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Full text of "La puissance militaire des Anglais dans l'Inde et l'insurrection des Cipayes : résumé historique et critique des campagnes de l'armée anglaise das l'Inde en 1857 et 1858"

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X 

V 


LA 


PUISSANCE  MILITAIRE 

DES  ANGLAIS  DANS  L'INDE. 


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Paris.  — ^  Imprimerie  de  L.  Marthiet,  nie  lUfOon,  2. 


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•  •••     •      --• 

PUISSANCE   MILITAIRE 

DES  AN6LAIS  DANS  L'INDE 

ET 

L'INSURRECTION  DES  CIPAYES 

RÉSUMÉ  HISTORIQUE  ET  CRITIQUE 
DES  CAMPAGNES  DE  L'ARMÉE  ANGLAISE  DANS  L'INDE 

£N  1857  ET  1858, 

AVEC 

UFE  CARTE  GÉNÉRALE  DE  L'iNDE,  UN  TABLEAU  DU  THÉATRETDE  LA  G1T£RRE, 

LE»  ITniÉRAIRSS  DES  GÉNÉRAUX  SIR  COLIN   CAMPBELL  ET  SlR  HENRY  HAVELOCK, 

LES   PLANS  DES  SIÈGES  DE  DELHI  ET  LUCKNOW,   ETC., 

PAR 

I^e   Commaiidaiit    €H.    MARTIN, 

Chef  U'escadrons  aux  dragoris  de  S.  M.  rimpératrica, 

ancien  capitaine  d'Élal-migor , 

Officier   de    l'ordre  impérial    de    la   Légion   d'honneur, 

et  des  ordres  royaux  de  Ldopold ,  des  SS.  Maurice  et  Lazare  et  du  Sauveur, 

Chevalier  de  Tordre  d'Isabelle. 


■«>0«w 


PARIS, 


L.  HACHETTE  ct  &, 

UBRAIRES-éDITEURS , 

BUE  PIERRE-SARRA23N,  i4. 


CH.  TANERA, 

LIBRAIKE-ÉDITBUR  POUR  L'ART  MIUTAIRB  , 

QUAI  DES  AUGUSTLNS,  27. 


JSÔ9. 

Droits  de  traduction  et  de  reproduction  réserrés. 


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V 


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MeHRYN-ofoet-F-"'^-» 


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PRÉFACE. 


Les  études  contenues  dans  ce  livre  sont  le  fruit  d'une  col- 
laboration trop  constante  et  trop  précieuse  pour  nous  au 
Spectateur  militaire j  pour  que  nous  ne  soyons  pas  heureux 
de  transporter  ici  le  témoignage  de  leur  origine,  comme  on 
aime  è  dire  la  maison  d'où  Ton  sort  et  d'où  l'on  est.  A  ce 
préambule,  nous  devons  ajouter  une  explication  d'autant  plus 
nécessaire,  que  le  titre  sous  lequel  se  produit  notre  livre  se- 
rait insuffisant  pour  faire  pressentir  au  lecteur  la  pensée  qui 
Ta  dicté. 

En  offrant  au  monde  militaire  le  tableau  succinct  de  la 
conquête  anglaise  en  Asie,  et  le  résumé  plus  succinct  encore 
des  événements  contemporains  par  lesquels  cette  conquéle  a 
paru,  pendant  un  moment,  devoir  être  remise  en  question, 


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VI  PRÉFACE. 

nous  n'avons  eu  en  aucune  façon  la  prétention  de  donner  k 
nos  lecteurs  une  histoire  complète  de  l'empire  anglo-indien. 

Notre  but  était  tout  autre. 

Depuis  longtemps,  malheureusement,  à  l'exemple»  il  faut 
le  dire ,  de  ce  qui  se  pratique  dans  certaines  régions  de  la 
presse  anglaise,  nous  voyons  en  France  quelques  journaux  se 
donner  pour  mission  spéciale  de  saper,  par  tous  les  moyens, 
la  bonne  entente  qui  existe  entre  ifi  France  et  l'Angleterre. 
Cette  alliance,  que  tout  homme  de  sens,  dans  les  deux  pays, 
est  désireux  de  voir  maintenue  intacte,  non-seulement  dans 
leur  intérêt  réciproque,  mais  encore  dans  celui  du  monde 
civilisé  ;  cette  heureuse  entente,  à  l'occasion  de  la  révolte  des 
Indes ,  est  devenue ,  de  la  part  de  quelques  représentants 
d'une  cause  à  jamais  perdue  en  France,  l'objet  des  manœu- 
vres et  des  diatribes  les  plus  regrettables. 

Grâces  à  Dieu ,  depuis  trente  ans  on  est  bien  revenu  dans 
les  deux  pays  de  ces  préventions,  de  ces  sentiments  haineux, 
de  cet  esprit  d'animosité  et  de  rivalité  misérable  qui,  à  d'au- 
tres époques,  et  au  grand  préjudice  du  progrès  et  de  la  civi- 
lisation, ont  divisé  !a  France  et  l'Angleterre.  Les  écrivains 
qui  ont  cherché  à  réveiller  ces  passions  et  ces  rancunes  d'un 
autre  âge  devaient  échouer,  d'un  côté  comme  de  l'autre  du 
détroit,  devant  le  bon  sens  public.  Toutefois,  au  milieu  des 
étonnements  sans  nombre  du  temps  où  nous  vivons,  ce  n'a 
eertes  pas  été  un  spectacle  peu  curieux  que  de  voir  préci- 
sément attelés  à  cette  œuvre  misérable  les  derniers  partisans 
du  seul  régime  qui  ait  fait  appel  aux  baïonnettes  étrangères 
pour  s'imposer  à  la  France;  et,  en  ce  qui  touche  plus  parti- 
eulièrement  à  la  question  indienne,  on  ne  pourra  jamais 
s'émerveiller  assez  de  la  singulière  attitude  adoptée  par  les 
organes  de  la  branche  atnée.  N'est-ce  donc  pas,  en  effet,  à 
l'incapacité,  à  l'ineptie  du  triste  régime  que  ces  mêmes  écri- 


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PRÉFACB.  Vil 

vains  voudraient  ressusciter  en  France,  n*est-ce  pa9  aux  hon- 
ieuses  concessions  faites  ^  rAngleterre  pendant  la  dernière 
moitié  du  xyiii*  siècle  par  la  dynastie  décrépite  dont  ils  ap- 
pellent le  retour,  qu'il  faut  attribuer  la  ruine  et  la  perte  des 
splendides  possessions  dont  les  LabourdounaiS|  les  Duplçix, 
les  de  Bussy,  avaient  doté  la  France  en  Asie. 

La  faiblQ  portion  delà  presse  dont  nous  parlons,  il  est 
presque  oiseux  d'insister  sur  ce  point ,  est  loin  de  repré-i 
senter  l'opinion  publique  eq  France.  Esclave  d*un  esprit  de 
parti  qu'elle  subit' et  courtise  tour  à  tour,  dominée  par  l'ex- 
clusivisme des  intérêts  de  l'Ë^flise  et  des  questions  religieuses 
dont  elle  se  préoccupe  avant  tout,  elle  n'a  jamais  montré  ni 
lumières  ni  élévation.  Dans  les  questions  politiques,  elle  q'« 
jamais  été^  elle  ne  sera  jamais  loyale  ni  (généreuse.  Exagé- 
rant jusqu'au]^  théories  les  plus  discutables  dQ  i^n  ultra- 
montaine  patronne,  elle  traite  sans  merci  quiconque  ne  marche 
pas  sous  sa  bannière,  et,  qu'ils  soient  Russç^  ou  Anglais^ 
Juifs  ou  Chinois,  les  hérétiques,  les  3chismatiques,  les  ido- 
lâtres, sont  des  ennemis  pareils,  qui  ne  doivent  a(tendre  ni 
justice  ni  bienveillance,  pas  même  la  reconnaissance  pour  les 
services  rendus. 

C'est  au  moment  où  la  révolte  des  Indes  fournissais  à  ce? 
sentiments  Toecasion  de  se  déch^tner  avec  plus  de  violencOi 
que  ridée  nous  est  venue  de  faire  entendre  une  parole  im- 
partiale, et  pourquoi  ne  le  dirions-qous  pas,  une  parole 
bienveillante  en  même  temps  quç  juste,  sur  cette  graode 
épreuve  subie  par  nos  alliés. 

Cette  pensée  résume  l'esprit  de  notre  livre. 

On  l*a  déjà  dit,  et  l'on  nç  saurait  trop  le  répéter,  dans  les 
conditions  où  se  trouvent  aujourd'hui  les  nations  modernes, 
a  Vaccard  de  la  France  et  de  l'Angleterre  est  indispen" 
>  sable  à  l'avenir  du  monde  cimlUé*  Cette  alliance  éloignef 


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Vm  PRIÎPAGB. 

»  en  effet,  le$  idées  de  conquête;  elle  garantit  la  sécu» 

>  rite  et  la  liberté  de  l'Europe^  les  intérêts  des  puis^ 

>  sances    occidentales    étant    identiques    sur  tous    les 

>  points  du  globe  lorsqu'il  s'agit  d* humanité  et  de  civi- 
»  lisation  (1).  > 

Ceux  qui,  dans  le  but  d'affaiblir  cette  alliance,  ont  spéculé 
dans  ces  derniers  temps  mr  l'esprit  guerrier  qui  caractérise 
la  nation  française;  ceux  qui  ont  fait  appel  aux  idées  belli- 
queuses de  tout  temps  caressées  chez  nous,  ont  commis  un 
véritable  anachronisme  :  il  faut  bien  s'y  résigner,  la  guerre 
pourra  toujours  conserver  son  charme,  mais  elle  a  perdu  son 
utilité  pour  notre  pays.  Les  conquêtes  ont  fait  leur  temps  et 
accompli  leur  mission  ;  elles  ne  sont  plus  un  moyen  aujour- 
d'hui, elles  seraient  un  obstacle  et  un  danger.  C'est  à  la  ci- 
vilisation qu'il  appartient  désormais  de  résumer  tous  les 
intérêts,  de  les  départager  et  d'y  satisfaire.  L'époque  actuelle 
a  son  expression  morale  dans  le  système  de  la  paix,  son  ex- 
pression intellectuelle  dans  la  restauration  énergique  du 
principe  de  l'autorité  dans  les  gouvernements,  son  expression 
personnelle  et  dirigeante  dans  la  modération,  l'équité,  l'es- 
prit réparateur  des  souverains. 

D'autres  ont  dit,  plus  éloquemment  que  nous  ne  pourrions 
le  répéter  après  eux,  ce  que  l'esprit  de  conquête  aurait  de 
funeste  au  temps  où  nous  vivons.  Certes,  la  guerre  n'est  pas 
toujours  un  mal ,  et  nous  sommes  aussi  loin  de  désirer  une 
paix  à  tout  prix  que  de  partager,  sur  l'utilité  des  armées,  les 
opinions  des  adeptes  du  Congrès  de  la  paix.  A  de  certaines 
époques,  la  guerre  est  dans  la  nature  des  choses,  dans  la  na- 
ture de  l'homme.  Elle  favorise  alors,  comme  sous  le  premier 
Empire,  le  développement  des  plus  grandes  idées  d'un  siècle 

(I)  l'Empereur  Napoléon  111  et  V Angleterre.  Brochure  in-S. 


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PREFACE.  IX 

i 

oa  celui  des{rfus  belles  facultés  d'une  nation.  Hais  pour  que 
ta  guerre  produise  ces  avantages,  il  faut  qu'elle  soit  le  ré- 
sultat naturel  de  la  situation  des  faits  ou  de  l'esprit  national 
des  peuples.  —  Est-il  besoin  de  le  dire,  nous  ne  parlons  pas 
d'une  nation  obligée  à  défendre  sa  place  et  son  rang,  d'une 
nation  attaquée  et  qui  repousse  une  agression,  ou  d'une  na- 
tion asservie  qui  cherche  à  reconquérir  son  indépendance  ; 
dans  le  premier  cas,  la  défense  légitime,  dans  le  second,  le 
patriotisme  excusent,  motivent  une  guerre  où  l'esprit  de  con- 
quête n'a  rien  à  faire  ;  —  c'est  ce  dernier,  bien  plus  que  la 
guerre  elle-même,  qui  n'est  plus  de  notre  siècle. 

La  politique  d'agrandissement  par  la  conquête  est  une 
vieille  politique;  —  mauvaise,  car  elle  est  brutale  à  une 
époque  ou  tendent  à  prévaloir  dans  le  concert  européen  les 
sentiments  d'équité  et  de  justice  proclamés  dans  le  Congrès 
de  Paris  ;  —  impuissante,  à  une  époque  où  l'on  sait  que  tout 
peut  finir  par  la  coalition  de  tous  les  faibles  contre  un  fort; 
—  presque  impraticable  enfin  ,  pour  la  plupart  des  gouver- 
nements, devant  l'autorité  des  budgets,  cette  loi  des  lois, 
cette  clef  du  temple  de  Jauus  aussi  bien  que  du  trésor 
public. 

Autrefois,  l'influence  et  la  grandeur  ne  pouvaient  s'obtenir 
que  par  la  conquête  territoriale  et  l'assimilation  matérielle. 
Aujourd'hui ,  elles  peuvent  s'obtenir  par  l'assimilation  mo- 
rale et  sociale,  par  l'empire  des  idées,  par  la  communauté 
comprise  des  intérêts  et  des  esprits.  —  C'est  pour  cela 
qu'une  voix  solennelle  l'a  proclamé  à  si  juste  titre  :  c  VEm- 
>  pire,  en  France^  cest  la  paixy  >  consacrant  ainsi,  dès 
le  début,  cette  condition  éternelle,  inhérente  à  tout  gouver- 
nement, de  représenter  à  la  fois  son  époque,  son  pays,  sa 
nation. 

L'influence  du  second  Empire  français  sur  l'Europe,  c'est 


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X  PRÉFACE. 

rinfluenee  de  Têtempld,  —  la  plus  active  et  la  plus  conta- 
gieuse à  la  fois.  La  puissance  qui  sied  à  la  France,  c'est  celle 
des  heureux  résultats  de  son  régime  actuel;  Tautorité  qu'elle 
ambitionne,  c'est  celle  de  la  justice;  son  ascendant  est  par- 
dessus tout,  moral.  C'est  A  ce  prix  seulement  qu'une  nation 
peut  encore  acquérir  de  la  gloire;  aussi,  l'Empire  n'est-il 
point  venu  faire  une  France  ou  une  Europe  nouvelles,  mais 
8on  mérite  étemel  sera  d'avoir  su  s'adapter  si  parfaitement  à 
l'une  comme  à  l'autre.  C'est  ainsi  que  son  avènement  s'est 
distingué  de  tous  les  autres,  et  qu'au  lieu  d'être  une  san- 
glante copie  des  époques  de  terreur  ou  de  conquêtes  qu'on 
lui  proposerait  d'imiter,  il  est  devenu  la  réalisation  d'une 
œuvre  aussi  longtemps  que  vainement  poursuivie  par  les  es- 
prits éclairés  de  notre  pays  :  l'œuvre  de  la  civilisation  et  du 
progrès  par  les  gages  irrécusables  donnés  à  la  paix  à  l'exté- 
rieur, par  le  maintien  de  l'ordre  et  le  développement  de  la 
sécurité  A  l'intérieur. 

Pour  entreprendre  cette  œuvre,  il  était  sage,  indispen- 
sable de  former  Talliance  anglaise;  aujourd'hui,  dans  l'in- 
térêt réciproque  des  deux  nations,  comme  dans  l'intérêt 
général,  il  n'est  pas  moins  utile  de  la  maintenir. 

Plaçons-nous,  en  effet,  successivement  à  ce  double  point 
de  vue;  examinons  quel  est  pour  la  France  l'avantage  de 
l'alliance  anglaise  :  est-il  besoin  de  parler  de  cette  solidarité 
d'intérêts  matériels  qui  unit  les  deux  nations,  solidarité  telle, 
comme  on  l'a  si  bien  dit,  qu'un  désastre  ne  peut  frapper 
Londres  ou  Paris  sans  que  le  contre-coup  en  soit  ressenti 
presque  avec  la  même  violence  dans  les  deux  pays?  —  L*al- 
liance  de  l'Angleterre  nous  assure  en  commun  l'empire  des 
mers  ;  —  nos  frontières  sont  inattaquables  ;  —  toute  coali- 
tion contre  nous  devient  impossible.  La  paix  générale  as- 
surée, toutes  les  forces  vives  de  notre  pays  peuvent  s'exercer 


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PRlâFACB.  XI . 

ntilementy  notre  puissance  de  production  se  développe  sans 
entraves,  et,  dans  les  admirables  conditions  qui  résultent  de 
notre  position  géographique,  de  la  constitution  physique  de 
notre  territoire ,  le  bien-être ,  la  richesse  des  populations 
s'accroissent  sans  limites. 

Isolée  du  continent,  limitée  dans  son  extension  par  sa  po- 
sition insulaire,  TÂngleterre  a  dû  chercher  dans  la  supré- 
matie maritime  et  coloniale  la  base  de  son  influence  en 
Europe.  C*esl  à  conquérir  celte  suprématie  qu'elle  a  dû  con- 
sacrer toute  son  activité,  employer  toutes  ses  ressources.  De 
nos  jours  ce  but  est  atteint.  La  guerre  ou  la  rupture  de  son 
alliance  avec  la  France  ne  pourrait  que  compromettre  cette 
situation,  sans  rien  donner  de  plus  &  TÂngleterre.  Enfin, 
dans  les  circonstances  particulières  où  elle  se  trouve,  au  mi- 
lieu des  embarras  momentanés  que  lui  crée  la  révolte  in- 
dienne, il  est  incontestable  qu'elle  aurait  beaucoup  à  risquer, 
(brt  peu  è  gagner  dans  cette  rupture. 

D'une  part  comme  de  l'autre,  l'avantage  de  Talliance 
anglo-française  n'est  donc  pas  moins  évident. 

Unies,  l'Angleterre  et  la  France  doivent  dominer  le  monde, 
et  ce  n'est  pas  seulement  aux  flottes  de  l'une,  aux  armées 
eontinentales  de  l'autre,  que  cette  domination  est  acquise. 
Dans  la  poursuite  d'un  but  commun,  il  en  est  des  nations 
comme  des  individus  ;  les  associations  les  plus  profitables 
seront  toujours  celles  où  chacune  des  parties  contractantes 
apportera  précisément  à  l'autre  ce  que  celle-ci  possède  à  un 
degré  moindre  ou  ce  qui  lui  fait  défaut.  Cet  irrésistible  as- 
cendant, qui  doit  être  le  plus  puissant  véhicule  de  la  civili- 
sation dont  l'Europe  occidentale  est  le  foyer,  c'est  dans  l'en- 
thousiasme et  l'entrain  français  doublés  du  calme  et  du 
sang-froid  britanniques  ;  c'est  dans  la  persévérance  et  l'esprit 
de  suite  du  peuple  anglais  unis  à  l'audace,  à  l'esprit  d'ini- 


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XII  PRiéFACB. 

tiative  qui  nous  distinguent;  c'est,  enfin,  dans  le  contraste 
même  oGfert  par  le  génie  particulier  des  deux  peuples,  qu'il 
faut  en  chercher  le  secret  et  la  base.  Ce  n'est  pas  sans  des- 
sein que  la  Providence  a  voulu  que  parmi  les  nations  mo- 
dernes on  n'en  pût  rencontrer  deux  plus  admirablement 
constituées,  plus  parfaitement  douées  que  la  France  et  l'An- 
gleterre pour  augmenter  et  compléter  réciproquement  leur 
puissance  efficiente. 

Il  n'est  pas  de  question  importante  résolue  depuis  qua- 
rante ans  par  la  politique  contemporaine,  sans  que  l'on  ait 
évoqué  la  nécessité  de  l'équilibre  européen,  sans  que  l'on 
ait  travaillé,  plus  ou  moins  heureusement,  à  garantir  sa  sta- 
bilité. De  nos  jours,  en  dehors  des  causes  bien  définies  qui 
peuvent  compromettre  la  paix  et  que  le  passé  a  léguées  au 
présent,  il  est  deux  points  opposés  de  l'horizon  sur  lesquels 
l'attention  des  nations  modernes  doit  se  concentrer  plus  par- 
ticulièrement. A  moins  d'événements  imprévus,  il  est  im- 
possible de  ne  pas  reconnaître  que  dans  cent  ans,  dans  un 
demi-siècle  peut-être,  la  Russie  et  l'Amérique,  si  elles  sui- 
vent leur  progression  continue,  seront  numériquement  les 
deux  plus  puissants  empires  du  monde.  Ce  n'est  point  avec 
un  sentiment  de  jalousie  que  nous  constatons  ce  fait  :  d'un 
côté  comme  de  l'autre  de  la  Manche,  nous  n'avons  rien  à 
envier  à  personne;  mais,  malgré  le  respect  et  l'intérêt  que 
commande  le  travail  intérieur  qui  s'accomplit  dans  ces  États, 
malgré  l'estime  et  la  sympathie  qui  résultent  de  la  lutte 
même  , soutenue  récemment  contre  l'un  d'eux,  on  ne  peut 
se  dissimuler  qu'ils  recèlent  tous  les  deux  dans  leur  sein 
les  plus  sérieuses  menaces  de  l'avenir.  —  Menace  pour 
la  liberté  des  mers,  menace  pour  l'indépendance  des 
peuples. 

Cet  accroissement  inouï  des  Étals-Unis  et  de  la  Russie, 


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PRÉFACE.  XIII 

combiné  chez  les  premiers  avec  cette  sorte  d'indiscipline  qui 
les  porte  à  enfreindre  si  souvent  les  règles  les  plus  élémen- 
taires du  code  international  accepté  par  les  nations  euro- 
péennes ;  corroboré  chez  la  seconde  par  une  organisation  es- 
sentiellement conçue  pour  l'agression,  et  qui  se  résume,  pour 
ainsi  dire,  dans  un  vaste  cadre  militaire  où  sont  immatriculées 
toutes  les  classes  de  la  nation  ;  cet  accroissement  numérique, 
disons-nous,  doit  constituer  tôt  ou  tard  pour  les  autres  peu- 
ples un  danger  véritable.  Une  position  d'infériorité  n'est,  en 
e£fet,  jamais  satisfaisante,  elle  n'est  pas  toujours  sâre.  Si 
l'Europe  occidentale  ne  veut  point  Taccepler,  si  elle  veut 
maintenir  son  rang,  ce  ne  peut  être  qu'au  moyen  d'une  al- 
liance étroite  et  persévérante  entre  ses  deux  principales 
puissances. 

Nous  avons  dit  qu'en  France,  pas  plus  qu'en  Angleterre, 
il  ne  convenait  de  rendre  l'opinion  publique  responsable  des 
écarts  de  quelques  enfants  perdus  de  la  presse,  qui  ne  sau- 
raient en  être  les  organes.  Les  déclamations  de  quelques 
feuilles  anglaises  au  sujet  de  la  campagne  de  notre  armée 
d'Afirique  dans  le  Dahra,  ont  trouvé  leur  équivalent  dans  les 
diatribes  auxquelles  l'armée  britannique  a  été  récemment  en 
butte  sur  le  continent.  Que  ce  soit  en  Australie,  comme  en 
1826;  au  Cap,  comme  en  1828;  en  Algérie,  comme  en 
18&5,  partout  où  la  civilisation  s'est  trouvée  aux  prises  avec 
la  barbarie,  elle  s'est  vue,  malgré  ses  répugnances,  obligée 
à  de  trop  légitimes  représailles.  Pour  que  la  lutte,  dans  une 
guerre  de  ce  genre,  devienne  décisive,  il  est  nécessaire 
de  la  rendre  rigoureuse;  c'est  l'humanité  elle-même  qui 
l'exige.  Point  de  fausse  philanthropie  aujourd'hui  ;  c'est  le 
moyen  y  ce  sera  le  droit  acquis  d'en  faire  de  la  véritable 
demain. 

Faut-il  mentionner  ici,  comme  explication  des  sentiments 


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fui  se  sont  fait  jour  chei  nous,  à  propos  de  U  révolte  ia- 
(lienne,  le  souvenir  de  la  jalousie  témoignée  par  l'Angleterre 
à  l'époque  de  notre  expédition  d'Alger?  On  a  touché  aussi 
cette  corde.  Certes,  depuis  quarante  ans,  pour  l'Angleterre 
comme  pour  la  France,  les  jalousies  extérieures  n'ont  pas 
manqué  de  se  produire,  sinon  de  se  satisfaire»  il  en  est  de 
cela  comme  des  calomnies  débitées  dans  les  deux  pays  sur 
le  courage  ou  lliumamté  de  leurs  armées  respectives.  Au 
reste,  les  mauvais  vouloirs  prêtés  à  l'Angleterre  relative- 
ment à  notre  colonie  algérienne  ont  été  singulièrement  exa- 
gérés, et  pour  le  méconnaître,  il  faut  ignorer  la  véritable 
opinion  de  ses  hommes  d'État  sur  cette  question  ;  nous  allons 
en  donner  l'expression,  et  si  Ton  veut  bien  réfléchir  que  ce 
document  est  antérieur  à  notre  expédition  d'Alger,  on  ju- 
gera, par  les  réserves  mêmes  du  gouvernement  anglais^  com- 
bien elle  doit  être  peu  suspecte. 

Voici  comment  s'exinrimait^  dès  le  mois  de  mai  1630,  le 
journal  anglais  qui  recevait  alors  les  confidences  du  cabinet 
de  Saint-James  {The  Globe  and  travelUr)*  Qu'on  nous 
pardonne  cette  longue  citation*,  ce  n'était  point  un  article 
de  GaneîUy  c'était  un  document,  c'était  un  acte  politique,  et 
l'on  reconnaît  d'ailleurs,  i  la  mesure  du  langage,  Torigine 
élevée  de  ce  manifeste. 

H  Une  certaine  jalousie  semble  exister  en  Angleterre,  par 
»  suite  de  l'idée  que  l'expédition  française  dirigée  contre 
»  Alger  amènera  la  colonisation,  par  nos  voisins,  de  l'Afrique 
»  septentrionale.  On  a  la  plus  grande  raison  de  supposer 
»  que  le  gouvernement  français  envisage  la  possibilité  de 
»  former  des  établissements  sur  la  côte  africaine. 

>  Quelques-uns  de  nos  contemporains  ont  décrit,  en  des 
»  termes  animés,  le  danger  que  courrait  l'équilibre  euro- 


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;i  péen,  si  les  pOBBessions  françaises  s'étendaieQt  adsêE  loin 
»  sur  la  côle  septentrionale  d'Afrique  ^  pour  donner  à  la 
9  France  la  suprématie  dans  cette  partie  importante  des 

>  bords  de  la  Méditerranée;  mais  nous  espérons  que  Talanne 
»  excitée  à  ce  siget  ne  fera  pas  oublier  les  avantages  que  le 
»  monde  civilisé  peut  recueillir  de  l'expédition  dirigée  contre 

>  Alger.  Ce  serait  une  honte  commune  à  toute  la  chré- 

>  Henté  que  de  voir  ^ette  mmgnifique  eœpédUion^  qui  a 

>  d^'à  mis  à  la  voihf  eontrainie^  apriê  avmr  réprimé 
»  temparairemefU  Vineokme  des  piratesy  à  laisser  cette 

>  portion  d»  mowis  en  proie  à  la  barbarie,  pares  que  les 
»  pui$sance$  de  VEnripe  sent  toutes  jalouses  de  la  pros-^ 
j  périti  ffnm  d'entrs  eUes. 

»  Pour  notre  part»  si  les  Français,  ayant  un  juste  motif 
»  de  guerre  contre  Algeri  veulent  user  du  droit  ordinaire 
9  des  vainqueurs  en  c(mservant  le  territoire  qu'ils  sont  forcés 
9  d'MiTabir^  nous  ne  voyons  pas  que  la  Grande-Bretagne  ait 

•  lieu  de  s'en  pluitidre.  Si  c'est  une  ofiense  commise  envers 
1  d'autres  Etats  que  de  répandre  les  bienfaits  de  la  civilisa*- 
1  tien  dans  des  contrées  incultes  et  barbares,  nous  sommes 

•  alors  les  premiers  offenseurs.  Outre  nos  garnisons  dans  la 
»  Méditerranée  et  nos  nombreuses  lles^  nous  poésédons  une 

>  grande  partie  de  l'Amérique;  nous  avons  conquis  la  plus 
»  riche  portion  de  l'Asie  j  et  ayant  perdu  les  États-Unis 
»  d'Amérique»  nous  nous  sommes  approprié  et  avons  en^ 

>  fermé  dans  le  cercle  de  nos  possession^  lli  dernière  seo- 
M  tion  des  terres  qui  ont  été  découvertes.  Dans  de  telles 
»  cireonstancesi  l'Angleterre  aurait  très  mauvaise  grftce  à 
»  s'opposer  à  rétablissement  de  colonies  françaises  sur  les 

>  ruines  d'Alger,  alors  môme  que  ces  colonies  seraient 
»  fondées  sur  les  principes  les  plus  restreints  et  les  plus 
^  exclusifs. 


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XVI  PBIÎPAGB. 

»  Il  existe  (nous  Tavouons)  d'autres  nations  qui,  en  res^ 
'  »  sentant  la  même  jalousie  que  celle  élevée  dans  l'esprit  des 
»  Anglais,  auraient  plus  de  droits  de  l'eipriraer;  mais  il  ne 
»  saurait  y  avoir,  dans  ce  sentiment,  aucune  raison  plau* 
»  sible  pour  chercher  à  entraver  la  colonisation  du  nord  de 
»  l'Afrique.  > 

Ce  langage,  nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  ce  point, 
est  encore  celui  de  tous  les  hommes  d'État  de  la  Grande-Bre- 
tagne; nous  n'ajouterons  qu'un  mot  aux  considérations  qui 
précèdent:  Nous  sommes  partisan  déclaré'de  l'alliance  anglaise 
et  nous  croyons  en  avoir  suffisamment  indiqué  les  motifs. 
Non-seulement  ce  n'est  point  avec  plaisir,  mais  c'est  avec 
une  peine  réelle  que  nous  avons  vu  éclater  cette  tempête 
indienne,  dont  les  dernières  vagues,  au  moment  où  nous 
écrivons,  viennent  se  briser' contre  l'énergique  persévérance 
de  nos  alliés.  Les  intérêts  de  la  France  et  de  l'Angleterre 
étant  identiques  sur  tous  les  points  du  globe  lorsqu'il  s'agit 
d'humanité  et  de  civilisation,  nous  devions  assister  à  ces 
événements  avec  le  regret  sincère  que  doit  inspirer  tout  fait 
de  nature  à  diminuer  la  force,  à  gêner  la  liberté  d'action 
de  l'une  ou  l'autre  des  puissances  occidentales. 

Aucune  incertitude  ne  peut  donc  exister,  quant  à  la  cou- 
leur  du  livre  où  nous  avons  résumé  ces  événements.  L'esprit 
qui  l'a  dicté  devait  être  sympathique  à  nos  alliés.  Ce  n'est 
point  à  dire  pour  cela,  qu'à  propos  de  cette  question  in- 
dienne, nous  nous  soyons  donné  pour  tâche  de  faire  sur  tous 
les  points  le  panégyrique  des  gens  où  l'éloge  des  choses  de 
l'Angleterre.  Sans  entrer  dans  les  détails  circonstanciés  des 
faits  (ce  que  ne  comportait  pas  notre  svyet),  nous  pensons 
cependant  en  avoir  dit  assez  pour  permettre  de  les  juger 
d'après  les  vues  élevées  de  la  philosophie  de  l'histoire  et 


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PRÉFACE»  XVII 

d'une  politique  généreuse.  —  Nous  avons  dit  ce  qui  était 
bien,  comme  nous  n'avons  rien  dissimulé  de  ce  qui  nous 
semblait  mal.  L'impartialité  nous  en  faisait  une  loi  tout  au- 
tant que  la  connaissance  que  nous  croyons  avoir  de  la  ma- 
nière de  penser  et  de  sentir  de  nos  alliés.  De  toutes  les 
nations,  le  peuple  anglais  est  celui  qui  consent  le  moins  vo- 
lontiers à  se  calomnier,  ou  seulement  à  médire  de  lui-même, 
mais  Torgueil  et  la  fierté  qui  ne  sont  le  plus  souvent  chez 
lui  que  des  formes  exagérées  du  patriotisme,  ne  doivent  pas 
l'aveugler.  I)  ne  sera  pas  inutile  pour  nos  voisins  de  savoir 
<|ue,  sur  le  continent,  ils  ne  passent  pas  pour  des  modèles  en 
tout  genre  (1);  nous  ne  craindrons  pas  de  le  leur  dire,  et  cette 
opinion,  en  piquant  leur  amour-propre,  servira  mieux  que 
la  fiatterie  à  les  faire  progresser  dans  les  voies  où  les  autres 
puissances  européennes  les  ont  devancés.  Avec  les  Anglais  il 
faut  se  montrer  juste  et  loyal,  mais  sincère  en  même  temps; 
car,  si  orgueilleux  qu'ils  soient,  il  n'est  rien  au  monde  qu'ils 
méprisent  plus  que  la  flagornerie. 

Quant  au  procès  de  ces  vieilles  et  puériles  rancune^  qui 
divisèrent  jadis  l'Angleterre  et  la  France,  et  dont  le  bon  sens 
aussi  bien  que  le  temps  a  fait  justice,  nous  le  considérons 
comme  complètement  vidé.  Chaque  jour,  en  dépit  des  efforts 
tentés  pour  reveiller  ces  passions,  des  faits  signiûcatifs  vien- 
nent consacrer  leur  extinction. 

Quelle  surprise  pour  les  fondateurs  du  Spectateur  mili- 
taire, pour  ces  généraux  illustres  qui  s'étaient  donné  la 
llàiâsion  de  venger  les  gloires  de  la  Révolution  et  de  l'Em- 


(1)  Ceci  s'applique  surtout  aux  bases  sur  lesqueUes  repose  Torgatiisa* 
tion  militaire  de  la  Grande-Bretagne.  L'examen  critique  de  cette  impor- 
tante question  fera  l'objet  d'un  nouveau  travail  dont  nous  donnons  le  pro- 
gramme à  la  fin  de  ce  volume. 

ù 


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pire  des  attaques  de  leurs  détracteurs;  quelle  surprise  pour 
nos  pères,  s'ils  pouvaient  voir  aujourd'hui  le  Spectateur 
plaidant  la  cause  de  l'Angleterre  !  Que  penseraient  aussi  ces 
héroïques  soldats  qui  vécurent  avec  les  haines  d'un  autre  âge, 
c  s'ils  pouvaient  voir  l'armée  anglaise  portant  avec 
fierté  y  sur  sa  poitrine  y  l'effigie  du  martyr  de  Sainte- 
BélênCy  et  les  fils  des  soldats  de  Waterloo  porter,  avec  le 
même  orgueilyla  médaille  sur  laquelle  est  gravée  Vimage 
de  la  reine  d'Angleterre  (1).  > 

Telles  sont  cependant  les  transformations  profondes  qu'a- 
mène le  temps  ;  le  temps  I...  ce  premier  ministre  de  Dieu, 
comme  l'a  dit  un  orateur.  C'est  lui  qui  viendra  en  aide  à  nos 
alliés  dans  l'Inde,  et  les  vœux  des  nations  modernes  doivent 
les  suivre  dans  l'accomplissement  de  leur  mission  civilisa- 
trice. Douter  de  leur  succès,  n'est-ce  pas  renier  notre  propre 
origine  et  les  desseins  providentiels  qui  ne  se  révèlent  à  nous 
que  par  des  effets;  n'est-ce  pas  renier  l'histoire  et  la  divi- 
nité, que  de  prononcer  froidement,  sans  retour,  sur  la  des- 
tinée d'une  race  entière  ? 

En  retournant  aux  Indes  par  l'intermédiaire  des  Anglais, 
la  civilisation  ne  fera  que  remonter  à  sa  source  ;  car  c'est 
dans  cette  Asie,  aujourd'hui  si  barbare,  que  l'histoire  a  placé 
le  berceau  de  la  première  et  de  la  plus  haute  civilisation  de 
l'antiquité.  Les  enseignements  de  Brahma,  de  Bouddha,  de 
Confucius,  de  Zoroastre  y  ont  bien  trouvé  assez  de  fer- 
tilité pour  jeter  de  profondes  racines.  Pourquoi ,  avec  les 
mêmes  soins,  une  nouvelle  transformation  sera\^t-elle 
moins  praticable?  Que  sait-on  de  l'avenir  des  nations  et  des 
races  ? 

Sans  doute,  la  civilisation  de  l'Asie  ne  sera  pas  l'œuvre 

(I)  V Empereur  Xapoléon  III  et  VAnglelere.  Brochure  in-8. 


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PRRFÀCB.  XIX 

d*un  jour.  Mais  qu*étaii  la  France  actuelle  avant  que  les  ai- 
gles des  légions  de  César  y  parussent,  et  qu*est-elle  demeurée 
longtemps  encore  après?  Qu'était  la  Grande-Bretagne? 
Qu'était  enfin,  il  y  a  quatorze  siècles,  cette  Germanie  qui 
jetait  ses  hordes  barbares  sur  le  vieux  monde,  succombant 
lui-même  sous  le  poids  d'une  civilisation  ruinée  et  cr<m« 
lante! 

Gh.  Martin. 


Heaiix ,  1 0  janvier  1 859. 


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T4BUE  DES  BIATrèBE5. 


Introduction 


Chapitre  I.  —  Plati  et  limites  de  cette  étude.  —  Division 
adoptée.  —  Ouvrages  et  documents  consultés : . . . .      33 

Chapitrb  11.  —  L*lDde  avant  la  con()uéte  d'Alexandre.  — 
ÂpparitioD  des  Arabes.—  Mohalib»  Mahmoud  et  les  Glia»- 
nevides.—  Conquèle  des  Mongols  :  Ghengiz^Khan,  Tlmour 
et  Baber-ScbAb.  —  Humaionn ,  Sbçre-Kbaa ,  Akbar  I*'. 
—  Gonstitutiûn  politique  de  Tempire  mogot  sous  Akbar. 
— Aboul-Fazel.  t^  DJibangire,  Scbàb-DJihan.  —  Aureng- 
Zeb.  ^  Organisation  politique  et  militaire  de  Tempire 
mogol  sous  Aureug-Zeb.  —  Origine  et  premières  con- 
quêtes des  Mabrattes.  —  Scbah-Alum.  —  Origine  des 
Sykbs;  leurs  révoltes  contre  les  empereurs  mogols.— Mo- 
hammed-Scbâh.—  Guerres  avec  la  Perse;  révoltes;  sac  de 
Dehli  par  Nadir-Scb^))  •  roi  de  Perse.  —  Décadence  de 
remplie  muûgol 39 

CHAPrrRE  m. -^  Découverte  du  cap  de  Bonne-Espérance.— 
LesIPôrtngaîs  débaVqtient  \  Calicut.  —  Vasco  de  Gama, 
Albuquérque,  Jean  de  Castro,  Âtaïde.  —  Comptoirs  por- 
tugais ^  Goa,  Méllnde,  Mozambique,  JSofala,  etc. -^ 
Compagnie  hollandaise.  —  Rivalité  des  Portugais  et  des 
Hollandais.  Caractère  distinct  des  établissements  de  cesr 
dent  peuples  d^ns  Tînde.  '^  Apparition  des  Anglais.  -^ 


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XXII  (TABLE 

Ambassade  de  sir  Thomas  Roê.  —Chartes  d'Elisabeth, 
de  Charles  H,  de  Jacques  II,  de  la  reine  Anne,  du  roi 
Guillaume,  etc.  —  Comptoirs  de  Bombay,  Madras  et 
Calcutta.  —  Tentatives  des  Français  dans  l*lnde.  ^  Gon- 
neville,  Pirard .  Gérard  le  Flamand.  —  Compagnie  des 
Moluques.  >-  Première  compagnie  des  Indes  organisée 
par  Richelieu.  —  Deuxième  compagnie  créée  par  Colbert 

—  Comptoirs  de  Pondichéry,  Chandernagor,  KarilLal.  — 
Martin,  Lenoir,  Dumas,  Dupielx,  gouverneurs  de  Tlnde. 

