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Full text of "La police municipale à Poitiers au XVIIe siècle"

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POLICE MUNICIPALE 

A POITIERS 

AU XVII- SIÈCLE 
p\ BOISSONNADE 

AgHgt d'Hisloir«, Docteur is>Lcltres, 

Lauréat de l'AcAd^nte Française et de l'Académie des Sciences moralcit 

Professeur A la Faculté des Lellrcs de l'Université 



POITIERS 
IMPRIMERIE BLAIS ET ROY 

7, RUE VICTOR-HUGO, 7 
1897 



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LA POLICE MDNICIPALE A POITIERS 

AU XVII' SIÈCLE 



Parmi les droits essentiels qui depuis 400 ans appartenaient au 
corps de ville de Poitiers figurèrent jusqu'à la iia du svii* siècle la 
juridiction et l'exercice de la police. Les cent registres des délibéra- 
tioDs municipales, les pièces assez nombreuses mais d'intérêt fort 
inégralqui concernentic tribunal de la mairie ou ^chevioage, permet- 
tent de donner une idée précise de l'étendue et de la nature de ces 
attributions, pendant la dernière période où le maire et les échevins 
les exercèrent dans leur plénitude. Le tableau que les documents 
nous autorisent à esquisser révèle dans ses détails, qui ne manquent 
ni de saveur ni de piquant, la vie intime d'une ville imporlaiile de 
province à l'époque du grand siècle. 

On comprenait alors sous le nom général do police municipale 
des prérogatives do nature multiple. C'était d'abord le mainlien de 
l'ordre matériel ou la police de la voirie (rues, promenades, aligne- 
ments, travauxpublics, salubrité et hygiène, balayage et nettoyage, 
pavage et éclairage, service des eaux et des incendies). Venait en- 
suite la police des subsistances, c'e^it-à-dire la réglementation des 
Toires et marchés et de la veatede tous les objets de première néces- 
sité. La municipalité avait encore la police industrielle, c'ost-à-dire 
la surveillance des corporations, le soin de maintenir les règle- 
ments municipaux et royaux qui les régissaient, le droit d'interve- 
nir dans leur organisation et leurs procès. Enfm, elle était investie 
de la police delà sùrctéct desmœur3,et, à ce titre, elle devait veiller 
sur la sécurité des habitants et sur l'observation des lois de la reli> 
gioo et de la morale. En principe, c'est le corps de ville entier (le 
conseil municipal du temps), composé de 100 membres ou pairs, 
qui possède ces droits si étendus, dont nos municipalités n'ont plus 
qu'une partie. Mais, en fait, il en délègue l'exercice au maire, aux 



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_ 4 — 

officiers municipaux ou échevios et à un certain nombre de bour- 
geois. Chaque année, après l'élection et l'installation du maire, qui 
a lieu le 14 juillet, se tient une assemblée générale nommée le mois 
des offices, où se fait la distribution des diverses charges munici- 
pales. C'est là que l'on désigne le procureur de la police qui doit 
assister le maire au tribunal de l'échevinage ; il a la direction gé- 
nérale de ce service, et sa fonction est si importante qu'elle est 
tous les ans continuée au même personnage. Pour les services 
de voirie, l'on nomme des intendants ou commissaires. A chacune 
des portes de la ville (portes du Pont-Joubert, de St-Cyprien, de la 
Tranchée, de Si-Lazare), sont préposi^s deux échevins et deux bour- 
geois. Le maire lui-même commence sa gestion en allant visiter à 
cheval avec eus, accompagné de ses sergents et de son trompette, 
les fortifications et les fossés. L'intérienr de la cité est divisé en 20 
sections ou cantons, comprenant un nombre variable de rues; dans 
chacune d'elles la policedela voirie est dirigéed'ordinairepar quatre 
intendants, à savoir deux échevins et deux bourgeois. A ccUc mCme 
réunion de juillet, sont élus les intendants des fontaines, a pour les 
faire conserver et continuer, net l'intendant du gros horloge. Quant 
à la police des subsistances, la direction on appartient aux visiteurs 
des viandes de boucherie, du gibier, du paiu, du bois de chauffage, 
d'ouvrage et de cercles, aux intendants du minage et des moulins, 
de la poissonnerie, de la chaux, des tuiles et des briques. Près do 
SO bourgeois, pairs ou échevins se partagent ces fonctions. Des fonc- 
tionnaires subalternes et gagés choisis tous les ans aident la munici- 
palité dans l'exercice de ses droits de police. Ce sont le greffier de la 
cour civile et criminelle de l'échevinage, le huche ou trompette qui 
publie à son de trompe ou de trompette aux rues et carrefours les 
ordonnances de la commune, les quatre sergents et archers ordi- 
naires du maire qui sont astreints annuellement à prêter serment 
DU premier magistrat municipal el qui assurent l'exécution de ses 
ordres, enfin des agents do la sâreté plus ou moins permanents que 
l'on appelle du nom pittoresque de chassecoqmns. Tel est le per- 
sonnel supérieur et inférieur qui est chargé de remplir les obliga- 
tions nombreuses qu'impose le droit de police municipale. 

