur est aussi important '^
que celui de sucer; ce dciiiicr inslincl, (iiuiiipie pouvant être cité
comme exemple type, se perfectionne avec l'exercice; l'animal
d'abord suce tous les objets à sa portée, et ce n'est qu'après un peu
d'exercice qu'il apprend à cesser tfC sucer quand le lait ne vient pas;
il lui faut deux semaines pour apprendre à presser la mamelle avec
le pied. Le senlimeut de la douleur, la sensation de toucher et de
chaleur se dévelopi>ent 1res vite. 11 y a de bonne heure chez les
chiens une sensiinlilé mu>culaire de nature 1res complexe, que l'au-
teur appelle le sentiment du support, et (jui consiste en ce que
l'animal étant placé au-dessus du sol sui' une table ou une boite, il
s'effraye en approchant du liord et fait d(;s efforts poui' ne pas tom-
ber. (J'ai publié une observation analogue cliez un très jeune enfant.)
Les sens de l'odorat et du goût, très faibles au début, se développent
cependant avant le sens visuel. 2" L'ouverture des yeux se fait len-
tement, elle commence le douzième jour, et dure quebiues jours ; dès
que les yeux sont bien ouverts, le clignement ne se produit])as, quaiul
on remue la main devant leurs yeux; il faut encore deux ou trois
jours ; de même, la vision a besoin de quelque tenqjs pour s'exercer
utilement. A la naissance, le jeune chien est non seulement aveugle,
mais sourd; l'oreille est cucort; mal dévelo[>i)t'i', et on ne peut y faire
pénétrer une line sonde. Le jeune chien est plus sensible à la vibra-
tion de l'air qu'au son proprement dit ; le seizième jour, des sons
stridents ne produisent pas encon; d'elTets; le dix-septième jour,
on constate des réflexes des oreilles produits parle son. La tendance
à jouer ne se montre à aucun degré tant ([ue les yeux sont fermés,
PSYCHOLOGIE COMPARÉE 833
mais seulement après, vers le quinzième jour ; le premier jeu consiste
à mordre : c'est d'abord le plaisir du mouvement, il s'y joint ensuite
des sentiments plus complexes de plaisanterie et d'humour. L'action
de i,'ralter une partie du corps qu'on irrite est un réllexe héréditaire ;
on a pu le provoquer dès le dix-septième jour. Il serait à désirer,
pense l'auteur, qu'une étude spéciale fût faite sur ce point. Les mou-
vements de la queue, qui sont si expressifs chez le chien, ne se pro-
duisent point pendant la période des yeux fermés. La peur se mani-
feste surtout pour des sons, et par conséquent n'a lieu que quand
l'audition commence ; on note cependant de l'alarme chez un chien
de neuf jours.
Même à lui jour, le chien qui est sur le point de tomber d'un sup-
port (voir plus haut) donne certains signes qui pourraient (?) s'inter-
préter comme signes de peur. Le cri du chien nouveau-né ressemble
à celui du chat, et des chiens adultes s'y trompent . Ce miaulement
se change peu à peu en grognement qui se fait entendre dans le jeu
etdans k sommeil ; l'aboiement n'a lieu qu'après, il se fait entendre
pour la première fois dans le sommeil. Au trente-cinquième jour,
rêve constaté.
La colère s'est manifestée pour la première fois dans le jeu, le
trente-cinquième jour. Comme mémoire, un exemple : on marche
sur le pied d'un chien le quarante-septième jour ; il s'en souvient et
se méiie encore de la personne le soixantième jour. La fatigue- vient
extrêmement vite dans les premiers jours et explique le besoin de
somnifil si accentué chez les jeunes chiens. Ceci trouble bien les
expériences; jusqu'au vingtième jour, la répétition d'un même sti-
mulus produit le plus souvent un eifet négatif. Le développement de
la vuldulé, en tant que distincte des mouvements réflexes, est bien
dillirili' à dt'-ridci'. Sans traiter la question à fond, l'auteur cite quel-
ques exemples à interprétation douteuse : au vingtième jour, le fait
(!(• vouloir sauter par-dessus le mnr de la cage ; le quarante et unième
jour, la tentative pour hap[)cr une mouciie au vol, après l'avoir
iiuetlée quelque tem[)S. L'action iuiilalive se montre suiloul dans |f
jeu. En somme, à cin(iuanlc jours, la rcsscinitlanct! avec Faduile
devient frappante, •'! b's cliaiigt'uu'nts cpii se produii'ont encore ne
sont ]dus aussi importants. L'auteur i)ense étudier dans un autre
travail la corrélation des diverses facultés psychiques avec le déve-
loppement graduel des divers centres nerveux. Tel (ju'il est, sou tra-
vail nous paraît être extrêmement utile, et conduit avec beaucoup
,1,. ;.,,iii. Alfiœd Hinet.
F. PLATEAU. — Abeille. Diclionnaiie de Physiologie, Paris,
Alcan, 1, p. 1-9.
De cet intéressant article lunis détaciions siMilciuent ce qui con-
cerne la psychologie de rabeille, 1) La. colonie c/'a6ei7/es a été proposée
ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. II. &3
834 ANALYSES
comme le modèle d'une société humaine parfuite. Erreur, car tous
les actes convergent vers un seul but, la reproduction; les individus
sont sacrifiés à l'ensemble, et il n'existe aucune tendance au progrès.
Cette colonie est comparable aux industries modernes où l'ouvrier
n'est qu'un automate condamné à répéter sans cesse le même mou-
vement machinal. 2) Sens de direction. Les abeilles se transportent
généralement à 2 kilomètres, parfois à 7 kilomètres de leur ruche.
Ont-elles un sens de direction pour le retour? Fabre, ayant lâché
en tout 144 chalicodomes à 3 kilomètres de leur demeure, 4" retrou-
vèrent leur route, 97 se perdirent. Romanes constata dans ses
expériences que les abeilles ne retrouvent leur ruche que si par
des voyages de plus en plus longs autour de la colonie, elles ont
acquis une expérience suffisante de la contrée, ce qui veut dire
qu'elles se guideraient comme l'homme. L'expérience fut faite de la
façon suivante : des abeilles d'une ruche avaient l'habitude de
butiner sur les fleurs d'un jardin, et ne se dirigeaient jamais vers
une pelouse sans fleurs qui s'étendait jusqu'au bord de la mer. On
en prit un ceiiaiu nombre, on les lâcha au bord de la mer, aucune
ne revint à la ruche, quoique la distance fût de 200 mètres seule-
ment; on en lâcha autant au fond du jardin, et quoique la distance
à la ruche fût plus grande, toutes y parvinrent. G.-W. et E.-G. Peck-
ham ont fait des expériences sur les guêpes et ont eu des résultats ^j
analogues. 3) Communications et rapports entre individus. Lubbock a
montré qu'une abeille qui a trouvé un trésor (une grande quantité j
de miel), souvent n'y revient pas, et en tout cas ne ramène pas avec \
elle d'autres abeilles. Enfin les abeilles ne se reconnaissent pas entre
elles ; des abeilles de même espèce introduites dans une autre
ruche n'en sont point chassées.
La bibliographie contient les principales indications suivantes :
Swammerdani. Biblki naturœ, II, j». 307, Leyde, 1738. — Réaumur.
Mémoires pour servir à l'histoire des insectes, Y, Paris, 1740. —
Huber. Nouvelles observations sur les Abeilles. Paris et Genève, 1814.
— Maurice Girard. Les Abeilles, Paris, 1878. — Fabre. Nouveaux
souvenirs entotnologiques, p. 99 et seq. Paris, 1882. — G. -J. Romanes.
Ilominrj Faculty of Ili/menoplera. Nature (Anglais), 29 octobre 1885. —
(J.-W. et E.-G.Peckliam. Some Observations on Spécial Sensés of Wa^ps
(Proceed. Nat. llist. Soc, Wisconsin, août 1887). — Lubbock. On the
Sensés, Insti)ict and Intelligence of Animais, [>. 202. Londres, 1888,
— Lubbock. Ants, Becs and Wasps, p. 274-289. Londres, 1882.
A. HlNET.
XIII
TRAITÉS ET ÉTUDES D'ENSEMBLE
SOMMA I R E
Ouvrages de Biervliet, Mercier, Scripture, Thierry.
J.-.I. VAN BIERVLIET. — Eléments de psychologie humaine,
1 vol. in-S", 317 p., 34 fig., Garni, Sifîer, 1895.
Ce manuel de psychologie, destiné spécialement aux étudiants,
commence par une introduction sur l'organisme humain; c'est une
introduction de 66 pages, faite avec beaucoup de soin, accompagnée
de 26 ligures d'anatomie et d'histologie, mise au courant des idées
récentes de Golgi et de Cajal, avec de larges emprunts au livre de
Van Gehuchten, de Louvain, sur Le système nerveux de Vhomme.
L'auteur a bien comiiris que si Ton s'adresse aux étudiants et
qu'on veuille leur donner des notions fondamentales de physiologie
et d'anatomie, on ne doit pas se borner au système nerveux ; il a
également consacré des chapitres au système osseux et musculaiie,
à la circulation, etc. ; nous lui signalons l'oubli de ce qui concerne
la digestion, la sécrétion urinaire, les vaso-moteurs; toutes ces
fonctions, et les deux dernières suilont, présentent de nombreuses
applications à la psychologie.
L'ouvrage contient trois parties : la première, physiologie des
phénomènes conscienls, comprend la sensation et h- mouvement,
phénomènes accessibles à l'observation et à l'cxpérimenlalion ; la
deuxième partie, psychologie des phénomènes conscients, comprend
l'idée, le raisonnement, la volonté, phénomènes que lu conscituice
seule peut atteindre ; enlin,la troisième ipaiVie, psycho-physiologie des
phénomènes conscienls, comprend la mémoire, l'iniagination, certains
mouvements, le caractère et la personnalité, les mesures psycho-
physiologiques, phénomènes r|iif Idn peut aborder à la fois, dit
l'auteur, par la science et la métaphysi(jue.
On voit donc que le plan du livre rei)Ose sur la distinction des
méthodes ; l'auteur paraît appeler physiologie ce qui relève de l'obser-
83t> ANALYSES
valion et de rexpérience, et psychologie ce qui repose sur l'inlro-
speclion. ]Nous ne pouvons accepter celle dislinction : la physiologie
est ])0ur nous la connaissance des phénomènes matériels, et la psy-
chologie la science df riiilrospection, (jue celle-ci s'exerce isolément
ou soit contrôlée par l'observation exiernc, lïnlerrogalion ou l'ex-
périmentation.
Première partie. Physiologie des phénomènes conscients. — La seii-
salioii ([I. 66-13G) est étudiée d'une manière assez complète dans un
style concis; il y a d'abord un premier chapitre (p. 60-111) (jui
résume les notions qu'on trouve habituellement dans les traités de
physiologie sur l'anatomie et la ]Tjiysiologie des organes des sens;
le chapitre H (p. 111-137) contient un résumé de la loi de Weber et
de celle de Fechner sur les relations entre Taccroissement di^ l'exci-
tation et celui de la sensation, des notions très succinctes sur le
ton afi'ectif et le pouvoir dynamogène des sensations, sur la locali-
sation des sensations (comprenant direction et dislance); sous le
titre d'associations de sensations, est désignée la suscestion de sou-
venirs qu'engendre toute sensation ; la partie la plus développée de
celte étude géjiérale sur la sensation a trait aux illusions des sens ^
(p. 123-133). 11 faut d'abord définir l'illusion. Les idéalistes ont pré-
tendu (jue le monde extérieur est une illusion; la lumière et le son,
d'après les physiciens, sont des mouvemenls, et ceiieudaul nous ne
les jiercevons pas comme des mouvemenls; ce sont encore là des
illusions. Mais l'auteur écarte ces exemples, et entend par illusion
l'erreur commise en ajtpréciant les sensations autrement (jue le
ferait l'honuiie normal. 11 dislingue deux espèces d'illusions :
a), celles qui résultent d'un défaut organique; exemples : la cé-cité
complète (est-il correct de l'appeler une illusion?), la cécité' [)arlielle
])Our certain(!s couleurs, l'altéra lion des organes par la fatigue, les
maladies nerveuses, la paralysie des muscles de l'œil, la fusion des
sensidions, les elTels de contraste. (Notons que ces etTels de contraste
ap[iartiennenl à la psyclioltigie de l'individu noinial, ce (pii contredit
la (l<''linitiou de rijjusicni, telle qu'elle es! ddnné'e par l'auteur);
I)), illusions résultant d'un élat anormal de l'oiganisme ; exemple :
les hallucinalidus, les illusions de dislance, etc.
Les tuouvenu'n.ls (p. l:i7-16()) font l'objel d'une l'Iude analogue à
celle des sensations, mais moins longue. V\\ ])remicr chapitre dis-
lingue les mouvements en automatiques (ceux de la resjiiration, tlu
co'ur), qui se répètent C(udinuellement ; réflexes, rpii sont incons-
cients et nécessaiies ; instinctifs, (jui smil une tendance à augmenter
les sensations agréahles, et volontaires, (pii lUi sont autre chose que
des mouvemenls instinctifs précédés d'uni' délibération. Peut-être la
description des mouvements inslinclifs est-elle un peu incomplète.
l)aus un second chapitre, l'auteur traite brièvement les questions
suivantes : origine de nos mouvenu'uts, associations et combinai-
TRAITÉS ET ÉTUDES d'eNSEMBLE 837
sons de nos mouvenionls, défaufs de nos niouvemeals, variabililé et
perfectibilité.
Deuxième partie. Psychologie des phénomènes conscients . — Celte
seconde partie fait avec la première un contraste violent et inattendu.
Tout d'abord l'auteur définit Vidée; c'esl, dit-il, la représenlalion
mentale dun être, et par mentale il veut dire; que celle idée dillère
profondément d'une image cérébrale, telle qu'on l'obtient en se
représentant un objet qn'on vient de regarder. Il y a une différence,
dit-il, entre l'idée que je me fais de mon cliien et l'image cérébrale
que j'en possède (p. 181) ; cette différence est encore plus nette
pour les idées générales, bien que celles -ci soient parfois accompa-
gnées d'images sensibles ; ainsi tel individu se repr(''senle Dieu sous
la forme d'un vieillard à liarbe blanclie, mais il sait parfaitement
bien que Dieu n'est pas un vieillard, que Dieu est l'être ayant
existé le premier et t[ui a fait les autres êtres, etc. Le propre
de l'idée serait de contenir des éléments, ce que l'auteur appelle
des notes, ([ui ne correspondent à aucune sensation et ne
sont pas venus à l'esprit par l'intermédiaire des nerfs. De plus,
l'idée ne correspondrait dans le cerveau à aucuir pbénomène maté-
riel. Il en serait de même du jugement et du raisonnement, ces
actes par lesquels on constate une ressemblance et une différence
ne résultant pas de phénomènes physiologiques. « Supposons qu'une
cellule A soit traversée par un mouvement représentatif rouge, puis
par un mouvement représentalif bleu; ces modifications succes-
sives seront de nature différente; mais deux mouvement s ne peuvent
pas donner comme résultante un troisième mouvement (jui sérail la
constatation diî la ressemblance ou de la dillerence des deux pre-
miers (p. 185). » Il faut (jue (jnelqu'un constate, et ce quebiu'un
est une substance immatérielle, rame. « Il n'est pas plus néces-
saire de démontrer rininiah'-iialili' de ICsiiril ipi'ii m- laiil prouver à
une mère qu'idle (bdl aimer son enfant (p. 187). » Les idées ne déri-
vent pas des sens (hypothèse mali'-rialiste), elles ne sont pas iniu-es
(liypothèse idéaliste), elles résultent du travail de resi)rit sur les
images cérébrales (p. 200).
La volition est \nie tb''iisi(in pris(> après (b'lib('rati(in, el (|iii produit
dans les centres nervcHix nue arlion à la l'nis sus|)ensive et inqtulsive
(p. 212). L'auteur fiense que riionnneseul délibère, (|ue i'inlelligence
animale ne délibère pas. La pi(''p()ndi'iance du nndiile lieiil, au
moins en [larlie, à ce ijui' lalliMilinn le li\e plus longuenieiil ; la
liiierlé existe, elle e>t la |)ns>iliilil.'' di' faiie, dan-- la direelidii di'
notre activité volontaire, pn'doniiniT nos élals inlellecluels sur nos
étals émotionnids (p. 221;, — L'a court chapitre sur riiy|tnolisnie
termine cette partie.
Troisième partie. Les imayes \). 2io-202). — Laulem- .'indie briè-
vement leur complexiff', leur localisation cérébi'ale, leurs différenles
3
838 ANALYSES '4
S;',
'I
variétés (types visuel, auditif, etc.), l'imagination passive et active. ^^
La mémoire (p. 262-293). — Incontestablement, c'est la partie la plus
originale du livre ; elle est faite surtout de larges emprunts à une
brochure du même auteur sur la mémoire. 11 étudie d'abord la
mémoire de fixation, et pour se rendre compte de la modification
matérielle qui coirespoud à cette fixation, il présente une théorie
mieux étudiée que celles que nous connaissions déjà. Pour faire
comprendre son idée, empruntons-lui un de ses exemples. Supposons
im ressort étiré par un poids; il en résultera un allongement égal
à a. Quand on enlève le poids, le ressort, n'étant pas parfaitement
élastique, ne reprend pas sa longueur primitive, il conserve un
allongement plus petit que a, soit — . Il en résulte que si on sus-
pend de nouveau le même poids, le ressort déjà allongé s'allongera
davantage ; il en résulte aussi que pour produire la seconde fois un
allongement égal à a, il faudra un poids plus faible que la première
fois. Celte déformation secondaire, beaucoup plus faible que la
déformation momentanée, est une partie de l'action déformante,
(jui demeure comme résidu. Les choses se passeraient de même dans
la substance nerveuse, qui réalise des conditions de plasticité vou-
lues pour conserver la trace des mouvements qui l'ont passagère-
ment déformée. La mémoire de reproduction (p. 274) est traitée plus
laconiquement, mais avec iine insistance justifiée sur le rôle de
l'attention; l'apparition des images est soumise aux deux lois de la
contiguité et de la succession, mais pour que les images simultanées
ou si'iiées contractent un lien entre elles, il faut que l'attention ait
formé ce lien, en passant successivement des unes aux autres. La
reconnaissance des impressions et leur localisation sont également
décrites avec des ti^aits nouveaux et intéressants. Il nous est montré
tout d'abord que la reconnaissance ne se fait pas par une comparaison
entre l'image actuelle et l'image ancienne; il y a dans l'image
renaissante un caractère propre qui nous donne l'impression du déjà
vu, et ce caractère serait dans la conscience du moindre effort
développé lors de l'apparition d'une image qui se réjièlc. La locali-
sation dans If |»assé est de deux sortes : a) artificielle, faite au moyen
de calendriers et d'horloges et aboutissant à une date ; b) naturelle,
accessible aux enfants, et nous donnant simplement la conviction
qu'un souvenir est très ancien, ancien ou relativement récent ; cette
localisation se fonde sur le caractère plus ou moins lacunaire du
souvenir ; quand un souvenir est ancien, il s'appauvrit, il [)erd de
ses éléments. « Je me souviens comme si c'était d'hier » est une
expression vulgaire pour traduire ce caractère exceptionnel d'inté-
grité, de profusions de détails, que gardent certains souvenirs
anciens. Enlin, dans un dernier chapitre, l'auteur apiilicpie son
hypothèse des traces aux nuiladies de la mémoire; mais les ct>iisidt''-
rations qu'il expose sont un peu hypothétiques. Ainsi, à propos des
hyperninésics, il donne l'explicalion suivante : « Si au moment oùje
TRAITÉS ET ÉTUDES d'eNSEMBLE 839
suspends pour la deuxième fois un poids moindre que P au fil qui
après la première action de P garde l'allongement — , je chauffe ce
til, le poids moindre que P produira un allongement plus considé-
rable que a; car à la trace-disposition -^ s'ajoute l'allongement g,
produit par l'action dilatante de la chaleur » (p. 294). De même pour
les amnésies, l'auteur compare le mécanisme à ce qui se passe en
refroidissant le 111, ce qui diminue la déformation permanente —.
Quant à nous, nous ne voyons pas la nécessité d'insister tant sur de
pures hypothèses. Le reste de cette troisième partie contient de très
courtes études sur la parole, l'écriture, la mimique, le caractère et
la iDersonnalité, et les mesures psycho-physiologiques.
Ce traité élémentaire de psychologie est certainement le plus
scientifique qui existe à l'heure actuelle en français; il faut le
prendre pour ce qu'il est, c'est un livre de commeni;anf. Son principal
caractère est de faire un appel prescjue continu à l'anatomie et à la
physiologie. La psychologie expérimentale proprement dite n'y
tient pas la place (ju'elle mérite.
A. BiNET.
D. MERCIER. — Cours de philosophie. II. Psychologie, 1 vol. in-8%
542 p., Louvain, 1895.
Il y a des ouvrages qui sont moins intéressants en eux-mêmes que
comme signes des temps. La psychologie de Mî?"" Mercier est de
ceux-là; elle se rattache à ce grand mouvement thomiste dont
Léon XIII est en majeure partie l'initiateur, et qui a fait de si impor-
tants progrès dans ces dernières années en Belgique, oîi depuis les
élections de 1884 le parti catholique a repris le pouvoir et jmiit
d'une majorité énorme. L'Institut thomiste de Louvain, la Revue néo-
scolastique témoignent de ce. mouvement. Dans la Revue philnso-
phique de janvier, Picavet vient de consacrer à ces événements une
étude nourrie, qu'il conclut de la manière suivante :
« Les néo-thomistes font l'apologie de saint Thomas et lui deman-
dent leurs principes directeius; ils relèvent les orreurs des historiens
de la philosophie, les lacunes de nos histoires du moyen âge; ils en
éditent les grands pensexns, exposent leurs doctrines et relèvent ce
qu'en ont conservé les modernes. Ain>i nous serons obligés d(,' l'.iiie
une histoire plus impartiale et plus complète des idées au moyen
âge, de ce qu'il dut à l'anliquité et de ci; qu'il a li.iiisinis aux temps
modernes. Puis les catlioliques, unis par le thomisme, qu'ils com-
plètent avec une ample information scientifitjue, sont devenus les
maîtres de la Belgique; on compte avec eux en Aim'i icjue et en
Allemagne, leur intluence grandit en France, même en Hollande et
en Suisse. Les. hommes d'Etat, en tous pays, devront s'en préoccu-
per, non seulement pour les affaires intérieures, mais encore pour
la politique étrangère.
840 ANALYSES
« Les progrt's des oailiuli(iues ont été rapides, imrce (\i\o leurs
adversaires ont dédaigné de les suivre sur le nouveau terrain où ils
ont porté la lutte. Mais si l'on avait oublié saint Thomas, on avait
oublié aussi ses prédécesseurs et ses adversaires. Avec le Ibomisme
renaissent les docirines antérieures, contemporaines ou rivales. En
.supposant que cette rénovation et les luttes entre Jésuites et Domi-
nicains n'altèrent pas l'unité catholique — ce qui toulefois pourrait
.se produire dans l'avenir comme dans le passé — les adversaires
puiseront chez saint Anselme, Roger Bacon, Duns Scot, Ockham et
tant d'autres, des arguments pour battre en brèche le thomisme. Ils
en trouveront chez les hommes de la Renaissance, chez Descartes,
Leibniz et Kanl. Entln les partisans d'une philosophie fondée sur
les sciences refuseront de couronner leurs données positives-, par
une métaphysique jointe autrefois aune connaissance incomplète et
inexacte du monde phénoménal. Ils ajouteront que si les sciences
sont excellentes comme auxiliaires du thomisme, elles le sont plus
encore pour fonrnir une règle suprême à la spéculation et à la pra-
tique.
« La lutte sera vive; elle sera féconde, parce qu'elle poilera sur
des idées. Peut-être les adversaires s'apercevront-ils enfin qnil est
nécessaire d'user entre eux d'une tolérance réciproque ; i)eut-être
cherclit l'ont-ils, dans les sciences et dans le but qu'ils i>oursuivent,
ies points ([ui les rapprochent, au grand prolil de la science et même
de la religion, de la philosophie et de la civilisation. »
Nous ajouterons à ces lignes si sensées (ju'en nous mettant pour
juger le mouvement nouveau à noire jioiiil de vue tout spécial ri
restreint de la psychologie expérimentale, nous ne pouvons })as don-
ner notre apiuobalion à un état d'esprit qni clicrche dans l'observa-
lion et dans rexi)érience la confirmation d'une idée préconi;u(>, sur-
tout d'une idée vieille de plusieurs siècles. Nous sommes habitués
au contraire à fircndre l'observation comme |ioiiil de (b'qiarl, comme
origine des recherches, source de la v(''iilé et souveraine maîtresse
de la science.
On IrouvL' dans la psyclioh>gie de M^'" Mercier une jiixlaposilion
curieuse des recherches psychologiques les jdus récentes et des
doctrin(.'s tlioniistes. Son omiage se di\ise en tidis paiiies : 1" la pre-
mière partie, consacrée à la vie organi(iueou végétative, traite de la
morphologie de la cellule, de la |iliysiologie, des questions de repro-
duction et d'hérédit('', el sni tout de la vie, dr l'essence de la vie.
L'auteur cite toutes les diMinilions connues de la vie, et liiuive celle
de saint Thomas supérieure à toutes les autres. Nous découpons le
passage, qui est curieux :
« Il serait fastidieux de faire la nomenclature des innombrables
définitions de la vie que les naturalistes et philosoidies ont essayées.
Aucune, nous semble-t-il, ne vaut celle de saint Thomas, et ce
qu'elles valent, elles le doivent à ce iju'elles ont de commun avec elle.
I
TRAITÉS ET ÉTUDES d'eNSEMBLE 841
« Ci Ions quelques spécimens :
« Bicliat : La vie est l'ensemble des fondions qui résistent îi la
mort.
<( Déclnrd : La vie est Torganisalion en action.
« Littré : La vie est l'état d'aclivilé de la substance organisée.
« Beaunis : La vie est l'évolulion déterminée d'un corjjs organisé
susceptible de se reproduire et de s'adapter à son milieu.
« De Blainville : La vie est un double mouvement interne de com-
position et de décomposition, à la fois général et continu.
i> S. -G. Mivart : L'être vivant est eidui (pii a la propriété naturelle
de parcourir un cycle de cliangements délinis.
« Herbert Spencer : La vie est la combinaison définie de cliangements
bétérogènes, à la fois simultanés et successifs, en rapport avec cer-
taines relations extérieures de coexistence et de succession (in cor-
respondence wilh external co-ejcistences and séquences), ou plus briève-
ment : la vie est l'adaptalion continuelle des relations internes aux
relations externes.
« La définition de Bicbat s'inspire d'une fausse supposition. Elle part
de l'idée qu'il y aurait chez l'être vivant une sorte d'antagonisme
entre les forces physico-chimiques et une force vitale : la vie ne
serait, dans cette conception, (ju'uue réaction de la force vitale
contre les éléments matériels.
« Les définitions de Béclard, de Littré et de Beaunis ne font que
décrire en tei'mes généraux, et par leurs traits extérieurs seulement,
les fonctions qui s'accomplissent cbez les organismes vivants. Elles
ne nous renseignent pas sur le caractère intime de ces fonctions
distinctives, et ne peuvent, dès lors, prétendre au litre d'une défini-
lion proprement dite.
« La formule de Spencer est très abstraite, vague, compliffuée ; elle
ne s'applique pas aux actes les plus simples de la vie, tels (jue la
sensation, le concept, le désir, le mouvement spontané.
« Seule, à notre connaissance, la définition de saint Thomas... s'a[)-
plique omni et soli dejlnilo. »
Celte définition est la suivante :
La vie, dit saint Thomas d'Aquin, c'est la propriété dislinclive des
èlres qui se meuvent eux-mêmes; l'être vivant est celui ([ui a dans
sa natiuo de se mouvoir lui-même : Illa propriè sunt viventia quœ
seipsa secundum aliquam speciem motus movent. Ou encore : Ens
vivens est substantia cui convenil secundum suam naturam movere
seipsam.
Pour ex[irn[iiei- la \ie, laiileiir admet un vilalisme mitigé, celui
de saint Thomas, nalurellcnicul ; il d(''liiiil la vie : Lu principe miIis-
tanliel doué d'une incliualioii ualuidle. Voici sou raisonnement
pour repousser la tiié-orie adverse, roi^anicisme, (|ui explitiue la vie
par les propriétés ciiimi(iues de la matière. « Il y ;i dans l'oi^auisme,
dit-il, un gi'oupement harmonieux et slalde irrh'meuts malt'riels et
842
ANALYSES
>n
^
de force, en nombre quasi infini auquel il faut assigner une raison
suffisante. Or cette raison, quelle est-elle?
« Elle ne gît jias dans les conditions d'organisation, c'est-à-dire
dans les éléments anahuniques et leurs forces respectives, car c'est
tout juste de ces conditions d'organisation qu'il faut rendre compte
en montrant le pourquoi et le comment de la convergence merveil-
leuse et persistante des éléments anatomiques et de leurs énergies
dans la constitution et la conservation des organismes. »
>'ous signalons ce raisonnement à titre de curiosit'é (p. 59).
2'^ La deuxième partie traite de la vie sensitive ou animale : on y
trouve des études sur le système nerveux et les organes des sens, la
sensation, l'imagination, la mémoire, avec des détails pris aux recher-
ches de psycho-physique récentes. L'auteur est très au courant de la
littérature, et il remplit très habilement avec des faits modernes les
cadres séculaires du thomisme. Nous devons même avouer qu'il
n'existe pas en France, actuellement, de traité élémentaire de psy-
chologie qui soit aussi bien documenté. Après cette première sec- 1
tion, on en trouve une seconde sur Tappétilion sensible et l'appétit
sensitif, et une troisième sur le mouvement spontané. Le tout se
termine par des considérations sur le principe de la vie sensitive. \
L'auteur admet une âme sensilive, qui est « un composé matériel
formé de deux parties substantielles, constitutives, la matière pre-
mière, et l'âme sensitive, (jui en est la forme substantielle inlrinsè-
(juement dépendante ». Cette âme sensilive est mortelle. Ces concep-
tions, exposées à quelques pages d'expériences sur la psycho-physique,
forment le contraste le plus curieux.
La troisième partie, sur la vie intelleclive ou raisonnable, com-
prend les études suivantes : nalure de la pensée, origine de la pen-
sée, processus du développement de la pensée, volilion et volonté,
l'homme et l'animal, les sens et la raison, nature de l'âme humaine,.
origine de l'âme humaine, destinée de l'homme.
A. BiNET.
E.-W. SCIUPÏL'UE. — Thinking, Feeling, Doing (Penser, seutir, agir\
in-18, 304 p., 209 ligun-s, index, Fluod and VincenI, Mcadville
Penna (Étals-Unis d'Amérique), 1895.
Ce très curieux et très amusant ouvrage est nouveau à deux points
de vue : a). 11 est luie tentative d'exposition tout à fait populaire de
la psychologie de lalioraloire ; psychologie de laboratoire n'est pas
tout à fait synonymtî de jtsyciiologie exi>érinientale ; dans cette
dernière, il y a un ensemble dliyisolhèses, de théories, d'interpré-
tations et de conclusions et d'observations j)ures ; la psychologie de
laboratoire se borne à ce (]u"on peut montrer et prouver dans un
laboratoire ; c'est un fait singulier qu'on ne Irouverait peut-être pas
dans tout ce livre un seul exemple d'observation psychologique, je
TRAITÉS ET ÉTUDES D'eNSEMBLE 843
veux dir»^ d'introspection. 6). L'auteur a essayé de faire de la psy-
(iiologie illustrée ; le nombre considérable des figures, égal aux
deuxW^iers du nombre des pages, est une cliose absolument nouvelle
dans le domaine de la psycbologie ; ce sont, pour la plupart, des
dessins d'appareils, de grapliiques, de scbémas ; nous notons en
outre bon nombre de jiliotographies représentant des personnes
installées dans le laboratoire et faisant des expériences de psycho-
logie. Ces piiotographies, eu général très curieuses, quelques-iuies
putuiles, donnent aux i)rofanes quelque idée de ce qui se passe dans
nos laboratoires.
11 est impossible d'analyser une série de petits faits ; le mieux est
de signaler les plus importants.
Chapitre premier. Sur V observation en général (1 h loi. — 11 faut
observer sans que le sujet le sache ; il ne faut pas observer avec des
idées préconeues (malades qui croient observer que certaines pilules
leur font du bien, parce qu'ils eu sont convaincus d'avance) ; il ne
faut pas faire d'addition inconsciente à ce qu'on observe; exemples
de ces additions dans la correction des fautes d'impiimerie ; autre
exemple tiré du volume de Romanes sur l'intellieence animale :
Pierre Huber, ayant enlevé quelques fourmis de leurs nids, et les
ayant ramenées ensuite, vit que les autres fourmis ne les tuaient
pas, et en conchit qu'elles les reconnaissaient, car d'autres fourmis
de même espèce, mais de fourmilières différentes étant introduites
étaient tuées. Lubbock montra l'erreur du raisonnement ; il prit des
larves d'une fourmilière et ne les remit que lorsqu'elles furent
devenues insectes parfaits ; elles ne furent point tuées ; cependant
l'Iles ne pouvaient être reconnues. L'auteur donne des figures et
(ii'S lettres qu'il prie le lecteur de regarder rapidement et de dessi-
ner de suite, pour montrer les erreurs d'ojjscrvalioji ; il insiste sur
l'utilité des obsei'vations rapides. Trois degrés d'expérimentation :
les tests, les expérimentations ([ualitatives, les mesures.
Chapitre IL Le temps et Vaction. — ^Icsure du temps avec un
cylindre tournant et un diapason électrique ; mesure de la simulla-
uéité d'action des deux mains, chez un pianiste. Acte de; frapper des
i:oups rajiides (le médius a besoin d(> 8 centièmes de seinnde, la
main de 7, la langue de 7, le pied de 11 pour frapper un couii). La
faculté de fra[qier des coups rapides augmente avec l'Age. (Je crois
du reste en avoir fait la déuionstralinn liim jivaiil le>> .iniciirs améri-
••ains, mais ceux-ci ne citent presque jamais les Français.) Toute
activité mentale concomitlante ralentit le nombre des couits.
Chapitre III. Temps de réaction. — Anecdote bien connue de
lasIroïKime anglais qui renvoie son aide jiarce' que c(dui-ci, en
iiutaiil le jiassage d'une étoile, était en retard d'une; demi-seconde.
C'est léqualion personuelle. Description de la psychométrie mo-
844 ANALYSES
derne. La Lliaiiilire isolée, matelassée et obscure (avec figui'es). L'au-
teur remarque (|ue lorsqu'il est dans sa chambre noire, les moindres
bruils, craquement du parquet, de la chaise, froissement des vête-
ments, paraissent énormes ; la lueur oculaire des yeux clos ail ire
l'attenlion ; un sent baltre son pouls et bruire son sanij, etc. Quelle
singulière méthode d'isolement, dirons-nous! Description et ligure
dune bonne clef pour réagir : deux plaques percées chacune d'un
Irou pour \\n duigt glissent sur des tringles ; on met le [touce dans
lune, l'index dans l'autre ; leur moindre mouvement ouvre et ferme
des contacts électriques. Le bruit provoffue des réactions plus
rapides que le son. L'auteur a l'ail (pielques expériences sur la
rapidit(' ilii déparl des coureurs; le signal est un coup de pistolet:
on se sert du mouvement d'air sorlani du cainin [loui' produire un
contact; un lil attaché au pied du coureur, el qu'il rompt en
sélançani, agit sur un levier et interrompt un contact. Les temps de
réaction sont plus longs ijuand h.' corps entier doit se mettre eu
mouvement cpu.' (juand luinsigil avtM' un doigt. Le temps de réaction
(.liminue avec l'âge de six à dix-sept ans.
Chapitre IV. Durée de hi pensée. — • Tenqis de recoiuiaissance.
Temps de choix. Associations forcées. Associations libres. Etudes
sur l'escrime el la l)oxe. l,e lireuide prores>ion n'esl ]ia> jilus rapide
(ju'un autre, d'après les expriiences, à i'é[)ondre [lar un mouvement
à lui signal; il est plus rapide à exécuter le mouvement. Pour mesurer
ce temps de iéa('li(Ui, l'éjiée es! en contact avec un disque, et ipiaud
le tireur se l'eml, il tuucli(,' avec son ('qti''e un autre disiiui' : il ne
doit se fendre (pi'au niojiienl d'uu .--ignal, ([ui est enregistré : on
mesure ainsi le temps qui s'écoule entre le signal et le commence-
ment du mouvement, enire le commencement du mouvement et hi
lin. Il nous semble qu'il y aurait beaucoup d'autres choses, bien
plus intéressantes, à étudier dans la ]isycliologie de l'escriine.
Chapitre V. Slabililè el contrôle. — Ehule de rimmohilih'' dans
une position. On [tresse le doigt sui' le levier d'un laiid)our de Marey
et on maintient ce levier à la hauteur d'un poiiil marqué sur une
feuille de papiei' ; jamais ou ne reste immoliile ; un liicui' qui vise :
à l'extrémité du cau(Mi e>l alladn' un lil tendu pai un poids et relié
à un levier de lanilKUU' ; |iour riuiinoliilin'' dans la .slalion debout,
un tambour a sou levier IIm'^ sni- la lèle. flludes sur l'allilude du
corps la meillenie |Hini' Iraci'i' une ligne droile. Description d'un
apjiareil servani à riialiileh' ; il faut enroncei' une |)oiiile dans des
orifices; le bord des orilices est en nnMal, el ipiaiid la pointe, (jui
est aussi en métal, touche les bords, il y a un contact, et une sonne-
rie électrique avertit de la maladiesse. Le iani |iour cent des i-éus-
sites exprime riialiileh''. (Juand on a exr'rc(' pinsieuis Jouis le bras
ilroil seul, le gauche devient ('gaiement plus habile. Ajqiareil pour
I
TRAITÉS ET ÉTUDES d'eNSEMBLE 843
l'iuiliei' la conseivalion de la liauteur du sou, par uu procédé aua-
loaue à celui des flammes mauométiiques.
Chapitre YI. Pouvoir et volonté. — Dynamomètre. Dynamographe.
]*ressiou d'une main et des deux mains. Influence de l'intelligence,
de l'état émotionnel, des sons, des lumières, des odeurs sur la
force de pression. L'auteur cite des expériences de Féré et reproduit
ses figures sans prononcer son nom. Pourquoi? Il n'iiésite cependant
]jas, à l'occasion, à se citer lui-même.
(Chapitre VII. Attention. — Chapitre sans expérience et presque
sans ligure. Lois de l'attention : a. La grandeur attire l'attention.
Ai)plicaliou à la réclame, b. L'intensité et l'éclat excitent l'attention.
Les écoliers seront moins intéressés par uu appareil sale et vieux
i|ue par un appareil hrillant. Les étudiants en chimie travaillent
mieux sur des tahles très propres que sur des tahles noires et sales.
c. Ce qui éveille fortement les sentiments éveille Fattenlion. d. L'at-
tente augmente l'attention, e. Le changement Tentretient. L'auteur
pense que la fatigue de l'atlcnliou provoque l'hypnotisme.
Chapitre YIII. Toucher. — Définition du seuil de conscience,
.'■ludié avec des disques légers de moelle de sureau qu'on pose sur
hi main jiour produire des contacts très légers. Exemples de chatouil-
lement [iroduit eu excitant la peau avec un cheveu iixé à l'ext remit.'-
d'un diapason vihi\ant. Élude de la pression, en mettant la main
sous le plateau d'une balance qu'on charge lentement avec du sable.