—  Labourdonnais 59 

Chapitre  IV.  —  Histoire  de  la  présidence  de  Madras  jus~ 
qu'au  commencement  du  xix*  siècle  :  Guerre  de  1744.  — 
Dupleixet  Labourdonnais.  —Prise  de  Madras.  — Bataille 
de  San-Thomé.  —  Sièges  de  Saint-David,  Knddalore  par 
les  Français.  —  Siège  de  Pondichéry  par  les  Anglais.  — 
Saunders  et  Dupleix.  —  Lutte  des  deux  gouverneurs  pour 
la  nomination  du  soubah  du  Deccan  et  du  nabab  d*ArlLOt. 

—  Mazafer-Sing  et  Chunda-Saheb;  Ahnaverdi-Khan 
et  Nazer-Sing.—  Bataille  d'Ambour.— Combat  de  Saint- 
David.—  Prise  de  Tripetty  et  de  Gingi  par  les  Français. 

—  Débuts  de  Robert  Clive  dans  le  Karnatic.  —  Prise  de 
Devieatah  par  les  Anglais.  —  Prise  d'Arkot  et  de  Rondje- 
veram  par  les  Anglais.  —  Prise  de  Kovelong  et  de  Chin* 
gleput  par  le  major  Lawrence.—Dupleix  se  fait  nommer 
nabab  d*Arl[0t  par  le  Grand  Mogol.  —  Succès  du  marquis 
de  Bussy  dans  le  haut  Deccan.— Les  districts  de  Kondavir 
et  Mazulipatam,  les  circars  du  nord,  etc.»  cédés  à  la 
France  par  le  Soubah.  —Dupleix  est  rappelé  en  France. 

—  Godeheu,  gouverneur  de  Pondichéry.  —  Traité  de 
Madras  (31  décembre  175/i).  —  M.  de  Leyrit  remplace 
Godeheu.  —  Guerre  de  175/1.  -  Campagne  de  Bussy  dans 
le  nord.— Prise  de  VIzagapalam.  —  Lally-Tolendal,  gou- 
verneur de  Pondichéry.  —  Désastres  qui  signalent  son 
administration.  — 11  échoue  dans  le  Tandjaore  et  devant 
Madras.  Succès  du  colonel  Eyre  Coote.  -  Prise  de  Pondi- 
chéry le  ià  janvier  1761.  —  La  France  ne  possède  plus  un 
seul  œmptoir  dans  les  Indes.  «- Jugement  et  mort  de 


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DES  MATIÈRES.  XXllI 

•Lally.— Traité  deParis  (1763).— Lord  PIgot,  gouverneur 
de  Nadras.  —  Banqueroute  de  la  compagnie  des  Indes 
françaises.  —  Polîtiqae  envahissante  des  Anglais.  —  Le 
marquis  Law  de  Lauristou ,  gouverneur  de  Pondichéry. 

—  Halder-Âly ,  roi  de  Mysore.  —  Première  guerre  des 
Anglais  avec  Haider.  —  Tippoo-Salb.  —  Le  roi  de  Mysore 
aollicile  ralliance  des  Français.— Traité  du  3  avril  1769. 
-^  Sir  Thomas  Rumbold ,  gouverneur  de  Madras.  — 
Guerre  de  1778  entre  la  France  et  TAngleterre.—  Belle- 
combe,  gouverneur  de  Pondichéry.  —  Prise  de  Mahé, 
Karikal  et  Pondichéry  par  les  Anglais  (1779).— Deuxième 
guerre  des  anglais  avec  Haider-Aly.  — Désastre  du  10  sep- 
tembre 1780 ,  défaite  du  colonel  Baillie.  —  Hastings 
rétablit  les  affaires  de  la  Compagnie  anglaise.  —  Lord 
Macartoey,  gouverneur  de  Madras.— Traité  de  Versailles 
(1783). —Mort  d'Haider-Aly.  — Traité  de  Bangalore 
entre  Tippoo-Salb  et  les  Anglais 73 

Chapitre  V.  —  Histoire  de  la  présidence  de  Bombay  jus- 
qu'au commencement  du  xix*  siècle  :  La  présidence  de 
Bombay  ne  joue  qu*un  rôle  purement  commercial  jus- 
qu'en 1768. —  La  confédération  des  princes  mahrattes.  — 
Sevadji.  —  Révolution  de  caste  sous  Sahodji.  —  Établis- 
sement des  peifchawa  dePoonah.  —Divisions  deTempire 
mahratte.  —  Mahadji-Scindiah.  —  Toukhadji.  —  Holkar. 

—  Le  radjah  de  Berar.  —  Les  Gulkowar  de  Guzerate.  — 
Les  Mahrattes  veulent  substituer  une  dynastie  hindoue 
à  la  dynastie  musulmane  de  Dehli.  —Bataille  de  Paniput 
(1762).  —  Le  conseil  de  Bombay  s'empare  de  Barotch  et 
des  Iles  de  Salsette  et  de  Karandja.  — Traité  de  Surate 
(1775).—  Le  colonel  Uplon  envoyékPoonah  par  Warren- 
Hastings.  —  Traité  de  i*erraïnda.  —  Guerre  contre  les 
Mahrattes.  —  Désastre  de  WorgaOm.  —  Le  colonel  God- 
dart  s'empare  d*Abmedabad,  et  le  capitaine  Popham  de 
Gottàlior.  -  Alliance  des  Mahrattes  avec  Haider- Aly. ...    105 

Chapitre  V h '^Histoire  de  la  présidence  du  Bengale  jus- 
qu'au  commencement  du  xix*  siècle  :  Première  lutte  des 


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XXI  y  TABLE 

Anglais  avec  le  soubah  du  Bengale.  ^  Allayer4y-Khtn 
et  Souraja-Doula.  —  Prise  de  Calcutta  par  les  Indiens 
(20  juin  1756).  -  The  Black-Bole  at  Calcutta.  •-  Clive 
nommé  gouverneur  de  Calcutta.  —  Prise  de  Chander- 
nagor  par  les  Anglais  (  I7ô7), -- Bauille  de  Plassey 
(23  juin  1757).  —  Déchéance  de  Souraja-Ooula  et  avè- 
nement de  Mir-Jaffier.  —  Décadence  de  Tempire  mogol: 
Acbmed-Schàh,  AUûm-Ghuîr,  Schâh-Zadda.  —  C|ive  est 
rappelé  en  Angleterre  (1760)  ;  Holwell  et  Van-Sittart  ses 
successeurs  dans  la  présidence  de  Calcutta.  --  Massacre 
des  Anglaisa  Patna;  déposition  de  Mir-4affier;  son  rem- 
placement par  Mir-Cossiro.—  Restauration  de  Mir-Jaffier« 
—  Mir-Cossim  se  réfugie  auprès  du  roi  d'Oude. — Un  mot 
sur  la  fondation  du  royaume  d'Oude.  —  Souja-^Doula . 
vainqueur  à  Paniput,  sauve  l'empire  mogol.  —  Bataille 
deBouxar  (^66).  —  Schâh-Allum  cède  aux  Anglais  le 
district  de  Benarès.  —  Le  fils  de  Mir-Jaffier  leur  aban- 
donne les  provinces  de  Midnapour,  Burdwân  et  Tcliitta- 
gong.  —  Firmans  du  12  août  1765  qui  rendent  les 
Anglais  maîtres  absolus  du  Bengale.  —  Premier  traité 
des  rois  d'Oude  avec  la  Compagnie  anglaise  (1765).— 
Réflexions  sur  radministralion  de  lord  Clive.  —  Il  est 
remplacé  par  Verelts  (1767)  et  Cartier  (1770),  —  Mau- 
vaise administration  de  ces  deux  gouverneurs.  —Crise 
financière  et  réforme  de  lord  Norlh.  —  Warren-Hastings 
nommé  gouverneur  de  Calcutta;  son  génie,  ses  défauts, 
ses  services.  —  Il  sauve  les  colonies  anglaises,  et  continue 
les  projets  de  Clive.  — Amoindrissement  du  royaume 
d'Oude.  —  Lord  Cornwallis.  —  Coup  d'œil  général  sur 
l'empire  anglo-indien  à  la  fin  du  xvui*  siècle 111 

Chapitre  VU.  —  Guerre  contre  Tippoo-Saïb  ;  Arrivée  du 
comte  de  Mornington  comme  gouverneur-général  des 
Indes  anglaises.  —  Son  frère  sir  Arthur  Wellesley.  — 
Licenciement  des  troupes  françaises  du  KizHm.  —  Inva- 
sion du  Mysore.  —  Combat  de  Sedeaser.  —  Bataille  de 
Malavelly.  ^ Siège  et  prise  de  Seringapatam.  —Mort de 
Tippoo-Saib.*- Sir  Arthur  Wellesley  est  nommé  fouver- 


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DKS  liATlàRBS.  %XV 

neur  du  Mysore.  —  Son  a()miDistniUoD.  —  Ses  opinions 
au  ^e\  ie  Torganisation  et  de  la  reparution  des  troupes. 
—Expédition  contre  Hoondiah-Waugh  et  les  aventuriers 
de  rinde  centrale 131 


CsAPFFRE  Vin.  ~  Guerre  des  Mabrattes.  —  Holkar.  — 
Scindiah.  — -  Le  radjah  de  Berar.  —  Le  Peischwah  de 
Pootiah.'—  Le  général  Perron.  —  Traité  de  Bassefn  et 
plan  de  campagne.  —  Bataille  de  Laswari.  -—  ftétablisse- 
ment  dû  Peischwah.— ^  Prise  d* Ahmed nuggûr.—  Bataille 
d'Assy^.  —  Siège  de  Bourhampoor  et  d'AssIrghur.  — 
Opinion  de  Wellesley  au  sujet  du  licenciement  des  troupes 
indigènes.  -  Bataille  d'Aii^aum.  —  Prise  de  Gawilghur. 

—  Traités  de  paix.  —Lord  Cornwallis  remplace  le  comte 
de  Mornington.  —  Résultats  obtenus  par  les  deux  Wel- 
lesley. '—  Guerre  des  Pindarries  (1818).  ^  Annexion  Ae& 
Ëtats  du  Peischwah —  Administration  des  lords  Hastings, 
Moira  et  Bentindt.  —  Guerre  des  Birmans.  —  Cession  de 
Rangoun  et  de  Tenasserim 1^5 

Chapitre  IX.  — Situation  de  l'Inde  à  Tissue  de  la  première 
guerre  des  Birmans.  —  Expédition  contre  le  radjah  de 
Burtpoor.  —  Fondation  et  développements  du   royaume 

.  de  Lahore.  Rundget-Sing.  —  Le  général  Allart.  —  Pre- 
mières tentatives  d'intervention  de  la  Russie  dans  les 
affaires  de  rinde.  —  Expédition  du  général  Peroswski 
contre  le  khan  de  Khiva.  —  Monarchie  des  Afghans.  — 
Schah  Soudja  et  les  Barrakzis.  —  Guerres  de  l'Afgha- 
nistan. —  Prise  de  Ghazna.  —  Occupation  de  Caudahar 
et  de  Caboul.  —  Conspiration  du  radjah  de  Kurnaul. 

—  Châtiment  des  Radjpoots.  —  Retraite  des  troupes  de 
Caboul  à  travers  les  déûlés  de  Khyber.  —  Deuxième 
campagne  et  évacuation  de  TAfghanistan.  —  Guerre  du 
Scinde.  —  Bataille  de  Miannie.  —  Guerres  des  Sickhs.  — 
Batailles  de  Ferozeshah  et  de  Sobraon.— Traité  d'Amritsir. 

—  Goolab-Sing.  —  Deuxième  guerre  du  Pendjaub.  — 
Batailles  de  Chillianwallah  et  de  Goudjerate 165 


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XXVI  TABLE 

Chapitre  X.  —  Description  générale  physique  et  politique 
de  l'Inde  anglaise.  —  Bornes  et  orographie.  —  Bassins 
principaux.  —  Description  des  provinces  baignées  par  le 
Gange.  —  Provinces  de  Tlnde  centrale.  —  Contrées  bai- 
gnées par  rindus.  —  Presqu'île  du  Deccan.  —  Divisions 
politiques  et  administratives.  —  Tableau  des  possessions 
immédiates  de  la  Compagnie.  —  Tableau  des  possessions 
médiates,  ou  États  vassaux.  —  Superûcie  et  population. 

—  Gouvernement  de  la  Compagnie.  —  Bill  du  24  août  1853. 

—  La  Cour  des  directeurs,  le  gouverneur-général,  le 
Conseil  suprême,  le  bureau  de  contrôle.  —  Organisation 
de  l'armée.  —  Tableau  et  comi>osition  des  forces  militaires 

de  la  Compagnie ^^ 

Chapitre  XII.— La  révolte  des  Indes  en  1857  a  été  un 
mouvement  militaire  et  non  un  soulèvement  nationaL  — 
Circonstances  exceptionnelles  qui  ont  donné  à  la  rébellion 
des  cipayes  d'autres  proportions  que  celles  des  iusurrec- 
lions  militaires  précédentes.  —  Coup  d'oeil  sur  ces  insur- 
rections. —  Révoltes  de  Vellore,  do  Barrackpore,  de 
Bangalore,  etc.  —Leur  analogie  parfaite  avec  la  révolte 
de  1857.  —Situation  des  Anglais  au  début  de  l'insurrec- 
lion.  —  Affaire  du  19*  et  du  3û\  —Révolte  de  Meerut. 

—  Choix  de  Dehll  comme  principal  foyer  de  l'Insurrec- 
tion. —  Massacre  des  Anglais  dans  cette  ville.  —  Restau- 
ration du  trône  des  Grands  Mogols.  —  Manifeste  des  in- 
surgés de  Dehll.  —  Proclamation  du  gouverneur-général. 

—  Emplacement  des  troupes  européennes  au  début  de 
l'insurrection. —Position  critique  des  Anglais.— Conduite 
de  sir  John  Lawrence  dans  le  Pendjaub.— Désarmement 
des  cipayes  à  Lahore  et  Pe^hawer.  —  Les  généraux  Reid 
Cotton ,  Chamberlain ,  Van  Cortland  ;  le  brigadier  Cor- 
bett.  —  Les  colonels  Edwards  et  Nicholson.  —  Révolte 
de  Ferozepôur.  —  Affaires  de  Pbillour  et  de  Sealkote.  — 
Influence  exercée  par  l'obéissance  du  Pendjaub  sur  l'en- 
semble des  opérations.  —  Rébellion  des  sapeurs-mineurs 
à  Bourkee.-  Soulèvement  du  y  a  Alyghur.— Désarmement 
des  i/'  et  60*  à  Umballah.  —  Sir  Henry  Lawrence  à  Luck- 


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DES   MATIÈRES.  XXVII 

DOW.  —  Atrocités  commises  par  les  cipayes  dans  le 
Rohilcund;  révoltes  du  18- et  du  68*  à  Bareilly;  du  28*  k 
Scbadjihanpour.  —  Insurrections  du  17«  à  Azimgurh.  — 
Affaire  de  Benarès.—  Révolte  du  6*  à  Âliahabad,  du  iV  et 
du  ià^  à  Ihansi.  ~  Le  ^9*^  k  Moradabad  et  le  22*  à 
Fyzabad.  —  Altitude  des  présidences  de  Bombay  et  de 
Uadras.  —  Ordre  du  jour  des  lanciers  de  Nusserabad. 
—Défection  du  contingent  de  Goûalior.  —  Situation  de 
rinde  centrale  au  moment  du  siège  de  Delhi 2*J6 


Chapitre  XHl.  —  Insurrection  des  1*',  ôa*"  et  ôG*  a  Cawn- 
pour.—  Nana-Saib.— Siège  de  Tbôpital  par  les  cipayes. 

—  Capitulation  du  général  Wheeler.— Relation  du  raas< 
sacre  de  Cawnpour  par  un  domestique  indigène.  —  Le 
puits  de  Cawnpour.— Massacre  des  fugitifs  de  Futteghar. 

—  Admirable  courage  des  dames  anglaises.  —  Premières 
dispositions  des  Anglais  pour  repi*endre  Toffensive.  — 
Le  général  Anson  à  Umballah.— Marche  du  commandant 
en  chef  sur  Dehli— Efforts  du  gouvernement  anglais  pour 
venir  en  aideà  l^armée  des  Indes.  —  Renforts  expédiés.— 
Nomination  du  général  sir  Colin  Campbell.  —Le  général 
sir  Patrick  Granl.  —  Situation  critique  des  garnisons 
d*Agra  et  de  Luclinow.—  Biographie  du  général  Havelock. 
—Organisation  de  la  colonne  expéditionnaire  d*AIlaha* 
bad.— Le  général  NeilL— Combats  de  Fultehpoor  et  de 
Pandoo-Nuddy.  —  Affaire  du  17  juillet.  —Reprise  de 
Cawnpour.  —  Destruction  de  Bithoor.  —  Rapports  du 
général  Havelock.  —  Première  marche  sur  Lucknow,  le 
21  juilIeL  —  Combats  d*Oonao  et  de  Busserut-Gunge 
(20  iuillet).—  Retraite  sur  Mungharwar.-  Seconde  mar- 
che sur  Lucknow  (!^  août).  —  Deuxième  combat  de  Bus- 
senit-iïunge.  —  Le  général  Havelock  est  obligé  de  battre 
une  seconde  fois  en  retraite.  —  Deuxième  œmbatd'Oonao 
(11  août).  —  I^  colonne  repasse  le  13  août  sur  la  rive 
droite  du  Gange.  —  Combat  du  16  août.  —  Combat 
d'Agra.  —  Affaire  de  Dinapore  et  d*Arrah.—  Le  général 
Lloyd.— Résumé  de  la  situatiou  dans  les  trois  présidences.    269 


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XXVIII  TABLE 

Chapitre  XIV.  —  Le  siège  de  Delhi.  —  Description  de 
DelhL  —  Son  importance  sous  les  princes  afghans.  •— 
Dévastations  de  Timour  et  de  Nadir-Shah.  —  Sa  restau- 
ration par  Shah-Djihan.  —Sa  splendeur  sous  la  dynastie 
mongole.  —  Sa  décadence  depuis  Toccupation  anglaise. 

—  Description  de  l'enceinte  et  des  fortifications  de  Delhi. 

—  Le  rôle  joué  par  la  place  de  Delhi  pendant  Tinsur- 
rection  a  trompé  toutes  les  prévisions  qui  avaient  dicté  son 
établissement  militaire.—  Population,  statistique  de  Delhi. 
— -  Considérations  qui  ont  dicté  le  plan  suivi  par  Tétat- 
major  anglais  à  regard  de  Delhi.  —  Marche  du  général 
Ànson  sur  Delhi.  —  Combats  du  30  mai  et  du  1*'  Juin 
livrés  par  le  général  Wilson.  —  Mort  du  général  Atison , 
remplacé  par  le  général  Earnard.  —  Jonction  des  troupes 
de  Simla  et  de  MeeruL  —  Leur  arrivée  sous  les  murs  de 
Delhi.  —  Considérations  qui  ont  déterminé  le  choix  du 
fronjt  d'attaque.  —  Affaire  du  8  juin ,  rapport  du  général 
Barnard.  —  Ëtablissement  du  camp  et  des  avant-postes 
anglais.  -—  Journal  du  siège  de  Delhi  pendant  le  mois 
de  juin  ;  affaires  des  9,  iO,  12  et  13.  —  Destruction  des 
travaux  extérieurs  de  la  porte  de  Caboul  par  les  assié- 
geants, le  17  juin.— Attaques  des  insurgés  de  Nusserabad 
le  19  et  le  20.—  Affaire  de  Subzee-Mundee,  le  23.— Mort 
du  général  Barnard,  le  5  juillet.  —  Sorties  du  3  et  du 
9  juilIeL  —  Situation  critique  des  Anglais  au  mois  de 
juillet.  —Affaires du  iU,  du  18  et  du  23.  —  Le  brigadier 
Chamberlayn,  blessé.  —  Le  général  en  chef  T.  Reid  suc- 
combe, comme  ses  deux  prédécesseurs,  au  choléra.  —  Le 
brigadier  général  Wilson  le  remplace.  —  Sorties  du 
1"  août —Arrivée  du  général  Nicholson.  —  Pertes  des 
Anglais  en  officiers  et  soldats  pendant  la  première  pé- 
riode du  siège.  — Aversion  des  Anglais  pour  les  travaux 
de  siège.  —Ordre  du  jour  du  général  Wilson.  — Compo- 
sition dé  l'armée  de  siège  au  commencement  de  septembre. 

—  Combat  de  NujjufTghur.  —  Arrivée  du  train  de  siège, 
le  k  septembre.  — Ouverture  du  feu  contre  la  place  le 
8  septembre.--  Continuation  du  bombardement  pendant 
les  joumâes  des  9,  io,  il,  12  et  13  septembre.  —  Assaut 


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DBS    MATIÈRES.  Xxlx 

du  1^.  —  Combats  dans  la  ville  pendant  les  journées 
des  45,  16,  17,  18  et  19  septembre.  —  Évacuation  de 
la  ville  parles  insurgés. ^Conséquences  de  la  prise  de 
Delhi 303 

Chapitre  XV.  —La  guerre  d'Oude  et  le  siège  de  Lucknow. 
—Traités  de  la  Compagnie  avec  les  souverains  de  TOude* 

—  Détails  sur  le  prince  dépossédé  et  sur  sa  famille.  — 
Situation  du  dernier  roi  vis-à-vis  des  taloukdars  ou 
grands  propriétaires.— Anarchie  résultant  de  la  faiblesse 
du  gouvernement.  —  Caractère  de  la  révolte  dans  TOude. 

—  Elle  n'est  pas  plus  nationale  dans  cette  province  que 
dans  le  reste  de  Tlnde.  —  Villes  principales  de  TOude, 
description  de  Lucknow  ;  esprit  de  sa  population.  — 
Forces  militaires,  européennes  et  indigènes,  au  début  de 
la  révolte.  —  Mesures  adoptées  par  sir  Henry  Lawrence. 

—  Affaire  de  Chinât.  —  Évacuation  des  cantonnements 
et  du  Muchee-Bawan.  —  Description  de  la  Résidence , 
son  enceinte,  son  système  de  défenses. — Mort  de  sir 
Henry  Lawrence.  —  Souffrances  inouïes  des  assiégés.  — 
Mort  du  major  Banks,  second  commandant  de  la  Rési- 
dence. —  Le  Français  Duprat.  ^  Assauts  du  2,  du  8,  et 
du  20  juillet;  du  18  août  et  du  5  septembre.—  Les  gêné- 
raux  Havelock  et  Outram.  —  Forces  et  composition  de 
la  colonne  de  Cawnpour.  —  Passage  du  Gange  (19  sep-, 
tembre).  —  Combat  de  Mungarwar  (21  septembre).  — 
Combat  d*Alumbagh  (23  septembre).—  Ravitaillement  de 
la  Résidence  et  mort  du  général  Neill  (25  septembre).  — 
Ordre  du  jour  du  gouverneur-général.  —  Second  siège 
de  la  Résidence.  —  Expédition  du  général  en  chef  sir 
Colin  Campbell.  —  Seconde  délivrance  de  la  Résidence. 

—  Évacuation  du  poste.  —  Mort  du  général  Havelock. 

—  Rapport  du  colonel  Inglis,  troisième  et  dernier  com- 
mandant de  la  Résidence.  —  Ordre  publié  par  le  gou- 
verneur-général en  conseil ,  à  Toccasion  des  sièges  de 
Lucknow 347 

Chapitre  XVI.  —  Situation  générale  après  la  délivrance  de 


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XXX  TABLE 

la  Résidence  par  le  général  en  chef.  —  Ajournement  de 
roccupation définitive  de  I.ucknow— Situation  des  pro- 
vinces de  rinde  centrale.  —  Les  résidcnls  de  Sangor.  -— 
Occupation  de  Calpy  par  le  conlingcnl  de  Gouâlior.  — 
Affaires  du  général  Windham.— Combats  du  6  décembre. 

—  Affaire  de  Seraï-Ghat  (10  décembre).  —  Plan  de  cam- 
pagne adopté  pour  la  destruction  des  rebelles  dans  TOude. 

—  Emplacement  cl  opérations  des  divers  corps  d'armée. 
^Colonne  du  Rohilcund  (brigadier  Penny).  —  Colonne 
du  Radjopoutna  septentrional  (brigadier  Showers).  — 
Colonne  du  Doab  (colonel  Seaton}.  —  Colonne  du  Radje- 
poutna  méridional  (brigadier  Roberts  et  major  Raines). 

—  Colonne  de  Tlndc  centrale  ou  armée  de  la  Nerbuddah 
(général  sir  II.  Rose  et  brigadier  Stuart).  —  Colonne  de 
Madras  ou  du  Candouana  (colonel  Whitelock).  -  Colonne 
de  la  frontière  méridionale  de  TOude  (brigadier  Franks). 

—  Colonne  de  la  frontière  orientale  (colonel  Rowcroft). 

—  Colonne  de  la  frontière  septentrionale  (Jung  Bahadoor, 
colonel  Mac-Gregor).  —  Opérations  préliminaires,  marche 
du  général  en  chef  sur  Futtehghur  et  du  général  Walpole 
sur  Ëtawah  (24  décembre  1857).  —  Hésitations  et  incer- 
titudes de  l'état-major  anglais.  —  Divergences  d'opinion 
à  l'égard  de  la  conduite  des  opérations.  —  On  renonce  à 
Texpédition  du  Rohilcund.  —  Le  quartier-général  est 
réinstallé  &  Cawnpour  (janvier  et  février  1858).  —  Prise 
de  Ratgurh  et  délivrance  de  Sangor.  —  Force  de  l'armée 
de  sir  C.  Campbell.  —  Prise  de  Lucknow.  —  Dispersion 
des  forces  de  l'armée  de  Lucknow.  —  Colonnes  des 
généraux  Hope  Grant,  E.  Lugard  et  Walpole.  —Prise  de 
Ibansi.—  Prise  de  Kotah.  —  Combat  de  Kounch.  —  Prise 
de  Calpy.—  Les  insurgés  s'emparent  de  Gouâlior.  — Rs 
reperdent  cette  ville  le  19  juin.  —  Opérations  dans  le 
Rohilcund.  —  Prise  de  Schahdjihanpour  et  de  Bareilly.— 
Affaire  du  général  Walpole.  —  Opérations  du  général 
Lugard  dans  les  districts  du  sud  de  l'Oude.—  Les  troupes 
anglaises  prennent  leurs  quartiers  d'été.  —  Situation 
générale  au  moment  de  la  cessation  des  hostilités.  — 
Appréciation  des  résultats  obtenus.  —Discussion  critique 


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Des   MATliRKS.  XXXI 

des  opérations  de  1857-1858.  —  Résultat  probable  de  la 
prochaine  campagne. 393 

Chapitre  XVII.  —  Politique  nouvelle  à  pratiquer  dans 
r/nrf« ;  Oraison  funèbre  de  l'honorable  Compagnie.— 
Transformation  du  gouvernemenl  de  Tlnde.  — Procès  de 
Tancien  gouvernement.  -  Ce  que  doit  être  la  domination 
anglaise  en  Asie. —La  Compagnie  a  exploité  Tlnde  au 
lieu  de  la  civiliser.— Les  vices  et  Timmoralilé  du  système 
ne  pouvaient  être  compensés  par  la  bonne  volonté  et 
rhonnêteté  des  agents.— Nouvelle  organisation.  —  C*est 
à  juste  titre  que  la  Compagnie  a  été  la  victime  expiatoire 
des  derniers  événements.  —  Amélioration  réelle  de  la 
situation.  —  Bilan  de  Tannée  1858.  —  Comment  T An- 
gleterre parviendra  à  civiliser  et  à  christianiser  Tlnde.  — 
Un  mot  sur  la  sitiiation  des  catholiques  romains  en 
Asie.  — Llnde  a  été  cx>nquise  par  Tépée  et  doit  être  con- 
servée par  répée.—  Le  parti  des  poltrons.  -»  Sentiment 
de  Tarmée.  -  L'amnistie  et  la  conciliation. Ml 

Chapitre  XVIIL  —  Béorgânisation  de  la  puissance  int/i- 
taire  des  Anglais  dans  l'Inde.  —  Les  enrôlements  volon- 
taires  en  Angleterre.  —  Discussion  du  système  adopté 
pour  le  recrutement  de  Tarmée.  ^Le  Hanovre  et  rémi- 
gration irlandaise.-— Épreuves  auxquelles  a  été  soumis 
le  système  militaire  de  TAngleterre  depuis  quelques 
années.  —  La  Crimée  et  la  révolte  indienne.  —  Le  patrio- 
tisme d*une  nation  ne  sufflt  pas  à  sauvegarder  son  terri- 
toire.—  Double  problème  à  résoudre  dans  Tétat  militaire 
d*un  pay.s.— Opinion  de  Wellington  surTarmée  anglaise. 
—  Nouvelle  phase  dans  laquelle  est  entrée  la  guerre 
des  Indes.  —  Obligations  imposées  à  la  Grande-Bretagne 
par  la  situation  de  sa  colonie A67 

Chapitre  XIX  et  dernier.— Programme  d'un  projet  d'é- 
tude des  institutions  militaires  de  la  Grande-Bretagne, 
Organisation  générale  de  Tarmée  anglaise,  composition 
et  division.  —  Recrutement  de  Tarmée  anglaise  ;  discus- 


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XXXII     .  TABLB   DES   MATIÈRES. 

sion  des  systèmes  par  enrôlement  et  par  appel  forcé.  — 
Législation  anglaise  en  matière  d*avancement  dans 
Tarmée.  •—  Élude  et  mérite  comparatif  des  différentes 
armes  qai  entrent  dans  la  composition  de  Tarmée  anglaise. 
—  Organisation  des  services  administratifs  dans  Tarmée 
britannique.  —  Réorganisation  de  la  puissance  militaire 
des  Anglais  dans  Tlnde. —  Mode  de  guerre  à  adopter  pour 
arriver  à  la  pacification  de  Tlnde.  —  Analogies  entre  la 
guerre  d'Afrique  et  la  guerre  indienne  ;  examen  compa- 
ratif des  armées  française  et  anglaise  employées  en 
Algérie  et  dans  Tlnde. A81 


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DE  L'ORGANISATION 

DE  LA 

PUISSANCE  MILITAIRE 

DES    ANGLAIS  DANS  L'IHDE. 


La  France  élabore  au  centre  de  TEnrope  la 
civilisation  que  I*Ângleterre  porte  à  tous  les 
coins  du  monde.  Si  ces  deux  reines  des  sociétés 
modernes  n*avaient  pas  absurdement  dépensé 
Tune  cx>ntre  Tautre  des  torrents  d'or  et  de  sang, 
elles  auraient  par  leur  union  avancé  de  plu- 
sieurs siècles  les  progrès  derhumanité. 


INTRODUCTION. 


La  lutte  sanglante  et  toujours  indécise  que  TAn- 
gleterre  soutient  depuis  six  mois  contre  ses  sujets  ré- 
voltés du  Bengale  présente  au  monde  un  spectacle 
assez  grand,  assez  nouveau,  pour  expliquer  ladiver- 
site  des  sentiments  et  des  opinions  qu'elle  a  provoqués 
en  Europe,  et  particulièrement  en  France.  Un  instinct 
que  Ton  peut  regarder  comme  infaillible  révèle  aux 
plus  ignorants  comme  aux  plus  instruits  que  les  évé- 
nements dont  rinde  est  le  théâtre  ne  peuvent  man- 
quer de  produire,  et  même  assez  prochainement,  des 
résultats  dont  Tinfluence  se  fera  sentir  au  monde 

entier. 

1 


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2  DA  Ik  PDiantSCB  IUI.17AIRB 

Nous  abordons  aujourd'hui  seulement  Thistoire  de 
cette  grande  catastrophe. 

jiujwrd'huiseukmmtj  di60pa-nou9;-*-*c*e$t  qu'es 
effet  beaucoup  d'autres  nous  ont  devancé  sur  cette 
grave  question.  Cependant»  nous  Tavouons,  en  pré- 
sence (l99  erreura  étranges,  dos  epéculations  sans 
nombre,  des  hypothèses  à  perte  de  vue  auxquelles  la 
question  anglo-indienne  a  ouvert  le  champ,  nous  ne 
regrettons  pas  d'avoir  à  constater  la  prudence  d'un 
retard  que  la  conscience  et  la  sincérité  apportées  à 
cette  élude  nouB  feront  sans  doute  {fardonner. 

La  France  et  l'Angleterre  ne  diffèrent  pas  seule- 
ment par  leur  manière  de  faire  la  guerre,  elles  ont 
chacune  leur  façon  distincte  de  la  raconter.  11  faut 
avoir  suivi,  comme  nous  l'avons  faik^  dans  les  jour- 
naux anglais,  cette  phase  si  intéressante  de  l'histoire 
contemporaine,  pour  avoir  une  idée  du  pêle-mêle,  du 
décousu,  du  chaos  qui  ont  régné  longtemps  dans 
toutes  les  nouvelles  ayant  trait  aux  affaires  de  l'Inde. 
Documents  officiels,  correspondances  privées,  détails 
curieux,  tout  abonde  ;  mais  ce  n'est  point  un  mince 
embarras  que  de  discerner  et  de  choisir  dans  ce  tour- 
billon, et  alors  même  qu'on  a  choisi,  la  place  et  le 
temps  font  défaut.  Chez  nous,  les  rapports  officiels 
sont,  en  général,  pleins  d'intérêt,  et  représentent  vi- 
vement les  actes  militaires  dont  on  doit  le  compte 
rendu  à  l'autorité  supérieure*  En  revanche,  les  cor- 
respondances de  nos  journaux  laissent  singulièrement 
à  désirer,  et,  quant  aux  lettres  particulières,  le  petit 
nombre  de  celles  que  l'on  publie  ne  donne  pas  sou- 


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DUS  ANGLAIS  PANS  I.*INDB.  3 

vent  lieu  de  regretter  celles  que  Ton  ignore.  En  un 
mot,  à  la  guerre  comme  partout,  nous  aimons  assez 
à  charger  quelqu'un  de  parler  pour  tout  le  monde. 

Les  rapports  des  généraux  anglais  sont,  au  con- 
traire, d'une  sécheresse  incomparable.  La  littérature 
militaire  est  h,  créer  chez  nos  voisins.  Du  grand  au 
petit,  cbacuQ  se  contente  ordinairement  dMudiquert 
avec  un  sang-froid  imperturbable,  dans  son  rapport, 
les  mouvements  des  corps  ornés  de  leurs  numéros,  et 
de  constater  brièvement  le  résultat  de  leur  action. 
Les  plus  terribles  engagements  sont  racontés  commQ 
des  revues,  et  peut*être  même  racontons-nous  les 
revues  avec  plus  d'animation  et  d'éloquence.  Mais  ca 
n'est  pas  là  que  les  Anglais  cherchent  l'histoire  de 
leurs  guerres.  Ils  la  cherchent  et  ils  la  trouveiri  dans 
les  libres  et  vives  correspondances  de  leurs  journaux, 
et  dans  les  lettres  sincères  que  les  officiers  de  Par** 
mée,  la  plupart  très  cultivés,  écrivent  à  leurs  familles. 
C'est  par  ]&  qu'on  sait  la  vérité,  et  qu'on  la  voit  sous 
les  plus  vives  couleurs  ;  chacun  raconte  ses  aventures 
et  les  commente  avec  l'énergie  et  V humour  habituels 
à  nos  voisns.  C'est  par  ces  récits  individuels  que  le 
public  anglais  apprend  h  la  fois  et  ce  qui  se  passe  et 
ce  qu'il  faut  faire  ;  —  ils  satisfont  la  curiosité  et  en 
Q)ême  temps  ils  forment  l'opinion. 

Nous  reconnaissons,  sans  difficulté,  tout  ce  qu'il  y 
a  parfois  d'instructif  et  d'attachant  dans  les  corres- 
pondances privées  que  les  familles  qui  ont  des  amis 
ou  des  parents  dans  l'Inde  communiquent  incessam- 
ment aux  journaux  anglais;  toutefois  leur  multipli- 


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/l  DE   Lk  PDISSANCIS   MlLlTiLIfiB 

cité,  les  contradictions  qu'elles  offrent  trop  souvent, 
compliquent  singulièrement  la  tâche  de  Thistorien  : 
obligés  de  puiser  exclusivement  à  cette  source,  nous 
y  chercherons  de  notre  mieux  Thistoire  vraie  de  la 
guerre  indienne,  mais  sans  dissimuler  à  nos  lecteurs 
que  nos  matériaux,  en  ce  qui  touche  aux  opérations 
militaires  proprement  (Utes,  sont  loin  de  ressembler 
aux  Bullelins  de  notre  grande  armée. 

Au  reste,  nous  devons  le  constater  tout  d^abord, 
dans  l'épouvantable  guerre  qui  désole  aujourd'hui  le 
Bengale  (comme  dans  toutes  les  guerres  d'insurrec- 
tion), la  partie  épisodique  a  tenu  jusqu'ici  la  première 
place.  La  science  militaire,  la  stratégie  ou  la  tactique 
n'avaient  rien  à  faire  dans  ce  gigantesque  guet- 
apens.  Surpris  sur  tous  les  points,  au  sein  de  la  plus 
profonde  comme  aussi  de  la  plus  trompeuse  sécurité, 
les  Anglais  se  sont  trouvés  dispersés  en  petites  bandes, 
traquées,  acculées,  affamées,  disséminées  et  partout 
désespérées;  mordant  d'un  côté,  mordant  de  l'autre, 
déployant  sur  tous  les  points  un  courage  héroïque, 
une  énergie  surhumaine,  mais,  par  la  force  même  des 
choses,  sans  conduite,  sans  ordre,  sans  direction  pos- 
sible et  sans  communications  praticables*  Jusqu'au 
moment  où  le  général  Campbell  a  pu  entrer  en  cam- 
pagne, et  ce  jour  date  h,  peine  d'hier,  les  malheureux 
débris,  harassés,  malades  et  mutilés,  qui  tenaient  gar- 
nison dans  les  districts  de  Delhi  et  de  Meerut  n'ont 
pu,  le  siège  de  la  première  de  ces  villes  excepté,  ten- 
ter aucune  opération  suivie  contre  les  révoltés. 

Gr&ce  à  Dieu!  une  phase  nouvelle  commence  au- 


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DES  ANGLAIS   DANS    l/lNDB.  5 

jourd^hui;  rhumanité  y  était  intéressée.  Depuis  six' 
mois»  les  récits  qui  nous  arrivent  de  l'Inde  à  chaque 
courrier  ont  soulevé  tous  les  cœurs  et  toutes  les  con- 
sciences. Les  détails  qui  nous  sont  parvenus  sur  la 
situation  de  ce  malheureux  pays,  pendant  cette  lamen- 
.table  période,  sont  sans  précédents  dans  Thistoire. 
Toutes  les  atrocités,  tous  les  crimes  que  la  per- 
versité la  plus  infernale  peut  suggérer  aux  organisa- 
tions les  plus  basses,  les  plus  ignobles,  ont  été  ac- 
complis par  les  Indiens  sur  la  personne  des  Anglais, 
de  leurs  femmes  et  de  leurs  enfants.  Nous  disons  que 
ces  faits  sont  sans  précédents,  car  les  autres  révoltes 
qui  ont  éclaté  dans  les  différentes  parties  du  monde 
ont  pu  être  signalées  par  des  crimes  horribles  et  des 
atrocités  sanguinaires  envers  les  dominateurs  ou  les 
conquérants  étrangers,  mais  c'est  la  première  fois  que 
des  femmes  et  des  enfants  ont  été  sacrifiés.  C'est  la 
première  fois  que  l'obscénité,  le  pillage,  la  trahison 
se  trouvent  réunis  à  un  degré  aussi  diabolique.  Un 
voile  doit  être  jeté  sur  des  horreurs  que  la  bouche  ne 
peut  répéter,  que  la  plume  se  refuse  à  retracer ,  de- 
vant lesquelles  Timagination  elle-même  recule. 