L'une des plus imporlanteg est le service de la voirie. Ce n'est 
pas chose facile, dans une ville du xvd° siècle, que de s'acquitter des 



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-« _ 

soins variés qu'il réclame. Ace moment, Poitiers est encore, pour 
l'étendue, la seconde cité de la France, bien qu'elle n'ait guère plus 
da 20,000 habitants. A l'intérieur de l'enceinlerortiliées'étendent, sur 
de vastes espaces, des jardins enclos de murs, des vignes, des ter- 
rains nus en chaumes ou crevassés d'ornières.comme ce plateau des 
Gillîers que l'intendant Blossac devait transformer plus tard en 
cette riante promenade qui est le charme de la ville moderne. De 
grands hôtels seigneuriaux, entourés de parcs, un grand nombre 
d'abbayes, de monastères, de prieurés enclos de hautes murailles, 
s'élèvent un peu partout. Les rues dévalent sur les pentes du pla- 
teau, avec leur pavé inégal, leurs fondrières boueuses oiî le passant 
glisse ou trébuche, avec leurs ruisseaux, torrents l'hiver, marcs 
croupissantes l'été. Sur les bords de ces ruelles sinueuses, tantôt de 
riches maisons hourgeoises à pignons et à tourelles (c'est l'excep- 
tion), le plus souvent de misérables habitations, moitié pierre et 
moitié bois, ou encore constituées de lattes entremêlées de terre, oîi 
grouille la population ouvrière. Elles avancent ou reculent suivant 
le caprice de l'habitant. Leurstoits en saillie, leursétages qui surplom- 
bent, leurs enseignes expressives ou criardes en tôle qui grincent 
au vent, leurs tableaux ou emblèmes, leurs auvents ou galeries qui 
abritent la boutique, sont conjurés pour intercepter l'air et la lu- 
mière. Leurs escaliers à marches usées par le temps empiètent sur 
la rue. Leurs trappes et leurs portes de caves s'ouvrent comme des 
précipices sous les pieds du passant distrait; de grosses bornes, 
des bancs de pieri'e ou de bois, des étalages rétrécissent encore le 
passage. Nul souci de la commodité publique ; l'intérêt privé 
triomphe. Bravant les ordonnances municipales, l'habitant usurpe la 
voie, la dégrade ou l'encombre. Ici,c' est un riveraindeRochereuilqut, 
pour amener l'eau à son jardin, creuse paisiblement un canal au 
travers de la chaussée. Là, ce sont les Frères de la Charité, qui, sans 
s'inquiéter de l'autorisation du maire, bâtissent au delà de l'aligne- 
ment et établissent un escalier de deux pieds au-dessus du niveau 
de la rue. Ailleurs, dans la rue du Coq < en pâte », ajoute un scribe 
facétieux, on a laissé une grosse pierre qui intercepte le passage 
aux carrosses. D'autres abandonnent sur la chaussée tes voitures et 
les matériaux, tandis que les charretiers et les chevaux pfnètrcnt.au 
risque d'écraser les passants et de culbuter les étalages, jusque sur 