La plus petite difTéreuce perceptible. Esthésiométrie. Les aveugles
ont une sensibilité plus fine que les voyants, même dans 1(> dos. Moyen
<réludier la sensibilité tactile chez un enfant même 1res jeune, en
lui faisant loucher du doigt, sans voir, le point excité. Illusion
d'Aristole.
Chapitre IX. Chaud et froid. — Recherche des points chauds et
(Voids. On se sert d'un crayon, on eu lrem|ie l'extrémité d'abord
dans l'eau chaude, puis dans l'eau glacée. On fait un moulage en
creux de sa main avec du plâtre ; on excite des points dill'érents de
^a main, et, suivant qu'on sent le froid ou le chaud, on marque sur
les points correspondants du moulage, en rouge pour les points
chauds, eu bl^'U pour les i)oinl-^ froids.
Chapitre X. Goût et odorat. — W'wn de luxurau.
Chapitre XI. Audition. — Cli;uii:enienis daii^ la liaulciir du son,
yuoduits par les curseurs d'un diapason, ce (pii pn nid d ('ludicr le
minimum de difTéreuce de liauteur perceptible. Pour le seuil de
lintensilé, emploi de la montre ou d'un appareil d'imluclion (Chariot
de Dubois-Reymond) dont on écarte les bobines. Pour trouver le
ton moyen entre deux tons, ou place trois diapasons devant trois
84G ANALYSES
rrsonnateurs : Vnn des diapasons peut, èlre gradué. Les résonnateurs
communiquent avec un tube qui va jus(iu';i une pièce éloignée où
se trouve le sujet ; on lui fait entendre les sons des deux diapasons
extrêmes, puis le son du diapason gradué, et on fait varier celui-ci
jusqu'à ce qu'il paraisse à égale distance des deux autres. L'auteur
a quelques pages intéressantes sur la notation musicale ; il voudrait
qu'on indiquât l'intensité de la note par la manière de l'ombrer, les
changements de l'intensité (crescendo, decrescendo, note soute-
nue, etc.) par la forme de la note. Nous avons étudié la question
à un point de vue un peu dilïérent par la méthode graphique.
Chapitre XII. La Couleur. — Les notions fondamentales sur la
couleur sont ingénieusement groupées autour de l'expérience des
disques colorés, qui permettent de mélanger les couleurs et d'en
obtenir l'équation.
Chapitre XIII. Sensibilité aux couleurs. — Le meilleur moyen
pour étudier la cécité des couleurs consiste dans l'usage des disques
rotatifs : si une personne est insensible pour le rouge, il faut pour
ses yeux moins de rouge, mais plus de vert et plus de violet pour
former le gris.
Chapitre XIV. Vision monoculaire. — Périmètre. Tache aveugle.
Illusions d'ojiliipic.
Chapitre XV. Vision binoculaire. — Sléréoscopie.
(Chapitre XVI. Sentiments. — Principalement une étude du scnli-
ment eslli<''li(pi('. Ou préfère, dil l'auleur, les couleurs brillantes;
comme couleurs associées, les claires avec les sombres, et les com-
idi'mentaires. Ces conclusions sont d'accord avec celles de Colin ;
juais nous les croyons Irop absolues. Il y aurait beaucoup à faire
dans celle question. Esihétique des formes. Ce chapitre se termine
par des réllexions et tracés relatifs à l'iutlueuce des émotions sur
le pouls. Les Iracés nous i>araissent bien crili(iuables.
Chapitre XVII. Emotions. — Quelques rares ligures pour l'expres-
sion des émoi ions.
Chapitre XVlil. Mémoire. — Vw des meilleurs chapitres, entière-
ment expérimenlaL Méthodes i)our mesurer la mémoire et conclu-
sions jtédagogiques.
Chapitre XIX. Action rythmique. — Mesure du rythme de divers
mouvements : mouvement militaire, mouvement du chef d'orchestre,
du pianiste, au moyen de contacts électriques.
Chapitre XX. Suggestion et attente. — L'auleur parle en termes
véhéments contre tous ceux qui de près comme de loin font de la
♦
TRAITÉS ET ÉTUDES d'eNSEMBLE 847
suggestion. Les expériences qu'il rapporte, celles de son t'iève
Gilbert, sont, dit-il, les seules scientifiques; il ignore les nôtres,
faites dans les mêmes conditions, presque absolument, et parues
avant celles de Gilbert.
Chapitre XXI. Matérialisme et spiritualisme en psychologie. —
Citations empruntées à Wundt.
Chapitre XXII. La nouvelle psychologie. — Historique, Herbart,
Fechner, Helmlioltz et Wundt, appelé le plus grand psycliologue
depuis Aristote. (Scripture est son élève.) Nous espérons que ces
quelques notes peuvent donner une idée du contenu d'un livre qui
présente, comme tentative de vulgarisation illustrée, une originalité
frappante. Ses défauts sont évidents ; un style parfois enfantin,
comme si le livre était fait pour un enfant de douze ans, parfois
arrogant au possible : l'auteur traite d'escrocs les savants qui font
de l'hypnotisme. Nous remarquons que les analyses de ce livre,
])arues en Amérique [American Journal of Psychology, Psychological
lieview, Philosophical Beview, nov. 1895) sont d'une sévérité exagé-
rée. Décidément, les psychologues américains manquent de complai-
sance pour leurs compatriotes !
A. BiNET.
A. TU 1ER Y. — Introduction à la psycho-physiologie. l\evue néo-sco-
lastique, avril 189"<j, p. 176-188.
Ces quelques mots d'introduction sont intéressants parce qu'ils
émanent d'un élève de Wundt qui est chargé du cours de psycho-
physiologie à l'Université catholiqu»; de Louvain ', Le professeur
revendique à la fois contre les matérialistes qui nient l'existence de
l'àme, et contre les dualistes s]>irilualisles qui préiciident (jue l'âme
est immatérielle et intangible, les droits de la jtsycliulogie expéri-
mentale. Il divise la psychologie en deux parties : l'étude des
impressions et l'étude des représentations.
(t) A ce cours est annexé un lal)oiMtoire, ce qui roustitue un enseigno-
uient complet de psycliH-jihysidldgie nonualc qui, à l'heure actuelle,
n'existe pas encore eu France.
t.
XIV
PSYCHOLOGIE ANORMALE ET MORBIDE
SOMMAIRE
Sommeil et rêves. — II. Siif/r/eslion. — 111. Télépalhie. — lY. Troubles
(les sens et de la mémoire. — V. Aphasies. — VI. Troubles de rinlelli-
{/ence, de la volonlé et des mouvements. — VII. Dédoublement de la
personniililé. — VIII. Études d'ensemble.
I. — SOMMEIL ET RÊVES
IL ELLIS. — On dreaming of the Dead. [Les rêves relatifs aux morts.)
Psych. Rev., sept. 1895, p. 458-461.
ïvlur ri (riuilii's aulcurs oui inonliM' (|iic les rêves sont roiigiin'
de la croyance à la sui-vic ili' ràinr apirs la morl. Il es! à présumer
que certains rùves jibis parlioulièremenl (jne d'autres, les rêv.;s
relatifs aux parents el amis morts, ont joué un grand rôle dans
l'évolution de ces croyances. Lorsqu'on rêve à un ami mort, par
exemple, deux ordres de souvenirs contradictoires, ceux qui nous
représenlenl Taini vivaiil cl ceux qui son! relatifs à sa morl, s'éveil-
l,nl siniiillanémenl, se conirediseni el produisent une sorte d'im-
pression résullanle qui représente l'ami comme vivant encore. Ellis
rapporte quelques observai ions de ce cenre, et les conclusions aux-
(pielles le rêveur arrive sont : i'rami a élécnlerii'' vivant ; 2*^ l'ami est
bien mi>il, mais il rrvii'nl sur terre ]icnilanl (pielques instants pour
visiter les i)ersonncs (ju'il a connues ; 3" on découvre que l'ami n'était
pas morl, mais seulement absent; 4° l'ami élait bien mort, mais il
a revécu cnsuile, sans qu'on puisse expli([ner comment ; o° la con-
Iradiclion ne s'explique ]ias, el cause un >eiilimenl d'angoisse;
0*^ la nouvelle de la ninrl élail fausse, el jirovenait d'une erreur de
journalistes, (leci est un rêve de M. Ellis; il rêve à un ami, directeur
d'une revue psycliologique, mort à ce moment-là; ille voit causer
avec d'autres psychologues, qui ont pris la succession de la revue ;
il discerne même >ni- un nuni(''ro de la i evue b^s noms des nouveaux
directeurs; surpii> de la cunliadicliun, il airive à la conviction que
t
SOMMEIL ET RÊVES 849
son ami n'Ofait pas mori, el, inrou a r('-|iaii(iii à ce sujcl une fausse
nouvelle. — .J(.' [luis rilrr un de mes luojires rêves qui est toul à
fait du même genre. Je connaissais autrefois, à Paris, un vieux
médecin, (jui un an avant sa mort se retira à la campagne, près de
Melun ; nous ajiprîmes un jour par dépêche sa morI, le jour et
riieure de son enterrement à Melun. l'n mois après, je le revis en
rêve ; il élait dans notre petit salon, causant comme d'habitude ;
tout en l'écoutant, j'avais un senliment de stupéfaclion profonde,
me rappelant sa mort el sa dé[iéche, et j'en vins à l'interpeller pour
lui demander si réellement il n'était pas mort. Il me répondit que
la dépêche était complètement fausse et ipu' lui-même l'avait envoyée
pour savoir à combien d'amis la nouvelle de sa mort ferait faire le
voyage de Paris à Melun. — Entin, j'emprunte encore à mes notes
personnelles un exemple (lui doit s'ajouter à la liste précédente:
7" le mort dont on rêve apjiaraît comnui devant mourir plus tai'd.
J'ai eu deux fois un rêve de ce genre, causant avec une personne
ijui était réellement morle ; j'avais le sentiment ({u'elle élait encore
<'ii vie, mais qu'elle allait bientôt mourir; elle ne me paraissait pas
malade, mais bien portante, se promenant avec moi dans la cam-
pagne,
H. Ellis croit trouver un exemple de ces genres de rêves dans h;
• juatrième évangile, ch. xx, v. 5, où Marie-Madeleine, allant visiter
la tombe de Jésus, voit le jardinier, lui parle et a brusquement le
sentiment que c'est Jésus, sorti de la tombe.
Il serait à désirer que ceux qui ont eu des rêves de ce genre en
fissent la relation exacle, pour nous les envoyer.
A. BiNET.
MAURICE DEFLEURY. — L'insomnie et son traitement. Paris, 1894.
L'élude de la pression artérielle au moyen ilu spliygniomètre à
ressort de Verdin ajjplitjué sur la radiale monire que l'insomnie es!
due lanlôt à une exagéralion df la jucs-ion arlé-iir-llc. laiilôl à une
diminution. Citons quelques chiffres : une [lersonne évtnjlée a en
moyenne une pression de IT cenlinu'-tres de mercure ; (juand elle
dort d'un sommeil calme, la jnession baisse, elle est en moyenne de
11 centimètres; si la picssion «•>! un peu au-dessus ou au-dessous
lie cette zone, il y a sommeil partiel, agité, avec rôves, elc. Si l'écart
est encoi'e plus grand, de 20 à 25 par <.'xem|il<' ou de 4 à 6, comme
chez les grands anémiques, il y a insomnie.
.MARIE DE M.VX.VCEI.NE. — Quelques observations expérimentales
sur l'influence de l'insomnie absolue. Anh. iial. ,|c |{i,,|., x\|,
]i. 322, 1894,- aussi (^mi-'iès de Roini-, vn|. il, p. 174.
Il existe peu d'observalions sur rinllucncr di' rinsonini«', l'auleiir
A.NNÉE PSYCHOLOGIQUE. H. 54
830 ANALYSES
ne cite que Ronandin^ et Ilammond- qui l'iiicnl élndii'e. Los (expé-
riences (le lautcur ont (''!('■ faites sur dix jeunes ciiiens de deux ;'i y
(juatre mois; il s'est d(-'gag(j un i^(?sul(at très imporiani, (|iu' Y in-
somnie absolue exerce une influence plus pernicieuse sur l'organisme ^
que l'absence absolue de nourriture ; les animaux mouraient ajirès ':
96 à 120 heures lorsqu'ils ('(aient empêclu''S de dormir; les chiens
[dus àgt's supportent plus longtemps la privation de sommeil. La
température a commencé à s'abaisser apri'S vingt-quatre heures d'in-
somnie, cet abaissement lent d'abord s'accéltlîre et à la lin la tempe- ;
rature est de 4° à 5° au-dessous de la normale. Les mouvements J
réilexes deviennent de plus en plus lents et faibles. Le nombre de .;i
globules rouges diminue considérablement de 5 à 2 millions dans
un millim('tre cube. L'examen histologique des dilférents organes
des chiens morts à la suite de l'insomnie absolue a montré des
changements considérables: beaucoup de ganglions présentent une
dégénérescence graisseuse ; de petites hémorragies capillaires se sont
produites dans toute la substance grise. Le muscle cardiaque était
paie, les libres de ce muscle i»rés(,'nlaieut une dégénérescence gra- 4
nuleuse. En général, l'insomnie produit surtout dans le cerveau des ;
changements profonds et « irréparables ». Ces exitériences montrent ■
combienle sommeil est important pour la vie psychique et organique.
Victor Henri,
UE TARCIIAXOFF. — Quelques observations sur le sommeil normal.
Congrès de Home, I. Il, \>. 22.
Les expériences ont été faites sur ih- jeunes chiens de Irois
semaines à deux et Irois mois; ces jeunes chiens i)résenlent cet
avantage iunM;ieux sur les chiens adulles qu'ils peuvent très facile-
ment s'endormir, même ayant subi une lrépan;ilion ou une autre
opération. Voici les résidtals obtenus :
1° Les animaux ne j»euv(;nt pas dormir lorsqu'on les place la lète
en bas, qucbiues-uns dorment mieux la lète en haut (|ue couchée
horizonlalement ; ceci monire que la cpianlité du sang dans le cer-
veau intlue sur le sommeil.
2° On mettait d'abord à nu les zones motrices du cerveau, [mis on
endormait l'aninuil eu le caressant et on excitait la zone motrice;
l'excilaliiliié de cette zoikï diminue considérablement pendant le
sommeil.
.3" l'^n inscrivant la pression sanguin(; de la carolide, on observe^-
qu'cllr diminue de 20 à 50 niillinièires pendant le soinnu'il.
De ces résultais l'auteur conclut que le somnu'il nonnal s'accom-
(1) lîon.iiulin. Ohservullons st/r Viiifliicnce palhoi/éiiique de Vimomnie.
Annales niédico-i)syclioj(>g., 18ô7, t. ill.
(2) Ilammond. On Sleep. Gaillard's Med. Journ.. 1880, t. XXIX.
SOMMEIL ET RÊVES 85
poixne crime certaine anémie du cerveau et, par suite, d'un abaisse-
ment d'excitaliilité des centres cérébraux qui détermine uu certain
degré de relâchement fonctionnel des centres moteurs de l'écorce
grise ainsi que des centres vaso-moteurs.
4" Entîn il rapporte des expériences faites sur des jeunes chiens
qui avaient la moelle épinière sectionnée au-dessus de la moelle
lombaire ; de celte façon les pattes de derrière se trouvaient en
rapport seulement avec la moelle, les pattes de devant avec la moelle
et le cerveau ; en étudiant les réflexes dans les pattes de derrière et
celles de devant il trouve : que les actes réflexes dans les pattes pos-
léiieuresne changent pas, tandis que les pattes antérieures présentent
pendant le sommeil une dépression très marquée des actes réflexes.
l/auteur en conclut que la moelle épinière ne dort pas et que le
cerveau pendant le sommeil n'est pas inactif dans toutes ses parties,
mais il est au contraire la source d'une action dépressive se propa-
geant sur les parties de la moelle épinière qui sont en contiguïté
avec le cerveau ; par conséquent, le sommeil normal ne peut pas être
considéré comme la suite de l'élimination complète de toutes les fonc-
tions du cerveau, ce qui est admis par un grand nombre de théories.
Victor Henri.
TITCHE.XER, E.-B. — Rêves de sensations gustatives. Amer. J. of
Psych., VI, 4, 1895, p. ;]05-b09.
I/auteur a réuni cinq observations de rêves dans lesquels des
images gustatives se sont produites sans qu'on puisse supposer que
ces images étaient dues à des sensations gustatives réelles; il cite
deux de ses observations : dans l'une, qui lui est personnelle, il n'y
avait point d'indigestion, la salive contrôlée au réveil avait une-
saveur normale ; le rêve élail l'clld d'une auto-sugg('slii)ii, l'aulcur
essayait depuis trois Jours de provoquer un rêve gnslalif. On sait
((ue le nombre de rêves gustatil's connus est assez petit. M"" (lalkins,,
sur un total de 335 rêves, n'ini a rencontré (jue deux, el sur un
total de 298 n'en a [las reiicdiiln'- du Iniil. (Amer. J. iii' l'>yili., V.)
A. lilNET.
II. — SUGGESTION
(^11. l'iiiJÉ. — Note sur une épidémie de borborygmes. licv. neurol.
11" 9, 15 mai 1895, p. 2rt3-2G5.
Dans Lin atelier de coulun; où iieiil' pi'i-.soiines vivi'iit cùle ;"i côte,
ciiKi personnes sont atteintes de borborygmes (bruits jjroduits pai'
des déplacements dr liiiuides et di- gaz dans l'estomac), ce ipii est un
curieux exemple de contagion mentale ; ces cinq personnes présentent
des phénomènes hystériques plus ou moins niartiués ; l(;s quatre
852 ANALYSES
autres qui ont échappé à la coulaiiiou sont exeuipli's de IrouJiles
hystéri(ju(s ; la cuiilairion a donc été favoi'isée par le lcri;iin.
A. FOREL. — Der hypnotismus. 3'- ('ilil. avrc aunol. de 0. Vogl,
1 vol. iu-8", 223 p., 1895.
A. LACASSAC.NK. — L'affaire Guindrand-Jouve. Testament en faveur
d'un magnétiseur et d'une somnambule. Aie h. danlluopulogie cri-
minelle, Lyon, Slorrk, 15 scpl. IS'Ji), p. o44-S69.
En France, ou compile plusieurs affaires dans h^sqnrllrs nu lesla-
ment aété attaqué pour cause de suggesliiui, lalTaire Marlies [Gazette
des tribunaux, décembre 1889 et janvier 1890) et ralTairc; (Irévin
{id., mars 1895). M. Lacassagno publie son'rapiiort médico-légal sur
une autre affaire, l'affaire fluindrand-Jonve. Il s'agit d'une femme de
soixante-quinze ans, M'"^ Cuindrand, faihlc d'esprit, sans instruction,
à la lèlc d'une grosse forlinie, (jui visilait des somnambules, et
confie la gestion de ses iiiens aux époux Jouve ; la femme Jouve est
une somnambule exira-lucide et l'époux est lui magnétiseur. Jouve
prend riiabilad(! d'endormir M™° (luindraud, parfois malgré elle ;
il l'endort quand elle souffre, il essaye même de l'endormir un
jovu' avant sa mort. La malheureuse teste en faveur de ces intri-
gants. Le Iribunal de Lyon a refusé de casser le testament pour des
motifs de fail dont nous n'avons pas à nous occuper, et aussi pour
ce motif curieux (|ue l'existence de la suggestion n'est pas encore
démontrée scien(ifi([ueiiieiil. Notons en passant que celle atfaire
donne raison à ceux (pii peusml (pie la suggestion criininelle est
possible, et ([ue ce n'est [las seulement une cuiiosité de lai)oratoire.
Nous partageons, M. Féré et moi, cette opinion avec l'école de Nancy.
(Voir notre Magnétisme animal, F. Alcan, Paris, 1886.)
A. BiNET.
W.-R. NE\M?OLJ). — Expérimental Induction of Automatic Processes.
[Induction expcrime/tlalc de processus ai(lomati</ues.) l'sycli. Itt'V.,
11,4, Juillet 1895, p. 348-363.
Ce petit travail a été communiqué à l'Association américaine de
psychologie (en décembre 1894) sous un titre beaucoup i)lus clair ;
Note sur la provocation expérimentale d'hallucinations et d'illusions.
l
Cette troisième édition ne présente pas beaucoup de changements
sur les précédentes; sauf quelques notes faites par le docteur Vogt
sur les processus cérébraux qui accompagnent la suggestion. Inté- ■.
ressantes sont les données de la statistique rapportée par Vogt rela- .^
tivement au nombre de personnes qu'il a pu hypnotiser: tous les '^
119 sujets ont été influencés par lui, et 99 ont été hypnotisés. Ces S
chifï'res dépassent ceux rapportés par les autres statistiques. V
f
SUGGESTION 8o3
Cette jirovoL-Jiliun se fait en luiaiit une personne de regarder allenti-
vement pendant quelques instants un ohjt'l brillant, un miroir, une
houle de verre, un verre plein d'eau, une goulle d'Iiuile, etc. De
nombreuses expériences ont été déjà faites dans ces conditions, et
publiées sous le nom de Crystal- Visions, par Myers et d'autres
membres de la Société antjlaise de recherches psychiques; Max Des-
soir a écrit un article populaire pour le Monist (revue publiée à Chi-
cago) sur le Miroir magique, pour montrer l'origine très ancienne de
ces pratiques. jL'arlicle de i\ew])old n'apporte pas beaucoup de faits
nouveaux ; mais comme il remet sous nos yeux des phénomènes
intéressants, dont il n'a pas encore été parlé dans V Année psycholo-
!/ique, nous pensonsulile d'en faire une analyse quelque peu détaillée.
L'auteur a fait ses essais sur 86 personnes, et a réussi à provo-
quer des hallucinations sur 22, dont 20 étaient des jeunes filles. Il
les priait de regarder attentivement une boule de verre bien éclairée,
ou un petit miroir réfléchissant une surface blanche. Au bout de
cinq à dix secondes, chez les bons voyants, l'objet contemplé pré-
sente des modifications de couleurs; il paraît se remplir de masses
nuageuses, lailcusos; d'autres fois, il se colore brillammenl. Puis
une image se forme, au bout d'une minute ou deux, et dure quelques
secondes. Ces - images sont de nature très variée; des vues, des
paysages, des monuments, des scènes, des portraits, des person-
nages, etc. Les unes proviennent de souvenirs personnels, d'autres
sont des créations de l'imaginai iun ; parfois ce sont des souvenirs
réels, mais que le sujet ne reconnaît pas. Plusieurs images de
nature difTérente peuvent se succéder; elles s'appellent parfois par
similarité; parfois on ne discerne entre elles aucun lien. Vn mou-
vement imprimé à l'objel lirillaiil, une (li>lraflion sii|i|U iiueiit en
gém'ral 1 lialhiriii.ilinu ; mais les etfels vaiienl beaucou[) avec les
sujets. Certains conserveni riiallucinalion les yeux fermés ; d'autres
peuvent la projeter sur un objet dilférenl, sur un écran, en dessiner
le contour. On nous dit que, dans un cas, l'image ainsi extériorisée
(dii'issait aux lois des images consécutives.
Si l'on avait considéré dès l'origine l'enijibii de niimiis el d'objets
biillants comme servant uniquement à créer dc'S lialluciiiations,
[leut-êlre n'y avu'ait-on pas attaché grand intérêt. Myers a pensé que
les « cryslal-visions » étaient, comme l'écriture autoniali(|ue des
nié-diums, un moyen de faire eoniiailif la vie subconscienle de l'es-
pril, ce qu'il appelle la consci(;nc(! subliiuinale. Newhold n'accepte
point cotte interjirétalion. Il pense (jue ce suni là simi>lemeni des
hnWnchvAïonii h point de repère * qui sont liées inlimenu ni aux sen-
sations visuelles produites j)arrol)jet brill.nii. I.e piincipal argument
de l'auteur paraît être, bien ipi'il ni' le dise pas e.\|>lieitetueiil, ([ue
(I) Je crois avoir clé le premier à étudier les Iiallnclnations à point de
repère. [Revue pliil., 1884, !<•■'■ semestre, L'/iallucination, recherclies lltéo-
8o4 ANALYSES
le sujet en expérience a souvent uiif (leiiii-cunseience île riialluci-
nation avant qu'elle ne se forme, qu'il sent qu'elle va veuir, et que s"il
n'y applicjuait pas foilcnieni son attention, die ne se piiMluiiail pas.
C'est bien ainsi que les phéncanènes se sont développés ciiez A. B.,
un homme qui, dit l'auteur, assistant un jour à une scène de spiri-
tisme, a présenté bientôt de l'écriture automatique, a rulrudu des
voix, a eu des liallucinalioiis et finalement des attaques (liiy>l(''rie.
Comme dans son écriture automatique il écrivait des choses très
sensées et très logiques, on aurait pu croire — "et lui-même, le
patient, le crut un instant — qu'il avait été envahi par une person-
nalité secondaire ; mais, en s'analysant avec soin, le sujet constata
([u'il avait la prévision vague de ce que sa main allait écrire, et que
bien souvent même, W soufflait la réponse de sa main à une question
qu'il posait. — Xous pensons que ces phénomènes ne sont nuUemenl
contraires aux théories admises sur les ail éral ions de la personna-
lité : nous en avons trouvé des exemples très nets chez .M. de Curel
dont l'auto-observation très développée a été publiée ici même*;
d'après l'analyse de M. de Curel, tantôt les idées viennent spontané-
aient à ses personnages, tantôt c'est lui qui les leur souille et même
les leur impose ; ce sont là des degrés et des aspects divers du dédou-
blement, phénomène qui est extrêmement complexe.
Alfred Hlnet.
P. SOLLIER ET E. PARMEMIEH. — De l'influence de l'état de la sen-
sibilité de l'estomac sur le chimisme stomacal. Ardi. Ar physio-
logie, 18'J5, n" 2, p. 335-348.
Les expérinicnlateurs supjuinicnt, par suggestion, la ^en^illilil•' en
masse de l'estomac chez des hystériques liypmilisi's ; à cfllc injonc-
tion, le sujet commence par faire des conlraclions de l'esloinac ; il
sent des crampes, des picotements, uin; sorli' d'engnuidissemenl,
avec sensation de vide, de froid, enlin plus rien ; au ri'vcil, la snrfaci;
cutanée répondant à restomac est aneslln'siéc, et les malades
n'éprouvent plus la faim. EtMclour de la seiisihililé pai- une nouvelle
sussestion s'annonce par des contractions très doulonreusi'S de l'es-
lomac, puis viennent des sensations de fourmillement et de chaleur,
et enfin la zone d'anesthésie disparaît.
PendanI raneslln'sie slmnacale, il se produil des modifications
intéressantes du chimisme gastrique ; poin- mettre en ('videnie celle
influence de la sensibilité et de l'anesthésie, on reciu'iile et on ana-
riques et e.rpérimeiildlcs.) ha llieorie du point de repère a été reprise par
Pierre Janet et développée rrime manière fort ingénieuse. (Au/ouialismc
psijcholof/ifji/e.)
(1) A7inëe iis-i/c/iiildi/iqi/r. T. 1895, p. 1 10.
TÉLÉPATHIE 800
Iy>o ](' liijuiilo stomacal, après nu repas d'épreuve, toujours le même,
appelé re[)as d"E\vakl, composé de 60 grammes de pain et 2o0 grammes
d'infusion de thé. Les auteurs ont fait pratiquer les analyses par
.M. Winler ', analyses consistant dans le dosage du chlore total, du
< Idore combiné organique et des chlorures fixes.
La suppression de la sensibilité a exercé quatre fois sur cinq séries
d'expériences une action modératrice et retardante sur l'évolution
générale du cbimisme ; cette action a consisté dans une diminution
<lu chlore total et des chlorures fixes. Dans un cas, Taction s"est mani-
festée par une accélération de la digestion à son début seulement.
Par conséquent, le chimisme stomacal peut varier chez le même
individu d'un moment à l'autre sous riiifinence de troubles purement
IVinclionnels. D'après l'opinion de M. NVinter, la sensibilité intervient
dans ce cas par voie indirecte, par l'intermédiaire des phénomènes
vaso-moleurs. A. Binet.
III. — TELEPATHIE
E. BOIUAC. — Un appareil pour expérimenter l'action psycho-
dynamique. Annales des se icn ers psycliii[Ufs, mars 1891), p. 100-112.
Une petite aiguille en paille est suspendue à un til de soie qui es!
tixé avec de la cire au point central de la concavité intérieure d'une
cloche de verre; la cloche repose sur une plaque de verre, elle est
lutée avec du mastic. Ce petit pendule aurait; la propriété de se mettre
dans la direction de l'aiguille aimantée; si une personne se trouve
dans la pièce, l'aiguille se tourne vers <dle très lentemeiil, au boni
4'une heure. Crt appareil servirait-il à enregistrer le prétendu Ihi'uU'
nerveux qui émane de nos mains el, de notre corps"? L'auteur
■remar({ue que son aiguille se meut à l'approche d'un foyer de cha-
;leur; peut-être est-ce là la cause toute simple des mouvements de
t'aiguilb' ; il sei-ait bon de se préoccuper de celle canse d'erreur,
.avant d'aller plus loin. -A. BiNET.
E. IU»IK AC — Une nouvelle méthode d'expérimentation pour vérifier
l'action nerveuse à distance. Annales iU'> sciences psychique's, iS'Jl»,
p. 240-2b2.
Le sujet, éveilh'', a les yeux baudi'< ; mi ne le huirlie pas, (Ui ne
prononce pas un mol, on ne lui a lien dil de ce (pi'dii cnniple faire;
un pr('6ente la main, à .'i à l;j cenliniMres de dislance, vis-à-vis d'une
partie de son corps; et il se produit que^jnes-uns des plii'nnnièues
(l) \Yinter. Les lois de révolution des fonclion-i dir/esUvcs. Acad. des
isciences, 3 juillet 1893.
Sof)
ANALYSES
suiviiuts, dans 1<'S parlics visées : ancsllirsic. ;maL('si('. l'diilracliiuis,
ronliaclures, alliaclions, sensations de oliairur, de piqùic, de foui-
niillomenl, d(^ ideolenient, soupii'S, elc. 1/auleni liace le pinuramnie,
indique les i-ésultals en bloc, mais ne donne iminl le luoldcole de
ses ex|)éiien('es. Il serait d'abord nécessaire de redierclier si un
sujet liabile ne jieut rien percevoir ni deviner tles nionvemenis de
l'expérimentateur. J'ai toujours pensé qm- la collalniralinn dtin
prestidigitateur est nécessaire ponr déceler ces causes d'erreur.
A. BiNET.
.Marcel MANGLX. — La photographie spirite en Angleterre.
Annales des sciences psychiques, juillet 1895, p. 234-242.
I>a pbolograpliie ayant été faite dans certains cas au moyen d'un
appareil stéréoscopique, on a pu constater que l'image de l'esprit,
lixée sur les deux i)laques, était plate et n'avait pas de caractère
stéréoscopique; ce qui prouve (ju'elle n'avait, pas passé par les len-
tilles. Constatation intéressante, (d moyen ingénieux pour di'pisler
la Fraude, conslammenl à craindre dans ces sortes de retliercbes.
A. BiNET.
A. GUEBIIAllI». — Sur l'évocation psychique des objets réels.
Annales des sciences [tsychiques, mai 189iJ, p. 12U-i3(j,
Très curieuse observation, émanant d'un jdiysicieu, professeur
agrégé de la Faculté de médeciiu' île Paris. 1/auleur, se pnuuenant
à la campagne, a l'image mentale d'une monsiruosilé bolauiiiue très
rare ; ses yeux vont ('yisrn'^e direclenu'nl au spi''cimen qui esl devant
lui: il a ensuite l'image mentale d'une seconde monstruosité, puis
diiue Iroisièjue, et chaque fois ses yeux renconirent, sans tâtonne-
nu'iil, l'espèce rare (]u"il vient d'évoquer. Celle successicui rajude de
trois évocations suivies de trouvailles s'esl réjK'lée plu>ieurs luis dans
son expérience. La queslicui serait de savoir s'il n'y a pas eu une
|M'ii(qilion inconsciente ayant pré[iaré l'évocalion menlale.
A. BiNET.
^.;
IIA.NSEN ET A. Li'dlMANX. — Ueber unwillkiirliches Fliistern. Eine
Kritische und experimentelle Untersuchung der sogenannten
Gedankeniibertragung. (Le chuchotement involontaire. Etude cri-
tique et expèrimoitale sur la transmission des ])e/isce.) Philos.
Slud. XT, p. 470-330.
Les questions de transmission de pensée ont élé encore très |)eu
étudiées par des psychologues dans les laboratoires de psychologie.,
il existe enaénéral un ceilain dédain des hommes de science envers
TÉLÉPATHIE 857
00 snjcl, Ii's uns oui pour do so compromellro, d'audos oui dos o|»i-
iiious arrôtôos travanco ri uc voulont lion croiro. C'ost en ofl'ot un
sujot bion drli(;at où on no saurait êlro trop ])rudont ; d'abord los
obsorvations failos sur la transmission des pensée l'ont élé en
liguerai surdos « médiums », sur des personnes hypnotisées ; ces
personnes no so rendent (juo difticilement dans un lalioratoire de
psychologie où ou les priera d'opérer en pleine lumière et où on les
surveillera de très près.
Les aulours ont essayé de faire des expériences de transmission
lie pensée sur eux-mêmes. Voici leur point [de départ : si on admet
(|ue la transmission de pensée d'une personm^ à Taulro csl possible
sans qu'il y ait contact entre elles, on peut supposer ([ne cotte trans-
mission se fera par l'intermédiaire d'un mouvement d'une subs-
lance très fine; on peut admetire que cette substance se l'éfléchira
surdos surfaces uK'Ialliques d'après los mêmes lois ({uo la lumière
et le son ; par conséqueni, si on construit deux miroirs sphériques
concaves et qu'on los place de manière que la tète de l'une des per-
sonnes soit située dans le foyer do l'un dos miroirs et que colle de
l'autre personne soit dans le foyer do l'aulre miroir, et que de plus les
miroirs soient tournés l'un vers l'aulre jiar leurs surfaces concaves,
la transmission de pensée devra s'olfoctuor plus facilement. Les
auteurs ont donc construit deux miroirs sphériques concaves de
ïj4 centimètres de rayon chacun, ces miroirs étaient placés à une dis-
lanco do 2 mètres l'un de l'autre et los observateurs étaient assis se
tournant le dos do façon que les yeux ou l'oreille étaient au foyer
du miroir correspondant.
Dans los premières séries luji dos observateurs pensait intensive-
mont à un nombre au-dessous do 100, l'autre devait prêter son
attention aux imaues visuelles de chiffres (|ui pouvaient se produire
en lui; après un temps do 5 à 10 minules, ce dernier arrivait à avoir
une image visuelle précise d'une forme quelconque, il traçait alors
cette forme sur le pai)ier, puis on passait à une seconde expérience.
(Jniiize expériences seulement ont (''h'- l'ailes [lar cotte ui(''lliode ;
dans ]ilu<ieurs cas les nom])res représentés par h; deuxième obser-
va leur correspondaient à ceux pensés par le i)reinier, mais les
auleiu'S ont abandonné C(.'S expériences; los coïnoidences Irouvées
sont, d'après eux, illusoires ; i)0urlanl les formes qu'ils jap])orteni;
ilaiis leui' iiH''nioire ju(''seiileiil ('videmiiiciil une liraiide ressemblance
avec le nom])re pensé. Imi ellel >nr 11 cliiflres, il y en a eu V> iden-
ti(iues et les 6 autres ])résonlent tous (|iii'li|ne analogie avec les
cliiffres pensés. Nous ne comprenons ji;i> du tout pointiuoi les
auteurs considèrent ces coïncidi'iices comme illusoires, ils no s'ex-
piiiuent pas claii-eiuont là-dessus; que la [»remière liguic puisse
être considérée comme; l'cssoinblanl peu à 77, cela est certain,
mais dans les ligxucs suivantes nous avons des coïncidences remar-
(juablos, qu'il serait vraiment très intéressant de poursuivre plus
8o8
ANALYSES
loin oL d'ùLuditT jiliis en drlails ; ulliiluicr l'cs (•(lïncidi'iici'S ;'i un
simple hasard, c'csl impossible ; si on calculail m cllcl la pi(d)al)i-
lil(' de laiiL de coïiieideuecs ]iour (juinze expériences sculciiicnl clic
serait d'une valeur exlrèmement faible. Cela u'empècbe pas les
auleurs de conclure (jue loutes les coïncidences de tigures obtenues
par (ransmissious de pensées sont illusoires; f[ue le pcrcepleur, en
traçant la ligun' dnnl il a l'iiiiagi' mentale, dnniir à cette liguii' une
toute autre signilication (pie c(dle qui lui devrait ap[iarleiii)' ; ainsi.
])ar exemple, le premier observateur jiensaiit à un 'cliaudeiier, le
second (le percepteur) a une image visuelle qui ressemble à un chat
placé la tète en bas, il en trace une figure schématique et cette ligure
est considérée par le [iremier observateur comme ressenil)lant à
un chandelier ; [lourlaut le perceiiteur n'avait ]ias du tout pensé à
un chandelier.
C'est l'unicpu; expérience que les auteurs aient exécutée avec des
figures. Des quinze premières expériences et de cette dernière ils
CDinluenl ([u'il n'existe ])as de transmission dépensées parla vision,
que tous les cas observés par Richet, Sidgwick et les autres auteurs
sont illusoires, la ressemblance entre le dessin et la figure pensée
n'apparaissant (jue lorsqu'on connaît la figure et lorsqu'on veut abso_
lument lriuiv( r une ressemblance. 11 est évident i\\io ces conclusions
ont une parlde véril(', mais elles sont trop généiales ; non seule-
ment les expérienc(îs des auteurs m:; conduisent pas celte conclu-
sion, bien au contraire elles i^arlent contre celle-ci : dans quinze expé-
riences avec des nombres au-dessous de 100 il y a eu ein(|
(oïncideni'es ! Est-ce une iJInsidU, un un hasard? On a le droil de
sufiposer (jue ce n'est jias \\i\ l'ail de liasard, la |irobabililé en est
\vo\) faible.
Les auleuis ayani rt'inaiijué (|ue pendant les ex[)ériences de ce
genre on a toujours une tendance à prononcer les nombres auxquels
<in pense, se sont demandé' si une Iran'-missinn ji^'^laiL pas possible
avec un cbucbolemeul de la bduclie exécuté sans mouvemenls appa-
l'cnts et si faible (pie les perMiniu's environnantes ne le reniai(pn'-
raient pas.