Il  ne  peut  y  avoir,  il  n'y  a  pas  deux  manières  de 
Yoir  et  de  sentir  sur  le  spectacle  d'horreurs  et  d'atro- 
cités que  présente  aujourd'hui  l'Inde  anglaise  au 
inonde  civilisé.  Le  sentiment  qui  devrait  apimer 
avant  tout  en  France,  comme  ailleurs,  est  celui  de  la 
sympathie  pour  les  victimes,  et  de  l'indignation  contre 
les  bourreaux.  Pour  nous,  en  présence  d'une  pareille 
ifttoation,  et  quels  que  soient  nos  regrets  à  l'égard  de 


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6  DB   L/i   PUISSANCE   MILITAIRE 

ces  contrées  lointaines,  où  notre  pavillon,  glorieuse- 
ment porté  par  les  Labourdonnaye  et  les  Dupleix,  n'a 
dû  la  perte  de  son  ascendant  qu*aux  fautes  et  à  l'inep- 
tie d'une  dynastie  énervée  et  décrépite  ;  —  pour  nous, 
!â  France,  assez  riche  de  sa  gloire  acquise,  assez 
forte  de  sa  grandeur  actuelle,  peut  contempler  sans 
envie  la  puissance  anglaise  dans  Tlnde  et  dans 
Textrême  Orient;  —  pour  nous,  la  cause  de  l'Angle^ 
terre  dans  ces  contrées  est  aujourd'hui  la  cause  de  la 
civilisation  ;  la  cause  de  l'insurrection  indienne  est  la 
cause  de  la  barbarie.  Entre  ces  deux  drapeaux,  nous 
ne  pouvons  raisonnablement  hésiter  :  —  aussi  souhai- 
tons-nous, espérons-nous  fermement  le  triomphe  de 
TAngleterre  sur  ses  sujets  révoltés  du  Bengale, 

Le  gouvernement  français  n'a  pas  hésité  à  se  faire 
l'interprète  de  ces  sentiments ,  et  l'Angleterre  a  dû 
voir  un  gage  nouveau  de  la  stabilité  et  de  la  sincérité 
de  l'alliance  dans  le  témoignage  de  sympathie  que 
l'Empereur  et  la  Garde  impériale  ont  donné  aux  fa- 
milles des  victimes  de  la  cruauté  des  cipayes.  Dans 
un  autre  ordre  d'idées,  l'offre  du  passage  des  ren- 
forts anglais  à  travers  la  France  émane  d'uiie 
source  non  moins  noble  et  non  moins  généreuse. 

Lorsqu'on  veut  bien  y  réfléchir,  quel  événement, 
en  effet,  plus  propre  à  exciter  la  loyale  sympathie  de 
la  France  que  cette  insurrection  indienne ,  dont  les 
journaux,  qui  n'ont  pu  tout  dire,  ont  raconté  cepen- 
dant de  si  révoltants,  de  si  horribles  détails  I  Sans 
doute^  ces  malheurs  ne  ressemblent  pas  aux  inonda- 
tions qui  nous  ont  éprouvés,  et  à  l'occasion  desquelles 


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MB  ANGLAIS  DANS  l'iNDB.  7 

nos  voisins  et  leurs  souverains  ont  montré  tant  d'hu- 
manité» —  sans  doute  ces  malheurs  sont  les  effets, 
non  d*un  de  ces  fléaux  naturels  contre  lesquels  la  sa- 
gesse et  rhabileté  hunaaines  sont  impuissantes,  mais 
bien  d'une  insurrection  terrible  d'indigènes  armés, 
après  un  siècle  de  domination  étrangère,  contre  les 
conquérants  de  leur  pays. 

Notre  sympathie  ne  nous  rend  pas  aveugles^ 

Nous  n'ignorons  pas  qu'on  ait  eu  le  droit  d'attri- 
buer aux  Anglais  eux-mêmes  la  responsabilité  de  ces 
calamités,  qui  jettent  dans  ce  moment  le  deuil  parmi 
un  si  grand  nombre  de  familles  de  leur  nation.  On 
peut  se  demander  comment  il  se  fait  que  leur  autorité, 
si  longtemps  exercée  dans  l'Inde,  ait  abouti  à  un  ré- 
sultat si  lamentable,  et  que,  sous  leur  influence  di- 
recte, les  cipayes  soient,  ou  restés  ce  qu'ils  étaient, 
ou  devenus  ce  qu'ils  sont. 

Nous-mêmes,  on  le  verra  plus  loin,  nous  regarde^ 
rons  comme  un  devoir  de  signaler  les  causes  qui  ont 
amené,  suivant  notre  humble  opinion,  la  révolte  des 
armées  indiennes.  Mais  quelle  que  soit  la  nature  du 
malheur  qui  frappe  nos  alliés,  de  qui  nous  avons  reçu 
une  marque  si  éclatante  de  sympathie  quand  nous 
avons  été  nous-mêmes  fatalement  éprouvés,  et  quelles 
que  soient  les  causes  qui  aient  pu  amener  ce  malheur, 
nous  le  répétons,  entre  les  victimes  et  les  bourreaux 
nous  ne  saurions  hésiter. 

Et  quelles  victimes,  en  effet,  plus  dignes  de  com- 
passion et  d'activé  sympathie  que  ces  familles  d'offi- 
cio^setde  soldatscruellement  massacrées,  dépouillées 


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8  DB  LA   PUISSANCE  MIliITiKIftB 

tout  à  coup  de  tout  ce  qu'elles  possédaient; chas- 
sées de  leurs  habitations  incendiées  ;  privées,  loin  de 
leur  pays,  de  toutes  ressources,  et  ne  sachant  à  qui 
demander  les  nooyens  de  quitter  cette  terre  souillée 
de  crimes,  eu  leur  vie  est  constamment  en  péril  1  — 
que  ces  femmes,  naguère  entourées  de  toutes  les  ai- 
sances de  \sl  vie,  aujourd'hui  entassées  dans  les  forts, 
presque  réduites  au  déuûment,  pleurant  leurs  maris 
affreusement  mutilés  sous  leurs  yeux ,  et  tre^nblant 
sans  cesse  d'avoir  à  subir  les  mêmes  traitements  in- 
dignes et  le  sort  affreux  que  les  cipayes  ont  infligés 
à  tant  d'autres  dames  anglaises  délicatement  élevées! 
-—  Quelles  victimes  plus  dignes  de  pitié  que  ces  en- 
fants, maintenant  orphelins,  échappés  jusqu'à  ce  jour 
au  massacre  général,  et  dont  le  salut  est  confié,  soit 
à  des  amis  de  leurs  parents  défunts,  soit  même  à  des 
domestiques  indigènes,  dont  la  fidélité  peut  être  à 
chaque  instant  ébranlée  I 

Si  de  telles  situations  inspirent  une  pitié  profonde, 
combien  de  scènes  atroces,  d'affreux  épisodes,  soulè- 
vent l'indignation  !  Nous  n'oserions  répéter  ici  cer- 
tains détails  de  férocité  inouïe  dont  le  récit  s'est 
glissé  dans  quelques  feuilles  anglaises;  mais  nous  ne 
pouvons  nous  dispenser  de  citer  quelques  faits  qui 
puissent  au  moins  expliquer  les  sentiments  d'indigna- 
tion et  la  soif  de  vengeance  que  révèlent  tant  de 
lettres  écrites  de  l'Inde  par  des  Anglais  appartenant 
à  l'armée.  L'imagination  diabolique  des  cipayes  a 
inventé  des  complications  de  torture,  des  raffinements 
de  supplice,  des  mélanges  do  souffrances  physiques 


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QBft  ANGLAIS  DANS  L*lfïDB.  9 

et  morales  que  Timagination  européenne  la  plus  har- 
die ne  saurait  deviner.  Ce  ne  sont  pas  seulement  des 
hommes  égorgés,  des  femmes  violées,  assassinées  : 
ce  sont,  par  exemple,  un  officier  et  sa  femme,  cha- 
cun lié  à  un  arbre,  et,  sous  leurs  yeux,  leur  petit 
enfant,  dont  les  misérables  coupent  lentement  les 
doigts,  dont  i(s  déchirent  les  chairs,  et  qu'ils  finis- 
sent par  écarteler  la  tête  en  bas  et  jeter  dans  les 
flammes,  auxquelles  le  père  et  la  mère  sont  livrés  à 
leur  tour,  mais  non  sans  avoir  subi  préalablement 
des  tortures  et  des  avanies  que  nous  ne  saurions  dé- 
crire. 

Ailleurs,  ce  sont  des  enfants  exposés  à  dessein  la 
tête  nue  au  soleil  brûlant,  jusqu'à  ce  que  l'ardeur 
des  rayons  et  une  soif  extrême  les  aient  rendus  fous. 
C'est  une  mère  qui  s'écrie  :  «  Tuez-moi,  et  donnez  un 
verre  d'eau  à  mon  enfant  !  »  et  dont  l'enfant  est 
comme  elle  à  l'instant  massacré.  C'est  une  femme  et 
sa  fille  qui,  après  avoir  été  témoins  du  supplice  de 
leur  père  et  époux,  sont  forcées  de  tremper.  leurs  mains 
dans  son  sang.  C'est  une  mère,  à  qui  le  nez  et  les 
oreilles  ont  été  coupés,  et  qu'on  renvoie  avec  son 
enfant  sans  orteils  et  sans  doigts.  La  liste  de  ces  atro- 
cités serait  interminable,  et,  si  nous  voulions  la  pour- 
suivre, le  cœur  le  plus  ferme  n'y  résisterait  pas. 

Yeut-on  des  faits  d'un  autre  caractère?  On  a  ra- 
conté la  barbare  trahison  de  ce  radjah  de  Bithouf , 
Nana-Salb,  qui  jusque-là  l'hôte  fêté  des  Anglais,  qu'il 
invitait  souvent  à  son  château  et  comblait  de  poli- 
tesses orientales,  s'est  tout  à  coup  transformé  en  en- 


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10  DB   LA   P0IS8ANGB  UILltAIllB 

nemî  mortel  et  en  bourreau.  C'est  lui  qui,  après 
s*être  rendu  maître  de  Cawnpoore,  et  avoir  accordé  k 
la  garnison  la  faculté  de  se  retirer  de  Tautre  côté  de 
la  rivière,  donna  le  signal  de  couler  bas  les  quarante 
bateaux  portant  un  nombre  considérable  d'Anglais, 
avec  leurs  femmes  et  leurs  enfants.  —  Un  colonel  « 
M.  Platt,  commandait  depuis  longtemps  un  régiment 
indigène,  dont  il  paraissait  avoir  gagné  toute  raiTec- 
tion  ;  peu  de  temps  avant  la  révolte,  la  Compagnie 
des  Indes  lui  avait  offert,  dit-on,  le  commandement 
d'un  régiment  anglais,  qu'il  était  disposé  k  accepter; 
les  cipayes  lui  adressent  une  pétition  pour  le  supplier 
de  rester  avec  eux,  tant  ils  se  disaient  attachés  à  lui. 
Ces  mêmes  cipayes  l'ont  tué  I&chement  à  Mhow,  eo 
le  criblant  de  balles.  —  Au  fort  d'AIlababad,  tandis 
que  les  soldats  égorgeaient  les  officiers  du  6*  régi- 
ment, surpris  à  table,  la  musique,  composée  de 
mahométans,  joignant  au  meurtre  l'insulte  et  la  dé- 
rision, exécutait  le  God  save  the  Çueen^  cet  hymne 
sacré  et  national  de  l'Angleterre  t 

Nous  ne  saurions  le  répéter  assez,  il  n'est  pas  de 
châtiments  trop  sévères  pour  de  pareils  forfaits,  et  si 
nous  avons  cité  ces  exemples  parmi  tant  d'autres  im- 
possibles à  raconter,  c'est  parce  qu'ils  doivent  faire 
comprendre  au  lecteur  ces  sentiments  d'exaspération, 
cette  soif  de  vengeance  dont  les  Anglais  sont  aujour- 
d'hui dévorés. 

Nous  ^avouons  humblement,  nous  sommes  loin  de 
partager  cet  esprit  de  sentimentalité ,  cette  philan- 
tropie  exagérée,  qui  ne  vont  rien  moins  qu'à  retenir 


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DBS   ANGLAIS   DANS  L^INDB.  fi 

le  bras  fevé  aujourd'hui  pour  punir  cette  race  iil- 
dienne,  qui  a  couvert  de  honte  la  forme  humaine 
dont  elle  est  revêtue.  Instruit  pour  notre  compte, 
par  une  pratique  de  dix  ans,  de  toutes  les  nécessités 
de  cette  guerre  sans  merci  que  la  France  a  soutenue 
en  Afrique,  nous  retrouvons  en  Asie,  dans  les  égor- 
geurs  de  Cawnpoore,  de  Meerut,  de  Ihansi,  les  égor- 
geurs  de  la  Mitidja,  de  Gonstantine,  de  Sidi-Brahin). 
Nous  comprenons  Timpression  que  peuvent  produire 
âur  les  Anglais  les  récits  de  ces  Vêpres  indiennes  ;  -^ 
h  nous  aussi  il  est  arrivé,  en  songeant  à  nos  frères 
d*armes  prisonniers  et  lâchement  massacrés,  de  trou- 
ver la  vérité  si  affreuse  que  nous  n'osions  la  raconter 
à  leurs  familles.  Nous  aussi,  pour  emprunter  les  pa- 
roles de  cet  olBcier  anglais,  qui  peint  si  bien  Tétat 
moral  de  l*armée  britannique,  «  nous  évitions  ce  su- 
jet, nous  en  parlions  peu,  de  peur  de  devenir  fous  ; 
Texpression  de  nos  visages  devenait  étrange  lorsque 
Ton  y  faisait  allusion;  toutes  les  lèvres  se  serraient, 
et  un  sombre  éclair  jaillissait  de  nos  yeux.  »  Triste 
retour  des  événements  de  ce  monde  :  TAngleterre  se 
plaint  de  trouver  aujourd'hui  en  France  ses  Cobden 
et  autres  adeptes  du  Congrès  de  lapaico,  dont  l'armée 
africaine  subissait  en  18&d  les  injurieuses  déclama- 
tions lorsqu'elle  ch&tiait  les  tribus  révoltées  de  l'Al- 
gérie, lorsqu'elle  purgeait  la  province  d'Oran  de  ses 
bandits,  en  nettoyant  les  grottes  et  les  repaires  du 
Dahra. 

Punir  les  ooupables  est  aujourd'hui  pour  l'Angle- 
tMTe  an  devoir  aussi  impérieux  que  d'épargner  \u 


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12  DB  LA  PUISSANCB   MlLlTAïaS 

innocents,  que  de  réconopenseï:  la  bravoare  et  te  dé- 
vouement de  ses  généraux.  Punir  le  coupable  selon 
son  crime,  comme  Ta  dit  un  homme  d'État  illui^tre, 
est  au-dessU9  du  pouvoir  de  tout  homme  civilisé  ;  cette 
tâche  est  donc  au-dessus  du  pouvoir  de  Tarmée  an- 
glaise, car  les  atrocités  qui  ont  été  commises  par  les 
cipayes  sont  de  celles  que  des  démons  pouvaient  seuls 
imaginer  et  commettre.  C'est  dans  un  esprit  de  sé« 
vérité  et  non  de  vengeance  que  le  ch&timent  devra 
être  infligé,  afin  que  l'exemple  puisse  prévenir  le 
retour  de  semblabiee  crimes.  Qu^on  ne  s^y  trompe 
pas,  il  y  va  de  l'avenir  de  la  puissance  anglaise  dans 
les  Indes  :  ce  n'est  pas  par  la  puissance  militaire 
qu'un  empire  aussi  grand  peut  être  maintenu  dans 
l'obéissance,  c'est  par  la  puissance  morale.  Qui  pour- 
rait contester  que  dans  la  situation  où  se  trouve  au- 
jourd'hui l'Angleterre  &  l'égard  de  ses  colonies,  sa 
puissance  morale  ne  doive  être  fatalement  basée  sur 
le  souvenir  de  la  sévérité  et  des  rigueurs  qu'elle  est 
obligée  de  déployer? 

Épargner  les  populations,  qui,  pour  la  plus  grande 
partie,  n'ont  point  trempé  dans  la  révolte,  n'ont  point 
pris  part  aux  énormités  qui  ont  été  commises,  est  un 
devoir  rigoureux  ;  si  les  coupables  se  comptent  par 
milliers,  les  innocents,  l'homme  d'État  que  nous  ci- 
tions tout  à  l'heure  l'a  proclamé,  les  innocents  se 
comptent  par  millions.  On  a  dit  que  la  question  de 
savoir  comment  l'insurrection  sera  étouffée  présen- 
tait d'immenses  difficultés  :  prétendre,  comme  quel* 
ques  personnes  l'ont  fait  en  Angleterre,  que  l'on  doit 


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PBS  AI^GLAld  DANS  L*INDB.  18 

toQt  abattre;  —  qu'il  faut  brûler  les  villages;  — 
•exterminer  les  habitants,  ce  serait  plus  qu^une  folie, 
ce  serait  le  suicide. 

Daqs  l'aceomplissement  de  cette  tâche  ingrate  et 
fatale  qui  incombe  aujourd'hui  à  Tarmée  anglaise,  le 
vrai,  le  praticable  ne  s'éloigne  pas  moins  d'une  guerre 
d^extermination  que  d'une  clémence  imprudente  et 
ridicule. 

La  guerre  d'extermination  n'est  plus ,  grâce  au 
ciel,  dans  les  mœurs  des  nations  modernes.  Quelle 
que  soit  la  sympathie  que  mérite  la  situation  actuelle 
de  l'Angleterre  dans  l'Inde,  quelle  que  soit  la  part 
que  nous  croyons  juste  de  faire  à  l'indignation  pro- 
voquée par  les  cruautés  des  cipayes,  quelle  que  soit 
aussi  la  part  que  l'on  fasse  aux  nécessités  de  cette 
lutte  effroyable  entre  la  civilisation  et  la  barbarie, 
dépasser  la  mesure  ne  serait  pas  seulement  impoli- 
tique, ce  serait  une  faute  au  point  de  vue  des  sympa- 
thies méritées  que  l'Europe  impartiale  est  loin  de  re- 
fuser à  l'Angleterre.  Il  y  a  plusieurs  siècles  que  les 
guerres  d'extermination  sont  finies  et  oubliées  dans 
le  monde  civilisé  ;  les  peuples  modernes  en  ont  désap- 
pris les  instincts,  les  procédés,  le  vocabulaire  sau- 
vage. Aucun  d'eux  n'a  le  droit  ni  la  puissance  de 
remettre  ce  langage,  ces  procédés,  ces  instincts  en 
pratique  et  en  honneur,  aucun  ne  peut  en  relever  le 
drapeau  sanglant  et  hideux  sans  s'exposer  à  la  répro- 
bation universelle.  Dans  sa  lutte  contre  la  barbarie, 
la  civilisation  ne  peut  employer  les  armes  de  la  bar- 
barie sans  se  blesser  elle-même. 


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14  DB  XA  P0IS8ANCB  JUlLITAïai^ 

Au  reste,  nous  croirions  faire  injure  à  nos  voisins 
si  nous  insistions  davantage  sur  ces  vérités  éteroeHesf 
quoi  qu'on  puisse  ou  qu'on  veuille  en  penser  ailleurs, 
nous  né  pouvons  douter  un  instant  qu'elles  soient  ap- 
préciées et  reconnues  en  Angleterre,  quand  nous- 
voyons  ceux  qui  portent  son  drapeau  être  les  premiers 
à  les  proclamer,  quand  nous  les  voyons  en  efiacer  la 
vengeance  aveugle  et  barbare  pour  n'y  laisser  inscrite 
que  la  justice.  L'inflexible  justice  accomplira  dooc 
son  œuvre,  comme  elle  en  a  le  droit  »  on  ne  saunait  le 
souhaiter  assez;  mais  en  dehors  de  la  mort  donnée. 
sur  le  champ  de  bataille,  infligée  dans  l'enivreoient 
de  la  lutte,  on  doit  l'espérer  aussi,  c'est  devant  les 
tribunaux  compétents  que  trouveront  le  châtiment  de 
leurs  crimes  ceux  que,  pour  leur  malheur,  le  fer  et 
le  boulet  auront  épargnés*  Que  peut-on  demander  de 
plus  à  l'Angleterre?  Il  faut  bien  le  reconnaître,  les 
événements  de  l'Inde  ont  été  apcueillis  en  France, 
par  certaines  personnes,  avec  une  satisfaction  que 
l'état  de  nos  relations  avec  la  Grande-Bretagne  est 
loin  d'excuser.  Cette  joie  est  faite  pour  donner  à  nos 
alliés  une  singulière  idée  de  la  loyauté  et  de  l'huma- 
nité françaises  ;  que  penserions-nous  si  les  Anglais  la 
manifestaient  en  présence  de  l'Algérie  soulevée? 

Il  fut  une  époque  où,  pour  flatter  les  préjugés  ar- 
dents du  peuple  anglais,  excité  autant  qu'alarmé  par 
les  péripéties  d'une  longue  guerre,  tous  les  écrivains 
d'outre-Manche  s'évertuaient  à  l'envi  à  tourner  «n 
dérision  nos  mœurs,  notre  langage ,  nos  manières. 
Sur  la  foi  de  ces  diatribes  incessamment  renouvelées, 


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DM  ANGLAIS  PilfS  L*|1|D1S,  Ifi 

dans  lesjoufnaux,  dan^  les  pamphlets,  dans  les  pièces 
4e  théâtre,  oopbre  de  gens  naïfs  et  crédules»  sur  le 
lerritoîr«  de  la  Grande-Bretagne,  avaient  fini  par 
crgîre  que  le  peuple  français  se  composait  unique- 
ment de  coiffeurs  et  de  maîtres  à  danser,  que  tous  nos 
compatriotes  étaient  revêtus  d'accoutrements  risibles, 
et  que,  parmi  nous,  le  mets  national  par  excellence 
ç*était  un  plat  de  grenouilles.  Le  temps  a  fait  justice 
de  ces  sottes  croyances;  la  race  des  çocknegs  atteints 
de  gallopbobie  a  disparu  peu  h  peu. 

La  race  des  cockneys  français  et  anglophobes  existe 
encore  chez  nous.  Ces  singulières  gens,  qui  semblent 
habiter  la  grotte  d'Épiménide,  et  qui  oublient  toujours 
un  siècle  ou  deux  dans  leurs  meilleurs  raisonnements, 
ces  gens-là  s'en  vont  tout  bouillant  des  défaites  de 
Crécy  et  d'Azincourt  ;  Tincendie  allumé  dans  Tlnde 
leur  semble  une  juste  représaille  du  bûcher  de  Jeanne 
tfArc. 

Pour  parler  sérieusement  d'un  sujet  grave,  nous 
ne  pensons  pas  qu'il  soit  à  propos  de  se  montrer  hos- 
tile ou  injuste  pour  l'Angleterre  pendant  la  crise 
qu'elle  traverse  aujourd'hui  dans  l'Inde.  Alors  même 
que  ces  troubles  se  prolongeraient  et  s'aggraveraient, 
l'Angleterre  étant  notre  alliée,  il  serait  impossible 
d'en  profiter  sans  rompre  avec  elle,  et  alors  c'est 
celte  question  avec  toutes  ses  conséquences  qu'il 
s'agirait  de  discuter.  Ce  serait  étendre  inutilement  la 
question  de  la  révolte  des  cipayes.  Tout  le  monde 
sait  que  si  l'Angleterre  n'est  pas  détournée  de  cette 
tAcbe  par  une  guerre  européenne,  elle  viendra  cer- 


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16  DB   LA  POISSANCB  HILITAIRB 

tainement  &  bout,  dans  un  temps  donné,  de  son  armée 
indienne  révoltée.  Que  restera-t-il  alors  de  tout  le 
bruit  que  certaines  gens  font  aujourd'hiû  à  propos 
de  cette  insurrection?  Rien  autre  chose  que  le  sou-> 
venir  durable  d'une  malveillance  stérile  et  d'une  ja- 
lousie impuissante.  De  tels  sentiments  ne  répondent 
certainement  pas  à  ceux  qu'éprouve  la  nation  fran- 
çaise, ils  ne  sont  pas  dignes  d'elle,  et  nous  dirons  à 
ceux  qui  les  expriment  :  «  Quand  on  est  en  paix  avec 
son  voisin,  on  lui  parle  le  langage  de  la  paix  ;  quand 
on  veut  la  guerre  avec  lui,  on  le  dit  loyalement  et  on 
en  donne  les  raisons.  » 

Cette  politique  d'un  autre  âge,  ces  passions  suran- 
nées, ces  rancunes  puériles  dont  le  peuple  anglais  a 
longtempspassé  pour  le  représentant  en  Europe,  sem- 
blent aujourd'hui  le  monopole  de  notre  pays  ;  elles 
ont  exercé  sur  ^opinion  une  influence  que  l'impartia* 
lité  ne  permet  pas  de  dissimuler. 

Nous  ne  nous  associerons  pas  au  langage  des  dé- 
tracteurs systématiques  et  passionnés  que  l'Angleterre 
a  rencontrés  en  France.  Nous  croyons  remplir  un  de- 
voir en  constatant  que  le  mouvement  qui  s'est  produit 
chez  nous,  à  propos  des  affaires  de  l'Inde,  n'était  pas 
sympathique  à  l'Angleterre;  mais,  nous  le  répétons, 
nous  ne  partageons  pas  ces  sentiments.  La  Grande- 
Bretagne  règne  sur  le  monde  par  l'industrie ,  comme 
la  France  par  les  idées  ;  pendant  que  la  France ,  au 
centre  de  l'Europe,  élabore  la  civilisation  dont  s'im* 
prègnent  ses  voisins,  la  Grande-Bretagne  est  le  vais- 
seau qui  la  porte  à  tous  les  coins  du  globe;  et  si  ces 


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DUS  ANOLMS  DANS   L*INDB.  17 

deux  reines  des  sociétés  modernes  n'avaient  pas  ab- 
sardenoent  dépensé,  l'une  contre  Tautre,  des  torrents 
de  sang  et  d'or,  elles  auraient,  par  leur  union , 
avancé  de  plusieurs  siècles  les  progrès  de  l'humanité. 
S'il  a  été  réservé  à  notre  génération  d'assister  à  la 
clôture  définitive  de  ces  tristes  querelles,  ce  n'est  pas 
nous  qui  prendrons  à  tftche  d'évoquer  des  souvenirs 
ou  de  faire  appel  à  des  sentiments  de  nature  à  les 
réveiller. 

Nous  serons  favorables  à  l'Angleterre  dans  lesju^ 
gements  que  nous  porterons  sur  les  affaires  de  l'Inde, 
nous   l'avouons   sans   le  moindre  scrupule.   Nous 
sommes  bien  loin  d'assister  à  ces  événements  avec 
les  sentiments  de  ce  philosophe  que  Lucrèce  a  peint 
se  drapant  dans  son  manteau  sur  le  rivage,  et  savou- 
rant le  bonheur  de  se  voira  Tabri  du  danger  dans  la 
contemplation  d'un  naufrage.  Mais  le  sentiment  d'es- 
time et  de  sympathie  que  nous  éprouvons  pour  l'An- 
gleterre ne  nous  rend  aveugles  ni  sur  la  gravité  de  la 
crise  que  sa  domination  subit  actuellement  dans 
l'Inde,  ni  sur  les  causes  qui  ont  amené  cette  crise. 
Nous  apprécierons  la  situation  telle  qu'elle  est,  nous 
la  jugerons  sans  illusion,  sans  optimisme ,  comme 
sans  prévention  et  sans  dénigrement  systématique. 
Pour  nous,  il  n'y  a  que  deux  opinions  en  présence  au 
sujet  de  cette  lutte  que  soutient  l'Angleterre  contre 
ses  cipayes  révoltés  :  d'une  part,  l'opinion  de  ceux 
qui,  sans  puéril  enthousiasme  pour  les  maîtres  de 
l'Inde,  dans  le  seul  intérêt  de  la  civilisation ,  et  par 
un  sentiment  de  pure  impartialité,  continuent  de  pen- 

2 


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IS  DB    hk   PUUMNW  mUTâlEB 

ser  et  d'espérer  que  la  Grande-Bretagne  triomphera 
de  la  crise  terrible  où  elle  est  engagée  dur  lee  bords 
du  Gange;  d'autre  part»  Topinion  de  ceux  qui,  par 
un  esprit  de  prévention  étroite  et  passionnée  contre 
l'Angleterre,  persistent  à  souhaiter  et  à  profiAétiser 
la  chute  et  la  fin  de  la  domination  britannique  dans 
l'Inde,  Sur  un  pareil  terrain  notre  choix  ne  saurait 
être  douteux. 

Malgré  les  nombreuses  imperfections  du  système 
[Qilitaire  de  la  Grande*Bret^ne,  imperfections  qui 
tiennent  une  grande  place  «  comme  noua  le  verrons 
pluâ  loin,  dans  les  causes  de  la  révolte  indienne  t 
l'Angleterre  sortira  victorieuse  de  la  lutte*  Ses  adver* 
saires  ont  prouvé  leur  impuissance  du  jour  où  i\é 
n*ont  pu  triompher  du  petit  nombre  d'Européens 
qu'ils  avaient  à  combattre  au  début  de  la  révolte. 
Celle-ci  peut  être  considérée  comme  réprimée 
d'avance  par  les  nombreux  renforts  qui  vont  arriver 
successivenient  à  Calcutta*  Par  le  fait,  une  insurrec- 
tion  du  genre  de  celle  des  cipayes  ne  peut  réussir  qu'à 
la  condition  de  faire  continuellement  des  progrès,  et 
chaque  jour  qui  s'écoule  sans  un  succès  des  révoltés 
est  d'une  valeur  inappréciable  pour  l'Angleterre. 

On  oublie  trop  souveqt,  en  appréciant  les  forces 
que  les  Anglais  peuvent  envoyer  dans  l'Inde,  qu'il 
s  agit  de  l'Inde  et  non  pas  de  l'Europe,  et  que  le 
même  nombre  d'hommes  est  loin  de  représenter  la 
même  force  dans  des  circonstances  si  peu  semblables; 
Si  l'on  veut  avoir  une  idée  de  cette  différence,  que 
l'on  réfléchisse  un  instant  au  petit  nombre  de  soldats 


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DKS  ANOLAIft  DANS  L'INDK.  19 

européens  qui,  dispersés  dans  tout  le  Bengale,  ont 
jusqu'il  présent  résisté  &  Tarmée  indigène.  Â  la  ba- 
taille. d*Agra,  pendant  la  longue  défense  de  Cawn- 
poore  et  de  Lucknow  ;  —  au  siège  de  Delhi,  m  Ton 
peut  appeler  siège  la  présence  d'une  poignée  d'bomiDes 
devant  cette  vaste  cité»  les  Européens  se  trouvent,  en 
générali  un  contre  dix. Ce  seul  fait,  qu'au  lieu  d*ayoir 
été  anéantis  ils  ont  presque  partout  tenu  tête  &  un 
ennemi  qu'ils  ont  eux-mônaes  instruit  h,  faire  la 
guerre,  prouve  assez  clairement  Tirrémédiable  iafé- 
riorité  de  la  race  indienne  devant  celle  qui  Ta  con- 
quise. Conobien  de  temps  une  lutte  qui  se  prolonge 
avec  des  chances  diverses  et  dans  de  telles  conditions 
pourra-t-elle  durer  quand  aura  disparu  en  partie  cette 
effrayante  disproportion  du  nombre?  C'est  ce  que  l'ave- 
nir nous  apprendra  ;  mais  nous  croirions  nous  éloigner 
singulièrement  de  la  vraisemblance  en  supposant, 
comme  on  le  fait  autour  de  nous,  que  les  Européens 
seront  vaincus  par  les  seules  forces  de  Tlnde  révoltée. 
Réduits  à  eux-mêmes  et  opposés  à  des  blancs,  aux 
wkite  faces ,  comme  on  dit  dans  Tlnde,  aux  visages 
pâles,  comme  diraient  les  Peaux-Rouges  de  TAmé-. 
rique  du  Nord,  les  cipayes  ne  peuvent  espérer  la  vic- 
toire. L'histoire  du  passé  est  là,  tout  aussi  bien  que 
rbistoire  du  présent,  pour  prouver  que  le  véritable 
ennemi  des  Européens,  dans  Tlnde,  c'est  le  climat, 
bien  autrement  redoutable  que  la  population  native, 
divisée  comme  elle  est  en  une  foule  innombrable  de 
castes,  de  races  et  de  religions  en  décadence,  qui  ont 
détruit  tous  les  liens  sociaux. 


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20  DE    LA    PUISSANGB    MILITAIRE 

A  la  bataille  de  Plasscy»  qui  valut  le  Bengale  aux 
Anglais,  Clive,  avec  900  Européens  et  2,000  cipayes 
seulement,  ballit  une  armée  de  60,000  Indiens  ;  à  la 
bataille  d'Âssye,  qui  décida  du  sort  d'un  grand  em- 
pire, le  duc  de  Wellington  défit  complètement  une 
armée  de  50,000  Mahrattes,  commandés  par  Holkar, 
avec  un  corps  de  5,000  hommes,  dont  2,000  Euro- 
péens seulement.  Ces  exemples,  comme  nous  Tavons 
vu  plus  haut,  se  continuent  aujourd'hui,  bien  que  les 
Sicks  aient  paru  un  instant  devoir  rompre  la  tradition. 

Ceux  qui  basent  leurs  calculs  sur  Tépuisement 
présumé  des  forces  militaires  de  PAngleterre  parais- 
sent oublier  que  l'Angleterre  est,  après  tout,  une 
nation  de  28  millions  d'hommes,  et  que  son  organi« 
sation  militaire,  si  défectueuse  qu'elle  puisse  être,  lui 
avait  permis  d'amener  plus  de  50,000  hommes  sous 
les  murs  de  Sébastopol.  Comment  aussi  ne  pas  tenir 
compte  de  la  disposition  morale  d'une  nation  qui  a 
de  tout  temps  proportionné  ses  efforts  aux  difficultés 
qu'elle  avait  à  vaincre,  qui  peut  bien  être  battue,  et 
qui  commence  par  là  dans  la  plupart  de  ses  guerres, 
mais  qui  peut  rarement  être  découragée,  et  qui,  en 
général,  se  trouve  de  plus  en  plus  forte  à  mesure  que 
la  lutte  se  prolonge?  L'Angleterre  s'est  profondément 
émue  sous  l'impression  des  mauvaises  nouvelles  qui 
lui  arrivaient  de  l'Inde,  et,  si  besoin  en  était,  on  ver- 
rait bientôt  par  tout  le  royaume  des  offres  semblables 
à  celles  que  viennent  de  faire  au  gouvernement  les 
habitants  de  Sheffield  (1).  Nul  ne  peut  pénétrer  l'ave- 

(1)  Les  habitants  de  Sheftièld  ont  offert  au  gouvernement  de 


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DBS   ANGLAIS   DANS   l'INDB.  21 

nir,  mais  nous  ne  reconnaîtrions  pas  aisément  qu'une 
nation  munie  de  telles  ressources  et  douée  d*une  tell«^ 
énergie  puisse  être  définitivement  battue  par  une 
insurrection  d'Asiatiques  qui  ont  appris  la  guerre  à 
sa  solde,  et  qui  ayant  surpris  leurs  maîtres  dispersés 
et  désarmés  n'ont  pas  encore  pu  les  détruire. 

L'Angleterre,. il  ne  faut  pas  s'y  tron^per,  est  pré- 
parée au  pire  ;  son  courage  a  grandi  avec  le  péril. 
Les  gens  qui  discutent  sur  les  conséquences  de  la 
perte  des  Indes  pour  la  Grande-Bretagne  sont  libres, 
sans  doute  de  développer  cette  hypothèse.  C'est  un 
exercice  d'esprit  comme  un  autre,  mais  qui  n'est 
fondé,  sinsi  que  nous  espérons  le  démontrer  surabon- 
damment, sur  rien  de  sérieux.  11  n'en  peut  résulter, 
nous  l'avons  déjà  dit,  qu'une  chose  :  c'est  la  révéla- 
tion d'un  mauvais  vouloir  au  moins  impolilique,  et, 
dans  tous  les  cas,  peu  digne  de  nous.  Au  reste, 
avons-nous  besoin  de  le  dire,  ceux  qui  professent 
aujourd'hui  des  sentiments  si  peu  chevaleresques  font 
exception.  La  France  est  assez  forte  et  assez  glo- 
rieuse pour  n'être  jalouse  d'aucune  nation  ;  elle  est 
assez  généreuse  pour  ne  se  réjouir  que  du  triomphe 
de  ses  amis.  Quant  à  l'Angleterre,  on  peut  en  être 
siir,  lors  même  que  toute  la  garnison  actuelle  de 
rinde,  fous  les  fonctionnaires,  tous  les  résidents, 
toute  l'armée  de  renfort  seraient  perdus,  massacrés, 
anéantis...,  la  Grande-Bretagne  n'abandonnerait  pas 
l'Inde.  La  guerre  européenne  même  ne  l'y  ferait  pas 

lever  ci  d'équiper  à  leurs  frais  un  bataillon  pour  la  guerre  des 
Indes. 


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22  DE   LA    PIJI8SANGB   lltUTAIBB,    BTG. 

renoncer,  et,  dans  vingt  ans  comme  aujourd'hui,  elle 
serait  prête  à  sacrifier  vaisseaux,  trésors  et  soldats 
pour  y  rétablir  sa  souveraineté.  C'est  une  des  quidités 
de  cette  race,  qui  en  a  tant  d'autres  pour  compenser 
son  orgueil  et  son  égolsme,  que  la  fermeté  inflexible 
dont  elle  fait  preuve  dans  ses  entreprises.  On  peut 
être  certain  que  la  révolte  des  cipayes  sera  vaincue; 
si  ce  n'est  dans  six  mois,  ce  sera  dans  un  an,  ou  dana 
deux,  ou  dans  vingt;  mais  tout  porte  à  droite  que  la 
victoire  sera  prompte. 

Il  nous  a  semblé  utile  d'indiquer  bien  nettement 
aux  lecteurs  le  point  de  vue  auquel  nous  comptons 
nous  placer  dans  Tétude  de  la  question  indienne  ;  il 
nous  reste  encore,  avant  de  Tentreprendre,  k  en  fixer 
le  plan,  et  à  poser  les  limites  dans  lesquelles  nous 
nous  proposons  de  la  renfermer. 


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CHAPITRE  I. 

Sommaire  :  Plan  et  limites  de  cette  étude.  »  Divisloo  adoptée.  -* 
Ouvrages  et  documents  consultés. 

Si  les  Français  ne  peuvent  rester  indifférents  aux 
faits  immenses  qui  s'accomplissent  dans  Tlnde,  c'est 
en  simples  spectateurs,  toutefois,  qu'ils  sont  condam- 
nés à  assister  aujourd'hui  aux  luttes  dans  lesquelles 
ils  auraient  pu  jouer  l'un  des  principaux  rôles  s'ils 
avaient  à  l'origine  déployé  la  même  habileté  que  leurs 
rivaux. 

Cet  aveu  doit  peu  coûter  à  notre  amour-propre. 
La  situation  qu'il  implique  n'est  pas,  comme  nous  le 
verrons  plus  loin,  le  résultat  d'une  infériorité  contre 
laquelle  toute  protestation  devient  inutile  quand  on 
se  reporte  aux  événements  de  la  dernière  guerre  ; 
elle  procède  exclusivement  des  fautes  multipliées 
d'une  dynastie  qui  a  fait  défaut  au  pays.  La  France 
a  longtemps  possédé  dans  l'Inde  une  puissance  bien 
supérieure  à  ceHe  de  l'Angleterre,  et  tout  ce  que 
celle-ci  a  exécuté,  les  historiens  anglais  le  reconnais- 
sent, les  Labourdonnais ,  les  Dupleix,  les  Bussy 
l'avaient  pressenti  et  préparé.  L'Angleterre  n'a  donc 
fait  que  suivre  les  plans  et  les  traces  de  ces  Français 
envers  lesquels  l'ancienne  monarchie  s'est  montrée  si 
ingrate. 

Dans  ce  moment,  où  tous  les  yeux  sont  tournés 


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ai  DU    LA    PUISSANCR    MILITAIRE 

vers  l'Orient,  où  une  révolution  noilitaire  vient 
d'ébranler  jusque  dans  ses  fondements  la  puissance 
des  Anglais  dans  Tlnde ,  on  ne  saurait  apporter  trop 
de  soin  à  connaître  les  origines  et  les  progrès  de  cette 
vaste  domination. 

