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LA
PROVINCE A CHEVAL
L'nnlciir cl les cdilciirs se résorvonl le droit do rrproduclion et de traduction
à l'él ranger.
Ce volume a été déposé nu ininisicre de riiilérieiir (section de la lii)rnirie)
en novenilire 1885.
DU MEME AUTEUR
PARIS A CHEIAI,, lc:slo et dessins par Craftv, ovec une préface de Gl'stave Droz.
1 11 Ijean voinme grand in-8". — î"" l'dilion. — Pri's : 20 francs.
■AniS. TVrOCRAPHIE E. l' L 0 K , NOURRIT ET C'", R L' E UARAMCIÈRE, 8.
LA
PROVINCE A CHEVAL
TEXTE ET I3ESSINS
CRAFTY
Vf\\{\S
LIBRAIRIE PLON
E. PLON, NOURRIT et C'% IMPRIMEURS-ÉDITEURS
10, HUE (iARAXCIKRE
Tons droils réserrés
A Monsieur MARCELIN
Directeur du journal LA VIE P.iRISlEXXE
CoibeciUe, 2 octobre 1885.
Mox CHER Maître,
J'ai déjà mis un gros volume sous la protection de votre nom, et votre
patronarje a porté bonJieur à PARIS A CHEVA[>.
Le livre que je publie aujourd'tiui est conçu dans le même esprit que son
frère aine.
Laissez-moi donc donner le même parrain au cadet.
C'est d'ailleurs la seule manière dont je ptiisse reconnaître l'influence
que vos conseils persévérants à l'un de vos plus anciens collaborateurs ont
exercée sur le succès de ses élucubrations.
Il vous en remercie cordialement.
CRAFTV.
x& T^"^**^ ^ ^
En publiant Paris à cheval, notre but était de retracer par le crayon
et par la plume, aux yeux du lecteur, le spectacle qu'il aurait pu voir en
allant s'asseoir par un beau temps à l'entrée de l'avenue du Bois de
Boulogne :
Un défilé de la cavalerie parisienne et des personnages les plus
marquants dans le monde des amateurs de sport.
Nous voudrions, dans le volume que nous publions aujourd'hui, lui
présenter par les mêmes procédés un tableau analogue du monde du
sport en province, lui montrer d'abord les éléments multiples de la
cavalerie rurale; lui faire voir à la fois les sportsmen parisiens en
déplacement, et les sportsmen provinciaux à domicile; le faire assister
à leurs réunions, à leurs chasses, à leurs courses ; lui faire prendre part
aux cross-country et aux rallye-papers , l'initier en même temps à
quelques-unes des misères de l'élevage; le promener dans les concours
régionaux, lui faire suivre les grandes manœuvres; enfin, lui mettre
sous les yeux tout ce qu'on fait pour et par le cheval en dehors des
fortifications.
X AU LECTEUR.
Pan'fi à clicval (^'conomisait au lecteur la location d'une chaise Tron-
chon aux Champs-Elysées et quelques courses aux points excentriques
de Paris.
Nous voudrions que la Province à cheval pût lui éviter ([uelques
tickets de chemin de l'cr et hon nomhre de déplacements souvent
compliqués et toujours fatigants.
" " ^>^^;n^; ';SpÈ^^^3
PREMIERE PARTIE
SUR LES ROUTES
LA PROVINCE A CHEVAL
^^^
CHAPITRE PREMIER
EN ROUTE POUR LU. CAMPAGNE.
De la mauvaise habitude qu'on a de quitler Paris précisément au moment où il devient agréable
pour les amateurs d'équitation. — l''aut-il expédier sa cavalerie par voie ferrée ou lui faire
suivre les nationales? — Réllexions judicieuses à ce sujet. — Conseils y relatifs.
La plupart des gens qui pendant l'hiver
ont consacré des sommes considérables à
l'entretien de chevaux dont ils n'ont pu se
servir à cause du mauvais temps, ont con-
tracté l'habitude de quitter Paris au moment
précis où leur cavalerie pourrait leur rendre
de véritables services, et les indemniser
des sacrifices qu'ils ont faits pour la main-
tenir en brillant état.
Tant que les jours trop courts, les pluies
ï trop fréquentes, les froids Irop vifs ren-
1
2 I. \ l'ROVIXTE A CHKVAL.
(laiciil les pioiiicnadcs au Bois un devoir aussi pénible (jue doulouieiix à
reiii|)lir, ils se seraient fait scrupule de s'y soustraire; mais aussitiU ([uc le
soleil en se levant de bonne heure et en se couchant tard leur permet d'utiliser
les moyens de locomotion d'.int ils jouissent et de substituer à la monotone
procession des Acacias ou du tour du Lac des excursions de plus lonjjue
durée, ils ont Iiàte de s'écli|)ser.
Cette rage de départ sévit dès le commencement de juin, et le nombre des
victimes (pi'eile atteint forme la grande majorité des habitués du Bois. Dès
lors l'émigration de la cavalerie parisienne conmience. Chaque matin, reux.
qui persévèrent dans leur promenade quotidienne constatent de nouvelles
désertions et rencontrent à tous les coins de rue des convois de voitures cou-
vertes de leurs bâches, de chevaux emmitouilés dans leurs couvertures et
munis de genouillères, d'hommes en petite tenue qui gagnent une gare quel-
conque ou se dirigent vers l'une des nombreuses barrières auxquelles abou-
tissent les routes nationales dont le corps éminent des ponts et chaussées
nous assure le mauvais entretien.
Les plus raisonnables envoient directement à la gare tons leurs quadru-
pèdes et tout leur matériel roulant. C'est une dépense assez considérable,
mais qui a le triple avantage de coûter un prix connu, d'opérer rapidement
le transport obligatoire, et de donner au propriétaire en cas d'accident la
garantie d'une compagnie très-capable de l'indemniser de ses pertes.
iJ s
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Os
"S
LA PROVINCE A CHEVAL. 5
Comme ce mode d'opérer présenle le plus d'avanlages et n'a que fort peu
d'inconvénients, c'est celui qu'on pratique le moins.
On préfère généralement expé-
dier sa cavalerie par voie de
terre, sous la surveillance d'un
chef d'écurie, piqueur ou pre-
mier cocher, dans lequel on a une
confiance aussi absolue qu'iuuné-
ritée.
Les entêtés qui, malgré leurs
déboires précédents, persistent
dans l'emploi de cette méthode,
prétendent avec raison qu'une
marche à petites journées, avec
des étapes progressivement augmentées, constitue pour leurs chevaux, peu
entraînés parle travaU irrégulier et intermittent qu'ils ont fait à Paris, une
excellente préparation au service toujours plus sévère qu'ils auront à four-
nir à la campagne.
Avant le départ, visiter ea personne les (]nalre pieds de chacun de
vos cbevaui, et méticuleosemenl.
Théoriquement, le
raisonnement est par-
faitement juste.
Il arrive malheureu-
sement que la pratique
est le plus souvent en
contradiction flagrante
avec la théorie.
En roule. — Aa passage d^os les villac[fs, od fait ao pea de fanlasia pour épatfr
tes pupulalions, qui d'ailleurs resleDl froides.
Si les étapes calcu-
lées dans l'intérêt des
chevaux dans le programme étudié par le maître, contrarient les espérances
d'agrément que les hommes attendent de leur voyage, on peut être certain à
l'avance que le programme sera singulièrement modiiié, et qu'on brûlera
inq)itoyablement les arrêts indiqués si le personnel ne croit pas y trouver
les distractions sufdsantL's.
LA PROVINCK A CHKVAL.
Les auberycs rouliôrcs qui j)Oss('dei)t de l)onncs écuries niauquent sou-
vent de billards, de tourniquels et autres jeux indispensables pour charmer
les loisirs de M.\I. les palefreniers : en pareil cas, ceux-ci vont directement à
-<Di^?m^i
.\ l'nubevfje. — Il a élé bien coDveoa qae l'on panserait et laveiait les chevaui soi-même à chaque arrêt. C'est poaniuni
dès la première station on les coiitle au premier jarcon d'ecutie cenu.
ce qu'ils jugent les bons endroits, et ces bons endroits, séjours de délices
pour les hommes, n'ont souvent pour les chevaux que des abris absolument
dépourvus du confortable le plus essentiel.
Il en résulte pour les chevaux toute une série d'accidents dont le contre-
coup est vivement ressenti par la bourse de leurs propriétaires : refroidisse-
ments qui dégénèrent volontiers en pleurésies; prises de longes, échanges de
coups de pied plus ou moins violents qui nécessitent l'intervention toujours
coûteuse des vétérinaires : ajoutez à ces (rais la dépréciation des animaux que
vous avez dû couvrir de vésicatoires, et vous arriverez à un total absolument
respectable.
De ce qui piécède, il faut conclure qu'un maitre désireux de conserver
r-E DEPART POUR LA CAMPAG.VE.
'^^^^'^SÙt^
Premier cocher.
RodiB inijigpstaqae moles.
Earbanfé da p»SBs>]e annuel
de ces messieurB.
?
Comme on parinit nntrefoix — nvpc Ips
flievaa» de In poBle, el comme on élaît eùr
àes relais, on filait jjraDcl train.
A l'nuherge. — On noas 8 dil que l'écorie
De valait rieo ; ooos l'avins bien va, maii on
noai a promis qne le patron uniiB régalerait
et que les senanlps étaifol genliUes, est-ce
vrai?
premier groom,
pgali'inent rhoisi au poxla.
Non moins encbanlée de Tarrivee
des sasdits.
oo
LE DEPART POUR LA CAMPAGME.
À taforge. — Qaeli|ueB poiiiles à remeltre; coi'it : quatre bous
par clou, plus une bauleille de cacheté pour trinquer avec lee
rompagoniis.
t
^^i^î/'^' Wr'*''4''''%M
Klîet produit par la çue d'uu pre sur un chenal liabi-
tuellemfDt lojje daus une écurie eo sous-sot d'un de
iius quartiers élégants.
Fin d l'tapc. — i'Ius q 'e iingt kiluoiélrt.'--'
avant la iille ! FaisoDS-lea vile.
-<Ù>
LA PROVINCE A CHEVAI,
ses animaux intacls doit prendre en personne la direction du convoi;
Veiller par lui-même au train gardé pendant le trajet;
Présider à l'installation de sa cavalerie à chaque arrêt, et assister au
pansage qui doit précéder la mise à l'écurie.
C:
y;.-^-
Il faut que, pendant toute la durée de la route, il soit le premier levé et
le dernier couché;
Qu'il examine l'avoine, le foin et la paille;
Qu'il goûte l'eau ;
Qu'il préside à l'allumage des lanternes d'écurie;
En un mot, qu'il se préoccupe de chaque détail, et qu'il ne se relâche
pas un instant dans l'accomplissement de la surveillance méticuleuse,
insup|)0rtahle et ininterrompue qu'il lui faudra exercer s'il veut mener à
bonne fin sa délicate entreprise.
16 LA l'ROVI\T.E A CHKVAL.
Encore |)eut-il se faire que celle séiie d'insipides corvées ne lui serve à
rien. Un coup de pied entre voisins s'échange en dépit de la surveillance la
plus active, et il n'en iaul pas j»lus ])0ur casser une jambe à votre cheval
favori.
il faut donc souhaiter à l'imprudent qui entreprend pareille besogne, en
dehors de toutes les qualités essentielles et indispensables que nous venons
d'inditpier, ce don incomparable qu'on appelle la veine, et sans lequel les
précautions les mieux prises, les combinaisons les plus ingénieuses n'en-
gendrent qu'amères désillusions et mécomptes cruels.
CHAPITRE II
Ein irons de Paris. — Excursions et piqiie-iiiqiie. — Robiiison, VilIc-d'Avray, Saint-Germain
aller et retour.
Nous avons vu dans le précédent chapitre que la majorité des propriétaires
de chevaux s'empressaient de les expédier en province aussitôt que lesdits
animaux pouvaient leur devenir agréables, grâce à l'adoucisseiuent de la
température. Quelques-uns, plus sages, — en général ces honorables et intel-
IS
Î.A rUOVI.VCI', A CHKVAI,.
ligonles exceptions sont loiirnies par rélément jeune, — proloiifjenl leur
séjour à Paris e( prolileut des premiers beaux jours pour accomplir (piel(pies
promenades de plus longue haleine que l'inévitable persil.
^r
Ruole de Robinson.
Les vrais curieux,
ceux qui désirent voir
autre chose que ce qu'ils
voient chaque jour à
l'allée des Acacias, se
dirigent sans hésitation
'^'j:8-v^ surRobinson, qui passe
Z]^^ï^ v-=^~~~ pour être la succursale
champêtre du quartier
latin.
En réalité, la jeu-
nesse des écoles y
compte beaucoup
moins de représen-
tants que les diffé-
rentes branches du
commerce parisien.
Les pris de ce
restaurant aérien ont
suivi une progres-
sion telle que l'ad-
dition probable dé-
passe de beaucoup
les ressources bud-
gétaires de la bo-
hème studieuse, si
tant est qu'il existe
encore une bohème
qiiclconque.
Lescouplesjuchés
dansles branches des
Dans l'arbie de Robinson
SUR LE CHEMIX DE ROI!I\SOV.
F,/\ PROVIMCE A CHEVAL.
21
châtaigniers coinpient peu de Rodolphes et encore moins de Alimis. — Ce
sont pour la plupart de jeunes bourgeois, très-régulièrement mariés, encore
-^ MA "^m
A Itobinson. — L'ne fûla de famille.
sous l'influence de la lune de miel, et que les premiers soleils poussent à
déserter pendant quelques heures les arrière-boutiques dans lesquelles ils
végètent à l'ordinaire.
Itoule de Itobinson. — Uiuiducbes et jours fériés.
Ceux-là arrivent dans la voiture qui sert habituellement à leur commerce,
véhicule bizarre qui participe à la fois du phaéton, du break et du camion,
ce qui lui permet de transporter indifféremment les objets manufacturés et
la famille du fabricant.
22
I.A l'HOlIXCM A CIIKVAI..
Ceux qui gardeut l'amour de la prolession coiiserifent cyalenient sur leur
voilure l'iudicaliou du yeure de produit à la l'ubricaliou duquel ils se sonl
voués, et considèrent que la promenade qu'ils Tout à travers la banlieue a
encore sou utilité et leur l'ail une j)ul)licilé profitable.
Ils |)cuveut être dans le vrai, mais ceux de leurs collègues qui se figurent,
en sujjjiriniant les enseignes qui garnissent habituellement les galeries de
leurs ])haétons-lapissières, faire illusion aux yeuv du public sur l'usage
liubiluel de ces équipages, ceux-là, dis-je, se laissent étrangement abuser.
H 'f-
Fquipages commcrciaui.
Ces voitures de fabrication compliquée, de modèles ambigus, ne laissent
de doute à personne sur leur véritable destination, et leurs habitants ont
beau se couvrir des vêlements les plus corrects, voire même les plus sj)orlifs,
nul ne se trompe sur leur conq)le.
On arrive à Robinsoa de bonne heure, et il est d'usage de faire une prome-
nade à âne pendant qu'on prépare le diner.
A ROHUvSOAf.
Les paniers — c xcliisivcmeiit réservés pour le service, i Que voulez-vous, madame la comlesse,
que je dise à mes clieuls habiliicls, quand le mauvais exemple part de si haut? i
A ROBINSOX'
nOIS DK VF.nRIKRES ET AUTRES LIEUX
/ l ,
qm^^V^
\\^'/^V, ^^^V''•V-
î/^/<;;;ti...^«./^iî;M,«^«,,ii^^^(Mmf.a<f/^^i(h.Mi)
Promenade sentimentale, — En jouant du mirliiir.
Eu jou3Dl (la mirltlon. {Air connu.)
La curalcnde- — l'as de K\.v a HnbinBOD aan»
promenade h ànf. Ce De^t pai que ce Suil agréable
comme moyeu de locomo'ïon, mais ces' souverain
comme apéritjf. Ca creuse ! ça creuse !
— Il ne veut plus avancer.
— Je dois ajouter qu'il p^irait oiéme décidé à
reculer.
AUX ENVIRONS DE ROBINSON
MOXTMOREXnV, JIF.I nO\, CIIAVII.I.E, elc, elr.
^«^T'i;
V
fi
WMï
En cas d"accid. d(, n'atfeoiîre aacan Becoors des popolations
egricolei, qui profrsufnr poor li>> pioorti .rniites viq intincihle
rappris.
Proportiotne 8P8 di-Tenspi à la résistance
probable de sun cavalier.
'"M^' '"*^
Retnnrne, aprêii rp'msitp rompiplp, à un
trot modéré repreodre sa plare âsoD potPiiii.
.a
A ROBIXSOX'. — NOCES KT FESTIX'S.
/.e retour. — Ou a rfuvoye les domeBliqui's par le train
et mis les tnnriB à l'Iutcrieur, X. .. , qui était tout à fuil yris,
voulait conduire : ces dames l'ont séquestré sur la seconde
biinquctle ; il persiste m>ilgré tuul dans son désir ; de là un
li'i^er dlEsentiment qui donne tieu à une paolomiinu aostii
énergique qu'innocente, mais que la malceillauce pourrait
Il eI interpréter.
LA PROVINCE A CHEVAL.
31
C'est la grande et spéciale altraclion du lieu ; et l'espcrance de ce sport
incohérent pèse d'un grand poids sur les décisions de la plupart des orga-
nisateurs de pique-nique.
La route à suivre a cependant peu d'at-
traits. La traversée de Montrouge est cer-
tainement attristante : et que l'on prenne par
Bagneux ou par Cliàtillon, rien ne distrait les
yeux pendant toute la durée du trajet : lors-
que le paysage perd sa monotonie, on est arrivé.
S> N
Cependant, on préfère celte excursion insipide à la roule de Saint-Germain
ou à celle des étangs de Ville-d'Avray, aussi pittoresques et accidentées l'une
que l'autre.
Pourquoi"? La perspective de la fameuse promenade à âne, pas d'autre
motif plausible, à moins que le mauvais accueil des populations ne soit consi-
déré par les excursionnistes parisiens comme un coudinieut nécessaire a leur
plaisir.
■.)2 \..\ PUOVIVCK A CHKVAI-.
Les bons villageois de Chalenay, d'Aiilnay el autres lieux cireonvoisins,
ont honeur de tout individu circulant à clirval dans les parages qu'ils arro-
sent de leurs sueurs.
Quels sont leurs griefs ? Je l'ignore, et je n'ai aucun désir d'approfondir la
([uestion. Ce que je puis affirmer pour l'avoir personnellement expérimenté,
c'est que tout cavalier circulant aux alentours de Robinson est eu butte à une
hostilité non dissimulée de la part des agricoles.
Inutile de leur demander un renseignement sur la direction à suivre : ou
bien ils opposeront à vos questions un silence obstiné, ou, ce qui est pis,
ils répondront à vos interrogations naïves par une bordée d'injures, dans
laquelle le vocable Robiusonnais deviendra, grâce à l'intonation qu'ils lui
donneront, la dernière expression d'un irrévocable mépris.
CHAPITRE III
.'1 la gare. — Cavalerie locale. — Contingent parisien. — Effectif imligènc. — Voitures pnblicuies
et équipages privés.
Quand on s'installe dans un pays nouveau, le procédé le plus focile et le
moins fatigant pour se rendre parfaitement compte des ressources hippiques
que possède le canton, consiste à se rendre à la gare du chemin de fer à
l'arrivée des trains.
En cinq ou six séances ou a vu tous les chevaux de ses voisins, et l'on
sait avec lesquels d'entre eux on peut entrer en relation si l'on a le goût
de faire en compagnie sa promenade quotidienne : on apprend même de
5
34
[. \ IMiOVIVC.K A CHEVAI,
ccKc Hiriin quels soiil (Cii\ qui se iiictlciit l'acileincnt en moiivcmenl,
allcllenl pour un oui, pour un non, et ceux auxquels il faul la croix el la
bannière pour se décider au moindre déplacenienl.
■^^.^■hii ■/■■■'
;^.i^^^'^ffwv^w-4
^>;^
A In Qiire. — Fàtheose surpriEe. — On o'a pas pu emoyei chercher inouÈit-ur, mais je suis venu pour les bagages,
et j'ai retouu le coupé pour monsieur tt moi.
Tous aiment évidemment la campagne, (juisqu'ils y habitent; mais les
premiers ont peur de s'y ennuyer et savent gré à ceux de leurs voisins qui
cherchent comme eux toutes les occasions possibles de reculer le moment
inévitable de la solitude.
Pour les seconds, riiabilude qu'ils ou t de l'ennui l'ait qu'ils regardent
comme de véritables ennemis tous individus qui pourraient avoir la velléité
de les troubler dans leur retraite.
La tenue des équipages respectifs de ces deux variétés |)rincipales du
genre voisin de campcKjne vous dit le plus clairement du monde quelle ligne
de conduite vous devez tenir à leur égard; — envers les premiers, poussez
sans crainte l'amabihté jusqu'à l'indiscrétion!
Multipliez les visites, accunudez les invitations, inventez des l'êtes, com-
])inez des excursions, organisez des réunions aux quatre coins du départe-
ment sous couleur de points de vue cà admirer, de monuments à visiter, de
champs de courses à installer; tous prétextes sont bous, pourvu que vous
mêliez un peu d'activité au paisible repos des chanqjs, que le respect humain
A LA GARE. — VOISIX'S DE CAMPAGNE.
35
LE CAnT DU TKVOn LEGER.
Il est loujourB earoaé et pèse deui
cciits. Mais c'eit une pbisdiiletie du
cru, el. à la camiiagoe, od est si peu
difficile pour Icb plaisanteries que l'on
fuit 8oi-rnO'iie '
Jamais mo'DB de quatre cbevaax à la {jare ; les eucoieot même aai traîna
par lesquels on n'idtlfnd pcrsODoe. Les poslilIouB oot ordre de traverser
les viltages an triple galop, et, dans la craiule qoe les yrtlollières dis
postiers ne fisseiil pas assez de bruit, on eu attache à l'iiitêrieur de ta
\uilure. Od juierait voir passer U foire de Xeuilly.
A Caetel-Xougal : accamulation de créneaux, mâcbiconli^, donjons,
poivrières, iourellfs aa souimel de l'iine desquelles Oolte la banLÎère du
cbàlelain avec marque de fabrique, signalure et meulioD des rêcumpenses
liblencea aus expo&itious uiii\eise!les.
:^gji"rSi^Ess=cp
-W
LES A\I)1:rEUI ou .UDULIV,
Le moîsdernier, il n'y araitqa'un
clieval à leur sis-à-çîs ; m^js l.i der-
nière liquid<iliun a etê bonne, et mon-
sieur a oiï(.'rt à madame une paire de
poueys. C'est elle qui conduit tou-
jours, purce que lui, ne la quittant
pas des yem, va toujours ddns les
lusses. Part par le trais de seplbeares,
rentre par celui de sii. après avoir
tnuie toute la journée, et trouve
moyen d'èlre aimable le soir.
ll^^^^^SiJ
^t^'^ey^wi
A LA GARK.
VOISINS DE CAMPAGNE.
CIIATF.LAINS KT IN D 1 (î KX ES.
LE DOG-CAfir DE IJOD.
Peux chevaox ponr le service
parliculier de muDsieur. (irooni,
ïalet de chambre et précepteur,
aile gaucbe du chàleaa de la Ma-
riiiieie. Il est loin, le temps où
snn fiére aiué, iiileice à Vans,
disposait d'an budcjel parliculier
df cinqiiaute cenlinihS par se-
maine. Il est irai que Uub est
aussi souveul pri'mier que ton
aioé était l'iequemmeul major de
queue : < t il y a des gens qui
s'acharnent à dire que rieu ne
progresse !
ou la roulotte de Sisyphe. — Vingt leur,
voiture par jour, eu moyenne, et par ton;
Ifiups.
^^^
i^^
s de
i les
A LA GARE.
VOISINS DE CAMPAGNE.
39
A LA GARE. — VOISINS DE CAMPAGNE.
41
SE BK\l)A\T A 1
Voya^purs (la samcfïî Boir npi^s U
boutique cluse; olI la spcciolilé d'vi-
porter de l'aiÎB des |ilaijieï ù lu cam-
pagne.
En pirin boifl. Il fiiul qu'oD alte:
des dauies p mr qu'un eumii- utip vo
il la gare. Four lis lionmips. des cbev
de selle; qu^'q-iflms il y en a de i
inoDter uii escadron.
F'oiil une p nmi-uiide le malin,
avant dîner, et, les jouis de cUiir de lu
une lioisiême avnnl df ne meltre an
Faut bien se Icuir en bali-iue eu
danl la saison des cb^sse».
A LA GARK. — VOISIXS DE CAMPAG.VE.
43
cb,i(jue Iraïu. ddts l^-^|Joi^ de
S(>duiit> uue dut qui lui \tti-
iiiftli.* du se suuB'.ra.rf uu ji'uy
lunerni'l.
.A loué te cbâlcau pair moiiiiil
'lu duc de \.. . forlemeiil etnlic
[t.ir le kracb ; Irouie assrz con-
rmifthle ce jietil baraque.
•Adore la campagne pour sa
famille. Y vi<nt un diiDjnclie
sur qualrc; est régulièrement
rappelé partelcgr.iniriie au boul
Je Iruia bi'ureB de sejitur.
A r,A GARE.
VOISIX'S DE CAMPAG\'E.
LA PROVI\CK A r.HKVAI,
47
les force à savourer de lelle à telle dale; — pour les autres, bornez-vous à
déposer dans leurs châteaux de Belles au bois dormant, un jour où vous
aurez préalablement constaté leur absence, une carte fortement cornée —
cette politesse suffira amplement à leur faire savoir que vous connaissez leur
existence, et que vous êtes disposé à vivre avec eux en bons termes, c'est-à-
dire à les saluer quand vous les rencontrerez à la messe ou que vous vous
trouverez nez à nez avec eux au coin d'un bois.
C'est tout ce qu'ils attendent de vous, et c'est tout ce que vous ea obtien-
drez, quoi que vous fassiez.
La plupart des voisins inabordables font partie de la population indi'ièue
dont les équipages dénotent par leur seul aspect le peu de goût qu'ont leurs
propriétaires pour les nouvelles connaissances; les modèles de carrosserie les
plus récemment adoptés remontent à 1850, et l'on montre un dog-carl appar-
tenant à un conseiller général centre gauche comme la preuve la plus irrécu-
sable de son goût pour les plus téméraires innovations.
^'lf'\^
A vingt lieues de Paris, la demi-for lune, dont les plus vieux d'entre nous
se rappellent à peine avoir vu aux Champs-Elysées les derniers spécimens,
est encore considérée comme voilure de luxe, et les gens qui en possèdent
I assent pour suivre la mode. — Sur certains points éloignés du chemin de
fer, on rencontre la berline à trois chevaux attelée comme les omnibus
nouveau modèle, un timonier encadré dans une paire de chevaux attelés à
des palonniers.
48
LA PROVIXCr, A rilKVAr,
Qiianl an\ voilures à deux roues, les p'us eniployées dans les pays mal
l^artagés au point de vue vicinal, on en renconln^ d 'ahsoluinenl élranges,
el l'on ne |)eul aldihuer leur lonijévilé qu'à l'aduiirahle solidité des pro-
duits de l'ancienne carrosserie Irançaise.
Les plus anciennes cou|)cs de cabriolets et de lill)uiys ont survécu aux
nombreux «[ouverneuienls (pii les ont vues naîtie, et il n'est pas rare de voir
des véliicules qui datent de la Restauration. — Ils en ont eux-mêmes subi un
grand nomi)ie ; mais si rien ne subsiste des matériaux |)rimitivement cnq)Ioyés
à leur construction, l'aspect général, la conception première ont été conser-
vés, et, semblables au couteau de Jeannot dont on avait successivement
renouvelé la lame, le manebe et les ressorts, ils se sont niétamorpbosés sans
rien j)erdrc de lems qualités natales. Ils ont la même originalité, la même
élégance ; seulement le point de vue auquel on se plaçait pour apprécier ces
mérites s'est sensiblement modifié, et tel é(piipage qui paraissait il y a une
vingtaine d'années à peine être le dernier cri du cliic, semble aujourd'liui
avoir été exécuté par le père de la dynastie des lîinder, un Dinder antédiluvien!
^^^^^^^
N^Nfr^
Ost le garde champi'tre qui, dans cLaiiae village, esl chargé d'anooncer la date fiioe poor la préseulation des clievam.
CHAPITRE IV
LE RECENSEMEKT DES CHEVAUX,
Un moyen absolument efficace pour arriver à connaître par le menu l'effec-
tif hippique de votre arrondissement, consiste à suivre les opérations accom-
plies pour la conscri|)tion des chevaux.
La difficulté c'est de pouvoir assister de près auxdites opérations.
Pour atteindre ce but, il y a plusieurs moyens à employer :
1 ' Briguer les suffrages de ses concitoyens et les obtenir de façon à être
maire, conseiller général, député, ou simplement conseiller municipal;
7
50 LA PROVINCE A CHEVAL.
2-86 ménager avec la i)réfectiire des relations assez suivies et assez ami-
cales pour mériter d'être désigné comme commissaire civil de la commission ;
3° Être suffisamment lié avec l'un des officiers faisant partie du jury d'
men pour s'attacher à lui en qualité de secrétaire honoraire.
exa-
C'est ce dernier procédé que nous recommandons spécialement à nos lec-
teurs : il n'engage à rien et permet de voir en détail tout ce qui peut intéresser
un homme de cheval.
CVal au maire qu'incombe li.' Boin Je faire afllcher Bur les murs de bj commune l'arrêté préfectoral.
Chaque année, un arrêté préfectoral préalablement affiché enjoint aux pro-
priétaires de chevaux, juments et mulets, d'avoir à présenter leurs animaux
aux représentants de l'autorité militaire, afin qu'ils puissent constater à quel
emploiils sont propres, et quelle destination on leurdésigneraitle cas échéant.
