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Full text of "La province a cheval"

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LA 


PROVINCE  A  CHEVAL 


L'nnlciir  cl  les  cdilciirs  se  résorvonl  le  droit  do  rrproduclion  et  de  traduction 
à  l'él  ranger. 

Ce  volume  a  été  déposé  nu  ininisicre  de  riiilérieiir  (section  de  la  lii)rnirie) 
en  novenilire  1885. 


DU   MEME    AUTEUR 


PARIS    A    CHEIAI,,   lc:slo  et  dessins  par  Craftv,  ovec  une  préface  de  Gl'stave   Droz. 
1 11  Ijean  voinme  grand  in-8".  —  î""  l'dilion.  —  Pri's  :  20  francs. 


■AniS.    TVrOCRAPHIE    E.    l' L  0  K  ,    NOURRIT   ET   C'",    R  L' E    UARAMCIÈRE,    8. 


LA 


PROVINCE  A  CHEVAL 


TEXTE     ET     I3ESSINS 


CRAFTY 


Vf\\{\S 

LIBRAIRIE    PLON 

E.  PLON,  NOURRIT  et  C'%  IMPRIMEURS-ÉDITEURS 

10,    HUE    (iARAXCIKRE 


Tons    droils    réserrés 


A    Monsieur    MARCELIN 

Directeur  du  journal  LA   VIE  P.iRISlEXXE 

CoibeciUe,  2  octobre  1885. 
Mox  CHER  Maître, 

J'ai  déjà  mis  un  gros  volume  sous  la  protection  de  votre  nom,  et  votre 
patronarje  a  porté  bonJieur  à  PARIS  A  CHEVA[>. 

Le  livre  que  je  publie  aujourd'tiui  est  conçu  dans  le  même  esprit  que  son 
frère  aine. 

Laissez-moi  donc  donner  le  même  parrain  au  cadet. 

C'est  d'ailleurs  la  seule  manière  dont  je  ptiisse  reconnaître  l'influence 
que  vos  conseils  persévérants  à  l'un  de  vos  plus  anciens  collaborateurs  ont 
exercée  sur  le  succès  de  ses  élucubrations. 

Il  vous  en  remercie  cordialement. 

CRAFTV. 


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En  publiant  Paris  à  cheval,  notre  but  était  de  retracer  par  le  crayon 
et  par  la  plume,  aux  yeux  du  lecteur,  le  spectacle  qu'il  aurait  pu  voir  en 
allant  s'asseoir  par  un  beau  temps  à  l'entrée  de  l'avenue  du  Bois  de 
Boulogne  : 

Un  défilé  de  la  cavalerie  parisienne  et  des  personnages  les  plus 
marquants  dans  le  monde  des  amateurs  de  sport. 


Nous  voudrions,  dans  le  volume  que  nous  publions  aujourd'hui,  lui 
présenter  par  les  mêmes  procédés  un  tableau  analogue  du  monde  du 
sport  en  province,  lui  montrer  d'abord  les  éléments  multiples  de  la 
cavalerie  rurale;  lui  faire  voir  à  la  fois  les  sportsmen  parisiens  en 
déplacement,  et  les  sportsmen  provinciaux  à  domicile;  le  faire  assister 
à  leurs  réunions,  à  leurs  chasses,  à  leurs  courses  ;  lui  faire  prendre  part 
aux  cross-country  et  aux  rallye-papers ,  l'initier  en  même  temps  à 
quelques-unes  des  misères  de  l'élevage;  le  promener  dans  les  concours 
régionaux,  lui  faire  suivre  les  grandes  manœuvres;  enfin,  lui  mettre 
sous  les  yeux  tout  ce  qu'on  fait  pour  et  par  le  cheval  en  dehors  des 
fortifications. 


X  AU    LECTEUR. 

Pan'fi  à  clicval  (^'conomisait  au  lecteur  la  location  d'une  chaise  Tron- 
chon  aux  Champs-Elysées  et  quelques  courses  aux  points  excentriques 
de  Paris. 

Nous  voudrions  que  la  Province  à  cheval  pût  lui  éviter  ([uelques 
tickets  de  chemin  de  l'cr  et  hon  nomhre  de  déplacements  souvent 
compliqués  et  toujours  fatigants. 


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PREMIERE   PARTIE 


SUR    LES    ROUTES 


LA  PROVINCE  A  CHEVAL 


^^^ 


CHAPITRE  PREMIER 


EN    ROUTE    POUR    LU.   CAMPAGNE. 


De  la  mauvaise  habitude  qu'on  a  de  quitler  Paris  précisément  au  moment  où  il  devient  agréable 
pour  les  amateurs  d'équitation.  —  l''aut-il  expédier  sa  cavalerie  par  voie  ferrée  ou  lui  faire 
suivre  les  nationales? —  Réllexions  judicieuses  à  ce  sujet.  —  Conseils  y  relatifs. 

La  plupart  des  gens  qui  pendant  l'hiver 
ont  consacré  des  sommes  considérables  à 
l'entretien  de  chevaux  dont  ils  n'ont  pu  se 
servir  à  cause  du  mauvais  temps,  ont  con- 
tracté l'habitude  de  quitter  Paris  au  moment 
précis  où  leur  cavalerie  pourrait  leur  rendre 
de  véritables  services,  et  les  indemniser 
des  sacrifices  qu'ils  ont  faits  pour  la  main- 
tenir en  brillant  état. 

Tant  que  les  jours  trop  courts,  les  pluies 
ï     trop  fréquentes,  les  froids   Irop  vifs  ren- 

1 


2  I.  \    l'ROVIXTE    A    CHKVAL. 

(laiciil  les  pioiiicnadcs  au  Bois  un  devoir  aussi  pénible  (jue  doulouieiix  à 
reiii|)lir,  ils  se  seraient  fait  scrupule  de  s'y  soustraire;  mais  aussitiU  ([uc  le 
soleil  en  se  levant  de  bonne  heure  et  en  se  couchant  tard  leur  permet  d'utiliser 
les  moyens  de  locomotion  d'.int  ils  jouissent  et  de  substituer  à  la  monotone 
procession  des  Acacias  ou  du  tour  du  Lac  des  excursions  de  plus  lonjjue 
durée,  ils  ont  Iiàte  de  s'écli|)ser. 

Cette  rage  de  départ  sévit  dès  le  commencement  de  juin,  et  le  nombre  des 
victimes  (pi'eile  atteint  forme  la  grande  majorité  des  habitués  du  Bois.  Dès 
lors  l'émigration  de  la  cavalerie  parisienne  conmience.  Chaque  matin,  reux. 
qui  persévèrent  dans  leur  promenade  quotidienne  constatent  de  nouvelles 
désertions  et  rencontrent  à  tous  les  coins  de  rue  des  convois  de  voitures  cou- 


vertes de  leurs  bâches,  de  chevaux  emmitouilés  dans  leurs  couvertures  et 
munis  de  genouillères,  d'hommes  en  petite  tenue  qui  gagnent  une  gare  quel- 
conque ou  se  dirigent  vers  l'une  des  nombreuses  barrières  auxquelles  abou- 
tissent les  routes  nationales  dont  le  corps  éminent  des  ponts  et  chaussées 
nous  assure  le  mauvais  entretien. 

Les  plus  raisonnables  envoient  directement  à  la  gare  tons  leurs  quadru- 
pèdes et  tout  leur  matériel  roulant.  C'est  une  dépense  assez  considérable, 
mais  qui  a  le  triple  avantage  de  coûter  un  prix  connu,  d'opérer  rapidement 
le  transport  obligatoire,  et  de  donner  au  propriétaire  en  cas  d'accident  la 
garantie  d'une  compagnie  très-capable  de  l'indemniser  de  ses  pertes. 


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LA   PROVINCE    A   CHEVAL.  5 

Comme  ce  mode  d'opérer  présenle  le  plus  d'avanlages  et  n'a  que  fort  peu 
d'inconvénients,  c'est  celui  qu'on  pratique  le  moins. 

On  préfère  généralement  expé- 
dier sa  cavalerie  par  voie  de 
terre,  sous  la  surveillance  d'un 
chef  d'écurie,  piqueur  ou  pre- 
mier cocher,  dans  lequel  on  a  une 
confiance  aussi  absolue  qu'iuuné- 
ritée. 

Les  entêtés  qui,  malgré  leurs 
déboires  précédents,  persistent 
dans  l'emploi  de  cette  méthode, 
prétendent  avec  raison  qu'une 
marche  à  petites  journées,  avec 
des  étapes  progressivement  augmentées,  constitue  pour  leurs  chevaux,  peu 
entraînés  parle  travaU  irrégulier  et  intermittent  qu'ils  ont  fait  à  Paris,  une 
excellente  préparation  au  service  toujours  plus  sévère  qu'ils  auront  à  four- 
nir à  la  campagne. 


Avant  le  départ,  visiter  ea  personne  les  (]nalre  pieds  de  chacun  de 
vos  cbevaui,  et  méticuleosemenl. 


Théoriquement,  le 
raisonnement  est  par- 
faitement juste. 

Il  arrive  malheureu- 
sement que  la  pratique 
est  le  plus  souvent  en 
contradiction  flagrante 
avec  la  théorie. 


En  roule.  —  Aa  passage  d^os   les  villac[fs,  od  fait   ao  pea  de  fanlasia  pour  épatfr 
tes  pupulalions,  qui  d'ailleurs  resleDl  froides. 


Si  les  étapes  calcu- 
lées dans  l'intérêt  des 
chevaux  dans  le  programme  étudié  par  le  maître,  contrarient  les  espérances 
d'agrément  que  les  hommes  attendent  de  leur  voyage,  on  peut  être  certain  à 
l'avance  que  le  programme  sera  singulièrement  modiiié,  et  qu'on  brûlera 
inq)itoyablement  les  arrêts  indiqués  si  le  personnel  ne  croit  pas  y  trouver 
les  distractions  sufdsantL's. 


LA    PROVINCK    A    CHKVAL. 


Les  auberycs  rouliôrcs  qui  j)Oss('dei)t  de  l)onncs  écuries  niauquent  sou- 
vent de  billards,  de  tourniquels  et  autres  jeux  indispensables  pour  charmer 
les  loisirs  de  M.\I.  les  palefreniers  :  en  pareil  cas,  ceux-ci  vont  directement  à 


-<Di^?m^i 


.\   l'nubevfje.  —  Il  a  élé  bien  coDveoa  qae  l'on  panserait  et  laveiait  les  chevaui  soi-même  à  chaque  arrêt.  C'est  poaniuni 
dès  la  première  station  on  les  coiitle  au  premier  jarcon  d'ecutie  cenu. 


ce  qu'ils  jugent  les  bons  endroits,  et  ces  bons  endroits,  séjours  de  délices 
pour  les  hommes,  n'ont  souvent  pour  les  chevaux  que  des  abris  absolument 
dépourvus  du  confortable  le  plus  essentiel. 


Il  en  résulte  pour  les  chevaux  toute  une  série  d'accidents  dont  le  contre- 
coup est  vivement  ressenti  par  la  bourse  de  leurs  propriétaires  :  refroidisse- 
ments qui  dégénèrent  volontiers  en  pleurésies;  prises  de  longes,  échanges  de 
coups  de  pied  plus  ou  moins  violents  qui  nécessitent  l'intervention  toujours 
coûteuse  des  vétérinaires  :  ajoutez  à  ces  (rais  la  dépréciation  des  animaux  que 
vous  avez  dû  couvrir  de  vésicatoires,  et  vous  arriverez  à  un  total  absolument 
respectable. 


De  ce  qui  piécède,  il  faut  conclure  qu'un   maitre  désireux  de  conserver 


r-E    DEPART    POUR   LA   CAMPAG.VE. 


'^^^^'^SÙt^ 


Premier  cocher. 
RodiB  inijigpstaqae  moles. 


Earbanfé  da  p»SBs>]e  annuel 
de  ces  messieurB. 


? 


Comme  on  parinit  nntrefoix  —  nvpc  Ips 
flievaa»  de  In  poBle,  el  comme  on  élaît  eùr 
àes  relais,  on  filait  jjraDcl  train. 


A  l'nuherge.  —  On  noas  8  dil  que  l'écorie 
De  valait  rieo  ;  ooos  l'avins  bien  va,  maii  on 
noai  a  promis  qne  le  patron  uniiB  régalerait 
et  que  les  senanlps  étaifol  genliUes,  est-ce 
vrai? 


premier  groom, 
pgali'inent  rhoisi  au  poxla. 


Non   moins  encbanlée  de  Tarrivee 
des  sasdits. 

oo 


LE   DEPART    POUR   LA   CAMPAGME. 


À  taforge.  —  Qaeli|ueB  poiiiles  à  remeltre;  coi'it  :  quatre  bous 
par  clou,  plus  une  bauleille  de  cacheté  pour  trinquer  avec  lee 
rompagoniis. 


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^^i^î/'^' Wr'*''4''''%M 


Klîet  produit  par  la  çue  d'uu  pre  sur  un  chenal  liabi- 
tuellemfDt  lojje  daus  une  écurie  eo  sous-sot  d'un  de 
iius  quartiers  élégants. 


Fin  d  l'tapc.    —    i'Ius  q  'e  iingt  kiluoiélrt.'--' 
avant  la  iille  !  FaisoDS-lea  vile. 


-<Ù> 


LA    PROVINCE   A    CHEVAI, 


ses    animaux  intacls  doit  prendre  en   personne    la    direction   du  convoi; 
Veiller  par  lui-même  au  train  gardé  pendant  le  trajet; 


Présider  à  l'installation  de  sa  cavalerie  à   chaque  arrêt,  et  assister  au 
pansage  qui  doit  précéder  la  mise  à  l'écurie. 


C: 


y;.-^- 


Il  faut  que,  pendant  toute  la  durée  de  la  route,  il  soit  le  premier  levé  et 
le  dernier  couché; 

Qu'il  examine  l'avoine,  le  foin  et  la  paille; 

Qu'il  goûte  l'eau  ; 

Qu'il  préside  à  l'allumage  des  lanternes  d'écurie; 

En  un  mot,  qu'il  se  préoccupe  de  chaque  détail,  et  qu'il  ne  se  relâche 
pas  un  instant  dans  l'accomplissement  de  la  surveillance  méticuleuse, 
insup|)0rtahle  et  ininterrompue  qu'il  lui  faudra  exercer  s'il  veut  mener  à 
bonne  fin  sa  délicate  entreprise. 


16  LA    l'ROVI\T.E    A    CHKVAL. 

Encore  |)eut-il  se  faire  que  celle  séiie  d'insipides  corvées  ne  lui  serve  à 
rien.  Un  coup  de  pied  entre  voisins  s'échange  en  dépit  de  la  surveillance  la 
plus  active,  et  il  n'en  iaul  pas  j»lus  ])0ur  casser  une  jambe  à  votre  cheval 
favori. 

il  faut  donc  souhaiter  à  l'imprudent  qui  entreprend  pareille  besogne,  en 
dehors  de  toutes  les  qualités  essentielles  et  indispensables  que  nous  venons 
d'inditpier,  ce  don  incomparable  qu'on  appelle  la  veine,  et  sans  lequel  les 
précautions  les  mieux  prises,  les  combinaisons  les  plus  ingénieuses  n'en- 
gendrent qu'amères  désillusions  et  mécomptes  cruels. 


CHAPITRE  II 


Ein  irons  de   Paris.   —  Excursions  et   piqiie-iiiqiie.  —   Robiiison,  VilIc-d'Avray,  Saint-Germain 

aller  et  retour. 


Nous  avons  vu  dans  le  précédent  chapitre  que  la  majorité  des  propriétaires 
de  chevaux  s'empressaient  de  les  expédier  en  province  aussitôt  que  lesdits 
animaux  pouvaient  leur  devenir  agréables,  grâce  à  l'adoucisseiuent  de  la 
température.  Quelques-uns,  plus  sages,  —  en  général  ces  honorables  et  intel- 


IS 


Î.A    rUOVI.VCI',    A    CHKVAI,. 


ligonles  exceptions  sont  loiirnies  par  rélément  jeune,  —  proloiifjenl  leur 
séjour  à  Paris  e(  prolileut  des  premiers  beaux  jours  pour  accomplir  (piel(pies 
promenades  de  plus  longue  haleine  que  l'inévitable  persil. 


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Ruole  de  Robinson. 


Les  vrais  curieux, 
ceux  qui  désirent  voir 
autre  chose  que  ce  qu'ils 
voient  chaque  jour  à 
l'allée  des  Acacias,  se 
dirigent  sans  hésitation 
'^'j:8-v^  surRobinson,  qui  passe 
Z]^^ï^  v-=^~~~  pour  être  la  succursale 

champêtre  du  quartier 
latin. 


En  réalité,  la  jeu- 
nesse des  écoles  y 
compte  beaucoup 
moins  de  représen- 
tants que  les  diffé- 
rentes branches  du 
commerce  parisien. 

Les  pris  de  ce 
restaurant  aérien  ont 
suivi  une  progres- 
sion telle  que  l'ad- 
dition probable  dé- 
passe de  beaucoup 
les  ressources  bud- 
gétaires de  la  bo- 
hème studieuse,  si 
tant  est  qu'il  existe 
encore  une  bohème 
qiiclconque. 

Lescouplesjuchés 
dansles  branches  des 


Dans  l'arbie  de  Robinson 


SUR   LE   CHEMIX   DE    ROI!I\SOV. 


F,/\   PROVIMCE    A   CHEVAL. 


21 


châtaigniers  coinpient  peu  de  Rodolphes  et  encore  moins  de  Alimis.   —  Ce 
sont  pour  la  plupart  de  jeunes  bourgeois,  très-régulièrement  mariés,  encore 


-^       MA    "^m 


A  Itobinson.   —  L'ne  fûla  de  famille. 


sous  l'influence  de  la  lune  de  miel,  et  que  les  premiers  soleils  poussent  à 
déserter  pendant  quelques  heures  les  arrière-boutiques  dans  lesquelles  ils 
végètent  à  l'ordinaire. 


Itoule  de  Itobinson.  —  Uiuiducbes  et  jours  fériés. 


Ceux-là  arrivent  dans  la  voiture  qui  sert  habituellement  à  leur  commerce, 
véhicule  bizarre  qui  participe  à  la  fois  du  phaéton,  du  break  et  du  camion, 
ce  qui  lui  permet  de  transporter  indifféremment  les  objets  manufacturés  et 
la  famille  du  fabricant. 


22 


I.A    l'HOlIXCM    A    CIIKVAI.. 


Ceux  qui  gardeut  l'amour  de  la  prolession  coiiserifent  cyalenient  sur  leur 
voilure  l'iudicaliou  du  yeure  de  produit  à  la  l'ubricaliou  duquel  ils  se  sonl 
voués,  et  considèrent  que  la  promenade  qu'ils  Tout  à  travers  la  banlieue  a 
encore  sou  utilité  et  leur  l'ail  une  j)ul)licilé  profitable. 

Ils  |)cuveut  être  dans  le  vrai,  mais  ceux  de  leurs  collègues  qui  se  figurent, 
en  sujjjiriniant  les  enseignes  qui  garnissent  habituellement  les  galeries  de 
leurs  ])haétons-lapissières,  faire  illusion  aux  yeuv  du  public  sur  l'usage 
liubiluel  de  ces  équipages,  ceux-là,  dis-je,  se  laissent  étrangement  abuser. 


H  'f- 


Fquipages  commcrciaui. 


Ces  voitures  de  fabrication  compliquée,  de  modèles  ambigus,  ne  laissent 
de  doute  à  personne  sur  leur  véritable  destination,  et  leurs  habitants  ont 
beau  se  couvrir  des  vêlements  les  plus  corrects,  voire  même  les  plus  sj)orlifs, 
nul  ne  se  trompe  sur  leur  conq)le. 


On  arrive  à  Robinsoa  de  bonne  heure,  et  il  est  d'usage  de  faire  une  prome- 
nade à  âne  pendant  qu'on  prépare  le  diner. 


A   ROHUvSOAf. 


Les  paniers  —  c xcliisivcmeiit  réservés  pour  le  service,  i  Que  voulez-vous,  madame  la  comlesse, 
que  je  dise  à  mes  clieuls  habiliicls,  quand  le  mauvais  exemple  part  de  si  haut?  i 


A    ROBINSOX' 

nOIS    DK    VF.nRIKRES     ET    AUTRES    LIEUX 


/   l    , 


qm^^V^ 


\\^'/^V,      ^^^V''•V- 


î/^/<;;;ti...^«./^iî;M,«^«,,ii^^^(Mmf.a<f/^^i(h.Mi) 


Promenade  sentimentale,  —  En  jouant  du  mirliiir. 

Eu  jou3Dl  (la  mirltlon.  {Air  connu.) 


La  curalcnde-  —  l'as  de  K\.v  a  HnbinBOD  aan» 
promenade  h  ànf.  Ce  De^t  pai  que  ce  Suil  agréable 
comme  moyeu  de  locomo'ïon,  mais  ces'  souverain 
comme  apéritjf.  Ca  creuse  !    ça  creuse  ! 


—  Il  ne  veut    plus  avancer. 

—  Je  dois  ajouter   qu'il  p^irait   oiéme  décidé  à 
reculer. 


AUX   ENVIRONS   DE    ROBINSON 

MOXTMOREXnV,  JIF.I  nO\,  CIIAVII.I.E,  elc,  elr. 


^«^T'i; 


V 


fi 

WMï 


En  cas  d"accid.  d(,  n'atfeoiîre  aacan  Becoors  des  popolations 
egricolei,  qui  profrsufnr  poor  li>>  pioorti  .rniites  viq  intincihle 
rappris. 


Proportiotne  8P8  di-Tenspi   à  la  résistance 
probable  de  sun  cavalier. 


'"M^'  '"*^ 


Retnnrne,  aprêii  rp'msitp  rompiplp,  à   un 
trot  modéré  repreodre  sa  plare  âsoD  potPiiii. 


.a 


A   ROBIXSOX'.    —   NOCES   KT    FESTIX'S. 


/.e  retour.  —  Ou  a  rfuvoye  les  domeBliqui's  par  le  train 
et  mis  les  tnnriB  à  l'Iutcrieur,  X. .. ,  qui  était  tout  à  fuil  yris, 
voulait  conduire  :  ces  dames  l'ont  séquestré  sur  la  seconde 
biinquctle  ;  il  persiste  m>ilgré  tuul  dans  son  désir  ;  de  là  un 
li'i^er  dlEsentiment  qui  donne  tieu  à  une  paolomiinu  aostii 
énergique  qu'innocente,  mais  que  la  malceillauce  pourrait 
Il  eI  interpréter. 


LA   PROVINCE    A    CHEVAL. 


31 


C'est  la  grande  et  spéciale  altraclion  du  lieu  ;  et  l'espcrance  de  ce  sport 
incohérent  pèse  d'un  grand  poids  sur  les  décisions  de  la  plupart  des  orga- 
nisateurs de  pique-nique. 


La  route  à  suivre  a  cependant  peu  d'at- 
traits. La  traversée  de  Montrouge  est  cer- 
tainement attristante  :  et  que  l'on  prenne  par 
Bagneux  ou  par  Cliàtillon,  rien  ne  distrait  les 
yeux  pendant  toute  la  durée  du  trajet  :  lors- 
que le  paysage  perd  sa  monotonie,  on  est  arrivé. 


S>    N 


Cependant,  on  préfère  celte  excursion  insipide  à  la  roule  de  Saint-Germain 
ou  à  celle  des  étangs  de  Ville-d'Avray,  aussi  pittoresques  et  accidentées  l'une 
que  l'autre. 

Pourquoi"?  La  perspective  de  la  fameuse  promenade  à  âne,  pas  d'autre 
motif  plausible,  à  moins  que  le  mauvais  accueil  des  populations  ne  soit  consi- 
déré par  les  excursionnistes  parisiens  comme  un  coudinieut  nécessaire  a  leur 
plaisir. 


■.)2  \..\    PUOVIVCK    A    CHKVAI-. 

Les  bons  villageois  de  Chalenay,  d'Aiilnay  el  autres  lieux  cireonvoisins, 
ont  honeur  de  tout  individu  circulant  à  clirval  dans  les  parages  qu'ils  arro- 
sent de  leurs   sueurs. 

Quels  sont  leurs  griefs  ?  Je  l'ignore,  et  je  n'ai  aucun  désir  d'approfondir  la 
([uestion.  Ce  que  je  puis  affirmer  pour  l'avoir  personnellement  expérimenté, 
c'est  que  tout  cavalier  circulant  aux  alentours  de  Robinson  est  eu  butte  à  une 
hostilité  non  dissimulée  de  la  part  des  agricoles. 

Inutile  de  leur  demander  un  renseignement  sur  la  direction  à  suivre  :  ou 
bien  ils  opposeront  à  vos  questions  un  silence  obstiné,  ou,  ce  qui  est  pis, 
ils  répondront  à  vos  interrogations  naïves  par  une  bordée  d'injures,  dans 
laquelle  le  vocable  Robiusonnais  deviendra,  grâce  à  l'intonation  qu'ils  lui 
donneront,  la  dernière  expression  d'un  irrévocable  mépris. 


CHAPITRE  III 


.'1  la  gare.  —  Cavalerie  locale.  —  Contingent  parisien.  —  Effectif  imligènc.  —  Voitures  pnblicuies 

et  équipages  privés. 


Quand  on  s'installe  dans  un  pays  nouveau,  le  procédé  le  plus  focile  et  le 
moins  fatigant  pour  se  rendre  parfaitement  compte  des  ressources  hippiques 
que  possède  le  canton,  consiste  à  se  rendre  à  la  gare  du  chemin  de  fer  à 
l'arrivée  des  trains. 


En  cinq  ou  six  séances  ou  a  vu  tous  les  chevaux  de  ses  voisins,  et  l'on 
sait  avec  lesquels  d'entre  eux  on  peut  entrer  en  relation  si  l'on  a  le  goût 
de  faire  en  compagnie  sa  promenade  quotidienne  :   on  apprend  même  de 

5 


34 


[.  \    IMiOVIVC.K    A    CHEVAI, 


ccKc  Hiriin  quels  soiil  (Cii\  qui  se  iiictlciit  l'acileincnt  en  moiivcmenl, 
allcllenl  pour  un  oui,  pour  un  non,  et  ceux  auxquels  il  faul  la  croix  el  la 
bannière  pour  se  décider  au  moindre  déplacenienl. 


■^^.^■hii  ■/■■■' 


;^.i^^^'^ffwv^w-4 


^>;^ 


A  In  Qiire.  —  Fàtheose  surpriEe.  —  On  o'a  pas  pu  emoyei  chercher   inouÈit-ur,  mais  je  suis  venu  pour  les  bagages, 
et  j'ai  retouu  le  coupé  pour  monsieur  tt  moi. 

Tous  aiment  évidemment  la  campagne,  (juisqu'ils  y  habitent;  mais  les 
premiers  ont  peur  de  s'y  ennuyer  et  savent  gré  à  ceux  de  leurs  voisins  qui 
cherchent  comme  eux  toutes  les  occasions  possibles  de  reculer  le  moment 
inévitable  de  la  solitude. 

Pour  les  seconds,  riiabilude  qu'ils  ou  t  de  l'ennui  l'ait  qu'ils  regardent 
comme  de  véritables  ennemis  tous  individus  qui  pourraient  avoir  la  velléité 
de  les  troubler  dans  leur  retraite. 

La  tenue  des  équipages  respectifs  de  ces  deux  variétés  |)rincipales  du 
genre  voisin  de  campcKjne  vous  dit  le  plus  clairement  du  monde  quelle  ligne 
de  conduite  vous  devez  tenir  à  leur  égard;  —  envers  les  premiers,  poussez 
sans  crainte  l'amabihté  jusqu'à  l'indiscrétion! 


Multipliez  les  visites,  accunudez  les  invitations,  inventez  des  l'êtes,  com- 
])inez  des  excursions,  organisez  des  réunions  aux  quatre  coins  du  départe- 
ment sous  couleur  de  points  de  vue  cà  admirer,  de  monuments  à  visiter,  de 
champs  de  courses  à  installer;  tous  prétextes  sont  bous,  pourvu  que  vous 
mêliez  un  peu  d'activité  au  paisible  repos  des  chanqjs,  que  le  respect  humain 


A   LA   GARE.   —   VOISIX'S   DE    CAMPAGNE. 


35 


LE  CAnT  DU  TKVOn  LEGER. 
Il  est  loujourB  earoaé  et  pèse  deui 
cciits.  Mais  c'eit  une  pbisdiiletie  du 
cru,  el.  à  la  camiiagoe,  od  est  si  peu 
difficile  pour  Icb  plaisanteries  que  l'on 
fuit  8oi-rnO'iie  ' 


Jamais  mo'DB  de  quatre  cbevaax  à  la  {jare  ;  les  eucoieot  même  aai  traîna 
par  lesquels  on  n'idtlfnd  pcrsODoe.  Les  poslilIouB  oot  ordre  de  traverser 
les  viltages  an  triple  galop,  et,  dans  la  craiule  qoe  les  yrtlollières  dis 
postiers  ne  fisseiil  pas  assez  de  bruit,  on  eu  attache  à  l'iiitêrieur  de  ta 
\uilure.  Od  juierait  voir  passer  U  foire  de  Xeuilly. 

A  Caetel-Xougal  :  accamulation  de  créneaux,  mâcbiconli^,  donjons, 
poivrières,  iourellfs  aa  souimel  de  l'iine  desquelles  Oolte  la  banLÎère  du 
cbàlelain  avec  marque  de  fabrique,  signalure  et  meulioD  des  rêcumpenses 
liblencea  aus  expo&itious  uiii\eise!les. 


:^gji"rSi^Ess=cp 


-W 


LES   A\I)1:rEUI  ou   .UDULIV, 


Le  moîsdernier,  il  n'y  araitqa'un 
clieval  à  leur  sis-à-çîs  ;  m^js  l.i  der- 
nière liquid<iliun  a  etê  bonne,  et  mon- 
sieur a  oiï(.'rt  à  madame  une  paire  de 
poueys.  C'est  elle  qui  conduit  tou- 
jours, purce  que  lui,  ne  la  quittant 
pas  des  yem,  va  toujours  ddns  les 
lusses.  Part  par  le  trais  de  seplbeares, 
rentre  par  celui  de  sii.  après  avoir 
tnuie  toute  la  journée,  et  trouve 
moyen  d'èlre  aimable  le  soir. 


ll^^^^^SiJ 


^t^'^ey^wi 


A   LA   GARK. 


VOISINS   DE    CAMPAGNE. 


CIIATF.LAINS    KT    IN  D  1  (î  KX  ES. 


LE  DOG-CAfir  DE  IJOD. 


Peux  chevaox  ponr  le  service 
parliculier  de  muDsieur.  (irooni, 
ïalet  de  chambre  et  précepteur, 
aile  gaucbe  du  chàleaa  de  la  Ma- 
riiiieie.  Il  est  loin,  le  temps  où 
snn  fiére  aiué,  iiileice  à  Vans, 
disposait  d'an  budcjel  parliculier 
df  cinqiiaute  cenlinihS  par  se- 
maine.  Il  est  irai  que  Uub  est 
aussi  souveul  pri'mier  que  ton 
aioé  était  l'iequemmeul  major  de 
queue  :  <  t  il  y  a  des  gens  qui 
s'acharnent  à  dire  que  rieu  ne 
progresse  ! 


ou  la  roulotte  de  Sisyphe.  —  Vingt  leur, 
voiture  par  jour,  eu  moyenne,  et  par  ton; 
Ifiups. 


^^^ 

i^^ 


s  de 

i   les 


A    LA   GARE. 


VOISINS   DE   CAMPAGNE. 


39 


A    LA   GARE.   —  VOISINS    DE    CAMPAGNE. 


41 


SE    BK\l)A\T  A  1 

Voya^purs  (la  samcfïî  Boir  npi^s  U 
boutique  cluse;  olI  la  spcciolilé  d'vi- 
porter  de  l'aiÎB  des  |ilaijieï  ù  lu  cam- 
pagne. 


En    pirin   boifl.   Il    fiiul   qu'oD   alte: 
des  dauies  p  mr  qu'un  eumii-  utip  vo 
il  la  gare.  Four  lis  lionmips.  des  cbev 
de  selle;   qu^'q-iflms  il  y   en  a  de  i 
inoDter  uii  escadron. 

F'oiil   une   p  nmi-uiide    le    malin, 
avant  dîner,  et,  les  jouis  de  cUiir  de  lu 
une   lioisiême   avnnl  df  ne  meltre   an 

Faut  bien  se  Icuir  en  bali-iue  eu 
danl  la  saison  des  cb^sse». 


A   LA   GARK.   —  VOISIXS   DE   CAMPAG.VE. 


43 


cb,i(jue  Iraïu.  ddts  l^-^|Joi^  de 
S(>duiit>  uue  dut  qui  lui  \tti- 
iiiftli.*  du  se  suuB'.ra.rf  uu  ji'uy 
lunerni'l. 


.A  loué  te  cbâlcau  pair  moiiiiil 
'lu  duc  de  \..  .  forlemeiil  etnlic 
[t.ir  le  kracb  ;  Irouie  assrz  con- 
rmifthle  ce  jietil  baraque. 


•Adore  la  campagne  pour  sa 
famille.  Y  vi<nt  un  diiDjnclie 
sur  qualrc;  est  régulièrement 
rappelé  partelcgr.iniriie  au  boul 
Je  Iruia  bi'ureB  de  sejitur. 


A    r,A   GARE. 


VOISIX'S   DE   CAMPAG\'E. 


LA    PROVI\CK    A   r.HKVAI, 


47 


les  force  à  savourer  de  lelle  à  telle  dale;  —  pour  les  autres,  bornez-vous  à 
déposer  dans  leurs  châteaux  de  Belles  au  bois  dormant,  un  jour  où  vous 
aurez  préalablement  constaté  leur  absence,  une  carte  fortement  cornée  — 
cette  politesse  suffira  amplement  à  leur  faire  savoir  que  vous  connaissez  leur 
existence,  et  que  vous  êtes  disposé  à  vivre  avec  eux  en  bons  termes,  c'est-à- 
dire  à  les  saluer  quand  vous  les  rencontrerez  à  la  messe  ou  que  vous  vous 
trouverez  nez  à  nez  avec  eux  au  coin  d'un  bois. 

C'est  tout  ce  qu'ils  attendent  de  vous,  et  c'est  tout  ce  que  vous  ea  obtien- 
drez, quoi  que  vous  fassiez. 

La  plupart  des  voisins  inabordables  font  partie  de  la  population  indi'ièue 
dont  les  équipages  dénotent  par  leur  seul  aspect  le  peu  de  goût  qu'ont  leurs 
propriétaires  pour  les  nouvelles  connaissances;  les  modèles  de  carrosserie  les 
plus  récemment  adoptés  remontent  à  1850,  et  l'on  montre  un  dog-carl  appar- 
tenant à  un  conseiller  général  centre  gauche  comme  la  preuve  la  plus  irrécu- 
sable de  son  goût  pour  les  plus  téméraires  innovations. 


^'lf'\^ 


A  vingt  lieues  de  Paris,  la  demi-for  lune,  dont  les  plus  vieux  d'entre  nous 
se  rappellent  à  peine  avoir  vu  aux  Champs-Elysées  les  derniers  spécimens, 
est  encore  considérée  comme  voilure  de  luxe,  et  les  gens  qui  en  possèdent 
I  assent  pour  suivre  la  mode.  —  Sur  certains  points  éloignés  du  chemin  de 
fer,  on  rencontre  la  berline  à  trois  chevaux  attelée  comme  les  omnibus 
nouveau  modèle,  un  timonier  encadré  dans  une  paire  de  chevaux  attelés  à 
des  palonniers. 


48 


LA    PROVIXCr,    A    rilKVAr, 


Qiianl  an\  voilures  à  deux  roues,  les  p'us  eniployées  dans  les  pays  mal 
l^artagés  au  point  de  vue  vicinal,  on  en  renconln^  d 'ahsoluinenl  élranges, 
el  l'on  ne  |)eul  aldihuer  leur  lonijévilé  qu'à  l'aduiirahle  solidité  des  pro- 
duits de  l'ancienne  carrosserie  Irançaise. 

Les  plus  anciennes  cou|)cs  de  cabriolets  et  de  lill)uiys  ont  survécu  aux 
nombreux  «[ouverneuienls  (pii  les  ont  vues  naîtie,  et  il  n'est  pas  rare  de  voir 
des  véliicules  qui  datent  de  la  Restauration.  —  Ils  en  ont  eux-mêmes  subi  un 
grand  nomi)ie  ;  mais  si  rien  ne  subsiste  des  matériaux  |)rimitivement  cnq)Ioyés 
à  leur  construction,  l'aspect  général,  la  conception  première  ont  été  conser- 
vés, et,  semblables  au  couteau  de  Jeannot  dont  on  avait  successivement 
renouvelé  la  lame,  le  manebe  et  les  ressorts,  ils  se  sont  niétamorpbosés  sans 
rien  j)erdrc  de  lems  qualités  natales.  Ils  ont  la  même  originalité,  la  même 
élégance  ;  seulement  le  point  de  vue  auquel  on  se  plaçait  pour  apprécier  ces 
mérites  s'est  sensiblement  modifié,  et  tel  é(piipage  qui  paraissait  il  y  a  une 
vingtaine  d'années  à  peine  être  le  dernier  cri  du  cliic,  semble  aujourd'liui 
avoir  été  exécuté  par  le  père  de  la  dynastie  des  lîinder,  un  Dinder  antédiluvien! 


^^^^^^^ 


N^Nfr^ 


Ost  le  garde  champi'tre  qui,  dans  cLaiiae  village,  esl  chargé  d'anooncer  la  date  fiioe  poor  la  préseulation  des  clievam. 


CHAPITRE   IV 


LE    RECENSEMEKT    DES    CHEVAUX, 


Un  moyen  absolument  efficace  pour  arriver  à  connaître  par  le  menu  l'effec- 
tif hippique  de  votre  arrondissement,  consiste  à  suivre  les  opérations  accom- 
plies pour  la  conscri|)tion  des  chevaux. 

La  difficulté  c'est  de  pouvoir  assister  de  près  auxdites  opérations. 

Pour  atteindre  ce  but,  il  y  a  plusieurs  moyens  à  employer  : 

1  '  Briguer  les  suffrages  de  ses  concitoyens  et  les  obtenir  de  façon  à  être 
maire,  conseiller  général,  député,  ou  simplement  conseiller  municipal; 

7 


50  LA    PROVINCE    A   CHEVAL. 

2-86  ménager  avec  la  i)réfectiire  des  relations  assez  suivies  et  assez  ami- 
cales pour  mériter  d'être  désigné  comme  commissaire  civil  de  la  commission  ; 


3°  Être  suffisamment  lié  avec  l'un  des  officiers  faisant  partie  du  jury  d' 
men  pour  s'attacher  à  lui  en  qualité  de  secrétaire  honoraire. 


exa- 


C'est  ce  dernier  procédé  que  nous  recommandons  spécialement  à  nos  lec- 
teurs :  il  n'engage  à  rien  et  permet  de  voir  en  détail  tout  ce  qui  peut  intéresser 
un  homme  de  cheval. 


CVal  au  maire  qu'incombe  li.'  Boin  Je  faire  afllcher  Bur  les  murs  de  bj  commune  l'arrêté  préfectoral. 


Chaque  année,  un  arrêté  préfectoral  préalablement  affiché  enjoint  aux  pro- 
priétaires de  chevaux,  juments  et  mulets,  d'avoir  à  présenter  leurs  animaux 
aux  représentants  de  l'autorité  militaire,  afin  qu'ils  puissent  constater  à  quel 
emploiils  sont  propres,  et  quelle  destination  on  leurdésigneraitle  cas  échéant. 


La  réunion  a  généralement  lieu  sur  la  place  principale  de  la  commune,  où 
la  commission,  assistée  du  maire  et  du  percepteur,  se  tient  en  permanence;  les 


SEAMCE    DE   RECENSEMENT. 