La  seconde  moitié  du  xvui*  siècle  a  présenté  un 
spectacle  inouï  dans  le  monde  politique  et  militaire: 
une  compagnie  de  négociants,  dont  Passociation  n'a 
jamais  eu  d'autre  but  apparent  que  le  commerce,  a 
fait  la  conquête  d'un  territoire  plus  étendu  que  la 
France,  TAIIemagne,  les  États  héréditaires  d'Au- 
iriche,  la  Suisse,  l'Italie,  l'Espagne,  le  Portugal,  les 
lies  Britanniques  et  la  Turquie  d'Europe  réunis. 
Depuis  l'embouchure  du  Gange  jusqu'à  celle  de 
rindus,  depuis  Dehli  jusqu'au  cap  Comorin,  elle  n'a 
laissé  subsister  aucun  état  indépendant,  et  du  fond 
d'une  maison  obscure  de  J.eaden-Hall-Street,  les 
directeurs  de  cette  compagnie  ont  donné  des  lois  h 
plus  de  cent  millions  d'hommes,  soit  en  leur  propre 
nom,  soit  au  nom  des  princes  devenus  leurs  esclaves. 

Ces  gigantesques  résultats  ont  été  obtenus  avec 
moins  de  troupes  et  d'argent  que  c'en  coûte  souvent 
le  siège  d'une  place  forte  en  Europe. 

Pendant  ce  demi-siècle,  la  Compagnie  des  Indes 
a  versé  dans  le  trésor  de  la  Grande-Bretagne  plus  de 
1,500  millions  de  France;  les  richesses  que  les  em- 
ployés civils  ou  militaires  ont  rapportées  dans  leur 
patrie  doivent  avoir  ajouté  une  somme  pareille  h  la 
fortune  nationale  de  l'Angleterre. 

Pendant  les  quarante  années  qui  embrassent  la 


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DB»- ANGLAIS  DANS   l/lNDB.  25 

latte  des  Français  et  des  Anglais  dans  Tlnde,  c*est-à- 
dire  jusqu'au  traité  de  Versailles  (20  janvier  1783),  la 
Compagnie  avait  acquis  un  revenu  de  100  millions  de 
francs  environ  ;  dans  la  période  des  vingt  années  qui 
suivirent,  les  conquêtes  de  Lake  et  de  sir  Arthur 
Wellesley  portèrent  ce  revenu  à  près  de  800  raillions  ; 
aujourd'hui,  un  demi*siècle  plus  tard,  nous  le  voyons 
s'élever  au  chiffre  énorme  de  €50  millions.  . 

Pendant  celte  période  de  soixante-dix  ans,  tout  ce 
qui  restait  de  princes  indépendants  a  ^té  successive* 
ment  écrasé.  La  mort  de  Tippoo-Saëb  et  la  destruc- 
tion de  la  Confédération  mahratte  asservirent  défini- 
tivement à  la  Compagnie  toute  la  presqu'île  de  l'Hin- 
doustan  au  sud  de  laNerbudd&h.  Les  Anglais  n'ont 
pas  été  moins  heureux  dans  le  nord  :  ils  ont  franchi  la 
Djumna,  première  frontière  du  Bengale ,  et  envahi 
peu  à  peu  toutes  les  provinces  de  l'empire  des  Mon- 
gols. Établis  à  Dehii,  à  &00  lieues  de  Calcutta,  ils 
touchent  à  l'Hymalaya,  barrière  infranchissable  qui 
les  sépare  de  l'empire  chinois.  Après  s'être  appuyés 
un  moment  sur  le  Sutledje,  affluent  de  l'indus,  ils  ont 
reconnu  la  faiblesse  de  cette  frontière  comme  posi* 
tion  militaire,  et  asservi  le  cours  même  de  l'indus. 
Maîtres  du  Sind,  ils  ont  franchi  Tlndus  et  envahi 
l'Afghanistan,  qui  les  rend  limitrophes  de  la  Perse, 
La  campagne  de  1888-1 839  leur  a  procuré  à  l'ouest 
l'accroissement  que  la  guerre  contre  les  Birmans  leur 
avait  conquis  à  l'est,  de  182&  à  1826,  au  delà  du 
Gange.  Un  seul  État  indépendant  leur  restait  encore 
à  soumettre  dans  ce  vaste  empire ,  qui  s'étend  sur 


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26  DB    LA   PUI8SANGB    MILITAIRE 

29  degrés  de  latitude  et  sur  27  degrés  de  longitude. 
La  guerre  des  Sikhs,  la  soumission  du  Pendjaub,  le 
protectorat  du  Lahore  et  l'établissement  de  Goulab- 
Sing  à  Cachemire,  ont  renversé  les  obstacles  qui  pou- 
vaient compromettre  les  communications  du  bassin 
de  rindus  avec  le  reste  des  possessions  anglaises. 

Tel  est  le  vaste  empire  dont  la  révolte  des  cipayes 
a  semblé,  pendant  un  moment,  remettre  les  destinées 
en  question.  L'imagination  recule  devant  cet  accrois- 
semeiH  inouï  o|)tenu  en  moins  d*un  siècle ,  et  quand 
on  songe  qu'une  poignée  d'Européens  a  suffi  jusqu'ici 
pour  acquérir  et  conserver  cette  domination  d'an 
genre  si  extraordinaire,  on  comprend  tout  l'intérêt 
que  doit  présenter,  au  point  de  vue  militaire»  l'exa- 
men des  moyens  employés  par  l'Angleterre  pour  arri- 
ver à  ce  merveilleux  résultat. 

Cette  considération  détermine  naturellement  la 
première  partie  de  notre  tâche.  Le  tableau  des  ori« 
gines  de  la  puissance  anglaise,  et  de  la  période  de 
luttes  pendant  lesquelles  elle  s'est  fondée  sur  ses 
bases  actuelles,  doit  être  le  préambule  nécessaire  des 
études  que  nous  comptons  faire  sur  la  situation  con 
temporainc  de  l'empire  anglo-indien. 

Le  but  de  ce  travail  étant  exclusivement  militaire, 
la  description  géographique  et  politique  que  nous 
jugeons  indispensable  pour  l'intelligence  des  événe- 
ments, devra  exclure  toutes  les  peintures,  tous  les 
détaiis  de  mœurs,  eomme  aussi  les  notions  finan- 
dères,  les  appréeiaUons  commerciales  que  ne  réclame 
pas  le  cadre  où  nous  devons  nous  renfermer*  Cette 


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VUE  ANGLAIS   DANS  L'INDB,  27 

réserve,  peut-être,  rendra  notre  travail  plus  aride,  et 
lui  donnera  une  teinte  plus  sévère;  mais  TeKclusion 
de  ces  brillants  hors-d'csuvre  inoprimera  au  récit 
une  rapidité  bien  plus  précieuse,  et  ajoutera,  nous 
respéroos,  à  sa  clarté. 

1/examen  de  la  situation  actuelle  de  Tlnde  sera  la 
conclusion  naturelle  du  résumé  historique  par  lequel 
nous  allons  débuter.  Autre  chose  est  de  conquérir  des 
royaumes  ou  de  s'y  établir  solidement,  de  les  sou* 
mettre  par  la  politique  et  la  force  des  armes,  ou  de 
s*y  implanter  par  les  seuls  moyens  qui  soient  aujour- 
d*bui  permis  aux  peuples  civilisés  :  par  le  commerce^ 
par  rindustrie,  par  ia  diffusion  des  lumières,  par 
Taecendant  d'une  civilisation  supérieure. 

Un  rapide  coup  d'œil  sur  le  régime  issu  de  la  pé- 
riode agitée  et  brillante  remplie  par  la  conquête  nous 
éclairera  sur  les  bases  militaires  de  rétablissement 
anglo-hindou.  Cet  examen  nous  donnera  la  clef  des 
événenaents  contemporains.  En  nous  mettant  à  même 
de  juger  dans  quelles  conditions  et  au  prix  de  quelles 
réformes  la  puissance  anglaise  s'est  maintenue  jus» 
qu'ici,  il  nous  permettra  de  déterminer  les  modifica- 
tioDs  essentielles,  radicales,  sans  lesquelles  sa  durée 
doit  être  fatalement  compromise. 

l«e  cadre  restreint  oii  nous  devons  nous  resserrer 
M  niHia  permettra  que  rarement  de  citer  les  auteurs 
que  nmm  avons  consultés^  les  sources  auxquelles  nous 
avons  puiaét  11  nous  importe  cependant  que  nos  lec- 
teurs soient  édifiés  sur  l'autorité  des  uns,  sur  la  pu- 
reté ém  autres.  Aucune  histoire,  peut-être,  plus  que 


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28  DB   LA   PU18SANGB   MILITAIRE 

celle  de  Tlnde  anglaise  n'exige  la  compilation  diffi- 
cile d'une  multitude  d'ouvrages  divers  et  confus. 
L'immensité  et  i'éloignement  du  Ihéâtre  où  elle.se ^ 
développe,  la  complication  extraordinaire  des  négo- 
ciations et  des  guerres  qui  ont  amené  la  conquête 
dans  le  passé  ;  la  sécheresse  et  l'insuffisance  des  do- 
cuments officiels  en  ce  qui  touche  à  la  révolte  actuelle  ; 
par-dessus  tout,  les  précautions  qu'ont  toujours  prises 
les  Anglais  pour  dérober  aux  autres  nations  l'origine 
et  le  progrès  de  leur  puissance,  sont  autant  d'obsta- 
cles qui  viennent  arrêter  l'historien. 

Est-ce  à  dire,  pour  cela,  qu''au  milieu  du  xix*  siècle, 
avec  l'esprit  d'aventure  et  d'investigation  qui  anime 
notre  génération,  il  soit  impossible  d'être  bien  ren- 
seigné sur  une  question  quelconque,  fût-elle  plus 
ardue  et  plus  obscure  encore  que  ne  l'est  la  question 
anglo-indienne?  Nous  sommes  loin  de  le  penser. 
D'innombrables  relations  ont  été  publiées  en  France, 
et  surtout  en  Angleterre,  sur  le  sujet  qui  nous  occupe  ; 
si  nous  avons  cru  devoir  signaler  les  difficultés  de 
notre  tâche,  c'est  qu'en  l'absence  d'un  ouvrage  hors 
ligne,  au  point  de  vue  de  la  vérité  des  faits  et  de 
l'impartialité  des  jugements,  il  nous  a  semblé  de  de- 
voir rigoureux  de  faciliter  au  lecteur,  au  milieu  de  la 
diversité  des  opinions  émises  par  les  auteurs  que 
nous  avons  consultés,  le  libre  exercice  d'un  choix  qui 
nous  a  plus  d'une  fois  embarrassés  nous-mêmes. 

Tel  est  le  but  des  indications  bibliographiques  par 
lesquelles  nous  allons  clore  cet  exposé  du  plan  et  des 
Imites  de  notre  Étude  nir  la  puissance  miliiaire  des 


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D1SS   ANGLAIS   BAM   L*INBE.  29 

Anglais  dans  l'Inde.  Ces  indications,  en  même  temps 
qu'elles  mettront  nos  lecteurs  à  même  de  remonter 
aux  documents  originaux,  nous  dispenseront,  au 
grand  avantage  de  la  rapidité  du  récit,  des  citations 
continuelles  dont  nous  aurions  à  Tembarrassersi  nous 
voulions  signaler  chaque  fois  les  autorités  sur  les- 
quelles nous  nous  sommes  appuyé. 

11  existe  en  France  peu  de  documents  originaux  et 
importants  sur  la  période  de  Thistoire  des  Indes  cor- 
respondante au  moyen  âge  des  nations  européennes  : 
Âboul-Ghazi  {Histoire  des  Mogols);  Schereffeddin 
(Histoire  de  Timour  ou  Tanierlan);  AbouKFazel, 
l'historien  d'Akbar,  sont,  parmi  les  auteurs  arabes 
dont  la  traduction  a  été  publiée,  ceux  qui  traitent 
plus  spécialement  de  l'histoire  des  Indes  dans  les 
temps  reculés.  Le  Mémoire  sur  les  Tatars  Mongols  de 
Rlaproth,  V Encyclopédie  de  Didot,  l'ouvrage  dé  l'abbé 
Raynal,  quelques  articles  des  Jsiatic  Researches^  le 
Résumé  àe  Louis  Herman,  V Histoire  d'Angleterre  de 
fiaujoux  et  Mainguet,  etc. ,  nous  ont  fourni  la  plupart 
des  renseignements  qui  ont  trait  à  l'histoire  de  l'em- 
pire indien  pendant  les  temps  antérieurs  à  la  seconde 
moitié  du  xvm*  siècle. 

La  période  de  l'influence  européenne  dans  les  af- 
faires de  l'Inde,  et  principalement  l'histoire  de  la 
rivalité  des  Français  et  des  Anglais,  ont  été  l'objet 
de  nombreux  écrits.  Dans  la  liste  des  auteurs  à  con- 
sulter, nous  citerons,  en  première  ligne,  MM.  Saint- 
Priest  et  Henri  Martin,  qui  ont  retracé  d'une  façon 
toute  magistrale  les  épisodes  de  cette  lutte  ;  MM.  Xavier 


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dO  DB   LA   PUiSSANGB   MIUTAIRB 

Raymond  et  Dubois  de  Jancigny^  dont  les  habiles 
études  forment  un  volume  de  Y  Univers  pittoresque. 
En  18&3,  M.  le  baron  Barchou  de  Penboën  a  publié 
en  6  volumes  une  excellente  histoire  de  la  conquête 
et  de  la  fondation  de  Tempire  anglais  dafis  l'Inde. 
Plus  récemment  encore,  M.  Louis  Herman  a  donné 
une  étude  des  plus  intéressantes  sur  les  guerres  de  la 
France  et  de  TAngleterre  dans  les  Indes*  Getravail« 
auquel  nous  avons  fait  de  nombreux  emprunts,  pré- 
sente surtout  ce  caractère  particulier  qu*il  est  presque 
entièrement  rédigé  sur  des  documents  anglais.  Sans 
prétendre  citer  ici  tous  les  ouvrages  compulsés  par 
M.  Herman  pour  la  partie  de  Thistoire  de  l'Inde  an- 
térieure à  1783  (traité  de  Versailles),  nous  mention* 
nerons  comme  plus  spécialement  utiles  à  consulter  : 
fiep&rts  from  the  Committees  ofsecreoy  fram  1715 
to  1782  ;  An  Account  ofthe  war  in  India  between  the 
English  and  French^  on  the  coast  of  Coromandd^  by 
Cambridge  ;  Narrative  of  the  transactions  in  Bengal 
from  the  year  1760  to  the  year  1764,  by  H.  Van 
Sittart;  Letters  from  the  council  at  Bengal  to  the  secret 
Committee  (1764);  View  of  English  govemmeni  in 
Bengal,  by  Vereist;  Treaties  andgrants  to  the  East-- 
India  Company  from  1772;  Charters  granted  to  the 
East'Jndia  Company  from  1601  to  1772;  Original 
minutes  of  Bengal^  by  Francis;  Considérations  on 
India  affairs^  particularly  respecUng  thestaSe  of  Beth 
gai,  by  W.  Bolts  ;  Articles  against  Warren  Hastings; 
Collection  of  treaties  from  1648  lo  17â5;  Collection  of 
treaties  fromi6»&toin2;East*Indiapapers{im); 


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B£8  ANOLà»  OAFfS    L*I1DB.  SI 

DekUe$  ofthe  house  ofCommans  ;  The  Asiaêic  annual 
Begùier;  Annah  oflhe  réign  of  George»  ihe  third^ 
King  ofEngland^  by  John  Aikin. 

Les  événements  des  vingt  dernières  années  du 
iTui*  siècle  et  de»  cinq  premières  du  xix'  tiennent 
la  place  la  plus  importante  dans  l'histoire  de  la  puis- 
sance anglaise  dans  les  Indes.  Le  passage  des  deux 
Wellesiey  au  gouvernement  et  aux  armées  de  la  oo« 
lonie  est  marqué  par  des  suooès  que  Ton  pourrait 
croire  l'œuvre  d'un  siècle. 

Grâce  à  Tailiance  heureuse  du  politique  habile  et 
du  général  entreprenant,  l'Inde  cesse  d'être  mogol^ 
ou  mabratte  pour  aevenir  définitivement  anglaise. 

Les  documents  relatifs  à  la  destruction  de  l'empire 
de  Tippoo-Saëb ,  à  la  guerre  des  Mahrattes ,  à 
l'annihilation  du  Grand  Mogol,  à  la  constitution  nou- 
velle donnée  aux  royaumes  de  Scindhia,  d'Hol- 
kar,  etc.,  sont  aussi  nombreux  que  choisis.  Parmi 
les  ouvrages  les  plus  remarquables  ayant  trait  à  ces 
événements,  nous  mentionnerons  comme  spécialement 
utiles  à  compulser  : 

Fie  duducde  WellingUm^  par  Maxwell  ;  Hiëtorique 
des  guerres  du  môme ,  par  VieusseUx  {Knighfs  store 
ofknawledge);  Biographies  d\x  même,  par  Mac-Far- 
lane  et  Stocqueler  ;  Histoire  de  l'empire  anglo-'indienf 
par  Barchou  de  Penboën  (déjà  cité)  ;  CoUectùm  des 
dépêches  du  marquis  de  fFellesley  (comte  de  Mor- 
ninglon);  UfeofBaird^  byHook;  Narrative  of  the 
opérations  of  the  army  under  lieutenant  gênerai  Barris 
and  of  the  siège  ofSeringapatnamy  by  colonel  Beatsoii  ; 


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S2  PB  LA   PU188ANGB   MIUTAIRB 

RwieWj  arigifiy  progress  and  renUt  ofthe  late  décisive 
warin  Mysare^  by  Wood;  Riie  and  progress  of  ihe 
Briiish  power  in  India^  by  Auber;  Histoire  univer- 
selle^ de  Cantu  ;  PolitiaUhistary  oflndia,  by  Macolm  ; 
Military  réminiscences,  by  colonel  Welsh  ;  Recueilchoisi 
des  dépêches  du  duc  de  fFellingtm;  Tableau  politique 
et  statistique  de  l'empire  britannique  dans  l'Inde,  tra- 
duit de  Tanglais  par  Petit  de  Baroncourt  ;  Histoire 
de  la  rivalité  des  Français  et  des  Anglais  dans  F  Inde  ^ 
par  L.  Herman  ;  Exposé  de  la  situation  de  l'Inde,  par 
Charles  Wood  ;  History  of  Europe^  by  Alison  ;  History 
ofindia,  by  MilL 

,  Indépendamment  des  ouvrages  dont  nous  venons 
de  donner  la  liste ,  un  grand  nombre  d'écrivains  sé- 
rieux, la  plupart  militaires,  peuvent  encore  être  con- 
sultés avec  fruit  sur  la  période  de  Phistoire  indienne 
qui  finit  avec  le  xvm*  siècle  :  Alison,  Sherer,  le  colo- 
nel Gurwood,  le  lieutenant-colonel  Mackenzie,  le 
major  Macolm,  le  colonel  Glose,  Southey,  GoU 
lins, etc.,  etc.,  tiennent  la  première  place  parmi  ces 
publicistes. 

La  quatrième  période  de  Thistoire  de  Tlnde  s*ouvre 
avec  le  xix*  siècle,  et  dure  encore  aujourd'hui;  elle 
embrasse  le  développement  tantôt  violent,  tantdt  pa- 
tient, mais  toujours  sûr,  de  la  pensée  en  germe  dans 
la  période  précédente.  Débarrassés  de  toute  rivalité 
européenne,  les  Anglais  procèdent  systématiquement 
depuis  lors  à  l'anéantissement  de  toutes  les  petites 
puissances  qui  se  partagent  encore  THindoustan.  Les 
historiens  des  épisodes  brillants  de  cette  lutte  inégale 


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DBS  ANGLAIS  DANS   l/lNDB.  ââ 

entre  le  génie  européen  et  les  débris  d*une  civilisa- 
tion éteinte  ne  font  pas  défaut.  La  destruction  de  la 
Confédération  noahratte  en  1818,  la  guerre  des  Bir- 
mans en  1826,  la  conquête  du  Kaboul  en  18S9,  Tin- 
vasion  du  Penjaub  en  18/15,  et  la  guerre  des  Silces, 
ont  eu  pour  interprètes  distingués  en  Angleterre  et  en 
France: 

MM.  Al.  Burnes  {Voyage  à  Vembouchure  de  rïn^ 
dus^  à  Lahare,  etc.);  Forster  passim  Hamilton  {His^ 
tofical  Account  ofthe  Afghans)  \  Potlinger  {Voyage 
dans  le  Sind);  Montstuart  Elphinston;  Eyries  (article 
Caghemtrb  de  V Encyclopédie  Didot)  ;  Victor  Jacque- 
mont  (Journal  de  voyagé)  ;  Legoux  de  Flaix  (Essai 
sur  l'Inde)  ;  Cliambers  (Aperçu  de  la  constitution  po^ 
litique  de  Vempire  des  Mahrattes);  Ëyre  (Journal 
i*un  prisonnier  des  Afghans);  Ferdinand  Durand 
{Campagnes  du  Kaboul,  rédigées  d'après  la  narra- 
tion du  capitaine  Havelock). 

La  situation  actuelle  de  Tlnde,  les  germes  de  dé- 
cadence que  renferme  cet  immense  empire  les  ré- 
formes à  apporter  dans  sa  constitution ,  au  point  de 
^'ue  de  la  politique,  de  Tadministration,  de  la  forCe 
militaire,  etc.,  ont  inspiré  de  nombreux  écrits,  d'élo- 
quents discours  qui  jettent  une  vive  lumière  sur  les 
causes,  la  nature  et  la  portée  des  événements  con- 
temporains. 

Lord  Yalentya,  sir  Thomas  Munro,  sir  Henry 
Russeil,  le  général  sir  Charles  Napier,  et  bien  d'autres 
encore,  prennent  rang  parmi  les  citoyens  éclairés  de 
la  Grande-Bretagne,  auxquels,  en  dépit  du  proverbe 

â 


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et  po^r  le  luc^lheur  ()p  rAngleterr^t  il  9^  été  réservé 
^-  fl'êfre  pfpphèlee  cjaps  |eur  prppfe  pays.  Les  Souve-- 
nifs  liu  colonel  Slpemfin ,  les  OEMvref  de  Kaye  et 
C^mpl^ell,  le^  Éfwkf^  de  M^.  }^avier  Raymond, 
Qu))ois  de  Jancigny,  de  Yalbezen  (1)  {le^  Anglais 
rfftV  r{?*rf^}»  comte  de  Riorn^tiern,  de  Warren,  gé- 
néral Jacob,  John  Lemoine,  etc.,  etc.,  renferment 
d*iptéf  es^^n^  plftîfloyc^rs  qù  la  par(  des  mérites  et  des 
ï'iW\e&  flj3  rhopqrat))^  Compagnie  des  Indes  est  failo 
jyeç  nplaR^  de  fftlpnt  qup  d'ipRartjftlitét 

/^yant  (le  plore  çjette  reyqe  ^^  écrivj^ijs  dpqt  \^ 
\^\pi\\  çt  1^  ponqs^jssai)ç^s  spépj^les  noqs  ont  été  ai 
l^tijes  c^ana  le  cours  de  nq^fe  travail,  pous  devoqs 
.  (JîfQ  up  vçiQ\  c|efi  squrp^  ?ipxquelles  nou^  ayons  em- 
prunté les  détails  géograpliiques,  Ipppgraphiques  et 
stc^tistiquQS  indispfnsal:ile^  ^  riotelligence^des  évé- 
r^eqieptg. 

Le  mémoire  de  Rennel  {Of  q  Mofi  qf  Hindç^tan , 
i78â)  nous  a  gqidé  dans  nos  considérations  sur  la 
géographie  pp^itique  ^e  l'Inde  antérieurement  au 
XIX.*  sièclp, 

I.a  carte  d'Arrowsipith  {Map  of  fn^ia)  nous  a 
servi  pouf  |a  mêfpe  époque,  ainsi  qpe  les  tri^yaux  de 
Kirkpalrik  {^çcountoftheKingdomçflf^itl,  iSdi), 
pour  la  géographie  du  commencement  de  ce  siècle. 

Les  voyages  de  À.  Burnes  aux  bouchei^  de  Tlndus 
pt  à  Labore;  —  de  Fq^'^tpr  d^ps  T^fgbanisUni;  — 
de  Pottinger  dan^  le  Sind  et  Ip  peloptcbistan  ;  —  de 

(1)  L*auteur  des  articles  publiés  daos  la  Revue  des  deua  mond&e 
sous  le  pseudonyoï^e  du  marier  frîdollp. 


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DBS   fn^LilS  DANSI  L*IMOB.  35 

Yjçtor  Jaoquepiqnt  {Journal  d'un  voyage  atfo?  ft^ 
orienta^)  ;  —  (Je  lÎQ^ge^  {Tr<^vel^  in  |n<?<a);  --  (Jç 
Pqgbanivn  (r^sW?  ^^  ^^  %<or(2,  etc.);  rrr-  de 
Hftffper  ç)ans  la  f^insule  œçi^^tfil^  dfi  l'If^i  -^ 
(Je  Taverpier  (Koî^fl^^aîf»  Inde^],  mnh  qui  élé  «tilç^ 
pap[)m§  r^seigaçmentsfmr  l^  derniers  É^te  aqneiféa 

Les  notions  de  géftÇTOPbW  gîénérfttequi  fqftl  m^fi 
au  résupé  historique  sont  e^prqntéçs  à  Baibi  et 
Malte-Brun,  pour  li^  paftie  purement  descriptive;  à 
Théophile  Lavallée,  pour  les  renseignements  e(  le§ 
considérations  militaires. 

Matte-Bpun,  de  Riensi  neus  ont  ibumii  des  tableaux 
statistiqaes  que  les  doeum^nts  d^  même  espèce  eom- 
moBiqués  récemment  au  Partement  par  le  ceionel 
Sykes  nous  ont  permis  de  modifier  dans  ceftaines 
parties,  et  de  compléter  dans  quelques  autres. 

Il  existe  peu  de  bonnes  cartes  françaises  de  rem- 
fHFs  anglo-indien,  le  grand  atlas  de  M.  Denaix, 
eelui  de  Lapie  présentent  des  divisions  qui  ne  sont 
plus  en  rapport  avec  l^tal  actuel  des  possessions  an- 
glaises. Les  cartes  lithographiées  de  Heck  et  celles 
de  Brué,  revues  et  corrigées  par  Pîcqaet,  ont  moine 
vieilli,  mais  ne  sont  pas  assex  détaillées  pour  per- 
mettre de  suivre  avec  facilité  les  opérations  militaires 
4çn^  rSiftéwatM  %  éWi  lç*éfM^.  G'e»i  «\BJ  caftes 
wglwM»  9^  nçm  ayons  e.q  rçcaws  ppur  Ifi  déiWlPb 
Htiqp  d^  ^iiér^tçâ  localités  qu\  ont  jjqu^  un  ifà^ 
«WWilMH,  swtou^  ppQdftUt  la  révqltç  ^e  Twca^ft  ^u 
Bengale.  )^çft  mt^im^en  (}§  %  Pç^er^p^p,  pu- 


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âO  DE   L\    PUISSANCE    MILITAI RK 

bliées  en  allemand,  nous  ont  servi  plus  spécialement 
pour  les  opérations  dans  les  districts  de  Dehli,  de 
Meerut  et  de  Cawnpore  ;  celles  du  géographe  Tassin 
pour  la  description  générale,  politique ,  administra- 
tive et  militaire,  et  pour  la  marche  de  l'insurrection 
dans  le  Bengale  et  le  royaume  d*Oude  ;  enfin  la  carte 
de  M.  Vivien  de  Saint-Martin  nous  a  servi  de  guide 
pour  l'orographie  de  TAsie  centrale. 

Parmi  ces  derniers  documents,  nous  signalons  plus 
particulièrement  au  lecteur  les  travaux  suivants  de 
M.  Tassin  : 

1*  iVeto  and  improved  Map  op  varions  routes  between 
Europa  and  Àsia^  comprehending  fFeslfim  and 
Norùhern  Asxa^  together  with  Asia  Minor  and  Egypt 
{k  feuilles). 

Cette  carte,  dédiée  à  Son  Excellence  le  très  hono- 
rable lord  William  Cavendish  Bentick,  commandant 
en  chef  et  gouverneur  général  de  Tlnde  anglaise, 
sera  un  très  utile  auxiliaire  dans  Tétude  des  questions 
relatives  au  percement  de  l'isthme  de  Suez,  aux  pré- 
tentions rivales  et  à  la  situation  respective  de  la 
Russie  et  de  l'Angleterre  dans  le  nord-ouest  de  l'Asie  ; 
enfin  aux  communications,  en  général,  de  l'Europe 
avec  l'Asie. 

2'  Map  ofNorth'Westem  frontier  ofBritish  Indta, 
including  thcprotectedSicks  stateSy  Lahore^  Cashmcer, 
Cabul^  Heraty  Candahar,  Shikarpore  et  Bhawulpore  : 
together  with  Sinde  and  liadjpootana  the  Indus  river 
and  part  of  Beloochistan  (2  feuilles  et  demie). 


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DBS  ANGLAIS   DANS   L*INDB.  37 

Cette  carte  est  surtout  utile  pour  suivre  les  cam- 
pagnes dans  l'Afghanistan  et  le  Pendjaub. 

â'  New  and  improved  Map  of  the  provinces  of 
Bengal  and  Behar  with  Benares  and  adjoining  terril 
tories,  exhibiling  the  district  divisions^  the  civil  and 
militar y  stations^  and  police  thanas,  etc,^  etc.,.^  corn- 
piled  from  the  most  récent  surveys  and  best  informa- 
iian  in  the  possession  of  govemment  and  private  indi- 
viduals  (12  feuilles). 


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CttAPlTRË  li. 

SoMMAiRB  :  L*Inde  avant  là  conquête  (i' Alexandre.  —  Apparition 
dés  Ahibés.  —  Mohalib,  Hahmoiid  et  les  Ghazneyides.  —  Coii- 
qttète  des  Mongols  :  Ghengis-Rhah^  Timour  et  Baber-Sctiâh.  — 
Humaionn,  Sbere-Khau,  Akbar  1*'.  —  Constitution  politique 
de  Tempire  mogol  soiis  Âkbar.  —  Aboul-Fazel.  -^  Djihangire, 
Scbâh-Djiban.  —  Aureng-Zeî).  —  Organisation  politique  et 
i&llllâire  dé  Templre  mogol  sous  Âûreng-Zeb.  -  Origine  et 
premières  conquêtes  des  Mahrattes.  ~  Schah-Alum.  ~  Origine 
desSykhs;  leurs  révoltes  contre  les  empereurs  mogols.  —  Mo- 
hammed-Schâh.—  Guerres  avec  la  Perse;  révoltes;  sac  de  Dehlf 
par  Nadir-ScbàU;  fol  de  t^erse«— Décadence  de  Templfé  inogol. 

Les  Hindous,  lin  des  peuples  les  plu^  doux  ëf  lés 
plus  paisibles  du  globe,  ont  été;  depuis  Tantîqulté, 
la  proie  des  nationâ  eonqiiérante^  attirées  par  la 
richesàe  Aé  leur  territoire,  et  otit  passé  d'une  domi- 
nation à  Tautre.  L*hidtoire  ne  nous  a  transtnis  siir  les 
destinées  de  la  race  autochtone,  antérieurement  à  là 
fcfndationde  Tempifede^  Mogols,  (]ju'ùnamas  confus 
de  légendes,  de  récits  naythologiques  et  de  faits  iti- 
cohérents,  Hb  biltieu  desquels  on  découvre,  non-seu- 
l^dient  des  erreurs  de  chronologie,  mais  encore  des 
ribsurdltéâ,  des  rêves  mêléâ  aux  conceptionë  les  plus 
fantastiques.  La  t>lupart  des  historiens  hindous  fotit 
remonter  Torigine  de  leur  pays  bien  au  delà  de  celle 
du  mmd«.  Nous  examinerons  plus  loin  jusqu'à  quel 
point  ces  prétentions  peuvent  s*èx^liquer  lorsque 
nous  âifons  un  mot  des  religions  et  dès  castes  de 


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&0  DE   LA   PtlSSAIHCK    MILITAIRK 

rinde.  Il  est  certain  que  THindoustan  avait  déjà  subi 
plusieurs  invasions  avant  celle  d'Alexandre  le  Grand. 
Ce  conquérant  s'arrêta  à  l'Hyphasis  des  anciens. 
Tune  des  branches  de  P Indus  dans  le  Pendjaub. 

Après  lannort  d'Alexandre,  l'Inde  respira  pendant 
treize  siècles,  ou  du  moins  les  diverses  incursions 
qu'elle  eut  à  subir  ne  laissèrent  pas  de  traces  jusqu'à 
la  formation  de  l'empire  des  Califes.  Pendant  la  pé- 
riode d'anarchie  qui  précéda  la  chute  des  souverains 
de  Bagdad,  les  Arabes  portèrent  bien  à  plusieurs  re- 
prises leurs  armes  jusqu'aux  bords  de  Tlndus,  mais 
ils  ne  pénétrèrent  pas  au  cœur  de  THindoustan ,  et 
Mohalib  ne  dépassa  pas  l'Afghanistan  ;  c'est  en  996 
seulement  que  le  gouverneur  de  la  province  de  Can- 
dahar  se  rendit  indépendant  des  Califes,   Son   fils 
Mahmoud,  le  véritable  fondateur  de  la  dynastie  des 
empereurs  Ghizniens  (ou  Ghaznevides),  lui  succéda  à 
Ghazna,  et  manifesta,  dès  le  principe ,  des  qualités 
guerrières  qui  devaient  lui  assigner  un  rôle  important 
dans  l'histoire. 

De  l'an  1000  à  l'an  10D8«  le  fanatisme  et  l'ascen- 
dant d'une  science  militaire  plus  développée  font 
triompher  les  musulmans  de  populations  timides 
qu'énervaient  encore,  au  physique  comme  au  moral, 
le  culte  de  Brahma  et  le  principe  décourageant  de  la 
division  des  castes.  Mahmoud  pénètre  jusqu'à  Dehli, 
dont  il  fait  le  siège  de  son  empire,  et  meurt  en  1050, 
après  avoir  conquis  les  provinces  de  Mooltao ,  de 
Guzerate  et  d' Agra.  Il  envahit  même  TAdjmeere  et  le 
Malwâ,  mais  sans  s'y  établir  d'une  manière  définitive. 


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DBS   ANGLAIS  DANS   L'IN0B«  41 

De  1030  à  1080  la  postérité  de  Mahmoud  con- 
serve  le  pouvoir  au  milieu  de  révolutions  et  de  dé- 
chirements perpétuels;  ses  descendants  envahissent 
les  bords  du  Gange,  mais  ils  sont  expulsés  en  1184 
par  r  Afghan  Kussaïn-Gauri,  qui  fonde  Tempire  des 
Gaurides,  destiné  à  finir  avec  lui,  mais  dont  la  dy- 
nastie fournit  plus  tard  de  nombreux  prétendants  au 
trône  de  Dehii. 

Dès  l'année  1017,  les  révoltes  des  Hindous  avaient 
pris  une  grande  extension,  et  la  bataille  de  Mero,  en 
1039.  avait  affranchi  du  joug  une  partie  des  pro- 
vinces soumises  par  Mahmoud.  L'Afghan  Cuttab  (ou 
Koutoub-u-din),  en  1212,  poursuit  les  projets  d'affran- 
chissement de  Kussaïn-Gauri ,  dont  il  avait  été  le 
général.  Ses  successeurs,  Aram,  Alhamsh,  Ruku-u- 
din,  Nazir-u-din-Mahmoud ,  et  enfin  Mohammed, 
conservent  le  trône  de  Dehli  jusqu'en  1397. 

Dès  Tannée  1250,  Ghengis-Khan  avait  mis  en 
mouvement  les  hordes  mogoles  qui  habitaient  au 
nord  de  la  Chine.  Après  avoir  renversé  les  royaumes 
tartares  de  l'Asie  centrale,  et  s'être  emparés  de  la 
Chine,  les  Mongols  firent  la  conquête  de  la  Perse, 
rencontrèrent  les  Kharismiens,  qui  dominaient  sur  le 
plateau  de  la  Caspienne,  dans  ta  Médie  et  l'Arménie, 
les  vainquirent  dans  une  grande  bataille  à  Olzar,  et 
poussèrent  leurs  conquêtes  jusqu'à  l'Euphrate  et  au 
Caucase.  Le  temps  semble  avoir  seul  manqué  à 
Ghengis-Khan  pour  s'emparer  de  l'Hindoustan.  Ses 
fils  continuèrent  son  œuvre;  ils  détruisirent  le  khalifat 
de  Bagdad  (1258) ,  qui  existait  encore  de  nom  ;  con-- 


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quirent  Ift  Chine  méridionale,  qui  subit  alô^s  (1279), 
pour  la  première  fois,  une  domination  étrangère  ;  rui- 
iièretit  complètement  la  domination  des  sultans  de 
R6um  (1)  ;  pénétrèrent  dans  la  Russie,  la  t'olognë,  la 
Hongrie,  et  ne  6*arrêtèrent  que  sur  le  Danube,  te  fut 
sousKublal,  petit-flls  deGhengis  (1265-1294),  que 
cet  empire,  lô  plUâ  vaste  qui  ait  jamais  existé,  fut 
dans  sa  plus  grande  puissance.  Il  s'étendait  àior§  de 
la  mer  des  Inde&  au  fond  de  la  Sibérie,  et  dd  grand 
Océan  à  l'Asie  Mineure,  au  Danube,  à  la  Tistiilé.  La 
Chine  était  la  résidence  du  khan  suprême,  qui,  outré 
une  multitude  de  petits  khans  tributaires,  ad  Toinkiti, 
dan^  rinde,  dans  la  Sibérie,  etc.,  etc.,  avait  trois 
gratids  khans  subalternes,  au  Kaptschak,  en  Perse  et 
darid  le  Zagàtal.  La  ddminalioil  des  Mbhgols  de  là 
Chine  bêisâa  eti  1968,  époque  à  Jàquellé  lés  Chinois 
les  chassèrent,  et  fondèrent  la  dynastie  nationale  dés 
Ming,  qui  dubsista  judtju'en  16/|ft.  Uhiàtbirë  des 
Mongdlâ  du  Kaptschak  appartient  à  la  Russie.  La 
domination  des  Mongole  dii  Zàgatclt,  qiii  ë'éte/iâAit 
de  rOxus  à  rindud  et  dand  TAsie  centrale,  idnibel  au 
bout  d'un  siècle  ell  décadence.  Tamerlan  (Timod^  où 
Tamer-Lenggne),  Tun  deô  émirs  de  cet  enipitë;  pl'O- 
fitèL  de  cette  décadence  pour  èe  trë^t  un  État  iridé- 


(ij  Après  trois  siècles  d*êxistencê,  lè  JchàUfat  de  Bagdad  avait  été 
démembré  par  led  Turcs  Seldjoukldes  (1071).  Des  ruities  ûè  db 
vaste  empire  s'étaient  détachés  (1092)  les  royaumes  dlrau  ou  As 
Perse,  et  de  Roum  ou  d'Asie  Mineure,  doni  le  premier  surtout 
était  appelé  à  exercer  une  grande  influence  sur  les  destinées  de 
rfhde. 


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DBS   AmLAIS  DANS   l'iNDR.  (6 

pendant  dans  la  Tttnsoxiane;  il  soumit  bientôt  les 
autres  émirs,  détrai«t  la  dynastie  du  Zagatàl ,  ren-^ 
versa  la  dotninatién  des  fild  de  Ghengis  dans  la  Persfc 
(l'Iran)^  conquit  le  Thibet»  et  ravagea  les  Ihdes  da 
1897  à  iSQOà  Timbur  s'empara  de  Dehii  àprds  d'ef^ 
froyables  massabres^  et  en  chassa  les  Afghans.  Il  pa^ 
ralt  cèpeadAbt  b'étre  proposé  le  pillage  et  4a  dévasta- 
tion de  THindoustan  plutôt  que  son  asservisséhient 
régulier. 