La réunion a généralement lieu sur la place principale de la commune, où
la commission, assistée du maire et du percepteur, se tient en permanence; les
SEAMCE DE RECENSEMENT.
Un truqueur. — S'est coupé deoi doigts
comme par mrg.irde aa moment do tirage au
Borl. — A mis hier un gros loo àno» la foor-
chelte de son poulain. — N'eolrera jamais
dans la Iigu« de M. Deroulêde
<o^9>
- Comment! quinze ans, ce cheval-là? Mais il marque encore!
- l'o&Bible, moD colooel ; mais tout le [)ays vous dira qu'il est bégut.
Lftisserail volontiers le cheval poar en-'égimenler Tbomme, qui
[ai paraît devuir fjire an cavaLer sufâsaoïmeut réiislaol.
O.
Le bon gendarme, deus ex machina da
recensement. — Sans la crainte galiiUire
qu'il inspire encore, personie ne viendrai! se
faire recenser. — Va relancer les relarda -
lairei à domicile.
LA PROVINCE A CHEVAL.
53
chevaux défilent et sont examinés un par un par le vétérinaire niililaiie, qui
confirme ou combat les déclarations de son collègue civil et du propriétaire de
l'animal présenté.
<':,v-
En lnûn de débioer conscieucicusi menf son chrval, «Jang l'espoir de le fdire refiTmcr.
L'origine, l'âge, les tares, les aptitudes se trouvent donc authentiqnement
constatés, et il faudrait n'avoir jamais eu à acheter un cheval pour douter
de l'importance de pareils renseignements.
Avec un peu de mémoire des yeux, un homme qui a assisté à ces opéra-
tions ne peut plus être enrossc dans un rayon de quatre lieues à la ronde :
il connaît les infirmités de tous les quadrupèdes de son canton.
S'il est trompé dans un marché, conclu sur les données recueillies de la
sorte, ce sera d'une façon inusitée.
Il peut, en effet, se trouver possesseur d'un cheval excellent en croyant
se rendre acquéreur d'un animal simplement estimable, puisque, devant le
comité de recensement, tout propriétaire apporte à aggraver les défauts de
son cheval le même enthousiasme qu'il met à les dissimuler lorsqu'il s'agit
pour lui de le céder à un amateur.
54
LA PROVIMCK A CHKVAF,.
Dans le premier cas, il dél'eiid son liien contre les exigences du gouver-
nement, et il le calomnie sciemment pour reculer autant que faire se pourra
l'heure redoutée de la réquisition.
Quand au contraire il s'agit de le vendre, la question du prix à en obtenir
dicte seule les éloges qu'il en fait; et nous avons tous pu juger après une
acquisition faite de l'exagération de semblables panégyriques.
■^^S^^'
CHAPITRE V
SL'R LES ROUTES.
Dos rclalions dos promeneurs aiec los ajjricolcs. — Conducteurs de cliarinls, pasteurs, porcliors
cl autres gardions de bestiaux. — Dobéinicns et montreurs d'ours. — Batteuses mécaniques et
locomotives routières. — Facéties de rouliers. — Anecdoctes et souvenirs.
Le gentleman qui a conduit un peu régu-
lièrement dans Paris croit connaître par expé-
rience tous les ennuis et tous les dangers
auxquels on s'expose en prenant la direction
d'une voilure à deux ou quatre roues.
— C'est une illusion!
L'art de conduire dans Paris, de se garer des cochers d'omnibus, d'éviter
56
LA PUOVI.Vr.E A CHEVAL
la renconirc des trariiuays, de se sotisti-aire aux attaques des autonicdons
Muuiérolés, de se dérober au contact des voitures des boucliers, fruitiers,
vinaigriers, marchands de vin et autres promeneurs d'insecticides, constitue
une science éminemment difiicile à ac([uérir, et ceux qui la possèdent
savent ce qu'elle leur a coûté d'efforts et de dangers vaillamment supportés.
En comparaison des
mille difiicullés surmon-
tées dans une promenade
à travers Paris, un voyage
sur une route leur paraît
jeu d'enfonls, et ils croient
savoir le dernier mot des
^S!^ mauvais tours que la mal-
veillance des conducteurs salariés peut inventer pour lasser la patience des
cochers amateurs.
Certes , l'hostilité des ruraux à l'égard des bourgeois est moins agressive
que celle manifestée par la population des grandes villes, mais elle existe
cependant; et c'est toujours un grand plaisir, aux ciiamps comme aux f;m-
bourgs, pour les classes dirigées de voir dans l'embarras un représentant des
classes dirigeantes.
A cette liosliiilé latente des paysans, qui se
traduit, au passage d'un équipage un peu
luxueux, non plus par les interpellations fau-
bouriennes de la banlieue de Paris, mais par
des sourires qui ont la prétention d'être narquois,
il faut ajouter la lenteur habituelle de tous leurs
mouvements et l'état d'indifférence voisin du
sommeil dans lequel ils ont l'habitude de vivre
et d'accomplir ce qu'on est convenu d'appeler
le rude labeur des champs, et qui n'est en réalité qu'une interminable
promenade somnambulesque.
Pour ces endormis, habitués à se contenter de l'allure de leurs bœufs, ceux
o
LA PROVINCE A CHEVAL.
59
qui aiment à troUer bon train sont de purs agités, et ils ne comprennent
pas que des gens tiauquilles soient obligés de déranger de pesants attelages
pour livrer passage à des voilures inutiles qui n'ont aucun besoin de marcher
aussi vite. — Pour eux, la poste seule a le droit de marcher grand train.
Quant aux particuliers, ils n'ad-
mclleut pas qu'ils soient pressés, et,
toutes les fois qu'on leur reproclie au
passage la lenteur qu'ils mettent à
faire place, on est sur que leur l'e-
proche sera toujours basé sur l'inu-
tilité qu'il y a à se dépêcher. " Vous
êtes donc bien pressé ? » diront
ceux qui sont encore à peu près po-
lis. — Il T' es donc enragé? » disent
ceux qui ne le sont plus du tout.
■ — Vous tles doQC bieo presbe?
Cette apathie naturelle, que les gens
de la campagne apportent dans tous
leurs actes, a pour premier résultat, quand ils transportent sur une route à
l'aide de leurs véhicules primitifs le produit de leurs moissons ou le fumier
qui doit féconder leurs terres, d'inlluer sur la manière dont leur attelage
(;o
LA PROVIXr.K A CHKVAL.
traîne le fardeau qui lui est eonfié. Les chevaux, se sachant mollement sur-
veillés, ne tirent que tout juste ce qu'il faut pour faire avancer leur fardeau
d'un pas processionnel, et s'ctagent de façon à occuper toute la largeur de la
route, y compris ses bas cotés
■-O^/v V
^ ^ ' i'
Celte fîiçon d'abandonner à eux-mêmes les animaux qu'ils ont mission de
diriger est commune aux paysans de toule la France.
On peut la constater aussi bien aux approches des barrières de Paris que
sur la roule de la Corniche ou celle de Tourcoing : partout même indo-
lence, même confiance aveugle dans l'instinct des animaux, qui, il faut bien
le reconnaître, se montre la plupart du temps supérieur à l'intelligence de
leurs conducteurs.
II en résulte que, si vous venez à la rencontre de l'un de ces attelages
circulant sous leur propre responsabilité, il vous faut avoir une connaissance
|/rofonde de l'escrime du fouet pour parvenir à vous faire place.
Ce n'est en effet qu'à l'aide d'une mèche savamment dirigée que vous
obtiendrez du cheval de tête que, de la gauche qu'il garde obstinément , il
se décide à se porter à droite.
Si, au contraire, vous rattrapez et voulez dépasser l'une de ces barricades
ambulantes, il vous faudra faire nu tapage exceptionnel pour attirer l'alten-
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COMMISSION I)K RECENSEMENT.
M. le nu i'g te préoccape peu des
rbevaui; sail que, le coBécbeaiil.loas
BeraifDl réquisitiounés.
!.e ctiiiilnine chargé du rapport- —
ToujoutB etunui- du iiombie de russes
qui leudeol encore des ttrvices.
/,e déltijué de !a préfecture. —
\'a jamais pu dj»lin>jupr un cheval
d'un aulie. — \e s'occupe que des
If udaDCPs elrclorales des populal-oiig.
rcs-compelcDl, otsis sveugi
par ses préfércDces politiques
Le maiire d'éfole. —
Secrêlaire de la commis-
sioD, — de la mairie, —
du conseil oiuDJcipat, —
du coDseil de fabrique,
L'adjudant. — Toiseur
el térîHcaleur. — Inscril
aiec une eiaclilude scrupu-
leuse le stgDa'ement de
chaque quadrupède. Signe
partirulifT : écriture litho-
iirr.pbiqup.
I.ecfipitiiine yrtsidriit. —
Kiiraordiuairemerilafijce par
les btratajjéioes destines à
(air dispenser de la con-
BcripIioQ le» trois quarts de
l'effeciif. — EnrêjiineDle
quaud iiivine.
\ À\;,X';| 1,:'/"/^ ^^^\ i-yHïilIli _ SoutHe, 6ouIllp,inoDboiil.umme!
WiTY/'- y y^l'-^ -""^ , U'#lw J- l'écoole avec plaisir, mai» si lu cioi.
LA PROVINCE A CHEVAL.
67
tiou du conducteur, qui dort sur sa voiture, à moins qu'il ne soit à quelques
centaines de mètres en plein champ à discourir avec l'un de ses concitoyens.
Udc barricade eo pleine roate.
Dans l'un ou l'autre cas, c'est une attente de cinq minutes, et, pour peu que
vous rencontriez une douzaine d'obstacles de ce genre dans un parcours d'une
dizaine de kilomètres, vous aurez beau avoir des chevaux faisant facilement
leurs quatre lieues à l'heure, il faudra vous résigner à ne faire dans le même
temps que la moitié du chemin.
Si la plupart des campagnards qui conduisent des chevaux fout preuve
d'une regrettable insouciance dans l'accomplissement de cette mission, on
peut dire, sans crainte d'exagérer, que tous ceux préposés à la garde et à la
08
LA l'UOVIXCE A CHEVAL.
conduilc dcsbesliaux en li()ii|)(s poussent à sa deruière puissance celle nième
insouciance : plulôl que de se résigner à s'occuper des animaux confiés à
leur surveillance, ils se lorlurenl l'imaginalion pour occuper leurs loisirs el
chariuci' leur solilude.
DvJiniCuin . — On appelle g.irdear on gardeose do dindons, oies et aulres volatiles, toule personne qui, cbargée de
conduire ces auiinaui aui ciiampi<, s'occupe d'aulre chose, travani d'aigmIK', Hirlagp ou musiijue.
Depuis les plus jeunes gardcuses de dindons jusqu'aux plus vieux bergers,
lous, sans aucune exception constatée, par moi du moins, se créent une
occupation autre que celle dont ou les a cliargés.
Les unes Iricolent, les autres tressent de la paille ou taillent à coups de
couteau des morceaux de bois.
Certains, qui ont pour toute apparence de travail une horreur plus
grande encore, se contentent de souffler dans des instruments innoniés ;
mais aucun ne s'occupe jamais de la conduile de son troupeau.
LA PROVLYCE A CHEVAL.
G9
Qu'il soit composé d'oies, de moulons ou de bœufs, c'est toujours la Pro-
vidence qui se charge d'en diriger la marche; quelquefois, tant elle a à faire,
elle se fait aider par
quelques chiens;
quant aux bergers,
vachers, porchers et
bouviers, il y a long-
temps qu'elle a cessé
de compter sur leur
concours.
Il en résulte que
les moutons couvrent
tout le chemin d'une couche laineuse et bêlante qui entrave la circu-
lation et expose le téméraire qui veut passer quand même à payer d'un
seul coup une addition de côtelettes et de gigots sufflsante pour le sustenter
pendant toute une année ;
"'v,'^
Que celui qui persiste à circuler à travers un troupeau de bœufs court le
risque de n'arriver au bout opposé à celui de la rencontre qu'après avoir reçu
70
LA PROVINCE A CHEVAL.
dans le corps do son cheval ou dans le corps de sa voilure assez de coups de
corne pour que le premier ait pris l'apparence d'un fricandeau, et la seconde,
l'aspect d'une écumoirc.
Pour ce qui est des troupeaux de porcs, leurs conducteurs ne se bornent
pas à l'envahissement des voies de communication ; ils pratiquent en oulre
l'embuscade.
Dans les pays où se ])ralique l'élevage de ces intéressants quadrupèdes,
pays pauvres en général, les meilleurs pâturages sont les bas côtés des
routes; le jeune porcher s'installe avec ses camarades au fond d'un
fossé, laissant ses bêtes en toute liberté; — celles-ci pàlurcut autour de lui
dans un désordre aussi complet que pittoresque. Si vous rencontrez au tour-
nant d'une route un groupe de cette espèce, le moins qui puisse vous arri-
ver est de vous trouver les quatre fers en l'air dans le fossé opposé à celui
où s'est installée pour se livrer à ses ébats favoris la bande déjeunes porchei's
officiels ou amateurs.
13
LA PROVIX'CE A CHEVAL.
73
Quanl aux troupes d'oies, dindous cl aulre menu bétail, leurs gardiens
sont clioisis parmi des individus d'un âge tellement tendre que le plus grand
danger qu'on coure avec eux est d'en écraser par mégarde un ou deux, en
même temps que la stupide volaille conflée à leurs soins, les uns et les autres
se précipitant sous vos roues au moment même où vous les croyez décidés à
se garer à droite ou à gauche.
$C ^
L'a fficurtre JovoloDlnirc, ou fricasBée pjr imprudence.
Aux traversées des villages, redouter également la sortie des écoles et les
promenades de poussins.
Les élèves gratuits et obligatoires, aussi bien que les jeunes poulets,
manquent de décision, et changent de direction avec une telle instantanéité
que le plus prudent, quand on tient à respecter leur existence, est de s'ar-
rêter jusqu'à ce qu'ils aient complètement disparu.
Tous les ennuis qui résultent pour le promeneur de la présence sur les
routes des animaux comestibles ne sont rien auprès des désordres occasion-
nés par la circulation des animaux savants.
Le voisinage de l'ours, notamment, provoque chez la plupart des chevaux
10
7i
I.A PROVIVCE A CHEVAL.
un véritable aff'olcinoiit. — Or c'est précisément Fintlividii que clioisissent
de prél'érencc les bohémiens qui tiennent à répandre dans l'es])èce animale
les trésors de l'instruction.
Si vous avez bonne vue, et que vous aperceviez à distance l'un de ces
convois qui donnent l'impi-cssion d'un village en marche, le mieux et le
plus prudent est de faire un détour; — du reste, l'appréhension manifestée
par votre cheval, si vous êtes sous le vent, vous avertira, quelle que soit la
puissance ou pour mieux dire la faiblesse de votre vision, que vous allez faire
quelque rencontre insolite; — dans ces cas-là, n'hésitez pas, quittez le droit
chemin volontairement, — cette précaution vous évitera de sauter, à l'in-
stant de la rencontre, l'un ou l'autre des fossés qui bordent la route, ce qui
est un fâcheux exercice même en tilbury, encore plus déplorable par consé-
quent si vous êtes en voiture à quatre roues.
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2i o
3
Locomotives routières. — On prétend qu'elles sonl iililcs à l'agriculture et à plusieurs autres
industries; mais le résultai le moins contestable de leur emploi csl l'emballage régulier des
cavaliers qui les rencontrent.
LA PROVINCE A CHEVAL.
79
Une autre cause d'effroi pour les chevaux impressionnables, c'est l'appli-
cation de la vapeur aux travaux agricoles : les faucheuses, semeuses et bat-
teuses mécaniques rencontrées inopinément en plein champ leur causent des
terreurs folles qui ne sont égalées que par celles produites par les locomo-
tives routières : celles-ci, dirigées par des mécaniciens éduqués dans les
grandes villes, ont transporté aux champs la tradition des bons tours à faire
aux bourgeois ; — avec eux, on peut être sûr que les sifflets, les jets de vapeur
et les flots de fumée jailliront à la fois, au passage de toute voiture un peu
élégamment attelée. — Pour un cavalier de tenue correcte ils ne cesseront
leur feu d'artifice qu'après la chute du susdit ou sa disparition à l'horizon, à la
suite d'un emballage radical.
Le roulier ne manifeste pas des sentiments beaucoup plus bienveillants h
l'égard du malheureux bourgeois; — lui aussi va dans les cabarets des fau-
bourgs agiter les problèmes de la question sociale, et en rapporte pour les
soi-disant oisifs porteurs de redingotes une hostilité qui se traduit jiar des
claquements de fouet intempestifs et une propension regrettable à monopo-
liser la route.
80
LA PROVIX'CE A CHEVAL
Le biilor (|iii m'a joué le lotir que je demande la permissiDii de vous
raconter, cher lecteur, ne l'a certes pas inventé ; mais, si vieux qu'il soit, il
n'en est pas moins insupportable pour celui qui en est la victime.
Voici en quoi il consiste :
La scène se passe sur un chemin vicinal, bien entretenu, mais ayant juste
la largeur nécessaire pour le passage de deux voilures; sur les côlés, les
mètres cubes de pierres préparés pour les travaux de l'hiver sont espacés de
dix mètres en dix mètres.
Sur ce terrain, vous trottez lestement dans une voiture légère : vous êtes
seul avec un gamin qui en sait juste assez eu fait de conduite pour garder le
cheval devant une porte.
A ce Irain, vous rattrapez promptemeut les lourdes voilures des meuniers,
marchands de grains ou de pommes de terie, qui conduisent à pied et
au pas.
Ceux-là se rangent à droite, et vous passez.
Un peu plus loin, vous rejoignez les maraîchers qui ont pris sur eux
quelque avance, grâce au trottinement habituel à leur cavalerie.
LA PROVINCE A CHEVAL
81
Ceux-là dorment à moitié et ne répondent pas toujours à votre première
sommation; vous ralentissez un peu et vous renouvelez votre appel.
■ii^
iii ' i, , ,,,„
Sans se réveiller complètement, ils finissent enfin par comprendi'e, eux
ou leur cheval, qu'ils encombrent la route, et ils font place, lentement, par-
cimonieusement, gardant encore les trois quarts de la voie; mais pourtant
ils consentent à dévier de la ligne droite, et, en empiétant un peu sur le
gazon, qui forme trottoir, on arrive à passer entre deux tas de pierres.
Cette façon de vous réduire à la portion congrue n'est peut-être pas inspi-
rée par une politesse exquise, mais, enfin, ils sont fatigues, on les dérange,
11
82
LA PKOVIVCE A CIIKVAI,
ils ne sont pas pressés; et l'on peut admettre, à la rifjucnr, que celui (pii
aime à aller vite s'arrange connne il peut, et laisse leuis aises aux gens calmes
qui marchent lentement.
C'est peut-être une taquinerie aux bourgeois, mais elle est supportable, et
il faudrait être à l'avance de bien méchante humeur ])our s'en fiicher.
Mais voici oii la j)laisanlerie cesse d'èlre acceptable.
Vous arrivez derrière une voiture de laitier ou de messager, gens qui
marchent au trot et ont la prétention de marcher vite.
\'ous voulez passer, et vous criez : Hep! Gare! ou Place! selon que vous
avez l'habitude d'employer l'une on l'autre de ces interjections.
Rien ne bouge, et il semble que le conducteur du lourd véhicule qui bouche
la route n'ait rien entendu.
LA PROVIXr.K A CHEVAL.
83
Vous ralentissez et vous trottez derrière lui au milieu du nuage de pous-
sière qu'il soulève et qui vous aveugle.
Vous criez plus fort, rien.
cy
Cependant, au bout d'un instant la route décrit une légère courbe, et le
chariot qui vous précède incline un peu à gauche, ce qui vous laisse un peu
d'espace à droite.
■v^cj'
Vous tentez de passer, vous disant qu'il y a des gens bizarres qui préfèrent
leur gauche à leur droite.
84
LA PROVIiVCE A CHEVAL
Pas (lu ((Mil. .Au niomciil où vous clés bien engagé, la voiture se rabat sur
vous. \()us arrèlez, et vous vous préparez à passer à gauche, point!
Le passage vous est encore bouché.
Vous comprenez alors qu'il y a parti pris, et que vous avez aifaire à une
brute facétieuse, que vous vous mettez à invectiver.
Pas de réponse, mais continuation du jeu.
-^^<ÏV^'
■^n^K •vv^/^'S^-c.-^.
Peu à peu la colère vous prend, et vous voulez passer quand même, quilte
LA PROVIiVCE A CHEVAL.
85
à verser, et vous finissez par franchir un tas de cailloux, au risque de cou-
ronner votre cheval ou de briser vos ressorts.
Si vous vous retournez alors, vous voyez une figure stupide qui rit jus-
qu'aux oreilles.
Vous avez en effet accompli le tour de force que le roulier facétieux vou-
lait vous contraindre à faire ; il est satisfiiit et ralentit l'allure de son cheval
qu'il avait surmené jusqu'alors.
80 LA PROVINCE A CHEVAL.
C'csl à eu nioiiiciil en général que la palienee vous échappe tout à lait.
Vous vous aiTetcz.
Et lorscpie lui veut j)asser à son tour, vous laites pleuvoir sur la tète du
cheval et sur celle de l'honinie une grêle de coups de fouet.
C'est un mauvais système, que je condamne après l'avoir consciencieuse-
ment pratiqué.
Voici celui que je conseille pour le remplacer.
Vous manifestez bien votre volonté de passer, et vous teniez de le faire à
plusieurs reprises.
LA PROVIXCE A CHEVAL.
87
Si l'on persiste h vous barrer la roule, vous allumez uu cigare, ce qui
vous prend toujours un certain temps, et vous suivez trancpiillement votre
persécuteur jusqu'au premier poste de gendarmerie, oii vous portez plainte.
Cette démarche a pour premier résultat de faire disparaître de la face du
faquin stupide qui prenait un malin plaisir à vous barrer la route, le sourire
narquois qui l'illuminait.
L'idée que sa plaisanterie aboutit à un procès-verbal dont le coût ne saurait
être inférieur à la somme de seize francs lui enlève immédiatement toute
gaieté.
gH LA PROVINCE A CHEVAL
La plus morne tristesse se répand immcdiatemeut sur sou visage, et vous
pouvez être sûr, eu agissant suivant le programme précédent, de supprimer
le sourire triomphant qui est, de toute cette tracasserie, la chose la plus
désagréable à supporter.
CHAPITRE 11
MONOGRAPHIE DU LOl'EUR DE PUOVIKCE.
Quel que soit l'effectif de l'écurie dans une installation à la campagne, on
ne peut être assuré du service à faire qu'autant qu'on a dans son plus pro-
chain voisinage un bon loueur de voitures.
12
90
[.A PROVIXTCE A CHEVAL.
i\ lin iiioniciit doniu'", tous les thovaiix des particuliers connaissent la
fatigue; seuls, ceux des loueurs restent toujours en mesure de marcher.
Pourquoi?
On n'en .'■ait rien, et plus on creuse la question, moins ou comprend que
des animaux hors d'âge, qui n'ont jamais clé complètement hons, arrivent
à un degré d'endurance que le meilleur cheval et le mieux soigné n'a jamais
pu atteindre.
C'est un luit inexplicable, mais c'est un fait constaté.
V^
v=.
Le loueur est généralement un
cumulard : il est en même temps
aubergiste, boucher, charcutier ou
cultivateur; — souvent, c'est un an-
cien maître de poste qui n'a pu se
décider à liquider complètement :
d'apparence, c'est toujours un gros
homme ;
Ou il l'est réellement.
Ou bien il porte sous sa blouse
une telle accumulation de vestes et
de gilets, qu'il paraît l'être.
Réelle ou factice, l'obésité est une
condition sine qua non de la profes-
sion.
Peul-èiro cet embonpoint est-il destiné à donner plus de conûance au
client, en le rassurant sur la prudence de son futur conducteur.
Comment supposer, en effet, qu'un homme d'aspect aussi imposant n'ait
pas une expérience consommée, et une prudence égale à son volume?
Ce qui nuit le plus souvent à la sagesse que leur âge et leur poids devraient
J3 "
LA PROVIXCE A CHEVAL.
donner à ces entrepreneurs de (ransport, c'est mallieureusement l'usage
généralement abusil qu'ils font des liqueurs fortes.
Si longae qoe soil la roule .i parcoorir, il n'y a pas d'exemple qu'un lonear qui fle respecle ail pasEê un débil
quelconque sans s'arrêter.
Comme ils sont d'ordinaire à la fois patrons et cochers, c'est en nature
que leurs pratiques habituelles leur offrent les pourboires qu'ils n'osent pas
leur mettre en menue monnaie dans la main.
Ils connaissent en outre tous les hôteliers de leur canton, auxquels ils ont
amené un nombre plus ou moins grand de voyageurs, et qui, dans l'espoir
qu'ils leur en ramèneront, ne les laissent jamais dépasser leur porte sans
leur offrir un rafraîchissement, qui est toujours accepté.
Grâce à ces libations répétées, le conducteur de voitures à volonté se trouve
maintenu dans un état de douce ébriété, qui le rend philosophe et lui permet
de supporter le froid, le vent, la pluie, les longs trajets dans l'obscurité et les
96 LA PROVIXCE A CHFA'AL.
mauvais chemins, sans qu'il perde rien de sa bonne humeur : très-bien
renseigne sur tous les potins locaux , il met volontiers son voyageur au
courant des récents scandales et des événements saillants survenus daiis les
familles dont ils contournent ensemble les propriétés.
Heoseignaot son voyagpnr Eor les mcrurs, les babiludes et les maaies des cbâtelaias dont ils IoD<}PQt
les propriétés.
II approuve ou critique leur gestion, et émet les idées les plus sages sur
la manière dont ils devraient vivre, étant donnée leur position.
Celui-ci, dont toutes les terres sont hypothéquées, aurait pu vivre très-
heureux s'il n'avait pas eu la rage de « fréquenter les plus gros " .
Celui-là, c'est sa passion pour la chasse qui le mettra sur la paille, car il se
« fait des trous dans le dos i> pour arriver à maintenir sa meute sur le même
pied que le comte de X..., qui, lui, n'a qu'à «se baisser pour en prendre» !
Et les racontars se succèdent sans interruption.
LA PROVIMCE A CHEVAL.
97
Celte volubilité intarissable est-elle la simple manifestation d'une facilité
d'éloculion développée par l'agitation alcoolique, ou bien le résultat d'un
calcul machiavélique ?
La seconde hypothèse me paraît la plus vraie.
Le paysan, quoi qu'il dise, a toujours un but.
S'il n'a aucun intérêt à parler, il se tait ; — dès qu'il dépense les trésors
d'éloquence que la nature a mis à sa disposition, c'est qu'il eu attend un
résultat.
Sapplée par la livacilt da moDologae à la lenteur ôe la locomolioD.
Dans le cas présent, le conducteur forain n'a pas d'autre espoir que de faire
oublier à son patient, par la rapidité de son éloculion, la lenteur de sa loco-
motion; et, le plus souvent, il atteint son but.
Le colis humain qu'il transporte est tout étonné, une fois arrivé, d'avoir
mis trois heures à faire un trajet qui lui a paru court et lestemeut fait; —
les claquements de fouet, le tintement des grelots, et la conversation vive
13
98
LA PROVINCE A CHFAAL.
et animée qu'il a subie tout d'abord, éeoulée ensuite, lui ont donné l'illu-
sion du mouvement rapide qui manquait à rallelagc.
Si le conducteur de voitures, patron ou salarié, répond dans toutes les
provinces à un signalement à peu près identique, les chevaux et les véhicules
([u'ii emploie varient à l'infini.
te Jiacre de Pontà-Moiisson. — Unique daos son genre ; doil èire relena quinze joors à l'avance, et pe a'engagi
qa'sprês avoir reça des arrlieg.
La nature du terrain, le dimal, influent également sur la conformation
des uns et des autres ; mais ce qui différencie le plus l'aspect des véhicules
employés, c'est la distance qui sépare le point oîi ils sont exploités d'un
grand centre de production; et il serait cuiieux de rechercher, par exenq)le,
le nombre d'années qu'il faut à un nouveau modèle de voiture pour arriver
de Paris à Castres.
A t'ié cODslroite poor conduire madame de VaodcneBBe
à LoDgcbampB ea 1837; emmenre a Toars ea I84i,
où elle a été repciole. a élé vendue après la mort de
l'élégante Jenoe femme à qd Anglais; coûduite ù Poitiers
par celai-ci, elle y est reslée jusqu'ea 18'i8; a s?rvi
pendant loale la campagne da plébiscite de 1801 à
transporter le préfet de la Vienoe ; sert comme fiacre à
TouloDGe depuis celle date-
Oc:=)0 c;:>O<=:=>0'cc=3y'
Un fi.icre à Cotnpié>jne. — Une ancienne cluise de la poste
i npérrale. et Ij jumeut rêfûrmée de Tuu des pi([ueurs du mar-
quis de l'A
Un fiacre à Versailles. — La dernière calèche de
M. de Montdliiet, traînée par le chenal de Taïaut-
dernier trompette des carabiniers.
Deauvitle-Trouville et autres villes. — Payeùt lear
attelage à la première cicarsiun, leur toiluie h la
Bccoode ; — le refile esl tout bùnéGce.
^. ^A
R_0
Eli Brclngne. — Aatti primitif que difScile â trouver. Feu
recommaDJablc aui damei habituées aux bcit-resitiits.
A eu rim[trudeuce de se laisser inviter
à diuer par sou plos ptiiclie voisin (eeiie
petits kilomètres) ,
IV
LA PROVIMCE A CHEVAL.