Les observateurs s'asseyaient de fa'on t\\ir la ImiucIh' de ((dni (|ui
] te usa il. aux munbres (d Tore il le du perce pleur rn>seiil dans les foyers
des miroirs corr(!spondaiils. Le |ireinier observateur tirait un numéro
d'un J(Hi d(» loto conlenani les nunn'M'os de 10 à 100 td, pensait
iidensivement à ce nunn'id; en y pen>anl il avait une lendanci; à
pronniicer l(''g(''reinenl le nduilnc, il irair('dail pas (-(die lendance,
nuiis prononçai! le ndinbre d'niie manière à midli('' xidunlairc; les
auteui's n'appuieul pas as-^c/. sur la mani("'re (buit ils pi (incmeaienl ;
dans la ]p)(Mni(''re partie du travail éciite |»ar L(diniann il dit ([u'on
laissait la idcine libeih' aux mouvements d'arliculati(Uis involon-
taires, (]uc la Ihiik lie (Mail en g(''n(''ral fermée td (pi'il n'y avait pas
de mouvemenls exicrnes de proinjucialiou ; dans la deuxi(''nie partie
TELEP.VrUIli
859
rci'ilo ]iar Hans(Mi et consacrée an mécanisme )iliysio]ogi(iu<' du
cliucliolement, l'anlenr dit ({ue le chncliolement étant produit ])ar
1(^ nez, la bouche l'in^née, on devait d'abord s'exercer; puis il dit
qu'en général le ])ercept:eur ne perc'evait pas le nombre lorsfjuc
celui-ci était chuchoté une fois, il fallait le chuchoter plusieurs fois
df suite. En somme, il parle <run chuchotement volontaire, au(iU(d
les observateurs prêtaient une attention spéciale, il y a ici une con-
tradiction entre les deux auteurs. Dans tous les cas, ce c^ue les deux
aflirmenf, c'est que les mouvements n'étaient pas a]iparents et une
personne se trouvant à côté n'entiMidail rien du Idul. Lorscpie le
percepteur croyait bien percevoir le nomljre, il ré'crivail ; 500 expé-
riences ont été faites, 250 avec chaque observatevu- ; les résultats sont
très peu différents pour les deux observateurs. En (■iTet,nous avons
les chiffres suivants :
Nombres perçus exactement
Un chilïre perçu exactement
HANSEN
LEHMANN
34 p. 100
40 -
26 —
32 p. 100
43 —
25 —
On voit par ce tableau combien les coïncidences sont nombreuses;
le résultat est vraiment remarqualde. Pour étiulier de plus près b'
mécanisme du chuchotement et surtout pour pouvoir comparer ces
expériences à celles faites par Sidgwicket Smilii ^ dans lesquidlcsunc
personne pensait à un nombre et une autre personne, hypnotisée,
devait se repi'ésenter visuellement h' nombre pensé parla première,
les auteurs ont classé les erreurs commises; cette classitic;iti(ni des
erreurs avait été faite dans les expériences anglaises de Sidgwiciv et
Smith et ces auteurs avaient afliiiii('> (pie les erreuis peuvent tontes
s'expliquer par une ressemblance de. forme des chilfres et (pi elles
ne peuvent pas être exidi(|uées par une ressemlilance dans la jiro-
nonciation des ciiilVre-^ ; l'en-eur cduiuiise par ces auteurs est
(ju'ils admettent ipie le smi d'iiii clnlfre cIiucIkiIi'' e>l le ini'iiie
que celui d'[i\\ cliilTre |ijiiii(Mic(' à liaiile vdix; or ceci n'est pas
exact coninit^ le UKHiIre Maiisen dans la deuxiènu! ])artie dn iwr-
moire. 11 s'est dégag('' de la slatisti(pie des erreurs commistis (pie ces
erreurs ressemblent lieaucou]» à celles rap|>ortées par les auteurs
anglais; en (dVel >i un eimipare les iiiiiru>ion- le pins souvent cdin-
mises dans les e.xpi'riences anglaises et dans ((dles des anlenis on
(l) E.ipei'iinenfs in Thot/f/IU Transferciicc Proccet/ini/s >)f Soc. /or l'si/ch.
Research., vol. V et VI.
860
ANALYSES
voit que boaufnup de ces confusions sont idcnliiiuos. Voici les résul-
tais :
EXPÉRIENCKS
EXPÉRIENCES
anglaises
de
Ilansencl I.ehmanii
I a
été coni
ondn avec
0, 3, 2. 4
5. 9. 4. 2
2
—
—
3. 4. 1. 6
3-. 8, 7. 4
3
—
—
2. 5. 1. 0
5. t). 7, S
4
. —
3, 1, 2, 5
5, 1. 2, 3
5
—
6. 4, 3, 2
6, 7. 4, 2
0
7. 8, 3, 4
7. 5. 3, 4
i
—
2, 6. 5. 1
5. 4, 2. 1
8
—
—
3, 7. 4, 5
3, 7. 2. 1
9
—
3, 0. 8, 5
4, 3, 8. 5
0
— '
—
3, 5, 4, 7
5, 7. 3, 8
Ex]ili([uons un [icii ci- (|ue le tableau |iit'ci'ilcnt ie]iii'scnte ;
|ifcn(ins un exem2:)le, le cliillïe quatre ; le lahicau mms luiuilrc que
dans les expériences anglaises, lorsque le |ireniier o])servateur avait
pens(' au chitï're 4, dans les cas où le ]iercepleur n'avait 'pas deviné
ce chillre, il l'avait confondu avec les chilVres 3, 1, 2, 5; de pins,
les confusions avec 3 sont les plus nombreuses, ctdles avec 1 le sont
nidins, puis vieiiiieiil celles avec 2 et enOn celles avec a ; dans les
expériences des auteurs, lorsque le cliilTre 4 étail < Iniciudé et que
le percepteurs'étaiti rompe, il l'avait confondu avec les c lu ffreso, 1,2,3,
et de nouveau les confusions avec 5 sont les plus nombreuses, etc.
Si ou l'xamine de plus près le lableau pr('c(''denl on voil (pie sur
40 cas (4 confusions ]ioni' chacun des 10 chiffres), dans 28 b'S coid'u-
sions sont les niènn's pour les ex[)(''rieuces auiilaises et les expé-
riences des auteurs. Pourquoi donc celte ressemblance exirème
dans les résultais ? (A)mme les auteurs anglais expliiiuenl leurs
erreurs par des ressemblances dans la loi nie des chilIVes, il élait
intéressant d'élndier ipielles peuveni èlre les confusions |iar sude
de la ressemblance des foi-mes ; poiu' le faire, les auleurs uionlraient
pendant un leiiqis 1res coni't deux ou (rois cliilfres écrits sur ]i;q)ier,
le sujet devail dire ce (lu'il percevait; de ces expériences il s'est
dégagé que 1
' e
hillVe :
1 et
dt
COIirnlldll 1
(■ plus souvent
avec
4.
7,
2,
3.
2
—
—
4.
<),
0.
7 .
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2.
8,
6.
9.
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7,
9,
5.
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—
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4,
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—
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9,
3.
9
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ti,
0,
3,
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0
—
4,
9,
1,
3.
•i'-
TÉLÉPATUIE 8G1
Si on compnre cos confusions ducs aux ressemblances de forme
des chiffres, comme raflirment les auleurs, aux coiifusiiuis repré-
sentées dans le tableau précédent, on voit (jue dans 22 cas sur 40
les confusions sont les mêmes que pour les expériences auiilaises et
dans 18 elles sont les mêmes (pie dans les expériences de chucho-
tement des auleurs. .)us(pi'ii'i on ne peut rien objecter ; ce sont des
faits expérimenlaux, mais les auteurs ne s'y arrêtent jias, ils discu-
tent ces résultais et commettent dans cette discussion des erreurs
graves qu'ils semblent ne pas avoir remarquées; le but qu'ils pour-
suivent est de montrer que dans les expériences anglaises on a
affaire aune transmission de pensée par chuchotement involontaire
et que les erreurs des expériences anglaises ne peuvent pas s'expli-
(juer par la ressemblance de forme ; le procédé emjiloyé est de
calculer quelle est la probabilité pour que le hasard amène dans des
expériences analogues aux précédentes d'une part 28 coïncidences
sur 40 confusions, de l'aulre 22 coïncidences et 18 aussi sur
40 confusions ; le problème est le suivant : chaque chiffre est
confondu avec quaire des neuf autres chiffres ; ceci a lieu d'une
part pour les expériences de chuchotement et de l'autre pour les
expériences anglaises; quelle est d'abord 1;l probabililé pour (}ue
dans ces deux séries d'expériences les quatre chifTres avec lesquels
on confond un chiffre soient les mêmes, comme cela a lieu par
exemple pour le chifï're 4 qui est confondu avec 3, 1, 2, 5 ? Le pro-
blème n'est pas bien posé, il n'est pas complet ; il faut ajouter ou
bien que tous les cas sont également possibles, c'esl-à-dire qu'un
chiffre peut être confondu avec chacun des neuf autres avec la
même probabililé, ou bien, si tous les cas ne sont pas égalemenl
possibles, il faut dire quelle est la probabililé de cha([U(; casparlicu-
lier. Les auteurs ne pailent pas de celle condilion, ils comparent
les expériences à des lirages dans un sac contenant neuf houles, ils
admettent donc par cela même ([ne tous les cas sont égalemenl
])Ossibles et ([ue les tirages sont dirigés seulement ]>ar le hasard.
Ces conditions étant supposées, ils calculent les probabilités pour
les coïncidences dans les confusions jurnc les e.\pi''i iences anglaises
et de chuchotement pour les expériences ;inglaises et de lecture
pour celles de chiu;iiotemenl et de lecture; et ils arrivent ainsi au
résultat que la piobabilili'' des 28 coïncidences entre les confu-
sions des deux premiers genres d'ex|i(''riences est 4000 fois moindre
([ue la probabililé des 22 coïncidences et des 18 coïiieidciices dans
les autres exiiérie)u;es ; de cette relation entre les probabilités
ils déduisent cette conclusion inexacte « t\nr. la coïncid(,'nce des
erreurs n'est pas due au hasard, et que les confusions des deux
séries d'expériences (anglaises et de cburholemcnl) onl une cause
commune», (p. 492) et plus loin : <f que les Iransniissioiis de
pensées (anglaises) se sont i)roduiles par le chueholement, au
moins la probabilité de cette cause est 4 000 fois supérieure à
8()^
ANALYSES
celle d'uno aulrc cause ». Nous disons que ces conclusions sont
inexactes; en ell'et, on peut bien afiîrmer que les coïncidences ne
sont ijas dues au liusaid, que les confusions ne peuvent pas être
assimilées à des tirages au soit dans un sac contenant neuf houles,
([u'il y a certaines causes ({ui iulluent sur les tirages et (ju'enfin
ces causes sont telles qu'elles produisent des effets très ressemblants
dans les deux séries d'expériences ; on voit donc que l'erreur prin-
cipale des auteurs consiste en ce que de la ressembkmce dans les
(dfets ils déduisent Tidentité des causes qui produisent ces effets;
(ieci n'est nullement nécessaire. >'otons encore un point douteux :
les auteurs admettent sans discussion aucune qu'on peut mesurer
le degré de ressemblance des formes de chiffres en montrant pen-
dant un temps extrêmement court un ou plusieurs chiffres et
observant quelles sont les erreurs commises dans la lecture ; cette
expérience devrait être étudiée de plus près; il faudrait voir si en
réalité, comme les auteurs le sui)posent, les erreurs reposent seule-
ment sur la ressemblance de formes ; et si même ceci avait lieu, on
ne pourrait pas encore déduire que les ressemblances de formes
vues pendant un instant sont les mêmes que celles qu'on contemple
longuement; ce sont des points importants ipTil fallait discuter; les
auteurs ne l'ont pas fait.
La deuxième ])arlie du mémoire, écrite par llansen, est relalive au
mécanisme du ciiucbolement et aux modificalions |ib<iii(''liipies
ap[)ortées aux (lilIV'iciiles lellit-s par le (Iiuciujtenieui . 1. "auteur
dislingue trois g(,'nres de cliuciuilenieiil :
a) \jd bouche lui peu ouverte, distance entre les lèvres d'un demi-
centimètre, la, respiration se |)ro(luit pai' la bouclie el juir le nez.
h) La bouche connue prt''cédemmeiil, la resiiiialhui |ii-eM[ue exclu-
sivemeul par le nez.
c) La bouche l'erni('e, respiration par le nez.
C'est la troisième méthode (jue les auteurs ont eni[)loyée ; le cliu-
chotement par le nez.
.Nous ne [(uuvdiis pas nous arièler sur ri'lude di'l.iiilt'M" des modi-
fications phonéli(pu's a[tportées par ce cliuchotement dans les
voyelles et les consonnes; nous renvoyons pour ces ilélails au
mémoir(-' même.
lui somme, les expériences rapportées par les auteurs sont d'un
grand iuti'ii''!, l'Iles nionireiil riniporlance du r(Me (pie le cliuiho-
\rmvul peut Jouer dans les expériences de ce genre, mais elles ne
montrent pas, à l'inverse de ce que pensent les auteurs, ijue les
expériences anglaises sur la transmission des pensées doivent être
allribuées au chuchotement.
Victor Henri.
TROUBLES DES SENS ET DE LA MÉMOIRE 863
IV. — TROUBLES DES SENS ET DE LA MÉMOIRE
I,. BIAXCHI. — Paralisi progressiva e frenosi sensoria. [Paralysie pro-
gressive et folie sensorielle.) Naples, 1895, p. loi.
.Ni'ur leiMiiis;, doni les quatre dernières, ipii lursenlent jiliis d'iii-
Irrêt que les premières pour la psychologie, sont, consacrées à la folie
sensorielle, élal morbide qui présente une ressemblance étroite avec
le délire sensoriel aigu (de .'^rhiile et de KrafTt-Eliing), la Yerwirrtlieit
et la Verworrenheit (Zielien, Fritsch, AVille, Koniad), la stupidité, lacon-
lusion mentale (Dagonet, Cliaslin). L"auteur soutient que, dans cette
forme morbide, les désordres de la perception, illusions des sens ou
hallucinations, sont toujours primitifs; ils agissent à la manière d'un
traumatisme sur une organisation débile, et produisent consécuti-
vement de la mélancolie ou de la confusion mentale. Ces leçons con-
tiennent plusieurs observations intéressantes et un schéma de la
mécanique psycho-physiologique dr la formai imi dos images, des
conceptions et des réactions.
A. BlNET.
|{IA.\(-HI. — Di una nuova forma di nevrasteniaparziale, anagnosias-
tenia. {L'ne nouvelle forme de neurasthénie partielle, V anagnosias-
thénie.) Annale di Neurologia, anno XIIT, fasi-. 1.
Le trouble particulier signalé ici se développe pendant la lecture ;
il y a incapacité de fixer l'attention, de coordonner les mouvements
des yeux, de recueillir et de se rappeler le sens des mots et des
[tlu-ases ; puis, si la lecture se prolonge, douleur de tète, angoisse,
vertige; tous ces symptômes se dissipent au bout de quelque temps.
Les malades, en dehors de ces symptômes, ont toute leur intelligence
et leur mémoire. L'auteur rapporte 12 cas de cette; affection ; elle est
liée parfois à lastigmatisme, mais i)as toujours; elle se dislii'.gue de
Falexie, puisque le malade comprend ce qu'il lit. L'auteur en fait,
une forme de neurasthénie, distincte des phobies ordinaires en
ce que le malade n'a pas la crainte de lire; au contraire, il lirùb;
du tlt'-sir de lire et n'est arrêté (pif jiar la soulfrance.
A. iîl.NKT.
C.-L. DANA. — The Localization of Cutaneous and Muscular Sensa-
tions and Memories. (La localisation de sensations cutanées et
motrices et de leur mémoire.) .Ncw-Vork, Tin- Alliance i»rcss, 27 |i.
2o observations cliniques dans lesquelles des paralysies motrices
ont été accompagnées de troubles des sens, consistant principale-
ment en pertes de la faculté de localiser les contacts, et de la mémoire
864 ANALYSES
(lu loucher actif. Conclusion, (lue les circoiivoliilious moliices sont
à la fuis dos centres sensoriels et mnémoniques.
Dl'M. — Double Hemiplegia with Double Hemianopsia and Loss of
Geographical Centre, {lléiniplégie double avec hémianopsie double
et perte du sens du lieu.) University Med. Mai:azine, mai 1895,
p. 578.
Nous extrayons de cette observalioii médic;ile les détails ([ui ont un
intérêt. psyclioloii;i(iue. A la suite d'allaques de paralysie, un malade
de soixante-huit ans présente à lélat persistant depuis deux ans une
hémianopsie latérale double avec conservation de la vision centrale;
rintelligence est normale, mais le malade a perdu le sens du lieu ; il ne
peut se rendre compte de la situation de sa maison et de la place
qu'elle occupe. 11 peut dire seulement que sa maison se trouve à la
rencontre de deux rues, mais ignore la direction de ces deux rues.
Cette perte du sens du lieu est un signe important de riiémianopsu-
double. Exisle-t-il un centre pour les souvenirs de locali>alioii ?
G.-C. FERRARI. — Un caso di amnesia parziale continua, [('n cas
d'amnésie partielle continue). Riv. sperim. di freiiialiiaf ili medicma
légale, XX, l'asc. IH-IV, 1894.
Ce petit travail contient l'oliservation clinique d"un cas d'anuiésie
des chifl'res. On sait, par les observations de Drobiscli, heland,
Criesinger, et jiar les études de Ribot', ii's leçons de Cbaicol -, ([ue
certains malades |ieuveut perdre un seul grme de jm'iiioire ; les
cas d'aniii(''>ii' localisi'-i- aux ciiillii's ne S(ud, pas IVi'ipirnts.
RiboL^citertîxeniplr d'[in voyageur qui, ayant été longlein[is exposé
au froid, perdit la faculté de faire des calculs et d<' retenir des ciiillres.
l-'urbes\Vinslo\v'Ma|iporte ([u'un soldat, après uiu' Iréiia nation, perdit
pour un temps \i- si uiveiiir des nombres 5 et 7. Au moyen de la >ngges-
lioii bvpnoliqni', on |irul faiib'iiicnt abolir, cbc/, les sujris entraînés,
la mémoire des cbitl'res ou d'un cbilTre en jiarliculicr ; je un' rappelle
une de mes expériences ainjiennes, où J'enlevai à une malade la
mémoire du chitlVe 7; ayant oublié de snpprinu'r celte suggestion,
je lui lai>sai une amm'sic! gênante, (|ui pemlanl plu.^ienis jours lui
lii faire (les erreurs de complabilili', d'où résidt(''rent des (li>pules.
Le cas nouveau )aiip(U'l('' pai' l'aulenr est inléressaul, jiarce (pi il
s'at^it d'un liomun; instiuit el capable de rendic couq)le de ses
(1) Les maladies de ht /iicinoirc, Paris, Alcan.
(2) Leçom du Mardi, 1890, p. 200. Conf. Sollier, Les affaiblissements de
la mémoire, Paris, 18'J2.
(3) Op. cit., p. 116.
(i) On the Obscure Diseuses of llie Brain., 4» édit., j). Ihl.
TROUBLES DES SENS ET DE LA MÉMOIRE 865
impressions ; aussi est-il dommage que l'on n'ait l'ail sur lui aucune
(■\[iérience. Agé de vingt-sept ans, ayant gagné au concours un grade
académique, il à remarqué lui-même que pendant les examens il
était sujet à de iiartielles et brusques pertes de mémoire, au point
qu'il perdait juscfu'à l'idée des matières sur lesquelles on l'interro-
geait, quand même il les avait apprises soigneusement. Il esl
<lépourvu de stigmates hystériques, ne présente rien de particulier;
excellente mémoire, spécialement visuelle, mais inaptitude com-
plète à retenir des chillres, au point qu'il a renoncé à apprendre la
table de multiplication ; il ne sait bien que la séiie par 2 et par ;>.
Dans un récit qu'il fait de souvenii', il a l'habitude inconsciente d'in-
venter des chifîres p)Our remplir les lacunes de sa mémoii^e ; en
général, ce cliilTrr inventé est plus fort que le chiffre réel. Si on
n'attire pas son attention sur l'erreur, il ne la remarque pas, et il ne
fait d'ailleurs aucun effort pour se remémorer le chiffre exact. Il se
>frt parfois d'une mnémotechnie rudimenlaire. Nous pensons qu'il
y aurait eu intérêt à faire des expériences spéciales sur cet individu :
mesure de la mémoire immédiate, pouvoir de reconnaissance, etc.
J.i* mécanisme des amnésies est encore si peu connu!
A. HiNET.
1>ALL GARMEU ET LE FILIATUE. — Coexistence d'hallucinations
verbales auditives (sensorielles) et d'hallucinations verbales psycho-
motrices. Dialogue entre les voix extérieures et intérieures. Annales
médico-psychologiques, janvier 1895, p. 79-91.
Baillarger est le premier aliéniste qui s'est aperçu qu'il existe deux
■espèces d'hallucinations de l'ouïe ; dans l'une de ces espèces, les voix
que le malade entend sont extérieures, elles lui paraissent venir de
dehors, d'un interlocuteur ; dans l'autre espèce d'hallucination, la voix
e.st d'origine iiileme, c'est une vni.x intérieure, et Haillarger jioiii rop-
|)oser aux hallucinations auditives l'apiielb' hallucination psychique.
.Max Simon a bien compris la nature de C(;tte halluciiialion psyciiique;
remar(juant ([u'elle s'accompagne d'un mouvement dans les organes
de l'articulation, il a considéré ({u'elle consiste dans une impulsion
de la fonction langage ; c'est une parole que le malade prononce ou
du moins ébauche, sans ]iarfois en avoir conscience. Séglas est le
Iroisièjue aliéniste; (jui a attaché son nom au dévelo]>penu;nt histo-
rique de celte question. Il a repris et développé l'idée de Max Simon,
étudié dans une série d'observations clini(|nes Ions 1rs di-gn-s de
riiallncination psychi(iue, à laquelle il a, donné son vrai nom, l'Iial-
lucination verbale psycho-motrice*. Sous une forme atténuée l'Iial-
lucinalion i)sycho-motrice ne s'accompagne pas de mouvements
.'l'articulation visibles ; dans d'autres cas, le iiiouvem(;ut se voit el
{]) Troubles (lu laiifjuf/e chez les aliénés. Paris, Hiicff.
ANNÉE PSVCHOI.OOIQCE. H. 55
866 ANALYSES
mémo la parole [vul rlrt- (Milriidiio. l)i- plus, un ImuMi' ;iii;i]ni.nK' à
celui de la parole i)ciil se s;iisir dr la main, ri. li' nialndc, au lieu df
parler meutaliMiitMil ou i«'-ell('nieiil, peut éciiie. l/i'-l;d de cDiiscieuee
(lui ac(ompai.'iie ces plii'Udiuènes est v;iii;ilili', liii'u t\\\r d une
manière g(''uérale ces phénomènes soii'ul involontaires; lanlnt le
malade parle involonlairemenl, irrésistiMcnicnt, maissa parole reste
l'expression de sa i>ensi'e ])ersonni'Ile ; tantôt la pensée ipi'il rxprime
lui pai'aît étrangère, imposée; il ii"a [ilus conscience (pi. • <li's tnou-
vementstr.ii'lii'iilaliiin qu'il (•x(''cule ; lanlôl, il perd crili' (•(uiscience
des mouvements, alors même qu'ils sont assez intenses [lour que la
r('ponse soit proférée à voix haute; la parole devient à la l'ois invo-
lontaire et inconsciente, ce qui donne lieu à des phénomènes com-
plexes de dé'doniilenienl ineiilal.
i/()liseivali(Ui pulilii'e pai- (iainier el l,e Fillialre est intéressante
parce que cliez leur nialadi; les hallucinalions verhales auditives se
séparent des hallucinalions psycliD-molrices ; le malade lui-inènu'en
perçoit la dilTV-rence, et dans raiilfi-observation qu'il écrit, il lait saisir
sur le vit h' dialogue ipii se ]iiii(luil entre ces deux espèces d hallu-
rinalidus. Jean Henri e-.!, un dé'iiénéré leMi'dilaii-e, alleini de délire
de perséciUion. Il a des lialliu-inations auditives, il enlend des voix
qui lui disent des injures; ces voix, il les rappmle à des persécuteurs
auxquels il a diunu' des luuns, tels ipie je niunde, la ven^eresse ilu
ociire liiiiuain, l'autre, etc. Aux in-ulti'S (|ui lui parviennent aux
(Ui'illes il répond malgré lui, iuvoloidairement, jiar des mots d'injure ;
il se rend liien i'iuu|ile (pi'il ne piononce pas ces mois avec sa
houclu- ; c'est une liallueinal ion psycho-motrice an premier degré,
sans pailicipaliou des organes luécaniipies de la painle. l.e malade
consiilère ipu' la pens('-e vieni de lui. A. Iîi.nkt.
IMerue.IA.NKT.— Anesthésie.ltieliounairi'de jdiysiologie. I, ]i.'D0(')-3i3.
I, article de .lanet (-(mlienl une liés iii-Iruclive ilas>ilical ion des
anesthésies, et nous allons en itquoduire les grandes ligues. I.'aues-
thésie est imc suppression de la seiisihilili' consciimte, (die pn'sente
heaucoup d'espèc(!S (lilTérentes.
Anesthésies •périphériques. — Elles i>euvenl être duo à la lé'snui
des corpuscules du tact, comme dans la lèpiv, le mal perforant,
Teczénia, h; psoriasis, etc., à l'acliou de eerlaines sulislances, cocaïne,
phénol, froid, anémie, elc.; il y a dan> ce dernier ca> une péiiode
d'augmentatitui île sensibilité (hyperesllu'sie) ipii pn'céile I in-~en>i-
liilih'. |,a seclimi des nerfs snppiime ans-~i la seiisiliilili', mais pas
il'ane manière, aussi radicale (ju'on pouiiail limaginei ; la vnisihi-
lilé est plulùt engourdie, C(; (pu tiendrait à ce (pie les nerfs d un
membi'e s'anastomos(Mit à leiu' extrémité et S(> siqipli''enl les uns
les autres. (Voir Tli(ulmrii, Itrain, 180:{, [.. 3oy.) I,es h'sious de In
moelle, (lu pied du pi''(|oncule ci'n'diral el de la r(''giiui [)oslé-
TROUBLES DES SENS ET DE LA MÉMOIRE 867
lifure de la capsule iuteiiie produisent également de rinsensiliilitt'-.
Toutes ces aneslhésies péiipliériques ont un certain nombre de
caractères communs : 1° elles peuvent être dissociées, une forme de
1,1 siMi>iliilité est conservée, les autres atlcintcs ; dans certains cas,
le contact se conserve, la sensation thermique disparaît. Il ne faut
[las trop se presser d'en conclure que chaque sensibilité a un con-
ducteur différent ou un organe périphérique diflérent; il faut aussi
tenir compte des réflexes très nombreux qui accompagnent la sen-
sation, modilicnl sa nuance, et qui peuvent disparaître ou être con-
servés, ce qui produit des effets qu'on attribue à tort à rinsensibilité;
2° les anesthésies périphériques ne sont pas systématiques; si la
température d'un objet n'est pas sentie, celle d'un autre ne le sera
pas davantage; 3° la localisation dépend de la disiribution des nerfs,
une lésion du plexus brachial produit une anesthésie de l'avant-bras
et respecte la région de l'épaule, qui est innervée par le plexus cer-
vical (Klumpke, Revue de médecine, 1885, p. 604); 4° le malade
connaît la lacune de sa sensibilité, il s'en rend compte et en soufîre;
3° il peut se rappeler les sensations perdues, soit à l'état de veille,
soit en rêve (exemple des amputés).
Aneslhésies centrales. — L'iiémiplégie (paralysie d'une moitié du
corps) qui survient à la suite d'un ramollissement ou d'une attarpie
d'aiinplexie cérébrale, est le plus souvent accompagnée d'insensibi-
lilé- dans les membres paralysés. Il paraît résulter de quelques obser-
vations que le malade perd les images l'elatives à son bras et à sa
Jambe paralysés. C'est encore une question peu étudiée, sur laquelle
l'auteur passe rapidement. Il insiste, au contraire, sur une auti^e
espèce d'anesthésie centrale, qu'il appelle anesthésie par dé'faut
d'assimilation, ce qui est, soit dit en passant, toute une théoiùe. Ces
anesthésies s'observent chez l'individu sain, dans les intoxications
légères, dans les névroses et sur! ont dans l'hystérie. La sensation
n'est pas perdue, l'auleui- jinur le prouver rappelle les fails observés
par Lasègue sur les liysli-riques anesthésiques, par exemple la con-
servation d'une ;il(ilnd(\ Je rappelle à cette occasion que nous avons
prouvé expérimentalemenl, Féré et moi, cette conservation de la
sensation chez beaucoup d'hystériques par l'expérience des mouve-
ments jiassifs répétés ; nu'- plume étant mise dans la main insensible
du sujet, derrière un écran, on iiii|iiinie à cette main un mouvement
grnphique quelconque, et la main le répète. C'est une expérience
bien démonstralive et bien siiiqile, et je défie qu'on en trouve une
meilleure sans employer la suggestion et beaucoup de procédés com-
plexes. Ces anesthésies présentent plusieurs caractères généraux,
que Janet résume ainsi :
i° Ces anesthésies ne sont localisées d'après aucune règle analo-
mique ; 2° elles ne produisent aucune perturbation notable dans les
fonctions de nuliilinii, les mouvements, les réflexes (ceci ne me
semble pas tout à fait exact) ; 3" elles sont indifférentes à l'hystérique ;
868 ANALYSES
4" elles soni iiinliilrs ri nmlradirinires ; '6" elles inléressenl non seu-
lement la sensulion, mais encuie la mémoire et les sentinienis aussi;
l'anesthésie viscérale peut supprimer la pudeur. De plus, on a pensé
que, dans le cas d'anestliésie générale, l'intelligeuce est atteinte; si
on ferme les yeux du malade, il dort. Slriïmpell a décrit l'un dr-
premiers un cas de ce genre : une petite fille de dix ans, (]ni ne con-
servait de sensations que dans l'œil droit et l'oreilh' ganclie, s'en-
dormait si on lui fermait ces deux organes. (Voir Slrùmi)e]l,P/?. j4/-c/(.,
XV, 573. — Raymond, Rev. de médecine, 1891, \\. 389. — Féré, Patho-
logie des émotions, 1893, p. 83. — Séglas et Bonnus, Arch. de neuro-
logie, 1894, p. 353.) Il est bien possible que l'occlusion des yeux,
dans ces cas, produise simplement l'hypnose.
L'auteur rappelle en quelques mots, pour expliquer ces anestlié-
sies, son intei'prétation qui fait intervenir la pei'sonnalité ; il y aurait |
dans la perception normale une opération de synthèse laliacliaiii |
les sensations à la notion vaste et antérieure de la iiersonnalité.
Cette perception personnelle ne se produirait pas ciiez riiystéri(|ue.
Ce n'est pas ici la place de critiquer cette tiès ingénieuse th(''orie,
(jui certainement mérite un examen api>rofondi ; nous dirons sim-
plement : la théorie de la |ierceplion personnelle s"a]ipli(ine bifii
i[uand il s'agit d'hystériques «jui, ayant conscience d(î certains sou-
venirs de leur vie passée, ne les rattachent })as à elles, croient ([ue
ce sont des souvenirs qui leiu' sont étrangeis. Mais ]wur les sensa-
tions des réginus anesthi'>i(|iii's, il en est auticMiciil ; elles ne sont
])as senties par telle ijersonnalilé, elles sont non avenues, elles ne
sont pas comme des sensations qui paraîtraient, auire>, apiiaileuaul
à un iutlividu dinV'rent; on ne peut donc pas dire qm- cf i\u\ leur
man(|ne, c'est railiibulion au moi. .lanet pense que la disjiarition de
la. d(uili'ur provji'ul dans certains cas « d'un d(''taul d'assimilation
des plii'nomènes |)sycliologi(|ues élémentaires à la jiersonnalité ».
(lomment l'admettre ?11 faudrait snpposerque l'iiystériciueperçoitcetle
douleur comme un phénomène (pii lui est étranger; mais en réalité
rhyst(''ri(pie qui ikmis iiarlc, pciidant les expériences on ou provo(]ue
des excitations douloureuses dans une région insensible de soncor]is,
cette hystéiiipu' ne sent aucune druileui-.
A. IJl.NET.
i'iERRE JAM':T. — Amnésie. Dictionnaire de jiliysiol., 1, [i. 431-43G.
Le mot amnésie, fpii signifie abolition de mémoire, ne s"ajqdi(pu'
l>as à des abolitions totales de riulelligence, où la jnémoire sombre
avec le reste, mais à des étais pailiculiers où c'est l'altération de la
mémoire qui est le caractère dominant. On a proijosi; un grand
nombre de classifications des anniésies, classifications fondées le
plus souvent sur Féliologie, c'est-à-dire sur la cause médicale du
phénomène. Voisin a divisé en six classes les causes de l'amnésie
TROUBLES DES SENS ET DE L.V MÉMOIRE 869
(Arl. Amnésie, et Nouveau dictionnaire de médecine et de chirur-
rjie pratique) ; Li'i^naiiddu SauUe distingue : 1° des amnésies se ratta-
i-lianl à des vices de structure ou à des lésions anatomiques de la
substance cérébrale ; 2° des amnésies dépendant d'un trouble fonc-
tionnel primitif des cellules nerveuses; S" des amnésies dues à des
troubles de la circulation cérébrale; 4" des amnésies dues à des
.illéralions du sang, infection ou toxémie. Ribot', se plaçant au point
de vue de rétendue et de l'évolution du symptôme, dislingue les
amnésies générales et les amnésies partielles, et dans ces dernières,
1" les amnésies temporaires, 2° les amnésies périodiques, 3° les am-
nésies à forme progressive, 4" les amnésies congénitales. Enfin Sol-
lier - distingue les amnésies dues à des modifications organiques et
irré[»arables, et les amnésies en rapport avec de simples troubles
fonctionnels et curables. Janet adopte un ordre différent, il étudie
tour à tour la localisation de l'amnésie, sa forme et son degré.
Localisation. — Il ne faut pas comprendre parce mot la faculté
de dater un souvenir, de lui assigner telle place dans le passé, ques-
tion qui évidemment serait 1res curieuse à étudier; il y a là une
«qiération complexe qui dépend autant du jugement que de la mé-
moire. >'ous en avons parlé dans notre travail sur la mémoire des
mois ^. Janet, par localisation — le mot est bien mal choisi — entend
parb-r du groupe de souvenirs ou de la péiiode de temps sur lesquels
|i<irlr Tamnésie ; il distingue :
1°) Les amnésies systématiques, portant sur tout un système, par
exemple tous les chiffres, tout ce qui a rapport à une affaire, à une
famille, etc. Un des exemples les mieux connus est l'aphasie, qui
consiste dans la perte de tous les souvenirs relatifs au langage. Il y
a aussi des amnésies systématiques qui portent sur des mouvements
particuliers, ceux de la station et de la marche, ce qui constitue
Vastasie-abasie.
On constate dans cette afïeclion « une perte des synergies mus-
culaires qui assurent j'^'^quililuc dans la station verticale et dans hi
marche, perte contrastant avec l'intégrité de la sensibiHlé, (b^ la
tVirce musculaire et de la coordination des autres mouvements des
membres inférieurs* ». On admet d'ordinaire que pour (-ffectuer
les mouvements il faut des images motrices, et que ces pertes de
mouvements aiqiris viennent d'une amnésie des images motrices,
•lanet paraît se rallier à cette interprétation traditionneHe, (pii nous
est devenue fort suspecte. Il y aura à revenir sur le rôle exagéré
qu'on attribue à l'image motrice.
(1) Les maladies de la mémoire, I\iris, Alcan, 1881.
(2) Les troubles de la mémoire, Paris, 1892.
(3) Année psycltolofjique, I, 1894, p. 23.
(4) Paul Blocq. Arc/i. de neurolof/ie, 1888. — Pierre Joli y. Cuniribution
à Vétude de l'aslasie-aljusie. Lyon, 1892, p. 9.
f
4) Amnésie (Tassimilulivu. « Dans liieii di's cas, ilil railleur,
trouble psychologique qui amèue ramnésie est encore ukmiis pro-
fond. Non sculcnicul, la c(Miscrvali(in, mais nirinc la rc|inHlucliiin
des souvenirs ]taraîl subsister. Mais celle refirotluclion des images
ne se fait que d'une manière automatique et à Tinsu du sujet lui-
même. Ces souvenirs en aftparencc ]ier(Ius manifeslent leur jin'-
sence par les iiKMlilical ions (juils inipriiiiciit aux senlimcnls et aux
aclions du su.jcl ; ils son! même exprimés quand le sujet est distrait,
liarle ou écril, jion seulement sans réflexion, mais sans conscience,
sans savoir ce (pfil Pail. Ces re[)roductions inconscientes des souve-
nirs ont été (]U('lqucriiis signalées dans les amnésies alcooliques;
elles sont 1res i'r(''quenles ei très nettes, ainsi tpie nous avons essayé
de le montrer, dans la |ilupart des amnésies liysléri((ues. Voici
«■omnient on jiourra peut-èlre essayer de se représenter ces faits
curieux. Il ne sul'lit pas, pour que nous ayons conscience d'un sou-
vcnii-, (pie lelle cui telle Image Suit reproduit(> [lar le ji'U auloniati(pie
(1) Une étude spéciale des purauuiésies a paru dans V Année psj/cholo-
f/i(]iie, 1, IS'Ji, p. 414.
870 ANALYSES
2° Vamnésie localisée, qui |)orle sur une piuiode <l"exisleni;e. (»n
distingue Vamnésie simple, ou l'oubli (l"uu se\il évi'nenii'ul, ['amné-
sie rétrograde, signalée souvent à l'occasion de traumalisuies crâ-
niens, et portant sur les événements ([ui ont précédé raecideni,
Vamnésie anlérograde, qui comprend les événemenis ayant suivi
VaccAdent, Vamnésie générale, très rare, comprenant tons les souve-
nirs, et Vamnésie continue (Janet) qui est l'incaiiacité d'acquérir des
souvenirs nouveaux. .
Formes de ramnésie. — C'est une étude de l'amnésie au jioint de ';
».
vue du mécanisme. ]
1) Amnésie de conservation. ■ — Le souvenir n"est pas fixé. '■
.11
Il me semble qu'on sait bien peu de chose sur ce i)Oint, parce );
({u'on ne connaît pas le subslralum anatomique du souvenir. .Janet
emprunte à divers auteurs des expressions métaphoriques qui ne
signihenl pas grand'chose. Dans les amnésies congénitales, les cel-
lules sont idiotes, dit Maudsley. Cette épithète ne nous ajqirend rien.
Contentons-nous donc d'observer c[ue les lésions destructives de
l'aphasie et d'une foule de cas pathologiques ou d'expériences de
vivisection |ieuvent supprimer les souvenirs.
2) Amnésie de reproduction. — Ici h; souvenir est conservé, maison
ne peut pas le rejudduire : il renaît parfois dans un rêve, uiu' ivresse,
un délire, preuve ([u'il n'était i)as perdu. « l.a rtqiroduction semble
demander entre autres conditions un état psycho-pliysiologi(iue ana-
logue à celui dans lequel les souvenirs ont été acquis. » j
'S) Amnésie de reconnaissance et de localisation. <>n a des souve- fl
nirs, mais on les localise ni;il dans le passé, du iiien, on emil à un
souvenir qui ne correspond à rien (paramuési<') '.
TROUBLES DES SENS ET DE LA MÉMOIRE 871
de l'associaliou des idc'os : il faul cncoro (|U(' la [icrcoiilioii [tcrsoii-
iielle saisisse celte image et la lallaclie aux aulics souvenirs, aux
sensalious neife'S ou confuses, exiérieures ou iuléiieiu'es, dont Teu-
semble conslilue nuire personnalilr ; qu(^ Ton appelle celle opération
comme on voudra, que Ton forge pour elle le mot de persoiuiifica-
tion, ou que l'on se contente des termes vulgaiics que nous avons
toujours employés, perception personuelle des souvenirs, ou assimi-
lation psychologique des imaijes, il faut toujours constater le fait lui-
même, et lui donner une place dans la psychologie de la mémoire
comme dans celle des sensations. »
Intensité. — l/amn(''si(^ peut être complète ou incomidèle, brusque
ou graduelle, progressive, régressive, etc.