Après  la  retraité  de  Timour»  une  nouvelle  dynastie 
s*éieva  en  i&l3)  et  eut  pour  fondateur  Qhiser,  des^ 
ebndant  du  pi'ophètei  En  l/i50^  les  Afghans  descen*^ 
dir«ilt  de  nouveau  sur  Tlnde^  et  Balloli  et  Ibrahiiti^ 
Lodi  Moupèrent  suobessîvemont  le  trône  de  Dëhlii 

Enfin  Baber-Ghàh^  deeeendant  direct  de  Timed)*  et 
de  Ghengis-KhiLa$  devint  chef  des  tribus  mongoleëi 
Établi  à  Samarkand  t  et  dépouillé  d'une  partie  des 
provinces  que  son  prédécesseur  lui  avait  léguées^  il 
se  rejeta  sur  Tlnde»  riche  proie  que  sa  famille  avait 
laissé  échài^pef.  At^rèè  t^tiatfë  tëtitàtiveé  malheu- 
reuses, franchissant  une  dernière  fois  les  défilés  du 
Caboul  (les  passes  de  khyber)^  traversant  le  Pendjaub^ 
il  vint  offrir  là  bataillé  au  souveraiti  de  DehIi  dans 
les  plaîHes  de  tànl|)Ut.  Ibrahim-Lodi,  dernier  empe- 
reur afghan,  ^ut  déifall,  et  perdit  la  vie  dans  cette 
bataille  (i685).  Baber-Chàh^  vainqueur^  fonda  la 
dynastie  mongole,  qui,  depuis  lors,  a  toëjours,  sauf 
une  ingère  liiterriiptiotl,  occupé  le  tr'dtie  dé  tiehii. 

Baber  fut  le  premier  souverain  indien  à  qui  l'on 
donna  en  Europe  le  titre  de  Grand  Mogol^  et  qu'il 


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kk  DB  LA   PU18S4NGK   IflLlTAIRB 

serait  mieux  de  nommer  Gtund  Mongol,  Son  règne  a 
laissé  d'impérissables  souvenirs  dans  la  mémoire  des 
Hindous;  ils  n*ont  cessé  de  prier  dans  les  mosquées 
pour  le  rétablissement  de  sa  race  sur  le  trône  de  Dehii, 
et  le  stupide  vieillard  qui  a  servi  de  drapeau  à  la  ter- 
rible révolte  contre  laquelle  les  Anglais  ont  à.  lutter 
aujourd'hui  descend  en  ligne  directe  de  Baber  (i). 

Llnde,  au  temps  de  Baber,  était  partagée  en  sept 
États  indépendants,  dont  deux  seulement  étaient  gou* 
vernés  par  des  princes  de  race  hindoue.  Baber  eut 
sans,  cesse  à  lutter  contre  les  révoltes  des  Afghans  et 
des  provinces  conquises ,  et  malgré  le  prestige  de 
gloire  et  de  puissance  dont  son  nom  est  resté  entouré 
dans  la  mémoire  des  Indiens,  lorsqu'il  mourut,  en 
1550,  après  un  règne  de  cinq  ans,  il  ne  laissa  à  son 
fils  Humaloun  qu'un  pouvoir  contesté. 

Humaloun  eut  à  lutter,  comme  son  père,  contre 
les  entreprises  des  Afghans;  un  de  leurs  chefs,  Shere- 

(1)  Le  roi  de  Dehli,  en  ce  moment  prisonnier  des  Anglais,  est 
âgé,  non  pas  de  quatre-vingt-douze  ans,  comme  Font  dit  les 
Journaux,  mais  de  quatre-vingt-quatre,  puisqu'il  en  avait  soixante- 
quatre  en  1837.  li  est  fils  d'Akbftr  SchAh  H,  qui,  en  1806,  fut 
placé  par  les  Mahrattes  sur  le  trône  de  Debli  et  à  qui  il  succéda  le 
38 septembre  1837.  Du  vivant  de  son  père.  Use  nommait  Mirza- 
Abû-Zafar  (père  de  la  Victoire)  Kban-Babadour.  De  ces  noms,  il 
tira  celui  de  Zafar  pour  en  faire  son  thakallus  ou  surnom  poé- 
tique, car  11  ne  cessa  d'occuper  son  temps  à  la  culture  de  la  poésie 
avant  et  après  son  accession  au  trftne. 

Le  roi  de  Debli  est  petit-fils  de  Tempereur  Schàb-Alum  et  ne- 
veu du  prince  Sulaiman-Scbikob,  lesquels,  sous  les  noms  d'Afta») 
(soleil)  et  de  Scbikoh  (énergie),  cultivèrent  avec  un  talent  remar- 
quable la  poésie  biudoustanie. 


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DBS   ANGLAIS   DANS   L*INDB.  &5 

Khan,  s'était  rendu  indépendant  dans  le  Bengale, 
Humaîoun  voulut  le  faire  rentrer  dans  Tobéissance; 
mais,  après  toutes  les  vicissitudes  d'une  lutte  opini&tre 
et  dans  laquelle  chacun  des  deux  rivaux  fut  plusieurs 
fois  au  moment  de  l'emporter,  Humaîoun  fut  défini- 
tivement vaincu  et  chassé  de  THindoustan. 

Ferid  (ou  Shere-Khan),  vainqueur,  étendit  sa  do- 
mination du  Gange  à  l'Indus ,  et  pendant  treize  ans 
les  populations  respirèrent  sous  son  gouvernement 
bienfaisant  et  civilisateur  (1).  Sa  mort  fut  le  signal 
du  retour  de  l'anarchie.  Grâce  à  la  rivalité  des  fils  de 
Shere-Khan,  Humaîoun,  réfugié  en  Perse,  et  devenu 
maître  de  Caboul  et  de  Candahar ,  parvint  à  recon* 
quérir  les  États  que  lui  avait  laissés  Baber.  En  i55/i 
lesMongolsrentrërentdansl'Hindoustan,  et  Humaîoun 
mourut  en  1555,  laissant  le  trône  à  son  fils, 
Akbar  I", 

Les  treize  années  du  règne  de  Shere-Khan  forment 
la  seule  lacune  pendant  laquelle,  jusqu'à  nos  jours, 
les  descendants  de  Baber  n'orU  point  occupé  le  trône 
de  Dehii. 

Akbar  est,  sans  contredit,  le  prince  le  plus  illustre 
de  la  dynastie  de  Baber;  il  s'est  distingué  par  sa  valeur 


(1)  C'est  à  Ferid  ou  Shere-Khan  que  sont  dues  les  premières 
grandes  rout«s  qui  sillonnèrent  Tlnde.  Le  Great-Trunk-Road  suit 
le  tracé  d'une  des  routes  qui  relièrent  sous  Ferid  le  Bengale  à 
rindus.  Des  plantations,  des  postes,  des  hôtelleries  pour  les  voya- 
geurs, donnaient  à  ces  communications  un  caractère  de  sûreté  et 
de  commodité  que  Ton  voudrait  bien  trouver  aujourd'hui  à  beau- 
coup de  routes  modernes. 


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46  l>^  ).i  PfUS^NCB  MIUT^fEB 

aut^^Qtque  par  s^  sagesse  et  sa  justice.  Les  vetyageurs 
et  les  historiens  retrQuvept.  partout  le^  traçei^  de  sa 
glqirp  (J^n^  les  inoquinents  doqt  il  $^  ppuvQrt  |e  sqU 
et  daps  les  témoignf^es  d>dq)iratiop  ^es  écfiyains 
contemporains,  Né  pen^apt  Ift  fuite  46  aon  père  ^^ 
Perse,  il  apporta  mr  1^  trônçi  les  ^leut^  e(  leis  vertus 
qpe  développent  che^  |es  sQUvçfa^ns  le  (Dftlt^Q^^  et 
TejiL 

Le  règne  d^Àlcbar*  çomiq^  (qus  letsi  préçé^entf^ 
s'ouvrit  par  d^s  Inttes  ii^testlnea  îivpft  les  déttris  de  l^ 
dynastie  des  Afelianç  %\  avec;  l^  gQ^ve^neu^f  ()« 
provinces  gui  cl^erchai^t  |i  sjè  repdr^  indép^pdsiitt^ 
La  confédéri^tipn  forq^ée  cpqtre  Al(l^ar  fut  détruit^  çf) 
f  g§6  2^  Panip^t,  Heu  çlu  pi'eiQier  triomphe  ({es  Mogqjs^ 
p^aipp  de  Mi^ille  sur  Igqqel  no^s  yerrops  ^ne  ç^ytr^ 
fols  encore  se  décic|er  les  d^.tinées  d\i  bs^ut  |IinG|(]|us({^n 
en  1762.  Akbar  fit  la  conquête  définitive  dq  ^^\^l^ 
et  de  rAtlJifAK;  il  sounût  le  Quzer^te  et  (e  ^engsde , 
^ont  les  gouv^neurs  s'étaient  r^nfltis  A  pep.  près  jiïdéT 
pendants;  il  agrandit  son  empire  au  sud  §t  au  nord, 
et  le  divisa  en  onze  provinces  ou  soubabies,  dont  Qh^-^ 
eune  était  divisée  en  district  Q^  mkars;  cenx-ci  ç^m- 
ftrenaient  un  certain  nopibire  de  cantons  pn  ppupr 
gounnahs.  L'histoire  d'Akbar,  écrite  par  son  visir 
Aboul-Fazel,  traite  de  la  division  ^  dç  la  population, 
^^  rindustrip,  des  revends  pt  de.  \^  iqpQgfftpl^ie  (ie§ 
États  de  cet  empereur.  L'ouvrage  d'AbouUFaael  est 
connu  sous  le  nom  d^Ayen-Jkbari,  c*est-à-dire  le 
Ijiiroir  d'jikbar.  L'organisation  Rdrnifiisitv^UYe  de 
l'empire  des  Grands  Mogols  dftt§  de.  eette  époque. 


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Diea  ANGLiJft  BiHS  i/iNas.  &7 

Nous  en  donnerons  Texposé  plue  loip,  lorsque  noue 
résunoerons  les  prineipaux  événements  du  règne 
d^Âureng-Zeby  petit-flis  d^Akbap^  et  nou^  insisterons 
d^autant  plu^  sur  ce  détail  qu^en  nous  fournissant  la 
signification  d'Un  grand  nombre  de  termes  qui  re«- 
viepneot  à  chaque  instant,  IprsquMI  s'agit  de  la  hié- 
mrcbi^hindqpe,  il  nous  permettra  de  ^nstater  que 
les  anglais,  bésitiers  de  la  puissance  des  empereurs 
mogals,  n^'ont,  en  quelque  sorte,  rien  changé  aux 
bases  essentielles  sur  lesquelles  elle  s'appuyait. 

Akbar  avait  donc  porté  au  plus  haut  degré  la  fopoe 
et  la  gloire  de  Tempire  mogol  lorscpi'il  mpurut,  en 
1606,  après  un  règne  de  quarantenieuf  ans,  laissant 
le  trdne  à  son  lils  Sélim. 

Sous  le  règne  d' Akbar,  les  Portugais  s'établirent  & 
Goa,  ville  qui  n'était  pas  encore  annexée  à  Tepopire 
mogol.  La  division  que  nous  avons  adoptée  nous  can- 
duisant  à  réunir  dans  un  chapitre  spécial  tout  ce  qui 
touche  à  rétablissement  des  oolopies  européennes 
.  dans  les  Indes,  c'est  pour  mémoire  seulement  que 
nous  rappelons  ici  l'occupation  de  Goa  par  les  Portu- 
gais, et  les  ambassades  qu'ils  envoyèrent  en  ISQQ,  en 
i£i91  et  en  ^595  aa Grand  Mogol.  La  même  observa- 
tion s'appliqua  à  l'établissement  des  Anglais  vers  la 
même  époque,  et  à  leurs  ambassades  de  IGQtt  et  161 5, 
sous  le  règne  de  Djihangire. 

Le  fils  d' Akbar  devait  bien  mal  justifier  se  nom  de 
Djih%Qgire  (conquérant  du  monde),  par  lequel  il  rem- 
plaça celui  de  Sélim ,  sous  lequel  il  est  aussi  désigné 
par  les  historiens.  En  lutte  continuelle  avec  tes  grands 


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&&  DB   LA   PUIBSAHCB   M1LIT4IIIB 

vassaux,  il  eut,  en  outre,  à  comprimer  la  révolte  de 
son  fils  Schftb-Djihan,  qui  lui  succéda  en  1627. 

Schàb-Djihan  débuta  sur  le  trône  par  une  sanglante 
exécution,  dans  laquelle  furent  enveloppés  tous  les 
descendants  de  Timour,  et  qui  le  laissa  seul  repré^ 
sentant  survivant  de  la  postérité  mâle  d'Âkbar.  Après 
une  guerre  cruelle  contre  un  prince  afghan  de  ia  fa- 
mille de  Lodi,  dépossédée  par  Baber,  et  dont  le  ré- 
sultat fut  la  soumission  complète  du  Deccan,  Scbâh- 
Djiban  reprit  aux  Perses  le  Gandabar,  que  son  père 
avait  perdu. 

Tranquille  possesseur  du  trône,  Sch&b-Djiban 
s'occupa  d'améliorer  le  gouvernement  de  Tempire; 
pendant  une  paix  de  vingt  ans  il  réforma  diverses 
brancbes  de  Tadminislration ,  et,  à  l'exemple  de  son 
père,  construisit  de  superbes  monuments;  nous  dirons 
un  mot  de  ces  derniers,  parmi  lesquels  le  fameux  tom- 
beau de  la  sultane  Noor-Mahal  (lumière  du  barem), 
élevé  par  Djibangire,  et  la  grande  mosquée  de  Debli, 
tiennent  la  première  place,  lorsque  nous  donnerons 
la  description  géographique  et  topographique  de 
Tempire  indien. 

La  guerre  entre  les  fils  de  Scbàb-Djihan  remplit 
les  dernières  années  du  règne  de  ce  prince.  Atteint 
d'une  mala.die  mortelle,  il  ne  peut  assurer  à  Talné 
de  ses  enfants,  Dara,  son  successeur  désigné,  l'exer- 
cice d'un  pouvoir  qu'il  est  impuissant  à  conserver  lui- 
même.  Aureng-Zeb,  troisième  fils  de  Schàh-Djiban, 
et  gouverneur  du  Deccan,  finit  par  triompher  de  ses 
frères,  Dara,  Sboudja,  gouverneur  du  Bengale,  et 


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MS  ANOLAIS  DANS  L^lNDlU  Ad 

Mourad,  matlre  du  Guzerate,  et  se  Tait  proclamer 
empereur  à  Dehii  en  i6S8.  Schfth-Djihan,  d(^possédé 
après  un  règne  de  trente  et  un  ans,  meurt  seulement 
en  1666,  après  une  captivité  de  huit  ans. 

Les  premières  années  du  règne  d*Aureng-Zeb, 
qui  devait  porter  à  un  si  haut  degré  de  splendeur  et 
de  puissance  Tempire  des  Mogols,  sont  remplies  par 
les  luttes  qu'il  a  à  soutenir  contre  Dara,  le  seul  sur- 
vivant de  ses  trois  frères»  et  contre  Mohammed,  son 
propre  iils. 

Victorieux  dans  ces  deux  guerres,  Aureng-Zeb 
parvient  à  détourner  les  dangers  qui  le  menacent  du 
côté  de  la  Perse,  et  affermit  son  aulorilé  dans  le 
Caboul  et  leCandahar.  En  1686,  il  envoie  Schâh- 
Alum,  son  fils,  dans  le  Deccan,  à  la  télé  d^une  nom- 
breuse armée.  Deux  États  indépendants  y  subsistaient 
encore  :  ceux  de  Golconde  et  de  Bedjapour.  Celle 
conquête,  rapidement  terminée,  devait  mettre  Tem* 
pire  des  Mogols  en  présence  de  Tennemi  qui  devait  le 
renverser.  l..es  Mahrattes  allaient  révéler  leur  puis- 
sance dans  THindoustan.  ^ 

Longtemps  avant  qu'Aureng-Zeb  eût  porté  ses 
armes  dans  le  Deccan ,  les  Mahrattes,  qui  devaient 
plus  tard  rester  les  derniers  à  balancer  la  puissance 
des  Anglais  dans  T Inde  ^  et  dont  la  puissante  confé- 
dération ne  tomba  définitivement  qu'en  1818,  sous 
les  armes  de  lord  Moira,  les  Mahrattes,  dès  le  com- 
mencement du  XVII*  siècle,  formaient  un  puissant 
empire. 

Sewadji,  fils  d'un  rajah  du  pays  d'Adjimir,  né  en 

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16^  h  PaoQf^h,  profitaot  d^  troubles  qqi  décbipaieat 
la  péninsule,  s'était  empara,  veiik  la  fin  du  lè^s^  dd 
Sch&h-PiihaOft  de  quelques  distcieta  du  Kfuraatto,  el 
rendu  indépeDdapt  du  roi  de  Be(i(îapottr«  Senfadjii 
poujp  accomplir  ses  deaseina*  aVait  fait  appel  liux 
Mabrattes*  Ce  peuple,  encore  inconmi  wn  Buropéena 
il  y  a  un  peu  plus  d'un  siôcle,  et  qi^i  D*avait  an^M 
plf^oe  distincte  suf  noa  cartas  géographiques  du  mî- 
lieu  du  de^niçr  siècle,  a  possédé  joaqu'fii  181 8^  ami 
que  nous  le  disions  plus  haut,  après  avoir  f^Averaé^ 
l'en^ire  dos  Mogols^  Iç  plua  vs^  É^t  IttMr^  de 
l'Inde, 

,  I^es  Mahrattes  descendent  de  la  dernière  des  eaatM 
hindoites»  dont  nou^  donnerons  U  noni§nc1atui«rt  la 
hiérarchie  lorsque  nous  parlerons  des  populatioua  de. 
l'Hindoustan»  au  ohapilre  qui  traitera  çto  la  gé^gra' 
phie  de  ce  vaste  empire.  l>eur  uom  originaire  [^riM 
être  Maha-Rasehtza  (les  grands  guerriers)*  Letqiw- 
t^nes  de^.  Ghatles  occidentales  renferoogient  um 
province  de  Mehrat  ou  Haban^tta^  qui»  se.loo  qw\^ 
ques  auteurs,  est  le  pays  i)atal  de  celle  n^U6D«  La 
constitution  des  Mahrattea  était  très  remc^rquaMa.  et 
présentait  une  sorte  de  république  aiiiiUire«  impo- 
sée de  radjahs  ou  de  chefs  indépendants  les  un»  àm 
autres,  et  à  la  tête  desquels  était  le  peischtoai  qui 
était  lui-même  réputé  un  minia^rcdu  grand  radjah  i 
dont  le  pouvoir  n'était  plus  que  titulaire* 

Sewadji,  après  avoir  soutenu  contre  Aurcog-Zeb 
et  contre  le  roi  de  Bedjapour  des  luttes  mêlées  d'al- 
ternatives de  succès  et  de  revers,  se  fit  proclamer 


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1>B9  4N6LAI«  DANS  l/iajDlù  |t 

diief  dcB  Mahrall6$  av«t;  la  poti^pe  el  Iq»  oAréiMimf» 
qui  exercent  une  si  grande  influence  sur  Ie3  popuia^^ 
tiooa  hindoudi. 

L6  chef  des  M ahratlea  avait  qq\^\\  mi  firoJ€4  don^ 
la  roalisaiion  oo  semblait  pas  impossibtu^  ExcUé  à  la 
{oi«  par  rambiUoii  et  la. haine  veligioiisc,  il  cspi^raU 
fomter  ua  empira  biiidou  dans  le  Deccan^  eo  faoedn 
Tempire  mogal,  ei,  précipitant  ensuite  Tunadea  dora 
races  sur  l^autre»  refouler  ^i  jamais  les  mabofoétaHa 
dans  la  haute  .^^ie«  D^à  il  avait  coihiuîs  te  royaume 
de  Goloonda,  envahi  le  Kariulio,  etpousaé  ses  armea 
W  wd  jusqu'à  Séringapatam  et  Madréis.  C'est  an 
milieu  de  ces  triomphes  que  ta  noort  le  surprit  «  an 
1080, 

Sambadji  etSahodji,  Tun  fils,  Tautre  petit  fils  de 
Sewadji,  limitèrent  contre  Aureng-Zeb  avec  des  det- 
tioées  bien  diiTérentes.  Le  premier,  vaincu  et  fait  pri* 
soanier  par  le  Grand  Mogol ,  perdit  les  conquêtes  de 
son  père^  et  fut  n^is  k  mort;  le  second,  au  contraire, 
souvent  vaincu,  mais  jamais  découragé,  abattu,  mais 
non  si^jugué,  parvint  k  se  maintenir  dans  le  Deccan, 
et  à  obtenir  d'Aureng-Zeb,  k  titre  de  chutai  ou  coih 
Iribulion  de  guerrei  le  revenu  permanent  du  quart 
des  produits  de  la  presqu'île. 

Aoreng-Zeb  mourut  à  quatre* vingt-treize  ans,  en 
1707,  après  en  avoir  régné  quarante-neuf;  les  dei*- 
Bières  annce:^  de  sa  vie  se  passèrent  sana  présenter 
aucun  événeoienl  important  à  signaler.  I/empire 
mogol,  qu'il  avait  porté  au  plus  haut  degré  de  puis-* 
sancc,  allait  périr  avcio  lui,  et  ce  prince  derait  0tre  le 


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S3  DB   LA   POISSANCK   MlMTAtRB 

dernier  de  la  race  de  Timour  qui  méritai  le  nom 
d'homme. 

Avant  de  présenter  le  spectacle  de  cette  décadence, 
si  favorable  aux  progrès  des  Européens  dans  Tlnde, 
nous  allons  faire  connaître  Torganisation  de  Pempire 
mogol,  qui,  ébauchée  par  Akbar,  fut  complétée  par 
Aureng-Zeb,  le  véritable  auteur  de  la  constitution 
politique  moderne,  &  laquelle  les  Anglais  n*ont  presque 
rien  changé. 

Aureng-Zeb  mit  à  la  tête  de  chacune  de  ses  pro- 
vinces un  saubahb^  pour  commander  les  troupes  et 
disposer  des  emplois.  L*empire  mogoi  était,  au  com- 
mencement du  xviii*  siècle,  partage  en  quatorze  sou- 
babies  ou  grands  gouvernements.  Quelques  unes  pou- 
vaient être  comparées  à  de  puissants  royaumes. 
Chaque  soubahb  devait  être  nommé  par  Tempereur, 
et  possédait,  dans  une  province  en  dehors  de  son  gou- 
vernement, un  domaine,  une  portion  de  territoire 
dont  il  avait  la  jouissance ,  et  dont  Pnpanagc  était 
destiné  à  lui  enlever,  sinon  les  moyens,  du  moins  les 
motifs  de  pressurer  ta  province  dans  laquelle  il  com- 
mandait. I.es  diverses  provinces  dont  se  composait 
un  gouvernement  étaient  administrées  par  des  nababs, 
nommés  par  le  soubahb  et  confirmés  par  Tempereur. 
Dans  plusieurs  provinces,  il  y  avait  des  radjahs^ 
princes  hindous,  qui  avaient  conservé  le  gouverne- 
ment de  leur  pays,  et  qui  payaient  au  Grand  Mogol 
un  tribut  et  fournissaient  des  troupes.  Quelques-uns 
decesradjahSf  comme  ceux  de  Malssour  (ou  Mysorc) 
et  de  Tandjaore,  avaient  une  puissance  stipérieure  à 


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DBS  ANGLAIS  BANS   l'jNBB.  53 

celle  de  beaucoup  de  soubahbs,  et  pouvaient  être 
considérés  comme  de  véritables  souverains. 

Chaque  soubakb  avait  près  de  lui  un  trésorier  ou 
collecteur  d'impôts  nommé  duam  (dewam),  et  qui 
était  chargé  de  verser  dans  le  trésor  du  Grand  Hogoi 
tout  ce  qui  restait  du  revenu,  les  dépenses  civiles  et 
militaires  de  la  soubabie  payées. 

Chaque  province,  suivant  Torganisalion  d'Âkbar, 
était  divisée,  ainsi  que  nous  Tavoris  dit,  en  districts 
ou  sirkarSf  présidés  par  des  zemindars^  espèce  de 
juges  nobles  et  feudalaires  auxquels  le  duam  louait 
les  terres,  et  par  Tintermédiaire  desquels  Timpôt 
était  perçu. 

\je  sol  était  considéré  comme  la  propriété  absolue 
du  souverain.  Chaque  xeniindar  (qui  représentait,  à 
quelques  égards,  nos  anciens  fermiers  généraux) 
sous-louait  son  territoire,  qui,  par  une  série  de  loca- 
tions successives,  arrivait  en  fractions  très  minimes 
entre  les  mciins  du  ryote  ou  cultivateur.  Sur  le  produit 
du  sol,  le  ryotc  ne  conservait  guère  que  ce  qui  était 
nécessaire  à  sa  subsistance.  La  location  des  terres 
était  annuelle,  système  peu  favorable  &  leur  amélio- 
ration et  &  Taugmenlation  des  produits,  et  que  les 
Anglais  ont  changé  avec  raison. 

I/élément  du  pourgaunnah  ou  canton,  le  village 
indien,  se  formait  par  Tagglomération  d'un  certain 
nombre  de  cultivateurs.  11  est  encore  constitué  au* 
jourd'hui  comme  avant  et  pendant  la  domination  mo- 
gole,  car  rien  ne  change  dans  Tlnde,  sur  cette  terre 
de  rimmuabic  par  excellence.  Certains  autours  mo- 


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5&  Dfi   L4    PCJItfSANGK   ttlLlTAIRB 

dernes,  dans  leur  embarras  d'indiquer  un  équivalent 
de  TorganMiUon  du  village  indien,  n*ont  pas  voulu 
la  comparer  à  notre  commune^  qui  n'en  donne  ^  en 
effet,  qu'une  idée  imparfaite  ;  le  parallèle  de  cette 
organisation  avec  celle  du  phalanstèr«  de  Pourter 
nou«  Bembie  un  peu  forcé.  Malgré  la  révolte  actueite 
(qui  n'est  réellement,  comme  nom  l'établirons  plus 
loin,  qu'une  insurrection  militaire),  on  aurai!  tort  de 
prêter  aux  populations  indiennes  un  esprit  de  em« 
eert,  d'association  qui  leur  a  toujours  manqué,  et 
dont  l'ftbsence  a  toujours  constitué  la  plus  grande 
force  de  leurs  conquérants. 

Les  mahométans  comme  les  Anglais  ont  compris  le 
oaractère  dMmmobililé  Invincible  de  la  race  hindoue. 
Ils  n'ont  changé  l'organisation  du  pays  conquis  que 
Jesle  aesezpour  s'emparer  de  tout  le  pouvoir,  mais 
sans  rien  déranger  au-dessous  d'eux.  Les  HindouSi 
ainsi  asservis  et  exploités  par  des  conquérants  vingt 
fois  moins  nombreux,  ont  supporté  sans  murmure  ce 
joug  souvent  écrasant*  L'antipathie  religieuse  subsis- 
tait seule  dans  toute  sa  forée,  et  s'opposait  au  mélange 
des  deux  races;  elles  restaient  superposées  Tune  à 
Tautre. 

Si  les  révoltes  ont  été  nombreuses  pendant  ta  pé- 
riode de  la  domination  mogote ,  on  aurait  tort  d'en 
inférer  que  l'insurrection  actaelte  a  les  mêmes  raisons 
d'être.  Il  est  facile  do  comprendre  qu'une  main  puis* 
sanle,  comme  celle  d'Akbar  ou  d'Aureng-Zeb,  était 
nécessaire  pour  maiiUcnir  dans  l'obéissance  un  em- 
pire compose  d'éléments  aussi  variés;  mais  ce  n'était 


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DE^   ANGLAIS   DANS   L^lNDb.  56 

pas  la  révolte  des  vaincus  qui  était  à  craindre,  c*était 
l'anarchie  inévitable  entre  les  vainqueurs,  longtemps 
les  Anglais  ont  échappé  à  ce  danger,  aussi  longtemps 
léulr  domination  a  été  acceptée  ;  peut-  être  ne  sera-t-îl 
pas  sans  intérêt  d*exan)iner  si,  à  la  longue,  Panlago- 
nîsme  persévérant  et  toujours  croissant  des  éléments 
qui  connposent  Tadministratiori  et  le  gouvernement 
de  rinde  anglaise  n*a  pas  produit,  au  point  de  vue 
de  la  situation  actuelle ,  ce  qu'ont  déterminé  si  sou- 
Vent  tes  rivalités  et  les  luttes  des  grands  feudataires 
de  Tempire  njogof  aux  XYiv  et  xviii*  siècles. 

Schfth-Âlum  succède  à  Aurerig-Zeb  en  1707. 
L'événement  le  plus  important  de  son  règne  est  la 
gtierrc  quMI  eut  &  soutenir  contre  tes  Sicks.  Nous  al- 
lohs  donner  quelques  détails  sur  celte  confédération 
puissante,  qui  apparaît  pour  la  première  fois  dans 
Thlstoiré  de  l'Inde,  et  dont  nous  aurons  &  nous  occu- 
per souvent  dans  la  suite  de  cette  étude. 

Sons  Bàber-Schâh,  an  derviche  musulman  et  un 
hindou,  unis  d'une  étroite  amitié,  avaient  écrit  un 
Mvre  dans  lequel  ils  cherchaient  à  concilier  les  dogmes 
da  leurs  deipi  religions  (1).  Cette  doctrine,  qui  eut 
pour  apôtre  le  fameux  Nanek,  se  répandit  rapidement 

(1)  Manek  apparteoftlt  h  la  easte  des  Tchatrias  ou  guerriers. 
Les  Bfkfas  observent  tes  lois  reMgîeQses  et  politiques  qu'il  leur  a 
laissées  dans  m  lttf«  Intilulé  Grmth.  Leur  secte  rejette  le  culte 
de  Brabma,  Vtdinoii  et  Siva,  tes  trois  principales  divinités  des 
maàoiis,  ainsi  (tue  l'adoration  des  figures  et  images;  et  n'admet 
qo*an  Être  suprême  auqad  elle  adresse  directement  ses  prières  : 
ta  s'arrêtent  tes  concessions  faites  h  rislamlsme.  Nauck,  pour 
disUnguer  ses  disciples  des  autres  Indiens  et  des  Musulmans,  leur 


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66  OB  U   PUISSANCE  mUTAIIIK 

dans  le  Lahore  cl  les  provinces  voisines  de  rHiœa* 
laya.  Ses  sectateurs  prirent  le  nom  de  Seikhs  (disci- 
ples), et  vécurent  paisiblement  jusqu'à  la  persécution 
que  leur  suscita  Tintoiérance  d'Aureng-Zeb.  Les 
Seikhs  ou  Sykbs  transformèrent  alors  leur  organisation 
religieuse  en  confédération  militaire,  et  désolèrent 
par  leurs  incursions  les  provinces  qui  les  entouraient. 

L'histoire  des  Sykhs  ressemble  à  celle  de  toutes 
les  sectes  religieuses;  ils  ne  devinrent  puissants  que 
lorsque  les  empereurs  mogols  et  les  princes  afghans 
les  persécutèrent  avec  le  plus  grand  acharnement. 

Scb&hAlum  mourut  en  1712,  après  un  règne  de 
cinq  ans. 

Nous  ne  suivrons  pas  dans  leur  stérile  rivalité  les 
successeurs  qui  se  disputèrent  son  trône.  Il  nous 
sufOra,  pour  donner  une  idée  de  Panarcbie  qui  désola 
Tempire,  de  dire  que,  dans  l'intervalle  de  six  années 
seulement,  neuf  empereurs  ne  montèrent  sur  le 
trône  que  pour  y  être  successivement  massacrés. 

C'est  à  celle  époque  que  remonte  Taffranchisse- 
ment  de  tous  les  royaumes,  de  toutes  les  principau- 

a  défendu  Tusagedu  tabac,  et  H  leur  a  prescrit  de  laisser  croître 
leur  barbe  et  leurs  cheveux.  Sobres  dans  leur  nourriture,  les 
Sykhs  aiment  les  liqueurs  spiritueuses  défendues  aux  Musulmans; 
Ils  mangent  la  chair  de  porc  déclarée  impure  par  ces  derniers,  et 
s*abstiennent  des  plaisirs  sensuels  auxquels  les  Mahométaos  sont 
fort  adonnés.  Leur  principale  force  consiste  en  cavalerie,  et, 
quoique  les  derniers  englobés  dans  ce  vaste  réseau  dont  les  An- 
glais ont  couvert  l*lnde,  ils  se  sont  généralement  montrés  idètas 
jusqu'ici  au  milieu  de  TinsurrecUon  générale  du  Bengale,  et  les 
Anglais  comptent  sur  eux  comme  sur  leurs  meilleurs  auxiliaires, 
avec  les  Goorkbas,  dont  nous  parierons  ailleurs. 


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DBS  AN^tAIâ  DANS  L*I\DX.  57 

lés  que  les  Angtais  ont  successivement  rangés  sqps 
leur  domination,  soit  par  les  armes,  soit  en  sMmmis* 
çant  habilement  dans  leurs  démêlés. 

J^  plus  important  des  États  formés  aux  dépens  de 
Teropire  mogol,  pendant  cette  période  de  décadence, 
fut  celui  du  Nizam  (ou  soubahb)  du  Deccan ,  fondé 
par  le  Mogol  Cottulick-Khan,  le  plus  ambitieux  et  le 
plus  puissant  des  amrahs  ou  grands  vassaux  de 
Tempire. 

Mohammed  Sch&h,  arriëre-petit-nis  d'Aureng*Zeb, 
avait  été  élevé  à  Tempire  en  1718,  et  semblait  ap- 
pelé à  clore  la  période  de  meurtres  et  de  violences 
qui  ensanglantaient  le  trône  de  Dehii.  L'ambition  du 
Nizam  ne  lui  permit  pas  d'accomplir  cette  œuvre  ré- 
paratrice. Le  soubahb  du  Deccan  n*osant  se  révolter 
ouvertement  contre  le  Grand-Mogol,  appela  Nadir- 
Scbâh,  qui  venait  de  s*emparer  de  la  Perse,  et  l'in- 
vita à  envahir  l'empire  de  Delhi.  1^  conquérant  vint 
attaquer  avec  30,000  hommes  Mohammed,  qui  aurait 
pu  lui  en  opposer  un  million. 

Trahi  par  ses  ministres  et  ses  généraux,  Moham- 
medSchfth  fut  bientôt  réduit  à  mettre  aux  pieds  de 
son  ennemi  sa  couronne  et  son  empire.  Le  3  mars 
17S9,  Nadir  parut  sous  les  murs  <le  DehIi,  et, 
désarmé  par  la  soumission  du  malheureux  empereur, 
parut  un  moment  se  contenter  d'une  contribution  de 
guerre  dont  la  richesse  fabuleuse  de  la  capitale  des 
Mogols  rendait  l'acquittement  peu  onéreux.  Un  évé* 
nement  malheureux  vint  changer  ces  dispositions 
bienveillantes.  Un  soldat  persan  ayant  voulu  forcer 


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58  DJg   LA    PDESSANCfi    UILITAIRB,    ETC. 

une  boutique  dans  le  bazar,  il  s'ensuivit  une  latte 
qui  dégénét^a  bientôt  m  une  insurrection  générale, 
où  près  de  2,000  èoldats  de  Nadir  Sch&h  perdirent 
Ift  vie.  Irrité  de  eette  perte  ^  NadiN8cb&h  ordonna 
le  massacre  des  habitants  et  le  pillage  de  Dehli. 
50,000  Indiens  perdirent  la  vie  dans  cette  affreuse 
boucherie,  et  des  témoins  oculaires  portent  à  plus 
d'un  milliard  l'argent  monnayi  que  le  roi  de  Perse 
emporta  à  son  retour,  et  à  la  même  somme  la  valeur 
des  pierreries  dont  il  dépouilla  le  trésor  de  Mohammed. 

Nadir  se  fit  céder  les  provinces  de  Caboul^  Pei- 
ehaouer,  Gandahar,  Ghisney,  IloottsLn,  Bindhy,  tous 
Ibb  pays  enfin  situés  entre  T Indus  et  tes  anciennes 
frontières  de  la  Perse»  A  ce  prix,  il  replnça  la  cou- 
nMiie  impériale  sur  la  tête  de  Mohammed.  Depuis 
eette  époque  jusqu'à  sa  merl^  en  1767,  nous  n'avons 
que  des  désastres  à  enregistrer* 

Au  milieu  de  eette  décadence  de  l'empire  mogoL, 
un  vaste  champ  s'ouvrait  aux  ambitions  européennes; 
Nous  avons  dit  un  mot  déjà  des  tentatives  des  Pertu-» 
gais  et  des  Anglais;  il  nous  rest»  à  parler  de  celles 
des  Hoiiamiais  et  dos  Français.  Nous  déroulerons  ra* 
(ridementy  dans  le  chapitre  mtivant^  le  tableau  corn* 
pliqué  des  négoeiations  et  des  tioslilités  au  milieu 
desqmiies  se  préparait  l'esclavage  de  l'Hindoustan,  et 
nous  retracerons  sommairement  les  origines,  les  pro-t 
grès  et  le  sort  définitif  des  diverses  compagnies  eu- 
ropéennes pendant  le  xvii'  siècle  et  la  première  moitié 

du  XVHi*. 


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CHAPITRE  III. 

SoMMAiiiE  :  Découverte  du  cap  de  Bonne- Espérance.  —  Les 
Portugais  débarquent  à  Galtcut  —  Vasco  de  Gama,  AilMiquer* 
que»  Jean  dkt  Castro,  àtaide.  —  Compteira  portugais  k  Coa, 
Melinde,  llû;uioibi<|ue ,  Sofala ,  etc.  -^  Compagnie  bollandaiser 
—  Rivalité  des  Portugais  et  des  Hollandais.  Caractère  distinct 
des  établissements  de  ces  deux  peuples  dans  Tlnde.  —  Ap[)a- 
Hâon  des  Anglais.  —  Ambassade  de  ftir  Tliomas  Roê.  —  Chartes 
d'ÉlifiabetbydeCbarlesU,  de  Jacquet  Ut  delà  reiae  Anoe» 
du  roi  Guillaume,  etc. —Comptoirs  de  Bombay»  Madras  et 
Calcutta.  —  Tentatives  des  Français  dans  l'Inde.  —  Gonneville, 
Plrard ,  Gérard  le  Flamand.  —  Compagnie  ties  Motuqtles.  — 
Première  compagnie  des  Indes  organisée  par  ftichetieu.  -^ 
Dei&xième  compagnie  créée  par  Colbertf  —Comptoirs  de  Poudi* 
chéry»  Chandernagor,  Karikal.  —  Martin ,  Lenoir,  Dumas, 
Dupleix,  gouverneurs  de  Tlnde.  —  Labourdonnais. 

Les  Portugais  furent  les  premiers  qui  entrèrent  ea 
relation  avec  les  souverains  de  Tlnde,  et  ce  peuple 
aventureux,  après  avoir  pian té^  vers  la  fin  du  ly""  siède^ 
•on  drapeau  sur  la  côte  d'Asie,  reeta  pendant  long-^ 
temps  naître  absolu  du  comnoerce  de  cetie  partie  eu 
monde^ 

Diaz  découvre  le  passage  du  cap  de  Bonne-Espé-^ 
raofis  en  ikB&,  et  douze  ans  plus  tard  YaBco  de  Gama, 
suivaoi  la  noéine  route«  débarque  à  Calicut,  sur  If^ 
çdte  du  Miilabar.  Forts  de  leur  alliasce  avec  le  son* 
veraiii  de  celte  ville,  les  belliqueux  négocian(S|  après 
avoir  fait  la  guerre  au  profit  de  leur  hôte ,  ne  tardent 
pas  à  la  continuer  pour  leur  piopre  çooiple.  En  15i0, 


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GO  DE   LA   PL'ISSANCB   UlLlTAlttB 

ils  s*einparent  de  Goa,  qui  devient  le  chef-lieu  de 
leurs  établissements  dans  Tlnde.  Un  demi-siècle  leur 
suffit  pour  ranger  sous  leur  domination  les  côtes  de 
Guinée,  de  Melinde,  de  Mozambique  et  de  Sofala, 
celles  des  deux  presqu*lles  de  rinde,  les  Moluques, 
Ceyian  et  les  lies  de  la  Sonde. 