Un  truqueur.  —  S'est  coupé  deoi  doigts 
comme  par  mrg.irde  aa  moment  do  tirage  au 
Borl.  —  A  mis  hier  un  gros  loo  àno»  la  foor- 
chelte  de  son  poulain.  —  N'eolrera  jamais 
dans  la  Iigu«  de  M.   Deroulêde 


<o^9> 


-  Comment!  quinze  ans,  ce  cheval-là?  Mais  il  marque  encore! 

-  l'o&Bible,  moD  colooel  ;   mais  tout  le  [)ays  vous  dira  qu'il  est  bégut. 


Lftisserail  volontiers  le  cheval  poar  en-'égimenler  Tbomme,  qui 
[ai  paraît  devuir  fjire  an  cavaLer  sufâsaoïmeut  réiislaol. 


O. 


Le  bon  gendarme,  deus  ex  machina  da 
recensement.  —  Sans  la  crainte  galiiUire 
qu'il  inspire  encore,  personie  ne  viendrai!  se 
faire  recenser.  —  Va  relancer  les  relarda - 
lairei  à  domicile. 


LA    PROVINCE    A   CHEVAL. 


53 


chevaux  défilent  et  sont  examinés  un  par  un  par  le  vétérinaire  niililaiie,  qui 
confirme  ou  combat  les  déclarations  de  son  collègue  civil  et  du  propriétaire  de 
l'animal  présenté. 


<':,v- 


En  lnûn  de  débioer  conscieucicusi  menf  son  chrval,  «Jang  l'espoir  de  le  fdire  refiTmcr. 


L'origine,  l'âge,  les  tares,  les  aptitudes  se  trouvent  donc  authentiqnement 
constatés,  et  il  faudrait  n'avoir  jamais  eu  à  acheter  un  cheval  pour  douter 
de  l'importance  de  pareils  renseignements. 

Avec  un  peu  de  mémoire  des  yeux,  un  homme  qui  a  assisté  à  ces  opéra- 
tions ne  peut  plus  être  enrossc  dans  un  rayon  de  quatre  lieues  à  la  ronde  : 
il  connaît  les  infirmités  de  tous  les  quadrupèdes  de  son  canton. 

S'il  est  trompé  dans  un  marché,  conclu  sur  les  données  recueillies  de  la 
sorte,  ce  sera  d'une  façon  inusitée. 

Il  peut,  en  effet,  se  trouver  possesseur  d'un  cheval  excellent  en  croyant 
se  rendre  acquéreur  d'un  animal  simplement  estimable,  puisque,  devant  le 
comité  de  recensement,  tout  propriétaire  apporte  à  aggraver  les  défauts  de 
son  cheval  le  même  enthousiasme  qu'il  met  à  les  dissimuler  lorsqu'il  s'agit 
pour  lui  de  le  céder  à  un  amateur. 


54 


LA    PROVIMCK   A   CHKVAF,. 


Dans  le  premier  cas,  il  dél'eiid  son  liien  contre  les  exigences  du  gouver- 
nement, et  il  le  calomnie  sciemment  pour  reculer  autant  que  faire  se  pourra 
l'heure  redoutée  de  la  réquisition. 

Quand  au  contraire  il  s'agit  de  le  vendre,  la  question  du  prix  à  en  obtenir 
dicte  seule  les  éloges  qu'il  en  fait;  et  nous  avons  tous  pu  juger  après  une 
acquisition  faite  de  l'exagération  de  semblables  panégyriques. 


■^^S^^' 


CHAPITRE    V 


SL'R  LES  ROUTES. 


Dos  rclalions  dos  promeneurs  aiec  los  ajjricolcs.  —  Conducteurs  de  cliarinls,  pasteurs,  porcliors 
cl  autres  gardions  de  bestiaux.  —  Dobéinicns  et  montreurs  d'ours.  —  Batteuses  mécaniques  et 
locomotives  routières.  —  Facéties  de  rouliers.  —  Anecdoctes  et  souvenirs. 


Le  gentleman  qui  a  conduit  un  peu  régu- 
lièrement dans  Paris  croit  connaître  par  expé- 
rience tous  les  ennuis  et  tous  les  dangers 
auxquels  on  s'expose  en  prenant  la  direction 
d'une  voilure  à  deux  ou  quatre  roues. 

—  C'est  une  illusion! 


L'art  de  conduire  dans  Paris,  de  se  garer  des  cochers  d'omnibus,  d'éviter 


56 


LA    PUOVI.Vr.E    A    CHEVAL 


la  renconirc  des  trariiuays,  de  se  sotisti-aire  aux  attaques  des  autonicdons 
Muuiérolés,  de  se  dérober  au  contact  des  voitures  des  boucliers,  fruitiers, 
vinaigriers,  marchands  de  vin  et  autres  promeneurs  d'insecticides,  constitue 
une  science  éminemment  difiicile  à  ac([uérir,  et  ceux  qui  la  possèdent 
savent  ce  qu'elle  leur  a  coûté  d'efforts  et  de  dangers  vaillamment  supportés. 

En  comparaison  des 
mille  difiicullés  surmon- 
tées dans  une  promenade 
à  travers  Paris,  un  voyage 
sur  une  route  leur  paraît 
jeu  d'enfonls,  et  ils  croient 
savoir  le  dernier  mot  des 
^S!^  mauvais  tours  que  la  mal- 

veillance des  conducteurs  salariés  peut  inventer  pour  lasser  la  patience  des 
cochers  amateurs. 

Certes ,  l'hostilité  des  ruraux  à  l'égard  des  bourgeois  est  moins  agressive 
que  celle  manifestée  par  la  population  des  grandes  villes,  mais  elle  existe 
cependant;  et  c'est  toujours  un  grand  plaisir,  aux  ciiamps  comme  aux  f;m- 
bourgs,  pour  les  classes  dirigées  de  voir  dans  l'embarras  un  représentant  des 
classes  dirigeantes. 


A  cette  liosliiilé  latente  des  paysans,  qui  se 
traduit,  au  passage  d'un  équipage  un  peu 
luxueux,  non  plus  par  les  interpellations  fau- 
bouriennes de  la  banlieue  de  Paris,  mais  par 
des  sourires  qui  ont  la  prétention  d'être  narquois, 
il  faut  ajouter  la  lenteur  habituelle  de  tous  leurs 
mouvements  et  l'état  d'indifférence  voisin  du 
sommeil  dans  lequel  ils  ont  l'habitude  de  vivre 
et  d'accomplir  ce  qu'on  est  convenu  d'appeler 

le  rude  labeur  des  champs,    et  qui   n'est  en  réalité  qu'une  interminable 

promenade  somnambulesque. 


Pour  ces  endormis,  habitués  à  se  contenter  de  l'allure  de  leurs  bœufs,  ceux 


o 


LA  PROVINCE   A  CHEVAL. 


59 


qui  aiment  à  troUer  bon  train  sont  de  purs  agités,  et  ils  ne  comprennent 
pas  que  des  gens  tiauquilles  soient  obligés  de  déranger  de  pesants  attelages 


pour  livrer  passage  à  des  voilures  inutiles  qui  n'ont  aucun  besoin  de  marcher 
aussi  vite.  —  Pour  eux,  la  poste  seule  a  le  droit  de  marcher  grand  train. 


Quant  aux  particuliers,  ils  n'ad- 
mclleut  pas  qu'ils  soient  pressés,  et, 
toutes  les  fois  qu'on  leur  reproclie  au 
passage  la  lenteur  qu'ils  mettent  à 
faire  place,  on  est  sur  que  leur  l'e- 
proche  sera  toujours  basé  sur  l'inu- 
tilité qu'il  y  a  à  se  dépêcher.  "  Vous 
êtes  donc  bien  pressé  ?  »  diront 
ceux  qui  sont  encore  à  peu  près  po- 
lis. —  Il  T'  es  donc  enragé?  »  disent 
ceux  qui  ne  le  sont  plus  du  tout. 


■ —  Vous  tles  doQC  bieo  presbe? 


Cette  apathie  naturelle,  que  les  gens 

de  la  campagne  apportent  dans  tous 

leurs  actes,  a  pour  premier  résultat,  quand  ils  transportent  sur  une  route  à 

l'aide  de  leurs  véhicules  primitifs  le  produit  de  leurs  moissons  ou  le  fumier 

qui  doit  féconder  leurs  terres,   d'inlluer  sur  la  manière  dont  leur  attelage 


(;o 


LA    PROVIXr.K    A    CHKVAL. 


traîne  le  fardeau  qui  lui  est  eonfié.  Les  chevaux,  se  sachant  mollement  sur- 
veillés, ne  tirent  que  tout  juste  ce  qu'il  faut  pour  faire  avancer  leur  fardeau 
d'un  pas  processionnel,  et  s'ctagent  de  façon  à  occuper  toute  la  largeur  de  la 
route,  y  compris  ses  bas  cotés 


■-O^/v        V 


^  ^  '  i' 


Celte  fîiçon  d'abandonner  à  eux-mêmes  les  animaux  qu'ils  ont  mission  de 
diriger  est  commune  aux  paysans  de  toule  la  France. 

On  peut  la  constater  aussi  bien  aux  approches  des  barrières  de  Paris  que 
sur  la  roule  de  la  Corniche  ou  celle  de  Tourcoing  :  partout  même  indo- 
lence, même  confiance  aveugle  dans  l'instinct  des  animaux,  qui,  il  faut  bien 
le  reconnaître,  se  montre  la  plupart  du  temps  supérieur  à  l'intelligence  de 
leurs  conducteurs. 

II  en  résulte  que,  si  vous  venez  à  la  rencontre  de  l'un  de  ces  attelages 
circulant  sous  leur  propre  responsabilité,  il  vous  faut  avoir  une  connaissance 
|/rofonde  de  l'escrime  du  fouet  pour  parvenir  à  vous  faire  place. 

Ce  n'est  en  effet  qu'à  l'aide  d'une  mèche  savamment  dirigée  que  vous 
obtiendrez  du  cheval  de  tête  que,  de  la  gauche  qu'il  garde  obstinément ,  il 
se  décide  à  se  porter  à  droite. 


Si,  au  contraire,  vous  rattrapez  et  voulez  dépasser  l'une  de  ces  barricades 
ambulantes,  il  vous  faudra  faire  nu  tapage  exceptionnel  pour  attirer  l'alten- 


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COMMISSION   I)K    RECENSEMENT. 


M.  le  nu  i'g  te  préoccape  peu  des 
rbevaui;  sail  que,  le  coBécbeaiil.loas 
BeraifDl  réquisitiounés. 


!.e  ctiiiilnine  chargé  du  rapport-  — 
ToujoutB  etunui-  du  iiombie  de  russes 
qui  leudeol  encore  des  ttrvices. 


/,e  déltijué  de  !a  préfecture.  — 
\'a  jamais  pu  dj»lin>jupr  un  cheval 
d'un  aulie.  —  \e  s'occupe  que  des 
If  udaDCPs  elrclorales  des  populal-oiig. 


rcs-compelcDl,  otsis  sveugi 
par  ses  préfércDces  politiques 


Le  maiire  d'éfole.  — 
Secrêlaire  de  la  commis- 
sioD,  —  de  la  mairie,  — 
du  conseil  oiuDJcipat,  — 
du  coDseil    de   fabrique, 


L'adjudant.  —  Toiseur 
el  térîHcaleur.  —  Inscril 
aiec  une  eiaclilude  scrupu- 
leuse le  stgDa'ement  de 
chaque  quadrupède.  Signe 
partirulifT  :  écriture  litho- 
iirr.pbiqup. 


I.ecfipitiiine  yrtsidriit.  — 
Kiiraordiuairemerilafijce  par 
les  btratajjéioes  destines  à 
(air  dispenser  de  la  con- 
BcripIioQ  le»  trois  quarts  de 
l'effeciif.  —  EnrêjiineDle 
quaud    iiivine. 


\  À\;,X';|    1,:'/"/^   ^^^\    i-yHïilIli  _  SoutHe,  6ouIllp,inoDboiil.umme! 

WiTY/'-    y    y^l'-^      -""^   ,    U'#lw        J- l'écoole  avec  plaisir,  mai»  si  lu  cioi. 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 


67 


tiou  du  conducteur,  qui  dort  sur  sa  voiture,  à  moins  qu'il  ne  soit  à  quelques 
centaines  de  mètres  en  plein  champ  à  discourir  avec  l'un  de  ses  concitoyens. 


Udc  barricade  eo  pleine  roate. 


Dans  l'un  ou  l'autre  cas,  c'est  une  attente  de  cinq  minutes,  et,  pour  peu  que 
vous  rencontriez  une  douzaine  d'obstacles  de  ce  genre  dans  un  parcours  d'une 
dizaine  de  kilomètres,  vous  aurez  beau  avoir  des  chevaux  faisant  facilement 
leurs  quatre  lieues  à  l'heure,  il  faudra  vous  résigner  à  ne  faire  dans  le  même 
temps  que  la  moitié  du  chemin. 


Si  la  plupart  des  campagnards  qui  conduisent  des  chevaux  fout  preuve 
d'une  regrettable  insouciance  dans  l'accomplissement  de  cette  mission,  on 
peut  dire,  sans  crainte  d'exagérer,  que  tous  ceux  préposés  à  la  garde  et  à  la 


08 


LA    l'UOVIXCE   A   CHEVAL. 


conduilc  dcsbesliaux  en  li()ii|)(s  poussent  à  sa  deruière  puissance  celle  nième 
insouciance  :  plulôl  que  de  se  résigner  à  s'occuper  des  animaux  confiés  à 
leur  surveillance,  ils  se  lorlurenl  l'imaginalion  pour  occuper  leurs  loisirs  el 
chariuci'  leur  solilude. 


DvJiniCuin .  —  On  appelle  g.irdear  on  gardeose  do  dindons,  oies  et  aulres  volatiles,   toule  personne  qui,  cbargée  de 
conduire  ces  auiinaui  aui  ciiampi<,  s'occupe  d'aulre  chose,  travani  d'aigmIK',  Hirlagp  ou  musiijue. 


Depuis  les  plus  jeunes  gardcuses  de  dindons  jusqu'aux  plus  vieux  bergers, 
lous,  sans  aucune  exception  constatée,  par  moi  du  moins,  se  créent  une 
occupation  autre  que  celle  dont  ou  les  a  cliargés. 

Les  unes  Iricolent,  les  autres  tressent  de  la  paille  ou  taillent  à  coups  de 
couteau  des  morceaux  de  bois. 

Certains,  qui  ont  pour  toute  apparence  de  travail  une  horreur  plus 
grande  encore,  se  contentent  de  souffler  dans  des  instruments  innoniés  ; 
mais  aucun  ne  s'occupe  jamais  de  la  conduile  de  son  troupeau. 


LA    PROVLYCE    A   CHEVAL. 


G9 


Qu'il  soit  composé  d'oies,  de  moulons  ou  de  bœufs,  c'est  toujours  la  Pro- 
vidence qui  se  charge  d'en  diriger  la  marche;  quelquefois,  tant  elle  a  à  faire, 

elle  se  fait  aider  par 
quelques  chiens; 
quant  aux  bergers, 
vachers,  porchers  et 
bouviers,  il  y  a  long- 
temps qu'elle  a  cessé 
de  compter  sur  leur 
concours. 

Il  en  résulte  que 
les  moutons  couvrent 
tout  le  chemin  d'une  couche  laineuse  et  bêlante  qui  entrave  la  circu- 
lation et  expose  le  téméraire  qui  veut  passer  quand  même  à  payer  d'un 
seul  coup  une  addition  de  côtelettes  et  de  gigots  sufflsante  pour  le  sustenter 
pendant  toute  une  année  ; 


"'v,'^ 


Que  celui  qui  persiste  à  circuler  à  travers  un  troupeau  de  bœufs  court  le 
risque  de  n'arriver  au  bout  opposé  à  celui  de  la  rencontre  qu'après  avoir  reçu 


70 


LA    PROVINCE    A   CHEVAL. 


dans  le  corps  do  son  cheval  ou  dans  le  corps  de  sa  voilure  assez  de  coups  de 
corne  pour  que  le  premier  ait  pris  l'apparence  d'un  fricandeau,  et  la  seconde, 
l'aspect  d'une  écumoirc. 


Pour  ce  qui  est  des  troupeaux  de  porcs,  leurs  conducteurs  ne  se  bornent 
pas  à  l'envahissement  des  voies  de  communication  ;  ils  pratiquent  en  oulre 
l'embuscade. 


Dans  les  pays  où  se  ])ralique  l'élevage  de  ces  intéressants  quadrupèdes, 
pays  pauvres  en  général,  les  meilleurs  pâturages  sont  les  bas  côtés  des 
routes;  le  jeune  porcher  s'installe  avec  ses  camarades  au  fond  d'un 
fossé,  laissant  ses  bêtes  en  toute  liberté;  —  celles-ci  pàlurcut  autour  de  lui 
dans  un  désordre  aussi  complet  que  pittoresque.  Si  vous  rencontrez  au  tour- 
nant d'une  route  un  groupe  de  cette  espèce,  le  moins  qui  puisse  vous  arri- 
ver est  de  vous  trouver  les  quatre  fers  en  l'air  dans  le  fossé  opposé  à  celui 
où  s'est  installée  pour  se  livrer  à  ses  ébats  favoris  la  bande  déjeunes  porchei's 
officiels  ou  amateurs. 


13 


LA   PROVIX'CE    A    CHEVAL. 


73 


Quanl  aux  troupes  d'oies,  dindous  cl  aulre  menu  bétail,  leurs  gardiens 
sont  clioisis  parmi  des  individus  d'un  âge  tellement  tendre  que  le  plus  grand 
danger  qu'on  coure  avec  eux  est  d'en  écraser  par  mégarde  un  ou  deux,  en 
même  temps  que  la  stupide  volaille  conflée  à  leurs  soins,  les  uns  et  les  autres 
se  précipitant  sous  vos  roues  au  moment  même  où  vous  les  croyez  décidés  à 
se  garer  à  droite  ou  à  gauche. 


$C    ^ 


L'a  fficurtre  JovoloDlnirc,  ou  fricasBée  pjr  imprudence. 


Aux  traversées  des  villages,  redouter  également  la  sortie  des  écoles  et  les 
promenades  de  poussins. 

Les  élèves  gratuits  et  obligatoires,  aussi  bien  que  les  jeunes  poulets, 
manquent  de  décision,  et  changent  de  direction  avec  une  telle  instantanéité 
que  le  plus  prudent,  quand  on  tient  à  respecter  leur  existence,  est  de  s'ar- 
rêter jusqu'à  ce  qu'ils  aient  complètement  disparu. 

Tous  les  ennuis  qui  résultent  pour  le  promeneur  de  la  présence  sur  les 
routes  des  animaux  comestibles  ne  sont  rien  auprès  des  désordres  occasion- 
nés par  la  circulation  des  animaux  savants. 


Le  voisinage  de  l'ours,  notamment,  provoque  chez  la  plupart  des  chevaux 

10 


7i 


I.A    PROVIVCE    A    CHEVAL. 


un  véritable  aff'olcinoiit.  —  Or  c'est  précisément  Fintlividii  que  clioisissent 
de  prél'érencc  les  bohémiens  qui  tiennent  à  répandre  dans  l'es])èce  animale 
les  trésors  de  l'instruction. 


Si  vous  avez  bonne  vue,  et  que  vous  aperceviez  à  distance  l'un  de  ces 
convois  qui  donnent  l'impi-cssion  d'un  village  en  marche,  le  mieux  et  le 
plus  prudent  est  de  faire  un  détour;  —  du  reste,  l'appréhension  manifestée 
par  votre  cheval,  si  vous  êtes  sous  le  vent,  vous  avertira,  quelle  que  soit  la 
puissance  ou  pour  mieux  dire  la  faiblesse  de  votre  vision,  que  vous  allez  faire 
quelque  rencontre  insolite;  —  dans  ces  cas-là,  n'hésitez  pas,  quittez  le  droit 


chemin  volontairement,  —  cette  précaution  vous  évitera  de  sauter,  à  l'in- 
stant de  la  rencontre,  l'un  ou  l'autre  des  fossés  qui  bordent  la  route,  ce  qui 
est  un  fâcheux  exercice  même  en  tilbury,  encore  plus  déplorable  par  consé- 
quent si  vous  êtes  en  voiture  à  quatre  roues. 


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Locomotives  routières.  —  On  prétend  qu'elles  sonl  iililcs  à  l'agriculture  et  à  plusieurs  autres 
industries;  mais  le  résultai  le  moins  contestable  de  leur  emploi  csl  l'emballage  régulier  des 
cavaliers  qui  les  rencontrent. 


LA    PROVINCE    A   CHEVAL. 


79 


Une  autre  cause  d'effroi  pour  les  chevaux  impressionnables,  c'est  l'appli- 
cation de  la  vapeur  aux  travaux  agricoles  :  les  faucheuses,  semeuses  et  bat- 
teuses mécaniques  rencontrées  inopinément  en  plein  champ  leur  causent  des 


terreurs  folles  qui  ne  sont  égalées  que  par  celles  produites  par  les  locomo- 
tives routières  :  celles-ci,  dirigées  par  des  mécaniciens  éduqués  dans  les 
grandes  villes,  ont  transporté  aux  champs  la  tradition  des  bons  tours  à  faire 
aux  bourgeois  ;  —  avec  eux,  on  peut  être  sûr  que  les  sifflets,  les  jets  de  vapeur 
et  les  flots  de  fumée  jailliront  à  la  fois,  au  passage  de  toute  voiture  un  peu 
élégamment  attelée.  —  Pour  un  cavalier  de  tenue  correcte  ils  ne  cesseront 
leur  feu  d'artifice  qu'après  la  chute  du  susdit  ou  sa  disparition  à  l'horizon,  à  la 
suite  d'un  emballage  radical. 


Le  roulier  ne  manifeste  pas  des  sentiments  beaucoup  plus  bienveillants  h 
l'égard  du  malheureux  bourgeois;  — lui  aussi  va  dans  les  cabarets  des  fau- 
bourgs agiter  les  problèmes  de  la  question  sociale,  et  en  rapporte  pour  les 
soi-disant  oisifs  porteurs  de  redingotes  une  hostilité  qui  se  traduit  jiar  des 
claquements  de  fouet  intempestifs  et  une  propension  regrettable  à  monopo- 
liser la  route. 


80 


LA    PROVIX'CE    A   CHEVAL 


Le  biilor  (|iii  m'a  joué  le  lotir  que  je  demande  la  permissiDii  de  vous 
raconter,  cher  lecteur,  ne  l'a  certes  pas  inventé  ;  mais,  si  vieux  qu'il  soit,  il 
n'en  est  pas  moins  insupportable  pour  celui  qui  en  est  la  victime. 

Voici  en  quoi  il  consiste  : 

La  scène  se  passe  sur  un  chemin  vicinal,  bien  entretenu,  mais  ayant  juste 
la  largeur  nécessaire  pour  le  passage  de  deux  voilures;  sur  les  côlés,  les 
mètres  cubes  de  pierres  préparés  pour  les  travaux  de  l'hiver  sont  espacés  de 
dix  mètres  en  dix  mètres. 

Sur  ce  terrain,  vous  trottez  lestement  dans  une  voiture  légère  :  vous  êtes 
seul  avec  un  gamin  qui  en  sait  juste  assez  eu  fait  de  conduite  pour  garder  le 
cheval  devant  une  porte. 


A  ce  Irain,  vous  rattrapez  promptemeut  les  lourdes  voilures  des  meuniers, 
marchands  de  grains  ou  de  pommes  de  terie,  qui  conduisent  à  pied  et 
au  pas. 

Ceux-là  se  rangent  à  droite,  et  vous  passez. 


Un  peu   plus  loin,  vous   rejoignez  les  maraîchers  qui  ont   pris   sur  eux 
quelque  avance,  grâce  au  trottinement  habituel  à  leur  cavalerie. 


LA    PROVINCE    A   CHEVAL 


81 


Ceux-là  dorment  à  moitié  et  ne  répondent  pas  toujours  à  votre  première 
sommation;  vous  ralentissez  un  peu  et  vous  renouvelez  votre  appel. 


■ii^ 


iii  '  i, ,  ,,,„ 


Sans  se  réveiller  complètement,  ils  finissent  enfin  par  comprendi'e,  eux 
ou  leur  cheval,  qu'ils  encombrent  la  route,  et  ils  font  place,  lentement,  par- 
cimonieusement, gardant  encore  les  trois  quarts  de  la  voie;  mais  pourtant 
ils  consentent  à  dévier  de  la  ligne  droite,  et,  en  empiétant  un  peu  sur  le 
gazon,  qui  forme  trottoir,  on  arrive  à  passer  entre  deux  tas  de  pierres. 


Cette  façon  de  vous  réduire  à  la  portion  congrue  n'est  peut-être  pas  inspi- 
rée par  une  politesse  exquise,  mais,  enfin,  ils  sont  fatigues,  on  les  dérange, 

11 


82 


LA    PKOVIVCE    A   CIIKVAI, 


ils  ne  sont  pas  pressés;  et  l'on  peut  admettre,  à  la  rifjucnr,  que  celui  (pii 
aime  à  aller  vite  s'arrange  connne  il  peut,  et  laisse  leuis  aises  aux  gens  calmes 
qui  marchent  lentement. 

C'est  peut-être  une  taquinerie  aux  bourgeois,  mais  elle  est  supportable,  et 
il  faudrait  être  à  l'avance  de  bien  méchante  humeur  ])our  s'en  fiicher. 

Mais  voici  oii  la  j)laisanlerie  cesse  d'èlre  acceptable. 

Vous   arrivez  derrière  une  voiture  de  laitier  ou  de  messager,  gens  qui 
marchent  au  trot  et  ont  la  prétention  de  marcher  vite. 


\'ous  voulez  passer,  et  vous  criez  :  Hep!  Gare!  ou  Place!  selon  que  vous 
avez  l'habitude  d'employer  l'une  on  l'autre  de   ces  interjections. 

Rien  ne  bouge,  et  il  semble  que  le  conducteur  du  lourd  véhicule  qui  bouche 
la  route  n'ait  rien  entendu. 


LA    PROVIXr.K    A   CHEVAL. 


83 


Vous  ralentissez  et  vous  trottez  derrière  lui  au  milieu  du  nuage  de  pous- 
sière qu'il  soulève  et  qui  vous  aveugle. 
Vous  criez  plus  fort,  rien. 


cy 


Cependant,  au  bout  d'un  instant  la  route  décrit  une  légère  courbe,  et  le 
chariot  qui  vous  précède  incline  un  peu  à  gauche,  ce  qui  vous  laisse  un  peu 
d'espace  à  droite. 


■v^cj' 


Vous  tentez  de  passer,  vous  disant  qu'il  y  a  des  gens  bizarres  qui  préfèrent 
leur  gauche  à  leur  droite. 


84 


LA   PROVIiVCE    A   CHEVAL 


Pas  (lu  ((Mil.  .Au  niomciil  où  vous  clés  bien  engagé,  la  voiture  se  rabat  sur 
vous.  \()us  arrèlez,  et  vous  vous  préparez  à  passer  à  gauche,  point! 


Le  passage  vous  est  encore  bouché. 

Vous  comprenez  alors  qu'il  y  a  parti  pris,  et  que  vous  avez  aifaire  à  une 
brute  facétieuse,  que  vous  vous  mettez  à  invectiver. 

Pas  de  réponse,  mais  continuation  du  jeu. 


-^^<ÏV^' 


■^n^K  •vv^/^'S^-c.-^. 


Peu  à  peu  la  colère  vous  prend,  et  vous  voulez  passer  quand  même,  quilte 


LA   PROVIiVCE    A   CHEVAL. 


85 


à  verser,  et  vous  finissez  par  franchir  un  tas  de  cailloux,  au  risque  de  cou- 
ronner votre  cheval  ou  de  briser  vos  ressorts. 


Si  vous  vous  retournez  alors,  vous  voyez  une  figure  stupide  qui  rit  jus- 
qu'aux oreilles. 


Vous  avez  en  effet  accompli  le  tour  de  force  que  le  roulier  facétieux  vou- 
lait vous  contraindre  à  faire  ;  il  est  satisfiiit  et  ralentit  l'allure  de  son  cheval 
qu'il  avait  surmené  jusqu'alors. 


80  LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 

C'csl  à  eu  nioiiiciil  en  général  que  la  palienee  vous  échappe  tout  à  lait. 

Vous  vous  aiTetcz. 

Et  lorscpie  lui  veut  j)asser  à  son  tour,  vous  laites  pleuvoir  sur  la  tète  du 
cheval  et  sur  celle  de  l'honinie  une  grêle  de  coups  de  fouet. 


C'est  un  mauvais  système,  que  je  condamne  après  l'avoir  consciencieuse- 
ment pratiqué. 

Voici  celui  que  je  conseille  pour  le  remplacer. 


Vous  manifestez  bien  votre  volonté  de  passer,  et  vous  teniez  de  le  faire  à 
plusieurs  reprises. 


LA    PROVIXCE    A   CHEVAL. 


87 


Si  l'on  persiste  h  vous  barrer  la  roule,  vous  allumez  uu  cigare,  ce  qui 
vous  prend  toujours  un  certain  temps,  et  vous  suivez  trancpiillement  votre 
persécuteur  jusqu'au  premier  poste  de  gendarmerie,  oii  vous  portez  plainte. 


Cette  démarche  a  pour  premier  résultat  de  faire  disparaître  de  la  face  du 
faquin  stupide  qui  prenait  un  malin  plaisir  à  vous  barrer  la  route,  le  sourire 
narquois  qui  l'illuminait. 


L'idée  que  sa  plaisanterie  aboutit  à  un  procès-verbal  dont  le  coût  ne  saurait 
être  inférieur  à  la  somme  de  seize  francs  lui  enlève  immédiatement  toute 
gaieté. 


gH  LA    PROVINCE    A   CHEVAL 

La  plus  morne  tristesse  se  répand  immcdiatemeut  sur  sou  visage,  et  vous 
pouvez  être  sûr,  eu  agissant  suivant  le  programme  précédent,  de  supprimer 
le  sourire  triomphant  qui  est,  de  toute  cette  tracasserie,  la  chose  la  plus 
désagréable  à  supporter. 


CHAPITRE  11 


MONOGRAPHIE    DU    LOl'EUR    DE    PUOVIKCE. 


Quel  que  soit  l'effectif  de  l'écurie  dans  une  installation  à  la  campagne,  on 
ne  peut  être  assuré  du  service  à  faire  qu'autant  qu'on  a  dans  son  plus  pro- 
chain voisinage  un  bon  loueur  de  voitures. 


12 


90 


[.A    PROVIXTCE    A   CHEVAL. 


i\  lin  iiioniciit  doniu'",  tous  les  thovaiix  des  particuliers  connaissent  la 
fatigue;  seuls,  ceux  des  loueurs  restent  toujours  en  mesure  de  marcher. 

Pourquoi? 

On  n'en  .'■ait  rien,  et  plus  on  creuse  la  question,  moins  ou  comprend  que 
des  animaux  hors  d'âge,  qui  n'ont  jamais  clé  complètement  hons,  arrivent 
à  un  degré  d'endurance  que  le  meilleur  cheval  et  le  mieux  soigné  n'a  jamais 
pu  atteindre. 

C'est  un  luit  inexplicable,  mais  c'est  un  fait  constaté. 


V^ 


v=. 


Le  loueur  est  généralement  un 
cumulard  :  il  est  en  même  temps 
aubergiste,  boucher,  charcutier  ou 
cultivateur;  —  souvent,  c'est  un  an- 
cien maître  de  poste  qui  n'a  pu  se 
décider  à  liquider  complètement  : 
d'apparence,  c'est  toujours  un  gros 
homme  ; 

Ou  il  l'est  réellement. 

Ou  bien  il  porte  sous  sa  blouse 
une  telle  accumulation  de  vestes  et 
de  gilets,  qu'il  paraît  l'être. 

Réelle  ou  factice,  l'obésité  est  une 
condition  sine  qua  non  de  la  profes- 
sion. 


Peul-èiro  cet  embonpoint  est-il   destiné  à  donner  plus  de  conûance  au 
client,  en  le  rassurant  sur  la  prudence  de  son  futur  conducteur. 

Comment  supposer,  en  effet,  qu'un  homme  d'aspect  aussi  imposant  n'ait 
pas  une  expérience  consommée,  et  une  prudence  égale  à  son  volume? 


Ce  qui  nuit  le  plus  souvent  à  la  sagesse  que  leur  âge  et  leur  poids  devraient 


J3    " 


LA   PROVIXCE    A   CHEVAL. 


donner  à  ces  entrepreneurs  de  (ransport,   c'est  mallieureusement  l'usage 
généralement  abusil  qu'ils  font  des  liqueurs  fortes. 


Si  longae  qoe  soil  la  roule  .i  parcoorir,  il  n'y  a  pas  d'exemple  qu'un  lonear  qui  fle  respecle  ail  pasEê  un  débil 

quelconque  sans  s'arrêter. 


Comme  ils  sont  d'ordinaire  à  la  fois  patrons  et  cochers,  c'est  en  nature 
que  leurs  pratiques  habituelles  leur  offrent  les  pourboires  qu'ils  n'osent  pas 
leur  mettre  en  menue  monnaie  dans  la  main. 

Ils  connaissent  en  outre  tous  les  hôteliers  de  leur  canton,  auxquels  ils  ont 
amené  un  nombre  plus  ou  moins  grand  de  voyageurs,  et  qui,  dans  l'espoir 
qu'ils  leur  en  ramèneront,  ne  les  laissent  jamais  dépasser  leur  porte  sans 
leur  offrir  un  rafraîchissement,  qui  est  toujours  accepté. 


Grâce  à  ces  libations  répétées,  le  conducteur  de  voitures  à  volonté  se  trouve 
maintenu  dans  un  état  de  douce  ébriété,  qui  le  rend  philosophe  et  lui  permet 
de  supporter  le  froid,  le  vent,  la  pluie,  les  longs  trajets  dans  l'obscurité  et  les 


96  LA    PROVIXCE   A    CHFA'AL. 

mauvais  chemins,  sans  qu'il  perde  rien  de  sa  bonne  humeur  :  très-bien 
renseigne  sur  tous  les  potins  locaux ,  il  met  volontiers  son  voyageur  au 
courant  des  récents  scandales  et  des  événements  saillants  survenus  daiis  les 
familles  dont  ils  contournent  ensemble  les  propriétés. 


Heoseignaot  son  voyagpnr  Eor  les  mcrurs,   les  babiludes  et  les  maaies  des  cbâtelaias  dont  ils  IoD<}PQt 

les   propriétés. 


II  approuve  ou  critique  leur  gestion,  et  émet  les  idées  les  plus  sages  sur 
la  manière  dont  ils  devraient  vivre,  étant  donnée  leur  position. 

Celui-ci,  dont  toutes  les  terres  sont  hypothéquées,  aurait  pu  vivre  très- 
heureux  s'il  n'avait  pas  eu  la  rage  de  «  fréquenter  les  plus  gros  "  . 

Celui-là,  c'est  sa  passion  pour  la  chasse  qui  le  mettra  sur  la  paille,  car  il  se 
«  fait  des  trous  dans  le  dos  i>  pour  arriver  à  maintenir  sa  meute  sur  le  même 
pied  que  le  comte  de  X...,  qui,  lui,  n'a  qu'à  «se  baisser  pour  en  prendre»  ! 

Et  les  racontars  se  succèdent  sans  interruption. 


LA    PROVIMCE    A    CHEVAL. 


97 


Celte  volubilité  intarissable  est-elle  la  simple  manifestation  d'une  facilité 
d'éloculion  développée  par  l'agitation  alcoolique,  ou  bien  le  résultat  d'un 
calcul  machiavélique  ? 

La  seconde  hypothèse  me  paraît  la  plus  vraie. 

Le  paysan,  quoi  qu'il  dise,  a  toujours  un  but. 

S'il  n'a  aucun  intérêt  à  parler,  il  se  tait  ;  —  dès  qu'il  dépense  les  trésors 
d'éloquence  que  la  nature  a  mis  à  sa  disposition,  c'est  qu'il  eu  attend  un 
résultat. 


Sapplée  par  la  livacilt  da  moDologae  à  la  lenteur  ôe  la  locomolioD. 


Dans  le  cas  présent,  le  conducteur  forain  n'a  pas  d'autre  espoir  que  de  faire 
oublier  à  son  patient,  par  la  rapidité  de  son  éloculion,  la  lenteur  de  sa  loco- 
motion; et,  le  plus  souvent,  il  atteint  son  but. 


Le  colis  humain  qu'il  transporte  est  tout  étonné,  une  fois  arrivé,  d'avoir 
mis  trois  heures  à  faire  un  trajet  qui  lui  a  paru  court  et  lestemeut  fait;  — 
les  claquements  de  fouet,  le  tintement  des  grelots,  et  la  conversation  vive 

13 


98 


LA   PROVINCE   A   CHFAAL. 


et  animée  qu'il  a  subie  tout  d'abord,  éeoulée  ensuite,  lui  ont  donné  l'illu- 
sion du  mouvement  rapide  qui  manquait  à  rallelagc. 

Si  le  conducteur  de  voitures,  patron  ou  salarié,  répond  dans  toutes  les 
provinces  à  un  signalement  à  peu  près  identique,  les  chevaux  et  les  véhicules 
([u'ii  emploie  varient  à  l'infini. 


te  Jiacre  de  Pontà-Moiisson.  —  Unique  daos  son  genre  ;  doil  èire  relena  quinze  joors  à  l'avance,  et  pe  a'engagi 
qa'sprês  avoir  reça  des  arrlieg. 


La  nature  du  terrain,  le  dimal,  influent  également  sur  la  conformation 
des  uns  et  des  autres  ;  mais  ce  qui  différencie  le  plus  l'aspect  des  véhicules 
employés,  c'est  la  distance  qui  sépare  le  point  oîi  ils  sont  exploités  d'un 
grand  centre  de  production;  et  il  serait  cuiieux  de  rechercher,  par  exenq)le, 
le  nombre  d'années  qu'il  faut  à  un  nouveau  modèle  de  voiture  pour  arriver 
de  Paris  à  Castres. 


A  t'ié  cODslroite  poor  conduire  madame  de  VaodcneBBe 
à  LoDgcbampB  ea  1837;  emmenre  a  Toars  ea  I84i, 
où  elle  a  été  repciole.  a  élé  vendue  après  la  mort  de 
l'élégante  Jenoe  femme  à  qd  Anglais;  coûduite  ù  Poitiers 
par  celai-ci,  elle  y  est  reslée  jusqu'ea  18'i8;  a  s?rvi 
pendant  loale  la  campagne  da  plébiscite  de  1801  à 
transporter  le  préfet  de  la  Vienoe  ;  sert  comme  fiacre  à 
TouloDGe  depuis  celle  date- 


Oc:=)0  c;:>O<=:=>0'cc=3y' 


Un  fi.icre  à  Cotnpié>jne.  —  Une  ancienne  cluise  de  la  poste 
i  npérrale.  et  Ij  jumeut  rêfûrmée  de  Tuu  des  pi([ueurs  du  mar- 
quis de  l'A 


Un  fiacre  à  Versailles.  —  La  dernière  calèche  de 
M.  de  Montdliiet,  traînée  par  le  chenal  de  Taïaut- 
dernier  trompette  des  carabiniers. 


Deauvitle-Trouville  et  autres  villes.  —  Payeùt  lear 
attelage  à  la  première  cicarsiun,  leur  toiluie  h  la 
Bccoode  ;  —  le  refile  esl  tout  bùnéGce. 


^.  ^A 


R_0 


Eli  Brclngne.  —  Aatti  primitif  que  difScile  â  trouver.   Feu 
recommaDJablc  aui  damei  habituées  aux  bcit-resitiits. 


A  eu  rim[trudeuce  de  se  laisser  inviter 
à  diuer  par  sou  plos  ptiiclie  voisin  (eeiie 
petits  kilomètres) , 


IV 


LA   PROVIMCE    A   CHEVAL. 