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les promenades et dans les marchés, si l'on oublie d'y mettre les 
chaiues qui en protègent l'entrée. Que dire du pavéT Tout est inutile 
pour lo maintenir en bon état. Les efforts desquatre paveurs muni- 
cipaux n'y peuvent suffire. La ville est trop pauvre pouren avoir un 
plus grand nombre et les bourgeois mettent peu dezèlo à leurpayer 
l'indemnité variablede iOs. à 10 s. qui leurestdue pourchaque toise 
de pavage. Aussi, presque à tous les conseils, quel concert de récri- 
minations! Les intendants ou inspecteurs des rues éclatent en 
plaintes. L'un signale le mauvais état de la rne du Pigeon-Blanc 
où lescharretiersqni débouchent du Pont-Jonbert viennent s'em- 
bourber avec leurs véhicules; l'autre déclare que la rue des Je- ' 
suites, depuis le carrerour de la Baleine jusqu'à la chapelle du col- 
lège, n'est plus qu'une rondrière, « où il est presqueimpossible de 
marcher même en plein jour Jt. Celui-ci expose que le chemin haut 
de Tison s'éboule et « qu'il n'est pas de jour où il n'y arrive quel- 
que accident ». Celui-là réclame à grands cris la réparation de la 
rueSl-Porchaire,de la rue des Halles, « les plus passantes delà villc>:, 
dit-il, et qu'on laisse depuis longtemps sans entretien. Peu de jours, 
peu de mois où ne revienne cet éternel refrain. Les portes et les 
ponts eux-mêmes ne soûl pas mieux entretenus. Le pont St-Cyprien , 
dont la voûte est formée de madriers, de terres et do pierres pour- 
ries, menace sans cesse ruine. Les ponis de la Tranchée et le Pont 
Achard branlent si fort qu'on n'ose plus y passer achevai. La porte 
St-Lazaro tombe de vétusté et n'est conservée qu'à force de dépenses. 
Les bâtiments municipaux, échevinage, hôpitaux, gros horloge, 
poids public, présentent te même état pitoyable de d<îlabrement. 

Les ordonnances de police toujours renouvelées sur l'hygiène pu- 
blique restent aussi toujours inexécutées. On ne se lasse pas de les 
édicter, etie public ne se lasse pas de les braver. Les étrangers qui 
traversent Poitiers, teisque le landgrave de Hesse, Maurice le Savant, 
en 1602, s'étonnent de la laideur des maisons et de la saleté des 
mes. C'est qu'en effet la plus grande partie des voies de circulation 
sont encombrées de terres, de terreaux, de délivres ou vidanges, 
de pierres, de fumiers on fientes, et autres immondices que chacun 
laisse accumulés au devant de sa porte. Aussi à la moindre pluie, 
« il se fait, dit le procureur de la police, une si grande quantité 
a. de boue.qu'on a bien de la peine à marcher, d'autant, ajoute-t-il, 



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_ 7 - 

( que le maav&is pavé contribue de lui-méine à l'amas de toutes 
G sortes d'ordures ». 

Pendant les siz'tnois de la mauvaise saison, la glace, la neige s'a- 
rooncellent au-dessus de ces monticules nuust'abonds. Cendant l'été 
et au printemps deux ou trois fois la semaine, trois tombereaux atte- 
lés de chevaux rétribués au moyen d'une taxe spéciale imposée sur 
chaque habitantsuivant sa fortune, viennent recueillir « les bour- 
rières ot balléages des maisonset boutiques s. Il y a mieux encore: 
les ordonnances ont beau prescrire aux propriétaires a d'avoir et 
faire en leurs habitationsdes privez, fosses ou cloaques». Un grand 
nombre, dépourvus de ces lieux d'aisances ou préférant le grand 
air, s'en vont le long des remparts et à l'abri des ruelles satisfaire 
aux nécessités de la nature. Ceux-là même qui ont des privés ou 
cloaques ne se font nul scrupule, comme par exemple les maîtres 
du collège St-Pierre, de les laisser déboucher sur la place ou la rue 
voisine, transformant ainsi la voie publique en dépotoir. Au milieu 
de ces ordures, des bandes de pourceaux, le groin au vent, recher- 
chent leur provende ou touillent avec délices dans les immondices 
accumulés. On n'ose les proscrire que pendant l'été : il est alors 
permis de saisir les porcs trouvés en flagrant délit de vagabondage 
et de les conGs!]ucr au profit de l'hospice Notre-Dame. Du haut des 
fenêtres, les ménagères et les servantes tancent sur la chaussée, sans 
souci du passant, lescaux de cuisine, ou secouent la poussière des 
tapis et des balais. On imagine aisément les odeurs qui flottent 
dans l'almosphëro empestée de ces rues sombres et étroites. Au 
moindre orage les eaux charrient des torrents de boues; les im- 
mondices y croupissent à la pluieet y fermentent au soleil; de cen- 
taines d'étables s'élèvent les exhalaisons des animaux immondes. 
Rien d'étonnant si des épidémies formidables, peste, typhus, etc. , vien- 
nent périodiquement décimer la population et venger la police mu- 
nicipale des dédains dont ses règlements ont été l'objet. On a moins 
de souci encore de la qualité des eaux que de la propreté des rues. 
Certaines maisons ont leurs puits. La plupart des habitants s'ali- 
mentent avec l'eau des fontaines publiques qui coulent au bas du 
coteau et dont plusieurs écbeviasassureut l'entretien. Desabreuvoirs 
tels que celui de St Cyprien sont réservés aux bâtes de somme. Mais 
que les eaux soient pures ou non, nul n'eu a cure. Ce que nous ap- 