Nous  ne  suivrons  pas  Yasco  de  Gama  et  Albu- 
querque  dans  leurs  conquêtes.  Ces  deux  grands  noms 
remplissent  la  période  ascendante  et  glorieuse  de  la 
domination  portugaise  dans  les  Indes.  Notre  cadre 
trop  restreint  ne  nous  permet  pas  davantage  de  nous 
arrêter  à  T histoire  plus  héroïque  encore  de  leur  déca- 
dence, retardée  par  le  génie  de  Jean  de  Castro,  et 
d'Alalde.  Ce  qui  nous  importe,  c'est  de  bien  définir 
le  caractère  de  cette  domination^  dont  les  Hollandais 
devaient  consommer  la  ruine. 

C'est  en  1596,  un  siècle  après  la  découverte  du 
cap  de  Bonne-Espérance,  que  les  Hollandais  s'aven- 
turent pour  la  première  fois  dans  les  mers  de  Tlnde. 
Dix  ans  plus  tard  ils  avaient  chassé  les  Portugais  de 
la  plupart  de  leurs  comptoirs  sur  la  côte  d'Asie ,  et 
ruiné  leur  commerce  sur  le  continent.  En  16&0,  ils 
s'emparaient  de  Malacca;  en  1656,  ils  expulsaient 
définitivement  leurs  rivaux  de  l'Ile  de  Ceyian.  II  ne 
restait  plus,  à  celte  époque,  aux  Portugais  que  quel- 
ques stations  insignifiantes,  et  les  établissements  plus 
importants  qu'ils  avaient  fondés  dans  le  Guzerate. 
Ces  derniers  devaient  bientôt  tomber  aux  mains  des 
Anglais. 

Les  Portugais  et  les  Hollandais  avaient  suivi  deux 


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DBS  Af^LAIS   DANS   L*I^D««  61 

lignes  de  conduite  dissemblables,  et  iniprimé  à  leurs 
acles  deux  caractères  bien  distincts.  Au  Tond,  ces 
deux  peuples  n'avaient  qu'un  seul  et  même  but,  le 
commerce  d'échange  et  Tenlèvement  rapide  des  tré- 
sors qu'ils  comptaient  rencontrer  à  chaque  pas  dans 
rinde.  Obéissant  à  leur  caractère  national,  à  leurs 
tendances  belliqueuses,  les  Portugais  avaient  fait  le 
commerce  en  grands  seigneurs,  poussés  au  négoce 
malgré  leur  vocation,  et  uniquement  par  jalousie  des 
richesses  que  les  Espagnols ,  leurs  éternels  rivaux, 
recueillaient  en  Amérique  ;  les  Portugais  voulaient 
obtenir  sans  travail,  et  par  le  seul  effet  de  leurs 
armes,  le  but  final  du  commerce  au  moyen  Age,  c'est- 
à-dire  Tor  él  les  pierreries.  Au  temps  de  leur  plus 
grande  prospérité ,  les  Portugais  ne  semblent  pas 
avoir  songé  h  fonder  un  empire  territorial  en  se  sub- 
stituant aux  indigènes. 

Imitateurs,  sous  ce  dernier  rapport,  de  leurs  de-* 
vancicrs,  les  Hollandais  conservent  aux  Indes  le  ca- 
ractère bourgeois  et  frai>chement  industriel  qui  a 
présidé  à  leur  naissance  parmi  les  nations  euro- 
péennes; ils  ne  cherchent  pas  non  plus  &  fonder  un 
empire,  mais  ils  se  présentent  d'abord  une  balance  A 
la  main,  et  loin  de  débuter,  comme  les  Portugais, 
avec  un  appareil  militaire,  c'est  lorsqu'elle  est  brisée 
seulement  qu'ils  se  décident  à  tirer  l'épée. 

Plus  industrieux  que  leurs  rivaux,  appréciant  mieux 
les  ressources  de  la  contrée  quMIs  voulaient  exploi- 
ter, les  Hollandais  recherchent  surtout  les  épiccs  et 


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A3  pu  LA   PUi2^A\GK   MHITAIJIB 

autres  produits  qu  ils  savent  pouvoir  convertir  aisd* 
ment  eu  or, 

Affaibliâl  par  de^  divisions  intestines»  par  la  conti- 
nuité de  leur  lutte  avec  TËspagne,  distraits  du  monde 
lointain,  om  l€|ur$  débuts  avaient  été  si  brillants,  par 
leur  participation  nai^ante  aui(  affaires  de  l'Europe, 
les  Hollandais  laissèrent  peu  à  peu  périr  leurs  établis- 
sen^ents  asiatiques,  quin*avaient  pa$  d'assiette  solidç 
sur  le  sol,  Çt  P^  pouvaient  subsister  qu'au  prix  d'efr 
fqrts  iace€(santa  de  la  nière  patrie^  L'Angleterre  et  l^ 
France,  que  nous  allons  voir  paraitre  dans  la  lice,  de-: 
valent  rester  seules  en  présence  $ur  ce  théâtre  dis- 
puté (1), 

L'Angleterre  s'y  présente  1%  première. 

£i>  1^9,9,^  Elisabeth,  reine  d'Angleterre,  envoie 
une  ambassade  i^  Al^bar.  qui  régnait  alors  à  Dehli. 

L* année  suivante,  la  première  Compagnie  anglaise 
est  instituée  par  une  charte  qui  lui  accorde  le  corn- 


(f)  Expulsé»  de  PÂsie^  les  HoHsndâis  M)t  trouvé  dans  \tmn  o^ 
looles  de  TOctenie  un  amj4e  dédommagenent  ;  Suqiatea,  ivi^^t 
Bornéo»  TArcbipel  d«.  Surobava ,  Célèbes,  Tarcbipel  des  Holu- 
ques,  etc.,  font  de  la  Hollande  la  puissance  dominante  dans  cette 
paKfe  du  globe,  dont  effe  lais^  quelqaes  parcelles  à  ses  ancleM 
clvaia  les  P«risfais.  Oeim-ei  et  remnche  ont  ososervé  use  psriie 
4e  leuiB  Gûinptoirs  daoa  l'iude ,  loais  la  compeosaUon  est  loin 
d'être  égale.  —  Vojcl,  pour  n'y  plus  revenir,  le  tableau  de  la 
vice-royauté  de  Hnde,  dépendant  de  la  couronne  de  Portugal  : 
Mpericie,  66<l  lieues  earrées;  p6pulaiiofi,  5ee,0#0  haMtanls; 
vlUes  principales  I  Paadjiin  ou  Villa-Nova  de  Goa,  €«a,  DamM, 
Mu. 


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iaer€e  exclusif  de  Tlnde,  et  rexeiioptk>ii  de  toua 
droits  pour  les  marchandises  et  le  numéraire  qu'elle 
esporterik  dans  une  période  de  quatorze  ennéee^ 

Toutefois,  1a  prudente  reine  ajoute  une  elauee  k  M 
Qbarle  royale;  eUe  m  réi^rve  h  droit  (k  revenir  eut 
ta  résohUion  à  l'empiralim  de  deuo^  mméee  y  ou  <fe 
faimer  ofmlinwÊT  lukmter  lu  choses  dans  l'état,  ei^ 
$amme  elle  l'etpàre^  ia  Comfmgme  prmve  êm  wèh 
jmir  h  gloire  de  em^aye,  etehUenè  par  ce  fMyw  iê 
kenme  ^eUme  du  peufh  anglaie. 

Le  prenaier  capital  social  fut  de  75,37Si  HtFei 
rtfirUng,  formant  eAvirpn  lf8(»5t,000  france  de  notre 
monnaie.  Plusieurs  voyages  successivement  entreprit 
dffUBent  ma  arsiateurs  englaie  ^n  bénéficie  de  âOO  peur 
iOO,  maigre  rbestilité  dee  Portugais  et  des  Holli^ 

Bd  160^»  Hawkins  eal  envoyé  en  qualité  d*iim- 
baseadeur  près  de  Tempereur  Djibangire,  tuais  ea 
i6ii  les  Portugais  le  font  expulser. 

Bu  1613,  la  eorapaguie  est  reconstituée,  non  t)4u.s 
sous  forme  de  squsoription  pour  chaque  voyage,  oDaift 
av€^  uii  capital  eoeial  de  &29,000'  livres  sterling 
(environ  10  millions)  administré  par  un  comitâde 
dûrectioD  nommé  par  les  aclionDaires. 

La  eoêfoe  année^  air  Thomas  Rod  est  envoyé  ei» 
ambassade,  et  obtient  de  notûbrettu  privilégesi  grâce 
à  deia  viotoires  remportées  sur  les  Portugais  daiia  le 
golfe  de  Cambaye.  En  vertu  de  ces  privilèges,  les  An- 
glais établissent  un  comptoir  à  Surate;  maiai,  soit 
mauvaise  adminislralion,  soit  diflicultés  suscitées  par 


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6A  DK   Ik   Pt)l8S4N<2Ë   yiLITAlAB 

les  Hollandais  et  les  Portugais,  rétablissement  se 
développe  lentement. 

En  1619,  les  Hollandais,  organisés  comme  les 
Anglais  en  Compagnie,  cherchent  à  mettre  un  terme 
à  une  rivalité  également  nuisible  aux  deux  nations , 
par  la  fusion  des  deux  Sociétés.  Celles-ci,  aux  termes 
de  Tassociation,  doivent  exploiter  en  commun  le 
commerce  de  Plnde  90us  la  surveillance  d*un  conseil 
composé  de  quatre  membres  de  chaque  nation.  Cette 
combinaison  bizarre  ne  produit  que  désordres  et 
hostilités. 

En  162S,  le  massacre  d^Amboyne  (1)  amène  une 
rupture  complète. 

En  1656,  les  comptes  des  deux  Sociétés  sont  enfin 
réglés,  et  se  soldent  par  le  paiement  d'une  somme 
de  85,000  livres  que  TAnglelerrefait  à  la  Hollande* 

En  16&0,  les  Anglais  achètent  d'un  prince  indien 
la  permission  d'élever  le  fort  Saint-Georges  à  Madras. 
Ils  s'établissent  de  même  à  Mazulipatam  et  à  Nellore. 
.  Malheureusement,  la  révolution  en  Angleterre  vient 
ruiner  les  affaires  delà  Compagnie,  et  bientôt  l'atten^ 
tion  du  gouvernement  .se  détourne  si  complètement 
de  l'fnde  que  Cromwell,  à  qui  nos  voisins  doivent  le 
célèbre  acte  de  namgaUon^  ne  songe  pas  même  à  sau- 
vegarder les  droits  de  l'Angleterre  en  Asie,  dans  le 
traité  qu'il  impose  aux  Hollandais  en  1657. 

Il  était  réservé  au  prince  léger  et  imprévoyant  de 

(1)  On  donna  le  nom  de  massacre  d'Amboyne^  k  Texécution  de 
dix  Anglais,  Jugés  et  condamnés  à  mort,  pour  avoir  conspiré 
contre  la  domination  hollandaise  dans  les  Moluqoes« 


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DKS  ANGLAIS   DANS   l'INDB.  6) 

réparer  la  faute  commise  par  le  profond  politique  : 
Cliarles  II  signale  son  retour  en  Angleterre  par  les 
bienfaits  quMI  accorde  à  la  Compagnie  des  Indes. 

En  1660,  une  nouvelle  charte  lui  est  octroyée; 
tous  ses  privilèges  sont  augmentés,  et  le  droit  de  faire 
la  paix  ou  la  guerre  avec  tous  les  princes  indiens  est 
conféré  à  la  Société  aux  abois. 

Dès  ce  moment  se  dessine  le  caractère  particulier 
aux  Compagnies  anglaise  et  française,  et  qui  les  dis- 
tingue de  celles  des  Hollandais  et  des  Portugais  : 
jusqu'ici  il  ne  s'est  agi  que  de  commerce  et  de  spécu- 
lations particulières  ;  chez  les  Anglais,  les  premiers, 
se  révèlent  désormais  les  idées  de  conquêtes,  de  gou- 
vernement, de  possession  territoriale. 

Grftce  à  l'appui  de  Charles  II  et  de  Jacques  II,  la 
Compagnie  se  relève,  répare  ses  pertes,  et  en  1680 
voit  ses  actions  tripler  de  valeur;  elle  établit  un 
comptoir  à  Bombay,  dans  Ttle  apportée  en  dot  à 
Charles  II  par  Catherine  de  Portugal,  et  que  le  roi 
d'Angleterre  lui  abandonne  en  toute  propriété. 

Bombay  resta  pendant  longtemps  le  comptoir 
principal  des  Anglais;  mais,  vers  la  fin  du  xvii*  siècle, 
leurs  démêlés  avec  les  Portugais  et  les  Hollandais 
les  obligèrent  à  transporter  à  Madras,  qui  offrait  une 
position  plus  centrale,  le  chef-lieu  de  leur  puissance 
dans  les  Indes. 

Vers  1650,  les  Anglais  paraissent  pour  la  première 
fois  dans  le  Bengale*  SchAh-Djihan,  poufr  récompen- 
ser un  Anglais  nommé  Boughton,  qui  avait  guéri  sa 
fille,  lui  accorde  un  privilège  commercial,  et  des 

5 


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66  PP  f.4  P{))S8AKÇB  UILIT4JBZ 

exefqptiop^  de  droite  de  dpuane  que  cefu^rci  pède  h 
ses  comp^pt^.  Pe  1^  datç  rétabjiaieipaot  tlu 
comptoir  anglais  sor  THougly. 

Èp  166^,  ils  8*établi8^e9t  &  Calcutta;  piaîf  les 
exactions  des  soubahs  du  pays  les  foreept  ^  abandos- 
ner  ce  point  ei|  1685.  Ces  perséçutix)n9  déiefa)jiie|t 
a  Compagnie  des  Indes  à  user  pojur  Ja  première  fois 
du  droit  de  faire  la  guerre^  concédé  p^  Cbarle^  II, 
et  en  1686  deux  escadres  armées  remontent  Tl^oiii- 
gly,  et  cherchent  à  protéger  )es  factoreries  anglaiaes 
incendiées  par  les  Indigos.  La  paix  est  rétil^^e  en 
1690^  et  AuremgZeb  renouvelle  les ^fiyiiég^^g^- 
<}és  ^  la  Çopipaguie  des  Ind^. 

Ï.Mssue  de  c^ette  prejpièriç  lujtbe  JSt  ponf^yoir  ^fjx 
directeijtrs  de  h  Compagjoiie  4a  |)ioss^)ilHé4e  la  i^on- 
stituer  comme  puissance  territçriale^  et  dés  fiêt^ 
épo(|ue  leurs  instructions  à  l.^urs  agents  .daA9  l'buje 
insistent  sur  Ja  nécessité  de  ç*étâblir  coiAJjBe  u;ae 
nation  dans  Tlnde,  et  noQ  plus  comme  ^pe  s^n^ple 
association  dç  marchands^ 

En  1696,  prétextant  la  nécessité  de  se  ^éjfendne  au 
milieu  des  tiroubles  qui  agitent  le  pays«  les  A^iglais 
obtiennent  l'autorisation  4e  fortifier  Calcutta,  ^  m 
1707  cette  ville  devient  le  ch^f-)ieu  d'u9  troisième  éta- 
blissement^ qui  prend  Je  uop  d.e  Présidence,  ejboe^sse 
de  dépendre  de  Madras.  La  garnison  ^t  portée  ii 
300  hom.qae[9,  çt  I9  territoire  du  aouyel  établisseyient 
se  compose  de  troiç  districts,  cédés  à  la  Coajipagnie 
par  un  Zemindar,  h  charge  par  elle  d'acquitter  Jim* 
pôt  ordinaire  au  Grand  MogoU 


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Anglais  à  acquérff  fie^  Ze^^d^s  tfe^JLe-g^i^  yf^r 
l!^^  dm  l^  ^^\k>V^^  ^»  8fj4  fJe  flfilcutla,  p|  les 

4  flSf^  ^»W«§  rçi»09te  MftP  séffje  ^  frj^^f3lps,^.(i^ 

^«Hei^at.  ^  cj^^f^  de  )j^  CoQopaguie  ,g4  f  éyis^. 

JBn  Jj^3,  ?WP  ûpuv^'if^  ^ejnqjifôfe  a  liej^  ii  ;'i^pU^i|- 
lion  du  commerce  anglais ,  qui  réclame  lalibQr^,d|^s 
IrSj^cjtipjQs  da^s  l^n^de.  ^es  papier$  de  la^oppa- 
^^  ^.0^  msiSf  fit  révélai,  un  ^y3tème  dç  cpf rj^tion 
i^m^uel  le»  lpiIlislre^  ejt  les  pj^jsooçageç  le§  pl^^  i^- 
ipiu^eyp^  d/^  la  cour  «ç  lr.ouvcnt  mêlés.  L^  ro,!  )GjuU)auq^e 
j^  o)>]yijg;é,dç  dissoudre  ^on  Parlement  p,our  ^vjçrj^s 
coupableB. 

El)  i698,  ^  ro/  cr.ée  une  nouvelle  Cpmpag;i^ç, 
^Vi^  supprimer  l'aiicie^ne^  mQyejanant  m^  prj^  (je 
SiO  million^  de  fr^no9  fait  à  TÉtat  par  jes  novyçaux 
i^Qn]^fQ§,  doj^t  le  prÂviiége  est  fixé  à  treize  ans. 

J^pxhâ  ^'$l,re  fait  ume  concurrence  désa^trej^se^  k^s 
^QUf  Con^^niies  ^ont  réunies  en  ^702,  et  en  ;^708 
i|i  jfeim  Àj\me  lQ,ur  accorde  une  nouvelle  charge, 
WQy.c^Qs^t  Iç  pr^t  ^  rÉtat  d'une  nouvelle  sommç,de 
30  millions.  Le  privilège  est  prorogé  jusqu'ei>47^, 
,ép.9que  fiséç  poifx  le  remboursement  par  J!État 

En  17âQ^  la  Compagnie  des  Indes .oii>tient,;9liilg;çé 
les  réclamations  du  commerce  augl^iis^  le  renouvelle- 
ment de  son  privilège  pour  t.rente-troi3,anç.  tsf  dqii 


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68  M  LL   raiSSANGB   MltlTAlftB 

gratuit  de  200,000  livres  sterling  &  l*État  est  la  con- 
dition essentielle  de  cette  transaction. 

Enfin,  en  17â&,  au  moment  où  la  gaerre  s*allume 
avec  la  France,  la  Compagnie,  pour  s'assurer  la  pro- 
tection du  gouvernement  anglais,  lui  fait  un  nouveau 
prêt  d*un  million  de  livres  sterling  (25  millions),  à  la 
seule  condition  de  proroger  son  privilège  jusqu'en 
1780.  Ce  dernier  arrangement  devait  lui  donner 
toute  la  force  nécessaire  pour  lutter  contre  la  Com- 
pagnie française,  dont  nous  allons  maintenant  nous 
occuper. 

Sî  jusqu'à  présent  nous  avons  passé  sous  silence 
les  tentatives  d'établissements  faites  dans  l'Inde  par 
les  Français,  c'est  afin  de  mettre  plus  de  clarté  et 
d'ensemble  dans  l'exposé  des  origines  et  des  progrès 
de  la  puissance  de  chaque  nation  européenne  dans 
cette  partie  du  monde.  Nous  avons  été  d'autant  plus 
portés  à  profiter  des  avantages  de  cette  méthode  que, 
jusque  vers  le  milieu  du  xvjir  siècle,  les  deux  peuples 
destinés  à  rester  les  derniers  en  présence,  les  An- 
glais et  les  Français,  s'avancent,  en  quelque  sorte, 
sur  deux  lignes  parallèles,  luttant  contre  les  mêmes 
ennemis,  Portugais,  Hollandais  et  Mogols,  mais  tout 
en  s'observant,  sans  jamais  se  rencontrer.  En  nkk 
commence  la  lutte  brillante  qui  devait  se  terminer 
en  1783. 

Nous  parlerons  seulement  pour  mémoire  des  pre- 
mières expéditions  de  la  marine  française  dans  les 
Indes.  En  1503,  le  capitaine  Gonneville,  parti  du 
Havre, /ait  naufrage  sur  une  côte  appartenant  vrai* 


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DKS  ANQtAI3  0AN8  CkfiW.   .  flJl^ 

semblablemein  au  lies  de  la  Sonde,  et  doo,  comme 
OQ  l'a  cru,  au  conlinent  aaiatique,  dont  la  civilisalioa 
avancée  n*avait  aucun  rapport  avec  la  barbarie  des 
peuples  dont  il  est  fait  mention  dans  la  relation  au- 
thentique du  voyage  de  Gonneville. 

En  1601 ,  Pirard  échoue  sur  les  Maldives  avec 
deux  vaisseaux  bretons. 

En  1616  et  1619,  Gérard  le  Flamand,  parti  de 
Houfleur,  débarque  à  Java,  et  revient  sans  avoir  ob- 
tenu grand  résultat.  Les  documents  de  la  marine 
nous  révèlent,  dès  cette  époque,  Torganisation  d'une 
Compagnie  dile  desMolugnes^  et  qui  n'a  qu'une  durée 
éphémère. 

En  16&1,  Richelieu  organise  la  première  Compa- 
gnie Trançaise  des  Indes;  elle  a  le  même  sort  que  la 
précédente.  C'est  en  166&  que  Colbert  entreprend  sa 
grande  réforme  commerciale  et  maritime,  dont  une 
des  dispositions,  principales  autorise  la  création  d'une 
seconde  Compagnie  des  Indes,  ù  laquelle  il  accorde 
la  charte  la  plus  avantageuse^ 

Caron,  mis  à  la  tête  de  l'entreprise,  fonde  un 
comptoir  à  Surate  en  1668.  Repoussé  par  les  Portu- 
gais, il  s'établit  à  Trinkomali,  dana  l'Ile  de  Ceyian. 
Chassé  par  la  famine,  il  revient  sur  le  continent  en 
1677,  et  s'installe  à  Meliapour,  ancien  comptoir  en- 
levé aux  Portugais,  en  1662,  par  le  soubah  de  GoU 
conde. 

En  1679,  les  Hollandais  emportent  d^assaut  Me* 
liapour,  et  Martin^  le  premier  gouverneur  des  Indes 
françaises,  réunit  à  Pondichéry  les  débris  de  la  co* 


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70  Dta'ik  hvi^iricé  àiitTkhn 

\6hie:  âbcfà  fa  cbndiiitë  de  cèl  habile  àdmlMsti-dteur, 
^bndîfchéry,  (iédë  à  (a  Pl-âhfee  ^sr  fe  bdjâh  de  Gihgî; 
afcciciiert  tiHë  fcèrtkîrie  itttittrtàticéi  lès  Hollandais 
par<îcHfiferit  à  s'èit  etopatêr,  hiàis  sdht  irbligte  de 
le  restituer  en  16^7;  ft  !i  |iâii  de  Hffe\H6lt;  fei 
Mâffln  ëh  reprend  Ist  direction,  fcët  Kbmmë  i^erfîir- 
quable  peut  être  considéré  comtnè  le  modèflë  éH  ccffdit 
cî^illààtëur.  Ferriie,  [)aUeht,  inlègi-e,  persévérkht, 
iiifàtigàbte,  il  fait  dé  l'bndichéi-y  \h  tnétropidle  del^ 
Akbllsgemeiits  français.  Il  fonde  Ghanderndgbh^  àkhé 
të  Ëèiigâlë',  ëH  468^,  et  dévelbppe  les  cbmptbirâ  de 
ijtxrate,  de  Radjftpbdr,  BâUbâ-Nëlra,  Tlssery,  MazU- 
lipatam,  Bender-Abassi. 

Lëtioit  et  Diiitias  suëcèdëlit  à  Mâttih,  et  mii^ent  la 
Mgriê  de  btfnddite  qtf  il  a  tracée. 

lidhiàs  oblieht  la  cesèibii  de  Kârikài,  au  bord  du 
Cà^ery,  et  représente  dignemeiit  Ib  Frarlbe  en  refu- 
sant, en  ilhOj  àul  Mahrattës  de  lelit  livrer  te  nàbab 
d'Arlcbt,  réfugié  à  Pôndîchéry. 

A  Dumas  succède  l'homme  qbi  devait  pdrtfer  si 
hatit,  dans  rtbde,  lé  drapeau  de  là  Prance.  Dupleix 
pdratt  sûr  la  scène,  et,  nothmé  d*àbdrd  mënàbre  du 
cohseil  d'admifiisttatibn  de  Pdndidhéry,  obtient  bien- 
tôt, grâce  atlt  talehts  qu'il  i-évèle  dànâ  cette  position, 
legouvernehienide  tharidernagor.  Sôus  sa  direction, 
ce  ediî){)tbir  obscur  devièilt  en  peu  de  tèrtips  leeëntrc 
et  Tentrepôt  d'un  vaste  commerce.  En  1742,  DUpIeî* 
est  nôttlnié  gôuverheur  de  Pohdichéry  et  de  toute 
rtiidé  française.  A  là  même  époque,  un  homnie  hoti 
moins  illustre,  taboui'dbnilëLis,  gduverhéur  des  lies 


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DBS   ANGLAIS   DANS   l'iNDB.  71 

de  France  et  Bourbon,  se  distinguait  à  la  défense  de 
Mahé,  que  bloquait  une  escadre  anglaise.  Ce  service 
n*était  pas  le  seul  que  devait  rendre  le  célèbre  marin. 
La  lutte  entre  la  France  et  l'Angleterre  était  donc 
entamée  dans  les  Indes  comme  en  Europe  ;  après 
avoir  décrit  à  grands  traits  la  naissance  et  les  pro- 
grès des  deux  Compagnies  rivales^n  Asie,  nous  allons 
passer  rapidement  en  revue  les  épisodes  les  plus  im- 
portants de  cette  période. 


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CHAPITRE  IV. 

Sowuwb:  Uistoiredela  présidence  de  Madras  Jusqu'au  commen- 
cement du  XIX*  siècle.  —  Guerre  de  17Aâ. — Dupleix  et  Labour- 
donnais.  —  Prise  de  Madras.  —  Bataille  de  San-Tbomé.  -^ 
Sièges  de  Saint-David,  Kuddalore  par  les  Français.  —  Siège  de 
Pondlchéry  par  les  Anglais.  —  Saunders  et  Dupleix.  —  Lutte 
des  deux  gouYcrneurs  pour  la  nomination  du  soubah  du  Deccan 
ei  du  nabab  d'Arkot.  —  Muzafer-Sing  et  Ghunda-Saheb  ; 
Ahnaverdi-Kban  et  Nazer-Sing.  —  Bataille  d'Arobour.—  Com- 
bat de  Saint-David.—  Prise  de  Tripetty  et  de  GIngi  par  les 
Français.  —  Débuts  de  Robert  Clive  dans  le  Karnatic.  —  Prise 
de  Devicalah  |)ar  les  Anglais.  —  Prise  d*Arkot  et  de  Kondje* 
veram  par  les  Anglais.  —  Prise  de  Kovelong  et  de  Cbingleput 
par  lé  major  Lawrence.— Dupleix  se  fait  nommer  nabab  d*Arkot 
par  le  Grand  Mogol.  —  Succès  du  marquis  de  Bussy  dans  le 
baut  Deccan.  —  Les  districts  de  ILondavir  et  Mazulipatam,  les 
circars  du  nord,  etc. ,  cédés  à  la  France  par  le  Soubah.  — 
Dupleix  est  rappelé  en  France. —  Godeheu,  gouverneur  de 
Pondicbéry.  —  Traité  de  Madras  (81  décembre  I75â).  —M.  de 
Leyrit  remplace  Godebeu.  —  Guerre  de  17ô6.  —  Campagne  de 
Bussy  dans  le  nord— Prise  de  Vizagapatam.-  Lally-Tolendal» 
gouverneur  de  Pondichéry.  —  Désastres  qui  signalent  son  ad- 
ministration. — 11  écboue  dans  le  Tandjaore  et  devant  Madras. 
Succès  do  colonel  Eyre  Coote.  —  Prise  de  Pondichéry  le  ià  jan- 
vier 1761*.  —  La  France  ne  possède  plus  un  seul  comptoir  dans 
les  Indes.  — Jugement  et  mort  de  Lally.  —  Traité  de  Paris 
(1763).  —  Lord  Pigot,  gouverneur  de  Madras.  —  Banqueroute 
de  la  compagnie  des  Indes  françaises.—  Politique  envahissante 
des  Anglais.  —  Le  marquis  Law  de  Lauriston ,  gouverneur  de 
Pondichéry.-  Uaider-Aly,  roi  de  Mysore.  —  Première  guerre 
des  Anglais  avec  Haider.  —  Tippo-Salb.  —  I^  roi  de  Mysore 
sollicite  ralliance  des  Français.  —  TraKé  du  3  avril  1769.  — 
Sir  Thomas  Rumbold,  gouverneur  de  Madras.  —  Guerre  de 
1778  entre  la  France  et  TAngleterre.—  Bêileoombe,  gouverneur 


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7&  DE   LA   rUISSANCB   MILITAIRB 

de  Pondichéry.  —  Prise  de  Mahé,  Karikal  et  Pondlchéry  par  les 
Anglais  (1779).  —  Deuxième  guerre  des  anglais  avec  Uaider- 
Aly.  —  Désastre  du  le  septew^  17^  »  défaite  du  colonel 
Baillie.— Hastings  Rétablit  lùé  affafrés  de  k  Compagnie  anglaise. 
—Lord  Macartney,  gouverneur  de  Madras.— Traité  deVersailles 
^n»)i  —Mort  d*EbiUler^Aly.  -TraMè  4e  BtBfâkm  eut» 
Tipiio^Salb  et  M  Anglais. 


NouB  avoDs  esquissé  rftpidemenl,  dans  le  ebàpitte 

qd!  précède,  la  naissance  et  les  progrès  des  différents 
établissements  européens  daiis  Tlnde,  jusqu'au  ^9r 
iMi>l  pu  Dupleix  prit  la  direciion  de  la  colonie  fraii« 
çaise.  Deux  anS  plus  tard,  la  succession  de  Charles  Tl 
détefttiiinail  la  guerre  eiltre  la  Prance  et  T Angleterre, 
el  dès  Tannée  illik  le  contre-coup  s'en  faisait  res- 
sintir  en  Asie. 

Deux  historiens  émirténts,  MM:  de  Saint-Priest  et 
Henri  Martin,  ont  retracé  les  hauts  faits  de  Dupleix 
pendant  la  lutte  incessante  qu'il  eut  à  soutenir  dans 
rinde.  Ces  deux  écrivains  ont  indiqué  lad  diffioullés 
sins  hombre  élevéeà  par  la  cour  de  Versailles  contre 
les  plans  de  l'illustre  gouverneur.  Avant  d'en  pré- 
sMler  le  rapi4e  exposé,  il  devient  nécessaire  de 
plbeer  tiaelqbes  jaioiiB  qtti  mm  guideront  dans  le 
récit  dés  évéhemehls. 

L'immensité  du  thé&tre  de  la  lutte  et  la  mulUpli  • 
cité  des  faits  accomplis  rtttdant  fort  difficiiei  pour 
nfe  p^  dire  impossible,  l'observation  rigoureuse  de 
l'ordre  chronologique,  nous  chercherons  à  simplifier 
autant  que  possible  un  tableau  trop  oomplicpié  en 
isolant  dans  des  chapitres  différents  les  événements 


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i)ËS  ANGLAIS  DANS  L'iNbli.  75 

passée  ÉùT  âéà  théâtres  dlVers,  lorsqu'ils  h^àurbht 
pbirit  d'ditlearë  de  btihnexité  eàlre  èUx. 

M  tlorobiàtidël,  tiii  comtnençâ  là  lutte  ërl  iltih, 
le  centre  â*àctidh  de  là  piiissahce  anglaisé  se  tranâ- 
pdrtii  dans  le  ttèngalë  lorsque  Clive  en  fit  la  coq- 
qfaètè;  plus  tard,  b'estdahsie  âaUt-Deccan  et  contré 
lès  inâhrattéi;  qtië  tVarren-flastings  eut  k  déployer 
tous  ses  efforté^i  ônflh,  souâradminisîràiion  du  comte 
déf  Morningtoh,  !&  presqu'tle  et  te  Rartiatic  devinrent 
le  théAtre  de  iâ  lutte  ave(î  tip|)o-6aîb.  Là  division 
des  groupes  se  trouvant  ainsi  établie  «  bous  Tadoptè- 
Touà  saûs  nous  en  écarter  dans  tdbt  le  cours  de  notre 
rëcit. 

C^t  ëti  I7à5  que  {ktrut  sur  ta  côté  de  Coronîàn- 
del  Tescadre  de  renfort  envoyée  d'Angleterre  dans 
U  prévision  des  événements  qui  allaient  s^accomplir 
dans  rinde.  Depuis  trois  ans,  Dupleix  méditait  les 
vastes  projets  dont  l'exécution  a  donné  TÂsië  aux 
Anglais;  il  avait  résolu  d'élever  la  puissance  de  la 
Fràtice  sur  les  ruines  de  l'empire  mogôh  II  en  âVait 
de  IdHgué  tbain  préparé  les  moyens  pat*  ses  négocia- 
tfôhs,  lorst[ue  l'arrivée  de  la  flotte  anglaise  vint 
mettre  ëfa  péril  tous  les  résultats  de  sa  diplomatie. 
Uiie  hebreUse  inspiration  le  sauva. 

Madras  et  Pondichéry,  les  deux  principaux  étàblis- 
setilebts  des  puissantes  rlvàleâ  sUr  la  côte  de  COro- 
mandeli  se  trouvent  situés  dans  là  mêitie  prdviiice, 
le  Rarnatic.  trop  faible  pour  Hen  entreprendre,  et 
même  pour  résister  aul  Anglaié ,  avant  l'arrivée  des 
secours  qu'il  attendait  de  Franee,  Dupleix  obtint  du 


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76  VE   LA   rULsSANGB   MIUTAIUK 

nabab  d^Arkot  (capitale  du  Karnatic)  d'interdire  aux 
Européens  tout  acte  d'hostilité  dans  retendue  de  son 
gouvernement.  Ahnaverdi-Khan,  nabab  d'Arkot, 
était  le  plus  puissant  des  feudataires  du  soubah  du 
Deccan;  son  intervention  pouvait  jouer  un  grand 
rôle  dans  la  lutte,  les  Anglais  n'osèrent  enfreindre  sa 
défende,  et  ne  purent  profiter  de  la  facilité  que  leur 
donnait  leur  supériorité  numérique  pour  écraser  les 
Français.  Jusque-là  rien  n'était  plus  conforme  au^ 
règles  d'une  habile  politique  et  du  droit  des  gens 
que  la  conduite  du  gouverneur  de  l'Inde  française; 
malheureusement,  il  faut  l'avouer  à  regret,  les  dis- 
positions qui  suivirent  ces  premières  mesures  sont  loin 
d'être  au$si  irréprochables.  Labourdonnais  ayant 
entamé  la  lutte  sur  mer,  et  dissipé  l'escadre  anglaise^ 
Dupleix  n'hésita  pas  à  profiter  de  celte  victoire,  qui 
changeait  la  face  des  affaires.  Malgré  l'ordre  4u 
nabab,  qu'il  avait  provoqué  lui*méme,  il  vint  mettre 
le  siège  devant  Madras.  Ce  procédé  était  peu  loyal, 
la  défense  d'Ahnaverdi-Khan  était  obligatoire  pour 
les  deux  puissances,  et  le  mauvais  exemple  donné 
dans  cette  circonstance  par  le  gouverneur  français 
devait  autoriser  plus  tard,  de  la  part  des  Anglais, 
bien  des  représailles  du  même  genre,  dont  la  France 
n'a  plus  eu  le  droit  de  se  plaindre. 

Madras,  investi  le  16  septembre  17ft6,  se  rendit 
après  quatre  jours  de  tranchée. 

L'occupation  de  Madras,  et  l'inexécution  par  Du- 
pleix des  conditions  qui  avaient  été  accordées  par 
Labourdonnais  à  ta  gariiison  anglaise,  devinrent  la 


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DKS   ANGLAIS   DANS    L*rNDB.  77 

source  d*une  rivalité  et  d*une  haine  qui  divisèrent 
désormais  ces  deux  hommes  célèbres,  au  grand  dé- 
triment des  intérêts  de  la  France.  Labourdonnais, 
qui  jugeait,  avec  raison,  son  honneur  engagé  dans  la 
capitulation  de  Madras,  poussa  jusqu'à  Texcès  peut- 
être  ce  scrupule  honorable  :  il  refusa  d'aller  attaquer 
Calcutta  avec  un  corps  de  1,&00  hommes,  que  trois 
vaisseaux  français  avaient  conduits  à  Pondichéry. 

Dans  la  lutte  qui  divisait  le  gouverneur  de  Tlnde 
et  le  gouverneur  de  Tile  de  France,  le  pouvoir  et 
l'opinion  donnèrent  raison  à  Dupleix.  Labourdonnaia 
fut  rappelé  et  mis  en  accusation.  Il  attendit  pendant 
trois  ans  le  jugement  qui  devait  l'absoudre,  et  mou- 
rut de  chagrin.  La  disgr&ce  de  cet  homme  illustre, 
l'une  des  gloires  de  notre  marine,  et  qui  avait  rendu 
en  Asie  tant  de  services  à  la  France,  ne  saurait  être 
pardonnée  k  Dupleix  :  sa  haine  et  sa  jalousie  avaient 
livré,  par  la  mort  de  I^bourdonnaid,  l'océan  Indien 
aux  Anglais. 

Le  nabab  d'Arkot  ayant  voulu  punir  les  Français 
de  l'infraction  aux  ordres  qu'il  avait  donnés  pour 
assurer  la  paix  dans  son  gouvernement,  envoya  ses 
deux  fils  pour  investir  Madras.  Repoussés  dans  leurs 
tentatives  pour  prendre  la  ville  d'assaut,  ils  essuyè- 
rent une  défaite  complète  près  de  San-Thomé.  Cette 
victoire,  où  deux  bataillons  français  avaient  suffi  pour 
mettre  l'armée  mogole  en  déroute,  peut  être  mise  en 
parallèle  avec  la  victoire  de  Plassey,  que  Clive  devait 
remporter  quelques  années  plus  lard,  et  qui  assura 
le  Bengale  aux  Anglais. 


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7^  D8  M  PfJJSSANIQB  mUTAIJfB 

|>e  wb^  d*Ajrkot,  irrité  de  Véfbfic  3ifbi  par  ii/es 
Jls«  s'étaQjt  réjupi  aux  Ànglai?  ^)r,^  la  l^i9i^  ^ 
San-Tl^omé,  Dupleix  œt  repoussé  j^  d^i^  re(H^ 
4a^  se»  tentatives  p<H));f e  Sajut-Dayl^i  wcood  éta- 
I^lji3^f»eot  de  i^  jCpfnpdgpie  $ur  la  )côt|S  (}|i;  Corpijiai)- 
.4el*  11  .écbove  éga^^t,  presque  ^  la  fj^êip/»  époqfiff, 
d^ms  1^  siégi^  de  j^uddal^ri^,  ^^utr^  vf^l«  ^  If4^atic 
située  |iU  &m4  d|e  Vonàichéq/, 

Sur  ces  leotref^ôtes^  les  sraisse^jc4e  Ta^pifi^  Bos- 

icaweQ  $*/étaot  réuuis  ^ux  forces  payales  qf^  TAiigte- 

terre j^lretepait  da^^^^Iodie,  P^pleix  «etrouve  i^édi^t 

^iei^  $*  ise  r,e9fern>er  diMMs  1^  cjl^e^Jieu  doi^  étaUM- 

.  j^emeots  françaip» 

JL<es  pérjpétj^  4u  céièjirrte  siège  de  PQndi€)iéry  soi^t 
^op  cowuen;  jpojor  qu*^  soit  ^c<e8<Âre  de  Iw  eaca- 
jdner  da^  ce  rapid/e  f |6cit  :  aUMiué  à  la  fois  par  terre 
fit  par  mefT»  obligé  4e  lutter  cootre  un  epoeodi  aupé- 
fieur  en  ^ojpbre,  Dufdeix,  i  foroe  d^  4#lent  et  d'aetî- 
vite,  parvint  à  sauver  la  capitale  de  son  gouverne- 
^nent.  Le  §  ocMbre  A748|  le^  Angliuis  fureoi  ,oMgés 
4e  se  xpJJl^r^  I4)irà9  avoir  perdu  1,200  4es  kuns, 
^  ten#  1^  tranchée  {^mdantquai^Mite-deux  jo«ur§  .coe- 

^  porta  ^{>Iui»  haut  4^r^  ViffS^j^/s^f»  mvm^  à  4a 
^fwsfff^  f^mf  ^*A^-^-ipbapeU^  ay#n^  lél^  #Î8»^ 
fieu  t^  jti^wvf  #(>i'^«»  J^  cjljkoses  lurent  reiBiisQg  i/^s 
yhjijàid  s^  1^  pie^  oii  e^es  se  trouaient  «#  4^^  4e 
iaguerxe  ;  Madr^^  fut  rendv  à  rAngiatserre. 