107
Quant aux chevaux attelés aux différents spécimens de carrosserie échoués
chez Jes loueurs, leur provenance est encore plus variée, — et l'élevage
local n'a aucune influence sur leur recrutement.
La plupart appartiennent à la classe trop nombreuse des anciens bons
chevaux qui ont eu des malheurs.
,,iSi:#«SL-
CommpQl de cheval de maître on passe cheval de 1oDS<]e.
C'est ainsi qu'on retrouve dans des endroits on jamais un cheval de pur
sang n'a été élevé, d'anciens outsiders détériorés par les fatigues exagérées
d'un entraînement précipité, et quelques fils du désert qui n'ont gardé de
leur apparence première que leur crinière échevelée et le majestueux panache
de leur queue.
Le reste de l'effectif des loueurs est fourni par les réformes de cava-
lerie.
Pour terminer, un conseil pratique au voyageur obligé de recourir à ce
mode de transport antédiluvien et pressé d'accomplir rapidement le trajet
qu'il a à faire : Qu'il ne parle jamais au propriétaire du cheval loué du temps
qu'il lui faut pour parcourir la distance dont il s'agit : celui-là ne s'engagera
108
LA PROVIX'CE A CHEVAL.
jamais ù faire un parcours dans un délai délerminé; mais, une lois en roule,
assis aux côtés de son conducteur, qu'il dise nettement quelle somme il
compte affecter au pourboire s'il arrive à telle heure au terme du voyage.
Il peut être sur de l'atteindre au moment voulu.
Une anecdote à l'appui :
J'étais parti, l'an dernier, accompagnant un ami avec lequel je devais
m'embarquer à Saint-Nazaire pour un petit voyage de circumnavigation de
trois ou quatre jours.
Après avoir déjeuné à Nantes cbez les bôles à couj) sûr les plus hospita-
liers de toute la Bretagne, ceux-ci nous avaient installés dans un wagon qui
devait nous conduire au quai d'embarquement précisément à l'heure de la
marée.
Oû il eel prooçé qop, bien qoe se rendant à on point desserti par on chemin de fer, on peul être forcé de recourir
à nu chetal de louage.
Malheureusement, à Savenfiy (je me rappellerai longtemps le nom de l'en-
droit!), la première partie du train filait droit sur Saint-Nazaire, laissant en
plan la seconde, qui bifurquait sur Redon.
Le cocher de proviuce. qai lape eu roate
aaSBJ impilofableaieat qa'aacua cocher de
fiacre parisieii, comble voloaliers son cheval
de scias adectueui, ana fois arrêté.
CKAft \^
LA PROVINCE A CHEVAL.
III
Le wagou dans lequel nous clions montés faisait partie de cette dernière
moitié, et lorsque nous nous aperçûmes de la manœuvre accomplie, la pre-
mière moitié avait repris sa course, cl aucun autre train ne pouvait nous ame-
ner à quai en temps utile.
C'est du moins ce qui ressortit d'une orageuse conversation avec le chef
de gare , dont les hommes avaient insuffisamment annoncé la manœuvre
faite à notre insu.
Dans de pareilles circonstances, on apprécie h toute leur valeur les ser-
vices que peuvent rendre les entrepreneurs particuliers de transport. Ren-
seignements pris, nous acquérons la certitude que le principal aubergiste du
village possède une carriole qu'il loue qtieqvrfois, — mais on ne peut nous
garantir que son cheval ne soit pas en route.
C'est au pas gymnastique que nous courons nous assurer de sa présence à
l'écurie.
N'y a pas à cbuisiri s'y a qae lui
Le misérable animal y est, mais quelle mine peu rassurante I
~ Il a marché toute la matinée, et il est vraisemblable, d'après son aspect,
qu'il ne consentira jamais à reprendre le trot.
112
LA PROVIMCE A CHEVAL.
En faisant notre marché avec le propriétaire de ce lamentable quadrupède,
nous parlons naturellement de la distance à parcourir : elle est de seize
kilomètres, et nous n'avons pas deux heures pour atteler et les faire.
Mon compagnon s'inquiète et veut qu'on lui garantisse que nous arriverons
en temps utile.
Naturellement notre loueur refuse de prendre aucun engagement; et je
me hâte de donner à mon ami un vigoureux coup de coude pour l'avertir
de ne pas insister sur la rapidité de la course que nous avons à fournir.
J'avais vu, en effet, aux préparatifs qui se Hiisaienl, que nous ne serions pas
conduits par le loueur lui-même, mais par son palefrenier. Mou ami se
tait, et nous grimpons lestement en voiture.
Quel équipage! juste ciel! Jamais je n'en ai vu de plus pitoyable, et j'en
suis encore à me demander par quel miracle d'énergie un animal n'ayant
plus une seule jambe en état, maigre à faire peur, et par-dessus le marché
tout petit, a pu traîner en une heure et demie, à quatre lieues de l'auberge où
on l'y avait attelé, la lourde charrette dans laquelle le peu d'enq)ressenient
LA PROVINCE A CHEVAL.
113
des employés à avertir le public des combinaisons nécessaires à la marche
des trains nous avait forcés de monter.
Qu'avait- il fallu pour qu'un fait aussi phénoménal pût être réalisé?
La simple promesse d'un pourboire tel, que le Breton qui conduisait la mal-
heureuse rosse n'en avait jamais rêvé de pareil.
5^£^-^=ÎQS:-^r^^
Que celle-ci soit crevée peu de temps après avoir accompli ce dernier
tour de force, c'est bien possible ; et je le regrette , car la misérable bêle
avait vraiment du cœur.
15
114
LA PROVINCE A CHEVAL.
. Ce qui est certain, c'est que, grâce à notre machiavélique stratagème
nous i^-avons pas manqué le départ de la Xonnandie : c'est pourquoi je le
dévoile au lecteur, en l'engageant à l'employer en pareille occmreace.
FiiM DE LA PREMIERE PARTIE
DEUXIEME PARTIE
AU CHATEAU
Cl?'", k}'
CHAPITRE PREMIER
LA CAVALERIE DU CHATEAU.
Le strict nécessaire. — Les clievaux de Madame; ceux de Monsieur; ceux des enfants. — Che-
vaux d'invilés. — Grosse cavalerie et cavalerie légère. — Carrosserie spéciale. — Apologie du
poney en général. — Des qualités d'un poney de tir.
Si je ne craignais de passer pour un personnage absolument paradoxal, je
me risquerais à dire qu'il n'e.xisle pas de capitale dans laquelle la vie soit aussi
chère qu'à la campagne — j'entends vivre avec un certain confort et sans
120
I,A PIIOVLVCE A CHEVAL.
trop s'ennuyer. — Il est certain (jue s'il ne s'ayit que du prix du bt!urre, il
y a économie; mais pour \k'u (pie l'on veuille se procurer une dislraclion, il
faut la payer, et beaucoup plus clier cpie partout ailleurs.
Pour ne pas nous perdre dans des considérations générales qui nous éloi-
gneraient par trop du point de vue spécial auquel nous nous sommes placé,
il sufiit d'étudier les dépenses indispensables à un citadin qui n'aime pas à
marcher en regard de celles que doit s'imposer un habitant des champs qui
lient à avoir des moyens assurés de locomotion.
.— A la dispOBÎcioD de UBled,
Avec un budget restreint, le premier pourra se faire transporter pendant
toute la journée en omnibus, tramways et autres fiacres.
Si le second veut seulement faire deux visites par semaine à quelque
voisin, il lui faudra avoir, en propriété personnelle, chevaux, voitures et
cochers.
LA PROVINCE A CHEVAL.
121
Le minimum de voilures qu'il faut se procurer, si Ton veut circuler par
tous les temps et par tous les chemins, s'élève immédiatement à trois :
\ . \
\
\ \
c.y
Une voiture couverte pour le mauvais temps ,
crm
Une autre découverte pour les beaux jours.
16
122
LA PROVIMCE A CHEVAL.
Kl une Iroisièino à doux roues cl ayant la voie pour peu qu'on ait à suivre
un chemin à ornières, seule voie de communication existant, jusqu'à pré-
sent, dans bien des pays.
^ ^ .>^> \- -^^
Trois voilures comportent un nombre égal de chevaux, dont deux formant
paire — harnais double par conséquent, et harnais simple.
C'est donc, au bas mol , un capital d'une vingtaine de mille francs de
premier établissement pour l'homme modeste qui veut simplement disposer
d'un moyen de transport assez confortable pour le garantir des intempéries,
et lui permettre de jouir du beau temps, quand, par hasard, il fait beau, ce
qui d'ailleurs arrive bien rarement à la campagne, l'été surtout.
Si le rural dont nous parlons aime à monter à cheval, et qu'il ait dans sa
famille un membre aflligé de la même tendance, c'est immédiatement, en
plus, l'achat de deux autres animaux, leur entretien et celui d'un second
homme.
Avec ces cinq chevaux, le sei-vice quotidien de la famille, si elle n'est pas
trop nombreuse, sera peut-être assuré, à la condition, toutefois, de n'avoir
LA PROVINCE A CHEVAL.
123
aucuns invités à faire prendre à la gare, sans quoi, il faudra renoncer à
toute promenade le jour de leur arrivée et de leur départ.
Après cette organisation modeste, à peine sufflsante dans une véritable
campagne, située à quelques lieues de toute ville possédant des loueurs ou
une ligne de banlieue, dont les trains se succèdent pour ainsi dire sans inter-
ruption, examinons l'effectif nécessaire à une installaliou plus grandiose qui
permette au cbàtelain de recevoir,
De promener ses invités à cheval et en voilure,
De les faire chasser;
Qui lui donne, en un mot, les moyens de jouir du plein air, et de proflter
de l'étendue de ses propriétés ou de celles de ses voisins.
Prodi3aaDt à ses ÎQvitéa des conseils sur la manière dont il convient de monter ses cbevanx.
Ce n'est plus par unités, mais par dizaines qu'il lui fimdra chiffrer ses
chevaux.
121
LA PROVINCE A CHEVAL.
Postières pour le transport à la gare dos voyageurs et des bagages,
breaks de chasse, transport des victuailles pour les garde n-parties, voyages
d'exploration, etc., visites aux monuments locaux ou aux points de vue des
enviions ;
Chevaux d'attelage pour Monsieur, pour Madame, pour les enfants, pour
les invités;
Itein^ chevaux de selle pour le même nombre de personnes;
Item, effectif égal eu chevaux de chasse ;
Item, poneys pour les enfants.
C'est à première vue un total de trente à quarante chevaux, s'ils sont con-
duits par des gens sages sachant les ménager.
^_'^\/~ ^_ i-^ vuljnire panier. — Eié-
^ ^ _~^' crable poar la lucomolion des
*"■ - Iiumaius vivanls. Parfait poar le
traosporl da gibier orcis.
L'omnibus. — Régervé aa ocrïice de la gare,
iadiBpeosable qaaod on va cbcrcber nne dame
sfule. \oyageaDt avec 6a seule femme de
cbambre.
ir
LA PROVINCE A CHEVAL.
13c
Dans le cas contraire, aucun calcul ne peut permettre de déterminer le
chiffre indispensable; ce peut être un tiers en plus, le double ou le triple!
nul ne peut le prévoir, et alors l'hôte ne doit plus compter que sur la
Providence, qui peut
seule limiter ses dé-
penses.
Son intérêt, comme
celui de ses invités ,
lui commande de re-
chercher les chevaux
froids , parce que
d'abord ils s'usent
moins vile, et qu'en-
suite ils détériorent
moins fréquemment
leurs cavaliers impro-
visés.
Les chevaux pour amazones doivent principalement être doués de carac-
tères d'une douceur iualtéi'able et sérieusement éprouvée.
Trjin mofen d'un invité auquel on a codBi) un cbeval ayant
buDDC volonté.
^#i \
mm
Une foule de fem-
mes, en effet, qui
n'oseraient jamais
monter à Paris , par
crainte de la foule, se
risquent à la campa-
gne , par ignorance
des difficultés de l'é-
quitalion elle-même,
et il est de toute né-
cessité que , quoi
qu'elles fassent pour
les horripiler , leurs
montures ne se dé-
partent jamais du calme nécessaire à la stabilité du centre de gravité de
ces téméraires inconscientes.
Ch'val d'invité. — Type n" I , pour cavalier on préfinmé ttl.
Emballeur, relivard, dur à toutes les allures, mais un fouds du
diable.
13(>
LA P110V1\-CE A CIIEVAF,.
L'idral du dicval d'invilé serait un cheval de bois, ayant de la vitesse
et du fonds : il l'audiait ([u'il fût en bois, pour rester insensible aux à-enup
qui lui sont prodi-
gués , et infatigable
pour résister aux
corvées qu'on exige
de lui.
J'ai connu certains
queues-dc-rat qui réa-
lisaient ce j)rogram-
me, mais je crains
fort que les derniers
spécimens de ce pré-
cieux type n'aient
\S^r^
f^^'*f^'.YV<^^-t-
Chetal cCinvUé. — Type if 2. pour hommes de cabioet.
Doux, froid, impassible : de iérilables strapODlius.
disparu.
L'entretien d'une
pareille cavalerie ,
grosse ou légère, est ruineux — on le comprend de reste; — c'est cependant
un luxe de première néces.sité, si l'on tient à ne pas mourir d'ennui.
A Paris , les dis-
tractions naissent du
hasard.
Si vous vous en-
nuyez ch(!z vous ,
vous n'avez qu'à
pi'endre votre canne
et votre chapeau, et,
sans espérer des
aventures digncsd'è-
liife
Cheval d'inrilé. — Type ti° 3. Cbecam spécialemeot réservés nnx amazones.
Impavidumferient ruinx. le véritable sage d'Horace.
tre racontées par
Scheherazade, vous pouvez être certain que le spectacle de la rue changera
vos idées.
LA PROVmCE A CHEVAL.
13"
A!a campagne, si la contemplation de la nature ne vous suffît pas, il faut
vous procurer à domicile toutes les choses capables de vous maintenir en
belle humeur.
c.
x.
La queue-de rfit. — Réservé ponr tontes corvées — Service
spi-cial poar le télégraphe et la poste. — On n'a qo'one dislribn-
tion par joor, et, ponr des gens qni tiennent à rester an coarant
do tout Paris, ce n'est pas suffisant.
Si vous aimez
voir vos amis, il
vous faut les faire
venir , et savoir
les retenir.
Si vous aimez
la comédie, vous
en êtes réduit à la
jouer vous-même,
et ainsi pour tout.
Quand on ne peut se procurer un visiteur sans l'aller chercher soi-
même, ni aucun objet quelconque sans l'envoyer prendre à des distances
invraisemblables, la facihté des moyens de locomotion devient une nécessité,
et il faut bien se
résigner à nour-
rir l'efTectif d'un
escadron, à moius
quion ne préfère
entretenir une lé-
gion de vélocipé-
distes.
On en arrivera
peut-être là, grâce
à la mauvaise vo-
lonté des cochers,
mais la mode n'y
est pas encore.
^1 .^
Cltevaitx d'invilus. — Les poneys : ça sert toujoars, el c'est indispensablp
puur l'cducâliou dfs géiiéraliooB futures.
Pour atténuer les charges d'une écurie de ce genre, il ne faut donc pas
songer à économiser sur le nombre des quadrupèdes ; plus on en a, mieux il
18
i:i8
LA puovivr.r, a cheval.
vaut! Mais on ])C'iil se rallrajxT sur leur laillc, cl, par suile, sur leur cou-
soinmalion.
Le j)oney est,
en général , résis-
tant et sobre; —
en l'employant ,
on obtient un ser-
vice égal à moin-
dres Irais.
Déplus, il est, à
l'ordinaire, beau-
coup plus intelli-
gent que ses con-
génères supé-
rieurs par le volume, et, quoique souvent fantasque, il est rarement dange-
reux, parce que ses caprices apparents reposent la plupart du temps sur un
motif raisonnable.
Le poney est un aniaal teltcnienl réBislant qu'aloie même
qu'on croit en abuser, on n'en exige rien qu'il ne puiese faire.
A l'ajjpui de
celte llicoric, pre-
nons un exemple,
et comparons, si
vous le voulez
bien, lafaeondont
se comportent un
cheval et nn poney
aux prises avec
une mouche.
Le premier
commencera par
donner des preu-
ves d'agilalion, et
se mettra à tirer
à la main, en mettant la tête en l'air, puis filera droit devant lui de toute
la vitesse de ses jambes.
X.fW%7
Le pODey coDSliluc la moDlure par picellence des cavaliers
qui, élast à cbeval , aiment à s'occuper d'aatie clioee que
d'équitation. — PeodaDt qu'ils lisent, dostineut ou reflèchisseDl,
il »aif, lui aQ^si, trouver loujoars l'eunploi de eod temps.
êmmÊM
Encore une dépense obligaloire pour
QD maître de naaieon qui lient à n'offrir à
ses JuvilileB que des animaui réellemeul
mis pour daaies! Héberger à poste Gse
pendant la durée de leur séjour la drea-
seuse en renom.
LA PROVINCE A CHEVAL.
Pourquoi cette lubie?
145
Vous n'en savez rien, — vous constatez seulement qu'il est affolé; et s'il
rencontre un obstacle quelconque, il s'y beurtera avec une violence com-
plète, et, du choc ainsi obtenu, il adviendra ce que pourra.
AGsailli par les moacbes.
Le poney (appelons-le Bob si vous n'y voyez pas d'inconvénient, en sou-
venir d'un petit bai brun que j'ai eu en ma possession), le poney, dis-je,
est moins bête :
Il sait parfoitement distinguer de la piqûre de l'éperon celle du taon ;
Il obéit à la première ;
Mais, comme il sait que la seconde ne résulte pas de votre volonté, il
cherche à vous faire comprendre qu'un intrus vient raiguillontier, et partant
contrecarrer vos indications.
Aussitôt qu'une mouche bourdonne autour de lui, il couche les oreilles et
19
Ii6
LA PROVINCE A CHEVAT,.
s'ébroue de façon à adirer voire attention. Dès qu'elle l'atteint, il porte la
tête du colé où elle s'est placée.
Comme vous con-
naissez ses habitudes,
vous regardez dans la
direction qu'il vous in-
dique et que vous si-
gnalent, en outre, les
frémissements de sa
peau : vous savez, dès
lors, si c'est à droite
ou à gauche que doivent
se porter vos investiga-
tions.
Sivotre inspection ne
vous fait pas voir tout
de suite l'ennemi. Bob
s'arrête et accentue son
mouvement indicateur.
Malgré tout, vous n'arrivez pas à découvrir le repaire du monstre ailé qui
s est établi, trop bas, sous le ventre ou près des sangles; Bob se i-appelle alors
qu'on n'est jamais mieux servi que
par soi-même, et d'un pied habile,
intelligent , précis , il chasse son
agresseur... qui s'enlève et va se
placer un peu plus haut, hors portée
de la jambe du cheval, mais sous l'œil
du cavalier : vous prenez alors vos
dispositions.
Vous réunissez vos rênes et votre stick dans une seule main, de façon à
pouvoir frapper juste de la main que vous avez libre.
LA PROVINCE A CHEVAL.
IVé
Bob suit vos préparatifs avec une attention émue : en même temps que
votre main s'enlève, son encolure se courbe de plus en plus, et son œil ne
perd pas plus de vue la mouche que votre bras; d'ailleurs, il est immobile,
et malgré la piqûre, aucun frisson ne ride son flanc.
^^.
^•^<^-
Les ap[irèlB d'une eiécatioa.
l'otre main suffisam-
ment élevée, vous la ra-
baissez brusquement :
le taon s'écrase sous la
claque , roule sur la
route dans les derniè-
res convulsions de l'a-
gonie, et Bob, satisfait
de l'exécution dont il a
suivi les détails avec
l'attention d'un repor-
ter de profession, re-
prend, satisfait , son
temps de trot inter-
rompu.
Je trouve cela suffisamment intelligent pour uu animal duquel on dit
comnmuément : « Béte comme uii cheval. »
Il est vrai que pour être juste, et balancer ce que cette locution prover-
biale a de fondé, on devrait ajouter : « Intelligent comme un poney. "
Ce n'est pas seulement le peu d'élévation de sa taille qui le fait choisir
comme monture par les amateurs de tir.
A ce compte, l'àne est plus petit, moins cher et aussi robuste : ce qui le
fait préférer pour cet emploi spécial à toute autre bête de somme, c'est pré-
cisément cette aptitude à comprendre, cette intelligence que nous venons de
constater.
Posons le problème à résoudre quand il s'agit du choix d'un poney de tir.
Ii8
LA PROVIXT.r, A CHEVAL.
Un i)oiicy, un gros honinio et un fusil clanl donnes, il s'ayit d'arriver à ce
résullal, qu'après la délonalion du dernier, le second demeure sur le pre-
mier.
Premiers essais.
Solution difficile d'un problème dont la complication saute aux yeux!
En effet, pour qu'un poney soit capable de transporter un bomme qui se
sent trop pesant pour cbasser à pied, la qualité essentielle à lui demander est
la vigueur.
Or, on peut s'attendre à ce que la surprise ressentie par un cbeval
vigoureux se manifeste par des gestes rapides, brusques au besoin, tels
que ruades, sauts de côte, départs violents, toutes opérations susceptibles
de déplacer notablement le centre de gravité d'un cavalier naturellement
lourd, peu agile, et embarrassé d'un fusil qui veut être manœuvré à deux
mains.
Si donc l'bommc puissant dont il s'agit veut, de prime abord, avant
que sa monture ait reçu une éducation préalable, tirer de sa selle un gibier
quelconque, voici, point par point, le résultat de sa tentative.
LA PROVIMCE A CHEVAL.
149
Supposons le cas le plus favorable à son expérience :
Le cheval est arrête depuis un moment au coin d'une enceinte où les
chiens chassent.
Dans cette hypothèse, l'animal jouit de la sécurité la plus complète ; le
lapin, prenons que ce soit un lapin, c'est-à-dire le gibier qui au passage fait
le moins de bruit, passe à quelques mètres à sa droite ou à sa gauche.
^•'^"■'-s - 'S.
Asx»:
if- a,.:n
•^\\(
K:'"":.a^
Le cheval ne s'est même pas aperçu de sa présence, l'homme puissant
ajuste et fait feu.
l^.
< \
. 41!,, % l 'W Î^^M U '^2^^ '^f.
0§,
Instantanément, une sorte d'eflondrement se produit sous lui; — le cheval,
terrifié par le bruit tonitruant qui vient d'éclater au-dessus de sa tète.
1.50
LA PROVIMCK A CHEVAr,.
s'iipIalK comme quelqu'un qui appréhende la chute d'un plafond; puis, par
une hrusqiie détenle de ses quatre jandjcs contractées dans la première
surprise, il s'élance du côté opposé où la détouatiou a retenti.
Le gros homme, déjà porté par l'inclination de son tir dans la direction du
passage du gibier, s'y trouve précipité, à moins d'une puissance de con-
traction invraisemblable chez quelqu'un pour qui la sinq)le marche consti-
tue un exercice excessif.
>^'tt,%'''hi :,_
La situation qui résulte presque forcément de cette succession de faits est
celle-ci : au point extrême d'une ligne idéale se trouve le lapin... qui con-
tinue sa course; puis on trouve le fusil, puis le gros homme, tandis qu'à
l'autre extrémité le cheval fuit à toutes jambes.
Tel est le spectacle qui frappe les regards des bassets au moment où,
continuant leur poursuite, ils sortent à leur tour de l'enceinte.
Si tout s'est passé comme on doit le prévoir, les canons du fusil sont
LA PROVINCE A CHEVAL. 151
pour le moins remplis de terre; le tireur est plus ou moins contusionne;
Quant au cheval, il restera invisible pour le reste de la journée,
Et, dans l'avenir, aucune personne ne pourra plus en approcher si elle a
dans les mains quelque objet que ce soit ressemblant même vaguement à une
arme à feu.
Conclusion : en matière d'éducation de chevaux, ne jamais vouloir aller
trop vite.
Ceci admis, voyons quels moyens on peut utilement employer pour
atteindre la solution du problème ci-dessus énoncé.
Et d'abord quelle est la
race qui donne des chevaux
répondant à l'usage qu'en
attend notre lionnne puis-
sant , qui aient la force et
la douceur nécessaires.
Le cob, le poney des
fermiers anglais, aux reins
solides, aux jambes courtes
et nerveuses, dont le pied
sûr permet de laisser flot-
ter les rênes, est de tous les
chevaux connus le plus apte à ce service spécial; mais il a souvent la tête
lourde, la mâchoire commune.
Il est laid, et, pour beaucoup de chasseurs, un pareil défaut est un vice
rédbibitoire.
Nous avons dans les montagnes d'Auvergne un type plus élégant, qui
joint à une très-grande force une plus grande légèreté de l'encolure, et qui
prend un très-bon caractère quand on a su corriger vertement les incartades
du premier âge.
C'est ce poney trapu, nerveux, très-résistant à la fatigue, porlant le poids
152
LA PROVIMCE A CHEVAF,.
avec une aisance merveilleuse, très-peu impressionnable, qui semble le plus
apte à profiter des loeons d'un cavalier amateur de cbasse à tir.
Ajoutez à CCS (|u;ili-
tés ([u'il est générale-
ment inlelligcnt et faci-
lement éducable, qu'il
entend la voix de son
cavalier liabituel et
obéit souvent mieux à
la parole qu'à un mou-
vement de la main ou
des jambes; en outre,
il est gourmand et lérait
des bassesses pour un
morceau de sucre.
Notez ce renseignement qu'il vous sera facile d'utiliser.
Le choix arrêté, reste la question de dressage.
Vous avez constaté que votre bidet n'a pas facilement peur des différentes
choses qui effrayent habituellement les chevaux dans la campagne :
Les chiens qui, à la traversée des villages, se précipitent dans ses jambes,
le laissent impassible ;
Les chats qui, lapis sur le pas d'une porte, s'élancent tout à coup, et
passent sous son nez, ne lui causent aucun émoi ;
11 traverse imperturbablement les troupeaux de moulons qui couvrent toute
la largeur du cliemin que vous suivez, et le départ d'une compagnie de
perdreaux au détour d'un chemin de traverse ne lui fait ni ralentir sou allure,
ni dresser les oreilles.
Si vous avez à allumer un cigare, il reste au repos jusqu'à ce que vous li;i
LA PROVINCE A CHEVAL.
153
ayez indiqué d'une façon quelconque qu'il peut se remellre en marche ; il a,
en un mot, toute la tranquillité que peut acquérir un cheval habitué à son
cavalier, et est arrivé à la docilité d'un cheval de troupe à la fin du congé
de son titulaire.
C'est le moment psychologique attendu :
Faites prendre une allumette-bougie à tête bleue; la chose n'est pas
absolument impossible!
Si, au moment où l'explosion aura lieu, votre monture n'est agitée par
aucun tressaillement, tout ira bien...
Alais ne risquez cette expérience que quand vous aurez constaté, par son
indifférence aux incidents notés plus haut, qu'il est arrivé à un degré de
scepticisme déjà remarquable.
Du bruit produit par l'explosion d'une allumette officielle à celui d'un pis-
tolet de salon, la différence est faible, et vous pouvez, si la première expé-
rience a réussi, tenter la seconde avec une sécurité d'autant plus grande qu'il
20
15i
r. A l'ItOVIVC.K A CHEVAr,.
vous reste une main libre pour irpriiner les éearls que pourrait tenter voire
moulure.
Le mieux serait de faire la tentative à pied, en vous tenant prêt à ealnier
l'émotion du poney, en le flattant de la main — après quoi vous laites appr.-
raître un morecau de sucre, que vous ne donnez que quand les dernières
traces d'elfroi vous paraissent dissipées.
Du pistolet de salon il fiiut passer au fusil, car je ne connais pas d'arme
intermédiaire : mais la détonation en est tellement plus forte qu'il y aurai!
danger à passer brusquement de l'un à l'autre.
Pour habituer progressivement l'élève à la vue du fusil et à son explosion,
voici les moyens à prendre :
Avoir soin que l'homme qui donne les repas au cheval soit porteur d'un
fusil foutes les fois qu'il entre dans l'écurie;
Vous-même, soyez armé si vous faites sur le dos du conscrit quelques
promenades dans le parc.
Au bout d'un lenqjs très-court, l'étonnement que lui causera au début cet
appareil guerrier aura complètement disparu; si, en même temps, vous
LA PROVINCE A CHEVAL. 155
avez fait tirer des coups de fusil répétés, à des distances de plus en plus rap-
prochées, son oreille sera bien vite familiarisée au bruit formidable du
lefaucheux.
Ces deux points acquis, reste à lui faire accepter sans protestation la vue
de la fumée, du trait de feu qui illumine dans les jours sombres aussi bien
qu'à la nuit l'oriGce du canon ;
Enfin, pour que son éducation soit complète, il faut qu'il supporte sans
terreur la secousse produite par la détonation même, c'est-à-dire l'ébran-
lement de l'air.
Cette absolue indifférence ne s'acquiert pas du jour au lendemain ; mais
on l'obtient avec de la patience et en multipliant les détonations.
11 est cependant essentiel que l'émotion causée par l'une soit complètement
calmée avant qu'une autre ait lieu.
-H^V^m.
^■ni;P'i)7'iir'^'^'"
Ce n'est qu'après une très-longue expérience qu'un cheval arrive à écou-
ler sans broncher un feu de peloton : le jour où il en est là, son éducation
est terminée, et n'importe qui peut alors se livrer sur son dos au plaisir de
fusiller à discrétion.
151! LA PROVIVCE A CHEVAL.
Il n'est pas dit pour cela que tous vos coups porteront I
Bien au contraire; attendez-vous à ceci que, pendant les premiers jours
de ce nouvel exercice, votre tir aura un imprévu considérable.
