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Full text of "La premiére histoire en date de Jeanne d'Arc (1625-1630) : histoire de la Pucelle d'Orléans"

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THE  BOSTON  PUBLIC  LIBRARY 


JOAN  OF  ARC  COLLECTION 


La  Première  Histoire  en  date  de  JEANNE  D'ARC 

(1625-1630) 


HISTOIRE 

LA  PUCELli  D'ORLÉANS 


EDMOND   RICHER 

Docteur  de  Sorbonne, 
Syndic  de  la  Faculté  de  Théologie  de  Paris. 


TEXTE  COLLATIOiNNE  ET  PUBLIE 

d'après  le  manuscrit 
de  la  bibliothèuue  nationale,  fonds  français,  cote  10448 


Philippe-Hector  DUNAND 

Clianoine  théologal  du  Chapitre  de  Toulouse, 

Auteur  de  l'Histoire  complète  de  Jeanne  d'Arc,  de  la  Disseï 

sur  l'Abjuration  de  Saint-Ouen 

et  autres  Etudes  critiques  sur  l'histoire  de  l'héro'iue, 

couronnées  en  1904  par  l'Académie  fra^aise. 

Prix  Marcelin  Guérin. 


TOME    DEUXIEME 


PARIS 

DESCLÉE,  DE  BROUWER  ET  G"* 

30,    RUE   SAINT-SULPICE,    30 

191  a 


statue  monumentale  de  Jeanne  d'Arc 

Par  H.   LOUIS-NOEL 

A  érigar  sur  le  Fort  Sainte-Catherine  à  Rouen 


SOUSCRIPTION  liNTERNATIONALE 

SIÈGE     SOCIAL     :     6,     RUE    GARANCIÈRE,     PARIS     (vi«) 


c  o  31 1 T  :é: 

PRÉSIDENTS    d'honneur 

MM.   Chari.es  WOESTE,  ministre  d'État  de  Belgi(|ue,  membre  de  la  Chambre  des  représentants 
à  Bruxelles; 
Louis-Onésime    l.OnANGER,    ancien   ministre  du   gouvernement   de   Québec,    membre   du 
Bureau  des  gouverneurs  de  l'Université  Laval,  à  Montréal. 

PRÉSIDENT 

M.  Emile  FI.OURENS,  ancien  ministre  des  Affaires  étrangères,  à  Paris. 


MM.   AusTiN  (Alfred),   Poète-Lauréat,  auteur  du  sonnet  Jeanne  d'Arc,  à  Asliford  (Angleterre). 

BiNDER  (Franlz),  directeur  des  Tablettes  historiques  et  politiques,  a.  Munich  ; 

BoiSMOREL  (Ozenne  de),  à  Paris; 

Clevei.and  (Miss  Rose-Elisabetli),  auteur  de  Joan  of  Arc,  à  New-York. 

Déchin  (Jules),  statuaire,  auteur  de  la  Jeanne  d'Arc  de  l'église  Saint-Maurice  de  Cbi'ion 
(médaillée  au  Salon  de  IdOi)),  à  Paris; 

DuNAND  (l'abbé  l'Iiiiippe-Hcctori.  chanoine  théologal,  auteur  de  l'Histoire  complète  de 
Jeanne  d'Arc  et  des  Eludes  critiques,  à  Toulouse; 

GoYAU  (Georges),  auteur  de  Jeanne  d'Arc  devant  l'opinion  allemande,  à  Paris; 

JoBiN  (le  docteur),  avocat,  a  Berne  ; 

JouiN  (l'abbé),  curé  de  Saint-Augustin,  auteur  du  «  Mistére  »  de  Jeanne  d'Arc,  à  Pans. 

Lannoy  (Jean  de),  membre  du  Conseil  de  V Action  catholique  française,  à  Paris; 

Lespinay  (M'""  la  marquise  de).  Présidente  du  Comité  de  la  Ligue  des  Femmes  fran- 
çaises   à  Paris; 

Maugeket  (M"«  Marie),  secrétaire  de  la  Fédération  Jeanne  d'Arc,  à  Paris; 

Radziwii.l  (M""  la  princesse  Antoine),  à  Berlin: 

RuLAND-GossEi.iN  (Dominique),  directeur  de  la  Semaine  de  Borne,  à  Rome: 

Saint-Laurent  (U""'  la  comtesse  de),  présidente  générale  de  la  Ligue  des  Femmes  fran- 
çaises, à  Lyon; 

Véron  (M"'o  l'amirale),  à  Paris  ; 

ViGNAUD  (Henry),  conseiller  honoraire  de  l'Ambassade  des  Étals-Unis,  l'résideut  de  la 
Société  des  Americanistes,  à  Bagneux.  près  Paris. 

TRÉSORIER 

L,     Gr  ii2  L I ^  E  T,  Administrateur  de  la  Maison  du  Peuple  du  Vl«  arrondissement, 
t,  rue  de  la  Planche,  Paris. 

SECRÉTAIRE   GÉNÉRAI, 

Hoiiry     JOXJIilN',    Historien  d'Art,   6,    rue  Garancière,  Paris. 

Hauteurs  :  Fort  Sainte-Catherine.  130  m.  2(^  ;  socle  11  m.  iiu  ;  statue.  IG  m.  20.  ■  •  Hauteur 
totale  :    l.ï'  ni.  82  au-dessus  des  quais. 

Le  monument  dominera  de  6  m.  70  la  (lèche  de  la  Cathédrale  de  Rouen  (loi  m.  t2l,  la  plus 
élevée  de  l'Univers.  ,,..,,     n  l-  u 

Toutes  les  souscriptions,  si  minimes  qu'elles  soient,  seront  publiées  dans  la  lievue  bi-mensuelle 
de  l'Œuvre,  et  un  numéro  parviendra  au  souscripteur.  Aboiincnient  à  la  lievue,  6  francs  par 
an,  de  Janvier  à  Dfcembrc.  ,         ,  ,  .  .•        . 

Les  souscripteurs  ou  groupements  qui  auront  verse  .'iO  francs  et  plus,  seront  mentionnes  sur 
des  plaques  ilc  bronze  à  l'intéireur  du  Colosse.  Un  reçu  personnel  sera  délivré  à  tout  souscrip- 
teur d'une  somme  de  10  (rancs  et  au-dessus. 


HISTOIRE 

DE     LA 

PUCELLE  D'ORLÉANS 

(1630) 


La  Preiviiére  Histoire  en  date  de  JEANNE  D'ARC 

('l6io-i(>;-i()) 


HISTOIRE 

LA  PlICELLE  D'OliLÉANS 


EDMOND   RICHER 

Docteur  de  Sorbonne, 
Syndic  de  la  Faculté  de  Théologie  de  Paris. 


TEXTE  COLLATIONNE  ET  PUBLIE 

d'après  le  manuscrit 
;  la  bibliothèque  nationale,  fonds  français,  cote  10448 

PAR 

Philippe-Hector  OUNAND 

Clianoiue  théolosal  du  Cliapitre  de  Toulouse, 

Auteur  de  V Histoire  complète  de  Jeanne  d'Arc,  de  la  Dissertation 

sur  l'Abjuration  de  Saiut-Ouen 

et  autres  Etudes  critiques  sur  l'histoire  de  l'héroïne, 

couronnées  en  1904  par  l'Académie  française. 

Prix  Marcelin  Guébin. 


TOME    DEUXIÈME 


PARIS 
DESGLÉE,  DE  BROUWER  ET  G'" 

30,    RUE   SAINT-SULPICE,    30 

1912 


-Ko-; 


va 


HISTOIRE 

UE 

LÀ  PUCELLE  D'ORLÉANS 


LIVRE   II 


TROISIESME    PARTIE 

COxNTENANT   LE   PROCEZ   ORDINAIRE  i 


Le  jeudi  vingt-deuxiesme  mars  1430,  semaine  de  la  Pas- 
sion, le  conseil  s'assembla  au  logis  de  l'Evesque,  et  fut 
ordonné  que  l'on  feroit  extrait  de  toutes  les  responses  et 
dépositions  de  la  Pucelle,  et  seroient  réduites  en  forme  de 
propositions   et  inductions  affirmatives,  l'extrait   d'icelles 

i.  Le  procès  ordinaire  ne  lut  déclaré  ouvert  et  ne  commença  que  le 
lundi  26  mars,  après  le  Dimanche  des  Rameaux.  Ce  jour-là,  au  logis 
de  révoque  de  Beauvais,  en  présence  de  l'inquisiteur  Jean  Lemaître  et 
de  douze  assesseurs,  il  fut  donné  lecture  des  articles  du  Réquisitoire 
que  le  promoteur  avait  préparé  ;  et,  dans  la  même  séance  : 

«  Il  fut  délibéré  qu'à  la  suite  du  procès  d'office  qui  venait  de  prendre 
fin,  on  ouvrirait  contre  ladite  Jeanne  le  procès  ordinaire,  et  qu'elle 
serait  interrogée  et  entendue  sur  les  articles  dont  on  venait  de  donner 
lecture.  »  (J.  Quicherat,  Procès,  t,  I,  p.  104,195.) 

Par  conséquent  les  actes  des  22,  24  et  2o  mars,  que  résume  E.  Ri- 
cher,  oiit  précédé  le  procès  ordinaire.  Il  s'ouvrit  solennellement  le 
mardi  27  mars  dans  une  pièce  voisine  de  la  grande  salle  du  château, 
en  présence  des  juges,  du  promoteur,  de  trente-sept  assesseurs  le 
mardi,  de  trente-si.v;  le  mercredi.  Mais  ce  fut  Thomas  de  Gourcelles, 
et  non  le  promoteur  d'Estivet.  qui  donna  lecture  des  articles. 

Voir  les  détails  de  celte  séance  d'ouverture  dans  notre  Histoire  com- 
plète, chap.  xx.vvr.  et  dans  J.  Qiicherat,  Procès,  t.  I.  p.  295  et  suiv. 
E.  Richer  passe  celte  ouverture  sous  silence,  ainsi  que  les  noms  des 
assesseurs  qui  furent  présents.  Trente-trois  entendirent  le  réquisitoire 
tout  entier. 


2  E.    niCHEU.    LA    PUCELLE    D  Olil.EANS 

communiqué  à  tous  les  conseillers  et  assesseurs  pour  en 
avoir  leur  advis.  Qui  est  à  dire  que  l'on  tiendra  pour  tout 
avéré  et  confessé  ce  que  cette  fille  aura  nié  absolument,  ainsi 
que  nous  justifierons. 

Le  samedi  vingt-quatriesme  mars,  la  séance  est  tenue  en 
la  prison,  lieu  accoutumé,  et  fait-on  lecture  à  la  Pucelle  de 
tous  les  interrogatoires  qui  lui  avoient  esté  faits  et  de  ses 
responses  aux  quinze  séances  précédentes,  et  lui  fait-on  faire 
serment  de  n'y  rien  adjouster  que  de  véritable.  Et  pendant 
qu'on  lui  faisoit  celte  lecture,  elle  se  ressouvint  qu'en  son 
païs  on  la  surnommoit  Darc,  qui  est  le  surnom  de  son  père, 
et  llomée,  qui  est  le  surnom  de  sa  mère  ;  pour  ce  que  c'est  la 
coustume  de  ces  quartiers-là  que  les  filles  portent  le  nom  de 
leurs  mères.  Au  reste,  avoua  qu'elle  tiendroit  pour  véritable 
tout  ce  à  quoy  elle  ne  contrediroit  point  :  et  leur  demanda  un 
habillement  de  femme  pour  s'en  aller  en  la  maison  de  sa 
mère  et  sortir  de  la  prison  ;  argument  de  sa  grande  simpli- 
cité, semblable  à  celle  d'un  enfant.  Finalement,  après  que 
lecture  lui  eust  esté  faite  de  tout  le  procez  d'office,  asseura 
qu'elle  pensoit  avoir  respondu  ainsi  qu'il  estoit  escrit  au 
registre  qu'on  lui  avoit  présentement  lu.  C'estoit.le  procez 
escrit  en  françois,  et  non  le  latin  qui  a  esté  basti  longtemps 
depuis  la  mort  de  cette  fille. 

Le  dimanche  vingt-cinquiesme  mars,  jour  des  Rameaux  au 
matin,  elle  requit  instamment  qu'on  lui  permist  en  ce  saint 
temps  d'ouyr  la  messe  :  ce  qu'on  lui  accorda  moyennant 
qu'elle  voulust  prendre  un  habillement  de  femme.  A  quoy 
elle  respondit  comme  auparavant,  sçavoir  que  par  le  com- 
mandement de  Dieu  avoit  pris  celui  qu'elle  portoit  et  n'estoit 
pas  encore  conseillée  de  le  quitter.  On  lui  répliqua  qu'elle 
s"'en  conseillast  donc  avec  ses  voix,  afin  qu'elle  pust  ouyr  la 
messe  à  Pasques. 

rOuVKnïURK    SOLKNNENLE    DU    PROCEZ    ORDINAIRE    ET    LECTURE 

DU  réquisitoiue] 

Le  mardi  vingt-septiesme  mars  1430,  Jean  Destivet,  pro- 
moteur en  cette  cause,  pensionnaire  des  Anglois,  ainsi  que 


les  tesnioins  ont  déposé,  remonstre  avoir  fait  et  recueilli  du 
procez  d'office  et  des  rcsponses  de  la  Pucelle  certains  articles 
concernant  la  foy,  en  forme  de  propositions  et  inductions 
affirmatives,  selon  q.u'il  avoit  esté  ordonné  jeudi  dernier, 
vingt-deuxiesme  mars.  Donc  requiert  que  lecture  en  soit 
faite  à  la  Pucelle,  et  au  cas  qu'elle  n'y  responde,  soit  tenue 
et  déclarée  contumace  et  excommuniée.  Gonséquemment, 
l'Evesque  de  Beauvais  remonstre  à  cette  fille  que  tous  les  assis- 
tans  lors  présents  estoient  ecclésiastiques  très  doctes  tant  en 
droit  divin  que  humain,  qu'ils  vouloient  et  entendoient  pro- 
céder en  son  endroit  ainsi  qu'ils  avoient  tousjours  accou- 
tumé, ne  cherchant  aucune  vengeance  ni  punition  corporelle, 
ains  seulement  son  salut  et  réduction  à  la  voie  de  vérité.  Et 
d'autant  qu'elle  n'estoit  de  soy-mesme  assez  capable  et  ins- 
truite aux  lettres  pour  en  telles  matières  si  ardues  et  hautes 
prendre  conseil  de  ce  qu'elle  auroit  à  faire,  pour  ces  causes 
lui  permettoit  d'eslire  et  choisir  tel  conseil  qu'elle  voudroit 
entre  les  assistans  :  que  si  elle  n'en  pouvoit  eslire,  ofïroit  lui- 
mesme  de  lui  en  nommer  pour  la  conseiller.  Toutes  fois,  que 
pour  ce  qui  estoit  de  ses  propres  faits,  elle-mesmeen  respon- 
droit  et  diroit  la  vérité.  Et  sur  cela  est  requise  et  interpellée 
quelle  dira  vérité. 

Faut  observer  que  cette  offre  de  l'Evesque  de  Beauvais 
n'estoit  que  pour  tromper  cette  fille,  tesmoin  la  trahison  de 
M^  Nicolas  Loyseleur  que  l'Evesque  envoioit  desguisé  en  la 
prison,  comme  pareillement  son  promoteur  Destivet,  pour 
la  déceveoir.  Et  d'ailleurs  qui  eust  osé  lui  donner  conseil  en  la 
ville  de  Rouen  contre  les  desseins  de  cet  Evesque,  lequel 
avoit  conjuré  sa  mort  avec  les  Anglais,  mesme  auparavant 
quelle  fust  entre  ses  mains? 

Or,  sur  ces  charitables  offres  et  remonstrances,  la  Pucelle 
respond  qu'elle  remercie  Monsieur  l'Evesque  et  toute  la  com- 
pagnie de  ce  qu'ils  l'advertissent  de  son  biep  et  des  choses 
qui  regardent  nostre  foy;  que  son  intention  n'est  point  de  se 
séparer  du  conseil  de  Dieu  ;  que  pour  le  serment  qu'on  exige 
d'elle,  est  preste  de  confesser  la  vérité  de  tout  ce  qui  appar- 
tient au  procez.  Et  le  jura  ainsi  sur  les  saints  Evangiles 
qu'elle  toucha. 


4  E.    RICHER.    —    LA   1>UCELLE   D  ORLEANS 

Le  Promoteur  lui  fit  lecture  de  sa  production  rédigée  par 
articles  :  à  quoy  furent  emploiez  deux  jours  entiers,  sçavoir 
le  mardi  vingt-septiesme  et  le  mercredi  vingt-huitiesmemars 
en  la  semaine  sainte  ;  et  après,  cette  lecture  achevée,  requit 
qu'elle  fusl  déclarée  sorcière,  devineresse,  fausse  prophète, 
invocatrice  des  démons,  conjuratrice,  superstitieuse  et  du 
tout  adonnée  à  la  magie,  sentant  mal  de  la  foy  catholique, 
sacrilège,  idolâtre,  apostate  de  la  foy,  blasphémant  contre 
Dieu  et  ses  saints,  scandaleuse,  séditieuse,  troublant  la  paix 
et  l'empeschant,  excitant  la  guerre,  cruelle,  désirant  l'effu- 
sion du  sang  humain  et  incitant  à  l'épandre,  ayant  du  tout 
abandonné  et  despouillé  la  pudeur  et  décence  du  sexe  féminin, 
pris  l'habillement  des  hommes  armez  sans  aucune  honte  ni 
vergogne;  abandonné  et  méprisé  la  loy  de  Dieu,  de  nature  et 
la  discipline  ecclésiastique  devant  Dieu  et  les  hommes; 
séduisant  les  princes  et  les  peuples,  ayant  permis  et  con- 
senti qu'on  l'adorast  et  lui  baisast  les  mains  et  ses  veste- 
ments,  au  grand  mépris  et  injure  de  l'honneur  et  du  culte  dû 
à  Dieu  ;  demande  qu'elle  soit  déclarée  hérétique,  ou  à  tout 
le  moins  grandement  suspecte  d'hérésie,  et  punie  légitime- 
ment selon  les  constitutions  divines  et  canoniques.  Qui  est 
en  somme  le  contenu  porté  aux  deux  sentences  que  l'Evesque 
de  Beauvais  a  prononcées  contre  la  Pucelle  ^. 

Et  après  lesdil  es  conclusions  du  Promoteur  sont  registrez  les 
articles  qu'il  prétend  avoir  induits  et  colligez  des  dépositions 
et  responses  de  cette  fille  :  desquels  articles  ensuit  la  teneur. 

[AcTii;  d'accusation  du  ProiMoteur  ou  Réquisitoire] 

Article  I" 
«  Que   par  le   di'oit  divin,  canonique  et  civil,   il  appartient  à 

1.  E.  Richcf  no  donne  que  la  substance  de  l'allocution  du  promoteur 
aux  juges  et  assesseurs. 

Celte  aliocution'fut  suivie  d'une  délibération  l'aile  en  présence  de  la 
l'ucolle  sur  les  demandes  ((ue  d'Estivet  avait  soumises  au  tribunal. 
Cf.  J.  QuicnEH.\T.  Procès,  t.  I.  p.  19-'-20Û,  202-204. 

Des  articles  qui  vont  passer  ^ous  les  yeux.  Riclier  ne  dira  par- 
fois que  l'indispensable.  Ainsi,  le  premier  article  complet  compte 
environ  vingt  lignes.  Richer  le  résume  en  six  ou  buit.  De  la  les  etc. 
qui  vont  se  rencontrer. 


l'Evesque  de  Beauvais  et  à  l'Inquisiteur  de  la  foy  de  bannir  et 
chasser,  non  seulement  des  diocèses  de  Rouen  et  de  Beauvais, 
mais  aussi  de  tout  le  royaume  de  France,  les  hérésies,  sorceleries. 
superstitions  et  autres  crimes  ci-dôvant  déclarez;  comme  aussi 
tout  sorciers,  devins,  invocateurs  de  démons  et  tous  leurs  fauteurs 
et  adhérans,  de  quelque  estât,  sexe,  qualité,  et  prééminence  qu'ils 
puissent  estre,  etc.  » 

A  ce  premier  article  la  Pucelle  vespond  qu'elle  croit  bien 
que  notre  Saint-Père  le  Pape,  les  Evesques  et  autres  gens 
d'Eglise  sont  establis  pour  conserver  la  foy  catholique  et 
punir  ceux  qui  errent  :  que  pour  son  regard  et  de  ses  faits, 
ne  se  soumettra  qu'à  l'Eglise  céleste,  à  sçavoir  à  Dieu,  à  la 
Vierge  Marie  et  aux  saints  du  paradis,  et  croit  fermement 
n'avoir  failli  ni  erré  en  la  foy  catholique  et  seroit  bien  marrie 
d'y  avoir  choppé. 

Nous  avons  observé  ailleurs  que  ce  n'est  point  erreur  en  la 
foy  dire  qu'on  aye  des  révélations,  pourveu  que  l'on  ne  con- 
trevienne point  ni  fasse  aucune  chose  contraire  aux  vertus 
théologales,  foy,  espérance  et  charité,  et  aux  traditions  de 
l'Eglise  catholique,  apostolique  et  romaine.  A  quoy  la 
Pucelle  maintient  véritablement  n'avoir  jamais  contrevenu, 
ainsi  qu'il  est  justifié  par  tous  les  actes  de  son  procez  tels  que 
ses  ennemis  les  ont  fait  registrer  '■. 

Article  II 

«  Que  ladite  Jeanne,  non  seulement  la  présente  année  mais  dès 
sa  première  jeunesse,  tant  es  susdits  diocèses  de  Rouen  et  Beauvais 


1.  Il  n'existe  aucune  ditïérence  sérieuse  entre  le  texte  du  Réquisi- 
toire relevé  par  J.  Quicherat  et  celui  de  Richcr.  Dans  .1.  Quicherat,  les 
articles  sont  au  nombre  de  soixante-dix  ;  dans  Riclicr,  au  nombre  de 
soixante-quatre.  Cette  différence  tient  ; 

1"  A  ce  que  Richcr  a  omis  les  articles  xiv,  xvi,  xxu  de  J.  Qui- 
clierat  : 

2»  A  ce  qu'il  a  fondu  en  un  seul  article  les  cinq  dans  lesquels  J.  Qui- 
cherat parle  de  la  correspondance  de  la  Pucelle  avec  le  comte  d'Ar- 
magnac: 

>  A  ce  que  Richer  a  fait  un  article,  le  dernier,  de  la  conclusion  du 
promoteur  qui,  dans  J.  Quicherat,  ne  vient  qu'après  les  articles  pro- 
prement dits. 


0  K.    HK^HKU,    —    LA    l'UCKLLK    D  OULEANs 

qués  environ  d'iceiix  elcn  plusieurs  autres  endroits  dece  royaume. 
a  fait  et  commis  plusieurs  sortilèges  et  superstitions,  qu'elle  a 
deviné  et  permis  qu'on  ladorast  ;  a  invoqué  les  malins  esprits, 
leur  demandant  conseil,  conversé  avec  eux,  fait  des  actions  et 
promesses,  se  servant  d'eux  et  donnant  aux  autres  qui  faisoient  le 
semblable,  conseil,  confort,  avde  et  faveur,  les  induisant  à  faire  de 
mesme;  croyant  et  maintenant  cela  n'estre  prohibé  ni  deffendu, 
mais  licite,  louable  et  sans  aucun  péché;  ayant  induit  plusieurs 
personnes  de  divers  sexes  à  commettre  semblables  erreurs  et 
maléfices,  etc.  ;  que  perpétrant  et  commettant  lesdits  erreurs, 
elle  a  esté  prise  aux  limites  du  diocèse  de  Beauvais.  « 

Quant  aux  sorceleries  et  autres  maléfices  ou  divinations^ 
la  Pucclle  nie  absolument  y  avoir  jamais  participé  et  dit  ne 
sçavoir  [ce]  que  c'est.  Touchant  ce  qu'on  lui  impute,  qu'elle 
s'est  fait  adorer,  maintient  que  si  aucuns  lui  ont  quelquefois 
baisé  les  mains  ou  les  vestements,  ce  n'a  esté  de  sa  volonté  ; 
que  mesnie  elle  donnoit  charge  à  ses  gens  d'enipescher  cela 
et  qu'on  n'approchast  d'elle  autant  qu'elle  pouvoit,  et  nie 
absolument  tout  le  reste  de  l'article. 

Le  Promoteur,  au  contraire,  pour  preuve  répliqua  que  le 
samedi  troisiesme  mars  — c'est  en  la  sixième  séance  —  elle 
fut  interrogée,  sçavoir  si  Slle  cognoissoit  l'intention  de  ceux 
qui  lui  baisaient  les  mains,  les  pieds  et  vestemens,  et  qu'elle 
responditque  plusieurs  gens  la  voioient  volontiers,  et  qu'ils 
lui  baisoient  les  mains  et  les  vestements  le  moins  qu'elle 
pouvoit,  que  pour  les  pauvres  qui  venoient  à  elle,  elle  les 
secouroit  de  tout  son  pouvoir,  etc. 

Davantage  :  allègue  que  le  samedi  dixiesme  mars  —  c'est 
en  la  septiesine  séance  —  interrogée  sur  la  sortie  de  Com- 
piègne  quand  elle  fut  prise,  si  elle  avoit  eu  conseil  de  ses 
voix  faire  ladite  sortie,  auroit  répondu  n'avoir  rien  sceu  ce 
jour-là  de  sa  prise,  et  n'avoir  eu  aucun  commandement  de 
sortir,  mais  que  ses  voix  l'avoient  tousjours  advertie  qu'il 
falloit  qu'elle  fust  prisonnière,  etc. 

Lequel  article  et  preuves  de  ce  Promoteur  sont  aussi  rece- 
vables  que  ceux  qui  de  toutes  choses  voudroient  induire  et 
inférer  toutes  choses,  et  de  leurs  souliers  en  faire  un  cha- 
peau . 


Article  III 

«  Que  cette  femme  est  tombée  en  plusieurs  différens  et  dange- 
reux erreurs,  approclmns  de  l'hérésie  :  a  dit  et  prononcé  maintes 
propositions  fausses,  erronées,  ressentans  l'hérésie  contre  la  foy  et 
les  articles  de  noslre  croyance  et  l'Evangile,  et  pareillement  contre 
les  statuts  des  conciles  généraux,  droit  canon  et  civil;  des  propo- 
sitions scandaleuses  et  sacrilèges  contre  les  bonnes  mœurs,  offen- 
sans  les  oreilles  pieuses;  qu'elle  a  semblablement  donné  conseil  et 
faveur  à  ceux  qui  ont  dogmatisé  et  publié  telles  et  semblables  pro- 
positions. » 

LaPLicellenie  absolument  tout  cet  article;  au  contraire 
maintient  avoir  soustenu  l'Eglise  de  tout  son  pouvoir.  Et  à 
cela  le  Promoteur  n'a  que  répliquer. 

Article  IV 

«  (jLi'il  est  vray  que  cette  femme  est  née  en  la  paroisse  de 
Greux,  au  village  de  Dompremy.  sur  la  rivière  de  Meuse,  bailliage 
de  Chaumonl  en  Bassigny,  elc.  Que  son  père  se  nomme  .lacques 
Darc,  sa  mère  Isabeau,  etc.  Qu'elle  n'a  en  sa  jeunesse  appris  sa 
créance  ni  les  principes  de  nostre  foy,  mais  qu'elle  a  esté  instruite 
par  certaines  vieilles  à  faire  des  sorceleries,  divinations,  maléfices 
et  autres  superstitieuses  et  mauvaises  œuvres  :  que  plusieurs  habi- 
tans  desdits  villages  ont  esté  notez  et  diffamez  de  tout  temps 
d'avoir  usé  desdits  maléfices.  Que  ladite  Jeanne  a  confessé  avoir 
ouy  dire  plusieurs  choses  à  sa  marraine  des  visions  et  apparitions 
des  fées;  et  qu'elle  a  esté  instruite  par  d'autres  en  ces  maléfices  et 
pernicieux  erreurs  :  mesme,  qu'en  ce  jugement,  en  présence  des 
juges,  a  recognu  quejusquesà  ce  jour  d'huy  n'avoit  sceu  que  ces 
fées  fussent  des  esprits  malins.  " 

Hespoiid  quelle  confesse  la  première  partie  de  cel  article 
pour  le  regard  du  lieu  de  sa  naissance,  de  ses  père  et 
mère,  elc.  Mais  quant  aux  dames  les  fées  ne  sçait  [ce]  que 
c'est.  Pour  le  regard  de  sa  créance,  qu'elle  la  apprise  et  a 
esté  bien  et  duement  instruite  en  sa  jeunesse  pour  faire 
comme  un  bon  enfant  doibt  faire.  Quant  à  ce  qui  est  proposé 
de  sa  marraine,  emploie  ce  qu'elle  a  dit  ailleurs  de  cela. 


e  E.    RICHE«.    —    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

Requise  de  dire  son  Credo,  respond  qu'on  le  demande  à  son 
confesseur  auquel  ellel'avoit  dit. 

Remarquez  que  ce  Promoteur  prend  l'interrogatoire  fait  à 
la  Pucelle  par  l'Evesque  de  Beauvais  touchant  les  fées  pour 
la  response  de  cette  fille. 

Article  V 

«  Qu'auprès  du  village  de  Dompremy  il  y  a  un  gros  et  ancien 
arbre,  vulgairement  appelé  l'Arbre  charmé,  fée,  de  Bourlemonl, 
et  auprès  d'icelui  une  fontaine,  alentour  desquels  arbre  et  fontaine 
on  dit  que  les  esprits  malins  qu'on  appelle  les  fées  conversent  : 
avec  lesquelles  fées  ceux  qui  s'adonnent  à  la  sorcelerie  ont  accous- 
tumé  de  danser  la  nuit  tout  à  l'entour  dudit  arbre  et  fontaine.  » 

La  Pucelle  respond  qu'elle  emploie  ce  qu'elle  a  déposé  ail- 
leurs du  dit  arbre  et  fontaine,  et  nie  absolument  tout  le  reste 
de  l'article. 

Le  Promoteur  réplique,  pour  preuve  de  son  dire,  que 
samedi  treiziesme  febvrier  dernier,  séance  Iroisiesme,  la 
Pucelle  a  confessé  qu'auprès  de  Dompremy  il  y  avoit  un 
arbre  appelé  l'arbre  des  Dames,  etc.  Adjoute  de  plus  que  le 
jeudi  premier  de  mars,  elle  recognut  que  ses  voix  avoient 
parlé  h  elle  auprès  de  cette  fontaine  ;  et  que  le  samedi  dix- 
septiesme  mars,  a  confessé  que  sa  marraine  lui  avoit  autres 
fois  recognu  avoir  veu  en  ce  lieu  les  fées,  etc.  Aboyez  la  troi- 
siesme,  cinquiesme  et  quatorziesme  séances  avec  les  Adver- 
tissements  sur  icelles.  Car  tout  ce  que  la  Pucelle  a  déposé  ne 
la  charge  aucunement  de  sorcelerie  ni  d'autre  maléfice  quel- 
conque. Et  ce  Promoteur  debvoit  produire  quelque  preuve 
ou  fait  bien  évident  et  notoire  pour  fortifier  son  induction. 

Article  VI 

«  Que  la  mesme  Jeanne  avoit  accoustumé  fréquenter  auprès 
dudit  arbre  et  fontaine,  plus  la  nuit  que  le  jour,  et  principalement 
aux  heures  qu'on  célébroit  à  l'Eglise  le  divin  service,  afin  destre 
seule,  et  que,  dansant,  elle  tom'noit  à  l'entour  de  cet  arbre  et 
fontaine.  Et  après  cela,  faisoit  des  bouquets  qu'elle  attachoit  aux 
branches  de  cet  arbre  de  ses  propres  mains,  chantant  certaines 


A    ROUEN.    —    LE    PROCÈS  9 

chansons,  charmes  et  invocations  de  sorcelerie  et  autres  maléfices  : 
lesquels  bouquets  disparoissoient  au  matin  et  ne  se  trouvoient 
plus.  » 

La  Pucelle  oppose  que  pour  l'article  du  dix-septiesme  mars 
allégué  par  le  Promoteur,  elle  emploie  ce  qu'elle'  a  autres 
fois  confessé  touchant  le  dit  arbre  et  fontaine,  et  nie  absolu- 
ment tout  le  reste  de  cet  article  sixiesme. 

Le  Promoteur  jréplique  que,  le  samedi  vingt-quatriesme 
febvrier,  la  Pucelle  a  déposé  que  les  malades,  aussi  tost  qu'ils 
se  peuvent  lever,  vont  se  promener  vers  cet  arbre  et  fon- 
taine, etc.  ;  qu'elle  y  alloit  l'esté  se  promener  avec  les  autres 
filles  et  y  faisoit  des  bouquets  pour  Noti-e-Dame  de  Domp-, 
remy;  quelle  a  ouy  dire  à  plusieurs  personnes,  non  pas  de 
ses  parents,  mais  à  une  sienne  marraine,  avoir  là  veu  les 
fées  :  pour  elle,  ne  sçait  si  elle  les  y  a  veues  ou  ailleurs,  mais 
a  veu  mettre  et  attacher  des  bouquets  aux  branches  dudit 
arbre  et  y  en  a  mis  comme  les  autres.  Voyez  la  troisiesme 
séance  et  VAdvertissemeni  sur  icelle  qui  justifient  la  Pucelle. 

Article  VII 

ft  Que  Jeanne  a  quelquefois  accoustumé  de  porter  en  son  sein  une 
mandragore,  espérant  par  le  moyen  d'icelle  estre  bien  fortunée  en 
richesses  et  choses  temporelles  :  asseure  que  cette  mandragore  a 
une  telle  vertu.  » 

La  Pucelle  nie  absolument  cet  article. 

Mais  le  Promoteur  repart  que  le  jeudi  premier  de  mars, 
estant  interrogée  ce  qu'elle  avait  fait  de  sa  mandragore, 
qu'elle  respondit  n'en  avoir  jamais  eu  aucune  :  bien  avoit- 
elle  ouy  dire  qu'il  y  en  avoit  une  auprès  de  son  village, 
elle  ne  l'a  jamais  veue,  et  a  ouy  dire  que  c'estoit  chose 
périlleuse  et  mauvaise  à  garder,  etc. 

Voyez  la  cinquiesme  séance  sur  la  fin,  et  vous  cognoistrez 
la  malignité  noire  de  ce  Promoteur. 

Article  VIII 

«  Qu'environ  lâge  de  vingt  ans,  de  sa  propre  volonté,  sans 
congé  de  ses  parens,  Jeanne  alla  à  Neufchastel  en  Lorraine  où  elle 


10  E.    niGHEU.    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

lut  ({ueUiuc  temps  en  service  chez  une  femme  qui  tenoisl  hostel- 
leric,  nommée  la  Rousse,  où  ordinairement  logent  des  jeunes 
gens,  des  femmes  mal  nommées  [renommées]  et  des  geas  de 
guerre  :  que  demeurant  au  logis  de  ladite  femme,  conversoit 
quelques  fois  avec  lesdites  femmes,  menoit  les  brebis  aux  champs 
et  les  chevaux  abreuver,  aux  prés  et  à  la  paslure  ;  et  que  c'est  où 
elle  a  appris  à  aller  à  cheval  et  l'usage  des  ai*raes.  » 

La  Pucclle  respond  qu'elle  emploie  ce  qu'elle  a  dit  et 
déposé  autres  fois  sur  cela  et  nie  tout  le  reste.  3Iais  pour 
preuve,  le  Promoteur  réplique  que,  le  vingt-deuxiesme  feb- 
vrier,  elle  a  recognu  et  avoué  qu'elle  s'en  estoit  allée  de  la 
,  maison  de  son  père  à  Neufchastel  à  cause  des  Bourguignons, 
et  qu'elle  avoit  demeuré  environ  quinze  jours  chez  une 
femme  nommée  la  Rousse,  etc.  Voyez  la  seconde  séance.  Il 
emploie  encore  que  la  Pucelle  a  confessé  le  samedi  vingt- 
quatriesme  febvrier,  troisiesme  séance,  qu'elle  menoit  aux 
champs  et  aux  prés  le  bétail,  et  mesme  en  un  chasteau 
nommé  l'Isie. 

Mais  considérez  la  calomnie.  Postant  jeune  en  la  maison  de 
son  père,  elle  aydoit  à  mener  les  bestes  aux  champs  et  aux 
prés,' ainsi  qu'il  est  porté  en  la  troisiesme  séance,  et  n'a 
jamais  demeuré  plus  de  quinze  jours  à  Neufchastel  à  cause 
des  Bourguignons.  Or,  aux  susdites  séances,  il  n'est  fait 
aucune  mention  de  tout  ce  que  le  Promoteur  allègue,  sçavoir 
que  la  Pucelle  conversoit  avec  des  femmes  et  personnes  mal 
renommées,  etc.  D'ailleurs,  son  père  et  sa  mère  estoient  à 
Neufchastel  et  se  retirèrent  chez  ladite  Rousse,  leur  fille  avec 
eux  (seconde  séance). 

Article  IX 

»  Oiie  Jeanne  estant  en  servi(;e  à  Neurcluislel  chez  la  Rousse,  fit 
appeler  un  jeune  homme,  devant  l'official  de  Toul  sur  promesse  de 
maringe  ;  que  ce  jeune  homme  sçachant  qu'elle  avoit  conversé 
avec  ces  femmes  mal  renommées  ne  la  voulut  espouser  :  que  pour 
cotte  cause,  Jeannese  retira  par  dépit  du  service  de  la  Rousse.  » 

La  Pucelle  contredit,  emploiant  ce  qu'elle  a  autres  fois 
déposé  sur  ce  subject  et  nie  tout  le  reste. 


A    ROUEN.    —    LE    PROCES  H 

Le  Promoteur  réplique  pour  preuve  que  le  douziesme 
mars  elle  avoit  confessé  qu'un  jeune  homme  l'avoit  fait  citer 
en  cause  de  mariage,  etc.  Voyez  la  huitiesme  séance  laquelle 
justifie  la  Pucelle.  Car  c'est  bien  autre  chose  d'avoir  esté 
citée  ou  d'avoir  fait  citer.  L'un  est  véritable,  et  l'autre  abso- 
lument faux. 

Article  X 

«  Après  que  Jeanne  se  fust  retirée  du  service  de  cette  femme, 
elle  pul'lia  avoir  ordinairement  depuis  cinq  ans  des  visions  et 
apparitions  de  saint  Michel  et  de  saintes  Catherine  et  Marguerite, 
et  qu'elles  lui  avoient  spécialement  révélé  qu'elle  feroit  lever  le 
siège  d'Orléans,  et  mèneroit  Charles,  quelle  appelle  son  Roj,  à 
Keims  pour  estre  couronné,  qu'elle  chasseroit  tous  ses  ennemis  du 
royaume  de  France.  S'estoit  retirée  de  la  maison  de  son  père  au 
desccu  d'icelui  et  de  sa  mère,  et  de  son  propre  mouvement  et 
volonté  seroit  allée  à  Robert  de  Baudricour,  capitaine  de  Vaucou- 
leuf,  lui  faisant  entendre  que  saint  Michel  et  sainte  Catherine  lui 
avoient  révélé  qu'elle  allast  au  secours  du  Roy,  et  le  prioit  de  lui 
en  donner  les  moyens.  Qu'ayant  esté  rebutée  par  deux  diverses  fois 
par  Baudricour,  elle  eut  révélation  de  retourner  à  lui,  lequel  pour 
la  troisiesme  fois  la  receut.  » 

La  Pucelle,  pour  contredit,  emploie  la  déposition  qu'elle 
a  faite  autres  fois  sur  cela.  Et  le  Promoteur  allègue  pour 
preuve  tout  ce  qu'elle  a  déposé  le  vingt-deuxiesme  febvrier, 
séance  deuxiesme,  et  le  vingt-quatriesme  febvrier  séance 
troisiesme,  le  vingt-septiesme  febvrier  séance  quatriesme  ; 
le  jeudi  premier  jour  de  mars,  séance  cinquiesme,  concer- 
nant ses  visions  et  apparitions;  item  le  lundi  douziesme 
mars,  séance  huictiesme,  touchant  ce  qu'elle  s'en  estoit  allée 
de  la  maison  de  son  père  et  de  sa  mère  sans  leur  congé,  et 
des  songes  que  son  père  avoit  eu  qu'elle  s'en  debvoit  aller 
avec  les  gens  d'armes  :  auxquelles  séances  les  excuses  de  la 
Pucelle  sont  bien  articulées,  ensemble  les  motifs  de  toutes 
ses  actions.  Et  cet  article  conféré  avec  le  précédent  découvre 
une  maligne  imposture  du  Promoteur,  lequel  allègue  que  la 
Pucelle  avoit  vingt  ans  quand  elle  se  retira  à  rseutchastel,  et 
après  qu'elle  fust  sortie  de  chez  cette  femme  nommée  la 
Rousse,    qu'elle    publia    avoir    ordinairement    des   visions 


12  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    D  OIILKANS 

depuis  cinq  ans,  etc.  De  sorte  qu'il  faudroit  que  la  Pucelle 
eust  eu  ses  visions  ayant  quinze  ans,  et  qu'elle  fust  venue  en 
France  âgée  de  plus  de  vingt  ans  :  et  néanmoins  elle  n'avoit 
que  dix-sept  ans,  quand  elle  y  arriva,  et  est  morte  âgée  de 
dix-neuf  ans  ou  environ,  car  elle  e&toit  sur  sa  vingtiesme 
année. 

Article  XI 

«  Que  Jeanne  ayant  eu  familiarité  avec  Robert  de  Baudricour, 
s'estoit  vantée  qu'après  avoir  exécuté  les  choses  que  Dieu  lui  avoil 
commandées,  elle  debvoit  avoir  trois  enfants  desquels  l'un  seroit 
pape,  l'autre  empereur,  et  l'autre  roy.  Ce  que  Baudricour  ayant 
entendu,  il  lui  dit  :  Je  voudrois  bien  le  faire  un  de  ces  enfants, 
puisqu'ils  doibvent  estre  de  si  grande  autorité,  afin  qu'il  m'en  fust 
mieux.  Que  Jeanne  lui  repartit  :  Gentil  Robert,  nenny,  nenny,  il 
nest  pas  temps,  le  Saint-Esprit  y  opérera.  Ce  que  ledit  Robert  a 
raconté  et  publié  en  présence  de  prélats,  grands  seigneurs  et  per- 
sonnes notables.  » 

La  Pucelle  oppose  que  pour  le  regard  de  Baudricour,  elle 
se  rapporte  à  ce  qu'elle  a  déposé  ailleurs  ;  mais,  quant  aux 
trois  enfants  qu'elle  debvoit  avoir,  qu'elle  ne  s'en  est  jamais 
vantée. 

Le  Promoteur,  en  confirmation  de  sa  calomnie  et  vaux  de 
ville,  allègue  que  le  douziesme  mars  au  matin,  interrogée  si 
ses  voix  l'appeloient  Fille  de  Dieu,  Fille  de  l'Eglise,  Fille  au 
grand  cœur,  elle  avoit  respondu  qu'auparavant  que  le 
siège  d'Orléans  fust  levé,  elle  l'avoient  appelée  Jeanne  la 
Pucelle,  Fille  de  Dieu.  Mais  quelle  induction,  je  vous  prie? 
N'est-ce  pas  de  toutes  choses  inférer  toutes  choses?  Qno  ces 
trois  enfants  soient  un  conte  fait  à  plaisir,  cela  est  manifeste 
parce  qu'il  n'y  en  a  aucun  vestige  ni  mention' en  tout  le  pro- 
cez  d'office.  Que  si  ce  Promoteur,  aux  inductions  qu'il  tire  du 
procez  d'office,  ment  et  impose  si  libéralement,  ainsi  que 
nous  ferons  veoir  partout,  que  doit-on  croire  de  cette  propo- 
sition qui  n'a  esté  contredite  par  la  Pucelle  ni  proposée  au 
procez  d'office,  auquel  en  quinze  séances  cette  fille  a  esté 
interrogée  et  recherchée  jusques  à  ses  plus  menues  pensées  ? 
Et  parloit  lors  en  plus  grande  liberté  qu'en  ce  procez  ordi- 


A    ROUEN.    —    LE    l'HOCKS  13 

naire  auquel  il  ne  lui  estoit  presque  permis  que  de  dire 
l'affirmative  ou  la  négative  de  ce  qu'on  lui  objectoit,  sinon 
qu'elle  fust  interrogée  tout  de  nouveau.  C'est  pourquoy  ils 
lui  ont  réservé  ce  plat  couvert  au  procez  d'office,  afin  qu'elle 
ne  pust  s'estendre  pour  confuter  Cette  calomnie.  Au  demeu- 
rant, ce  vaux  de  ville  répugne  totalement  à  l'interrogatoire 
qu'ils  lui  ont  fait  de  sa  virginité,  séance  quinziesme,  sçavoir 
si  son  bonheur  en  dépendoit  et,  si  elle  estoit-  mariée,  si  sa 
bonne  fortune  se  perdroit.  Adjoustous  que  les  tesmoins  ocu- 
laires ont  déposé  qu'on  avoit  supprimé  plusieurs  choses  qui 
estoient  à  la  décharge  de  la  Pucelle,  et  inséré  d'autres  pour 
la  rendre  plus  criminelle. 

Article  XII 

«  Que  .Teanne,  pour  faire  réussir  son  dessein,  demanda  à  Bau- 
dricoui"  qu'il  lui  fist  faire  un  habillement  d'homme  et  des  armes 
propres  pour  elle  :  ce  qu'il  fit  malgré  lui,  détestant  cela;  mais 
tinalement  acquiesça  à  sa  demande.  Et  après  que  cet  habit  fut 
fait,  elle  rejetant  son  habit  de  femme,  fit  tondre  ses  cheveux  en 
rond  et  friser  à  la  mode,  revestue  d'un  gippon,  d'un  haut 
de  chausse  attaché  à  vingt  éguillettes,  bottée  et  esperonnée,  ayant 
une  espée,  une  dague,  une  cuirasse,  une  lance  et  autres  armes  que 
portent  les  gens  de  guerre.  Estant  ainsi  armée,  s'est  nieslée  parmi 
les  gens  d'armes  pour  faire  et  exercer  la  faction  de  guerre,  pu- 
bliant qu'elle  avoit  des  révélations  de  la  part  de  Dieu  de  faire  et 
négocier  tout  cela.  » 

La  Pu(;elle  repart  que  du  contenu  en  cet  article  elle  s'en 
rapporte  à  ce  qu'elle  a  déposé  ailleurs  sur  cette  matière. 

Pour  preuve  ce  Promoteur  allègue  que  le  vingt-deuxiesme 
febvrier  elle  a  confessé  que  ses  voix  lui  avoient  dit  qu'elle 
allast  à  Baudricour,  etc.  :  que  le  duc  de  Lorraine  l'avoit 
voulu  veoir  ;  qu'elle  lui  avoit  demandé  son  fils,  etc.  Voyez  la 
seconde  séance.  Oppose  encore  que  le  vingt-septiesme  feb- 
vrier, elle  avoit  respondu  que  c'estoit  peu  de  chose  que 
l'habillement  d'homme  qu'elle  portoit,  et  l'avoit  pris  par  le 
conseil  de  Dieu,  non  d'aucun  homme  (séance  quatriesme). 
'Voyez  aussi  la  huictiesme  et  quatorziesme  esquelles  il  est 
encore  parlé  de  cet  habillement.  Et  de  tout  cela  le  Promo- 


14  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLKANS 

teur  induit  la  confirmation  de  son  article,  duquel  la  Pucelle 
demeure  d'accord,  hors  les  calomnies  et  faussetés. 

Article  XIII 

«  Que  Jeanne  attribue  à  Dieu  et  aux  saints  d'avoir  fait  des 
commandements  contraires  à  l'honnesteté  du  sexe  féminin,  et  à 
la  loy  de  Dieu,  et  aux  constitutions  canoniques  de  l'Eglise  qui 
dépendent  aux  'femmes  de  porter  des  habillements  d  hommes  sous 
peine  d'anathème,  etc.  Qu'elle  a  porté  non  seulement  des  veste- 
ments  d'homme  contre  la  décence  du  sexe  féminin,  mais  pareille- 
ment contre  celle  des  hommes  morigénez  et  modestes  :  s'estant 
vestue  dissohiment,  portant  une  casaque  ouverte  des  deux  costés, 
ayant  esté  prise  avec  une  huque  d'or  tailladée,  ouverte  de  tous  cos- 
tés, portant  aussi  armes  offensives:  le  port  desquelles  vouloir 
attribuer  k  un  commandement  de  Dieu,  des  Anges  et  des  saintes 
vierges  est  un  blasphème  et  renverser  la  loy  de  Dieu,  les  saints 
canons,  scandaliser  le  sexe  féminin  et  toute  honnesteté,  introduire 
entre  les  hommes  des  exemples  de  toute  dissolution  et  les  inviter 
à  les  mettre  en  pratique.  » 

La  Pucelle  réplique  n'avoir  jamais  blasphémé  Dieu  ni  ses 
saints. 

Le  Promoteur,  pour  confirmer  son  dire,  allègue  tous  les 
interrogatoires  faits  à  la  Pucelle  sur  ce  port  d'habit  et  les 
responses  qu'elle  a  faites  ;  lesquelles  nous  passerons  sous 
silence,  attendu  qu'il  en  a  esté  parlé  en  l'article  précédent  et 
responses  à  icelui.  Et  faut  veoir  i'advertissement  sur  la 
quatriesme  séance. 

Article  XIV 

«  Que  Jeanne  ayant  plusieurs  fois  requis  qu'on  lui  permist  d'en- 
tendre la  messe,  ayant  esté  admonestée  de  quitter  l'habillement 
d'homme  quelle  porte  et  qu'on  lui  permettroit  d'ouyr  la  messe  et 
de  communier,  elle  n'a  jamais  voulu  acquiescer,  aymant  mieux 
ne  pas  communier  ni  participer  au  divin  service  que  de  quitter  son 
habillement  d'homme,  feignant  cela  estre  desplaisant  à  Dieu  :  en 
quoy  apparoist  son  opiniastreté  et  endurcissement  au  mal.  son 
deffaut  de  charité  et  désobéissance  à  l'Eglise,  et  le  mespris  des 
sacrements  de  Dieu.  » 


Et  h  ce  propos,  le  Promoteur  allègue  tous  les  interrogatoires 
et  les  responses  faites  sur  cette  matière  en  la  séance  sixiesme, 
le  troisiesme  mars,  en  la  treiziesme,  le  quinziesme  mars,  en 
la  quatorziesme,  dix-septiesrae  mars,  lesquelles  le  lecteur 
pourra  veoir,  ensemble  Tadvertissement  sur  la  quatorziesme 
séance,  auquel  toutes  ces  calomnies  sont  réfutées. 

Article  XV 

(I  Oue  Jeanne  estant  arrivée  en  la  présence  de  son  rov  Charles, 
hal)illée  et  armée  comme  dit  est,  entre  autres  choses  lui  en  pro- 
mit spécialement  trois.  Premièrement,  qu'elle  lèveroit  le  siège 
d'Orléans;  secondement,  quelle  le  feroit  couronner  à  Uheims;  la 
troisième,  quelle  le  vengoroit  des  ses  ennemis,  les  mettroit  tous  à 
mort  ou  les  chasseroit  du  royaume  de  France,  soit  Anglois  ou 
Bourguignons.  De  quo}-  elle  s'est  vantée  publiquement  en  plusieurs 
lieux.  Et  pour  faire  qu'on  lui  adjoutast  foy,  a  maintes  fois  usé  de 
divinations,  descouvranl  la  vie,  mœurs  et  faits  cachés  de  personnes 
vivantes  qu'elle  navoit  jamois  veues  ni  cognues  auparavant,  se 
vantant  cognoistre  cela  par  révélation.  » 

La  Pucelle  avoue  avoir  porté  de  la  part  du  Roy  du  ciel  des 
nouvelles  à  son  Roy,  que  nostre  seigneur  lui  rendroit  son 
royaume  et  le  feroit  couronner  à  Rheims  et  chasseroit  ses 
ennemis  :  outre,  confesse  avoir  esté  la  messagère  de  ces 
bonnes  nouvelles  de  la  part  de  Dieu  :  et  dit  au  Roy  qu'il  la 
mist  hardiment  en  œuvre,  et  qu'elle  lèveroit  le  siège  de 
devant  Orléans,  et  délivreroit  tout  le  royaume;  et  que  si  le 
duc  de  Bourgogne  ne  rendoit  l'obéissance  qu'il  debvoit,  son 
Roy  le  contraindroit  par  force.  Pour  le  regard  de  ce  qui  est 
porté  à  la  fin  dudit  article,  qu'elle  avoit  cognu  Robert  de 
Baudricour  et  son  Roy,  ne  les  ayant  jamais  veus  auparavant, 
elle  emploie  ce  qu'elle  en  a  déposé  ailleurs. 

Le  Promoteur,  en  confirmation,  allègue  que  le  vingt-dou- 
xiesme  febvrier,  séance  deuxiesme.  elle  déposé  avoir  cognu 
Baudricour  et  son  Roy,  ne  les  ayant  onques  veus,  et  que  ses 
voix  lui  révélèrent,  etc.  Item,  que  le  mardi,  treiziesme  mars, 
séance  dixiesme,  elle  avoit  esté  interrogée  sur  le  fait  d'un 
prestre  concubinaire  et  d'une  tasse  d'argent  qui  avoit  esté 
perdue,  et  respondit  n'avoir  onques  ouy  parler  de  cela.  De 


16  E.    RICIIER.    LA    l'UCELLE    D  ORLi:ANS 

sorte  que  ce   l'romoteur  prend  la  négative  pour  l'aflirma- 
tive,  ainsi  qu'il  fait  presque  tousjours  ailleurs. 

Article  XVI 

«  Que  dui-ant  le  temps  qu'elle  a  esté  avec  son  Roy,  lui  a  tous- 
jours  dissuadé,  et  aux  siens  pareillement,  de  faire  aucun  traité  de 
paix  ni  accord  avec  ses  ennemis,  les  excitant  à  mettre  tout  au  fil 
de  Tespée,  publiant  qu'on  n'auroit  jamais  la  paix  qu'avec  le  bout  de 
la  lance,  et  que  Dieu  l'avoit  ainsi  ordonné  :  que  les  ennemis  du 
Roy  ne  quitteroient  jamais  autrement  ce  qu'ils  occupoient  au 
royaume  ;  que  le  plus  grand  bien  qui  pouvoit  arriver  à  la  chres- 
tienté  estoit  de  les  débeller,  ainsi  qu'elle  disoit.  » 

La  Pucelle  repart  que,  pour  le  duc  de  Bourgogne,  l'a  requis 
par  lettres  et  par  ses  hérauts  ou  ambassadeurs  de  faire  la 
paix  avec  son  Roy  ;  que,  pour  les  Anglois,  on  ne  pouvoit 
avoir  paix  avec  eux,  sinon  qu'ils  se  retirassent  en  leur  pais 
d'Angleterre.  Et  pour  le  reste  de  cet  article,  se  rapporte  à  ce 
qu'elle  a  autresfois  déclaré. 

Le  Promoteur,  en  confirmation  de  son  dire,  allègue  qu'elle 
n'a  voulu  traiter  avec  le  capitaine  de  Jargeau,  ainsi  qu'il  est 
porté  en  la  séance  quatriesme  tenue  le  vingt-septiesme  feb- 
vrier. 

Article  XVII 

«  Que  Jeanne,  consultant  les  démons  et  usant  de  divinations,  a 
envoie  quérir  une  espée  en  l'église  de  sainte-Catherine-de-Fierbois, 
qu'elle  mesme  avoit  malitieusement  cachée  ou  fait  cacher  en  cette 
église,  afin  de  tromper  et  séduire  les  princes,  la  noblesse  et  le 
clergé,  et  leur  persuader  plus  facilement  qu'elle  auroit  eu  révéla- 
tion que  cette  espée  estoit  en  ce  lieu,  à  ce  que  par  après  on  lui 
adjoustast  plus  de  foy.  » 

La  Pucelle  respond  qu'elle  se  rapporte  à  ce  qu'elle  a  déposé 
le  vingt-septiesme  febvrier,  séance  quatre,  et  nie  absolument 
tout  le  reste  de  l'article. 

Or,  pour  preuve,  le  Promoteur  cote  la  mesme  séance  qua- 
triesme, que  le  lecteur  verra,  car  elle  ne  charge  aucunement 
cette  tille. 


17 


Article  XVIII 

«  Qu'elle  a  ensorcelé  ses  anneaux,  son  estandart,  et  quelques 
pièces  de  loile,  el  les  panonceaux  qu'elle  portoit  ou  faisoit  porter 
ù  ceux  de  sa  compagnie;  el  mesnie  qu'en  la  susdite  espée  trouvée 
par  révélation,  ainsi  qu'elle  ne  prétend,  léglise  sainte-Catherine- 
de-Fierbois.  pour  la  rendre  bien  fortunée,  elle  a  fait  plusieurs 
exécrations  et  conjurations  en  plusieurs  et  divers  lieux  ;  disant 
publiquement  que  cela  feroil  obtenir  une  grande  victoire  sur  les 
ennemis,  et  que  ceux  qui  porteroient  lesdits  panonceaux  ne  pour- 
roient  eslre  blessez  ni  recevoir  infortune  quelconque,  assaillant 
leurs  ennemis.  Chose  qu'elle  a  spécialement  publiée  à  Compiègne 
le  jour  de  devant  qu'elle  fit  sa  sortie  contre  le  duc  de  Bourgogne  : 
en  laquelle  sortie  plusieurs  de  ses  gens  ont  esté  blessez  et  pris,  et 
elle-mesme  la  esté  finalement.  Avoit  aussi  fait  publier  lesdits 
sortilèges  à  Saint-Denis,  excitant  l'armée  de  son  Roy  d'assaillir 
Paris.  » 

Le  vingt-septiesme  mars,  la  Pucelle  oppose  à  cet  article 
qu'elle  emploie  ce  qu'elle  avoit  autres  fois  confessé  sur  ce 
subject.  De  plus,  adjouste  qu'en  tout  ce  qu'elle  a  fait  il  n'y 
a  aucune  sorcelerie  ni  maléfice.  Et  quant  à  la  bonne  fortune 
de  son  estandart,  s'en  rapportoit  à  Nostre  Seigneur  qui  [la] 
lui  avoit  transmise. 

Or,  le  Promoteur  en  confirmation  produit  la  séance  qua- 
triesme  tenue  le  vingt-septiesme  febvrier,  où  il  est  parlé  de 
l'espée  qu'avoit  la  Pucelle.  Item,  la  cinquiesme  tenue  le 
premier  de  mars,  où  elle  est  interrogée  de  ses  panonceaux  et 
d'une  toile  que  ses  ennemis  feignoient  avoir  esté  portée  en 
procession,  etc.  Hem,  la  quatorziesme  et  quinziesme  où  il 
est  encore  parlé  desdils  anneaux.  En  toute  lesquelles  séances 
il  n'y  paroist  aucune  preuve  de  toutes  les  calomnies  de  ^.e  Pro- 
moteur ;  lequel  pour  donner  quelque  apparence  à  son 
dire,  ne  delavoit  pas  î^seulement]  asseurer  celte  fille  avoir 
publiquement  fait  et  publié  les  sorceleries  qu'il  lui  impute, 
présent  l'armée  du  Roy  à  Saint-Denis  où  estoit  le  Roy,  des 
princes  et  ecclésiastiques  comme  l'archevesque  de  Rheims, 
chancelier  de  France,  et  infinis  autres  :  car  qui  veut  faire 
croire  un  mensonge  le  doibt  rendre  probable.  Quant  à  Com- 


[b  E.    RICHEU.    LA    l'UCELLl!:    u'uhL'CANS 

piègnc,  lacalomnic  de  ce  Promoteur  est  encore  contestée  par 
les  actes  de  leur  prétendu  procez  qui  nous  apprennent  que  la 
Pucelle  y  entra  de  grand  matin,  faisant  sa  sortie  sur  la  ves- 
pre  fut  prise  le  mesme  jour  qu'elle  y  estoit  entrée.  Com- 
ment donc  peut-il  eslre  qu'elle  aye  fait  publiquement 
des  sorceleries  le  jour  de  devant  qu'elle  lit  sa  sortie  ?  Au  moins 
debvoit-il  dire  qu'elle  les  ;ivoit  faites  en  quelque  lieu  secret 
afin  de  mieux  faire  passer  cette  imposture.  Voyez  l'article 
cinquante-deuxiesme. 

Article  XIX 

«  Que,  par  une  grande  présomption  et  témérîlé,  elle  avoit  escrit 
des  lettres,  y  ayant  apposé  en  teste  ces  mots  Jésus  Maria  avec  le 
signe  de  la  croix,  et  les  avoit  envolées  au  Roy  d'Angleterre  et  au 
duc  de  Bethford,  pour  lors  régent  du  royaume  de  France,  et  à  tous 
les  seigneurs  et  capitaines  tenant  le  siège  d'Orléans  :  lettres  qui 
contiennent  plusieurs  clioses  pernicieuses,  peu  convenantes  avec  la 
foy  catholique,  desquelles  ensuit  la  teneur,  etc.  »  Ces  lettres  sont 
registrées  au  premier  livre  de  cette  histoire. 

Le  vingt-septiesme  mars,  la  Pucelle  contredit  cet  article  et 
maintient  n'avoir  fait  ni  envoyé  ces  lettres  par  orgueil  ou 
présomption,  mais. par  commandement  de  Notre  Seigneur  ;  et 
qu'elle  recognoistet  approuve  tout  le  contenu  esdites  lettres, 
trois  mots  exceptez. 

Le  Promoteur  allègue  sur  cela  la  deuxiesme  séance  tenue  le 
vingt-deuxiesme  febvrier,  en  laquelle  est  fait  mention  des- 
dites lettres.  Jlem,  la  sixiesme  tenue  le  troisiesme  mars,  où 
elle  fut  interrogée,  à  sçavoir  si  ceux  de  son  parti  se  persua- 
doient  qu'elle  fust  envoyée  de  Dieu,  etc.  Et  tout  cela  ne  charge 
aucunement  cette  fille. 

Quant  à  la  lecture  desdites  lettres  qui  fut  faite'à  la  Pucelle, 
répliqua  que  si  les  Anglois  avoientcruàses  lettres,  ils  eussent 
fait  sagement, ^et  que  devant  sept  ans  ils  cognoistroient  bien 
la  vérité  de  ce  qu'el'e  leur  a  rescrit,  et  que  de  tout  cela  elle 
s'en  rapporte  à  ce  qu'elle  a  autrefois  déclaré  :  qui  est  une 
déposition  bien  notable  et  prophétique. 


A    UOL'EN.    LE    PROCÈS  19 


Article  XX 


■  «  Ouô  par  la  teneur  desdites  lettres  on  cognoisl  clairement  que 
.leanne  a  esté  séduite  par  les  esprits  malins  qu'elle  consulte  sou- 
vent en  ses  affaires  pour  séduire  et  tromper  le  peuple  par  telles 
leintises  et  menleries.  » 

La  Pacellc  nie  absolument  avoir  jamais  rien  fait  par  le  con- 
seil des  esprits  malins.  Et  le  Promoteur  réplique  que  le  vingt- 
septiesme  febvrier,  séance  quatriesme,  elle  a  dit  qu'elle 
aynieroit  mieux  estre  tirée  à  quatre  chevaux  que  d'estre  venue 
en  France  sans  l'expresse  permission  de  Dieu.  Ce  qui  est 
mettre  pour  tout  avéré  et  concédé  ce  qui  est  en  débit,  sçavoir 
que  les  révélations  de  la  Pucelle  provenoient  des  esprits 
malins. 

Article  XXI 

«  Ou  elle  a  abusé  de  ces  noms  Jésus  Maria,  y  entremettant  le 
signe  de  la  croix,  et  s'en  servant  pour  donner  à  entendre  à  ceuxv 
auxquels  elle  rescrivoit,  qu'ils  ne  fissent  pas  ce  qu'elle  leur  man- 
doit,  ou  qu'ils  fissent  le  contraire.  » 

Le  XXVII^  mars,  la  Pucelle  oppose  qu'elle  se  rapporte  à 
ce  qu'elle  a  autres  fois  confessé  sur  cette  matière.  Et  le  Pro- 
moteur repart  que  le  dix-septiesme  mars,  séance  quinziesme, 
elle  avait  respondu  que  les  ecclésiastiques,  escrivans  des 
lettres,  y  mettoient  le  signe  de  la  croix  avec  ces  deux  mots 
Jésus  Maria.  N'est-ce  pas  là  un  sjrand  crime  ?  Voyez  l'adver- 
tissement  sur  la  séance  cinquiesme. 

Article  XXII 

«  (Ju  elle  a  usurpé  l'office  des  anges,  publiant  et  se  vantant 
d'estre  envoyée  de  Dieu,  mesme  pour  exercer  et  parfaire  les  voies 
de  fait  et  espandre  le  sang  humain,  et  autres  choses  qui  répugnent 
du  tout  à  la  sainteté  et  dont  une  àrae  pieuse  et  timorée  aurait 
horreur.  » 

Le  mardi  vingt-septiesme  mars  la  Pucelle  réplique  sur  cet 
article   avoir    premièrement  requis    qu'on  list  la   paix,    et 


20  E.    RICIIER.    —    LA    rUCELLE    D  ORLEANS 

remonstré,  au  cas  qu'elle   ne  fust  faite,  qu'elle  estoit  toute 
preste  de  combattre. 

Le  Promoteur  allègue  que  le  vingt-quatriesme  febvrier, 
séance  troisiesme,  elle  avoit  confessé  estre  envoyée  de  la  part 
de  Dieu,  et  qu'elle  n'avoit  que  faire  au  jugement  où  elle 
estoit  devant  l'Evesque  de  Beauvais,  et  qu'on  la  renvoyast  à 
Dieu  d'où  elle  venoit.  Plus,  le  dix-septiesmemars,  séance  qua- 
triesme,  avoir  dit  que  Dieu  l'avoit  envoyée  au  secours  du  Koy 
de  France.  Au  reste,  f'heureux  succès  des  affaires  du  Roy 
confirme  que  la  Pucelle  n'a  fait  aucune  chose  qui  répugne  à 
la  sainteté  d'une  femme,  puisque  Debbora  et  Judith  ont  eu 
mission  pour  délivrer  le  peuple  de  Dieu  par  voye  de  fait. 

Article  XXIII 

«  Qu'elle  a  receu  des  lettres  du  comte  d'Armagnac  au  mois 
d'aoust  1429,  estant  à  Compiègne,  dont  ensuit  la  teneur  : 

«  .Ma  très  chère  Dame,  je  me  recommande  humblement  à  vous, 
et  vous  supplie  pour  Dieu  que,  attendu  la  division  qui  est  à  pré- 
sent en  sainte  Eglise  universelle  sur  le  fait  des  Papes,  car  il  y  a 
trois  contendans  du  Papat  :  l'un  demeure  à  Rome  qui  se  fait 
appeler  .Martin  Quint,  auquel  tous  les  roys  chrestiens  obéissent  : 
l'autre  demeure  à  Paniscelle  au  royaume  de  Valence,  lequel  se  l'ait 
appeler  pape  Clément  VII;  le  tiers  on  ne  sçait  où  il  demeure  sinon 
seulement  le  cardinal  de  Saint-Etienne  et  peu  de  gens  avec  lui, 
lequel  se  fait  appeler  pape  Benoist  XIV.  Le  premier  qui  se  dit 
pape  Martin  fut  esleu  à  Constance  par  le  consentement  de  toutes 
les  nations  des  chrestiens.  Celui  qui  se  fait  appeler  Clément  fut 
esleu  à  Paniscelle  après  la  mort  du  pape  Benoist  XIII  par  trois  de 
ses  cardinaux.  Le  tiers  qui  se  nomme  pape  Benoist  .XIV,  à  Panis 
celle,  fut  esleu  secrètement,  mesme  par  le  cardinal  de  Saint- 
Estienne.  Veuillez  supplier  à  Nostre  Seigneur  Jésus-Christ  que  par 
sa  miséricorde  inflnie  nous  veuille  par  vous  déclarer  qui  est  des 
trois  dessus  dits  vray  Pape,  auquel  plaira  qu'on  obéisse  de  ci  en 
avant,  ou  à  celui  qui  se  dit  Martin,  ou  à  celui  qui  se  dit  Clément, 
ou  à  celui  qui  se  dit  Benoist,  auquel  nous  devons  croire;  si  secrète- 
ment ou  par  aucune  dissimulation,  ou  publique  et  manifeste.  Car 
nous  serons  tous  prests  de  faire  le  vouloir  et  plaisir  de  Nostre  Sei- 
gneur Jésuchrist. 

«  Le  tout  vostre  comte  d'Armignac.  » 

Suit  la  Vesponse  de  la  Pucelle  aux  dites  lettres. 


A    un  L'EN.    LE    PROCÈS  21 

«  Comle  d'Armignar.  mon  très  cher  et  bon  ami,  Jehanne  la 
l'iicelle  vous  fait  sçavoir  que  votre  messager  est  venu  par  devers 
moi,  lequel  ma  dit  que-  Tavez  envoyé  par  deçà  pour  sravoir  de 
moj  auquel  des  trois  Papes  que  mandez  par  mémoire  vous  deb- 
vriez  croire.  De  laquelle  chose  je  ne  puis  bonnement  faire  sçavoir 
au  vray  pour  le  présent,  jusques  à  ce  que  je  sois  à  Paris  où 
ailleurs  à  requoy  ;  car  je  suis  pour  le  présent  trop  empeschée  au 
fait  de  la  guerre.  IMais  quand  vous  sçaurez  que  je  seray  à  Paris, 
envoyez  un  messager  par  devers  moy,  et  je  vous  ferai  sçavoir  tout 
au  vray  auquel  vous  debvrez  croire,  et  qu'en  auray  sceu  par  le 
conseil  de  mon  droiturier  et  souverain  Seigneur  le  Roy  de  tout  le 
monde,  et  qu'en  aurez  affaire.  A  tout  mon  pouvoir  à  Dieu  vous 
commans.  Dieu  soit  garde  de  vous.  Escript  à  Compiègne  le  wn" 
jour  d'aoust.  » 

De  ces  lettres  le  Promoteur  induit  que  la  Pucelle  pre'sumant 
trop  de  soy  et  mesprisant  l'autorité  de  l'Eglise  universelle, 
préfère  son  dire  et  conseil  à  l'autorité  de  l'Eglise  :  disantque 
dans  un  certain  temps  elle  donnera  certaine  response  au 
comte  d'Armagnac  auquel  des  trois  Papes  il  debvra  obéir. 

Or  à  tout  cela  [la  Pucelle]  repart  qu'elle  emploie  la  response 
qu'elle  a  faite  autres  fois,  estant  interrogée  sur  ce  subject. 
Voyez  la  cinquiesme  séance  tenue  le  premier  jour  de  mars, 
laquelle  le  Promoteur  cote  ssmblablement  pour  lui,  mais  très 
mal  à  propos,  attendu  qu'elle  descharge  la  Pucelle. 

Article  XXIV 

«  Que  depuis  sa  jeunesse,  de  jour  en  jour,  elle  s'est  vantée  et  se 
vante  encore  ordinairement  qu'elle  a  eu  et  a  encore  plusieurs 
révélations  et  visions  ;  et  combien  qu'elle  aye  esté  plusieurs  fois 
charitablement,  juridiquement  et  souvent  admonestée,  et  requise 
par  serment  d'en  donner  des  preuves  ou  signes  suffisans  de  paroles 
ou  delfect,  néantmoinsa  tousjours  refusé  de  le  faire,  y  a  contredit 
comme  elle  fait  encore  aujourdhuy,  ayant  dit  plusieurs  fois  qu'elle 
ne  révélerait  .pas]  à  ses  juges  lesdites  révélations  et  visions,  quand 
mesme  elle  debvroit  perdre  la  vie  et  estre  mise  en  quartiers,  et 
quelle  ne  déclareroit  onques  le  signe  que  Dieu  lui  avoit  donné, 
au  moyen  duquel  on  avoit  cognu  qu'elle  esloit  envoyée  de  Dieu.  » 

La  Pucelle  respond  avoir  bien  pu  dire  quelquefois  qu'elle 
ne  révéleroit  pas  ce  signe  ;  mais  que  d'autres  fois  elle  a  con- 


22  E.    UICHER.    —    LA     PUCEIXE    D  oni.EANS 

fessé  qu'elle  ne  le  révélcroit  jamais  sans  la  permission  de 
Dieu,  et  que  cela  doibt  eslre  adjouslé  en  sa  confession  ou 
déposition. 

Le  Promoteur  allègue,  pour  confirmation  de  son  dire,  que 
le  XXIP  febvrier,  seconde  séance,  elle  a  dit  qu'il  ne  se  passe 
aucun  jour  qu'elle  n'entende  ses  voix  et  quelle  en  a  bien 
besoin.  Que  le  XXIV  febvrier,  séance  troisiesme,  ses  voix 
lui  dirent  beaucoup  de  choses  la  nuitpour  le  bien  de  son  Roy 
qu'elle  voudroitbien  qu'il  sceust  et  qu'elle  nedeust  boire  vin 
jusques  à  Pasques,  qu'il  en  seroit  plus  joyeux  à  son  disner, 
etc.  Que  le  jeudi,  premier  de  mars,  séance  cinquiesme,  inter- 
rogée de  quelle  figure  estoit  saint  Michel,  respond  qu'elle 
ne  lui  a  point  vu  de  couronne  et  qu'elle  ne  sçait  rien  de  ses 
veslemens.  Enquisse  s'il  estoit  tout  nud  :  Pensez-vous,  dit- 
elle,  que  NostreSeigneur  Jésus-Christ  n'aye  de  quoylevestir? 
Item,  le  jeudi  XVP  mars,  séance  treiziesme,  interrogée  de  la 
grandeur  et  stature  de  l'Ange  qui  lui  apparoissoit.  réplique 
qu'elle  leur  répondroit  le  samedi  prochain  ce  qu'il  plairoit  à 
Dieu  lui  révéler,  etc.  Il  allégua  plusieurs  autres  sembla- 
bles lieux  auxquels  la  Pucelle  ne  respond  [pas  directement, 
d'autant  que  cela  n'estoit  pas  du  procez,  et  qu'ellene  reco- 
gnoissoit  pas  l'Evesque  de  Beauvais  ni  ses  assesseurs  pour  ses 
juges,  mais  pour  ennemis  mortels.  Et  d'ailleurs  aussi,  [parce] 
qu'ils  lui  faisoient  infinies  questions  hors  de  propos,  au  lieu 
de  l'interroger  des  articles  de  la  foy  et  de  ce  que  chacun 
chrestien  est  tenu  de  sçavoir  selon  sa  portée  et  capacité. 

Article  XXV 

Le  Promoteur  conclud  des  clioses  qu'il  a  alléguées  sur  le  pi*écé_ 
dent  article  «  qu'on  peut  facilement  conjecturer  que  les  préten- 
dues visions  et  apparitions  de  cette  femme  proviennent  plus  tost 
des  esprits  malins  que  des  bons  anges,  considéré  la  sévérité. 
orgueil,  gestes,  faits,  mensonges  et  contradictions  des  propos  qui 
résultent  des  articles  sus  déclarez  :  que  cela  fait  et  doit  estre  tenu 
pour  présomption  de  droit.  » 

Le   mercredi   après  le   dimanche  des   Rameaux',  vingt- 

].  La  lecturi^  tlu  i'<'iiuisiLoire.  coinmoncée  le  mardi  27  mars,  se  pour- 
suivit et  s'acheva  le  lendemain  mercredi.  Il  v  eut  donc  deux   srancos 


A    ROTEX      — •    1,15    l'UOCES  23 

huitiesme  mars,  la  Pucelle  re^pondit  qu'elle  niait  absolument 
cet  article  ;  mais  au  reste  soutiendroit  jusques  à  la  mort 
n'avoir  fait  aucune  chose  sinon  par  la  révélation  de  sainte 
('uitherine  et  Marguerite.  Confesse  avoir  esté  conseillée  par 
aucuns  de  son  parti  de  mettre  ces  mots  Jésus  Maria  en 
aucune  [quelqu'une '  de  ses  lettres,  et  en  d'autres  non.  Item, 
quand  elle  a  dit  que  tout  ce  qu'elle  a  fait  est  fait  par  le  con- 
seil de  Dieu,  [elle]  entend  que  Dieu  doit  avoir  tout  ce  qu'elle  a 
fait  de  bien. 

Ce  mesmejour  on  lui  demanda  si,  allant  devant  la  ville  de 
La  Charité  et  de  Paris,  elle  avoit  bien  ou  mal  fait.  Piéplique 
que  si  elle  a  mal  fait,  elle  s'en  confessera  ;  et  que  la  noblesse 
française  avait  voulu  aller  devant  Paris,  et  qu'il  lui  semble 
qu'ils  ne  faisoient  que  leur  devoir,  assaillant  leurs  ennemis. 
Notez  qu'en  cet  article  le  Promoteur  accuse  la  Pucelle  de 
sévérité,  et  conséquemment  de  gi'avité  qu'il  appelle  injurieu- 
sement  orgueil.  Ce  qui  sert  pour  montrer  qu'elle  n'avoit  rien 
de  léger,  contre  le  naturel  de  son  sexe. 

Article  XXVI 

«  Que  témérairement  et  présomptueusement  elle  s'est  vantée  et 
se  vante  de  sravoir  les  choses  tant  futures  que  passées,  et  les  pré- 
sentes occultes  ou  cachées,  s'attribuant  elle  simple  créatare 
humaine  ce  qui  est  dû  et  réservé  à  la  seule  divinité.  » 

La  Pucelle  contredit  cet  articles  asseurant  qu'il  est  au 
pouvoir  de  notre  Seigneur  de  révéler  ses  secrets  à  qui  il  lui 
plaist,  et  que  pour  le  regard  de  Tespée  de  sainte  Catherine 
de  Fierbois  et  autres  choses  à  advenir  qu'elle  a  prédites,  a 
sceu  cela  par  révélation. 

Le  Promoteur,  pour  confirmation  de  son  dire,  allègue  plu- 
sieurs choses  futures  qu'elle  a  énoncées,  sçavoir  que  le  due 
de  Bourgogne  aura  la  guerre  s'il  ne  fait  ce  qu'il  doibt;  qu'elle 

consécutives.  Larlicle  auquel  la  IHicelte  répond  avait  été  lu  le  mer- 
credi, jour  de  la  seconde  séance. 

1.  Cet  article  et  les  suivants  ayant  été  lus  publiquement  le  mercredi 
28  mars,  c'est  ce  même  jour  que  la  Pucelle  y  répond.  Nous  supprimons 
la  redite  :  Le  28  mars,  etc. 


-*  E.    RICIIER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

avoit  prédit  qu'elle  feroil  lever  le  siège  d'Orléans,  el  sravoir 
bien  qu'elle  seroit  blessée  h  l'assaut  de  la  bastille  des  Tour- 
nelles  ;  que  devant  qu'il  soit  sept  ans  les  Anglais  perdroient 
un  plus  grand  gage  qu'ils  n'avoient  fait  devant  Orléans,  etc.; 
et  propose  tout  ce  qu'elle  a  prédit,  qui  est  entièrement 
registre  au  procès  d'office,  et  mesme  de  sa  prise,  et  qu'elle 
eust  tiré  le  duc  d'Orléans  de  prison,  et  de  sa  délivrance  pour 
martyre,  que  ses  voix  lui  disent  qu'elle  supporte  cela  de  bon 
cœur,  etc. 

Article  XXVII 

«  Que  Jeanne  persévérant  en  sa  témérité  et  présomption  a  dit  et 
publié  qu'elle  cognoissoit  les  voix  des  Archanges,  Anges,  saints  et 
saintes  du  paradis,  et  qu'elle  les  peut  discerner  d'entre  les  voix 
humaines.  » 

La  Pucelle  oppose  au  susdit  article  qu'elle  emploie  ce 
qu'elle  a  autres  fois  allégué  sur  ce  subject,  et  pour  ce  qu'on 
l'accuse  de  témérité  et  présomption,  qu'elle  s'en  rapporte  à 
Dieu  qui  est  son  juge. 

Le  Promoteur  sur  cela  guette  tous  les  interrogatoires  qu'on 
lui  a  fait  des  anges  et  ce  qu'elle  y  a  respondu,  registre  au 
procès  d'office  que  le  lecteur  verra,  car  tout  cela  ne  charge 
point  cette  fille  :  que  si  l'ange  s'est  manifesté  à  l'asnesse  de 
Balaam,  pourquoy  non  à  la  Pucelle  ? 

Article  XXVIII 

«  Qu'elle  s'est  vantée  et  a  dit  pouvoir  cognoistre  et  discerner  les 
hommes  que  Dieu  ayme  le  plus  ou  qu'il  hait.  » 

Respond  qu'elle  se  rapporte  à  ce  qu'elle  a  dit  autres  fois 
de  son  Roy  et  du  duc  d'Orléans;  que  des  autres  hommes  elle 
n'en  sçait  rien.  Item,  a  dit  qu'elle  seait  bien  que  Dieu  ayme 
plus  son  Roy  et  le  duc  d'Orléans  qu'elle-mesme  pour  ce  qui 
est  de  l'ayde  et  garde  de  leurs  corps  ;  qu'elle  seait  cela 
par  révélation.  Notez  qu'elle  parle  de  leurs  corps  et  non  de 
l'âme. 

Le  Promoteur  expose  là-dessus  ce  que  la  Pucelle  a  déposé 
sur  cette  matière  au  procez  d'office,  chose  qu'il  n'est  besoin 


A    ROUEN.    LE    PROCÈS  2a 

de  répéter  en  ce  lieu,  veu  qu'elle  n'a  parlé  que  bien  à  propos. 
Voyez  la  quatriesnic  séance. 

Article  XXIX 

«  Qu'elle  a  dit,  publié  et  s'est  vantée  que  par  son  moyen  plu- 
sieurs hommes  avoient  vrayment  cogau  sa  voix;  encore  que  cette 
voix,  de  sa  nature,  soit  invisible  aux  créatures  humaines.  » 

LaPucelle  dit  qu'elle  se  rapporte  du  contenu  en  cet  article 
à  ce  qu'elle  en  a  déposé  ailleurs.  Et  le  Promoteur  allègue 
qu'elle  a  confessé,  le  vingt-deuxiesnie  febvrier,  seconde 
séance,  que  ceux  de  son  parti  ont  bien  cognu  ses  voix,  et 
qu'elles  venoient  de  la  part  de  Dieu,  et  que  mesme  son  Roy 
l'a  bien  cognu,  etc.  Mais  le  Promoteur  use  de  cavillation  et 
détorque  le  dire  de  la  Pucelle  en  tout  autre  sens  qu'elle  ne 
l'a  proposé.  Car  elle  n'a  ;pas]  parlé  simplement  des  voix  qui 
parloient  et  se  manifestoient  à  elle,  mais  seulement  des  effets 
d'icelles  et  signes  quelle  avoit  donnés  au  Roy,  aux  prélats  et 
seigneurs  de  sa  cour,  ayant  découvert  au  Roy  plusieurs 
choses  secrètes  qu'il  n'avoit  jamais  révélées  à  personne  ; 
outre  que  la  levée  du  siège  d'Orléans,  le  couronnement  du 
Roy  et  tant  de  villes  réduites  en  son  obéissance  sans  effu- 
sion de  sang,  faisoient  cognoistre  que  les  voix  de  la  Pucelle 
venoient  de  Dieu,  ainsi  que  nous  avons  remarqué. 

Article  XXX 

«  Que  Jeanne  ayant  confessé  plusieurs  fois  avoir  fait  le  contraire 
de  ce  que  les  voix  quelle  se  vante  avoir  de  Dieu  lui  conseilloient, 
—  comme  quand  elle  partit  de  Saint-Denis  après  l'assaut  donné  à 
Paris,  et  quand  elle  sauta  de  la  tour  du  chasteau  de  Beaurevoir,  et 
en  quelques  autres  choses,  —  elle  fait  cognoistre  n'avoir  jamais 
eu  de  révélations  de  la  part  de  Dieu,  ou  que  si  elle  en  a  eu,  elle  les 
a  aiesprisées,  et  conséqiiemment  aussi  le  conseil  qu'elle  dit  avoir 
de  Dieu  pour  sa  direction.  De  plus,  a  dit  que  quand  elle  fut 
incitée  de  sauter  de  la  tour  de  Beaurevoir,  elle  eut  commandement 
de  ne  pas  le  faire,  mais  qu'il  lui  fust  lors  impossible  de  s'en  abste- 
nir. En  quoy  elle  monstre  avoir  une  pernicieuse  opinion  du  franc 
arbitre  des  hommes  et  tenir  l'erreur  de  ceux  qui  estiment  que  la 


•JO  E.    RICHER.    LA    l'UCELLE    D  ORLEANS 

volonté  humaine  soit  forcée   et  nécessitée  par  certaines  disposi- 
tions fatales.  » 

Respond  à  cet  article  qu'elle  se  rapportoit  à  la  déposition 
qu'elle  avoit  faite  autres  fois  sur  cela.  Et  adjousta  que  par- 
tant de  Saint-Denis,  elle  avoit  eu  permission  de  s'en  aller. 

Enquise  si  faisant  contre  le  précepte  de  ses  voix,  elle 
croyoit  nr  pas  pe'cher  mortellement,  répliqua  avoir  autres 
fois  satisfait  à  cela  et  emploioit  ladite  response  ;  et,  pour  la 
conclusion  de  l'article,  s'en  rapportoit  à  Dieu. 

Le  Promoteur,  pour  confirmer  son  induction,  allègue  que 
le  vingt-deuxiesme  febvrier,  seconde  séance,  les  voix  de  la 
Pucelle  lui  conseillèrent  de  demeurer  à  Saint-Denis,  et  que 
es  seigneurs  l'emmenèrent  malgré  elle,  etc.  Ilem,  le  samedi 
dixiesme  mars,  séance  septiesme,  avoir  confessé  si  elle  eust 
sceu  l'heure  qu'elle  devoit  estre  prise,  qu'elle  n'eust  fait 
librement  sa  sortie;  toutes  fois  qu'elle  eust  obéi  à  ses  voix 
quoy  quil  en  dust  arriver.  Plus,  que  le  jeudi  quinziesme 
mars,  séance  treiziesme,  confessa  avoir  toujours  accompli  ce 
que  ses  voix  lui  avoient  commandé  autant  qu'il  lui  avoit  été 
possible;  mais  pour  le  saut  qu'elle  avoit  fait  de  la  tour  du 
chasteau  de  Beaurevoir,  elle  l'avoit  fait  contre  leur  comman- 
dement, etc.  Et  que  la  chose  en  quoi  elle  les  avoit  jamais  les 
plus  offensées,  estoit  d'avoir  sauté,  etc.  Toutes  lesquelles 
responses  sont  excuses  valables  pour  la  Pucelle  ;  joint  que 
les  plus  saints  personnages  ont  commis  plusieurs  péchés  par 
infirmité  humaine,  ainsi  que  nous  avons  prouvé  ailleurs  : 
mesme  saint  Pierre  qui  renia  par  trois  fois  Notre  Seigneur 
avec  blasphèmes.  Au  surplus,  il  n'y  a  'pas  de  répugnance  que 
ses  voix  lui  ayent  conseillé  de  demeurer  à  Saint-Denis,  el 
après  rayent  laissée  en  pleine  liberté  de  s'en  aller,  attendu 
sa  blessure  et  que  les  seigneurs  la  vouloient  avoir  avec  eux 
comme  un  ange  de  bonnes  nouvelles. 

Article  XXXI 

«  Encore  que  depuis  les  temps  de  sa  jeunesse  .loanne  ave  dit, 
faitel  perpétré  plusieiu's  maux  infâmes,  scandaleux  et  peu  conve- 
nables à  son  sexe,  et  beaucoup  de  crimes  et  péchés,  néanlmoins 


A    nODKN.    LE    PROCES  27 

elle  a  mainlcnu  que  tout  ce  quelle  a  fait  et  qu'elle  faii-ail  [ti-o- 
vienl  (le  Dieu  pai"  le  moyen  des  révélations  qu'elle  dit  avoii-  des 
Anges  et  (le  saintes  Catherine  el  i^Iarguerite.  » 

La  Pucelle  réplique  qu'elle  emploie  la  déposition  qu'elle  a 
faite  autres  fois  à  raison  dudit  article. 

Le  Promoteur,  pour  fortifier  ses  calomnies,  repari  que  le 
vingt-quatriesme  febvrier,  troisiesme  séance,  elle  a  confessé 
que  n'estoit  la  grâce  de  Dieu,  elle  ne  pourroit  faire  aucune 
chose;  et  qu'étant  interrogée  s'il  y  avoit  en  son  village 
quelqu'un  du  parti  des  Bourguignons,  respondit  n'y  en  avoir 
qu'un  seul  à  qui  elle  voudrait  voir  la  teste  coupée,  s'il  plai- 
soit  à  Dieu;  et  que  depuis  qu'elle  avoit  cognu  que  ses  voix 
estoient  pour  le  Roy  de  France,  n'avoir  pas  aymé  les  Bour- 
guignons. One  le  quinziesme  mars,  séance  treiziesme, 
enquise  si  elle  avoit  jamais  rien  fait  contre  le  conseil  de  ses 
voix,  déposa  qu'étant  devant  Paris  à  la  requeste  de  la 
noblesse,  elle  avoit  fait  une  vaillance  d'armes,  et  avoir  aussi 
esté  devant  La  Charité  à  la  requeste  de  son  Roy,  etc.  Voyez 
les  dites  séances,  ensemble  les  Adverlissements  sur  icelles. 

Article    XXVII 

«  Encore  que  le  juste  tombe  sept  fois  le  jour,  toutes  fois  Jeanne 
a  dit  et  publié  qu'elle  n'avoit  onques  fait  et  ne  croyait  avoir  fait 
les  oeuvres  de  péché  mortel  :  ores  toutes  fois  qu'elle  aye  commis 
tout  ce  que  les  gens  de  guerre  ont  accoustumé  de  faire,  et  plus 
encore,  ainsi  qu'il  appert  par  plusieurs  articles  précédents  etsubsé- 
quents.  » 

La  Pucelle  emploie  contre  ledit  article  ce  qu'elle  a  déposé 
ailleurs  surjes  faits  contenus  en  icelui. 

Le  Promoteur  allègue  au  contraire  que  le  vingt-quatriesme 
febvrier,  séance  troisiesme,  estant  enquise  si  elle  estoit  en 
grâce,  avoir  respondu  :  Si  je  n'y  suis,  Dieu  m'y  mette;  si  j'y 
suis,  Dieu  m'y  veuille  bien  tenir.  Et  que,  si  elle  sçavoit 
n'estre  pas  en  grâce,  elle  en  seroit  grandement  faschée  :  et 
que  si  elle  estoit  en  péché  mortel,  qu'elle  pense  que  ses  voix 
ne  la  visiteroient  pas,  etc.  Item,  que  le  premier  jour  de 
mars,  séance  cinquiesme,  elle  estoit  bien  joyeuse  ayant  ses 


2S  E.    RICHER.    LA    l'UCELLE    D  ORLEANS 

voix,  et  qu'il  lui  sembloit  n'eslre  [pas]  en  péché  mortel. 
Voyez  ladite  séance  sur  cette  matière,  et  vous  aurez  subject 
de  vous  esbahir  de  l'impudence  de  ce  Promoteur,  comme 
pareillement  de  ce  qu'il  expose  qu'elle  a  fait  mourir  Franquet 
d'Arras,  fait  assaillir  Paris  un  jour  de  feste,  qu'elle  avoit 
sauté  de  la  tour  de  Beaurevoir,  qu'elle  avoit  pris  un  habit 
d'homme  et  quitté  celui  de  femme,  et  pris  le  cheval  de  TEves- 
que  de  Senlis,  etc.  C'est  en  l'onziesme  et  douziesme  séances 
tenues  le  quatorziesme  mars,  où  la  Puceile  respond  si  préci- 
sément aux  dites  objections  qu'il  n'y  a  que  désirer  ni 
adjouster.  Au  reste,  le  texte  de  l'Escriture  qu'il  allègue  que  le 
juste  tombe  sept  fois  le  jour,  ne  s'entend  pas  du  péché  mor- 
tel mais  véniel. 

Article  XXXIII 

((  Que  Jeanne  sans  avoir  soin  de  son  salut,  par  la  persuasion  du 
diable,  n'a  pas  eu  honte  de  recevoir  le  corps  de  Nostre  Seigneur 
en  pkisieurs  et  divers  lieux,  ayant  un  habit  viril  et  dissolu,  qui  lui 
est  prohibé  et  deffendu  par  la  loy  de  Dieu  et  de  l'Eglise.  » 

La  Puceile  contredit,  emploiant  ce  qu'elle  a  déposé  ailleurs 
sur  le  port  de  cet  habillement,  et  que  de  cet  article  s'en  rap- 
porte à  Dieu. 

Sur  cela  le  Promoteur  allègue  ce  qui  est  registre  en  la 
sixiesme  séance  touchant  la  déposition  de  la  Puceile,  sça- 
voir  qu'elle  a  plusieurs  fois  communié  avec  l'habit  qu'elle 
portoit. 

Article  XXXIV 

«  Que  par  désespoir,  en  haine  et  mespris  des  Anglois.  et  à  cause 
de  la  ruine  de  Compiégne  qu'on  lui  avoit  dit  estre  proche,  elle  se 
précipita  du  faîte  d'une  haute  tour  par  l'instigation  du  diable  qui 
l'incita  de  ce  faire,  ayant  plus  d'esgard  à  sauver  les  corps  que  les 
âmes,  tant  de  soy  que  d'autrui,  s'estant  maintes  fois  vantée  qu'elle 
se  tueroit  plus  tost  que  de  permettre  qu'elle  fust  livrée  entre  les 
mains  des  Anglois.  » 

La  Puceile  oppose  pour  response  audit  article  ce  qu'elle  a 
déposé  autres  fois  sur  les  faits  contenus  en  icelui.  Voyez  la 


A    IIUUEN,    —    Lli    l'RUCLS  29 

sixiesme  séance  pareillement  alléguée  par  le  Promoteur,  la- 
quelle ne  fait  rien  pour  lui,  mais  justifie  la  Pucelle,  que  Dieu 
permit  de  succomber  à  une  tentation  humaine  dont  par 
après  il  la  délivra,  ainsi  qu'il  est  arrivé  à  plusieurs  saints 
personnages.  «  Ne  soyez  prévenu  d'aucune  tentation  sinon 
humaine  :  Dieu,  qui  est  fidèle,  ne  permettra  pas  que  vous 
soyez  tenté  par  dessus  vos  force  et  vous  donnera  la  force  d'y 
pouvoir  résister.  »  {Première  aux  Corinthiens,  X). 

Article  XXXV 

«  Qu"elle  a  dit  et  publié  que  sainte  Catherine  et  sainte  Margue- 
rite, voire  mesme  saint  Michel,  avoient  des  membres  corporels,  à 
sçavoir  une  teste,  des  jeux,  un  visage,  des  cheveux,  etc.,  et 
qu'elle  avoit  manié  de  ses  mains  et  embrassé  lesdites  sarintes.  » 

La  Pucelle  se  rapporte  à  ce  qu'elle  a  dit  de  cela  autres  fois. 
Et,  à  ce  propos,  le  Promoteur  allègue  que  le  dix-septiesme 
mars,  elle  a  confessé  avoir  embrassé  saintes  Catherine  et 
Marguerite,  et  qu'elles  sentoient  bon,  etc.  Voyez  les  qua- 
triesme,  quatorziesme  et  quinziesme  séances. 

Article  XXXVI 

«  Qu'elle  a  dit  et  publié  maintes  fois  que  les  saints  et  saintes.' 
anges  et  archanges,  parloient  le  langage  françois  et  non  anglois.  et 
qu'ils  ne  sont  pas  du  parti  anglois,  mais  du  parti  françois  :  asseu- 
rant  que  les  saints  et  saintes  qui  sont  en  gloire  haïssent  un 
royaume  catholique  et  une  nation  adonnée  à  la  vénération  des 
saints,  conformément  à  l'ordonnance  de  l'Eglise  :  [ce]  qui  est  faire 
une  grande  injure  aux  saints  bienheureux.  » 

Cet  article  ayant  esté  lu  de  mot  à  mot  ;i  la  Pucelle,  respon- 
dit  qu'elle  emploioit  ce  qu'elle  avoit  autres  fois  confessé 
sur  les  faits  allégués  en  icelui. 

Et  le  Promoteur,  en  confirmation  de  sa  calomnie,  cite  que 
le  premier  de  mars  elle  déposa  que  la  voix  qui  la  visitoit 
esloit  belle,  douce  et  humble  et  qu'elle  parloit  françois.  Et 
interrogée  si  elle  parloit  anglois,  respondit  :  Et  comment 


30  E.    RICIlEn.    —    r.A    PUCELLE    D  ORLEANS 

parleroit-cUe  aiiglois,  veuqu'elle  n'est  pasdu  côtédes  Anglois? 
C'est  en  la  séance  cinquiesme. 

Mais  le  calomniateur  ne  rapporte  pas  toute  la  proposition, 
et,  davantage,  il  change  Testât  de  l'aiïaire.  Car  les  voix  de  la 
Pucelle  lui  donnent  conseil  d'aller  au  secours  du  Hoy  de 
France,  et  à  elle  qui  est  Françoise  ne  parlent  que  françois  et 
s'accommodent  à  sa  capacité.  Ses  juges  iniques  changent 
Testât  de  la  question  pour  la  troubler  et  lui  demandent  si  ses 
voix  parlent  anglois.  Elle,  persistant- en  sa  première  ques- 
tion, sçavoir  qu'elles  lui  parloient  françois  et  conseilloient 
d'aller  au  secours  du  Roy  de  France,  respond  selon  son  sens  : 
Et  comment  parleroient-elles  anglois,  veu  qu'elles  ne  sont 
pas  de  ce  cùté-là?  Voilà  ce  qui  est  contenu  en  la  séance  cin- 
quiesme. 

Depuis,  en  la  quatorziesme  tenue  le  dix-septiesme  mars, 
pensant  surprendre  cette  fille,  [ses  juges]  lui  demandent  si 
saintes  Catherine  et  31arguerite  haïssent  les  Anglois.  Elle 
réplique  qu'elles  ayment  ce  que  Dieu  ayme  et  haïssent 
aussi  ce  qu'il  hait.  Interrogée  si  Dieu  hait  les  Anglois, 
repart  :  Que  pour  ce  qui  est  de  Tamour  ou  de  la  haine  quant 
à  leur  âme,  n'en  sçavoir  rien,  ou  de  ce  qu'il  leur  fera  ;  mais 
qu'elle  sçait  bien  qu'il  seront  chassez  de  France  et  que 
Dieu  envoiera  une  victoire  aux  François  contre  les  Anglois. 

Ils  lui  demandent  encore  si  Dieu  estoit  pour  les  Anglois, 
quand  ils  estoient  en  prospérité  en  France,  llespond  qu'elle 
ne  sçait  pas  si  Dieu  ha'issait  les  François;  qu'elle  croit  bien 
qu'il  vouloit  permettre  qu'ils  fussent  chastiez  pour  leurs 
péchez,  s'ils  en  avoient.  Lesquelles  responses  font  veoir  que 
cette  fillje  estoit  illuminée  de  l'esprit  de  Dieu.  Car  un  théolo- 
gien ne  sçaurait  répondre  plus  à  propos.  Et  la  calomnie  de 
ce  Promoteur  demeure  pleinement  confutée. 

Article  XXXVII 

«  Ou'elle  s'est  vantée  et  se  vante  que  saintes  Catherine  et  Mar- 
guerite lui  ont  promis  de  la  mener  en  paradis,  et  Tont  asseurée 
qu'elle  sera  sauvée,  pourvu  qu'elle  garde  sa  virginité  ;  et  qu'elle  en 
est  bien  certaine.  » 


A    ROUEN.    —    LE    PllOCES  3t 

Notez  que  cet  article  répugne  au  vau  de  ville  couché  au 
douziesme  article,  sçavoir  qu'elle  auroit  dit  à  Baudricour 
qu'elle  auroit  trois  enfants. 

La  Pucelle  sur  cela  emploie  ce  quelle  a  dit  et  déposé  ail- 
leurs. Et  tout  ce  que  le  Promoteur  allègue  sert  à  sa  justifica- 
tion, sçavoir  que  le  vingtdeuxiesme  febvrier,  séance 
deuxiesme,  elle  a  déposé  n'avoir  jamais  demandé  à  ses  voix, 
autre  chose  que  le  salut  de  son  âme.  Et  le  mercredi  quator- 
ziesme  mars,  séance  onziesme,  qu'elle  respondit  croire  fer- 
mement ce  que  ses  voix  lui  ont  dit,  sçavoir  qu'elle  sera 
sauvée,  et  qu'elle  tient  cela  aussi  asseuré  que  si  elle  estoit 
desjà  ou  royaume  des  cieux. 

Interrogée  si  après  cette  révélation  elle  croit  ne  pouvoir 
pécher  mortellement,  confesse  n'en  sçavoir  rien  et  qu'elle 
s'en  rapporte  à  Dieu.  Et  comme  on  lui  dit  que  cette  response 
estoit  de  grand  poids,  repart  qu'elle  la  tenoit  aussi  pour  un 
grand  trésor.  Et  en  la  séance  douziesme  tenue  le  mesme 
jour  après-midi,  elle  déclare,  pour  l'article  concernant  l'as- 
seurance  de  son  salut  duquel  elle  avoit  esté  interrogée  au 
matin,  l'entendre  moyennant  qu'elle  gardast  son  serment  et 
la  promesse  qu'elle  avoit  faite  à  Dieu  de  bien  conserver  sa 
virginité  corporelle  et  spirituelle.  Interrogée  si  ayant  eu 
cette  révélation  qu'elle  sera  sauvée,  il  est  nécessaire  qu'elle 
se  confesse  :  respond  qu'elle  ne  sçait  si  elle  a  péché  mor- 
tellement; qu'elle  estime,  si  elle  estoit  en  péché  mortel, 
que  saintes  Catherine  et  Marguerite  ne  la  visiteroient  [pas], 
et,  davantage,  qu'on  ne  sçaurait  trop  nettoier  sa  cons- 
science,  etc. 

A  quoy  faut  encore  adjouster  pour  la  justification  de  cette 
fille,  qu'en  la  cinquiesme  séance,  elle  asseure  que  ses  voix 
lui  conseillent  tour  à  tour  de  se  confesser;  et  qu'estant 
interrogée  si,  quand  elle  se  confessoit,  elle  croyoit  estre  en 
péché  mortel,  respondit  n'en  sçavoir  rien,  qu'elle  ne  pensoit 
pas  en  avoir  fait  les  œuvres,  et  qu'à  Dieu  ne  plaise  qu'elle 
les  fasse  jamais,  ou  qu'elle  les  aye  faites  pour  lesquelles  son 
âme  soit  grevée,  etc. 


32  E.    RICIIER.    —    LA    rUCELLE    D  ORLEANS 

Article  XXXVIII 

(I  Encore  que  les  jugements  de  Dieu  soient  inscrutahles  et  ne 
puissent  estre  cognus,  toutes  fois  Jeanne  a  dit  et  publié  qu'elle 
avoit  cognu,  cognoissoit  et  pouvoit  discerner  qui  sont  les  saints  et 
saintes,  les  archanges,  anges  et  esleus  de  Dieu,  et  lequel  diceux  est 
tel.  >> 

La  Pucelle  contredit  qu'elle  se  rapporte  à  ce  qu'elle  a 
autres  fois  déclaré  sur  cela.  Et  le  Promoteur  allègue  que  le 
vingt-septiesme  febvrier,  séance  quatre,  elle  avoit  confessé 
sçavoir  bien  cognoistre  et  discerner  sainte  Catherine  d'avec 
sainte  Marguerite.  Et  le  jeudi,  premier  de  mars,  cinquiesme 
séance,  avoit  respondu  qu'elles  lui  apparoissoient  toujours 
d'une  mesme  forme  et  figure,  qu'elles  estoient  richement 
couronnées;  que  pour  leurs  autres  habillements  elle  n'en 
parloit  pas,  et  ne  sçavoit  rien  de  leurs  robes.  Que  le  samedi 
troisiesme  mars,  séance  sixiesme,  déposa  qu'elle  a  aussi  veu 
saintes  Catherine  et  Marguerite  et  les  autres  saints  qui  lui 
apparoissent,  et  sçait  qu'ils  sont  saints  en  paradis.  Voyez 
lesdites  séances  et  Advertissemenfs  sur  elles. 

Article  XXXIX 

«  Qu'elle  a  recognu  avoir  prié  affectueusement  saintes  Catherine 
et  Marguerite  pour  ceux  de  Compiègne,  avant  qu'elle  eust  sauté  : 
leur  disant  entre  autres  choses  par  forme  de  complainte  en  cette 
manière  :  Et  comment  laissera  Dieu  ainsi  mourir  mauvaisement 
ceux  de  Compiègne  qui  sont  si  loyaux?  En  quoy  apparoissoit  son 
impatience  et  irrévérence  envers  Dieu  et  les  saints.  » 

La  Pucelle  emploie  ce  qu'elle  a  autres  fois  déposé  sur 
cela. 

Et  le  Promoteur  propose  que  le  samedi  troisiesme  mars, 
séance  sixiesme,  elle  a  confessé  qu'étant  blessée  pour  avoir 
.sauté  de  la  tour  de  Beaurevoir,  la  voix  de  sainte  Catherine 
lui  dit  qu'elle  fist  bon  visage,  et  qu'elle  seroit  guérie,  et  que 
ceux  de  Compiègne  auroient  du  secours.  Item,  qu'elle  avoit 
tousjours  prié  Dieu  pour  eux  avec  son  conseil. 


A    ROUEN.    —    LE    PROGKS  33 

Or,  ces  séances  justifient  la  Pucelle,  car  elle  recognoist 
avoir  sauté  par  infirmité  naturelle,  [ce]  qui  est  une  tentation 
humaine. 

Article  XL 

«  Qu'estant  mal  contente  de  ce  qu'elle  sestoit  blessée  en  sautant 
de  la  tour  de  Beaurevoir,  et  attendu  que  cela  n'avoit  succédé  selon 
son  désir,  elle  avoit  blasphémé  et  renié  avec  horreur  de  tous  les 
assistans.  Que  mesme  depuis  qu'elle  fust  au  chasteau  de  Rouen, 
avoit  plusieurs  fois  blasphémé  et  renié  Dieu,  là  Vierge  Marie,  les 
saints  et  saintes,  supportant  impatiemment  et  détestant  de  ce 
quelle  devoit  estre  remise  entre  les  mains  des  ecclésiastiques  pour 
lui  estre  fait  son  procez.  » 

Elle  respond  se  rapporter  à  Nostre  Seigneur  et  à  ce  qu'elle 
a  autres  fois  déposé  sur  le  contenu  au  dit  article. 

Le  Promoteur  repart  que  le  samedi  troisiesme  mars,  inter- 
rogée si  après  avoir  sauté,  estant  troublée  et  en  colère,  elle 
avoit  blasphémé  le  nom  de  Dieu,  elle  recognut  n'avoir 
onques  maudit  saint  ni  sainte,  et  qu'elle  n'a  point  accoustumé 
de  jurer.  Enquise  du  fait  de  Soissons,  pour  ce  que  le  capitaine 
ayant  rendu  la  ville  au  duc  de  Bourgogne,  on  disoit  qu'elle 
avoit  renié  Dieu  disant  que  si  elle  tenoit  ce  capitaine,  elle 
Teust  fait  mettre  en  quatre  pièces,  elle  déposa  que  ceux  qui 
avoient  rapporté  cela  avoient  mal  entendu,  et  qu'elle  n'avoit 
onques  renié  saint  ni  sainte.  Que  le  mercredi  quatorziesme 
mars,  séance  douziesme,  interrogée  si  depuis  qu'elle  estoit 
prisonnière  au  chasteau  de  Rouen,  elle  avoit  renié  ou  mau- 
dit Dieu,  repartit  que  non  et  que  ayant  dit  quelquefois  bon 
gré  Dieu,  ou  saint  Jean,  ou  Nostre  Dame,  ceux  qui  avoient 
rapporté  cela  auroient  mal  entendu.  Or,  nous  avons  déjà 
observé  que  selon  le  langage  de  cette  fille,  bon  gré  Dieu,  etc., 
signifie  :  Plaise  à  Dieu  ou  du  bon  gré  et  plaisir  de  Dieu. 

Article  XLI 

«  Qu'elle  dit  avoir  veu  et  croyoit  que  les  esprits  qui  lui  appa- 
roissoient  estoient  anges,  archanges  et  des  saints  envoyés  de  Dieu; 
et  croire  cela  aussi  fermement  comme  elle  croit  la  foy  chreslienne 
et  les  articles  de  la  foy.  Et  toutes  fois   ne  rapporte  aucun  signe 

3 


^t  E.    RICIIER.    LA    PICELF.E    D  ORMOAN'S 

suffisant  pour  confirmer  cela  :  niesine  n"a  demandé  conseil  à 
aucun  Evesque,  curé,  on  autre  prélat  de  l'Eglise,  ou  autre  per- 
sonne ecclésiastique,  si  elle  devoit  ajouter  foy  à  tels  esprits;  ains 
au  contraire  a  dit  lui  avoir  esté  deffendu  par  ses  voix  d'en  com- 
muniquer sinon  à  un  capitaine  de  gens  d'armes,  à  son  Hov  et 
autres  personnes  purement  laïques.  En  quoy  elle  confesse  croire 
témérairement  des  articles  de  la  foy  et  très  mal  sentir  de  leur 
certitude  ;  et  conséquemment  toutes  ses  révélations  sont  suspec- 
tes, les  ayans  voulu  cacher  aux  prélats  et  gens  d'Eglise,  et  décou- 
vrir seulement  à  personnes  laïques.  » 

Pour  contredit  [la  Pucelle'i  allègue  avoir  respondu  aux 
faits  couchez  au  dit  article,  et  qu'elle  se  rapporte  à  ce  qui  en 
a  esté  escrit.  Quant  aux  signes,  maintient  que  si  ceux  qui  les 
demandent  n'en  sont  pas  dignes,  n'en  pouvoir  mais.  Au 
re!^L^.  qu'elle  s'est  mise  plusieurs  fois  en  prière  pour  ce  sub- 
ject,  à  ce  qu'il  plust  à  Dieu  révéler  la  vérité  à  quelques-uns 
du  parti  anglois.  Davantage,  a  recognu  n'avoir  demandé 
conseil  à  aucun  Evesque,  curé  ou  autres,  si  elle  devoit  croire 
et  adjouter  foy  à  ses  révélations,  crainte  qu'on  traversast 
son  dessein.  Plus,  confesse  avoir  recognu  que  c'estoit  saint 
Michel  qui  lui  apparoissoit,  à  cause  de  la  bonne  doctrine 
qu'il  lui  donnoit. 

Interrogée  si  saint  Michel  lui  avoit  déclaré  qu'il  estoit 
saint  Michel,  réplique  avoir  respondu  ailleurs  à  cela  ;  et  que 
pour  la  conclusion  de  l'article,  elle  s'en  rapporte  à  Notre 
Seigneur.  Item,  a  dit  aussi  croire  fermement  que  Notre  Sei- 
gneur a  souffert  mort  et  passion  pour  nous  racheter  des 
peines  d'enfer,  que  c'est  saint  Michel,  saint  Gabriel  et  saintes 
Catherine  et  Marguerite  que  Dieu  lui  envoie  pour  la  con- 
seiller et  réconforter. 

Le  Promoteur  allègue  au  contraire  que  le  samedi  vingt- 
quatriesme  febvrier,  elle  auroit  déposé  croire  aussi  ferme- 
ment qu'elle  croit  la  foy  chrestienne  et  que  Dieu  nous  a 
rachetez  des  peines  de  l'enfer,  que  cette  voix  vient  de  Dieu 
et  par  son  ordonnance  :  c'est  en  la  troisiesme  séance.  Plus, 
que  le  samedi  troisiesme  mars,  séance  sixiesme,  elle  fut 
interrogée  si  elle  croyoit  que  saints  Michel  et  Gabriel  eussent 
des  testes  matérielles.  Répliqua  qu'elle  les  avoit  veus  do  ses 


A    ROUEN.    LE    PHOCES  35 

yeux  et  croit  que  ce  sont  eux  aussi  fermement  que  Dieu  est. 
Interrogée  si  elle  croit  que  Dieu  les  aye  formés  avec  ces  testes 
qu'elle  leur  a  veues,  respondit  les  avoir  veus  de  ses  yeux  et 
qu'elle  ne  leur  diroit  autre  chose.  Enquise  si  elle  croit  que 
Dieu  les  aye  créez  en  la  forme  et  manière  qu'elle  les  a  veus, 
asseure  que  oui. 

Le  douziesme.mars,  séance  huictiesme,  interrogée  si  elle 
avoit  parlé  à  son  curé  ou  à  quelque  autre  ecclésiastique  de 
ses  visions,  confesse  que  non,  mais  seulement  à  Robert  de 
Baudricour  et  à  son  Roy  ;  et  que  ses  voix  ne  l'avoient  pas 
contrainte  de  celer  ses  visions;  mais  qu'elle  craignoit  que 
les  Bourguignons  n'empeschassent  son  voyage,  et  spéciale- 
ment son  père.  Voyez  les  dites  séances  et  les  Advertisse- 
■menls  sur  icelles.  Et  notez  que  les  preuves  alléguées  par  le 
Promoteur  contrarient  à  son  article  auquel  il  dit  notamment 
que  les  voix  de  la  Pucelle  lui  avoient  deffendu  de  communi- 
quer ses  révélations  aux  ecclésiastiques  ;  ce  qui  est  faux,  car 
elle  dit  nommément  que  ses  voix  ne  l'avoient  pas  empeschée 
de  déclarer  ses  visions,  etc. 

Article  XLII 

«  Que  se  confiant  en  sa  seule  fantaisie,  elle  a  rendu  honneur  à 
ces  esprits,  baisant  la  terre  par  où  elle  dit  qu'ils  avoient  passé  et 
fléchissant  les  genoux,  les  embrassant,  baisant  et  leur  faisant  d'au- 
tres révérences,  joignant  les  mains,  les  remerciant  et  contractant 
familiarité  avec  eux,  ne  sçachant  pas  s'ils  estoient  bons  esprits  : 
veu  qu'au  contraire,  attendu  les  circonstances  ci  devant  particula- 
risées, on  les  doit  tenir  plus  tost  pour  malins  que  pour  bons 
esprits  :  lesquelles  vénération  et  révérences  semblent  estre  une 
sorte  didolatrie  et  de  pacte  avec  les  diables.  » 

La  Pucelle  oppose  à  cet  article  que  pour  le  commence- 
meni  elle  y  a  répondu  :  et  quant  à  la  conclusion,  elle  s'en 
rapporte  à  Notre  Seigneur. 

Le  Promoteur,  pour  confirmation  de  sa  calomnie,  allègue 
les  séances  troisiesme,  septiesme,  huictiesme  et  neuviesme, 
treiziesme,  quatorziesme  et  quinziesme,  èsquelles  il  est  parlé 
de  ces  visions,  apparitions,  et  des  révérences  et  honneurs 
que  la  Pucelle  rendoit  à  saintes  Catherine  et  Marguerite. 


36  E.    RIGIIER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 


Article  XLIII 

«  Que  chacun  jour  elle  fréquenle  avec  ces  esprits,  les  invoque  et 
prend  conseil  d'eux  en  toutes  les  affaires  particulières  qu'elle  a, 
comme  de  ce  qu'elle  doit  respondre  en  jugement  et  ailleurs  :  ce 
qui  semble  appartenir  et  de  fait  appartient  à  l'invocation  des 
démons.  » 

[Jeanne]  répliqua  avoir  respondii  aux  faits  contenus  en 
cet  article  et  dit  qu'elle  a  toujours  appelé,  et  tant  qu'elle 
vivra,  appellera  à  son  secours  les  voix  susdites. 
^  Interrogée  comment  elle  les  requiert,  respond  qu'elle 
réclame  premièrement  layde  de  Notre  Seigneur  et  de  Notre 
Dame  à  ce  qu'ils  lui  envoyent  conseil  et  consolation.  El 
qu'alors  ils  lui  envoyent. 

On  lui  demande  par  quelle  forme  elle  implore  ce  secours. 

Réplique  en  cette  manière,  en  françois  : 

«  Très  doux  Dieu,  en  l'honneur  de  votre  sainte  passion,  je 
vous  requiers  que  si  vous  m'aymez,  vous  me  révéliez  com- 
ment je  dois  respondre  à  ces  gens  d'Eglise.  Je  sray  bien, 
quant  à  l'habit  d'homme,  le  commandement  comment  je  l'ay 
pris  ;  mais  je  ne  sçay  point  par  quel  moyen  je  le  dois  laisser. 
Pour  ce  plaise  vous  à  moy  l'enseigner.  »  Et  qu'alors  elles 
[les  voix]  viennent. 

Plus,  a  dit  que  souvent  par  le  moyen  de  ses  voix,  elle  a 
des  nouvelles  de  monseigneur  l'Evesque  de  Beauvais.  Et 
enquise  de  ce  qu'elles  lui  disent  de  nous,  respondit  qu'elle 
le  nous  diroit  à  part,  et  que  saintes  Catherine  et  Marguerite 
lui  ont  dit  comment  elle  devoit  respondre  de  cet  habit. 

Le  Promoteur,  pour  donner  lustre  à  sa  calomnie,  allègue 
tout  ce  que  la  Pucelle  a  déposé  du  conseil  que  lui  donnoient 
ses  voix  :  le  samedi  vingt-quatriesme  febvrier,  séance  troi-: 
siesme,  le  mardi  vingt-septiesme  febvrier,  séance  quatre,  le 
lundi  douziesme  mars,  séances  huit,  neuf,  le  mardi  treiziesme 
mars,  séance  dixiesme,  le  mercredi  quatorziesme  mars, 
séances  onziesme  et  douziesme,  lesquelles  sont  entièrement 
registrées  au  procez  d'office. 


37 


Article  XLIV 

«  Qu'elle  ne  crainl  pas  de  se  vanter  que  saint  Micliel,  archange 
de  Dieu,  est  venu  à  elle  avec  une  grande  multitude  d'Anges,  au 
chasteau  de  Cliinon,  en  la  maison  d'une  certaine  femme  où  elle 
logeoit,  et  qu'il  a  marché  avec  elle  la  tenant  par  la  main,  mon- 
tant aussi  les  degrez  du  chasteau  et  se  promenant  par  la  chambre 
de  son  Ilny;  que  cet  Archange  a  fait  la  révérence  à  son  Rô}-,  s'in- 
clinant  devant  lui,  accompagne  d'autres  anges  comme  dit  est, 
desquels  aucuns  estoient  couronnés,  d'autres  avoient  des  aisles. 
Lesquelles  choses  dire  et  attribuei"  aux  Anges  et  Archanges  bien- 
heureux est  une  présomption,  témérité  et  imposture  :  veu  mesme 
qu'on  ne  lit  point  que  jamais  telle  révérence  ou  inclination  ait 
esté  faite  par  les  anges  et  archanges  à  un  pur  homme,  pas  mesme 
à  la  Vierge  Marie  de  Dieu.  Elle  se  vante  pareillement  qu'à  sa 
prière  l'ange  susdit,  accompagné  comme  dit  est  d'autres  anges, 
avoit  apporté  une  précieuse  couronne  à  son  Roy  pour  estre  mise 
sur  sa  teste  et  qu'elle  est  maintenant  en  son  trésor,  et  qu'il  en 
eust  esté  couronné  à  llheims  s'il  eust  voulu  attendre  quelques 
jours.  Toutes  lesquelles  choses  sont  feintes,  controuvées  par  ladite 
Jeanne,  à  l'instigation  du  diable  qui  les  a  ainsi  représentées  en 
l'imagination  d'icelle  pour  tromper  sa  curiosité  :  d'autant  qu'elle 
cherche  choses  qui  surpassent  sa  capacité  et  faculté,  feignant  lui 
estre  révélées  de  Dieu.  » 

La  Pucelle  respond  avoir  ci-devant  satisfait  à  cet  article, 
quant  est  de  l'ange  qui  avoit  apporté  un  signe.  Et  pour  le 
regard  de  ce  que  le  Promoteur  parle  de  mille  milliers  d'An- 
ges, ne  se  souvient  d'avoir  parlé  du  nombre,  mais  bien  con- 
fesse avoir  asseuré  qu'elle  n'a  jamais  esté  blessée  sans  rece- 
voir une  grande  consolation,  confort  et  secours  de  la  part 
de  Dieu  et  saintes  Catherine  et  Marguerite.  Adjouste  que  pour 
la  couronne  apportée  à  son  Roy,  elle  .y  a  respondu.  Mais 
quant  à  la  conclusion  du  Promoteur,  sçavoir  que  tout  ce 
qu'elle  fait  sont  illusions  du  diable,  elle  s'en  rapporte  à 
Dieu,  comme  aussi  du  lieu  où  la  dite  couronne  a  esté  faite  et 
fabriquée. 

Le  Promoteur,  au  contraire,  allègue  tout  ce  que  la  Pucelle 
a  déposé  des  anges,  du  signe  et  couronne  qu'ils  ont  apportez 


3S  E.    niCIllSU.    LA    l'UCELLlî    D  OKI.KANS 

h  son  lîoy,  etc.  Voyez  la  séance  quatriesme  tenue  le  mardi 
vingl-septiesme  febvrier,  la  cinquiesme,  le  jeudi  premier  de 
mars,  la  scptiesme,  le  samedi  dixiesme  mars,  la  huicliesme 
et  neuviesme,  le  lundi  douziesme  mars,  la  dixiesme  le  mardi 
treiziesme  mars.  Et  remarquez  qu'en  l'article  du  Promoteur 
il  n'est  fait  aucune  mention  de  mille  milliers  d'anges  :  à  quoy 
la  Pucolle  respond  ponctuellement.  Et  de  là  peut-on  présu- 
mer que  ledit  article  a  esté  autrement  proposé  qu'il  n'est 
rédigé  par  escrit,  ainsi  que  l'on  doit  juger  de  plusieurs 
autres  choses.  (lar  le  procez  a  esté  premièrement  fait  en 
françois,  et  longtemps  après  couché  en  latin  par  M*'  Thomas 
de  (lourcelles  en  la  forme  qu'il  est,  et  l'original  fran- 
çois supprimé',  (^ui  est  un  malin  artifice  qu'on  doit  sou- 
vent inculquer,  considéré  que  les  juges  n'ont  [pas]  délibéré 
sur  les  actes  originaux  du  procez  franrois,  mais  sur  d'autres 
supposez  et  falsifiez. 

Article  XLV 

«  One  par  ses  inventions  et  impostures  elle  a  tellement  séduit  le 
peuple  catholique,  que  plusieurs  en  sa  présence  l'ont  adorée 
comme  une  sainte  et  actuellement  encore  l'adorent  en  son  absence, 
faisans  dire  des  messes  et  collectes  en  son  honneur  :  et  davantage, 
disent  qu'elle  est  plus  grande  que  tous  les  saints  de  Dieu  après  la 
liienheureuse  Vierge,  mettent  et  élèvent  ses  images  cl  représenta- 
tions aux  églises  des  saints,  font  faire  des  médailles  de  plomb  et 
autre  métal  à  sa  représentation,  lesquelles  ils  portent  siu-  eux, 
tout    ainsi   qu'on  a  de  couslunic  faire  des  saints  que    l'Eglise   a 

i.  L'orighial  franrais  n'a  pas  été  suppiimé.  du  moins  tutalement. 
puisqu'on  trouve  plusieurs  parties  françaises  des  interrogatoires  et  du 
Réquisitoîre  lui-mesme,  dans  le  manuscrit  de  D'Urio.  Mais  il  a  dû  être 
mis  en  lieu  suret  c'est  quasi  miraculeux  qu'une  par.ie  en  soit  arrivée 
jusqu'à  nous.  Ce  (jue  Riclier  ajoute,  à  savoir  :  «  que  les  juges  n'ont  pas 
délibère  sur  les  actes  originaux  »,  doit  s'entendre  des  assesseurs 
quant  à  la  minute  des  interrogatoires. 

Les  juges  véritables,  c'est-à-dire  l'évr^que  de  Beauvais  et  l'inquisiteur 
.lean  Lemaitre  eurent  en  mains  toutes  les  pièces  du  procès  :  les  docteurs 
de  Paris  et  (iuel(|ues  conseillers  intimes  de  P.  Cauchon,  aussi.  Mais  les 
autres  assesseurs  n'eurent  en  main,  pour  arrêter  leur  délibération,  (jui- 
le  texte  des  douze  articles  envoyés  à  l'Université  de  i'aris,  articles  qui 
constituent  une  des  i)ièces  principa'es  de  la  cause,  mais  rédigée  de 
fa(;on  à  les  induire  en  erreur. 


A    ItOUEX.    —    LE    PUOCÈS  39 

canonisez;  que  le  peuple  a  publié  et  publie  qu'elle  est  messagère 
de  Dieu,  et  plus  tost  un  ange  qu'une  femme.  Toutes  lesquelles 
choses  sont  grandement  pernicieuses  en  la  religion  chrestiennc,  et 
causent  de  grands  scandales  au  préjudice  du  salut  des  âmes.  » 

LaPucelle  respond  que  pour  ce  qui  est  du  commencement 
de  cet  article,  elle  y  a  satisfait  :  quant  à  la  conclusion, 
qu'elle  s'en  rapporte  à  Dieu. 

Le  Promoteur  allègue  la  séance  sixiesme  tenue  le  samedi 
troisiesme  mars,  en  laquelle  la  Pucelle  fut  interrogée  de  ce 
qui  se  passa  entre  elle  et  le  frère  Richard  en  la  ville  de 
Troyes  en  Cliampagne,  et  de  l'honneur  que  ceux  de  son 
parti  lui  rendoient,  etc.  Toutes  lesquelles  choses  ne  la 
chargent  point,  et  le  susdit  article  est  une  pure  calomnie. 

Article  XLVI 

«  Uuclle  s'est  témérairement  et  superbement  arrogé  le  com- 
mandement sur  les  hommes,  se  faisant  chef  et  capitaine  de  gens 
de  guerre,  et  sur  une  armée  de  seize  mille  hommes  où  il  y  avoit 
des  princes,  barons  et  grand  nombre  de  noblesse  qu'elle  faisoit 
marcher  sous  elle  à  la  guerre,  ne  plus  ne  moins  que  feroit  un 
général  d'armée.  » 

Elle  respond  à  cet  article,  disant  qu'elle  a  satisfait  ail- 
leurs à  ce  point  d'estre  chef  de  guerre;  que  si  elle  l'a  esté, 
ce  a  esté  atin  de  battre  les  Anglois.  Pour  le  regard  de  la  con- 
clusion de  cet  article,  s'en  rapporte  à  Nostre  Seigneur. 

Le  Promoteur  expose  que  le  vingt-septiesme  febvrier, 
séance  quatriesme,  elle  a  confessé  que  son  Roy,  l'ayant 
mise  en  œuvre,  lui  avoit  donné  dix  ou  douze  mille  hom- 
mes, etc. 

Article  XLVII 

«  Ayant  comme  perdu  la  honte,  elle  a  lousjours  conversé  parmi 
les  hommes  et  refusé  de  fréquenter  parmi  les  femmes  et  s'en 
servir  mesme  particulièrement  en  sa  chambre  et  en  ses  afl'aires 
secrètes  :  chose  qui  n'a  onques  esté  veue  ni  ouye  d'une  femme 
dévole  cl  pudique.  » 


40  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    d'oRLÉANS 

Iteparl  que  de  vérité  son  gouvernement  et  service  cstoit 
par  des  hommes  quant  aux  affaires  de  la  guerre;  toutes  fois, 
que  pour  son  logis,  elle  avoit  le  plus  souvent  qu  elle  pouvoit 
une  femme  avec  elle.  Et  quand  elle  estoit  à  la  guerre,  cou- 
choit  tousjours  toute  vestue  et  armée,  si  elle  ne  pouvoit 
trouver  de  femme.  Que  pour  la  conclusion  de  l'article,  elle 
s'en  rapportoit  à  Nostre  Seigneur.  A  tout  cela  le  Promoteur 
n'a  que  contredire. 

Article  XL VIII 

«  Qu'elle  a  grandement  abusé  des  révélations  et  prophéties 
qu'elle  feint  avoir  de  Dieu,  les  convertissant  à  un  luxe  et  gain 
temporel  :  ayant  acquis  par  le  moven  dicelles  une  grande  somme 
de  deniers,  et  un  grand  appareil  et  estât,  avec  plusieurs  officiers, 
chevaux,  ornemens,  et  mesme  pour  ses  frères  et  parens  de  grans 
revenus  temporels  :  àTimitation  des  faux  prophètes  lesquels  pour 
le  gain  et  obtenir  la  faveur  des  seigneurs  temporels,  ont  accous- 
tumé  de  publier  qu'ils  ont  des  révélations,  afin  de  plaire  aux  prin- 
ces terriens,  abusans  des  oracles  divins  et  atlribuans  leurs  men- 
songes et  impostures  à  Dieu.  » 

La  Pucelle  repart  avoir  autrefois  contredit  cet  article.  Et 
quant  aux  dons  que  son  Koy  a  fait  à  ses  frères,  c'est  de  sa 
pure  grâce,  sans  qu'elle  l'en  aye  jamais  requis.  Pour  ce  que 
le  Promoteur  l'a  chargé  en  la  conclusion  de  son  article 
d'avoir  abusé  de  ses  révélations  tout  ainsi  que  les  faux  pro- 
phètes, dit  qu'elle  s'en  rapporte  à  Dieu. 

Le  Promoteur  maintient  que  le  samedi,  dixiesme  mars, 
séance  septiesme,  elle  avoit  déposé  n'avoir  onques  rien 
demandé  à  son  Roy  que  de  bonnes  armes,  de  bons  chevaux 
et  de  l'argent  pour  payer  les  gens  de  sa  maison  ;  qu'elle  pou- 
voit avoir  dix  ou  douze  mille  francs  en  valeur,  que  cela 
n'estoit  pas  un  grand  trésor  pour  mener  la  guerre,  etc.  ; 
qu'elle  avoit  cinq  coursiers,  outre  des  trottiers,  et  le  tout  de 
l'argent  de  son  Roy.  Laquelle  déposition  ne  charge  point  la 
Pucelle  :  estant  chose  naturelle  que  chacun  vive  de  la  pro- 
fession en  laquelle  Dieu  l'a  appelé. 


lOUEN.    —    LE    PROCÈS  41 


Article  XLIX 


«  Qu'elle  s'est  maintes  fois  vantée  d'avoir  deux  conseillers, 
qu'elle  appelle  ses  conseillers  de  la  fontaine  :  lesquels  depuis  sa 
prison  sont  venus  à  elle,  ainsi  que  Catherine  de  la  Rochelle  a 
confessé  devant  TOfficial  de  Paris,  ayant  donné  advis  que  Jeanne 
sortiroit  de  prison  par  l'entremise  du  diable,  si  on  ne  la  gardoit 
bien.  » 

La  l'ucelle  repart  qu'elle  se  tenoit  à  ce  qu'elle  avoit  autres 
fois  déposé  sur  les  faits  de  cet  article.  Et  pour  le  regard  des 
conseillers  de  la  fontaine  ne  sçait  ce  que  c'est.  Croit  bien 
qu'elle  a  ouy  saintes  Catherine  et  Marguerite  auprès  de  la 
fontaine  du  Beau  May.  Quant  à  la  conclusion  dudit  article, 
la  nie  absolument.  Et  par  son  serment  affirme  qu'elle  ne 
voudroit  pas  que  le  diable  l'eust  fait  sortir  des  prisons. 
Enquise  si  elle  cognoissoit  Catherine  de  la  Rochelle  et  si 
elle  l'avoit  vue,  respondit  que  oui,  à  Jargeau  et  à  Montfau- 
con-en-Berry.  Interrogée  si  cette  Catherine  lui  avoit  monstre 
une  Dame  vestue  de  blanc,  laquelle  cette  Catherine  disoit  lui 
apparoir  quelques  fois,  respond  que  non. 

Et  le  Promoteur  expose  là-dessus  que  le  samedi  troi- 
siesme  mars,  séance  sixiesme,  la  Pucelle  fut  interrogée  du 
fait  de  cette  Catherine  de  La  Rochelle  et  de  ce  qu'elle  disoit 
avoir  des  visions;  et  qu'elle  respondit  que  ses  voix  l'avoient 
asseuré  que  tout  ce  que  disoit  cette  Catherine  n'estoit 
que  badineries  et  sottises.  Voyez  cette  séance,  car  elle  jus- 
tifie la  Pucelle. 

Article  L 

«  Que  le  jour  de  la  Xativilé-nostre-Dame  Jeanne  fit  assembler 
toute  l'armée  de  son  Roy  pour  assaillir  Paris  où  elle  les  mena 
tous,  leur  promettant  qu'ils  le  prendraient  ce  jour-là,  et  qu'elle  le 
sçavait  par  révélation.  Tellement  qu'elle  fit  dresser  tout  l'appareil 
qu'elle  put  pour  emporter  ladite  ville.  Ce  que  toutes  fois  elle  n'a  eu 
honte  de  nier  en  jugement.  Pareillement  en  plusieurs  autres  lieux, 
comme  à  la  ville  de  La  Gharilé-sur-Loire,  à  Pont-l'Evesque  et  à 
Compiegne,  quand  elle  assaillit  l'armée  du  duc  de  Bourgogne,  elle 
promit   plusieurs  choses,    prédisant   qu'elles    adviendroient,    et 


42  E.    RICHER.    LA    PUCELLE    d'oRLÉANS 

(7u'elle  le  sçavoit  par  révélation  :  néantmoins  touL  le  contraire  est 
arrive.  Toutes  lois,  elle  a  nié  en  jugement  avoir  fait  aucunes  pro- 
messes ou  prédictions,  attendu  que  cela  n'a  pas  réussi  selon  son 
désir.  Néantmoins  plusieurs  personnes  dignes  de  foj  tesmoignent 
qu'elle  a  publié  et  dit  que  cela  adviendroit  :  et  niesme  à  l'assaut  de 
Paris  que  mille  milliers  d'anges  l'a  voient  assistée  et  qu'ils  estoient 
prests  de  la  porter  en  paradis,  si  elle  fust  morte.  Et  comme  on  lui 
demandoit  pourquov  sa  promesse  n'avoit  [)as  réussi  et  que  Paris 
navoit  esté  pris,  vu  mesme  que  plusieurs  de  l'armée  avoient  esté 
tuez  et  les  autres  griefvement  blessez,  comme  aussi  elle-mesme, 
respondit  que  Jésus  lui  avoit  manqué  de  promesse.  » 

La  l'ucelle  oppose  que  pour  ce  qui  est  du  commencement  de 
l'ai-ticle  elle  y  a  satisfait  ailleurs,  et  que  si  elle  est  conseillée 
d'y  respondre  plus  amplement,  le  fera  ci-après  ;  mais  que 
pour  la  frn  de  l'article,  que  Jésus  lui  aye  manqué,  nie  abso- 
lument en  avoir  jamais  parlé. 

Le  susdit  article  est  une  manifeste  imposture  forgée  par 
ses  ennemis,  lesquels  ne  l'ont  pas  servie  au  procez  d'office 
duquel  doit  estre  tirée  toute  la  preuve  contre  la  Pucelle,  et 
non  des  calomnieuses  inductions  du  Promoteur  qui  n'allègue 
ni  lesmoins,  ni  preuves,  ni  légitimes  informations  de  son 
dire.  Et  pour  réplique  à  ce  que  la  Pucelle  a  contredit  cet 
article,  le  Promoteur  oppose  que  le  samedi  iroisiesme  mars, 
séance  sixiesme,  elle  a  confessé  avoir  fait  donner  un  assaut 
à  la  ville  de  La  Charité,  etc.  Que  le  treiziesme  mars,  séance 
dixiesme,  elle  a  déposé  avoir  esté  à  l'assaut  de  Paris  et  de 
Pont  l'Evesque,  etc.  Voyez  ces  deux  séances  qui  ne  chargent 
point  la  Pucelle  de  tout  ce  que  le  Promoteur  la  veut  rendre 
coupable.  Quant  est  de  la  prise  de  Paris,  elle  a  prédit  qu'elle 
adviendroit  dans  sept  ans,  comme  il  est  arrivé. 

Article  LI 

«  Une  Jeanne  a  fait  peindre  en  son  ostandart  deux  anges  assis- 
tans  Dieu  qui  tient  un  monde  en  sa  main  avec  ces  deux  noms 
Jésus  Maria,  et  d'autres  peintures;  et  publie  l'avoir  fait  par  le 
commandement  de  Dieu  qui  lui  a  révélé  cela  par  les  anges  et 
saintes  Catberine  et  Marguerite.  Lequel  estandart  elle  a  porté  en 
l'Eglise  de  lUieinis  auprès  de   l'autel  quand   on   sacroit  son  Hoy, 


A    ROUEN.    LE    l'ROCIiS  43 

voulanl  monslrer  que  son  estandart  devoit  eslre  particulièrement 
honoré  par  dessus  toutes  les  autres  enseignes  :  ce  qui  monstre  son 
orgueil  et  vaine  gloire.  Semblablement,  a  fait  peindre  ses  armes 
auxquelles  elle  a  mis  deux  lis  d'or  en  champ  d'azur,  et  au  milieu 
diceux  une  espée  en  champ  d'argent,  avec  une  poignée,  et  croisée 
d'or  ;  cette  espée  ayant  la  pointe  en  haut  férue  d'une  couronne 
d'or  :  ce  qui  semble  ressentir  son  faste  et  vanité  et  non  pas  la 
religion,  (lar  attribuer  telles  vanités  à  Uieu  et  aux  anges  est  contre 
la  révérence  due  à  IHeu  et  aux  saints.  » 

[.Jeanne]  respontl  avoir  satisfait  à  cet  article  pour  ce  qui 
est  de  Sun  estandart  et  de  la  peinture  qu'elle  y  a  fait  mettre. 
Quant  au  contredit  du  Promoteur,  qu'elle  s'en  rapporte  à 
.\otre-Seigneur. 

Le  Promoteur  sur  cela  allègue  par  extrait  tous  les  interro- 
gatoires qui  lui  ont  esté  faits  sur  sa  bannière  et  les  res- 
ponscs  qu'elle  y  a  faites  en  la  séance  quatriesme,  sixiesme, 
septiesme,  quatorziesme  et  quinziesme,  lesquelles  justifient 
la  Pucelîe. 

Article  LU 

"  (Jii  elle  a  olVert  et  fait  mettre  en  l'église  Saint-Denis  en  un 
haut  lieu  les  armes  qu'elle  portoit  quand  elle  alla  à  l'assaut  de 
Paris  où  elle  fut  blessée;  et  ce,  afin  de  les  faire  honorer  par  le 
peuple  comme  quelques  saintes  reliques.  Auquel  lieu  elle  fit 
allumer  des  chandelles  de  cire,  faisant  fondi-e  la  cire  liquéfiée  sur 
la  leste  des  [)etits  enfants,  prédisant  leur  bonne  fortune  :  au 
moyen   de  quoy  et  par  tels   sortilèges   elle    fit  plusieurs   divina- 


Jeannc  contredit  que  pour  les  armes  elle  y  a  satisfait  ail- 
leurs; et  quant  aux  chandelles  allumées  et  distillées,  le  nie 
absolument.  Car  c'est  encore  une  manifeste  calomnie  de 
laquelle  n'est  faite  aucune  mention  au  procez  d'olfice.  Et  le 
calomniateur  n"a  que  repartir  :  seulement  il  parle  des  armes 
que  la  Pucelle  a  olîertes  à  Saint-Denis.  Voyez  la  quatorziesme 
séance  tenue  le  dix-septiesme  mars.  Et  remarquez  l'iniquité 
de  ces  gens  qui  controuvent  toutes  sortes  d'impostures  pour 
rendre  criminelle  cette  lille.  Voyez  encore  ci-dessus  l'article 
dix-huitiesme  et  ce  que  nous  y  avons  remarqué. 


44  E.    niCHER.    —    L.\    PUCELLE    D  ORLÉANS 


Article  LUI 

«  Quau  grand  mespris  des  commandements  et  ordonnances  de 
IKglise,  elle  a  plusieurs  fois  refusé  de  jurer  en  jugement  cl  de  dire 
vérité.  Au  moyen  de  quoy  elle  s'est  rendue  suspecte  d'avoir  fait 
ou  dit  quelque  chose  en  matière  de  la  foy  et  de  ses  révélations 
qu'elle  n'ose  révéler  aux  juges  ecclésiastiques,  craignant  d'estre 
punie,  ainsi  qu'elle  mérite.  Ce  que  mesme  elle  semble  avoir 
recognu.  ayant  allégué  devant  les  juges  le  commun  proverbe, 
qu'on  est  quelquefois  pendu  pour  avoir  dit  la  vérité,  leur  disant 
souventes  fois  qu'ils  ne  sauront  pas  tout,  et  qu'elle  aymeroit  mieux 
avoir  la  teste  coupée  que  d'avoir  tout  déclaré.  » 

[Jeanne]  réplique  n'avoir  jamais  différé  de  respondre 
sinon  pour  respondre  plus  asseurément  aux  choses  qu'on 
lui  demandoit. 

Et  pour  la  conclusion  du  Promoteur,  confesse  avoir  douté 
souvent  si  elle  estoit  tenue  de  respondre  ;  et  n'a  pris  délay 
que  pour  sçavoir  si  elle  devoit  dire  ce  qu'on  lui  demandoit. 
Hue  pour  le  conseil  de  son  Roy,  attendu  que  cela  ne  touche 
point  le  procez,  ne  l'a  voulu  révéler.  Et  quant  au  signe 
donné  à  son  Roy,  elle  a  fait  cette  déposition  parce  que  les 
gens  d'Eglise  l'avoient  contrainte  et  condamnée  à  dire  cela. 
Notez  qu'elle  parle  de  l'ange  qu'elle  dit  avoir  apporté  une 
couronne  à  son  Roy,  et  que  ses  juges  l'avoient  contrainte  de 
faire  la  dite  déposition  allégorique  par  leurs  importuns  et 
réitérez  interrogatoires. 

Le  Promoteur  au  contraire  propose  un  extrait  de  tous  les 
interrogatoires  faits  à  la  Pucelle  où  elle  a  décliné  et  fait  diffi- 
culté de  respondre  :  comme  en  la  seconde  séance,  le  vingt- 
deuxiesme  febvrier,  en  la  troisiesme,  le  vingt-quatriesme 
febvrier,  en  la  quatriesme,  le  vingt-septiesme  febvrier,  en  la 
cinquiesme,  le  premier  de  mars,  et  en  la  huictiesme  et  neu- 
viesme  le  douziesme  mars.  De  vérité,  l'Esveque  de  Beau- 
vais  n'estant  pas  son  juge  mais  son  ennemi  mortel,  ainsi  que 
l'événement  l'a  monstre,  elle  n'estoit  obligée  ni  de  droit 
ni  de  fait  de  respondre  devant  lui,  et  par  tous  moyens  pou- 
voit  décliner. 


A    ROUEN.    LE    PUOCES  45 


Article  LIV 


«  Oirayant  esté  advertie  de  soumettre  tous  ses  faits  et  dits  à  la 
détermination  de  l'Eglise  militante,  et  lui  ayant  esté  proposée  la 
distinction  de  l'Eglise  militante  et  triomphante,  elle  a  tousjours 
respondu  qu'elle  se  soumettoit  à  l'Eglise  triomphante,  refusant  de 
se  soumettre  à  l'Eglise  militante,  démontrant  en  cela  ne  croire 
point  à  cet  article  de  la  foy  une  sainte  Eglise  catholique,  et  qu'elle 
y  erre  disant  qu'elle  est  immédiatement  subjecte  à  Dieu,  se  rap- 
portant ;i  icelui  et  aux  saints  de  ses  faits,  et  non  au  jugement  de 
l'Eglise.  » 

Respond  qu'elle  veut  déférer  tout  l'honneur  et  révérence 
qu'il  lui  est  possible  à  l'Eglise  militante.  Mais  quant  à  se 
rapportera  l'Eglise  militante  de  ses  faits,  il  faut  qu'elle  s'en 
remette  à  Nostre  Seigneur  Dieu  qui  lui  a  fait  faire  ce  qu'elle 
exploite.  Enquise  si  elle  se  rapporte  à  l'Eglise  militante  des 
choses  qu'elle  a  faites,  réplique  :  Envoyez-moi  samedi  pro- 
chain un  ecclésiastique  et  je  vous  respondrai  de  cela. 

Le  Promoteur  à  ce  propos  allègue  tous  les  interrogatoires 
faits  à  la  Pucelle  de  se  soumettre  à  l'Eglise  militante  et  les 
responses  qu'elle  y  a  faites,  premièrement  le  quinziesme 
mars,  séance  treiziesme,  le  samedi  dix.-septiesme  mars,  séance 
quatorziesme,  etc. 

Et  d'autant  qu'elle  avoit  promis  de  répondre  samedi  pro- 
chain, dernierjour  de  mars,  elle  fut  interrogée  si  elle  se  vou- 
loit  soumettre  au  jugement  de  l'Eglise  militante  de  tout  ce 
qui  concernoit  son  procez.  Répliqua  qu'elle  se  soumettroit 
volontiers  à  l'Eglise  militanlie  pourvu  qu'elle  ne  lui  comman- 
dast  pas]  quelque  chose  d'impossible  à  faire,  c'est  à  sçavoir 
de  révoquer  ce  qu'elle  a-  fait  et  dit  des  révélations  qu'elle 
maintient  avoir  eues  de  la  part  de  Dieu,  desquelles  est  fait 
mention  en  tout  le  procez;  et  asseure  que  pour  chose  qu'il 
lui  puisse  advenir  elle  ne  les  révoquera  [pas].  Et  pareille- 
ment ne  cessera  pas  de  faire  tout  ce  que  Nostre  Seigneur  lui 
a  commandé  et  commandera,  et  qu'elle  ne  le  révoquera 
pour  homme  vivant  quel  qu'il  soit,  et  qu'il  lui  seroit  impos- 
sible de  révoquer  cela,  et  au  cas  que  l'Eglise  lui  commandast 
de   faire  quelque    chose  contre   le   commandement    qu'elle 


46  E.    RICHER.    —    LA    l'fCELLE    D  ORLÉANS 

dit  avoir  de  la  part  de  Dieu,  qu'elle  ne  le  feroit  point,  quoi 
qu'il  en  dust  arriver. 

On  lui  demande,  au  cas  que  l'Eglise  militante  déclare  que 
ses  révélations  sont  diaboliques,  superstitions  ou  choses 
mauvaises,  si  elle  s'en  rapportera  et  croira  le  jugement  de 
l'Eglise.  Réplique  qu'elle  se  rapporte  à  Dieu  duquel  elle  fera 
tousjours  le  commandement;  et  srait  bien  que  tout  ce  qu'elle 
a  déposé  au  procez  touchant  ses  révélations  vient  de  la  part 
de  Dieu.  Qu'il  lui  seroit  impossible  de  faire  au  contraire  de 
ce  qui  est  contenu  au  dit  procez  qu'elle  dit  avoir  fait  par  le 
couimandement  de  Dieu,  au  cas  que  l'Eglise  militante  vou- 
lust  qu'elle  fist  le  contraire  ;  et  de  cela  ne  s'en  peut  rapporter 
à  aucun  homme  du  monde  sinon  à  Dieu  seul,  duquel  elle  gar- 
dera tousjours  les  bons  préceptes. 

Enquise  si  elle  ne  croit  pas  estre  subjecte  à  l'Eglise  qui 
est  en  terre,  c'est  à  sçavoir  à  nostre  saint  père  le  Pape,  aux 
Cardinaux,  Archevesques,  Evesques  et  autres  prélats  do 
l'Eglise.  Respond  que  oui,  mais  pourvu  que  Nostre  Seigneur 
soit  le  premier  servi. 

Interrogée  si  elle  a  commandement  de  ses  voix  de  ne  se 
point  soumettre  à  l'P^glise  militante  qui  est  en  terre  ni  à  son 
jugement,  repart  qu'elle  ne  respond  point  de  sa  propre  teste, 
mais  que  ce  qu'elle  a  respond u  est  par  le  commandement  de 
ses  voix,  et  qu'elles  ne  lui  commandent  pas  de  ne  point 
obéir  à  l'Eglise,  pourvu  que  Dieu  soit  premièrement  servi. 

Le  mercredi  dix-huitiesme  avril,  on  lui  remonstra  à  cause 
de  l'infirmité  qu'elle  disoit  avoir —  parce  qu'elle  estoit  grief- 
vement  malade,  —  que  tant  plus  elle  craignoit  pour  sa  vie 
corporelle,  d'autant  plus  elle  devoit  estre  soigneuse  d'amen- 
der sa  vie,  et  qu'elle  ne  jouiroit  pas  des  droits  de  l'Eglise  si 
elle  ne  se  sousmettoit  à  l'Eglise.  Respondit  :  Si  mon  corps 
meurt  en  la  prison,  je  m'attends  que  vous  le  ferez  mettre  en 
terre  sainte;  que  si  vous  ne  le  faites,  je^m'en  rapporte  à 
Nostre  Seigneur  Dieu. 

Le  mesnie  jour,  ayani  requis  que  l'Eglise  lui  donnast 
le  saint  sacrement  de  l'Eucharistie,  on  lui  demande  si  elle  se 
vouloit  soumettre  à  l'Eglise  et  qu'on  lui  promettoit  do  lui 
donner  le  saint  sacrement.   Répliqua  qu'elle  ne  respond  roi  t 


A    ROUEN.    —    LE    PROCES  47 

autre  chose  que  ce  qu'elle  avoit  dit  :  qu'elle  aymc  Dieu,  et  le 
sert,  et  est  bonne  chrestienne,  et  voudroit  ayder  et  soutenir 
l'Eglise  de  tout  son  pouvoir. 

ADVERÏISSEMENT 

Ce  qu'elle  dit  se  vouloir  sousmettre  à  l'Eglise  militante 
pourvu  que  Nostre  Seigneur  soit  premièrement  servi,  est 
conforme  à  ce  que  les  Pères  et  docteurs  enseignent,  expli- 
quant le  passage  de  saint  Mathieu,  23  :  «  Les  Scribes  et  les 
l*harisiens  sont  assis  sur  la  chaire  de  Moïse  »,  et  qu'on  leur 
doibt  obéir  pourveu  qu'ils  enseignent  selon  que  la  loy  de  Dieu 
ordonne,  et  non  de  leur  propre  teste,  ainsi  que  la  glose 
porte  sur  le  xvii"  chapitre  du  Dentéronome,  verset  18, 
«  Remarque,  dit  la  glose  :  on  ne  dit  pas  que  tu  obéisses, 
sinon  qu'ils  enseignent  conformément  à  la  loy  de  Dieu.  »  Et 
pour  cette  cause  Nostre  Seigneur  a  dit  que  les  Scribes  et 
Pharisiens  estoient  assis  sur  la  chaire  de  Moyse.  Et  par  la 
chaire  de  Moyse,  les  Pères  entendent  la  doctrine  de  Moyse, 
dit  Maldonat  sur  le  xxiii"  chapitre  de  saint  Mathieu.  Et  est  ne 
plus  ne  moins  que  si  «  Nostre  Seigneur  commandoit  tout  ce 
que  les  Scribes  et  les  Pharisiens  vous  enseigneront,  confor- 
mément à  la  loy  et  à  ce  que  Moyse  enseigne,  gardez-le  et  le 
faites  »,  disent  3Ialdonat  et  Jansenius. 

*  Article  XLV 

«  Que  Jeanne  s'efforce  de  scandaliser  le  peuple  qu'elle  séduit 
afin  qu'il  croye  fermement  cà  tout  ce  qu'elle  dit  et  dira,  s'arro- 
geant  l'autorité  de  Dieu  et  des  Anges  et  s'élevant  par  dessus  toute 
puissance  ecclésiastique  pour  tirer  les  hommes  à  son  erreur, 
comme  ont  accoustumé  faire  les  faux  prophètes,  introduisans  des 
sectes  d'erreur  et  de  perdition,  se  séparant  de  l'unité  du  corps  de 
l'Eglise,  ce  qui  est  très  pernicieux  en  la  religion  chrestienne.  Et  si 
les  prélats  de  l'Eglise  n'y  pourvoyoient,  cela  subvertiroit  toute 
l'autorité  de  l'Eglise,  pour  ce  que  de  toutes  paris  se  trouvera  des 
hommes  et  des  femmes  qui  feindront  avoir  des  révélations  de  la 
part  de  Dieu  et  des  anges,  sèmeront  des  mensonges  et  erreurs, 
ainsi  que  l'on  a   dcsja  expérimenté  en  plusieurs  lieux,  depuis  que 


48  E.    RICHER.     —    LA    PUCELLE    d'oRLÉANS 

cette  femme  a  commencé  de  scandaliser  le  peuple  chrestien  et 
publier  ses  fantaisies.  » 

La  Pucelle  responci  que  samedi  prochain  elle  contredira 
cet  article. 

Article  LVI 

«  Qu'elle  ne  craint  pas  de  mentir  en  jugement,  violant  son 
propre  serment,  ayant  déposé  plusieurs  choses  de  ses  révélations 
qui  sont  contraires  et  répugnent  les  unes  aux  autres  ;  donnant 
des  mnlédictions  contre  les  seigneurs  et  personnes  notables  et 
contre  une  nation  entière,  proférant  sans  honte  plusieurs  moque 
ries  et  choses  ridicules  qui  ne  peuvent  convenir  à  une  femme 
sainte  :  ce  qui  fait  cognoistre  qu'elle  est  gouvernée  et  régie  par  les 
esprits  malins  en  toutes  ses  affaires,  et  non  par  le  conseil  de  Dieu 
et  de  ses  anges,  ainsi  qu'elle  se  vante  :  Nostre  Seigneur  ayant  dit 
des  faux  prophètes  qu'on  les  cognoistroit  par  leurs  fruits,  c'est-è- 
dire  par  leurs  œuvres.  » 

La  Pucelle  employa  ce  qu'elle  avoit  autres  fois  déclaré  tou- 
chant les  faits  contenus  en  cet  article.  Et  quant  à  la  conclu- 
sion d'icelui,  s'en  rapportoit  à  Nostre-Seigneur. 

Le  Promoteur  allègue  pour  preuve  que  le  vingt-septiesme 
febvrier,  séance  quatriesme,  elle  confesse  que  depuis  Lagny 
elle  avoit  porté  l'espée  d'un  Bourguignon  à  Compiègne,  pour 
ce  qu'elle  estoit  bonne  pour  la  guerre  et  propre  à  de  bonnes 
buffes  et  de  bons  torchons.  Et  respondit  que  de  leur  dire  où 
elle  avoit  laissé  cette  espée,  cela  n'estoit  pas  du  procez  et  n'y 
respondroit  [pas]  présentement.  Iteyn,  que  le  jeudi  premier  de 
mars,  cinquiesme  séance,  recognut  quelle  fust  morte, 
n'estoit  sa  révélation  qui  la  confortoit.  Interrogée  si  saint 
Michel  a  des  cheveux,  respondit  :  Pourquoy  les  lui  eust-on 
coupez?  et  qu'elle  ne  l'avoit  vu  depuis  qu'elle  partit  du 
chasteau  du  Crotoy  et  ne  l'avoit  pas  vu  souventes  fois. 

N'est-ce  pas  la  un  grand  crime?  La  Pucelle  ne  les  reco- 
gnoissant  pour  juges  ni  de  droit  ni  de  fait,  a  pu  légitimement 
déclarer  leurs  interrogatoires  importuns,  niesme  n'estant 
[pas]  du  procez,  ainsi  qu'elle  leur  dit.  Au  demeurant,  ce 
qu'elle  dépose   ne  pas  veoir   souvent   saint  xMichel,   c'est  à 


A    ROUEN.    —    LE    l'ROCES  49 

comparaison  de  saintes  Catherine  et  Marguerite  que  Dieu  lui 
avoit  données  pour  conseil  ordinaire  de  sa  conduite,  saint 
Michel  l'aj^ant  preniièrenient  advertie  de  suivre  leur  direc- 
tion, ainsi  qu'elle  a  déclaré  en  la  séance  treiziesme. 

Article  LVII 

«Qu'elle  se  \anle  sravoir  que  Dieu  lui  avoit  pardonné  le  péché 
qu'elle  avoit  commis  par  désespoir,  à  la  suscitation  du  malin 
esprit,  quand  elle  se  précipita  du  haut  de  la  tour  de  Beaurevoir. 
Et  toutes  fois,  lEscriture  nous  enseigne  que  personne  ne  sçait 
s'il  est  digne  d'amour  ou  de  haine,  et  conséquemment  s'il  est  net 
et  justifié  de  son  péché.  » 

La  Pucelle  réplique  avoir  assez  respondu  en  ce  point  et 
qu'elle  emploie  ladite  response  :  que  pour  la  conclusion, 
elle  s'en  remet  à  Nostre-Seigneur.  Certes,  les  responses  que 
la  Pucelle  leur  a  faites  sur  divers  interrogatoires  qu'ils  lui 
ont  faits  touchant  qu'elle  avoit  sauté  du  haut  de  la  tour  de 
Beaurevoir,  si  elle  estoit  en  péché  mortel,  et  asseurée  de 
son  salut,  et  autres  choses  semhlables,  servent  de  bons  et 
suffisans  contredits  à  cet  article.  Outre  qu'on  peut  maintenir 
ceux  qui  sont  gouvernez  par  une  loy  particulière  estre 
exempts  de  la  loy  commune.  Voyez  la  séance  quatriesme  et 
VAdvei'lissement. 

Article  L.VIII 

»  Quelle  a  souventes  fois  dit  avoir  prié  Dieu  qu'il  lui 
cnvojast  une  révélation  expresse  des  choses  qu'elle  avoit  à  faire, 
par  les  anges  et  saintes  Catherine  et  Marguerite  :  comme  si  elle  ne 
devoit  [pasj  respondre  en  jugement  la  vérité  des  choses  qu'on  lui 
deniandoit  de  ses  affaires  propres  et  particulières,  après  avoir 
premièrement  emplové  le  jugement  et  perquisition  humaine  qui  lui 
est  possible;  et  principalement  en  ce  qu'elle  a  sauté  de  cette  tour, 
en  quoyelle  semble  avoir  manifestement  tenté  Dieu.  » 

.Jeanne  déclare  avoir  autres  fois  respondu  à  cet  article,  et 
qu'elle  ne  veut  pas  dire  ce  qui  lui  a  esté  révélé  sans  avoir 
permission  de  Dieu,  et  qu'elle  n'implore  pas  le  secours  de 
Dieu  sans  nécessité,  ainsi  qu'il  est  supposé  en  cet  article.  Et 

4 


uU  K.    UICHEK.    LA    PUCELLlî    D  ORLEANS 

voudroil  bien  que  Dieu  la  visitast  encore  plus  souvent,  afin 
de  faire  mieux  cognoistre  qu'elle  est  venue  de  sa  part  et  qu'il 
l'a  envoyée.  Par  laquelle  responseelle  donne  assez  à  cognois- 
tre que  ce  n'est  pas  sans  nécessité  qu'elle  fait  prière  à  Dieu 
de  lui  donner  conseil,  estant  extrêmement  travaillée  par  ses 
ennemis  depuis  un  an  qu'elle  estoit  prisonnière,  et  encore 
les  fers  aux  pieds  depuis  quatre  ou  cinq  mois,  ayant  grand 
besoin  de  consolation.  \ oyez  V AdveiHisseinent  sur  la  seconde 
séance. 

Article  LIX 

«  Que  plusieurs  choses  susdites  répugnent  totalement  au  droit 
divin,  évangélique,  canonique,  civil,  et  aux  statuts  des  Conciles 
généraux  approuvez  :  qu'aucunes  aussi  ressentent  formellement  la 
sorcelerie  et  les  divinations,  et  d'autres  les  superstitions,  et  d'au- 
tres l'hérésie  et  erreurs  en  la  foy,  et  plusieurs  d'icelles  induisent  à 
favoriser  l'hérésie  ;  et  les  autres  tendent  à  sédition,  pour  troubler 
et  empescher  la  paix,  et  à  espandre  le  sang  humain;  et  d'autres 
ressentent  les  malédictions  et  blasphèmes  contre  Dieu  et  ses 
saints,  offensans  mesme  les  oreilles  pieuses  des  hommes.  En 
toutes  lesquelles  choses,  la  susdite  criminelle,  par  l'instinct  témé- 
raire du  diable,  offense  griefvement  Dieu  et  sa  sainte  Eglise;  à 
l'endroit  de  laquelle  elle  a  excédé,  péché  et  causé  un  grand  scan- 
dale, estant  notoirement  diffamée  de  toutes  ces  choses,  et  consé- 
queniment  doit  être  corrigée  et  chastiée  par  vous  autres,  messieurs 
les  juges  de  l'Eglise.  » 

La  Pucelle  oppose  qu'elle  est  bonne  chrestienne,  et  que  de 
toutes  les  charges  contenues  en  cet  article  elle  s'en  rapporte 
à  Nostre  Seigneur. 

Article  LX 

«  Quelle  a  commis  et  perpétré  toutes  les  choses  susdites,  les  a 
récitées,  dogmatisées,  publiées  et  exéquutées  par  effet,  tant  en 
votre  juridiction  qu'en  plusieurs  et  divers  autres  lieux  de  ce 
royaume,  non  pas  une  seule  fois,  mais  plusieurs,  en  divers  temps, 
jours  et  heures,  et  y  est  rechue,  ayant  donné  conseil,  faveur  et 
ayde  à  ceux  qui  les  ont  commises  et  perpétrées.  » 

La  Pucelle  nie  absolument  cet  article. 


A    UOUEX.    LE    PnOCES  M 


Article  LXI 


«  Que  tant  par  la  renommée  publique  que  par  les  informations 
et  enquesles  faites  sur  toutes  lesdites  choses,  les  oreilles  des  juges 
ajans  esté  plusieurs  fois  rebattues  de  ce  que  ladite  Jeanne  estoil 
coupable  et  criminelle  de  tant  de  forfaits,  ils  auroient  ordonné 
qu'on  feroit  enquestes  et  informations  sur  lesdites  choses,  et  qu'elle 
sçroit  citée  pour  respondre  sur  lesdits  faits  dont  elle  estoit  diffa- 
mée. » 

La  Pucelle  repart  que  cet  article  regarde  les  juges.  Au 
reste,  il  est  très  faux  qu'il  y  ait  jamais  eu  aucunes  informa- 
tions faites  sur  la  prétendue  infamie  des  choses  alléguées 
par  Iç Promoteur;  et  conséquemment  l'Evesquede  Beauvais, 
selon  le  style  de  la  cour  de  Rome,  n"a  dû  ni  pu  procéder 
contre  la  Pucelle,  ainsi  auemaistre  Jean  Lohier,  auditeur  de 
Rote,  lui  remonstra. 

Article  LXII 

.(  Qu'elle  est  grandement  suspecte,  scandalisée  et  diffamée  à 
l'endroit  de  plusieurs  gens  de  bien  et  de  grans  personnages  de  tous 
les  crimes  susdits.  Desquels  toutes  fois  elle  n"a  pas  encore  esté 
corrigée  ni  aucunement  amendée.  Mesme  a  différé  et  diffère, 
refusé  et  refuse  de  s'en  corriger  et  amender,  continuant  et  persévé- 
rant aux  dites  erreurs,  nonobstant  quelle  ayt  esté  plusieurs  fois 
charitablement,  et  par  autre  voje  suffisamment  advertie  par  nota- 
bles ecclésiastiques  et  autres  honnestes  personnes,  mesme  sommée 
et  interpellée  de  s'en  abstenir.  » 

La  Pucelle  contredit  quelle  n'a  jamais  fait  ni  commis  les 
crimes  desquels  le  Promoteur  l'accuse,  et  que  de  tout  le  reste 
elle  s'en  rapporte  à  Nostre  Seigneur  :  et  ne  pense  point  avoir 
onques  commis  aucun  des  crimes  proposez  contre  elle,  ni  fait 
aucune  chose  contre  la  foy  chrestienne. 

Oii  lui  demande,  supposé  qu'elle  eust  fait  quelque  chose 
contre  la  foy  chrestienne,  si  en  cela  elle  vouloit  se  sous- 
mettre  à  l'Eglise  et  à  ceux  à  qui  il  appartenait  de  corriger 
telles  fautes.  Réplique  qu'elle  respondra  samedi  prochain 
après  midi  à  cet  interrogatoire. 

Au  parsus,  la  Pucelle  n'a  onques   esté  diffamée  que  par 


52  K.    ItICHEn.    —    I.A    l'UCELLE    D  ORLEANS 

ceux  du  parti  anglois;  et  les  ennemis   mortels  ne  doivent 
estre  crus,  et  beaucoup  moins  peuvent-ils  estre  juges. 

Article  LXIII 

('  Que  toutes  les  choses  susdites  et  chacune  d'icelles  sont  vérita- 
bles, notoires,  manifestes,  et  qu'elle  en  est  publiquement  dilïa- 
.mée,  ayant  recognu  et  confessé  plusieui's  fois  suffisamment  en 
présence  de  gens  de  bien  et  dignes  de  foy,  tant  en  jugement 
qu'ailleurs,  icelles  choses  estre  véritables.  » 

La  Pucelle  nie  absolument  tout  cet  article,  excepté  les 
choses  qu'elle  a  confessées  et  recognues  pour  véritables. 

Article  LXIV 

Et  le  promoteur  conclud  à  ce  que  sur  les  susdites  accusations  et 
autres  choses  que  les  juges  pourront  mieux  suppléer,  corriger  et 
réformer  par  leur  prudence,  etc.,  la  Pucelle  soit  interrogée  et 
condamnée,  implorant  humblement  l'office  des  juges  sur  cela,  etc.  » 

[interrogatoire     du     S.\.MEDI     suivant,     31     MARS,      DANS     LA 
PRISON    ET    ACTES   SUBSÉQUENTS] 

Le  samedi  immédiatement  suivant,  derniers  mars,  veille 
de  Pasques,  la  Pucelle  est  interrogée  par  l'Evesque  de  Beau- 
vais,  premièrement  si  elle  se  veut  rapporter  au  jugement  de 
l'Eglise  qui  est  en  terre,  de  tout  ce  qu'elle  a  fait  et  dit,  soit 
bien  ou  mal,  et  particulièrement  des  cas,  crimes  et  délits 
qu'on  lui  impute,  et  généralement  de  tout  ce  qui  touche  son 
procez. 

iNous  avons  rapporté,  à  l'article  XLIV  les  réponses  de  la 
Pucelle  aux  questions  qui  lui  furent  posées.  On  y  ajousta 
cette  dernière  : 

Si  au  chasteau  de  Beaurevoir,  à  Arras  ou  autre  part  elle 
avoit  des  limes.  Kespond  que  si  elles  ont  esté  trouvées  sur 
elle,  elle  n'a  que  leur  respondre  de  cela. 

Après  cela,  l'Evesque  de  Beauvais  et  ses  assesseurs  se 
retirèrent  pour  aviser  au  reste  de  ce  qui  estoit  k  faire  en  ce 
procez. 


A    ROUEN.    —    LE    PROCES  53 

Lundi  suivant  immédiatement,  second  jour  d'avril  1431, 
après  Pasques,  et  le  mardi  et  mercredi  suivants,  l'Evesquc 
de  Beauvais  assisté  de  ses  conseillers  qu'il  avoit  assemblez, 
visitèrent  et  revirent  les  susdits  articles  proposés 'par  le  Pro- 
moteur et  les  responses  de  la  Pucelle  sur  iceux.  Desquels  ils 
firent  un  extrait  rédigé  en  douze  articles  comprenans  som- 
mairement les  propositions  et  responses  tirées  de  la  pro- 
duction du  Promoteur,  afin  d'estre  envoyez  ça  et  là  à  plu- 
sieurs doctes  hommes  versez  tant  en'  droit  divin  qu'hu- 
main, pour  avoir  leur  advis  sur  iceux  en  faveur  de  la  foy, 
ainsi  qu'ils  parlent  :  lesquels  douze  articles  ne  contiennent 
rien  de  vérité,  car  ce  sont  toutes  impostures  et  calomnies, 
violemment  et  calomnieusement  détorquées  des  dépositions 
de  la  Pucelle.  et  beaucoup  plus  encore  que  n'estoient  les 
articles  du  Promoteur.  Au  reste,  on  recognoit  combien 
l'Evesque  de  Beauvais  désiroit  ardemment  la  condamnation 
de  cette  fille,  ayant  travaillé  à  son  procez  les  festes  de  Pas- 
ques,  sans  aucune  intermission.  3Iaistre  Thomas  de  Cour- 
celles  a  déposé  en  la  revision  du  procez  que  maistre  Nicolas 
Midi,  docteur  en  théologie,  avoit  fait  les  susdits  douze  arti- 
cles, lesquels  n'ont  jamais  esté  lus  ni  proposez  à  la  Pucelle, 
et  conséquemment  ne  sont  d'aucune  considération,  n'ayant 
pas  esté  contredits,  comme  il  estoit  nécessaire. 


QIATRIESME   PARTIE 

LES    DOUZE    AUTICLES 


Le  jeudi  suivant,  cinquiesme  avril,  semaine  de  Pasques, 
l'Evesque  de  Beauvais  et  frère  Jean  jMagistri,  sutTragant  de 
l'Inquisiteur  de  la  foy,  donnent  un  mandement  libellé  par 
lequel  ils  requièrent  tels  et  tels,  sans  nommer  personne  par 
son  nom,  etc.,  et  les  prient  instamment  en  faveur  de  la 
foy  : 

De  donner  par  escrit  et  sous  leur  sceau  un  conseil  salu- 
taire sur  les  propositions  suivantes  contenues  et  déclarées 
aux  douze  articles  ci  après  mentionnez  :  à  sçavoir.  si  toutes 
choses  bien  et  mûrement  considérées  et  conférées  ensemble,, 
et  toutes  lesdites  propositions  ou  parties  d'icelles  sont  con- 
traires à  la  foy,  ou  suspectes,  et  contre  la  sainte  Escriture, 
détermination  de  la  sainte  Eglise  romaine,  des  docteurs 
approuvez  de  l'Eglise,  contre  les  constitutions  canoniques, 
scandaleuses,  téméraires,  trou-blant  le  repos  public,  inju- 
rieuses, remplies  de  crimes,  contraires  aux  bonnes  mœurs  ou 
les  blessant  griefvement,  etc. 

Fait  le  jeudi  cinquiesme  avril  après  Pasques,  l'an  de 
Nostre  Seigneur.  1431. 


Ensuit  la  teneur  desdites  propositions. 

I 

«  Une  certaine  femme  dit  qu'environ  l'âge  de  treize 
ans  elle  a  veu  de  ses  yeux  corporels  saint  Michel  qui  la  con- 
soloit,  et  quelquefois  aussi  saint  Gabriel  lui  apparoissans  en 
face  corporelle.  Et  depuis  aussi,   que  saintes  Catherine   et 


A    ROUKN.    r>E    PROCF-S  ;  0 

Marguerite  se  sont  présentées  à  elle  et  les  a  pareillement 
veues  corporellement.  Plus,  les  voit  chacun  jour  et  entend 
leurs  voix  :  asseure  qu'elle  les  a  quelquefois  embrassées  et 
baisées,  les  touchant  sensiblement  et  corporellement.  Qu'elle 
a  veu  seulement  les  chefs  de  ces  Anges  et  saintes  ;  quant  aux 
autres  parties  dicelles  ou  de  leurs  veslements.  n'en  a  rien 
voulu  dire . 

Que  saintes  Catherine  et  Marguerite  ont  quelquefois  parlé 
à  elle  auprès  d'une  fontaine  et  d'un  certain  grand  arbre 
communément  appelé  l'Arbre  des  fées.  Et  la  commune 
renommée  est  qu'auprès  de  cet  arbre  et  fontaine  mesdames 
les  fées  fréquentent,  et  que  plusieurs  ayant  la  fièvre  vont  vers 
ledit  arbre  et  fontaine  pour  recouvrer  leur  santé  :  encore 
que  cet  arbre  et  fontaine  soient  situez  en  lieu  profane,  auquel 
cette  femme  a  plusieurs  fois  honoré  et  fait  la  révérence  aux 
susdites  saintes. 

Confesse  pareillement  que  lesdites  saintes  lui  apparoissent 
et  se  montrent  à  elle  couronnées  de  belles,  riches  et  pré- 
cieuses couronnes.  Que  depuis  le  temps  qu'elles  se  sont 
manifestées  à  elle,  lui  ont  déclaré  de  la  part  de  Dieu  quelle 
allast  à  un  certain  prince  temporel  lui  promettre  que  par  son 
entremise,  secours  et  labeur,  il  recouvreroit  par  armes  un 
grand  Estât  temporel  et  honneur  mondain,  et  remporteroit 
la  victoire  sur  ses  ennemis.  Et  qu'il  falloit  que  ce  prince  la 
recust  et  lui  baillast  des  armes  et  une  armée  pour  mettre  à 
exécution  lesdites  choses. 

Que  les  susdites  saintes  ont  commandé  à  cette  femme  de 
la  part  de  Dieu  de  prendre  et  de  porter  un  habillement 
d  homme  qu'elle  a  tousjours  porté  et  qu'elle  porte,  et 
persévère  en  telle  sorte  d'obéir  et  satisfaire  à  ce  com- 
mandement; qu'elle  a  maintenu  aimer  mieux  mourir  que 
de  quitter  cet  habit,  disant  aucune  fois  simplement  cela 
et  d'autres  fois,  si  ce  n'estoit  du  commandement  de  Dieu. 
Outre  plus,  a  mieux  aymé  ne  pas  aller  à  la  messe  et  estre 
privée  de  la  sainte  communion  le  propre  jour  de  Pasques, 


56  lî.     lïlCHER.    LA    PUCICLLE    D  ORLEANS 

auquel  l'Eglise  ordonne  qu'on  recevra  la  sainte  communion, 
que  de  prendre  un  habillement  de  femme  et  quitter  celui 
d'homme. 

Que  ces  saintes  l'ont  aydée  et  favorisée  en  ce  que,  au  desceu 
et  contre  la  volonté  de  ses  parens,  ayant  dix-sept  ans  ou 
environ,  elle  seroiL  partie  de  la  maison  de  son  père,  accom- 
pagnée d'une  multitude  de  gens  armez,  conversant  jour  et 
nuit  avec  eux,  et  n'ayant  jamais  ou  rarement  avec  soy  une 
femme.  Que  ces  saintes  lui  ont  commandé  plusieurs  choses 
à  raison  desquelles  elle  maintient  estre  envoyée  du  Dieu  du 
ciel  et  de  l'Eglise  des  saints  victorieux  qui  jouissent  de  la 
vie  éternelle,  auxquels  elle  sousmet  tout  ce  qu'elle  a  bien 
fait  :  et  a  refusé  de  se  sousmettre  à  l'Eglise  militante,  ores 
qu'elle  en  ayt  esté  maintes  fois  requise  et  advertie;  disant 
qu'il  lui  est  impossible  de  .  faire  le  contraire  des  choses 
qu'elle  a  dit  et  a  maintenu  en  son  procez  avoir  fait  parle 
commandement  de  Dieu,  et  que  desdites  choses  ne  s'en  veut 
rapporter  au  jugement  d'aucun  homme  vivant,  mais  de  Dieu 
seulement. 

Que  ces  saintes  ont  révélé  à  cette  femme  qu'elle  sera 
sauvée  en  la  gloire  des  bienheureux  et  ira  en  paradis,  pourvu 
qu'elle  garde  sa  virginité,  laquelle  elle  b'urvoua  la  première 
fois  qu'elle  les  vit  et  entendit  :  et  à  raison  desquelles  révé- 
lations elle  soustient  estre  asseurée  de  son  salut  ne  plus 
ne  moins  que  si  elle  estoit  desja  au  royaume  des  cieux.  » 

II 

«  Item,  dépose  que  le  signe  au  moyen  duquel  le  prince 
auquel  elle  estoit  envoyée  s'est  déterminé  à  croire  ce 
qu'elle  lui  disoit  de  ses  révélations,  et  de  la  recevoir  pour 
faire  la  guet-re,  a  esté  que  saint  Michel,  accompagné  de  plu- 
sieurs autres  anges,  est  venu  aborder  ce  prince  :  desquels 
anges  aucuns  avoient  des  ailes  et  les  autres  des  couronnes, 
et  avec  eux  estoi'^nt  saintes  (Catherine  et  Marguerite. 


A    ROUEN.    LE    PROCES  57 

Et  asseure  que  cet  Ange  a  fait  un  long  chemin  par  l'esca- 
lier et  par  la  chambre  de  ce  prince,  cette  femme  estant  avec 
lui,  les  autres  anges  et  saintes  leur  faisant  compagnie;  et 
qu'ils  apportèrent  une  couronne  très  précieuse  d'or  très  pur 
au  mesme  prince,  laquelle  couronne  l'Ange  lui  donna  ;  et 
que  cet  Ange  fit  la  révérence  à  ce  prince. 

Plus,  a  dit  une  fois  que  quand  ce  prince  receut  ce  signe, 
elle  pense  qu'il  esloit  lors  tout  seul,  encore  qu'il  y  eut  plu- 
sieurs personnes  auprès  de  lui  ;  et  une  autre  fois  a  déposé 
qu'elle  croit  cette  couronne  avoir  esté  mise  entre  les  mains 
d'un  Archevesque  et  icelui  l'avoir  donnée  à  ce  prince 
en  présence  de  plusieurs  seigneurs  temporels  qui  l'ont 
veue.  » 


II 


«  Cette  femme  confesse  avoir  cognu  et  estre  bien  certaine 
que  celui  qui  la  visite  est  saint  Michel,  à  cause  du  bon  con- 
seil, consolation,  confort  et  instruction  qu'il  lui  donne,  et 
qu'il  lui  a  dit  son  nom,  l'asseurant  qu'il  estoit  saint  Michel. 
Et  semblablement  qu'elle  cognoist  saintes  Catherine  et  Mar- 
guerite et  les  distingue  l'une  d'avec  l'autre,  parce  qu'elles  se 
nomment  et  la  saluent.  Dit  qu'elle  croit  estre  saint  Michel 
qui  lui  apparoist,  et  ce  qu'il  lui  dit  et  ce  qu'il  fait  estre  bon 
et  véritable  ;  [elle  le  croit]  aussi  fermement  qu'elle  croit 
Xostre  Seigneur  Jesuchrist  avoir  souffert  mort  et  passion  pour 
nostre  salut  et  rédemption.  » 


IV 


«  Maintient  et  asseure  qu'elle  est  certaine  d'aucunes 
choses  futures  du  tout  contingentes,  et  qu'elles  advi^n- 
dront  :  et  en  estre  aussi  certaine  que  des  choses  mesmes 
qu'elle  veoit  actuellement  devant  soy.  Et  se  vante  d'avoir  eu 
et  avoir  la  cognoissance  de  certaines  choses  occultes  par 


o8  E.  RICHER.  L\  PUCELLK  UOULKANS 

révélations  qui  lui  ont  esté  faites  verbalement  par  saintes 
Catherine  et  Marguerite,  comme  qu'elle  seroit  délivrée  de 
prison,  que  les  Français  feront  en  sa  compagnie  le  plus  beau 
fait  de  guerre  qui  ayt  onqucs  esté  fait  en  toute  la  chres- 
tienté.  Dit  aussi  avoir  cognu  certains  hommes  qu'elle  n'avoit 
jamais  cognus  ni  veus  auparavant,  sans  qu'aucun  les  lui  eust 
montrés  :  et  qu'elle  a  révélé  et  monstre  une  certaine  cspée 
qui  estoit  cachée  en  terre.  » 


«  Dit  et  confesse  que  par  commandement  de  Dieu  et  son 
bon  plaisir,  elle  a  pris,  porté,  porte  et  vest  ^revêt]  continuel- 
lement un  habillement  d'homme.  Et,  davantage,  asseure 
qu'ayant  eu  commandement  de  Dieu  de  porter  un  tel  habit, 
il  falloit  qu'elle  prist  un  pourpoint,  un  chapeau,  un  gippon, 
des  chausses  h  braies  avec  des  éguillettes,  et  qu'elle  fist 
tondre  ses  cheveux  en  rond,  ne  laissant  rien  sur  son  corps 
qui  puisse  montrer  qu'elle  soit  femme.  Asseure  avoir  plu- 
sieurs fois  receu  la  sainte  communion,  portant  cet  habille- 
ment sans  vouloir  prendre  un  habillement  de  femme,  encore 
qu'orrl'en  aye  plusieurs  fois  charitablement  requise,  et  pro- 
teste qu'elle  aymeroit  mieux  mourir  que  de  quitter  cet  habil- 
lement d'homme,  ajoustant  aucunes  fois,  sinon  par  le  com- 
mandement de  Dieu. 

Dit  que  si  elle  estoit  en  habit  d'homme  entre  ceux  de  son 
parti  pour  qui  elle  a  porté  les  armes,  et  qu'elle  continuast  de 
faire  comme  elle  faisoit,  auparavant  sa  captivité  et  sa  prison, 
que  cela  seroit  une  des  plus  grandes  choses  qui  pourraient 
arriver  à  tout  le  royaume  de  France.  Asseure  que  pour  aucune 
chose  du  monde  ne  voudroit  faire  serment  de  ne  plus  porter  cet 
habillement  d'homme  ni  les  armes.  Et  en  toutes  les  choses 
susdites  soutient  avoir  bien  fait  et  bien  faire,  obéissant  à  Dieu 
et  à  ses  commandements.  » 


A    ROUEN.    —    LE    PROCÈS  59 


vr 


'(  Confesse  et  recognoist  avoir  fait  escrire  plusieurs  lettres 
esquelles  elle  faisoit  mettre  ces  deux  noms  Jésus  Maria  avec 
le  signe  de  la  croix  :  et  qu'aucunes  fois  elle  faisoit  une  croix 
pour  monstrer  à  celui  auquel  elle  escrivoit  ne  vouloir  pas 
qu'on  fist  ce  qu'elle  escrivoit  en  ces  lettres.  En  d'autres  elle 
a  fait  escrire  qu'elle  feroit  tuer  ceux  qui  n'obéiroient  pas  à 
ses  lettres  et  advertissemens,  et  qu'on  verroit  aux  bons  coups 
et  horions  qui  auroit  meilleur  droit  du  Roy  du  ciel.  Et  sou- 
ventes  fois  allègue  qu'elle  n'a  rien  fait  sinon  par  révélation 
et  commandement  de  Dieu.  » 


VII 


«  Dit  et  confesse  qu'estant  en  l'âge  de  dix-sept  ans  ou 
environ,  de  son  plein  gré  et  par  révélation,  comme  elle 
asseure,  avoir  eslé  trouver  un  gentilhomme,  lequel  elle 
n'avoit  jamais  veu,  laissant  la  maison  de  son  père  contre  la 
volonté  de  ses  parcns  qui  pensèrent  perdre  l'esprit,  ayans 
entendu  qu'elle  s'en  estoit  allée;  et  avoir  requis  ce  gentil- 
homme qu'il  la  menast  ou  la  fist  mener  au  prince  dont  a  esté 
parlé  auparavant.  Que  ce  gentilhomme  chef  de  guerre  donna 
à  cette  femme  un  habillement  d'homme  et  une  espée  à  sa 
requeste,  et  un  gentilhomme  avec  quatre  serviteurs  pour  la 
conduire.  Lesquels  estant  arrivez  devant  ce  prince,  cette 
femme  lui  dit  qu'elle  vouloit  mener  la  guerre  contre  ses 
ennemis  et  lui  promit  de  le  mettre  et  rendre  paisible  [pos- 
sesseur] d'un  grand  Estât,  et  de  surmonter  ses  ennemis, 
disant  que  le  Dieu  du  ciel  l'avoit  envoyéeji  ces  fins.  Et  main- 
tient en  toutes  ces  choses  n'avoir  que  bien  fait  et  du  com- 
mandement de  Dieu.  » 


60  E.    RICHER.    LA    PUCELLE    d'oRLÉANS 

V[II 

«  llecognoist  et  confesse  que  d'elle-mesme,  sans  estre  pco- 
voquée  ni  contrainte  par  aucun,  elle  s'est  précipitée  d'une 
très  haute  tour,  aymant  mieux  mourir  que  destre  livrée 
entre  les  mains  de  ses  ennemis  et  de  survivre  après  la  ruine 
de  la  ville  de  Gompiègne.  Disant  aussi  n'avoir  pu  éviter 
qu'elle  ne  se  précipitast.  El  toutes  fois  que  saintes  Catherine 
et  Marguerite  lui  avoient  expressément  deffendu  de  se  préci- 
piter ;  lesquelles  néantmoins  oiïenses  maintient  estre  un 
grand  péché,  et  sçavoir  bien  que  ce  péché  lui  a  esté  par- 
donné après  s'en  estre  confessée,  et  qu'elle  en  a  eu  révé- 
lation. » 

IX 

«  Asseure  que  saintes  Catherine  et  Marguerite  lui  ont  pro- 
mis de  la  mener  en  paradis,  pourvu  quelle  garde  bien  sa 
virginité  tant  de  l'ame  que  du  corps  qu'elle  dit  leur  avoir 
vouée  ;  et  estre  aussi  certaine  d'aller  en  paradis  que  si  pré- 
sentement elle  estoit  desja  avec  les  bienheureux.  Et  qu'elle 
ne  pense  avoir  fait  jamais  les  œuvres  de  péché  mortel  :  et 
que  si  elle  estoit  en  péché  mortel,  saintes  Catherine  et  Mar- 
guerite, comme  il  lui  semble,  ne  la  visiteroient  [pas|  chacun 
jour,  ainsi  qu'elles  font.  » 


X 


«  Maintient  et  asseure  que  Dieu  ayme  certains  viateurs  ' 
[hommes  vivants]  qu'elle  nomme,  et  mesme  plus  qu'il  ne 
l'ayme  elle-mesme;  et  sravoir  cela  par  révélation  de  saintes 
Catherine  et  Marguerite  qui  parlent  souvent  à  elle  en  langue 


1.   Viateurs.  c.-ii-d.  homines  in  via,  par  opposition  à  hoinines  in  1er 
mino  salutis. 


A    ROUEN.    —    LE    PHOCÈS  61 

françoise,  non  angloise,  attendu  qu'elles  ne  sont  Lpas]  du 
parti  anglois  ;  et  depuis  qu'elle  a  sceu  par  révélation  que  ses 
voix  estoient  pour  le  susdit  prince,  n'a  point  aymé  les 
Bourguignons.  » 

XI 

('  A  dit  et  confessé  qu'elle  a  fait  plusieurs  fois  la  révérence 
aux  esprits  susdits  qu'elle  appelle  Michel,  Gabriel,  Cathe- 
rine et  Marguerite,  se  descouvrant  la  teste,  fléchissant  les 
g'enoux,  baisant  la  terre  par  où  ils  ont  passé  et  leur  vouant 
sa  virginité  ;  embrassant  quelquefois  les  mesmes  Catherine 
et  Marguerite,  les  baisant  et  touchant  corporellement  et  sen- 
siblement, leur  demandant  conseil  et  ayde,  les  invoquant 
aucunes  fois,  ores  qu'ils  la  visitent  souvent  sans  qu'elle 
les  invoque,  et  qu'elle  obéit  et  acquiesce  à  tous  leurs  conseils 
et  commandements.  Et  dès  le  commencement  y  acquiesça 
sans  en  demander  conseil  à  père,  ni  à  mère,  ni  à  son  curé,  ni 
à  quelque  autre  prélat  ou  ecclésiastique. 

Au  reste,  croit  que  les  voix  et  révélations  qu'elle  a  par  le 
moyen  de  ces  saints  et  saintes  viennent  de  Dieu  et  par  son 
ordon-nance,  aussi  ferm'ement  qu'elle  croit  la  foy  chrestienne 
et  que  Nostre  Seigneur  Jesuchrist  a  soulïert  mort  et  passion 
pour  nous. 

Adjouste  encore  que  si  un  malin  esprit  après  lui  apparois- 
soitet  qu'il  feignist  estre  saint  Michel,  elle  cognoistroit  bien 
si  ce  seroit  saint  Michel  ou  non.  Outre,  dit  que  sans  avoir  esté 
induite  ni  poussée  par  aucuns,  elle  fit  serment  à  saintes 
Catherine  et  Marguerite  qui  se  manifestoient  à  elle,  de  ne 
point  révéler  le  signe  de  la  couronne  qui  devoit  estre  donnée 
à  ce  prince  auquel  elle  estoit  envoyée  ;  et  finalement  a  dit  : 
sinon  qu'elle  eust  permission  de  le  révéler.  « 

XII 

«  Plus,  dit  et  confesse  que   si  l'Eglise  vouloit  qu'elle  fist 


02  E.    lUCHER.    LA    PL'CELLE    D  ORLEANS 

quelque  chose  contraire  au  commandement  qu'elle  prétend 
lui  avoir  esté  fait  de  Dieu,  qu'elle  ne  le  feroit  pour  quelqiie 
chose  que  ce  soit  :  asseurant  qu'elle  s<;ait  bien  que  ce  qu'elle 
a  déposé  au  procez  vient  par  l'ordonnance  de  Dieu,  et  qu'il 
lui  seroit  impossible  de  faire  au  contraire.  Et  de  tout  cela  ne 
s'en  veut  rapportera  l'Eglise  militante,  ni  à  quelque  homme 
du  monde  que  ce  soit,  mais  seulement  à  Dieu  duquel  elle 
fera  tousjours  les  commandements,  principalement  quant  à 
ses  révélations  et  à  la  matière  d'icelles  et  de  tout  ce  qu'elle 
dit  avoir  fait  par  révélation. 

Maintient,  davantage,  que  les  responses  qu'elle  fait  ne  pro- 
viennent pas  de  sa  teste,  mais  du  conseil  et  précepte  que  ses 
voix  lui  donnent.  Encore  qu'on  ait  plusieurs  fois  déclaré  à 
cette  femme  l'article  de  la  foy  touchant  la  créance  que  cha- 
cun est  tenu  d'avoir,  qu'il  y  a  une  sainte  Eglise  catholique, 
et  qu'on  lui  ait  remonstré  que  tous  fidèles  chrestiens  sont 
obligez  d'y  obéir  et  de  sousmettre  tous  leurs  dits  et  faits  à 
l'Eglise  militante,  principalement  aux  matières  de  la  foy,  et 
qui  concernent  la  doctrine  sacrée  et  les  constitutions  ecclé- 
siastiques ^  ». 

Advertissement  sur  lesdits  douze  articles. 

Ces  articles  sont  calomnieusement  couchez  et  n'ont  aucune 
conformité  avec  la  vérité  des  responses  de  la  Pucelle  articu- 
lées au  procez  d'office,   lesquelles  responses  portent  leurs 

1.  Les  douze  articles  ont  été  frappés  d'une  flétrissure  spéciale  par 
les  juges  de  1456.  «  Extrait  corrompu,  dolosif,  calomnieux  des  aveux 
de  la  Pucelle  »,  ils  arrêtèrent  qu'ils  seraient  «  lacérés  judiciaire- 
ment ».  Pour  se  rendre  compte  du  bien  fondé  de  celte  sentence,  il 
faut  voir  le  tableau  que  L'Avordy,  dans  sa  Notice  sur  le  procès,  a 
dressé  du  texte  de  ces  articles.  Ce  tableau  est  à  quatre  colonnes.  L'une 
donne  le  texte  latin  des  articles,  la  deuxième  la  traduction  française, 
la  troisième  les  qualilicaLions  de  l'Université  de  Paris,  la  quatrième  les 
observations  auxquelles  ces  trois  colonnes  donnent  lieu. 

L'ensemble  a  pris  40  pages  petit  in-i". 

Voir  Notices  et  extraits  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  Roi. 
t.  III,  p.  58-98,  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-lettres. 


A     ROUEN.    —    LE    PllOCÈS  63 

justes  excuses  partout.  Car,  pour  exemple,  le  premier  article 
représente  la  Pucelle  comme  quelque  lille  rodant  parmi  les 
gens  de  guerre,  ne  plus  ne  moins  que  si  à  la  première  appa- 
rition de  ses  voix  elle  eust  couru  après  Baudricour,  là  où 
par  sa  déposition  apparoist  qu'elle  a  esté  cinq  ans  entiers  à 
combattre  et  résister,  disant  qu'elle  estoit  une  pauvre  fille 
qui  ne  sravoit  aller  à  cheval  ni  faire  la  guerre,  ni  à  qui 
s'adresser.  Et  fut  tellement  pressée  qu'elle  ne  pouvoit  demeu- 
rer on  places,  ayant  esté  jusques  par  trois  diverses  fois  à 
Vaucouleur,  et  mesme  y  fut  une  fois  trois  semaines  entières; 
le  curé  estant  venu  à  elle  avec  une  estole  pour  l'exorciser, 
ainsi  que  son  hostesse  a  déposé  en  la  revision  du  procez,  et 
en  a  esté  fait  mention  au  premier  livre. 

Davantage,  ayant  déposé  qu'elle  estoit  envoyée  du  Roy  du 
ciel,  ils  lui  font  dire  qu'elle  est  envoyée  du  Dieu  du  ciel:  qui 
est  une  manière  de  parler  des  idolâtres,  lesquels  imaginoient 
qu'il  y  avoit  un  Dieu  des  montagnes  et  un  des  vallées,  un  du 
ciel  et  un  autre  de  la  terre,  etc.  Plus,  attendu  qu'elle  avoit 
confessé  que  la  cause  pour  laquelle  le  Roy  s'estoit  déterminé 
à  lui  adjouster  foy  estoit  parce  quelle  lui  avoit  révélé  un 
signe  de  ses  propres  faits,  et  ayant  protesté  qu'elle  avoit  fait 
serment  de  ne  jamais  révéler  ce  signe,  ils  détorquent  cela  à 
une  autre  déposition,  [celle]  de  la  couronne  qu'elle  avoit 
confessé  avoir  esté  apportée  au  Roy  par  l'ange  saint  Michel, 
qui  sont  toutes  malignes  chicaneries.  Gomme  pareillement 
ce  qu'ils  lui  imputent  qu'elle  a  absolument  préféré  de  por- 
ter un  habillement  d'homme  à  communier  lejour  de  Pasques  : 
sur  quoy  le  lecteur  verra  l'advertissement  sur  la  quator- 
ziesme  séance. 

.Sil  est  loisible  de  faire  comparaison  des  choses  humaines 
aux  divines,  proportion  gardée,  certes  lEvesque  de  Beauvais 
en  ces  prétendus  articles  a  imité  les  Juifs,  ennemis  de  Nostre 
Seigneur,  qui  l'accusèrent  et  le  firent  mourir  sous  prétexte 
qu'il  se  disoit  absolument  leur  Roy,  sans  adjouster  aucunes 
circonstances  et  qualités  de  la  royauté  de  Jésus-Christ,  lequel' 


Ci  E.    niCHER.    —    LA    l'UCELLE    DORLÉAXS 

esloit  venu  au  monde  pour  racheter  les  âmes  de  son  précieux 
sang  et  leur  donner  la  jouissance  d'un  royaume  tout  spiri- 
tuel. Cependant  Pilate,  président  en  la  province,  le  con- 
damna comme  voulant  empiéter  l'Estat  de  César.  Et  depuis, 
sous  ce  mesme  prétexte,  on  a  fait  le  procez  aux  apùtres  et  à 
plusieurs  martyrs.  Que  si  l'accusation  des  Juifs  eust  esté 
nuement  proposée  et  envoyée  (;a  et  là  à  diverses  personnes 
ainsi  que  l'Evesque  de  Beauvais  a  envoyé  ses  prétendus 
articles,  il  n'y  a  aucun  homme  qui  n'eust  jugé  que  Jésus 
Christ  eust  voulu  remuer  l'Estat  et  ne  l'eust  condamné  comme 
renversant  l'ordre  politique  et  perturbateur  du  repos 
public. 

Ce  qui  nous  apprend  que  les  chefs  d'accusation  contre 
quelqu'un  doivent  estre  considérez  avec  toutes  leurs  circons- 
tances et  responses  des  accusez.  Et  par  ainsi  ces  articles  et  les 
délibérations  intervenues  sur  iceux,  sont  de  nulle  considéra- 
tion, quoy  que  l'Evesque  les  aye  fait  register  avec  ostentation, 
pensant  par  une  telle  multitude  d'hommes  partiaux,  ennemis 
de  leur  Roy  et  de  leur  patrie,  couvrir  l'inimitié  morteUe 
qu'il  portoit  à  la  Pucelle,  ou  plus  tost  à  son  prince  naturel, 
au  déshonneur  et  détriment  duquel  l'Anglois  faisoit  faire  le 
procez  à  cette  fille  et  l'avoit  achetée  à  cet  efïet. 

Et  [il]  n'importe  de  dire  que  ces  délibérations  n'ont  esté 
données  que  doctrinalement,  c'est-à-dire  en  fait  de  doctrine, 
pour  ce  qu'elles  sont  données  sur  de  faux  faits  et  calomnies 
recherchées  à  dessein  de  faire  mourir  la  Pucelle. 

Et  n'est  de  raison  ni  de  justice  qu'aucuns  opinent  en  quel- 
que procez  que  ce  soit,  sinon  qu'il  ayent  assisté  à  tout  le  pro- 
cez et  délibérations,  et  principalementen  matière  criminelle. 
Ne  faut  encore  omettre  que  l'Evesque  a  ordonné  que  ceux  qui 
délibéreront  sur  les  divers  articles,  envoyeront  leurs  opinions 
scellées  et  cachetées,  à  dessein  de  ne  s'en  pas  servir  au  cas 
qu'elles  répugnassent  à  sa  conspiration.  Et  plusieurs  ont 
tesmoigné  qu'il  avoit  malmené  aucuns  desdits  délibérans  pour 
avoir  allégué  les  canons  et  contrevenu  à  ce  qu'il  demandoit. 


A    nOUEN:.    LE-  PROCES 


[Délibérations  sur  les  douze  articles. 