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pelons le service de l'éclaîrage n'existe pas. La Duit venue, la ville 
est plongée dans les ténèbres. Aussitôt que le crépuscule est fini, le 
sacristain de Notre-Dame sonne la retraite avec la cloche de l'é- 
glise. On tend leschainesde fer qui barrent l'entrée de chaque place, 
de chaque rue. Nul ne doit plus sortir qu'acconapagné ou précédé 
de torches ou de flambeaux. C'est uniquement aux moments de 
trouble ou d'alarme qu'on ordonne de tenir aux fenêtres des lumiè- 
res pour prévenir toutdésordre. Un incendie sedéclaré-t-il; rien n'est 
organisé pour l'arrêter. On essaie de l'éleindre avec les seaux de 
cuir ou de bois des particuliers. Quelques villes ontmême des serin- 
gues à incendie ou pompes minuscules. Les couvreurs et les chai^ 
pentiers cherchent à préserver les maisons voisines. Les ordres re- 
ligieux, Capucins ou Jésuites, organisent des secours. Mais, malgré 
les dévouements individuels, il faut en général laisser accomplir au 
feu son œuvre destructrice. 

Sila police delà voirie et de l'hygiène, qui s'y rattache, estloin d'étro 
heureusement organisée ou strictement obéie, du moins la police 
des subsistances est-elle l'objet de soins incessants et minutieux et 
obtient-elle un succès relatif. Le socialisme municipal n'a rien qui el- 
rraieauxvu'siècle.Le corpsde ville sacrifie volontiers l'intérêt parti- 
culier à l'intérêt général quand il s'agit d'assurer la bonne qualité des 
produits, la loyauté des transactions, la facilité des achats pour le 
consommateur, quand il faut protéger le commerce local contre la 
concurrence du commerce forain, c'est-à-dire étranger. Chaque jour 
ou bien plusieurs foisia semaine, leséchevins visiteurs du paio vont 
donc visiter les étalages des boulangers 'sur la place Notre-Dame-la- 
Grande ainsi que les boutiques de ces industriels. 

Aux quatre Boucheries de la Regralterie, du Marché Vieux (au- 
jourd'hui place d'Armes), des Trois-PÎIiers et de St-Michel, aux éta- 
lages mobiles des petits bouchers, voici encore les intendants ou 
inspecteurs municipaux.^lls interdisent d'étaler hors des halles, 
saisissent les viandes avariées, punissent la concurrence déloyale, 
etc. A d'autres échevins incombe le soin de régir la troupe indo- 
cile et tumultueuse des poissonniers et des harengères. 

La police municipale doit surveiller encore les pâtissiers et leurs 
garçons qui, la corbeille surla tête, vont dans les rues offrir les gauf- 
frcs, les tartelettes, les craquelins, les casse-museaux. 



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Boulangers, meuniers, bouchers, poissonniers, regrattiers, débi- 
tants de sel ne peuvent se meltre eu grève, cesser la vente, enfrein- 
dre les règlements sans encourir l'amende ou la prison. 

On croit d'ordinaire que la Convention a innové lorsqu'elle décréta 
en 1793 la fameuse loi du maximum.Depuis longtemps, et en par- 
ticulier à Poitiers, les municipalités faisaient du socialisme sans 
le savoir, lorsqu'elles tarifaient le prix du pain, de la viande^ du 
beurre, du blé, du vin, du sel, et même du bois & brùler,du bois de 
cbarpente, du bois de cercles, des huiles, des briques, de la chaux 
et des autres matériaux de construction, lorsqu'elles forçaient les 
industriels etIesmarchandsàapprovisiODnertes marchés, lorsqu'elles 
prétendaient empêcher la hausse et les excès de la concurrence en 
persécutant les intermédiaires eten poursuivant les accapareurs. La 
confiscation, des peines pécuniaires, despeinesinfamantes, comme la 
prison et lepilori, servaient desanction auxrèglcmentsmuuicipauz. 
Outre la surveillance quotidienne ou hebdomadaire des marchés, le 
maire et les écbevins possédaient la police des grandes foires, dont 
la principale étaitcelle de la Mi-Carème. Alors les marchands étran- 
gers affluaient, dressaiitleurs étalages aux Halles ou sur la place du 
Vieux Marché. La milice urbaine, composée des bourgeois de Poi- 
tiers, était mise en réquisition, et les six compagnies qui la com- 
posaient, sous la conduite de leurs capitaines et lieutenants, devaient 
à tonrder6Ie le service de garde, postées aoit à la Boucherie, soitau 
carrefour des Augustins. 