107 


Quant  aux  chevaux  attelés  aux  différents  spécimens  de  carrosserie  échoués 
chez  Jes  loueurs,  leur  provenance  est  encore  plus  variée,  —  et  l'élevage 
local  n'a  aucune  influence  sur  leur  recrutement. 


La  plupart  appartiennent  à  la  classe  trop  nombreuse  des  anciens  bons 
chevaux  qui  ont  eu  des  malheurs. 


,,iSi:#«SL- 


CommpQl  de  cheval  de  maître  on   passe  cheval  de  1oDS<]e. 


C'est  ainsi  qu'on  retrouve  dans  des  endroits  on  jamais  un  cheval  de  pur 
sang  n'a  été  élevé,  d'anciens  outsiders  détériorés  par  les  fatigues  exagérées 
d'un  entraînement  précipité,  et  quelques  fils  du  désert  qui  n'ont  gardé  de 
leur  apparence  première  que  leur  crinière  échevelée  et  le  majestueux  panache 
de  leur  queue. 


Le  reste  de  l'effectif  des  loueurs  est  fourni  par  les  réformes  de   cava- 
lerie. 


Pour  terminer,  un  conseil  pratique  au  voyageur  obligé  de  recourir  à  ce 
mode  de  transport  antédiluvien  et  pressé  d'accomplir  rapidement  le  trajet 
qu'il  a  à  faire  :  Qu'il  ne  parle  jamais  au  propriétaire  du  cheval  loué  du  temps 
qu'il  lui  faut  pour  parcourir  la  distance  dont  il  s'agit  :  celui-là  ne  s'engagera 


108 


LA    PROVIX'CE   A   CHEVAL. 


jamais  ù  faire  un  parcours  dans  un  délai  délerminé;  mais,  une  lois  en  roule, 
assis  aux  côtés  de  son  conducteur,  qu'il  dise  nettement  quelle  somme  il 
compte  affecter  au  pourboire  s'il  arrive  à  telle  heure  au  terme  du  voyage. 

Il  peut  être  sur  de  l'atteindre  au  moment  voulu. 

Une  anecdote  à  l'appui  : 

J'étais  parti,  l'an  dernier,  accompagnant  un  ami  avec  lequel  je  devais 
m'embarquer  à  Saint-Nazaire  pour  un  petit  voyage  de  circumnavigation  de 
trois  ou  quatre  jours. 

Après  avoir  déjeuné  à  Nantes  cbez  les  bôles  à  couj)  sûr  les  plus  hospita- 
liers de  toute  la  Bretagne,  ceux-ci  nous  avaient  installés  dans  un  wagon  qui 
devait  nous  conduire  au  quai  d'embarquement  précisément  à  l'heure  de  la 
marée. 


Oû  il  eel  prooçé  qop,  bien  qoe  se  rendant  à  on  point  desserti  par  on  chemin  de  fer,  on  peul  être  forcé  de  recourir 

à  nu  chetal  de  louage. 


Malheureusement,  à  Savenfiy  (je  me  rappellerai  longtemps  le  nom  de  l'en- 
droit!), la  première  partie  du  train  filait  droit  sur  Saint-Nazaire,  laissant  en 
plan  la  seconde,  qui  bifurquait  sur  Redon. 


Le  cocher  de  proviuce.  qai  lape  eu  roate 
aaSBJ  impilofableaieat  qa'aacua  cocher  de 
fiacre  parisieii,  comble  voloaliers  son  cheval 
de  scias  adectueui,  ana  fois  arrêté. 


CKAft  \^ 


LA    PROVINCE   A   CHEVAL. 


III 


Le  wagou  dans  lequel  nous  clions  montés  faisait  partie  de  cette  dernière 
moitié,  et  lorsque  nous  nous  aperçûmes  de  la  manœuvre  accomplie,  la  pre- 
mière moitié  avait  repris  sa  course,  cl  aucun  autre  train  ne  pouvait  nous  ame- 
ner à  quai  en  temps  utile. 

C'est  du  moins  ce  qui  ressortit  d'une  orageuse  conversation  avec  le  chef 
de  gare ,  dont  les  hommes  avaient  insuffisamment  annoncé  la  manœuvre 
faite  à  notre  insu. 

Dans  de  pareilles  circonstances,  on  apprécie  h  toute  leur  valeur  les  ser- 
vices que  peuvent  rendre  les  entrepreneurs  particuliers  de  transport.  Ren- 
seignements pris,  nous  acquérons  la  certitude  que  le  principal  aubergiste  du 
village  possède  une  carriole  qu'il  loue  qtieqvrfois,  —  mais  on  ne  peut  nous 
garantir  que  son  cheval  ne  soit  pas  en  route. 

C'est  au  pas  gymnastique  que  nous  courons  nous  assurer  de  sa  présence  à 
l'écurie. 


N'y  a  pas  à  cbuisiri  s'y  a  qae  lui 


Le  misérable  animal  y  est,  mais  quelle  mine  peu  rassurante  I 

~  Il  a  marché  toute  la  matinée,  et  il  est  vraisemblable,  d'après  son  aspect, 
qu'il  ne  consentira  jamais  à  reprendre  le  trot. 


112 


LA    PROVIMCE    A    CHEVAL. 


En  faisant  notre  marché  avec  le  propriétaire  de  ce  lamentable  quadrupède, 
nous  parlons  naturellement  de  la  distance  à  parcourir  :  elle  est  de  seize 
kilomètres,  et  nous  n'avons  pas  deux  heures  pour  atteler  et  les  faire. 

Mon  compagnon  s'inquiète  et  veut  qu'on  lui  garantisse  que  nous  arriverons 
en  temps  utile. 

Naturellement  notre  loueur  refuse  de  prendre  aucun  engagement;  et  je 
me  hâte  de  donner  à  mon  ami  un  vigoureux  coup  de  coude  pour  l'avertir 
de  ne  pas  insister  sur  la  rapidité  de  la  course  que  nous  avons  à  fournir. 
J'avais  vu,  en  effet,  aux  préparatifs  qui  se  Hiisaienl,  que  nous  ne  serions  pas 
conduits  par  le  loueur  lui-même,  mais  par  son  palefrenier.  Mou  ami  se 
tait,  et  nous  grimpons  lestement  en  voiture. 


Quel  équipage!  juste  ciel!  Jamais  je  n'en  ai  vu  de  plus  pitoyable,  et  j'en 
suis  encore  à  me  demander  par  quel  miracle  d'énergie  un  animal  n'ayant 
plus  une  seule  jambe  en  état,  maigre  à  faire  peur,  et  par-dessus  le  marché 
tout  petit,  a  pu  traîner  en  une  heure  et  demie,  à  quatre  lieues  de  l'auberge  où 
on  l'y  avait  attelé,  la  lourde  charrette  dans  laquelle  le  peu  d'enq)ressenient 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 


113 


des  employés  à  avertir  le  public  des  combinaisons  nécessaires  à  la  marche 
des  trains  nous  avait  forcés  de  monter. 

Qu'avait- il  fallu   pour   qu'un  fait  aussi   phénoménal  pût    être   réalisé? 


La  simple  promesse  d'un  pourboire  tel,  que  le  Breton  qui  conduisait  la  mal- 
heureuse rosse  n'en  avait  jamais  rêvé  de  pareil. 


5^£^-^=ÎQS:-^r^^ 


Que  celle-ci  soit  crevée  peu  de  temps  après  avoir  accompli  ce  dernier 
tour  de  force,  c'est  bien  possible  ;  et  je  le  regrette ,  car  la  misérable  bêle 
avait  vraiment  du  cœur. 


15 


114 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 


.     Ce  qui  est  certain,  c'est  que,  grâce  à  notre  machiavélique  stratagème 
nous  i^-avons  pas  manqué  le  départ  de  la  Xonnandie  :  c'est  pourquoi  je  le 
dévoile  au  lecteur,  en  l'engageant  à  l'employer  en  pareille  occmreace. 


FiiM    DE    LA    PREMIERE    PARTIE 


DEUXIEME   PARTIE 


AU    CHATEAU 


Cl?'",  k}' 


CHAPITRE  PREMIER 


LA    CAVALERIE     DU    CHATEAU. 


Le  strict  nécessaire.  —  Les  clievaux  de  Madame;  ceux  de  Monsieur;  ceux  des  enfants.  —  Che- 
vaux d'invilés.  —  Grosse  cavalerie  et  cavalerie  légère.  —  Carrosserie  spéciale.  —  Apologie  du 
poney  en  général.  —  Des  qualités  d'un  poney  de  tir. 


Si  je  ne  craignais  de  passer  pour  un  personnage  absolument  paradoxal,  je 
me  risquerais  à  dire  qu'il  n'e.xisle  pas  de  capitale  dans  laquelle  la  vie  soit  aussi 
chère  qu'à  la  campagne  — j'entends  vivre  avec  un  certain  confort  et  sans 


120 


I,A    PIIOVLVCE    A    CHEVAL. 


trop  s'ennuyer.  —  Il  est  certain  (jue  s'il  ne  s'ayit  que  du  prix  du  bt!urre,  il 
y  a  économie;  mais  pour  \k'u  (pie  l'on  veuille  se  procurer  une  dislraclion,  il 
faut  la  payer,  et  beaucoup  plus  clier  cpie  partout  ailleurs. 

Pour  ne  pas  nous  perdre  dans  des  considérations  générales  qui  nous  éloi- 
gneraient par  trop  du  point  de  vue  spécial  auquel  nous  nous  sommes  placé, 
il  sufiit  d'étudier  les  dépenses  indispensables  à  un  citadin  qui  n'aime  pas  à 
marcher  en  regard  de  celles  que  doit  s'imposer  un  habitant  des  champs  qui 
lient  à  avoir  des  moyens  assurés  de  locomotion. 


.—  A  la  dispOBÎcioD  de  UBled, 


Avec  un  budget  restreint,  le  premier  pourra  se  faire  transporter  pendant 
toute  la  journée  en  omnibus,  tramways  et  autres  fiacres. 


Si  le  second  veut  seulement  faire  deux  visites  par  semaine  à  quelque 
voisin,  il  lui  faudra  avoir,  en  propriété  personnelle,  chevaux,  voitures  et 
cochers. 


LA   PROVINCE   A   CHEVAL. 


121 


Le  minimum  de  voilures  qu'il  faut  se  procurer,  si  Ton  veut  circuler  par 
tous  les  temps  et  par  tous  les  chemins,  s'élève  immédiatement  à  trois  : 


\     .    \ 


\ 


\         \ 


c.y 


Une  voiture  couverte  pour  le  mauvais  temps , 


crm 


Une  autre  découverte  pour  les  beaux  jours. 


16 


122 


LA   PROVIMCE   A   CHEVAL. 


Kl  une  Iroisièino  à  doux  roues  cl  ayant  la  voie  pour  peu  qu'on  ait  à  suivre 
un  chemin  à  ornières,  seule  voie  de  communication  existant,  jusqu'à  pré- 
sent, dans  bien  des  pays. 


^  ^  .>^>       \-     -^^ 


Trois  voilures  comportent  un  nombre  égal  de  chevaux,  dont  deux  formant 
paire  —  harnais  double  par  conséquent,  et  harnais  simple. 

C'est  donc,  au  bas  mol ,  un  capital  d'une  vingtaine  de  mille  francs  de 
premier  établissement  pour  l'homme  modeste  qui  veut  simplement  disposer 
d'un  moyen  de  transport  assez  confortable  pour  le  garantir  des  intempéries, 
et  lui  permettre  de  jouir  du  beau  temps,  quand,  par  hasard,  il  fait  beau,  ce 
qui  d'ailleurs  arrive  bien  rarement  à  la  campagne,  l'été  surtout. 

Si  le  rural  dont  nous  parlons  aime  à  monter  à  cheval,  et  qu'il  ait  dans  sa 
famille  un  membre  aflligé  de  la  même  tendance,  c'est  immédiatement,  en 
plus,  l'achat  de  deux  autres  animaux,  leur  entretien  et  celui  d'un  second 
homme. 


Avec  ces  cinq  chevaux,  le  sei-vice  quotidien  de  la  famille,  si  elle  n'est  pas 
trop  nombreuse,  sera  peut-être  assuré,  à  la  condition,  toutefois,  de  n'avoir 


LA   PROVINCE   A   CHEVAL. 


123 


aucuns  invités  à  faire  prendre  à  la  gare,  sans  quoi,  il  faudra  renoncer  à 
toute  promenade  le  jour  de  leur  arrivée  et  de  leur  départ. 


Après  cette  organisation  modeste,  à  peine  sufflsante  dans  une  véritable 
campagne,  située  à  quelques  lieues  de  toute  ville  possédant  des  loueurs  ou 
une  ligne  de  banlieue,  dont  les  trains  se  succèdent  pour  ainsi  dire  sans  inter- 
ruption, examinons  l'effectif  nécessaire  à  une  installaliou  plus  grandiose  qui 
permette  au  cbàtelain  de  recevoir, 


De  promener  ses  invités  à  cheval  et  en  voilure, 


De  les  faire  chasser; 


Qui  lui  donne,  en  un  mot,  les  moyens  de  jouir  du  plein  air,  et  de  proflter 
de  l'étendue  de  ses  propriétés  ou  de  celles  de  ses  voisins. 


Prodi3aaDt  à  ses  ÎQvitéa  des  conseils  sur  la  manière  dont  il  convient  de  monter  ses  cbevanx. 


Ce  n'est  plus  par  unités,  mais  par  dizaines  qu'il  lui  fimdra  chiffrer  ses 
chevaux. 


121 


LA   PROVINCE   A    CHEVAL. 


Postières  pour  le  transport  à  la  gare  dos  voyageurs  et  des  bagages, 
breaks  de  chasse,  transport  des  victuailles  pour  les  garde n-parties,  voyages 
d'exploration,  etc.,  visites  aux  monuments  locaux  ou  aux  points  de  vue  des 
enviions  ; 


Chevaux  d'attelage  pour  Monsieur,  pour  Madame,  pour  les  enfants,  pour 
les  invités; 


Itein^  chevaux  de  selle  pour  le  même  nombre  de  personnes; 
Item,  effectif  égal  eu  chevaux  de  chasse  ; 
Item,  poneys  pour  les  enfants. 


C'est  à  première  vue  un  total  de  trente  à  quarante  chevaux,  s'ils  sont  con- 
duits par  des  gens  sages  sachant  les  ménager. 


^_'^\/~  ^_  i-^  vuljnire  panier.  —  Eié- 

^      ^    _~^'      crable    poar    la   lucomolion    des 
*"■     -  Iiumaius  vivanls.  Parfait  poar  le 

traosporl  da  gibier  orcis. 


L'omnibus.  —  Régervé  aa  ocrïice  de  la  gare, 
iadiBpeosable  qaaod  on  va  cbcrcber  nne  dame 
sfule.  \oyageaDt  avec  6a  seule  femme  de 
cbambre. 


ir 


LA    PROVINCE    A   CHEVAL. 


13c 


Dans  le  cas  contraire,  aucun  calcul  ne  peut  permettre  de  déterminer  le 
chiffre  indispensable;  ce  peut  être  un  tiers  en  plus,  le  double  ou  le  triple! 
nul  ne  peut  le  prévoir,   et  alors  l'hôte   ne  doit  plus  compter  que  sur  la 

Providence,  qui  peut 
seule  limiter  ses  dé- 
penses. 


Son  intérêt,  comme 
celui  de  ses  invités , 
lui  commande  de  re- 
chercher les  chevaux 
froids ,  parce  que 
d'abord  ils  s'usent 
moins  vile,  et  qu'en- 
suite ils  détériorent 
moins  fréquemment 
leurs  cavaliers  impro- 
visés. 


Les  chevaux  pour  amazones  doivent  principalement  être  doués  de  carac- 
tères d'une   douceur   iualtéi'able  et   sérieusement  éprouvée. 


Trjin  mofen  d'un  invité  auquel  on  a  codBi)  un  cbeval  ayant 
buDDC  volonté. 


^#i  \ 


mm 


Une  foule  de  fem- 
mes, en  effet,  qui 
n'oseraient  jamais 
monter  à  Paris  ,  par 
crainte  de  la  foule,  se 
risquent  à  la  campa- 
gne ,  par  ignorance 
des  difficultés  de  l'é- 
quitalion  elle-même, 
et  il  est  de  toute  né- 
cessité que  ,  quoi 
qu'elles  fassent  pour 
les  horripiler ,  leurs 
montures  ne  se  dé- 
partent jamais  du  calme  nécessaire  à  la  stabilité  du  centre  de  gravité  de 
ces  téméraires  inconscientes. 


Ch'val  d'invité.  —  Type  n"  I ,  pour  cavalier  on  préfinmé  ttl. 
Emballeur,  relivard,  dur  à  toutes  les  allures,  mais  un  fouds  du 
diable. 


13(> 


LA    P110V1\-CE    A   CIIEVAF,. 


L'idral  du  dicval  d'invilé  serait  un  cheval  de  bois,  ayant  de  la  vitesse 
et  du  fonds  :  il  l'audiait  ([u'il  fût  en  bois,  pour  rester  insensible  aux  à-enup 

qui  lui  sont  prodi- 
gués ,  et  infatigable 
pour  résister  aux 
corvées  qu'on  exige 
de  lui. 


J'ai  connu  certains 
queues-dc-rat  qui  réa- 
lisaient ce  j)rogram- 
me,  mais  je  crains 
fort  que  les  derniers 
spécimens  de  ce  pré- 
cieux    type    n'aient 


\S^r^ 


f^^'*f^'.YV<^^-t- 


Chetal  cCinvUé.  —  Type  if  2.  pour  hommes  de  cabioet. 
Doux,  froid,  impassible  :  de  iérilables  strapODlius. 


disparu. 


L'entretien  d'une 
pareille      cavalerie , 
grosse  ou  légère,  est  ruineux  —  on  le  comprend  de  reste;  —  c'est  cependant 
un  luxe  de  première  néces.sité,  si  l'on  tient  à  ne  pas  mourir  d'ennui. 


A  Paris ,  les  dis- 
tractions naissent  du 
hasard. 


Si  vous  vous  en- 
nuyez ch(!z  vous , 
vous  n'avez  qu'à 
pi'endre  votre  canne 
et  votre  chapeau,  et, 
sans  espérer  des 
aventures  digncsd'è- 


liife 


Cheval  d'inrilé.  —  Type  ti°  3.  Cbecam  spécialemeot  réservés  nnx  amazones. 
Impavidumferient  ruinx.  le  véritable  sage  d'Horace. 


tre     racontées     par 

Scheherazade,  vous  pouvez  être  certain  que  le  spectacle  de  la  rue  changera 

vos  idées. 


LA   PROVmCE    A   CHEVAL. 


13" 


A!a  campagne,  si  la  contemplation  de  la  nature  ne  vous  suffît  pas,  il  faut 
vous  procurer  à  domicile  toutes  les  choses  capables  de  vous  maintenir  en 

belle  humeur. 


c. 


x. 


La  queue-de  rfit.  —  Réservé  ponr  tontes  corvées  —  Service 
spi-cial  poar  le  télégraphe  et  la  poste.  —  On  n'a  qo'one  dislribn- 
tion  par  joor,  et,  ponr  des  gens  qni  tiennent  à  rester  an  coarant 
do  tout  Paris,  ce  n'est  pas  suffisant. 


Si  vous  aimez 
voir  vos  amis,  il 
vous  faut  les  faire 
venir ,  et  savoir 
les  retenir. 

Si  vous  aimez 
la  comédie,  vous 
en  êtes  réduit  à  la 
jouer  vous-même, 
et  ainsi  pour  tout. 


Quand  on  ne   peut  se   procurer  un  visiteur  sans  l'aller  chercher   soi- 
même,  ni  aucun  objet  quelconque  sans  l'envoyer  prendre  à  des  distances 
invraisemblables,  la  facihté  des  moyens  de  locomotion  devient  une  nécessité, 
et  il  faut  bien  se 
résigner  à  nour- 
rir l'efTectif  d'un 
escadron,  à  moius 
quion  ne  préfère 
entretenir  une  lé- 
gion de  vélocipé- 
distes. 


On  en  arrivera 
peut-être  là,  grâce 
à  la  mauvaise  vo- 
lonté des  cochers, 
mais  la  mode  n'y 
est  pas  encore. 


^1  .^ 


Cltevaitx  d'invilus.  —  Les  poneys  :   ça  sert  toujoars,  el  c'est  indispensablp 
puur  l'cducâliou  dfs  géiiéraliooB  futures. 


Pour  atténuer  les  charges  d'une  écurie  de  ce  genre,  il  ne  faut  donc  pas 
songer  à  économiser  sur  le  nombre  des  quadrupèdes  ;  plus  on  en  a,  mieux  il 

18 


i:i8 


LA  puovivr.r,  a  cheval. 


vaut!   Mais  on  ])C'iil  se  rallrajxT  sur  leur  laillc,  cl,  par  suile,  sur  leur  cou- 
soinmalion. 


Le  j)oney  est, 
en  général ,  résis- 
tant et  sobre;  — 
en  l'employant , 
on  obtient  un  ser- 
vice égal  à  moin- 
dres Irais. 

Déplus,  il  est, à 
l'ordinaire,  beau- 
coup plus  intelli- 
gent que  ses  con- 
génères supé- 
rieurs par  le  volume,  et,  quoique  souvent  fantasque,  il  est  rarement  dange- 
reux, parce  que  ses  caprices  apparents  reposent  la  plupart  du  temps  sur  un 
motif  raisonnable. 


Le  poney  est  un  aniaal   teltcnienl  réBislant  qu'aloie  même 
qu'on  croit  en  abuser,  on  n'en  exige  rien  qu'il  ne  puiese  faire. 


A  l'ajjpui  de 
celte  llicoric,  pre- 
nons un  exemple, 
et  comparons,  si 
vous  le  voulez 
bien,  lafaeondont 
se  comportent  un 
cheval  et  nn  poney 
aux  prises  avec 
une  mouche. 

Le  premier 
commencera  par 
donner  des  preu- 
ves d'agilalion,  et 
se   mettra  à   tirer 

à  la  main,  en  mettant  la  tête  en  l'air,  puis  filera  droit  devant  lui   de  toute 

la  vitesse  de  ses  jambes. 


X.fW%7 


Le  pODey  coDSliluc  la  moDlure  par  picellence  des  cavaliers 
qui,  élast  à  cbeval ,  aiment  à  s'occuper  d'aatie  clioee  que 
d'équitation. — PeodaDt  qu'ils  lisent,  dostineut  ou  reflèchisseDl, 
il  »aif,  lui  aQ^si,  trouver  loujoars  l'eunploi  de  eod  temps. 


êmmÊM 


Encore  une  dépense  obligaloire  pour 
QD  maître  de  naaieon  qui  lient  à  n'offrir  à 
ses  JuvilileB  que  des  animaui  réellemeul 
mis  pour  daaies!  Héberger  à  poste  Gse 
pendant  la  durée  de  leur  séjour  la  drea- 
seuse  en  renom. 


LA    PROVINCE    A   CHEVAL. 
Pourquoi  cette  lubie? 


145 


Vous  n'en  savez  rien,  —  vous  constatez  seulement  qu'il  est  affolé;  et  s'il 
rencontre  un  obstacle  quelconque,  il  s'y  beurtera  avec  une  violence  com- 
plète, et,  du  choc  ainsi  obtenu,  il  adviendra  ce  que  pourra. 


AGsailli  par  les  moacbes. 

Le  poney  (appelons-le  Bob  si  vous  n'y  voyez  pas  d'inconvénient,  en  sou- 
venir d'un  petit  bai  brun  que  j'ai  eu  en  ma  possession),  le  poney,  dis-je, 
est  moins  bête  : 

Il  sait  parfoitement  distinguer  de  la  piqûre  de  l'éperon  celle  du  taon  ; 

Il  obéit  à  la  première  ; 

Mais,  comme  il  sait  que  la  seconde  ne  résulte  pas  de  votre  volonté,  il 
cherche  à  vous  faire  comprendre  qu'un  intrus  vient  raiguillontier,  et  partant 
contrecarrer  vos  indications. 


Aussitôt  qu'une  mouche  bourdonne  autour  de  lui,  il  couche  les  oreilles  et 

19 


Ii6 


LA    PROVINCE   A   CHEVAT,. 


s'ébroue  de  façon  à  adirer  voire  attention.  Dès  qu'elle  l'atteint,  il  porte  la 
tête  du  colé  où  elle  s'est  placée. 


Comme  vous  con- 
naissez ses  habitudes, 
vous  regardez  dans  la 
direction  qu'il  vous  in- 
dique et  que  vous  si- 
gnalent, en  outre,  les 
frémissements  de  sa 
peau  :  vous  savez,  dès 
lors,  si  c'est  à  droite 
ou  à  gauche  que  doivent 
se  porter  vos  investiga- 
tions. 


Sivotre  inspection  ne 
vous  fait  pas  voir  tout 
de  suite  l'ennemi.  Bob 
s'arrête  et  accentue  son 
mouvement  indicateur. 


Malgré  tout,  vous  n'arrivez  pas  à  découvrir  le  repaire  du  monstre  ailé  qui 
s  est  établi,  trop  bas,  sous  le  ventre  ou  près  des  sangles;  Bob  se  i-appelle alors 

qu'on  n'est  jamais  mieux  servi  que 
par  soi-même,  et  d'un  pied  habile, 
intelligent ,  précis ,  il  chasse  son 
agresseur...  qui  s'enlève  et  va  se 
placer  un  peu  plus  haut,  hors  portée 
de  la  jambe  du  cheval,  mais  sous  l'œil 
du  cavalier  :  vous  prenez  alors  vos 
dispositions. 


Vous  réunissez  vos  rênes  et  votre  stick  dans  une  seule  main,  de  façon  à 
pouvoir  frapper  juste  de  la  main  que  vous  avez  libre. 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 


IVé 


Bob  suit  vos  préparatifs  avec  une  attention  émue  :  en  même  temps  que 
votre  main  s'enlève,  son  encolure  se  courbe  de  plus  en  plus,  et  son  œil  ne 
perd  pas  plus  de  vue  la  mouche  que  votre  bras;  d'ailleurs,  il  est  immobile, 
et  malgré  la  piqûre,  aucun  frisson  ne  ride  son  flanc. 


^^. 


^•^<^- 


Les  ap[irèlB  d'une  eiécatioa. 


l'otre  main  suffisam- 
ment élevée,  vous  la  ra- 
baissez brusquement  : 
le  taon  s'écrase  sous  la 
claque ,  roule  sur  la 
route  dans  les  derniè- 
res convulsions  de  l'a- 
gonie, et  Bob,  satisfait 
de  l'exécution  dont  il  a 
suivi  les  détails  avec 
l'attention  d'un  repor- 
ter de  profession,  re- 
prend, satisfait ,  son 
temps  de  trot  inter- 
rompu. 


Je  trouve  cela  suffisamment  intelligent  pour  uu  animal  duquel  on  dit 
comnmuément  :  «  Béte  comme  uii  cheval.  » 

Il  est  vrai  que  pour  être  juste,  et  balancer  ce  que  cette  locution  prover- 
biale a  de  fondé,  on  devrait  ajouter  :  «  Intelligent  comme  un  poney.  " 

Ce  n'est  pas  seulement  le  peu  d'élévation  de  sa  taille  qui  le  fait  choisir 
comme  monture  par  les  amateurs  de  tir. 

A  ce  compte,  l'àne  est  plus  petit,  moins  cher  et  aussi  robuste  :  ce  qui  le 
fait  préférer  pour  cet  emploi  spécial  à  toute  autre  bête  de  somme,  c'est  pré- 
cisément cette  aptitude  à  comprendre,  cette  intelligence  que  nous  venons  de 
constater. 


Posons  le  problème  à  résoudre  quand  il  s'agit  du  choix  d'un  poney  de  tir. 


Ii8 


LA    PROVIXT.r,    A    CHEVAL. 


Un  i)oiicy,  un  gros  honinio  et  un  fusil  clanl  donnes,  il  s'ayit  d'arriver  à  ce 
résullal,  qu'après  la  délonalion  du  dernier,  le  second  demeure  sur  le  pre- 
mier. 


Premiers  essais. 


Solution  difficile  d'un   problème  dont  la  complication  saute  aux  yeux! 

En  effet,  pour  qu'un  poney  soit  capable  de  transporter  un  bomme  qui  se 
sent  trop  pesant  pour  cbasser  à  pied,  la  qualité  essentielle  à  lui  demander  est 
la  vigueur. 

Or,  on  peut  s'attendre  à  ce  que  la  surprise  ressentie  par  un  cbeval 
vigoureux  se  manifeste  par  des  gestes  rapides,  brusques  au  besoin,  tels 
que  ruades,  sauts  de  côte,  départs  violents,  toutes  opérations  susceptibles 
de  déplacer  notablement  le  centre  de  gravité  d'un  cavalier  naturellement 
lourd,  peu  agile,  et  embarrassé  d'un  fusil  qui  veut  être  manœuvré  à  deux 
mains. 

Si  donc  l'bommc  puissant  dont  il  s'agit  veut,  de  prime  abord,  avant 
que  sa  monture  ait  reçu  une  éducation  préalable,  tirer  de  sa  selle  un  gibier 
quelconque,  voici,  point  par  point,  le  résultat  de  sa  tentative. 


LA   PROVIMCE    A   CHEVAL. 


149 


Supposons  le  cas  le  plus  favorable  à  son  expérience  : 
Le  cheval  est  arrête  depuis  un   moment  au  coin  d'une  enceinte  où  les 
chiens  chassent. 

Dans  cette  hypothèse,  l'animal  jouit  de  la  sécurité  la  plus  complète  ;  le 
lapin,  prenons  que  ce  soit  un  lapin,  c'est-à-dire  le  gibier  qui  au  passage  fait 
le  moins  de  bruit,  passe  à  quelques  mètres  à  sa  droite  ou  à  sa  gauche. 


^•'^"■'-s  -    'S. 


Asx»: 


if-  a,.:n 


•^\\( 


K:'"":.a^ 


Le  cheval  ne  s'est  même  pas  aperçu  de  sa  présence,  l'homme  puissant 
ajuste  et  fait  feu. 


l^. 


<  \ 


.  41!,,  %  l 'W  Î^^M    U  '^2^^  '^f. 


0§, 


Instantanément,  une  sorte  d'eflondrement  se  produit  sous  lui;  — le  cheval, 
terrifié  par  le   bruit   tonitruant  qui  vient  d'éclater   au-dessus   de    sa  tète. 


1.50 


LA    PROVIMCK    A    CHEVAr,. 


s'iipIalK  comme  quelqu'un  qui  appréhende  la  chute  d'un  plafond;  puis,  par 
une  hrusqiie  détenle  de  ses  quatre  jandjcs  contractées  dans  la  première 
surprise,  il  s'élance  du  côté  opposé  où  la  détouatiou  a  retenti. 

Le  gros  homme,  déjà  porté  par  l'inclination  de  son  tir  dans  la  direction  du 
passage  du  gibier,  s'y  trouve  précipité,  à  moins  d'une  puissance  de  con- 
traction invraisemblable  chez  quelqu'un  pour  qui  la  sinq)le  marche  consti- 
tue un  exercice  excessif. 


>^'tt,%'''hi  :,_ 


La  situation  qui  résulte  presque  forcément  de  cette  succession  de  faits  est 
celle-ci  :  au  point  extrême  d'une  ligne  idéale  se  trouve  le  lapin...  qui  con- 
tinue sa  course;  puis  on  trouve  le  fusil,  puis  le  gros  homme,  tandis  qu'à 
l'autre  extrémité  le  cheval  fuit  à  toutes  jambes. 

Tel  est  le  spectacle  qui  frappe  les  regards  des  bassets  au  moment  où, 
continuant  leur  poursuite,  ils  sortent  à  leur  tour  de  l'enceinte. 


Si  tout  s'est  passé  comme  on  doit  le  prévoir,   les  canons  du  fusil   sont 


LA   PROVINCE    A    CHEVAL.  151 

pour  le  moins  remplis  de  terre;  le  tireur  est  plus  ou  moins  contusionne; 

Quant  au  cheval,  il  restera  invisible  pour  le  reste  de  la  journée, 

Et,  dans  l'avenir,  aucune  personne  ne  pourra  plus  en  approcher  si  elle  a 
dans  les  mains  quelque  objet  que  ce  soit  ressemblant  même  vaguement  à  une 
arme  à  feu. 

Conclusion  :  en  matière  d'éducation  de  chevaux,  ne  jamais  vouloir  aller 
trop  vite. 

Ceci  admis,  voyons  quels  moyens  on  peut  utilement  employer  pour 
atteindre  la  solution  du  problème  ci-dessus  énoncé. 

Et  d'abord  quelle  est  la 
race  qui  donne  des  chevaux 
répondant  à  l'usage  qu'en 
attend  notre  lionnne  puis- 
sant ,  qui  aient  la  force  et 
la  douceur  nécessaires. 

Le  cob,  le  poney  des 
fermiers  anglais,  aux  reins 
solides,  aux  jambes  courtes 
et  nerveuses,  dont  le  pied 
sûr  permet  de  laisser  flot- 
ter les  rênes,  est  de  tous  les 

chevaux  connus  le  plus  apte  à  ce  service  spécial;  mais  il  a  souvent  la  tête 

lourde,  la  mâchoire  commune. 

Il  est  laid,  et,  pour  beaucoup  de  chasseurs,  un  pareil  défaut  est  un  vice 
rédbibitoire. 

Nous  avons  dans  les  montagnes  d'Auvergne  un  type  plus  élégant,  qui 
joint  à  une  très-grande  force  une  plus  grande  légèreté  de  l'encolure,  et  qui 
prend  un  très-bon  caractère  quand  on  a  su  corriger  vertement  les  incartades 
du  premier  âge. 


C'est  ce  poney  trapu,  nerveux,  très-résistant  à  la  fatigue,  porlant  le  poids 


152 


LA    PROVIMCE   A   CHEVAF,. 


avec  une  aisance  merveilleuse,  très-peu  impressionnable,  qui  semble  le  plus 
apte  à  profiter  des  loeons  d'un  cavalier  amateur  de  cbasse  à  tir. 


Ajoutez  à  CCS  (|u;ili- 
tés  ([u'il  est  générale- 
ment inlelligcnt  et  faci- 
lement éducable,  qu'il 
entend  la  voix  de  son 
cavalier  liabituel  et 
obéit  souvent  mieux  à 
la  parole  qu'à  un  mou- 
vement de  la  main  ou 
des  jambes;  en  outre, 
il  est  gourmand  et  lérait 
des  bassesses  pour  un 
morceau  de  sucre. 


Notez  ce  renseignement  qu'il  vous  sera  facile  d'utiliser. 

Le  choix  arrêté,  reste  la  question  de  dressage. 

Vous  avez  constaté  que  votre  bidet  n'a  pas  facilement  peur  des  différentes 
choses  qui  effrayent  habituellement  les  chevaux  dans  la  campagne  : 

Les  chiens  qui,  à  la  traversée  des  villages,  se  précipitent  dans  ses  jambes, 
le  laissent  impassible  ; 

Les  chats  qui,  lapis  sur  le  pas  d'une  porte,  s'élancent  tout  à  coup,  et 
passent  sous  son  nez,  ne  lui  causent  aucun  émoi  ; 

11  traverse  imperturbablement  les  troupeaux  de  moulons  qui  couvrent  toute 
la  largeur  du  cliemin  que  vous  suivez,  et  le  départ  d'une  compagnie  de 
perdreaux  au  détour  d'un  chemin  de  traverse  ne  lui  fait  ni  ralentir  sou  allure, 
ni  dresser  les  oreilles. 


Si  vous  avez  à  allumer  un  cigare,  il  reste  au  repos  jusqu'à  ce  que  vous  li;i 


LA   PROVINCE   A   CHEVAL. 


153 


ayez  indiqué  d'une  façon  quelconque  qu'il  peut  se  remellre  en  marche  ;  il  a, 
en  un  mot,  toute  la  tranquillité  que  peut  acquérir  un  cheval  habitué  à  son 
cavalier,  et  est  arrivé  à  la  docilité  d'un  cheval  de  troupe  à  la  fin  du  congé 
de  son  titulaire. 

C'est  le  moment  psychologique  attendu  : 

Faites  prendre   une  allumette-bougie  à  tête  bleue;    la  chose  n'est  pas 
absolument  impossible! 

Si,   au  moment  où  l'explosion  aura  lieu,  votre  monture  n'est  agitée  par 
aucun  tressaillement,  tout  ira  bien... 


Alais  ne  risquez  cette  expérience  que  quand  vous  aurez  constaté,  par  son 
indifférence  aux  incidents  notés  plus  haut,  qu'il  est  arrivé  à  un  degré  de 
scepticisme  déjà  remarquable. 

Du  bruit  produit  par  l'explosion  d'une  allumette  officielle  à  celui  d'un  pis- 
tolet de  salon,  la  différence  est  faible,  et  vous  pouvez,  si  la  première  expé- 
rience a  réussi,  tenter  la  seconde  avec  une  sécurité  d'autant  plus  grande  qu'il 

20 


15i 


r.  A    l'ItOVIVC.K    A   CHEVAr,. 


vous  reste  une  main  libre  pour  irpriiner  les  éearls  que  pourrait  tenter  voire 
moulure. 

Le  mieux  serait  de  faire  la  tentative  à  pied,  en  vous  tenant  prêt  à  ealnier 
l'émotion  du  poney,  en  le  flattant  de  la  main  — après  quoi  vous  laites  appr.- 
raître  un  morecau  de  sucre,  que  vous  ne  donnez  que  quand  les  dernières 
traces  d'elfroi  vous  paraissent  dissipées. 


Du  pistolet  de  salon  il  fiiut  passer  au  fusil,  car  je  ne  connais  pas  d'arme 
intermédiaire  :  mais  la  détonation  en  est  tellement  plus  forte  qu'il  y  aurai! 
danger  à  passer  brusquement  de  l'un  à  l'autre. 

Pour  habituer  progressivement  l'élève  à  la  vue  du  fusil  et  à  son  explosion, 
voici  les  moyens  à  prendre  : 

Avoir  soin  que  l'homme  qui  donne  les  repas  au  cheval  soit  porteur  d'un 
fusil  foutes  les  fois  qu'il  entre  dans  l'écurie; 

Vous-même,  soyez  armé  si  vous  faites  sur  le  dos  du  conscrit  quelques 
promenades  dans  le  parc. 

Au  bout  d'un  lenqjs  très-court,  l'étonnement  que  lui  causera  au  début  cet 
appareil  guerrier  aura  complètement  disparu;  si,  en  même  temps,  vous 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL.  155 

avez  fait  tirer  des  coups  de  fusil  répétés,  à  des  distances  de  plus  en  plus  rap- 
prochées, son  oreille  sera  bien  vite  familiarisée  au  bruit  formidable  du 
lefaucheux. 

Ces  deux  points  acquis,  reste  à  lui  faire  accepter  sans  protestation  la  vue 
de  la  fumée,  du  trait  de  feu  qui  illumine  dans  les  jours  sombres  aussi  bien 
qu'à  la  nuit  l'oriGce  du  canon  ; 

Enfin,  pour  que  son  éducation  soit  complète,  il  faut  qu'il  supporte  sans 
terreur  la  secousse  produite  par  la  détonation  même,  c'est-à-dire  l'ébran- 
lement de  l'air. 

Cette  absolue  indifférence  ne  s'acquiert  pas  du  jour  au  lendemain  ;  mais 
on  l'obtient  avec  de  la  patience  et  en   multipliant  les  détonations. 

11  est  cependant  essentiel  que  l'émotion  causée  par  l'une  soit  complètement 
calmée  avant  qu'une  autre  ait  lieu. 


-H^V^m. 


^■ni;P'i)7'iir'^'^'" 


Ce  n'est  qu'après  une  très-longue  expérience  qu'un  cheval  arrive  à  écou- 
ler sans  broncher  un  feu  de  peloton  :  le  jour  où  il  en  est  là,  son  éducation 
est  terminée,  et  n'importe  qui  peut  alors  se  livrer  sur  son  dos  au  plaisir  de 
fusiller  à  discrétion. 