Or,  le  jeudi  douziesine  avril  1431  après  l'asques,  opinèrent 
premièrement  sur  ces  articles  les  conseillers  et  assesseurs 
ordinaires  de  l'Evesque  de  Beauvais  assemblez  pour  cet  effet, 
qui  avoienl  assisté  et  assistoient  au  procez,  sravoir  Erard 
Emengart,  présidant  à  cette  délibération  comme  plus  ancien 
docteur,  Jean  Beaupère,  Guillaume  le  Boucher,  Jacques  de 
Turonia  ou  de  Touraine,  Nicolas  3Iidi  qui  a  dressé  lesdits 
articles,  Pierre  de  Migetio  (Migiet),  prieur  de  Longueville, 
Maurice  du  Chesne,  Jean  de  Nibat,  Pierre  de  Houdenc,  Jean 
Fabri,  Pierre  Maurice,  l'abbé  de  Mortemer,  Gérard  Feuillet, 
Richard  des  Prés  et  Jean  Charpentier,  tous  docteurs- en  théo- 
logie; Guillaume  Haiton,  Nicolas  Couppequesne,  Ysambert 
de  la  Roche  et  Thomas  de  Gourcelles,  bacheliers  en  théologie, 
disans  sur  lesdits  articles  que  : 

«  Attendu  la  qualité  de  la  personne,  ses  faits  et  dits,  et 
les  moyens  des  apparitions  et  révélations  et  autres  circons- 
tances exprimées  èsdits  articles  et  contenues  au  procez,  le 
tout  conféré  et  rapporté  l'un  avec  l'autre,  bien  pesé  et'exa- 
miné,  que  toutes  les  dites  apparitions  et  révélations  que  cette 
femme  publie  et  se  vante  avoir  de  la  part  de  Dieu  par  l'en- 
tremise des  Anges  et  saintes,  sont  au  contraire  plus  tost 
pures  fictions  humainement  con trouvées,  ou  qui  procèdent 
des  esprits  malins,  et  que  cette  femme  na  eu  aucun  signe 
valable  ni  suffisant  pour  debvoir  adjouster  foy  et  cognoistre 
telles  révélations.  Que  les  susdits  articles  contiennent  plu- 
sieurs menteries  et  choses  feintes  à  plaisir,  et  que  cette 
femme  a  cru  de  trop  léger.  Y  a  pareillement  des  divinations 
superstitieuses,  des  faits  scandaleux  et  irreligieux,  dits  et 
assertions  téméraires,  présomptueuses,  pleines  de  jactance 
et  vanterie,  des  blasphèmes  contre  Dieu  et  les  saints,  et  une 
impiété  à  l'endroit  de  ses  propres  parens,  et  aucunes  choses 
qui  ne  s'accordent  "pas]  avec  le  précepte  de  la  dilection  du 

5 


66  E.    RICHER.    —    LA    l'LCELLE    D  ORLÉANS 

prochain  el  qui  ressentent  l'idolâtrie,  et  outre  tendent  à  faire 
schisme,  sentent  mal  de  l'unité,  autorité  et  puissance  de 
l'Eglise,  et  sont  grandement  suspectes  d'hérésie.  Quant  à  ce 
qu'elle  tient  que  ceux  qui  lui  apparaissent  sont  saint  Michel, 
saintes  Catherine  et  Marguerite,  et  que  les  choses  qu'ils  lui 
disent  sont  bonnes,  et  outre  asseure  croire  cela  aussi  ferme- 
ment que  la  foy  chrestienne,  on  la  doit  tenir  pour  suspecte 
d'erreur  en  matière  de  foy.  Car  si  elle  prétend  que  les  arti- 
cles de  la  foy  ne  doivent  estre  crus  ni  tenus  plus  fermement 
que  les  saints  qui  lui  ont  apparu  sont  saint  Michel,  saintes 
Catherine  et  Marguerite,  et  que  tout  ce  qu'elles  lui  disent  est 
bon,  elle  erre  en  la  foy.  Plus,  asseurant  avoir  fait  par  exprès 
commandement  de  Dieu  tout  ce  qui  est  couché  et  porté  en 
l'articlecinquiesme  avec  le  contenu  du  premier  article,  sça- 
voir  qu'elle  a  bien  fait,  ne  recevant  [pas]  le  sacrement  de 
l'Eucharistie  au  temps  ordonné  de  l'Eglise,  ensemble  tout  ce 
qui  est  couché  ci-dessus  aux  dits  articles,  cela  est  un  grand 
blasphème  contre  Dieu  et  contre  la  foy.  » 

Et  voilà  en  somme  la  résolution  des  Docteurs  et  autres  sus- 
nommez  assesseurs  de  l'Evesque  de  Beauvais  intervenue  sur 
ces  douze  articles,  et  non  sur  les  dépositions  de  la  Pucelle 
contenues  au  procez.  Laquelle  résolution,  ensemble  les  dits 
douze  articles,  est  une  tablature  d'iniquité  dressée  par 
l'Evesque  de  Beauvais  pour  estre  envoyée  tant  à  l'Université 
de  Paris  qu'à  plusieurs  autres  particuliers  qui  ont  donné 
leur  ad  vis  sur  ces  prétendus  articles,  conformément  à  la  réso- 
lution qui  leur  a  servi  de  préjugé  et  de  tablature.  Et  quant  à 
ce  qu'ils  maintiennent  que  la  Pucelle  n'a  eu  aucun  signe 
Valable  et  suffisant  pour  adjouter  foy  à  ses  révélations,  nous 
avons  desmontré  le  contraire  par  les  règles  que  les  théolo- 
giens ont  establies  pour  l'examen  et  discrétion  des  esprits, 
sur  la  fin  du  premier  livre  de  cette  histoire. 


&7 


[Maistres  et  assesseurs  dont  les  délibérations  ont  été 
envoyées  à  part']. 

Or,  ensuivent  les  noms  des  opinants,  soavoir,  maistres 
Denis  Gastinel,  licencie'  es  droits,  Jean  Basset,  licencié  en 
droit  canon  et  officiai  de  Rouen,  Gilles,  abbé  de  Fécamp, 
docteur  en  théologie,  lesquels  ont  suivi  en  tout  et  partout  la 
délibération  des  dits  assesseurs  et  conseillers  de  l'Evesque  de 
Beauvais  ci-tlessus  allégués,  comme  pareillement  maistre 
Jacques  Guesdon,  cordelier,  docteur  en  théologie,  maistre 
Jacques  Maugier,  chanoine  de  Rouen  et  licencié  en  droit 
canon,  maistre  Jean  Brûlot,  licencié  en  droit  canon  et  chan- 
tre de  l'église  de  Rouen,  maistre  Nicolas  de  Venderès,  licen- 
cié en  droit  canon  et  archidiacre  d'Eu,  maistre  Gilles  Des- 
champs, licencié  en  droit  civil,  chancelier  et  chanoine  de 
l'église  de  Rouen,  maistre  Nicolas  Caval,  licencié  en  droit 
civil,  chanoine  de  Rouen,  maistre  Robert  Barbier,  licencié 
en  droit  canon  et  chanoine  de  l'église  de  Rouen,  maistre 
Jean  de  Lespée,  licencié  en  droit  civil,  chanoine  de  l'église 
de  Rouen,  maistre  Jean  Hulot  de  Chastillon,  archidiacre  et 
chanoine  de  l'église  d'Evreux,  maistre  Jean  de  Bonesgue, 
docteur  en  théologie,  aumosnier  de  l'abbaye  de  Fécamp, 
maistre  Jean  Garin,  docteur  en  décret,  le  chapitre  de  l'église 
de  Rouen  assemblé  en  corps,  maistre  Aubert  Morel  et  Jean 
de  (Juemino,  licenciez  en  droit  canon,  advocats  en  l'officia- 
lité  de  Rouen,  onze  avocats  de  la  cour  séculière  de  Rouen, 
messires  Philibert  de  Coutances,  monsieur  l'Evesque  de 
Lisieux,  messires  Nicolas  de  Gemeticis  et  Guillaume  de  Gor- 
neliis,  abbez  et  docteurs  en  décret,  maistres  Raoul  Roussel, 
docteur  en  droit,  maistres  Pierre  Minier,  Jean  Pigache  et 

1.  Les  maîtres  et  docteurs  dont  les  noms  suivent  ci-après  ne  souscri- 
virent pas  une  même  et  coiumunc  délibération,  mais  cliacun  formula 
la  sienne,  aboutissant  en  somme  au  même  résultat  que  la  délibération 
rapportée  plus  haut.  E.  Biclier  a  jugé  inutile  de  reproduire  ces  délibé- 
rations particulières.  On  les  trouvera  dans  J.  QuicuEnAr.  Procès,  t.  I, 
p.  341-374. 


68  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLKANS 

Richard  de  Grouchel,  bacheliers  en  théologie,  maistre  Raoul 
Silvestre,  bachelier  en  théologie. 


[18  avril.  —  Exhortation  charitable  à   la  Pucelle  malade, 
dans  sa  prison  '.] 

Le  mercredi  dix-huitiesme  avril  1431,  l'Evesque  de  Beau- 
vais  déclare  qu'ayant  vu  les  susdites  délibérations  contenans 
les  griefs  et  grands  deffauts  contenus  aux  réponses  de  Jeanne, 
et  que  si  elle  ne  les  corrigeoit,  elle  s'exposoit  à  de  grans 
périls,  pour  ces  causes  il  a  estimé  estre  à  propos  de  la  Aiire 
doucement  et  charitablement  admonester  par  plusieurs  gens 
de  bien  et  doctes  personnages,  tant  docteurs  qu'autres,  afin 
do  la  mettre  et  réduire  à  la  voye  de  vérité  et  sincère  profes- 
sion de  nostre  foy  ;  et  que,  pour  cette  cause,  [il]  s'est  trans- 
porté à  la  prison  assisté  de  Guillaume  Boucher,  Jacques  de 
Touraine,  Maurice  du  Ghesne,  Nicolas  Midi,  Guillaume  Ade- 
lée,  etc.,  et  en  leur  présence  parla  en  cette  sorte  à  la  dite 
Jeanne  qui  disoit  estre  malade,  lui  resmontrant  que  plusieurs 
personnes  doctes  avoient  diligemment  examiné  ses  responses 
et  dépositions,  et  y  avoient  remarqué  plusieurs  choses  gran- 
dement périlleuses  en  la  foy.  Et  d'autant  qu'elle  estoit  une 
femme  qui  n'avoit  point  de  lettres  et  ignoroit  les  saintes 
Escritures,  il  lui  offroit  donner  des  hommes  doctes  et  sça- 
vants,  et  gens  de  grande  probité,  afin  de  l'instruire  duement 
de  ce  qu'elle  avoit  à  faire  pour  le  salut  de  son  àme.  Que  si 
elle-mesme  en  pouvoit  eslire  aucuns,  qu'elle  les  nommast,  etc. 
Au  reste,  qu'ils  estoient  tous  ecclésiastiques  et  volontaire- 
ment désiroient  son  salut,  et  faire  tout  ce  qu'il  leur  seroit 
-  possible   pour  elle.   Que  l'Eglise   en  semblables  choses  ne 


1.  K.  Richer  ne  donne  pas  de  détails  sur  la  maladie  ([ui  menaea  les 
jours  de  la  Pucelle  dans  les  premiers  jours  daviil.  11  se  borne  à  la 
nacntionner  dans  l'avertissement  dont  il  fait  suivre  le  résumé  de 
l'exhortation  charitable,  et  à  rappeler  les  instructions  données  aux 
mwlecins  par  le  comte  de  Warwick. 


A    ROUEN.    —    LE    PROCÈS  69 

ferme  jamais  son  sein  à  ceux  qui  retournent  finalement  à 
elle,  etc. 

La  Pucelle  respond  qu'elle  les  remercioit  des  bons  adver- 
tissements  qu'ils  lui  donnoient  pour  son  salut,  disant  qu'at- 
tendu sa  grande  infirmité,  il  lui  sembloit  estre  en  péril  de 
mort.  Que  si  Dieu  vouloit  faire  son  plaisir  d'elle,  elle  les 
prioit  de  permettre  qu'elle  fust  confessée,  et  pust  recevoir  le 
saint  sacrement  de  l'Eucharistie,  et  estre  inhumée  en  terre 
sainte. 

On  lui  remonstra  que  si  elle  vouloit  recevoir  les  sacrements 
de  l'Eglise,  il  falloit  comme  bonne  catholique  qu'elle  se 
confessast;  et  pareillement  se  sousmist  au  jugement  de 
l'Eglise  ;  que  persévérant  en  son  opinion  de  ne  pas  se 
sousmettre  à  l'Eglise,  on  ne  lui  pouvoit  administrer  les 
sacrements  qu'elle  demandoit,  excepté  le  sacrement  de  péni- 
tence qu'on  estoit  près  de  lui  conférer. 

Elle  répliqua  ne  leur  pouvoir  respondre  autre  chose. 

On  lui  dit  lors  que  plus  elle  craignoit  de  sa  vie  corporelle 
à  cause  de  l'infirmité  qui  la  travailloit,  d'autant  plus  debvoit- 
elle  amender  sa  vie,  et  qu'elle  ne  jouiroit  pas  des  droits  de 
l'Eglise,  si  elle  ne  se  sousmettoit  à  l'Eglise. 

Répliqua,  si  son  corps  mouroit  en  prison,  quelle  s'atten- 
doit  qu'ils  le  feroient  mettre  en  terre  sainte;  que  si  ne  le  fai- 
soient,  elle  s'en  rapportoit  à  Dieu. 

On  lui  remonstra  encore  qu'elle  avoit  déposé  autres  fois 
en  son  procez  que  si  elle  avoit  dit  ou  fait  quelque  chose  qui 
fust  contre  la  foy  chrestienne  ordonnée  de  Dieu,  elle  ne  le 
voudroit  soustenir. 

Repartit  qu'elle  se  rapportoit  aux  réponses  qu'elle  avoit 
fait  sur  cela  et  à  Nostre  Seigneur. 

Et  parce  qu'elle  asseuroit  avoir  plusieurs  révélations  de  la 
part  de  Dieu  faites  par  saint  Michel  et  saintes  Catherines  et 
Marguerite,  on  lui  demanda  s'il  venoit  quelque  bonne 
créature  qui  asseurast  avoir  des  révélations  de  la  part  de 
Dieu  touchant  ses  faits,  si  elle  lui  voudroit  adjouster  foy. 


70  E.    RTCHER.    —    L.\    PUCELf-E   D  ORLEANS 

Maintient  qu'il  n'y  avoit  chrestien  au  monde,  s'il  venoit 
à  elle  et  disoit  avoir  des  révélations,  qu'elle  ne  sceust  bien 
cognoistre  s'il  diroit  la  vérité  ou  non,  et  qu'elle  srauroit  cela 
par   le  moyen  de  saintes  Catherine  et  Marguerite. 

Interrogée  si  elle  imagine  que  Dieu  puisse  révéler  quelque 
chose  à  une  bonne  créature  qui  soit  incognue  à  elle  qui  res- 
pond,  elle  repartit  qu'il  est  bon  de  sravoir  que  oui,  mais 
qu'elle  ne  crôiroit  à  aucun  homme  ni  femme  sans  avoir  au 
préalable  quelque  signe. 

On  lui  demande  si  elle  croit  que  la  sainte  Escriture  soit  révé- 
lée de  Dieu  à  son  Eglise.  Répliqua  :  Vous  scavez  bien  qu'il 
est  bon  de  savoir  que  oui. 

Elle  fut  sommée,  exhortée  et  requise  de  prendre  un  bon 
conseil  des  ecclésiastiques  et  notables  docteurs  et  de  les 
croire  pour  le  salut  de  son  âme.  Et  lui  demanda-t-on  de- 
rechef si  elle  vouloit  sousmettre  ses  faits  à  l'Eglise  mili- 
tante. 

llespondit  linalement,  quoy  qu'il  lui  dust  arriver,  qu'elle 
ne  diroit  autre  chose  que  ce  qu'elle  avoit  déposé  au  pro- 
cez,  etc. 

On  lui  dit  que  si  elle  ne  se  sousmettoit  à  l'Eglise,  elle 
seroit  abandonnée  comme  une  sarrazine  et  mescréante. 
Repartit  qu'elle  estoit  bonne  chrestienne,  et  avoit  esté 
bien  baptisée,  et  qu'elle  mourroit  en  bonne  chrestienne. 

On  lui  demande,  puisquelle  désire  que  l'Eglise  lui  admi- 
nistre le  sacrement  de  l'Eucharistie,  si  elle  veut  se  sousmettre 
à  l'Eglise  militante,  et  qu'on  lui  permettroit  de  communier. 
Réplique  que  pour  cette  submission  elle  ne  respondra  autre 
chose,  et  qu'elle  ayme  Dieu,  le  sert,  est  bonne  chrestienne 
et  voudroit  de  tout  son  pouvoir  ayder  et  soutenir  l'Eglise. 

On  l'interroge  si  elle  vouloit  (ju'on  ordonnas!  une  belle  et 
notable  procession  pour  la  réduire  à  un  bon  estai,  au  cas 
qu'elle  n'y  fust. 

Respond  qu'elle  veut  bien  que  l'Eglise  et  les  catholiques 
prient  pour  elle. 


A    ROUEN'.    —    LE    l'HOCES 


Advertissement. 


Pendant  que  la  Pucelle  fut  malade  en  la  prison,  les  Anglois 
esloient  en  extrême  crainte  qu'elle  ne  mourust.  De  sorte  que 
maistre  Guillaume  de  la  Chambre,  docteur  en  médecine,  a 
déposé  à  la  revision  du  procez,  que  le  cardinal  de  Winthon 
(de  Winchester)  et  le  comte  de  Warwic  l'envoyèrent  quérir 
avec  maistre  (Juillaume  Desjardins,  aussi  docteur  en  méde- 
cine, pour  ce  qu'ils  traitoient  la  Pucelle  en  sa  maladie,  et 
que  le  comte  de  Warvic  leur  dit  nommément  qu'ils  prissent 
bien  garde  qu'elle  ne  mourust  de  sa  mort  naturelle,  et  qu'il 
ne  la  falloit  pas  saigner,  si  possible  :  elle  se  feroit  mourir  si 
on  lui  ouvroit  la  veine.  Que  le  Roy  d'Angleterre  ne  voudroit 
pour  chose  du  monde  qu'elle  mourust  de  sa  mort  naturelle, 
qu'il  l'avoit  bien  chèrement  achetée  et  la  vouloit  faire  brus- 
1er.  Chose  que  l'Evesque  de  Beauvais  sçavait  bien,  et  pour 
cette  cause  travailloit  si  ardemment  à  son  procez  sans  lui 
donner  aucune  relasche,  mesme  après  une  si  grande  mala- 
die. 

[2  mai.  —  Admonition  publique  dans  une  salle  du  Château 
de  Rouen] 

Le  vendredi,  second  jour  de  may,  l'an  1431,  l'Evesque  se 
transporta  en  la  prison  avec  ses  assesseurs  et  conseillers,  la 
Pucelle  ayant  recouvré  sa  santé,  et  députa  maistre  Jean  de 
Chastillon,  docteur  en  théologie,  archidiacre  d'Evreux, 
pour  l'admonester  :  à  raison  de  quoy  elle  fut  amenée  devant 
l'Evesque  ^. 

Et  toutes  les  exhortations  qui  lui  furent  faites  ne  tendoient  qu'à 
linduire  à  se  sousmeltre  à  l'Eglise  militante,  ensemble  tous  ses 

\.  Celte  admonition  fut  très  solennelle.  Le»  deux  juges.  Pierre  Cau- 
clion  et  le  vice-inquisiteur,  présidaient  assis  sur  le  tribunal.  Les  asses- 
seurs étaient  au  nombre  de  .soi.vante-trois.  L'admonition  eut  lieu,  non 
dans  la  prison  de  la  Pucelle,  mais  dans  une  des  salles  du  château 
royal. 


/2  E.    UICHEU.    LA    PUCELLE    D  OULEANS 

faits  et  dits.  Et  lui  fut  expliqué  [ce]  que  c'tfstoit  que  l'Eglise  mili- 
tante, et  quel  pouvoir  et  autorité  elle  avoit  de  IJieu  ;  que  tous  les 
chrestiens  estoient  tenus  de  s'y  sousmettre,  conrorméineai  à  cet 
article  du  symbole,  Je  crois  une  sainte  Eglise  catholique,  qui  est 
toujours  régie  du  saint  Esprit  et  ne  peut  errer  ni  deiïaillir,  etc. 
Que  plusieurs  docteurs  avoient  veu  et  diligemment  examiné  ses  dé- 
positions et  responses  touchant  les  révélations  quelle  disoit  avoir  ; 
qu'on  avoit  conféré  avec  les  ecclésiastiques  et  autres  personnages 
qualifiez  de  son  parti  touchant  la  couronne  qu'elle  disoit  avoir 
esté  apportée  à  son  Roy  par  un  Ange,  lesquels  tenoient  cela  pour 
un  manifeste  mensonge  ;  comme  pareillement  plusieurs  autres 
siennes  dépositions.  Que  c'estoit  chose  bien  périlleuse  de  s'estimer 
digne  de  pareilles  apparitions  et  révélations,  et  de  mentir  en  ce 
qui  appartient  à  Dieu  et  à  la  religion,  et  de  rechercher  les  choses 
qui  sont  au-dessus  de  sa  capacité.  Qu'à  l'aison  de  ces  fictions  et 
révélations  supposées,  elle  s'estoit  précipitée  en  plusieurs  autres 
ci'imes,  comme  de  vouloir  presdire  les  choses  futures  qui  sont 
cognues  à  Dieu  seul,  etc. 

A  quoy  elle  respondit  selon  sa  coutume  ordinaire,  à  sçavoir 
qu'elle  croyait  bien  que  l'Eglise  militante  ne  pouvoit  errer  ni 
deffaillir,  mais  que  pour  le  regard  de  ses  faits  et  dits,  elle  s'en 
rapportoit  totalement  à  Dieu  qui  lui  avoit  fait  faire  tout  ce 
qu'elle  avoit  fait,  auquel  elle  se  sousmettoit  comme  à  son  créateur, 
etc. 

On  lui  demanda  si  elle  vouloit  dire  qu'elle  n'eust  aucun  juge 
en  terre,  et  si  elle  ne  recognoissoit  pas  nostre  saint  père  le  Pape 
pour  juge.  Répliqua  ne  leur  pouvoir  dire  autre  chose  décela,  et 
qu'elle  avoit  un  bon  maistre,  à  sçavoir  Dieu,  auquel  elle  se  com- 
mettoit  et  résignoit  du  tout. 

On  lui  dit  que  si  elle  ne  vouloit  croire  à  l'Eglise  et  à  cet  article 
du  symbole,  une  sainte  Eglise  catholique,  elle  estoit  hérétique, 
soustenant  cela,  et  seroit  bruslée  par  d'autres  juges.  Respondit 
qu'elle  ne  leur  diroit  autre  chose  :  et  si  elle  voyoit  du  feu,  quelle 
persisteroit  constamment  en  cet  advis  et  ne  feroit  autre  chose. 

Interrogée  si  le  saint  Concile  général,  nostre  saint  père  le  Pape, 
les  cardinaux  et  autres  prélats  de  l'Eglise  estoient  ici  présents, 
elle  se  voudroit  sousmettre  à  eux,  dit  qu'ils  n'auroient  autre  chose 
d'elle. 

Enquise  si  elle  se  vouloit  sousmettre  à  nostre  saint  père  le  Pape, 
respondit  :  Mcnez-moy  à  lui  et  je  lui  respondroy.  Et  ne  voulut 
rien  dire  autre  chose. 

On  lui  fait  plusieurs  interrogatoires  sur  l'hai)illement  d'homme 


A    UUUKN.    LK    l'UUCES  7$ 

qu'elle  portoit.  A  quoy  respondit  comme  elle  avoit  fait  au  procez- 
d'office,  et  dit  notamment  qu'après  qu'elle  auroit  fait  ce  pour  quoy 
elle  estoit  envoyée  de  la  part  de  Dieu,  elle  prendroit  un  habit  de 
femme,  etc. 

S'enquièrent,  quand  saintes  Catherine  et  Marguerite  viennent  à 
elle,  si  elle  tait  le  signe  de  la  croix.  Respond,  oui  aucunes  fois,  et 
d'autres  fois  non. 

Enquise  si  elle  se  vouloit  rapporter  à  l'archevesque  de  Rheims, 
et  au  mareschal  de  Boussac,  à  Charles  de  Bourbon,  au  sieur  de  La 
Trémoille,à  La  Hire  et  autres  auxquels  elle  a  dit  avoir  monstre  cette 
couronne  dont  a  esté  parlé  ci-devant,  et  qu'ils  estoient  présents 
lorsque  l'Ange  l'apporta  à  celui  qu'elle  appelle  son  Roy;  laquelle 
couronne  fut  mise  entre  les  mains  de  l'archevesque  de  Rheims  ;  ou 
bien  si  elle  veut  se  rapporter  à  quelques  autres  de  son  parti  qui 
escriront  sous  leui's  scellezs  la  vérité  de  ce  fait  :  requit  qu'on  lui 
donnast  un  messager  et  qu'elle  leur  escriroit  de  tout  le  procez;  et 
ne  voulut  autrement  les  croire  ni  s'en  rapporter  à  eux. 

Quant  à  ce  qu'on  lui  disoit  touchant  la  présomption  de  prédire 
des  choses  futures  contingentes,  etc.,  répliqua  qu'elle  s'en  rappor- 
toit  à  son  juge  nostre  seigneur  Dieu  et  à  ce  qu'elle  avoit  autres 
fois  déposé,  qui  estoit  escrit  au  livre  de  son  procez. 

Interrogée  si  l'on  envoyoil  trois  ou  quatre  ecclésiastiques  de  son 
parti  qui  viendront  sous  un  sauf-conduit,  [sij  elle  se  voudroit 
rapporter  à  eux  touchnnl  ses  apparitions  et  autres  choses  conte- 
nues en  ce  procez  :  demanda  qu'on  les  fist  venir  et  qu'elle  respon- 
droit  api'ès,  et  autremout  ne  se  voulut  rapporter  ni  sousmettre  à 
eux  de  ce  procez. 

On  lui  demanda  si  elle  se  vouloit  sousmettre  à  l'église  de  Poi- 
tiers où  elle  avoit  esté  examinée.  Répliqua  :  Croyez-vous  me 
prendre  et  tirer  à  vous  de  cette  manière  ? 

Pour  conclusion  et  d'abondant,  elle  fut  de  nouveau  générale- 
ment advertie  de  se  sousmettre  à  l'Eglise  sous  peine  d'estre  aban- 
donnée de  l'Eglise.  Ce  qui  arrivant,  elle  seroit  en  grand  péril  pour 
son  corps  et  pour  son  amc,  se  mettant  en  danger  d'être  bruslée 
éternellement,  quant  à  son  ame,  et  temporellement  quant  à  son 
corps  par  d'autres  juges  ^ 

Elle  repartit  qu'ils  ne  feroiçnt  pas  ce  qu'ils  disoient  contre  elle 
que  mal  ne  leur  en  arrivast  tant  en  leurs  corps  qu'en  leurs  âmes. 

On  lui  dit  qu'elle  allé.uast  quelque  cause  pourquoy  elle  ne   se 


1.   Par  les  juges  séruliers  auxquels  elle  serait  abandonnée. 


/4  E.    RICHEU.    —    L\    PUCELLE    D  OP.LEANS 

vouloil  rapporlcr  i\  l'Eglise.  Sur  t[uoy  ne  voulut  faire  aucune  res- 
ponse,  encore  que  plusieurs  docleurs  l'exhortassent  de  sesousmettre 
à  l'Eglise  universelle  militante,  à  nostre  saint  père  le  Pape  el  au 
sacré  Concile  général. 

Ce  que  l'Evesque  voyant,  il  dit  à  la  Pucelle  qu'elle  prit  bien 
garde  à  elle  et  fist  son  profit  des  charitables  adverlisseraents 
qu'on  lui  faisoit.  Et  après  cela  se  retira,  et  la  Pucelle  fut  ramenée 
en  la  prison. 

Âdvertissement. 

L'Evesque  de  Beauvais  continue  tousjours  à  faire  de  cap- 
tieux interrogatoires  surpassant  la  capacité  de  cette  lillc, 
mesnie  durant  sa  maladie,  sçavoir  de  se.sousmettre  à  l'Eglise 
militante  et  au  (Concile  général,  qui  est  à  dire  au  clergé  du 
parti  anglois.  Pour  le  regard  du  Saint-Père,  voilà  pour  la 
seconde  fois  qu'elle  a  demandé  d'estre  menée  à  lui  :  h  quoy 
nulle  response. 

Frère  Isambert  de  la  Roche,  l'un  des  assesseurs  de  l'Evesque 
de  Beauvais,  qui  assista  au  procez,  a  tesmoigné  que  quand  on 
interrogea  la  Pucelle  de  se  sousmettre  à  l'Eglise,  qu'elle 
n'enlendoit  point  que  cela  voulust  dire  autre  chose  sinon 
qu'elle  se  sousmist  aux  ecclésiastiques  du  parti  anglois 
qu'elle  voyoit  devant  elle  assemblez  pour  la  condamner,  et 
qu'elle  dist  nommément  à  l'Evesque  de  Beauvais  qu'elle  ne 
se  vouloit  sousmettre  à  eux,  et  principalement  h  lui  ;  qu'ils 
estoient  ses  ennemis  mortels.  Que  lui  qui  parle,  voyant  la 
perplexité  où  estoit  celte  fille,  lui  ayant  remonstré  qu'elle 
pouvoit  se  soumettre  au  Concile  général  de  Bùle,  auquel  y 
auroit  plusieurs  prélats  et  docteurs  du  parti  de  son  Roy, 
l'Evesque  entendant  cela  dit  à  lui  déposant  :  Taisez-vous  de 
par  le  diable;  et  que  pour  cette  mesme  cause  il  fut  grande- 
ment menacé  par  le  comte  de  Warwic  :  que  la  Pucelle 
«'estant  lors  sousmise  au  Pape,  et  (luillaume  Manchon,  pre- 
mier notaire,  ayant  denrandi^  à  l'Evesque  s'il  feroit  registre 
dtvcette submission,  l'Evesque  respondit  qu'il  n'estoit  néces- 
saire, et  qu'alors  Jeanne  repartit  :  «  Vous  escrivez  bien  ce 


qui  fnil  contre  moy,  et  ne  voulez  pas  qu'on  escrive  ce  qui  fait 
pour  moi  !  »  A  raison  de  quoy  on  fit  un  grand  murmure  da-ns 
l'assemblée. 

One,  depuis,  ayant  encore  esté  plusieurs  fois  interrogée  de 
se  sousmettre  à  l'Eglise,  finalement  maistre  Pierre  Maurice, 
docteur  en  théologie,  voyant  qu'elle  n'entendoit  pas  cej  que 
c'estoit  de  se  sousmettre  à  l'Eglise,  il  lui  dit  bien  particuliè- 
rement qu'il  y  avoit  une  Eglise  triomphante  et  une  militante, 
et  que  celle-ci  comprenoit  le  Pape,  les  cardinaux,  archeves- 
ques,  évesques  et  autres  prélats  auxquels  elle  se  delîvoit  et 
pouvoit  asseurément  sousmettre;  et  qu'alors  elle  dit  qu'elle 
se  sousmettroit  au  Pape,  qu'on  la  menast  à  lui,  et  continua 
tousjours  en  cette  résolution  jusques  au  dernier  soupir.  De 
quoy  l'Evesque  de  Beauvais  n'a  tenu  compte,  et  mesme  n'a 
permis  qu'on  en  fist  registre  que  par  basions  rompus  et  au 
désavantage  de  la  Pucelle. 

Or,  touchant  ce  qu'ils  lui  demandent,  si  elle  veut  se  sous- 
mettre à  rP2glise  de  Poitiers  où  elle  a  esté  examinée,  ou  bien 
se  rapporter  à  ceux  de  son  parti,  c'est  une  pure  moquerie 
qui  ne  tendoit  qu'à  la  surprendre,  ainsi  qu'elle-mesme  l'a 
recognu.  (larpour  effectuer  canoniquement  leur  proposition, 
il  eust  fallu  revoir  tout  le  procez  avec  ceux  de  Poitiers  et 
entendre  parler  cette  fille,  ce  que  les  Anglois  n'avoient  garde 
de  permettre.  Aussi  respond-elle  qu'ils  lui  donnent  un  mes- 
sager, qu'elle  leur  rescriroit  de  tout  le  procez,  etc.  Dit  encore  : 
<c  Pensez-vous  me  prendre  et  tirer  à  vous  par  cette  ma- 
nière? »  Quant  à  l'ange  saint  Michel  qui  a  apporté  une  cou- 
ronne à  son  Roy,  etc.,  sur  quoy  ils  l'interrogeut  derechef, 
nous  avons  dit  ailleurs  que  c'est  une  allégorie  du  sacre  et 
couronnement  du  Roy,  et  que  les  allégories  sont  les  formes 
ordinaires  desquelles  usent  ceux  qui  sont  douez  de  l'esprit 
de  prophétie;  et  que  la  Pucelle  estant  la  messagère  de  Dieu 
et  instruite  par  saint  Michel,  elle  a  dit  que  c'estoit  saint 
Michel  mesme  qui  avoit  apporté  cette  couronne,  etc.  Voyez 
VAdvej-lissement  su?' la  dixiesme  séance. 


ih  ii.^  RICHEU.    LA    PUCELLE    D  OULEANS 

IX  et  XII  mai.  —  On  délibère  si  on  ne  soumettra  pas  la  Pucelle 
à  la  torture  . 

Or,  ne  restant  plus  autre  chose  à  l'Evesque  de  Beauvais 
pour  ruer  son  dernier  coup  que  la  censure  de  l'Université  de 
Paris  sur  les  douze  articles  registrez  ci-devant,  et  l'attendant 
en  grande  dévotion,  voulant  gagner  le  temps,  il  faisoit  faire 
de  petits  interrogatoires  à  la  Pucelle.  C'est  ainsi  que  le  mer- 
credi rieufviesme  may  1431,  il  se  transporta  en  la  grosse 
tour  du  chasteau  de  Rouen  et,  assisté  de  son  conseil,  fit  ame- 
ner devant  soy  la  Pucelle,  et  lui  fut  dit  que  si  elle  ne  confes- 
soit  la  vérité  touchant  plusieurs  points  contenus  en  son  pro- 
cez,  on  lui  donneroit  la  question  et  qu'on  avoit  fait  préparer 
pour  cela  en  ladite  tour  toutes  choses  nécessaires.  Et  lui 
fit-on  voir  les  officiers  qui  estoient  prests  de  la  mettre  à  la 
torture  pour  la  ramener  à  la  voye  et  cognoissance  de  la 
vérité,  afin  de  sauver  son  corps  et  son  àme;  que  par  ses  sub- 
terfuges et  menteries  elle  s'exposoit  à  de  grans  périls. 

Elle  respondit  que  si  on  la  debvoit  mettre  en  quartier  et  la 
faire  mourir,  elle  ne  leur  confesseroit  autre  chose.  Que  si 
elle  leur  disoit  maintenant  le  contraire  de  ce  qu'elle  avoit 
déposé,  après  elle  se  rétracteroit  et  diroit  qu'on  l'auroit  con- 
trainte par  les  tourments  de  dire  ce  qu'elle  auroit  dit.  Clause 
bien  notable,  vu  les  menaces  d'estre  bruslée  toute  vive  qu'on 
lui  a  faites  souventes  fois  pour  l'intimider. 

Elle  déposa  que  tout  nouvellement,  le  jour  de  sainte  Croix, 
troisiesme  de  may,  elle  eut  une  grande  consolation  de  saint 
Gabriel,  et  qu'elle  croit  que  ce  soit  lui-mesme,  que  ses  voix 
l'en  ont  duement  asseurée.  Auxquelles  elle  a  demandé  con- 
seil sur  ce  que  les  gens  d'Eglise  la  pressoient  tant  de  se  sous- 
mettre  h  l'Eglise,  et  qu'elles  lui  ont  dit,  si  elle  veut  estre 
aydée  et  assistée  de  Dieu,  qu'elle  se  rapporte  à  lui  de  tout  ce 
qu'elle  a  fait  et  exploité,  vu  qu'elle  sçait  bien  que  Dieu  a 
tousjours  esté  le  maistre  de  toutes  ses  actions,  et  que  le  diable 


A    ROUEN.    LE    PROCES  77 

n'y  avoit  jamais  eu  aucune  part  ni  pouvoir.  A  recognu 
avoir  nommément  demandé  à  ses  voix  si  elle  seroit  bruslée  : 
qu'elles  lui  ont  respondu  qu'elle  s'attende  à  Dieu  qui  lui 
aydera. 

On  lui  demande  si  elle  veut  se  rapporter  à  l'archevesque 
de  Rheims  touchant  cette  couronne  qu'elle  maintient  lui 
avoir  esté  consignée  entre  mains.  Requit  qu'on  le  fist  venir 
et  par  après  qu'elle  leur  respondroit,  et  qu'il  n'oseroitdire  le 
contraire  de  ce  qu'elle  leur  avoit  déclaré. 

Ce  que  considéré,  l'Evesque  remonstre  qu'attendu  son 
obstination  et  craignant  de  ne  rien  profiter  par  la  géhenne 
et  tourmens,  il  avoit  sursis  de  [les]  lui  faire  appliquer,  atten- 
dant qu'il  eust  este  plus  amplement  conseillé  sur  ce  fait-là. 
Et  le  samedi  suivant  douziesme  may,  il  conclut  qu'elle  ne 
seroit  [pas]  mise  à  la  question.  La  cause  estoit  que  les  Anglois 
craignoient  qu'elle  ne  retombast  malade  et  ne  mourust  entre 
les  mains  des  gens  d'Eglise. 

Aussi  bien  avoit-elle  protesté,  au  cas  qu'ils  lui  donnassent 
la  géhenne  [torture]  pour  la  contraindre  de  déposer  le  con- 
traire de  ce  qu'elle  avoit  confessé  au  procez,  qu'elle  maintien- 
droit  avoir  esté  contrainte  par  les  tourmens  de  se  desdire.  Ce 
qui  montre  assez  ce  qu'on  doit  tenir  de  la  rétractation  qu'ils 
lui  ont  fait  faire  sur  peine  d'estre  bruslée  toute  vive,  et  de  ce 
qu'elle  s'est  rétractée,  et  par  après  a  finalement  persévéré  et 
constamment  enduré  la  mort  pour  rendre  tesmoignage  de  la 
vérité  de  sa  mission. 

[XIX  mai.  —  Lecture  solennelle  de  la  response  de  l'Université 
de  Paris  et  de  ses  lettres  au  Roy  d'Angleterre]. 

Le  samedi  dix-neufviesme  may  1431,  l'Evesque  assembla 
tout  son  conseil  '  en  la  chapelle  du  chasteau  de  Rouen,  et 
déclara  avoir  depuis  un  long  temps  receu  les  délibérations 

\.  Les  assesseurs  présents  furent  au  nombre  de  cinquante. 


j8  E.    niCIIEU.    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

et  opinions  de  plusieurs  personnes  et  docteurs  notables  en 
très  grands  nombre  sur  les  faits  de  cette  femme  contenus 
aux  dits  douze  articles;  et  veu  que  les  susdites  délibérations 
fussent  suffisantes  pour  procéder  à  la  sentence  définitive  de 
ce  procez,  néantmoins  que  pour  rendre  et  déférer  l'honneur 
du  à  sa  mère  l'Université  de  Paris,  et  afin  de  tirer  plus 
d'éclaircissement  sur  cette  matière,  pour  la  seureté  de  leurs 
consciences  et  édification  du  monde,  il  avoit  envoyé  ces  douze 
articles,  ensemble  les  délibérations  susdites  intervenues  sur 
icelles,  à  l'Université  de  Paris,  afin  d'avoir  son  advis  sur  le 
tout,  et  principalement  des  Facultez  de  théologie  et  de 
décret^.  Que  l'Université  de  Paris  lui  avoit  envoyé  sa  censure 
doctrinale  en  bonne  et  due  forme,  ayant  ratifié  et  approuvé 
en  corps  la  censure  des  facultez  de  théologie  et  de  décret,  et 
en  outre  envoyé  le  tout  au  Roy  d'Angleterre  avec  les  lettres 
franroises  qui  ensuivent  : 

[Lettres  de  l'Université  de  Paris] 

«  A  très  excellent,  très  haulL  et  très  puissant  prince,  le  Roy  de 
France  et  d'Angleterre,  noslre  très  redoublé  elsouverain  seigneur. 

«  Très  excellent  prince,  nostre  très  redoublé  et  souverain  sei- 
gneur et  père,  voslreroialle  Excellence  sur  toutes  choses  doibt  estre 
soigneusement  appliquée  à  conserver  Ihonneur,  révérence  et  gloire 
de  la  divine  majesté  et  de  la  saincle  foy  catholique  entièrement,  en 
faisant  extirper  erreurs,  faulses  doctrines  et  toutes  autres  offenses 
contraires.  En  ce  continuant,  vostre  nom  en  toutes  ces  affaires 
trouvera  par  effect,  ayde,  secours  et  prospéiilé,  par  grâce  haullaine 
avec  granl  accroissement  de  vostre  hauit  renom.  Aianl  à  ce  consi- 
dération, voslre  très  hàulle  magnificence  (la  mercy  souveraine)  a 
moult  bonne  œuvre  commencé  touchant  noslre  saincle  foy;  cesl  à 
assavoir  le  procez  judiciaire  contre  celle  femme  que  on  nomme  la 
Pucellc,   et    ses  escandes    [scandales],   faulles  cl  offenses   aussi. 


•1.  C'était  dans  la  seconde  moitié  d'avril  ([ue  les  douze  articles 
avaient  été  portés  avec  d'autres  pièces  du  pi-ocès  à  1"  Université  de 
Paris  par  maîtres  Jean  Beaupère,  Jacques  de  Touraine,  Nicolas  Midi 
et  Gérard  Feuillet.  (P^-ocès,  1. 1,  p.  407). 


A    ROUEX.    LE    PUOCKS  79 

comme  manifestes  en  tout  ce  royaume,  dont  nous  avons  escrit  par 
plusieurs  fois  la  forme  et  manière.  Duquel  procez  nous  avons  sceu 
et  aussi  le  contenu  et  démené  d'icellui  par  les  lettres  ;\  nous 
baillées  et  la  relation  faite  de  par  vostre  excellence  en  nostre  assem- 
blée solennelle  par  nos  supposts  très  honorez  et  révérens  maistres 
.lehan  Beaupère,  Jacques  de  Touraine  et  Nicole  Midj,  maistres  et 
docteurs  en  théologie.  Et  lesquels  aussy  nous  ont  donné  et  relaté 
responce  sur  les  aultres  poins  dont  ils  estoient  chargiez.  Et  en 
vérité,  ouye  icelle  relation  et  bien  considérée,  il  nous  a  semblé 
au  faict  dicelle  femme  avoir  esté  tenue  grande  gravité,  saincte  et 
juste  manière  de  procéder,  et  dont  chacun  doibt  estre  bien  content. 
Et  de  toutes  ces  choses  nous  rendons  grâces  très  humblement  k 
icelle  Majesté  souveraine  premièrement:  et  en  après  à  vostre  très 
liauUe  noblesse,  de  humbles  et  loiales  affeccions;  et  finallement  à 
tous  ceux  qui,  pour  la  révérence  divine,  ont  mis  leur  peine,  labeur, 
diligence  en  ceste  matière  au  bien  d'icelle  nostre  saincte  foy. 
Mais,  au  surplus,  nostre  très  redoubté  Seigneur,  selon  ce  que  par 
nos  dictes  lettres  et  par  iceulx  maistres  révérens  vous  a  plu  nous 
mander,  enjoindre  et  requérir.  Nous,  après  plusieurs  convocacions, 
grandes  et  menues  délibérations  sur  les  poins,  assertions  et  ar- 
ticles qui  baillez  et  exposez  nous  ont  esté,  et  sommes  tousjours 
prestsnous  emploier  entièrement  en  toute  matière  touchant  direc- 
tement nostre  dicte  foy,  comme  aussy  nostre  profession  le  veut  ex- 
pressément, et  de  tout  temps  lavons  monstre  de  tous  nos  pouvoirs. 
Et  si  aulcune  chose  restoit  sur  ce  à  dire  et  exposer  de  par  nous, 
iceulx  honorez  et  révérens  maistres  qui  de  présent  retournent  par 
devers  vostre  noble  haultesse,  et  lesquels  ont  été  présens  a  nos 
dictes  délibérations,  pourront  plus  amplement  déclarer,  exposer  et 
dire  selon  icelle  nostre  intention  tout  ce  qu'il  appartiendra  :  aux- 
quels il  plaira  à  vostre  magnificence  adjouter  foy  en  ce  que  dict 
est  pour  cette  fois  de  par  nous,  et  iceulx  avoir  singulièrement  re- 
commandez. Car  véritablement  ils  ont  faict  es  choses  dessus  dictes 
très  grande  diligence  par  sainctes  et  entières  affeccions,  sans  épar- 
gner leurs  peines,  persones  et  facultez,  et  sans  avoir  regart  aux 
grans  et  éminents  périls  qui  sont  es  chemins  notoirement.  Et 
aussy  par  le  moyen  de  leurs  grandes  sapiences  ordonnées  et  dis- 
crètes prudences,  cette  matière  a  esté  et  sera,  se  Dieu  plaist,  con- 
duicte  jusques  en  fin  sagement,  sainctement  et  raisonnablement. 
Toutefois,  finalement,  nous  supplions  humblement  à  vostre  excel- 
lente haultesse  que  très  diligemment  cette  matière  soit  par  justice 
menée  à  fin  briefvement.  Car  en  vérité  la  longueur  et  dilation  est 
très  périlleuse,  et  si  est  très  nécessaire  sur  ce  notable  et  grande 


^0  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

réparalion,  à  ce  que  le  peuple  qui  par  icelle  femme  a  esté  moult 
scandalisé,  soit  réduict  a  bonne  et  saincte  doctrine  et  crédulité. 
Tout  à  lexaltalion  et  intégrité  de  nostre  dicte  foy,  et  à  la  louange 
d'icelle  éternelle  divinité,  que  vostre  excellence  veuille  maintenir 
par  sa  grâce  prospérité  jusques  en  gloire  perdurable. 

«  Escript  à  Paris  en  nostre  congregacion  solennellement  célé- 
brée à  sainct  Bernard,  le  quatorzième  jour  du  mois  de  may.  mil 
quatre  cens  trente  et  un.  Vostre  très  humble  fille.  lUniversité 
de  Paris.  » 

Signé  :  Hkbert. 

Ces  lettres  adressées  au  Roy  d'Angleterre  nous  apprennent 
que  ce  prince  avoit  rescrit  à  l'Université  de  Paris  et  fait 
envoyer  un  extrait  du  procez;  comme  pareillement  il  appert 
par  autres  lettres  de  la  dite  Université  couchées  en  latin  de 
mesmejour  et  an,  adressées  à  l'Evesque  de  Beauvais^  qui  est 
extollé  jusques  au  ciel  pour  avoir  si  dignement  et  diligem- 
ment travaillé  à  ce  procez,  et  davantage  instamment  prié  d'y 
mettre  la  dernière  main,  jusques  à  condigne  réparation,  à 
ce  que  la  Majesté  divine  soit  apaisée,  que  la  vérité  de  la  foy 
catholique  demeure  en  son  entier,  que  le  venin  qui  s'est 
presque  espandu  par  toute  la  bergerie  chrestienne  de  l'Eglise 
occidentale,  soit  mis  et  exposé  en  évidence  et  estoulTé,  et 
que  les  scandales  espandus  parmi  le  peuple  cessent  :  à  celte 
fin  que  quand  le  Prince  des  Pasteurs  apparoistra,  il  récom- 
pense d'une  éternelle  et  glorieuse  couronne  ce  digne  pré- 
lat. 

Vostre  très ,  le  Recteur  et  Université  de  l'estude  de 

Paris. 

Signé  :  Hébert. 

■  L'acte  de  l'Université  énonce  qu'elle  s'est  assemblée  aux 
Bernardins  le  vingt-neufviesme  avril  1431  pour  faire  lecture 
des  lettres  du  Roy  d'Angleterre  et  entendre  certaines  choses 
qu'on  lui  proposoit  de  la  part  du  dit  Seigneur  touchant  le 

i.  Voir  cette  pièce  dans  J.  Qiicherat,  Procès,  t.  1,  p.  408-4H. 


A    ROUEN.    LE    PROCÈS  81 

procez  d'une  femme  surnommée  la  Pucelle,  etc.,  et  douze 
articles  concernant  ce  mesme  fait.  Alors  maistre  Pierre  do 
Gonda,  recteur  de  l'Université,  ayant  remonstré  que  la  qua- 
lification et  censure  desdits  articles  appartenoit  aux  Facultés 
de  théologie  et  de  décret,  pour  ces  causes  on  leur  a  mis  et 
consigné  ces  articles  entre  les  mains  pour  en  faire  ce  que  de 
raison,  et  satisfaire  au  désir  et  commandement  du  Roy  d'An- 
gleterre. Tellement  que  le  quatorziesme  may,  les  doyens  des 
FacuUez  de  théologie  et  de  décret  firent  leur  rapport  à  l'Uni- 
versité et  lui  présentèrent  leurs  censures  et  qualifications  des- 
dits douze  articles  faites  respectivement  et  séparément  par 
lesdites  Facultez  :  lesquelles  censures  furent  approuvées  par 
les  deux  autres  Facultés,  sçavoir  de  la  Médecine  et  des  Arts, 
et  envoyées  au  Roy  d'Angleterre  sous  le  nom  de  ladite  Uni- 
versité. Mais  parce  que  lesdits  douze  articles  sont  registrez 
ci-devant,  nous  représenterons  seulement  les  censures  faites 
sur  iceux,  et  premièrement  de  la  Faculté  de  théologie. 

[Censure  de  la  Faculté  de  théologie]. 
I 

Quant  au  premier  article,  dit  pour  sa  censure  doctrinale, 
qu'ayant  esgard  à  la  fin,  au  moyen,  à  la  matière  des  révéla- 
tions, à  la  qualité  de  la  personne,  au  lieu  et  autres  circons- 
tances :  ou  que  ce  sont  des  choses  feintes  et  trompeuses,  et 
pernicieux  mensonges;  ou  bien  que  les  susdites  apparitions 
et  révélations  sont  superstitieuses  et  procèdent  des  esprits 
malins  et  diaboliques.  Reliai,  Satan,  Réelzebub. 

II 

Pour  le  second,  que  ce  qu'il  contient  ne  semble  pas  véri- 
table, mais  au  contraire  que  c'estplus  tost  un  mensonge  pré- 
somptueux, trompeur,  pernicieux  etcontrouvé,  dérogeant  à 
la  dignité  angélique. 

G 


82  E.    RICIIER.    —    LA    PUCELLE   d'ûRLÉANS 


III 


Quant  au  troisiesme,  qu'il  ne  contient  aucuns  signes  suffi- 
sans,  et  que  cette  femme  croit  trop  de  léger  et  asseure  témé- 
rairement; et  en  outre  croit  mal,  et  erre  contre  la  foy  en  la 
comparaison  qvi'elle  fait. 

IV 

Que  le  quatriesme  contient  une  superstition  et  assertion 
présomptueuse  de  deviner,  accompagnée  dune  vaine  jac- 
tance et  vanterie. 


Quant  au  cinquiesme,  cette  femme  a  commis  blasphème 
contre  Dieu,  lequel  elle  mesprise  en  ses  sacrements;  préva- 
rique  contre  la  loy  de  Dieu^  sacrée  doctrine  et  décrets  de 
l'Eglise  ;  sent  mal  et  erre  en  la  foy  et  se  vante  vainement  ; 
doit  estre  tenue  pour  suspecte  d'idolâtrie,  ayant  son  propre 
sexe  en  horreur  et  exécration,  imitant  la  coustume  des 
gentils,  lesquels  changeoient  de  vestements,  sacrifians  aux 
démons. 


Pour  le  sixiesme,  que  cette  femme  est  une  traîtresse,  trom- 
peuse, cruelle,  désirant  l'effusion  de  sang  humain,  sédi- 
ti(>use  et  provoquant  à  tyrannie,  blasphémant  contre  Dieu 
en  ses  apparitions,  révélations  et  commandement  qu'elle  dit 
avoir  de  la  part  de  Dieu. 

YII 

Quant  au  septiesme,  qu'elle  est  impie  à  l'endroit  de  ses 
parents,  a  prévariqué  et  péché  contre  le  précepte  qui  com- 


A    ROUEN.    —    LE    PROCÈS  SS 

mande  de  les  honorer.  Davantage,  est  scandaleuse,  blas- 
phème contre  Dieu,  erre  en  la  foy,  et  a  fait  une  téméraire  et 
présomptueuse  promesse. 

VIII 

Pour  le  huitiesme,  qu'il  contient  une  grande  pusillani- 
mité, tendant  à  un  désespoir  et  homicide  de  soy-mesme,  et 
une  présomptueuse,  téméraire  et  prétendue  asseurance  que 
la  coulpe  et  faute  de  son  jDéché  lui  est  remise;  au  demeurant^ 
qu'elle  erre  et  a  un  mauvais  sentiment  de  la  liberté  du  franc 
arbitre. 

IX 

Le  neufviesme  contient  une  présomptueuse  et  téméraire 
assertion  et  pernicieux  mensonge,  et  contredit  au  précédent 
article,  et  sent  mal  de  la  foy. 

X 

Le  dixiesme  contient  une  présomptueuse  assertion,  ensem- 
ble une  téméraire  et  superstitieuse  divination,  et  blasphème 
contre  saintes  Catherine  et  Marguerite,  viole  et  transgresse 
le  précepte  de  la  dilection  du  prochain. 

XI 

Quant  à  l'onziesme,  supposant  que  cette  femme  ayt  eu  les 
révélations  et  apparitions  qu'elle  dit,  attendu  les  choses 
déterminées  sur  le  premier  article,  elle  est  idolittre,  invoque 
les  démons,  erre  en  la  foy,  fait  une  téméraire  assertion  et  un 
serment  illicite. 

XII 

Pour  le  douziesme,  cette  femme  est  schismalique  et  sent 
mal  de  l'unité  et  autorité  de  l'Eglise,  et  jusques  à  ce  jour  a 
opiniastrement  erré  en  la  foy. 


84  E.    RICIIER.    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

[Censure  de  la  Faculté  du  décret] 

La  Faculté  de  décret  sousmet  sa  censure  à  l'ordonnance  et 
détermination  du  Saint-Père,  du  Saint-Siège  Apostolique  et 
du  Concile  général.  Et  au  cas  que  cette  femme  soit  saine 
d'esprit  et  ayeopiniastrement  affirmé  les  propositions  couchées 
aux  douze  articles  ci-dessus  registrez  et  déclarez,  et  aye  fait 
et  accompli  les  choses  contenues  en  iceux,  dit  qu'après  avoir 
veu  diligemment  les  susdites  propositions,  semble  à  la  dite 
faculté  de  décret  par  manière  de  conseil  ou  de  doctrine  cha- 
ritable : 

I 

Premièrement,  que  cette  femme  est  schismatique,  consi- 
déré que  le  schisme  est  une  division  par  désobéissance  qu'on 
fait  contre  l'unité  de  l'Eglise  militante. 

II 

.  Que  cette  femme  erre  dans  la  foy,  contredisant  a  l'article 
de  la  foy  couché  au  petit  symbole  :  Je  crois  une  Eglise  catho- 
lique. Et  comme  dit  saint  Hiérosme,  qui  contredit  â  cet  article, 
il  ne  se  monstre  pas  seulement  ignorant  et  non  catholique, 
mais  aussi  malin  et  hérétique. 

III 

Qu'elle  est  apostate,  tant  pour  ce  qu'à  une  mauvaise  fin 
elle  a  fait  couper  les  cheveux  que  Dieu  lui  avait  donnez  pour 
lui  servir  do  voile,  comme  aussi  attendu  que  pour  le  même 
dessein,  ayant  laissé  l'habillement  de  femme,  elle  s'est 
travestie  en  homme. 

IV 

Qu'elle  est  menteuse  et  devineresse,  assurant  être  envoyée 
de  Dieu,  et  qu'elle  parle  aux  Anges  et  aux  Saints,  sans  en 


A    KOUEN.    LI-:    l'nOCKS  85 

donner  aucun  tcsmoignage  spécial,  soit  par  miracle,  ou  par 
texte  exprès  de  l'Ecriture.  Car  Dieu  voulant  envoyer  Moyse 
en  Egypte  aux  enfants  d'Israël,  afin  de  leur  persuader  qu'il 
estoit  envoyé  de  Dieu  il  leur  donna  pour  signe  que  sa  verge 
se  convertirait  en  couleuvre,  et  réciproquement  de  couleuvre 
en  verge. 

Pareillement,  saintJean-Baptiste  estant  venu  pour  réformer 
donna  un  tesmoignage  spécial  tiré  de  la  sainte  Ecriture, 
disant  qu'il  estoit  la  voix  criant  au  désert  :  Préparez  la  voie 
au  Seigneur,  comme  dit  le  prophète  Isa'ie. 


Que  par  présomption  de  droitet  de  droit  mesme  cette  femme 
erre  en  la  foi,  tant  pour  ce  qu'elle  est  déclarée  anathème  par 
autorité  des  canons,  et  a  demeuré  en  cet  estât  par  un  long 
espace  de  temps,  comme  semblablement  pour  ce  qu'elle  dit 
aymer  mieux  ne  pas  recevoir  le  corps  de  nostre  Seigneur  et  ne 
se  pas  confesser  au  temps  ordonné  par  l'Eglise,  que  de  quitter 
l'habillement  d'homme  et  prendre  l'habit  de  femme.  Et  en 
outre  est  grandement  suspecte  d'hérésie  et  doit  être  diligem- 
ment examinée  sur  les  articles  de  la  foy. 

VI 

Que  cette  femme  erre  grandement  en  ce  qu'elle  maintient 
estre  aussi  certaine  qu'elle  ira  en  paradis,  que  si  elle  estoit 
déjà  en  la  gloire  des  bienheureux;  veu  que  nul  ne  peut  estre 
certain  durant  cette  vie  si  on  est  digne  de  louange  ou  de 
•peine,  chose  cognue  à  Dieu  seulement.  Donc  après  que  cette 
femme  aura  esté  charitablement  et  duement  admonestée  par 
un  juge  compétent,  au  cas  qu'elle  refuse  de  se  réduire  à 
l'unité  catholique  et  d'abjurer  publiquement  son  erreur  à  la 
volonté  du  dit  juge,  et  d'en  faire  raisonnable  et  convenable 
satisfaction, doibt  estre  mise  entre  les  mains  du  juge  séculier 
et  punie  selon  la  qualité  de  son  délit. 


«G  E.    lUCIIliU.    —    LA    l'UCELLE    D  ÛULKANS 

Advertissement 

La  censure  de  la  faculté  de  décret  nous  donne  h  cognoislre 
que  les  supposts  de  cette  faculté  n'estoient  si  passionnez 
Anglois  que  ceux  de  la  faculté  de  théologie. 

C'e  qu'on  doit  attribuer  à  ce  que  ceux  de  cette  faculté  estoient 
tous  séculiers  et  pour  la  plupart  françois  de  nation  :  au  con- 
traire, grande  partie  des  théologiens  estoient  Bourguignons, 
Flamans,  Anglois,  etc.  Et  est  fort  remarquable  qu'ils  ont  fait 
leur  délibération,  supposant  que  les  douze  articles  qu'on  leur 
avoit  envoyez  de  Rouen  fussent  véritables,  jugeant  bien  qu'ils 
estoient  supposez  pour  la  plupart.  Et  d'ailleurs,  requièrent 
un  juge  compétent,  chose  bien  notable  contre  l'Evesque  de 
Beauvais. 

Or,  cet  Evesque  ayant  proposé  la  censure  de  l'Université 
de  Paris  à  ses  assesseurs,  ils  conclurent  unanimement  que  la 
Pucelle  debvoit  estre  tenue  pour  hérétique,  et  au  cas  qu'elle  ne 
se  voulut  recognoistrc,  abandonnée  au  juge  séculier,  suivant 
la  délibération  de  l'Université  de  Paris,  et  qu'elle  seroit  de 
rechef  charitablement  advertie.  Fut  adjousté  qu'on  sçauroit 
du  promoteur  s'il  avoit  encore  quelque  chose  à  dire  contre 
elle. 

Lesdits  assesseurs  sont  ci-devant  et  au  commencement  du 
procez  dénommez  :  c'est  pourquoy  nous  n'en  ferons  aucune 
mention  en  ce  lieu. 

[XXIII  mai.  —  Dernière  admonition  '.  —  Conclusion  de  la  cause.] 

Le  mercredi  vingt-troisième  may  1431,  l'Evesque  fait  ame- 
ner la  Pucelle  devant  soy  en  une  chambre  du  chasteau  de 
Rouen,  lui  fait remonstrer  les. erreurs  et  crimes  qu'elle  avoit 
perpétrez  et  commis  selon  qu'ils  estoient  couchez  et  articulez 

1.  Celte  admonition  fut  moins  solennelle  que  la  précédente.  Ce  qui  en 
fait  l'importance,  c'est  qu'elle  fut  suivie  de  la  conclusion  de  la  cau^o. 


A    ROUEN.    LE    PROCÈS  87 

en  la  censure  de  l'Université  de  Paris,  l'adverLissanl  de  se 
recognoistre,  se  corriger,  amender  et  sousmettre  au  jugement 
de  nostre  mère  sainte  Eglise  ainsi  qu'il  estoit  dit  en  irançois 
en  un  libelle  qui  lui  fut  lu  par  maistre  Pierre  Maurice,  doc- 
teur en  théologie  et  chanoine  de  Rouen  :  auquel  libelle  sonat 
contenues  par  sommaires  toutes  les  choses  énoncées  aaax 
douze  articles  sur  lesquels  la  faculté  de  théologie  de  l*aris  a 
donné  sa  censure  doctrinale. 

((  Premièi-emcnt,  toi,  Jeanne,  as  déposé  que  depuis  l'âge  de  treize 
ans  ou  environ,  tuas  eu  des  révélations  et  apparitions  des  Anges 
et  de  saintes  Catherine  et  Marguerite,  que  tu  les  as  veus  souvent  de 
les  yeux  corporels,  qu'ils  ont  parlé  à  toj  et  y  parlant  encore  sou- 
vent, et  t'ont  dit  el  conseillé  maintes  choses  plus  amplement  décla- 
rées en  ton  procez.  Quant  à  cet  article,  les  clercs  de  l'Université  de 
Paris  et  autres  qui  ont  examiné  et  considéré  les  moyens  de  telles 
révélations  et  apparitions,  leur  fin.  la  matière  des  choses  révélées, 
la  qualité  de  ta  personne,  et,  toutes  choses  considérées  qui  sont  à 
considérer,  disent  que  toutes  ces  choses  sont  mentcries  et  fictions 
pernicieuses*,  inventées  pour  tromper  et  séduire  le  monde;  ou  que 
telles  révélations  sont  superstitieuses,  procèdent  du  diable  et  des 
malins  esprits,  etc.  ». 

C'est  le  premier  article  de  la  censure  de  la  Faculté  de  théo- 
logie de  Paris,  et  poursuivent  ainsi  de  faire  lecture  et  induc- 
tion de  tous  les  autres  articles  sur  les  dépositions  de  la 
Pucelle  couchée  par  extrait  aux  douze  articles  coUigez  par 
Maistre  Nicolas  Midi;  ce  qu'il  n'est  besoin  de  représenter, 
estant  aysé  de  juger  de  tous  les  autres  par  le  premier  article 
ci-devant  registre. 

Advertissement. 

Le  lecteur  doit  estre  adverti  que,  sur  ce  que  l'Univ^rsit'éde 
Paris  a  déclaré  en  sa  censure  que  les  révélations  et  appari- 
tions que  la  Pucelle  disoit  avoir,  estoient  pures  fictions, 
impostures  et  menteries,  on  a  de  là  pris  subjcct  de  publier 
que  c'estoit  une  fable  semblable  à  celle  de  la  nymphe  Egeria 


88  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLÉANS 

qui  communiquoit  avec  Numa  Pompilius,  et  que  IJaudricour 
et  le  Bastard  d'Orléans  avoient  instruit  la  Pucelie  de  ce 
qu'elle  avoit  à  faire  et  à  dire  au  Roy  :  qui  est  ce  que  Du 
llaillan'  narre  en  son  histoire,  n'ayant  [pas]  veu  les  actes  du 
procez  qui  font  cognoistre  la  vérité  de  tout  ce  qui  s'est  passé  ; 
et  nous  a  esté  consignée  par  les  Anglois  lesquels  ont  mainte 
fois  enquis  cette  fille  sur  ce  fait-là.  Mais  jusques  à  l'article  de 
la  mort,  elle  a  toujours  persisté  et  maintenu  que  les  hommes 
ni  les  malins  esprits  n'avoient  aucune  part  en  tout  ce  qu'elle 
avoit  fait,  pour  l'avoir  induite  à  l'entreprendre  etexéquuter  : 
veu  d'ailleurs  l'expulsion  des  Anglois  de  tout  le  royaume  de 
France  qu'elle  a  prédite,  etc.  Raison  qui  a  mu  ses  ennemis 
d'attribuer  à  sorcelerie  ce  qu'elle  disoit  et  faisoit,  prédisant 
les  choses  futures.  En  quoy  ils  se  sont  contredit  eux-mêmes, 
attendu  qu'il  n'y  a  que  Dieu  seul  qui  cognoisse  et  puisse  pré- 
dire les  choses  futures,  ou  les  commettre  à  qui  il  lui  plaist, 
ainsi  que  la  Pucelie  respondit  à  ses  juges  :  ce  qtie  pareille- 
ment les  mesmes  juges  recognoissent  par  les  actes  de  leur 
prétendu  procez.  Voyez  l'interrogatoire  de  mercredi,  second 
jour  de  may  1431. 

[Conclusion  de  la  cause.] 

Après  qu'on  eut  fait  lecture  à  la  Pucelie  de  la  censure  de 
l'Université  de  Paris,  l'Evesque  de  Beauvais  lui  fait  faire  des 
remonstrancespar  maistre  Pierre  Maurice,  docteur,  aux  fins 
de  se  recognoistre  et  sousmeltre  à  l'Eglise  militante,  et  qu'elle 
n'avoit  eu  aucun  signe  suffisant  pour  adjouster  foy  aux  voix 
qu'elle  maintenoit  lui  estre  apparues,  et  que  trop  légèrement 
elle  y  avoit  cru,  au  lieu  de  se  mettre  en  prière  afin  que  Dieu 
l'inspirast  de  ce  qu'elle  avoit  à  faire,  elle  qui  estoit  une  jeune 
fille  ignorante.  On  lui  remonstre  encore  que  si  son  Roy  lui 
avoit  donné  quelque  place  forte  à  garder,  et  que  quelqu'un 

1.  Du  Haillan.  liisluiien  IVanrais  ilo  la  Un  <lu  x\i«  siècle,  pou  favorable 
à  In  l'uccllf. 


à 


A    ROUEN.    —    LE    PROCES  89 

vint  à  elle  disant  qu'il  seroit  envoyé  de  la  part  de  son  Roy  à 
ce  qu'elle  le  receut  en  la  dite  place,  si  ce  ne  seroit  pas  une 
grande  témérité  et  folie  de  le  recevoir  sans  au  préalable  avoir 
veu  les  lettres,  le  signe  et  le  cachet  de  son  Roy. 

Ayant  esté  ainsi  admonestée,  respondit  finalement  que 
pour  le  regard  de  ce  qu'elle  avoit  dit  et  fait,  ainsi  qu'elle 
l'avoit  déposé  en  son  procez,  elle  s'y  rapportoit  entièrement 
et  quelle  le  vouloit soustenir. 

On  lui  demanda  si  elle  ne  croyoit  pas  estre  tenue  de  sous- 
mettre  tous  ses  dits  et  faits  à  l'Eglise  militante  ou  à  quelque 
autre  qu'à  Dieu.  Répliqua  vouloir  maintenir  ce  qu'elle  avoit 
toujours  dit  et  déposé  au  procez  :  et  que  si  elle  estoit  en  juge- 
ment et  voyoit  le  feu  allumé,  tout  le  bois  préparé  et  le  bour- 
reau ou  autre  prest  d'allumer  le  feu  et  qu'elle  fust  au  feu,  elle 
ne  diroit  autre  chose  et  soustiendroit  tousjours  jusques  à  la 
mort  ce  qu'elle  a  déclaré  au  procez. 

L'Evesque  sur  cela  demande  à  son  promoteur  et  à  la 
Pucelle  s'ils  avoient  quelque  chose  à  dire  davantage.  Ayans 
respondu  que  non,  il  conclud  et  assigne  le  lendemain  pour 
entendre  prononcer  la  sentence  en  ce  procez  et  passer  outre, 
ainsi  qu'il  sera  de  droit  et  de  raison. 


CINQUIESMK  PARTIE 

[LKS  DEUX  SENTENCES,  D'ABSOLUTION   ET  DE  RELAPS] 

I 

[XXIV  mai.  —  Au  cimetière  de  Saint-Ouen.  —  Première 
sentence.] 

La  mesme  année,  le  jeudi  d'après  la  feste  de  Pentecoste, 
vingt-quatriesme  may,  l'Evesque  de  Beauvais  se  transporte 
de  matin  au  lieu  public  et  cimetière  de  l'Abbaye  Saint-Ouen 
de  Rouen,  la  Pucelle  y  ayant  esté  amenée  sur  un  eschaffault. 
Auquel  lieu  maistre  Guillaume  Erard,  docteur  en  théologie, 
fit  une  prédication  solennelle  pour  l'advertir  de  son  salut,  y 
ayant  une  grande  multitude  de  peuple.  L'Evesque  estoit 
assisté  du  cardinal  de  Winthon,  vulgairement  nommé  le 
cardinal  d'Angleterre,  de  l'Evesque  de  ïhérouane,  de  [celui 
de]  Norwich  en  Angleterre,  des  abbez  de  la  Sainte-Trinité  de 
Fécamp,  de  Saint-Ouen  de  Rouen,  de  Jumièges,  du  Bec,  de 
Saint-Corneille,  de  Saint-Michel,  de  Mortemer,  de  Préaux,  des 
Prieurs  de  Longueville-Gilïard,  de  Saint-Lau  de  Rouen  et  de 
tous  ses  autres  assesseurs  et  conseillers.  Maistre  Erard  adres- 
sant la  parole  à  la  Pucelle,  dit  : 

Voici  Messieurs  les  Juges  qui  par  plusieurs  fois  vous  ont 
sommée  et  requise  de  vouloir  sousmettre  tous  vos  dits  et 
faits  à  nostre  mère  sainte  Eglise,  et  vous  ont  remontré  qu  il 
y  a  plusieurs  choses  en  iceux  dits  et  faits  que  les  gens  d'Eglise 
trouvoient  erronées  et  mal  dites. 

La  Pucelle  repart,  quant  à  se  sousmettre  à  l'Eglise,  qu'elle 
leur  avoit  respondu  sur  ce  point  :  désiroit  que  tous  ses  faits 
et  dits  fussent  envoyez  h  Rome  à  nostre  saint  père  le  Pape 
auquel,  etàDieu  premièrement,  elle  se  rapporte.  Quant  à  ses 
faits  et  dits,  les  avoit  faits  de  la  part  de  Dieu. 


A    ROUEN.    —    LE    PROCES  91 

Item,  dépose  que  de  ses  faits  et  dits  elle  n'en  chargeoit  per- 
sonne du  monde,  ni  son  Roy,  ni  autre  quelconque,  et  s'il  y 
avoit  aucun  delïaut  en  iceux,  c'estoit  à  elle  et  non  à  autre 
(ju'il  devoit  être  imputé. 

On  lui  demande  si  elle  veut  révoquer  tout  ce  qu'elle  avoit 
dit  et  fait  que  les  ecclésiastiques  rejettent.  Réplique  qu'elle 
se  rapporte  à  Dieu  et  à  nostre  saint  père  le  Pape. 

On  lui  remonstre  que  cela  ne  suffisoit  pas,  et  qu'il  ne  se 
pouvoit  faire  quon  allast  quérir  nostre  saint  père  le  Pape  si 
loin  :  vu  d'ailleurs  qu'il  y  avoit  des  juges  ordinaires  respec- 
tivement en  chacun  diocèse,  et  par  ainsi  qu'il  estoit  nécessaire 
qu'elle  se  rapportast  à  nostre  mère  sainte  Eglise,  et  qu'elle 
tint  ce  que  les  clercs  et  personnes  versées  en  telles  affaires 
disoient  et  avoient  déterminé  sur  ses  faits  et  dits  :  et  fut 
advertie  de  cela  par  trois  diverses  fois. 

Or  lEvesque  voyant  qu'elle  ne  vouloit  dire  autre  chose,, 
commença  à  prononcer  sa  sentence  définitive,  laquelle  ayant 
lue  et  prononcée  pour  la  plus  grande  partie,  la  Pucelle  com- 
mença à  parler  et  dire  que  tout  ce  que  l'Eglise  décerneroit, 
«  et  ce  que  Nous  Evesque  de  Beau  vais,  voudrions  ordonner 
et  prononcer,  elle  obéiroit  en  tout  et  partout  à  nostre  or- 
donnance. Et  répéta  plusieurs  fois  que,  puisque  les  gens 
d  Eglise  maintenoient  que  les  apparitions  et  révélations 
qu'elle  disoit  avoir  eues,  n'estoient  à  soustenir  ni  à  deffendre 
et  qu'on  ny  debvoit  [pointjadjouster  foy,  elle  ne  les  vouloit 
soustenir,  mais  s'en  rapporter  du  tout  à  nostre  mère  sainte 
Eglise  et  à  nous  Evesque  juge.  » 

Et  alors,  en  présence  des  susnommez  personnages  et  d'une 
grande  multitude  d'ecclésiastiques  et  du  peuple,  elle  fit  et  pro- 
nonça la  révocation  et  abjuration  selon  le  formulaire  fran- 
çois  qui  ensuit,  lequel  elle  signa  pareillement  de  sa  propre 
main.  ♦ 

Formulaire  d'abjuration  que,  d  après  lEvesque  de  Beauvais,  la 
Pucelle  auroit.  le  24  mai  1431,  au  cimetière  de  Saint-Ouen,  pro- 
noncé et  signé.] 

«  Toute  personne  qui  a  erré  et  mespris  en  la  foy  chres- 
lienne,  et  depuis,  par  la  grâce  Dieu,  est  retournée  en  lumière 


92  E.    RICHER.    —    LA   PUCELLE    D  ORLEANS 

de  vérité,  et  à  l'union  de  nostre  mère  saincte  Eglise,  se  doibt 
moult  bien  garder  que  l'ennemy  de  l'Eglise  ne  la  reboute  et 
face  recheoir  en  erreur  et  en  damnation.  Pour  cette  cause.  Je 
Jehanne,  communément  appelée  la  Pucelle,  misérable  péche- 
resse, après  ce  que  j'ay  cognu  les  lacs  d'erreurs  ausquels 
j'estois  tenue,  et  que,  par  la  grâce  de  Dieu,  je  suis  retournée 
à  nostre  mère  saincte  Eglise,  affin  qu'on  voie  que  non  pas 
faintement,  mais  de  bon  cœur  et  de  bonne  volonté  suis 
retournée  à  icelle,  je  confesse  que  j'ai  très  griefvement  péché 
en  feignant  mensongeusement  avoir  eu  révélations  et  appari- 
tions de  par  Dieu,  par  les  anges,  et  saincte  Catherine  et 
saincte  Marguerite,  en  séduisant  les  autres,  en  croyant  folle- 
ment et  légèrement,  en  faisant  superstitieuses  divinations, 
on  blasphémant  Dieu,  ses  saincts  et  sainctes,  en  trespassant  la 
loy  divine,  la  saincte  Escripture,  les  droits  canons  ;  en  portant 
habit  dissolu,  difforme  et  déshonneste,  contre  la  décence  de 
nature,  et  cheveux  rongnez  en  rond  en  guise  des  hommes, 
contre  toute  honnesteté  du  sexe  de  femme  ;  en  portant  auss^ 
armures  par  grant  présomption,  en  désirant  curieusement 
effusion  de  sang  humain,  en  disant  que  toutes  ces  choses  j'ay 
faitpar  lecommandementde  Dieu,desangesetdes  saincts  des- 
sus dits,  et  que  en  ces  choses  j'ai  bien  fait  et  n'ay  point  mes- 
pris;  en  méprisantDieuetle  sacremens,  en  faisant  séditions  et 
idolâtrant  par  aourer  de  mauvais  esprits  et  en  invoquant 
iceux.  Confesse  aussy  que  j'ay  esté  scismatique  et  par  plu- 
sieurs manières  ay  erré  en  la  foy.  Desquels  crimes  et  erreurs, 
de  bon  cœur  et  sans  fiction,  de  la  grâce  de  nostre  seigneur 
Dieu  retournée  que  je  suis  à  la  voye  de  vérité  par  la  saincte 
doctrine  et  par  le  bon  conseil  de  vous  et  des  docteurs  etmais- 
tres  que  m'avez  envoyez,  j'abjure,  déteste,  renie  et  de  tout  y 
renonce  et  m'en  dépars.  Et  sur  toutes  ces  choses  devant  dic- 
tes me  Soumets  à  la  correccion,  disposicion,  amendement 
et  totale  déterminacion  de  nostre  mère  saincte  Eglise  et  de 
vostre  bonne  justice.  Aussy  je  vous  jure  et  promets  à  mon- 
sieur sainct  Pierre,  prince  des  Apostres,  à  nostre  sainct  père 
le  Pape  de  Rome  son  vicaire,  à  ses  successeurs,  et  à  vous 
Messeigneurs  révérend  père  en  Dieu  Monsieur  l'Evesque  de 
Beauvais,  et  religieuse  personne  frère  Jean  Le  Maistre,  vicaire 


A    ROUEN.    —    LE    PROCÈS  9J 

de  Monsieur  l'inquisiteur  de  la  foy,  comme  à  mes  juges,  que 
jamais  par  quelconque  exhortement  ou  autre  manière  ne 
retourneray  aux.  erreurs  devant  diz,  desquels  il  a  pieu  à 
Nostre  Seigneur  moy  délivrer  et  oster,  mais  à  toujours 
demoureray  en  l'union  de  nostre  mère  saincte  Eglise,  et  en 
l'obéissance  de  nostre  sainct  père  le  Pape  de  Rome.  Et  cecy 
je  dis,  afferme  et  jure  par  Dieu  le  Tout-Puissant  et  par  ses 
saincts  Evangiles.  Et  en  signe  de  ce  j'ay  signé  cette  cedulle  d« 
mon  signe.  Ainsy  signé  :  Jehanne  -f  .  » 

[Prononcé  de  la  sentence  d'absolution.] 

Après  laquelle  révocation  et  abjuration,  receue  par  l'Eves- 
que  de  Beauvais,  tout  ainsi  qu'elle  est  ci-dessus  couchée,  il 
prononça  sa  sentence  définitive  en  cette  manière. 

«  Au  nom  de  nostre  Seigneur,  ainsi  soit-il. 

«  Tous  les  pasletu's  de  l'Eglise  qui  désirent  fidèlement  s'acquilter 
de  leur  charge  et  avoir  soin  de  leur  troupeau,  d'autanlplus  doibvent- 
iis  employer  toutes  leurs  l'orces  et  moyens,  que  le  diable  s'eflbrce 
de  perdre  la  bergerie  de  Jésus-Christ  par  des  tromperies  et  fraudes 
pestilentes,  et  s'esludier  au  contraire,  veillant  plus  soigneusement 
pour  empescher  ses  pernicieux  efforts  :  lors  principalement  qu'il  se 
présente  des  temps  dangereux  auxquels  plusieurs  faux  prophètes, 
introduisans  des  sectes  de  perdition  et  d'erreur,  viennent  au 
monde,  ainsi  que  l'Apostre  a  prédit  :  lesquels  pourroient détourner 
du  vray  chemin  et  tirer  à  leurs  erreurs  et  doctrines  estrangèresles 
fidèles,  si  nostre  mère  sainte  Eglise,  par  les  moyens  et  préserva- 
tifs de  la  saine  doctrine  et  des  constitutions  canoniques,  ne  s'éver- 
luast  diligemment  à  repousser  et  debeller  leurs  inventions  erronées. 
Donc,  attendu  que  toy,  Jehanne,  vulgairement  appelée  la  Pucelle, 
as  esté  déférée  devant  moy  Pierre,  par  la  grâce  divine  Evesque  de 
Beauvais,  et  frère  Jean  Magistri,  vicaire  de  niaislre  Jean  Gravèrent, 
inquisiteur  de  la  foy  au  royaume  de  France,  à  cause  de  plusieurs 
crimes  pernicieu.<,  et  tirée  au  jugement  de  la  foy:  après  avoir  veu 
et  diligemment  considéré  la  suite  de  ton  procez  et  de  tout  ce  qui 
s'y  est  passé  et  a  esté  agité,  les  responses,  confessions  et  assertions 
que' tu  as  données  ;  eu  pareillement  esgart  aux  délibérations  des 
inaistres  de  la  faculté  de  théologie  et  de  décret  de  l'Université  de 
Paris,  comme  aussi  de  plusieurs  prélats,  docteurs,  gens   sçavants 


94  E.  RicnEn.  —  i.\  i'Ucelle  d'orléans 

tint  en  la  saincle  Kscriture  qu'au  droil  canon  et  civil,  résidans  en 
celte  ville  de  Itouen  et  ailleurs,  qui  sont  en  grand  nombre,  lesquels 
ont  donné  leur  advis  sur  les  qualifications  et  déterminations  de 
les  assertions,  dits  et  faits  :  davantage,  après  avoir  pris  le  conseil 
et  mure  délibération  de  personnes  bien  afTectionnées  et  exercées 
au  zèle  de  la  foj  chrestienne  ;  ayant  mûrement  considéré  et  exa- 
miné toutes  choses  qui  sont  à  considérer  en  ce  fait,  et  qui  peuvent 
et  doibvent  mouvoir  quelqu'un  k  bien  juger:  nous  proposant 
nostre  Seigneur  et  l'honneur  de  la  foj  orthodoxe  devant  les  veux, 
afin  que  ton  jugement  cl  condamnation  sorte  de  la  face  de 
nostre  Seigneur  : 

0  Nous  disons  et  ordonnons  que  lu  as  griefvemenl  péché,  feignant 
par  mensonges  et  impostures  que  tu  as  eu  desrévélalions  et  appa- 
ritions divines,  trompant  les  autres,  et  croyant  trop  de  léger  et 
témérairement,  devinant  superstitieusement,  blasphémant  contre 
Dieu  et  ses  saincts,  prévariquant  contre  la  loy  de  Dieu,  la  saincle 
Escriture  et  les  constitutions  canoniques,  mesprisant  Dieu  en  ses 
saincts  sacrements,  excitant  des  séditions,  te  révoltant,  faisant 
schisme  et  errant  en  la  foy  par  beaucoup  de  manièi'es.  Mais  d'au- 
tant qu'après  avoir  esté  plusieurs  fois  advertie  et  longuement 
attendue,  à  la  parfm,  moyennant  l'ayde  de  Dieu,  lu  es  retournée 
au  giron  de  nostre  mère  saincle  Eglise  de  cœur  contrit  et  dune  foy 
non  feinte,  ainsi  que  nous  croyons,  et  as  révoqué,  rejeté,  abjuré 
les  erreurs  de  pleine  bouche,  en  un  sermon  public,  par  la  .propre 
confession,  de  la  propre  voix,  et  toute  hérésie,  selon  q.u'il  est 
pi'escril  par  les  canons  et  constitutions  de  l'Eglise  :  pour  ces  causes 
nous  le  donnons  absolution  par  ces  présentes  de  toutes  sortes 
d'excommunications  que  lu  peux  avoir  encourues;  pourvu  toutes 
fois  que  tu  sois  retournée  à  l'Église  d'un  cœur  contrit  et  d'une  foy 
non  simulée,  et  que  tu  gardes  et  observes  ce  que  nous  t'avons  pres- 
crit et  ordonné. 

«  Et  d'autant  que  tu  as  témérairement  péché  contre  Dieu  et  sa 
saincle  Eglise,  comme  il  est  déclaré  en  celte  sentence,  afin  que  tu 
puisses  accomplir  une  salutaire  pénitence,  Nous  le  condamnons 
finalement  et  définitivement  à  prison  perpétuelle,  jeusnant  au 
pain  de  douleur  et  à  l'eau  de  tristesse,  afin  que  lu  pleures  les 
péchés  que  lu  as  commis  et  que  tu  n'en  commettes  plus  à  l'avenir: 
Nous  réservant  toutes  fois  de  le  faire  tousjours  grâce  et  de  modé- 
rer ta  pénitence,  ainsy  que  nous  verrons  estre  à  faire  ». 


95 


Advertissement. 

Les  actes  du  jeudi  vingt-quatriesme  may  qui  ont  précédé 
la  sentence  de  rétractation  contiennent  plusieurs  choses 
dignes  de  remarque. 

Et  tout  premièrement  que  maistre  Guillaume  Erard,  doc- 
teur en  théologie,  après  avoir  fait  un  sermon  calomnieux 
contre  la  Pucelle,  conformément  aux  douze  articles  envoyez 
à  l'Université  de  Paris  et  à  la  censure  d'icelle  Université 
intervenue  sur  iceux  articles  —  car  j'ay  veu  et  lu  ce  sermon 
plein  d'impostures  —  interrogea  cette  fille  qui  estoit  sur  un 
théâtre  en  présence  de  tous  ses  juges  prétendus,  si  elle  ne  se 
vouloit  pas  sousmettre  à  l'Eglise,  ensemble  tous  ses  faits  et 
dits  que  les  ecclésiastiques  tenoient  pour  erronez.  A  quoy 
elle  respondit  désirer  que  tous  ses  faits  et  dits  fussent  envoyez 
à  Rome  à  notre  saint  père  le  Pape  auquel,  et  à  Dieu  premiè- 
rement, elle  se  rapportoit. 

Enquise  derechef  si  elle  veut  révoquer  tout  ce  qu'elle  avoit 
fait  et  dit  que  les  ecclésiastiques  improuvoient  et  rejeloient, 
répliqua  qu'elle  se  rapportoit  à  Dieu  et  à  nostre  saint  père  le 
Pape. 

De  manière  que  ce  mesme  jour,  en  un  mesme  acte,  pré- 
sents tous  ses  juges  et  tout  le  peuple,  elle  se  sousmet  par 
deux  fois  réitérées  au  saint  Siège  et  à  nostre  saint  père  le 
Pape.  Outre  que  auparavant  elle  s'y  estoit  desjà  sousmise 
par  deux  diverses  fois,  sçavoir  en  la  quinziesme  séance,  dix- 
septiesme  mars  1430  après  midi,  et  aux  actes  du  second  jour 
de  may  1431  :  auxquelles  submissions  l'Evesque  de  Beauvais 
n'a  onques  voulu  déférer,  mais  les  a  tousjours  éludées  : 
comme  en  l'acte  que  nous  avons  en  main  du  vingt-qua- 
triesme  may,  il  fait  dire  à  la  Pucelle  que  cette  submission 
n'estoit  [pas]  suffisante,  et  qu'il  ne  se  pouvoit  faire  qu'on 
allast  quérir  si  loin  le  Pape,  et  qu'en  chacun  diocèse  il  y 
avoit  des  juges  ordinaires  ;  et  par  ainsi  qu'il  estoit  néces- 
saire qu'elle  se  rapportast  à  nostre  mère  sainte  Eglise  et  tint 
ce   que   les  clers   et  personnes   versées    en    telles    affaires 


90  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLÉANS 

avoient  déterminé  sur  ses  faits  et  dits  :  ce  qu'on  lui  répliqua 
par  trois  fois. 

D'où  nous  apprenons  que  tout  ce  que  ce  prélat  a  fait  pro- 
poser à  cette  fille  de  se  sousmettre  au  Concile  général,  à 
nostre  saint  père  le  Pape,  aux  cardinaux,  etc.,  n'a  esté  à 
autre  fin  que  pour  la  tromper  et  décevoir,  réduisant  l'Eglise 
militante  à  leur  seule  faction  et  conspiration  ;  car  cela  est 
toute  mesme  chose  que  quand  ils  lui  ont  demandé  si  elle  se 
vouloit  sousmettre  à  l'Eglise  de  Poitiers,  de  quoy  nous  avons 
parlé  ailleurs. 

A  la  vérité,  les  responses  faites  par  cette  fille  qui  n'enten- 
doit  [pas]  les  termes  dont  on  use  en  justice  pour  appeler 
nommément  au  saint  Siège  Apostolique,  et  qui  estoit  desti- 
tuée de  conseil,  dévoient  estre  tenues  pour  un  juste  et  légi- 
time appel,  si  elle  eust  eu  pour  juge  un  évesqne  et  non  un 
loup  ravissant.  Vu  mesme  que  saint  Paul,  Actes  2o,  ayant 
dit  «  qu'il  estoit  au  tribunal  de  César  et  qu'il  y  devoit  estre 
jugé  »,  fut  tenu  pour  appelant  et  délivré  des  mains  des  Juifs 
ses  ennemis  mortels. 

Donc  par  les  actes  susdits  il  demeure  avéré  et  constant  que 
cette  fille  a  finalement  persévéré  de  se  sousmettre  à  l'Eglise 
militante  et  au  saint  Siège  Apostolique,  et  qu'elle  n'a  onques 
refusé  de  s'y  sousmettre  qu'en  tant  qu'elle  ne  pouvoit  cog- 
noistre  ce  que  ce  terme  «  Eglise  militante  »  vouloit  dire  : 
jugeant  bien  qu'on  ne  [le]  lui  proposoit  à  autre  fin  que  pour 
estre  condamnée  par  le  clergé  anglois.  Et  conséquemment 
aussi  il  est  notoire  que  les  sentences  de  l'Evesque  de  Beau- 
vais  contre  la  Pucelle  sont  fausses,  calomnieuses,  en  ce  qu'il 
la  condamne  comme  schismatique  pour  ne  s'estre  voulu 
sousmettre  à  l'Eglise  et  au  saint  Père,  puisque  tant  de  fois 
elle  a  demandé  et  persévéré  d'estre  réservée  à  son  juge- 
ment. 

En  second  lieu,  faut  noter  que  ce  docteur  Erard,  faisant  son 
sermon,  fit  une  telle  ou  semblable  exclamation,  ainsi  que 
plusieurs  tesmoins  ont  attesté  en  la  revision  du  procez.  «  0 
Maison  de  France  qui  n'avais  jamais  eu  aucuns  monstres 
jusques  h  ce  jour  d'huy,  maintenant  que  tu  as  adhéré  à  cette 


A    ROUEN.    —    LE    PROCES  97 

femme  sorcière,  hérétique,  superstitieuse,  etc.,  tues  souillée 
d'infamie,  etc.  »  Et  que  sur  le  champ  la  Pucellc  respondit 
haut  et  clair  en  ces  propres  termes  :  «  Ne  parlez  pas  de  mon 
Roy,  car  il  est  b.on  chrestien  ». 

De  plus,  pour  cette  occasion,  après  le  sermon  fini,  comme 
le  mesme  docteur  Erard,  interrogeoit  cette  fille,  elle  dit 
notamment  «  que  de  tous  ses  faits  et  dits  elle  ne  chargeoit 
personne  du  monde,  ni  son  Roy,  ni  autre  quelconque.  Et  s'il 
y  avoit  quelque  deffaut  en  iceux,  que  c'estoit  à  elle  seule  et 
non  à  autre  qu'il  devoit  estre  imputée  ».  Qui  est  un  argu- 
ment certain  de  sa  grande  charité  :  au  contraire  de  ce  qu'on 
voit  ordinairement  arriver  aux  personnes  accusées,  qui 
tascbent  d'évader,  enveloppans  d'autres  personnes  en  leurs 
accusations  pour  se  sauver  en  tourbe  ou  prolonger  leur  vie 
pour  quelque  temps. 

Pour  troisiesme  remarque,  la  sentence  de  l'Evesque  de 
Beauvais  est  un  spécieux  prétexte  malicieusement  recherché 
pour  desguiser  et  couvrir  la  conspiration  qu'il  avoit  concer- 
tée avec  le  conseil  d'Angleterre,  afin  de  livrer  cette  fille  au 
bras  séculier  et  la  faire  mourir.  Car  moyennant  cette  préten- 
due sentence,  il  a  pensé  avoir  assez  de  couleur  pour  faire 
croire  à  la  postérité  qu'il  auroit  employé  tous  moyens  pos- 
sibles de  réduire  cette  fille  au  bon  chemin  duquel  elle  n'avoit 
onques  dévoyé.  De  sorte  que  ceux  mesmes  de  son  parti  qui 
n'avoient  [pas]  cognoissance  de  cette  secrète  cabale,  tenoient 
pour  tout  certain  que  ce  jour-là  mesme  on  dust  supplicier  la 
Pucelle.  D'autant  que  le  bourreau  estoit  lors  présent  avec  sa 
charrette,  attendant  cette  proye  quand  l'Evesque  auroit  pro- 
noncé sa  sentence.  Et  quelques  Anglois  qui  n'entendoient 
[pas]  ce  mystère  d'iniquité,  reprochèrent  à  l'Evesque  de 
Beauvais,  présent  tout  le  monde,  qu'il  estoit  un  traistre 
d'avoir  condamné  cette  fille  seulement  à  une  prison  perpé- 
tuelle. 

Sur  quoy  est  nécessaire  d'entendre  les  dépositions  de 
maistre  Guillaume  Manchon,  premier  notaire,  qui  a  instru- 
menté au  procez  et  assisté  par  tout,  et  pour  lors  estoit  aux 
pieds  de  l'Evesque  de  Beauvais  sur  le  théâtre;  semblable- 

7 


98  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    DORLÉANS 

ment  du  frère  Martin  Ladvenu,  dominicain,  bachelier  en 
théologie,  lequel  estoit  l'un  des  assesseurs  de  l'Evesque  de 
Beauvais,  et  administra  les  sacrements  de  pénitence  et  de  la 
sainte  Eucharistie  à  la  Pucelle  auparavant  que  d'estre  menée 
au  supplice,  et  l'assista  jusques  au  dernier  soupir;  comme 
fit  pareillement  maistre  Jean  Massieu,  exécuteur  des  ordon- 
nances de  l'Evesque  de  Beauvais,  lequel  alloit  quérir  en  la 
prison  cette  fille  pour  la  mener  devant  les  juges,  et  la  rame- 
noit  aussi  en  la  prison,  estant  tousjours  auprès  d'elle. 

Or,  ils  témoignent,  après  que  maistre  Guillaume  Erard 
eust  fait  son  sermon  au  cimetière  Saint-Ouen,  qu'il  fit  repré- 
senter un  formulaire  d'abjuration  à  la  Pucelle,  et  lui  dit  qu'il 
falloit  qu'elle  se  rétractast  conformément  à  ce  qu'il  estoit 
couché  audit  formulaire  et  qu'elle  le  signast.  Que  le  dit 
Erard  consigna  ce.  formulaire  entre  les  mains  de  maistre 
.lean  Massieu  pour  en  faire  lecture  tout  haut  et  clair  à  ce  que 
la  Pucelle  lentendist.  Et  déposa  ledit  Massieu  qu'il  lut  ce 
formulaire  auquel  il  se  souvient  qu'il  estoit  nommément 
porté  qu'à  l'avenir  la  Pucelle  promettoitde  ne  plus  s'habiller 
en  iiomnie,  de  ne  plus  faire  tondre  ses  cheveux,  en  rond,  de 
ne  plus  porter  les  armes,  et  autres  choses  desquelles  il  ne  se 
souvient  à  présent.  Et  dit  estre  bien  asseuré  que  ce  formu- 
laire estoit  escrit  en  un  assez  petit  papier  et  tout  au  plus 
qu'il  ne  contenoit  qu'environ  huit  lignes,  et  que  ce  n'estoit 
pas  le  formulaire  qui  est  registre  au  procez,  ayant  lu  celui-là 
et  non  cestuy-ci. 

De  plus,  dépose  que  la  Pucelle  après  avoir  esté  fort  pres- 
sée et  sollicitée  par  ledit  Erard,  docteur,  de  signer  ce  for- 
mulaire, il  s'éleva  un  grand  bruit  entre  ceux  qui  estoient 
présents  à  cette  action  sur  le  théâtre,  et  qu'il  entendit  l'Eves- 
que de  Beauvais  disant  bien  haut  à  quelqu'un  :  «  Vous  me 
ferez  réparation  de  cette  injure  »  ;  et  qu'il  ne  poursuivroit 
davantage  le  procez  jusqu'à  ce  que  réparation  lui  eust  esté 
faite.  Il  parloit  à  un  docteur  anglois  de  la  maison  du  cardi- 
nal de  Winthon  qui  estoit  sur  le  théâtre  auprès  de  son  mais- 
tre, et  avoit  dit  haut  et  clair  à  cet  Evesque  qu'il  estoit  un 
traistre,  etc. 

Pendant  ce  trouble,  maistre  Jean  Massieu  advertissoit  la 


A    ROUEX.    —    LE    PROCKS  99 

Pucelle  du  péril  qu'elle  encouroit,  signant  ce  formulaire  d'ab- 
juration,, lequel  elle  n'entendoit  point  ;  et  que  maistre  Guil- 
laume Erard  l'ayant  derechef  pressée  de  faire  celte  abjuration 
et  signer  ce  formulaire,  elle  requit  nommément  qu'on  le  fit 
voir  aux  ecclésiastiques  entre  les  mains  desquels  elledebvoit 
estre  mise  après  avoir  fait  cette  abjuration,  et  que  si  en  cons- 
cience ils  la  conseilloient  de  faire  ladite  révocation  et  de  la 
signer,  pour  ce  qu'elle  ne  l'entendoit  pas,  qu'alors  elle  le 
feroit  et  signeroit.  Ce  qu'entendu  par  le  docteur  Erard,  [il 
lui  déclara]  que  si  tout  présentement  et  sans  autre  délay  elle 
ne  faisoit  cette  rétractation  et  ne  signoit  ce  formulaire,  elle 
seroit  bruslée.  A  quoy  elle  repartit  sur  le  champ  aimer  beau- 
coup mieux  le  faire  et  signer  que  d'oestre  bruslée.  Et  signant 
ce  formulaire,  elle  rioit  pour  l'espérance  qu'elle  avoit  qu'an 
lui  tiendroit  promesse  et  qu'elle  seroit  tirée  d'entre  les 
mains  des  Anglois,  mise  en  une  prison  ecclésiastique,  traitée 
humainement,  qu'elle  entendroit  la  messe,  etc.  De  manière 
qu'après  avoir  signé,  on  demanda  à  l'Evesque  de  Beauvais 
en  quel  lieu  on  la  devoit  ramener.  Et  l'Evesque  répondit 
que  ce  seroit  au  chasteau  de  Rouen  '. 

En  quatriesme  lieu,  nous  apprenons  des  susdites  déposi- 
tions, que  l'Evesque  de  Beauvais  a  fait  regislrer  en  ce  pré- 
tendu procez  un  autre  formulaire  d'abjuration  que  celui  qui 
fut  lut  et  proposé  à  la  Pucelle  pour  le  prononcer  et  signer 
sur  le  théâtre-  :  qui  est  une  notable  fausseté  sur  laquelle 
mesme.  cet  Evesque  a  pris  occasion  de  condamner  cette  fille 
en  tant  que  relapse.  Et  néantmoins  par  toute  disposition  de 
droit  divin  et  humain,  aucun  ne  peut  estre  tenu  pour  relaps, 
sinon  qu'il  ayt  esté  au  préalable  canoniquement  convaincu 
d'hérésie  et  que  pareillement  il  ne  l'aye  canoniquement 
abjurée.  Or  est-il  que  par  tous  les  actes  du  procez,  il  n'appert 
point  que  la  Pucelle  ayt  esté  convaincue  d'hérésie,  ni  sem- 

1 .  Procès,  t.  II.  p.  14. 

2.  E.  Richer,  en  rapportant  plus  haut  la  scène  de  la  prétendue  abju- 
ration, reproduit  sans  observations  le  texte  du  procès,  comme  si 
révèquc  de  Beauvais  eût  dit  l'exacte  vérité.  Il  ne  proteste  qu'en  cet 
alinéa-ci,  et  d'une  faron  qui  eût  dû  être  plus  serrée  et  plus  rigoureuse. 


100  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLÉANS 

blablement  qu'elle  l'ayc  canoniquement  abjurée.  Ce  que  pour 
elïectuer  et  par  un  préalable  de  droit,  il  estoit  tout  en  pre- 
mier lieu  nécessaire  de  lui  proposer  un  formulaire  d'abjura- 
tion, lui  faire  bien  et  canoniquement  entendre  tous  les  termes 
auxquels  il  estoit  conceu,  auparavant  que  de  prononcer  sen- 
tence contre  elle,  et  ne  la  pas  surprendre  tumultuairement 
sur  le  théâtre  pour  l'épouvanter,  ni  l'intimider  et  menacer 
du  feu,  ainsi  qu'ils  ont  fait.  De  manière  que  tous  ces  actes 
sont  obreptices,  pleins  de  violence,  de  dol,  fraude  et  d'ini- 
quité :  car  l'on  fait  dire,  prononcer  et  signer  à  une  pauvre 
fille  mineure  ce  quelle  ne  veut  et  n'entend  pas  ;  et  mesme  on 
lui  dénie  toute  sorte  de  conseil  contre  toute  disposition  de 
droit.  Au  moyen  de  quoy,  elle  est  grandement  excusable  et 
doit  estre  tenue  pour  bien  et  duement  relevée  de  tout  ce 
qu'elle  peut  avoir  fait  à  son  préjudice  ;  attendu  les  malignes 
inductions,  fraudes,  intimidations,  violentes  menaces  des- 
quelles on  a  usé  à  son  endroit. 

Et  d'ailleurs  la  faveuret  indulgence  des  lois  à  l'endroit  des 
personnes  mineures  et  en  bas  âge  excuse  assez  et  protège 
cette  fille.  Considéré  mesme  que  saint  Pierre  ayant  si. long- 
temps vécu  avec  Nostre  Seigneur  Jésus-Christ,  veu  sa  transfi- 
guration et  infinis  autres  grands  miracles  qu'il  avoit  opérés, 
ayant  fait  ressuciter  plusieurs  morts  et  tout  nouvellement 
Lazare  :  outre,  venoit  de  manger  l'ageau  pascal,  et  avoit 
receu  de  sa  propre  main  la  sainte  communion  de  son  pré-, 
cieux  corps  et  sang,  n'estant  en  semblable  ni  si  extrême  ni 
si  imminent  péril  que  la  Pucelle,  néantmoins  par  infirmité 
humaine  avoit  renié  Jésus-Christ  et  abjuré  avec  blasphèmes, 
estant  interrogé  par  uhe  simple  servante,  et  non  intimidé  ou 
menacé  du  feu  par  des  juges.  Mais  tout  ainsi  qu'après  avoir 
amèrement  pleuré  et  fait  pénitence  de  cette  abjuration,  il  fut 
receu  en  grâce  par  Nostre  Seigneur,  au  cas  pareil  nous  ver- 
rons aux  actes  suivans  la  Pucelle  faire  pénitence  de  cette 
rétractation  qu'on  lui  avoit  fait  faire  par  violentes  menaces,  et 
protester  aymer  mieux  mourir  faisant  pénitence  de  tout  ce 
qu'on  lui  avoit  fait  faire  par  crainte  du  feu,  que  de  tenir  aucune 
chose  de  tout  ce  qu'on  l'avoit  contrainte  de  rétracter,  l'habil- 
lement d'homme  excepté  qu'elle  estoit  preste  de  quitter  : 


A    ROUEN.    LE    PROCES  101 

qui  est  une  suffisante  response  à  tout  ce  que  ses  ennemis  ou 
autres  pourroient  alléguer  qu'elle  se  seroit  rétracte'e.  Mais 
retournons  aux  actes  et  voyons  la  fin  de  cette  sanglante  tra- 
gédie, et  comme  tout  se  passa  depuis  cette  prétendue  rétrac- 
tation. 


lXXIV  mai,  après  midi.  —  Dans  la  prison  de  Jeanne]. 

Le  mesme  jeudi  vingt-quatriesme  may  après  midi,  frère 
Jean  Magistri,  inquisiteur  de  la  foy,  se  transporte  en  la  pri- 
son, assisté  de  maistre  Nicolas  Midi,  docteur  en  théologie, 
Nicolas  Loyseleur,  Thomas  de  Courcelles,  Isambert  de  la 
Roche  et  autres  ecclésiastiques,  lesquels  remonstrèrent  à  la 
Pucelle  la  grâce  que  Dieu  lui  avoit  faite  ce  jour-là,  etc. 
Pareillement,  que  les  ecclésiastiques  qui  l'avoient  jugée 
l'avoient  bien  humainement  traitée  :  pour  cette  raison,  elle 
debvoit  humblement  obéir  à  la  sentence  de  ses  juges  et  ne 
s'en  jamais  départir.  Autrement,  en  cas  de  rechute,  quelle 
ne  devoit  plus  espérer  de  grâce,  et  qu'on  l'abandonneroit 
totalement  au  bras  séculier.  Ils  l'advertirent  donc  de  quitter, 
son  habillement  d'homme  et  d"en  prendre  un  de  femme, 
ainsi  que  l'Eglise  l'avoit  ordonné.  A  quoy  cette  femme  obéit 
incontinent,  et  fit  raser  ses  cheveux  qui  estoient  tondus  en 
rond  à  la  façon  des  hommes,  et  protesta  vouloir  obéir  en 
toutes  choses  aux  gens  d'Eglise. 

Et  voilà  tout  ce  qui  se  passa  le  jeudi,  vingt-quatriesme 
may,  incontinent  après  la  sentence  de  rétractation.  Et  notez 
que  la  Pucelle  pensoit,  après  avoir  quitté  son  habillement 
d'homme  etvestu  celui  de  femme,  qu'on  la  dustsur  le  champ 
tirer  des  mains  des  Anglois  pour  loger  aux  prisons  ecclésias- 
tiques, ainsi  qu'on  lui  avoit  promis  et  qu'il  estoit  de  justice. 
Toutes  fois  lEvesque  de  Beauvais  agitoit  bien  d'autres  des- 
seins en  son  esprit,  et  depuis  ce  jour  jusques  au  lundi  sui- 
vant ne  visita  pas  cette  fille.  Pendant  lequel  temps  tout  se 
passa  ainsi  que  nous  l'avons  extrait  du  procez,  dont  ensui- 
vent les  actes. 


102  E.    niCllER.    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

[LA   CAUSE  DE  RECHUTE] 

XXVm-XXX   mai. 

[L'Evesque  de  Beauvais  dans  la  prison  de  la  Pucelle 
XXVIII  mai. 

Le  lundi  suivant,  vingt-huitiesme  de  may  1431,  lendemain 
de  la  sainte  Trinité,  l'Evesque  accompagné  d'aucuns  de  ses 
conseillers  et  assesseurs  se  transporta  en  la  prison  pourvoir 
en  quelle  disposition  étoit  la  Pucelle.  Et  l'ayant  trouvée  habil- 
lée en  homme  comme  auparavant,  lui  demanda  d'où  celapro- 
cédoit  et  qui  l'avoit  mue  à  reprendre  cet  habillement.  Res- 
pondit  l'avoir  pris  naguère  et  quitté  celui  de  femme. 

Enquise  pourquoy  cela  et  qui  l'avoil  induite  ù  ce  luire,  i-éplii^iia 
que  c'estoil  de  sa  propre  volonté  sans  qu'aucun  l'eust  conlrainle. 
et  qu'elle  aymait  davantage  cet  habillement  que   celui  de  femme. 

On  lui  remonstra  qu'elle  avoit  pi-omis  et  juré  de  ne  jamais 
remettre  cet  habillemeut  d"homme.  Repart  n'avoir  onques  en- 
tendu faire  aucun  serment  de  ne  plus  reprendre  Ihabillemenl 
d'homme.  Adjousta  l'avoir  repris  pour  ce  que,  estant  toujours 
parmi  les  hommes,  il  lui  estoit  beaucoup  plus  licite  et  convenable 
d'avoir  un  habillement  d'homme  que  d'estre  habillée  en  femme. 
Et  dit  nommément  l'avoir  repris  pour  ce  qu'on  ne  lui  avoit  pas 
tenu  promesse,  assavoir  qu'elle  irait  à  la  messe,  qu'elle  recevroit 
le  corps  de  nostre  Seigneur,  qu'on  lui  osteroit  les  fers  des  pieds. 

Interrogée  si  elle  n'avoit  pas  fait  abjuration  ci-devant,  et  plus 
particulièrement  de  ne  plus  porter  un  habillement  d'homme,  res- 
pondit  qu'elle  aymoit  mieux  mourir  que  d'avoir  toujours  les  fers 
aux  pieds  :  que  si  on  les  lui  ostoit,  et  qu'on  lui  permist  d'aller  à 
la  messe,  et  qu'on  lui  donnast  une  prison  gracieuse,  qu'acné  serait 
bonne  et  ferait  tout  ce  que  l'Église  voudra. 

Et  d'autant  que  l'Evesque  de  Beauvais  avoit  ouy  dire  qu'elle 
s'arrestoit  encore  aux  illusions  de  ses  prétendues  révélations  aux- 
quelles elle  avoit  renoncé  auparavant,  il  l'interrogea  si  depuis  jeudi 
dernier  —  c'est  le  jour  où  on  lui  fit  faire  cette  prétendue  abjuration 
—  elle  avoit  entendu  les  voix  des  saintes  Catherine  et  Marguerite. 
Uespond  que  oui. 

Enquise  de  ce  qu'elle  lui  avoient  dit,  confessa  que  Dieu  lui  avoit 


A    UOUEiN.    —    LE    PROCÈS  103 

fait  sçavoir  par  ces  saintes  la  grande  pilié  et  misère  de  la  grande 
trahison  à  laquelle  elle  avait  consenti,  faisant  abjuration  et  révo- 
cation pour  sauver  sa  vie,  et  que  s'ayant  voulu  sauver,  elle  s'esloit 
damnée. 

Déposa  pareillement  qu'auparavant  jeudi  dernier  ses  voix  lui 
avoient  dit  et  révélé  tout  ce  qu'elle  feroit  ce  jour-là  et  avoit  fait 
alors. 

Davantage,  qu'estant  sur  l'eschafTaut  ou  théâtre,  devant  le  peuple. 
elles  lui  dirent  qu'elle  respondit  hardiment  à  ce  prédicateur  qui 
faisoit  le  sermon,  que  c'estoit  un  faux  prédicateur,  disant  qu'elle 
avoit  fait  beaucoup  plus  de  choses  qu'elle  n'avoit  faites.  Leur 
maintint  que  si  elle  leur  disoit  n'avoir  pas  été  envovée  de  Dieu, 
elle  se  damnoit,  pour  ce  que  Dieu  véritablement  l'avoit  envoyée. 
Que  ses  voix  lui  avaient  remonstré  que  depuis  jeudi  elle  avoit 
commis  une  grande-faute  ou  injure,  ayant  confessé  n'avoir  pas 
bien  fait  ce  quelle  avoit  fait,  Dit  nommément  que  tout  ce  qu'elle 
avoit  révoqué  jeudi  dernier,  n'avoit  esté  que  pour  crainte  du  feu. 

Interrogée  si  elle  croyoit  que  les  voix  qui  lui  apparoissoient 
fussent  saintes  Catherine  et  Marguerite,  respondit  que  oui  et  qu'elles 
sont  de  Dieu. 

On  lui  dit  qu'elle  recognust  la  vérité  touchant  cette  couronne 
dont  a  esté  fait  mention  ci-dessus.  Répliqua  leur  avoir  dit  la 
vérité  au  procez,  le  mieux  qu'elle  avoit  pu. 

Alors  lui  fut  remonstré  qu'estant  sur  l'eschaffaut,  au  théâtre, 
devant  les  juges  et  tout  le  peuple  assemblé,  faisant  abjuration,  elle 
avoit  dit  nommément  et  recognu  s'estre  vantée  par  menterie  que 
.saintes  Catherine  et  Marguerite  la  visitoient.  Repartit  qu'elle  n'en- 
tendoit  pas  faire  ni  dire  ainsi. 

Davantage,  maintint  n'avoir  onques  dit  ni  entendu  dire  qu'elle 
révoquoit  ses  apparitions  et  révélations  comme  n'estant  pas  saintes 
Catherine  et  Marguerite  :  et  tout  ce  qu'elle  a  fait  sur  cela  n'avoit 
esté  que  par  crainte  .du  feu;  et  n'avoir  rien  révoqué  ni  abjuré  qui 
ne  soit  contre  la  vérité.  Proteste  aymer  mieux  faire  une  fois  péni- 
tence en  mourant  que  de  traisner  plus  longuement  sa  vie  en  pri- 
son. De  plus,  qu'elle  n'a  jamais  fait  aucune  chose  contre  Dieu  ni 
contre  la  foy,  etnéantmoins  qu'on  l'a  contrainte  d'en  faire  expresse 
révocation  :  qu'elle  n'a  point  entendu  ce  qu'estoit  contenu  audit 
formulaire  d'abjuration  qu'on  lui  avait  fait  faire,  et  n'a  jamais 
rien  entendu  révoquer  sinon  qu'il  plust  à  Dieu. 

Finalement  a  dit  que  si  les  juges >vouloient,  elle  reprendroit 
l'habillement  de  femme  ;  que  pour  le  reste  elle  ne  fera  rien  autre 
chose. 


104  K.    mCHER.    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

Ce  que  l'Evesqiie  ayant  entendu,  il  se  relira  de  la  prison  où 
estoil  relie  fille,  afin  de  procéder,  ainsi  qu'il  parle,  à  ce  qui  se- 
roit  de  raison. 

Advertissement. 

Cet  acte  du  lundi  vingt-huitiesme  may  nous  représenta 
quelques  petites  lumières  des  responses  justificatives  de  la 
Pucelle,  au  moyen  desquelles  on  peut  recognoistre  les  arti- 
fices dont  a  usé  l'Evesque  de  Beauvais  pour  la  décevoir  et 
contraindre  à  se  rétracter.  Que  s'il  eust  fidèlement  fait  regis- 
trer  toutes  les  dépositions  de  cette  fille,  nous  ne  serions  pas 
en  peine  de  faire  des  advertissements  pour  servir  de  contre- 
dits. 

Premièrement,  [c'est  un]  fait  à  noter  que  la  Pucelle  estant 
prisonnière  depuis  un  an  entier  et  n'ayant  ouy  la  messe  ni 
communié  depuis  que  le  comte  de  Luxembourg  l'eust  aban- 
donnée aux  Anglois,  outre  les  autres  fatigues  et  travaux 
assez  notoires  qu'elle  supportoit  ordinairement,  on  lui  fit 
entendre  que,  si  elle  vouloit  se  rétracter,  elle  seroit  traitée 
gracieusement  et  tirée  d'entre  les  mains  des  Anglois  pour 
estre  mise  en  une  prison  ecclésiastique,  n'auroit  plus  les  fers 
aux  pieds,  seroit  visitée  par  des  femmes  honnestes,  enten- 
droit  tous  les  jours  la  messe  et  communieroit  toutes  et  quan- 
tes  fois  elle  en  auroit  dévotion;  et  que  si  volontairement  elle 
ne  se  rétractoit,  elle  seroit  bruslée  toute  vive.  Davantage, 
pour  la  troubler,  ils  ne  cessoient  de  lui  rebattre  souvent  les 
oreilles  qus  ses  voix  lui  ayant  promis  qu'elle  seroit  délivrée 
de  prison,  l'avoient  misérablement  déceue,  l'invitant  mesme 
de  faire  bon  visage  et  de  parler  hardiment  aux  juges  qui 
avoient  pouvoir  de  la  condamner  :  que  cela  estoit  un  indice 
certain  que  ces  voix  provenoient  de  l'esprit  malin,  et  non  de 
la  part  de  Dieu  qui  ne  trompe  personne  et  ne  peut  mentir. 

Et  parce  que  aux  actes  de  ce  jour,  l'Evesque  de  Beauvais 
n'a  fait  registrer  que  partie  de  la  déposition  de  la  Pucelle  S 
nous  y  remarquerons  quatre  ou  cinq  points  principaux  qui 
servent  grandement  à  sa  justification  :  comme  de  ce  qu'elle 

1.  Cette  remar.iue  d'E.  Ric.lier  est  très  importante. 


A    ROUEN.    LE    PROCES  105 

asseure  avoir  repris  l'habillemenL  d'homme  de  sa  propre 
volonté,  considère'  qu'ayant  à  estre  toujours  parmi  les 
hommes,  il  lui  estoit  plus  licite  et  convenable  d'avoir  cet 
habit  que  de  porter  un  habillement  de  femme.  Adjouste  aussi 
l'avoir  repris  d'autant  qu'on  lui  avoit  fait  promesse,  à 
sçavoir  de  lui  donner  permission  d'ouyr  la  messe,  de  la  tirer 
des  fers  et  d'entre  les  mains  des  Anglois  pour  estre  mise  en 
une  prison  eccle'siastique,  gracieuse,  etc. 

L'autre  point  [est]  que  Dieu  lui  avoit  fait  entendre  par  ses 
voix  qu'elle  avoit  consentie  à  une  grande  trahison  d'avoir 
fait  cette  prétendue  abjuration,  et  que  pensant  sauver  sa  vie, 
elle  s'estoit  damnée. 

En  troisiesme  lieu,  qu'auparavant  qu'elle  fut  menée  au  ci- 
metière Saint-Ouen  pour  faire  cette  rétractation,  ses  voix  lui 
avoient  particulièrement  révélé  ce  qu'on  lui  feroit  faire  ce 
jour-là  sur  le  théâtre,  et  spécialement  l'avoient  advertie  de 
dire  à  maistre  Guillaume  Erard  qui  faisoit  le  sermon,  qu'il 
estoit  un  faux  prédicateur  et  imposteur,  disant  qu'elle  avoit 
fait  beaucoup  de  choses  qu'elle  n'avoit  onques  faites.  Main- 
tint que  si  elle  ne  se  disoit  envoyée  de  Dieu,  elle  se  damnoit, 
attendu  que  véritablement  Dieu  l'avoit  envoyée,  etc.  Brief, 
que  tout  ce  qu'on  lui  avait  fait  révoquer,  n'avoit  esté  que 
par  crainte  du  feu,  etc. 

Quatriesmement,  qu'elle  n'entendoit  ce  qui  estoit  porté  au 
formulaire  de  rétractation  qu'on  lui  avoit  fait  prononcer  et 
signer  :  lequel  contcnoit  qu'elle  avoit  fait  plusieurs  choses 
contre  Dieu  et  contre  la  foy  que  néantmoins  elle  n'avoit  pas 
faites,  et  n'avoit  onques  entendu  révoquer  ses  révélations 
comme  ne  provenant  pas  de  Dieu  ;  et  répéta  plusieurs  fois  que 
tout  ce  qu'elle  a  fait  et  révoqué,  n'a  esté  que  pour  crainte  du 
feu,  et  n'a  rien  révoqué  qui  ne  soit  contre  la  vérité. 

Cinquiesmement,  ditaymer  mieux  faire  une  fois  pénitence 
en  mourant  que  désire  toujours  à  languir  en  prison.  Que  si 
les  juges  veulent,  elle  reprendra  1  habillement  de  femme  ; 
mais  quant  au  reste  de  tout  ce  qui  est  contenu  en  ce  prétendu 
formulaire,  n'en  tiendra  ni  gardera  rien,  etc.  Qui  est  le  som- 
maire de  ce  que  l'Evesque  a  fait  registrer. 

Sur  quoy  3P  Guillaume  Manchon,  premier  notaire,  duquel 


106  K.    lilCHKU.    LA    l'ICIiLLE    U  OllLKA.NS 

nous  avons  parlé  ailleurs,  a  bien  enchéri  sur  la  revision  du 
procez,  ayant  déposé  que  tout  le  temps  qu'on  faisoit  le  pro- 
cez  à  cette  fille,  il  la  entendue  plusieurs  fois  se  plaindre  à 
âEvesque  de  Beauvais  et  au  comte  de  Warwic,  quand  on  lin- 
terrogeoit  pourquoy  elle  se  vestoit  en  femme,  qu'elle  nosoit 
<iter  son  haut  de  chausse,  ni  se  desesguilleter  :. qu'ils  s(;a- 
voient  bien  que  ceux  auxquels  ils  lavoient  donnée  en  garde 
l'avaient  voulu  violer,  et  qu'une  fois,  comme  elle  crioit,  le- 
dit comte  courut  à  sa  clameur  et  à  son  ordre,  et  que  s'il  ne 
fust  venu,  ils  1  eussent  violée.  Que  le  Dimanche  de  la  Trinité, 
lui  qui  parle  se  transporta  au  chasteau  de  Rouen  avec  ses 
compagnons  co-notaires  par  commandement  du  comte  de 
"VVarwic,  pour  ce  qu'on  disoit  que  Jeanne  estoit  relapse  — 
et  avoit  repris  son  habillement  d'homme,  —  et  qu  ils  rencon- 
trèrent en  la  cour  du  chasteau  cinquante  Anglois  armez  qui 
leur  dirent  qu'ils  estoient  traistres  et  avoient  mal  fait  le  pro- 
cez. Et  estime  que  c'estoit  à  cause  que  Jeanne  n'avoit  [pas] 
esté  bruslée  dès  la  première  sentence  :  tellement  qu'ils  eurent 
bien  de  la  peine  d'évader  des  mains  des  Anglois. 

Que  pour  cette  cause,  le  lundi  suivant,  vingt-huictiesme 
may,  lui  qui  parle  ayant  esté  mandé  pour  aller  au  chasteau 
•de  Rouen,  demanda  seureté  à  l'Evesque  et  audit  comte  de 
Warwic  qui  le  fit  conduire  en  la  prison  où  Jeanne  futinter- 
rogée  en  sa  présence  par  l'Evesque  de  Beauvais  et  quelques 
autres  juges  qui  estoient  en  fort  petit  nombre,  pourquoy  elle 
avoit  reprit  son  habillement  d'homme.  Etresponditque  c'es- 
toit  pour  conserver  sa  pudicité,  n'estant  [pas]  asseurée  avec 
un  habillement  de  femme  ;  queses  gardes  avoient tasché  delà 
violer  et  que  maintes  fois  elle  s'en  estoit  plainte  à  l'Evesque 
de  Beauvais  et  au  comte  de  Warwic.  Que  les  juges  lui  avoient 
promis  qu'elle  serait  mise  aux  prisons  ecclésiastiques,  et 
-auroit  avec  soy  une  femme  ;  et  que  s'il  plaisoit  aux  juges  de 
la  mettre  en  lieu  asseuré  où  elle  ne  craignist  rien,  qu  elle 
estoit  preste  de  s'habiller  en  femme.  Quant  à  ce  qu'on  lui 
avoir  fait  abjurer,  disoit  n'avoir  [pas]  entendu  le  formulaire 
•qu'on  lui  avait  proposé,  et  que  tout  ce  qu'elle  avoit  fait  et 
rétracté  estoit  par  crainte  du  feu,  voyant  le  bourreau  tout 
prest  avec  sa  charrette. 


A    ROUEN.    LE    PROCES  107 

C'est  la  déposition  du  premier  notaire,  bien  différente  de 
ce  que  lEvesque  a  fait  registrer,  ayant  fait  omettre  tout  ce 
qui  servoitù  la  justification  de  la  Piicelle.  Car  il  a  seulement 
rapporté  qu'elle  aymoit  mieux  l'habillement  viril,  comme 
plus  propre  et  convenant  au  lieu  où  elle  estoit  entre  les 
hommes,  sans  parler  de  ce  qu'on  l'avo-it  voulu  violer.  Frère 
Martin  Ladvenu,  bachelier  en  théologie,  dépose  avoir  ouy 
dire  à  la  Pucelle  qu'un  grand  seigneur  anglois  l'avoit  voulu 
violer,  et  que,  pour  ce  subject,  avoit  repris  l'habillement 
d'homme  depuis  la  première  sentence.  Ce  grand  seigneur  ne 
pouvoit  estre  que  le  comte  de  Warwic,  gouverneur  du  chas- 
teau  de  Rouen,  lequel  cette  fille  n'a  osé  nommer  devant 
l'Evesque,  craignant  d'estre  plus  mal  traitée. 

Maistre  Jean  Massieutesmoignequele  Dimanche  de  la  Trini- 
té, la  Pucelle  ayant  esté  accusée  comme  relapse,  etc.,  elle  res- 
ponditqu'estant  couchée  sursonlit,  ses  gardes  lui  avoientosté 
ses  habillements  de  femme  de  dessus  son  lit,  et  y  avoient  remis 
ses  habillements  d'homme;  et  qu'estant  pressée  d'aller  à  ses 
nécessitez  naturelles,  avoit  prié  ses  gardes  de  lui  rapporter  ses 
habits  de  femme,  leur  disant  qu'ils  sçavoient  bien  qu'elle  les 
portait  par  expresse  ordonnance  des  juges  :  néantmoins 
qu'ils  ne  voulurent  jamais  lui  donner  d  autres -habits,  et 
qu'estant  pressée  d'aller  à  ses  affaires,  fut  contrainte  de  ves- 
tir  cet  habillement  d'homme,  n'en  ayant  point  d'autre. 
Qu'alors  maistre  André  Marguerie,  l'un  des  assesseurs  de 
l'Evesque  de  Beauvais,  estoit  présent,  et  ayant  entendu  les 
plaintes  de  cette  fille,  dit  qu'il  falloit  sgavoir  véritablement 
pourquoy  elle  aurait  repris  l'habillement  d'homme  :  que 
pour  celte  cause,  il  fut  en  péril  de  sa  vie  :  d'autant  qu'un 
Anglois  le  voulut  frapper  de  sa  hallebarde,  s'il  ne  se  fust 
retiré  bien  hastivement  du  chasteau  de  Rouen  en  grande 
frayeur,  comme  firent  semblablement  quelques  autres  avec 
lui.  Et  tout  cela  fut  exécuté  le  Dimanche  de  la  Trinité,  en 
l'absence  de  l'Evesque  de  Beauvais,  en  présence  duquel  cette 
fille  n'osait  pas  dire  qu'un  grand  seigneur  l'avait  voulu  vio- 
ler. 

Or,  nonobstant  que  cette  déposition  semble  aucunement 
contraire  à  celle  de  maistre  Guillaume   Manchon,  premier 


108  E.    niCHER.    —    LA    l'CCELI.E    DOULÉANS 

notaire,  si  est-il  aysé  de  la  concilier  en  distinguant  les  jours 
auxquelles  elles  ont  été  faites;  car  divers  tcsmoins  déposent 
des  choses  diverses  selon  les  temps  qu'ils  les  ont  entendues, 
comme  est  la  diversité  du  Dimanche  au  lundi  suivant  que 
Guillaume  Manchon  alla  voir  la  Pucelle,  mandé  par  l'Evcsqué 
de  Bcauvais  et  le  comte  de  Warwic.  Et  semble  probable  et 
possible  véritablement  que  cette  supposition  d'habit  fut  faite 
la  nuit  du  vendredi  au  samedi  précédent  par  ceux  qui 
avoient  en  garde  cette  fille,  ayant  eu  ordre  de  ce  faire  par  le 
comte  de  Warwic  et  l'Evesque  de  Beauvais,  cherchant  quel- 
que subject  de  la  faire  mourir  comme  relapse.  Et  après  avoir 
esté  nécessitée  de  reprendre  cet  habillement  d'homme,  je 
tiens  pour  certain  que  ce  grand  seigneur  duquel  ci-devant  a 
été  fait  mention,  s'efforça  de  la  violer,  et  que  pour  cette  rai- 
son la  Pucelle  se  résolut  depuis,  tant  qu'elle  seroit  prison- 
nière entre  les  mains  des  Anglois,  de  porter  l'habillement 
d'homme,  voire  mesme  d'endurer  plus  tost  la  mort  et  d'estre 
bruslée  toute  vive,  que  de  demeurer  toujours  en  tel  estât  et 
d'approuver  aucune  chose  de  ce  qu'on  lui  avoit  voulu  faire 
rétracter.  Je  me  persuade  encore  que  ce  qu'elle  a  dit  au  comte 
de  Warwic,  qu'il  sçavoit  bien  qu'on  l'avait  voulu  violer  et 
quelle  l'eust  esté  de  fait,  sinon  qu'il  fust  accouru  à  ses  cla- 
meurs, etc.,  estoit  parce  qu'elle  n'osoit  pas  le  nommer  préci- 
sément, crainte  que  pis  ne  lui  arrivast;  et  estime  que  les 
grandes  clameurs  et  doléances  qu'elle  fit  alors  émurent  telle- 
ment ce  grand  seigneur  qu'il  désista  de  sa  mauvaise  volonté, 
Dieu  secourant  cette  fille. 

J'oubliais  que  les  dits  tesmoins  ont  encore  attesté  avoir  ouy 
dire  à  cetEvesque,  le  lundi  vingt-huitiesme  may,  sortant  de 
la  prison,  parlant  de  ce  que  la  Pucelle  avoit  repris  son  habil- 
lement d'homme,  «  que  c'estoit  à  ce  coup  qu'il  la  tenoit 
comme  relapse  »  ;  et  qu'aux  actes  du  lundi  vingt-huictiesme 
may  ci-devant  produits,  il  lui  fit  déposer  «  qu'elle  sera  bonne 
et  fera  tout  ce  que  l'Eglise  voudra,  pourvu  qu'on  lui  oste  les 
fers  des  pieds,  etc.  »  Or,  je  tiens  pour  chose  asseurée  qu'il  a 
fait  malignement  supprimer  ces  termes  en  la  déposition  do 
la  Pucelle,  sçavoir  qu'elle  sera  bonne  fille,  afin  de  ne  sembler 
rendre  aucun  tesmoignage  positif  de  sa  virginité.  Et  cela 


A    ROUEN.    LE    PROCÈS  109 

s'induit  parce  que  les  dits  termes  «  bonne  fille  »  sont  regis- 
trezau  procez,  séance  troisiesme,  où  elle  déclare  que  le  pre- 
mier précepte  et  enseignement  que  lui  donna  saint  Michel 
fut  «  d'estre  bonne  fille,  de  se  bien  gouverner  et  d'aller  sou- 
vent à  l'Eglise.  »  A  raison  de  quoy  ils  ont  supprimé  cette 
clause  :  «  bonne  fille  ».  Et  de  là  peut-on  faire  induction  de 
choses  plus  sérieuses  et  importantes  desquelles  l'Evesque  de 
Beauvais  n'a  voulu  qu'on  tint  compte.  Mais  voyons  la  suite 
des  actes. 

[Délibération  unique  de  la  cause  de  chute  et  dernière  de  tout 
le  procez] 

[XXIX  mai  1431.] 

Le  mardi  suivant  après  la  Trinité,  vingt  neufviesme  de 
may  1431,  l'Evesque  fait  assembler  tous  ses  assesseurs  en  la 
chapelle  du  chasteau  de  Rouen,  leur  fait  un  grand  narré  du 
contenu  aux  actes  du  lundi  xxviii^  niay,  et  outre  raconte  tout 
ce  qu'il  avoit  fait  aux  actes  précédents  par  leur  advis  et  con- 
seil, et  comme  les  articles  de  la  censure  de  l'Université  de 
Paris  auroient  esté  lus  particulièrement  à  la  Pucelle,  etc.  Que 
jeudi  dernier,  vingt-quatriesme  may,  elle  avoit  fait  un  acte 
de  révocation  et  d'abjuration  de  ses  erreurs  en  la  place 
publique  après  une  solennelle  prédication,  etc.  Mais  par  l'ins- 
tinct et  suasion  du  Diable  seroit  retombée  en  ses  erreurs, 
ayant  quitté  l'habillement  de  femme  et  repris  celui  d'homme, 
etc.  Que  lui  Evesque  ayant  sceu  cela,  se  seroit  transporté  en 
la  prison  afin  de  l'exhorter  et  remettre  en  bon  chemin  de  la 
vérité,  etc.  :  à  quoi  elle  n'auroit  voulu  obéir.  Que  pour  ces 
causes  il  leur  demandoit  conseil  de  ce  qu'il  estoit  bon  de 
faire. 

L'abbé  de  Fescamp,  docteur  en  théologie,  dit  :  «  Attendu 
que  la  Pucelle  avoit  déclaré  n'avoir  pas  entendu  les  termes 
auxquels  le  formulaire  qu'on  lui  avoit  fait  prononcer  et 
signer,  estoit  conceu  et  couché,  qu'il  estoit  d'advis  qu'on  lui 
proposast  de  rechef  ce  formulaire,  [qu'on  le]  lui  expliquas! 
bien  particulièrement,  et  qu'on  usast  de  remonstrances  de  la 
parole   de  Dieu  en  son  endroit  ;    et  après  cela,   qu'au  cas 


110  R.    RICIIElt.    —    LA    F>L'GELLE    b'oULÉAXS 

qu'elle  ne  se  recognusl,  fut  condamnée  comme  relapse  et 
hérétique  et  abandonnée  à  la  justice  séculière,  laquelle  on 
prieroit  de  traiter  doucement  cette  femme.  » 

J)uquel  advis  la  plus  grande  et  saine  partie  des  juges 
furent.  Etl  Evesque  de  Beauvais  les  ayant  remerciés,  conclut 
contre  la  Pucelle  comme  relapse,  sans  toutesfois  lui  avoir  au 
préalable  fait  proposer  et  expliquer  ledit  formulaire  de  révo- 
cation, ainsi  qu'il  avoit  été  résolu  à  la  pluralité  des  voix  : 
présomption  indubitable  que  le  preslat  faisoit  tout  à  sa  teste, 
et  ne  se  servoitdes  conseillers  que  pour  donner  couleur  à  ses 
iniques  desseins. 

[Sur  la  place  du  Vieux-Marché]. 

Ce  mesme  jour  de  mardi  vingt-neufviesme  may,  la  Pucelle 
est  citée  pour  comparoir  personnellement  au  lendemain  mer- 
credi, trentiesme  de  may  1431  en  la  place  du  Viel  Marché  de 
Rouen,  à  huit  heures  du  matin  —  c'estoit  la  veille  de  la 
Feste-Dieu.  —  Auquel  jour  de  mercredi,  sur  les  sept  heures 
du  matin,  l'Evesque  se  transporta  en  la  prison,  assisté  de 
plusieurs  de  ses  assesseurs,  et  en  leur  présence  remonstra  à 
la  Pucelle  qu'on  la  debvoit  ce  jour-là  livrer  entre  les  mains  de 
la  justice  séculière,  qu'elle  ne  debvoit  plus  penser  à  autre  chose 
qu'a  son  salut  :  et  pouvoit  bien  recognoistre  que  les  révéla- 
tions qu  elle  disoit  avoir  eues,  provenoit  de  l'Esprit  malin  qui 
l'avoit  déceue  et  trompée,  lui  promettant  qu'elle  seroit  déli- 
vrée de  prison.  Au  reste,  qu'il  appartenait  à  l'Eglise  déjuger 
de  telles  choses,  laquelle  tenoit  telles  révélations  pour  impos- 
tures ou  pour  illusions  diaboliques,  et  qu'elle  se  debvoit  rap- 
porter au  jugement  de  l'Eglise,  et  maintenant  dire  et  reco- 
gnoistre la  vérité  sans  rien  desguiser  et  ne  plus  penser  qu'au 
salut  de  son  àme. 

Elle  fut  principalement  interrogée  sur  deux  points  :  le  pre- 
mier si  elle  avoit  eu  de  fait  aucunes  révélations;  le  second,  si 
ce  qu'elle  avoit  dit  de  l'ange  saint  Michel  qui  avoit  apporté 
une  couronne  à  son  Roy  estoit  véritable,  etc.  A  quoy  elle  res- 
pondit  et  continua  en  cette  réponse  jusqu'au  dernier  soupir; 
sçavoir  que  véritablement  elle  avoit  eu   des  révélations  et 


A    nOUEN.    LE    PROCES  Ht 

apparitions  provenant  de  la  part  de  Dieu;  que  tout  ce  qu'elle 
avoit  fait  estoit  par  l'exprès  commandement  de  Dieu,  ne  croyoit 
point  que  ses  voix  l'eussent  déceue  ni  trompée  et  qu'asseu- 
rément  elles  venoient  de  la  part  de  Dieu. 

C'est  la  déposition  de  maistre  Guillaume  Manchon,  pre- 
mier notaire,  de  Jean  Massieu  et  frère  Martin  Ladvenu,  les- 
quels ont  assisté  la  Pucelle  jusqu'au  dernier  période  de  sa 
vie. 

Quant  à  ce  qui  est  de  la  couronne  apportée  à  son  Uoy,  con- 
fessa que  tout  ce  qu'elle  avoit  déposé,  et  pareillement  de 
l'ange  saint  Michel  qui  l'avoit  apportée,  etc.,  l'avoir  entendu 
de  soy-mesme  comme  faisant  l'office  d'ange  pour  mener  le 
Roy  à  lîheims  couronnera 

Après  lesquelles  dépositions  l'Evesque  se  retira  et  la  Pucelle 
fut  confessée  par  frère  Martin  Ladvenu,  bachelier  en  théDlo- 
gie,  dominicain,  lequel  par  après  alla  notifier  audit  Evesque 
ce  qu'il  avoit  fait  et  lui  déclara  que  Jeanne  demandoit  qu'on 
lui  administrast  le  saint  sacrement.  Ce  qu'entendu,  l'Evesque 
asssmbla  aucuns  de  ses  conseillers,  par  l'advis  desquels  il 
donna  charge  à  maistre  Jean  Massieu  d'aller  dire  à  frère  Mar- 
tin qu'on  administrast  le  sacrement  de  l'Eucharistie  à  Jeanne 
et  tout  ce  qu'elle  demanderoit.  Comme  de  fait  il  le  lui  admi- 
nistra. Et  le  receut  avec  une  telle  dévotion  et  profusion  de 
larmes  qu'il  seroit  impossible  de  l'exprimer. 

Et  après  cela  fust  menée  au  Viel  Marché  de  Rouen,  assis- 
tée desdits  Ladvenu  et  Massieu,  et  en  tout  le  chemin  faisoit 
de  si  pitoyables  prières  et  lamentations,  recommandant  si 
saintement  et  si  dévotement  son  âme  à  Dieu,  à  saint  Michel, 
saintes  Catherine  et  Marguerite  et  à  tous  les  saints  du  Para- 
dis, que  tous  ceux  qui  l'entendoient  ne  pouvoient  s'abstenir 
de  pleurer.  Or,  amenée  qu'elle  fut  au  Viel  Marché  de  Rouen, 


1.  Manifestcuicnt,  il  s'est  produit  une  confusion  dans  les  souvenirs 
d"E.  Richer.  11  a  cru  qu'un  interrogatoire  avait  été  fait,  dans  sa  prison, 
à  Jeanne,  le  30  mai  au  matin.  Or,  il  n'y  a  de  trace  de  pareil  interroga- 
toire, ni  au  procès  de  1431,  ni  à  celui  de  14bb-SG.  Richer  n'a  pu  que 
puiser  dans  \' Information  posthume  les  éléments  de  ce  faux  interroga- 
toire, car  les  dépositions  oiTiciellcs.de  G.  Manchon,  de  frère  Ladvenu, 
do  Jean  Massieu  au  procès  de  réhabilitation,  n'en  disent  rien. 


di2  E.    lUCHEn.    LA    PUCELLE    D  ORLÉANS 

maistrc  Nicolas  Midi,  docteur  en  théologie,  grandement  par- 
tial pour  l'Anglois,  fit  la  prédication.  Et  l'Evosque  ayant 
prononcé  sa  sentence  définitive,  le  mesme  Midi,  docteur,  dit 
tout  haut  :  «  Jeanne,  l'Eglise  ne  vous  peut  plus  deiïendre, 
«lais  elle  vous  abandonne  au  bras  séculier.  » 

Ce  que  la  Pucelle  ayant  entendu  se  mit  à  genoux  sur  le 
théâtre,  faisant  ses  prières  à  Dieu  très  dévotement,  à  saint 
Michel,  saintes  Catherine  et  Marguerite,  à  tous  les  saints  du 
paradis  :  pria  maistre  Jean  Massieu  de  lui  faire  avoir  une 
croix.  Et  un  certain  Anglois  lui  en  fit  une  avec  un  baston 
qu'il  tenoit  :  laquelle  elle  prit,  baisa  dévotement  et  mit  en 
son  sein  par  grande  dévotion.  Plus,  demanda  encore  la  croix 
de  l'Eglise  qui  lui  fut  apportée  ;  et  après  l'avoir  baisée  et 
embrassée  en  pleurant,  recommanda  son  ame  à  Dieu,  à  saint 
Michel,  et  faisant  la  révérence  à  tous  les  assistans,  leur 
demandant  pardon.  Et  près  avoir  derechef  embrassé  la  croix 
de  l'Eglise,  elle  descendit  du  théâtre,  frère  Martin  Ladvenu 
l'assistant  toujours  et  l'advertissant  de  son  salut. 

L'Evesque  de  Beauvais  et  quelques  chanoines  de  l'église  de 
Rouen  s'avancèrent  lors  sur  le  théâtre  du  costé  où  elle  estoit 
pour  la  voir,  comme  le  bourreau  s'en  vouloit  saisir,  et  lors 
elle  dit  tout  haut  et  clair  à  TEvesque  qu'il  estoit  la  cause  de 
sa  mort,  qu'il  lui  avoit  promis  de  la  mettre  entre  les  mains 
de  l'Eglise,  mais  qu'il  l'avoit  livrée  à  ses  ennemis  mortels. 
Le  bourreau  s'en  saisit  incontinent,  sans  qu'il  intervint  au 
préalable  aucune  sentence  du  juge  séculier,  le  bailly  de  Rouen 
ayant  dit  seulement  au  bourreau  :  «  Menez-la,  menez-la  !  » 

Tous  les  spectateurs,  et  mesme  plusieurs  Anglois,  fon- 
doient  en  larmes.  L'Evesque  de  Thérouane  pleura  pareille- 
ment et  dit  qu'elle  estoit  morte  bonne  catholique,  et  qu'il 
désiroit  que  son  ame  fust  où  il  croyoit  qu'estoit  l'ame  de 
cette  fille  1.  Semblablement,  TEvesque  de  Beauvais  voyant  tant 
de  personnes  pleurer,  versa  aussi  des  larmes,  hypocrisie  ou 
sympathie.  Et  tout  le  peuple  murmuroit  de  ce  quon  avoit 
fait  mourir  une  si  sainte  fille.  Jamais  le  bourreau  ne  put 

1.  Confusion  de  personne:  c'est  maître  Jean  Alépée,  chanoine,  de 
Rouen  qui  parla  ainsi.  Procès,  t.  III,  p.  375. 


A    ROUKN.    LE    PRÛCKS  113 

faire  brusler  son  cœur,  quelque  grand  feu  qu'il  fist  ;  et  ores 
que  tous  ses  ossements  fussent  réduits  en  cendres,  son  cœur 
demeura  tout  entier  plein  de  sang,  criant  vengeance  contre 
les  Anglois  qui  le  firent  jeter  en  la  rivière  avec  les  cendres  de 
son  corps,  craignant  que  le  peuplé  n'en  fist  des  reliques. 

Pendant  qu'elle  estoit  au  feu,  on  l'entendoit  prononcer  le 
nom  de  Jésus,  et  plusieurs  tesmoignent  avoir  veu  au  milieu 
de  la  flamme  de  feu  ce  nom  de  Jésus.  Véritablement,  il  n'y 
eut  onques  créature,  excepté  les  martyrs  de  l'Eglise,  qui  aye 
plus  monstre  de  constance  et  patience  en  ses  adversitez  et 
lourmens  que  cette  fille,  de  laquelle  Dieu  s'est  voulu  servir 
pour  réunir  l'Estat  de  France  et  le  remettre  en  sa  splendeur, 
ainsi  qu'il  y  a  esté  restabli  sous  le  règne  de  Charles  VII, 
lequel  employa  son  autorité  pour  la  réformation  de  l'Eglise,  à 
l'exemple  de  saint  Louis,  l'un  et  l'autre  ayans  fait  une  prag- 
matique sanction,  et  fit  encore  réformer  l'Université  de  Paris 
par  le  cardinal  d'Estouteville. 

Or,  voici  la  teneur  de  la  sentence  de  l'Evesque  de  Beau- 
vais. 

[Sentence  de  condamnation  et  de  relaps] 

«  Au  nom  de  Nostre  Seigneur,  ainsi  soit-il  ! 

«  Tous  les  pasleui's  en  l'Eglise  qui  désirent  s'acquitter  fidèlement 
de  leur  charge,  etc.  —  V^oyez  la  première  sentence;  car  la  préface 
est  toute  semblable  jusqu'à  ces  termes  : 

«  Nous  disons  que  tu  es  une  menteuse  et  pernicieuse  invente- 
resse  de  révélations  et  apparitions,  une  présomptueuse  séductrice, 
croyant  de  léger,  une  téméraire  et  superstitieuse  devineresse;  que 
tu  as  blasphémé  contre  Dieu,  contre  ses  saincts  et  sainctes,  que  tuas 
mesprisé  Dieu  en  ses  sacrements,  prévariqué  contre  la  loy  divine 
et  sacrée  doctrine,  contre  les  sainctes  constitutions  del'Eg-lise  ;  que 
tu  es  une  séditieuse,  cruelle,  apostatrice,  schismatique;  que  tu  as 
erré  contre  la  foy  en  beaucoup  de  manières  ;  et  qu'en  toutes  ces 
choses  et  manières,  tu  as  témérairem(mt  péché  contre  Dieu  et 
saincte  Eglise.  Davantage,  ayant  esté  souventes  fois  advertiede  ton 
salut,  tant  par  Nous  mesme  que  par  plusieurs  autres  doctes  per- 
sonnages zélateurs  du  salut  de  ton  ame,  de  te  vouloir  amender  et 
corriger  des  susdites  fautes,  et  te  sousmettre  totalement  à  la  dis 
position,  détermination  et  correction  de  nostre  mère  saincte  Eglise, 


H4  E.    RIC.HEn.    —    LA    PLCELLE    D  OULEAXS 

lu  n"as  onques  voulu  le  faire,  mais  [as]  mesprisè  cela  et  ne  l'en 
es  pas  souciée;  au  contraire,  par  un  esprit  obstiné  et  endurci,  tu 
as  opiniastrement  rejeté  tout  cela,  et  par  plusieurs  et  diverses  fois 
refusé  de  le  sousmetlre  à  noslre  saint  père  le  Pape  et  au  sacré 
Concile.  Pour  ces  causes,  en  tant  que  tu  es  opiniasfre  et  obstinée 
es  susdites  fautes,  excès  el  erreurs,  Nous  déclarons  que  de  droit  tu 
as  encouru  l'excommunication,  que  tu  es  hérétique,  et  qu'après 
avoir  abjuré  cl  rejeté  tes  erreurs  en  une  prédication  publique. 
Nous  te  retranchons  de  l'Eglise  tout  ainsi  qu'un  membre  de  Snthan 
infecté  et  pourri  de  [la^  lèpre  d'hérésie,  afin  que  tu  ne  gastes  et 
corrompes  les  autres  membres  de  .lesuchrist,  et  t'abandonnons  à 
la  justice  séculière,  laquelle  nous  prions  néantmoins  d'exercer  son 
jugement  contre  toy,  hors  le  cas  de  mort  et  de  mutilation  des 
membres  :  et  si  elle  recognoisl  en  toy  les  signes  véritables  de  vraye 
pénitence,  de  te  vouloir  l'aire  administrer  le  sacrement  de  péni- 
tence. » 

Signé  :  Guillaume  Colles,  (îuillaume  Manchon  et  Nicolas 
ïaquel,  notaires  apostoliques;  les  deux  premiers  esleus  par 
l'Evesque  de  Beauvais,  et  le  dernier  par  frère  Jean  Magistri. 
suffragant  de  l'inquisiteur  de  la  foy,  pour  instrumenter  en 
ce  procez,  Kt  un  peu  plus  bas  sont  les  marques  des  sceaux 
de  l'Evesque  do  Beauvais  et  dudit  docteur  Magistri  en  cire 
rouge  :  ce  qui  fait  cognoistre  que  c'est  l'original  du  procez 
latin,  car  pour  celui  qui  a  esté  fait  en  françois,  il  ne  se  trouve 
point. 

Advertissement. 

C'est  chose  bien  mémorable  qu'autre  personne  que  l'Eves- 
que de  Beauvais  n'a  voulu  souiller  sa  conscience  du  sang  de 
celte  lille,  car  il  n'est  intervenu  aucune  sentence  du  juge 
séculier.  Et  mesme  le  bourreau  avoit  horreur  de  lui  toucher, 
ayant  dit  à  frère  Isambert  de  la  Roche,  religieux  dominicain, 
bachelier  en  théologie,  l'un  de  ceux  qui  assistèrent  au  procez 
avec  l'Inquisiteur,  qu'il'craignoit  d'estre  damné  d'avoir  fait 
mourir  une  si  sainte  créature.  Au  surplus,  cetEvesque  frappé 
d'aveuglement  par  un  juste  jugement  de  Dieu,  fait  en  un 
mesme  jour  et  en  moins  de  trois  heures  deux  actes  du  tout 
contraires  qui  se  détruisent  l'un  l'autre,  et  renversent  tout 


A    ROUEN.    LE    PHOCES  llo 

ce  qu'il  a  fait  contre  la  Pucelle  en  son  prétendu  procez  et  aux 
sentences  données  contre  icelle.  Par  la  dernière  desquelles 
sentences  il  déclare  cette  fille  excommuniée  de  droit,  relapse, 
hérétique,  opiniastre  et  obstinée  aux  erreurs,  crimes  et  excès 
d'hérésie,  de  schisme,  de  sorcelerie,  idolâtrie,  etc.  Et  néant- 
moins,  une  heure  auparavant,  s'estant  transporté  en  la  pri- 
son, lui  a  fait  administrer  les  saints  sacrements  de  pénitence 
et  de  riùicharistie,  sans  l'avoir  au  préalable  absoute  ou  fait 
publiquement  absoudre  de  l'excommunication  qu'il  prétend 
qu'elle  avait  encourue  de  droit,  ainsi  qu'il  estoit  nécessaire, 
selon  l'usage  de  l'Eglise  ;  outre  encore  que  cette  fille  est 
déclarée  hérétique,  relapse  et  retranchée  de  l'Eglise  par  cette 
sentence.  A-ton  jamais  vu  ni  ouy  dire  qu'on  admette  quel- 
qu'un aux  saints  sacrements  de  l'Eglise,  sinon  qu'on  y  voie 
des  signes  certains  de  repentance  et  de  contrition  qui  ne 
peuvent  nullement  estre  en  une  personne  relapse,  obstinée  et 
opiniastre  en  erreur,  hérésie,  sorcelerie,  etc.  Que  si  elle 
estoit  telle  comme  il  l'a  condamnée  par  cette  prétendue  sen- 
tence, certes,  en  tant  qu'hérétique  et  relapse  elle  debvoit  estre 
retranchée  de  la  communion  de  l'Eglise  comme  un  membre 
pourri  et  corrompu,  et  ne  pouvoit  estre  traitée  ainsi  que  les 
enfants  de  la  maison,  ni  receue  à  la  sainte  communion.  Et 
posé  que  l'Evesque  l'eustabsoute  ou  fait  absoudre  au  parquet 
de  la  pénitence,  auparavant  que  de  lui  faire  administrer  les 
sacrements,  il  ne  devoit  donc  ni  pouvoit  canoniquement  la 
déclarer  relapse  une  heure  après  par  sa  sentence.  Ce  qui  fait 
cognoistre  qu'il  tenoit  cette  fille  en  sa  conscience  pour  toute 
autre  qu'il  l'a  dénoncée  par  sa  prétendue  sentence  en  public; 
ou  bien  qu'il  estoit  impie  ou  athée,  croyant  qu'on  peut 
admettre  une  personne  hérétique  et  relapse  à  la  communion 
du  corps  de  Nostre-Seigneur.  «  Quelle  convention  peut  avoir 
Jésus-Christ  avec  Bélial?  »  dit  saint  Paul.  N'est-ce  pas  encore 
momerie  d'exhorter  le  juge  séculier  par  cette  prétendue  sen- 
tence de  faire  administrer  à  cette  fille  le  sacrement  de  péni- 
tence, à  laquelle  ^lui,  Evesque,]  avoit  fait  administrer  le  sacre- 
ment de  l'Eucharistie  en  la  prison  une  heure  auparavant^? 

1.   Si.   au  premier  aboni,  les  critiquos  que  E.  Riciier  adresse  on  cet 
aivertissemonl  à  l'Evesque  de  Beauvais  ne  semblent  pas  dénuées  de 


116  E.    RICIIER.    LA    PUCELLE    d'oRLKAXS 


[DE  QUELQUES  PIÈCES  EXTHA-JUDICIAIRES] 

[De  l'Information  posthume  ^j 

Tout  le  peuple  qui  avoit  veu  mourir  si  sainlemenl  et  si 
catholiquement  cette  fille  conceut  une  telle  aversion  contre 
les  juges,  et  principalement  contre  l'Evesque  de  Beauvais, 
qu'on  avoit  horreur  de  le  voir,  et  chacun  le  monstroit  du 
doigt,  ainsi  que  plusieurs  tesmoins  ont  déposé.  Or,  voulant 
divertir  ce  bruit,  il  fit  faire  une  certaine  information  d'office, 
le  jeudi  septiesme  juin  1431,  huit  jours  après  la  mort  de  la 
Pucelle,  qui  est  un  acte  hors  du  proeez,  non  signé  ni  attesté 
d'aucuns  greffiers  ou  notaires,  et  conséquemment  ne  peut 
faire  foy  ni  servir  contre  cette  fille,  mais  seulement  contre 
ledit  Evesque,  suivant  la  règle  commune,  que  quelqu'un  par- 
lant en  sa  cause  et  en  son  fait  doibt  estre  cru  de  ce  qu'il  dit 
contre  lui  et  non  pour  lui.  Car  cet  Evesque  ayant  fait  mourir 
cette  fille  n'est  plus  juge  après  sa  mort,  mais  partie  intéressée, 
voulant  à  tort  ou  à  droit  maintenir  sa  fausse  sentence:  veu 
que  ladite  Information  n'a  esté  revue  par  aucun  notaire, 
ainsi  que  nous  avons  desjà  remarqué.  Et  d'ailleurs  pour  faire 
foy,  elle  debvoit  estre  faite  ])ar  devant  un  autre  juge  que  cet 
Evesque.  Et  puisque  au  procez  il  a  fait  glisser  et  omettre  tout 
ce  que  bon  lui  a  semblé,  ainsi  que  nour  avons  monstre,  que 
doibt-on  penser  de  cette  prétendue  informatioji  en  laquelle  des 
tesmoins  n'estans  libres  déposent  le  contraire  de  ce  qu'ils 
ont  attesté  depuis,  estans  en  seureté  et  hors  de  crainte,  ainsi 
que  nous  verrons  ? 

fondement  au  lîoint  de  vue  juridique,  l'on  doit  reconnaître  que  la 
pratique  des  tribunaux  ecclésiasl,iques  et  les  règles  de  la  procéiiuro 
inquisitoriale  justifient  ici  et  expliquent  la  conduite  du  juge  de  la 
Pucelle.  Ces  règles  elles-mêmes  sont  fondées  sur  la  distinction  qui  existe 
entre  le  for  de  la  conscience  et  le  for  extérieur  et  public.  Quoique  les. 
relaps  eussent  été  absous  in  foro  conscienfise  par  le  confesseur,  le  juge 
au  moment  du  prononcé  de  la  sentence,  les  déclarant  excommuniés, 
étaitdans  son  droit  parce  qu'il  visait  les  faits  publics  de  rechute  commis 
et  constatés  judiciairement  avant  l'absolution. 
4.  Voii'  sur  ce  sujet  la  -•>  série  de  nos  Eludes  cviliques. 


A    ItÛUEX.    LE    PROCÈS  117 

Le  premier  de  ces  tesmoins  que  l'Evesqne  prend  à  serment, 
est  maistre  Nicolas  de  Venderès,  chanoine  et  archidiacre  de 
Rouen,  âgé  de  cinquante-deux  ans.  Et  dépose  que  mercredi, 
pénultiesrae  de  may  1431,  veille  du  saint-sacrement,  Jeanne 
estant  encore  en  la  prison  où  elle  estoit  détenue  au  chasteau 
de  Rouen,  elle  dit  :  «  Attendu  que  les  voix  qui  venoient  à 
elle  lui  avoient  promis  qu'elle  seroit  délivrée  de  prison,  et 
voyant  le  contraire,  elle  cognoissoit  et  sçavoit  avoir  esté 
trompée  per  icelles.  Hem,  disoitet  confessoit  avoir  ouy  et  vu 
de  ses  yeux  et  propres  oreilles  les  voix  et  apparitions  des- 
quelles est  fait  mention  au  procez  :  qu'elle  dit  cela  en 
présence  de  Nous,  Evesque  de  Beauvais,  de  maistre  Pierre 
Maurice,  de  Thomas  de  Gourcelles,  Nicolas  Loyseleur,  frère 
Martin  Ladvenu,  Jean  Toutniouillé  et  maistre  Jacques  le 
Camus.  » 

Ce  sont  sept  tesmoins  qui  déposent  en  cette  prétendue 
information  d'office  par  grande  précaution  et  retenue  :  qui 
est  un  argument  de  dol  et  de  fraude,  ainsi  que  tiennent  les 
jurisconsultes,  et  leurs  dépositions  sont  conformes  à  l'inter- 
rogatoire que  l'Evesque  aurait  fait  à  la  Pucelle,  lui  disant 
qu'elle  voyoit  bien  que  ses  voix  l'avoient  trompée  et  déceue, 
lui  ayant  promis  de  la  délivrer. 

Le  second  tesmoin  est  frère  Martin  Ladvenu,  prestre  de 
l'ordre  des  frères  prescheurs,  âgé  de  trente-trois  ans,  etc. 
Lequel,, pris  à  serment,  a  recognu  et  confessé  que  le  jour 
que  la  dernière  sentence  fut  prononcée  contre  la  Pucelle, 
au  matin,  auparavant  qu'on  la  menast  en  jugement,  elle 
dit  en  présence  de  maistre  Pierre  Maurice ,  de  Nicolas 
Loyseleur,  de  Jean  Toutniouillé  et  de  lui  qui  parle,  qu'elle 
sçavoit  et  cognoissoit  bien  que  ses  voix,  dont  est  fait  men- 
tion au  procez,  l'avoient  déceue,  lui  ayans  promis  qu'elle 
seroit  délivrée  de  prison. 

L'Evesque  demanda  au  dit  Ladvenu  pourquoy  elle  disoit 
cela.  Respond  que  lui  avec  les  susnommez  Maurice,  Loyse- 
leur, etc.,  l'exhortoient  de  son  salut  et  lui  demandoient  s'il 
estoit  vray  qu'elle  eust  des  révélations  et  apparitions.  Répli- 
qua que  oui,  persistant  toujours  en  cette  response  sans  déter- 


118  E.     lUCIlEll.    LK    PUCELLE    D  ORLEANS 

miner  en  quelles  espèces  ou  formes  elles  venoient  à  elle  ;  au 
moins  que  lui  déposant  s'en  puisse  souvenir.  Bien  pense  lui 
avoir  ouy  dire  qu'elles  venoient  en  grande  multitude  et  de 
petite  quantité;  en  outre  avoir  déclaré,  puisque  les  ecclésias- 
tiques tenoient  et  croyoient  que  si  c'estoient  quelques  esprits 
qui  venoient  à  elle,  quec'estoit  de  la  part  des  esprits  malins, 
qu'elle  vouloit  aussi  croire  ce  que  les  ecclésiastiques  tenoient 
de  cela  et  n'y  adjouteroit  plus  de  foy. 

Et  lui  sembloit  que  Jeanne  estoit  lors  saine  d'esprit  et  en 
son  bon  sens.  Plus,  elle  confessa  que  tout  ce  qu'elle  avoit 
déposé  de  l'Ange  qui  avoit  apporté  une  couronne  à  son  Roy, 
et  de  toutes  les  autres  choses  concernans  cette  couronne,  les 
avoir  entendues  de  soy  mesmc,  voulant  dire  qu'elle  estoit 
l'Ange  qui  mèneroit  à  Rheinis  son  Roy  pour  estre  couronné. 


Advertissement. 

Le  religieux  dominicain,  duquel  nous  avons  ci-devant  plu- 
sieurs fois  allégué  le  tesnioignage,  a  déposé  en  la  revision 
du  procez,  estant  en  liberté,  tout  le  contraire  de  ce  que  l'Eves- 
que  de  Beauvais  lui  fait  maintenant  confesser  des  révélations 
de  la  Pucelle,  sçavoir  qu'elles  venoient  de  la  part  de  Dieu  et 
ne  l'.avoient  point  trompée  ni  déceue,  ainsi  que  nous  avons 
narré  ci-devant,  et  sera  plus  amplement  justifié  au  livre  troi- 
siesme.  Ce  qui  doit  faire  croire  que  cet  Evesque  a  fait  regis- 
trer  cette  déposition  à  son  advantage  comme  bon  lui  a  semblé. 
D'ailleurs,  en  cette  prétendue  déposition,  ce  dominicain 
dépose  giiod  Johanna  non  deternilnabal  proprie,  sallem 
guod  audiret  ipse  loguens,  in  qua  specie  appariliones  venie- 
banl  nisi^  proul  melius  recolit,  veniebant  in  magna  multitu- 
dine  et  in  quaniitale  minima. 

Ce  sont  les  propres  termes  latins  de  l'Information.  Or  il  n'y 
avoit  que  huit  jours  que  ce  déposant  avoit  entendu  cela,  et 
néantmoins  confesse  ne  s'en  pas  bien  souvenir,  etc.  Et  cuide 
qu'elle  avoit  dit  que  ses  apparitions  venoient  à  elle  en  grande 
multitude  mais  petites  de  quantité.  Brief,  il  ne  dit  rien 
d'asseuré,  et  posé  que  la  Pucelle  eust  dit  cela,  certes  il  y  a 


A    ROUEN.    LE    PllOCKS  119 

grande  multitude  d'étoiles  au  ciel  qui  apparaissent  à  nos  yeux 
bien  petites  en  quantité.  Et  partant,  cette  déposition  fondée 
seulement  sur  un  comme  je  pense  avoir  ont/  et  s'il  tn'en 
souvient  bien,  est  de  nulle  considération,  veu  la  déposition 
aiïirmative  que  ce  Jacobin  a  faite  en  la  revision  duprocez. 

Néantmoins  nous  l'emploierons  pour  confirmer  une  autre 
déposition  faite  par  le  sieur  Dolon,  disant  qu'au  siège  de  saint 
Pierre-le-Moustiçr,  la  Pucelle  estant  demeurée  seule  aux  fos- 
sez  de  la  ville,  toute  l'armée  du  Roy  s'estant  retirée,  que  lui 
accourut  à  elle  pour  la  faire  retirer  du  grand  péril  où  elle 
estoit,  seule  avec  trois  ou  quatre  de  ses  gens  :  et  qu'elle  res- 
pondit  n'estre  seule,  mais  bien  assistée  de  cinquante  mille  de 
ses  gens,  ainsi  que  nous  avons  narré  au  premier  lirre. 

Pour  le  regard  de  l'Ange  et  de  la  couronne  apportée  au 
Iloy,  la  Pucelle  partant  allégoriquement,  selon  le  sens  de  sa 
mission  et  de  l'elïet  d'icelle,  elle  n'a  rien  dit  que  de  véritable, 
ainsi  que  nous  avons  remarqué  au  procez,  séance  dixiesme. 

[L'Information  posthume  [Suite). \ 

Le  troisiesme  tesmoin  est  maistre  Pierre  Maurice,  docteur 
en  théologie  et  chanoine  de  Rouen,  âgé  de  vingt-huit  ans, 
etc.  Dépose  que  le  jour  que  la  sentence  fut  donnée  contre 
Jeanne,  icelle  estant  encore  en  la  prison,  lui  qui  parle  l'alla 
voir  de  malin  pour  l'exhorter  du  salut  de  son  anie,  et  lui 
demanda  [cej  que  c'estoit  de  cet  Ange  qu'elle  disoit  avoir 
apporté  une  couronne  à  son  Roy,  dont  est  fait  mention  au 
procez.  Et  qu'elle  lui  dit qu'elle-mesme  estoit  cet. Ange.  Inter- 
rogée de  la  couronne  qu'elle  promelloit  à  son  Roy  et  de  la 
multitude  desanges  qui  l'accompagnoient,  respondit  qu'ils  lui 
avoient  apparu  sous  l'espèce  de  petites  choses.  Enquise  fina- 
lement par  le  mesmc  si  ces  apparitions  esloient  réelles, 
répliqua  que  oui;  et  lui  apparaissoient  réellement,  fussent 
bons  ou  mauvais  esprits,  disant  ainsi  en  françois  :  «  Soient 
bons,  soient  mauvais  esprits,  ils  me  sont  apparus.  «  Asseu- 
roit  avoir  entendu  la  voix  principalement  à  l'heure  de  Com- 
piles, et  au  matin,  quand  les  cloches  sonnoient.  Et  lui  qui 
parle  ayant  remonstré  à  Jeanne  qu'il  apparoissoit  bien  qaie 


120  E.    RICHEU.    LA    PfCELLE    D  ORLEANS 

c'estoienl  malins  esprits  qui  lui  avoient  promis  qu'elle  seroit 
délivrée  de  prison,  elle  respondit  qu'il  esloit  vray,  qu'elle 
avoit  esté  trompée.  Et  ledit  déposant  lui  ouyt  encore  dire 
qu'elle  se  rapportoit  aux  gens  d'Eglise  si  ces  apparitions 
estoient  bons  ou  mauvais  esprits.  Et  semble  au  dit  déposant 
que  Jeanne  estoit  en  son  bon  sens. 

Le  quatriesme  tesmoin  est  frère  Jean  Toutmouillé,  prestre 
de  l'ordre  des  Jacobins,  âgé  de  cinquante-quatre  ans,  etc. 

Dépose  que  le  jour  que  la  sentence  fut  prononcée  contre 
Jeanne,  sçavoir  le  mercredi,  veille  du  saint-sacrement,  lui 
qui  parle  assistoit  frère  Martin  Ladvenu,  son  compagnon,  qui 
s'estoit  dès  le  matin  transporté  en  la  prison  pour  exhorter 
Jeanne  du  salut  de  son  ame  ;  et  qu'il  ouyt  dire  à  Pierre  Mau- 
rice qui  estoit  desjà  en  la  prison,  que  Jeanne  avoit  recognu 
et  confessé  que  ce  qu'elle  avoit  dit  de  cette  couronne  n'es- 
toit  qu'une  fiction,  et  qu'elle-mesme  estoit  l'Ange,  etc. 

Après  cela,  que  Jeanne  avoit  esté  interrogée  des  voix  et 
apparitions  qui  venoient  à  elle;  et  avoit  respondu  que  réelle- 
ment et  de  fait  elle  entendoit  des  voix,  principalement  lors- 
qu'on sonnoit  les  cloches  à  l'heure  des  Compiles  et  des 
Matines.  Et  que  ledit  Maurice  avoit  dit  à  Jeanne  que  quelques 
fois  les  hommes  pensoient  entendre  quelques  paroles,  enten- 
dans  les  cloches  sonner.  Disoit  aussi  le  déposant  que  Jeanne 
avoit  confessé  avoir  eu  des  apparitions  qui  venoient  à  elle 
quelques  fois  en  grande  multitude  et  en  petite  quantité  ou 
petites  ciioses,  ne  déclarant  pas  quelles  estoient  ces  espèces. 

Item,  ledit  Toutmouillé  a  déposé  que  ledit  jour,  après  qu'ils 
furent  arrivez  en  la  prison,  comme  dit  est,  Nous,  Evesque  de 
J3eauvais,  en  présence  de  monsieur  l'Inquisiteur,  parlasmes 
de  cette  sorte  en  François  à  ladite  Jeanne  : 

«  Or,  ce,  Jeanne,  vous  nous  avez  toujours  dit  que  vos  voix 
vous  disoient  que  vous  seriez  délivrée;  et  vous  voyez  main- 
tenant qu'elles  vous  ont  déceue  et  abusée.  Dites-nous  à  pré- 
sent la  vérité.  » 

Ou'alors  Jeanne  respondit  :  «  Vrayment,  je  vois  bien  qu'el- 
les m'ont  déceue.  m 

Et  outre,  a  dit  le  déposant  qu'auparavant  que  nous  Eves- 


A    ROUEN.    —    LE    PROCÈS  121 

que  fussions  arrivé  en  la  prison,  on  interrogea  Jeanne  si  ella 
croyoit  que  les  dites  voix  et  apparitions  provinssent  de  bons 
ou  malins  esprits;  qu'elle  respondit  en  françois  :  a  Je  ne  sçay , 
je  m'en  attends  à  ma  mère  l'Eglise.  »  Ou  en  cette  sorte  :  «  à 
vous  autres  qui  estes  gens  d'Eglise  »  Plus,  asseurele  déposant 
avoir  ouy  dire  à  ladite  Jeanne  qu'elle  estoit  saine  d'esprit.  . 

Le  cinquiesme  tesmoin  est  maistre  Jacques  le  Camus,  pres- 
tre,  chanoine  de  Rheims,  âgé  de  cinquante-quatre  ans,  etc. 

Dépose  que  mercredi,  veille  du  saint-sacrement,  lui  qui 
parle  alla  au  matin  avec  nous  Evesque  en  la  prison,  etc.,  et 
qu'il  entendit  que  Jeanne  disoit  et  confessoit  publiquement 
et  à  haute  voix,  de  sorte  que  tous  la  pouvoient  entendre, 
qu'elle  avoit  veu  des  apparitions  qui  venoient  à  elle,  et  ouy 
des  voix,  et  qu'elles  lui  avoient  promis  qu'elle  seroit  délivrée 
de  prison  ;  et  par  cela  recognoissoit  bien  qu'elles  l'avoient 
trompée,  et  que  pour  cette  cause  elle  croyoit  que  ce  n'estoient 
de  bonnes  voix  ni  de  bonnes  choses. 

Et  que,  un  peu  après,  elle  confessa  ses  péchés  à  frère  Mar- 
tin Lad  venu,  jacobin.  Et  comme  ledit  frère  Martin  lui  vouloit 
donner  la  sainte  communion  de  l'Eucharistie,  tenant  l'hostie 
consacrée  entre  ses  mains,  il  lui  demanda  :  «  Jeanne,  croyez- 
vous  pas  que  ce  soit  le  corps  de  Nostre-Seigneur  ?»  Elle  res- 
pondit que  oui,  et  que  c'estoit  lui  seul  qui  la  pouvoit  déli- 
vrer :  qu'elle  désiroit  et  demandoit  qu'on  [le]  lui  administrast. 
Et  que  le  mesme  frère  Martin  lui  demanda  après  :  «  Ne 
croyez-vous  plus  en  ces  voix  et  apparitions?»  Respondit:  «Je 
crois  un  seul  Dieu  et  ne  veux  plus  adjouster  foy  à  ces  voix 
puisqu'elles  m'ont  ainsi  déceue.  » 

Advertissement. 

Ce  tesmoin  (Jacques  le  Camus)  estoit  un  des  suivans  et 
domestiques  de  l'Evesque  de  Beauvais,  et  n'a  pas  esté  des  con- 
seillers et  assesseurs,  ou  autres  ministres  et  officiers  du  pro- 
cez.  Et  sa  déposition  doibt  estre  réglée  par  celle  de  frère  Mar- 
tin Lad  venu,  en  ce  qu'il  parle  des  voix  et  apparitions  de  la 
Pucelle  autrement  que  n'a  fait  ledit  frère  3Iartin,  lequel  néant- 


122  E.    RICIIEU.    LA    l'L-CELLE    d'ORLÉANS 

.moins  il  allègue  en  sa  déposition,  et  conférant  l'une  avec 
l'autre,  on  voit  que  ce  tesmoin  s'est  voulu  composer,  pour 
complaire  à  l'Kvesque  de-Heauvais. 


[De  rinformation  posthume  {Fia).] 

Le  sixiesmi;  tesmoin  est  maistre  Thomas  de  Courcelles, 
bachelier  en  théologie,  âgé  de  trente  ans,  etc. 

Dit  et  dépose  que  mercredi,  veille  de  la  feste-Dieu,  lui 
qui  parle  estant  avec  Nous  en  la  chambre  où  estoit  détenue 
prisonnière  Jeanne  au  chasteau  de  Rouen,  il  entendit  que 
NousEvesque  demandasmes à. Jeanne  si  ses  voixneluiavoient 
pas  dit  qu'elle  seroit  délivrée  de  prison,  et  quelle  fist  bon 
visage.  Et  semble  au  déposant  que  Jeanne  respondit  :  «  Je 
vois  bien  que  j'ay  esté  déceue.  »  Et  qu'alors,  Nous  Evesque, 
ainsi  que  dit  le  déposant,  dismes  à  Jeanne  qu'elle  pouvoit 
bien  cognoistre  que  ces  voix  n'estoient  de  bons  esprits  ou 
bien  qu'elles  ne  venoient  de  la  part  de  Dieu;  car  s'il  estoit 
ainsi,  elles  n'eussent  jamais  dit  une  chose  fausse  ou  n'eussent 
menli. 

Le  septiesme  tesmoin  est  maistre  Nicolas  Loyseleur, cha- 
noine de  l'église  de  Rouen  et  de  Chartres,  âgé  de  quarante 
ans,  etc.  G'estoit  un  bon  Anglois  servant  d'Achitophel  à 
lEvesque  de  Beauvais,  se  desguisant  pour  séduire  la  Pucelle 
en  prison,  feignant  d'estre  françois  et  prisonnier  comme 
elle,  etc. 

Il  dit  donc  et  dépose  que  le  mercredi,  veille  du  saint 
sacrement  dernier,  il  accompagnoit  maistre  Pierre  Mau- 
rice, docteur  en  théologie,  venant  en  la  prison  où  estoit 
Jeanne  dite  la  Pucelle  pour  l'exhorter  et  advertir  de  son 
salut.  Et  qu'ayant  esté  requise  dire  la  vérité  de  cet  Ange  dont 
est  fait  mention  au  procez,  qu'elle  disoit  avoir  apporté  une 
couronne  grandement  précieuse  à  son  Roy,  etc.,  qu'il  falloit 
qu'elle  dist  maintenant  la  vérité  et  ne  pensast  plus  qu'au 
salut  de  son  âme.  Il  ouyt  qu'elle  disoit  avoir  entendu  parler 
de  soy  mesme,  sçavoir  qu'elle  estoit  cet  Ange  et  que  réelle- 
ment son  Roy  n'avoit  eu  aucune  couronne  ;  et  que  par  cette 


A    UÙUEX.    LE    PKOCKS  125 

coiiioniie  elle  n'entendoit  autre  chose  que  la  promesse  qu'elle 
avoil  faite  à  son  Roy  qu'il  seroit  couronné. 

«Outre, dit  le  déposant  qu'il  l'entendoit  dire  en  présence  de 
Nous,  Kvesque  de  lîeauvais,  de  maistre  Pierre  Maurice  et  de 
deux  frères  prescheurs,  qu'elle  avoit  eu  réellement  et  de  fait 
des  visions  et  révélations  d'esprits  et  qu'elle  y  avoit  esté 
trompée  :  qu'elle  cognoissoit  et  \oyoit  bien  cela  maintenant, 
attendu  que  ces  révélations  lui  avoient  promis  qu'elle  seroit 
délivrée  de  prison,  et  qu'elle  expérinientoitle  contraire,  (jue 
si  ces  esprits  estoient  bons  ou  mauvais,  elle  s'en  rapportoit 
aux  ecclésiastiques  et  qu'elle  ny  adjousteroit  plus  de  foy. 

«  Plus  encore,  dit  avoir  exhorté  Jeanne  à  confesser  publi- 
quement quelle  avoit  esté  deceue  et  abusée,  et  avoit  aussi 
trompé  le  peuple,  qu'elle  lui  demandast  pardon  de  l'erreur 
qu'elle  avoit  semée.  Qu'elle  auroit  respondu  que  très  volon- 
tiers elle  feroit  cela,  mais  ne  pensoit  pas  s'en  pouvoir  souve- 
nir lorsqu'il  le  faudroit  faire,  priant  son  confesseur  de  lui 
remettre  cela  en  mémoire,  et  toutes  autres  choses  apparte- 
nant à  son  salut.  Et  dit  encore  qu'il  lui  sembla  que  ladite 
Jeanne  esloiten  son  bon  sens  et  monstroit  de  grands  signes 
de  pénitence  et  contrition,  demandant  pardon  aux  Anglois 
et  Bourguignons  pour  avoir  esté  cause,  comme  elle  confes- 
soit,  de  les  faire  tuer,  fuir,  et  de  leur  apporter  beaucoup  de 
dommage.  » 

Advertissement. 

Pour  faire  cognoistre  avec  quelle  fidélité  nous  traitons 
cette  histoire,  j'ay  bien  voulu  produire  celte  pièce,  encore 
quelle  soit  hors  du  procez  et  n'ayt  esté  signée  ni  receue  par 
aucuns  notaire  ou  greffiers  :  aussi  n'y  a-t-on  eu  aucun  esgard 
en  la  revision  du  procez.  Pour  la  rendre  valable  et  servir 
comme  d'un  testament  de  mort,  TEve&que  de  Beauvais 
devroit  avoir  tenu  registre  par  ses  notaires  de  tout  ce  que 
cette  fille  avoit  dit  et  confessé  auparavant  que  d'estre  traînée 
au  supplice;  car  on  eust  vu  et  recognu  la  vérité  de  ses  dépo- 
sitions que  cet  Evesque  a  fait  déguiser  et  falsifier  après  sa 
mort,  estant  partie  et  non  juge.  Et  d'ailleurs,  frère  Martin 


124  E.    RICIIER.    —    LA    PUCELLE    D  OULEANS 

Ladvcnu  qui  a  confessé,  communié  et  assisté  la  Pucelle  jus- 
ques  à  la  mort,  semblablemcnt  maistre  Jean  Massieu,  et  plu- 
sieurs autres  témoins  oculaires  ont  déposé  tout  le  contraire 
de  ce  qui  est  contenu  en  cette  prétendue  information.  Et 
davantage,  tous  lesdits  tesmoins  varient  entre  eux,  et  la  plu- 
part citent  frère  Martin  Ladvenu  comme  ayant  plus  veu  et 
sçeu  que  tout  autre.  De  toutes  lesdites  dépositions,  celles  de 
Nicolas  de  Venderès,  de  maistre  Pierre  Maurice,  de  maistre 
Thomas  de  Courcelles  et  dudit  Ladvenu  sont  les  moins  avan- 
tageuses pour  le  dessein  de  cet  Evesque,  lequel  n'ayantpu  en 
tout  le  procez  avoir  aucune  preuve  moyennant  laquelle  on 
recognut  que  les  révélations  de  la  Pucelle  proviennent  des 
malins  esprits,  il  a  tasché  de  feindre  et  controuver  après  la 
mort  de  cette  fille. 

Au  demeurant,  par  toutes  lesdites  dépositions,  on  recog- 
noist  notoirement  que  l'un  des  plus  grands  artifices  dont 
l'Evesque  de  Beauvais  et  ses  affidés  partisans  ayent  usé  pour 
induire  la  Pucelle  à  un  soupçon  que  ses  révélations  et  appa- 
1  itions  ne  venoient  [pas]  de  Dieu,  a  esté  de  tirer  cette  inno- 
cente créature  en  son  propre  intérest  et  lui  faire  entendre 
que  ses  voix  l'avoient  misérablement  déceue  et  trompée,  lui 
promettant  qu'elle  seroit  délivrée  de  prison  ;  car  c'est  ce 
qu'ils  rabattent  si  souvent.  Sur  quoy  le  lecteur  pourra  voir 
l'advertissement  de  l'onziesme  séance  du  procez  d'oflice  où 
nous  avons  monstre  que  par  le  désir  que  chacun  a  naturel- 
lement de  vivre,  la  Pucelle  s'estoit  trompée  elle-mesme  par 
infirmité  naturelle,  a3'ant  interprété  la  délivrance  de  son  àme 
de  la  prison  du  corps  pour  une  délivrance  de  la  prison  en 
laquelle  elle  estoit  tenue  par  les  Anglois;  et  que  Dieu  ayant 
promis  au  prophète  Hîérémie  de  le  rendre  si  puissant  que 
les  roys  de  Juda,  les  prestres  et  tout  le  peuple  ne  lui  pour- 
roient  nuire  ni  mal  faire,  ce  nonobstant  ils  l'ont  mis  prison- 
nier et  fait  mourir  misérablement  et  cruellement. 

Au  reste,  les  actes  du  procez  registrez  le  lundi  vingt-hui- 
tiesme  may  convainquent  de  fausseté  cette  prétendue  infor- 
mation. Auxquels  actes  la  Pucelle  dépose  que  ses  voix  lui  ont 
fait  reproche  que,  pour  sauver  sa  vie  temporelle,  elle  s'estoit 
•exposée  au  péril  de  se  damner  éternellement,  et  qu'elle  estoit 


A    ROUEN.    —    LE    PRÛCKS  125 

résolue  de  mourir  une  fois,  plus  tost  que  de  traisner  plus 
longtemps  sa  vie  en  la  prison,  les  fers  aux  pieds  :  et  que+quo 
chose  qui  lui  pust  arriver,  ne  confesseroit  point  que  ses  voix 
ne  viennent  de  la  part  de  Dieu.  Voyez  lesdits  actes  et  les 
conférez  avec  la  prétendue  information.  Et  posé  qu'elle  eust 
dit,  lorsqu'on  lui  devoit  administrer  le  saint-sacrement, 
qu'elle  sousmettoit  au  jugement  de  l'Eglise  d'ordonner  la  qua- 
lité de  ses  voix,  cette  déposition  ne  doibt  estre  restreinte  aux 
ecclésiastiques  anglois  qui  l'avoient  condamnée,  mais  [appli- 
quée à  nostre  saint  père  le  Pape  et  à  l'Eglise  catholique 
conformément  aux  actes  du  jeudi  vingt-quatriesme  may. 


LETTRE  DU   ROI   D'ANGLETERRE 

AUX   PRÉLATS   ET  SEIGNEURS   DE  SON  OBÉISSANCE 

Le  Roy  d'Angleterre  voulant  flestrir  l'honneur  du  Roy  de 
France  pour  avoir  employé  la  Pucelle,  incontinent  qu'elle 
fut  exécutée  n'oublia  pas  d'envoyer  partout  des  lettres  conte- 
nant le  sommaire  de  tout  ce  qui  s'estoit  passé  au  procez  con- 
formément à  ses  desseins,  sçavoir  qu'elle  avoit  esté  exécutée 
comme  hérétique,  sorcière,  idolâtre,  etc.  Les  lettres  qu'il 
envoya  à  l'Empereur  Sigismond  sont  en  langue  latine,  datées 
du  huictiesme  juin  1431.  Et  d'autant  qu'elles  sont  de  mesme 
teneur  que  les  françoises  qu'il  a  envoyées  au  prélats  et  sei- 
gneurs des  terres  de  son  obéissance  et  au  duc  de  Bourgogne, 
et  les  unes  et  les  autres  du  style  de  l'Evesque  de  Beauvais  qui 
se  vouloit  non  seulement  laver  et  excuser  d'avoir  fait  mou- 
rir la  Pucelle,  mais  davantage  en  recherchoit  de  la  louange, 
nous  représenterons  seulement  lesdites  lettres  françoises  qui 
sont  d'une  autre  date  que  celle  de  l'Empereur. 

«  Révérend  péi-e  en  Dieu,  il  est  assez  commune  renommée,  ja 
comme  partout  divulguée,  comment  cette  femme  qui  se  faisoit 
appeler  Jehanne  la  Pucelle,  erronée  divineresse,  s'estoit  deux  ans 
et  plus,  contre  la  loj  divine  et  Testât  du  sexe  féminin,  vestue  en 
habit  d'homme,  chose  à  Dieu  abominable.  Et  en  tel   estât  trans- 


126  i:.   niciiEn.  —  la  pucelle  d'ouléans 

portée  devers  nostrc  ennemi  capital,  auquel  et  à  ceulx  de  son  parti, 
gens  d'Eglise,  nobles  et  populaires,  donna  souvent  à  entendre 
quelle  estoit  envoyée  par  Dieu,  en  soj  présomptueusement  vantant 
qu'elle  avoit  souvent  communication  personnelle  et  visible  avec 
saint  Michel  et  grande  multitude  d'Anges  et  de  saintes  du  paradis, 
comme  sainte  Catherine  et  sainte  Marguerite.  Par  lesquels  faulx 
donnez  ii  entendre  et  l'espérance  qu'elle  promettoit  de  victoires 
futures,  divertit  plusieurs  cuers  d'hommes  et  de  femmes  de  la 
voye  de  vérité,  et  les  convertit  à  fables  et  mensonges.  Se  veslit 
aussi  d'armes  appliquées  pour  chevaliers  et  escujers.  leva  estendart, 
et  en  trop  grand  oultrage,  orgueil  et  présomption,  demanda  avoir 
et  porter  les  très  nobles  et  excellentes  armes  de  France;  ce  que  en 
partie  elle  obtint,  et  les  porta  en  plusieurs  conflilz  et  assaulx,  et 
ses  frères  [aussi],  comme  l'on  dit:  c'est  assavoir,  un  escu  à  champ 
d'azur,  avec  deux  fleurs  de  lis  d'or,  et  une  espée  la  pointe  en  hault, 
férue  en  une  couronne.  En  cet  estât,  s'est  mise  aux  champs,  a 
conduit  gens  d'armes  et  de  trait  en  exercite  et  grans  compaignies, 
pour  faire  et  exercer  cruaultez  inhumaines,  en  respandant  le  sang 
humain,  en  foisant  séditions  et  commotions  dépeuple,  le  induisant 
à  parjurement  et  pernicieuse  rébellion,  supersticion,  et  faulse 
créance,  en  perturbant  toute  vraye  paix  et  renovellant  guerre 
mortelle,  en  se  souffrant  adourer  et  révérer  de  plusieurs  comme 
femme  sanctifiée,  et  autrement  damnablement  ouvrant  en  divers 
autres  cas,  longs  à  exprimer,  qui  en  plusieiu's  lieux  ont  esté  assez 
cogneuz,  dont  presque  toute  la  chrétienté  a  esté  scandalisée.  Mais 
la  divine  puissance  ayant  pitié  de  son  peuple  loyal,  qui  ne  l'a 
longuement  laissé  en  péril,  ne  souffert  demeurer  en  vaines,  péril- 
leuses et  nouvelles  crudelitez  où  si  légièrement  se  mettoit,  a  voulu 
permettre  de  sa  grant  miséricorde  et  clémence,  que  la  dicte  Jeanne 
ayt  esté  prinse  devant  Compiègne  et  mise  en  nostre  obéissance  et 
domination.  Et  pour  ce  que  dès  lors  feusmes  requis  par  l'Evesque 
du  diocèse  duquel  elle  avoit  esté  prinse.  que  icelle  femme  comme 
notée  et  diffamée  de  crime  de  lèse-majesté  divine  lui  fissions  déli- 
vrer comme  à  son  juge  ordinaire  ecclésiastique:  Nous,  tant  pour 
révérence  de  nostre  mère  sainte  Eglise,  de  laquelle  voulons  les 
saintes  ordonnances  préférer  à  nos  propres  faits  et  volontez,  comme 
raison  est,  comme  pour  l'honneur  aussi  et  exaltacion  de  nostre 
dite  sainte  foy,  lui  fismes  bailler  la  dite.ïehanne,  afin  de  lui  faire  son 
procez,  sans  en  vouloir  eslre  prise  par  les  gens  et  officiers  de  nostre 
justice  séculière  aucune  vengeance  ou  punicion,  ainsi  que  faire  nous 
estoit  raisonnablement  licite,  attendu  les  grans  dommages  et  incon- 
véniens,  les  horribles  homicides  et  détestables  cruaultez,  et  autres 


A    UOUEiN.    LE    l'UUCES  127 

maux  innumérables  qu'elle  avoit  commis  à  rencontre  de  noslre 
Seigneurie  et  loyal  peuple  obéissant.  Lequel  Evesque,  adjoint  avec 
lui  le  vicaire  de  l'Inquisiteur  des  erreiu's  et  hérésies,  et  appelez 
avec  eux  grant  et  notable  nombre  de  solennels  maistres  et  docteurs 
en  théologie  et  droit  canon,  commença  par  grande  solennité  et 
deue  gravité  le  procès  d'icelle  Jehanne.  Et  après  que  lui  et  ledit 
Inquisiteur,  juges  en  cette  partie,  eurent  par  plusieurs  et  diverses 
journées  interrogé  la  dite  Jeanne,  firent  les  confessions  et  asser- 
cions  d'icelle  mûrement  examiner  par  lesdils  maisti'es  et  docteurs, 
et  généralement  par  toutes  les  Facultés  d'eslude  de  notre  très 
chiére  et  aymée  fille  TUniversité  de  Paris,  devers  laquelle  les  dites 
confessions  et  assercions  ont  esté  envoyées.  Par  l'opinion  et  délibé- 
racion  desquels  trouvèrent  les  dits  juges  icelle  femme  supersti- 
tieuse, divineresse,  idolâtre  et  invoqueresse  de  diables,  blaphéme- 
resse  en  Dieu  et  en  ses  saints  et  saintes,  scismatique,  errant  par 
moult  de  fois  en  la  foy  de  Jesu  Crist.  Et  pour  la  réduire  et  rame- 
ner à  l'unitéet  communion  denostrc  dite  sainte  Eglise,  la  purger  des 
si  horribles  et  détestables  et  pernicieux  crimes  et  péchiez,  guérir 
et  préserver  son  ame  de  perpétuelle  peine  et  damnation,  fut  sou- 
vent et  par  bien  longtemps  charitablement  et  doulcement  admo- 
nestée, à  ce  que  toutes  erreurs  par  elle  rejectées  et  mises  arrière, 
voulsist  humblement  retourner  à  la  voye  et  droit  sentier  de  vérité; 
autrement  elle  se  mettoit  en  grant  péril  dame  et  de  corps.  Mais  le 
très  périlleux  et  divisé  esprit  d'orgueil  et  d'oultrageuse  présomp- 
tion qui  toujours  s'efforce  de  vouloir  empescher  et  perturber  l'union 
et  seureté  des  loyaulx  chrestiens,  tellement  occupa  et  détint  en  ses 
liens  le  courage  d'icelle  Jehanne,  que  pour  quelconque  saine  doc- 
trine ou  conseil,  ne  autre  doulce  exhortation  que  on  lui  adminis- 
ti'ast,  son  cuer  endurci  et  obstiné  ne  se  voulut  humilier  ni  amollir. 
Mais  souvent  se  vantoit  que  toutes  choses  qu'elle  avoit  faites 
estoient  bien  faites,  et  les  avoit  faites  du  commandement  de  Dieu 
et  des  dites  saintes  vierges  qui  visiblement  s'estaient  à  elle  appa- 
rues. Et  qui  pis  est,  ne  recognoissait  ne  vouloit  recognoistre  en 
terre  fors  Dieu  seulement  et  les  saints  du  paradis,  en  refusant  et 
reboutant  le  jugement  de  notre  saint  père  le  Pape,  du  Concile 
général  et  de  l'universelle  Eglise  militante.  Et  véans  les  juges 
ecclésiastiques  son  dit  courage  par  tant  et  si  long  espace  de  temps 
endurci  et  obstiné,  la  firent  amener  devant  le  clergé  et  le  peuple 
assemblé  en  très  grante  multitude  en  la  présence  desquels  furent 
solennellement  et  publiquement,  par  ung  notable  maistre  en  théo- 
logie, ses  cas,  crimes  et  errreurs  à  l'exaltacion  de  nostre  dicte  foy, 
exlirpacion  des  dits  erreurs,  édificacion  et  amendement  du  peuple 


128  E.     RICHER.    LA    l'UCELLE    D  ORLEANS 

chreslien.  preschez,  exposez  et  déclarez.  Et  derechef  fut  charita- 
blement admonestée  de  retourner  à  l'union  de  sainte  Eglise  et  de 
corriger  ses  fautes  et  erreurs  :  en  quoy  encore  demoura  perlinace 
et  obstinée.  Et  ce  considérans  les  juges  dcssusdiz  procédèrent  à 
prononcer  la  sentence  contre  elle  en  tel  cas  de  droit  introduite  et 
ordonnée.  Mais  devant  que  icellc  sentence  feust  parleue,  elle  com- 
mença par  semblant  à  muer  son  courage,  disant  quelle  vouloit 
retourner  à  sainte  Eglise.  Ce  que  volontiers  et  joyeusement 
oujrentles  juges  et  clergé  dessusdiz  qui  à  ce  la  receurent  bénigne- 
ment,  espérans  par  ce  moyen  son  ame  et  son  corps  estre  rachetez 
de  perdition  et  tourment.  Adonques  se  soumit  à  l'ordonnance  de 
sainte  Eglise,  et  ses  eiTeurs  et  détestables  crimes  révoqua  de  sa 
bouche,  et  abjura  publiquement,  signant  de  sa  propre  main  la 
cédule  de  la  dite  révocacion  et  abjuracion.  Et  par  ainsi,  nostre 
pileuse  mère  sainte  Eglise,  soyesjouissant  sur  la  pécheresse  faisant 
pénitence,  voulant  la  brebis  recouvrée  et  retrouvée,  qui  par  le  désert 
s'estoitesgarée  et  fourvoyée,  ramener  avec  les  autres,  icelle  Jeanne 
pour  faire  pénitence  salutaire  condamna  en  chartre.  Mais  gueres 
de  temps  ne  fut  illec.  que  le  feu  de  son  orgueil  qui  sembloit  estre 
éteint  en  elle  ne  se  rembrasast  en  flammes  pestilentes  par  les 
souffiements  de  l'ennemy.  Et  ianstot  renchent  la  dicte  femme 
malheureuse  es  erreur  et  faulses  enrageries  que  par  avant 
avoit  proférées,  et  depuis  révoquées  et  abjurées,  comme  dit  est. 
Pour  lesquelles  choses,  selon  que  les  jugemens  ou  institucions  de 
sainte  Eglise  l'ordonnent,  afin  que  d'ores  en  avant  elle  ne  conti- 
nuast  à  corrompre  les  autres  membres  de  Jésu  Crist,  elle  fut 
derechief  preschée  publiquement  et,  comme  renchue  es  crimes  et 
faultes  par  elle  accoustumez,  délaissée  à  la  justice  séculière  qui  la 
condamna  incontinent  à  estre  bruslée.  Et  véant  approcher  son  fine- 
ment, elle  cognut  pleinement  et  confessa  que  les  esprits  qu'elle 
disait  estre  apparus  à  elle  souventes  fois,  estoient  mauvais  esprits 
et  mensongers,  et  que  la  promesse  que  iceux  esprits  lui  avoient 
par  plusieurs  fois  faite  de  la  délivrer  estoit  faulse;  et  ainsi  se 
confessa  par  les  dits  esprits  avoir  eslé  moquée  et  déceue. 

Icy  est  la  fin  des  œuvres,  icy  est  la  fin  et  issue  d'icelle  femme 
que  présentement  vous  signifions,  révérend  père  en  Dieu,  pour 
vous  informer  véritablement  de  cette  matière,  afin  que  par  les 
lieux  de  vostrc  diocèse  que  bon  vous  semblera,  par  sermon  et  pré- 
dicacion  publique,  et  aulremenlvous  faites  notifier  ces  choses  pour 
le  bien  et  exaltacion  do  nostre  dite  foy  et  édificacion  du  peuple 
chrestien  qui,  à  l'occasion  des  œuvres  d'icelle  femme,  a  esté  long- 
temps déccu  et  abusé:  et  que  pourvoyez,  ainsi  qu'à  vostre  dignité 


A    ROUEN.    —    LE    PROCES  129 

apparlient,  que  aucuns  du  peuple  à  vous  soumis  ne  présument 
croire  de  iégier  en  telles  erreurs  et  périlleuses  supersticions,  mesme 
en  ce  présent  temps  auquel  nous  véons  dresser  plusieurs  Faulx 
prophètes  et  semeurs  de  damnées  erreurs  et  folle  créance,  lesquels 
eslevez  contre  nostre  mère  sainte  Eglise  par  fol  hardement  et  oul- 
trageuse  présomption,  pourroient  par  aventure  contaminer  de 
venin  périlleux  de  faulse  créance  le  peuple  chrestien,  si  Jésu  Crist 
de  sa  miséricorde  nv  poui'veoit;  et  vous  et  ses  ministres,  ainsi 
qu'il  appartient,  ne  entendez  diligemment  A,  rebouter  et  punir  les 
volontez  et  fols  hardements  des  hommes  reprouvez.  Donné  en 
nostre  ville  de  Rouen,  le  vingt-huictiesme  jour  de  juin.  » 


Âdvertissement. 

Ces  lettres  ont  esté  adressées  précisément  pour  la  des- 
charge de  l'Evesque  de  Beauvais,  comme  aussi  celles  de 
garantie  et  de  protection  que  nous  ferons  voir  au  troisiesme 
livre.  A  la  vérité,  depuis  la  mort  de  la  Pucelle  il  estoit  en 
exécration  au  peuple,  et  mesme  environ  dix  ans  après  mou- 
rut sans  parler,  comme  on  lui  faisoit  la  barbe.  Or  esdites 
lettres  sont  contenues  plusieurs  impostures. 

Et  premièrement,  c'est  chose  faulse  que  la  Pucelle  ayt  esté 
prise  au  diocèse  de  Beauvais,  ainsi  que  nous  avons  justifié 
ailleurs.  Encore  est-il  faux  que  cette  fille  de  son  propre 
motif  se  soit  attribué  les  très  nobles  armes  de  France,  car  le 
Roy  les  donna  à  ses  frères  avec  un  honneste  train,  et  anoblit 
tout  leur  lignage.  Voyez  la  septiesme  séance  du  procez  d'of- 
fice. Plus  encore  est-il  faulx  qu'on  se  soit  estudié  à  remettre 
cette  fille  au  bon  chemin  duquel  elle  n'a  jamais  forligné,  et 
les  Anglois  avoient  conspiré  sa  mort  auparavant  mesme 
qu'elle  fust  entre  leurs  mains,  l'ayans  tirée  en  cour  d'Eglise 
pour  avoir  plus  de  prétexte  de  la  faire  mourir,  en  tant  que 
sorcière  et  hérétique.  C'est  encore  chose  faulse  que  jamais 
elle  ayt  fait  abjuration  d'aucunes  erreurs  après  le  sermon 
du  docteur  Erard,  lequel  ayant  proposé  à  cette  fille  un  for- 
mulaire d'abjuration,  elle  ayant  demandé  du  conseil  pour 
lui  faire  entendre  ce  que  portoit  ledit  formulaire,  ce  docteur 
Erard  lui  dénia  absolument  le   conseil   qu'elle  demandoit, 

9 


130  E.    RICHER.    L\    l'UCELLE    D  ORLEANS 

disant  que  si  elle  ne  le  signoit  et  approuvoit,  elle  seroit  tout 
présentement  bruslée,  etc. 

Davantage,  il  est  faulx  qu'elle  ayt  esté  condamnée  par  la 
justice  séculière,  estant  tout  notoire  qu'elle  a  passé  immé- 
diatement de  la  main  de  l'Evesquc  de  Beauvais  en  celle  du 
bourreau.  Très  faulx  encore  qu'elle  ayt  jamais  positivement 
confessé  que  ses  voix  et  apparitions  fussent  de  mauvais 
esprits.  Et  cette  clause  nous  fait  voir  à  quelle  fin  l'Evesque 
de  Beauvais  a  fait  sa  prétendue  information  d'office  ci-devant 
registrée,  parce  qu'il  n'avoit  en  tout  le  procez  aucune  preuve 
ni  présomption  valable  pour  montrer  que  les  révélations  de 
cette  fille  provenoient  des  esprits  malins. 