La  haine  jalouse  qui  animait  le»  gouvemeur$  de 


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DBS   ANGLAIS  DANS   l'iNDB.  79 

Madras  et  de  PondiêhSry  devait  rendre  biep  précaire, 
dans  les  Indes^  la  paix  que  le  traité  d'Aix-la-Chapelle 
fut  insuffisant  à  assurer  à  TEurope.  toutefois,  Saun- 
ders  et  Dupleix  ne  pouvant  se  faire  la  guerre  ouver- 
tement, c'est  en  simples  auxiliaires  des  princes 
indiens  que  noi^  allons  les  voir  désormais  poursuivre 
les  hostilités.  Les  Anglais  donnant  le  premier  exenople 
d'intervention  dans  les  querelles  des  indigènes^  en 
soutenant  un  frère  révolté  du  radjah  de  Tandjaorp, 
province  située  au  sud  de  la  presqu'île.  La  cession 
de  Déyicatah,  à  F  embouchure  du  Cavery,  devient  le 
résultat  de  cet  appui  intéressé.  Dupleix,  de  son  côté, 
ne  devait  -pas  resterjnactif. 

Jy'en^pire  des  Mogols  s'écroulait  de  toutes  parts  : 
les£0ubahs  d'Oude,  du  Bengale,  de  Rehar  s'étaieçt 
depuis  Longtemps  rendus  indépendants.  Les  Bohiijas, 
venus  de  l'Afghanistan,  avaient  fondé  un  État  parti- 
culier et  déjà  puissant  à  l'est  de  Dehii  ;  les  Jattes, 
trihu  4'Hindous^  en  avaient  fait  autant  dans  la  pro- 
vince d'Agra.  L'Adjjmir  ou  le  Radjepootna  était  re- 
tourné soii^  la  domination  de  ses  anciens  radjahs;  la 
p^tie  nord-est  de  rHindoustan  était  divisée  entre  les 
JUahrattes  et  les  Sikhs  ;  enfin  le  Deccan  et  lapresau'Ue 
étaieni  la  propriété  du  soubah  Nidzam-al-Muluck. 
jNous  ne  parlons  ici  que  pour  mémoire  des  provinces 
de  Kaboul,  Peichawer,  Kandahar,  Ghizaeh,  MQoltan 
et  du  Sind,  arr^^chées  depuis  longtemps  au  Grand 
Mojgo|l  jpar  Nadir-Scbfth,  et  dans  lesquelles,  à  la  mort 
du  conquérant,  Abdallah ,  un  de  ses  généraux,  s'était 
déclaré  indépendant. 


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BO  DB    LA    rUlSSANCK  Mil  ITAlIlB 

Le  malheureux  Mohammed,  en  17&9,  au  moment 
de  sa  mort,  était  réduit  à  la  seule  province  de  Dehii; 
son  fils  Ahmed-Sch&h  lui  succéda. 

La  mort  du  soubah  du  Deccan  ayant  suivi  de  près 
celle  de  Mohammed,  Dupleix  résolut  de  profiter  des 
troubles  auxquels  leur  succession  allait  donner  lieu. 
Aidé  du  marquis  de  Bussy,  dont  le  nom  reviendra 
fréquemment  dans  celte  histoire,  le  gouverneur  de 
Pondichéry  employa  toute  son  activité  et  toutes  ses 
ressources  pour  faire  nommer  soubah  du  Deccan,  et 
nabab  d'Arkot,  des  princes  favorables  aux  Français. 
Muzafer-Sing,  neveu  de  Tancien  soubah,  et  Ghunda- 
Saeb,  fils  d'un  nabab  d'Arkot,  tué  en  17ftO  par  les 
Mahraltes,  devinrent  les  candidats  dé  Dupleix  contre 
Ahnaverdi-Khan  et  Nazer-Sing,  protégés  des  Anglais. 

Vainqueur  d'Ahnaverdi  à  la  bataille  d'Ambour, 
Muzafer-Sing  fut  proclamé  soubah  du  Deccan,  et 
octrbya  solennellement  à  Chunda-Saeb  la  nababie 
d*Arkot,au  préjudice  de  Mohammed- Aly,  fils  d*Ahna- 
verdi,  qui  s'était  réfugié  à  Tritchinapali,  dans  le  sud 
de  la  presqu'île,  après  la  défaite  de  son  père. 

Appuyés  par  un  corps  de  troupes  anglaises,  Nazer- 
Sing  et  Mohammed-Aly  remportèrent  bientôt,  à  leur 
tour,  une  victoire  importante  sur  Muzafer  et  Chunda- 
Saeb,  qui,  à  la  suite  de  cet  échec,  durent  se  réfugier 
auprès  de  Dupleix.  Le  gouverneur  français  se  h&ta 
de  porter  secours  à  ses  confédérés.  Un  corps  français 
envoyé  contre  Mohammed-Aly  le  défit  complètement 
près  de  Saint-David,  et  enleva  successivement  Tri- 
pelty  et  Gingi,  places  très  fortes  du  Deccan. 


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DK5  ANGLAÎS  DANS  t'iNDB.  81 

Le  résultat  de  ces  avantages  devait  dépasser  toate 
espérance.  Nazer-Sing  ayant  été  tué  par  ses  troupes 
révoltées,  et  Muzafer  assassiné  dans  son  camp  ufi 
mois  plus  tard,  Salabet-Sing,  troisième  fils  de  l'an- 
cien soubah,  fut  proclamé  par  l'influence  du  marquis 
de  Bussy,  qui  commandait  les  troupes  françaises,  et 
la  question  de  la  soubabbie  du  Deccan  se  trouva  vidée 
en  faveur  de  la  France. 

Si  Tavénement  de  Saiabet*Sing ,  partisan  déclaré 
des  Français,  et  soumis  à  l'influence  personnelle  de 
Bussy,  devait  favoriser  Texécution  des  projets  de 
Dupleix,  d'un  autre  côté,  la  question  de  la  nababie 
d'Arkot  restait  toujours  indécise.  Madras  et  Pondi- 
cbéry  étant  renfermés  dans  les  limites  de  ce  gouver- 
nement, on  conçoit  toute  Timportance  que  les  puis- 
sances rivales  attachaient  au  choix  du  nabab. 

Chunda-Saeb,  partisan  des  Français,  Mohammed- 
Aly,  dévoué  aux  Anglais,  étaient  toujours  en  pré- 
sence. 

Cest  au  moment  où  Dupleix  se  préparait  à  mettre 
Chunda-Saeb  en  possession  de  son  gouvernement 
que  rétoile  de  TAngleterre  lui  suscita  un  adversaire 
digne  de  luû 

Clive  et  Dupleix,  ces  deux  hommes  célèbres  en  qui 
ont  pu  se  personnifier  les  destinées  de  la  France  dans 
rinde,  allaient  se  trouver  en  présence. 

Les  débuts  de  Robert  Clive  n'étaient  pas  de  nature 
à  faire  pressentir  le  rôle  brillant  qu'il  joua  plus  tard 
dans  sa  patrie.  Jeté  par  les  désordres  d'une  jeunesse 
orageuse  au  service  de  la  Compagnie  des  Indes  »  il 


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8â  DB  LA  VOIMANCB   MILlTATRlt 

n'éprouvB  pendant  les  quatre  premières  années  de  son 
«éjour  en  Asie  que  déceptions  et  misères.  A  peine  ftgé 
de  vingt-oinq  ans,  découragé,  dégoûté  de  la  ?ie,  il 
tente  un  suicide  dont  le  hasard  le  sauve,  mais  qui, 
dans  sa  destinée*  doit  se  trouver  seulement  ajourné. 
Vingt*cinq  ans  plus  tard»  Clive  doit  renouveler  et 
nécuter  jusqu'au  bout  ce  projet  désespéré ,  mais 
dans  rintervalle  il  aura  donné  un  empire  à  sa  patrie. 

Poussé  par  le  besoin,  Clive  embrasse  la  carrière 
militaire ,  dont  son  caractère  insociable  et  altier  au- 
rait dû  Téloigner,  et  dont  ses  talents  éminents  lui 
font  rapidement  franchir  les  premiers  échelons.  Son 
eourage  décide  de  la  prise  de  Devicatah ,  et  le  conseil 
de  Madras  le  charge  de  secourir  Mohammed-Aly,  ren- 
fermé dans  Tritohinapali.  A  peine  investi  d*un  com- 
mandement^ le  jeune  capitaine  révèle  toute  la  portée 
de  son  intelligence  en  improvisant  et  en  résumant 
daoQ  une  seule  phrase  le  plan  de  campagne  qui  doit 
assurer  la  suprématie  de  T  Angleterre  dans  le  Deccan. 

«  Pendant  que  Chunda-Saeb  assiégera  Tritehina- 
•  pâli,  s'écrie  Clive  dans  le  conseil  de  Madras,  atta- 
»ques  vous-même  Arkot,  sa  capitale,  c'est  le  seul 
»  moyen  de  délivrer  Mohammed  et  de  ménager  un  im- 
n  tagoniste  à  vos  ennemis.  Mohammed  une  fois  pris  ou 
«  tué,  vous  disparaîtriez  de  F  Inde.  » 

Malheureusement  pour  la  fortune  de  la  France  œ 
plan  habile  devait  être  0dèlement  suivi.  Chargé  de 
Teiécution  de  la  partie  la  plus  importante,  Clive,  le 
6  septembre  1753,  s'empare  d'Arkot,  et  tient  en 
échec,  derrière  ses  murs  démantelés,  une  armée  de 


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DM   ARGCAIS  DAMS  L*INDB.  85 

iO,000  hommes,  cemmandés  par  Chunda^Saeb.  Ce 
soeeès  relève  Thonneur  des  armes  anglaises ,  com- 
promis par  la  prise  de  Madras.  Uo  peu  plus  tard , 
réaoi  à  un  corps  mabralte,  Clive  achève  de  détruire 
TariBéedu  nabab,  culbute  les  troupes  de  Dupleix, 
s'empare  de  Kondjeveram,  et  vient  remettre  le  com- 
mandement au  major  Lawrence,  envoyé  d* Europe 
pour  diriger  les  ti'oupes  de  la  Gompa^iiio.    ^ 

Lawrence  poursuit  les  avantages  remportés  par 
Clive»  11  s'empare  de  Kovelong  et  de  Chingleput.  Le 
osalbeureux  Chunda-Saeb,  trahi  dans  sa  fuite,  est 
assassiné  par  un  radjah  allié  des  Anglais,  sa  tête  est 
SAfoyée  à  Dehii» 

La  fortune  des  Français  semblait  désespérée;  la 
mort  de  Chunda  allait  assurer  la  nababie  d'Arkot  au 
prétendant  dévoué  des  Anglais.  Une  décision  aussi 
hardie  qu'inattendue  fournit  à  Dupleix  les  moyens  de 
continuer  la  lotte.  Dans  Timpossibilité  de  susciter  un 
compétiteur  sérieux  à  Mobammed-Aly,  le  gouverneur 
français  se  fait  nommer  lui-même  nabab  d'Arkot  par 
le  soabah  Salabet*8ing.  Un  Orman  d'Achmed-Sehâh 
confirme  cette  nomination. 

Gr&ce  à  cette  inspiration,  qui  permet  à  Dupieix  de 
poursuivre  dès  lors,  en  son  propre  nom,  la  lutte  dans 
laquelle  il  n'est  intervenu  jusque-là  qu'en  qualité 
d'aiailiaire,  la  suprématie  de  la  France  dans  le  Kar- 
nalie  devient  un  moment  décisive.  En  vain  les  An-* 
glais  délivrent  Tritchinapali,  s'emparent  de  Ttle  de 
Seringbanti  et  de  Giligi;  les  succès  du  marquis  de 
Bussy  et  les  concessions  de  Salabet-Sing  compensent 


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8&  DB  LA  ]>t}I86ANGII  IIILITAIRB 

largement,  au  nord,  les  éehecs  subis  dans  le  sud  de 
la  presqu'île.  Non-seulement  le  soubah  du  Deccan 
confirme  à  Dupleix  la  cession  des  provinces  de  Kon- 
davir  et  de  Mazulipatam ,  faite  antérieurement  par 
Muzafer,  mais  il  y  joint  celle  de  Cicacolle,  Ellore, 
Gantour  et  Radjah-Mandri,  Chunda-Saeb  avait  cédé 
précédemment  aux  Français  llle  de  Seringham,  à 
Tembouchure  du  Cavery  ;  il  y  avait  joint  un  district 
de  dix  lieues  carrées  autour  de  Pondichéry,  et  un 
territoire  équivalent  autour  de  KarikaU  Ces  acquisi- 
tions donnaient  à  la  France  une  (urépondérance  sans 
rivale  dans  la  presquMIe  hindoustanique.  Le  terri- 
toire possédé  par  la  Compagnie  Trançaise  était  le  plus 
étendu  qu*eût  jamais  occupé  une  nation  européenne. 
Facile  à  défendre,  il  produisait  un  revenu  de  12  mil- 
lions, et  présentait  au  commerce  les  plus  grands 
avantages. 

Telle  est  l'admirable  situation  que  le  génie  de 
Dupleix,  le  courage  et  les  talents  militaires  de  Bussy 
avaient  faite  à  la  France,  dans  Tlnde,  en  175&.  C'est 
au  milieu  de  ces  circonstances  favorables  que  survint 
révénement  inattendu  qui  devait  changer  à  jamais 
là  face  des  affaires. 

Dupleix  fut  rappelé  au  moment  où  Tinfluence 
française  était  portée  à  un  point  qui  permettait  d'es- 
pérer, dans  le  délai  de  quelques  années,  la  réalisa- 
tion du  plan  que  les  Anglais  ont  depuis  mis  un  siècle 
à  exécuter. 

Grftce  aux  vues  étroites  des  directeurs  de  la  Com- 
pagnie française,  aux  menées  de  la  Compagnie  an*' 


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Wê  ANGLAIS  DAlfS  L^IHM*  85 

glaisey  aux  intrigues  des  ennemis  de  DapleiXt  la  ca- 
lomnie parvint  à  dénaturer  les  vues  de  ce  grand 
homme,  à  dénigrer  sa  brillante  administration.  Les 
adversaires  de  Tilluslre  gouverneur  des  Indes  par- 
vinrent à  persuader  au  gouvernement  que  les  avan- 
tages promis  ou  obtenus  n'étaient  que  des  chimères 
d*une  imagination  exaltée  ;  à  les  entendre,  Dupleix 
avait  bien  plus  consulté  son  ambition  personnelle 
que  les  intérêts  de  la  France  et  de  la  Compagnie.  Le 
rive  de  Dupleiœ  devint  un  mol  à  la  mode,  et  la  rail* 
lerie  et  le  ridicule  achevèrent  la  ruine  de  celui  que 
tout  concourait  à  accabler.  Après  avoir  épuisé  sa 
santé  dans  des  efforts  surhumains,  après  avoir  sacri- 
fié, dans  rintérét  de  la  Compagnie,  sa  fortune  per-» 
sonnelle,  engagé  celle  de  ses  parents  et  de  ses  amis 
josqu*à  concurrence  de  la  somme  énorme  de  IS  miU 
lions,  Dupleix  revint  en  France  se  livrer  h,  ses  accu* 
sateurs.  Réduit  à  la  misère  la  plus  profonde,  il  ne 
put  se  faire  payer  les  sommes  que  lui  devait  la 
Compagnie,  et  c'est  à  peine  si  la  gloire  dont  il  avait 
couvert  le  nom  français  lui  obtint  du  honteux  mo- 
narque qui  régnait  alors  sur  la  France  Tordre  royal 
grâce  auquel  il  échappa  du  moins  à  la  prison. 

Nouvel  et  mémorable  exemple  de  Tingralitude  des 
nations,  Dupleix  mourut  en  176&  de  misère  et  de 
chagrin ,  après  neuf  années  de  ces  souffrances  phy« 
siques  et  morales  auxquelles  douxe  ans  plus  tôt  La^ 
bourdonnais  avait  déjà  succombé  avant  lui! 

1^  nomination  de  Godeheu  comme  successeur  de 
Dupleix  fit  perdre  le  fruit  des  laborieuses  combinai-* 


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86  M   LA  POISSANCE   MlLITànB 

BMB  de  G6  demîef .  Inoapid^ie  de  hitter  eookre  Saon* 
dersy  Thabile  gouverneur  de  Madras,  auquel  sa  pro^ 
fonde  cwnaiseance  des  affaires  de  Tlode  donaait  tout 
avantage,  Godeheu  ^igoa»  le  31  décembre  17%^  aee 
convention  provisoire  qui  enlevait  d*un  traît  de  plvme 
à  la  France  les  importantes  acquisitions  que  la  guerre 
n'avait  pu  lui  arracher.  La  ratification  de  ce  traité, 
qui  établissait  les  deux  Compagnies  sur  un  pied 
d*égalité  parfaite,  qui  adnMittait  les  Anglais  aa  par* 
tage  du  cirear  dé  Hazulipatam^  ei  reconnaissait 
Mohammed- Aly  pour  nabab  d'Arkol;  la  ratification  du 
traité  de  Madras  anéantissait  tous  les  plans  de  Do- 
pleiXt  et  faiwt  évanouir  toutes  les  espérances  déjà  à 
demi  réalisées  au  moment  de  sa  rentrée  en  France. 

De  t75&  à  1758s  los  événements  qui  se  succèdent 
dans  le  Deccan  offrent  peu  d'importance.  Toute 
Taltention  des  Anglais  se  trouve  concentrée  sur  le 
Bengale,  dml  Glive>  nommé  gouverneor  de  Cahwtta, 
prépare  la  conquête.  Nous  analyserons  plus  loin  les 
progrès  de  la  puissance  anglaise  sur  ca  nouveau 
tbéàtre* 

8ous  l'administration  de  M*  de  Leyrit,  soccessear 
de  Godebeu,  au  mépris  des  stipulations  du  traité  de 
Madras,  qui  interdisaient  aux  Européens  toute  inter* 
vention  dans  lea  querellée  des  princes  indigènes ,  les 
Anglais  joignent  leurs  forces  à  celles  de  MobaoRsed* 
Aly,  et  attaquent  les  radjahs  de  Madoura,  de  YaUore 
et  de  Tivenilly  dans  le  sud  de  la  presqu'île.  Le  fàcheoi 
exemple  donné  par  Dupteix  portait  ses  fruits  »  et  ce 
n'est  pas  la  seule  foi»  que  les  Anglais  devaient  Tiroiten 


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0B9  ANGLàlS  DANS   L*fNDll.  97 

Le  règlement  des  préteintiens  laissées  en  litige  pAf 
le  traité  d'Aix-la-Chapelle  ayant  rallumé  la  guerre 
entre  la  FraAce  et  l'Angleterre,  les  gouverneurs  de 
Madras  et  de  PondÎGhéry  préludent,  dès  Tannée  i  7B5« 
aux  grandes  opérations  militaires  de  175&.  L'exi- 
gidté  de  ieors  forces  les  réduit  toutefois  à  une  guerre 
d'eecarmottches,  dans  laquelle  les  Français  obtîen* 
nent  souvent  l'avantage.  Des  deux  cdtés  on  attend 
des  renforts,  et  dans  cette  lutte  prolongée  Bussy  dé- 
ploie tous  les  talents  d'on  négociateur  profond,  le 
ooorage  héroïque  d'un  soldat,  ta  prudence  et  i'acti-^ 
vUé  d'un  général  consommé.  Il  enlève  aux  Anglais 
tel»  lenrs  établissements  dans  les  cinq  circars  cédés 
à  la  France  par  Salabet-Sing,  entre  autres,  la  ville 
importante  de  Yizagapatam,  et  profite  de  la  néees^ 
site  ob  se  trouvent  les  Anglais  de  porter  toutes  leuril 
forées  vera  le  Bengale  pour  affermir  la  puissance  fran-* 
çafae  dans  le  Haut-Deccan. 

Au  mois  de  janvier  1758,  le  comte  de  La11y-To*^ 
lendal,  nommé  gouverneur  général  des  possessions 
françaises^  arrive  à  Pondichéry.  Les  débuts  militaires 
de  cet  homme  si  tristement  célèbre  avaient  été  très 
biMlants.  La  haine  profonde  qu'il  manifestait  pour 
l'Angleterre,  en  le  désignant  ail  choix  du  gouverné- 
meaft^  le  condffnnt  sur  le  théâtre  où  il  devait  aceom- 
piû  la  ruine  de  sa  patrie. 

Nous  ne  ferons  pasid  le  portrait  de  Lally-Tolen- 
dal  ;  ses  ÉMJheors,  plus  encore  que  les  revers  dont 
les  armes  de  la  France  furent  affligées  sous  son  com- 
mandemeiH]^  ont  rendu  son  non^  historique^  Trister 


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88  DB  LA  ,PDI8SAKGB  IULITAIRB 

exemple  d*un  grand  caractère  auquel  il  manquait  peu 
de  chose  pour  faire  un  héros,  Lally,  pour  n*avoir  pas 
su  se  commander  à  lui-même,  devint  le  fléau  de  la 
cause  à  laquelle  il  avait  consacré  sa  vie» 

La  première  opération  du  nouveau  gouverneur  de 
Pondichéry  Tut  le  siège  de  Saint- David.  Ignorant 
complètement  la  situation  politique  et  morale  des 
populations  placées  sous  son  administration,  dédai- 
gneux de  s'instruire ,  Lally  devait  donner,  dès  sa 
première  enlreprise,  la  mesure  de  ce  caractère  altier, 
irréfléchi ,  qui  contribua  pour  une  si  grande  part  à 
son  infortune*  Par  son  ordre,  et  malgré  les  supplica-* 
tiotis  de  tout  le  conseil  de  Pondichéry,  toute  la  popu- 
lation hindoue,  sans  distinction  de  caste ,  fut  em- 
ployée au  transport  de  Tartillerie  et  des  bagages. 
C'était  une  profanation  inouïe  que  d'astreindre  le 
brahme  à  des  travaux  réservés  aux  castes  réputées 
înf&mes  ;  c'était  un  sacrilège  que  d'obliger  le  radje- 
poot  k  soulever  le  même  fardeau  avec  le  paria*. •, 
avec  le  paria,  qu'il  avait  droit  de  tuer  si  leurs  mains 
se  rencontraient.  Il  n'en  fallait  pas  davantage  pour 
ruiner  à  jamais  Tinfluence  française. 

Saint-David  fut  pris  néanmoins,  Kuddalore  et  De* 
vicatah  eurent  bientôt  le  même  sort. 

Lally  résolut  alors  d'envahir  la  province  de  Tand- 
jaore,  jusque-là  épargnée  par  la  guerre,  afin  de  s'y 
procurer  les  ressources  et  l'argent  nécessaires  pour 
l'attaque  de  Madras.  Dans  ce  but,  il  voulut  réunir 
toutes  les  forces  françaises  dans  le  sud  du  Karnatic, 
et  commit  la  faute  de  rappeler  Bussy,  qui  tenait  la 


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DBS  à!IGL4iS   DANS   L*INDB.  89 

campagne  pour  protéger  Salabet-Sing  dans-  le  Haut* 
Deccan,  et  dont  les  succès  avaient  mérité  à  la  France 
les  magnifiques  concessions  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut. 

Forcé  d'obéir  aux  ordres  du  gouverneur,  Bussy  ne 
put  laisser  qu'une  force  insuffisante,  sous  les  ordres 
du  marquis  de  Conflans,  pour  défendre  les  cinq 
circars* 

Clive,  nommé  gouverneur  du  Bengale,  se  h&ta  de 
profiter  de  la  faiblesse  des  troupes  françaises  sur  la 
côte  d'Orissa,  et  fit  attaquer  immédiatement  le  mar« 
quis de  Conflans.  Serré  de  près,  celui-ci  dut  se  réfu- 
gier dans  Mazulipatam,  où  il  fut  assiégé  par  le 
colonel  Ford.  La  place  fut  emportée  d*assaut,  et 
Salabet-Sing,  abandonné  par  Lally-Tolendal,  dut  se 
résoudre,  le  12  mai  1759,  à  traiter  avec  le  colonel 
anglais.  Par  ce  traité,  Mazulipatam  et  les  districts 
environnants  y  qui  s'étendaient  à  35  lieues  le  long  de 
la  côte,  sur  une  largeur  de  8  lieues ,  passèrent  des 
mains  des  Français  dans  celles  des  Anglais. 

Lally  avait  ruiné  d'un  seul  coup  la  domination 
française  sur  le  Haut^Deccan,  dans  le  vain  espoir 
d'assurer  le  résultat  de  ses  projets  contre  Tandjacure 
et  Madï*as.  Sa  marche  sur  la  première  de  ces  villes , 
pendant  laquelle  il  pilla  les  campagnes,  et  viola  les 
pagodes  et  les  mosquées  les  plus  vénérées,  ne  fut 
qu'un  long  désastre.  Arrivé  devant  Tandjaore  sans 
munitions  et  sans  vivres,  il  dut  rentrer  à  Pondicbéry 
en  abandonnant  son  artillerie  et  ses  bagages.  Pour 
compenser  cet  échec,  il  enleva  quelques  forts  peu 


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90  DB   LA   PUI88AISGB   UILITAIAB 

importants,  et  s'empara  même  d'Arkot;  mais  il  ne 
trouva  dans  ces  places  ni  Targent  ni  les  approvision- 
nements qui  lui  étaient  nécessaires  ponr  opérer  contre 
Madras.  Sous  les  murs  de  cette  ville,  en  décembre 
47869  Lally  déploya  vainement  Tinfleiible  énergie 
qoi  le  distinguait  ;  mai  servi  par  ses  lieutenants^  har- 
celé par  les  Indiens^  que  ses  profanations  avaient 
soulevés,  inquiet  sur  le  sort  de  Pondicbéry,  que  me* 
naçait  la  flotte  anglaise,  il  fat  obligé  d*abandMner, 
le  17  février,  son  artillerie  et  ses  blessés  pour  courir 
à  la  défense  du  obef-lîeu  des  établissements  français. 

Les  deux  années  qui  suivirent  la  délivrance  de 
Madras  furent  mises  à  profit  par  les  Anglais  ;  ils  s'em« 
fiarèrenk  sodcesstvement  de  tMles  les  villes  et  forte* 
resees  da  Karnatic;  levrs  treopes  de  terre  étaient 
eemmandées  par  le  colonel  sir  Eyre  Coote,  qui  pré- 
tadaît  déjà  à  Tillustration  de  son  nom.  Aa  mois  de 
janvier  1760,  Lally  essaya  de  reprendre  l«  fort  de 
Vondievab,  et  subit  une  défaite  complète,  dans  la* 
quelle  Bussy,  dont  il  avait  méprisé  les  sages  «vm»  ftil 
fût  prisonnier.  Le  colonel  Coote  prefita  de  Taseen- 
daiit  que  lui  donaait  cette  victoire  pour  s'emparer 
des  deroièree  villes  qfà  restaieat  encore  à  la  France, 
et  i^Uy  fut  bientôt  féduit  à  la  possession  de  Pefidi» 
ebéry  et  de  Gmgi» 

L*alliaeee  des  Français  a^vec  Haider-AIy,  qui  jetaifk 
alors  les  premiers  fondements  de  sa  puissanee  dans 
le  Mysore,  sembla  devoir  arrêter  un  moment  celte 
longue  série  de  désastres  ;  mais  cet  espoir  fut  encore 
déçu,  pai*  suite  d'une  révolution  qéi  éteigne,  pour 


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D£ft  ANGLàlS  DANS  L*IMD£«  91 

quelquo  temps«  Haider-Aly  du  pouvoir.  Vers  la  fin 
d'août  1760,  Pondichéry  fut  assiégé  par  les  forces 
combinées  du  colonel  sir  Eyre  Coote  et  de  ramiral 
Steveus*  Pendant  plusieurs  mois  le  comte  Lally^ 
Tolendal  se  défendit  avec  le  courage  et  Tépergie  qui 
m  Tavaient  jamais  abandonné,  même  au  milieu  de 
ses  plus  cruels  revers.  Malbeureusemeot,  les  vivres 
étant  venus  à  manquer»  la  ville  dot  se  rendre  le 
Ik  janvier  1761.  Peu  après,  les  autres  comptoirs  di} 
Coromandel,  et  Mahé,  sur  la  côte  de  Malabar,  bsm- 
bèrent  au  pouvoir  des  Anglais  ;  Gbandernagor,  comme 
nous  le  verrons  plus  loin ,  avait  été  pris  dès  Tannée 
1757;  Us  Français  ne  possédaient  plus  une  sMie 
l^ce  dans  les  Indes» 

Victime  de  ses  qualités  autant  que  de  ses  défauts, 
Lally  paya  cruellement  Tinintelligente  administration 
qui  avait  amené  ces  tristes  résultats.  La  sévérité  de 
rhistorien  doit  être  désarmée  par  la  mort  barbtf  e  et 
.imméritée  que  subit  cet  homme  malheureux.  Co&* 
damué  pour  fautes  contre  les  intérêts  du  roi,  abus 
d'autorité  et  exactions,  Lally  fut  traîné  au  si^plice 
avec  la  nf)éme  dureté  que  s'il  se  fût  agi  d'un  traître 
09  d'un  criminel  inmionde.  Lié  de  GordeSy  bâillomié, 
jalé  sur  un  tombereau  qui  passait  devant  la  (HrisM, 
#tqui  fut  mis  en  réquisition  pour  ce  triste  office  ^  le 
çraite  de  Tolendal  monta  sur  TéchaCaud  en  proteetoot 
4e  WQ  innocence  et  en  pardonnant  &  ses  ennemis. 

L'Inde  française  était  décidément  fatale  à  ceu  qui 
l'administraient  :  ajoutée  à  celle  de  Labourdonnais 
et  de  Dopleii,  la  moft  de  Lally -Tolendal  faisait  de 


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92  DB  Là   PU18SANGB  MILITAlftB 

la  liste  de  seB  gouverneurs  un  véritable  martyrologe. 

En  1 763 ,  le  traité  de  Paris  rendit  Pondichéry  à.  la 
France ,  mais  la  restitution  devait  se  borner  au  sol  de 
la  ville.  Uimpoilance  de  rétablissement  était  à  ja- 
mais perdue. 

Nous  nous  sommes  peu  occupés,  dans  le  cours  de 
ce  récit,  de  la  Compagnie  des  Indes  françaises,  parce 
que,  à  aucune  époque,  si  ce  n*est  au  temps  de  Du- 
pleix,  elle  n*eut  les  pouvoirs  ni  Timportance  de  sa 
rivale.  Le  gouvernement  eut  toujours  en  France  la 
haute  main  sur  les  affaires  de  IMnde.  La  Compagnie 
Française,  après  avoir  végété  jusqu'en  1769,  fut  dé- 
clarée en  état  de  banqueroute ,  et  disparut  définitive- 
ment,  de  manière  à  permettre  à  TÉtat  de  diriger  en 
Bon  propre  nom,  et  de  droit,  les  affaires  quMI  avait 
réglées  de  fait  jusque-là.  Grftce  à  cette  modification  le 
commerce  des  Indes  devint  complètement  libre. 

Pendant  les  années  i  761  et  1762,  sous  Tadminis- 
tration  de  lord  Pigot,  gouverneur  de  Madras,  les  An- 
glais continuèrent  à  augmenter,  aux  dépens  de 
Mohammed-Aly,  le  nabab  d*Arkot,  leur  ancien  allié, 
les  revenus  qu'ils  s'étaient  créés  par  les  derniers 
traités.  Obligé  de  payer  l'assistance  quMl  avait  reçue 
pendant  sa  guerre  contre  le  soubah ,  contre  le  radjah 
de  Tandjaore  et  contre  les  Français,  le  malheureux 
Mohammed  vit  sa  principauté  s'en  aller  par  morceaux, 
et  le  traité  de  Paris,  qui  rendait  à  la  France  ses 
places  possédées  en  17&9,  n'apporta-  d'autre  com« 
pensation  au  nabab  d'Arkot  que  la  reconnaissance 
d'une  souveraineté  déjà  en  ruines.  En  effet,  une 


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DBS  ANGLAIS  DANS   l/lNDlS.  9S 

grande  partie  du  Rarnatic  était  en  rébellion  ouverte 
contre  son  autorité,  et  chaque  jour  élait  employé  à 
défendre  péniblement  quelques  restes  de  sa  puis* 
sance  contre  la  politique  envahissante  du  conseil  de 
Madras. 

En  176&,  la  cession  de  plusieurs  districts  situés 
aux  environs  du  chef-lieu  de  la  présidence  fut  impo- 
sée  à  Mobammed-Aly,  en  retour  de  Taopui  que  lui 
avaient  prêté  les  Anglais  dans  ses  démêlés  avec  le 
radjah  de  Madoura.  Le  revenu  de  ces  districts  était 
évalué  à  3,300,000  francs*  I/expédition  de  Ma- 
doura,  emporté  d*assaut  vers  la  fin  de  176A,  coûta 
plus  de  20  millions  à  Mohammed,  qui  empruntait  à 
25  pour  100  aux  employés  de  la  Compagnie  Targent 
destiné  à  remplir  ses  engagements  envers  elle. 

En  vertu  de  sa  reconnaissance  comme  nabab  d'Ar* 
kot^  par  le  traité  de  Paris,  Mohammed-Aly  dut  régler 
les  conditions  de  la  rentrée  des  Français  dans  les  dis- 
tricts de  Karikal  et  de  Pondichéry.  Les  termes  de 
cette  restitution  au  marquis  Law  de  Lauriston ,  qui 
arriva  le  29  janvier  1765  en  qualité  de  commissaire 
du  roi  de  France,  furent  dictés  à  Mohammed  par  le 
conseil  de  Madras,  et  consacrèrent  d^une  manière 
irrévocable  Tinfériorité  de  la  puissance  française  en 
présence  de  celle  toujours  croissante  des  Anglais. 

La  fatale  inspiration  qui  avait  conduit  Lally-Tolen* 
dal  à.  rappeler  les  troupes  commandées  par  Bussy 
dans  le  Haut-Deccan  n*avait  pas  tardé  à  porter  ses 
fruits.  SaIabet»Sing ,  le  soubah  dévoué  aux  intérêts 
français,  privé  de  cet  appui,  avait  été  dépossédé  | 


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dA  DB  U  POISSiNCB  «lUTAHlB 

puis  bientôt  assassiné  par  son  frère  Nizcam-Aly. 
Vers  cette  époque,  Clive  venait  d'achever  la  con- 
quête du  Bengale,  comme  nous  le  verrons  plus  loin, 
en  obteoant  de  l'empereur  Scbàh-Allûm  II  la  duannie, 
c'est-à-dire  la  perception  générale  de  l'impôt  dans 
cette  provinee«  Libre  de  donner  désormais  toute  son 
attention  aui  affaires  du  Decean,  le  comte  dePlassey 
résolut  de  simplifier  la  position  de  la  Compagnie 
dans  le  Karnatie.  U  exigea,  en  conséquence,  de  l'em* 
pereur  un  firman  par  lequel  le  nabab  d'Arkot  était 
déclaré  indépendant  du  soubah  du  Deccan  :  c'était 
déclarer  l'indépendance  de  la  Compagnie  elle-même, 
dont  Mobammed-Aly  n'était  depuis  longtemps  que  le 
très  humble  serviteur.  Le  même  firman  accordait  en 
toute  propriété  aux  Anglais  les  cinq  oircars  du  Nord^ 
dont  quelques  districts,  et  notamment  Masulipatam, 
étaient  depuis  1759  en  leuc  pouvoir.  Nous  n'insiste- 
rons pas  sur  l'importance  de  cette  concession,  qui 
leur  donnait  toute  la  côte  voisine  des  provinces  du 
Beharetd'Orissa,  déjà  conquises  par  Clive,  en  même 
temps  que  le  Bengale  proprement  dit. 

En  1766,  le  conseil  de  Madras  conclut  un  traité 
avec  Nizzam-Aly,  soubah  du  Deccan,  qui  confirma  la 
cession  des  circars  acoordés  par  l'empereur.  Ces 
dislricts  faisaient  partie  de  son  gouvernement,  et  il 
avait  manifesté  Tin ten  lion  de  les  disputer  à  la  Com- 
pagnie. Inquiets  du  rapide  accroissement  que  prenait 
la  puissance  d'Haider*Aly  dans  le  Mysore,  les  Anglais 
jugèrent  plus  prudent  de  se  ménager  l'alliance  du 
soubah  au  moyen  de  quelques  concessioM,  sur  les* 


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DM  ANGLAIS  DANS   L^INDB.  96 

quelles  il  serait  toujours  temps  de  revenir,  afin  de 
rester  libres  de  concentrer  toutes  leqrs  forces  contre 
le  redoutable  adversaire  qui  se  dressait  au  cœur 
floime  des  provinces  soumises  jusqua^ià  à  leur  in 
fluence. 

L'un  des  hommes  les  plus  remarquables  qui  soient 
sortis  de  la  raee  hindoue»  Haider-Aly,  s'était  fait 
proclamer  régent  du  Mysore  »  après  de  nombreoses 
vicissitudes  dont  le  récit  sortirait  des  limites  de  notre 
cadre.  Parti  de  Dindigoul,  petit  fort  situé  prés  de 
lladoura,  Haider-Aly  s'était  emparé  successivement 
des  places  principales  du  Ifysore,  notamment  de  Ban« 
galore,  la  plus  forte  ville  du  royaume  ;  puis,  forçant 
son  souverain  &  abdiquer  en  sa  faveur,  il  avait  con- 
quis rapidement  et  incorporé  &  ses  États  divers  dis- 
tricts infiéodés  précédemment  à  la  soubahbie  du  Dec- 
San  ou  à  la  nababie  d*Arket.  Ennemi  mortel  des 
llabrattes,  Haider-Aly  eût  été  l'allié  naturel  des  An« 
giais»  qui  n'avaient  plus  d'autre  adversaire  dans  le 
Deocan  que  cette  puissante  confédération,  si  la  jalou- 
sie da  Mohammed *-Aly  contre  le  sultan  de  Mysore i 
aussi  bien  que  la  solidarité  d'intérêts  que  des  prêts 
usuraires  avaient  établie  entre  le  nabab  d*Arkot  et 
les  employés  de  la  Compagnie,  ne  tes  avaient  aveu- 
glés et  rendus  les  instruments  dociles  de  ce  dernier. 

Menacé  par  Içs  Anglais,  dont  les  troupes,  com- 
mandées par  le  colonel  Smith,  s'étaient  réunies  à 
celles  de  Nrtiam«Aly  et  de  Mohammed,  Haîder*Aly 
parvint  à  détacher  le  soubah  d'une  aUiance  dont  il 
s'était  bien  vite  iaieé  :  au  meif^  d'août  1767,  Nixsam- 


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96  DB   LA    PUlSftANGB   ItlLlTAIIfiK 

Aly  conclut  un  traité  par  lequel  il  8*engagcait  à  lui 
venir  en  aide  pour  écraser  les  Anglais  dans  les 
gorges  du  Mysore. 

Averti  à  temps  de  cette  défection,  le  colonel  Smith 
eut  néanmoins  beaucoup  de  peine  à  assurer  sa  re- 
traite. Il  parvint  cependant  à  gagner  Trinomaly  par 
une  marche  non  interrompue  de  trente-six- heures,  et 
s^enferma  dans  cette  place.  Pendant  ce  temps,  Tippo- 
Salb,  fils  du  sultan  de  Mysore,  saccageait  la  cam- 
pagne jusqu'aux  portes  de  Madras.  La  situation  de« 
venait  critique  pour  les  Anglais,  lorsqu'une  victoire 
remportée  à  Trinomaly  par  le  colonel  Smith,  qui  avait 
reçu  quelques  renforts,  vint  heureusement  rétablir 
leurs  affaires. 