151!  LA    PROVIVCE   A   CHEVAL. 

Il  n'est  pas  dit  pour  cela  que  tous  vos  coups  porteront  I 

Bien  au  contraire;  attendez-vous  à  ceci  que,  pendant  les  premiers  jours 
de  ce  nouvel  exercice,  votre  tir  aura  un  imprévu  considérable. 


'  ;/v^,va^3;v^'^i.^, 


x\yKiw»v>BM^. 


li:i#Hsë#&* 


.Mmmmit 


■;%^'^m 


■:^^^ 


^■^^ 


Si  paisible  en  effet  que  soit  devenue  votre  monture,  elle  sera  pendant 
assez  longtemps  encore  agitée  par  un  frémissement  qui,  si  léger  soit-il,  aura 
encore  assez  de  force  pour  faire  dévier  votre  coup. 

Il  faudra,  en  outre,  vous  habituer  à  tirer  d'un  seul  bras,  à  vous  équilibrer 
sur  votre  selle  de  façon  à  pouvoir  tirer  à  droite  ou  à  gauche  sans  perdre  votre 
assiette  ; 

Il  faudra  que  l'encolure  de  votre  cheval  ne  vous  gène  en  rien,  que  vos 
rênes  ne  soient  plus  un  embarras  pour  vous,  que  votre  fusil  ne  parte  qu'au 
moment  où  vous  le  voudrez... 

Ces  mille  riens  obtenus,  si  le  parc  dans  lequel  vous  chasserez  de  la  sorte 
est  excessivement  giboyeux,  mais  ce  qui  s'appelle  excessivement  giboyeux; 


Si  vous  avez  habituellement  et  en  toutes  choses  une  chance  considérable, 


r,A    l'ROVIX'CE    A   CHEVAt.. 


159 


vous  arriverez,  certains  jours,  pas  tous  les  jours,  mais  enfin  quelquefois,  si 
vous  êtes  à  pied  ce  qu'on  appelle  un  bon  fusil,  vous  arriverez,  dis-je,  à  fuer, 
ou  tout  au  moins  à  blesser  un  lapin  ou  deux,  mais  vous  aurez  Irès-agréable- 
nient  passé  votre  après-midi. 


'&«;> 


../,-^-r^^^^,^,(t^ 


Nota.  —  Grand  nombre  de  chasseurs  préfèrent  descendre  de  cheval  an 
moment  où  ils  ont  chance  de  tirer. 

L'apologie  du  poney  à  laquelle  nous  nous  sommes  laissé  entraîner  nous  a 
quelque  peu  éloigné  du  sujet  de  ce  chapitre,  qui  est  l'approvisionnement 
nécessaire  au  châtelain  désireux  de  pourvoir  au  transport  de  ses  hôtes. 

En  réservant  dans  son  écurie  une  large  place  aux  poneys  et  doubles  poneys, 
il  atteindra  une  somme  de  travail  égale  à  celle  que  fourniraient  de  grands 
chevaux,  et  réalisera  sur  ses  frais  d'entretien  une  réelle  économie. 

Un  autre  moyen,  non  pas  d'éviter,  mais  de  retarder  la  ruine  finale,  consis- 
tera dans  le  choix  des  voitures  à  employer,  à  la  fois  résistantes  et  légères,  et 
construites  en  raison  de  la  conformation  du  pays  dans  lequel  l'infortuné 
châtelain  dont  il  s'agit  compte  les  mettre  en  service. 

Pour  cela,  il  lui  faudra  trouver  un  carrossier  intelligent,  ayant  l'expérience 
et  l'amour  de  son  métier,  et  qui  ne  soit  pas  encore  devenu  un  assez  gros 
seigneur  pour  dédaigner  de  s'occuper  lui-même  des  travaux  exécutés  dans 
ses  ateliers. 


Il  faut  encore  que  ces  ateliers  ne  soient  pas  une  usine  dans  laquelle  on 


i(;o 


LA    PROVIXCE    A    CHEVAL 


fabrique  uiiiformcment  un  unique  modèle,  de  façon  qu'on  ne  vous  réponde 
pas,  si  vous  demandez  une  modificalion  quelconque  au  type  à  la  mode, 
par  celle  phrase  slupide  qui  n'a  de  sens  que  dans  les  Irailcs  de  civililé  puérile 
et  honnête  :  "  Cela  ne  se  fait  pas.  » 

J'en  connais  un  qui  réunit  ces  j)rccieuses  qualités,  et,  an  risque  d'avoir 
l'air  de  faire  une  réclame,  ce  qui,  grâce  au  ciel,  ne  m'est  jamais  arrivé,  j'écris 
ici  la  première  lettre  de  son  nom  :  il  s'appelle  Stiebel  ;  au  lecteur  de  cher- 
clier  son  adresse,  s'il  veut  la  connaître. 


QaFI-^ 


CHAPITRE  II 


L  ART    DE    SE    PROCURER    DES    IMVITES.     PIEGES    SPECIAUX. 


Quand  un  châtelain  se  sent  les  reins  assez  solides  pour  héberger  un  grand 

nombre  de  ses  contemporains,  et  qu'il  est  résolu  aux  sacrifices  nécessaires 

pour  leur  faire  agréablement  passer  le  temps,  il  ne  lui  reste  plus  qu'à  les 

décider  à  quitter  leurs  occupations  habituelles,  pour  venir  prendre  leur  part 

des  nombreux  plaisirs  qu'il  leur  réserve. 

21 


ir.2 


LA    PROVINT!'    A    C.HKVAI,. 


La  tàclie  nvs[  pas  toujours  larilc,  cl  les  plus  agréables  commensaux  sont 
Soiivnit  les  |)Iiis  (lillirilcs  à  allircr. 

Se  sachant  très-demandes,  ils  se  l'oul  désirer  souvent  au  delà  des  délais 
assignés  à  la  villégiature,  et  reportent  sur  l'année  suivante  les  invitations 
(|iii  leur  ont  été  faites. 

Nous  avons  retrouvé  une  série  de  lettres  destinées  à  ranimer  l'ardeur  de 
retardataires  de  ce  genre,  écrites  par  un  maître  de  maison  à  court  d'invités  : 
c'était  un  vieux  chasseur,  habile  à  piéger  toute  espèce  de  gibier,  et  qui  avait 
eu  recours  à  ses  souvenirs  de  braconnier  amateur  pour  arriver  à  prendre 
dans  ses  lacs  les  invités  les  plus  récalcitrants. 

Il  prétendait  avoir  réussi. 

l'oici  quelques  spécimens  de  ses  lettres,  eu  tète  desquelles  il  avait  eu  soin 
de  noter  à  quel  système  de  piège  connu  chacune  d'elles  correspondait ,  en 
même  temps  que  la  voiture  qu'il  convenait  de  faire  atteler  pour  envoyer 
prendre  la  victime. 


CHASSE    A    L  APPAT. 


mi/s^'m^'^i'    \«C#*.i4tei^sf]t''        Â  Monsieur  Raoul  de  Chauvin, 

>  -^'tW^^fC?!--''^'  fpk^ûr'^lmt."  ''f^'^  capitaine  de  reserve. 

Mon  cher  Raoul,  ceci  est  une  oc- 
casion sans  pareille  pour  toi. 


\   -— -^  -■='^s^~~7  ~— ^  Le  général  Ledur  est  en  tournée 

d'inspection  dans  nos  parages,  il  a 
établi  son  état-major  à  Castelkrevan.  Viens,  el  tu  t'y  trouveras  naturellement 
attaché.  Ou  essaye  les  nouveaux  uniformes. 


\J.  B.  —  Le  général  vient  d'être  i)ris  d'un  accès  de  goutte  qui  arrête  toute 
inspection  :  soit  pour  Raoul  huit  jours  de  piquet  forcé! 

Envoyer   un  cheval  Icnu   en   main ,   cl  voir  aux  écuries  s'il  n'y  a  pas  par  hasard  un  palefrenier 
récemment  sorti  du  scriice  auquel  on  n'ait  pas  songé  i  faire  couper  sa  moustache. 


LA   PROVINCK    A   CHEVAL. 


1G3 


La  baronne  douairière  Dudiapclais.  —  Cliàteau  de  Cliappevillcj  par 
Fouillis-lc-Béni.  —  Eure. 

CH.ISSE    A    l'appât. 
-  \ 

"'"--^fc,.  Madame, 


On  m' apprend 
que  vous  allez  quitter 
Chappeville  pour 
rentrer  à  Paris. 


Vous  feriez  acte  de 
charité  en  vous  arrê- 
tant à  (]astelkrevan. 
Vous  y  trouverez  quelques  pécheurs  qui  ont  bon  besoin  de  vos  exemples. 
Nous  avons  fait  restaurer  la  chapelle,  où  vous  pourrez  prier  pour  eux, 
de  concert  avec  Monseigneur  de  Meniphis,  qui  a  bien  voulu  accepter  notre 
hospitalité  pendant  son  .séjour  en  Europe.  C'est  une  âme  admirable  qui  com- 
prendra la  vôtre. 

P.  S.  —  Amenez  donc  votre  charmante  nièce. 

Envoyer  le  landau. 


CHASSE    A    L  APPELAXT. 


Les  meilleurs  appelants  sont  les  niàles,  principalement  les  jeunes;  mais 
tous  les  mâles  n'appellent  pas,  tandis  que  presque  toutes  les  femelles  appellent 
plus  ou  moins.  [Secrets  anciens  et  modernes  de  la  chasse  aux  oiseaux.) 


Au  maestro  Piccolominardi. 

Cher  Maître, 

Vous  qui  vivez  par  l'oreille 
et  le  goût,  laissez  donc  l'O- 
péra, où  l'on  ne  vous  donne 
rien,  et  venez  à  Castclkre- 
van. 


IGi  LA    PROVINCE    A   CHEVAL. 

L'incomparable  iiiadainc  Z...  y  clianle  Ions  les  soirs. 

C'est,  vous  le  savez,  un  infalijjnhle  conlralloj  elle  assure  qu'elle  n'a  Ions 
ses  moyens  que  quand  vous  (Mes  là. 

Venez,  il  y  a  ini  Irain  à   quatre  heures,   qui   vous  amènera  pour  diner 
demain.  On  vous  al  tend. 

Envoyer  ce  (|u'on  possùile  de  plus  éclalant  en  fail  dV-qnipage  :  dcmi-daumoiit,  si  possible. 

l.E    riftCE    A    LOUP. 

Il  ne  doit  être  tendu  que  dans  les  endroits  tout  à  fait  écartés,  et  quand  on 
connaît  bien  le  ])assaj}e  de  l'animal.  [Guide  du  cliasscur.) 


\Jvy 


Castollircvan. 

M.  V.  de  rcuxscullcs, 
Paris. 

Mon  cher,  nous  som- 
mes seuls  à  présent  ; 
nous  n'avons  plus  que 
madame  V. . .  et  sa  fille. 


Je  crois  que  le  moment  est  venu  de  te  déclarer. 

Tu  sais  tout  :  les  avantages  et  les  inconvénients  de  cette  alliance  j  réflé- 
chis et  décide-toi. 

Ou  mieux  encore,  ne  réfléchis  pas  et  décide-toi. 

Envoyer  la  Victoria,  avec  bouillolle  el  énorméinenl  de  couvcrlurcs. 


CHASSE    A    L  APPAT. 


On  a  soin,  avant  de  se  mettre  à  l'affût,  d'appâter  avec  la  nourriture  dont 
l'oiseau  qu'on  veut  chasser  est  le  plus  friand.  Le  marc  de  raisin  est  excellent 
pour  la  grive.  [L'Art  dupiégeur.) 


LA    PROVIVCE    A   CHEVAL.  165 

Monsieur  René  Grandgillcl,  —  au  Café  Anglais,  cabinet 

Caslclkrcvan,  3  novembre. 

AIoû  gros  Reué,  j'adresse  ma  lettre  ici,  parce  que  tu  vas  là  plus  régulièrement 
que  chez  toi  quand  tu  passes  à  Paris. 

Sais-tu  que  tu  uous  as  fortement  négligés  depuis  la  mort  de  l'oncle  Abcl? 

Je  comprends  qu'on 
«>A         ue  tienne  pas  à  sé- 
■'i*         journer     dans     une 
**         maison  triste. 


Mais  notre  deuil 
louche  à  sa  fin,  et 
ii=|& .,  une  chose  que  tu 
" —  ignores  peut-être , 
c'est  que  le  pauvre 
oncle  avait  une  cave 
dont  on  dit  le  plus 
grand  bien,  et  qui  est  nôtre  à  présent.  Tu  serais  bien  gentil  de  venir  uous  en 
dire  ton  avis,   qui  est  décisif.  A  toi. 

Envoyer  la  voiture  la  niicuï  suspendu:^  qu'on  possède  :  le  huit-ressorts  de  madame  au  besoin. 


^f:^,;^^^m-  u<'K 


CHASSE    A    LA    PIPEE. 


En  pipant,  c'est-ti-dire  en  imitant  le  cri  de  la  chouette,  on  attire  ses 
ennemis  ordinaires,  le  geai,  la  pie,  etc.,  etc.  [Manuel  du  c/iasseur.) 

Monsieur  Ferdinand  Razafroijlli.  —  Paris. 

Mon  cher  ami,   nous  appelons  au  secours. 

Ce  sempiternel  poseur  de  Sanggheue  est  toujours  ici,  où  tu  l'as  laissé  à  ta 
dernière  apparition. 

Impossible  de  le  faire  déguerpir,  quoique  nous  soyons  plusieurs  conjurés 
dans  ce  but. 


l(i(5 


I.A    l'ROVIX'CK   A    niKVAI-. 


Il  se  |)iuaiic,  caiisc,  ril,  jonc  cl  (•lia.s,s(!  coin  me  s'il  no  s'apercevait  de  rieu. 
Toi  seul  trouveras  le  inoycii  de  le  im'llre  en  l'iiile. 

Accours  doue,  et  plus  tôt  que  plus  lard. 

Aller  le  clierclicr  soi-même  en  bug^y,  afin  de  combiner  dans  le  tètc-i-lôte  la  marcbe  îi  suivre. 


CHASSE    A    L  APPAT. 


A  Monsieur  E.  Leijtac,  à  Quimper. 

Mou  cher  poëte,  uiadanie  l'almont,  doul  (u  admires  le  talent,  a  lu  les  vers 
que  tu  as  dédiés  à  ma  femuie. 

Elle  tieut  à  le  voir. 

Apporte  tes  manuscrits. 

Elle  veut  que  tu  les  lui  lises. 

Nos  oreilles  s'impatientent .    Viens!    viens!   viens!... 


A^.  B.  — Madame  Valniout  a  quatre-vingt-seize  ans  et  est  sourde  des  deux 
oreilles. 

Envoyer  le  garçon  de  ferme  avec  une  carriole.  Rien  n'est  lourd  comme  un  manuscrit. 


LA    PROVINCE    A    CHEVAL. 


I()7 


CHASSE    AUX    MOUVANTS. 


On  nomme  mouvants  des  oiseaux  attaches  de  diverses  manières  à  l'endroit 
où  l'on  veut  en  attirer  d'autres.  [Guide  du  chasseur.) 

Monsieur  le  vidante  de  Frolhennage. 

Très-cher  valseur,  il  n'y  a  pas  de  vrais  cotillons  sans  vous. 

Une  foule  d'accessoires 
sont  préparcs,  et  ma  femme 
|V        me  charge  de  vous  dire  que 
,  ,,,,,,  I    toutes  ces  dames  vous  al- 

'l 'J  !''   ''  ,     ,    , 

MlVlm,      tendent. 

(Suit  l'cnumération  des 
susdites,  qui  sont  réelle- 
ment invitées,  mais  dont 
aucune  n'est  encore  arrivée 
à  Caslelkrevan.) 

lùivoycr  n'importe  quoi,  pourvu  que  ce  soil  lierméliquement  clos,  le  vidame  ayant  une  peur 
atroce  de  tout  ce  qui  ressemble  à  un  refroidissement. 


CHASSE    a    L  APPEAU. 


L'appeau  est  un  inslrtunent  au  moyen  duquel  ou  imite,  soil  le  cri  de 
l'oiseau  que  l'on  veut  prendre,  soit  un  autre  susceptible  de  l'attirer  également. 
[Manuel  de  l'oiseleur.) 


Monsieur  le  baron  de  Rhéaclc. 


Mon  cher  député. 


,'/',. 


"(S^Mm;:y¥ 


Venez  donc,  mais  vite. 
Nous    avons,   lundi  prochain,    un 
Comice   agricole,    et   quoique    nous 
'^^^^  ~^ — -     f\C       soyons    ici   heaucoup    qui    pensons 
comme  vous,  nous  n'avons  ni  votre 
autorité  ni  votre  éloquence ,   et  personne  au  château  ne  se  sent  de  force 


|(;8  LA    PROVINCE    A   CHEVAF.. 

à  vous  siipplci'r.  Ce  n'csl  doue  [)as  uuc  iuvilaliou,   uiais  uu  appel  à  voire 
palriolisnie,  etc.,  ele. 

L'aller  chercher  soi-même  tu  grand  pliaéloii. 


CHASSE    A    LA    TRAITE. 


La  (lil'ficulté  est  d'appàler  de  uiauière  assez  allécliaufe  pour  que  le  giljier 
y  pcuètre.  C'est  en  temps  de  neige  que  ce  geure  de  i)iége  réussit  le  mieux. 
(Manuel du  chasseur  des  animaux  de  j)ruie.) 


Monsieur  Guzman  des  Hobstack, 
à  la  légation  des  Pays-Bas. 

Mon  eher  ami,  e'est  bien  la  der- 
nière fois  qu'où  me  preudra  à  parler 
de  toi  devant  les  femmes. 


J'ai  eu  la  bêtise  de  le  faire  devant 
la  jolie  madame  de  K...,  qui  est  ici  sans  mari,  et  elle  ne  cesse  de  m'accabler 
de  questions  sur  ton  compte. 

Est-il  réellement  aussi  bien  qu'on  le  dit  ? 

Vous  savez,  il  n'y  a  rien  de  si  trompeur  que  ces  réputations-là,  et  patati, 
et  patata. 


Bref,  je  lui  ai  dit  qu'elle  pourrait  juger  de  visu. 

Ai-je  eu  tort? 

Non,  n'est-ce  pas?...  Ton  ancien  complice. 


Envoyer  le  coupé.  Il  est  nulispcnsablc  que  pour  la  présentation,   il  apparaisse  immaculé, 
sans  l'ombre  de  poussière,  en  possession  de  tous  ses  avanl.iges  plastiques. 


LA   TROVINCE    A   CHEVAL. 


IG9 


CHASSE    AU    LEURRE. 


On  appelle  leurre   l'aiiiinal  postiche  dont  le  chasseur  se  couvre  pour 
approcher  du  gihier.  [Guide jwatique  du  chasseur.) 

M.   Eugène  Duprism, 

avenue  de  Villicrs, 

Paris. 

):\„  Cher  Monsieur,  je  crois 

V  H' ^  f  ^^"^  que  je  tiens  votre  modèle 

pour  votre  tableau. 

C'est  un  type  d'une  pu- 
reté rare  et  d'une  régularité 
extraordinaire  par  ces  temps  de  croisements  invraisemblables. 

Venez  la  voir  et  la  peindre. 

L'aile  nord  de  Castelkrevan  vous  donnera  du  jour  à  discrétion  et  sans 
reflets.  Nous  comptons  sur  vous. 

N.  B.  —  Ladile  demoiselle  a  vingt-neuf  ans,  cent  sept  mille  francs  et  pas 
d'espérances. 

Envoyer  le  cliar  à  Laiics,  pour  rapporter  du  même  coup  le  maître  et  son  outiilajje. 


CHASSE    AUX    MOUVANTS. 

On   peut  attacher  le  mouvant  à  l'aide  d'un  corset  fait  avec  une  peau  de 
gant  très-souple  qui  laisse  ses  ailes  libres.  [Art  diipiégcur.  Collection  Roger.) 

Monsieur  le  comte  Olivier  de  C... 


Si  vous  êtes  toujours,  mon  cher  Olivier,  le  même  amateur  de  beautés 
hautes  en  corsage,  arrivez  ici  par  le  premier  train. 


170 


LA  l'uov  ixcM  A  chp:val. 


\oiis  avons  parlô  do  vous  dcvaiil  iiKulamc  de  K...,  qui  (icnl  absoIunuMil  à 
ce  que  vous  lui  soyez  présenté. 


\o  tardez  pas,  elle  en  maigrirait. 


.1  vous. 


Roger. 


/'.  S.  —  Elle  a  l'habitude  de  se  déeolleter  eu  earré. 


CB.1SSE    A    L  APPAT. 


Monsieur  G.  de  Toospotir.  Le  Havre.  Par  dépêche. 


Caslelkrevan. 


Dear,  es-tu  toujours  passionné  j)our  le  lauii -tennis?  Sir  John  est  iei. 
Gaston  prétend  plus  fort  que  toi.  Vïens  leur  z'y  prouver  le  contraire. 

Lui  envoyer  l'araignée  et  la  IroKeuse  américaine  pour  le  distraire  pendant  le  trajet. 


CHASSE    A    L  APPELANT. 


On  nomme  appelant  (out  oiseau  captif  que  l'on  place  de  manière  à  appeler 
par  son  chant  ou  ses  cris  les  autres  oiseaux  dans  les  pièges  qu'on  leur  a 
tendus.  [Manuel du  tendeur.) 


LA    PROVINCE    A    CHEVAL.  171 

Casieiki'cvan,  3  novembre. 

Mon  bon  Toto,  voilà  qniuze  jours  que  je  suis  ici,  où  je  ne  devais  te  précéder 
que  de  vingt-quatre  lienres. 

Tu  y  es  plus  intime  que  moi,  et  je  suis  embarrassé  de  mon  personnage. 

liens  vite!  c'est  le  seul  moyen  honorable  d'y  prolonger  mon  séjour,  et  il 
laut  qu'il  se  prolonge. 

Elle  le  veut. 


A  toi  et  à  charge  de  rcvanclie. 


Ton  archidévoué, 


Erxest. 


Demander  au  maître  de   la  maison   la  permission  de  l'aller  chercher  vous-même  avec  le 
dog-car. 


A  Monsieur  Anatole  du  Buisson,  à  Corneville,  Somme. 


...Les  chasses  sont  reprises 
et  marchent  à  merveille. 

On  prendrait  toute  la  meute 
i'IrâAiW*'^*"    d'un  coup  d'épervier. 

l'as  un  défaut,  pas  même  un 
balancer. 


172 


r,A    l'ROVIMCE   A   CHEVAL. 


Je  vous  ai  jjardé  Soulouquc  et  Malvina,  sur  le  dos  desquels  vous  avez  déjà 
galopé  l'an  passé. 

.V.  B.  —  Souloucjuc  esl  boiteux  depuis  la  dernière  eliasse,  el  Alahiua  rue 
à  loul  défoncer  aussitôt  qu'on  lui  met,  non  pas  la  selle,  mais  le  lapis. 

Envoyer  une  voilure  quelconque,  pourvu  qu'elle  soit  découverte  et  coniluite  par  le  piqueur. 


CHAPITRE    III 


UNE  CREMAILLERE  AU  CHATEAU. 


Je  ne  crois  pas  qu'un  esprit  droit  puisse  contester  la  vérité  que  je  vais 
émettre  :  à  savoir,  que  la  peine  qu'on  se  donne  en  vue  d'un  plaisir  double, 
quadruple,  centuple  au  besoin  la  jouissance  qu'on  en  éprouve. 


Pendre  une  crémaillère  est  en  soi  nue   chose  agréable,  mais  la  pendre 
à  une  trentaine  de  lieues  de  Paris,  daus  un  endroit  où  le  village  le  plus 


174 


LA    PROVI.VCK    A   r.HKVAL. 


voisin  csl  éloigné  do  plusieurs  kilonièlres,  où  la  gare  la  plus  proche  est  à 
plusieurs  heures  de  voilure,  où  pour  se  procurer  le  moindre  ruban  de  fil  il 
laul  enlrelenir  une  correspondance  diploniati(pie  avec  les  principaux  coni- 
inereanls  du  chef-lieu,  cela  se  rapproche  du  tour  de  force,  el  c'est  uue  joie 
sans  pareille  pour  de  véritables  amateurs  de  difficultés. 

Considérez  en  outre  (|ue  les  invités  sont  éparpillés  sur  nn  territoire  consi- 
déral)le  ; 

Que  bon  nombre  d'entre  eux  demeurent  à  luiil  ou  neuf  lieues  du  point 
de  rendez-vous  ; 


Que  la  marquise  des  Étangs,  dont  la  présence  est  essentielle  pour  la  réussite 

-^=-  de  votre  fêle, 
a  de  vieux 
— — ^^  chevaux  et 
des  gens  qui 
n'ont  pas 
/sj^  1'-  bougé  de- 
puis dixans, 
passé  six 
heures  du 
soir; 


Que  le  comte  des  Tiiliers,  dont  l'absence  serait  remarquée  par  tous  vos 
invités,  et  commentée  pendant  toute  la  saison  par  leurs  connaissances  les 
plus  éloignées,  chasse  deux  fois  par  semaine,  et  ne  quitterait  pas  son  châ- 
teau pour  le  retour  du  roi,  ni  la  veille,  ni  le  jour,  ni  le  lendemain  de  l'une 
de  cesdiles  chasses; 


Qu'il  est  presque  impossible  d'obtenir  des  parents  des  demoiselles  du 
Chesnay  qu'elles  assistent  à  une  réunion  nocturne,  et  que  sans  elles  le 
nombre  des  danseuses  serait  trop  limité,  puisque,  pour  avoir  le  comte  des 
Tiiliers,  la  marquise  des  Etangs,  le  duc  de  Chars,  la  comtesse  de  Chaumonl 
et  la  baronne  de  la  Bonde,  il  faut  de  toute  nécessité  renoncer  à  inviter  le 
monde  officiel; 


LA    PROVIMCE    A    CHEVAL. 


175 


Qu'il  est  de  plus  iudispeusable  de  moatrer  aux  indigènes  sédentaires  quel- 
ques notabilités  parisiennes! 

Jugez  après  cela  de  l'état  de  fatigue,  de  liarassemeut,  d'éuervement  d'un 
maître  de  maison  qui  est  parvenu  à  vaincre  toutes  ces  difficultés  et  à  réunir 
chez  lui  tous  les  personnages  marquants  de  sou  canton. 

Qu'on  le  décore!  dirais-je,  si  j'avais  quelques  chances  d'être  obéi. 

N'en  ayant  aucune,  je  me  borne  à  constater  que  peu  de  gens  ont  aussi 
bien  mérité  de  porter  un  insigne  qui  les  distingue  des  oisifs. 


Huit  heures. 


La  distance  est  longue  de  mon  domicile  au  château  qu'on  inaugure.  Nous 
nous  installons  en  deux  voitures  qui  se  suivent  pas  à  pas. 


Il  est  huit  heures. 
Le  village  dort  pro- 
fondément :  notre 
passage  réveille  quel- 
ques chiens  qui  font 
vacarme. 

Le  cocher  tourne 
à  gauche. 

Nous  sommes  en 
plaine. 


Absence  complète  de  clair  de  lune;  mon  hôte,  mon  seul  compagnon  de 
route,  en  homme  prudent  qui  prévoit  qu'il  s'éloigne  de  son  lit  pour  toute 
une  nuit,  prend  un  sérieux  à-compte  de  sommeil. 

Impossible  de  suj)pléer  au  manque  de  conversation  par  la  contemplation 
du  paysage.  \ous  roulons  au  milieu  d'un  encrier,  et,  n'étaient  les  lanternes 
de  la  voiture  de  ces  daines,  qui  jettent  devant  nous  sur  la  route  une  traînée 
blanche,  on  se  prendrait  volontiers  pour  saint  Paul  sur  le  chemin  de  Damas. 


176 


LA    l'IiOVI.VCK    A    CI  lia  AI,. 


'l'diil  à  ((iiip  iiiu-  liimicre  \ivo,  j)uis  deux,  apparaissent  à  iiolic  ;jauche. 
Nous  approchons  de  la  «[raiidc  roule,  cl  ces  pliarcs  sont  les  laiilernes  du  liin- 
daii  du  conile  des  Tilliers. 

La  roule  s'anime. 


Nous  dépassons  la  marquise  des  Étangs,  et  le  coupé  de  la  baronne  de  la 
Bonde  nous  rattrape  ;  puis  ce  sont  les  demoiselles  du  Cliesuay,  dont  les 
figures  encapuchonnées  s'illuminent  tout  à  coup  sous  la  lueur  de  nos  lan- 
ternes, nous  donnant  ainsi  à  l'improviste  cl  en  rase  campagne  un  premier 
aperçu  de  sourires  jeunes  montrant,  au  milieu  de  lèvres  écarlale,  une 
collection  invraisemblable  de  dents  blanches. 


Le  défilé  me  plait,  et  je  profile  du  sommeil  prolongé  de  mon  camarade  de 
coupé  pour  donner  au  cocher  l'ordre  de  nous  laisser  dépasser  par  les  voi- 
tures qui  se  succèdent. 


LA    PROVINCE   A   CHEVAL. 


177 


Xeiiflicurcs  et  demie. 

Les  chevaux  tournent  vivement  à  droite,  et  le  pavé,  succédant  au  maca- 
dam, sonne  bruyamment  sous  les  roues;  nous  sommes  arrives. 


|É|,H,  Au  fond,  la 

iîh  i|iil|i;,||       f  silhouette     du 

';,''*;']/*  '>'■        ,,;  '  .•'■■, [ji! ii'  t^hateau se  des- 

(Illli|||||pl  sine  surle  ciel, 

r:!i'|:55ll!liil|  quis'estéclalré 

V\^_^  depuis  un  mo- 
ment. 


Sur  les  pelouses,  à  droite  et  à  gauche  de  l'allée  qui  conduit  au  per- 
ron, de  petites  lampes,  veilleuses,  godets  multicolores  tracent  le  chemin 
à  suivre. 

Cette  preuve  de  civilisation  rassure  et  fait  bonne  impression  après  une 
étape  faite  entièrement  à  tâtons. 

Plusieurs  voitures  reviennent  sur  leurs  pas,  regagnant  la  ferme  où  les 
écuries  sont  préparées. 

Nous  ne  sommes  donc  pas  les  premiers  arrivés.  Tant  mieux! 


Dix  heures. 


Ce  sont  les  grands 
parents  cpii  font  les 
honneurs  à  l'arrivée. 

On  croit  à  un  accroc, 
une  indisposition  su- 
bite de  l'un  ou  l'autre 
des  nouveaux  châte- 
lains. 


Il  n'en  est  rien.  Le  seul  dinger  qui  nous  menace  est  un  à-propos  drama- 
tique, dans  lequel  tigurent  le  maître  et  la  maîtresse  de  la  maison. 

23 


17S 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 


Dix  heures  et  demie. 


Nouvelle  alerte. 


Des  pompiers,  casque  en   tcle,  escaladcut  l'escalier. 


Est-ce  un  incendie? 

Heureusement  non. 

Alais  il  faut  tout  prévoir,  et, 
puisqu'il  y  a  des  coulisses,  il  est 
tout  naturel  qu'il  y  ait  des  pom- 
piers —  et,  d'ailleurs,  c'est  une 
gloire  locale,  puisque  nous  som- 
mes dans  l'Eure. 


Onze  heures. 


On  a  distribué  les  programmes,  illustrés  par  un  Clairin  du  cru. 

L'à-propos,  dû  à  la  plume  d'un  habitue  de  la  maison,    comporte  trois 
Silii;  actes  et  un  grand 

nombre    de     la- 

bleaux,    mêlés   de 

I  %  ^  HnmU^  _         chant,  de  vers,  de 

™" ' """;^'"""""|]l|||lfl'      danses  et  de  pan- 

(^^^^"      '        tomimes. 


Nous  en  avons 
pour  deux  bonnes 
heures  !  I  ! 


—  Avez-vous  déjà  vu  jouer  ces  dames? 

—  Non,  et  vous? 


LA    PROVINCE   A   CHEVAL.  179 

—  Aloi  non  plus,  mais  elles  peuvent  jouer  aussi  mal  qu'elles  voudront,  il 
me  suffit  de  pouvoir  les  regarder  pour  être  sûr  de  ne  pas  m'euuuyer. 

—  Et  les  acteurs  mâles? 

—  Dame  !  vous  savez,  j'aime  autant  Dupuis. 

—  Lequel? 

—  Les  deux. 

—  Très-jolie,  la  salle. 

—  Certainemeut. 

—  II  parait  qu'en  temps  ordinaire  c'est  un  atelier.  Il  y  a  donc  quelqu'un 
de  la  maison  qui  fait  de  la  peinture? 

—  Personne. 

—  C'est  rare  à  l'heure  qu'il  est  dans  une  famille  nombreuse. 

—  Comme  vous  dites. 

—  Mais  alors  pourquoi  une  consfrucliou  de  cette  inqjortance? 

—  Ça  peut  toujours  servir  aux  invités. 

—  Vous  avez  raison,  et  puis  ils  pourront  y  mettre  un  billard. 

—  Assurément,  ou  y  étendre  le  linge  des  enfants. 

Onze  /lettres  et  demie. 


La  salle  est  comble. 

Presque  tout  le  monde  a  pu  s'asseoir. 


On  frappe  les  trois  coups. 

Le  rideau  ne   se  lève  pas. 

Pourquoi? 

On    entend  derrière   la   rampe 
des  bruits  confus. 

C'est  la  voix  de  madame  : 


—  Non  ,  mon  ami ,  jamais  je 
n'oserai.  Tout  ce  monde,  ce  costume,  je  ne  sais  plus  un  mot  de  mon  rôle; 
laites  une  annonce,  dites  que  l'un  des  acteurs  vient  d'avoir  une  attaque. 


IRO 


LA    PROVIMCK    A   CHF.VAr,. 


—  Clière  ainir,  vous  n'y  pensez  pas  (c'est  la  voix  de  monsieur,  et  elle  est 
sévère)  ;  si  vous  voulez  que  lout  le  pays  se  moque  de  nous  jusqu'à  la  vie 
éternelle,  nous  n'avons  pas  autre  chose  à  l'aire. 

Vous  n'êtes  plus  une  enfant. 

La  voix  se  perd  dans  un  duicliolemcnt  inarticulé...  puis  trois  nouveaux 
coups.  Les  rideaux  s'entr'ouvrent,  et  madame  apparaît  dans  un  costume 
admirablement  décolleté. 

Un  tonnerre  d'applaudissements  éclate. 


Minuit. 

Roger  et  moi  allons  faire  un  tour  à  la  ferme.  Il  y  a  là  de  quoi  raonler  un 
escadron,  de  manière  inégale,  il  est  vrai;  mais  le  nombre  y  est. 


J|ljnUiJiilliril''lMLLliili''*'IÛ''illBiiii'llil-au!'.iL^ui,.i..M.-. 


La  taille  varie  entre  un  mètre  soixante-dix  et  un  mètre  vingt  ;  l'âge,  entre 
deux  ans  et  trente-quatre;  mais  eu  général  le  modèle  est  satisfaisant. 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 


181 


On  voit  qu'où  a  affaire  à  des  chevaux  de  connaisseurs,  de  bourse  et  de 
prodigalité  diverses,  mais  sachant  choisir  et  tirant  les  uns  et  les  autres  le 
meilleur  parti  de  leurs  ressources. 

Les  hommes,  étendus  sur  la  paille,  dorment  d'un  sommeil  sonore  qui  fait 
envie. 


Une  heure. 

Nous  rentrons  dans  la  salle. 

On  en  est  au  hallet.  Le  succès  s'accentue. 

Excessivement  gentilles,  les  danseuses  en 
coslunie  de  bergers  et  de  bergères. 

On  a  supprimé  l'élément   mâle  dans  cette 
=-     partie  purement  décorative. 

On  a  bien  fait. 


Une  fleure  et  demie. 


C'est  fini  pour  l'art  dramatique.  Tout  le  monde  applaudit  et  prodigue  à 
haute  voix  les  compliments  les  plus  hyperboliques. 


C'est  ravissant,  invraisemblable. 

Le  monde  est  le  véritable  Con- 
servatoire. 

Les  plus  intrépides  pénètrent 
dans  les  coulisses  pour  aller  por- 
ter à  domicile  le  compliment  qu'ils 
ont  élaboré  au  cours  de  la  repré- 
senlatiou. 


182 


LA    PROVINCE    A    CHEVAL. 


Dciix  heures. 


Le  maître  de  la  maison  n|)|)araîl  dans  les  salons;  il  est  harasse,  el,  (juoiqn'il 

ait  enlevé  la  j)errnque  et  les  l'avo- 
\      \~  /y^  f  ''*"  ''"  premier  rôle,  on  a  peine  à 

'    '    "^  ''  le  reconnaître;  on  se  l'arrache. 


—  Quel  mal  vous  avez  dû  vous 
donner,  mais  aussi  comme  c'est 


réussi 


;t 


—  Mille  fois  trop  bon  ;  mais 
ayant  fait  tout  ce  qu'on  peut,  on 
fait  ce  qu'on  doit. 


Trots  Iienres,  qualre  heures,  cinq  heures. 

On  tourne,  tourne,  tourne;  on  cotillonue;  la  jeunesse  s'entend;  les  gens 
graves  tentent  de  quart  d'heure  en  quart  d'heure  une  motion  en  faveur  du 
souper. 


Démarche   inutile;  il  y  a  là  quelques  enragées  habituées  à  se  contenter 
des  sauteries  diurnes,  et  qui  ne  sont  pas  disposées  à  lâcher  pied. 


LA    PROVIiX'CE    A   CHEVAL. 


183 


Mêmes  heures. 

Ici  l'on  dorl.  —  Ce  sont  les  parents  résignés  qui  oui  métamorphosé  l.i 
pièce  eu  dortoir. 


Les  organisateurs 
de  la  fête,  l'auteur 
du  drame,  le  beau- 
père  du  châtelain , 
qui  ont  veillé  aux 
répétitions ,  monté 
le  théâtre,  décoré  la 
salle ,  gagnés  par 
l'exemple ,  se  sont 
joints  aux  premiers 
et  ronflent  sur  leurs 
lauriers . 


Six  heures. 

Ou  soupe!   enfin!  disent  les  aucétres.  Déjà!  disent  les  générations  nou- 
velles . 


ilÎM! 


I 

1 


,-^  ---/-*jNi-  ^s  ^ 


Cependant,  une  fois  installé,  chacun  consomme  consciencieusement. 


ISi 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 

Le  cliampayiin  csl  rra|»pc  à  poiiil  ;  il  aplalil  défi- 
nilivemciit  les  sanguins  et  surexcilc  à  nouveau  les 
iier\('ux. 

Ces  derniers  divaguent  et  déclarent  qu'ils  ne  sont 
_     absolument  j)as  faliyucs  ;  ils  veulent  chasser,  mon- 
ter à  cheval,  faire  des  armes;  on  les  abandonne, 
cl  l'on  grinij)e  en  voiture. 

Les  routes  sont  bonnes,  les  ressorts  moelleux, 
et  chacun  se  réveille  à  sa  porte,  en  plein  soleil. 


^^^^. 


CHAPITRE    IV 


DU   MAIL-COACH    ET  DE    LA    MASIERE   DE  S  EN   SERVIR. 


Quand  par  ruse,  violence  ou  séduction,  un  châtelain  est  parvenu  à  imposer 
à  des  amis  les  rigueurs  de  l'hospifalité  campagnarde,  le  moins  qu'il  leur 
doive  est  de  leur  procurer  le  moyen  de  tuer  le  temps,  de  diminuer  la  durée 
des  jours  caniculaires  où  le  soleil,  pareil  aux  viveurs  néophytes,  ne  se  cache 
tout  juste  que  ce  qu'il  faut  pour  n'avoir  pas  l'air  de  découcher. 