Sur  la  fin  de  ces  lettres,  le  Roy  d'Angleterre  advertit  les 
prélats  de  bien  enseigner  le  peuple  en  leurs  prédications  et 
par  toute  autre  voye,  et  de  n'adjouster  point  de  foy  aux 
œuvres  de  la  Pucelle,  etc.;  parce  que  tout  le  monde  murmu- 
roit  lors  du  supplice  qu'on  lui  avoit  fait  endurer,  et  disoit 
avoir  esté  injustement  condamnée.  Pour  ces  causes,  l'Eves- 
que de  Beauvais  fit  faire  une  information  et  constituer  pri- 
sonniers deux  religieux  jacobins,  lesquels  le  propre  jour  que 
la  Pucelle  fut  suppliciée,  avoient  maintenu  qu'elle  avoit  esté 
injustement  condamnée  par  ledit  Evesque.  Et  pour  cette 
occasion  furent  contraints  de  rétracter  publiquement  ce 
qu'ils  avoient  dit  par  sentence  dudit  Evesque  et  de  frère  Jean 
Magistri, Inquisiteur  de  la  foy,  donnée  à  Rouen,  le  huictiesme 
aoust  1431  ;  laquelle  sentence  est  registrée  sur  la  fin  du  pro- 
cez et  sert  d'indice  pour  montrer  que  l'Evesque  de  Beauvais 
se  maintenoit  par  violence  et  voye  de  fait,  tout  ainsi  que  les 
tyrans.  L'un  des  deux  religieux  dominicains  s'appeloit  frère 
Pierre  Bosquier.  Je  n'ay  pu  sçavoir  le  nom  de  l'autre  lequel 
n'est  exprimé  en  ladite  sentence  ^ 

Le  Roy  d'Angleterre  envoya  pareillement  s^u  duc  de  Bour- 
gogne les  susdites  lettres  françoises,  que  Monstrelet  a  regis- 
trées  toutes  entières  en  son  histoire,  et  Jacques  Meyer  en  fait 
aussi  inventaire. 

1.  J.  QuicHEU.vr,  Procès,  t.  1.,  p.  4'J'i-4y6.  ne  parle  que  d'un  seul  reli- 
gieux. 


131 


[Des  lettres  de  l'Université  de  Paris.] 

Après  ladite  sentence  contre  ces  deux  religieux  Jacobins 
suit  une  copie  des  lettres  latines  que  l'Université  de  Paris 
envoj'a  au  Pape  et  à  Messieurs  les  Cardinaux  touchant  ce  qui 
s'estoit  passé  au  procez  de  la  Pucelle  pour  la  descharge  de 
l'Evesque  de  Beauvais  qui  est  grandement  extollé  esdites 
lettres.  Et  spécialement  ladite  Université  chante  triomphe 
pour  avoir  donné  sa  censure  contre  les  faits  et  dits  de  la 
Pucelle,  et  déclare  qu'elle  devoit  estre  tenue  pour  supersti- 
tieuse, devineresse,  invoquant  les  malins  esprits,  blasphé- 
mant contre  Dieu,  ses  saints  et  saintes,  schismatique,  etc.  : 
qui  est  en  somme  tout  le  contenu  dudit  procez. 

Au  mesme  temps,  sous  le  pape  Eugène,  fut  indit  et  célébré 
le  concile  de  Basle  auquel  plusieurs  docteurs  de  l'Université 
de  Paris  furent  envoyez  de  la  part  de  ladite  Université,  sça- 
voir  maistre  Jean  Beaupère,  Thomas  de  Courcelles,  Nicolas 
Lamy,  lequel  fut  tenu  pour  procureur  syndic  audit  concile,  et 
publièrent  là  tout  ce  qui  s'estoit  passé  au  procez  de  la 
Pucelle  à  leur  advantage  et  de  l'Evesque  de  Beauvais. 

Auquel  concile  assista  pareillement  Jean  Nyder,  allemand, 
docteur  en  théologie,  de  l'ordre  des  Jacobins,  lequel  au  cin- 
quiesme  livre,  chapitre  huictiesme  du  livre  qu'il  a  intitulé 
«  Formicarium  —  De  la  nature  des  fourmis  »,  raconte  avoir 
ouy  desdits  docteurs  de  l'Université  de  Paris,  et  nommé- 
ment de  Nicolas  Amici,  ambassadeur  de  ladite  Université 
audit  concile,  que  la  Pucelle  estoit  sorcière  et  comme  telle 
avoitesté  bruslée  :,et  fait  mention  des  lettres  que  le  Roy  d'An- 
gleterre avoit  escrites  à  l'Empereur  Sigismond  sur  le  subject 
desquelles  nous  avons  fait  ci-devant  inventaire.  Et  le  bon 
docteur  Calvenier,  aux  notes  qu'il  a  faites  sur  l'œuvre  de 
Nyder,  apporte  une  annotation  du  livre  inscrit  :  Maliens 
maleficarum,  tome  premier,  en  ces  termes  :  «  Sed  ex  scripto 
régis  Angliae  non  est  sufftciens  probatio,  quia  lestimonium 
hostis  ad  condemnandum  non  est  validum,  imo  nec  ipso- 
rum  Parisiensium  quitumsub  Anglo  erant.  —  Que  l'escrit 
du  Roy  d'Angleterre  n'est  pas  une  preuve  suffisante,  pour  ce 


132  E.    lUClIKU.    —    LA    l'LCEI.LE    D  OHLEANS 

que  le  tesmoignage  d'un  ennemi  n'est  valide  pour  faire  con- 
damner une  personne,  ni  semblablement  le  tesmoignage  de 
l'Université  de  Paris  qui  lors  obéissoit  à  l'Anglois.  » 

En  condrniation  de  cela  nous  pouvons  alléguer  ce  que  nous 
avons  veu  du  temps  de  la  Ligue  auquel  les  prédicateurs  ne 
parloient  point  autrement  du  Roy  Henry  troisiesme  de 
bonne  mémoire,  que  d'un  sorcier,  et  le  fit-on  représenter 
comme  tel  en  peintures  gravées,  parce  qu'en  la  chapelle  des 
Minimes  du  bois  de  Vincennes  près  de  Paris,  on  avoit 
trouvé  deux  chandeliers  d'argent  faits  en  forme  de  satyres 
ayant  des  cornes  et  pieds  de  chèvres,  lesquels  estoient  en 
la  chapelle  où  le  Uoy  Henry  troisiesme  faisoit  ordinairement 
ses  dévotions  avec  sa  noblesse.  Et  pour  lors  toute  la  popu- 
lace crut  estre  véritable  ce  que  les  prédicateurs  disoient  de 
ce  bon  et  très  catholique  prince,  faisant  montrer  au  peuple 
en  leurs  prédications  de  ces  ligures  de  satyres  engravées. 
Tant  il  est  dangereux  d'adjouster  foy  au  témoignage  de  ceux 
qui  sont  recognus  pour  ennemis  mortels.  Le  peu  de  soin 
que  nos  pères  ont  eu  de  faire  cognoistre  la  vérité  de  cette 
histoire  miraculeuse  est  cause  que  plusieurs  ont  cru  que  la 
Pucelle  estoit  sorcière,  sur  les  faux  bruits  et  calomnies 
semées  parles  Anglois  et  leurs  partisans. 

Toutes  fois,  parmi  cette  conjuration  contre  le  Roy  Char- 
les VII  et  l'Estat  de  France,  nous  avons  un  très  juste  subject 
d'admirer  et  bénir  la  Providence  divine  d'avoir  inspiré 
l'Evesque  de  Beauvais  de  faire  si  exactement  le  procez  à 
cette  fille  et  de  nous  en  avoir  conservé  les  originaux  ;  parce 
que  s'ils  l'eussent  fait  mourir  légèrement  sans  avoir  esté 
ainsi  interrogée,  ou  que  l'on  eust  supprimé  les  actes  du  pro- 
cez, certes  la  postérité  eust  tenu  tant  de  faits  miraculeux 
pour  délivrer  le  royaume  de  France  de  la  tyrannie  et  usur- 
pation des  Anglois,  pour  quelques  fourberies  ou  fiction 
fabuleuse  semblable  à  celle  de  la  nymphe  Egeria  que  Numa 
Pompilius  consultoit,  ainsi  qu'il  faisoit  accroire  aux  Ro- 
mains. 

FIN    UU    LIVKE    .SECOND    ET    DU    PKOCKS    DE    CONDAMNATION 
DE    I.A    l'L'CELLE 


SUPPLEMENT  AU  RECIT   D'E     lUCHER 


LA  MORT   DE  JEANNE   D'ARC 
D'APRÈS    LES   TÉMOINS   OCULAIRES' 


Le  matin  du  mercredi  30  mai,  Frère  Martin  Ladvenu  et  Frère 
Jean  Toutmouillé,  dominicains,  sur  l'ordre  de  l'évêque  de  Beau- 
vais,  vinrent  trouver  Jeanne  dans  sa  prison  et  lui  dirent  qu'elle  eût 
à  se  préparer  à  mourir.  «  Quand  Frère  Ladvenu  annonça  à  la 
pauvre  fille  qu'elle  allait  être  condamnée  comme  relapse-  à  mourir 
sur  un  bûcher,  elle  se  mit  à  crier  douloureusement  et  piteusement, 
et  à  s'arracher  les  cheveux. 

«  Hélas!  dit-elle,  me  traite-t-on  si  horriblement  que  mon  corps 
«  qui  est  pur,  qui  ne  fut  jamais  con-ompu.  soit  aujourd'hui  con- 
«  sumé  et  réduit  en  cendres  !  Ah  !  j'aimerais  mieux  être  décapitée 
«  sept  fois  que  d'être  ainsi  brûlée.  Si  j'eusse  été  gardée  par  les 
«  gens  d'Eglise,  non  par  mes  ennemis  et  adversaires,  il  ne  me  fût 
«  pas  si  misérablement  meschu.  Oh  !  j'en  appelle  devant  Dieu,  le 
«  grand  Juge,  des  torts  et  ingravances  (injustices,  mauvais  traite- 
«  ments)  qu'on  me  fait.  » 

En  ce  moment,  Pierre  Cauchon  entra,  suivi  de  plusieurs  cha- 
noines et  docteurs.  Dès  qu'elle  l'aperçut,  Jeanne  lui  dit  :  «  Evêque, 
je  meurs  par  vous  !  » 

«  —  Ah  !  Jeanne,  prenez  patience,  répondit  Cauchon.  Vous 
mourez  pour  ce  que  vous  n'avez  pas  tenu  ce  que  vous  aviez  promis 
et  que  vous  êtes  retournée  à  votre  premier  maléfice.  » 


1.  Extrait  du  chapitre   .\l    de  notre    Hisloire  de  Jeanne  d'Arc,  t.  IH, 
pp.  425-436.  —  L'éditeur,  Ph.-H.  D. 

2.  Procès,  t.  I,  p.  468. 


134  SUPPLEMENT    AU    HÉCIT    DE,    RICHEH 

El  la  |)aiivre  Piicelle  lui  répondit  :  «  Jlélas!  si  vous  m'eussiez 
mise  en  prison  de  cour  d'Eglise  et  rendue  entre  les  mains  des  con- 
cierges ecclésiastiques  et  convenables,  ceci  ne  fût  pas  advenu.  C'est 
pourquoi  j'appelle  de  vous  devant  Dieu  '.  » 

Parmi  les  maîtres  et  docteurs  présents  se  trouvait  Pierre  Mau- 
rice, qui  avait  servi  de  conseil  à  la  prisonnière  et  l'avait  plusieurs 
fois  confessée.  Jeanne,  l'apercevant,  lui  demanda  : 

—  Ou  serai-je  ce  soir? 

—  N'avez-vous  pas  bonne  espérance,  répondit  Pierre  Maurice. 

—  Oui,  dit-elle.  Dieu  aidant,  j'espère  aller  en  paradis-. 

Dès  que  Pierre  Gauchon  et  les  docteuris  se  furent  retirés,  Jeanne  se 
confessa  par  deux  fois  à  Frère  Ladvenu  ;  après  quoi  elle  demanda 
la  sainte  communion.  Son  confesseur  n'osa  prendre  sur  lui  de  la  lui 
donner  et  il  en  référa  à  lEvêque  de  Beauvais.  Celui-ci,  après  avoir 
consulté,  répondit  à  Jean  Massieu  :  «  Allez  dire  à  frère  Martin  de 
donner  à  la  prisonnière  la  communion  et  tout  ce  qu'elle  voudra  •'.  u 
Aussitôt  un  prêtre  alla  chercher  la  sainte  hostie  et  la  porta  sans 
apparat.  Cette  façon  d'agir  indigna  Frère  Ladvenu.  Sur  ses  ins- 
tances formelles,  le  prêtre  se  rendit  à  l'église  voisine  et  requit  le 
clergé  de  porter  à  Jeanne  le  corps  du  Seigneur  avec  la  pompe 
accoutumée.  On  déféra  à  sa  requête  et  l'on  porta  processionnelle- 
ment  la  sainte  Eucharistie  dans  la  prison  de  Jeanne  avec  un  grand 
nombre  de  flambeaux.  Chemin  faisant,  on  chantait  les  litanies  et 
les  assistants  répondaient  :  Priez  pour  elle,  priez  pour  elle  '*  ! 

Jeanne  reçut  la  sainte  communion  avec  de  tels  sentiments  de 
piété,  avec  une  telle  abondance  de  larmes,  une  telle  émotion,  que 
frère  Martin,  témoin  de  cette  scène,  renonçait  à  l'exprimer. 

Un  peu  avant  neuf  heures,  la  jeune  fille,  en  habit  de  femme,  un 
chaperon  sur  la  tête,  prit  place,  avec  Jean  Massieu  et  frère  Martin 
Ladvenu,  sur  la  charrette  qui  devait  la  conduire  au  Vieux-Marché. 
Autour  d'elle,  les  Anglais  se  pressent,  s'agitent  avec  une  sorte  de 
riu'ie.  Cent  vingt  soldats  armés  jusqu'aux  dents  lui  servent  d'es- 
corte. Autour  de  la  place,  sept  à  huit  cents  hommes  attendaient  sa 
venue.  Plus  de  dix  mille  spectateurs  en  avaient  envahi  les  abords  et 
les  rues  avoisinantes  ''. 

1.  Procès,  t.  H,  p.  34.  Déposition  de  Fr.  Toutinouillé. 

2.  Procès,  t.  III,  p.  191.  —  Déposition  du  curé  Riquier. 

3.  Ibid.,  t.  II,  p.  334;  t.  III,  p.  158.  —  Déposition  de  J.  Massieu. 

4.  Ibid.,  t.  III;  p.  114.  —  Déposition  de  Frère  Jean  de  Lenozoles. 

5.  Procès,  t.  m.  pp.  159,  173  ;  t.  II,  p.  328;  ibid..  pp.  14,  363.  — 
Dépositions  de  Nicolas  Houppevillo,  de  Manchon,  de  J.  .Massieu  et  de 
P.  Migiet. 


LA    MORT    DE    JEANNE    d'aRC  135 

Tout  en  cheminant,  la  pauvre  enfant  se  recommandait,  en  lar- 
mes, à  Dieu  et  aux  saints,  et  les  gens  du  peuple  pleuraient  avec 
elle.  Nicolas  Loiseleur,  son  perfide  conseiller,  ne  put  tenir  à  ce 
spectacle  et  se  précipita  vers  Jeanne  pour  lui  demander  pardon.  Les 
soldats  irrités  le  repoussent,  le  maltraitent  et  sans  l'intervention 
de  Warwick  l'auraient  tué^.  Warwick  signifia  à  Loiseleur  qu'il 
eût  à  quitter  la  ville,  sans  quoi  il  ne  répondait  pas  de  sa  vie. 

Cependant  on  approchait  du  lieu  du  supplice;  il  était  environ 
neuf  heures  quand  le  lugubre  cortège  y  arriva.  «  Rouen,  Rouen, 
disait  Jeanne  de  temps  à  autre,  est-ce  donc  ici  que  je  dois  mourir  ?  » 

Sur  la  place  du  Vieux-Marché,  non  loin  de  l'Eglise  de  Saint- 
Sauveur,  quatre  estrades  avaient  été  dressées.  La  première  était 
occupée  par  les  juges  ;  la  deuxième  par  le  cardinal  de  \yinches- 
ter^,  les  évéques  de  Noyon,  de  Norwich  et  plusieurs  chanoines, 
maîtres  et  docteurs^.  Sur  la  troisième  prirent  place  le  bailli  de 
Rouen,  son  lieutenant,  leurs  sergents  et  officiers.  La  quatrième 
reçut  le  prédicateur  désigné,  Nicolas  Midi,  et  Jeanne  elle-même.  A 
quelques  pas,  on  apercevait  le  bûcher  composé  de  fagots  reposant 
sur  un  massif  de  moellons  et  de  plâtre  qui  supportait  un  poteau 
élevé.  En  face  de  léchafaud  de  Jeanne,  on  voyait  un  tableau  avec 
cette  inscription  en  grosses  lettres  : 

Jehanne,  qui  s'est  fait  nommer  la  Pucelle,  menteresse,  pernicieuse, 
abuseresse  du  peuple,  devineresse,  superstitieuse,  blasphémeresse  de 
Dieu,  présomptueuse,  malcréant  de  la  foi  de  Jésus-Christ,  vanteresse, 
idolâtre,  cruelle,  dissolue,  invocatrice  de  diables,  apostate,  schisma- 
tique  et  hérétique  ^. 

1.  Ibid.,  t.  II,  p.  320;  t.  III,  p.  162.  —  Dépositions  de  Nicolas  Taquel 
et  de  Bois-Guillaume. 

2.  Ibid.,   t.  II,  p.  6. 

3.  Procès,  t.  I,  p.  469.  —  Le  procès-verbal  officiel  nomme  seulement 
les  évêques  de  Thérouanne  et  de  Noyon,  et  les  maîtres  et  docteurs 
Jean  de  Chàtillon,  André  Marguerie,  Nicolas  de  Venderès,  Raoul 
Roussel,  Denis  Gastinel,  Guillaume  Le  Bouchier,  Jean  Alépée,  Pierre 
de  Houdenc,  Guillaume  Haiton.  le  prieur  de  Longueville  et  Pierre 
Maurice.  Cependant,  les  ecclésiastiques  présents  étaient  fort  nom- 
breux :  Prœsentibus...  quain  pluribus  aliis  dominis  et  magislris, 
ecclesiasticis  viris.  La  foule  aussi  était  considérable  :  in  magna  mul- 
litudine  tune  in  eodem  loco  exislenle  [Procès,  t.  I,  pp.  466,  470). 

Le  manuscrit  de  D'Urfé  nomme  de  plus  Robert  Gilbert,  doyen  de  la 
chapelle  du  roi  Henri,  et  Thomas  de  Courcelles  (Ibid.). 

Le  plus  grand  nombre  des  ecclésiastiques  se  retirèrent  après  le 
prononcé  de  la  sentence  et  ne  voulurent  pas  être  témoins  du  supplice. 

4.  Ibid.,  t.  IV.  pp.  439-460. 


136  SUPPLEMENT    AU    UECIT    DE.    RICHER 

La  mitre  qu'on  lui  mil  sur  la  têle  portail  ces  mots  : 
Hérétique,  relapse,  apostate,  idolâtre. 

Le  prédicateur  développa  pendant  une  heure,  en  l'appliquant  à 
la  condamnée,  cette  parole  de  saint  Paul  :  «  Si  un  membre  suuffre. 
tous  les  membres  souffrent.  »  Il  finit  en  disant  :  «  Jeanne,  va  en 
paix  !  L'Eglise  ne  peut  plus  te  défendre;  elle  t'abandonne  au  bras 
séculier'.  » 

Ce  fut  alors  à  l'Evéque  de  lieauvais  de  prendre  la  parole.  Et 
d'abord  il  adressa  à  Jeanne  quelques  exhortations,  l'engageant  à 
penser  à  son  âme,  à  faire  pénitence,  à  écouter  et  à  suivre  les  con- 
seils des  deux  Frères  Prêcheurs  qu'on  lui  avait  donnés  pour  l'assis- 
ter jusqu'au  dernier  moment. 

Parlant  ensuite  en  son  nom  d'évéque-juge  et  au  nom  du  vice- 
inquisiteur  qui  siégeait  à  ses  côtés,  Pierre  Cauchon  rappela  les 
raisons  qui  lui  faisaient  un  devoir  de  condamner  l'accusée,  l'obsti- 
nation de  Jeanne  dans  ses  erreurs,  la  pénitence  hypocrite  qu'elle 
avait  feinte,  avec  parjure  du  saint  nom  de  Dieu  :  «  Puisque, 
ajouta-t-il,  elle  s'est  montrée  de  la  sorte  obstinée,  hérétique  el 
relapse,  indigne  de  toute  grâce.. .  ;  tout  bien  considéré,  sur  la  mûre 
délibération  de  nombreux  gens  de  savoir,  nous  avons  procédé  à 
notre  sentence  définitive  en  ces  termes.  » 

Et  l'évéque  lut  aussitôt  la  sentence  de  condamnation  rapportée 
plus  haut. 

Dès  que  la  voix  de  Pierre  Cauchon  a  cessé  de  se  faire  entendre, 
les  Anglais  entourent  la  malheureuse  jeune  fille,  avides  de  sa  mort 
et  de  son  supplice.  Jusqu'en  cette  partie  du  procès,  les  juges  violè- 
rent les  règles  consacrées  de  la  procédure  canonique.  La  sentence 
épiscopale  prononcée,  Jeanne  aurait  dû  être  conduite  au  bailli, 
représentant  de  la  puissance  séculière,  et  elle  n'aurait  dû  être 
livrée  au  bourreau  qu'après  que  le  bailli  aurait  de  son  côté,  en 
qualité  de  juge  laïque,  prononcé  une  nouvelle  sentence.  Or,  il  n'en 
fut  rien.  Le  bailli,  à  la  vérité,  était  pi'ésent,  accompagné  de  son 
lieutenant  et  de  plusieurs  fonctionnaires  civils,  mais  il  ne  prononça 
de  sentence  d'aucune  sorte.  On  avait  hâte  d'en  finir.  «  Sans  que  le 
bailli  ou  moi,  déposait  Laurent  Guesdon,  son  lieutenant,  eussions 
rien  ordonné  »,  sans  qu'on  se  mit  en  peine  de  mener  Jeanne  où  le 
bailli  rendait  ses  sentences,  comme  cela  se  pratiquait  habituelle^ 

1.  Procès,  t.  III,  p.  159.  —  Déposition  de  J.  Massieu. 


LA    MORT    DE    JEANNE    D  ARC  137 

ment,  «  le  bourreau  la  prit  et!la  conduisit  k  l'endroil  où  le  bûcher 
était  préparé  ^  » . 

Dès  que  son  arrêt  de  mort  a  été  prononcé,  Jeanne  se  jette  à 
genoux  et  se  met  à  se  lamenter  et  à  prier  à  haute  voix. 

«  Sainte  Trinité,  s'écria-t-elle,  ayez  pitié  de  moi  !  Je  crois  en 
vous  !  Jésus,  ayez  pitié  de  moi  !  » 

Elle  invoque  la  Vierge,  les  saints,  les  saintes. 

«  0  Marie,  priez  pour  moi  !  Saint  Michel,  saint  (iabriel,  sainte 
Catherine,  sainte  Marguerite,  soyez-moi  en  aide  !  » 

Elle  pardonne  le  mal  qu'on  lui  a  fait  ;  elle  se  recommande  au 
pieux  souvenir  des  prêtres, 

«  Vous  tous  qui  êtes  ici,  pardonnez-moi  comme  je  vous  par- 
donne. Vous,  prêtres,  dites  chacun  une  messe  pour  le  repos  de 
mon  àme-.  » 

Elle  n'entend  pas  qu'on  s'en  prenne  au  roi. 

«  Qu'on  n'accuse  point  mon  roi;  il  n'a  pas  trempé  dans  ce  que 
j'ai  fait;  si  j'ai  fait  mal,  il  est  innocent '^  ! 

A  la  pensée  des  qualifications  de  schismatique  et  d'hérétique  qui 
lui  sont  appliqués  et  qui  s'étalent  au-dessus  du  bûcher,  l'indigna- 
tion monte  à  ses  lèvres  et  elle  s'écrie  : 

<  Non,  je  ne  suis  pas  hérétique,  je  ne  suis  pas  schismatique  ;  je 
suis  une  bonne  chrétienne  *.  » 

Elle  reprend  ensuite  ses  invocations. 

1  0  Marie,  benoîts  saints  et  saintes  du  paradis,  protégez-moi, 
secourez-moi  !  Est-ce  donc  ici  que  je  dois  mourir  ?  » 

A  ce  moment,  l'émotion  devint  universelle.  «  Il  y  avait  bien  dix 
mille  assistants  pleurant  et  disant  que  c'était  grand  pitié  ^.  » 

A  peine  vit-on  quelques  Anglais  ricaner^.  Plusieurs  de  ces 
ennemis  de  Jeanne  ne  purent  s'empêcher  de  répandre  des  larmes. 
On  vit  pleurer  Cauchon  lui-même,  l'évéque  de  Théronanne  et  le 
cardinal  de  Winchester,  grand  oncle  du  petit  roi^. 

1.  Procès,  t.  III,  pp.  187,  188.  Déposition  de  Laurent  Guesdon,  ancien 
lieutenant  du  bailli  de  Rouen.  —  Procès,  t.  Il,  p.  8.  Déposition  de  Fr. 
M.  Lavenu. 

2.  Procès,  t.  II,  p.  19  ;  t.  III,  p.  177.  —  Dépositions  de  J.  Massieu  et 
de  Jean  Lefèvre. 

3.  Ibid.,  t.  III,  p.  36.  —  Déposition  de  Jean  de  Mailly,  évèque  de 
Noyon. 

4.  Ibid.,  t.  II,  p.  303.  —  Déposition  de  Frère  Isambard. 

5.  Ibid.,  t.  III,  p.  194.  —  Déposition  de  Moreau,  bourgeois  de  Rouen. 

6.  Procès,    t.  III,  p.  53.  —  Déposition  du  docteur  Delachambre. 

7.  Ibid.,  t.  II,  p.  6  ;  t.  III,  p.  177.  —  Dépositions  de  Frère  Isambard 
et  de  J.  Lefèvre. 


138  SUPPLEMEMT    AU    RECIT    DE.    KICHER 

Jeanne  ajant  demandé  à  Jean  Massieu  qu'on  lui  procurât  une 
croix,  un  Anglais  en  fait  une  avec  deux  morceaux  de  bois.  La 
jeune  fille  la  prend,  la  baise  et  la  met  sous  ses  vêtements,  sur  sa 
chair.  Mais  ce  qu'elle  voudrait,  c'est  la  croix  avec  l'image  de  Jésus 
crucifié.  Elle  prie  Frère  Isambard  de  la  Pierre  d'aller  chercher 
celle  de  l'église  voisine.  Quand  il  l'apporte  de  l'église  Saint-Sau- 
veur, la  pauvre  enfant  la  couvre  de  baisers  et  de  larmes  et  la  serre 
en  ses  bras.  Avant  de  monter  sur  le  bûcher,  elle  supplie  le  bon 
religieux  de  la  tenir  o  élevée  tout  droit  devant  ellejusques  au  pas 
de  la  mort,  afin  que  la  croix  où  Dieu  pendit  fût,  tant  qu'elle  respi- 
rerait, continuellement  devant  ses  jeux  ^.  » 

Cependant  la  soldatesque  s'impatiente.  Une  demi-heure  environ 
s'était  écoulée  depuis  que  la  prédication  avait  pris  fin  -.  On  crie  à 
Jean  Massieu  :  «  Hé  !  prêtre,  nous  ferez-vous  dîner  ici?  »  Deux 
sergents  du  roi  montent  sur  l'estrade.  La  Pucelle  embrasse  une 
dernière  fois  la  croix,  salue  les  assistants  et  se  laisse  mener 
devant  le  juge  séculier  ou  bailli.  Celui-ci,  sans  prononcer  aucune 
sentence,  se  borne  à  dire  :  «  Emmenez-la!  »  Puis,  s'adressant  au 
boun-eau,  il  ajoute  :  «  Fais  ton  office^.  ■» 

Pendant  que  les  Anglais  et  les  clercs  de  Henri  VI  la  conduisent 
au  bûcher,  Jeanne  s'écrie  de  nouveau  :  «  0  Rouen,  tu  seras  donc 
ma  demeure!  c'est  donc  ici  que  je  mourrai  *!  » 

Elle  gravit  avec  Frère  Ladvenu  les  degrés  du  bûcher  et  elle  est 
attachée  au  poteau.  Tandis  que  le  bourreau  serre  les  liens,  elle 
invoque  tout  particulièrement  saint  Michel  ^.  A  la  vue  de  la 
foule  qui  remplit  la  place  et  les  rues  voisines,  elle  ne  peut  s'empê- 
cher de  dire  : 

€  Ah  !  Rouen,  Rouen,  j'ai  grand'peur  que  tu  n'aies  à  souffrir  de 
ma  mort^  !  » 

Une  grande  quantité  de  bois  avait  été  entassée  sur  le  bûcher. 
Les  Anglais  entendaient  que  leur  ennemie  fût  réellement  brûlée 
vive.  Le  bourreau  y  ayant  mis  le  feu,  Jeanne  aperçut  la  flamme. 


1.  Ibid.,i.  II,  pp.  6,  20.  —  Dépositions  de  Fr.  Isambard  et  de  J.  Mas- 
sieu. 

2.  Ibrd..  t.  11,11,  351. 

3.  Procès,  t.  II,  pp.  20,  324;  t.  III,  p.  159.  —  Dépositions  de  J.  Massieu 
et  de  Pierre  Bouchier, 

4.  Ibid.,  t.  II,  p.  3o"J  ;  t.  III,  pp.  202  et  J185.  —  Dépositions    de  Frère 
Isambard,  de  Pierre  Daron  et  d'André  Marguerie. 

5.  Ibid.,  t.  IV,  p.  459. 

6.  lbid.,i.  II,  p.  324.  —  Déposition  de  Pierre  Bouciiior. 


LA.    MORT    DE    JKANNE    D  ARC  139 

«  Maître  Martin,  s'écria-t-elle,  descendez;  le  feu!  »  Elle  ajoute 
cependant  :  «  Elevez  la  croix,  que  je  puisse  la  voir.  »  Ladvenu  des- 
cend et  ne  cesse,  tant  que  la  suppliciée  respire,  de  l'exhorter  avec 
Frère  Isambard  de  la  Pierre,  en  tenant  toujours  la  croix  élevée. 
Quand  la  flamme  l'atteint  :  «  De  l'eau,  de  l'eau  bénite  !  »  demande 
la  jeune  fille  ^. 

Parmi  les  crépitements  du  feu,  elle  invoque  à  plusieurs  reprises 
le  nom  de  Jésus  ^. 

Le  feu  gagnant  toujours,  elle  s'écrie  : 

«  Saint  Michel!  saint  Michel!  non,  mes  Voix  ne  m'ont  pas 
pas  trompée  !  ma  mission  était  de  Dieu  ^  !  » 

Un  peu  après,  elle  dit  encore  :  «  Jésus,  Jésus,  Jésus  !  » 

Enfin,  un  dernier  cri,  poussé  d'une  voix  forte*,  dans  lequel 
s'exhale  son  âme  de  vierge,  de  martyre  et  de  sainte  !  «  Jésus  !  » 

C'était  le  30  mai  1431. 

Jeanne  n'avait  pas  vingt  ans. 

1.  Procès,  t.  II,  p.  8;  t.  III,  pp.  169,  194.  —  Dépositions  de  Frère 
Martin  Ladvenu  et  de  J.  Moreau. 

2.  Jusqu'à  six  fois,  dit  le  témoin  Lcparnientier.  Procès,  t.  lU, 
p.  186. 

S.  Ibid.,  t.  III,  p.  170.  —  Déposition  de  F.  M.  Ladvenu. 
4.  Ibid-,  t.  III,  p.  186.  —  Déposition  de  Leparmentier. 


LIVRE    TU 
LE    PROCÈS    DE    REVISION 


AVANT-PROPOS    DE    L'EDITEUR 

JEANNE    D'ARC    ET    SA    «   MISSION    DE    SURVIE 


Comme  nous  l'avons  fait  pour  le  livre  second  de  l'histoire  de  la 
Pucelle  par  E.  Richer,  nous  traiterons  dans  un  avant-propos  spé- 
cial deux  questions  propres  à  éclaircir  le  sujet  du  livre  troi- 
sième. Elles  peuvent  se  poser  ainsi  : 

1°  Pourquoi  le  roi  Charles  VII  parait-il  n'avoir  songé  à  la  revi- 
sion du  procès  de  Rouen,  et  na-t-il  fait  procéder  à  une  enquête 
préliminaire  qu'une  vingtaine  d'années  après  le  supplice  de  la 
Pucelle,  c'est-à-dire  en  février  1430? 

2°  Pourquoi  le  Saint-Siège  na-t-il  constitué  le  tribunal  de  la 
revision  que  cinq  années  encore  plus  tard,  c'est-à-dire  en  1455  ? 

L'examen  de  ces  deux  questions  en  fera  surgir  une  troisième  que 
nous  ne  regretterons  pas  d'avoir  rencontrée  :  celle  de  Jeanne  et  de 
sa  «  mission  de  survie  ». 

Si  nous  parvenons  à  jeter  quelque  lumière  sur  cette  dernière 
question  en  particulier,  le  lecteur  trouvera  peut-être  moins  éton- 
nant qu'un  intervalle  de  vingt-cinq  ans  se  soit  écoulé  entre  la 
condamnation  judiciaire  de  Jeanne  d'Arc  et  sa  réhabilitation. 

Edmond  Richer  n'aborde  pas  ces  questions.  Dans  sa  préface  ou 
Advertissement  au  lecteur,  il  se  borne  à  dire  que  si  la  revision  du 
procès  de  1431  n'a  eu  lieu  qu'en  1455,  c'est  que  «  le  roy  Charles 
n'y  avait  pu  faire  travailler  auparavant,  tant  à  cause  des 
grandes  affaires  qu'il  avait  sur  les  bras,  que  pour  le  différend 
survenu  entre  le  concile  de  Bâle  et  le  pape  Eugène  IV  ».  [Op.  et 
loc.  cit.,  p.  37.) 

Au  commencement  du  livre  troisième,  notre  auteur  note  la  paix 


LE    PROCÈS    DE    REVISION.    —    AVANT-PROPOS  141 

et  la  prospérité  dont  le  royaume  jouissait  après  «  que  les  Anglois 
eussent  esté  entièrement  chassez  de  la  Normandie  et  de  la 
Guyenne  ».  U  se  fit  alors  un  mouvement  d'opinion  qui  réveilla  le 
souvenir  des  belles  actions  de  la  Pucelle  et  de  l'inique  procès  qui 
l'avait  condamnée.  Il  n'en  fallut  pas  davantage,  au  sentiment  de 
nicher,  pour  que  le  roi  «  fust  conseillé  de  faire  revoir  ce  prétendu 
procez  ».  Et  c'est  alors  qu'il  charge;\  maître  (luillaume  Bouille  d'en 
«  faire  perquisitionner  les  nuUitez  ». 

Edmond  Hicher  aurait  pu  en  dire  davantage.  Essayons  de  sup- 
pléer à  son  silence  et  touchons  qvielques  mots  de  la  «  mission  de 
survie  »  de  la  Pucelle.  Nous  y  serons  amené  en  recherchant  quelle 
fut  l'attitude  du  roi  Charles  VU.  depuis  la  mort  de  l'héroïne  jus- 
qu'à l'enquête  mentionnée  tout  à  l'heure,  c'est-à-dire  de  1431  à 
1450,  et  quelle  fut  aussi  celle  du  Saint-Siège.  x 


IMIEMIERE    P.MlïlE 
De  l'attitude   du  roi  Charles  VII  de   1431   à  1450. 

1 

(Juelle  fui  l'altitude  de  Charles  VII,  eu  égard  à  la  Pucelle.  en 
l'année  de  son  supplice  et  dans  les  quelques  années  qui  suivirent  ? 
Cette  attitude  fut  celle  qu'il  avait  observée  durant  le  procès,  une 
attitude  d'inditlérence  et  d'effacement.  C'est  un  fait  malheureuse- 
ment indéniable  que  le  roi  de  France,  en  ces  années  1430,  1431, 
n'a  rien  tenté  pour  arracher  sa  bienfaitrice  au  sort  que  ses  enne- 
mis lui  préparaient. 

De  zélés  avocats  de  ce  prince,  ne  pouvant  contester  le  fait,  ont 
essayé  de  le  justifier  et  ils  ont  dit  que  si  Charles  n'a  eu  recours  ni 
à  la  voie  des  négociations,  ni  à  la  force  des  armes  pour  délivrer  la 
Pucelle,  c'est  qu'il  y  eût  eu  recours  inutilement  et  qu'aucun  moyen 
ne  lui  eût  réussi. 

Mauvaise,  très  mauvaise  raison.  D'abord  le  pays  n'exigeait  pas 
de  son  roi  qu'il  brisât  les  fers  de  la  captive;  il  lui  demandait  seule- 
ment de  le  tenter.  L'honneur  et  la  reconnaissance  le  demandaient 
encore  plus  haut. 

Mais  ce  que  sophiste,  si  retors,  si  habile  fût-il,  ne  prouvera 
jamais,  c'est  qu'une  difficulté  quelconque  ait  empêché  le  roi  de 
France  d'aviser  au  moins  le  pape  du  cas  de  la  Pucelle.  de  lui 
dénoncer  les  desseins  de  l'Angleterre  et,  puisque  les  juges  de  Rouen 


142  E.    RICHER.     —    LA    l'UCELLE    DUKLÉANS 

ne  tenaient  aucun  compte  de  l'appel  de  l'accusée  au  Saint-Siège,  de 
le  supplier,  au  nom  des  règles  les  plus  sacrées  de  l'Eglise,  d'inter- 
venir au  procès. 

C'est  ce  moyen  qu'Edmond  Hicher  reproche  au  roi  Charles  Vil 
de  n'avoir  pas  mis  en  œuvre,  et  on  ne  peut  lui  contester  le  mérite, 
plus  de  deux  cents  ans  avant  Le  Brun  de  Charmettes  et  le  père 
Henri  Denifle,  d'en  avoir  montré  la  lacilité. 

Mais  écoutons-le  lui-même  : 

«  Considérant  les  efforts  des  Anglais  pour  perdre  la  Pucelle,  et 
qu'ils  n'épargnent  or,  argent  ni  aultre  chose  quelconque  pour 
obtenir  ce  qu'ils  prétendoient,  je  suis  grandement  marry  que  par 
toutes  nos  histoires,  ni  mesme  au  trésor  des  chartes  de  France,  il 
ne  se  trouve  aucun  acte  public  et  authentique  du  debvoir  qu'on  a 
fait  ou  deu  faire  d'empescher  le  dessein  des  Anglois.  Et  me  sem- 
ble, sous  correction,  que  Sa  Majesté  debvoit  lors  estre  conseillée 
d'envoier  des  hérauts  au  Roy  d'Angleterre  prolester  de  la  nullité 
de  tout  ce  procez,  et  demander  que  cette  fille  fut  envolée  au  Saint- 
Siège  apostolique,  récusant  l'Evesque  de  Beauvais. 

<  Possible  que  ceux  qui  estoient  lors  en  faveur  auprès  du  Prince 
portoient  envie  aux  faits  héroïques  de  la  Pucelle  et  persuadèrent 
au  Roy  que  Dieu,  l'ayant  envolée  miraculeusement  à  son  secours, 
la  délivreroit  aussi  miraculeusement,  et  qu'il  falloit  commettre 
toute  cette  affaire  à  la  Providence  de  Dieu,  que  cela  seroit 
plus  glorieux  au  Roy  et  tourneroit  à  la  grande  confusion  des 
Anglois.  Mais  telle  voye  semblait  tenter  Dieu,  lequel  ne  fait  pas 
toujours  miracles  sur  miracles,  ains  veut  que  les  causes  secondes 
opèrent  de  leur  costé  '.  » 

A  la  suite  d'Edmond  Richer,  l'auteur  du  Chartularium  Universi- 
tatisParisiensis,  le  P.  H.  Denifle  éci-ira  de  nos  jours  : 

«  Une  lourde  responsabilité  pèse  sur  Charles  Vil  qui,  pendant 
une  année  entière  (mai  1430  —  mai  1431),  ne  s'est  donné  aucune 
peine  pour  délivrer  la  Pucelle.  S'il  ne  pouvait  venir  avec  une 
armée,  pourquoi  lui-même  n'a-t-il  pas  interjeté  un  appel  au 
pays,  pourquoi  n'a-t-il  pas  informé  au  moins  du  procès  le  Chef 
de  l'Eglise  ?  Et  cependant  le  roi  ne  '  s'est  pas  privé  pour  cor- 
respondre avec  le  pape  quand  il  s'agissait  de  présenter  des  sup- 
pliques pour  ses  favoris.  »  {Mémoires  de  l'Histoire  de  Paris, 
t.  XXIV,  p.  13-14.) 


1.  E.  RicHEK,  op.  cit.,  t.  I,  p.  227. 


LE    PROCES    DE    REVISION.    AVANT-PROPOS  143 

H 

Charles  VII  n'ayant  pas  jugé  bon,  dans  les  premiers  mois  de 
1431,  d'informer  le  Saint-Siège  de  la  suspicion  qui  planait  sur  les 
sentiments  des  juges  de  Rouen  et  par  suite  sur  la  régularité  du 
procès  lui-même,  s'y  résolut  encore  moins  au  lendemain  du  sup- 
plice de  la  Pucelle.  Très  vraisemblablement  quelques  années,  cinq 
ou  six,  s'écoulèrent  avant  que  ses  idées  subissent  de  sérieuses 
modifications.  11  demeurait  sous  l'influence  néfaste  de  ses  mi- 
nistres auprès  desquels  ne  trouvaient  grâce  ni  ses  bons  sen 
timents  d'autrefois  envers  Jeanne,  ni  sa  bonne  volonté.  D'autre 
part,  il  faut  bien  en  convenir,  si  sa  foi  en  la  mission  de  l'envoyée 
de  Dieu  quant  aux  événements  accomplis  ne  fut  pas  ébranlée,  sa 
foi  en  sa  mission  totale  fut  mise  à  une  rude  épreuve  ;  et  il  en  fut 
de  même  de  tous  les  personnages,  prélats,  maîtres  en  théologie, 
seigneurs  et  capitaines,  qui  avaient  approché  l'héroïne,  conversé 
avec  elle  et  qui  l'avaient  ouï  exposer  les  grandes  choses  qu'elle 
venait  exécuter  de  par  Dieu. 

La  Voyante  n'avait  pas  seulement  annoncé  à  Chinon  et  Poitiers 
qu'elle  ferait  lever  le  siège  d'Orléans  et  qu'elle  mènerait  sacrer  le 
dauphin  à  Reims  ;  elle  avait  assuré  que  les  Anglais  seraient 
«  boutés  hors  de  toute  France  »,  que  Paris  rentrerait  en  l'obéis- 
sance du  roi,  que  le  duc  d'Orléans  ne  mourrait  pas  en  Angleterre 
où  il  était  prisonnier,  mais  qu'il  reviendrait  de  sa  captivité,  que 
Charles  Vil  vei'rait  de  son  vivant  le  territoire  délivré  et  qu'il  ren- 
trerait en  la  possession  des  provinces  de  son  royaume.  Justement, 
à  cause  de  leur  caractère  extraordinaire,  et  parce  que  le  jeune  roi 
avait  été  sacré  et  le  siège  d'Orléans  levé,  ces  vaticinations  étaient 
entrées  profondément  dans  la  mémoire  des  loyaux  Français.  Or, 
voilà  qu'avant  qu'elles  aient  été  accomplies,  Jeanne  tombe  entre 
les  mains  de  ses  ennemis,  et  sa  mort  cruelle  semble  interdire  à 
ses  compagnons  d'armes  l'espoir  de  les  voir  jamais  réalisées. 


III 

On  se  souvenait  pour  désespérer  :  on  eut  dû  se  souvenir,  Char- 
les VII  le  premier,  pour  espérer  quand  même  et  demeurer  persuadé 
que  les  prédictions  de  l'envoyée  de  Dieu  s'accompliraient  jusqu'au 
bout. 

Car  Jeanne  savait  bien  que  sa  mission  totale  ne  s'accomplirait 
pas  de  son  vivant;  qu'elle  comprendrait  deux  parties  bien  dis- 


144  E.    RICHEn.    —    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

lincles,  lune,  «  mission  de  vie  o,  à  laquelle  personnellement  elle 
melli'ail  la  main,  laulre,  «  mission  de  survie  »,  qui  ne  produirait 
ses  effets  qu'après  sa  mort. 

Klle  parlait  de  sa  «  mission  de  vie  »,  lorsqu'elle  disait  au  roi 
<:iiarles  en  présence  du  duc  d'Alençon  :  «  (lentil  dauphin,  je  dure- 
rai une  année,  guères  plus.  Il  me  faut  donc  bien  employer.  »  [Procès, 
t.  111,  p.  99.) 

Rn  effet,  que  dura  sa  «  mission  de  vie  »?  Une  année  et  un 
mois. 

11  a  fallu  vingt-deux  ans  pour  mener  à  terme  sa  «  mission  de 
survie  ». 

Mais  l'héroïne  n'en  certifia  pas  moins  l'importance  et  l'accom- 
plissement. 

(>  Elle  fut,  rapporte  Mathieu  Thomassin,  par  aucuns  interrogée  de 
sa  puissance,  si  elle  dureroit  guères,  et  si  les  Anglois  avoient  puis- 
sance de  la  faire  mourir.  Elle  i-espondit  que  tout  estoit  au  plaisir 
de  Dieu,  et  si  certifia  que  s'il  lui  convenoit  mourir  avant  que  ce 
pour  quoy  Dieu  lavoit  envoyée  fust  accompli,  après  sa  mort  elle 
nuyroit  plus  auxditz  Anglois  qu'elle  n'auroit  fait  en  sa  vie  et  que 
non  obslant  sa  mort,  tout  ce  pour  quoy  elle  estoit  venue  s'accom- 
pliroil.  » 

Et  Mathieu  Thomassin  ajoute  : 

«  Ainsi  que  a  esté  fait  par  grâce  de  Dieu,  comme  clairement  il 
appert  et  est  chose  notoire  de  nostre  temps  '■.  » 

Remarque  précieuse  témoignant  que  la  «  mission  de  survie  »  de 
la  Pucelle  n'a  pas  été  un  vain  mot.  Le  chroniqueur  aurait  pu 
faire  observer  que  cette  seconde  partie  de  sa  mission  totale  ne 
devait  pas  rencontrer  moins  de  difficultés  que  la  première. 

Dans  la  «  mission  de  vie  »,  après  la  campagne  de  la  Loire, 
l'échec  de  Paris  mis  à  part,  il  ne  s'agit  que  d'une  sorte  de  prome- 
nade militaire,  de  Reims  à  l'Ile-de-France,  sans  bataille  livrée.  La 
«  mission  de  survie  »  demandera  des  efforts  plus  soutenus  et  ren- 
contrera de  plus  grandes  difficultés.  Jeanne  sollicite  ces  efforts  et 
signale  ces  difficultés.  Elle  annonce  par  avance  les  événements 
glorieux  qui  en  seront  le  résultat.  L'histoire  les  nomme  la  paix 
d'Arras,  la  soumission  de  Paris,  la  délivrance  du  duc  d'Orléans,  la 
prise  de  Rouen,  la  conquête  de  la  Normandie,  celle  de  la  Guyenne, 
la  victoire  de  Castillon  où  meurt  le  magnanime  Talbot,  et  l'expul- 
sion définitive  de  l'Anglais. 

Parmi  les  admirateurs  de  la  Pucelle,  il  y  en  avait  assurément 

1.  Procès,  t.  IV,  p.  311,  312. 


LK    PKOCÈS    DE    IIEVISIOX.    AVANT-I'UOPOS  145 

qui  attendaient  avec  confiance  raccoinplissement  de  cette  pai'tie 
de  sa  mission.  Mais  ils  étaient  plus  nombreux  les  indifférents  qui 
s'en  désintéressaient,  et  les  ennemis  du  royaume  qui  plus  que 
jamais  qualifiaient  de  mensongères  celles  de  ces  vaticinations  que 
les  événements  n'avaient  pas  encore  justifiées. 

"iv 

11  n'y  a  pas  apparence  que  durant  les  cinq  ou  six  années  qui 
suivirent  le  drame  de  Houen,  le  roi  Charles  ait  gardé  bien  vivante 
sa  foi  en  la  mission  de  survie  de  la  Pucelle,  et  qu'il  en  ait  attendu 
avec  une  confiance  inébranlable  l'accomplissement. 

On  en  peut  juger  d'après  les  faits  que  voici  : 

En  avril  1431,  Home  envoie  à  titre  de  légat  a  latcre  le  cardinal 
de  Sainte-Croix,  avec  mission  de  travaillera  rétablir  la  paix  entre 
ces  deux  puissants  princes  chrétiens,  les  souverains  de  France  et 
d'Angleterre.  C'est  au  lendemain  de  la  mort  de  Jeanne.  N'était-ce 
pas  le  cas  de  parler  de  son  procès  et  d'ébaucher  des  ouvertures  de 
paix  ?  On  a  cherché  dans  la  correspondance  du  cardinal  si  jamais, 
au  cours  de  sa  mission,  le  nom  de  Jeanne  a  été  prononcé,  la  ques- 
tion dé  son  intervention  dans  les  affaires  du  royaume  traitée  ; 
les  recherches  ont  été  vaines  et,  si  le  cardinal  s'est  trouvé  dans  ce 
cas,  il  n'en  a  jamais  dit  un  mot  dans  sa  correspondance  diploma- 
tique, il  en  a  gardé  le  secrets 

Quelques  semaines  avant  le  supplice  de  Jeanne  d'Arc,  le  pape 
Eugène  IV  avait  été  promu  au  souverain  pontificat.  Notification 
fut  faite  au  roi  Charles  Vil  du  choix  du  nouveau  chef  de  l'Eglise. 
En  réponse  à  cette  notification,  le  roi  députa  une  ambassade  spé- 
ciale, à  la  tête  de  laquelle  fut  placé  le  futur  archevêque  de  Reims, 
Jean  Juvénal  des  Ursins-.  Mais  pas  plus  que  le  cardinal  de  Sainte- 
Croix,  l'envoyé  du  roi  de  France  ne  fit  allusion  au  procès  de 
Jeanne  :  aucun  document  ne  le  donne  à  entendre,  et  il  est  plus  que 
probable  qu'on  évita  de  s'aventurer  sur  ce  terrain  brûlant. 

Il  n'y  a  pas  à  se  faire  illusion:  à  Rome  quelques  personnages 
officiels  eussent  peut-être  par  curiosité  mis  volontiers  le  sujet  de 
la  conversation  sur  le  cas  de  la  Pucelle  :  à  Paris  on  ne  l'entendait 
pas  ainsi.  Jean  Juvénal  des  Ursins  se  souvint  deux  ans  plus  tard, 
en  1433,  des  instructions  qu'il  avait  rerues  en  mai   1431.  Il  était 

\.  Cf.  notre  Etude,  Jeanne  d'Arc  et  l'Eglise,  p.  543.  In-8»,  Paris,  1908. 
2.  Voir  DE   Beaujourt,  Histoire  de  Charles  VU.  t.  [I,  p.  46'J.  et  Noël 
Valois,  Pragmatique  sanction,  p.  LVII. 

10 


146  E.    RICHER.    LA    PUCËLLE    D  ORLKANS 

alors  évéque  de  Beauvais.  Les  Etats  du  royaume  s'élant  réunis  à 
Blois.  l'ancien  ambassadeur  leur  adressa  une  longue  épître  dans 
laquelle  il  parlait  du  «  faict  douloureux  et  très  piteux  du  royaume 
de  France  »,  et  après  avoir  décrit  les  fléaux  qui  le  ravageaient,  il 
proposait  les  mesures  qui,  à  son  avis,  devaient  y  porter  remède. 

Charles  VII  n'y  est  pas  oublié.  ^Dieu  l'aime;  il  l'a  montré  par  la 
protection  qu'il  lui  a  accordé;  il  le  montrera  de  nouveau  en  lui 
continuant  cette  protection.  «  Quelles  merveilles,  en  effet,  remarque 
le  prélat,  le  Ciel  n'a-t-il  point  opérées  en  sa  faveur?  Sauvé  des 
mains  de  ses  ennemis  à  Paris,  Charles  a  vu  la  victoire  voler  a  la 
suite  de  ses  troupes,  à  Beaugé,  à  Orléans,  à  Compiègne  et  le  con- 
duire à  Reims  où  il  a  reçu  l'onction  royale.  Ce  n'est  ni  a  la  valeur  des 
chevaliers,  ni  aux  prières  des  gens  d'Eglise  que  sont  dus  ces  succès 
prodigieux,  mais  uniquement  à  la  faveur  de  Dieu  qui  aime  le  roi 
et  qui  a  donné  courage  à  petite  compagnie  de  vaillants  hommes.  » 

En  lisant  ces  lignes,  impossible  de  ne  pas  penser  à  la  Pucelle  et 
de  ne  pas  chercher  son  nom.  L'orateur  nomme  Orléans  qu'elle  a 
délivré,  Reims  où  elle  a  mené  et  fait  sacrer  Charles  Vil,  et  il  ne 
nomme  pas  celle  à  qui  l'honneur  en  revient.  Pourquoi  cela?  jMani- 
festement,  parce  que  ce  témoignage  public  rendu  à  sa  bienfaitrice 
eût  déplu  à  Charles  Vil. 

Depuis  son  ambassade  àRome,  Juvénal  des  Ursins  savait  à  quoi 
s'en  tenir  sur  les  sentiments  du  roi  à  ce  sujet.  Ces  sentiments  n'a- 
vaient pas  changé.  Charles  affectait  d'ignorer  Jeanne.  Désireux 
après  sa  mort  de  reconnaître  le  dévouement  des  Orléanais  pen- 
dant le  siège,  il  leur  écrit  des  lettres  leur  accordant  certains 
privilèges.  Mais  en  ces  lettres  il  se  garde  bien  de  nommer  la 
Pucelle.  Ce  malheureux  prince  la  mettait,  sinon  hors  la  loi,  du 
moins  hors  l'opinion.  11  faut  arrivera  l'année  1436  pour  l'entendre 
parler  de  la  jeune  fille  qui  a  combattu  et  souffert  pour  lui. 
«  Pucelle  m'amye,  dit-il  à  la  Dame  des  Armoises,  quand  elle  tenta 
de  le  surprendre,  soyez  la  très  bien  venue,  au  nom  de  Dieu  qui 
sait  le  secret  qui  est  entre  vous  et  moi^.  »  C'est  donc  chose  très 
probable  que,  avant  de  prendre  la  route  de  Rouen  en  mai  ou 
juin  1431,  Juvénal  des  Ursins  reçut  du  chancelier  Regnault  de 
Chartres  des  instructions  catégoriques.  Il  n'y  a  pas  de  témérité  à 
penser  que  l'une  des  principales  fut  celle-ci  :  «  Surtout  ne  parlez 
pas  de  la  Pucelle-.  )> 

1.  Procès,  t.  IV,  p.  281. 

2.  Voir  sur  cette  question,  l'étude  de  l'abbé  Péchenard,  Jean  Juvénal 
des  Ursins,  p.  156-162.  In-8«,  Paris,  1876. 


LE    PROCKS    DE    REVISION.    AVANT-PROPOS  d47 


Un  autre  sujet  qui  mérite  réflexion,  c'est  la  réserve  absolue 
dans  laquelle  Charles  Vil  et  ses  conseillers  ecclésiastiques  ou 
laïques  se  tinrent  lorsque  le  gouvernement  anglais,  après  la 
mort  de  son  ennemie,  s'empressa  d'informer  par  lettres  authen- 
tiques, les  princes  de  la  chrétienté,  l'empereur  et  Home  même,  du 
procès  qui  venait  de  se  juger.  11  voulait  sans  perdre  un  instant  pré- 
venir et  fausser  l'opinion.  11  voulait  que  l'on  apprit,  non  pas  com- 
ment les  choses  s'étaient  passées,  mais  de  quelle  manière  on  dési- 
rait qu'elles  fussent  envisagées. 

Les  auteurs  de  cette  propagande  du  mensonge  furent  le  roi 
d'Angleterre,  pour  ne  pas  dire  l'évéque  de  Beauvais,  et  sa  «  fille 
aimée  »,  l'Université  de  Paris. 

Le  roi  d'Angleterre  signa  deux  lettres  adressées,  l'une  aux  princes 
chrétiens,  l'autre  aux  prélats  et  seigneurs  ses  sujets.  L'Université 
de  Paris  écrivit  deux  autres  lettres,  l'une  au  pape,  l'autre  au  col- 
lège des  cardinaux. 

Ces  lettres  avaient  ceci  de  commun  qu'elles  présentaient  la  con- 
damnation delà  Pucelle  sous  un  jour  absolument  favorable.  Son  pro- 
cès, disait-on.  était  en  soi  un  chef-d'œuvrede  justice  et  d'équité.  Les 
juges  de  la  cause  avaient  rendu  à  l'Eglise  et  à  l'Etat  le  plus  grand 
des  services  en  livrant  cette  fille  au  bûcher.  Ils  les  avaient  débar- 
rassés d'une  aventurière  qui  ruinait  par  ses  dogmatisations  et  ses 
erreurs  la  foi  des  princes  et  des  fidèles^. 

Il  y  avait  pour  le  roi  de  France,  dans  la  publication  de  ceslettres, 
une  belle  occasion  de  protester  contre  les  affirmations  menson- 
gères qui  y  étaient  contenues,  d'opposer  la  vérité  à  la  calomnie  et 
d'éclairer  les  hauts  personnages,  en  particulier  le  chef  de  l'Eglise, 
qu'on  s'attachait  à  tromper.  Ni  Charles  VU,  ni  ses  ministres,  ni 
aucun  des  admirateurs  de  la  Pucelle  n'eurent  le  courage  de  formu- 
ler cette  appréciation. 

On  a  écrit  qu'il  y  eût  eu  imprudence  à  le  faire.  En  ce  qui 
regarde  le  roi,  «  il  craignait  sans  doute  d'assumer  sur  sa  tête,  au 
préjudice  de  sa  souveraineté  renaissante  mais  encore  mal  établie, 
cette  suspicion  d'hérésie  que  les  Anglais  n'oublièrent  pas  d'exploiter 
contre  lui,  alors  même  qu'il  ne  faisait  rien  pour  la  Pucelle,  et  qu'il 
semblait  par  son  silence  respecter  l'autorité  de  l'Eglise  dans  la 
personne  des  juges  qui  étaienthostiles  à  son  parti.  Peut-être  dou- 

1.  Voir  ceslettres  dans  J.  Quicherat,  Procès,  l.  I,  tout  à  la  fin. 


148  E.    IlICHER.    LA    PUCELLE    d'oRLKANS 

ta-l-il  lui-même  de  la  réalilo  d'une  inspiralion  «jiii   causait  un   tel 
scandale  '.  » 

Nous  n'irons  pas  jusqu'à  penser  que  Charles  \ll  ait  pu  revenir 
sur  le  passé  et  révoquer  en  doute  l'inspiration  de  la  jeune  fille  qui 
l'avait  mené  sacrer  à  Keims.  Non,  il  n'a  pas  douté  de  sa  t  mission 
de  vie  w  ;  mais  il  a  pu  sa  demander  si,  Jeanne  livrée  aux  flammes, 
tout  n'était  pas  fini  et  si,  pour  l'avenir,  il  ne  luilallait  pas  renoncer 
aux  espérances  dont  la  présence  de  l'envovée  de  Dieu  semblait  être 
la  garantie. 

VI 

Quelle  sera  donc  l'attitude  du  jeune  roi  pendant  les  cinq  à  six 
années  qui  suivirent  le  drame  de  Houen  ? 

Ce  sera  1  attitude  .d'un  prince  qui  a  fait  un  trop  beau  rêve  pour 
désespérer.  Surpris  par  la  brutalité  des  événements,  il  sera 
comme  écrasé,  comme  anéanti.  Mais  l'histoire  n'a  pas  dit  son 
dernier  mol  :  cinq  ans  ne  s'écouleront  pas  sans  que  la  martjre  et 
celui  qu'elle  appelle  son  roi  se  rencontrent  de  nouveau.  Ce  sera 
d'abord  à  l'occasion  de  la  paix  d'Arras  ;  puis  lorsque  Paris  rede- 
viendra français.  Et  ce  ne  sera  pas  fini.  A  partir  de  "ce  moment,  la 
revision  du  procès  de  liouen  apparaît  à  Charles  Vil  comme  chose 
possible.  Bientôt,  elle  lui  apparaîtra  comme  chose  probable.  Elle  le 
deviendra  de  plus  en  plus  à  mesure  que  Jeanne  accomplira  sa  mis- 
sion d'outre-tombe.  La  délivrance  du  sol  français  en  serale  tei'me; 
sa  propre  réhabilitation  en  sera  le  couronnement. 

Ainsi,  le  temps  du  désarroi  moral,  d'une  sorte  de  désespérance 
aura  été  de  cinq  années  pour  Charles  \U,  de  1431  à  1435.  A  cette 
date,  la  lumière  commence  à  briller,  elle  va  croissant  et  elle  finit 
par  dissiper  les  ténèbres.  Il  y  eut  un  premier  rajon  à  la  paix  d'Ar- 
ras, un  second  à  la  soumission  de  la  capitale,  un  troisième  à  la 
mise  en  forme  du  procès  de  condamnation,  un  quatrième  au 
retour  du  duc  d'Orléans  de  sa  captivité  d'Angleterre,  un  cinquième 
à  la  prospérité  continue  des  affaires  du  royaume,  un  sixième  à  la 
capitulation  de  Rouen,  un  septième  à  la  victoire  de  Formigny  et  à 
la  recouvrance  de  la  Normandie,  un  huitième  à  la  conquête  de  la 
Guyenne  et  à  la  prise  de  possession  de  Bordeaux,  un  neuvième 
et  dernier  à  la  victoire  de  Castillon  et  à  l'expulsion  définitive  des 
Anglais. 

i.  Cil.  DH  Beaihepaiue,  liecherclies  sur  le  procès  de  condamnation, 
p.  94.  in-8»,  f\ouen,  ISG'J. 


LK    PROCRS    DK    UKVISION.    —    AVANT- l'HOPOS  149 

A  chacun  de  ces  événements  les  personnages,  princes,  seignenrs, 
prélats,  membres  des  commissions  royales  qui  se  souviennent,  le 
roi  le  premier,  voient  sortir  un  peu  plus  de  l'ombre  la  physionomie 
de  l'envoyée  de  Dieu  qu'a  été  Jeanne  d'Arc,  el  à  chacun  d'eux  s'af- 
firme avec  une  clarté  persuasive  l'accomplissement  progressif  de 
sa  mission  de  survie.  Lorsque  Uouen  lui  eut  ouvert  ses  portes  en 
1449,  Charles  VHne  douta  plus  et  n'hésita  plus.  L'heuredc  la  répa- 
ration était  sonnée,  il  fallait  mettre  la  main  à  l'œuvre.  Ce  que 
commencerait  la  France,  Rome  l'achèverait.  El  c'est  ainsi  que  par 
ordre  du  roi  il  fut  procédé  dansla  capitale  de  la  Normandie  àl'en- 
quèle  qui  fut  comme  l'annonce  ol  le  prélude  du  procès  canonique 
de  la  réhabilitation. 


SECONDE  PARTIE 

De  lattitude  du  Saint-Siège  après  le  procès  de  Jeanne  d'Arc.  — 
Avant  les  années  1450-1455  le  pape  était-il  dans  les  conditions 
voulues  pour  faire  procéder  à  la  revision  du  procès  de  1431? 

La  vérité  qui  nous  parait  se  dégager  des  réflexions  précé- 
dentes, c'est  que  l'intervalle  de  vingt  ans  qui  s'est  écoulé  avant  le 
premier  acte  de  protestation  du  roi  Charles  contre  la  condamnation 
inique  de  la  Pucelle,  a  été  indispensable  pour  lui  fournir  la  preuve 
complémentaire  de  sa  mission  totale  de  par  Dieu. 

La  même  vérité  va  se  dégager,  ce  nous  semble,  des  réflexions  qui 
suivent  sur  l'attitude  du  Saint-Siège  de  1431  à  1450-55,  eu  égard 
à  la  mémoire  de  la  suppliciée.  Le  procès  de  revisionne  pouvait  être 
utilement  ouvert  plus  tôt  qu'il  ne  l'a  été.  Entre  auti-es  témoins 
il  entendre  il  y  avait  la  Providence.  Elle  ne  voulait  parler  qu'à  son 
heure.  Rome  attendit  qu'elle  l'eût  fait,  et  elle  s'en  est  bien  trou- 
vée. Avec  elle  la  France,  l'histoire,  la  justice  éternelle  ne  peuvent 
que  s'en  l'éjouir. 

l 

Un  des  faits  caractéristiques  à  relever  dans  l'histoire  du  procès 
de  la  Pucelle  c'est  que,  à  nous  en  rapporter  aux  documents  connus, 
le  Saint-Siège  ne  s'en  serait  occupé  ni  pendant  les  débats,  ni  dans 
les  années  qui  suivirent. 

Les  raisons  majeures  qui  expliiiuent  celle  abstention  pendant  les 
débats  sont  la  volonté  manifeste  du  gouvernement  anglais  de  tenir 


150  E-    RICHKK.    LA    l'L'CEI-LK    D  UULKAXS 

Rome  h  l'écart  et  dans  l'ignorance  de  la  cause,  et.  du  côté  du  gou- 
vernement français,  l'absence  de  toute  démarche  directe  ou  indi- 
recte pour  saisir  le  chef  de  l'Eglise  d'un  recours  motivé. 

On  ne  sait  que  trop  à  quels  sentiments  peu  dignes  d'un  roi  de 
France,  à  quelles  considérations  politiques  non  moins  indignes  de 
lui,  l'on  doit  attribuer  l'attitude  que  Charles  VU  observa  pendant 
le  procès.  On  est  pareillement  fixé  sur  le  but  que  la  cour  d'Angleterre 
poursuivait  ens'efforçantdetenir  Rome  dans  l'ignorance  des  débals; 
elle  ne  voulait  à  aucun  prix  d'une  intervention  pontificale  qui  eût 
rendu  impossibles  ses  projets  de  vengeance  et  fait  juger  la  préve- 
nue par  un  autre  tribunal  que  celui  de  Rouen. 

En  ces  années  1430,  1431,  deux  papes  ont  occupé  le  siège  de 
saint  Pierre,  Martin  V  et  Eugène  IV.  Le  procès  de  Jeanne  s'ouvrit 
sous  Martin  V,  il  se  termina  sous  Eugène  IV.  Ni  l'un  ni  l'autre 
de  ces  papes  n'en  furent  informés  par  les  puissances  que  cette  cause 
intéressait  ;  encore  moins  furent-ils  priés  d'intervenir. 

Qu'on  parcoure  le  texte  du  procès  :  on  n'y  trouvera  pas  une  seule 
page  donnant  à  entendre  qu'il  y  ait  eu  des  explications  quel- 
conques au  sujet  de  la  cause  à  juger  entre  Rome  et  l'Angleterre  : 
on  n'y  découvrira  pas  une  seule  pièce  qui  paraisse  inviter  le  chef 
de  l'Eglise  à  s'y  intéresser,  ou  bien  un  ordre,  une  instruction,  un 
bref  pontifical  répondant  à  cet  appel. 

Parmi  les  pièces  citées,  il  y  a  des  lettres  du  gouvernement  anglais, 
de  l'évêque  de  Beauvais,  de  l'Université  de  Paris.  Aucune  de  ces 
lettres  ne  prend  le  chemin  de  Rome  et  n'est  adressée  au  Saint- 
Siège. 

Le  nom  du  pape  Martin  V  ne  se  lit  qu'une  fois  dans  tout  le  pro- 
cès ;  celui  du  pape  Eugène  IV  jamais. 

Et  le  nom  de  Martin  V  n'y  figure  que  pour  préciser  la  date  d'une 
séance. 

C'est  au  nom  du  roi  d'Angleterre  que  Pierre  Cauchon  engage, 
mène,  juge  le  procès,  .lamais,  au  cours  des  débats,  il  n'éprouve  le 
besoin  de  demander  à  Rome  des  instructions.  Lorsque  l'accusée  eu 
appelle  au  pape,  l'évêque  dédaigne  cet  appel  et  n'y  répond  que  par 
le  sarcasme. 

Quant  au  gouvernement  anglais,  il  ignore  le  Saint-Siège  avant, 
durant  et  même  après  la  cause.  Ce  n'est  pas  lui  qui  annonce  au 
pape  et  aux  cardinaux  la  condamnation  et  le  supplice  de  la  Pu- 
celle,  c'est  l'Université  de  Paris. 

Nous  avons  mentionné  plus  haut  la  mission  dont  le  pape  Eugène  IV 
nouvellement  élu  chargea  le  cardinal  Albergati  de  Sainte-Croix 
en  vue  d'un  rapprochement  entre  la  Fi-ance  et  l'Angleterre.  On 


LE    l'IlOCES    DE    REVISION.    —    AVANT-PROPOS  151 

louchait  à  la  fin  du  procès  de  Rouen.  Or,  dans  la  lettre  que  le  pape 
écrivit  à  son  légat  a  latere  la  Pucelle  n'est  pas  nommée  et  aucune 
allusion  n'y  est  faite.  Ou  bien  Rome  ignorait,  ou  bien  elle  estimait 
l'abstention  chose  sage.  Si  elle  ignorait,  le  roi  de  France  en  est 
bien  un  peu  cause,  mais  à  l'Angleterre  revient  une  aussi  grande 
responsabilité. 

Cette  façon  d'agir  des  deux  gouvernements  anglais  et  français 
explique  suffisamment  pourquoi  ni  Martin  V,  ni  Eugène  IV  n'in- 
tervinrent au  procès  de  la  Pucelle,  comme  Clément  V  était  intervenu 
sous  Philippe  le  Bel,  dans  le  procès  des  Templiers,  et  comme 
Léon  X  le  fit  plus  tard  dans  le  procès  de  l'allemand  et  humaniste 
Reuchlin.  Les  hommes  d'Etat  d'Angleterre  et  de  France  n'igno- 
raient pas  ce  qui  s'était  passé  en  1307  dans  l'afTaire  des  Templiers. 
L'Angleterre  s'en  souvint  pour  garder  les  mains  libres.  Charles  VII 
ne  s'en  souvint  que  pour  demeurer  sourd  à  la  voix  de  l'honneur  et 
aux  réclamations  de  la  gratitude. 

II 

M.  Gabriel  Hanotaux  est  déconcerté  par  le  silence  du  Saint- 
Siège  durant  le  procès  de  Rouen.  «  Il  n'est  guère  admissible, 
remarque-t-il,  que  pendant  les  six  longs  mois  des  débats,  Rome 
n'ait  rien  vu,  rien  entendu;  qu'elle  ait  tout  ignoré,  ou  qu'elle  ait, 
depuis,  tout  oublié.  Morosini  fait  allusion  plusieurs  fois  à  des 
communications  importantes  qui  auraient  été  faites  à  Rome  par 
Charles  VII  et  par  l'Université  de  Paris  au  sujet  de  Jeanne  d'Arc. 
De  fait,  il  suffisait  de  quinze  ou  vingt  jours  à  un  messager  pour 
aller  de  Rouen  ou  Paris  à  Rome,  et  il  était  rare  que  pour  les 
affaires  d'État  ou  les  affaires  de  l'Église,  il  n'y  eût  pas  toujours 
quelqu'un  en  route.  »  (Gabriel  Hanotaux,  Revue  des  Deux  Mondes, 
15  mai  1910.) 

L  étonnement  de  Ihonorable  académicien  est  fait  lui-même  pour 
étonner.  Le  gouvernement  anglais  tenait  à  ce  que  Rome  ignorât  les 
débats  et  la  max'che  du  procès  de  Jeanne.  Le  gouvernement  fran- 
çais, comme  s'il  entrait  dans  les  vues  de  l'Angleterre,  n'a  rien  fait 
pour  éclairer  le  Saint-Siège.  S'ensuit-il  que  le  gouvernement  pon- 
tifical ait  vraiment  tout  ignoré?  Nul  n'en  peut  rien  dire.  Il  a  pu 
tout  savoir  et  prendre  ses  sûretés  pour  que  son  sentiment  et  ses 
informations  restassent  des  secrets  d'État.  Ce  ne  serait  pas  la 
première  fois  que  le  cas  se  rencontre  dans  les  annales  du  Saint- 
Siège. 

II  a  pu  arriver  aussi  que  le  chef  de  l'Église  ait  jugé  inutile  de 


152  E.    niCHEH.    LA    l'L'CliLLE    U  OULEA.NS 

savoir,  précisément  à  cause  de  l'éclat  de  la  cause  et  de  la  solennité 
avec  laquelle  le  tribunal  allait  procéder.  Des  juges  à  la  science 
desquels  les  gens  les  plus  difficiles  rendaient  hommage,  des  asses- 
seurs choisis  parmi  les  suppôts  les  plus  brillants  de  l'Université  de 
Paris,  l'intérêt  que  1  Tniversité  même  prenait  à  la  cause,  autant  de 
garanties  offertes  au  Souverain  l'onlife  pour  laisser  la  justice 
suivre  son  cours  et  avoir  confiance  dans  l'impartialité  de  ses 
représentants,  à  moins  qu'il  ne  surgit  des  circonstances  et  raisons 
canoniques  mettant  en  suspicion  grave  la  régularité  du  procès  et 
obligeant  le  juge  suprême  à  tout  remettre  en  question.  Mais  alors 
il  fallait  non  seulement  que  ces  circonstances  se  produisissent,  mais 
qu'acte  en  fût  pris  et  qu'elles  fussent  dénoncées  à  qui  de  droit  dans 
les  formes  voulues.  Or,  les  juges  de  Rouen  veillèrent  à  ce  qu'on 
n'en  fît  rien,  et  vraisemblablement  Rome  ne  fut  instruite  positive- 
ment de  ces  irrégularités  qu'après  que  Thomas  de  Courcelles  eût 
rais  le  procès  en  forme.  Jusqu'à  cette  heure-là,  comme  beaucoup 
d'assesseurs,  la  cour  romaine  put  croire  le  procès  de  la  Puceile 
suffisamment  régulier.  A  partir  de  ce  moment,  un  changement 
se  produit  :  comme  nous  le  disions  tout  à  l'heure,  qu'il  y  ait  eu 
ignorance  ou  confiance  de  la  part  du  Saint-Siège,  l'une  et  l'autre 
cessent  et,  à  Rome  aussi  bien  qu'à  Paris,  on  va  marcher  vers 
la  pleine  lumière. 

Quant  à  la  Chronique  Morosini,  10,  M.  llanotaux  ne  lui  prête-t-il 
pas  une  autorité  qu'elle  ne  saurait  avoir  ?  Lorsque  les  faits  dont 
elle  se  porte  garant  ne  sont  pas  confirmés  par  d'autres  documents 
dignes  de  foi,  de  sages  critiques  estiment  qu'il  y  a  lieu  de  les  con- 
sidérer comme  non  avenus.  Tel  est  le  cas  des  prétendues  commu- 
nications de  Charles  VII  dont  il  est  question  plus  haut.  Sur  le  sujet 
présent,  nous  avons  des  documents  plus  sérieux  que  la  chronique 
susdite  :  ce  sont  les  actes  de  l'Université  de  Paris  dont  le  père 
dominicain  Henri  Denifle  a  dressé  le  Chartulaire.  Qu'on  prenne  la 
peine  de  rechercher  dans  cet  ouvrage,  t.  IV,  quels  ont  été  les  faits 
et  gestes  de  la  puissante  Université  de  l'année  1430  à  1452.  Dans 
les  pièces  qui  passent  sous  les  yeux,  il  n'est  pas  plus  question  de 
Jeanne  à  propos  du  Saint-Siège,  que  si  elle  n'eût  jamais  existé. 
Nous  [n'exceptons  que  les  deux  lettres  de  1431  reproduites  par 
J.  Quicheral. 

Ce  terrain  du  procès  de  la  Puceile  était  donc  bien  dangereux 
pour  qu'aucun  des  docteurs  de  Paris  n'osât  s'y  aventurer  ?  Si  en 
s'abstenant  ils  exécutaient  une  consigne,  que  faut-il  conclure  sinon 
que  l'Université  tenait  médiocrement  à  faire  la  lumière  ? 


LE    PROCES    DE    REVISKhN.    AVANT-PROPOS  153 


IIJ 

Que,  pendant  le  procès  de  la  Pucellc,  le  Saint-Siège  ait  été  tenu 
au  courant  de  ce  qui  se  tramait  à  Kouen  on  qu'il  l'ait  ignoré,  aucun 
document  ne  renseignant  sur  ce  point  les  historiens,  la  seule  cer- 
titude qui  demeure,  c'est  que  le  chef  de  l'Eglise  ne  l'a  approuvé  ni 
blâmé,  et  qu'il  n'est  pas  sorti  d'une  réserve  absolue. 

Au  lendemain  du  procès,  son  attitude  n'a  pas  été  différente.  Il  a 
gardé  le  silence,  il  a  écouté,  car  cette  fois  on  est  venu  à  lui,  il  a 
attendu,  et  tant  que  la  lumière  ne  s'est  point  faite,  en  particulier 
tant  que  la  Normandie  et  sa  capitale  ne  sont  pas  sorties  des  mains 
des  Anglais,  on  n'a  pas  recueilli  de  sa  bouche  une  parole  permet- 
tant d'espérer  que  le  jugement  du  tribunal  de  Rouen  serait  revisé. 
Cet  espoir  ne  s'affirme  que  le  jour  où  le  cardinal  d'Estouteville, 
légat  de  Nicolas  V,  ordonne  et  préside  la  première  enquête  cano- 
nique touchant  la  condamnation  de  la  Pucelle. 

Que  sied-il  de  penser  de  cette  conduite  du  chef  de  l'Église  ? 
Faut-il  y  voir  l'effet  de  l'indifférence  ou  celui  de  la  politique  ? 
N'est-elle  pas  plutôt  la  seule  qu'il  pût  adopter,  la  seule  que  la 
nature  de  la  cause  à  apprécier,  les  difficultés  des  temps,  la  sagesse 
et  les  traditions  de  la  cour  romaine  lui  commandaient  d'observer  ? 
Pour  se  former  une  opinion,  qu'on  ne  prenne  pas  au  sérieux  des 
affirmations  sans  preuves  comme  celle-ci  :  «  l'Église  a  condamné 
Jeanne  vivante,  durant  la  puissance  anglaise  ;  elle  l'a  réhabilitée 
morte  après  les  victoires  des  Français.  »  (A.  France,  Jeanne 
d'Arc,  préface,  p.  20.)  A  ne  pas  sortir  du  vrai,  l'historien  acadé- 
micien aurait  dû  écrire  :  «  Des  gens  d'Église  ont  condamné  Jeanne 
vivante;  mais  l'Église  l'a  réhabilitée,  dès  que  cet  acte  de  haute  jus- 
tice a  été  possible  ;  il  ne  l'a  été  qu'au  bout  de  vingt-cinq  ans.  » 

Un  premier  fait  public,  bien  propre  à  montrer  combien  il  était 
nécessaire  que  le  Saint-Siège  se  défiât  et  n'arrêtât  de  résolution 
qu'à  bon  escient,  c'est  l'impudeur  avec  laquelle,  un  mois  après  le 
supplice  de  Jeanne,  le  roi  d'Angleterre  et  l'Université  de  Paris,  «sa 
fille  ajmée  »,  s'efforcent  de  surprendre  la  bonne  foi  du  pape  régnant 
et  de  le  tromper.  Et  ils  espéraient  d'autant  plus  y  réussir,  que 
l'Angleterre  et  l'Université  de  Paris  étaient  des  puissances  avec 
lesquelles  Rome  devait  compter. 

Un  second  fait,  tout  aussi  grave,  c'est  que  ces  lettres  apologé- 
tiques du  procès  de  la  Pucelle  ne  provoquent  aucune  réponse, 
aucune  protestation.  Personne,  au  royaume  de  France,  ne  songe  à 
mettre  le  Saint-Siège  en  garde  contre  les  mensonges  et  les  calom- 


154  K.  RICHER.  —  LA  PUCELLE  U  ORLEANS 

nies  dont  ces  lettres  sont  remplies.  Charles  VII  s'en  tient  au  silence 
dont  il  ne  s'est  pas  départi  durant  le  procès,  les  prélats  et  docteurs 
de  la  Commission  de  Poitiers  suivent  son  exemple. 

Ainsi,  tandis  que  la  voix  des  bourreaux  de  la  martyre  retentit 
dans  le  monde  chrétien  et  dans  Rome  même,  flétrissant  l'héroïque 
jeune  fille  et  réclamant  une  admiration  spéciale  pour  le  tribunal 
qui  l'a  fait  mourir,  aucune  voix  vraiment  française  ne  s'élève  pour 
donner  au  jugement  rendu  par  ce  tribunal  le  seul  nom  qu'il  mérite 
et  que  l'impartiale  histoire  lui  infligera,  celui  d'  «  assassinat 
judiciaire  '». 

Chose  non  non  moins  triste  à  constater  :  la  haine  des  ennemis 
de  la  Pucelle  ne  désarmera  pas  ;  seuls  ses  amis  n'oseront  prendre 
en  main  sa  défense.  Au  concile  de  Bàle,  les  docteurs  qui  représen- 
tent l'Université  de  Paris,  et  dont  quelques-uns  avaient  été  les 
conseillers  intimes  de  l'Évêque  de  Beauvais,  font  parmi  les  pères 
assemblés,  de  la  propagande  en  faveur  des  juges  de  Rouen  et  sou- 
tiennent opiniâtrement  l'indignité  de  leur  victime.  Edmond 
Richer,  qui  rapporte  le  fait  dans  son  histoire  manuscrite  de 
Jeanne,  ajoute  que  cette  propagande  n'eut  pas  tout  le  succès  auquel 
on  s'attendait.  U  n'y  eut  pas  lieu  davantage  de  relever  le  succès 
d'une  propagande  tendant  à  réhabiliter  la  Pucelle,  non  à  Bâle, 
mais  seulement  en  France,  au  cours  des  années  qui  suivirent  sa 
mort.  Comment,  en  ces  vingt  années,  ne  s'est-il  pas  produit  un 
seul  mémoire  justificatif  de  ses  faits  et  gestes  ?  C'est  en  l'an- 
née 1450  seulement  que  Guillaume  Bouille,  doyen  de  Noyon,  rédi- 
gea celui  qu'il  remit  plus  tard  aux  juges  de  la  revision. 


IV 


Quel  accueil  le  pape  Eugène  IV  lît-il  aux  letti-es  de  l'Univei'sité 
de  Paris  ?  Aucun  document  ne  nous  l'apprend.  La  seule  chose  à 
inférer  de  ce  silence,  c'est  que  le  pape  et  ses  conseillers  n'expri- 
mèrent aucune  opinion.  S'ils  eussent  prononcé  une  parole  tant  soit 
peu  favorable,  l'Université  n'eût  pas  manqué  de  s'en  prévaloir. 
D'où  cette  première  conséquence,  peu  discutable,  que  le  Souverain 
Pontife  n'a  pas  jugé  bon  de  répondre  à  la  démarche  de  VAlma 
mater,  et  qu'il  n'a  prononcé  aucune  parole,  produit  aucun  acte  dans 
lesquels  on  puisse  voir  une  ombre  d'appi'obation  du  procès  et  de  la 
sentence  de  Rouen. 

1.  Expression  de  L'Averdy. 


LE    PROCÈS    DE    REVISION.    —    AVANT-PROPOS  155 

Il  n'y  en  a  pas  eu  non  plus  dans  lesquels  on  puisse  voir  une 
désapprobation  et  un  blâme.  Si  Rome  n'avait  pas  la  preuve  de  la 
parfaite  régularité  du  procès,  elle  n'avait  pas  non  plus  la  preuve 
du  contraire. 

Les  choses  étant  ainsi,  que  devait  faire  le  chef  de  l'Eglise,  sinon 
se  taire,  se  réserver  et  attendre.  Qu'il  formulât,  sans  preuves  à 
l'appui,  un  désaveu  des  juges  de  la  Pucelle,  il  sortait  de  l'impar- 
tialité sereine  qui  est  le  devoir  et  l'honneur  de  la  première  judica- 
ture  du  monde.  Il  n'avait  pas  en  mains  les  pièces  authentiques  de 
la  cause,  car  on  n'avait  eu  garde  de  les  lui  communiquer.  11  ne 
pouvait  donc  avoir  une  opinion  raisonnée.  De  toutes  façons,  il 
devait  s'en  tenir  à  une  attitude  expectante. 

Au  reste,  ce  n'est  pas  un  mot  d'Eugène  IV  qui  pouvait  faire  la 
lumière:  il  fallait  un  acte  officiel  conforme  aux  règles  suivies  dans 
l'Eglise.  C'est  un  principe  de  droit  public  que  les  jugements  rendus 
par  les  tribunaux  établis  soient  réputés  justes  par  leurs  souve- 
rains respectifs,  qu'il  s'agisse  des  Etals  temporels  ou  qu'il  s'agisse 
de  lEglise,  tant  que  l'iniquité  n'en  a  pas  été  dénoncée  et  que  la 
preuve  juridique  n'en  a  pas  été  produite. 

Or,  ni  en  1431,  ni  dans  les  années  qui  suivirent,  l'iniquité  du 
procès  de  Rouen  ne  fut  signalée  au  pouvoir  suprême  ecclésiastique 
c'est-à-dire  au  Saint-Siège  par  une  des  voies  canoniques  d'usage,  la 
voie  d'enquête,  la  voie  d'accusation  ou  la  voie  de  dénonciation,  de 
manière  à  le  mettre  à  même  de  prononcer  s'il  y  avait  lieu  de 
constituer  un  tinbunal  de  revision.  La  Pucelle  ayant  été  condam- 
née par  un  procès  ecclésiastique  dont  la  régularité  était  mise  en 
question,  ne  pouvait  être  réhabilitée  que  par  un  tribunal  ecclésias- 
tique supérieur.  Seul,  le  pape  avait  le  droit  de  constituer  ce  tribu- 
nal, de  nommer  les  juges,  de  leur  conférer  l'autorité  nécessaire 
pour  reviser  le  procès  incriminé,  en  relever  les  vices,  en  casser  la 
sentence  et  réhabiliter  la  condamnée.  Ce  droit,  les  Pontifes  régnants 
•n'eurent  lieu  de  l'exercer  qu'après  1450.  Alors  seulement  on 
procéda  aux  enquêtes  préliminaires  utiles,  celles  du  cardinal  d'Es- 
touteville  en  1452  ;  en  145"o  la  supplique  de  la  mère  etdesfrères  de 
Jeanne  d'Arc  fit  à  la  justice  suprême  du  Saint-Siège  un  appel 
auquel  donna  satisfaction  le  rescrit  de  Calixte  111  ordonnant  la 
revision  du  procès  de  1431. 

Ce  n'était  pas  uniquement  pour  que  ces  formalités  diverses 
pussent  être  effectuées  qu'à  Rome  il  avait  fallu  attendre:  il  l'avait 
fallu  encore  afin  que  se  réunissent  un  certain  nombre  de  condi- 
tions indispensables  sans  lesquelles  toute  tentative  de  revision  eut 
été  inutile.  Quand  bien  même  les  temps  eussent  été  pour  la  France 


156  E.     niCHER.    LA    PUOELLE    U  ORLÉANS 

et  le  Saint-Siège  aussi  calmes  de  1431  à  14ii0  qu'ils  furent  troublés^ 
on  demeure  d'accord  aujourd'hui  qu'un  procès  de  ce  genre  eût  été 
impossible  sans  la  réunion  des  conditions  suivantes  : 

D'abord  un  laps  de  temps  qui  permit  de  s'assurer  si  les  événe- 
ments compris  dans  la  mission  de  survie  de  l'envojée  de  Dieu 
devaient  être  pris  en  considération,  ou  sil  fallait  désespérer  de  les 
voir  accomplis.  Leur  accomplissement  aplanit  beaucoup  de  diffi- 
cultés; une  attente  vaine  les  eût  multipliées. 

L'horizon  de  la  revision  commença  de  s'éclaircir  en  1435,  — 
nous  l'avons  déjA  dit  —  lorsque  le  roi  de  France  et  le  duc  de  Bour- 
gogne signèrent  le  traité  d'Arras.  Jeanne  rentrait  en  scène  ;  elle 
mettait  la  main  à  son  œuvre  d'outre-tombe. 

Elle  la  poursuivit  avec  la  rentrée  de  Paris  en  l'obéissance  de 
Charles  VIL 

La  soumission  de  l'Université  de  Paris  au  roi  de  France,  la  mise 
en  forme  du  procès  de  condamnation  par  Thomas  de  Courcelles 
ne  purent  qu'être  infiniment  agréables  à  la  cour  de  Rome  et  faciliter 
l'entente  avec  Charles  VII. 

C'est  ensuite  le  duc  d'Orléans  qui  revient  de  sa  captivité  d'An- 
gleterre, preuve  nouvelle  de  la  véridicité  de  Jeanne  voyante  et 
prophétesse. 

C'est  finalement  avec  la  recouvrance  de  Rouen,  de  la  Normandie, 
delà  Guyenne  et  l'expulsion  de  l'Anglais,  la  preuve  totale  de  sa 
mission  divine.  Plus  d'obstacle  qui  s'opposât  à  la  réhabilitation  de 
la  martyre.  L^  Providence  avait  fait  son  œuvre;  Rome  n'avait 
plus  qu'à  préparer  et  qu'à  faire  la  sienne.  En  1433,  les  batailles  de 
Formigny  et  de  Castillon  achevaient  de  déblayer  le  terrain. 
Trois  ans  plus  tard,  en  juillet  1456,  la  réhabilitation  de  Jeanne 
était  prononcée. 


Pas  n'est  besoin  d'insister  sur  l'intérêt  avec  lequel  le  Saint- 
Siège  observait  la  succession  de  ces  événements.  Elle  l'aidait  à 
former  son  opinion  ;  il  voyait  à  n'en  pouvoir  douter  la  lumière 
s'ajouter  à  la  lumière  et,  à  partir  de  ce  moment,  si  aucune  pièce 
officielle  ne  mentionne  la  probabilité  d'une  revision  prochaine,  il 
n'y  a  pas  témérité  à  penser  que  le  sujet  a  été  traité  plus  d'une  fois, 
dans  leurs  causeries  diplomatiques,  par  les  représentants  accrédités 
de  la  cour  romaine  et  de  la  France. 

Lorsque  la  paix  d'Arras  brisa  les  liens  qui  rattachaient  le  puis- 
sant duc  de  Bourgogne,  ce  cousin  de  Charles  VII,  ce  prince  de  la 


LE    PROCES    DE    REVISION.    AVAi\T-l>ROPÛS  157 

maison  de  France,  à  l'ennemi  liéiéditaire,  on  dul  se  souvenir  à 
Rome  du  mot  profond  de  Jeanne,  à  savoir  que  ce  traité  mènerait 
les  Anglais  à  perdre  tout  en  France  {Procès,  t.  1,  p.  84).  Jamais 
iiomme  d'Etat  ne  jugea  la  situation  avec  cette  clair vojance. 

A  la  rentrée  de  Paris  en  l'obéissance  de  Charles  Vil,  la  surprise 
des  diplomates  romains  ne  dut  pas  être  moins  grande.  Ils  purent 
savoir  que  la  prisonnière  des  Anglais  en  avait  marqué  la  date  : 
elle  ne  s'était  pas  trompée.  Elle  disait  à  ses  juges  que  les  Anglais, 
ce  jour-là,  perdraient  un  gage  beaucoup  plus  précieux  que  celui 
d'Orléans  :  elle  avait  encore  dit  vrai.  En  rapprochant  ces  souvenirs, 
n'était-ce  pas  chose  naturelle  que  ces  Romains  à  l'esprit  aiguisé  se 
demandassent  :  est-ce  que  par  hasard  le  tribunal  de  Rouen  ne  se 
serait  point  abusé  ? 

De  cette  sorte,  à  Rome  et  à  Paris,  à  mesure  que  les  événements 
se  dérouleront,  on  aura  une  image  de  plus  en  plus  nette  de  l'hé- 
roïne française,  de  plus  en  plus  saisissante  de  son  action  libératrice 
et  de  sa  mission  de  par  Dieu. 

Une  des  conséquences  providentielles  de  la  soumission  de  Paris 
à  son  souverain  légitime  fut  la  soumission  de  l'Université  au 
prince  qu'elle  avait  combattu  et  la  mise  en  forme  du  procès  de 
Rouen.  Charles  VII  devenant  dés  ce  moment  le  dispensateur  des 
grâces  et  des  bénéfices,  les  suppôts  de  l'Université  ne  l'oublièrent 
pas  :  ils  devinrent  les  sujets  aussi  obéissants  de  l'ancien  roi  de 
Rourges  qu'ils  l'avaient  été  du  roi  d'outre-Manche,  et  ils  ne  négli- 
gèrent aucune  occasion  de  le  lui  rappeler.  Au  surplus,  les  recteurs, 
dignitaires  et  protecteurs  de  l'Arma  îualer  ne  se  méprirent  pas  sur 
les  sacrifices  —  peu  coûteux  d'ailleurs  —  qu'imposait  le  change- 
ment de  régime  politique  :  s'ils  ne  brûlèrent  pas  ce  qu'ils  avaient 
adoré,  ils  prirent  soin  de  ne  pas  soulever  les  voiles  d'un  passé  irri- 
tant et  ils  renoncèrent  à  en  faire  l'apologie. 

Charles  VII  et  ses  conseillex's  intervinrent-ils  afin  qu'on  mît 
on  forme  le  procès  de  la  Pucelle  ?  Ce  n'est  pas  chose  avérée, 
mais  ce  n'est  pas  chose  invraisemblable.  Tant  que  l'évêque  de 
Reauvais  et  l'Université  se  sentirent  couverts  par  la  protection  du 
roi  d'Angleterre,  ils  ne  songèrent  guère  à  cette  précaution.  Ils 
y  songèrent  ou  on  leur  en  suggéra  la  pensée  lorsque  le  roi  de 
France  eût  fait  son  entrée  solennelle  dans  sa  bonne  ville  de 
Paris. 

Entre  1437  et  1440,  «  longtemps  après  le  drame  du  Vieux-Mar- 
ché »,  deux  des  nolaires-grefiiers,  Taquel  et  Manchon,  déposèrent 
que  Thomas  de  Courcelles  eut  mission  de  revoir  les  pièces  de  la 
procédure,  de  traduire  en  latin  le   français  des  interrogatoires  et 


158  E.    lUCHER.    LA    l'UCELLE    U  ORLIiANS 

de  rédiger  le  récit  en  forme  de  lettres  patentes.  Le  procès  de 
Rouen  mis  ainsi  en  latin  et  en  forme,  il  en  fut  délivré  cinq  expé- 
ditions authentiques,  dont  une  à  l'Inquisiteur  {Procès,  t.  III,  p. 
135).  Deux  des  quatre  autres  furent  destinées  à  l'évêque  de  Beau- 
vais  et  au  roi  d'Angleterre.  .Martial  d'Auvergne  parle  d'un  exem- 
plaire qui  fut  envoyé  à  Home  peu  avant  la  revision.  Mais  ne  le 
fut-il  pas  auparavant  ?  En  tout  cas.  soit  expéditions  authentiques, 
soit  copies  relevées  sur  une  d'elles  \  il  y  a  lieu  de  penser  que  le  roi 
de  France  et  le  Saint-Siège  furent  en  possession  de  ce  document  et 
qu'on  put,  à  Rome  et  à  Paris,  étudier  à  fond  la  mission  totale 
de  l'Envoyée  de  Dieu,  en  suivre  et  en  constater  l'accomplissement. 


VI 

Pour  cela,  ce  qu'il  fallait  faire,  c'était  encore  attendre.  Pas  de 
revision  possible  tant  que  les  Anglais  resteraient  maîtres  de  la 
Normandie  et  de  sa  capitale.  Les  premiers  témoins  à  entendre  par 
les  juges  d'un  procès  de  revision  étaient  les  assesseurs  et  officiers 
du  tribunal  de  1431.  Or,  presque  tous  habitaient  Rouen  et  là  Nor- 
mandie. Est-ce  que  le  gouvernement  anglais  leur  eût  permis 
d'aller  déposer  contre  lui,  dans  un  procès  mettant  en  cause  la 
loyauté  de  sa  conduite?  A  ceux  qui  en  auraient  eu  la  velléité  il 
n'eût  pas  manqué  de  rappeler,  selon  son  habitude,  que  la  Seine 
n'était  pas  loin. 

Quand  donc  la  Normandie  sera-t-elle  rendue  à  son  légitime  sou- 
verain? C'est  le  secret  de  Dieu.  Mais  si  Jeanne  a  dit  vrai,  son  roi 
sera  plein  de  vie  lorsque  cet  événement  se  produira.  On  peut  donc 
espérer.  Rome  sait  mettre  en  pratique  l'art  profond  de  patienter. 
Tandis  qu'elle  patiente,  une  des  prédictions  les  moins  vraisembla- 
bles de  la  Voyante  s'accomplit.  En  1440,  le  duc  d'Orléans,  prison- 
nier des  Anglais,  revient  de  sa  captivité.  Enfin  dix  ans  plus  tard, 
Rouen  assiégé  se  x'end  au  roi  de  France.  Et  la  confiance  aux 
dernières  prophéties  de  l'Envoyée  de  Dieu  devient  si  forte  chez 
Charles  VII  qu'il  n'en  attend  pas  la  réalisation  :  il  l'escompte  et 
il  prépare  ouvertement  la  justification  de  la  jeune  fille  qui  lui  rend 
son  royaume.  Lui  qui  tergiverse  toujours  et  ne  se  décide  jamais, 
emble    revêtir  une  nature  nouvelle.   Il   donne  l'ordre  à  son  féal 

1.  Maître  Guillaume  Bouille,  doyen  de  Noyon,  à  l'occasion  derenquèle 
dont  Charles  Vil  le  chargea  lit,  d'après  Richer —  il  le  dira  plus  bas  — 
exécuter  plusieurs  copies  des  actes  du  procès  qui  furent  envoyées  à 
divers  personnages. 


LE    PnOCES    DE    REVISION.    —    AVANT-PROPOS  loi) 

conseiller,    messire  Guillaume  Bouille,    d'ouvrir  la  première  des 
enquêtes  qui  aboutiront  au  procès  de  revision. 

Rome  partage-t-elle  la  confiance  de  Charles  Vil?  Peut-être,  pro- 
bablement même,  pensons-nous.  Mais  sa  ligne  de  conduite  ne  sera 
pas  changée  pour  cela.  11  lui  faut  la  pleine  lumière.  On  dirait  que 
le  dernier  coup  de  tonnerre  éclate  à  Castillon,  et  que  l'Angleterre 
mène  le  deuil  de  son  vaillant  homme  de  guerre,  le  vieux  Talbot. 
Alors,  par  exemple,  tous  les  nuages  sont  dissipés,  toutes  les  hési- 
tations cessent,  Jeanne  est  vraiment  apparue  dans  la  beauté  de  sa 
mission  et  la  splendeur  de  son  héroïsme.  Le  Pontife  régnant  sait 
ce  qu'il  doit  faire;  lui  ou  son  successeur  le  feront.  Encore  trois 
ans  et  la  suppliciée  de  Rouen,  réhabilitée,  entrera  dans  la  gloire. 

Nous  pouvons  ne  pas  pousser  plus  loin  notre  enquête,  nous  savons 
ce  que  nous  voulions  savoir.  Il  n'a  pas  dépendu  de  Charles  VII  et 
des  papes  régnants  d'amoindrir  sensiblement  l'intervalle  qui  s'est 
écoulé  entre  la  condamnation  de  la  Pucelle  et  la  revision  de  son 
procès  :  les  événements  ont  été  plus  forts  que  les  meilleures 
volontés.  Il  n"a  pas  fallu  moins  de  vingt  ans  pour  que  le  terrain  de 
la  réhabilitation  fût  aplani  et  débarrassé  des  obstacles  majeurs  qui 
paraissaient  la  rendre  impossible. 

Ces  obstacles  étaient,  d'un  côté,  les  mensonges  lancés  au  lende- 
main du  drame  de  Rouen  par  le  gouvernement  anglais  et  l'Uni- 
versité de  Paris  pour  induire  en  erreur  le  Saint-Siège  ;  c'était,  d'un 
autre  côté,  le  silence  inquiétant  gardé  sur  l'iniquité  du  procès  de 
Jeanne  par  les  hauts  personnages  de  la  cour  de  France,  princes, 
ministres,  évêques,  et  le  défaut  de  toute  protestation  la  dénonçant 
au  Saint-Siège. 

Privé  des  renseignements  nécessaires  sur  ce  point,  comme  sur 
la  partie  non  accomplie  de  la  mission  de  la  Pucelle,  ce  qui  était 
aussi  le  cas  de  Charles  VII,  le  Saint-Siège  fut  forcé  d'attendre  que 
la  suite  des  faits  lui  apprit  si  Jeanne  devait  être  assimilée  aux 
aventurières  suspectes,  ou  si  Ion  devait  reconnaître  en  elle  une 
àme  prédestinée  de  façon  insigne  et  l'Envoyée  de  Dieu. 

Les  années  marchèrent  et  les  vaticinations  de  la  martyre  sac- 
coniplirent  au  temps  voulu. 

En  1450-53,  ni  le  roi  Charles  VII,  ni  les  chefs  de  l'Eglise  ne 
purent  disconvenir  que,  vivante  ou  morte,  Jeanne  avait  tenu 
toutes  ses  promesses;  l'Anglais  était  «  mis  hors  de  toute  France  », 
Charles  VII,  plein  de  vie,  était  rentré  en  possession  des  provinces 
de  son  royaume;  la  mission  totale  de  l'Envoyée  de  Dieu,  sa  mis- 
sion de  survie  et  sa  mission  de  vie,  ne  laissaient  rien  à  désirer.  Dès 


I6U  K.     aiCllEU.    —    LA    l'UCELLE    D  UULEANS 

ce  moment,  on  pouvait  sans  crainte,  à  Paris  et  à  Rome,  préparer 
l'œuvre  de  la  revision.  Et  l'on  ne  voit  pas  que  les  historiens,  ayant 
à  se  prononcer  sur  cette  question,  puissent  faire  autre  chose 
que  féliciter  le  Saint-Siège  de  n'être  pas  sorti  de  la  réserve  que  les 
circonstances  lui  avaient  commandée  et,  avant  de  prendre  une  réso- 
lution décisive,  d'avoir  su  attendre'. 

L'éditeur  :  Ph.-H.  Dunaxu. 

1.  Sur  quelques  points  de  vue  de  ce  sujot  auxquels,  pour  cause  de 
brièveté,  nous  n'avons  pu  nous  arrêter,  on  pourra  consulter  notre  Etude 
cfllique,  Jeanne  d'Arc  el  l'Ef/lise,  en  particulier  le  chapitre  xii. 


TREVISION  DU  PROCÈS   DE  [1431   ET  RÉHABILITATION 
DE  JEANNE  D'ARCj 

[CONSIUKUATIOISS    PuiaiMINAIHES  | 

[Enquête  ordonnée  par  Charles  VII  en  1450] 

Les  affaires  du  Roy  Charles  VII  venues  au  comble  de  la 
prospérité  que  la  Pucelle  avait  prédit  en  esprit  de  prophétie, 
et  les  Anglois  entièrement  chassez  de  la  Normandie  et  de  la 
Guyenne,  et  le  duc  de  Bourgogne  rangé  à  son  debvoir,  la 
France  jouissant  d'une  profonde  paix,  cela  estoit  cause  que 
chacun  déploroit  le  désastre  de  cette  fille,  et  que  ceux-là 
mesmes  qui  survivoient  et  avoient  assisté  à  son  procez,  cognu 
les  nuUitez  d'iceluy,  tant  en  fait  qu'en  droit,  et  la  mauvaise 
foy  et  passion  de  l'évesque  de  Beauvais  et  de  ses  partisans, 
concevoient  une  horreur  contre  eux  pour  l'avoir  fait  mourir 
si  cruellement  et  ignominieusement.  De  sorte  que  toute  la 
France  et  principalement  la  ville  de  Rouen,  où  cette  san- 
glante tragédie  avoit  esté  exéquutée,  retentissoit  des  cla- 
meurs du  peuple.  Considéré  mesme  que  cet  évesque,  son 
promoteur  et  tous  les  autres  qui  s'étoient  passionnez  pour 
faire  mourir  cette  innocente  vierge,  avoient  misérablement 
fini  leurs  jours.  Pour  ces  causes,  le  Roy  fut  conseillé  de  faire 
revoir  ce  prétendu  procez,  et  l'an  1449,  estant  à  Rouen,  fil 
expédier  des  lettres  patentes  qu'il  adressa  à  maître  Guil- 
laume Bouille  aux  fins  de  faire  perquisition  des  nullitez  dudit 
procez  et  de  tous  les  actes  et  pièces  concernant  iceluy,  etc., 
desquelles  lettres  ensuit  la  teneur  ^ 

i.  Edmond  Richer  a  tiré  co  texte  du  mandement  de  Charles  Vif,  de 
l'original  déposé  au  Trésor  des  chartes.  Il   est  regrettable  qu'il   n'y 
ait  pas  joint  les  dépositions  recueillies  par  Guillaume, Bouille.  Peut- 
Il 


162  K.    UICIIEU.    —    LA    PUCELLE    D  OUr-KANS 

«  Charles,  par  la  grâce  de  Dieu,  Roy  de  France,  à  nostre 
amé  et  féal  inaistre  Guillaume  Bouille,  docteur  en  théologie, 
salut  et  dileclion.  Gomme  ja  pièça  Jeanne  la  Pucelle  eust 
esté  prinse  et  appréhendée  par  nos  anciens  ennemis  et  adver- 
saires les  Anglois.  et  amenée  en  cette  ville  de  Rouen:  contre 
laquelle  ils  eussent  fait  faire  certain  tel  quel  procez  par  cer- 
taines personnes  à  ce  commises  et  députées  de  par  eux.  En 
faisant  lequel  procez  ils  eussent  et  ayent  fait  et  commis  plu- 
sieurs fautes  et  abuz,  et  tellement  que  moiennant  iceluy  pro- 
cez et  la  grand'haine  que  nos  dits  ennemis  avoient  contre 
elle,  ils  la  firent  iniquement  et  contre  raison  très  cruelle- 
ment '  mettre  à  mort.  Et  pour  ce  que  nous  voulons  sçavoir  la 
vérité  dudit  procez  et  la  manière  comme  y  a  esté  procédé, 
vous  mandons  et  commandons,  et  expressément  enjoingnons 
que  vous  vous  enquérez  et  informez  bien  et  diligemment 
de  et  sur  ce  qui  dit  est.  Et  l'information  par  vous  sur  ce  faite 
apportez  ou  envoyez  stablement  close  et  scellée,  par  devers 

ùtre  ne  l'a-t-il  pas  lait,  pour  ne  paraître  pas  se  servir  do  pièces  non 
acceptées  par  les  juges  de  la  revision  et  non  insérées  au  procès,  comme 
le  furent  les  infoi  mations  recueillies  à  Rouen  en  1452.  On  trouvera  ces 
dépositions  des  témoins  do  1450,  au  commencement  du  tome  II  de  Jules 
Quicherat. 

Au  xvni"  siècle  il  existait  deux  mamuscrits  de  ces  dépositions  :  ils 
sont  égarés  aujourd'hui.  On  conserve  à  la  bibliothèque  de  l'Arsenal 
une  copie  tronquée  et  fautive  de  l'un  d'eux.  L'Averdy  a  pu  cependant 
donner  l'enquête  tout  entière  dans  sa  notice  sur  les  deux  procès, 
[Extrait  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  t.  III,  p.  492].  Il 
s'est  servi  du  manuscrit  dit  de  Soubise  dans  lequel  les  dépositions 
remplissent  vingt  feuillets. 

Dans  le  manuscrit  de  l'Arsenal,  l'information  de  1450  est  précédée  de 
cet  avertissement  : 

«Icy  ensuivent  les  noms,  surnommez  et  disposition  de  tesmoins  par 
moy,  Guillaume  Bouille,  docteur  en  théologie,  en  vertu  et  vigueur  de 
commission  que  le  roy  de  France  m'a  donnée  sur  cette  alïaire,  l'an  et  le 
jour  datiez  cy  devant,  de  ceux  qui  furent  jurez  et  examinez  à  ce  procez, 
et  invité  discrète  et  notable  personne  Du  Soucy,  prêtre  sacré  en  cour 
de  Rome,  et  notaire  juré  en  la  cour  de  Msr  l'Archevêque  de  Rouen, 
sur  aucuns  articles  déclarez  en  la  commission,  du  procez  de  Jeanne  la 
■Pucelle,  qui  depuis  naguôres  a  esté  brûlée  en  la  cité  de  Rouan,  lors- 
qu'elle estoit  détenue  par  les  Anglois.»  (J.  Quicherat,  Procès,  t.  V,  p. 
4111-423.) 

1.  On  lit  traie Ireusement  au  lieu  de  1res  cruellement, ei  plus  bas  sem- 
blablement  au  lieu  de  stablement,  dans  le  manuscrit  de  l'Université  do 
Bologne  signalé  par  l'abbé  de  Villerabel. 


PROCES    DE    REVISION    ET    UEIIAlilLI  l'A ÏION  163 

nous  et  les  gens  de  noire  Grant  (lonseil  :  et  avec  ce  tous  ceux, 
que  vous  sçaurez  qui  auront  aucunes  escritures,  pièces  ou 
autres  choses  touchant  ladite  matière,  contraignez-les  pai" 
toutes  voies  deuës  et  que  verrez  estre  à  faire,  à  les  vous  bail- 
ler pour  les  Nous  apporter  ou  envoler,  pour  pourvoir  sur  ce 
que  nous  ven-ons  ainsi  estre  à  faire  et  qu'il  appartiendia  par 
raison.  De  ce  faire  vous  donnons  pouvoir,  commission  et 
mandement  spécial  par  ces  présentes.  Mandons  et  comman- 
dons à  tous  nos  justiciers,  officiers  et  subjects  que  à  vous  et 
à  vos  commis  et  députez  en  ce  faisant  obéissent  et  entendent 
diligemment 

«  Donné  à  Rouen,  le  quinziesme  jour  de  febvrier,  l'an  de 
grâce  mil  quatre  cent  quarante-neuf^  et  de  notre  règne  le 
vingt-huictiesme.  » 

Et  au-dessous  est  escrit  : 

Par  le  Roy  et  à  la  relation  des  gens  de  sou  Grand  Conseil, 
Signé  Daniel,  avec  paraphe  et  scellé  de  cire  jaune 
sur  simple  queue.  Et  sur  ledit  sceau  couvert  de  par- 
chemin est  escrit  : 

«  Mandatum  Régis  ad  Guillelmum  Bouille,  Deca- 
num  Noviomensem  super  informatione  facienda  de 
processu  alias  facto  contra  Johannam  dictam  La 
Pucelle.  » 

En  vertu  de  ces  lettres,  maistre  Guillaume  Bouille- ayant  eu 
plusieurs  advis  et  cognoissance  de   tous  les  actes  du  procez 

1.  Vieux  style,  c'est-à-dire  le  ISleviier  1450. 

2.  Ce  ne  fut  pas  seulement  la  haute  situation  du  Doyen  de  la  cathé- 
drale de  ISoyon  qui  attira  sur  lui  l'attention  de  Charles  VII.  ce  furent 
aussi  ses  talents  éprouvés  et  les  services  rendus.  Proviseur  du  collège  de 
Beauvais  à  Paris  d'ahord,  il  devient  ensuite  procureur  de  la  nation  de 
France  de  14H4  à  1437.  recteur  de  fUniversilé  de  Paris  en  1439,  docteur 
do  la  faculté  de  tiiéologic,  membre  du  Grand  Conseil  du  roi  qui  le 
chargea  dune  aijibassade  à  Rouen.  Le  procès  de  revision  ouvert,  nous 
l'y  retrouverons  plusieurs  lois.  Le  mémoire  qui  l'ut  remis  aux  juges 
dès  la  première  journée  est  de  lui  (Procès,  m.  322).  La  lin  de  sa  vie  fut 
des  plus  édifiantes.  En  1466  il  renonçait  à  tous  ses  bénéfices.  11  mou- 
rut en  1476  et,  selon  ses  désirs  fut  inhumé  à  Noyon  avec  la  plus 
grande  simplicité. 

A  noter  la  remaniue  de  Richer  sur  les  copies  du  procès  que  G.  Bouille 
aurait  fait  exécuter  et  envoyées  «  à  plusieurs  prélats  ».  Aucun  autre 
historien  n'a  mmlionné  et;  l'ait. 


164  E.    UIi;ilBll.    —    LA    PUCELLE   D  OULÉANS 

contre  la  Pucelle,  en  fit  faire  plusieurs  copies  qui  furent 
envolées  à  plusieurs  prélats  et  docteurs,  tant  en  théologie 
qu'en  droit  civil  et  canon,  et  niesine  à  deux  auditeurs  de  Hôte, 
sçavoir  Paulus  Pontanus  et  un  nommé  Theodoricus,  et  autres 
personnes  versées  en  telles  matières,  pour  en  avoir  leur  ad- 
vis.  Et  à  cette  revision  servit  grandement  la  promotion  du 
cardinal  d'Estouteville  <à  l'archevêché  de  Rouen  l'an  1452, 
lequel  succéda  ^  au  cardinal  de  Luxembourg,  auparavant 
evesque  de  Thérouane,  archevesque  de  Rouen  et  chancelier 
du  Roy  d'Angleterre  en  France  pendant  qu'il  tenoit  Paris. 
Car  dès  la  mesmc  année  (1452),  le  cardinal  d'Estouteville, 
légat  du  Saint-Siège  en  France,  fit  faire  à  Rouen  des  infor- 
mations préambulaires  et  dispositives  au  procez  de  revision 
dont  il  sera  parlé  cy-après-.  Et  sur  le  rapport  qu'on  fit  à  Sa 
Majesté  des  nullitez  tant  de  droit  que  de  fait  qui  sont  audit 
procez,  Elle  résolut  d'en  faire  demander  la  revision  au  Saint- 
Siège  Apostolique  sous  le  nom  des  parents  de  la  Pucelle,  sça- 
voir d'Isabelle  Romée,  mère  de  cette  fille,  de  Jean  et  Pierre 
d'Arc  ses  frères,  auxquels  le  Roy  avait  donné  le  surnom  du 
Lis  en  l'honneur  et  mémoire  des  faits  héroïques  de  leur 
sœur.  Et  se  joignirent  avec  eux  en  ce  procez  tous  leurs  autres 
parents  que  le  Roy  avait  anobliz  dès  l'année  1429  après 
qu'il  fut  retourné  de  son  sacre  de  Rheims  en  Berry.  Quant  à 
Jacques  d'Arc,  père  de  la  Pucelle,  et  à  Jacquemin,  son  lils 
aine,  ils  moururent  de  regret  quelque  temps  après  la  mort 
funeste  de  cette  fille. 


1.  Mais  pas  iiiiiuûdiateiuent.  Le  chanoine  Raoul  Roussel  fui  entre  les 
deux. 

2.  C'est  en  vertu  de  ses  pouvoirs  de  légat  du  Saint-Siège  que  le  car- 
dinal d'Estouteville  procéda  aux  enquêtes  de  1452.  11  ne  fut  nommé 
Ai-chevèque  de  Rouen  qu'en  mai  1453  par  Nicolas  V.  Voir  Gallia  Chris- 
tiana.  t.  XI,  col.  90-93. 

E.  Richer  écrit  «  de  Toutevillc  ».  Nous  nous  en  somifics  tenu  à  l'ortho- 
graphe reçue. 


[DU  PROCEZ  DK  REVISION] 

[ANALYSE    \n:    SES    NKUK   Cil  API  TUE  S] 


La  revision  de  ce  procez  contient  neuf  chapitres  dont  voici 
le  sommaire  : 

Au  premier  sont  représentées  les  lettres  que  les  parents  de 
la  Pucelle  obtinrent  du  Pape  Calixte  IIL  afin  de  procéder  à  la 
revision  du  procez  :  [lettres]  adressées  à  messire  Jean  Juve- 
nal  des  Ursins,  archevesque  de  Ulieims,  Guillaume  Chartier, 
évesque  de  Paris,  et  Richard,  évesque  de  Coutances  en  date 
du  la  juin  1455.  Et  furent  présentées  ausdits  prélats  solen- 
nellement assemblez  pour  cet  effet  en  Téglise  de  Paris  le  sep- 
tiesme  novembre  dudit  an  par  les  parents  de  la  Pucelle  requé- 
rans  l'exéquulion  et  entérinement  desdites  lettres. 

Le  second  chapitre  contient  les  actes  de  la  première  assi- 
gnation et  des  citations  faites  en  la  ville  de  Rouen  tant  aux" 
parents  ethéritiers  de  dellunt  messire  Pierre  Cauchon,  évesque 
de  Beauvais,  qu'à  messire  Guillaume  de  Hélande,  son  succes- 
seur audit  évesché  de  Beauvais  ;  et  semblablement  aux 
notaires  qui  avoient  instrumenté  en  ce  procez,  à  ce  qu'il  eus- 
sent à  représenter  tous  les  actes  et  pièces  originales  dudit  pro- 
cez. Item,  sont  aussi  compris  les  actes  de  la  compétence  des 
juges  establis  pour  la  revision  de  ce  procez,  et  semblablement 
des  notaires  et  promoteur  nommez  à  cetelfet.  Plus  les  infor- 
mations préambulaires  faites  par  authorité  du  cardinal  d'Es- 
touteville,  archevesque  de  Rouen,  pour  servir  de  préparatif 
à  la  revision  dudit  procez. 

Le  troisiesme  représente  les  demandes  du  promoteur,  à  ce 
que  le  premier  procez  lui  soit  remis  entre  les  mains  et  tous 
autres  actes  nécessaires  à  promouvoir  la  revision  d'icelles 
demandes  :  semblablement  aussi  la  response  faite  par  les 


Ibb  E.    RICIIER.    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

paients  et  héritiers  de  deiïunt  messire  Cauchon,  évesque  de 
Beauvais. 

Leqiiatriesme  est  la  production  des  griefs  et  demandes  des 
parents  de  la  Pucellc,  avec  les  commissions  et  citations  pour 
faire  informer  de  la  vie  de  la  Pucelle  en  plusieurs  endroits 
du  royaume  de  France. 

Le  cinquiesme  fera  voir  toutes  les  informations  faites  tant 
à  llouen  par  le  cardinal  d'Estouteville,  qu'au  païs  natal  de  la 
Pucelle,  à  l'aris  et  à  llouen,  par  ordonnance  des  juges  com- 
mis du  Saint-Siège,  etc. 

Le  sixiesme  contient  la  publication  desdites  informations, 
production  des  parents  de  la  Pucelle  et  assignations  données 
pour  alléguer  ou  dire  tout  ce  que  l'on  voudra  contre  les  tes- 
moins  qui  ont  déposé  ausdites  informations  et  contredire 
ladite  production,  comme  bon  leur  semblera. 

Le  septiesme  exhibe  les  conclusions  du  promoteur  et  des 
parties  avec  leurs  raisons  et  motifs  de  droit,  etc. 

Le  huitiesme  est  une  production  de  plusieurs  traités-  faits 
par  de  très  doctes  prélats,  théologiens  et  praticiens  sur  l'exa- 
men des  révélations,  faits  et  dits  de  la  Pucelle,  et  de  tout  le 
procez  conclu  par  l'évesque  de  Beauvais,  pour  montrer  la 
nullité  dudit  procez  et  les  iniques  sentences  intervenues  sur 
icelui. 

Le  neuviesme  porte  que  les  juges,  après  avoir  veu  et  exa- 
miné diligemment  toutes  les  productions  des  parties,  sravoir 
tant  le  premier  procez  que  celui  dont  il  s'agit,  et  les  traitez 
susdits  faits  par  des  théologiens,  et  ayant  communiqué  le  tout 
et  pris  l'advis  de  plusieurs  prélats,  docteurs  et  expers  sur 
toutes  les  dites  pièces,  productions  et  matières,  donnent 
assignation  aux  parties  pour  entendre  la  sentence  définitive, 
laquelle  est  insérée  en  suite  de  cela. 


CHAPITRE  PRE.VIIER 

ENSUIT  LA  BULLE  DU  SAINT-SIÈGE  DONNÉE   POUR  COMMETTRE 
DES  JUGES  A  LA  REVISION   DU  PROCEZ 

ce  Calixte,  évesque,  serviteur  des  serviteurs  de  Dieu,  à  nos 
vénérables  frères  l'archevesque  de  Rheims,  l'évesque  de  Paris 
et  de  Goutances,  salut  et  bénédiction  apostolique.  Nous  accor- 
dons volontiers  les  vœux  et  requestes  des  suppliants,  et  les 
assistons  de  toute  la  faveur  qui  nous  est  possible.  Depuis 
naguère  il  nous  a  esté  présenté  une  requeste  de  la  part  de 
Pierre  et  Jean  Darc,  laïques,  et  d'Isabelle,  mère,  nos  biens- 
aymez,  et  de  quelques  autres  de  leurs  parents  et  alliez,  du 
diocèse  de  Toul,  contenant  que  ores  que  Jeanne  Darc,  leur 
sœur  et  fille  de  ladite  Isabelle,  aye  durant  toute  sa  vie  détesté 
toute  sorte  d'iiérésie  et  qu'elle  n'aye  jamais  cru  ou  affermé 
aucune  chose  qui  sentist  l'hérésie  et  fust  contraire  à  la  foy 
catholique  et  aux  traditions  de  la  sainte  Eglise  romaine, 
toutefois  Guillaume  de  Estivet  ou  quelque  autre  lors  pro- 
moteur des  affaires  et  causes  criminelles  en  la  cour  épisco- 
pale  de  Beauvais,  ayant  esté  suborné  par  quelques  malveil- 
lans  de  ladite  Jeanne,  de  ses  frères  et  de  sadite  mère,  comme 
il  est  croyable  que  Pierre,  évesque  de  Beauvais  de  bonne 
mémoire,  et  Jean  Magistri  de  l'ordre  des  frères  prescheurs, 
sufîragant  de  l'inquisiteur  de  la  foy  en  cette  province,  juges 
en  cette  cause,  auroient  conclu  que  ladite  Jeanne  estant  au 
diocèse  de  Beauvais,  avoit  fait  et  commis  plusieurs  hérésies 
et  autres  crimes  atroces  contraires  à  la  foy  :  ledit  évesque  de 
Beauvais  et  Jean  Magistri  prétendans  avoir  eu  suffisant  pou- 
voir de  procéder  contre  ladite  Jeanne  sous  le  prétexte  et  faux 
rapport  dudit  promoteur.  Et  encore  qu'il  n'y  eut  aucune  noto- 
riété  de  fait,  grand  soupçon  ni  clameur  publique  qui  exi- 


168  E.    HlCIII'lî.    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

geasl  cela,  toutefois  auroient  mis  ladite  Jeanne  en  prison.  Et 
finalement,  ores  que  par  leur  enquestc  il  ne  fust  lors  constant 
comme  il  ne  le  pouvoit  estre,  que  ladite  Jeanne  eust  jamais 
esté  souillée  d'aucune  hérésie,  ou  fait  quelque  chose  contraire 
h  la  foy,  ou  adhéré  à  quelque  erreur  contraire  à  ladite  foy  ; 
veu  que  ce  qu'ils  prétcudoient  n'estoit  ni  contraire  à  la  foy, 
ni  notoire  et  véritable  ;  et  d'ailleurs  que  ladite  Jeanne  avoit 
requis  ledit  évesque  et  Jean  Magistri  que  sils  prétendoient 
icelle  avoir  dit  ou  dire  quelque  chose  qui  ressentist  l'héré- 
sie ou  qui  fust  contraire  à  la  foy,  d'en  remettre  l'examen  au 
Siège  Apostolique,  duquel  elle  estoit  preste  de  subir  le  juge- 
ment ;  néantmoins  auroient  osté  à  ladite  Jeanne  tout  moien 
de  deffcndre  son  innocence,  et  contre  tout  ordre  de  justice 
fait  tout  à  leur  volonté,  procédans  nullement  et  de  fait,'ayans 
donné  sentence  définitive  contre  ladite  Jeanne,  par  laquelle 
ils  l'ont  condamnée  comme  hérétique  et  enveloppée  dans  plu- 
sieurs autres  crimes  et  excez,  et  prononcé  une  sentence  ini- 
que à  raison  de  laquelle  icelle  Jeanne,  incontinent  après, 
auroit  esté  meschamment  exéquutée  et  mise  à  mort  par  la 
cour  séculière,  au  péril  des  âmes  de  ceux  qui  l'ont  condam- 
née, grande  ignominie,  opprobre,  offense  et  injure  tant  de 
ladite  Isabelle,  mère  de  ladite  Jeanne,  que  de  ses  frère  et  pa- 
rents, etc.  Partant  les  frères,  mère,  parents  et  alliez  susdits, 
désirans  pourveoir  tant  à  recouvrer  leur  honneur  que  celui 
de  ladite  Jeanne,  et  abolir  la  note  d'inf;imie  qu'ils  ont  indue- 
ment  encourue,  ils  nous  ont  humblement  fait  supplier  de 
vouloir  commettre  aucuns  prélats  de  la  province  pour  co- 
gnoistre  tant  des  causes  de  nullité  de  ladite  sentence,  que 
des  crimes  faulsement  imposez  à  ladite  Jeanne,  etc.  ;  à  quoi 
ayant  esgard  et  favorisant  ausdites  requestes,  par  cet  escrit 
Apostolique,  Nous  mandons  à  vostre  fraternité  que  vous  trois 
ou  deux  ou  l'un  de  vous,  appelant  avec  soy  quelqu'un  des 
Inquisiteurs  de  la  foy  députez  au  royaume  de  France  pour  le 
diocèse  de  Beauvais,  avec  un  promoteur  des  causes  et  affaires 
criminelles  de  ladite  cour,  et  tous  autres  qui  doivent  estre 
appelez,  entendiez  tout  ce  qui  sera  dit  et  proposé  de  part  et 
d'autre  sur  le  contenu  des  choses  susdites,  et  que  vous  ordon- 
niez et  décerniez  tout  ce  qui  sera  de  justice  sans  avoir  esgard 


PROCES    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  169 

à  aucune  appellation,  faisant  validement  exéiquuter  ce  que 
vous  aurez  ordonné  par  censures;  nonobstant  toutes  consti- 
tutions et  ordonnances  Apostoliques  et  toutes  autres  choses 
contraires. 

«  Donné  à  Home,  à  Saint-Pierre,  l'an  de  l'Incarnation  de 
Nostre-Seigneur,  mil  quatre  cens  cinquante-cinq,  le  troi- 
siesme  des  Ides  de  Juin,  la  première  année  de  nostrc  Pon- 
tificat, etc.  » 

La  mère,  les  frères  et  autres  parents  de  la  Pucelle,  assis- 
tez de  leur  conseil,  s'estans  présentez  à  Messieurs  les  Juges 
commis  par  le  Saint-Siège  Apostolique  et  prosternez  à  leurs 
pieds,  demandans  justice,  sçavoir  à  Messieurs  l'archevesque 
de  Uheims,  l'évesque  de  Paris,  —  l'évesque  de  Coutances 
absent  —  à  frère  Jean  Brehal,  docteur  en  théologie,  de  l'or- 
dre des  Dominicains,  appelé  comme  inquisiteur  de  la  foy, 
plusieurs  autres  abbez  et  docteurs  présents  à  cette  action,  les- 
dits  Commissaires  remonstrèrent  ausdites  parties  qu'elles 
estoient  en  une  ville  où  elles  ne  pouvoient  manquer  de  per- 
sonnes capables  de  leur  donner  conseil  ;  que  c'estoit  chose 
facile  d'entrer  en  procez,  mais  que  l'issue  en  estoit  grande- 
ment difficile  et  périlleuse  ;  que  saint  Augustin  disoit  que 
pour  l'ordinaire  ceux  qui  avoient  esté  condamnez  et  con- 
vaincus par  raison  prétertoient  toujours  avoir  eu  de  mauvais 
et  iniques  juges  et  que  leur  sentence  estoit  nulle  ;  qu'on  ne 
doibt  pas  aysément  prêter  l'oreille  à  telles  plaintes,  ni  casser 
ce  qui  a  esté  une  fois  jugé,  crainte  de  violer  la  discipline  de 
l'Eglise.  Qu'encore  que  l'Eglise  se  doive  monstrer  favorable 
aux  veufves,  aux  personnes  mineures  d'âge  et  affligées, 
néantmoins  que  la  cause  de  la  foy  et  de  la  justice  est  beau- 
coup plus  privilégiée  et  doibt  estre  traitée  sans  avoir  esgard 
aux  personnes  quelles  qu'elles  soient,  l'Escriture  disant  :  «  que 
si  ton  père,  ton  fils,  ta  femme,  ton  ami  te  veut  pervertir, 
que  ta  main  soit  contre  lui  »  ;  qu'on  ne  doibt  se  proposer  ni 
avoir  autre  chose  devant  les  yeux  que  l'honneur  de  Dieu,  la 
justice,  l'intégrité  et  sincérité  de  la  foy  et  la  vérité,  arrière 
toute  grâce  et  faveur.  Que  le  procez  de  Jeanne  avoit  esté  fait 
par  personnes  graves,  doctes  et  juges  ordinaires,  et  que  la 


170  E.    RICHER.    LA    PUCELLE    D  OllLKANS 

présomption  estoit  pour  leur  sentence.  Qu'ils  avisassent  donc 
h  prendre  conseil  de  personnes  sages  et  bien  entendues  ;  car 
autrement  au  lieu  de  fnirc  annuler  la  sentence  et  justifier  la 
Pucelle,  ils  la  pourroient  bien  faire  confirmer  et  accroistre 
leur  ignominie. 

La  mère  de  la  l*ucclle,  assistée  de  son  conseil,  remonstre 
par  Pierre  Maugier,  son  advocat,  que  ce  n'estoit  pas  son  inten- 
tion do  dire  ou  faire  quelque  chose  au  préjudice  de  la  foy,  de 
la  discipline  ni  des  jugements  de  l'Eglise,  mais  de  faire 
cognoistre  la  simplicité  et  innocence  de  la  Pucelle,  quant  aux 
crimes  qui  lui  sont  faulsement  imposez  sous  prétexte  de  la 
foy,  et  de  monstrer  l'injustice,  violence  et  nullité  du  pro- 
cez,  etc. 

Sur  cela  Pierre  Maugier  propose  les  griefs  et  les  fins  aus- 
quels  ils  prétendent  conclure,  que  nous  ferons  vo-ir  cy-après 
par  articles. 

Ensuite  les  parties  sont  citées  pour  comparaître  à  Rouen 
où  le  procez  avoit  esté  fait  et  parfait  contre  la  Pucelle.  Et  par 
acte  des  dix-huitiesme  et  vingt-cinquiesme  novembre  1455, 
lamèredela  Pucelle  nomme  pour  ses  procureurs  tant  en  gé- 
néral qu'en  particulier,  sçavoir  àParis  maistres  Jean  Loyseur, 
Jean  Angot,  Jean  le  Gendre,  Jean  Marat  etLouys  Pinot;  et  à 
Rouen,  Guillaume  Prévosteau,  Guillaume  Lecomte,  licenciez 
aux  droits,  advocats  ;  Pierre  Lecomte,  Jean  le  Viel,  procu- 
reurs à  Rouen,  Jean  Geoffroy,  Gérard  Folie,  Laurent  Sureau, 
.Jacques  Foulques,  chanoines  de  Rouen;  et  pour  Beauvais, 
Jean  Frocourt,  Jean  de  Granviller,  Rodolphe  de  Fèvre,  etc. 


CHAPITRE   II 

ACTES  DIVERS 

Acte  du  dix-septiesme  novembre  par  lequel  les  juges 
ordonnent  que  tous  ceux  à  qui  il  appartiendra,  tant  du  dio- 
cèse de  llouen  que  d'ailleurs,  seront  citez  pour  estre  enten- 
dus et  exhiber  le  procez  fait  par  l'Evesque  de  Beauvais,  et 
toutes  autres  choses  nécessaires  à  l'exéquution  des  Lettres 
apostoliques,  etc. 

Autre  acte  du  dix-septiesme  novembre  par  lequel  les  juges 
ordonnent  que  messire  Guillaume  de  Hélande,  évesque  de 
Beauvais,  son  promoteur  audit  diocèse,  l'Inquisiteur  de  la 
foy  dudit  diocèse,  seront  citez  au  douziesme  décembre  plai- 
doiable  ou  quinziesme  pour  comparoir  en  la  salle  de  l'arche- 
vesché  de  llouen,  proposer  et  alléguer  tout  ce  que  bon  leur 
semblera  contre  les  lettres  émanées  du  Siège  Apostolique 
pour  la  revision  du  procez  de  la  Pucelle.  Et  au  cas  que  la  cita- 
tion ne  puisse  estre  faite  aux  parties  assignées,  qu'elle  soit 
affîchée  à  l'église  cathédrale.  A  laquelle  citation  messire  de 
Hélande  promet  comparoir  en  personne  ou  par  procureur, 
comme  fait  semblablement  le  prieur  des  Jacobins  de  Beau- 
vais, cité  à  raison  de  frère  Magistri  dominicain,  qui  avait 
assisté  mespire  Pierre  Gauchon  en  tant  qu'inquisiteur  pour 
le  diocèse  de  Beauvais. 

Or,  l'évesque  de  Beauvais  et  son  promoteur  n'ayans  pas 
comparus  à  l'assignation  au  quinziesme  décembre,  Guillaume 
Prévosteau  procureur  à  Rouen  pour  Isabelle  Romée  mère  de 
la  Pucelle  requiert  qu'ils  soient  déclarez  contumaces,  attendu 
les  griefs  et  nullitez  du  procez  contre  la  Pucelle  lesquels  il 
expose  et  déduit  verbalement  et  sommairement.  Ce  que  con- 
sidéré, et  attendu  que  nul  n'estoit  comparu  pour  s'opposer  ou 


172  E.    RICHEU.    L\    l'UCta.l.K   d'oiîi.kans 

contredire  les  Lettres  émanées  du  Saint-Siège,  les  juges  com- 
mis déclarent  qu'elle  seront  exéquutées  selon  leur  forme  et 
teneur. 

Et  à  ces  fins  establissent  pour  notaires  en  ce  procez  Denys 
le  Comte  et  Françoys  Fenebouc  pour  instrumenter  et  escrire 
les  actes,  et  maistre  Simon  (^hapitault  pour  promoteur,  afin 
de  faire  requérir  et  conclure  tout  ce  que  de  raison  et  de  jus- 
tice en  ce  procez.  Et  après  cela,  les  susdits  notaires  et  promo- 
teur fontsermentde  bien  etduement  exercer  lesdites  charges. 
Cela  ainsi  ordonné,  (îuillaume  Prévosteau,  procureur  de  la 
mère  de  la  I*ucelle,requiertderechef  que  ceux  qui  ont  faitdef- 
faut  soient  déclarez  coutumaces.  Sur  quoy  les  juges  décernent 
qu'il  aye  à  donner  par  escrit  libellé  sa  demande  et  ses  fins. 

Ensuite  ledit  procureur  et  Simon  (^bapilâult  promoteur  en 
cette  cause  requièrent  que  les  notaires  qui  avoient  instru- 
menté au  premier  procez,  de  la  nullité  duquel  il  s'agit,  soient 
appelez,  notamment  Guillaume  Manchon  principal  notaire, 
à  ce  qu'il  aye  à  représenter  tous  les  actes  dudit  procez  et  les 
mettre  entre  les  mains  de  messieurs  les  juges  pour  en  ordon- 
ner ce  que  de  raison.  Lsquel  commandement  fait  audit  Guil- 
laume Manchon,  il  représenta  un  certain  livre  de  papier 
escrit  en  françois  auquel  ces  termes  sont  escrits  : 

Nova  nolula  processus  quondam  facli  contra 
eamdem  Johannam  la  Pucelle, 

et  affirme  l'avoir  escrit  de  sa  propre  main,  et  que  le  procez 
latin  avoit  esté  fait  sur  icelui.  et  qu'il  l'avoit  pareillement 
escrit  de  sa  propre  main  avec  maistre  Guillaume  Colles  lios- 
guillaume  et  Nicolas  Taquel,  notaires  apostoliques,  lesquels 
l'avoient  aussi  signé,  et  estoit  scellé  des  sceaulx  de  l'évesque 
de  Beauvais  et  de  frère  Jean  Magistri.  Et  ledit  Manchon  et 
autres  notaires,  en  l'absence  desdits  Bosguillaume  et  Taquel, 
recognurent  lesdits  signes  et  escritures  pour  véritables  et 
mirent  lesdits  livres  entre  les  mains  des  Commissaires  Apos- 
toliques. 

Simon  Chapitault,  promoteur  en  ce  procez,  et  Guillaume 
Prévosteau,  procureur  d'Isabelle  Romée,  remonstrent  que 


PKOCES    UE   IIKVISIUN    ET    UEII ABILITATION  t73 

iiiessire  Guillaume  d'EstouLeville,ai'chevesque  de  Rouen,  car- 
dinal et  légat  du  Saint-Siège  de  France,  auroit  fait  instruire 
certaines  informations  par  devant  Philippe  de  la  Rose,  tré- 
sorier de  l'église  de  Rouen,  et  Jean  Brehal,  inquisiteur  de  la 
foy,  lequel  Messieurs  les  Commissaires  apostoliques  se  sont 
associé  en  ce  procez  comme  inquisiteur.  Donc  requièrent 
qu'il  leur  plaira  recepvoir  Icsdites  informations  et  en  reco- 
gnoistre  et  faire  approuver  les  signatures  et  scellez  par 
quelques  notaires  :  ainsi  qu'elles  furent  reçues  par  Guillaume 
Manchon  et  autres  notaires  apostoliques  dénommez  en  cet 
acte. 


CHAPITUE    III 

ACTES   DIVKKS.  —(Suite). 

Ensuite  le  promoteur  requiert  que  lesdites  informations, 
ensemble  ledit  procez  contre  la  Pucelle,  lui  soient  mises  et 
déposées  entre  les  mains  pour  instruire  et  promouvoir  la 
revision  du  procez,  et  que  Guillaume  Manchon  et  les  autres 
notaires  soient  appelez  pour  faire  lecture  et  recognoistre  avec 
ledit  promoteur  le  susdit  procez. contre  la  Pucelle,  ensemble 
lesdites  notes  et  signatures. 

Le  seiziesme  décembre  1455,  le  promoteur  et  le  procureur 
d'Isabelle  Romée  remonstrent  aux  juges,  attendu  qu'il  y 
avoit  plusieurs  tesmoins  vieux  et  valétudinaires  tant  à  Rouen 
qu'aux  lieux circonvoisins,  et  qu'il  estoit  à  craindre  qu'ils  ne 
mourussent  ou  ne  s'absentassent;  qu'il  leur  plust  ordonner 
qu'ils  seroient  appelez  et  ouys,  à  ce  que  la  preuve  qu'on 
espère  tirer  d'eux  ne  dépérisse.  Partant  fut  ordonné  que 
maistre  Nicolas  Taquel,  Pierre  Boucher  et  autres  cy-après 
dénommez  seroient  citez. 

Le  dix-huitiesme  décembre,  maistre  Guillaume  Prévos- 
teau,  procureur  d'Isabelle  Romée,  donne  ses  demandes  libel- 
lées parescrit,  ainsi  qu'il  avoit  esté  ordonné  le  quinziesme 
décembre  précédent,  lesquels  griefs  seront  cy-après  registrez 
par  articles. 

Au  reste  les  susdits  tesmoins  sont  citez  au  samedi  dix-neuf- 
viesme  décembre,  et  les  parents  et  héritiers  de  deffunt  messire 
Pierre  Cauchon,  évesque  de  Beauvais,  depuis  évesque  de  Li- 
sieux,  au  vingtiesme  décembre,  et  comparaissant  le  vingt- 
uniesme  par  Jacques  de  Rivel  lequel,  au  nom  detouslessusdits 
héritiers  (il  estoit  arrière-nepveu  dudit  Cauchon,  évesque  de 
Beauvais  du  costé  maternel,  et  fut  prudemment  fait  aux  héri- 


PROCÈS    DE    UEVISlOiN    KT    lUiHABlLITATlON  175 

tiers  qui  portoient  le  nom  de  Gauchon  de  ne  paroistre  point  en 
ce  procez)  déclare  qu'ils  ne  veulent  et  n'entendent  deflendre 
ni  soustenir  les  actes  dudit  procez,  que  cela  ne  les  touche  point  : 
qu'ils  ont  ouy  dire  que  la  Pucelle  avoit  esté  traitée  de  la  sorte 
par  envie  et  haine  que  lui  poitoient  les  Anglois,  pour  ce 
qu'elle  servoit  si  bien  le  roy  de  France  et  qu'on  avoit  pris  pré- 
texte de  tirei"  son  procez  en  cour  d'Eglise  en  matière  de  foy  ; 
d'autant  qu'elle  apportoit  de  graves  dommages  aux  Anglois, 
et  que  si  elle  eust  esté  de  leur  parti,  on  ne  l'eust  pas  ainsi 
traitée.  Qu'ils  supplient  que  le  procez  intenté  pour  leur  justi- 
fication ne  leur  puisse  préjudicier,  comme  il  ne  peut:  attendu 
les  édits  du  roy  pour  la  réunion  de  la  Normandie  à  son  obéis- 
sance, ayant  tout  pardonné  par  sa  bonté  et  miséricorde,  do 
.laquelle  lesdits  héritiers  du  defïunt  évesque  de  Beauvais  sont 
capables  et  désirent  jouir,  etc. 

Finalement,  aucun  de  tous  ceux  qui  avoicnt  été  citez 
n'ayant  comparu,  excepté  les  héritiers  susdits  de  messire 
Pierre  Gauchon,  la  mère,  les  frères  et  parents  de  la  Pucelle 
articulentcertains  faits  pour  faire  voir  aux  juges  quels  estoient 
leurs  griefs  et  leurs  fins  contre  ledit  Gauchon,  évesque  de 
Beauvais,  Jean  d'Estivet,  son  promoteur,  et  frère  Jean  Magis- 
tri,  inquisiteur  de  la  foy,  adjoint  audit  évesque  de  Jîeauvais 
faisant  le  procez  à  la  Pucelle  :  desquels  articles  ensuit  la 
teneur. 


CHAPITUE   IV 

[AlVnCLES  PRÉSENTÉS   AU  TlUBUNAL   PAR  LES  AVOCATS 
DE  LA  FAMILLE  DARC] 

AllTICMî    l 

Prolestent  en  premier  lieu  ne  vouloir  détracter  d'aucune 
personne,  ni  malitieusement  attenter  à  son  honneur  et  re-' 
nommée  ;  mais  dire  et  poursuivre  seulement  ce  qui  est  de 
justice  et  peut  servir  à  la  cause.  Qu'ils  n'entendent  pareille- 
ment rien  dire  ni  faire  contre  ceux  qui  ont  opiné  et  donné 
conseil  au  procez  contre  la  Pucelle,  considéré  que  ce  qu'ils 
ont  fait  a  esté  sur  des  actes  faulx,  corrompus,  mensongers 
et  certains  articles  qui  leur  ont  esté  communiquez  pour  avoir 
leuradvis  et  conseil,  en  quoy  ils  sont  excusables.  Et  enten- 
dent seulement  parler  des  juges  qui  ont  donné  la  sentence 
contre  la  Pucelle,  et  du  promoteur  de  l'évesque  de  Beauvais  : 
et  soumettent  tout  ce  qu'ils  diront  et  feront  à  la  correction 
et  réparation  du  Saint-Siège  Apostolique  et  de  messieurs  les 
juges  qu'il  a  commis,  et  tous  autres  à  qui  il  appartiendra. 


Il 

(]ela  ainsi  présupposé,  tous  lesdits  parents  maintiennent 
qu'eux  et  Jeanne  leur  parente  sont  et  ont  tousjours  esté  gens 
de  bien,  de  paix,  de  bonne  renommée,  de  conversation  paci- 
fique, de  vie  honneste,  et  moiennant  l'aide  de  Dieu  sans 
aucune  infamie  ou  mauvaise  note,  et  qu'ils  ont  toujours  esté 
tenus  pour  tels  par  tous  ceux  de  leur  païs,  voisinage  et  tous 
autres  qui  les  ont  cognus  soit  en  public  ou  particulier,  et 
désirent  tousjours  continuer  toute  leur  vie. 


PROCES    DE    HKVISIUN    ET    ISKHA  HILITATION  177 

III 

(jue  ladite  Pucelle,  tant  qu'elle  a  vescu,  a  tousjours  eu  (mi 
horreur  et  détesté  toute  sorte  d'hérésie,  et  n'a  jamais  rien 
cru  ou  alfirmé  qui  ressentist  l'hérésie  ou  qui  contrariast 
aux  traditions  de  la  sainte  Eglise  romaine,  et  que  cela  est 
certain. 

IV 

Que  véritablement  comme  une  bonne  et  fidèle  catholique, 
tant  qu'elle  a  vécu  a  servi  et  adoré  Dieufidèleinent,  fréquenté 
les  églises  et  divins  offices,  oyant  dévotement  la  messe,  recep- 
vant  les  saints  sacrements,  principalement  de  pénitence  et 
d'eucharistie  souvent,  et  exerçant  les  œuvres  de  miséricorde, 
donnant  l'aumosne  aux  pauvres,  et  ne  jurant  jamais,  ains 
reprenant  tous  ceux  qu'elle  entendoit  jurer,  blasphémer, 
renier,  et  que  jamais  elle  ne  sest  retirée  en  aucune  chose  de  la 
religion  catholique,  des  cérémonies  de  la  foy  chrétienne,  du 
culte,  articles  et  unité  de  l'Eglise  en  quelque  façon  et  manière 
que  ce  soit.  Que  cela  est  véritable. 


Qu'ayant  toujours  esté  bonne  et  fidèle  catholique  comme 
véritablement  elle  a  esté,  il  n'a  pu  précéder  aucun  soupçon 
d'infamie,  derreurounote  d'hérésie  contre  elle,  veu  qu'elle  n'a 
onques  fait  paraistre  aucun  signe  qu'elle  doubtast  de  la  foy, 
ou  quelle  fust  en  quelque  erreur  contraire  à  la  foy  :  et  con- 
séquemment  il  ii'y  a  pu  avoir  aucun  bruit,  renommée,  voix 
ou  notoriété  publique  précédente  qu'elle  fust  en  erreur  ou 
hérétique  ;  au  moyen  de  laquelle  voix  et  renommée  publique 
on  pust  procéder  à  faire  enqueste  et  information  contre  elle 
en  matière  de  foy,  ainsi  qu'il  est  nécessaire  auparavant  qu'on 
puisse  procéder  de  fait  contre  quelqu'un,  cela  estant  un  préa- 
lable et  commencement  nécessaire  de  procez.  Ce  qu'ayant 
esté  omis,  tout  ce  qui  a  esté  fait  est  nul,  ou  à  tout  le  moins 
doibt  estre  cassé  par  toute  disposilion  de  droit.  Ce  qui  est 
véritable. 


178  E.     RICIIER.    LA    I-UCELLE    D  ORLEANS 


VI 

nue  néantmoins  Icsdits  juges  et  leur  promoleur,  agitez  de 
leur  propre  passion  et  d'une  haine  incroyable  contre  la 
Pucelle,  ou  bien  d'un  trop  grand  désir  de  favoriser  à  ses 
adversaires,  et  de  nuire  au  Roy  nostre  souverain  seigneur  et 
à  son  Conseil,  sans  garder  aucun  ordre  de  justice,  ni  faire 
aucune  enqueste  et  information  légitime,  ont  tiré  la  Pucelle 
comme  hérétique  en  procez  :  elle  qui  estoit  mineure,  âgée  de 
dix-neuf  ans  ou  environ,  destituée  de  tout  sens  acquis  et  con- 
seil humain,  et  ont  procédé  et  donné  sentence  contre  elle  en 
tant  qu'hérétique,  lui  imposant  faulsement  et  calomnieu- 
sement  d'avoir  commis  des  crimes  contre  la  foy  et  contre 
l'Eglise,  et  qu'elle  avoit  encouru  les  peines  de  droit,  qui  est  un 
mensonge  et  fausseté  notoire  :  chose  véritable. 

VII 

Que  la  Pucelle  estant  prisonnière,  à  la  première  citation 
qui  lui  fut  faite  pour  comparoir  devant  lEvesque  de  Beauvais, 
ayant  requis  qu'on  appelast  aussi  bien  des  ecclésiastiques  et 
gens  doctes  du  parti  du.  lloy  de  France  que  du  parti  du  Uoy 
d'Angleterre,  et  qu'il  lui  fust  permis  d'ouyr  la  messe, 
l'évesque  de  Beauvais  sans  prendre  l'advis  et  délibération  de 
ceux  qu'il  avoit  appelez  pour  conseillers  à  ce  procez,  lui 
dénia  absolument  d'ouyr  la  messe,  et  ne  fit  aucune  mention 
de  l'autre  demande  de  la  Pucelle.  Ce  qui  est  véritable. 

Vlil 

Que  principalement  frère  Jean  le  Maistre,  prétendu  suffra- 
gant  de  l'inquisiteur  de  la  foy,  a  encouru  de  droit  l'excom- 
munication, et  messire  Pierre  Cauchon  évesque  de  Beauvais, 
suspension  de  sa  charge,  pour  avoir  faussement  imputé  le 
crime  d'hérésie  à  la  Pucelle,  et  commencé  leur  procez  sans 
cause,  subject  légitime  et  notoriété  de  fait  :  conséquemment, 
attendu  lesdites  censures  par  eux  encourues  de  droit,  que 


PROCES    DE    REVISION    ET    lîKH  Abll.n  ATION  J79 

tout  le  proccz  et  dépendances  d'ioelui  sont  nuls  et  de  nul 
elfet,  joinct  que  tous  les  actes  d'un  juge  excommunié  ou  sus- 
pendu sont  nuls  de  fait.  Ce  qui  est  véritable. 


IX 

Que  ledit  Cauchon,  ledit  Magistri  et  tous  leurs  complices, 
dès  le  commencement  de  leur  prétendu  procez,  ont  fait 
mettre  la  Pucelle  en  une  dure  prison,  plutost  pour  la  tour- 
menter que  pour  la  garder,  elle  qui  estoit  une  jeune  fille 
mineure  :  et  lui  ont  fait  mettre  les  fers  aux  pieds,  et  l'ont 
enchaisnée  avec  une  chaisne  de  fer,  la  faisant  garder  au 
chasteau  de  Rouen  en  une  prison  laïque  et  séculière,  ayans 
commis  pour  sa  garde  des  Anglois  qui  estoient  ses  ennemis 
mortels,  lesquels  jour  et  nuit  ne  cessoient  de  l'injurier, 
se  moquer  d'elle,  la  menacer  et  intimider;  au  lieu  de  la 
mettre  en  une  prison  ecclésiastique  et  de  lui  donner  d'hon- 
nestcs  femmes  pourcompaigniectdela  traiter  humainement, 
au  moins  durant  ledit  procez,  ainsi  qu'il  est  ordonné  par  les 
loix  et  comme  l'équité  le  requiert. 


X 

(ju'il  est  véritable  que  ledit  évesque  et  inquisiteur  ont  juri- 
diquement ordonné  que  sur  ce  que  la  Pucelle  prétendoit 
estre  vierge,  elle  seroit  visitée  par  des  matrones  et  notables 
dames;  comme  de  fait  elle  a  esté  visitée,  y  assistant  de 
grandes  dames  ;  et  qu'elle  fut  trouvée  vierge.  Et  toutes  fois 
que  pour  taire  et  supprimer  malitieusement  tout  ce  qui  fai- 
soit  à  la  louange  et  excuse  de  cette  fille,  ils  n'ont  fait  aucune 
mention  en  leur  procez  de  leur  ordonnance^  ni  de  la  Visita- 
tion ensuivie  en  vertu  de  leur  dite  ordonnance,  mesmement 
d'en  faire  aucun  registre;  étant  expressément  delîendu  aux 
matrones  qui  l'avoient  visitée  de  révéler  en  quelque  façon 
que  ce  soit  la  vérité  de  ce  qu'elles  avoient  recognu,  ayant  fal- 
sifié leur  procez  et  supprimé  la  vérité  des  actes  :  chose  digne 
d'cstre  bien  remarquée. 


180  E.    RinilKK.    —    L\    l'UCELLE    D  ORLEANS 


XI 

Que  la  Pucelle  estant  en  prison,  comme  dit  est,  en  bas  âge, 
lesdits  Gauchon  etMagistri  lui  ont  fait  infinis  interrogatoires 
grandement  difficiles,  séditieux,  captieux,  pernicieux,  impcr- 
tinens  et  hors  de  propos;  n'ayans  honte  de  procéder  ainsi 
contre  elle,  entamans  diverses  matières  de  la  théologie  aus- 
quelles  des  hommes  bien  doctes,  jouissans  de  leur  pleine 
liberté  seroient  bien  empeschez  de  respondre,  et  mesme  y 
eussent  choppé  et  failli.  A  raison  desquels  interrogatoires 
ils  ont  tellement  travaillé  cette  pauvre  fille,  qu'elle  en  fut 
malade  jusques  à  la  mort.  Et  non  seulement  elle  s'en  plai- 
gnit, mais  aussi  plusieurs  des  conseillers  et  assesseurs  qui 
pour  cette  cause  s'abstinrent  totalement  de  plus  assister 
audit  procez,  voyans  l'estrange  et  inique  façon  dont  on  pro- 
cedoit  ;  et  les  autres  furent  chassez.  Ce  qui  est  véritable. 

XII 

Que  lesdits  accusez,  pour  faire  plus  facilement  réussir  leur 
pernicieux  dessein,  et  faire  absenter  ceux  qu'ils  pensoient 
debvoir  favoriser  la  justice  et  avoir  Dieu  devant  les  yeux,  ont 
souvent  changé  le  temps  et  le  lieu  pour  interroger  la  Pucelle, 
l'ayans  examinée  en  la  prison,  présents  les  Anglois,  y  assis- 
tans  peu  de  conseillers,  lesquels  ils  changeoient  presque  à 
tous  les  examens,  soit  pour  interroger  ou  assister  aux  inter- 
rogatoires selon  divers  jours  et  en  petit  nombre  :  de  quoy 
plusieurs  personnes  doctes,  versées  en  telles  matières,  ont 
fait  de  grandes  plaintes.  Ce  qui  est  véritable. 

XllI 

Oue  lesdits  Cauchon  et  Magislri,  pour  en  parler  sans  injure, 
incitez  de  leur  propre  meschanceté  ou  de  celle  de  ceux  qu'ils 
affectionnoient,  eussent  esté  bien  marris  que  la  Pucelle  fust 
morte  de  sa  mort  naturelle,  ayans  conspiré  sa  mort  et  son 
infamie  perpétuelle  :  de  sorte  qu'estant  tombée  en  une  péril- 


l'UOCES    DE    IIKVISION    KT    IIKIIA  lill.lTAÏlON  181 

leuse  maladie,  pour  la  grande  rigueur  et  travail  qu'on  lui 
donnoit,  ils  estoient  en  extrême  crainte  qu'elle  ne  mourust; 
et  aucuns  des  premiers  seigneurs  anglois  dirent  nommément 
aux  médecins  qu'ils  donnassent  ordre  à  la  si  bien  traiter, 
qu'elle  mourust  pas  de  sa  mort  naturelle,  etqu'ilsaymeroient 
mieux  avoir  perdu  vingt  mille  nobles  à  la  Rose  que  [de  la 
voir]  finir  autrement  ses  jours  que  par  le  feu  et  une  sentence 
de  perpétuelle  ignominie  contre  elle.  Ce  qui  est  véritable. 

\\y 

Incontinent  qu'elle  commen^^^a  à  se  bien  porter,  lesdits 
accusez  ne  lui  donnèrent  [pas]  loisir  de  recouvrer  ses  forces, 
mais  continuèrent  leur  prétendu  piocez  et  lui  demandèrent 
des  questions  de  choses  très  hautes  et  très  difficiles  touchant 
les  apparitions  et  visions  des  anges  de  lumières,  de  l'unité 
de  l'Eglise,  de  la  foy  et  autres  semblables.  Ausquels  interro- 
gatoires elle  a  néantmoins  respondu  catholiquement,  suffi- 
samment et  honnestement,  selop  la  condition  de  son  sexe,  de 
son  âge,  rudesse  et  ignorance.  Ce  qui  est  véritable. 

XV 

Tar  les  responses  qu'elle  a  faites  honnestement,  paisible- 
ment, prudemment,  il  apparaist  que  nonobstant  l'envie,  la 
passion,  la  haine  et  tourments  que  lui  donnoient  ses  enne- 
mis, elle  a  souventefois  décliné  la  jurisdiction  de  l'Evesque 
de  Beauvais,  ce  qui  est  notoire  principalement  en  deux 
choses.  La  première  [c'est]  qu'elle  a  expressément  récusé  les 
juges,  en  tant  qu'ils  estoient  du  parti  Anglois,  ses  ennemis 
capitaux  :  au  moien  de  laquelle  récusation  légitime  et  vala- 
ble, tout  le  pouvoir  et  jurisdiction  de  l'évesque  de  Beauvais 
demeurait  suspendu,  et  les  juges  ayans  procédé  sans  avoir 
au  préalable  discuté  ladite  récusation,  tout  ce  qu'ils  ont  fait 
est  nul.  L'autre  cause  est  que  la  Pucelle  a  souvent  requis  et 
demandé  d'être  renvoiée  au  jugement  du  Pape,  demande  qui 
tient  lieu  d'une  légitime  appellation,  vu  que  l'Apostre  saint 
Paul  ne  dit  autre  chose  pour  former  un  légitime  appel,  sinon 


182  E.    RICIIEH.    —    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

qu'il  estoit  au  tribunal  de  César.  D'ailleurs,  les  grandes 
et  difficiles  causes  sont  de  droit  réservées  au  Saint-Siège.  Et 
par  ainsi  le  procez  et  tout  ce  qui  en  est  ensuivi  est  nul. 
Chose  véritable. 

XVI 

Qu'elle  a  donné  des  responses  sur  les  visions  qu'elle  esti- 
moit  avoir  eues  de  la  part  de  Dieu,  telles  qu'on  les  doibt 
moralement,  pieusement  et  catholiquernent  présumer  :  veu 
qu'elles  ne  sont  en  rien  répugnantes  ou  discordantes  à  une 
sainte  et  salutaire  vérité,  ni  aux.  articles  de  la  foy.  Attendu 
mesme  la  simplicité  et  intégrité  de  cette  fille,  la  nécessité 
grande  des  choses  pour  lesquelles  elle  estoit  envolée  et  les 
justes  causes  d'icelles  bien  et  meurement  considérées,  sans 
passion  ou  maligne  affection,  ensemble  toutes  les  autres  cir- 
constances. Et  en  tout  cola  cette  fille  n'a  point  erré  et  ne  s'est 
aucunement  distraite  de  la  vérité  de  la  foy.  Chose  véri- 
table. 

XVII 

Que  la  Pucclle  destituée  de  tout  conseil  humain  qu'on  lui 
a  induement  dénié,  néantmoins  inspirée  de  l'Esprit  de  Dieu, 
comme  il  est  croyable,  a  sousmis  au  jugement  de  l'Eglise  par 
diverses  et  plusieurs  fois,  tout  ce  qu'elle  a  dit,  fait  et  pro- 
posé, ne  se  séparant  point  de  l'unité  de  l'Eglise,  et  denaan- 
dant  que  ses  faits  et  dits  fussent  examinez  par  des  ecclésias- 
tiques non  suspects  ni  mal  alîectionnez,  et  que  le  tout  fust 
déféré  au  jugement  du  Pape  et  du  sacré  Concile  :  ce  qu'elle  a 
instamment  requis.  Chose  véritable. 

XVIII 

Qu'aucuns  doctes  per.sonnages  que  l'évesque  de  Beauvais 
avoit  appelez  pour  assesseurs  au  prétendu  procez  contre  la 
Pucelle,  esmus  de  pitié  et  compassion,  attendu  les  captieux 
interrogatoires  qu'on  faisoit  à  cette  fille,  l'ayans  conseillée 
de  se  soumettre  au  sacré  Concile  de  Basle,  auquel  il  y  debvait 


PROCES    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  183 

avoir  des  ecclésiastiques  de  l'obéissance  des  lîoys  de  France 
et  d'Angleterre,  l'évesque  de  Beauvais  les  auroit  cliassez  con- 
tumélieusement  et  dit  à  l'un  d'icéux  qu'il  se  tust  de  par  tous 
les  diables,  et  en  menaça  plusieurs,  aucuns  desquels  furent 
chassez  de  la  ville  de  Rouen  en  danger  de  leur  personne,  et 
seront  nommez  cy-après  :  et  depuis  n'ont  osé  assister  audit 
procez.  Ce  qui  fait  clairement  cognoistre  la  passion  et  mau- 
vaise alfection  des  juges,  etc. 

XIX 

Que  lesdits  accusez  se  sont  estudiez  de  faire  ignominieuse- 
ment mourir  la  Pucelle,  encore  qu'elle  fust  exempte  de  tous 
les  crimes  qu'ils  lui  ont  imputez,  et  innocente  ainsi  qu'il  sera 
justifié  cy-après.  .Alesme  ils  ont  fait  continuer  ledit  procez, 
incontinent  qu'elle  fust  relevée  de  maladie  :  le  promoteur  de 
l'évesque  de  Beauvais  pressant  cette  affaire  le  plus  qu'il  pou- 
voit. 

XX 

Que  cette  fille  ayant  esté  plusieurs  fois  interrogée  et  tra- 
vaillée par  lesdits  accusez,  ils  ont  finalement  fait  dresser  et 
coucher  certains  articles  qu'ils  prétendent  avoir  esté  extraits 
des  dépositions  etresponses  d'icelles,  et  commencent  en  cette 
sorte  :  Une  certaine  femme...,  etc.  ;  lesquels  articles  ils  ont 
envoyez  à  plusieurs  notables  et  doctes  personnages  pour 
capter  leur  opinion  sur  lesdits  articles,  comme  ils  l'ont 
obtenue. 

XXI 

Que  ces  articles  sont  faulsement  et  calomnieusoment  cou- 
chez, et  nullement  conformes  à  ce  que  cette  fille  a  confessé 
et  déposé,  et  ne  contiennent  [pas]  ses  récusations,  submis- 
sions, excuses,  appellations,  ni  mesme  la  vérité  de  ce  qu'elle 
a  confessé  :  et  peut-on  dire  véritablemment  que  ceux  qui  ont 
opiné  et  délibéré  sur  ces  articles  ont  esté  trompez  et  déceus, 
et  pour  cette  raison  on  ne  les  en  doibtblasmer,mais  seulement 


184  E.  UICHEU.  LA  PUCKLLK  D  ORLKANS 

ceux  qui  les  ont  séduils  el  trompez  nialitieusement,  suppo- 
sans  lesdils  articles. 

XXII 

Encore  qu'on  eust  fait  élection  de  notaires  publics  dignes 
de  foy,  lesquels  avoient  escrit  en  françoys  le  procez  de  la 
Pucelle  et  tenu  registre  de  tous  les  actes,  néantmoins  d'autres 
notaires  suspects  estoient  cachez  en  un  lieu  proche  desjuges, 
qui  se  sont  ingérez  d'escrire  plusieurs  choses  faulses  ;  et  est 
à  présumer  que  les  susdits  faulx  articles  ayent  esté  escrits 
par  lesdits  notaires  cachez,  ou  colligez  de  ce  qu'ils  avoient 
escrit.  Davantage,  a  esté  fait  un  autre  procez  en  latin  en 
forme  authentique,  grandement  dillérent  et  dissemblable  du 
premier  escrit  en  françoys.  Ce  qui  est  véritable. 

XXIII 

Et  encore  que  lesdits  juges  n'ayent  pu  ni  du  ainsi  procé- 
der, principalement  en  matière  de  la  foy,  sur  de  faulses 
escritures,  relations,  confessions  et  articles  supposez,  sinon 
nullement  et  par  voye  de  fait,  si  est-ce  toutefois,  inconti- 
nent que  la  Pucelle  eut  recouvré  sa  santé,  ils  l'ont  mise  en 
une  très  dure  et  cruelle  prison,  sans  qu'il  y  eust  au  préalable 
aucune  évidence  ou  notoriété  de  fait,  ou  grans  et  notables 
souprons,  ou  une  clameur  et  renommée  publique,  et  qu'il  ne 
fust  constant,  comme  il  ne  l'a  jamais  esté,  qu'elle  eust  com- 
mis quelque  hérésie,  ou  fait  et  perpétré  aucuns  crimes  con- 
traires à  la  foy,  ou  y  eust  jamais  adhéré.  Et  encore  qu'elle 
eust  plusieurs  fois  requis  lévesque  et  inquisiteur  de  la  ren- 
voierau  Saint-Siège  Apostolique,  au  cas  qu'ils  prétendissent 
icelle  avoir  dit  ou  fait  aucune  chose  qui  ressentist  l'hérésie, 
ou  qui  fust  contraire  à  la  foy,  et  qu'elle  estoit  preste  d'en 
subir  le  jugement,  toutes  fois  ils  ont  osté  à  cette  lille  tout 
moien  de  deffendre  son  innocence,  et  contre  toute  disposition 
de  droit  qu'ils  ont  mesprisée,  ont. tout  fait  à  leur  volonté 
audit  prétendu  procez,  nullement  et  par  voye  de  fait,  ayant 
donné  deux  sentences  dont  l'iniquité  est  toute  manifeste.  Ce 
qui  est  véritable. 


l'UOCES    DE    REVISION    ET    HEHABILITAIIOX  185 


XXIV 

<Jue  par  la  première  desdites  sentences  il  est  porté  que 
plusieurs  doctes  personnages  ont  donné  leur  advis  et  délibé- 
rations sur  les  prétendus  articles,  ne  plus  ne  moins  que  s'ils 
avoien  testé  fidèlement  et  véritablement  extraits  des  responses 
et  confessions  de  laPucelle;  et  par  lesdits  articles  supposent 
faulsement  icelle  s'estre  trouvée  coupable,  voire  mesme 
qu'elle  a  confessé  avoir  commis  et  perpétré  lesdits  crimes, 
lesquels  ils  lui  ont  voulu  faire  abjurer,  et  par  voye  de  fait 
ont  exécuté  leur  mauvaise  et  damnable  intention,  ores  toutes 
fois  qu'en  aucun  cas  il  ne  s'agit  véritablement  d'une  matière 
de  la  foy  ;  et  finalement  après  avoir  fait  lire  un  prétendu 
formulaire  d'abjuration  rempli  de  termes  obscurs  que  cette 
fille  ne  pouvoit  entendre,  pour  montrer  leur  cruauté  à  l'en- 
droit d'icelle  qui  estoit  innocente  des  crimes  qu'ils  lui  impo- 
soient,  nonobstant  qu'elle  retournast  au  giron  de  l'Église, 
ainsi  qu'ils  parlent  en  leur  prétendue  sentence,  et  qu'ils 
l'eussent  absous  des  prétendues  censures,  toutes  fois  ils  la 
condamnent  sans  aucune  compassion  et  miséricorde  à  une 
prison  perpétuelle  et  à  ne  manger  toute  sa  vie  que  du  pain  de 
douleur  et  boire  de  l'eau  de  tristesse  ;  et  tout  cela  inique- 
ment par  dol,  tromperie  et  voye  de  fait,  etc. 

XXV 

Ores  qu'en  la  première  sentence  prétendue  ils  ayent  déclaré 
qu'ils  se  réservoient  de  faire  grâce  et  de  modérer  ladite  sen- 
tence, et  que  par  icelle  cette  pauvre  fille  désolée  deubst  estre 
mise  en  une  prison  ecclésiastique;  toutes  fois  ils  ne  l'y  ont 
pas  mise,  ni  mesme  entre  les  mains  de  l'Église,  ou  en  la 
compagnie  de  quelques  femmes  honnesles,  ores  qu'elle  eust 
un  habillement  de  femme  et  qu'on  lui  eust  promis  de  la  trai- 
ter humainement  et  de  la  mettre  hors  des  fers  et  des  mains 
des  Anglais;  ce  nonobstant,  ils  l'ont  toujours  laissée  en  la 
garde  de  ses  ennemis  mortels  et  du  comte  de  Warwic  qui 
estoit  capitaine  du  chasteau  de  Rouen,  portant  tousjours  les 


186  E.    RICllEn.    LA    PUCELLE    d'oULÉANS 

fers  aux  pieds  et  enchaisne'e  d'une  chaisne  de  fer,  contre  toute 
charité,  contre  la  forme  des  procédez  usitez  en  l'Église.  Et 
est  vraysemblable  qu'ils  l'ont  ainsi  traitée  pour  lui  donner 
occasion  de  se  désespérer  et  de  rencheoir  (retomber) 
aux.  crimes  dont  ils  prétendoient  qu'elle  avait  fait  abjura- 
tion, etc. 

XXVI 

Davantage,  pour  tenter  puissamment  cette  fille,  lesdits 
accusez  et  leurs  complices  ont  fait  oster  la  nuit  les  habille- 
ments de  femme  qu'elle  avoit  pris,  et  lui  ont  mis  sur  son 
lit  les  vestements  d'homme  qu'elle  portoit  auparavant,  afin 
qu'elle  les  reprist;  de  sorte  qu'ils  ne  lui  laissèrent  aucuns 
autres  habillements  pour  couvrir  sa  nudité,  voulant  aller  au 
privé  par  nécessité,  etc. 

XXVII 

Et  ce  qui  est  encore  plus  inique  et  a  esté  attenté  contre  elle 
incontinent  après,  l'un  des  ennemis  de  cette  fille  se  jeta  sur 
son  lit  pour  la  violer.  A  raison  de  quoy  elle  reprit  l'habit 
d'homme  qu'on  avoit  mis  sur  son  lit,  atin  que  moiennant 
icelui  elle  pust  conserver  sa  virginité  et  se  defïendre  de  telles 
violences. 

XXVIII 

Or  après  la  susdite  sentence,  les  accusez  s'étant  transpor- 
tez en  la  prison,  et  s'efi"orçant  d'accuser  et  interroger  cette 
fille  sur  ce  qu'ils  prétendoient  qu'elle  estoit  relapse,  etc.,  elle 
leur  respondit  très  à  propos  n'avoir  jamais  rien  entendu 
abjurer  ni  révoquer,  veu  qu'elle  n'estoit  onques  tombée  en 
aucune  espèce  d'hérésie  ou  d'erreur,  ainsi  qu'il  sera  montré 
cy-après.  Et  dit  encore  n'avoir  point  entendu  le  formulaire 
d'abjuration  qu'on  lui  avoit  fait  prononcer  et  signer.  D'où  il 
est  évident  qu'on  ne  peut  dire  qu'elle  soit  relapse  sinon  par 
voye  de  fait.  Toutes  fois  les  accusez  lui  ont  objecté  contre  tout 
droit  et  justice  qu'elle  estoit  rechue  en  hérésie  et  ont  conclu 
contre  elle  en  tant  que  relapse. 


PROCES    DE    REVISION    ET    REIIABILITATION  187 

XXIX 

Et  ores  que  celte  conclusion  de  rechute  n'aye  [point]  esté 
prise  sur  la  pluralité  des  voix  et  n'aye  pu  ni  du  estre  faite, 
ainsi  qu'on  recognoist  par  le  procez,  toutes  fois  les  accusez 
ont  déclaré  par  leur  prétendue  sentence  qu'elle  debvoit  estre 
condamnée  en  tant  que  relapse,  afin  de  lui  faire  perdre  l'hon- 
neur et  la  réputation,  et  la  rendre  à  jamais  infâme  par  cette 
mort  publique  qu'ils  lui  ont  fait  endurer. 

XXX 

Lesdits  accusez  désirant  la  faire  mourir,  comme  ils  en 
avaient  très  grande  volonté,  en  l'espace  de  six  ou  huit  jours 
ils  ont  donné  deux  sentences  contre  elle,  et  l'ont  fait  mener 
sur  la  place  publique  ou  l'on  a  coustume  d'exéquuter  les 
criminels  ;  et  ils  donnèrent  un  jugement  contre  elle  par 
lequel  iniquement  et  injustement  ils  l'ont  déclarée  relapse  en 
cas  et  matière  d'hérésie,  et  abandonnée  au  bras  séculier  : 
ayant  fait  faire  sur  ce  subject  une  solennelle  prédication, 
remplies  de  faulses  et  iniques  propositions,  accusations, 
opprobres  et  injures  contre  cette  fille,  afin  de  la  diffamer  en 
présence  de  tout  le  peuple  assemblé  et  appelé  à  cet  effet. 

XXXI 

Que  c'est  une  chose  grandement  déplorable  et  digne  de 
compassion  qu'une  vierge  innocente  ayt  esté  publiquement 
et  ignominieusement  condamnée  sous  prétexte  d'hérésie,  et 
livrée  à  la  justice  séculière,  ou  plustost  abandonnée  à  ses 
ennemis  mortels,  sans  qu'il  soit  au  préalable  intervenu 
aucune  sentence  ou  forme  de  jugement  pour  la  faire  mourir 
et  jeter  dans  le  feu  préparé  à  cet  effet,  auquel  elle  a  cruelle- 
ment fini  ses  jours,  etc. 

XXXII 

Qu'après  s'estre  publiquement  confessée  à  Dieu,  répétant 
souvente  fois  le  nom  de  Jésus  et  de  tous  les  saints,  princi  - 


188  R.    lUCHEU.    LA    l'LCELLE    Ij'OKI.ÉANS 

paiement  de  saint  Michel,  saintes  Catherine  et  Marguerite, 
elle  a  supporté  les  tourmens  du  feu  avec  une  patience  et 
constance  incroyables,  ainsi  qu'une  grande  naultitude  d'as- 
sistants, tant  amis  qu'ennemis,  ont  témoigné  ;  et  en  outre 
qu'elle  estoit  allée  au  supplice  avec  un  courage  asseuré  et 
résolu,  et  en  une  pureté  viayment  virginale  avoit  catholi- 
quement  et  constamment  fini  ses  jours  :  ce  qui  auroit  excité 
tout  le  nionde  à  pleurer,  ainsi  qu'il  est  porté  par  les  infor- 
mations qui  seront  produites  en  ce  procez,  etc. 

XXXIII 

Partant,  selon  la  sainte  doctrine  de  l'Église,  ne  doit-on  pas 
inférer  que  cette  fille  comme  très  bonne  catholique  a  passé 
sa  vie  sans  aucune  tache  d'hérésie,  voire  mesme  sans  aucun 
grand  crime  ou  péché;  ayant  fini  ses  jours  conformément  à 
la  religion  chrestienne,  pour  obtenir  la  gloire  éternelle 
moicnnant  la  grâce  de  Nostre-Seigneur  Jesu  Christ,  l'esprit 
de  Dieu  l'ayant  toujours  assistée  et  confortée  jusqu'au  dernier 
période  de  sa  vie  ?  Ce  qui  est  véritable. 


XXXIV 

Et  d'autant  que  par  un  si  damnable  procédé  et  iniques 
sentences,  et  par  la  cruelle  exéquution  qui  s'en  est  ensuivie, 
quoyque  lesdites  sentences  soient  nulles,  faulses  et  iniques, 
plusieurs  ont  cru,  quoyque  injustement  et  à  tort,  l'innocence 
de  cette  fille  avoir  esté  souillée,  et  pareillement  la  renommée 
de  ses  parents  blessée  et  grandement  offensée  ;  pour  ces 
causes,  justement  et  à  bon  droit,  nostre  saint-père  le  Pape  a 
envoie  un  rescrit  apostolique  à  vous,  messieurs  les  juges, 
qu'il  a  commis  en  cette  cause,  au  moien  duquel  et  de  vostre 
bonne  justice  et  intégrité,  cette  fille  puisse  estre  déclarée  in- 
nocente, et  tous  ses  parents  réintégrés  entièrement  en  leur 
honneur  et  bonne  renommée,  conformément  aux  fins  cy- 
après  déclarées.  Ce  qui  est  juste  et  véritable. 


PROCKS    DE    RF.VISIOX    ET    lîEHABlLlTATION  189 

XXXV 

Et  encore  que  les  choses  susdites  semblent  servir  de  suffi- 
sant fondement  à  ce  que  les  parents  de  la  Pucelle  puissent 
obtenir  les  fins  qu'ils  se  proposent,  desquelles  la  preuve  et 
justification  est  très  claire,  tant  pour  l'inique  procédé  de 
leurs  parties  adverses,  que  par  les  légitimes  responses  de 
cette  fille,  faisant  comparaison  d'icelles  à  la  vérité  ;  comme 
aussi  par  les  dépositions  de  plusieurs  tesmoins  hors  de  tout 
reproche,  et  informations  fuites  et  à  faire  si  besoin  est; 
davantage  :  encore  que  la  tromperie,  iniquité,  fraude,  haine 
et  maligne  intention  des  parties  adverses  ne  soient  que  trop 
notoires  par  leur  procédé,  manifeste  faulseté  et  nullité  de 
leurs  prétendues  sentences,  toutes  fois  pour  en  faire 
cognoistre  la  vérité,  et  attendu  que  tout  le  fondement  de  cette 
cause  en  despend,  nous  ferons  voir  en  bien  peu  de  paroles  la 
nullité  et  iniquité  maligne  de  tout  ce  procédé,  et  consé- 
quemmentque  tout  ce  qui  en  est  ensuivi  est  nul,  inique, 
invalide,  etc. 

XXXVl 

Et  attendu  que  tous  les  jugement  consistent  en  la  matière 
et  en  la  forme,  l'on  prouvera  clair  comme  le  jour  :  première- 
ment que  le  procez  et  les  sentences  sont  nuls  selon  la  forme, 
ou  à  tout  le  moins  qu'ils  doibvent  estre  cassés  ;  et  quant  à  la 
matière,  que  ce  n'est  que  dol,  faulseté,  prévarication,  injus- 
tice et  iniquité  manifeste.  Ce  qui  est  véritable. 

XX  XV II 

Or,  puisque  la  forme  donne  estre  et  subsistance  aux  choses, 
et  que  tout  ce  qui  se  fait  contre  les  lois  doibt  estre  tenu  pour 
nul,  Deregulisjuris,  lib.  6,  il  faut  premièrement  montrer  la 
nullité  dudit  procez  et  sentences  et  leur  instabilité  quant  à 
la  forme,  et  qu'elles  doibvent  estre  cassées  pas  les  raisons  et 
moyens  de  droit  qui  ensuivent  :  sur  cela  [les  avocats  de  la 
Pucelle]  allèguent  plusieurs  docteurs  que  nous  omettons. 


190  E.    lïlCllEU.    LA    l'UCELLE    D  OIU-EANS 

XXXVIII 

Allèguent  aussi  :  que  l'évesque  de  Ikauvais  n'esloil  [pas] 
juge  compétent  de  la  Pucclle,  et  qu'elle  ne  lui  esloit  subjecle 
ni  à  cause  du  délit  prétendu,  ni  à  cause  de  son  domicile,  — 
fi  raison  desqfuels  quelqu'un  a  droit  de  jurisdiction  sur  un 
autre  ;  —  et  que  cela  est  tout  constant  et  notoire  par  les  actes 
du  procez,  etc.  ;  qu'elle  n'a  jamais  eu  domicile  au  diocèse  de 
lîeauvais,  «et  qu'elle  n'y  a  point  été  priàe,  parce  que  Com- 
piègne  est  du  diocèse  de  Soissons^  ». 

XXXIX 

Que  l'évesque  de  Bcauvais  et  Magistri,  sufîragantdel'I  nquisi- 
teur,ayansencourudedroitrexcommunicationpour  avoir  illé- 
gitimement procédé  en  cas  d'hérésie  contre  la  Pucelle,  ils  n'ont 
pu  exercer  aucun  acte  de  jurisdiction  contre  elle,  attendu 
qu'ils  lui  ont  faulsement  imputé  le  crime  d'hérésie  :  allèguent 
à  ce  propos  la  Clémentine  MuUorum  de  hœreticis,  lib.  6. 
Voyez  cy-dessus  l'article  huictiesme. 

XL 

Que  la  Pucelle  a  maintes  fois  récusé  l'évesque  de  Bcau- 
vais comme  juge  incompétent  et  suspect  et  son  ennemi 
mortel,  et  conséqucmment  n'a  pu  que  nullement  et  par 
voye  de  fait  procéder  contre  elle.  Allèguent  plusieurs  auteurs 
à  ce  propos. 

XLI 

Et  puisqu'il  est  constant  que  tout  ce  qui  se  fait  par  force 
ou  crainte  ne  peut  subsister,  Caput  de  his  guœ  vi  melicsve 
causa,  etc.,  et  que  les  Anglois  qui  assistoient  à  ce  procez  ont 
menacé  ledit  prétendu  inquisiteur  de  la  foy,  pour  le  faire 
consentir  à  la  sentence  donnée  contre  la  Pucelle,  il  s'ensuit 

1.  Les  mots  entre  guillemets  ne  sont  pas  dans  le  texte  de  J.  Quiche- 
rat.  E.  Hicher  n'aurait-il  pas  cru  devoir  les  ajouter  de  lui-même? 


PnOCES    DE    REVISION    ET    REIl AIULITATION  191 

que  ladite  sentence  est  nulle,  ou  à  tout  le  moins  qu'elle  doibt 
estre  annulée,  etc. 


XLII 

Et  d'autant  que  toutes  les  loix  ordonnent  que  toutejurisdic- 
tion  est  suspendue  par  une  It^gitime  appellation,  la  Pucelle 
ayant  appelé  de  tout  le  procédé  de  l'évesque  de  Beauvais,  il 
résulte  que  tout  ce  qu'il  a  fait  est  nul.  Or,  la  Pucelle  ayant 
réclamé  la  protection  d'un  supérieur,  et  principalement  du 
Pape  auquel  elle  s'est  sousmise,  encore  que  par  ignorance  et 
si  mplicité  elle  n'ait  usé  des  termes  d'appellation,  toutes  fois 
son  dire  doibt  tenir  lieu  de  légitime  appellation,  et  consé- 
quemment  le  procez  fait  contre  elle  est  nul,  Cap.  adaudien- 
tiam  de  Appellatione  et  in  cap.  dilecli  filii.  Car  saint  Paul 
fut  tenu  pour  appelant,  ayant  dit  seulement  :  «  Je  suis  au 
tribunal  de  César.  «  Actes,  25. 

XLIll 

D'ailleurs,  il  s'agissoit  de  choses  difficiles  et  obscures, 
principalement  des  révélations  secrètes,  occultes  et  qui  sont 
incognues  aux  hommes,  et  desquelles  le  jugement  est  difficile 
et  doibt  estre  tenu  et  réputé  entre  les  plus  grandes  causes 
desquelles  le  jugement  est  particulièrement  réservé  au  Siège 
apostolique.  24,  Quœst.,  1,  can.  Quolies,  etc. 

XLIV 

L'iniquité  et  malice  des  juges  et  la  nullité  de  leurs  actes  se 
manifeste  encore  par  la  dureté  de  la  prison  et  des  effroyables 
geôliers  qu'ils  ont  donnez  à  cette  fille,  mesme  estant  pupille 
et  mineure  :  geôle  plus  dure  à  supporter  que  la  mort  mesme. 
Car  elle  n'estoit  pas  en  une  prison  ecclésiastique,  ou  dépu- 
tée à  des  laïques  profanes  ou  criminels  publics,  mais  en  une 
grosse  tour  du  chasteau  de  Rouen,  entre  les  mains  de  ses 
ennemis  mortels,  exposée  à  toutes  leurs  injures,  opprobres, 
irrisions,  moqueries,  menaces  et  terreurs  atroces  qu'ils  lui 


192  E.    mCHER.    LA    l'UCKLLE    D  ORLÉANS 

donnoient  assiduemenl.  Chose  qui  doibt  estrc  altfibuée  h  une 
grande  injure  et  violence  :  veu  mesme  que  ses  ennemis  qui  la 
gardoient,  estant  armez,  ont  par  diverses  fois  attenté  de  la 
violer  et  de  lui  faire  perdre  sa  virginité. 

XLV 

Que  telles  injures,  prison  et  terr-eurs  atroces,  équivall(Mit 
et  sont  comparées  aux  questions  et  tortures  par  lesquelles  on 
contraint  les  criminels  :  et  conséqucmment  si  la  Pucellc,  à 
raison  d'un  si  mauvais  et  cruel  traitement  qu'on  lui  a  fait,  a 
confessé  quelque  chose  à  son  préjudice,  cela  doibt  estre  at- 
tribué au  trouble  et  à  la  terreur  qu'on  lui  a  donnez,  et  consé- 
qucmment telle  confession  ne  peut  ni  doibt  lui  préjudicier. 
D'où  il  résulte  que  le  procez  et  la  sentence  de  rétractation  ou 
de  récidive  fondées  sur  telles  prétendues  confessions  sont  de 
nul  poids,  efficace  et  vigueur.  Que  les  loix  disent  qu'on  ne 
doibt  pas  seulement  prendre  et  tenir  pour  tourments  la 
peine  et  travaux  du  corps,  mais  bien  aussi  toute  autre  dou- 
leur, comme  la  faim  et  semblables  choses  urgentes  dont 
aucun  seroit  travaillé  pour  lui  faire  confesser  quelque  crime, 
comme  pourroit  estre  une  prison  sordide  et  cruelle  :  |  De  in- 
juriis,  1.  Item  apud  Labeonem,  |  Quœstionem,  et  |  quœstio- 
nis.  i  Ad.  senatuscon.  Silanianum,  1.  i,  Quare.' 

XL\I 

Que  pour  une  autre  raison,  le  procez  et  ce  qui  en  est  en- 
suivi est  inique  et  nul.  Car  cette  fille  mineure  et  du  tout 
ignare,  principalement  des  choses  sur  lesquelles  on  l'inter- 
rogeoit,  n'a  jamais  esté  assisté  d'aucun  conseil  et  directeur 
qui  lui  interprétastles  termes  desquels  on  usoit  pendant  tout 
le  procez,  encore  qu'on  l'interrogeast  des  plus  hautes  et 
sublimes  questions  de  la  foy  et  de  la  théologie,  et  qu'elle 
demandast  du  conseil  qu'on  lui  a  dénié  :  [cej  qui  est  une 
grande  inhumanité,  du  tout  ennemie  et  contraire  à  la  justice. 
Bien  davantage;  ceux  qui  ont  assisté  au  procez  tesmoigneiit, 
au  cas  que  quelqu'un  voulust  donner  conseil,  qu'il  estoit  in- 


PROCES    DE    IIEVISION    ET    REHABILITATION  193 

jurié,  menacé  et  chassé  de  l'assemblée.  Ce  qui  montre  la 
nullité  dudit  procez,  et  à  ce  propos  sont  invoqués  plusieurs 
loix  et  auteurs  que  nous  passons  sous  silence. 

XLVII 

La  nullité  se  prouve  encore.d'autantque  les  loixdeffendent 
qu'on  puisse  exéquuter  une  sentence  donnée  contre  des  mi- 
neurs au-dessous  de  vingt-cinq  ans,  lesquels  n'ont  [pas]  esté 
defîendus;  et  mesme  il  n'est  besoin  d'appeler  de  la  sentence  : 
I  de  sententia  et  re  judicala.  I.  Acta.  Necpetenda  est  reslitu- 
tiû  in  integrum.  C.  siadversus  rem  judicatam,  I.  Cum  mi- 
nores, etc.  Or,  est-il  que  la  Pucelle  estoit  mineure,  destituée 
de  tout  conseil,  curateur- et  directeur. 


XLVIII 

Par  toute  disposition  de  droit,  les  actes  d'un  procez  doib- 
vent  estre  fidèlement  registrez  par  un  ou  deux  notaires  pu- 
blics; et  autrement  on  n'adjouste  point  de  foy  au  juge  ni  à 
son  procez,  et  le  juge  doibt  estre  puni.  Or,  est-il  qu'au  pré- 
tendu procez  contre  la  Pucelle  l'Évesque  de  Beauvais  n'a  pas 
seulement  esté  négligent  de  garder  les  loix  qui  ordonnent 
cela,  mais  bien  plus  a  fait  tout  le  contraire  par  un  malitieux 
dessein,  faisant  retrancher  les  dépositions  de  la  Pucelle  et 
omettre  ses  excuses.  Par  ainsi  tout  leur  prétendu  procez  est 
vicieux,  faulx  et  nul.  Auquel  propos  sont  alléguées  plusieurs 
autoritez  du  droit  canon. 

XLIX 

Que  l'Évesque  de  Beauvais  a  fait  extraire  du  procez  et  confes- 
sions de  la  Pucelle  certains  articles  faulx,  mensongers,  impar- 
faits et  calomnieux,  sur  lesquels  il  a  fait  consulter  plusieurs 
opinions  ;  ausquels  articles  il  a  malitieusement  omis  tout  ce 
qui  faisoit  à  la  descharge  et  excuse  de  la  Pucelle,  et  notam- 
ment qu'elle  s'estoit  sousmise  au  jugement  de  l'Église  et  du 
siège  Apostolique,  détorquant  et  tronquant  aucunes  choses, 


194  E.    RIGHEK.    LA    PUCEM.E    d'oKLÉANS 

et  en  adjoustant  de  faulses  pour  la  rendre  plus  criminelle.  Et 
surlesdits  faiilx  articles  a  fait  opiner,  et  finalement  a  donné 
ses  prétendues  sentences  iniques,  faulses  et  nulles,  ainsi  qu'il 
est  clair  et  notoire  en  conférant  lesdits  articles  avec  les  dépo- 
sitions et  confessions  de  la  Pucelle.  Et  à  ce  propos  sont  allé- 
guées plusieurs  loix  pour  montrer  la  nullité  du  procez  et 
desdites  sentences. 


Cette  nullité,  iniquité  et  tromperie  est  encore  toute  mani- 
feste en  ce  que  certains  malitieux  et  séducteurs  conseillers 
et  directeurs  ont  esté  expressément  et  à  dessein  envoyez  à 
cette  fille  par  lesdits  juges,  ainsi  qu'il  esta  présumer,  veu  que 
personne  ne  parloit  à  elle  que  du  consentement  et  permis- 
sion de  l'Evesque  de  Beauvais,  ainsi  qu'il  ordonna  dès  la 
première  séance  du  procez  :  lesquels  conseillers  et  directeurs 
feignoient  estre  du  parti  du  roy  de  France,  et  donnoient  à 
entendre  à  cette  fille  qu'ils  la  vouloient  fidellement  conseiller, 
et  sur  toutes  choses  qu'elle  se  gardast  bien  de  se  sousmettre  à 
l'Église.  Davantage  :  a  esté  dit  cy-devant  qu'ils  lui  firent  la 
nuit  oster  les  habillements  de  femme  qu'elle  avoit  repris  et 
au  lieu  substituèrent  les  habillements  d'homme.  Donc,  si 
elle  les  a  repris  et  ne  s'est  pleinement  sousmise  au  jugement 
de  l'Église,  on  doit  attribuer  cela  à  leur  malice  et  tromperie, 
et  au  conseil  calomnieux  qu'ils  lui  ont  suggéré.  Et  puisque 
les  loix  ordonnent  que  le  dol  et  la  fraude  ne  doibvent  profi- 
ter à  personne,  il  s'ensuit  que  lesdites  sentences,  fondées  sur 
ce  que  cette  fille  est  relapse  et  a  repris  l'habit  viril,  et  qu'elle 
ne  s'est  voulu  sousmettre  à  l'Église,  ne  sont  d'aucune  consi- 
dération et  ne  peuvent  avoir  aucune  force  :  et  à  cela  sert  la 
loi  première  au  Gode  de  advocatis  divers .  judiciorwm.  Certes, 
attendu  que  la  Pucelle  de  son  propre  mouvement  s'est  sous- 
mise au  siège  Apostolique  et  a  demandé  instamment  d'y 
estre  menée,  ainsi  que  les  actes  du  procez  en  font  foy,  il 
faut  conclure  que  la  sentence  donnée  contre  elle  sur  un  pré- 
tendu relaps  doibt  estre  attribuée  au  damnable  conseil  qu'on 
lui  a  suggéré  et  conséquemment  est  nulle.  Sur  quoy  sont 
allégués  plusieurs  jurisconsultes. 


PROCES    DE    IlEVISIUN    ET    UEHAUlUTAi'lON  195 

Desquels  articles,  raisons  et  causes  cy-devant  alléguées  il 
résulte  que  tout  le  procez  et  sentences  de  l'Evesque  de  Beaii- 
vais  et  de  l'inquisiteur  qu'il  s'est  associé  sont  nuls  quant  à  la 
forme  et  doibvent  estre  déclarez  tels  et  cassez  par  messieurs 
les  juges,  et  consciencieusement  aussi  tout  ce  qui  s'en  est 
ensuivi. 

Ll 

La  matière  du  procez  sont  les  crimes,  erreurs  et  excez  faul- 
sement,  iniquement  et  malitieusement  imputez  à  la  Pucelle, 
et  principalement  quelle  estoit  relapse,  hérétique,  sorcière, 
crimes  qu'elle  n'a  jamais  commis  et  ne  se  peuvent  prouver 
ni  induire  de  ses  confessions  et  dépositions,  ni  par  autres 
preuves  ou  tesmoins  ;  icelle  ayant  tousjours  dit  et  protesté 
qu'elle  estoit  bonne  chrestienne  et  catholique  et  ne  forlignoit 
en  aucune  chose  de  la  foy,  ni  des  ordonnances,  détermina- 
nations  et  traditions  de  l'Eglise.  Lesquelles  protestations 
jointes  à  la  vie  innocente  de  cette  fille,  debvoient  estre  prises 
et  interprétées  en  bonne  part,  ainsi  que  tous  les  docteurs 
enseignent. 

LU 

En  premier  lieu,  de  ce  qu'ils  l'accusent  à  cause  des  révéla- 
tions et  apparitions  qu'elle  dit  avoir  eu,  et  de  ce  qu'elle  a 
adoré  ces  esprits,  et  prétendent  que  ce  sont  des  démons,  et 
conséquemment  l'accusent  d'idolâtrie,  d'erreur,  d'hérésie  et 
d'avoir  invoqué  les  esprits  malins,  etc.,  l'on  oppoeeaucontraire 
que  ces  révélations,  apparitions,  etc.,  proviennent  des  anges  de 
lumière,  ce  qui  est  vraysemblable  :  et  par  raison  humaine 
ne  peut-on  juger  autrement,  et  les  juges  prétendus  n'ont  pu 
ni  du  moralement  en  ordonner  autre  chose.  Car  à  juger  hu- 
mainement, il  est  vraysemblable  qu'elle  n'a  dit  aucun  men- 
songe, ni  chose  faulse,  erronée  ou  hérétique,  asseurant 
qu'elle  avoit  des  révélations  et  apparitions  de  bons  esprits,  et 
aussi  qu'elle  n'a  commis  aucune  idolâtrie.  Ce  qui  est  véri- 
table. 


196  E.    RICIIER.    —    LA    PUCELLE    d'oRLÉANS 


LUI 


Au  reste,  ces  juges  prétendus,  aveuglez  de  passion  et  de 
la  haine  extrême  qu'ils  porloient  h  la  Pucelle,  n'ont  pu 
cognoistre  si  ces  révélations  et  apparitions  venoient  de  Dieu. 
Et  attendu  qu'elles  sont  occultes  et  incognues  aux  hommes, 
chose  qu'ils  ne  pouvoient  ignorer,  ils  dévoient  suspendre  leur 
jugement  et  ne  les  pas  détorquer  en  mauvaise  part,  ains 
réserver  cela  à  Dieu  seul  qui  cognoist  les  choses  secrètes.  Et 
n'y  a  personne  quelconque  en  lerre  qui  en  puisse  certainement 
juger,  parce  que  Dieu  seul  cognoist  les  choses  occultes.  Gap. 
si  omnia,  6  quœst.  Gap.  erubescant  cum  sua  Glossa,  32  dist. 
etc.  ISam  de  occuUis  Ecclesia  non  judicat.  Gap.  sicut  tuis, 
in  fine,  de  Simonia.  Et  in  occultis  Ecclesise  judicium  sœpe 
fallere  et  falli  potest.  Gap.  a  nobis,  28.  De  sententia  ex- 
communicationis  cum  sua  glossa,  etc. 


LIV 


Qu'il  soit  véritable  que  les  révélations  et  apparitions  de  la 
Pucelle  proviennent  des  bons  anges  et  qu'on  le  doibt  ainsi 
tenir  moralement  par  toute  sorte  de  présomption  et  pieuse 
conjecture,  les  raisons  suivantes  le  démonstrent.  Gar,  pre- 
mièrement, cette  fille  estoit  vierge,  et,  ayant  esté  visitée,  a 
esté  trouvée  telle  par  plusieurs  nobles  matrones,  etc.  Or  est- 
il  qu'en  une  vierge  innocente  et  pure  et  très  agréable  à  Dieu, 
l'inspiration  du  Saint-Esprit  est  convenable  comme  estant  le 
temple  de  Dieu,  ainsi  que  le  dit  saint  Ambroise  :  can.  tole- 
rabitius  32,  quœst.  5.  Secondement,  pour  ce  qu'elle  estoit 
humble  et  simple,  ainsi  qu'on  recognoit  par  toutes  ses  res- 
ponses.  Et  d'ailleurs  n'a  jamais  recherché  les  honneurs  mon- 
dains, mais  seulement  le  salut  de  son  ame.  Or,  est-il  que  la 
virginité  et  humilité  jointes  ensemble,  sont  louées  avec 
admiration.  Gan.  Haecdiximns,  30,  dist.  Et  super  his  requi- 
escit  spiritus  Domini. 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    RÉHABILITATION  197 

LV 

En  troisiesmc  lieu,  celte  fille  a  toujours  esté  d'une  vie 
louable,  honneste  et  grandement  adonne'e  à  la  piété,  secou- 
rant les  pauvres,  gardant  les  jeusnes  de  l'Eglise,  fréquentant 
les  sacrements,  assistant  au  service  divin,  et  allant  souvente 
fois  à  confesse  et  à  la  sainte  communion.  Donc,  comme 
telle  est  digne  des  apparitions  et  visions  des  anges  de  lu- 
mière, etc. 