Nous avons jilacé l'analyse de ce petit article dans les sections de
psychologie normale, parce que l'auteur n"a traité i[ue de l'amnésie
]ialhologique ; il ne s'est pas départi un seul inslanl de ce point de
vue, comme si Ton n'avait pas fait de très nombreuses expériences
siu- la marclu,' de roubli chez les individus normaux.
A. BiNET.
l'iERKE JANET. — Un cas d'hémianopsie hystérique. Arch. de
neurologie, mai 1895, [>. 337-358.
Le Iroulde visuel que l'on désigne sous le nom d'hémianopsie, et
qui consiste dans une suppression d'une moitié du champ visuel, a
été considéré dans ces dernières années comme ne faisant pas partie
de la symplomatologie hystéri([ue '. M. Janet a observé une femnn-
hystérique de (juarante-qualre ans (jui d(q)uis (luelque temps se plaiid
({u'elle ne voit [)lus (jne le coté gauche de tous les objets, l/examen
des yeux au périmètre montre qu'elle présente dans l'a-il droit un
i('trécissement conceiilri([ue du iliaïuii visuel (ce (|ui e>l très fré-
({uent chez les hystéric^ues), et eu nuire dans les i\r\\\ yeux une
hémianopsie nasale, c'est-à-dire (jiie la moilié latérale iulerne (b'
chacun des deux yeux est supprinu'e. I/auteur démunhe (pic celle
héiuiaiKqisie est de nature liysléMi(pie, en reprodui^anl une expé'-
rieiice ingi'iiieii>e de mhi iineiil i<iii (|u"(iM peut brièveiuenl d('M'rire de
lamanièic suivante : riiisensil)iiit('; hystéii(|ue, — el ici il s'agit d'in-
^jcnsibililé' visuelle — ne détiuil pas la sensation, mais Ja rend sub-
<;onscienti' ; or si <in dnnne à la malade, après l'avoii' endormie, la
suggestion de faiic hd aeli' huiles les l'ois (pi'on lui pn''-,ciilera un
I)apicr blanc, et >i on présente ensuite un ]>apier blanc dans Ja
(1) F'éré. Çoiil. à l'i-lnde des /rouhtes fonctionnels de la vision. Paris,
1882. — Ctiarcot. Lc/ons du mardi, 1, 88. — Gilles de la Tonrette, Tniilé
de r/ii/siéric. — i-'rLMid. l'arali/sics inoli'ices orr/uiii(/i(es et Injstrrii/i/i's,
Arcti. de Neurcdogie, 1893, H, 36. — Dejerine et Vialet. Soc. de Biot.,
28 juillet 189i.
872 ANALYSES
pailit' (le son cli.iinp visuel où clic dil no ritMi voir, ;iiis^ilôt elle
cxcculc ce ([ui lui a clc ooniinaiulc : preuve (|u'c||i' a |icrru incous-
ciemmenl. L'auteur cherche ensuite à expli(iuer comment riu'mia-
nopsi(^ a ]iu se produire chez la malade ; sa conjeclurc est ([ue la
malade, soull'raiit siutorit du côté droil, a pu su[ij)Oscr (|uc le côté
droit des objels élait mal vu et devenait invisible.
A. HiNET.
MENDEL. — Ueber den Schwindel. [Sur le verlir/e.) Uerliner klinisclic
Woch., l'"- juillet 1895, ]). îJo7.
Revue des laits i)atlioloiiiijucs et discussion des expériences physio-
logiques. Le vertii^e déjtend d'un (roxihle d'é((uilihralion ])roduit par
dr> altéralions dans les muscles de l'œil, (Ui juir une lésion circula-
loi r<^ des noyaux de ces muscles.
11. SCULESINGEH. — Die Syringomyélie. i vol. in-8", 287 p., 29 lig.
Deulicke, 189a. ^
C'est une monographie très comidète de celle maladie si intéres-
sante et imporlaule [lour la psychologie, car c'esl une des maladies
nerveuses où ou observe des perles parlielles ilc; sensibilité : anal-
gésie, perle du sens t lieiiui(|ue sans anesl lii''sie, etc., etc., ranleur
appuie beaucoup sur ces [lerles de sensibililé-. .32 observations per-
sonnelles sont i'ai)portées" (h; plus, une liildiographit; très complète
(526 numéros) est donnée.
11. LAMV. — Hémianopsie avec hallucinations dans la partie abolie
du champ de la vision. Hev. ueurologiipie, 15 mars 1895, p. 129-1 35.
Uuelques auteurs mil rapp(irl('' dans ces dernières annexes des
exemples triiallucinalious visuelles se produisant dans des jiarties
du champ visuel (pii sontabolii's. Seguin ' a lapporlé l'histoire d'une
l'emme qui, au moment ménu' où elle tut atteinte d'hémio|tie, par
suite d'une emliojie céréluale, eut (]uel(pies lialluciiialions simples;.
elle vit une chaise, une poule. Dans une observation de Vrir - un
vieillard dr, soixaule-dix-neut ans, luMuiplégiciue gauche à la suite
d'une alla(pie d'épilepsie, eut tle rhemiano|isie homonyme du jnème
côté, avec diniiuutiou de la sensibilité dans le bras gauche. A la
suite, il seiilail des corps étrangers dans Ja inaiu gauche, laulôl une
pomme, un nuuiche à balai, tantôt de menus objels comme une
aiguille à tricoter. En même temps il voyait sur le côté gauche île son
lit dos paquets c[u'il voulait pousser de la main alors (|u'il n'ai»erce-
vail pa> les objets ri'-els danscelte jtarlie. Pelerson en 1890 (A eH'-Yor/r
(1) Jotirnal u/' .Sc/'c. luid Meiilal />w., août 1886.
(2) Les épilepsien et les éjy'depllques. Paris, 1890.
/
TROUBLES DES SENS ET DE LA MÉMOIRE 878
Médical Jownal) \Mih\iciit Fliistoiro d'iint» femme (|ui vil ;i|iii,'ii,'iî(re
dans la iiailie ol)scuie de son chani]» visuel dtvs clials, des cliiens, et
des enfanis marclianl en ceicle; celle liallucinalinn oonlinua sans
aulie inlerrupliou que celle du Sduimeil pejidaul (iiialie semaines,
beaucoup d'autres auteurs, ])armi lesquels udus citerons Hensclien *,
Bidon 2 et lli(juier3 ^,|,( puhjié de cas analogues. Donnons la dernière
cd)servaliou, celle de l-amy, dont nous avons fait une simple mention
dans VAimée pst/chologique (I, p. 491). Il s'agit d'une coulurière qui
présente de|iuis Iruis ans nue li(''mianopsie homonyme dr(»ile, d'ori-
gine syphilitique, el des absences caractérisi'es par une légère ohnu-
liilation intellectuelle.
pendant ces absences, elle voil de l'o'il dioil une lèle renversée
d'enfant tpii lui sourit; la ligure esl très nelle et persiste dans la
mémoire, elle apparaît tout jirès de TumI droil, à 20 oii 30 centi-
mètres, et un peu à droite de la ligne m(''diane. Vn traitement avec
le bromure a fait cesser ces hallucinations, mais l'hémianopsie a
I persisté.
On voit [lar ces exemples (|ue certaines hémianopsies d'origine cor-
ticale s'accompagnent d'hallucinations visuelles dans la |»artie du
champ de la vision dont la fonction est abolie. Les hallucinations
sont moins durables que l'hémianopsie; elles ont un caiaclère remar-
([uable de pi'écision et d'uniformité, ne s'accompagnent d'aucune
idée délirante, et ne se propagent pas aux autres sens. Il s'agit, à
n'vn pas douter, dit l'auteur, d'un phénomène d'excitation ayant
pour siège la sphère visutdle du lobe occipital, comjtarable aux
phénomènes d'excitation motrice de l'épilepsie jacksonienne, et lié
à la présence d'une alléralion localisée de la substance curlicale.
I.orsipi'un centre moteur est intéressé' par une lé-sion (|Utdconqm',
le mouv(.'ment volontaire peid être aboli dans les parties corres[)on-
dantes. Et ce[)endant dans certaines condiliinis l'on voit surveniides
mouvements convulsifs dans les muscles paralysés. On s'accorde à
faire dépendre ces convnl.-ions d'une excitation pas>agère du centre
cérébral lésé. La même interprétation convient aux hallucinations
(|ui se produiseid dans le donuiine d'une fonction sensorielh; abolie.
.\insi, il'après Tand)urini, '' « Les hallucinations seraient une épilepsie
tir> centres sensoriels ».
Nous ne croyons pas celte comparaison juste; est-il permis de
comparer des mouvements convul>irs, connue ceux de répilep>ie,
aux inuiges précises et intelligentes des hallucinations? Si une iiri-
(1) klininclie mil/ a/ni/mn. Ileilrii;/e zui- l'u/lmlui/ii' '/c.v (ic/iini.s. l psala,
1890.
(2) Revue de méileciiir, 18'Jl.
(3) Wiener KlinUc, juin 1894.
(4) Théorie physiologique des hallucinulions. Ilev. Scieatifiquc, 29 jau-
vier 1881.
8-'-
i-i
ANALYSES
(alion |iliysii|ii(', iiiic niinjirfs>i(iii par cvriniilc d'un cimiIit luoleiu-,
suflil ]niiii- l'aiir ('■clalcr une di''eluirg(3 de iiiniivcincuU, ((iMiinciil
admctlre qu'iiin' iirilalidu idiysi(|uc immiI à elle ^eiilc |iiiivtM|uei-
l'imaire 0()m|ilfxc d'iiiu' " liiiuif d'eiilaiil, viir rrnvri^rc, avec une
(■\|ircssi(ii) soiiiiaulc, et les yeux obslinéuieul lixés sur la malade » ?
A. BlNET.
AMNÉSIE RÉTROGRADE
RE(iIS. — Note sur l'amnésie rétrograde après des tentatives de sui-
cide par pendaison. Aivli. cliniiiuesde Hordcaux, iiuv. 1804.
l.rilHMA.NX. — Ueber Krampfe und Amnésie nach Wiederbelebung
Erhangter. [Coiiviilsiuns et amnésie ajjrès reloiir à la rie chez- /- .v
/tendus.) Allg. Zcilsclir. f. Psychialric, LII, 1, [i. 18a.
(In donne Je nom d'anii)i'>ii' n'Iioi^iadc ou rél rua clive à une ihtIc
de la ni(''moirc (jni cniilnlic inic [nhindi' d'exislence anlrrieure à un
éviMiciiicnl diiiiné; le icrini' de ri''lr(jaelir, ciiiiiruiih'' au laiiuaui' du
drciii, exprime (|ue la jierle de inihunire s'est ]>riiilnile ajirès rdnp, el
qu'avant le l'ail ([ni la diMermiMée, la iiK'mdire dn Mijel t'Iail cun-
servée. (les amnésies se |irodiiiseiil le plus suuvenl à la suilc de
lranmali>mi's (In crâne, el mi peul en Ironvernue bonne deseriplion
dans le> (_iuvi'ai;es de Ilihdl et de Sidliei- sur les maladies de la
méniniic ; un exemple ly|ie esl celui (Tun nriicier liuuliaiil de cheval ,
faisani une cinile ^ul• la IT'Ie, iierdani cnuuaissance ; (piand il revieiil
à lui, il a (Uililii'' l'accideul, el eu (uilie les iieures avaul pii^cédi'-
I accident; le souvenir d'un jmn' l'I mt~'me d'un laps de temps [dus
CUllsid('Malili' peu! T'Ire ellan''. (iel le niiMlie amm''>ie peul se |irnduire
jiar ccimmolidu nmrale vicdenie, du à la suile d'une al laque d'Iiys-
ii''iie, lui à la suile (l'absorpl i(Ui de ijaz drd(''lèi'es, ou enliii à la suile
d ini suicide par |iendai>(iu. C/esl à celle dernière origiiu' i]ue se
rappiirleni le^ idiser\ali(Uis t\{-^ deux auleurs cilt''S.
1" individu de xdxaule el un ans, alleini de |yp(''manie anxieuse,
qui l'ail Tiiie lenlalive de pendaison : il esl l'amem'' à la vie à l'aide
lie 1,1 i-e>piial iou arlilicielle. luterrogi'- le soir menu-, il iguoic com-
pleleiuenl Son suicide, et le médecin peul se convaincie qu'il esl
sincèi'e. I,a lacune de ^a UM'inoire remoulail eu arrièic jU'-qu'à la
vi'ille. au Jiiomenl dn riqio-, du soir, el (die s'(''len(lail eu avaul à
loule la p(''rio(le de raninieiuenl. 1,'auleui- a ('ludi('' la lilh'ralure de
la (piolioii, (pii c(mlienl plusieui's oliseivaliiuis semblables à la
sienne, el pense (pie loulo |esamm''sies ri'd l'oacl ivcs smil des cas
d'aulo-inloxicalion.
2"^ Tiois cdiservalions où il s'est r(qu"oduit de ramni''sie rélrogracle
s étendant à la lenl;div(\ Hystérie dans un cas seulement.
A. HiNET.
TROUBLES DES SENS ET DE LA MÉMOIRE 875
TOrLOrSI']. — Amnésie rétro-antérograde à type continu et pro-
gressif par choc moral. Aich. de .Neuiul., XXVIII, p. 167, 1894.
Histoire truiic malade de cinquante-sept, ans qui à Fàge de cin-
quante ans ayant été eflVayée par un incendie a i)erdu sa mémoire ;
elle a oublié où elle est née, son âge, ses parents, seulement les
connaissances apprises à l'école lui restent encore ; oublie ses actes
quelques minutes après les avoii- fails, mt sait plus trouver son lit,
ne retient rien de ce qu'on lui dit; cherclie junirlant à le retenir
dans sa mémoire.
.1. DE TARCHANOFF. — Illusions et hallucinations des grenouilles
chloroformisées. liev. scicntitique, 17 août 18'.io, p. 203-205 (avec
une pliuloul'ilpilie de itrenouilles en calalepsie).
La cliloroforniisalioii des grenouilles, produite en les pkujant dans
un espace clos, avec un morceau de ouate imbibé' de 30 à 40 gouttes
de chloroforme, détermine chez ces animaux, au bout de dix
minutes, et après une période d'excitation, un état de narcose com-
plète, avec suppression de la sensibilité et du mouvement ; le conir
continue à ballie. Si alors on remet les animaux à l'air lilire, il se
produit pendant l'élimination du cblorofornu", c'est-à-dire ]iendan!
une heure ou deux, différents états curieux ipii sont, par oidre d'ap-
parition : 1° Yétat calaleplique : 2'>Yc'lat agressif: 3" Vélat défensif.
Dans l'état cataleplique, l'animal a la tète dressée, conserve les
attitudes (ju'oii lui imprime, et [larfois fait le geste il'attraper une
proie imaginaire en ouvrant lnusquement la liouclie et laneanl
même (juelquid'ois la langue au deliors, comme il le l'eiait à l'état
normal. La période agressive est une jx-iiode de bdie rnri(;use
avec lialluciiialions ; l'animal a i(''cnp('ié la vue et l'uuïe ; un rien
l'excite ; il se j)i'éci|iite siu'tous les (dijels, la bnuclie duverle, l'exci-
tation s'étend aux organes sexuels, etp(Mit donner lieu à de.s accouple-
ments, même (juand l'expérience se fait en hiver. La période déjtres-
sive i»résente ihm' alliiic linilr ditlV-ri'nle. On ohserve crlle s(''rie de
phénomènes cbez des grenouilb's privé'cs d'un liémi>p!:ère cérébral;
mais si deux lié'niisplières cérébraux ont été supprimés avant la
chlorofoiniisation, on ne retrouve aihuiue trace des piié'nonu''nes
précédents, (]ui S(Uil, d'après l'auteur, de nature psyclii(p]e. Les
observalioirs on! été' laites -~ur la Hana lemporaria; avec la Rana
esculenla il ne se pidduit (pir la pliasi; calale[itique. Ajout(uis (pu-
ni l'éllier ni l'alcool ne produi^uit les mêmes elfels que le chloro-
fomn;.
A. BlNET.
"!(■
876 ANALYSES
V. — APHASIES
Paul BLOCQ. — Agraphie. I)i( iionnaire de physiologie, Paris,
Alcali, I, p. 162-163.
Le terme aciapliie, inliodiiil dans la science par Oglc, désigne
Taphasie motrice graphique, c'est-à-dire la perte de la tacidti'
d'écrire (écriture volontaire, ou sous dictée, ou copiée') — sans |iara- '4
lysie des oi^ganes moteurs, éj)aule, bras, main. On ne s'enlend pas
sur le mécanisme psychologique de ce symptômii. Pour les uns,
pour Charcot par exemple, l'agraphie résulte d'une jierte de mémoire
partielle, locale, la mémoire des mouvements nécessaires poxu"
écrire et elle aurait ])our cause anatomique une lésion du centre
nerveux graphique situé i|uelque part dans les circonvolutions rolan-
diques du cerveau. Wernicke et Dejeriiie n'ont point acce[)té cette
théorie ; ils pensent que l'écriture consiste à copiri- un modèle
mental de nature visuelle, et n'a pas hesoin de posséder un centre
spécial; l'agraphie seiait surtout liée à la perle de la mémoire
visuelle des mots, i:)erte qui d'autre part produit la cécité verbale,
c'est-à-dire l'impossibilii''- de lire. Ces questions sont encore très
discutées.
A. BiNET.
BOL'RNEYIU.E ET B0YEI5. — Traitement et éducation de la parole
chez les enfants idiots et arriérés. An h. de neundogie, aov'il 1893,
p. 108-120.
Ou lixe ratlenlioii de l'ididl p;n- des impressions brusques de
rouie et de la vue, on lui tail imiter des gestes et des sons, on lui
nomme des objets (ju'on lui préseide, en employant surtout des
syllabes redoublées; on lui a[>prend ainsi les noms d'olijets, les
adjectifs, les verbes.
mil .\S. — Nouvelle observation d'alexie avec hémianopsie homonyme
du côté droit, .\eurol. Ceniralbl., Xlil, I8'.)i.
.MaLule atteiuLe d'liémiauo[>sie droite. Comprend la parole, répèle
ce qu'on dit, parle sponliinément et écrit spontanément sous la
dictée. La, dénomination tles (dijets ne se l'ait jias : la malade recon-
naît les objets qu'on lui |>résente, mais ne trouve pas leur nom
d'emblée. Les troubles les plus signiticatifs sont ceux de la lecture :
eili; lu' peut jias trouver h' son des mots et des lettres qu'on lui
rnonlic, abus même (|u'elle le> ((ipie. Nous allirons i'allenlion sur
le point suivant : le uudaile reconnaît les letli'es, mais ne peut les
nommer : pour les mots, elles ne les reconnaît pas et m; les nomme,
pas. On iloniui à ce défaut de reconnaissance le nom d'alexie. La
malade i>i donc atteinte d'alexie verbale, non d'alexie littérale.
APHASIES b ( ,
J. DEJERINE ET Ch. MIRAI.IJÉ. — Sur les altérations de la lecture
mentale chez les aphasiques moteurs corticaux. [C. 11. .Suc de
Biologie, 6 juillet 1805, p. 023-527.)
Les auteurs ont employé les procédés suivaiils pour éludiur Télal
Je la lecture mentale clu'z les aphasiques. (Ces procédés peuvent
recevoir leur application en psychologie expérimentale, ainsi chez
les enfants.)
1° On présente un malade un certain nombre de mots imprimés
ou manuscrits, désignant des objets et on lui demande de montrei-
l'objet correspondant au mot. C'est le seul [trocédé possible (luand
l'aphasie motrice est complète.
2" Si le malade a encore quelques 'mots à sa disposition, on lui
donne à lire un fuit divers par exemple et on lui demande de
raconter à l'aide de la mimique et des mots qui lui restent ce qui
est contenu dans l'article qu'il vient de lire.
3" On pose par écrit au malade une question familière dont le
sujet l'intéresse directement. Exemple : Quel âge a votre dernier
enfant "? etc.
Dans ces expériences, le centre de lu leciurc agit seul. Dans les
suivantes, on fait intervenir le centre de l'auiliiion.
4" On donne un livre au malade et on lui dit dr chercher tel mol
qu'on lui indique.
5° On montie au malade un mot quelcmique (ex. : liberté) et on
lui demande si ce n'est pus un autre mot (ex. : république).
Il ne faut jamais employer le nom jiropre ou \r lui'iioiu du
malade.'.
Les recherches ont porté sur 18 malades de la SalpèUière. Elles
ont montré. (pie, conformément à l'oiiiniou de Trousseau, b'S ai)ha-
siques moteurs corticaux sont, pendant une cerlaini' duri-e <b'
l'évolution de leur affection, incapables de comprendre l'écri-
ture imprimée ou manuscrite. Ils sont atteints de cécité verbale
de par une lésion localisée à la circonvolution de Ihoca, cécité
verbale qui est la conséquence d'une alléialiou de la notion du
mot.
Cette conception, basée sur l'altération de lu notion du mot dans
le langage intérieur, est applicable à toutes les variétés d"a[diasie
relevant d'une lésion de la zone du langage, ajdiasie motiice, aphasie
sensorielle, — mais non à celles dans lesquelles lu b'siou .siège eu
dehors de cette zone, aphasii; motrice sous-corticale, cécité verbale
et surdité verbale pures, formes dans les(]uidles la lujiion du mot
est intacte et où, par conséquent, l'écriture .spontanée est con-
servée.
Cette conception, différenle de celle qui est en général admise,
tend à prouver que la faculté du langage dans ses diverses modalités
î
878 ANALYSES
— parole, ('cl il me, li'cliirc, .luiillinii — n'est pas sons la (l('|>('ii(lance
(le phisieuis cciilies spéciaux, indépendants \cb uns des autres,
ayant tliacuu \inv fonction ])ieu spécialisée. (Freud s'éiait déjà élevé
conlrc celle oinnion dans un travail : Uebcr die A)i/assung der Apha-
sien, 1891.)
En ri'>>uuii', il existe pour la fomlidu du langat;e un ceiiire
uni(pu', complexe, étendu du [)ied de la lioisiènie circonvidiilinn
Ironlale au pli courbe, en passant j)ai' la partie post-c'-rieure de la
|)remière circonvdlulion temporale. Cdiaque exirémité de cette zone
cumjireiid un ceiilre d'images du laiiiiage, la eireniivnlul ioii de
Broca coni|ireiiant le centre moteur d'arliciilalieii, la |U'eiiiière
temporale, celui des images auditives el le pli courbe celui des
images visuelles des mots. Ces centres reliés, entre eux par des fais-
ceaux d'association, sont en outre en contact avec les fibres d'où ?
dérivent leurs l'cuictions : libres de projection bulbaire jiour le
centre moteur, libres d'expansion terminales de l'auditif pour la
première temporale, libres reliant le [)li courbe à la zone coriicale i
visuelle. i
Les images audilives, molrices d'arliculaliiui, visuelles et gra-
|diii|ues, se développent suivant un (udre liii'ti déleiinint', loujuurs
le même cliez les sujets Jiormaux.
C.'r>{ par l'ouïe d'abord (|ue nous actpit'ions la notion des mots. Il
y a une véritable biérarcbie des ceiitr<»s présidant aux dilTérentes 'i
niiidalili'-, (lu langag(> et les images S(uil d'autant plus lixes, d'autant i
plus résistantes [ipi'elles sont d'ordre d'acnuisition plus ancieum)s.
Les centres les plus lixes sont les ceidres des images auilitives el
motrices d'articulation; les images visutdb^s des mots ne viennent
qu'à la suite et c'est l'écriture (|ui vient, en dernier.
Aussi ragraj)liie cxisle-t-e||e dans lentes les formes, tandi>
i[\io 1(> cfudre (bis images auditives le i)lus anciennement formé est
aussi le plus résistant et que la compréliension de la parole parlée
est celle (pii se |terd en dernier lieu. ((;oid'(''r. Année psi/cholo-
gi'pti', I, 1S94, p. iHi et scj.)
IL Beaunis.
KiXiRIvN. — Amusie. {Aphasie mnsicaU'.) J)eulscli. Ziitseli. I'. .Xim-
venlieilk., vol. VI, 1895, [). 1-04.
l^lude très comidète sur les dilTi'rc'nis cas d'amnsie et sur ses rap-
]>urls avec l'apliasie; plusieurs auteurs ont cité des observations de
malades qui avaient perdu la faculté de com|)rendre les mots ]n\)-
noiicés ou de lire; les mois écrits et ipii pouvaient encore chantei
mie mélodie même avec les paroles, ou bien pouvaient lire les notes
é'criles, il semblait donc qu'on devait séparei- les cas d'apbasie rela-
tifs aux mots de ceux relatifs aux sons musicaux. L'auteur passe en
revue les différentes opinions émises sur ce sujet, présente les clas-
APHASIES 879
>ilicaliôns de KiKiblaucli ', \\ allaMluk -, Hia/.ici'' et Blork ' cl a(ln[)lr
en (l'''liiiiliv(" (l'Ile (les Jeux dciuicrs aulcurs : le Icnne amusie est
riiiployé dans le sens général comme aphasie ; la l'orme sensorielle
de l'aniHsie est di'-signée parallMenienI à la surdilé verbale el la cé-
rilé verbale par les termes : surdité des sons et cécité des notes; la
l'orme motrice de l'amusie est désignée i)ar : amusie motrice ver-
bale, amusie uinlricc iir-^lrumeniale et agrapliii^ musicale.
Puis Fauleur rapporte un grand nombre d'observations pul)liées
jus(|u"ici; ces observations sont groupées en Irois catégories :
A. Cas d'aphasie sans amusie, il y en a 24;
B. Cas d'aphasie avec amusie. Tailleur en rappoiii' 22;
C. Cas d'amusii' sans aphasie; il y en a six, dont une obseivalion
Irés complète ([ue l'auteur a faite Ini-mèmi'.
Ces différentes observations conduisent l'auleur aux conclusions
suivantes :
1° La faculté musicale peut élic, pareillement à la faculté verbale,
dé'Iruite complètement ou partiellement par des processus pallndo-
giipies, et donner ainsi lieu à différeirtes formes de l'amusie ;
2'^ Les dillerentes formes d'amusie possèdent un certain degié
iTindépendance les unes relativement aux aulri's et relalivemeiil aux
formes de l'aphasie;
3" Les formes d'amusie sont analogues à celb^s de l'apliasie et se
pioduisent souvent ensemble;
4° L'amusie peut arriver sans aphasie, et l'aiiliasie sans ;imusie;
b° Il est probable que les différentes formes de l'amusie ont (\i'^
sièges anatomiques particuliers qui sont voisins, non identi(|ues, des
sièges corticaux des ilifférentes formes de l'aphasie ;
6° 11 est très probable que l'une des formes de l'amusie — la sur-
dité des sons — est localisée diins la première ou dans la première
<'t là deuxième circonvolutions du lube teiiqioral gauche, jiiès du lieu
de localisation de la surdilé verbale.
Victor Henri.
I.A.N.NOIS (de Lyon . — Cécité verbale sans cécité littérale et sans
hémianopsie. Congrès di- Bordeaux, août i8'.to. Kxirail de> Anli.
de .Nemologie, oct. 1895, \k 338.
l'ne femme de li eiile-ddix ans, ayant contrarié la syphilis [)ar
allailiTiienI el ayant |in'>enli' peu de tempsuprès des accidents céré-
(1) Ceh. S/nifinn/cn d. iiiiisil;iil . I.i'i.s/in)i/sfii/tif//{eit in folf/P von (ichirnlâ-
sionen. Dcutscli. Anii. t. Kliii. Me.J., vol. Xf.III, 1888.
(2) Ucb. d. Bedi'iil . d. Aj//i'isic /'. (/m )iin.si/calischen Atisdruch. \'iuilcl-
jiitu-sclir. f. .Musikwissonscliart. vol. \||, 1891.
(3) Troufjles de.^ fi/cul/rs )in/.sir/il(:s dans l'iiplidsic. Ilevuc pliilos.,
vol. XXXIV, 1892, p. 337.
(4) Eludes sur les n.ndadies nerveuses, l'aris, 189i. p. 347.
880 ANALYSES
Liaux graves (apoplexie, liémipb'gie ilroile, a|iluusie motrice et cé-
eité verbale), eiilre à riiôjiilal avec une hémiplégie droite accompa-
gnée de contractures. Elle présente en outre une cécité verbale tn'-s
accusée, sans cécilé [lour les IcKrcs ni pour les dlijets et sans liémia-
nopsic. Le clumip visuel mesuré j^lusieiirs l'ois n"a Janiîiis pii'senlt''
ni rélrécisseincnt ni hémionopsie. C'est là un f;iit nouveau puisque la
coexislence de ces troubles oculaires a été signalée dans tous les cas
où elle a été recherchée jusqu'à présent.
Cm. m ira lue. — Sur le mécanisme de l'agraphie dans l'aphasie
motrice corticale. (C. li. So<-. d^ Hiolouii', :W mais 1895, 2110-252.1
DE.IEIILNE. — Remarques à propos de la communication de M. Mi-
rallié. (/</., i». 252-25:1)
On sait que, d'après la loi de Trousseau, vraie dans la très grandi-
majorité des cas, chez l'aphasique moteur cortical, les troubles dn
langage écint sont, pour ce qui concei'ue l'écriture spontanée et sous
dictée, proportionnels à ceux du langage parlé, tandis que la fuculli'-
de copier est conservée.
Pour expliquer ces altérations de récriture, Exner, Charcot, ci
récemment l'itres, ont admis un centre moteur graphiciue auto-
nome, siégeant dans le jjied de la deuxième circonvolution frontale
du côté gauche. Ce centre est ni('' par la [iliipart des neuro-patholo-
gistes.
Pour résoudre la question, Liciilheim a institué rexiiérience sui-
vante :
L"apliasi(pie cortical est [irivé de la facull('' d'écrire parce (lue ce
centre; moteur graphique est (bHiuit;en lui donnant des lel(re>
toutes faites, comme des caractères d'imprimerie, il devra pouvoir
écrire à la façon d'un ouvriei' lypografdie en assemblant les lettres,
puis(|u'ou a sup[uimé ainsi loule la partie graphique de l'écriture.
Celle exjiérieuce a élé ré|ii''l(''e sui' 10 malades de la Salpèlrière
dans le serviciï de M. Déjeriue. En voici le résultat :
J>ans tous les cas il y a eu ])arall(''lism(î absolu entre l'écriture
rdiuaire et l'écriture avec les caractèics tracés d'avance (cubes
alpiialiéliques). Les malades écrivent ave<; un procédé exactement
leiil ce (ju'ejles peuveiil écrire avec, l'auli'e; si toule es|ièçe d'écri-
ture oriliuaire a dis|iaru, la malade es! incafiable de re[)roduire les
mots en assemhlant les cubes; si au contraire l'amélioration se pro-
duit, ou si la malade est moins gravement atteinte, les mêmes modes
tl'écriture sou! I(iucli('s ou icspeclés, ([ue Icm se serve de l'un ou de
l'autrt! procédé d'écriliuc. Donc eu résumé : P dans l'aphasie
motrice corticale, l'agraidiie ne consiste [tas dans l'inipossibililé de
tracer sur le pai»ier les letlies et de les assembler en mots. Elle
résulte (le l'impossibilité d'évoquer dans le langage intéiieur la
noliou même des lettres et des mots, c'est-à-dire d'une altération
II
a
APUASIES 881
mt'me de la noliou du mot. 2" I/agraphie ne résulle donc pas d'un
I rouble moteur, d'une perte d'images graphiques, et par suite ne
relève pas de raltération d'un cculre moteur graphique autonome,
spécialisé par les mouvements dr l'écriture.
M. Dejerine, à propos de cette communication, insiste sur les
l'ails qui démontrent qu'il n'y a juis de centre spécialisé pour les
mouvements de l'écriture. (Possibilité d'écrire avec une partie quel-
<:onque du corps pourvu qu'elle soit mobile, usage de la machine
à écrire, conservation de la faculté de copier chez l'aphasique
moti'ur, agraphique pour l'écriture spontanée et sous dictée.)
U. Beaunis.
S. MUUUAD. — Om Afasi, sorligt hos Kejthaamdede. [Sur V aphasie,
en pai'ticulier chez des gauchers.) Hosititalstidende, 189o, p. 073.
(Exti-aitRev. neurul., Paris.)
Femme de soixante-trois ans, devenue aphasiijut; à la suite d'une
[laralysie du C(Mé gauche. C'était une gauchére. Depuis sa neuvième
année, à cause d'une lésion de la main droite, elle était devenue
gauchère; ce[>endaut elle écrivait de la main droite. — Nous rappe-
lons que, chez les droitiers, l'aphasie s'accomi)agnc d'une paralysie
du côté droit.
PITRES. — Etude sur l'aphasie chez les polyglottes. Uev. de méde-
cine, 1895, n'' M.
Ciiez les aphasiques qui guérissent, et dont les centres corticaux
n'ont jias été réellement détruits, mais ont simplement présenté un
état général d'inertie fonctionnelle, on remarque que l'amélioralion
suit l'ordre suivant: 1° le malade récupère d'abord les langues qui lui
étaient les plus familières; 2" il commence à les cominendre avant
de savoir les parler. Le premier ]»oint avait déjà été mis en lumière
par des recherches de Ciiarcot. Pitres pense que l'inertie ti'mporaire
<les centres corticaux du langage rend mieux conqile de Tordre des
jibénomènes que la supposition des centres spéciaux ]Miur cluKine
langue. Cette dernière snpposilion est en effet toute gratuile; mais
i'hypotjièse de l'inertie ne nous païaît rien expli(|uer du foui.
A. IJINET.
I.-L. PUEVOST (de (i.'nèvet. — A propos d'un cas d'épilepsie jackson-
nienne avec aphasie motrice sans agraphie. Ilev. médicale de la
Suisse romande, ^Ujuin 1895, |». 309.
Ee malade, à une ceitaine ('poque, ne [louvail pas diie un mut,
nuiis il écrivait sansaucuue ln^vilalioii. Cette ubservalinn piimverail,
contre Dejerine, (jue l'aphasie motrice peut exister sans agraphie
ANNÉE PSYCHOLOGigUE. II. 56
88^
ANALYSES
loucoinilaulo. On sait ([uc, (Vapn'S Dejciinc, il n'existe point de
oenlre spécitilisé el adapté |iuur i'éciilure.
SOMMER. — Nouvel examen du malade dont l'observation a servi à
établir la théorie de l'épelage pour la lecture et l'écriture. Cen-
hali.l. f. .Xrivciilirilk., V, 1894.
Malade tombé d'une échelle et ayant présenté 1-es symplônies
d"une fiactuie de la base. On a fait sur lui diverses ol)servations
psychologiques, parmi lesquelles nous signalons les suivantes : le
malade, en percevant les objets, ne peut liuuver lenr nom; il Ir
trouve en écrivant; l'écriture n'est pas précédée d'une re|iré>t'n!a-
lion auditive ou visuelle du nom.
A.THOMAS ET .l.-(',n. ISOIX. — Du défaut d'évocation spontanée
des images auditives verbales chez les aphasiques moteurs (Apha-
sie motrice de Ihoca). C. U. Soc. de Biologie, 10 nov. 1893,
p. 731-732.)
Id. Essai sur la psychologie des associations verbales et sur la réédu-
cation de la parole dans l'aphasie motrice {id., [>. 733-73")}.
Les auteurs ont imaginé un procédé pour ('liidicr révocation
spontanée des images auditives. Voici en quoi il consiste :
1" On montre au sujet un objet usuel (vétemcnl, partie ducor[i>.
etc.) dont le nom contic-nt plusieurs syllabes; les (dijcls clioisis ne
doivent avoir qu iinr désignation;
2° On prononce aussitôt plusieurs syllabes pauni If-qncllfs se
trouve, soit la ]ii'emière syllalie du nom de l'objet, soit la dernière,
soit lasyllalie intermédiaire;
3° Quand la syllabe faisant partie du nom de Tidijel est prniiuncée,
le sujet- doit faire un signe aftirmatif iiidi(|uant (pi"il recnimaîl celle
syllabe.
('hez les sujets noimaux, toutes les syllabes sont reconnues sans
hé>ilalion.
Cdiez les apliasi(|ues moteurs, la pii'mière syllabe est souvent
reconnue, la tlerjiière ou riiilernié'diaii-e ne le xml jamais.
('c fait prouve ([ue la nudadc uinvotjuaiL pas limage auditive du
imm de l'objet, sinon elle eût reconnu la dernière syllabe ou lu
syllabe intermédiaire.
Les reijieiches ont l'Ié- faites sur sept femmes du service de
M. Itejerine.
l'ourle [trocédé de rééducation d(! la parole dans l'aphasie motrice,,
je renvoie à la communication des auteurs.
H. He.\unis.
TROUBLES DE L'INTELLIGENCE, DE LA VOLONTÉ, ETC. 883
A. THOMAS ET .T. -Cil. ROUX. — Sur les troubles latents de la lec-
ture mentale chez les aphasiques moteurs corticaux. (C. K. Suc. de
Biologie, 6juillft 1893. )
Les recherches ont porté sur dix-sept malados du service de
M. Dejerine à la Salpètrière atteintes d'aphasie motrice corticale.
Ces recherches comprenaient : l^la lecture du mot imprimé par
lettres isolées présentées successivement ; 2" lecture du mot imprimé
verticalement ; 3" lecture du mot par syllahes séparées ; 4" lecture;
du mot par lettres séparées.
Le résultat est le suivant :
1» Les troubles de la lecture qui sont, pour ainsi dire, constants
chez les aphasiques moteurs corticaux, disparaissent lentement,
mais laissent encore, à une époque très reculée, des traces qu'il est
possible de mettre en lumière;
2" L'aphasique moteur cortical qui commence à lire, recouvre
successivement :
(i. Le dessin du mol ;
b. L'association des syllabes qui forment le mol ;
c. L'association des lettres qui forment la syllabr ou le mot. Ils
récupèrent, en un mot, la lecture dans un ordre chronologique
absolument inverse de celui suivant leciuel Tenfanl apprend à lire.
H. Beacnis.
VL — TROUBLE DE L'INTELLIGENCE, DE LA VOLONTE
ET DU MOUVEMENT
BUALNERD. — Le critérium de la responsabilité dans la folie. The
Alii'iii-t and .Ni'urnlogi.-t, avril 1894.
Ce critérium consiste dans deux facultés [: Vliscernement du bien
du mal en ce qui i;oncerne l'acte incriminé, ai)sence d"inq)uUiun
irrési-stible poussant à l'acte.
S. FREl'I) (de Vienne). — Obsessions et phobies. Leur mécanisme
psychique et leur étiologie. iîi'v. nturolngicjuc, ;ju janv. 189;»,
p. 33-38.
L'élude des plu'nomèmes nervenx ou névroses (ju'on désigne sous
le nom généri(|ue d<' |)hid)i('S a fait robjetde beaucoup de reclierclies
récentes *. Freud cmil ([ut; la piiobie doit être distinguée de Tobses-
sion, car elle ni- [irés(;nte j)as le même mécanisme ; dans les deux
(I) Gelineau. Des peurs malad'ices ou phobies, Paris, 1894 ; Ilack Tuke.
On Imperative hleas. Braiu, 189i.
884 ANALYSES
formes, il y a une idée qui s'impose au malade et un l'ial t'inolij
associé à ceLte idée. Dans l'obsession, Télal émolif a été jusiilié, à sa
naissance, par des motifs sérieux; mais cet élat émolif s'est éternisé,
et aux premiei'S motifs, d'autres se sont substitués. Dans les phobies,
l'élat émotif anxieux n'a point pour origine des idées; il est ]jriinitif,
et c'est lui (|ui fait ressortir toutes les idées propres à devenir l'objet
d'une pJKiliie.