' ;/v^,va^3;v^'^i.^,
x\yKiw»v>BM^.
li:i#Hsë#&*
.Mmmmit
■;%^'^m
■:^^^
^■^^
Si paisible en effet que soit devenue votre monture, elle sera pendant
assez longtemps encore agitée par un frémissement qui, si léger soit-il, aura
encore assez de force pour faire dévier votre coup.
Il faudra, en outre, vous habituer à tirer d'un seul bras, à vous équilibrer
sur votre selle de façon à pouvoir tirer à droite ou à gauche sans perdre votre
assiette ;
Il faudra que l'encolure de votre cheval ne vous gène en rien, que vos
rênes ne soient plus un embarras pour vous, que votre fusil ne parte qu'au
moment où vous le voudrez...
Ces mille riens obtenus, si le parc dans lequel vous chasserez de la sorte
est excessivement giboyeux, mais ce qui s'appelle excessivement giboyeux;
Si vous avez habituellement et en toutes choses une chance considérable,
r,A l'ROVIX'CE A CHEVAt..
159
vous arriverez, certains jours, pas tous les jours, mais enfin quelquefois, si
vous êtes à pied ce qu'on appelle un bon fusil, vous arriverez, dis-je, à fuer,
ou tout au moins à blesser un lapin ou deux, mais vous aurez Irès-agréable-
nient passé votre après-midi.
'&«;>
../,-^-r^^^^,^,(t^
Nota. — Grand nombre de chasseurs préfèrent descendre de cheval an
moment où ils ont chance de tirer.
L'apologie du poney à laquelle nous nous sommes laissé entraîner nous a
quelque peu éloigné du sujet de ce chapitre, qui est l'approvisionnement
nécessaire au châtelain désireux de pourvoir au transport de ses hôtes.
En réservant dans son écurie une large place aux poneys et doubles poneys,
il atteindra une somme de travail égale à celle que fourniraient de grands
chevaux, et réalisera sur ses frais d'entretien une réelle économie.
Un autre moyen, non pas d'éviter, mais de retarder la ruine finale, consis-
tera dans le choix des voitures à employer, à la fois résistantes et légères, et
construites en raison de la conformation du pays dans lequel l'infortuné
châtelain dont il s'agit compte les mettre en service.
Pour cela, il lui faudra trouver un carrossier intelligent, ayant l'expérience
et l'amour de son métier, et qui ne soit pas encore devenu un assez gros
seigneur pour dédaigner de s'occuper lui-même des travaux exécutés dans
ses ateliers.
Il faut encore que ces ateliers ne soient pas une usine dans laquelle on
i(;o
LA PROVIXCE A CHEVAL
fabrique uiiiformcment un unique modèle, de façon qu'on ne vous réponde
pas, si vous demandez une modificalion quelconque au type à la mode,
par celle phrase slupide qui n'a de sens que dans les Irailcs de civililé puérile
et honnête : " Cela ne se fait pas. »
J'en connais un qui réunit ces j)rccieuses qualités, et, an risque d'avoir
l'air de faire une réclame, ce qui, grâce au ciel, ne m'est jamais arrivé, j'écris
ici la première lettre de son nom : il s'appelle Stiebel ; au lecteur de cher-
clier son adresse, s'il veut la connaître.
QaFI-^
CHAPITRE II
L ART DE SE PROCURER DES IMVITES. PIEGES SPECIAUX.
Quand un châtelain se sent les reins assez solides pour héberger un grand
nombre de ses contemporains, et qu'il est résolu aux sacrifices nécessaires
pour leur faire agréablement passer le temps, il ne lui reste plus qu'à les
décider à quitter leurs occupations habituelles, pour venir prendre leur part
des nombreux plaisirs qu'il leur réserve.
21
ir.2
LA PROVINT!' A C.HKVAI,.
La tàclie nvs[ pas toujours larilc, cl les plus agréables commensaux sont
Soiivnit les |)Iiis (lillirilcs à allircr.
Se sachant très-demandes, ils se l'oul désirer souvent au delà des délais
assignés à la villégiature, et reportent sur l'année suivante les invitations
(|iii leur ont été faites.
Nous avons retrouvé une série de lettres destinées à ranimer l'ardeur de
retardataires de ce genre, écrites par un maître de maison à court d'invités :
c'était un vieux chasseur, habile à piéger toute espèce de gibier, et qui avait
eu recours à ses souvenirs de braconnier amateur pour arriver à prendre
dans ses lacs les invités les plus récalcitrants.
Il prétendait avoir réussi.
l'oici quelques spécimens de ses lettres, eu tète desquelles il avait eu soin
de noter à quel système de piège connu chacune d'elles correspondait , en
même temps que la voiture qu'il convenait de faire atteler pour envoyer
prendre la victime.
CHASSE A L APPAT.
mi/s^'m^'^i' \«C#*.i4tei^sf]t'' Â Monsieur Raoul de Chauvin,
> -^'tW^^fC?!--''^' fpk^ûr'^lmt." ''f^'^ capitaine de reserve.
Mon cher Raoul, ceci est une oc-
casion sans pareille pour toi.
\ -— -^ -■='^s^~~7 ~— ^ Le général Ledur est en tournée
d'inspection dans nos parages, il a
établi son état-major à Castelkrevan. Viens, el tu t'y trouveras naturellement
attaché. Ou essaye les nouveaux uniformes.
\J. B. — Le général vient d'être i)ris d'un accès de goutte qui arrête toute
inspection : soit pour Raoul huit jours de piquet forcé!
Envoyer un cheval Icnu en main , cl voir aux écuries s'il n'y a pas par hasard un palefrenier
récemment sorti du scriice auquel on n'ait pas songé i faire couper sa moustache.
LA PROVINCK A CHEVAL.
1G3
La baronne douairière Dudiapclais. — Cliàteau de Cliappevillcj par
Fouillis-lc-Béni. — Eure.
CH.ISSE A l'appât.
- \
"'"--^fc,. Madame,
On m' apprend
que vous allez quitter
Chappeville pour
rentrer à Paris.
Vous feriez acte de
charité en vous arrê-
tant à (]astelkrevan.
Vous y trouverez quelques pécheurs qui ont bon besoin de vos exemples.
Nous avons fait restaurer la chapelle, où vous pourrez prier pour eux,
de concert avec Monseigneur de Meniphis, qui a bien voulu accepter notre
hospitalité pendant son .séjour en Europe. C'est une âme admirable qui com-
prendra la vôtre.
P. S. — Amenez donc votre charmante nièce.
Envoyer le landau.
CHASSE A L APPELAXT.
Les meilleurs appelants sont les niàles, principalement les jeunes; mais
tous les mâles n'appellent pas, tandis que presque toutes les femelles appellent
plus ou moins. [Secrets anciens et modernes de la chasse aux oiseaux.)
Au maestro Piccolominardi.
Cher Maître,
Vous qui vivez par l'oreille
et le goût, laissez donc l'O-
péra, où l'on ne vous donne
rien, et venez à Castclkre-
van.
IGi LA PROVINCE A CHEVAL.
L'incomparable iiiadainc Z... y clianle Ions les soirs.
C'est, vous le savez, un infalijjnhle conlralloj elle assure qu'elle n'a Ions
ses moyens que quand vous (Mes là.
Venez, il y a ini Irain à quatre heures, qui vous amènera pour diner
demain. On vous al tend.
Envoyer ce (|u'on possùile de plus éclalant en fail dV-qnipage : dcmi-daumoiit, si possible.
l.E riftCE A LOUP.
Il ne doit être tendu que dans les endroits tout à fait écartés, et quand on
connaît bien le ])assaj}e de l'animal. [Guide du cliasscur.)
\Jvy
Castollircvan.
M. V. de rcuxscullcs,
Paris.
Mon cher, nous som-
mes seuls à présent ;
nous n'avons plus que
madame V. . . et sa fille.
Je crois que le moment est venu de te déclarer.
Tu sais tout : les avantages et les inconvénients de cette alliance j réflé-
chis et décide-toi.
Ou mieux encore, ne réfléchis pas et décide-toi.
Envoyer la Victoria, avec bouillolle el énorméinenl de couvcrlurcs.
CHASSE A L APPAT.
On a soin, avant de se mettre à l'affût, d'appâter avec la nourriture dont
l'oiseau qu'on veut chasser est le plus friand. Le marc de raisin est excellent
pour la grive. [L'Art dupiégeur.)
LA PROVIVCE A CHEVAL. 165
Monsieur René Grandgillcl, — au Café Anglais, cabinet
Caslclkrcvan, 3 novembre.
AIoû gros Reué, j'adresse ma lettre ici, parce que tu vas là plus régulièrement
que chez toi quand tu passes à Paris.
Sais-tu que tu uous as fortement négligés depuis la mort de l'oncle Abcl?
Je comprends qu'on
«>A ue tienne pas à sé-
■'i* journer dans une
** maison triste.
Mais notre deuil
louche à sa fin, et
ii=|& ., une chose que tu
" — ignores peut-être ,
c'est que le pauvre
oncle avait une cave
dont on dit le plus
grand bien, et qui est nôtre à présent. Tu serais bien gentil de venir uous en
dire ton avis, qui est décisif. A toi.
Envoyer la voiture la niicuï suspendu:^ qu'on possède : le huit-ressorts de madame au besoin.
^f:^,;^^^m- u<'K
CHASSE A LA PIPEE.
En pipant, c'est-ti-dire en imitant le cri de la chouette, on attire ses
ennemis ordinaires, le geai, la pie, etc., etc. [Manuel du c/iasseur.)
Monsieur Ferdinand Razafroijlli. — Paris.
Mon cher ami, nous appelons au secours.
Ce sempiternel poseur de Sanggheue est toujours ici, où tu l'as laissé à ta
dernière apparition.
Impossible de le faire déguerpir, quoique nous soyons plusieurs conjurés
dans ce but.
l(i(5
I.A l'ROVIX'CK A niKVAI-.
Il se |)iuaiic, caiisc, ril, jonc cl (•lia.s,s(! coin me s'il no s'apercevait de rieu.
Toi seul trouveras le inoycii de le im'llre en l'iiile.
Accours doue, et plus tôt que plus lard.
Aller le clierclicr soi-même en bug^y, afin de combiner dans le tètc-i-lôte la marcbe îi suivre.
CHASSE A L APPAT.
A Monsieur E. Leijtac, à Quimper.
Mou cher poëte, uiadanie l'almont, doul (u admires le talent, a lu les vers
que tu as dédiés à ma femuie.
Elle tieut à le voir.
Apporte tes manuscrits.
Elle veut que tu les lui lises.
Nos oreilles s'impatientent . Viens! viens! viens!...
A^. B. — Madame Valniout a quatre-vingt-seize ans et est sourde des deux
oreilles.
Envoyer le garçon de ferme avec une carriole. Rien n'est lourd comme un manuscrit.
LA PROVINCE A CHEVAL.
I()7
CHASSE AUX MOUVANTS.
On nomme mouvants des oiseaux attaches de diverses manières à l'endroit
où l'on veut en attirer d'autres. [Guide du chasseur.)
Monsieur le vidante de Frolhennage.
Très-cher valseur, il n'y a pas de vrais cotillons sans vous.
Une foule d'accessoires
sont préparcs, et ma femme
|V me charge de vous dire que
, ,,,,,, I toutes ces dames vous al-
'l 'J !'' '' , , ,
MlVlm, tendent.
(Suit l'cnumération des
susdites, qui sont réelle-
ment invitées, mais dont
aucune n'est encore arrivée
à Caslelkrevan.)
lùivoycr n'importe quoi, pourvu que ce soil lierméliquement clos, le vidame ayant une peur
atroce de tout ce qui ressemble à un refroidissement.
CHASSE a L APPEAU.
L'appeau est un inslrtunent au moyen duquel ou imite, soil le cri de
l'oiseau que l'on veut prendre, soit un autre susceptible de l'attirer également.
[Manuel de l'oiseleur.)
Monsieur le baron de Rhéaclc.
Mon cher député.
,'/',.
"(S^Mm;:y¥
Venez donc, mais vite.
Nous avons, lundi prochain, un
Comice agricole, et quoique nous
'^^^^ ~^ — - f\C soyons ici heaucoup qui pensons
comme vous, nous n'avons ni votre
autorité ni votre éloquence , et personne au château ne se sent de force
|(;8 LA PROVINCE A CHEVAF..
à vous siipplci'r. Ce n'csl doue [)as uuc iuvilaliou, uiais uu appel à voire
palriolisnie, etc., ele.
L'aller chercher soi-même tu grand pliaéloii.
CHASSE A LA TRAITE.
La (lil'ficulté est d'appàler de uiauière assez allécliaufe pour que le giljier
y pcuètre. C'est en temps de neige que ce geure de i)iége réussit le mieux.
(Manuel du chasseur des animaux de j)ruie.)
Monsieur Guzman des Hobstack,
à la légation des Pays-Bas.
Mon eher ami, e'est bien la der-
nière fois qu'où me preudra à parler
de toi devant les femmes.
J'ai eu la bêtise de le faire devant
la jolie madame de K..., qui est ici sans mari, et elle ne cesse de m'accabler
de questions sur ton compte.
Est-il réellement aussi bien qu'on le dit ?
Vous savez, il n'y a rien de si trompeur que ces réputations-là, et patati,
et patata.
Bref, je lui ai dit qu'elle pourrait juger de visu.
Ai-je eu tort?
Non, n'est-ce pas?... Ton ancien complice.
Envoyer le coupé. Il est nulispcnsablc que pour la présentation, il apparaisse immaculé,
sans l'ombre de poussière, en possession de tous ses avanl.iges plastiques.
LA TROVINCE A CHEVAL.
IG9
CHASSE AU LEURRE.
On appelle leurre l'aiiiinal postiche dont le chasseur se couvre pour
approcher du gihier. [Guide jwatique du chasseur.)
M. Eugène Duprism,
avenue de Villicrs,
Paris.
):\„ Cher Monsieur, je crois
V H' ^ f ^^"^ que je tiens votre modèle
pour votre tableau.
C'est un type d'une pu-
reté rare et d'une régularité
extraordinaire par ces temps de croisements invraisemblables.
Venez la voir et la peindre.
L'aile nord de Castelkrevan vous donnera du jour à discrétion et sans
reflets. Nous comptons sur vous.
N. B. — Ladile demoiselle a vingt-neuf ans, cent sept mille francs et pas
d'espérances.
Envoyer le cliar à Laiics, pour rapporter du même coup le maître et son outiilajje.
CHASSE AUX MOUVANTS.
On peut attacher le mouvant à l'aide d'un corset fait avec une peau de
gant très-souple qui laisse ses ailes libres. [Art diipiégcur. Collection Roger.)
Monsieur le comte Olivier de C...
Si vous êtes toujours, mon cher Olivier, le même amateur de beautés
hautes en corsage, arrivez ici par le premier train.
170
LA l'uov ixcM A chp:val.
\oiis avons parlô do vous dcvaiil iiKulamc de K..., qui (icnl absoIunuMil à
ce que vous lui soyez présenté.
\o tardez pas, elle en maigrirait.
.1 vous.
Roger.
/'. S. — Elle a l'habitude de se déeolleter eu earré.
CB.1SSE A L APPAT.
Monsieur G. de Toospotir. Le Havre. Par dépêche.
Caslelkrevan.
Dear, es-tu toujours passionné j)our le lauii -tennis? Sir John est iei.
Gaston prétend plus fort que toi. Vïens leur z'y prouver le contraire.
Lui envoyer l'araignée et la IroKeuse américaine pour le distraire pendant le trajet.
CHASSE A L APPELANT.
On nomme appelant (out oiseau captif que l'on place de manière à appeler
par son chant ou ses cris les autres oiseaux dans les pièges qu'on leur a
tendus. [Manuel du tendeur.)
LA PROVINCE A CHEVAL. 171
Casieiki'cvan, 3 novembre.
Mon bon Toto, voilà qniuze jours que je suis ici, où je ne devais te précéder
que de vingt-quatre lienres.
Tu y es plus intime que moi, et je suis embarrassé de mon personnage.
liens vite! c'est le seul moyen honorable d'y prolonger mon séjour, et il
laut qu'il se prolonge.
Elle le veut.
A toi et à charge de rcvanclie.
Ton archidévoué,
Erxest.
Demander au maître de la maison la permission de l'aller chercher vous-même avec le
dog-car.
A Monsieur Anatole du Buisson, à Corneville, Somme.
...Les chasses sont reprises
et marchent à merveille.
On prendrait toute la meute
i'IrâAiW*'^*" d'un coup d'épervier.
l'as un défaut, pas même un
balancer.
172
r,A l'ROVIMCE A CHEVAL.
Je vous ai jjardé Soulouquc et Malvina, sur le dos desquels vous avez déjà
galopé l'an passé.
.V. B. — Souloucjuc esl boiteux depuis la dernière eliasse, el Alahiua rue
à loul défoncer aussitôt qu'on lui met, non pas la selle, mais le lapis.
Envoyer une voilure quelconque, pourvu qu'elle soit découverte et coniluite par le piqueur.
CHAPITRE III
UNE CREMAILLERE AU CHATEAU.
Je ne crois pas qu'un esprit droit puisse contester la vérité que je vais
émettre : à savoir, que la peine qu'on se donne en vue d'un plaisir double,
quadruple, centuple au besoin la jouissance qu'on en éprouve.
Pendre une crémaillère est en soi nue chose agréable, mais la pendre
à une trentaine de lieues de Paris, daus un endroit où le village le plus
174
LA PROVI.VCK A r.HKVAL.
voisin csl éloigné do plusieurs kilonièlres, où la gare la plus proche est à
plusieurs heures de voilure, où pour se procurer le moindre ruban de fil il
laul enlrelenir une correspondance diploniati(pie avec les principaux coni-
inereanls du chef-lieu, cela se rapproche du tour de force, el c'est uue joie
sans pareille pour de véritables amateurs de difficultés.
Considérez en outre (|ue les invités sont éparpillés sur nn territoire consi-
déral)le ;
Que bon nombre d'entre eux demeurent à luiil ou neuf lieues du point
de rendez-vous ;
Que la marquise des Étangs, dont la présence est essentielle pour la réussite
-^=- de votre fêle,
a de vieux
— — ^^ chevaux et
des gens qui
n'ont pas
/sj^ 1'- bougé de-
puis dixans,
passé six
heures du
soir;
Que le comte des Tiiliers, dont l'absence serait remarquée par tous vos
invités, et commentée pendant toute la saison par leurs connaissances les
plus éloignées, chasse deux fois par semaine, et ne quitterait pas son châ-
teau pour le retour du roi, ni la veille, ni le jour, ni le lendemain de l'une
de cesdiles chasses;
Qu'il est presque impossible d'obtenir des parents des demoiselles du
Chesnay qu'elles assistent à une réunion nocturne, et que sans elles le
nombre des danseuses serait trop limité, puisque, pour avoir le comte des
Tiiliers, la marquise des Etangs, le duc de Chars, la comtesse de Chaumonl
et la baronne de la Bonde, il faut de toute nécessité renoncer à inviter le
monde officiel;
LA PROVIMCE A CHEVAL.
175
Qu'il est de plus iudispeusable de moatrer aux indigènes sédentaires quel-
ques notabilités parisiennes!
Jugez après cela de l'état de fatigue, de liarassemeut, d'éuervement d'un
maître de maison qui est parvenu à vaincre toutes ces difficultés et à réunir
chez lui tous les personnages marquants de sou canton.
Qu'on le décore! dirais-je, si j'avais quelques chances d'être obéi.
N'en ayant aucune, je me borne à constater que peu de gens ont aussi
bien mérité de porter un insigne qui les distingue des oisifs.
Huit heures.
La distance est longue de mon domicile au château qu'on inaugure. Nous
nous installons en deux voitures qui se suivent pas à pas.
Il est huit heures.
Le village dort pro-
fondément : notre
passage réveille quel-
ques chiens qui font
vacarme.
Le cocher tourne
à gauche.
Nous sommes en
plaine.
Absence complète de clair de lune; mon hôte, mon seul compagnon de
route, en homme prudent qui prévoit qu'il s'éloigne de son lit pour toute
une nuit, prend un sérieux à-compte de sommeil.
Impossible de suj)pléer au manque de conversation par la contemplation
du paysage. \ous roulons au milieu d'un encrier, et, n'étaient les lanternes
de la voiture de ces daines, qui jettent devant nous sur la route une traînée
blanche, on se prendrait volontiers pour saint Paul sur le chemin de Damas.
176
LA l'IiOVI.VCK A CI lia AI,.
'l'diil à ((iiip iiiu- liimicre \ivo, j)uis deux, apparaissent à iiolic ;jauche.
Nous approchons de la «[raiidc roule, cl ces pliarcs sont les laiilernes du liin-
daii du conile des Tilliers.
La roule s'anime.
Nous dépassons la marquise des Étangs, et le coupé de la baronne de la
Bonde nous rattrape ; puis ce sont les demoiselles du Cliesuay, dont les
figures encapuchonnées s'illuminent tout à coup sous la lueur de nos lan-
ternes, nous donnant ainsi à l'improviste cl en rase campagne un premier
aperçu de sourires jeunes montrant, au milieu de lèvres écarlale, une
collection invraisemblable de dents blanches.
Le défilé me plait, et je profile du sommeil prolongé de mon camarade de
coupé pour donner au cocher l'ordre de nous laisser dépasser par les voi-
tures qui se succèdent.
LA PROVINCE A CHEVAL.
177
Xeiiflicurcs et demie.
Les chevaux tournent vivement à droite, et le pavé, succédant au maca-
dam, sonne bruyamment sous les roues; nous sommes arrives.
|É|,H, Au fond, la
iîh i|iil|i;,|| f silhouette du
';,''*;']/* '>'■ ,,; ' .•'■■, [ji! ii' t^hateau se des-
(Illli|||||pl sine surle ciel,
r:!i'|:55ll!liil| quis'estéclalré
V\^_^ depuis un mo-
ment.
Sur les pelouses, à droite et à gauche de l'allée qui conduit au per-
ron, de petites lampes, veilleuses, godets multicolores tracent le chemin
à suivre.
Cette preuve de civilisation rassure et fait bonne impression après une
étape faite entièrement à tâtons.
Plusieurs voitures reviennent sur leurs pas, regagnant la ferme où les
écuries sont préparées.
Nous ne sommes donc pas les premiers arrivés. Tant mieux!
Dix heures.
Ce sont les grands
parents cpii font les
honneurs à l'arrivée.
On croit à un accroc,
une indisposition su-
bite de l'un ou l'autre
des nouveaux châte-
lains.
Il n'en est rien. Le seul dinger qui nous menace est un à-propos drama-
tique, dans lequel tigurent le maître et la maîtresse de la maison.
23
17S
LA PROVINCE A CHEVAL.
Dix heures et demie.
Nouvelle alerte.
Des pompiers, casque en tcle, escaladcut l'escalier.
Est-ce un incendie?
Heureusement non.
Alais il faut tout prévoir, et,
puisqu'il y a des coulisses, il est
tout naturel qu'il y ait des pom-
piers — et, d'ailleurs, c'est une
gloire locale, puisque nous som-
mes dans l'Eure.
Onze heures.
On a distribué les programmes, illustrés par un Clairin du cru.
L'à-propos, dû à la plume d'un habitue de la maison, comporte trois
Silii; actes et un grand
nombre de la-
bleaux, mêlés de
I % ^ HnmU^ _ chant, de vers, de
™" ' """;^'"""""|]l|||lfl' danses et de pan-
(^^^^" ' tomimes.
Nous en avons
pour deux bonnes
heures ! I !
— Avez-vous déjà vu jouer ces dames?
— Non, et vous?
LA PROVINCE A CHEVAL. 179
— Aloi non plus, mais elles peuvent jouer aussi mal qu'elles voudront, il
me suffit de pouvoir les regarder pour être sûr de ne pas m'euuuyer.
— Et les acteurs mâles?
— Dame ! vous savez, j'aime autant Dupuis.
— Lequel?
— Les deux.
— Très-jolie, la salle.
— Certainemeut.
— II parait qu'en temps ordinaire c'est un atelier. Il y a donc quelqu'un
de la maison qui fait de la peinture?
— Personne.
— C'est rare à l'heure qu'il est dans une famille nombreuse.
— Comme vous dites.
— Mais alors pourquoi une consfrucliou de cette inqjortance?
— Ça peut toujours servir aux invités.
— Vous avez raison, et puis ils pourront y mettre un billard.
— Assurément, ou y étendre le linge des enfants.
Onze /lettres et demie.
La salle est comble.
Presque tout le monde a pu s'asseoir.
On frappe les trois coups.
Le rideau ne se lève pas.
Pourquoi?
On entend derrière la rampe
des bruits confus.
C'est la voix de madame :
— Non , mon ami , jamais je
n'oserai. Tout ce monde, ce costume, je ne sais plus un mot de mon rôle;
laites une annonce, dites que l'un des acteurs vient d'avoir une attaque.
IRO
LA PROVIMCK A CHF.VAr,.
— Clière ainir, vous n'y pensez pas (c'est la voix de monsieur, et elle est
sévère) ; si vous voulez que lout le pays se moque de nous jusqu'à la vie
éternelle, nous n'avons pas autre chose à l'aire.
Vous n'êtes plus une enfant.
La voix se perd dans un duicliolemcnt inarticulé... puis trois nouveaux
coups. Les rideaux s'entr'ouvrent, et madame apparaît dans un costume
admirablement décolleté.
Un tonnerre d'applaudissements éclate.
Minuit.
Roger et moi allons faire un tour à la ferme. Il y a là de quoi raonler un
escadron, de manière inégale, il est vrai; mais le nombre y est.
J|ljnUiJiilliril''lMLLliili''*'IÛ''illBiiii'llil-au!'.iL^ui,.i..M.-.
La taille varie entre un mètre soixante-dix et un mètre vingt ; l'âge, entre
deux ans et trente-quatre; mais eu général le modèle est satisfaisant.
LA PROVINCE A CHEVAL.
181
On voit qu'où a affaire à des chevaux de connaisseurs, de bourse et de
prodigalité diverses, mais sachant choisir et tirant les uns et les autres le
meilleur parti de leurs ressources.
Les hommes, étendus sur la paille, dorment d'un sommeil sonore qui fait
envie.
Une heure.
Nous rentrons dans la salle.
On en est au hallet. Le succès s'accentue.
Excessivement gentilles, les danseuses en
coslunie de bergers et de bergères.
On a supprimé l'élément mâle dans cette
=- partie purement décorative.
On a bien fait.
Une fleure et demie.
C'est fini pour l'art dramatique. Tout le monde applaudit et prodigue à
haute voix les compliments les plus hyperboliques.
C'est ravissant, invraisemblable.
Le monde est le véritable Con-
servatoire.
Les plus intrépides pénètrent
dans les coulisses pour aller por-
ter à domicile le compliment qu'ils
ont élaboré au cours de la repré-
senlatiou.
182
LA PROVINCE A CHEVAL.
Dciix heures.
Le maître de la maison n|)|)araîl dans les salons; il est harasse, el, (juoiqn'il
ait enlevé la j)errnque et les l'avo-
\ \~ /y^ f ''*" ''" premier rôle, on a peine à
' ' "^ '' le reconnaître; on se l'arrache.
— Quel mal vous avez dû vous
donner, mais aussi comme c'est
réussi
;t
— Mille fois trop bon ; mais
ayant fait tout ce qu'on peut, on
fait ce qu'on doit.
Trots Iienres, qualre heures, cinq heures.
On tourne, tourne, tourne; on cotillonue; la jeunesse s'entend; les gens
graves tentent de quart d'heure en quart d'heure une motion en faveur du
souper.
Démarche inutile; il y a là quelques enragées habituées à se contenter
des sauteries diurnes, et qui ne sont pas disposées à lâcher pied.
LA PROVIiX'CE A CHEVAL.
183
Mêmes heures.
Ici l'on dorl. — Ce sont les parents résignés qui oui métamorphosé l.i
pièce eu dortoir.
Les organisateurs
de la fête, l'auteur
du drame, le beau-
père du châtelain ,
qui ont veillé aux
répétitions , monté
le théâtre, décoré la
salle , gagnés par
l'exemple , se sont
joints aux premiers
et ronflent sur leurs
lauriers .
Six heures.
Ou soupe! enfin! disent les aucétres. Déjà! disent les générations nou-
velles .
ilÎM!
I
1
,-^ ---/-*jNi- ^s ^
Cependant, une fois installé, chacun consomme consciencieusement.
ISi
LA PROVINCE A CHEVAL.
Le cliampayiin csl rra|»pc à poiiil ; il aplalil défi-
nilivemciit les sanguins et surexcilc à nouveau les
iier\('ux.
Ces derniers divaguent et déclarent qu'ils ne sont
_ absolument j)as faliyucs ; ils veulent chasser, mon-
ter à cheval, faire des armes; on les abandonne,
cl l'on grinij)e en voiture.
Les routes sont bonnes, les ressorts moelleux,
et chacun se réveille à sa porte, en plein soleil.
^^^^.
CHAPITRE IV
DU MAIL-COACH ET DE LA MASIERE DE S EN SERVIR.
Quand par ruse, violence ou séduction, un châtelain est parvenu à imposer
à des amis les rigueurs de l'hospifalité campagnarde, le moins qu'il leur
doive est de leur procurer le moyen de tuer le temps, de diminuer la durée
des jours caniculaires où le soleil, pareil aux viveurs néophytes, ne se cache
tout juste que ce qu'il faut pour n'avoir pas l'air de découcher.
24
18G LA l'ROVIXTF, A CHEVAL.
Le iiicillfur remède au calme des champs est d'y porter le mouvement.