LVl 

En  quatriesme  lieu,  le  principal  indice  et  marque  des 
bons  anges  est  qu'ils  suadent  et  invitent  tousjours  aux  bonnes 
œuvres  et  actions  vertueuses,  comme  ont  fait  ceux  qui  ont 
apparu  à  la  Pucelle,  l'excitans  à  fréquenter  l'église,  à  se  con- 
fesser souvent,  à  se  bien  gouverner,  à  garder  sa  virginité 
tant  corporelle  que  spirituelle,  et  que  par  ce  moïen  elle 
obtiendrait  la  vie  éternelle.  Toutes  lesquelles  choses  sont  des 
signes  et  marques  des  esprits  de  lumière  :  Nostre  Seigneur 
ayant  laissé  pour  règle  cette  sentence  qu'on  les  cognoissoit 
par  leurs  œuvres  et  par  leurs  fruits.  Faut  adjouster  qu'à 
l'arrivée  de  ces  visions  et  apparitions  elle  faisait  le  signe  de 
la  croix,  et  que  ces  esprits  ne  disparaissoient  pas,  comme  font 
les  démons  desquels  est  fait  mention  au  canon  Postea  signa- 
tur,  de  consecr.  Item,  que  saint  Michel  ayant  apparu  à  cette 
fille  avec  une  lumière,  elle  fut  espouvantée  de  premier 
abord;  mais  qu'à  son  départ,  il  la  laissa  grandement  conso- 
lée, ce  qui  est  le  signe  d'un  bon  ange,  ainsi  que  nous  lisons 
en  lEscriture  de  l'ange  qui  apparut  à  la  Bienheureuse 
Vierge  et  à  plusieurs  autres  saints  personnages,  chose  no- 
toire à  tout  le  monde.  Et  cette  fille  a  déposé  tout  cela,  comme 
pareillement  que  ces  esprits  parloient  à  elle  intelligiblement 
d'un  sens  clair  et  net  ;  oîi  au  contraire  le  malin  esprit  parle 
obscurément,  par  énigmes,  afin  que  par  telles  obscuritez  il 
puisse  retenir  son  autorité  et  crédit  à  l'endroit  de  ceux  qu'il 
a  mis  à  sa  chaisne.  Cap.  sciendum,  26,  quœst.  4.  Et  cela  est 
véritable. 


198  E.  mcHER.  —  i.\  prr.ELLi':  u  orleans 

LVll 

Cinquiesnicmcnl,  le  signe  indubitable  des  anges  de  lumière 
est  que  la  Pucelie  est  moFte  catholiquement  et  religieuse- 
ment, car  elle  receut  les  sacremens  de  pénitence  et  de  l'Eu- 
charislie  avec  une  grande  ferveur,  dévotion  et  résignation  à 
la  volonté  de  Dieu  et  effusion  de  larmes.  Et  estant  au  milieu 
des  flammes,  elle  proféroit'hautement  et  intelligiblement  le 
nom  glorieux  de  nostre  Sauveur  Jesu  Christ,  de  saint  Michel, 
etc.  Au  contraire,  les  esprits  malins  précipitent  ceux  qu'ils 
ont  tirez  à  leur  parti,  en  enfer,  ainsi  que  tesmoigne  saint 
Augustin,  donnant  l'exemple  de  Saùl  qui  adora  le  diable  sous 
la  forme  de  Samuel  qu'une  sorcière  fit  représenter.  Can.  nec 
mirum,  26,  quœst.  5,  etc. 

LVIII 

Le  sixiesme  signe  des  esprits  de  lumière  fort  notable  est 
que  la  Pucelie  a  certainement  prédit  la  vérité  de  plusieurs 
choses,  lesquelles  ont  eu  une  issue  et  effet  miraculeux.  Car 
peut-il  estre  chose  plus  véritable  que  ce  qu'elle  a  prédit  au 
temps  où  il  n'y  avoit  aucune  apparence,  et  lorsque  tout  succé- 
doit  au  désir  du  Roy  d'Angleterre,  et  qu'il  estoit  beaucoup 
plus  puissant  en  forces  et  en  armes  que  le  Roy  de  France,  et 
que  la  plus  grande  partie  du  royaume  lui  obéissoit,  et  que 
tout  sembloit  conspirer  contre  Sa  Majesté  (Charles  VII),  sçavoir 
qu'elle  feroit  lever  le  siège  d'Orléans,  qu'elle  mèneroitle  Roy  à 
Rheims  pour  estre  sacré  et  couronné,  et  que  le  Roy  de  France 
recouvreroit  son  royaume  et  en  chasseroit  du  tout  les  An- 
glois,  etc.  Ce  qui  doibt  vrayment  estre  attribué  à  un  miracle, 
attendu  la  grande  puissance  et  multitude  des  ennemis,  et  le 
peu  de  gens  que  la  Pucelie  avoit,  quand  elle  fit  lever  le  siège 
d'Orléans,  etc. 

LIX 

Que  telles  et  si  notables  véritez  énoncées  par  cette  fille  ne 
peuvent  provenir  des  esprits  malins,  mais  de  Dieu  qui  seul 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    RÉHABILITATION  199 

cognoist  les  choses  futures,  Nostre-Seigneur  ayant  dit  :  «  Ce 
n'est  pas  à  vous  de  cognoistre  les  temps  à  venir,  mais  seule- 
ment à  ceux  auxquels  mon  Père  les  voudra  révéler  ».  Et  ail- 
leurs :  «  Dites-nous  les  choses  qui  doibvent  advenir,  et  nous 
vous  dirons  que  vous  estes  dieux.  »  Et  comme  saint  Bernard 
asseure  que  le  plus  grand  miracle  de  Jésu  Christ  est  d'avoir 
sousmis  le  monde  universel  sous  la  loy  évangélique  par  le 
moïen  de  bien  peu  de  personnes  pauvres,  idiotes,  simples, 
ainsi  que  Ilostiensis  et  Joannes  Andréas  rapportent,  cap. 
venerabilis,  de  prxbendis ;  au  cas  semblable,  on  peut  dire 
que  c'est  un  très  grand  miracle  qu'une  simple  fille  âgée  de 
dix-huit  ans,  ne  sçachant  lire  ni  escrire,  ni  [ce]  que  c'estoit 
des  armes  et  de  la  guerre,  issue  de  pauvres  parents  et  de  bas 
lieu,  au  temps  que  le  royaume  de  France  estoit  tout  désolé, 
et  que  humainement  tout  sembloit  désespéré,  néantmoins 
aye  relevé  le  courage  de  tous  les  Françoys,  et  par  sa  valeur 
invincible  a  débellé  les  ennemis  de  la  France,  remis  en  l'obéis- 
sance du  Roy  sans  aucun  carnage  ni  voye  d'hostilité  les 
villes  qu'ils  avoient  occupées.  Effet  qui  ne  peut  provenir 
d'ailleurs  que  de  la  main  toute-puissante  de  Dieu  et  des  anges 
de  lumière,  etc. 

LX 

Au  reste  ne  peut  estre  blasmée  mais  [doibt  estre]  grande- 
ment louée  de  s'estre  meslée  aux  affaires  de  la  guerre  pour 
secourir  son  Roy  et  sa  patrie  ;  veu  que  la  guerre  estoit  très 
juste  et  méritoire,  ayant  toutes  les  conditions  d'une  juste 
guerre  dont  il  est  parlé  au  canon  si  nulla,  î23,  quœst.  8,  et  en 
plusieurs  autres  canons  et  auteurs  alléguez  en  preuve.  Et 
tout  ce  que  la  Pucelle  a  fait  a  esté  par  privilesge  et  comman- 
dement spécial  de  Dieu,  au  nom  duquel  elle  a  premièrement 
sommé  les  Anglois  de  se  retirer  en  leur  païs  et  laisser  le  Roy 
de  France  [possesseur]  paisible  de  son  royaume. Or  est-il  que 
ceux  qui  sont  gouvernez  de  l'Esprit  de  Dieu  ne  sont  subjects 
a  la  loy  commune.  C'est  pourquoy  Abraham  a  esté  excusé 
d'homicide,  entreprenant  d'immoler  son  fils  ;  comme  pareil- 
lement Samson,  etc.  Cap.  Gaudemus,de  divorliis.  Cap.  licet, 
de  Regularibus,  etc. 


200  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 


LXI 

Bien  davantage  :  supposant  ce  qui  est  faulx,  S(;avoir  que 
les  révélations  de  cette  fille  provinssent  de  quelques  mauvais 
esprits  et  qu'elle  en  eust  esté  déceu  par  erreur,  si  est-ce  tou- 
tes fois  qu'elle  debvroit  estre  excusée  pour  ce  qu'elle  a  cru  que 
c'estoient  de  bons  esprits  qui  lui  apparaissoient  en  forme 
d'anges  de  lumière,  sçavoir  saint  Michel,  saintes  (Catherine  et 
Marguerite,  comme  tels  les  a  adorez  :  et  pour  cela  ne  debvroit 
estre  tenue  idolâtre.  XXIX,  quxst.  1,  verbo  aliter,  etiam  hoc 
pî'obatur,eia.;  veu  mesme  qu'elle  s'est  sousmise  au  jugement 
de  l'Eglise. 

LXII 

Quant  à  ce  qu'ils  la  veulent  rendre  criminelle  pour  avoir 
porté  un  habillement  d'homme  contre  les  canons,  Can.si  qua 
millier,  XXX  dist.,  etc.,  cela  n'est  d'aucune  considération  veu 
la  fin  et  les  circonstances  des  choses  que  la  Pucelle  debvoit 
exéquuter  par  le  commandement  de  Dieu  et  les  raisons  qui 
ensuivent. 

LXIII 

Premièrement,  pour  ce  qu'elle  estoit  envoyée  de  Dieu.  Or 
est-il  que  où  l'esprit  de  Dieu  habite,  là  est  la  liberté,  Can. 
licet,  de  Regularibus.  En  second  lieu,  les  canons  alléguez  par 
les  parties  adverses  et  tous  les  docteurs  parlent  de  femmes 
qui  changent  d'habillement  pour  assouvir  leur  lubricité. 
Mais  la  Pucelle  a  pris  cet  habitpour  l'éviter  et  empescher  que 
les  hommes  la  voyans  habillée  en  femme,  ne  fussent  provo- 
quez à  concupiscence  charnelle.  Davantage  :  c'a  esté  pour 
conserver  sa  virginité,  conversant  parmi  les  hommes,  et, 
moïennant  cet  habit,  estant  prisonnière  au  chasteau  de 
Rouen,  elle  empescha  que  les  Anglais  ne  la  violassent,  ainsi 
qu'il  apparaist  par  preuves  légitimes.  Donc  à  Dieu  ne  plaise 
que  les  choses  que  nous  faisons  pour  un  bien  nous  soient 
imputez  à  coulpe.  Can.  de  occidendis,  quœst.  5. 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    RÉHABILITATION  201 

LXIV 

En  troisiesinc  lieu,  il  est  constant  que  cette  fille  a  souven- 
tes  fois  promis  de  prendre  un  habillement  de  femme,  pourveu 
qu'elle  eust  à  vivre  et  demeurer  parmi  des  femmes  ou  qu'elle 
fust  aux  prisons  ecclésiastiques,  ou  ailleurs  qu'entre  ses  enne- 
mis. De  plus,  elle  l'a  pris  de  fait  pour  obéir  au  jugement  pré- 
tendu de  ses  ennemis,  et  ne  l'a  quitté  que  par  nécessité  et  par 
la  malice  et  tromperie  de  ses  ennemis,  et  pour  empescher 
qu'on  ne  la  violast,  ainsi  qu'il  a  été  dit  aux  articles  vingt-six, 
vingt-sept. 

LXV 

Il  n'est  pas  véritable  qu'elle  ait  jamais  postposé  d'oui'r  la 
messe  à  cet  habit  viril  qu'elle  portoit:  au  contraire,  il  est  très 
véritable  qu'elle  a  demandé  souveriles  fois  et  instamment  d'en- 
tendre la  messe  et  recepvoir  la  sainte  communion,  et  qu'on 
lui  donnast  un  habillement  de  femme  à  la  façon  d'une  fille  de 
bourgeois.  Que  si  l'on  repart  qu'elle  a  dit  avoir  juré  k  son 
Roy  de  ne  point  quitter  l'habit  viril,  il  faut  présumer  :  attendu 
le  commandement  qu'elle  avoitdeDieu  de  porter  cet  habille- 
ment; qu'elle  n'esloit  subjecte  à  la  loy  commune  de  porter  un 
habillement  de  femme,  ainsi  qu'il  a  esté  remarqué  en  un  pré- 
cédent article.  Et  n'est  pas  merveille  si  elle  s'est  trouvée  en 
perplexité  sur  l'option  qu'on  lui  a  faite  de  prendre  une  robe  de 
femme  pour  aller  à  la  messe,  conférant  le  commandement 
exprès  qu'elle  tenoit  avoir  de  Dieu  de  porter  l'habillement 
d'homme,  avec  cette  permission  qu'on  lui  donnoit  d'entendre 
la  messe.  Car  encore  qu'elle  desiroit  ardemment  d'ouyr  la 
messe,  si  est-ce  qu'elle  craignoit  de  contrevenir  au  comman- 
dement de  Dieu  qu'elle  avoit  de  porter  cet  habit  viril,  veu  le 
péril  où  elle  s'exposoit,  estant  tousjours  parmi  lesAngloisqui 
s'esloient  mainte  fois  efforcez  de  la  violer. 

LXVI 

Que  pour  avoir  repris  Ihabillement  d'homme  l'on  n'adula 
condamner,  ni  mesme  la  qualifier  relapse,  veu  qu'elle  a  repris 


202  E-     UlCHEK.    — •    LA    l'L'CELLE    d'oULÉANS 

cet  habit  par  fraude,  malice,  violence  et  nécessité  que  ses 
ennemis  lui  ont  imposée,  tant  pour  conserver  sa  virginité 
que  pour  autres  causes  cy-devant  alléguées. 

LXVII 

Ouant  au  blasme  qu'ils  veulent  lui  imputer  de  s'en  estre 
allée  sans  le  congé  de  ses  parents,  etc.,  on  respond  qu'elle 
s'en  est  confessée  sacramentellement  et  en  a  demandé  pardon 
à  ses  parents  qui  le  lui  ont  donné.  Et  conséquemment  on  ne 
lui  doibt [point]  objecter  cela,veu  la  pénitence  qu'elle  a  faite 
et  le  pardon  qu'elle  a  obtenu. 

LXVIIl 

Pour  le  regard  de  ce  qu'ils  l'accusent  d'avoir  mis  le  nom  de 
Jésus  aux  lettres  par  lesquelles  elle  donnoit  charge  de  faire 
du  mal  [aux  ennemis],  comme  celle  qu'elle  écrivit  aux  An- 
glois,  etc.,  elle  respond  qu'elle  n'a  fait  ni  commis  aucun 
péché  en  cela,  joint  quec'estoit  en  guerre  ouverte  et  juste  où 
tout  se  doibt  faire  et  exéquuter  en  nom  de  Xostre-Seigneur. 

LXIX 

Au  reste,  n'est-ce  pas  chose  frivole  l'accuser  d'avoir  sauté 
du  haut  d'une  tour  par  désespoir,  etc.  Car,  ainsi  qu'elle  a 
fort  pertinemment  respondu,  ce  saut  n'a  point  esté  par  déses- 
poir ou  par  aucune  meschanceté,  mais  sous  l'espérance  de 
se  pouvoir  sauver  et  d'aller  secourir  ceux  de  Compiègne.  Et 
sert  à  ce  propos  le  canon  de  saint  Grégoire,  Nervi  testiculo- 
rum,  §  est  tamen. 

LXX 

Quant  à  ceux  qui  l'accusent  d'avoir  menti,  disant  qu'un 
ange  estoit  venu  du  ciel  apporter  une  précieuse  couronne  à 
son  Roy  et  lui  avoit  fait  la  révérence,  fléchissant  le  genou, 
etc.,  on  respond  :  ores  qu'il  ne  soit  jamais  licite  de  mentir, 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    RÉHABILITATION  203 

toutes  fois  il  est  permis  de  respondre  prudemment,  feignant 
et  desguisant  quelque  chose  pour  en  temps  et  lieu  celer  la 
vérité.  Donc,  puisque  le  nom  d'ange  est  un  nom  d'office  et 
ne  signifie  autre  chose  que  messager,  d'où  vient  que  l'Escri- 
ture  dit  :  Voici,  f envoie  mon  ange,  etc.,  parlant  à  saint 
Jean-Baptiste,  pour  cette  cause,  la  Pucelle  discourant  des 
choses  à  quoy  Dieu  l'avoit  destinée,  a  pu  feindre  qu'elle  estoit 
un  ange  ou  messagère  apportant  à  son  Roy  une  couronne, 
c'est-à-dire  une  palme  de  victoire  figurée  par  cette  couronne  : 
et  en  cela  n'a  point  menti,  mais  parlé  prudemment.  Et  mesme 
a  pu  dire  que  cet  ange  estoit  saint  Michel,  parce  que  saint 
Michel  l'instruisant  de  ce  qu'elle  avoit  à  faire,  elle  lui  pou- 
voit  attribuer  ce  qu'elle  faisoit  suivant  la  règle  :  Qui  fait 
quelque  chose  par  autrui  est  estimé  le  faire  lui-mesme,  etc. 

LXXI 

Mais,  disent-ils,  elle  a  maintenu  qu'elle  estoit  certaine  et 
croyoit  fermement  qu'elle  seroit  sauvée,  etc.  Cela  n'a  aucune 
absurdité,  pourveu  que  tout  ce  qu'elle  a  dit  soit  assemblé 
comme  est  [ceci],  qu'elle  gardast  bien  ce  qu'elle  avoit  promis 
à  Dieu,  sçavoir  son  serment  et  sa  virginité  tant  corporelle 
que  spirituelle.  Au  reste,  celui-là  garde  sa  virginité  spiri- 
tuelle qui  ne  pèche  point.  Can.  si  enim  inquit,  de  consecr., 
dist.^.  N'est-il  pas  dit  :  «  Oui  persévérera  jusques  à  la  fin  sera 
sauvé»  ?  En  saint  Mathieu,  10. 

LXXII 

Quant  à  ce  qu'elle  a  dit  sçavoir  les  choses  futures  et  qu'elle 
seroit  délivrée  de  prison,  et  qu'on  prétend  qu'elle  a  menti,  etc., 
il  ne  sefautesbahirsi  elle  a  pris  et  interprété  cette  délivrance 
de  prison  d'un  autre  sens  que  ses  voix  ne  l'entendaient,  sça- 
voir de  la  délivrance  de  la  prison  de  cette  vie  par  la  mort 
qu'elle  debvoit  souffrir,  lui  ayant  esté  prédit  qu'elle  souffriroit 
martyre  et  qu'elle  seroit  sauvée.  En  quoy  elles  lui  ont  dit  la 
vérité.  Davantage  :  c'est  chose  notoire  que  tous  ceux  que 
Dieu  a  douez  de  l'esprit  de  prophétie  n'ont  pas  tousjours  parlé 


204  E.    RICIIER.     —    LA    PUCELLE    d'oRLÉANS 

prophétiquement  et  véritablement,  ainsi  que  saint  Grégoire 
remarque  sur  Ezéchiel,  allégué  au  canon  potest  discu7'sus, 
I  in  prophétise  vlrlule,  de  consecr .  dist.  2. 

LXXIII 

C'est  encore  faulsementet  à  tort  qu'elle  est  blasmée  d'avoir 
dit  que  saintes  Catherine  et  Marguerite  aymoient  les  Fran- 
çoys  et  haïssoient  les  Anglois.  Car  elle  a  respondu  véritable- 
ment qu'elles  aymoient  ce  que  Dieu  ayme,  et  qu'elles  haïs- 
soient ce  qu'il  hait,  et  qu'elle  n'entendoit  parler  de  leur  ame, 
mais  de  ce  que  les  Anglois  seroient  exterminez  de  la  France. 


LXXIV 

Aussi  n'a-t-elle  jamais  dit  n'avoir  eu  ou  qu'elle  n'avoit 
aucun  péché,  mais  bien  ne  passçavoir  si  elle  avoit  péché  mor- 
tellement. «  Et  à  Dieu  ne  plaise  qu'elle  aye  onques  fait  ou  fasse 
quelque  chose  pour  laquelle  son  ame  soit  chargée!  m  Qu'eus- 
sent-ils pu  dire  si  elle  eust  péché  sans  avoir  "lait  une  digne 
pénitence?  Bref,  elle  n'a  point  péché  en  toutes  ces  choses,  et 
est  grandement  excusable,  ayant  parlé  et  respondu  pertine- 
ment  en  questions  si  ardues  et  difficiles  selon  sa  capacité. 

LXXV 

C'est  encore  faulsementet  malilieusement  qu'ils  ont  publié 
qu'elle  ne  s'estoit  voulu  sousmettreà  l'Eglise,  ni  pareillement 
aussi  ses  faits  et  dits  :  veu  que  le  contraire  apparoist  par  son 
procez,  sçavoir  qu'elle  s'est  sousmise  à  l'Eglise  et  au  Pape.  Et 
posé  qu'elle  ne  l'eust  fait,  elle  seroit  excusable  pour  plusieurs 
raisons.  Premièrement,  attendu  qu'elle  estoit  régie  de  l'Es- 
prit de  Dieu  par  révélations,  suivant  une  loy  ou  privilège 
particulier  qui  i'exemptoit  de  la  loy  commune  et  générale, 
cap.  gaudemus,  de  divortiis,  etc.  ;  cap.  licel  de  Regiilaribus. 
Et  en  cela  elle  a  suivi  l'Eglise.  ^Voyez  l'Advertissement  sur 
la  séance  quatriesme  du  livre  second.] 


PUOCES    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  205 


LXXM 

Secondement,  posé  que  ce  fust  chose  doubteuse  que  ses 
révélations  et  inspirations  proviennent  des  bons  ou  mauvais 
esprits,  cela  estant  incognu  aux  hommes  et  cognu  à  Uieu 
seul,  l'Eglise  n'en  peut  rien  ordonner,  can.  Eriibescanl, 
32  dist.;  et  capil.  sicut  tuis  ;  et  cap.  tua  nos,  de  simonia.  Au 
contraire,  elle  en  laisse  à  Dieu  seul  le  jugement,  cap.  Inqui- 
sitionis  de  sententia  excommunicat . ,  etc.  Donc,  la  Pucelle 
ayant  suivi  ses  révélations,  elle  n'a  point  erré. 

LXXVII 

D'ailleurs  c'estoit  une  jeune  fille  simple,  vierge  et  igno- 
rante, destituée  de  conseil,  laquelle  ne  pouvoit  entendre  suf- 
fisamment ce  que  vouloit  dire  ce  mot  d'Eglise  :  ce  qui  est 
nianifeste  par  le  procez  auquel  [elle]  est  rapportée  avoir  dit 
qu'elle  ne  mettoit  aucune  difi^érence  entre  l'Église  triom- 
phante et  militante,  entre  les  saints  bienheureux  et  l'Eglise, 
et  autres  choses  semblables  que  plusieurs  tesmoins  confir- 
ment par  leurs  dépositions.  Car  quand  on  lui  proposa  pre- 
mièrement qu'elle  eust  àse  sousmettre  à  l'Eglise,  ne  sçachant 
pas  ce  que  [cela]  vouloit  dire  etjusques  où  il  s'entendoit,  elle 
flotta  en  quelques  irrésolutions  ;  mais  après  qu'elle  eust  bien 
entendu  ce  que  c'estoit,  elle  s'y  est  toujours  sousmise  et  par- 
tant est  excusable. 

LX  XVIII 

Mais  c'est  chose  bien  remarquable  à  la  grand'honte  et 
confusion  des  juges,  que  si  aucunes  personnes  doctes,  assis- 
tans  à  ce  procez,  esmues  de  quelque  piété,  charité  et  com- 
passion, par  le  debvoir  de  leur  propre  conscience,  donnoient 
conseil  à  cette  fille,  lui  faisans  entendre  que  pour  lors  le  saint 
concile  de  Basle  allait  s'ouvrir  auquel  y  auroit  des  ecclésias- 
tiques de  toutes  les  nations  chrestienneset  de  l'obéissance  de 
son  Roy,  et  qu'elle  s'y  pouvoit  asseurément  sousmettre  etc.  ; 


206  E.    RICHER.    LA    PUCELLE    DORLÉANS 

quelesjuges  tançoientet  reprenoient aigrement  ceuxqui  don- 
noient  un  tel  conseil  à  cette  fille, et  principalement  TÉvesque  de 
Beauvais,  les  ayant  chassez  avec  menaces  et  injures,  de  sorte 
que  s'ils  ne  se  fussent  incontinent  retirez,  ils  estoient  en  dan- 
ger d'estre  jetez  en  la  rivière  ;  entre  lesquels  on  peut  nom- 
mer maistre  Nicolas  de  Houppeville,  bachelier  en  théologie, 
Jean  Lohier,  licencié  aux  droits,  maistre  Jean  de  la  Fontaine 
licencié  au  droit  canon  et  maistre  es  arts,  fort  versez  en  la 
pratique  des  cours  d'Église,  qui  furent  contraints  de  sortir 
de  Rouen,  ainsi  que  l'on  fera  veoir  par  le  tesmoignage  de 
plusieurs  personnes  dignes  de  foy  ^ 

LXXIX 

Sera  pareillement  prouvé  que  l'on  a  suborné  certains 
traistres  hypocrites  pour  aller  en  la  prison  où  estoit  détenue 
la  Pucelle,  en  habit  dissimulé,  feignans  qu'ils  estoient  du 
parti  du  Roy  de  France,  et  conseilloient  à  cette  fille  que  si 
elle  désiroit  sortir  de  prison,  elle  se  gardast  bien  de  se  sous- 
mettre  au  jugement  de  l'Église  en  quelque  manière  que  ce 
fust.  Partant,  si  en  cet  endroit  elle  a  manqué  en  quelque 
chose,  il  ne  lui  dolbt  estre  attribué,  mais  à  ces  malins  et  per- 
vers traistres  qui  l'ont  ainsi  trompée,  et  doibt  estre  excu- 
sée, etc.  Davantage  :  on  maintient  que  si  on  veut  bien  et  deue- 
ment  considérer  toutes  ses  dépositions  et  confessions,  et 
qu'on  les  prenne  en  bon  sens,  ainsi  quelles  doibvent  estre 
prises  et  interprétées,  véritablement  on  n'y  trouvera  aucune 
erreur,  opiniastreté  ni  maléfice  contre  la  foy  ou  la  religion 
catholique,  etc. 

LXXX 

Qu'il  est  constant  qu'elle  s'est  nommément  sousmise  à 
l'Église  après  qu'on  lui  eust  fait  entendre  ce  que  c'estoit  que 
l'Église  et  s'y  sousmettre.  Car  elle  dit  expressément  quelle 


1.  Allusion  en  ce  cas-ci  et  dans  les  cas  semblables  qu'on  a  pu  ren- 
contrer, aux  faits  que  les  enquêtes  de  Rouen  ou  d'ailleurs  avaient  déjà 
révélés  ou  devaient  révéler. 


PROCES    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  207 

se  sousmettoit  au  jugement  de  l'Église  et  du  Concile  général. 
Mesme  requit  que  le  formulaire  d'abjuration  qu'on  lui  pro- 
posa fustveu  et  examiné  par  des  ecclésiastiques  pour  lui  don- 
ner à  entendre  ce  qu'il  contenoit.  Toutes  fois  ses  juges  ne  le 
lui  voulurent  onques  accorder.  Et  conséquemment  on  peut 
dire  avec  vérité  que  c'est  eux  et  non  elle  qui  ont  mesprisé  le 
jugement  de  l'Eglise  :  chose  que  l'on  prouvera,  tant  par  les 
actes  du  procez  que  par  tesmoins  dignes  de  foy.  Davantage  : 
elle  a  mainte  fois  demandé  d'estre  envolée  au  Pape  pour  estre 
ouye,  auquel  le  jugement  de  ce  procez  appartenoit  comme 
estant  des  causes  de  plus  grande  importance,  joint  qu'il 
s'agissoit  de  révélations  et  d'apparitions  qui  sont  cognues  de 
Dieu  seul.  Or,  est-il  que  les  grandes  et  importantes  causes 
doibvent  estre  réservées  au  Siège  Apostolique,  cap.  7najores 
de  baptismo,  etc.  D'ailleurs,  conjoignant  toutes  les  responses 
qu'elle  a  faites,  interrogée  et  interpellée  de  se  sousmettre  à 
l'Eglise,  et  les  prenant  au  sens  qu'elle  les  a  dites  selon  sa 
capacité,  ignorance,  simplicité  et  la  bonne  intention  qu'elle 
avoit,  il  est  très  certain  qu'elle  s'est  sousmise  au  jugement  de 
l'Église  quand  elle  a  confessé  qu'elle  ne  voudroit  rien  faire 
ni  dire  qui  fust  contraire  à  la  foy  chrestienneque  Nostre-Sei- 
gneur  a  establie,  et  que  si  elle  avoit  fait  ou  dit  quelque  chose 
ou  qui  fust  mesme  sur  son  corps,  que  les  ecclésiastiques  lui 
asseurassent  estre  contre  la  foy  chrestienne,  qu'elle  ne  le 
voudroit  soustenir,  mais  le  rejeteroit.  D'où  il  est  facile  de  col- 
liger  qu'elle  s'est  sousmise  au  jugement  de  l'Eglise,  c'est  à 
sçavoir  des  ecclésiastiques,  aux  choses  esquelles  la  foy  chres- 
tienne et  l'Eglise  veulent  qu'elle  fust  sousmise.  Car  qui  se 
sousmet  aux  ecclésiastiques  es  choses  de  la  foy,  se  sousmet 
conséquemment  à  l'Église . 

LXXXI 

Pour  preuve  infaillible  de  cette  submission  au  jugement  de 
l'Église,  c'est  que  par  ordonnance  des  juges  prétendus,  la 
Pucelle  un  peu  auparavant  que  de  finir  ses  jours,  a  receu  le 
précieux  corps  de  Nostre-Seigneur  :  chose  que  lesdits  juges 
n'eussent  eu  garde  d'ordonner  si  elle  ne  se  fust  sousmise  au 


208  E.    RICHER.    L.\    l'UCELLE    D  ORLÉANS 

jugement  de  l'Église,  car  elle  cust  esté  en  un  manifeste  et 
notoire  péché  mortel,  et  ne  lui  pouvait-on  en  [aucune]  façon 
du  monde  administrer  la  sainte  Eucharistie,  cap.  si  sacerdos, 
de  Of/îciis  ordinarii,  et  cap.  Quotidie,  de  consecr.  dist.  2, 
etc. 

LXXXll 

Que  par  les  actes  du  procez,  il  est  manifeste  que  la  Pucelle 
ne  peutestre  qualifiée  ni  appelée  ?*e/«j9se.  Car  icelui  est  estimé 
relaps  qui  est  tombé  [desjà]  en  quelque  erreur  ou  hérésie.  Or, 
est-il  que  cette  fille  n'y  est  jamais  tombée,  ainsi  qu'il  appert 
par  les  choses  susdites.  Veu  mesme  qu'elle  n"a  rien  dit  qu'on 
ne  puisse  delTendre  sans  préjudicier  à  la  foy  catholique.  Et 
par  conséquent  n'est  point  relap-se. 

Lxxxm 

Davantage,  elle  nentendoit  point  ce  qui  estoit  contenu  au 
formulaire  d'abjuratjon  qu'on  lui  a  fait  prononcer  et  signer, 
ainsi  qu'il  est  porté  par  les  actes  du  procez.  Or  est-il  que  celui 
qui  n'entend  point  ce  quil  abjure  ne  peut  faire  abjuration. 
Pour  cette  raison,  l'abbé  de  Fescamp,  suivi  de  la  plus  part 
des  opinans,  fut  d'advis  qu'on  lui  expliquast  ce  formulaire 
pour  sçavoir  d'elle  si  elle  l'avoit  [ou  non]  entendu.  Ce  que 
toutes  fois  on  ne  trouve  avoir  esté  fait  par  les  actes  dudit  pro- 
cez. Si  elle  eust  entendu  ce  prétendu  formulaire,  elle  n'eust 
jamais  confessé  et  recognu  qu'elle  estoit  suspecte  d'hérésie, 
qu'elle  avoit  imposé,  menti  et  commis  plusieurs  autres  grands 
crimes  exprimez  audit  formulaire.  Partant,  si  elle  n'a  pas 
entendu  ce  formulaire,  elle  ne  peut  avoir  fait  aucune  abjura- 
tion, et  conséquemmeut  n'est  point  relapse. 

LXXXIV 

Faut  encore  noter  que  le  formulaire  de  rétractation  qui 
est  aujourd'huy  couché  au  procez,  n'est  pas  celui  qui  fut  pro- 
posé à  la  Pucelle  pour  le  prononcer,  quand  les  juges  la  con- 
traignirent de  faire  une  abjuration  à  leur  mode.  Garce  for- 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    RÉHABILITATION  209 

mulaire  estoit  escrit  en  un  petit  morceau  de  papier  bien  dis- 
semblable à  celui  qu'ils  ont  fait  après  coup  registrer  audit 
procez,  comme  bon  leur  a  semblé. 

LXXXV 

Si  on  examine  bien  les  paroles  que  cette  fille  a  dites  sur  ce 
qu'on  la  vouloit  réputer  relapse,  on  trouvera  qu'elle  ne  peut 
estre  tenue  pour  telle.  Car  elle  dit  expressément  qu'elle  s'es- 
toit  damnée  pour  vouloir  sauver  sa  vie,  c'est-à-dire  qu'elle 
s'estoit  déclarée  hérétique,  ne  l'ayant  jamais  esté  et  ne  l'es- 
tant pas.  Et  par  ainsi,  n'entendant  pas  ce  formulaire,  elle 
s'estoit  condamnée  injustement  et  par  ignorance  de  sa  propre 
bouche.  El  a  maintenu  n'avoir  onques  entendu  rien  révo- 
quer sinon  que  Dieu  y  pourveust  et  qu'il  lui  pleust.  Il  faut 
remarquer  qu'elle  ne  dit  pas:  «  Pourveu  qu'il  plaise  aux  révé- 
lations et  aux  voix  »  ;  mais  «  pourveu  qu'il  plaise  à  Dieu  ». 

LXXXVI 

Mais  c'est  chose  bien  nécessaire  d'exposer  en  évidence  les 
grandes  faulsetez,  tromperies  et  iniquitez  commises  au  procez 
et  sentences  données  par  les  juges,  ou  pour  le  moins  y  ayans 
tenu  la  main.  Car  ils  ont  fait  extraire  de  tous  les  actes  du  pro- 
cez douze  articles  en  nombre,  lesquels  commencent  Une  cer- 
taine femme,  et  ont  esté  envoiez  à  l'Université  de  Paris,  au 
moins  à  la  Faculté  de  théologie  et  de  décret;  sur  lesquels 
articles  ces  Facultés  ont  pris  leurs  délibérations  et  donné  leurs 
censures,  encore  toutes  fois  que  les  dits  articles  ayent  esté 
faulsement  et  calomnieusement  extraits  du  procez  :  considéré 
que  la  Pucelle  n'a  jamais  rien  confessé  de  ce  qui  est  contenu 
en  ces  articles  qui  sont  du  tout  contraires  à  ce  qu'elle  a  dé- 
posé, et  remplis  de  faulsetez,  impostures  et  calomnieuses 
interprétations,  ainsi  qu'il  parait  par  la  comparaison  d'iceux 
articles  avec  ce  qu'elle  a  déposé.  Partant  les  deux  sentences 
contre  cette  fille  ayans  esté  données  sur  lesdits  articles  et  déli- 
bérations intervenues  sur  iceux,  il  s'ensuit  nécessairement 
que  tout  ledit  procez  et  sentences  sont  nuls,  faux,  iniques,  etc. 

14 


210  E.    RICHER.    LA    PUCELI.E    d'ORLÉANS 

LXXXVll 

Mais  qui  pourroit  exempter  de  fraude  les  délibérations  que 
l'on  a  mendiées  a  Rouen  sur  lesdits  douze  faulx,  et  montrer 
qu'il  n'y  a  pas  un  malitieux  dessein  caché  la  dessous  pour 
parvenir  au  but  et  à  la  fin  que  l'on  prétendoit  ?  Car  on  a  par- 
ticulièrement envoie  de  maison  en  maison  ces  articles  avec 
mémoires  exprès  à  chacun  chanoine  de  Rouen  et  autres  que 
doctes  et  praticiens  de  cette  ville,  à  ce  qu'ils  eussent  à  envoier 
leurs  délibérations  par  escrit,  bien  scellées  et  cachetées  de 
leurs  sceaux  :  au  lieu  qu'ils  doibvent  estre  tous  assemblez  et 
congregez  (réunis)  pour  leur  faire  lecture  de  tous  les  actes 
du  procez,  à  ce  qu'ils  les  examinassent  bien  et  deument,  tant 
sur  la  matière  que  sur  la  forme,  pour  après  en  délibérer 
meurement  selon  raison  et  justice.  Ce  qui  fait  cognoistre  que 
ce  procédé  est  plein  de  dol  et  de  fraude,  et  que  l'on  a  voulu 
sonder  les  opinions  et  les  engager  auparavant  que  de  les 
faire  délibérer  en  public,  à  ce  que  chacun  resglast  et  don- 
nast  son  opinion  suivant  la  passion  des  juges.  Et  par  ce  moïen 
aussi  l'on  ostoit  aux  délibérans  la  cognoissance  des  actes 
véritables  du  procez,  au  lieu  desquels  on  supposoit  ces  douze 
faulx  articles,  qui  est  un  merveilleux  et  malin  artifice. 

LXXXVIII 

Toutes  fois  les  dits  opinans  et  délibérans  sont  grandement 
excusables  et  exempts  de  tout  blasme ,  moïennant  qu'ils 
ayent  eu  Dieu  et  leur  conscience  devant  les  yeux,  ainsi  qu'il 
est  à  présumer  qu'ils  ont  eu  :  veu  que  sur  et  conformément 
au  cas  qu'on  leur  proposoit  et  limitoit  quoyque  faulsement, 
ils  ont  donné  leur  advis.  Aussi  les  parents  de  la  Pucelle  ne 
prétendent-ils  aucune  action  contre  eux,  mais  seulement 
contre  les  juges  et  leurs  complices,  etc. 

LXXXIX 

Donc,  puisque  les  deux  prétendues  sentences  sont  erro- 
nées, tanldudit  procez  et  articles  faulx,  supposez,  iniques  et 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  211 

invalides,  que  des  délibérations  qui  en  sont  ensuivies,  il  faut 
conclure  nécessairement  que  les  dites  sentences  sont  nulles, 
iniques,  frauduleuses  et  faulses  et  ne  peuvent  par  aucun 
moïen  subsister,  et  partant  doibvent  estre  cassées,  annullées, 
révoquées. 

XG 

Or  puisque  ces  prétendues  sentences  et  la  cruelle  exéquu- 
tion  d'icelles,  en  suite  et  vertu  de  laquelle  la  Pucelle  a  esté 
meschamment,  iniquement,  injustement  et  scandaleusement 
bruslée,  ne  peuvent  en  [aucune^,  façon  du  monde  subsister, 
mais  doibvent  estre  détestées,  condamnées,  publiquement 
amendées  et  réparées,  etc.,  il  s'ensuit  aussi  que  faulscment 
et  à  tort  on  a  voulu  souiller  l'innocence  de  cette  fille  et  lui 
faire  perdre  l'honneur  et  sa  bonne  renommée. 


XCI 

Par  ainsi,  conformément  aux  Lettres  Apostoliques,  l'inté- 
grité, innocence  et  bonne  renommée  de  la  Pucelle  et  de  ses 
parents  doibten  tout  premier  lieu  estre  réparée  et  restablie 
en  son  entier,  considéré  la  nullité  du  procez,  des  dites  sen- 
tences et  de  tout  ce  qui  s'en  est  ensuivi.  Qui  est  ce  à  quoy  con- 
cluent lesparents  de  la  Pucelle,  et  supplient  messieurs  les  juges 
commis  par  nostre  Saint-Père  le  Pape  ordonner  juridique- 
ment que  leur  promoteur  se  joindra  à  eux  pour  conclure  aux 
mesmes  fins  de  la  cassation  desdites  sentences  et  de  tout  le 
procez  et  réparation,  etc.  ;  et  que  pour  ces  causes,  ledit  procez 
et  sentences  données  contre  la  Pucelle  seront  bruslez  par 
ordonnance  du  juge  séculier  en  la  mesme  place  où  la  Pucelle 
a  fini  ses  jours,  et  que  la  sentence  qui  interviendra  sera 
publiée  par  tout  le  royaume  de  France  aux  prosnes  et  prédi- 
cations solennelles  :  plus,  que  l'on  érigera  des  images  et  épi- 
taphes  en  l'honneur  de  la  Pucelle  tant  à  Rouen  qu'ailleurs  où  il 
sera  ad  visé  :  voire  mesme  que  l'on  fera  bastir  une  chapelle  afin 
de  faire  prières  pour  les  trépassez,  et  que  le  Roy  sera  sup- 
plié faire  registrer  la  dite  sentence  de  réparation  et  justifica- 


212  E.    lUCHEn.    —    LA    PUCELLE    D  ORLÉANS 

lion  do  la  Pucelle  et  de  ses  parents  aux  Chroniques  de  France 
et  en  son  trésor  des  Chartes,  à  ce  que  la  mémoire  en  soit 
immortelle,  et  oultre,  que  les  coupables  soient  condamnez  à 
de  grosses  amendes,  etc.  K 


ACTES   SUBSÉQUENTS 

[Comparution  du  procureur  de  l'évêque  de  Beauvais  et  de  frère 
Calceatoris.  dominicain,  par  devant  lévêque  de  Paris  et  1  inqui- 
siteur Jean  Bréhal.  —  Enquêtes  ordonnées  en  divers  lieux]. 

Par  acte  du  seiziesme  febvrierl4oo  (vieux  style)  estdéclaré 
que  Simon  Chapitault,  promoteur  en  cette  cause,  nomme 
et  constitue  pour  son  procureur  Maistre  Jean  Rebouis  pour, 
en  son  absence,  agir  et  promouvoir  la  justification  de  la 
Pucelle,  etc. 

Et  au  mesme  jour  comparaissent  à  l'assignation  maistre 
Renaut  Bredouille,  procureur  de  messire  Guillaume  de 
llélande,  évesque  de  Beauvais,  et  promoteur  des  causes  cri- 
minelles en  l'évesché  de  Beauvais,  avec  frère  Jacques  Calceato- 
ris, de  l'ordre  des  frères  prescheurs  de  la  ville  de  Beauvais, 
lesquels  ont  remis  au  lendemain  dix-septiesme  febvrier  pour 
estre  ouys.  Auquel  jour  [ils]  comparaissent  par  devant  mes- 
sire Guillaume,  évesque  de  Paris,  et  frère  Jean  Bréhal,  inqui- 
siteur de  la  foy  au  royaume  de  France  (l'archevesque  de 
Rheims  et  l'évesque  de  Coutances  absens)  :  ausquels  Renaut 


1.  Si  l'on  rapproclie  les  deu.x;  textes  d'E.  Richer  et  de  J.  Quicheral.  on 
remarquera  (luclques  différences  au  fond  peu  importantes. 

E.  Richer  ne  donne  que  91  articles  ;  J.  Quiciierat  en  donne  101. 

Mais,  tout  bien  examiné,  Richer  a  supprimé,  non  dix  articles,  mais 
deux  seulement  assez  peu  importants,  les  art.  XL  et  XLIX  de  J.  Quiche- 
rat.  Les  huit  autres  suppressions  apparentes  proviennent  de  ce  que 
Richer  a  réuni  plusieurs  fois  en  un  seul  article  deux  des  articles,  une 
autre  fois  quatre,  et  tout  à  la  fin  cinq  des  articles  de  J.  Quicherat. 

Articles  de  J.  Quicherat  omis  :  XL.  XLIX. 

Articles  réunis  en  un  seul  dans  Richer:  LU.  LUI:  —  LXXXI.  LXXXII; 
—  LXXXIIl,  LXXXIV,  LXXXV,  LXXXVI  :  —  XCII.  XGIII  :  —  XCVII, 
XCVIll,  XLIX,  G,  CI. 

En  retour,  de  l'art.  LXXVI  de  J.  Quicherat,  Richer  en  fait  deux. 
Dans  le  texte  même,  aucune  différence  notable. 


PROCES    DE    R&VISION    ET    REHABILITATION  213 

Bredouille  et  Jacques  Calceatoris  (ce  requérans  Guillaume 
Prévosteau,  procureur  des  parents  de  la  Pucelle,  et  Jean 
Rebours,  promoteur  subrogé  en  cette  cause),  fut  fait  lecture 
des  susdits  articles  contenant  les  griefs  et  fins  des  parents  de 
la  Pucelle,  pour  dire  et  proposer  à  l'encontre,  de  parole  ou 
par  escrit,  tout  ce  que  bon  leur  sembleroit.  Et  requirent  les- 
dits  Prévosteau  et  Rebours  que  les  susdits  Bredouille  et  Cal- 
ceatoris soient  contraints  d'y  respondre,  en  tant  que  cela  les 
pouvoit  toucher  respectivement  ou  qu'il  les  touchoit.  Qu'au- 
trement et  à  faute  de  ce  faire,  soient  déclarez  contumaces, 
comme  semblablement  tous  les  autres  qui  ne  sont  comparus 
à  l'assignation. 

Et  après  que  lecture  eust  esté  faite  des  dits  articles  par 
François  Ferrebouc,  l'un  des  notaires  instrumentant  en  ce 
procez,  les  dits  Prévosteau  et  Rebours  supplièrent  messieurs 
les  juges  vouloir  ordonner  et  nommer  des  Commissaires  à 
ce  que  les  tesmoins  fussent  ouys,  examiner  sur  les  dits  arti- 
cles aux  provinces  esloingnées,  comme  à  Tours,  Orléans, 
Poictiers  et  ailleurs  où  il  seroit  besoin. 

Et  cela  ainsi  proposé,  ledit  maistre  Renaut  Bredouille,  tant 
comme  procureur  de  révérend  père  messire  Guillaume,  éves- 
que  de  Beauvais,  qu'en  son  propre  et  privé  nom,  en  tant  que 
promoteur  du  diocèse  de  Beauvais,  respond  qu'il  ne  pouvoit 
croire  que  le  contenu  ausdits  articles  fust  véritable,  et  que  le 
delïunct  évesque  de  Beauvais  aye  procédé  contre  la  Pucelle 
ainsi  qu'il  est  porté  ausdits  articles  ;  qu'au  contraire,  autant 
qu'il  estoit  tenu  de  faire,  tiré  en  procez,  il  nioit  et  nie  de  fait 
lesdits  articles  estre  en  quelque  façon  véritables,  et  pour 
toutes  detfenses,  moïens  et  contredits,  il  emploie  le  procez 
fait  par  ledit  sieur  Cauchon  évesque  :  et  au  surplus  déclare 
qu'il  n'entendoit  à  Tadvenir  comparoir  ni  ester  à  droit  en  ce 
procez,  consentant  qu'on  flst  ouyr  et  examiner  les  tesmoins 
par  les  Commissaires  à  ce  députez  partout  où  il  seroit  besoin, 
se  rapportant  du  tout  à  la  conscience  de  messieurs  les  juges, 
protestant  de  rechef  au  nom  dudit  sieur  évesque  et  du  sien 
propre  qu'il  ne  prétendoit  ni  vouloit  prétendre  aucun  inte- 
rest  contre  lesdits  articles  ni  en  la  delfense  du  procez  contre  la 
Pucelle.  Quant  à  frère  Jacques  Calceatoris,  il  remonstra  qu'on 


214  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

avoit  fait  plusieurs  citations  et  significations  au  couvent  des 
Jacobins  de  Bcauvais,  lesquels  on  inlerpelloit  de  faire  com- 
paroir à  ce  procez  un  certain  inquisiteur  de  la  foy,  etc.  Qu'il 
prioit  messieurs  les  juges  ne  permettre  qu'on  fistà  l'advenir 
de  telles  citations  et  sommations  audit  couvent,  parce  que 
cela  Iroubloit  grandement  tous  les  frères  du  dit  couvent,  etc. 

Après  que  lesdites  parties  furent  ouyes  comme  dit  est, 
l'evesque  de  Paris,  et  Jean  Bréhal  inquisiteur,  en  présence 
du  grand  vicaire  de  l'archevesque  de  Rouen,  Nicolas  de  Bosto 
doyen  du  chapitre  de  Rouen,  de  Guillaume  Roussel,  cha- 
noine, etc.,  ordonnent  que  les  articles  susdits  proposez  par 
les  parents  et  procureur  de  la  Pucelle  seroient  receus  comme 
ils  debvoient  estre,  et  que  de  fait  ils  les  admettoient,  et  décla- 
roient  à  tous  ceux  qui  avoient  esté  citez  que  pour  l'advenir 
ils  estoient  forclos  de  produire  ou  opposer  aucune  chose 
contre  les  dits  articles  et  contenu  en  iceux  :  que  selon  ce  que 
le  procureur  des  parties  et  le  promoteur  avoient  requis,  on 
feroit  enqueste  et  information  ;  pour  laquelle  représenter 
audit  sieur  évesque  en  la  ville  de  Rouen  fut  assigné  le  pre- 
mier jour  plaidoiable  d'après  Quasimodo,  déclarant  qu'il 
vouloit  et  entendoit  procéder  à  la  dite  information  au  pre- 
mier jour  plaidoiable  après  la  feste  de  saint  Mathias  à  Paris 
en  sa  maison  épiscopale  :  auquel  jour  plaidoiable  toutes  les 
parties  et  tesmoins  furent  assignez  par  devant  l'evesque  de 
Paris,  lequel  en  outre  ordonne  qu'à  l'advenir  toutes  les  cita- 
tions et  monitions  nécessaires  en  ce  procez  se  feroient  par 
affiches  publiques  aux  maistresses  portes  de  l'église  de 
Rouen,  etc.  Fait  le  dix-septiesme  febvrier  1455.  Signé  :  Dio- 
nysius  Comitis  et  François  Ferrebouc.  Et  conformément  à 
cela  les  parties  et  tesmoins  sont  assignez. 

Et  attendu  qu'il  falloit  ouyr  et  examiner  plusieurs  tesmoins 
en  divers  endroits  et  villes  de  France,  frère  Jehan  Bréhal, 
inquisiteur,  remonstre  que  ne  pouvant  assister  partout,  à  son 
deffaut  il  nommoit  maistre  Thomas  Verel,  dominicain,  doc- 
teur en  théologie,  et  sur  cela  lui  fait  authentiquement  expé- 
dier au  vicariat  le  dix-septiesme  febvrier  1455,  etc. 

Le  premier  jour  plaidoiable  d'après  Quasimodo  eschu,  qui 


PHOCÈS    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  215 

estoit  le  dernier  en  mars  1456,  aucuns  tesmoins  ayans  esté 
ouys  et  interrogez  sur  les  articles  cy-devant  produits,  Guil- 
laume Prévosteau,  procureur  des  parents  de  la  Pucelle,  et 
Simon  Ghapitault,  promoteur  en  cette  cause,  remonstrant  à 
messieurs  les  juges  qu'il  restoit  encore  plusieurs  austres  tes- 
moins à  examiner  tant  à  Orléans  qu'ailleurs,  et  que  pour  ce 
faire  il  estoit  nécessaire  avoir  juste  et  suflisant  délay  ;  donc, 
qu'il  leur  pleust  leur  donner  terme  pour  représenter  l'examen 
des  dits  tesmoins  au  premier  jour  plaidoiable  après  le  di- 
manche prochain  qu'on  chantera  à  \  introït  de  la  messe  yw6^- 
late,  qui  est  le  troisiesme  dimanche  d'après  Pasques.  Ce  qui 
fut  ainsi  ordonné  le  dernier  jour  de  mars  1456. 

Outre,  les  dites  parties  et  promoteur,  joints  ensemblement, 
demandent  un  autre  délay  pour  faire  examiner  des  tesmoins 
en  diverses  provinces  de  royaume;  lequel  leur  est  aussi 
accordé  par  messieurs  les  juges.  Et  le  mercredi  d'après  l'As- 
cension de  Nostre-Seigneur  leur  est  assigné  pour  représenter 
les  informations  faites  sur  l'examen  desdits  tesmoins. 

Le  jeudi  treiziesme  mai,  le  procureur  des  parents  de  la 
Pucelle  et  le  promoteur  joint  avec  eux  remonstrent  avoir  fait 
faire  plusieurs  enquestes  tantau  païs  natal  delaPucelle  qu'ail- 
leurs, et  qu'il  leur  reste  encore  beaucoup  de  tesmoins  à  faire 
ouyr;  et  nonobstantcela,  qu'ils  sont  prests de  produire  lesdites 
enquestes  et  informations  déjà  faites,  sauf  à  parfaire  les 
autres  qui  restent.  Demandent  que  tous  les  tesmoins  par  eux 
appeliez  et  non  comparans  soient  déclarez  contumaces,  et  que 
les  enquestes  et  dépositions  des  témoins  contenues  ausdites 
informations  soient  publiées  et  tenues  pour  publiées  ;  et 
nonobstant  ladite  publication,  qu'il  sera  procédé  à  l'examen 
des  autres  tesmoins  qui  restent  à  estre  ouys,  et  que  leurs 
dépositions  seront  receues,  etc. 

Donc,  conformément  à  ladite  demande  est  ordonné  que 
ceux  qui  seront  refusans  de  comparoir  seront  déclarez  contu- 
maces, et  que,  par  la  teneur  des  présentes,  les  déposition  des 
tesmoins  seront  publiées, et  tenues  pour  publiées, et  leurs  noms 
seront  publiez  par  l'un  des  notaires  et  communiquez  aux  par- 
ties et  à  toutes  autres  ppersonnes  qui  prétendent  ou  veulent 


216  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

prétendre  quelque  intérest  en  cette  cause,  sauf  à  recepvoir 
l'examen  des  autres  tesmoins  qui  seront  cy-après  ouys, 
pourveu  qu'ils  soient  produits  auparavant  que  le  procez  soit 
conclu.  Et  les  parties  dénommées  ausdites  informations 
sont  assignées  aux  premiers  jours  de  juin  prochain  pour 
dire  tout  ce  qu'ils  voudront  à  rencontre  desdits  tesmoins, 
ou  de  leurs  dépositions  et  attestations.  Fait  le  jour  et  an  que 
dessus,  etc. 


CHAPITRE  V 

DES   INFORMATIONS    OU   ENQUÊTES  PRESCRITES   A    L'OCCASION 
DU   PROCEZ  DE  LA  PUCELLE 


Au  reste,  il  y  a  trois  sortes  d'informations  en  ce  procez, 
les  unes  faites  au  païs  natal  de  la  Pucelle,  les  autres  en  la 
ville  d'Orle'ans  et  lieux  circonvoisins,  et  les  austres  à  Rouen 
sur  la  qualité  du  procez  fait  contre  la  Pucelle.  Les  informa- 
tions faites  à  Rouen  sont  les  premières,  attendu  que  le  cardi- 
nal d'Estouteville,  archevesque  de  Rouen  et  légat  du  Saint- 
Siège  Apostolique  en  France,  entendant  les  plaintes  et  cla- 
meurs publiques  qu'on  faisoit  en  son  diocèse  de  l'injuste 
condamnation  de  la  Pucelle,  et  inique  et  malitieux.  procédé 
de  l'évesque.de  Beauvais  contre  cette  fille,  il  fit  faire  d'office 
information  sur  lesdites  plaintes  et  clameurs  publiques 
comme  légat  du  Saint-Siège,  appelant  avec  soy  frère  Jean 
Bréhal,  docteur  en  théologie  et  inquisiteur  de  la  foy  au 
royaume  de  France.  Lesquelles  informations  ont  servi  comme 
d'un  dispositif  et  préparatif  à  la  revision  du  procez,  et  furent 
commencées  l'an  mil  quatre  cent  cinquante-deuX,  le  jeudi 
d'après  le  dimanche  qu'on  chante  à  l'Introït  de  la  messe 
Jubilate,  qui  est  le  troisiesme  dimanche  d'après  Pasques. 
Mais  ledit  sieur  cardinal  d'Estouteville  s'en  estant  allé  à  Rome 
la  mesme  année,  ne  put  parachever  lesdites  informations, 
ausquelles  il  fit  seulement  ouyr  cinq  tesmoins  sur  les  douze 
articles  suivans. 

Questionnaire  de  l'enquête  du  cardinal  d'Estouteville  sur  le  procez 
de  la  Pucelle  (1452) . 

L  Premièrement,  que  deffunct  messire  Pierre  Cauchon, 
évesque  de  Beauvais,  faisant  le  procez  à  la  Pucelle,  estoit 


218  E.    RICHER.    —    LA    PL'CELLE    d'oRLÉANS 

porté  de  mauvaise  affection  contre  elle,  d'autant  qu'elle  avoit 
porté  les  armes  contre  les  Anglois  :  à  l'occasion  de  quoy  il 
desiroit  sa  mort  par  tous  moyens  possibles. 

II.  Secondement,  que  ledit  évesque  avoit  requis  le  duc  de 
Bourgogne  et  le  comte  de  Ligny,  les  sommant  par  lettre  de 
livrer  au  roy  d'Angteterre  cette  fille,  préposant  en  cela  l'in- 
térest  dudit  Iloy  à  celui  de  l'Eglise,  et  demandant  par  après 
qu'elle  lui  fust  livrée  pour  lui  faire  son  procez  :  promettant 
de  faire  donner  six  mille  francs,  et  puis  dix  mille,  à  ceux  qui 
l'avoient  prise,  ne  se  souciant  qu'il  donnast  pourveu  qu'il  la 
pust  avoir. 

III.  Tiercement,  que  les  Anglois  craignoient  grandement 
celte  fille,  et  pour  cette  cause  ne  cherchoient  qu'à  la  faire 
mourir,  afin  qu'elle  ne  leur  pust  faire  à  l'advenir  aucun  dom- 
mage. 

IV.  Que  ledit  évesque  estoit  grandement  partial  pour  les 
Anglois,  et  auparavant  que  de  cognoistre  du  procez  de  cette 
fille,  il  leur  promit  qu'elle  seroitmise  au  chasteaude  Rouen, 
prisonnière  en  des  prisons  profanes  entre  les  mains  de  ses 
ennemis,  encore  qu'il  y  eut  à  Rouen  de  bonnes  et  propres 
prisons  ecclésiastiques  ausquelles  on  peut  bien  et  seurement 
garder  ceux  qui  ont  commis  quelques  crimes  contre  la  foy, 
tant  énormes  puissent-ils  estre. 

V.  Que  ledit  évesque  n'estoit  pas  juge  compétent,  ainsi 
mesme  que  cette  fille  lui  a  souvent  reproché. 

VI.  Que  cette  fille  estoit  une  simple  Pucelle,  bonne  catho- 
lique, qui  desiroit  de  confesser  souvent  ses  péchés  et  d'ouyr 
la  messe.  De  sorte  que,  par  la  fin  qu'elle  a  faite,  tous  ceux  qui 
l'ont  vu  mourir  peuvent  tesmoigner  qu'elle  estoit  bonne  et 
lîdelle  chrestienne. 

VII.  Qu'elle  a  plusieurs  fois  confessé  en  jugement  qu'elle 
sousmettoit  tout  ce  qu'elle  avoit  dit  et  fait  au  jugement  de 
l'Eglise  et  de  Nostre  Saint-Père  le  Pape,  et  que  tout  ce  qu'elle 
disoit  sembloit  plus  tost  procéder  d'un  ange  de  lumière  que 
du  malin  esprit. 

VIII.  Qu'elle  n'a  pas  entendu  ce  que  ce  mot  Eglise  signi- 
fioit,  quand  on  la  pressoit  de  se  sousmettre  à  l'Eglise; ni  pa- 
reillement ce  que  c'estoit  la  congrégation  des  fidelles;  mais 


PROCÈS    DE    «EVISION    ET    RÉHABILITATION  219 

que  par  ce  terme  d'Eglise,  elle  entendoit  seulement  les 
ecclésiastiques  qui  estoient  là  assemblez  et  suivoient  le  parti 
anglois. 

IX.  Pourquoy  on  l'a  condamnée  relapse,  veu  qu'elle  se  vou- 
loit  sousmettre  à  l'Eglise. 

X.  Qu'après  avoir  esté  condamnée  à  se  rétracter  et  à  prendre 
un  habillement  de  femme,  elle  a  esté  contrainte  de  reprendre 
l'habillement  qu'elle  avoit,  et  que  pour  cette  cause  elle  a  esté 
déclarée  relapse  par  ses  juges  prétendus,  lesquels  cherchoient 
sa  mort,  non  sa  réduction. 

XI.  Encore  qu'il  fust  notoire  à  ses  juges  qu'elle  s'estoit  sous- 
mise  au  jugement  et  détermination  de  nostj'e  mère  sainte 
Eglise,  et  qu'elle  estoit  fidelle  et  catholique  ;  toutes  fois, 
attendu  que  lesjuges  favorisoient  passionnément  aux  Anglois, 
ou  qu'ils  les  craignoient  par  trop  et  ne  pouvoient  résister  à 
leurs  menaces  et  violences,  ils  l'ont  condamnée  comme  héré- 
tique à  estre  bruslée  toute  vive. 

XII.  Que  toutes  les  choses  susdites,  et  principalement  que 
cette  tille  a  esté  condamnée  par  la  grande  haine  que  lui  por- 
toient  les  Anglois,  sont  le  bruit  commun,  notoire,  tant  par 
toute  la  ville  que  par  tout  le  diocèse  de  Rouen,  voire  par  tout 
le  royaume  de  France. 

Sur  lesquels  douze  articles,  le  cardinal  d'Estouteville  fit 
Guyr  seulement  cinq  tesmoins  à  Rouen,  sgavoir  : 

Guillaume  Manchon,  notaire  apostolique,  qui  avoit  servi  de 
principal  notaire  au  procez  de  la  Pucelle  ; 

Frère  Pierre  Migetii  (Migiet),  docteur  en  théologie  et  prieur 
de  Longueville-Gitlard  ; 

Frère  Isambert  de  la  Roche,  dominicain  , 

Pierre  Cusquel; 

Frère  Martin  Ladvenu,  dominicain. 

Et  pour  ce  que  ledit  sieur  cardinal  estoit  contraint  de  par- 
tir de  Rouen,  il  donna  commission  à  maistre  Philippe  de  la 
Rose,  trésorier  de  l'église  de  Rouen,  son  grand  vicaire,  de 
parfaire  ladite  information  avec  frère  Jean  Bréhal,  inquisi- 
teur de  la  foy,  et  ce  par  acte  du  sixiesme  may  1452.  A  raison 
de  quoy  cette  information  fut  tout  de  nouveau  recommencée. 


220  E.    RICHER.    LA    PL'CELLE    d'oRLÉANS 

et  maistre  (juillaume  Prévosteau  esleu  par  ledit  de  la  Rose 
et  Bréhal  pour  promoteur  en  cette  cause;  lequel  promoteur 
donna  les  vingt  sept  articles  suivans  sur  lesquels  les  tes- 
moins  furent  interrogez  et  examinez. 

[Questionnaire  de  l'enquête  dirigée  à  Rouen  par  le  Chanoine 
Philippe  delà  Rose  surleprocez  de  laPucelle  ,Mail452).J 

I.  Premièrement,  que  la  Pucelle  estoit  venue  au  secours  du 
Roy  de  France  très  chrestien,  et  ayant  toujours  esté  en  son 
armée  contre  les  Anglois,  les  Anglois  la  haïssoient  mortelle- 
ment et  cherchoient  par  tous  moïens  de  la  faire  mourir. 

II.  Que  cette  fille  ayant  esté  cause  que  les  Anglois  avoient 
fait  des  pertes  d'hommes  et  de  capitaines  en  la  guerre,  ils  la 
craignoient  extrêmement,  et  pour  cette  occasion  ne  desiroient 
que  sa  mort,  afin  qu'elle  ne  les  travaillast  plus  et  ne  leur 
apportast  aucun  dommage. 

III.  Que  pour  la  faire  mourir  avec  quelque  couleur  et  appa- 
rence de  justice,  ils  l'ont  fait  amener  en  la  ville  de  Rouen  qui 
estoit  sous. la  domination  tyrannique  des  Anglois,  et  l'ont 
mise  prisonnière  au  chasteau  de  Rouen,  procédans  contre 
elle  en  matière  de  la  foy,  et  donnans  crainte  et  impression  à 
plusieurs  personnes. 

IV.  Que  les  juges,  conseillers,  voire  mesme  le  promoteur 
et  tous  autres  qui  ont  assisté  au  procez  contre  cette  fille,  y 
ont  assisté  par  force  et  pour  les  grandes  menaces  et  terreurs 
que  leur  donnoient  les  Anglois.  De  sorte  qu'ils  n'estoient 
point  en  liberté  pour  donner  leur  advis,  estans  contraints  de 
faire  et  dire  tout  ce  que  les  Anglois  vouloient,  pour  éviter  le 
péril  duquel  ils  estoient  menacez,  et  mesme  la  mort. 

V.  Que  les  notaires  qui  ont  instrumenté  audit  procez  ne 
pouvoient  escrire  la  vérité  des  dépositions  et  confessions  que 
faisoit  la  Pucelle,  à  cause  des  menaces  et  terreurs  que  les 
Anglois  leur  donnoient,  etc. 

VI.  Que  les  notaires,  à  cause  desdites  menaces  et  terreurs, 
ne  pouvoient  escrire  fidellement  les  actes  du  procez,  et  qu'on 
leur  defTendoit  d'escrire  les  choses  que  la  Pucelle  disoit  pour 
sa  descharge  et  escuse;  et  faisoit-on  escrire  au  contraire  des 


PROCES    DE    REVISION    ET    REHABIMTATIOX  221 

choses  qui  tournoient  à  son  préjudice,  qu'elle  n'avoit  jamais 
dit  ni  confessé. 

VIL  Qu'à  raison  desdites  menaces  et  terreurs,  nul  n'osoit 
donner  conseil  à  cette  fille  ou  promouvoir  ses  affaires  pour 
l'excuser,  instruire  et  diriger  ou  deffendre  en  quelque  façon 
que  ce  soit  ;  et  qu'aucuns  ayans  entrepris  de  lui  dire  en  pas- 
sant quelques  mots  de  conseil,  furent  pour  cela  en  grand 
danger  de  leur  vie,  les  Anglois  les  ayans  voulu  faire  jeter  à 
la  rivière  comme  rebelles,  ou  faire  mourir  par  autre  moïen. 

VIII.  Qu'ils  ont  détenu  cette  fille  en  des  prisons  particu- 
lières laïques,  ayant  les  fers  aux  pieds,  outre  une  chaisne 
de  fer  dont  elle  estoit  enchaisnée,  et  nul  ne  parloit  à  elle,  de 
sorte  qu'elle  ne  se  pouvoit  deffendre;  ayant  aussi  des  Anglois 
qui  la  gardoient  très  estroitement  et  cruellement. 

IX.  Que  cette  fille  vierge  n'avoit  que  dix-neuf  ans  ou  envi- 
ron, estoit  fort  simple,  ignorant  que  c'estoit  des  affaires  de 
procez,  et  ne  pouvoit  pas  de  soy-mesme,  sans  conseil  et 
directeur,  se  deffendre  en  jugement,  en  une  cause  de  la  foy  si 
difficile,  etc. 

X.  Que  les  Anglois  désirans  sa  mort  alloientde  nuit  auprès 
du  lieu  où  elle  estoit  détenue  prisonnière,  feignans  parler  à 
elle  par  révélation,  et  lui  disans  que  si  elle  vouloit  sauver 
sa  vie,  elle  se  gardast  bien  de  se  sousmettre  au  jugement,, 
de  l'Eglise. 

XI.  Que  ceux  qui  interrogeoient  cette  fille,  pour  la  sur- 
prendre et  faire  tomber  en  quelque  erreur,  lui  proposoient 
des  questions  difficiles  et  embrouillées  :  de  sorte  que  le  plus 
souvent  elle  ne  sçavoit  ce  qu'on  lui  demandoit. 

XII.  Que  lesdits  examinateurs,  afin  de  la  lasser,  travailler 
et  attédier  [de  Isedium],  et  que  parlant  beaucoup,  elle  se  con- 
tredist  et  embarrassast,  prononçant  quelque  chose  de  sinistre 
et  mal  à  propos,  ils  l'interrogeoient  longuement  et  confusé- 
ment pour  la  surprendre. 

XIII.  Que  souvent  elle  a  dit  et  protesté,  tant  en  jugement 
que  hors  jugement,  ne  vouloir  rien  contre  la  foy  catholique; 
et  que  si  elle  avoit  dit  ou  fait  quelque  chose  qui  forlignast  de 
la  foi,  elle  vouloit  etentendoit  la  rejeter  et  s'en  rapporter  au 
jugement  des  ecclésiastiques. 


222  E.    RICHER.    LA    PUCELLE    d'oRLÊAXS 

XIV.  Qu'elle  a  pareillement  souventefois  déclaré,  tant  en 
jugement  que  hors  jugement,  qu'elle  sousmettoit  tous  ses  dits 
et  faits  au  jugement  de  l'Eglise  et  denostre  saint  père  le  Pape, 
et  seroit  bien  marrie  d'avoir  dit  ou  fait  aucune  chose  contraire 
à  la  foy  chrestiennc. 

XV.  Que  les  Anglois  et  ceux,  qui  leur  favorisoient  n'ont 
jamais  permis,  mais  au  contraire  ont  expressément  et 
faulsement  empesché  qu'on  ne  fist  registre  de  ce  que  cette 
fille  avoit  confessé  et  protesté  qu'elle  se  sousmettoità  l'Église, 
combien  qu'elle  eust  souventefois  déposé  cela,  tant  en  juge- 
ment qu'ailleurs. 

XVI.  Que  c'est  contre  la  vérité  qu'on  a  publié  que  cette  fille 
avoit  protesté  ne  se  vouloir  sousmettre  au  jugement  denostre 
mère  sainte  Eglise  militante. 

XVII.  Et  en  cas  mesme  qu'il  fust  constant  que  cette  fille 
eust  dit  ne  se  vouloir  sousmettre  au  jugement  de  l'Eglise,  le 
promoteur  maintient  qu'elle  n'auroit  point  entendu  ce 
que  signifioit  ce  mot  d'Église,  qu'elle  ne  l'entendoit  pas 
pour  l'assemblée  des  fidelles,maiscroyoitque  l'Église  fust  les 
ecclésiastiques  du  parti  anglois,  qui  estoient  lors  assemblez 
pour  lui  faire  son  procez. 

XVIII.  Que  ledit  prétendu  procez  original  a  esté  fait  pre- 
mièrement en  françoys,  et  n'a  pas  esté  fidellement  traduit 
en  latin  ;  qu'on  y  a  omis  les  excuses  servant  à  la  décharge 
de  la  Pucelle,  et  y  a-t-on  adjousté  plusieurs  choses  substan- 
tielles, etc. 

XIX.  Et  attendu  les  choses  susdites,  que  ledit  prétendu 
procez  et  sentence  ne  méritent  le  nom,  titre  ni  la  fin  de 
jugement;  veu  que  cela  nepeutestre  appelé  jugement,  où  les 
juges,  conseillers  et  assesseurs  ne  sont  en  liberté  de  dire  ce 
qu'ils  voudroient  selon  leur  conscience. 

XX.  Que  le  procez  original  en  plusieurs  de  ses  parties  est 
faulx,  vicié  et  corrompu,  n'ayant  esté  parfaitement  ni 
fidellement  escrit,  et  conséquemment  on  n'y  doibt  adjous- 
ter  aucune  foy. 

XXI.  Davantage,  que  ledit  procez  et  sentences  sont  nuls 
et  injustes,  pour  ce  qu'il  n'y  a  esté  gardé  aucun  ordre  de 
justice,  et  contre  toute  disposition  de  droit,  a  esté  fait  par 


PROCES    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  223 

juges   incompctens,  n'ayant  droit  ni  jurisdiction   sur  cette 
cause,  ni  contre  la  personne  qu'ils  ont  condamnée. 

XXU.  Nullité  qui  est  encore  manifeste  de  ce  que  en  une  si 
grande  et  difficile  cause  et  en  matière  de  foy,  l'on  a  dénié  à 
cette  fille  tout  moïen  de  se  defl'endre,  par  plusieurs  voyes  et 
artifices  recherchez  contre  le  droit  de  nature. 

XXIII.  Encore  que  lesdits  juges  prétendus  sceussent  fort 
bien  que  cette  fille  s'estoit  sousmise  au  jugement  et  détermi- 
nation de  l'Eglise,  et  quelle  estoit  fidelle  et  catholique,  et 
qu'ils  lui  eussent  fait  donner  comme  telle  la  sainte  Commu- 
nion du  corps  de  Nostre  Seigneur  Jésu  Christ,  si  est-ce 
toutes  fois  que  favorisans  par  trop  aux  Anglois,  ou  par 
crainte  qu'ils  avoient  d"iceux,  ils  l'ont  fait  condamner  au  feu 
comme  hérétique. 

XXIV.  Que  sans  autre  sentence  du  juge  séculier,  les  Anglois 
de  fait  et  de  force  avec  nombre  de  gens  armez,  s'en  saisirent 
et  en  grande  fureur  la  menèrent  au  supplice. 

XXV.  Que  cette  fille  a  tousjours  vescu  catholiquement  et 
saintement  et  principalement  à  la  fin  de  sa  vie  ;  recomman- 
dant son  âme  à  Dieu  et  à  Nostre  Seigneur  Jesu  Christ,  criant 
à  haute  voix,  de  sorte  qu'elle  excita  tous  les  assistants,  et 
mesme  plusieurs  Anglois,  à  pleurer  de  compassion. 

XXVI.  Que  les  Anglois,  par  voye  de  fait  et  non  de  droit,  ont 
commis  toutes  les  choses  susdites  pour  la  crainte  et  grandes 
impressions  qu'ils  donnoient  aux  uns  et  aux  autres,  parce 
qu'ils  haïssaient  cette  fille  ;  d'autant  qu'elle  avoit  tousjours 
soutenu  et  deffendu  le  parti  du  Roy  de  France,  et  la  crai- 
gnoient  extrêmement  et  haïssoient  mortellement.  Et  par  ce 
moïen  taschoientde  diffamer  le  Roy,  pour  avoir  emploie  cette 
fille  à  son  secours. 

XXVII.  Que  toutes  les  susdites  choses,  tant  en  général 
qu'en  particulier,  sont  attestées  par  la  voix  et  renommée 
publique,  notoires  tant  en  la  ville  que  diocèse  de  Rouen,  voire 
par  tout  le  royaume  de  France. 

Sur  lesquels  vingt-sept  articles  ont  esté  ouys  et  examinez  à 
Rouen  dix-sept  tesmoins  qui  rendirent  tesmoignage  confor- 
mément aux  susdits  articles,  sçavoir  : 

Nicolas  Taquel, 


224  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    d'oRLÉANS 

Pierre  Bouchier, 

Nicolas  de  Ilouppeville, 

Jean  Massieu, 

Nicolas  Caval, 

Guillaume  du  Désert, 

Guillaume  Manchon, 

Pierre  Cusquel, 

Isambeii  de  la  Roche, 

André  Marguerie, 

Richard  de  Grouchet, 

Pierre  Migiet, 

Martin  Ladvenu, 

Jean  Fabry, 

Thomas  Marie, 

Jean  Riquier, 

Jean  Fave. 

Ladite  information,  signée  le  dixiesme  jour  de  may  ^par] 
Socius  et  Dauvergne,  notaires  apostoliques,  a  servi  de  dispo- 
sition et  préparation  à  la  revision  du  procez  et  justification 
de  la  Pucelle.  Auquel  procez  lesdits  tesmoins  ont  esté  dere- 
chef examinez  par  ordonnance  des  juges  commis  parle  Saint- 
Siège  et  à  la  requeste  des  parties,  ainsi  que  nous  verrons. 
Les  susdites  informations  préambulaires  sont  registrées  au 
procez  de  revision  pour  plus  ample  cognoissance  de  la  vérité. 
Et  d'autant  que  frère  Isambert  de  la  Roche  n'a  pas  déposé  en 
la  dernière  information,  prévenu  de  mort  ainsi  qu'il  est 
croyable,  nous  produisons  sa  déposition  en  ce  lieu  comme 
fort  importante. 

Déposition  de  frère  Isambert  de  la  Roche,  dominicain, 
à  l'enquête  de  Rouen,  1452. 

Religieuse  et  honneste  personne,  frère  Isambert  de  la 
Roche,  prestre  et  baschelier  en  théologie,  de  l'ordre  des 
Dominicains,  âgé  de  soixante  ans,  dit  avoir  esté  présent  à 
tout  l'examen  du  procez  avec  frère  Jean  Magistri,  inquisiteur 
de  la  foy. 

Quant  au  premier  article,  de  la  haine  que  les  Anglois  por- 


PROCES    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  223 

toient  à  la  Pucelle  pour  estre  venue  au  secours  du  Roy  de 
France,  dépose  estre  véritable,  comme  aussi  le  second,  et 
que  le  bruit  couroit  à  Rouen  que  les  Anglois  n'avoient  osé 
entreprendre  d'assiéger  Lagny  tant  que  cette  fille  vivoit. 

Quant  au  troisiesme  article,  a  tesmoigné  qu'aucun  de  ceux 
qui  avoient  assisté  au  procez,  comme  l'Évesque  de  Beauvais, 
l'avoient  fait  pour  favoriser  aux  Anglois,  et  les  autres  par  un 
désir  de  vengeance,  comme  certains  docteurs  anglois.  Que 
d'autres  avoient  esté  appelez  sous  espérance  de  salaire  et 
récompense,  comme  ceux  qui  estoient  venus  de  Paris.  Que 
les  autres  y  assistoient  pour  crainte  des  Anglois,  comme 
l'inquisiteur  et  quelques  autres  desquels  il  ne  se  souvient. 
Que  tout  cela  se  fa,isoit  à  la  sollicitation  du  roy  d'Angleterre, 
du  cardinal  de  Winthon,  du  comte  de  Warwic  et  de  plusieurs 
autres  Anglois,  lesquels  ont  fait  et  paie  tous  les  frais  du  pro- 
cez, et  que  le  reste  dudit  article  est  véritable. 

Sur  le  quatriesme,a  dit  que  le  Révérend  père  en  Dieu  Jean, 
évesque  d'Avranches,  pour  n'avoirvouludonner  son  opinion 
en  cette  matière,  fut  menacé  par  un  nommé  maistre  Jean 
Benedicite,  faisant  acte  de  de  promoteur.  Et  que  maistre 
Nicolas  de  Houppeville  a  esté  en  péril  d'estre  banni  et  envoie 
en  exil,  parce  qu'il  n'avoit  voulu  cognoistre  de  ce  procez  ni 
donner  son  opinion.  Que  lui  déposant,après  la  première  pré- 
dication en  laquelle  Jeanne  sestoit  révoquée,  alla  en  la  prison 
avec  maistre  Jean  de  la  Fontaine,  Guillaume  Vallée,  de  l'ordre 
des  Jacobins,  et  quelques-autres  ;  et  ce,  par  ordonnance  des 
juges  pour  donner  conseil  à  Jeanne  de  persévéïer  en  sa 
bonne  résolution  ;  que  les  Anglois  ayant  veu  cela,  ils  les  chas- 
sèrent du  chasteau  de  Rouen  avec  leurs  armes  et  à  coups  de 
baston.  A  raison  de  quoy  ledit  La  Fontaine  s'en  alla  de  Rouen 
et  n'y  retourna  plus.  Que  lui  qui  parle  fut  outrageusement 
menacé  par  le  comte  de  Warwic,  pour  avoir  dit  à  Jeanne 
quelle  se  sousmist  au  Concile. 

Quant  au  cinquiesme,  dépose  que  Jeanne  estant  interrogée 
si  elle  ne  vouloit  pas  se  sousmettre  à  Nostre  Saint  Père  le 
Pape,  elle  respondit  que  oui,  pourvu  qu'on  la  menast  à  lui, 
mais  qu'elle  ne  vouloit  point  se  sousmettre  à  ceux  qui  assis- 
toient au  procez.  et  nommément  à  l'évesque  de   Beauvais, 

15 


225  E.    UICHKU.    —    LA    l'UCELI.E    D  ORLEANS 

disant  qu'ils  esloient  ses  ennemis  mortels.  Et  alors  le  dépo- 
sant lui  ayant  remonstré  qu'elle  se  pouvoit  sousmettre  au 
Concile  général,  qui  estoit  lors  convoqué,  auquel  il  y  auroit 
plusieurs  prélats  et  docteurs  du  parti  du  Roy  de  France, 
l'évesque  de  Beauvais  entendant  cela  dit  au  déposant  : 
«  Taisez- vous,  de  par  le  diable  ».  Et  maistre  Guillaume  Man- 
chon ayant  demandé  audit  évesque  s'il  ferait  registre  de  ce 
que  Jeanne  se  sousmettoit  au  Pape,  l'évesque  respondit  qu'il 
n'estoit  pas  nécessaire.  Et  alors  Jeanne  repartit  :  «  Ha!  vous 
escrivez  bien  ce  qui  fait  contre  moy,  et  ne  voulez  pas  qu'on 
escrive  les  choses  qui  font  pour  moy.  »  Et  croit  que  cela  ne  fut 
point  registre.  A  raison  de  quoy  on  fit  un  grand  murmure  à 
cette  séance. 

Confesse  que  le  huictiesme  article  est  véritable,  et  qu'il  a 
science  certaine  du  contenu  en  icelui,  comme  semblablement 
du  neufviesme  ;  et  que  Jeanne  n'estoit  suffisante  de  soy  pour 
respondre  aux  difficiles  questions  qu'on  lui  faisoit. 

Pour  le  dixiesme  n'en  sçoit  rien  que  du  bruit  commun  qui 
couroit. 

Que  l'onziesme  est  véritable,  comme  semblablement 
les  douziesme,  treiziesme  et  quatorziesme,  et  qu'il  a  entendu 
Jeanne  se  sousmettre  souvent  au  jugement  de  l'Eglise  et  du 
Pape. 

Sur  le  dix-septiesme  dit  que  durant  une  bonne  partie  du 
procez,  quand  on  interrogeoit  Jeanne  si  elle  ne  vouloit  pas 
se  sousmettre  à  l'Eglise,  par  ce  mot  d'Église  elle  entendoit  les 
juges  qui  estoient  assemblez  pour  lui  faire  son  procez,  jusques 
à  ce  que  maistre  Pierre  Maurice  lui  enseigna  ce  que  vouloit 
dire  ce  mot  d'Eglise.  Et  qu'après  cela  ellese  sousmit  tousjours 
au  Pape  pourveu  qu'on  la  menast  à  lui.  Et  croit  le  déposant 
que  cequ'elle  a  du  commencement  ditféré  à  se  sousmettre  à 
l'Église  n'a  esté  pour  autre  chose,  sinon  qu'elle  ne  sçavoit 
ce  qu'on  vouloit  dire  par  ce  mot  d'Église. 

Quant  au  dix-neufviesme,  qu'il  croit  que  la  sentence  a 
esté  plus  tost  donnée  par  désir  de  vengeance  que  par  zèle  de 
justice. 

Sur  le  vingt-deuxiesme,  dit  qu'il  pensoit  que  dès  la 
première  sentence,  on  dcubst  faire  brasier  cette  fille  parce 


PROCKS    DE    UEVISION    ET    REHABILITATION  227 

qu'elle  faisoit  difficulté  de  prononcer  le  formulaire  d'abjura- 
tion et  que  dès  lors  le  bourreau  estoit  tout  prest  ;  et  fut 
menée  en  une  charrette  au  cimetière  de  Saint-Ouen. 

Que  le  contenu  du  vingt-troisiesme  article  est  véritable,  et 
pareillement  le  vingt-cinquiesme  en  tout  et  partout.  De  plus 
a  tesmoigné  que  lévesque  de  lieauvais  ayant  entendu  prier 
Dieu  cette  fille  avec  telle  dévotion  en  pleura,  comme  pareil- 
lement un  certain  homme  d'armes  Anglois  qui  la  haïssoit 
extrêmement  et  avoit  juré  qu'il  porteroit  de  sa  propre  main 
le  premier  fagot  pour  la  brusler.  Ce  qu'ayant  fait,  après 
qu'il  l'eust  veue  invoquer  si  dévotement  le  nom  de  Jésus 
jusques  au  dernier  soupir,  il  fut  saisi  d'un  si  grand  estonne- 
ment  qu'il  en  tomba  tout  pasmé,  estant  comme  en  extase,  et 
le  fallut  mener  à  la  prochaine  taverne  qui  estoit  au  Vieil 
Marché  et  lui  mettre  du  vin  en  la  bouche  pour  lui  faire 
reprendre  ses  esprits.  Et  après  le  disner,  ledit  Anglois,  par- 
lant à  un  religieux  dominicain  Anglois,  présent  le  déposant, 
confessa  avoir  grandement  failli,  et  qu'il  se  repentoit  de  ce 
qu'il  avoit  fait  contre  cette  fille  laquelle  il  tenoit  pour  une 
bonne  femme,  et  qu'il  lui  sembloit  avoir  veu,  quand  elle  ren- 
dit le  dernier  soupir,  un  pigeon  sortant  de  France  ^  du  milieu 
des  flammes. 

De  plus,  dit  le  déposant,  que,  ce  mosme  jour,  le  bourreau 
alla  après  le  disner  en  leur  couvent,  et  parlant  à  lui  déposant 
et  à  frère  Martin  Ladvenu,  leur  dit  qu'il  avoit  grand  crainte" 
d'estre  damné  pour  avoir  bruslé  une  si  sainte  femme. 

Asseure  que  le  contenu  au  vingt-sixiesme  est  véritable,  et 
confesse  que  la  principale  cause  qui  a  induit  les  Anglois  à 
entreprendre  ce  procez  n'a  esté  que  pour  diffamer  le  Roy  de 
France.  Que  maistre  Gullaume  Erard  a  bien  fait  cognoistre 
cela  en  son  sermon,  disant  que  jadis  la  seule  France  estoit 
exempte  de  monstres,  mais  qu'aujourd'huy  on  y  voyoit  un 
terrible  monstre  :  que  celui  qui  se  disoit  lloy  de  France  vou- 
loit  recouvrer  son  royaume  par  l'entremise  et  assistance 
d'une  femme  hérétique,  sorcière,  etc.  Auquel  Erard  Jeanne 


1.  Voir  sur  cette  expression  a  sortant  de  France»  la  note  de  J.  Qui- 
ciiEiUT.  l'roci-s.  t.   II.  p.  352. 


228  E.    RICHER.    LA    PUCELLE    D  ORLÉANS 

respondit  :  .(  Oh  !  prédicateur,  vous  ne  dites  pas  la  vérité.  >e 
parlez  pas  de  la  personne  de  mon  Roy  Charles,  car  il  est  bon 
catholique,  etc.  » 

Sur  le  vingt-septiesme,  dit  que  tout  ce  qu'il  a  déposé  est 
véritable. 

A  ce  que  dessus  faut  adjouster  que  frère  Thomas  Marie, 
bachelier  en  théologie,  prieur  de  Saint-Michel  près  Rouen,  a 
déposé  avoir  ouy  dire  à  plusieurs  personnes  qu'elles  avoient 
veu  le  nom  de  Jesu  Christ  au  milieu  de  la  flamme  du  feu 
auquel  la  Pucelle  futbruslée. 

DE    l'eMOUÈTE    faite    AU    PAYS    DE    LA    PUCELLE 

Mais  reprenons  la  suite  de  notre  histoire. 

Attendu  que  messire  Pierre  Cauchon,  évesque  deBeauvais, 
au  commencement  du  procez  contre  la  Pucelle,  a  fait  regis- 
trer  qu'il  avoit  montré  certaines  informations  faites  au  païs 
de  la  Pucelle,  à  messire  Gilles,  abbé  de  Fescamp,  Nicolas  de 
Venderès,  Nicolas  Loyseleur,  etc.,  et  que  lesdites  informa- 
tions ne  sont  pas  registrées  audit  procez,  les  juges  commis 
par  le  Saint-Siège  ordonnent  qu'il  sera  publié  des  monitoires 
et  citations  pour  avoir  cognoissance  desdites  informations  et 
sçavoir  si  quelqu'un  etmesmeles  notaires  qui  avoient  instru- 
menté et  escrit  audit  procez  les  aurait  vues,  et  principale- 
ment Guillaume  xManchon,  premier  et  principal  notaire, 
lequel  déclare  n'en  avoir  jamais  eu  auciine  cognoissance, 
comme  font  semblablement  les  autres  notaires  et  plusieurs 
autres  personnes.  De  sorte  qu'il  appert  de  là  que  ces  infor- 
mations estoient  à  la  descharge  de  la  Pucelle,  et  que,  pour 
cette  raison,  ledit  évesque  les  a  fait  supprimer,  ainsi  qu'il 
sera  montré  par  les  actes  suivants. 

Le  vingtiesme  décembre  1455,  les  juges  commis  du  Saint- 
Siège  ordonnent  que  maistre  Renaut  de  Chichery,  doyen  de 
l'église  ou  chapelle  de  Nostre-Dame  de  Vaucouleur,  au  dio- 
cèse de  Toul,  et  Walterin  Thierry,  chanoine  de  l'église  de 
Toul,  examineront  les  tesmoins  du  païs  de  la  Pucelle  sur  les 
douze  articles  suivants,  donnez  et  libellez  par  Simon  Chapi- 
tault,  promoteur  en  cette  cause. 


PROCKS    DE    REVISION    ET    RÉHABILITATION  229 

I.  Du  lieu  et  paroisse  où  elle  nasquit. 

II.  Qui  estoient  ses  parents,  de  quel  estât, s'ils estoient  bien 
renommez  et  bons  catholiques. 

III.  Qui  estoient  ses  parrains  et  marraines. 

IV.  Si  dans  sa  jeunesse  elle  avoit  esté  bien  instruite  et 
nourrie  en  la  crainte  de  Dieu,  conformément  à  son  âge  et 
à  la  condition  de  sa  personne. 

V.  Quelles  gens  elle  hantoit  depuis  l'âge  de  sept  ans 
jusques  à  ce  qu'elle  sortit  de  la  maison  de  son  père. 

VI.  Si  elle  fréquentoit  souvent  et  volontiers  l'Église  et  les 
lieux  de  dévotion. 

VII.  En  quel  art  et  exercice  elle  s'occupoit  durant  sa  jeu- 
nesse. 

VIII.  Si  elle  alloit  souvent  et  librement  à  confesse. 

IX.  Quel  bruit  couroit  au  païs  d'un  arbre  appelé  VArbi'e 
des  Dames  :  si  les  jeunes  filles  ont  accoustumé  d'y  aller  jouer 
et  danser;  et  ce  que  c'est  d'une  fontaine  qui  est  proche  dudit 
arbre  :  si  la  Pucelle  en  sa  jeunesse  avec  les  autres  filles  fré- 
quentoient  vers  ledit  arbre,  et  pour  quelles  causes  elles  y 
alloient. 

X.  Comment  elle  partit  de  la  maison  de  son  père  et  de  son 
village,  et  quel  a  esté  tout  son  gouvernement  pendant  qu'elle 
fut  sur  le  chemin. 

XI.  Si  en  son  païs  on  avoit  fait  aucunes  informations  par 
autorité  de  quelques  juges,  depuis  qu'elle  fut  prise  devant 
Compiègne  et  mise  entre  les  mains  des  Anglois. 

XII.  Si,  quand  la  Pucelle  se  retira  de  Dompremy  à  Neuf- 
chastel,  à  cause  des  gens  d'armes,  elle  ne  fut  pas  tousjours  en 
la  compagnie  de  ses  père  et  mère. 

Ces  informations  ont  esté  faites  au  païs  de  la  Pucelle  à  la 
diligence  de  Jean  Daliz,  prévost  de  Vaucouleur,  ainsi  qu'il 
est  porté  par  les  actes,  lequel  estoit  propre  frère  de  la  Pucelle 
et  avoit  pris  le  nom  Daliz  ou  du  Liz  par  permission  du  Roy  : 
comme  aussi  son  frère  s'appeloit  Pierre  Daliz,  car  en  ces 
quartiers,  sur  les  marches  de  Champagne  et  de  Lorraine,  ils 
appellent  une  fleur  de  liz  fleur  Daliz. 

En  la  susdite  information  ont  esté  ouys  et  examinez  trente 


230  E.     lUCIIEH.    l..\    PUCELLE    D  ORLEANS 

trois  tesmoins,  tant  à  Domrciny  qu'à  Vaucouleur  et  ses  envi- 
rons, ainsi  qu'il  est  porté  par  les  actes  publics  faits  et  conclus 
le  vendredi  treiziesine  jour  de  febvrier  14oo  (vieux,  style;. 
Signé  Dominicus  Dominici,  notaire  apostolique  en  la  cour 
épiscopale  de  Toul. 

Ensuivent  les  noms  desdits  tesmoins. 

1.  Jean  Morelli,  âgé  de  soixante  ans  ou  environ,  labou- 
reur, demeurant  en  la  paroisse  de  Greux-sur-Meuse,  l'un  des 
parrains  de  la  Pucelle. 

"1.  Maistre  Jacques  Dominique,  curé  de  l'église  paroissiale 
de  Moutier-sur-Saulx,  diocèse  de  Toul,  âgé  de  trente-cinq 
ans. 

3.  Béatrix,  veuve  d'Estelin,  laboureur  de  Dompremy, 
âgée  de  quatre-vingts  ans,  l'une  des  marraines  de  la  Pucelle. 

4.  Jeannette,  femme  de  Thévenin  Royer,  au  village  de 
Dompremy,  âgée  de  soixante-dix  ans,  l'une  des  marraines 
de  la  Pucelle. 

5.  Jean,  surnommé  de  Moën,  demeurant  à  Dompremy, 
âgé  de  cinquante-six  ans. 

6.  Maistre  Estienne  de  Syonne,  prestre  et  curé  de  l'église 
paroissiale  de  Uoussay  auprès  de  Neufchastel,  âgé  de  cin- 
quante-quatre ans. 

7.  Jeannette,  veuve  de  Thiestelin,  de  Vitel,  âgée  de 
soixante  ans,  l'une  des  marraines  de  la  Pucelle. 

8.  Noble  homme  Louis  de  Martigny,  escuier,  âgé  de  cin- 
quante-six ans. 

9.  Thévenin  Royer  de  Chermisey,  demeurant  à  Dompremy, 
âgé  de  soixante-dix  ans. 

10.  Jacquier  de  Saint-Amand,  laboureur,  demeurant  à 
Dompremy,  âgé  de  soixante  ans. 

il.  Bertrand  de  la  Choppe  [ou  Lacloppej,  de  Dompremy, 
âgé  de  quatre-vingt-dix  ans. 

12.  Perrinet  Drappier,  demeurant  à  Dompremy,  âgé  de 
soixante  ans. 

13.  Gérard  Guillemette,  laboureur,  demeurant  à  Domp- 
remy, âgé  de  quarante-cinq  ans. 

14.  Hauviette,  femme  de  Gérard  de  Syna,  laboureur,  de- 
meurant à  Dompremy,  âgée  de  quarante-cinq  ans. 


PUOCKS    DH    REVISION    ET    RÉHA  lUMTATlON  231 

15.  Jean  Watterin,  de  Dompremy,  laboureur,  âgé  de  qua- 
rante-cinq ans. 

16.  Gerardin  de  Spinal,  laboureur,  de  Dompremy,  âgé  de 
soixante  ans, 

17.  Simon  iMeusnier  [ou  Musnier],  laboureur,  de  Dom- 
premy, âgé  de  quarante-quatre  ans. 

18.  Isabeau,  femme  de  Gerardin  de  Spinal,  âgée  de  cin- 
quante ans. 

19.  3Iengette,  femme  de  Jean  .loyart,  laboureur,  demeu- 
rant à  Dompremy,  âgée  de  quarante-six  ans. 

20.  Maistre  Jean  Colin,  curé  de  l'église  paroissiale  de 
Dompremy,  âgé  de  soixante-six  ans. 

i\.  Colin,  fils  de  Jean  Colin,  laboureur,  demeurant  à 
Greux,  âgé  de  cinquante  ans. 

22.  Noble  homme  Jean  de  Novelonpont,  surnommé  de 
Metz,  demeurant  à  Vaucouleur,  âgé  de  cinquante-sept  ans. 
C'est  Tun  des  gentilhommes  que  le  sieur  de  Baudricour 
choisit  pour  mener  la  Pucelle  au  Roy. 

23.  Michel  Le  Buin,  de  Dompremy,  laboureur  à  Burey, 
âgé  de  quarante  ans. 

24.  Noble  homme  Joffroy  du  Fay,  escuier,  demeurant  à 
Vaucouleur,  âgé  de  cinquante  ans. 

25.  Durand,  surnommé  Laxart,  de  Burey,  laboureur,  âgé 
de  soixante  ans.  Il  estoit  oncle  de  la  Pucelle,  à  cause  de  sa 
femme,  et  fut  celui  qui  la  mena  par  trois  diverses  fois  au  sieur 
de  Baudricour. 

26.  Catherine,  femme  de  Henri  Royer,  de  Vaucouleur, 
âgée  de  cinquante-quatre  ans.  Elle  logeoit  la  Pucelle  allant  à 
Vaucouleur,  et  la  Pucelle  y  demeura  pour  une  fois  plus  de 
trois  sepmaines. 

27.  Henry  Royer,  de  Vaucouleur,  âgé  de  soixante-quatre 
ans^  c'est  l'hùte  de  la  Pucelle. 

28.  Noble  homme  Albert  de  Urchiis,  seigneur  dudit  lieu, 
demeurant  à  Toul,  âgé  de  soixante  ans. 

29.  Honorable  homme  Nicolas  Bailly,  demeurant  à  Ande- 
lot,  du  diocèse  de  Langres,  âgé  de  soixante  ans. 

30.  Guillot  Jacquier,  de  Andelot,  âgé  de  trente  ans. 

31.  Noble  homme  Bertrand  de  Polengis,  escuier  de  l'écurie 


232  E.    RICIIER.    LA    PL'CIîr.LE    d'oRLÉANS 

du  Roi  de  France,  âgé  de  soixante-trois  ans.  C'est  l'un  des 
gentilshommes  que  lesieurde  Baudricourchoisit  pour  mener 
la  Pucelle  au  Roy.  Si  ledit  sieur  de  Baudricour  eust  esté  en 
vie,  il  eust  pareillement  rendu  tesmoignage  en  r.ette  informa- 
tion de  ce  que  la  Pucelle  lui  avoit  dit,  et  lui  pareillement  res- 
pondu  à  la  Pucelle.  Ce  que  j'ay  bien  voulu  remarquer  en 
passant  pour  donner  advis  que  ceux-là  se  trompent  gran- 
dement qui  ont  escrit  que  Baudricour  avoit  esté  fait  maré- 
chal de  France,  et  avoit  vescu  jusqu'au  règne  de  Louis  XI, 
■  ce  qui  ne  peut  estre. 

32.  Maistre  Jean  le  Fumeux,  de  Vaucouleur,  chanoine  de 
la  chapelle  Nostre-Dame  de  Vaucouleur  et  curé  de  l'église 
paroissiale  de  Uguey,  au  diocèse  de  Toul,  âgé  de  trente-huit 
ans. 

83.  Jean  Jacquard,  fils  de  Jean,  surnommé  Guillemette, 
de  Greux,  âgé  de  quarante-sept  ans  ^ 

Les  susdits  tesmoins  sont  de  deux  sortes  d'âges.  Les  plus 
jeunes  âgés  de  quarante  à  cinquante  ans,  ont  conversé  avec 
la  Pucelle,  comme  estant  de  mesme  âge  avec  elle,  et  ayant 
fait  ensemblement  en  jeunesse  les  mesmes  exercices  et 
esbattemnts  sous  le  Beau  May,  bu  et  joué  à  la  fontaine  proche 
d'icelui,  etc.  Quant  aux  plus  vieux,  ils  rendent  tesmoignage 
tant  des  parents  de  la  Pucelle  que  d'elle-mesme,  et  tous 
ensemble  de  ce  qu'ils  ont  vu  et  cognu  de  leur  probité, 
bonne  et  sainte  vie  :  toutes  lesquelles  choses  nous  avons 
sommairement  et  véritablement  proposées  au  premier  livre, 
excepté  en  ce  qui  concerne  le  Beau  May  et  la  fontaine  dont  il 
est  parlé  en  l'article  neufviesme  et  en  l'article  onziesme 
touchant  les  informations  que  les  Anglois  firent  faire  aupaïs 
de  la  Pucelle  après  qu'elle  fut  prise  à  Compiègne. 

Et  pour  le  regard  de  l'article  neufviesme  lesdits  tesmoins 
déposent  : 

Que  jadis  le  seigneur  du  village  de  Uompremy  s'appeloit 
Pierre  de  Bourlemont,  qu'il  y  demeuroit  pendant  que  le 
chasteau    ou   forteresse  de  Dompremy  estoit   en  estât,   et 

•1.  Au  lieu  de  trente-trois  témoins  du  pays  de  Jeanne,  Jules  Quicherat 
en  compte  trente-quatre.  Le  trente-iiuatrième  est  Henri  Arnolin,  prêtre, 
de  Gondrecourt-le-Giiàteau.  Voir  Procès,  t.  II.  p.  458. 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    RÉH AltILITATION  233 

qu'alors  la  femme,  les  enfants  et  damoiselles  de  ce  seigneur 
s'alloient  souvent  promener  et  esbattre  vers  ledit  arbre  et 
fontaine  qui  sont  sur  le  grand  chemin  deNeufchastel,  et  que 
cet  arbre  est  admirablement  beau,  que  pour  cette  raison 
il  fut  appelé  l'Arbre  des  Dames  et  le  Beau  May.  Qu'il  couroit 
un  vaux  de  ville  que  les  fëez  avoient  fréquenté  autrefois  vers 
cet  arbre  et  fontaine,  auparavant  qu'on  y  allast  en  proces- 
sion le  jour  de  l'Invention  de  la  Sainte-Croix  au  mois  de 
may,  et  aux  Rogations  durant  la  sepmaine  de  l'Ascension, 
et  quon  y  chantoit  l'Evangile  de  saint  Jean  :  que  depuis  ce 
temps  les  féez  n'y  avoient  jamais  hanté.  Que  c'est  la  cous- 
tume  du  pais  que  tous  les  jeunes  gens,  depuis  que  le  prin- 
temps est  venu,  s'aillent  promener  ce  jour-là  vers  ledit 
arbre  et  fontaine,  et  qu'ils  commencent  précisément  le  di- 
manche de  la  mi-caresme  qu'on  disait  à  l'église  Lœlare  Jéru- 
salem :  lequel  dimanche  on  appelle  audit  païs  le  «  dimanche 
des  Fontaines  »,  pour  ce  que  les  jeunes  gens  se  vont  promener 
ce  jour-là  vers  ledit  arbre  et  fontaine,  et  continuent  tout 
durant  l'esté,  y  faisans  des  bouquets  et  y  portans  du  pain  et 
quelques  fouasses  pour  gouster  sous  ledit  arbre,  buvans  de 
l'eau  de  la  fontaine  qu'ils  nomment  la  fontaine  des  Rains  ; 
dansent  aussi  là  et  chantent  ensemblemont.  Que  la  Pu- 
celle  en  sa  jeunesse  alloit  s'y  esbattre  avec  les  autres 
filles  de  son  âge  et  par  ensemble  y  faisoient  des  bouquets, 
dansoient  et  chantoient  comme  font  jeunes  gens.  Qui 
est  en  somme  ce  que  lesdits  tesmoins  ont  déposé  sur  le 
neufviesme  article.  Et  pour  le  regard  des  conclusions  que  le 
promoteur  de  l'évesque  de  Beauvais  a  tirées  de  ce  que  la 
Pucelle  avoit  esté  s'esbattre  vers  cet  arbre  et  fontaine, 
voyez  V Advertissement  sur  la  troisiesme  séance  du  procez 
d'office,  au  livre  second  de  cette  histoire. 

Touchant  l'article  onziesme  a  esté  déposé  par  lesdits 
tesmoins  qu'on  avoit  premièrement  envoyé  des  corde- 
tiers  au  pais  de  le  Pucelle  pour  s'enquérir  quelle  estoit  sa 
vie  et  ses  deportements.  Et  Nicolas  Bailly,  tabellion,  demeu- 
rant à  Andelot,  a  tesmoigné  que  Jean  Tourcenay,  bailly  de 
Chaumont  en  Bassigny,  lui  dit  avoir  commandement  de  la 
part  du  Roy  d'Angleterre,  qui  se  disoit  Roy  de  France,   de 


234  E-    RU;ilEU.    LA    t'UCErj.E    D  onLKAXS 

faire  informer  contre  la  Pucelle,  et  que  ledit  ïourcenay  lui 
donna  charge  et  à  («irard  Petit,  de  faire  instruire  cette  infor- 
mation en  laquelle  furent  examinez  douze  ou  quinze  tesmoins. 
Et  fut  prise  par  devant  Simon  de  Charmys,  lieutenant  du 
capitaine  de  Monteclaire.  Et  pour  ce  que  les  tabellions  attes- 
tèrent audit  Simon  de  (Iharmys  avoir  véritablement  escrit 
tout  ainsi  que  les  tesmoins  avoient  déposé,  ledit  de  Char- 
mys envoya  au  bailly  de  Ghaumont  l'information  et  lui 
rescrivit  que  les  tesmoins  avoient  déposé  la  vérité.  Ce  que 
recognu  par  le  bailly  de  Chaumont,  il  dit  que  ceux,  qu'il 
avoit  commis  pour  faire  cette  information  étoient  de  faux 
Armagnacs  :  nom  de  partialité  et  de  faction  inventé  par  ceux 
qui  tenoient  le  parti  du  duc  de  Bourgogne.  Et  de  là  on  peut 
juger  qu'es  dites  informations  il  n'y  avoit  rien  qui  chargeast 
la  Pucelle. 

Entre  les  tesmoins  qui  ont  esté  ouys  et  examinez  à  Houen, 
desquels  nous  parlerons  cy  après,  un  nommé  Jean  Moreau, 
maistre  chaudronnier  qui  estoit  du  pais  de  la  Pucelle  et 
demeuroit  à  Rouen,  a  déposé  qu'un  certain  tabellion  du 
mesme  païs  estoit  venu  à  Rouen  lorsqu'on  faisoit  le  procez  à 
la  Pucelle.  Et  qu'à  cause  qu'ils  estoient  du  mesme  païs,  il 
eut  grande  familiarité  avec  lui  :  et  lui  dit  qu'il  avoit  fait 
des  informations  en  cinq  ou  six  paroisses  proches  de  Domp- 
remy,  et  mesme  à  Dompremy;  mais  qu'il  n'avoit  rien  trouvé 
auxdépositions  des  tesmoins  que  tout  bien  et  vertu  et  aucune 
chose  qu'il  ne  voulust  bien  qu'on  trouvast  en  sa  propre  sœur, 
et  que  tous  avoient  déposé  que  cette  fille  estoit  grandement 
dévote  et  adonnée  à  la  piété  :  qu'il  avoit  apporté  Icsdites 
informations  à  l'évesque  de  Beauvais,  espérant  qu'il  seroit 
payé  de  son  salaire  ;  mais  que  cet  évesque  au  lieu  de  le  faire 
contenter  de  son  travail,  lui  avoit  reproché  qu'il  estoit  un 
traistre  et  un  meschant  homme,  et  qu'il  n'avoit  pas  fait  son 
debvoir  ainsi  qu'on  lui  avoit  commandé  de  le  faire  ;  telle- 
ment qu'il  ne  pouvoit  estre  payé  pour  ce  que  l'évesque  de 
Beauvais  ne  trouvoit  pas  lesdites  informations  faites  selon 
son  désir.  De  manière  que  par  cette  déposition,  on  peut  juger 
que  les  Anglois  ont  fait  faire  deux  sortes  d'informations 
contre  la  Pucelle  et  ne  les  ont  jamais  osé  produire  en  leur 


PUOCKS    DU    HEVISIOX    KT    UKIl AHIMTATION  235 

prétendu  procez  :  d'autant  qu'elles  justifient  cette  fille. 
Ledit  Moreau  ne  s'est  pas  souvenu  du  nom  de  ce  tabellion, 
après  vingt-cinq  ans  passez  que  la  l'ucelle  avoit  esté  con- 
damnée. 

Mais  attendu  que  les  informations  esquelleson  fait  examen 
de  tesmoins  sont  ordinairement  remplies  de  longues  et 
ennuyeuses  redites,  parce  que  plusieurs  tesmoins  déposent 
souvent  une  même  chose,  et  par  ainsi  ce  seroit  chose  infinie 
et  grandement  ennuyeuse  en  une  histoire  de  représenter 
en  particulier  toutes  les  confessions  desdits  tesmoins,  nous 
ferons  choix  et  inventaire  seulement  de  ce  qui  sera  plus 
notable  et  important  ausdites  dépositions,  la  vérité  des- 
quelles nous  avons  pour  la  plus  part  alléguée  au  premier  et 
second  livre  de  cette  histoire,  où  quand  besoin  sera  nous 
renvoyons  le  lecteur,  et  produisons  ici  plusieurs  choses  des- 
quelles ailleurs  n'a  esté  faite  aucune  mention. 

La  susdite  information  fut  faite  et  conclue  à  ïoul  par  Wal- 
terin-Thierry,  chanoine  de  Toul,  le  treiziesme  febvrier  1456, 
et  signée  par  Dominique  Dominici,  notaire  apostolique  en 
la  cour  épiscopale  de  Toul,  etc. 

Suit  après  l'information  faite  à  Orléans  par  l'archevesque 
de  Rheims,  l'un  des  juges  commis  par  le  Saint-Siège  aposto- 
lique, et  par  maistre  Guillaume  Bouille,  docteur  en  théolo- 
gie, et  Jean  Martin,  dominicain,  inquisiteur  de  la  foy.  En 
laquelle  information  ont  esté  ouys  et  examinez  trente-neuf 
témoins  à  divers  jours  sur  les  faits  suivants  articulez  par  maî- 
tre Simon  Chapitault,  promoteur. 

L  De  ladvénement  de  la  Pucelle  à  la  cour,  de  ce  qui  s'y 
passa  à  son  arrivée  à  l'endroit  du  Roy,  et  comme  elle  fut 
examinée. 

IL  Quels  ont  esté  ses  déportements  avec  les  gens  de 
guerre. 

IIL  Si  elle  s'estoit  adonnée  à  la  piété  et  autres  vertus. 

IV.  S'il  y  avait  apparence  qu'elle  fut  envoyée  de  Dieu  pour 
faire  la  guerre,  faire  lever  le  siège  d'Orléans,  et  autres  choses 
qui  sont  ensuivies,  etc. 


236  E.    RICHER.     —    LA.    PUCELLE    D  ORLÉANS 

I TESMOINS    ENTENDUS    A    l'eNQUÊTE    d'oRLÉANS] 

1.  Haut  et  puissant  prince  Jean,  comte  de  Danois,  sei- 
gneur de  Longueville,  Bastard  d'Orléans,  lieutenant-général 
du  Roy  en  ses  armées,  âgé  de  cinquante  un  ans  ou  environ, 
le  vingt-deuxième  febvrier  en  1456  a  déposé  sur  les  quatre 
articles  susdits,  conformément  à  ce  que  nous  avons  sommai- 
rement narré  au  premier  livre  de  cette  histoire. 

2.  Comme,  pareillement,  noble  et  puissant  seigneur  Jean  de 
Gaucourt,  grand  maistre  de  l'hostel  du  Roy,  âgé  de  quatre- 
vingt-cinq  ans,  lequel  estoiten  cour  quand  la  Pucelle  y  arriva 
et  alla  avec  elle  pour  faire  lever  le  siège  dOrléans,  etc. 

3.  Noble  homme  maistre  François  Garivel,  conseiller  du 
Roy  et  général  de  ses  aydes,  âgé  de  quarante  ans. 

4.  Noble  homme  Guillaume  de  Ricarville,  maistre  d'hostel 
du  Roy,  âgé  de  soixante  ans. 

5.  Maistre  Renaut  Thierry,  Doyen  de  l'église  collégiale 
de  Mehun-sur-Yèvre,  chirurgien  du  Roy,  âgé  de  soixante- 
quatre  ans. 

6.  Jean  Luiller,  l'aisné,  bourgeois  d'Orléans,  âgé  de  cin- 
quante-six ans. 

7.  Jean  Hilaire,  bourgeois  d'Orléans,  âgé  de  soixante-six 
ans. 

8.  Gilles  de  Saint-Mesmin,  bourgeois  d'Orléans,  âgé  de 
septante-six  ans. 

9.  Jacques  Lesbahy,  bourgeois,  âgé  de  cinquante  ans. 

10.  Guillaume  le  Charron,  aussi  bourgeois  d'Orléans,  âgé 
de  cinquante  ans. 

11.  Cosme  de  Gommy,  bourgeois  d'Orléans,  âgé  de  soixante- 
quatre  ans. 

12.  Martin  de  Mauboudet,"  bourgeois,  âgé  de  cinquante- 
sept  ans. 

13.  Jean  Volant,  bourgeois,  âgé  de  septante  ans. 

14.  Guillaume  Postiau,  bourgeois  d'Orléans,  âgé  de  qua- 
rante-quatre ans. 

15.  Denys  Roger, bourgeois  d'Orléans,  âgé  de  septante  ans. 

16.  Jacques  Thou,  bourgeois,  âgé  de  cinquante  ans. 


PROCES    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  237 

17.  Jean  Carrelier,  bourgeois,  âgé  de  quaranle-quatie  ans. 

18.  Anian  de  Saint-Mesmin,  bourgeois,  âgé  de  quatre- 
vingts  ans. 

19.  Jean  de  Chanipeaux,  bourgeois,  âgé  de  cinquante  ans. 

20.  Pierre  Jongaut,  bourgeois,  âgé  de  cinquante  ans. 
il.  Pierre  Hué,  bourgeois,  âgé  de  cinquante  ans. 

22.  Jean  Aubert,  âgé  de  cinquante-deux  ans. 

23.  Guillaume  Rouillard,  âgé  de  quarante-six  ans. 

24.  Gentian  Cabu,  bourgeois,  âgé  de  cinquante-neuf  ans. 

25.  Pierre  Vaillant,  bourgeois,  âgé  de  soixante  ans. 

26.  Jean  Goulon,  âgé  de  cinquante-six  ans. 

27.  Jean  Beauharnais,  âgé  de  cinquante  ans. 

28.  Maistre  Robert  de  Farciaux,  prestre,  licencié  aux 
droits  et  sous-doyen  de  Téglise  de  Saint-Aignan  d'Orléans, 
âgé  de  soixante  ans. 

29.  Maistre  Pierre  Compaing,  prestre,  licencié  aux  droits, 
et  chanoine  de  l'église  Saint-Aignan,  âgé  de  cinquante- 
cinq  ans. 

30. 'Maistre  Pierre  de  la  Censure,  prestre,  chanoine  et 
prévost  de  l'église  Saint-Aignan,  âgé  de  soixante  ans  '■. 

31.  Maistre  André  Bordes,  chanoine  de  Saint-xVignan,  âgé 
de  soixante  ans. 

32.  La  femme  de  Gilles  de  Saint-Mesmin,  âgée  de  septante 
ans. 

33.  Jeanne,  femme  de  Guidon  [Boileau,  âgée  de  soixante 
ans. 

34.  Guillemette,  femme  de  Jean  de  Coulons,  âgée  de  cin- 
quante et  un  ans. 

35.  Jeanne,  veuve  de  defïunt  Jean  de  Mouchy,  âgée  de  cin- 
quante ans. 

36.  Charlotte,  femme  de  Guillaume  Havet,  âgée  de  trente- 
six  ans. 

37.  Renaulde,  veuve  de  deffunt  Jean  Huré,  âgée  de  cin- 
quante ans. 


1.  Tesmoins  passés  sous  silence  par  Richer,  Raoul  Godart,  prêtre,  et 
Hervé  Bouart,  prieur  de  Saint-Magloire  ijui  déposent  comme  Pierre  de 
la  Censure. 


238  K.    lUi:ilKK.    LA    l'UCKLLK    U  UULKANS 

38.  l'étronille,  femme  de  Jean  Beauharnais,  âgée  de  cin- 
quante ans. 

39.  Massée,  femme  de  Henry  Fagoue,agée  de  cinquante  ans. 

Cette  information  fut  commencée  le  vingt-deuxième  feb- 
vrier  et  continua  jusques  au  sixième  de  mars  1456.  Et  tous 
les  dits  tesmoins  respectivement  ont  déposé  conformément  à 
ce  que  nous  avons  rapporté  au  premier  livre  de  cette  his- 
toire, les  uns  tesmoignans  d'une  chose,  les  autres  d'une 
autre,  selon  que  quelqu'un  a  vu  ou  bien  ouy  dire  à  ceux  qui 
ont  vu  quelque  chose  sur  laquelle  est  fait  l'examen  des  tes- 
moins. 

[Enuuète  de  Pauls  et  tesmoins  entendus] 

Après  ladite  information  faite  à  Orléans  est  produite  celle 
qui  a  esté  faite  à  Paris  en  laquelle  ont  esté  ouys  et  examinez 
vingt  tesmoins  sur  trente-trois  des  articles  cy-devant  pro- 
duits au  quatriesme  chapitre  de  ce  procez  par  Guillaume 
Prévosteau,  procureur  et  conseil  des  parents  de  la  Pucelle 
en  cette  cause  :  lesquels  furent  déclarez  recevables  et  de  fait 
furent  receus  par  messieurs  les  juges  commis  par  le  Saint- 
Siège,  et  contiennent  les  griefs  et  nullitez  du  procez  que 
l'évesque  de  Beauvais  a  fait  à  la  Pucelle,  comme  aussi  les 
fins  que  les  parents  de  la  Pucelle  prétendent  pour  sa  justifi- 
cation. Lesdits  articles  sont  en  nombre  nonante  et  un,  et  les 
trente-trois  premiers  sont  ceux  sur  lesquels  on  a  fait  l'infor- 
mation tant  à  Paris  qu'à  Rouen  :  d'autant  que  lesdits  tes- 
moins examinez  à  Paris  avoient  pour  la  plus  part  assisté  au 
procez  ^contre  la  Pucelle  fait  à  Rouen.  Au  reste  ce  serait 
chose  superflue  de  représenter  ici  les  dits  trente-trois  arti- 
cle€  puisqu'ils  sont  registrez  cy-devant.  L'examen  desdits 
tesmoins  a  esté  fait  par  messire  Guillaume  Ghartier,  évesque 
de  Paris,  et  frère  Jean  Patin,  inquisiteur  de  la  foy,  a  com- 
mencé le  deuxiesme  avril  et  fini  le  douziesme  may  1456. 
Voici  les  noms  et  dépositions  des  dits  tesmoins  : 
Premièrement,  maistre  Jean  ïiphaine,  docteur  en  méde- 
cine  et   chanoine    de  la  Sainte-Chapelle  de    Paris,    âgé   de 


1'»0(;KS    de    UEVISION    ET    REIlAlilLITATION  239 

soixante  ans,  dit  qu'il  fut  contraint  d'aller  à  Uouen  et  d'as- 
sister à  ce  procez  malgré  lui,  encore  qu'il  s'excusast  sur  sa 
profession  de  médecine,  remonstranl  qu'il  n'estoit  que  pour 
juger  les  cho&es  de  la  foy;  néantmoins,  crainte  des  Anglois, 
qu'il  y  assista  et  a  vu  interroger  la  Pucelle  par  tant  de 
doctes  hommes  et  en  telle  compagnie  eust  esté  bien  empes- 
ché  de  satisfaire  :  toutes  fois  qu'elle  respondoit  merveilleu- 
sement bien,  et  qu'un  grand  seigneur  anglois  du  nom  du- 
quel il  ne  se  peut  souvenir,  l'ayant  entendue  ainsi  parler, 
dit  :  vrayment,  ce  seroit  une  brave  femme  si  elle  estoit 
Angloise.  Au  reste  qu'il  l'avait  visitée  en  prison  estant  ma- 
lade et  l'avoit  vue  ayant  les  fers  aux  jambes. 

âvMaistre  Guillaume  de  Cannera  (Delachambre),  aussi  doc- 
teur en  médecine,  âgé  de  quarante-huit  ans,  assista  pareille- 
ment audit  procez,  et  confesse  avoir  ouy  dire  à  maistre 
Pierre  Maurice,  docteur  en  théologie,  qu'il  avoit  entendu 
de  confession  la  Pucelle  et  n'avoir  jamais  ouy  une  telle  con- 
fession, soit  d'un  docteur  ou  autre  quelconque,  et  qu'il 
croyoit  qu'elle  marchoit  justement  et  saintement.  Qu'il  avait 
opiné  et  souscrit  à  ce  procez  malgré  lui,  et  s'estant  voulu 
excuser  sur  sa  profession  de  médecine,  disant  qu'elle  ne  lui 
permettoit  d'opiner  en  telle  matière,  l'évesque  de  Beauyais 
le  contraignit  et  lui  fut  dit  que  s'il  ne  souscrivoit  comme  les 
autres,  mal  lui  prendroit  d'être  venu  à  Rouen.  Au  reste,  que 
maistre  Jean  Loliier  et  maistre  Nicolas  de  Houppeville  furent 
menacez  d'estre  jetez  en  la  rivière,  pour  n'avoir  voulu  assis- 
ter à  ce  procez. 

Qu'il  avoit  ouy  dire  que  la  Pucelle  avoit  esté  visitée  et 
trouvée  vierge,  et  que  selon  son  art  il  la  tenoit  vierge, 
l'ayant  traitée  durant  sa  maladie  et  vu  presque  toute  nue, 
qu'elle  estoit  fort  estroite  par  les  reins.  L'avait  pareillement 
vu  interroger  par  maistre  Jean  Beaupère  et  l'abbé  de  Fes- 
camp  qui  l'interrogeaient  ensemblement  et  confusément  de 
plusieurs  choses  diverses  et,  n'y  pouvant  pas  respondre,  leur 
dit  qu'ils  lui  faisaient  une  grande  injure  de  la  travailler  de 
la  sorte,  et  qu'elle  avoit  déjà  respondu  sur  ce  qu'ils  lui  pro- 
posaient. 


240  E.    lUCHER.    LA    PUCELLE    D  ORLÉANS 

Que  cette  fille  estant  malade  en  la  prison,  lui  qui  parle  fut 
mandé  avec  Guillaume  des  Jardins,  docteur  en  médecine,  et 
autres  médecins,  et  que  le  cardinal  de  Winthon  qu'on  appe- 
lait le  cardinal  d'Angleterre,  et  le  comte  de  Warwic  deman- 
dèrent audit  déposant  et  autres  médecins  en  quel  estât  estoit 
cette  fille;  et  ledit  comte  leur  dit  nommément  qu'ils  avisas- 
sent bien  à  elle,  et  que  le  Roy  ne  voudroit  pour  chose  du 
monde  qu'elle  mourust  de  sa  mort  naturelle,  qu'il  l'avoit 
achetée  bien  chèrement  et  vouloit  qu'elle  mourust  en  jus- 
tice et  qu'elle  fust  bruslée.  Et  leur  avoit  encore  dit  qu'ils 
se  gardassent  bien  de  la  faire  soigner,  pour  ce  qu'elle 
estoit  cauteleuse  et  se  pourroit  bien  faire  mourir.  Toutes 
fois,  après  avoir  esté  soignée,  la  fiebvre  la  quitta  et  revint 
en  convalescence.  Néantmoins,  que  Jean  d'Estivet,  pro- 
moteur de  l'évesque  de  Beauvais  l'estant  venue  veoir  et 
l'ayant  appelée  p.  et  paillarde,  elle  se  saisit  tellement  que 
la  fiebvre  la  reprit  comme  devant .  A  raison  de  quoy  le 
comte  de  Warwic  deffendit  à  ce  promoteur  de  la  plus 
injurier,  tant  ils  craignoient  qu'elle  ne  mourust  de  sa  mort 
naturelle. 

De  plus,  asseura  avoir  ouy  dire  à  cette  fille  qu'elle  se  sous- 
meltoit  à  nostre  saint  père  le  Pape.  Quant  à  l'abjuration 
qu'çlle  avoit  faite,  elle  différa  longtemps  auparavant  que  de 
la  faire.  Et  maistre  Guillaume  Erard  l'incitoit  disant  qu'elle 
fist  ce  qu'il  lui  conseilloit  et  qu'elle  seroit  délivrée  de  prison  ; 
et  que  sous  cette  condition  et  non  autrement  elle  avoit  fait 
ladite  rétractation  qui  estoit  en  un  petit  papier  contenant 
six  ou  sept  lignes,  et  ledit  déposant  estoit  si  proche  qu'il 
voyoit  les  lignes  et  leur  grandeur,  estant  escrites  en  un 
papier  reployé. 

Dépose  avoir  ouy  dire  que  les  Anglois  l'avoient  induite  à 
reprendre  son  habillement  viril,  et  qu'ils  avoient  esté  d'au- 
près d'elle  ses  habits  de  femme  et  substitué  au  lieu  ses  habil- 
lements d'homme  :  à  raison  de  quoy  on  disoit  qu'elle  avoit 
esté  condamnée  injustement.  Que  maistre  Nicolas  Midy,  doc- 
teur en  théologie,  fit  la  dernière  prédication  au  Vieil  Marché 
de  Rouen  quand  elle  fut  bruslée,  et  qu'elle  faisoit  de  grandes 
lamentations  qui  esmeurent  plusieurs  à  pleurer,  qu'estant 


PROCES    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  241 

dans  le  feu,  elle  crioit  hautement  Jésus  et  invoquoit  saint 
Michel  et  son  ayde. 

3°  Messire  Jean  de  Mailly,  évesque  de  Noyon,  lorsque  la 
Pucelle  fut  condamnée, 'estoit  du  parti  angloisetlavit  mourir. 
Et  à  cette  information  a  déposé  avoir  soixante  ans,  et  que  la 
,  Pucelle  navoit  fait  rétractât  on  sinon  sur  ce  que  le  docteur 
Erard  lui  disoit  qu'elle  fist  ce  qu'on  lui  conseilloit,  qu'autre- 
ment on  la  feroit  mourir.  Que,  pour  cette  occasion  la  plus 
part  disoient  que  ladite  abjuration  n'estoit  d'aucune  valeur 
et  qu'on  n'en  debvoit  faire  mise  ni  recepte.  Qu'un  certain 
docteur  anglois  qui  estoit  lors  présent  reprocha  à  l'évesque 
de  Beauvais  qu'admettant  cette  fille  à  se  rétracter  il  se  mon- 
troit  trop  favorable  en  son  endroit,  et  que  l'évesque  respondit 
à  ce  docteur  qu'il  avoit  menti.  Ce  que  voyant,  le  cardinal 
d'Angleterre  commanda  au  docteur  anglois  qu'il  se  tust. 

4"  Maistre  Thomas  de  Courcelles,  docteur  en  théologie, 
chanoine  et  pénitencier  de  l'église  de  Paris,  âgé  de  cinquante- 
six  ans,  a  déposé  que  l'évesque  de  Beauvais  estoit  conseiller 
d'Angleterre  et  qu'il  pense  icelui  évesque  avoir  entrepris  de 
faire  le  procez  à  la  Pucelle  pour  cette  occasion.  Et  qu'un 
nommé  Sureau,  recepveur,  avoit  donné  quelque  présent  à 
maistre  Jean  d'Estivet  promoteur  pour  assister  à  ce  procez. 
Que  lui  déposant,  estant  à  Paris,  fut  mandé  par  l'évesque  de 
Beauvais  pour  assister  audit  procez  avec  plusieurs  autres 
docteurs,  et  qu'un  nommé  Reynel  faisoit  leurs  despens  sur  le 
chemin. 

Quant  aux  informations  qu'on  prétend  avoir  esté  faites  au 
païs  de  la  Pucelle  et  exhibées  au  commencement  du  procez, 
dépose  ne  se  souvenir  jamais  les  avoir  veues.  Que  maistre 
Jean  Lohier,  ayant  reconnu  la  façon  de  procéder  contre  la 
Pucelle,  dit  à  lui  qui  parle  qu'on  ne  pouvoit  procéder  contre 
cette  fille  en  matière  de  foy,  sinon  qu'au  préalable  on  eust 
fait  informer  sur  l'infamie  qu'on  prétendoit  qu'elle  avoit 
encourue,  et  que  de  droit  une  telle  information  estoit  requise. 
Que  pour  son  regard  il  n'a  jamais  dit  positivement  ni  déli- 
béré qu'elle  fust  hérétique,  mais  seulement  posé  qu'elle  ne  se 

•IG 


242  E.    RICHER.    LA    PUCELLE    D  ORLÉANS 

voulust  sousmettre  au  jugement  de  l'Eglise  par  opiniaslreté. 

Tesmoigne  quelle  estoit  en  la  garde  d'un  Anglois  et  de  ses 
serviteurs  en  la  prison,  ayant  les  fers  aux  jambes,  et  que  plu- 
sieurs disoient  qu'elle  debvoit  eslre  tirée  de  là  et  mise  aux 
prisons  ecclésiastiques  ;  toutes  fois  qu'on  n'a  jamais  fait  de 
délibération  sur  cela.  Et  asseure  avoir  ouy  dire  à  l'évesque 
de  Beauvais  qu'elle  avoit  esté  trouvée  vierge  :  et  est  certain 
que  si  elle  n'eust  esté  telle,  qu'ils  n'eussent  pas  tu  cela  au 
procez  et  eussent  publié  qu'elle  estoit  corrompue.  Qu'il  se 
souvient  qu'après  -qu'on  lui  eust  fait  plusieurs  interroga- 
toires, il  fut  résolu  qu'à  l'advenir  on  l'interrogeroit  en  pré- 
sence de  peu  de  personnes,  et  ne  sçait  pour  quelles  fins  cela 
fut  ordonné. 

Qu'tl  est  mémoratif  icelle  avoir  esté  plusieurs  fois  interro- 
gée de  se  sousmettre  à  l'Eglise  :  sur  quoy  elle  fit  plusieurs  et 
diverses  responses  qui  sont  registrées  au  procez,  à  quoy  il  se 
rapporte. 

Quant  aux  douze  articles  qui  ont  esté  extraits  du  procez, 
ce  fut  maistre  Nicolas  Midy  qui  les  colligea,  et  toutes  les  dé- 
libérations sur  lesquelles  sont  intervenues  les  sentences 
contre  la  Pucelle  furent  faites  et  prises  sur  lesdits  douze 
articles.  Qu'il  a  maintes  fois  ouy  dire  à  maistre  Nicolas  Loy- 
seleur  qu'il  s'estoit  plusieurs  fois  déguisé  pour  aller  parler 
à  cette  fille  en  la  prison  en  habit  dissimulé,  et  ne  sçait  pas  ce 
qu'il  lui  disoit  sinon  qu'il  l'avoit  conseillée  de  se  manifester 
à  lui  et  qu'il  estoit  prestre  .  et  croit  qu'elle  se  confessa  au 
dit  Loyseleur. 

Quant  au  formulaire  d'abjuration  qui  commence  Je  Jeanne 
etc.,  ne  sçait  qui  l'a  dressé.  Bien  sçait  que  maistre  Nicolas  de 
Venderès  en  dressa  un  qui  commençait  :  Toutes  et  quantes 
fois  que  l'œil  du  cœur,  etc.  Ne  peut  se  souvenir  si  c'est  le  for- 
mulaire qui  a  esté  registre  au  procez.  Bien  a  mémoire  que 
aucuns  des  assistans  dirent  à  l'évesque  de  Beauvais  que 
recepvant  cette  fille  à  se  retracter,  il  ne  pouvoit  pas  faire  sa 
sentence, 

5°  Maistre  Jean  Monnet,  docteur  en  théologie  et  chanoine 
de  l'église  de  Paris,  confessa  avoir  esté  à  Rouen  comme  ser- 


PUOCKS    DE    REVISION    ET    REHAUILITATION  243 

viteur  et  en  la  compagnie  de  maistre  Jean  Beaupère,  Pierre 
Maurice,  Thomas  de  Courcelles  et  de  plusieurs  autres  docteurs 
qui  avoient  esté  mandez  pour  assister  audit  procez,  et  que  le 
procez  de  la  Pucelle  ayant  esté  commencé,  il  y  assistoit  et 
escrivoit,  non  comme  notaire,  mais  comme  serviteur  de 
maistre  Jean  Beaupère,  et  que  ce  qu'il  avoit  escrit  il  l'avoit 
recognu  au  procez  fait  en  françois;  et  se  souvient  que  quel- 
quefois lui  déposant  et  les  notaires  omettans  quelque  chose 
de  ce  que  disoit  la  Pucelle,  elle  le  faisoit  relire  et  corriger. 
Qu'il  a  mémoire  qu'elle  fut  visitée  pour  sçavoir  si  elle  estoit 
vierge,  et  qu'elle  fut  trouvée  vierge,  et  qu'on  disoit  qu'elle 
avoit  esté  blessée  en  allant  à  cheval.  Qu'il  avoit  entendu  qu'au- 
cuns alloient  parler  à  elle  en  habit  dissimulé. 

Au  reste,  quand  on  lui  proposa  le  formulaire  de  rétracta- 
tion, qu'il  estoit  sur  le  théastre  aux  pieds  de  maistre  Jean 
Beaupère  son  maistre,  et  entendit  la  Pucelle  dire  que  si  les 
ecclésiastiques  lui  conseilloient  en  conscience  qu'elle  debvoit 
faire  la  dite  rétractation,  elle  feroit  volontiers  ce  qu'ils  lui 
conseilleroient.  Et  qu'alors  on  lui  présenta  un  petit  papier 
contenant  six  ou  sept  lignes;  et  dit  plusieurs  fois  qu'elle  se 
rapportoit  aux  consciences  de  ceux  qui  la  jugeoient,  si  elle 
debvoit  ou  non  faire  une  telle  révocation,  etc. 

6°  Noble  homme  Louys  de  Goûtes,  escuier,  sieur  de  Novion 
et  de  llugles,  âgé  de  quarante-deux  ans.  C'est  l'un  des  escuiers 
que  le  Iloy  donna  à  la  Pucelle,  et  a  tousjours  esté  avec  elle 
jusques  à  l'assaut  qu'elle  fit  donner  à  Paris  :  sa  déposition  est 
toute  conforme  à  ce  que  nous  avons  escrit  au  premier  livre. 

7"  Noble  homme  Gobert  Thibaut,  escuier  de  l'escurie  du 
Roy,  âgé  de  cinquante  ans,  dépose  conformément  à  ce  que 
nous  avons  narré  au  premier  livre 

8° Noble  homme  Simon  Beaucroix,  escuier,  âgé  de  cinquante 
ans.  Il  estoit  à  monsieur  Dolon  (d'Aulon)  séneschal  de  Beau- 
caire,  et  sa  déposition  est  conforme  à  ce  que  nous  avons 
exposé  au  premier  livre. 

9°  Maistre  Jean  Barbier,  advocat  du  Roy  en  sa  cour  du  Par- 


244  E.    RICllER.    —    I.A    PUCELLE    D  ORLEANS 

lement,  âgé  de  cinquante  ans,  rend  lesmoignage  de  ce  qui 
s'est  passé  à  Chinon  et  à  Poictiers  où  il  estoit  pour  lors. 

10°  Damoiselle  Marguerite  la  Touroude,  veuve  de  feu  René 
de  Bouligny  conseiller  et  trésorier  du  Uoy,  âgée  de  soixante- 
quatre  ans.  C'est  elle  qui  logeoit  la  Pucelle  quand  elle  estoit 
à  Bourges.  Sa  déposition  porte  quelle  la  logée  trois  ans,  qui 
est  une  erreur  du  notaire  :  il  faut  lire  trois  mois.  C'est  tout  le 
temps  de  l'hyver  que  la  Pucelle  a  esté  en  Berry,  car,  sur  le 
printemps,  elle  repassa  en  France. 

1 1°  Jean  Marcel,  bourgeois  de  Paris,  âgé  de  cinquante-six  ans, 
déclare  avoir  esté  à  Rouen  lorsqu'on  fit  rétracter  la  Pucelle, 
et  qu'il  avoit  ouy  dire  qu'un  nommé  maistre  Laurent  Calot  et 
quelques  autres  Anglois,  voyans  ladite  rétractation,  avoient 
dit  à  l'évesque  de  Beauvais  qu'il  tardoit  trop  à  donner  sa  sen- 
tence définitive  et  qu'il  jugeoit  mal;  et  que  ledit  évesque  leur 
avoit  respondu  qu'ils  avoient  menti.  Qu'il  avoit  vu  la  Pucelle 
dedans  le  feu  et  l'entendit  crier  à  haute  voix  Jésus,  et  qu'elle 
répéta  plusieurs  fois.  Et  la  plus  part  des  assistants  pleuroient, 
disans  qu'elle  avoit  esté  condamnée  injustement,  et  qu'elle 
estoit  morte  bonne  chrétienne.  Ce  que  ledit  déposant  asseure 
avoir  ouy  dire  aux  religieux  qui  l'assistèrent  à  la  mort. 

Au  reste  ce  Laurent  Calot  estoit  secrétaire  du  Roy  d'Angle- 
terre, et  cette  déposition  convient  avec  celle  de  lévesque  de 
Noyon  et  de  maistre  Thomas  de  CourCelles,  et  montre  que 
l'évesque  de  Beauvais  avoit  promis  d'abandonner  la  Pucelle 
au  bras  séculier,  et  que  cette  révocation  qu'il  lui  a  fait  faire 
n'estoit  que  pour  servir  de  prétexte  à  sa  noire  malice  et  ini- 
quité, voulant  faire  entendre  au  monde  qu'il  avoit  fait  tout 
ce  qu'il  avoit  pu  pour  sa  réduction  ;  et  aucuns  Anglois  qui  né 
scavoient  pas  le  secret  de  ce  mystère  d'iniquité,  blasmoient 
cet  évesque  comme  trahissant  leur  maistre. 

12°  Illustre  et  puissant  prince  Jean  duc  d'AIençon,  âgé  de 
cinquante  ans.  Voyez  sa  déposition  au  premier  livre. 

13''  Vénérable  et  religieuse  personne  frère  Jean  Pasquerel, 
de  Tordre  des  Augustins,  du  couvent  de  Bayeux,  etc.  C'est  celui 


PROCES    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  24'j 

que  la  Pucelle  choisit  pour  son  chapelain,  lequel  a  tous- 
jours  esté  avec  elle  jusques  à  sa  prise.  Nous  avons  montré 
quelle  est  sa  déposition  au  premier  livre  de  cette  histoire. 

14"  Vénérable  et  religieuse  personne  frère  Jean  de  Leno- 
zoles,  prestre  de  l'ordre  des  Célestins,  âgé  de  quarante-cinq 
ans,  tesmoigne  que  lorsqu'on  faisoit  le  procez  à  la  Pucelle,  il 
estoit  serviteur  de  maistre  Guillaume  Erard  et  qu'il  vint  de 
Bourgogne  avec  lui  à  Rouen.  Et  quand  on  prononça  la  pre- 
mière sentence  contre  cette  fille,  qu'il  entendit  dire  à  son 
maistre  qu'il  avoit  charge  de  faire  la  prédication,  mais  que  cela 
lui  déplaisoit  grandement,  disant" qu'il  eust  bien  voulu  estre 
en  Flandre  et  que  cette  matière  lui  déplaisoit  extrêmement. 

Qu'il  vit  le  matin,  auparavant  qu'on  menast  la  Pucelle  au 
supplice,  comme  on  lui  portoit  le  corps  de  Nostre-Seigneur, 
une  grande  multitude  de  torches,  et  qu'on  chantoit  les  lita- 
nies disant  Orate  pro  ea,  «  priez  pour  elle  »,  et  qu'il  se  retira 
lors  :  et  entendit  dire  à  ceux  qui  l'avoient  vu  communier, 
qu'elle  avoit  receu  son  créateur  avec  une  grande  dévotion  et 
profusion  de  larmes.  Que  maistre  Nicolas  Midy  avoit  fait  la 
prédication  au  Vieil  Marché,  qu'il  avoit  vu  jeter  cette  fille 
dedans  le  feu  et  l'avoit  entendu  crier  plusieurs  fois  à  haute 
voix  Jésus. 

15"  Noble  et  scientifique  personne  Simon  Charles,  conseil- 
ler du  Roy  et  président  en  sa  Chambre  des  comptes,  âgé  de 
soixante  ans,  etc.  Sa  déposition  est  semblable  à  celle  de  mon- 
sieur de  Gaucourt,  grand  maistre  de  l'hôtel  du  Roy,  auquel  il 
dit  avoir  ouy  dire  que  les  vivres  et  gens  de  guerre  estans 
arrivez  h  Orléans  avec  la  Pucelle,  tous  les  capitaines  ne  trou- 
vèrent pas  bon  qu'on  fist  aucune  entreprise  sur  les  Anglois, 
le  jour  que  la  bastille  de  Saint-Loup  fut  prise  sur  eux,  et  que 
pour  cette  raison  l'on  donna  charge  au  sieur  de  Gaucourt  de 
faire  garder  les  portes  d'Orléans  à  ce  que  personne  ne  pust 
sortir.  Que,  nonobstant  cela,  la  Pucelle  fut  de  contraire  advis, 
comme  pareillement  plusieurs  gens  de  guerre  et  des  bour- 
geois qui  avoient  désir  de  combattre  et  d'aller  assaillir  ladite 
bastille.   C'est  pourquoy  la  Pucelle  courut   à   la  porte  de 


246  E.    RICHER.    L\    PL'CELLE    d'oRLRANS 

Bourgogne  et  dit  au  sieur  de  (îaucourt  qu'il  estoit  un  mau- 
vois  homme  et  que,  voulust  ou  non,  les  gens  de  guerre  sorti- 
roient  et  obtiendroient  la  victoire.  Tellement  que  malgré 
ledit  seigneur  de  (îaucourt,  ils  sortirent  et  forcèrent  ladite 
bastille,  etc. 

16**  Noble  seigneur  Thibaut  d'Armagnac,  autrement  de 
Termes,  bailly  de  Chartres,  âgé  de  cinquante  ans.  Sa  déposi- 
tion convient  avec  celle  du  comte  de  Dunois,  et  ils  recognois- 
sent  toutes  les  actions  de  la  Pucelle  au-dessus  des  forces  et  de 
la  capacité  humaine. 

17°  Noble  homme  Aimond  de  Macy,  âgé  de  cinquante  ans, 
dépose  avoir  esté  au  service  du  sieur  de  Luxembourg,  comte 
de  Ligny,  et  que  plusieuis  fois  il  fut  voir  la  Pucelle  au  chas- 
teau  de  Beaurevoir  où  elle  estoit  détenue  prisonnière,  y 
estant  envoie  par  le  comte  de  Ligny  son  maistre  pour  sça- 
voir  comment  elle  se  portoit,  et  qu'ayant  voulu  plusieurs  fois 
mettre  les  mains  en  son  sein  et  lui  toucher  les  mamelles  en 
se  jouant,  jamais  ne  le  voulut  souffrir.  Qu'elle  estoit  d'une 
conversation  honneste  tant  en  ses  paroles  qu'en  son  port  et 
son  geste. 

Qu'icelle  estant  prisonnière  au  chasteau  de  Grotoy,  où 
estoit  pareillement  prisonnier  maistre  Nicolas  de  Queuville, 
chancelier  de  l'église  d'Amiens,  docteur  aux  droits,  lequel 
célébroit  souvent  la  messe,  la  Pucelle  l'entendoit  avec  grande 
dévotion  et  se  confessoit  audit  sieur  de  Queuville,  auquel  le 
déposant  asseure  avoir  ouy  dire  que  cette  fille  estoit  bonne 
catholique  et  très  dévote,  et  en  disoit  moult  de  bien. 

Tesmoigne  pareillement,  depuis  qu'elle  fut  mise  prison- 
nière au  chasteau  de  Rouen,  que  Monsieur  le  comte  de  Ligny 
la  voulut  voir  et  que  les  comtes  de  Warwic  et  de  Suffort, 
présent  le  chancelier  du  Roy  d'Angleterre,  lors  évesque  de 
Thérouane,  frère  du  comte  de  Ligny,  le  menèrent  à  la  Pu- 
celle, lui  déposant  estant  avec  ledit  comte  de  Ligny.  Lequel 
parla  en  cette  manière  à  la  Pucelle  :  —  Jeanne,  je  suis  venu 
ici  pour  vous  mettre  à  financer,  moyennant  que  veuilliez  pro- 
mettre de  ne  plus  porter  les  armes  contre  nous. 


PROCKS    DK    HEVISION    ET    UEll  A  lilLITATION  247 

Elle  respondit  :  —  En  nom  Dieu,  vous  vous  moquez  de  moi 
et  sçay  bien  que  vous  n'en  avez  ni  le  vouloir  ni  le  pouvoir. 

Ce  qu'elle  répéta  plusieurs  fois,  comme  ledit  comte  lui 
vouloit  faire  croire  le  contraire.  De  plus  elle  dit  :  —  Je  sçay 
bien  que  ces  Anglois  me  feront  mourir,  croyans  qu'après  ma 
ma  mort  ils  gagneront  le  royaume  de  France.  Mais  s'ils 
estoient  cent  mille  godons  plus  qu'ils  ne  sont  de  présent,  ils 
ne  l'auront  pas  le  royaume. 

Ce  qu'entendu,  le  comte  de  Suffort  lira  sa  dague  à  moitié, 
tout  en  colère,  pour  la  frapper;  mais  le  comte  de  Warwic 
l'empescha. 

Outre,  le  déposant  asseure  avoir  esté  à  Rouen  quand  on 
proposa  à  la  Pucelle  qu'elle  se  révoquas!,  et  que  maistre 
Nicolas  Midy  lui  ayant  dit  que  si  elle  ne  se  révoquoit,  on  la 
livreroit  à  la  justice  séculière,  elle  respondit  qu'elle  n'avoit 
rien  fait  de  mal,  qu'elle  croyoit  aux  douze  articles  de  la  foy 
et  aux  dix.  commandements  de  Dieu,  et  adjousta  qu'elle  se 
rapportoit  à  la  Cour  romaine  et  qu'elle  vouloit  croire  tout  ce 
que  l'Eglise  croyoit.  Que  nonobstant  tout  cela,  elle  fut  con- 
trainte de  se  révoquer  et  disoit  souvent  aux  docteurs  qui  la 
pressoient  :  —  Vous  avez  bien  de  la  peine  à  me  séduire.  Et 
que  pour  éviter  le  péril,  elle  estoit  contente  de  faire  tout  ce 
qu'ils  vouloient.  Et  qu'alors  un  secrétaire  du  Roy  d'Angle- 
terre nommé  Laurent  Calot,  tira  de  sa  manche  un  petit 
papier  escrit  qu'il  donna  à  la  Pucelle  pour  le  signer,  Et  elle 
respondit  ne  savoir  lire  ni  escrire.  Ce  nonobstant,  il  la  pressa 
de  signer,  et  elle,  comme  se  moquant  prit  la  plume  et  fit 
quelque  rond  :  et  ledit  Laurent  Calot  prit  sa  main  et  lui  fit 
faire  un  certain  seing  duquel  il  ne  se  peut  souvenir.  Pour  lui 
déposant,  cette  fille  doibt  estre  en  paradis. 

Ce  tesmoin  allègue  maistre  Nicolas  lAIidy  pour  maistre  Guil- 
laume Erard;  car  celui-ci  fust  celui  qui  fit  le  sermon  du  cime- 
tière Saint-Ouen,  quand  la  Pucelle  fut  contrainte  de  se  rétrac- 
ter, et  maistre  Nicolas  Midy  fit  le  sermon  lorsqu'elle  fut 
exécutée  à  mort  ^ 


1.  L'observation  de  Richer  ne  prouve  nullement  que  Nicolas  Midy 
n'ait  pas  tenu  à  la  Pucelle  le  langage  rapporté  ci-dessus,  L'évêque  de 


248  K.    aiCHKU.    —    LA    l'I'CCLI.E    U  UHLEAN» 

18°  Colette,  femme  de  Pierre  Milet,  greffier  des  Esleus  de 
Paris,  âgée  de  cinquante-six  ans,  tesmoigne  de  ce  qui  s'est 
passé  à  la  levée  du  siège  d'Orléans,  où  elle  estoitlors, et  voyoit 
souvent  la  Pucelle  qui  parlait  ordinairement  de  Dieu,  de  piété 
et  dévotion  ;  et  asseure  qu'auparavant  daller  assaillir  les 
bastilles  de  Saint-Loup,  de  Saint-Jean-le-Blanc,  des  Augus- 
tins,  etc.,  elle  lit  crier  par  les  héraults  qu'on  ne  fist  aucun  tort 
aux  églises  ;  que  ses  gestes  étoient  miraculeux. 

19°  (Voir  la  note  1). 

iiO°  Maistre  Aignan  Viole,  licencié  aux  loix,  advocat  au 
Parlement,  âgé  de  cinquante  ans,  tesmoigne  semblablement 
de  la  levée  du  siège  d'Orléans  comme  dessus  ;  que  la  Pucelle 
alloit  souvent  à  confesse,  recepvoit  le  saint  sacrement  en 
grande  dévotion,  etc. 

[Enqukte   faite  a  Rouen  en  1456  et  témoins  entendus] 

Ensuit  autre  production  des  informations  faites  à  Rouen 
par  messieurs  l'Archevesque  de  Rheims,  l'évesque  de  Paris 
et  frère  Jean  Bréhal,  inquisiteur  de  la  foy,  laquelle  informa- 
tion fut  commencée  le  seiziesme  décembre  14oo,  st  continua 
jusqu'au  dix-neufviesme  may  1456,  partie  pour  les  dits  sieurs 
conjointement,  partie  aussi  séparément  paur  l'inquisiteur  de 
la  foy  :  en  laquelle  dix-sept  tesmoins  ont  déposé  sur  les 
trente-trois  articles  proposez  par  maistre  Guillaume  Prévos- 
teau,  procureur  des  parents  de  la  Pucelle  et  Simon  Chapi- 
tault,  promoteur  en  ce  procez.  Voyez  le  chapitre  iv. 

[1.  Déposition   de  Pierre  Migiet.   prieur  de  Longueville-Giffard, 
de  l'ordre  de  Cluny]. 

Premièrement,  frère  Pierre  Migetii,  docteur  en  théologie, 

Beauvais  avait  indiqué  à  chacun  de  ses  afiîdés  le  rôle  qu'ils  devaient 
jouer  pour  emporter  l'abjuration  de  la  Pucelle.  Nicolas  Midy  était  un 
de  ces  ai'fidés. 

•  1.  E.  Richerpasse  sous  silence  la  déposition  de  Pierre  Milet,  mari  de 
la  femme  Colette,  dix-huitiesme  témoin.  PieiTe  Milet  serait  donc  le  dix- 
neuvième  CVoii' .1.  QuicHEUAT,  Procès,  t.  III,  p.  123-125). 


l'ItOGKS    DE    HEVISION    ET    KICH AUILITATION  249 

prieur  du  prieuré  de  Longueville-GilTard,  de  l'ordre  de  Cluny 
au  diocèse  de  Rouen,  âgé  de  septante  ans,  lequel  assista  au 
procez  de  la  Pucelle,  asseure  qu'il  lui  semble  qu'elle  avoit 
respondu  catholiquement  et  prudemment  des  choses  concer- 
nant la  foy,  mesme  attendu  son  âge,  sa  condition,  etc.  ; 
qu'elle  estoit  grandement  simple  et  croit  que  si  elle  eust  esté 
en  sa  liberté,  elle  eust  esté  autant  bonne  catholique  que  toute 
autre  personne  :  et  a  ouy  dire  que  c'estoit  elle  qui  avoit  ins- 
tamment demandé  qu'elle  pust  recepvoir  le  corps  de  Nostre- 
Seigneui-  auparavant  que  de  mourir.  Et  le  jour  qu'elle  fut 
livrée  à  la  justice  séculière,  qu'elle  cria  et  implora  haulte- 
ment  et  par  plusieurs  fois  le  nom  de  Jésus  :  ce  qui  émeut  à 
compassion  plusieurs  personnes,  et  lui  déposant  se  retira 
pleurant,  ne  pouvant  voir  un  tel  spectacle,  comme  aussi  plu- 
sieurs autres  pleurèrent,  et  principalement  l'évesque  de  Thé- 
rouane  et  le  cardinal  d'Angleterre. 

Quant  au  cinquiesme  article,  a  déposé  qu'il  avoit  assisté  au 
procez  contre  la  Pucelle  ou  à  la  plus  grande  partie,  et  aux 
consnltations,  et  qu'il  a  entendu  parler  de  certaines  informa- 
tions faites  au  païs  de  la  Pucelle,  lesquelles  il  n'a  jamais  veues 
et  ne  les  a  pas  entendu  lire. 

Pour  le  sixiesme  a  déclaré  qu'il  voyoit  —  comme  aussi  les 
effets  qui  en  sont  ensuivis  l'ont  fait  voir  —  que  les  Anglois 
portoient  une  inimitié  mortelle  à  cette  fille  et  désiroient  sa 
mort  sur  toutes  choses,  d'autant  qu'elle  avoit  secouru  le  Roy 
de  France  ;  et  comme  il  a  ouy  dire  à  un  gentilhomme  anglois, 
ils  la  craignoieut  plus  que  cent  honimee  armez,  et  disoient 
qu'elle  usoit  de  sorcelerie,  et  la  craignoient  à  cause  des  vic- 
toires qu'elle  avoit  remportées  sur  eux.  Et  estime  ledit  dépo- 
sant que  ce  procez  n'a  esté  fait  qu'à  la  poursuite  et  sollicita- 
lion  des  Anglois  qui  l'ont  toujours  détenue  prisonnière,  sans 
vouloir  jamais  permettre  qu'elle  fust  aux  prisons  ecclésias- 
tiques. 

Davantage  :  qu'après  le  premier  sermon  qui  fut  fait  à 
Saint-Ouen,  comme  on  l'advertissoit  de  se  rétracter,  et  qu'elle 
différoit  et  ne  vouloit  le  faire,  un  certain  ecclésiastique 
Anglois  reprocha  à  l'évesque  de  Beauvais  qu'il  favorisoit 
cette  fille  :  et  l'évesque  lui  repartit  qu'il  avoit  menti.  Que  lui- 


2y0  E.    RICHER.     —    h\    l'UCELLK    D  ORLÉANS 

mesme  déposant  fut  déféré  au  cardinal  d'Angleterre  comme 
favorisant  cette  fille  :  de.quoy  il  s'excusa  envers  ledit  car- 
dinal, craignant  qu'on  entreprit  quelque  chose  contre  sa  per- 
sonne. Et  n'y  avoit  aucun  qui  eust  osé  donner  conseil  à  cette 
fille.  Et  croit  qu'aucun  des  juges  n'estoient  du  tout  libres  : 
toutes  fois  que  les  autres  assisloient  à  ce  procezde  leur  propre 
volonté.  Et  lui  semble,  attendu  la  grande  haine  que  les  Anglois 
portoient  à  cette  fille,  que  tout  le  procez  et  conséquemment 
les  sentences  intervenues  en  icelui  sont  injustes,  et  que  fout 
cela  ne  tendoit  qu'au  déshonneur  et  infamie  du  Hoy  de  France 
qui  avoit  emploie  cette  fille. 

Ouant  au  neufviesme  article,  il  estime  que  cette  fille  pou- 
voit  avoir  vingt  ans;  et  elle  estoit  si  simple  qu'elle  croyoit 
que  les  Anglois  la  délivreroient  moyennant  quelque  somme 
d'argent  et  ne  la  feroient  point  mourir. 

Pour  le  quinziesme  et  dix-septiesme,  il  se  souvient  que 
cette  fille  a  dit  plusieurs  fois  que  de  tout  ce  qu'elle  avoit  dit 
et  fait,  elle  s'en  remettoit  à  nostre  saint  Père  le  Pape  et  a  pro- 
testé ne  vouloir  rien  tenir  qui  fust  contraire  à  la  foy  catho- 
lique, et  que  si  en  ses  dits  ou  faits  il  y  avoit  quelque  chose 
qui  fust  contraire  à  la  foy,  elle  le  vouloit  rejeter.  Et  a  con- 
fessé maintes  fois  expressément  qu'elle  se  sousmettoit,  et 
tous  ses  dits  et  faits,  au  jugement  de  l'Eglise  et  de  nostre 
saint  Père. 

Sur  le  vingt-deuxiesme,  asseure  avoir  ouy  dire  que  durant 
le  procez  il  y  avoit  quelques-uns  cachez  derrière  les  rideaux 
ou  tapisseries,  qui  escrivoient  les  dépositions  de  la  Pucelle  ; 
qu'il  avoit  entendu  cela  de  maistre  Guillaume  Manchon, 
notaire  qui  a  escrit  le  procez,  et  que  lui  déposant  s'en 
plaignit  aux  juges,  disant  que  cela  estoit  contre  droit  et 
raison.  Quant  aux  autres  notaires,  il  croit  qu'ils  ayent 
fidèlement  exercé  leurs  charges.  Au  reste,  qu'ayant  esté 
abandonnée  à  la  justice  séculière  par  les  ecclésiastiques,  les 
Anglois  armez  s'en  saisirent  avec  une  grande  furie  et  la 
menèrent  au  supplice  sans  qu'au  préalable  il  intervint  aucune 
sentence  du  juge  séculier. 

'  Pour  le  vingt  et  deuxiesmc  article,  qu'il  a  ouy  dire  à  Guil- 
laume Manchon,  l'un  des  notaires  qui  a  instrumenté  en  ce 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    REHAHILITATION  251 

procez,  que  maistre  .Nicolas  Loyscleur  faisoit  semblant 
d'estre  prisonnier  et  tenir  le  parti  du  Roy  de  France,  et  alloit 
de  nuit  à  cette  fille,  lui  disant  qu'elle  persistast  en  ses 
dépositions,  et  que  les  Anglois  ne  lui  oseroient  rien  faire. 
Quant  à  rhabillement  d'homme  quelle  a  repris,  il  estime 
qu'on  n'a  pu  ni  du  la  condamner  pour  cela  comme  hérétique, 
au  contraire  que  ceux  qui  l'auroient  jugé  telle  pour  cela 
debvroient  eux  mesnies  estre  tenus  pour  hérétiques.  Au  reste, 
que  plusieurs  qui  avoient  assisté  à  ce  procez  estoient  fort 
courroucez,  et  que  c'estoit  la  voix  commune  que  ce  juge- 
mentestoit  inique  et  meschant. 

[2.  Déposition  de  Guillaume  Manchon  K  notaire  principal 
du  procez]. 

Maistre  (îuillaume  Manchon,  notaire  apostolique  de  la  cour 
archiépiscopale  de  Houen  et  curé  de  l'église  paroissiale  de 
Saint-Nicolas  de  Rouen,  âgé  de  soixante  ans,  dit  avoir  esté 
esleu  notaire  par  l'évesque  de  Beauvais  au  procez  contre  la 
Pacelle,  avec  un  autre  nommé  Guillaume  Bosguillaume. 
Et  lui  ayant  esté  représenté  le  procez  qu'il  avoit  délivré  à 
messieurs  les  juges  commis  par  le  Saint-Siège  en  vertu  d'un 
compulsoire,  il  recognut  ledit  procez  estre  celui-là  mesme 
que  lui  et  ses  compagnons  avoient  signé  et  qu'il  contenoit  la 
vérité,  ainsi  qu'il  disoit,  asseurant  qu'ils  en  avoient  escrit 
deux  autres  avec  celui-là,  desquels  l'un  fut  donné  à  frère 
Jean  Magistri,  inquisiteur  de  la  foy,  l'autre  au  Roy  d'Angle- 
terre, et  le  troisiesme  à  l'évesque  de  Beauvais.  Que  les  dits 
procez  avoient  esté  faits  sur  une  minute  originale  francoise, 
laquelle  ledit  Manchon  disoit  avoir  mise  entre  les  mains  des 
juges  susdits  et  l'avoir  escrite  de  sa  propre  main.  Que  lesdits 
procez  ont  esté  longtemps  après  la  mort  de  la  Pucelle  faits 
de  françois  en  latin  selon  la  forme  qu'on  les  voit  aujourd'huy. 


1.  Dans  ces  pages,  comme  dans  celles  qui  nous  font  entendre  Pierre 
Migiet,  Jean  Massieu,  Jean  Fabri  et  frère  Martin  l.advenu,  Riclier 
résume  les  d«3positions  multiples  de  ces  témoins.  Car  Manchon  et  Mar- 
tin Ladvenu  deposènnt  à  toutes  les  enquêtes,  c'est-à-dire  quatre  fois. 
J.  Massieu  et  P.  Migiet  trois  fois,  J.  Fabri  et  fr.  Isambert  deux  fois. 


252  E.    lUCllKll.    LA    l'UCKLLE    D  URLKANS 

par  maislre  Thomas  de  Courcelles  et.  lui  qui  parle,  le  mieux 
et  utilement  qu'il  a  esté  possible,  et  que  ledit  de  Courcelles 
ne  s'est  guère  mesié  mesme  aux  faits  licites  de  ce  procez. 

La  minute  françoise  originale  ayant  esté  représentée  au 
dit  Manchon,  on  lui  demanda  que  vouloient  dire  certaines 
notes  faites  au  commencement  de  plusieurs  articles  et  à  quoy 
elles  servoient.  Respondit  qu'aux  premiers  interrogatoires 
faits  à  la  Pucelle  on  fit  un  grand  tumulte,  qu'on  l'interrogea 
en  la  chapelle  du  chasteau  de  Rouen,  de  sorte  qu'on  interrom- 
pit cette  fille  presque  a  chacun  mot  qu'elle  disoit  parlant  de 
ses  apparitions.  Et  pour  ce  qu'il  y  avoit  la  deux  ou  trois  secré- 
taires du  Roy  d'Angleterre  qui  faisoit  registre  comme  bon 
leur  sembloit,  omettans  les  dépositions  et  excuses  de  cette 
fille,  et  tout  ce  qui  servoit  à  sa  descharge,  lui  déposant  s'en 
plaignit  disant  que  si  on  ne  donnoit  autre  ordre  en  ce  procez, 
il  ne  prendroit  pas  la  charge  de  l'escrire.  Et  cela  fut  cause 
que  le  lendemain  on  changea  de  lieu  et  s'assembla-t-on  en 
une  salle  du  chasteau  de  Rouen  auprès  de  la  grande  salle,  et 
y  avoit  deux  Anglois  qui  gardoient  la  porte;  et  quand  il  sur- 
venoit  quelques  difficultez  sur  les  responses  de  cette  fille,  lui 
qui  parle  faisoit  une  marque  au  commencement  de  l'article. 

Et  c'est  ce  que  les  dites  marques  dénotent  en  cette  minute 
françoise. 

Au  reste,  que  celte  fille  lui  sembloit  fort  simple,  encore 
qu'elle  respondit  aucunes  fois  bien  prudemment  et  d'autres 
fois  fort  simplement,  ainsi  qu'on  peut  juger  par  le  procez.  Et 
croit  qu'en  une  aussi  difficile  cause  elle  n'estoit  suffisante  de 
soy-mesme  pour  se  deffendre  contre  tant  de  docteurs  si  elle 
n'eust  esté  inspirée.  Or  de  dire  si  elle  a  vescu  catholique- 
ment,  ne  l'ayant  cognue  sinon  depuis  le  procez,  il  n'en  peut 
parler  :  bien  sçait-il  que  durant  ledit  procez  il  l'a  entendue 
souventes  fois  demander  qu'on  lui  fist  ouyr  la  messe  les 
dimanches  et  jour  des  Rameaux  et  de  Pasques,  et  qu'elle 
demanda  à  Pasques  d'estre  confessée  et  de  recepvoir  le  corps 
de  Nostre-Seigneur.  Et  toutes  fois  on  ne  lui  permeltoit  [pas] 
de  se  confesser  sinon  à  maislre  Nicolas  Loyseleur,  et  se  plai- 
gnoit  grandement  de  ce  qu'on  lui  refusait  cela. 

Qantaux  informations  dont  est  parlé  au  cinquiesme  article. 


PIIOCES    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  253 

dit  ores  qu'il  soit  fait  mention  au  procez  que  les  juges  en 
avoient  fait  faire,  il  ne  se  souvient  pas  de  les  avoir  vues  ni 
lues,  et  asseure  que  si  elles  eussent  esté  produites,  il  les  eust 
registrées  au  procez. 

Pour  le  sixiesme  article,  dit  estre  bien  certain  que  si  la 
Pucelle  eust  esté  du  parti  anglois,  ils  ne  l'eussent  pas  traitée 
ainsi  qu'ils  ont  fait,  et  qu'elle  fust  amenée  à  Rouen  pour  lui 
faire  son  procez,  et  non  à  Paris  :  d'autant  que  le  Roy  d'Angle- 
terre et  sesprincipax  conseillers  estoient  à  Rouen.  Et  que  lui 
qui  parle  fust  contraint  d'escrire  en  ce  procez,  ce  qu'il  fit 
malgré  lui,  n'osant  contredire  à  messieurs  du  Conseil  d'Angle- 
terre. Que  tout  ce  procès  a  esté  fait  à  leur  poursuite  et  dépens. 
Ou'il  croit  bien  que  l'évesque  de  Beauvais  et  son  promoteur 
y  ont  travaillé  volontairement  et  de  leur  bon  gré  :  quant  aux 
assesseurs  et  conseillers,  il  estime  qu'ils  n'eussent  pas  osé 
contredire,  et  n'y  avoit  aucun  qui  ne  fust  en  très  grande 
crainte;  que  lui  déposant  remontra  maintes  fois  qu'il  falloit 
mettre  cette  fille  aux  prisons  ecclésiastiques,  mais  qu'on  n'en 
tint  pas  compte;  et  pense  que  les  Anglois  et  l'évesque  de 
Beauvais  ne  vouloient  pas  qu'elle  fust  ailleurs  qu'au  chasteau 
de  Rouen,  et  n'y  avoit  aucun  conseiller  qui  en  osast  parler. 

Comme  on  travailloit  à  ce  procez,  maistre  Jean  Lohier 
estantvenuàRouen,  l'évesque  de  Beauvais  lui  ayant  demandé 
son  advis  sur  ledit  procez,  ne  sçait  pas  ce  qu'il  respondit  au 
dit  évesque,  pour  ce  qu'il  n'estoit  lors  présent  ;  mais  le  len- 
demain ayant  rencontré  ledit  Lohier  à  l'église  et  demandé 
s'il  avoit  vu  ce  procez,  il  respondit  l'avoir  vu  et  qu'il  estoit  nul 
et  ne  se  pouvoit  soustenir  pour  ce  que  cette  fille  n'estoit  aux 
prisons  de  l'église,  mais  en  un  chasteau  et  lieu  non  asseuré  et 
libre  pour  les  conseillers,  assesseurs,  praticiens.  Davantage  : 
qu'en  ce  procez  plusieurs  personnes  estoient  intéressées  les- 
quelles on  n'avoit  fait  appeler,  et  que  cette  fille  n'avoit  aucun 
conseil.  Dit  encore  plusieurs  autres  moyens  et  raisons  de  nul- 
lité, et  qu'il  voyoit  bien  que  leur  dessein  estoit  de  faire 
mourir  cette  fille.  Et  Lohier  asseura  ledit  déposant  qu'il  sorti- 
roit  de  Rouen,  comme  il  fit,  se  retirant  hors  des  terres  qui 
obéissoient  à  l'AngloiSj.et  est  chose  certaine  qu'il  n'y  eust 
pas  osé  demeuré  davantage. 


254  E.    RICHEll.    —    LA    POCELLE    d'oRLÉANs 

Or,  deux  ou  trois  jours  après,  les  docteurs  et  conseillers 
que  l'évesque  de  Beauvais  avoient  appelez  à  ce  procez,  lui 
ayant  demandé  si  ledit  Lohier  avoit  parlé  à  lui,  il  leur  res- 
pondit  que  oui,  mais  qu'il  avoit  voulu  rendre  leur  procez 
interlocutoire  et  l'impugner,  et  qu'il  ne  faisoit  rien  pour  lui. 

Dépose  davantage  que  maistre  Jean  de  la  Fontaine  ayant 
esté  envoyé  par  l'évesque  de  Beauvais  pour  faire  certains 
interrogatoires  à  la  Pucelle  en  la  prison,  avec  frère  Isambert 
de  la  Hoche  et  Martin  Ladvenu,  et  iceux.  l'ayant  voulu  induire 
à  se  sousmettre  à  l'Église,  cela  estant  venu  à  la  cognoissance 
du  comte  de  Warwic  et  de  l'évesque  de  Beauvais,  ils  furent 
mal  contents  et  ledit  de  la  Fontaine  se  retira  de  Rouen  et  n'y 
retourna  plus,  et  les  deux  autres  qui  l'avoient  assisté  furent 
en  grand  péril.  Comme  pareillement  maistre  Jean  de  Houp- 
peville  ayant  esté  sommé  d'assister  au  procez  et  l'ayant  refusé, 
comme  aussi  Jean  3Iagistri,  inquisiteur,  lequel  refusa  tant 
qu'il  put  de  s'y  trouver  et  estoit  bien  marry  d'y  assister. 

Davantage  :  que  maistre  Jean  de  Ghastillon  ayant  dit  que 
cette  fille  n'estait  pas  tenue  de  respondre  à  certains  interro- 
gatoires qu'on  lui  faisoit,  et  à  quelque  chose  dont  il  ne  se 
ressouvient,  cela  déplut  grandement  à  l'évesque  et  à  quel- 
ques autres  passionnez  et  ce  fut  un  grand  tumulte,  l'évesque 
ayant  dit  au  dit  de  Ghastillon  qu'il  se  teusl  et  laissast  parler 
les  juges.  Se  souvient  aussi  que  quelque  autre  voulant  don- 
ner conseil  à  cette  fille,  et  l'advertissant  de  se  sousmettre  à 
l'Église,  l'évesque  lui  dit:  Taisez-vous  de  par  le  diable.  Outre 
plus,  un  jour  quelqu'un  ayant  parlé  de  cette  fille  eh  termes 
qui  ne  plaisoient  pas  au  comte  de  Staffort,  ce  seigneur  tira 
son  espée  et  poursuivit  celui  qui  avoit  ainsi  parlé,  l'espée 
au  poing,  pour  le  frapper  —  ne  se  souvient  de  son  nom,  — 
et  1  eust  frappé  de  fait,  n'eust  esté  qu'on  remonstra  au  comte 
de  Staffort  que  le  lieu  où  se  tenait  l'assemblée  estoit  sacré  et 
doué  d'immunité. 

On  demanda  au  déposant  qui  estoient  ceux  qui  sembloient 
passionnez  en  ce  procez.  Respondit  :  les  docteurs  Beaupère, 
Midy  et  de  Turonia. 

Sur  le  neufviesme  article  a  respondu  qu'une  fois  il  estoit 
entré  en  la  prison  avec  l'évesque  de  Beauvais  et  le  comte  de 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    RÉHABILITATION  255 

Warwic  pour  voir  cette  fille  :  laquelle  ils  trouvèrent  ayant  les 
fers  aux  pieds,  et  lors,  qu'on  lui  dit  que  de  nuit  elle  esloit 
enchaînée  par  le  corps  à  une  chaîsne  de  fer,  et  ne  l'a  pas  vue 
en  cet  état  :  qu'en  ladite  prison  il  n'y  avoit  aucun  lit,  mais 
seulement  quatre  ou  cinq  misérables  hommes  qui  la  gar- 
doient. 

Pour  le  onziesme,  douziesme,  treiziesme  et  quatorziesme 
articles,  dépose,  après  que  lui  et  Bosguillaume  eurent  esté 
nommez  pour  notaires  audit  procez,  que  le  comte  de  Warwic, 
lévesque  de  Beauvais  et  maîstre  Nicolas  Loyseleur  dirent  à 
lui  déposant  et  à  son  compagnon  que  cette  fille  parloit  avec 
admiration  de  ses  révélations,  et  que  pour  en  sçavoir  et 
cognoîstre  plus  pleinement  la  vérité,  ils  avoient  advisé  que 
le  dit  Loyseleur  iroit  à  elle,  feroit  semblant  estre  du  parti  du 
Roy  et  entreroit  en  la  prison  ayant  un  court  habillement,  et 
que  les  gardes  se  retireroient,  et  qu'il  seroit  en  une  prison 
proche  de  celle  où  estoit  cette  fille  en  laquelle  avoit  esté  fait 
tout  exprès  un  trou,  et  qu'il  falloit  que  le  dit  déposant  et  son 
compagnon  se  trouvassent  la  lorsque  ledit  Loyseleur  parleroit 
à  cette  fille,  pour  escrire  ce  qu'elle  diroit  :  ce  qu'ils  firent, 
présent  le  comte  de  Warwic,  et  ne  pouvoient  estre  vus  par 
cette  fille.  Qu'alors  Loyseleur  commença  à  l'interroger, 
feignant  quelque  nouvelle  de  Testât  du  Roy  et  de  ses  révéla- 
tions. Et  Jeanne  lui  répondait,  estimant  qu'il  fust  du  parti  du 
Roy  de  France  et  de  son  païs.  Et  que  l'évesque  et  le  comte  de 
Warwic  ayant  dit  au  déposant  et  à  son  compagnon 
qu'ils  fissent  registre  de  ce  que  cette  fille  avoit  dit,  le  dépo- 
sant respondit  qu'ils  ne  le  debvoient  pas  faire,  et  que  cela 
n'estoit  de  raison  ni  de  justice  de  commencer  au  pro- 
cez par  un  tel  moyen;  qui  si  procédant  juridiquement, 
elle  disoit  ces  choses-là,  volontiers  ils  en  tiendroient  registre. 
Et  que  depuis  ce  temps-là  cette  fille  s'estoit  fort  fiée  audit 
Loyseleur  lequel,  après  telles  fictions,  l'a  mainte  fois  enten- 
due de  confession  :  et  jamais  n'estoit  amenée  en  jugement 
que  le  dit  Loyseleur  n'eust  auparavant  parlé  à  elle. 

Au  reste,  durant  tout  le  procez  qu'ils  la  travailloient  gran- 
dement, lui  faisans  des  interrogatoires  qu'ils  continuoient  au 
matin  par  trois  et  quatre  heures  sans  aucune  intermission  ; 


256  E.    RICIIER.    \.\    PIJCELLE    D  ORLÉANS 

et  quelquefois  colligeoient  auparavant  certaines  difficiles  et 
subtiles  interrogations  pour  l'interroger  après  midi  par  deux, 
ou  trois  heures,  la  transportans  d'un  interrogatoire  à  l'autre, 
changeans  subitement  la  proposition.  (Jue  nonobstant  cela, 
elle  respondoit  prudemment  et  avoit  une  merveilleuse  mé- 
moire, disant  souventes  fois  ;  Je  vous  ai  desjà  respondu  sur 
cette  matière  et  m'en  rapporte  au  clerc  qui  escrit  ;  parlant 
de  lui  déposant. 

Quant  au  vingtiesme  et  vingt  et  uniesme  articles,  enquis 
pourquoy  l'on  n'a  [pas]  plus  tost  fait  les  délibérations  sur  les 
articles  du  promoteur  D'Estivet  produits  au  procez  que  sur 
les  douze  articles  envoyez  à  l'Université  de  Paris,  etc., 
respond  que  les  docteurs  qui  furent  appelez  de  Paris  en 
avoient  esté  d'advis  et  disoient  que  c'estoit  la  coustume  de 
faire  un  bref  extrait  de  tous  les  articles  et  responses  et  les 
réduire  à  peu  d'articles  contenans  les  principales  matières, 
afin  qu'on  pust  délibérer  plus  aysément  et  facilement. 

Interrogé  comment  il  s'est  pu  faire  qu'on  aye  réduit  en 
douze  articles  une  si  grande  et  différente  multitude  de  matières 
et  confessions  de  ladite  Jeanne,  vu  qu'il  n'est  vraysemblable 
que  tels  et  si  doctes  personnages  eussent  voulu  composer  ces 
douze  articles,  réplique  que  de  cela  il  n'en  peut  que  dire  et 
s'en  rapporte  à  ceux  qui  ont  composé  les  dits  douze  articles, 
lesquels  il  ne  cognoist  pas,  et  n'eustpoint  osé  leur  contredire. 
Que  le  procez  escrit  en  français  contient  la  vérité  de  tous  les 
interrogatoires  et  articles  donnez  par  le  promoteur  et  les 
juges,  ensemble  les  responses  de  Jeanne. 

On  montra  lors  audit  déposant  une  certaine  note  qu'il  avoit 
faite  et  escrite  de  sa  main,  ainsi  qu'il  recognut,  et  furent 
pareillement  appelez  Bosguillaume  et  Nicolas  Taquel  pour 
recognoistre  ladite  note  datée  du  quatriesme  avril  1431.  En 
laquelle  note  au  procez  escrit  en  françois  est  discrètement 
porté  que  les  dits  douze  articles  n'estoient  [pas]  bien  faits,  mais 
avoient  esté  en  partie  extraits  des  confessions  de  Jeanne,  et 
pour  cette  cause  debvoient  estre  corrigez.  Et  semble  qu'on 
ait  adjousté  en  ladite  minute  françoise  quelques  corrections, 
et  qu'on  aye  effacé  et  osté  quelque  chose.  Et  toutes  fois  ces 
douze  articles  n'ont  pas  esté  corrigez  suivant  ce  qui  est  porté 


PROCES    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  257 

en  la  dite  note.  Et  pour  ce  subject,  les  dits  trois  notaires, 
sçavoir  Manchon,  Bosguillaume  et  Taquel  interrogez  respon- 
dent  qu'ils  croient  ladite  note  avoir  esté  escrite  pour  ce  qu'il 
auroit  esté  appointé  et  ordonné  que  lesdits  articles  seroient 
corrigez,  et  toutes  fois  n'ont  pas  mémoire  qu'ils  l'ayent  esté. 
On  leur  demanda  pourquoy  ils  n'avoientpas  esté  corrigez,  et 
qui  lavoit  empesché,  et  pourquoy  ils  les  avaient  registrezau 
procez  et  en  la  sentence  sans  estre  corrigez,  et  s'ils  ont  esté 
envoyez  corrigez  ou  sans  correction  à  ceux  qui  ont  délibéré 
sur  iceux  articles.  Lesquels  trois  notaires  ont  recognu  et  con- 
fessé que  la  dite  note  estoit  escrite  de  la  main  de  Guillaume 
Manchon,  déposant,  et  qu'ils  ne  sçavent  qui  a  fait  les  dits 
douze  articles.  Bien  se  souviennent  qu'on  dit  lors,  que  c'estoit 
la  coustume  de  coUiger  tels  articles  de  la  confession  de  ceux 
qui  estoient  accusez,  et  qu'on  avoit  coustume  d'en  user  ainsi 
à  Paris  aux  matières  de  la  foy  et  d'hérésie  ;  et  croient  que  les 
dits  articles  ont  esté  envoyez  aux  délibérans  sans  estre  corri- 
gez. Déposent  aussi  que  les  délibérations  n'ont  pas  esté  faites 
sur  tout  le  procez,  pour  ce  qu'il  n'estoit  pas  encore  réduit  en 
forme,  et  qu'il  n'a  esté  rédigé  en  latin  qu'après  la  mort  de  la 
Pucelle;  et  que  les  délibérations  ont  esté  faites  seulement  sur 
les  douze  articles,  lesquels  n'ont  pas  esté  lus  à  la  dite  Jeanne, 
et  qu'il  a  plu  ainsi  aux  juges  ausquels  ils  n'eussent  pas  osé 
contredire. 

Sur  le  vingt-deuxiesme  article  dépose  que,  au  commence- 
ment du  procez,  il  y  avoit  quelques  notaires  cachez  vers  une 
fenestre,  et  y  avoit  des  rideaux  ou  tapisseries  au-devant  afin 
qu'on  ne  les  apperceut  [pas]  ;  et  croit  que  maistre  Nicolas 
Loyseleur  estoit  avec  eux  et  voyoit  ce  que  les  dits  notaires 
cachez  escrivoient,  lesquels  omettoient  les  excuses  de  cette 
fille.  Quant  à  lui  déposant,  il  estoit  aux  pieds  des  juges  avec 
Guillaume  Colles  et  le  clerc  de  maistre  Jean  Beaupère  qui 
escrivoient  ensemblement.  Et  y  avoit  une  grande  différence 
entre  l'escriture  des  notaires  cachez  et  celle  des  notaires  qui 
estoient  aux  pieds  des  juges  :  à  raison  de  quoy  il  y  avoit  sou- 
vent grande  contention  entre  eux,  et  pour  cette  cause  lui 
qui  parle  faisait  des  marques  sur  les  articles  contentieux  afin 
qu'on  interrogeast  derechef  cette  fille. 

17 


2o8  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLÉANS 

Sur  les  vingt-lroisiesme,  vingl-quatriesme,  vingt-cin- 
quiesme  et  vingl-sixiesme  articles,  tesmoigne  quand  la  pre- 
mière sentence  fut  prononcée  pour  induire  Jeanne  à  sa  rétrac- 
tation, qu'on  lui  donna  maistre  Nicolas  Loyseleur  qui  lui  disoit 
que  si  elle  vouloit  estre  sauvée,  elle  fist  tout  ce  qu'on  lui 
ordonneroit,  qu'autrement  elle  estoit  en  danger  de  sa  vie  : 
que  si  elle  obéissoit,  elle  seroit  délivrée  à  l'Eglise  qui  la  trai- 
teroit  doucement.  Et  qu'alors  un  Anglois  qui  estoit  au  bout 
du  théâtre  sur  lequel  estoientles  ecclésiastiques,  dit  à  l'éves- 
que  de  Beauvais  qu'il  estoit  un  traistre  :  el  l'évesque  respon- 
ditqu'il  en  avoit  menti.  Et  que  pendant  cela  Jeanne  dit  quelle 
estoit  preste  de  faire  ce  que  l'Eglise  lui  commanderoit,  et 
qu'alors  on  lui  fit  prononcer  ce  formulaire  d'abjuration  qu'on 
lui  lut;  et  après  la  lecture,  tout  en  riant,  elle  dit  qu'elle 
disoit  la  niesme  chose.  Et  alors  le  bourreau  estoit  prest  et 
s'attendoit  qu'on  la  lui  deust  délivrer  pour  la  brusler.  Et  a 
dit  ne  se  point  souvenir  qu'on  lui  ayt  expliqué  ledit  formu- 
laire d'abjuration,  ni  mesme  qu'on  le  lui  ayt  lu,  sinon  lors- 
qu'on le  lui  présenta  pour  faire  ladite  abjuration. 

Quant  au  vingt-septiesme  article,  confesse  devant  le  pro- 
cez  avoir  entendu  Jeanne  se  plaindre  à  l'évesque  de  Beauvais 
et  au  comte  de  Warwic,  quand  on  l'interrogeoit  pourquoy 
elle  ne  se  vestoit  en  femme,  etc.,  disant  qu'elle  n'osoit  oster 
son  haut-de-chausse  ni  se  deseguilleter  ;  qu'ils  sçavoient 
bien  que  ceux  qu'ils  lui  avoient  donnez  pour  gardes  l'avoient 
voulu  violer,  et  qu'une  fois,  comme  elle  crioit,  ledit  comte 
estoit  venu  à  sa  clameur  et  à  son  ayde  ;  que  s'il  ne  fust  venu, 
ils  l'eussent  violée. 

Pour  les  autres  articles  a  déposé  que,  le  dimanche  de  la 
Trinité,  lui  qui  parle  fut  mandé  avec  ses  autres  compagnons 
conotaires  par  le  comte  de  AVarwic  pour  venir  au  chasteau 
de  Rouen,  pour  ce  qu'on  disoit  que  Jeanne  estoit  relapse  et 
qu'elle  avoit  repris  son  habit  d'homme.  Et  estans  arrivez  en 
la  cour  du  chasteau  de  Rouen,  ils  rencontrèrent  cinquante 
Anglois  armez  qui  dirent  au  déposant  et  à  ses  compagnons 
qu'ils  estoient  des  traistres  et  qu'ils  avoient  mal  fait  le  pro- 
cez  :  de  sorte  qu'ils  eurent  bien  de  la  peine  à  évader  de  leurs 
mains,  les  voulans  outrager  ;  et  pense  que  c'estoit  à  cause 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    RÉHABILITATION  259 

que  Jeanne  n'avoit  point  esté  brusie'e  dès  la  première  sen- 
tence. Que  pour  cette  cause  le  comte  de  Warwic  et  l'évesque 
ayant  mandé  le  déposant  le  lundi  suivant  pour  aller  au  chas- 
leau  de  Rouen,  il  demanda  seureté,  et  le  firent  conduire  jus- 
qu'en la  prison  où  il  trouva  lesjuges  et  aucuns  des  conseillers 
et  assesseurs  en  fort  petit  nombre.  Et  que  Jeanne  ayant  esté 
interrogée  pourquoy  elle  avoit  repris  son  habillement 
d'homme,  respondit  que  c'estoit  pour  conserver  sa  pudicité, 
et  qu'elle  n'estoit  asseurée  portant  un  habit  de  femme,  que 
ses  gardes  avoient  tasché  de  la  violer  et  qu'elle  s'en  estoit 
plainte  maintes  fois  à  l'évesque  de  Beauvais  et  au  comte  de 
Warwic  :  que  les  juges  lui  avoient  promis  qu'elle  seroit  mise 
entre  les  mains  et  aux  prisons  de  l'Eglise  et  qu'elle  auroit 
avec  soy  une  femme  :  disant  aux  juges  que  s'il  leur  plaisoit 
de  la  mettre  en  un  lieu  asseuré  où  elle  ne  craignist  rien, 
qu'elle  estoit  preste  de  s'habiller  en  femme  ;  et  asseuroit 
n'avoir  point  entendu  [compris]  le  formulaire  d'abjuration 
qu'on  lui  avoit  proposé  ;  que  tout  ce  qu'elle  avoit  fait  estoit 
crainte  du  feu,  voyant  le  bourreau  tout  prest  avec  sa  char- 
rette. Et  sur  cela  les  juges  et  conseillers  délibérèrent.  De 
sorte  que  l'évesque  présenta  et  prononça  une  seconde  sen- 
tence le  mercredi,  ainsi  qu'il  est  plus  à  plein  contenu  au 
procez. 

Le  déposant  fut  interrogé  si  on  avoit  administré  le  saint 
sacrement,  à  la  Pucelle.  Et  respondit  que  oui,  le  mercredi 
mesme  au  matin,  avant  qu'on  prononoast  ladite  sentence 
contre  elle. 

Enquis  pourquoy  ils  lui  avoient  fait  administrer  le  saint 
sacrement,  vu  que  par  leur  sentence  ils  la  déciaroient  excom- 
muniée et  hérétique,  et  si  elle  avoit  esté  absoute  en  la  forme 
de  l'Eglise  auparavant  que  de  recepvoir  le  corps  de  Nostre- 
Seigneur,  a  respondu  que  Jeanne  ayant  demandé  qu'on  lui 
administrast  le  saint  sacrement,  les  juges  et  conseillers  déli- 
bérèrent, à  sçavoir  si  on  le  lui  debvoit  donner,  et  qu'elle 
debvoit  estre  absoute  au  parquet  de  la  pénitence  ;  toutes  fois 
qu'il  ne  vist  point  qu'on  lui  donnast  aucune  autre  absolution. 
Adjousta  qu'après  la  sentence  prononcée  par  l'évesque  de 
Beauvais,   le  bailly  de  Rouen   dit   seulement  sans   aucune 


260  E.    RICHER.    LA    PUCELLE    d'ORLÉANS 

forme  de  procez  ni  de  sentence  :  Menez-la,  menez-la.  Ce  que 
Jeanne  ayant  entendu,  elle  fit  tant  de  pieuses  lamentatations 
et  prières,  que  presque  tous  les  assistans  pleiiroient  et 
mesme  les  juges.  Que  pour  son  regard,  il  fut  un  mois  entier 
en  une  perpétuelle  terreur,  et  sçait  qu'elle  a  fait  une  fin 
vrayment  catholique,  ainsi  que  tout  le  monde  en  jugeoit  à  ce 
que  Ion  voioit.  Et  jamais  ne  voulut  révoquer  ses  révélations, 
mais  y  persista  jusqu'à  la  fin,  etc.  Que  de  l'argent  qu'il  eut 
pour  ses  salaires  il  en  acheta  un  missel  pour  avoir 
mémoire  d'elle  et  prier  Dieu  pour  elle,  disant  la  messe.  Et 
ladite  déposition  lui  ayant  esté  relue,  il  y  persista  entière- 
ment. 

[3.  Déposition  de  Jean  Massieu.  prestre,  huissier  au  procez.] 

Maistre  Jean  Massieu  prestre,  curé  de  l'église  paroissiale 
de  saint  Candide-le-Vieil  à  Rouen,  âgé  de  cinquante  ans  a 
déposé,  quand  on  fit  le  procez  à  la  Pacelle,  qu'il  fut  nommé 
par  l'évesque  de  Beauvais  pour  exéquuteur  de  ses  comman- 
dements et  ordonnances  durant  ledit  procez,  et  qu'il  estoit 
lors  Doyen  de  chrestientéà  Rouen,  et  faisoit  sçavoir  aux  con- 
seillers les  jours  et  heures  qu'on  travailloit  au  procez  pour  y 
assister,  qu'il  y  amenoit  Jeanne  de  la  prison  et  par  après  l'y 
ramenoit,  et  l'a  tousjours  assistée  de  cette  façon  jusqu'au  jour 
et  heure  de  son  supplice,  et  qu'il  avoit  pour  cette  cause  une 
grande  familiarité  avec  elle.  Qu'à  la  voir,  on  jugeoit  qu'elle 
estoit  bonne,  simple  et  dévote  fille.  Qu'un  jour  la  menant 
devant  les  juges,  elle  lui  demanda  s'il  n'y  avoit  point  sur  le 
chemin  par  ou  ils  passoient  quelque  chapelle  dans  le  chasteau 
de  Rouen  où  le  corps  de  Nostre-Seigneur  reposast;  et  lui  ayant 
dit  que  oui,  elle  le  pria  instamment  de  la  mener  en  cette  cha- 
pelle pour  adorer  Dieu  et  faire  ses  prières  :  comme  il  l'y  mena 
volontiers,  où  elle  fit  dévotement  ses  prières  à  genoux.  De 
quoy  toutes  fois  l'évesque  de  Beauvais  fut  mal  content  et  def- 
fendit  à  lui  qui  parle  de  plus  la  mener  là  pour  prier  Dieu. 

Que  le  bruit  couroit  que  tout  ce  que  faisoit  l'évesque  de 
Beauvais  estoit  à  l'instigation  des  Anglois  qui  craignoient 
grandement  cette  fille,  et  croit  que  ledit  évesque  ne  faisoit 


l'UUCÈS    DE    REVISION    ET    RÉHABILITATION  261 

rien  pour  zèle  de  justice,  mais  pour  plaire  aux  Anglois  qui 
estoient  lors  en  grand  nombre  à  Rouen  où  mesme  ils  aVoient 
fait  venir  le  Roy  d'Angleterre.  Que  les  conseillers^  se  plai- 
gnoient  que  cette  fille  estoît  entre  les  mains  des  Anglois, 
disans  qu'elle  debvoit  estre  entre  les  mains  de  l'Eglise  :  de 
quoy  ledit  évesque  ne  se  soucioit  point  et  la  laissoit  entre  les 
mains  des  Anglois,  pour  ce  qu'il  estoit  passionnément  affecté 
à  leur  parti.  Que  plusieurs  des  conseillers  estoient  en  grande 
crainte  et  privez  de  leur  liberté  :  que  Maistre  Nicolas  de  Houp- 
peville  fut  banni  pour  n'avoir  voulu  assister  au  procez,  et 
plusieurs  autres  desquels  il  ne  se  souvient.  Que  maistre  Jean 
Fabri,  de  l'ordre  des  Augustins,  qui  est  aujourd'huy  évesque 
de  Démétriade,  voyant  qu'on  travailloit  cette  fille,  lui  pro- 
posant des  interrogatoires  [tels  que]  si  elle  estoit  en  estât  de 
grâce  ;  et  encore  qu'elle  eust  respondu  à  son  jugement  fort  à 
propos,  attendu  qu'on  continuoit  tousjours  à  la  molester,  il 
dit  que  c'estoit  par  trop  la  travailler.  A  raison  de  quoy  on 
lui  dit  qu'il  se  tust.  Ne  se  souvient  pas  qui  ce  fust;  sçait 
bien  que  l'abbé  de  Fescamp  avoit  dit  qu'il  lui  sembloit  qu'on 
procédoit  contre  cette  fille  plus  tost  par  haine  qu'on  lui  portoit 
et  pour  estre  agréable  aux  Anglois,  que  pour  zèle  de  justice. 
Que  Maistre  Jean  de  Chastillon,  lors  archidiacre  d'Evreux, 
ayant  dit  à  lévesque  et  aux  assistans  que  le  procez  à  la  façon 
qu'on  le  faisoit  estoit  nul  (ne  sçait  pas  quels  moyens  il  pro- 
posa), il  fut  deffendu  au  déposant  de  plus  appeler  au  juge- 
ment de  ce  procez  ledit  de  Chastillon,  et  depuis  il  n'y  assista 
point.  Semblablement  aussi  maistre  Jean  de  la  Fontaine  fut 
contraint  de  s'absenter  pour  avoir  dit  quelque  chose  contre 
la  forme  de  procéder  de  l'évesque  de  Beauvais.  Et  maistre 
Jean  Magistri  fît  tout  ce  qu'il  put  pour  n'y  point  assister  : 
mais  aucuns  de  ses  amis  lui  avoient  fait  sçavoir  que  s'il  n'y 
assistoit,  il  estoit  en  danger  de  sa  vie,  et  lui  déposant  asseure 
avoir  plusieurs  fois  ouy  dire  audit  Magistri,  qu'il  avoit  esté 
contraint  par  les  Anglois  et  que  si  l'on  ne  faisoit  tout  ce  qu'ils 
vouloient,  on  estoit  en  danger  de  sa  vie.  Que  lui  qui  parle 
ayant  un  jour  esté  interrogé  ce  qu'il  pensoit  de  Jeanne  par 

1.  Dans  la  bouche  de  J,  Massieu  conseillers  signilie  assesseurs. 


202  E.    lUCHEU.    —    LA    l'UCELLE    D  UHLEANS 

un  chanlre  de  la  chapelle  du  Uoy  d'Angleterre  nommé  Anque- 
til,  et  ayant  respondu  qu'il  ne  cognoissoit  en  elle  que  tout 
bien  et  qu'elle  lui  sembloit  une  bonne  femme,  ledit  chantre 
ayant  rapporté  cela  au  comte  de  Warwic,  lui  déposant  en  fut 
en  grand'peine  et  fit  ses  excuses  du  mieux  qu'il  pust. 

Sur  le  septiesme  article,  outre  ce  qu'il  a  desja  déposé,  con- 
fesse que  durant  le  procez  Jeanne  ayant  dit  à  l'évesque  de 
Beauvais  qu'il  estoit  son  adversaire,  l'évesque  respondit  : 
Puisque  le  Roy  avoit  ordonné  qu'il  lui  fist  son  procez,  qu'il 
le  feroit. 

Pour  le  huictiesme  et  neufviesme,  tesmoigne  que  Jeanne 
estant  en  prison  avoit  les  fers  aux  pieds,  et  davantage  estoit 
enchaisnée  d'une  chaisne  de  fer  attachée  à  un  poteau,  que 
tout  cela  fermoità  la  clef,  et  en  outre  qu'il  y  avoit  cinq  hous- 
paillers  anglois  qui  la  gardoient,  désirans  sa  mort  et  se 
moquans  d'elle,  de  quoy  elle  les  reprenoit.  De  plus  asseure 
avoir  ouy  dire  à  Estienne  Gastille,  serrurier,  qu'il  avoit  fait 
une  cage  de  fer  en  laquelle  on  la  mettoil  toute  liée,  et  qu'e'le 
avoit  esté  en  cette  cage  au  chasteau  de  Rouen  jusqu'cà  ce 
qu'on  commence  son  procez.  Dit  toutes  fois  ne  l'avoir  pas 
vue  en  cet  estât,  et  que  quand  il  l'alloit  quérir  pour  l'amener 
en  jugement  et  la  ramenoit  en  la  prison,  elle  n'avoit  pas  les 
fers  aux  pieds  pendant  tout  ce  temps-là,  et  qu'en  la  prison 
où  elle  estoit  y  avoit  un  lit^ 

Pour  le  dixiesme  article,  asseure  qu'il  sçait  bien  qu'elle  a 
esté  visitée  par  des  matrones  et  des  sages-femmes  pour  sça- 
voir  si  elle  estoit  vierge  ou  non,  et  que  ce  fut  la  duchesse  de 
Bethfort  qui  la  fit  visiter,  et  principalement  par  Anne  Bavon 
et  une  autre  matrone  de  laquelle  il  a  oublié  le  nom,  et  que 
ces  matrones  rapportèrent  qu'elle  estoit  vierge,  et  qu'il  l'a 
ouy  dire  à  ladite  Anne  Bavon,  et  que  pour  cette  cause  la 
duchesse  de  Bethford  fit  deiîendre  à  ses  gardes  et  à  tous 
autres  de  lui  faire  aucune  violence  ni  injure. 


1.  Guillaume  Manchon  a  dit  plus  haut  que  dans  la  prison  de  Jeanne 
quand  il  la  vit,  il  n'y  avait  pas  de  lit.  Le  propos  du  serrurier  Castiile 
rapport»;  par  J.  Massiou  confirme  la  remanfue  de  G.  Manchon.  De  ce 
qu'ajoute  J.  Massieu,  il  s'ensuiviait  que  dès  le  commencement  des  dé- 
bals, on  supprima  la  cage  de  1er  et  on  donna  un  lit  à  la  prisonnière. 


l'ROCKS    DE    REVISION    ET    RKHA  HIMTATIoN  2(J3 

Ouant  aux  onziesme,  douziesme,  treiziesme  et  quator- 
ziesme  articles,  dit  lorsqu'on  interrogeoit  cette  fille  qu'il  y 
avoit  six  assistans',  outre  les  juges  qui  l'interrogeoient,  et 
d'autres  encore;  et  qu'en  l'interrogeant, elle  respondait  à  la 
demande  qu'on  lui  faisoit,  et  qu'un  autre  interrompoit  quel- 
quefois sa  response  :  de  sorte  que  souvent  elle  disoit  à  ceux 
qui  l'interrogeoient  :  Beaux  seigneurs,  faites  l'un  après 
l'autre. 

Sur  le  dix-septiesme,  dit  l'avoir  oiiy  plusieurs  fois  interro- 
ger si  elle  vouloit  se  sousmettre  à  l'Eglise,  et  responda 
qu'elle  se  sousmettoit  au  Pape.  Et  que  le  commun  bruit  estoit 
que  maistrc  Nicolas  Loyseleur,  alloit  à  elle  en  habit  desguisé 
feignant  d'estre  de  son  païs  des  quartiers  de  Lorraine,  pri- 
sonnier, et  du  parti  du  Roy  de  France,  comme  elle;  et  qu'il 
lui  persuadoit  par  ce  moyen  de  dire  et  faire  plusieurs  choses 
à  son  désavantage  pour  l'empescher  de  se  sousmettre  à 
l'Eglise. 