C.-S. FRELIND. — Ueber psychische Làhmungen (Sia- les paralysies
pyschiques). >i'eurok>i;iscbes CenlralJjlatl, 1893, n" 21.
M. Freund trouve que l'on a agrandi beaucoup Irop le concept de
riiystérie qui, pour lui, doit être seulement caractérisée p;ir l'irréso-
IulidU et la contradiction du caractère et l'instabilité du Ion émo-
lioMiiel. Aussi, pour lui, si les paralysies hystériques sont des
|iai;ilysies psychiques, il ne s'ensuit pas que loulr paralysie psy-
chique soit hysléri(pie.
La paralysie psychique est une paralysie centrale, et connue telle
une paralysi(; de certaine forme de mouvements, mais non de cer-
tains muscles. (]e qui est perdu daus la [>aralysie psychique, ce n'est
pas le mf'caiiisnu! de mouvenicnls anatomicpiement comhiin's, mais
cfdui de ivKuivernents ac(juis |iar rinlermédiaire de l'expéiicnce
(Erfahrung). (^les mouvements sont Texpression des représentations
(jui sont la conséquence de nos « expériences».
i, 'auteur addpii; comjilMcniriil les opini(Uis de 11. Sachs lnucliaiit
la façon dont ces représentations se forment cl le fonctionnement
de l'i'corce cérébrale. Celle-ci est un lieu d'entre-croisement où se
l'niil lt!s dilTérentes excitations dont le point de départ se trouve
daus les dilIV'renls centres ih' ri'T(Uci'. !,(■ |Hiiul inifiorlaul de la
lii(''ori(' (h' Sachs est celui-ci : uuf icpn'snitaliou n'es! jias'lc
ré'sullat de Fexcitalion d'une cidlule s|iéciale, mais bien le ri'sullat
de la comhinaison de l'excitai icni de jdusicuu's territoires. Suivant le
(legr('' d'iuleusilé ih; cette résullauh-, la représenlation devient cons-
ciente ou iKUi. Les représeiilalious se succèdent de telle sorte ()ue
<< Ténergie psychi(iue » serait à peu |uès constante.
Lnrsqiu; rinlensité delà représenlaliou, constituée par une sorte
" d'nude m(il(''culaire », alleini un cei'taiu degré, (die peut provo([U(M'
un umuveiueut ; mais si la disi lihulion de l'éin-rgie psychicpuî est
iusuilisaiile pou i- ddu lier une ce il a lue in (ensilé à la reju't'scnlaidu du
mouvenieiil, c(dui-ci n'a pas lieu. Cette iidiihiliou ne peut |ias être
du(; à un lronhh> localisé anatomiciuement : tout ce (]ne l'on peut dire,
c'est qu'il doit avoir jiour siège le vastt; territoire des faisceaux
(rass()ciali(Ui. Haiis les ]iaialysies psyclii(pies, ce (]ui a lieu est la
(lisliihulion anorjiiale de l'éucngie dans les dllférents faisceaux ass.o-
cialils, de telle soi'te ([u'il arrive; souvent qu'avec une paralysie
P'ychi(iue de certains mouvements, avec des anestliésies ou des
TROUBLES DE l'iNTELLIGENCE, DE L.V VOLONTÉ, ETC. 883
amnésies coïncident, d'aulre pari, des contractures, des liypereslhé-
sies ou des idées fixes.
Au point de vue anatomique, l'idée de Fauteur est que : « l'organe
de l'intelligence n'est pas l'écorce cérébrale en général, mais
l'ensemble des faisceaux d'association ».
Chaslin.
M. FRIEDMAXN. — Ueber die Beziehungen der pathologischen
Wahnbildung zu der Entwickelung der Erkenntnissprincipien,
insbesondere bei Naturvolkern \Sur les rapports de la formation
patho/ogique du délire avec, le développement des principes de la
connaissance, particulièrement chez les peuples non civilisés). AUg.
Z. f. Psychiatrie, t. LU, 2, p. 393, 1895.
On sait (jue le paranoique (persécuté systématique) raisonne fort
bien et se conduit foit bien en dehors du cercle de son délire; il est
incapable de percevoir la contradiction qui existe entre la façon par
laquelle il arrive à ses convictions délirantes et celle par laquelh^
il arrive à ses convictions non di'liranies. Cela a frappé beaucouj»
de gens sans qu'on ait remarqué que «chaque individu normal lient
un double registre loul à fait analogue de ses connaissances et cela
parce que à l'heure actuelle nous avons appris à distinguer comiilé-
tement deux genr(;s de connaissances, d'un côté notre savoir fojulé
sur des jugements complètement et logiquement construits et,
d'autri' part, nos croyances et nos idées (au sens restreint) logique-
ment insufilsantes ou môme sans aucun fondement ». Bien entendu,
chez l'aliéné il y a une raison palbologique à sa conviction délirante;
on a essayé de l'expliquer de difJV' renies façons, mais |»ourlant on
a toujours cherché cette cxpliciilinii dans une nniditicalion paliio-
logiqur de la puissance du raiMtiiiiemenl, en s"a|i])uyant siu' les
théories de la connaissance (|ui dé-couleut de la doctrine anemande
de raperce[)tion.
T/id(''e de M. Friedniann, cojnnie il l'a exposée longnemeni dans
son livre sur le délire, est (]ue cliez le peisi'cult'- l,i conviclion à la.
réalité de ses idées (b'diianles vient tout sirn|ilement de ce ({ue celles-
ci sont intenses et (|ue cliaciue re|iré'senlalion intense a la iiropriéti'-
d'être considérée comme corresjiondanl à la réalilé, en un mol d'èlri;
considérée comme vraie. D'ailleurs, ralii'ni- ne s'éloigne pas dans
ses opérations iideib'cliiflles Ar> piocesstis nnini;iiix, il aiiiv(! à ses
idées délirantes par des opérations logii|U(>s qui sont du même ordre
que celles d'un liomme sain. La seule différence est que ce dernier
s'entoure de plus de piécaulions avant de ])orler un jugemen!,
tandis qu(! le persécuté juge avec une ijipidili'' et une |in'cipilation
préventive. Cette façon d'arriver ù |,i vi'iilé subjective qui tient à
un élat ])atiiologiqiie clie/, ralii'né, peut èlre reti'ouvée a l'état
physiologiijue lorsijue l'un cherche dans b; di''V(doppement histo-
886 A.\ALvsi:s
riqne do l'iiili-lliucMico laimoinp quels sont les procédés successifs
par lesquels riioninie airive à la connaissance de la réalité.
Chez les peuples sauvages, les juirements se font au moyen de
rassocialion dans le temps, sans la moindre crili([iie e( suivant les
analogies les plus grossières. Cela suffil pour eniraîner la convic-
tion.
Chez les peuples civilisés il y a eu d'ahurd la période de Tabslrac-
lion non critique, pai liculièrement chez les peuples orientaux,
ensuile la période de Tabstraction critique chez les Grecs, k période
de la lulle enire la vérité fondée sur l'autorité et celle fondée sur
Tinduction, entln la période moderne de ridentification de la réalité
objective avec la vérité, c'est-à-dire du triomphe de Tunluction.
Pourtant ces habitudes mentales induclives ne régnent pas sans
partage, comme l'a montré déjà au dédml M. Friedmann lorsqu'il a
lappelé la tenue de ce double registre inlidlectuel. Quoi qu'il en
soif, cet examen du développement intellecluel montre ({ue les
opinions régnantes sur les fondements de la conviction logique que
l'auteur a combattues dans tout le courant (h^ l'article sont erronées;
il n'y a pas dans l'intelligence de juge suprême qui décide de la
vérité et de l'erreur, suivant les principes de la connaissance, car
quel que soit le procédé grossier ou compliqué qui permette de
l'obtenir, la croyance à la réalité est toujours la même.
Toute idée suffisammeiil intense nous suggestionne à cet égard et
nous sommes sans recours contre elle. i;id('(' la moins fondée à
^^•ondition qu'elle soit « impressionnante » et liabitueljc entraîne
immédiatement la conviction qu'elle ré|)ond à la réalité.
Chez ralié'iK' allcinl de paranoia, c'est l'hyperexcitabilité, consé-
quence d'une disposition congénitale, (|ui rniraîne la iin'ddiiiinance
lie l'idée, qui le fait conclure que tout ce (pii ariive, comme pour
le sauvage, a rapport avec sa propre personnalité.
Pu. ClIASLIN.
Pierre JA.XET. — Aboulie, itididnnaire de pli\>iologic, Paris,
Alcan, I, p. 'J-i3.
C<'t article e^l inlt'icssant en ce (pi'il condense les idi''es de l'au-
teur, (]ui a fait beancoup d'investigalidiis [mm sunnidlrs snr la (pies-
lion. 1/aboulie est lun:» altération de tous les phénomènes ipii dépen-
dent de la volonté, les résolutions, les actes volontaires, les efforts
«l'attenliiin. Il n'existe du côté des membres aucun empêchement
organi(|ue, paialysie ou Cdnharluie ; le di'sir inTinc iir |iaiait pas
manquer, d'indinaiie. Les malades, piii'-s de l'aire un nHUiveinenl,
d'étendre la main, signer \\n |ia|iier. cmiqtreniH'nl ce (|u'on leur
demande, essaient, avancent la main, jiuis recnleiil. l.i'S essais d'ex-
jiliiation donnés par les anieuis sont en généial incomplets, et ne
conviennent pas à tous les cas. Voici les différentes variétés cliniques
TROUBLES DE l'iNTELLIGENCE, DE L.V VOLONTÉ, ETC. 887
<iu'un peut signaler : l" l'aboulii' fail)l(> dos neuraslhéniquos, qivuji
lien décourage et rebute, qui n'oni poiiit de conviclions fermes, el
<lnulent de tout, par impuissance à croire; 2" l'aboulie s'exagère,
riiésilalion augmente et réduit le malade à l'imuKdiililé, ce qui pro-
duit la confusion mentale et la stupeur ; 3" l'aboulie est systéma-
tique, l'impuissance de la volonté porte seulement sur un acte parti-
culier, (ju svn- un certain genr(>. d'actes, par exemple ceux de la
profession (aboulie professionnelle, Levillain). Ces divers malades, qui
se résolvent si difticilement à agir, ne peuvent plus s'arrèler quand
ils ont une fois commencé, et ne peuvent se débarrasser d'une idée
une fois comprise. I.'aboulie conduit à um^ foule d'autres troubles,
surtout à des altérations delà personnalité (Cotard).
Cinq explications principales ont été données : 1° pour Billod,
Taboulie dépend d"un trouble préexistant des sentiments et de l'intel-
ligence. (Maladies de la \olonté, AiDiales médico-psycho ., in'ûïet 1847.)
A rappi'ocher de cette explication les aboulies par suite de délire du
contact ; certains malades ne ijeuvent se décider à toucher des bou-
tons de porte, des clefs, etc., par crainte d'être souillés ; mais l'aboulie
peut exister en dehors de ce délire ; il y a un moyen de les différen-
cier; dans le délire du contact, le malade, non seulement ne peut
toucher l'objet, mais en redoute le contact, si on l'approche de lui.
Les abouliques ne redoutent pas le contact passif.
2" Pour Magnan, Legrain, Dejerine, l'aboulique est empèclié
d'agir par suite d'un arrêt, d'une idée inlii])itoire. (Langle, De Vac-
tion d'arrêt dans les phénomènes psychiques, 1886, p. 10.) Haggi et
Paulhan rattachent ces phénomènes à la prédominance d'association
de contraste ; c'est au fond la même idée. (Uaggi. Fcnomeni di con-
trasta... Arch. ital. pour les mal. nerv., 1887 ; [Paulban. L'activité
mentale et les éléments de Tesprit, 1889, ]i. 341-337.) Ceci m; s'appli-
querait iju'aux aboidiques qui ont des idées de résistance, sorte
d'exagération de l'esprit de contradiction, que Pitres a bien étudiée.
3° Ex|dication sur laquelle .lanet n'insiste pas: amnésie, oubli de
la manière d'exécuter l'acte (Itivière, Contribution à Vétudc clinique
des aboulies, 1891, [i. ili.
4° L'exidication de Ribot. Les malades ne sont pas touchés par les
motifs, ils ne sont [tas émus, leurs seuliments sont affaiblis, et leur
ardente envie d'agir n'i?st (fu'une illusion. Janet pense que cette
explication ne peut ètn; générale.
5<> Explication de .Janet {Stir/mates mentaux des hystériques, 1893,
p. 122). 1" Les actes inexécutables sont nouveaux ; le trantran auto-
matique persiste ; il y a, pour l'aboulique, impossibilité de commencer
un acte, de comprendre et d'a|)prendre ([uebjue chose de nouveau.
(Raymond et Arnaud. Quelques cas d'aboulie. Annales médico-
])syclio., 1892, II, p. 74.) 2'^ Ces actes sont conscieiils ; ils devraient
être rattachés à la personnalité, ils sont des synthèses psycliolo-
.giques, et l'abuulie serait un alfaiblissement de l'esprit caractérisé
888 ANALYSES
par la <liiiiiiiiili()ii du |)oiivnir île syiillii'sc II osl luoliaMc i|iic ct^Ur.
f'X|ilicali(iu III' couviciil |)a> à hms lo cas.
A. HlNET.
Pierre JANEÏ. — Les idées fixes de forme hystérique, lirv. de
riiypiuiliMiic, juin iS'.i:;, |i. 353-307.
Uniilif, liasscl-Ui'viiitlds cl Ij-limil iiiniilii' ipic cfilaiiics |iaralysics f
peuvent dcpondrc dr^ idées; Cliarcol ', icpiiMiaiil celle imlinii, l'a
a|)p1iquée aux accideuls liauiiiali(iiies tU'^ Jiysh'riinics, el lUDiilri'-
que ces malades ([ui [in'seiileiil par exemple mie paralysie du bras à
la, su i le d'une cliule, d'un chue (pielcoïKpu', suiil paralysés par auto-
suggesiioii, jiar l'idi'e et la crainle de la paralysie (pii >(■ produiseiil
à la suite île raccideiil. Celle inler|iri''lalioii, Cdiarcot rappliipia, mais
avec beaucoup de réserves, ù d'aulres symplômes liysh''ii(jiies, cou-
lractur(>s,mulismes, anorexies; Mieiiius- a acce[)lé riiilcrprétationde
(]liarcol, mais Oppenlieim', r.rassel ^, Baslian ^ Tonl repoussée. Pierre
Janet jieiise que les iilées (pii pinduiseiit ces accidents sont des idées
lixes comparahles à certains ])oinls de vue à ces idées lixes des
aliénés, (pi'on dési,i;ne sous le nom de délire émotif, vertige men-
tal, obsession, impulsions, phobies, syndromes é/iisodir/ncs des dér/é-
nérés : ]diisicuis caraclères soni communs enlre les idi'es fixes iW>
aliénés et les idées -fixes des liysh'-iicpn's ; il y a clie/. les malades
trois i,'r(Uipos de symplômes : I" un ('lai d'espril parliciilier (pii per-
met révnlulinii de \"u\vr li.\e; par exemple, sui.'i;esliliililé, aiiin(''sie
cdiiliiiiie, (liiiiiiiulion de la volmilé et de raltenlion, elc; 2" l'idée
lixe ; 3" les coiisiMpu'nces qii'tdle eiilraiiie, acies, é'iiiol ions, Icduldes
inlellecliiids, eli'. Le caractèie |)ropre des idées lixes de l'ornu; hys-
léri(HU', c ev| ([Ile rii|(''e l'csle snitconscieiile ; la malade ne s'en r(Mid
pas coniple [lelldanl (pi'elle e-l à l^'lal. de veille, mais (die peut
liécrii'e son idi'e (piaiid (Oi la me| en ximiiainlMilisme. l/aideiic cile
à l'appui plusienis idiservaliiuis. !>..., (pii a, dans le jiuir, des peurs
sans en coiinaîlre le ludlil', ii''vèle en soiiinainhulisme (pi'elle e~.| à
ce moment-là luinli'e par l'idiM' de serjieuls ; c'est un souvenir d'en-
fance qni lui revieiil. (1..., (pii a des alla(|ues de sommeil sans savoir
ce (jui les jiroduil, ('prouve en ii'alih'' iiih' liallucinalioii. où elle
voit une amie iiKuie ; (die peut racoiiler celle liallncinali(m, une l'ois
hypnotisée. Enlin, W... se com|iorle coiiime nue dipsoniane; de
temps on temps, (die est prise il'un besoin irr(''sislible de boire, et
(1) Charcel, (tlùirrcs-, 111, 335, 442.
{•1) t'clier (len llt'i/ri/f (tcf Ih/s/cric. Ceidralhl. T. .\ervenheilkini(l(.\ XL
3, 1888.
(i) Nerrcn-Klliill.- dcr Chari/e, »>ct. 1889.
(4) Lerons sur ilinsU-ro-lntinnnlhine, 1889.
(5) If'j.slerical l'urali/sis, 1893.
TROUBLES Dli L"iNTELLIGE.NCE, DE L\ VOLONTÉ, ETC. 889
après avoir coii.sommt* une grande quaiiLité de vulin'raire et d'élher,
elle s"endort ; mais, au réveil, elle ne se rappelle pas avoir bu ; mise
en somnambulisme, elle raconte l'originf! de cette obsession, qni
>"est formée ]»ar contagion; son père était un ivrogne; elle a com-
mencé par boire pendani drs atlaques d'hystérie. Puis cette période
de Taltaque, jicndant la(jiu'llf la malade bnvail, se dévebqipa au
détriment du reste de Tatlaipu'.
Ces observations sont cerlainriiiriil intéressantes ; pi/ul-élic dnil-du
lapproclier ci's idé'cs lixes, pliH on nmiiH spniitanées, ib's liysh'--
rifjues, des idées qui leur sont suggérées ; ainsi que M. Féré et moi
nous l'avons indiqué- il y a longtemps dans nos études sur l'hypno-
iisme, quand une hystérique restt> sous Tempire d'une suggestion,
l>ar exemple d'une suggestion d'acte, elle ne conserve pas eu géné-
ral le souvenir de la jiersonne (|ui l'a suggestionnée, ni de la parole
i|ui lui a été adressée; l'origine du [dié-nomène demeure inconsciente.
(V. noire Magnétisme aninuil.j
A. BlNET.
iirfililJXCS-JACKSOX, SAYAr.E, MERCIEH, MILNE- BRAMWEIJ..
— On Imperative Ideas (>';//• Irs idées impérdliocs), Rrain, été 1895,
\^. 3I8-:Jol.
Discussion élevée au sujet d'une communication "du docteur
Hack Tuke (Brain, 1894) sur les obsessions et idées lixes. Hughlings-
.lackson pense (pie ciulaines dt; ces obsessions sont des idées de
l'état noimial qui deviennent tixes par suite d'un changement mor-
liiib' dans le ci-rveau, pouvani se [iroduiie par exemple pendant
le sommeil. Savage donne, d'ajtrès sa pralicjue, de très cuiii-ux
exem]iles de ces plK'Uomèni's. Mercier donne une exi»Iicalion psy-
chologique de leur ini''cani>nie, l'ondé-e sur des (diseivalions person-
nelles. Il remarque (pie lorsipi"(Ui e>L poursuivi par un souvenir,
une phrase mu>iiale, on n'e^l pas entièremenl inocenpé', on u est
pas non plus dans nn (''lat dallenlion concenlré'e ; ri''lal le jilns
lavorable esti^ejni où l'on exiMiiie (juelque acte mé^canique, jardi-
ner pai- exemple, fair<' de la menuiserie, etc., actes rpii exigent nn
grand éveil d'atlenlioii; senlenieni l'attention n'ot (las continue;
de temps en lenip-- elle .-c lixe siu- le travail el le diriL'e. puis elle
devient inactive, (^t li' travail se poursuit nuiciiinalenienl ; c i'>l |ien-
dant ces intervalles de rejjos où l'atlf-nlion, si vivement éveilh'-e, e-t
comme désœuvrée, que l'idée lix»; appaïaît, que la jdna-e juusicale
bourdonne dans la mémoire; ces plnMioniènes >oiil d'ordinain' ^nh-
conscients; ils piofilenl, pour devenir conscienl>, île cet l'-veil de
l'attention, de cette suiexcilalion d'aclivili- (pii ne liouvi' pas à m-
dépenser dans le liavail ni(''e;ini(pie des mains. .Nous pmivons ajou-
ter, jiour (■oiilirnier l'ingiMiJen^e I ||(''oiie de Taule ur, que le^ peintres,
les sculpteurs, et un grand nombre d'artisans chantind, sinient eu
890
ANALYSES
liavaillaiil. nu imiicI Icnl drs |ii(i|i(is, des [ilaisaiilcrics, des ('(Xj-à-
l'àiif, ([iii iii' xiiil le |iliis .souvciil, (jiu' lies iiiaiii IVsl a i ioiis auU)ina-
liiiucs, |iiiMiiiili's ludliahli'iiiciil par iiin' surcxcilalidu d'aclivilé non
di'p('jist''f.
Il y a là iiii i''lal inciilal iiiii iiii''rilcia!l d'rlic ('diidii' di' pirs.
Milnc-riiaiiiwcll a rclract', dans celle mrmc discussion, un liislo-
ii([U(' ciuuplel du délire du doulc et du délire du Imicliei', el il
puldie uiH' l>ilili(ima[diie relalive à ces déliies.
A. 1)1. NET.
DE SAX(7riS. — Impulsion! musicali di un degenerato {Im/iulsioiis
iinisirah's chez un (léyéiiéré). Sociela laiiii>iaiia dei;li nspedali di
Ronia, Juars 189o.
Jeuue liutnnii' de viuiil-liois ans, d('gént'i'é liérédilaire, ayant
(■lia(|ue s(iii-, à liiliMurili'' , (|uand il se trouve seul dans sa chambre,
rinipulsiun à chauler, avec senlirnent d'anxiélé se localisant à la
pdiliiue el sur le IVonl. Le Iravail contient une élude i,'énérale sur
les impulsions verliales el nuisicalc>s.
D' Kiil^CKI': (de Munich). — Ueber Selbstbeschâdigungen der Hyste-
rischen. [Sur les lc.si()iis que se foiil elh's-tnciiirs les /iiJf;l('riql(i'S.j
Mimcli. iiied. Wocli., 189o, n'^ 4, p. 08.
Ohservalinn d'une hyslé'rii|ue de suixauU; el un ans, auaiirési([Ui',
présenlani des uh^érations ol dos eschares ((u'elle faisait croire spou-
laui's, el (pTelle prn\(i(|uail inienlinunelieiuenl, en caclielle, avec de
la, [)olasse causlitjue. I/auleui- juMise que celte malade sinndaiL en
|)arlie [mur (ddeiiir des sec(uirs des médecins; mais, comme, il
ari'ive rr(''ipieiuuienl chez les hysl(''ri(jues, ci; n'est pas un cas de juire
simulation, Jid ipi'il pdurrail se manileslei' che/, un indi\idu sain
■d'c^pril ; la malade (''lail alleinle de ce (|u"on ptuirrail- appeler
« mania o/K'raloria passiva », se prèlaul avec empressement à toutes
sortes d'opéialious, les e.xigeaul. « Vous pouvez, en général, dil-
(dle, m'eidever tout ce que vous voudrez. »
A. Ih.NKT.
i
I-]. lUlliiS. — Le régicide Caserio. .\rcli. d'anlhropolouie criminidle,
l;i,janv. IbUo, p. 5'.»-7l«.
l/auleur, (|ui a puhlic'' un ouvraiie sur les régicides ', rappelle les
luincipaux caractères de ce ly|te morhide et monire (|u"ils se reii-
conlrent tous ou presque tous chez Caserio, l'assassin dn président
r.arnol; ces caractères sont : 1" ùyc : tle vingt à vingt-cin([ ans; 2° ori-
(1) Les n''(/ici(le.s duiis l'hisloirc cl dans le pcéscn/. i vol. iii-S", Lyon,
Storck, 1890.
TROUBLES DE l'iNTELLIGENCE, DE LA VOLONTÉ, ETC. 891
^ùfe.'excenlricilt'', suicide ou ('iMlrpsiecliêzles ascoutlaufs ; Z" nature :
défaut d'équililiic dans les faeullrs, instabilité maladive (qui les fait
changer sans cesse de condition), mysticisme religieux, puliliiiue ou
.social; 4" état mental: délire se traduisant par la croyance à une
mission à remplir, mission devani être couronm'c par li' martyre ;
parfois il y a des lialluciiuitions de rêve ; b" attentat : pas de com-
jdice, prémédilalion réllécliie, em|iloi d'un instrument tranchant,
coup ferme, ne cherchent, jias à fuir ajués l'attentat ; 6" procès : ne
oherchent pas à déguiser leur culpabilité, mais se vantent de leur
crime, et se livrent à des accès de la colère la plus violente, quand
on touche aux trois points essentiels pour eux : absence de compli-
cité, inexistence de folie, lecluic d'une profession de foi; 1° supplice :
courage, insensibilité et pose théâtral»' devant la mort. ]-]ulin, pour
terminer; 8" attitude des médecins experts : impressionnés [>ar la
gravité de ratteiital, ils concluent à la responsabilité, bien ([ue le
régicide soit un aliéné irresponsable. Or, ce portrait s'a[»pliqne si
rigoureusement à Caserio que celui-ci est considéré par l'auteur
comme le prototype du régicide. 1^ Il avait vingt et un ans ; 2" son
père était atteint d'épilepsi»^ ; 3" lui-rnéme, malgré une vive intelli-
gence, était sur certains points un faiidcï d'esprit ; c'était un itinérant
(Lacassagne) mystique religieux dans son enfance (|>iété, ferveur, il
liguiail en pelii saint Jean dans les processions), devient mysli([ue
social, ne souifre aucune contradiction dans ses idées; 4" Caserio
avait l'idée d'une mission à remplir ; il est vrai qu'il n'avait pas d'hal-
lucinations; o" juis de complice, mais crime prémédité; il frappe avec
lui couteau, de toutes ses forces, et crie : Vive la révolution! vive
l'anarchie! a]uès l'attentat; G" ne veut pas (pu; l'avocat plaide la
folie; dénégaliojis énergiqties au sujet de hi compliciti'- ; a «ui, pen-
dant tout le procès, à cœur de lire soufacUuu, coutenanl l'exjiosé
de ses doctrines ; 7» au moment du supplice, a paru avoir (pu'l([ues
faiblesses, mais n'en a pas muiiis crié eu lUdiiraiiL : « Cmirage,
camarades, vive l'anarcliie ! »
Les conclusions de llégis ne sont point les mêmes que (;elles de
Lacassagne, qui a considéré ('aserio comme un « fanal icpie assas-
sin », responsable. l{i''gi^ jieiise (]ue ce n'es! là i|u"uiie diJlV'icnce de
mots : l'analiipie assassin, en laii^ai:e nii'dical, signitie obsédé déli-
l'ant et meurtrier. Cett(; synonymie nous jiaraîl dnuleiise : l'exis-
tence du délire chez Caserio n'est pas démontrée *.
A. HlNET.
(l) Nous avons connnimi(|iio nos objections à l'auteur qui y a répondu
par la note suivante :
" Vous nie demandez de préciser pMiin(ii(ii j"ai appelé Caserio un aliscdé
■délirant au lieu de f(in(it'i<jitp voxuunt Lacassagne, une nuance existant
entre ces deux termes, puisque, dites-vous, on peut être fanatique et
respansalde, tandis qu'on est obsédé déliirmf-et irresponsable.
" Si je n'ai pas, avec Lacassagne, appelé Caserio un fanalit/ue, c'est que
89i ANALYSES
I.. liONCORIM ET (;. DIETTRICH . — L'ergograihie des aliénés.
Arcli. ilalii-iiiics tic biologie, iSOo, fac. 1, il, ji. ! 72-174. lÎ!'.-;umi'-
(les Arcli. d\ jisycliiatria, scionzc penali ed antropologiacriminale,
\V, fasc. G.
Les tii's Ix'llcs ivclu'iciirs (le Mosso avec riMgograplie qui consli-
lue jusqu'ici 1(î meilleur des dynamomètres ont provoqué de la pari
de beaucoup de physiologistes des recberches d'une originalité
moindre, mais cependant d'une utilité incontestalde, consistant à
faire des applications de l'ergographe dans une foule de conditions
variées. Les auteurs ont étudié non pas Tergograiihie de tous les aliénés
— quelques-uns seraient incapables de comprendre la [>rali([ue de
l'appareil — mais celle de (jualre épileptiques, unebypocliondriaque,
un hystériqu(i et deux normaux. Les conclusions auxquelles ils sont
arrivés, et dont la généralité nous paraît fort douteuse à priori, sont
que : 1° la courbe ergograpliique des aliénés est plus grande le matin
(juc laprcs-midi, taudis que c'est le contraire pour les normaux.
ce iiint n'est pas scientifique et que, par conséquent, il ne saurait carac- |'
tériser uicdicalcinent l'état mental d'un individu.
" Et si je lui ai suljstitué, roinnie plus précise, l'expression d'oft.srV/c' r/c'//-
/v/«/, c'est (pic c'était celle qui me paraissait le uucux convenir au meur-
trier (lu président Carnot.
■■ Ou'est-ce en elfct (|u'un ohxrdr :' C'est, je crois, nn individu ctiez lequel
une idée fixe, duminante et irréductible, s'est implantée dans l'esprit, à
l'état de mono'idélsme plus ou nutins al)solu.
.. l/cd)sédé ainsi conqiris peut être déUrdiit mi non di-Hranl suivant (piil
a ou non conscience de son obsession et (|u'il lutte ou non pour s'en
alfranctiir. Par cxcnqde, un onouiatomane (pu se sait en proie à l'obses-
sion d'un mot à prononcer et (pu cherche à s'en abstenir, honteux et tour-
mente de cette propension inqndsive qui pèse sur sa volonté, est nn
iihsi-i/é uoii t/éliranf : de même, le défjénéré rpà se sent dominé par l'idée
lie tuer son enfant et qui plein d'épouvante, vient chercher un appui
contre lui-mrMue auprès de" son médecin. Par contre, le régicide, obsédé
par l'idée fixe de tuer un chef d'Etat pour le bien de sa cause, qui croit
réellement, en ce faisant, accomplir uu acte glorieux, digne de l'innnor-
tiliti' et du martyre, est un obsédé drlinni/ .
' VA c'est le cas de Gaserio.
.. Obsédé, il l'était. Je n'en veux pour preuve (pie le passage suivant
de l.acassaune lui-même : « C'est donc un honune dont les facidtés parais-
sent intactes; sviilc, Vidée anarchUi ne // (ivnll fait brèche el s';/ éla'il infdlrée
nu jiiiiiil d'absorber toute son iitlr/itioii et de concentrer toutes ses facultés
sur ce seul but, l'onarc/iic. dont il se cnn/nit le champion et le martyr ».
(Voy. ma brochure. Étal mental, p. 7.) Voilà, si je ne m'abuse, l'idée
fixe, le mono'idéisme, robscssion.
. Délirant, Caserio l'était aussi, puis((u'il n'av.dl pas conscience de son
obsession et se considérait réellement comme le cliauipion et le martyr
d(î sa cause, nu^Miie au prix d'un assassinat.
•- VoiJj'i, mon cher collègue, autant (pu; des choses aussi délicates peuvent
s'exprimer et se préciser, ce que j'entends par. oAseV/e'f/c'Z/'rrt?!/ et pourquoi
j'ai appli(pié cette expression médicale à Caserio au lieu du terme f'ana-
tifjiie ipd, bien (piéquivalent, est scientifiquement très imprécis. ■•
f
THOUBLES DE l'iNTELLIGENCE, DE LA. VOLONTÉ, ETC. 893
Commont prendre une pareille conclusion au sérieux ! 2° l'excita-
tion électrique ne produit pas d"épuisement musculaire chez les
aliénés,, comme il arrive chez les normaux ; la ligne de contraction
se maintient à l'intini à la même hauteur. — Tant que ce fait ne sera
pas expliqué et justifié, nous le considérerons comme une erreur
d'observation; 3° il y a, après l'accès épileptique, perte de la coor-
dination des mouvements, elle sujet doit apprendre de nouveau le
maniement de l'appareil; quant à la perte de force musculaire, elle
est en rapport avec l'intensité de l'accès.
Richard SANDIîERG. — Zur Psychopathologie der chronischen Para-
noïa, AUg. Zeilschril't fur l»sychiatric, t. LU, 3 11. 18'jj, ].. GiO.
Ce travail reproduit en partie sans chang('ment notable la thèse
que Fauteur a soutenue en 1887 inliluh'e : « Conlribulion à l'étude du
caractère du délire chez les Verrïicklen ' chroniques. » Le but de
M. Sandberg est de rechercher le mécanisme suivant lequel se déve-
loppent les idées délirantes du persécuté chronique. Les explications
qu'on a données avant lui peuvent, dit-il, se réduire à deux, bieii
différentes l'une de l'autre. La première, qui s'appuie sur l'ancienne
et célèbre communication de Westphal, peut s'énoncer ainsi : le
paranoïaque (.l'emploie ce terme peu français, mais qui correspond
au persécuté et au fou allciiil de délire de grandeurs) perçoit la
modification pathologi(iue de son cerveau comme une modification
indéterminée de sa propre personnalité. Au contraire, suivant la
deuxième, le délire n'est pas motivé psychologiquement, mais cons-
titue l'expression d'une modification pathologique de riulelligence
elle-même.
L'auteur cherche à établir fjue l'explication, d'ailleurs hypothé-
.ti(}ue de Westphal, est la seule qui puisse èln; salishiisante, à coiuli-
tion d'être comi)létée et il énonce ainsi ([u'il suit l'explication com-
plète qu'il propose :
1" Il y a chez le persécuté chroniiiue primitif une modification
palhologiijue des éléments centraux cérébr;iux au niveau desquels
toutes les sensations se transforment en perceptions conscientes.
2° Les idées délirantes du persécutt' piiniilif ne sont pas l'expres-
sion directe d'un processus pathologique ipii allcindrait les mani-
festations inteliciluelles spécifiipies, les bmctinns cérébrales qui
conditionnent la logiciue et la crili([ue, c'est-à-dire (pu; ces idées
délirantes ne sont pas l'expression de la faiblesse psychique.
Elles constituent des jugements parfiiiliiurul irnnuaux physiolo-
(1) Il n'est pas possible de traduire cxacteiMenl ce runt, f|ui veut dire
en. réalité « tourné de travers », mais il s'agit des délu-cs de persécution
ou de grandeur cfironiques bien connus depuis les travîuix de I>asèf,nic
et Fah-et en France, et que l'un appelle aussi jinranuUi.
894 ANALYSES
giquos qui si' (li'vcloppcul socoiidairoment à la scnsalion palliologiqno
(lu monde cxli'-iiour, seiisalion palliologique qui esl, la conséquence
(It! Falir-raliou sonialiqne indiquée jtlus )iaul.
I/auleui' fail reiiiai'(|uer que, en adinellaiil la lésion des édé'ineuts
(u"i se l'ail la perce|plion couscienlo, le juilieiil seiiliia changer le
monde e-\lé'iieiu' eu même lemps que sa ]iidpre personualit(î, 11
remai(ine aussi pour ce qui loucdie à la secomliî partie de son intcr-
[iréLaliou (pie ce u'esl pas la formation des jugemenfs,- que ce n'est
|tas l'associa lion (jui est altérée, mais bien les éléments de celle-ci :
les perceptions sont modifiées pathologiquemeiit et la posilimi
intellectuelle prise par le malade vis-à-vis de cette modilicalion
constitue précisément le (ItMire. Cette luodification , dont le côté %
anatomique nous est inconnu, se produit peu à peu et amène len- f
tement une certaine désadaptation du malade (jui ne s'est pas encore ï.
Iiaiiitué au monde nouveau que ses perceplions lui r('vèlenl. Os
perceptions lui Iniil apparaître le monde et sa propre personne non *
pas grossièrement ciiaiigés, mais cliangés d'une fa{;on mystérieuse : ^
« II y a un je ne sais (judidaus l'air. » Les objets, quoique normaux, ;,.
oïd ipielqiie chose d"i''lrange (pii trappe le malade, et ce même vague ^\
changement, celni-ci le peci'oil avr<si dans son cor[is, dans sa ju'opi'e
[•ersonnalilé. La ronséijuence est un sentiment de délîance, sen-
tinu'ut (■aractéristi(|ue poui' M. SandhtM'g de l'affection paranoïa
(îomme la dépression esl caract<''risli(|ue de la mélancolie et l'eupho-
lie de la manie. Celle diMiance e>l le point de di'pail d'un (hdire de^
persécution comme la dépression est le point de dépari du dt'lire
d'auto-accusalion et l'euphorie le point d(; départ du d(''liic de
grandeur. Celle (h'iiance iirspire rid(''e très géuérah; de persi'-culion,
la disposition à la persécution; les idées délirantes particulières
n'en sont ipie l'expression en (hMail : << Le délire m^ Iraiisloiine
donc i)as le moi, mais c'est la Iransl'ormalion du moi (pii crée le
délire. Ces idées délirantes j)arliculières reposent sur les sensations
in)rmales et ]»atliologi([ues et leiu- l'orme spéciale (r(digienses, éro-
li([iies, etc.) lia aucune iiii|i(>ii;ince, car le l'und est toujours la
persiMulioii.''»
Ce eaiacl("'re (rinleipiétalion du délire ddil être aussi reconnu
pour le di'dire de grandeur du persi'cuh'.
Ainsi le délire est pour ainsi diic |iaiT,iileiiieiil iKUiual dans les
conditions pal lidlogiipies où se trouve le malade. Cet (''lai. inlelleclmd
a de grandes analogies avec celui (riiii Ikuiiiiu' intrinal, au cerveau
mirmal, mais ayant uni; concepli(m du monde [larliculière, comme
par exemph; mi fakir indien, et p(Mulant le pers(''cuté est pour
nous encore jilus étranger (|ue h; sauvage le moins civilisé, car il
ahoutit souvent à des actes absoknuenl étranges ou Itaroipies. ("(da,
lient en j>arti(ndier à ce qu'il y a d'aulies syni|)tômes ([ui viennent
se.joindr(^ à l'idée délirante' ])urt; et parmi eux un phénomène très
im[)orlant, à savoir : l'hallucination. Les hallucinations ne créent pas.
TROUBLES DE l'i.NTELLIGENCE, DE LA VOLONTÉ, ETC. 893
le délire; elles naissent sur la même base paUiologi(iue ; elles eous-
liluent la repiéseulatiou objeclivée dt; Tidéo délirante. Mais il y a
(Taulres hallucinations qui ne sont pas en relation directe avec l'idée
délirante et d'autres encore qui n'ont pas le caiactère plastique bien
marqué. (Je crois que M. SandbiMi; veut probablement parler de
i-e qu'on appelle en France les hallucinations ])sychiques ou psycho-
mol rices.) Mais même ces hallucinations d'ordre spécial ou ces hal-
lucinations incomplètes sont interprétées dans le sens du délire.
Toutes ces circonstances concourent à rendre le malade étranger
pour ainsi dire à l'humaniLé normale, d'autant plus que y'ien ne
l'intéresse plus en dehors du cercle de son délire, ce qui est tout
naturel, étant donné que ce délire roule sur des questions capitales
[lour le malade. On ne peut donc pas considérer ce délire comme
l'expression d"uu changement du caractère.