24 


18G  LA    l'ROVIXTF,    A    CHEVAL. 

Le  iiicillfur  remède  au  calme  des  champs  est  d'y  porter  le  mouvement. 

A  la  campagne,  il  ne  suffit  ])as  d'avoir  des  chevaux;  il  en  faut  trop,  pour 
soi  d'abord,  pour  ses  invités  ensuite;  —  il  ne  faut  jamais  qu'une  tentative 
d'évasion  soit  empêchée  par  ce  motif  que  tous  les  chevaux  ont  été  ou  attelés 
ou  montés,  et  les  amphitryons  doivent  comprendre  qu'ils  n'ont  pas  le  droit 
d'isoler  les  gens  dans  des  prisons  dont  les  murs  sont  remplacés  par  des 
déserts  dont  l'étendue  se  chiffre  par  kilomètres,  sans  leur  fournir  en  même 
temps  les  moyens  de  les  franchir. 

L'obligation  pour  tout  iuvitcur  champêtre  de  posséder  un  nombre  exagéré 
de  clievaux  admise,  il  est  facile  de  démontrer  que  rien  ne  lui  est  plus  aise 
que  d'organiser  un  repas  sur  l'herbe. 

Dix  ou  douze  chevaux  peuvent  amplement  faire  la  besogne. 


Deux  niail-coach,  dont  un  aménagé  de  façon  qu'on  y  puisse  faire 
la  cuisine,  car  rien  d'insupportable  comme  les  repas  dont  le  nu'nu  se 
compose  exclusivement  d'aliments  froids,  doivent  suffire  au  transport  des 
convives. 


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LA    PROVINCE   A   CHEVAL. 


193 


II  faut,  eu  effet,  limiter  le  nombre  de  ceux-ci  et  éliminer  impitoyablement 
tous  les  hôtes  chargés  d'années,  envahis  par  l'embonpoint,  atteiuts  d'une 
infirmité  quelconque. 


lovilés  à  eiclare  G^vèremeat  en  caa  de  partie  de  campagoe. 


La  maîtresse  de  la  maison 
a  des  devoirs  qui  ne  lui  per- 
mettent pas  de  prendre  part 
à  une  excursion  qui  peut  se 
prolonger  ;  —  c'est  à  elle  qu'in- 
combe le  soiu  d'occuper  les 
grauds  parents  exclus  du  droit 
d'agapes,  dont  la  condition 
sine  qiia  non  est  d'être  célébrées 
assis  par  terre. 

La  couservalion  de  santés 
aussi  chères  exige  ce  sacrifice. 


Supposez  pour  un  iuslant  que  cette  règle  inviolable  soit  oubliée;  quelle 
perspective  de  lumbagos,  de  douleurs  scialiques,  d'affections  de  foules  ces 
respectables  bronches,  de  fous  ces  vénérables  larynx  1 

REGLEMENT.  —  Articie  premier.  —  Seront  inexorablement  exclus  de  ces 
fêtes  tous  célibataires  ayant  dépassé  trente-cinq  ans. 


loviléB  à  laisser  à  la  maison  en  cas  «le  partie  de  campagne. 
piqoe-DÎqae,  etc. 


Les  hommes  mariés  qui 
fourniront  la  preuve  qu'ils 
n'avaient  pas  trente  ans 
quand  ils  ont  renoncé  à 
leur  liberté,  pourront,  à 
titre  de  dédommagement, 
être  tolérés  jusqu'à  l'âge 
de  quarante  ans. 


Toute  demoiselle  ou  dame  ayant  atteint  ou  paraissant  avoir  atteint  sa 
vingt-sixième  anuée  ne  sera  admise  qu'à  l'intérieur  des  mails,  dont  les  volefs 
seront  constamment  tenus  fermés. 


25 


lOi  LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 

Art.  2.  —  Sont  con.sidérô.s  coninio  enfatils,  (;l  à  ce  filro  laisses  à  la  mai- 
son, tons  personnages  des  denx  sexes  n'ayant  pas  élc  émaneipés  |)ar  le 
mariage. 

Art.  3.  — Le  seul  un  aniorisé  est  du  Champagne  frappé.  Le  minimum 
obligatoire  est  fixe  à  deux  bouteilles  par  persoune. 

Art.  4.  —  La  recherche  de  la  responsabilité  des  accidents  de  toute  nature 
qui  pourraient  survenir  au  retour  est  absolument  interdite. 

Art.  5.  —  Les  frais  de  procès-verbaux  et  amendes  encourues  pour  dégra- 
dations des  différents  biens  de  la  terre,  seront  supportés  eu  commun  par 
l'ensemble  des  sociétaires. 


Art.  g.  —  La  politesse  exquise  ordinairement  exigée  des  sociétaires  nicàles 
devra  être  remplacée,  pour  la  circonstance,  par  la  galanterie  la  plus  raf- 
finée. 


\'e  jamaii  attacher  de  checani  daos  le  voisinage  da  serricot 


Art.  7.  —  Tout  symp- 
tôme de  jalousie  indivi- 
duelle sera  sévèrement 
réprimé  par  la  niasse  des 
sociétaires. 

Art.  8.  —  Le  présent 
règlement  ne  devant, 
sous  aucun  prétexte,  être 
imprimé ,  aucun  exem- 
plaire n'en  sera  délivré 
aux  sociétaires. 


Avec  un  code  analogue  au  projet  qui  précède,  on  peut  arriver  à  débour- 
geoiser  le  classique  déjeuner  sur  l'herbe,  la  pire  des  corvées  si  tous  les 
membres  de  la  lamille  y  sont  tolérés. 


La  trompette.  —  Inetrumenl  dcBliné  &  prévenir  lei  voilures  à 
allure  leute  ,  qui  vous  précédent,  qu'elles  aient  ïoiD  de  oe  pas 
EC  déranger.  Faire  place  à  deâ  aristus  qui  sont  presses  de  ne 
rien  faire  !  Oh  !  la  la! 


O 


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.\l^>^"L.-^ 


Si  le  trajet  s'est  opéré  dans  voire 
mail,  "  lotre  droit  et  votre  devoii  n  . 
comme  disait  feu  Tiochu,  veulent  qu'à 
l'arrivée  vous  présidiei,  en  personne, 
an  débarqnemenl  de  vos  passagères. 
Obligé,  par  la  politesse  la  plus  élé- 
mentaire, d'offrir  la  main  au\  dnmes  , 
tant  mieux  pour  vons  si  elles  vous 
tournent  le  dos  au  moment  même  où 
vous  la  leur  préseuterez. 


s^ 


x> 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL 


201 


La  réuniou  de  tous  les  âges  fait  uu  merveilleux  effet  daus  les  tableaux  aca- 
démiques, j'eu  conviens  volontiers;  mais  rien  d'absurde  dans  la  vie  journa- 
lière comme  d'accoupler  les  vieux  aux  jeunes,  et  les  éphèbes  aux  adultes. 

Les  vétérans,  à  quelque  armée  qu'ils  aientappartenu,  fût-ce  celle  du  plaisir, 
ont  droit  aux  égards  et  au  repos,  rien  de  plus;  quant  aux  tout  jeunes,  c'est  à 
eux  d'orgauiser  leurs  plaisirs  comme  ils  l'entendent! 

La  distribution  des  places  à  bord  des  mails  est  également  de  la  dernière 
importance. 


La  conduite  du  premier  appartient 
de  droit  à  l'anipiiitryon  qui  doit  diriger 
la  promenade;  à  son  côté,  une  vieille 
connaissance  à  lui,  plutôt  taciturne 
que  bavarde  ; 

Car  il  a  besoin  de  tous  ses  moyens 
pour   la   direction    de   sou  attelage. 


Sur  h  première  banquette,  rien  que  des  femmes. 


26 


202 


LA    PROVINCE    A    CHEVAL. 


Mt  sur  la  sccoiulc,  le  plus  de  célibataires  possible,  qui,  s'ils  conuaissent  leur 
devoir,  eni|)ccheront  leurs  voisines  de  lier  conversalion  avec  le  directeur  de 
ré<piipa;(e,  —  la  bonne  ap[)arcuce  de  l'altelaye  eu  dépeud. 


Sur  le  second  umil,  même  distribution  que  sur  le  premier,  avec  celte  dit- 
féreuce  que,  si  aucuu  des  invités  ue  possède  uu  nombre  suffisant  de  leçons  de 
guides,  l'uu  d'eux  prendra  place  à  côté  du  coacbman. 


En  outre,  il  est  indis- 
pensable que  riutérieur 
de  la  caisse  soit  amé- 
nagé eu  cuisiue,  et  ren- 
ferme un  fourneau  qui 
permette  d'avoir  des 
aliments  cliauds. 

Pour  les  détails  de 
l'iustallation,  c'est  af- 
faire au  carrossier! 


i\Iais  un    maître   de 
maison     soucieux     de 
l'estomac  de  ses  hôtes 
ne  doit  pas  reculer  devant  la  dépense  d'uu  semblable  aménagement  ! 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 


209 


En  terniiuanl,  quelques  conseils  sur  l'attelage  des  mails  appelés  à  con- 
courir à  ces  fêtes,  qui  doivent  se  renouveler  le  plus  fréquemment  possible  : 

Le  mail  doit  être  très-haut  de  caisse,  très-élevé,  et  très-suspendu  sur  les 
ressorts. 

11  faut  qu'il  ait  uu  ballant  suffisant  pour  donner  aux  patients  un  sentiment 
voisin  du  mal  de  mer. 


C'est  pénible,  mais  infiniment  plus  chic,  en  ce  sens  que  les  gens  en  proie 
au  malaise  ainsi  obtenu  prennent  inconsciemment  un  air  digue  et  dédaigneux, 
qu'ils  n'auraient  peut-être  pas  si  le  véhicule  les  balançait  moins. 


27 


210 


LA   PROVIXCE    A   CHEVAL. 


Le  chic  veut  cgaloincnt  qu'un  mail  soit  de  couleur  sombre;  mais,  pour  la 
canipajjnc,  la  caisse  et  le  train  peuvent  être  peints  eu  couleurs  voyantes,  à 
la  condition  qu'elles  soient  très-vives  et  trcs-trancbces,  —  la  caisse  jaune, 
par  exemple,  et  le  train  vermillon. 

Les  chevaux,  (pii  pour  Paris  doivent  cire  rigoureusement  appaircs,  peu- 
vent élre,  à  la  campagne,  de  robes  différentes. 


11  faut  seulement  qu'ils  soient  de  même  train,  et  que  ce  traiu  soit  rapide. 

Les  harnais  doivent  être  simples,  sans  armoiries,  sans  accumulation  de 
boucles. 

Le  mail  n'est  pas  une  voiture  d'apparat,  mais  bien  uu  moyeu  de  transport 
plus  ou  moins  confortable. 

11  doit  être  attelé  à  l'anglaise,  et  non  comme  une  voiture  de  gala  conduite 
à  grandes  guides. 


C'est  un  vrai  contre-sens  que  de  faire  passer  les  rênes  des  chevaux  de 
volée  dans  des  anneaux  placés  au-dessus  de  la  tète  des  chevaux  de  timon,  — 


LA    PROVIXCE    A   CHEVAL. 


211 


ce  qui  ne  se  fait  plus  aujourd'luii  que  pour  les  chevaux  de  corbillard,  les 
cortèges  royaux  ctaut  devenus  excessivement  rares. 

Le  u  reculenieut  »  u'a  pas  plus  de  raison  d'élrc,  maluleuant  que  l'usage 
du  frein  est  devenu  général. 

Dans  l'intérêt  de  l'aspect  général,  avoir  le  plus  grand  nombre  de  femmes 
possible,  de  façon  à  dissimuler,  autant  que  faire  se  peut,  les  hommes. 


Une  femme  assise  peut  être  charmante  à  regarder  ; 

Un  homme,  pour  être  passable,  a  besoin  d'agir,  d'être  à  cheval  et  de  bien 
monter; 

Sans  quoi,  il  vaut  mieux  le  dissimuler  et  se  servir  de  ses   vêtements 
sombres  comme  repoussoir  aux  toilettes  féminines. 


Les  ombrelles  rouges,  chargées  de  fleurs,  d'oiseaux  ou  de  fouillis  de  den- 


212 


LA    PROVIMCE    A    CHEVAL 


telles,  font  d'aulaiit  meilleur  effet  qu'elles  cachent  toujours  quelques  mor- 
ceaux d'hommes  et  dissimulent  leurs  tuyaux  de  poêle. 

En  un  mol,  composer  un  mail  comme  un  tableau, 

Et,  si  l'on  est  dans  l'obligation  d'inviter  quelques  personnes  insuffisamment 
décoratives, 

Avoir  soin   de  les  masquer  par  de  jolies  femmes,  savamment  mises  au 
premier  plan. 


CHAPITRE  V 


U\E     COURSE    D    AMATEL'RS. 


Toute  la  semaine  s'est  passée  en  préparatifs. 

Monsieur,  dehors,  traçant  la  piste,  plaçant  les  obstacles,  entouré  de  terras- 
siers, de  maçons,  de  bûcherons,  de  tout  ce  qui,  dans  le  village,  sait  manier 
une  pioche,  une  truelle  ou  une  cognée. 


Il  a  fait  confectionner  des  haies,  des  barrières  fixes,  un  mur,  creuser  des 
douves,  élever  une  banquette  iilandaise,  rectifier  les  bords  de  sa  rivière, 
planter  des  drapeaux  sur  toute  la  ligne  droite  de  la  piste. 


21 '1  LA    PROVIXCK    A    CHEVAL. 

Il  esl  crc'inlô,  mais  joyeux. 

Tout  esl  prêt,  et,  comme  c'est  lui  qui  l'ournit  les  prix  et  ne  compte  pas 
les  disputer  à  ses  invités,  il  n'a  pas  besoin  de  son  élasticité  habituelle. 


y^:     ^ 


s«i^^j^i>^:#^' 


A  l'intérieur,  Madame  n'a  pas  déployé  une  moindre  activité. 

Tout  son  temps  s'est  dépensé  eu  conférences  multipliées  avec  le  cuisinier, 
la  femme  de  charge,  la  lingère,  tout  le  personnel,  en  un  mot,  auquel  il  a 
fallu  donner  les  instructions  les  plus  détaillées  et  les  plus  précises. 

Enfui,  chaque  domestique  a  son  service  réglé  et  sait  de  quels  invités  il  doit 
s'occuper. 

Pour  plus  de  sîjreié.  Madame  a,  de  sa  blanche  main,  écrit  pour  chacun 
d'eux  sur  une  fiche  spéciale  un  ordre  du  jour  oîi  tout  est  prévu.  Quel  travail  ! 
mais  aussi  quelle  sécurité  pour  elle  pendant  le  séjour  de  ses  nombreux  hôtes! 


Depuis  la  veille,  les  voitures  se  succèdent  au  perron,  amenant  du  chemin 


LA    PROVINCE    A   CHEVAL. 


215 


de  fer  les  convives  éloignés.  Colis  vivants  ensevelis  dans  des  gâteuses  invrai- 
semblables qui  empêchent  de  discerner  les  sujet.';,  nantis  de  couvertures  et 
escortés  de  sacs  de  voyage,  de  valises  et  de  malles. 

Tous  ces  objets  de  forme  bizarre,  animés  ou  inertes,  donnent  aux  corridors 
du  château  un  fau.\  air  d'hôtel  de  province  un  jour  de  comice  agricole.  Ces 
gens  vont  et  viennent,  apportant  bagage,  eau  chaude  et  le  reste. 


Les  portes  s'ouvrent  et  se  ferment,  livrant  passage  à  des  figures  d'invités 
ou  d'invitées,  inquiètes  du  sort  de  la  valise  qui  renferme  l'habit  noir,  ou  du 
sac  de  bijoux  qui  manque  à  l'appel. 

Le  programme  des  courses  est  complexe. 

Quelque  chose  comme  un  projet  de  fusion  entre  les  classes  dites  dirigeantes 
et  les  couches  nouvelles. 


II  s'agit,  en  effet,  de  s'amuser  aristocratiquement,  tout  en  faisant  la  part  du 
suffrage  universel,  notre  maître  à  tous. 


2IG 


LA    PROVIiVCn    A   CHEVAL. 


Le  lot  de  l'élément  démocratique  est  re|)rôsenté  par  deux  courses  au  trot. 
L'allure  des  gens  qui  montent  à  cheval  pour  faire  du  chemin. 

Prix  en  numéraire. 

L'une  pour  chevaux  et  juments  de  trois  ans,   nés  dans  le  pays  :  celle-ci 
pour  encourager  l'élevage; 

L'autre  pour  tous  chevaux  : 

Celle-là  pour  flatter  la  manie  de  tous  les  électeurs  qui  prétendent  que  leur 
vieux  cheval  est  le  meilleur  du  canton. 


VeDDs  poar  O^jorer  dons  la  coarsc  aa  Irol. 


Dire  la  tenue  des  cavaliers  est  impossible. 


Le  harnachement  des  montures  indescriptible. 


On  voit  des  selles  de  poste  à  croupière,  des  selles  d'armes  modèle  1822, 
des  brides  et  des  mors  dignes  de  ûgurc-r  au  Musée  d'artillerie,  et  des  étriers 
comme  on  n'en  trouve  que  dans  les  maréchaleries,  suspendus  à  la  chaîne  qui 
met  en  mouvement  le  soufflet. 


a. 


28 


LA    PROVINCE    A   CHEVAL 


219 


L'accoutrement  des  concurrents  est  à  l'avcuaut  :  blouses,  chapeaux  mous, 
casquettes  à  pont,  pantalons  sans  sous-pieds,  redingotes  antédiluviennes, 
gilets  de  tricot;  un  fonds  de  fripier  à  cheval  et  trottant  vite,  très-vite  même, 
ce  qui  donne  à  toutes  ces  défroques  les  aspects  les  plus  inattendus. 

De  la  route  départementale  n"  20,  où  a  eu  lieu  ce  premier  acte,  la  foule 
rentre  dans  le  parc. 


C'est  le  moment  où  de  spectateurs  nous  allons  passer  au  rôle  d'acteurs. 

Les  chevaux  des  voisins,  qui  doivent  figurer  dans  la  seconde  partie  du  pro- 
gramme, sont  arrivés  emmitouflés  dans  leurs  couvertures,  les  jambes  gar- 
nies de  flanelle;  graves  et  dignes  comme  des  huissiers  précédant  la  cour. 


Les  coureurs  non  hospitalisés  arrivent  à  leur  tour  en  voitures  découvertes, 
capes  et  en  casaques  sous  les  lourds  pardessus,  conduisant  eux-mêmes, 
comme  ri  convient  à  de  véritables  amateurs  de  sport. 


220 


LA    PROVI.VCE    A   CHEVAF,. 


Pondaiit  ce  leinps,  les  sportsmen  domitilics  au  château  procèdent  à  leur 
toilette  dans  la  pièce  qui  leur  sert  de  vestiaire. 

C'est  là  que  se  trouve,  préparée  à  tout  événement,  la  petite  pharmacie 
destinée  aux  avariés  :  bandes  pour  compresses,  et  perchlorure  de  fer  en  cas 
d'héniorrhagies  persistantes . 

Ou  a  beau  faire,  ce  spectacle  fait  impression. 


La  cloche  a  annoncé  la  sortie  des  chevaux  : 

Les  indigènes  qui  n'ont,  de  leur  vie,  jamais  vu  ni  toque  ni  casaque,  pa- 
raissent stupéfiés  par  la  tenue  des  coureurs,  qu'ils  regardent  de  tous  leurs 
yeux. 


Les  loustics  déclarent  qu'ils  n'ont  jamais  vu  \)nrc\h  porricliinelles. 


LA   PROVIMCE    A   CHEVAL. 


221 


On  sonne  au  départ;  les  chevaux  prennent  leur  canter  et  vont  se  placer  à 
la  distance  en  franchissant  à  contre-sens  la  dernière  haie  du  parcours. 


Le  gros  X...,  qui  lliit  les  fonctions  de  starter,  ne  résiste  pas  à  la  tentation 
de  renouveler  les  exploits  de  sa  jeunesse,  et  fait  passer  l'ohslacle  à  sa  double 
ponelle;  cette  niasse  imposante  s'enlève  et  retombe  de  l'autre  côté  avec  une 
légèreté  que  son  volume  ne  permettait  pas  de  prévoir. 


On  part,  on  est  parti;  le  jeune  de  G...,  faisant  uu  jeu  d'enfer,  emmène  le 
peloton  grand  train  devant  la  façade  du  château,  dont  les  fenêtres, 'garnies  à 
iriple  rang,  tiennent  lieu  de  tribune  officielle. 


C)C)0 


LA    PROVINCE    A    CHEVAL. 


11  yardo  la  Icte  jusqu'à  lu  banciucUe  irlandaise,  tiop  étroite  pour  être  abor- 
dée à  cette  vitesse,  où  il  panache  heureusement  sans  douleur. 


Nous  arrivons  à  la  rivière,  qui,  elle,  doit  être  prise  crânement. 


C'est  le  tour  de  René  d'y  prendre  un  bain  de  pieds,  à  la  plus  grande  joie 
du  populaire,  très-élonné  qu'on  aime  à  prendre  des  bains  en  pareille  saison. 


LA    PROVlNfCE    A   CHEVAL. 


225 


De  G...,   qui  est  remonté  et  a  rejoint,  trouve  moyen  de  culbutera  nou- 
veau sur  une  simple  haie. 


-  ^* 


Cette  fois,  il  s'écrase  le  nez  et  se  dirige 
vers  la  pharmacie. 

Nous  ne  sommes  plus  que  trois  qui 
arrivons  de  front  sur  le  mur,  que  les  chevaux 
passent  avec  le  respect  qu'ils  professent 
pour  les  obstacles  fixes ,  sautant  haut  et 
ayant  soin  de  ne  pas  cogner. 


A  la  barrière  fixe,  pour  la  confection  de 
laquelle  notre  hôte  a  sacrifié  do  bien  beaux 
arbres,  mêmes  précautions  de  nos  mon- 
tures ;  elles  sav  ent  pertinemment  que  rien  n'est  désagréable  comme  les 
coups  de  bâton  dans  les  jambes,  et  dire  qu'il  y  aura  toujours  des  gens  pour 
dire  :  «  Bête  comme  un  cheval  !  » 


'^v;^  ^\ 


Repassage  de  la  rivière,   où  René  disparaît  définitivement,  son  cheval 
n'ayant  pas  eu  l'attention  de  l'attendre. 

29 


226 


LA    PROVINCE    A    CHEVAL 


Plus  (l'iiic'idenLs  jusqu'à  l'arrivée,  où  X...,  après  avoir  passe  le  dornicr 
oitslaelo,  —  le  quatorzième,  si  j'ai  bien  compté,  —  nous  passe  sous  le  nez 
et  arrive  tout  seul. 

L'objet  d'art  destiné  au  vainqueur  (un  très-joli  bronze,  ma  foi,  du  comte 
du  Passage)  lui  est  remis,  séance  tenante,  par  la  maîtresse  de  la  maison. 

Toujours  galant,  il  l'ait  observer  que  les  distributions  de  prix  ne  sont 
réellement  complètes  qu'autant  que  le  triomphateur  a  été  vigoureusement 
embrassé  par  celui  ou  celle  qui  le  couronne. 

La  réclamation  est  trop  juste  pour  qu'il  n'en  soit  pas  tenu  compte. 

On  le  pousse  dans  les  bras  de  l'adjoint,  qui  l'étreint  et  le  baise. 


CHAPITRE  VI 


UN     RALLYE-PAPERS. 


Le  mieux  serait  de  ne  jamais  organiser  de  rallye-papers. 

Et  cela  pour  plusieurs  raisons  : 

1°  On  fatigue  inutilement  les  chevaux; 

2'  Les  cavaliers  qui  y  participent  peuvent,  s'ils  tombent,  se  l'aire  du  mal; 

3'  S'ils  ne  tombent  pas,   cela  ne  prouve  pas   qu'ils  sachent  monter  à 
cheval. 


Si  l'on  voulait  faire  d'un  rallye-papers  un  exercice  sérieux,  il  faudrait  que 
la  piste  fût  semée  de  véritables  obstacles,  résistants,   hauts  et  larges,   et 


228 


\..\   PROVIMCE    A   r.HF.VAL. 


dans  ce  cas  il  y  aurait  cruaulé  à  y  convier  les  gens  avec  lesquels  on  esl  en 
éciiange  de  politesses.  Il  n'csl  pas  d'usajje  d'inviler  ses  amis  à  venir  se 
casser  une  ou  plusieurs  clavicules,  cl  la  formule  pour  ce  genre  d'invitations 
n'est  pas  encore  trouvée. 

Au  surplus,  le  recrutement  du  personnel  nécessaire  pour  la  sauterie  qui 
termine  inévitablement  toutes  les  réunions  rurales,  deviendrait  excessive- 
ment difficile  si  les  danseurs  avaient  de  trop  grandes  chances  de  détério- 
ra lion. 

Comme,  d'autre  part,  il  importe  que  le  spectacle  offert  ait  un  intérêt  appa- 
rent, il  est  indispensable  de  donner  aux  obstacles  les  plus  inoffensifs  un 
aspect  formidable. 


Les  boîtes  en  bois  blanc  employées  au  concours  hippique  pour  simuler 
des  murs,  peuvent  être  utilement  employées  dans  les  rallye-papers. 

Ce])endant,  des  papiers  peints  sur  lesquels  seraient  habilement  reproduits 
des  obstacles,  tels  que  barrières  tixes,  claies,  bull-finsh,  etc.,  etc.,  paraissent 
devoir  être  employés  de  préférence. 

La  résistance,  en  cas  de  contact,  paraissant  devoir  être  moins  grande  que 
celle  opposée  par  des  objets  dont  la  (librication  exige  des  matériaux  dont  la 
densité  est  forcément  supérieure  à  celle  du  papier  en  rouleaux. 


A  mérilé  l'honnpar  de  faire  u  la 
bete  "  pdT  des  années  de  liavaux 
sppciaai.  A  franchi  pins  d'ohsiyclee 
qoe  G'jzmaD  laimeme,  ftpgt  dpiuenrê 

sinoD   intact,    do   m<jioB  complel,   

Monte  on  vieni  roalinr  ayunt  fait  ses 
preoïca  comme  saolenr,  mais  n'ajaut 
plos  assez  de  valeor  pour  causer  àf 
trop  grands  Tc^reis  en  eau  d'accident. 


0'/ 


Recoinmaadé  aai  maîtresses 
de  maisoD  qui  ne  veulent  pas 
prendre  pari  ù  !a  lutte  el 
dësireût  cependant  ne  pas 
passer  inaperçues. 


o^^ 


Masler  Buli 
fait  ses  débuts 
BouB  l'œil  inat- 
lentif  de  soo 
père. 


'A^^M^' 


Au  rendez-vous.  - 
inciter  le  plus  de  raonHe  possible,  de  facou  à 
obteoir  ud  oombre  rt'assislanls  au  moins  égal  à 
celui  des  acleuvs.  D^Bigoer  de  préférence  od 
endroit  éloigné  des  ailles  aliu  d'éviter  l'aflluence 
do  populaire.  géDéralement  mat  disposé  à  l'égard 
d'eiercices  dont  l'ulililé  lai 


Dernier  chic.  —  Habit 
à  longues  bosqaes,  cra- 
vate blanche,  épingle 
dents  de  cerf,  cnlolte  à 
gigot,  boites  Cbantilly, 
éperons  saumurois. 


Consent  ù  se  livrer  a 
n'importe  qael  eiercice 
sportif,  Q  la  condition 
de  garder  la  tenue  fran- 
çaise. Se  refuse  énergi- 
quemeol  aux  dénomina- 
tions anglaises  ,  mais 
déclare  cire  prêt  â  galo- 
per u  derrière  le  monsieur 
qni  doit  répandre  des 
morceaux  de  vieux  jour- 
uaui  a . 


Aussi  laid  â  cbeval  qn'à 
pied.  N'a  aucun  souci  de 
la  tenne,  et  porte  jusqu'à 
eilinclioQ  les  culotles 
dans  lesquelles  il  se 
trouve  à  son  aise.  Tient 
comme  la  teigne ,  et 
monte  CD  général  des 
chevaux  ultia-cabochards 
appartenant  à  des  cama- 
rades. 


A  élndié  son  costume 
avec  un  soin  meticuleoi 
et  letuiileurdu  chef-lieu, 
colleclioone  les  prospec- 
tus iliuslrés  des  maj^a- 
sins  de  confeciion  pour 
hommes,  spécial  il  es  de 
livrées,  a  même  fait  le 
voyage  de  Paris  pour  voir 
les  vitrines,  est  arrive  à 
avoir  l'air  d'un  garçon 
boucher  prêt  à  escorter  le 
bœuf  gras. 


30 


V^nV^^"-^^     IV"^         v^-^-l  i  MouWnl    pour    scDlir  le   veni,       i,;.  *'' 'f    .     ?:: 

\\V  ;•     r^  ^\     -^M-     \<,    't,  '"'/H        jonir  de    U    ïilt.se    el   «voir    un      lir  ul'^^^^t 

f\  '^    V.^     .  X        T-VÏ*^       ».V  (  '  I  II,  lit  Bi"\        vV   '  1    .     *^<, 


rjj 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 
De  plus,  il  y  a  économie  manifeste. 


2'tl 


En  troisième  lieu,  l'emploi  du  papier  peint  permet  de  faire  indifféremment 
des  obstacles  en  hauteur  et  en  largeur. 

Enfin,  la  course  terminée,  le  papier  d'obstacle  pourrait  servir  soit  à  allu- 
mer les  feux,  soit  à  garnir  l'intérieur  des  tiroirs  des  commodes  dans  les 
chambres  d'invités. 

L'usage  d'offrir  des  prix  aux  cavaliers  arrivés  premier,  deuxième  et  troi- 
sième doit  être  rigoureusement  conservé. 


Ou  aime  généralement  à 
conserver  un  souvenir  matériel 
des  dangers  qu'on  croit  avoir 
courus,  comme  le  prouve  sura- 
bondamment   la    coutume    en 


j\     vertu  de  laquelle  on  rédige  des 
^\     procès-verbaux  pour  les  duels 
>\     au  premier  sang. 


Pour  le  choix  des   objets  à 


i     ... 


donner    en    prix,     il    est  bon 


d'éviter  que  leur  volume  soit 
par  trop  exagéré. 


j'I        u  evui 
'M      par  tr 


A  ea  le  mûlheor  d'arriver  premier  et  de  gagner  une  supeibe  gravure  anglaise,  Y\     laut    DCnSCr    GUC    ICS     Volin- 

tout  encadrée.  ^  ^ 

queurs  aiment  à  emporter 
immédiatement  leurs  trophées,  et  que  la  plupart  regagnent  leur  domicile  à 
cheval . 

Il  est  délicat  de  ne  pas  les  affliger  d'objets  encombrants,  tels  que  tableaux 
grandeur  nature,  paniers  de  Champagne,  faïences  artistiques  ou  nécessaires 
en  vermeil. 

Des  objets  portatifs,  cravaches,  fouets,  couteaux  de  chasse,  porte-ciga- 
res, etc.,  sont  de  beaucoup  préférables. 

Au  cas  où,  malgré  l'innocuité  des  obstacles,  un  maladroit  serait  victime 

31 


2i2  LA    PROVINCK    A   CHEVAL. 

(l'un  accident  invraiseiiiblahlc,  il  conviendrait  de  le  l'aire  reconduire  inconti- 
nent chez  lui,  avant  que  le  public  ait  pu  juger  de  la  gravité  de  son  état. 

S'il  avait  le  mauvais  goût  de  pousser  des  cris,  le  niaîlre  de  la  maison 
devrait  aviser  aux  moyens  de  les  élouffcr  sans  délai. 

Si  les  suites  de  l'accident  étaient  funestes,  il  devrait  également  aviser  aux 
moyens  d'en  rejeter  la  cause  sur  des  infirmités  antérieures, 

Le  devoir  d'un  organisateur  de  cross-cowilrij,  course  au  clocher,  paper- 
hunl  et  autres  sports  récréatifs  étant  avant  tout  d'éviter  tout  commentaire 
de  nature  à  discrédiler  ces  utiles  exercices. 


.'-,.-.A^>/^i* 


CHAPITRE   VII 


UN     CR0SS-C01J\TRY. 


Cross-counlnj .  —  Qu'est-ce? 

Une  longue  promenade  à  travers  champs,  comme  le  mol  l'indique  d'ailleurs 
clairement. 


Le  prétexte  est  de  juger  de  l'état  des  chevaux  préparés  pour  les  chasses  ; 
le  but  réel,  d'organiser  une  réunion  qui  rapprochera  des  voisins  que  mille 
riens  éloignent  les  uns  des  autres,  et  qui,  au  fond,  ne  demandent  qu'une 
occasion  de  déserter  leurs  solitudes  respectives. 


244  I-A    PROVIMCE    A    CHKVA!-. 

Le  (liflicilc  esl  de  trouver  rorijjiiiisaleur  d'une  pareille  fête. 

Il  faut  qu'il  ne  s'occupe  pas  de  polilirpie,  et  que  cependant  il  soit  suHi- 
sammeut  mal  avec  les  autoiitcs  pour  que  les  réactionnaires  de  toutes  nuances 
puissent  se  réunir  chez  lui; 

Qu'il  ])ossède  des  (erres  en  assez  grande  étendue  pour  que  la  plus  grande 
partie  du  ])arcours  se  fasse  sur  son  terrain; 

Qu'il  soit  assez  connu  pour  que  tout  ce  qui  est  quelqu'un  dans  l'arron- 
dissemeut  consente  à  se  déplacer  en  son  honneur,  et  enfin  que  le  château 
qu'il  habite  se  refuse  absolument  à  contenir  un  trop  grand  nombre  d'invilés, 
sans  quoi  la  fête  terminale  du  soir  ne  saurait  avoir  le  caractère  d'intimité  qui 
attire  invinciblement  les  sportsmen,  race  forcément  un  peu  sans  gêne  eu 
raison  même  des  fatigues  qu'elle  s'impose,  et  qui  ne  consent  à  se  coucher 
tard  que  si  l'on  s'amuse  réritablement. 

On  est  parvenu  à  réunir 
une  douzaine  de  coureurs; 
le  canton  compte  certaine- 
ment un  plus  grand  nombre 
de  veneurs,  mais  les  uns  se 
considèrent,  à  tort,  comme 
trop  âgés  pour  se  donner 
en  spectacle,  et  beaucoup 
d'autres  craignent  de  ris- 
quer leurs  chevaux  dans 
une  galopade  de  huit  mille 
mètres  (il  faut  bien  qu'on  juge  si  les  chevaux  ont  réellement  du  fond)  et 
semée  d'obstacles,  qui,  pour  être  moins  féroces  que  ceux  des  hippodromes 
faits  de  main  d'homme,  n'en  sont  pas  moins  délicats  à  passer. 

I  a  nature  a  des  façons  si  singulières  de  mélanger  les  trous  aux  monti- 
cules I 


Sa  i  ieiile  cipèrience  lui  ayant  démontré  qne  te  plus  cimrt  cbt  mil 
n'est  pas  la  ligne  droite. 


On  nionie  à  cheval,  les  uns  énnis,  les  antres  calmes,  et  le  président  de 
Ganache  eu  Texin  donne  le  départ  : 


LA    PROVINCE    A    CHEVAL. 
Messieurs,  quand  il  vous  fera  plaisir. 


2i5 


Ou  part,  ou  saule  une  haie,  obstacle  bénévole,  mais  d'aspect  formidable, 


que  les  chevaux  enlèvent  haut  les  jambes;  puis  c'est  le  passage  d'un  chemin 
creux,  puis  un  saut  eu  contre-Las,  puis  un  ruisseau. 

Somme  toute,  c'est  un  steeple-chase  dont  le  parcours,  marqué  par  des  dra- 
peaux dont  on  distingue  à  peine  les  premiers,  laisse  au  coureur  lui-même  un 
imprévu  complet. 

Cet  imprévu  supprime  bien  des  choses  dans  l'art  de  mener  la  course,  mais 
l'important  est  que  les  dames  qu'on  a  conviées  à  ce  spectacle,  et  les  enfants 
qui  ont  supphé  qu'on  les  y  conduise,  y  prennent  plaisir,  et  ils  paraissent  le 
goûter  vivement. 

L'imprévu  du  parcours  est  si  complet  qu'à  un  moment  donné  les  dra- 
peaux sont  remplacés  par  des  indigènes  qui  donnent  les  signes  les  moins 
équivoques  d'une  agitation  violente. 


Il  paraît  que  nous  sommes  sur  le  territoire  de  cultivateurs  mal  disposés  à 
l'égard  des  anciennes  couches,  et  qu'on  a  négligé  d'avertir.  Ils  ont  enlevé 


2i6  I,A    PROVI.VCE    A    CHEVAL. 

les  (lra|)oaux,   cl  Torfc  nous  est  de  l'aire  un  lorl  détoui-  pour  retrouver  la 
pisle. 


I  I    I 


NoQS  sommes  sar  le  lerriloire  de  cuUivalenrs  mal  disposés  à  l'égard  des  aDCieones  coaches.... 

Malgré  ce  relard,  ou  arrive  beaucoup  moius  groupes  qu'au  départ,  mais 
trois  des  concurrents  sont  visibles  à  l'œil  nu. 

C'est  l'essentiel,  puisqu'il  y  a  trois  prix. 


Les  autres  occupent  à  l'horizon  des  situations  prévues  seulement  par  les 
lorgnettes  qui  marquent  :  thcàtro,  campagne,  marine. 


LA   PROVINCE    A    CHEVAF,. 


5 '1.7 


Sur  ce,  le  gros  des  invites  s'écoule,  après  force  salutations  à  l'aimable 
organisateur  de  celte  charmante  réunion. 

Cette  première  opération  d'une  intelligente  sélection  terminée,  on  procède 
au  lunch. 


Les  héros  de  la  fête,  couverts  de  flots  de  rubans,  comme  de  simples  lau- 
réats du  concours  hippique,  ingurgitent  petits-fours  sur  sandwiches,  et  flûtes 
de  Champagne  sur  verres  de  porto,  pour  réparer  les  forces  dépensées  au  ser- 
vice public. 

On  devise  sur  les  incidents  du  parcours,  et  l'indignation  produite  par  la 
manifestation  incongrue  des  ruraux  mal  pensants  est  qualifiée  en  termes 
sévères. 

Cela  vous  fait  toujours  passer  une  heure  ou  deux. 


Après  quoi,  une  deuxième  opération  sélective  étant  indiquée  par  l'heure 
du  diner,  ceux  qui  dînent  chez  eux  s'éloignent,  laissant  les  héros  du  jour 
substituer  à  leurs  bottes  Ciiantilly  l'escarpin  du  soir,  et  l'habit  noir  à  l'habit 
rouge. 


2i8 


LA   PROVIMCE   A   CHF.VAL 


llosloiil  alors  en  présence  ceux  qui  oui  réclleiuenl  en,  dans  toul  ceci,  l'in- 
lenlion  de  s'anuiser,  les  oryanisaleiirs  de  la  fête  et  ceux  de  leurs  hôtes  qu'ils 
ont  tenu  à  conserver. 

On  bavarde  à  qui  mieux  mieux,  jusqu'au  moment  imprévu  oii  l'un  de  ces 
messieurs  qui  «  d'un  bras  rcjjulier  sait  tourmenter  l'ivoire  »  entame  une 
valse  qui  met  tout  le  monde  eu  branle.  Alors  s'organise  une  de  ces  sauteries 
oii,  les  femmes  étant  en  minorité,  tout  le  monde  est  satisfait  :  elles,  parce 
qu'elles  dansent  tout  le  temps;  nous,  parce  que  nous  ne  dansons  que  quand 
le  cœur  nous  en  dit. 