Quanta  l'abjuration  qu'on  lui  a  fait  faire,  tesmoigne  incon- 
tinent que  maistre  Guillaume  Erard  eust  fait  la  pre'dication 
à  Saint-Ouen,  qu'il  représenta  un  formulaire  d'abjuration  et 
dit  à  Jeanne  qu'il  falloit  qu'elle  fist  et  signast  cette  abjura- 
tion ;  et  bailla  le  formulaire  au  déposant  pour  le  lire  à 
Jeanne,  comme  il  fit.  Qu'il  se  souvient  qu'audit  formulaire 
estoit  nommément  escrit  qu'à  l'advenir  elle  ne  porteroit  plus 
les  armes,  l'habillement  d'homme,  ni  les  cheveux  tondus  en 
rond  comme  les  hommes  et  autres  choses  dont  il  n'a  mé- 
moire. Bien  sçait-il  que  ledit  formulaire  ne  contenoit  qu'en- 
viron huit  lignes  tout  au  plus,  et  que  ce  n'estoit  pas  celui 
qui  est  inséré  au  procez,  ayant  lu  celui-là  et  non  celui-cy. 

Davantage,  dépose  que  Jeanne  ayant  esté  requise  de  signer 
ce  formulaire,  il  s'esleva  un  grand  bruit  entre  ceux  qui 
estoient  présents  à  cette  action,  et  qu'il  entendit  l'évesque  de 
Beauvais  disant  à  quelqu'un  :  Vous  me  ferez  réparation  de 
cette  injure  ;  et  qu'autrement  il  ne  poursuivroit  pas  davan- 
tage le  procez  jusqu'à  ce  qu'on  lui  eust  fait  réparation.  Que 


1.    Celte  remarifue   concerne  en   particulier   les  interrogatoires    qui 
eurent  lieu  dans  la  prison  de  l'accusée. 


264  E.    RICHER.    LA    l'UCELLK    d'uRLÉANS 

lui  déposant  advertissoit  Jeanne  du  péril  qu'elle  pouvoit 
encourir  sur  la  signature  dudit  formulaire,  voyant  qu'elle 
nentendoit  pas  le  contenu  d'icelui  ni  le  péril  auquel  elle  s'ex- 
posoit.  Et  qu'alors  estant  fort  pressée  de  signer  ce  formu- 
laire, elle  respondit  qu'on  le  fit  voir  par  des  clercs  et  ecclé- 
siastiques aux  mains  desquelles  elle  debvoit  estre  mise  après 
cette  abjuration,  et  que  s'ils  la  conseilloient  de  signer  et  faire 
ce  qui  est  porté  par  ce  formulaire,  elle  le  signeroit  volontiers. 
Ce  qu'entendu  par  maistre  Guillaume  Erard,  il  dit  à  Jeanne 
que  si  elle  ne  le  signoit  tout  présentement,  elle  seroit  le  jour 
mesme  bruslée.  A  quoy  elle  respondit  qu'elle  aymoit  donc 
mieux  le  signer  que  d'estre  bruslée.  Qu'alors  il  s'éleva  un 
grand  tumulte  parmi  le  peuple  assistant  à  ce  spectacle  et 
jeta-t-on  plusieurs  pierres,  nesçait  pas  qui  ce  fut.  Et  Jeanne, 
après  avoir  signé,  demanda  au  promoteur  d'Estivet  si  elle  ne 
seroit  pas  mise  entre  les  mains  de  l'Eglise  et  en  quel  lieu  on 
la  debvoit  ramener.  Que  le  promoteur  respondit  :  au  chasteau 
de  Rouen.  Où  elle  fut  ramenée  et  y  fut  habillée  en  femme. 

Sur  le  vingt-sixiesme  article,  recognoitque  le  dimanche  de 
la  Trinité,  Jeanne  ayant  esté  accusée  comme  relapse,  elle  res- 
pondit qu'estant  couchée  en  son  lit,  ses  gardes  lui  avoientosté 
ses  habillements  de  femme  pour  se  lever  et  aller  à  la  chaise 
percée,  et  lui  dirent  qu'elle  n'avoit  point  d'autre  habit  :  et 
leur  ayant  dit  qu'ils  sçavoient  bien  que  les  juges  avoient 
ordonné  qu'elle  portast  un  habillement  de  femme,  néant- 
moins  qu'ils  ne  voulurent  jamais  lui  donner  d'autres  habille- 
ments, et  que  finalement  pressée  d'aller  à  ses  affaires  elle 
avoit  esté  contrainte  de  prendre  ledit  habillement  et  que  ce 
jour-là  n'avoit  pu  avoir  d'autre  habit  de  ses  gardes.  Et  fut 
vue  avec  cet  habillement  d'homme  et  à  cause  de  cela  jugée 
relapse.  Car,  le  jour  de  la  Trinité,  on  fit  venir  en  la  prison 
pour  la  voir  en  cet  habit  plusieurs  personnes  auxquelles  elle 
disoit  ses  excuses  :  et  entre  les  autres,  maistre  André  Mar- 
guerie  ayant  dit  qu'il  estoit  bon  de  sçavoir  pourquoy  elle 
avoit  repris  cet  habillement  d'homme,  il  fut  en  péril  de  sa 
vie  parce  qu'un  Anglois  le  voulut  frapper  avec  sa  hallebarde; 
ce  qui  fut  cause  que  ledit  Marguerie  et  plusieurs  autres  se 
retirèrent  de  frayeur. 


PROCÈS    UE    REVISION    ET    RÉHABILITATIOX  265 

ToLiclianl  la  mort  de  Jeanne  a  déposé  que  le  mercredi 
au  matin,  c'est  le  jour  où  elle  mourusl,  frère  Martin  Ladvenu 
l'entendit  de  confession  et  par  après  alla  à  l'évesque  de  Beaii- 
vais  lui  notifier  ce  qu'il  avoit  fait,  et  qu'elle  demandoit  qu'on 
lui  administrast  le  saint  sacrement.  Que  sur  cela  l'évesque 
assembla  quelques  conseillers,  par  l'advis  desquels  l'évesque 
donna  charge  à  lui  déposant  d'aller  dire  à  frère  Martin  Lad- 
venu  qu'il  lui  donnast  le  sacrement  de  l'eucharistie,  et  tout 
ce  qu'elle  demanderoit.  Et  que  lui  déposant  retourna  au 
chasleau  dire  audit  Ladvenu  ce  que  l'évesque  avoit  ordonné. 
Et  alors  en  la  présence  de  celui  qui  parle,  ledit  Ladvenu  com- 
munia Jeanne,  laquelle  après  cela  fust  menée  en  habit  de 
femme  par  lui  déposant  et  ledit  Ladvenu  jusques  au  lieu  où 
elle  fut  bruslée. 

Et  en  tout  le  chemin  faisoit  de  si  pieuses  lamentations  que 
lui  qui  parle  et  frère  Martin  Ladvenu  ne  pouvoient  s'abstenir 
de  pleurer  :  car  elle  recommandoit  si  saintement  et  pieuse- 
ment son  ame  à  Dieu  et  aux  saints  du  paradis,  que  tous  ceux 
qui  l'entendoient  ne  se  pouvoient  empescher  d'espandre 
des  larmes.  Et  amenée  qu'elle  fut  au  Vieil  Marché,  maistre 
Nicolas  Midy  ayant  fait  sa  prédication,  dit  à  Jeanne  :  Jeanne, 
allez  en  paix,  C Eglise  ne  vous  peut  plus  deffendre  et  vous 
abandonne  au  bras  séculier. 

Cequ'entendu,  Jeanne  se  mit  à  genoux,  faisant  ses  prières  à 
Dieu  très  dévotement,  et  requit  le  déposant  de  lui  faire  avoir 
une  croix  :  qu'alors  un  certain  Anglois  en  fit  une  petite  avec 
un  baston,  laquelle  elle  prit,  la  baisa  et  mit  en  son  sein  avec 
une  grande  dévotion  ;  et  outre  cela,  demanda  la  croix  de 
l'église  qui  lui  fut  apportée,  et  la  baisant  et  embrassant  avec 
grande  dévotion,  pleuroit,  se  recommandant  à  Dieu,  à  saint 
Michel,  sainte  Catherine  et  tous  les  saints,  et  de  rechef 
embrassant  la  croix,  saluant  tous  les  assistans,  descendit  du 
théâtre  où  elle  estoit,  frère  Martin  Ladvenu  l'ayant  tousjours 
assistée  jusqu'au  lieu  du  supplice  où  elle  finit  sa  vie  en 
grande  dévotion.  Lui  qui  parle  asseure  avoir  ouy  dire  à 
Jean  Fleury,  clerc  du  bailly  et  greffier  de  Rouen,  que  le  bour- 
reau avoit  rapporté  audit  bailly  que  tout  le  corps  de  cette 
fille  estant  bruslé  et  réduit  en  cendres,  son  cœur  demeura 


266  E.     RICHER.    LA    PL'CELLE    D  ORLEANS 

entier  et  plein  de  sang,  et  qu'on  lui  commanda  plusieurs  fois 
que  tout  ce  qui  resteroit  de  son  corps,  il  le  jetast  dans  la 
rivière  de  Seine,  comme  il  fist. 

[i"  Déposition  de  Guillaume  Colles,  notaire  au  procezj. 

Maistre  Guillaume  Colles,  surnommé  Bosguillaume,  pres- 
tre,  notaire  apostolique,  âgé  de  soixante-six  ans,  dépose  avoir 
esté  esleu  pour  second  notaire  par  l'évesque  de  Beauvais,  afin 
d'escrire  le  procez  contre  Jeanne,  dite  la  Pucelle.  Et  ce  pro- 
cez  lui  ayant  esté  représenté,  recognut  son  seing  à  la'fin  d'ice- 
lui,  disant  que  c'estoit  le  vray  procez  et  qu'il  en  avoit  esté 
fait  cinq  semblables  desquels  celui  qu'on  lui  représentoit  en 
estoit  un.  Que  ses  compagnons  et  conotaires  audit  procez 
estoient  Guillaume  Manchon  et  maistre  Nicolas  Taquel,  qu'ils 
avoient  ensemblement  rédigé  fidellement  tous  les  interroga- 
toires et  responses,  et  qu'ils  avoient  de  coustume,  toutes  les 
après-disnées,  de  collationner  par  ensemble  ce  qu'ils  avoient 
escrit.  Et  quand  à  faire  fidellement  leur  charge,  ils  ne  crai- 
gnoient  personne  et  n'eussent  voulu  y  manquer  pour  qui 
que  ce  soit.  Qu'il  se  souvient  que  Jeanne  respondoit  pru- 
demment, et  quand  on  l'interrogeoit  de  quelque  chose  dont 
elle  avoit  esté  interrogée,  disoit  avoir  desjà  respondu  et 
qu'elle  ne  respondroit  pas  davantage,  et  faisoitlire  le  registre 
où  estoient  ses  dépositions. 

Qu'il  sçait  bien  que  l'évesque  de  Beauvais  a  commencé  ce 
procez  parce  qu'il  disoit  que  Jeanne  avoit  esté  prise  dedans 
son  diocèse,  et  que  tout  se  faisoit  aux  dépens  du  Roy  d'An- 
gleterre et  à  la  sollicitation  et  poursuite  des  Anglois.  Que  le 
ditévesque  et  tous  ceux  qui  ont  fait  ce  procez  ont  eu  des 
lettres  de  garantie  du  Roy  d'Angleterre,  lesquelles  il  a  vues 
et  estoient  signées  de  Laurent  Callot,  secrétaire  du  Roy 
d'Angleterre. 

Et  lui  ayant  esté  montré  des  lettres  de  garantie,  dit 
que  c'estoient  celles-là  mesmes  qu'il  avoit  vues,  et  qu'il 
cognoissoit  bien  le  signe  de  Laurent  Callot. 

Quant  aux  informations  faites  au  païs  de  Jeanne,  il  n'en  a 
jamais  vu,  et  ne  pense  pas  qu'on  en  aye  fait  aucunes. 


PROCES    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  267 

Pour  les  huictiesme  et  neufviesmes  articles,  asseure  qu'elle 
estoit  en  une  forte  prison,  les  fers  aux  pieds,  avoit  "un  lit  et 
des  Anglois  qui  la  gardoient,  desquels  elle  se  plaignoit  gran- 
dement, disant  qu'ils  l'opprimoient  et  traitoient  mal.  Que 
maistre  Nicolas  Loyseleur  faisoit  semblant  d'estre  prison- 
nier, et  du  parti  du  Roy  de  France  et  du  pays  de  Lorraine, 
et  avec  quelques  autres  conseilloit  à  cette  fille  de  ne  pas 
croire  à  ces  gens  d'Eglise,  qu'autrement  elle  estoit  ruinée. 
Et  pense  que  tout  cela  se  faisoit  au  sceu  de  l'évesque  de 
Beauvais,  pour  ce  que  Loyseleur  n'eust  pas  osé  entreprendre 
cela  sinon  de  son  adveu.  Que  plusieurs  qui  assistoient  à  ce 
procez  murmuroient  grandement  à  lencontre  dudit  Loyse- 
leur. Lequel  voyant  mener  Jeanne  au  supplice,  se  repentant 
de  l'avoir  ainsi  trahie,  monta  sur  une  charrette  pour  lui 
demander  pardon  :  de  quoy  les  Anglois  qui  estoient  là  pré- 
sents furent  fort  indignez,  de  sorte  que  sans  le  comte  de 
Warwic,  ledit  Loyseleur  eust  esté  tué;  et  lui  fut  commandé 
par  ledit  comte  de  se  retirer  de  Rouen  le  plus  tost  qu'il  pour- 
roit,  s'il  vouloit  sauver  sa  vie.  Au  reste  que  ledit  Loyseleur 
mourust  subitement  au  concile  de  Basle. 

Semblablement  a  dit  que  Jean  d'Estivet,  promoteur  en  ce 
procez,  entra  pareillement  en  habit  dissimulé  en  la  prison, 
feignant  aussi  qu'il  estoit  prisonnier.  Qu'il  désiroit  en  tout 
et  partout  complaire  aux  Anglois,  que  c'estoit  un  mauvais 
homme  qui,  durant  tout  le  procez,  ne  cherchoit  qu'à  calom- 
nier les  notaires  et  tous  ceux  qu'il  cognoissait  estre  portez  à 
la  justice  ;  et  ordinairement  disoit  des  injures  à  Jeanne, 
l'appelant  paillarde  et  ordure.  Et  croit  que  Dieu  l'aye  finale- 
ment puni,  attendu  qu'il  a  misérablement  fini  ses  jours, 
ayant  esté  trouvé  mort  dans  un  colombier  hors  des  portes 
de  Rouen. 

Dit  avoir  ouy  dire  à  plusieurs  personnes  desquelles  il  a 
oublié  le  nom,  que  Jeanne  avoit  esté  visitée  par  des  ma- 
trones et  qu'elle  fut  trouvée  vierge  :  et  que  c'estoit  la 
duchesse  de  Bethford  qui  l'avoit  fait  visiter,  et  mesme 
qu'elle  estoit  avec  le  duc  son  mari  en  un  lieu  secret,  quand 
on  fit  ladite  Visitation,  duquel  lieu  ils  voyoient  visiter  cette 
fille. 


268  E.    RICHER.    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

Que  durant  tout  le  proccz,  Jeanne  sest  mainte  fois  plainte 
des  questions  subtiles  et  impertinentes  qu'on  lui  faisoit  :  et 
se  souvient  qu'on  lui  demanda  une  fois  si  elle  estoit  en  la 
grâce  de  Dieu,  et  avoir  respondu  que  c'estoit  chose  bien 
difficile  de  satisfaire  à  une  telle  demande  et  en  telle  ma- 
tière ;  finalement  qu'elle  dit  :  Si  j'y  suis,  Dieu  m'y  tienne  ; 
si  je  n'y  suis  pas.  Dieu  m'y  veuille  mettre,  car  j'aymerais 
mii'ux  mourir  que  de  n'estre  pasaymée  de  Dieu.  De  laquelle 
response  ceux  qui  l'interrogeoient  furent  grandement 
estonnez  et  cessèrent  de  l'interroger. 

Quant  au  formulaire  d'abjuration,  croit  que  Jeanne  n'en- 
tendoit  pas  ce  qui  estoit  contenu  en  icelui,  et  qu'il  ne  lui  a 
pas  esté  expliqué.  Et  dit  qu'elle  fut  longtemps  auparavant 
que  de  le  vouloir  signer.  A  laparfin,  y  fut  contrainte  par  la 
frayeur  qu'on  lui  donnoit  et  fit  une  croix.  Quand  aux  autres 
articles,  ne  s'en  souvient  et  s'en  rapporte  au  procez. 

Au  demeurant,  que  l'évesque  ayant  prononcé  sa  sentence 
par  laquelle  Jeanne  fut  déclarée  relapse,  les  séculiers  sen 
saisirent  incontinent  et  la  livrèrent  au  bourreau  pour  la 
brusler,  sans  qu'il  y  eust  au  préalable  aucune  sentence  du 
juge  séculier.  Et  que  cette  fille  faisoit  plusieurs  invocations, 
invoquant  le  nom  de  Jésus,  de  sorte  que  presque  tous  les 
assistans  pleuroient.  Tous  les  juges,  voire  ceux  qui  avoient 
assisté  à  cette  sentence,  furent  notez  et  grandement  mal 
voulus  du  peupls.  Car  après  que  cette  fille  eust  esté  bruslée', 
le  peuple  montroit  au  doigt  tous  ceux  qui  avoient  assisté 
au  procez  et  concevoit  une  horreur  de  les  voir.  Et  lui 
déposant  dit  avoir  ouy  maintenir  que  tous  ceux  qui  estoient 
coupables  de  sa  mort  avoient  misérablement  fini  leurs  jours, 
sçavoir  maistre  Nicolas  Midy  qui  fut  frappé  de  la  lèpre,  peu 
de  jours  après,  et  l'évesque  de  Beauvais  qui  tomba  mort  subi- 
tement comme  on  lui  faisoit  la  barbe. 

[5.  Déposition  de  frère  Martin  Ladvenu.] 

Frère  Martin  Ladvenu  dominicain  au  couvent  de  Rouen, 
âgé  de  cinquante-six  ans,  dépose  que  la  Pucelle  pouvoit 
avoir  vingt  ans  ou  environ,  qu'elle  estoit  fort  simple  et  qu'à 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    REIIAHII-irATION'  269 

grand  peine  sravoit-elle  son  Pater  noster,  ores  toutes  fois 
qu'elle  respondist  prudemment  aux  interrogatoires  qu'on  lui 
faisoit.  Qu'on  a  fait  un  procez  en  matière  de  foy  contre  elle  ii 
la  sollicitation  et  aux  frais  des  Anglois.  Et  tesmoigne  avoir 
ouy  dire  que  l'évesque  et  ses  associez  à  ce  procez  ont  voulu 
avoir  des  lettres  de  garantie  du  Roy  d'Angleterre.  Qu'il  sçait 
bien  qu'aucuns  assistoieut  à  ce  procez  malgré  eux  pour 
crainte  des  Anglois,  et  les  autres  parce  qu'ils  afïectionnoient 
le  parti  anglois.  Que  Maistre  Nicolas  de  Houppeville  fut 
mis  aux  prisons  royales  pour  ce  qu'il  ne  vouloit  asssister  à 
ce  procez. 

Que  Jeanne  n'a  eu  aucun  conseil  ni  directeur,  sinon  sur  la 
lin  du  procez,  et  qu'aucun  n'eust  osé  entreprendre  de  lui 
donner  conseil  pour  la  crainte  qu'on  avoit  des  Anglois.  Que 
les  juges  ayans  une  fois  ordonné  qu'aucuns  iroient  en  la  pri- 
son pour  la  conseiller,  les  Anglois  les  empeschèrent  et  mena- 
cèrent. Et  sçait  vrayment  que  Jean  Magistri,  inquisiteur, 
assistoit  audit  procez  malgré  lui,  comme  pareillement  lui 
déposant  qui  tenoit  compagnie  audit  inquisiteur.  Que  frère 
Isambert  de  la  Roche  du  mesme  ordre  des  Jacobins  et  com- 
pagnon de  l'inquisiteur,  pour  avoir  voulu  une  fois  donner 
conseil  à  cette  fille,  fut  tancé  par  l'évesque  de  Beauvais  qui 
lui  commanda  de  se  taire;  et  par  après  on  lui  dit  que  si 
d'ores  en  avant  il  lui  arrivoit  plus,  on  lejeteroit  en  la  rivière 
de  Seine. 

Asseure  que  Jeanne  estoit  aux  prisons  laïques,  les  fers 
aux  pieds,  liée  avec  une  chaisne,  et  que  nul  ne  pouvoit  par- 
ler à  elle  sinon  par  la  permission  des  Anglois  qui  jour  et  nuit 
la  gardoient.  Qu'on  lui  faisoit  des  interrogatoires  quisurpas- 
soient  du  tout  sa  capacité  et  sa  condition,  trois  heures  au 
matin  et  autant  après  midi.  Qu'il  a  plusieurs  fois  ouy  inter- 
roger cette  fille  si  elle  se  vouloit  sousmettre  au  jugement  de 
l'Eglise,  et  qu'elle  demandoit  ce  que  c'estoit  que  l'Eglise  ;  et 
que  lui  ayant  esté  respondu  que  c'estoit  le  pape  et  les  prélats 
qui  représentoient  l'Eglise,  elle  dit  qu'elle  se  sousmettoit  au 
jugement  du  Pape,  priant  qu'on  la  menast  à  lui.  Et  asseure 
lui  avoir  ouy  dire  de  sa  propre  bouche,  toutes  fois  hors  du 
jugement,  qu'elle  ne  voudroit  rien  tenir  contre  la  foy  catho- 


270  E.    lUCllKK.    LA    l'L'CELLE    u'uULÉANS 

lique,  et  qu'elle  vouloil  repousser  loin  de  soy  tout  ce  qui  se 
trouveroit  en  ses  dits  et  en  ses  faits  contraire  à  la  foy  catho- 
lique, et  s'en  rapporter  au  jugement  des  clercs. 

ïesmoigne  avoir  esté  présent  à  Saint-Ouen  lorsque  maistre 
Guillaume  Erard  fit  le  sermon,  et  que  la  pi-emière  sentence 
fut  donnée  contre  la  Pucelle.  Et  croit  fermement  que  tout  ce 
qu'on  a  fait  contre  elle  a  esté  en  haine  du  Roy  très  chrestien 
et  pour  le  diffamer.  Que  ledit  Erard  ayant  fail  en  son  ser- 
mon une  telle  ou  semblable  exclamation  :  0  maison  de 
France  qui  n'a  jamais  eu  aucuns  monstres  jusqu'à  lui,  main- 
tenant que  tu  as  adhéré  à  cette  femme,  sorcière,  hérétique, 
superstitieuse,  tu  es  souillée  d'infamie.  Jeanne  l'ayant 
entendu  repartit  en  ces  propres  termes  :  Ne  parlez  pas  de 
mon  Roy,  il  est  bon  chrestien. 

Pour  le  regard  de  l'habillement  d'homme  qu'elle  avoit 
repris,  dépose  lui  avoir  ouy  dire  qu'un  grand  seigneur 
l'avoit  voulu  violer,  et  que  pour  cette  cause  elle  avoit  repris 
l'habillement  d'homme  depuis  la  première  sentence.  Au 
reste,  que  le  mercredi  matin,  auparavant  qu'elle  fut  menée 
au  supplice,  il  avoit  entendu  cette  fille  de  confession  et  lui 
avoit  administré  le  saint  sacrement  de  l'Eucharistie  par 
ordonnance  des  juges  :  lequel  elle  receut  avec  une  telle  dévo- 
tion et  profusion  de  larmes,  qu'il  serait  impossible  de  l'ex- 
primer. Que  depuis  qu'il  l'eust  communiée,  il  l'assista  tous- 
jours  jusques  au  dernier  soupir.  Que  presque  tous  les  assis- 
tans,  esmeus  de  pitié,  pleuroient  et  principalement  l'évesque 
de  Thérouane,  disant  qu'il  ne  doubtoit  point  qu'elle  fust 
morte  catholiquement,  et  qu'il  voudroit  que  son  ame  fust  où 
il  croyoit  que  l'ame  de  cette  fille  estoit.  Qu'après  la  sentence 
prononcée,  Jeanne  descendit  du  théâtre  où  elle  avoit  esté 
preschée,  et  le  bourreau  s'en  saisit  sans  qu'il  intervint  aupa- 
ravant aucune  sentence  du  juge  laïque.  Elle  ayant  vu  le  feu 
allumé  pour  la  brusler,  pria  le  déposant  de  descendre,  et 
qu'il  levast  bien  haut  la  croix,  afin  qu'elle  la  pust  voir.  Et 
comme  il  estoit  tousjours  auprès  d'elle  pour  Tadvertir  de  son 
salut,  l'évesque  de  Beauvais  et  quelques  chanoines  de  l'E- 
glise de  Rouen  s'estant  avancez  pour  la  voir,  elle  apercevant 
l'évesque  lui  dit  qu'il  estoit  cause  de  sa  mort,  qu'il  lui  avoit 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    RÉHABILITATION  271 

promis  de  la  mettre  entre  les  mains  de  l'Eglise,  mais  qu'il 
l'avoit  livrée  entre  les  mains  de  ses  ennemis  capitaux. 
Adjousta  que,  deux  ans  après,  un  nommé  Georget  Folenfant 
ayant  esté  livré  par  sentence  de  la  cour  d'Eglise  au  bras  sécu- 
lier, lui  déposant  fut  envoyé  de  la  part  de  l'archevesque  de 
Rouen  et  de  l'Inquisiteur  au  bailly  de  Rouen  pour  l'advertir 
que  ledit  Folenfant  debvoit  estre  livré  au  bras  séculier,  mais 
qu'il  se  gardast  bien  de  faire  ainsi  qu'il  avoit  fait  à  la  Pucelle, 
et  qu'il  ne  procédast  pas  à  l'exécution  sans  avoir  au  préa- 
lable donné  ineurement  une  sentence. 

De  plus,  que  jusques  au  dernier  soupir  elle  a  tousjours 
maintenu  que  les  voix  et  apparitions  qu'elle  avoit  eues  pro- 
venoient  de  Dieu,  et  que  tout  ce  qu'elle  avoit  fait  l'avoit 
exéquuté  par  exprès  commandement  de  Dieu,  et  qu'elle  ne 
croyoit  point  que  ses  voix  l'eussent  déceue,  et  qu'elles 
venoient  de  la  part  de  Dieu. 

[60  Déposition  de  maistre  Nicolas  de  Houppeville 
assesseur  au  procez] 

Maistre  Nicolas  de  Houppeville,  bachelier  en  théologie, 
âgé  de  cinquante-cinq  ans,  a  déposé  que  Jeanne  estoit  âgée 
d'environ  vingt  ans,  fort  simple  et  ignorante  aux  façons  de 
procéder  en  justice,  et  d'elle-mesme  n'estoit  suffisante  pour 
se  deffendre  ;  que  toutes  fois  elle  s'est  constamment  et  cou- 
rageusement deffendue,  d'où  plusieurs  inféroient  qu'elle 
avoit  une  spéciale  assistance  et  secours  du  ciel.  Que  pour  son 
regard,  il  n'ajamais  estimé  que  l'évesque  de  Beauvais  ayt 
entrepris  ce  procez  en  matière  de  foy  par  un  bon  zèle  de  foy 
ou  de  justice,  afin  de  réduire  cette  fille,  mais  pour  une  haine 
particulière  qu'il  avoit  contre  elle,  attendu  qu'il  favorisoit 
le  parti  du  Roy  d'.Vngleterre.  Et  ne  pense  pas  qu'il  aye  rien 
fait  en  tout  ce  procez  pour  crainte  des  Anglois,  ainsi  que  plu- 
sieurs autres  desquels  aucuns  assistoient  volontairement  à 
ce  procez,  et  entre  autres  ledit  évesque,  et  les  autres  par 
crainte.  Que  lui  déposant  a  ouy  dire  à  maistre  Musnier, 
docteur  en  théologie,  qu'il  avoit  donné  sa  délibération  par 
escrit  à   l'évesque   de  Beauvais   qui   ne   l'avoit  eue  [pour] 


•272  E.    RICHER.    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

agréable.  Que  le  comte  de  Warwic  menara  frère  Isambert  de 
la  Roche  dominicain,  lequel  assistoit  au  procez  de  Jeanne, 
et  lui  dit  qu'on  le  jetteroit  en  la  rivière  s'il  ne  se  taisoit, 
pour  ce  qu'il  dirigeoit  cette  fille,  et  qu'il  a  ouy  dire  cela  à 
frère  Jean  Magistri,  suffragant  de  l'inquisiteur.  Que  lui- 
mesmc  qui  parle,  au  commencement  du  procez  assista  à 
quelques  délibérations,  et  ayant  dit  son  opinion  que  ni 
l'évesque  ni  tous  ceux  qui  vouloient  entreprendre  de  faire 
ce  procez  ne  pouvoient  estre  juges,  et  que  la  façon  de  pro- 
céder qu'on  tenoit  ne  lui  sembloit  juste  ni  raisonnable, 
sçavoir  que  ceux  qui  estoient  d'un  parti  contraire  fussent 
juges,  attendu  mesme  que  cette  fille  avoit  été  examinée  par 
le  clergé  de  Poictiers  et  par  l'archevesque  de  Rheims,  métro- 
politain de  l'évesque  de  Beauvais;  que  pour  cette  cause  lui 
déposant  encourut  l'indignation  de  l'évesque  de  Beauvais 
qui  le  fit  citer  devant  lui  :  et  le  déposant  ayant  respondu 
qu'il  ne  lui  estoit  en  rien  subject  et  justiciable  et  que  l'offi- 
cial  de  Rouen  estoit  son  juge,  voulant  comparoir  devant 
ledit  officiai,  il  fut  pris  et  mené  au  chasteau  de  Rouen  et  par 
après  mis  aux  prisons  royales;  et  demandant pourquoy  cela, 
on  lui  dit  que  c'estoit  à  la  requeste  de  l'évesque  de  Beau- 
vais. Et  croit  le  déposant  que  ce  fut  à  cause  de  ce  qu'il  avoit 
exposé  en  sa  délibération.  De  quoy  maistre  Jean  de  la  Fon- 
taine, son  ami,  lui  donna  advis  par  un  mot  de  lettre  qu'il 
lui  envoya  en  la  prison,  d'oîi  finalement  il  sortit  par  la 
recommandation  de  l'abbé  de  Fescamp  lequel  fléchit  l'éves- 
que à  cela.  Et  lui  qui  parle  sçeut  que  ledit  évesque  avait 
tenu  conseil  entre  quelques  uns,  auquel  il  fut  résolu  de 
faire  envoyer  en  Angleterre  ou  ailleurs  en  exil  ledit  dépo- 
sant :  ce  que  l'abbé  de  Fescamp  et  les  amis  du  déposant 
empeschèrent. 

Davantage  :  qu'il  sçait  que  Jean  Magistri  avoit  esté  con- 
traint de  prendre  cognoissance  de  ce  procez  durant  lequel  il 
fut  en  grande  perplexité,  et  asseure  que  ledit  Magistri  lui 
avoit  dit  que  cette  fille  se  plaignoit  grandement  des  interro- 
gatoires difficiles  qu'on  lui  faisoit,  et  que  cela  la  travailloit 
trop,  et  principalement  ceux  qui  n'appartenoient  en  rien  au 
procez  :  et  disoit-on  qu'on  empeschoit  les  notaires  d'escrire 


PROCKS    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  273 

quelques  responses  de  cette  fille.  De  plus,  que  ce  qu'elle  a 
quelquefois  hésité  sur  ce  qu'on  l'interrogeoit  si  elle  ne  se 
vouloit  pas  sousmettre  à  l'Eglise,  ne  provenoit  d'ailleurs  que 
de  ce  qu'aucuns  alloient  à  elle  en  habit  dissimulé  en  la 
prison,  et  lui  persuadoient  qu'elle  se  gardast  bien  de  se  sous- 
mettre à  l'Eglise.  Et  disoit-on  que  c'estoit  maistre  Nicolas 
Loyseleurqui  estoitl'un  des  séducteurs  de  cette  fille. 

Qu'il  croit  qu'elle  estoit  bonne  catholique,  et  sçait  que  le 
jour  qu'elle  mourut,  elle  receut  le  corps  de  Nostre  Seigneur. 
Qu'il  la  vit  sortir  du  chasteau  de  Rouen  pour  estre  menée  au 
supplice,  qu'elle  pleuroit  abondamment,  et  y  avoit  plus  de 
six  vingt  hommes  armez,  aucuns  desquels  portoient  des 
lances  et  les  autres  des  espées  Que  lui,  esmeu  de  compassion, 
ne  put  aller  jusques  au  lieu  où  elle  fut  exéquutée.  Et  tient  que 
tout  cela  a  esté  fait  en  haine  du  Roy  de  France  et  pour  le 
diffamer.  Que  le  commun  bruit  estoit  que  l'évesque  n'avoit 
voulu  recevoir  les  opinions  de  maistre  Richard  de  Grouchet 
et  Pierre  Pigache,  pour  ce  qu'elles  ne  lui  avoient  plu  et  allé- 
guaient des  passages  du  droit  canon. 

[7"  Déposition  de  Jean  Fabri.  assesseur  au  procez  ] 

Révérend  père  en  Dieu  messire  Jean  Fabri,  docteur  en  théo- 
logie, de  l'ordre  des  Augustins,  évesque  de  Démétriade,  âgé 
de  septante  ans,  dit  avoir  assisté  au  procez  jusques  au  sermon 
qui  fut  fait  à  Saint-Ouen,  quand  on  prononça  la  première 
sentence  contre  Jeanne.  Qu'il  lui  semble  qu'elle  pouvoit  avoir 
vingt  ans,  qu'elle  estoit  fort  simple.  Que  lui  déposant  l'avoit 
tenue  par  trois  sepmaines  pour  inspirée,  quand  elle  parloit  si 
souvent  de  ses  apparitions  et  révélations.  Qu'il  estime  que 
les  Anglois  lui  faisoient  faire  son  procez  par  haine  qu'ils  lui 
portoient,  et  pour  ce  qu'ils  la  craignoient  extrêmement.  Sçait 
bien  que  tout  se  faisoit  aux  frais  et  despens  du  Roy  d'Angle- 
terre, et  que  ceux  qui  assistoient  à  ce  procez  n'estoient  pas 
en  leurliberté,  et  que  personne  n'osoit  dire  ce  qu'il  pensoit 
sans  estre  incontinent  noté.  Qu'un  jour  quelqu'un  ayant 
demandé  à  cette  fille  si  elle  estoit  en  grâce,  lui  déposant  ayant 
dit  que  c'estoit  une  trop  grande  question  pour  cette  fille  et 

18 


274  E.     RIGHER.    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

qu'elle  n'estoit  pas  obligée  d'y  respondre,  l'évesque  repartit 
au  déposant  qu'il  cust  beaucoup  mieux  fait  de  se  taire.  Davan- 
tage, que  plusieurs  trouvoient  fort  mauvais  de  ce  qu'on  ne 
mettoitpas  cette  fille  aux  prisons  de  l'Eglise,  et  lui  qui  parle  dit 
sourdement  qu(;  ce  n'estoit  pas  bien  procéder  de  la  retenir 
entre  les  mains  des  laïques  et  principalement  des  Anglois,  vu 
qu'elle  avoit  esté  livrée  à  l'Eglise  :  de  laquelle  opinion  plu- 
sieurs estoient,  mais  personne  n'en  osoit  parler  publique- 
ment. 

Si  elle  a  esté  visitée  ou  non,  il  n'en  peut  parler:  bien  sçait-il 
qu'ayant  esté  interrogée  pourquoy  elle  se  faisoit  appeler 
Pucelle,  elle  respondit  le  pouvoir  bien  dire  et  que  s'ils  en 
doubtoient,  qu'ils  la  fissent  visiter  par  sages  et  honnestes 
matrones,  ainsi  qu'on  a  de  coustume.  De  'plus,  qu'on  faisoit 
de  profondes  et  difficiles  questions  à  cette  fille,  desquelles 
toutes  fois  elle  se  demesloit  fort  bien,  encore  qu'on  l'inter- 
rompist  souvent  aux  interrogatoires  qu'on  lui  faisoit,  passant 
de  l'un  à  l'autre  pour  expérimenter  si  elle  changeroit  de  pro- 
pos. Et  la  tràvailloit-on  de  longs  interrogatoires,  l'espace  de 
deux  et  trois  heures  :  de  sorte  que  les  docteurs  qui  assistoient 
à  ce  procez  se  faschoient  et  estoient  grandement  travaillez. 
D'autres  tronquoient  et  coupoient  si  court  leurs  interroga- 
toires qu'à  grand'peine  cette  fille  pouvoit  y  respondre,  et  le 
plus  sage  homme  du  monde  s'y  fust  trouvé  bien  empesché. 
Qu'il  se  souvient  que  durant  le  procez  on  l'interrogeoit  sur 
ses  apparitions  et  lisoit-on  quelque  article  de  ses  réponses  : 
que  lui  déposant  déclara  qu'il  lui  sembloit  qu'on  n'avoit  pas 
bien  registre  sa  response  et  qu'elle  avoit  autrement  respondu. 
Et  advertit  Jeanne  de  prendre  garde  à  soy  :  ce  qu'elle  dit  au 
notaire,  asseurant  avoir  déposé  le  contraire  de  ce  qu'il  avoit 
registre  qui  fut  corrigé.  Et  alors  maistre  Guillaume  Manchon 
dit  à  la  Pucelle  qu'elle  prist  bien  garde  h  ce  qu'on  escrivoit. 

Asseure  le  déposant  ne  se  point  souvenir  qu'elle  aye  refusé 
de  se  sousmettre  à  l'Eglise,  mais  qu'il  lui  a  plusieurs  fois  ouy 
déposer  qu'elle  ne  voudroit  pas  faire  ni  dire  aucune  chose  qui 
fust  contre  Dieu,  et  que  de  tout  son  pouvoir  elle  le  repousse- 
roit.  Au  demeurant  qu'il  assista  au  dernier  sermon  que  fit 
maistre  Nicolas  Midy  au  Vieil  Marché,  et  que  Jeanne  finit  ses 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  275 

jours  catholiquement,  comme  il  estime,  ayant  plusieurs  fois 
crié  Jésus,  Jésus,  faisant  des  lamentations  si  pieuses  qu'il 
pense  n'y  avoir  cœur  si  dur  qui  n'eust  esté  esmeu  à  compas- 
sion et  à  pleurer,  comme  fut  l'évesque  de  Thérouane  et  tous 
les  assistans  qui  pleuroient  par  grande  compassion  et  pitié. 
Se  souvient  encore  que  Jeanne  pria  tous  les  prestres  là  assis- 
tans de  lui  vouloir  donner  chascun  une  messe;  et  lui  dépo- 
sant se  retira  ne  pouvant  voir  un  si  piteux  spectacle. 


[Dépositions  de  dix  autres  tesmoins.] 

Maistre  Jean  Le  Maire,  prestre,  curé  de  l'église  paroissiale 
de  saint  Vincent  de  Rouen,  âgé  de  quarante-cinq  ans,  etc. 
Cette  déposition  ne  contient  rien  de  mémorable  et  ne  rap- 
porte que  pour  avoir  ouy  dire,  comme  n'ayant  point  assisté 
au  procez. 

Maistre  Nicolas  Gavai,  licencié  aux  droits,  chanoine  de 
Rouen,  âgé  de  septante  ans,  dit  avoir  assisté  au  procez  par 
quelques  jours  :  sa  déposition  ne  contient  rien  de  particulier, 
tout  y  est  commun. 

Pierre  Cusquel  laïque,  bourgeois,  marchand  de  Rouen,  âgé 
de  cinquante  trois  ans,  etc.  Cette  déposition  ne  rapporte 
autre  chose  de  mémorable,  sinon  qu'il  dit  avoir  vu  une  cage 
de  fer  de  la  hauteur  de  Jeanne  pour  la  mettre  dedans,  et  que 
cette  cage  fut  pesée  en  sa  boutique:  toutes  fois  qu'il  ne  l'a 
pas  vue  dans  la  dite  cage.  Tout  le  reste  de  sa  déposition  sont 
choses  communes,  excepté  qu'il  dit  avoir  ouy  dire  à  cette  fille 
au  premier  sermon  qui  fut  fait  à  Saint-Ouen,  qu'elle  ne  vou- 
loit  rien  tenir  contre  la  foy  catholique  en  tous  ses  dits  et 
ses  faits,  et  qu'elle  s'en  rapportoit  au  jugement  des  ecclésias- 
tiques. Après  qu'elle  fut  bruslée,  asseure  avoir  vu  et 
entendu  un  secrétaire  du  Roy  d'Angleterre  nommé  maistre 
Jean  Tressart,  retournant  du  Vieil  Marché  où  cette  fille  avoit 
esté  exéquutée,  se  lamenter  et  dire  qu'ils  estoient  tous  perdus 
d'avoir  fait  brusler  une  si  sainte  personne,  et  qu'il  croyoit 
qu'elleestoit  entre  les  mains  de  Dieu  bienheureuse,  qu'il  l'avoit 


276  K.    niCHEU.    LA    PUCELLE    D  OilLEANS 

ouy  crier  hautement  le  nom  de  Jésus  au  milieu  des  flammes. 
Quant  à  lui  déposant,  ne  voulut  assister  à  un  si  piteux  spec- 
tacle, voyant  que  tout  le  peuple  murmuroit  de  ce  qu'on  la 
faisoit  mourir  si  injustement. 

Maistre  André  Margueric,  archidiacre  du  Petit  Calais,  en 
l'église  de  Rouen,  licencié  aux  droits,  âgé  de  soixante-sept  ans, 
dépose  avoir  quelquefois  assisté  au  procez  de  Jeanne  et  ne  dit 
rien  que  de  commun,  excepté  qu'il  asseure  avoir  esté  en  la 
prison  lorsqu'on  publia  que  Jeanne  avoit  repris  l'habillement 
d'homme,  et  qu'ayant  dit  qu'il  falloit  sçavoir  d'elle  comment 
et  pourquoy  elle  avoit  repris  cet  habit  et  l'entendre  parler, 
pour  cette  occasion  les  Anglois  là  présents  voulurent  outra- 
ger lui  déposant  et  plusieurs  autres  qui  furent  contraints  de 
se  retirer  bien  hastivement  pour  le  péril  auquel  ils 
estoient. 

Maistre  Laurent  Guesdon  avocat  au  Présidial  de  Rouen  et 
bourgeois  ne  dépose  rien  que  de  commun. 

Maistre  Jean  Riquier,  prestre,  chapelain  en  l'église  de 
Rouen  et  curé  de  l'églige  paroissiale  d'Heudecour,  diocèse  de 
Rouen,  âgé  de  cinquante  six  ans,  ne  fait  autre  déposition 
que  commune  avec  les  autres,  n'ayant  pas  assisté  au  procez. 
11  dit  seulement  qu'à  la  prédication  de  maistre  Guillaume 
Erard,  la  Pucelle  ayant  entendu  qu'il  parloit  mal  du  Roy  de 
France,  lui  dit  tout  haut  :  Parlez  de  moy  et  non  pas  de  mon 
Roy  qui  est  bon  catholique. 

Que  le  jour  qu'elle  fut  menée  au  supplice,  le  matin  elle  dit 
à  maistre  Pierre  Maurice,  docteur  en  théologie,  qui  l'alla  voir 
en  prison,  que  Dieu  aydant  elle  espéroitestre  le  soir  en  para- 
dis, ainsi  que  ledit  déposant  Tavoit  entendu  dire  audit  Mau- 
rice. Au  parsus,  qu'elle  avait  tousjours  crié  le  nom  de  Jésus 
jusqu'au  dernier  soupir.  Incontinent  qu'elle  fut  étoulTée  du 
feu,  les  Anglois  qui  estoient  présents  dirent  au  bourreau  qu'il 
retirast  un  peu  le  feu  afin  que  le  peuple  assistant  la  pust  voir 
morte  dans  le  feu  et  qu'on  nedist  pas  qu'elle  seroit  échappée 
et  délivrée:  à  quoy  le  bourreau  obéit.    Dépose  qu'il  esloit 


PROCES    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  277 

auprès  de  maistre  Jean  de  TEspée,  chanoine  de  l'église  de 
Rouen,  lequel  ayant  vu  la  fin  de  la  Pucelle,  dit  pleurant  lar- 
gement :  Plust  à  Dieu  que  mon  âme  fust  où  je  crois  qu'est 
lame  de  cette  femme  !  Ledit  de  l'Espée  avoit  assisté  au 
procez. 

Honneste  homme  Jean  Moreau,  demeurant  à  Rouen,  âgé  de 
cinquante  ans,  etc.  Il  estoit  du  païs  de  la  Pucelle  et  dépose  ce 
qu'il  a  ouy  dire  de  son  départ  pour  aller  au  Roy  de  France.  Et 
quand  on  commença  son  procez  à  Rouen,  tesmoigne  qu'il 
arriva  un  honneste  homme  des  quartiers  de  Lorraine,  lequel 
s'adressa  à  lui  à  cause  du  païs,  et  raconta  qu'il  avoit  esté  com- 
mis pour  faire  des  informations,  spécialement  au  païs  natal  de 
Jeanne,  et  qu'il  avoit  apporté  les  dites  informations  à  l'éves- 
que  de  Beauvais,  estimant  qu'il  le  contenteroitde  ses  salaires, 
vacations,  et  de  la  dépense  qu'il  avoit  laite  en  son  voiage  ;  mais 
que  cet  évesque  l'avoitappelé  traistre  et  meschant  homme,  lui 
disant  qu'il  n'avoit  pas  fait  son  debvoir.  Et  nepouvoit  estre 
contenté  de  ses  salaires  parce  que  cet  évesque  niait  qu'il  se 
pust  servir  desdites  informations  ausquelles  celui  qui  les  avoit 
faites  disoit  n'y  avoir  rien  contre  la  Pucelle  qu'il  n'eust  voulu 
trouver  en  sa  propre  sœur  :  qu'elles  avoient  néantmoins  esté 
faites  en  cinq  ou  six  paroisses  proches  de  Dompremy,  et 
que  tous  les  tesmoins  avoient  déposé  que  Jeanne  estoit 
grandement  dévote,  et  alloit  souvent  prier  Dieu  à  un  ermi- 
tage proche  de  Dompremy. 

Pour  le  reste  de  la  déposition,  il  n'y  a  rien  que  de  commun 
et  qui  ne  soit  contenu  aux  autres  dépositions,  sinon  qu'il  dit 
avoir  entendu,  comme  le  prédicateur  qui  prescha  à  Saint-Ouen 
disoit  à  la  Pucelle  qu'elle  eust  à  s'abstenir  cy-après  de  faire 
les  choses  qu'elle  avoit  commises  contre  la  foy  et  de  porter  un 
habillement  d'homme,  elle  respondit  qu'elle  avoit  pris  un 
habillement  d'homme  pour  ce  qu'elle  avoit  à  estre  et  conver- 
ser parmi  les  gens  de  guerre,  avec  lesquels  elle  pouvoit  vivre 
plus  seurement  habillée  en  homme  que  portant  un  habit  de 
femme,  et  que  ce  qu'elle  avoit  fait,  elle  l'avoit  bien  fait,  etc. 

Dépose  qu'elle  demanda  de  l'eau  bénite  auparavant  que 
d'estre  jetée  au  feu. 


278  E.    RICHEn.    —    LA    PUCELLE    d'oRLÉAXS 

Maistre  Pierre  Tasquel,  prestre,  curé  de  l'église  paroissiale 
de  Baqueville  le  Martel,  notaire  apostolique  à  Rouen,  âgé  de 
cinquante  huit  ans.  C'est  le  troisième  notaire  qui  a  instru- 
menté au  procez  contre  la  Fucelle,  ainsi  qu'il  a  recognu  :  et 
ne  dit  rien  que  de  commun  pour  ce  qu'il  n'estoit  point  au 
commencement  du  procez. 

Hu&son  le  Maistre,  laïque,  maistre  chaudronnier  à  Rouen, 
âgé  de  cinquante  ans,  etc.  Il  estoit  du  pais  de  la  Pucelle  et 
dépose  qu'on  la  tenoit  au  païs  pour  une  très  bonne  fille,  très 
dévote,  et  qu'elle  estoit  en  la  grâce  de  Dieu,  conduite  de  son 
esprit,  etc. 

Honorable  homme  Pierre  Daron,  lieutenant  du  bailly  de 
Rouen,  âgé  de  soixante  ans,  ne  dépose  rien  que  de  commun 
et  toutes  les  mesmes  choses  que  les  ,autres  ont  déclaré  de 
la  fin  de  cette  fille,  sçavoir  qu'elle  est  morte  en  bonne  chres- 
tienne,  prononçant  le  nom  de  Jésus  jusques  au  dernier  sou- 
pir, et  qu'elle  fut  exéquutée  sans  qu'il  soit  intervenu  aucune 
sentence  laïque. 

[Déposition  de  frère  Seguin  de  Seguin,  membre  de  la  Commission 
de  Poitiers] 

Frère  Seguinus  Seguini,  professeur  en  théologie  de  l'ordre 
des  Dominicains,  Doyen  de  la  faculté  de  théologie  de  Poic- 
tiers,  âgé  de  soixante-dix  ans,  etc.  C'est  l'un  des  Docteurs 
qui  assista  à  l'examen  de  la  Pucelle  quand  elle  fut  interrogée 
à  Poictiers  par  les  ecclésiastiques,  ainsi  que  nous  avons 
remarqué  au  premier  livre.  Au  reste,  il  tesmoigne  que  con- 
sidéré Testât  auquel  estoient  lors  les  affaires  du  Roy  et  du 
royaume,  tout  estant  humainement  désespéré,  et  vu  les 
choses  que  la  Pucelle  a  exéquutées,  sa  sainte  vie  dont  a  esté 
parlé  amplement  au  premier  livre,  il  estime  icelle  avoir  esté 
envolée  de  Dieu  pour  secourir  la  France.  Qu'elle  prédit  à 
Poictiers,  quand  on  l'examinoit,  quatre  choses  que  lui  dépo- 
sant a  vu  succéder  tout  ainsi  qu'elle  les  avoit  annoncées. 
Premièrement,  que  le  siège  d'Orléans  seroit  levé,  et  la  ville 
délivrée   des  Anglois.  —    Secondement,  que  le  Roy  seroit 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    RKIIAIflIJTATION  279 

couronné  à  llheims. — Tiercement  que  la  ville  de  Paris  seroit 
réduite  à  l'obéissance  du  Roy.  —  En  qualriesme  lieu,  que  les 
Anglois  seroient  deffails  '. 

Au  demeurant,  qu'elle  estoit  grandement  faschée,  enten- 
dant quelqu'un  jurer  le  nom  de  Dieu  en  vain.  Qu'elle  remons- 
troit  au  sieur  de  La  Ilire  qui  avoit  accoustumé  de  jurer  et 
renier  Dieu,  que  c'étoit  un  grand  péché,  et  qu'il  s'abstint 
d'ainsi  blasphémer  :  et  quand,  prévenu  de  colère,  il  vou- 
droit  jurer,  qu'il  reniast  son  baston.  Que,  pour  cette  raison. 
Le  Ilire  estant  en  présence  de  cette  fille,  disoit  tousjours  qu'il 
renioit  son  baston,  etc. 

Frère  Jean  des  Prez,  docteur  en  théologie  de  l'ordre  des 
Dominicains,  du  couvent  de  Lyon,  vice-inquisiteur  général 
au  royaume  de  France,  est  commis  par  Jean,  archevesque  de 
Rheims,  et  Guillaume,  évesque.de  Paris  pour  ouyr  et  exa- 
miner noble  et  puissant  seigneur  Jean  Dolon,  chevalier, 
conseiller  du  Roy,  et  séneschal  de  Beaucaire,  lequel  pour  cet 
effet  se  transporta  à  Lyon  oii  le  dit  Des  Prez  entendit  sa 
déposition  qu'il  donna  en  françois  et  fut  receue  par  Hugo 
Bellieure  et  Barthélémy  Bellieure,  notaires  apostoliques  à 
Lyon,  le  vingt-huictiesme  may  1456.  Ce  seigneur  fut  choisi 
par. le  Roy  comme  le  plus  sage  gentilhomme  du  royaume 
pour  avoir  soin  de  laPucelle,  ainsi  que  nous  avons  narré  au 
premier  livre  de  cette  histoire  où  nous  renvoyons  le  lecteur. 
Et  attendu  qu'il  a  plus  conversé  avec  la  Pucelle  que  tout 
autre,  il  en  rend  fîdelle  lesmoignage  sans  amour,  faveur, 
haine  ou  subornation  quelconques,  mais  seulement  pour  la 
seule  vérité  du  fait,  qui  sont  les  propres  termes  de  sa  dépo- 
sition. 

1.  Frère  Seguin  mentionne  une  cinquième  prédiction  oubliée  par 
E.  Bicher,  que  le  duc  dOrléans  reviendrait  de  sa  captivité  d'An- 
gleterre. 


CHAPITRE  VI 

[SUITE  DES  ACTES  DU  PROCKZ.  —  LETTRES  DE  GARANTIE 
DU  ROI  D'ANGLETERRE] 


Acte  du  pénultième  jour  de  may  1456,  par  lequel  les  juges 
commis  du  Saint-Siège  donnent  pouvoir  à  Révérend  père  en 
Dieu,  messire  Jean  Kabri,  docteur  en  théologie  de  l'ordre 
des  Augustins  et  évesque  de  Démétriade,  et  à  vénérable  et 
discrète  personne  Hector  de  Coquerel,  docteur  en  droit. 
Doyen  de  Lisieux  et  officiai  de  Rouen,  pour  entendre  tout 
ce  que  les  parties  amenées  voudront  dire,  opposer  et  alléguer 
contre  les  tesmoins  qui  ont  déposé  aux  susdites  informations, 
et  contre  les  pièces  et  autres  productions  que  les  parents  de  la 
Pucelle  fournissent  en  ce  procez.  //<?m,pour  donner  délays  et 
ordonner  toutes  choses  nécessaires  jusques  à  la  conclusion 
de  ladite  affaire,  le  dit  acte  signé  Dionysius  Comitis  et  Fran- 
ciscus  Ferrebouc.  A  raison  duquel  acte  sont  assignez  mes- 
sire Guillaume  de  Hélande,  évesque  de  Beauvais,  et  Renaut 
Bredouille  son  promoteur,  etTinquisiteur  delà  foyaudiocèse 
de  Beauvais,  pour  dire  et  opposer  tout  ce  que  bon  leur  sem- 
blera tant  contre  les  dits  tesmoins  que  contre  les  productions 
des  dites  parties  :  la  dite  assignation  au  second  jour  de  juin. 
Et  les  parties  assignées  n'ayans  comparu,  le  procureur  des 
parents  de  la  Pucelle  demande  qu'elles  soient  déclarées  contu- 
maces. Sur  quoy  les  juges  ordonnent  qu'ils  seront  réassignez 
au  cinquiesme  juin  suivant. 

Suit  après  la  production  faite  par  les  parents  de  la  Pucelle, 
et  entre  autres  pièces  est  produit  un  certain  feuillet  de  la 
main  de  Guillaume  Manchon  touchant  quelques  ratures  et 
corrections  qui  doibvent  estres  faites  en  certains  articles  du 
procez  :  le  tout  escrit  de  la  main  du  dit  Manchon,  principal 


PROCKS    DR    nEVI.-ION    ET    nElIAHILITATLÛN  281 

notaire  au  procez  contre  la  Piicelle  :  lequel  feuillet  est 
recognu  et  avéré  par  le  dit  Manchon  et  ses  compagnons 
conotaires. 

Ileyn,  produisent  les  actes  entiers  dudit  procez,  tant  en 
fran(;ois  qu'en  latin  pour  en  demander  la  cassation  et  annu- 
lation :  comme  aussi  les  bulles  du  saint  père  Galixte  II[ 
registrées  au  commencement  de  ce  procez. 

Plus,  toutes  les  informations  faites  premièrement  à  Rouen 
parle  cardinal  d'Estouteville,  secondement  au  pais  natal  de 
la  Pucelle,  et  depuis  à  Paris  et  à  Uouen. 

Hem,  les  lettres  de  garantisation  et  protection  du  Roy 
d'Angleterre  en  faveur  de  l'évesque  de  Beauvais  et  de  ceux 
qui  ont  fait  le  procez  à  la  Pucelle,  lesquelles  nous  représen- 
terons ici. 

Lettres  de   garantie  du  Roy  d'Angleterre  en  faveur  de  ceux  qui 
ont  fait  le  procez  contre  la  Pucelle  ^ 

«  Henry  par  la  grâce  de  Dieu  Roy  de  France  et  d'Angle- 
terre, etc.  Et  pour  ce  que  par  adventure  aucuns  qui  pour- 
roient  avoir  eu  les  erreurs  et  maléfices  de  la  dite  Jeanne 
agréables,  et  autres  qui  induement  s'efforcent  ou  se  vou- 
droient  efforcer  par  haine,  vengeance  ou  autrement,  trou- 
bler les  vrays  jugements  de  nostre  mère  sainte  Eglise,  de 
traire  en  cause  par  devant  nostre  saint  père  le  Pape,  le  saint 
Concile  général  ou  autre  part  les  dits  Révérend  père  en 
Dieu,  vicaire,  les  docteurs  ou  autres  qui  se  sont  entremis 
de  ce  procez  :  Nous  qui  comme  protecteur  et  deffenseur  de 
nostre  sainte  foy  catholique,  voulons  porter,  soutenir  et 
deffendre  lesdits  juges,  docteurs,  maistres  et  autres  qui 
du  dit  procez  se  sont  entremis  en  quelque  manière  en  tout 
ce  qu'ils  ont  dit  et  prononcé  en  toutes  les  choses  et  chacune 
d'icelles  touchans  et  concernans  le  dit  procez,  ses  circons- 


I.  Nous  avons  relevé,  tome  I,  page  486  du  présent  ouvrage,  le 
reproche  que  Lenglet-Dufresnoy  fait  à  Riche r  d'avoir  traité  légèrement 
son  sujet  et  passé  sous  silence  les  lettres  de  garantie  du  roi  d'Angle, 
terre.  Le  texte  que  nous  donnons  au  lecteur  montrera  la  mauvaise  foi 
qui  a  inspiré  ce  reproche. 


282  E.    niCHEH.    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

tances  et  despendances,  afin  que  dores  en  avant  tous  autres 
juges,  docteurs,  maistres  et  autres  soient  plus  enclins, 
ententifs  et  encouragiez  de  vacquier  ou  entendre  sans  paour 
ou  contrainte  aux  extirpations  des  erreurs  et  faulses  dog- 
matizations,  qui,  en  diverses  parties  de  la  chrestienté,  sour- 
dent  et  pululent  en  ces  temps  présens  que  douloureusement 
récitons;  mesmement  que  nous  sommes  deuement  informez 
que  le  ditprocez  a  esté  fait  et  conduit  meurement  et  canoni- 
quement,  justement  et  saintement,  eu  sui-  ce  et  sur  la  matière 
d'iceluy  procez  la  délibération  de  nostre  tr^s  chère  et  sainte 
fille  l'Université  de  Paris,  des  docteurs  et  maistres  des 
facultez  de  théologie  et  de  décrets  d'icelle  Université,  et  de 
plusieurs  autres  tant  évesques,  abbez  et  autres  prélats, 
comme  docteurs,  maistres  et  clercs  très  expers  en  droit  divin 
et  canonique,  et  autres  gens  d'Eglise  en  moult  grand  nom- 
bre, lesquels  ou  la  plus  grande  partie  d'iceux  ont  continuel- 
lement assisté  et  esté  présents  avec  lesdits  juges,  docteurs, 
maistres,  clercs,  promoteurs,  advocats,  conseillers,  notaires 
et  autres  qui  ont  besongné  audit  procez,  s'il  advenoit  qu'ils 
fussent  traiz  en  cause  pour  raison  dudit  procez  ou  de  ses 
dépendances  par  devant  nostre  saint  père  le  Pape,  le  dit 
saint  Concile  général  ou  autrement;  nous  ayderons  et  dépen- 
drons, ferons  ayder  et  defïendre  en  jugement  et  dehors,  tous 
les  dits  juges,  docteurs,  maistres,  clercs,  promoteurs,  advo- 
cats, conseillers,  notaires  et  autres,  et  à  chascun  d'eux,  à 
nos  propres  coûts  et  despens  à  leur  cause  en  cette  partie  : 
Nous  pour  l'honneur  et  révérence  de  Dieu  et  de  notre  sainte 
mère  l'Eglise,  et  deffense  de  nostre  sainte  foy,  adjoin- 
drons au  procez  que  en  voudront  intenter  contre  eux  quel- 
conques personnes  de  quelque  estât  qu'il  soit,  en  quelque 
manière  que  ce  soit,  et  ferons  poursuivre  la  cause  en  tous 
cas  et  termes  de  droit  et  de  raison  à  nos  despens.  Si  don- 
nons en  mandement  à  tous  nos  ambassadeurs  et  messa- 
giers,  tant  de  nostre  sang  et  lignage,  comme  autres  qui  se- 
roient  en  cour  de  Rome  ou  audit  saint  Concile  général,  à  tous 
évesques,  prélats,  docteurs,  maistres,  clercs,  promoteurs, 
advocats,  conseillers,  notaires  et  [autres,  et  aucuns  d'eux  qui 
seront  mis  ou  traiz  en  cause  par  devant  nostre   dit  saint 


PnOCKS    DE    RKVISKIN    ET    RÉIIA  UILITATIÛN  283 

Père,  le  dit  saint  Concile  ou  autre  part,  ils  se  adjoignent 
incontinent  pour  et  en  nostre  nom  à  la  cause  et  deftense  des 
dessus  ditz  par  toutes  voyes  et  manières  canoniques  et  juri- 
diques, et  requérons  nos  subjectsde  nos  dits  royaumes estans 
lors  illec,  et  aussi  ceux  des  Hoys,  princes  et  seigneurs  à  nous 
alliez  et  confédérez,  qu'ilz  donnent  en  cette  matière  conseil, 
faveur,  ayde  et  assistance  par  toutes  voyes  et  manières  à 
eux  possiblos  sans  délay  ou  difficulté  quelconque.  En  tes- 
moin  de  ce  nous  avons  fait  mettre  notre  scel  ordonné  en 
l'absence  du  grant,  à  ces  présentes.  Donné  à  Rouen,  le 
douziesme  jour  de  juin,  l'an  de  grâce  mil  quatre  cens 
trente  et  un  et  le  neufviesme  de  nostre  règne,  Par  le  Roy,  a 
la  relation  du  grand  conseil  estant  devers  lui,  auquel  estoient 
monsieur  le  cardinal  d'Angleterre,  vous,  les  évesques  de 
Beauvais,  de  Noyon  et  de  Norvvich,  les  comtes  de  Warwic  et 
SufTort,  les  Abbez  de  Fescanip  et  du  Mont-Saint-Michel,  les 
seigneur  de  Comwell  et  de  Tipetot,  de  Saint-Père  et  autres 
plusieurs.  Signé  :  Calot. 

Après  lesdites  lettres  patentes  du  Roy  d'Angleterre  les 
parents  de  la  Pucelle  produisent  les  deux  sentences  don- 
nées par  l'évesque  de  Beauvais,  ensemble  les  douze  articles 
envolez  à  l'Université  de  Paris,  et  les  délibérations  inter- 
venues sur  iceux  articles,  en  vertu  desquels  articles  et  déli- 
bérations l'évesque  de  Beauvais  a  voulu  fonder  et  establir 
ses  dites  sentences  contre  la  Pucelle. 

Acte  du  mercredi  neufviesme  juin  1456  par  lequel  maistre 
(luillaume  Prévosteau,  procureur  des  parens  de  la  Pucelle, 
requiert  que  messire  Guillaume,  évesque  de  Beauvais,  et 
Renaut  Bredouille  son  promoteur,  avec  l'inquisiteur  de  la 
foy  audit  diocèse  de  Beauvais,  soient  déclarez  contumaces, 
attendu  qu'ayant  esté  plusieurs  fois  citez,  ils  n'ont  comparu 
ni  aucun  pour  eux.  Mais  les  juges  leur  donnent  encore  délay 
jusqu'au  lendemain  dixiesme  juin  :  auquel  n'ayant  comparu 
ils  sont  déclarés  contumacez  et  forclos  de  pouvoir  ci-après 
dire,  alléguer  ou  opposer  chose  quelconque  contre  les  dites 
informations  ou  pièces  produites  par  les  parens  de  la  Pu- 


284  E.    aiGHER.    LA    ['UCELLE    d'oULÉANS 

celle,  etc.  Laquelle  sentence  est  donnée  par  messire  Jean 
Fabri,  évesque  de  Démétriade  et  Hector  Coquerel  officiai  de 
Rouen,  en  la  salle  épiscopale  de  l'Archevesché  de  Rouen,  et 
les  parties  renvoiées  à  messieurs  les  juges  commis  du  Saint- 
Siège  pour  conclure  audit  procez,  etc. 


CHAPITRE  VII 

Acteetordonnancc  desditsjuges  du  vendredi  dix-huictiesme 
juin  145G  par  lesquels  les  parties  sont  citées  à  Rouen  par 
devant  lesdits  juges  pour  conclure  au  dit  procez  le  septiesme 
juillet  1456. 

Et  maistre  Simon  Chapitault,  promoteur  en  cette  cause, 
comme  pareillement  Guillaume  Prévosteau,  procureur  des 
parens  de  la  Pucelle,  donnent  leurs  moyens  de  droit  pour 
conclure  audit  procez  :  lesquels  moyens  sont  pour  la  plus 
part  extr-aits  des  griefs  et  demandes  de  la  Pucelle  registrez 
cy  devant  au  quatriesme  chapitre  que  le  lecteur  verra,  et 
n'est  besoin  de  les  représenter  encore  une  fois^ 


1.  Les  deux  mémoiros  juridiques  reiuplissent  trente-deux  pages  du 
t.  111  de  J.  Quicherat. 


CHAPIÏHE  VIll 

Production  de  six  traitez  ou  opuscules  latins'  :  le  premier 
desquels  est  de  maistre  Jean  Gerson,  chancelier  de  l'Univer- 
sité de  Paris,  estant  lors  à  Lyon,  d'autant  que  les  Anglois 
tenoient  Paris  ;  lequel  traité  il  composa  le  quatorziesme  may 
(1429)  vigile  de  la  Pentecoste,  auquel  jour  il  receut  la  nou- 
velle de  la  levée  du  siège  d'Orléans,  et  que  les  Anglois  avoient 
esté  chassez.  Cet  opuscule  est  imprimé  avec  ies  œuvres  de 
Gerson  qui  mourut  la  mesme  année,  le  douziesme  juillet. 

Le  second  a  esté  composé  par  messire  Heliasde  Bordeilles, 
évesque  de  Périgord,  et  depuis  archevesque  de  Toui's  et  car- 
dinal. 

Le  troiziesme  ne  porte  point  de  nom  ;  seulement  sur  la  fin 
d'iceluy  ces  trois  lettres  M.  E.  N  souscrites. 

Le  quatriesme  est  de  frère  Jean  Bréhal,  docteur  en  théolo- 
gie et  inquisiteur  de  la  foy  au  royaume  de  France,  de  l'ordre 
des  Dominicains,  lequel  par  après  comme  juge  assista  à  la 
revision  du  procez. 

1.  Nous  avons  dil,  t.  I,  p.  201,  en  parlant  du  procès  de  réhabilitation, 
qu'E.  Riclier  n'avait  eu  entre  les  mains  que  deux  manuscrits  du  dit  procès, 
celui  de  Notre-Dame  qu'on  voit  à  la  Bibliothèque  nationale,  et  un  autre 
«  de  la  bibliothèque  de  M.  Du  Lis,  conseiller  du  Roy  et  avocat-général 
en  la  cour  des  Aides  »  .Le  manuscrit  de  Notre-Dame  ne  contenant  d'autre 
mémoire  que  celui  de  Gerson,  c'est  dans  le  manuscrit  de  Charles  Du  Lis 
que  notre  auteur  a  trouvé  les  sis  traités  qu'il  énumère. 

I']n  admettant  avec  J.  Quicherat  que  le  mémoire  à  la  lîn  duquel  on  lit 
souscrites  ces  trois  capitales:  M.  E.  N.  (pour  L),  soit  de  Martin,  évèque 
du  Mans  (Martinus  Episcopus  Cenomanensis),  trois  mémoires,  ceux  de 
Thomas  Basin,  évèque  de  Lisieux,  de  Jean  Bochard.  évèque  d'Avranches, 
de  Jean  do  Montigny,  docteur  en  décrets,  auraient  été  inconnus  de  Richer 
et  omis  dans  le  manuscrit  de  Charles  Du  Lis. 

Ces  trois  mémoires  sont  joints  en  elFet  aux  ciuq  cités  plus  haut  et  à  la 
Récollection  de  Jean  Bréhal  dans  le  manuscrit  du  procès  de  réhabili- 
tation, .^970,  fonds  français,  que  possède  la  Bibliothèque  nationale.  Voir 
J.  Quicherat,  t.  IH.  p.  2'J8  et  suiv.,  et  t.  V,  p.  432  et  suiv. 


PnOCÈS    DE    REVISION    ET    RÉHABILITATION  287 

Le  cinquiesme  est  de  maistre  Guillaume  Bouille,  aussi  doc- 
teur en  théologie  et  Doyen  de  l'église  de  Noyon,  lequel  a 
pareillement  assisté  comme  conseiller  à  la  revision  du 
procez. 

Le  sixiesme  est  de  maistre  Robert  Gybole  (Ciboule),  chan- 
celier de  l'Université  de  Paris,  docteur  en  théologie. 

Tous  lesdits  traitez,  que  j'ai  bien  exactement  lus  et  en  ay 
fait  des  extraits  pour  servir  à  cette  histoire,  montrent  la  nul- 
lité des  sentences  de  l'évesque  de  Beauvais,  et  que  faulsement 
et  à  tort  il  a  prononcé  que  la  Pucelle  avoit  feint  et  supposé 
des  révélations,  qu'elle  séduisoit  les  peuples,  qu'elle  estoit 
présomptueuse  et  téméraire,  croyoit  de  léger,  estoit  supers- 
titieuse, devineresse,  blasphémoit  contre  Dieu  et  ses  saints  et 
les  saints  sacremens,  qu'elle  mesprisoit  la  loy  divine  et  les 
constitutions  de  l'Eglise,  estoit  séditieuse  et  cruelle,  avoit 
apostate  (apostasie),  estoit  schismatique,  refusant  de  se  sous- 
inettre  à  l'Eglise  et  au  Pape,  et  avoit  erré  en  diverses  façons 
contre  la  foy,  qu'elle  estoit  opiniastre  et  obstinea,  excommu- 
niée, hérétique  et  relapse. 

Car  ce  n'est  point  hérésie  de  dire  que  l'on  aye  des  révéla- 
tions, lesquelles  on  doibt  prouver  et  examiner  par  les  effets 
et  la  bonne  et  sainte  vie  de  ceux  qui  maintiennent  avoir 
telles  révélations,  ainsi  que  nous  avons  montré  au  premier 
livre. 


CHAPITRE  IX 

[PRONONCÉ  DF.  LA  SliNïENCE  RÉHABILITANT  LA  PUCELLE] 

Acte  du  septiesme  juillet  1456  par  lequel  les  parens  de  la 
Pucelle,  assistez  de  leur  conseil  et  de  maistre  Simon  Chapi- 
tault  promoteur,  joint  avec  eux,  remonstrent  qu'ils  ont  fait 
citer  messire  Guillaume  de  Hélande,  évesque  de  Beauvais, 
son  promoteur,  et  tous  autres  qui  pouvoient  prétendre 
quelque  intérest  en  ce  procez  pour  comparoir  à  Rouen  à  las- 
signation  qui  leur  estoit  donnée  au  septiesme  juillet  par 
ordonnance  de  messieurs  les  juges,  pour  voir  prononcer  la 
sentence  définitive  :  etn'ayans  comparu  à  la  dite  assignation 
ni  autres  pour  eux,  les  demandeurs  et  promoteur  requièrent 
que  lesdits  assignez  soient  déclarez  contumaces,  et  que  la 
sentence  définitive  soit  prononcée  contre  leur  contumace, 
ainsi  qu'elle  fut  par  Révérend  père  en  Dieu  Jean,  archevesque 
de  Rheims  :  dont  ensuit  la  teneur. 

Au  NOM  DE  LA   SAINTE    ET    INDIVISIBLE    TrINITÉ,    le  PèrC,   Ic  Fils 

et  le  Saint-Esprit,  ainsi-soit-il. 

Nostre  seigneur  Jésus  Christ  Dieu  et  homme, 
ayant  par  sa  divine  Providence  establi  et  constitué 
saint  Pierre  et  ses  successeurs  apostoliques  au  gou- 
vernement de  son  Eglise  militante  comme  premiers 
inlendans  et  spéculateurs  d'icelle,  pour  enseigner 
au  monde  de  marcher  droit  en  la  voye  de  justice  par 
une  claire  et  manifeste  lumière  de  la  vérité,  proté- 
gcans  les  gens  de  bien,  soulageans  et  relevans  ceux 
qui  sont  opprimez,  et  par  le  jugement  de  la  raison 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    REHABILITATION'  289 

redressans  [au  bon  chemin  tous  ceux  qui  en  sont 
dévoyez  : 

Nous  Jean,  par  la  grâce  de  Dieu,  archevesque  de 
Rheims,  Guillaume,  évesque  de  Paris,  Richard, 
évesque  de  Coutances,  et  Jean  Bréhal,  de  l'ordre  des 
Frères  prescheurs,  professeur  en  théologie,  l'un  des 
inquisiteurs  de  la  foy  au  royaume  de  France,  juges 
spécialement  déléguez  en  cette  cause  par  commis- 
sion de  nostre  saint-père  le  Pape,  à  présent  séant 
pourvoir  et  examiner  le  procez  qui  a  esté  solennelle- 
ment débattu  et  discuté  devant  Nous  en  vertu  du 
Mandement  apostolique  à  Nous  adressé  et  receu  avec 
révérence,  pour  et  au  nomd'honneste  veuve  Isabelle 
Darc  jadis  mère,  et  de  Pierre  et  Jean  Darc,  frères 
germains  naturels  et  légitimes  de  défunte  Jeanne 
Darc  de  bonne  mémoire,  communément  appelée  la 
Pucelle  ;  tant  en  leurs  noms  que  de  tous  leurs 
parens,  demandeurs  d'une  part  ;  tant  contre  le 
sous-inquisiteur  de  la  foy  establi  au  diocèse  deBeau- 
vais,  que  pareillement  contre  le  promoteur  des  cas 
et  affaires  criminelles  en  l'otlicialité  de  Beauvais,  et 
semblablement  contre  Révérend  père  en  Dieu  mes- 
sire  Guillaume  de  Hélande,  évesque  de  Beauvais,  et 
tous  autres  tant  en  général  qu'en  particulier  qui 
peuvent  respectivement  prétendre  un  intérest  en 
cette  cause,  conjoinctement  ou  séparément,  tous 
respectivement  deffendeurs,  d'autre  part  : 

Vu  en  premier  lieu  la  citation  péremptoire  et 
l'exploit  fait  à  la  requeste  desdits  demandeurs  et 
promoteur  que  nous  avons  establi  d'office  et  créé  en 
cette  cause,  par  nous  décernez  contre  lesdits  deffen- 
deurs pour  voir  exéquuter  ladite  commission,  l'im- 
pugner  etdesbattre,  respondre  et  procéder  ainsi  que 
de  raison  ; 

Vu  les  griefs  et  fins  desdits  demandeurs,  les^faits 

d9 


290  E,    RICHER.    LA    PUGELLE    d'oRLÉANS 

et  moyens  par  eux  produits  et  articulez,  tendans  à 
faire  déclarer  nul,  injurieux  et  abusif  un  prétendu 
procez  cy  devant  mu  et  intenté  en  cette  ville  de 
Rouen  contre  la  dite  Pucelle  défunte  en  matière  de 
la  foy  par  defîunt  messire  Pierre  Cauchon,  lors 
évesque  de  Beauvais,JcanMagistri,  prétendu  vicaire 
de  l'inquisiteur  de  la  foy  audit  diocèse,  et  Jean  Des- 
tivet,  promoteur  ou  soy  disant  promoteur  audit  dio- 
cèse de  Beauvais  ;  ou  à  tout  le  moins  que  les  procé- 
dures, sentences  et  tout  ce  qui  en  seroit  ensuivi  fust 
cassé,  abjuré  et  annulé  à  la  descharge  et  justification 
de  la  mémoire  de  ladite  defïunte  et  autres  fins  con- 
tenues et  articulées  ausdits  faits  et  moyens  pro- 
duits; 

Vus  pareillement  et  par  plusieurs  et  diverses  fois 
lus  de  bout  à  autre,  et  bien  examinez  tous  les  titres, 
instruments  et  enseignements  originaux,  actes, 
minutes  et  protocoles  à  nous  montrez,  exhibez  et 
délivrez  par  les  notaires  et  autres  officiers  en  vertu 
de  nos  lettres  de  compulsoire  :  lesquels  notaires  et 
officiers  auroient  recognu  leurs  seings  et  escri- 
tures  ;  et  après  avoir  longuement  conféré  ensemble 
avec  tous  lesdits  notaires  et  officiers  establis 
audit  procez,  et  conseillers  appelez  à  la  décision 
d'icelui,  desquels  nous  avons  pu  avoir  la  pré- 
sence et  communication],  et  'au  préalable  après 
avoir  fait  collation  et  comparaison  desdits  livres, 
notes,  minutes  et  plumitifs  ; 

Vues  aussi  les  informations  préambulaires  et  pré- 
paratoires faites  tant  par  Révérend  père  en  Dieu 
Guillaume,  cardinal  du  titre  de  saint  Martin  aux 
montagnes,  pour  lors  légat  en  France,  appelé  avec 
lui  nostre  inquisiteur  lesquels  auroient  vu  et  visité 
les  dits  livres  et  papiers  ;  vu  pareillement  autres 
informations  faites  par  notre  ordonnance  et  par  nos 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  291 

commissaires  :  comme  aussi  plusieurs  traitez  faits 
et  composez  par  aucuns  prélats,  docteurs  et  prati- 
ciens renommez  et  approuvez,  lesquels  après  avoir 
bien  vu  tout  au  long  et  examiné  les  pièces  dudit 
procez,  auroient  trouvé  bon  et  expédient  qu'on  expli- 
quast  et  esclaircist  les  doubles  et  difficultez  qui  se 
rencontrent  audit  procez  :  lesquels  traitez  ont  esté 
faits  et  composez  par  lesdits  prélats  et  docteurs,  tant 
de  l'ordonnance  dudit  très  Révérend  père  légat  du 
saint-Siège  que  de  la  nostre  ; 

V^i  pareillement  les  articles  et  interrogatoires  à 
nous  présentez  de  la  part  desdits  demandeurs  et 
promoteurs,  après  plusieurs  délays  octroyez  pour 
faire  enqueste  ;  aussi  eu  esgard  aux  dires  et  déposi- 
tions des  tesmoins  et  attestations  sur  la  vie,  conver- 
sation et  deportements  de  ladite  deffunte,  et  de  la 
sortie  qu'elle  fit  de  son  pais  natal  pour  venir  trou- 
ver le  Roy  :  autres  interrogatoires  à  elle  faits  par 
divers  jours  tant  à  Poictiers  qu'ailleurs,  en  présence 
de  plusieurs  prélats,  docteurs  et  sçavants  person- 
nages, notamment  de  Très  Révérend  père  messire 
Renault,  jadis  archevesque  de  Rheims,  métropoli- 
tain de  l'évesque  de  Beauvais  ;  et  sur  l'admirable 
délivrance  de  la  ville  et  siège  d'Orléans,  du  voyage 
que  le  Roy  fit  à  Rheims,  et  de  son  sacre  et  couron- 
nement, et  autres  circonstances  dudit  procez,  quali- 
tez  des  juges  et  forme  de  procéder  qu'ils  ont 
tenue  ; 

Vu  aussi  plusieurs  autres  enseignements,  lettres 
et  mémoires,  outre  les  susdites  pièces  ;  plus  les 
cnquestes  et  attestations  mises  par  devant  nous  dans 
le  délay  de  produire,  forclusion  de  bailler  contre- 
dits contre  ladite  production  :  et  après  cela  ouy 
nostre  promoteur  auquel  le  tout  communiqué,  il 
s'est  joint  en   cause  avec  lesdits   demandeurs,  et. 


292  E.    RICHEB.    —    LA    PUCELLE    d'oRLÉANS 

comme  nostre  olïicier  a  déclaré  emploier  les  pro- 
ductions et  moyens  desdils  demandeurs  aux  fins 
portées  par  leurs  escrilures  ;  toutes  fois  sous  cer- 
taines protestations,  requestes  et  réservations  faites 
tant  de  sa  part  que  pour  lesdils  demandeurs  ;  les- 
quelles requestes  et  demandes  nous  avons  receues  et 
admises,  ensemble  quelques  motifs  de  droit  produit^ 
par  devant  nous  pour  nous  tenir  advertis  des  choses 
qui  sont  plus  importantes  audit  procez  ;  lesquels 
nous  avons  aussi  receus  ;  conclusion  faite  au  procez 
au  nom  de  Jésus  Christ,  avec  l'appointement  d'ouyr 
droit  escheu  ce  jour  d'huy  ; 

Le  tout  vu  et  considéré  avec  les  articles  qui  com- 
mencent :  Une  certaine  femme,  lesquels  articles  les 
juges  du  premier  procez  prétendent  avoir  esté 
extraits  des  confessions  de  ladite  deffunte  après  ledit 
procez  fait,  et  furent  envoiez  à  plusieurs  personnes 
notables  pour  en  délibérer  et  donner  leur  opinion 
sur  iceux  ;  et  ont  esté  en  beaucoup  de  manières 
impugnez  et  contredits  tant  par  nostre  dit  promoteur 
que  par  lesdits  demandeurs,  comme  iniques,  faux, 
supposez,  mensongers  et  grandement  contraires 
aux  confessions  et  dépositions  de  ladite  delîunte  ; 

Afin  que  nostre  jugement  soit  à  la  gloire  de 
Dieu,  lequel  seul  cognoist  la  portée  et  qualité  des 
esprits,  et  juge  parfaitement  et  véritablement  des 
révélations  qu'il  inspire  et  départ  à  qui  bon  lui 
semble,  et  parfois  choisit  les  choses  basses  et  imbé- 
cilles  pour  confondre  et  renverser  les  plus  hautes  et 
puissantes,  et  jamais  n'abandonne  ceux  qui  espè- 
rent en  lui,  mais  se  rend  leur  protecteur  et  detTen- 
seur  en  temps  opportun,  quand  ils  sont  en  atïïic- 
tion; 

Donc,  après  avoir  meurement  délibéré  tant  sur 
les  préparatoires  que  sur  la  décision  du  fond  de  la 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    RÉHABILITATION  293 

cause,  et  pris  conseil  des  sages  expers  et  craignans 
Dieu  :  considéré  semblablement  le  résultat  et  con- 
clusion prise  avec  eux,  tant  sur  la  conférence  des 
traitez  et  livres  de  divers  auteurs  qui  ont  escrit  sur 
cette  matière,  comme  aussi  ayans  examiné  plusieurs 
advis,  et  délibérations  verbales  et  couchées  par 
escrit,  tant  sur  la  forme  de  procéder  que  au  fond  de 
la  matière  dudit  procez  :  par  lesquels  traitez,  livres, 
advis  délibérations,  les  faits  et  gestes  de  ladite 
deffunte  sont  plus  tost  estimez  admirables  et  divins 
que  subjects  à  condamnation,  comme  s'ils  prove- 
noient  d'une  personne  réprouvée  ;  à  raison  de  quoy 
les  susdits  auteurs  s'esmerveillent  et  trouvent 
grandement  à  redire  sur  la  sentence  donnée  contre 
ladite  deffunte,  tant  à  raison  de  la  matière  que  de  la 
forme  :  vu  que  c'est  chose  très  difficile  de  porter  un 
jugement  définitif  en  de  telles  révélations,  puisque 
saint  Paul  mesme  disoit  des  siennes  propres  ne  sça- 
voir  point  si  elles  avoient  esté  faites  en  son  corps  ou 
en  son  esprit,  et  qu'il  s'en  rapportoit  à  Dieu  ; 

Or,  en  premier  lieu.  Nous  disons  et,  comme  la 
justice  le  requiert,  ordonnons,  lesdits  articles  qui 
commencent  Une  certaine  femme,  etc.,  registrez 
et  couchez  audit  prétendu  procez,  sur  lesquels 
ont  esté  données  les  prétendues  sentences  contre  la 
deffunte,  avoir  esté  et  estre  extraits  et  colligez 
dudit  prétendu  procez  et  des  confessions  de  ladite 
deffunte,  par  corruption,  calomnie,  dol,  fraude  et 
malice,  et  qu'en  plusieurs  points  substantiels  ils  sont 
faux,  que  la  vérité  y  est  supprimée,  et  en  son  lieu 
le  mensonge  et  fausseté  articulez  :  au  moyen  de 
quoy  ceux  qui  ont  opiné  et  délibéré  sur  lesdits  arti- 
cles pouvoient  estre  tirez  et  comptez  pour  donner 
un  advis  contre  la  vérité  :  attendu  plusieurs  circons- 


E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

tances,  confessions  et  excuses  justificatives  de  ladite 
defTunte,  lesquelles  sont  supprimées  et  entièrement 
omises  auxdits  articles,  outre  qu'ils  font  parler  cette 
fille  tout  autrement  qu'elle  fait  en  ses  dépositions, 
ce  qui  pervertit  toute  la  forme;  partant  Nous  cassons 
et  annulons  lesdits  articles  comme  faux,  extraits  par 
dol  et  fraude,  et  nullement  conformes  aux  confes- 
sions de  ladite  defîunte,  et  comme  tels  avons 
ordonné  qu'ils  seront  extraits  dudit  procez  et  judi- 
ciairement lacérez  en  nostre  présence. 

Davantage,  vues  diligemment  les  autres  procé- 
dures du  procez,  et  par  espécial  les  deux  prétendues 
sentences  portant  condamnation  de  la  chute  et 
rechute  de  cette  fille  ;  pareillement  eu  esgard  à  la 
qualité  desdits  juges  et  de  ceux  qui  avoient  en  garde 
ladite  Jeanne  estant  prisonnière  ; 

Vues  les  récusations,  submissions,  appellations  et 
réquisitions  par  elle  instamment  répétées,  à  ce 
quelle,  avec  son  procez,  fust  renvoiée  au  saint 
Siège  apostolique  et  à  nostre  saint  père  le  Pape  se 
sousmettant  à  son  jugement  ; 

Considéré  aussi  sur  et  en  la  matièra  dudit  procez 
une  prétendue  abjuration,  faulse,  cauteleuse,  sup- 
posée, extorquée  par  force  et  menaces  du  feu  et  par 
l'assistance  du  bourreau  qui  estoit  lors  présent;  à 
laquelle  abjuration  ladite  detïunte  n'aurait  jamais 
pensé  ni  entendu  la  faire  ; 

Vu  semblablement  les  traitez  et  opinions  susdites 
des  prélats  et  docteurs  bien  versez  tant  au  droit 
divin  qu'humain,  disans  qu'on  ne  peut  induire  ni 
colliger  de  la  suite  de  tout  ledit  procez  que  ladite 
Jeanne  aye  commis  les  crimes  qui  lui  sont  imputez 
par  lesdites  prétendues  sentences  et  qu'il  n'y  en  a 
aucune  preuve  en    tout  ledit    procez  ;    outre   que 


PROCES    DE    REVISION    ET    REHABILITATION  295 

lesdits  prélats  et  docteurs  allèguent  fort  à  propos 
plusieurs  causes  de  nullité  et  d'injustice  desdites 
sentences; 

Le  tout  vu,  et  meurement  considéré  ce  qui  faisoit 
à  voir  et  considérer  en  cette  matière,  Nous  propo- 
sans  un  seul  Uicu  devant  les  yeux  et  séans  au  siège 
de  justice; 

Par  nostre  sentence  définitive,  Nous  disons,  pro- 
nonçons, arrestons  et  déclarons  lesdits  procez  et 
sentences  estre  pleins  de  dol,  surprises,  calomnies, 
injustices,  contrariétés  manifestes,  d'erreurs  en  fait 
et  en  droit,  avec  la  susdite  abjuration,  exéquution  et 
tout  ce  qui  s'en  est  ensuivi,  et  conséquemment  nulles 
et  de  nul  effet  et  valeur;  et  autant  que  besoin  est, 
selon  droit  et  raison,  les  cassons,  biffons,  annulons 
et  déclarons  n'avoir  aucune  force  ;  et  que  ladite 
Jeanne  et  {ses  parens  demandeurs  n'ont  encouru  ni 
contracté  aucune  note  ou  tache  d'infamie  à  l'occa- 
sion des  susdites  sentences  et  exéquution  d'icelles, 
et  les  en  avons  déclarez  et  déclarons  purs,  exempts 
et  innocents,  autant  que  besoin  est; 

Ordonnons  que  nostre  présente  sentence  sera 
exéquutée  incontinent  et  sans  aucun  délay,  et 
publiée  solennellement  en  deux  endroits  de  cette 
ville  de  Rouen  :  sçavoir  est,  ce  jour  d'huy  en  la 
place  Saint-Ouen  où  se  fera  une  procession  générale 
et  y  aura  sermon  solennel  ;  et  le  lendemain,  jour 
suivant,  en  la  place  du  Vieil  Marché  oii  ladite 
Jeanne  a  esté  cruellement  et  injustement  bruslée,  où 
se  fera  semblablement  une  prédication  et  y  sera 
dressée  une  belle  croix  en  mémoire  perpétuelle  pour 
y  faire  prières  tant  pour  ladite  deffunte  que  pour  les 
autres  trespassez  :  nous  réservans,  en  mémoire  per- 
pétuelle des  choses  susdites,  de  faire  intimer  et 
exéquuter  nostre  dite  sentence  par  toutes  les  bonnes 


296  E.    niClIKK.    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

villes  et  citez  de  ce  royaume,  et  toutes  autres  choses 
qui  sont  à  faire  par  raison. 

La  présente  sentence  donnée,  lue  et  publiée  par  messieurs 
les  juges  en  présence  de  Révérend  père  en  Dieu,  messire  Jean 
évesque  de  Démétriade,  de  Hector  Coquerel,  Nicolas  du  Bois, 
Alain  Olivier,  Jean  du  Bec,  Jean  de  Gouys,  Guillaume  Rous- 
sel, Laurent  Seuray,  chanoines;  Martin  Ladvenu,  Jean  Rous- 
sel, Thomas  de  FavouUières.  De  toutes  lesquelles  choses 
maistre  Simon  Chapitault  promoteur,  JeanDarc  et  Guillaume 
Prévosteau  ont  demandé  acte  pour  eux  et  tous  les  autres. 
Fait  au  palais  archiépiscopal  de  Rouen,  l'an  mil  quatre  cens 
cinquante-six,  le  septiesme  du  mois  de  juillet.  Signé  :  Gomitis 
et  Ferrebouc. 

L'on  recognoist  par  cette  sentence  que  les  juges  ont  eu 
communication  des  interrogatoires  faits  à  la  Pucelle  par 
messire  Renaut  de  Chartres,  archevesque  de  Rheims,  tant  à 
Poictiers  qu'à  Ghinon,  et  partant  que  cette  fille  avoit  raison 
de  renvoier  TEvesque  de  Beauvais  au  livre  de  Poictiers, 
auquel  les  responses  qu'elle  avoit  faites  aux  prélats  de  France 
qui  lavoient  interrogée  estoient  registrées.  Or,  messieurs  les 
juges  commis  par  le  saint-Siège  Apostolique  se  réservent  de 
faire  intimer  et  exéquuter  cette  sentence  par  toutes  les  bonnes 
villes  du  royaume,  et,  sans  avoir  esgard  aux  demandes 
des  parens  de  ,1a  Pucelle  et  du  promoteur  qui  avoient  requis 
que  le  prétendu  procez  fait  par  l'évesque  de  Beauvais  fust 
bruslé  en  la  mesme  place  où  la  Pucelle  avoit  esté  bruslée,  ils 
ont  seulement  ordonné  qu'une  belle  croix  y  seroit  érigée,  etc. 
Et  ce  prudemment,  vu  qu'il  importe  pour  la  mémoire  et 
innocence  de  cette  vierge  que  son  procez  soit  conservé  entier  : 
car  autrement  les  Anglois  diroient  qu'il  auroitesté  falsifié  et 
corrompu. 

Cette  mesme  année,  le  Roy  Charles  VII  en  mémoire  des 
faits  héroïques  de  cette  fille  et  pour  sa  justification,  fit  bastir 


PROCÈS    DE    REVISION    ET    RÉHA  lUI.ITATlON  297 

deux  belles  croix,  lune,  au  Vieil  Marché  de  Rouen  en  la 
mesme  place  oii  les  Anglois  Favoient  fait  brusler  ;  en  laquelle 
place  a  esté  construit  le  corps  ou  regard  d'une  fontaine  de 
pierre  de  taille  bien  polie  et  élabourée,  qui  jette  de  l'eau  par 
divers  tuyaux,  et  au-dessus  de  cette  fontaine  est  élevée  la 
statue  de  la  Pucelle  sur  des  arcades  :  et  en  un  estage  plus 
haut  fut  érigée  une  belle  croix,  partie  de  laquelle  est  aujour- 
d'huy  minée  par  l'injure  du  temps,  depuis  environ  deux  cens 
ans  qu'elle  fut  premièrement  édifiée.  Quant  à  la  statue  de  la 
Pucelle,  on  la  voit  encore  toute  entière  et  seroit  à  désirer 
qu'on  eust  plus  de  soin  de  faire  réparer  et  mieux  entretenir 
le  tout  qu'il  n'est  à  présent,  puisque  cette  fille  a  tant  bien 
mérité  de  la  France,  et  que  cela  se  pourrait  faire  avec  peu  de 
despense. 

L'autre  croix  que  le  Roy  fit  bastir  est  celle  qu'on  voit  sur 
le  pont  d'Orléans,  laquelle  messieurs  les  habitants  de  cette 
ville  ont  soin  de  bien  entretenir.  C'est  une  Nostre  Dame  de 
pitié  qui  tient  Nostre-Seigneur  descendu  de  la  croix  entre  ses 
bras  ;  et  à  costé  dextre  est  le  Roy  Charles  VII  à  genoux,  et  à 
senestre  la  Pucelle,  armez  [tous  deux]  de  toutes  pièces, 
excepté  de  leurs  heaumes  qui  sont  à  leurs  genoux.  Nous  avons 
dit  au  premier  livre  de  cette  histoire  que  le  Roy  Charles  VII 
avoit  fait  ériger  cette  croix  en  mémoire  des  prières  mentales 
qu'il  avoit  adressées  à  la  Vierge  Marie  au  fort  de  ses  afflic- 
tions, et  de  ce  que  la  Pucelle  lui  avoit  révélé  ce  secret,  lequel 
il  pensoit  n'estre  cognu  qu'à  Dieu  seulement.  Sous  la  base 
ou  piédestal  de  cette  croix  on  voit  trois  tables  d'attente  à 
raison  desquelles  et  pour  les  remplir  maints  doctes  pei-son- 
nages  ont  composé  en  vers  et  en  prose  tant  latin  quefrançois 
plusieurs  inscriptions  lesquelles  maistre  Charles  du  Lys, 
conseiller  du  Roy  et  son  advocat  général  en  la  cour  des  aydes 
de  Paris,  a  recueillies  et  fait  imprimer  en  un  livre  avec  la 
représentation  de  cette  croix.  La  table  d'attente  qui  est  au 
milieu  dessous  la  Vierge  est  la  plus  grande  et  plus  capable  ; 
les  deux  autres  qui  sont  sous  les  statues  du  Roy  Charles  VII 


298  E.    RICHER.    —    I.A    l'UCELLE    D  ORLEANS 

et  de  la  Pucelle  sont  égales.  Et  attendu  les  afflictions  du  Roy, 
ses  prières  mentales,  le  secours  inespéré  que  Dieu  lui  envoie, 
il  me  semble  que  ces  tables  d'attente  pourroient  fort  à  propos 
estre  remplies  des  textes  de  la  Sainte-Escriture  qui  nous 
enseignent  à  mettre  toute  nostre  espérance  en  Dieu,  et  à  nous 
humilier  davantage  lorsque  nous  sommes  plus  tenaillez  et 
terrassez  d'afflictions.  Donc  au  plus  grand  tableau  nous 
enchâsserons  cet  excellent  passage  du  chapitre  xii  aux 
Hébreux  : 

«  Regardez  et  vous  représentez  Jésus-Christ  auteur  de  la 
foy,  quelle  contradiction  et  anéantissement  il  a  souffert  pour 
l'amour  des  pécheurs,  estant  mort  ignominieusement  en 
l'arbre  de  la  croix  pour  estre  glorifié  à  la  dextre  de  Dieu  son 
père.  Partant  ne  vous  lassez  jamais  et  ne  soyez  faillis  de 
cœur.  Qui  est  celui  d'entre  vous  qui  a  résisté  jusques  au  sang, 
combattant  le  péché,  ainsi  que  Jésus  Christ  a  fait?  N'oubliez- 
pas  la  consolation  qu'il  vous  promet  comme  à  ses  en- 
fants. )) 

Quant  au  tableau  du  Roy,  vu  les  prières  qu'il  a  adressées  à 
la  Vierge  au  comble  de  ses  angoisses  et  tribulations,  nous  le 
remplirons  d'un  verset  du  mesme  chapitre  aux  Hébreux, 
comme  estant  prononcé  par  la  Bienheureuse  mère  de  Dieu 
pour  consoler  le  Roy  en  ses  afflictions. 

«  Mon  fils,  ne  mesprisez  point  la  discipline  et  le  chastiment 
que  Dieu  vous  envoie,  et  ne  perdez  pas  courage,  estant  repris 
de  lui  ;  car  il  chastie  ceux  qu'il  ayme.  » 

Pour  ce  qui  est  de  la  Pucelle,  nous  graverons  sur  son 
tableau  le  mesme  esloge  que  l'Escriture  attribue  à  Debbora, 
vu  la  déposition  de  M.  de  Longueville  :  scavoir  qu'aupara- 
vant son  arrivée  en  France,  deux  cens  Anglois  faisoient  fuir 
devant  eux  mille  François  ;  mais  depuis  qu'elle  eut  envoie 
ses  lettres  aux  Anglois,  que  la  chance  tourna,  ainsi  que  nous 
avons  montré  au  premier  livre.  Cet  esloge  est  au  chapitre 
cinquiesme  des  Juges,  septiesme  verset. 

«  Les  hommes  vaillans  ont  défailli  en  France  jusques  à  ce 


PROCES    DE    REVISION    ET    REIIAIÎIIJTATION  299 

que  la  Pucelle  s'est  levée,  voire  s'est  levée  comme  la  mère  des 
François.  » 

Au  demeurant,  cette  croix  mérite  bien  que  nous  la  faisions 
ici  graver  en  taille  douce  pour  en  donner  la  cognoissance 
aux  nations  estrangères  qui  ne  la  peuvent  voir  sur  le  pont 
d'Orléans^ 

1.  Projet  quE.  Richer  ne  put  exécuter,  la  mort  ne  lui  ayant  même 
pas  laissé  le  temps  de  faire  imprimer  son  Histoire. 

N.  B.  —  Sous  forme  (ï Appendices  et  éclaircissements,  le  lecteur  trouvera 
à  la  fin  du  volume,  sur  Pierre  Gauchon,  sur  les  juges  des  deux  procès, 
sur  l'abjuration  de  Saint-Ouen  cl  autres  questions  importantes,  les  notes 
que  nous  n'avons  pu  donner  au  cours  des  livres  II  et  III  de  l'œuvre 
d'E.  Richer. 


FIN    DU    LIVRE   TROISIESME 


LIVRE  TV 

ÉLOGES   TIREZ   DE   DIVERS   AUTEURS 


AVANT-PROPOS  DE  L'ÉDITEUR 

Edmond  Uicher  est  le  premiei-  historien  de  la  Pucelle  qui  ail 
puisé  aux  vraies  sources  les  éléments  de  son  récit.  Il  est  le  premier 
et  le  seul,  jusqu'au  dix-neuvième  siècle,  qui  ait  abordé  et  mené  h 
bonne  fin  l'exposé  critique  des  deux  procès.  Mais  il  n'est  pas  le 
seul  ni  le  premier  qui  ait  réservé  un  livre  entier  aux  éloges  qu'ont 
faits  de  l'héroïne  les  écrivains  français  et  étrangers  des  quinzième 
et  seizième  siècles.  Jean  Hordal  l'avait  fait  avant  lui  dans  la  petite 
histoire  de  la  Pucelle  qui  parut  à  Pont-à-Mousson  en  1612.  Il  avait 
même  accordé  à  ces  éloges  une  place  si  grande,  qu'ils  formaient 
la  partie  principale  de  l'opuscule. 

E.  Richer  a  donc  suivi  l'exemple  de  Jean  Hordal,  avec  cette  dif- 
férence qu'il  offrait  en  même  temps  au  public  une  histoire  com- 
plète de  Jeanne  et  des  deux  procès,  ce  que  Jean  Hordal  navait 
point  fait  :  et,  sous  ce  rapport,  il  a  lui-même  servi  de  modèle  à 
deux  historiens  qui  sont  venus  après  lui,  M.  l'abbé  Lenglet-Dufres- 
noy  et  Jules  Quicherat. 

Au  demeurant,  on  peut  considérer  ce  quatrième  livre  du  docteur 
de  Sorbonne  comme  une  enquête  complémentaire  ayant  pour  but 
de  préciser  l'opinion  que  les  lettrés  des  quinzième  et  seizième 
siècles  avaient  conçue  de  la  Pucelle  et  de  son  oeuvre. 

11  en  a  été  de  même  du  travail  de  Jean  Hordal,  enquête  de  même 
nature  dont  voici  l'économie. 

I 
De  l'enquête  entreprise  par  Jean  Hordal 

11  faut  convenir  que,  pour  la  plupart,  les  auteurs  cités  nont  pas 
laissé  de  traces  profondes  dans  la  littérature  de  l'époque  :  aujour- 


ELOGES    TIRKS    DE    DIVERS    AUTEURS  30J 

d'hui  ils  sont  à  peu  près  oubliés.  Mais  au  temps  où  Jean  Hordal  et 
Richer  écrivaient,  ils  faisaient  bonne  figure  dans  la  République  des 
lettres,  et  on  ne  leur  contestait  ni  une  honnêteté  de  bon  aloi  ni  un 
certain  savoir.  Quelques-uns  même,  en  petit  nombre  il  est  vrai, 
avaient  rempli  un  rôle  considérable  dans  la  société  et  dans  l'Église  : 
tels  Gerson,  Saint  Antonin,  ;'Ëneas  Svlvius  qui  fut  le  pape  Pie  II,  et 
le  président  Estienne  Pasquier. 

Jean  Hordal  range  en  cinq  classes  les  personnages  auxquels  il  se 
propose  de  demander  ce  qu'ils  pensent  de  la  Pucelle. 

La  première  classe  est  celle  des  évéques  et  des  théologiens  : 
quinze,  magni  noininis  et  auctoritatis,  d'après  lui,  répondent  à  son 
appel.  Seulement  parmi  ces  théologiens  figurent  des  écrivains  qui 
sei-aient  mieux  à  leur  place  dans  la  catégorie  des  historiens  :  tels 
sont  Jacques  Meyer,  Paul  Jove,  Robert  Gaguin  et  le  jésuite  espa- 
gnol Mariana. 

La  deuxième  classe  est  celle  des  jurisconsultes  :  ils  sont  au  nom- 
bre de  six. 

La  troisième  classe  comprend  les  médecins,  deux  seulement. 

La  quatrième  est  celle  des  historiens  :  il  y  en  a  vingt-six. 

La  cinquième  nous  fait  entendre  les  poètes,  cinq  en  tout  :  parmi 
eux  Valéran  Varanius  et  Estienne  Pasquier  dont  Hordal  cite  le 
quatrain  : 

Jana  vocor,  Gallis  numen,  Medea  Britannis.... 

A  "Valéran  Varanius  Hordal  emprunte  une  quarantaine  de  vers. 

Les  théologiens  le  plus  longuement  cités  sont  : 

Robert  Gaguin  avec  24  pages  ; 

Philippe  de  Bergame  avec  10  pages; 

Jacques  Mejer,  6  pages  ; 

Laziardus  Gélestin,  4  pages  ; 

Forcadel,  12  pages; 

Sybilla  francica,  2  pages  ; 

Mariana,  2  pages. 

Un  seul  des  26  historiens  figure  pour  5  pages  ;  trois  ou  quatre 
autres  pour  2,  les  autres  pour  une  seule  ou  pour  quelques  lignes. 
Du  pape  Pie  II,  Hordal  ne  donne  que  7  lignes  [Histor.  Joannœ 
Darc,  p.  37). 

II 
Edmond  Richer  :  son  enquête. 

Edmond  Richer,  dans  son  enquête,  a  procédé  de  la  même  manière 
que  Jean  Hordal  :  lui  aussi  range  ses  auteurs  en  cinq  classes  :  les 


302  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    d'oRLÉANS 

écrivains  ecclésiastiques,  les  jurisconsultes,  les  médecins,  les  his- 
toriens, les  poètes.  Mais  il  n'a  pu  tenir  la  promesse  qu'il  avait 
faite  au  sujet  de  ces  derniers,  il  n'a  pas  eu  le  temps  de  s'en  occu- 
per ou  bien  il  n'a  pas  cru  devoir  le  faire. 

Les  écrivains  ecclésiastiques  dont  le  docteur  de  Sorbonne  invoque 
le  témoignage  sont  au  nombre  de  vingt  au  moins.  Toutefois,  de  ces 
vingt  il  en  est  quelques-uns,  les  docteurs  de  la  réhabilitation,  par 
exemple,  aux  mémoires  desquels  il  se  contente  de  renvoyer. 

Après  les  écrivains  ecclésiastiques  viennent  les  jurisconsultes. 
Richer  en  désigne  seize  ;  mais  il  ne  fait  entendre  que  Forcadel  et 
Kormannus. 

En  fait  de  médecins,  il  invoque  le  témoignage  de  Camperius,  de 
Jérôme  Cardan  et  de  Nicolas  Vigner. 

Les  historiens  qu'il  cite  ou  signale  sont  au  nombre  de  trente. 

11  restait  à  écrire  un  cinquième  chapitre,  celui  des  poètes  qui  ont 
chanté  les  louanges  de  la  Pucelle.  E.  Richer  se  l'était  promis  à  lui- 
même  :  il  le  promet  également  au  lecteur  à  certaines  pages  de  cette 
quatrième  partie.  Les  citations  de  Kormannus  reproduisent  quel- 
ques vers  de  Valéran  Varanius.  Richer  ajoute  :  «  Pour  ces  vers,  nous 
en  parlerons  en  son  lieu  ». 

11  fait  la  même  observation  à  propos  du  quatrain  d'Estienne 
Pasquier.  «  Rel  épigramme,  dit-il,  que  nous  enchâsserons  en  son 
lieu  ». 

Arrivé  à  la  dernière  page  de  son  Histoire,  notre  auteur  s'aperçoit 
et  avoue  que  l'abondance  de  la  matière  l'oblige  à  laisser  de  côté 
bon  nombre  d'écrivains,  et  aussi  «  à  omettre  des  poètes  célèbres, 
comme  Hubertus  Momoretanus  et  Valerandus  Varanius,  docteur 
en  théologie  de  la  faculté  de  Paris,  natif  d'Abbeville.  »  Qu'acte 
lui  soit  donné  de  cette  excuse.  Mais  il  est  permis  de  croire  que, 
s'il  n'écrivit  pas  le  chapitre  des  poètes,  les  souffrances  qui  mar- 
quèrent les  dernières  années  de  sa  vie  y  furent  pour  quelque  chose. 

Jean  Hordal,  pour  n'avoir  rien  à  se  reprocher,  signale  au  lecteur, 
son  enquête  terminée,  cinquante-deux  écrivains  et  plures  alios  qu'on 
pourra  consulter.  Richer,  à  son  exemple,  en  indique  trente-quatre. 
Parmi  ceux  dont  il  a  donné  des  extraits,  il  a,  remarque-t-il,  cité 
de  pi'éférence  des  auteurs  étrangers.  «  C'est  qu'il  est  plus  à  propos 
d'alléguer  tout  au  long  les  opinions  des  écrivains  estrangers  que 
des  Français,  afin  qu'on  ne  pense  pas  que  nous  voulions  nous  payer 
de  nostre  propre  bourse.  » 


ÉLOGES    TIRÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  303 

III 

De  Lenglet-Dufresnoy 

Cette  réflexion  a  frappé  par  sa  justesse  un  autre  historien  de 
la  Pucelle,  Lenglet-Dufresnoy.  Au  moment  de  suivre  l'exemple 
d'Edmond  Richer  et  de  .lean  llordal,  il  s'exprime  ainsi  : 

«  Dans  tous  les  témoignages  que  je  vais  produire  en  faveur  de 
la  Pucelle,  à  peine  se  trouvera-t-il  deux  ou  trois  auteurs  français. 

«  Jappuie  principalement  sur  les  Anglais  et  les  Bourguignons.  Le 
témoignage  favorable  d'un  ennemi  vaut  seul  une  douzaine  de 
témoins  qui  sont  amis.  »  {Histoire  de  Jeanne  d'Arc,  3^  partie,  p.  1-2. 
ln-12,  Amsterdam,  1759.) 

Les  écrivains  qu'il  cite  sont  en  effet  : 

Le  théologien  hollandais  Henri  de  Gorcum  ; 

Lauteur  de  la  Sibylla  fravcica,  des  confins  de  l'Allemagne  : 

Le  duc  de  Bedfort  lui-même  ; 

Enguerran  de  Monstrelet,  le  chroniqueur  Bourguignon  ; 

L'Italien  Philelphe; 

Saint  Antonin,  italien  lui  aussi  et  archevêque  de  Florence  ; 

-Eneas  Sylvius,  pape  sous  le  nom  de  Pie  II,  dont  Lenglet  indique 
le  sentiment  sur  la  Pucalle  sans  reproduire  les  pages  qu'a  citées 
E.  Richer; 

Baptiste  Fulgose,  doge  de  Gênes  ; 

Philippe  de  Bergame,  religieux  augustin  ; 

Jean  Nider,  dominicain  allemand; 

Polvdore  Virgile,  historiographe  d'Angleterre  ; 

Hector  Boethius,  historiographe  d'Ecosse  ; 

Larrey,  historien  partisan  des  Anglais  ; 

Paul  Jove,  évêque  de  Nocera  au  royaume  de  Naples  ; 

Mariana,  historien  espagnol  ; 

Jacques  Meyer,  flamand  ; 

Pontus  Heulerus,  prévôt  d'Arnheim,  partisan  de  la  maison  d'Au- 
triche ; 

Thomas  Carte,  historiographe  pensionné  de  la  ville  de  Londres  ; 

Guillaume  Postel,  auteur  d'un  livre  sur  «  les  très  merveilleuses 
victoires  des  femmes  ». 

Lenglet-Dufresnoy  ne  range  pas  les  auteurs  dont  il  invoque  le 
témoignage  en  diverses  catégories,  comme  l'ont  fait  ses  prédéces- 
seurs; mais  on  remarquera  qu'il  s'en  présente  peu  dont  Edmond 
Richer  ne  se  soit  déjà  occupé,  et  parfois  avec  un  sens  critique  beau- 


304  E.     RICHKR.    LA    PUCELLE    D  0  RLE  AXS 

coup  plus  perspicace.  Richer  ne  s'est  pas  mépris  sur  l'importance 
des  pages  de  Pie  11  ;  Lenglel-Duf'resnoj  n'a  pas  lair  de  s'en  être 
douté,  n'y  prenant  quune  quinzaine  de  lignes. 


IV 

De  Jules  Quicherat.  —  Une  rectification. 

L'éditeur  des  deux  procès  ne  s'est  pas  contenté,  comme  Lenglet- 
Uufresnoj,  des  témoignages  que  llicher  avait  réunis  :  il  a  fait  usage 
de  plusieurs  d'entre  eux,  une  douzaine  environ  ;  mais  il  y  en  a  joint 
un  nombre  considérable  qui  remplissent,  dans  les  tomes  IV  et  V  de 
sa  publication,  quatre  cent  pages  au  moins,  prose  et  poésie,  sans 
compter  les  chroniques  de  Perceval  de  Cagny,  du  héraut  Berri,  de 
Jean  Ghartier,  Journal  du  siège  d'Orléans  et  de  la  Pucelle. 

Après  avoir  reconnu  le  mérite  de  Jules  (Juicherat  sous  ce  rapport, 
nous  nous  permettrons  une  rectification  ayant  pour  objet  de  réparer 
une  erreur  dont  Edmond  Richer  a  été  victime  C'est  à  propos  des 
pages  sur  la  Pucelle  empruntées  au  pape  Pie  11. 

Ces  pages  sont  tirées  du  livre  VI  des  mémoires  que  Pie  II  avait 
composés  sur  les  principaux  événements  de  son  temps,  et  que  son 
secrétaire  intime,  Jean  Gobelin  {Gobellini  ou  Gobellinus]  fit  paraître 
à  Rome  en  1484.  '<  Gomme  récit  et  comme  appréciation,  ce  mor- 
ceau, remarque  J.  Quicherat,  [Procès  t.  IV,  p.  507)  peut  passer 
pour  ce  qui  a  été  écrit  de  meilleur  à  l'étranger  au  xv"  siècle  sur  la 
Pucelle.  » 

Très  exact  en  s'exprimant  de  la  sorte,  l'éditeur  des  deux  procès 
ne  l'est  plus  quand  il  ajoute:  «  Parmi  les  historiens  et  collecteurs 
de  textes  sur  Jeanne  d'Arc,  Denys  Godefroy  est  le  seul  qui  ait  songé 
aux  mémoires  de  Pie  II.  » 

Si  J.  Quicherat  avait  pris  la  peine  de  feuilleter  jusqu'au  bout  le 
manuscrit  d'E.  Richer,  qu'il  connaissait  fort  bien,  il  aurait  cons- 
taté que,  une  quarantaine  d'années  avant  Godefroy,  le  docteur  de 
Sorbonne  avait  tiré  des  mémoires  de  Pie  II,  non  pas  seulement 
«  un  passage  d'assez  peu  d'intérêt  »  mais  les  douze  pages  que  J. 
Quicherat  lui-même  a  insérées  dans  le  quatrième  volume  de  son 
édition  des  deux  procès  (pp.  507-518). 

En  supposant  que  J.  Quicherat  ait  lu  jusqu'au  bout  le  quatrième 
livre  de  Richer,  lorsqu'il  a  écrit  les  lignes  rapportées  plus  haut  il  a 
été  victime  d'un  lapsus  memoriœ  dont  il  serait  bon  qu'il  ne  restât 
pas  de  trace. 


ÉLOGES    TIRES    DE    DIVERS    AUTEURS  305 

V 

De  la  portée  des  enquêtes  dont  nous  venons  de  parler. 

Les  enquêtes  de  Richer,  de  Lenglet-Dufresnoy,  de  Jules  Quicherat 
dont  nous  venons  de  parler  ont  une  double  portée.  D'une  part, 
elles  projettent  sur  les  faits  et  dits  de  la  Pucelle,  sur  l'œuvre  extra- 
ordinaire qu'elle  a  exécutée,  sur  son  héroïsme  intégral,  une  lumière 
si  abondante  quil  ny  a  plus  de  place  pour  des  doutes  sérieux.  D'au- 
tre part,  elles  font  justice  des  historiens  Imaginatifs  qui,  fermant 
les  yeux  à  cette  lumière  aveuglante,  veulent  à  tout  prix  que  Jeanne 
ait  été  «  dès  la  première  heure,  et  pour  toujours  peut-être,  enfer- 
mée dans  le  buisson  fleuri  des  légendes».  (A.  France,  Vie  de  Jeanne 
d'Arc,  t.  I,  p.  553.) 

Lenglet-Dufresnoy  fait  observer  que  les  témoins  invoqués,  quoi- 
que étrangers,  ne  disent  que  du  bien  de  l'héroïne.  Ce  bien,  ils  le 
savaient  par  les  bruits  publics  qui  se  répandaient  de  tous  côtés  : 
«  s'il  y  avait  eu  du  mal  à.  dire,  ils  l'auraient  également  su,  et  ils 
se  seraient  faits  un  plaisir  de  l'écrire,  comme  le  bien  qu'ils  en  ont 
marqué.  » 

La  conséquence  à  tirer  de  cet  ensemble  de  témoignages,  et  tout 
particulièrement  de  ceux  qu'a  réunis  Jules  Quicherat,  c'est  que  tous 
ces  écrivains  présentant  sous  le  même  jour  et  comme  indubitables 
les  grands  faits  et  les  grandes  lignes  de  la  vie  de  Jeanne  d'Arc,  son 
histoire  offre  un  caractère  de  certitude  qui  se  rencontre  bien  rare- 
ment au  même  degré  chez  les  personnages  célèbres. 

Et  ce  ne  sont  pas  les  quelques  légendes  ridicules  que  nous  ont 
fait  connaître  tout  récemment  les  éditeurs  de  la  Chronique  Moro- 
sini,  des  mémoires  d'Eberhard  Windecke,  et  autres  érudits,  qui 
affaibliront  cette  certitude.  Au  lieu  de  rayonner  autour  d'elles  et 
de  pénétrer  dans  les  masses,  ces  légendes  sont  demeurées  enfouies 
dans  les  manuscrits  dont  on  vient  de  les  tirer,  et  on  n'en  trouve  de 
traces  dans  aucun  des  écrivains  français  ou  étrangers  dont  le  témoi- 
gnage va  passer  sous  nos  yeux. 

N.  B.  Nous  dirons  peu  de  choses  des  nombreux  auteurs  cités  par 
E.  Richer  :  nous  ne  mentionnerons  guère  que  le  temps  où  ils  ont 
vécu.  Pour  ceux  qui  sont  quelque  peu  célèbres,  on  trouvera  leur 
biographie  et  la  liste  de  leurs  principaux  ouvrages  dans  les  Diction- 
naires historiques  connus,  tels  que  ceux  de  l'abbé  Moreri,  de 
Michaud,  de  M.  le  chanoine  Ulysse  Chevalier,  dans  le  grand  ouvrage 
de  J.  Quicherat  et  autres  où  nous  avons  puisé  nous-même. 
L'Editeur  :  Pu. -H.  Dunand 


ÉLOGES  TIREZ  DE  DIVERS  AUTEURS 

[CHAPriKE  préliminaire] 
De  l'anoblissement  de  la  Pucelle  par  Charles  VII. 

L'on  dit  communément  que  la  vérité  est  affligée  et  non 
opprimée  par  le  temps.  Au  cas  pareil  les  calomnies  et  con- 
viées des  Anglois  contre  la  Pucelle  n'ont  pu  de  sorte  préva- 
loir sur  ses  faits  et  vertus  admirables,  qu'une  infinité  d'au- 
teurs de  toutes  les  nations  chrestiennes  n'ayent  rendu  le  fidèle 
tesmoignage  qui  estoit  deu  aux  mérites  de  cette  fille,  encore 
qu'ils  n'ayent  jamais  vu  les  actes  de  son  prétendu  procez,  ni 
la  revision  d'iceluy.  Et  ce  par  un  singulier  privilège  de  la 
nature,  ou,  pour  dire  plus  chrestiennement,  de  la  provi- 
dence divine,  laquelle  ne  permet  jamais  que  le  mal  puisse 
supplanter  le  bien,  et  le  mensonge  tellement  opprimer  la 
vérité  qu'elle  n'esclate  enfin  malgré  ses  ennemis,  ainsi  que 
nous  ferons  voir  en  ce  livre  lequel  nous  avons  dédié  aux 
éloges  :  recueil  qui  nous  sera  d'autant  plus  facile  que  Jean 
llordal,  professeur  de  droit  à  Pont-à-Mousson,  en  a  fait 
imprimer  un  livre  latin  l'an  1612,  ayant  eu  l'honneur  d'estre 
issu  du  lignage  de  cette  héroïque  vierge  du  costé  maternel. 
Nous  représenterons  comme  lui  les  auteurs  par  leurs  profes- 
sions, sçavoir  de  théologiens  ou  ecclésiastiques,  juriscon- 
sultes, médecins,  historiens  et  poètes,  selon  le  temps  où  ils 
auront  vescu,  et  tiendrons  registre  de  plusieurs  auteurs  dont 
il  n'a  fait  aucune  mention. 

Premièrement,  nous  produirons  les  lettres  que  le  Roy 
Charles  VII  fit  expédier  en  faveur  de  tout  le  lignage  de  cette 
fille  l'an  1429,  incontinent  qu'il  fust  retourné  en  Berry, 
après  son  sacre  et  couronnement  à  Rheims.  Lettres  que  j'ay 
tirées  du  registre  de  la  Chambre  des  comptes,  escrit  en  par- 


Kl.OdES    TIIIKS    DE    DIVERS    AUTEURS  307 

chemin  folio,  couvert  de  basane  verte,  contenant  deux  cens 
cinquante  six  feuillets,  sur  lequel  est  escrit  : 

Regislnnn  vhartarum  compolorum  Domini  noi^tri 
Régis,  Biluris. 

Car  pour  lors,  la  Chambre  des  comptes  estoit  transférée  à 
Bourges,  et  le  Parlement  à  Poitiers,  parce  que  les  Anglois 
tenoient  la  ville  de  Paris.  Au  reste,  je  m'esbahis  fort  qu'en 
ces  Lettres  le  père  de  la  Pucelle  soit  appelé  Jacques  Day,  au 
lieu  de  Jacques  d'Arc,  et  ne  puis  conjecturer  d'où  une  telle 
erreur  est  provenue,  sinon  de  quelque  vice  de  clerc,  comme 
l'on  dit. 

[Lettres  d  anoblissement  de  la  Pucelle  et  de  son  lignage]  ' 

«  Kaholus,  Dei  gratia  Francorum  rex,  ad  perpetuam  rei 
memoriam.  3Iagnificaturi  divinee  celsitudinis  uberrimas 
nitidissimasque  gratias  celebri  ministerio  Puelke  Johannœ 
Day  de  Dompremeyo,  caree  et  dilectee  nostrœ,  de  ballivia 
Calvimontis  seu  ejus  ressortis,  nobis  elargitas,  et,  ipsa 
divina  coopérante  clementia,  amplificari  speratas,  decens 
arbitramur  et  opportunum  ipsam  Puellam  et  suam,  nedum 
ejus  ûb  officii  mérita,  verum  et  divinee  landis  preeconia, 
totam  parentelam  dignis  honorum  nostrœ  regite  majestatis 
insigniis  attollendam  et  sublimandam,  ut  divina  claritudine 
sic  illustrata,  nostrœ  regiœ.liberalitatis  aliquod  munus  egre- 
gium  generi  suo  relinquat,  quo  divina  gloria  et  tantarum 
gratiarum  fama  perpetuis  temporibus  accrescatet  perseveret. 
Notum  igitur  facimus  universis  prœsentibus  et  futuris,  quod 
nos,  prœmissis  attentis,  considérantes  insuper  laudabilia, 
grataque  et  commodiosa  servitia,  nobis  et  regno  nostro  jam 
per  dictam  Johaijnam  Puellam  multimode  impensa,  et  quœ 
in  futurum  impendi  speramus,  cœterisque-  aliis  causis  ad 
hoc  animum  nostrum  inducentibus  ;  prœfatam  Puellam  ; 
Jacobum  Day  dicti  loci  de  Dompremeyo,  patrem  ;  Ysabellam 

1.  Voir  J.  QuiciiERAT.  Procès,  t.  V,  p.  150-153. 
'2.  .].  QricHERAT  :  certisque  au  lieu  de  cœlerisque. 


308  E.    RICHER.    LA    PUCELLE    DORI-ÉANS 

ejus  uxoreni,  matrem  ;  Jacqueminum  et  Joannem  Day,  et 
Petram  Pierrelot,  fratresipsius  Puellœ,  et  totam  suamparen- 
telam  et  lignagium,  et  in  favorem  et  pro  contemplatione 
ejusdem,  et  eorum  posteritatem  masculinam  et  femininam, 
in  legitimo  matrimonio  natam  et  nascituram,  per  pnesentes, 
de  gratia  speciali,  et  ex  nostra  certa  scientia  ac  pleniludine 
potestatis,  nobilitamus  et  nobilcs  facimus;  concedentes 
expresse  ut  dicta  Puella,  dicti  Jacobus,  Ysabella,  Jacquemi- 
nus,  Johannes  et  Petrus,  et  ipsius  Puellœ  tota  parentela  et 
lignagium,  ac  ipsorum  posteritas  nata  et  nascitura,  in  suis 
actibus,  in  judicio  et  extra,  ab  omnibus  pro  nobilibus 
habeantur  et  reputentur;  et  ut  privilegiis,  libertatibus^ 
prœrogativis  aliisque  juribus  quibus  alii  nobiles  dicti  nostri 
regni  ex  nobili  génère  procreati  uti  consueverunt  et  utun- 
tur,  gaudeant  pacifice  et  fruantur.  Eosdemque  et  dictam 
eorum  posteritatem  aliorum  nobilium  dicti  nostri  regni  ex 
nobili  stirpe  procreatorum  consortio  aggregamus  :  non 
obstante  quod  ipsi,  ut  dictum  est,  ex  nobili  génère  ortum 
non  sumpserint,  et  forsan  alterius  quam  liberœ  conditionis 
existant.  Volentes  etiam  ut  iidem  prœnominati  dictaque 
parentela  et  lignagium  supra  fatse  Puellœ,  et  eorum  poste- 
ritas masculina*,  dum  et  quotiens  eisdem  placuerit,  a  quo- 
cumque  milite  militiœ  cingulum  valeant  adipisci,  seu  deco- 
rari  Insupser  concedentes  eisdem  et  eorum  posteritati  tam 
masculinae  quam  femininœ,  in  legitimo  matrimonio  pro- 
creatae  et  procreandee,  ut  ipsi  feoda,  et  retrofeoda,  et  res 
nobiles  a  nobilibus  et  aliis  quibuscumque  personis  acqui- 
rant,  et  tam  acquisitas  quam  acquirendas,  retinere,  tenere 
et  possidere  perpetuo  valeant  atque  possint,  absque  eo  quod 
illas  vel  illa,  nunc  vel  futuro  tempore,  extra  manum  suam 
ignobilitatis^  occasione  ponere  cogantur;  necaliquam  finan- 
ciam  nobis,  vel  successoribus  nostris,  propter  hanc  nobili- 
tatem^  solvere  quovis  modo  teneantur  aut  compellantur  : 

1.  On  lit  dans  J.  Quicherat,  p.  132  :  posteritas  masculina  et  ferni- 
nina.  E.  Richer  supprime  feminina;  ce  qui  s'accorde  mieux  avec  la  fin 
de  la  phrase. 

2.  Dans  J.  QuiCHERAT  :  innobilitatis. 
;>.  Dans  J.  QiicHERAT  :  nobilitationem. 


ELOGES    TIRES    DE    DIVERS    AUTKURS  309 

quam  quidem  financiam,  pricmissorum  *  intuitu  et  conside- 
ralionc,  eisdein  supranominatis,  et  dictœ  parentelse  et  ligna- 
gio  prtedictœ  Puellœ,  ex.  nostra  ampliori  gratia  donavimus 
et  quitavimus,  donamusque  et  quitamus  per  prœsentes, 
ordinationibus,  slatutis,  edictis,  usu,  revocationibus,  con- 
suetudine,  inhibitionibus  et  mandatis  factis  vel  faciendis  ad 
hoc  contrariis,  non  obstantibus  quibuscumque.  Quocirca 
dileclis  et  fidelibus  nostris  gentibus  compotorum  nostrorum, 
ac  thesaurariis  necnon  generalibus  et  commissariis  super 
facto  financiarum  nostrarum  ordinatis  seu  deputandis,  et 
ballivo  dictai  balliviae  Galvimontis,  ceeterisque  justiciariis 
nostris,  vel  eorum  locatenentibus  preesentibus  et  futuris,  et 
cuilibet  ipsorum  prout  ad  eum  tenuerit,  damus  harum  série 
in  mandatis  quatenus  dictam  Johannam  Puellani,  et  dictos 
Jacobum,  Ysabellam,  Jacqiieminum,  Johannem  et  Petrum, 
ipsiusque  Puellse  totam  paretelam  et  lignagium,  eorumque 
posteritatem  prcedictain  in  légitime  matrimonio,  ut  dictum 
est,  natam  et  nascituram,  nostris  preesentibus  gratia,  nobili- 
tatione  et  concessione  uti  et  gaudere  pacifiée  nunc  et  in 
posterum  faciant  et  permittant,  et  contra  tenorem  praesen- 
tium  eodem  niillatenus  impediant,  sen  molestent,  seu  impe- 
diri  patiantur.  Ouod  ut  perpetuœ  stabilitatis  robur  obtineat 
nostrum  preesentibus  apponi  fecimus  sigillum,  in  absentia 
magni  ordinatum  ;  nostro  in  aliis,  et  alieno  in  omnibus,  jure 
semper  salvo. 

«  Datum  Magduni  super  Ebrani  mense  decembri,  anno 
Domini  millesimo  quadringentesimo  vicesimo  nono,  regni 
vero  nostri  octavo. 

((  Sic  signatum  :  Per  regem,  episcopo  Sagiensi,  dominis 
de  la  Tremoille  et  de  Trevis,  et  aliis  preesentibus.  Signé  : 
Malmère. 

«Visa  expeditas  in  Caméra  compotorum  régis...  et  ibi- 
dem registrata,  libro  chartarum  hujus  temporis,  fol.  GXXI. 
A.  Greelle  -. 


1.  Dans  J.  QuicHERAT  :  prœdecessorum. 
i.  Dans  J.  Quicherat  :  Agnelle. 


310  E.    UlCHEU.    LA    PUCKLLE    d'oUI.ÉANS 

Advertissement. 

Il  se  présente  plusieurs  choses  à  remarquer  sur  ces  let- 
tres. Premièi'cmenl,  que  par  icelles  le  Koy  tesmoigne  le 
ressentiment  qu'il  a  des  grâces  que  Dieu  lui  a  conférées  par 
le  ministère  et  entremise  de  la  Pucelle,  laquelle  pour  cette 
cause  il  anoblit  avec  tout  son  lignage,  leur  donnant  pour 
mission  de  tenir  fiefs  et  arrière-fiefs,  sans  estre  tenus  pour 
cela  de  payer  aucunes  finances  soit  à  lui,  soit  aux  Roys  ses 
successeurs.  Lequel  bénéfice  il  estend  et  confère  pareillement 
à  toute  leur  postérité  née  en  légitime  mariage,  et  en  outre 
permet  aux  masles  de  pouvoir  estre  faits  chevaliers  par 
quelques  chefs  de  guerre  que  ce  soit.  Lesdites  lettres  sont 
ainsi  conceues  :  «  Dum  et  quotiens  eisdem  placuerit,  a  quo- 
cumque  milite  militiœ  cingulum  valeant  adipisci  seu  deco- 
rari  ».  Car  ancienaement,  il  n'appartenoit  qu'aux  seigneurs 
qui  actuellement  faisoient  la  faction  de  la  guerre  de  faire  des 
chevaliers,  et,  pour  cette  raison,  le  grand  roy  François  vou- 
lut estre  fait  chevalier  par  le  capitaine  Bayard  ;  et  l'histoire 
du  siège  d'Orléans  porte  que  le  duc  d'Alençon,  lieutenant- 
général  de  l'armée  du  Roy  Charles  Vil,  fit  le  Roy  chevalier 
auparavant  qu'il  fut  sacré  et  couronné,  ainsi  que  nous  avons 
remarqué  au  premier  livre  de  cette  histoire. 

En  conséquence  de  cet  anoblissement,  le  Roy  permit  aux 
frères  de  la  Pucelle  de  porterie  surnom  Du  Liz,  et  de  prendre 
pour  armes  deux  fleurs  de  liz  d'or  en  champ  d'azur,  avec 
une  espée  d'argent  au  milieu,  férue  en  une  couronne  d'or, 
ainsi  que  la  Pucelle  respondit  à  ses  juges,  séance  septiesme 
du  procez. 

De  quoy  le  Roy  d'Angleterre  a  fait  de  grandes  plaintes 
aux  lettres  qu'il  a  envoyées  tant  à  l'empereur  Sigismond 
qu'aux  prélats  de  son  obéissance  et  au  duc  de  Bourgogne  : 
lesquelles  lettres  nous  avons  produites  sur  la  fin  du  second 
livre  de  cette  histoire.  A  ce  propos,  le  lecteur  pourra  voir  le 
cinquiesme  livre  des  Recherches  d'Etienne  Pasquier,  cha- 
pitre huitiesme,  où  il  fait  plusieurs  belles  observations  sur 
cet  anoblissement  de  la  Pucelle  et  de  son  lignage,  et  remarque 
que  ÛP  Charles   Du  Liz,  conseiller  du  Roy  et  son  advocat 


ELOGES    TIRES    DE    DIVERS    AUTEURS  311 

général  en  la  cour  des  aydes  de  Paris,  est  descendu  de  Pierre 
Darc  surnommé  Du  Liz,  l'un  des  frères  de  nostre  Pucelle  qui 
est  qualifié  de  chevalier  par  un  ancien  titre  coté  par  ledit 
Pasquier  :  duquel  sieur  Du  Liz  j'ai  eu  la  communication  de 
plusieurs  titres  et  enseignements  touchant  cette  histoire, 
ainsi  que  j'ai  remarqué  ailleurs.  Or,  c'est  chose  bien  certaine 
que  les  Anglois  n'ont  pas  eu  cognoissance  de  ces  lettres 
d'anoblissement  que  le  Roy  a  fait  dépescher  en  faveur  de  la 
Pucelle,  car  ils  n'eussent  pas  oublié  de  les  détorquer  à  crime 
en  leur  prétendu  procez,  lequel  n'en  fait  aucune  mention, 
mais  seulement  de  l'appoinlement  que  le  Roy  avoit  donné  à 
cette  fille  pour  entretenir  son  train  à  la  guerre  (séance  sep- 
tiesme  du  procez). 

Au  surplus,  c'est  chose  digne  de  grande  considération  que 
par  ces  lettres  le  Roy  déclare  nommément  que  pour  célébrer 
et  magnifier  les  éminentes  grâces  qu'il  a  plu  à  Dieu  opérer 
en  son  endroit  par  l'entremise  de  la  Pucelle,  il  l'anoblit  avec 
tout  son  lignage,  et  leur  adonné  permission  à  tous  de  tenir 
fiefs  et  arrière-fiefs,  etc.;  estant  croyable  que  si  cette  fille 
eust  longtemps  vescu,  Sa  Majesté  lui  eust  conféré  quelques 
terres  et  seigneuries.  Et  conséquemment  après  cela  n'est-il 
pas  croyable  qu'elle  eust  esté  recherchée  en  mariage  par 
aucuns  seigneurs,  et  que  [il  eust  esté]  possible  que  par  infir- 
mité humaine  elle  se  fust  portée  à  vaine  gloire  et  oubliée 
comme  fit  Salomon  ;  et  par  ainsi  les  merveilles  qu'il  avoit 
plu  à  Dieu  parfaire  afin  de  réunir  et  mettre  à  repos  Testât 
de  la  France  moyennant  cette  bergère,  demeureroient 
anéanties  et  tellement  obscurcies,  qu'on  les  eust  sans  doubte 
attribuées  à  une  imposture  ou  à  la  prudeuce  humaine.  Car, 
pour  exemple,  si  les  Apostres  eussent  esté  doctes,  éloquents, 
riches  et  puissants,  la  publication  de  l'Evangile  et  conver- 
sion des  gentils  n'eust  pas  esté  attribuée  à  un  miracle.  D'où 
nous  apprenons  que  les  conseils  de  Dieu  sont  grandement 
différents  des  conseils  des  hommes,  et  qu'aux  affaires  de  la 
religion  et  ordonnances  du  ciel  il  faut  y  procéder  le  plus 
simplement  que  l'on  peut  et  n'y  point  mesler  la  sapience  ni 
les  artifices  du  monde,  ainsi  que  saint  Paul  enseigne,  pre- 
mière aux  Corinthiens,  chap.  i". 


312  E.    RICHER.    LA    l'UCELLE    D  ORLEANS 

Et  pour  confirmation  de  ce  que  dessus,  je  vois  que  les 
voix  de  la  Pucelle  ne  lui  ont  jamais  rien  révélé  de  sa  prison, 
sinon  après  que  ces  lettres  d'anoblissement  ont  esté  homolo- 
guées à  la  Chambre  des  comptes.  Et  me  persuade  aysément 
que  ce  qu'elles  lui  avoient  conseillé  de  demeurer  à  Saint- 
Denys  en  France  estoit  aux  fins  d'empescher  cet  anoblisse- 
ment, lequel  quoyque  provenu  de  la  pure  grâce  et  libéralité 
du  Iloy,  sans  que  cette  fille  ni  ses  frères  y  eussent  osé  penser 
et  quoyque  le  Hoy  ayt  déclaré  nommément  que  c'estoit  pour 
magnifier  la  bonté  et  grâce  de  Dieu  en  son  endroit;  toutes 
fois,  attendu  que  cela  semble  ne  pas  s'accorder  avec  le  con- 
seil de  Dieu  qui  veut  parfaire  ses  merveilles  par  choses 
simples,  réputées  basses  et  viles  au  monde,  je  crois  qu'afin 
de  retenir  toutes  choses  en  leur  debvoir,  il  a  permis  que  la 
Pucelle  tombast  entre  les  mains  de  ses  ennemis  et  qu'ils  la 
fissent  mourir,  pour  davantage  relever  par  énonciations 
prophétiques,  ainsi  qu'il  est  arrivé  à  Hiérémie,  aux  Apos- 
tres  et  plusieurs  autres  prophètes.  Or,  après  que  l'évangile 
eust  esté  suffisamment  publié,  comme  il  n'y  avoit  aucun  inté- 
rest  pour  la  gloire  de  Dieu  que  les  prestres  et  pasteurs  de 
l'Eglise  fussent  doctes,  éloquents  et  possédassent  des  biens, 
au  cas  semblable  quand  la  Pucelle  eust  eu  accompli  et  par- 
fait tout  ce  qui  estoit  de  sa  mission,  et  receu  commandement 
de  quitter  l'habit  d'homme  qu'elle  portoit  par  conseil  du 
ciel,  il  me  semble  qu'il  n'y  avoit  aucun  inconvénient  pour 
les  merveilles  que  Dieu  avoit  voulu  exploiter  par  son  moyen, 
de  recognoistre  ses  travaux  par  toute  sorte  de  gralitications  : 
qui  ;  telle]  est  mon  opinion,  sauf  d'en  embrasser  une  meil- 
leure, lorsqu'elle  se  présentera. 

Venons  maintenant  aux  Eloges.  Et  attendu  que  les  Anglois 
pourroient  en  cette  cause  récuser  les  auteurs  François  en 
tant  qu'intéressez,  pour  montrer  nostre  équanimité  et  can- 
deur en  leur  endroit,  nous  ne  désirons  qu'on  leur  adjouste 
aucune  foy  là  où  ils  seront  discordans  aux  actes  publics,  tant 
de  leurprocez  prétendu  contre  la  Pucelle,  qu'aux  informa- 
tions faites  en  la  revision  d'icelui  procez,  esquelles  infor- 
mations [plus  de]  cent  douze  tesmoins  ont  déposé. 


CHAPITRE  PREMIER 

[KLOGES  TIREZ  DES  ÉCRIVAINS  ECCLÉSIASTIQUES] 

I 
Gezson. 

Le  premier  qui  a  escrit  en  faveur  de  cette  [fille  est  maistre 
Jean  Gerson  ^  chancelier  de  l'Université  de  Paris,  ainsi  que 
nous  avons  desja  observé  tant  au  premier  qu'au  troisiesme 
livre.  Et  ce  qui  est  digne  de  remarque  en  cet  auteur,  il  a  pré- 
sagé et  prévu  ce  qui  pouvoit  humainement  arriver  à  cette 
fille,  sçavoir  qu'elle  seroit  la  proye  de  ses  ennemis  mortels, 
et  qu'ils  la  feroient  mourir  :  ayant  respondu  à  l'objection 
qu'on  pouvoit  former  sur  cela,  disant  que  Dieu  ne  fait  pas 
tousjours  miracle  sur  miracle  par  ceux  qu'il  a  eslus  pour 
accomplir  quelques  merveilles,  ainsi  que  nous  avons  vérifié 
au  premier  livre,  et  spécialement  du  prophète  Hiérémie. 

«  Neque  sequitur,  dit-il,  semper  post  primum  miraculum 
quidquid  ab  hominibus  expectatur  vel  expectabitur.  Prœte- 
rea,  si  frustraretur  ab  omni  expectatione  sua,  non  oportebit 
concludere  ea  quse  facta  sunt  a  maligno  spiritu  vel  non  a 
Deo  facta  esse,  sed  vel  propter  nostram  ingratitudinem,  vel 
blasphemias,  aut  aliunde  justo  Dei  judicio,  licet  occulte,  pos- 
set  contingere  frustratio  'expectationis  nostrse  in  ira  Dei, 
quam  avertat  a  nobis  et  bene  omnia  vertat,  etc.  -.  » 

1 .  Jean  Gerson,  né  en  1363,  près  de  Reims,  mort  à  Lyon  1429,  docteur 
et  chancelier  de  l'Université  de  Paris,  théologien  des  plus  écoutés  au 
concile  de  Constance,  composa  son  mémoire  sur  la  Pucelle  en  mai  1429. 
Deux  mois  après  il  mourait. 

2.  J.  Quicherat,  Procès,  t.  III,  pp.  298-306,  donne  l'opuscule  tout  entier. 
On  le  trouve  également  dans  l'édition  complète  des  OEuvres  de  Gerson, 
publiée  parEUies  Dupin,  Paris,  1786,  au  tome  IV,  p.  864. 


314  E.    RICHEH.    LA    PL'CELLE    d'uRLÉANS 

II 

Henry  de  Gorkeim  ou  de  Gorcum. 

Henry  de  Gorkeim^  théologien  flamand,  au  mesme  temps 
des  exploits  de  la  Pucelle,  fit  un  petit  opuscule  auquel  on 
voit  cette  clause  ; 

«  Tulit  me  Dominus  quum  sequerer  gregem,  et  dixit  mihi  : 
Vade  et  propheliza  adpupulum  meum  Israël  {\^ios,\n,  15). 
Populus  Israël  populus  Francîee  non  incongrue  potest  spiri- 
tualiter  nuncupari  :  quem  fide  Dei  et  cultu  christianœ  reli- 
gionis  notum  est  semper  floruisse.  Ad  hujus  régis  filium 
qucedam  juvencula,  pastoris  cujusdam  filia,  quae  et  ipsa 
gregem  ovium  secuta  fertur,  accessit,  asserens  se  missam  a 
Deo,  quatenus  per  ipsam  dictum  regnum  ad  ejus  obedien- 
tiam  reducatur.  Ne  autem  ipsius  assertio  reputetur  temera- 
ria,  etiam  signis  superuaturalibus  utitur  :  sicnti  revelare 
occulta  cordium  et  futura  contingentia  pra^videre.  Refertur 
insuper  quod  sit  raso  capite  ad  modum  viri,  et  volens  ad 
actus  bellicos  procedere  ;  vestibus  et  armis  viribilus  induta, 
ascendit  equum  ;  quœ,  dum  in  equo  est,  ferens  vexillum, 
statim  mirabili  viget  industria,  quasi  peritus  dux  exer- 
citus  ad  artiliciosam  exercitus  institutionem.  Tune  quo- 
que  sui  efficientur  animosi  ;  e  contra  vero  adversarii 
timidi,  quasi  viribus  destituti.  Ubi  autem  de  equo  des- 
cendit, solitum  habitum  reassumens,  fit  simplicissima, 
negotiorum  secularium  quasi  innocens  agnus  imperita.  Fer- 
tur etiam  quod  vixit  in  castitate,  sobrietate  et  continentia. 


1.  Henry  de  Gorkeim  (forme  allemande),  ou  de  Gorcum  (l'orme  hollan- 
daise), était  professeur  et  vice-chancelier  de  l'Université  de  Cologne.  11 
écrivit  son  opuscule  au  temps  le  plus  brillant  de  la  mission  de  la 
Pucelle.  Les  copistes  lui  ont  donné  pour  titre  :  Opus  collativum  de  quu- 
dam  Puella  quas  olim  in  Franciu  equitavit.  Imprimé  d'abord  à  la  suite 
du  mémoire  de  Gerson,  Ellies  Dupin  en  trouva  le  tevte  dans  un  manus- 
crit de  Sainl-Yictor,  et  le  restitua  à  son  véritable  auteur.  Il  est  vrai  que 
le  nom  de  l'auteur  avait  été  publié  en  1606  par  Melchior  Goldast,  avec 
son  opuscule,  dans  le  recueil  de  Si/billa  francica.  Henri  de  Gorcum  pas- 
sait pour  un  théologien  profond  et  un  dialecticien  subtil.  On  cite  de  lui 
plus  de  vingt  ouvrages.  Il  vivait  encore  en  1460. 


ÉLOGES    TIRES    DE    DIVERS    AUTEURS  315 

Deo  devota,  prohibens  fieri  occisiones,  rapinas,  ctcterasque 
violentias  omnibus  his  qui  ad  dictam  obedientiam  sevolunt 
exhibera.  Propter  heec  ergo  et  similia,  civitates,  oppida  et 
castra  se  submittunt  régis  filio,  fidelitatem  sibi  promit- 
tentes. 

«  Quo  ita,  ut  prœfertur,  se  habente,  nonnullas  quœstiones 
emergunt  et  ad  sui  declarationem  doctas  animas  alliciunt, 
verbi  gratia  : 

An  credi  debeat  vera  naturœ  humaniu  Puclla,  an  in  simi- 
lem  efïigiem  fantasticam  transformata  ? 

An  ea  quœ  facit  possint  humanitus  fieri  ab  ipsa,  an 
per  eam  ab  aliqua  superiori  causa? 

Si  per  superiorem  causam,  an  per  bonam,  scilicet  spiritum 
bonum;  au  malam,  ut  puta  per  spiritum  malum  ? 

An  ejus  verbis  liducia  sit  exhibenda,  et  ejus  opéra,  tan- 
quam  divinitus  facta,  sint  approbanda,  an  pythonica  et  illu- 
soria  ? 

Quia  vero  circa  bas  aut  sim?ies  qutestiunculas  alii  et  alii 
aliter  et  aliter  sentiunt,  quatenus  utrique  pro  sua  defensione 
valeant  ex  sacris  litteris  testimonia  proferre,  preesens  hoc 
opusculum,  non  asserendo  sed  collative  dictando,  offert 
quasdam  propositiones  pro  una  parte,  rursus  quasdam  pro 
alia,  modo  problematico,  provocans  subtiliora  ingénia  ad 
intelligentiam  profundiorem.  Hoc  tamen  memoriter  commen- 
dandoquod,  ad  sententiandum  aliquid  secure  in  hac  materia, 
necesse  est  hujus  Puelkc  mores,  verba,  opéra,  cœterosque 
gestus,  tam  quos  babet  solitaria,  quam  eos  quos  habet  cum 
aliis  in  publico,  et  cœteras  suie  vitae  circumstantias  ad  liqui- 
dum  prœcognoscere,  et  an  ea  quie  révélât  et  prœnuntiat, 
sempervera  inveniantur  ^.  » 

Le  susdit  auteur  remarque  fort  bien  qu'on  doibt  juger  de 
ses  révélations  par  ses  mœurs  et  déportemens,  suivant  le  dire 
de  Nostre-Seigneur,  ce  que  nous  avons  observé  au  premier 
livre.  Au  demeurant  il  ne  parle  pas  de  la  prise  ni  de  la  mort 

i.  E.  Richer  ne  donne  pas  ce  que  H.  de  Gorcuiu  nomme  Praposiliones 
pro  Puella  et  Propositiones  contra  Puellam,  en  tout  sept  pages  et  demie, 
mais  sans  conclure.  On  les  trouvera  dans  J.  Quicherat,  au  tome  III. 
p.  413-421. 


316  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE   d'oRLÉANS 

de  la  Pucelle,  et  de  là  on  doit  colliger  qu'il  a  escrit  son  traité 
l'année  mesme  qu'elle  fit  lever  le  siège  d'Orléans  et  mena  le 
Roy  à  Rheims  :  comme  fit  pareillement  un  autre  théologien 
allemand  sans  nom,  duquel  le  livre  porte  ce  titre  :  Laudayani 
anonymi  clericide  Sybilla  francica  Rotuliduo,  seu  de  admi- 
rabili  Johanna  Lolharinga,  pastoris  filia,  duclrice  exerci- 
tus  Francorum  sub  Carolo  Vil,  etc.  ^;  et  tout  au  commence- 
ment du  premier  Rôle,  sur  le  commun  bruit  qui  couroit  de 
nostre  Pucelle  par  toute  l'Europe,  il  en  rend  ce  tesmoignage. 


III 
Sibylla  francica. 

«  Exorto  nuper  rumore,  aures  audientium  qui  titillât,  de 
quadam  sibylla  in  regno  Francise,  quse  exorsa  est  prophe- 
tari,  fama  rutilante  fulgida,  bonœ  odore  opinionis  omnium 


].  J.  Quicherat  fait  suivre  le  titre,  De  Sibylla  francica,  de  ce  sous- 
titre  : 

«  Dissertations  d'un  clerc  allemand  du  diocèse  de  Spire  ».  Juillet- 
Septembre  1429. 

L'éditeur  des  deux  procès  ajoute  :  «  Laudayani  cujusdam  anonymi 
clerici,  de  Sibylla  francica  rotuli  duo,  quos  Goldasto  communicavit  R. 
P.  Johannes  Myntzenbergius,  prior  monasterii  Carmelitarum  apud 
Francofurdianos.  »  Cette  phrase,  remarque  J.  Quicherat,  nous  apprend 
tout  ce  que  Melchior  Goldast  savait  de  l'auteur  et  de  la  provenance. 

La  Sibylla  francica  contient  deux  rôles  ou  dissertations  écrites  à  peu 
d'intervalle  l'une  de  l'autre.  Dans  la  première,  l'auteur  allègue  deux 
témoignages,  l'un  provenant  d'un  chevalier  qui  avait  combattu  en 
France  au  siège  d'une  ville  dont  le  nom  est  resté  en  blanc  ;  l'autre  pro- 
venant d'un  religieux  français  prémontré,  «  avec  qui  il  s'était  entre- 
tenu à  Laudaya.  »  C'est  pour  cela  peut-être  que  Goldast  a  mis  dans  le 
titre  :  Laudayani  cujusdam  anonymi  clerici  ;  supposant  que  telle  était 
(Lauda,  dans  le  grand  duché  de  Bade)  la  patrie  ou  la  résidence  de  l'au- 
teur. 

La  seconde  dissertation  résume  la  discussion  que  l'auteur  eut,  dans 
un  château  qu'il  ne  nomme  point,  avec  un  docteur  en  droit  revenan 
d'Angleterre.  Les  deux  dissertations  sont  dédiées  à  Pierre  de  Grumbach, 
vicaire  général  du  diocèse  de  Spire.  (Cf.  J.  Quicherat,  Procès,  t.  II, 
p.  i22  et  suiv.,  et  t.  V,  p.  475,   476.) 

Melciiior  Goldast  de  Heiminsfeld  né  dans  le  pays  de  Saint-Gall  en 
1576,  mort  en  1635,  a  publié  les  écrits  d'un  certain  nombre  d'historiens 
allemands  et  autres,  et  tout  particulièrement  la  Sybilla  francisca. 


ELOGES    TIRIÎS    DE    DIVERS    AUTEURS  317 

respersa,  vita,  moribus  et  conversatione  spectabilis  ;  quani 
vulgus  sanctitate  dicit  fulgere,  doctam  quoque  ad  bella  et 
praeliorum  eventuum  prœsciam.  » 

Et  au  mesme  Ilole,  sur  la  fin  : 

«  Nobile  regnum  Francise  ruinam  passum  est  ex  superflui- 
tate  vitseetabundantiapanis.  propterunius  mulieris  speciem. 
Ut  autem  ordo  réparation is  ex  merito  respondeat  prsevarica- 
tioni  ex  delicto,  per  personam  sexu  fragilem,  vita  autem 
humilem  et  Deo  devotam,  expedit  reparari  per  virginem 
quod  desertum  fuerat  per  mulierem.  Francia  enim  fastu 
tumoris,  se  potentia  et  armis  extulit  super  omnia  christiano- 
rum  régna;  patrias  convicinas  ad  pacem  terruit,  ut  leo;  et 
quando  fremnit,  terras  invasit  et  devastavit  ;  confidens 
nimiuin  de  sapientia  aliorum  consiliorum,  uti  Achitophel.  » 

Or,  ce  qu'il  rapporte  que  le  royaume  de  France  a  esté 
ruiné  par  une  femme,  et  restabli  par  une  vierge,  est  con- 
forme au  dire  de  la  Pucelle  dont  nous  avons  fait  inventaire 
ailleurs. 

Quelque  peu  après,  discourant  de  la  piété  de  cette  fille  : 
«  Fréquenter  purgat  et  lustrât  conscientiam  per  puram 
confessionem,  et  roboratur  in  virtute  spiritus  sapientiœ  in 
Eucharistise  perceptione,  conversatione  humilis,  modesta,  et 
bonis  consentiens,  rapinam  pauperum  valde  detestatur, 
pupillorum  orphanorumque  depressionem.  Quare  honoris 
statum  in  Francia  obtinet  pro  tanto  tempore,  quo  visiones 
promissionis  propheticse  révélât.  » 

Sur  la  fin  du  second  Rôle  :  «  Ista  virguncula  in  régna 
Francise  laudatur  ab  omnibus  in  professione  fidei  catholicœ, 
et  in  cserimoniis  invenitur  sufîulta  ;  sacramenta  ecclesiastica 
valde  veneratur;  vita  laudabili  conversatur  ;  religiosa  in 
actis  etagendis;  in  nomine  Sanctae  Trinitatis  cuncta  opéra 
quantumcumque  grandia  aggreditur,  et  ad  finem  perducit 
optatum  ;  firmans  pacem,  pauperum  tollens  inopiam,  justi- 
tiam  sectando  diligit,  nihil  vanitatum  mundi  neque  pompa- 
rum  aut  divitiarum  exquirit  '  » 


Cf.  Procès,  t.  III,  p.  422,  431-32,  433,  464. 


318  E.    RICHKU.    —    UX    PLCKI.I.E    D'oiiLKAXS 


IV 

^Les  docteurs  de  la  réhabilitation. j 

Et  d'autant  que  nous  avons  produit  aux  premier  et  troi- 
sicsme  livres  les  opinons  de  plusieurs  doctes  prélats  et  théo- 
logiens qui  ont  escrit  en  faveur  de  la  Pucelle  pour  la  revision 
de  son  procez,  il  nous  suffira  en  ce  lieu  faire  seulement 
inventaire  de  leurs  noms  et  qualitez. 

Messire  Helias  de  Bordeilles,  évesque  de  Périgueux  ; 

Thomas  Basin,  évesque  de  Lisieux  ; 

Maistre  Jean  Bréhal,  dominicain,  docteur  en  théologie,  et 
inquisiteur  de  la  foy  ; 

Robert  Cibole,  docteur  et  chancelier  de  l'Université  de 
Paris  ; 

Guillaume  Bouille,  aussi  docteur  de  Paris  et  doyen  de 
l'église  de  Noyon. 

Outre  deux  auditeurs  de  Rote,  sçavoir  Paulus  Pontanus, 
Theodoricus  (de  Leliis),  et  un  quidam  désigné  par  ces  trois 
lettres,  N.  E.  N.  '. 


Tesmoignage  d  un  anonyme  rapporté  par  Jacques  Meyer 
en  son  Histoire  de  Flandre. 

Jacques  Meyer-,  en  l'histoire  do  Flandre,  produit  le  tes- 
moignage d'un  auteur  anonyme  qui  n'estoit  pas  François  de 
nation,  comme  j'estime  :  lequel  auteur  asseure  avoir  esté 
consulté  par  le  Roy  Charles  VII  sur  les  faits  et  dits  de  la 
Pucelle,  et  avoir  eu  commandement  dudit  seigneur  de  voir 
le  procez  avec  plusieurs  autres  prélats,  théologiens  et  juris- 
consultes. Et  d'autant  que  ce  tesmoignage  est  fort  célèbre, 

1.  Voir  plus  haut,  p.  :286,  la  note  sur  cet  inconnu  et  sur  les  docteurs 
do  la  réhabilitation. 

P.  Pontanus  et  Th.  de  Leliis  suivirent  en  France  le  cardinal  d'Estou- 
toville  lorsqu'il  y  vint  en  1452  en  qualité  de  légat  du  Saint-Siège. 

2.  Voir  plus  loin  la  not(!  sur  J.  Meyer. 


ELOdKS    TIRES    DE    DIVEUS    AUTEURS  319 

n  ayant  pu  recouvrer  le  traité  de  cet  auteur,  lequel  je  pense 
avoir  esté  jurisconsulte,  j'en  produirai  seulement  l'extrait 
registre  en  l'histoire  de  Meyer  en  ces  termes  : 

((  Sed  de  Puella,  synchronum  Puellœ  scriptorem  audiamus 
loquentem. 

«  Ductu  Puelkc  Franci  Victoria  potiuntur,  et  Classidas, 
dux  Anglorum,  submergitur  in  aqua  Ligeris,  ex  lurri  in  pro- 
(luentem  salire  coactus,  ardente  turri.  Uuctu  Joannse  Puellae. 
Francus  unus  mille  fugavit  Anglos,  et  duo  fugaverunt  decem 
millia,  Dei  voluntas  erat  victoriam  poncre  in  sexu  fragili. 
Castra  hostium  expugnata,  turres  fractœ,  sagittœ  Anglorum 
nihil  non  ante  pénétrantes,  retusa  acie  nihil  amplius  potu- 
erunt.  Repente  fortunœ  immutatus  cursus.  Francorum  res, 
qiuo  hactenus  dejectœ,  prostratse  ac  miserrimee  erant,  erectœ 
protinus  sunt  aCfaitque  divinitus  félicitas  ;  Anglorum  vero 
res,  hactenus  secundissimee,  rétro  dilabi  cœperunt.  Tantus, 
solo  Puelbe  nomine,  eorum  animis  incessit  pavor,  ut  magno 
eorum  plurimi  firmarent  sacramento,  quod  solo  audito  ejus 
nomine,  aut  signis  ejus  conspectis,  vires  animumque  perde- 
rent,  ita  ut  nec  arcus  tendere,  nec  jacula  ella  mittere  vale- 
rent,  nec  ferire  hostes,  ut  soiiti  erant,  haberent  potestatem. 
Mirabilis  Deus  in  sanctis  suis.  Joannes  nothus  Aurelianensis, 
idem  cornes  Diinensis  in  Carnutibus,  et  Johanna  Puella, 
duces  preecipui  omnibus  in  rébus  et  bellis  erant.  Angli  omni- 
bus ex  locis  excussi,  fusi,  fugati,  cœsi.  Carolus  rex,  Puellse 
ductu,  Ilhemis  inunctus  et  coronatus.  Trecis  Regem  hono- 
rifice  suscepit  Joannes  Aeatus,  episcopus  loci  laudatissimus. 
Rhemi,  Gatalaunum,  Compendium,  Bellovacum,  Laudunum, 
Suessiones,  Senanes,  Carnutes  aliœque  civitates  et  populi, 
pulsis  Anglis,  in  fidem  redeunt  sola  Dei  gratia  et  benignitate.  » 

Quelques  pages  après,  le  mesme  Meyer  dit  :  «  Scriptor 
autem  latinus  ejus  temporis  de  eadem  virgine  tradit  hoc. 
Compendium  obsidetur,  Puella  eruptionem  facit  et  capitur, 
Uucta  Rhotomagum  ubi  tune  eratHenricusadolescens.  Petrus 
Cauchon  Bellovacorum  tune  erat  episcopus,  consiliarius 
prœcipuus  régis  Angliœ.  In  ejus  diœcesi  quoniam  Puella 
capta  erat,  convenit  ut  ipse  inquisitioneni  faceret  de  Puella 


320  E.  RICHER.  —  LA  PUGELLE  DORLÉANS 

quam  maleficani  esse  per  invidiam  insinuabant  et  hsereticam. 
Quaestio  habita  a  multis  theologis  et  jurisconsultis  Lutetia 
evocatis.  Per  multos  dies  interrogationes  et  responsa  a 
labellionibus  diligenter  conscripta.  Admirationi  omnibus 
erat  quod  Pueila  rusticana  de  fidei  rébus  tam  sapienter 
tamque  catholice  loquebatur  et  respondebat.  Hoc  auteni 
inquisitores,  qui  Anglicœ  erant  omnes  factionis,  in  primis 
curabant  ut  callidis,  versutis  et  fycatis  verbis,  et  inquisitio- 
nibus,  et  interrogationibus  captiosis,  sanctam  Christi  virgi- 
nem  caperent  et  de  heeresi  accusarent.  Sed  non  potuerunt. 
Data  sunt  illi  a  Domino  verba  quœ  loqueretur,  nec  spiritui 
ejus  qui  loquebatur  potuerunt  resistere.  Insuper  Anglici  per 
obstetricem  suœ  factionis  inspici  curabant  virginem.  Nec  mu- 
lieres  illse,  quamvis  maxime  cuperent  ac  virginis  gravissi- 
mge  hostes  essent,  aliud  potuere  affirmare  quam  quod  inte- 
merata  claustra  virginalia  servatain  illa  reperissent.  Dicitur 
enim  suam  integritatem  Deo  vovisse,  cum  adhuc  patris  sui 
grèges  in  agris  pasceret  :  quibus  in  agris  adeo  religion! 
addicta  erat,  ut  quoties  sonitum  campante  audiret  de  conse- 
cratione  corporis  Domini,  religiosissima  prosterneret  se  in 
terram,  diu  multumque  orans,  laudans  ac  benedicens  Deum. 
Virilem  habitum  excusavit  ne  scilicet  militum  incontinentia 
provocari  in  illam  posset,  si  femineo  usa  fuisset  habitu.  Una 
nihilominus  omnium  Anglorum  sententia  erat  et  vox  vulga- 
ris,  nanquam  se  posse  féliciter  cum  Gallis  dimicare  aut  vic- 
toriam  reportare,  quamdiu  Puella  ista,  quam  veneflcam  et 
sorlilegam  vocabant,  viveret  ;  tollendam  esse  de  terra.  Hos- 
tes ejus  judices  erant  :  pars  ejus  adversa  qui  eam  accusarat, 
tulit  sententiam.  Squalore,  calenis  et  inedia  eam  macerabant. 
Ferunt  eam  tandem  a  judicibus  adductam  ut  si  vellet  abjurare 
revelationes  quas  asserebat  sibi  factas,  eam  absolverent  et 
abire  permitterent.  Quod  fecisse  eam  tradunt.  Sed  cum 
lamen  non  dimitteretur,  valde  increpitam  fuisse  se  dixisse 
quod  revelationes  abnegasset,  iterum  sibi  in  carcere  appa- 
ruisse,  scilicet  divas  Catharinam  et  Margaretam,  ab  illisque 
quod  hoc  fecisset  objurgatam.  Hsec  fuit  causa  mortis.  Dice- 
bant  hostes  ejus  qui  judices  erant,  relapsam  esse  in  abjura- 
tam  hœresim.  Adduxerunt  enim  eam  ut  juraret  se  ultra  non 


KLOGES    TIRKS    DK    DIVERS    AUTEURS  321 

dicturam  sibi  revelationes  factas  esse.  Data  brachio  seculari, 
Rhotomagi  combusta.  Gollecti  cineres  univers!  et  de  ponte  in 
Sequanam  demersi.  ne  quid  forte  reliquiarum  servari  aut 
coli  posset.  Postquani  Normannia,  pulsis  Anglis,  in  fidem 
rediisset,  vidimus  eum  processum  et  examinavimus.  Ex  quo 
quidem  processu  non  sufficienter  constabat  ipsam  de  alicujus 
erronei  dogmatis,  contra  veritatem  doctrinœ  catholicse,  asser- 
tione  convictam,  vel  injure  confessam  ;  neque  perhochsere- 
sis  atque  relapsus  satis  manifestum  fuisse  fundamentum. 
Quanquam  etiam  praeter  hoc  poterat  processus  hujusmodi  ex 
multis  capitibus  argui  vitiosus,  coram  capitalibus  inimicis 
saepe  per  eam  recusatis  (denegato  etiam  ei  omni  consilio  quge 
simplex  puella  erat)  factus  et  habitus  :  quemadmodum  ex 
libello  quem  desuper,  ab  eodem  Garolo  expetito  a  nobis  con- 
silio, edidimus.  Si  cui  ad  cujus  venerit  manus  légère  vaca- 
verit,  latius  poteritpatere.  Pulsis  enim  de  Normannia  Anglis, 
idem  Carolus  rex  per  plures  regni  sui  preelatos  et  divini 
atque  humani  juris  doctos  homines  diligenter  processum 
prgedictum  examinari  et  discuti  fecit,  et  de  ea  materia  plures 
ad  eum  libellos  conscripserunt,  quibus  coram  certis  a  sede 
Apostolica  ad  cognoscendum  et  judicandum  de  hujusmodi 
materia,  judicibus  delegatis,  exhibitis  et  mature  perlectis, 
per  eosdem  judices  in  sententiam  quam  diximus  exstitit 
condescensum,  et  sententia  contra  eam  data  sub  Anglorum 
imperio,  cassata  et  revocata.  Missa  erat  a  Deo,  ne  quis  ponat 
carnem  brachio  suo,  ne  Anglorum  superbia  suis  nimium 
fideret  viribus.  Gloriabantur  in  suis  viribus,  Deo  non  attri- 
buebaht  suas  victorias  :  ostendereDeusillis  voluit  quod  stulte 
et  impie,  fecerunt,  suis  dumtaxat  fidentes  viribus,  et  victo- 
riam  ostendit  in  sexu  fragili,  sicut  in  Debbora,  Judith, 
Esther.  Hœc  et  plura  de  Puella  ille  anonymus  synchronus, 
ait  Meyer.  » 

Nous  recueillons  de  ce  discours  que  l'auteur  d'icelui  n'es- 
toit  pas  françois,  car  il  ne  parle  pas  de  Charles  VII  en  termes 
d'un  subject  à  son  Roy,  ainsi  que  font  les  autres  prélats  et 
docteurs  françois.  Il  dit  avoir  esté  consulté  de  sa  part  sur  le 
procez  de  la  Pucelle,  et  en  avoir  composé   un   traité  qu'il 

21 


3-22  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

envoya  au  Hoy,  et  mesme  que  ce  traité  a  esté  produit  au  pro- 
cez  de  revision  et  vu  par  les  juges  déléguez  du  Saint-Siège.  De 
sorte  qu'outre  les  six  traitez  desquels  nous  avons  tenu  inven- 
taire au  huitiesme  chapitre  de  la  revision  du  procez,  il  faut 
nécessairement  que  d'autres  ayent  encore  esté  produits,  les- 
quels on  n'a  pas  registrez  au  corps  du  procez,  non  plus  que 
le  traité  de  messire  Thonnas  Basin,  évesque  de  Lisieux*,  ceux 
des  auditeurs  de  Rote  et  celui  de  cet  auteur  anonyme  lequel 
asseure  de  plus  avoir  composé  quelque  autre  discours  de 
l'histoire  de  nostre  Pucelle  que  Meyer  tesmoigne  avoir  lu  et 
en  avoir  tiré  le  trait  qu'il  a  inséré  en  son  histoire.  Et  est  grand 
dommage  que  ce  traité  ayt  esté  perdu,  attendu  que  l'auteur  est 
fort  judicieux  et  poli  pour  le  temps  auquel  il  a  escrit. 

VI 

[Les  tesmoins  des  enquestes  de  la  révision.] 

Aux  susdits  auteurs  nous  pouvons  adjouster  tous  les  tes- 
moins qui  ont  déposé  à  la  revision  du  procez  pour  la  justifi- 
cation de  la  Pucelle,  qui  sont  en  nombre  cent  et  onze  pour  le 
moins-,  sçavoir  trente-deux  de  son  païs  natal,  trente  d'Or- 
léans, vingt  de  Paris,  dix-huit  de  Rouen  et  deux  autres  d'ail- 
leurs, sçavoir  Seguin  de  la  faculté  de  théologie  de  Poictiers, 
et  le  sieur  Dolon  ;  tesmoins  hors  de  tout  reproche,  entre  les- 
quels il  y  a  des  princes,  plusieurs  grands  seigneurs,  gentils- 
hommes et  personnes  bien  qualifiées,  qui  ont  par  un  long 
temps  conversé  avec  la  Pucelle  tant  aux  armées  qu'ailleurs, 

1.  Méprise  de  l'auteur  qui  l'a  mentionné  plus  haut,  paragraphe  IV. 

2.  Que  le  lecteur  ne  s'en  tienne  pas  aux  nombres  donnés  par  E.  Richer  ; 
ils  sont  inexacts  de  plusieurs  façons.  D'après  les  nombres  donnés,  il  y 
aurait  eu,  non  cent  onze,  mais  cent  deux  témoins  seulement.  Il  est  vrai 
que  Richer  ne  compte  pas  les  sept  témoins  entendus  à  Rouen  en  1450 
par  maistre  Guillaume  Bouille.  Nous  avons  rappelé  ailleurs  que,  outre 
ces  sept  témoins,  le  cardinal  d'Estouteville  à  Rouen  en  entendit  cinq  en 
1452,  l'hilipppe  de  la  Rose  dix-sept  ;  les  commissaires  de  Toul-Dom- 
remy,  trente-quatre  en  1455-56;  ceux  d'Orléans,  quarante-deux:  de 
Paris,  vingt;  de  Rouen,  dix-neuf  ;  de  Lyon,  un  :  total  cent  quarante- 
quatre  déposilions  recueillies,  et  cent  vingt-cinq  témoins  entendus,  un 
certain  nombra  ayant  déposé  plusieurs  fois. 


ÉLOGES    TIRÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  323 

et  n'y  eut  onques  histoire  humaine  assistée  et  fortifiée  de 
tant  de  tesmoins,  d'auteurs  et  historiographes. 


VII 

Le  Pape  Pie  II. 

.Eneas  Sylvius^  estoit  de  mesme  temps,  et  quoiqu'il  soit 
peu  affectionné  aux  Français,  si  a-t-il  rendu  un  tesmoignage 
d'honneur  à  nostre  Pucelle  au  quarante-troisiesme  chapitre 
de  l'Europe,  en  ces  termes^  : 

«  In  regno  ipso  Francise  quod  nostra  setate  Johanna,  virgo 
Lotharingensis  divinitus,  ut  creditur,  admonita,  virilibus 
indumentis  et  armis  induta,  Gallicas  ducens  acies,  ex  Anglo- 
rum  manibus  magna  ex  parte,  mirabile  dictu,  prima  inter 
primos  primos  pugnans,  victoriam  eripuit.  »  Eloge  qu'il  a 
escrit  auparavant  qu'il  fust  Pape. 

Et  depuis,  estant  Pape,  après  la  revision  du  procez,  aux 
commentaires  latins  qu'il  a  faits  des  choses  mémorables 
advenues  de  son  temps,  recueillies  par  Jean  Gobelin,  vicaire 
de  Bologne,  imprimez  à  Rouen  l'an  1584  et  dédiez  au  pape 
Grégoire  XIII,  rapporte  un  bel  éloge  de  la  Pucelle,  car  après 
avoir  parlé  des  guerres  que  l'Anglois  et  le  Bourguignon  fai- 
soient  à  la  France,  il  descrit  en  cette  manière  les  faits  héroï- 
ques de  cette  fille,  au  livre  sixiesme. 

«  Interea  desperatis  pêne  Francorum  rébus,  Puella  sexde- 
cim  annos  nata  nomine  Johanna,  pauperis  agricoles  filia,  in 
agroTullensi,  quum  porcos  custodiret,  divino  afflata  spiritu, 
sicut  res  ejus  gestse  demonstrant,  relicto  grege  ac  parentibus 
posthabitis,  ad  prsefectum  proximi  oppidi  quod  solum  ejus 
regionis  in  fide  Francorum  remanserat,  sese  confert,  ducto- 

1.  Le  pape  Pie  II  avait  nom  ^Eneas  Sylvius  et  appartenait  à  la  famille 
des  Piccolomini  de  Sienne.  Né  en  1405,  il  resta  laïque  jusque  vers  1442. 
Ordonné  prêtre,  il  fut  nommé  évèque  de  Trieste,  puis  de  Sienne.  Car- 
dinal en  1436,  il  succéda  au  pape  Cali.ïte  III  en  1457  et  mourut  en  1464. 
Mêlé  aux  grandes  alYaires  de  son  temps,  il  fut  secrétaire  du  concile  de 
Bàle.  Ce  qui  lui  fit  dire  dans  sa  Bulle  de  rétractation  (1463)  :  ALneam 
rejicile,  Pium  recipile.  U  avait  prépaie  uue  croisade  contre  les  Turcs,  et 
il  allait  s'embarquer  à  Ancône,  lorsque  la  mort  le  frappa. 


324  E.     lUCHER.    LA    PUCELLE    d'ORLÉANS 

resque  petit  qui  sibi  ad  Delphinum  iter  demonstrent. 
Qua3nt  prœfectus  itineris  causam.  Habere  se  inquit  divina 
mandata  quœ  ad  illum  perferat,  sibi  et  regno  salutaria. 
Ridet  praefectus  amentemque  putans  spernit.  Instantem 
multis  pertcntat  modis  :  fit  mora  plurium  dierum,  si  forte 
mutaret  Puella  propositum  aut  in  eo  aliquid  reperiretur 
indignum.  At  ubiconstans  et  immutabilis,  nulliusqueconscia 
turpitudinis  inventa  est  :  «  Quid  scio,  inquit  prœfectus,  an 
heec  Dei  voluntas  sit?  Ssepe  regnum  Franciœ  divina  ser- 
vavere  prœsidia  :  forsitan  et  nostris  diebus  aliquid  in  cœlo 
pro  nostrasalute  ordinatum  est  quod  per  feminam  patefiat.» 
Selectisque  tribus  spectatœ  fidei  servis,  Puellam  ducendam  ad 
Delphinum  commendat. 

((  Decem  ferme  dierum  iter  faciendum  erat,  et  agros 
medios  aut  hostis  tenebat,aut  amicus  hosti.  Transiit  cunctas 
difficultates  inoffensa  virgo,  vestibus  induta  virilibus,  Del- 
phinumque  apud  Bituriges  morantem  adiit  :  qui  fractus 
animo  tôt  cladibus,  non  jam  de  regno  tuendo,  sed  de  loco 
quœrendo  ubi  securam  vitam  securus  agere  posset,  anxius 
erat.  In  Hispania  régis  Castellae  ac  Legionis  ea  œtate  flo- 
rentes  opes  habebantur,  qui  cum  Delphino  et  consanguinitatis 
et  amicitiee  vinculo  jungebatur.  flunc  rogare  statuerat  ut, 
regni  Francise  curam  et  coronam  suscipiens,  angulum  sibi 
aliquem  terrœ  concederet  in  quo  tuto  latitaret.  Talia  medi- 
tantem  virgo  convenit,  et  restitutis  prœfecti  litteris  audiri 
petiit.  Delphinus  rei  novitate  permotus  delusionemque 
veritus,  Castrensi  episcopo,  confessori  sue,  inter  theologos 
apprime  docto,  Puellam  examinandam  committit  nobili- 
busque  matronis  servandam  tradit.  Interrogata  de  fide,  ea 
respondit  quœ  christianse  religioni  conveniunt.  Examinata 
de  moribus,  pudica  et  honestissima  reperitur.  Fit  pluribus 
diebus  examen  :  nihil  in  ea  fîctum,  nihil  dolosum,  nihilarte 
maligna  excogitatum  invenitur  ;  in  habitu  sola  difficultas 
manet.  Rogata  cur  vestes  viriles  mulieri  prohibitas  induisset, 
«  virginem  esse  ait;  virgini  utrumque  habitum  convenire  : 
sibi  a  Deo  mandatum  est  vestibus  ut  virilibus  uteretur,  cul 
et  arma  tractanda  essent  virilia.  » 

Sic  probata,  rursus  in  conspectu  Delphini  reddita  :  «  Ego 


ÉLOGES    TIRÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  325 

ad  te,  inquit,  veni,  regum  sanguis,  Dei  jussu,  non  nieo 
consilio.  Is  mandat  ut  me  sequaris.  Si  parueris,  restituam 
tibi  tuum  solium,  Ilemisque  propediem  tuo  capiti  coronam 
imponam.  » 

Delphinus  rem  diffîcilliman  quse  promitteretur  ait.  Remo- 
rum  civitatem  in  qua  reges  coronari  solerent  remotissimam 
esse  et  ab  hostibus  obtineri  ;  nec  usquam  iter  patere  tutum  ; 
Aureliam  quœ  média  civitas  esset  ab  Anglicis  obsideri,  nec 
vires  Francos  habere  quilaus  miseris  obsessis  subveniretur; 
miilto  minus  coronationi  navare  operam  posse. 

Nihil  his  mota  virgo.  «  Non  vana,  inquit,  promitto.  Si 
Deo  credis,  et  mihi  crede  :  ejus  nuntia  veni  ;  arma  tibi 
ministrabo  divinitus  et  invisibili  ferro  aperiam  iter.  Pare- 
bunt  quocumque  ieris  populi,  et  ultro  tua  signa  sequentur 
nobiles.  Nec  tu  mihi  obsidionem  Aurelianensem  objeceris  : 
banc  ego  ante  omnia  dissolvam,  et  civitatem  liberam  dabo  ; 
tantum  mihi  hos  équités  qui  te  pênes  adsunt,  concedito.  » 

Res  aliquandiu  in  consilio  diversis  sententiis  agitata  est. 
Alii  captam  mente  Puellam,  alii  dsemonio  illusam,  alii  spi- 
ritu  sancto  plenam  putabant.  Et  ii  Bethuliam  atque  alias 
civitates  per  feminas  fuisse  salvatas  referebant,  regnumque 
Francise  saepe  divinitus  adjutum;  nunc  quoque  per  virginem 
quam  Deus  mitteret,  posse  defendi  ;  idque  fragili  commis- 
sum  sexui,  ne  Franci,  suo  more  superbientes,  in  sua  virtute 
confidant  :  nec  vesanam  Puellam  qaoquo  modo  putandam, 
cujus  consilia  sensu  plena  essent. 

Vicit  haec  sententia^  et  Aurelianensem  provinciam  Puellee 
crediderunt.  Dux  femina  belli  facta  est.  Allata  sunt  arma, 
adducti  equi  :  Puella  ferociorem  ascendit,  et  ardens  in 
armis,  hastam  vibrans,  saltare,  currere  atque  in  gyrum  se 
vertere  haud  aliter  coegit  equm,  quam  de  Camilla  fabalee 
tradunt.  Quod  cum  proceres  advertissent,  nemo  inventus 
est  qui  ducatum  feminœ  contempserit.  Nobilissimusquisque 
assumptis  armis,  percupide  sectatus  est  virginem  quœ,  pa- 
rati.s  omnibus,  itineri  se  commisit. 

Diffîcillimus  per  terram  ad  Aurelianum  patebat  aditus. 
llinera  quoque  preecluserat  Anglicus  tribusque  urbis  portis 
trina  objecerat  castra,  eaque  fossa  et  vallo  munierat.  Puella 


326  E.    RICHER.    LA    PUCELLE    d'oRLÉAXS 

haud  ignara  Lygciiin  fluvium  prujler  ma^nia  civitatis  de- 
currere,  naves  occulto  in  loco  frumenlo  onerat  atque  cum 
copiis  ingreditur,  et  obsessis  de  sua  proicctionecommonitis, 
veloci  remigio  et  rapidi  fluminis  usa  cursu,  prius  in  cons- 
pectu  civitatis  est  visa,  quain  hostes  venturam  cognoverint. 
Accurrerunt  armati  Angliei,  conscensisque  naviculis,  frustra 
ingressum  virginis  remorari  conati  sunt,  multisque  acceptis 
vulneribuus  terga  dederunt^  111a  urbem  ingressa  ac  summa 
civium  alacritate  suscepta,  commeàtum  omnis  generis  jam 
famé  pereuntibus  importavit.  Necmorata,  sequenti  luce,  cas- 
tra hostium  quœ  portam  preecipuam  obsidebant,  magno  furore 
invadit  repletisque  fossis  atque  aggere  ac  vallo  disjecto, 
Anglos  perturbai,  ac  potita  munitionibus,  turreset  propugna- 
cula  quae  hostes  paraverant,  incendit  ;  idemque,  confirmatis 
oppidanorum  animis,  per  alias  portas  egressa,  in  aliis  castris 
effîcit.  Quum  divisi  Angliei  pluribus  in  locis  essent,  nec  cas- 
tra castris  subvenire  possent,  per  hune  modum  soluta  et 
penitus  deleta  est  Aurelianentis  obsidio,  ca;sisque  hostibus 
quicumque  ad  ea  convenerant,  ut  vix  cladis  nuntius  extiterit. 
Nec  hujus  rei  gloria  alleri  quam  PuelUe  data,  quamvis 
strenuissimi  ac  perilissimi  bellatores  et  qui  sœpe  ordines 
duxerant,  interfuere. 

Tantam  suorum  cladem  atque  ignominiam  iniquo  animo 
Talbotes  tulit,  inter  Anglicos  duces  fama  clarissimus.  Qui 
assumptis  quatuor  millibus  equitum  ex  omnibus  copiis 
delectorum,  in  Aurelianum  duxit  congressurus  Puellœ,  si 
ausa  esset  occurrere,  haud  dubius  quin  portas  exeuntem  vel 
caperet,  vel  occideret;  sed  longe  aliter  evenit.  Eductis  virgo 
cohortibus,  ut  primum  hostem  conspicata  est,  sublata 
ingenti  clamore  atque  impetu  horribili  facto,  Anglicorum 
signa  pervadit;  inter  quos  nemo  inventus  est  qui  consistere 
aut  vultum  ostendere  auderet.  Subitus  omnes  metus  atque 
horror  incessit  ;  qui,  etsi  numéro  superiores  essent,  pau- 
ciores  tamen  sese  fore  arbitrabantur,  et  innumerabiles  copias 
Puellee  militare  putabant.  Nec  defuere  qui  puguare  angelos 


t.  Assertion  en  opposition  avec  le  langage  des  documents,  ainsi  que 
plusieurs  des  détails  qui  suivent  (UEclileur). 


ELOGES    TIRES    DE    DIVERS    AUTEURS  327 

in  parte  adversa  existimarent,  nuUamque  sibi  victoriam 
promitterent  contra  Deum  prœliantibus.  Gecidere  de  mani- 
bus  nudi  enses  :  scuta  et  galeas  quisque  projecit,  levioreni 
ut  se  fugee  committeret.  Talbotis  nec  hortamenta  audita 
sunt,  nec  mime  pensitatœ  :  facta  est  fœdissinia  fuga;  virgini 
solum  ostensa  terga  :  qiue  fugientes  insecuta,  uni  versos  aut 
cepit,  ant  interfecit,  excepto  cum  paucis  duce,  qui  postquam 
suos  de  fuga  irrevocabiles  vidit,  velocibus  equis  impetum 
hostis  evasit. 

Harum  rerum  fama  ad  vicinas  gentes  et  deinde  ad  remo- 
tiores  delata  semperque  major  itinerando  facta,  stupore 
omnium  mentes  implevit.  Delphinus  jam  Puelke  monitis  cre- 
dens,  cujus  dicta  firmaverant  facta,  supplicationes  Deo  per 
omnia  templa  decrevit  et  ad  suscipiendam  coronam  sese 
accinxit.  Nobilitas  universi  regni,  miraculosis  Puellae  operi- 
bus  auditis,  postquam  solemnia  coronationis  apparari  didi- 
cit,  incredibili  cupiditate  visendi  virginem,  tota  Gallia 
asumptis  armis  accurrit,  atque  intra  mensem,  supra  tri- 
ginta  equitum  milliaS  propriis  stipendiis  militatura,  ad 
Delphinum  concessit  :  qui  tantas  adesse  armatorum  copias 
magis  ac  magis  Isetatus,  ex  Biturigibus,  apud  quos  plerum- 
que  morabatur,  arrepto  itinere,  preecedente  in  armis  et 
vexillum  regium  gestante  Puella,  in  Remos  duxit.  Media 
quseque  oppida  in  potestate  hostium  erant  ;  populique 
omnes,  novis  adacti  juramentis,  fidem  servare  Anglicani  ac 
Delphinum  hostiliter  accipere  decreverant.  At  ubi  eum 
Puellamqueprope  adesse  cognoverunt,  (mirabile  dictu)  nemo 
contra  armatus  occurrit,  nemo  portas  clausit,  nemo  venien- 
tibus  maledixit.  Quocumque  ventum  est,  eiïuste  obviam  plè- 
bes Delphinum  tanquam  dominum  salutarunt,  certantes 
inter  se  quonam  pacto  suum  principem  majoribushonoribus 
affîcere  possent, 

Quum  prope  Remos  ad  quadraginta  ferme  stadia  per- 
venisset  exercitus,  magnopere  in  civitate  trepidatum  est. 
Nihil  Anglico  tutum  videri,  nutare  optimales,  plebis  animos 
res  novœ  allicere.  Fuerunt   inter  Anglicos  qui    suaderent 

1.  Nombre  de  beaucoup  exagéré. 


328  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

sacrum  oleuni  quo  rex  inungitur  alio  transferendum,  ne 
perdita  civitate  rite  coronari  hostis  posset.  Opinantur  Galli 
candidam  olim  columbam  e  coelo  raissam  Beato  Remigio, 
ejus  urbis  antistiti,  liquorem  olei  attulisse  quo  reges  inun- 
gerenlur,  idque  summa  religione  custodiuut  neque  Imminui 
putant,  quamvis  aCIodoveo  usque  in  haîc  tempora  permulti 
reges  illo  sint  usi,  negantque  verum  esse  regem  qui  hoc  oleo 
non  sit  delibutus.  Ob  eam  causam,  quum  de  transportando 
liquore  s;epius  Anglici  consuluissent,  divina  voluntate  pra;- 
peditum  proposituni  arbitrantur. 

Delphinus,  urbi  propinquus,  caduceatores  misit  qui  civi- 
tatem  tradi  jubeant  coronationemque  suam  Kemensibus 
annuntient.  Illi  primarios  cives  legant  qui  tempus  consul- 
tandi  petunt.  Puella  legatis  nihil  responderi  jubet,  nihil 
morandum  in  tempore  quod  Deus  statuisset;  cuncta  esse 
gerenda.  Paret  Delphinus  virgini,  retentisque  legatis  et  prœ- 
missis  ordinibus  equitum,  céleri  cursu  civitatem  petit.  Mira 
res  et  apud  posteros  fide  caritura  !  nullus,  vel  in  porta,  vel 
in  urbe  reperitur  armatus;  togati  cives  extra  mœnia  accur- 
runt.  Delphinus  sine  conditionibus,  sine  pactis,  absque  ulla 
contradictione  patentes  portas  ingreditur  :  nemo  réclamât, 
nemo  signum  indignationis  ostendit,  divinum  opus  cuncti 
esse  fatentur.  Franci  dum  portam  unam  ingrediuntur, 
Anglici  altéra  fugiunt.  Pacifica  et  quieta  civitas  suum  domi- 
num  bénigne  amplectitur,  et  quem  paulo  ante  velut  hostem 
aspernabatur,  nunc  tanquam  patrem  miro  affecta  et  summis 
honoribus  excolit.  Fit  magnus  circa  Delphinum  salutantium 
concursus,  major  circa  Puellam,  quam  veluti  divinum 
aliquod  numen  intuebantur.  Facta  sunt  hsec  die  sabbati,  in 
profesto  Marite  Magdalenœ;  et  in  ipso  festo,  apud  monaste- 
rium  sancti  Remigii,  magna  populi  frequentia,  multis  proce- 
ribus  ac  prailatis  circumstantibus,  Delphinus  more  majorum 
sacro  inunctus  oleo,  regni  Francise  diadema  suscepit  accla- 
mante multitudine  Carolo  régi  (id  enim  nomen  Delphino 
fuit)  vitam  ac  victoriam. 

Mansit  rex  ea  in  urbe  quatriduo,  pneter  consuetudinem. 
Mos  enim  Franciœ  regibus  est,  die  quœ  coronationem  sequi- 
tur,   templum   quoddam   peregrinando  petere  cui   sanctus 


ÉLOGES   TIUÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  329 

Marcoul  proesidet,  atque  ibi  œgrotos  curare.  Miraculuin  Galli 
viilgaverunt,  morbum  qucindam  humano  in  gutture  nasci  solo 
qui  régis  tactu  et  arcanis  quibusdam  curetur  verbis;  idque 
post  coronationem  in  hoc  temple  fieri.  Non  est  percgrinatus 
statuta  die  novus  rex.  Impedimento  fuere  Burgundoruni 
legati,  qui  salutatuni  vénérant,  et  aliquid  ad  concordiam 
afîerebant.  Quibus  auditis,  quarta  die  peregrinatio  facta  est, 
in  qua  de  curatione  morborum  nihil  satis  compertum 
habeo,  quamvis  Gallici  omnia  illa  credant  fieri  miraculosa. 

Post  htjec  Puella  cum  novo  rege  Laudunum  petit  neque 
resistentia  reperitur.  Paruerc  omnia  régi.  Idem  fecere  quae- 
cumque  oppida  intra  Parisios  Laudununque  jacent,  populis 
ac  plebibus  universis  summa  cum  exultatione  obviam  effu- 
sis.  Fuit  et  spes  data  régi  Parisiorum  urbis  capiendse;  sed 
quum  in  agros  eorum  duxisset  nec  quisquam  occurreret, 
deceptum  se  intelligens  rétro  abiit.  Puella  vero  acriori  animo 
assumptis  quibusdam  cohortibus,  usque  ad  portam  excurrit 
qute  ducit  ad  Forum  porcorum,  eamque  magno  impetu,  non 
sine  spe  potiundœ  civitatis,  incendit  :  ubi,  dum  fortius  quam 
cautius  pugnat.  intusque  summa  vi  resistitur,  sagitta  in 
incertum  missa  vulneratur  Ubi  primum  sauciatam  se  ani- 
madvertit,  e  pugna  recessit.  Comités  ab  oppugnatione  cessa- 
runt.  Atque  hic  favor  Puelke  minui  cœpit,  quse,  inviolabilis 
antea  tradita,  vulnerari  potuisset;  neque  deinceps  nomen 
ejus  tam  formidabile  Anglicis,  aut  tam  venerabile  Francis 
fuit.  Brevi  tamen  curato  vulnere,  rursus  in  castra  venit, 
ubi  pro  veteri  consuctudino  arma  tractans,  nihil  mirabile 
fecijt. 

Haud  procul  ab  urbe  rex  abierat,  expectans  si  forte  mutatis 
civium  animis,  revocaretur  :  nihil  ex  opinione  successit. 
DuxGlocestriicS  qui  tum  Parisiisprœerat  regnumque  Angli- 
cis  ministrabat,  summa  diligentia  cavit  ne  quispiam  civium 
ad  Carolum  exiret.  Ipse  vero  copias  educens,  castra  castris 
opposuit,  quingentis  circiter  passibus  ab  hoste  distans.  Spec- 


1.  Confusion  île  personnages  et  de  faits.  C'est  le  duc  de  Bethford, 
nigent  de  France,  qui,  avant  la  tentative  sur  Paris,  lit  mine  de  vouloir 
combattj-e  à  Monlépilloy,  et  en  définitive  ne  combattit  pas. 


330  E.    RICHER.    L.\    PUCELLE    D  URLEANS 

tarunt  sese  l)iduo  hostiles  exercitus,  et  quanquain  preeludia 
queedam  furtaque  belli  commiserint ,  nunquam  tamea 
coUatis  signis  congredi  priesumpserunl.  Exin  pêne  intacti, 
incertumque  cujus  niajori  dedecore,  abierunt.  Anglici  Pari- 
sios  revertere,  Franci  Biturigas,  receptis  denuo  in  fidem 
quicumque  in  niedio  eranl  populis,  quum  alio  itinere  rcdiis- 
sent. 

Puella  ubi  coronatum  regem  et  in  sua  sedc  satis  tuto  loca- 
tum  cognovit,  quietis  impatiens,  in  hostes  rediit  et  oppida 
multa  expugnavit  armis  :  multa  in  deditionem  accepit,  non- 
nuUa  qmjd  hostes  obsidione  premebant  céleri  subventione 
iiberavit.  Postremo  quum  Anglici  Compendium  obsiderent, 
munitissimum  oppidum  ac  Parisiis  infensum,cupiens  obses- 
sis  opem  ferre,  eo  se  cum  copiis  confert.  'Sentiuut  hostes 
adventum  atque  insidias  venienti  parant.  Iter  ei  per  vineas 
faciendum  erat  et  angustas  semitas,  quas  ingressam  a  tergo 
invadunt. 

Utcumque  sit,  captam  in  bello  virginem  constat  decem 
millibus  aureis  venditam  Anglicis,  lihotomagumque  ductam  : 
quo  in  loco  diligenter  examinata  est,  an  sortilegiis,  an  die- 
monio  uteretur,  an  quicquam  de  religione  prave  sentiret. 
Nihil  inventum  est  emendalione  dignum,  nisi  virile  indu- 
mentum  quo  illa  utebatur;  neque  hoc  ultimo  supplicio 
dignum  censuere.  Retrusa  est  in  carcere,  adjecta  necis  pœna, 
si  amplius  viriles  vestes  indueret.  Illa  quie  arma  tractare 
didicisset  et  exercitio  militari  gauderct,  a  cuslodibus  por- 
tentata,  qui  modo  sagum  militare,  modo  loricam,  modo 
thoracem  et  alias  armaturas  coram  afîerebant,  incauta,  viri- 
libus  aliquando  et  indumentis  ac  armaturis  se  adornavit, 
nesciens  quia  mortem  indueret^. 

Credibile  est  vivente  virgine,  quamvis  capta.  Anglicos  se 
nunquam  satis  lutos  existimavisse,  qui  tôt  prêeliis  ab  ea 
superati  fuissent;  timuisse  fugam  ac  prœstigia  ;  atque 
idcirco  necis  causam  quœsivisse.  Judices,  ubi  Puellam  viri 

1.  Note  de  J.  Quicheral  :  «  Cette  version  de  l'infâme  guet-apcns  ima- 
giné pour  amener  le  cas  de  rechute,  doit  être  celle  que  les  docteurs 
normands  —  et  ceux  de  Paris  —  avaient  répandue  au  concile  de 
Bàle.  »  {Procès.  IV.  517.  note  3.) 


ÉLCX.ES    TUiÉS    I)E    DIVERS    AUTEURS  331 

habituin  récépissé  cognoverunt,  tanquam  relapsam,  igni 
damnaverunt.  Cineres  ejus,  ne  honori  aliquando  cssent,  in 
Sequanam  fluvium  projecere. 

SicJoanna  obiit,  mirabilis  et  stupenda  virgo  :  quije  collap- 
sumacpene  dissipatuni  Francorum  regnum  restituit;  quai 
tôt  tantasque  clades  intulit  Anglicis  ;  quœ  dux  virorum 
facta,  inter  militum  turmas  pudicitiam  servavit  illœsam,  de 
qua  nihil  unquam  indecorum  audiliim  est.  Divinum  opus 
an  humanum  inventum  fuerit,  difficillime  affirniaverim. 
Nonnulli  existimant,  quum  Franciifi  proceres,  prospère  suc- 
cedentibus  Angloruni  rébus,  inter  se  dissiderent,  nec  alter 
alterius  ducatiun  ferre  dignaretur,  abaliquo  qui  plus  saperet 
hoc  vaframenlum  excogitatum,  ut  virginem  divinilus  mis- 
sam  assererent,  ducatumque  petenti  admitterent  :  neque 
enim  hominem  esse  qui  Deuin  recuset  :  atque  in  hune  mo- 
dum  rem  bellicam  Puellee  creditam  et  armorum  imperium 
datum.  lUud  exploratissimum  est,  Puellam  fuisse  cujus 
ductu  Aureliani  soluta  est  obsidio,  cujus  armis  omnis  terra 
subjecta  est  inter  Bituriges  ac  Parisios,  cujus  consilio  Re- 
menses  in  potestatem  recepti  sunt  et  coronatio  apud  eos 
celebrata,  cujus  impetu  Talbotes  fugatus  est  et  ejus  exerci- 
tus,  cujus  audacia  Parisiensis  porta  cremata,  cujus  solertia 
atque  industria  res  Francorum  in  tuto  positœ  sunt.  Digna 
res  quœ  memorite  mandaretur,  quamvis  apud  posteros  plus 
admirationis  sithabituraquam  fidei.  Garolus  etsi  virginisobi- 
tum  acerbissimc  tulit,  non  tamen  sibi  ipse  defuit;  multa  per 
se,  multa  per  duces  suos,  non  solum  adversus  Anglos,  verum 
et  adversus  Burgundos  prœlia  gessit  digna  memoratu,  quœ 
forte  huic  operi  inseremus.  » 

Ce  discours  est  fort  naïf  et  grandement  judicieux,  et  pour 
la  plus  part  conforme  aux  exploits  de  la  Pucelle.  Quant  aux 
choses  qui  ne  s'accordent  pas  à  la  vérité  de  l'histoire,  je  ne 
me  veux  arrester  à  les  particulariser,  parce  que  le  lecteur  les 
pourra  aisément  recognoistre  et  corriger  par  la  conférence 
du  premier  livre  de  cette  histoire.  Quelqu'un  à  la  rigueur  se 
pourroit  esbahir  de  ce  que  Pius  I[  au  commencement  de 
cette  narration   asseure   que   «  les    exploits   de   cette    lille 


332  E.    RICHER.    —    LA    l'UCKLLE    D  ORLÉANS 

démonstrent  qu'elle  estoit  inspirée  de  Dieu  ;  ;>  et  sur  la  lin 
dit  :  (c  Oue  ce  soit  une  œuvre  divine  ou  invention  humaine, 
il  est  difTicile  de  Tasseurer.  »  Mais  à  cela  nous  respondons 
que  Pias  II  n'avoit  pas  vu  le  procez  de  la  Pucelle,  ni  la  revi- 
sion d'icclui  décrétée  par  Galixte  III  son  prédécesseur.  Et 
d'ailleurs  il  est  certain  que  la  discrétion  des  esprits  est  une 
chose  très  difficile,  ainsi  que  nous  avons  justifié  ailleurs  ;  car 
personne  n'en  peut  avoir  l'évidence  certaine.  Davantage  :  sur 
la  fin  de  ce  discours  il  propose  des  bruits  que  l'on  faisait  cou- 
rir de  la  Pucelle,  ainsi  que  doibt  faire  un  historien;  mais  au 
reste  partout  montre  que  jamais  l'on  n'a  trouvé  que  redire 
en  sa  créance,  en  ses  mœurs,  intégrité  et  pudicité,  chose 
toute  notoire  par  les  actes  du  procez. 


Vin 

Saint  Antonin  de  Florence. 