La police des corporations industrielles et marchandes appartient 
aussi de longue date et dès le xin< siècle au corps de ville. Il ap- 
prouve las règlements corparatifset en surveille l'application. Son 
chef, le maire, reçoit le serment des ouvriers admis au patronat. 
C'est à lui qu'ont recours les maîtres, les compagnons et apprentis, 
dans leurs différends. C'est lui qu'ils harcèlent de leurs réclama- 
tions, de leurs plaintes, toujours prêts dans leur humeur hargneuse 
et processive à voir dans les moindres faits des atteintes à leurs 
privilèges. Un jour, ce sont les marchands de nouveautés qui pré- 
tendent vendre des jupes et des robes de chambre, et les tailleurs 
qui revendiquent ce droit pour leur métier. Un autre jour, ce sont 
encore les tailleurs, jusque-là seuls en possession du lucratif et 
esthétique privilège d'habiller les dames, qui veulent interdire aux 



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- 10 - 

couturières, dont I& profession commence k apparaître, d'exercer 
leurs prérogatives. Voici toujours les tailleurs en lutte contre les 
marchands chapeliers enjoliveurs, les chausseliers contre les mer- 
ciers, les bonnetiers contre les fabricants de bas au métier, les 
tireurs d'eslaim ou de laine fliée contre les cardeurs de laine. Puis 
ce sont les cordiers en querelle avec les chandeliers, les serruriers 
avec les maréchaui, les maréchaux avec les taillandiers. Dans l'in- 
térieur même dcchaquecorporatioR, que dediscordes dont les échos 
viennent troubler la quiétude du corps de ville et exiger son inter- 
vention! Discordes entre les anciens et les jeunes maîtres sur la 
nomination de leurs gardes-jurés, de leurs trésoriers ou clercs de 
boëte, discordes entre patrons et jurés sur l'oxorcice du droit de 
visite et l'exécution des règlements, discordes entre patrons et ou- 
vriers au sujet du mode de placement, du contrat d'ouvi'age et des 
salaires, sans parler dos disputes de préséance soulevées entre cha- 
que corporation pour l'assistance aux cérémonies publiques, pro- 
cessions, exécutions capitales. 

Plus importante encore ost la tâche d'assurer la sécurité des 
habitants. Aussi la police municipale se préoccupe-t-elle d'écarter 
de la ville les éléments suspects. Le nouveau venu qui veut « s'ha- 
bituer,c'csl-à-dire s'établir à Poitiers, doit commencer par déclarer 
au maire sa résolution, les motifs qui le guident, donner con- 
naissance de sa naissance, de sa vie, de ses mœurs, de ses qualités ». 
Le conseil prononce l'admission, si le requt^rant & lui semble bien 
conditionné a suivant l'expression du règlement. Le voyageur à son 
arrivée dans la ville est tenu de remettre ses armes à l'hôte pour ne 
les reprendre qu'à son départ. Les ordonnances tes plus rigoureuses 
sont édictées contre les vagabonds, soldats déserteurs, filous, 
va-nu-pieds et autres gens sans aveu des deux sexes, auxquels on 
V applique le nom expressif de caïmans, et qui, l'été, donnent sur la 
place Notre-Dame ou aux porches des églises, ou bien se réfugient 
dans les maisons louches du quartier Saint-Simplicien, la Cour des 
Miracles poitevine. Les surprend-on une première fois errants et 
mendiants dans la rue, on leur rase la tête et on les met au carcan 
pendant deux heures. A la seconde fois, on les fouette vigoureuse- 
ment, ets'il s'en trouve que la police ait déjà marqués ou flétris du 
fer rouge à l'épaule ou au front, on les expédie aux galères sans 