La  réussite  d'un  cross-countnj  exige  le  concours  d'un  nombre  respec- 
table de  cavaliers,  car  il  tant  que  les  concurrents  forment  un  groupe  assez 
compacte  pour  que  le  spectateur  puisse  le  suivre  de  l'œil  à  travers  le  paysage 
plus  ou  moins  accidenté  de  nos  campagnes  françaises. 


Il  faut,  par  conséquent,  que  le  châtelain  qui  l'organise  offre  à  ses  invités 
une  tentation  exceptionnelle  pour  prévenir  les  désertions  probables  au  der- 
nier moment  :  indisposition  subite  de  l'homme  ou  de  sa  monture,  affaire 
aussi  urgente  qu'imprévue,  arrivée  inopinée  d'hôtes  inattendus,  etc.,  etc. 


ensabla 
ieiB  eu 
qui  août 
Ipb,  et 
bBlenir. 


32 


-^-^:SSÎH\^ 


A   pour  miBSÎoa  d'aDimer  li 
cherche  deeobstaclfs  et  en  trou 
OD  lel  entraÏD  à  les  paiser  qu' 
muaiqDe  bod  ardeur  aai   plus 
et  aai  ploi  replels. 


Ci>urse; 
ve.  Met 
1  com- 
timorês 


Ponetledurbam  epéctalemeot  dressée  sur  l'obslacle. 


Fleur  de  crèmfi.  —  \e  reproche  qo'ane  chose  à  ce  sport  . 
d'avoir  lieo  en  pleio  air,  ce  qni  gâte  le  teint. 


f^î^/-^ 


—    Il  y  otajt  poDftanlDo  gué  ici  l'aonée  dernière! 
qne  diable  a-l-il  pa  devenir? 


Ud  pea  crampoQDé-  \e  sera  raaflDré  que  quand 
il  sera  lombé-..  sans  doulear. 


Klève  tes  chevani  lui-même,  ponr  n'avoir 
aocuD  prétexte  d'aller  à  Paris  qu'il  abomine. 


Trop  beau  poor 
rif-ofaire...  debou. 


^7      fit      . 


tS^'l    \\il  !    Il      T0D8  soivonfl  parce  que  vous  êtes  8ûre-      ll[|V^^\A^/r^ 
^^    „  menl  do  pays.  ILîiV       .  '1 

\1lh,^Jjj  —  Moi?  Pas  dn  loul,  je  loi. Belge.      \KCrj    x{Ul 


33 


LA   PROVIMCE    A   CHEVAL. 


250 


La  présence  d'un  personnage  d'une  importance  exceptionnelle  est  abso- 
lument nécessaire  dans  la  circonstance. 


Une  ex-téte  couronnée,  un  prince  du  sang,  sont  d'un  effet  irrésistible. 

La  difficulté  est  de  se  procurer  une  Altesse  disponible.  Si  le  rang  que  vous 
occupez,  l'os  attaches  de  famille  vous  permettent  de  la  vaincre,  vous  êtes 
assuré  de  la  réussite. 


Tout  le  voisinage  accourra  de  dix  lieues  à  la  ronde,  quel  que  soit  l'état  de 
la  vicinalité. 


Si  l'Altesse  est  du 
genre  bon  enfant,  et 
connue  pour  l'accueil 
familier  qu'elle  foit 
aux  gens  qui  lui  sont 
présentés,  vous  serez 
obligé  de  refuser  du 
monde. 

Si  elle  est  assez 
jeune  pour  prendre 
part  à  la  lutte,  l'af- 
flueuce  des  concur- 
rents sera  torrentielle. 


Surtout,  si  l'on 
prévoit  qu'une  indis- 
crétion mettra  les  journaux  spéciaux  en  mesure  de  publier  les  noms  des 
concurrents  de  Alonseigneur. 


Le  principal,  que  dis-je?  l'uniqae  invité.  Altesse  Koyhle  en  tillégialore 
aui  environs,  qne  chacttn  s'arrache. 


L'espoir  de  battre  une  Altesse  double  l'ardeur  des  concurrents,  et  l'bon- 
neur  d'être  battu  par  elle  enlève  toute  amertume  aux  regrets  des  vaincus; 
d'autant  qu'il  est  toujours  loisible  d'attribuer  sa  défoite  aux  sentiments  de 


2(30 


I.A    PROVIXCE   A    CHEVAI,. 


(IrliToncr  qui,  à  Ici  ou  (cl  iiKiinctil  du  parcours,  les  oui  cnipèclics  tic  «  brû- 
ler le  poil  ù  Moiiseiyiicur  «  . 


mm 


HacotileroDl,  dès  le  l^'odemata  de  leui  diTaile,  qoe  le  rCEperl  seul  les  a  empùcbês  de  «  passer  goas  le  aez 

de  Monseigneur  • . 


Quand  le  châtelain  s'est  procure  le  personnaye  de  marque  qui  doil  assurer 
le  succès  de  la  fête,  il  ne  lui  reste  plus  qu'à  trouver  aux  environs  de  sa  rési- 
dence un  parcours  aussi  pittoresque  qu'inoffensif. 


LA    PROVINCE    A    CHEVAL. 


281 


Malyré  la  jouissanco  durable  ([ue  la  victime  d'un  accident  sérieux  éprou- 
verait, sa  vie  durant,  à  rappeler  dms  quelles  circonslauces  honorifiques  il  a 
eu  lieu,  il  est  essentiel  d'éviter  les  obstacles  qui  pourraient  donner  lieu  à 
des  événements  tragiques. 


il'fc 


•  \^{mi'^f^i'''^'''i^. 


En  conséquence,  choisir  les  parcours  en  terrains  mous,  qui  empêchent  la 
trop  grande  rapidité  du  train... 

Éviter  les  obstacles  d'une  trop  grande  rigidité,  ou  trop  encaissés... 

Laisser  de  côté  les  passages  de  routes  à  ornières  profondes... 

Faire  déblayer  les  abords  des  obstacles  des  herbes,  ronces,  etc.,  qui  pour- 
raient tromper  les  concurrents  sur  la  largeur  des  susdits... 


.lux  routes  bordées  de  trottoirs,  faire  combler  d'une  façon  solide  les  dif- 
férences de  niveau  entre  la  chaussée  et  la  bordure  desdits  trottoirs,  qui 
peuvent  être  une  cause  de  cliute  très-brutale... 


262 


I, A  l'ROViivr.i':  A  r.HKVAr, 


Si  la  courso  donne  lirii  ;i  une  poule,  fixer  à  une  soninio  niiuimc  lo  prix 
d'culrce  (la  dépense  n'esl  pas  aimée  en  province)... 

Laisser  anx  concnrrenis  la  liberlé  de  elioisir  la  lenne  qui  lenr  convienl... 

I']|  enlin,  si  l'élendne  de  voire  domicile  lo  permel,  que  tonl  le  monde, 
figurants  e(  assistants,  soit  égaltMiient  convié  aux  réjouissances  gastrono- 
micpies ,  théâtrales  et  chorégraphiques,  qui  doivent,  de  toute  nécessité, 
terminer  la  journée. 


ili;/lll|.. 


CHAPITRE  VIII 


DERMERS     BEAUX    JOURS. 

Extrait  d'un  manuscrit  trouvé  dans  le  second  tiroir  de  la  commode  de   la  chambre  bleue,  à 

Caslelkrecant. 


Voilà  la  cinquième  aunée  que  je  m'y  laisse  prendre. 

De  toutes  les  saisons,  l'automne  est  la  plus  belle  à  la  campagne. 

La  plus  poétique,  possible;  mais  pour  agréable,  c'est  uue  autre  affaire! 

D'abord  un  froid  de  loup,  un  vent  perpétuel,  de  la  pluie   tous  les  trois 


■2(>i 


]..\    PllOVI.VCK    A    CIIKVA!, 


(jiiarls  (l'Iiciirc,  cl,  (h'piiis  deux  ans,  pas  j)liis  de  yiljiiT  (juc  sur  la  place  (l(!  la 
Comun-dc. 

Éloiincz-vous  avec  cela  de  ne  jxtiuiiir  récolter  un  niallieiirenx  invité  après 
le  15  octobre! 

Le  seul  ami  cpu'  j'aie  vu  est  vomi  me  demander  si  ji'  n'aurais  pas  par 
hasard  cinquante  mille  l'raucs  disponibles,  pour  payer  une  dilfcrcnce  opérée 
|)ar  lui  au  baccarat.  Comme  si,  ayant  l'ait  de  semblables  économies,  je  n'étais 
|)as  assez  <[rand  pour  les  disperser  moi-niùme! 

Le  matin,  on  se  lève,  tard,  c'est  vrai,  mais  enfin  on  se  lève. 

11  y  a  nn  |)en  de  bleu  au  ciel.  i\\i\  ah!  c'est  l'occasion  d'aller  tirer  un  ou 
deu.x  lapins! 


A  peine  en  ronle,  il  pleut. 

.  On  est  parti,  on  continue. 

L'ondée  devient  averse,  el  l'on  rentre  "  se  changer  «  ,  une  Léle  d'e.xpressiou, 
car  grincheux  j'étais,  grincheux  je  reste. 


Dix  heures.  —  Un  rayon  de  soleil,  tiens,  liens,  tiens!  Est-ce  que  le  temps 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 


se  iiiellrail  au  beau  pour  lout  do  bon?  Il  n'y  aurait  à  cela  rien  trinipossible. 
l'as  de  nuages  à  l'ouesl,  el  la  girouelle  a  fait  volle-face;  faisons  seller! 

A  six  kilomètres  de  toute  habitation,  le  déluge  recommence. 

Ma  consolation  est  que  je  ne  suis  pas  seul  mouillé. 


Si  j'ai  l'air  d'un  fleuve,  Alarlhe  a  l'air  d'une  oudine,  et  Toni,  d'un  affluent 
de  la  Tamise. 

Le  diable  soit  de  l'odeur  des  chevaux  mouillés,  et  pas  moyen  de  rien 
allumer  pour  combattre  ce  miasme  qui  voyage  avec  nousl 


Onze  lieurcs.  —  J'ai 
encore  changé. 

Les  enfants  veulent 
monter  à  âne;  je  les 
accompagne  pas  à  pas, 
car  cet  animal  stupide 
part  au  grand  galop 
aussitôt  qu'il  a  le  nez 
tourné  vers  l'écurie. 


Dès  qu'il  galope,  les  enfants  s'égrènent  avec  des  cris  suraigus  qui  amènent 
toute  la  maison  sur  le  théâtre  de  l'accident  et  toutes  les  récriminations  sur 
ma  tète. 


2()G 


LA    PROVIXCE    A   CHEVAL. 


Ddi.r  licurcs.  —  .l'ai  di-jouiK'  iiuil,  livs-mal.  Ajfallic  se  laisse  ga-jucr,  olh; 
aussi,  par  le  spleen.  Klle  n'a  |)l(is  la  noie;  el  j)uis,  (oiijoiirs  les  nicmes 
viandes,   pas  de  poisson,  pas  de  jjiljicr,  (piand  on  n'en  envoie  pas  de  Paris. 


-  \\,- 


i<.mï&i.hté'-. 


Mellon.s-noHs  à  l'affût  des 
grives. 

Voilà  deux  heures  que  j'y 
suis! 

J'en  ai  lue  une,  el  nous 
sommes  douze  à  (able;  par 
contre,  j'cMeniueconi  nie  loule 
une  compagnie  de  ponlon- 
niers,  et  j'ai  des  champignons 
dans  mes  bottines. 

Allons  rechanger! 


Quatre  heures.  — Je  viens  de  changer!  mais  je  suis  encore  gelé.  Que  faire 
pour  allrajier  l'heure  du  dîner?  J'ai  essayé  du  Journal  des  économistes. 
Mais  c'est  trop  pénible;  il  faut  avoir  été  habitué  à  cela  tout  petit,  tout  petit. 


Cinq  fleures.  —  Peul- 
clrequ'un  bain  trop  chaud 
rétablirait  la  circulation  ! 
car,  positivement,  je  suis 
glacé. 

Payer  une  grive  d'une 
fluxion  de  poitrine,  c'est 
hors  de  prix. 

Bon!  le  cygne  à  l'eau 
chaude  qui  ne  ferme  pas  ! 
Jean!  Alfred!!  Jean!!! 


Sept  Jieures.   —  J'ai  failli  cuire!  Mais  je  me  suis  réchauffé.  Ça  m'a  fait 


LA   PROVIMCK    A   CHEVAL. 


2G7 


dormir,  et  voilà  qu'on  sniiiic  pour  le  diuer.  Voilà  une  journée  fjui  louche 
à  son  ternie.  Dieu  .soit  loué! 

Mais  demain!  —  .Allons  changer. 

Huit  heures  et  demie.  —  J'ai  dîné  mal,  abominahlement  niai!  .Agallie  a 
besoin  de  distractions;  la  rue  de  la  Pépinière  est  décidément  trop  loin  d'ici. 


Marthe  a  regardé 
Lucien  bcàiller  pen- 
dant toute  la  .soirée. 

Julia  fait  un  ou- 
vrage au  crochet  (pii 
est  horrible  à  voir. 

Berihe  a  lu  tout 
haut  quelque  cliose 
d'insupportable  dont 
je  vais  rêver. 

Elle  lit  du  nez. 


c-Y 


Ma  belle-mère  a,  en  dormant,  un  petit  sifflemeut  terriblement  agaçant. 

Dix  heures.  —  Le  général  est  odieux,  avec  ses  parties  de  piquet  inter- 
minables. 

11  a  un  asthme  qui  l'empcclie 
de  dormir,  c'est  vrai,  mais  ce 
.iU|VJH     n'est  pas  une  raison  pour  em- 
pêcher les  gens  de  se  coucher. 

Qu'il  apprenne  le  solitaire, 
et  qu'il  le  joue  dans  sa 
chambre. 

.Ah!  les  égoïstes! 
Quelle  race!  et  comme  on  la  connaît  mieux  et  plus  vite  à  la  campagne  ! 


2G8  LA    PROVIXCK    A    CIIEVAI,. 

Miiiuil  ci/i/jl.  — Après  une  joiinu'c  cor >  celle-là,  on  ne  se  couclie  j)iis. 

On  se  11  nKjue  an  lit. 

J'y  snis,  j'y  reste.  Mais  demain  ! 

AU  I   demain,  j'aurai    mie  ad'airc   imporlanle   (jiii    m'appellera  à    l'aris, 
d'urgence!  et  qui  m'y  retiendra. 


FIN    DE    LA    DEUXIEME    DARTIE 


■'^ 


TROISIÈME   PARTIE 


EN    FORET 


CHAPITRE   PREMIER 


C0J.S1DERATI0XS    GENERALES    SLR    LA    CHASSE    A    COURRE. 

CE  qu'elle  est  aujourd'hui. 

DU    CHOLK    d'un    CHEVAL    DE    CHASSE. 


SES    ORIGINES. 


Il  paraît  difficile  d'établir  de  façon  certaine  à   quelle  époque   remonte 
l'habitude  de  la  chasse  à  courre. 


Elle  est,  à  n'en  pas  douter,  fort  ancienne,  et  remonte  au  moment  où 
l'homme,  s'étant  aperçu  que  certains  quadrupèdes,  possesseurs  d'une  chair 
succulente,  étaient  doués  d'une  agilité  très-supérieure  à  la  sienne,  a  eu  l'idée 

33 


I.A    PUOVIVCK    A    r.HKVAr,. 


de  rcfoiirir  pour  leur  (loniicr  la  chasse  aux  jarreLs  du  l'animal  le  plus  rapide 
qu'il  eût  sous  la  main. 


•^  &  -^■SV.a- 
s.-f^.-'V*-"^...*!    ■■ 


S'il   est  impossible   de 
déterminer  la  date  de  la 


.;>>.j^f%<h  >'(J,  première  chasse  a  courre 

■■~~  i'^^mII  ''""''  ''■  ^'^'PJ^^^'^  '^  jusqu'à 

'^l'M'^^l  présent   échappé  aux  re- 

.■}%'\  ;  '  cherches    des   archivistes 

^  ;';  ■'^'^'^^'^J^^Û^  'es  plus  paléographes,  on 

Pi'fe/''^'^^î^«  P^"'    affi"""'    liardiment 


*    '      ^''i'^i'/    'f.-'^       que  la  tenue  de  nos  pre- 
miers veneurs   était   très-proche  voisiue  de  la  nudité. 

Elle  s'est  nu)difiée  peu  à  peu,  et  si  conq)létenient,  qu'il  n'y  a  pas  plus 
d'un  siècle  on  partait  encore  en  chasse  outillé  comme  pour  la  guerre. 


S^^ 


'V- 


v 


Les  malheureux  chevaux  de  nos  arrière -grauds-pères  avaient  à  porter, 
outre  les  susdits,  qui  n'étaient  pas  en  général  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui 
des  1-  poids  légers  n  ,  un  nombre  invraisemblable  de  kilogrammes  en  cha- 
peaux, habits,  bottes,  selles,  caparaçons,  fontes  pour  les  pistolets,  housses, 
ctriers,  etc.,  etc. 

Nous  avons  heureusement  renoncé  à  tout  cet  attirail. 


LA   PROVIMCE    A   CHEVAL. 


275 


Le  moyen,  eu  effet,  de  suivre  en  pareil  équipage,  à  travers  un  pays  coupé, 
morcelé  comme  l'est  à  présent  le  nôtre,  des  chiens  aussi  vîtes  que  des  fox- 
hounds  ou  même  des  bâtards  d'Anjou  ? 

Il  fallait,  pour  que  la  chose  fût  possible,  le  traiu  processiounel  des  grands 
chiens  de  France,  poitevins  ou  griffons  vendéens,  des  diicns  de  saint 
Hubert;  et  encore  n'était-il  pas  inutile  que  ces  chiens,  majestueux  dans 
leur  allure,  eussent  en  outre  un  timbre  de  voix  assez  puissant  pour  qu'on  put 
les  entendre  encore  quand  la  fatigue  du  cheval  ou  la  difficulté  du  terrain 
vous  avait  mis  en  arrière  d'une  petite  lieue. 


Aujourd'hui,  si  l'on  veut  assister  à  la  mort,  il  faut  être  à  la  queue  des 
chiens,  passer  où  ils  passent;  car  si  vous  vous  laissez  aller  à  faire  un  détour, 
la  chasse  serait  vite  loin,  et  du  diable  si  vous  sauriez  où  elle  pourrait  être, 
pour  peu  que  le  vent  fût  contre  vous. 

II  en  résulte  que  la  première  qualité  à  rechercher  dans  un  cheval  de 
chasse  est  une  certaine  vitesse. 


Il  a  le  droit  d'être  laid,  mais  il  lui  faut  des  jambes  et  une  poitrine  iufali- 


27(J 


LA    l'ROVI.VCK    A    CHEVAL. 


gables.  Ce  sonl   là  les  deux  points  esseuliels  ;  le  reste  ne  vient  qu'en  toute 
dernière  ligne. 

Il  est  bon  qu'à  ces  qualités  de  eonforniation  il  joigne  une  certaine  adresse; 
mais  celte  qualité-là  est  de  celles  qui  s'acquièrent,  et  deux  ou  trois  culbutes 
un  peu  sévères  apprennent  bien  vile  à  un  cbcval  qu'il  doit  regarder  où 
portent  ses  pieds. 


Mèmêm 


Je  parle,  bien  entendu,  des  cbasses  en  pays  franc,  oîi  l'on  a  des  ravins, 
des  fondrières  à  traverser,  des  coteaux  plus  ou  moins  roides  à  grimper  ou  à 
descendre,  et  non  des  chasses  qui  ont  lieu  dans  les  quelques  forêts  bien 
percées  qui  résistent  au  défrichement. 


\\y 


.^;|i!ïJ'ih 


Là ,  pourvu  qu'un  cheval  sache  franchir  un  fossé  d'un  mètre  de  large,  son 
éducation  est  faite,  et  le  premier  hack  venu,  pourvu  qu'il  ait  du  fond,  peut 
faire  très-convenablement  la  besogne  qui  lui  incombe. 


Dans  Ica  pays  diffiriles,  le  plos  court  n'eni 
pas  loujoarfl  le  plQS  droit.  Si  l'on  nVsl  pa;- 
f!u  pays,  le  plus  sage  est  de  s'atlacher  aux 
pas  d'uu  indigèoe  qui  connaisse  les  chemins 
et  sache  que  quand  la  chasse  marche  dan» 
celle  direction,  c'est  dans  telle  antre  que  duil 
aller  le  chaseenr. 


Rien  pour  le  chic,  t 
confortable  !  lequel  compi 
pipe,  sa  peau  de  bi{|ue,  sei 
h  sa nd niches  el  sa  bouti 
vieux  cognac. 


Le  jJtijKfUj'  du  liuUtj-Lamlais  n'a 
jamais  qu'uu  éperon.  Répond  à  ceux 
qui  s'en  étorrnenl  en  Ii-ur  demandant 
s'ils  ont  deux  fouels. 


36 


L'invite  officiel,  préret.  trésorier  gé- 
néral, elc,  etc.,  preod  un  plaisir  res- 
t teint  à  ces  réunions.  Outre  que  lu 
plupart  du  temps  il  monte  mal,  Eon 
cheial,  peu  bdbilué  à  la  trimipe  et 
aat  chiens,  est  d'une  animaliim  inusi- 
tée. Figure  scolemeut  au  rendez-vous. 
Met  sur  le  compte  da  poids  des  affaires 
sa  retraite  précipitée. 


L'invité  officiel  ne  couipteodra  jamais  pourquoi 
l'on  appelle  Cftie  façon  dfi  marclici  plus  i  ito  qu'oL 
ce  ceut,  on  bien-aller. 


—  Kt  votre  m.iîlre? 

—  11  a  préféré  reulterà  pied. 


Z-j"r  --^o 


LA   PROVINCE   A    CHEVAL. 


285 


Mais  combien  comptc-t-on  encore  de  forêts  assez  grandes  pour  que  l'ani- 
mal attaqué  s'y  tasse  prendre  sans  débucher? 

Une  dizaine  tout  au  plus  I  C'est  dire  qu'elles  sont  le  monopole  des  veneurs 
les  plus  fortunés,  des  capitalistes  du  sport,  qui  en  sont  propriétaires  ou  les 
détiennent  en  vertu  de  baux  ruineux  et  dûment  enregistrés. 


Pour  le  gros  des  équipages  qui  chassent  en  France,  ils  doivent  se  résigner 
à  faire  les  deux  tiers  de  leur  parcours  à  travers  champs,  et  par  champs  il 
faut  entendre  :  terrains  de  toutes  espèces,  landes,  prairies  plus  ou  moins 
défoncées,  terrains  abrupts,  coteaux  ravinés,  semés  de  pierres  roulantes 

terres  labourées,  plants 
de  vigne  ici,  champs  de 
pommes  de  terre  là-bas, 
sans  compter  le  pavé  des 
routes  nationales,  les  pas- 
sages à  niveau  des  voies 
ferrées  et  les  ornières 
vertigineuses  des  chemins 
de  petite  communication. 

Quand  on  sait  avoir  à 
galoper  pendant  plusieurs  heures  consécutives  à  travers  toutes  ces  chausse- 
trapes,  vous  avouerez  qu'il  serait  imprudent  de  se  faire  porter  par  un  animal 

affligé  d'inquiétudes  dans 
les  jambes  —  d'autant  que 
les  terrains  susdésignés, 
bien  que  réputés  plats, 
sont  de  temps  en  temps, 
sous  prétexte  de  dérivation 
des  eaux,  coupés  par  une 
douve,  absolument  sèche 
en  toute  saison,  traversés 
par  une  haie  vive,  c'est-à- 
dire  formée  de  toutes  les 
plantes  épineuses  connues,  entourés  de  ban-ières  plus  ou  moins  (îxes,  mais 
parfois  encore  assez  résistantes. 


28G 


LA    PROVIMCK    A   CIIKVAL. 


Ajoutez  à  ces  obstacles  formés  par  la  iiiaiii  des  hommes,  ceux  qui  sont 
dus  à  la  nature  : 


Hrusques  iliangonu^nts  do  niveau,  petits  cours  d'eau  à  bords  encaissés,  à 
fonds  rocailleux,  dont  les  berges  minées  par  le  courant  ne  demandent  qu'un 

prétexte  pour 
s'écrouler,  et 
profitent  de 
votre  arrivée 
pour  réaliser 
ce  fallacieux 
projet. 


Après  cinq 

ou  six  heures 

de  promenade  rapide  à  travers  toutes  ces   embûches,  le  cavalier  dont  le 

cheval  n'a  foit  aucune  faute  peut  se  vanter  d'avoir  eu  la  main  beureuse  le  jour 

où  il  en  a  fait  emplette. 


En  effet,  si  les  points  et  les  virgules  servent  à  marquer  les  différentes 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 


287 


parllos  du  discours,  on  peut  dire  que  la  chute  est  la  ponctuation  de  la  chasse 
à  courre. 

Si  l'on  sait,  en  effet,  ce  qu'on  laisse  connue  terrain,  du  côté  où  l'on 
ahorde  un  ohstacle,  ce  qu'on  trouvera  de  l'autre  côté  laisse  une  large  part 
au  doute. 


Consacrer  à  un  exercice  aussi  aventureux  un  cheval  d'une  grosse  valeur, 
c'est  donner,  aux  yeux  de  M.  Prudhonime  (Joseph),  la  mesure  de  sa  pro- 
digahté. 


Quelques  veneurs  exceptionnellement  fortunés  méprisent  ouvertement 
l'opinion  de  cet  homme  ultra-raisonnable,  et  pensent  que  l'argent  risqué  de 
la  sorte  n'est  pas  plus  mal  placé  que  dans  les  actions  du  Vigo;  mais  la  plupart 


288 


F,A    PROVI\'CE    A   CHEVAL. 


(les  cliassciirs  cIiltcIiciiI  à  Iroiucr  j)()iir  iiu  |)C'til  |)rix  im  animal  |)Ilis  ou 
moins  (aii',  mais  ajanl  garde  la  libre  disposilioii  de  Ions  ses  membres,  que 
l'expérience  a  rendn  adroit,  sans  le  délériorer  dans  ses  parties  essentielles. 

11  en  est  d'assez  benrenx  pour  le  rencontrer. 

Puissiez-vous,  cher  lecteur,  être  au  nombre  do  ces  privilégies  ! 

C'est  la  grâce  que  je  vous  souiiaite,  cl  à  moi  aussi  ! 


CHAPITRE   H 


DU  MAITIlE   D  EQUIPAGE.  —  SES  JOIES   ET  SES  PEINES.   —  DU   LOUVETlEIt. 
DÉSACilÉ.\lEA,'TS.  CONSEILS  POUR  LES  ATTÉXUER. 


SES 


Les  maîtres   d'équipage   peuvent  être  classés   eu  deux   catégories  bieu 
distinctes  : 


Ceux  qui  agissent  eu  leur  nom  personnel,  et  assument  la  responsabilité 
complète  de  leurs  actes,  dépense  comprise; 

Et  ceux  qui  sont  chargés  de  gérer  les  intérêts  d'une  association. 

Ces  derniers  sont  incontestablement  les  plus  à  plaindre;  car,  outre  qu'ils 
ne  sauraient  éviter  tous  les  ennuis  inhérents  à  la  profession  de  veneur,  ils 

37 


290 


I,A    l'ItOV  l.Vr.R    A    C.IIKVAL. 


peuvent  ("'Ire  sûrs  (|m';ui((iii  acic  de  leur  ;[('sli(ni  tTaiira  lieu  sans  cxcilcr  les 
proleslalidiis  tWi\t  ou  |)liisi('urs  de  leurs  associés. 


La  Rainée,  piniiicr  piiiiiciir. 
—  MaDge  le  minus  possible.  — 
CA  alourdil,  —  man  liiiit  ld[it 
qu'il   peol,  —  ça  suulieut. 


Vatel  ih  chiens  —  A  loul  quitté 
pour  la  cliasse.  \  a  emporté  de  chez 
Bon  pêre,  épicier  au  ciief-lieu.  que 
ia  malediclioD  de  ce  uolable  cum- 
menaut. 


Le  \\i'\\\  piqueiir  qu'il  aura  elioisi 
sera,  selon  ceux-ci,  dans  un  élat  voisin 
du  «jàlisnie,  elles  appoinlenienls  qu'il 
aura  dû  lui  accorder  seront  trouves 
exorbitants  par  ceux-là  mêmes  qui 
recounaisseut  sa  valeur. 

Toutes  les  rédamatious  du  second 
piqueur,  qui  n'a  qu'une  idée,  devenir 
premier,  seront  appuyées  énergique- 
ment  par  l'un  ou  l'autre  des  socié- 
taires . 

Tous  les  chiens,  quelque  soin  qu'il 
mette  à  les  choisir,  serout  invariable- 
ment critiqués. 

L'étal  des  chevaux,  chaque  nouvelle 
acquisition,  sera  cgcalement  l'objet  de 
remarques  généralement  acerbes, 
mais  ])lus  géucralement  encore  dé- 
pourvues de  toute  espèce  de  sens 
comuum. 


La  tenue  des  hommes  fera  l'objet  d'une  série  d'observations  perpétuelles, 
et  de  propositions  répétées  pour  la  modificatiou  de  tel  ou  tel  détail. 

Tout  le  soiu  des  travaux  à  exécuter  pour  rainéufigemeut  des  écuries  et  du 
chenil  lui  incombera. 


La  nourriture  de  la  meute  fournira  également  uu  thème  inépuisable  aux 


LA   rROVIXCE    A   CHEVAL. 


291 


critiques  et  aux  conseils  de  ses  associés,  qui  lui  ierout  un  crime  de  ne  pas 
goûter  assez  régulièrement  la  soupe. 


Prêsentalion  ani  assock'S  du  cheval  acheté  poor  le  Iroisième  piqnenr.  — C'est  no  carcan  !  —  \  oyeî  ddiic 
ces  jarrels,  —  el  ces  lendons  ;  —  c'est  on  cheial  qui  n'a  pas  de  boyatii.  etc.,  etc.  —  Le  malheureoi  chef 
d'équipage  était  autuiisé  à  consacrer  à  cette  iraporlaute  acquisition  un  crédit  de  trois  cents  francs  maiimam. 


C'est  à  lui  qu'incombera  également  le  soin  de  régler  les  indemnités  aux 
cultivateurs, 

Et  de  faire  les  démarches  nécessaires  auprès  de  l'autorité  préfectorale  en 
cas  de  difficultés. 

S'il  y  a  procès,  c'est  lui  qui  devra  assister  au  débat  et  qui  sera  personnelle- 
ment condamné,  s'il  y  a  condamnation. 

Au  jour  de  l'assemblée  générale,  il  devra  subir,  en  une  seule  séance,  la 
récapitulation  des  griefs  articulés  par  chacun  des  mécontents  pendant  la  sai- 
son entière,  et  entendre  critiquer  chacune  de  ses  dépenses. 

Après  quoi,  on  lui  votera  à  l'unanimité  des  remercîments. 


Le   sort  du   maître   d'équipage   indépendant    n'est    pas  beaucoup   plus 
enviable. 


202 


I, A    niOVIMCE    A   CIII'.VAF,. 


Il  ;i,  ((iimiic  l'iiulrc,  rciiiiiii  des  aclials,  des  iiuk'ninik's  à  pMjcr,  des  |)i()i'('.s 
Jisoulciiir  ;  mais  an  moins  il  n'a  pas  à  subir  les  rcciiiiiinalions  de  ses  soi- 
disaiil  camarades  de  plaisir. 

Les  seules  (diservalious  f|ii'il  enleude  sur  roxagéralion  de  ses  dépenses  lui 
sont  laites  par  sa  conscience  d'abord,  son  noiaire  ensuite,  e(  enfin,  la  plu- 
pail  du  lem|)s,  par  son  conseil  judiciaire. 


Si  le  maîlre  d'é(pnpage  a  eu 
par  surcroît  la  lâcheuse  andjition 
de  se  faire  nommer  lieutenant  de 
louveterie,  les  diflicidtés  de  ses 
relations  avec  ses  voisins,  pro- 
priétaires, frères  en  saint  Hubert 
et  paysans,  se  trouvent  décuplées 
par  ce  seul  t'ait. 

Le  louvelier,  ainsi  nommé 
parce  qu'il  a  la  mission  de  com- 
battre les  sangliers,  reçoit  ses 
droits  et  privilèges  de  l'autorité 
préfectorale. 


Le  louvelier,  —  Ne  sp  consolpra  jamais  d'atoir 
pris,  en  1849,  le  deruier  loop  de  1h  cootii'c  iiui 
etjil  uue  louve  pleine. 


Ils  consistent  dans  l'obligation 
d'entretenir,  à  ses  frais,  un 
nombre  déterminé  de  chiens  en 

état  de  détruire,  à  toute  réquisition,  les  fauves  et  animaux  nuisibles  qui  lui 

sont  signalés. 


En  général,  le  louvetier  est  déterminé  à  solliciter  ses  fonctions  par  des 
visées  électorales,  qui  n'aboutissent  à  aucun  résultat,  parce  que: 

1"  Les  réactionnaires  le  considèrent  connue  vendu  au  pouvoir; 


2°  Et  ceu.x  qui  ne  le  sont  pas  sont  convaincus  que  tout  homme  qui  chasse 
à  courre  appelle  de  ses  vo^ux  le  rétablissement  de  la  dime. 


Peau  de  biqae  irrémédiable. 
A  rpçu  déjà  huil  coups  de  fueil 
nioliçés  par  ce  vOtemeul. 


Propriétaire  deS  pommes 
de  lerre  raraflées  la  nuit 
précêdeute. 


A  IVovre  on  connaîl  l  arlisan.  —  Xu  voil  pas 
le  sanglier,  mais  se  doule  bien  qu'il  o'est  pas 
loin. 


LA    l'UOVIX'CE    A    CHEVAF,.  2f)7 

Au  surplus,  personne  ne  lui  sait  gré  des  animaux  déIruKs. 

Et  chacun  lui  reproche  le  passage  à  travers  champs  de  son  équipage. 

En  sa  qualité  de  fonctionnaire,  il  lui  est  impossible  délimiter  à  ses  amis  les 
invitations  qu'il  doit  ftiire. 

Connue  les  convocations  ont  pour  but  olliciel  la  destruction,  il  est  obligé 
de  convier  à  ses  battues  les  tireurs  du  voisinage  ;  obligation  aussi  dangereuse 
pour  ses  chiens  que  pour  ses  invités  privilégiés. 


Quand,  au  moment  de  l'attaque,  il  n'est  pas  parvenu  à  éloigner  du  pas- 
sage de  l'animal  les  bons  lusils  locaux,  la  bcte  est  tuée  au  lancer,  et  la  chasse 
se  trouve  supprimée  à  son  origine. 

Dans  le  cas  contraire,  les  tireurs  convoqués  inutilement  se  répandent  dans 
les  cabarets  voisins,  oii  ils  débinent  avec  acharnement  sa  prochaine  candi- 
dature. 

En  conséquence,  ne  solliciter  sous  aucun  prétexte  le  titre  de  louveticr. 

Au  cas  où  il  vous  serait  oflert,  le  refuser  avec  énergie. 

Si  vous  habitez  un  pays  où  ce  titre  ait  été  porté  de  tout  temps  par  des 
membres  de  votre  famille  et  soit  devenu  en  quelque  sorte  indélébile  et  héré- 
ditaire, 

38 


298  I.A    IMiOVIVCE    A    CHKVAI-. 

Oiiillor  ce  j)ays  «u  renoncer  définitivemenl  à  l;i  cluisse, 

Simuler  des  iliumalisnies  fjoulleiix, 

Pendre  tous  vos  cliiens  sans  exception, 

Congédier  vos  gardes, 

Renvoyer  vos  piqueurs,  valets  de  chiens. 

Kl  faire  défricher  vos  forêts. 

Au  besoin,   et  la  crainte   de  ne  pouvoir  se  soustraire  à  la  fatalité  d'èlre 
louvetier  a  fourni  plusieurs  exemples  de  celte  fatale  extrémité, 

Se  ruiner  radicalement, 

ne  llioon  à  être  inscrit  d'office  au  bureau  de  bienfaisance. 


CHAPITRE  III 


U.\E    VISITE    AU    CHEXIL. 


Il  faut  que  le  chenil  soit  placé  en  dehors  du  parc,  assez  loin  de  l'hahila- 
lion  et  sous  le  veut  qui  souffle  le  moins  fréquemment  dans  notre  pays,  au 
nord-est  par  conséquent. 

Les  miasmes  qui  résultent  de  l'emploi  de  la  viande  de  cheval  rendent  cet 
éloignement  indispensable. 

Les  visites  aux  chiens  en  deviennent  plus  rares,  mais  ce  n'est  pas  là  un 
grave  inconvénient. 


300  LA    I'1U»VI\CK    A   CHKVAL. 

Le  ciiliiR-  et  le  repos  sont  ce  dont  les  cliiens  ont  le  plus  i)cs<)iii  au  clieiiij. 

Coueliés  sur  des  hancs  douceiiieiil  incliuL's,  la  plupart  dorment  dans  un 
mol  abandon;  (pielques-uns  l'ont  leur  toilette,  léchant  leurs  pieds  endoloris 
parla  dernière  eliasse,  ^f^rallant  leurs  oreilles  encore  irritées  par  les  piqûres 
récoltées  dans  les  fourrés. 


Lendemain  de  chasse. 


Celui-là  ronfle,  cet  autre  rêve,  car  les  chiens  rêvent,  quelque  étrange  que 
puisse  paraître  au  premier  abord  une  semblable  habitude  chez  un  être  auquel 
ou  ne  veut  accorder  que  l'instinct. 

Quoiqu'il  en  soit,  ils  rêvent  comme  une  personne  nalurelle,  et  qui  plus  est, 
ils  rêvent  tout  haut,  laissant  aux  témoins  de  leur  sommeil  toute  liberté  de 
suivre  et  de  comprendre  le  travail  qui  s'opère  dans  leur  imagination...  Ima- 
gination vous  choque  ? 

11  faut  pourtant  appeler  les  choses  par  leur  nom. 

Vous  ne  me  paraissez  pas  suflîsammeni  convaincu. 

Approchons-nous  de  Marengo  que  je  vois  là-bas  sur  le  banc,  à  gauche, 
étendu  sur  le  liane;  il  s'agite  et  remue  la  queue,  mais  regardez  sa  tête;  sa 


LA   PROVINCE   A   CHEVAL 


301 


bonne  fignre  de  chien  est  bien  endormie;  écontez,  il  aspire  violemment,  il 
quête  ;  attendez  un  moment,  un  coup  de  gueule  ! 

Il  croit  avoir  retrouvé  la  piste,  ses  cris  continuent  et  deviennent  plus  fré- 
quents; la  chasse  va  bien,  et  il  nage  dans  un  océan  de  délices,  il  ne  fait  plus 
aucun  mouvement. 

Serait-ce  un  défaut? 

Point,  voyez  comme  il  remue  la  langue  sur  ses  babines  ;  il  fait  curée  lui- 
même,  et  il  est  plus  heureux  qu'un  spéculateur  rêvant  qu'il  a  doublé  ses 
capitaux. 


,ii||i||Mr^-iï3,,,,...,;„^ 


VMl/^k 


Rî-vaal  de  curùe  cliaude 


N'allez  pas  croire  au  moins  que  tous  leurs  rêves  soient  aussi  brillants  ;  les 
pauvres  bètes  ont  leurs  cauchemars,  ils  reçoivent  des  coups  de  fouet  ima- 
ginaires ,  souvenirs  cuisants ,  la  plupart  du  temps ,  de  corrections  trop 
réelles. 

Allons  réveiller  ce  pauvre  Verdo,  qui  geint  comme  un  malheureux  et  qui 
se  croit  en  ce  moment  battu  par  un  piqueur,  pris  dans  un  piège  ou  dégue- 
nillé par  quelqu'un  de  ses  camarades. 


Allons  changer  le  cours  de  ses  idées. 
Encore  un  mot  qui  paraît  vous  choquer. 


■M)-2  LA    PUOVIXCM    A    CHEVAL. 

Itoii  !  deux  camarades  de  lit  eu  grande  discussion  :  Eléocle  et  Polijnice. 