Antoninus^  archevesque  de  Florence,  vivoit  au  mesme 
temps  qu'/Eneas  Sylvius,  et  en  la  Iroisiesme  partie  de  son 
histoire,  titre  vingt  et  deux,  chapitre  neufviesme,  section 
septiesme,  parle  en  ces  termes  de  la  Puqelle  sur  le  discours 
qu'il  prit  des  guerres  du  Roy  Charles  VII  contre  l'Anglois  et 
le  Bourguignon. 

«  Tune  autem  obtulit  se  régi  Francise  quaedam  Puella,  filia 
rustici,  assueta  gregem  pascere,  dicens  se  missam  ad  juvan- 
dum  exercitum  ejus  :  tetatis  octodecim  annorum  vel  circa. 
Quœ  in  multis  eos  instruxerat  in  bellando  et  civitates  capi- 
endo.  Hœc  equitabat  apte  ut  miles,  in  exercitu  ibat  cum  eis, 
insidias  inimicorum  detegebat,  et  modum  ad  capiendas  civi- 
tates docebat,  et  multa  alla  admiratione  digna  agebat.  Quo 
autem  spiritu  ducta  vix  sciebatur  :  credebatur  magis  spiritu 
Dei.  Hoc  patuit  ex  operibussuis.  Nihil  enim  inhonestum  in  ea 
videbatur,  nihil  superstiliosum  :  in  nuUo  a  veritate  fidei  dis- 
crepabat.  Sacramenta  confessionis  et  communionis  frequen- 

■1.  Né  à  Florence  en  1389,  dominicain  à  Fiesole.  auditeur  de  Rote, 
archevêque  de  Florence  en  4446.  mort  en  14.Ô9,  canonisé  en  1523. 


ÉLOGES    TIRÉS    DE    DIVKRS    AUTEURS  33Î 

labat,  et  orationes.  Et  post  multas  victorias  régis  Franciœ, 
in  uno  conflictu  cum  Burgundionibus  copiarum  régis  Fran« 
cifc  capta,  ab  eis  occisa  est.  Deinde  facta  est  pax,  etc.*  » 


IX 
Philippe  de  Bergame. 

Jacques  Philippe  de  Bergame-,  de  Tordre  des  Augustins, 
florissoit  l'an  1494,  au  siècle  auquel  vivoit  nostrc  Pucelle,  de 
laquelle  il  escrit  des  merveilles  au  livre  qu'il  a  fait  De  Claris 
mulieribus ,  chapitre  cent  cinquante-sept.  Mais  son  discours 
est  pour  la  plus  part  fabuleux.  Nous  ferons  seulement  extrait 
de  ce  qui  est  conforme  à  l'histoire,  comme  quand  il  dit  : 

«  Erat  brevi  quidem  statura,  rusticana  facie  et  nigra 
capillo,  sed  toto  corpore  prœvalida  :  quœ  per  omnem  vitam 
suam,  illibatam  servavit  virginitatem,  et  religionis  apprime 
custos  extitit.  Ejus  sermo  satis,  ex  more  feminarum  illius 
patrise,  lenis  erat,  quam  sani  ejus  mores  plurimum  honesta- 
bant.  Tam  rectus  sensus  atque  integer,  ut  ibi  educata  ibique 
nutrita  crederetur,  ubi  summa  prudentia  et  omnis  consilii 
ratio  vigere  videretur. 

«  Ea  itaque  tempestate,  Henricus,  Anglorum  rex,  atrox  hél- 
ium Carolo  ejus  nominis  septimo,  Francorum  régi,  intulerat. 
Idemque  majorem  sui  partem  aderaerat,  et  jam  Aurelianam, 
primariam  sui  regni  urbem,  summa    vi  oppugnabat  ;  et  ejus 

l.De  ces  quinze  lignes  J.  Quiclierat,  Procès,  IV,  506,  n'en  donne  que 
quatre  ou  cinq. 

2.  Ce  religieu.x  était  né  en  1433.  Richer  a  grandement  raison  de 
déclarer  fabuleux  la  plus  grande  partie  de  ce  qu'il  raconte  de  Jeanne. 
Quoiqu'il  se  réclame  d'un  témoin  oculaire  attaché  à  la  cour  de  Charles 
VII,  ce  n'est  pas  ce  témoin  qui  a  pu  lui  dire  sérieusement  que  la  mission 
de  la  Pucelle  avait  duré  huit  ans,  qu'elle  avait  livré  trente  fois  bataille 
aux  Anglais,  et  que  Louis  XI  et  Pie  11  auraient  poursuivi  et  livré  aux 
bourreaux  un  des  juges  et  un  des  assesseurs  survivants  du  tribunal  qui 
avait  condamné  l'héroïne.  Ce  que  Philippe  de  Bergame  avance  d  inédit 
et  de  son  autorité  propre  ne  doit  être  accepté  que  sous  toutes  réserves. 
(Voir  J.  Qlicherat,  Procès,  IV,  521-522.) 

Lenglet-Dufresnoy,  dans  son  Histoire  de  Jeanne-d'Arc,  troisième  par- 
tie, p.  26  et  suiv.,  a  traduit  m  français  le  texte  de  Philippe  de  Bergame, 
(Amsterdam,  ITo'J). 


334  E.    RICHKU.    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

urbis  quotidie  gravissima  erat  oppugnatio  ;  eoqae  undique 
circumsessa  erat,  ncc  aditus  ostendebatur  quo  posset  talis 
obse.ssio  solvi.  Ineaquippe  omnis  spesregni  versabatur;  qua 
quidem  amissa,  de  loto  regno  Galli;u  aclum  esse  videbatur. 
In  hac  itaque  difficultate  rcx  consLitutus,  et  angore  animi 
incertus  angebatur,  nec  quod  consilium  sequcretur  ratione 
nulla  inire  poterat. 

«  Introducta  ad  regem  Palcella  Johanna,  quum  ad  ipsius 
genua  procidisset,  majestatem  regiam,  ex  more,  omni  reve- 
rentia  salutavit.  Salutatoque  rege,  primoribus  cunctis  palam 
audientibus,  sic  locuta  est  :  «  Gloriosissime  rex,  ego,  aucilla 
«  tua  minima,  omissa  mei  gregis  custodia,  cui  tanquam  una 
«  ex  agrestibus  preeeram,  omnipotentis  Dei  imperio,  ad 
«  opem  tibi  ferendam,  qua  regnum  tuum  amissum  recupe- 
«  res,  hue  impigre  accessi,  divinoque  jussu  ducem  totius  tui 
«  exercitus  moiieo  me  declarari  jubeas.  Nec  mireris  quod 
«  puella  inops  et  agrestis,  et  hujusce  vilissimœ  sortis,  hue 
a  prodierim,  ausaque  fuerim  tantum  imperium  suscipere, 
«  quia  omnipotenti  Deo  sic  visum  infirma  et  contemptibilia 
«  eligere,  ut  fortia  confundat.  » 

«  Rex  autem  inquit  :  «  Pulcella,  ingénue  profiteris  te  a  Deo 
«  inihi  omnino  in  auxilium  missam  esse  ;  sed  qua  ratione  ? 
«  Tu  femina  es  admodum  adolescentula,  rerum  omnium 
«  inexperta,  et  quomodo  prœsumis  tibi  tanti  muneris  ian- 
((  tique  exercitus  assumere  administrationem  ?  Hoc  utique 
a  non  est  tui  officii  et  œtatis  tenellœ  munus,  sedjure  militari 
«  peritissimorum  exercitatissimorumque  virorum.  Itaque 
«  moneo  semel  atque  iterum  ut  videas  etiam  atque  etiam 
«  quœ  afferas  et  quœ  apportes. 

«  Constanti  vultu  et  intrepido  confestim  respondit  : 

«  Maxime  rex,  obsecro  ne  plura  percontari  pergas.  Deus, 
a  a  quo  missa  sum,  huic  tuœ  necessitati  consulet.  Nec  teras 
«  ultra  tempus,  si  cara  tibi  est  tui  regni  incolumitas.  Et,  ut 
«  verum  intelligas,  accipe  quœ  submotis  arbitris  tibi 
«  dicam.  » 

«  Postquam  verocum  rege  locuta  est,  rex,  prope  stupefac- 
lus  et  incertus  quid  responderet,  e  vestigio  illam  totius  sui 
exercitus  ducem  enuntiavit,  cunctis  primoribus  acclaman- 


ÉLOGES    TIRKS    DE    DIVERS    AUTEURS  335 

tibus,  Rcs  prope  incicdibilis  et  inaudita,  et  maximo  specta- 
cnlodigna,  si  animadverteris  tôt  principes,  regemque  ipsum, 
in  bellis  exercitatissimos,  sese  in  imperio  adolescentulœ,  sede- 
cim  annos  natee,  subjicere,  qiue  ex  ovium  et  suum  vel  por- 
corum  gregis  cura  excepta  fuerat,  videre  eam  virilibusindu- 
mentis  et  armis  indutam,  Gallicas  ducere  acies.  Quumque 
taliter  indutam  et  armatam  omnis'spectaret  exercitus,  etequo 
intrépide  insedentem,  visa  est  omnibus  eques  quidam  e  cœlo 
demissus.  » 

Le  mesme  auteur,  après  cela,  fait  un  narré  de  la  levée  du 
siège  d'Orléans  et  de  la  deffaite  des  Anglois,  mais  tout  fabu- 
leusement. Et  de  là  passe  au  couronnement  du  Roy  à  Rheims, 
et  puis  conclut  en  cette  sorte  : 

«  Ileec  igitur  Johanna  Pulcella  virgo,  quum  magnam  glo- 
riam  in  armis  esset  adepta,  et  regnum  Francorum  magna  ex 
parte  deperditum  e  manibus  Anglorum  pugnando  eripuisset, 
in  sua  florenti  œtate  constituta,  non  solum  se  morituram,  sed 
et  genus  suée  mortis  cunctis  prœdixit.  Nam  ab  ipsis  Anglis 
tandem  in  prœlio  capta,  et  ad  Rhotomagum  urbem  violen- 
ter perducta,  ibidem  ab  ipsis  et  ipsorum  rege  veneficii  et 
artis  magicœ  vitio  incusata,  seevissima  ignis  morte  demum 
damnata  est.  Et  hic  tantœ  virginis  vitee  finis  fuit;  quo  quidem 
atrocissimo  suppliciohœc  taminauditœ  virtutis  mulier  indi- 
gne occisa  est.  Postmultos  autem  annos,  Garolus  ipse,  opti- 
mus  sane  rex,  Rhotomagensium  urbe  recepta,  eo  in  loco  ubi 
atrociter  concremata  fuerat  Johanna  Pulcella,  pro  monumento 
ettitulo  puellarisdecoris,  crucem  œneam,  et  quidem  eminen- 
tissimam,  inauratamque  poni  jussit.  » 

X 

Guillaume  Postel. 

Guillaume  Postel^  professeur  du  Roy  en  la  langue  hébra- 
ïque, estoit  prestre.  Au  livre  qu'il  a  composé,  De  Phaenicum, 


1.  Né  en  1510,  mort  en  1581  :  tète  faible,  mais  l'un  des  plus  savants 
hommes  de  son  siècle. 


336  E.    RICHER.    LA    PL'CELLE    D  ORLÉANS 

lilteris,  imprimé  à  Paris,  1552,  par  Martin  le  jeune  et  dédié 
au  cardinal  de  Lorraine,  discourant  des  grâces  et  bénédic- 
tions que  Dieu  a  départies  aux  Roys  de  France,  sections  32, 
33,  il  dit  : 

a  At  vero  quid  magis  admirandum  quam  quod  solius  divi- 
nœ  christianissimorum  regum  ordinationis  gratia  fieri  vide- 
mus  ut  cum  sithomo  cœteris  similis  rex,tamen  solo  contactu 
hiatro-chocradicus  aut  scrofularum  medicus  fuit  ?  Quod  non 
tam  multi  hodie  atque  olim  sanentur  aut  jvideantur  sanari, 
hoc  vere  nostri  seculi  incredulitas  et  ubivis  consurgendus 
atheismus  facit.  Vidi  sane  quam  plurimos  curatos,  sed  qui 
insigni  erant  fide.  —  Pro  33.  Prodeat  in  médium  sacrosanc- 
tœ  Puellae  Johannœ  facinus  omnibus  seculis  ut  admirandum 
itainauditum,  licet  impiis  nostri  seculi  invisum.  Perieratpene 
(ïallia.  Rex  Galliœ  Biturigum  rex  tantum  dicebatur.  Validis- 
simis  Burgundionum,  Germanorum  et  Anglorum  exercitibus 
oppressa  jacebat  Gallia,  cum  unius  Puellulse  virtute,  eo  divi- 
nitus  et  miraculose  conducta  est  nobilitas  Gallica,  alioqui 
vix  imperii  virilis  preeter  quam  in  suo  rege  patiens,  ut  femin.o 
pareret,  auspiciis  tani  felicibus  ut  intra  biennium  plura  fiant 
ejus  ductu  facinora  tam  defendendo  quam  insultando  édita  : 
quœ  quivis  potentissimus  princeps,  et  centenis  hominum 
millibus  vallatus,  toto  vix  potuisset  decennio.  Et  intérim,  si 
Diis  placet,  credemus  atheis  qui  nobis  fuisse  commentum 
affingunt  et  somniant,  ut  Rex  ductu  Puellœ  excitaretur,  quasi 
saxa  et  bestiœ  id  temporis  homines  fuissent  :  quasi  vero  non 
constet  de  accusatione  contra  illam  invidise  Rhotomagi  ab 
Anglis  intentata,  de  miraculoso  ejus  ad  Regem  adventu,  de 
Pontificis  summi  censuris  in  judices.  Heec  adhuc  média  in  luce 
hominum  versantur,  in  recenti  etiamnum  sunt  memoria,  et 
ista  patitur  publiée  proscindi  Christianissimus  rex  !  0  tem- 
pora  !  Et  si  falsi  aliquam  suspicionem  habuissent,  debebant 
ob  regiam  auctoritatem  dissimulari,  et  nunccumin  omnium 
hujus  temporis  scriptorum  historiis  sint  constantissime  sine 
uUa  suspicione  falsi  scripta,  sunt  qui  vellicare  et  negare 
audeant,  tam  libenter  profecto  Christum  negaturi  et  risuri, 
si  audeant,  quam  ejus  spiritui  et  virtuti  in  suis  membris 
agenti  detrahunt.  »> 


ÉLOGES    TIKliS    DE    DIVERS    AUTEUUS  337 

Le  mesme  Postel,  en  un  livre  françois  qu'il  a  composé  et 
intitulé  :  V histoire  mémorable  des  expéditions  depuis  le 
déluge  faites  par  les  Gaulois  ou  Françoys,  imprimé  lan  1552 
par  Sébastien  Ninelle,  a  fait  un  chapitre  contre  un  livre  De 
l'art  militaire,  escrit  par  le  sieur  de  Langey,  lequel  estimoit 
que  tout  ce  qu'on  disoit  de  la  Pucelle  fust  une  fable  sem- 
blable à  celle  de  la  nymphe  .Egeria  feinte  et  introduite  par 
Numa  Ponipilius.  Auquel  chapitre  Postel  fait  un  narré  fran- 
çois de  la  Pucelle  contre  cette  opinion,  qu'il  maintient  ne 
pouvoir  tomber  en  l'esprit  d'aucun  homme  s'il  n'est  athée,  et 
qui  est  cela  mesme  qu'il  a  représenté  en  latin  :  disant  en 
outre  que  par  ce  moyen  on  peut  décréditer  tous  les  historiens 
qui  ont  jamais  escrit  et  rendu  tesmoignages  des  choses  pas- 
sées en  leurs  siècles,  et  qu'il  y  en  a  infinis  :  comme  de  vérité 
il  y  en  a  qui  ont  narré  les  faits  héroïques  de  la  Pucelle,  et  sont 
aussi  croyables  que  tous  les  autres  historiens  qui  les  ont  pré- 
cédez et  ont  rédigé  par  escrit  les  affaires  de  leur  temps.  Qui 
est  une  raison  fort  prégnante  tirée  de  la  nature  de  l'histoire 
laquelle  prend  son  titre  par  le  tesmoignage  de  ceux  qui  en 
escrivent^ 

XI  —  XIII 

Gilbert  Génébrard  —  Arnault  de  Pontas  —  H.  Morus. 

Messire  Gilbert  Génébrard-,  professeur  du  Roy  aux  lettres 
hébraïques,  et  depuis  archevesque  d'Aix  en  Provence,  au 
livre  quatriesme  de  sa  Chronologie  : 

«  Joanna  puella  sive  virgo,  inope  pastore  in  Lotharigarum 
Dompremeio  pago  nata,  anno  tetatis  circiter  vigesimo,  Aure- 
liam  urbem  obsidione  Anglorum,  qui  Lutetiam  magnamque 
Galliœ  parlem  possidebant,  libérât  anno  1429.  Ejus  auspiciis 
multa  prœlia  féliciter  a  Francis   gesta  sunt.  Trecas,  Lute- 

1.  Voir  dans  Lengiet-DutVesnoy,  (Histoire  de  Jeanne  d'Arc  citée,  livre 
troisième)  divers  passages  de  Guillaume  Postel  et  les  réflexions  de  lau- 
teur,  p.  117-120,  131-135. 

t.  Gilbert  Génébuaud,  professeur  d'hébreu,  archevêque  d'Aix  en  Pro- 
vence, né  à  Riom  1537,  mort  à  Semur  1597. 


338  K.  KICHER.  LA  PUCELLE  DOHLÉANS 

tiamque^  cepit,   inter  prirtios  milites  in  muros  ascendens. 
Tandem  capta  Hhotomagi,  ut  maga  combusta  est.  » 

Messire  Arnault  de  Pontas,  évesque  de  Bazas,  au  livre 
second  de  sa  Chronique,  dit  : 

«  Johannam  Puellam,  annorum  circiter  viginti  natam, 
Aureliani  urbem  obsidione  Anglorum  liberans  anno  1429,  et 
ejus  auspiciis,  multa  prœlia  féliciter  a  Francis  gesta  esse.  » 

jlubertus  Morus,  docteur  en  théologie  de  Paris  et  théolo- 
gal de  l'église  de  Reims,  au  livre  troisiesme  de  sacris  imc- 
tionibus  : 

«  Nec  certe  hic  lubens  omiserim  quod  bellicosa  illa  virago 
quam  Joannam  Puellam  nostri  nominant,  ad  regnum  non 
tam  conservandum  quam  restituendum  legitimo  hteredi 
Carolo  Vil  divinitus  excitata,  vei  ut  verbis  Meyeri  Flandri 
scriptoris  utar,  non  creata,  non  electa,  sed  a  Deo  data  [ut 
vitœ  sanctitas,  animi  generositas  et  in  bello  félicitas  vel  invi- 
tos  fateri  cogunt),  numquam  eum  nisi  post  consecrationem 
regem,  sed  tantum  Delphinum  sicut  ab  aliquis  seculis  sole- 
mus  Regum  nostrorum  primogenitos,  vocare  audita  est  ; 
quodque  numquam  cessaret,  donec  illum  quamprimum  Rhe- 
mo  ungendum,  etiam  contra  multorum  opinionem,  dedu- 
ceret  :  se,  ut  id  faceret,  cœlitus  admonitam  asserens. 

«  Hand  dubie  omnipotens  Ueus  mirabilia  operatur  ubi, 
quando  ac  quomodo  vult;  et  qui  quondam  in  manu  castis- 
simee  vidute  superbum  hostem  populi  suit  stravit  Holopher- 
nem,  non  est  absurdum,  nec  majestati,  nec  misericordiœ 
illius  indignum,  si  manu  quoque  Puellse  innocentis.  Régi 
Francorum  fidelissimo  cultori  suo  regnum,  ut  légitime  debi- 
tum,  vindicare  dignatus  est.  Et  omnes  annales,  Anglis  fere 
semper  adversa,  Francis  vero  prospéra,  ab  eo  tempore  quo 
Rex  sacrosanctam  cepit  unctionem  contigisse  testantur  : 
adeo  ut  illi  infra  paucos  annos,  sicut  illa  initio  pnedixerat, 
toto  Galliœ  regno  recedere  coacti  sint.  » 


1.  Erreur  do  l'auteur  cilé.  Paris  n'a  point  été  pris  par  la  Pucelle. 


ÉLOr.ES    TIRÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  33*.» 

XIV-XVI 

Mariana.  —  Martin  De]rio.  —  Jean  Candela. 

Joannes  Mariana  ',  jésuite  espagnol,  docte  théologien,  au 
vingtiesme  livre  de  rébus  HispanUie  : 

«  Septimum  mensem  Aurélia  obsidebatur,  ad  Ligerim 
nobilissima  civitas.  Obsessi  verum  omnium  inopia  labora- 
bant,  ac  vix  mœnibus  hostilem  vim  propulsabant.  Joanna 
puella,  amorum  octodecim  aut  circiter,  rébus  saluti  fuit. 
Domremeii,  nata,  qui  pagus  in  agro  TuUensiapud  Leucos  est, 
pâtre  Jacobo  Darcio,  matre  Ysabella,  atque  a  prima  a;tate 
paternas  oves  pascere  solita.  Veniens  in  castra  Gallica, 
divino  se  monitu  missam  ait  ad  Aureliam  periculo  et  Gal- 
liam  liberandam  Anglorum  imperio.  Variis  et  multis  inter- 
rogationibus  versata,  ubi  fides  ab  Rege  et  proceribus  est 
habita;  per  hostium  munitiones  impetu  facto,  auxilia  et 
commeatum  in  urbem  infert.  Civibus  cum  spe  defensionis 
crevit  animus,  crebrisque  ex  urbe  irruptionibus  obsessio 
dissipata  est  ad  sextum  Galend.  junias.  Gircumjecta  oppida 
recepta,  levia  tantummodo  prœlia  facta,  neque  univers!  cer- 
taminis  fortuna  tentata  :  dum  vincendi  consuetudine  Gal- 
lorum  vires  et  animi  confirmarentur.  Rex  gallus  per  medios 
hostes  Rhemos  (quod  factum  .non  erat)  ad  sacrum  Ghrisma 
regnique  insigne  suscipiendum  abiit  :  auctor  consilii  Puella. 
Sic  augustior  suis,  hosti  formidolosior  est  factus.  Multis 
receptis  urbibus,  Lutetia  tentata  capi  non  potuit,  quin  ad  D. 
Honorati  portam  Puellœ  vulnus  inflictum  est.  Belli  impetus 
versus  alio.  Gompendium  obsidebatur  ab  Anglis.  Puella 
successu  fidentior  animo,  suorum  cuneo  facto  in  urbem 
irruinpit.  Sed  fortuna  tandem  in  medio  cursu  deserente, 
eruptione  facta,  in  potestate  hostium  redacta,  Rhotomagi 
magicee  superstitionis  rea,  causa  dicta,   igné  combusta  est. 


1.  M.\Ki.\NA.  (Jean),  né  à  Talavera  en  1537,  mort  en  1624.  Entant 
trouvé,  recueilli  par  les  jésuites,  professa  à  Rouen  et  à  Paris,  lb61- 
1569;  repassa  en  Espagne,  1577,  et  y  composa  son  Histoire  d' Es- 
pagne en  30  livres. 


340  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    d'oRLÉANS 

Petrus  Cauchonius,  Bellovacorum  pontifex,  preecipuus  con- 
citator,  nemine  pro  captiva  contradicere  auso,  lametsi  pie- 
risque  persuasum  erat  virginem  injuria  fuisse  damnatam, 
œternum  Galliœ  decus,  omnibus  seculis  nobile,  ufi  dati  in 
causa  judices  a  Calixto  romano  pontifice  pronuntiaverunt. 
Quœ  acla  in  scrinio  summiTempIi  Lutetiie  cum  fide  servan- 
tur.  ,'Enea  virginis  statua,  armati  militis  habitu,  in  média 
Aureliœ  ponte  cernitur,  accepti  beneficii  monumentum  '.  » 

Martin  Delrio  ^  jésuite  flamand,  livre  quatriesme,  cha- 
pitre premier,  Des  enquestes  contre  les  sorciers^  question 
troisiesme,  section  sixiesme,  conclut  que  la  Pucelle  estoit 
envoyée  de  Dieu,  attendu  que  tout  ce  qu'elle  a  prédit  est 
arrivé. 

«  Hinc  probantur,  dit-il,  divinœ  fuisse  revelationes 
Johannse  illius  virginis  Lotharingiœ,  quœ  dicta  Gallis  la 
Pucelle  Jeanne.  Quœ  Carolum  VII,  Francorum  regem,  in 
regnum  unde  Angloruni  fuerat  armis  dejectus  restituit,  cir- 
citer  annum  millesimum  quadringentesimum  vigesimum 
octavum.  Quam  pari  invidia,  crudelitate,  calumnia  et  injus- 
titia,  stepe  ab  illa  victi  profligatique  Angli,  cum  in  pugna 
vivam  cepissent,  flammis  feralibus  quasi  maleficam  combus- 
serunt.  Sed  postmodum,  anno  1456,  Galixtus,  romanus  pon- 
tifex, aut  juxta  alios  Plus  II,  causée  cognitionem  archiepis- 
copo  Rbemensi  Joanni  et  Guglielmo  Parisiensi  delegavit.  Hi 
vero  innumeris  testibus,  omni  exceptione  majoribus,  de 
innocentia,  modestia,  castilate  et  religione  Johanme  audilis, 
innocentiam  et  sententiœ  illius  injustitiam  declararunt. 
Judicii  acta  Parisiis  asservari  ea  in  urbe  natus  Papyrius 
Massonus  testatur,  idque  apud  Victorinos  canonicos  regu- 

1.  Lengi-et-Dufresnov,  Histoire  de  JeiDine  d'Arc,  livre  III,  p.  60. 

2.  Delrio  (Martin-Antoine),  né  à  Anvers  en  1551,  mis  au  nombre  des 
enfants  prodiges,  étudia  à  Paris,  Douai.  Louvain,  fut  reçu  docteur  a 
Salamanque  en  1574,  et  fatigué  des  agitations  de  son  pays,  entra  chez 
les  jésuites  à  Valladolid.  Il  mourut  à  Louvain  en  1608.  Il  parlait 
neuf  langues  et  avait  pour  ami  Juste-Lipse.  Il  a  laissé  de  nombreux 
ouvrages  dont  le  plus  célèbre  parut  sous  ce  titre  : 

Disquisilionum  magicarum  libri  sex.  C'est  du  quatrième  livre  de  cet 
ouvrage  que  Riclier  a  détaché  la  page  qu'il  cite. 


ELOGES    TIRES    DE    DIVERS    AUTEURS  341 

lares,  juxta  Belleforcstuni  in  vita  Garoli  VII.  Favent  eisdem, 
non  Franci  modo  scriptores,  quos  ut  suspectes  Britanni 
recipiiint,  sed  et  alienigenœ,  itali  Graecique,  sed  et  Belga 
Meyerus,  lib.  16  Annaliuni  Flandriœ,  parum  alias  in  Fran- 
€0s  benignus,  et  Hispanus  Mariana,  de  rébus  Hispanicis, 
libro  vigesimo.  » 

Adjoustons  à  Delrio  Joannes  Candela,  de  la  mesme 
société,  au  discours  treiziesme,  chapitre  ii,  de  felicitale  et 
bono  statu  virginitatis,  où  il  appelle  notre  Pucelle  Amazo- 
neni  Gallicam,  et  ideo  ad  restituendum  Gallicum  regnum 
fuisse  electam,  quod  virgo  castissima  esset. 


CHAPITRE   11 

[ELOGES  TIREZ   DES  .1  U  R  ICONS  U  ETES]. 

I 
|Des  jurisconsultes  citez  par  Jean  Hordal]. 

Jean  Hordal,  après  les  théologiens,  réduit  par  inventaire 
tous  les  jurisconsultes  qui  ont  parlé  avec  honneur  de  nostre 
Pucelle,  comme  Guido  PapaS  président  du  parlement  de 
Grenoble,  en  la  quatre-vingt-quatriesme  question  de  ses 
Décisions.  «  Eo  anno  quo  doctoratus  gradum  consequutus 
est,  asserit  se  vidisse  Puellam  Joannam  nuncupatam,  qu;e 
inspiratione  divina  arma  assumens  bellica,  anno  Domini 
1429  restauravit  regnum  Franciae,  Anglicos  a  regno  expel- 
lendo  vi  armata,  et  prœfatum  Carolum  ad  regnum  suum 
Franciaî  restituendo  :  quœ  Puella  regnavit  tribus  aut  quatuor 
annis.  » 

Hordal  allègue  après  Boerius,  président  au  parlement  de 
Bordeaux,  au  traité  de  seditiosis,  numéro  59,  paragraphe  7, 
de  con&uetudine  feudi,  où  il  dit  :  «  Puellam  tempore  Caroli 
VH  régis  Francorum,  purgasse  Franciam  Anglis.  » 

Guillaume  Bénédict,  conseiller  au  parlement  de  Toulouse, 
in  repelitione  capitis;  —  Raynutius,  m  verbo  duas  habens 
filias,  et  in  verbo,  morluo  ilaque  testatore;  et  de  testamen- 
tis.  Lequel  en  outre  allègue  et  approuve  ce  que  Gaguin  a 
escrit  en  son  histoire  des  faits  héroïques  de  nostre  Pucelle. 


\.  Ce  jurisconsulte  dauphinois  que  J.  Quicherat  nomme  Gui  Pape,  fut 
destitué  à  l'avènement  de  Louis  XI  et  mourut  en  1476.  [Procès,  t.  IV, 
p.  534.) 


ÉLOGES    TIRÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  343 

André  Tiragueau,  conseiller  au  parlement  de  Paris,  au 
livre  troisiesme  Des  lois  conjugales,  nombre  64  :  «  Joannam 
puellam  omnibus  seculis  admirandam  preedicat.  » 

Vincent  Sigaut  au  traité  qu'il  a  composé  De  factis  princi- 
pum  :  «  Quid  de  virgine  vocata  Jeanne  la  Pucelle  divinitus 
transmissa,  dicemus?  Divina  fueruntejus  exercitia,  et  voluit 
ipse  Deus  vincere  Anglicos  per  femellam  cum  de  femella 
ageretur.  » 

[Le  mesme  Hordal]  produit  encore  Barthélémy  Chassanaeus 
en  la  seconde  partie  du  livre  Catalogi  gloriœ  mundi,  consi- 
deratione  octava; 

Charles  de  Prassalio,  livre  premier  des  Régales,  chap.  VII; 

Maistre  Cosme  Puisinier,  in  glossa  Pragmaticse  sanctionis 
in  proemio  verbo  gratia  Dei  ; 

Papon,  au  commencement  du  troisiesme  tome  de  ses 
Notaires  ; 

Neviranus  Astensis,  jurisconsulte  italien,  livre  quatriesme 
Sylva  nuptialis; 

Franciscus  Polletus,  jurisconsulte  Duacensis,  libro  2  Ins- 
torise  fori  romani  ; 

Petrus  Gregorius,  lib?'o  34,  cap.  24  Synlagmalis  juris 
universi,  et  capite  undecimo  libri  septimi,  de  Bepublica. 


II 

Estienne  Forcadel. 

Quant  à  Etienne  Forcadel  S  professeur  en  droit  à  Tou- 
louse, voici  comment  cet  auteur  parle  de  la  Pucelle,  livre 
septiesme  de  Gallorum  imperio  et  philosophia  ; 

«  Superest  feminei  decoris  propugnatrix  Johanna  Gal- 
lica,  vel  Anglorum  annalibus,  mirum  in  modum  sed  non  pro 
meritis  laudata,  etquam  Martem  muliebrem  dicerejure  pos- 


1.  Né  à  Béziers,  1534,  mort  1573,  a  laissé  plusieurs  ouvrages  de  juris- 
prudence et  des  poésies  médiocres,  publiées  par  son  fils. 


344  E.  RICHKR.  —  LA  PUCELLE  D  ORLEANS 

simus,  atquc  rébus  magnifiée  gestis,  prœferre  ïclesillœ  quae 
Argivorum  a  Cleomene  Laconum  rege  afflictorum  muros 
tiitata  est,  sui  sexus  fréta  prœsidio,  prœsenti  animo  hoslium 
imprcssionem  sustinens,  nec  bellicis  exterrita  clamoribus 
(Pausanias  in  Corinthiacis).  Atqui  Johanna  non  modo 
murorum  secura  ambitu  Anglos  profligavit  quoad  vixit,  sed 
patenti  planitie  crebrius  tune  maxime  subveniens,  quum 
deploratœ  viderentur  res  Francorum.  intérim  Anglicœ  for- 
tunœ  plane  cedentes,  postquam  ad  ipsius  curam  Garoli  VII 
régis,  boni  magis  quam  felicis,  spectare  tuitio  inceperat. 
Namque  ïlenricus  V  Ànglus  Galiicos  agros,  viros  et  oppid.i 
late  possidebal,  coque  angustiarum  Carolum  perduxerat,  ut 
interjocos  Bituricum  regem  ipsum  appellitare  non  erubes- 
ceret  :  quia  Gallus  tantisper  fortunie  impetum  defervescere 
sperans,  Bituriges  tanquam  arcem  tutissimam  elegerat  : 
ob  unam  causam  bello  potitus,  quod  Normaniam  et  Aquita- 
niam  cum  Andibus  concedere  recusasset  Anglo  qui  legatos 
miserat  olim  inclyto  Carolo  VI,  patrise  et  septimi  hujus 
parenti  amabili,  etc.  Nihil  vero,  si  singula  percurras,  tam 
firmavit  vacillantem  Galliam  quam  adventus  Johannae 
Puellee  fatidicœ,  anno  salutis  1428.  Ex  Lotharingia  Galliae 
suburbana  oriunda,  vel  ex  Vaucolore  Barrensis  ditionis, 
nisi  cœlestem  civem  malis  conficere,  quippe  cum  supra 
humanam  virtutem,  nedum  sexum,  sese  bellicis  factis  dic- 
lisque  sapientissimis  extulerit,  putasses  spartanam  virgi- 
nem  disciplina  virili  imbutam,  aut  Camillam  alteram,  etiam 
frustra  petila  nuptiis  juvenum  eximiorum,  et  virginitatis 
non  minus  anxia  custos  quam  fertur  Diana  extitisse. 

«  Johanna  bono  Francorum  a  Deo  édita,  nihil  prins  habuit 
quam  Carolum  regem  adiré,  mirantem  Parisienses  aliosque 
nobiles  viros  Anglorum  imperium  ferre  didicisse,  qui  antea 
nec  mores  quidem  ferre  poterant.  Cumque  impune  parvo 
comitatu,  etiam  per  hostiles  terras  ad  Regem  pervenisset, 
annos  nata  circiter  viginti,  facie  non  invenusta,  vigore  ocu- 
lorum  animique  pari,  ipsum  inter  aulicos  amictu  pretio- 
siore  fulgentes  et  dissimulata  majestate,  ac  fere  cum  regni 
statu  mœsto  cognovit,  salutavit  venerabunda  et  colloquium 
salutare  petiit,  etc.  At  quia  Johanna  deligens  in  cœtu  proce- 


ÉLOGES    TinÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  345 

rum  regem  minime  errasset,  id  in  religione  versum  est  pnc- 
sentibus,  factumque  lubentius  ut  Puella  remotis  arbitris  in 
régis  colloquium  veniret  admoneretque  futurorum,  ac  prœ- 
diceret  se  adjutrice  fore  ut  Angli  a  Francia  abigerentur  qua3 
victoribus  passim  arma  magis  quam  animos  cesserai.  Spé- 
cimen suarum  virium  et  virtutis  prtebuit  Johanna  quum 
ausa  est  Aurelianum  oppidum  long<;e  obsidionis  tœdio  pres- 
sum,  commeatu  importato  juvare,  Anglis  prospectantibus  et 
mulicbri  terrore  percitis,  ac  mirantibus  in  muliere  virilem 
audaciam  felicitati  conjunctam,  maxime  trajecto  flumine  cum 
lectissimis  auxiliarium  quibus  nota  vada,  vel  utribus  tenui 
tabulato  subjectis,  etc.  » 

J'omets  le  reste  du  discours  de  Forcadel  pour  ce  qu'en 
plusieurs  choses  il  est  trop  hyperbolique  et  peu  conforme  à 
l'histoire.  Une  seule  chose  me  semble  remarquable  :  c'est 
qu'il  asseure  que  ïalbot,  généreux  capitaine  Anglois,  ne  fut 
onques  d'advis  que  les  Anglois  souillassent  leurs  mains  du 
sang  de  cette  fille,  disant  que  cela  tourneroit  autant  à  leur 
déshonneur  que  d'avoir  fuy  devant  elle  à  la  guerre  ;  et  que 
les  autres  seigneurs  anglois  résistèrent  à  Talbot,  maintenant 
qu'elle  estoit  sorcière,  etc.  Allègue  encore  que  la  Pucelle 
mourant  laissa  par  testament  aux  François  un  grand  dueil, 
mais  suivi  d'une  très  grande  prospérité,  comme  il  est  véri- 
table. 

III 
René  Chopin.  —  Estienne  Pasquier.  —  Henri  Kormannus. 

Le  lecteur  pourra  voir  aussi  René  Chopin,  livre  premier 
De  jurisdictione  Andegavensi,  cap.  79;  semblablement 
Estienne  Pasquier,  livre  cinquiesme,  chapitre  huitiesme  de 
ses  Recherches^. 

1.  René  Ghoi'in,  né  à  Bailleul,  près  la  Flèche,  en  lo37,  mort  en  1606. 
Remarquable  par  sa  mémoire  prodigieuse  et  sa  vaste  érudition. 

Etienne  Pasquier,  né  à  Paris  en  1329,  mort  en  1615.  Lire  au  livre  VI 
des  Recherches  de  la  France  les  chapitres  iv  et  v.  Chapitre  iv  :  Du 
restablissement  de  l'Estal.  sous  Charles  septiesme.  —  Chapitre  v  :  Som- 
rnaire  du  procès  de  Jeanne  la  Pucelle. 


346  E.    RICIIER.    I.A    PUCELLE    d'oRLÉANS 

Henricus  Kormannus^  ex  Kircharna  Ghallorum,  juriscon- 
sultus  Germaniœ,  libro  de  miracuUs  mroi'um,  seu  de  varia 
natura,  variis  singularitalis  proprietalibus,  facuUatibus 
el  signis  liominum  vivorum,  après  le  milieu  du  livre,  pro- 
pose un  exemple  de  la  Pucellc  d'Orléans  en  ces  termes  : 

«  Elisabeth  Darc,  Lotharinga  femina,  ex  pago  Yaucou- 
leur,  prœgnans  de  Johanna  puella  d'Orléans,  somniavit  se 
parère  grande  tonitru.  Postea  accidit  quod  et  voluntate 
divina  subsidio  venerit  Aurelianensibus,  et  pulsaverit 
Anglos  de  Francia  miraculose,  ut  refert  Baptista  Fulgosius.  » 

Et  le  mesme  auteur,  au  livre  inscrit  Sibylla  trygandriana 
seu  de  inrgi7iititale,  statu  et  jure,  ca]).  quadragesimo  primo, 
Nu7?i  virgo  possit  esse  miles  armalus  : 

«  Johanna  illa  virgo  Lotharingica,  vulgo  dicta  Pucelle 
d'Orléans,  quie  inspiratione  divina  arma  bellica  assumens, 
anno  Domini  1430  restauravit  regnum  Francise,  Anglicos 
regno  expellendo  vi  armata,  et  regem  Carolum  ad  suum 
regnum  Franciœ  restituendo.  Quœ  Puella  regnavit  tribus  vel 
quatuor  annis.  Quam  vidisse  D.  Guido  Papa  affirmât,  et  Aure- 
liis  in  ponte  statuam  meruit  quam  ipsemet  vidi.  Testantur 
de  ea  historiée  et  judicia  sub  titulo  Sibylla  francica.  Tandem 
forte  in  manus  hostium  pervenit,  qui  fortitudinem  ejus 
divinam  magicis  artibus  attribuentes,  atrocissimo  crudelitatis 
exemplo,  eam  concremarunt.  Sed  e  rescripto  Calixti  Papœ, 
causœ  cognitores  constitutif  Joannes  archiepiscopus  Rhe- 
mensis,  et  Gulielmus  Parisiensis,  innumeros  testes,  omni 
exceptione  majores,  super  ejus  sapientia,  modestia,  innocen- 
lia,  castitate  et  religione  examinarunt,  eamque  innocentis- 
simam  compererunt  ac  pronimtiarunt,  actaque  adhuc  servan- 
tur  in  scrinio  Parisiensis  ecclesia},  quod  Papyrius  Massonus 
testatur.  Plura  de  ea  egi  in  opère  de  miraculis  mortuorum, 
quo  benevolum  relego  lectorem.  » 

Le  mesme  auteur,  au  livre  susdit  de  miraculis  mortuo- 
rum, parte  tertia,  capite  39,  de  corde  Joannœ  virginis  non 
exusto,  après  avoir  allégué  ce  que  dessus,  adjouste  de  sur- 


1.  Henri  Kohmannus,  né  à  Kirchen,  duché  de  Wittenberg,  vivait  au 
commencement  du  xvii»  siècle. 


KLOGES    TIRKS    DE    DIVERS    AUTEURS  347 

croit  que  cette  fille  fiist  bruslée  par  les  Anglois,  «  non  sine 
ingenti  tum  universœ  Gallia)  luctu,  tuni  Anglorum  solatio 
atque  adeo  exitio.  Neque  enim  post  tam  iniquum  de  inno- 
centi  capite  judicium  res  illis  in  Gallia  ex  animi  sententia 
cessera  :  paulatira  agitati,  divexati,  tandem  etiam  Galliœ 
finibus  exacti,  in  siiam  regionem  crudelitatis  pœnam  luentes 
concessere.  Nec  leviore  Dei  vindicta  cum  iis  qui  conscii  et 
actorestam  iniquaî  sententiœ  superfuerant  actum  est  :  qui 
miserando  omnes  vit;e  exitu,  etiam  Ludovico  XI  régnante, 
ceciderunt  :  qua  de  re  extant  hi  Valerani  versus,  etc.  Et 
quod  vulgi  superat  fidem,  cum  jam  cadavere  depastus  esset 
rogus,  integrum  Puellse  cor  atque  illibatum  inventum  ab 
eodeni  Valerano,  parisiensi  tbeologo,  bis  verbis  traditur. 
etc.  » 

Cet  auteur  asseure  avoir  vu  la  croix  que  Charles  Vil  fit 
dresser  sur  le  pont  d'Orléans,  avec  sa  statue  et  celle  de  la 
Pucelle  en  bronze,  et  allègue  infinis  auteurs  qui  ont  parlé  des 
faits  héroïques  de  cette  vierge  :  lesquels  nous  produisons  en 
ce  livre,  outre  plusieurs  autres  desquels  ni  lui,  ni  Ilordal 
n'ont  fait  aucune  mention.  Pour  les  vers  de  Valeran  qu'il 
cite,  nous  en  parlerons  en  son  lieu. 


CHAPITRE  III 

[ÉLOGES  TIREZ  DES  MÉDECINS] 

I 
S.  Camperius. 

Symphorianus  Camperius,  libro  de  genealogia  regum 
Franciœ  et  in  tractalu  tertio  trophxi  Gallorum,  et  in  parai- 
lelia  heroum  Gallice,  hœc  scribit  : 

«  Afïlictis  Caroli  VII  rébus,  exoppido  Valcolore  Puella  cir- 
citer  annorum  viginti,  cœlesti  voce  monita,  Ilegem  adiit, 
armisque  virilibus  instructa,  militis  obivit  munus.  Ejus  aus- 
piciis  et  ductu,  Aurelianensis  urbs  ab  Anglorum  obsidione 
eximitur  et  aliquibus  in  locis  prospère  pugnatum  est.  In 
Gallia  quoque  Belgica  pleraeque  civitates  et  in  iis  prœcipua 
Rhemensis  ubi  Carolus  more  majorum  unctus  oleo  sacro 
regium  capitis  decus  accepit.  Intérim  Puella  dum  Gallis  obses- 
sis  apud  Gompendium  subsidio  venisset,  eruptioneque  facta. 
in  oppidum  se  reciperet,  insidiis  excepta  venit  in  hostium 
potestatem,  quam  Joannes  Luxemburgus  Anglis  ut  ancillam 
vendidit.  lUi  Rhotomagum  deductam  ultimo  supplicio  aifi- 
ciunt,  adjecta  causa  quod  mulier,  oblita  sui  sexus,  habitum 
viri  sumpsisset.  » 

II 

Cardan. 

Hiérosme  Cardan  S  livre  huitiesme,  chapitre  quarante  troi- 
siesme,  Dé  rerum  varietate  : 

1.  Cardan  Jérôme,  né  à  Pavie  1501,  mort  à  Rome  157G.  Mathématicien 
remarquable,  médecin  habile,  il  obtint  une  pension  du  pape  et  une  chaire 
de  mathématiques  à  Milan. 


ÉLOGES    TIRÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  349 

«  Major  videtur  de  Joanna  Gallica,  quae  supra  sexum  fortis, 
supra  œtatem  prudens,  supra  corporis  habitum  robusta, 
docuit  Gallos  vincere  Britannos,  victoriis  alacres  repulit  ac 
demum  Galliam  servitute  liberavit.  Digna  res  qute  perpetuis 
monumentis  conservaretur,  seu  miraculi  vice,  seu  sine  mira- 
culo  admiratione  majore  digna  fuerit.  liane  tamen,  cum  inci- 
disset  in  hoslium  manus,  spatium  paucorum  mensiunm,  men- 
tita  prœgnatione,  constat  impetrasse  :  inde  cremata  publico 
judicio.  Ouae  si  divino  numine  adjuta  fuit,  cur  capta?  si  non, 
quomodo  tanta  virgo  peregit  "?  Denique,  si  magicis  artibus 
supra  vires  humanas  potuit,  cur  capta  non  evasit  ?  si  abs- 
que...,  cur  damnala  ?  Quamobrem  non  omnino  fabulosam 
Camillae  historiam  quis  dicat.  » 

Au  reste  nous  avons  deux  choses  à  remarquer  en  l'opinion 
de  Cardan.  La  première  qu'il  escrit  la  Pucelle  avoir  feint 
d'estre  grosse  pour  prolonger  de  quelques  mois  sa  vie  ; 
imposture  inventée  par  les  Anglois,  rédigée  en  leur  histoire 
par  Polydore  A'irgile  qui  escrivoit  à  leurs  gages  ;  et  est  clai- 
rement confutée  par  les  actes  du  procez  qu'ils  ont  fait  à  cette 
fille,  auquel  il  n'y  apparoist  rien,  non  pas  mesme  aucune 
ombre  de  soupçon  de  tout  cela  ni  de  chose  qui  en  approche. 
Car  en  l'espace  de  sept  jours,  ils  ont  donné  deux  sentences 
contre  la  Pucelle,  l'une  par  laquelle  elle  fut  condamnée  à  se 
rétracter  S  l'autre  par  laquelle  elle  fut  livrée  au  bras  séculier 
et  bruslée. 

Or,  l'autre  point  notable  est  que  Cardan  s'esbahit,  si  la 
Pucelle  estoit  envoyée  de  Dieu,  pourquoy  elle  fut  prise  ?  Si 
elle  n'estoit  pas  envoyée  de  Dieu,  comment  se  peut-il  faire 
qu'estant  vierge,  elle  aye  exploitée  tant  de  choses  admirables  '? 
Que  si  elle  estoit  magicienne,  ainsi  que  les  Anglois  ont  voulu 
persuader,  comment  a-t-elle  pu  faire  choses  surpassant  les 
forces  humaines,  et  pourquoy  ne  s'est-elle  point  pareillement 
sauvée  de  prison  ?  Et  si  elle  n'estoit  pas  magicienne,  pour- 
quoy a-t-elle  esté  condamnée  comme  telle  '?  De  vérité  voilà 
des  questions  problématiques  qui  receoivent  quelque  difïî- 

1.  Inexactitude.  La  première  sentence  n'obligea  point  la  Pucelle  à  se 
rétracter:  elle  se  fonda  seulement  sur  la  prétendue  rétractation  qui  lui 
avait  été  arrachée. 


3o0  E.     RrCHER.    LA    PUCELf-E    d'oHLÉANS 

culte  entre  ceux  qui  ne  sont  pas  versez  en  la  lecture  des  Escri- 
tures  saintes,  lesquelles  nous  apprennent  que  les  prophètes, 
apostres  et  autres  serviteurs  de  Dieu,  envolez  pour  parfaire 
quelques  grandes  merveilles  aux  yeux  du  inonde,  n'ont  pu 
laisser  pourtant  d'estre  grandement  affligez,  voire  persécutez 
jusques  à  la  mort,  ainsi  que  nous  avons  montré  au  premier 
livre  de  cette  histoire  :  Dieu  permettant  cela  pour  exercer  et 
contenir  en  debvoir  ses  serviteurs,  et  montrer  aux  meschants 
qu'on  doibt  attendre  une  autre  récompense  que  cette  vie 
mortelle. 

III 

Nicolas  Vigner. 

Nicolas  Vigner^  estoit  médecin  de  profession,  mais  grand, 
célèbre  et  judicieux  historien,  ainsi  que  plusieurs  livres 
qu'il  a  escrit  le  démonstrent,  et  principalement  la  Bibliothè- 
que historiale  divisée  en  trois  tomes,  au  dernier  desquels  il 
descrit  véritablement  l'histoire  de  la  Pucelle.  Et  quand  à  ce 
que  les  Anglois  et  autres  ont  faulsement  publié  d'elle,  il  con- 
fute  leurs  calomnies  par  puissantes  raisons  convenables  à 
l'histoire  en  cette  manière, 

«  Quand,  dit-il  cette  fille  auroit  esté  telle  que  les  Anglois 
l'ont  voulu  despeindre  à  sa  mort,  sçavoir  comme  sorcière, 
usant  d'impostures,  etc.,  si  est-ce  que  c'est  chose  prodigieuse 
et  non  ouye  en  aucun  siècle  précédent,  qu'une  jeune  pucelle 
nourrie  seulement  à  garder  les  brebis,  soit  devenue  en  un 
instant  adroite  à  manier  les  armes  et  chevaux, et  à  faire  office 
non  seulement  de  sage  capitaine,  mais  aussi  de  vaillant  com- 
battant. Mais  quant  à  ceux  qui  ont  estimé  qu'il  y  a  eu  en  son 
fait  plus  de  ruse,  d'imposture  et  de  superstition  que  de  miracle 
ou  de  vérité,  mesmement  qu'aucuns  d'eux,  comme  le  seigneur 


1.  Vignier  (Nicolas),  né  à  Troyes  en  1530.  mort  à  Paris  en  1596, 
était  médecin  du  roi  et  historiographe  de  France.  11  a  laissé  une  His- 
toire ecclésiastique,  une  Bibliothèque  historiale  à  laquelle  il  travailla 
vingt-cinq  ans,  un  Sommaire  de  l'Histoire  de  France,  trois  volumes  de 
Chronologie,  etc. 


KLOGES    TIRÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  351 

Du  Bellay,  en  son  livre  de  Vart  militaire,  a  osé  dire  que  ce 
fut  un  vaillant  capitaine  ainsi  attitré  par  le  Conseil  du  Roy 
pour  faire  revenir  le  courage  failli  au  P'rançois,  d'autres  que 
ce  fut  la  garce  du  Bastard  d'Orléans  ou  du  sieur  de  Baudri- 
cour  mareschal  de  France,  qui  l'avoient  instruite  deux  ou 
trois  mois  devant  la  délivrance  d'Orléans  de  tout  ce  qu'elle 
debvoit  respondre  aux  demandes  qui  lui  seroient  faites, 
quand  on  l'amènerait  devant  le  Roy;  je  suis,  par  trop  d'ar- 
gumens  et  de  tesmoignages,  contraint  de  reporter  l'une  et 
l'autre  de  ces  opinions.  Entre  lesquels  tesmoignages  on  en 
peut  proposer  trois  assez  suffisans  pour  convaincre  le  plus 
opiniastre  du  monde  qui  ne  seroit  totalement  privé  de  juge- 
ment naturel,  l'un  pris  de  la  mort  d'icelle  qui  a  pu  faire 
cognoistre  aux  Anglois  s'ils  ont  fait  brusler  un  homme  pour 
une  fille  :  d'autant  mesmement  que  c'étoit  leur  intention  de 
faire  perdre  l'opinion  que  les  François  avoient  que  Dieu  les 
vouloit  miraculeusement  délivrer  Les  deux  autres  tesmoi- 
gnages sont  pris  du  procez  que  les  juges  lui  firent  à  Rouen, 
procez  qui  se  voit  encore  entre  les  mains  de  plusieurs,  et  de 
l'épitre  que  le  duc  de  Bethford  fit  publier,  où  il  déclare  les 
cas  et  crimes  pour  lesquels  elle  fut  trouvée  digne  de  la  mort 
qu'on  lui  avoit  fait  endurer,  selon  qu'Enguerran  de  Mons- 
trelet  l'a  insérée  dans  son  histoire.  Lesquels  tesmoignages 
semblent  la  justifier  assez  évidemment  de  cette  macule  d'im- 
pudicité  qu'on  lui  a  imposée,  ne  déclarans  point  qu'elle  aye 
esté  trouvée  atteinte  ni  taschée  :  au  contraire,  on  sçait  qu'elle 
fut  diligemment  visitée  et  trouvée  vierge.  Ce  qui  eust  autant 
servi  à  leur  cause  et  qu'ils  eussent  pu  aussi  facilement  extor- 
quer de  sa  bouche,  que  d'autres  crimes  beaucoup  plus  griefs 
qu'ils  lui  firent,  à  leur  dire,  confesser  par  la  question  et  tor- 
ture. Joint  que  l'apologue  du  chat  transmué  en  fille,  qui  est 

en  Esope, nous  déclare  qu'il  est  imposible  qu'une  p eust 

pu  si  longtemps  jouer  le  personnage  que  Jeanne  joua  devant 
un  Roy  et  aux  yeux  de  toute  sa  cour,  de  tant  d'armées,  de 
tant  de  peuples  sans  se  faire  cognoistre,  ni  se  montrer  si 
adroite  et  courageuse  aux  assauts,  alarmes,  rencontres,  escar- 
mouches, et  à  tous  exploits,  exercices  et  pratiques  de  guerre, 
comme  tous  les  historiens  de  ce  temps  qui  ont  eu  occasion 


352  E.    RICIIER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

de  parler  d'elle,  tant  amis  qu'ennemis  ou  estrangers,  ont 
unanimement  confessé  qu'elle  fit,  sans  que  la  blessure  qu'elle 
receut  à  l'alarme  qu'elle  donna  à  la  ville  de  Paris  ;  et  sa  prise 
par  les  Bourguignons  à  Compiègne  déclare  clairement  que 
ce  n'estoit  ni  phantosme,  ni  ruse,  ni  imposture  que  d'elle. 
Par  quoy,  comme  je  n'estime  pas  vice  de  crédulité  ni  de  niai- 
serie de  croire  que  miracles  et  merveilles  extraordinaires  se 
peuvent  vrayment  faire  tant  en  vraye  qu'en  fausse  religion  : 
comme  ainsi  soit  que  Dieu  par  ses  conseils  incompréhensibles 
baille  vertu  souvente  fois  au-diable  mesme  de  faire  ses  mira- 
cles avec  efficace  d'erreur,  aussi  je  n'auroi  point  de  honte  de 
tenir  pour  histoire  ce  que  tant  de  bons  historiens  ont  escrit  de 
cette  pucelle  Jeanne,  jusques  à  ce  que  ceux  qui  en  voudront 
faire  un  miracle  aposté  ou  attitré,  nous  ayent  rendu  plus 
grande  preuve  de  leur  dire  par  argumens,  raisons  ettesmoi- 
gnages  qu'ils  n'ont  fait  jusques  icy.  Tous  les  exploits  que  nous 
venons  de  réciter,  avec  le  siège  d'Orléans,  sont  amplement 
descrits  en  un  traité  qui  en  fut  lors  fait,  qui  s'est  trouvé  en  la 
maison  de  ville  d'Orléans,  par  homme  qui  estoit  audit  siège 
et  raconte  par  le  menu  tout  ce  qui  s'y  fit.  » 

La  raison  de  Vigner  est  puissante  en  matière  d'histoire 
laquelle  doibt  rendre  fidèle  tesmoignage  des  temps.  Et 
comme  ainsi  ce  seroit  un  argument  d'un  esprit  mal  fait 
lequel  après  tant  d'historiens  qui  nous  ont  descrit  l'histoire 
de  Pompée  et  de  César,  pour  exemple,  voudroit  néantmoins 
la  contredire  et  l'accuser  de  faulseté;  semblablement,  c'est 
une  grande  témérité  et  impertinence  de  contredire  et  oppu- 
gner  la  vérité  des  faits  de  nostre  Pucelle  après  tant  de  tes- 
moins  et  historiens  irréprochables,  et  de  feindre  des  fables  et 
contes  faits  à  plaisir  d'elle  sans  aucun  fondement,  apparence 
de  raison  ni  tesmoignage  quelconque.  Et  à  propos  de  ces 
gens  qui  font  des  contes  à  plaisir  de  nostre  Pucelle,  M.  Es- 
tienne  Pasquier  en  a  composé  un  bel  épigramme  qui  se  voit 
au  sixiesme  livre  de  ses  épigrammes  que  nous  enchâsserons 
en  son  livre. 

Jana  vocor,  Gallo  numen,  Medaea  Britannis, 
His  meretrix,  aliis  fabula  cauta  Numae; 


ÉLOGES    TIRÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  3o3 

Viva  ego  quae  laceri  stabilivi  mœnia  i-egni 
Hei,  mihi  !  pro  meritis  mortua  nunc  laceror. 

Le  mesme  Vïgner  a  pareillement  fait  mention  de  la^Pucelle 
au  Chroniconldiim  renim  Burgundionum  et  en  son  Histoire 
des  Roy  s  de  France. 


23 


CHAPITRE  IV 

[ÉLOGES  TIREZ  DES  HISTORIENS] 

I 
François  Philelphe. 

Nous  commencerons  par  les  auteurs  ou  historiens  qui  ont 
vescu  au  règne  de  Charles  Vil,  auquel  Franciscus  Philel- 
phusS  italien,  a  escrit  une  épitre  sur  les  faits  héroïques  de 
nostre  Pucelle,  qui  est  la  dernière  du  huitiesme  livre  :  dont 
ensuit  la  teneur. 

«  Dolendumprofecto  erat  bonis  omnibus,  RexCarole,  quod 
christianissimum  genus  hominum  te  rege  pientissimo  tam 
diu,  tam  graviter,  tanta  malorum  mole  premeretur.  At  ego 
cum  meipsum  colligo,  et  mente  diligentius  rem  volute,  facile 
videor  intelligere  id  quodam  divino  consilio  factum  esse. 
Ostendere  Deus  voluit,  ut  opinor,  nuUam  esse  humanam  po- 
tentiam  quœ  propriis  consiliis  atque  adrainiculis,  aut  perpé- 
tua esse  possit,  ant  diuturna  si  divino  prœsidiocareat.  Quam 
ob  rem  idcirco  paululum  veluti  a  Francis  recedere  visus  est, 
quo  etper  fidelissimi  populi  flagella,  infidelibus  cunctis  mini- 
taretur  interitum,  et  cum  te  Francis  venerabiliorem,  tum 
universis  tuis  hostibus  formidabiliorem  efficeret.  Tua  certe 
pietate  et  divina  quadam  ope  et  auxilio  factum  est  ut  eos 
omnes  qui  perinde  atque  stulti  et  ameutes  a  te  defecerant,  ad 
sanitatem  tua  cum  gloria  videas  rediisse,  Deo  ipso  duce,  im- 
peratore  vexillifero.  Non  modo  patrium  et  avitum  regnum 
cura  immortalitatis  nomine  recuperasti,  sed  longe  id  admo- 

1.  Philelphe  Franrois,  savant  philologue  et  lettré  remarquable,  né 
en  1398  à  Tolentino.  mort  en  1485.  Les  XVI  livres  de  ses  Epistolse  paru- 
rent in  fi»  à  Venise  en  1492.  Il  a  laissé  de  nombreux  ouvrages. 


ÉLOGES    TIRÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  355 

dum  amplificasti,  stabilisti,  ornasti  ;  nam  si  magna  res  est 
ferocissimos  Anglorum  impetus  sustinere,  quanto  major 
censeri  débet  Anglos  superare,  prosternere,  interimere.  Has 
autem  taies  tantasque  victorias,  in  rébus  prôesertim  despe- 
ratis  et  perditis  existimare  debes,  neque  tuis,  neque  uUis 
humanis  opibus  adeptum,  sed  divina  potius  quadam  mente, 
(juic  christianœ  suicque  Reipublicae  diuturna  œgrotatione 
morboque  confectœ,  tuo  felicissimo  ductu,  tuis  secundissîmis 
auspiciis,  jam  tandem  succurrere  mederique  constituit.  » 

Et  il  conclut  ainsi  son  Epistre  : 

«  Ut  reliquis  christianis  principibus  ac  regibus  dignitate 
preestas,  ita  tibi  omni  ope  atque  opéra  studendum  est  ut  abso- 
lutissima  virtute  his  omnibus  et  vera  gloria  sis  superior. 
Vicisti  Anglos,  recuperasti  patriam,  etc.  Etpulchrum  id  certe 
fuit  ac  laudabile  :  justitiœ  enim  munus  in  teipsum  tuosque 
constituisti,  etc.  » 

Mais  peut-il  se  rapporter  rien  de  plus  glorieux  pour  la 
Pucelle  que  cette  clause,  sçavoir  que  les  furieux  qui  sestoient 
retirez  de  l'obéissance  du  Roy  ont  recognu  leur  faute,  à  la 
gloire  du  Roy,  ayant  Dieu  non  seulement  pour  guide  et  con- 
duite, mais  aussi  pour  général  de  ses  armées,  voire  lui- 
mesme  portant  l'enseigne  :  qui  est  une  description  des  gestes 
de  nostre  Pucelle.  Davantage  :  cet  auteur  remarque  que  Dieu 
sembloit  s'estre  pour  quelque  temps  retiré  et  eslongné  des 
François,  afin  que  par  leur  affliction  il  instruisist  les  mes- 
chants  et  montrast  leur  ruine  toute  certaine,  au  cas  qu'ils  ne 
fassent  pénitence,  car,  dit  saint  Paul,  «  Dieu  chastie  ceux 
qu'il  aime  (Hébreux,  12),  »  ainsi  que  nous  voyons  qu'il  a 
souvent  affligé  le  peuple  d'Israël  qu'il  avoit  esleu  entre  toutes 
les  autres  nations  du  monde. 

II 
Enguerran  de  Monstrelet  ^ 

Enguerrand  de  3Ioustrelet,  quoyque  fort  partial  pour  le  duc 
de  Bourgogne,  toutesfois  a  escrit  avec  honneur  de  la  Pucelle 

1.  Chroniqueur  Bourguignon,  1390-1453,  fut  prévôt  de  Cambrai.  Voir 
ia  Biographie  universelle  de  Michaud  au  mot  Monstrelet. 


356  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

au  second  volume  de  son  histoire,  et  ce  durant  le  règne  de 
Charles  VII.  Nous  représenterons  par  sommaire  ce  qu'il  en 
dit,  et  par  ses  propres  termes. 

«  Que  Robert  de  Baudricourt,  capitaine  de  Vaucouleur 
pour  le  Roy,  lui  bailla  chevaux  et  quatre  ou  six  compagnons 
pour  la  mener  au  Roy.  Qu'elle  se  disoit  estre  inspirée  de  la 
grâce  divine,  et  qu'elle  estoit  envoyée  devers  le  Roy  pour  le 
remettre  en  la  possession  de  son  royaume  dont  il  estoit  des- 
chassé et  débouté  à  tout,  et  estoit  en  assez  pauvre  estât. 
Par  plusieurs  fois  elle  admonestoit  le  Roy  qu'il  lui  baillast 
gens  et  ayde  et  reboutteroit  ses  ennemisL  et  exauceroit  sa 
seigneurie.  Le  roy  et  son  Conseil  n'adjoutoient  point  grand 
foy  à  elle  ni  à  chose  qu'elle  sceust  dire,  et  la  tenoit-on  comme 
.une  folle  dévoyée  de  sa  santé.  Car  a  si  grands  princes  et 
autres  nobles  hommes  telles  ou  pareilles  paroles  sont  moult 
doutables  et  périlleuses  à  croire,  tant  pour  l'ire  de  Nostre- 
Seigneur  principalement,  comme  pour  le  blasphème  qu'on 
pourroit  avoir  des  parlers  du  monde.  Néantmoins  après 
qu'elle  eust  esté  en  Testât  que  dit  est  un  espace,  elle  fat 
aydée  et  lui  furent  baillez  gens  et  habillemens  de  guerre,  et 
esleva  un  estendart  où  elle  fit  peindre  la  représentation  de 
nostre  Créateur.  Si  estoient  toutes  ses  paroles  du  nom  de  Dieu  : 
pour  quoy  grand  partie  de  ceux  qui  la  voyoient  et  oyoient 
parler,  avoient  grand  credence  qu'elle  fust  inspirée  de  Dieu 
comme  elle  se  disoit  estre.  Et  fut  par  plusieurs  fois  examinée 
de  notables  clercs  et  autres  sages  hommes  de  grande  autho- 
rité,  afin  de  sçavoir  plus  au  plain  son  intention.  Mais  tous- 
jours  elle  se  tenoit  à  son  propos,  disant  que  si  le  Roy  la  vou- 
loit  croire,  elle  le  remettroit  en  sa  seigneurie.  Et  depuis  ce 
temps  fit  aucunes  besongnes  dont  elle  acquit  grande  renom- 
mée :  de  quelles  sera  cy  après  déclaré.  Le  Roy  alla  à  Poictiers 
eticelle  Pucelle  avec  lui,  etc.  » 

Il  décrit  après  ce  qui  se  passa  pour  secourir  la  ville  d'Or- 
léans d'hommes  et  de  vivres  sous  la  conduite  de  la  Pucelle, 
et  comme  elle  fit  donner  l'assaut  aux  bastilles  de  saint  Loup^ 
des  Augustins  et  des  Tournelles,  qui  furent  prises,  démolies 
et  embrasées  :  et  que  de  morts  et  de  prisonniers  les  Anglois 
y  perdirent  de  six  à  huit  mille  combatlans,  et  les  Francoi?^ 


KLOUES    TIRKS    DE    DIVERS    AUTEURS  357 

n"y  perdirent  qu'environ  cent  hommes  de  tous  estats.  Que 
à  tous  les  conseils  que  tenoient  les  gens  de  guerre,  la  Pucelle 
estoit  tousjours  la  première  appelée  et  estoit  en  grand 
règne  :  qu'à  tous  les  assauts,  cliarges  et  rencontres  elle  estoit 
tousjours  au  front  devant  les  autres  gens  de  guerre,  atout  son 
estendart;  et  par  toutes  les  marches  de  là  environ  n'estoit 
plus  grand  bruit  ni  renommée  comme  il  estoit  d'elle,  et  de 
nul  autre  homme  de  guerre.  Que  la  deffaite  des  xVnglois  à 
Patay,  la  Pucelle  y  acquit  si  grand  louange  et  renommée, 
qu'il  sembloit  à  toutes  gens  que  les  ennemis  du  Roy  n'eus- 
sent plus  puissance  de  résister  contre  elle,  et  que  brief 
par  son  moyen  le  Roy  deubst  estre  remis  et  restabli  du  tout 
en  son  royaume.  Que  messire  Jean  Fascot,  un  des  principaux 
capitaines  Anglois,  ayant  pris  la  fuite  à  la  journée  de  Patay 
sans  coup  férir,  fut  accusé  de  lascheté  par  sire  Jean  Talbot 
devant  le  duc  de  Bethford,  et  pour  cette  occasion  fut  privé 
de  l'ordre  du  blanc  Jarretière. 

Descrit  après  le  voyage  du  Roy  à  Rheims,  et  comme  partout 
où  il  passoit  les  villes  se  rendoient  à  son  obéissance.  Que,  pour 
celte  cause,  le  duc  de  Bethford  envoya  au  Roy  un  héraut  avec 
lettre  de  deffi  pour  combattre  armée  contre  armée  ou  enten- 
dre quelque  traité  de  paix  :  lui  reprochant  qu'il  s'aydoit  de 
gens  superstitieux  et  réprouvez,  comme  d'une  femme  désor- 
donnée et  diffamée,  estant  en  habit  d'homme  et  gouverne- 
ment dissolu;  et  aussi  dun  frère  mendiant,  apostat  et  sédi- 
tieux, tous  deux  selon  la  sainte  Escrituj-e  abominables  à 
Dieu  :  qu'il  avoit  occupé  plusieurs  villes  et  chasteaux  tant  en 
Champagne  qu'ailleurs,  par  force  d'armes,  appartenans  au 
Roy  de  France  et  d'Angleterre,  etc.  :  avoit  fait  tuer  le  duc  de 
Bourgogne  à  Montereau  faut- Yonne,  faussant  sa  foy  et  son 
serment,  etc. 

Par  lesquelles  lettres  le  duc  de  Bethford  avoit  plus  tost 
intention  de  conserver  sa  renommée  parmi  les  peuples  qui 
obéissoient  au  Roy  d'Angleterre,  que  de  hazarder  en  une 
bataille  tout  Testât  de  son  pupil.  Car  pour  lors  toutes  les 
villes  situées  sur  la  rivière  de  Somme,  Corbie,  Amiens,  Abbe- 
ville,  Saint-Quentin,  etc.,  ne  cherchoient  que  l'occasion  de 
se  mettre  en  l'obéissance  du  Roy,  s'il  eust  avancé  de  ce  costé- 


358  E.     niCHER.    —    LA    PUCELI.E    D  ORLEANS 

là,  ainsi  que  Monsti-elet  tesmoigne.  Et  dit  que  le  duc  de  Bour- 
gogne y  envoya  pour  les  retenir  en  debvoir,  «  et  que  les 
Parisiens  sçachans  combien  ils  avoient  offensé  le  lîoy, 
l'ayans  chassé  de  la  ville,  et  mis  à  mort  plusieurs  de  ses  ser- 
viteur»; que  le  voyans  approcher  de  la  ville  pour  y  donner 
un  assaut,  eslimans  qu'il  les  vouloit  entièrement  destruire, 
qu'ils  promirent  de  résister  de  toute  leur  puissance  jusques  à 
la  mort.  »  Que  le  duc  de  Bourgogne  leur  avoit  envoyé  pour 
les  secourir  les  sieurs  de  Créquy.  de  l'Isle-Adam,  messires 
Simon  de  Lalain,  de  Bonneval  avec  quatre  cens  combattans  ; 
que  la  Pucelle  fut  fort  blessée  h  cet  assaut,  et  que  tout  le  jour 
demeura  aux  fossez  derrière  un  dos  d'asne  jusques  à  vespres  : 
à  laquelle  il  impute  la  prise  et  la  mort  de  Franquet  d'Arras, 
fort  regretté  des  Bourguignons,  etc. 

Quant  à  la  prise  de  la  Pucelle  devant  Gompiègne,  raconte 
«  que  ce  fut  la  veille  de  l'Ascension  qu'elle  fit  sa  sortie,  assis- 
tée de  Poton'le  Bourguignon  et  de  cinq  à  six  cens  combattans, 
et  qu'elle  s'estant  mise  sur  le  derrière  pour  faire  retirer  ses 
gens  et  les  ramener  sans  perte,  elle  fut  ruée  jus  de  son  che- 
val par  un  archer  auprès  duquel  estoit  le  bastard  de  Wan- 
donne  à  qui  elle  se  rendit  et  donna  sa  foy;  qu'avec  elle  fut 
pris  Poton  le  Bourguignon  et  quelque  peu  d'autres.'  et  fut 
menée  prisonnière  à  Margny.  De  quoy  tous  les  Anglois  et 
Bourguignons  firent  une  grande  joye,  plus  que  s'ils  eussent 
pris  cinq  cens  des  plus  vaillans  chevaliers  ;  car  ils  ne  crai- 
gnoient  ni  redouboient  nul  capitaine  ni  autre  chef  de  guerre, 
tant  comme  ils  avoient  fait  la  Pucelle  à  ce  jour.  Et  le  duc  de 
Bourgogne  partit  de  Coudun  où  il  estoit  logé  pour  la  venir 
voir  où  elle  estoit,  et  parla  à  elle,  présent  Monstrelet,  ainsi 
qu'il  asseure  :  et  fut  mise  en  la  garde  de  messire  Jean  de 
Luxembourg  qui  l'envoya  sous  bonne  garde  au  chasteau  de 
Beaulieu  et  de  là  à  Beaurevoir.  » 

Par  ce  discours  nous  apprenons  qu'il  y  avoit  deux  Poton 
au  service  du  Roy,  l'un  que  Monstrelet  appelle  toujours  Poton 
de  Sainte-Traille,  qui  est  ce  brave  guerrier  duquel  nos  his- 
toires font  souventefois  mention,  et  quelque  temps  après  fut 
fait  prisonnier  des  Anglois.  Il  a  esté  grand  écuyer  de  France  : 
c'estoit  le  compagnon  de  La  Ilire   en  fait  d'armes.  L'autre 


ÉLOGES    TIRÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  359 

Poton  estoit  Bourguignon  et  fut  pris  avec  la  Pucelle.  Ce  qui 
a  donné  subject  à  Meyer  et  à  quelques  autres  historiens 
d'escrire  que  Poton  de  Santrailles  estoit  avec  la  Pucelle 
quand  elle  fut  prise  à  Compiègne,  qui  est  une  équivoque.  Au 
surplus,  le  siège  de  Gompiègne  fut  levé  sur  la  fin  du  mois 
d'octobre,  et  la  grande  bastille  des  Bourguignons  assaillie  et 
démolie  par  le  grand  Poton,  et  les  François  donnèrent  la 
chasse  aux  Anglois  et  Bourguignons  sous  la  conduite  du  duc 
de  Vendosme  et  du  mareschal  de  Boussac,  etc. 

Pour  le  regard  de  la  sentence  et  exéquution  de  mort  contre 
la  Pucelle,  Monstrelet  asseure  que  le  Roy  d'Angleterre  par 
lettres  expresses  la  fit  sçavoir  au  duc  de  Bourgogne,  afin  que 
cette  exéquution,  tant  par  lui  que  par  les  autres  princes,  fust 
publiée  en  plusieurs  lieux,  et  que  leurs  gens  et  subjects 
n'eussent  d'ores  en  avant  plus  de  créance  en  tels  ou  sembla- 
bles erreurs  qui  avoient  régné  par  l'occasion  de  la  Pucelle. 
Lesdites  lettres  sont  tout  au  long  registrées  par  Monstrelet  et 
sont  les  mesmes  que  l'on  voit  à  la  fin  du  procez  de  la  Pucelle, 
et  n'y  a  aucune  différence  sinon  au  commencement  et  à  l'ins- 
cription des  susdites  lettres.  Celles  du  duc  de  Bourgogne 
commencent  ainsi  :  «  Très  chier  et  très  aymé  oncle  :  La  fer- 
ce  vente  dilection  que  sçavons  vous  avoir  comme  vray  catholi- 
«  que  à  notre  mère  sainte  Eglise  et  à  l'exaltation  de  nostre 
«  sainte  foy,  raisonnablement  nous  exhorte  et  nous  admo- 
«  neste  de  vous  signifier  et  escrire,  etc.^  » 

J'oubliois  de  remarquer  que  le  mendiant  duquel  est  fait 
mention  aux  lettres  de  deffi  que  le  duc  de  Bethford  envoya 
au  Roy,  est  frère  Roch  Richard,  cordelier,  duquel  a  esté 
parlé  au  premier  et  second  livre  de-cette  histoire.  N'est-ce 
pas  merveille  que  pendant  qu'il  tenoit  leur  parti,  ils  l'ado- 
roient,  et  qu'ayant  pris  celui  du  Roy,  ils  l'appellent  apostat 
et  séditieux?  M.  Estienne  Pasquier,  au  cinquiesme  livre  de 
ses  Recherches,  chapitre  trente-sept,  raconte  avoir  vu  une 
chronique  escrite  à  la  main,  portant  «  que  l'an  1429  il  pres- 
((  cha  le  jour  de  saint  Marc;  qu'on  alla  en  procession  de  Paris 


1.  Voir  les  pages  de  Monstrelet  reproduites  par  J.  Quiclierat,  Procès. 
IV.  360-405. 


360  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    d'oRLÉANS 

«  à  Notre-Dame  de  Boulogne,  où  il  se  trouva  une  très  grande 

«  afrtuence  du  peuple,  hommes  et  femmes,  lesquels  il  excita 

<(  tellement  à  dévotion,  que  retournez  qu'ils  furent  à  Paris, 

«  en  moins  de  trois  ou  quatre  heures  ils  allumèrent  par  les 

«  rues   plus  de  cent  feux  esquels  ils  brusloient   tables  et 

«  tabliers,  cartes,  billes,  billards,  et  les  femmes  tous  leurs 

«  atours  de  testes,  quittoient  leurs  cornes,  queues  et  toute 

«  sortes  de  pompes,  etc.  » 

III 

B.  Fulgose.  —  L.  Chalcondyle.  —  M.  A.  Coccius.  —  R.   Gaguin. 
J.  Nauclerus. 

Baptista  Fulgosius  S  duc  de  Gènes,  au  troisiesme  livre 
dicloi'um  factorumque  memorabiliiim,  cap.  xi. 

«  Johanna,  dit-il,  non  tutata  est  solum  Galliam,  verum 
etiam  ex  Britannorum  manibus  recepit  diu  ante  a  Britannis 
oppressam.  Régnante  enim  Carolo  Vil,  cum  Parisiorum 
urbem  magnamque  regni  partem  Britanni  possiderent, 
Joanna  Jacobo  Darco  pâtre  orta  in  Lotharingorum  pago,  qui 
Dompremium  dicitur,  cum  nondum  quindecim  annum 
superasset,  propter  admirandas  visiones  fatidica  putabatur. 
A  Carolo  igitur  Lotharingorum  principe  ad  Roberlum  Bau- 
dricurtium  in  Vallicolore  militarem  Gallorum  ducem,  et  ab 
ipso  ad  Carolum  VII  regem  in  Gallia  designatum  missa  fuit. 
Huic  cum  large  victoriam  polliceretur,  non  ante  fides  habita 
fuit,  quam  experientia  in  multis  quœ  futura  praidicebat 
verax  inventa  est.  Ita  fidem  adepta,  delatam  tandem  Gallici 
exercitus  summam  atque  imperium  suscepit.  Armata  igitur 


1.  Baptiste  Fulgose,  doge  de  la  république  de  Gênes,  ayant  été 
déposé  en  1483,  se  retira  en  Provence  et  écrivit  en  italien  un  recueil 
dans  lequel  il  parle  de  Jeanne  d"Arc.  Cet  ouvrage  fut  traduit  en  latin  et 
imprimé  en  1509  à  Milan.  Il  a  pour  titre  :  De  diclis  f'actisque  mirabi- 
libus  collée taneu. 

J.  Quicherat  n'a  pas  cru  devoir  insérer  au  tome  IV  des  ses  deux 
Procès  ce  témoignage  de  Fulgose,  parce  que  cet  écrivain  a  tout  simple- 
ment copié  Gaguin  lequel  n"a  rien  d'original.  Lenglet-Dufresuoy  a  été 
moins  sévère.  Il  n'a  pas  manqué  de  reproduire  le  même  passage  que 
Riclier  {op.  cil.,  p.  2i-28),  mais  en  le  traduisant  en  fran(;ais. 


ÉLOGES    TIRÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  361 

atque  ingenti  cquo  insidens,  cum  voce  gestuque  a  vero  mili- 
tari duce  non  abesset,  ingenti  animo  Aurelianam  urbeni 
arcta  obsidione  ab  Anglis  oppressam  liberavit.  Ubi  pugnando 
vulnus  in  humero  accepit.  Nec  vero  armorum  fragor,  efTusus 
in  prtolia  sanguis,  et  varia  mortis  gênera  quibus  cadere  in 
prieiio  pugnantes  intucbatur,  virginis  animum  terruerunt, 
sed  ceu  elïerala  anima,  et  ducis  etmilitis  munia  implevit. 
Inde  exercitu  ad  Trecas  perducto,  urbem  eam  contra  omnium 
sententiam  adorla  cepit.  Carolum  VII  qui  designatus  rex 
erat,  diademate  ut  moris  erat  Rhemis  insigniri  ut  regem 
jussit,  salutisque  anno  quadringentesimo  vigesimo  nono 
supra  mille,  cum  Parisiorum  urbem  oppugnaret,  inter 
primos  milites  in  muros  ascendit,  neque  quanquam  crure 
sagitta  trajecto,  ab  incepto  destitit,  tantumque  formidinis 
de  se  Britannorum  animis  injecit,  ut  quemadmodum  ante 
Britannorum  Galli  conspectum  non  sustinebant,  ita  postea 
Puellam  Britanni  ferre  non  possent.  » 

Léonic  Chalcondyle ',  grec,  natif  d'Athènes,  qui  vivait  au 
siècle  de  Charles  VII,  au  second  livre  Des  affaires  et  progrès 
des  Turcs,  discourt  en  ces  termes  de  notre  Pucelle  : 

«  Erat  forma  haud  illiberali,  quœ  dicebat  sibi  cum  Deo 
esse  coUoquium.  Hœc  regebat  Gallosqui  ipsam  sequebantur. 
Mulier  autem  cum  foret  militie  dux,  indicabat  numinis  aus- 
picio  se  scire  Britannos  cum  exercitu  accedere.  Commissa 
tandem  pugna,  cum  Angli  victoriam  non  essent  adepti,  in 
castra  se  receperunt.  Postero  die,  freti  Angli  quod  mulier 
Gallorum  exercitum  ducturet,  pra3lii  potestatem  faciunt 
fugatique  sunt  in  eo  prœlio  :  et  Galli,  cum  recepissent  ani- 
mos,  jamque  famam  fortitudinis  coUegissent,  fortiter  contra 
Britannos  dimicantes,  urbes  suas  recuperaverunt,  regnum- 
que   tutati   sunt.  Quamvis   plurimi  et  maximi   exercitus  a 


1.  Léonic  Chalcondyle  ou  Chalcocondyle,  grec  réfugié  dans  le 
royaume  de  Naples,  écrivit  après  la  prise  de  Gonstantinople  par  les 
Turcs,  une  histoire  de  leurs  conquêtes  de  l'an  1298  à  1433.  C'est  au 
second  livre  de  cet  ouvrage  qu'il  parle  des  affaires  d'occident  et  de  la 
Pucelle.  Edmond  Richer  a  traduit  en  latin  le  fragment  que  J.  Qui- 
clierat  a  donné  en  français  (Procès,  t.  IV,  p.  52'J-535). 


362  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    d'oRLÉAXS 

Britannia  in  Galliam  transirent,  tamen  Galli  semper  viclo- 
riam  pugnantes  invenere,  hostes  fugcre  coegerunt  Caletuiu 
(jusques  à  Calaisj,  tandemque  penitus  a  Gallia  eos  repule- 
runt.  » 

-  Marcus  Antonius  Coccius  Sabellicus^  libro  tertio  decimsR 
Enneadis. 

V  In  hœc  tempora  incidisse  crediderim  Joannam.  Gallicœ 
virginis  facinus  illud  omni  a3vo  mcmorabile,  cum  Gallorum 
opes  Anglicis  bellis  fractœ  jacerent,  Puella,  cœlesti  voce 
monita,  ut  creditur,  virili  habitu  armisque  instructa  ductare 
cœpit  exercitum.  Dein  cum  hostibus  sœpius  congressa,  inter 
primos  dimicans,  multo  maximam  Francorum  regni  partem 
ex  Anglis  recepit.  » 

Robert  Gaguin-  a  escrit  l'bistoire  des  Roys  de  France  en 
latin  sous  le  règne  de  Charles  VIII  et  Louis  XII,  et  a  vescu 
au  siècle  que  vivoit  la  Pucelle  :  de  laquelle  il  a  fait  une 
narration  véritable,  conforme  à  ce  que  nous  avons  proposé 
au  premier  livre  de  cette  histoire.  C'est  pourquoy  nous  ne 
représenterons  point  ce  qu'il  en  dit,  car  ce  seroit  chose 
inutile  et  superflue  ;  suffît  seulement  d'en  tenir  inventaire. 
Comme  semblablement  de  Nicole  Gilles,  lequel  a  escrit  au 
mesme  temps  en  françois  l'histoire  de  nos  Roys  et  de  tous  les 
faits  héroïques  de  nostre  Pucelle  en  la  vie  de  Charles  VII  où 
nous  renvoyons  le  lecteur.  Il  est  plus  à  propos  d'alléguer  tout 
au  long  les  opinions  des  escrivains  estrangers  que  des  Fran- 
çois, afin  qu'on  ne  pense  pas  que  nous  voulions  nous  payer 
de  nostre  propre  bourse. 

JoannesNauclerus3  vivoit  au  mesme  temps  que  Gaguin  et 
Nicole  Gilles,  et  au  second  volume  de  son  histoire,  généra- 
tion 48,  il  parle  en  ces  termes  de  la  Pucelle. 

1.  Sabellico,  vénitien,  professeur  de  belles-lettres,  mort  en  1506. 

2.  Gaguin  Robert  (142o-io01),  trinitairc,  général  de  son  ordre  en  U73, 
auteur  (l'un  Compendium  latin  de  l'histoire  de  France. 

3.  Nauclerus  Jean,  souabe,  prévôt  de  Stuttgart  en  1459-60,  puis  de 
Tubingue,  chancelier  de  cette  université,  auteur  de  chroniques,  mou- 
rut en  lolO. 


ÉLOGES    TIHES    DE    DIVERS    AUTEURS  363 

«  Anno  Doniini  1428,  venit  ad  regem  Caroliim  in  Franciam 
quiçdam  Piiella  plebeia  et  Lotharingia  qua3  asseruit  se  mis- 
sam  a  Deo  ut  per  ipsam  dictum  regnum  quo  rex  erat  fere  des- 
titus,  ad  ejus  obedientiam  deducatur.  Erat  raro  capite  ad 
niodum  viri,  et  volens  ad  tumultas  bellicos  exire,  vestibus  et 
armis  virilibus  induebatur;  rediens  autem  de  bcllo,  habitum 
muliebrem  assumpsit.  Rex  in  tanta  perturbationc  faciliter 
credulus,  marescalcum  et  nonnuUos  alios  sibi  adjunxit,  auxi- 
lium  laturus  Aurelianis  obsessis  :  ubi  Puella  Anglicos  ab 
obsidione  rcpulit,  et  quemdam  magnum  Angliœ  capitaneum 
occidit.  xVurelianis  liberatis,  Anglicos  Franci  insequuntur, 
duce  Puella,  et  oppidum  Gergœum  capiunt,  Anglos  truci- 
dant, deinde  Talbotum  eapitaneum  supremum  abeuntem  inse- 
quuntur, et  commisse  prœlio,  territi  Anglici  fngiunt  ac  ster- 
nuntur.  Uex  Carolus  deinde  multo  nobilium  et  baronum 
comitatu  stipatus,  ingreditur  Rhemos  et  illic  coronatur,  in 
regemque  inungitur.  Post  coronationem,  Soissons.  Castrum 
Thierry,  etalia  loca  usque  ad  sanctum  Dionysium  in  Fran- 
cia  per  Anglos  oecupata  ad  obedientiam  reduxit.  Nam  dux 
de  Bethfordo,  pro  Anglicis  locumteneus,  iverat  Khotomagum 
pro  munienda  Normannia.  Itaque  Rex  etiam  sanctum  Diony- 
sium récupérât,  et  tune  fuit  lœsa  Puella  justa  Parisios.  Rex 
deinde  ibat  versus  Bituriges.  Anno  Domini  1430,  obsesso 
Compendio  capta  est  Puella  supradicta  per  quemdam  Picar- 
dum  qui  vendidit  eam  Anglicis,  et  Angli  eam  Rhotomagi 
occiderunt  incineratam.  » 

IV 

Polydore  Virgile. 

Polidore  Virgile  S  italien,  a  escrit  l'histoire  d'Angleterre, 
et  quoy  qu'il  fut  stipendié  pour  ce  faire,  si  est-ce  qu'il  a 
rendu  pour  la  plus  part  véritable  tesmoignage  des  faits  de 

•1.  Lenglet-Dufresnoy,  qui  a  cité  lui  aussi  le  témoignage  de  cet 
historien  (Histoii-e  de  Jeanne  d'Arc,  p.  42  et  suiv.),  rappelle  qu'il  fut 
mandé  en  Angleterre  au  commencement  du  xvi«  siècle  pour  écrire 
l'histoire  de  cette  nation  qui  manquait  d'écrivains.  «   Il  s'en  acquitta 


36*  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE    d'oRLÉANS 

nostre  Pucelle,  au  livre  vingt-troisiesme,  faisant  l'histoire  de 
Henry  VI  roy  d'Agleterre.  Voici  ses  termes  : 

«  Dum  pacificatoriis  legationibus  Aurelianensescum  hoste 
agunt,  Garolus  copias  undique  arcessendas,  principes  Fran- 
cos  ab  Angiorum  amicitia  omnibus  pollicilationibus  alienan- 
dos  curabat.  Item  commeatum  ad  obsessos  Aurelianeuses 
mittero  studio  parabat,  quum  ad  eum  Puella  quuedam  nomine 
Joanna,  viginta  circiter  annos  nata,  ducitur.  Hsec  ob  serva- 
tam  virginilatem  Puella  dicta,  et  singulari  preedita  animo 
ac  falidica,  cum  ad  Carolum  adivisset,  eum  primo  vestitu 
regalem  personam  dissimulantem  internovisse,  deinde  ita 
salutasse  fertur  :  «  Bono,  Rex,  animo  esto  atque  mitte  timo- 
rem  :  vinces  enim  et, me  duce,  patriam  tandem  in  libertatem 
pristinam  vindicabis,  si  non  majestate  indignum  arbitra- 
bere  feminœ  opéra,  etc.  » 

«  Garolus  qui  rébus  suis  jam  affectis  valde  timebat,  facile 
dictis  credidit,  in  spem  bonam  omnino  ingressus,  ut  qui  jam 
tum  aliquid  divinitatis  in  mente  PuelUe  sibi  persuadebat 
inesse,  ex  eo  quod  vestitu  non  régie  indutus  ab  ea  fuisset 
rex  salutatus.  Sed  aliud  fuit  quamobrem  in  eam  spem  vene- 
rit.  Puella  enim  petiit  gladium  quem  divinitus,  ut  aiebat. 
erat  facta  certior  in  templo  divinœ  Catharinœ  inTuronibus 
inter  antiqua  donaria  pendere.  Miratus  Garolus  gladium 
inquiri  ac  inventum  protinus  Puellie  afferre  jussit,  et  peri- 
culi  polius  ejus  virtutis  faciendi  causa  quam  quod  magno- 
pere  confideret,  facinus  aliquod  egregium  a  femina  edi 
posse,  armatorum  manum  cum  parte  commeatus  attribuit 
ut  obsessos  sublevatum  iret.  Puella  ita  armata,  dux  agminis 
Aurelianum  proficiscitur,  ac  sive  frustrata  custodes,  sive 
numine  divino  tecta,  noctis  silentio  inter  tela  hostium 
urbeni  ingreditur,  cibariaqueintulit  sine  ullo  suorum  incom- 
modo.  Angli  interea  qui  certum  habebant  cives,  ob  rei  fru- 
mentaricC  inopiam,  non   posse    diutius    obsidionem  ferre. 


avec  beaucoup  d'élégance.  »  On  peut  le  regarder  comine  Anglais, 
puisqu'il  tirait  pension  de  la  nation  britannique.  »  Son  témoignage  ne 
saurait  être  indifférent.  J.  Quicherat  ne  lui  emprunte  en  note  que 
quelques  lignes  sui'  la  prétendue  grossesse  de  Jeanne  au  temps  de  sa 
condamnation  (Procès,  t.  IV,  p.  477). 


ÉLOGES    TIRÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  305 

remissius  solito  urgebant  negligentioresque  excubias  duce- 
bant.  Sed  ubi  cognoverunt  Joannam  Puellam  commeatum 
supportasse,  clsi  contemptui  habebant  feminam  quai  mili- 
taria  munera  obiret,  tamen  ob  missum  subsidium  ira  accen- 
si,  acrius  multo  hostem  premendum  statuunt.  Itaque 
duces  suos  cohortati,  ut  aliquando  pro  tantis  laboribus  fruc- 
tum  victoriœ  caperent,  iis  qui  primi  in  mœnia  ascendisseut 
prsetnia  proponunt.  Qua  re  pronuntiata,  subito  ex  omnibus 
partibusevolant  murumque  complent,  simul  tormentis  cujus- 
que  generis,  simul  telis  hostcs  a  defensione  murorum  arcen- 
tes,  idque  sine  intermissionne  faciunt.  Hostes,  quamvis  re 
nova  perterriti,  née  tamen  non  deserebant,  nec  animos 
dimittebant,  -  cum  Joannes  nothus  per  nuntios  celeriter 
significavit  civitatem  inopia  rei  frumentariœ  premi,  ac  usque 
eo  hostes  urgere,  ut  non  possent  vires  cujusquam  satis  esse, 
atque  rem  denique  in  tali  periculo  versari  ut  brevi  maie 
casura  esset,  ac  ne  id  accideret,  positum  in  ejus  diligentia 
atque  virtule.  Ouibus  rébus  cognitis,  Garolus  quam  celer- 
rime  potuit  et  subsidium  et  commeatus  copiam  misit.  Exer- 
citus  Aurelianum  ductus,  ac  castra  prope  ad  millia  passuum 
duo  posita.  Tum  Franci  de  suo  adventu  Puellam  qute  Aure- 
liani  erat  admonent  rogantque  ut  postero  die,  cum  electa 
suorum  manu,  obviam  veniat,  seque  tuto  intromittendos 
curet.  Quod  ubi  per  Anglum  fieri  licuit,  qui  ex  usu  suo  fore 
dicebat,  si  quam  plurimum  in  urbe  essent  in  qua  jam  famés 
dominaretur,  postridie  illius  diei  omnes  uno  momento  con- 
tendentes  de  urbe  erumpunt,  proximumque  progugnaculuni 
continent!  impetu  petunt,  quod  post  multam  factam  utrius- 
que  stragem  capiunt  atque  incendunt.  Deinde  majoribus 
animis,  aliud  longe  majus  oppugnant.  Hic,  quia  bene  magna 
defensorum  manus  aderat,  vehementius  depugnatur.  Fran- 
cus  qui  numéro  prœstabat,  facta  corona,  undique  urgebat. 
Anglus  vitio  munitionis  quee  jam  frangi  cœperaC,  omnibu* 
rébus  premebatur,  fegreque  sustinebat  :  cui  ita  laboranti  ne 
Talbotus  quidem,  qui  in  propinquo  erat,  et  tertium  tenebat 
propugnaculum,  subsidio  ire  poterat,  veritus  ne,  se  absente, 
ea  quoque  munitio  amitteretur.  His  igitur  diffîcultatibus 
Angli  aliquamdiu  pressi,  ad  ultimum  loco  summoventur,  qui 


366  E.     rUCHEH.    —    LA    l'IJCELLE    U  ORLÉANS 

facto  repente  cuneo  adTalbotum  in  lertium  propugnaculum 
se  receperunt.  Talbotus,  nulla  facta  mora,  cum  expedito 
exercitu  advergus  multitudinem  contendit,  qui  non  medib- 
cri  fervore  illato,  et  suos  firmavit  ut  sese  ex  magno  timoré 
colligerent,  et  hostes  compressi  adeo  protinus  se  intra 
mœnia  conjecerint.  Guides  ab  Anglo  minor  facta,  quod  mu- 
nitio  minus  firma  fuerat,  in  qua  primum  erumpentium 
impetum  excepit.  llaud  ita  multo  post  :  Talbotus,  convocato 
consilio,  causas  quam  multasdocet  quamobrem  obsidionem 
civitatis  diu  oppressœ,  et  perinde  quasi  ope  divina  defensœ, 
aut  modis  omnibus  relinquendam,  aut  in  aliud  tempus  reji- 
ciendam  existimet,  cum  meliore  omine  id  opus  tentare  licue- 
rit,  ut  ne  tempus  teratur  quod  hyeme  jam  confecta  ad  bel- 
lum  magis  necessarium  eatur. 

«  Probata  non  tam  libenter  quam  necessario  generatim  a 
cunctis  sententia  et  dato  profectionis  signo,  Magdunum  per- 
gunt.  Discessu  Anglorum  omnia  repente  apud  Aurelianenses 
ketitia  et  congratulatione  plena  sunt,  quod  tantum  pericu- 
lum  vitasseut.  Quare  id  beneficii  Deo  acceptum  referentes, 
in  plures  dies  supplicationibus  decretis,  orarunt  ad  cuncta 
divorum  templa,  communem  victoriam  exposcentes.  Hinc 
projecto  videamus  licet,  illum  aliquoties  minus  consequi, 
qui  plus  nimio  poscit.  Equidem  Angli  vincere  potuerunt, 
sed  existimantes  suœ  dignitatis  non  esse  admittere  Aurelia- 
nensium  deditionem  aliter  atque  petebant  factam,  neglexere 
victoriam  perinde  quasi  in  manu  esset.  Verum  tantum  post 
abfuit  ut  Aureliam  potiti  sint,  ut  eos  nécessitas  ab  incœpto 
9,verterit.  Franci  autem,  ob  pulsum  hostem  gloriantes,  reli- 
qui  negotii  gerendi  facultatem  nequaquam  dimittendam  sta- 
tuunt,  qui  continue  per  omnem  agrum  Aurelianensem  per- 
currunt,  oppida  quœ  hostis  praesidiis  tenebat  recuperandi 
causa,  et  primum  Gergeeum  petunt,  paucisque  post  diebus 
capiunt,  amplius  ducentis  Anglis  interfectis  et  quadra- 
gintacaptis  :  ex  suis  vero  militibus  trecentos  desiderarunt.  » 

Cet  auteur  raconte  la  levée  du  siège  d'Orléans,  mais  il 
desguise  la  matière  autant  qu'il  peut.  Premièrement,  il  est 
véritable  que  la  ville  d'Orléans  s'estoit  voulu  mettre  en  la 
protection  du  duc  de  Bourgogne,  mais  non  pas  se  donner  à 


ÉLOGES    TIRÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  367 

lAnglois.  Et  le  duc  de  BeLhford  n'ayant  voulu  souffrir  cela, 
et,  ainsi  que  raconte  Monstrelet,  ayant  respondu  «  qu'il 
n'entendoit  pas  l'avoir  masché,  et  que  le  duc  de  Bourgogne 
n'cust  qu'à  l'avaler,  »  cela  fit  résoudre  ceux  d'Orléans  d'at- 
tendre secours  du  ciel. 

Secondement,  il  est  faux  que  la  Pucelle  soit  entré  nuitam- 
ment à  Orléans  par  crainte  des  Anglois  :  vu  que  première- 
ment elle  les  somma  par  ses  lettres  de  se  retirer,  et  à  faute 
de  le  faire,  leur  fit  entendre  qu'elle  estoit  preste  de  les  com- 
battre à  force  d'armes.  Et  de  cela  mesme  font  foy  les  actes 
du  procez,  comme  tous  les  historiens  qui  ont  descrit  la  levée 
du  siège  d'Orléans.  Toutes  fois,  Polydore  Virgile  passe  cela 
sous  silence.  Comme  pareillement  que  les  bastilles  qui 
estoient  du  costé  de  là  Sologne  avoient  esté  enlevées  de  vive 
force  aux  Anglois,  et  que  Glassidas  et  plusieurs  autres  capi- 
taines de  remarque  y  furent  tuez  et  la  Pucelle  blessée,  ainsi 
mesme  que  les  actes  du  procez  tesmoignent.  Néantmoins 
Polydore  Virgile  veut  persuader  que  Talbot  gardoit  la  bas- 
tille des  Tournelles  et  qu'il  se  retira  sans  estre  contraint, 
persuadant  aux  Anglois  de  lever  le  siège.  Talbot  estoit  du 
costé  de  la  Beausse  et  commandoit  à  l'armée  campée  en  ce 
quartier-là,  et  non  pas  aux  bastilles  devers  la  Sologne;  et 
par  ainsi  cet  historien  a  esté  très  mal  informé,  ou  bien 
sciemment,  comme  est  plus  croyable,  a  voulu  desguiser  la 
vérité,  ne  parlant  que  le  moins  qu'il  peut  avec  une  grande 
atténuation  des  exploits  de  la  Pucelle,  qui  toutes  fois  sont 
assez  relevez  par  les  interrogatoires  que  l'évesque  de  Beau- 
vais  lui  a  faits,  articulez  en  son  prétendu  procez. 

Mais  n'est-ce  pas  mentir  délibérément  d'escrire  que  la 
Pucelle,  pour  prolonger  sa  vie  de  neuf  mois,  avoit  feint 
d'estre  grosse?  Chose  controuvée  par  Polydore  Virgile  en 
faveur  des  Anglois  desquels  il  estoit  pensionnaire,  et  qui  est 
contredite  mesme  par  les  actes  du  procez  qui  tesmoignent 
qu'en  l'espace  de  sept  jours  deux  sentences  ont  esté  données 
et  exéquutées  contre  elle,  et  que  par  tous  les  actes  du  procez 
il  n'y  a  aucune  preuve  de  sorcellerie.  Aussi  n'a-t-elle  jamais 
esté  soupçonnée  par  autres  que  par  ses  ennemis  mortels. 

Entendons  parler  cet  homme. 


368  E.     ItICHER.    —    LA    PUCELI.E    DORLÉAXS 

«  HiEC  Puella,  cum  ultra  feminte  vires,  sineque  uUa  peritia 
militaris  disciplinte,  quam  nunquam  didicerat,  multa  faci- 
nora  et  illa  quidem  egregia  faceret,  apud  vulgus  in  sus>pi- 
cionem  venit  ut  diceretur  magicis  arlibus  ea  omnia  agere. 
Quamobrem  in  veneficii  crimen  vocata,  primo  jubente  duce 
Sommersctensi  diligenter  examinata  est  an  bene  sentiret  de 
religione  christiana,  deinde  quia  virili  usa  erat  vestitu  et 
omnino  vonefica  habebatur,  severe  daninatur  atque  combu- 
ritur.  Sed  Puella  infelix,  priusquam  ea  pœna  affecta  sit,  memor 
humanitatis  quie  unicuique  innata  est,  simulavit  se  gravi- 
dam  esse,  quo  aut  hostes  misericordia  frangeret,  aut  faceret 
ut  mitius  supplicium  statuèrent.  Verum  postquam  ob  eam 
causam  novem  menses  est  servata  ad  partum  et  res  vana 
apparuit,  nihilominus  crematur.  Visa  est  ea  profecto  sen- 
tentia  in  Puellam  lata  longe  post  homines  nata  durissima, 
quae  neque  molliri,  neque  mitigari  tempore  potuit.  Sane 
femina  pro  patria  ad  virilia  décora  excitata,  digna  favore 
videbatur,  cum  prœsertium  permulta  extarent  parcendi 
exempla,  et  illud  potissimum  a  Porsenna  Etruscorun  rege 
editum.  Is  enin  coraposita  cum  Romanis  pace,  cum  obside* 
accepisset  et  in  his  Cleliam  virginem,  et  illa  dux  agminis 
aliarum  virginum  frustrata  custodes,  inter  tela  hostium  Tibe- 
rin  transnassetad  suosque  confugisset,  ac  inde  ex  fœdere  res- 
tituta  fuisset,  non  alïecit  virginem  pœna,  sed  coUaudatam  et 
parte  obsidum  donavit,  et  domum  remisit.  » 


G.  Lilius  —  Chr.  Massœus  —  J.  B.  Egnatius  —  R.  de  Wassebourg 
Paul  Jove  —  Paulus  iEmilius. 

Georgius  Lilius ^  Anglois,a  fait  un  livre  des  Eloges  des 
hommes  illutres  de  Bretagne  et  l'a  dédié  à  Paul  Jove  :  à  la 
fin  duquel  est  une  petite  chronique  des  Roys  d'Angleterre  et 
en  l'année  1429  narre  briefvement  les  faits  de  la  Pucelle. 

1.  Lily"(Geoi'ges),  chanoine  de  Saint-Paul  à  Londres,  a  laissé  plusieurs 
ouvrages  d'histoire.  Il  mourut  en  1.559.  Le  savoir  de  son  père  avait 
rendu  déjà  son  nom  illustre. 


KLOGES    TIRES    DE    DIVERS    AUTEURS  369 

«  Joanna  Puella  armala  Aurelianenses  obsessos  commeatu 
juvat,  coactis  hostibus  obsidionem  relinquere  :  ad  octaviim 
idus  maii  Anglos  virililer  expulit.  Patiense  i  Patay)  prœlium 
in  quo,  ceesis  et  prodigatis  Anglis,  Joannes  Talebotus  capitur. 
Puella  Garolum  legem  Rhemis  consecrandum  ducil.  Henricus 
cardinalis  Winthoniensis  a  Martino  V  pontifice  legatus  in 
exercitu  contra  Bohemos  mittitur.  Puella  Gompendium  obses- 
sum  vi  et  astu  ingressa,  cum  in  hostes  eruptionem  faceret,  a 
Joanne  Luxemburgensi  capitur,  Rbotomagumque  ad  ducem 
Sommersetensem  mittitur,  dein  magiie  damnata  exuritur.  » 

Christianus  Massœus^  estoit  du  diocèse  de  Cambrai,  et  en 
sa  chronique,  l'an  1429,  rapporte  ce  qui  s'ensuit. 

«  Hoc  anno  obsidentibus  Anglis  Aurelianos,  Puella  quae- 
dam,. Joanna  nomine,  venit  ad  Delphinun  et  ait  :  Missa  sum 
a  Domino  ut  regnuni  Franciœ  tibi  restituam.  Mitte  ad  sanc- 
tam  Catharinam  de  Fierbois  :  est  ibi  gladius  involutus  a  Deo 
missus,  afîeratur  mihi.  AitCarolus  :  —  Unde  nosti?  —  Deus, 
inquit,  mihi  revelavit.  Misit  ille  inventumque  gladium  Puel- 
he  dédit.  Sumptis  ilia  militibus,  obsidionem  Aurelise  solvit. 
Deinde  Delphinum  adduxit  Rhemos  consecrandum,  ubi 
décima  septima  Julii,  die  Dominica,  unxit  eum  Reginaldus 
ejus  loci  prœsul.  Et  licet  comitiis  principum  non  interesset, 
sciebat  tamen  sécréta  ipsoruni.  Ad  omnia  sapienter  responde- 
bat,  sœpe  confîtebatur.  Semel  in  hebdomada  Eucharistiam 
sumpsit.  Incessanter  .\nglos  persequuta  est  etvicit.  Burgun- 
dos  autem  superare  nequivit.  Anno  enim  sequenti,  voluitcos 
obsi dentés.  Compendium  effugare,  sed  capta  fuit  ab  eis  vige- 
sima  quarta  die  maii,  indictione  octava,  et  Anglis  vendita, 
qui  post  multa  tormenta  combusserunt  eam,  dicentesmagam 
esse  atque  maleficam.  » 

Joannes  Baptista  Egnatius-,  vénitien,  au  livre  troisiesme, 
chapitre  second  des  Exemples  des  hommes  illustres. 

1.  Christianus  Massaius,  né  en  1469,  mort  en  1546,  ancien  hiérony- 
inite,  a  laissé  une  clironique  en  20  livres  qui  va  jusqu'en  lo40. 

2.  Egnazio  (Jean  Baptiste,  —  de  son  vrai  nom  Cipoli  —  né  à  Venise  en 
1478,  y  enseigna  les  belles-lettres,  laissa  plusieurs  ouvrages  d'histoire, 
et  édita  plusieurs  classiques. 


370  E.    UICHER.    LA    PUCELLE    U  ORLEANS 

«  Quis  cnim  credat  Piiellam,  vix  quindecim  annos  nalam, 
Galliarum  regnum  a  Britannis  fere  omne  oppressum,  sua 
unius  virtute  ac  liberali  assertum  manu  ?  Hsec  igitur  Joanna 
nomine,  Puella  a  Gallis  cognomento  dicta,  Gallorum  régi, 
quod  incredibile  videri  possit,  persuasit  ut  Aurelianum  acer- 
rima  Britannorun  obsidione  coaclum  ipsa  solveret  :  quod  ita 
plane  accidit,  quamvis  humerum  sagitta  transfixa,  reliquos 
adhortaretur,  et  sese  unam  fortissime  pugnantem  intuiti,  de 
Victoria  minime  dubitarent,  sed  a  Britanno  hoste  regnum  vin- 
dicare  studerent.  Quare  aucti  animis  Galli  et  Aureliam  rece- 
pere,  etTroiamurbem,  quod  nemo  ferecredebat,  Puellse  unius 
auspicio  recuperarunt.  Unum  opus  supererat  recipiendee 
Parisiorum  urbis,  etc.  Tametsi  utrumque  crus  sagitta  per- 
fossa,  prima  muros  transcendit.  CcCterum  llhotomagum  con- 
tendens,  cum  eam  urbem  aliquamdiu  frustra  obsedisset,  ab 
Anglis  eruptione  facta  capitur^  Eam  per  summum  gaudium 
captam,  tanquam  simulatee  religionis  ream,  comparata 
ingenti  pyra  concremarunt.  Galli  vero  tantse  virtutis  liber- 
tatisque  receptae  memores,  eam  ubique  pictam,  veluti  fami- 
liare  numen,  colunt.  » 

Richard  de  Wassebourg-,  aux  Annales  de  la  Belgique,  en 
deux  endroits  représente  l'histoire  que  nous  avons  en  main  : 
sçavoir  au  commencement  où  il  parle  des  hommes  illustres 
de  la  Gaule  belgique,  et  en  l'année  14:29. 

Paulus  Jovius*,  italien,  in  Britannige  descripHone,  parlant 
de  Henry  VI  et  de  ses  louanges  : 

«  His  tantis  virtutibus,  dit-il,  una  castrensis  gloria  deerat, 


1.  Inutile  d'insister  sur  l'erreur  commise  par  l'auteur  en  ces  lignes. 
La  Pacelle  n'a  jamais  assiégé  Rouen,  et  ce  n'est  pas  sous  ses  murs 
qu'elle  a  été  prise. 

2.  Richard  de  Wassebourg  né  à  saint-Mihiel  vers  la  fin  du  quinzième 
siècle,  mourut  archidiacre  de  Verdun.  Ses  Antiquités  de  la  Gaule  bel- 
gique parlent  un  peu  de  tout,  mais  nous  ont  conservé  des  pièces  histo- 
riques précieuses. 

3.  Il  était  évèque  de  Nocera  au  royaume  de  Naples.  Né  en  1483  à 
Côme,  il  mourut  à  Florence,  où  il  s'était  retiré,  en  1552.  Il  écrivit  une 
histoire  de  son  temps.  Ses  œuvres  ont  été  réunies  en  6  vol.  in  fol. 


ELOGES    TIRÉS    DE    DIVERS    AUTEURS  371 

€oncepta  jam  animo  ingenti  adauctaque  Anglorum  studio. 
qui  sua  consueludine  bella,  prtelia  tranquillitati  atque  otio 
prceferebant.  Odio  scilicet  illo  in  Gallos  a  majoribus  tradito 
deflagrantes  ;  a  quibus  se  Galliae  regno  et  toto  fere  continente 
pulsos  indignabantur.  Et  quod  ignominisenomine  in  fortibus 
viris  iras  accendebat,  Puella  pr&esertim  duce,  quee  miraculo 
quodam,  excitatis  Gallorum  animis,  felici  ausu  superiores  vic- 
torias  atque  illa  décora  Anglicœ  virtutis  trophœa  penitus 
evertisset.  » 

Paulus  .Emilius',  italien,  a  fait  l'histoire  des  Roys  de 
France  en  latin  et  discourt  en  ces  ternies  de  la  Pucelle  en  la 
vie  de  Charles  VII. 

«  Joanna  Lotharinga  puella,  duodeviginti  circiter  annos" 
nata,  sub  pâtre  oves  pascere  solita,  ad  regem  ducitur  praedi- 
cans  se  mente  divinitus  admonita  venire  profiterique  se 
.\nglos  Francia  exacturam.  Mirabundo  rege  multiplici  per- 
contatione  procerum  versata,  sempcr  sibi  constitit,  nul- 
lumque  ei  verbum  nisi  pudicum  sanctumque  excidit.  Consi- 
lio  ducum  sanctorumque  non  aspernanda  res  visa.  Militari 
ergo  habitu  accepte,  ab  rege,  exercitu  ducibusque  trajecto 
flumine,  obsessis  per  intermissas  hostium  munitiones  septi- 
mumjam  mensem  clausis,  auxiliacommeatumque  intalit,  cre- 
brisque  eruptionibus  obsidionem  solvit.  Gircumferendoque 
bello  variis  ducum  conatibus,  circumjectaoppida  quee  hostis 
compararat,  recepit  levibus  preeliis,  quee  tamen  in  summam 
universœ  rei  spem  proficerent,  Anglo  fatigato.  Ad  tria  hos- 
tium millia  ciesa  in  Belsia  (dans  la  Beausse)  anno  ejus  seculi 
undetricesimo.  Nec  fortuna  se  offerenti  defuit  Francus  rex  : 
utqueaugustior  suis,  hosti  formidoLosior  fait,  auctore  ac  duce 
Puella  ad  Rhemosad  sacrum  Ghrisma  regnique  insignia  sus- 
cipienda  profectus,  etc.  » 

Par  après  il  raconte  la  prison  et  la  mort  de  la  Pucelle. 
«  Longe  aliam  fortunam  nacta  est  Joanna  quam  quee  Aure- 
iianum  servarat.  In  oppidum  quidem  irrupit  Compendium. 

1.  Paulus  ^Emilius,  né  à  Vérone,  fut  attiré  en  France  où  par  ordre 
de  Louis  XII  il  écrivit  un  livre  de  rébus  geslis  Francorum  (Paris,  lo39), 
(jui  lui  valut  un  canonicat  à  Notre-Dame. 


372  E,     lilClIKR.    —    LA    l'LCELLK    d'uHLKAXS 

Sederuptione  facta,  postea  in  polcslatemhostium  venit.  Ilho- 
tomagum  ducta  ab  Anglis,  superstitionis  falsëcque  religion is 
insimulata,  igné  cremala  est,  hoste  judice,  nemine  eo  loco 
pro  captiva  contradicere  auso.  Aurelianenses  PuelUu  sta- 
tuam  posuere.  Eam  summis  laudibus  efferunt  et  admirantur 
Pius,  pontifex  maximus,  et  Antoninus,  Florenlinus  pon- 
tifex.  » 


VI 

J.  Laziardus  —  J.  Aventinus  —  H.  Boetius  —  J.  Ferrerius. 

Joannes  Laziardus',  en  son  Epitorne  de  Vhistoire  univer- 
S(?//e,  chapitre  274,  représente  briefvement  et  judicieusement 
cette  histoire. 

«  Carolus,  dit-il,  hujus  nominis  VII.  post  Carolum  M 
regno  Francorum  successit.  Quo  in  tempore  tantis  calamita- 
tibus  Franci  vexabantur,  ut  bis  attritus  populus  et  obstupe- 
factus,  quorum  partes  sequi  deberet  ignorabat.  Itaque  régi 
Carolo  Bituriges  tantum  parebant,  cœleris  Francis  modo  ad 
Anglos,  modo  ad  Burgundiones  spectantibus.  Eo  enim  tem- 
pore llenricus  Henrici  régis  Anglise  filius,  regnum  Francia^ 
occupabat,  quod  diceret  ex  pacto  sibi  deberi.  Carolus  vero 
compassusjus  suum  armis  defendere  semperanimo  agitabat. 
Unde  et  Franci  milites  in  armis  parati  adversus  Anglos 
repentina  prœlia  committebant.  Variis  igitur  prœliis  commis- 
sis,  modo  Angli,  modo  Franci  superantur.  Verum  féliciter 
gestis  adversus  Anglos  multis  bellis,  etiam  Francis  auxilia- 
tores  Scotorum  quinque  millia  advenerunt,  quos  perbenigno 
et  benevolo  affectu  Hex  suscepit.  Eisdem  temporibus,  Angli 
multas  urbes  receperunt,  atque  non  sine  magno  Francorum 
damno,  adeo  ut  uno  pnelio  apud  Vernolium  commisso,  Beth- 
fordus,  Anglorum  dux,  quinque  millia  Francorum  occiderit, 
captusque  est  Alençonius  dux  cum  aliis  pluribus  Franciae 
nobilitatis   proceribus.   Hac   Victoria  lœti    Angli  multa  alla 


1.    Laziardus    Jean    (Le   Jars),   de    Paris,    historien   de   la    fin    du 
k«  siècle. 


ÉLOGES    TIUKS    DE    DIVERS    AUTEURS  37:} 

oppida  receperunt.  Tum  Aurelianos  obsidens  Tallebotuscum 
Salseberiensi  comité,  quatuor  per  gyrum  munitionesextruxit, 
quibus  in  urbem  quicquam  inferri  veLabat.  Aurelianenses 
vero  semper  erectiori  anirno  se  suaque  acerriine  tuebantur. 
Aderat  etiam  et  illis  subsidio  quam  maxime  poterat  Garolus 
rex.  Multa  tamen  diuturnaque  obsidione  pressi,  consilium 
capiunt  de  deditiom  facienda,  eo  pacto  ut  urbs  Burgundo 
duci  permitteretur.  Legatos  itaque  ad  lUirgundos  mittentes, 
eum  de  ea  recertiorem  reddunt.  Quibus  respondit  Burgundus 
se  perquam  libenter  urbem  recepturum,  si  Bethfortus  assen- 
tiat.  Itaque  Bethfortum  legati  adeunt,  quibus  respondit  Aure- 
lianenses in  gratiam  non  recepturum  quoad  omnem  belli 
impensam  persolvissent,  suteque  voluntati  eos  subdidisset. 
Eodem  tempore  Joanna,  cui  Puella  ob  integritatem  corporis 
cognomento  fuit,  annos  viginti  nata,ad  Carolumregem  veni- 
ens,  illum  brevi  in  regnum  se  restiturani  pollicita  est.  Erat 
enim  hœc  virgo  excelsi  animi,  nihil  muliebriteragens,  sacer- 
dotali  confessione  quaque  fere  hebdomada  conscientiam  pur- 
gans,  divinamque  Eucharistiam  dévote  sumens.  Huic  itaque 
postquam  a  rege  hostes  expugnandi  negotium  datum  est, 
tanta  vi  Anglos  expugnat,  ut  non  modo  Aurelianos  ab  obsi- 
dione removerit,  sed  et  omnes  a  regno  Franciœ  deturbarit, 
multis  occisis,  multisque  vivis  in  prœdam  captis.  Hujus  prse- 
clara  gesta  satis  ab  historicis  Francis  descripta  sunt-  Heec 
autem  post  multas  Anglorum  cœdes  tandem  apud  Compen- 
dium,  dum  suis  opem  ferre  studeret,  a  Joanne  Luxemburgo 
capitur,  qui  eam  Anglis  venumdedit.  A  quibus  hostiliter 
habita,  apud  Rhotomagum  cremata  est,  quod  dicerent  eam 
viri^li  habitu  indutam  pro  Francis  decertasse,  nullam  mortis 
causamineainvenientes.  Erubescantigitur  Angli  se  a  femina, 
et  quidem  catholica,  regno  pulsos,  nec  deinceps  apudcieteras 
gentes  suum  robur  jactent,  sed  per  abrupta  fugientes  poste- 
ris  enarrentPuellam,  nomineJoannam,  non  quidem  vi  armo- 
rum,  sed  proditione  deceptam  morte  mulctasse.  Ab  hoc  igitur 
tempore,  Angli  animo  tabescentes  laala  fortuna  semper  usi 
sunt.  Nam,  dum  Compendium  obsiderent,  dum  se  a  Francis 
mactare  conspiciunt,  castra  deserentes,  in  sua  ut  quisque 
poterat  fugiebat  ;  atque  eo  pacto  arces  et  oppida  a  Francis 


•374  K.    KICIIEU.    —    1>A    l'L'CELLE    U  OULKANS 

recepla  sunt,  mullaque  millia  Burgundionum  et  Anglorum 
cœsa.  » 

Joannes  Aventinus^  sur  la  tin  du  septiesme  livre  do  l'his- 
toire de  Bavière,  fait  registre  des  faits  prodigieux  de  la 
Pucelle  en  cette  manière  : 

«  Carolus  VII  Gallus  expulit  Anglos  victricibus  ubique 
armis,  virginiis  ausptciis,  F'uella  duce  cœlitus  demissa,  ut 
credi  postularunt  illi  quorum  interfuit,  paternumque  princi- 
patum  recuperavit.  » 

Mais,  dira  quelqu'un,  celte  clause,  ul  credi  postularunt  ill i 
quorum  interfuit,  rend  la  chose  incertaine.  A  cela  nous  res- 
pondrons  que  les  François  prennent  droit  de  la  mission  de  la 
Pucelle  sur  les  actes  mesmes  du  procez  que  les  Anglois,  qui 
l'ont  condamnée,  n'ont  pu  canoniquement  ni  valablement 
contredire,  ainsi  que  nous  avons  montré  ;  et  Aventin  n'ayant 
pas  vu  les  dits  actes,  on  ne  doibt  s'esbahir  qu'il  ayt  ainsi 
parlé. 

Hector  Boetius  Deidonanus  scotus,  livre  seiziesme  deïHis- 
toire  des  Escossois,  nombres  10,  20,  30  : 

«  Glades  maxima  Francis  fuit  undique  post  victoriam,  et 
Anglis  et  Burgundionibus  Franciam  invadentibus,  ac  simul 
Aureliam  obsidentibus  :  aclumque  prorsus  de  Francorum 
nomine  fuisset,  nisi  virgo  quaedam,  Joanna  nomine,  virili 
vestitu  induta,  armisque  egregie  exercitata,  Carolum  prope 
desperantem  erexisset  atque  ad  meliora  excitasset.  Quod 
numine  divino  factum  non  absurdum  est  credere.  Itaque 
omni  ope  destitutum  humana  Carolum,  cum  Joanna  per  Gam- 
paniam  Rhemos  contendentem,  omnes  eum  Campani  exce- 
pere  volentes,  rejecto  Anglorum  jugo,  omniaqueoppida,  arces 
caslellaque  illi  tradiderunt.  Rhemos  quoque  accedentem,  quo& 
tum  Anglorum  partibus  favebatketaexcepitcivitasregemque 


i.  Aveiitinus  (Jean  Thurniaicr.  dit),  (•hroni([ueur  bavarois,  né  1466, 
mort  en  1534. 

2.  Boetius,  ou  Boethius  Hector,  né  à  Dundee  en  1470,  chanoined'Aher- 
deen  en  laOO. 


ELOGES    TIRES    DE    DIVERS    AUTEURS  375 

solemni  ritu  salutarunt.  Inde  Joanna  duce,  varias  Franciœ 
partes  adiens,  niagnam  regni  partem  ab  hostibus  occupatam 
recepit.  Félix  undique  ac  prosper  successus  fuit,  donec  erup- 
tione  Joanna  cum  hostium  copiis  pugnans,  dum  victa  cum 
suis  a  premente  multitudine  portam  Gompendii  oppidi  ingredi 
prohiberetur,  a  Joanne  Luxemburgensi  a  Burgundionibus 
stante  capta  est  :  qui  illam  continue  Anglis  vendidit.  Angli 
vero  extemplo  Ilhotomaguin  eam  ducentes,  accusarunt  quod 
violatis  humani  generis  legibus,  armis  ac  veste  virili  femina 
uteretur,  ac  preeterea  magicis  artibus  ab  humano  usu  pro- 
hibitis  operam  daret;  ac  dum  in  foro  se  excusare  conaretur, 
subjecto  igné  concremata  est.  » 

Joannes  Ferrerius  Pedemontanus,  libro  18  historite, 
numéro  70  : 

«  Puello  Henrico  VI,  Franciee  et  Angliœ  rege  salutato, 
orta  discordia  inter  Burgundos  Anglosque  tune  Franciam 
armis  occupatam  opprimentes,  comité  Sarisberiensi  incerta 
machinée  bellicœ  quam  bombardam  vocant  ictu  occiso, 
adversa  uti  fortuna  cœpere  Franci,  ex  occasione  animum 
recipientes,  duce  femina  (Galli  vocant  Puellam  Joannam 
nomine),  ut  non  sine  divino  numine  fleri  appareret  ;  fortis- 
sime  non  modo  Anglos  sustinuerunt,_sed  etiam  omnibus  ferme 
prseliis  cœperuntesse  superiores.  » 


VII 
Jacques  Meyer. 

Jacobus  31eyer\  au  seiziesme  livre  des  Annales  de  Flan<lre 
quoyque  extrêmement  passionné  contre  les  François,  si  a-t- 
il  rendu  le  tesmoignage  du  aux  vertus  et  faits  héroïques  de 
nostre  Pucelle.  C'est  en  l'année  1428. 

«  Principio  martii,  accessit  ad  Carolum  regem,  apud  Chino- 
nem  agentem,  Joanna  illa  virgo  Gallica,  annos  nata  circiter 

1.  Jacques  Meyer,  1491-lo52,  prêtre  de  Bruges,  historien  de  Flandre, 
favorable  au  parti  bourguignon. 


376  E.    llICHEli.    LA    PUCELLE    D  OIU.EAXS 

octodecim,  dicta  ob  intactum  pudorem  Puella,  equisonis  instar 
solita  custodire  et  adaquare  eqiios,  pauper  tarnen  et  modicis 
orta  parentibus.  Hœc  se  divinitus  afïlatam  dicebat,  pulsu- 
ram  se  Anglos  ab  urbe  Aurelianensi,  regemque  perducturam 
in  Hhenîos  ad  sacram  unctionem.  Iirisa  primum  habitaque 
pro  fatua.  Tandem  tamen  morum  suorum  sanctimonia  ac 
prudentia  fidcm  fecit,  ac  verbis  quicquid  erat  pollicita,  fac- 
tis  complevit.  Quis  non  videt  hoc  Dei  fuisse  opus?  Ouis  dubi- 
tare  potest  quin  facta  haec  sint  per  immensam  Dei  clemen- 
tiam  ?  Ipse  enim  est  qui  non  in  perpetuum  irascitur  neque 
in  œternum  comminatur.  Regem  vehementer  pœnituit  mo- 
rum anteactœ  vitœ,  quotidieque  precibus  ac  lacrymis 
veniam  a  numine  postulabat.  Grebras  supplicationes  per 
omnes  regni  ccclesias  indixit.  Crediderim  per  Gallias  pios 
fuisse  homines.  quorum  preces  erant  ante  Deum  exauditte. 
Dederat  enim  Gallia  horrendas  pœnas,  adeo  ut  a  nemine  pers- 
cribi  satis  possent.  Ostendere  Deus  optimus  maximus  volebat 
ab  se  une  omnem  dari  victoriam,  eam  per  feminam,  per 
sexum  fragilem  velle  sperari,  quo  vanitatem,  superbiam 
Galliee  Angliœque  gentis  retunderet,  nediutius  suis  duntaxat 
fiderentviribus,  suaeinniterenturprudentiœ,sed  a  cœlopetere 
victoriam  discerent,  eamque  nec  sibi  nec  suœ  fortunœ,  sed 
sûlinuminis  benignitati  adscriberent.  » 

Le  mesme  auteur,  au  commencement  de  l'année  14!29,  dis-r 
courant  de  la  levée  du  siège  d'Orléans  : 

«  Hic  finem  capit  félicitas  Anglorum  in  Galliis.  Hue  usque 
nemo  illorum  telis  resistere  valuit.  Hactenus  non  vinci,  sed 
vincere  sueti.  Grandis  nuncmutatio,  in  qua  virtus,  robur,  for- 
tuna  victoriaque  illorum  abiit  rétro,  ut  manifesta  appareant 
opéra  Dei,  ut  intelligamus  quam  fortes  felicesque  sint  a  qui- 
bus  stant  numina,  contra,  quam  débiles  et  elumbes  qui- 
bus  cœlum  non  favet.  Aurelianenses  vero  jam  prope  famé 
domiti,  ita  rerum  omnium  laborabant  penuria,  ut  in  extrema 
agerent  necessitate  :  quibus  omni  humano  destitutis  auxilio, 
divina  benignitas  succurrit;  quod  homo  non  potuit,  Deus 
supplevit.  Joanna  virgo,  dux  Gallorum,  non  ascita,  non 
creata,  non  electa,  sed  a  Deo  data,  potestate  a  Rege  accepta, 
copias  quas  potest  adunat,  copiosum  omnis  generis  commea- 


ELOGES    TIRES    DE    DIVERS    AUTEURS  377 

tum  invitis  hostibus  in  urbem  importât.  Dehinc  eruptionem 
fortissime  facit,  omnes  munitiooes,  vallos,  fossas,  palos, 
aggeres,  excitata  castella  tani  multa  dissipât,  prosternit, 
incendit,  hostes  in  fugam  propellit,  urbem  obsidione  libérât 
mense  maii,  haud  absque  multo  hostium  sanguine.  Inde 
Magdunum,  Gergellum,  Bogenciacum.  Genovillam  capit.  Vin- 
cit,  fundit  superatque  Anglos  ;  ad  Patœum  in  Belsia  signis 
collatis,  Anglorum  exercitum  profligat,  Johanem  Talbotum, 
summum  ducem,  cum  aliis  multis  capit,  interfectis  compluri- 
bus.  Dehinc  Altisiodorenses,  fanum  Florentii,  Trecasses, 
Catalaunenses  recipit,  regemque  Carolum  Rhemos  ad  sacram 
unctionem  perducit-  Quam  ubi  a  Reginaldo,  loci  pon- 
tifice,  mense  julio  accepisset,  statim  veluti  altéra  Pentesilea 
aut  Semiramis,  Velliacum,  Prininum,  Laudunum,  Augustam 
Suessionum,  Briœ  castella  et  oppida,  Crespiacum,  Ceesaro- 
magum  Bellovacorum,  victis  pulsisque  hostibus  recipit.  Ad 
hœc  autem  perflcienda  socii  adjutoresque  illi  fuere  rex  ipse 
Carolus,  item  dux  Borbonii,  Arturus,  magister  equitum, 
quanquam  hic  Rhemis  non  aderat,  Alençonius,  Stephanus 
Hyrus  (La  Hirei,  Poton  Santralla,  .Joannes  Aurelianensis  no- 
thus,  Reginaldus  pontifex  Rhemorumi  idem  Cancellarius 
Galliœ,  Vindocinensis,  Lavallus,  Ambrosius  Lora,  Renatus 
Barrensis,  Gaucuria,  Gravilla,  CarolusAlbretuset  quidam  alii. 
Henricus,  cardinalis  Angli.e,  collectum  pugnatorum  nume- 
rum  in  Bohemiam  ducendum  in  Galliam  adduxit  auxilio  suis 
Anglis.  Sylvanectuni  Puella^tentat;  sed  propter  vires  Burgun- 
dorum,  pugna  abstinet.  Non  enim  eadem  illi  félicitas  erat 
contra  Burgundos,  qute  contra  Gallos.  Unde  quidam  :  — 
Anglos,  inquit  vicit  :  Burgundos  vincere  nequivit.  Sylvanec- 
tum  tuebantur,  pneter  Anglos,  Jannes  Villerius  Adamus, 
Joannes  Crocacus,  Joannes  Crequiacus,  Antonius  Betunensis, 
Joannes  Fossella,  Hugo  Alvetanus,  Simon  Lalanus,  Savosius 
cum  septingentis  equitibus.  Dubia  Johanna  non  pugnandum 
suasit.  Trecenti  circiter  levibus  prœliis  interierunt,  et  ita 
discessum  |^est] .  » 

En  l'année  1430  : 

«  Puella,  haud  procul  Latiniaco,  ad  amnem  Matronam, 
capit  Franciscum  Atrebatem  dictum,  fortissimum  Bargundise 


378  E.    RICHER.    —    LA.    PUCELLE    d'oRLÉANS 

partis  viruni,  quem  interfectis  multis  Burgundis,  securi  pei- 
cussit,  haud  scio  quam  ob  causam.  Eum  virum  maxime  plan- 
gebant  Burgundi,  cœperuntque  eam  ob  rem  Puellam  magis 
odisse,  etc.  Philippus  Burgundi;ie  dux,  cum  esset  apud  Coudi- 
num  juxta  Gompendium,  consilium  capit  de  Gompendio 
obsidendo  pridie  feriarum  Ascensionis  Dominiez,  quœ  tum 
incidit  in  nonum  Galend.  Junias.  Hora  quinta  pomeridiana, 
Joanna  Puellaet  Poton,  cum  quingentis  circiter  pugnatoribus 
ex  Gompendio  erumpunt,  ut  apud  Mariniacum  obruant  Bodo- 
nem  Noiellam..  Sed  Angli  et  Joannes  Luxemburgius  qui  cum 
cohortibus  suis  non  procul  aberant,  fortiter  Bodoni  occurrunt 
auxilio.  Pugnatum  est  acriter.  Sed  Galli  cum  crescentem 
hostium  suorum  numerum  perferre  nequirent,  Gompen- 
dium se  recipiunt.  Burgundiones,  propter  necem  Fran- 
cisci  Atrebatis  Puelke  magis  infesti,  acriter  insequuntur, 
illamque  suos  ante  se  ducentem,  priusquam  pervenire  posset 
in  oppidum,  equo  dejectam  capiunt,  ductamque  Mariniacum 
tradunt  suo  duci  Joanni  Luxemburgensi  qui  primum  apud 
Bellumlocum,  dein  in  arce  Belloravoris  diu  illam  tenuit  capti- 
vam.  Memorant  quidam  a  Gulielmo  Flaviensi,  oppidi  prœ- 
fecto,  hostibus  venditam  eamque  proditionem  suam  statira 
secuturam  mortem  Puellam  prœdixisse  confirmant.  » 

Le  mesme  Meyer,  l'année  1431,  fait  un  narré  de  la  mort  de 
la  Pucelle  en  cette  sorte  : 

«  Tertio  Galendas  Junias,  pridie  feriarum  sanctissimi  cor- 
poris  Ghristi,  Rhotomagi,  in  veteri  foro  rerum  venalium, 
cremata  igni  est  Joanna  Puella,  ob  nullam  quidem  justam 
causam,  sed  per  odium  solum  Anglorum.  Ausus  est  Petrus 
Cauc/wn,  Anglus  génère,  Bellovacorum  episcopus,  in  gra- 
tiam  Betfordii,  rectoris  Galliœ,  innocentem  virginem  morti 
adjudicare.  Quid  enim  non  désignant  taies  episcopi,  seu 
umbree  potius  episcoporum?  Ecclesia  Rhotomagensis  epis- 
copo  tune  carebat.  Puellae  nec  adv.ocatum,  nec  patronum  sua 
in  causa  habere  licebat.  Simplicem  ac  illitteratam  virginem 
multis  episcopus  ejusque  collegœ  interrogationibus  de  fide 
catholica  fatigabant,  ut  illaquearent  et  circumvenirent  illam 
in  aliquo  lapsu.  Sed  frustra  hœc  omnia  :  respondit  ènim 
sapienter  valde  et  catholica.  Et  quamquam  famam  sparge- 


ÉLOGES    TIRES    DE    DIVERS    AUTEURS  379 

rent  magani  esse  et  maleficam,  nihil  tamen  laie  poterant  in 
illa  deprehendere.  Sed  illud  in  crimen  vocabant  qiiod  virili 
uterctur  veste  :  quod  tamen  facile  purgavit,  nec  usa  est  eo 
amictu  nisi  in  rébus  bellicis,  quemadmodum  divinitus  dice- 
bat  sibi  prœceptum.  Habebat  assessores  ille  episcopus  -Egi- 
dium  abbatem  Fiscampi  Lheologuni,Nicolaumabbatem,Gerae- 
tiensem  jurisconsultum,  Petrum  Longtcvilla  et  alios  complu- 
res  quorum  nemo  ne  hisccre  quidem  ausus  est  contra  Anglo- 
rum  voluntatem.  At  inquisitor  fidei  per  Franciam,  frater 
Joannes,  cognomento  Magistri,  scrupulo  conscientiœ  prohi- 
bitus,  sapienter  ab  horum  consessu  abstinuit  ;  quod  non 
teque  Nicolaus  Raulinus  scholaque  Parisiensis  tulisse  viden- 
tur.  Bethfordus  autem,  ut  Philippum  Burgundiœ  ducempla- 
caret,  hœc  ad  eum  scripsit  mendacia,  Joannam  neminem 
super  terram  voluisse  agnoscere  prœter  solum  Deum  et  sanc- 
tos  Paradisi,  rejecisse  slatuta  Papœ  et  judicia  auxiliaque 
Ecclesiœ;  cumque  videret  se  morituram,  confessam  esse  spi- 
ritus  illos,  qui  sœpe  illi  apparuerant,  mendaces  et  falsos  esse  : 
per  eos  spiritus  se  esse  deceptam  qui  polliciti  erant  eani 
liberare,  etc.  Sic  periit  vindex  Galliarum.  » 

Touchant  ce  que  Meyer  allègue  qu'un  certain  historien  dit 
que  la  Pucelle  a  vaincu  les  Anglois,  mais  qu'elle  n'a  pu  sur- 
monter les  Bourguignons,  etc.,  il  entend  parler  de  Ghristia- 
nus  Massœus  qui  estoit  aussi  Bourguignon  comme  lui;  et 
touchant  cstte  objection,  le  lecteur  verra  ce  que  nous  avons 
observé  au  premier  livre.  Car  Massaeus  et  Meyer  se  fondent 
sur  ce  que  les  Bourguignons  ont  pris  la  Pucelle  au  siège  de 
Compiègne,  et  ne  considèrent  pas  que  ses  voix  lui  avoient 
révélé  qu'elle  seroit  prise,  et  que  Dieu  l'avoit  ainsi  ordonné 
pour  le  mieux,  etc. 

VIII 
Historiens  divers. 

Jean  du  Tillet  S  évesque  de  Meaux,  en  un  petit  chronicon 

■1.  Ce  prélat  a  laissé  de  nombreux  ouvrages.  Sa  Chronique  des  rois  de 
France,  publiée  en  1547,  va  de  Pharamond  à  Henri  il. 


380  E.    UICHER.    LA    l'UGELLE    D  ORLEANS 

latin  qu'il  a  fait  des  Roys  de  France,  lequel  est  imprimé  avec 
l'histoire  de  Paulus  .Kmilius,  sur  l'année  1429. 

«  Aurelianenses,  omni  auxilio  misère  destituti,  Burgundioni 
dedere  se  statuerant;  sed  contentione  Angloruiu  ducum  res 
infecta  fuit,  quod  .egerrime  Burgundio  tulit.  Joanna  Puella 
armata  obsessos  juvat,  coactis  hostibus  obsidionem  relin- 
quere  ad  octavum  Idus  Maïi,  eosque  virtute  minime  puellari 
expellit.  Francis  deinde  res  melius  ac  felicius  procedere 
cœperunt.  Joannes  nothus  Aurelianensis  Pataiense  in  Belsia 
prîelium  ceesis  Anglis,  Johannes  Talbotus  capitur.  Puella 
armis  per  loca  ab  hostibus  occupata,  regem  Garolum  Rhemis 
consecrandum  ducit,  multasque  in  itinere  urbes  recipit. 
Bethfordiensis  anglus  prœlio  dimicare  velle  simulans,  regem 
Parisios  recta  contendentem  remoratur.  In  oppugnatione 
Lutetiœ,  ad  portam  divi  Honorati  Puella  vulnerata,  exercitus 
se  recipit  :  quœ  illum  in  alias  partes  Galliœ  ducensadversus 
Anglos  ob  successus  et  victorias  semper  celebratur.  Compen- 
dium  obsessum  vi  et  astu  ingressa,  cum  aliquando  in  hostes 
eruptionem  faceret,  a  Joanne  Luxemburgensi  capitur,  Rhoto- 
magumque  ad  ducem  Sommersetensem  mittitur  ;  deinde  invi- 
diaet  injuria,  artis  magiae  damnata,  exuritur.  » 

Le  mesme  sieur  du  Tillet  a  semblablement  escrit  en  fran- 
çois  celte  chronique  qui  est  imprimée  avec  le  recueil  des 
Roys  de  France  et  de  leurs  couronnes  fait  par  son  frère  sieur 
de  la  Bussière,  greffier  du  Parlement  de  Paris  :  lequel,  au 
premier  livre  de  ses  mémoires  et  recherches,  parlant  du 
règne  de  Charles  VII,  fait  un  ample  discours  des  armes  et 
faits  admirables  de  cette  fille,  conformément  a  ce  que  nous 
en  avons  escrit  au  premier  livre. 

Le  lecteur  verra  semblablement  l'histoire  de  Belleforest  en 
la  vie  de  Charles  VII,  Papirius  Masso,  livre  quatriesme  de 
ses  Annales  des  Roys  de  France. 

Paulus  Constantinus  Phrigio^  in  Chronicoregum  regno- 
rumque  omnium  :  «  Temporibus  istis,  ex  oppido  Valcolore, 


\.    Phryglon  né  à  Sclielestat,  était  ministre  protestant.  Il   mourut. 
Tubingue  en  lo43. 


ELOGES    TIRES    DE    DIVERS    ACTEURS  381 

puclla  annorum  circiter  viginti,  Joanna  nomine,  armis  ins- 
sructa,  militis  subibat  munus  :  cujus  auspiciis  multis  in  locis 
prospère  pugnatum  est,  Rhemisque  recepta,  Aurélia  obsi- 
dione  libcrata,  («arolus  unctus  est  etcoronatus.  Joanna  capta 
est  et  Rhotomagi  cremata. 

Henricus  Pantaleon  ',  physicus  Basileensis,  Lateranensis 
palatii  atque  ceesarei  consistarii  cornes,  libro  5  diarii  histo- 
rici  scribit  Joannam,  puellam  Lotharingam,  Aurelianenses^ 
sexto  mcnse  obsessos  liberavisse,  et  hostes  profligavisse. 

Joannes  Functius,  Nurimbergenis,  in  Ghronologia  notât 
Joannam  puellam  annornm  viginti  arma  cepisse,  regemque 
Carolum  contra  Anglos  et  Burgundiones  magnifiée  défendisse^ 
et  captam  tandem,  ab  Anglis  Rhotomagi  crematam  esse. 

Lycosthenes-,  in  Chronico  prodigiorum  ac  portentorum^ 
eadem  refert  ad  annum  1428. 

Petrus  Opmeerus\  Amstelodamus,  Batavius,  in  Chrono- 
graphia  orbis  universi  : 

«  Carolus  Vlltitulum  régis Franciœ  et  sigillum  usurpabat, 
quamvis  non  esset  Rheinis  consecratus.  Porro,  cum  undique 
Rex  ab  Anglis  vexaretur,  venit  ad  eum  puella  octodecinv 
annorum,  Joanna  nomine,  pâtre  Jacobo  Darco  et  matre  Ysa- 
bella,  DompremeioLotharingiœ  pago  orta,  atque  oves  pascere 
solita,  dicens  se  missam  divinitus  ad  regem  ut  ei  indicet 
gladium  esse  in  tede  Dominée  Catharinœ  Fierbensis  apud 
Turones,  quo  accincta,  esset  Aureliam  obsidione  solutura. 
Itaque  virilibus  induta  vestimentis  et  armis,  Gallicas  duce- 
bat  acies,  et  ex  Anglorum  manibus  magna  ex  parte,  prima 
inter  primos  pugnans,  victoriam  eripuit  atque  urbem  obsi- 
dione semestri  liberavit.  Gratitudinis  ergo  Aurelianenses 
posuere  Régi  Joannœque  œneas  statuas  in  ponte  Ligeris. 


1.  Né  àBàle  en  1522.  mort  en  1595. 

2.  Son  nom  était  Wolfhart.  Né  en  Alsace  en  1518,  mort  à  Bàle  1561. 

3.  Opnieer  (IMcrre),  né  à  Amsterdam  1525,  mort  à  Delft  1595. 


382  E.    RICHER.    LA    PUCELLE    d'oRLÉAXS 

Deduxit  vero  et  Carolum  Rhemos,  ubi  decimo  sexto  Calendas 
Augusti  unxit  eum  Ileginaldus  episcopus  in  Franciie  Regem. 
Ciim  vero  Rurgundos  Compcndium  obsidentes  vellet  abigere, 
capta  fuit  nono  Calendas  Junii  et  vendita  Anglis  qui,  eam 
dicentes  magam,  combusserunt  Rhotomagi  in  foro.  Scripsit 
pro  ea  apologiam  Joannes  ,Gerson  theologus,  Cancellarius 
Parisiensis  :  similiteret  Ilenricus  Gorconius  Batavus.  » 


IX 

Pontus  Heuterus. 

Pontus  Heuterus  S  Delfius,  libro  quarto  rerum  Burgundi- 
carum,  in  vita  Philippi  Boni,  ducis  Burgundiœ  : 

«  Fortuna,  inquit,  Francorum  populum  externo  pressum 
jugo  respirare,  resumptoque  jam  animo  Anglicum  excutere 
imperium  voluit,  non  ductu  nec  auspiciis  Ciesaris,  Alexandri, 
Pompeii  aut  Garoli,  non  prudentia  tôt  principum  primge 
nobilitatis,  non  fortium  priefectorum  bellandi  peritia  claro- 
rum  opéra,  sed  — quod  omnium  veterum  memorabilia  supe- 
rat  exempla  ac  facinora  —  ductu  ignotœ,  ignobilis  ac  rus- 
ticse  puellœ  octodecim  annorum,  quœ  ad  hoc  usque  tempus 
in  patria  sua  Lotharingia,  vaccas,  boves  ac  oves  pascere  erat 
solita,  nuUo  quam  Joannœ  nota  nomine  :  quœ  a  Deo  se  Régi 
in  auxilium  missam  dicens,  in  ejus  consiliique  sui  conspec- 
tum  admissa,  tam  preesenti  animo  ac  prudente  causam 
adventus  sui  exposuit,  ut  statim  sexcentis  prœficeretur  equi- 
tibus  ;  quodque  nullus  preefectorum  regiorum  liactenus 
potuerat,  invitis  Anglis,  dictis  cumequitibus  Aureliam  intrat, 

1.  Pontus  Heuterus  (Héviter),  né  à  Delft  en  1535,  fut  prévôt  d'Ar- 
nheini  en  Gueldres.  11  écrivit  une  histoire  latine  des  ducs  de  Bourgogne 
qui  parut  en  1583.  Ce  qu'il  raconte  de  la  Pucelle,  il  l'emprunte  à  Geor- 
ges Ghastellain  dont  il  avait  l'ouvrage  sous  les  yeux.  Il  donna  toutefois 
d'intéressants  détails  sur  la  maison  et  l'état  de  la  Pucelle,  lorsque 
Charles  VII  eut  agréé  ses  services.  Il  déclare  en  outre  avoir  vu  et  il 
décrit  le  monument  qui  fut  élevé  sur  le  pont  d'Orléans  :  monument 
que  les  Calvinistes  détruisirent  en  1567. 

Lenglet-Dufresnoy  cite  à  peu  près  les  mêmes  pages  qu'Edmond  Richer 
{Histoire  de  Jeanne  d'Arc,  p.  69-74).  J.  Quiclierat  n'en  reproduit  qu'une 
page  [Procès,  t.  IV,  448,  449). 


ÉLOGES    TIUES    DE    DIVERS    AUTEUUS  383 

coinmeatiique  cives  ad  extremam  inopiam  redactos  juvat, 
erumpensque  ciim  pryesidariis,  ac  instar  viri  arinata  equo 
insidens,  inter  primos  pugnans  ciet,  tria  castella  opportunis 
Jocis  ab  Anglis  creata  expugnat,  umnibusque  qui  intus  erant 
jugulatis,  tandem  relinquere  obsidionem  cogit.  Qua  Victoria 
fidem  pênes  Regem  nacta,  eumdem  in  Rhemos  ducit,  sancto 
sibi  oleo  veterum  Francorum  more  hoc  anno  inungi  facit, 
multaque  alia  oppida  munitaque  loca  ejus  ductu  rex  Carolus 
récupérât,  cogiturque  Puelke  hujus  timoré  Bethfordius  lega- 
tos  in  Flandriam  ad  Bonum  mittere,  quo  communi  consilio 
ac  viribus  viri  principes  belloque  docti  rusticœ  Puellœ  résis- 
tèrent. Venit  octingentis  stipatus  equitibus,  veteresque  fœde- 
ris  conditiones  cum  Anglis  Bonus  rénovât,  jurantes  se  Caro- 
lum  Valesium,  Biturigum  regem  —  sic  enim  per  contume- 
liam  Angli  Carolum  VII  vocabant  —  junctis  viribus  perse- 
quuturos,  nec  pacem  alterum  sine  alterius  consensu  factu- 
res. « 

Le  mesme  auteur  raconte  la  prise  de  la  Pucelle  devant 
Compiègne  en  ces  termes  : 

«  Cumque  Puella  Joanna,  quingentis  comitata  equitibus, 
obsessis  auxilio  venisset,  secundo  die  prœsidariis  civibus- 
que  eductis,  castellum  cui  Baudo  Noiellus  prœerat  expu- 
gnasset,  nisi  ex  omnibus  castris  in  auxilium  advolassent. 
Puella  multis  utrinque  interfectis  ac  vulneratis,  urbem  expe- 
tere  cogitur  :  cumque  inter  postremos  pugnans  cœteris 
evadendi  locum  faceret,  a  signo  militari  ac  veste  quam  supra 
arma  ferebat  agnita  (erat  autem  ea  purpurea  byssina,  auro 
argentoque  intertexto  flavescens)  a  robusto  équité  qui  ves- 
tem  apprehenderat  equo  detrahitur  ;  et  quamvis  Franci 
fxtrema  vi  pro  ea  liberanda  decertarent,  pulsi,  dedere  se 
Johanna,  cum  Potone  œconomi  sui  fratre,  filio  notho  Wan- 
donnte  domini  cogitur,  ductaque  Marignium,  magno  cum 
Francorum  dolore  Anglorumque  gaudio,  arctse  custodiae 
traditur  :  neminem  e  régis  Caroli  praefectis  Angli  magis  vere- 
bantur.  Bonus  cum  eam  esset  alloquutus,  Johanni  Luxem- 
bùrgio  commendat  qui  Baulii  indeque  Borevorii  eam  perdu- 
cit  ubi  ferme  biennium  detenta,  tandem  Anglorum  régi 
(cum  eam  importunis  indesinenter  verbis  diu  petiisset)  tra- 


384  E.    RICHER.    —    LA    PUCELLE   DORLÉANS 

ditur,  éjusquejussu,  instanlibus  Junii  Calendis,  anno  1431 
Rhotomagcnsi  in  foro  exuritur,  magis  odio  iraque,  quod  ab 
ignobili  puella  tôt  clades  viri  bello  illustres  accepissent, 
quam  quod  aliquid  eis  de  tam  indignai  sœvicque  mortis 
merito  constaret.  Accusabant  eam  veneficii,  quodque  mali- 
gnorum  spirituum  opéra  tractasset  bella,  proinde  a  religio- 
nis  chrislianœ  decretis  veritateque  defecisset,  quemadmo- 
dum  rex  Ilenricus  qui  hoc  tempore  in  Franciam  appulerat 
sua  manu  Bono  perscripsit. 

«  Sunt  qui  fabulam  quu3  de  Puella  Joanne  scribimus 
putant.  Sed  pr&eterquam  quod  recentioris  sit  memoria;, 
omniumque  scriptorum  libri  qui  tune  vixerunt,  mentionem 
de  ea  prœclaram  faciunt,  vidi  ex  rneis  oculis  in  ponte  Aure- 
liano  trans  Ligerim  tedificato,  erectam  hujus  Puellai  wneam 
imaginem,  coma  décore  per  dorsum  fluente,  utrique  genu 
coram  œneo  crucifixi  Ghristi  simulacro  nixam,  cum  inscrip- 
tione  positani  fuisse  hoc  tempore,  opère  sumptuque  virgi  - 
num  ac  matronarnm  Aurelianensium  in  memoriam  libérât;» 
ab  ea  urbis  Anglorum  obsidione.  Ad  haec  habebam,  dum 
scriberem,  historiam  lingua  Gallica  manuscriptam  Georgii 
Castellani  qui  eleganter  exacteque  vitam  Philippi  Boni  exa- 
ravit  ;  testaturque  aliquot  locis  se  hoc  temporis  vixisse  ac 
Puellam  Joannam  vidisse,  quœ  ex  ignota  rusticaque  puella, 
bellicis  facinoribus  eopervenisset,  ut  ei  rex  Carolus  suniptus 
quibus  Comitis  familiam  ajquaret  suppeteret,  ne  apud  viros 
militares  per  causam  inopiœ  vilesceret.  Conspiciebantur 
enim  ejus  in  comitatu,  prœter  nobiles  puellas.  procurator 
(lomus,  stabuli  prœfectus,  nobiles  adolescentesque  pueri  a 
manibus,  a  pedibus,  a  cubiculis,  colebaturque  aBege,proce- 
ribus,  ac  imprimis  a  populo  instar  divu'  :  a  paucis  vero  ait 
pro  venefica  prajstigiatrice  habitam.  » 

Il  y  a  cinq  choses  remarquables  au  discours  de  Heuterus  : 
La  première,  que  le  duc  de  Bethford  voyant  les  expéditions 
et  progrès  que  faisait  la  Pucelle,  envoya  des  ambassadeurs 
au  duc  de  Bourgogne  pour  renouveler  l'amitié  et  confédéra- 
tion avec  lui,  sçachant  bien  qu'il  estoit  recherché  d'accord 
par  Charles  VII. 


KLOGES    TinKS    DIC    DIVEUS    AUTEUllS  38î> 

I^a  seconde  est  que  la  Pucelle  fut  prise  avec  Poton  qui 
estoit  frère  du  maistre  d'iiostel  qui  servoit  la  Pucelle.  Les 
termes  de  cet  historien  portent  :  cum  Potone  œconomi  sut 
fratre.  (Test  celui  que  Monstrelet  appelle  Poton  le  Bourgui- 
gnon, pour  le  distinguer  de  Poton  de  Santrailles  qui  estoit 
gascon  aussi  bien  que  La  Ilirc. 

En  troisiesme  lieu,  il  dit  que  les  filles  et  matrones  de  la 
ville  d'Orléans  ont  fait  faire  la  croix  de  bronze  qui  est  sur  le 
pont  d'Orléans.  De  quoyje  me  suis  soigneusement  enquis  de 
plusieurs  personnes  de  la  ville  d'Orléans  et  n'en  ay  pu  rien 
apprendre  do  certain.  Bien  est  véritable  que  l'an  I56i2,  mon- 
sieur de  Cl uise  assiégeant  Orléans  que  les  Huguenots  tenoient 
et  le  faisant  battre  du  costé  des  Tournelles,  la  statue  de  la 
Pucelle  fut  abattue  d'un  coup  d'artillerie,  et  depuis  restablie 
aux  dépens  de  la  ville  d'Orléans  ^ 


X 

Fr.  de  Roziers.  —  Veronius.  —  G.  Braun,  etc 

François  do  Roziers-,  archidiacre  de  Toul,  au  cinquiesme 
tome  des  armes  du  duc  de  Lorraine. 

«  Dum  Francia  jamjam  peritura  crederetur,  Joanna  puella 
Lotharinga  pascendis  pecoribus  sub  ferula  paterna  assueta, 
ad  regem  porducitur.  Qua^  se  a  numine  monitam  dicens, 
brevi  Anglos  exacturam  e  Francia  profitebatur.  Ea,  licet  mul- 
tiplici  percontatione  observata  csset,  non  destitit  tamen  a 
seipsa,  sanctepudiceque  locuta.Rex  mirabundusproceresque 
rem  divinitus  patefactam  non  aspernandam  arbitrati,  chla- 
mydomilitariquehabitu  Puellam  induunt,  copiasque  ac  duces 

1.  Manquent  les  réfle.vions  qualncsiuo  et  cinquiesme  annoncées  par 
l'L  Richcr.  On  voit,  dans  le  manuscrit  une  page  en  blanc,  à  la  suite  de 
la  Iroisièm.e  réflexion.  Peut-être  le  copiste  a-t-il  oublié  de  combler 
la  lacune.  Peut-être  l'auteur  se  réservait-il  de  le  faire  plus  tard  et  en 
a-t-il  été  empêché  par  la  maladie  ou  par  la  mort.  Car  son  Histoire 
venait  à  peine  d'être  terminée  qu'il  tomba  malade  et  mourut.  Au  reste 
cette  lacune  n'est  pas  la  seule  qu'il  y  ait  lieu  de  constater.  Il  en  existf^, 
à  propos  des  poètes,  une  plus  considérable. 

2.  Il  mourut  en  1607. 


386  E.    RIC.UKR.    —    LA    l'UCELLE    D  ORLEANS 

illi  committunt.  Brcvi  crcbris  velitalionibus  initis,  cominea- 
tus,  nempc  septinio  mense  postquam  obsidebatur,  Aiireliam 
invexit,  liberavitAnglumquc  fugavil.  Rexdemum  ad  sacrum 
Rhemense  cuni  Joanna  proficisciliir,  fanum  Florentini  mu- 
nitionibus  firmavitque  pnosidio,  Tivcenses  recepit,  Catalau- 
nunique  subinde  nullam  dedendi  morani  fecit.  llhemi  con- 
linuo  fidem  dedcre,  Suessionesque  inregiam  manum  rediere. 
Dux  Bethfortis  cum  excrcitu  occurrens  Régi,  incassum  tem- 
pus  trivit.  Lutetiam  eodem  progressa  regius  miles  frustra 
perductus.  Nam  Bethfordiensi  reverso  ad  urbem  defenden- 
dam,  omnis  navata  est  opéra  quin  Joanna  vulnere  affecta 
Peti'i  monasterium  eripuit  hosti,  Is  Gompendium  eodem 
tempore  circumduxil:  quo  cum  Joanna  se  contulisset,  irrup- 
lione  facta,  hostis  potestati  submittitur.  Tum  capta  Khoto- 
magumque  ducta,  religionisadulterinse  insimulatur  vivaque 
comburitur.  Aureliani  statuam  divîc  memori;p  consecra- 
runt. 

Sebastianus  Veronius,  lib.  8  :  «  Ghristianœ  œtatis  seculo 
XV,  Gallia  ab  Anglis  et  Burgundis  maxima  clade  affîcitur. 
Carolo  VII  qui  anno  1422  Garolo  VI  successerat,  propemo- 
dum  regno  exuto,  ac  apud  Bituriges  tantisper  delitescere 
coacto,  quoad  Joanna  virgine  Aurelianensi,  militari  manu 
ereptus  ac  Rhemos  ut  coronaretur  deductus  est  :  Parisiis 
interea  proclamato  in  summo  teniplo  rege  lïenrico  Scoto- 
Anglo.  )) 

Georgius  Braun  ^  et  Franciscus  (iogenburgius,  in  indice 
libri  secundi  et  tertii  de  prsecipuis  totiics  tuiiversi  m-bibus  : 

«  Aurélia,  florentissima  Gallifc  urbs,  loco  admodum 
opportuno  sita,  dives,  civibus  armis  exercitatis  potens, 
munilissima,  non  in  Gallia  modo  sed  tota  etiam  Europa  cla- 
rissima.  De  memorabili  post  omnium  hominum  memo- 
riam  obsidionc  ejus,  qua  Garolo  VII  ejus  nominis  rege,  anno 
1428  ab  Anglis  cincta  fuit,  et  miraculose  ab  Joanna  Lotha- 


1.  Georges  Braun,  doyen  de  la  cathédrale  do  Cologne,  mourut  au 
commencement  du  xvii»  siècle.  L'ouvrage  que  cite  E.  Richer  a  pour 
auteurs  Rraunn  et  Hagcnborg. 


Kf.OGES    TIRliS    DE    DIVERS    AUTEURS  387 

ringa  virginc,  belli  duce  liberata.  Vide,  bénigne  lector, 
integrum  libelluni  Jonnnis  Ludovici  Micquellii,  ludimagistri 
Aurelianensis,  ad  Carolum  Lotbaringum  cardinalem.  Iles 
enim  paucis,  ut  is  locus  postulai,  referri  non  potest.  In  ejus 
liberationis  perpetuam  memoriam,  octavo  die  niaii  quotan- 
nis  totus  urbis  magistratus,  universa  plebs  et  omnes  eccle- 
siasticorum  ordines,  gencrali  processioncgratulabundi  obire 
civitatem  consuevere.  » 

Aubertus  xMirans',  Bruxellensis,  in  Chronico  rerum  toto 
orbe  gestarum,  ad  annum  428,  scripsit  quae  Papirius  Mas- 
sœus  in  vita  Caroli  \U,  et  .(oannes  Mariana  in  libro  20  de 
rébus  Hispanicis  referunt. 

Jean  Hordal,  après  avoir  produit  les  opinions  et  narrez 
des  auteurs  susdits,  rédige  par  inventaire  plusieurs  autres 
qui  ont  escrit  ou  parlé  de  l'histoire  de  nostre  Pucelle. 
Lesquels  nous  représenterons  en  ce  lieu,  et  après  mettrons  fin 
A  ce  livre. 

Donc  le  lecteur  pourra  voir  : 

Alain  Ghartier,  en  l'histoire  de  Charles  VII;  — Bouchet, 
aux  Annales  (T Aquitaine  ;  —  la  cosmographie  de  Bellefo- 
rest,  et  son  Histoire  des  neuf  Charles; 

Jean  de  Serves,  en  l'inventaire  de  l'histoire  de  France  ; 

Richard  de  Wassebouig,  aux  Annales  de  la  Gaule  Belgi- 
5'Me  ;  Benedictus  Curius,  en  l'histoire  de  Milan; 

Joannes  de  Spinosa,  de  laudibus  mulierum ; 

Gertmannus  Schedel,  in  registro  libri  Chronicorum; 

Le  premier  tome  du  théâtre  de  la  vie  germaine,  au  cha- 
pitre de  la  fortitude  des  femmes; 

Georges  Castellanus-,  en  la  vie  de  Philippe  le  Bon,  duc  de 
BoTargogne,  duquel  auteur  Pontus  Heuterus  fait  mention 
comme  ayant  vu  la  Pucelle,  et  outre  asseure  avoir  vu  ce  que 
Georgius  Castellanus  en  a  escrit  : 

1.  Aubert  Le  Mire,  né  à  Bruxelles  on  ioTS,  niorl  on  1640,  l'iait  cha- 
noine et  doyen  de  l'église  d'Anvers. 

2.  Gooi'go.?  Chastollain. 


388  E-    RICIIEU.    —    LA    PUCELLE    D  ORLEANS 

Le  Regislrum  annorum  pncterHorum  :  —   La  mer  des 
histoires; 

Les  admirables  victoires  des  femmes  du  Nouveau  Monde; 

Tliomas  Dossius,  livre  8  des  Marques  de  l'Eglise,  et  au 
chapitre  8  du  livre  contre  Machiavel,  de  robore  bellico; 

Jean-Louys  Miguellet  au  livre  latin  qu'il  a  escrit  du  siège 
d'Orléans; 

Legenda  Flandrorum  ; 

Andréas  Eboracensis,  Lusitanus,  tome  ±  dictorum  et  fac- 
torum  memorabilium,  titulo  de  fortitudine  ; 

Liber  factorum  memorabilium; 

Gilles  Corroyet,  livre  des  dits  mémorables  : 

RavisiusTextor,  tome  premier  de  ses  officines  de  mulieri- 
hus  bellicosis  et  masculœ  virtutis  ; 

Ilistoriarum  electio;  —  Richard  Dynolluis,  libre  de  rebiis 
et  factis  memorabilibus; 

Frère  Pierre  Crespet,  Célestin,  tome  second  du  Jardin 
spirituel,  au  traité  de  Vexellence  delà  virginité  ; 

Gaillardus,  in  summario  temporum  et  in  methodo 
legendœ  historix  ; 

Liber  Puelltc  Aurelianensis  restitut»',  per  Beroaldum  Ver- 
villanum  ; 

L'histoire  du  siège  d'Orléans  ; 

Joanno>  Darcia?  obsidionis  Aurelianensis  liberatricis  res 
gesta^  imago  et  judiciuni  ; 

Petrus  Matthcous,  in  additionibus  ad  octoginta  quatuor 
decisiones  Guidonis  Pap»; 

André  Thcvet,  au  livre  quatriesme.  chapitre  :29,  de^ 
ho77imes  illustres; 

Ludovicus  Triputius,  in  Sylva  Antiquitatum  Aurelianen- 
sium: 

Guillaume  Paradin,  aux  Annales  de  Bourgogne  augmen- 
tées par  Louis  F*oullus  ; 

Philippus  Camerarius,  jurisconsullus,  iXorimbergensis 
consiliarius,  in  cap.  XI  libri  secundi  Meditationis  hisloria- 
rum  ; 

Jean  de  Marcouville,  au  livre  de  la  bonté  et  malice  des 
femmes  ; 


KLOGES   TlRlis    DE    DIVERS    ACTEURS  389 

Un  livre  espagnol  inscrit,  la  Donzella  francesa; 
Antoine  du  Yerdier,  tome  li'oisiesme  i^t  livre  8  de  sa  pro- 
sographic. 

Ce  seroit  chose  inlinie  de  vouloir  registrer  en  ce  livre  tous 
les  auteurs  qui  ont  escrit  ou  fait  quelque  mémoire  des  faits  et 
gestes  de  la  Pucclle.  C'est  pourquoy  nous  en  omettons  plu- 
sieurs, et  mesme  des  poètes  célèbres'  qui  ont  escrit  ample- 
ment en  vers  latins  sa  vie,  comme  Ilubertus  Momoretana, 
lequel  a  composé  sept  livres  en  vers  héroïques  des  guerres 
que  les  François  ont  eu  avec  les  Anglois,  esquels  livres  il  a 
escrit  les  vertus  et  exploits  miraculeux  de  cette  fille  :  et 
pareillement  aussi  Valerandus  Varan ius,  docteur  en  théologie 
de  la  Faculté  de  Paris,  natif  d'Abbeville,  qui  vivoit  sous  le 
règne  de  Louis  XII.  Maistre  Charles  du  Liz,  conseiller  au 
Roy  et  son  Advocat  général  en  sa  Cour  des  aydes  à  Paris,  a 
fait  imprimer  un  recueil  des  Eloges  de  cette  fille,  auquel 
infinis  doctes  personnages  de  ce  temps  ont  dévoué  leur 
plume,  tant  en  latin  qu'en  françois,  ainsi  que  nous  avons 
desjà  remarqué  sur  la  fin  du  troisiesme  livre.  Partant,  nous 
finissons  ici  cette  histoire. 

1.  En  somme,  c'est  un  chapitre  entier,  celui  des  poètes,  lequel  aurait 
été  le  <inquièmc.  qu'Edmond  Richer  pour  les  raisons  données  plus  haut, 
n'a  pas  jufié  bon  d'cirire,  ou  n'a  pu  écrire.  Le  lecteur  pourra  se  dédom- 
mager en  se  procurant  et  en  parcourant  à  loisir  les  quatre  chants  du 
poème  latin  de  Valérand  Varanius.  Un  éiudit  d'Abbeville  les  a  publiés 
en  188'J,  in- 1:2  de  302  pages,  Paris,  et  M.  Alphonse  Picard,  le  libraire 
bien  connu,  82  rue  Bonaparte,  en  a  été  l'éditeur.  Simples  et  touchants 
sont  les  premiers  vers  de  ce  poème  : 

Scribere  fert  animus  gestorum  pauca  Puella?, 

quam  nimis  Anglus  amaram 

Sonsit,  et  inlerea  dulcissima  Francia  dulcem. 
Virgo  iJei  genilrix,  lux  pra'via,  dirige  doxtrain 
Ingeniumque  meum. 
Frocè.''.  t.  V,  p.  2;i.) 

Fr\    DU    OUATRIESME    LIVRE 
ET    DE     l'histoire    DE     LX     PUCELLE 


APPENDICES  DE  L'EDITEUR 

ET 

ÉCLAIRCISSEMENTS 


APPENDICE   PREMIER 

DE    PIERRE    CAUCHON,    ÉVÈgUE   DE   BEAUVAIS    ET  JUGE 
DE    JEANNE    d'aRC 

NOTICE  BIOGRAPHIQUE 

Une  liislnii'e  dans  laquelle  l'évèque  de  Beauvais,  qui  a  jugé,  et 
condamné  Jeanne  d'Arc,  est  à  chaque  page  nommé,  ne  peut  pas 
laisser  le  lecteur  dans  lignorance  des  faits  caractéristiques  de  la 
vie  de  ce  personnage  Nous  allons  les  ex[)oser  brièvement  sous 
forme  de  simples  notes  biographiques. 

I 

De  la  naissance  de  P.  Cauchon  à  son  élévation  à  l'évêché 
de  Beauvais  (1371-1420). 

Pierre  Cauchon.  «  chanoine  de  Reims,  de  Chartres,  de  Chàlons, 
de  Beauvais,  archidiacre  de  Chartres  et  de  Chàlons,  référendaire 
du  Pape,  bénéficier  de  Saint-Clair,  au  diocèse  de  Bajeux,  chape- 
lain à  Dijon  de  la  chapelb^  des  ducs  de  Bourgogne  »  {Mémoires  de 
la  Société  d-  /'Histoire  de  Paris,  t.  XXIV,  p.  16.  article  du  P.  Henri 
Denifle),  évêqae  de  Beauvais,  puis  de  Lisieux,  naquit  vers  1371,  à 
Reims  ou  aux  environs  de  Reims,  et  mourut  à  Rouen,  dans  l'hôtel 
qu'y  possédaient  les  évoques  de  Lisieux,  en  1442. 

On  infère  la  date  de  sa  naissance  de  lâge  qu'il  avait  lorsqu'il  fut 
nommé  chanoine  de  Reims  :  d'après  les  Archives  de  cette  ville,  il 
le  fut  en  1409,  et  il  était  âgé  de  trente  huit  ans.  Il  avait  donc 


392  APPENDICE    I 

soixante  an»  environ  lorsqu'il  fil  le  procèsde  la  l'ucelle,  el  soixante 
et  onze  lorsqu'il  mourut.  Une  famille  noble  du  nom  de  CaucUon 
était  établie  à  Reims  depuis  1278.  Pierre  Cauchon  appartenait-il  ou 
non  à  cette  famille  ?  < l'est  une  question  sur  laquolb-  les  érudits  ^e 
divisent. 

Une  particularité  montrerait  qu'il  n'v  appartenait  pas  : 

C'est  que  les  armes  des  Cauchon  de  Heims  et  celles  de  Cauchon 
évèque  de  Beaiivais  étaient  absolument  dissemblables. 

Juvénal  des  Ursins,  qui  succéda  à  l'ierre  Cauchon  sur  le  siège  de 
Beauvais  et  qui  fui  plus  tard  archevêque  de  Reims,  dit  que  le  juge 
de  Jeanne  «  était  de  naissance  obscure  et  fils  d'un  vigneron  des 
environs  de  Reims  ». 

C'est  à  l'Université  de  Paris  que  IMcrrc  Cauchon  fit  ses  études  el 
prit  ses  grades.  En  janvier  1398,  il  était  reçu  licencié  en  décret.  En 
1403,  il  était  étudiant  de  sixième  année  en  théologie.  Ce  qui  ne 
l'empêchait  pas  de  cumuler  la  cure  de  l'église  paroissiale  d'Egri- 
selles,  au  diocèse  de  Sens,  avec  un  canonicat  et  une  prébende  dans 
l'église  de  Chàlons,  et  de  solliciter  un  bénéfice  du  chapitre  de 
lieims.  Il  prit  aussi  le  grade  de  maître  es  arts,  et  exerça  en  1403 
les  hautes  fonctions  de  Recteur  de  l'Université. 

11  n'y  a  qu'une  voix  chez  les  contemporains  sur  son  savoir,  sa 
connaissance  profonde  du  droit  et  son  habileté  comme  praticien.  La 
manière  dont  il  a  conduit  le  procès  de  Rouen  prouve  qu'il  méritait 
bien  cette  réputation  ;  car  son  savoir  et  son  habileté  n'ont  été  égalés 
que  par  son  absence  de  scrupules  et  son  incrojable  audace.  Oui, 
incroyable,  car  .Iules  Quicherat  et  son  école  n'y  ont  pas  cru. 

Comme  les  grands  ambitieux,  Pierre  Cauchon  demanda  à  la  poli- 
tique les  succès  et  les  honneurs  dont  il  était  avide.  «  Sa  fortune 
commença  par  la  faveur  des  Cabochiens  ;  elle  s'accrut  ensuite  par 
la  confiance  illiiuilée  de  la  famille  de  Lancastre.  »  (.1.  Ol"icheh.\t, 
Aperçus  nouveaux....  p.  98.) 

En  1407,  il  fit  partie  de  l'ambassade  que  le  roi  de  France  envoya 
aux  deux  papes  en  présence,  Grégoire  Xll  el  Benoît  XIII.  pour  en 
finir  avec  le  schisme. 

Chanoine  de  Reims  en  février  1409,  Cauchon  fut  investi  des 
fonctions  de  vhhiinc  de  la  même  église  et  les  remplit  pendant  dix 
ans. 

A  partir  de  1411.  on  voit  le  futur  évêque  de  Beauvais  prendre 
position  en  faveur  diz  duc  de  Bourgogne,  Jean  sans  Peur,  et  se 
mettre  à  la  tête  des  universitaires  boin-guignons.  Ses  violences  lui 
valurent  d'être  condamné,  à  la  paix  d'Auxerre  (U12],  avec  les  per- 
sonnages accusés  d'avoir  fomenté  les  troubles  de  la  capitale. 


p.    CAUCHON,    livÈQUE    DE    BEAUVAIS  393 

En  14i:j,  année  qui  voit  l'avènement  des  Cabochiens,  Pierre  «lau- 
chon  «  fut  l'un  des  meneurs  de  la  troupe  d'émcutiers  qui  se  rua  sur 
les  hôtels  de  (liijcnne  et  d'Artois,  pénétra  dans  la  chambre  même 
du  Dauphin  et  se  saisit  de  ses  ortîciers  )).  (Albert  Sarrazin,  Pierre 
Cauchon,  p.  32.  ln-8'^.  Paris  1901.  —  De  IJeaurepaire.  Notes  sur  les 
juges  et  assesseurs.. . ,  p.  12.) 

Les  Armagnacs  étaient  revenus  au  pouvoir  en  1414.  Cauchon  fut 
banni  de  Paris  le  14  mai,  pour  la  part  qu'il  avait  prise  aux  violences 
des  Cabochiens.  L'ordonnance  du  bannissement  qualifie  les  person- 
nages condanmés  de  «  traîtres,  infâmes,  homicides,  rebelles,  crimi- 
nels de  lèse-majesté  ».  {Choix  de  pièces  inédites  relatives  au  règne  de 
(^harles  VI,  t.  i,  pp.  357  et  suiv.  —  Publication  de  la  Société  de 
/^Histoire  de  France). 

En  dédommagement  de  cette  condamnation,  le  duc  Jean  l'envoya 
au  concile  de  Constance  en  1415,  avec  le  titre  d'ambassadeur.  Cau- 
chon ne  se  contenta  pas  de  ce  litre  :  il  se  présenta  au  concile  en 
qualité  d'aumônier  de  Jean  sans  Peur  et  de  délégué  du  cliapitre  de 
Heauvais,  dont  il  était  chanoine. 

Les  instructions  secrètes  données  à  l'ambassadeur  du  duc  de 
Bourgogne  le  chargeaient  de  détourner  le  concile  de  condamner  le 
cordelier  normand  Jean  Petit,  l'apologiste  du  meurtre  du  duc 
d'Orléans,  et  ses  doctrines  en  matière  de  tyrannicide.  Sur  les  ins- 
tances de  Gerson,  ces  doctrines  venaient  d'être  condamnées  à  Paris 
(novembre  1413,  février  1414).  Pierre  Cauchon  ne  put  amener  les 
pères  du  concile  à  garderie  silence.  La  condamnation  du  tyrannicide 
l'ut  confirmée  ;  mais  ce  que  Pierre  Cauchon  et  Martin  Porée,  évêque 
d'Arras,  obtinrent  de  la  commission  de  la  foi,  c'est  l'annulation  de 
la  sentence  du  concile  de  Paris. 

Cependant  le  futur  évèque  de  Beauvais  no  cessait  d'ajouter  les 
honneurs  aux  honneurs,  les  bénéfices  aux  bénéfices.  Nommé  maître 
des  requêtes  en  1418,  comme  récompense  de  sa  conduite  au  concile, 
il  plaidait  la  même  année  poiu*  obtenir  la  prévôté  de  Lille,  vacante 
par  la  mort  de  Jean  de  Monlreuil.  En  1419,  il  parvenait  à  l'obtenir. 
On  voit  à  cette  occasion  l" Université  de  Paris  adresser  une  suppli- 
que au  Pape  à  l'effet  d'autoriser  Pierre  Cauchon  à  réunir  divers 
bénéfices  incompatibles,  à  titre  de  récompense  pour  les  travaux 
entrepris  et  les  souffrances  endurées  dans  l'intérêt  et  au  service  de 
l'Eglise  (Arch.  nation.,  m.  65",  n"^  10).  Cette  même  année  1419,  il 
devenait  référendaire  du  pape  Martin  V. 

Après  le  traité  de  Troyes  (21  mai  1420),  Cauchon  fut  plus  que 
jamais  l'homme  du  duc  de  Bourgogne  et  des  Anglais,  ses  alliés.  Le 
I"  décembre  I  i20,  Henri  V  d'Angleterre,  époux  de  Catherine,  fille 


394  APPENDIC1-:   I 

de  Charles  \l,  régenl  el  héritier  de  lu  couronne  de  France,  Taisait 
avec  Fsabeau  de  Bavière  et  Charles  \l,  son  entrée  solennelle  dans 
la  ville  de  Paris. 

L'évéché  de  Paris  étant  devenu  vacant  par  la  mort  de  Gérard  de 
Montaigu,  le  monarque  anglais  chargea  Pierre  Cauchon  de  négo- 
cier avec  le  chapitre,  afin  qu'il  choisit  un  prélat  dévoué  à  la  cause 
anglaise.  Pierre  Cauchon  échoua  dans  cette  négociation.  Henri  V  ne 
lui  en  tint  pas  rigueur.  A  la  fin  de  cette  même  année  1420,  Cau- 
chon était  nommé  à  lévêché  de  Beauvais. 


Pierre  Cauchon,  évêque-comte  de  Beauvais  et  Pair  ecclésiastique 
du  royaume  (1420-1429  . 

L'évéque  qui  rendait  par  sa  mort  le  siège  vacant  était  liernard 
de  Chévenon.  Pierre  Cauchon  ne  fut  pas  son  successeur  immédiat  : 
ce  fut  un  certain  Eustache  de  Laître,  qui,  élu  par  le  chapitre,  mourut 
avant  d'avoir  reçu  ses  bulles.  Comment  Pierre  Cauchon  fut-il  élu? 
On  ne  le  sait  pas  bien.  Sans  doute,  la  haute  protection  du  roi  d'An- 
gleterre, du  duc  de  Bourgogne  et  de  l'Université  de  Paris  y  fut  pour 
beaucoup.  Nous  avons,  en  effet,  une  lettre  de  l'Université  dans 
laquelle  elle  recommande  chaudement  au  chapitre  de  Beauvais  son 
suppôt  Pierre  Cauchon.  [Chartular.  Univ.  Par.,  à  Tannée  1420), 
Mais  on  ignore  si  le  chapitre  se  rendit  à  l'appel  de  l'Université,  ou 
bien  si,  se  désintéressant  de  l'élection,  il  laissa  au  pape  Martin  V 
le  soin  de  poiu-voir  ci  la  vacance  du  siège. 

Le  nouvel  évéque  arriva  à  Beauvais  le  12  janvier  1421.  il  était 
accompagné  de  Henri,  évéque  de  Tournaj,  et  de  Louis  de  Luxem- 
bourg, évéque  de  Thérouanne.  Le  duc  de  Bourgogne  honora  de  sa 
présence  la  prise  de  possession  du  nouveau  prélat.  «  Partant  de  Paris 
après  la  feste  de  Noël,  il  s'en  alla  en  la  ville  de  Beauvais^  à  la  fesie 
et  entrée  de  Messire  Pierre  Cauchon,  moult  enclin  et  allecté  à  la 
partie  de  Bourgogne.  »  (Monstrklbt,  Chronique,  livre  1.) 

Les  habitants  de  Biiauvais  beaucoup  plus  attachés  au  parti  fran- 
çais qu'au  parti  anglo-boiu'guignon,  firent  au  nouvel  évéque  (me 
réception  nullement  enthousiaste,  froide  plutôt.  Pour  imposer 
et  affermir  son  autorité,  Pierre  Cauchon  ne  recula  pas  devant  les 
mesures  de  rigueur  ;  il  ne  ménagea  pas  mêtne  le  chapitre.  «  On  le 
vit  transformer  en  tribimal  révolutionnaire  la  cour  ecclésiastique 
de  Beauvais  »  (Olicherat,  loc.  cit.).  Cependant  il  prêchait  la  sou- 


p.    CAUCHON,    EVEOUE    DE    BEAUVAIS  39:> 

mission  au  roi  Henri.  Lui-même  ne  négligeait  aucune  occasion  de 
se  rendre  agréable  et  de  faire  la  cour  à  ce  prince. 

I.e  4  juin  1422,  il  assistait,  dans  Ihûtel  de  Nesles,  au  conseil  qu'y 
tint  le  roi  d'Angleterre. 

L'évèque  nommé  par  le  chapitre  de  l'aris,  Jean  Courtecuisse, 
s'étant  installé  à  l'évêché,  l'évèque  de  Beauvais  fut  chargé  par  le 
monarque  anglais  de  faire  des  remontrances  au  chapitre  La  con- 
séquence de  ces  remontrances  fut  la  translation  de  l'évèque  Cour- 
tecuisse à  l'évêché  de  tienève  (juillet  14. '2). 

Les  sentiments  français  du  chapitre  de  Paris  étaient  pour  beau- 
coup dans  la  rancune  que  gardait  à  ses  membres  Pierre  Caiichon  ; 
mais  il  y  avait  aussi  une  question  d'intérêt,  question  de  celli's  sur 
lesquelles  lévèque  de  Beauvais  était  peu  Iraitable.  En  mourant, 
l'évèque  de  Paris,  Gérard  de  Montaigu,  avait  légué  ses  livres  et 
ornements  au  chapitre.  Cauchon  trouva  le  moyen  de  se  les  appro- 
prier, moyennant  une  somme  dérisoire.  11  fallut  que  le  chapitre 
présentât  une  requête  motivée  au  Parlement  pour  renti'er  en  pos- 
session de  ces  objets.  [Arch.  nation  ,  LL.  213). 

Peu  de  temps  avant  sa  mort,  le  roi  d'Angleterre  députa  l'évèque 
de  Beauvais  au  sire  Jacques  d'IIarrourt,  capitaine  du  château  du 
Crotoy  pour  le  Dauphin,  afin  de  le  décidera  remettre  la  place  entre 
les  mains  du  i*égent  de  France.  Cauchon  en  fut  pour  ses  frais  d'élo- 
quence ;  le  château  du  Crotoy  demeura  français. 

Le  31  août  1422,  le  vainqueur  d'Azincourt  mourait  au  château  de 
Vincennes.  L'évèque  de  Ueauvais  assista  à  ses  funérailles  parmi  les 
personnages  les  plus  honorés. 

Charles  VI  étant  mort  le  22  octobre  suivant,  Pierre  Cauchon  fut 
mis  au  nombre  des  exécuteurs  testamentaires  du  feu  roi,  en  compa- 
gnie des  ducs  de  Bedford  et  de  Bretagne,  de  l'évèque  de  Thérouanne 
et  de  plusieurs  autres  seigneurs. 

Il  eut  bientôt  gagné  les  bonnes  grâces  du  nouveau  régent  de 
France,  le  duc  de  Bedford.  En  1423  il  devenait  conseiller  du  roi 
Henri  \l.  aux  appointements  de  1.000  livres,  et  chancelier  de  la 
reine  d'Angleterre.  Cette  même  année,  il  était  nommé  conservateur 
des  privilèges  de  l'Université  de  Paris,  dignité  qu'il  garda  dix  ans. 

Investi  de  charges  si  nombreuses,  plus  soucieux'dailleurs  de  ses 
intérêts  temporels  que  des  choses  spirituelles,  l'évèque  de  Beauvais 
résidait  ppu  en  sa  ville  épiscopale.  Unie  voyait  beaucoup  plus  sou- 
vent à  Pai'is  et  à  Rouen,  dont  il  convoitait  le  siège,  qu'à  Beauvais. 
En  mars  I42t»,  il  prit  part  aux  négociations  qui  eurent  pour  effet  de 
dépouiller  les  évèques  français  du  droit  de  conférer  la  plupart  des 
bénéfices  et  de  le  transférer  au  Pape.  Martin  V  le  remercia  de  ses 


390  APPENDICE    I 

bons  oflices,  ainsi  que  l'Université  de  l'ari;;.  qui  avail  secondé 
lévéque  de  Beauvais  en  ses  négociations. 

Dans  la  lettre  qu'il  lui  écrivait  ;  «  vous  nous  trouverez  toujours 
accueillant,  disait  le  Pontife,  et  bien  disposé  en  votre  faveur  et  en 
faveur  de  votre  église,  en  raison  de  vos  fidèles  services  et  de  vos 
autres  vertus.  )  (Voir  Noël  Valois,  Pragmatique  i^anctlon  de  liourric^, 
p.  58.) 

Voilà  donc  le  duc  de  Bedford,  l'Université  et  Pierre  Cauehon  fai- 
sant campagne  contre  les  évéques  du  royaume.  Ils  s'uniront  de 
même,  plus  tard,  quand  il  sera  question  de  Juger  la  Pucelle. 

En  1426  aussi,  l'évéque  de  Beauvais  interviendra,  à  Rouen,  auprès 
du  chapitre,  à  l'occasion  de  l'élévation  de  Jean  de  la  Uochetailléc, 
archevêque  de  cette  ville,  à  la  dignité  de  cardinal.  Les  chanoines 
étaient  d'avis  que  les  deux  dignités  de  cardinal  et  darchcvêque 
étaient  incompatibles.  Le  duc  de  Bedford  et  le  Pape  étaient  dun 
avis  contraire.  Une  sentence  arbitrale,  à  laquelle  prirent  part  l'évé- 
que de  Beauvais  et  celui  de  Thérouanne.  autorisa  l'archevêque  de 
Rouen  î\  recevoir  le  chapeau  cardinalice.  11  le  reçut  en  léglise  de 
Paris,  le  25  février  1427.  Mais  il  dut  prendre  ses  mesures  dans  les 
délais  fixés  par  les  arbitres,  pour  se  faire  transférer  à  un  autre 
siège.  Celte  translation  eut  lieu  en  1429  ;  le  nouveau  cardinal  quitta 
Rouen  pour  Besançon. 

En  cette  année  1429,  paraissait  Jeanne  la  Pucelle.  Le  8  mai,  le 
siège  d'Orléans  était  levé.  L'envoyée  de  Dieu  s'apprêtait  à  marcher 
sur  Reims.  Elle  y  sei*ait  sûrement,  disait-elle,  dans  le  cours  de 
l'été  prochain.  Dès  le  mois  d'avril,  cette  prophétie  était  rendue 
publique.  L'évéque  de  Beauvais,  qui  tenait  à  revoir  Reims,  n'atten- 
dit pas  la  date  que  Jeanne  avait  fixée.  Avant  la  fin  du  printemps, 
il  vint  dans  la  ville  du  sacre.  Le  23  mai,  à  la  procession  de  la  Fête- 
Dieu,  il  portait  le  Saint-Sacrement.  (P.  CporArr.T,  Mémoires,  t.  ill, 
p.  642.) 

Dans  le  courant  du  mois  d'août  1429,  sur  la  lin  de  la  campagne 
de  l'Ile-de-France,  les  habitants  de  Beauvais  se  déclarèrent  pour 
Charles  VIL 

Pierre  Cauehon,  impuissant  à  arrêter  ce  mouvement,  dut  quitter 
sa  ville  épiscopale  —  s'il  n'en  fut  pas  chassé  —  et  se  retirer  à  Rouen . 
Les  biens  de  révé<^hé  furent  mis  sous  séquestre  et  les  revenus  en 
furent  perçus  au  nom  du  roi  Charles.  Le  duc  de  Bedford  ne  voulut 
pas  que  son  conseiller  souffrit  de  cette  saisie  de  son  teuiporel  ;  il  le 
lui  reconstitua  et  il  l'augmenta  considérablement,  en  le  chargeant 
de  diverses  missions,  toutes  généreusement  rétribuées.  Une  quit- 
tance du  10  janvier  1430  (nouveau  slyle'i,  dont  on  conserve  précieu- 


I'.    C.VUCIIÛX,    ÉVÈgUli    DE    llEALVAIS  397 

scmenl  1  original,  nous  montre  Pierre  Cauchon  reconnaissant 
«  avoir  reçu  la  somme  do  070  livres  tournois,  à  l'occasion  d'un 
voyage  fait  en  Angleterre  avec  le  cardinal  d'Angleterre  pour  les 
afïaires  et  besognes  du  roi  ". 

H  n'est  pas  douteux  que  lévèque  de  Beauvais  ne  désirât  vivement 
prendre  sur  le  siège  de  llouen  la  place  du  cardinal  Jean  de  la  Kochc- 
lailléc.  Le  concours  du  grand  conseil  d'Angleterre  et  du  duc  de  Bed- 
ford  lui  était  assuré.  Mais  il  commit  la  maladresse  d'entrer  en  con- 
flit avec  le  chapitre,  à  l'occasion  d'un  impôt  de  30,000  livres  envi- 
ron que  le  gouvernement  anglais  le  chargea  de  lever  sur  le  clergé 
de  Normandie. 

Pierre  Cauclion  sélant  avisé  de  fulminer  des  censures  contre  les 
récalcitrants,  le  chapitre  lui  reprocha  d'avoir  manqué  à  ses  devoirs 
et  appela  <Ie  ses  sentences  au  Pape  et  au  Concile. 

Ce  conflit  éclata  en  1420.  Il  fallut  du  temps  pour  qu'il  s'apaisât, 
et  Ion  arriva  ainsi  à  l'année  de  la  prise  de  la  Pueelle  à  Compié- 
gne. 

Lorsque  le  duc  de  Ijcdford  se  fût  décidé  à  faire  faire  à  la  captive 
un  procès  en  cause  de  foi,  lévéque  de  Beauvais  était  tout  désigné 
pour  présider  et  mener  ledit  procès.  Il  était  le  protégé  du  régent  ; 
il  était  plus  Anglais  que  les  Anglais  eux-mêmes,  réfugié  dans  une 
ville  où  ils  étaient  les  maîtres.  "  totalement  d'ailleurs  à  leur  dévo- 
tion 1).  De  plus,  chose  nullement  indifférente,  «  ce  prélat  exerçait 
ime  grande  autorité  sur  f  Université  de  Paris,  étant  son  protecteur 
ou,  comme  on  disait  alors,  le  Conservateur  de  ses  privilèges  » 
(.F.  OuiCHEKAT,  Aporusi  nourcaux....  p.  98;  et,  de  plus,  juriste  de 
première  force. 

Avec  lévéque  de  Beauvais,  les  Anglais,  ennemis  de  la  Pueelle, 
avaient  le  juge  qu'il  leur  fallait.  Quoi  qu'il  en  soit  des  qualités  que 
ses  amis  ont  louées  en  lui,  »  Cauchon  ne  se  révéla  dans  l'affaire  de 
Jeanne,  de  l'aveu  de  Quicherat  lui-même,  que  comme  un  homme 
passionné,  artificieux  et  r^Drrompu  ».  [Op.  citât.,  p.  99.)  il  fut,  de 
plus  inhumain,  cruel  et  faussaire  :  ce  sont  des  choses  â  ne  point 
oublier. 

Dès  que  la  Pueelle  eût  été  prise  à  Compiégne,  l  Université  de 
Paris  proposa  au  duc  de  Bedford  de  la  faire  juger  en  cause  de  foi 
et  lui  désigna  Pierre  Cauchon  comme  le  juriste  le  plus  capable  de 
mener  le  procès  selon  les  désirs  de  l'Angleterre.  L'évéque  de  Beau- 
vais ne  fit  aucune  opposition.  Il  s'entremit  même  pour  décider  Jean 
de  Luxembourg  à  livrer,  moyennant  une  somme  déterminée,  sa  pri- 
sonnière au  roi  Henri  VI.  Les  négociations  s'ouvrirent  en  juillet. 
Surin  fin  d'août  les  deux  partis  tombèrent  d'accord.  Vers  la  mi- 


398  APPENDICE    I 

novembre  lalîaire  était  réglée  et  Jeanne,  remise  enlre  les  mains  des 
Anglais,  était  conduite  à  Rouen  où  elle  arrivait  dans  le  com-ant  de 
décembre.  Le  Ojanvier  1431  (nouveau  stjle),  l'évéque  de  Beauvais, 
quoique  i)rivé  de  la  jiu'idiction  indispensable,  ouvrait  le  procès. 


m 


Après  le  procès  de  Jeanne     —  Pierre  Cauchon,   évêque 
de  Lisieux  (1431-1442. j 

Le  lendemain  du  jour  où  la  Pucelle  l'ut  brûlée  vive,  lévéque  de 
Tîeauvais  olliciait  pontificalement  dans  la  cathédrale  de  Rouen,  et 
y  célébrait  la  messe  du  Saint-Sacrement  (Archives  de  la  Seine-Infé- 
rieure, G.  33.) 

Le  duc  de  Bedford  ne  fut  pas  ingrat  envers  l'homme  qui  avait 
débarrassé  l'Angleterre  de  son  ennemie  la  plus  redoutée.  Il  ne  put 
pas  ou  ne  cinit  pas  devoir  le  faire  nommer  au  siège  archiépiscopal 
de  Rouen  ;  mais  il  le  combla  d'honneurs  et  lui  confia  les  missions 
les  plus  importantes. 

En  juillet  1431,  il  le  désignait,  avec  l'evêque  de  Nojon,  pour 
tenir  les  assises  solennelles  de  l'Echiquier  de  Normandie,  où  la  ju.s- 
tice  était  rendue  en  dernier  ressort.  Presque  en  même  temps,  Cau- 
chon était  nommé  avec  lévéque  de  Norwich,  conseiller  du  roi  pour 
juger  une  grave  affaire.  En  septembre,  il  célébrait  à  Rouen  les 
ordinations.  Le  jour  du  sacre  de  Henri  Vi  dans  la  cathédrale  de 
Paris,  il  j  assistait  avec  Jean  de  Mailly,  évoque  de  Noyon,  en  qua- 
lité de  pair  ecclésiastique  ;  et,  la  cérémonie  achevée,  il  s'asseyait  à 
la  table  du  i*oi  (décembre  1431). 

C'est  le  8  août  1432,  que  le  pape  Eugène  IV,  confirmant  le  choix 
qu'avait  fait  Martin  V,  (P.  H.  Denifle,  Auctarium  Chartid.  Unii-crs. 
Paris.,  t.  I,  p.  93d),  transféra  Pierre  Cauchon  au  siège  de  Lisieux. 
Conformément  au  cérémonial  usité  dans  l'église  de  Lisieux,  le  nou- 
vel évêque  fut  reçu  par  le  chapitre  à  la  porte  de  Paris.  «  Après  la 
harangue  du  doyen,  il  prêta  serment,  reçut  la  crosse  et  s'avança 
nu-pieds  sous  le  dais  jusqu'à  la  porte  de  la  cathédrale  où  il  remit 
ses  chaussures.  »  (De  Formeville,  Histoire  de  lévcchc  de  Lisieux, 
t.  I,  CVIII.) 

Circonstance  digne  de  remarque,  Pierre  (Cauchon  fut  remplacé 
sur  le  siège  épiscopal  de  Beauvais  par  J.  Juvénal  des  Ursins,  le 
futur  archevêque  de  Reims,  qui  devait  être  délégué  par  le  pape 
Calixte  III,  on  1455,  pour  instruire  le  procès  canonique  de  revision 


1'.     CAUCIION,    KVKQUK    DE    lîEAUVAIS  39& 

du  procès  de  Rouen,  et  qui,  en  1456,  prononça  le  jugemenl  solennel 
de  réhabilitation ^ 

Il  esl  vraisemblable  que.  se  conformant  à  un  usage  assez  général 
en  ce  quinzième  siècle,  i'ierre  (lauchon  confia  l'administration  du 
diocèse  à  ses  vicaires  généraux  et  à  une  sorte  de  coadjuleur  que  les 
documents  désignent  sous  le  nom  d'évêque  de  Salaltrion,  car  on  le 
voit  résider  beaucoup  plus  à  Rouen  qu'il  Lisieux.  Ses  fonctions  de 
conseiller  du  roi  d'Angleterre  et  ses  relations  avec  le  duc  de  Bedford 
l'y  appelant  souvent,  il  était  plus  simple  pour  lui  d'y  demeurer. 
I/évêque  de  Lisieux  avait  dajis  la  cité  rouennaise  un  manoir  à  lui 
et  une  sorte  de  cathédrale  sur  laquelle  il  avait  seul  juridiction 
(l'église  de  Saint-* lande-le- Vieux).  A  cette  cathédrale  se  rattachait 
une  cour  ecclésiastique,  un  oiïicial,  un  promoteur,  un  chapitre  et 
un  territoire  exempt  de  la  juridiction  de  l'archevêque  de  Rouen, 
territoire  qui  ne  comprenait  pas  moins  de  cinq  paroisses. 

Le  manoir  de  l'évéque  de  Lisieux  portait  le  nom  dhôtel  Saint- 
Cande,  et  les  restes  en  sont  connus  encore  aujom'd'hui  sous  le  nom 
d'hôtel  de  Lisieux.  Cauchon  en  fit  sa  résidence  principale,  surtout  à 
la  fin  de  sa  vie,  et  c'est  en  cet  hôtel  qu'il  mourut.  11  eut  ainsi  la 
satisfaction  de  séjourner  à  Rouen,  et  de  s'en  croire,  avec  un  peu  de 
bonne  volonté,  comme  le  second  archevêque.  .Mais,  probablement, 
cette  illusion  ne  suffit  pas  à  son  bonheur. 

Les  fonctions  de  Conservateur  des  privilèges  de  l'Université  de 
Paris  gênant  le  nouvel  évêque  de  Lisieux  pour  les  missions  dont  ne 
cessait  de  le  charger  le  gouvernement  anglais,  il  son  démit  et  fit 
agréer  comme  son  successeur  lévêque  de  Meaux. 

En  1436,  ces  fonctions  de  Conservateur  des  privilèges  apostoli- 
ques de  l'Université  étaient  conférées  au  successeur  même  de  Pierre 
Cauchon  siu'  le  siège  de  Reauvais,  Jean  .ïtivénal  des  Ursins,  nommé 
plus  haut  -. 

Suivons  maintenant  le  nouvel  évêque  de  Lisieux  dans  les  princi- 
pales de  ses  missions  politiques  et  autres. 