A la campagne, il ne suffit ])as d'avoir des chevaux; il en faut trop, pour
soi d'abord, pour ses invités ensuite; — il ne faut jamais qu'une tentative
d'évasion soit empêchée par ce motif que tous les chevaux ont été ou attelés
ou montés, et les amphitryons doivent comprendre qu'ils n'ont pas le droit
d'isoler les gens dans des prisons dont les murs sont remplacés par des
déserts dont l'étendue se chiffre par kilomètres, sans leur fournir en même
temps les moyens de les franchir.
L'obligation pour tout iuvitcur champêtre de posséder un nombre exagéré
de clievaux admise, il est facile de démontrer que rien ne lui est plus aise
que d'organiser un repas sur l'herbe.
Dix ou douze chevaux peuvent amplement faire la besogne.
Deux niail-coach, dont un aménagé de façon qu'on y puisse faire
la cuisine, car rien d'insupportable comme les repas dont le nu'nu se
compose exclusivement d'aliments froids, doivent suffire au transport des
convives.
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LA PROVINCE A CHEVAL.
193
II faut, eu effet, limiter le nombre de ceux-ci et éliminer impitoyablement
tous les hôtes chargés d'années, envahis par l'embonpoint, atteiuts d'une
infirmité quelconque.
lovilés à eiclare G^vèremeat en caa de partie de campagoe.
La maîtresse de la maison
a des devoirs qui ne lui per-
mettent pas de prendre part
à une excursion qui peut se
prolonger ; — c'est à elle qu'in-
combe le soiu d'occuper les
grauds parents exclus du droit
d'agapes, dont la condition
sine qiia non est d'être célébrées
assis par terre.
La couservalion de santés
aussi chères exige ce sacrifice.
Supposez pour un iuslant que cette règle inviolable soit oubliée; quelle
perspective de lumbagos, de douleurs scialiques, d'affections de foules ces
respectables bronches, de fous ces vénérables larynx 1
REGLEMENT. — Articie premier. — Seront inexorablement exclus de ces
fêtes tous célibataires ayant dépassé trente-cinq ans.
loviléB à laisser à la maison en cas «le partie de campagne.
piqoe-DÎqae, etc.
Les hommes mariés qui
fourniront la preuve qu'ils
n'avaient pas trente ans
quand ils ont renoncé à
leur liberté, pourront, à
titre de dédommagement,
être tolérés jusqu'à l'âge
de quarante ans.
Toute demoiselle ou dame ayant atteint ou paraissant avoir atteint sa
vingt-sixième anuée ne sera admise qu'à l'intérieur des mails, dont les volefs
seront constamment tenus fermés.
25
lOi LA PROVINCE A CHEVAL.
Art. 2. — Sont con.sidérô.s coninio enfatils, (;l à ce filro laisses à la mai-
son, tons personnages des denx sexes n'ayant pas élc émaneipés |)ar le
mariage.
Art. 3. — Le seul un aniorisé est du Champagne frappé. Le minimum
obligatoire est fixe à deux bouteilles par persoune.
Art. 4. — La recherche de la responsabilité des accidents de toute nature
qui pourraient survenir au retour est absolument interdite.
Art. 5. — Les frais de procès-verbaux et amendes encourues pour dégra-
dations des différents biens de la terre, seront supportés eu commun par
l'ensemble des sociétaires.
Art. g. — La politesse exquise ordinairement exigée des sociétaires nicàles
devra être remplacée, pour la circonstance, par la galanterie la plus raf-
finée.
\'e jamaii attacher de checani daos le voisinage da serricot
Art. 7. — Tout symp-
tôme de jalousie indivi-
duelle sera sévèrement
réprimé par la niasse des
sociétaires.
Art. 8. — Le présent
règlement ne devant,
sous aucun prétexte, être
imprimé , aucun exem-
plaire n'en sera délivré
aux sociétaires.
Avec un code analogue au projet qui précède, on peut arriver à débour-
geoiser le classique déjeuner sur l'herbe, la pire des corvées si tous les
membres de la lamille y sont tolérés.
La trompette. — Inetrumenl dcBliné & prévenir lei voilures à
allure leute , qui vous précédent, qu'elles aient ïoiD de oe pas
EC déranger. Faire place à deâ aristus qui sont presses de ne
rien faire ! Oh ! la la!
O
\,
j ^^
.\l^>^"L.-^
Si le trajet s'est opéré dans voire
mail, " lotre droit et votre devoii n .
comme disait feu Tiochu, veulent qu'à
l'arrivée vous présidiei, en personne,
an débarqnemenl de vos passagères.
Obligé, par la politesse la plus élé-
mentaire, d'offrir la main au\ dnmes ,
tant mieux pour vons si elles vous
tournent le dos au moment même où
vous la leur préseuterez.
s^
x>
LA PROVINCE A CHEVAL
201
La réuniou de tous les âges fait uu merveilleux effet daus les tableaux aca-
démiques, j'eu conviens volontiers; mais rien d'absurde dans la vie journa-
lière comme d'accoupler les vieux aux jeunes, et les éphèbes aux adultes.
Les vétérans, à quelque armée qu'ils aientappartenu, fût-ce celle du plaisir,
ont droit aux égards et au repos, rien de plus; quant aux tout jeunes, c'est à
eux d'orgauiser leurs plaisirs comme ils l'entendent!
La distribution des places à bord des mails est également de la dernière
importance.
La conduite du premier appartient
de droit à l'anipiiitryon qui doit diriger
la promenade; à son côté, une vieille
connaissance à lui, plutôt taciturne
que bavarde ;
Car il a besoin de tous ses moyens
pour la direction de sou attelage.
Sur h première banquette, rien que des femmes.
26
202
LA PROVINCE A CHEVAL.
Mt sur la sccoiulc, le plus de célibataires possible, qui, s'ils conuaissent leur
devoir, eni|)ccheront leurs voisines de lier conversalion avec le directeur de
ré<piipa;(e, — la bonne ap[)arcuce de l'altelaye eu dépeud.
Sur le second umil, même distribution que sur le premier, avec celte dit-
féreuce que, si aucuu des invités ue possède uu nombre suffisant de leçons de
guides, l'uu d'eux prendra place à côté du coacbman.
En outre, il est indis-
pensable que riutérieur
de la caisse soit amé-
nagé eu cuisiue, et ren-
ferme un fourneau qui
permette d'avoir des
aliments cliauds.
Pour les détails de
l'iustallation, c'est af-
faire au carrossier!
i\Iais un maître de
maison soucieux de
l'estomac de ses hôtes
ne doit pas reculer devant la dépense d'uu semblable aménagement !
LA PROVINCE A CHEVAL.
209
En terniiuanl, quelques conseils sur l'attelage des mails appelés à con-
courir à ces fêtes, qui doivent se renouveler le plus fréquemment possible :
Le mail doit être très-haut de caisse, très-élevé, et très-suspendu sur les
ressorts.
11 faut qu'il ait uu ballant suffisant pour donner aux patients un sentiment
voisin du mal de mer.
C'est pénible, mais infiniment plus chic, en ce sens que les gens en proie
au malaise ainsi obtenu prennent inconsciemment un air digue et dédaigneux,
qu'ils n'auraient peut-être pas si le véhicule les balançait moins.
27
210
LA PROVIXCE A CHEVAL.
Le chic veut cgaloincnt qu'un mail soit de couleur sombre; mais, pour la
canipajjnc, la caisse et le train peuvent être peints eu couleurs voyantes, à
la condition qu'elles soient très-vives et trcs-trancbces, — la caisse jaune,
par exemple, et le train vermillon.
Les chevaux, (pii pour Paris doivent cire rigoureusement appaircs, peu-
vent élre, à la campagne, de robes différentes.
11 faut seulement qu'ils soient de même train, et que ce traiu soit rapide.
Les harnais doivent être simples, sans armoiries, sans accumulation de
boucles.
Le mail n'est pas une voiture d'apparat, mais bien uu moyeu de transport
plus ou moins confortable.
11 doit être attelé à l'anglaise, et non comme une voiture de gala conduite
à grandes guides.
C'est un vrai contre-sens que de faire passer les rênes des chevaux de
volée dans des anneaux placés au-dessus de la tète des chevaux de timon, —
LA PROVIXCE A CHEVAL.
211
ce qui ne se fait plus aujourd'luii que pour les chevaux de corbillard, les
cortèges royaux ctaut devenus excessivement rares.
Le u reculenieut » u'a pas plus de raison d'élrc, maluleuant que l'usage
du frein est devenu général.
Dans l'intérêt de l'aspect général, avoir le plus grand nombre de femmes
possible, de façon à dissimuler, autant que faire se peut, les hommes.
Une femme assise peut être charmante à regarder ;
Un homme, pour être passable, a besoin d'agir, d'être à cheval et de bien
monter;
Sans quoi, il vaut mieux le dissimuler et se servir de ses vêtements
sombres comme repoussoir aux toilettes féminines.
Les ombrelles rouges, chargées de fleurs, d'oiseaux ou de fouillis de den-
212
LA PROVIMCE A CHEVAL
telles, font d'aulaiit meilleur effet qu'elles cachent toujours quelques mor-
ceaux d'hommes et dissimulent leurs tuyaux de poêle.
En un mol, composer un mail comme un tableau,
Et, si l'on est dans l'obligation d'inviter quelques personnes insuffisamment
décoratives,
Avoir soin de les masquer par de jolies femmes, savamment mises au
premier plan.
CHAPITRE V
U\E COURSE D AMATEL'RS.
Toute la semaine s'est passée en préparatifs.
Monsieur, dehors, traçant la piste, plaçant les obstacles, entouré de terras-
siers, de maçons, de bûcherons, de tout ce qui, dans le village, sait manier
une pioche, une truelle ou une cognée.
Il a fait confectionner des haies, des barrières fixes, un mur, creuser des
douves, élever une banquette iilandaise, rectifier les bords de sa rivière,
planter des drapeaux sur toute la ligne droite de la piste.
21 '1 LA PROVIXCK A CHEVAL.
Il esl crc'inlô, mais joyeux.
Tout esl prêt, et, comme c'est lui qui l'ournit les prix et ne compte pas
les disputer à ses invités, il n'a pas besoin de son élasticité habituelle.
y^: ^
s«i^^j^i>^:#^'
A l'intérieur, Madame n'a pas déployé une moindre activité.
Tout son temps s'est dépensé eu conférences multipliées avec le cuisinier,
la femme de charge, la lingère, tout le personnel, en un mot, auquel il a
fallu donner les instructions les plus détaillées et les plus précises.
Enfui, chaque domestique a son service réglé et sait de quels invités il doit
s'occuper.
Pour plus de sîjreié. Madame a, de sa blanche main, écrit pour chacun
d'eux sur une fiche spéciale un ordre du jour oîi tout est prévu. Quel travail !
mais aussi quelle sécurité pour elle pendant le séjour de ses nombreux hôtes!
Depuis la veille, les voitures se succèdent au perron, amenant du chemin
LA PROVINCE A CHEVAL.
215
de fer les convives éloignés. Colis vivants ensevelis dans des gâteuses invrai-
semblables qui empêchent de discerner les sujet.';, nantis de couvertures et
escortés de sacs de voyage, de valises et de malles.
Tous ces objets de forme bizarre, animés ou inertes, donnent aux corridors
du château un fau.\ air d'hôtel de province un jour de comice agricole. Ces
gens vont et viennent, apportant bagage, eau chaude et le reste.
Les portes s'ouvrent et se ferment, livrant passage à des figures d'invités
ou d'invitées, inquiètes du sort de la valise qui renferme l'habit noir, ou du
sac de bijoux qui manque à l'appel.
Le programme des courses est complexe.
Quelque chose comme un projet de fusion entre les classes dites dirigeantes
et les couches nouvelles.
II s'agit, en effet, de s'amuser aristocratiquement, tout en faisant la part du
suffrage universel, notre maître à tous.
2IG
LA PROVIiVCn A CHEVAL.
Le lot de l'élément démocratique est re|)rôsenté par deux courses au trot.
L'allure des gens qui montent à cheval pour faire du chemin.
Prix en numéraire.
L'une pour chevaux et juments de trois ans, nés dans le pays : celle-ci
pour encourager l'élevage;
L'autre pour tous chevaux :
Celle-là pour flatter la manie de tous les électeurs qui prétendent que leur
vieux cheval est le meilleur du canton.
VeDDs poar O^jorer dons la coarsc aa Irol.
Dire la tenue des cavaliers est impossible.
Le harnachement des montures indescriptible.
On voit des selles de poste à croupière, des selles d'armes modèle 1822,
des brides et des mors dignes de ûgurc-r au Musée d'artillerie, et des étriers
comme on n'en trouve que dans les maréchaleries, suspendus à la chaîne qui
met en mouvement le soufflet.
a.
28
LA PROVINCE A CHEVAL
219
L'accoutrement des concurrents est à l'avcuaut : blouses, chapeaux mous,
casquettes à pont, pantalons sans sous-pieds, redingotes antédiluviennes,
gilets de tricot; un fonds de fripier à cheval et trottant vite, très-vite même,
ce qui donne à toutes ces défroques les aspects les plus inattendus.
De la route départementale n" 20, où a eu lieu ce premier acte, la foule
rentre dans le parc.
C'est le moment où de spectateurs nous allons passer au rôle d'acteurs.
Les chevaux des voisins, qui doivent figurer dans la seconde partie du pro-
gramme, sont arrivés emmitouflés dans leurs couvertures, les jambes gar-
nies de flanelle; graves et dignes comme des huissiers précédant la cour.
Les coureurs non hospitalisés arrivent à leur tour en voitures découvertes,
capes et en casaques sous les lourds pardessus, conduisant eux-mêmes,
comme ri convient à de véritables amateurs de sport.
220
LA PROVI.VCE A CHEVAF,.
Pondaiit ce leinps, les sportsmen domitilics au château procèdent à leur
toilette dans la pièce qui leur sert de vestiaire.
C'est là que se trouve, préparée à tout événement, la petite pharmacie
destinée aux avariés : bandes pour compresses, et perchlorure de fer en cas
d'héniorrhagies persistantes .
Ou a beau faire, ce spectacle fait impression.
La cloche a annoncé la sortie des chevaux :
Les indigènes qui n'ont, de leur vie, jamais vu ni toque ni casaque, pa-
raissent stupéfiés par la tenue des coureurs, qu'ils regardent de tous leurs
yeux.
Les loustics déclarent qu'ils n'ont jamais vu \)nrc\h porricliinelles.
LA PROVIMCE A CHEVAL.
221
On sonne au départ; les chevaux prennent leur canter et vont se placer à
la distance en franchissant à contre-sens la dernière haie du parcours.
Le gros X..., qui lliit les fonctions de starter, ne résiste pas à la tentation
de renouveler les exploits de sa jeunesse, et fait passer l'ohslacle à sa double
ponelle; cette niasse imposante s'enlève et retombe de l'autre côté avec une
légèreté que son volume ne permettait pas de prévoir.
On part, on est parti; le jeune de G..., faisant uu jeu d'enfer, emmène le
peloton grand train devant la façade du château, dont les fenêtres, 'garnies à
iriple rang, tiennent lieu de tribune officielle.
C)C)0
LA PROVINCE A CHEVAL.
11 yardo la Icte jusqu'à lu banciucUe irlandaise, tiop étroite pour être abor-
dée à cette vitesse, où il panache heureusement sans douleur.
Nous arrivons à la rivière, qui, elle, doit être prise crânement.
C'est le tour de René d'y prendre un bain de pieds, à la plus grande joie
du populaire, très-élonné qu'on aime à prendre des bains en pareille saison.
LA PROVlNfCE A CHEVAL.
225
De G..., qui est remonté et a rejoint, trouve moyen de culbutera nou-
veau sur une simple haie.
- ^*
Cette fois, il s'écrase le nez et se dirige
vers la pharmacie.
Nous ne sommes plus que trois qui
arrivons de front sur le mur, que les chevaux
passent avec le respect qu'ils professent
pour les obstacles fixes , sautant haut et
ayant soin de ne pas cogner.
A la barrière fixe, pour la confection de
laquelle notre hôte a sacrifié do bien beaux
arbres, mêmes précautions de nos mon-
tures ; elles sav ent pertinemment que rien n'est désagréable comme les
coups de bâton dans les jambes, et dire qu'il y aura toujours des gens pour
dire : « Bête comme un cheval ! »
'^v;^ ^\
Repassage de la rivière, où René disparaît définitivement, son cheval
n'ayant pas eu l'attention de l'attendre.
29
226
LA PROVINCE A CHEVAL
Plus (l'iiic'idenLs jusqu'à l'arrivée, où X..., après avoir passe le dornicr
oitslaelo, — le quatorzième, si j'ai bien compté, — nous passe sous le nez
et arrive tout seul.
L'objet d'art destiné au vainqueur (un très-joli bronze, ma foi, du comte
du Passage) lui est remis, séance tenante, par la maîtresse de la maison.
Toujours galant, il l'ait observer que les distributions de prix ne sont
réellement complètes qu'autant que le triomphateur a été vigoureusement
embrassé par celui ou celle qui le couronne.
La réclamation est trop juste pour qu'il n'en soit pas tenu compte.
On le pousse dans les bras de l'adjoint, qui l'étreint et le baise.
CHAPITRE VI
UN RALLYE-PAPERS.
Le mieux serait de ne jamais organiser de rallye-papers.
Et cela pour plusieurs raisons :
1° On fatigue inutilement les chevaux;
2' Les cavaliers qui y participent peuvent, s'ils tombent, se l'aire du mal;
3' S'ils ne tombent pas, cela ne prouve pas qu'ils sachent monter à
cheval.
Si l'on voulait faire d'un rallye-papers un exercice sérieux, il faudrait que
la piste fût semée de véritables obstacles, résistants, hauts et larges, et
228
\..\ PROVIMCE A r.HF.VAL.
dans ce cas il y aurait cruaulé à y convier les gens avec lesquels on esl en
éciiange de politesses. Il n'csl pas d'usajje d'inviler ses amis à venir se
casser une ou plusieurs clavicules, cl la formule pour ce genre d'invitations
n'est pas encore trouvée.
Au surplus, le recrutement du personnel nécessaire pour la sauterie qui
termine inévitablement toutes les réunions rurales, deviendrait excessive-
ment difficile si les danseurs avaient de trop grandes chances de détério-
ra lion.
Comme, d'autre part, il importe que le spectacle offert ait un intérêt appa-
rent, il est indispensable de donner aux obstacles les plus inoffensifs un
aspect formidable.
Les boîtes en bois blanc employées au concours hippique pour simuler
des murs, peuvent être utilement employées dans les rallye-papers.
Ce])endant, des papiers peints sur lesquels seraient habilement reproduits
des obstacles, tels que barrières tixes, claies, bull-finsh, etc., etc., paraissent
devoir être employés de préférence.
La résistance, en cas de contact, paraissant devoir être moins grande que
celle opposée par des objets dont la (librication exige des matériaux dont la
densité est forcément supérieure à celle du papier en rouleaux.
A mérilé l'honnpar de faire u la
bete " pdT des années de liavaux
sppciaai. A franchi pins d'ohsiyclee
qoe G'jzmaD laimeme, ftpgt dpiuenrê
sinoD intact, do m<jioB complel,
Monte on vieni roalinr ayunt fait ses
preoïca comme saolenr, mais n'ajaut
plos assez de valeor pour causer àf
trop grands Tc^reis en eau d'accident.
0'/
Recoinmaadé aai maîtresses
de maisoD qui ne veulent pas
prendre pari ù !a lutte el
dësireût cependant ne pas
passer inaperçues.
o^^
Masler Buli
fait ses débuts
BouB l'œil inat-
lentif de soo
père.
'A^^M^'
Au rendez-vous. -
inciter le plus de raonHe possible, de facou à
obteoir ud oombre rt'assislanls au moins égal à
celui des acleuvs. D^Bigoer de préférence od
endroit éloigné des ailles aliu d'éviter l'aflluence
do populaire. géDéralement mat disposé à l'égard
d'eiercices dont l'ulililé lai
Dernier chic. — Habit
à longues bosqaes, cra-
vate blanche, épingle
dents de cerf, cnlolte à
gigot, boites Cbantilly,
éperons saumurois.
Consent ù se livrer a
n'importe qael eiercice
sportif, Q la condition
de garder la tenue fran-
çaise. Se refuse énergi-
quemeol aux dénomina-
tions anglaises , mais
déclare cire prêt â galo-
per u derrière le monsieur
qni doit répandre des
morceaux de vieux jour-
uaui a .
Aussi laid â cbeval qn'à
pied. N'a aucun souci de
la tenne, et porte jusqu'à
eilinclioQ les culotles
dans lesquelles il se
trouve à son aise. Tient
comme la teigne , et
monte CD général des
chevaux ultia-cabochards
appartenant à des cama-
rades.
A élndié son costume
avec un soin meticuleoi
et letuiileurdu chef-lieu,
colleclioone les prospec-
tus iliuslrés des maj^a-
sins de confeciion pour
hommes, spécial il es de
livrées, a même fait le
voyage de Paris pour voir
les vitrines, est arrive à
avoir l'air d'un garçon
boucher prêt à escorter le
bœuf gras.
30
V^nV^^"-^^ IV"^ v^-^-l i MouWnl pour scDlir le veni, i,;. *'' 'f . ?::
\\V ;• r^ ^\ -^M- \<, 't, '"'/H jonir de U ïilt.se el «voir un lir ul'^^^^t
f\ '^ V.^ . X T-VÏ*^ ».V ( ' I II, lit Bi"\ vV ' 1 . *^<,
rjj
LA PROVINCE A CHEVAL.
De plus, il y a économie manifeste.
2'tl
En troisième lieu, l'emploi du papier peint permet de faire indifféremment
des obstacles en hauteur et en largeur.
Enfin, la course terminée, le papier d'obstacle pourrait servir soit à allu-
mer les feux, soit à garnir l'intérieur des tiroirs des commodes dans les
chambres d'invités.
L'usage d'offrir des prix aux cavaliers arrivés premier, deuxième et troi-
sième doit être rigoureusement conservé.
Ou aime généralement à
conserver un souvenir matériel
des dangers qu'on croit avoir
courus, comme le prouve sura-
bondamment la coutume en
j\ vertu de laquelle on rédige des
^\ procès-verbaux pour les duels
>\ au premier sang.
Pour le choix des objets à
i ...
donner en prix, il est bon
d'éviter que leur volume soit
par trop exagéré.
j'I u evui
'M par tr
A ea le mûlheor d'arriver premier et de gagner une supeibe gravure anglaise, Y\ laut DCnSCr GUC ICS Volin-
tout encadrée. ^ ^
queurs aiment à emporter
immédiatement leurs trophées, et que la plupart regagnent leur domicile à
cheval .
Il est délicat de ne pas les affliger d'objets encombrants, tels que tableaux
grandeur nature, paniers de Champagne, faïences artistiques ou nécessaires
en vermeil.
Des objets portatifs, cravaches, fouets, couteaux de chasse, porte-ciga-
res, etc., sont de beaucoup préférables.
Au cas où, malgré l'innocuité des obstacles, un maladroit serait victime
31
2i2 LA PROVINCK A CHEVAL.
(l'un accident invraiseiiiblahlc, il conviendrait de le l'aire reconduire inconti-
nent chez lui, avant que le public ait pu juger de la gravité de son état.
S'il avait le mauvais goût de pousser des cris, le niaîlre de la maison
devrait aviser aux moyens de les élouffcr sans délai.
Si les suites de l'accident étaient funestes, il devrait également aviser aux
moyens d'en rejeter la cause sur des infirmités antérieures,
Le devoir d'un organisateur de cross-cowilrij, course au clocher, paper-
hunl et autres sports récréatifs étant avant tout d'éviter tout commentaire
de nature à discrédiler ces utiles exercices.
.'-,.-.A^>/^i*
CHAPITRE VII
UN CR0SS-C01J\TRY.
Cross-counlnj . — Qu'est-ce?
Une longue promenade à travers champs, comme le mol l'indique d'ailleurs
clairement.
Le prétexte est de juger de l'état des chevaux préparés pour les chasses ;
le but réel, d'organiser une réunion qui rapprochera des voisins que mille
riens éloignent les uns des autres, et qui, au fond, ne demandent qu'une
occasion de déserter leurs solitudes respectives.
244 I-A PROVIMCE A CHKVA!-.
Le (liflicilc esl de trouver rorijjiiiisaleur d'une pareille fête.
Il faut qu'il ne s'occupe pas de polilirpie, et que cependant il soit suHi-
sammeut mal avec les autoiitcs pour que les réactionnaires de toutes nuances
puissent se réunir chez lui;
Qu'il ])ossède des (erres en assez grande étendue pour que la plus grande
partie du ])arcours se fasse sur son terrain;
Qu'il soit assez connu pour que tout ce qui est quelqu'un dans l'arron-
dissemeut consente à se déplacer en son honneur, et enfin que le château
qu'il habite se refuse absolument à contenir un trop grand nombre d'invilés,
sans quoi la fête terminale du soir ne saurait avoir le caractère d'intimité qui
attire invinciblement les sportsmen, race forcément un peu sans gêne eu
raison même des fatigues qu'elle s'impose, et qui ne consent à se coucher
tard que si l'on s'amuse réritablement.
On est parvenu à réunir
une douzaine de coureurs;
le canton compte certaine-
ment un plus grand nombre
de veneurs, mais les uns se
considèrent, à tort, comme
trop âgés pour se donner
en spectacle, et beaucoup
d'autres craignent de ris-
quer leurs chevaux dans
une galopade de huit mille
mètres (il faut bien qu'on juge si les chevaux ont réellement du fond) et
semée d'obstacles, qui, pour être moins féroces que ceux des hippodromes
faits de main d'homme, n'en sont pas moins délicats à passer.
I a nature a des façons si singulières de mélanger les trous aux monti-
cules I
Sa i ieiile cipèrience lui ayant démontré qne te plus cimrt cbt mil
n'est pas la ligne droite.
On nionie à cheval, les uns énnis, les antres calmes, et le président de
Ganache eu Texin donne le départ :
LA PROVINCE A CHEVAL.
Messieurs, quand il vous fera plaisir.
2i5
Ou part, ou saule une haie, obstacle bénévole, mais d'aspect formidable,
que les chevaux enlèvent haut les jambes; puis c'est le passage d'un chemin
creux, puis un saut eu contre-Las, puis un ruisseau.
Somme toute, c'est un steeple-chase dont le parcours, marqué par des dra-
peaux dont on distingue à peine les premiers, laisse au coureur lui-même un
imprévu complet.
Cet imprévu supprime bien des choses dans l'art de mener la course, mais
l'important est que les dames qu'on a conviées à ce spectacle, et les enfants
qui ont supphé qu'on les y conduise, y prennent plaisir, et ils paraissent le
goûter vivement.
L'imprévu du parcours est si complet qu'à un moment donné les dra-
peaux sont remplacés par des indigènes qui donnent les signes les moins
équivoques d'une agitation violente.
Il paraît que nous sommes sur le territoire de cultivateurs mal disposés à
l'égard des anciennes couches, et qu'on a négligé d'avertir. Ils ont enlevé
2i6 I,A PROVI.VCE A CHEVAL.
les (lra|)oaux, cl Torfc nous est de l'aire un lorl détoui- pour retrouver la
pisle.
I I I
NoQS sommes sar le lerriloire de cuUivalenrs mal disposés à l'égard des aDCieones coaches....
Malgré ce relard, ou arrive beaucoup moius groupes qu'au départ, mais
trois des concurrents sont visibles à l'œil nu.
C'est l'essentiel, puisqu'il y a trois prix.
Les autres occupent à l'horizon des situations prévues seulement par les
lorgnettes qui marquent : thcàtro, campagne, marine.
LA PROVINCE A CHEVAF,.
5 '1.7
Sur ce, le gros des invites s'écoule, après force salutations à l'aimable
organisateur de celte charmante réunion.
Cette première opération d'une intelligente sélection terminée, on procède
au lunch.
Les héros de la fête, couverts de flots de rubans, comme de simples lau-
réats du concours hippique, ingurgitent petits-fours sur sandwiches, et flûtes
de Champagne sur verres de porto, pour réparer les forces dépensées au ser-
vice public.
On devise sur les incidents du parcours, et l'indignation produite par la
manifestation incongrue des ruraux mal pensants est qualifiée en termes
sévères.
Cela vous fait toujours passer une heure ou deux.
Après quoi, une deuxième opération sélective étant indiquée par l'heure
du diner, ceux qui dînent chez eux s'éloignent, laissant les héros du jour
substituer à leurs bottes Ciiantilly l'escarpin du soir, et l'habit noir à l'habit
rouge.
2i8
LA PROVIMCE A CHF.VAL
llosloiil alors en présence ceux qui oui réclleiuenl en, dans toul ceci, l'in-
lenlion de s'anuiser, les oryanisaleiirs de la fête et ceux de leurs hôtes qu'ils
ont tenu à conserver.
On bavarde à qui mieux mieux, jusqu'au moment imprévu oii l'un de ces
messieurs qui « d'un bras rcjjulier sait tourmenter l'ivoire » entame une
valse qui met tout le monde eu branle. Alors s'organise une de ces sauteries
oii, les femmes étant en minorité, tout le monde est satisfait : elles, parce
qu'elles dansent tout le temps; nous, parce que nous ne dansons que quand
le cœur nous en dit.
La réussite d'un cross-countnj exige le concours d'un nombre respec-
table de cavaliers, car il tant que les concurrents forment un groupe assez
compacte pour que le spectateur puisse le suivre de l'œil à travers le paysage
plus ou moins accidenté de nos campagnes françaises.
Il faut, par conséquent, que le châtelain qui l'organise offre à ses invités
une tentation exceptionnelle pour prévenir les désertions probables au der-
nier moment : indisposition subite de l'homme ou de sa monture, affaire
aussi urgente qu'imprévue, arrivée inopinée d'hôtes inattendus, etc., etc.
ensabla
ieiB eu
qui août
Ipb, et
bBlenir.