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- Il — 

forme de procès. De fortes amendes punissent les hôteliers et lo- 
geurs qui leur donnentasile. Des descentes do police et des rafles ont 
lieu à ialervalles irréguliers pour l'eiemple. Dans l'une d'elles, une 
femme Milard et un sieiTr Barbotcau, hôles de la rue des Carolus et 
de Saint'Simplicien, chez lesquels on a surpris 15 caïmans des deux 
sexes, se voient dresser procès-verbal, puiaimposcr une condamna- 
tion pécuniaire. Il est interdit sous les mêmes peines de faire l'au- 
mône aux vagabonds. Le jour, des agents de police, les chasse- 
coquins, avec un zèle intermittent comme leur salaire, font la 
chasse, armés de gourdins, aux bosaciers et béquillards de toute 
sorte. Il en est cependant parmi ces malheureux qui sont dignes 
d'intérêt. Pour eux, la charité publique et privée fonde en 1657 
l'Hôpital des pauvres renfermés, où les vieillards, les enfants, les 
femmes, les hommes valides même, au nombre de 200, sont admis à 
condition de travailler s'ils le peuvent à quelque ouvrage. La solli- 
citude du corps municipal s'étend encore aux enfants exposés que 
l'on trouve vagissant le matin aux portes des églises ou des cou- 
vents, sous les auvents ou sur les étaux des boutiques. Elle ne né- 
glige pas le soin de ramener au bien les filles et femmes de mauvaise 
vie, que l'on enferme par charité pour les exhorter à la pénitence, 
et qui s'échappent parfois en escaladant les murs et en volant, 
pour témoigner de leur repentir, les âmes charitables qui leur ont 
donné asile. La police a l'œil ouvert sur les larrons de toute espèce, 
coupeurs de bourses (ancêtres de nos pick-pockets) qui dans les 
foires etmarcliés coupent prestement la bourse de cuir pendante à la 
ceinture des gens affairés ou distraits, sur les malandrins qui, em- 
busqués aux coins des ruelles, attendent le passant pourle dépouiller 
de son argent et de ses habits, sur les riverains rapaces et peu - 
scrupuleux qui enlèvent jusqu'aux pavés destinés au pavage des 
rues. Les surprend-on en flagrant délit, on les fustige dans la cour 
de l'échevinage, et souvent on les remet en liberté en les bannis- 
sant de la ville, ce qui leur permet de recommencer ailleurs leurs 
exploits. 

Les voleuses subissent la même peine, comme on le voit en 1605 
pour l'une d'elles qui avait dérobé un calice dans l'égliseSte Oppor- 
tune. La répression des crimes contre les personnes est également 
du ressort de lajuridiction de l'écbevinage. Il n'y a d'exception que 



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pour les cas royaux, tels que le rapt, la séduction, le brigandage 
sur les routes, etc., et les cas privilégiés, c'est-à-dire relatifs à des 
ecclétiiastiques et à des nobles ou ofâciers royaux, qui relèvent des 
tribunaux d'Ëtat. 

Dans les autres cas, la cour criminelle de la mairie présidée par 
le maire peut prononcer jusqu'à la peine de mort, sauf pour le 
condamné à se pourvoir en appel devant le Parlement do Paris. 
Celte cour statue donc sur les assassinais, sur les infanticides, les 
recèlemenls de grossesse, les viols et les attentats graves contre les 
mœurs. 

On la voit en 1601 condamner une fille mi^requi a coupé la gorge 
à son enfant, en 1609 un sei^ent qui a assassiné sa femme, en 
1637 un maréchal ferrant coupable t d'actions fort étranges », en 
1640 un valet d'écurie des Trois-Piliers, et un autre garçon pour 
actes graves d'immoralité, en 1641 une femme qui, feignant d'être 
occupée au Ut de sa mère, a fait tuer son mari à coups do marteau 
et jeter à la rivière le cadavre, en 1637 une bande de voleurs dont 
le chef Julien le Gauche, Agé de 26 ans, reconnaît avoir commis 30 
assassinats avec la complicité de sa belle-sœur la femme Millediable, 
enfîn en 1660 un aubergiste appelé Dutertro qui, dans son auberge 
à l'enseigne du Soleil Levant ou Monnoye fait tout (paroisse St-Ger- 
main], a égorgé neuf voyageurs dont on retrouve les cadavres sous 
les pavésd'une chambre basse. L.orsque le'Parlement a confirmé l'ar- 
rêt de mort, les condamnés sont conduits au supplice sur la place 
du Vieux Marché, escortés de la milice bourgeoise,des corporations, 
des moines et du clergé. Les uns sont |étraoglés par le bourreau puis 
attachés à la potence. D'autres, plus coupables, sont traînés sur une 
claie à la place Notre-Dame, Là, devant la porte de l'église, en 
chemise, tète nue, unecorde au cou, une torche de cire àlamain, ils 
sont contraints de faire amende honorable, c'est-à-dire de demander 
pardon à Dieu, au roi et à la justice, puis ils sont étranglés ou rom- 
pus vifs. Kn vertu de cette dernière sentence le criminel est étendu 
sur une roue ou sur une croix de St-André exposée sur un écba- 
faud, et le bourreau lui rompt les membres à coup de barre de fer. 
Parfois, le cadavre estbrùlé avec les pièces du procès et les cendres 
sont jetées au vent. Les complices s'en tirentàmeilleur compte: les 
femmes reçoivent le fouet en public ou sont marquées sur l'épaule, 