En  i433,  un  sauf-conduit  du  15  août  autorise  Pierre  Cauchon  à  se 
rendre  à  Calais  avec  vingt  chevaux,  pour  assister  à  une  entrevue 
qu'avait  préparée  le  duc  dOrléans  et  qui  n'aboutit  pas. 

Des  lettres  royales  du  10  juillet  1434  et  du  20  février  1433  le 
nomment  député  de  l'Angleterre  au  concile  de  Bàle  avec  une  indem- 
nité de  déplacement  de  300  livres  :  il  s'y  rencontre  avec  Reaupêre. 
Loiseleur,  Thomas  de  Courcelles. 

1.  Gallia  ChrtsUana,  I.  I.\.  <>ol.  Tb.S. 

2.  Gallia  Chrisiiana,  l.  IX.  col.  739. 


400  APPENDICE    I 

En  celle  ville.  Cauchon  eut  le  désagrément  d'être  avisé  par  lévé- 
que  de  Fossombrone,  trésorier  général  des  finances  pontificales, 
que,  à  raison  d'une  somme  de  400  florins  d'or  dont  il  était  resté 
redevable  à  la  cour  de  Uome,  à  litre  d'annales,  lors  de  sa  transla- 
tion au  siège  de  Lisieux.  et  qu'il  n'avait  point  payée,  il  avait 
encouru  l'excommunication  :  de  plus,  qu'avant  quoique  excommu- 
nié célébré  l'olïice  divin,  il  était  frappé  d'irrégularité.  Lenvojé  du 
roi  d'Angleterre  ne  s'émut  pas  de  cette  excommunication  et  conti- 
nua à  célébrer,  malgré  l'irrégularité  qu'il  encourait.  Aucun  docu- 
ment ne  nous  apprend  qu'il  ait  versé  au  trésor  pontifical  les  400 
florins. 

C'est  peul-élre  pour  se  dérober  à  ces  réclamations  liscales  et  à 
l'humiliation  qui  en  pouvait  résulter,  que  révé<iue  de  Lisieux  se 
rendit  au  Congrès  d'Arras  après  avoir  quitté  Bàle.  In  mandement 
du  roi  d'Angleterre  donné  à  Mantes  le  lli  octobre  143o  constate 
celte  mission,  avec  des  honoraires  de  10  livres  tournois  par  jour. 
Cauchon  partit  de  Bâle  le  23  juillet  1433.  et  il  revinl  à  Rouen  le 
27  septembre  suivant. 

L'archevêque  d'Vork  qui  devait  prendre  la  parole  au  congrès 
d'Arras  étant  tombé  malade,  Cauchon  le  remplaça  et  dit  à  quelles 
conditions  le  roi  d'Angleterre  traiterait.  Jusqu'à  la  fin  du  Congrès, 
l'évêque  soutint  le  droit  exclusif  de  Henri  VI  à  la  couronne  de 
France  et  réclama  le  démembrement  du  royaume. 

Lorsque  Cauchon  rentra  à  Rouen,  le  duc  de  Bedford  venait  de 
mourir  (14  septembre  143li).  L'année  d'après  (19  août  1436).  l'ar- 
chevêque de  Rouen,  Hugues  d'Oi-ges,  expirait  à  Bàlc.  Celle  fois-ci. 
non  plus,  ce  ne  fut  pas  le  juge  de  la  Pucelle  qui  fut  nommé  à  sa 
place,  mais  Louis  de  Luxembourg,  évêqne  de  Thérouanne. 

En  celte  même  année  1430,  Pierre  Cauchon  était  allé  a  l'aris 
réchauffer  l'ardeur  des  partisans  de  Henri  Yl  et  les  engager  à  ne 
point  ouvrir  à  Charles  Vil  les  portes  de  la  capitale.  Mais  ce  fut  en 
vain  :  les  troupes  de  Charles  y  pénétrèrent,  et  l'évêque  et  les  Anglais 
durent  se  rendre  aux  lieutenants  du  roi  qui  les  renvoyèrent  à  Rouen 
«  par  terre  et  par  eau  ". 

En  1439,  nouvelle  mission  de  l'évêque  de  Lisieux  à  la  cour  de 
Henri  VI  et  à  Calais,  pour  traiter  de  la  délivrance  du  duc  d'Orléans. 
Le  5  novembre  1440,  cette  délivrance  était  un  fait  accompli. 

On  dit  que,  en  1441,  l'évêque  de  Lisieux  fil  bAlir  et  orner  riche- 
ment à  ses  frais  la  chapelle  de  la  N'ierge  qu'on  voit  derrière  le 
chœur  de  la  cathédrale.  (On  a  donné  aussi  la  date  de  1432.  Le  dif- 
ficile est  de  trouver  la  preuve  documentaire  de  ces  dates.)  On  a 
supposé  que  Cauchon  avait  construit  cette  rhapellc  en  repentir  et  en 


p.    CAUCIION,    ÉVKQUE    Dli:    DEAUVAIS  401 

expiation  de  la  sentence  prononcée  contre  Jeanne.  «  C'est,  a-l-on 
dit,  la  tradition  constante  de  l'église  de  Lisieux.  »  Malaisément  on 
établira  la  preuve  de  cette  tradition.  L'historien  du  diocèse  de 
Lisieux,  M.  de  Formeville,  dit  «  que  cette  intention  d'expiation  nesl 
prouvée  par  aucun  titre  ». 

Le  juge  de  la  Pucelle  mourut  tragiquement.  Il  fut  frappé  sou- 
dain, en  son  hôtel  de  Saint-Gande,  h  Rouen,  le  18  décembre  1442, 
pendant  qu'on  lui  faisait  la  barbe.  Il  avait  eu  la  sagesse,  quelque 
temps  auparavant,  de  faire  son  testament  et  de  régler  le  détail  de 
ses  libéralités  et  fondations.  Son  corps  fut  transporté  à  Lisieux 
et  inhumé  avec  les  honneurs  accoutumés.  On  l'ensevelit  dans  la 
chapelle  de  la  Vierge,  près  de  l'autel,  du  côté  de  l'évangile.  La 
Gallia  Christiana  (t.  XI,  p.  797)  dit  qu'il  reposait  sous  une  pierre 
tombale  de  marbre  noir.  Mais  cette  pierre  aurait  été  enlevée  en 
1705,  d'après  un  document  de  la  Société  Imtoriquc  de  Lisieux,  et 
les  cendres  qu'elle  recouvrait,  dispersées  en  179-2. 

il  institua  pour  héritiers  un  de  ses  neveux,  Jean  Bidault,  qu'il 
avait  fait  nommer  chanoine  de  Rouen  et  de  Lisieux,  et  une  nièce, 
Jeanne  Bidault,  femme  de  Jean  de  Rinel  qui  fut  longtemps  secré- 
taire du  roi  Henri  VI. 

Dans  son  testament,  Cauchon  n'oublia  aucune  des  villes  dans 
lesquelles  s'étaient  produits  les  principaux  incidents  de  sa  vie. 

A  Reims,  il  fonda  un  obit  pour  le  repos  de  son  âme,  (jui  fut  célé- 
bré chaque  année  le  19  décembre. 

A  Beauvais,  il  institua  deux  obits  pour  son  frère  Jean  et  pour  ses 
parents,  amis  et  bienfaiteurs. 

A  Lisieux,  il  fonda  un  quatrième  vicariat  pour  la  cathédrale,  qui 
était  dédiée  à  Saint-Pierre,  son  patron,  et  une  grand'messe  qui 
devait  être  chantée  tous  les  jours  dans  la  chapelle  Notre-Dame. 

Il  y  fonda  aussi  un  obit  qui  devait  être  célébré  tous  les  quinze 
jours  de  l'année. 

A  la  cathédrale  de  Rouen  et  au  chapitre,  il  légua  une  somme  de 
300  livres,  dont  le  revenu  devait  être  affecté  à  célébrer  un  obit  le 
jour  de  l'anniversaire  de  sa  mort. 

Il  laissa  pareille  somme  de  300  livres  à  son  église  de  Saint-Cande- 
le-Vieux,  pour  messes  en  l'honneur  de  la  sainte  Vierge  et  offices 
solennels  pendant  l'octave  du  Saint-Sacrement. 

Mais  parmi  ces  legs  pieux,  pas  un  seul  qui  ait  pour  objet  la  sup- 
pliciée de  Rouen  et  les  procédés  abominables  par  lesquels,  après 
l'avoir  livrée  aux  flammes,  l'évêque  s'était  efforcé  de  la  perdre  et 
de  la  déshonorer  sans  retour  aux  yeux  des  contemporains  et  de  la 
postérité.  Effrayante  est  l'habileté  donl  le  juge  de  Jeanne  a  fait 


402  APPENDICE    1 

preuve  dans  le  procès  de  sa  viclimc  ;  plus  effrajanle  esl  encore  la 
scélératesse  tour  à  tour  brutale  et  raffinée  quil  y  a  déployée. 

L'influence  prépondérante  que  Pierre  Cauchon  a  exercée  siu"  des 
hommes  de  la  valeur  des  J.  iMirhelet,  des  J.  Quiclierat.  des  II.  Marlin  : 
la  confiance  à  peu  près  absolue  qu'il  a  réussi  à  leur  inspirer  en  sa  pro- 
bité, sinon  de  juge,  du  moins  d'historien,  pourront  fournir  un  argu- 
ment décisif  contre  les  écrivains  qui  ne  lui  accordent  qu'une  habi- 
leté médiocre.  Elles  ne  modifieront  en  rien  l'opinion  qui  voiten  lui 
le  plus  inique  des  juges.  Nous  craignons  que  ce  ne  soit  larrél  défi 
nitii'delhistoire. 

IV 

Question  subsidiaire.  —  L'évéque  de  Beauvais  a-t-il  été 
«  schismatique  »  et  «  excommunié  ». 

En  ces  années  où  Ips  populations  lètent  la  Béntification  de  Jeanne 
d'Arc,  on  a  maintes  fois  entendu  des  conférenciers  et  des  prédica- 
teurs affirmer  catégoriquenTent  que  Pierre  Cauchon  était  schisma- 
tique. ei  qu'il  aurait  été  frap|jé  d'excommunication  à  Bâle.  Que 
disent  à  ce  sujat  les  documents  ? 

f  De  Pierre  Cauchon  «  schi>;matique  » 

En  réponse  à  ce  preraipr  point,  on  peut  dire,  ce  nous  semble, 
sans  s'écarter  de  la  vérité  historique,  que  le  juge  de  la  Pucellp  avait 
sur  la  question  du  pape  et  de  T Eglise,  des  idées  fausses,  à  tendance 
schismatique,  tout  comme  l'Université  de  Paris,  dont  il  partageait 
les  opinions.  Mais  on  ne  peut  pas  dire  qu'il  ait  été  srhismatiipie  de 
fait,  même  à  un  moment  donné,  comme  le  fut  l'Ama  Mnler  stitdii 
Parisifnsis,  lorsqu'elle  souscrivit  à  la  déposition  du  pape  Eugène  IV 
et  qu'elle  prit  le  parti  de  l'anti-pape  Félix.  Si  lévèque  de  Beauvais 
n'eut  garde,  au  cours  du  procès,  de  dissimuler  ses  idées  peu  oi-tho- 
doxes,  s'il  les  appliqua  ouvertement  et  sans  scrupules,  cependant 
il  ne  rompit  jamais  avec  Rome  et  son  chef,  il  ne  fit  que  paraître  à 
Bâle,  et  on  ne  voit  pas  qu  il  se  soit  jamais  prononcé  publiquement 
en  faveur  de  l'antipape  contre  le  pape  légitime. 

Pour  éviter  toute  exagération  en  ce  sujet,  il  ne  faut  pas  oublier 
que  nous  parlons  du  xv°  siècle.  Les  idées  doctrinales  de  ce  temps 
n'étaient  pas  celles  du  temps  présont.  Le  siècle  de  Pierre  Cauchon 
et  de  .Teanne  d'Arc  est  le  siècle  du  concile  de  Constance  et  du  grand 
schi,sme.  du  concile  de  Bâle  et  de  celui  de  Ehu-ence.  il  n'y  a  qu'à 
parcourir  1  histoire  de  ces  assises  solennelles  de  la  catholiiilé  et  des 


p.    CAUCHON,    EVEQUE   DE    13EAUVAIS  403 

lutles  doclriniiles  (|ui  s'y  livrèrent,  pour  avoir  la  preuve  que, 
même  dans  les  questions  les  plus  vitales,  les  théologiens  du  monde 
entier  étîiient  loin  d'être  d'accord.  Quelque  bonne  volonté  qu'on 
apportât,  les  solutions  [troposées  dissipèrent  si  peu  les  obscurités, 
que  les  doutes  subsistèrent  dans  les  siècles  suivants,  qu'ils  provo- 
quèrent la  fameuse  déclaration  du  clergé  de  France  en  1682,  et  que 
la  paix  ne  s'est  établie  dans  les  esprits  qu'après  les  décisions  récen- 
tes du  concile  du  Vatican. 

Il  faut  rendre  cette  justice  à  l'Université  de  Paris  que,  à  ces  épo- 
ques ciilïiciles,  fidèle  aux  traditions  que  ses  plus  illustres  docteurs, 
les  derson  et  les  Pierre  d'Ailly,  ne  cessèrent  de  défendre,  elle  ne 
s'écarta  jamais  du  principe  qui  proclamait  la  nécessité  absolue  «  de 
l'union  et  de  la  communion  avec  le  Pape  comme  chef  de  l'Église  et 
centre  de  l'urlité  catholique  ».  Sa  doctrine  et  sa  conduite  ont  pu  être 
défectueuses  en  maintes  circonstances,  au  concile  de  Bàle  par 
exenifile  ;  mais  on  n'apas  pu  dire  qu'elle  ait  jamais  quitté  le  rocher 
imnmable  sur  lequel  repose  la  foi  de  la  catholicilé. 

De  ces  considérations  générales  passons  aux  pi-euves  qui  établis- 
sent la  légitimité  des  précisions  exposées  plus  haut.  Elles. consistent 
à  dire  qu'on  peut  relever  chez  le  juge  de  Jeanne  des  idées  fausses 
sur  la  matière  du  pape  et  de  l'Eglise,  idées  à  tendances  schismati- 
que,  mais  aucun  document  ne  pei-met  d'ajouter  qu'il  a  été  schisma- 
tiquc  de  l'ait  :  le  soutenir,  même  oraiorio  modo,  ce  serait  noussem- 
ble-t  il,  dépasser  la  mesure. 

Quelles  étaient  donc  les  idées  doctrinales  de  l'évéque  de  Beauvais 
sur  l'Eglise  et  sur  le  pape  ?  Il  nous  fait  connaître  les  premières  dans 
ce  passage  du  procès,  t.  I,  p.  17o  : 

«  L'Église  militante,  y  est-il  dit,  c'est  l'Église  en  tant  quelle  com- 
prend le  Pape,  vicaire  de  Dieu  sur  la  terre,  les  car<linaux,  les  pré- 
lats ecclésiastiques,  le  clergé  et  tous  bons  chrétiens  et  catholiques  ; 
lac^uelle  Eglise  dûment  assemblée,  ne  peut  errer  et  est  gouvernée 
du  Saint-Esprit.  » 

Cette  défiuiiion  comprend  deux  parties,  l'une  concernant  l'Église 
militante,  partie  exacte  à  la  rigueiu-,  car  on  ne  peut  lui  reprocher 
que  de  n'avoir  pas  mentionné  expressément  les  «  évêques,  succes- 
seui's  des  apôtres  »,  et  de  les  avoir  confondus  avec  les  «  prélats 
ecclésiastiques  »  ;  l'autre,  transformant  l'Église  militante  en  Église 
enseignante,  erronée  par  conséquent,  car  elle  introduit  dans  cette 
Église  »  dûment  assemblée,  infaillible,  gouvernée  du  Sainl-Esprit  », 
le  clergé  inférieur  et  jusqu'aux  bons  chrétiens  et  bons  catholiques! 
c'est-à-dire  les  simples  fidèles. 

Or,  une  pareille  doctrine  est  en  opposition  formelle  avec  l'ensei- 


404  APPENDICE    I 

gnemcnl  commun  des  Ihéologiens.  Sa  tendance  schismatique  est 
inconlcslable  par  cela  qu'elle  identifie  avec  l'Eglise  enseignante 
1  Eglise  enseignée,  avec  le  pape  et  les  évèques,  pasteurs  des  fidèles, 
les  simples  fidèles  eux-mêmes. 

Les  idées  de  lévéque  de  lîeauvaissur  le  pontife  romain  , «vicaire 
de  Dieu  ici-bas  »,  ne  sont  pas  moins  étranges,  il  les  expose  et  les 
applique  principalement  dans  la  scène  de  l'abjuration,  lorsqu'il 
refuse  de  tenir  compte  de  lappel  de  Jeanne  au  Pape,  et  qu'il 
s'arroge  le  droit  de  prononcer  définitivement  en  sa  causÈ  qui  était 
une  des  causes  majeures  réservées  au  tribunal  du  Chef  (/!e  l'Eglise. 
«  L'Église,  dit  le  prélat,  c'est  nous,  les  évèques,  aussi  bjen  que  le 
Pape.  Nous  sommes  juges  aussi  bien  que  lui  — de  toute  cause  veut- 
il  dire,  même  majeure,  même  après  l'appel  à  Home  —chacun  dans 
notre  diocèse.  » 

Et  ce  n'est  pas  tout.  Pierre  (lauchon  ne  se  contente  pas  de  s'éga- 
ler au  vicaire  de  Jésus-Christ  ;  il  étend  et  prèle  son  infaillibilité 
aux  simples  clercs  et  la'i'ques,  assesseurs  au  procès.  «  Ce  n'est  pas 
seulement  à  nous,  évêque,  qu'il  faut  vous  soumettre  déclare-t-il  à 
l'accusée,  il  faut  encore  que  vous  teniez  pour  vrai  ce  que  les  clercs 
et  gens  en  ce  connaissants  —  simples  laïques,  tels  que  les  licenciés 
en  droit  civil  —  ont  déterminé  de  vos  dits  et  faits.  »  {Procès,  t.  1, 
p.  455-456.) 

C'est  sur  celte  doctrine,  à  tendance  ouvertement  schismatique. 
puisqu'elle  nie  en  fait  et  en  droit  l'autorité  suprême  et  les  privilè- 
ges du  chef  de  l'Eglise,  que  lévéque  de  Beauvais  s'est  fondé  pour 
livrer  Jeanne  d'Arc  au  bûcher. 

Nous  avons  dit  que,  si  les  tendances  schismatiques  du  juge  de  la 
Pucelle  étaient  indéniables,  il  serait  inexact  et  injuste  d'ajouter 
qu'il  a  été  de  fait  schismatique.  même  passagèrement,  comme  le 
furent  les  docteurs  qui  prirent  part  à  la  déposition  d'Eugène  IV  et 
à  la  nomination  de  l'antipape  Félix,  comme  le  fut  l'Université  de 
Paris  par  l'approbation  qu'elle  y  donna.  Rappelons  brièvement  les 
faits. 

Au  nombre  des  députés  envoyés  au  concile  de  Bàlc  par  l'Univer- 
sité de  Paris,  l'on  comptait  trois  des  assesseurs  du  procès  de  Rouen, 
maîtres  Reaupère,  Thomas  de  Courcelles.  Nicolas  Loiseleur.  Le 
choix  de  l'Université  ne  se  porta  pas  sur  lévéque  de  Beauvais. 

Les  deux  actes  par  lesquels  les  pères  de  Râle  prirent  une  attitude 
ouvertement  schismatique,  se  produisirent  en  1433  et  1439.  A  ces 
dates-là,  Pierre  Cauchon  ne  se  trouvait  pas  à  Râle  et  n'était  point 
délégué  au  concile. 


< 

j 


p.    CAUGHON,    ÉVÈQUE    UE    UEAUVAIS  405 

Le  13  juillet  1433,  douzième  session,  les  pères  citaient  par  décret 
Eugène  IV  à  leur  barre,  le  menaçant  de  le  «  déclai-er  contumace  et 
incorrigible,  de  le  suspendre  et  de  le  déposer  ».  (Hergeni-oether, 
Histoire  de  l'Eglise,  t.  IV,  p.  603.) 

A  cette  date,  l'évêque  de  Beauvais  n'avait  point  encore  paru  à 
Bàlc. 

Le  25  juin  1439,  trente-quatrième  session,  les  pères  de  Bàle 
appliquant  la  doctrine  de  la  supériorité  des  conciles  généraux  sur 
le  pape.  »  déposaient  de  toutes  dignités  et  rejetaient  Eugène  IV, 
comme  rebelle  aux  ordres  de  l'Eglise  universelle  ». 

Pas  plus  ;i  cette  date  qu'à  l'autre,  le  juge  de  Jeanne  n'était  pré- 
sent au  concile  et  n'avait  qualité  pour  y  prendre  part.  Il  ne  put  être 
de  ce  fait-là,  schismatique.  A  Lisieux  ou  à  Rouen  se  prononça-t-il 
quand  même,  et  fit-il  acte  de  soumission  à  l'antipape  Félix,  comme 
le  fit  1  Tnivcrsilé?  Aucun  document  n'en  témoigne  II  y  aurait  donc 
inexactitude  et  injustice  à  le  ranger  parmi  les  prélats  rebelles  au 
pape  légitime. 

Reste  à  savoir  si  son  passage  à  Râle  ne  lui  fournit  pas  l'occasion 
lie  poser  quelque  acte  entaché  de  schisme,  en  même  temps  qu'il 
encourait  l'excommunication. 

■2"   L'ccéque  de  Beauvais  a-t-il  été  «  excommunié  » 

Tranchons  d'un  mot  la  question. 

Non,  le  passage  de  l'ancien  évéque  de  Beauvais  à  Ràlc  ne  fut  pour 
lui  l'occasion  d'aucun  acte  formellement  schismatique. 

Seulement  on  lui  rappela  qu'il  avait  encouru  l'excommunication. 
Mais  ce  n'était  pas  à  l'occasion  du  concile.  C'était  pour  n'avoir  pa^ 
versé  au  trésor  pontifical  une  somme  de  400  florins  d'or  dont  il  lui 
était  redevable  à  titre  d'annales  à  l'occasion  de  sa  translation  au 
siège  de  Eisieux. 

Mais  à  quel  litre  et  à  quelle  date  précise  Pierre  Cauchon  parut- 
il  au  concile  de  Râle  ? 

Il  y  fut  envoyé  en  1434  par  le  roi  Henri  \T  d'Angleterre  pour  y 
représenter  les  intérêts  anglais.  Les  lettres  de  délégation  sont  du 
10  juillet  1434  (Rymer,  t.  V,  pars  I^  p.  12,  13.) 

A  Bàle,  le  prélat  s'y  trouva  en  même  temps  qu'André,  évèqne  de 
Fossoinbrone,  qui  était  chargé  de  l'aire  rentrer  les  sommes  dues  au 
trésor  pontifical.  Comme  d'importants  délais  avaient  été  accordés 
à  Pierre  «lauchon  et  que,  ces  délais  écoulés,  il  ne  s'inquiétait  pas 
de  s'acquitter,  l'évêque  de  Fossombrone  lui  signifia  que,  par  son 
refus  de  payer  ce  qu'il  devait  à  la  cour  de  Rome,  il  avait  encouru 


40G  APPENDICE   I 

rexconimunication  :  de  plus,  que  s'étant  permis  quoique  excom- 
munié, <ie  célébrer  l'office  divin,  il  avait  encouru  lirrégularité. 
Dans  le  cas  où  il  ne  se  mellrait  pas  en  règle,  on  ferail  publier 
l'excommunication  aux  portes  de  la  cathédrale,  et  1  on  interdirait 
aux  fidèles  toutes  relations  avec  lui  jusqu'à  ce  qu'il  eût  donné  pleine 
satisfaction  (20  décembre  1434). 

Ces  menaces  furent-elles  mises  à  exécution,  nous  ne  saurions  le 
dire,  tous  documents  faisant  défaut  ;  pas  plus  que  nous  ne  pou- 
vons présumer  les  résolutions  auxquelles  s'arrêta  lévêque  en  fHce 
de  cette  mise  en  demeiu-e.  Ce  qui  parait  hors  de  doute,  c'est  que, 
rentré  à  Lisieux  ,  Pierre  Cauchon  ne  changea  rien  à  ses  habitudes 
ecclésiastiques  et  ne  discontinua  pas  de  remplir  ses  fonctions  épis- 
copales.  Il  resta,  d'ailleurs,  peu  de  temps  au  concile.  Au  cours  de 
l'année  1435.  Henri  VI  déléguait  «  son  ami  et  féal  conseiller lévê- 
que  de  Lisieux,  pour  entendre,  en  la  matière  de  paix  générale,  à  la 
convention  qui  devait  avoir  lieu  en  la  ville  d'Arras  ».  [Biblioth. 
naiionale,  ms.  fr.  20. 884,  fol.  33.) 

Par  égard  pour  sort  caractère  d'évêque,  nous  ne  supposerons  pas 
que  Pierre  Cauchon  soit  demeuré  sourd  aux  réclamations  de  lévê- 
que  de  F.)ssombr()ne.  et  ait  opiniâtrement  refusé  de  s'acquitter 
envers  le  trésor  pontifical.  S'il  ne  paya  par  les  400  florins  d'or, 
nous  aimons  mieux  l'expliquer  par  une  entente  amiable  avec  le 
représentant  du  Saint-Siège,  ou  par  la  situation  nouvelle  que  créa 
un  décret  des  pères  de  BAle  à  propos  des  annates,  eu  cette  année 
1435.  Cette  dernière  explication,  proposée  que  nous  sachions  poia* 
la  première  fois,  olîre  1  avantage  d'atténuer,  sinon  de  dcgnger  entiè- 
rement, la  responsabilité  du  personnage.  Car  Pierre  Cauchon  était 
encore  à  Bâie  lorsque  les  pères  du  concile  portèrent  leur  décret,  et 
il  put  émettre,  vis-à-vis  du  Trésorier  du  Pape,  la  prétention  d'en 
bénéficier. 

L'envoyé  de  l'Angleterre  ne  partit  pour  Arras  que  le  23 juil- 
let 1435.  et  c'est  le  9  juin  que  les  Pères  du  concile  tinrent  la  session 
(la  21*^]  d;ins  laquelle  ils  jugèrent  à  propos  d'abolir  les  annates;  ils 
le  firent  par  le  décret  suivant  : 

«  Le  saint  concile  de  BâIe,  représentant  de  l'Eglise  universelle, 
ordonne  au  nom  du  Saint-Esprit  que,  en  ce  qui  concerne  la  cour 
de  R»»me.  on  n'exigera  aucune  rétribution,  ni  devant,  ni  après,  à 
raison  du  sceau,  des  annates,  etc.,  sous  quelque  prétexte  que  ce 
soit.  Les  obligritions,  promesses,  censures  et  mandats,  et  tout  ce 
qui  se  fera  au  préjudice  de  ce  décret,  n'auront  aucune  force  et 
seront  censés  nuls    (Labbe,  Concil.,  t.  XII,  p.  552.) 

Remarquons  —  la  chose  en  vaut  la  peine  —  que  ce  décret  a  été 


V.    r.AUCIION,    EVKQUE    DE    BEAUVAIS  407 

pris  dans  un  temps  que  le  Concile  était  général  et  légitime,  de 
l'aveu  de  ceux  qui  lui  sont  le  plus  opposés.  (Fleury,  Histoire  de 
l'Eglise,  t.  XV.  livre  10G«.  n»  136.) 

On  voit  le  parti  que  Pierre  Cauchon  put  tirer  du  texte  de  ce 
décret.  Praticien  consommé  en  fait  de  chicane,  et  connaissant  à 
fond  la  matière  du  droit  canon,  il  dut  embarrasser  singulièrement 
son  adversaire,  s'il  se  mit  à  discuter  avec  lui  à  l'effet  de  ne  rien 
payer.  «  Hier,  c'est  vrai,  j'étais  débiteur  de  la  cour  romaine,  dut-il 
lui  dire  ;  aujourd'hui,  10  juin,  je  ne  le  suis  plus.  »  Et,  sans  doute, 
il  fit  ses  visites  de  congé  et  ses  préparatifs  de  départ. 

Nous  nous  permettons  de  soumettre  ces  considérations  aux  lec- 
teurs que  ne  rebutent  pas  les  menues  questions.  Inutile  d'insister 
sur  ce  point,  qu'il  n'existe  aucun  rapport  entre  la  condamnation 
de  la  Pucelle  et  l'excommunication  de  son  juge.  L'une  est  de  1431, 
l'autre  de  1434  nu  1435  Ce  ne  sont  pas  non  plus  des  pères  du  Con- 
cile de  B;i  le  qui  fulminent  l'excommunicalion  :  c'est  un  représentant 
fiscal  de  la  cour  de  Uome,  qui  avise  l'évéque  de  l'excommunication 
encourue,  à  propos  dune  dette  dans  laquelle  le  procès  de  Rouen 
n'est  pour  rien.  A  fortiori  celle  excommunication  fut-elle  étrangère 
aux  idées  plus  ou  moins  orthodoxes  que  l'iei're  Cauchon  professait 
sur  la  matière  de  l'Eglise.  Après  les  détails  dans  lesquels  nous 
sommes  entré,  il  nous  semble  que  les  questions  posées  sont  suffi- 
samment éclaircies. 


APPENDICE  II 

DU    PROGKS    DR     1431,    DU    TRIBUNAL     ET     DES     PRINCIPAUX 
ASSESSEURS 


Dans  le  procès  de  la  Pucelle  à  Rouen  (1431),  il  faut  avoir  soin  de 
distinguer  les  juges  et  les  membres  du  tribunal  des  assesseurs, 
principalement  de  ceux  dont  les  juges  firent  leur  conseil  privé. 

Ce  procès  étant  un  procès  de  l'Ordinaire  en  cause  de  foi,  les  deux 
juges  lurent  l'évêque  de  Beauvais,  qui  se  disait  V  «  Ordinaii-e  de 
Jeanne,  »  raccusée  ayant  été  prise  dans  les  limites  du  diocèse  de 
Beauvais,  —  et  le  représentant  du  grand  inquisiteur  de  France,. 
Jean  Lemaître,  vice-inquisiteur  du  diocèse  de  lîouen. 

Aux  deux  juges  furent  adjoints  un  promoteur,  ayant  charge  de 
soutenir  l'accusation  au  nom  du  tribunal,  véritable  ministère  pu- 
blic ;  —  un  examinateur  des  témoins  ;  —  un  exécuteur  des  com- 
mandements des  juges  ou  huissier,  —  et  trois  notaires  greffiers. 

Les  prêtres  et  religieux  convoqués  à  titre  d'assesseurs  furent  très 
nombreux.  Mais  les  docteurs  envoyés  par  l'Université  de  Paris  et 
trois  ou  quatre  autres  composèrent  seuls  le  Conseil  privé  desjuges, 
pour  ne  pas  dire  de  Tévéque  de  Beauvais,  qui  en  somme  menait  le 
procès.  Ayant  donné  la  biographie  de  ce  personnage,  nous  nous 
occuperons  des  autres  membres  du  tribunal. 


De  Jean  Le  Maître,  vice-inquisiteur  de  Rouen  et  juge  au  procès. 

Jean  Le  Maître  qui  siégea  en  qualité  de  juge  avec  lévêque  de 
Beauvais  au  procès  de  la  Pucelle,  était  vice-inquisiteur  au  diocèse 
de  Rouen  depuis  l'année  1424-.  Le  grand  inquisiteur  de  Paris,  Jean 
Gravèrent,  le  chargea  de  le  représenter  et  de  siéger  à  sa  place,  au 
cours  des  débats  {Procès,  t.  1.,  p.  3")).  On  sait  avec  quelle  répu- 
gnance il  s'acquitta  de  ce  mandat. 

Après  le  supplice  de  Jeanne,  il  demeura  à  Rouen  à  titre  de  prieur 


DU    TRIBUNAL    DE    1431    ET    DE    SES    ASSESSEURS  409' 

et  de  vice- inquisiteur.  On  le  voit  exercer  ces  deux  fonctions,  l'une 
en  1436,  l'autre  en  1441.  En  même  temps,  l'archevêque  de  Kouen 
et  le  Chapitre  de  la  cathédrale  le  chargent  de  prêcher  divers  ser- 
mons ou  l'y  autorisent,  preuve  de  l'estime  dont  il  ne  cessa  de  jouir 
comme  orateur  suivi  et  comme  religieux.  La  dernière  prédication 
que  l'on  connaisse  de  lui  eut  lieu  le  25  janvier  1453. 

Ici  se  pose  la  question  :  était-il  encore  vivant,  lorsque,  en  mai 
de  cette  année  14'J2,  le  cardinal  d'Estouteville  fit  procéder  aux 
deux  enquêtes  de  Rouen  sur  le  cas  de  la  Pucelle.  Ch.  de  Beaure- 
paire  pense  qu'il  était  encore  de  ce  monde,  sans  toutefois  en  don- 
ner la  preuve.  X  son  avis,  en  ne  le  citant  pas,  on  voulut  le  ména- 
ger, ainsi  qu'on  avait  fait  pour  l'archevêque  Roussel,  l'ancien  tré- 
sorier du  Chapitre  en  1431 . 

Les  pères  dominicains  Relon  et  Balme  {Jean  Bréhal  et  la  réha- 
bilitation de  Jeanne  d'Arc,  p.  67),  ne  se  prononcent  pas  sur  l'an- 
née 1452.  Mais  pour  l'année  de  la  réhabilitation  (1455),  ils  sont 
d'avis  que  l'ancien  juge  de  la  Pucelle  n'était  plus  de  ce  monde.  Ils 
invoquent  à  cet  effet  les  termes  dans  lesquels  le  rescrit  apostolique 
de  Calixte  III  s'exprime  au  sujet  de  Jean  Le  Maître.  En  rappelant 
l'objet  de  la  supplique  des  parents  de  la  Pucelle,  Calixte  III  parle  de 
«  feu  Jean  Le  Maître  —  nccnon  quondam  Joannis  Magiatri.  »  En 
spécifiant  les  actes  qui  lui  sont  reprochés,  le  rescrit  apostolique  fait 
observer  que  Le  Maître  était  alors  plein  de  vie  —  ctiam  tune  in 
humanis  agenti.  {Procè<,  t.  II,  p.  90.) 

Jean  Bréhal  avait  eu  sous  les  veux  le  texte  de  la  supplique  de  la 
famille  d'Arc.  D'autre  part,  il  ne  devait  pas  ignorer  la  mort  de 
son  subordonné.  S'il  a  laissé  insérer  ces  deux  expressions  opposées 
—  quondam  —  etiam  tuncin  humanis  agenti,  —  dans  la  supplique, 
c'est  que  le  fait  de  la  mort  de  Jean  Le  Maître  n'était  pas  douteux. 


Il 

Dtt  promoteur  Jean  d  Estivet 

(Surnommé  Bcnedicite  [Procès,  III,  190  . 

Jean  dEstivet,  chanoine  de  Beauvais  et  de  Baveux,  était  un  des 
intimes  de  lévêque  P.  Cauchon.  Comme  il  avait  été  procureur  du 
diocèse  de  Beauvais,  P.  Cauchon  fit  de  lui  le  promoteur  du  procès 
de  Jeanne  D'Estivet  apporta  dans  l'exercice  de  ses  fonctions  une 
passion  qui  ne  recula  pas  devant  les  procédés  les  plus  injurieux. 
[Procès,  III,  49,  52,  162).  A  l'exemple  de  Loiseleur,  il  n'hésita  pas 


410  APPENDICE    II 

à  se  déguiser  pour  pénétrer  dans  la  prison  de  la  l'ucelle  et  abuser 
de  sa  ronfiance.  «■  C'était  un  mauvais  homme,  acharné  après  les 
notaires  de  la  cause  et  tous  ceux  qui  avaient  souci  de  la  justice.  » 
{Ibid.,  t62).  Au  témoignage  de  G,  Manchon,  il  remit  à  ce  dernier 
des  honoraires  intérieurs  à  ceux  qui  étaient  convenus.  Dl'^stivet 
rédigea  mais  ne  lut  pas  en  séance  le  réquisitoire.  Ce  n"est  un  chef- 
d'œuvre  ni  de  littérature,  ni  de  vérité. 

Après  le  drame  de  Saint-Oiien,  Jeanne  s'attendait  à  être  con- 
duite dans  les  prisons  de  l'Église  :  le  promoteur  donna  l'ordre  de 
la  ramener  au  château. 

Si  le  notaire  Bois  (iuillaume  a  dit  vrai,  la  fin  de  ce  personnage 
fut  digne  du  rôle  qu'il  avait  joué  :  «  on  le  trouva  mort  dans  un 
égoiit  hors  des  portfs  de  Kouen  »  {ibid.,  162).  U'apres  Ch.  de  Beau- 
repaire,  au  contraire,  dans  les  années  qui  suivirent  1431.  D'Kslivet 
aurait  résidé  à  Bajeux  et  ne  serait  mort  que  postérieurement  à 
l'année  1437.  Sa  responsabilité  n'en  serait  pas  attfnuén  pour  cela, 
et  il  ne  sera  ja(nais  proposé  aux  juges,  soit  laïques  soit  ecclésiasti- 
ques, comme  un  modèle  à  imiter.  (Ch.  de  Beaurepaire,  Recherches 
sur  le  procès  de  eondamnaiion  de  Jeanne  d'Arc,  p.  122.  In-S-",  Rouen, 
1869). 

111 

De  l'examinateur  des  témoins,  de  1  huissier  et  des  notaires. 

.lean  de  la  Fontaine,  maître  es  arts,  licencié  en  droit  canon,  fut 
nommé  «  commissaire  de  l'évêque-juge,  conseiller  et  examinateur 
des  témoins  à  produire  dans  la  cause  de  la  part  du  promoteur,  » 
avec  charge  de  rédiger  ou  de  faire  rédiger  par  écrit  leurs  déposi- 
tions, etc.  {Proi-ès.  l.  26).  Il  s'intéressa  à  la  Pucelle  et  chercha  à 
l'éclairer.  Blâmé  véhémentement  par  lévêque  de  Beauvais  et  redou- 
tant sa  vengeance,  il  disparut  le  27  mars  et  on  ne  sut  ce  qu'il  était 
devenu. 

Jean  Massieu,  d  ijen  de  chrétienté  ou  doyen  rural,  l'ut  nommé 
parl'évéque  de  B.;auvais  «  exécuteur  des  mandats  des  juges  et  des 
convocations  qu  il  leiu"  conviendrait  d'ordonner  ».  Kn  vertu  de  ses 
fonctions,  c'est  lui  qui  amenait  Jeanne  devant  le  tribunal  et  la 
ramenait  en  sa  prison.  H  était  avec  elle  sur  la  charrette  qui  la 
porta  au  cimetière  de  Saint  Ouen  et  au  Vieux-Marché.  Du  reste,  il 
ne  cessa  de  la  traiter  avec  beaucoup  d'égards  :  ce  qui  lui  valut  des 
observations  assez  aigres  de  l'évêque  de  Beauvais.  Il  a  déposé  aux 
enquêtes  de  1450,  1452  et  1450. 


DU    TRIBUNAL    DE    1431    ET    DE    SES    ASSESSEURS  411 

Les  notaires-greffiers  furent  au  nombre  de  trois  :  deux  clioisis 
par  lévêque  de  Beauvais,  le  troisième  par  le  vice-inquisiteur  Jean 
Lemaîlre. 

Guillaume  Manchon,  notaire  d"Eglise,  accepta  malgré  lui  les 
fonctions  de  notaire-greffier  au  procès  (Procès,  II,  340).  Il  était 
chargé  principalement  des  écritures.  Il  protesta  contre  les  faux 
greffiers  apostés  aux  audiences.  Ses  dépositions  au  procès  de  revi- 
sion mettent  en  lumière  et  l'honnêteté  de  sa  conduite  et  bien  des 
incidents  du  procès.  Il  était  en  1455  curé  de  Saint-Nicolas-le-Pain- 
teur  de  Rouen.  Quand  il  instrumenta  au  procès  de  1431,  il  avait 
environ  trente  ans. 

Guillaume  Colles,  dit  Hois-Guillaume,  fut  successivement  curé 
de  Notre-Dame-la- Konde  de  Kouen,  et  de  Lacouture  de  Bernay  au 
diocèse  de  Lisieux.  Il  était  notaire  de  l'officialité  de  Houen,  quand 
il  fut  adjoint  à  Manchon.  C'est  celui-ci  qui  le  désigna.  11  parut  dans 
la  prison  de  Jeanne  pour  constater  la  reprise  de  l'habit  d'homme. 
Lui  et  Manchon  paraphèrent  les  grosses  du  procès. 

A  ces  deux  notaires,  le  13  mars,  on  adjoignit,  sur  la  demande 
du  vice-in'|uisiteur,  à  titre  de  notaire  lui  aussi,  Nicolas  Taquel, 
prêtre  de  Rouen.  Il  n'écrivait  pas.  mais  écoutait.  Il  déposa  aux  en- 
quêtes de  1452  et  1456.  Il  était  curé  de  Bacqueville-le-Martel. 

Lorsque  le  procès  fut  traduit  en  latin,  les  trois  notaires  assis- 
tèrent Thomas  de  Courcelles  en  cette  besogne  délicate.  [Procès,  il, 
156.) 

IV 

Des  assesseurs  appelés  au  procès,   et  particulièrement  des  six 
docteurs  de  Paris. 

Pour  donner  aux  débats  et  à  la  sentence  contre  la  Pucelle  la  plus 
grande  solennité  possible,  l'évêque  de  Beauvais  eut  soin  d'inviter 
un  nombre  considérable  de  consulteurs  ou  assesseurs.  Ordinaire- 
ment, dans  un  procès  en  matière  de  foi,  trois  ou  quatre  chanoines 
désignés  par  les  chapitres,  et  trois  ou  quatre  avocats  ecclésiasti- 
ques suivaient  avec  l'évêque  et  1  inquisiteur  le  cours  des  débats. 
Pour  le  procès  de  Jeanne,  on  a  noté  la  présence  de  plus  de  cent 
ecclésiastiques:  docteiu-s,  licenciés,  bacheliers  ou  avocats  en  cours 
d'Église.  Si  l'on  prend  les  noms  dans  l'ordre  où  ils  sont  cités  au 
procès,  on  trouve  «  cent  treize  personnages,  dont  quatre-vingt  au 
moins  et  quatre-vingt-six  au  plus  étaient  ou  avaient  été  suppôts 


412  APPENDICE    II 

de  rUniversilé  de  l^aris  ».  Il  est  vrai  que  trente  et  un  ne  parurent 
qu'une  fois  ;  mais  cinquante-six  donnèrent  leur  avis  dans  le  procès 
pour  cause  de  chute,  et  quarante-deux  dans  le  procès  pour  cause 
de  rechute.  Soixante-et-onze  ecclésiastiques  en  tout,  soixante-qua- 
torze en  ■comptant  les  juges  et  le  promoteur,  intervinrent  dans  les 
sentences  de  l'un  et  de  l'autre  procès. 

Les  assesseurs  qui  remplirent  au  procès  le  rôle  le  plus  considé- 
rable furent  les  docteurs  que  lévèque  de  Beauvais  pria  l'Université 
de  Paris  de  lui  envoyer.  D'après  Jean  Massicu,  on  les  appelait  ses 
six  clercs.  Ils  avaient  nom  Jean  Beaupère,  Nicolas  Midj,  Gérard 
Feuillet,  Jacques  de  Touraine,  Pierre  Maurice  et  Thomas  de  Cour- 
celles.  Pierre  Cauchon  fit  d'eux  ses  conseillers  intimes.  C'est  avec 
eux  qu'il  arrêta  secrètement  les  mesures  les  plus  importantes,  celle 
des  douze  articles  par  exemple  et  de  l'abjuration  à  imposer  à  la 
Pucelle.  Les  docteurs  de  l*aris  firent  le  voyage  de  Uouen  sous  la 
protection  et  en  la  compagnie  des  Anglais  qui  en  firent  les  frais  et 
dont  l'un  était  Jean  de  Bincl,  le  secrétaire  même  du  roi  d'Angle- 
terre. Un  mot  sur  chacun  de  ces  docteurs. 

i'-'  Jean  Beaupère. 

Jean  Beaupère  [Palchri-Patris),  chanoine  de  Rouen  J430)  et  de 
Besançon  (1431),  fut  chargé  par  l'évêquc  de  Beauvais  de  diriger  les 
six  interrogatoires  publics  du  procès  d'office  :  mais  il  n'assista  pas 
au  prononcé  du  jugement  sur  la  place  du  Vieux-Marché.  Il  était 
originaire  de  Nevcrs  et  docteur  en  théologie.  Uecteur  de  l'Univer- 
sité de  Paris  en  1412  et  1413,  il  exerça  les  fonctions  de  chancelier 
en  l'absence  de  Gerson.  Député  au  concile  de  Bàle  comme  repré- 
sentant de  la  nation  de  Normandie  (1431)  par  l'Université  de  Paris, 
les  pères  du  Uoncile  le  chargèrent  d'aller  soumettre  au  pape 
Eugène  IV'  et  aux  Cardinaux  la  supplique  qu'ils  lui  adressaient. 

En  143''),  il  retourna  à  Bâio  pour  y  représenter  le  chapitre  de  Be- 
sançon et  le  Concile  l'envoya  à  titre  d'Ambassadeur  auprès  du  roi 
d'Angleterre.  Le  23  avril  1437,  il  prenait  part,  en  qualité  de  cha- 
noine à  l'élection  d'un  nouvel  archevêque  de  Besançon.  En  1444,  on 
l'accusa  d'avoir  adhéré  à  la  déposition  du  pape  :  il  protesta  de  son 
orthodoxie  et  soutint  qu'il  se  trouvait  alors,  non  à  Bàle,  mais  à  Be- 
sançon. En  14^0,  il  eut  encore  à  défendre  son  canonicat  de  Uouen  et 
à  faire  la  preuve  de  ses  sentiments  de  bon  français.  Mandé  par 
maître  Guillaume  Bouille  à  l'enquête  que  venait  d'ordonner  Char- 
les Vil,  il  fit  la  déposition  qu'on  lit  au  tome  II  de  l'ouvrage  de 
J.  Ouicheral.    Après  avoir  vécu  comblé  de  bénéfices,  grâce  à  une 


DU    TRIBUNAL    DE    1431     ET    DE    SES    ASSESSEUUS  413 

dispense  du  pape  Martin  V,  il  mourut  probablement  à  Besançon 
en  1462  ou  1463  à  un  âge  fort  avancé,  puisque  à  l'enquête  de  1450 
il  est  désigné  comme  «  ayant  soixante-dix  ans  ou  environ  »  {Procès, 
l.  II.  p.  20). 

2°  Nicolas  Midij . 

Nicolas  Midy  (ou  Midi),  docteur  en  théologie,  était  en  1418  rec- 
teur de  l'Université  de  Paris.  A  Rouen  il  se  montra  un  des  asses- 
seurs les  plus  hostiles  à  la  Pucelle.  C'est  lui  qui  rédigea  les  fameux 
douze  articles.  Avec  maître  Beaupère,  Jacques  de  Touraine  et  (ié- 
rard  Feuillet,  il  les  porta  en  avril  à  l'Université  de  Paris  pour  les 
faire  qualifier.  Ce  zèle  à  poursuivre  et  à  perdre  l'ennemie  des  An- 
glais lui  valut  d'être  choisi  pour  prononcer  le  sermon  du  jour  du 
supplice,  et  d'être  nommé  par  le  roi  d'Angleterre  chanoine  de 
Rouen  :  il  fut  installé  le  19  mai,  onze  jours  avint  le  drame  du  Vieux- 
Marché. 

Du  reste  il  ne  demeura  pas  à  Rouen.  On  le  trouve  en  1432  à 
Bàle,  à  Amiens  en  1436,  à  Paris  en  1437.  Soupçonné  de  s'être  rallié 
au  parti  français  en  1437,  le  roi  d'Angleterre  donna  son  canonicat 
au  propre  neveu  de  Pierre  Cauchon,  Jean  Bidault,  maître  es  arts. 

L'auteur  de  l  Histoire  de  i Université  de  Paris,  Du  Boulai,  repré- 
sente Midy  comme  chargé  par  les  facultés  assemblées  de  haranguer 
Charles  Vil  à,  son  entrée  dans  Paris  recouvré. 

Le  père  Denifle  conteste  le  fait.  «  L'examen  de  tous  les  docu- 
ments, dit-il,  ne  permet  pas  de  l'admettre.  »  [Mémoires  de  la  société 
de  l'Histoire  de  Paris,  t.  .VXIV,  p.  18-19.) 

Le  notaire  du  procès,  Guillaume  Colles,  termine  sa  déposition 
à  l'enquête  de  1456  en  disant  que  c  peu  de  jours  après  la  mort  de 
Jeanne,  Nicolas  Midy  fut  frappé  de  la  lèpre.  »  {Procès,  III,  165.) 
Il  ne  dit  pas  qu'il  en  mourut  aussitôt,  mais  seulement  qu'il  en  fut 
frappé,  lepra  percussus  est.  La  lèpre  était  une  maladie  assez  com- 
mune à  Rouen  au  XV  siècle.  Le  prédicateur  du  Vieux-Marché  a 
pu  traîner  son  mal  jusqu'en  1438,  année  où  il  est  signalé  encore 
comme  absent  au  chapitre  de  Rouen,  et  mourir  après. 

3"  Jacques  de  Touraine. 

On  sait  peu  de  chose  de  Jacques  de  Touraine,  dit  aussi  Jacques 
Tenier.  Il  était  frère  mineur.  En  1426,  il  prêche  à  Notre-Dame  un 
«  moult  pileux  sermon  ».  Au  témoignage  de  Guillaume  Manchon, 
maître  Beaupère,  Midy  et  Jacques  de  Touraine  étaient  les  plus  pas- 
sionnés contre  la  Pucelle.  [Procès,  t.  111,  p.  140.) 


414  APPENDICE   II 


4"  Tho7nas  de  Courcelles 


Thomas  de  Courcelles  élail  né  à  Amiens  en  1400.  L'un  des  pro- 
lesseurs  les  plus  renommés  de  l'Université  de  Paris,  à  trente  ans 
il  était  chanoine  d'Amiens  et  de  Thérouanne.  C'est  sans  doute  en 
partie  le  désir  de  soutenir  la  réputation  de  savoir  et  d'austérité 
dont  il  jouissait  qui  inspira  sa  conduite  au  procès  de  la  Pucelle. 
11  était  recteur  de  l'Université  de  Paris  lorsqu'elle  insistait  auprès 
de  Jean  de  Luxembourg,  afin  qu'il  livrât  sa  captive  aux  Anglais. 
A  Rouen,  il  prit  part  à  dix-neuf  séances,  du  procès,  il  donna  son 
avis  dans  toutes  les  délibérations,  il  travailla  au  réqui.sitoire  et 
en  fit  la  lecture  publique.  Il  fut  un  des  trois  assesseurs  qui  opinè- 
rent pour  que  Jeanne  fût  mise  à  la  torture.  L'inl'ormatinn  pos- 
thume le  range  au  nombre  des  docteurs  qui  déposèrent  contre  elle 
après  le  supplice.  Enfin,  il  mit  le  procès  en  forme,  le  traduisit  en 
latin,  et  à  la  faveur  de  cette  traduction  altéra  le  texte  du  dernier 
interrogatoire.  Nous  en  avons  donné  la  preuve  dans  la  troisième 
série  de  nos  Etudes  critiques  (Paris.  19o8). 

Courcelles  fut  envoyé  en  1434  au  concile  de  Bâle  par  l'Uni vex"- 
sité  de  Paris  et,  en  juillet  1439.  il  se  joignit  à  ceux  qui  déclarèrent  le 
pape  relaps.  Honoré  de  l'auiitié  do  Charles  VU,  il  prononça  son 
oraison  lunèbre.  Lui-même  mourut  peu  après,  en  1*69,  dijen  <iu 
chaftitre  de  Paris.  On  voudrait  croire  qu'il  regretta  la  part  qu'il 
prit  au  procès  et  à  la  condamnation  de  la  Pucelle  Malheureuse- 
ment, le  texte  de  sa  déposition  par  devant  h's  délégués  du  Saint- 
Siège  laisse  le  lecteur  sous  limpressiou  opposée. 

5"  Gérard  Feuillet. 

Gérard  Feuillet  était  frère  miniMir.  11  lut  reçu  maître  en  théologie 
le  30  mars  1430. 

6°  Pierre  Maurice. 

Pierre  IVlaurice,  ou  Morice,  s'était  rallié  de  bonne  heure  au  parti 
anglais.  Il  avait  été  «-n  1428  reiteur  de  l'Université  de  Paris  Le 
5  juin  1430.  les  chanoines  de  Rouen  le  chargèrent  de  porter  la 
parole  en  leur  nom  devant  Henri  VI,  lors  de  son  entrée  solenn.die 
en  la  cathédrale  de  Rouen.  Pierre  Maurice  mourut  à  Rouen  en 
septembre  l'f3ti.  chanoine  de  Rouen  et  de  Lisieux.  Ce  docteur 
paraît  s'être  intéressé  à  la  Pucelle.  du  moins  vers  la  fin  du  procès. 
H  lenlendit  en  confession  et  lui  servit  de  conseil.  Dans  l'exhorta- 
lion  qu'il  lui  adressa  avant  la  conclusion  de  la  cause,  on  sent  percer 


DU    TRIBUNAL    DE    1431    ET    DE    SES    ASSESSEURS  415 

cet  intérêt  et  on  lui  en  sait  gré.  Et  quand  il  apprit  qu'elle  avait 
reprit  l'habit  d'homme,  il  en  lémoigna  une  vive  peine.  [Fiocùs,  III 
164.) 

7'^  Du  prédicalcuv  du  cimetière  de  Saint-Ouen . 

Guillaume  Erart  (il  signait  ainsi,  et  non  Erard),  était  originaire 
du  diocèse  de  Langres,  chanoine  de  cette  église  ainsi  que  de  celles 
de  Laon  et  de  Beauvais  et  membre  de  l'Université  de  Paris.  C'est 
lui  qui  fut  chargé  de  prêcher  la  l'ucelle  au  cimetière  de  Saint-Uuen. 
Il  était  docteur  en  théologie  avant  \'*^0.  Il  n'alla  point  au  concile 
de  Hàle.  Nommé  chapelain  du  roi  d'Angleterre  et  doyen  du  chapitre 
de  Koucn  en  1438,  il  mourut  en  Angleterre  en  1439.  11  était  chanoine 
de  Uouen  depuis  14  i2. 

8°  De  Nicolas  de  Venderès. 

Nicolas  de  Venderès,  licencié  en  droit  canon,  né  en  1372,  était 
chanoine  de  H<>uen  depuis  1419,  archidiacre  d'Eu  (1422)  et  chape- 
lain de  l'évêque  de  Beauvais.  En  1423.  il  fut  sur  le  point  d'être 
nommé  à  l'archevêché  de  Rouen.  11  mourut  à  Rouen,  !«■'  août  1438. 
Pendant  le  procès  de  la  Pucelle,  il  se  montra  préoccupé  de  plaire 
à  l'évéque  de  Beauvais.  C'est  lui,  au  rapport  de  Th.  de  Courcelles, 
qui  aurait  rédigé  le  texte  de  l'abjuration  qu'on  lit  au  procès.  [Procès, 
t.  III,  fil.)  Courcelles  aurait  vu  la  pièce  entre  ses  mains,  pendant 
qu'on  pressait  .leanne  de  se  soumettre.  Cependant,  Venderès  fut 
d'avis  que  la  prisonnière  ne  fût  pas  mise  à  la  torture.  [Ibid.,  1.  4o3.) 

9"  De  Nicolas  Loiselcur. 

Loiseleur  (Nicolas-Aacujyis),  maître  ès-arts  et  bachelier  en  théo- 
logie, était  né  à  Chartres  en  1390.  Chanoine  de  celte  église,  il  le 
devint  de  l'église  de  Houen  en  1421.  Jus(]u fn  1430  il  fut  fort  occupé 
des  affaires  du  chapitre  et  chargé  de  diverses  missions.  Au  procès 
de  1431.  avec  1  assentiment  de  l'évêque  de  Beau\ais,  il  se  fit  les- 
pion  de  la  Pue*  lie,  s'introduisant  dans  sa  prison  sous  un  dégui- 
sement et  lui  donnant  des  coubcils  en  vue  de  la  perdre.  (Voir  les 
dépositions  du  greffier  Manchon.)  Un  a  dit  qu'il  avait  été  banni  de 
Rouen  à  l'occasion  du  supplice  de  sa  victime,  mais  on  n'en  a  pas 
la  preuve  ;  on  a  plutôt  la  preuve  du  contraire.  De  même,  il  ne 
mourut  pas  subitement  à  Bàle. 

Ami  de  Ni<olas  Midy  dimt  il  partageait  l'acharnement  contre  la 
prisonnière,  il  prit  possession  en  son  nom  (21  avi-il  1431)  du  cano- 
nicat  auquel  l'avait  nommé  le  roi  d'Angleterre. 


416  APPENDICE    II 

Dès  1432,  Loiseleur  avait  été  député  au  concile  de  Bàle,  avec 
N.  Widy  et  J.  Beaupère;  mais  il  ne  s'y  rendit  que  vers  1435.  Là  il 
se  rangea  du  côté  des  théologiens  qui  soutenaient  la  supériorité  du 
concile  sur  le  pape  et  lui  reconnaissaient  le  pouvoir  de  le  déposer. 
Mécontent  de  cette  attitude,  le  chapitre  de  Rouen  le  rappela,  mais 
Loiseleur  n'en  fit  rien.  Devenu  évèque  de  Lisieux,  Pierre  Cauchon 
demeura  en  relation  avec  Loiseleur  qu'il  visitait  souvent  à  Rouen 
et  chez  qui  il  logeait.  Pourtant  ce  n'est  pas  à  Rouen,  mais  à  Bâle, 
croit-on,  que  mourut  après  la  réhabilitation  l'aflidé  de  lévéque  de 
lîeauvais.  11  était  mort  certainement  à  la  date  de  1465. 


APPENDICE  III 

DU      PROCÈS     DE     RÉHABILITATION,     DES      JUGES 
ET   DES   PERSONNAGES   QUI   Y   PRIRENT   PARt] 

Les  juges  que  Calixte  III  choisit  pour  diriger  les  débats  de  la 
réhabilitation  et  prononcer  la  sentence  furent  l'archevêque  de  Reims 
Jean  Juvénal  '  des  Ursins,  lévêque  de  Paris  Guillaume  Chartier,  et 
l'évéque  de  Coutances,  Richard  de  Longueil.  A  ces  prélats  fut  ad- 
joint Jean  Bréhal,  en  sa  qualité  de  grand  inquisiteur  de  Fi-ance. 

I 
Jean  Juvénal  des  Ursins,  archevêque  de  Reims. 

L'archevêque  de  Reims  était  l'aîné  des  onze  entants  de  Jean  Jou- 
venel  qui  fut  prévôt  des  marchands  sous  Charles  VI.  Il  naquit  en 
1388  et  mourut  en  1473  (et  non  en  1471,  comme  l'a  écrit  J.  Qui- 
cherat.  Procès,  t.  il,  p.  73).  Docteur  en  décret  et  en  droit  civil,  il  fut 
nommé  maître  des  requêtes  de  l'hôtel  du  Dauphin  Charles  et  con- 
seiller du  roi  en  1416.  Forcé  de  quitter  la  capitale  (1418),  il  rejoi- 
gnit son  père  à  Poitiers  où  le  Parlement  avait  été  transféré.  Le 
Dauphin  le  maintint  dans  sa  charge  de  maître  des  requêtes  et,  en 
août  1425,  il  le  nomma  son  avocat  général  au  parlement. 

Jean  Juvénal  occupait  ses  loisirs  à  écrire  l'histoire  de  Charles  VI  : 
ses  nouvelles  fonctions  ne  l'empêchèrent  pas  de  la  poursuivre  et  de 
l'achever.  Etait-il  à  Poitiers  lorsque  la  Pucelle  y  fut  examinée,  et 
prit-il  part  à  cet  examen  à  titre  de  docteur  in  utroque,  c'est  assez 
probable.  Peu  de  temps  après  il  entra  dans  les  ordres  et  fut  nom- 


1.  Juvénal  et  non  Jouvenel  :  «Telle  est  l'orthograplie  adoptée  par 
rarchevcque  rnème  de  Reims  dans  quelques  actes  publics  auxquels  il 
apposa  sa  signature.  Son  père  signait  Jehan  Jouvenel,  ses  frères  Juvé- 
nal des  Ursins.  »  (P.  P.  Belon  et  Balme,  Jean  Bréhal.  p.  18,  note  2, 
in-S,  Paris  1893). 

27 


418  APPENDICE    m 

mé  chapelain  du  roi.  Kugène  IV  étant  monté  sur  le  trône  pontifi 
cal,  Charles  Vil  mit  Jean  Juvénal  à  la  tête  de  lambassade  chargée 
d'aller,  au  nom  de  la  France,  féliciter  de  son  exaltation  le  nou- 
veau chef  de  l'Église.  L'ambassadeur  s'acquitta  de  sa  mission  com- 
me il  convenait,  et  il  était  de  retour  en  août  1431. 

Nommé  sur  ces  entrefaites  au  siège  de  Beauvais  à  la  place  de 
Pierre  Cauchon,  il  fut  sacré  à  Rouen  en  mars  1432  et,  en  novembre 
suivant,  il  fit  son  entrée  solennelle  dans  sa  ville  épiscopale  [Gallia 
christiana,  t.  IX,  colonnes  758,  759).  Le  nouvel  évéque  occupa  son 
siège  jusqu'en  1444.  De  Beauvais,  il  fut  transféré  à  Laon,  et  en 
1449  de  Laon  promu  à  l'archevêché  de  Reims  dont  son  frère,  nom- 
mé patriarche  d'Antioche.  résigna  le  titre  entre  ses  mains.  Six  ans 
après,  en  1455,  le  pape  Calixte  lli  lui  confiait,  avec  pleins  pouvoirs, 
la  mission  de  reviser  le  procès  de  la  Pucelle  et,  s'il  j  avait  lieu, 
d'en  casser  les  sentences  et  de  l'éhabiliter  l'héroïne. 

«  Légat-né  du  Saint-Siège  »,  —  titre  qu'il  fut  le  premier  arche- 
vêque de  Reims  à  se  donner,  Jean  Juvénal  justifia  la  confiance 
qu'on  avait  mise  en  lui.  Quelque  mérite  qu'on  reconnaisse  aux 
actes  de  sa  vie  politique,  à  ses  harangues  littéraires,  à  son  admi- 
nistration épiscopale,  ce  n'est  pas  à  ces  actes  divers,  mais  à  la  ma- 
nière dont  il  a  mené  le  procès  de  réhabilitation  qu'il  doit  d'occu- 
per une  place  exceptionnelle  dans  l'histoire  de  la  France  et  dans 
celle  de  l'Église. 

On  pourra  consulter  sur  ce  sujet  les  ouvrages  suivants  :  Jean  Juvé- 
nal des  Ursins,  par  l'abbé  Péchenard,  in-8°,  Paris,  Ernest  Thorin 
1876;  —  J.  Ouicherat,  Procès,  t.  II,  pp.  72,  73;  —  des  RR.  PP.  Be- 
lon  et  Balme,  Jean  Bréhal,  pp.  18,  70,  71,  etc.  ;  —  Gallia  chris- 
tiana, t.  Vil,  IX,  XI. 

II 

Guillaume  Chartier,  évèque  de  Paris. 

Guillaume  Chartier,  que  l'on  suppose  frère  d'Alain,  secrétaire  de 
Charles  VII,  et  du  chroniqueur  Jean,  religieux  de  Saint-Denis,  était 
de  Bayeux.  Il  suivit,  aux  frais  du  Dauphin,  les  leçons  delà  Faculté 
de  droit  de  Paris  où  il  fut  i*eçu  docteur  en  droit  civil  et  en  décret, 
cest-â-dire  en  droit  canon.  Fidèle  à  Charles  VII,  il  alla  professer 
le  droit  canon  en  1432  à  Poitiers.  Les  bénéfices  et  les  dignités  ne 
lui  firent  pas  défaut.  En  14'*7.  le  chapitre  l'élut  à  l'unanimité  évé- 
que de  Paris.  Il  résista  vigoureusement  aux  abus  et  aux  turbulen- 
ces du  corps  universitaire  et  fut  un  des  médiateurs  dans  la  querelle 


DES    JUGES    ET    DU    TRIBUNAL    DE    LA    REHABILITATION  419 

•des  Ordres  mendiants.  A  la  fin  de  sa  vie  il  encourut  la  disgrâce  de 
Louis  XI,  pour  avoir  conduit  l'ambassade  que  les  Parisiens  envoyè- 
rent aux  princes  confédérés  pendant  la  guerre  du  Hien  Public.  Il 
mourut  en  1470. 

Au  cours  du  procès  de  revision,  Guillaume  Chartier  entendit  les 
témoins  de  Paris  et  de  Rouen.  Avec  l'archevêque  de  Reims  et  l'in- 
quisiteur Jean  Rréhal,  il  chargea  Jean  Bochard,  évéqued'Avranches 
de  composer  un  mémoire  sur  le  cas  de  la  Pucelle  [Procès,  III,  318), 

Les  écritures  du  procès  de  revision,  au  2  juillet,  remarquent  que 
l'évéque  de  Paris  n'ayant  pas  de  sceau,  l'on  n'a  pu  y  apposer  que 
ceux  des  trois  autres  juges,  Jean  Juvénal  des  Ursins,  Richard  de 
Longueil  et  Jean  Rréhal  [Procès,  III,  354). 


m 

Richard  de  Longueil,  évêque  de  Coutances 

Richard  Olivier  de  Longueil  appartenait  à  la  noblesse  de  Nor- 
mandie. Il  était  membre  du  chapitre  de  Rouen.  Le  siège  étant 
devenu  vacant  par  la  mort  de  l'archevêque  Roussel  (1452),  Richard 
de  Longueil  et  Philippe  de  la  Rose  eurent  chacun  un  nombre  égal 
de  suffrages  ;  ce  qui  les  fit  se  l'écuser.  Nicolas  V  alors  nomma  Ri- 
chard de  Longueil  à  lévêché  de  Coutances.  Lorsque  la  l'evision  du 
procès  de  Jeanne  commença,  l'évéque  de  Coutances  était  en  ambas- 
sade auprès  du  duc  de  Bourgogne  :  d'où  vient  que  dans  tous  les 
actes'de  la  procédure  il  est  noté  comme  absent  ;  mais  il  était  pré- 
sent à  la  dernière  séance  et  au  prononcé  du  jugement.  Le  26  décem- 
bre 1455,  il  fut  promu  à  la  dignité  de  cardinal  ;  mais  les  actes  de 
la  revision  n'en  ont  pas  fait  mention.  Peu  favorable  à  la  Pragma- 
tique, il  en  parla  en  des  termes  qui  lui  valurent  une  amende  de  dix 
mille  livres.  Peu  sympathique  à  Louis  XI,  l'évêque-cardinal  de 
Coutances  vint  passer  à  Rouen  les  dernières  années  de  sa  vie.  11  y 
fut  comblé  de  bénéfices,  et  il  fît  de  ses  immenses  revenus  un  noble 
et  généreux  emploi.  Envoyé  à  Péronne  en  qualité  de  légat  du  Saint- 
Siège,  il  y  mourut  en  1470.  On  a  dit  de  lui  : 

«  Quis  in  dicendo  justior  ?  Quis  in  interpretationibus  jurium  ve- 
rior  ?  Quis  in  suum  cuique  l'eddendo  minus  personarum  accepter  ?  » 
Eloge  que  n'amoindrira  pas  la  part  que  ce  prince  de  l'Eglise  a 
prise  à  la  réhabilitation  de  Jeanne  d'Arc. 


420  APPENDICE    III 

IV 
Jean  Bréhal,  grand  Inqmsiteur. 

Jean  Bréhal  était  né  en  Normandie  comme  Richard  de  Longueil, 
évéque  de  Coutances,  dans  les  premières  années  du  quinzième  siè- 
cle. 11  entra  de  bonne  heure  au  couvent  des  dominicains  d'Evreux 
et  y  fit  profession  solennelle.  Il  y  reçut  en  1443  le  grade  de  maître 
en  théologie,  et  fut  nommé  probablement  grand  Inquisiteur  de 
France  peu  de  temps  avant  que  le  cardinal  dEstouteville  se  l'adjoi- 
gnit en  avril  1452  pour  informer  au  sujet  du  procès  de  la  Pucelle. 
Cette  dignité  n'empêcha  pas  les  religieux  du  couvent  de  Saint- 
Jacques  à  Paris  de  l'élire  pour  prieur,  et  le  nouveau  prieur  d'en 
remplir  dignement  les  devoirs. 

Jean  Bréhal  était  encore  occupé  au  procès  de  revision  lorsqu'il 
eut  à  intervenir  dans  la  querelle  soulevée  entre  l'Université  de  Pa- 
ris et  les  Ordi'es  mendiants  (Dominicains,  Franciscains,  Carmes  et 
Augustins).  Pour  la  défense  de  ces  religieux,  il  composa  un  traité 
sur  le  droit  qu'ils  avaient  d'entendre  les  confessions.  Vers  la  fin  de 
1457,  la  querelle  prit  fin  et  les  Fi-ères  prêcheurs  furent  rétablis 
dans  l'intégrité  de  leurs  droits.  En  1474,  Jean  Bréhal  cessa  ses 
fonctions  de  grand  inquisiteur  :  il  mourut  après  l'année  1478. 

Quant  à  la  pai-t  qu'il  prit  à  la  cause  de  la  réhabilitation,  elle  fut 
des  plus  considérables  et  l'on  a  pu  dire  de  lui,  sans  exagération  au- 
cune, qu'il  «  fut  l'âme  de  toute  la  procédure  ». 

V 

Des  promoteurs,  procureurs,  avocats,  et&. 

1"  Guillaume  Prévosteau,  licencié  en  décret  fut  nommé  par  le 
cardinal  d'Estouteville  et  l'inquisiteur  Jean  Bréhal  promoteur  de  la 
cause  dans  l'enquête  de  1452  {Procès,  11,  310).  Il  rédigea  et  soumit 
aux  juges  les  27  articles  sur  lesquels  les  témoins  de  la  seconde 
série  eurent  à  déposer. 

En  1455,  il  ne  fut  plus  promoteur  mais  procureur,  et  représentant 
de  la  famille  d'Arc.  Le  15  décembre,  il  présentait  ses  titres  aux 
délégués  du  Saint-Siège,  et  Pierre  Maugier  celui  d'avocat  en  la 
cause.  Prévosteau  eut  la  charge  principale  de  l'instance.  Le  18 
décembre  1455,  il  remettait  aux  juges  une  requête  écrite  pour  sa 
partie  et  le  2  juillet  1456,  il  en  présentait  une  autre  (11,  163  et  IIF. 
275).  11  demanda  aussi  acte  de  la  sentence  de  réhabilitation. 


DES    JUr.ES    ET    DU    TRIBUNAL    DE    LA    REHABILITATION  421 

2*^  Simon  Chapitault  maître  ès-arts  et  licencié  en  droit  canon, 
fut  avec  Guillaume  Bouille  témoin  des  premiers  actes  du  procès 
de  revision  (1455).  Peu  après  il  était  nommé  promoteur  des  juges  et 
de  la  cause.  Il  seconda  de  son  mieux  maître  Prévosteau  et.  en  plu- 
sieurs cas,  ils  agirent  de  concert.  On  le  voit  à  Orléans  auprès  d'Isa- 
belle d'Arc,  pour  obtenir  que  les  juges  prissent  une  certaine  me- 
sure. Il  résuma  les  irrégularités  du  procès  de  1431  (20  décembre 
1455).  Le2  juillet  145G,  il  donnait  ses  conclusions  et,  comme  Pré- 
vosteau,  il  demandait  acte  de  la  sentence. 

3*^  Les  notaires-greffiers  choisis  par  les  délégués  du  Saint-Siège 
{Procès,  II,  152),  Denis  Le  Comte  et  François  Ferrebouc,  prêtres, 
étaient,  le  premier  bachelier  en  droit  canonique,  le  second  licencié. 
Quoi  qu'on  ait  dit,  la  rédaction  du  procès  de  réhabilitation  leur 
fait  honneur. 

4°  Pierre  Maugier,  avocat  de  la  famille  de  Jeanne  d'Arc,  était 
fils  de  Robert  Maugier,  premier  président  du  parlement  de  Paris 
sous  Charles  VI.  Membre  en  renom  de  l'Université,  il  remplit  les 
fonctions  de  Recteur  en  1427  et  1431,  fut  député  au  concile  de  Bâle, 
et  remplit  un  rôle  honorable  dans  la  querelle  de  l'Université  et  des 
Ordres  mendiants. 

5°  Guillaume  de  Hélande  ou  de  Hellande  était  archidiacre  de 
Reims  et  de  Beauvais  lorsque,  en  1444,  il  fut  appelé  à  prendre  sur 
le  siège  épiscopal  de  Beauvais  la  place  de  Jean  Juvénal  des  Ursins. 
Il  fit,  la  même  année,  en  cette  ville  son  entrée  solennelle  (Gallia 
Christiana,  t.  IX,  col.  759).  11  mourut  en  1462. 

Ce  fut  le  prieur  des  dominicains  d'blvreux,  Jacques  Ghaussetier 
[Calceatoris]  qui  se  pi'ésenta  en  décembre  1455  aux  juges  de  la  revi- 
sion pour  les  dominicains  de  Beauvais  ;  sans  doute,  parce  que  Jean 
Bréhal  était  fils  spirituel  du  couvent  d'Evreux. 


APPENDICE   IV 


DE    LA    «    PRETENDUE    ABJURATION    »    DE    LA    PUCELLE 
AU    CIMETIÈRE    DE    SAINT-OUEN 


Nous  sommes  ici  en  présence  d'une  double  question,  d'une  ques- 
tion de  droit  canonique,  et  d'une  question  de  critique  historique. 

Et  d'abord,  cette  expression,  «  abjuration  prétendue  »,  n'est  pas 
de  nous:  elle  est  des  juges  mêmes  du  procès  de  réhabilitation.  Ils 
ont  estimé  ne  pas  pouvoir  mieux  accuser,  dans  le  prononcé  de 
leur  sentence,  la  nullité  canonique  de  l'acte  sur  lequel  l'évéque  de 
Beauvais  avait  fondé  le  jugement.de  relaps  qui  livrait  la  Pucelle 
au  bras  séculier,  et  conséquemment  au  bûcher. 

Mais  cette  question  de  droit  canonique  se  double  dune  question 
non  moins  importante  de  critique  historique  concernant  le  formu- 
laire d'abjuration  inséré  au  procès.  D'après  l'évéque  de  Beauvais, 
ce  formulaire  serait  vraiment  authentique  :  Jeanne  l'aurait  accepté^ 
prononcé  et  signé.  D'après  des  témoins  au-dessus  de  toute  suspi- 
cion, le  formulaire  dont  il  fut  donné  lecture  à  l'accusée  était  abso- 
lument difféi'ent,  et  le  texte  qu'on  lit  au  procès  serait  tout  simple- 
ment un  faux  en  écriture  publique. 

Sur  d'aussi  graves  sujets,  le  dernier  mot  doit  rester  aux  docu- 
ments. Recueillons  donc  leur  témoignage.  Nous  l'avons  mis  il  y  a 
dix  ans  (17novembre  1901),  sous  les  yeux  des  Consulteurs  de  la  Con- 
grégation des  Rites;  nous  allons  en  produire  un  fidèle  résumé. 

I 

Importance  exceptionnelle  de  la  question. 

Avant  le  procès  de  béatification,  aucun  des  historiens  de  la 
Pucelle,  que  nous  sachions,  n'avait  remarqué  la  place  exception- 
nelle qu'occupe  dans  son  procès  l'abjuration  du  cimetière  de  Saint- 
Ouen.  Généralement,  ils  n'y  voyaient  qu'un  incident  fortuit.  Or,  la 
dite  abjuration  est  l'acte  visé  dès  le  commencement  par  l'évéque- 


DE    LA    «  PRETENDUE    ABJURATION  »    DE    SAINT-OUEN  423 

juge,  le  point  central  auquel  aboutissent  les  interrogatoires  du 
procès  d'office,  le  réquisitoire  et  les  délibérations  sur  les  douze 
articles.  A  la  vérité,  avant  le  24  mai  1431,  Tévèque  de  Beauvais 
n'en  a  jamais  parlé,  du  moins  en  séance  ordinaire.  Il  n'en  parlait 
jamais,  il  y  pensait  toujours. 

Et  quand  la  pièce  eût  été  jouée,  parce  que  le  dénouement  avait 
trompé  le.s  espérances  du  prélat,  tous  ses  actes  tendirent  à  donner 
le  change  à  l'opinion,  à  propager  le  bruit  que  la  Pucelle  avait  béné- 
ficié d'une  abjuration  canonique,  qu'elle  avait  prononcé  et  signé 
un  formulaire  dans  lequel  elle  se  reconnaissait  coupable  de  tous 
les  crimes  dont  ses  ennemis  l'accusaient. 

Mais  pourquoi  l'évêque  de  Beauvais  tenait-il  tant  à  faire  passer 
pour  véritables  ces  deux  accusations  aussi  fausses  l'une  que  l'autre  ? 
11  y  tenait  parce  que  c'était  le  seul  moyen  qui  lui  permît  de  donner 
au  gouvernement  anglais  la  satisfaction  que  ce  gouvernement 
attendait  de  lui.  On  n'a  pas  oublié  le  langage  du  comte  de  Warwick 
déclarant  que  le  roi  d'Angleterre  entendait  que  Jeanne  ne  mourût 
pas  de  sa  mort  naturelle,  mais  qu'elle  fût  jugée,  condamnée  et 
brûlée.  (P/oct'S  111,  51.) 

A  qui  était  réservée  la  tâche  de  porter  cette  sentence  et  de  la 
faire  exécuter  ?  A  l'évêque  de  Beauvais  manifestement. 

Mais  de  quel  moyen  le  prélat  disposait-il  pour  en  arriver  sûre- 
ment à  ses  fins  "?  D'un  moyen  terrible  qu'une  conscience  accommo- 
dante pouvait  aisément  appliquer,  car  il  n'y  avait  qu'à  soulever 
contre  l'accusée  un  procès  de  rechute  et  à  porter  la  sentence  qui, 
en  pareil  cas,  était  toujours  capitale.  Pour  ouvrir  un  procès  de 
rechute,  une  condition  était  néanmoins  indispensable  :  il  fallait 
qu'il  se  produisit  un  cas  de  relaps,  et  le  relaps  n'était  possible  que 
subséquemment  à  une  abjuration  préalable.  Sans  abjuration  préa- 
lable, pas  de  relaps,  sans  relaps  pas  de  bûcher.  C'est  ainsi  que 
l'abjuration  «  prétendue  »  du  cimetière  de  Saint-Ouen  est  devenue 
pour  l'évêque  de  Beauvais,  le  fait  à  provoquer  à  tout  prix  et  le  nœud 
vital  du  procès.  Pierre  Cauchon  ne  put  obtenir  la  réalité  du  fait; 
il  se  contenta  de  l'apparence.  Mais  il  manoeuvra  si  habilement,  il 
mit  de  si  habiles  gens  dans  ses  intérêts,  il  truqua  si  bien  les  écri- 
tures du  procès,  que  cinq  cents  ans  se  sont  écoulés  avant  que  ses 
procédés  de  faussaire  fussent  dévoilés  et  soient  apparus  dans  toute 
leur  horreur. 

A  prendre  au  pied  de  la  lettre  le  texte  du  procès  tel  que  la 
rédigé  l'évêque  de  Beauvais,  il  y  aurait  eu,  le  24  mai  1431,  sur  la 
place  du  cimetière  de  Saint-Ouen,  une  abjuration  canonique  de  la 
part  de  la  Pucelle.  A  s'en  rapporter  à  la  parole  du  même  prélat, 


424  APPENDICE    IV 

le  formulaire  qu'on  lit  dans  linstrumenl  du  procès  serait  bien  celui 
que'Jeanne  a  prononcé  et  signé. 

Tout  autre  est  le  langage  des  documents.  Us  disent  de  la  façon 
la  plus  nette,  i"  qu'il  n'y  a  pas  eu,  le  24  mai,  ombre  d'abjuration 
canonique  ;  2"  que  le  formulaire  du  procès  est  une  pièce  fausse 
substituée  au  formulaire  authentique  par  l'évéque  de  Beauvais  : 
deux  points  que  nous  allons  successivement  mettre  en  pleine  lu- 
mière. 


L'abjuration  «  prétendue  »  de  Saint  Ouen 
et  le  droit  canonique. 

Pour  s'assurer  si,  le  24  mai.  au  cimetière  de  Saint-Ouen,  la  pri- 
sonnière des  Anglais  avait  perpétré  une  véritable  abjuration  cano- 
nique en  matière  de  foi,  il  y  avait  un  moyen  tout  indiqué:  il  con- 
sistait simplement  à  s'enquérir  des  lois  canoniques  qui  régissaient 
la'matière  et,  ces  lois  i-econnues,  à  rechercher  si,  dans  le  cas  pré- 
sent elles  avaient  été  appliquées,  ou  si  on  n'en  avait  eu  nul  souci. 

Il  est  surprenant  que  ni  J.  Quicherat,  ni  les  historiens  de  la 
Pucelle  avant  1900.  n'aient  songé  à  une  précaution  si  naturelle. 

Au  quinzième  siècle  comme  aujourdhui,  il  y  avait  dans  l'ordre 
des  choses  religieuses  des  abjurations  de  plusieurs  sortes.  Sans 
sortir  du  domaine  théologique,  il  se  produisait  des  cas  spéciaux 
suivant  lesquels  on  se  trouvait  en  présence  d'une  législation  diffé- 
rente. L'abjuration  d'un  hérétique  adulte,  rentrant  de  son  plein 
gré  dans  le  sein  de  l'Église,  était  réglée  tout  autrement  que  l'abju- 
ration d'un  hérétique  opiniâtre,  jugé  par  un  ti-ibunal  ecclésias- 
tique :  hérétique  auquel  ses  juges  imposaient  une  abjuration  en 
rapport  avec  les  erreurs  dont  il  s'était  rendu  coupable. 

L'abjuration  spéciale  dont  il  était  indispensable,  dans  le  cas  de 
la  Pucelle,  de  rechercher  et  de  déterminer  les  règles,  était  «  l'abju- 
ration publique  en  cause  de  foi  ». 

L'Église,  dans  sa  législation,  n'abandonne  pas  les  accusés  à  l'arbi- 
traire des  juges.  Si  elle  investit  ceux-ci  d'une  autorité  redoutable, 
elle  leur  impose  aussi  des  obligations  graves  ;  elle  leur  trace  une 
marche  de  laquelle  il  leur  est  défendu  de  sécarter;  elle  leur  fixe 
des  règles  sans  l'observation  desquelles  leurs  sentences  sont  de  nul 
effet;  elle  entend  que,  ayant  à  faire  acte  de  justice,  ils  ne  fassent 
pas  acte  d'iniquité,  et  que,  en  paraissant  poursuivre  le  châtiment 
du  crime,  ils  ne  frappent  pas  des  innocents.  Une  abjuration  exigée 


DE    LA    «  PUETENDUE    ABJURATION  ))    DE    SAINT-OUEN  42ÎJ 

en  violation  des  règles  canoniques  devient  nulle  soit  en  elle-même, 
soit  dans  ses  conséquences. 

Une  chose  à  remarquer,  c'est  que,  dans  la  plupart  des  régies  qu'il 
prescrit,  le  droit  canonique  se  rencontre  avec  le  droit  naturel  :  telles 
sont  les  régies  relatives  à  la  connaissance  et  à  la  liberté  néces- 
saires en  toute  abjuration.  Kappelons-en  les  principales. 


i^Rèyles  à  observer,  d'après  le  droil,  dans  une  abjuration  canonique. 

Daltord,  qu'est-ce  que  le  droit  canonique  entend  par  «  abjura- 
tion publique  en  cause  de  foi  ?  » 

11  entend  par  là  une  rétractation  extérieure,  solennelle,  faite  en 
présence  des  juges  ecclésiastiques,  d'erreurs  contraires  à  la  foi  ou 
à  l'unité  catholique,  apostasie,  schisme,  hérésie,  rétractation  suivie 
de  l'engagement  de  persévérer  en  ces  sentiments,  sous  peine  d'en- 
courir les  sanctions  déterminées  par  la  loi  :  le  tout,  rétractation  et 
promesse  sous  la  foi  du  serment. 

L'abjuration  peut  être  exigée  non  seulement  des  hérétiques  for- 
mels, mais  encore  des  suspects  en  fait  dhérésie. 

Dans  les  procès  en  cause  de  foi,  c'est  aux  juges  que,  d'après  le 
Direcloriam  Inquisitorum  (p.  492,  C),  il  appartient  de  décider,  cum 
consilio  peritorum  in  jure,  s'il  y  a  lieu  d'imposer  à  l'accusé  l'obli- 
gation d'abjurer. 

Cette  obligation  est  formelle  s'il  s'agit  d'un  hérétique  l'econnu, 
ou  d'un  accusé  véhémentement  suspect  d'hérésie,  et  dans  ce  cas 
il  convient  que  l'abjuration  soit  publique. 

L'abjuration  décidée,  les  juges  doivent  faire  «  annoncer  aux 
fidèles,  quelques  jours  à  l'avance,  dans  toutes  les  églises  de  la  cité, 
que,  tel  jour,  à  telle  heure,  à  tel  endroit,  il  y  aura  prédication  de 
circonstance  suivie  d'une  abjuration  solennelle.  »  [Direct.  Inquisi., 
pp.  492,  493.) 

Préparation  des  accusés  à  Vabjuralion.  —  Ici,  deux  obligations 
s'imposent  aux  juges,  de  droit  canonique  et  de  droit  naturel.  Sui- 
vant l'une,  ils  doivent  faire  comprendre  à  l'accusé  ce  qu'est  l'abju- 
ration qu'on  exige  de  lui.  Suivant  l'autre,  ils  n'exerceront  sur  lui 
aucune  pression  et  respecteront  absolument  sa  liberté. 

Le  principe  de  cette  double  obligation  découle  de  la  nature  et 
des  conditions  essentielles  de  l'acte  même  de  l'abjuration  qui  doit 
être  un  acte  humain,  accompli  en  pleine  connaissance  de  cause, 
avec  pleine  spontanéité  et  pleine  liberté.  Ut  hsereticus  legitimam 
abjurationem  faciat,  dit  Perraris,  requiritur   ut  spontc  id  faciat, 


426  APPENDICE    IV 

[Prompta  Biblioth.  canon,  t.  I,  p.  20.)  Mais  comment  un  pareil  acte 
pourrait-il  sponte  fieri  si  l'abjurant  ne  comprenait  pas  ce  que  sera 
l'abjuration  exigée  et  l'étendue  des  engagements  qui  en  seront  la 
conséquence  ?  De  là,  pour  les  juges,  l'obligation  rigoureuse  de 
donner  par  avance  ou  de  faire  donner  à  labjurant  les  explications 
indispensables.  De  là,  pour  la  même  raison,  la  défense  de  mettre 
en  jeu,  vis-à-vis  de  l'accusé,  les  causes  que  théologiens  et  juristes 
estiment  attentatoires  à  la  liberté  des  actes  humains,  au  premier 
rang  desquelles  se  montrent  le  dol,  l'ignorance,  la  violence.  Les 
aveux  mêmes  arrachés  par  la  torture  ne  devenaient  valables,  de 
par  le  droit;  qu'après  avoir  été  renouvelés  ou  ratifiés,  hors  de  la 
torture,  l'un  des  jours  suivants,  en  présence  du  tribunal.  [Direct. 
cité,  p.  486-488.) 

De  l'abjuration  même.  —  Au  jour  fixé  pour  le  prononcé  de  l'abju- 
ration, après  le  sermon  prêché  devant  les  membres  du  tribunal, 
le  juge  lui-même  interpellera  l'accusé  et  lui  signifiera  qu'ayant  erré 
ou  qu'étant  véhémentement  suspect  d'hérésie,  il  est  sommé  d'ac- 
cepter et  de  lire  la  formule  d'abjuration  qu'on  va  lui  présenter. 

Alors,  on  placera  devant  l'abjurant  le  livre  des  Evangiles  sur 
lequel  il  étendra  les  mains.  S'il  sait  lire  couramment,  on  lui 
remettra  l'abjuration  écrite  et  il  la  lira  devant  tout  le  peuple.  S'il 
ne  sait  pas  lire,  un  des  clercs  présents  la  lira,  membre  de  phrase 
par  membre  de  phrase,  et  l'abjurant  redira  en  langue  vulgaire  ces 
membres  de  phrase  l'un  après  l'autre  jusques  à  la  fin.  (Direct.. 
p.  493,  C.) 

Dans  le  texte  de  l'abjuration,  l'on  aura  soin  d'énoncer  distinc- 
tement les  articles  de  foi  au  sujet  desquels  l'abjurant  a  été  l'econnu 
coupable  ou  véhémentement  suspect. 

Enfin,  «  un  des  notaires  du  tribunal  rédigera  le  procès-verbal  de 
l'abjuration,  et  mentionnera  de  quelle  manière  tout  s'est  passé, 
faisant  observer  que  si  l'abjurant  retombait  de  nouveau  dans  ses 
erreurs,  il  subirait  la  peine  réservée  aux  relaps. 

«  Le  procès-verbal  rédigé,  le  juge  prononcera  la  sentence.  {Op.. 
et  loc.  cit.).  » 

Telles  sont  les  règles  juridiques  auxquelles  les  juges  de  la  Pucelle, 
le  jour  de  la  «  prétendue  abjuration  »,  auraient  dû  se  conformer. 
L'ont-ils  fait  ?  Sil  faut  s'en  l'apporter  au  récit  officiel  et  aux  dépo- 
sitions des  témoins  oculaires,  ces  règles  ont  été  ou  bien  inobservées, 
ou  bien  violées  ouvertement:  on  peut  voir  dans  la  scène  du  cime- 
tière de  Saint-Ouen  tout  ce  qu'on  voudra,  hormis  une  abjuration 
canonique. 

Pour  en  fournir  la  preuve,  il  n'y  a  qu'à  rappeler  les  faits. 


PnÉTENDUE    ABJURATION  »    DE    SAINT-OUEN  427 


2"^  Ces  règles,  au  cimetière  de  Saint-Ouen,  n'ont  pas  été  observées. 

11  eût  fallu  d'abord  que  le  cas  de  l'abjuration  de  Jeanne  fût  exa- 
miné et  décidé  à  l'avance,  cum  consilio  péritorum  in  jure,  dans  une 
séance  officielle.  De  cela  les  procès-verbaux  ne  disent  absolument 
rien,  et  aucun  témoignage  officieux  ne  supplée  à  ce  silence.  L'évè- 
que  de  Beauvais  a  pu  s'entretenir  de  ce  sujet  avec  ses  conseillers 
intimes,  les  docteurs  de  Paris  par  exemple  ;  mais  il  ne  l'a  fait  que 
de  façon  clandestine,  en  opposition  avec  les  règles  de  l'Eglise. 

De  plus,  l'abjuration  aurait  dû  être  annoncée  aux  fidèles  quel- 
jours  à  l'avance.  Or.  elle  fut  un  'coup  de  surprise  (et  pour  les  habi- 
tants de  Rouen)  et  pour  les  assesseurs  qui,  le  jour  même  de  la  pré- 
dication, ne  s'attendaient  qu'au  prononcé  de  la  sentence. 

Elle  fut  surtout  un  coup  de  surprise  pour  la  Pucelle  qui  ne  sut 
rien  par  avance,  ni  même  au  dernier  moment.  Les  juges  auraient 
dû  lui  faire  expliquer  ce  que  c'était  qu'une  abjuration  :  elle  l'ignora 
jusqu'à  la  fm.  On  aurait  dû  lui  communiquer  le  texte  du  formu- 
laire, le  lui  expliquer,  lui  faire  bien  comprendre  à  quoi  elle  s'obli- 
geait, et  le  sort  terrible  qui  l'attendait  si  elle  violait  ces  engage- 
ments. Jeanne  arriva  au  cimetière  de  Saint-Ouen  sans  avoir  la 
moindre  idée  de  toutes  ces  choses,  et  si  on  eut  l'air,  au  moment 
voulu,  de  lui  donner  des  explications,  on  les  interrompit  brutale- 
ment, de  peur  qu'elle  ne  se  rendit  compte  du  piège  vers  lequel  on 
la  poussait.  C'est  un  point  sur  lequel  les  témoins  de  la  réhabilita- 
tion s'accordent  pleinement.  A  aucun  moment  de  ce  drame  Jeanne 
ne  comprit  ni  ce  que  c'était  que  d'abjurer,  ni  les  conséquences  de 
l'acte  qu'on  cherchait  à  lui  extorquer. 

«  La  Pucelle,  déposait  le  notaire  Bois-Guillaume,  ne  comprenait 
pas  la  cédule  qu'on  lui  présentait,  et  elle  ne  lui  fut  pas  expliquée.  » 
[Procès,  t.  III,  p.  164).  Elle-même  disait  au  prédicateur  Erard  : 
«  Mais  je  ne  sais  pas  ce  que  c'est  qu'abjui'er.  »  [Ibid.,  II,  17). 

Ce  en  quoi  lévèque  de  Beauvais  est  inexcusable,  c'est  de  n'avoir 
pas  accordé  à  sa  victime  le  sursis  de  trois  ou  quatre  jours  et  les 
explications  préalables  auxquelles  elle  avait  un  droit  absolu.) 

Au  jour  fixé  pour  l'abjuration,  s'il  y  en  avait  eu  un,  le  juge  lui- 
même,  Pierre  Cauchon,  aurait  dû,  en  présence  du  tribunal,  som- 
mer l'accusée  d'abjurer,  mais  loyalement,  en  respectant  sa  liberté 
et  en  répudiant  les  menaces,  violences,  promesses,  qui  l'y  eussent 
amenée  malgré  elle.  Or,  il  n'en  fut  rien.  Ce  n'est  aucun  des  deux 
juges,  c'est  le  prédicateur  Guillaume  Erard,  ce  sont  les  affidés  de 


428  Al'PENDICE    IV 

l'évêque  de  Beauvais,  maître  Jean  Beaupère,  Nicolas  Loyseleur, 
Nicolas  Midv  qui,  le  premier  brutalement,  les  autres  en  multipliant 
des  promesses  auxquelles  la  Pucelle  ajoutera  foi,  mais  qu'on  se  gar- 
dera bien  de  tenir,  finiront  par  arracher  un  consentement,  sinon 
à  l'abjuration  désirée,  du  moins  à  un  semblant  de  rétractation  que 
l'on  fera  passer  pour  une  abjuration  explicite  et  tout  à  fait  volon- 
taire. 

«  Tu  vas  abjurer  présentement,  dit  à  l'accusée  Guillaume  Erard, 
•ou  tu  seras  brûlée  aujourd'hui  même.  »  [Procès,  t.  II,  p.  17). 

0  Faites  ce  qu'on  vous  demande,  ajoutent  Loyseleur  et  Nicolas 
Midy,  et  vous  serez  remise  entre  les  mains  de  l'Eglise  ;  vous  aurez 
une  femme  pour  compagne  ;  vous  irez  à  la  messe  et  y  recevrez 
votre  Sauveur;  vous  serez  hors  des  fers.  »  [Procès,  t.  111,  p.  149; 
t.  1,  p.  455. 

Il  eût  fallu  ensuite  obliger  Jeanne  à  prononcer  son  abjuration 
sous  la  foi  du  serment,  les  mains  sur  les  saints  Evangiles.  Or 
aucun  texte  ne  mentionne  ni  ce  serment,  ni  la  présence  des  Evan- 
giles sur  l'estrade.  Ils  sont  nommés  dans  le  long  formulaire  qu'on 
lit  au  procès  ;  mais  il  n'en  est  question  nulle  part  ailleurs.  Ce  foi*- 
mulaire  étant  une  pièce  fabriquée  après  coup,  tout  ce  qu'il  contient 
est  frappé  de  suspicion,  surtout  les  serments  qu'il  prête  à  l'ac- 
cusée. ^ 

Dans  l'interrogatoire  unique  du  procès  de  rechute,  l'évêque  de 
Beauvais  disant  à  la  Pucelle  qu'elle  avait  juré,  à  Saml-Ûuen  de  ne 
plus  porter  l'habit  d'homme,  la  Pucelle  répondit  qu'elle  n'avait 
jamais  fait  ce  serment  ni  aucun  autre  ce  jour-là.  [Procès,  t.  I,  p. 
455).  Si  le  formulaire  dans  lequel  il  est  question  des  saints  Évan- 
giles et  des  serments  que  Jeanne  aurait  faits  eût  été  véridique, 
l'évêque  de  Beauvais  n'aurait  eu  qu'à  placer  ce  texte  sous  les  regards 
de  l'accusée  et  des  assesseurs,  pour  la  convaincre  de  mensonge.  Il 
se  garda  bien  de  le  faire,  et  pour  cause.  Gomme  Jeanne  elle-même, 
aucun  des  témoins  de  la  réhabilitation  n'a  maintenu  que,  le  24 
mai,  l'abjurante  ait  prononcé  de  serment  d'aucune  sorte. 

Autre  omission  des  règles  du  droit  :  il  eût  fallu  que  la  cédule 
d'abjuration  spécifiât  les  hérésies  que  Jeanne  aurait  professées  ou 
dont  elle  était  véhémentement  suspecte.  Ni  dans  la  fausse  cédule, 
ni  dans  la  cédule  authentique,  on  ne  trouve  point  d'hérésie  spéci- 
fiée, comme  propre  à  l'abjurante. 

Il  eût  fallu,  enfin,  que  séance  tenante  un  des  notaires  rédigeât 
le  procès-verbal  de  l'abjuration,  exposât  de  quelle  manière  elle 
s'était  faite  et  joignit  au  procès-verbal  la  cédule  authentique.  Les 
Juges  se  gardèrent  bien  de  se  conformer  à  celte  règle  du  droit  : 


DE    LA    «  PRETENDUE    ABJURATION  »    DE    SAINT-OUEN  429' 

c'eut  été  le  renversement  de  leurs  desseins,  la  mise  au  jour  de  leur 
iniquité.  Les  notaires  eurent  l'ordre  de  ne  pas  instrumenter,  cl 
aucun  document  n'atteste  qu'ils  aient  rédigé  au  temps,  au  lieu  et 
dans  la  forme  voulue,  un  procès-verbal  véridique  et  authentique. 
L'évéque  de  Beauvais  se  réserva  de  rédiger  en  son  particulier  le 
texte  dont  il  avait  besoin. 

C'est  donc  un  fait  incontestable  que,  au  cimetière  de  Saint-Ouen^ 
le  24  mai  1431,  les  juges  de  Jeanne  ont  contrevenu  aux  règles  pres- 
crites par  le  droit  en  matière  d'abjuration,  et  par  suite  que,  de  ce 
chef,  ce  qui  s'est  passé  en  cette  scène  capitale  est  tout  autre  chose 
qu'une  véritable  abjuration  canonique  en  cause  de  foi.  La  même 
conclusion  va  ressortir  de  l'examen  du  formulaire  que  Jeanne  a  pro- 
noncé et  signé  :  le  texte  de  ce  formulaire  ne  saurait  davantage 
constituer  un  texte  véritable  d'abjuration  canonique. 

111 

Que  le  formulaire  inséré  au  procès  n'a  été  ni  accepté,  ni  signé 
par  la  Pucelle  :  le  formulaire  prononcé  et  signé  par  elle  était 
tout  différent. 

Les  propositions  que  nous  avons  à  établir  sont  celles-ci  : 
Le  long  formulaire  qu'on  lit  au  procès  n'est  point  celui  que  la 
Pucelle  a  prononcé  et  signé,  mais  un  formulaire  fabriqué  pour  les 
besoins  de  la  cause  ; 

Le  formulaire  que  la  Pucelle  consentit  à  signer  était  tout  diffé- 
rent et  ne  contenait  rien  qui  engageât  sa  responsabilité. 

i''  Témoig>uiges  établissant  la  première  proposition. 

Il  s'agit  de  savoir  si  la  preuve  existe  que  le  24  mai  1431,  sur 
la  place  du  cimetière  de  Saint-Ouen,  en  présence  des  juges,  du  car- 
dinal d'Angleterre,  de  plusieurs  pi'élats,  de  nombreux  assesseurs  et 
membres  du  clergé,  d'une  foule  considérable,  la  Pucelle  eut  entre 
les  mains  ou  sous  les  jeux  le  long  formulaire  du  procès  ; 

S'il  lui  en  fut  donné  lecture  ; 

Si  elle  consentit  à  le  prononcer  et  à  le  signer  ; 

Si,  de  fait,  elle  le  prononça  à  haute  voix,  phrase  par  phrase,  le& 
redisant  à  la  suite  de  l'appariteur  .Jean  Massieu  qui  les  lisait  avant 
elle; 

Et  si,  enûn,  elle  le  signa  de  son  nom  :  Jehanne,  ou  autrement. 

En  faveur  de  la  réponse  affirmative  on  ne  peut  alléguer  qu'une 


430  APPENDICE    IV 

seule  autorité,  qu'une  seule  parole,  l'autorité,  la  parole  de  l'évêque 
de  Beauvais. 

En  faveur  de  la  réponse  négative  on  invoque  cinq  témoins  qui, 
dans  un  langage  des  plus  catégoriques,  rapportent  ce  qu'ils  ont  vu 
et  entendu,  et  déclarent  unanimement  que  les  assertions  ci-dessus 
sont  absolument  contraires  à  la  vérité. 

Que  vaut  ici  l'autorité,  la  parole  de  l'évêque  de  Beauvais  ?  Fût- 
il  le  plus  honnête  des  juges,  elle  ne  vaudrait  rien  parce  que  nul 
n'est  juge  en  sa  propre  cause,  et  (ju'il  est  le  seul  à  produire  sans 
preuve  aucune  ces  affirmations.  Or  Pierre  Cauchon  reste,  non  le 
plus  honnête,  mais  le  plus  suspect  des  juges,  sa  parole  est  de  celles 
qui  de  plein  droit  excluent  toute  confiance. 

Quand  nous  disons  que  l'évêque  de  Beauvais  est  le  seul  qui  cer- 
tifle  l'authencité  du  long  formulaire  et  les  faits  ci-dessus,  nous 
disons  une  chose  dont  il  est  aisé  de  fournir  la  preuve.  Cent  qua- 
rante quatre  dépositions  furent  recueillies  aux  enquêtes  de  la 
revision.  Qu'on  cherche,  parmi  ces  dépositions,  un  seul  texte  dans 
lequel  le  déposant  atteste  avoir  vu  au  jour  de  l'abjuration,  le  long 
formulaire  dans  les  mains  de  Massieu  ou  de  Jeanne,  l'avoir  ouï 
prononcer  dans  toute  sa  longueur,  ce  texte  on  ne  le  découvrira  pas; 
et  de  texte  équivalent,  dans  les  chroniques  ou  pièces  de  l'époque 
on  ne  le  découvrira  pas  davantage. 

Ce  que,  par  exemple,  on  trouvera  dans  les  enquêtes  de  la  revi- 
sion, c'est  la  preuve  positive  de  la  fausseté  du  formulaire  en  ques- 
tion. Au  cours  de  ces  enquêtes,  les  délégués  du  Saint-Siège  man- 
dèrent à  leur  tribunal  cinq  des  témoins  encore  vivants  qui,  le  24 
mai  1431,  s'étaient  trouvés  près  delà  Pucelleau  moment  de  la  rétrac- 
tation ;  les  uns  sur  l'échafaud  même  de  Jeanne,  à  ses  côtés,  les 
autres  à  proximité,  de  manière  à  tout  voir  et  entendre.  Ces  cinq 
témoins  étaient  : 

Maître  Guillaume  Delacharabre.  un  des  médecins  qui  avaient  soi- 
gné la  Pucelle  pendant  sa  maladie  ; 

Nicolas  ïaquel,  un  des  notaires  du  procès  ; 

Pierre  Migiet,  bénédictin,  prieur  de  Longueville-tiiffard  ; 

Jean  Monnet,  chanoine  de  Paris  ; 

Jean  Massieu,  prêtre,  exécuteur  des  commandements  du  tribu- 
nal. 

Or,  ces  cinq  témoins  firent,  sous  la  foi  du  serment,  des  déposi- 
tions qui  dénoncent  l'inauthenticité  du  formulaire  dont  se  réclame 
l'évêque  P.  Cauchon,  et  démentent  les  faits  qu'il  avance  ou  sup- 
pose dans  le  récit  du  procès.  En  voici  la  teneur  : 

Déposition  de  mailre  G.  Delachambre:  «  Ce  que  Jeanne  prononça 


DE    LK    «  PRETENDUE    ABJURATION  ))    DE    SAINTOUEN  431 

c'était  le  contenu  d'une  petite  cédule  de  six  ou  sept  lignes,  sur  une 
feuille  de  papier  double  :  j'étais  si  près,  que  je  pouvais  aisément 
voir  ces  lignes  et  leur  disposition.  »  {Procès,  lll,  52). 

Nicolas  Taquel  :  «  J 'étais  au  cimetière  de  Saint-Ouen  lors  de  la 
première  prédication,  mais  je  n'étais  pas  avec  les  autres  notaires 
sur  l'estrade;  j'étais  cependant  assez  proche  pour  voir  et  entendre 
ce  qui  se  faisait  et  se  disait.  Je  me  souviens  d'avoir  vu  ladite 
Jeanne  lorsque  la  cédule  d'abjuration  lui  fut  lue  :  celui  qui  la  lut 
fut  messire  Jean  Massieu  ;  elle  contenait  environ  six  lignes  de  grosse 
écriture.  Et  ladite  Jeanne  la  répétait  après  Massieu.  La  cédule  d'ab- 
juration était  en  français  et  commençait  ainsi  :  Je,  Jehanne,  etc.  » 
[Ibid.,  197). 

Pierre  Migiet,  prieur  de  Longueville-Giffard.  «  Quant  au  fait  de 
l'abjuration,  il  dura  à  peu  près  ce  que  dure  un  Pater  noster.  »  {Ibid. 
132). 

Jean  Monnet,  chanoine  de  Paris,  en  1431  au  service  de  Jean 
Beaupére.  «  Moi  qui  parle  j'ai  vu  la  cédule  de  l'abjuration  et  il  me 
semble  que  c'était  une  petite  cédule  de  six  ou  sept  lignes.  »  [Ibid.  65). 

La  déposition  la  plus  caractéristique  est  celle  du  prêtre  Jean 
Massieu,  l'huissier  ou  appariteur  du  procès. 

Il  était  en  effet  sur  léchafaud  de  la  Pucelle  et  à  ses  côtés. 

C'est  entre  ses  mains  que  le  prédicateur,  maître  Erard,  remit  la 
cédule  contenant  le  texte  de  l'abjuration  exigée  de  Jeanne  d'Arc. 

C'est  lui  qui  fut  chargé  par  ledit  Erard  de  la  lui  expliquer  ; 

Lui  qui,  quelques  instants  après,  reçut  l'ordre  de  ne  pas  continuer  ; 

Lui  qui  lut  ce  texte  à  haute  voix,  membre  de  phrase  par  mem- 
bre de  phrase,  Jeanne  l'edisant  les  mêmes  paroles  après  lui  ; 

C'est  lui  enfm  qui,  pour  qu'elle  signât,  remit  à  l'abjurante  une 
plume  avec  laquelle  elle  fil  une  croix.  »  [Procès,  11,  17.) 

Eh  bien,  ce  personnage  s'exprima  ainsi  au  sujet  de  la  cédule  de 
l'abjuration  et  de  l'abjuration  elle-même.  «  Je  sais  bien  que  la  dite 
cédule  contenait  environ  huit  lignes,  pas  davantage.  Ce  dont  je 
suis  absolument  sûr,  c'est  que  la  cédule  prononcée  par  la  Pucelle 
n'était  pas  celle  dont  il  est  fait  mention  au  procès.  Celle  dont  je 
donnai  lecture  était  toute  différente  de  celle  qui  a  été  insérée  au 
procès,  et  c'est  celle-là  que  Jeanne  signa.  Et  j'ai  bonne  souve- 
nance que  dans  cette  cédule  il  était  spécifié  que  l'abjurante  ne  por- 
terait pas  d'armes,  ni  l'habit  d'homme,  ni  les  cheveux  rasés  et  plu- 
sieurs autres  choses  dont  je  ne  me  souviens  plus,  u  {Procès,  111,  156). 

N'eùt-on  à  opposer  à  la  parole  de  l'évêque  de  Beauvais  que  les 
déclarations  de  Jean  Massieu.  elles  suffiraient  pour  la  frapper  d'une 
incurable  suspicion.  Quatre  autres  témoins  confirmant  ces  déclara- 


432  APPENDICE    IV 

lions,  ce  n'est  plus  seulement  un  doute  positif  qui  surgit,  cest  une 
certitude  qui  dépouille  le  formulaire  inséré  au  procès  de  toute  om- 
bre d'authenticité. 

2^  Preuves  complémentaires. 

L'évèque  de  Beauvais  affirme  dans  son  récit  du  drame  de  Saint- 
Ouen  que  le  formulaire  d'abjuration  prononcé  par  Jeanne  est  bien 
celui  qu'il  présente  «  en  la  forme  qui  suit  »,  c'est-à-dire  le  texte 
d'environ  cinquante  lignes  en  caractères  menus  que  nous  lisons  au 
procès,  Ur  qui  songerait  à  soutenir  que  l'on  doit  identifler  cette 
longue  pièce  avec  la  cédule  de  six,  sept,  huit  lignes  au  plus  que  les 
cinq  témoins  sus-nommés  affirment,  sous  la  foi  du  serment,  avoir 
eue  sous  les  jeux  ?  De  huit  lignes  à  cinquante  la  différence  est  trop 
grande  pour  qu'il  puisse  j  avoir  confusion  ou  erreur. 

Différente  par  sa  brièveté  du  formulaire  du  procès,  la  cédule  de 
six  à  huit  lignes  ne  l'était  pas  moins  quant  au  fond  même  et  aux 
choses  qui  y  étaient  énoncées.  Sur  ce  point  le  témoignage  de  Jean 
Massieuest  capital.  Ajant  eu  la  cédule  authentique  entre  ses  mains, 
l'ayant  lue  tout  entière,  ayant  commencé  à  l'expliquer  à  laPucelle, 
l'ayant  enfin  prononcée  à  hautevoix,  membre  de  phrase  par  mem- 
bre de  phrase,  il  faut  s'incliner  devant  ce  témoignage  catégorique  : 
«  Je  suis  absolument  sûr  que  la  cédule  prononcée  par  la  Pucelle 
n'était  pas  celle  dont  il  est  fait  mention  au  procès;  elle  en  différait 
totalement  ».  [Loco.  cit.) 

A  l'appui  de  cette  conclusion  se  présente  l'impossibilité  d'admet- 
tre que  Massieu  ait  donné  hautement  lecture  du  formulaire  de  cin- 
quante lignes,  ainsi  que  le  prétend  l'évèque  de  beauvais  dans  son 
récit  de  l'abjuration.  Ce  n'est  pas  quelques  minutes  qu'eut  exigée 
cette  lecture,  avec  la  part  que  devait  y  prendre  l'abjurante,  mais 
une  grosse  demi-heure  au  moins;  ce  qui  ne  pouvait  passer  inaperçu. 
Or  aucun  des  témoins  qui  déposèrent  sur  le  sujet  du  procès  de  con- 
damnation —  et  il  y  en  a  eu  plus  de  trente  —  n'a  noté  le  fait  et  ne 
l'a  opposé  à  la  déposition  rapportée  ci-dessus  :  à  savoir  qae  «  le  pro- 
noncé de  l'abjuration  dura  ce  que  dure  la  récitation  d'un  Pater 
aoster.  » 

Nous  ne  nous  étendrons  pas  à  propos  des  questions  subsidiaires 
que  soulève  le  problème  historique  de  la  «  prétendue  abjuration  de 
Saint-Ouen.  »  Rappelons  seulement  que  l'évèque  de  Beauvais  fil 
préparera  l'avance  deux  cédules,  l'une  longue,  celle  du  procès,  dont 
le  chanoine  Nicolas  de  Venderès  fut  le  rédacteur,  l'autre  courte  et 
anodine,  de  six  à  huit  lignes,  laissant  au  prédicateur  Erard  le  soin 
d"exhil)er  celle  qui  aurait  le  plus  de  chance  de  n'être  pas  repoussée. 


DE    LA    «   PRETENDUE    ABJURATION  »    DE    SAINT-OUEN  433 

Circonstance  non  moins  frappante,  le  secrétaire  du  roi  d'Angle- 
terre, Laurent  Calot,  profita  du  trouble  qui  se  produisit  pour  mon- 
ter sur  l'échafaud  de  Jeanne,  lui  prendre  la  main  et  lui  faire  apposer 
au  bas  d'une  feuille  écrite  une  sorte  de  signature.  [Procès,  III,  123). 
Que  contenait  cette  feuille  ?  Sans  doute  le  long  formulaire  que 
L.  Calot  s'empressa  de  faire  parvenir  à  l'évêque  de  Beauvais  quand 
tout  fut  fini.  Ei'ard,  de  son  côté,  lui  remit  la  cédule  de  huit  lignes 
au  bas  de  laquelle  Jeanne  avait  tracé  une  croix.  L'évêque  détruisit 
la  cédule  authentique,  afin  qu'on  ne  pût  pas  la  lui  opposer,  et  il  fit 
insérer  au  procès  la  fausse  cédule  qu'aucun  témoin  pourtant  na 
déclaré  avoir  vue,  pas  plus  que  le  nom  de  «  Jehanne  »  qui,  daprès 
le  prélat,  y  figurait  comme  signature. 

Ce  n'est  pas  le  seul  moyen  que  P.  Cauchon  ait  pris  pour  accré- 
diter l'opinion  que  la  Pucelle  avait  signé  le  long  formulaire  et  con- 
fessé les  crimes  qui  y  sonténumérés.  Nous  verrons  dans  les  appen- 
dices suivants,  les  interpolations  que,  à  la  faveur  de  la  traduction 
du  procès  français  en  latin,  Thomas  de  Courcelles  pratiqua  dans 
l'unique  interrogatoire  du  procès  de  rechute,  pour  qu'on  ne  doutât 
pas  des  aveux  de  la  relapse  ;  et  puis  de  quelle  manière  Pierre  Cau- 
chon accueillit  la  requête  de  l'abbé  de  Fécamp,  réclamant  que  lec- 
ture fût  donnée  à  Jeanne  du  formulaire  de  cinquante  lignes  qu'elle 
passait  pour  avoir  accepté  et  signé. 

L'exposé  ci-dessus  des  faits  suffit  pour  mettre  en  lumière  toute  la 
portée  des  termes  dans  lesquels 'les  juges  de  1456  flétrissent  la 
scène  du  cimetière  de  Saint-Ouen.  «  Vu,  quant  à  la  matière  dudit 
procès,  une  certaine  abjuration  prétendue,  entachée  de  fausseté  et  de 
dol,  extorquée  par  violence  et  par  crainte,  en  présence  du  bourreau 
et  sous  la  menace  du  bûcher,  sans  que  ladite  défunte  l'ait  aucune- 
ment prévue  et  comprise...  »  {Procès,  III,  360.) 

La  pièce  «  prétendue,  entachée  de  fausselé  et  de  dol,  »  c'est  le 
formulaire  que  Pierre  Cauchon  a  fait  insérer  au  procès. 

L'acte  «  extorqué  par  violence  et  par  crainte,  sans  que  Jeanne 
l'eût  aucunement  prévu  et  compris  »,  c'est  le  prononcé  et  la  signa- 
ture de  la  cédule  de  huit  lignes,  qui  ne  lui  fut  pas  expliquée  et 
qu'on  l'obligea  de  signer,  sous  peine  d'être  livrée  sur  le  champ  au 
bourreau,  et  qu'elle  signa,  non  de  son  nom  «  Jehanne  »,  mais, 
comme  l'ont  certifié  l'huissier  J.  Massieu  et  le  notaire  Colles  [Pro- 
cès, III,  164),  simplement  d'une  croix  ^. 

1.  Le  notaire  Colles  dit  :  «  Magno  tempore  recusavit  illam  schedulam 
abjurationis  signare,  et  tandem  compulsa,  pree  timoré  signavit  et  fecit 
quamdara  crucem.  » 

La  Pucelle  savait-elle  signer  en  ce  temps-là"/  M.  de  Maleissye  l'assu- 

28 


434  APPENDICE    IV 

D'un  côté,  il  n'y  a  pas  eu  de  véritable  abjuration  canonique  telle 
que  l'Kglise  l'entend,  abjuration  prévue,  comprise,  consentie  libre- 
ment par  l'abjurante.  De  l'autre,  ce  qui  a  été  arraché  à  la  Pucelle. 
l'ayant  été  par  dol,  violence  et  menaces,  est  nul  de  plein  droit,  et  la 
cédule  obtenue  le  serait  elle-même  si  elle  eût  contenu  quelque  arti- 
cle dont,  en  temps  ordinaire,  on  eût  pu  se  prévaloir  contre  elle. 
Mais  cela  même  ne  se  produisit  pas,  et  il  résulte  du  langage  des 
témoins  de  la  réhabilitation,  amis  et  ennemis,  amis  comme  Jean 
Massieu.  Guillaume  Manchon,  Nicolas  Taquel  etc.,  ennemis  comme 
Jean  Beaupére,  Thomas  de  Courcelles,  Nicolas  Caval  et  autres  afli- 
dés  de  Pierre  Cauchon,  qu'on  n'a  pu  relever  dans  la  cédule authen- 
Ihique  aucun  engagement  qui  supposât  la  perpétration  d'un  acte 
condamné  par  l'Eglise.  (Voir  pour  plus  de  détails  nolvii  Etude  criti- 
que sur  l'abjuration,  chapitre  v  ;  in-S"»,  Paris  1903.) 

En  définitive,  l'acte  de  la  Pucelle  au  cimetière  de  Saint-Ouen,  se 
réduit  à  «  un  acte  de  soumission  à  l'Eglise  simplicitev,  ainsi  que 
l'établissait  la  Dissertation  présentée  par  les  avocats  de  la  cause  en 
novembre  1902  aux  consulteurs  delà  sacrée  Congrégation  des  Rites. 
Ainsi  entendue,  ladite  rétractation,  loin  d'être  entachée  de  faiblesse, 
constituait  «  un  acte  de  haute  vertu,  un  acte  héroïque  de  prudence, 
de  sagesse,  de  justice,  de  force  morale,  de  patriotisme  et  de  foi.  » 
[Mémoire  des  avocats,  p.  190  :  Rome,  imprimerie  de  la  Propagande, 

in-4^  1901.) 

• 

IV 

A  quelle  date  la  lumière  a  été  faite  sur  le  problème 
de  l'abjuration. 

Nous  ne  finirons  pas  cet  Appendice  sans  dire  à  quelle  date  et  de 
quelle  manière  la  lumière  a  été  faite,  au  cours  du  procès  de  béati- 
fication, sur  le  problème  qui  nous  occupe. 

C'est  le  17  novembre  de  l'année  1901  que  les  Révérends  Consul- 

rait  dans  une  brochure  récente.  Mais  savait-elle  signer  couramment...'? 
Nous  ne  le  pensons  pas,  et  à,  ce  moment,  terrifiée,  bouleversée  comme 
elle  l'était,  ses  nerfs  surexcités  rendaient  sa  main  incapable  de  tracer 
les  lettres  de  son  nom. 

Ne  sachant  pas  d'ailleurs  signer  couramment,  et  ne  le  pouvant  qu'a- 
vec beaucoup  de  calme  et  d'application,  Jeanne  était  véridique  et  sin- 
cère quand  elle  disait  alors  à  J.  Massieu  qu'  «  elle  ne  savait  pas  signer  ». 
{Procès,  HII.  331.)  Voilà  pourquoi,  au  lieu  d'écrire  son  nom  au  bas  de  la 
cédule  qu'on  lui  avait  lue,  elle  signa  en  formant  une  croi.x  :  signature 
e.Ktorquéc  sans  nul  doute,  mais  tracée  sérieusement  et  faisant  foi. 


DE    LA    «   PRETENDUE    ABJURATION  »    DE    SAINT-ODEN  435 

leurs  de  la  sacrée  Congrégation  des  Rites  furent  appelés  à  exami- 
ner en  séance  ciricielie  les  conclusions  présentées  sur  la  «  préten- 
due »  abjuration  de  Sainl-Ouen.  par  les  avocats  de  la  cause,  d'après 
une  Dissertation  canonique  et  documentaire  qu'un  récent  historien 
de  Jeanne  d'Arc.  M.  le  chanoine  D...,  théologal  du  chapitre  métro- 
politain de  Toulouse,  venait  de  composer  à  la  prière  de  l'évéque 
d'Orléans  Ms'  Touchet,  et  qu'avait  agréée  le  cardinal  ponent. 
Me'  Parocchi. 

Ces  conclusions,  fondées  tout  ensemble  sur  le  droit  canonique  et 
sur  la  discussion  des  textes,  furent  en  la  séance  de  novembre  1901 
l'objet  d'un  vote  favorable.  Reprises  les  années  suivantes  1902,  1903 
dans  les  séances  préparatoires  du  tribunal,  cette  faveur  ne  fit  que 
grandir  et,  le  6  janvier  1904,  le  souverain  Pontife  Pie  X  en  consacra 
pour  ainsi  dire  la  valeur  historique  par  son  décret  sur  l'héroïcité 
des  vertus  de  la  Vénérable  servante  de  Dieu. 

Au  point  de  vue  chronologique,  c'est  donc  en  1901  que  parut  à 
la  librairie  Poussielgue,  à  Paris,  et  que  fut  soumise  à  l'examen 
des  RR.  Consulteurs  romains  la  première  Étude  critique  dont  l'au- 
teur, prenant  à  partie  la  quasi  unanimité  des  historiens  soit  catho- 
liques, soit  rationalistes,  établissait  d'après  les  textes  qu'il  n'y 
avait  jamais  eu  d'abjuration  canonique  de  la  Pucelle  au  cimetière 
de  SaintOuen  le  24  mai  1431.  et  que  le  long  formulaire  inséré  au 
procès,  fabriqué  par  l'évéque  de  Beauvais  pour  les  besoins  de  la 
.cause,  constituait  un  faux  en  écriture  publique. 

En  1902,  le  Bulletin  critique,  dirigé  par  Ms'  Baudrillart  et  autres 
savants  ecclésiastiques,  annonçait  dans  le  numéro  du  15  mars  que 
le  problème  de  l'abjuration  de  la  Pucelle  à  Saint-Ouen  venait  enfin 
d'être  résolu  par  un  historien  français  ;  que  cet  historien  n'avait 
pas  reculé  devant  la  difficulté  de  la  tâche;  «  qu'il  l'avait  remplie 
avec  une  conscience,  une  puissance  d'investigations,  une  précision 
de  détails,  une  sûreté  de  conclusions  qui  avaient  vivement  frappé 
le  monde  religieux  comme  le  monde  savant.  »  {Bulletin  cité). 

En  avril  de  cette  même  année  1902,  au  Congrès  des  sociétés 
savantes  à  Paris,  M.  le  Chan.  Ulysse  Chevalier,  correspondant  de 
l'Institut,  donnait  lecture  d'un  mémoire  sur  l'abjuration  du  24  mai 
1431,  qu'il  avait  préparé,  reconnaissait-il  loyalement,  à  la  demande 
de  yi.  D.  lui-même,  et  dans  lequel  il  aboutissait,  pour  les  points 
essentiels,  aux  mômes  conclusions. 

M.  U.  Chevalier  apportait  un  concours  précieux  à  M.  D.,  mais 
il  n'arrivait  qu'après  lui  sur  le  lieu  du  combat,  et  il  en  convenait 
de  très  bonne  grâce. 

A  la  section  du  Congrès  qui  entendit  la  lecture  du  mémoire  du 


436  APPENDICE    IV 

correspondant  de  l'Institut,  aucune  objection  ne  fut  soulevée  con- 
tre la  solution  proposée.  Si  on  ne  peut  dire  qu'elle  ait  été  ap- 
prouvée elle  ne  fut  pas  combattue. 

En  revanche,  il  est  une  haute  approbation  dont  elle  peut  se  récla- 
mer au  point  de  vue  religieux  et  catholique,  cest  l'approbation  de 
la  première  autorité  morale  du  monde,  du  souverain  Pontife,  chef 
de  l'Église  universelle. 

A  la  date  du  0  janvier  11)04-.  sa  grande  parole  annonçait  au 
monde  que  l'héroïsme  de  Jeanne  était  inattaquable,  qu'on  ne  saurait 
par  conséquent  avoir  d'abjuration  à  lui  reprocher. 

Nous  estimons  utile  de  rappeler  les  faits  qui  placent  au-dessus 
de  toute  discussion  ce  point  d'histoire  critique  et  littéraire,  parce 
qu'une  parole  épiscopale  a  été  écrite  qui,  prise  au  sérieux,  et  tout 
éclaircissement  faisant  défaut,  est  de  nature  à  induire  en  erreur 
et  à  donner  le  change. 

Dans  une  lettre-préface  adressée  à  Tauteur  d'une  Histoire  de  la 
Bienheureuse,  parue  seulement  en  1905.  un  évéque  a  félicité  cet 
auteur  d'avoir  en  son  histoire  «  résolu  le  problème  de  l'abjura- 
tion ». 

A  la  date  de  1905,  ce  problème  n'était  plus  à  résoudre.  L'année 
précédente,  Pie  X  avait  proclamé  qu'il  était  résolu. 

Et  si  un  témoignage  récent  pouvait,  étant  données  l'impartialité 
et  la  compétence  du  témoin,  dissiper  toute  difficulté,  le  comte  de 
Maleissye,  dans  une  étude  sur  l'abjuration  publiée  en  1911,  nous 
dira  : 

«  A  toute  tentative  future  de  canonisation,  l'évéque  de  Beauvais 
avait  dressé  un  obstacle  insurmontable  par  le  seul  fait  de  la  pré- 
sence au  procès  de  l'abominable  cédule  qu'on  y  voit,  comme  pièce 
soi-disant  officielle  et  authentique.  Ce  ne  fut  qu'en  1901  qu'une 
étude  critique  de  M.  l'abbé  Dunand  établit  la  thèse  jugée  néces- 
saire par  le  cardinal  Parocchi.  »  {Etude  citée,  p.  105-106.)  C'est 
donc  en  1901,  non  en  1905,  que  le  problème  aurait  été  résolu. 

Témoignage  non  moins  décisif:  le  cardinal  Parocchi  lui-même 
écrivait  de  Rome,  le  12  juillet  1901,  à  M.  le  chan.  Dunand,  une 
lettre  dans  laquelle,  à  propos  de  son  étude  sur  L'abjuration  de 
Jeanne  d'Arc,  il  le  remerciait  «  du  zèle  déployé  à  défendre  la  noble 
héroïne  »,  et  il  l'en  félicitait  «  de  tout  cœur  ». 

Les  critiques  futurs  auront  à  choisir  entre  les  remerciments 
motivés  du  cardinal  Parocchi,  et  les  félicitations  équivoques  adres- 
sées à  un  historien  de  1905.  Ces  félicitations  ne  changeront  pas  la 
date  de  la  solution  du  problème. 


DE    LA   «  PRETENDUE    ABJURATION  »    DE    SAINT-OUEN  437 


Deux  observations. 

1^  11  n'eût  pas  été  inutile  de  traiter,  en  deux  Appendices  spéciaux,  le 
sujet  du  guetapens  de  la  prison  qui  fournit  à  l'évêque  de  Beauvais 
le  prétendu  cas  du  relaps,  et  la  question  de  lauthenticité  de  l'Infor- 
mation posthume.  L'espace  faisant  défaut,  nous  nous  permettrons 
de  renvoyer  le  lecteur  à  ce  que  nous  avons  dit  du  premier  point  en 
notre  Histoire  complète  de  la  Pucelle,  et  du  second  dans  la  2^  série 
de  nos  Études  critiques,  pages  523-603,  in-8'',  Paris  1903,  Ch.  Pous- 
sielgue  éditeur. 

2°  Ne  pouvant  reproduire  la  communication  faite  par  M.  Noël 
Valois  â  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  dans  la 
séance  du  28  novembre  1906,  d'un  nouveau  témoignage  siu"  Jeanne 
d'Arc,  nous  ne  la  passerons  pas  toutefois  sous  silence.  11  s'agit  de  la 
Réponse  d'un  clerc  parisien  à  Vapologie  de  l'héroïne  par  Gerson  ; 
réponse  consignée  dans  le  manuscrit  4701  de  la  Bibliothèque  impé- 
riale de  Vienne.  L'auteur  était  un  décrétiste,  suppôt  de  l'Univer- 
sité de  Paris.  Ce  factum  a  été  sûrement  composé  du  vivant  de  la 
Pucelle,  après  l'échec  de  Paris  et  avant  la  sortie  de  Compiègne  très 
probablement.  C'est  une  véritable  accusation  d'hérésie  contre 
Jeanne,  appuyée  sur  six  chefs  :  le  port  de  l'habit  d'homme  ;  — 
l'influence  belliqueuse;  —  l'inobservance  des  fêtes  de  l'Église;  — 
des  prédictions  mensongères  ;  —  des  faits  d'idolâtrie  ;  —  l'habi- 
tude des  sortilèges. 

Entre  autres  fausses  prédictions  reprochées  à  Jeanne,  il  est  ques- 
tion d'une  guerre  avant  le  sacre,  que  Charles  aurait  dû  avoir  avec 
d'autres  princes.  De  ces  six  chefs  d'accusation,  le  clerc  parisien 
conclut  que  Jeanne  n'était  pas  envoyée  de  Dieu. 

Voir  le  texte  du  document  et  les  réflexions  de  M.  N.  Valois  dans 
le  Bulletin  de  la  Société  de  l'Histoire  de  France,  année  1906,  pages 
461-179. 


APPENDICE  V 

DES   ALTÉRATIONS    DÉGOUVKRTES    DANS    LK    TKXTE   LATIN 
DU    DERNIER    INTERROGATOIRE 


Pour  que  le  plan  arrêté  par  l'évêque  de  Beauvais  pût  aboutir,  ce 
nélait  pas  assez  de  faire  accroire  aux  assesseurs  et  de  répandre 
l'opinion  que  la  Piicelle  avait  abjuré  canoniquement,  accepté  et 
signé  le  long  formulaire  ;  il  fallait  de  plus  provoquer  le  fait  d'un 
relaps  apparent,  ouvrir  un  procès  de  rechute,  et  durant  ce  procès, 
si  coui't  fût-il,  écarter  toute  circonstance  qui  pût  occasionnellement 
faire  éclater  la  vérité. 

L'évêque  de  Beauvais  n'y  manqua  pas. 

Un  guet-apens,  dénoncé  par  Jeanne  elle-même  à  Jean  Massieu  et 
à  frère  Martin  Ladvenu,  la  nécessité  de  défendre  son  honneur  quelle 
invoqua,  d'après  Guillaume  Manchon,  dans  le  dernier  interroga- 
toire, obligea  la  prisonnière  à  reprendre  et  à  garder  Ihabit 
d'homme:  fait  qualifié  de  relaps  par  les  juges. 

L'engagement  qu'ils  lui  prêtent  de  ne  plus  parler  de  ses  révéla- 
tions, et  que  d'après  eux,  elle  aurait  violé,  quoique  l'ayant  pris 
sous  la  foi  du  seriuenl  —  chose  contraire  à  la  vérité  ;  —  fournit  un 
second  cas  de  relaps.  Dés  que  les  deux  eurent  été  constatés  officiel- 
lement, le  procès  de  rechute  fut  ouvert,  et  l'évêque  de  Beauvais 
n'eut  plus  qu'à  prendre  les  moyens  indispensables  pour  empêcher 
que  la  lumière  éclatât  et  que  la  trame  de  ses  desseins  iniques  fût 
découverte. 

Quels  étaient  ces  moyens  ?  L'étude  attentive  du  procès  verbal  du 
dernier  interrogatoire  et  de  la  dernière  séance  de  la  cause  va  nous 
le  dire. 

Elle  nous  montrera,  d'un  côté  cinq  altérations  de  textes  prati- 
quées par  Thomas  de  Courcelles  dans  la  traduction  de  la  minute 
française  du  dernier  interrogatoire  ;  de  l'autre  l'évêque  de  Beauvais 
refusant  défaire  donner  lecture  à  la  pi'étendue  relapse,  en  présence 
des  assesseurs  qui  la  réclament,  du  formulaire  qu'elle  passait  pour 
avoir  accepté,  prononcé  et  signé  :  cela,  afin  que  Jeanne  ne  pût 


ALTÉRATIONS    PRATIQUEES    DANS    LE    TEXTE    DU    PROCÈS         439 

prolester  et,  par  ses  protestations,  mettre  au  grand  jour  la  scélé- 
ratesse de  son  juge. 


DU   DERiMEU  INTERROGATOIRE  ET  DES  ALTERATIONS  QUE  LE  TRA- 
DUCTEUR A   PRATIQUÉES   DANS   LA   MINUTE  FRANÇAISE 

C'est  un  fait  avéré  que  l'original  du  procès  de  1431  était  en  fran- 
çais et  qu'il  fut  traduit  en  latin  par  Thomas  de  Courcelles  assez 
longtemps  après  la  mort  de  la  Pucellc. 

C'est  un  fait  non  moins  certain  que  le  manuscrit  de  DUrfé  nous  a 
conservé  une  partie  delà  minute  française,  et  spécialement  celle  de 
l'interrogatoire  du  28  mai. 

C'est  un  fait  dont  nous  allons  donner  la  preuve  que  Thomas  de 
Courcelles  n'a  point  hésité  à  pratiquer  cinq  altérations  graves  dans 
la  traduction  latine,  afin  que  le  lecteur  demeurât  persuadé  que  la 
Pucelle  avait  abjuré  canoniquement  et  renié  ses  révélations,  le  tout 
sous  la  foi  du  serment  en  présence  du  tribunal  et  du  peuple. 

Ces  altérations  avaient  échappé  aux  historiens,  aux  critiques  et  aux 
paléographes.  Nos  recherches  sur  la  question  nous  ayant  amené  à 
confronter  phrase  par  phrase,  ligne  par  ligne,  le  français  de  la  minute 
originale  et  la  traduction  latine  correspondante,  nous  nous  trou- 
vâmes en  présence  des  altérations  que  nous  soumettons  au  lecteur. 
Elles  ne  portent  pas  sans  doute  sur  des  pages  entières  ;  il  ne  s'agit  que 
de  mots  et  de  membres  de  phrase.  Mais  dans  un  tel  sujet,  il  ne  faut 
pas  oublier  que  les  mots  ont  une  importance  capitale.  Ils  expriment 
des  réalités  desquelles  dépendent  la  vie  ou  la  mort,  l'honneur  ou 
l'infamie  d'une  jeune  fille,  d'une  Française.  Ne  sortons  pas  de  ce 
point  de  vue,  si  nous  tenons  à  raisonner  sainement  en  cette  matière. 

I 
Première  altération  de  la  minute  française 

C'est  une  altération  par  suppression  d'un  membre  de  phrase. 

Minute  française.  —  «  Interrogée  si  elle  avait  abjuré,  et  mes- 
mement  de  celui  habit  non  reprendre,  répond  qu'elle  aimait  mieux 
mourir  que  d'estre  aux  fers.  Mais  que  si  on  veut  la  laisser  aller  à  la 
messe,  et  oster  hors  des  fers,  et  mettre  en  prison  gracieuse,  et 
qu'elle  eust  une  femme,  elle  sera  bonne  et  fera  ce  que  l'Eglise  vou- 
dra. »  [Procès,  t.  I,  4-55-458.) 

Thomas  de  Courcelles  a   supprimé  dans  sa  traduction  les  mots 


440  APPENDICE   V 

soulignés  :  et  qu'elle  eust  une  femme.  Pourquoi  cette  suppression  ? 
Parce  que  les  mots  supprimés  mentionnaient  une  chose  qui  lui 
avait  été  promise,  aussi  bien  que  les  trois  autres  dont  il  est  ques- 
tion. Telle  était  l'importance  de  cette  promesse  que.  si  les  juges 
ne  l'eussent  pas  violée,  Jeanne  n'eût  pas  été  mise  par  ses  geô- 
liers dans  la  nécessité  de  reprendre  l'habit  d'homme,  et  le  fait 
matériel  du  prétendu  relaps  n'eut  pas  été  posé.  Henri  Martin  ne 
s'est  pas  mépris  en  ce  point.  «  11  n'y  a  rien,  dit-il,  de  plus  terrible 
contre  Courcelles.  »  [Histoire  de  France,  t.  VI,  291,  note  3, 
Paris  1857.) 

II 

Deuxième  altération  de  la  minute  française 

Celle-ci  consiste  dans  une  interpolation  de  trois  lignes  ajoutées 
à  la  traduction  latine . 

La  minute  française  est  d'une  ligne  et  demie. 

«  Interrogée  si,  depuis  jeudi,  elle  na  point  eu  ses  Voix,  respond 
que  oui.  » 

Sur  cette  ligne  et  demie,  Courcelles  improvise  une  traduction  de 
cinq  lignes.  '' 

«  Item,  quia  ab  aliquibus,  nos  judices,  audieramus,  quod  illusio- 
nibus  suarum  revelationum  prœtensarum,  quibus  ante  renunliaverat, 
adhuc  inhxrebat,  interrogavimus  an,  depost  diem  Jovis,  ipsa 
audiverat  voces  sanctarum  Katharinae  et  Margaretœ.  Respondit 
quod  sic.  »  [Op.  et  loc.  ait). 

Latin  dont  voici  le  sens  :  «  Item,  parce  que  nous  juges  avions  oui 
dire  à  quelques  personnes  que  ladite  Jeanne  persistait  encore  à  rester 
attachée  aux  illusions  de  ses  révélations  prétendues,  auxquelles  elle 
avait  récemment  renoncé,  nous  lui  avons  demandé  si,  depuis  jeudi 
elle  avait  entendu  les  voix  des  saintes  Catherine  et  Marguerite.  Elle 
a  répondu  que  oui.  » 

Pas  besoin  d'être  grand  clerc  pour  saisir  le  but  de  celte  interpo- 
lation de  trois  lignes.  Elle  donne  comme  acquis  aux  débats  trois  faits 
d'ailleurs  absolument  faux  : 

1°  Que  les  révélations  de  la  prisonnière  n'étaient,  même  pour  elle, 
que  des  illusions  coupables  ; 

2*^'  Qu'elle  l'avait  reconnu  et  qu'elle  avait  renoncé  avec  serment 
à  le  soutenir  au  jour  de  son  abjuration  ; 

3'^  Qu'elle  violait  son  serment  en  y  revenant  de  nouveau,  posant 
ainsi  le  cas  du  relaps  ; 

Qui  pourrait  méconnaître  l'importance  capitale  de  ce  faux  de 


i 


ALTÉRATIONS  PRATIQUÉES  DANS  LE  TEXTE  DU  PROCÈS    441 

trois  lignes  ?  l'évêque  de  Beauvais  a  trouvé  la   moyen  d'y  faire 
entrer  sa  thèse  tout  entière. 

Ill 
Troisième  altération  encore  par  interpolation 

A  la  page  456  de  Quicherat,  Procès,  t.  1,  on  lit  dans  la  minute  fran- 
çaise :  «  liem,  dit  (Jeanne)  que  de  peur  du  feu  elle  a  dit  ce  qu'elle 
a  dit.  » 

Réponse  prudente,  de  laquelle  on  ne  peut  rien  inférer  contre  la 
jeune  fille. 

Cette  prudence  n'est  pas  du  goût  de  Courcelles  :  il  préfère  une 
réponse  compromettante  et  la  rend  telle,  moyennant  l'altération 
que  voici  : 

«  De  même,  elle  dit  que  tout  ce  quelle  a  dit  et  rétracté,  le  jour 
du  jeudi,  elle  l'a  fait  uniquement  et  dit  par  peur  du  feu.  —  Item, 
dixit  quod  quœcumque  dixit  et  revocavit,  4psa  die  jovis,  hoc  soUun 
fecit  et  dixit  prx  timoré  ignis.  » 

Jeanne  n'a  point  parlé  de  «  rétractation  ».  Le  docteur  de  Paris  le 
lui  fait  dire  le  contraire  ;  et,  pour  qu'il  n'y  ait  pas  de  méprise  pos- 
sible, il  lui  fait  préciser  le  jour  où  la  rétractation  a  eu  lieu,  «  le  jour 
du  jeudi  ». 

Jeanne  ne  parle  que  de  «  ce  qu'elle  a  dit  »,  sans  spécifier  quoi 
que  ce  soit.  Courcelles  la  fait  parler  «  de  ce  qu'elle  a  dit  et  fait  ». 
Ce  quelle  a  fait,  d'après  ce  qu'il  veut  qu'on  entende,  c'est  l'abju- 
ration, la  rétractation  du  jeudi  précédent  exprimée  dans  le  formu- 
laire de  cinquante  lignes. 

N'est-ce  pas  chose  souverainement  inique,  chose  indigne  mora- 
lement, que  de  prêter  à  une  accusée  de  faux  aveux  dont  on  usera 
comme  s'ils  étaient  vrais  "? 

IV 
Quatrième  interpolation  de  la  minute  française. 

Même  page  456  du  procès,  tout  au  bas,  la  minute  française  s'ex- 
prime ainsi  :  «  Et  quant  à  ce  qui  lui  fut  dit,  que  en  l'eschaffault 
avoit  dit  que  mensongneusement  elle  s'estoit  vantée  que  c'estoient 
saintes  Catherine  et  Marguerite  :  Respond  qu'elle  ne  l'entendoit 
point  ainsi  faire  ou  dire.  » 

Voulant  dire  par  là  qu  elle  n'entendait  ni  mentir  ni  se  vanter  de 
ses  révélations,  mais  en  affirmer  simplement  la  vérité.  En   outre, 


442  APPENDICE    V 

le  mot  «  abjuration  »  n'esl  pas  même  prononcé,  et  il  n'y  a  pas  une 
ombre  d'allusion  au  drame  de  Saint-Ouen. 

Ce  texte  de  la  minute  IVanraise,  Thomas  de  (lourcelles  dans  sa 
traduction  latine  le  déforme  ainsi  : 

«  Tune  fuit  ei  dictuni  quod  ipsa  dixeral  in  scafuldo  seu  ambone, 
coram  nobis  judicibus,  et  aliis,  et  coram  populo,  quando  fecit  abju- 
rationem,  quod  mendose  se  jactaverat  quod  illaft  voces  erant  sanc- 
tse  Catliarina  et  Margarota.  Kespondit  quod  ipsa  non  intelligebat 
sic  facere  vel  dicere.  » 

Traduction  de  ce  latin  :  «  Alors  on  lui  représenta  qu'elle  avait  dit 
sur  son  échafaud  ou  ambon,  devant  nous  les  juges,  et  les  autres, 
et  devant  le  peuple,  quand  elle  fit  son  abjuration,  qu'elle  s'était  van- 
tée mensongèrement  que  ses  voix  étaient  saintes  Catherine  et  Mar- 
guerite. » 

Mots  ajoutés  à  la  minute  française  :  «  ...devant  nous  les  juges,  et 
les  autres,  et  devant  le  peuple,  quand  elle  fit  son  abjuration...  » 

La  voilà  donc  toujours  mentionnée  faussement  cette  abjuration 
à  laquelle  l'évêque  P.  Cauchon  el  son  confident  Thomas  de  Cour- 
celles  ont  absolument  besoin  que  les  assesseurs  de  la  cause  et  le 
bon  public  croient.  Grâce  à  ces  interpolations,  le  lecteur  non  averti 
estimera  que  les  choses  se  sont  passées  comme  le  rapporte  la  traduc- 
tion latine,  et  que  l'abjuration  dont  on  y  parle  est  une  chose  au- 
dessus  detoute  discussion.  Il  en  a  été  ainsi  quelque  temps.  Mais 
ici-bas  toutes  choses,  même  l'iniquité,  même  l'imposture  ont  une 
fin. 


Cinquième  altération  de  la  minute  française. 

La  gravité  de  cette  cinquième  altération  est  exceptionnelle.  Le 
texte  qu'elle  concerne  est  tout  à  la  fin  de  l'interrogatoire  (p.  458). 

Les  questions  posées  à  la  prisonnière  des  Anglais  lui  fournissent 
l'occasion  de  revenir  sur  la  fausse  accusation  des  juges  concernant 
le  reniement  de  ses  apparitions  et  révélations. 

«  Jeanne  répète  qu'elle  n'a  point  entendu  révoquer  ses  appari- 
tions, et  que  ce  fussent  sainte  Catherine  et  Marguerite. 

«  Elle  ne  fit  jamais  chose  contre  Dieu  et  contre  la  foi,  quelque 
chose  qu'on  lui  ait  prescrit  de  révoquer.  » 

Mettant  sa  pensée  dans  un  plus  grand  jour,  elle  ajoute  «  quelle 
dit  en  Vheure,  c'est-à-dire  au  moment  même  de  la  rétractation 
qu'on  lui  arrachait,  qu'elle  n'entendait  révoquer  quoi  que  ce  fût, 
sinon  pourvu  que  cela  plût  à  Dieu.  »  [Procès,  I,  456.) 


ALTERATIONS  PRATIQUEES  DANS  LE  TEXTE  DU  PROCÈS    44J 

Déclaration  du  plus  haut  prix,  car  elle  faisait  de  la  rétractation 
de  la  jeune  fille,  quelle  qu'elle  fût,  qu'elle  en  comprit  quelque 
chose  ou  qu'elle  n'en  comprit  rien,  un  acte  purement  conditionnel, 
exempt  de  toute  culpabilité  soit  grave,  soit  légère,  puisqu'il  ex- 
cluait tout  ce  qui  pouvait  être  en  opposition  avec  la  volonté  de 
Dieu.  Une  condition  semblable,  stipulée  en  présence  du  prédica- 
teur Guillaume  Krard,  du  prêtre  Jean  Massieu,  huissier  du  procès, 
des  trois  notaires-greniers,  et  des  assesseurs  qui  étaient  proches  de 
l'échaufaud  dégageait  Jeanne  de  toute  responsabilité  quant  aux 
articles  de  la  cédule  qu'elle  n'entendait  pas.  Sa  prétendue  rétracta- 
lion  devenait  l'acte  du  monde  le  plus  inoffensif,  et  c'était  se  mo- 
quer des  théologiens,  des  juristes  et  du  public,  que  de  venir  après 
cela  parler  d'abjuration  canonique  et  de  relaps.  D'autant  plus  que 
Jeanne  n'avait  rien  avancé,  ni  pris  aucun  engagement  sous  la  foi 
du  serment.  A  Pierre  Cauchon  qui  le  lui  reprochait,  elle  opposa 
une  dénégation  que  les  témoins  de  la  revision  et  le  texte  du  pro- 
cès ne  firent  que  confirmer. 

Thomas  de  Courcelles  ne  se  fit  pas  illusion  sur  cet  ensemble  de 
circonstances  et  sur  la  portée  de  ces  mots  :  «  Elle  dit  qu'elle  dit  en 
l'heure,  etc.,  »  et  celle  de  la  condition  mise  par  la  Pucelle  à  sa 
rétractation.  Les  mots  gênants  n'eurent  pas  Ihonneur  d'être  tra- 
duits. Il  mit  perfidement  :  «  Item,  dixit  quod  ipsa  non  intendebat 
aliquid  revocare,  nisi  proviso  quod  hoc  placeret  Deo.  Au  fait  sensi- 
ble, attesté  par  des  témoins  oculaires,  affirmé  expressément  par  la 
jeune  fille  qui  l'avait  posé,  il  substitue  une  intention,  phénomène 
purement  psychologique,  impossible  à  constater,  et  insuffisant  par 
lui  seul  à  dépouiller  la  rétractation  de  toute  interprétation  dange- 
reuse et  de  toute  culpabilité.  C'est  à  un  double  faux  que  le  docteur 
de  Paris  nhésite  pas  à  recourir  :  à  un  faux  par  suppression,  Jeanne 
ne  pouvant  plus  bénéficier  de  sa  protestation  :  «  Et  elle  dit  quelle 
dit  en  l'heure  :  »  et  à  un  faux  par  substitution,  la  traduction  latine 
étant  impuissante  à  remplacer  le  texte  supprimé. 

Que"  fût-il  advenu  si  la  minute  française  de  cet  interrogatoire 
neùt  pas  été  providentiellement  retrouvée  ?  Il  eût  été  malaisé  aux 
historiens  de  répiandre  sur  ce  point  une  lumière  suffisante.  En  tout 
cas,  il  n'a  pas  tenu  à  l'évêque  de  Beauvais  et  à  Thomas  de  Cour- 
celles, que  par  leurs  suppressions  des  textes  et  interpolations,  ils 
n'aient  rejeté  la  Libératrice  du  pays  dans  la  foule  des  hérétiques 
opiniâtres,  des  aventuriers  et  des  relaps. 


APPENDICE   VI 

pu     PROCKS     DE     RECHUTE    ET    DE    LA    DERNIÈRE     DÉLIBÉRATION 


Le  procès  de  rechute  nécessaire  à  l'évéque  de  Beauvais  pour  livrer 
la  Pucelle  au  bûcher  est  un  procès  qui  pêche  par  la  base,  attendu 
que  du  côté  de  Jeanne  il  n'}'  avait  pas  eu  de  chute  :  la  chute  n'exis- 
tant pas,  la  rechute  devenait  impossible. 

La  chute  ne  s'était  pas  produite,  car  l'accusée  ne  s'était  rendue 
coupable  d'aucune  hérésie,  d'aucune  pratique  assimilée  aux  erreurs 
contre  la  foi,  la  preuve  n'en  avait  pas  été  faite,  et  la  cédule  qu'elle 
avait  souscrite  le  24  mai  était  une  cédule  sans  conséquence,  n'ayant 
l'ien  de  commun  avec  une  abjuration  en  matière  de  foi. 

D'un  autre  côté,  les  faits  qualifiés  de  rechute  ne  méritaient  aucu- 
nement cette  qualification.  La  reprise  de  Ihabit  d'homme  n'impli- 
quait aucune  erreur  dans  la  foi.  et  Jeanne  ne  s'était  pas  engagée 
par  serment  à  ne  pas  le  reprendre.  Elle  n'avait  pa»  davantage 
renié  ses  révélations,  ni  juré  de  ne  plus  les  soutenir.  L'étude  de  la 
dernière  délibération  va  confirmer  ces  observations  et,  de  plus, 
elle  va  nous  apprendre  deux  choses  : 

i°  Que  l'évéque  de  Beauvais  refusa  de  faire  lire  à  la  Pucelle  en 
présence  des  assesseurs  le  long  formulaire  du  procès,  de  peur  que 
sa  fourberie  et  son  iniquité  ne  fussent  démasquées  ; 

"2°  Qu'il  est  faux  que  «  le  lendemain  du  28  mai,  comme  l'aflir- 
ment  l'Histoire  de  France  de  M.  Lavisse  et  bon  nombre  d'historiens, 
une  assemblée  de  docteurs  ait  déclaré  que  Jeanne,  hérétique  relapse, 
devait  être  livrée  au  bras  séculier.  »  {Op.  cit.,  t.  IV,  p.  09  ;  Paris, 
Hachette,  1902).  Quarante-deux  ecclésiastiques  composaient  cette 
assemblée,  non  compris  les  deux  juges.  De  ces  quarante-deux,  plus 
de  trente  n'émirent  qu'un  vote  conditionnel  :  la  condition  n'ayant 
pas  été  remplie,  le  vote  demeura  nul. 

Mais  voyons  les  choses  de  plus  près. 

Le  mardi  29  mai,  les  juges  de  Jeanne  assemblèrent  dans  la  cha- 
pelle du  palais  archiépiscopal  de  Rouen  dite  «  chapelle  des  Ordres  » 


DE  LA  DERNIERE  DELIBERATION  445 

plus  de  quarante  maîtres  et  savants  hommes  soit  en  théologie,  soit 
en  droit  canonique  et  civil.  L'objet  de  cette  convocation  était  d'ar- 
rêter ce  qu'il  y  avait  à  faire  pour  procéder  «  comme  de  droit  et  de 
raison  ».  L'évèque  de  Beauvais  fit  à  sa  façon  un  résumé  de  ce  qui 
s'était  passé  depuis  le  jeudi  24  mai  :  comme  quoi  la  Pucelle,  après 
avoir  pris  l'habit  de  femme,  «  dès  qu'elle  put  mettre  la  main  sur 
l'habit  d'homme,  s'en  revêtit  »,  et  raconta  devant  plusieurs  témoins 
que  ses  voix  et  les  esprits  qui  lui  apparaissaient  lui  étaient  revenus 
et  lui  avaient  dit  plusieurs  choses. 

Après  cet  exposé,  avant  que  les  maîtres  présents  délibèrent  sur 
les  résolutions  à  prendre,  l'évêque-juge  fait  donner  lecture  de  l'in- 
terrogatoire de  la  veille  et  de  la  cédule  d'abjuration  insérée  au 
procès.  Mais  il  na  garde  de  rappeler  le  guel-apens  de  la  prison  qui 
obligea  la  prisonnière  à  reprendre  l'habit  d'homme,  et  les  promes- 
ses qui,  à  Saint-Ouen,  lui  avaient  été  faites  au  nom  du  tribunal, 
promesses  aussitôt  oubliées. 

Cette  lecture  eut  lieu  en  l'absence  de  Jeanne.  Si  elle  eût  été  pré- 
sente, elle  eût  prolesté  avec  indignation  et  dénoncé  la  fausseté  de 
ce  formulaire  auquel  elle  était  restée  tout  a  fait  étrangère.  Ce  n'est 
pas  en  cette  séance  du  29  mai,  c'est  dans  l'interrogatoire  de  la 
veille  que  Pierre  Cauchon  aurait  dû  faire  lire  cette  pièce.  S'il  était 
vrai  que  la  prisonnière  l'eût  prononcée  et  signée,  cette  exhibition 
avait  le  double  avantage  de  réduire  à  néant  tout  essai  de  justifica- 
tion, et  de  fournir  aux  maitres  et  docteurs  la  preuve  de  la  culpa- 
bilité de  la  relapse.  Mais  la  pièce  étant  fausse,  l'iniquité  de  l'évè- 
que éclatait,  et  les  protestations  de  la  malheureuse  jeune  fille  l'au- 
raient démasquée.  C'est  à  quoi  Pierre  Cauchon  n'avait  pas  voulu 
s'exposer.  11  ne  le  voulut  pas  davantage  au  cours  de  la  délibération 
à  laquelle,  sur  son  invitation,  les  assesseurs  procédèrent  aussitôt. 

Le  premier  qui  donna  son  opinion  fut  Nicolas  de  Venderès,  archi- 
diacre d'Eu  et  chanoine  de  Rouen,  l'auteur  du  texte  de  la  longue 
cédflle,  d'après  Thomas  de  Courcelles.  Ce  docteur,  absolument  ac- 
quis à  l'évèque  de  Beauvais,  émit  l'avis  «  que  Jeanne  devait  être 
censée  et  était  hérétique,  et  qu'il  n'y  avait  qu'à  l'abandonner  au 
bras  séculier.  »  {Procès,  1,  462.) 

Après  maître  Nicolas  de  Venderès,  Messire  Gilles  Duremort, 
abbé  du  monastère  de  la  Sainte-Trinité  de  Fécamp  ^  prit  la  parole. 

1.  Gilles  de  Duremort,  docteur  et  professeur  en  théologie,  fut  d'abord 
abbé  de  Beaupré.  C'est  en  1423  qu'il  fut  nommé  à  l'Abbaye  de  Fécamp, 
la  plus  considérable  de  la  Normandie  après  celle  de  Saint-Ouen.  Il  ha- 
bitait, à  Rouen,  un  bel  hôtel  situé  sur  la  paroisse  Saint- Vincent.  Con- 


446  '     .  APPENDICK    VI 

C'était  un  des  docteurs  en  théologie  les  plus  réputés  de  Normandie: 
aussi  sa  délibération  fut-elle  écoutée  avec  la  plus  grande  attention 
et,  dans  son  originalité,  produisit-elle  une  impression  profonde  ; 
tellement  profonde  que  la  plupart  des  assesseurs  qui  opinèrent  après 
lui,  s'en  rapportèrent  ii  sa  proposition. 

«  Jeanne  est  relapse,  dit  d'abord  l'abbé  de  Fécamp.  »  Dans  sa 
pensée,  relapse  de  fait,  mais  non  en  droit.  Pour  savoir  si  elle  l'était 
€n  droit,  il  y  avait  un  moyen  bien  simple  a  i)rendre.  «  Il  serait 
bon,  ajouta  l'abbé  de  Fécamp,  que  la  cédule  qu'on  vient  de  lire 
(la  fausse  et  longue  cédule)  fût  lue  de  nouveau  en  sa  présence  et 
lui  fût  expliquée,  en  lui  proposant  la  parole  de  Dieu.  Ces  choses 
faites,  nous  n'aurons  plus,  nous  juges,  qu'à  la  déclarer  hérétique  et 
à  l'abandonner  à  la  justice  séculière,  en  la  priant  de  traiter  avec 
douceur  ladite  Jeanne.  —  Tamen  bonum  est  quodschcdul'i,  naper  lecta 
legatur  iterum  coram  ipsa,  et  sibi  exponatur,  proponendo  ei  verbum 
Dei.  Et  his  peractis,  nos  jiidices  habemus  declarare  eam  hxreticam  et 
ipsam  relinquere  justUise  seculari,  rogando  eam  ut  cum  eadem  Jo- 
hanna  mite  agat.  »  [Ibid.,  463.) 

Ce  qui  distingue  la  délibération  de  l'abbé  de  Fécamp,  c'est 
qu'elle  n'est  point  absolue  comme  l'était  celle  du  chanoine  de 
Venderès,  mais  conditionnelle.  Avant  de  déclarer  Jeanne  héré- 
tique relapse  et  de  la  livrer  au  bras  séculier,  il  y  a  d'après  lui 
quelque  chose  à  faire,  et  cette  chose  est  de  grande  importance.  11 
faut  : 

1"  Faire  comparaître  Jeanne  en  présence  du  tribunal  ; 

2"  Lui  donner  lecture  de  la  cédule  du  procès,  que  les  assesseurs 
viennent  d'entendre  ; 

3°  La  lui  expliquer,  afin  qu'elle  la  comprenne  bien,  car  le  bruit 
courait  qu'elle  ne  l'avait  pas  comprise. 

Ces  choses  faites  —  his  peractis  —  mais  alors  seulement,  et  si 
rien  ne  se  produit  qui  oblige  à  surseoir  à  une  sentence  définitive, 
la  condamnée  sera  livrée  au  bras  séculier. 


sellier  du  roi  d'Angleterre  en  1428,  chargé  en  1433  par  le  roi  Henri  VI 
de  traiter  de  la  paix  avec  la  France,  il  fut  nommé  évoque  de  Coutances 
en  1439  et  uiourut  à  Rouen  le  21)  juillet  1444. 

L'abbé  de  Fécamp  ne  dut  pas  être  surpris  de  l'accueil  que  fit  à  sa 
proposition  l'évoque  de  Beauvais.  Il  ne  paraît  pas  s'être  fait  illusion  sur 
ce  personnage.  Il  était  «  un  des  assesseurs  mécontents  du  la  fai;on  dont 
était  mené  le  procès  et  qui,  comme  Pierre  Maurice,  coururent  un  grand 
péril  pour  leur  vie.  »  C'est  Jean  Lemaire,  curé  de  Saint-Vincent,  un  des 
témoins  de  la  réhabilitation,  qui  nous  à  laissé  ce  renseignement.  {Pro- 
cès, t.  III,  p.  178). 


DE    r.A    DERNIERE    DEMBERATIOX  447 

Des  quarante  assesseurs  qui  opinèrent  après  l'abbé  de  Fécamp, 
plus  de  trente  se  rangèrent  à  son  avis  ^ 

C'est  un  grave  spectacle  que  celui  de  cette  assemblée  d'ecclésias- 
tiques réclamant  des  juges  de  Jeanne,  comme  mesure  préalable  de 
justice,  qu'on  donnât  lecture  à  la  jeune  fille  de  la  cédule  qu'on 
l'accusait  d'avoir  signée  et  des  serments  qu'elle  aurait  violés.  Car, 
pour  être  plein  de  déférence,  le  langage  de  l'abbé  de  Fécamp  n'en 
formulait  pas  moins  une  requête  véritable.  En  s'exprimant  ainsi, 
lui-même  et  les  assesseurs  qui  se  joignirent  à  lui  entendaient 
manifestement  remplir  un  devoir  de  conscience. 

On  ne  saurait  croire  d'ailleurs  que  cette  quasi-unanimité  fût  le 
simple  effet  du  hasard  ;  elle  suppose  des  échanges  de  vues  et  un 
concert  préalables.  La  raison  n'en  est  pas  difficile  à  trouver.  Il 
fallait  éclaircir  les  doutes  sérieux  qui  avaient  surgi  dans  les  esprits 
à  propos  de  cette  abjuration  dont  l'évéque  de  Beauvais  voulait 
faire  à  toute  force  une  abjuration  authentique  et  canonique. 

Personne  n'ignorait  que  la  Pucelle  n'avait  cessé  de  protester 
quelle  n'avait  rien  compris,  ou  à  peu  près,  à  l'acte  qu'on  lui  avait 
arraché.  On  n'ignorait  pas  davantage  les  incidents  qui  l'avaient 
amenée  à  reprendre  l'habit  d'homme  et  {"i  le  garder.  Elle  avait 
tout  raconté  à  Jean  Massieu,  et  aux  dominicains  Martin  Ladvenu 
et  Isambard  de  la  Pierre  Ceux-ci  en  avaient  dit  certainement 
quelque  chose  aux  assesseurs  leurs  collègues,  et  à  Messire  Duremort 
lui-même,  à  cause  de  la  confiance  qu'il  inspirait. 

Peut-être  le  prieur  de  Longueville  Giffard  profita-t-il  de  l'occa- 
sion pour  faire  part  de  sa  remarque  touchant  la  durée  du  prononcé 
de  la  cédule  d'abjuration.  Et  comme  le  long  formulaire  était 
connu  de  quelques  assesseurs,  il  put  exprimer  son  étonnement 
qu'une  pièce  de  six  à  huit  lignes  se  tût  transformée  en  une  pièce 
de  quarante-cinq  à  cinquante  lignes.  Que  les  doutes  de  l'abbé  de 
Fécamp  et  de  ses  collègues  eussent  pour  objet  l'authenticité  du  long 
formulaire,  ou  l'intelligence  que  la  Pucelle  avait  eu  de  la  rétrac- 
talion  acceptée,  quelle  qu'elle  fût,  il  importait  que  ces  doutes 
fussent  dissipés.  Voilà  pourquoi,  à  la  suite  de  l'abbé  de  Fécamp, 
plus  de  trente  prêti"es  sur  quarante  demandèrent  qu'on  fît  lire  à 
Jeanne,  en  présence  de  l'assemblée,  la  cédule  invoquée  ,'par  Pierre 
Cauchon,  et  qu'on  la  lui  expliquât.  A  la  façon  dont  la  jeune  fille 
accueillerait  cette  lecture,  les  assesseurs  verraient  bien  si  elle  len- 


1.  Voir  Procès,  I,  loc.  cil.  Les  mots  :  «  Prout  deliberavit  dominas 
abbas.  Fiscampnensis  préedictus  »,  se  lisent  à  peu  prés  à  chaque  déli- 
bération. 


448  APPENDICE    VI 

tendait  pour  la  première  fois,  si  elle  avait  ou  non  juré  de  ne  pas 
reprendre  l'habit  d'homme,  de  ne  plus  parler  de  ses  révélations, 
si  enfin  elle  avait  posé  en  connaissance  de  cause  le  cas  de  rechute,' 
ou  si  ce  cas  était  une  invention  de  la  volonté  perverse  de  lévèque 
de  Beauvais. 

Quel  accueil  Pierre  Cauchon  fit-il  à  la  requête  quasi-unanime  des 
maîtres  et  docteurs  ?  J.  Quicherat  dit  que  «  ce  veu  d'une  si  grande 
majorité  était  un  devoir  pour  l'évéque-juge.  »  {Aperçus  nouveaux, 
143).  Ce  qui  est  certain,  ce  que  le  texte  du  procès  nous  apprend, 
c'est  qu'il  n'en  tînt  aucun  compte,  et  il  n'en  tint  aucun  compte 
parce  que  la  lecture  de  la  fausse  cédule  en  présence  de  la  Pucelle 
eût  ouvert  les  yeux  des  assesseurs  et  mis  à  nu  la  scélératesse  de 
l'évêque  de  Beauvais. 

Uuel  eût  été  l'effet  de  cette  lecture  ? 

A  coup  sur  Jeanne  eût  protesté  contre  l'authenticité  du  long  for- 
mulaire, elle  en  eût  avec  indignation  dénoncé  la  fausseté.  Elle  eût 
pris  à  témoin  le  prédicateur  de  Saint-Ouen  lui-même,  les  notaires- 
greffiers,  le  prêtre  Jean  Massieu  et  les  assesseurs  qui  avaient  tout 
vu  et  entendu.  Devant  ses  protestations,  un  scandale  inouï  éclatait, 
l'évêque  de  Beauvais  était  pris  en  flagrant  délit  de  faux,  les  Anglais 
eussent  été  au  comble  de  la  fureur  et  les  pii'es  conséquences  étaient 
à  craindre. 

Pieri'e  Cauchon  n'était  pas  homme  à  s'y  exposer.  La  délibéra- 
tion conditionnelle  des  docteurs  et  la  requête  qui  l'accompagnait 
n'obtinrent  de  lui  qu'un  accueil  glacial.  En  vertu  du  droit  suprême 
dont  il  était  investi,  il  n'en  tint  aucun  compte  et,  le  lendemain,  sur 
la  place  du  Vieux-Marché,  au  nom  dune  infime  minorité  seule- 
ment, il  déclara  Jeanne  héi'élique  relapse,  et  il  la  livra  au  bras  sécu- 
lier. 

Nous  sommes  loin  de  cette  unanimité  invoquée  par  les  récents^ 
historiens  français,  Henri  Martin^,  Ernest  Lavisse,  laquelle  aurait 
invité  les  juges  du  procès  à  prononcer  cette  sentence.  L'accession  de 
la  très  grande  majorité  des  docteurs  à  la  requête  de  l'abbé  de  Fécamp 
constitue  une  véritable  protestation  contre  l'iniquité  de  l'évêque 
Cauchon.  Si,  malheureusement,  le  droit  ne  leur  permettait  pas  de 
la  rendre  efficace,  elle  n'est  pas  moins  honorable  pour  ces  prêtres, 
tous  Français,  deux  exceptés,  et  elle  mérite  d'être  signalée,  dans 
les  histoires  de  la  Bienheureuse  aux  amis  de  l'Église,  de  la  France 
et  de  la  vérité. 

].  «  A  lunanimité  moins  un  seul,  dit  H.  Martin,  les  assesseurs  opi- 
nèrent pour  que  les  juges  abandonuassentJeanne  à  la  justice  séculière.  » 
{Hlsl.  de  France,  VI,  292.) 


DE  LA  DEBNIERE  DELIBERATION  449 

Selon  leur  habitude,  des  critiques  indulgents  ont  essayé  de  dis- 
culper l'évêque  de  Beauvais.  Us  ont  supposé  qu'il  avait  obtempéré 
à  sa  façon  au  désir  des  délibérants.  C'est  absolument  faux.  Aucun 
texte  du  procès  de  condamnation  n'appuie  cette  explication,  et 
les  textes  du  procès  de  revision  la  démentent  expressément.  Dans 
le  SS""*^  des  articles  présentés  aux  délégués  du  Saint-Siège  nous 
lisons  ce  qui  suit: 

«  Jeanne  ne  comprit  pas  la  cédule  d'abjuration  dont  au  cime- 
tière de  Saint-Ouen  on  lui  donna  lecture.  Qu'elle  ne  l'ait  pas  com- 
prise cela  résulte  clairement  de  la  dernière  délibération  du  procès. 
En  cette  délibération,  l'abbé  de  Fécamp  et  la  grande  majorité  des 
délibérants  dirent  tous  qu'il  fallait  demander  à  l'accusée  si  elle 
avait  compris  la  dite  cédule.  Or,  on  n'en  fit  absolument  rien.  — 
Nihil  tamen  exinde  factum  est.  »  iProcé4,  II,  254-255.) 

Le  procureur  de  la  famille  d'Arc,  maître  Guillaume  Prévosteau 
expose  les  mêmes  faits  dans  des  termes  analogues.  «  S'en  rappor- 
tant à  la  délibération  de  l'abbé  de  Fécamp,  presque  tous  les 
maîtres  et  docteurs  furent  d'avis  qu'il  fallait  demander  à  la  Pucelle 
si  elle  avait  compris  l'abjuration  prétendue.  Ce  qui  est  certain, 
c'est  qu'on  ne  l'interrogea  pas,  qu'on  ne  lui  demanda  pas,  ainsi 
qu'il  avait  été  arrêté  dans  la  dite  délibération,  si  vraiment  elle 
avait  compris  l'abjuration  dont  il  s'agissait.  De  tout  cela  rien  ne 
fut  fait.  —  Nildl  tantea  esse  factum  constat.  »  [Ibid.,  186,  187.) 

A  chacun  ses  responsabilités.  A  l'évêque  de  Beauvais  celle  d'avoir 
rendu  une  sentence  inique.  A  la  presque  unanimité  des  assesseurs 
qui  refusèrent  de  condamner  Jeanne  sans  l'avoir  entendue,  le 
mérite  de  n'avoir  pas  été  sourds  à  la  voix  de  la  justice  ^ 

1.  Sur  ces  questions,  on  pourra  consulter  les  2»  et  3»  séries  de  nos 
Etudes  critiques.  In-S»,  Paris,  1903,  1908. 


APPENDICE   VII 

DU    PnOCliS    DE    RÉHABILITATION 

I 

De  l'instrument  authentique  du  procès  de  réhabilitation 

Linstruinenl  authentique  du  procès  de  réhabilitation  n  a  pas  eu 
l'avantage  d'être  dressé  par  un  Thomas  de  Couroeiles,  ni  par  un 
des  docteurs  en  renom  de  l'Université  de  Paris.  II  fut  mis  dans  la 
forme  actuelle  par  deux  notaires  de  VAlma  mater,  maître  Denis 
Lecomte  et  François  Ferrebouc.  Ils  étaient  plus  aptes  que  d'autres 
à  mener  ce  travail  à  bonne  fin,  car  ils  avaient  instrumenté  comme 
notaires  du  tribunal  durant  la  cause  de  la  réhabilitation.  Maître 
Ferrebouc  «  jouissait  en  son  temps  d'une  certaine  réputation  de 
lettré  [Procès,  t.  V,  p.  434.)  »  Ce  n'est  pas  la  lâche  de  dresser 
l'instrument  d'un  procès  long  et  compliqué  qui  pouvait  faire  valoir 
ses  droits  à  cette  réputation.  Comme  œuvre  littéraire,  le  procès  de 
réhabilitation  n'est  pas  plus  remarquable  que  le  procès  de  condam- 
nation. Mais  à  d'autres  points  de  vue,  comme  œuvre  juridique  et 
morale,  d'une  part,  comme  recueil  de  documents  historiques  d'un 
prix  inestimable  de  l'autre,  le  procès  de  réhabilitation  s'élève  infi- 
niment au-dessus  du  procès  rédigé  par  Thomas  de  Courcelles. 

Comme  œuvre  juridique  et  morale,  le  procès  de  réhabilitation 
est  une  œuvre  inattaquable  de  justice  et  de  conscience,  tandis  que 
le  procès  de  condamnation,  si  habilement  qu'il  ait  été  mené, 
restera  un  chef-d'œuvre  de  mépris  du  droit,  d'impudence  et  d'ini- 
quité. 

Comme  source  de  documents  historiques,  le  procès  de  réhabi- 
litation est  un  trésor  du  plus  grand  prix  et,  sous  ce  rapport,  il 
complète  merveilleusement  les  interrogatoires  du  procès  de  con- 
damnation. Les  enquêtes  ordonnées  par  les  délégués  pontificaux 
nous  ont  valu  un  recueil  de  témoignages  auquel  on  ne  peut  rien 
comparer  de  semblable  dans  aucune  histoire,  .lointe  aux  interro- 


DU    PUOCES    DE    RKIIAIULITATION  4b  I 

galoires  du  procès  de  Rouen,  ces  enquêtes  permettent  à  l'historien 
de  construire  un  monument  qui,  pour  la  solidité  et  la  richesse  des 
matériaux,  ne  le  cède  à  aucun  des  monuments  du  même  genre. 

Gomme  œuvre  de  procédure,  le  procès  de  14-56  est  également  une 
œuvre  à  laquelle  on  ne  peut  que  rendre  hommage.  Si  la  lecture  en 
est  généralement  difficile,  cela  tient  en  grande  partie  à  la  con- 
science presque  exagérée  avec  laquelle  les  rédacteurs  ont  traité  la 
reproduction  et  la  transcription  des  citations  et  autres  pièces  de 
procédure  proprement  dite. 

La  forme  sous  laquelle  le  texte  du  procès  se  présente  au  lecteur 
diffère  essentiellement  de  la  forme  du  procès  de  condamnation. 
Cette  forme  n'est  pas  celle  des  lettres  patentes  adoptées  par  les 
juges  de  Rouen.  Les  délégués  du  Saint-Siège  n'exposent  pas  direc- 
tement et  parlant  à  la  première  personne  toute  la  suite  du  procès. 
€e  sont  les  notaires  qui  énoncent  les  faits  et  les  actes  :  ils  parlent 
en  leur  nom,  à  la  première  personne,  toutes  les  fois  qu'ils  inter- 
viennent, et  quand  ils  désignent  les  juges,  ils  ne  les  désignent 
d'ordinaire  qu'à  la  troisième  personne. 


11 
Ses  expéditions  authentiques  du  procès  de  réhabilitation. 

11  en  est  des  minutes  et  originaux  qui  servirent  à  former  le  dos- 
sier du  procèe  de  réhabilitation  et  à  la  rédaction  de  l'instrument 
définitif,  comme  des  minutes  et  originaux  du  procès  de  condamna- 
tion ;  ils  sont  perdus  et  il  ne  parait  pas,  quoi  que  dise  J.  Oiiicherat 
{Procès,  t.  V,  p.  433),  qu'on  en  ait  retrouvé  même  la  trace. 

Dans  leur  préface  (t.  Il,  p.  76),  les  notaires  Denis  Lecomte  et 
Ferrebouc  disent  avoir  délivré  sous  leurs  seings  trois  expédi lions 
du  procès  de  réhabilitation.  L'une  d'elles,  ajoutent-ils,  contenait 
le  texte  entier  du  procès  de  condamnation.  Cette  expédition  a  été 
perdue  ;  les  deux  qui  nous  restent  ne  contiennent  rien  des  écritures 
du  premier  procès.  On  peut  voir  ces  deux  manuscrits  à  la  Biblio- 
thèque nationale.  Au  bas  des  feuillets  qui  les  composent  se  lisent 
les  signatures  Comitis  et  Ferrebouc,  avec  la  formule  sic  affîrmo  dans 
le  premier,  sans  cette  formule  dans  le  second. 

Dans  le  premier  de  ces  manuscrits  seulement  ont  été  insérés  les 
huit  mémoires  présentés  aux  délégués  du  Saint-Siège  ;  dans  le 
second,  propter  proUxitatem,  on  n'a  inséré  que  celui  de  Gersôn.  Ce 
second  manuscrit  est  ordinairement  désigné  sous  le  nom  de  manus- 


432  AI'l'ENDICK    VII 

crit  de  Noire-Dame,  parce  qu'il  resta  à  Noire-Dame  jusqu'en  1785. 
{Procès,  l.  V,  p.  449). 

L'édileur  des  deux  procès  s'esl  servi  du  premier  manuscrit  pour 
la  publication  de  son  grand  ouvrage  ;  l'écriture  en  est  beaucoup 
plus  belle  que  l'écriture  du  manuscrit  dit  de  Notre-Dame.  Parfois 
cependant  il  s'est  servi  de  ce  dernier  pour  corriger  le  texte;  dans 
ce  cas,  il  prévient  toujours  de  lecteur  [Procès,  t.  V  p.  448.) 


De  la  rédaction  primitive  du  procès  de  réhabilitation 

D'après  .1.  Quicherat,  le  procès  de  l'éhabilitation  tel  que  nous 
lavons  décrit  ne  nous  donnerait  pas  la  forme  sous  laquelle  il 
aurait  été  tout  d'abord  rédigé.  Les  greffiers  Lecomte  et  Ferrebouc 
auraient  songé  à  présenter  les  actes  de  ce  second  procès  comme 
Thomas  de  Courcelles  avait  présenté  ceux  du  procès  de  Rouen.  Ils 
auraient  donc  rédigé  «  l'instrument  de  la  réhabilitation  en  forme 
de  lettres  patentes  où  les  juges,  parlant  à  la  première  personne, 
énonçaient  toute  la  suite  de  la  procédure,  insertion  faite  en  leur 
lieu  des  actes  décernés  et  des  pièces  produites.  »  [Procès,  t.  Y,  pp. 
434-435.) 

Le  savant  éditeur  trouve  la  preuve  de  cette  rédaction  primitive 
dans  le  manuscrit  de  D'Urfé  de  la  Bibliothèque  nationale.  Ce  manus- 
crit serait  tout  simplement  une  copie  du  procès  en  cette  forme. 
Quoiqu'une  partie  se  soit  perdue,  il  en  reste  néanmoins  des  frag- 
ments considérables  que  Quicherat  a  reproduits  à  la  fin  du  tome 
troisième  de  sa  publication. 

Cette  copie  n'obtint  pas  de  consécration  authentique.  Pour  des 
motifs  difficiles  à  définir,  peut-éti'e  uniquement  pour  mettre  une 
différence  de  forme  entre  les  deux  procès,  les  greffiers  procédèrent, 
d'eux-mêmes  ou  sur  l'avis  des  juges,  à  la  rédaction  que  nous  ont 
transmise  les  expéditions  authentiques. 

Le  lecteur  qui  désirerai  de  plus  amples  renseignements,  les 
trouvera  dans  la  notice  de  J.  Quicherat  sur  les  pièces  de  la  réha- 
bilitation, t.  V  p.  438-447.  Il  trouvera  aussi,  même  tome,  pp.  392- 
418  et  447-461,  la  description  des  principaux  manuscrits,  soit  ori- 
ginaux, soit  copies  qui  nous  ont  été  conservés  du  texte  des  deux 
procès. 


J 


DU    PROCÈS    DE    RÉHABILITATION  453 

IV 

Critiques  formulées  contre  le  procès  de  réhabilitation. 

Après  les  détails  qui  précèdent  sur  Vinstrument  officiel  du  procès 
de  réhaltilitation,  il  ne  sera  pas  inutile  de  signaler  les  principales 
critiques  formulées  contre  le  procès  lui-même  et  de  réduire  ses 
critiques  à  leur  juste  valeur. 

On  a  d'abord  prétendu  que  ce  procès,  comme  celui  de  condam- 
nation, avait  été  purement  politique,  au  moins  dans  lintention  de 
Charles  Vil  et  de  ses  conseillers.  .1.  Quicherat  écrivait  là-dessus  à 
M.  de  Beaucourt  :  «  Mon  opinion  est  que  le  procès  de  réhabilitation 
a  été  dirigé  et  arrangé  de  manière  à  cacher  les  torts  commis  envers 
la  Pucelle,  et  par  le  roi  et  par  ses  confidents,  et  par  tous  les  per- 
sonnages attachés  ou  ralliés  à  son  gouvernement.  »  (Lettre  du  17 
novembre  1850). 

On  dit  que,  en  1433,  Juvénal  des  Ursins,  —  le  futur  président 
du  tribunal  de  la  réhabilitation,  —  alors  évêque  de  Beauvais,  écrivit 
aux  Etats  de  Blois  une  lettre  «  sur  les  succès  admirables  du  roi 
de  France.  »  Il  y  rendait  grâces  à  Dieu  qui  «  avait  donné  à  une  petite 
compagnie  de  vaillants  hommes  le  courage  de  les  entreprendre  »  ; 
mais  il  ne  nommait  pas  la  Pucelle. 

Ce  fut  un  tort  de  la  part  de  l'orateur  courtisan.  Mais  de  1433  à 
1456  il  y  a  loin.  Qui  pourrait  assurer  que  l'archevêque  de  Reims  n'eut 
pas  à  cœur  de  réparer  l'oubli  qu'il  avait  commis  étant  évêque  de 
Beauvais  ? 

Que  la  politique  se  soit  immiscée  dans  les  conseils  qui  précé- 
dèrent et  décidèrent  le  procès  de  réhabilitation,  ce  n'est  pas  dou- 
teux ;  que  les  juges,  un  ou  plusieurs,  se  soient  préoccupés  de  pallier 
les  torts  de  Charles  VU  envers  la  Pucelle,  à  la  rigueur  on  peut  le 
croire.  Mais  qu'en  fait,  le  procès  de  réhabilitation  n'ait  pas  été  ce 
qu'il  devait  être,  une  justification  éclatante  de  la  Pucelle,  c'est 
absolument  faux.  Peu  importe  les  vues  politiques  dont  s'inspiraient 
juges  et  conseillers;  qu'ils  l'aient  voulu  ou  non,  Jeannne  est  sortie 
des  enquêtes  d'Orléans,  Paris,  Rouen,  Domremy,  par  la  seule  force 
des  choses,  glorifiée  et  triomphante. 

J.  Quicherat  et  H.  Martin  disent  encore  que  «  les  dépositions  des 
témoins  ont  l'air  d'avoir  subi  la  plupart  de  nombreux  retranche- 
ments. »  [Aperçus  nouveaux...,  p.  151.)  Ils  parlent  de  «  suppres- 
sions commandées  par  les  circonstances  »,  de  témoins  qu'on  aurait 
pu  citer  et  qui  n'ont  pas  paru,  de  sujets  qu'on  aurait  pu  traiter  et 


4ij4  APPENDICE    VII 

qu'on  a  passé  sous  silence.  {Ibid.).  Avec  tous  le  respect  dû  à  des 
hommes  de  la  valeur  de  .1.  Quicherat  et  de  H.  Martin,  nous  dirons 
que  ces  ol)servalions  ne  sont  ni  fondées,  ni  sérieuses.  Ainsi,  pour 
les  (ledderala  indiqués,  les  juges  de  la  réhabilitation  n'onl-ils  pas 
rencontré  des  difficultés,  des  obstacles  que  nous  ne  pouvons  appré- 
cier, à  la  dislance  où  nous  sommes  des  événements  ?  Les  juges 
n'ont  pas  fait  tout  ce  qu'ils  ont  voulu.  Aujourd'hui,  en  plein  dix- 
neuvième  siècle,  on  ne  serait  pas  embarrassé  de  citer  certains  pro- 
cès où  l'on  a  été  loin  de  faire  la  lumière  comme  on  aurait  pu  et 
comme  il  l'aurait  fallu. 

Pour  les  suppressions,  mutilations  et  retranchements  dont  il  est 
question  plus  haut,  c'est  à  la  légère  que  jios  critiques  en  parlent. 
Ils  seraient  bien  empêchés  si  on  les  priait  d'en  fournir  la  preuve. 
Cependant  des  accusations  de  ce  genre  sont  de  celles  qu'il  faut 
justifier:  des  préventions,  des  conjectures,  des  hypothèses  ne  sont 
pas  des  arguments  suffisants.  On  verra  tout  à  l'heure  qu'aucune 
preuve  à  l'appui  de  ces  accusations  n'a  été  fournie. 

J.  Quicherat  est  beaucoup  plus  indulgent  pour  P.  Cauchon  que 
pour  les  juges  de  1456.  11  ne  lui  reproche  pas  d'avoir  supprimé  des 
pièces,  d'avoir  inventé  de  faux  procès  verbaux  ;  il  l'en  défend 
même  en  partie.  On  a  formulé  à  ce  sujet  une  accusation  expresse  ; 
mais  les  historiens  qui  l'ont  formulée  n'ont  pas  manqué  d'en  don- 
ner la  preuve.  C'est  une  preuve  semblable  qu'on  ne  saurait  pro- 
duire contre  les  juges  de  la  réhabilitation. 

Enfin,  J.  Quicherat,  comparant  les  délégués  du  Saint-Siège  à 
l'évêque  de  Beauvais  au  point  de  vue  de  l'étude  approfondie  du 
dossier,  leur  assigne  un  rang  d'infériorité  ;  car,  au  sentiment  de 
l'éditeur  des  deux  procès,  «  les  juges  de  la  réhabilitation  se  mon- 
trèrent moins  sévères  formalistes  que  Cauchon,  ou  coulants  sur 
la  formalité  des  consultations.  « 

A  quelles  choses  étranges  exposent  les  idées  préconçues  ! 

Les  délégués  du  Saint-Siège  moins  sévères  formalistes  que  l'évêque 
de  Beauvais  !  Combien  de  règles  juridiques  violées  j^ar  les  juges  de 
la  réhabilitation  J.  Quicherat  signale-t-il  ?  Aucune. 

Combien  de  règles  juridiques  P.  Cauchon  a-t-il  violées  ouver- 
tement? Au  moins  douze,  d'après  les  canonistes  les  moins  rigou- 
reux. 

Les  délégués  du  Saint-Siège  plus  coulants  sur  la  formalité  des 
consultations  !  Est-ce  que  l'on  oserait  comparer  les  avis  motivés 
des  assesseurs  du  procès  de  Rouen,  avis  exprimés  en  quelques  lignes, 
même  ceux  des  docteurs  de  l'Université  de  Paris,  aux  mémoires 
approfondis  de  .Jean  Bréhal  et  autres  docteurs  et  prélats  insérés  au 


UU    PROCES    DE    REHAUlLlTATIUiN  455 

procès  de  réhabililalion  et  à  ceux  des  canonisles  Leliis  el  Pon- 
tanus  ? 

Quant  à  l'élude  consciencieuse  à  laquelle  les  juges  délégués  se 
sont  livrés  personnellement,  qu'on  lise  les  pages  329-332  du 
tome  m  des  deux  procès  que  J.  Quicherat  parait  avoir  oubliées. 

Le  paléographe  l'rançais  semble  supposer  que  les  juges  délégués 
se  sont  écartés  en  ce  point  des  règles  du  droit. 

Cette  hypothèse  est  gratuite,  ou  plutôt  contraire  à  la  vérité.  On 
n"a  rien  à  reprocher  aux  délégués  du  Saint-Siège  sous  ce  rapport. 
Ce  qu'ils  ont  fait,  ils  étaient  autorisés  à  le  faire.  Le  livre  VI  des 
Décrétales  autorise  les  juges  d'une  cause  de  foi  «  à  mander,  s'ils 
lestiment  bon,  des  gens  de  savoir,  pour  qu'ils  les  aident  de  leurs 
conseils  »  ;  mais  il  leur  laisse  toute  latitude.  Par  les  pages  du  procès 
auxquelles  nous  renvoyons,  on  verra  que  les  juges  de  la  réhabili- 
bilitation  se  sont  entourés  d'autant  de  gens  de  savoir  et  de  beau- 
coup plus  de  travaux  solides  que  ne  l'avait  fait  l'évéque  de  Beau- 
vais.  Au  procès  de  condamnation  n'est  annexé  aucun  travail  de 
valeur;  au  procès  de  réhabilitation  sont  jointes  neuf  dissertation 
qui  font  honneur  aux  maîtres  qui  les  ont  signées. 


APPENDICE    VIII 

desT'enquètes  du  procès  de  réhabilitation 


Les  enquêtes  auxquelles  donna  lieu  la  révision  du  procès  de  1431 
sont  au  nombre  de  huit  : 

La  première,  officieuse  seulement,  eut  lieu  à  Rouen,  en  1450  : 
elle  ne  fut  pas  insérée  au  procès  de  réhabilitation. 

La  deuxième  et  la  troisième  se  firent  à  Rouen  en  1442,  lune  par 
le  cardinal  d'Estouteville  lui-même;  l'autre  par  son  délégué,  le 
chanoine  Philippe  de  la  Rose  :  à  ces  deux  enquêtes  prit  part  l'in- 
quisiteur Jean  Bréhal.  Elles  furent  insérées  par  les  délégués  du 
Saint-Siège  au  procès  de  1455. 

La  quatrième  se  fit  dans  le  pays  de  Jeanne,  en  1456  ; 

La  cinquième,  à  Orléans  ; 

La  sixième,  à  Paris  ; 

La  septième,  à  Rouen  ; 

La  huitième,  à  Lyon. 
f  Nous  allons  donner  les  noms  des  témoins  qui  furent  entendus  au 
cours  de  ces  enquêtes. 


Enquête  de  Rouen  '  par  maître  Guillaume  Bouille 
[février  1450]. 

Témoins  entendus. 

Frère  Jehan  Toutmouillé,  frère  prêcheur  à  Rouen,  42  ans. 

Frère  Ysambert  de  la  Pierre,  frère  prêcheur  à  Rouen,  49  ans. 

Frère  Martin  Ladvenu,  frère  prêcheur  à  Rouen. 

Frère  Guillaume  Uuval,  frère  prêcheur  à  Rouen,  45  ans. 

Maître  Guillaume  Manchon,  notaire  au  procès,  50  ans. 

Maître  Jean  Massieu,  huissier  au  procès,  50  ans. 

1.  J.  QuiCHERAT.  Procès,  t.  II,  p.  3-21. 


DES    ENQUETES    DU    PROCES    DE    aEHAlULITAïlON  457 

Maitre  Jean  Beaupère,  chanoine  de  Rouen,  assesseur  au  procès, 
70  ans. 


Enquête  à  Rouen  '  en  1452,  du  cardinal  d'Estouteville. 
nonce  apostolique. 

Témoins  entendus  à  Rouen  par  le  cardinal  lui-même  et  frère 
Jehan  Bréhal.  grand  inquisiteur,  les  2  et  3  mai. 

Maître  Guillaume  Manchon,  ci-dessus,  58  ans  vel  circa. 
Pierre  Migiet,  prieur  de  Longueville-Giffard,  70  ans. 
Bardinus  de  Petra  (Ysambert  de  la  Pierre,  ci-dessus),  55  ans. 
Pierre  Cusquel,  bourgeois  de  Rouen,  55  ans. 
F.  Martin  Ladvenu,  ci-dessus,  55  ans. 


Autre  enquête  à  Rouen -par  le  cardinal  Philippe  de  la  Rose, 
trésorier  du  chapitre  de  Rouen  et  délégué  du  cardinal  d'Estou- 
teville (du  8  au  10  mai,  même  année). 

Témoins  entendus. 

Nicolas  Taquel,  notaire  au  procès,  52  ans. 

Pierre  Bouchier,  prêtre,  curé  de  Bourgeauville,  55  ans. 

Nicolas  de  Houppeville,  bachelier  en  théologie,  60  ans  vel  circa. 

Jean  Massieu,  ci-dessus  nommé,  55  ans. 

Nicolas  Caval,  chanoine  de  Rouen,  60  ans. 

Guillaume  Dudésert,  chanoine  de  Rouen,  52  ans. 

Guillaume  Manchon...,  57  ans. 

Pierre  Cusquel,  ci-dessus  nommé,  50  ans. 

Ysambard  de  la  Pierre,  ci-dessus  nommé,  60  ans. 

André  Marguerie,  chanoine  de  Rouen,  76  ans. 

Richard  de  Grouchet,  maître  es  arts,  60  ans. 

Pierre  Migiet,  ci-dessus  nommé,  70  ans. 

Martin  Ladvenu,  ci-dessus  nommé,  52  ans  vel  circa. 

Jean  Lefèvre,  évêque  de  Démétriade. 

Thomas  Marie,  bénédictin,  62  ans  vel  circa. 

Jean  Riquier,  curé  de  Heudicourt,  40  ans. 

Jean  Fave,  licencié  es  droit,  45  ans  ve/  circa. 

\.  Jhid.,  p.  297-30'J. 
2.  Procès,  H,  317-377. 


458  APPENDICE    VIII 

IV 

Enquête  faite  au  pays  delà  Pucelle,  en  Tannée  1456. 

Témoins  entendus. 

Jean  Morel,  de  Greux,  laboureur,  70  ans. 

Dominique  Jacob,  curé  de  Moutier-sur-Saulx,  35  ans,  vel  circa. 

Béatrix.  veuve  Estellin.  de  Domremy.  80  ans. 

Jeannette,  femme  de  Thévenin  le  Hoyer,  de  Domremy,  70  ans 
environ. 

Jean,  dit  Moeii.  de  Domremy,  charron,  56  ans. 

Etienne  de  Syone,  curé  de  Roussey,  près  Neufchâteau,  54  ans 
environ. 

Jeannette,  veuve  Thiesselin  de  Vital,  clerc  à  Domremy,  70  ans 
environ. 

Louis  de  Martigny,  écuyer,  56  ans  environ. 

Thévenin  le  Royer  (ou  le  Charron),  habitant  de  Domremy,  70  ans 
environ. 

Jacquier  de  Saint-Amant,  laboureur,  habitant  de  Domremy,  60  ans 
environ. 

Bertrand  Lacloppe,  de  Domremy,  90  ans  environ. 

Perrin  le  Drappier,  de  Domremy,  60  ans  environ. 

Gérard  Guillemette  de  Greux,  laboureur,  40  ans  environ. 

Hauviette,  femme  de  Gérard  de  Syna  ou  Syone,  laboureur  à  Dom- 
remy, 45  ans  envii'on. 

Jean  Watterin,  de  Domremy,  45  ans  environ. 

Gérardin  d'Épinal,  laboureur  à  Domremy,  60  ans. 

Simonin  Musnier,  laboureur,  de  Domremy,  44  ans  environ. 

Isabelle,  femme  de  Gérardin,  laboureur  à  Domremy,  50  ans 
environ. 

Mengette,  femme  de  Jean  Joyart,  laboureur  de  Domremy,  46  ans 
environ. 

Jean  Colin,  curé  de  Domremy,  66  ans  environ. 

Colin,  fils  de  Colin  de  Greux,  laboureur,  50  ans  environ. 

Jean  de  Novelonpont,  dit  de  Metz,  57  ans  environ. 

Michel  Lebuin.  de  Domremy,  cultivateur  à  Burey,  44  ans  envi- 
ron. 

Geoffroy  du  Fay,  50  ans  environ. 

Durand  Laxart,  de  Burey-le-Petit,  laboureur,  60  ans  environ. 

Catherine,  femme  de  Henri  le  Royer,  de  Vaucouleurs,  54  ans 
environ. 


DES    ENQUETES    DU    PROCES    DE    REHABILITATION  45^ 

Henri  le  Rojer,  de  Vaucouleurs,  64  ans  environ. 

Aubert  d'Ourciies,  chevalier,  ùgé  de  60  ans. 

Nicolas  Baillj,  d'Andelot,  du  diocèse  de  Langres,  âgé  d'environ 
60  ans. 

(luillot  Jacquier,  d'Andelot,  36  ans  environ. 

Bertrand  de  Pouiangy,  écuyer,  63  ans  environ. 

Henri  Arnolin,  de  Gondrecourt-le-Château,  pi-être,  04  ans  envi- 
ron. 

Jean  le  Fumeux,  de  Vaucouleurs,  chanoine,  38  ans  environ. 

Jean  Jacquard,  de  Greux,  laboureur,  47  ans  environ. 

Enquête  commencée  le  28  janvier  et  terminée  le  11  février  1456. 


V 
Enquête  d  Orléans  ^commencée  le  22  février  1456]. 

Témoins  entendus. 
Comte  de  Dunois. 

Haoul  de  Gaucourt,  chevalier,  grand  mai  Ire  d'hôtel  du  roi,  84  ans 
environ. 

François  Garivel,  conseiller  du  roi,  40  ans  environ. 

Guillaume  de  Kicarville,  maître  d'hôtel  du  roi.  60  ans  environ. 

Reginald  Thierry,  chirurgien  du  roi,  6i  ans  environ. 

Jean  Luillier,  bourgeois  d'Orléans,  56  ans  environ. 

JeanHilaire,  bourgeois  d'Orléans,  66  ans  environ. 

Gilles  de  Sainl-Mesmin,  bourgeois  d'Orléans,  74  ans  environ. 

Jacques  L'Esbahy,  bourgeois  d'Orléans,  50  ans  environ. 

Guillaume  le  Charron,  bourgeois  d'Orléans,  59  ans  environ. 

Cosme  de  Commy,  bourgeois  d'Orléans,  64  ans  environ. 

Martin  de  Mauboudet,  bourgeois  d'Orléans,  67  ans  environ. 

Jean  Volant,  bourgeois  d'Orléans,  70  ans  environ 

(iuillaume  Postiau,  bourgeois  d'Orléans,  44  ans  environ. 

Denys  Roger,  bourgeois  d'Orléans,  70  ans. 

Jacques  de  Thou,  bourgeois  d'Orléans,  50  ans. 

Jean  Carrelier,  bourgeois  d'Orléans,  44  ans. 

Aignan  de  Saint-Mesmin,  87  ans  environ. 

Jean  de  Champeaulx,  50  ans. 

Pierre  Jnugault,  bourgeois  d'Orléans,  50  ans. 

Pierre  Hue,  bourgeois  d'Orléans,  50  ans  environ. 

Jean  Aubert,  52  ans  environ. 

Guillaume  Ronillart,  46  ans. 


460  APPENDICE    VIII 

(ientian  i^abu,  39  ans  environ. 

Pierre  Vaillant,  bourgeois,  70  ans  environ. 

.lean  Coulon,  56  ans  environ. 

Jean  Beauharnais,  50  ans  environ. 

Robert  de  Farciaulx,  chanoine  de  Saint-Aignan.  78  ans. 

J'ierre  Compaing,  chanoine  de  Saint-Aignan,  50  ans  environ. 

Pierre  de  la  Censure,  chanoine  de  Saint-Aignan,  60  ans. 

Raoul  Godart,  chanoine  de  Saint-Aignan,  55  ans. 

Hervé  Bonart,  prieur  de  Saint-Magloire,  60  ans. 

André  Bordes,  chanoine  de  Saint-Aignan,  60  ans  environ. 

Jeanne,  femme  de  Gilles  de  Saint-Mesmin.  70  ans. 

Jeanne,  femme  de  Guidon  Bojleaux,  60  ans. 

Guilleniette,  femme  de  Jean  de  Coulons,  51  ans. 

Jeanne,  veuve  de  Mouchj,  50  ans. 

Charlotte,  femme  Havet,  36  ans  envii'on. 

Réginalde,  veuve  Huré,  50  ans. 

Pétronille,  femme  Beauharnais,  50  ans. 

-Massée,  femme  Fagoue,  50  ans. 


VI 
Enquête  de  Paris 

Témoins  entendus  par  l'Archevêque  de  Reims  et  l'inquisiteiu'  Jean 
Bréhal  ou  son  délégué  Thomas  \éve\,  des  frères  prêcheurs. 