32
-^-^:SSÎH\^
A pour miBSÎoa d'aDimer li
cherche deeobstaclfs et en trou
OD lel entraÏD à les paiser qu'
muaiqDe bod ardeur aai plus
et aai ploi replels.
Ci>urse;
ve. Met
1 com-
timorês
Ponetledurbam epéctalemeot dressée sur l'obslacle.
Fleur de crèmfi. — \e reproche qo'ane chose à ce sport .
d'avoir lieo en pleio air, ce qni gâte le teint.
f^î^/-^
— Il y otajt poDftanlDo gué ici l'aonée dernière!
qne diable a-l-il pa devenir?
Ud pea crampoQDé- \e sera raaflDré que quand
il sera lombé-.. sans doulear.
Klève tes chevani lui-même, ponr n'avoir
aocuD prétexte d'aller à Paris qu'il abomine.
Trop beau poor
rif-ofaire... debou.
^7 fit .
tS^'l \\il ! Il T0D8 soivonfl parce que vous êtes 8ûre- ll[|V^^\A^/r^
^^ „ menl do pays. ILîiV . '1
\1lh,^Jjj — Moi? Pas dn loul, je loi. Belge. \KCrj x{Ul
33
LA PROVIMCE A CHEVAL.
250
La présence d'un personnage d'une importance exceptionnelle est abso-
lument nécessaire dans la circonstance.
Une ex-téte couronnée, un prince du sang, sont d'un effet irrésistible.
La difficulté est de se procurer une Altesse disponible. Si le rang que vous
occupez, l'os attaches de famille vous permettent de la vaincre, vous êtes
assuré de la réussite.
Tout le voisinage accourra de dix lieues à la ronde, quel que soit l'état de
la vicinalité.
Si l'Altesse est du
genre bon enfant, et
connue pour l'accueil
familier qu'elle foit
aux gens qui lui sont
présentés, vous serez
obligé de refuser du
monde.
Si elle est assez
jeune pour prendre
part à la lutte, l'af-
flueuce des concur-
rents sera torrentielle.
Surtout, si l'on
prévoit qu'une indis-
crétion mettra les journaux spéciaux en mesure de publier les noms des
concurrents de Alonseigneur.
Le principal, que dis-je? l'uniqae invité. Altesse Koyhle en tillégialore
aui environs, qne chacttn s'arrache.
L'espoir de battre une Altesse double l'ardeur des concurrents, et l'bon-
neur d'être battu par elle enlève toute amertume aux regrets des vaincus;
d'autant qu'il est toujours loisible d'attribuer sa défoite aux sentiments de
2(30
I.A PROVIXCE A CHEVAI,.
(IrliToncr qui, à Ici ou (cl iiKiinctil du parcours, les oui cnipèclics tic « brû-
ler le poil ù Moiiseiyiicur « .
mm
HacotileroDl, dès le l^'odemata de leui diTaile, qoe le rCEperl seul les a empùcbês de « passer goas le aez
de Monseigneur • .
Quand le châtelain s'est procure le personnaye de marque qui doil assurer
le succès de la fête, il ne lui reste plus qu'à trouver aux environs de sa rési-
dence un parcours aussi pittoresque qu'inoffensif.
LA PROVINCE A CHEVAL.
281
Malyré la jouissanco durable ([ue la victime d'un accident sérieux éprou-
verait, sa vie durant, à rappeler dms quelles circonslauces honorifiques il a
eu lieu, il est essentiel d'éviter les obstacles qui pourraient donner lieu à
des événements tragiques.
il'fc
• \^{mi'^f^i'''^'''i^.
En conséquence, choisir les parcours en terrains mous, qui empêchent la
trop grande rapidité du train...
Éviter les obstacles d'une trop grande rigidité, ou trop encaissés...
Laisser de côté les passages de routes à ornières profondes...
Faire déblayer les abords des obstacles des herbes, ronces, etc., qui pour-
raient tromper les concurrents sur la largeur des susdits...
.lux routes bordées de trottoirs, faire combler d'une façon solide les dif-
férences de niveau entre la chaussée et la bordure desdits trottoirs, qui
peuvent être une cause de cliute très-brutale...
262
I, A l'ROViivr.i': A r.HKVAr,
Si la courso donne lirii ;i une poule, fixer à une soninio niiuimc lo prix
d'culrce (la dépense n'esl pas aimée en province)...
Laisser anx concnrrenis la liberlé de elioisir la lenne qui lenr convienl...
I']| enlin, si l'élendne de voire domicile lo permel, que tonl le monde,
figurants e( assistants, soit égaltMiient convié aux réjouissances gastrono-
micpies , théâtrales et chorégraphiques, qui doivent, de toute nécessité,
terminer la journée.
ili;/lll|..
CHAPITRE VIII
DERMERS BEAUX JOURS.
Extrait d'un manuscrit trouvé dans le second tiroir de la commode de la chambre bleue, à
Caslelkrecant.
Voilà la cinquième aunée que je m'y laisse prendre.
De toutes les saisons, l'automne est la plus belle à la campagne.
La plus poétique, possible; mais pour agréable, c'est uue autre affaire!
D'abord un froid de loup, un vent perpétuel, de la pluie tous les trois
■2(>i
]..\ PllOVI.VCK A CIIKVA!,
(jiiarls (l'Iiciirc, cl, (h'piiis deux ans, pas j)liis de yiljiiT (juc sur la place (l(! la
Comun-dc.
Éloiincz-vous avec cela de ne jxtiuiiir récolter un niallieiirenx invité après
le 15 octobre!
Le seul ami cpu' j'aie vu est vomi me demander si ji' n'aurais pas par
hasard cinquante mille l'raucs disponibles, pour payer une dilfcrcnce opérée
|)ar lui au baccarat. Comme si, ayant l'ait de semblables économies, je n'étais
|)as assez <[rand pour les disperser moi-niùme!
Le matin, on se lève, tard, c'est vrai, mais enfin on se lève.
11 y a nn |)en de bleu au ciel. i\\i\ ah! c'est l'occasion d'aller tirer un ou
deu.x lapins!
A peine en ronle, il pleut.
. On est parti, on continue.
L'ondée devient averse, el l'on rentre " se changer « , une Léle d'e.xpressiou,
car grincheux j'étais, grincheux je reste.
Dix heures. — Un rayon de soleil, tiens, liens, tiens! Est-ce que le temps
LA PROVINCE A CHEVAL.
se iiiellrail au beau pour lout do bon? Il n'y aurait à cela rien trinipossible.
l'as de nuages à l'ouesl, el la girouelle a fait volle-face; faisons seller!
A six kilomètres de toute habitation, le déluge recommence.
Ma consolation est que je ne suis pas seul mouillé.
Si j'ai l'air d'un fleuve, Alarlhe a l'air d'une oudine, et Toni, d'un affluent
de la Tamise.
Le diable soit de l'odeur des chevaux mouillés, et pas moyen de rien
allumer pour combattre ce miasme qui voyage avec nousl
Onze lieurcs. — J'ai
encore changé.
Les enfants veulent
monter à âne; je les
accompagne pas à pas,
car cet animal stupide
part au grand galop
aussitôt qu'il a le nez
tourné vers l'écurie.
Dès qu'il galope, les enfants s'égrènent avec des cris suraigus qui amènent
toute la maison sur le théâtre de l'accident et toutes les récriminations sur
ma tète.
2()G
LA PROVIXCE A CHEVAL.
Ddi.r licurcs. — .l'ai di-jouiK' iiuil, livs-mal. Ajfallic se laisse ga-jucr, olh;
aussi, par le spleen. Klle n'a |)l(is la noie; el j)uis, (oiijoiirs les nicmes
viandes, pas de poisson, pas de jjiljicr, (piand on n'en envoie pas de Paris.
- \\,-
i<.mï&i.hté'-.
Mellon.s-noHs à l'affût des
grives.
Voilà deux heures que j'y
suis!
J'en ai lue une, el nous
sommes douze à (able; par
contre, j'cMeniueconi nie loule
une compagnie de ponlon-
niers, et j'ai des champignons
dans mes bottines.
Allons rechanger!
Quatre heures. — Je viens de changer! mais je suis encore gelé. Que faire
pour allrajier l'heure du dîner? J'ai essayé du Journal des économistes.
Mais c'est trop pénible; il faut avoir été habitué à cela tout petit, tout petit.
Cinq fleures. — Peul-
clrequ'un bain trop chaud
rétablirait la circulation !
car, positivement, je suis
glacé.
Payer une grive d'une
fluxion de poitrine, c'est
hors de prix.
Bon! le cygne à l'eau
chaude qui ne ferme pas !
Jean! Alfred!! Jean!!!
Sept Jieures. — J'ai failli cuire! Mais je me suis réchauffé. Ça m'a fait
LA PROVIMCK A CHEVAL.
2G7
dormir, et voilà qu'on sniiiic pour le diuer. Voilà une journée fjui louche
à son ternie. Dieu .soit loué!
Mais demain! — .Allons changer.
Huit heures et demie. — J'ai dîné mal, abominahlement niai! .Agallie a
besoin de distractions; la rue de la Pépinière est décidément trop loin d'ici.
Marthe a regardé
Lucien bcàiller pen-
dant toute la .soirée.
Julia fait un ou-
vrage au crochet (pii
est horrible à voir.
Berihe a lu tout
haut quelque cliose
d'insupportable dont
je vais rêver.
Elle lit du nez.
c-Y
Ma belle-mère a, en dormant, un petit sifflemeut terriblement agaçant.
Dix heures. — Le général est odieux, avec ses parties de piquet inter-
minables.
11 a un asthme qui l'empcclie
de dormir, c'est vrai, mais ce
.iU|VJH n'est pas une raison pour em-
pêcher les gens de se coucher.
Qu'il apprenne le solitaire,
et qu'il le joue dans sa
chambre.
.Ah! les égoïstes!
Quelle race! et comme on la connaît mieux et plus vite à la campagne !
2G8 LA PROVIXCK A CIIEVAI,.
Miiiuil ci/i/jl. — Après une joiinu'c cor > celle-là, on ne se couclie j)iis.
On se 11 nKjue an lit.
J'y snis, j'y reste. Mais demain !
AU I demain, j'aurai mie ad'airc imporlanle (jiii m'appellera à l'aris,
d'urgence! et qui m'y retiendra.
FIN DE LA DEUXIEME DARTIE
■'^
TROISIÈME PARTIE
EN FORET
CHAPITRE PREMIER
C0J.S1DERATI0XS GENERALES SLR LA CHASSE A COURRE.
CE qu'elle est aujourd'hui.
DU CHOLK d'un CHEVAL DE CHASSE.
SES ORIGINES.
Il paraît difficile d'établir de façon certaine à quelle époque remonte
l'habitude de la chasse à courre.
Elle est, à n'en pas douter, fort ancienne, et remonte au moment où
l'homme, s'étant aperçu que certains quadrupèdes, possesseurs d'une chair
succulente, étaient doués d'une agilité très-supérieure à la sienne, a eu l'idée
33
I.A PUOVIVCK A r.HKVAr,.
de rcfoiirir pour leur (loniicr la chasse aux jarreLs du l'animal le plus rapide
qu'il eût sous la main.
•^ & -^■SV.a-
s.-f^.-'V*-"^...*! ■■
S'il est impossible de
déterminer la date de la
.;>>.j^f%<h >'(J, première chasse a courre
■■~~ i'^^mII ''""'' ''■ ^'^'PJ^^^'^ '^ jusqu'à
'^l'M'^^l présent échappé aux re-
.■}%'\ ; ' cherches des archivistes
^ ;'; ■'^'^'^^'^J^^Û^ 'es plus paléographes, on
Pi'fe/''^'^^î^« P^"' affi"""' liardiment
* ' ^''i'^i'/ 'f.-'^ que la tenue de nos pre-
miers veneurs était très-proche voisiue de la nudité.
Elle s'est nu)difiée peu à peu, et si conq)létenient, qu'il n'y a pas plus
d'un siècle on partait encore en chasse outillé comme pour la guerre.
S^^
'V-
v
Les malheureux chevaux de nos arrière -grauds-pères avaient à porter,
outre les susdits, qui n'étaient pas en général ce qu'on appelle aujourd'hui
des 1- poids légers n , un nombre invraisemblable de kilogrammes en cha-
peaux, habits, bottes, selles, caparaçons, fontes pour les pistolets, housses,
ctriers, etc., etc.
Nous avons heureusement renoncé à tout cet attirail.
LA PROVIMCE A CHEVAL.
275
Le moyen, eu effet, de suivre en pareil équipage, à travers un pays coupé,
morcelé comme l'est à présent le nôtre, des chiens aussi vîtes que des fox-
hounds ou même des bâtards d'Anjou ?
Il fallait, pour que la chose fût possible, le traiu processiounel des grands
chiens de France, poitevins ou griffons vendéens, des diicns de saint
Hubert; et encore n'était-il pas inutile que ces chiens, majestueux dans
leur allure, eussent en outre un timbre de voix assez puissant pour qu'on put
les entendre encore quand la fatigue du cheval ou la difficulté du terrain
vous avait mis en arrière d'une petite lieue.
Aujourd'hui, si l'on veut assister à la mort, il faut être à la queue des
chiens, passer où ils passent; car si vous vous laissez aller à faire un détour,
la chasse serait vite loin, et du diable si vous sauriez où elle pourrait être,
pour peu que le vent fût contre vous.
II en résulte que la première qualité à rechercher dans un cheval de
chasse est une certaine vitesse.
Il a le droit d'être laid, mais il lui faut des jambes et une poitrine iufali-
27(J
LA l'ROVI.VCK A CHEVAL.
gables. Ce sonl là les deux points esseuliels ; le reste ne vient qu'en toute
dernière ligne.
Il est bon qu'à ces qualités de eonforniation il joigne une certaine adresse;
mais celte qualité-là est de celles qui s'acquièrent, et deux ou trois culbutes
un peu sévères apprennent bien vile à un cbcval qu'il doit regarder où
portent ses pieds.
Mèmêm
Je parle, bien entendu, des cbasses en pays franc, oîi l'on a des ravins,
des fondrières à traverser, des coteaux plus ou moins roides à grimper ou à
descendre, et non des chasses qui ont lieu dans les quelques forêts bien
percées qui résistent au défrichement.
\\y
.^;|i!ïJ'ih
Là , pourvu qu'un cheval sache franchir un fossé d'un mètre de large, son
éducation est faite, et le premier hack venu, pourvu qu'il ait du fond, peut
faire très-convenablement la besogne qui lui incombe.
Dans Ica pays diffiriles, le plos court n'eni
pas loujoarfl le plQS droit. Si l'on nVsl pa;-
f!u pays, le plus sage est de s'atlacher aux
pas d'uu indigèoe qui connaisse les chemins
et sache que quand la chasse marche dan»
celle direction, c'est dans telle antre que duil
aller le chaseenr.
Rien pour le chic, t
confortable ! lequel compi
pipe, sa peau de bi{|ue, sei
h sa nd niches el sa bouti
vieux cognac.
Le jJtijKfUj' du liuUtj-Lamlais n'a
jamais qu'uu éperon. Répond à ceux
qui s'en étorrnenl en Ii-ur demandant
s'ils ont deux fouels.
36
L'invite officiel, préret. trésorier gé-
néral, elc, etc., preod un plaisir res-
t teint à ces réunions. Outre que lu
plupart du temps il monte mal, Eon
cheial, peu bdbilué à la trimipe et
aat chiens, est d'une animaliim inusi-
tée. Figure scolemeut au rendez-vous.
Met sur le compte da poids des affaires
sa retraite précipitée.
L'invité officiel ne couipteodra jamais pourquoi
l'on appelle Cftie façon dfi marclici plus i ito qu'oL
ce ceut, on bien-aller.
— Kt votre m.iîlre?
— 11 a préféré reulterà pied.
Z-j"r --^o
LA PROVINCE A CHEVAL.
285
Mais combien comptc-t-on encore de forêts assez grandes pour que l'ani-
mal attaqué s'y tasse prendre sans débucher?
Une dizaine tout au plus I C'est dire qu'elles sont le monopole des veneurs
les plus fortunés, des capitalistes du sport, qui en sont propriétaires ou les
détiennent en vertu de baux ruineux et dûment enregistrés.
Pour le gros des équipages qui chassent en France, ils doivent se résigner
à faire les deux tiers de leur parcours à travers champs, et par champs il
faut entendre : terrains de toutes espèces, landes, prairies plus ou moins
défoncées, terrains abrupts, coteaux ravinés, semés de pierres roulantes
terres labourées, plants
de vigne ici, champs de
pommes de terre là-bas,
sans compter le pavé des
routes nationales, les pas-
sages à niveau des voies
ferrées et les ornières
vertigineuses des chemins
de petite communication.
Quand on sait avoir à
galoper pendant plusieurs heures consécutives à travers toutes ces chausse-
trapes, vous avouerez qu'il serait imprudent de se faire porter par un animal
affligé d'inquiétudes dans
les jambes — d'autant que
les terrains susdésignés,
bien que réputés plats,
sont de temps en temps,
sous prétexte de dérivation
des eaux, coupés par une
douve, absolument sèche
en toute saison, traversés
par une haie vive, c'est-à-
dire formée de toutes les
plantes épineuses connues, entourés de ban-ières plus ou moins (îxes, mais
parfois encore assez résistantes.
28G
LA PROVIMCK A CIIKVAL.
Ajoutez à ces obstacles formés par la iiiaiii des hommes, ceux qui sont
dus à la nature :
Hrusques iliangonu^nts do niveau, petits cours d'eau à bords encaissés, à
fonds rocailleux, dont les berges minées par le courant ne demandent qu'un
prétexte pour
s'écrouler, et
profitent de
votre arrivée
pour réaliser
ce fallacieux
projet.
Après cinq
ou six heures
de promenade rapide à travers toutes ces embûches, le cavalier dont le
cheval n'a foit aucune faute peut se vanter d'avoir eu la main beureuse le jour
où il en a fait emplette.
En effet, si les points et les virgules servent à marquer les différentes
LA PROVINCE A CHEVAL.
287
parllos du discours, on peut dire que la chute est la ponctuation de la chasse
à courre.
Si l'on sait, en effet, ce qu'on laisse connue terrain, du côté où l'on
ahorde un ohstacle, ce qu'on trouvera de l'autre côté laisse une large part
au doute.
Consacrer à un exercice aussi aventureux un cheval d'une grosse valeur,
c'est donner, aux yeux de M. Prudhonime (Joseph), la mesure de sa pro-
digahté.
Quelques veneurs exceptionnellement fortunés méprisent ouvertement
l'opinion de cet homme ultra-raisonnable, et pensent que l'argent risqué de
la sorte n'est pas plus mal placé que dans les actions du Vigo; mais la plupart
288
F,A PROVI\'CE A CHEVAL.
(les cliassciirs cIiltcIiciiI à Iroiucr j)()iir iiu |)C'til |)rix im animal |)Ilis ou
moins (aii', mais ajanl garde la libre disposilioii de Ions ses membres, que
l'expérience a rendn adroit, sans le délériorer dans ses parties essentielles.
11 en est d'assez benrenx pour le rencontrer.
Puissiez-vous, cher lecteur, être au nombre do ces privilégies !
C'est la grâce que je vous souiiaite, cl à moi aussi !
CHAPITRE H
DU MAITIlE D EQUIPAGE. — SES JOIES ET SES PEINES. — DU LOUVETlEIt.
DÉSACilÉ.\lEA,'TS. CONSEILS POUR LES ATTÉXUER.
SES
Les maîtres d'équipage peuvent être classés eu deux catégories bieu
distinctes :
Ceux qui agissent eu leur nom personnel, et assument la responsabilité
complète de leurs actes, dépense comprise;
Et ceux qui sont chargés de gérer les intérêts d'une association.
Ces derniers sont incontestablement les plus à plaindre; car, outre qu'ils
ne sauraient éviter tous les ennuis inhérents à la profession de veneur, ils
37
290
I,A l'ItOV l.Vr.R A C.IIKVAL.
peuvent ("'Ire sûrs (|m';ui((iii acic de leur ;[('sli(ni tTaiira lieu sans cxcilcr les
proleslalidiis tWi\t ou |)liisi('urs de leurs associés.
La Rainée, piniiicr piiiiiciir.
— MaDge le minus possible. —
CA alourdil, — man liiiit ld[it
qu'il peol, — ça suulieut.
Vatel ih chiens — A loul quitté
pour la cliasse. \ a emporté de chez
Bon pêre, épicier au ciief-lieu. que
ia malediclioD de ce uolable cum-
menaut.
Le \\i'\\\ piqueiir qu'il aura elioisi
sera, selon ceux-ci, dans un élat voisin
du «jàlisnie, elles appoinlenienls qu'il
aura dû lui accorder seront trouves
exorbitants par ceux-là mêmes qui
recounaisseut sa valeur.
Toutes les rédamatious du second
piqueur, qui n'a qu'une idée, devenir
premier, seront appuyées énergique-
ment par l'un ou l'autre des socié-
taires .
Tous les chiens, quelque soin qu'il
mette à les choisir, serout invariable-
ment critiqués.
L'étal des chevaux, chaque nouvelle
acquisition, sera cgcalement l'objet de
remarques généralement acerbes,
mais ])lus géucralement encore dé-
pourvues de toute espèce de sens
comuum.
La tenue des hommes fera l'objet d'une série d'observations perpétuelles,
et de propositions répétées pour la modificatiou de tel ou tel détail.
Tout le soiu des travaux à exécuter pour rainéufigemeut des écuries et du
chenil lui incombera.
La nourriture de la meute fournira également uu thème inépuisable aux
LA rROVIXCE A CHEVAL.
291
critiques et aux conseils de ses associés, qui lui ierout un crime de ne pas
goûter assez régulièrement la soupe.
Prêsentalion ani assock'S du cheval acheté poor le Iroisième piqnenr. — C'est no carcan ! — \ oyeî ddiic
ces jarrels, — el ces lendons ; — c'est on cheial qui n'a pas de boyatii. etc., etc. — Le malheureoi chef
d'équipage était autuiisé à consacrer à cette iraporlaute acquisition un crédit de trois cents francs maiimam.
C'est à lui qu'incombera également le soin de régler les indemnités aux
cultivateurs,
Et de faire les démarches nécessaires auprès de l'autorité préfectorale en
cas de difficultés.
S'il y a procès, c'est lui qui devra assister au débat et qui sera personnelle-
ment condamné, s'il y a condamnation.
Au jour de l'assemblée générale, il devra subir, en une seule séance, la
récapitulation des griefs articulés par chacun des mécontents pendant la sai-
son entière, et entendre critiquer chacune de ses dépenses.
Après quoi, on lui votera à l'unanimité des remercîments.
Le sort du maître d'équipage indépendant n'est pas beaucoup plus
enviable.
202
I, A niOVIMCE A CIII'.VAF,.
Il ;i, ((iimiic l'iiulrc, rciiiiiii des aclials, des iiuk'ninik's à pMjcr, des |)i()i'('.s
Jisoulciiir ; mais an moins il n'a pas à subir les rcciiiiiinalions de ses soi-
disaiil camarades de plaisir.
Les seules (diservalious f|ii'il enleude sur roxagéralion de ses dépenses lui
sont laites par sa conscience d'abord, son noiaire ensuite, e( enfin, la plu-
pail du lem|)s, par son conseil judiciaire.
Si le maîlre d'é(pnpage a eu
par surcroît la lâcheuse andjition
de se faire nommer lieutenant de
louveterie, les diflicidtés de ses
relations avec ses voisins, pro-
priétaires, frères en saint Hubert
et paysans, se trouvent décuplées
par ce seul t'ait.
Le louvelier, ainsi nommé
parce qu'il a la mission de com-
battre les sangliers, reçoit ses
droits et privilèges de l'autorité
préfectorale.
Le louvelier, — Ne sp consolpra jamais d'atoir
pris, en 1849, le deruier loop de 1h cootii'c iiui
etjil uue louve pleine.
Ils consistent dans l'obligation
d'entretenir, à ses frais, un
nombre déterminé de chiens en
état de détruire, à toute réquisition, les fauves et animaux nuisibles qui lui
sont signalés.
En général, le louvetier est déterminé à solliciter ses fonctions par des
visées électorales, qui n'aboutissent à aucun résultat, parce que:
1" Les réactionnaires le considèrent connue vendu au pouvoir;
2° Et ceu.x qui ne le sont pas sont convaincus que tout homme qui chasse
à courre appelle de ses vo^ux le rétablissement de la dime.
Peau de biqae irrémédiable.
A rpçu déjà huil coups de fueil
nioliçés par ce vOtemeul.
Propriétaire deS pommes
de lerre raraflées la nuit
précêdeute.
A IVovre on connaîl l arlisan. — Xu voil pas
le sanglier, mais se doule bien qu'il o'est pas
loin.
LA l'UOVIX'CE A CHEVAF,. 2f)7
Au surplus, personne ne lui sait gré des animaux déIruKs.
Et chacun lui reproche le passage à travers champs de son équipage.
En sa qualité de fonctionnaire, il lui est impossible délimiter à ses amis les
invitations qu'il doit ftiire.
Connue les convocations ont pour but olliciel la destruction, il est obligé
de convier à ses battues les tireurs du voisinage ; obligation aussi dangereuse
pour ses chiens que pour ses invités privilégiés.
Quand, au moment de l'attaque, il n'est pas parvenu à éloigner du pas-
sage de l'animal les bons lusils locaux, la bcte est tuée au lancer, et la chasse
se trouve supprimée à son origine.
Dans le cas contraire, les tireurs convoqués inutilement se répandent dans
les cabarets voisins, oii ils débinent avec acharnement sa prochaine candi-
dature.
En conséquence, ne solliciter sous aucun prétexte le titre de louveticr.
Au cas où il vous serait oflert, le refuser avec énergie.
Si vous habitez un pays où ce titre ait été porté de tout temps par des
membres de votre famille et soit devenu en quelque sorte indélébile et héré-
ditaire,
38
298 I.A IMiOVIVCE A CHKVAI-.
Oiiillor ce j)ays «u renoncer définitivemenl à l;i cluisse,
Simuler des iliumalisnies fjoulleiix,
Pendre tous vos cliiens sans exception,
Congédier vos gardes,
Renvoyer vos piqueurs, valets de chiens.
Kl faire défricher vos forêts.
Au besoin, et la crainte de ne pouvoir se soustraire à la fatalité d'èlre
louvetier a fourni plusieurs exemples de celte fatale extrémité,
Se ruiner radicalement,
ne llioon à être inscrit d'office au bureau de bienfaisance.
CHAPITRE III
U.\E VISITE AU CHEXIL.
Il faut que le chenil soit placé en dehors du parc, assez loin de l'hahila-
lion et sous le veut qui souffle le moins fréquemment dans notre pays, au
nord-est par conséquent.
Les miasmes qui résultent de l'emploi de la viande de cheval rendent cet
éloignement indispensable.
Les visites aux chiens en deviennent plus rares, mais ce n'est pas là un
grave inconvénient.
300 LA I'1U»VI\CK A CHKVAL.
Le ciiliiR- et le repos sont ce dont les cliiens ont le plus i)cs<)iii au clieiiij.
Coueliés sur des hancs douceiiieiil incliuL's, la plupart dorment dans un
mol abandon; (pielques-uns l'ont leur toilette, léchant leurs pieds endoloris
parla dernière eliasse, ^f^rallant leurs oreilles encore irritées par les piqûres
récoltées dans les fourrés.
Lendemain de chasse.
Celui-là ronfle, cet autre rêve, car les chiens rêvent, quelque étrange que
puisse paraître au premier abord une semblable habitude chez un être auquel
ou ne veut accorder que l'instinct.
Quoiqu'il en soit, ils rêvent comme une personne nalurelle, et qui plus est,
ils rêvent tout haut, laissant aux témoins de leur sommeil toute liberté de
suivre et de comprendre le travail qui s'opère dans leur imagination... Ima-
gination vous choque ?
11 faut pourtant appeler les choses par leur nom.
Vous ne me paraissez pas suflîsammeni convaincu.
Approchons-nous de Marengo que je vois là-bas sur le banc, à gauche,
étendu sur le liane; il s'agite et remue la queue, mais regardez sa tête; sa
LA PROVINCE A CHEVAL
301
bonne fignre de chien est bien endormie; écontez, il aspire violemment, il
quête ; attendez un moment, un coup de gueule !
Il croit avoir retrouvé la piste, ses cris continuent et deviennent plus fré-
quents; la chasse va bien, et il nage dans un océan de délices, il ne fait plus
aucun mouvement.
Serait-ce un défaut?
Point, voyez comme il remue la langue sur ses babines ; il fait curée lui-
même, et il est plus heureux qu'un spéculateur rêvant qu'il a doublé ses
capitaux.
,ii||i||Mr^-iï3,,,,...,;„^
VMl/^k
Rî-vaal de curùe cliaude
N'allez pas croire au moins que tous leurs rêves soient aussi brillants ; les
pauvres bètes ont leurs cauchemars, ils reçoivent des coups de fouet ima-
ginaires , souvenirs cuisants , la plupart du temps , de corrections trop
réelles.
Allons réveiller ce pauvre Verdo, qui geint comme un malheureux et qui
se croit en ce moment battu par un piqueur, pris dans un piège ou dégue-
nillé par quelqu'un de ses camarades.
Allons changer le cours de ses idées.
Encore un mot qui paraît vous choquer.
■M)-2 LA PUOVIXCM A CHEVAL.
Itoii ! deux camarades de lit eu grande discussion : Eléocle et Polijnice.
OuVst-ce que cela veut dire?... Troubler ainsi le repos public!
Heurousenieut que le chùtiiuent n'est j)as loin, le voilà qui s'approche
sous la forme d'uu valet de chiens, arme de son ibuet : Clic, clac, Figaro^
au banc !