Ce changement de caractère n'a pas lieu chez le persécuté, il a
lieu au contraire chez le maniaque et chez ]>• mélancolique.
L'auteur a cherché jusqu'à présent à montrer que, quelle que
soit l'apparence extérieure, grotesque ou Itizarre du persécuté, elle
n'autorise pas à conclure à un état pathologitpie de l'intelligence, à
l'aîl'aiblissement intellectuel.
Meynert, Schùle et d'aulrt's soutiennent au contraire (lu'il y a
véritablement an'aiblissement intellectuel; aussi, M. Sandberg s'ef-
lorce-t-il dans la dernière partie de son mémoire de démontrer
directement le bien-fondé de son opinion.
L'afl'aiblissement intellectuel consisterait dans l'incapacité de
reconnaître, par un défaut de logiijue ou de critique, le caractère
erroné des idées délirantes. Chez l'individu sain, la faiblesse de
la logique est caractérisée par l'erreur; le délire donc serait-il com-
parable, comme le ci'oit Emminghaus, à cette erreur ? Nullement,
car dans l'erreur il y a un éh'nient ([ui manque à l'associa li(m, la
synthèse est incomplète, tandis que chez l'aliéné, aux éléments
perceptifs dont celui-ci ctinclut son idée délirante on jie peut ajouter-
aucun autre élément dont l'absence puisse être attribuée- à l'idée
délirante elle-même. Mais toutes les perceptions elles-mêmes sont
pathologiques et c'est ce (im-lc jiatirnl ne [.eut pas reconnaître; c'est
donc l'absence du seulimi-nt de sa maladie (pii est le puinl lajiilal, et
cette absence provient précisément d(- ce lait que b-s ])eiceptions
elles-mêjues sont altéré-(,-s sur toute la surface du cerveau. J.e pou-
voir logique n'est donc |ias affaibli, niais est seulement influencé
(beeinllust). Ci-s remarques conduisent à chercher les véritables
analogies du (b'-lire du jiersécuté, non [las avec l'erreur mais avec
les manières de voir spéciales qui snid. la cons('(|uence d'uni;
influence exercée sur le pouvoir crili(iue. On j)eiil trouver des
exemples d'iiillnence ain>i exercéi; passagèrement par des nn'-dica-
ments, et d'une façon duiable par des convictions ou des o|)inions
particulières ])nlilii{ues ou religieuses. (I/incapacilé de reconnaître
896 ANALYSIDS
son propic ('liil noinuil u'csl doiir pas nu oaraclère s]i(''rial à l"iii-
lolligonco (jiii diUiie; mais elle se Liouve dans loulc ii)li'lliy;cace
ayant une « loimiure » iiarlicnlirro, ne reposant ])as mit un l'onc-
lionnemciit incomplet (eiii'iir on superstition), ahoulissaiit à une
concepli'iii (iriuiiialf du monde. C-elte conception du iiiniidc a xin
dernier tnndfiiii'utdansla disjjosilion physique normali- ou pallicdo-
LMCjue du cerveau.
Il s'ensuit (jue c'est par loi^i([ue (jue le malade ci-ée son délire.
M. Sandberg ajoute encore qu'il ne faut pas s'empresser de conclure
(l'une réponse du jialienf à .sa faiblesse psychique comme jiarexemple
lorsque le fou se refuse à vérilier de visu l'existence des machine.*
cachées dans des souterrains que ses ennemis dirigent contre lui.
I,a conviction que possède le patient de l'existence de ces machines,
dit rautciir, suflit à expliquer le défaut de vérification, (.le ne ]iuis
m'empècher de dire que celle l'xplicalion ne me satisfait ]ias com- |
plètement.) '^
Le processus pathologique en ju-oduisant h; délire ne produit
rien de nouveau spécifiquement, ce qui lient à ce que le fonction-
nement des associations ne peut être; ([u'accéléré (manie), ralenti
(mélancolie] oi: bouleversé (paralysie) et non modifié : comme le
dit Broussais, les dérangements de l'inslincl et de Tintellect ne
]>cuvent résuUei' que de l'excès ou du (hd'aul de rexcilalion de
rencéphale. C'est ce cjui fait qu'en prali(|ui' il est souvent difficile de
.*-avoir si une idée qu'émet h' malade correspond à la réalité ou
doit être tenue j)Our délirante.
11 faut aussi remarquer avec Meynert (pu' si le délire se traduit le
plus souvent par des idées de perséctilion ou de grandeur, c'est que,
à r('tat 1101 mal, mi a déjà une lemlance à ctdles-ci. D'ailleurs les
lappiirls de l'homme avec le monde ext(''iieni' ne peuvent ^"e^|l^inler
(pie sons forme d'idées de j)eiséculion, de grandeur ou de petitesse;
ces dernières sont moins fré(|uentes (]ue les autres, de même que,
chez les gens normaux, la modestie est jilus l'are que la mélîanc(^
et roigueil.
Pm. ('iiaslin.
rilo.MSI^.N. — Klinische Beitràge zur Lehre von den Zwangsvorstel-
lungen und verwandten psychischen Zustanden. {(loiitrihution cli-
nicpic à /'rlin/f des ahscssioiis iiiciildlcH cl </cs èldls psyc/iiQues sem-
hhihU-s.) .\irli. f. Psyeliial., X.WII, p. ;M9, ISOii.
Les o})sessions mentales on impulsions intellectuelles sont consi-
dérées |>ar (pielquesautt'urs (Westphal) comme formant une maladie
mentale sitéciliipie bien caractérisée, par d'autres auteurs (Magnan)
elles ne sont considi'rées que comme un symiitôme (jui accompagne
d'autres maladies mentales.
I.'auleiu' lapporte cpielcpies observations intéressantes et conclut
TROUBLES DE L'iMELLIGEKCE, DE LA VOLONTÉ, ETC. 897
]>uui- rcxisicnci' (ruiif nialiuliu nit'iitale spiM-iale caractérisée |)ar des
symptômes psycliiques et oriianiijues : idées et actes imiiératifs, tics
convulsifs, (''cholalie, ooprolalie ; puis troubles de la digestion, de la
circulation et iniuraines, tels sont les symptômes, ({ui présentent
beaucoup de variations individuelles.
V. Henri.
Th. TILINti. — Ueber angeborene moralische Degeneration oder
Perversitàt des Characters. {Sur la déijénérescenca morale ou per-
rrrsilé du rdrurtèrc.) Allg. Z. f. Psychialrie, t. LU, 2, p. 258, 1895.
.M. Tiling à propos de trois observalions fort curieuses de folie
morale fait une esquisse de celte forme en discutant préalablement
les manières différentes qu'ont les aliénistes de la concevoir. Il
s'élève d'abord contre Topinion adoptée par une grande partie des
médecins allemands ([ue cette forme doit être rattacbée à la débilité
intellectuelle congénitale. 11 combat aussi la tlièse de Sollier suivant
laquelle l'idiot devrait être soigneusement distingué au point de vue
moral do l'imbécile, ce dernier seul étant un anti-social.
M. Tiling montre avec Vrocb qu'il n'y a pas de relalion nécessaire
entre le développement intellectuel et celui du carai^tère moral. On
trouve en effet beaucoup d'individus très peu intelligents, remplis
de sentiments charitables, et dévoués à leur prochain. Il est égale-
ment erroné de croire que le fou moral et le criminel-né sont au
même degré de développement que l'eafant normal ou le sauvage.
Il n'y a d'ailleurs aucun parallèle à établir entre le développement
de l'intelligence et celui du caractère comme le montre l'expéi-ience
lie tous les jours.
On a aussi voulu considérer le fou iiioial comme un païaiioiaque
ilironique, mais il est bien cnniiii, comiiie l'a l'ail voir aussi Char-
pentier, que le fou moral n'a pas d'idr'cs (bdiranles. 11 n(! peut pas
mm plus être considéré commi; un iiiaiiia(iue.
Il faut remarf[uer d'ailleurs (pie l'on peu! trouver <les symptômes
de folie moiale chez les imi)éciles, les maniaipies, les paianoiaques,
b> |iaialyl iqiie<, les liyslt'riipies, les (''iiileiil ii[ues et les d(''menls.
Mais il iK! s'agit pas là de la \(''ril,able folie morab' idiiqiathique.
\'a\ réalité , la folie morale doit être placée à côté des autres
formes de troubles mentaux (pii a|)partiennent à la dé-générescence,
mais on va trop loin, |ioui' l'auteur, en idenliliaiit l'iiidn'cile moral
avec le criminel instinctif. Sommei' dit avec Justesse que cette dis-
tinction ({Uoi(pie diflicile doit èti'e faite et c'est un bon signe de folie
morale lorsipie le patiiMit se nuit à lui-même. M. Tiling est de cet
avis, mais il croit de plus que d'autres signes encore pi^rmettent de
distinguer led'ou moral du criminel : en elfe! le l'on moral est aussi
étranger au monde des criminels (pi'au monde normal ei il ne peu'
s'adafilcr pas [ilus à l'un qu'à l'autie. Les criminels sont en état de
AX.NÉi; PSYCUOLOGInLK. II. 57
898 ANALYSES
constituer uik; communauté, ils suivent certaines rèifles, ont un
système et unl)utréel. Il en est tout autrement chez les ions moraux;
ils ne se rangent pas parmi les criminels, ils se llattent d'être des
hommes honnêtes et utiles, ils ont de grandes ambitions ; mais ils
n'arrivent à rien.
l/opinion des aliénistes allemands est anire arluellcmi'iil (pi'il y a
([Viclques années, sur la possibilité d'une modilication paliiologiiiuc
du côté moral, indépendante du côté purement intellectuel. « Le l'ait
indubitable que tous les actes, sentiments et désirs ne sont pas sépa-
rables de représentations, ne suffit pas comme on va le voir plus bas,
dit M. Tiling, pour rendre comme on l'a fait, la totalité de l'intelli-
gence responsable des actes répréliensibles. » Le caractère suivant
lequel l'homme se conduit dans la vie est le résultai, la composante
de forces difi'érentes, d'un côlé- le pouvoir d'arrêl ou de régulation et
de l'autre les instincts et les lendances ; c'est ce qui donne Tindivi-
dualilé des sentiments et des actes. Si l'un des facteurs du caractère,
le pouvoir de régulation est atïïiibli ou si l'autre facteur opposé
prend la su[irématie, il s'ensuit le déréiilrnirnl di- la conduite. C'est
dans ce sens que l'on a ajqieb' la folie morale unr maladie du carac-
tère.
.]ns(iu"à i]U(d |M)intle prc'Uiier facteur sc' tronve-t-ii en rajijKul avec
la totalité de l'intelligence? Est-ce que celte totalité est en rapjiorl
avec les d(''c,isions et les acles"? M. Tiling adon-t que la jilns graiule
partie <le nos idées n'a pas d'inlhumce sur nos relations avec nos
semblables ni sur la conduite de notre vie. Ce n'est qu'un toutpelil
groupe d(! nqu-é-sentalions ipii est en rapport avec nos actes moraux
et c'est ce groupe qui d(dl être sid'lisaninient constant ou cunliiiu
|i(iiii' que nntis |iossédions un caractère. Si donc on dcvaii admeldc
dans la jx-rversité morale une maladie île l'intelligence, elle devrait
èlre limil(''e à ce petit cercle diilées ({ni règle Jios relations praliijues
en laissant intactes toutes les idées biillantes ou profondes qui élè-
veiil d"aillcnis l'espril. Le jielil groupe de re|ir(''seiilaliniis qui règle
nos dt'derniiiialiniis ne contieni au c(Uilrair(( que les concepts les
plus édémentaires, 1rs jdus sinqiles, les plus cniupri'liensibles poui-
tout h' momie du dioit et du devoir.
Et ce groupe est en ra|i|iort étioit avec le sentinieni snus l'oinie
de senliuMMil d"li(iiincui-, de limile, cic., eu un mot avec ce (pie l'on
;i[q)elle la ciuiscience ((iewissen). C'est lui qui reste constant au mi-
lieu du changement des idées et des désirs et il est sensiblement le
même cliez Ions les adultes, du moins dans les pays civilisés. Mais il
t'aul avoir grand s(Mn de nniaïquci que beau(;oup tro|> souvent chez
l'inilividu moyeu el oi<Iiiiaire rinlluen(;e dt; ces idées est contre-
balancée par cidle de l'intérêt ino[ire.
(^-c ({ui revient à dire que le caractère nioial en général n'est pas
de niveau élevé. Au-dessus et au-dessous de celui-ci, il y a des carac-
tères très moraux et d'autres (jui le sont très [icu.
TROUBLES DE l'iNTELLTGENCE, D1: LV VOLONTÉ, ETC. 899
Le deuxième facteur dans la formation du caractère moral est
constitué par les sentiments, mais [tar la plus petite partie des sen-
timents de l'individu comme pour les représentations, la majeure
partie de ceux-ci étant subordonnée aux premiers; lorsque les senti-
ments qui entrent dans la constitution du caractère moral sont
moins développés qu'ils le devraient, la plupart des auteurs considè-
rent ([u"il s'agirait d'un fait patholoiiique. Les concepts de devoirs
et d'honneur existent, mais ils n'éveillent pas une émotion suffisante;
et restent à l'état abstrait.
Pour augmenter la discordance qui se produit alors, il y a souvent
chez ces individus pervers une tournure d'esprit, une imagination
déréglée qui daus ces circonstances exerce une influence déplorable.
Cette tournure d'esprit devient véritablement pathologique chez
certains hâbleurs ou menteurs.
Cette imagination pathologique se trouve chez un certain nombre
de fous moraux. Ceux-ci sont les premières dupes de leurs men-
songes ; ils perdent le sentiment exact de la réalité, et par suite de
leurs rapports avec la société où ils se trouvent.
L'auteur vient de dire qu'il y a une certaine indépendance entie
l'intelligence proprement dite et le caractère moral, de telle sorte
que si une grande partie de ces fous moraux sont en même temps
des faibles d'esprit il y en a qui se développent de bonne heure et
5e distinguent par des dons intellectuels souvent remarquables.
Mais ces cajtacités intellectuelles manquent le plus souvent de
solidité, et surtout ces malades ne savent pas se conduire. L'auteur
ajoute à ces remarques une esquisse d'ensemble très exacte du
caractère spécial de ces fous moraux, qui correspond dans ses
.grandes lignes avec celle (ju'a donnée Charpentier dans ses Folies
du caractère. M. Tiling croit aussi qu'étant donné le fait que cette
altération pathologique du fou moral est plus près ([ue n'importe
iquel autre trouble mental tle la méchanceté pliysiologique, et étant
donné que le caractère dans beaucoup de familles païaît une mani-
festation héréditaire plus constante (pie les autres ajititudes intellec-
tuelles, M. Tiling croit que ces individus doivent leur constitution
2jsychi({ue, non pas à l'héiédité des troubles mentaux, mais au déve-
Jopitemeiit anormal du caractère di; leur famille. ^L Tiling a cinq
•observations de c<! gc'iire cpii proviennent de familles bien connues.
Mais quelle est la limite entre l'é-lat physiologique et la folie
morale ■? Elle est évidemment conventionnelle, mais avec Sommer on
jK'Ut admettre que les deux signes les plus importants en ilehm'S de
l'examen de l'ensemble sont rap[)arition précoce des tcuidances per-
verses et la nuisance pour soi-même.
On trouvera à la tin de <;r|, article les trois (diseival ions très détail-
lées et très' intéressantes de folie morale (jui ont sei vi de base aux
^développements de l'aulein'.
1'. Cll.VSI.IN.
900 ANALYSES
Auguste VùISI.X. — Délire du doute, ses relations pathogéniques
avec la sthénie et l'asthénie vasculaires. Fréquence du délire hypo-
chondriaque chez ces malades. Union nii'dicalc, 1895, 23 mars.
Il cpl possible ([uc If délire du doule, k'.s obsessions el les phobies
aienl. un subsIraUim analoinique démonirable, un étaL particulier
de la eircnlalion, soil de la slliénie soit de ra>llit'nii' vasculaiie. (Test
ce que Fauleur a cliercJK' à nionlici- en |iailie par des liacés spliyg-
inoyra]ilii(pics.
DELIRES AMBULATOIRES ET FUGUES
l'AllAM. — Des impulsions irrésistibles des épileptiques. Congrès dr
Bordeaux, 3 aoùL 18U5. Discussion de l'ilres, Reyis, ïissié, .Jules
Voisin, Cliac[M'iilier, (iarnier, etc. Arcli. de neurologie, se[d. 189i),
p. 242-251.
ILWMOND. — Les délires ambulatoires et les fugues, (iazelle des
liôpitaux, 2 juillet 1893.
('.\|{.\T)É. — Un cas d'automatisme ambulatoire comitial. An h.
cliniipies de IJonlcaiix, a\rii 18',»o.
Autrefois, il n'y a pas encore bien loniilenips, ([uand un malade
l'aisait. une i'iigue, s'il inéscntaiL v.n même tciniis i|m'li|uc >liuniali'
de déiçénéresccnce, il t''lail classé comme ('|iil('|ili(pic. Aclindlrmcni,
la. (incslion i'>l di'venut^ plus coni|ilcxc. hoinKins d'aboid, d'aprrs
{]abadé, uu exemple ly|>e de liii^ne (■|)ilepliipie.
Il .s'agit, d'un liomni(! d»; tpiaranie-ueid' ans, cnilivaleur laborieux
([ui, sortant de chez lui ]iour aller voir du b(''laii, <lis|iaraîl jiendaut
plusieurs Jniirs sans qu'on ail de ses nouvelles; il a en nne alla(pie
d'('|rr,e|i>ie dans hnpudle a donuin'' l'impulsion à la marche: senlani
un vent violent soid'lb-r sur sou visage, il partit en courant des bords
de la (laronne, conrut pendaid sejit jonrs sans manger ni boire,
franchit 600 kilomètres, et vint, tomber exténui'' sur les bords de la
MédileiraniM' ; ù demi uuirt de laim. il \(iiilul parler à cenx ipii
étaient là, mais S(! trouva incapable de piononcei' une parole. I)e>
marins le tirent manger, remmenèrent à Toulon; il revint à pied
chez lui, mendiant, se cachant, et se gnidaid siu- les voies l'ec-
réos. Après son alla(pie, il a riqiris sa vie babiluidle de cullivaleiir,
peisuadi' (pu! c'est le diable (pii l'a lran^port('' sur les rivages île la
.M(''diteirani''e.
Dans l'inquilsinii ('■pilepli(pie, il y a [larlois, comme dans l'obsi^r-
vatiiiBi pi(''(édenle, nne trace de ralla(pie (aura, sensation subjective
de sounie, pri'ci''daid l'imimlsion !. I.'imiiulsiou épile|il i(|U(M'sl suivie
d'onbli ; [lailois oubli conqdt'l, pait'ois vague réminiscence de cer-
TROUBLES DE l'iNTELLIGENCE, DE LA. VOLONTÉ, ETC. 1)0 1
tains incidents de la crise; parfois le souvenir revient par réllexidn,
ou au moyeu des indications de l'entourace. Pas de remords, indillr-
reuce. I/impulsion se répMe (oujours la même, et peut revenir
périodiquement avec une certaine régularité. Tels sont d'aprrs Parant
les caractères de rim|tulsioii épilepti(|ue. Outre l'épilepsie, il y a :
1" Des fugues liysléri([ues. Lien d<''montré(>s depuis que ïissié a pu
plonger son malade dans le sommeil hypnotique et lui faire raconter
toute sa fugue ;
2" Des fugues liées à la dégénérescence mentale {dromomanie de
Régis) ; impulsifs conscients.
C'est le sujet qui, à un moment donné, sans raison suflisanle, sans
délire, sans perte de connaissance, part et fait une fugue de plusieurs
heures à plusieurs mnis.
Ce sont là trois genres difierenls d'impulsions. Il y a en outre des
individus qui ont le hesoin psychicpu; de maroiier et de se déplacer.
Voici, à ce sujet, la classification de Pitres. Le hesoin psychi(iue de
la marche se renconln' chez :
1" Les vagabonds, (^es vagahonds ont une psychologie très intéres-
sante, l'ne première variété est repri'sentiM! par les ^rîma?'rfeMri",' ces
derniers ne travaillent jamais, ils sont toujours en tournée, ne com-
mettent guère que quelques atteintes contre la petite propriété et
n'entrent pas poiu' une grande [lart dans la criminalité. C'est la
paresse seule qui ies tMigage à mener cette vie errante.
2" A côté des trimardeurs, il y a les ouvriers errants. M. Pitres
vii'iit d'en ohserver un ({ui a fait (juarante fois le tour de la France ;
il se grise, travaille m passant dans les villes jusqii'au jmu' où il
touche sa jiaye, puis se grise de nouveau et repart.
3" Une troisième variété est constituée par les hi/pocJiondrifKjues
errants; ceux-ci courent les hô])itaux et même les vill(>s poui' se
faire débarrasser de maux imaginaires.
4" La (pialrièine vaiiélc' cniiiprend les aliénés divers qui se (h'pla-
<'ent sous riiitlneiice d'une conception délirante. C'est ainsi ([u'un
jiaralytique géni'-ial, par exemple, a pu faire 148 kilomètres en voi-
1ur(î sans désemparer, fori;ai)t le cheval (pii toniha moil, et il conti-
nna à jned cette course efîrénée, jusciu'à ce (pTon le ramenât de vive
.force elle/ lui.
A. nrxKT.
VIL — DÉDOUBLEMENTS DE LA PERSONNALITE
LEWIS C. IJIU'Cdv— Notes on a Case of Dual Brain Action. (^Vo/e «wr
un cas de dualité d'action du cerveau.) Brain, jn intemps 18'Jo, p. y4-6U.
SÉCLAS. — Les hallucinations et le dédoublement de la personnalité
dans la folie systématique. Annales médico-psychologiques, août
1834.
902 ANALYSES
JOSIAU liOYCE. — Some Observations on the Anomalies of Self-
consciousness. l*s\rli. lieview, sept, ri iiov. lîS9;i.
Arthur IMKliCi:, Frank PODMORK. — Subliminal Self or Uncons-
cious cerebration ? \Moi sous-conscient ou cérébration inconsciente y)
Proceod. Psychical. Researcli, Juillcl 18U5.
Les éludes sur les dédoublemenls de la persounalilé uni, élé dans
ces dix dernières années si nombreuses et si concordanles que c'esf
là le principal molif (jui nous force à acce]»ter comme exacts et Itifii
observés des phénomènes aussi délicats et; aussi complexes. Ou a
étudié spécialement jusqu'ici : 1° le dédoublement chez les hysté-
riques pendant leui'S attaques, ou eu dehors des attaques, ou dans
des expéxiences de laboratoire : ces recherches sont dues principa-
lement à Azam, Pierre Janet, Bourru et Burot, et moi-même* ;
2" chez les spiriles; l'auteur qui a réuni le jilus grand nombre d'ob-
servations est i)robablement Myers ; 3" chez les aliénés ; il faut ici
rappeler surtout le nom de l'aliéniste français Séglas, et ses obseï^-
valions sur les hallucinations psycho-molrices ; 4" chez les individus
sains ; le principal document à citer est celui de M. F. de Curel,
auteur dramatique français, (jui s'est analysé, sur ma demande, el
a écrit une auto-observation d'une imjjortance capitale.
Les notions puisées à ces diflérenles sources ne sont ])as encore
assez nombreuses pour édifier une lliéorie d'ensemble. Les i>rrson-
nalités multiples se d(''veloppent tantôt sous des inlluences connues.,
tantôt dans des conditions diflîciles à saisir, et le mécanisme, le
pour({uoi de ce d(''donl)!enient n'est ])as encore expli(|ué d'une-
manière satisfaisanle. Pendant ranm'-c ISUii onl pain Iduir une série-
d'observations (|ai sans nous a[q)oil('i' un renseignement de prime
importance sur ces questions, nous en nionireiit «'ependant une fois
d(; plus les multiples aspects.
1. L'observation de Lewis Bruce nous donne un exeni|ih' de ([('dou-
blement, sous le litre de dualiti' d'aclion du cerveau; il s'agit d'nn
matelot du jiays de dalles, agi'' de (juai-ante-sept ans, (jui pendant
des périodes de leiups [ilus ou moins huigues se comporte comme
un dément, de caractère apalhiciue, prononce des mois gallois, puis
flans d'autres périodes devient excité, liavard, deshuclem', dangereux,
comprend et parle l'anglais. On le mel en (diservalion pendant (rois
mois, de novembre à nuirs, et on constate qu'entre les deux états exis-
tent les différences suivantes : dans l'un des états, où il i)arle anglais,^
il est droitier, jiarle l'anglais et le gallois, montre de l'intelligence,,
se rappelle sa vie passée, sauf ce (pii s'est passé dans l'anire élal, il
écrit et dessine, il est goulu, aime à se haigner, vif, destructeur,
voleui', ses sens sont bien conservi''s. Dans l'autre élal, l'élat gallois,.
(1) Voir dans VAtau-e ]hsi/c/ioto;/ique, 1, p. 484, l'analyse d'une observa-
bpon de Dana.
TROUBLES Dl'] l'iNTELLIGENCE, DE LA VOLONTÉ, ETC. 903
il est (li'meiit, ji.ult' le gallois (ruiie inaiiiric iaiiiiclligiblo, ne com-
prend i)as l'anglais, icsle pendant des heures immobile plié en deux,
jusqu'au monieni du repas; il est impossible d'explorer son éduca-
tion et sa mémoire ; il a l'air soupi:onneux, craintif, ne reconnaît
pas les médecins ; sa circulation est faible, extrémités livides, jambes
a'dématiées ; il est gaucher et écrit de la main gauche. Ces deux
états ne se succèdent pas toujours brusquement ; il y a parfois entre
eux un état intermédiaire pendant lequel l'individu est ambidextre,
mélange les mots anglais el gallois; ces changements se produisent
souvent après un repas ou un bain.
Ce (}u"il y a certainement de jjIus curieux dans cette observation,
ce sont les changements circulatoires des deux états. Les tracés
sphygmograpliiques sont très différents : dans l'état dit anglais,
pouls ample, de forte tension ; dans l'état dit gallois, pouls petit, de
faible tension. En soumettant le sujet à des bains de diverses tem-
pératures, on a pu reproduire à volonté ces états du pouls, mais non
les états intellectuels correspondants.
En terminant, l'auteur se range à la théorie assez naïve qui attribue
le dédoublement mental à une action séparée des deux Jiémisphères ;
il paraît du reste complètement ignorant de la littérature psycho-
logique du sujet; il ne dit pas un mot non jilus des troubles vaso-
moteurs observés dans la folie circulaire (Uitli, Annales médico-
psych., 1882) et dans l'hystérie.
2. Séglas reconnaît que la folie systématique avec délire de per-
sécution présente tiois espèces difféi-entes ; elles sont rendues ditlV'-
rentes par le genre des hallucinations qui les accoinpagnent : 1" dans
une première catégorie, les malades n'ont point d'hallucinalions, ce
sont des persécutés pterséculeurs ; 2" persécutés avec des hallucina-
tions sensorielles, qui intéressent principalement l'ouïe, l'odorat, le
goût, le sens génital, et même la vue ; mais ceci est exceptionnel ;
3° la troisième catégorie de malades, qui seule nous intéresse ici, se
caractérise surtout parle développiMiient des iiallucinations psycho-
motrices; ce sont d(;s paroles involontaires (|ui' le malade pro-
nonce ou ([u'il se sent prononcer, et qu'il a II ri hue à une pcisonnalité
étrangère ; ces Iiallucinations conduisent h's malades à la conviction
qu'un autre s'empare de liMirs idées, et (jue, ]»ar conséquent, ils sont
possé'dés ; cette altéralion de la j)Crsonnalit('! se dév(doppe bien moins
sous l'iniluence des hallucinations sensorielles que des hallucination
motrices, parce ([ue celles-ci altei^iienl le sens c(en(\sthésique, ou
sens du corps, (lui est la base fumlanienlale (h; la personnalité. La
différence entre ce dé'douhlemeiit et celui di; l'hystérique, c'est que
rhysléri(iue est souvent dédoublée sans le savoir, tandis (|ue le per-
sécuté sent en lui le développement d'une aulic peiscinnaliti''.
3" L'essai du iirofesseur Royce est curieux ; il i''iMaiie d'un profes-
seur de ]jhilosophie, qui n"a guère pris le pli de l'observa lion. C'est
un travail qui contient une théorie à i)riori du dédoublement de la
s
904
ANALYSES
personnalité, et une observation particulit're, décrilr en lonncs un
peu vagues; robservation ne paraît ni conlinncr ni infirmer la
théorie. Autant que nous pouvons la comprendre, elle se résume
ainsi : mi Jeune homme, qui est venu demander des conseils philo-
sophiques au professeur Royce, présente une tendance très forte à
la méditalion automatique et à récriture automatique; pendant des
lieures, il pense ou il écrit sur un sujet qui s'est présenté à lui comme
un problème, et il cherche en vain à résoudre ce problème ; malgré
ses goûts studieux, ce jeune homme est livré à la vie la plus dissipée ;
pendant les conversations, il prend parfois des jioses dr;imali(iues,
semblables à celles d'une hystérique, et avoue (pie ces poses man-
quent de sincérité. C'est Tabsence de conlrole personnel qui jiaiail
caractériser la vie mentale de cet individu.
4" A. Pierce, un élève américain de Mûnsterberg, après avoir lu
toute la littérature sur la division de conscience, croit que les théories
admises par Janet, Dessoir et moi sur la conscience seconde sont
gratuites, et doivent élre remplacées parl'explicalion bien plus simple
de la cérébration inconsciente, c'est-à-dire de processus physio-
logiques sans conscience. Podmore répond à ces crili(]uc>, (]ui soiil
au nombre de trois : l» l'hypothèse d'une conscience secondaire
est inutile. Eu effet, dit l'auteur, que voyons-nous"? des hystéii(]nrs
qui accomplissent des mouvements intelligents sans s'en rendre
compte ?(pii écrivent par e.\em[de sans le savoir (jnand on nn'l une
plume dans leur main insensible, cachée derrière un écran ? A quoi
bon supposer ([ue ces actes sont accompagné-s de conscience? iJans
les laboratoires de physiologie on enlève les iu-misphères des pigeons
et des grenouilles, et ces animaux continuent h marcher, éviter les
obstacles, avalej' la iKUirriUire comme s'ils l'iaieni inlacis, avec cette
seule différence (ju'ils perdent leur spontanéité et n'accomplisseni
ces actes que sous l'excitation d'un stimulus appronrii'. 11 en est de
même pour les hystériques, el ni pour les uns ni i)our les auties il
n'est nécessaire de faire une bypolhèse sur la conscience; il s'agit
simplement iTun fonclionnement au(oma(i(pH' des cenlics nerveux.
Cette argnmentalion, que l'auteur poursuit avec une belle conliance,
nous paraît ètie contredite pai' les fails. Qnand on met une plume
dans la main insensible de l'hysléricpie, et (pu' cette main j)reud
Fallilude pour écrire, on peu! iiien penser à un simplt> acte réflexe
d'adaptation sans conscieinc ; mais si la main ('■cri! uw mot, toujours
à l'insu du sujet, si ce mol est suivi par d'autres, si ce sont dos
piirases (|ui se lienneni, (pii (Uit un sens, et que tout cela se produise
sans que le sujet sincère en ;iil connaissance, dira-t-on encore qu'il
s agit de cérébialion inconscienle ? (Jii.ind nous sommes en présence
d'idées lii'es logi(]nemeiil , (pii répondent à d'autres idées, nous
devons bien admettre la ccniscience, sinon nous ne l'admetlrons
jamais ; 2° le second argnment est une réfutai ion [tar l'absurde ; si
l'automatisme est l'efi'et d'une sous-conscience, chacun de nous doit
TROUBLES DE L'iNTELLIGENCb:, DE LA VOLONTÉ, ETC. 903
avoir en lui un iikù cailu' qui le .surveille, le repieud, le emrii:*',
l'inspire, ef, accomplil pour lui la basse besogne des acies vulgaires;
ee n'est, pas moi (jui mels mes mains dans mes poches, (]ui marelir,
t>tc., c'est l'aulre personnalité. Voilà, d'après Pierce, où il faut, en
venir si on veut avoir une théorie consistante. .Je réponds simple-
ment que j'ai montré en détail dans mon livn^ sur les Altérations de
la personnalité ([u'il y a plusieurs étapes dans ces jduMioménes : la
désagrégation d'abord, et ensuite la construction de personnalités
, nouvelles; ce dernier phénomène est jdus complexe, et se ren<Nnilii'
surtt)ut dans l'hysléiie, sans être projire à cette affection et sans y
être constant. Le premier degré, la désagrégation mentale, est ce
" qui se produit, à mon avis, dans notre automatisme de tous les jours;
'.\^ le troisième argument consiste à dire (|u'i] n'y a pas de preuve
de conscience double. .J'ai déjà répondu à cet argument. Ya\ ter-
minant, remarquons que l'auteur est bien forcé, à la fin de son
article, d'admettre une mulli[ilicité de conscienr(\>^ cliez ces malades
<{ui, comme J^'élida, durent plusieurs mois dans des états mentaux
différents. En résumé, ji' suis tout dispos('' à reconnaître que la
théorie des consciences multiples, que j'ai contribué à d(''velop|)er
avec .Janet, Myers, Dessoir et autres, est fausse ; mais il me laul
d'autres arguments que ceux de Pierce ou (jue les remarques iro-
niques de Wiindl.
A. BiNET.
VIII. — ETUDES D'ENSEMBLE
I^H. CHASIJN. —La confusion mentale primitive. J'aris, 1891», Asselin
et ii(tu/.e,iii, 1 viil. iii-18 de 2Gt p.
La confusion mentale jiriniilive, stupidité-, dtMnence aiguë, stu|ieiir
primitive, que l'on n'étudiait plus en l'rance (elle nt- figurait pas
dans les traités les [dus récents) a été l'objet depuis trois ans de nou-
veaux travaux. Le livre de M. ('Iiaslin a |K)ur but de |n ('■senicr un
tableau aussi complet que |in>>iMe de celle nnecliim meiilale. sur
laquelle il a rappelé l'attenliiui en l"i .imi'. |„i pi-emiei e |i,iilie du livre
est consacrée à riiistorique, dans le(|iH'l sont analysi'set cités souvent
textuellement d'abord les auteurs fran(;ais, (pii ont (b'-ccil com|dète-
ment, bien avant les étrangers, la confusion mentale. pui> lesauteurs
allemands, qui ont ]ieife<tiunne son i-liide, entin le> ,iuleui< russes,
anglais, américains et italiens.
La conclusion de cette |(nii;ue revue bistoricpie e>l ipo' la couiii-
sion, après avoir éti; étudi(;e jiar l']sc[uir()l, (ieorgel, i^'eiiu-;, l-]to(:-
JJemazy était en France vers 1843 admise coninn' imi-lil imuI une
affectinu à jieu près aiilnnome. .Malheureusenienl K.mILm i;er soutint
l'opinion erronée que la stupidité' doit rentier daus la inidaucolie avec
■stupeur, opinion qui fut adiqdi'e jusqu'à uns junc^ par la majorité
906
ANALYSES
dos aliéiiislos. Elle fui |>(aii(,aul combalJui' avec un sens (•liiii(|iii'
bien rcmaniual)!»' ]iar Dclasiauve ; oelui-i-i ('•ciivit à propos de cctU'
l'oinic une st'-rif (rarliclcs qui panuoiil [triiicipalcnit'ul, dans son
Journal de médecine mentale. .M. Cliaslin ([('uioiiln' par do longues
<;ilali(iiis (cxhirlics (iiie celle descripliou Ac ])elasiauve est presque
complèle, si liieu que les auleurs, même les plus réeenfs, (Uil ajouté
bien peu de chose de nouveau à ce qu'il avait dit.
I/adeclion que Delasiauve décrivait sous le nom de. confusion, de
slu|)idité, était ponr lui essenliollement caractérisée par l'incoordi-
natioii el le raleiilissemenl des i(i(''es ([ui (loiiueiil au malade l'aspect,
de la slupidih' ou de la slu[ieur et qui peuvent s'accompagnor d'hal-
luciualious el de délir(>. Après Delasiauve, quebiues rares auteurs
décrivent isolément cette affection, comnu- Foville et surtout II. Dago-
net.
C'est avant tout d'a|irès les descriptions et les conceptions de
D(dasianve, en s'aidani d'ailleurs des travaux étrangers les plus
récents el de ses pnqnt'S observations, ({ue M. ("liaslin, dans la
seconde partie, aborde l'exposé de ce que l'on sail acliu'llenieut sur
la coid'usioM iiieiilaie primitive. Il admet (|ue la confusion mentale
primitive idiopallii(pie est une l'ormi- pai'aissant avoir une existence
relaliveiiieiil iu(l(''iieudaute dans la(|uelle les troubles somaticpies
jouent un giaud rôle, tandis (|ue c'est le symptôme confusion (^ui
mar(jue le trouble mental de son empreinte. A côté de cette confu-
sion menlale primilive idiopal lii(pie , il existe des confusions
mentales primilives syniploniali([nes dairs une séiio de troubles
organifjnes, vaiii'S et bien recoiiuaissaliles. (''est la descripilii>u <b'
l'alVectioii idiopal hii|ue (jui occujie la [dace principale de la deuxième
p.iiiie; les coiifusions symplonialiiiues ne doniiaut lieu qu'à une
i''nuni(''ialiiui rapide ipi'il (''lail pouilant né(U'Ssaire de faire atin de
j)ouvoir élablii' \v. diagnostic de lalVecliou idiopalbitpie.
Dans la symplomatologie de la confusion nn-ntale, alleclion idio-
palliique, on doit successivement décrire la pc'-riode d'incubation, le
début, la pt'iiode d'iMal sous sa l'oiiue complèle et moyenne et les
dinV'icnIs modes de lerniinaison. Dans la piM'iode d'état, l'examen
clini<iue du malade doit èlre l'ait aussi bien au point de vue mental
(pi'au point de vut^ sonuitique : l'asjtecl du patient, ses actes, ses
par(des, son expression dénottuit avant loul la présence prédomi-
nanle du sym[itôme confusion, c'est-à-dire de rincoordin.dion de Ions
les processus psychiques, accom|>agné'e de leur alfaiblissenu'ul. On
peut voir s'y joindre des idées di'-liranles, des illusiiuis, des halluci-
nations très variables, des variations brusques dans le ton émotionnel
et dans la rapidili' a|qiarenle des |uocessus intellectuels, l'aiallèle-
ment à ces Irouldes mentaux existent des troubles somatiques dont
la c;iracléiisti([ue est l'airaiblissement giMiéralist', ré|)uiseunMit, la
dénutrition, (juebpiefois avec des symplônn-s ([ui jappellent une
infection, la {laralysie générale ou la méningite. La marche et la durée
TROUBLES DE l'IiNTELLTGENCE, DE LA VOLONTÉ, ETC. 907
sont très variables; les terminaisons, annonct;es souvent par une crise
(Sauze), peuvent être la guérison, un état de confusion clironi(]ue, la
démence, la mort qui peut être amenée par une complication. A côté
de cette foi-me complète et moyenne on peut en distinguer d'autres :
le délire de collapsus (H. Weher, Krfopeliu), la démence aitriië (agitée
ou stuporeuse), la confusion mentale légère (slupiditt' lé-gère de Dela-
siauve), enlîn les formes typhoïdes ou méningitiques.