OuVst-ce  que  cela  veut  dire?...  Troubler  ainsi  le  repos  public! 

Heurousenieut  que  le  chùtiiuent  n'est  j)as  loin,  le  voilà  qui  s'approche 
sous  la  forme  d'uu  valet  de  chiens,  arme  de  son  ibuet  :  Clic,  clac,  Figaro^ 
au  banc  ! 

Tous  les  jours  promenade;  on  couple  les  chiens,  el  en  marche!  piqueur 
eu  tète. 


Cet  exercice  dure  deux  heures   en  moyenne,  après   quoi  l'on  rentre  au 
chenil  en  attendant  la  soupe. 


L'aspect  du  chenil  n'est  plus  ce  qu'il  était  tout  à  l'heure  ;  plus  de  ciiiens 
qui  dorment!  ils  attendent  :  toutes  les  oreilles  sont  dressées,  les  queues 
s'agitent,  tous  les  yeux  sont  dirigés  vers  la  porte  :  c'est  que  la  promenade 
est  un  apéritif  puissant,  et  que  des  estomacs  qui  n'ont  rien  absorbé  depuis 
vingt-quatre  lieures  ressemblent,  à  s'y  tromper,  à  l'intérieur  d'une  machine 
pneumatique  :  cependant  ])as  un  chien  ne  descend  de  sou  banc,  car  les 
fouets  des  valets  de  chiens  sontlevés,  prêts  à  s'abattre  sur  l'échiné  du  premier 
i-éfractaire  :  la  consigne  veut  qu'on  reste  en  place,  on  le  sait,  et  l'on  se  con- 
tente de  manifester  son  impatience  par  des  mouvements  sur  soi-même  et 
d'éloquents  soupirs. 


LA    l'IlOVliYCE    A   CHEVAL. 


303 


Déjà  le  bruil  des  homnios  qui  pré|)arent  les  auges,  oii  la  soupe'Lint  désirée 
doit  è(re  versée,  se  fait  euleudre;  l'agilalioii  de  la  meule  redouble;  les 
jambes  soûl  toutes  en  mouvement,  les  reins  frétillent  comme  des  serpents, 
les  queues  s'abattent  sur  les  flancs  par  un  mouvement  de  plus  en  plus  préci- 
pité, toutes  les  langues  s'agitent,  fous  les  regards  s'allument,  toutes  les  voix 
gémissent;  c'est  un  frémissement  universel. 


Altendaiil  la  soupe. 

La  porte  d'entrée  s'ouvre  à  deux  battants,  les  fouets  des  piqiieurs  s'a- 
baissent :  immédiatement  la  descente  commence,  en  une  seconde  il  n'y  a 
plus  un  cbien  sur  les  bancs  ;  la  meute  entière  se  précipite  dans  la  cour,  où  le 
repas  attend,  répandu  dans  de  longues  auges  en  bois  placées  sur  le  sol.  Ici, 
nouvel  arrêt,  les  chiens,  maintenus  à  coups  de  fouet,  se  rangent  à  dix  pas  des 
auges,  alignés  comme  de  vieux  grenadiers;  pas  un  museau  ne  dépasse!  le 
front  de  la  meute  est  aussi  correctement  droit  que  les  bordures  de  buis  d'un 
jardin  à  la  française. 

Les  vétérans  de  la  bande,  messieurs  les  limiers,  au  nombre  de  vingt,  sont 
appelés  les  premiers  :  une  fois  repus,  ces  vénérables  quadrupèdes  abandon- 
nent la  place  au  gros  de  la  meute. 


Trois  fois  le  piqueur  placé  devant  les  auges  abaisse  et  relève  sou  fouet, 
trois  fois  la  meute  s'élance  et  recule,  en  rechignant  et  en  grognant...  enfin  le 


:i()i 


LA    l'IlOVlNCE    A   ClliaAI, 


piqiu'iir  se  relire  lonlemeiit,  loul  en  lenaiil  son  Iniiel  levé  ;  la  meule  le  siiil 
pas  à  pas,  eoiiservant  reliyieiiscnieiil  la  dislaiiCL'  (jiii  les  sépare  et  qui  se 
Iroiive  èlre  préciséiiieni  la  mesure  exacte  de  la  portée  de  la  mèche. 

Le  piqneiir  a  enjambe  l'ange  et  s'est  relire  à  nne  distance  respectueuse , 
en  abaissant  son  terrible  fouet;  les  fanfares  éclatent,  les  chiens  s'élancent, 
se  précipitent  ;  pendant  nne  seconde,  c'est  un  désordre  indescri|)lible,  nu 
lohu-bohu,  un  vacarme  épouvantable  ;  les  retardataires  veulent  s'emparer 
des  places  prises  par  les  premiers  arrives  :  ils  montent  les  uns  sur  les  autres, 
les  pattes  sont  en  l'air  ;  c'est  un  mouvement  infernal,  un  véritable  assaut 
donné  àceux  qui  ont  pris  les  meilleures  places,  et  (|ui,  du  reste,  ne  li'ur  l'ail 
pas  perdre  un  coup  de  dent. 


Ces  mpsEJeurs  sont  servis! 


Bientôt  quelques  coups  de  fouet,  frappés  d'une  main  sûre,  viennent  réta- 
blir l'ordre  :  silencieux,  alignés  des  deux  côtés  de  l'auge,  les  chiens  man- 
gent, chacun  pour  son  compte,  sans  se  préoccuper  du  voisin;  c'est  à  |)eine  si 
l'on   entend,  de  temps  à  autre,   un  léger  grognement  :  ils  sont  recueillis 


LA    PROVIMCE    A   CHEVAL. 


30S 


comme  il  convient  pour  l'accomplissement  d'un  semblable  sacerdoce  ;  au 
reste,  ils  ne  mangent  pas,  ils  engloutissent  ;  les  morceaux  disparaissent  avec 
une  rapidité  vertigineuse,  on  ne  s'explique  pas  leur  disparition  et  comment 
cette  auge,  pleine  tout  à  l'iieure  jusqu'aux  bords,  se  trouve  maintenant  aussi 
nette  qu'au  moment  où  l'ouvrier  venait  d'y  mettre  son  dernier  clou. 

Le  repas  terminé,  on  rentre  au  cbenil  accomplir  l'important  travail  de  la 
digestion. 


Les  jours  de  cbasse,  rien  d'animé  comme  l'intérieur  du  chenil  ! 

Dès  le  matin,  les  chiens  ont  deviné,  aux  allures  des  piqueurs,  qu'on  allait 
les  conduire  sur  le  champ  de  bataille;  aussi,  avec  quel  intérêt  suivent-ils 
toutes  les  allées  et  venues  des  valets  de  chiens  ! 


Aucun  de  leurs  gestes  ne  les  laisse  indifférents  ;  debout  sur  leurs  bancs,  ils 
suivent  les  progrès  des  préparatifs,  et,  au  moment  où  les  piqueurs  arrivent 
en  tenue  de  chasse  et  sonnent  la  sortie  du  chenil,  leur  enthousiasme  se 
traduit  par  des  cris  dont  l'accent  ne  permet  pas  de  mettre  en  doute  le  plaisir 
qu'ils  éprouvent. 


La  meute  se  met  en 
valets  de  chiens. 


marche,  précédée  par  les  piqueurs  et  escortée  par 


les 


Notre  meule  est  composée  de  fox-hounds  tricolores  ;  suivons-les  tandis 
qu'ils  se  rendent  au  rendez -vous;  ils  marchent  lentement,  et  nous  aurons 
tout  le  temps  d'admirer  la  vigueur  de  leur  conformation. 

Voyez  quelle  ouverture  de  poitrine  et  quelle  largeur  de  reins  ! 

Ces  membres  courts  et  trapus,  ces  doigts  serrés,  ce  fouet  large  à  la  nais- 
sance et  planté  à  angle  droit  sur  cette  large  croupe. 

39 


3or> 


LA    PUOVINCE   A   CHEVAL 


Si  co  ne  sont  pas  là  des  indices  eerlains  de  force,  je  ne  sais  à  qnels  signes 
«n  poniTa  jnger  des  qualités  d'un  animal. 

Avec  de  semblabl(\s  appareils  ils  ne  peuvent  manquer  d'avoir  de  la  vitesse 
et  du  fond,  c'est-à-dire  les  qualités  les  plus  précieuses  du  chien  courant. 

Voilà  les  chiens  dont  vous  avez  souvent  entendu  médire. 

Les  chiens  anglais  n'ont  pas  de  fond,  les  chiens  anglais  n'ont  pas  de  train, 
les  chiens  anglais  n'ont  pas  de  voix,  etc.,  etc. 

Voilà  ce  qui  se  répète  tous  les  jours,  et  si  l'on  ne  savait  par  expérience  ce 
qu'ils  sont  capables  de  faire,  on  serait  tenté  de  croire  que  ce  sont  des  hari- 
delles sourdes  et  muettes,  et,  ce  qui  est  plus  grave  chez  un  chien,  perpé- 
tuellement enrhumées  du  cerveau. 

Vous  les  avez  vus  ? 

Qu'en  pensez-vous? 


CHAPITRE    IV 


E\    CHASSE. 


C'est  à  la  fin  de  l'automne,  par  un  temps  un  peu  gris  ;  pas  de  froid,  pas 
de  vent;  on  a  très-finement  déjeuné  chez  le  maître  d'équipage,  qui  a  trouvé 
plus  hospitalier  de  désigner  sa  salle  à  manger  comme  lieu  de  rendez-vous 
que  l'un  des  carrefours  de  la  forêt. 


Les  invités  qui  viennent  de  quatre  ou  cinq  lieues  se  sont  montrés  sensibles 
à  ce  procédé  et  savourent  les  cigares  de  l'amphitryon  en  écoulant  le  rapport 
des  piqueurs. 


308 


LA    PROVINCE    A   CHEVAL. 


Pierre  a  connaissance  d'une  liarde  grosse  de  huit  animaux,  dcboiil,  (|u'ii 
a  laissée  en  surveillance  dans  le  quartier  des  Grands-Ormeaux  ;  c'est  un  pis 
aller,  et  l'on  pourra  lâcher  de  détourner  l'un  des  cerfs,  si  aucun  des  aulrcs 
hommes  n'a  pu  rembucher  un  animal  isolé. 

La  jeunesse  n'a  rien  à  dire. 

Marin  a  vu  pas  corps  un  daguet  qu'il  juge  arrêté  dans  le  taillis  de  l'Homme 
mort. 

Quant  à  Pavillon,  il  a  rembuché  un  dix  cors  jeunement  dans  la  futaie  du 
Gros-Chêne. 

Il  suppose  que  c'est  l'animal  chassé  l'avant-dernière  réunion,  et  dont  la 
poursuite  a  été  arrêtée  par  l'arrivée  de  la  nuit. 


JM  '-,.. 


^ 


'''  \\^ 


MIS* 


X 


Le  rapporl. 


Ceci  est  sérieux,  et  l'on  décide  que  c'est  au  Gros-Chêne  qu'il  faut  aller. 

Le  Gros-Chêne  est  au  fond  d'un  pli  de  terrain  assez  profond,  au  milieu 
d'un  carrefour  dont  les  routes  bordées  par  une  haute  futaie  remontent  toutes 
au  sommet  d'une  sorte  d'entonnoir. 


LA    PROVINCE    A   CHEVAL. 


313 


Pavillon  a  mis  pied  à  terre  et  est  entré  sous  bois  :  ses  chiens  ont  ren- 
contré et  commencent  leur  musique. 

Un  accord  de  trompe  éclate  :  c'est  la  vue. 


Le  cerf  a  bondi  sous  le  nez  des  chiens  d'attaque  après  cinq  minutes  de 
rapprocher. 

On  découple  :  Trente  chiens,  a  prononcé  le  grand  maître  de  la  fête,  en 
désignant  du  fouet  ceux  qui  doivent  prendre  part  au  lancer. 

Il  semble  que  le  lieu  ait  été  choisi  à  loisir  pour  faire  [valoir  la  scène  :  les 
bardes,  attachées  chacune  à  un  arbre,  sont  justement  du  côté  du  carrefour 
opposé  à  la  coupe  où  l'animal  est  lancé. 

Les  chiens  découplés  traversent  la  route  au  galop,  et,  d'un  bond,  fran- 
chissent le  fossé  qui  les  sépare  de  la  futaie. 

Les  chevaux  sont  frémissants  ;  ils  voudraient  s'élancer  en  même  temps 
que  les  premiers  chiens;  ils  sentent  que  la  chasse  est  commencée,  et  ne 
comprennent  pas  qu'on  retarde  la  poursuite. 

Mes  bons  dadas,  vous  n'êtes  que  des  utilités,  et  il  s'agit  de  laisser  la  place 

40 


314 


LA    PROVIXCK    A    CHEVAL. 


aux  premiers  rôles,  les  léiiors  à  quatre  pâlies  qui  jcltenl  aux  échos  leurs 
premières  notes. 

Les  cLasseurs  oui  suivi  les  cliiens. 

Quelques  hardes  restent  attachées  à  leurs  arbres  respectifs,  avec  l'air  tout 
décontenancé  d'animaux  qui  ont  eu  de  grandes  espérances,  complclement 
déçues  maintenant. 

Les  pauvres  toutous  ont  l'air  affadi  qu'aurait  une  aquarelle  de  de  Penne 
tombée  dans  un  baquet. 

A  gauche,  deux  ou  trois  valets  de  chiens,  cramponnés  à  leurs  laisses, 
courent  à  la  lisière  par  laquelle  on  présume  que  débouchera  le  cerf  attaqué, 
incident  probable,  si  c'est  bien  le  même  animal  qu'on  a  déjà  chassé. 


c-\c 


Dès  le  début,  on  voit  quels  sont  les  chasseurs  friands  de  l'obstacle. 


Un  fossé  assez  large  ferme  le  carrefour,  ils  l'abordent  immédiatement, 
taudis  que  les  autres,  plus  prudents  ou  plus  ménagers  des  forces  de  leurs 
montures,  suivent  tranquillemcnl  la  route  qui  contourne  le  taillis. 


[lemords.  —  J'ai  cfrtuiDeinenf 'dépassé  le 
maître  de  rêqnipagp,  el  le  ccmMe  de  l'impo- 
lilesse,  c'cBl  qo'il  m'a  élé  impoEstble  de  le 
saluer  !!! 


  4 


LA    PROVINCE   A   CHEVAL. 


319 


C'est  le  chemin  choisi  par  les  dames,  peu  nombreuses   d'ailleurs,  qui 
suivent  la  chasse. 


En  France,  c'est  déjà  très-joli  quand  le  beau  sexe  est  représenté,  et  je  ne 
me  rappelle  pas  avoir  jamais  vu  ici  les  tableaux  que  l'on  aperçoit  couram- 
ment en  Angleterre  :  une  demi-douzaine  de  jeunes  fdles  passant  d'un  même 
élan  une  barrière  fixe  à  double  travée,  sans  interrompre  pour  cela  la 
conversation  commencée. 

Qu'est-ce  qui  vient  d'arriver? 

La  moitié  de  ces  messieurs  sont  à  pied,  et  chacun  discute. 

Une  chasse  qui  marchait  si  bien,  et  voilà  un  change. 

La  tète  de  la  meute  s'est  divisée,  et  il  n'est  certes  pas  facile  de  distinguer 
le  bon  pied  du  mauvais,  car  les  deux  animaux  sont  de  même  taille  et  de 
même  force. 

Pierre,  le  vieux  piqueur,  qui,  je  le  parierais,  reconnaît  les  animaux  à 
l'odeur,  affirme  que  l'animal  de  chasse  a  pris  à  gauche,  et  la  meilleure 
preuve  en  est  que  Ravaude  est  restée  parmi  les  chiens  embarques  de  ce 
côté;  mais  La  Jeunesse  est  sûr  que  c'est  à  droite  qu'il  faut  marcher,  car  il  y 
entend  la  voix  de  Tonnante. 


320  LA    PKOVIMCE    A    CHEVAL. 

Kn  allomiaiil  (iiriin  Saloiiioii  quelconque  ait  décidé,  les  frais  du  procès, 
représentés  par  de  maîtres  couj)s  de  l'ouct,  sont  supportés  par  les  chiens 
(pi'on  à  pu  ninqire. 

La  gent  canine  paraît,  du  reste,  être  d'avis  aussi  partagés  que  la  race 
humaine,  car,  si  bon  nombre  de  chiens  l'ont  mine  de  s'élancer  à  droite,  un 
assez  bon  groupe  ne  dissimule  pas  sa  prédilection  pour  la  gauche. 

Derrière  nous  retentit  la  voi\  d'un  retardataire,  c'est  celle  du  vieux  Mi- 
rant, devenu  le  plus  lent  de  tous  les  chiens  de  la  meute,  mais  resté  le  plus 
sûr. 

Nous  sommes  sauvés!  et  où  il  ira,  il  faudra  aller. 

Chacun  remonte  en  selle,  et  l'on  attend  son  passage. 

Miraut  opte  pour  la  gauche,  et  les  chiens  incertains  jusqu'alors  s'élancent 
sans  plus  d'hésitation  à  sa  suite. 

Il  n'y  a  pas  à  en  douter,  nous  sommes  sur  la  bonne  piste,  et  cette  fois 
encore  c'est  le  vieux  Pierre  qui  a  vu  juste. 

II  est  radieux  de  voir  son  opinion  conflrmée  parle  flair  de  son  vieil  ami 
Miraut,  et  c'est  avec  un  entrain  juvénile  qu'il  entonne  un  bien  aller... 


■*5S 


CHAPITRE   V 


EXCLl'SIVEMEXT    COXSACRE     Al'X   ACCIDENTS    LES    PLl'S    LSITES. 


Il  y  a  des  gens  qui  ne  peuvent  se  battre,  raênie  au  premier  sang,  à  moins 
de  faire  au  préalable  leur  testament. 

Ceux-là  ne  doivent  pas  manquer  au  moins  de  le  relire,  quand  ils  doivent 
chasser  le  lendemain 

Outre  la  chance  que  tout  cavalier  a  de  se  casser  les  reins,  les  fronts  des 
cerfs  et  les  hures  des  sangliers  sont ,  en  effet,  surmontés  ou  terminés  par 
des  armes  autrement  terribles  qu'un  fleuret  démoucheté. 

41 


322 


I,A    l'UOVIXriE    A   r.HKVAI,. 


(]('.s  animaux,  qui,  lorscju'oii  les  alla(]uc,  oui  parfois  la  uicchancclc'  de  se 
(léfcndic,  font  niioux,  quand  ils  s'y  nicllcnl,  que  de  découdre  un  ou  deux 
chiens  acliarnos  à  leur  poursuilc  cl  foiiccut  volontiers  sur  leurs  poursui- 
vants luiniains,  qui  ne  paraissent  pas  d'un  grand  poids  au  bout  de  leurs  an- 
douillers. 


1/ 


m 


^      >^'.^ 

:*i!'i!i'illi:.,\ 


Un  cavalier  et  son  cheval 
ne  résistent  pas  mieux  à  un 
pareil  choc  qu'un  enAxnt  de 
sept  ans  au  coup  de  poiny 
d'un  maître  boucher,  et  dans 
cette  occurrence,  il  n'est  pas 
besoin  que  le  coup  porte  di- 
rectement sur  riiomme  pour  que  sa  situation  soit  diyne  d'intérêt. 

Il  est  lancé  à  une  telle  distance  qu'il  ne  peut  prévoir  où  doit  aboutir  sa 
chute,  et  que,  semblable  au  sauteur  marseillais,  il  a  le  temps  de  "  s'em- 
bêter en  l'air  d  . 


c.^ 


^MSi^tâ 


La  dernière  culbute  de  ce  genre  que  j'aie  vue  n'a  cependant  produit  aucun 
mauvais  résultat. 

Le  veneur,  le  cheval  et  le  sanglier,  qui  ont  roulé  en  un  seul  groupe,  se 
sont  relevés  tous  trois  à  peu  près  intacts,  et,  l'instant  d'après,  tous  trois 
galopaient  à  nouveau  les  uns  derrière  l'autre. 


Voici  comment  les  choses  se  sont  passées. 


LA    PROVINCE    A   CHKVAL. 


323 


La  nuit  approchait,  et  le  comte  L.  de  C...,  arrêté  au  milieu  d'une  ligne, 
attendait  de  pied  ferme  un  sanglier  chassé  depuis  plusieurs  heures  qui  venait 
droit  sur  lui,  et  attendait,  pour  tirer,  qu'il  fût  à  belle  portée. 

Le  coup  part;  mais,  soit  que  la  jument  du  comte  eût  remué,  soit  que  son 
tir  eût  été  gêné  par  le  crépuscule,  le  sanglier,  au  lieu  de  rouler  sur  lui-même, 
comme  nous  nous  y  attendions  tous,  poursuit  sa  marche  d'un  élan  plus 
rapide,  et,  passant  au  travers  des  jambes  de  la  jument,  la  retourne  comme 
une  simple  crêpe. 

Jugez  quelle  culbute  ! 


Elle  fut  complète  en  ce  sens  que  le  dos  du  cheval  toucha  le  premier  au 
sol  ;  par  bonheui'  le  cavalier  avait  été  jeté  quelque  peu  de  côté  et  ne  fut  pas 
écrasé,  comme  il  s'y  attendait,  sous  le  poids  de  sa  monture,  mais  sa  trompe, 
qui  avait  supporté  la  pression  de  son  corps,  est  demeurée  depuis  aussi 
aplatie  que  ces  fleurs  collectionnées  entre  les  feuilles  d'un  livre  j)ar  les 
amoureux  platoniques. 


:î2i 


LA    PROVIVCK    A   CHKVAL 


Je  me  rappelle  égalcmeiil  un  (Mpitainc  de  cliasse  quasi  royale  qui,  au 
(luieiil  (le  servir  à  la  carabine  un  dix  rors  tenant  tête  aux  chiens,  fut  cliaryé 
„'ec  une  telle  impéluosilé,  que  nous  aurions  eu  certainement  à  déplorer  la 
lin  trajjique  de  l'un  de  nos  plus  aimables  causeurs,  si,  par  un  liasard  |)r()vi- 
deuliel,  il  n'avait  relayé  l'instant  d'auparavant. 


m 
avec 


Grâce  à  la  vitesse  de  son  cheval,  complètement  frais,  l'avance  qu'il  put 
prendre  le  mit  rapidement  hors  d'atteinte,  mais  je  vous  affirme  que  les  pre- 
miers moments  de  cette  fuite  désespérée  n'avaient  rien  de  rassurant  pour  les 
spectateurs. 

Le  cerf  louchait  de  son  mufle  la  croupe  du  cheval,  et  je  n'ai,  quant  à  moi, 
jamais  eu  aussi  peur  de  voir  des  andouillers  disparaître  dans  un  uniforme  de 
veneur. 


A  défaut  d'accidents  aussi  tragiques,  il  est  rare  que  toute  une  chasse  se 
passe  sans  une  chute  quelconque,  effrayante  quelquefois,  le  plus  souvent 
comique  :  d'autant  plus  que  la  culotte  et  l'habit  accusent  de  leur  note  blanche 
ou  rouge  la  position  extraordinaire  prise  par  le  cavalier. 


LA    PROVIMCE   A   CHEVAL 


325 


Si  la  culotte  est  bien  rcnij)lle,  il  y  a  telles  combinaisons  de  lignes  dont 
l'ellct  est  irrésistible,  et,  quelque  empire  qu'on  ait  sur  soi-nu'me,  il  faut  y 
aller  de  son  éclat  de  rire. 

Première  position.  —  Le  cheval  qui  vous  précède  a  refusé  l'obstacle  et 
s'est  piqué  sur  les  deux  pieds  de  devant. 


4     ^  '> 


fi^^\^^^-%^J^^-0 


^' 


Vous  voyez  son  arrière-main  puissamment  contractée,  la  selle  vide,  et  le 
cavalier,  cramponne  au  sommet  de  l'encolure,  vous  tourne  exactement  le 
dos,  en  s'efforçaut  de  se  maintenir  en  équilibre  sur  ce  support  très-peu 
stable. 

2''  posilion.  —  Vous  avez  passe  un  obstacle,  et,  par  un  sentiment  de 
curiosité  bien  naturelle,  vous  regardez  de  quelle  façon  s'en  tirent  les  chas- 
seurs qui  vous  suivent. 

L'uu  d'eux  fait  panache  : 

Son  cheval  a  touché  également  des  deux  genoux,  de  telle  sorte  qu'il  s'élève 


326 


LA    PKOVIX'CE    A    niKVAI,. 


pcrpcadiiiilairt'iiiciit  au-dessus   de   Tubslaclf,    tandis   que  le  cavalier  plane 
coinnic  un  oiseau  de  proie  eu  Iraiu  de  choisir  le  ])oinl  où  il  doit  s'abattre. 


T-^^^^iiiiip! 


y  position.  —  C'est  un  obstacle  en  hauteur,  et  qui  demande  au  cheval  un 
effort  sérieux  :  le  saut  eu  hauteur  étant  toujours  plus  déj)laçant  que  le  saut 
en  largeur,  le  cavalier  a  glissé  sur  la  croupe  et  s'est  accroché  des  deux  mains 
aux  quartiers  de  la  selle  ou  à  la  crinière. 


Vous  ne  voyez  guère  que  le  dos  du  cavalier  et  les  jambes  de  derrière  du 
cheval,  de  telle  sorte  que  la  queue  de  l'auimal  parait  plutôt  appartenir  au 
cavalier. 


LA    PROVINCE   A   CHEVAF.. 
A' position.  —  La  cluile  est  accomplie. 


327 


Votre  ami,  peut-être   uu  de  vos  plus  chers  amis,  est  tombé  à  plat  au  foud 
d'un  fossé  pendant  que  sou  cheval  a  contiuuc  sa  course. 


w 


Vous  ne  voyez  que  deux  jambes  qui  s'agitent,  ornées  de  leurs  bottes  et  de 
leurs  éperons;  l'effet  est  irrésistible,  et  vous  riez  aux.  larmes. 

Dans  les  pays  de  meulières,  espèces  de  cliausse-trapes  remplies  de 
boue  recouverte  d'herbe,  la  même  chute  produit  un  spectacle  encore  plus 
réjouissant. 


c.\l' 


^,x\|^%l^__ 


Le  cheval  s'abat  aussitôt  que  le  sol  manque  sous  ses  pieds,  et  le  cavalier, 
projeté  en  avant,  se  trouve  fiché  en  terre  la  tète  la  première. 


328 


LA   PROVIMCF,   A    ('.IIKVAr,. 


(^(iiiimc  il  esl  jncnaci!  d'aspliyxic,  s(îs  jambes  s'agilenl  froiiéliqucniPnt,  et 
ajoiileiil  par  leur  lolé<]Ta|tliic  désospéiTC  à  ranirnation  de  la  scène. 

Dans  le  Ucrry,  où  ces  Irciiibles  sont  lrès-notiibreii\,  on  cite  des  cas  de 
dis|)arition  définilive,  et  des  sauvetages  aussi  émouvants  que  celui  du  puisa- 
tier d'hleceiiilly. 

Le  marquis  de  M...,  le  vieux  lonvelier  bien  connu,  et  qui  mériierail,  |)ar 
sa  passion  pour  la  cliasse  et  par  bien  d'autres  particularités,  de  trouver  un 
biograplie  spécial,  avait,  à  la  nuit  tombante,  IVaiulii  une  baie  qui  coupait 
par  le  milieu  une  assez  vaste  prairie. 


A  l'époque  dont  il  s'agit,  le  marquis,  dont  les  débuts  avaient  été  des  plus 
brillants,  et  qui  avait  jadis  atlacbé  une  grande  importance  à  la  tenue  de  ses 
équipages,  avait  dès  longtemps,  et  pour  des  causes  multiples,  renoncé  à 
toute  ostentation.  Sa  mise  était  devenue  plus  que  négligée,  il  n'avait  plus 
qu'un  ebeval,  excellent,  mais  d'un  aspect  qui  ne  permettait  pas  de  préjuger 
ses  (pialités.  Il  fallait  le  voir  à  l'œuvre,  sans  quoi  le  plus  grand  connaisseur 
l'eût  à  première  vue  imj)iloyablement  classé  dans  la  catégorie  des  coursiers 
destinés  à  la  remonte  de  AIM.  les  maraîcbers. 

Après  cette  parentbèse  nécessaire  pour  expliquer  la  tenue  laiilaisiste, 
quoique  scrupuleusement  exacte,  reproduite  dans  le  croquis  ci-dessus,  reve- 
nons à  nos  moulons. 


LA   PROVINCE   A   CHEVAL. 


329 


Du  côte  où  il  avait  pris  son  clan,  le  terrain  élait  solide;  mais  de  l'aulre, 
c'était  le  plus  beau  tremble  qu'on  put  imaginer,  et,  du  premier  coup,  le 
cheval  y  enfonça  à  mi-corps,  et  le  cavalier  jusqu'aux  genoux. 


\x\r 


'11'         iv'  'H/Wj;!;.'- 


A  chaque  effort  de  l'animal,  le  groupe  s'enfonçait  plus  profondément,  et 
malgré  les  appels  désespérés  du  marquis,  aucun  secours  n'arrivait. 
Les  chasseurs  étaient  loin  derrière,  et  pas  un  paysan  à  l'horizon. 


■\ 


Sa  situation  était  critique,  et  le  vieux  veneur,  aussi  peu  patient  que  pro- 
fondément religieux,  alternait  les  jurons  et  les  actes  de  contrition,  puis  réem- 
bouchait sa  trompe  et  sonnait  à  pleins  poumons. 

42 


330  I,A    l'ROVl.YCE    A   CHEVAL. 

Cepoiidaiit  il  cnfonçail  loiijoiirs. 

Quand  on  arriva,  le  rlu'val  avait  coniplôloinciit  disparu,  cl  le  veneur 
n'avail  |)lus  hors  de  houe  (jue  \c  inas(|iie. 

Avec  des  rênes  et  des  cordes  mises  houtàboul,  (|u'oii  parvint  non  sans 
peine  à  lui  passer  sous  les  aisselles,  el  auxquelles  on  dut  atteler  nn  hœuf,  on 
finit  par  l'extirper  de  son  hain  de  vase. 

Il  en  sortit  avec  le  hruil  d'un  bouchon  violemment  tiré  de  sa  bouteille. 

Quant  au  cheval,  il  y  est  encore. 


CHAPITRE  VI 


FANFARES     ILLUSTREES. 


I.  —  Le  point  du  jour. 


S 


n]M  iliJlJilJ;^ 


^^^ 


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LA   PROVIX'CE    A   CHEVAL. 


333 


II.  —  La  sortie  du  dienil. 


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III.  —  Le  départ. 


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LA   PROVINCE   A   CHEVAL. 


335 


11^  —  Le  volcelest. 


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V.  —  Le  laisser-courre. 


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LA   PROVINCE    A    CHEVAL. 


337 


VI.  —  Le  lancé. 


%^rri^F^rn[j^rFfé^Fgi 


vu.  —   La  vue. 


43 


LA   PROVINCE   A    CHEVAL. 


339 


VIII.  —  Le  change. 


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IX.  —  Le  débucher. 


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LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 


341 


X.  —  La  plaine. 


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c    V 


XI.  —  Le  remhttclicr. 


LA    PROVIXCE    A    CHEVAL. 


343 


XII.  —  L'animal  à  l'eau. 


iF'rn^r-rPiccf'^rFf%g# 


^5 


XIII.  —  L' hallali  sur  pied . 


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S^\V(Vt  '^■cAV 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 


345 


XIV.  —  L'hallali  imr  terre. 


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'  'P'él. 


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XV.  —  La  curée. 


44 


LA    PROVINCE    A   CHEVAL 


347 


XVI.  —  Les  honneurs  du  pied. 


EiCrf[xri^r-B 


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XVII.  —  La  retraite  prise. 


ppj.|^l>- rf  y  l^r  g^ 


^^ 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 


Xl/lII .  —  la  retraite  manquée. 


349 


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FIN    DE    LA    TROISIÈME    PARTIE 


QLATRIKSIE   PARTIE 


C/\  l'T  LA 


4ô 


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CHAPITRE  PREMIER 


Les  courses  de  province.  —  Ces  messieurs  du  comité.  —  Propriélaircs  et  cavaliers  indigènes. 

Acteurs  et  spectateurs. 


Le  principal  attrait  des  courses  de  province  est  qu'elles  ont  généralement 
lieu  dans  un  joli  endroit  que,  sans  elles,  on  n'aurait  vraisemblablement  pas 
l'occasion   d'admirer. 


Alalheureusement,  l'obligation  pour  les  organisateurs  de  ces  fêtes  de  ne 
pas  fixer  le  moment  des  réunions  à  des  dates  réservées  pour  des  champs 
de  courses  plus  renommés,  les  force,  la  plupart  du  temps,  à  choisir  les  jour- 
nées les  plus  caniculaires  de  l'année. 


356 


LA    l'ROVIXTE    A    CHKVAI,. 


Los  lii|)p()(lroiiics  qui  jouissent  de  la  faveur  j)ul)li(|ue  ayant  monopolisé 
tous  les  jours  disponibles  de  l'aiitonine  et  du  ptinl('iii|is,  les  journées  tro- 
picales sont  les  seules  qui  restent  disponibles;  et,  eoiiiine  tous  les  fondateurs 
de  sociétés  départementales  nourrissent  le  secret  espoir  d'attirer  dans  leur 
chef-lieu  la  foule  des  étrangers,  ils  préfèrent  avoir  un  jour  à  eux,  quelque 
lorride  qu'il  soit,  plutôt  que  d'avoir  à  lutter  contre  la  concurrence  de  champs 
de  courses  plus  achalandés  et  plus  accessibles. 


Hippodromes  de  province.  —  L'n  coin  du  lurf. 


Il  en  résulte  que  l'étranger  convoité,  ayant  à  choisir  entre  l'abstenlion  et 
les  chances  les  plus  probables  d'insolation,  reste  généralement  chez  lui,  et 
que  les  indigènes  et  les  intéressés  qui  auraient  assisté  à  la  réunion  locale, 
alors  même  qu'il  y  aurait  eu  courses  le  mêmejourà  Auteuil  ou  à  Longchamps, 
se  trouvent  condamnés  à  une  station  de  plusieurs  heures  en  plein  soleil,  par 
une  température  d'un  nombre  déjà  exagéré  de  degrés  à  l'ombre. 


Ils  souffrent,  mais  se  résignent  en  pensant  que  leurs  souffi  ances  sont  suppor- 
tées pour  la  plus  grande  gloire  de  la  société  des  courses  de  la  localité,  et  en 


LA    PROVINCE    A   CHEVAL. 


357 


se  rappelant  quelles  (lifficiiltés  il  a  fallu  surmonter  pour  parvenir  à  constituer 
ladite  société. 

Ce  n'est  pas  en  effet  une  petite  affaire  que  la  constitution  d'un  comité, 
dont  tous  les  membres  voudraient  être  pour  le  moins  présidents,  —  pour  ce 
posie  aussi  lionorifique  que  peu  absorbant  ]es  candidats  affluent,  et  l'on  n'a 
que  l'embarras  du  clioix;  —  mais  c'est  autre  chose  quand  il  s'agit  de  trouver 
le  vice-président,  qui,  lui,  doit  mettre  la  main  à  la  besogne;  le  secrétaire, 
chargé  de  la  correspondance,  et  le  trésorier,  qui  doit  sous  sa  responsabilité 
personnelle  effectuer  la  rentrée  du  montant  des  souscriptions. 


Meinbi-es  fondateurs.  —  Ont  BOascrît  dod  pag  commf  sporlGOifp,  maiB  comme  légitioiisle  —  bonaparlistr  —  orlraoïsle  — 
républicain,  afin  de  ae  pas  laisser  moDopoliscr  p.ir  an  parti  une  JDSlilutiuD  qui  d'aillears  ne  les  iuteiesae  ea  aucune  façon. 


Quand  on  a  la  chance  d'avoir  pour  président  un  personnage  d'une  impor- 
tance incontestable,  grand  seigneur  puissamment  riche  ou  notabilité  mar- 
quante dans  le  monde  du  sport,  les  difficultés  que  présente  la  formation  du 
comité  chai-gé  de  le  seconder  se  trouvent  considérablement  réduites  :  — 
chacun  s'empresse  à  sa  suite,  et  brûle  du  désir  de  devenir  le  collaborateur 
d'un  homme  aussi  en  vue. 


Mais  les  champs  de  courses  sont  si  nombreux  et  les  illustrations  si  peu 
fréquentes,  que  le  cas  est  tout  à  fait  exceptionnel. 


358 


LA    l'IlOVINCK    A   CHKVAF,. 


I,a  plupart  du  Icnips,  les  iH)lal)ilil(''s  sporlives  dont  dispose  l'arrondisse- 
ment sont  aussi  contestables  que  contestées,  et  les  partisans  de  l'une  ou 
l'autre  sont  généralement  en  lutte  ouverte,  de  telle  sorte  que  le  triomphe  de 
tel  ou  tel  crée  immédiatement  tout  un  groupe  de  mécontents  qui  critiquent  de 
parti  pris  tout  ce  qui  est  fait,  et,  ce  qui  est  plus  grave,  profitent  du  succès  du 
parti  ennemi  pour  refuser  énergiquement  de  souscrire. 

On  dit  partout  qu'il  n'y  a  pas  de  petites  économies,  mais  ce  n'est  qu'en 
province  qu'on  le  croit  et  qu'on  agit  selon  ses  croyances. 


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!\riint  le  dt'jKirt.  —  Dernièrpe  recomniaDdalionB  ao  champion  local. 


3. 


Les  difficultés  budgétaires  viennent  imniédialeinent  aggraver  la  situation 
déjtà  tendue  par  les  rivalités  de  personnes,  et  le  malheureux  comité  se  trouve 
obligé  de  faire  quelque  chose  avec  rien,  ce  qui  justifie  l'emploi  de  l'expression 
consacrée  en  pareille  circonstance  :  la  création  d'un  nouvel  hippodrome. 


Dès  lors  les  démarches  auxquelles  doit  se  livrer  tout  membre  du  comité 
deviennent  incessantes;  il  doit  solliciter  partout  et  sans  cesse  : 

A  la  Société  d'encouragement, 

Au  ministère, 

Au  conseil  général, 

A  la  préfecture, 

A  l'administration  du  chemin  de  fer  ; 


La  ti-ibune  des  jiigfs.  —  Tuul  ce  que  rarrondisseinent  piiBsède  de  | 
—  Da    vrai  marquis  ,   ua   baron  juif,  l'aDCieu   Bous'prt'fet  et  uu  quincail 
Bomplif,  —  s'inlércEseiit  pasaioDuénieat  à  réquilaliuii  d'autrui,  adorent, 
lout  ce  qui  leur  fuuroîl  l'occasion  de  aicger  à  une  place  réietvée,  prési 
ce  qui  a  besoiu  d'ùlre  présidé  ,  conronnent  les  roaièri^B,  assisleol  au 
des  écoles  libres,  Boireot  les  processions  et  (oastenl  à  loor  de  lole  au 
lous  les  banquets  qui  suiveol  chacune  de  ces  cérémonies 


nV       ,AV)~    nlll        -  Eh  beo,  v'Ià  un  chevau    Uljl  ,  .hi^  ^^Vv 

VÎ^^?l,  IV        I    qu'fll  cràuement  hab.llc  !  f  i     lllluW'' "~i  /; 


v^^  4] 


—  Pour  sûr  que  j'aimerais 
mleui  êlre  son  tailleur  que 
son  propriétaire. 


p4Î^aM\ 


Jockeijs   iniligéites.     —   Spécîdui    pour 
les  épreuves  au  Irut  monté. 


lotesli  par  la  coorianc 

toyens  de  l'hooDear  de  d 

oU'Crève,   le    crack   du 

religicoBemenl  avant  l'éprençe  une  non- 
veWe  édition  des  inslruclions  sor  le  jeu 

à  faire.  înBtroclioDS  qoi  résollent  de  la 
délibéralioD  prise  eo  léaDCe  du  comilé 
à  la  dale  da  3  juillet,  et  dont  cumma- 
iiicatiuL  loi  a  été  donnée  audit  jour. 