Jean  Tiphaine,  maître  es  arts  et  en  médecine,  chanoine  de  la 
Sainte-Chapelle  de  Paris,  60  ans  environ. 

Guillaume  Delachambre,  maître  es  arts  et  en  médecine,  48  ans 
environ. 

Jean  de  Mailly,  évêque  de  IS'ojon,  60  ans  environ. 

Thomas  de  Courcelles,  chanoine  de  Paris.  56  ans  environ. 

Jean  Monnet,  chanoine  de  Paris^  50  ans  environ. 

Louis  de  Coûtes,  écuyer  et  page  de  la  Pucelle,  42  ans  environ. 

Gobert  Thibault,  écuyer  de  l'écurie  du  roi,  50  ans  environ. 

Simon  Beaucroix,  écuyer,  50  ans  environ. 

Jean  Barbin,  avocat  au  Parlement,  50  ans. 

Marguerite  La  Touroulde,  veuve  René  de  Bouligny,  64  ans  envi- 
ron. 

Jean  Marcel,  bourgeois  de  Paris,  qui  vil  .leanne  à  Saint-Ouen, 
56  ans  environ. 

Le  duc  d'Alenron,  50  ans  environ. 


DES    ENQUETES    DU    PROCES    DE    RÉHA  UILITATION  461 

Jean  Pasquerel,  des  Ermites  de  Saint-Augustin,  aumônier  de 
Jeanne. 

Jean  de  Lenozoles,  célestin,  58  ans  environ. 

Simon  Charles,  président  de  la  Chambre  des  Comptes,  60  ans 
environ. 

Théobald  d'Armignac  ou  de  Termes,  chevalier.  50  ans  environ. 

Haimond  de  Macj,  chevalier  bourguignon,  56  ans  environ. 

Colette,  femme  Milet,  56  ans. 

Pierre  Milet,  greffier  des  élus  de  Paris,  72  ans  environ. 

Aignan  Viole,  avocat  au  Parlement,  50  ans  environ. 


Vil 

Enquête  ouverte  à  Rouen  en  1456  par  l'archevêque  de  Reims, 
l'évéque  de  Paris,  délégués  du  Saint-Siège,  et  1  inquisiteur  Jean 
Bréhal. 


Témoins  entendus  à  partir  du  i2-mai  1456.  ' 
Pierre  Migiet,  prieur  de  Longueville-Giffard,  70  ans. 
Guillaume  .Manchon,  nommé  plus  haut,  60  ans  environ. 
Jean  Massieu,  nommé  plus  haut,  50  ans  environ. 
Guillaume  Colles,  notaire  au  procès,  66  ans  environ. 
Martin  Ladvenu,  nommé  plus  haut,  56  ans  environ. 
Nicolas  de  Houppeville,  nommé  plus  haut,  65  ans  environ. 
Jean  Lefèvre,  nommé  plus  haut,  70  ans  environ. 
Jean  Lemaire,  curé  de  Rouen,  45  ans. 
Nicolas  Caval,  chanoine  de  Rouen,  70  ans  environ. 
Pierre  Cusquel,  bourgeois  de  Rouen,  53  ans  environ. 
André  Marguerie,  archidiacre,  76  ans  environ. 
Maugier  Leparmentier,  appariteur  de  la  curie  archiépiscopale  de 
Rouen,  56  ans  environ. 
Laurent  Guesdon,  bourgeois  de  Rouen. 
.Jean  Riquier,  nommé  plus  haut,  47  ans  environ. 
Jean  Moreau,  habitant  de  Rouen,  52  ans. 
Nicolas  Taquel,  nommé  plus  haut,  58  ans  environ. 
Husson  Lemaître,  habitant  de  Rouen,  50  ans  environ. 
Pierre  Daron,  lieutenant  du  bailli  de  Rouen,  60  ans  environ, 
Seguin  de  Seguin,  dominicain,  70  ans  environ. 


462  APPENDICE    VIII 

VIII 

Déposition  reçue  à  Lyon  le  28  mai  1456. 

Jean  d'Aulon.  ancien  intendant  de  la  i'ucelle,  chevalier  et  séné- 
chal de  Beaucaire. 

Récaimtulation 

Enquête  de  1450.  Témoins  entendus 7 

Prenmière  enquête  de  1452 5 

Deuxième             —              17 

Enquêtes  de  1456.  Au  pays  de  Jeanne 34 

—  A  Orléans 41 

—  A  Paris 20 

—  A  Rouen 19 

—  A  Lyon 1 

Total 144 

Quoique  les  enquêtes  réunies  aient  produit  cent  quarante-quatre 
dépositions  distinctes,  les  témoins  entendus  ne  furent  pas  aussi 
nombreux  :  plusieurs  déposèrent  plusieurs  fois  en  difféi'entes 
enquêtes. 

Guillaume  Manchon  et  Martin  Ladvenu  déposèrent  chacun  4  fois  ; 

Isambart  de  la  Pierre,  Jean  Massieu,  Pierre  Cusquel,  Pierre 
Migiet,  chacun  3  fois  ; 

Nicolas  Houppeville,  Jean  Lefèvre,  Nicolas  Gavai,  André  Mar- 
gueric,  Jean  Kiquier,  chacun  2  fois. 

Onze  témoins  firent  donc  entendre  et  signèrent  trente  dépositions. 

Ge  qui  réduit  les  auteurs  des  144  dépositions  à  125  personnes 
distinctes. 

Gonclusion.  Il  n'y  a  eu  que  125  témoins  entendus  aux  enquêtes; 
mais  ces  125  témoins  ont  déposé  en  tout  cent  quarante-quatre  fois. 

IX 
Des  témoins  entendus  sur  le  procès  de  Rouen. 

Recherchons  maintenant  combien  de  ces  témoins  furent  interro- 
gés sur  le  procès  de  Rouen,  objet  principal  de  la  révision  prescrite. 
Quatre  enquêtes  s'en  occupèrent  spécialement. 
L'enquête  de  1450  recueillit  sept  dépositions. 


DES    ENQUETES    DU    PROCES    DE    REHABILITATION  463 

Celles  de  1452  en  recueillirent  vingt-deux. 

Celle  de  1456  à  Rouen  dix-huit. 

A  l'enquête  de  Paris  déposèrent  sur  le  procès  : 

Jean  Tiphaine,  Guillaume  Delachambre,  l'évêque  de  Noyon,  Tho- 
mas de  Courcelles,  Jean  Monnet,  Jean  Marcel,  Jean  de  Lenozoles, 
le  chevalier  de  Macy  :  en  tout  huit  dépositions,  et  avec  les  précé- 
dentes, cinquante  cinq. 

Mais,  ainsi  que  dans  le  cas  précédent,  trente  de  ces  cinquante- 
cinq  dépositions  furent  émises  par  onze  personnes  seulement.  De 
là  ce  résultat  final  : 

Cinquante-cinq  dépositions  ont  été  recueillies  sur  le  sujet  du  pro- 
cès de  Rouen,  mais  ces  dépositions  ne  sont  dues  qu'à  trente-six 
témoins. 

Les  enquêtes  du  pays  de  Jeanne,  d'Orléans,  de  Paris  et  de  Lyon 
n'ofi'rent  pas  de  difficulté  de  cette  nature.  En  ces  enquêtes,  il  s'est 
présenté  autant  de  témoins  distincts  qu'il  y  a  eu  de  dépositions 
recueillies. 


APPENDICE   IX 

DE    LA    SENTENCE    UE    1456,    SON    AUTORITÉ 


La  question  la  plus  importante  concernant  le  procès  de  réhabi- 
litation est  celle  de  son  autorité.  Défendue  jusqu'à  .1.  Quicherat  par 
la  grande  majorité  des  historiens,  elle  a  été  attaquée  par  l'auteur 
des  Aperçus  nouveaux,  et,  après  sa  mort,  sa  thèse  a  été  reprise  à 
nouveaux  frais  par  les  représentants  de  son  école.  Us  déclarent 
récemment  sans  ambages  que  «  jamais  aucun  historien  de  bon  sens 
ne  regardera  le  procès  de  réhabilitation  comme  faisant  autorité  » 
^Gabriel  Monod)  . 

Essayons  de  voir  ce  qu'il  en  faut  penser. 


En  quoi  consiste  le  procès  de  réhabilitation. 
Ses  éléments  essentiels. 

Et  d'abord  en  quoi  consiste  essentiellement  le  procès  de  réhabi- 
litation "? 

D'après  l'école  antitraditionnelle,  il  consisterait  dans  les  dépo- 
sitions recueillies  aux  diverses  enquêtes  que  les  délégués  du  Saint- 
Siège  avaient  estimées  indispensables. 

D'après  tous  les  canonistes  et  historiens  qui  ont  précédé  J.  Qui- 
cherat, il  consiste  dans  un  certain  nombre  d'actes  émanant  soit  des 
avocats  et  procureur,  soit  du  promoteur  et  des  juges. 

Tels  sont  les  articles  au  nombre  de  cent  un  présentés  au  tribunal 
par  les  demandeurs^  et  admis  au  procès  ; 

Tels  les  motifs  de  droit  exposés  par  le  promoteur,  maître  Simon 
Ghapitault,  et  par  les  avocats  des  demandeurs  ; 

Tels  les  divers  plaidoyers  et  mémoires  soit  de  maître  Pierre  Mau- 
gier,  avocat  de  la  famille,  soit  de  maître  Prévosteau,  procureur  en 
la  cause  ; 


DE    LA    SENTENCE    DE    1456,    SON    AUTORITÉ  465 

Tel  enfin  le  jugement  motivé  'prononcé  le  7  juillet  1456  dans  le 
palais  des  archevêques  de  Rouen, 

1"^  Idée  fausse  qu'on  donne  du  procès  de  réhahililation. 

Il  n'est  pas  inutile  d'en  faire  dès  à  présent  l'observation. 

Réduire  le  procès  prescrit  par  le  Saint-Siège  aux  témoignages 
consignés  dans  les  diverses  enquêtes,  c'est  fausser  la  notion  et 
méconnaître  la  substance  du  procès  de  1455  ;  c'est  prendre  l'acces- 
soire pour  le  principal,  la  partie,  et  une  des  moindres  juridique- 
ment, pour  le  tout. 

Par  conséquent,  quoi  quon  puisse  relever  de  défectueux  dans  les 
dépositions  des  enquêtes,  laulorité  du  procès  même  n'en  sera  pas 
.pour  cela  diminuée. 

Mais  alors  que  faut-il  voir  dans  ces  enquêtes  et  dans  les  témoi- 
gnages recueillis? 

11  faut  y  voir  une  des  pièces  importantes,  mais  non  essentielles, 
admises  et  versées  aux  débats,  tout  comme  les  mémoires  consulta- 
tifs demandés  par  les  juges  ou  par  Charles  VII  à  des  prélats  et  doc- 
leurs  réputés  pour  leur  savoir.  Ces  mémoires  figurent  dans  l'instru- 
ment du  procès  aussi  bien  que  les  dépositions  des  enquêtes.  Mais 
ils  pourraient,  les  uns  et  les  autres,  n'y  pas  figurer,  sans  que  le 
jugement  final  perdît  un  atome  de  son  autorité,  pas  plus  que  le 
procès  lui-même. 

Historiquement,  doctrinalemenl  parlant,  ces  pièces,  mémoires  et 
enquêtes,  offrent  le  plus  grand  intérêt. 

Mais  considérées  comme  pièces  juridiques,  elles  n'ont  qu'une 
valeur  accessoire  et  elles  ne  sont  qu'une  partie  d'un  tout  auquel 
elles  ne  sont  pas  essentielles. 

C'est  pour  cela  que  nous  déclarons  fausse  l'idée  que  nos  adver- 
saires conçoivent  du  procès  qui  a  réhabilité  .Teanne  et  sa  mission. 

Et  quand  bien  même  l'opinion  que  les  témoignages  recueillis  dans 
les  diverses  enquêtes  méritent  peu  de  créance  serait  fondée  à  quel- 
ques égards,  l'autorité  historique  et  juridique  du  procès  n'en  sub- 
sisterait pas  moins  tout  entière. 

■1"  A  quoi  tient  l'autorité  de  la  sentence  de  réhabilitation. 

A  quoi  tient,  en  effet,  celle  autorité  ? 

Elle  tient  à  la  compétence  des  juges,  à  la  régularité  de  leurs 
actes,  au  témoignage  qu'ils  pouvaient  se  rendre  de  n'avoir  négligé 
aucune  précaution  pour  arriver  à  découvrir  la  vérité,  à  la  loyauté 

30 


466  APPENDICE    IX 

avec  laquelle  ils  indiquaient  dans  leur  sentence  la  nature  de  ces 
précautions  et  donnaient  dans  l'instrument  du  procès  les  pièces  qui 
en  constituaient  la  preuve  ;  l'autorité  du  procès  tient  à  tout  cela 
sans  aucun  doute,  mais  elle  tient  surtout  à  la  précision  de  la  sen- 
tence rendue  et  à  l'évidence,  à  la  gravité  des  deux  faits  sur  lesquels 
est  fondée  cette  sentence. 

Ces  deux  faits,  dans  la  perpétration  desquels  l'évêque  de  Beauvais 
avait  dépassé  les  limites  du  mépris  du  droit  divin  et  humain, 
étaient  en  premier  lieu  la  prétendue  abjuration  du  cimetière  de 
Saint-Ouen  extorquée  à  l'accusée,  sans  aucune  des  mesures  pi'es- 
crites  par  le  droit,  sans  que  l'abjurante  eût  été  prévenue,  sans 
qu'elle  eût  reçu  aucune  explication,  «  en  présence  du  bourreau  et 
sous  la  menace  du  bûcher  )>. 

C'était  ensuite  la  pièce  des  douze  articles,  «  extrait  corrompu, 
dolosif,  calomnieux,  frauduleux  et  inique  des  aveux  de  Jeanne  », 
soumise  aux  délibérations  des  Facultés  de  Paris  et  des  docteurs  de 
Rouen,  comme  si  elle  avait  été  un  résumé  consciencieux  et  fidèle 
du  procès  ;  pièce  qui  servit  de  base  aux  deux  sentences  portées 
contre  la  suppliciée. 

Ces  deux  faits,  violations  manifestes  des  lois  divines  et  humaines, 
sont  comme  le  centre  auquel  aboutissent  ou  duquel  partent  toutes 
les  iniquités  du  procès  :  les  rappeler,  c'était  rappeler  toutes  ces  ini- 
quités ;  et  les  pi'ésenter  comme  les  motifs  principaux  de  la  sentence 
portée,  c'était  placer  l'autorité  historique  et  juridique  de  cette  sen- 
tence au-dessus  de  toute  discussion. 


L  école  antitraditionnelle  et  ses  objections. 

La  fausse  idée  que  l'école  antitradilionnelle  voudrait  donner  du 
procès  de  réhabilitation  ne  saurait  donc  avoir  gain  de  cause  :  jamais 
personne  ne  prendra  la  partie  pour  le  tout,  l'accessoire  pour  le  prin- 
cipal. 

Qu'ont  fait  alors  les  adeptes  de  cette  école  ? 

Ils  ont  entrepris  de  discréditer  les  témoignages  consignés  dans 
les  enquêtes,  et  ils  ont  porté  sur  ce  point  tous  leurs  efforts. 

Ces  enquêtes  ne  sont  pas  le  procès  lui-même,  soit.  Mais  si  elles 
étaient  discréditées,  la  plupart  des  témoignages  invoqués  par  les 
historiens  de  l'école  française  pour  établir  la  mission  divine  de  la 
Pucelle  seraient  discrédités  eux  aussi,  et  la  preuve  de  celte  mission 
en  serait  d'autant  affaiblie. 


DE    LA    SENTENCE    DE    1456,    SON    AUTORITÉ  467 

Et  d'abord,  que  nous  apprennent  les  documents  sur  ces  enquêtes 
et  sur  leurs  résultats  ? 


1^  Des  enqtivles  de  la  réhabilitation  et  des  témoignarjea 
qu'elles  ont  recueillis. 

Jusqu'à  ravènement  de  l'école  de  .1.  Quicherat,  érudits  et  critiques 
ont  vu  généralement  dans  les  témoignages  des  enquêtes  de  1456 
une  source  historique  du  plus  grand  prix.  Ces  témoignages  com- 
plètent en  bien  des  points  les  interrogatoires  du  procès  de  Rouen, 
par  exemple,  ceux  que  rendirent  les  compatriotes  de  Jeanne  ;  et  sur 
bien  d'autres,  ils  redressent  les  inexactitudes,  les  omissions.  les 
erreurs  volontaires  commises  par  l'évêque  de  Beauvais  dans  la 
rédaction  du  texte  ofïiciei  ;  telles  sont  les  dépositions  des  officiers 
et  des  assesseurs  du  procès. 

Les  témoignages  recueillis  sont  au  nombre  de  cent  quarante- 
quatre.  Ainsi  qu'en  toute  parole  humaine  il  a  pu  s'y  glisser  des 
erreurs  ;  mais  on  ne  saurait,  sans  tomber  dans  l'arbitraire  et  le 
parti  pris,  suspecter  la  bonne  foi  de  la  grande  majorité  des  témoins 
entendus  ;  toutes  gens  avec  qui,  au  cours  de  sa  vie  privée  et 
publique,  de  ses  campagnes,  de  sa  captivité,  l'envoyée  de  Dieu 
s'était  trouvée  en  rapport. 

Notons  ici,  entre  l'évêque  de  Beauvais  et  les  délégués  du  Saint- 
Siège,  une  différence  tout  à  l'honneur  de  ces  derniers. 

Pour  gagner  à  sa  cause  les  contemporains  et  la  postérité,  Pierre 
Cauchon  a  pris  la  précaution  d'être  tout  ensemble  le  juge  de  sa  vic- 
time et  son  historien.  —  Les  délégués  du  Saint-Siège  n'ont  pas 
voulu  sortir  de  leur  mission  de  juges  :  ils  n'ont  pas  été  historiens. 

Pierre  Cauchon  prend  la  parole  à  la  première  page  du  procès  de 
condamnation  et  la  garde  jusqu'à  la  fin.  Témoin  et  acteur,  il 
raconte  ce  qu'il  est  censé  avoir  fait  et  vu. 

Les  juges  de  la  réhabilitation  ne  se  mettent  pas  en  scène  :  ils  ne 
racontent  pas,  sexprimant  à  la  première  personne,  la  suite  et  les 
incidents  de  la  cause. 

L'évêque  de  Beauvais  avait  fait  pi'océder  à  des  enquêtes  dans  le 
pays  de  Jeanne.  Mais  il  s'est  bien  gardé  de  les  insérer  ^au  procès. 
«  11  ne  les  a  même  pas,  remai-que  M.  A.  Luchaire,  communiquées 
aux  assesseurs  qu'il  s'était  adjoints.  »  (Article  de  la  Grande  Revue, 
mars  1908,  p.  213.) 

Les  juges  de  1456  ont  fait  procéder,  eux  aussi,  à  de  vastes 
enquêtes  ;  mais  ils  ont  eu  l'honnêteté  de  les  insérer  au  procès  et 
d'en  présenter  le  texte  au  public.  Ils  les  consulteront  avec  soin  :  ils 


468  APPENDICK    IX 

tiendront  compte  des  dépositions  qui  le  méritent,  ils  rejetteront 
celles  qui  ne  le  méritent  pas. 

Et  ils  n'en  couvriront  aucune  de  leur  autorité. 

S'ils  ont  ordonné  qu'elles  prendraient  place  dans  l'instrument 
offlciel,  c'est  affaire  de  conscience  et  de  probité.  Les  délégués  pon- 
tificaux ont  tenu  à  placer  sous  les  yeux  des  historiens  à  venir  et  à 
présenter  à  leur  examen,  les  témoignages  qui  ont  pu  contribuer  de 
quelque  manière  à  la  réhabilitation  de  Jeanne,  l'envoyée  de  Dieu. 


2"  Let 


enquêtes  de  la  réhabUitatioa  et  Jules  Quicheral. 


A  deux  reprises,  l'école  antitradilionnelle,  s'est  efforcée  de  décon- 
sidérer les  enquêtes  de  la  réhabilitation  :  en  1850  par  la  plume  de 
Jules  Quicherat,  en  1908  par  celle  de  M.  Anatole  France. 

Résumons  les  deux,  argumentations. 

Voici  d'abord  celle  de  l'auteur  des  Aperçus  nouveaux.  Elle  con- 
siste à  mettre,  selon  son  habitude,  un  certain  nombre  daffirma- 
tions  à  la  suite  les  unes  des  autres  ;  il  n'y  a  pas  lieu  d'en  être 
effrayé,  ce  sont  des  «  affirmations  pures  ». 

J.  Quicheral,  en  commençant,  tient  à  ne  point  causer  d'alarnie.s. 
Sa  première  parole  est  des  plus  rassurantes  :  la  seconde  ne  l'est 
plus  autant. 

«  Les  juges  de  la  réhabilitation,  dit-il,  étaient  la  probité  même  ». 
On  ne  peut  faire  d'éloge  plus  complet.  «  Mais  —  ici  l'éloge  se  réduit 
^—  parce  que  c'est  là  un  fait  constant,  il  ne  faut  pas  que  la  critique 
s'abdique  devant  leur  procès,  et  que  tout  ce  qui  est  dedans  soit 
accepté  sans  observation.  »  [Aperçus  nouveaux...,  p.  149-155.) 

Et,  jetant  le  masque,  l'auteur  ajoute  : 

«  Les  dépositions  des  témoins,  qui  en  forment  la  partie  capitale, 
ont  l'air  d'avoir  subi  la  plupart  de  nombreux  retranchements.  » 

Des  insinuations  de  cette  sorte  ressemblent  fort  à  des  accusa- 
tions. Quand  on  les  lance  aussi  catégoriquement,  on  doit  être  en 
mesure  d'en  fournir  la  preuve.  Cette  preuve,  va-t-on  la  présenter?... 
A  quelle  condition  sera-t-elle  satisfaisante  ? 

D'après  le  langage  même  de  J.  Quicherat,  pour  que  la  preuve 
fournie  soit  satisfaisante,  il  faut  qu'elle  s'applique  à  la  «  plupart  » 
des  dépositions  du  procès,  par  conséquent  à  la  moitié  plus  une. 

Ces  dépositions  se  sont  élevées  au  nombre  de  cent  quarante- 
quatre.  Par  conséquent  notre  critique  doit  prouver,  s'il  veut  tenir 
ses  engagements,  que  soixante-treize  dépositions  ont  été  remaniées 
ou  mutilées. 

J.  Quicherat  l'a-t-il  fait? 


J 


DE    LA    SENTENCE    DE    1456,    SON    AUTORITÉ  469 

|[  ne  la  pas  fait  dans  le  chapitre  cité  de  ses  Aperçus,  il  ne  l'a  pas 
fait  ailleurs,  et  aucun  de  ses  disciples  ne  l'a  fait  pour  lui. 

11  ne  produit  pas  un  seul  texte,  à  l'appui  de  ses  accusations. 

11  émet  quatre  observations  qui  semblent  s'y  rapporter.  Toute 
vérification  faite,  ces  observations  ne  signalent  pas  un  seul  témoi- 
gnage ayant  subi  les  retranchements  dénoncés. 

Voici,  du  reste,  ces  observations  :  rien  de  plus  aisé  que  d'en  appré- 
cier la  portée. 

PUE.MIÈRE    OBSERVATION 

11  ny  a.  dit.!.  Quicherat,  qu'une  déposition  où  soit  relaté  un  seul 
trait,  le  seul  fourni  par  la  réhabilitation,  de  toute  la  partie  si  igno- 
rée do  la  vie  de  Jeanne  qui  s'écoula  entre  le  retour  de  Paris  et  sa 
captivité.  » 

Ce  début  de  l'auteur  des  Aperçus  nouveaux  n'est  pas  heureux.  H 
commet  une  erreur  historique  qu'on  s'étonne  de  trouver  sous  la 
plume  de  l'éditeur  des  deux  procès. 

11  n'y  a  pas  qu'une  déposition  dans  la  «  partie  si  ignorée  de  la  vie 
de  Jeanne  qui  va  du  retour  de  Paris  à  sa  captivité  »  ;  il  y  en  a  deux  : 
«  celle  du  chevalier  d'Aulon  qui  nous  parle  du  siège  de  Saint-Pierre- 
le-Moulier,  et  celle  de  dame  Marguerite  La  Touroulde,  qui  fut  à 
Bourges  l'hôtesse  de  la  Pucelle.  »  [Procès,  t.  Ill,  p.  85-«8.) 

Et  puis  la  '(  partie  de  la  vie  »  dont  on  parle  n'est  point  si  ignorée 
que  cela. 

M"insistons  pas  :  constatons  seulement  qu'on  ne  nous  signale 
encore  aucune  déposition  «  ayant  l'air  »  d'avoir  subi  des  retran- 
chements. 

UEUXIÈ.ME    OBSERVATION 

«  Pour  tout  ce  que  Gaucourt  a  dit  de  la  délivrance  d'Orléans  et 
du  voyage  de  Heims,  on  met  seulement  qu'il  concorde  avec  le  sire 
de  Uunois.  » 

Ne  pas  écrire  par  deux  fois  deux  textes  identiques,  c'est  éviter. les 
redites  :  ce  n'est  ni  supprimer  les  dépositions  ni  les  mutiler.  Et  puis, 
il  s'agit  d'une  seule  déposition,  non  de  soixante-treize. 

TROISIÈME    OBSERVATION 

«  La  déposition  de  (1.  Manchon  en  1456  ne  contient  plus  certaines 
choses  ([u'il  avait  avouées  en  1450.  »  Même  explication  que  tout  à 
l'heure. 

On  n'a  rien  supprimé,  on  a  simplement  évité  les  redites.  Expli- 


470  APPENDICE    IX 

cation  non  moins  raisonnable  :  Manchon  n'a  peut-être  pas  jugé 
utile  de  revenir  en  1456  sur  un  point  qu'il  avait  sulfisamment 
édairci  dans  une  enquête  dont  le  texte  avait  été  conservé. 

(jUATRliîME    OBSEIIVATIOX 

«  Quant  au  formulaire  d'après  lequel  eurent  lieu  les  interro- 
gatoires, tant  à  Orléans  quà  Paris  et  à  Rouen,  il  manque  au 
procès. 

L'assertion  de  .1.  Quicherat  fut-elle  exacte,  en  quoi  le  défaut  de 
formulaire  prouverait-il  que  73  dépositions  sur  144  ont  subi  des 
retranchements  ? 

Mais  il  n'est  pas  vrai  que  ce  formulaire  ait  manqué.  L'éditeur  du 
procès  de  réhabilitation  devait  le  savoir  mieux  que  personne. 

Vi'aisemblablement,  il  a  revu  les  épreuves  du  tome  II.  Alors  à 
la  page  229,  il  a  eu  sous  les  jeux  la  décision  des  juges  de  la  revi- 
sion arrêtant  que,  aux  enquêtes  tle  Paris,  Orléans  et  Rouen,  «  les 
trente-trois  premiers  articles  des  cent  un  présentés  par  les  avocats 
de  la  famille  de  Jeanne,  serviraient  de  questionnaire  ». 

Ce  qui  résulte  de  cette  brève  mais  décisive  discussion,  c'est  que 
non  seulement  le  chef  de  la  nouvelle  école  n'apporte  pas  la  preuve 
des  retranchements  qu'il  prétend  avoir  été  pratiqués  dans  73  dépo- 
sitions, mais  il  n'en  produit  pas  un  seul. 

11  est  plus  facile  d'affirmer  que  de  prouver. 

Une  chose  que  J.  Quicherat  se  refuse  k  comprendre,  c'est  qu'il  n'y 
ait  eu  que  cent  quarante-quatre  dépositions  recueillies  :  il  en  vou- 
drait cent  quarante-cinq  au  moins. 

Il  garde  rigueur  en  particulier  aux  juges  de  n'avoir  pas  convoqué 
le  dominicain  et  inquisiteur,  Pierre  Turelure,  qui  avait  pris  part  à 
l'examen  de  Poitiers. 

Pourquoi  Pierre  Turelure  plutôt  qu'un  autre  ?  Il  ne  nous  le  dit 
pas  ;  mais  ce  refus  d'entendre  frère  Turelure,  tout  comme  celui  de 
n'avoir  pas  fait  enquêter  dans  un  plus  grand  nombre  de  localités, 
à  «  Compiègne,  Senlis,  Lagny  »  par  exemple,  constitue  aux  yeux 
de  notre  critique  une  raison  suffisante  pour  frapper  de  suspicion 
les  dépositions  recueillies. 

J.  Quicherat  oublie  qu'il  y  a  des  bornes  à  tout.  Cent  quarante- 
quatre  dépositions,  c'est  un  nombre  très  honnête.  Cinq  ou  six  de 
plus,  même  celle  de  frère  Turelure,  n'eussent  pas  modifié  l'impres- 
sion qui  se  dégageait  de  l'ensemble. 

Pour  remplir  la  mission  dont  ils  étaient  investis,  il  fallait  aux 
juges  la  plus  grande  liberté  d'action. 


DE  LA  SENTENCE  DE  1456,  SON  AUTORITÉ         471 

Jusqu'à  preuve  du  contraire,  on  doit  supposer  qu'ils  ont  l'ait  de 
leur  mieux. 

Les  érudits,  les  historiens,  les  esprits  qui  ne  se  paient  pas  de 
mots  laisseront  au  chef  de  la  nouvelle  école  la  responsabilité  de  ses 
accusations  sans  preuves  contre  les  trois  évêques  français  qui,  au 
nom  de  la  France  et  de  l'Eglise,  ont  réhabilité  la  Bienheureuse  ser- 
vante de  Dieu,  Jeanne  d'Arc. 

La  postérité  retiendra  le  premier  mot  tombé  de  la  plume  de 
J.  Quicherat  sur  leur  compte  :  les  juges  de  la  réhabilitation  reste- 
ront pour  elle,  sans  atténuation  et  sans  réserves,  «  la  probité 
même  ». 

3°  M.  G.  Monod,  M.  A.  France  et  les  enquêtes  de  la  réhabilitation. 

Les  représentants  actuels  de  l'école  antitraditionnelie  n'ont  pas 
repris  en  sous-œuvre  l'argumentation  de  l'auteur  des  Aperçus  nou- 
veaux :  ils  ont  préféré  engager  la  discussion  sur  d'autres  points  que 
celui  des  mutilations  pratiquées  dans  les  dépositions  de  1456  ;  à 
devoir  fournir  la  preuve  exigible,  difficilement  ils  eussent  réussi  là 
où  J.  Quicherat  avait  échoué. 

1.  —  De  M.  Gabriel  Monod. 

Le  fidèle  Achate  de  M.  A.  France,  M.  Gabriel  Monod,  s'est  pru- 
demment retranché  derrière  une  de  ces  généralités  vagues,  impré- 
cises, qui  prouvent  tout  et  qui  ne  prouvent  rien,  et  il  n'a  eu  garde 
d'en  sortir. 

Pour  un  professeur  du  Collège  de  France,  c'est  trop  de  timidité. 

Il  persiste  néanmoins  à  refuser  toute  autorité,  toute  créance  aux 
enquêtes  de  la  réhabilitation  pour  la  raison  que  voici.  Les  témoins 
n'ont  déposé  que  vingt-cinq  ans  après  les  événements.  Or,  «  dans 
vingt-cinq  ans,  les  souvenirs  ont  le  temps  de  se  bi'ouiller,  de  subir 
toutes  les  cristallisations,  les  superpositions,  et  les  déformations 
possibles  ».  {Revue  citée,  p.  416.) 

C'est  là  une  excellente  majeure,  une  parfaite  moitié  de  raisonne- 
ment ;  mais  on  n"en  peut  rien  conclure  sans  l'autre  moitié. 

Il  eût  fallu  que  M.  G.  Monod  pût  ajouter  : 

Ue  fait,  les  dépositions  de  1456  ont  subi  des  cristallisations  et 
déformations  dont  voici  la  preuve. 

M.  le  professeur  du  Collège  de  France  n'a  pas  énoncé  cette 
mineure,  probablement  parce  qu'il  se  sentait  hors  d'état  d'en  four- 
nir la  preuve.  Tant  qu'à  la  pla<;e  de  ces  deux  choses  il  ne  mettra 


472  APPENDICE    IX 

que  (lu  verbiage,  les  enquêtes  qu'il  voudrait  réduire  en  poudre  con- 
tinueront à  se  porter  mieux  que  jamais'. 

En  [sera-t-il  de  même  lorsque  son  alter  ego,  M.  A.  France,  aura 
démasqué  ses  batteries  et  fait  feu  de  toutes  pièces....? 

II.  —  De  M.  Anatole  France. 

L'auteur  de  la  dernière  Vie  de  Jeanne  d'Arc  tient  en  mince 
estime  le  procès  de  réhabilitation  et  les  enquêtes  que  les  délégués 
du  Saint-Siège  ont  fait  e.Kécuter.  Il  a  bien  quelques  motifs:  car  de 
l'ensemble  de  ces  enquêtes  s'élève  une  protestation  formidable 
contre  le  faux  portrait  qu'il  a  peint  de  l'héroïne. 

Sous  cette  impression  désagréable,  l'auteur  a  pris  la  plume  et  a 
écrit  une  dizaine  de  pages  dans  lesquelles  en  guise  de  raisons,  il  a 
exhalé  beaucoup  de  mauvaise  humeur.  Nous  avons  lu  attentive- 
ment ces  pages  et  nous  en  avons  tiré  le  sujet  des  observations  sui- 
vantes. {Op.  cit.,  Préface,  p.  xx-xxx.) 

Lobservalion  qui  domine  toutes  les  autres  c'est  que  le  biographe 
académicien  na  jamais  surpris  un  seul  témoin  en  flagrant  délit  de 
faux  témoignage,  ou  en  des  circonstances  frappant  de  suspicion  sa 
sincérité. 

Ses  critiques  sont  de  deux  sortes  :  les  unes  à  portée  générale, 
les  autres  à  portée  individuelle,  visant  des  personnages  connus. 

Critiques  à  portée  générale. 
1'^  M.  A.   France.  —  «  Les  témoins  apportent  sans  doute  des 

1.  Dans  son  étude.  Jeanne  d'Arc  guerrière,  le  général  Frédéric  Canongu 
a  résumé  et  réfuté  très  clairement  les  principales  difficultés  soulevées 
contre  l'autorité  du  procès  de  réhabilitation. 

«  Ou  a  prétendu,  dit-il,  que  le  procès  de  réhabilitation  constitua  une 
première  forme  de  ce  qu'on  a  appelé  la  Légende  de  la  Pucelle. 

«  On  a  négligé  de  le  prouver. 

«  On  a  allégué  les  raisons  suivantes  : 

«  Le  procès  a  été  fait  vingt-cinq  ans  après  les  événements. 

«  On  a  poursuivi  un  but  d'édification. 

«  Il  a  pour  but  des  souvenirs  que  le  temps  écoulé  avait  dû  modifier. 

c  La  réfutation  est  facile. 

«  Les  principaux  des  cent  vingt  témoins  entendus  en  1456  n'avaient 
pas  encore  atteint  l'âge  où  le  souvenir,  surtout  de  faits  anciens  aussi 
étonnants,  peut  être  sérieusement  altéré. 

«  L'édification  devait  se  dégager  naturellement,  sans  qu'il  fût  néces- 
saire de  forcer  la  mesure,  d'un  procès  en  réhabilitation  lout]dilférent  du 
procès  de  condaumation.  [Op.  cit.,  .\vant-propos,.  x,  .\i.) 


DE    LA    SENTExNCE    DE    1456,    SON    AUTOIUTK  473 

l'iarlés  sui"  une  multitude  de  points  ;  mais  ils  ne  satisfont  pas, 
tant  sen  faut,  toutes  nos  curiosités.  « 

L'auteur.  —  On  voit  bien  en  ce  langage,  i"enfant  gâté  qu'est  le 
biographe  académicien.  «  Des  clartés  sur  une  multitude  de  points  » 
ce  n'est  pas  assez.  11  n'est  pas  content  si  toutes  ses  «  curiosités  ne 
sont  pas  satisfaites  ». 

Les  témoins  de  la  réhabilitation  ont  eu  le  tort  de  ne  pas  les 
satisfaire. 

2"  M.  A.  Fha.nce.  —  Ils  en  ont  eu  un  autre  :  celui  d'être  «  sim- 
ples à  l'excès  et  sans  discernement.  »  [Op.  cit.,  p.  xx.) 

L'auteuk.  —  M.  France  tient  à  ce  qu'on  sache  que  lui  n'est  pas 
simple  et  qu'il  a  du  discernement. 

3'^  M.  A.  Fkance.  —  Tout  n'est  pas  bien  sérieux  dans  ces  cent 
quarante  témoignages.  «  [Ibid.,  p.  xxi.) 

L'auteur.  —  Réflexion  très  juste  et  très  piquante  chez  un  écri- 
vain qui  ne  se  pique  pas  d'être  toujours  ((  bien  sérieux  ». 

De  ces  critiques  générales  et  pas  bien  méchantes  passons  aux  cri- 
tiques visant  des  personnalités. 


Des  témoins  que  M.  A.  France  met  en  cause. 

Les  cent  quarante-quatre  dépositions  consignées  dans  les  enquê- 
tes de  145G  se  répartissent  en  quatre  groupes,  d'après  les  pays  où 
elles  furent  recueillies. 

Dans  le  pays  de  Jeanne  on  en  recueillit  trente-quatre.  Sur  ces 
trente-quatre,  M.  A.  France  en  visera  deux  :  les  dépositions  de  Jean 
de  Metz  et  de  Bertrand  de  Poulengy,  les  officiers  de  Baudricourt 
qui  menèrent  la  Pucelle  de  Vaucouleurs  à  Chinon. 

A  Orléans,  quarante  et  un  témoins  furent  entendus.  Un  seul  de 
ces  témoignages  a  été  pris  à  partie,  mais  pas  bien  sérieusement. 

A  Paris,  vingt  témoins  déposèrent.  Huit  de  ces  dépositions  sont, 
de  la  part  de  M.  A.  France,  l'objet  de  réflexions  que  nous  rappel- 
lerons tout  à  l'heure. 

A  Rouen,  les  trois  enquêtes  de  1430,  1452,  1456  fournirent  un 
total  de  cinquante-cinq  dépositions,  dont  quatre  ou  cinq  n'ont  pas 
eu  l'heur  de  plaire  à  notre  biographe  académicien. 

En  résumé,  sur  les  cent  quarante-quatre  témoignages  de  la. 
réhabilitation,  il  n'y  en  a  que  douze  auxquels  on  trouve  à  repren- 
dre. 

Et  qu'est-ce  qu'on  y  trouve  à  reprendre  ?  Des  choses  sur  les- 
([uelles  les  opinions  sont  libres,  des  choses  qu'on  reproche  à  tort 


474  APPENDICE    IX 

aux  témoins,  des  choses  insignifiantes,  après  ^tout,  qui  laissent  in- 
tactes leur  sincérité  et  leur  véracité. 

Les  témoins  que  l'on  prend  à  partie  sous  divers  prétextes  sont 
le  bâtard  d'Orléans,  le  duc  dAlenron,  frère  Pasquerel,  l'aumùnier 
de  Jeanne,  Jean  de  Metz,  Bertrand  de  Poulengj,  Gobert  Thibaut, 
dame  Marguerite  La  Touroulde,  .lean  Massieu,  et  les  dominicains 
Isambard  de  la  Pierre  et  Martin  Ladvenu. 

Au  bâtard  dOrléans,  comte  de  Dunois,  le  biographe  académicien 
reproche  de  voir  des  miracles  partout.  11  est  d'avis  que  dans  la 
déposition  consignée  au  procès,  ce  témoin  qu'on  disait  être  "  un 
des  beaux  parleurs  de  France  »  s'exprime  plutôt  «  comme  un  cha- 
noine de  cathédrale  ou  un  marchand  drapier,  que  comme  un  capi- 
taine ».  [Ibid.,  p.  xxiii.) 

Mais  il  ne  l'accuse  pas  d'avoir  altéré  ou  faussé  la  vérité. 

Le  bon  frère  Pasquerel,  aumônier  de  la  Pucelle  est  accusé  d'  «  in- 
venter des  miracles  »,  pour  avoir  parlé  d'une  «  crue  soudaine  de 
la  Loire  que  personne,  à  ce  que  prétend  M.  France,  n'a  remarquée 
excepté  lui  ».  {Ibid.,  p.  xxii.) 

Qui  a  tort  ici,  frère  Pasquerel  ou  l'ironiste  qui  le  gourmande  ? 
Ce  nest  pas  frère  Pasquerel. 

On  lui  reproche  à  tort  d'avoir  inventé  des  miracles,  car  une  crue 
de  la  Loire,  même  soudaine,  n'est  pas  un  miracle. 

Et  on  lui  reproche,  encore  plus  à  tort,  d'avoir  inventé  cette  crue 
ayant  été  le  seul  à  la  remarquer.  Si  le  biographe  avait  consulté  les 
chroniques  du  temps,  il  aurait  évité  l'erreur  qu'il  commet.  Les 
pages  28,  29  de  la  Chronique  anonyme  du  XV°  siècle,  publiée  par 
Boucher  de  Molandon,  donnent  à  sa  critique  vm  démenti  formel. 
Nous  y  lisons  en  effet  : 

«  Et  sachant  ceulx  d'Orléans  que  elle  venait,  lurent  très  joïeiix 
et  firent  habiller  challans  en  puissance. 

«  Et  estoit  lors  la  rivière  à  plain  chantier;  et  aussi  le  vent,  qui 
estoit  contraire,  se  tourna  d'aval,  et  tellement  que  un  challan 
menait  deux  ou  trois  challans  ;  qui  estoit  une  chose  merveilleuse, 
et  faloit  dire  que  ce  fust  miracle  de  Dieu.  » 

{La  délivrance  d'Orléans,  chronique  anonyme  du  xv*'  siècle, 
publiée  par  Boucher  de  Molandon,  pp.  28,  29.  Brochure  in-  S'^, 
Orléans,  Herluison,  1883.) 

Au  duc  d'Alençon  et  à  dame  La  Touroulde  M.  France  fait  grise 
mine  parce  que  ces  témoins  font  grand  cas  de  l'habileté  de  l'héroïne 
à  chevaucher. 

Jean  de  Metz,  Bertrand  de  Poulengy,  Gobert  Thibaut  ont  noté  l'irra- 
diation de  chasteté  qui  se  dégageait  de  la  personne  de  la  Pucelle. 


DE    LA    SEiNTEXCE    DE    1436,    SON    AUTORITÉ  475 

M.  France  ne  goûte  pas  du  tout  celte  façon  de  témoigner  ;  pas 
plus  que  les  dépositions  de  Jean  Massieu  sur  le  guet-apens  du  relaps, 
des  dominicains  Isambard  et  Ladvenu  sur  les  attentats  <\u\  obli- 
gèrent Jeanne  î'i  reprendre  et  à  garder  Ihabit  dhomme  ;  pas  plu» 
enfin  que  l'idiotisme,  que,  à  son  avis,  les  juges  de  la  réhabilitation 
auraient  attribué  a  la  Pucelle  pour  qu'on  vit  en  elle  un  «  ange  de 
pureté  ». 

De  toutes  ces  critiques,  il  n'y  en  a  pas  une  seule  qui  mette  en 
cause  la  véracité  des  témoins,  et  il  n'y  en  a  pas  une  seule  qui  puisse 
passer  pour  sérieuse.  Aussi  le  biographe  académicien  en  est-il  ré- 
duit piteusement  à  confesser  sa  déconvenue  dans  cette  conclusion: 
«  Cette  abondante  enquête  de  la  réhabilitation  doit  être  consultée 
avec  prudence,  et  il  ne  faut  pas  s'attendre  à  y  trouver  des  éclair- 
cissements sur  toutes  les  circonstances  de  la  vie  de  Jeanne.  »  {Op. 
cit.,  p.  xxix-xxx.) 

MM.  de  la  Palisse  et  Joseph  Prud'homme  neussent  pas  mieux 
dit. 

Nous  sommes  loin,  bien  loin,  de  la  sentence  libellée  et  rendue 
par  le  directeur  de  la  Revue  historique  : 

«  Aucun  historien  de  bon  sens  ne  regardera  jamais  le  procès  de 
réhabilitation  comme  faisant  autorité.  » 

Quel  sera  le  dernier  mot  de  cette  discussion  ? 

Nous  le  demanderons  à  l'un  des  savants  qui  honorent  le  plus 
l'école  française  traditionnelle  et  qui,  de  laveu  même  de  nos 
adversaires,  la  représentent  dignement. 

Du  procès  de  condamnation  et  de  la  suspicion  qui  l'enveloppe 
tout  entier,  ce  savant,  François  de  l'Averdy,  nous  dira  : 

f^  il  ne  saurait  y  avoir  de  doute  sur  l'injustice  et  la  nullité  du 
procès  de  condamnation,  ainsi  que  sur  l'injustice  et  la  nullité  de 
la  sentence  prononcée  contre  la  Pucelle  ; 

2"  Les  assertions  que  les  juges  lui  ont  imputées  dans  les  douze 
articles  étaient  fausses  ; 

3'^  Fausse  encore  la  formule  d'abjuration  qu'on  lit  au  procès  ; 

4°  Faux  le  fait  du  prétendu  relaps  ; 

a»  En  ce  qui  regarde  les  juges  de  Jeanne,  en  particulier  l'évéque 
de  Beauvais,  il  n'y  a  pas  de  qualifications  suflisantes  pour  expri- 
mer l'horreur  qu'on  doit  concevoir  contre  eux  et  contre  ceux  qui 
sont  entrés  dans  un  aussi  afTi'eux  complot; 

6"  La  mort  de  la  Pucelle  fut  un  véritable  assassinat  prémédité 
et  exécuté  sous  l'apparence  et  l'ordre  de  la  forme  judiciaire. 

[Notices  et  extraits  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  roi,  t.  Ill, 


476  APPENDICE    IX 

p.  432.  44(j,  463.  Mémoires  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres.) 

Le  même  érudit,  avec  toute  l'école  française,  dira  du  procès  de 
réhabilitation  : 

1''  En  ce  qui  regarde  le  jugement  de  1456,  les  prélats  délégués  du 
Saint-Siège  ont  examiné  le  procès  de  Rouen  jusque  dans  ses  moin- 
dres détails.  Ils  ont  motivé  les  dispositions  que  la  justice  leur 
prescrivait  de  prononcer. 

2°  Il  ne  peut  donc  pas  y  avoir  de  jugement  plus  réfléchi,  mieux 
préparé,  ni  plus  juste  en  lui-même.  [Ibid.) 

C'est  dire,  au  demeurant,  que  l'autorité  historique  et  juridique 
du  procès  de  réhabilitation  reste  et  restera  toujours  au-dessus  de 
toute  discussion. 


APPENDICE   X 

DERNIER   MOT   DE   CETTE   HISTOIRE  :    JEANNE   ENVOYÉE   DE    DIEU 


A  la  fin  du  premier  livre  de  son  Histoire  de  la  Pucelle  Edmond 
Uicher  a  jugé  bon  de  dire  au  lecteur  ce  qu'il  pensait  de  la  jeune 
fille  dont  il  venait  dexposer  la  vie  extraordinaire.  Laissant  la 
plume  de  l'historien,  il  s'est  souvenu  qu'il  était  docteur  de  Sorbonne 
et  il  sest  appliqué  à  montrer,  dans  une  dissertation  purement 
théologique,  qu'aucun  argument  ne  s'opposait  à  ce  qu'on  reconnût 
à  la  Pucelle  la  dignité  d'  «  Envoyée  de  Dieu  »,  et  à  l'œuvre  qu'elle 
avait  accomplie,  une  portée  dépassant  celle  des  œuvres  purement 
naturelles. 

Laissant  au  docteur  de  Sorbonne  tout  le  mérite  de  cette  disser- 
tation, il  nous  semble  qu'il  ne  serait  pas  indifférent  d'en  examiner 
la  conséquence  à  la  simple  clarté  des  paroles  et  des  actes  de  Jeanne 
elle-même. 

La  déclaration  que  la  jeune  fille  ne  cessa  de  faire  entendre 
depuis  Vaucouleurs  jusqu'à  Rouen,  c'est  quelle  était  «  venue  de  par 
Dieu  pour  être  en  aide  au  royaume  et  au  roi.  » 

Cette  déclaration  la-t-elle  justifiée  ?  Et  l'histoire  aujourd'hui  ne 
s'empresse-t-elle  pas  de  le  reconnaître  ? 

En  disant  à  Charles  Vil,  aux  seigneurs  de  la  cour  et  aux  chefs  de 
guerre  qu'elle  venait  «  de  par  Dieu  »  combattre  les  Anglais,  les 
défaire  et  relever  le  royaume,  la  Pucelle  n'a  pas  demandé  qu'on  la 
crût  sur  parole;  raisonnable  avant  tout,  elle  a  offert  d'en  faire  la 
la  preuve.  Comme  il  s'agissait  d'une  mission  divine,  cette  preuve 
devait  être  d'ordre  divin  également.  Aussi  a-t-elle  consisté  dans 
l'annonce  d'un  certain  nombre  de  faits  réputés  alors  impossibles, 
lesquels  ne  pouvaient  être  connus  d  elle  que  par  révélation,  et 
exécutés  par  elle  qu'avec  l'assistance  de  Dieu. 

La  preuve  offerte  dans  ces  conditions  avait  une  double  portée  : 
une  portée  prophétique,  puisqu'il  s'agissait  d'un  avenir  inconnu, 
insoupçonné  de  Charles  Vil,  de  ses  conseillers  et  de  ses  capitaines; 


478  APPENDICE   X 

et  une  poi-lée  véri fiable,  puisque  les  faits  compris  dans  cet  avenir 
étaient  spécifiés,  à  brève  échéance  et  devaient,  au  cas  où  les  vati- 
cinationsde  la  Voyante  ne  seraient  pas  accomplies,  la  déconsidérer 
à  jamais,  car  elle  eût  été  convaincue,  au  regard  de  la  France  et 
de  la  chrétienté  tout  entière,  de  démence  ou  dimposture. 

Tel  n'est  pas  le  jugement  que  Français  et  Anglais  au  quinzième 
siècle,  que  l'Eglise  et  l'Histoire  au  vingtième  ont  porté  sur  Jeanne 
d'Arc.  La  «  Fille  de  Dieu  »  a  fourni  la  preuve  offerte  Cette  preuve 
a  été  examinée  sous  tous  les  aspects,  et  elle  a  paru  pleinement 
satisfaisante.  Pour  s'en  convaincre,  il  suffit  de  rappeler  les  prédic- 
tions énoncées  par  l'héroïne,  et  de  noter  la  réponse  que  leur  ont  faite 
les  événements. 

Mais  ces  prédictions  quelles  sont-elles  ? 

Pour  en  juger,  présentons-les  d'ensemble  dans  l'ordre  chrono- 
logique où  elles  se  sont  produites.  Toutes  sans  doute  n'ont  pas  la 
même  importance  :  mais  toutes  concourent  à  metti'e  en  pleine  évi- 
dence la  «  surhumanité  »  de  l'histoire  de  Jeanne  d'Arc  et  la  vérité 
de  sa  mission  de  par  Dieu. 

l 
Prédictions  et  faits  extraordinaires  divers. 

A  Domremy  eL  Vaucouleurs. 

1"  Durant  quatre  ans,  ses  «  frères  du  paradis  redisent  à  Jeanne 
qu'il  lui  faudra  guerroyer  pour  recouvi*er  le  royaume  de  France  » 
{Procès,  H,  437,  438)  ; 

2'^  Au  cours  de  l'année  1428,  la  jeune  fille  annonce  à  l'un  de  ses 
compagnons  de  jeunesse  qu'elle  fera  sacrer  le  Dauphin  à  Reims  ; 

3'^  A  un  autre,  elle  dit  qu'elle  relèvra  le  sang  royal,  et  elle  y 
revient  plusieurs  fois  ; 

4°  A  Durant  Laxart  elle  déclare  qu'elle  est  «.  la  Pucelle  des  Mar- 
ches de  Lorraine  qui  doit  sauver  le  i-oyaume  qu'une  femme  a 
perdu  » ,: 

0"  A  Catherine  Le  Royer,  elle  fait  la  même  déclaration; 

6»  Au  même  Laxart,  elle  assure  qu'on  a  beau  vouloir  l'empêcher, 
elle  ira  jusqu'au  Dauphin  et  le  fera  couronner  (11,  444)  ; 

Faits  que  la  Voyante  certifie  à  Robert  de  Baudricourt  : 

~'^  Le  Dauphin  aura  secours  avant  la  mi-carême  ; 

8'  Il  régnera  malgré  ses  ennemis  les  Anglais  ; 

9'^  Une  bataille  est  perdue  à  Rouvray  ; 


DERNIER    MOT    DE    CETTE    HISTOIRE  :  JEANiNE    ENVOYÉE    DE    DIEU    479 

10°  Il  n'y  a  secours  que  de  Jeanne  d'Arc  pour  recouvrer  le  royaume 
de  France  *  ; 

1  i°-i2''  Aux  deux  gentilshommes  qui  l'accompagnent  sur  la  route 
de  Chinon,  elle  garantit  deux  choses  : 

Qu'ils  échapperont  à  tous  les  périls,  qu'ils  arriveront  sans  en- 
combre à  Chinon  ; 

Que  le  jeune  roi  leur  fera  un  accueil  favorable  (435,  454). 


A  Chinon. 

13°  Un  soudard  insulte  Jeanne  et  blasphème  au  moment  où  elle 
franchit  le  seuil  du  château.  La  Pucelle  lui  apprend  la  mort  qui 
dans  une  heure  va  le  frapper  ; 

14°  Avertie  par  ses  Voix,  elle  reconnaît,  au  milieu  des  seigneurs 
de  la  cour,  le  Dauphin  qu'elle  n'avait  jamais  vu  ; 

15°  Elle  lui  révèle  un  secret  connu  de  lui  seul  et  de  Dieu  ; 

16°  A  la  suite  de  cette  révélation,  elle  lui  certifie  qu'il  est  fils 
légitime  et  héritier  de  Charles  VI  ; 

17°  Elle  prédit  que  le  siège  d'Orléans  sera  levé  ; 

18°  Qu'elle  y  sera  blessée  ; 

19°  Que  la  blessure  cependant  ne  sera  pas  mortelle  ; 

20°  Elle  parle  des  révélations  dont  Charles  Vil  a  été  favorisé, 
avant  qu'il  la  mît  à  l'œuvre  ; 

21°  Elle  affirme  qu'il  serait  couronné  et  sacré  à  Reims; 

22°  Et  que  le  sacre  aurait  lieu  dans  le  courant  de  l'été  prochain. 

Devant  la  Commission  de  Poitiers. 

La  Pucelle  prédit  et  assure  : 

23°  Que  le  siège  d'Orléans  serait  levé  ; 

24°  Que  les  Anglais  seraient  battus  ; 

25°  Que  Charles  VU  serait  sacré  à  Reims  ; 

26°  Que  la  ville  de  Paris  rentrerait  en  son  obéissance  ; 

27°  Que  le  duc  d'Orléans  reviendrait  de  sa  captivité  d'Angleterre  ; 

28°  Renouvellement  des  prédictions  ci-dessus  au  jeune  roi  et  au 
duc  d'Alençon. 

29°  Elle  durera  un  an,  guère  plus. 

30°  Le  corps  de  secours  entrera  dans  Orléans  sans  que  les  Anglais 
puissent  l'empêcher  ; 

1.  Pour  les  références,  trop  nombreuses  à  donner,  voir  notre  Étude 
critique,  Les  Visions  et  les  Voix,  l"  partie,  chap.  vu.  vers  la  fin 


480  APPENDICE    X 

31"  Avertie  par  ses  Voix,  Jeanne  fait  prendre  h  Fierbois  l'épée  qui 
y  était  ensevelie  ; 

32*'  Confirmation,  dans  la  Lettre  aux  Anglais,  de  la  soumission 
future  de  Paris  à  son  roi  légitime  ; 

33^  Annonce  de  la  recouvrance  totale  du  rovaume  ; 

34"  Kt  de  l'expulsion  des  Anglais  hors  de  toute  France. 

A  Orléans  (l^'-S  mai  142'J). 

35"  Jeanne,  devant  la  ville,  annonce  le  changement  du  vent  ; 

36^- Elle  annonce  aussi  la  crue  du  fleuve  et  sa  parole  se  vérifie; 

37''  Vision  au  château  de  Reuilly,  près  Chécy  ; 

38''  Jeanne  garantit  à  son  héraut  qu'il  reviendra  sain  et  sauf  de 
la  bastille  anglaise  ; 

39°  Vision  de  saint  Louis  et  de  saint  Charlemagne  ; 

40"  La  Pucelle  et  le  docteur  Jean  de  Mascon  :  elle  combat  ses 
doutes  et  l'assure  qu'Orléans  sera  délivré  ; 

41°  Affaire  de  Saint-Loup.  La  jeune  guerrière  est  réveillée  par  ses 
Voix  ; 

42°  Prédiction  du  jour  précis  de  la  levée  du  siège  ; 

43°  Prédiction  de  la  mort  du  capitaine  anglais  Glasdale  ; 

44°  Prédiction,  avec  des  précisions  nouvelles,  de  la  blessure  que 
la  jeune  guerrière  devait  recevoir  : 

4o°  Annonce  du  retour  dans  la  ville  par  le  pont; 

46°  Prédiction  de  la  prise  de  la  bastille  des  Tourelles  ; 

47°  Vision  dans  un  champ,  après  sa  blessure  : 

48°  Rentrée,  le  soir,  dans  Orléans  parle  pont. 

D'Orléans  à  Compiègne. 

49°  Jeanne  et  la  duchesse  d'Alençon  :  elle  lui  ramènera  son  mari 
sain  et  sauf; 
50°  A  Jargeau,  elle  sauve  la  vie  au  jeune  duc  ; 
51"^  Assurance  de  la  victoire  de  Patay  ; 
52°  Assurance  du  succès  de  la  campagne  de  Reims  ; 
53°  Assurance  de  la  soumission  de  Troyes  ; 
54°  Assurance  de  la  prise  de  Saint-Pierre-le-Moulier. 

Jeanne  à  Rouen  devant  ses  juges.  —  Prédictions  et  révélations. 

55°  Révélation  au  sujet  de  sa  prise  à  Compiègne  ; 
56°  Sa  délivrance  «  par  grande  victoire  »  ; 


DERNIER    MOT    DE    CETTE    HISTOIRE  :  JEANNE    ENVOYÉE    DE    DIEU    481 

07"  Certitude  de  son  salut,  si  elle  garde  sa  virginité  d'âme  et  de 
corps  : 

58"  Quoi  qu'il  advienne,  le  duc  d'Orléans  sera  délivré: 

59*^  Prédiction  du  traité  d'Arras; 

60°  De  la  soumission  de  Paris; 

61°  Gela,  avant  que  sept  ans  se  soient  écoulés  ; 

62°  Grande  victoire  que  Dieu  enverra  aux  Français; 

63°  Expulsion  finale  des  Anglais; 

64°  Recouvrance  du  royaume  tout  entier  par  Charles  Vil; 

65°  Tout  cela  du  vivant  de  son  roi. 


Prédicti.ons  de  premier  ordre  à  relever  dans  ce  nombre 
de  farts  prodigieux. 

Un  pourra  faire  observer  que  ces  soixante-cinq  laits  sont  loin  de 
présenter  tous  la  même  importance.  Nous  en  conviendrons  volon- 
tiers; mais,  à  notre  tour,  nous  remarquerons  qu'il  est  facile  de  trou- 
ver en  ce  nombre  quinze  faits  de  clairvoyance  intuitive  ou  prophé- 
tique de  premier  ordre  à  tous  égards,  soit  qu'on  les  considère  en  eux- 
mêmes,  soit  qu'on  les  considère  dans  leur  accomplissement.  Absolu- 
ment certains  en  tant  que  faits  de  clairvoyance  prophétique  ou  intui- 
tive précédant  les  événements,  ils  ne  le  sont  pas  moins  en  tant  que 
littéralement  justifiés.  Tels  sont  les  faits  suivants  : 

i"  Annonce  de  la  défaite  de  Rouvray  ; 

2°  Révélation  au  roi  Charles  VII  d'un  secret  connu  de  lui  seul  et 
de  Dieu  ; 

3°  Prédictions  de  la  levée  du  siège  d'Orléans  ; 

4°  De  la  blessure  que  Jeanne  devait  y  recevoir; 

6°  De  diverses  circonstances  du  siège,  telles  que  la  mort  du 
capitaine  anglais  Glasdale,  de  la  levée  du  siège  dans  cinq  jours,  de 
la  prise  des  Tourelles,  etc.  : 

6°  Du  sacre  de  Reims  ; 

7°  De  l'époque  précise  ou  il  aurait  lieu  ; 

8°  Découverte  de  l'épée  de  Fierbois  ; 

9°  Défaite  des  Anglais  à  Jargeau,  Patay,  etc.  : 
10^  Durée  de  l'héroïne,  un  an,  guère  plus; 
11°  Prédiction  du  traité  d'Arras  ; 

12°  De  la  rentrée  de  Paris  en  l'obéissance  du  roi  ;  détermination 
de  l'époque  ; 


482  APPENDICE    X 

13*^  Retour  du  duc  d'Orléans  de  sa  captivité  d'Angleterre  ; 

14°  Grande  victoire  finale  des  Français,  celle  de  Castillon  ; 

i:)o  Expulsion  des  Anglais  et  recouvrance  par  Charles  Vil  de  tout 
le  royaume. 

'  Ces  prédictions  diverses  sont  d'autant  plus  frappantes  que  plu- 
sieurs n'ont  été  accomplies  qu'après  la  mort  de  la  Pucelle,  au 
cours  de  sa  «  mission  de  survie  ».  Mais  toutes  l'ont  été,  et  nous 
devons  noter  l'assurance  dont  Jeanne  s'est  toujours  montrée  péné- 
trée lorsqu'elle  annonçait  ces  choses  extraordinaires. 


D'où  venaient  à  la  Bienheureuse  ces  lumières  sur  l'avenir. 

Si,  pour  répondre  à  cette  question,  nous  n'avions  d'autre  guide 
que  le  raisonnement,  nous  dirions  :  A  coup  sûr  ces  lumières  ne  lui 
venaient  ni  de  sa  propre  intelligence,  ni  d'aucune  intelligence  pure- 
ment humaine.  L'avenir  pour  l'homme  est  un  livre  fermé.  Les  intel- 
ligences supéiùeures  ne  l'entrevoient  que  douteusement,  par  pro- 
nostics ou  conjectures.  Les  prophètes  inspirés  lisent  clairement  et 
avec  certitude  dans  ce  livre,  mais  parce  que  Dieu  le  leur  ouvre  et 
fait  briller  à  leurs  yeux  sa  lumière.  Au  regard  de  la  Pucelle,  Dieu 
la  faisait  briller  par  l'entremise  de  ses  Voix.  C'est  elle-même  qui 
nous  l'apprend.  «  Je  ne  sais  rien,  disait-elle,  que  cela  ae  vienne  par 
révélation  et  commandement  de  Dieu.  »  (I,  75,  8a). 

A  Rouen,  ses  juges  lui  demandent  :  —  Vous  annoncez  des  choses 
à  venir  :  par  qui  les  savez-vous  ? 

Jeanne.  —  Je  les  sais  par  sainte  Catherine  et  sainte  Marguei'ite 
(I,  85). 

Le  juge.  —  Vous  avez  été  blessée  à  l'assaut  de  la  bastille  du  Pont . 
saviez-vous  par  avance  que  cela  adviendrait? 

Jeanne.  —  Oui,  je  le  savais  :  sainte  Catherine  et  sainte  Margue- 
rite me  l'avaient  révélé  (I,  79). 

Le  juge.  —  Vous  dites  que  Paris  ouvrira  ses  portes  à  votre  roi  : 
comment  le  savez-vous  ? 

Jeanne.  —  Je  le  sais  par  une  révélation  qui  m'a  été  faite,  et  je 
sais  par  cette  révélation  que  cela  arrivera  avant  sept  ans  (I,  84). 

En  effet,  moins  de  sept  ans  après,  en  1436,  la  capitale  rentrait  en 
l'obéissance  de  Charles  VIL 

Le  juge.  —  Vous  annoncez  que  Dieu  enverra  une  grande  victoire 
aux  Français  :  comment  le  savez-vous  ? 

Jeanne.  —  Je  le  sais  par  révélation,  je  le  sais  aussi  bien  que  je 
sais  que  vous  êtes  là  devant  moi. 


1 


DERNIER    MOT    DE    CETTE    HISTOIRE  :  JKANNE    ENVOYÉK    DE    DIEU    483 

Le  JCdE.  —  Quand  cela  adviendra-t-il  ? 

Jeanne.  —  Je  ne  sais  ni  le  jour  ni  l'hcui-e  ;  mais  que  cela  doive 
arriver,  je  le  sais  par  saintes  Catherine  et  Marguerite  (i.  84,  85). 

Le  juge.  —  N'est-ce  pas  présomption  et  témérité,  que  vous  van- 
ter do  connaître  l'avenir,  le  passé  et  les  choses  présentes  cachées, 
vous  attribuant  à  vous-même,  simple  et  ignorante  créature,  ce  qui 
n'appartient  quà  Dieu  "? 

Jeannk.  —  Notre-Seigneur  est  maître  de  révéler  l'avenir  et  les 
choses  cachées  à  qui  il  lui  plaît.  Ce  que  j'ai  dit  des  choses  cachées, 
de  lépée  de  Fierbois,  par  exemple,  et  des  événements  à  venir,  c'est 
par  révélation  (I,  251). 

Ni  les  juges  de  Houen,  ni  aucun  de  nos  historiens  incrédules 
n'ont  pu  réfuter  cette  réponse  de  la  Pucelle  :  la  raison  et  le  bon 
sens  mêmes  parlent  par  sa  bouche. 


Conclusion. 

Pour  conclure  de  façon  simple  et  précise,  il  suffira  des  observa- 
tions suivantes. 

Les  prédictions,  visions,  révélations  de  la  B.  servante  de  Dieu, 
forment  un  ensemble  de  faits  de  premier  ordre,  dûment  certifiés, 
tels  qu'on  n'en  rencontre  pas  de  pareils  et  en  aussi  grand  nombre 
dans  l'histoire  daucim  autre  personnage  célèbre. 

Des  prédictions  tombées  des  lèvres  de  Jeanne,  on  n'en  saurait 
citer  aucune  qui  n'ait  point  été  accomplie. 

Et  parmi  ces  prédictions,  il  en  est  plus  de  quinze  concernant  des 
événements  d'une  importance  exceptionnelle,  défiant  toute  prévision, 
et  figurant  au  premier  rang  parmi  ceux  qui  sont  la  gloire  de  nos 
annales. 

Prises  en  détail  ou  dans  l'ensemble,  il  n'est  pas  possible  que  ces 
prédictions  aient  pu  cadrer  par  hasard  avec  les  événements. 

Il  n'est  pas  possible  non  plus  que  par  le  seul  effort  de  son  intelli- 
gence et  le  jeu  normal  de  ses  facultés.  Jeanne  ait  pu  connaître  et 
annoncer  ces  événements  à  venir.  Elle  avoue  ne  les  avoir  connus 
que  par  ses  Voix.  C'est  conséquemment  à  Dieu  seul  quelle  est  rede- 
vable de  les  avoir  prédits,  de  même  que  c'est  à  la  toute-puissance 
divine  que  la  France  est  redevable  de  leur  accomplissement. 

Quel  sera  donc  le  dernier  mot  de  cet  appendice  ? 

Ce  sera  celui-là  même  par  lequel  Jeanne  d'Arc  en  face  de  ses  juges 
et  du  bûcher,  proclamait  le  caractère  divin  de  sa  mission  et  de  ses 
Voix. 


484  APPENDICE    X 

Elle  disait  :  —  Oui.  mes  Voix  et  mes  révélations  élaienl  de  Dieu 
[Procès,  111.  170). 

Nous  dirons  après  elle  :  —  Oui,  .leanne  la  libératrice,  Jeanne  la 
sainle  disait  vrai  :  elle  était  inspirée  et  envoyée  de  Dieu. 

Et  nous  sommes  persuadé  qu'Edmond  RicLer,  l'auteur  de  cette 
Histoire,  ne  nous  le  reprocherait  pas. 


NOTE  SUR  LE  DUC  D'ORLEANS 

CAPTIF  EN  ANGLETERRE  AU  TEMPS  DE  JEANNE  D'ARC 

Charles,  duc  d'Orléans,  dont  la  Pucelle  a  maintes  fois  annoncé 
le  retour  de  sa  captivité  d'Angleterre,  était  le  fils  aîné  du  frère  de 
Charles  VI  que  Jean  sans  Peur  fit  assassiner.  Il  naquit  à  Paris 
en  1391.  Veuf  d'Isabelle,  fille  de  Charles  VI,  en  1409,  l'année  sui- 
vante il  épousait  Bonne  d'Armagnac,  fille  de  Bernard  Vil,  comte 
d'Armagnac  et  connétable  de  France.  De  là  le  nom  d'Armagnac 
donné  à  son  parti  et  plus  lard  aux  défenseurs  de  l'héritier  légitime 
du  roi  de  France,  Charles  Vil.  Blessé  et  fait  prisonnier  à  Azincourt, 
il  resta  vingt-cinq  ans  en  Angleterre  et  ne  dut  sa  liberté,  en  1440. 
qu'à  l'intervention  du  duc  et  de  la  duchesse  de  Bourgogne. 
11  revint  donc  d'Angleterre,  comme  l'avait  assuré  la  Pucelle.  Cette 
même  année  1440.  il  épousait  en  troisièmes  noces  .Marie  de  Clèves 
dont,  en  1461,  il  eut  l'enfant  qui  fut  Louis  XII.  Sa  mort  survint 
en  1464.  On  a  de  lui  des  poésies  dans  lesquelles  on  voudrait  qu'il 
fût  question  de  Jeanne  la  bonne  Lorraine.  Il  ne  parait  pas  s'en  être 
préoccupé. 


SUl'PLEMEiNT   AU    LIVRE  PREMIER 

DE   L'HISTOIRE   D  EDMOND   RIGHER 

Préambule  de  sa  Dissertation 
sur  les  révélations  et  la  mission  de  la  Pucelle^. 

(Tom.j  I,  p.  170.  Manuscrit,  r«  89-0^.) 


«  Puisque  toul  le  motif  de  ceux  qui  l'ont  condamnée  ne  provient 
dailleurs  que  des  révélations  qu'elle  disoit  avoir  du  ciel  pour  le 
salut  et  repos  de  la  France,  auparavant  que  d'examiner  son  procez 
qui  est  la  plus  belle  pièce  de  cette  histoire,  nous  ferons  un  traité 
dogmatique  de  sa  mission  suivant  les  règles  de  théologie  et  de 
droit  canon,  lesquelles  plusieurs  doctes  prélats,  théologiens  et  juris- 
consultes qui  ont  vescu  en  ce  siecle-là  ont  rédigez  par  escript  pour 
servir  de  griefs  et  contredits  à  la  revision  du  procez  :  et  traiterons  le 
tout  par  ordre  et  méthode  très  facile,  ce  que  n'ont  pas  fait  les 
autheurs  susdits  à  cause  de  la  rudesse  et  façon  grossière  descrire 
de  leur  temps. 

Pour  donc  faire  jour  à  une  aussi  difficile  controverse  que  celle 
de  la  discrétion  des  bons  ou  malins  esprits  et  révélations  que  plu- 
sieurs disent  avoir,  encore  que  depuis  l'establissement  de  la  reli- 
gion chrestienne  les  prophéties  ayant  esté  moins  fréquentes 
comme  n'estans  pas  tant  nécessaires  au  salut  et  conduite  des 
hommes,  Jésus-Christ  ayant  laissé  à  l'Eglise  son  espouse  le  Saint- 


1.  Ce  préaiuhulo  étant  assez  long  et  un  peu  diffus,  au  lieu  de  le  don- 
ner tout  entier  au  commencement  de  la  Dissertation  p.  170,  t.  I,  il  nous 
a  paru  préterahle  d'en  dégager  seulement  la  pensée  maîtresse  et  d'en 
renvoyer  le  complet  développement  à  la  lin  des  Appendices  du  t.  II.  C'est 
également  pour  ne  pas  laisser  le  lecteur  sous  une  impression  plutôt 
défavorable,  que  tout  à  la  fin  nous  avons  laissé  de  côté  le  dernier  para- 
graphe d'une  vingtaine  de  lignes,  hors  d  œuvre  sans  intérêt  soit  logique, 
soit  littéraire. 


48G       SUPPLÉMENT    AU    LIVRE    PREMIER    DE    LIIISIUIRE    d'ë.  RICHER 

Esprit  cl  le  canon  des  saintes  Escrilures  pour  règle  et  direction 
infaillible;  si  est-ce  toutes  fois  quand  il  plaist  à  Dieu,  il  dispense 
et  départ  des  privilèges  à  qui  bon  lui  semble,  et  envoyé  extraordi- 
nairement  aucunes  personnes  faibles  de  nature,  mais  puissantes  et 
relevées  en  grâces,  pour  opérer  des  merveilles  aux  jeux  du  monde 
et  confondre  les  puissances  de  la  ten-e. 

Et  tout  ainsi  que  jadis  en  l'ancien  Testament,  il  éleva  Moyse, 
Debora  qui  était  une  femme,  David  petit  berger,  Judith,  Eslher  et 
plusieurs  autres  pour  délivrer  son  peuple  de  lopprobre  et  tyrannie 
des  ennemis  ;  au  cas  pareil,  en  la  loy  évangélique,  il  fit  choix  de 
ses  apostres  et  disciples  qui  avoient  tous  une  mission  immédiate, 
particulièrement  fondée  en  l'Escriture.  Et  depuis  que  l'Evangile 
a  esté  suffisamment  publié,  Dieu  n'a  pas  laissé  aucune  fois  d'en- 
voyer extraordinairement  grand  nombi-e  de  saints  que  lEglise 
révère  et  honore  comme  organes  du  Saint-Esprit,  qui  ont  opéré 
plusieurs  miracles,  ainsi  que  nous  apprenons  de  leurs  vies,  légendes 
et  escrits  des  Anciens.  Et  d'autant  que  la  mission  de  telles  per- 
sonnes n'est  pas  exprimée  en  l'Escriture,  et  conséquemment  ne 
doibt  ni  peut  estre  tenue  par  i*ègle  de  foy  catholique  pour  indubi- 
table ou  nécessaire  au  salut  comme  celle  de  Moyse,  des  Apostres  et 
prophètes,  et  semblablement  ne  peut  estre  cognue  a  priori,  c'est-à- 
dire  par  l'évidence  et  notoriété  des  quatre  causes,  sçavoir  :  si  la 
chose  est  véritable,  ce  que  c'est,  ses  qualités,  pour  quelle  fin  ;  car 
tout  cela  sont  questions  de  fait,  cognues  à  Dieu  seul  et  aux  per- 
sonnes auxquelles  il  lui  plaist  de  communiquer  et  révéler  particu- 
lièrement ses  seci-ets  :  donc,  il  reste  d'examiner  a  posteriori  telles 
missions  extraordinaii'es,  c'est-à-dire  par  les  effets,  circonstances 
et  déporlement  de  la  vie,  mœurs  et  actions  des  personnes  qui 
publient  estre  envoyées  de  Dieu  sans  moyen  (intermédiaire),  sous- 
mettant  le  tout  au  jugement  de  l'Eglise. 

Et  en  premier  lieu  faut  bien  considérer  leurs  personnes,  qui  est 
le  subject  et  le  vase  fragile  auquel  Dieu  a  déposé  ses  grâces  :  com- 
ment elles  vivent  et  se  comportent,  et  quelle  fin  elles  se  proposent; 
joint  que  la  fin  est  la  règle  et  modèle  de  toutes  les  actions 
humaines  :  de  plus,  si  tout  ce  qu'elles  disent  et  font  ne  déroge  en 
rien  aux  vertus  théologales,  foy,  espérance,  charité,  et  saintes  tra- 
ditions de  l'Eglise  catholique,  apostolique  et  romaine,  en  laquelle 
partons  les  siècles  passez  s'est  toujours  trouvé  grand  nombre  de 
personnes  nanties  de  l'esprit  de  prophétie  :  argument  certain 
qu'elle  est  la  vraye  Eglise  de  Dieu.  Et  sur  tous  ces  moyens  est 
fondée  la  question  de  droit  dont  Nostre  Seigneur  a  constitué  son 
Eglise  juge,  pour  arbitrer  et  ordonner  s'il  est  loisible  d'agir  et  pro- 


SUPPLEMENT    AU    LIVUE    PREMIER    DE    L  HISTOIRE    D  E.  RICHER       487 

céder  en  cette  manière,  et  si  un  tel  procédé  ne  contrevient  point 
aux  règles  de  la  religion  et  de  l'Eglise  catholique. 

Partant  on  doibt  tenir  pour  indubitable  qu'une  personne  ne 
pèche  pas  contre  la  loy  et  religion  catholique,  disant  avoir  des 
révélations,  moyennant  qu'au  reste  de  sa  vie  elle  ne  fasse  ou  com- 
mette aucune  chose  contraire  ou  discordante  aux  articles  de  la  loy. 
Bien  sont  dadvis  les  pères  et  docteurs  spirituels  qui  traitent  de 
règles  et  manière  de  faire  preuve  des  esprits,  que  l'on  ne  croie  pas 
de  léger,  que  l'on  prenne  garde  si  telles  personnes  sont  naturelle- 
ment saines  de  corps  et  d'esprit,  bien  timbrées,  humbles,  non 
extravagantes  en  leui's  discours,  ni  prévenues  de  quelque  faveur, 
haine  ou  autre  interest  particulier  qui  les  puisse  induire  à  faire  ou 
dire  telles  choses  ;  et  d'abondant,  après  avoir  bien  espluché  sur 
toutes  ces  circonstances,  veulent  qu'on  les  blasme  comme  témé- 
raires, présomptueuses  et  suspectes,  de  penser  et  d'oser  persuader 
que  pour  elles  en  particulier  Dieu  veuille  ou  doive  bastir  une  ioy 
et  les  exempter  de  la  commune,  générale,  articulée  aux  saintes 
Escritures  et  décrets  de  l'Eglise  catholique  pour  le  salut  de  tous  les 
hommes  qui  ont  esté,  sont  et  seront  à  jamais  ;  qu'on  leur  reproche 
hardiment  que  c'est  un  orgueil  extrême  de  présumer  cela  de  soy  ; 
tout  ainsi  que  si  quelque  particulier  mainlenoit  estre  exempt  de  la 
loy  commune  du  prince  par  quelque  privilège  spécial  bien  authen- 
tique et  vérifié  ;  qui  serait  une  marque  d'une  grande  grâce  et 
faveur  spéciale  au-dessus  du  commun,  pour  ce  que  le  privilège  est 
une  loy  privée  et  singuliéi-e,  disent  les  jurisconsultes. 

Or,  tout  ainsi  que  le  Sauveur  du  monde  assurait  que  ses  œuvres 
rendoient  tesmoignage  de  sa  mission  pour  la  gloire  de  Dieu  son 
pèi'e,  au  cas  semblable  veut-il  que  l'on  fasse  preuve  des  chrestiens 
qui  sont  ses  membres  par  leurs  œuvres  conformes  à  l'Evangile  et 
à  la  doctrine  de  l'Eglise,  veu  que  le  bon  arbre  ne  produit  que  bon 
fruit  ;  tel  qu'est  celui  qui  part  de  l'esprit  de  Dieu,  sçavoir  charité, 
joye,  patience,  bénignité,  bonté,  longaminité  mansuétude  et  foy 
(GalatesS,  et  chapitre  troisiesmede  l'Epître  de  Saint-Jacques).  La 
sapience  céleste  est  pudique  et  chaste,  apporte  la  paix,  est  modeste, 
bien  aisée  à  persuader,  s'accorde  avec  le  bien,  est  remplie,  voire 
comblée  de  douceui*  et  miséricorde,  produit  quantité  de  bons 
fruits,  n'use  jamais  de  dissimulations  et  desguisements.  Les  fruits 
de  la  justice  ont  toujours  la  paix  pour  fin,  et  la  donnent  à  ceux  qui 
l'ayment  et  recherchent.  Au  contraire,  la  sapience  terrestre  et  dia- 
bolique, qui  n'a  pas  pour  autheur  lepère  des  lumièi'es,  est  toujours 
rempli  de  mauvais  zèle,  de  divisions  et  contentions,  de  mensonges  et 
grandes  impostures  contre  la  vérité,  et  de  toutes  mauvaises  œuvres. 


488      SUPPLEMENT    AU    LIVRE    PREMIER    DE    L  HISTOIUE    D  E.   RICHER 

Donc,  quand  ces  bons  et  salutaires  fruits  se  trouvent  en  per- 
sonnes catholiques,  douées  de  toutes  les  parties  et  qualilez  sus- 
dites, qui  vivent  non  seulement  sans  reproche,  mais  avec  louange 
et  admiration  de  tous;  et  que  gens  bien  timbrez,  catholiques  non 
par  trop  crédules  ni  prévenus  de  faveur,  haine  ou  de  quelque 
autre  interest  particulier,  en  rendent  bon  et  fidèle  témoignage,  ne 
vaut-il  pas  mieux  y  adjouster  foj  et  les  croire  sérieusement  et 
charitablement,  que  par  un  esprit  opiniastre,  aheurté,  destitué  de 
tout  sentiment  de  religion  et  piété,  en  juger  témérairement  et 
malignement  ?  VA  bien  que  les  esprits  malins  qui  se  transforment 
souvent  en  anges  de  lumière,  contrefassent  des  singeries  de  piété 
et  d'actions  vertueuses,  ils  se  font  bientost  cognoistre,  meslans 
toujours  le  mal  parmy  le  bien  et  le  vice  parmy  quelque  étincelle 
d'une  maligne  et  esblouissante  lumière  de  dévotion,  pour  tromper 
et  décevoir  le  monde,  ne  pouvant  persévérer  ou  bien  demeurer 
constans  au  chemin  de  la  vertu,  car  autrement  ils  destruiroient 
leur  l'oyaume  et  mystère  d'iniquité. 

L'Escriture  nous  apprend  que  lantechrist  doibt  en  son  temps 
contrefaire  plusieurs  miracles  lesquels  pourront  mesme  donner  de 
très  grandes  impressions  aux  âmes  des  esleus  ;  toutes  fois  il  se 
fera  assez  tost  recognoistre  par  ses  mômeries  et  par  le  but  qu'il  se 
proposera,  voulant  ségaler,  voire  eslever  au-dessus  de  Dieu  pour 
se  faire  adorer  et  distraire  les  enfans  de  Dieu  de  la  vraie  religion, 
culte  et  adoration  deue  seulement  au  créateur  et  rédempteur  du 
monde.  Qui  est  pareillement  le  dessein  de  tous  les  esprits  malins, 
sorciers  et  magiciens,  qui  ne  se  peuvent  longtemps  celer. 

Mais  passant  de  la  thèse  à  l'hypothèse,  du  général  au  particu- 
lier, si  la  Pucelle  a  eu  révélations  et  si  c'est  saint  Michel,  saint 
Gabriel,  saintes  Catherine  et  Marguerite  qui  lui  ont  donné  conseil, 
tout  cela  est  une  question  de  fait  incognu  aux  hommes,  et  cognu 
de  Dieu  seul  et  de  cette  fille  à  laquelle  il  a  plu  à  Dieu  de  se  mani- 
fester. Quant  à  la  question  de  droit,  il  est  loisible  d'agir  et  procé- 
der de  cette  façon  :  elle  doibt  estre  diligemment  et  sérieusement 
examinée  par  toutes  les  circonstances  de  la  personne  qui  asseure 
avoir  telles  révélations. 

En  premier  lieu,  c'est  une  fille  vierge,  âgée  de  treize  ans » 

[Voir  la  suite,  tome  1,  p.  172,  La  piété  de  Jeanne  d'Arc  jeune  fille 
et  ses  révélations.) 

Fin  des  Appendices  et  Eclaircissements. 


TABLE  DES  MATIERES 

CONTENUES   DANS   CE    VOLUME 


HISTOIRE  DE  LA  PUCELLE  D'ORLÉANS 
LIVRE   II 

TROISIÈME   PARTIE 

CONTENANT  LE  PROCÈS  ORDINAIRE 

Pages. 
Ouverture  solennelle  du  procès  ordinaire  et  lecture  du  réquisitoire.        2 

Articles  du  réquisitoire  1-X 3-11 

Articles  Xl-XX 11-19 

Articles  XXI-XXX 19-25 

Articles  XXX-XL 25-33 

Articles  XLI-L 33-41 

Articles  LI-LXV 42-52 

Interrogatoire  du  31  mars  dans  la  prison 52 


QUATRIEME   PARTIE 

LES   DOUZE   ARTICLES 

Adverlissement  sur  les  dits  articles 62 

Délibération  sur  les  douze  articles 65 

Maîtres  dont  les  délibérations  ont  été  envoyées  à  part 67 

lixliortation  à  la  Pucelle  malade.  —  18  avril 68 

AdverUssement 71 

Admonition  publique  dans  une  salle  du  château.  —  2  mai.    ...  71 

Adverlissement 74 

Délibération  sur  la  mise  de  Jeanne  à  la  torture.  —  9-12  mai  ...  76 

Lecture  des  lettres  de  l'Université  de  Paris.  —  19  mai 77 

Lettre  au  Roy  d'Angleterre 78 


490  TAULE    DES    MATIKI 

Censure  de  la  faculté  de  thiJologic  de  Paris 
Censure  de  la  faculté  de  décret  ..... 

AdvertissemenL 

Dernière  admonition.  —  23  mai 

Adverlissement 

Conclusion  de  la  cause 


CINQLMEME   PARTIE 

LES    DEUX    SENTENCES 


Pages. 
81 


Au  cimetière  de  Saint-Ouen,  première  sentence 00 

Formulaire  d'abjuration  inséré  au  procès .91 

Prononcé  de  la  sentence  d'alisoiution 93 

Adverlissement 95 

Dans  la  prison  de  Jeanne.  —  24  mai,  après-midi 101 

La  cause  de  rechute. 

L'évêque  de  Beauvais  dans  la  prison  de  la  l'ucell«.  —  28  mai    .   .  102 

Adverlissement 104 

Dernière  délibération lO'J 

Sur  la  place  du  Vieux-Marché UO 

Sentence  de  condamnation  et  de  relaps 113 

Adverlissement H-i 

De  quelques  pièces  extra-judicaires. 

De  l'information  posthume 116 

Adverlissement 118.  121,123 

Lettre  du  roi  d'Angleterre  aux  seigneurs  de  son  obéissance.   .    .    .  125 

Adverlissement 120 

Lettre  de  l'Université  de  Paris 131 

Supplément  au  récit  d'E.  Richeu  :  La  mort  de  Jeanne  d'Arc  d'après 

les  témoins  oculaires 133 


LIVRE  m 

LE  PROCÈS  DE  REVISION 

AvANT-PROPOs  DE  l'èuiteuu.  —  Jcaunc  d'Arc  cl  sa  «  mission  de  sur- 
vie »  1 40 

i>mmèrepa;-/?e.  —  Attitude  de  Charles  Vil  de  1431  à  1450  .    .    .    .  141 

Seconde  partie.  —  Attitude  du  Saint-Siège  à  la  même  époque.   .    .  149 

[TEXTE  D'E.  RIGHER] 

REVISION    UU    PROCÈS    DE    1431    ET   RÉHABILITATION    DE   JEANNE   d'aRC 

Considérations  préliminaires.  —  Enquête  de  1450 161 

Analyse  des  neuf  chapitres  du  procès  de  révision 165 


TABLE    DES    MATIÈRES  491 

Pages. 

Chapithe  l'iiEMiKii.  —  Rescript  du  pape  Calixte  III 167 

CiiAPiTiiE  11.  —  Actes  divers 171 

Ghapitue  III.  —  Actes  divers 174 

GiiAPiTiiE  IV.  —  Actes  présentés  aux  juges  par  les  avocats  de  la 

famille  d'Arc 176 

Actes  subséi[U(jnts  .    .    .    . 212 

Chapitre  V.  —  Enquêtes  prescrites  par  les  juges  de  la  revision.  217 

Questionnaire,"  du  cardinal  d'KsLouleville  en  \'t'.)'2 217 

Questionnaire  du  clianoine  Philippe  de  la  Rose,  même  année.   .  220 

Déposition  du  témoin  Isambert  de  La  Roche,  dominicain.    .    .    .  224 

Enquête  faite  au  pays  de  la  Pucelle 228 

Enquête  d'Orléans,  témoins  entendus ...  23G 

Enquête  de  Paris,  témoins  entendus 238 

Enquête  de  Rouen.  Témoins  entendus  et  leurs  dépositions   .    .    .  248 

Pierre  iMigiet 248 

Guillaume  Manchon,  notaire  principal  du  procès 251 

Jean  Massieu,  huissier  au  procès 260 

Guillaume  Golles,  notaire  au  procès 266 

Frère  Martin  Ladvenu,  dominicain 268 

Nicolas  de  tlouppeville,  assesseur  au  procès 271 

Jean  Fabri,  assesseur 273 

Jean  Le  Maire,  Nicolas  Gavai,  Pierre  Cusquel  et  sept  autres 

témoins 275 

Frère  Seguin  de  Seguin,  dominicain,  et  Jean  d'Aulon    ....  278 

GiiAPniiE  VI.  —  Lettres  de  garantie  du  Roy  dAngleterre.   .    .   .  280 

Cii.vpiTHE  VU.  —  Actes  divers 285 

Gn.\piTi!E  Vlll.  —  Des  mémoires  produits  à  la  révision 286 

Cii.vpiTUE  IX.  —  Sentence  réhabilitant  la  Pucelle 288 


LIVRE   IV 

ÉLOGES   TIRÉS   DE   DIVERS   AUTEURS 


AvANT-PROPos  DE  l'éditeup..  —  Des  enquêtes  entreprises  par  : 

Jean  llordal 300 

Edmond  Richer 301 

Lenglet-Dufresnoy 303 

Jules  Quicherat 204 

Portée  de  ces  enquêtes 305 


[TEXTE  DE.  RICHER I 

CHAPITRE    PRÉLIMINAIRE 


De  l'anoblissement  delà  Pucelle  par  Charles  VII 306 

Texte  des  lettres  d'anoblissement 307 

Advertissemenl 310 


492  TABLE    DES    MATIKHKS 

l'ages. 

Chapitre  pkkmieu.  —  Éloges  tirés  des  écrivains  ecclésiastiques  .  31o 

I.  Gcrson 313 

II.  Henri  de  Gorkciiu 314 

III.  Sybilla  t'rancica 316 

IV.  Les  docteurs  (ie  la  réhabilitation 318 

V.  Anonyme  cité  par  J.  Meycr 318 

VI.  Los  témoins  des  enquêtes  de  la  re vision 322 

VIL             Li'  pape  Pie  II 323 

VIIL           Saint  Antoni  de  Florence 332 

IX.  Philippe  de  BcrRame 333 

X.  .     Guillaume  Postel 335 

Xl-Xill.     Génébiard.  —  Arnault  de  Pontas.  —  H.  Morus.    ...  337 

XIV-XVI.  Mariana.  —  Deirio.  —  Candcla 339 

Ch.vi'itre  il  —  Eloges  tirés  des  jurisconsultes 342 

I.     Jurisconsultes  cités  par  Jean  Hordal 342 

IL    Estienne  Forcadel 343 

IIL  René  Chopin.  —  Estienne  Pasquior.  —  H.  Kormannus  .    .    .  34d 

Chapitre  IIL  —  Eloges  tirés  des  médecins 348 

1.      Gamperius 348 

IL    Cardan 348 

III.  Nicolas  Vignier 350 

Chapitre  IV.  —  Eloges  tirés  des  historiens 354 

I.        François  Pliilelphe 354 

IL       Enguerran  de  Monstrelet 355 

III.  Fulgose.  —  Ghalcondyle.  —  Coccius.  —  Gaguin.  —  Maucle- 

rus .' 360 

IV.  Polydore  Virgile 363 

V.  Lilius.  —  Massœus.  —  Egnatius.  —  R.  de  Wassebourg.  — 

Paul  Jove.  —  Paulus  .^ilmiiius 368 

VI.  Lazardius. — Aventinus.  —  Boetius.  —  Ferrerius 372 

VIL    Jacques  Meyer 375 

VIII.  Historiens  divers 379 

IX.  Pontus  Heuterus 382 

X.  De  Roziers.  —  Véronius.  —  Braun,  etc 385 


APPENDICES  DE  L'ÉDITEUR 

ET  ÉCLAIRCISSEMENTS 

APPENDICE  PREMIER 
De  Pierre  Cauchon,  évèque  de  Beauvais,  notice  biographique. 

1.      De  la  naissance  de  Pierre  Cauchon  à  son  élévation  à  l'évèché  de 

Beauvais  (1371-1420) 391 

IL  Pierre  Cauchon,  évoque  et  comte  de  Beauvais,  pair  ecclé- 
siastique du  royaume 394 


TAULE    DES    MATIERES  493 

l'agcs. 

III.  Apii'S  le  procès  de  lionen.  —  Pierre  Cauchon  êvèrjue  de  Lisieux. 

—  Sa  mort  en  1442 398 

IV.  Question  subsidiaire.  —  L'évoque  Gauclion  a-t-il  été  «  schis- 

maticiue  »  et  «  excommunié  »  ■? 402 

AI'PENDIC!':  Il 
Du  procès  de  1431,  du  tribunal  et  des  principaux  assesseurs. 

I.      De  Jean  Lemaître,  vice  inquisiteur  et  juge  au  procès    ....  408 

il.     Du  promoteur  Jean  d'Estivet 40'J 

III.  De  l'examinateur  des  témoins,  de  l'huissier  et  des  notaires.    .  410 

IV.  Des  assesseurs,  et  particulièrement  des  sis  docteurs  de  Paris  .  411 

De  Jean  Beaupère 412 

De  Nicolas  Midy  et  de  Jacques  de  Touraine 413 

De  Thomas  de  Gourcelles,  Gérard  Feuillet  et  Pierre  Maurice  .  414 
Du  prédicateur  de  Saint-Ouen,  de  Nicolas  de  Venderès  et  de 

Nicolas  Loiseleur 415 

APPENDICE  III 

Du  procès  de  réhabilitation,  des  juges  et  des  personnages 
qui  y  prirent  part. 

I.  De  Jean  Juvénal  des  Ursins,  archevêque  de  Reims 417 

II.  De  Guillaume  Ghartier.  évèque  de  Paris 418 

III.  De  Richard  de  Longueil,  évèque  de  Goutances 419 

IV.  De  Jean  Bréhal,  grand  inquisiteur 420 

V.  Des  promoteurs,  procureurs,  avocats,  etc 420 

APPENDICE  lY 

De  la  «  prétendue  abjuration  »  de  la  Pucelle  au  cimetière 
de  Saint-Ouen. 

I.  Importance  exceptionnelle  de  la  question 422 

II.  La  «  prétendue  abjuration  »  et  le  droit  canonique 424 

III.  Que  le  formulaire  inséré  au  procès  n'a  été  ni  accepté,  ni  signé 

par  la  Pucelle  :  le  formulaire  signé  était  tout  différent .    .    .     429 

IV.  A  (luelle  date  la  lumière  a  été  faite  sur  ce  problème 434 

APPENDICE  V 

Des  altérations  découvertes  dans  le  texte  latin  du  dernier  inter- 
rogatoire  438 

I.  Première  altération  de  la  minute  française 439 

II.  Deu.xième       —  —  440 

m.  Troisième       —  —  441 

IV    Quatrième      —  —  441 

V.  Cinquième     —  —  442 


494  TAULE    DES    MATIÈnES 

AIM'ENDICI-:  VI 

Pages. 

De  la  dernière  délibération 444 

APPENDICE  Vil 

Du  procès  de  réhabilitation 450 

I.  De  rinslrument  authonliquc  du  procès 4o0 

II.  Des  expéditions  aullH-ntiques 451 

III.  De  sa  rédaction  primitive 452 

IV.  Critiques  formulées  contre  ce  procès 453 

APPENDICE    VIII 

Des  enquêtes  du  procès  de  réhabilitation 456 

I.  Enquête  de  Rouen.  14."iU 456 

II.  Enquête  du  cardinal  d'Estoutcville,  Rouen  145i2 457 

III.  Enquête  du  chanoine  Pli.  de  la  Rose,  Rouen  1452 457 

IV.  Enquête  au  pays  de  la  Pucelle,  1456 458 

V-         Enquête  d'Orléans.  1450 .  459 

VI.  Enquête  de  Paris,  1456 .460 

VII.  Enquête  de  1456,  à  Rouen 461 

VIII.  Déposition  du  chevalier  d"Aulon,  à  Lyon,  1456 462 

IX.  Témoins  entendus  sur  le  procès  do  14;il 462 

APPENDICE  IX 

De  la  sentence  de  1456,  son  autorité 464 

I.  Éléments  essentiels  du  procès  de  réhabilitation 464 

II.  L'école  antitraditionncUe  et  ses  objections 466 

Ce  que  disent  :  Jules  Ouicherat 468 

Gabriel  Monod 471 

M.  A.  France 472 

Conclusion  de  L'Averdy 475 

APPENDICE  X 

Dernier  mot  de  cette  histoire:  Jeanne  d'Arc  envoyée  de  Dieu.    .  476 

I.  Prédictions    et   faits    extraordinaires  qu'offre  la  vie  de  la 

Pucelle 478 

II.  Prédictions  de  premier  ordre  à  y  relever 481 

Conclusion 483 

Note  sur  le  duc  dOrléans  captif  en  Angleterre 484 

Préambule  de  la  Dissertation  d'E.  Richer  sur  les  révélations  et 

la  mission  de  la  Pucelle 485 


TABLE  ANALYTIQUE  DLS   MATIÈHLS 

CONTENUES  DANS  LES  DEUX  VOLUMES 


Abiîeville  I,  141 . 

Abjuration  (L'...  canuniiiue,  en  qui'l 
cas  requise).  I,  191. 

—  (L'...  prétendue  de  la  Pucelle). 

I.  l'JS  ;  H,  42:2  et  suiv. 
Abkeviitelr    (L')  du  procès.   I,   406- 

410. 
Absolution    (Sentence   d')    à    Saint- 

Ouen.  1.  198. 
Accusés  (Droits  des...    en    cause   de 

foi).  1.  190,  205. 
Accusations   (Résumé   des..,   contre 
la  Pucelle).  II.  4. 

—  établies  par  bruit  public,  II. 

51. 

ACIIITOI'HEL.    I,    144. 

AiLMONiTioNs  PUBLIQUES  à  la  Pucelle. 
II,  74  ;  II.  197. 

AtiuETs  (Le  baron  des).  L  160. 

Advebtissement  de  Richer  au  lecteur. 
1.37. 

.'Emilius  (Paulus),  historien,  II,  371. 

Affaires  (Etat  désespéré  des...  publi- 
ques). I,  o5. 

Aimond  de  Macv,  sa  déposition,  II, 
i'46. 

Albret  (Le  Sire  d'...  tué  à  Rouvray). 
I.  54. 

Alençon  (Jean  duc  d')  prince  du 
sang.  I,  51. 

—  assiste   à  Gliinon  à  l'examen 

de  la  Pucelle,  I,  79. 

—  donne  son  opinion  snr  la  prise 

des  Tournelles.  I,  112,  113. 


Alencon  nommé  lieutenant-général. 
1.120. 

—  il  Jargeau.  F,  120. 

—  au  pont  de  Meung.  I,  123 

—  se  refuse  à  combattre   Riche- 

mont.  I,  127. 

—  à  Patay.  I,  12.j. 

—  parle  à  Talbot  prisonnier.   I, 

126. 

—  à  la  campagne  de  Reims.  I, 

130. 

—  arme  Charles  VII  chevalier.  I, 

137. 

—  à    Paris,    à    la    porte    Saint- 

Honoré.  I,  152. 

—  envoie  quérir  Jeanne  blessée. 

1,  152. 

—  loue  Jeanne  chef  de    guerre. 

I,  92. 

—  loue  sa  chasteté.  1,  83. 

—  repris    par    elle    pour    avoir 

juré.  I,  60. 

—  proteste  contre  la  paix.  1,  144. 
Alençon   (La  duchesse  d")   et  la  Pu- 
celle. I,  120. 

Alépée  (Jean)  chanoine  de  Rouen,  au 
Vieux-Marché.  II,  112. 

Allêgoiue  (Jeanne  use  d'...  pour 
sauvegarder  son  secret).  I,  309, 
310. 

-AMBASSADE  au  duc  dc  Bourgogne.  I. 
143. 

Ambleville  héraut  de  la  Pucelle.  I, 
91. 

AxiEs  (Des...  insigncment  prédesti- 
nées). I,  271. 


496 


TABLE    ANALYTIQUE    GENERALE 


Amiens,  I,  lit. 
Ampoule  (La  sainte  ).  I,  136. 
Ange  (Jeanne...  de  paix).  I,  99. 
Anges   (Enseignement  de   lEcriturc 
sur  les  ).  I.  (i3. 

—  Protecteurs   du    rovauiiie.    1. 

270. 

—  (Des...  de  la  lumière.)  I,  17:2, 

282. 

—  Apparition  des...  dans  la  sainte 

Ecriture.  I,  345. 

—  Apparitions...  à  la  l'ucelle.  1, 

63,  270. 
Angl.\is  (Les...  en  France),  l,  iJl. 

—  s"em parent   des   villes    de    la 

Loire.  L  6U, 

—  devant  Orléans.  L  Si. 

—  irrités  par  les  lettres  de  la  Pu- 

celle.   I,  100. 

—  assiégés  dans  leurs  bastilles. 

I,  106. 
Angl.\.is  (Les  archers...  les  meilleurs 
de  l'Europe).  I,  147. 

—  Calomnies     des...     contpe    la 

Pucelle.  I,  137,  210. 

—  Les...  se  défient  de  Paris.  1, 

230. 

—  Ils  seront  chassés  de  France, 

89,98,  146,  183.  210,  331. 

—  Et  y  laisseront  de  nombreux 

cadavres.  1,  211. 
Axgleteuue    (Armes  de  1'...  sur  les 
murs    de    la    Sorbonne.    I, 
213. 

—  (L'...  fait  les  frais  du  procès). 

I,  227. 
Anneaux   (Des...  de   la  Pucelle).  11. 

17,  94. 
Annib.\^l.  I,  117. 
Anoblissement  de  la  Pucelle.  II,  306, 

307,  310. 
Anonyme    (Ecrivain...     cité    par     J. 

Meyer).  11,318. 
Antonin   (Saint  )    de    Florence,    II, 

333. 
AroïKES   (Les...    devant    le    Sanhé- 
drin). I,  373, 

—  (Les...  et  l'infirmité  humaine). 

I,  182. 
Ai'i'AitiTioNs  (Des...  de  Notre-Seigneur 
et  des  Saints).  I,  63,  205,  269.  270. 
284. 


Ai'i'EL    d'en   haut  (Jeanne  et  1").  I, 

388. 
Api'El  de  Jeanne  au   Pape.    I.   373; 

II.  72. 
Ahbke  (Le  bel...,  ou  arbre  des  dames. 

des  fées,  ou  Beau  mai).  I.  67,  68. 

122.  253.  258,  260. 

AltGENTKAV   (D'    I.    1.    127. 

AmsTO.Noùs.  I,  22. 

AitMAGNAG  (Le  comte  d'...  connétable 
de  France).  I,  48. 

—  (Lettres   du    seigneur   d"...   à 

la  Pucelle).  I.  275  ;  11,20. 
Ak.moises  (Charles  Vil    et   la  Dame 

des  ).  Il,  146. 
AitTicLEs  (Les  douze  ).  II,  54  et  suiv. 

—  Qui  les  a  rédigés.  I,  196. 

—  Communiqués  aux  docteurs  de 

Houen.   I.  197. 

—  Envoyés  à  l'Université  de  Pa- 

ris. I,  197,  214. 

—  Délibération  sur   les  douze... 

II.  65. 

—  Censures   de   l'Université.   II, 

81,  84. 

—  Les...  condamnés  en  1456.  Il, 

62. 

—  Les...  et  Achille  Luchaire.  I, 

403. 

—  Présentés  par  la  famille  d'Arc 

aux  juges  de  1455.  11,  175, 

214,  126,  212. 
Akonuel  (Le  seigneur  d'  ).  I,  204. 
Aktigny  (L'abbé  ),  I,  24. 
Akt-sur-Meurthe.  I,  169,  403. 
Ascension  (L'...  en  1428).  I,   69,  161. 
Assesseurs  (Des...  en  cause  de  foi). 

I,  188,  191. 

—  (Des...    de  l'évêque  de   Beau- 

vais).  1,226.291  ;  II,  109.408. 
Augustin    (Saint...    cité).   I,    62  ;  11. 

169. 
Augustins  (Prise  de  la  bastille  des...). 

I,  110. 
Aulon    (Jean    d'...    intendant  de  la 
Pucelle).  I,  90,  112,157. 

—  Son   témoignage  sur  Jeanne. 

I.  60.  82,  83  :  II.  279. 

—  Jean...  et  le  Conseil  de  la  Pu- 

celle. I,  385. 
xViNEKiiE  (Jeanne  à  ).  1,  75. 

—  (L'armée  royale  à...  ).  I,  130. 


DES    DEUX    VOLUMES 


497 


xVvENTiNus  (Johanncs).  H,  o~i. 
A\Eiu)Y    (L").  I,   :20,  25  ;  II,  62,  162. 
A\  HANCHES  (L'évèque  d'...).   II,  225. 
AvMEiiiE   (Maître  Guillaume)  exami- 
nateur (lo  la  Pucelle.  I,  88,  89. 
AziNcoïKT  (Bataille  d'),  I,  lil. 


B\.ii.LET   (Adrien),    auteur  d'une   vie 

de  Richer.  I,  2,  4,  206. 
B  viLLv  (Nicolas)  tabellion  d'Andelot. 

[I,  233. 
Balaam.  I,  2;j6,  258. 
Bale  (Concile  de  ).  1,  37,  22G  et  pas- 
si  m. 

—    Docteurs  de  Paris  au...  ).  II, 
131. 
Banniek   (Porte)  à  Orléans.  I,  107. 
Baubix  (Jean),  témoin  à  la  revision, 

11,243. 
Basin  (Thomas),  évèque  de  Lisieux. 

I,  40. 
Basoie     (Gentilhomme)    aux  Tour- 

nelles.  \,  112. 
Bastilles    (Les,..  d'Orléans).    I,   32. 

107. 
Baudkicol'ut  (Robert  de)  capitaine  de 

Vaucouleurs.  I,  65,  69,  73. 
Baldiullakt  (Mï').  II,  435. 
Bavon  (Anna)  sage-femme  et  Jeanne 

d'Arc.  I,  85. 
Bayai\d  (Qualités  du  vrai  capitaine, 

d'après  ).  I,  161. 
Béatification  (Procès  de).  I,  168. 
Béaucaire  (J.  d'Aulon.  sénéchal  de). 

I,  90.  ' 

Bealce  (Rive  delà).  I,  loi,  106. 
Beaucourt    (Du  Fresne  de).  II,   145. 
Beaucuoix  (Simon),  témoin  au  procès 

de  revision.  II,  243. 
Beallieu  (Chùteau  de...  en  Verman- 

dois).  Tentative  d'évasion    de   la 

Pucelle,  de...  I,  163,320. 
Beac  Mai.  Voir  au  mot  Arbre. 
Bevumaxoir  (Le  sire  de)  à  l'arrivée 

du  roi.  I,  123. 
Bevui'èhe    (Maître  Jean)    interroga- 
teur de  la  Pucelle.  I.  236.  242  ;  II, 

2.39,410. 
Beaiiiecahd     (Notre-Dame     de).    I, 

465. 


iÎEALiiEi'AïuE  (Charles  de).  II,  148. 
Beaukevoiu  (Du  saut  de).  I,  290,  339  ; 

II,  25,  33,  164,  290,  311. 
Beauvais    (La  ville  de)  se  soumet.  I. 
147. 

—  (Territoire  du  diocèse  île...).  I. 

100,  167. 

—  (L'évèque    de).    Voir  au  mot 

Cauchon  Pierre. 
Beuford  (Jean  de  Lancastre  duc  de... 
et  de  Sommerset).  I,  214.  Beau- 
frère  du  duc  de  Bourgogne.  I,  130, 
Ses  promesses  au  duc  d'Orléans. 
I,  52.  Sa  réponse  au  duc  de  Bour- 
gogne, L  34.  B...  et  frère  Richard. 

I,  134.  B...  en  campagne.  I,  141. 
A  Danmartin,  I,  146.  A  Montépil- 
loy.  I,  149.  A  Paris.  I,  147.  Mani- 
feste du  duc.  I,  142. 

Bedfokd  (La  duchesse  de)  et  la  vir- 
ginité de  la  Pucelle.  I,  85. 

Bëelzébub,  I,  117. 

Belleforest  (Gilles  de)  historien.  I. 
47,  97,  162,  163, 

Bellier  (Guillaume)  hôte  de  la  Pu- 
celle. à  Chinon  I,  78, 

Belo.n  et  Balme  (Les  RR.  PP.)  domi- 
nicains. II,  409,  417. 

Bermg.nt  (Noire -Dame  de),  I,  59. 
462, 

Beunouilli.  I,  18. 

Berthaud  (Dom).  I,  426. 

Bibliothèque  nationale  (La...  et  le 
manuscrit  d'E.  Richer).  I,  2. 

BiLLOHv  (Martin)  vice-inquisiteur.  I, 
122,  219,  418. 

Blois    (Arrivée  de  Jeanne  à).    I,  32. 

—  Bénédiction    de   la    bannière 

des  hommes  d'armes.  1, 196. 

—  Préparation  et  départ  du  corps 

de  secours.  I,  100. 

—  Retour    à...    des   troupes    de 

Jeanne.  1,  102. 
BucuARD  (Jean),  évè^iue  d'Avranches. 

II,  419. 

BoETius  (Hector).  II,  375. 

Bois  Ches.\u  (Le  ).  I,  122. 

BoisY  (Gouffier,  seigneur  de  ).  I,  412. 

Bois-Gl'illaume   (Voir  Colles,  dit).  I, 

38. 
Bologne  (Manuscrit  de  l'Université 

de).  II,  162. 

32 


498 


TABLE    ANALYTIQUE    GÉNÉRALE 


BoNN\ULT  (de),  historien.  1,  423,  4?6. 

HounEiLLEs  (Hélie  de).  Son  int-moiro. 
I,  39. 

Bossi-ET.  I,  2,  14,  23,  31,  384. 

BoucHEii  (Jacques...  d'Orléans).  1. 
103. 

BoriLi.É  (Guillaume).  Rédige  le  pre- 
mier mémoire  favorable  à  la  Pu- 
cellc.  II,  40.  161.  163. 

Bonuuo.N  (Duc  de)  à  Reims.  I,  137. 
153,  156. 

Bourgeois  (Le...  de  Paris).  I,  156. 

BoiRùEs   (Charles,  roi  de),  1,  22. 

—  (Assemblée    du  clergé   à).    1. 

51. 

—  (La  Pucelle  à).   I.  103,  136. 
BouRiiET  (Paul....  cilé)..I,  4.")5. 
BountioiiNE  (Jean-sans-Peurduc  de..  ) 

I,  43,  47.  206.    Ce  qu'en   dit 
la  Pucelle,  I,  3.32,  335. 

—  Porte  de...  à  Orléans).  I,  102. 

107. 

—  (Philippe-le-Bon,   duc    de).    F. 

48. 

—  Et  Isabeau  de  Bavière.  I.  50. 

—  Lettre   de  la  Pucelle   au  duc 

de).  I,  09. 

—  Autre  lettre...).  I,  140,  143. 

—  (Le  duc  de...  envoie  800  hom- 

mes à  Bedford.  I,  141. 

—  Se  prépare  à  combattre  Char- 

les VII).  I,  137. 

—  Vient  à  Paris.  I,  130. 

—  Est  choisi  parles  Parisiens.  I. 

155,  160. 

—  Le  duc  de...  et  Jeanne  à  Mar- 

gny.  I,  163. 

—  Le  duc...  et  les  princes  d'An- 

gleterre. 1,  212. 

—  La  duchesse  de...   aux  Pays- 

Bas.  I,  130. 
Bjuiir.uiGNON  (L'unique...  de  Domre- 
my).  I,  238. 

—  (De  ï'épée  que  la  Pucelle  enle- 

va à  un...  ).  I,  273. 
B(>uni;uiG\o.\s  (Massacres  opérés  par 

les...  dans  Paris).  I,  48. 
Rouhlemont  (Le  seigneur  et  la  dame 

de).  1,07. 
BouRNEL  (Guillaume).  I,  142,  157. 
BoossAC   (Le  maréchal  de).    I,   52, 

137,  109. 


Brandons  (Dimanche  des  ).  1,  33. 

Bhaun  (Georges).  II.  386. 

Bralx  (G.  de).  I.  461. 

Bhéhai,  (Jean...,  grand  inciuisiteur). 

I.  40;  II,  4-20. 
Bretagne   (Le  duc  de...   et  Clisson). 

I,  46. 
Brie  (Soumission  de  la  ..  à  Charles 

Vil).  I,  27. 
Bkunetiére  (Ferdinand).  I.  35. 
BrciioN  (J.  A.  C).  I,  221. 
BiREv-i.E-PETrr.  I,  69. 


Cacotin  (Antoine).  I.  423. 

Calais  (Descente  annuelle  des  An- 
glais à).  I.  99. 

Cai.ixte  III  et  la  réhabilitation.  I.  9: 
II.  167. 

C\LOT  (Laurent...  à  Saint-Ouen).  II. 
244,  247. 

Calvenier,  annotateur  de  J.  Nyder. 
II,  131. 

Camperius,  II,  348. 

Candela  (Jean).  II,  3il. 

CvpiTAixES  (Les...  à  Blois).  I,  100. 

—  (Conseil  des...   à  Orléans).    I, 

108. 

—  (Soumission  des...  à  une  fem- 

me). I,  174. 
Cardan.  II,  348. 

Castillon  (Victoire  de).  Il,  341. 
Catherine,   sœur  de    la  Pucelle.    1, 

57,  180, 
Catherine  de  F^Iaxce.  I,  18,  80. 

—  (Son  mariage  avec  Henri  V). 

I,  21,  49,  50. 
Catherine  de  La   Rochelle.   I,   156. 

289,  337. 
C\L'CHON  (Pierre)    évèque   de    Beau- 
vais.  I.  166,  167,  177. 

—  Son  origine,  I,  147. 

—  Conseiller  du  roi  d'Angleterre. 

I,  147,  232. 

—  Vendu  aux  Anglais.  I,   9,   10. 

227 

—  .^e  dit  juge    ordinaire    de    la 

Pucelle.  I,  194. 

—  Sans  juridiction  sur  elle.  I.  40. 

—  Récusé  par  elle.  I,  2.ï3,  326. 


DES    DEUX    VOLUMES 


499 


C\rr.iioN(Pierro).  Soiiiiuation  à  Jean 
<io  Luxciiibourfi.  I,  2'2i. 

—  Deinando  au  (iia]iitro  do  Rouen 

les  pouvoirs   néccssaii'cs.  I. 
233. 

—  Ses  intcrrofîatioiis  sur  les  an- 

ges. I,  177. 
11.  167. 

—  Refuse  à  la  i'uiellc  d'enlendn' 

la  messe.  1.  61. 

—  ...  de  prendre  acte  de  sa  sou- 

mission au  Coneile  de  Bàle. 
II,  2i'6, 

—  Convient   d(>   sa   virginité.    I.. 

81. 

—  Ses  calo;nnies  contre  elle.    1, 

3!l7-398. 

—  En   horreur    au  peuple   aprrs 

le  supplice.  II.  1(11. 

—  Transléré  à  Lisieux.  11.  398. 

—  Sa  mort.  I,  315. 

—  Le  rescript  de  Calivte  III,  el... 

II,  167. 

—  Notice   biograidiiiiue    sur.   II, 

391. 
Causes  majeures  (Des...  et  de   leurs 

juges).  I,  188. 
Chalconhyte.  II, 361. 
CiiALONs  (l/évèque  de).  I,  2:27. 

—  (Le  roi  à).  I,  135. 
Chapelain  (Le  poète).   1,  1. 
Chapelle  (Jeanne  à  La).  I,  loi. 
Chapitault   (Simon)    promoteur    du 

procès  de  revision.    II,   172.   174. 

285,  421. 
Gh ARGOT  (Le  docteur).  1,  17. 
Charles  VI  (Du  règne  de).  I,  45,46, 

49,51. 
Charles  VII,  Dauphin.  I,  46. 

—  Tanneguy  le  sauve.  I,  48. 

—  Premières   années  de  son  rè- 

gne. I,  51. 

—  Roi  de  Bourges.  I,  51. 

—  Songe  à  se  retirer  en  Castille. 

I,  53. 

—  Ses  prières  a  la  Bienheureuse 

Vierge.  1,  80. 

—  Hésite  à  recevoir  la  Pucelie.  I, 

76,  77. 

—  Lui  accorde  audience.  I,  77. 

—  Reconnu  parmi  les  seigneurs, 

ibid. 


Chaules  VII.  déclaré   vi'ai   héritier. 
1,98. 

—  Reçoit  le  rai)port  de  la    Com- 

mission   de    Poitiers.   I,  79. 

—  Fait  donner  à  Jeanne  de  riches 

habits.  1,  93. 

—  Révélations  de  Jeanne  le  con- 

cernant. I.  245,  346. 

—  Faible  et  peu  agissant,  I,  180. 

—  A  Saint-Denis.  I,  150. 

-    ...et  Jeanne  captive.  I,  209. 

—  Recours  possible  au  Pape.  II, 

141,  142. 

—  Son   altitude    de  1431  à  1449. 

II,  141. 

—  Ordonne  ren(iuète  de  1450.  H. 

102. 

—  Bienfaiteur  des  frères  de  la  Pu- 

celie. I,  58. 
Charles,  duc  de  Lorraine.  1,  71. 
CiivurEiGNES  (Guillaume),  évèque  do 

Poitiers.  I,  79. 
Chartes    (Trésors   des).   I,   227  ;   II. 

162. 
Chartier  (.Vlain).  I.  383. 

—  (Jean),  chroniqueur.  I,  383. 
Chartier    (Guillaume),     évèque    «le 

Paris,  juge  du  procès  de  réhabili- 
tation. Il,  418. 

Chaktrec.x  (Aux...  de  Dijon).  I,  261. 

Chastellain  (Georges),  11,387. 

Chastillox  (Le  sire  de...  à  Reims).  I, 
135. 

—  (Jean  de).  1.  74-. 
Chateaubriand.  I,  31, 
Ch.vteauurun  (Sire   de...  tué   à  Rou- 

vray).I,  54. 
Château-Thierry.  I,  93.  141,  145. 
Chaumont-en-Bassk.nv.  I,  57. 
Chécy  (Jeanne  à...   près  Orléans)    I, 

102. 
Chevalier    (Chanoine     Ulvsse).    II, 

305,  435. 
Chichery  (Renaut  dei.  II,  iùS. 
Chinon  (Jeanne  à).  1,  21,  75,  79,  82. 

—  (Le  soudard  de).  1,  82. 
Choisy  (Siège  de).  I,  100. 
Chopi.n  (René).  II,  345. 
Chaussetier.  prieur  des  dominicains 

dEvreux.  II,  421. 


500 


TAItLE    ANALVTIUL'E    GENERALE 


Ciuoi'LE  (Hoborl)   tle   l'LInivi'isili'   ilu 

Paris.  I,  40. 
Ci.vssiDAS   (ou  Glas(lale).  I.  105,  110. 

112. 
Cléme.nois  [Nicolas  de).  I.  187. 
Clf.rmont    (le  Comle  île).  I.  l>'o.  1  H. 

loi>. 
Ci.issoN  (Olivier  de).  I,  46. 
Glovis  et  le  sacre  des  ruis  de  Fi  aiicc, 

I.   00. 

Colette,  lem me  Milet.  II.  248. 

CoLix,  de  Groux.  1,  57. 

Colles  (dit  Bois-Guillaume)  notaiiv 
au  procès.  I,  38,  39.  Sa  d(3i)o.si- 
tion  au  procès  de  re vision.  II, 
266,  411. 

G0.MIXES    comparé  à  Polybes,  1,  213. 

—  et  les  princes  de  la  maison  de 
Lancastre.  I,  212. 

C0M.MEUCV    (le    sire  de)    à    Reims.    I, 

136. 
CcMMissAHiES  dcs  enquiHcs  (Los).  II, 

213. 
CoMPiÈciNE  (soumission  de  ...  au  roi). 
î,  149;  et  siège  de...  par  les 
Anglo-Bourguignons.  1,161. 

—  Sortie  de...  et  prise  de  la  Pu- 

celle,  1,  161,  162,  2'J3. 

—  Levée  du  siège  de...  I,  16i. 

—  Du  diocèse  de  Soissons,  I,  107, 

220,  419. 

—  Paroisse  sur  la  live  droile  de 

rOise.  I,  167. 

—  Croix  sur  le  pont  de...  I,  166. 
CoMPOKTÉ    (Porto    de...  à  Troyesj.  I, 

133. 
Conciles  (Lois  édictées  paries...).  I, 

186. 
Conclusion  de  la  cause.  I,  197. 
CoNcouDATde  Léon  X  et  François  1". 

I,  51. 
CoNFEsSEius  (Los...  de  la  Pucelle).  I, 

72. 
CoMouT    que   Jeanne   reçoit  de  ses 

voix.  I,  249. 
Conseil  (Le...    royal    de  Troyes),  I, 
132. 

—  Le...  des  capitaines  à  Orléans. 

I.  109. 


Conseil  (Le  céleste...  de  laPucelle).  I, 
362,  365.  383. 

—  Le   céleste...  el  .loan  d"Aulon. 
I,  364. 

CoNSEiLLEiis  (Les...  de  la  fontaine).  I, 

41. 
Constance  (Concile  de)  I,  313. 

CONSTANTINOl'LE.  I,    361. 
CoiiHEIL.  I,  142. 
CoilNEILLE.I,  23. 

CoULDuw  (Tour  du...  à  Cliinonj.  I.  78, 

405. 
CouRCELLEs  (Tliomas  de).  II,i;II,414. 

—  Sa  déposition.  H,  241. 

—  iJe  la  virginité  de  Jeanne.  1.84. 

—  il  met  le  procès  en   forme.    I, 

213,  et  assiste  au  concile  de 
Bâle.  II,  131. 
Couronne  (Allégorie  de  la...  appor- 
tée par  un  ange).  I.  41. j. 
Coûtes  (Louis  de)  pagode  Jeanne.  IL 

91,  243. 
CuAoN    (le    Seigneur  de)    réfugié  en 

Bretagne.  I,  46. 
Cresi-v-en-Vallois,  I,  147, 149.  161. 
Crimes  contre  la  foi  (des).  I,  186. 
Croisade  (incitation  à  une...).  1,98. 
Croix  sur  le  pont  d'Orléans.  II,  297. 
Croix  sur  le  vieux  marché  de  Rouen. 
H,  296. 

—  (Du  signe  de  la...).  1,58,  173. 
Croix-Morin  (la),  quartier  d'Orléans. 

I,  107. 

Crotov  (la  Pucelle  au).  I,  145,  249. 

Cuissard,  éditeur  du  Journal  ilu 
siège  d'Orl.,  I,  105,  121. 

CuLANT  (l'amiral  de).  I,  133. 

CusouEL  (Pierre)  témoin  aux  enquê- 
tes de  la  révision,  II,  275. 


I)a.m.\iarti\  (L'armée  royale  à)  I,  146. 
Daniel  (le  prophète).  I,  270. 
Daron  (Pierre)  II.  278. 
Daui'hin  (le...  et  l'archange  Sainl-Mi- 

chel).  I,  349. 

(Pourquoi    Jeanne   nommait -elle 

ainsi  le  roi).  I,  81. 
Daunou  (article  de...  sur  E.  Richer). 

1,26.  28.  .il. 


DKS    DKUX    VOLUMES 


501 


David  ol  le  iiroplictc  Nallian.  I,  li'o. 
Debiioua.  I,  -'98  cL  passim. 
Delachambue  (assesseur  au  proci's). 

11,74,  23"J. 
Délibération  sur  les   12  arlicles.  11. 

GU. 
Dembéhatuin  (Ladernirre...).  II,  lO'J, 
4t4. 
Delohme  (le  père  Nicaisc)   I,  ^41. 

—  (Philibert)  1.  i'3.) 
Deliuo  (Maiiiii).  11,340. 
l)ENiKLE(le  prreH.).  \r22il:  II,  1:j2. 
Dêmétriaue  (l'évi-quc  dci  I.  83. 
Dé.métuii's  de  Phalère.  1.  1()(). 
Descautes.  I,  384. 

Descendants    (les...    des     frères    de 

Jeanne  d'Arc).  I.  i84. 
Desideuata    ((juel([ucs...  de  Riciier) 

l,iMS. 
Dësiaudins   (assesseur  au  procès)  II, 
74. 

—  (Abel,  historien  de  la  l'ucelle) 
I,  463. 

Désolation   des  Églises    de  France. 

1.181. 
Des  I'bez  (Jean,  doiainicain).  II.  27'.), 
Démons     (de  l'intervention    des).    I. 

187. 
Dieu  (Jeanne  l'ait  tout  par  coninian- 
deinent  dc...i.  I.  197. 

—  cache  à  la  Pucellc  sa  lin  cruelle. 
1,31b. 

Dix  A\(  Jaciiues  de. . .  à  l'année  ro  vale) . 

1,123. 
Dispenses  (des)  de   la  loi  commune, 

I.  205. 

DissEBTATiON  sur  Ics    révélatious  de 
la  l'ucelle.  I,  168. 

—  Observations    de   l'éditeur.  I, 

168,170. 
Divination  (de  la).  I,  187. 
Domremv  (Jeanne  à).  I,  57,  368,  481. 

—  Enquête  faite  à...  II,  228. 
Dorez  (Léon).  I.  46!». 

Dhorr  (le...  canonique    et    les   deuv 

procès).  I.  18. 
Dubois  (chan.  d'Orléans).  I.  107. 
Du  Lys  (Jean),    frère  de  la  Pucelle. 

II,  229. 

De  Lvs  (Claude)  et  N.  D.  de  Beaurc- 
gard.  I,  46;;. 

—  (Charle.<)  I,  169. 


DiiMN  (Ellies)  II,  313.  314. 

Dupuv  (les  trois  frères),  I,  38,  200. 

Durant  Laxabt,  parent  de  la  l'ucelle. 

I,  480. 
Duuemort  (Gilles),  abbé  de  Fécamp. 

11,445. 
Docteurs  (les)  de  la  réhabilitation.  I, 

39  ;   II,  286,  318. 


E 


EccLÈsiASTiouEs      anglais      (Jeanne 

prend  les...  sous  sa  protection).  I, 

110. 
Ecosse  (secours  venus  de  1')  I,  bl. 
Ecriture  (la  sainte).  1,82, 
Ecrivains  ecclésiastiiiues  (éloges  tirés 

des).  II,  311. 
Editeur  (avant-propos  de  1").  I,  185. 

Il,  100,   311.   Appendices.    I,   336- 

488:  II,  391-484. 
Edouard  d'Angleterre  I,  212. 
Eglise  (l'iionneurde  r...etlaPuceile). 
I,  19. 

—  (Jeanne et  F).!,  18b. 

—  Ce    que  Jeanne  entendait  par 

là).  L  185. 

—  Jeanne  et    l'Eglise  militante; 

I,  78,  273. 

—  Soumission  de  Jeanne  à  la  dé- 

termination de...  I,  11,    45, 
132,  327,  372. 

—  Prison  d'...  refusée  à  la  Pucel- 

le, I,  195. 

—  Du  pouvoir  judiciaire  de   1... 

l,  186. 

—  Du  pouvoir  législatif.  1, 186. 
Egnazio.  Il,  369. 

Elisée  (le  prophète),  I,  156. 

Eloges    tirés  de  divers   auteurs.  II, 

300. 
E.MPEREURS  (les...  romains   et  la  for, 

tune),  I,  55, 
Enkants  de  France  (détresse  des).  I, 

49. 
Enouètes  (les)  de  la  revision.  II,  322, 

456. 
Envoyée  de  Dieu  (Jeanne).  I,  377.  378. 
Erart  (Guillaume...  à  Saint  Ouen).  I, 

40  ;  II,  228,  41b. 
Escorte  de  Jeanne  (P)    de    Vaucpu- 

leurs  à  Chinon.  I,  73. 


502 


TABLE    ANALYTIQUE    GEXKr.ALE 


KsTiVET  (d'...)  piùiiiolourdu  proct's). 

1,  233,  238  :  II,  267.  24U,  40'J. 
Esc.vLEs  (le  sire  d).  I,  124. 
L:sprits  .malins  (Jeanne  el  le.s).  II,  11>. 

22.  35,  36,  118. 
KsTOUTEViLLE  (Ic  cardinal  d").  II.  113, 

164.  173,  420,  457. 
JvfAT  (rélablissenient  de  1"). Il,  113. 
liTAT  DE  MAISON  dc  la  Pucellc  I,  90. 
i\TEND\Rn  (1'...  delaPucelle).  l,  43,  94, 
267.  294,  331  :  II,  139. 

—  au  sacre  de  Reims.  1, 139. 

—  r.. .  ou  l'épée.  I.  354. 
iMiiÈNE  IV  elle  concile  de  Baie.  I.  37. 

227. 

—  et  la  lettre  de    l'Université  de 

Paris.  II,  154. 
KvÈoL'Es  {le3...)juges  ordinaires  dans 

leurs  diocèses.  I.  88. 
EvitEux  (le  bailli  d"...  à  Beaugency). 

I,  24. 
Expulsion  des  Anglais  du  rovaume, 

1,171. 
Eymeric  (Nicolas)    autour  du    Direc- 

torium  inquisitorum.  1,  185. 


FABui(.Iean...ou  Lei'èvre).  I.  257,273. 
Falstolf  à  Patay.  I,  124,  125. 
Fécamp  (délibération  de  l'abbé  de).  II. 

109. 
Fées  (la  Pucelle  interrogée  sur  les). 

I,  330. 
Fénelon.  I.  22. 
Ferrebouc  (notaire  de  la  revision).  II. 

421. 
Fekrerius  (Johannes).  II,  375. 
FiEUBOis  (Sainte-Catherine  de).  I,  16, 

—  L'épée  de).  1,91,226,  347. 
Fille  de  Dieu  (Jeanne).  1, 120, 300, 350. 

—  de  rEGLisE(Jeanne).  1,300,  350. 

—  AU  CRAND  COEUR  (Jeanne).  I,  350. 
Flavv  (Guillaume  de)  à  Coinjjiégne. 

I.  162. 
Florent  d'Illiers,  I.  106. 
Foi  de  Jeanne  en  ses  Voix.  1,256.  257. 

—  efïet  de  ses  visions.  1,  256. 

-7-    des  jeunes  gens  plus  forte  que 
celle  des  hommes  faits.  1,256. 


D'oi  HUMAINE  suflisaiite  pour  croire 
aux  révélations  de  Jeanne.  I,  394. 

Fontaine  (Jean  de  la).  1,234:11,  225, 
293,  410. 

Fontaine  près  du  Bel  arbre.  Il,  8. 

Fontaines  (Dimanche  des).  1.  260. 

FONTANIEU.  I,  24. 

Fontenelle.  I.  18. 
Forcadel  (Estienne).  H,  343. 
FoiiMLLAiRE  présenté  à  la  Pucelle.  Il, 
98. 

—  inséré  au  procès.  II.  91,  99. 
FoucAUT  (Jean).  1,  159. 

Four  aux  fées  (le).  1,261. 

FouRDEUR  (le).  I,  223. 

FouHNiER  (messire),  curé  de  Vaucou- 

leurs.  I.  72. 
Français  (division  des).  I,  48. 

—  ^les  faux).  1,396. 

France,  bras  droit  de  Fiiglise.  I,  180. 

—  refuge   du  Saint-Siège.  I,  180. 

—  ravagée  annuellement  par  les 

Anglais.  I,  99. 

—  La  maison  de...  I,  8. 
France  (M.  Anatole).  I.  402. 

—  (et  M.  Lang).  I,  401. 

—  (et  Jeanne  d'Arc).  I,  17. 

—  (et   la  réhabilitation).  II.  153. 

472. 

Franoueï  l'Auras.  I.  159,317. 

Fuluose,  II,  360. 

FU.MÉE  (Nicolas),  évéquc  de  Beauvais. 
I,  425. 

FuNCTius,  II,  381. 

Feuillet  (Gérard),  un  des  six  doc- 
teurs de  Paris,  assesseurs  au  pro- 
cès. 11.414. 


Gaguin  (Robert),  historien.  II,  360, 
362. 

Garantie  (Lettre de...  du  roi  d'Angle- 
terre). 1,  127. 

Gaucher.  I,  160. 

Gaucourt  (le  chevalier  de).  I.  52,  53, 
78,  92.  108. 

Génébrari)  (Gilbert),  II.  327. 

Gerson  (Jean).  I.  48  ;  II,  313. 

GiAC  (le  sire  de...  et  Richemont).  I. 
123. 


DES    DEUX    VOLUMES 


503 


GiEN  (Jeanne  à).  J,  7."i,  "(i. 

—     (De...  à  Reims).  1,130,  1:56. 
Gm.uiu  (Alexandre).  I,  206. 
GiKESME  (Nicolas  de).  I,  dli. 
GoDEi-HOY  (Denys)  I,  12. 
GoEKUES,  I.  463. 
Go(iENBOR(iItIS.   II,  386. 

GoLDAST  (iMelchior).  II,  316. 
GoND.\  (l'ierrede).   II,  81. 
GoiiKEiM  (Henry  de).  II.  314. 
GoLfi-iER  (Voir  Boisy). 
Gu.vcE  (question  indiscrète   sur  la). 

I,  367. 

Gii.\CEs    (les...)  e.vtraordinaires     ne 

suppriment  pas  les  passions.  1, 182. 
Ghaville  (le  sire  de).  1,  109. 
Gk.wille  (Louis  Malet  de).  I,  êi. 
GlIÉCE  I,  100. 
Gkeux  I,  57. 
Guis  (.John)  gardien  de  la  Pucelle.  1, 

241. 
Grumbach  (l'ierre  de).  II,  316. 
Guesdon  (Laurent).  II,  277. 
Gui  Pape.  II,  342. 
GuiLLAUMETTE    (piècc  d'artillerie  de) 

Troyes).  I,  146. 
GuizoT,  (François)  I,  31. 
GuYE.NNE   (le  héraut).  1,  91,  99,    100, 

105. 
Guyenne  (la...  enlevée  aux  Anglais). 

II,  227. 


Habit  dhomme  (Jeanne  et  1").  I,  14, 
244,  265,  269,  285.  Pris  par  com- 
mandement de  Dieu.  1,  270.  Jeanne 
a-t-elle  préféré  l'habit  d'homme  à 
l'habit  de  femme  "?  1,  329.  De  la 
reprise  de  l'habit  d'homme.  I,  327, 

Habit  de  femme  (delà  reprise  de  1'). 
I,  327. 

—  (les  gardes  enlèvent  à  Jeanne 

I').  Il,  240. 
Haillan  (du).  1,8,  86,  87. 
Hanotaux  (M.  Gabriel).  I,  382,  401  ; 

II,  151,  152. 
Harcourt  (Christophe  d').  I,  79,  US. 
Hardiesse  des  grands  rois.  I,  412. 
Haren(;s  (la  journée  des).  I,  53. 

—  Jeanne   l'apprend    à    Baudri- 

court.  I,  73. 


Hébert,  I,  223. 

Hellande  (Antoine  de...)  gouverneur 
de  Reims,  I,  i;i8. 

Hellande  (Guillaume  <le...)  évêque 
tle  Beauvais.  Il,  421. 

Henri  V  d'Angleterre.  I,  50. 

Henri  VI  à  Rouen,  pendant  le  procès. 
1,214. 

Henri  m  de  France,  et  la  ligue.  II, 
132. 
—     Le  corps  de...  à  Compiègne,  I, 
167,  425. 

Hérésie,  crime  contre  la  foi.  I,  186. 
187.  Peines  qui  la  frappent.  I,  186 
Des  procès  d'...  I,  186.  Erreurs 
approchant  de  1'...,  II,  7. 

Hérétiques  (les)  formels  et  les  fau- 
teurs d'hérésie.  I,  187.  Les...  et  les 
lois  canoniques.  I,  187. 

Hérodote,  I,  86. 

Héroicité  des  vertus  de  la  Pucelle. 
I.  168. 

Histoire  de  Jeanne  d'Arc.  (Garantie 
de  1'...)  I,  14.  Certitude...  I,  37. 
Utilité  de  la  faire  connaître.  1,129. 
La  première  en  date.  1,2.  L'... 
de  Jeanne  d'Arc,  histoire  de  sa 
mission.  I,  387.  L'...  de  Jeanne 
d'Arc,  chapitre  de  l'histoire  do 
l'Eglise,  I,  388. 

Historiens  (Éloges  tirés  des).  II,  234. 

Horace.  I.  1. 

HoRDAL  (Jean),  I,  7,  22.  42,  300  :  II. 
300,  301. 

Hospital  (Le  chancelier  de  1').  I,  53. 

IIottot  (Saturnin),  I,  38. 

HouppEviLLE  (Nicolas  de),  assesseur 
au  procès.  II,  225,  259.  Sa  déposi- 
tion. II,  271. 

Hubert,  H,  389. 

HuQUE  (la),  de  la  Pucelle.  I.  296. 

Husson  le  Maistre.  II,  278. 


Ignatius  (L'historien).  I,  53. 
Information  sur  Jeanne  faite  par  les 

Cordeliers.  I.  122. 
Information    préalable    au   procès, 

point  de  traces.  I,  195,  234,  189. 


)04 


TABLE  AXALYTIOUE  GÉNÉRALE 


Information    recueillie   en  1431.  II. 

i'33,  234. 
Inlormation    poslhuine    (  Suspicion 

qui  frappe   1"...).   I,  206:   II,  116, 

i2'2,  123. 
Interrogatoires  (Des  six...  publics). 

I,  238.  Des  neuf...  dans  la  prison. 

I,  292.  Du  31  mars  dans  la  prison. 

II,  52.  Du  28  mai.  II,  102.  Texte 
des...  lu  à  la  Pucelle.  II,  2.  Inven- 
tion d'un  faux...  I,  401.  Caractère 
fatigant,  captieux,  déconcertant 
de  ces...  I,  19;i,  204,  214.  215.  241. 

Introduction  de  l'Editeur.  I,  1-37. 
Isabeau  de  Bavière.  1,  45,  48,  50. 
Isabelle  de  France,  fille  de  Charles 

VI.  I,  46. 
Isambert   de  la    Roche,  dominicain 

(Déposition  d"...).  I,  11,  114.  226, 

324;  II,  224,225. 
Isle  (Château  de  1'...)  à  Domremy.  I. 

457. 
Isle-Adam  (Seigneur  de  1'...).  I,  48. 
Isle-de-France  (Jeanne  dans  1'...).  1. 

156. 
Israël  (Les  rois  d"...)  et  leur  sacre.  I, 

58. 


jACQUE.\tiN  d'Arc.  I,  477. 
J.vcQUEs  d'Arc.  I,  57,  66, 

344. 
Jacoues  de  tour.vine.  II,  413. 

J.4NVILLE.   I,   125. 

Jakgeau  pris  par  les  Anglais.  I,  52. 

—  Repris  par  les  Français.  I,  98, 

120,  121. 

—  Questions  des  juges  sur...   I, 

122. 
Jean  (bâtard  d'Orléans),  comte  de 
Dl'NOis,  à  Rouvray.  I,  53.  Auxiliaire 
de  la  Pucelle.  l,  56.  Lieutenant 
général  du  roi.  I,  60.  Gouverneur 
d'Orléans.  I,  76.  Sa  première  en- 
trevue avec  Jeanne.  I,  101.  De- 
mande aux  Anglais  les  hérauts 
de  la  Pucelle.  I,  105.  Va  au  devant 
du  maréchal  de  Boussac.  I,  105, 
lOô.  Tient  conseil  avec  Jeanne  et 
les  capitaines.  [,  109.  Présent  à  la 
campagne  de  la  Loire  et  à  Patay. 


I.  12.').  A  la  campagne  do  Reims. 
I.  130.  Fait  l'éloge  de  Jean  d'Au- 
lon.  I.  60.  De  la  Pucelle  et  de  sa 
chasteté.  I,  84,  92.  350.  Duc  de  Lon- 
gueville.  I,  56.  Ce  qu'il  dit  du  Con- 
seil divin  de  la  Pucelle.  I,  384. 

Jean  Jcvénal  des  Ursi.vs,  archevêque 
de  Reims,  délégué  du  Saint-Siège 
pour  reviser  le  procès  de  1431.  II, 
146. 

Jean  d'Arc.  I,  478. 

Jea.n.ne,  dite  la  Pucelle,  d'Arc,  du 
nom  de  son  père,  Rikmée,  du  nom 
de  sa  mère,  date  de  sa  naissance. 
I,  57,  58.  Ortliograplie  du  nom 
d'Auc.  I.  58,  469.  Sa  famille.  I,  467. 
Son  père  Jacques  d'Arc.  I,  57,  164. 
470.  Sa  mère,  Isabelle  Romée.  l, 
57,  470,481.  Ses  frères  :  Jacquemin. 
I,   58,   164,   477.    Jean.  I,  58,  478, 

482.  Pierre  ou  Pierrelot.  I,  58,  478, 

483.  Sa  sœur  Catherine.  I,  475.  Ses 
autres  parents.  I.  478.  Armoiries 
de  la  famille  de...  I,  474.  Sa  situa- 
tion de  fortune.  I,  471.  Jeannette, 
son  nom  d'enfant.  I,  58.  Française 
de  nation  et  d'alïection.  I,  57,  62. 
La  meilleure  fille  du  village.  I,  59. 
Sa  piété,  I,  58,  111.  Ses  confes- 
seurs. I,  243;  Renonce  aux  diver- 
tissements de  son  âge.  I,  261. 
Sa  chasteté.  I,  83,  81.  Naturelle- 
ment belle.  I,  83.  Jeûnait  avant 
l'âge.  I,  59,  247.  Vaillante  et  labo- 
rieuse. I,  62.  Premières  appari- 
tions. I,  64.  L'appel  d'en  haut.  I, 
209.  Refuse  de  se  marier.  I,  83,  84. 
Envoyée  de  Dieu  à  Charles  VII.  I, 
56,  77,  97,  260,  342.  Lui  écrit  de 
Fierbols.  I,  77.  Audience  de  Chi- 
non.  I,  342.  Examinée  à  Chinon 
et  Poitiers.  I,  79,  383.  Ecuyère  ha- 
bile. 1,  92.  Coursier,  cadeau  du  duc 
d'Alençon.  I.  92.  Sa  dévotion  à  la 
B.  Vierge.  1,  59.  Choisie  de  Dieu 
aux  extrémités  de  la  France.  I,  70. 
Vénérée  du  peuple.  II,  38,  45. 
Chef  de  guerre.  I,  39,  97,  377.  Etat 
de  maison  qui  lui  est  donné.  I,  91, 
93.  A  Tours.  I,  93.  A  Blois.  I,  96. 
Sa  lettre  aux  Anglais.  I,  97.  Son 
aumônier.  I,  59.  Son  céleste  con- 


DES    DEUX    VOLUMES 


505 


seil.  I,  38:!.  Part  pour  Orléans.  [, 
100.  Entre  dans  la  ville.  I.  lOi'. 
S'arrête  à  la  cathwlrale.  I,  102.  Va 
au  devant  du  deuxième  convoi.  I, 
106.  A  la  bastille  saint  Loup,  sa 
charité.  I,  97,  109.  Aux  Auguslins. 
I,  110.  Blessée  aux  Tourelles.  I, 
IJl,  3:j6.  Levée  du  siège,  l.  114. 
Campagne  de  la  Loire,  l,  116.  A 
Patay.  I,  12o.  Campagne  et  sacre 
de  Reims.  I.  130  et  suiv.  L'éten- 
dard de...  au  sacre.  I,  137.  Porte- 
bonheur  aux  Fran<;ais.  I,  209.  J... 
aux  genoux  du  roi.  l,  137.  En 
campagne,  se  confesse  et  commu- 
nie. I,  59.  Comparée  à  Dcbbora.  l, 
55.  Fait  tout  par  commandement 
de  Dieu.  I,  343.  Combat  pour  une 
cause  juste.  II,  209.  J...  et  l'habit 
d'homme.  I,  119.  Ennemie  du  pil- 
lage. I,  93.  L'enfant  de  Lagny.  I, 
357.  J...  et  les  pauvres  gens.  II, 
356.  Aux  fossés  de  Paris.  J,  io2. 
Après  Melun  s'en  rapporte  aux 
capitaines.  I,  146.  La  première  à 
l'attaque,  la  dernière  à  faire  re- 
traite. 1, 94, 95.  Prise  à  Compiègne. 

I,  161,  163,  209.  J...  comparée  à 
Jérémie.  I,  182.  Vénéi'ation  dont 
elle  est  l'objet.  I,  146,  178;  II,  38. 
45.  Sa  prudence,  sa  patience  dans 
l'adversité.  I,  179.  Son  amour  de 
la  paix  :  l»  avec  le  duc  de  Bour- 
gogne ;  2»  avec  les  Anglais.  II,  16. 
Sa  captivité.  I,  209.  J...  les  fers 
aux  pieds  et  enchaînée  dans  une 
cage  [de  fer.  I,  239.  Sa  prétendue 
abjuration,  1...  devant  ses  juges, 
assistée  d'en  haut.  I,  215,  237,  J... 
et  ses  Voix.  I,  322,  324.  Vénération 
envers  ses  saintes.  1, 159,  160,  360. 
Ses  rapports  avec  elles.  I,  352.  Sa 
prière  à  N.-S.  pour  que  ses  Voix 
viennent.  I,  119,  165.  J...  en  la 
grâce  de  Dieu.  I.  252,257.  Sa  sou- 
mission au  Concile  de  Bàle.  II, 
74.  Demande  à  entendre  la  messe. 

II.  61.  Sa  maladie,  déclaration  de 
"Warwick.  II,  68,  240.  Condamnée 
avant  d'être  jugée.  I,  127.  Guet- 
apens  de  ses  gardes.  II,  107.  J... 
reprend  et  garde  l'habit  dhomiue 


pour  défendre  sa  pudeur.  II,  1()6, 
107.  Sa  sainte  mort.  I.  175:  II.  133. 
Son  cœur  n'est  pas  consumé.  II, 
Ho.  Sa  famille  demande  au  Saint- 
Siège  la  revision  de  son  procès 
et  l'obtient.  I.  268. 

Jephtè,  juge  d'Israël.  I,  56. 

JÉIŒ.MIE  (Révélation  faite  à...).  1,82, 
315. 

JÉKÔ.ME  (Saint...  et  saint  Paul).  1, 183, 
258. 

.lÉsLs  (Jeanne  et  le  nom  de...).  II. 
113. 

—  Le  nom  de...  au   milieu  des 

ilammes.  II,  228. 
Jésus-Chhist.  I.  176. 
Jesus-M.\ri.v  (Des  noms...).  II,  18,  94, 

99,  267. 
JoN.\s  et  les  Ninivites.  I,  177. 
JoruN.vL  du  siège  d'Orléans.  I,  136. 
JovE  (Paul),  historien.  II,  370. 
Judith  et  Holopherne.  I.  301. 
Juges  (Des...  en  cause  de  foi).  I,  187. 

193. 

—  Les...  de  la  Pucelle  et  leurs 

assesseurs.  I,  176,  193  ;  II, 
JuuicoNsuLTEs  (Elogcs  tirés  des).  II, 
342. 

—  Cités  par  J.  Ilordal,  ibid. 


IvoRMANNus  (Henricus).  II,  346. 
L 

Lacédémoniens  (Des).  I,  93. 

La  Charité  (Siège  de).  I,  30,  156, 
290,  371. 

Ladvenu  (Frère  Martin),  sa  déposi- 
tion au  procès  de  revision.  II,  268. 

Ladvoc.\.t  (L'abbé...  ditVosgien).  I, 
15. 

Laony  (La  Pucelle  à...).  I,  154. 

—  (L'entant  de...).  I.  154. 

—  (  Les    Anglais    n'osent   assié- 

ger...). II,  225. 

—  (Excursions    de    la    garnison 

do..,)I,  158. 
La  IIhœ.  I,  53.  141,  147,  160  et  pas- 
siiii. 

—  Jure  par  son  bâton.  I,  60. 


506 


TAULE    ANALYTIQUE    GEXEUALE 


Lv  Motie-Sakuam.  1,  ICO. 

Lamv  (Docteur  de  Paris),  à  Bùle.  II. 

131. 
La-ncasthe  (Blason  de  la  maison  de;. 

I,  213. 

Laon  ( Soumission  de...)  I,  141. 

Laval  (Seigneui-  de...;  1,  12i. 

Lavisse  (liinesl...)  II,  4*4,  448. 

La.xaut  (Durant...;  1,  69,  341. 

Laziauijus.  II,  372. 

Le  Boukg  ue  Bau.  1,  114- 

Le  Buln  de  Chaumettes,  historien  de 

la  Pucellc.  I,  24,  'Ib,  28,  486. 
Le   Camus  et  l'Information  posHi. 

II.  121. 

Le  Comte  (Denys),  notaire  de  la  ré- 
vision. I,  39;  II,  173,  421. 
Ledolble  (Chanoine).  I,  428. 
Lefebvke  (Pierre),  tabellion.  I,  425. 
Lekèvue-Pontalis  (Germain).  I,  98. 
Legiiand  (Nicolas,  évèque  de  Senlis). 

I,  79. 
Leibnitz.  I,  18. 

Le   Maço.n    (Robert),    conseiller    du 

roi.  I.  133. 
Le  Maire,  témoin  de  la  revision.  II, 

275. 
Lemaitke  (Jean...,  vice-inquisiteur 
de  Rouen).  I,  38:11,408.  L... 
et  Jean  Gravèrent.  I,  223- 
Sommation  de  prendre  part 
au  procès.  I,  227. 

—  S'adjoint  à  l'évêque  de  Beau- 

vais.  I,  305. 

—  Se  récuse  tant  qu'il  peut.  I, 

226,  438. 

—  Rescript  de  Calixte  III  et  Jean 

L...  II,  167. 
Lesglet-Dufuesnoy.  1,   20,   22,   486  ; 

II.  281,  300,  303,  333. 
Lenozoles  (Jean  de),  sa  déposition. 

II,  245. 
Lesguisê  (Jean),  évoque  de  Troyes. 

I,  134. 
Lettre  de  la  Pucelle  au.x  Anglais.  I, 
81,  96,  97,  99. 

—  au  comte  d'Armagnac.  L  280. 
Lettres    p.vtentes  du    roi   d'Angle- 
terre. I.  231. 

—  de  garantie.  II,  281. 

—  au  duc  de  Bourgogne,  aprt-.s 

le    supplice.    II,    130.   Aux 


princes  chrétiens,  seigneurs 
et  prélats  de  son  obéissance. 
1,200;  II.  125,  153. 
Lii.uE  (Troubles  de  la...)  I,  131,  142. 
LiLY.  historien.  II,  368. 
Limousin  (Seguin  parle...)  I,  90. 
Li\  uÉE  de  gants  distribuée  à  Reims. 

I.  137. 
Luches  (Jeanne  et  Charles  VII  à...) 

I,  116. 
LoiiiER  (Jean),  canoniste  normand. 

I,  226,  228,  239,  241  ;  II,  226. 
Loi  SALIQUE  (De  la...).  I.  6,  50,  78. 
Loire  (La...  a  Orléans).  I,  100,  107. 

—  La  campagne  de  la...  I,  120. 

—  Nettoyage  des  bords  de  la... 

I,  126. 

Lois  ECCLÉSIASTIQUES  (Code  des).  I. 
186. 

LoisELEUR  (Nicolas),  assesseur  au 
procès.  L  325;  II.  3,  415. 

Londres  (Bastille  de...  à  Orléans).  1, 
107. 

LoNGLEiL  (Richard  de...),  évèque  de 
Coutances,  juge  au  procès  de  réha- 
bilitation. II,  419. 

LoRÉ  (.\mbroise  de).  I,  159. 

Louis,  duc  d'Orléans,  assassiné.  I,  47. 

—  frère  de  Charles  VIL  I,  45. 
Louis  XI.  I,  22,  49,  460;  II.  233. 
Louis  XII   (Histoire  écrite  par  ordre 

de).  I,  5. 
Louis  XIV.  1,  23. 

Loyer  de  Ihabit  d'homme.  I,  370. 
LucE  (Siméon).  I,  460. 
LucHAïKE  (Achille).  I,  401. 
LuDE  (Le  sieur  de),  tué  à  Jargeau.  I. 

120. 
LvcosTHENEs,  historieu.  II.  381. 
Lyon  {Te  Deurn  chanté  à).  I.  115. 
Lysandre.  I,  52. 

Luxembourg  (Jean  de....  comte  de 
Ligny).  I,  163,  220,  224;  II. 
246. 

—  (Louis    de...,    frère    de  Jean, 

évoque  de  Thérouanne).  II, 


Machet  (Gérard),  confesseur  du  roi 
I.  79.  115.  119. 


J 


DE^    DEUX    VoLUME^ 


501 


Macv  (Ainiond  de),  sa  déposition.  H. 

3. 
Mauei.eink  (Porte  de  la...  àOiiéaùs). 
I,  107. 

—  (Porte...àTroyes),  I.  133. 
Magie  noire  (Delà).  I,  187. 
Maillv  (Jean  de),  évoque  de  Noyon. 

11,241. 
Mmso.n  i)k  Fu.vnce  (xVpostroplie  à  la). 

II.  190. 
Maison  de  Jeanne  d'Arc  à  Doinreuiy. 

I,  458. 
Maleissye  (M.  de)  et  l'abjuration  de 

Saint-Ouen.  II,  433,  436. 
Mancho.v    (Guillaume),    notaire    au 
procès  de  1431.  1,  233,  304, 
391;  II,  172,  411. 

—  Sa  déposition  à  lâ,  revision  du 

procès.  II,  251. 

Mandragoke  attribuée  à  la  Pucelle. 
I,  278,  283. 

Mantes  (Le  bailli  de),  noyé.  I,  112. 

M.v.NusciuT(Lc...  du  procès  et  Richer). 
I,  200,  201. 

Makcel   (Jean),  témoin  de  la  revi- 
sion. II.  2i4. 

I,  85,  234,  238.  Sa  déposition  à  la 
revision  du  procès.  Il,  260,410. 

Mahguerie  (Chanoine  André).  Il,  107. 
277. 

Mauiana,  historien  espagnol.  II,  330. 

Marie  d'Anjou,  reine  de  France.   I, 
369. 

Marraines  (Les...  de  Jeanne).  I,  58. 

Martin  V,  pape.  I,  141. 

Martin  (Henri),  il,  448. 

Martyre  (Du...  de  la  Pucelle).  I,  37.j.. 

Massieu  (Jean),  huissier  au  procès. 

I.  85,  234,  238.  Sa  déposition.  Il, 
260. 

.Malgier  (Pierre),  avocat  de  la  famille 

d'Arc.  II,  170,  420. 
.Maurice  (Le  docteur  de  Paris  Pierre). 

II.  75,  88,  89,  120.  239,  244. 

Maxey-sur-Meuse.  1,  405,460. 

Meaux  fortifié  par  les  Anglais.  1, 146. 

Mécomptes  des  Anglais,  après  le  sup- 
plice de  Jeanne.  I,  201. 

Médecins  (Eloges  tirés  des).  II,  '-Î48. 
Mehl'n-sur-Yèyre.  I,  156. 
Melun  (Révélation  sur  les  fossés  de). 
I.  142.  158,  358. 


Merlin  (L'enchanteur).  I.  122. 
Mémoires  présentés  à  la  revision.  II, 

280. 
Mendiants  (Les  frères)  de  Neufchâ- 

teau,  I,  59. 
Messe  le  8  mai,  sous  les  murs  d'Or- 
léans, en  présence   de   l'ar- 
mée. I,  114. 

—  (De  l'audilion  de  la).  1,  321. 
Metz  (Jean  de)  et  la  Pucelle.   I.  70, 

83:  II,  233. 
Meuse  (La),  fleuve.  I,  57. 
Meyer  (Jacques),  historien  bourgui- 
gnon. I.  40,  76,  128,  160.   162;  II. 

375. 
MiCHAUD  (de  l'Académie  française). 

I,  26,28,  29,31;  II,  305. 
Michelle  de  France,  lille  de  Charles 

VI.  I,  46. 
Midy  (Nicolas).  I,  53;  11,112.240,413. 
Miciet    (Déposition   de   Pierre).    II, 

348. 
MiyuELLET  (Louis).  1,  38. 
Minute  française  (Altération  de  la... 

du  procès  de  condanmalion).  II. 

438. 
Minet,  curé  de  Greux-Domremv.  I, 

58,  240. 
Miracles   (Dieu  ne  fait  pas...   sur). 

I,  228. 
MiRANs  (Aubert  Le  Mire).  II.  387. 
Mission  (La...  historique  de  Jeanne) 

d'après  les  documents.  I,  146,  184. 
Missions  (Les  deux)  de  vie  et  de  sur- 
vie. I,  81,  178,429;  11,  180. 

—  Leur    objet.    I,    431.    Jeanne 

voyante    inspirée.    I.    432. 

—  Guerrière  libératrice.  I,  437. 

—  Relèvement  moral  et  patrio- 
tique qu'elle  opère.  I,  440. 

—  Mission   sanctificatricje  et  ré- 

demptrice. I,  442. 
Missions  (Des)  divines.  I,  170. 

—  Les...  et  l'infirmité  humaine. 

I,  181. 

—  Règles  pour  discerner  les  vraies 

missions  divines.  I.  171. 
Moeurs  (Des)  de  la  Pucelle.  I,  209. 
MoisE  et  son  peuple.  I,  62. 
Molinier  (Auguste)    de  l'Ecole   des 

Chartes.  I,  35. 
Monnet  (Jean),  sa  déposition.  II.  242. 


TAlM.E    ANALYTIQUE    GÉXÉUAI,E 


MoNsinELET  (Engucrran  de).  I,  23, 
48.  86,  87,  145,  132,  141,  142,  147. 
Iol,lo9,  162,  354. 

MoNOD  (Gabriel).  M,  471. 

MoNTAKiXE  (Michel  de).  I,  458. 

MosTÉPiLLOY  (Affaire  de).  I,  148. 

Monïeueau-Faut- Yonne.  I,  49, 142. 

MoNTiÉiiENDEii  611  Champagne.  I,  '■>!. 

Mo.vriGXY  (Jean  de).  I.  40. 

Monijoie-saint-Denis.  I,  329. 

Montpellier  (L'évèque  de),  exami- 
nateur de  la  Pucelle.  I,  77. 

Moreau  (Jean),  témoin  de  la  revi- 
sion. 11,277. 

MouÉiu  (Abbé  Louis).  I,  25;  H,  305. 

MoiuN  (Jourdain),  examinateur  de 
la  Pucelle.  1,  79. 

MoKUs  (Hubert).  II,  338. 

MoULLNs  (Sire  do),  noyé.  I,  112. 


N 


Nancy  (Jeanne  à).  I,  71. 

Nathan  et  Salomon.  I.  55. 

Nativité  de  la  sainte  Vierce  :  ten- 
tative sur  Paris.  I,  151. 

Nauclekus  (Jean).  II,  362. 

NÉMÊsis  (La)  des  Grecs.  I,  221. 

Neufchateau  en  Lorraine  (Jeanne  à). 
I,  59,  247. 

NicÉRON,  écrivain.  I,  39. 

NoEL  (Chant  de)  à  Crespy-en-Valois. 
I,  145. 

—  (Jeanne  à  Jargeau,   pour  les 

fêtes  de...) 
Noms  (Des)  donnés  à  la  Pucelle.   I, 

69.  468. 
NoRMANiiiE  (Anglais  en).  I,  94,  99. 

—  (Projet  d'une  campagne  en).  1, 

117. 

—  (Anglais  chassés  de).  II,  161. 

Notaires  (Les  trois)  du  procès.  1,39. 

Notices  des  manuscrits  de  la  biblio- 
thèque du  roi.  I,  25. 

Notre-Dame  de  Paris  (Ouverture  du 

procès  de  revision  à).  II,  16. 
Notre-Seigneur  (Signes  de).  I,    177. 

—  Jeanne    s'en   rapporte  à...    I, 
354. 

Notre-Dame  de  Pitié,  sur  le  pont 
d'Orléans.  I,  81. 


NoYON  (Eglise  et  diocèse  do).    1,  25, 

40. 
Nyder  (dominicain).  II,  131. 


Office   (Des   procès   d').   I,  190,  195, 

238. 
Official (Jeanne devant!'...  <leToul). 
I,  66,  344  ;  II,  10. 

—  (L',..    de   Paris)    et  Calherim- 

de  La  Rochelle.  I,  297. 
Ogeviller  (Henri)  bailli  des  Vosges. 

I,  457. 
Oise  (L'),  rivière.  I,  166.  167. 
Opmeerus  (Pierre).  II,  381, 
OhDiXAiRE    (Du   procès    dil).    I,   191, 

196,  418;  II,  1. 
Orléans  en  1429.  I,  98,  107. 

—  Siège  et  blocus  d'...  par   les 

Anglais.  I,  52. 

—  Journal   du   siège   d'...  I,   13, 

37. 

—  Port  d'...  I,  108. 

—  Arrivée  du  convoi  devivresà... 

I,  101,  137. 

—  Entrée   de   Jeanne    dans...    I, 

102. 

—  Levée  du  siège  d'...    signe  de 

sa  mission.  1,  77. 

—  Jeanne  rentre   dans...  par  le 

pont.  I,  113. 

—  Les    Anglais    se    retirent.    I, 

114. 

—  Procession  d'action  de  grâces. 

I,  114. 

—  Ueconnaissance  des  habitants. 

I,  116. 

—  Enquête  d'...  en  1456.  II,  235. 

—  Le  duc  d'...  prisonnier.  I,  5)  : 

II,  484. 

—  Dieu  l'aime  d'un  grand  amour. 

I,  245. 

—  De  sa  délivrance.   I,   lo;!.  356. 

—  Dessein    de    Jeanne    pour    le 

délivrer.  I.  21. 

—  Retour  du   duc   prédit   à  Poi- 

tiers. I,  89. 

—  Jeanne  revient  à...  après  Jar- 

geau. I,  122. 

—  D'...  à  Loches.  I,  116. 


DES    DKUX    VOLUMES 


509 


OuLioANs  (EnquiHo  de  la  révision  à...) 
Ours  (Ilùtol  de  1").  1,  159. 


l'.V(i.NY-SUK-lMElSE.    I,    ioT. 

I'aix   (Gondilion  favorable   à  la).   I, 

143. 
Panonceau.\  (Dos...  de  Jeanne  et  de 

sa  compagnie).  I,  2S(J. 
Pa.ntaléo.n  (Henri).  II,  381. 
Pape  (Appel  de- Jeanne  au).   I.   '2S0. 
335,  374, 

—  Jeanne  soumise  au...  II,  220. 
I'ahadis  (Jeanne  et  ses  frères  du).  I, 

382. 

—  (Jeanne  menée  en).  U,  30. 
Pakis  anglo-bourguignon.  I,  ;»0. 

—  Gage    plus   précieu.x;   qu'Orlé- 

ans. I,  14-2. 

—  .\nnonce    de     la    soumission 

future  de...  I,  8'J,  98,  275. 

—  Soumission  de...  accomplie.  I, 

317  ;  II,  17,  41. 

—  Assaut  de...   et  échec.  I.  liil, 

307,  371. 

—  Bastille  de...  à  Orléans.  I,  108- 

—  Enquête    de    la  revision  à... 

II,  238. 

Pakocchi  (Cardinal).  II,  435,  436. 

Parkains  (Les...  de  la  Pucelle).  I,  38. 

pAsijLEKEL  (Frère...,  religieux  augus- 
tin)  aumônier  et  confesseur  de  la 
Pucelle.  1,  60,  91,  100...  Frère  P... 
et  le  soudard  de  Chinon.  I,  82. 
Frère  P.  et  la  légitimité  de  Charles 
VU.  1,  416.  Frère...  et  le  livre  dont 
parlait  Jeanne.  I,  384. 

Pascal.  I,  35. 

Pas.jl-iek  (Etienne).  I,  26,  30,  31, 14^: 
II,  34a. 

—  De  frère  Richard.  I,  132. 

—  Epigramnie  de...  II,  3o2. 
Patav  (Jeanne  à).  I,  98,  125. 

—  Combattants  de...  I.  125. 

PATEII    NOSTER     (JcaUnC    ct   Ic)  .     I,     o8, 

240. 

Pays  (Le...  de  la  Pucelle).  I,  455. 

Péché  .mortel  (Jeanne  a-t-elle  com- 
mis le).  II,  27. 


Péchenahd  (Abbé).  Il,  146,  417. 
Perses  (Défaites  des).  I,  212. 
l'Eirr  (Jean).  Cordelier.  I,  47,  48. 

PlMLIPl'E  DE   BER(iA.ME.    Il,  333. 

Philipi-e   de   la   Rose,    chanoine  de 

Rouen.  H,  457. 
Picard  (L'annaliste).  I,  423. 
Pie  II.  II,  323. 

Pie  X  et  Jeanne  d'Arc  II,  435. 
PiEnivE   d'Akg,  frère   de   la    Pucelle. 

à  Reims.  1,  136. 
PiKisRE  DE  Versailles.  I,  76,  103. 
PiTuoi:    (Pierre),  son  jugement  sur 

Du  Ilaillan.  L  8,  87. 
Pi.iNE-LE-JEUNE  (Majcsté  de  l'histoire). 

I,  43. 
Pli:tarole  (A  propos  d'Hérodote).  I, 

86. 
PoiriEKs   (Le  Parlement  et  l'Univer- 
sité à).  I,  88. 

—  Jeanne    et  Charles  VII  à...  I, 

88,  UO. 

—  Prédictions  <le  Jeanne  à...  1,89. 

—  Jeanne  et  les  habitants  de...  I.. 

88. 

—  Rapport    de     la    Commission 

de...  I.  90. 
PoLYDORE  Virgile.  I,  87,  106  ;  II,  363. 
Po.\n>iLius    (Numa)    et    la    nymphe 

Egério.  II,  132. 
Pont  (Bastille  du...  à  Orléans).  I,  10, 
107. 

—  (Rupture     des     arches    du... 

d'Orléans).  I,  107. 
PoNT-.\-Mousso.\.  I,  6. 
PoxTAuus   (Paul),    canoniste.    I,  40. 

160. 
Po.nt-l'Evèole,  I.  307,  415  ;    II,  164. 

318. 
PoNT.\s  (De).  II,  339. 
Pontoise  livré  aux  Anglais.  I,  49. 
PoxTUS  Helterus.  II,  382,  384. 
PooLE  (Jean  et  Alexandre  la..,  à  Jar- 

geau).  I,  120. 
Portraits  (Des...  de   la   Pucelle).  I. 

287. 
PosTEL  (Guillaume).  H,  335. 
Postulat  de  bon   sens    (La  mission 

de  Jeanne  venue  tien   haut...).  I, 

91,  390. 
Pragmatique  sanctio.v   (Louis   XI   et 

la).  1,22,  51. 


lilO 


TABLE    ANALYTIQUE    GENEUALR 


Pkéamblm.e  (le  la  dissertation  de  Ri- 
cher.  II,  485. 

Pkêceptes  (Eh  cas  de  conilit  de  deiix) 
I,  330. 

PnÉDicTiONs  (Principales...  de  la  l'ii- 
celle).  I,  174. 

Pressy  (Jean  de).  II,  333. 

PiiÈTRF.s  (Des)  en  rapport  avec  la 
Pucelle.  I,  391. 

PuKVOSTEMi  (Guillaume),  procureur 
de  la  famille  «rArc,  au  procès  de 
réhabilitation  :  son  mémoire  juii- 
dique.  II.  285,  420, 

Primxtice  (Le).  I,  22. 

Prison  de  la  PuccUe,  à  Rouen.  I,  2i0. 

Prisonnière  de  guerre  (Trailemenl 
de. . .    refusé  à  la  Pucelle).  I,  209. 

Privilèhes  exemptant  de  la  loi  com- 
mune. I,  271. 

Procès  (Des...  en  cause  de  foi).  I,  209. 

—  Le...  de  la  Pucelle  en  français, 

I,  213.  214. 

—  Texte  authentique  des...  «le  la 

Pucelle.  I,  38. 

—  Edition  de  la  Société  de  l'His- 

toire de  France.  I,  35. 

—  Copies  authentiques  des  deux 

procès.  I,  13,  38. 

—  Leur  nécessité  pour  l'histoire 

delhéroïne.  I,  7,  13;  II,  1.'52. 

Procès  d'office  et  Ordinaire.  Voir  auv 
mots  office,  ordinaire. 

Procès  de  Rouen  (Considérations  pré- 
liminaires sur  le...).  I,  209.  De  ses 
cinq  parties. 

Procureurs  (Les...  au  procès  de  revi- 
sion). IL  170,  212. 

Promesses  pour  amener  Jeanne  à 
abjurer.  IL  99,  lOi. 

Protestations  (.\bsence  de...  contre 
la  sentence  de  Rouen).  II,  lî)5. 

Providence  (La)  et  l'Iitat.  I,  55,  212. 

Provins  (Soumission  de).  I,  141. 

Pucelle  (Chronique  de  la)   I,  12. 

PuYOL  (L'abbé...  et  les  idées  Ihéolo- 
giques  d'E.  Richer).  I,  3,  266. 


Question    (La...    Jeanne   d'Arc   aux 
.xvio  et  xviii"  siècles.  I,  396. 


Question  iLa...  aujourd'hui).  I,  39G. 
Questionnaires    des   deux   enquêtes 
de    1452    à    Rouen.   II,  217, 
219. 
—    pour    l'enquiHe    au    pays    de 
Jeanne.  H,  229. 
Questions  messéantes  posées  à  la  Pu- 
celle. I,  294. 
QuiCHER.\T  (Jules).   I,   0.    19,   20,   40, 
4  90,  219,  221.  238,  314,  316,  360,  402  ; 
II,  305,  468  et  passim. 


Rabateau  (Maître)  hôte  de  la  Pucelle. 

I,  88. 
Racine.  I,  23. 
RviNs  (Fontaine  îles)  à  Domremy.  I, 

260. 
Rameaux  (Jeanne  le  jour  des).   I,  2. 
Rançon  (De   la...   de   la  Pucelle).   I. 

219,  220. 
Raymond,  page  de  Jeanne.  I,  91. 
Rays  (Le  maréchal  de).  I,  109,  137. 
Rebours  (Jean).  II,  312, 
Recouvrance  du  royaume,   ell'et  de 

la  mission  de  la  Pucelle.  I,  380. 
Références   (Supplément   aux...    de 

Richer).  I,  488. 
Regnault  de  Chartres  à  Poitiers.  I, 
79,  83. 

—  àTroycs.  I,  132. 

—  à  Reims,  I,  136, 

—  et  la  Pucelle,  I,  145,  248. 
Reims  (Campagne  de).  I,  117,  119. 

—  Seigneurs  et  troupes  qui  y  pri- 

rent part.  I,  123,  130.  ' 

—  Entrée  du  roi  à....  I,  136. 

—  Sacre  de  Charles  Yll.   I,    116. 

137. 

—  Les    parents     de    Jeanne    et 

Laxart  à...  I,  136. 

—  Séjour  du  roi  à...  I,  138. 
Reine    (La...    et   Jeanne    d'Arc».    I, 

285. 
Relaps  (Procès  de).   I,  162,  191,  192, 

199:  11,112,  113. 
Religieux    (Deux)    condamnés   à  se 

rétracter  à  propos    du  procès  de 

Jeanne.  1,  206. 
Rknaut  Bredouille.  II,  212. 


DES    DEUX    VOLUMES 


5tl 


Rewclt  (Guillaume)  gonlilhomnie 
d'Auvorgne.  F,  121. 

Renk  (Le  bon  roi).  I,  71. 

RÉiTBUQrE  (La...  des  lettres).  I,    11. 

Requêtes  (Les  trois...  de  Charles  Vil 
à  la  Bonne  Vierge),  l.  405. 

Réquisitoire  (Le...  du  promoteur) 
L  1  et  seq. 

Rétractation'  (.Jeanne  ne  compre- 
nait pas  la).  II,  105. 

Révélations  (Jeanne  et  ses).  1,  iM. 
II,    171-172,  367. 

—  Intéressant  le  roi.  I.  oUl,  405. 

—  Circonstances  de  ses...  I,  173. 

—  Jeanne  n'a  rien  fait  que  par... 

I,  242.  365. 

—  Des...  intéressant  les  Etats.  I. 

205. 
Revision    (La...   du  procès   de  1431, 
pourquoi  dilférée  vingt  ans). 
I,  37:  II,  to'J. 

—  Du  procès  de...  II.    140.  165. 

464. 

—  Des  docteurs  de  la...   II,  318. 

—  Sentence  du  procès  de...  I,  6, 

19  ;  II,  288. 

Revue  des  Dec.\-Mondes.  I,  382. 

Revnel,  secrétaire  du  roi  d'Angle- 
terre. Il,  241. 

Richard  d'York,  roi  d'Angleterre.  I, 
46. 

RicHARD  (Frère).  I,  130-134,  142,  286. 
287. 

RicHELiEi-  l'ait  rebâtir  la  Sorbonne. 
I,  213. 

—  Richer  et...  I,  2. 
Richemont  (Arthur  de)    et    La    Tré- 

moille.  I,  123. 

—  X  Beaugency.  I,  123,  124. 

—  Et  Charles  Vil.   I.  123,  124. 

—  Jeanne  obtient  la  grâce    de... 

I,  125. 

—  Dans  le  Maine.  I,  127. 
Richer  (Edmond).  Son  histoire  de  la 

Pucelle  en  4  livres  et  en  français. 
I.  24,  42.  Autorité,  mérites  de  cet 
ouvrage.  I,  19,  20,  43.  Ses  adver- 
lissements  au  lecteur.  I,  13,  16,  26, 
27.  Son  exposé  critique  des  deux 
procès.  I,  18.  R...  canoniste  et 
théologien.  I,  15,  16.  Son  gallica- 
nisme étranger  à  son  Histoire.   I. 


206,2(17.  Noiice  sur  la  vie  de  R...I, 
3.  R...  admirateur  de  (ierson.  1,  3* 
Du  manuscrit  do  son  travail.  1, 
33,.  34.  Sa  dissertation  sur  les  ré- 
vélations de  la  l'ucollc.  I,  31.  170 
R...  et  J.  Quifherat.  I,  27.  Projet 
de  R...  de  publier  le  texte  du  pro- 
eès.  I,  21,  42,  43.  Eloges  divers 
II.  301. 
RioriER  (Jean...,  prêtre),    témoin  au 

procès  de  revision.  II,  276. 
Roche-Chouard   (Le  sire   de...  tué  à 

Rouvray).  I,  54. 
Rogations  (Les)  au  Beau  Mai.  I,  67. 
Roland  (Le  Dauphin. ...  fils  de  Char- 
les VIII).  1,  419. 
Romains  et  Carthaginois.  I,  Kio. 
Ro.«ÉE  (Isabelle)  mère  de  la  Pucelle 
I.  57,  470,  481.  Et  le  rescript  apos- 
tolique. I.  167 
Rotselaer  (Le  sire  de).  I,  347. 
Rouen  (Henri  V  prend...  par  famine. 
I,  49,  50. 
—     (Jeanne  jugée  à...  non   à   Pa- 
ris. I,  194.   Bastille  de...   à  Orlé- 
ans. I,  108.  Grande  salJe  du  châ- 
teau de...  I,  194.  Chapelle  du  châ- 
teau de...  I,  238.    Prise   de...   par 
les  Français.  1, 149. 
Rousse  (La)    hôtesse    de  Jeanne    à 

Neufchâteau.  1,  243. 
Roussel  (Raoul),  chanoine   puis  ar- 
chevêque  de   Rouen  II.  164.  419. 
Rolvrav    Saint-Denis    (Révélations 
de  Jeanne  à    Baudricourt  du  dé- 
sastre de).  I,  389. 
Rover  (La  Pucelle  chez  Henri  Le).  I, 

70,  72. 
RoziERs  (De).  IL  383. 


Sacre  (Le...  de  Reims)  annoncé.   I, 

89. 
Sabellico    (Coccius),    historien.    II. 

362. 
SiDoc  (Le  grand  prêtre).  I,  85. 
Saint-Barthéle.mv.  I,  146. 
Saint-Denis  (Jeanne  à).   I,  151,  193, 

269.  La  porte...    I,    152.  Armure 

offerte  à...  I,  152,  371.  372.  Eglise 


TA15LE    ANALYTIQUE    GEXEHALE 


lie  Reims.  1,  137.  Charles  VU  à...  I. 
153. 

Saint  Esi'rit  (Des  personnes  organes 
du).  I.  170. 

Saint  Gaihuel  (Jeanne  et  les  appari- 
tions de).  I,  345  ;  II,  76. 

Saint-Flouentin  (Soumission  de),  i, 
131. 

Saint-Honoré  (attaque  de  la  porte). 
I.  151. 

Saint-Jean-le-Blanc  (Bastille  de).  I. 
107. 

Saint-Laurent  (Bastille  de).  I.  108. 

Saint-Lazake  (église  d'Orléans).  I, 
108. 

Saint  Louis.  Il,  22,  113. 

Saint  Louis  et  Saint  Chakle.mA(;\e. 
I,  101. 

Saint-Loup  (Bastille  de).  I.  107-10'J. 

Saint  Marcoul  (Le  roi  à).  I,  138. 

Saint-Martin  d'hiver  (Compiègne  dé- 
livré à  la).  I,  163. 

Saint  Mathieu.  I,  177. 

Saint  Michel  et  Jeanne  d'Arc.  1. 
326.  Premières  apparitions.  1,340, 
Sous  quelle  forme.  I,  344,  345. 
Découvre  à  J...  sa  mission.  I,  341. 
Conseil  supérieur  de  la  Pucelle.  I, 
03...  Envoie  J...  à  Baudricourt.  I, 
65.  Ne  lui  a  jamais  iailli.  I,  349. 
Vénération  de  J...  pour  l'archange. 
I,  301.  Ce  qu'il  lui  enseigne.  I,  341. 

■  Presse  J...  d'aller  au  secours  du 
roi.  I,  65.  Interrogations  sur  saint 
M...  I,  264.  Membres  corporels 
qui  lui  sont  prêtés.  II,  29.  La  pitié 
du  royaume  de  France.  I,  324.  De 
saint  Michel  et  des  saintes.  I.  263, 
398.  Saint  M...  protecteur  du  peu- 
ple de  Dieu.  I,  270.  saint  M..., 
ange  gardien  du  royaume.  I,  341 . 
Ordre  de  Saint-Michel  fondé  par 
Louis  XL 

Saint-Nicolas-du-Port,  en  Lorraine 
(Jeanne  et  Laxart  à).  I,  71. 

Saint-Ouen  (La  scène  du  cimetière 
de).  II,  227. 

Saint-Ouen  (Au  cimetière  de).  II,  422. 

—  Du  formulaire  accepté  par  la 

Pucelle.  II,  429. 

—  Du  lormulaire  inséré  au  pro- 

cès. II.  432. 


Saint  Paterne  (Eglise  d'Orléans).  I, 
108. 

Saint-Paui..  I,  63,  111,  176.  182,  183, 
210,  256,  2;)8. 

Saint  Pierre  et  le  prince  des  prêtres. 
I,  74. 

Saint-Pierue-le-Moutier.  I,  155. 

Saint-Pol  (Le  capitaine...  à  Meauxi. 
I.  46. 

Saint  Remv  (.\bbaye  de...  à  Reims). 
I,  137. 

Saint-Siège  (Réserve  du...  à  propos 
du  procès  de  Rouen).  IL  149-15'. 
106.  169. 

Saint  Thomas  et  Gerson  sur  Ihal  il 
d'homme.  I,  272. 

Saint-Urbain  (Jeanne  à  l'abbave).  1. 
75. 

Saint-Valliek  (Lesire  de...  au  boule- 
vard Saint-Honoré).  I,  loi. 

Saint- Victor  (Du  manuscrit  de).  I, 
41. 

Sainte  Acnés  (Vision  des  parents  de). 
I,  269. 

Sainle-Croi.x;  (Fèto  de  la).  I,  345. 
—    (Le  cardinal  de).  II,  148. 

Sainte  Marine  et  l'habit  d'homme. 
I,  272. 

Sainte-Sévère  (J.  de  Boussae,  sei- 
gneur de).  I,  52. 

Saintes  Catherine  et  Margoeritk 
(Apparitions  des...  à  la  Pucelle). 
I,  348,  350,  351.  Son  conseil  ordi- 
naire. L  63.  Elles  lui  apparaissent 
près  de  la  fontaine  du  Bel  arbre. 
I,  352.  Parlent  français.  II,  29.  Ne 
sont  pas  du  parti  des  Anglais.  1, 
328.  Représentées  par  des  anges. 
I,  175.  Circonstances  de  leurs  ap- 
paritions. I.  276.  Leurs  belles  cou- 
ronnes. I,  129.  Leurs  témoignages 
d'affection.  1,  333.  Saint  Michel 
annonce  leurs  apparitions  à  Jeanne 
et  lui  recommande  de  les  écouter. 
I,  323.  Les  saintes  et  l'étendard.  1. 
353. 

Sainteté  (La...  de  la  Pucelle).  I,  268, 
3S2. 

Saints  (Les...  et  l'infirmité  humaine). 
I,  205. 

Sala  (Pierre).  I,  411. 

Salisburv  (Le  comte  de).  I.  52. 


DES    DEUX    VOLUMES 


513 


Salm  (Jean,  comte  de).  I,  457. 

Salpétrière  (La).  I.  M. 

Salut  (Jeanne  ne  demande  pour  ré- 
compense que  le...  de  son  àme). 
I,  173.. 

Samuel  et  David.  I,  55. 

Satan  transformé  en  ange  de  lu- 
mière. I,  302. 

Saijl,  roi  d'Israël.  I,  '6li. 

Saussay  (Martyrologe  d'André  du). 
1,52. 

Sceaux  (Les...  des  deux  juges).  1, 
39,  200,  308. 

Schisme  (crime  contre  la  foi).  1.  186. 

SciPioN  en  Afrique.  I,  117. 

Scribes  et  Pharisiens,  l,  177. 

Secret  du  roi  (Silence  de  Jeanne  sur 
le).  11,413. 

Seguin  de  Seguin,  dominicain,  de  la 
commission  de  Poitiers.  I,  60,  80, 
90  :  II,  278. 

Seffonds  ou  Ceffonds,  patrie  de 
Jacques  d'Arc.  I,  57,  278. 

Seine  (La),  fleuve.  I,  117. 

Sénat  (Le. .  .romain  et  le  roi  d'Egypte). 
I,  249). 

Sens  (Soumission  de).  1,  137. 

Senlis  (Du  cheval  de  l'évêque  de). 
1,318. 

Sentences  (Des...  en  cause  de  foi). 
I,  191. 

—  Des  deux...  du  procès  de  con- 

damnation. Il,  93,  113. 

—  De  réhabilitation.  II,  288. 
Serment  exigé  de  la  Pucelle.  I,  240, 

242. 

—  A  Saint-Ouen,  il  n'y  eut  pas 

de...  II,  422. 

Signe  donné  au  roi.  I,  279,  295. 

Signature  (De  la...  de  Jeanne  à  Saint- 
Ouen).  II,  99. 

Simon  (Charles),  sa  déposition.  II,  245. 

SoissoNS  (Le  gouverneur  de).  I,  141, 
160.  161,  290. 

—  Diocèse  de...  Jeanne  y  a-t-elle 

été  prise.  I,  166,  226. 

Sorcellerie  (crime  contre  la  foi).  I, 
162,  186. 

Sources  allemandes  (Les...  de  l'his- 
toire de  Jeanne  d'Arc).  I,  98. 

Soucv  (Du).  II,  162. 


Statues    qu'on    devrait    élever    en 

France  à  la  Pucelle.  I,  100. 

—    De  Charles  VII  et  de  Jeanne 

sur  le  pont  d'Orléans.  I,  81 

Stuard  (Jean  et  Guillaume...  à  Ver- 

neuil).  I,  59.  A  Houvray.  I,  .^4. 
Suffout  (Comte  de).   I,  12,  122.  123. 
161  ;  II,  246. 

SULLY-SUR-LOIHE.   I,    126. 

Sulpice-Sévéhe  et    la    vie  de   saint 

Martin.  I,  269. 
Sureau,  receveur  du  roi  d'Angleterre 

II,  241. 
Sybilla  francica.  II,  316. 
Syndicat  d'E.  Richer  raconté  par  lui 

même.  I,  206. 


Talbot  (John)  à  Orléans.  I,  101.  En 
route  pour  la  Loire.  I,  121,  124. 
Prisonnier  à  Palay.  I,  26.  Son  ju- 
gement sur  le  procès  delà  Pucelle. 
1,26, 

Taquel  (Nicolas),  notaire  au  procès. 
1,  39;  II,  278,411. 

Te  Deum,  chanté  par  les  populations. 

I,  145. 

Témoins    entendus   à    l'enquête    de 
1450.  II,  161. 

—  Aux     enquêtes    de     1452,    à 

Rouen.  II,  219,  223. 

—  De  Domremy.  II,  230. 

—  D'Orléans.  II,  236.  De  Paris. 

II,  238. 

—  En  1456  à  Rouen.  11,248,  275. 

A  Lyon.  II,  278. 

—  Leur  nombre  total.  II,  322. 
Terentianus  Maurus.  I,  99. 
Termes  (Thibaut  de).  II,  246. 
Testaments  (Saints  personnages  des 

deux).  I,  170. 

Theuriet  (André).  I,  55. 

Theoiioricus  de  Leliis,  canoniste  ro- 
main. I,  40  ;  II,  318. 

Thibaut  (Gobert)  et  la  Pucelle.  I,  386. 

Théologiens  (Enseignement  des 
grands).  1, 170  et  seq. 

Thérouanne  (L'évêque  de).  II,  112, 
163. 

Thiéry  (Walterin),  chanoine  de  Toul. 

II,  228. 

33 


514 


TABLK    ANALVTIQUE    GÉNÉRALE 


Thou  (Jacques  Auguste  de).  1, 14,  38, 

Thouloose  (Le  père).  I,  41. 
TiLLET  (Du).  I,  57;  11,379. 
TiPHAixE,  assesseur  (Déposition  de). 

Il,  238. 
Torture  (Jeanne  et  la).  I,  197;  II,  76. 
ToucHET  (M*'),  évoque  d'Orléans.  Il, 

435. 
ToUL  (Du  diocèse  de).  1,  458. 
TouRCEN.w    (Jean),  bailli  de   Cliau- 

mont  en  Bassigny.  II,  233. 
TouRNELLEs  (Prlso  des).  I,  105,  110- 

113. 
TouRouLDE  (Marguerite  La).  I,  71  ;  II, 

244. 
Tours  (Armure  de  Jeanne  à).  1,  93. 

—  Le  roi  et  la  Pucelle  à.  I,  116. 

—  De  Tours  à  Blois.  I,  96. 
TouTMouiLLÉ,  dominicain.  I,  120. 
Tremble-Cour.  1,  160. 

Trémoille  (La)  et  Richemont.  I,  124. 

—  Mot  de  Charles  Vil.  1, 127. 

—  La...  à  Auxerre.  I,  136. 

—  A  Montépilloy.  1,  149. 
Trêve  avec  le  duc  de  Boui-gogne.  I, 

135. 
Trêve  (Robert  Le  Maçon,   seigneur 
de).  I,  79.  118.* 

—  (La  dame  de..,  et  la  virginité 

de  Jeanne).  I,  82. 
Troves  (Traité  de).  I,  50.  L'armée 
royale  devant).  1,  131,  133.  (L'évè- 
que  de).  I,  227.  (Soumission  de). 
I,  134.  Les  prisonniers  français  et 
la  Pucelle.  I,  134.  (Diocèse  de).  I, 
57.  Gouverneur  nommé.  I,  135. 


U 


Université  (L')  de  Paris.  I,  166.  ... 
Kt  la  prise  de  la  Pucelle.  I,  194. 
Lettre  de  F...  au  duc  de  Bourgo- 
gne.  I,  118;  à  Jean  de  Luxem- 
bourg. I,  220.  Requiert  que  la  Pu- 
celle soit  remise  à  l'évoque  de 
Beauvais.  I,  219  ;  et  jugée  à  Paris, 
I,  230.  L'...  et  les  douze  articles.  I, 
197.  Lettre  à  l'évêque  de  Beauvais. 
I,  228.  Au  roi  d'Angleterre.  II,  78. 
Au  pape  et  aux  cardinaux.  I.  206  ; 


II,  131.  Silence  de  V...  de  1432  à 
1450.  Soumission  à  Charles  VII. 
II,  157.  L'...  aux  xv«  et  xvii»  siècles. 
I,  396.  Inauence  de  1'...  en  1429. 
I,  47.  Ses  suppôts  et  le  duc  de 
Bourgogne.  I,  47.  L'...  et  celle 
d'aujourd'hui.  I.  396. 

Urké  (Richer  n'a  pas  connu  le  ma- 
nuscrit de  D').  I,  20. 

Ursi\s.    Voir  Jean  Juvénal  des,.. 


Vailly  (Le  roi  à).  I,  141. 
Valentine  de  Milan.  I,  47. 
Valérand  Varanius.  I,  471. 

VaLLET  de  VlRIVILLE.   I,  415. 

Valois  (Rois   de   la  branche  des).  1, 

22,  33. 
Valois  (Noël),  historien.  II.  145,  437. 
Vaucouleurs  (Jeanne  à).  1,69-71,  341, 
342,  389. 

—  Les  habitants  de...  et  Jeanne. 

I,  73. 

—  De  V...  à  Chinon.  I,  75,  342. 

—  Messages  envoyés  à  V...  I,  78. 
Versailles  (Chapelle  de).  I,  23. 
Venderès  (Nicolas  de),  assesseur  au 

procès,  II,  415. 
Vendôme  (Le  comte  de).  I,  122,  144  ; 

II,  53,  137,  155. 
Vermandois  (La  Hire,  bailli   de).   I, 

141. 
Veroxius.  Il,  386. 
Vertus  chrétiennes  de  la  Pucelle.  I, 

179. 
Victoire  (Jeanne  délivrée  par  gran- 
de). I,  135. 
Vieux-Marché  à  Rouen.  II,  110-114. 
Vigner  (Nicolas),  médecin.  II,  350. 
ViGNOLES  (Voir  La  Hire). 
ViLLAUMÉ,  historien  de  Jeanne  d'Arc. 

I,  472. 
Villars  (Le  seigneur  de)  à  Orléans. 

I,  166. 
ViLLERABEL  (Abbédc).  II,  162. 
Villes  enlevées  aux  Bourguignons. 

I,  164. 
Vinci  (Léonard).  I,  23. 
Viole  (Aignan).  H,  248. 


DES    DEUX    VOLUMES 


51b 


Virginité  et  cliasteté  de  l'iiéroïne.  I, 
82,  173. 

Vision  (La)  et  la  foi.  I,  256. 

Visions  (Les)  et  les  Voix.  I,  184. 

Visions  et  kévél.vtions,  causes  ma- 
jeures. I,  188. 

Voi.x  (Les...  visitent  la  Pucelle).  I, 
63,  118.  La  consolent.  64,  158. 
Langue  qu'elles  parlent.  I,  98. 
Douceur  de  leur  langage.  1,  281. 
Lui  donnent  deux  sortes  de  con- 
seil. I,  64,  65.  Jeanne  n'en  a  parlé 
qu'à  son  curé.  I,  65.  Pourquoi  ce 
nom  de  Voix.  1,  339.  Les  trois 
choses  qu'elle  demandait.  I,  312 
Les  Voix  n'ont  jamais  varié.  I 
174.  Les  Voix,  anges  de  lumière 
1,172-175.  Des...  à  portée  objective 
I,  394.  Les...  et  leurs  commande 
ments.  I,  360.  Elles  venaient  de 
par  Dieu.  I,  245.  Les  ..  et  la  Com- 
mission de  Poitiers.  1,  383.  Inter- 
rogatoires de  Rouen.  I,  250,  366. 
De  quelle  manière  Jeanne  appe- 
lait ses  Voix.  I,  376.  Elles  lui  com- 
mandent de  répondre  hardiment. 
1,  366.  Elles  ne  l'ont  pas  trompée. 
I,  390;  11,271.  La  belle  histoire 
des...  avant  le  procès.  I,  382.  Noms 


que  ses  Voix  lui  donnaient.  I,  300. 
Vduthon  (Isabelle  Romée,  originaire 
de).  I,  57,  470. 

-w 

Wallon  (Henri).  I,  311,  392. 

VVanuonne  (Le  bâtard  de).  I,  226. 

Wakwick  (Le  comte  de).  I,  85,  163, 
241. 
—    Et  Jeanne  malade.  II,  68,  71. 

Wassebourg  (Richard  de).  I,  81  ;  II, 
370. 

Windecke  (Eberhard).  l,  116. 

WiNTHON  ou  Winchester  (Henri,  car- 
dinal de).  I,  141. 


Xaintrailles  (Poton  de),  à  Orléans. 
1,  52.  A  Rouvray.  I,  53.  Ambassa- 
deur au  duc  de  Rourgogne.  I,  54. 
A  Mitry.  I,  147.  Gouverneur  de 
Château-Thierry.  1,  141.  Grand 
écuyer  de  France.  I,  163. 


Yonne  (L'...,  rivière).  I,  117. 


L.  D. 


BVREUX,     IMPRI.MER1E     CH.    HÉHISSEY,     PAUL     HEBISSSY,     SUCC 


statue  monumentale  de  Jeanne  d'Arc 

Par  H.  LOUIS-NOEL 

A  ériger  sur  le  Fort  Sainte- Catherine  à  Rouen 


^^  I*  Ir»  E  L 

[-a  France  a  soif  d'honneur,  de  paix  et  de  liberté. 

Une  Française  incarne  dans  le  passe  l'honneur  de  la  femme  et  1  abnéjjation 
du  soldat. 

Cette  femme  est  le  symbole  de  la  concorde  et  de  l'union.  La  «  grande 
pitié  ».  l'amour  immense  qu'elle  conçut  pour  la  France  divisée  la  conduisirent 
de  la  chaumière  de  Domrémy  au  bûcher  triomphal  de  Rouen. 

Cette  femme,  cette  enfant  fut  la  Libératrice  d'une  patrie  au.x  heures  les  plu? 
sombres  de  t^on  histoire. 

Sa  vie  tient  du  prodige. 

Cependant,  la  légende  n'entre  pour  aucune  part  dans  l'existence  de  cet  être 
surhumain. 

Jeanne  d'Arc  relève  exclusivement  de  l'histoire.  Des  textes  irréfutables 
répandent  une  pleine  clarté  sur  les  moindres  événements  de  sa  brève  carrière. 
La  critique  la  plus  serrée  en  a  confirme  l'exactitude. 

Mais,  tel  est  le  prestige  de  la  Pucelle.  que  la  poésie  s'est  éprise  de  ce  type 
de  vaillance  et  de  patriotisme.  I  a  peinture,  la  statuaire,  la  mu.^ique,  se  sont 
inspirées  de  son  image  ou  de  ses  hauts  faits. 

Jeanne  d'.Arc  est  Fran(;aise.  mais  toutes  les  nations  d'Europe,  les  peuples 
du  -Nouveau-Monde  ont  exalté  sa  mémoire. 

Miss  Rose  Cleveland.  sœur  du  président  des  l'^tats-Unis.  a.  dans  un  élan 
sublime,  salué  Jeanne  d'Arc  comme  une  force  immanente  entrée  dans  l'héri- 
tage des  siècles,  une  influence  etfective,  sensible  dans  la  vie  de  l'humanité, 
sans  acception  de  races. 

Un  tel  langage  honore  la  France  11  est  beau  que  le  monde  civilisé  acclame, 
dans  une  enfaut  de  sang  français,  l'idéal  du  courage  militaire,  du  culte  de  la 
patrie,  du  dévouement  poussé  jusqu'au  martyre. 

Aussi  la  terre  natale  de  la  Pucelle  ne  saurait  elle  se  désintéresser  d'une 
gloire  que  lui  envient  toutes  h-s  nations. 

L'image  de  Jeanne  a  pris  place  sur  les  autels. 

U  convient  maintenant  que  la  France  élève,  sur  le  sol  reconquis  par  la 
guerrière,  un  hommage  tangible,  une  effigie  grandiose,  prodigieuse,  monu- 
mentale, LA  STATUÉ  après  des  statues. 

Dominant  le  Rhin  à  Niederwald.  se  dresse  la  statue  de  la  Germania  ;  Munich 
a  la  Bavaria.  cest-à-dice  l'image  de  la  patrie. 

New- York  a  la  Liberlé,  c'est-à-dire  l'emblème  da  droit  de  tout  citoyen  à  sa 
part  de  justice. 

La  France  se  doit  à  elle-même  d'ériger,  dans  des  proportions  colossales, 
l'évocation  radieuse  de  Jeanne  rf.4/'c  qui.  aux  yeux  des  deux  mondes,  demeu- 
rera toujours  l'àme  visible  d'une  grande  patrie  ! 

Souvenons-nous  du  cri  de  guerre  de  Jeanne  :  «  F.n  avant,  tout  est  vôtre  !  » 
Contiants  dans  le  succès  de  l'entreprise,  à  l'œuvre! 

Nations  d'Allema,'ae.  d'Amérique.  d'.\ngleterre.  d'Autriche-llongrie.  de 
Belgique,  de  Danemark  di-lspagne.  de  Hollande,  d'Italie.  d'Océanie.  de  Russie, 
de  Scandinivie.  de  Suisse,  dont  les  historiens,  les  poètes,  les  orateurs  ont 
célébré  la  Pucelle  d'Orléans,  vous  voudrez  participer  a  la  glorification  qui  se 
piépai-e.  La  renommée  de  la  vierge  lorraine  a  franchi  toutes  les  frr)ntières. 
Jeanne  d'.Vrc  a  des  admirateurs  sous  tomes  les  latitudes.  La  statue  définitive 
de  la  Libératrice  d'une  nation,  le  symbole  de  l'honneur  de  a  paix  et  de  la 
liberté  sera  l'œuvre  universelle  des  peuples  réunis. 

LE   COMITÉ 


HISTOIRE  COMPLETE 

DE   LA    BIENHEUREUSE 

JEANNE  D'ARC 


PAR 

Philippe-Hector  DUNAND 


Nouvelle  Edition 
TO^ME     I?IlE3XIEJ=ê 

LA  JEUNESSE 

DE 

JEANiNE  D'ARC 

DE   DO M REM Y  A  ORLÉANS 


TOMES   II  et   III  :   en  cours  cl'iiiii>ression 


TOULOUSE 


EDOUARD  PRIVAT,  EDITEUR 

RUE    DES    ARTS,    14