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— i3 - 

la cuisse ou lo front d'une fleur <]e lys au fer rouge, les enfants sont 
fouettés et bannis. Le corps municipal ne cherche pas seulement à 
réprimerles crimes- Ils'efforce encore de prévenirtous lesdésordres, ' 
on interdisant àtous habitants, a cscoUcrs, laquais et suivants et prin- 
cipalement à tous ceux de condition roluriôre, xsouspeine de puni- 
tion corporelle, d'amendeet de confiscation « le port d'armes àfeu, 
épécs,pougniards, bastons à feu et mousquets». Il ne permet après 
la retraite sonnée à personne de sortir armé ou sans lumière, et il 
autorise les capitaines de quartiers à se saisir des délinquants. Les 
h6tes et logeurs sont responsables de leurs écoliers et locataires, 
et ne doivent pas tolérer « qu'ils sortent de nuit hors de leur logis 
pour courir le pavé >. Précautions souvent inutiles, du moins dans 
la première année du siècle. Aux jours de (rouble comme en 1639, 
lors do l'établissement d'un droit sur le vin, les artisans eux-mêmes 
trouvent des mousquets et des épées pour parcourir la ville, casser 
les enseignes, insulter le maire et ses sergents. 

Les écoliers surtout, grands bretteurs comme les étudiants actuels 
des Universités allemandes, ne vont jamais sans une large rapii^re 
au Qanc, et quand ils ne s'attaquent pas aux étrangersou aux bour- 
geois, se coupent galamment lagorgodans de fréquentes rencontres. 
Sur les remparts et dans les tours, parfois même dans les rues, les 
jeunes « enfants et garçons de boutique et même de grands fai- 
néans et gens mariez », dit une ordonnance, s'assemblent pour se 
battre à coups de pierre, de fronde, de bâtons, amusements dange- 
reux oft l'on relève des tués et des blessés. Parfois, les distractions 
sont moins tragiques. Des étudiants profitent des ombres de la nuit 
pour rouler des charrettes et voitures au haut des rues en pente et 
pour les précipiter à grand bruit contre les murailles de la ville ou 
dans les douves des fossés. Des mélomanes facétieux battent du 
tambour, sonnent du fifre ou de la trompette pour réveiller le bour- 
geois endormi. Los habitudes de désordre sont partout, parmi les 
artisans qui rossent les sergents du maire ou les portiers des ponts, 
parmi les laquais des nobles qui renversent ou blessent les commis 
des bureaux d'entrée. Longtemps .les prescriptions légales restent 
impuissantes devant la brutalité des mœurs. 

Le corpsdeville prétend même réglementer jusqu'aux distractions 
de ses administrés. U autorise seul les bateleurs, joueurs de farces 