Aj^^. 


Doit  û  la  tigocuF  de  ses  biceps  d'atoir 
été  désigné  par  no  vote  snaaime  du 
comilé ,  spécialement  détégné  par  le 
cercle  pour  nommerle  gentleman  cLarge 
de  tenir  en  laisse  le  cbampion  local 


'tmm 


OdI  fuit  par  tuuecrtplion  lei  frais  du  voyage  d'une 
lendreste  parisieniic  qu'île  comblent  de  petite  buÎde,  au 
plue  grand   scandale  de  leuis  concitoyetin. 


L  émulalion  sportive  est  souvent  cause  qu'un  cLàttlaia 
quelconque  croit  devoir  faire  ane  tentative  d'altelage  à 
quatre,  dont  la  popolalioo  IcrnSée  raconte  les  dangers 
plueieure  acneee  iiprés. 


JÙ> 


46 


^^^.^w.^ 


Le  bvenck  dit  régiment.  —  En  train  de  donner  un  pea  de  vilesse  aox 
cbeiaui  pour  le  reloor  par  l'intermédiaire  des  postillons.  —  Moitié 
champague  et  biandy. 


\  f nu  de  l'ariB  a\et  l'un  des  detji  chevaui  qu'il 
«cciinimode  Ioor  les  ans,  dans  le  seul  l'Bpoîr  de  recoller 
(iuili)ue6  lauiicrg  départemenliiuï. 


l'dr  un  liasard  cruel,  toutes  les  fuis  (|uil  sa  se  metlre 
en  selle,  son  cheval  se  met  a  boiter,  de  telle  sorte  que, 
depuis  Onze  ans  qu'il  doit  courir,  il  n'a  pas  encore  couru. 


Généralement  enlrainé  dans  la  Bolitode,    le  champion  local  emballe   son  cavalier  dès  le 
départ,  et  ee  fait  uo  rigoureux  devoir  de  lai  arracher  les  hias. 


LA    l'ROVIX'Cl';    A   CHEVAL. 


;]«',) 


Obtenir  ini  prix  de  celle-ci,  une  nulorisalion  ailleurs,  faire  reconnailre  lu 
société  par  toutes  les  autorités  constituées, 

Réclamer  l'organisation  de  trains  spéciaux, 

Solliciter  l'envoi   d'hommes  de  corvée  pour  l'aniénagement  de  l'iiippo- 
dronie, 

Assurer  le  service  d'ordre, 

Organiser  le  service  médical, 

Passer  des   traités  pour  l'installation  des  tribunes  provisoires, 

S'entendre  avec  les  propriétaires  fonciers  sur  les  terres  desquels  doivent 
avoir  lieu  les  courses, 

Conclure  avec  les  limonadiers,  installer  le  buffet,  que  sais-je  encore? 

Répondre  aux  demandes  de  renseignements  sur  les  conditions  d'engage- 
ments, de  poids,  d'âge,  de  parcours,  etc.,  etc. 


Tribune  ojficidle.  —  l'n  loi  d'anlorilot 


C'est  un  affairement  de  tous  les  instants,  qui  conduit  à  bref  délai  le  malheu- 
reux qui  y  est  soumis  à  un  état  d'ahurissement  dont  il  est  souvent  plusieurs 
années  à  se  remettre. 

47 


;î70  i,,a  ruovixcK  a  chlval. 

Cependaul,  lo  yrand  jour  anive. 

A  forte  d'allôes  el  d(;  venues,  de  slalioiis  dans  loules  les  anliclianibres 
officielles,  de  marches  et  de  conlre-niarelies,  d'audiences  sollieilées,  de 
s()uscri])li()ns  ouvertes  après  l'obtention  de  l'autorisation  préalable,  on  est 
parvenu  à  inscrire  au  programme  un  certain  nombre  de  prix  qui  varient 
entre  huit  cents  et  deux  mille  francs. 


On  a  réuni,  tant  parmi  les  éleveurs  indigènes  que  parmi  les  propriétaires 
de  chevaux  |)arisiens,  un  nombre  d'engagements  honorable; 


D'autre  part,  on  sait  de  source  certaine  que  toutes  les  notabilités  de  la 
ville  et  des  châteaux  comptent  assister  aux  courses;  après  tant  d'efforts,  on 
est  en  droit  décompter  sur  ime  journée  complètement  réussie. 

S'il  n'est  pas  de  plaisir  sans  peine,  on  est  quelquefois  récompensé  de  la 
peine  qu'on  s'est  donnée  en  vue  du  plaisir,  et  l'on  peut  sans  outrecuidance 


LA    PROVINCE   A   CHEVAL. 


371 


espérer  qu'on  lieut  le  succès,  et,  par  conséquent,  une  recello  iructueuse 
pour  la  sociélé  à  laquelle  on  s'est  dévoué  corps  et  âme. 


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■ —  On  ne  peul  pis  nipr  qu'ils 
inarcIteDl,  ces  tiidels-là!  Mois 
ils  ne  feraient  pas  assez  de 
cli^min  avec  moi  dessus  , 
que  je  dis. 


—  R.n  sûr  que  ces 
rlicvain-là ,  (oui  roidcs 
qu'ils  ooiil.  ce  feraieof 
p<ifl  Qii  silloo  aussi  dret 
que  mes  bœufs  ! 


—  Si  j'  couduisaie  un 
de  Ces  cbevaui-Ià ,  je 
reconnaîtrais  sûrement 
pas  mon  vopgeor  à  Id 
(in  de  la  route. 


—  Quand  j'elions  pelil, 
j'en  ai  vu  un  qu'on  appelait 
Alacbiiiskigrive  qui  montait 
mieux  que  ces  rj.is-U! 


Hélas  !  dès  le  matin  le  ciel  s'est  chargé  de  nuages  qu'un  vent  furieux  amène 
de  l'ouest. 


Lt  FL'BLlC  DE  LA  l'ISTE. 


• —  Moi,  rien  que  de 
mener  mon  cbeval  a  la 
forge,  il  5  a  des  jours  où 
je  ni'écorche,  ainsi  ' 


—  S'amuser  à  sauter 
une  rivière  aussi  pois- 
EonnptiEC  !  Drôle  d'idée  ï 


—  Des  gens  qni  ont 
de  quoi,  faire  des  métiers 
aussi  fatigantâ.'l! 


—  X'atail  core  paa  \a 
à'  courBf'S,  —  monterait 
bien  tout  d'  mi'me,  si  on 
deiait  le  soigner  au  cas 
qu'il  se  blesserait. 


Vers  deux  heures,  juste  le  moment  fixé  pour  la  première  course,  l'horizon 
est  si  noir  et  si  menaçant  que  personne  n'a  osé  meltre  le  pied  dehors;  — 
à  deux  heures  et  quart,  les  premières  gouttes  se  décident  à  tomher,  et  a  trois 
heures  il  tombe  des  cataractes. 


Les  courses  ont  lieu,  mais  devant  des  banquettes  vides. 


n72 


LA    IMIOVI.VC.K    A    CIIKVAI,. 


,\ii  (Icniicr  uiomcnl,  les  clicvaux  eiix-iiu>iiies  ont  l'ail  ddaul,  cl,  sur  cinq 
courses,  il  y  a  eu  (rois  walk-ovor. 

I,c  comilé  est  dans  le  marasme  le  plus  complet,  et  le  |)arli  adverse 
triomphe  :  dès  le  lendemain,  diacun  de  ses  membres  s'informe  avec  intérêt 
auprès  de  toute  personne  qu'il  rencontre  si  elle  a  assisté  aux  «charmantes 
rc,'];ales  organisées  par  le  comilé  »  . 


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CHAPITRE   II 


E\    TEMPS    DE    GUAXDES    M AXOEU V  RE  S. 


Par  le  temps  de  service  obligatoire  qui  court,  chaque  Français  est,  a  été 
ou  sera  soldat. 

Il  en  résulte  que  rien  de  ce  qui  touche  à  l'armée  n'est  indifférent  à  per- 
sonne, —  on  le  voit  du  reste,  quand,  les  moissons  terminées,  le  moment 
arrive  où,  sur  l'ordre  du  général  en  résidence  momentanée  au  ministère 
de  la  guerre,  les  troupes  se  mettent  en  devoir  de  simuler  les  opérations  mili- 
taires les  plus  compliquées. 


;i7i 


LA    rHOVI.VCK    A    CHKVAL. 


Dans  les  régions  désignées  comme  devant  servir  de  Ihéàlre  aux  manœuvres 
projetées,  il  n'est  pas  question  d'autre  chose  un  mois  à  l'avance,  et  l'ouver- 
ture de  la  chasse,  qui  coïncide  généralement  avec  ces  graves  événements,  s'en 
trouve  tout  naturellement  reléguée  au  second  plan. 

11  ne  s'agit  plus  de  savoir  si  l'on  sera  invité  chez  tel  ou  tel  propriétaire, 
mais  bien  de  savoir  dans  le  voisinage  de  quel  châtelain  aura  lieu  la  prin- 
cipale bataille,  et  auquel  des  geuticmea  du  voisinage  reviendra  l'honneur 
d'hosj)ilaliser  l'état- major. 


---£^-^-:--^t  = 


Comme  en  province  les  amours-propres  sont  toujours  en  quête  d'occasions 
de  se  montrer  au  grand  jour,  il  s'agit  d'arriver  à  se  procurer  au  moins  un  gé- 
néral à  héberger,  et  chacun  se  met  à  étudier  l'annuaire  avec  frénésie  pour  y 
chercher  si  l'on  ne  connaît  pas  dans  l'effectif  mis  en  mouvement  dans  l'arron- 
dissement quelqu'un  de  ces  personnages  que  Boquillon  appelle,  avec  son 
irrévérence  habituelle,  «  une  grosse  légume  « ,  par  allusion  à  la  graine 
d'épinards. 


LA    l'ROVIMCE    A   CHEVAL.  3:5 

Si  on  le  découvre,  il  n'est  pas  de  bassesse  à  laquelle  on  ne  se  livre  sans 
vergogne  pour  obtenir  qu'il  honore  votre  domaine  de  sa  présence  ;  tout  pro- 
priétaire tient  à  ce  qu'on  dise  en  montrant  son  château  :  C'est  là  qu'a  demeuré 
le  général  X...,  Z...  on  ***  pendant  les  grandes  manœuvres  de  cette  année, 
avec  tout  son  état-major. 

Il  y  avait  tant  d'hommes  au  château  et  tant  de  chevaux  aux  écuries.  Plus 
il  y  en  a,  plus  le  châtelain  est  satisfait. 

Gomme  disait  Lhéritier  dans  je  ne  sais  plus  quel  chef-d'œuvre  de  l'im- 
mortel Lfibiche,  en  montrant  sur  sa  tabatière  le  portrait  d'une  belle  inconnue 
qu'il  faisait  passer  pour  son  épouse  défunte,  «  cela  llatte  un  veuf».  De 
même,  cela  flatte  un  propriétaire  d'avoir  hébergé  une  iuq)ortante  fraction  de 
l'armée  nationale. 


Dès  que  les  premiers  éclaireurs  ont  fait  leur  apparition,  tous  les  habitants 
ne  quittent  plus  le  pas  de  leur  porte;  chacun  est  aux  aguets  et  veut  être  le 
premier  à  signaler  l'arrivée  des  nouvelles  troupes. 


:57  ; 


I,A    IMIOVIMCK    A   r.HEVAr,. 


An  iiioiiulro  bruil,  rliacuii  accoml,  cl  si  l'on  niloiul  imc  soiiiiorie  (|ni'I- 
con(|iic  à  un  kiloiiièlic,  l(uit  le  iiiiiikIo  se  ])rcci|)itc'  iliiiis  la  tlir('(,'li()i)  oli  elle 
a  éclalé. 

C'est  un  émoi  général  ;  les  paysans  quillcnt  leur  cliarnie,  les  ménagères 
leurs  inarniiles,  et  au  moindre  mouvement  des  corps  en  présence,  les 
villages  se  vident  pour  se  porter  à  leui-  rencontre. 

Rien  de  ce  qui  constituait  la  vie  au  cliàteau  n'existe  plus;  le  laun-tennis 
est  désert,  le  crocket  sommeille,  et  si  l'on  monte  à  cheval,  c'est  que  c'est 
encore  le  moyen  le  plus  pratique  de  suivre  les  évolutions  devenues  la  préoc- 
cupation générale. 


^^v^>  -V 


La  plus  vulgaire  sagesse  exige  toutefois  que  les  curieux  qui  choisissent 
ce  moyen  de  transport,  s'assurent  au  préalable  que  leurs  montures  sont 
insensibles  à  la  mousqueterie  et  à  la  canonnade. 


4? 


LA   PROVINCE   A   CHEVAL. 


379 


S'ils  négligent  celte  précaution,  ils  ont  tout  à  craindre  de  l'ouverture  des 
hostilités,  et  ils  courent  le  risque,  à  la  première  explosion,  de  se  trouver  com- 
plètement emballés  ou  prestement  déposés  sur  le  sol. 

C'est  surtout  aux  amazones  qu'il  faut  éviter  de  donner  dans  ces  occasions 
des  animaux  trop  allants,  qui  pourraient  les  entraîner  plus  loin  qu'il  ne  con- 
vient à  la  suite  de  MAI.  les  militaires. 

On  cite  de  fâcheux  exemples,  et  j'ai  entendu  parler  d'une  très-aimab!e 
femme  qui,  emballée  de  la  sorte,  n'a  pas  encore  réintégré  le  domicile  con- 
jugal depuis  cet  accident,  qui  s'est  produit  lors  des  manœuvres  de  1877. 


^^ricv' 


..i^ 


En  dehors  des  sentiments  chauvins  dont  est  animé  à  l'égard  de  l'armée 
tout  véritable  Français,  le  côté  pittoresque  du  spectacle  suffirait  d'ailleurs  à 
expliquer  très-suflisamment  l'empressement  des  populations. 


Si  la  vue  d'un  bataillon  en  marche  suffit  à  attirer  sur  son  passage  tout  ce 
que  Paris  possède  de  badauds  toujours  empressés  à  admirer  un  tableau  qu'ils 


380 


I.A    PUOVl.VCK    A   CHEVAL. 


ont  vu  cent  l'ois,  el  que  la  corrcclioii  de  la  leime  des  (roupos  rend  forcément 
idenli(|ue  avec  celui  qu'ils  ont  déjà  maintes  fois  contemplé,  n'est-il  pas  tout 
naturel  (]uc  les  populations  canqjajjnaides  fassent  preuve  d'une  curiosité  é;j;alc 
quand  il  s'a;;il  pour  elles  d'une  occasion  jieul-èli-e  unicpie  de  voir  réunis  une 
fjrande  (piaulilé  de  militaires,  elles  qui  ne  connaissent  la  force  armée  de  leur 
pays  que  par  les  rares  échantillons  contenus  dans  la  bnjjade  la  ])]us  proche 
di>  gendaimcrie  départementale? 


La  plupart  des  paysans  accourus  au-devant  des  détachements  en  marche 
apprennent  non-seulement  à  connaître  l'uniforme,  l\  distinguer  un  cavalier 
d'un  ianlassin,  à  laire  la  différence  entre  un  sergent  et  un  général,  mais 
ils  ont  encore  l'avantage  de  les  voir  en  pleine  action,  manœuvrant  et  coui- 
batlanl. 

C'est  donc  plus  qu'un  spectacle  allrayant. 


C'est  pour  ceux  qui   n'ont  pas  encore  été  appelés  au  régiment  un  ensei- 
gnement préparatoire  qui  kur  permit  d'avoir  une  idée  de  ce  que  l'on  attend 


LA    l'ROVIXCE    A    CHEVAL. 


:581 


d'eux,  et  de  ce  qu'ils  auront  à  faire  quand  de  sppclalcurs  ils  seront  appelés 
à  devenir  acteurs. 

Comme  spectacle  pur,  c'est  encore  bien  supérieur  à  la  revue  la  plus  impo- 
sante. 

S'il  est  vrai  que  la  variété  soit  une  condition  essentielle  pour  soutenir 
Tintérêt,  il  est  constamment  tenu  en  éveil  par  la  multiplicité  des  tableaux 
qu'offre  une  armée  en  marelie,  et  le  déiilé  successif  de  l'inlanferie,  de  la 


Demande  de  reoselgnements. 


cavalerie  et  de  l'artillerie,  sans  compter  les  véhicules  de  toutes  sortes  enq)loyés 
pour  le  transport  des  mille  objets  nécessaires  à  l'approvisionnement  des  can- 
tines, le  matériel  des  ambulances,  les  forges  ambulantes  et  autres  appareils 
télégraphiques,  électriques,  voire  même  aérostatiques. 


382 


I.A    l'iîOVIMCE    A   CIIEVAF,. 


La  vue  (lu  bal  de  l'Opéra  arracliail  aux  doininos  de  Gavanii  ce  cri  du  cœur  : 
«  Quand  on  pense  que  lotit  e.i  uiaiiyc  lous  les  jours,  c'est  ça  qui  donne  une 
(  ràue  idée  de  riioiniue!  'i 

En  voyant  les  files  interMiinal)les  des  colonnes  en  niarclie,  il  n'est  pas 
besoin  d'être  un  observateur  aussi  pers|)icace  et  aussi  attentif  que  le  uiaîtr(! 
regretté  pour  s'écrier  :  «  C'est  ça  qui  donne  une  crâne  idée  du  budget!  » 


li£:^mi 


Wm 


'^^^^^^'W, 


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CHAPITRE  III 


ELEVAGE    D    AJIATEUK. 


Je  ne  voudrais  pas  qu'on  pût  croire,  après  avoir  lu  ce  qui  va  suivre,  que 
je  ne  professe  pas  à  l'égard  des  éleveurs  français  tout  le  respect  qui  leur 
est  dû. 


Autant  que  personne,  je  reconnais  les  difficultés  qu'ils  rencontrent  dans 
l'accomplissement  de  la  tâche  mcriloirc  à  laquelle  ils  se  sont  consacrés,  et 


;!8i 


I,A    PROVIXCE    A   r,IIi:VAF,. 


|)fr.s()iiii('  lu'  l'ail  (le  ifpux  plus  siiifrrcs  [xiiii-  la  réussite  (le  leurs  cllurls;  mais 
c'est  j)rétiséinent  parce  que  je  me  reuds  compte  des  conditions  délavorables 
dans  lesquelles  la  valeur  excessive  des  |)n)])riétés  foncières,  la  cherté  chaque 
jour  plus  onéreuse  de  la  main-d'œuvre  et  mille  autres  causes  placent  les 
hommes  sérieux  qui  luttent  énergiqiiemenl  pour  maintenir  la  production 
indigène,  que  je  suis  horripile  par  la  prcleuliou  qu'ont  de  se  dire  éleveurs 
tous  les  désœuvrés  qui  lâchent  dans  un  paddock  de  leur  parc  une  vieille 
jumeni  dont  ils  attendent  un  produit  quelconque. 


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.-.-.   J^\î\V<l{K, 


Il  faut  distinguer  entre  l'homme  utile,  qui,  pour  créer  un  haras,  et  dans 
l'espoir  de  constituer  une  race,  donne  son  temps,  ses  peines,  l'argent  qu'il 
possède,  et  celui  qui  laisse  une  ou  deux  juments  hors  d'usage  pouliner  dans 
l'un  des  coins  de  sou  parc; 

Et  je  ne  voudrais  pas  qu'on  abusât  du  nom  qui  appartient  au  premier 
pour  désigner  abusivement  le  second. 


Celui-ci  n'est  pas  plus  un    éleveur  qu'une  demoiselle  qui  étend  sur  du 
bristol  des  couleurs  moites  de  Rowney  and  C°  n'est  une  aquarelliste. 


LA   PROVINCE   A   CHEVAL. 


385 


L'un  exerce  une  profession  honorable,  ulilej  l'aulre  cullive  simplement 
une  manie,  qui  n'a  pas  même  le  mérite  d'élre  inoffeusive. 

En  effet,  si  ses  tentatives  d'élevage  aboutissent  à  la  fabrication  d'animaux 
mal  venus,  c'est  à  sa  bourse  qu'il  en  cuit; 


Et  si,  par  impossible,  il  obtient  un  produit  remarquable,  il  se  peut  qu'il 
reçoive  pour  une  tentative  isolée,  et  par  conséquent  sans  portée,  des  récom- 
penses qui  auraient  dû  servir  à  encourager  des  efforts  plus  sérieux  et  plus 
utiles. 


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La  manie  de  l'élevage  se  contracte  de  façons  différentes;  mais  la  plupart 
du  temps  c'est  au  moment  où  les  premiers  signes  de  décrépitude  se  font 
remarquer  chez  une  jument  exceptionnelle ,  propriété  de  la  victime,  que  la 
maladie  se  déclare  : 


Le  plus  souvent  sans  qu'aucun  symptôme  précurseur  ait  pu  faire  prévoir 
ce  regrettable  accident. 

49 


386 


LA    l'KOVIX'CE    A   CHEVAL. 


La  juineiit  vieillie,  et  appelée  de  j)ar  la  faiilaisie  du  malade  à  fonder  une 
famille,  a  élc  réellement  une  hèle  remarquable  ; 

Malheureusenieut  son  propriétaire,  qui  l'a  achetée  chez  Bartlett,  Tom  ou 
Maurice,  ne  sait  quoi  que  ce  soit  sur  son  origine. 

Elle  est  de  demi-sang,  ce  n'est  pas  douteux,  mais  de  quelle  combinai- 
son est-elle  le  résultat? 

Est-ce  son  père,  sa  mère  ou  seulement  son  arrière-grand-père  qui  figu- 
rait au  Stud-book  ? 

Il  l'ignore  absolument,  ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  choisir  hardiment  l'éta- 
lon chargé  de  l'aider  dans  la  tâche  qu'il  attend  d'elle. 


:  <n  i 


|,imU'/i''«  ^' 


AIUdI   porter  l'avoine  aai  poulains 


C'est  une  question  posée  au  hasard ,  qui  ne  donnera  sa  réponse  que  cinq 
ans  plus  tard,  lorsque  le  poulain  aura  atteint  sa  taille  et  pris  son  modèle 
définitif. 


TADLEAU    COMPARATIF    DES   ESPÉRAXCES   MOVEN.VES   ET   DES   DÉSILLUSIONS    NORMALES   d'u.V   ÉLEUEtR    AMATEUR. 


F,A    PROVIMCK    A   CHEVAI,. 


389 


Jusqu'à  celle  époque  de  formation  complète,  l'cdileur  responsable  de  cet 
accouplement  fait  à  l'aventure  devra  passer  par  toutes  les  alterualives  d'espé- 
rance et  de  désespoir  que  les  transformations  successives  de  son  élève  ne 
manqueront  pas  de  motiver. 

A  sa  naissance,  le  poulain  semble  devoir  réaliser  toutes  les  espérances  que 
son  inventeur  a  rêvées. 

C'est  un  animal  grand,  bien  constitué,  d'apparence  robuste;  il  aura  toutes 
les  qualités  de  la  mère,  même  inclinaison  de  l'épaule,  même  puissance  de 
l'arrière-main  ;  seule  la  longueur  de  l'encolure  ne  se  dessine  pas  encore, 
mais  cela  viendra  certainement. 

Le  père  est  de  pur  sang,  et  son  influence  ne  peut  qu'ajouter  à  l'élégance 
de  son  fils. 

A  six  mois,  le  train  de  derrière  grandit  subitement,  pendant  que  l'avant- 
main  demeure  stationnaire;  le  poulain  prend  une  certaine  ressemblance  avec 
un  kanguroo  de  grande  taille. 


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C'est  un  moment  critique,  et  les  inquiétudes  du  propriétaire  qui  compte 
monter  son  élève  se  font  chaque  jour  plus  vives. 


300  I-A   PROVIMCE    A   CHEVAL. 

Un  cheval  bas  du  devant  se  selle  difficilement,  et  c'est  un  travail  malaisé 
que  d'arriver  à  s'asseoir  sur  ses  hanches. 

De  un  an  à  dix-huit  mois  l'équilibre  se  rétablit  peu  à  peu,  et  vers  l'âge  de 
deu.\  ans  l'animal  est  arrivé  à  un  aspect  à  peu  près  normal. 

Mais  c'est  alors  une  autre  affaire,  l'avant-main  se  met  à  pousser  avec  une 
vitesse  imprévue. 

Le  garrot  monte  à  vue  d'œil,  pendant  que  le  rein  s'abaisse. 


Et  bientôt  on  est  en  présence  d'une  manière  de  girafe  dont  les  jambes  de 
derrière  se  courbent  au  coude,  et  où  commence  à  apparaître  le  fatal  jardon. 

Celte  période,  pendant  laquelle  le  producteur  éprouve  les  émotions  les  plus 
douloureuses,  est  heureusement  relativement  courte. 

La  ligne  du  dos  reprend  bientôt  une  direction  à  peu  près  horizontale,  et 
les  craintes  que  le  futur  cavalier  avait  de  glisser  dans  l'avenir  derrière  la 
queue  de  sa  monture  se  dissipent  déflnitivement. 

L'animal  se  trouve  encore  une  fois  à  peu  près  d'aplomb,  mais  il  reste 


LA   PROVINCK    A   CHEVAL. 


391 


lourd,  rond  —  disons  le  mot,  il  est  boudiné  comme  un  cochon  ;  —  l'encolure 
reste  courte  et  chargée,  la  croupe  est  molle  et  ronde,  la  queue  mal  attachée, 
les  tendons  sont  serrés  aux  canons,  et  la  tête,  commune,  est  d'une  grandeur 
démesurée  :  —  bref,  il  n'a  rien  du  père,  et  les  qualités  de  la  mère  ont  complè- 
tement disparu. 

Triste,  mais  c'est  ainsi. 

Question  d'atavisme,  et  le  stupide  animal,  au  lieu  de  ressembler  tout  bête- 
ment à  l'un  de  ses  parents,  s'est  avisé  d'aller  ressembler  à  quelque  grand- 
oncle  inconnu. 


iiliA--v 


,^v!fi^^-      ^V{^       ^'^ 


11  n'y  a  plus  d'illusion  à  se  faire,  c'est  un  simple  rossard  dont  on  aura  de 
la  peine  à  trouver  huit  cents  francs,  et  encore  faudra-t-il  qu'il  soit  d'un 
caractère  exceptionnel  qui  permette  à  son  acquéreur  de  s'en  servir  à 
toutes  fins. 

D'ordinaire,  c'est  précisément  lorsqu'il  vient  de  faire  cette  déplorable 
découverte  que  l'éleveur  amateur  a  l'idée  de  rechercher  dans  ses  livres  le 
montant  des  dépenses  qu'il  a  faites. 


En  additionnant  le  prix  de  la  saillie,  l'avoine  donnée,  l'herbe  inangée,  la 
part  des  gages  de  l'homme  chargé  de  le  soigner,  les  visites  du  vétérinaire, 


392 


l,A    PKOVINCr.    A   r.lIKVAF,. 


les  Irais  de  dressage,  de  i'crrurc,  il  coiislale  avec  iiii  effroi  mêlé  d'étonne- 
ment  que  ses  déboursés  inonleul  à  un  lolal  l'antaslique,  el  qu'il  a  gaspillé 
une  somme  qui  lui  aurait  permis  de  ehoisir  daus  l'écurie  du  marchand  le  plus 
cher  un  ciieval  réunissant  toutes  les  qualités  désirées. 

11  est  trop  tard  pour  réparer  l'erreur  commise,  et,  disons-le,  c'est  pain 
bénit,  car  ce  serait  d'un  exemple  déplorable,  si  des  tentatives  aussi  saugre- 
nues venaient  à  donner  de  bons  résultats. 

On  ne  s'improvise  pas  éleveur,  et  il  est  moral  que  les  gens  qui  ont  l'oulre- 
cuidance  de  se  croire  capables  de  tout  l'aire  sans  avoir  rien  étudié,  apprennent 
à  leurs  dépens  que  tout  apprentissage  se  paye. 


CHAPITRE  IV 


EN  TOURNEES  ELECTORALES.  VEHICULES  ET  CANDIDATS. 


Le  duc  de  Lépalamalec,  trenle  ans;  fait  ses  tournées  en  mail-coach,  ac- 
compagné de  sa  femme,  dont  la  langue  est  inCniment  mieux  pendue  que  la 
sienne. 

Opère  en  pays  normand,  où  son  attelage  a  le  plus  grand  succès. 

A  le  tort  d'avoir  été  décoré  comme  zouave  pontifical. 

Ses  adversaires  prétendent  qu'il  voudrait  de  chevalier  passer  officier,  et 
pour  ce,  faire  le  nécessaire. 

53 


394 


LA    PROVIMCE    A    CHEVAL. 


Dans  rinlérieur  (lu  mail,  riiilondaiil,  entouré  de  professions  de  foi  apos- 
tillées  par  Monseiyneur  el  de  diverses  victuailles  expédiées  de  la  rue  de 
l'Échelle. 

Coût  :  34,821  fr.  75. 

Voix  obtenues  :  732,  sur  18,000  votants. 


M.  de  Saint-Déodat. 

Eli<{ible  depuis  l'Avent. 

Pose  sa  candidature  comme  premier  jalon. 

Circule  sous  la  surveillance  de  son  précepteur  dans  la  calèche  de  la 
douairière,  et  lit  sa  profession  de  foi,  qui  n'a  j)as  été  imprimée  par  raison 
d'économie. 

C'est  la  soixante-quinzième  fois  que  le  cocher  et  le  valet  Je  pied  l'en- 
tendent. 


LA   PROVINCE    A   CHEVAL. 


395 


Le  premier  ne  peut  s'empêcher  de  rire,  c'est  plus  fort  que  lui;  quant  au 
second,  ses  bâillements  sont  invincibles. 

Coût  :  76  francs. 

Résultats  :  11  voix  comptées  comme  bulletins  nuls  par  le  comité  de 
recensement. 


fA  ■-■"V^ 


il         11    ''i,/" '•v,(i.':;,-('" 


Le  baron  Durand,  baron  depuis  1843. 

Vendait,  avant  cette  date,  du  mérinos  extrait  du  dos  des  moutons  lan- 
dais. 

i\  eu  l'honneur  d'être  présenté  au  Roi  en  qualité  de  lieutenant  de  la 
sixième  légion  de  la  brave  garde  nationale. 

Déplore  l'existence  du  suffrage  universel,  mais  est  resté  libéral  malgré 
tout. 

Trouve  que  les  leçons  données  au  pouvoir  par  ledit  suffrage  sont  souvent 
un  peu  fortes,  mais  ne  comprend  pas  un  pouvoir  qui  ne  recevrait  pas  de 
leçons. 

Appelle  Cicéron  :  «  le  grand  citoyen  « ,  et  M.  Thiers  :  «  ce  grand  ora- 
teur »  . 


396 


F,A    PROVINCE    A   CHEVAL 


A  servi  en  1870  dans  l'clat-inajor  de  la  sédeutaiie,  ce  qui  lui  a  permis  de 
faire  traverser  impunément  le  siège  aux  deux  anglo-arabes,  derniers  produits 
du  haras  de  Saint-Cloud,  qui  traînent  sou  américaine. 

S'apprend  en  toute  occasion  à  saluer  d'un  air  digne. 

L'action  de  mettre  à  nu  sa  coiffure  conslituc  d'ailleurs  pour  lui  une  occa- 
sion d'afiinner  ses  sympathies  pour  le  monarque  honnête  homme  dont  il  a 
adopté  la  coupe  de  cheveux. 

Coût  de  l'élection  :  G, 022  francs. 

Voix  obtenues  :  1,737. 


Le  docteur  en  sou  cabriolet. 
Connaît  toutes  les  maisons  de  l'arrondissement. 

A  achevé  le  grand-père  et  mis  au  monde  le  gas  de  tous  les  électeurs  du 
canton  et  pas  mal  de  ceux-là. 

Circule  avec  une  pharmacie  sous  sa  banquette  et  laisse  les  remèdes  qu'il 


LA    PROVIMCE   A   CHEVAL. 


397 


ordonne  à  ceux  de  ses  clients  qui  sout  mal  notes  auprès  de  M.  l'apothi- 
caire. 

A  été  élu  en  48. 

Mais  on  a  remarqué  dans  les  environs  que  la  mortalité  avait  été  beaucoup 
plus  grande  pendant  la  durée  de  la  Constiluante,  et  les  paysans  ne  veulent 
plus  qu'il  s'éloigne. 

Coût  :  cent  quinze  mille  visites  impayées. 

Voix  obtenues  :  1 ,000. 


M.  Chuigmann,  ancien  député,  ancien  conseiller  général,  ancien  manu- 
facturier, dont  le  préfet,  au  temps  de  l'Empire,  constatait  que  la  situation 
était  «  inexpugnable  »  . 

A  échoué  en  1871,  187G,  1877. 

N'a  pas  été  réélu  au  conseil  général. 

Attribue  ces  échecs  multipliés  à  mille  raisons  différentes,  et  consacre 
inutilement  ses  veilles  et  ses  inductions  les  plus  profondes  à  en  rechercher  la 
véritable  cause,  à  savoir  que  son  intendant  est  depuis  sept  ans  l'agent  élec- 
toral de  son  concurrent. 


398 


I,A    PP.OVINCE   A   CHEVAL. 


Coiil  :  (les  sommes  consiclorablcs. 

Ilcsullat  :  une  imposante  minorilc,  si  imposante  que  M.  Chuljjniann 
devient  violet  quand  un  billet  d'un  ami  compatissant  contient  ce  membre  de 
plirase  :  «  Une  pareille  défaite  est  un  triomphe  aux  yeux  des  gens  qui  savent 
apprécier  la  valeur  de  certains  suffrages.  » 

l'oyage  en  phacton,  sans  la  surveillance  de  son  fallacieux  intendant. 


•-^. 


Celui-ci  a  acheté  à  la  vente  des  écuries  du  château  le  coupé  huit-ressorts 
et  les  deux  postières  qui  le  traînent. 

Le  général  T...  les  lui  avait  recommandées  comme  exceptionnellement 
vites. 

Il  a  remplacé  par  des  boutons  à  l'aigle  la  garniture  de  la  veste  du  pos- 
tillon, et  inondé  de  violettes  la  boutonnière  du  valet  de  pied. 


LA   PROVINCE   A   CHEVAL. 


399 


Va  en  Angleterre  deux  fois  par  mois,  et  en  rapporte  toutes  les  photogra- 
phies dynastiques  qu'il  y  trouve. 

A  fondé  un  journal  qu'il  a  intitulé  le  Plébiscite,  et  lui  a  donné  pour  gérant 
l'ancien  prévôt  de  son  cercle. 

A  déjà  été  invalidé  deux  fois. 


''1^.       ^     A 


Candidat  par  amour. 

Vingt-neuf  ans. 

On  lui  a  promis  Yveline  le  jour  où  il  aura  une  position. 

Lui  avait  toujours  cru  qu'une  quarantaine  de  mille  livres  résultant  de 
biens-fonds  constituaient  une  position. 

Mais  son  futur  beau-père  lui  a  affirmé  que  non. 

Il  s'est  soumis  et  s'est  résigné  à  chercher  une  occupation  sérieuse. 


400 


LA    PROVLVCK   A    CHEVAI,. 


plus  scduisanls  sourires.  '  ''™'^^""'"  ■'^"-^  '''^'■'^«'«^  «- 

lîésullal  :  J),illottage. 


l'I.V   DK    LA   PROVIXCE    A   CHEVAL. 


51 


TABLE    DES  MATIERES 


AU  LECTEUR. 


PREMIERE  PARTIE 


SUR     LES    ROUTES 


CHAPITRE  PREAllEIl.  —  E\'  uoltk  pour  i.a  camp.icvk.  —  De  la  mauvaise  liahilude  qu'on 
a  de  (iiiiller  Paris  précisément  au  moment  où  il  devient  agréable  pour  les  amateurs 
d'équitalion.  —  Faut-il  expédier  sa  cavalerie  par  voie  ferrée  ou  lui  faire  suivre  les 
routes  nationales?  —  Réflexions  judicieuses  à  ce  sujet.  —  Conseils  y  relatifs I 

CHAPITRE  II.  —  Environs  de  Paris.  —  Excursions  et  pique-nique.  —  Robiiison,  Ville- 
d'Avray,  Saint-Germain,  aller  et  retour 17 

CH.APITRE  m.  —  A  la  gare.  —  Cavalerie  locale.  —  Contingent  parisien.  —  Effectif 
indigène.  —  Voitures  publiques  et  équipages  privés 3'î 

CH.iPITRE  IV.  —  Le  recensement  des  chevaux 49 

CH.APITRE  V.  —  Sur  les  routes.  —  Des  relations  des  promeneurs  avec  les  agricoles.  — 
Conducteurs  de  cliariots,  pasteurs,  porchers  et  autres  gardiens  de  bestiaux.  —  Bohémiens 
et  montreurs  d'ours.  —  Batteuses  mécaniques  et  locomotives  routières.  —  Facéties  de 
rouliers.  —  .anecdotes  et  souvenirs 55 

CHAPITRE  VI.  — Monographie  du  loueur  de  province 89 


DEUXIEME   PARTIE 


AU    CHATEAU 


CHAPITRE  PREMIER.  —  L.i  cavalerie  du  château.  —  Le  strict  nécessaire.  —  Les  chevaux 
de  Madame;  ceux  de  Monsieur;  ceux  des  enfants.  — Chevaux  d'invités.  —  Grosse  cavalerie 
el  cavalerie  légère.  —  Carrosserie  spéciale.  —  Apologie  du  poney  en  général.  —  Des 
qualités  d'un  poney  de  lir 119 

CH.IPITRE  II.    —  L'art  de  se  procurer  des  invités.  —  Pièges  spéciaux 161 

CHAPITRE  III.  —  Une  crémaillère  au  château 173 


AOi  TAItr.K    DES   MATIKRKS. 

(ilIAPITRE  IV.   —  Du  mall-coacli  cl  <le  la  manirre  de  s'en  servir 1S5 

ClIAPITRI';    V.    —  lue  course  d'amalpiirs 2i:î 

CHAPITRE  VI.   —  In  rallje-pa|)cr: 227 

CHAPITRE  VU.  —  Un  cross-counlry 2V3 

CHAPITRE  VIII.  —  Derniers  beaux  jours 2G:5 


TROISIEAIE  PARTIE 

EN     FORÊT 

CHAPITRE  PREMIER.  —  Considcralions  ^én(;rales  sur  la  rhasse  à  courre.  —  Ses  oriyincs. 

Ce  qu'elle  est  aujourd'hui.  —  Du  choix  d'un  cheval  de  dusse 273 

CHAPITRE  II.  —  Du  maître  d'équipage.  —  Ses  joies  et  ses  peines.  —  Du  louvetier.  —  Ses 
désagremeuts.  —  Conseils  pour  les  atténuer 2<S!) 

CHAPITRE  III.  —  Une  visite  au  chenil 299 

CHAPITRE  IV.    —  En  chasse :i07 

CHAPITRE  V.  ■ —  Exclusivement  consacré  aux  accidents  les  phn  usités 321 

CHAPITRE  VI.  —  Eanfares  illuslrécs 331 


QUATRIEME    PARTIE 

C,\    ET    LA 

CHAPITRE  PREMIER.  —  Les   courses    de    province.  —    Ces    messieurs   du    Comité.    — 

Propriétaires  et  cavaliers  indigènes.  —  Acteurs  et  spectateurs 3.55 

CH.APITRE   II.    —  En  temps  de  grandes  manœuvres 373 

CHAPITRE  III.  —  Élevage  d'amateurs 383 

CHAPITRE  IV.   —  En  tournée  électorale Véhicules  et  candidats 393 


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PAniS.  —  TïPOGRAl'HIK    E      rLO.\,    NOURRIT    ET    C",     RUE    GARA.VCIÈRE,     8. 


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