Tous les jours promenade; on couple les chiens, el en marche! piqueur
eu tète.
Cet exercice dure deux heures en moyenne, après quoi l'on rentre au
chenil en attendant la soupe.
L'aspect du chenil n'est plus ce qu'il était tout à l'heure ; plus de ciiiens
qui dorment! ils attendent : toutes les oreilles sont dressées, les queues
s'agitent, tous les yeux sont dirigés vers la porte : c'est que la promenade
est un apéritif puissant, et que des estomacs qui n'ont rien absorbé depuis
vingt-quatre lieures ressemblent, à s'y tromper, à l'intérieur d'une machine
pneumatique : cependant ])as un chien ne descend de sou banc, car les
fouets des valets de chiens sontlevés, prêts à s'abattre sur l'échiné du premier
i-éfractaire : la consigne veut qu'on reste en place, on le sait, et l'on se con-
tente de manifester son impatience par des mouvements sur soi-même et
d'éloquents soupirs.
LA l'IlOVliYCE A CHEVAL.
303
Déjà le bruil des homnios qui pré|)arent les auges, oii la soupe'Lint désirée
doit è(re versée, se fait euleudre; l'agilalioii de la meule redouble; les
jambes soûl toutes en mouvement, les reins frétillent comme des serpents,
les queues s'abattent sur les flancs par un mouvement de plus en plus préci-
pité, toutes les langues s'agitent, fous les regards s'allument, toutes les voix
gémissent; c'est un frémissement universel.
Altendaiil la soupe.
La porte d'entrée s'ouvre à deux battants, les fouets des piqiieurs s'a-
baissent : immédiatement la descente commence, en une seconde il n'y a
plus un cbien sur les bancs ; la meute entière se précipite dans la cour, où le
repas attend, répandu dans de longues auges en bois placées sur le sol. Ici,
nouvel arrêt, les chiens, maintenus à coups de fouet, se rangent à dix pas des
auges, alignés comme de vieux grenadiers; pas un museau ne dépasse! le
front de la meute est aussi correctement droit que les bordures de buis d'un
jardin à la française.
Les vétérans de la bande, messieurs les limiers, au nombre de vingt, sont
appelés les premiers : une fois repus, ces vénérables quadrupèdes abandon-
nent la place au gros de la meute.
Trois fois le piqueur placé devant les auges abaisse et relève sou fouet,
trois fois la meute s'élance et recule, en rechignant et en grognant... enfin le
:i()i
LA l'IlOVlNCE A ClliaAI,
piqiu'iir se relire lonlemeiit, loul en lenaiil son Iniiel levé ; la meule le siiil
pas à pas, eoiiservant reliyieiiscnieiil la dislaiiCL' (jiii les sépare et qui se
Iroiive èlre préciséiiieni la mesure exacte de la portée de la mèche.
Le piqneiir a enjambe l'ange et s'est relire à nne distance respectueuse ,
en abaissant son terrible fouet; les fanfares éclatent, les chiens s'élancent,
se précipitent ; pendant nne seconde, c'est un désordre indescri|)lible, nu
lohu-bohu, un vacarme épouvantable ; les retardataires veulent s'emparer
des places prises par les premiers arrives : ils montent les uns sur les autres,
les pattes sont en l'air ; c'est un mouvement infernal, un véritable assaut
donné àceux qui ont pris les meilleures places, et (|ui, du reste, ne li'ur l'ail
pas perdre un coup de dent.
Ces mpsEJeurs sont servis!
Bientôt quelques coups de fouet, frappés d'une main sûre, viennent réta-
blir l'ordre : silencieux, alignés des deux côtés de l'auge, les chiens man-
gent, chacun pour son compte, sans se préoccuper du voisin; c'est à |)eine si
l'on entend, de temps à autre, un léger grognement : ils sont recueillis
LA PROVIMCE A CHEVAL.
30S
comme il convient pour l'accomplissement d'un semblable sacerdoce ; au
reste, ils ne mangent pas, ils engloutissent ; les morceaux disparaissent avec
une rapidité vertigineuse, on ne s'explique pas leur disparition et comment
cette auge, pleine tout à l'iieure jusqu'aux bords, se trouve maintenant aussi
nette qu'au moment où l'ouvrier venait d'y mettre son dernier clou.
Le repas terminé, on rentre au cbenil accomplir l'important travail de la
digestion.
Les jours de cbasse, rien d'animé comme l'intérieur du chenil !
Dès le matin, les chiens ont deviné, aux allures des piqueurs, qu'on allait
les conduire sur le champ de bataille; aussi, avec quel intérêt suivent-ils
toutes les allées et venues des valets de chiens !
Aucun de leurs gestes ne les laisse indifférents ; debout sur leurs bancs, ils
suivent les progrès des préparatifs, et, au moment où les piqueurs arrivent
en tenue de chasse et sonnent la sortie du chenil, leur enthousiasme se
traduit par des cris dont l'accent ne permet pas de mettre en doute le plaisir
qu'ils éprouvent.
La meute se met en
valets de chiens.
marche, précédée par les piqueurs et escortée par
les
Notre meule est composée de fox-hounds tricolores ; suivons-les tandis
qu'ils se rendent au rendez -vous; ils marchent lentement, et nous aurons
tout le temps d'admirer la vigueur de leur conformation.
Voyez quelle ouverture de poitrine et quelle largeur de reins !
Ces membres courts et trapus, ces doigts serrés, ce fouet large à la nais-
sance et planté à angle droit sur cette large croupe.
39
3or>
LA PUOVINCE A CHEVAL
Si co ne sont pas là des indices eerlains de force, je ne sais à qnels signes
«n poniTa jnger des qualités d'un animal.
Avec de semblabl(\s appareils ils ne peuvent manquer d'avoir de la vitesse
et du fond, c'est-à-dire les qualités les plus précieuses du chien courant.
Voilà les chiens dont vous avez souvent entendu médire.
Les chiens anglais n'ont pas de fond, les chiens anglais n'ont pas de train,
les chiens anglais n'ont pas de voix, etc., etc.
Voilà ce qui se répète tous les jours, et si l'on ne savait par expérience ce
qu'ils sont capables de faire, on serait tenté de croire que ce sont des hari-
delles sourdes et muettes, et, ce qui est plus grave chez un chien, perpé-
tuellement enrhumées du cerveau.
Vous les avez vus ?
Qu'en pensez-vous?
CHAPITRE IV
E\ CHASSE.
C'est à la fin de l'automne, par un temps un peu gris ; pas de froid, pas
de vent; on a très-finement déjeuné chez le maître d'équipage, qui a trouvé
plus hospitalier de désigner sa salle à manger comme lieu de rendez-vous
que l'un des carrefours de la forêt.
Les invités qui viennent de quatre ou cinq lieues se sont montrés sensibles
à ce procédé et savourent les cigares de l'amphitryon en écoulant le rapport
des piqueurs.
308
LA PROVINCE A CHEVAL.
Pierre a connaissance d'une liarde grosse de huit animaux, dcboiil, (|u'ii
a laissée en surveillance dans le quartier des Grands-Ormeaux ; c'est un pis
aller, et l'on pourra lâcher de détourner l'un des cerfs, si aucun des aulrcs
hommes n'a pu rembucher un animal isolé.
La jeunesse n'a rien à dire.
Marin a vu pas corps un daguet qu'il juge arrêté dans le taillis de l'Homme
mort.
Quant à Pavillon, il a rembuché un dix cors jeunement dans la futaie du
Gros-Chêne.
Il suppose que c'est l'animal chassé l'avant-dernière réunion, et dont la
poursuite a été arrêtée par l'arrivée de la nuit.
JM '-,..
^
''' \\^
MIS*
X
Le rapporl.
Ceci est sérieux, et l'on décide que c'est au Gros-Chêne qu'il faut aller.
Le Gros-Chêne est au fond d'un pli de terrain assez profond, au milieu
d'un carrefour dont les routes bordées par une haute futaie remontent toutes
au sommet d'une sorte d'entonnoir.
LA PROVINCE A CHEVAL.
313
Pavillon a mis pied à terre et est entré sous bois : ses chiens ont ren-
contré et commencent leur musique.
Un accord de trompe éclate : c'est la vue.
Le cerf a bondi sous le nez des chiens d'attaque après cinq minutes de
rapprocher.
On découple : Trente chiens, a prononcé le grand maître de la fête, en
désignant du fouet ceux qui doivent prendre part au lancer.
Il semble que le lieu ait été choisi à loisir pour faire [valoir la scène : les
bardes, attachées chacune à un arbre, sont justement du côté du carrefour
opposé à la coupe où l'animal est lancé.
Les chiens découplés traversent la route au galop, et, d'un bond, fran-
chissent le fossé qui les sépare de la futaie.
Les chevaux sont frémissants ; ils voudraient s'élancer en même temps
que les premiers chiens; ils sentent que la chasse est commencée, et ne
comprennent pas qu'on retarde la poursuite.
Mes bons dadas, vous n'êtes que des utilités, et il s'agit de laisser la place
40
314
LA PROVIXCK A CHEVAL.
aux premiers rôles, les léiiors à quatre pâlies qui jcltenl aux échos leurs
premières notes.
Les cLasseurs oui suivi les cliiens.
Quelques hardes restent attachées à leurs arbres respectifs, avec l'air tout
décontenancé d'animaux qui ont eu de grandes espérances, complclement
déçues maintenant.
Les pauvres toutous ont l'air affadi qu'aurait une aquarelle de de Penne
tombée dans un baquet.
A gauche, deux ou trois valets de chiens, cramponnés à leurs laisses,
courent à la lisière par laquelle on présume que débouchera le cerf attaqué,
incident probable, si c'est bien le même animal qu'on a déjà chassé.
c-\c
Dès le début, on voit quels sont les chasseurs friands de l'obstacle.
Un fossé assez large ferme le carrefour, ils l'abordent immédiatement,
taudis que les autres, plus prudents ou plus ménagers des forces de leurs
montures, suivent tranquillemcnl la route qui contourne le taillis.
[lemords. — J'ai cfrtuiDeinenf 'dépassé le
maître de rêqnipagp, el le ccmMe de l'impo-
lilesse, c'cBl qo'il m'a élé impoEstble de le
saluer !!!
 4
LA PROVINCE A CHEVAL.
319
C'est le chemin choisi par les dames, peu nombreuses d'ailleurs, qui
suivent la chasse.
En France, c'est déjà très-joli quand le beau sexe est représenté, et je ne
me rappelle pas avoir jamais vu ici les tableaux que l'on aperçoit couram-
ment en Angleterre : une demi-douzaine de jeunes fdles passant d'un même
élan une barrière fixe à double travée, sans interrompre pour cela la
conversation commencée.
Qu'est-ce qui vient d'arriver?
La moitié de ces messieurs sont à pied, et chacun discute.
Une chasse qui marchait si bien, et voilà un change.
La tète de la meute s'est divisée, et il n'est certes pas facile de distinguer
le bon pied du mauvais, car les deux animaux sont de même taille et de
même force.
Pierre, le vieux piqueur, qui, je le parierais, reconnaît les animaux à
l'odeur, affirme que l'animal de chasse a pris à gauche, et la meilleure
preuve en est que Ravaude est restée parmi les chiens embarques de ce
côté; mais La Jeunesse est sûr que c'est à droite qu'il faut marcher, car il y
entend la voix de Tonnante.
320 LA PKOVIMCE A CHEVAL.
Kn allomiaiil (iiriin Saloiiioii quelconque ait décidé, les frais du procès,
représentés par de maîtres couj)s de l'ouct, sont supportés par les chiens
(pi'on à pu ninqire.
La gent canine paraît, du reste, être d'avis aussi partagés que la race
humaine, car, si bon nombre de chiens l'ont mine de s'élancer à droite, un
assez bon groupe ne dissimule pas sa prédilection pour la gauche.
Derrière nous retentit la voi\ d'un retardataire, c'est celle du vieux Mi-
rant, devenu le plus lent de tous les chiens de la meute, mais resté le plus
sûr.
Nous sommes sauvés! et où il ira, il faudra aller.
Chacun remonte en selle, et l'on attend son passage.
Miraut opte pour la gauche, et les chiens incertains jusqu'alors s'élancent
sans plus d'hésitation à sa suite.
Il n'y a pas à en douter, nous sommes sur la bonne piste, et cette fois
encore c'est le vieux Pierre qui a vu juste.
II est radieux de voir son opinion conflrmée parle flair de son vieil ami
Miraut, et c'est avec un entrain juvénile qu'il entonne un bien aller...
■*5S
CHAPITRE V
EXCLl'SIVEMEXT COXSACRE Al'X ACCIDENTS LES PLl'S LSITES.
Il y a des gens qui ne peuvent se battre, raênie au premier sang, à moins
de faire au préalable leur testament.
Ceux-là ne doivent pas manquer au moins de le relire, quand ils doivent
chasser le lendemain
Outre la chance que tout cavalier a de se casser les reins, les fronts des
cerfs et les hures des sangliers sont , en effet, surmontés ou terminés par
des armes autrement terribles qu'un fleuret démoucheté.
41
322
I,A l'UOVIXriE A r.HKVAI,.
(]('.s animaux, qui, lorscju'oii les alla(]uc, oui parfois la uicchancclc' de se
(léfcndic, font niioux, quand ils s'y nicllcnl, que de découdre un ou deux
chiens acliarnos à leur poursuilc cl foiiccut volontiers sur leurs poursui-
vants luiniains, qui ne paraissent pas d'un grand poids au bout de leurs an-
douillers.
1/
m
^ >^'.^
:*i!'i!i'illi:.,\
Un cavalier et son cheval
ne résistent pas mieux à un
pareil choc qu'un enAxnt de
sept ans au coup de poiny
d'un maître boucher, et dans
cette occurrence, il n'est pas
besoin que le coup porte di-
rectement sur riiomme pour que sa situation soit diyne d'intérêt.
Il est lancé à une telle distance qu'il ne peut prévoir où doit aboutir sa
chute, et que, semblable au sauteur marseillais, il a le temps de " s'em-
bêter en l'air d .
c.^
^MSi^tâ
La dernière culbute de ce genre que j'aie vue n'a cependant produit aucun
mauvais résultat.
Le veneur, le cheval et le sanglier, qui ont roulé en un seul groupe, se
sont relevés tous trois à peu près intacts, et, l'instant d'après, tous trois
galopaient à nouveau les uns derrière l'autre.
Voici comment les choses se sont passées.
LA PROVINCE A CHKVAL.
323
La nuit approchait, et le comte L. de C..., arrêté au milieu d'une ligne,
attendait de pied ferme un sanglier chassé depuis plusieurs heures qui venait
droit sur lui, et attendait, pour tirer, qu'il fût à belle portée.
Le coup part; mais, soit que la jument du comte eût remué, soit que son
tir eût été gêné par le crépuscule, le sanglier, au lieu de rouler sur lui-même,
comme nous nous y attendions tous, poursuit sa marche d'un élan plus
rapide, et, passant au travers des jambes de la jument, la retourne comme
une simple crêpe.
Jugez quelle culbute !
Elle fut complète en ce sens que le dos du cheval toucha le premier au
sol ; par bonheui' le cavalier avait été jeté quelque peu de côté et ne fut pas
écrasé, comme il s'y attendait, sous le poids de sa monture, mais sa trompe,
qui avait supporté la pression de son corps, est demeurée depuis aussi
aplatie que ces fleurs collectionnées entre les feuilles d'un livre j)ar les
amoureux platoniques.
:î2i
LA PROVIVCK A CHKVAL
Je me rappelle égalcmeiil un (Mpitainc de cliasse quasi royale qui, au
(luieiil (le servir à la carabine un dix rors tenant tête aux chiens, fut cliaryé
„'ec une telle impéluosilé, que nous aurions eu certainement à déplorer la
lin trajjique de l'un de nos plus aimables causeurs, si, par un liasard |)r()vi-
deuliel, il n'avait relayé l'instant d'auparavant.
m
avec
Grâce à la vitesse de son cheval, complètement frais, l'avance qu'il put
prendre le mit rapidement hors d'atteinte, mais je vous affirme que les pre-
miers moments de cette fuite désespérée n'avaient rien de rassurant pour les
spectateurs.
Le cerf louchait de son mufle la croupe du cheval, et je n'ai, quant à moi,
jamais eu aussi peur de voir des andouillers disparaître dans un uniforme de
veneur.
A défaut d'accidents aussi tragiques, il est rare que toute une chasse se
passe sans une chute quelconque, effrayante quelquefois, le plus souvent
comique : d'autant plus que la culotte et l'habit accusent de leur note blanche
ou rouge la position extraordinaire prise par le cavalier.
LA PROVIMCE A CHEVAL
325
Si la culotte est bien rcnij)lle, il y a telles combinaisons de lignes dont
l'ellct est irrésistible, et, quelque empire qu'on ait sur soi-nu'me, il faut y
aller de son éclat de rire.
Première position. — Le cheval qui vous précède a refusé l'obstacle et
s'est piqué sur les deux pieds de devant.
4 ^ '>
fi^^\^^^-%^J^^-0
^'
Vous voyez son arrière-main puissamment contractée, la selle vide, et le
cavalier, cramponne au sommet de l'encolure, vous tourne exactement le
dos, en s'efforçaut de se maintenir en équilibre sur ce support très-peu
stable.
2'' posilion. — Vous avez passe un obstacle, et, par un sentiment de
curiosité bien naturelle, vous regardez de quelle façon s'en tirent les chas-
seurs qui vous suivent.
L'uu d'eux fait panache :
Son cheval a touché également des deux genoux, de telle sorte qu'il s'élève
326
LA PKOVIX'CE A niKVAI,.
pcrpcadiiiilairt'iiiciit au-dessus de Tubslaclf, tandis que le cavalier plane
coinnic un oiseau de proie eu Iraiu de choisir le ])oinl où il doit s'abattre.
T-^^^^iiiiip!
y position. — C'est un obstacle en hauteur, et qui demande au cheval un
effort sérieux : le saut eu hauteur étant toujours plus déj)laçant que le saut
en largeur, le cavalier a glissé sur la croupe et s'est accroché des deux mains
aux quartiers de la selle ou à la crinière.
Vous ne voyez guère que le dos du cavalier et les jambes de derrière du
cheval, de telle sorte que la queue de l'auimal parait plutôt appartenir au
cavalier.
LA PROVINCE A CHEVAF..
A' position. — La cluile est accomplie.
327
Votre ami, peut-être uu de vos plus chers amis, est tombé à plat au foud
d'un fossé pendant que sou cheval a contiuuc sa course.
w
Vous ne voyez que deux jambes qui s'agitent, ornées de leurs bottes et de
leurs éperons; l'effet est irrésistible, et vous riez aux. larmes.
Dans les pays de meulières, espèces de cliausse-trapes remplies de
boue recouverte d'herbe, la même chute produit un spectacle encore plus
réjouissant.
c.\l'
^,x\|^%l^__
Le cheval s'abat aussitôt que le sol manque sous ses pieds, et le cavalier,
projeté en avant, se trouve fiché en terre la tète la première.
328
LA PROVIMCF, A ('.IIKVAr,.
(^(iiiimc il esl jncnaci! d'aspliyxic, s(îs jambes s'agilenl froiiéliqucniPnt, et
ajoiileiil par leur lolé<]Ta|tliic désospéiTC à ranirnation de la scène.
Dans le Ucrry, où ces Irciiibles sont lrès-notiibreii\, on cite des cas de
dis|)arition définilive, et des sauvetages aussi émouvants que celui du puisa-
tier d'hleceiiilly.
Le marquis de M..., le vieux lonvelier bien connu, et qui mériierail, |)ar
sa passion pour la cliasse et par bien d'autres particularités, de trouver un
biograplie spécial, avait, à la nuit tombante, IVaiulii une baie qui coupait
par le milieu une assez vaste prairie.
A l'époque dont il s'agit, le marquis, dont les débuts avaient été des plus
brillants, et qui avait jadis atlacbé une grande importance à la tenue de ses
équipages, avait dès longtemps, et pour des causes multiples, renoncé à
toute ostentation. Sa mise était devenue plus que négligée, il n'avait plus
qu'un ebeval, excellent, mais d'un aspect qui ne permettait pas de préjuger
ses (pialités. Il fallait le voir à l'œuvre, sans quoi le plus grand connaisseur
l'eût à première vue imj)iloyablement classé dans la catégorie des coursiers
destinés à la remonte de AIM. les maraîcbers.
Après cette parentbèse nécessaire pour expliquer la tenue laiilaisiste,
quoique scrupuleusement exacte, reproduite dans le croquis ci-dessus, reve-
nons à nos moulons.
LA PROVINCE A CHEVAL.
329
Du côte où il avait pris son clan, le terrain élait solide; mais de l'aulre,
c'était le plus beau tremble qu'on put imaginer, et, du premier coup, le
cheval y enfonça à mi-corps, et le cavalier jusqu'aux genoux.
\x\r
'11' iv' 'H/Wj;!;.'-
A chaque effort de l'animal, le groupe s'enfonçait plus profondément, et
malgré les appels désespérés du marquis, aucun secours n'arrivait.
Les chasseurs étaient loin derrière, et pas un paysan à l'horizon.
■\
Sa situation était critique, et le vieux veneur, aussi peu patient que pro-
fondément religieux, alternait les jurons et les actes de contrition, puis réem-
bouchait sa trompe et sonnait à pleins poumons.
42
330 I,A l'ROVl.YCE A CHEVAL.
Cepoiidaiit il cnfonçail loiijoiirs.
Quand on arriva, le rlu'val avait coniplôloinciit disparu, cl le veneur
n'avail |)lus hors de houe (jue \c inas(|iie.
Avec des rênes et des cordes mises houtàboul, (|u'oii parvint non sans
peine à lui passer sous les aisselles, el auxquelles on dut atteler nn hœuf, on
finit par l'extirper de son hain de vase.
Il en sortit avec le hruil d'un bouchon violemment tiré de sa bouteille.
Quant au cheval, il y est encore.
CHAPITRE VI
FANFARES ILLUSTREES.
I. — Le point du jour.
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n]M iliJlJilJ;^
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LA PROVIX'CE A CHEVAL.
333
II. — La sortie du dienil.
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III. — Le départ.
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r • f pjL.
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LA PROVINCE A CHEVAL.
335
11^ — Le volcelest.
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V. — Le laisser-courre.
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LA PROVINCE A CHEVAL.
337
VI. — Le lancé.
%^rri^F^rn[j^rFfé^Fgi
vu. — La vue.
43
LA PROVINCE A CHEVAL.
339
VIII. — Le change.
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-^i... -^t.c.t^
IX. — Le débucher.
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LA PROVINCE A CHEVAL.
341
X. — La plaine.
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frn^rg^r'i-r-[^
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XI. — Le remhttclicr.
LA PROVIXCE A CHEVAL.
343
XII. — L'animal à l'eau.
iF'rn^r-rPiccf'^rFf%g#
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XIII. — L' hallali sur pied .
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S^\V(Vt '^■cAV
LA PROVINCE A CHEVAL.
345
XIV. — L'hallali imr terre.
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' 'P'él.
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XV. — La curée.
44
LA PROVINCE A CHEVAL
347
XVI. — Les honneurs du pied.
EiCrf[xri^r-B
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^m
XVII. — La retraite prise.
ppj.|^l>- rf y l^r g^
^^
LA PROVINCE A CHEVAL.
Xl/lII . — la retraite manquée.
349
~-^^^^^^(^^3s^
FIN DE LA TROISIÈME PARTIE
QLATRIKSIE PARTIE
C/\ l'T LA
4ô
.xvA^^
CHAPITRE PREMIER
Les courses de province. — Ces messieurs du comité. — Propriélaircs et cavaliers indigènes.
Acteurs et spectateurs.
Le principal attrait des courses de province est qu'elles ont généralement
lieu dans un joli endroit que, sans elles, on n'aurait vraisemblablement pas
l'occasion d'admirer.
Alalheureusement, l'obligation pour les organisateurs de ces fêtes de ne
pas fixer le moment des réunions à des dates réservées pour des champs
de courses plus renommés, les force, la plupart du temps, à choisir les jour-
nées les plus caniculaires de l'année.
356
LA l'ROVIXTE A CHKVAI,.
Los lii|)p()(lroiiics qui jouissent de la faveur j)ul)li(|ue ayant monopolisé
tous les jours disponibles de l'aiitonine et du ptinl('iii|is, les journées tro-
picales sont les seules qui restent disponibles; et, eoiiiine tous les fondateurs
de sociétés départementales nourrissent le secret espoir d'attirer dans leur
chef-lieu la foule des étrangers, ils préfèrent avoir un jour à eux, quelque
lorride qu'il soit, plutôt que d'avoir à lutter contre la concurrence de champs
de courses plus achalandés et plus accessibles.
Hippodromes de province. — L'n coin du lurf.
Il en résulte que l'étranger convoité, ayant à choisir entre l'abstenlion et
les chances les plus probables d'insolation, reste généralement chez lui, et
que les indigènes et les intéressés qui auraient assisté à la réunion locale,
alors même qu'il y aurait eu courses le mêmejourà Auteuil ou à Longchamps,
se trouvent condamnés à une station de plusieurs heures en plein soleil, par
une température d'un nombre déjà exagéré de degrés à l'ombre.
Ils souffrent, mais se résignent en pensant que leurs souffi ances sont suppor-
tées pour la plus grande gloire de la société des courses de la localité, et en
LA PROVINCE A CHEVAL.
357
se rappelant quelles (lifficiiltés il a fallu surmonter pour parvenir à constituer
ladite société.
Ce n'est pas en effet une petite affaire que la constitution d'un comité,
dont tous les membres voudraient être pour le moins présidents, — pour ce
posie aussi lionorifique que peu absorbant ]es candidats affluent, et l'on n'a
que l'embarras du clioix; — mais c'est autre chose quand il s'agit de trouver
le vice-président, qui, lui, doit mettre la main à la besogne; le secrétaire,
chargé de la correspondance, et le trésorier, qui doit sous sa responsabilité
personnelle effectuer la rentrée du montant des souscriptions.
Meinbi-es fondateurs. — Ont BOascrît dod pag commf sporlGOifp, maiB comme légitioiisle — bonaparlistr — orlraoïsle —
républicain, afin de ae pas laisser moDopoliscr p.ir an parti une JDSlilutiuD qui d'aillears ne les iuteiesae ea aucune façon.
Quand on a la chance d'avoir pour président un personnage d'une impor-
tance incontestable, grand seigneur puissamment riche ou notabilité mar-
quante dans le monde du sport, les difficultés que présente la formation du
comité chai-gé de le seconder se trouvent considérablement réduites : —
chacun s'empresse à sa suite, et brûle du désir de devenir le collaborateur
d'un homme aussi en vue.
Mais les champs de courses sont si nombreux et les illustrations si peu
fréquentes, que le cas est tout à fait exceptionnel.
358
LA l'IlOVINCK A CHKVAF,.
I,a plupart du Icnips, les iH)lal)ilil(''s sporlives dont dispose l'arrondisse-
ment sont aussi contestables que contestées, et les partisans de l'une ou
l'autre sont généralement en lutte ouverte, de telle sorte que le triomphe de
tel ou tel crée immédiatement tout un groupe de mécontents qui critiquent de
parti pris tout ce qui est fait, et, ce qui est plus grave, profitent du succès du
parti ennemi pour refuser énergiquement de souscrire.
On dit partout qu'il n'y a pas de petites économies, mais ce n'est qu'en
province qu'on le croit et qu'on agit selon ses croyances.
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«nt.Ç^nû^,.'^^"^^'?"
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11 ni • ■ Il
!\riint le dt'jKirt. — Dernièrpe recomniaDdalionB ao champion local.
3.
Les difficultés budgétaires viennent imniédialeinent aggraver la situation
déjtà tendue par les rivalités de personnes, et le malheureux comité se trouve
obligé de faire quelque chose avec rien, ce qui justifie l'emploi de l'expression
consacrée en pareille circonstance : la création d'un nouvel hippodrome.
Dès lors les démarches auxquelles doit se livrer tout membre du comité
deviennent incessantes; il doit solliciter partout et sans cesse :
A la Société d'encouragement,
Au ministère,
Au conseil général,
A la préfecture,
A l'administration du chemin de fer ;
La ti-ibune des jiigfs. — Tuul ce que rarrondisseinent piiBsède de |
— Da vrai marquis , ua baron juif, l'aDCieu Bous'prt'fet et uu quincail
Bomplif, — s'inlércEseiit pasaioDuénieat à réquilaliuii d'autrui, adorent,
lout ce qui leur fuuroîl l'occasion de aicger à une place réietvée, prési
ce qui a besoiu d'ùlre présidé , conronnent les roaièri^B, assisleol au
des écoles libres, Boireot les processions et (oastenl à loor de lole au
lous les banquets qui suiveol chacune de ces cérémonies
nV ,AV)~ nlll - Eh beo, v'Ià un chevau Uljl , .hi^ ^^Vv
VÎ^^?l, IV I qu'fll cràuement hab.llc ! f i lllluW'' "~i /;
v^^ 4]
— Pour sûr que j'aimerais
mleui êlre son tailleur que
son propriétaire.
p4Î^aM\
Jockeijs iniligéites. — Spécîdui pour
les épreuves au Irut monté.
lotesli par la coorianc
toyens de l'hooDear de d
oU'Crève, le crack du
religicoBemenl avant l'éprençe une non-
veWe édition des inslruclions sor le jeu
à faire. înBtroclioDS qoi résollent de la
délibéralioD prise eo léaDCe du comilé
à la dale da 3 juillet, et dont cumma-
iiicatiuL loi a été donnée audit jour.
Aj^^.