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- 14 - 

et antres semblables personnes « à juucr leurs farces, bastclages et 
autres jeux publics ». Seul, il leur permet de « faire tirer dosblanc- 
ques n, c'est-à-dire d'organiser des tourniquets comme dans dos foi* 
res. Nul d'eotre eux ne peut, sans permission da maire, assembler 
ta foule au bruit du tambour, de la trompette ou du fifre, et en 
temps de carême toute autorisation leur est déniée. II appartient 
encore au maire d'autoriser les danseurs de cordes à leurs périlleux 
exercicea.et de donner aux opérateurs munis des certificats des cu- 
rés et des malades ta liberté d'afficher leurs placards, de débiter 
leurs boniments prestigieux au plein air des carrefours et des pla- 
ces, et de soulager au bruit de leur aigro musique tous les maux de 
l'humanité soufi'ranle. Bien mieux, la police municipale, qui pousse 
un peu loin l'austérité, prétend_in(erdire, sous de grosses amendes, 
tous bals ou assemblées publiques de jour et de nuit. Elle défend 
aux joueurs de violon et de hautbois de seconder de leurs accords 
les entrechats do la jeunesse. Elle prohibe absolument une passion 
moins innocente que la danse, le jeu ; elle fait la guerre aux acadé- 
mies (ce sont les cercles du temps), aux brelans, aux auberges et 
hiMels oîi l'on joue aux cartes, aux dés, aux clefs, aux courtes bou- 
les et même au billard. Cent livres d'amende la première fois, une 
punition corporelle, 'en cas de récidive, voilà de quoi refroidir les 
joueurs obstinés. Gardienne delà morale, la pohce ne l'estpas moins 
des prescriptions de la loi religieuse. Elle force les cabareliers et lid- 
teliers à fermer leurs établissements, les paumiers à suspendre les 
jeux de paume pendant le service divin. Los dimanches et jours de 
fête, elle oblige les patrons, ouvriers, marchands, et même les bou- 
chers et revendeurs à cesser tout travail et à clore leurs boutiques 
et leurs élaux. 

La circulation des charrettes elle-même est prohibée. Toute in- 
fraction est punie de la confiscation et de l'amende. Pendant le ca- 
rême la vente de la viande de boucherie, du gibier et de la volaille 
est rigoureusement interdite. Les malades, pourvus d'un certificat 
de leur curé et de leur médecin, et les infirmes de l'Hâtel-Dicu sont 
seuls autorisés à se procurer au prix fixé par le corps des échevins, 
le mouton, le veau, le bœuf, le gibier et les volailles qu'un boucher 
et un marchand autorisés par le maire sont seuls en droit de tenir. 
C'est ce que l'on nomme la boucherie de carême , qui est annuelle- 



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ment adjugée auxencbèresmoyennani une certaine somme. Chacun 
des échevins à tour de rôle visite les boucheries pour assurer l'exé- 
cution stricte du règlement. Des péualités pécuniaires ou iofamaa- 
tes atteignent ceux ou celles a qui jurent et blasphèment le nom de 
Dieu n. Les revendeurs et revendeuses, les harengères qui ont 
cette habitude invétérée sont élevés au milieu des risées de 
la foule dans une cage de fer que l'on hisss au moyen d'un poteau 
et d'une grue appelée la cigogne et qui se dresse devant le mar- 
ché, sur la place Notre-Dame. 

C'était le dernier vestige d'un vieil usage du Moyen-âge, qui con- 
damnait les femmes médisantes et acariâtres à être plongées trois 
fois, une corde sous les aisselles, dans l'eau de la rivière voisine. 
Vie publique et vie privée, voirie, salubrité, subsistances, indus- 
tries et corporations, bon ordre matériel et moral, la police munici- 
I pale s'étend donc à tout et embrasse tout. Lo tribunal de l'échevi- 
nage en assure le respect. Le, maire y préside avec le titre de 
conseiller du roi, assisté et suppléé au besoin par une partie des 
échevins suivant l'ordre du tableau. Le procureurde lapolicefait les i 
enquêtes, l'instruction, le rapport et le réquisitoire, le greffier enre- 
gistre les pièces et la sentence. La procédure est plus simple, moins 
compliquée, et moins coûteuse que celle des tribunaux royaux. 
Hais la juridiction municipale suscitait depuis longtemps les jalou- 
sies et la rivalité des juridictions voisines. Maintes fois depuis le 
xv siècle, le corps de ville avait eu à combattre les prétentions du 
chapitre Saiut-Hilaire, qui aspiraità exercer laplus grandepartie des 
droits de police dans l'étendue du bourg entre Pont-Achard, la rue 
des Hautes-Treilles et les Capucins. La querelle s'était toujours ter- 
minée par des transactions. 11 n'en Eut pas do même avec les juri- 
dictions royales. Après une longue procédure commencée dès 1663,- - 
le Bureau des Trésoriers de France obtint par arrêt du Parlement en 
170ï la police contentieuso de la grande et de la petite voirie. Dès 
le xvi^ siOcle, le présidial (tribunal civil et criminel de i" instance 
du temps) avait prétendu enlever à la commune sa juridiction civile 
et criminelle. La lutte âpre et tenace, longtemps marquée par les 
défaites successives des magistrats du roi, se termina enSn en 1699 
de la manière la plus imprévue par le triomphe de ces derniers. La 
charge de lieutenant criminel et de police est alors instituËe et unie 



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