Toul un chapitre est rempli jiar l'élude de la psychologie patholo-
gique. Après avoir exposé successivement les conceplions de Meynert,
d'Aschafl'enhurg, de Ki'œpelin, de Ziehea, sans avoir pu résumer
celles de Friedmanu ilont le livre sur le délire venait à peine de
paraître, l'auteur cherche à faire de cette psychologie palholngiiiue
un exposé indépendant de toute lliéorie et fondée uniquement sur
une analyse clinique exacte. Le fond du trouble mental est essen-
tiellement constitué par la désagrégation accompagnée d'aulonudisme,
mais cette désagrégation paraît plus profonde que dans n'importe
(}uelle autre forme mentale, car dans l'hystinùe l'automatisme admet
encore un certain ordie ; dans la confusion, au contraire, loul est
désordre.
A propos de la psycliologi»- |iallioli>gique, .M. ("diaslin croit bon de
mettre eu relief ce fait (jue le symptôme confusion, qui apparaît dans
la confusion mentale idiopathique (comme aussi dans la confusion
î^y\n\)i(dmd{\i\\w) pvimilivement, c'est-à-dire indépendamment de tout
autre trouble intellectuel, jifut dans d'autres formt;s mentales se
])résenter secondairement à la suite de l'excitation, de la production
de nombreuses hallucinations, etc.
Par suite, le diagnostic de ratlection idiofiathique est souvent
difficile à faire avec les affaiblissements congénitaux ou ac(piis, la
paralysie g(''iiérale, la médancolie (surtout avec stupeui', ]>oui- ne p;is
retomber dans l'erreur de l>aillarger), etc.; iMiliii sinhiui avec la
[)aranoïa aiguë et les délires balluciiialniri^s.
Le pronostic est st'rieux, car la mort peut survenir sans cniii|ili-
catioii ap|)arente.
Dans l'étiologie il faut ailacliei' une iiii|nijlaiice Iniije jiarliculière
aux infections. L'analomie pallnilogique est encore peu cmiiiue.
La nature de la confusion menlaie et sa placi; dans la classifica-
tion sontl'olqet d'une longue discussion. M. (^iiaslin montre (pie l'on
abuse singulièrement du mot de prédis|t(>silion comme explication
unique que l'on donne de la genèse des Icduliles mentaux.
Il semble que, coninie |hiiic les maladies m-iveuses, au lue et à
mesure (|ii'(iii les connaît mieux, les causes exté'iieuies prennent de
plus en plus d'impoilance ; en d'aulies termes, dans la grande majo-
rité des cas, il l'aul la co>///>i!"/(aîso« de la prédis|iosilion avec un agent
extérieur pour (pie le truuiile pathologique soit ciV;é ; piunlaiit il
paraît, en s'en lenaiil aux tinuliles nieiilaux, ipie ipiehpu^s-uns
d'entre eux peuvent, ,juM[u'à plus ani[de inrurnii'', être considérés
908
ANALYSi:S
comme naissant et évoluant on (Iflims de loule raiisc exif'i iciii'c
particulière nclueile.
La confusion mcnlaif^ [uiniilivc idi(iiiallii(ju(' ne pcul rlri* consi-
dérée comme rendant dans ce a;rou|ie de folies ; il faut ordinairenienl
une cause exté'iii'urc jinlpalilc jinur auiciu'i' la jutIui iialinn ]ialli(i-
loiîique. Celle cause extérieure est le ])lus souvcnl iiih' iiiriclioii.
Il faut avoir soin de remarquer qui» la confusion ninilalr idicqia-
lliique n'est pas une espèce morbide, une maladie; nous ne savons
pas encore à (jindles maladies elle peut être i-a{tacii(''e ; on ne peul
jusqu'à préseni l'envisaiiei' ([ue comme affection, (".rllc alIVciidu i-sl-
elle la cons('M|uence d'une infeclion m'^cessaire, ou liieii esl-idle le
résultai d'un épuisement /'
Mal^n'' rinsuflisauce de nos connaissances, il semble lont au
moins que cette afi'eci ion dnil (Mre |ii<d'on(lément sépai'ée du groupe
des folies diles endniiènes, mais il est impossible d allei' \\\n> loin ;
cette an'eclion parail, tout au moins clini<iuemenl, assez bien di'di-
mitée, poui'tant on ne saisit pas encore clairement les iidalions (|ui
existent entre la confusion idiopatliiipie d'une jiarl, el danlie pari
cerlains cas de délire aii:u, de pai'alysie g(''n»''rale el de di'liir balln-
«inaloiie. M. (ihaslin évite soigneusement de confiuulre ce dernier
avec la paraiKtïaaigui'. La psycbose polyn(''Viili{[ue doil èlre raliacln'-e
à la ((infnsion. L'auleur, suivant en cela Delasiauve, fait rentrer dans
la c(infnsi(in i(liii|iatlnque le (b'dire de collapsus et la démence aiguë.
Ce chapiii-e abdotil à duiinei" de la cenfnsiiui iiienlaje ]iiiinili\'e idin-
palliiqne une dT'Hiiil ion (pii i'(''sume ce (pn- ("nn |ienl avancer de
cerlain sur ce liouble mental (bnd. le fond est si peu cennu encore.
Pour ('(unprendre cette di'linilion, il faut se l'apptder enim*' une
fois que b' mot (b' confusion meiilale ib-signe un synqiliiiiie psy-
eliiqne pa il i<'id ier, el l'expression ronl'nsion nienlale piiniilive idio-
pallii(pie (b'signe un ensenibb^ de symptômes c(ni>liluanl une alfec-
lioii. La (b'Iinilion propos(''e est la suivanic : la confusion nn-nlale
|ii inniive i<liopalbi(pH' e>l wui' all'ection, ordinal remeid ai gin, consi'-
lulise ,'i laclioii d'nne cause ordinaiicnienl appri'ciabb', en gi''n(''ial
une infeclioii, (pii s(^ caractérise ])ar des |ilii''iionn"'iies soniaiitpu'S
de (bniulrilion et (b'S pin'nomènes m^nlaux : le fond essentiel (b'
l'cux-ci, n'-snllal preniiei- de l'é'lat somali<pn', est conslitU('' jiai' une
bii'me (ralTaiblisx'nn'iil et de dissociation inlellecinels, coid'nsion
ineiiljilr. (pii peni èlic accoin[iagni''e on non <le didii'e, dbalhicina-
lions, d"agilali(ni ou au conliaiic dinerlie moliice, a\ec ou sans
variations inai(juées de r('lal l'oiolionind.
L'élxide (In IrailenuMil Ici mine le volume : on doil d'abord s'adresser
a I état somali(pie el .M. (lliaslin iii--isle >nr le maini ien i\\\ malade an
lil. IN>ndanl la convalescence, il faut a\(iir en oulre recours au Irai-
lemenl- moial dont les règles ont ('■!('' Iiact''es si claii-emenl pai'
Sau/.e m 18o2 dans sa Ibèse, (pu- mènu' anjourd'bni on n'a rit'u de
mi'Mix à faire (pie de les suivre à la lellre. L'iidei'prétation de ces
i
ÏUOUBLES DE L'INTELLIGENCE, DE LA VOLONTÉ, ETC. 909
règles amt'uc aussi M. (".hasliii à ic|iuusscr comme imisihlt' ]i(iur le
malade, sauf fxceptiou, la >('(jucslraliuu daus uu asile ou uue
maison de sanlé.
Pu. Chaslin.
II. MAUDSLEY. — Pathology of Mind. (l'allioloiiie de l'espril.) Vol.
iii-8", :j71 p. Londres, Macmillaii, 189o.
Voici la i|ualiième édiliou d'un livre (jui a paru poui' la lucmirre
fois en 1869, dont il a été publié une traduclion française, et qui a
exercé une aciion profonde sur le mouvement jjsyclioloyique con-
temporain. A ce lilrt-, comme document lnstorii|ue, le livre restera;
il restera aussi pour la vivacilé des lajili'aux (|ue l'auleur nous a ])ré-
sentés de certaines formes de l'aliénalion nifulale. Mais la doctrine
a fait son temps; rauleur croit encore que les Irouhlcs de l'esprit,
ainsi du reste (jne ses mauifestalions uiunialcs, doivent trouver une
explicalion dans la physiologie rnali'riellc du cerveau; s'il fallait se
linriier à cette exjdical ion-là, il est proiialde qu'on Tallcudrail cucore
louglemps.
i:. .NKJllSELLI. — Manuale di semejotica délie malattie mentali,
v(d. H, Milauo, Fr. Vallardi, 1 vol. in-16 de xviii-852 j». avec
77 lig. el XIII lalilfs jiliysiiniomiques.
Ce second volume paraît plus de dix ans après le premier, ('.elui-
ci avait pour sujet l'examen jjliysiologique et anlhropologi(jue de
Taliéué; le volume II traile de l'examen psychologicjue. Il suffit
d'indiquer les titres des différents articles dont il se compose pour
en montrer rimportauce théorique et pratique ; ce sont les suivants :
importance et supériorité clinique de TexanuMi psychologi(|ue ; con-
cepts fondamentaux pour l'examen i)sycliique ; lègles génitales poui-
l'examen psychologique des aliénés; procédés de recheiches dans
i"examen psychologiipie ; \v.6 états psycliiquc's et leur expression;
["as])ect extérieur de l'aliéné; son langage; sa conduite; généralités
sur l'aiiiilyse de l'e.-prit ; les lioniiles i^iMHMaux de la c()nscience ;
les Irouldes de l'inttdligence, du sentiment et de la volonté.
l'.nlin un appendice renferme des écrits iraliiMU-s, une; note liihlio-
t;ra|diiqne -ur la sém(''i(dogie des maladies mentales; [mis en derniei-
lieu des leproductions de pliulogra[iliies d'alié'ués.
P. CllASLIN.
WFJî.NK.KF.. — Grundriss der Psychiatrie. Teil I. Psycho-physiolo-
gische Einleitung. (!M('Mi> de [i^yiliialiie, 1"^ |iartie. lui r.Hinriiun
psycho-physiologique.) 1 vul. in-8", 80 p., 1894. Leij>/.ig, Thieine.
Le psychiatri! bien connu W'ernieke, pi((|'e>seur à I5re>lau, entie-
prend la publication d'un cours de [isychialrie ; le premier cahier
<J10
ANALYSES
osf, consacré à (|Ut'I(iU('S ([ucslioiis [isyclioIiiuii[ucs, los autres jfoiit
pas encore |taru.
I,a |irriiii("'n' i|iii'>liuii ifiii se pose dans un coins c(nisacn' à un
groupe (le m.iiiidies est de (l(''tiMir ce groupe, c'est ainsi (jur Weiiiicke
commence par donner une d('dini(ion des maladies menlales ; la
question est plus dilticile que dans le cas d'autres' maladies. Si on
considère la substance du cerveau, il y a des parties ([ui sont liées
soit à des organes de sens soit à des organes de mouvement, toutes
ces parties avec les fibres qui servent pour les relier aux oi'ganes
correspondants ont reçu (hquiis Meynert le nom de système de pro-
jection : mais la substanct; du cerveau n'est pas uniijuement formée
par ce système de projections, il y a des libres qui relient entre elles
différentes parties dn cerveau, il y a îles portions de la surface cor-
ticale qui ne sont liées à aucun organe sensoriel ni moteur; Wer-
nicke semble l'oublier, il afiirme (|ue de tout jioiut de la surface
corticale parlent des libres ([ui la relient à des organes externes, ce
qui est contraire aux récentes reclierclies sur Tanatomie du cerveau.
Toutes ces parties peuvent être groupées sous le nom de système
d'association ; une maladie mentale est, d'après la di'linilieiu de l'au-
teur, une maladie de ce système d'associations.
Les mouvements jouent un rôl(! des plus inqiorljints dans les ma-
ladies menlales; eii efîel, ce son! eux i|ui nous ren^eignenl surréial
des processus psycluipies ; il faut donc toni s|it''cialenienl s'airètei-
sur les mouvements ([ui sont en (luebpie relation avi'c les processus
psyc!ii(pies. I. 'auteur partage ions les mouvenu'nts en trois groupes :
mouvement d'expression, de réaction et d'inilialion.
Les mouvenu'uls d'exiiressicni sont <:eu\ (pii nous renseignent sur
l'état affectif de l'iiomme ; l'anieiu' semble S(! rallie)' à la lliéorie des
émotions de Lange et James, il admet en effet qut,- les états atfeclil's
sont la conscience des sensations organi(pu'S et cpie les mouvements
d'expression sont n('Tessairemenl li(''s à des /'molions.
I^es mouvements de réaction sont ceux (|ui se produisent à la
suite d'impressions extérienres.
Enliu les nuuivements inilialifs sont ceux ([ui sont produits san>
impression aucinie, dune manière sftontanée.
1,'auleur ( loil |ioii\nir Lir'm'Taliseï' le si'hème de l'aidiasie : lorscpie
tiuebpi'uu ((rononce un uuti, (Ui doit d'abonl l'eutemlre, reconiiailie
que c'est un mol, c'est Videnti/ication primaire ; imis il faut le com-
prendre, c'est un acte su[iéiieur, idenli/icatioii secondaire; de
menu; pour les uionvernenls on peut distinguer une identilicaliou
[U-imaire et une secondaire; les cas d'aphasie nous donneiil i\r>
[lertes de; ces dillV-rentes idenlilications. Si nous considérons xuw
association (|U(dcon(iue, par exeinphî prononcer le nom d'un objel
qu'on voit, nous [touvons distinguer les centres suivants : d'abord
un ceii[|-e .s (rideiililicilinii piiniaiie où la sensali(Ui visuelle alunilil.
puis un centre A dont la liaison ;ivec s représente l'association de
I
TROUBLES DE l'iNTELLIGENGE, DE LA VOLONTÉ, ETC. DU
ridée de l'objet avec l;i sfiisaliuii, [mis Z un c<'ii(rc ddiit dépend lu
suite ordonnée dc^ niouvenicnls (rail iciilal ion du nom de l'tdtjel,
et m un centre dont dépendtMit les mouvements des muselés d"aifi-
culation. Nous avons donc en présence deux centres s et m (jui foui
partie du système de projections et puis des centres d'association. La
maladie menlalc ]ieut allcindrc Tune des Irois voies: sA, AZ ou Zm;
les désordres apportés sont de trois sortes : ou Meu abolition de
lonction, ou auiimcntalion de la fonction ou enfin cliaiigenient de la
l'onction; de là résultent tous les cas possibles île changements qu'on
observe dans les maladies mentales; l'auleur partage donc tous les
symptômes des maladies mentales en trois groupes :
l'si/chosensoriels. Vsijclujmoleurs. In Irapsf/chicj (tes.
Anesthésie. Akiaésie. Afonction.
Hyperesttiésie. Ilyperkinésie. Ilyperfonction.
Parestliésie. Paralcinésie. Paral'onctiou.
Toute une leçon est consacrée par l'auleur à la mémoire et sur-
tout à la difîérence entre les images mentales et les perceptions. Les
images mentales sont localisées, d'après l'auteur, dans les mêmes
«■entres que les sensations.
La comparaison entre l'image mentale et la sensation est laite
surtout pour les sensations visuelles parce qu'ici on a une possibilité
de comparer l'image mentale avec l'image consécutive. Les diffé-
rences existant entre ces images sont, d'après l'auteur, les suivantes :
1° L'image consécutive est intermittente, l'image mentale ne l'est
|ias; ceci n'est pas exact, car l'image mentale est également inter-
mittente; si on cherche à la maintenir longleni]is, elle oscille, tantôt
devient nette, tantôt disparaît presfjue complètement; 2o|a première
est projetée au dehors, la deuxième m; l'est jamais ; il y a pourlant
des personnes <iui peuvent ])rojeter au (bdiors une inuige mentale.
Ces différences sont expliquées par l'auteur par le fait (|ue les images
mentales sont liées à des centres qui pré'senleiil des lihres d'asso-
ciation, tandis que les images consécutives sont liées à la rétine où
il n'y a pas de fibres d'association ; ceci est encon; inexact, les der-
nières recherches de Ramoa y Cajal ' ont monti't' qu'il existi; dans
la i<''iiiie des « cellules horizontales internes » qui envoient des rami-
tications dans différents sejis et (pii seinhlenl ne servir ([u'à la liai-
son des diflerentes régions de la rétine entre elles.
Nous avons déjà mentionné (jue l'auteur admet ([ue h.'s ét,ats affec-
tifs consistent dans des sensations organi(|ues. Ces sensations oi'ga-
iii(iues jouent (fapr es lui un rôle tiès inqHutant: huile sensation est
accompagnée de certaiu<'S sensations organi([ues, (jui l'oiiiK'nt ce
(1) Voir R. y Cajal. f.i'.s noaceUes idéea sur la straclnre du siiaU-iiu; ner-
veux. Paris, 1894, p. 116.
912 ANALYSES
(|ii\)u a|»|K'llc le (imbrc {Gefifhlslo)i) do la sonsation ; ce linibre c'esl-
à-dirc ccL allrihul, ([iii (luiiiic à Iniilo sensation nu caracirie jilus on
moins agiéublf, scil, d'après lauleur, dans h; cas de sensalions
tactiles et visuelles à la localisation de ces sensations ; c'est ce ([ui
constitue le signe local des sensations ; nous ne comprenons altsolu-
ment pas comnnnit de ce ({u'un contact est |ilus ou moins agréable
on peut conclure quelque cliose sur le lieu où le contact se produit ;
voilà une théorie bien étrange ([ui n"est fondée sur aucun fait
fxpérinieiilai.
Les sensalions sont toujours accompagnées de ce linibre, c'est
pova- cela i|u"clles sont localisées dans l'espace; les images mentales
au contraire ne sont pas liées au timbre, elles ne sont par suite pas
localisées dans l'espace, telle est Texplicalion cuiueuse que l'auteur
nous donne (p. 46).
i.onguemeut l'auteur parle du contenu de la conscience, il dis-
tingue une conscience de l'extérieur {dci' Aussonvctt), une cons-
cience ducorpsetmie conscience de la personnalité. Les expositions
de l'auteur sont souvent métapliysi([ues, elles ne sont pas claires,
nous croyons donc ne pas devoii' nous y arriver.
En résum»'-, les parties les plus originales sont celles relatives aux
mouvements el aux symptAines d(^s maladies mentales.
N'icTou Henri.
XV
NÉCROLOGIE
CAI.MKIL
Le docteur Louis-Floke.\ti.\ Calmkil, le doyeu des alù'iiistes fran-
çais, est mort à Fonteiiay-sous-Bois, le H mars 1895. >'é à Poitiers,
le 9 août 1798, il vint terminer ses t'tudes médicales à Paris, et fut
attaché pendant plus de cinquante ans àCharenton, comme inlernc,
comme inspecteur, comme médecin-adjoint et enfin comme médecin
en chef. Ses travaux ont été nombreux ; citons Vépilepsie étudiée sous
le rapport de son siège et de son influence sur la production de V aliénât Ion
mentale, thèse de uK-decine (1824) où il a étudié spécialement Vétat
(le mal; De la paralysie considérée chez les aliénés (182G); de nom-
breux articles dans le Dictionnaire en trente volumes; De la folie
considérée sous le point de vue pathologique, philosophique, historique
et judiciaire, depuis la Renaissance des sciences en Europe jusqu'au
xix" siècle ; Traité des maladies inflammatoires du cerveau (18o9). Il
a contribué à faire connaître la paralysie générale des aliénés, et
employé un des premiers le microscope pour l'étude des lésions du
cerveau.
T. -II. lirXLEYi
N'é le 4 mai 1825, à Kaliiig, pi'lil village des envirmis dr Londres,
il lil à viimt ans un voyage di' ijiialri' ans autour de l'Anslialic sur li;
Halllesnake, fut ai>pe]('' à une cliaiiv de professenr d'hisloire natii-
n-lle à Londres en 1854. A ce i)ostc, il enjoignit une foule d'autres,
professeur de physiologie à la Royal Institution, professeur d'anatn-
mie au Royal collège of Surgeous, président de la Société géologique,
r.'cleur de l'université d'Al)erdeen, membre, secrétaire et enfin pré-
>i(lfnt de la Société Royale de Londres. Il s'est retiré de la vie
putili([ae en 1885, et il est mort d"une m'pluite avec troubles car-
(l)Les détails principaux de cotte Cdiirtc biblingrapliic sonl niipnintcs
à un excellent iulicle de IL de Varigny. (Jiev. ScieiiUflrita; II janvier 1890.)
ANNÉE PSYCnOLOGIf)UE. II. 58
91 4 NÉCROLOGIE
diaques, le 29 Juin 189b. l'ciidaiil sa longue carrière, si remplie el.
si active, il a mené de fronl deux espèces de travaux; comme zoolo-
giste et paléontologiste, il a publié beaucoup de reclierclies qui soni
restées; notons ses études sur les Poissons du Dévonien, sur les
Méduses, les Ascidies, les Mollusques : mais il s'est surtout fait con-
uaîti(-- du grand public par ses travaux pliiliiso]ihii[ues, sa défense
du darwinisme et ses attaques violentes contre les dogmes chrétiens.
Les psychologues connaissent son essai si intéressant sur la vie cl
sur l'œuvre de Hume.
Docteur Daniel HACIv TLKE
L'aliéniste Hack Tuke, mort en mars 189;j, était né à York le
19 avril 1827; il avait été reçu médecin à Jleidelberg eu 18b3 ; il a
été « lecturer on psychology » à l'école de médecine de York ; en
1857, à la suite de graves hémorragies pulmonaires, il dut abandon-
ui'r la praliipie médicale et se retira pendani ([iiinze ans à Falmouth ;
il i^evint en 1874 à Londres, fit de nouveau de la clientèle. Malgré
une santé jtrécaire, il travaillait et écrivait beaucoup. Il a i)Ublié un
Traité de pathologie mentale (avec Bucknill) ; un Dictionnaire de
médecine mentale, etc., etc. ; son livre le plus connu, (jui a élé' tra-
duit (Il IVaiirais, est : Le corps de l'c-yu-il, action du moral et de
l'imagination sur le physique ; c'est un ouvrage qui contient un
grand numiire de faits curieux ; mais (-(unine idées, il est un pt'u
démodé.
r. A R T II K LE M Y S A L\T- Il II. A 1 RE
Né le 19 août 180i>, mort à Paris le 4 novembre 189o, RAiirmii.KMV
SAi.NT-llii. \ii{K se raltaclic à la pliildsiipliic jiar de nombreux écrits
sur les religions, les Védas, le iJoutldliisnif, le Coran, et surtout jiar
sa remai(piabli' traduction complète des Oeuvres d'Aristole, v(''i-ilable
monuuKuit de science et de patience. Il n'a pas eu en pliilosopliie
de système ni d'idées bien originales, c'était surtout un disciple de
Cousin.
TROISIEME PARTIE
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Die Endigungsioeise des Gehornerven bei den Replilien. Die Riech- \
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Organ. Zur Entwic/;elung der Zellen des Ganglion spirale acnslici
und zur Endigungsweise des Gehornerven bei klen Snugetieren.
Kiirzere Milteilungen : Zur Kenntnis des Ependyms im menschli-
chen Rïtckenmark. Zur Erage von den frciet Nervenendigungen in
den Spinalganglien. Ueber die Endigungsiveise der Nerven an den
Haaren des Menschen. Einige Beitriige zur Kenntnis der intra-
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1391. VûiSLN (A.). Epilepsie Jaeksonienne^ traitée par la suf/r/estio/i.
Rev. de l'hyp. Avril.
1392. Voisin (A.). Nicotinisme guéri par la suggestion. Rev. de l'hyp.,
février.
1393. WoROTYNSKV (B.) . Ein Fallvon hgsleriseher Sturnmheil. Neu- '
roi. Centralbl., n" 12, 534-542.
1394. DE ZuMGA (L.). Los misterios del espiritismo. Paris, veuve
Ch. Bouret, p. 332.
[Voir aussi Va, Vb.]
.*^
IXDEX DES AUTEURS
Aars.
591
Bach.
540
Abel.
1185
Bâche.
783
Abelsdurfl'.
538, 561
Baer.
342
Abaey.
592
Baels (de).
1062
Aceves.
339
Baldwin. 22,
23, 81, 137
, 212, 213,
Achter.
1025
28 i.
757, 784, 792
, 793, 1027
Adams.
1186
Balfour.
827
Adickes.
10, 17
lUllaulî.
941
Aiguan.
658
Baquis.
1189
Aikias,
204
Barduel.
1189
Ajani.
996
Barkaii.
1307
Alaux.
125
Barnes.
214-216
Albee.
1026
Bariis.
217
Alberlolti.
593
Barr.
1259, 1260
Aldertoii.
659
Barth.
794
AUbalt.
10.57
Barthez.
942
Allen.
719, 720
Bastiaii (A.)-
285
Allier.
283
Bastian (ll.-C
•)•
976
Allin.
755
Bauingarlher
850
Alling.
1187
Beach.
1261
Alt.
1188, 1306
Beaunis.
24
Alzheinier.
594
Beau regard.
375
Amberg.
705
Bechterew (v
). 376, 377, 430. 457,885,
Angiolella.
340
977, 1063,
1064, 1308
Anttm.
18, 539, 1058, 11.50
Bectz.
1190
Apel.
849
Begou.
1010
Arleth.
19
Bell.
1191, 1309
Ariiistrong.
20, 21
Bclloni.
886
Arndt.
1059
Belot.
286
Arnhart.
99
Beiiedikt.
101
Arnoux.
126
Benigiii,
722
Arréat.
756
Bergel.
595
Aschall'enburg.
1256, 756 a.
Bergciuaun.
758
Asher.
1060
Berger.
1310
Athius.
721
iJergriiaiin.
851,
1065. 1311
Aueibach.
1061
Bernard ini.
1261
Avenarius.
100
Bernés.
287, 288
Axenfeld.
1151
Beriilieiiu.
Bernslein.
1312, 1313
660
Babcock.
1257, 12.58
Belliuaiin.
706
Baca.
341
Bettoni.
458
<)86
INDEX DES AUTEURS
Beyer.
1192, 1193
Bruni.
346
Blanchi.
343, 459, 1314
Brunner.
662
Bie.
943
Bryan.
221
Biedermann.
378
Brvaut,
910
Biedl.
431
BnVk.
762
Bielscho-^sky.
460
Buckiiian.
200
Bierens de lla.in.
828
Bllllrli.
1267
Billruth.
944
BurUhardt.
947
Billet. 24. 82, 289, 290
379, 723, 759,
Burol.
1317
760,
795, 945. 1066
Burton.
663
Bjurnstrniii.
1315
Buschan.
27
Black (C).
344
Busse.
854, 1031
Black (J.-S.).
218
Bûtow.
141
Blé.
1211
Butzke.
763
Blcch.
661, 1194
BliioiiilieM.
291
Calkins.
83, 84, 222, 587
Bliini.
432
Caïuiolo.
664
Boas.
138, 219, 292
Cauiidioll.
468
Bobnrykin.
946
Cannicii.
543
Bochefuntainc.
461
Capesius.
28
Boegle.
139
Carlilc. 29,
855, lOil, 1012
Boliiner.
907
Carus.
380
Boirai- .
724
Castcllino.
469
Biinaniio.
345, 908
Cattell. 142, 293,653
, 682, 764. 786^/.
Bonjour.
1316
Cavazzani.
1197
Bonnier.
.541,542
Chabot.
658
liorri.
1067
Ciianiberlain.
911
Bunittaii.
433
Charcot. 470, 471,
1153, 1163, 1319
Bc'SMiiqiiet.
852
Charrin.
11.54
Bourdon.
761
Chasiin.
1069, 1268
Bonrneville.
1263, 1265
Chcrviu.
1155
lîniirrii.
1317
(^lirisniann.
223
lînllIl'dUX.
127
Christensen.
1070
iiciwden.
1028
Chrysost(un.
1032
Bowles.
909
Chud/inski.
472
Bover.
1265
daiborae.
887
Bradley.
128, 785, 786
Clavièrc.
696
Braniwell.
1221
(:lo(|U('t.
948
Brandis.
462
(llozicr.
1320
Brandt (F.-B.).
25
Co^MU'lli de Marliis
1071
Brandt (G.).
853
Collet.
434
Brascli.'
1152
Ctdlineau.
473
Brassert.
1266
Collozza.
224
Braune.
997
(>oliiian.
1185
Brennclcain.
1029
ConslanI inescu.
441
Breuor.
1318
Coula.
143
Brissaud.
1068
Contejean.
455. 474
Broadbcnt.
463
Copc.
144, 381
Brocckaert.
464, 465
Coronat.
596
Brooks.
26. 140
Coster (de).
707
Brosius.
1195
Courtenay.
998
Brown.
978
Courtier.
945
Bruce (A.).
466
Cowell.
225
Bruce (L.-C).
467
Coyne.
543
Bruck.
681
Cox.
1072
Bruinine-
1196
Cramer.
1198, 1199
Brunotiére.
220, 1030
Cranz.
829
INDEX DES AUTEURS
987
f'.rawlry.
294 '
Durand.
1325
('.rei,i.'hliMi.
830
Durante.
1078
(Irépieux-Jainin.
912 1
Diirklieim.
301
Crichton-Bruwn.
736 !
Diitil.
456
Crothers.
295 '
Duval.
383
Cu 11 erre.
347.
1073
Van Dvek.
1326
(kitler.
1200
Dyde. '
145
C.uyer.
913
(àiylits,
132J î
Eaton.
Ebbinphaus.
600
103
1).
737 ;
Eberliard.
799
D'Abundo.
348,
1074
Eckhard.
545
Dagoiiet.
1201,
1269 '
Ediniier.
384
478
Dauiiillon.
1075 :
Elfertz.
1327
Daluiis.
1202 i
Egger.
738
Dalby.
1203 !
Einthoven.
601
Dallemagrne.
1270 1
Eleuthempulus.
858
Dam 111.
1076
Ellis.
739
Dana.
1077
Engelmann.
385
Daniels.
765
EDgelnieyer (de).
708, 831
832
Danilewsky.
435 i
Epstein.
654
Darkjcvitch.
296
Erdniann.
31
Darzeas.
597
Ennacora.
725
,726
Danriac.
297
Ermoni.
104
Dehierre.
349
Erny.
86
Deci-dix.
1322
Errera.
740
Deliio.
416
Essarts (des).
146
Dejerine (J.)-
475, 476. 1156,
1157
Eiicken.
32
Dejerine M'"".
475
, 476
Enlenburg.
1079,
1080
Delabarre.
85, ô
98 a.
Ewald.
547
Delape.
147
Delbonif.
856
F.
602
Deniôor.
226
Fark.
/
769
Denhart.
1158
Fackeuthal.
227
De Sanctis.
748
, 766
1, 33
. 951
De Silvestri.
350
Fajersztajn.
437
Dewev.
871
, 814
Falckenbert;.
800
De Wulf.
949
Fano.
915
Dill.
1323
Farraud .
77
Diller.
1324
Feist.
1273
DissarJ.
749
FelUin 'E.).
228
Dixon (A.-F.).
430
Felkln (ll.-.M.). ■
228
Dixon (E.-T.).
796
, 950
Feikin (U.-W.).
1204
Diieicl.
544, 545
Fcré. 34,201,
202, 351,
1159.
Donalilson.
382, 477
Fergiisnn.
229
Diiriiif^.
1013
Ferra nd.
479
. 7il
Dnruian.
102
Ferrari (C).
105
, 859
Dorner.
1014
! Ferrari G.-M.).
952
Drewry.
1271
Ferrcrc). 343, 352, 30
i, 770, 833
, 916
Drott."^
598
1 Ferri(E.).
353
Dubor.
30
1 Ferri (S.).
771
Dnbosq.
.599
Ferriani.
354
Duckworlh.
298
Ferrier.
480
Diigas.
299, 300, 707, 857
' Firalbi.
148
Diuiias.
797,
1272
Fick.
548
, 979
Diuiiont.
768
Finzi.
726
Diiiian.
605, 798
Fisi'her.
997
988
INDEX DES AUTEURS
Fisher.
230 '
(idudard.
1338
Fite.
106
Gorton.
1277
Fitz.
801
Gowers.
1207
Flechsig.
386, 481
Grabhaui.
153
Flciuing.
417, 418
Gradenigd.
606, 1339
Fldiirijoy.
302, :j88, (183
Gradie.
1208, 1066
Flower.
231, 727
Graefe.
1160
P'iûgel.
917
Grafé.
774
Fogazzaro.
303
Graflïinder.
742
Forel. 3!
<7. 1-274, 1328, 1331
Grashey.
1340
Fornelli.
232
Grasserie (de la^.
30c
Foster(II.-M.).
149
Greef (R.).
1209, 1210
Foster (M.)-
388
Greef (de).
306
Fouché.
980
Green.
1323
Fouillée.
lOIo, 1033
Greenlees.
1278
Francis.
1081
Greideuberg.
1161
Fraiicke.
580
Griesbaeli.
684
Franklin.
003, 604, 604 a.
Gritling.
685, 686, 889
l'Yanz.
605
Grilliths.
355
Frpge.
860
Grig-orescLi.
440, 441
Freud.
1205
Grivean.
667, 954 a
Frcuud.
1082. 1206, 1318
Groddeck.
1279
Frey (v.).
888
Grosglik.
483
Friedinann.
304, 1275
Grossmann.
1341
Fruit.
1304
Grote.
1016
Fuchs (F.).
1332
Gruenbug.
687
Fuchs (S.).
438
Griitzner.
552
]-'nllertoD.
35
Guibert.
1211
Guillery.
607
(jaltdii.
150, 834
GuilldZ.
1212
(iart)ini.
606
Gupta.
863
fiarrjair.
772, 835. 860 a.
Giirney.
728
<jarnauit.
549
Gurrieri.
356
Garnier.
1083, !333
Gutberlel.
787
Casser.
151
Guthrie.
1213
Gates.
836
Gutzniann.
234, 1162
Gattei.
482
GauUieur.
1334
Ilaab.
655
Gavanescui.
1004
llaaeke.
38, 154
G av.
1335
Ilaan (Bierens de).
828
(Jerliardt.
439
llacks.
864
(îerlach.
1276
Iladden.
667
<îeiling.
1336
Hall.
235
Germain.
953
llalleek.
837
(îessuiann.
1337
llallion.
1163
(Jeycr (().).
36
Ilanilin.
803
Geycr (R.).
802
Ilaunnerberg.
1280
Giessler.
773
Ilamon.
357
Gilbert.
233
Ilaneock.
981
Girondin.
1084
Ilanot.
155
Gizyrki (v.).
37. 1035
Ilansen.
890
GiMclin.
.550
llanstein (v.).
1214
<".neisse.
1036
Ilarris.
39
Gddwin.
861
Hartmann (von).
891
Goenner.
152
Ilartog.
203
G(ddfi-iedricli.
862, 954
Ilartwell.
1164
Giddiug-Bird.
551
Harvev.
1215
INDEX DES AUTEURS
989
liasse.
442
Ireland.
1086
H avérait.
156, 157
Irons.
919, 921
Ilazeltine.
1072
Italo.
956
Ileiberg.
1108
Izoulet.
309
Ilemrich.
87
Ileller.
12IG. 1217
Jackson.
488. I0S7, 1221
Ilelniholtz (v.).
609
Jack.
984
Henri. 236,
759, 760, 804, 960
Jacob.
39a
Henry.
610-612, 955, 982
JarU.
957
Ilenschen.
484
Jaesche.
61
llerbst.
158
James.
775, 728 a
Ilerek.
671
Janes.
1840
Ileriiig.
612, 1218
Janet. 44,
1350, 1351, 1378
Ilerrick.
237, 485
Jansen.
1165
Ilerniarm.
865, 999
Jastro-vx-.
88
Ilerter.
614
Jelgersma.
391, 392
Hertz.
1 28 1
Jensen.
419
Ilerz.
1085
Jérusalem.
8G6
IIe.ss.
892
Joël.
1088
Ilewilt.
307
Johnson (G.-E.).
241
Heyilner.
238
Johnson (G.-L.).
556
Ilevnuins.
805
Jones (E.-E,-t:.)
1041
Ilibben.
759. 1037. 1037 a
Jones (IL).
867
Hilbert.
580, 615
Jones (L.).
1016 a
Iliiisdale.
239
Juliusburger.
1222
Hippel (von).
1219
Ilirsch.
1342-1344
Kaes.
48»
liirt.
1.340
Kahnis.
10i2
Hirth.
486, 487
Kam.
490
Hitzi^.
1282
Katz.
.557, 618, 619
Ilocti.
708 a
Kauders.
13.52
Hoche.
443
Kaulî'aiann.
620
Hiidge.
204
Keith.
491
Iloegeisberger.
918
Kerest.
1353
Ilofïding.
40
Kellner.
688
Ilcrtîinann.
308
Keraval.
1285
HOtler.
709
Kidd.
985
Ilolden.
590. 1220
Kiernan.
358, 1089. 1354
lidliues.
983
Kiesnw.
689, 986
Hunier.
1345
King.
46
Hosch.
553
Kircliner.
â
llotchkiss.
41
Kirschmann.
621
Howard (J.).
1346
Klelller.
107
IIuward(\V.-L.).
1347
Klemiierer.
492, 512
HdWC.
616
Knight.
47
Iltidson.
240
Knory.
1355
liiUler.
554
Koch'(E.).
868
Hiigenschniidt.
!3i8
Kucli ;j.-L.-.\.)
48, 393
Hughes.
1283
K.mIIs.
868 a
Iliighlings-Jackson. 488
. Kiiganei.
310
Iliimbert.
893
KnhI.
558
Hume.
42
Kidiii.
751
Humphry.
1284
K.dier.
1.59
Hurst.
555
Koliiker (v.).
39 i, 49:i
II ver.
1319
Knnig (.\.).
622
IIvslop iJ.-H.j.
2, 43, 1038. 1039
; K/.nig (E.î.
395
Ilyslop (T.-B).
389
j Konig (\V ).
122Î
990
Kctstcr.
Xostliii.
Kottgen.
Kracpelin.
Kraft-Ebiii/j 'v.
Kraiisc.
Krauss.
Krecke.
Krcidl.
Krenser.
Rries (v.).
Krohn.
Kucera.
Kiiline.
Kiiliiieiiiann.
Kiiithau.
Kiil|ie.
Kuptrer.
K (ire lia.
Kysney.
Labiirde.
Lachelicr.
Ladd.
Laelir(ll.).
Lat'hr (M.)-
Lagrangf .
Laiiiy.
Laiiduiaiin.
Laiii;.
Limge .
Laiif,'c (K.-A.)
Laniiiiis.
Lanphear.
l..ai)ie.
J^asplasas.
Lasswitz.
I.arpls.
J.farnyd.
J.e lion .
Le eh a las.
hc (lôiite.
Le Dantec.
Leièbvro.
Le Gendre.
Le^q-ain.
Lcliiiiann.
L(; Moud.
Le Lorrain.
Lener.
Léonard.
Lépine.
Li.'sélr(\
LeiicUfeld.
Levè(pie.
Levy.
l,e\vv.
•160,
INDEX DES
AUTi:URS
bà9, rj(JO
Leynardi.
962
838
Liebermeister.
1362
5G1
Liebniann.
1167
1090, 708 a
Liepniann.
1227
101(1. 1093
Lindenliiuir.
712
502, 563
Link.
1286
494
Lion.
245
1365
Lipps (G. -F.).
807
205
396
Lipps (T.).
Lodge.
924
730
564. 623
Loeb.
808
242, 243
Logan.
690
743
Loinbroso fC). 165,360
, 364. 894,
565
1098,
1168,
1169, 1287
839, 958
Loinbroso (P.).
240, 1099
160
Londe.
1170
4. 108
397
Lôpez.
L(dz
1171
925
161
Louch.
247
359
Lourliel.