Doit û la tigocuF de ses biceps d'atoir
été désigné par no vote snaaime du
comilé , spécialement détégné par le
cercle pour nommerle gentleman cLarge
de tenir en laisse le cbampion local
'tmm
OdI fuit par tuuecrtplion lei frais du voyage d'une
lendreste parisieniic qu'île comblent de petite buÎde, au
plue grand scandale de leuis concitoyetin.
L émulalion sportive est souvent cause qu'un cLàttlaia
quelconque croit devoir faire ane tentative d'altelage à
quatre, dont la popolalioo IcrnSée raconte les dangers
plueieure acneee iiprés.
JÙ>
46
^^^.^w.^
Le bvenck dit régiment. — En train de donner un pea de vilesse aox
cbeiaui pour le reloor par l'intermédiaire des postillons. — Moitié
champague et biandy.
\ f nu de l'ariB a\et l'un des detji chevaui qu'il
«cciinimode Ioor les ans, dans le seul l'Bpoîr de recoller
(iuili)ue6 lauiicrg départemenliiuï.
l'dr un liasard cruel, toutes les fuis (|uil sa se metlre
en selle, son cheval se met a boiter, de telle sorte que,
depuis Onze ans qu'il doit courir, il n'a pas encore couru.
Généralement enlrainé dans la Bolitode, le champion local emballe son cavalier dès le
départ, et ee fait uo rigoureux devoir de lai arracher les hias.
LA l'ROVIX'Cl'; A CHEVAL.
;]«',)
Obtenir ini prix de celle-ci, une nulorisalion ailleurs, faire reconnailre lu
société par toutes les autorités constituées,
Réclamer l'organisation de trains spéciaux,
Solliciter l'envoi d'hommes de corvée pour l'aniénagement de l'iiippo-
dronie,
Assurer le service d'ordre,
Organiser le service médical,
Passer des traités pour l'installation des tribunes provisoires,
S'entendre avec les propriétaires fonciers sur les terres desquels doivent
avoir lieu les courses,
Conclure avec les limonadiers, installer le buffet, que sais-je encore?
Répondre aux demandes de renseignements sur les conditions d'engage-
ments, de poids, d'âge, de parcours, etc., etc.
Tribune ojficidle. — l'n loi d'anlorilot
C'est un affairement de tous les instants, qui conduit à bref délai le malheu-
reux qui y est soumis à un état d'ahurissement dont il est souvent plusieurs
années à se remettre.
47
;î70 i,,a ruovixcK a chlval.
Cependaul, lo yrand jour anive.
A forte d'allôes el d(; venues, de slalioiis dans loules les anliclianibres
officielles, de marches et de conlre-niarelies, d'audiences sollieilées, de
s()uscri])li()ns ouvertes après l'obtention de l'autorisation préalable, on est
parvenu à inscrire au programme un certain nombre de prix qui varient
entre huit cents et deux mille francs.
On a réuni, tant parmi les éleveurs indigènes que parmi les propriétaires
de chevaux |)arisiens, un nombre d'engagements honorable;
D'autre part, on sait de source certaine que toutes les notabilités de la
ville et des châteaux comptent assister aux courses; après tant d'efforts, on
est en droit décompter sur ime journée complètement réussie.
S'il n'est pas de plaisir sans peine, on est quelquefois récompensé de la
peine qu'on s'est donnée en vue du plaisir, et l'on peut sans outrecuidance
LA PROVINCE A CHEVAL.
371
espérer qu'on lieut le succès, et, par conséquent, une recello iructueuse
pour la sociélé à laquelle on s'est dévoué corps et âme.
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LK l'IflLlC HE Lft rlSTK.
■ — On ne peul pis nipr qu'ils
inarcIteDl, ces tiidels-là! Mois
ils ne feraient pas assez de
cli^min avec moi dessus ,
que je dis.
— R.n sûr que ces
rlicvain-là , (oui roidcs
qu'ils ooiil. ce feraieof
p<ifl Qii silloo aussi dret
que mes bœufs !
— Si j' couduisaie un
de Ces cbevaui-Ià , je
reconnaîtrais sûrement
pas mon vopgeor à Id
(in de la route.
— Quand j'elions pelil,
j'en ai vu un qu'on appelait
Alacbiiiskigrive qui montait
mieux que ces rj.is-U!
Hélas ! dès le matin le ciel s'est chargé de nuages qu'un vent furieux amène
de l'ouest.
Lt FL'BLlC DE LA l'ISTE.
• — Moi, rien que de
mener mon cbeval a la
forge, il 5 a des jours où
je ni'écorche, ainsi '
— S'amuser à sauter
une rivière aussi pois-
EonnptiEC ! Drôle d'idée ï
— Des gens qni ont
de quoi, faire des métiers
aussi fatigantâ.'l!
— X'atail core paa \a
à' courBf'S, — monterait
bien tout d' mi'me, si on
deiait le soigner au cas
qu'il se blesserait.
Vers deux heures, juste le moment fixé pour la première course, l'horizon
est si noir et si menaçant que personne n'a osé meltre le pied dehors; —
à deux heures et quart, les premières gouttes se décident à tomher, et a trois
heures il tombe des cataractes.
Les courses ont lieu, mais devant des banquettes vides.
n72
LA IMIOVI.VC.K A CIIKVAI,.
,\ii (Icniicr uiomcnl, les clicvaux eiix-iiu>iiies ont l'ail ddaul, cl, sur cinq
courses, il y a eu (rois walk-ovor.
I,c comilé est dans le marasme le plus complet, et le |)arli adverse
triomphe : dès le lendemain, diacun de ses membres s'informe avec intérêt
auprès de toute personne qu'il rencontre si elle a assisté aux «charmantes
rc,'];ales organisées par le comilé » .
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CHAPITRE II
E\ TEMPS DE GUAXDES M AXOEU V RE S.
Par le temps de service obligatoire qui court, chaque Français est, a été
ou sera soldat.
Il en résulte que rien de ce qui touche à l'armée n'est indifférent à per-
sonne, — on le voit du reste, quand, les moissons terminées, le moment
arrive où, sur l'ordre du général en résidence momentanée au ministère
de la guerre, les troupes se mettent en devoir de simuler les opérations mili-
taires les plus compliquées.
;i7i
LA rHOVI.VCK A CHKVAL.
Dans les régions désignées comme devant servir de Ihéàlre aux manœuvres
projetées, il n'est pas question d'autre chose un mois à l'avance, et l'ouver-
ture de la chasse, qui coïncide généralement avec ces graves événements, s'en
trouve tout naturellement reléguée au second plan.
11 ne s'agit plus de savoir si l'on sera invité chez tel ou tel propriétaire,
mais bien de savoir dans le voisinage de quel châtelain aura lieu la prin-
cipale bataille, et auquel des geuticmea du voisinage reviendra l'honneur
d'hosj)ilaliser l'état- major.
---£^-^-:--^t =
Comme en province les amours-propres sont toujours en quête d'occasions
de se montrer au grand jour, il s'agit d'arriver à se procurer au moins un gé-
néral à héberger, et chacun se met à étudier l'annuaire avec frénésie pour y
chercher si l'on ne connaît pas dans l'effectif mis en mouvement dans l'arron-
dissement quelqu'un de ces personnages que Boquillon appelle, avec son
irrévérence habituelle, « une grosse légume « , par allusion à la graine
d'épinards.
LA l'ROVIMCE A CHEVAL. 3:5
Si on le découvre, il n'est pas de bassesse à laquelle on ne se livre sans
vergogne pour obtenir qu'il honore votre domaine de sa présence ; tout pro-
priétaire tient à ce qu'on dise en montrant son château : C'est là qu'a demeuré
le général X..., Z... on *** pendant les grandes manœuvres de cette année,
avec tout son état-major.
Il y avait tant d'hommes au château et tant de chevaux aux écuries. Plus
il y en a, plus le châtelain est satisfait.
Gomme disait Lhéritier dans je ne sais plus quel chef-d'œuvre de l'im-
mortel Lfibiche, en montrant sur sa tabatière le portrait d'une belle inconnue
qu'il faisait passer pour son épouse défunte, « cela llatte un veuf». De
même, cela flatte un propriétaire d'avoir hébergé une iuq)ortante fraction de
l'armée nationale.
Dès que les premiers éclaireurs ont fait leur apparition, tous les habitants
ne quittent plus le pas de leur porte; chacun est aux aguets et veut être le
premier à signaler l'arrivée des nouvelles troupes.
:57 ;
I,A IMIOVIMCK A r.HEVAr,.
An iiioiiulro bruil, rliacuii accoml, cl si l'on niloiul imc soiiiiorie (|ni'I-
con(|iic à un kiloiiièlic, l(uit le iiiiiikIo se ])rcci|)itc' iliiiis la tlir('(,'li()i) oli elle
a éclalé.
C'est un émoi général ; les paysans quillcnt leur cliarnie, les ménagères
leurs inarniiles, et au moindre mouvement des corps en présence, les
villages se vident pour se porter à leui- rencontre.
Rien de ce qui constituait la vie au cliàteau n'existe plus; le laun-tennis
est désert, le crocket sommeille, et si l'on monte à cheval, c'est que c'est
encore le moyen le plus pratique de suivre les évolutions devenues la préoc-
cupation générale.
^^v^> -V
La plus vulgaire sagesse exige toutefois que les curieux qui choisissent
ce moyen de transport, s'assurent au préalable que leurs montures sont
insensibles à la mousqueterie et à la canonnade.
4?
LA PROVINCE A CHEVAL.
379
S'ils négligent celte précaution, ils ont tout à craindre de l'ouverture des
hostilités, et ils courent le risque, à la première explosion, de se trouver com-
plètement emballés ou prestement déposés sur le sol.
C'est surtout aux amazones qu'il faut éviter de donner dans ces occasions
des animaux trop allants, qui pourraient les entraîner plus loin qu'il ne con-
vient à la suite de MAI. les militaires.
On cite de fâcheux exemples, et j'ai entendu parler d'une très-aimab!e
femme qui, emballée de la sorte, n'a pas encore réintégré le domicile con-
jugal depuis cet accident, qui s'est produit lors des manœuvres de 1877.
^^ricv'
..i^
En dehors des sentiments chauvins dont est animé à l'égard de l'armée
tout véritable Français, le côté pittoresque du spectacle suffirait d'ailleurs à
expliquer très-suflisamment l'empressement des populations.
Si la vue d'un bataillon en marche suffit à attirer sur son passage tout ce
que Paris possède de badauds toujours empressés à admirer un tableau qu'ils
380
I.A PUOVl.VCK A CHEVAL.
ont vu cent l'ois, el que la corrcclioii de la leime des (roupos rend forcément
idenli(|ue avec celui qu'ils ont déjà maintes fois contemplé, n'est-il pas tout
naturel (]uc les populations canqjajjnaides fassent preuve d'une curiosité é;j;alc
quand il s'a;;il pour elles d'une occasion jieul-èli-e unicpie de voir réunis une
fjrande (piaulilé de militaires, elles qui ne connaissent la force armée de leur
pays que par les rares échantillons contenus dans la bnjjade la ])]us proche
di> gendaimcrie départementale?
La plupart des paysans accourus au-devant des détachements en marche
apprennent non-seulement à connaître l'uniforme, l\ distinguer un cavalier
d'un ianlassin, à laire la différence entre un sergent et un général, mais
ils ont encore l'avantage de les voir en pleine action, manœuvrant et coui-
batlanl.
C'est donc plus qu'un spectacle allrayant.
C'est pour ceux qui n'ont pas encore été appelés au régiment un ensei-
gnement préparatoire qui kur permit d'avoir une idée de ce que l'on attend
LA l'ROVIXCE A CHEVAL.
:581
d'eux, et de ce qu'ils auront à faire quand de sppclalcurs ils seront appelés
à devenir acteurs.
Comme spectacle pur, c'est encore bien supérieur à la revue la plus impo-
sante.
S'il est vrai que la variété soit une condition essentielle pour soutenir
Tintérêt, il est constamment tenu en éveil par la multiplicité des tableaux
qu'offre une armée en marelie, et le déiilé successif de l'inlanferie, de la
Demande de reoselgnements.
cavalerie et de l'artillerie, sans compter les véhicules de toutes sortes enq)loyés
pour le transport des mille objets nécessaires à l'approvisionnement des can-
tines, le matériel des ambulances, les forges ambulantes et autres appareils
télégraphiques, électriques, voire même aérostatiques.
382
I.A l'iîOVIMCE A CIIEVAF,.
La vue (lu bal de l'Opéra arracliail aux doininos de Gavanii ce cri du cœur :
« Quand on pense que lotit e.i uiaiiyc lous les jours, c'est ça qui donne une
( ràue idée de riioiniue! 'i
En voyant les files interMiinal)les des colonnes en niarclie, il n'est pas
besoin d'être un observateur aussi pers|)icace et aussi attentif que le uiaîtr(!
regretté pour s'écrier : « C'est ça qui donne une crâne idée du budget! »
li£:^mi
Wm
'^^^^^^'W,
rV^.I
CHAPITRE III
ELEVAGE D AJIATEUK.
Je ne voudrais pas qu'on pût croire, après avoir lu ce qui va suivre, que
je ne professe pas à l'égard des éleveurs français tout le respect qui leur
est dû.
Autant que personne, je reconnais les difficultés qu'ils rencontrent dans
l'accomplissement de la tâche mcriloirc à laquelle ils se sont consacrés, et
;!8i
I,A PROVIXCE A r,IIi:VAF,.
|)fr.s()iiii(' lu' l'ail (le ifpux plus siiifrrcs [xiiii- la réussite (le leurs cllurls; mais
c'est j)rétiséinent parce que je me reuds compte des conditions délavorables
dans lesquelles la valeur excessive des |)n)])riétés foncières, la cherté chaque
jour plus onéreuse de la main-d'œuvre et mille autres causes placent les
hommes sérieux qui luttent énergiqiiemenl pour maintenir la production
indigène, que je suis horripile par la prcleuliou qu'ont de se dire éleveurs
tous les désœuvrés qui lâchent dans un paddock de leur parc une vieille
jumeni dont ils attendent un produit quelconque.
;À-;Tn. ,
frira..
ÎV§^* ^•>^'>^ ni s,
A^.
^■■\ri
f'-VC^K.
-• ^< K
Mh^^^'"
;i^\'^ V^v^^
.-.-. J^\î\V<l{K,
Il faut distinguer entre l'homme utile, qui, pour créer un haras, et dans
l'espoir de constituer une race, donne son temps, ses peines, l'argent qu'il
possède, et celui qui laisse une ou deux juments hors d'usage pouliner dans
l'un des coins de sou parc;
Et je ne voudrais pas qu'on abusât du nom qui appartient au premier
pour désigner abusivement le second.
Celui-ci n'est pas plus un éleveur qu'une demoiselle qui étend sur du
bristol des couleurs moites de Rowney and C° n'est une aquarelliste.
LA PROVINCE A CHEVAL.
385
L'un exerce une profession honorable, ulilej l'aulre cullive simplement
une manie, qui n'a pas même le mérite d'élre inoffeusive.
En effet, si ses tentatives d'élevage aboutissent à la fabrication d'animaux
mal venus, c'est à sa bourse qu'il en cuit;
Et si, par impossible, il obtient un produit remarquable, il se peut qu'il
reçoive pour une tentative isolée, et par conséquent sans portée, des récom-
penses qui auraient dû servir à encourager des efforts plus sérieux et plus
utiles.
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=sr^=!r,3^^'^
i=t;±L>'\'*;.
//;*'.
La manie de l'élevage se contracte de façons différentes; mais la plupart
du temps c'est au moment où les premiers signes de décrépitude se font
remarquer chez une jument exceptionnelle , propriété de la victime, que la
maladie se déclare :
Le plus souvent sans qu'aucun symptôme précurseur ait pu faire prévoir
ce regrettable accident.
49
386
LA l'KOVIX'CE A CHEVAL.
La juineiit vieillie, et appelée de j)ar la faiilaisie du malade à fonder une
famille, a élc réellement une hèle remarquable ;
Malheureusenieut son propriétaire, qui l'a achetée chez Bartlett, Tom ou
Maurice, ne sait quoi que ce soit sur son origine.
Elle est de demi-sang, ce n'est pas douteux, mais de quelle combinai-
son est-elle le résultat?
Est-ce son père, sa mère ou seulement son arrière-grand-père qui figu-
rait au Stud-book ?
Il l'ignore absolument, ce qui ne l'empêche pas de choisir hardiment l'éta-
lon chargé de l'aider dans la tâche qu'il attend d'elle.
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AIUdI porter l'avoine aai poulains
C'est une question posée au hasard , qui ne donnera sa réponse que cinq
ans plus tard, lorsque le poulain aura atteint sa taille et pris son modèle
définitif.
TADLEAU COMPARATIF DES ESPÉRAXCES MOVEN.VES ET DES DÉSILLUSIONS NORMALES d'u.V ÉLEUEtR AMATEUR.
F,A PROVIMCK A CHEVAI,.
389
Jusqu'à celle époque de formation complète, l'cdileur responsable de cet
accouplement fait à l'aventure devra passer par toutes les alterualives d'espé-
rance et de désespoir que les transformations successives de son élève ne
manqueront pas de motiver.
A sa naissance, le poulain semble devoir réaliser toutes les espérances que
son inventeur a rêvées.
C'est un animal grand, bien constitué, d'apparence robuste; il aura toutes
les qualités de la mère, même inclinaison de l'épaule, même puissance de
l'arrière-main ; seule la longueur de l'encolure ne se dessine pas encore,
mais cela viendra certainement.
Le père est de pur sang, et son influence ne peut qu'ajouter à l'élégance
de son fils.
A six mois, le train de derrière grandit subitement, pendant que l'avant-
main demeure stationnaire; le poulain prend une certaine ressemblance avec
un kanguroo de grande taille.
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C'est un moment critique, et les inquiétudes du propriétaire qui compte
monter son élève se font chaque jour plus vives.
300 I-A PROVIMCE A CHEVAL.
Un cheval bas du devant se selle difficilement, et c'est un travail malaisé
que d'arriver à s'asseoir sur ses hanches.
De un an à dix-huit mois l'équilibre se rétablit peu à peu, et vers l'âge de
deu.\ ans l'animal est arrivé à un aspect à peu près normal.
Mais c'est alors une autre affaire, l'avant-main se met à pousser avec une
vitesse imprévue.
Le garrot monte à vue d'œil, pendant que le rein s'abaisse.
Et bientôt on est en présence d'une manière de girafe dont les jambes de
derrière se courbent au coude, et où commence à apparaître le fatal jardon.
Celte période, pendant laquelle le producteur éprouve les émotions les plus
douloureuses, est heureusement relativement courte.
La ligne du dos reprend bientôt une direction à peu près horizontale, et
les craintes que le futur cavalier avait de glisser dans l'avenir derrière la
queue de sa monture se dissipent déflnitivement.
L'animal se trouve encore une fois à peu près d'aplomb, mais il reste
LA PROVINCK A CHEVAL.
391
lourd, rond — disons le mot, il est boudiné comme un cochon ; — l'encolure
reste courte et chargée, la croupe est molle et ronde, la queue mal attachée,
les tendons sont serrés aux canons, et la tête, commune, est d'une grandeur
démesurée : — bref, il n'a rien du père, et les qualités de la mère ont complè-
tement disparu.
Triste, mais c'est ainsi.
Question d'atavisme, et le stupide animal, au lieu de ressembler tout bête-
ment à l'un de ses parents, s'est avisé d'aller ressembler à quelque grand-
oncle inconnu.
iiliA--v
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11 n'y a plus d'illusion à se faire, c'est un simple rossard dont on aura de
la peine à trouver huit cents francs, et encore faudra-t-il qu'il soit d'un
caractère exceptionnel qui permette à son acquéreur de s'en servir à
toutes fins.
D'ordinaire, c'est précisément lorsqu'il vient de faire cette déplorable
découverte que l'éleveur amateur a l'idée de rechercher dans ses livres le
montant des dépenses qu'il a faites.
En additionnant le prix de la saillie, l'avoine donnée, l'herbe inangée, la
part des gages de l'homme chargé de le soigner, les visites du vétérinaire,
392
l,A PKOVINCr. A r.lIKVAF,.
les Irais de dressage, de i'crrurc, il coiislale avec iiii effroi mêlé d'étonne-
ment que ses déboursés inonleul à un lolal l'antaslique, el qu'il a gaspillé
une somme qui lui aurait permis de ehoisir daus l'écurie du marchand le plus
cher un ciieval réunissant toutes les qualités désirées.
11 est trop tard pour réparer l'erreur commise, et, disons-le, c'est pain
bénit, car ce serait d'un exemple déplorable, si des tentatives aussi saugre-
nues venaient à donner de bons résultats.
On ne s'improvise pas éleveur, et il est moral que les gens qui ont l'oulre-
cuidance de se croire capables de tout l'aire sans avoir rien étudié, apprennent
à leurs dépens que tout apprentissage se paye.
CHAPITRE IV
EN TOURNEES ELECTORALES. VEHICULES ET CANDIDATS.
Le duc de Lépalamalec, trenle ans; fait ses tournées en mail-coach, ac-
compagné de sa femme, dont la langue est inCniment mieux pendue que la
sienne.
Opère en pays normand, où son attelage a le plus grand succès.
A le tort d'avoir été décoré comme zouave pontifical.
Ses adversaires prétendent qu'il voudrait de chevalier passer officier, et
pour ce, faire le nécessaire.
53
394
LA PROVIMCE A CHEVAL.
Dans rinlérieur (lu mail, riiilondaiil, entouré de professions de foi apos-
tillées par Monseiyneur el de diverses victuailles expédiées de la rue de
l'Échelle.
Coût : 34,821 fr. 75.
Voix obtenues : 732, sur 18,000 votants.
M. de Saint-Déodat.
Eli<{ible depuis l'Avent.
Pose sa candidature comme premier jalon.
Circule sous la surveillance de son précepteur dans la calèche de la
douairière, et lit sa profession de foi, qui n'a j)as été imprimée par raison
d'économie.
C'est la soixante-quinzième fois que le cocher et le valet Je pied l'en-
tendent.
LA PROVINCE A CHEVAL.
395
Le premier ne peut s'empêcher de rire, c'est plus fort que lui; quant au
second, ses bâillements sont invincibles.
Coût : 76 francs.
Résultats : 11 voix comptées comme bulletins nuls par le comité de
recensement.
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il 11 ''i,/" '•v,(i.':;,-('"
Le baron Durand, baron depuis 1843.
Vendait, avant cette date, du mérinos extrait du dos des moutons lan-
dais.
i\ eu l'honneur d'être présenté au Roi en qualité de lieutenant de la
sixième légion de la brave garde nationale.
Déplore l'existence du suffrage universel, mais est resté libéral malgré
tout.
Trouve que les leçons données au pouvoir par ledit suffrage sont souvent
un peu fortes, mais ne comprend pas un pouvoir qui ne recevrait pas de
leçons.
Appelle Cicéron : « le grand citoyen « , et M. Thiers : « ce grand ora-
teur » .
396
F,A PROVINCE A CHEVAL
A servi en 1870 dans l'clat-inajor de la sédeutaiie, ce qui lui a permis de
faire traverser impunément le siège aux deux anglo-arabes, derniers produits
du haras de Saint-Cloud, qui traînent sou américaine.
S'apprend en toute occasion à saluer d'un air digne.
L'action de mettre à nu sa coiffure conslituc d'ailleurs pour lui une occa-
sion d'afiinner ses sympathies pour le monarque honnête homme dont il a
adopté la coupe de cheveux.
Coût de l'élection : G, 022 francs.
Voix obtenues : 1,737.
Le docteur en sou cabriolet.
Connaît toutes les maisons de l'arrondissement.
A achevé le grand-père et mis au monde le gas de tous les électeurs du
canton et pas mal de ceux-là.
Circule avec une pharmacie sous sa banquette et laisse les remèdes qu'il
LA PROVIMCE A CHEVAL.
397
ordonne à ceux de ses clients qui sout mal notes auprès de M. l'apothi-
caire.
A été élu en 48.
Mais on a remarqué dans les environs que la mortalité avait été beaucoup
plus grande pendant la durée de la Constiluante, et les paysans ne veulent
plus qu'il s'éloigne.
Coût : cent quinze mille visites impayées.
Voix obtenues : 1 ,000.
M. Chuigmann, ancien député, ancien conseiller général, ancien manu-
facturier, dont le préfet, au temps de l'Empire, constatait que la situation
était « inexpugnable » .
A échoué en 1871, 187G, 1877.
N'a pas été réélu au conseil général.
Attribue ces échecs multipliés à mille raisons différentes, et consacre
inutilement ses veilles et ses inductions les plus profondes à en rechercher la
véritable cause, à savoir que son intendant est depuis sept ans l'agent élec-
toral de son concurrent.
398
I,A PP.OVINCE A CHEVAL.
Coiil : (les sommes consiclorablcs.
Ilcsullat : une imposante minorilc, si imposante que M. Chuljjniann
devient violet quand un billet d'un ami compatissant contient ce membre de
plirase : « Une pareille défaite est un triomphe aux yeux des gens qui savent
apprécier la valeur de certains suffrages. »
l'oyage en phacton, sans la surveillance de son fallacieux intendant.
•-^.
Celui-ci a acheté à la vente des écuries du château le coupé huit-ressorts
et les deux postières qui le traînent.
Le général T... les lui avait recommandées comme exceptionnellement
vites.
Il a remplacé par des boutons à l'aigle la garniture de la veste du pos-
tillon, et inondé de violettes la boutonnière du valet de pied.
LA PROVINCE A CHEVAL.
399
Va en Angleterre deux fois par mois, et en rapporte toutes les photogra-
phies dynastiques qu'il y trouve.
A fondé un journal qu'il a intitulé le Plébiscite, et lui a donné pour gérant
l'ancien prévôt de son cercle.
A déjà été invalidé deux fois.
''1^. ^ A
Candidat par amour.
Vingt-neuf ans.
On lui a promis Yveline le jour où il aura une position.
Lui avait toujours cru qu'une quarantaine de mille livres résultant de
biens-fonds constituaient une position.
Mais son futur beau-père lui a affirmé que non.
Il s'est soumis et s'est résigné à chercher une occupation sérieuse.
400
LA PROVLVCK A CHEVAI,.
plus scduisanls sourires. ' ''™'^^""'" ■'^"-^ '''^'■'^«'«^ «-
lîésullal : J),illottage.
l'I.V DK LA PROVIXCE A CHEVAL.
51
TABLE DES MATIERES
AU LECTEUR.
PREMIERE PARTIE
SUR LES ROUTES
CHAPITRE PREAllEIl. — E\' uoltk pour i.a camp.icvk. — De la mauvaise liahilude qu'on
a de (iiiiller Paris précisément au moment où il devient agréable pour les amateurs
d'équitalion. — Faut-il expédier sa cavalerie par voie ferrée ou lui faire suivre les
routes nationales? — Réflexions judicieuses à ce sujet. — Conseils y relatifs I
CHAPITRE II. — Environs de Paris. — Excursions et pique-nique. — Robiiison, Ville-
d'Avray, Saint-Germain, aller et retour 17
CH.APITRE m. — A la gare. — Cavalerie locale. — Contingent parisien. — Effectif
indigène. — Voitures publiques et équipages privés 3'î
CH.iPITRE IV. — Le recensement des chevaux 49
CH.APITRE V. — Sur les routes. — Des relations des promeneurs avec les agricoles. —
Conducteurs de cliariots, pasteurs, porchers et autres gardiens de bestiaux. — Bohémiens
et montreurs d'ours. — Batteuses mécaniques et locomotives routières. — Facéties de
rouliers. — .anecdotes et souvenirs 55
CHAPITRE VI. — Monographie du loueur de province 89
DEUXIEME PARTIE
AU CHATEAU
CHAPITRE PREMIER. — L.i cavalerie du château. — Le strict nécessaire. — Les chevaux
de Madame; ceux de Monsieur; ceux des enfants. — Chevaux d'invités. — Grosse cavalerie
el cavalerie légère. — Carrosserie spéciale. — Apologie du poney en général. — Des
qualités d'un poney de lir 119
CH.IPITRE II. — L'art de se procurer des invités. — Pièges spéciaux 161
CHAPITRE III. — Une crémaillère au château 173
AOi TAItr.K DES MATIKRKS.
(ilIAPITRE IV. — Du mall-coacli cl <le la manirre de s'en servir 1S5
ClIAPITRI'; V. — lue course d'amalpiirs 2i:î
CHAPITRE VI. — In rallje-pa|)cr: 227
CHAPITRE VU. — Un cross-counlry 2V3
CHAPITRE VIII. — Derniers beaux jours 2G:5
TROISIEAIE PARTIE
EN FORÊT
CHAPITRE PREMIER. — Considcralions ^én(;rales sur la rhasse à courre. — Ses oriyincs.
Ce qu'elle est aujourd'hui. — Du choix d'un cheval de dusse 273
CHAPITRE II. — Du maître d'équipage. — Ses joies et ses peines. — Du louvetier. — Ses
désagremeuts. — Conseils pour les atténuer 2<S!)
CHAPITRE III. — Une visite au chenil 299
CHAPITRE IV. — En chasse :i07
CHAPITRE V. ■ — Exclusivement consacré aux accidents les phn usités 321
CHAPITRE VI. — Eanfares illuslrécs 331
QUATRIEME PARTIE
C,\ ET LA
CHAPITRE PREMIER. — Les courses de province. — Ces messieurs du Comité. —
Propriétaires et cavaliers indigènes. — Acteurs et spectateurs 3.55
CH.APITRE II. — En temps de grandes manœuvres 373
CHAPITRE III. — Élevage d'amateurs 383
CHAPITRE IV. — En tournée électorale Véhicules et candidats 393
<;K>.f 1 j
PAniS. — TïPOGRAl'HIK E rLO.\, NOURRIT ET C", RUE GARA.VCIÈRE, 8.
V M !
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