314
Lowden.
248
102, 398
LiAvenlrld.
1228
1363-1364
869
Lucianl.
496, 497
5, 49. 50, 311, 840
Lnekey.
625
51
Lugaro.
498
1224
Lui.
499, 500
1357
Lnys. 365, 1 100,
1229,
1365, 1367
1225
710, 1094, 1166
Mac Donald.
895, 1101
729. 1226
Mac Doiii^al .
1()C)
922
Mac h.
55
52
Mac Intyre.
809
566
Mackay.
1230
1358
Mackenzie.
315,
1017, 1044
53
-Mac Kinney.
167
959
Mac Lcnnan (.J.-.\.)
,
871
711
Mac Lennaun (S. -F
).
926
0, 1000. 1095. 1359
Macmiilcan.
56
244
Mac .Miirrav (F. -M.
.
249
312
Mac .Mnrray (L.-H.)
250
668, 806, 1360
Magnan.
1102,
1103, 1288
313. 624
Mauri.
1368
399, 420
Mailland.
251
1043
Major.
896
163, 164
Mailo<-k.
316, 317
lO'.tii, 1103
Manca.
1197
890
Mandclslanun.
1365
10117
Mann.
501
7i4
.Maiionvrier.
57, 168
923
Mansbi-idgc.
169
421
Maraver.
318
1361
Marcliesini.
6, 713
54
Marin.
810
870
Marinesco.
502
IHil
.Marre L
1231
495
Marschner.
58
776
Marsh .
170
•'.f
'fi
INDEX DES AUTEURS
'JOI
Marshall (C.-D.).
444
Mosher.
1112
Marshall (II.-R.)
691. 897-899. 963,
Mossu.
90
lOOo
Moszutkowski.
903, 904
Mniiiu.
503
]\Iott.
402, 987
:\lartv.
872
Millier.
926
Masuu (R.-O.).
1370
Mûller-Lyer.
812
Masdii (0 -T.).
319, 320
Muiuaugh.
581
Mas se i.
1314
Munk.
510
Matte.
587
Munro.
176
Maudsley.
306, 1104
Miiuz.
254
Mauxinu.
927
Miinzer.
403
Mayer.
445, 1172
.Miiratotr.
1113
Mayn-Sinith.
321
Myers.
728
Mazier.
1105
Mead.
928
Nacke.
1114
Mcige.
322, 10G8
Nagel.
626. 693, 694
Meijer.
1289
Natorp.
255, 1018
Mi'iuoug.
927
Nevers.
207
Meirle.
667
N'evius.
1115
Mt'liiiaiul.
930
Xewbold.
1372, 1373
MelInlK'.
1045
Nicati.
110. 628
Mellus.
504
Xichols.
256, 905, 931, 988
Mriidel.
692
IS'iciford.
369
Meiitz.
670
Nicolai.
629
Mercier. 7, 129,
505, Ç64, 1106. 1224
Nissiiu.
1374
Meriiiixer.
1172
Nissl.
422, 423
:»Ierkel.
109
Noël.
873
^leschede.
1107
Nordau.
1116, 1118
Meyer.
1108
Norden.
1046
Mezes.
900
Nossig.
61
Mi.ill.
252
Novani.
874
Mii'liaelis.
745
Nussbaum.
447, 1119
Mi.-kle.
1109, 1110
Middleniass.
206, 1111
Obersteiner.
404, 405
Mih-s (C).
89
Oehrii .
208
Miles (M.).
811
Ogdea.
841
Miller (D. -S.).
59, 901
Oiileiiiaim.
569, 1235
Miller (S.-M.).
171, 1232
Olivier (v.).
813
Mills.
507, 508
Oltuszewski.
1175
Miuard.
253
Ônodi.
511, 512
Mingazzini.
206, 400. 1233
Oppenheim.
257
Miunt.
172, 731. 732
Oniif.
424
Miut.
671
Oscrelzkowsky.
570
M irai lié.
1157, 1173
Oshea.
258
Mitchell.
902
Ostcrniann.
259
Mivart.
173
Ostwald.
1047
Mobiiis.
965, 1371
Ois y Ksquerdii.
513
Mouakow (v.).
509
Oltolenghi.
582. 1236, 1237
blondis .
367
Ovis.
030
Mdurad.
960, 1174
Mmiro.
568
l'ace.
lll
Montgniucry.
00
Pal.
484
Moraglia.
368
Palazzi.
177
Murât.
401, 446
Pandi.
514, olô
Morgan.
8, 1006
Paiiizza.
1 238
Mnrris.
174
Pansier.
1375
Morselli.
175, 123 i, 1210
1 Papale.
323
99^2
Parinaïul .
Parkiiisnii.
Parrish.
Passy.
Patrick.
Patrizi.
Paiiiliau.
Paulson.
Poarson.
Peillaube,
Pékar.
Pellat.
Pellizi.
Perez.
Pergens.
Penigia.
PetersDU.
Pcttit,
Petznlilt.
Plcti'er.
Pliilippe.
Piat.
Pick A.).
Pick (F.).
Pilgriui.
Pillsbury (J.-II.).
Pillsbui-v (^V.-B.'l.
Pilo.
Pioger .
Pipping.
Pitres.
Ploetz.
PodiiKire.
Pohl.
Poiiicarc.
Poliiiianti.
Pnp(.fr(N.-M.).
Popotf(S.).
Powell (E.-P.).
Po\vcll(J.-W.).
Prang.
Prestnn.
Prenlicc (C.-F.).
Prcntire (C).
Prévost.
Prelori.
Preycr. 262, 1001.
Proal.
Proust.
Pudor.
Qiiaiitz.
Ral)l.
Ilabii.s.
Raulilirianii.
Rakowicz.
INDEX DES
AUTEURS
631 1
Raiiion y Cajal.
435
777
Ransoin.
1243
814
Ratzel.
326
290, 695
Raupert.
734
62
Raymond.
1294, 1378
752
Rayot.
9
324, 932
Reimtel.
1066
112
Rf])er.
1244
730
Redii.-h.
1178
778, 779
Regnault.
426, 969
967
Reicli.
371
672
Reissig.
1379
449
Renaiit.
427
260
Renoult.
327, 427
1239
Retzius.
406
1261
Revnolds.
452
450, 1291
Ribot.
1121
178
Richardson.
1295
842
RiclR't.
407, 1380
179
Rienier.
182
696
Rietz.
517
715
Riggs.
1372. 1122
1120, 1240
Riley.
209
1176
Rinieri di Uocctii.
183
1292
Riqiiier.
876
632
Rltchie.
1048
697
Ritschl.
843
968
Hivers.
1296
716
Roark.
263
673
Roberto (de).
933
470, 471
Rolierts.
408
1018 n
Robertson.
1111. 1297
728, 733
Robiu.
1123
989
Robiiisoa (L.).
210
815
Robiuson (T.-R.).
635
451
Rochas (dc^.
817
571
Romanes.
114, 184
516
Rosner.
1124
180
Rossi.
990, 991, 1245
181, 325
Rothe (V.).
1125
632
Rousseau.
328
113
Roux.
1181
633
Royce. 844, 845. 877, 1007
1376
Riicker.
074
201, 1177
iUinge.
264
634
Rupp.
64
1340, 1377
Russell.
992, 1126, 1127
370
Ryder.
573
1293
Ryland.
10
583
Sachs (11.).
1128
816
Saclis (.M.).
634, 1128
Sanctis (de).
766, 748, 818
572
Sanduieyer.
745
875
Sanford.
91,92
1241
Santesson.
993
1242
Sauberschwarz,
675
I
t
■■&I
t
'').'
f 1
iJ
I
i
INDEX DE
S AUTEUKS
9'J3
Savaije.
1221
Sigwart.
878
Schaefer (E.-A.).
551
Sitiler.
410
Schaefer (K.-L.).
676
Simmel .
879, 1021
Schaffer.
1381
Simmuns.
1247
Schaffer.
1129
Simrulli.
187
Schaik. (van).
677. 678
Sinclair.
694
Schanz.
656
Skurdine.
1299
Schapringer.
636
Smith (E.).
1248
Scheier.
698
Smith G.-E.)
519, 520
Schellwieu.
115
Smith (\V.).
846, 1051
Schenck.
409
Smith (W.-G.)
780
Shick.
1130
Snow.
1249
Schiller.
819
Socoliu.
130, 131
Shinz.
1049
Soens.
880
Schlôss.
1298
Sollier.
379
Schmidkimz.
1131
Solovielï.
1022
Schmidt.
575
Sommerland.
973
Schmidt-Riinpler.
1246
Sonry.
521. 522
Schneider.
1019, 1050
Spalïitta.
640
SchoUe.
65
Spanbock.
1135, 1384
Schooling (J.-II.).
1002
Spencer.
331
Schooliug (W.).
970
Spir.
69, 70. 934
Schreuck-Notzing (v.).
1132, 1340
Spitzka.
523
Schroeder.
1382
Spitzner.
271
Schubert-Soldern (v.).
584
Stadelmann.
1385
Schuchter.
116
Staderini.
428
Schuppe.
117
Stanley.
754, 820, 881, 935
Schuschny.
265
Starlingcr.
453
Schiissler.
185
Starr (F.).
332
Schwalbe.
373
Starr (M.-.V.).
524, 1081, 1136, 1139
Sehwarz.
118
Stein.
188
Schwarzbart
1383
Stein (v.).
700
Schweigger.
637
Steinach.
454
Schweinitz (de).
638
Steiner.
525
Scioscia.
1020
Stern (A.).
333
Scribuer.
186
Stern (R.).
526
Scripture . 93,
9i, 119, 120
Stern (L.-W.).
576, 1179
Séailles.
66
Stevens.
641, 679
Seebohni.
329
Stieglitz.
1023
Seglas.
1133
Stimptl.
272
Seguin.
266
Stirling.
883
Seidel.
1072
Stohr.
837
Semelaigne.
1134
Stokes.
642
Sergi.
11, 267, 330
Stratton.
936
Serran 0.
268
StrehI.
577
Seydel.
971
Strong.
906
Seytlarth .
209
Stnimpell.
937
Shand.
753
Stiilp.
527
Shaw (J.).
518
Stumpf.
71
Shaw 'W.-J.).
757, 782, 784
Sturgis.
1386
Shermau .
972
Sully.
273, 274
Sherrington.
987
Surbled.
.528, 529, 746, 1300
Shields.
699
Suriani.
882
Shorey.
121
Shuttleworth.
270
Talbot.
717
Sidgwick.
67
Tangl.
530
Sighele.
68, 343
Tarchanoff (de).
1180, 13b7
.\N.NEE PSYCHOLOGIQUF. II.
63
994
INDEX DES
AUTEURS
Tarde.
334, 33j, 1008
Verworn.
414
Tardieu.
1140
Vignoli (E.-T.).
191
Tawney.
804, 821
Vignoli (T.;.
76
Tavlur (H.)-
275
Vogel.
646
Taylor (M.-L.).
244
Voges.
647
Tenchini.
374
Voisin (A.).
1303, 1391, 1392
Tennant.
643
Voisin (J.).
1302
Thamin.
276
Volkell.
974
Thiéry.
95, 822, 823
Voîkmann.
14
Thomas.
277. 1181
Vorbrodt.
848
Thomsen.
1250
Vostrovsky.
280
Thomson.
411
Vrooman.
281
Thon.
1052
Vuillaume.
995
Thurston.
994
Tikyin.
1053
Wagner (F. von).
192
Tiling.
1141
Wagner (G.).
648
Tille.
189
Wagner (W.-A.).
974 a
Tissot.
455
Wahle.
76 a
Titchener. 96-98,
122, 747, 781, 788
Waldeyer.
337. 41.5, 429
789
Wallace (A.-R.).
193, 939
Tokarski.
938
Wallace (E.).
649
Tompkins.
278
Wallaschek.
975
Tôrok (v.).
336
Waller.
791
Toulouse.
1301
Walter-Jourde.
134
Tourelle (de la).
1388
Ward.
338
Traglia.
72
Warda-
534
Trénel.
1142
Warreu.
77, 701, 782
Triepel.
1251
Washburn.
825
Trifiletti.
1389
Watanabe.
650
Trubetskoy.
1053 a
Watson.
78. 826, 1054
Tscherning.
644, 645
Weber.
1009, 1182
Tschigajew.
885
Weeks.
1003
Tschitscherin.
82 i
Weidenbauni.
578
Turner (W. Sir).
190
Weiland.
657
Turner (\V.-.\.).
531
Weinland.
579
Tiirtschanizow.
532
Weismann.
194, 195, 211
Weiss.
456
LexkuU.
412, 413
Weldon.
196
Ufer.
585
Wells.
730
Ulrich.
1024
Weruer.
535
Uphues.
74, 123
Wernicke .
536
Urraburu.
12
West.
1145
L'rquhart.
1143
White (F. -M.).
1055
Whitc (W.-Il.).
883
Vuldarnini.
718
White (E.).
79
Vallon.
1333
WhiUell.
1146
Van Biervliet.
13, 790
Wideroe.
1304
Van lircro.
1144
Wilde.
1056
Van Eeden.
1390
Wiltse.
282
Van Fleet.
1252
Winslow,
1305
Van Gehuchlcn.
533
Wlassack.
702
Van Gieson.
1081, 1139
Wolfe.
80
Vannerns.
75
Wood.
1253
Van lienterghem.
1390
Worotynsky.
1393
Veitch.
133
Wormser.
1254
Vergara.
413
AVri-ht (A.-E.).
651, 940
Verrall.
735
Wundt.
124, 680, 884
i
«
INDEX DES AUTEURS
995
Wvld.
Wyllie.
York.
Zahntleisch.
Zehender (v.).
Zeller.
Ziefïelroth.
1147
Ziehen.
15, 586,
1149
1183
Ziem.
1184
Zoller.
197
918
Zondek.
198
Zoppi.
199
135
Zuinmo.
636
602
Zuniga (de).
1394
136
Zûrcher.
1255
1148
Zwaardemaker
703
. 704
X. B. — La table bibliographique et l'index des Auteurs sont de MM. Far-
raud et AVarreu, qui ont réuni ces documents pour la l'sycholof/lcal
Revieir ; nous les remercions d'avoir consenti à ce que leur table et
index lussent reproduits intégralement dans notre Année.
I
TABLE
I. - GENERALITES
<i. Traités élémentaires et systématiques 1)15
h. Livres et articles de psychologie constructive, histi>rii|Mi'.
critique et expériuientale 916
c. Méthodes, domaine et relations de la psychologie 920
II. — PSYCIIOGÉNIE, PSYCHOLOGIE COMPARÉE ET INDIVIDUELLE
II. Développement mental, théorie de rév(dutinn, hérédité. . . 921
h. Psychtdogie conq^arée '.'24
c. Psych(dogie des enlants, pédagogie 925
(/. Anthropologie, sociologie 928
fi. Criminuliigie 930
ni. — ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX
(t. Généruiitt's, lelations du systèuu> nerveux et de l.i cons-
cience 932
/;. Cellules nerveuses 935
c. Moelle et nerfs 935
il. Cerveau, localisation 937
I'. Les organes des sens et des mouvcineuts 941
IV. — SENSATION
(i. (Jcnéralités 943
h. Vision 944
<J. Audition 947
'/. Autres sensations 949
V. — CONSCIENCE, ATTENTION ET INTELLECT
(t. Généralités 950
h. SoinnuMJ, rêves, suhconscience 951
c. -Mtenlimi 952
'/. .Méuudre et association 952
c. Durée et intensité de la conscience .• . . 953
f. Perceplii>n de l'espace, du temps ... 954
.'/. Uaisonnemcnt et croyance. Conscience du n\o\ 956
I
TABLE 907
YI. — SENTIMENTS
II. Gt'ucralités, plaisir et douleur 9Ô9
h. Emotion, i^assiou et expression . . 9(j0
c. Esthétique 961
VH. — MOUVEMENT ET VOLlTKi.N
a. Généralités, mouvement, fatigue 9(j3
h. Fonctions particulières 964
c. Instinct, impulsion 965
il. Ethique et conduite 9G5
VIII. — PSYCHOLOGIE ANORMALE ET PATHOLOGIQUE
rt. Généralités 967
b. Désordres du mouvement et du langage 972
c. Desordres de sensation, perception et mémoire, liailucinalions
et illusions 973
(/. Insanité, idiotie et imbécillité 977
e. Hystérie, hypnotisme et suggestion 979
Index des auteurs 985
Jm date de chaque 11 Ire esl 1895, en tY« de non-lndicaliun conlrahe.
TABLE DES MATIÈRES
PREMIERE PARTIE
MÉMOIRES DES COLLABORATEURS
Th. Ribot. Les caractères anormaux et morbides 1
FoREL. Un aperçu de psychologie comparée 18
Flocrnoy. Temps de lecture et d'omission 45
BouHDON. Sur les phénomènes intellectuels 54
Gley. Note sur les conditions favorisant l'hypnose 70
BiERVLiET. Les illusions de poids 7',)
TRAVAUX DU LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE
PHYSIOLOGIQUE DE PARIS
BiNET et Courtier. La circulai ion capillaire dans ses rapports
avec la respiration et les phénomènes psyciiiques 87
V. Henri. La localisation des sensations lacliles 108
XiLLiEZ. La continuité des chifri-es et di'^ nombres dans la mé-
moire immédiate 1*J3
Bi.net et Courtier. Recherches graphiques sur la musii|Uf. . . 201
Bi.NET. La ])eur chez 1rs enfants 223
REVUES GÉNÉRALES
AzouLAY. Psychologie hislologiijuc 255
V. He.nri. Revue générale sur le sens du lieu df la [H'au . . . 295
J. 1*ASSY. Revue générale sur les sensations olfactives 363
A. BiNET et V. Henri. Psychologie individuidh; 411
V. Henri. Le calcul des probabilités eu psychologie 400
1000 TABLE DES MATIÈRES
DEUXIÈME PARTIE
ANALYSES
i
CHAPITRE l'UEMlEU
Histologie, anatomie, physiologie du système nerveux.
HISTOLOGIE
I . — f ; Y T < I L 0 1 ; 1 K
Hennei;uy. De la cellule 501
Delage. La struclure du ]iiiil(i[ilasma •iOi
II. — HECHERCIIES RP:CE.\TES SIR LA STRUCTUHE H I S T 0 L 0 (i I U U E
DE LA CELLULE NERVEUSE
Revue générale (Benda, Itoiiifl. Flmiming, Lenhossek, Nissl,
Rodliê) :J10
111. ACTIVITÉ F O.NCri (IN.NELLE DE LA CELLULE NERVEUSE
De.mouk. Mouvements amiliuidcs des prolongements des celiidcs. 520 ^
DuvAL, LÉi'iNE. Théories i»liy>iolugiqiies sur les neurones . . . 520
LuGARO. Les modifications des celhilt'S ni'rvcuses dans divers
états fonctionnels 021
Magini. I/orienlafion des iiuiI('m.|cs 524
RoNcoRONi. Un ili'lail nouveau de siructure du noyau 525
M. Verworn. Physiologie g(''m'ialc 525
ViTzou, C<'ci(é par ahlalion des zones corlieales 531
IV. — PRORLIOMES DE lî 1 O L 0 G 1 E 'GÉNÉRALE
Delage. Sliiului c du luolojilasnia 531
ANATOMIE
I. — STRUCTURE DES CENTRES NERNEUX
Rechterew. Les tubercules f|iiadrijiiiueaux comme ceiiires de
l'audilion, de la voix el des mouvemenls 557
]\L el M"" De.ierine. Sur les cctiUK'xiuiis du ruhaii de Ucil avec
la cortical ité cérébi^ale 557
M. et M™' Dejerine. Sur les connexions du imyau rouge avec
la corlicalilé cérébrale 558
TABLE DES MATIÈRBS lUOI
Dejerixe et SoTTAs. Sur la disliihulion des libres endogènes. . oo',)
Df.jeri.ne. Anatomie des centres nervenx oo9
Mari.vejco. Des connexions du corps strié avec le lobe ironlal. 060
II. — I) É V E L 0 V 1' E M E N T D U C E R ^■ E A U
DiiNALDsox. Le développement du cerveau 360
Mix(;azzixi. Le cerveau dans ses ra|i]ior(s avec les phé'uomènes
psycliiques 376
PHYSIOLOGIE
1. — RECHERCHES DE P L K T H V S M 0 0 R A IMI I E
Revue générale 576
Wertheimer. Variations de volume di'> memincs ]i('es à la respi-
ration . . 581
Mosso. Spliygmomanomèlre pour mesurer la pression du sang
chez riiomme 582
KiEsow. Expériences avec le spliygniomanomètre de Mosso sur
les changements de la pression du sang chez riiomme, pro-
duits par les excitations psychiques 588
Klippel et Dlmas. De la paralysie vaso-motrice dans ses rapports
avec Téfat affectif des paralytiques généraux 589
Halliox et Comte. Sur les réflexes vaso-moteurs liulbo-niédul-
laires dans quelques maladies nerveuses 59u
BiNET et SoLLiER. Reclierclies sur le pouls céréliral dans ses
rapports avec les attitudes du corps, la respiration et les
actes psychiques 590
11. — COOROIN ATIOX DES MOUVEMENTS ET A T A X I K
Revue générale (Thomas, Mott et Sherrington, Bastian, Conte-
jean) 504-
III. — DIVERSES QUESTIONS DE PHYSIOLOGIE NEUVEU-E
Carus. La condition physiologi(|ue di^ la cnnsrience 598
Flechsig. Le cerveau et l'àine 598
Grigorescu etCoNsTANTiNEscu. Vitcsse de la conductibilité sensi-
tive dans le sciatique et dans la moelle ('iiini.' re chr/. rhdMime
sain et chez l'ataxique 599
LuciANi. Les récentes recherciies sur la phy>iidogie du cerve-
let 590
MuNZER et WiENEn. AiLilniiiie ri pliysiologie du système nerveux
central 001
PoLiMANTE. Distribution des racine-; mnliices dans les niuscb's. 002
RiCHET. Addilion. . • 003
RicHET. Anémie 004
lOO^i TABLE DES MATIÈRES
lliniiET. Automalisme 60G
ItiETHEK. Revue des travaux sur la circula liuu GO"
Strœbe. Histologie générale <les processus de dégénérescence. 607
ToMAsiM. L'excitabilité de la zone rnolricc 008
IV, — INTEIirR KT.\ TION PHYSIOLOGIQUE DES PKOUESSUS
1> S Y G H 0 L 0 (J I Q U E S • ^
ExNER. Essai d'un»; ex[)lication physiologique des pliéuiunènes
psychiques 008
J.-V. Kries. Sur la nature de certains états du cerveau liés aux
[irocessus psychiques 023
4^
CHAPITRE II I
Sensations visuelles. h
I. — PERCEPTION J)E LA COULEUR ET DE LA CLARTÉ
Herim;. Sur if iihénomène de l'uikinje 627
KoMG. Nombre des dilTérences de clartés et de nuances du
spectre 630
Ix'CKEY. L'ordi'e de perception des couleurs dans la vision indi-
rect».' chez les enfants, les adultes et les adultes exercés aux
couleurs 630
Paki.naii). La sensibiiilé de l'iril aux couleurs spectrales . . . 632
I'retori et Sachs. Mesures <juaulilativcs du contraste simullané-
des couleurs 634
\Veixla.\I). Etudes luiuvellcs sur les tondions de la rétine, sui-
vies d'un (;ssai d'une théorie sur la force agissant dans les
iie.fs en gi'iu'r.il 638
IL — l'ERCEPTION DE LA PROFONDEUR
KntsciiMA.NN. La parallaxe; de la vision indirecte et les luipillcs
(;n forme de fente chez le ihat 641
KntsciiMA.N.N. L'éclat mi'lalliquc d la paralhixi; di- la vision indi-
recte 647
LoEB. Sur la déinonslraliondé l'existence du contraste dans les
perccqitions visuelles de l'espace 649
III. — IMAGES CONSÉCUTIVES
rnA.N/.. Le seuil d'excitation des images consécutives 650
IV. — CÉCITÉ
Heller. Eludes sur la psychologie des aveugles 651
TABLE DES MATIÈRES lOOB
V. — VISION CIIKZ LES ANIMAUX
Plateau. Comment li's ileurs alliieiil les insocles 656
Plateai". Un filet empèche-l-il le passage des insectes ailés?. . (Jo7
C.llAi'lTRK 111
Sensations auditives.
Kkeidl. Contribution à la physiologie du labyiinllie d'après les
expériences sur des sourds-mue I s ObD
PoLLAK. Sur le vertige galvaniiiue chez les sounls-muels . . . 6oD
Brugk. Sur les rapports de la surdité avec le sens statiijuc . . Oo'J
Stern. Le langage des sourds-muets et les fonctions des canaux
semi-circulaires 639
Lécha las. Espace sonore 663
rtlAPITRE TV
Sensations du toucher et des autres sens.
KiEsow. Etudes sur les sensations thermiques 065
M. V. FitEY. Contributions à la physiologie du sens de la doiilmu . 663
M. V. Fkey. Contribution à la physiologie sensorielle de la peau. 663
A. Xacel. La sensibilité di- la conjonclivc d de la cdruée de Fu'il
humain 665
A. -N'agel. Sur l'examen du sens de [irfs>i(in 663
Cavazzam et Ma.nca. Altérations de la sensibilité 6"l
C». Féké. Note sur la sensibilité de la pulpe des doigts. ... 671
H. GuiEsuAcir. Rapport entre la fatigui' nienlali* et la faculté de
peixeption de la peau 672
(iHiFKi.NG. Les sensations de pression et >\r iImm; 672
Pahuish. Estimation tactile de l'espace vidf ri [ijciii 674
Taw.nev. La perception di- deux contacts n'est pa» le seuil de
perception de l'espace 675
C.ILWIÏI'. E V
Illusions des sens.
Baldwlx. L'effet des contrastes de grandeur sur h; jugement
de la position . 677
l'niLUU'E et (^LAViÈiŒ. Sur une illusinii luusculaire ...... 670
TiUKUv. Sur les illusions opti(|Ues gé'omi'tritiues 681
AVakuen. Sensations de rotation 681
Wudi). La balançoire hantée 682
1004 TABLE DliS MATIÈRES
CHAPITT^E VI
Attention.
P. Jankt. Allculiou .' 684
Smith. Les relations de rallcnlion et de la inéiiioire 680
Daniels. L;i mémoire immédiate et ralleiitiuu 687
HiBiiK.N. Slimulaliun des sens par Tattention. ........ 688
Lki'i.nk. Sur un cas particulier de somnambulisme 689
CH.U'ITRE VII
Mémoire et association d'idées.
liALiJWi.N, SiiAw cl \Vahi!e\. Mé'moire de la yrjindem' drs car-
rés. 691
BoriiDON. Observations coniparalives sur la r('e(iiiiiais>aiiiT. la
discrimination et Fassocialion 693
Lewv. Eludes expérimentales sur la mémoire 697
NEVKits. Les idées communes des hommes •■! dis rcinmcs. . . 699
SiMMo.Ns. Prédominance des i)aramnésies 700
CILM'ITIÎE VIII
Douleur, plaisir, sentiments, sens esthétique.
DOULEUR
1. — TEC II .M MUE DES EXPÉRIENCES S r U 1. A 1)0 CI. Kl" H
MoczoTKowsKi. En ali;<'siiiiMii' 701
(ian rixc. Sensations de pression et de choc 701
11. — K E C H K II C H E S E X P É H I .M E N TALE S S V K L A U 0 L' L E V It
Ll(;kkv. Ouelques éludes récenles sur la douleur 704
MiTciiELL. Localisalion inexade des sensations de douleur . . 704
VosKREsE.NSKi. De la sensibilili'' cutanée chez Thomme sain et
chez les paralyli(iues t;;énéraux 704
Mac-Do.xald. Sensii)ilité à la douh'ni' 704
m. — LA QUESTION ItES .NEUFS DE LA IlOULEUlt
StiîoN(;. La psyriiolugie de la iloulciii' 706
KiciiOLs. A'erl's de ki douleur 706
Oppenhelmer. Douleur et sensalions tliermi(|ues . . . 706
IV. — QUELQUES EXPLICATIONS PSYCHOLOGIQUES
DE LA DOULEUR
Mezes. Déllnilion du plaisir cl (le la douleur 710
Miller. Le désir est l'esseuce du plaisir et de la douleur ... 710
I
TABLE DES MATIÈKES lOOo
SENTIMENTS
Lange. Los émotions 7H
(JARDINER. Discussions récentes sur It's éiiiotioiis 711
Dewey. La théorie des émotions 711
Stuatto.x. Les sensations ne soni pus Téniolion 711
M"Le\xax. Etude descri[tlive de rinlérèt, de l'éinotion et du
désir 711
Ferrero. La crainte de la niurl 711
Irons. Descartes et les théories modernes de l'émotion .... 711
SENS ESTHÉTIQUE
Dauriac. Essai sur la psychologie du musicien 721
DiMiER. Le modelé dans la peinture et la troisième dimension. 722
Major. Sur le ton afTeclif des impressions sensorielles simples. 723
Targhanoff. Inlluence de la musi(iue sur l'homme et sur les
animaux 724
Revue sur l'asligmalismi' et re>lhéli(iue (Pékar, Laupts, Henri,
Ilowe) 725
CIIAPITIIE IX
Mouvements, parole, écriture. ■
f. — MOUVEMENTS
RicHER. Physiologie artisti([ue 731
Rossi. Recherches expérimentales sur la i'atigue des muscles
humains sous l'action des poisons nerveux 740
II. _ PAROLE
A.iAM. Ln parole en public 740
m. — ÉCUITUKE
CRÉriELX-jA.MiN. L'f'ciilurc cl le c;ii;iclcic 741
Prever. La psychologie de l'écriture 746
Webeh. Etude sur ToriiTinc de réciilurc eu miroir et de ri'eii-
ture verticale 748
CHAPITUE X
Psycho-physique, psychométrie, appareils.
I. — PSVCIlo-l'li VSIuL E
[,AXOE. Mesures psychologi([ues 749
J. Merkel. Des rap[)orts entre l'excilalion ci la sensation . . . 751
Scru>ture. Calcul pratique de la valeur médiane 7G4
Waller. Points relatifs à la loi de Wehcr-Feclnier 76i>
1006 TABLE DES MATIÈRES
II. — PSYCIIOMÉTRIE
Baluwi.n. Types de réaction 76G
Meau Bâche. La psychomélrie dans ses rapports avec la race. 769
La tecJmiqui' do la ]wyrliom''lrio d'apirs des recherches
récentes 770
m. — APPAREILS
Mouvelles a|iplicnlinns d modiflcalions de la méthode era-
pliitiue 770
CHAPITRE XI
Caractère, psychologie individuelle, bibliographies.
I. — CARACTÈRE
Bernard Pehez. Le caiactère de l'enfant à l'homme 785
Th. RiROï. Classification des caractères 785
F. Pauluan. Les caractères 785
A. Fouillée. Tempérament et caractère 785
II. — PSYCI10L(»GIE INDIVIDUELLE
S. Bett.mann. Influence du travail physique et intellecluel sur
la durée de queh^ues processus psychiques 793
Havelock Elus. L'homme et la femme 794
Oehr.x. Etude expérimentale snr la itsyilndoi/ie individuelle . 795
Lai'icole. Anthropologie 797
•Miles. Une élude de psychologie individuelle 798
III. — HIHLIOCHAPIIIE
Allier. Renan 799
.L\.NET. Cliarcot 799
MiLHAUD. Kajit comme savaiil 800
ZiiRCHER. Jeanne d'Arc 801
CHAPITRE Xil
Psychologie enfantine, pédagogie, psychologie comparée
I. — PSYCHOLOGIE DES ENFANTS ET PÉDAGOGIE
Paul BAD.A..NES. L'erreur de la iiii'Mliude de Cruhe 802
Baldwix. Développement mental chez Uenfant et dans la race. 804
C.-L. Herrick. Notes sur la psychologie des enfants 828
.M.-A. Herrick. Dessins d'enfanis 828
•M. -A. Herrick. Histoires d'enfanis. 828
TABLE DES MATIÈRES ^ J007
II. — LA VIE ÉMOTIONNELLE DES ENFANTS
Facke.nthal. La vie émotionnelle des enfants 830
BowLEs. Emotions des enfants sourds 830
III. — PSYCHOLOGIE COMPARÉE
Wesley Mills. Le développement psychique des animaux. . . 832
Plateau. Abeille 833
CHAPITRE XIII
Traités et études d'ensemble.
Biervliet. Eléments de psychologie iiumaine 834
Mergieh. Cours de philosophie. II. Psycholoi.nc 839
E.-W. ScRU'TURE. Penser, sentir, agir 842
Thiérv. Introduction à hi psycho-physiologie 84"
CHAPITRE XIV
Psychologie anormale et morbide.
I. — SOMMEIL ET RÊVES
Ellis. Les rêves relatifs aux niorls 848
M. DE Flelrv. L'insomnie et son traitement 849
M. UE Manacélxe. Quelques observations sur l'insomnie absolue. 849
Tarchaxoi-f. Quelques observations sur le sommeil normal . . 850
Titcuener. Rêves de sensations guslatives 8ol
II. - SUGGESTION
FÉRÉ. Note sur une épidémie de borborygmes 851
Forel L'hypnotisme 852
Lacassagxe. L'affaire Guindraud-.Iouve 852
Newbold. L'induction expérimentale de processus automa-
tiques 852
Solder et Parmextier. JJe l'inlluenoe de l'iMat d<; la sensibilité
de l'estomac sur le chimisme stomacal 854
m. — TÉLÉPATHIE
E. BoiRAC. l'ii a|i[iareil i)Our expérimenter l'action psycho-
dynamique ... 855
E. BontAC. Une nouvelle mi'-lhode d'expérimentation ]iour
vériiier l'action nerveuse à dislance 855
Manglx. La photographie spirite en Angleteire 850
GuEBHARD. Sur l'évocation psychique des objets réels ..... 850
ILvxsex et Leumaxx. Le chuchotement involontaire 850
1008 TABLE DKS MATIÈRES
IV. _ TROUBLES DES SENS ET DE LA MÉMOIRE
RiANCHT. Paralysie progressive et folie sensorielle 863
151A.NGHI. Une nouvelle forme do neurasilit'nie parliellc .... 803
Da.na. La localisation des sensations cutanres et motrices et de
leur mt'moire 863
DuM. Hénii[dt''ij;ie double avec liémianopsie double et perle du
sens du lieu. 804
Ferraui. Tu cas d'amnésie partielle continue . 864
Garmer et Le Filiathe. Coexistence d'hallucinations auditives
et verbales psyclio-moirices 805
Pierre Janet. Aneslliésie 860
Pierre Janet. Amnésie 868
l>iERRE .Ja.net. l'n cas d'hémianopsie hystérique 871
[,AMv. Hémianopsie avec hallucinations dans la |iartie abolie du
champ de la vision 872
Menuel. Sur le vertige 872
SciiLEPLNCER. La syringomyélic • 872
IAegis. Note sur l'amnésie rétrograde après fenlative de suicide
par pendaison 874
LuHRMA.N.v. Conviilsions el ainiit''sie a[uès retour à la vi»; cliez
les pendus 874
Toulouse. Amnésie rélro-aiili'rdiiradi^ à (y|ie continu et pi<^-
gressif par choc moral 875
Tarchanoi-f. Illusions et, lialhicinalions des grenouilles chloro-
formisées 875
V. — APHASIES
Biocu. Agraphie 876
Horn.NKviLLK el Rover. Traitement el éducation de la [larole
chez les idiots 876
Riu xs. .\ouv(dle observaliitu d'alexie avec h(''iuiaiio[)si(; liomo-
nyme du côté droit 876
De-ikhink et MiuALLiÉ. Sur h'S allératioir-^ de la leelure meiilah;
liiez les a|diasi(pies moteurs corticaux 877
l'Ihi.iîK.N. Aiuusie 878
La.n.N(iis. (",écil('' verbale sans ci'cilé lilli'rale et sans hémianopsie. 87i)
MujALLiÉ. Sur lé mécanisme de l'agraphie ilans l'ajdiasie mo-
trice corticale 880
De.ierune. Noie à pro[ios de la commuiiicalion de .M. .Miiairn' . 880
.MoUHAii. Aphasie des gauchers 881
PriREs. Ai)hasie des polyglottes 881
l'iiKvosT. A propos d'un cas d'éiiile[isie jacksonnienne avec
ajdiasie motrice sans agraphie SSL
Jf
TABLI-: DES MATIÈRES 1000
Sommer. Nouvel pxamni du malade doni robseivaliou a servi à
établir la théorie de Tépelage pour la lecture et l'écriture. . 882
Thomas et Roux. Du défaut d'évocation spontanée des images
auditives verbales chez les aphasiques 882
Thomas et Roux. Essai sur la psychologie des associations
verbales et sur la réduction de la parole dans l'aphasie mo-
trice 882
Thomas et Roux. Sur les troubles lalciils de la lecture mentale
chez les aphasiques moteurs corlicaux 883
VI. — TROUBLES DE LA VOLONTÉ ET Dl' MOUVEMENT
Braixerd. Le crilérium de la responsabilité dans la folie . . . 883
S. Freud. Obsessions el phobies. Leur mé'canisme psychique
et leur étiologie 883
Freuxd. Sur les paralysies psychiques 88i
Friedmaxx. Sur les rapports de la formation patiiologique dw
délire avec le dévelo[qiemenf (h's principes de la connais-
sance 885
Pierre Jaxet. Aboulie 886
Pierre Jaxet. Les idées iixes de fornu^, hystéri([ue 888
HuGHLiXGs Jackson, Savage, Mercier, Mjlxe-Bramwell. Les idées
impératives 889
De Saxctis. Impulsions musicales cliez un dégénéré 890
Kreeke. Sur les lésions (jin- se hml eux-mêmes les hysh'-ri-
ques 890
Régis. Le régicide Caserio 890
]{0NC0R0Xi et DiETTRicH. l/eigograpliie des aliénés 892
Saxdberg. Psycho-pal liologie de la paranoïa chronique .... 893
TiioMSEX. Contribulion clini(|iie à l'étude des obsessions men-
tales 896
TiLiXG. La dégénérescence morale ou la perversilé' du e;ii,ic-
tère 89"
Voisin. Délire du doute 900
Délires ambulatoires et fugues (Pureiil, itayniond, Cabaib') . . 900
VIL - DÉDOUIILEMUNT DK LA 1' E RSO N N A L I TÉ
Lewis Bruce. Note sur un cas de dualib- d'acli(ui du cerveau . 901
SÉGLAS. Les hallucinations et les (h'iloublemenN de |,i person-
nalité ^01
Royce. Quelques observations >ui' les anonialie-, de |,i ((Uis-
cience du moi ^"*-
PlERCE, PODMORE. Moi SOUS-COnSCieUl oll (('Kdu al i(UI iui(UlS-
ciente *^*^~
ANNÉE PSYClIOroClnUi:. II. ^'^
1010 TABLE DES MATIÈRES
Vm. — ÉTUDES D'ENSEMBLE
Chasllx. La confusion mentale primitive 905
Maudslev. Pathologie de l'esprit 909
MoRSELLi. Manuel de séméiolique des maladies mentales . . . 909
Wer.mcke. Précis de psychiatrie 909
CHAPITRE XIV
Nécrologie.
Calmeil 913
Huxley . , 913
Hack-Ture 914
Barthélémy Salm-Hilaihe 914
TROISIEME PARTIE
Tables bibliographiques 915
EVREUX, IMPKI.MERIE DE CHARLES HÉRISSEY
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4
i
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A
BF
2
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L'Année psychologique
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