La  démonstration  d'une  division  anglaise  contre  le 
haut  Deccan  obligea  le  soubah  à  rappeler  ses  troupes 
du  Mysore,  et  le  20  janvier  1768  Nizzam-Aly  conclut 
un  nouveau  traité  avec  la  Compagnie.  Cette  nouvelle 
convention  était,  à  peu  de  chose  près,  la  reproduc- 
tion de  celle  de  1766.  Un  article  additionnel  déclarait 
Haider-Aly  rebelle  et  usurpateur,  et  le  soubah  con- 
cédait à  la  Compagnie  les  districts  dont  le  sultan 
s'était  emparé,  entre  autres  celui  de  BalAghat. 

Délivré  des  soucis  de  sa  lutte  avec  Nizzam-Aly,  le 
conseil  de  Madras  résolut  d'écraser  Haider,  et  de 
porter  la  guerre  dans  le  cœur  du  Mysore.  Le  sultan 
ne  perdit  pas  courage,  et  prit  le  parti  de  traîner  la 
guerre  en  longueur,  en  amusant  les  Anglais  par  des 
affaires  de  détail.  Battu  deux  fois  par  le  colonel 
Wood,  il  l'empêcha  cependant  d'envahir  ses  ËtatSi  et 


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BBS  ANGLAIS  BANS  l'iNBB,  97 

pendant  ce  temps  son  fiis,  qui  devait  être  si  célèbre 
plus  tard,  ravageait  le  Karnalic  et  enlevait  tous  les 
convois.  Sur  ces  entrefaites,  la  présidence  de  Bombay 
étant  sortie  du  rôle  purement  commercial  qu^elle  avait 
joué  jusque-là,  et  ayant  tenté  une  diversion  en  fa- 
veur de  celle  de  Madras,  Haîder-Aly,  pour  résister  à 
ce  nouvel  ennemi,  sentit  le  besoin  d'auxiliaires  euro* 
péens ,  et  entra  en  pourparlers  avec  les  Français  : 
depuis  quelque  temps  déjà  il  entretenait  une  corres- 
pondance suivie,  à  ce  sujet,  avec  le  marquis  de  Lau- 
riston. 

Les  conditions  de  Talliance  étaient  déjà  posées 
lorsque  le  conseil  de  Madras,  effrayé  de  la  présence 
du  sultan  devant  le  fort  Saint-Georges,  se  résigna  à 
demander  la  paix.  Après  avoir  battu  Tarmée  anglaise, 
et  ravoir  chassée  de  toutes  ses  positions,  Haîder 
s'était  porté  sous  les  murs  de  Madras  à  la  tête  de 
6,000  hommes,  et  interceptait  tout  secours. 

Par  le  traité  du  3  avril  1769,  une  alliance  offensive 
et  défensive  était  conclue  entre  les  Anglais  et  le  sul- 
tan de  Mysore  :  de  part  et  d'autre  les  prisonniers  et 
les  conquêtes  étaient  rendus,  à  Pexception  de  quel- 
ques forts  peu  importants  qui  restaient  au  Mysore.  Il 
semble  que,  vainqueur,  et  campé  aux  portes  de  Ma- 
dras, Haîder  aurait  pu  imposer  d'autres  conditions 
aux  Anglais.  Le  désir  de  s'assui'er  leur  concours 
contre  les  Mahraltes,  qui  le  mena^ient,  irit  la  cause 
principale  de  la  générosité  du  sultan.  Obligé  de  re- 
noncer aux  espérances  qu'une  longue  communauté 
de  vues  lui  avait  fait  concevoir  du  côté  de  la  France, 

7 


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98  DS  LA  PtlSSÀNCfi  niitTAïkB 

flalder  se  tournait  niomentanément  vers  les  Anglais/ 
afin  de  se  ménager  leur  appoi  pour  réaliser  tes  pro^ 
j^ts  ânibitieux  sur  le  Deccan. 

L'issue  tnalheureuse  de  cette  guerre,  aussi  maî 
conduite  que  témérairement  entreprise,  fit  le  plus 
grand  'tort  à  la  Compagnie.  Les  directeurs  ne  pou- 
vaient  se  dissimuler  que  les  succès  de  Hatder  avaient 
porté  un  feoup  dangereux  à  la  réputation  des  ^rmes 
anglaises  dans  Tlnde.  Cependant,  comme  nous  te 
verrons  à  la  fin  de  ce  livre  (lorsque  nous  ferons  le 
bilan  des  mérites  et  des  torts  de  la  Compagnie  an- 
glaise ,  lorsque  nous  aurons  à  la  juger  comme  insti- 
tution politique),  il  est  juste  de  dire  que,  danè  cette 
circonstance^  les  instructions  de  Londres  avaient  été 
méconnues  par  le  conseil  de  Madras,  La  correspon- 
dance, dont  nous  donnerons  quelques  extraits,  mon- 
trera clairement  que  les  directeurs  étaient  opposés  à 
cette  extension  trop  grande  donnée  aux  établisse* 
mënts  du  Karnatic ,  et  désireux  de  voir  les  forces  et 
Fattention  des  agents  de  la  Compagnie  se  concentrer 
sur  le  Bengale,  dont  Clive  avait  obtenu  &  beaucoup 
âioins  de  frais  la  productive  conquête. 

Maître  de  dicter  les  conditions  de  la  paix,  Haider- 
Aly,  ainsi  que  nous  venons  de  le  dire,  avait  sacrifié 
fes  avantages  de  sa  victoire  au  désir  de  s'assurer  l*al- 
(iance  des  Anglais  dans  sa  lutte  avec  les  Mahrattes. 
Il  ne  tarda  pas  à  être  fixé  sur  les  dispositions  Véri- 
taSles  de  ses  nouveaux  alliés.  Le  gouverneur  de  Ma- 
draSy  en  cédant  à  la  nécessité,  il^'était  bien  promis 
tféluder  l'exécution  d'un  traité  qui  nWrait  aucun 


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DES   ANGLAIS   DANS   l/lNDB.  99 

avantage  à  la  compagnie.  Après  avoir  refusé  les 
troupes  que  sollicitait  Halder-Aly,  en  se  fondant  sur 
ce  que  les  Mahrattes  n'étaient  point  les  agresseurs  ; 
après  avoir  prétendu  qu*il  ne  pouvait  accorder  les 
secours  téclamés  sans  en  référer  aux  conseils  de  Cal- 
cutta et  de  Bombay,  plus  exposés  aux  représailles 
des  Mahrattes  ;  après  avoir  invoqué,  pour  ajourner 
Encore  une  demandé  chaque  jour  plus  pressante,  la 
nécessité  d'une  autorisation  de  la  cour  des  directeurs 
de  Londres,  le  gouverneur  de  Madras  finit  par  dé- 
clarer nettement  à  Haider-Aly,  en  janvier  4772,  qu'il 
ne  devait  compter  sur  aucun  secours. 

Exaspéré  par  cette  ccmduite,  Halder-Aly  résolut 
de  se  Venger.  Il  fit  la  paix  avec  les  Mahrattes  et  en- 
lama  de  nouveaux  pourparlers  aVec  le  gouverneur 
de  Pondichéry,  qu'il  comptait  entraîner  dans  son 
parti. 

Sur  ces  entrefaites,  h  la  suite  d'une  intervention 
maladroite  du  conseil  de  Madras  dans  les  démêlés  dû 
nabab  d'Arkot  avec  son  vassal,  le  radjah  de  Tand^ 
Jaore,  lord  Pigot,  avait  été  nommé  pour  la  seconde 
fois  gouverneur  de  la  présidence.  Les  dissentiments 
tjui  s'élevèrent  bientôt  entre  le  conseil  de  Madras  et 
le  gouverneur  rendirent  toute  administration  impos- 
sible, et  contribuèrent  à  grossir  l'orage  qui  menaçait 
les  établissements  anglais  du  Karnatic.  Après  avoir 
suspendu  deux  membres  du  conseil  et  mis  aux  arrêts 
.le  commandant  militaire,  sir  Robert  Flechter,  lord 
Pigot  venait  d'être  arrêté  lui-même  et  emprisonné  à 
son  tour  par  ordre  du  conseil,  lorsque  l'impéritie  de 


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iOO  DK   LA   PCiSSiNGB    UirjTAIRK 

son  successeur  el  Tinhabileté  de  sa  conduite  envers 
Nizzam-AIy  et  le  roi  de  Mysore  vinrent  cimenter  plus 
que  jamais  la  coalition  générale  qui  se  préparait 
contre  les  Anglais  (!)• 

En  juillet  1778,  le  conseil  de  Madras  voulut  tenter 
une  négociation  directe  avec  Bassalet-Singhi  afin 
d'entrer  en  possession  du  circar  de  Gantour,  que  son 
frère  Nizzam-Aly  lui  avait  laissé  en  apanage.  Ce  der- 
nier se  montra  naturellement  opposé  à  une  transac- 
tion  qui  devait  amoindrir  ses  États;  la  négociation 
Toffensait  pour  la  forme  autant  que  pour  le  fond,  son 
frère  n'étant  en  réalité  que  son  vassal  et  nullement 
souverain  indépendant  de  la  province  convoitée  par 
les  Anglais.  Méprisant  les  sages  avis  dllastings^  sir 
Thomas  Rumbold,  le  successeur  de  lord  Pigot,  ré- 
pondit  aux  remontrances  du  soubah  en  donnant 
Tordre  d'envahir  le  circar  de  Gantour,  Il  n'en  fallait 
pas  davantage  pour  combler  la  mesure,  et  ce  nouveau 
grief  détermina  Nizzam-Aly  à  rompre  immédiate- 
ment et  ouvertement  avec  les  Anglais. 

Le  conseil  de  Madras  ne  s'était  montré  ni  plus 
conciliant  ni  plus  adroit  dans  ses  relations  avec  Ilal- 
der-Aly.  Depuis  la  déception  qu'il  avait  éprouvée  en 
1772,  le  sultan  de  Mysore  avait  cherché  à  se-  lier 
plus  intimement  avec  la  France;  mais  l'incurie  et  la 
faiblesse  de  la  cour  de  Versailles  avaient  fait  échouer 
toutes  ses  combinaisons.  Quelques  années  s'écoulèrent 


(1)  Lord  Pigot  mourut  dans  sa  prison  avant  Tarrivée  du  nou- 
veau  gouverneur,  envoyé  de  (.oodres, 


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0eâ   ANGLAIS  DxVNS   l'iNDË.  lOi 

dans  un  calme  apparent,  et  peut-être  un  nouveau 
rapprochement  eût  pu  s'effectuer  encore  entre  Haï- 
der-Aly  et  les  Anglais  si  la  sotte  présomption  de  sir 
Thomas  Rumbold  ne  Pavait  porté  à  rejeter  avec  hau- 
teur l'intervention  d'Hastings,  qui  approuvait  cette 
alliance.  Nous  avons  vu  déjà  quelles  avaient  été  les 
conséquences  de  la  mauvaise  politique  du  gouverneur 
de  Madras  dans  ses  rapports  avec  le  soubah  ;  au  mo- 
ment où  une  nouvelle  guerre  allait  éclater  entre  rAn- 
gleterreetla  France,  une  conflagration  générale  était 
devenue  inévitable  dans  l'Inde.  Nizzam-Aly  avait 
resserré  son  alliance  avec  les  Mahrattes  et  se  prépa» 
rait  à  envahir  les  cinq  circars  du  nord,  pendant  que 
l'armée  mysorienne  marcherait  sur  le  Karnatic. 

Le  traité  du  6  février  1778,  conclu  entre  la  France 
et  les  États-Unis  d'Amérique,  fut  le  signal  deshosti* 
lités.  Dans  le  Goromandel,  Mazulipatam  et  Karikal 
étaient  enlevés  le  même  jour,  et,  le  17  octobre,  après 
deux  mois  de  tranchée  ouverte,  après  avoir  tué 
5,000  hommes  aux  assiégeants,  Bellecombe,  le  suc- 
cesseur du  marquis  de  Lauriston,  sortait  de  Pondi- 
cbéry  avec  tous  les  honneurs  de  la  guerre  et  en  con- 
servant ses  drapeaux.  Mahé,  sur  la  côte  de  Malabar, 
était  le  seul  établissement  qui  restât  aux  Français  ; 
Ha!der-Aly  résolut  de  le  protéger  et  fit  prévenir  les 
Anglais  que  toute  entreprise  contre  ce  poste,  situé 
dans  ses'États,  équivaudrait  à  une  déclaration  de 
guerre.  Les  Anglais,  n'ayant  point  tenu  compte  de 
cette  défense  et  ayant  emporté  Mahé  le  29  mars 
1779,  le  roi  de  Mysore  se  précipita  sans  plus  tarder 


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102  DB   l'A   PDISSAIVCe    MILITAIUB 

sur  le  Karnalic  et  mit  le  siège  devant  Arkot.  Tippo- 
Saïb,  son  fils,  envahissait  au  même  n)oment  les  cinq 
çircars,  où  il  donnait  la  main  au  soubah. 

Sir  Hector  Munroe,  commandant  des  troupes  de 
IKIadras,  surpris  &  Timproviste,  avait  réussi  &  éviter 
toute  action  générale  en  attendant  les  renforts  que  U 
colonel  Saillie  devait  lui  amener  du  nord,  lorsque 
Uaïder-Âly,  se  portant  au-devant  de  ce  dernier,  ré- 
solut de  frapper  un  coup  décisif.  Le  10  septembre 
1780,  les  Anglais,  surpris,  furent  taillés  en  pièces;  le 
colonel  Saillie  fut  pris  avec  2,000  Européens; 
5,000  cipayes  et  1,000  Européens  restèrent  sur  le 
champ  de  bataille.  Pas  un  homme  n'aurait  échappé 
au  désastre  de  Tarmée  anglaise  sans  Tintervention 
du  capitaine  Lally,  qui  servait  avec  quelques  Fran- 
çais dans  l'armée  mysorienne  et  qui  menaça  Halder 
de  l'abandonner  s'il  n'arrêtait  l'effusion  d*un  sang 
inutile.  Ce  désastre  est  le  plus  grand  que  les  Anglais 
^ient  jamais  essuyé  dans  l'Inde;  on  ne  peut  guère  lui 
comparer  que  les  pertes  cruelles  causées  par  l'insur-* 
rection  qui  poursuit  actuellement  son  cours  dans  le 
Bengale. 

Les  affaires  de  l'Angleterre  semblaient  prendre 
une  tournure  de  plus  en  plus  défavorable,  lorsque  1q 
génie  d'Hastings  vint  les  sauver. 

Il  s'agissait  avant  tout  de  rompre  l'alliance  redou- 
table que  formaient  le  soubah  du  Peccan,  le  radjah 
4e  Berar  et  le  roi  de  Mysore.  L'invasion  menaçante 
de  Haîder-Aly  dicta  au  conseil  suprême  la  conduite 
qu'il  devait  tenir.  Destituant  sans  bésiter  le  gouver* 


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DBS   ANGLAIS   DANS   L*mDB.  \0^ 

û^ur  de  Madras,  Hastinga  fit  rendre  ipmédiateipent  à 
Nizzaip-Aly  le  circar  de  Gantour  et  désarma  le  radjaii 
de  Berar  par  la  promesse  de  son  appui  au  cas  o^  il 
viendrait  à  faire  valoir  ses  prétentions  au  trône  de 
Tempire  mahratte.  Rassuré  par  la  défection  de  ces 
deux  alliés  du  roi  dé  Mysorc,  Hastings  se  h&la  de  dir 
riger  contre  Qaîder-Aly  et  les  Mahrattes  toute3  je^ 
forces  de  la  compagnie. 

Réduit  à  ses  propres  forces,  Haîder-Aly  ne  pouvailt 
plus  espérer  la  victoire*  Battu  dans  trois  corpbftts 
importants  par  sir  Eyre  Coote,  il  avait  perdu,  dèç  le 
mois  de  juin  1781 ,  toutes  les  places  qu'il  avait  con-: 
quiçes  dans  le  Karnatic.  A  la  même  époque,  lord  Ma- 
cartney,  nommé  à  la  place  de  sir  Thomas  Rumbol(|, 
8*emparait  de  Negapatam  et  de  Trinkomali,  derniers 
postes  restés  aux  Hollandais,  alors  alliés  de  la  France, 
et  le  malheureux  nabab  d'Arkot,  dans  Timpossibilité 
de  s'acquitter  envers  la  Compagnie,  en  était  réduit,  à 
faire  l'abandon  de  sa  principauté  au  prix  d'une  rente 
annuelle.  Enfin  les  succès  du  général  Goddart  et  du 
colonel  Carnac  dans  le  nord  n'étaient  pas  moins  dé- 
cisifs. 

La  France  avait  perdu  à  tout  jamais  Toccasion 
d'asseoir  sa  puissance  dans  l'Inde  sur  un  pied  res- 
pectable :  elle  n'avait  pas  su  profiter  des  succès 
d'Ha!der-Aly  ;  elle  avait  laissé  se  dissoudre  la  confé* 
dération  menaçante  dont  elle  eût  dû  diriger  les  coups. 
Les  événements  qui  suivirent  jusqu'au  traité  de  Ver- 
sailles ne  pouvaient  plus  avoir  qu'une  importance  se- 
condaire. Vainement  le  bailli  de  Suffren  soutenait  sur 


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iO&  DE   LA  PUISSANGB   IIILITAIRB  »    BTC. 

mer  Phonneur  du  pavillon  français  :  ni  sa  victoire  du 
18  février  en  vue  de  Madras,  ni  celle  de  Trinkomali 
le  12  avril,  ni  la  campagne  heureuse  de  Tippo-Salb 
contre  le  général  Matthews,  ne  pouvaient  rétablir  une 
prépondérance  à  jamais  perdue.  La  conduite  de  la 
France  dans  la  dernière  guerre  devait  être  considé- 
rée comme  une  abdication  formelle  de  toute  influence 
en  Asie.  Le  traité  de  Paris,  signé  le  20  janvier  1783» 
en  lui  rendant  ses  établissements,  la  replaçait  dans 
la  position  d'infériorité  oii  elle  était  avant  la  guerre, 
et  la  mort  d'Halder-Aly,  dont  le  fils  allait  conclure  le 
traité  de  Bangalore,  avait  délivré  P Angleterre  du 
seul  ennemi  qu'elle  eût  encore  h  redouter  dans 
IMnde. 


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CHAPITRE   V. 

Sommaire  :  Histoire  de  la  présidence  de  Bombay  jusqu'au  com- 
menoement  du  xix*  siècle  :  La  présidence  de  Bombay  ne  joue 
qu'un  rôle  purement  commercial  jusqu'en  1768.  —  La  confédé- 
ration des  princes  malirattes.  —  Sevadji.  —  Révolution  de  caste 
sous  Sahodji.  —  Établissement  des  peischawa  de  Poonah.  — 
Divisions  de  l*eropire  mahratte.  —  Mahadji-Scindiah.  —  Tou- 
libadji.  —  Holkar.  —  Le  radjah  de  Berar.  —  Les  Guikowar  de 
Guzerate.  —  Les  &hihrattes  veulent  substituer  une  dynastie 
liindove^  la  dynastie  musulmane  de  Dehli.  —Bataille  de  Panl- 
put  (1763).  —  Le  conseil  de  Bombay  s*emparedeBarotch  etdea 
lies  de  Saisctte  el  de  Rarandja.  —  Traité  de  Surate  (1775).  —  Le 

:  colonel  Uplon  envoyé  à  Poonah  par  Warren-Hastings.  ^  Traité 
de  Perrainda.  —  Guerre  contre  les  Mahrattes.  —  Désastre  de 
WoiigaOm.  —  Le  colonel  Goddart  s*empare  d*Ahmedabad,  et  le 
capitaine  Popham  de  Gouàlior.  -  Alliance  des  Mahrattes  avec 
Halder-Aly. 

Nous  n'avons  eu  à  nous  occuper  jusqu'ici  que 
d'une  façon  très  indirecte  de  la  présidence  de  Bom- 
bay. C'est  en  1768  seulement,  vers  la  fin  de  la  cam- 
pagne contre  Halder-Aly,  que  nous  voyons  pour  la 
première  fois  le  conseil  de  Bombay  intervenir  dans 
les  affairés  militaires  de  l'Inde.  Depuis  la  cession  de 
rile  de  Bombay  à  la  Compagnie  par  Charles  II,  réta- 
blissement était  resté  purement  commercial.  La 
guerre  contre  les  Mahrattes  allait  rappeler  &  un  rôle 
plus  en  rapport  avec  celui  dévolu,  depuis  un  demi» 
siècle,  aux  présidences  de  Calcutta  et  de  Madras. 

Nous  avons  exposé  somnrmirement,  au  commence- 
ment de  ce  livre,  la  fondation  et  l'organisation  de 
Tempire  mahratte  sous  les  empereurs  Aureng^Zeb  et 


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106  DB   LA   PUlSSANCib  MILITAIAK 

Schâh-Djihan,  Sevadji,  le  premier  chef  de  la  confé- 
déralion  militaire,  qui  tint  si  longtemps  en  échec  la 
puissance  anglai3e  dans  les  Indes,  —  Sevadji,  excité 
à  la  fois  par  la  haine  religieuse  et  l'ambition,  avait 
conçu  le  projet  de  former  un  empire  hindou  dans  le 
Deccan,  en  face  de  l'empire  mogol  ;  il  comptait  pré- 
pipiter  ensuite  Tune  des  deux  races  sur  l'autre,  et  fe- 
fouler  à  jamais  les  Mahométans  dans  la  haute  Asie. 
Sevadji  mourut  avant  de  pouvoir  réaliser  ses  vastes 
plans.  Sambadji  et  Sahodji,  qui  lui  succédèrent, 
n'avaient  aucune  des  qualités  nécessaires  pour  leur 
accomplissemenU 

Une  révolution  de  caste  qui  eut  lieu  sous  le  fils  de 
Siahodji  amena  un  changement  radical  dans  la  con* 
ittitution  de  Tempire  mahratte*  Les  brahmes  s'eoipa- 
fèrent  du  pouvoir,  qui  avait  appartenu  jusque-là  aux 
radjepoots,  l.e  roi',  relégué  dans  le  fort  de  Sattarah, 
(lut  acpepter  la  tutelle  d'un  visir  ou  peischawa,  dont 
la  dignité  héréditaire  ne  peut  mieux  se  CQmpQ,rer 
qu'à  celle  des  maires  du  palais,  squs  lee  Mérpvingiens^ 
Jjd  jseul  privilège  du  souv^rain  prisonnier  était  de  re- 
vêtir les  peischawas  du  caftan,  attribut  de  leur  dignité^ 
et  cet  usage  s'est  conservé  tant  qu'a  duré  la  oopfédéT 
raMw.  Le9  Angjajs  en  vinrent  Wentô^^  np  {enfr  ^7 
cun  GOfppte,  dans  leurs  transactions  avec  les  Mab: 
rattesi^  du  roi,  quj  n'existait  que  de  non)  ;  le  peisphaw^ 
de  Poon^h  fi)t  d'autant  rqiQuif,  pour  eux  le  véritable 
souverain  que  la  condition  d'hérédité  se  joignait  en 
sa  faveur  à  h  puissance  de  fai(  que  lui  (}onnailt  sa 
di|;nité(l).. 
,  (1)  y  fai|e|jaNai)a-Stib|qtti  ti^Qt  JfB^fiçriL^  |4fG»dap9f0f; 


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DBS   ANGLAIS   DANS  L*JNPtt.  107 

Sou0  radministration  du  premier  peiecbawa»  des 
troublas  continueU  agitent  Tempire  mabralte;  un 
grand  nombre  de  princes  confédérés  deviennent  indét 
pendants»  et  il  serait  presque  impossible  de  donner 
ope  liste  claire  et  complète  de  tous  1^  petits  État$  qui: 
se  forment  à  cette  époque.  Nous  citerons  seulement 
les  quatre  principaux,  par  lesquels  furent  successive- 
ment absorbés  tous  les  autres  ;  ce  sont  les  seuls  qui 
aient  joué  un  rôle  véritablement  important 

Tandis  que  Badji-Hao  s'établit  à  Poonah  et  domine 
|^4  provinces  occidentales,  les  Bonncelao  occupent  le. 
Berar,  et  le  chef  de  cette  famille  se  déclare  radjah 
indépendant.  Les  Guikowar  régnent  à  Puterate; 
enfin  Mahadji  Soindiah  et  Toukadji-Holkar,  dont  Iw 
successeurs  (1)  luttèrent  si  longtemps  contre  les  An-; 
gli^Si  se  taillent  cbaci^n  un  royaume  dan^  les  pro- 
vinces situées  entre  le  Bengale  et  le  Guzerate, 

événements  contemporains,  est  le  fils  adoptif  de  Badje-Rao,  le* 
dernier  peiscbawa;  sa  liaine  furieuse  et  sanguinaire  contre  les 
^HllM  vî^t  do  rejet  des  réclamations  qu*(|  a  adressées  à  la  Cam* 
pagni^,  afin  d'être  mis  en  possession  du  Utr^  et  des  pension^  dnnt 
Jouissait  son  père  adoptif  aux  termes  des  traités.  La  loi  d'adoptlQOf 
en  ce  qui  regarde  Nana-Salb  et  les  héritiers  de  plusieurs  radjahs; 
la  lui  d'annexion,  en  ce  qi^  touche  au  royaume  d'Oude  et  k  d'au- 
tre Élato  annexés  fiar  lord  Dalboi^ie,  opt  eu  «ne  gninde  part 
dans  les  causes  de  la  révolte  actuelle. 

(i)  Afin  d'établir  un  peu  d'ordre  au  milieu  de  la  confusion  des 
nont  liartNircs  qui  se  pressent  dans  ce  résumé  historique,  il  est 
bon  de  noter  Ici  que  les  dénj)minations  de  Nîuam ,  Scindiali, 
Holkar>  etc.  (encore  en  usage  aujourd'hui),  ont  servi  à  désigner 
les  princes  qui  ont  succédé  au  soubah  du  Deccan,  à  Mahadji,  à 
ToukbadJI,  dans  le  gouvernement  des  Étais  fondés  par  ces  der- 
nliis. 


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IU8  DE   L4   t>UIS8ANGIS   MILITAIRB 

Nous  ne  dirons  qu'un  mot  des  guerres  civiles  qui 
désolent  les  États  du  peischawa  jusqu'au  nnoment  de 
rintervention  du  conseil  de  Bonobay  dans  les  affaires 
de  cette  partie  de  l'Inde.  Le  seul  événement  impor- 
tant, pendant  cette  période,  est  la  tentative  de  Ba- 
ladji-Rao,  successeur  et  frère  de  Badji-Rao,  comme 
continuateur  des  projets  de  Sevadji,  le  fondateur  de 
Tempire  mahralte.  A  la  tête  de  200,000  confédérés 
hindous,  Baladji-Rao  cherche  à  renverser  la  domina- 
tion  mahométane  des  empereurs  mogols  ;  mais  il  perd 
en  1762,  contre  Abdallah  et  Suja-Doula,  dont  nous 
parlerons  plus  loin  en  faisant  l'histoire  de  la  présl* 
dence  du  Bengale,  la  fameuse  bataille  de  Paniput, 
où,  pour  la  troisième  fois,  se  trouve  décidé  le  sort  de 
l'Inde. 

Profitant  des  querelles  de  Madu-Rao,  de  Naraln- 
RaOy  de  Ragoba,  qui  se  disputent  la  dignité  de 
peischawa,  le  conseil  de  Bombay  fortifie  les  établis- 
sements de  Touest,  et,  sous  prétexte  de  réclamations 
relatives  à  des  droits  injustement  perçus  par  le  nabab 
de  Surate,  un  corps  anglais  s'empare  de  Barotch  en 
1772.  Le  8  décembre  177/t,  une  autre  division,  par- 
tie également  de  Bombay,  s'empare  de  l'tle  de  Sal- 
setle  malgré  les  réclamations  des  Portugais,  auxquels 
le  peischawa  l'avait  enlevée.  I^s  troupes  de  Bombay 
donnent  ensuite  l'assaut  au  fort  de  Tanna,  et  se  ren- 
dent maltresses  de  la  petite  lie  de  Karandja  au  com- 
mencement de  1775.  La  même  année,  enfin,  le  con- 
seil de  Bombay  conclut  un  traité  avec  Ragoba, 
peischawa  chassé  par  les  ministres  de  Poonah,  mais 


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BBS   ANGLAIS  DANS   l'iNDE.  109 

les  opérations  militaires  destinées  à  le  remettre  en 
posse3sion  de  ses  Élats  sont  ajournées  par  suite  des 
ordres  venus  de  Calcutta. 

WarrenHastings  avait  remplacé  Clive  à  la  tête  du 
conseil  suprême  de  Calcutta,  et  pris  les  rênes  du  gou* 
vernement  depuis  le  mois  de  février  1772.  —  Effrayé 
de  la  gravité  des  événements  que  pouvait  déterminer 
Thumeur  belliqueuse  du  conseil  de  Bombay,  le  nou- 
veau  gouverneur,  tout  en  se  décidant  &  conserver  les 
avantages  acquis  par  la  dernière  campagne,  crut  de- 
voir défendre  les  hostilités  compromettantes  dans 
lesquelles  le  traité  de  Surate  allait  engager  les  An» 
glais.  Ce  traité  fut  en  conséquence  déclaré  nul ,  et  le 
colonel  Upton  envoyé  à  Poonah  pour  en  conclure  un 
nouveau.  Ce  diplomate  devait  en  même  temps  s'as* 
surer,  au  moyen  des  éludes  faites  sur  les  lieux  parles 
officiers  spéciaux  qui  raccompagnaient,  de  la  possi- 
bilité ou  des  difficultés  du  concours  des  forces  du 
Bengale  aux  entreprises  commencées  par  le  conseil 
de  Bombay. 

Ces  officiers  s*étant  prononcés  pour  Taffirmative^ 
Hastings  ne  tarda  pas  à  rompre  le  traité  de  Perrainda, 
qui  avait  terminé  la  mission  officielle  du  colonel 
Upton,  et  rassemblant  un  corps  d'armée  sous  les 
ordres  des  colonels  Leslie  et  Goddart,  il  invita  le 
conseil  de  Bombay  à  poursuivre  ses  premiers  projets 
d*envahissement. 

1/imminence  du  danger  devait  mettre  fin,  pour  un 
temps,  aux  divisions  qui  affaiblissaient  les  Mahrattes. 
1/ accession  de  Scindiah  et  d*Holkar  à  la  ligue  géné« 


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lit)  DB   LA   PUISSANCE   MtLIÎAtftB /eTG. 

raie  eut  pour  résultat  un  gravé  échec  subi  par  les 
troupes  de  Bombay  dans  les  environs  de  WorgaOra* 
Battu  par  Scindiah  et  Nana-Furnavèse,  l'un  des 
chef^  de  Poonah,  te  comité  qui  dirigeait  les  opéra- 
tions fut  forcé  d'accepter  un  traité  onéreux  qui  enle- 
vait à  la  Cohfipagnie  toutes  ses  conquêtes  de  la  cam- 
pagne précédente.  Le  colonel  Goddart  gagiia  Sut*até 
à  marches  forcées  avec  les  troupes  du  Bengale,  qui 
n'avaient  pu  se  réunir  à  celles  de  Bombay,  et  se  tint 
sur  la  défensive  en  attendant  des  secours.  Ces  r(in^ 
forts  étant  enfin  arrivés,  le  colonel  marcha  contré 
Scindiah  et  Holkar,  en  même  temps  que  le  godver'» 
Deur  cassait  la  convention  de  Worgaùm. 

Au  mois  d*août  4  78Ô,  les  affaires  de  la  Compagnie, 
un  instant  compromises  dans  Touesi^  semblaient  de- 
voir se  rétablir,  grftce  aux  divisions  qui  s'étaient  éle- 
vées de  nouveau  entre  les  confédérés  mahrattes.  Le 
colonel  Goddart  avait  battu  Scindiah  et  enlevé  Ahme- 
Oabad,  capitale  du  Guzerate  ;  sur  les  frontières  du 
Bengale,  le  capitaine  Popham  avait  remporté  quel- 
ques avantages  et  pris  la  forteresse  de  GouAlior, 
lorsqu'un  événement  de  la  plus  haute  gravité  vint 
donner  une  autre  direction  aux  éiTorts  et  aux  inquié^ 
tudes  de  Warren-Hastings.  Haîder-Aly  venait  â*en^ 
vahir  le  Karnatic  à  la  tête  dé  400,000  hommes. 


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CHAPITRE  VI. 

Sommaire  :  Histoire  de  la  présidence  du  Bengale  jusqu'au  comr 
mencement  du  xix*  siècle  :  Première  lutte  des  Anglais  avec  le 
soubàh  du  Bengale.  —  Àllaverdy-Khan  et  Souraja-Dotila.  -^ 

'  Prise  de  Galcutta  par  le»  Indietis  (20  juin  1756).  -  Thé  JNœiU 
Bole  at  Cakutta.  —  Glife  nommé  gouverneur  de  Calcutta,  -* 
Prise  de  Gbandernagor  par  les  Anglais  (1757).  —  Bataille  de 
Plassey  (23  juin  1757).  —Déchéance  de  Souraja-Doula  et  avè- 
nement de  Mir-iaffier.  —Décadence  de  Tempire  mogol  :  Acbtned- 
Schâh,  Allûm-Gfaulr,  Sehâh-Zadda.  —  dite  est  rappelé  en  Av- 
gleterre  (1760)  ;  Holweli  et  Yan-Sittart  ses  successeurs  dans  la 
présidence  de  Calcutta.  —  Massacre  des  Anglaisa  Patna;  dépo- 
sition deMirnJafQer;  son  remplacement  par  Mir-Cossim.  —  Res- 
tanntioQ  de  Mir-JafGer.  --  Mir-Gossim  se  réfugie  auprès  du  M 
d*Oude.  -*-  Un  mot  sur  la  fondation  du  royaume  d'Oude^-^ 
Souja-Doula,  vainqueur  à  Paniputt  sauve  Tempire  mogoU  -r 
Bataille  de  Bouxar  (1766).  — Schâh-Allum  cède  aux  Anglais  le 
district  de  Benarès.  —  Le  fils  de  Mir-iaffier  leur  abandonne  les 

'  pronndBs  dé  lidinpour«  Burdivân  et  Tchittag oog^  —  FimBos 
du  12  août  1765  qui  rendent  les  Anglais  maîtres  absolus  dM 
Bengale.  —  Premier  traité  des  rois  d'Oude  avec  la  Compagnie 
anglaise  (1765).  — Réflexions  sur  radministration  de  lord  Clive. 
^  11  est  remplacé  par  Verelts  (n67)  et  Cartiei'  (1770).  —  Mau^ 
Taise  adnioi^ration  de  ces  deux  gouverneurs.  —  Crise  finsa- 
cière  et  réforme  de  lord  North.  -^  Warren-Hastings  nommé 
gouverneur  de  Calcutta;  son  génie,  ses  défauts,  ses  services.— 

'  Il  sauve  les  cdonies  anglaises,  et  continue  les  projets  de  Clive. 

—  AoMMdrisseraeni  du  royaume  d'Onde.  —  Lord  Gornwâllis. 

—  Coup  d'œil  général  sur  l'empire  anglo-indien  à  la  fin  du 
xvm*  siècle. 

Nous  avons  vu^  lorsque  nous  avdns  décrit  à  grands 
traits  la  naissance  et  les  progrès  de  la  Compagnie 


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itS  DB   U    PUlf^SVNCB  UÎLITAIftB 

anglaise,  Tétat  florissant  de  ses  établissements  dans 
le  Bengale.  Le  comptoir  de  Calcutta  n'avait  pas  dix 
ans  d'existence  que  son  commerce  s'élevait  à  dix  mille 
tonneaux.  Cette  prospérité  dura  peu. 

Allaverdy-Rhan,  soubah  du  Behar  et  du  Bengale, 
meurt  en  1756,  laissant  le  pouvoir  à  son  neveu  Sou- 
raja-Doula.  Docile  aux  conseils  de  son  oncle,  qui,  dos 
l'année  IT/ji,  avait  interdit  aux  Français  et  aux  An- 
glais tout  acte  d'hostilité  dans  l'étendue  de  son  gou- 
vernement, le  nouveau  soubah  s'oppose  k  la  construc- 
tion des  fortiOcations  que  le  gouverneur  de  Calcutta 
voulait  élever,  dans  la  prévision  d'une  guerre  avec 
la  France.  Irrité  du  mépris  avec  lequel  ses  ordres 
sont  reçus,  Suraja-Doula  marche  bientôt  contre  CaU 
culta,  et  emporte  celte  ville  le  20  juin  1756.  La  ville 
fut  saccagée,  les  magasins  pillés,  et  les  Anglais  se 
réfugièrent  à  grand'peine  sur  leurs  vaisseaux  et  à 
Chandernagor.  Cent  quarante-six  prisonniers  furent 
renfermés  par  Suraja  dans  un  cachot  si  étroit  que  le 
lendemain  vingt-trois  seulement  étaient  en  vie.. Cet 
événement  est  encore  aujourd'hui  tristement  célèbre 
en  Angleterre,  et  on  le  désigne ,  d'après  le  lieu  où  il 
fut  accompli,  sous  le  nom  de  :  The  Black-Hote  at 
Calcutta  (le  trou  noir  de  Calcutta). 

A  la  nouvelle  de  ce  désastre,  le  vainqueur  d'Arkot, 
Clive,  est  envoyé  dans  le  Bengale  par  le  conseil  de 
Madras,  avec  toutes  les  forces  disponibles.  Appuyé 
parl'amiralWatson,  le  colonel  rentre  en  possession 
de  Calcutta  le  1"  janvier  1757.  On  venait  d'apprendre 
en  Asie  le  renouvellement  des  hostilités  entre  la 


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DBS  AHGLAIS  DANA   l/lNDK.  11$ 

France  et  rAngieterre,  ToccasioD  était  belle  pour  le 
gouverneur  de  Chandemagor;  en  s*uni?sant  au  sou- 
bah  du  Bengale,  il  pouvait  assurer  la  victoire  à  ce 
dernier,  il  préféra  conclure  avec  Clive  un  traité  de 
neutralité.  Tranquille  du  cdté  des  Français,  Clive,  à 
la  tète  de  2,000  Européens  et  de  &,000  cipayes,  vint 
attaquer  les  60,000  hommes  de  Souraja,  et  le  défit 
complètement  le  5  février;  le  9,  aux  termes  d'un 
traité  conclu  entre  la  Compagnie  anglaise  et  le  sou« 
bah,  tous  les  avantages  concédés  en  17&0  étaient 
confirmés  aux  Anglais,  notamment  la  cession  de 
trente-sept  villages  situés  au  sud  de  Calculla, 

Dès  le  milieu  du  mois  de  mars,  Clive,  au  mépris 
du  traité  de  neutralité  conclu  avec  le  gouverneur  de 
Cbandernagor,  et  malgré  Topposition  du  soubah, 
vint  mettre  le  siège  devant  le  comptoir  français. 
Le  23,  exposée  au  feu  des  vaisseaux  anglais,  qui,  pour 
la  première  fois,  étaient  parvenus  à  remonter  jusque 
dans  les  eaux  du  fort,  la  place  capitula.  Cette  attaque 
déloyale  n'était  malheureusement  pas  la  seule  du 
même  genre  dont  Clive  dût  se  rendre  coupable» 

Instruit,  par  Texemple  de  Dupleix,  que  le  plus  sûr 
moyen  de  dominer  les  Indiens  était  de  leur  imposer 
des  soubahs  dévoués  aux  intérêts  européens,  Clive 
résolut  de  renverser  Allaverdy^Khan^  et  de  lui  substi« 
tuer  Mir-Jaflier,  son  beau-frère.  Celui-ci,  par  un 
traité  secret,  s'engageait  à  abandonner  aux  Anglais 
toutes  les  possessions  françaises  dans  le  Bengale,  et 
kur  cédait  de  plus  tout  le  territoire  compris  entre 
Calcutta  et  Calpi.  Nous  ne  parlons  pas  des  nombreux 

8 


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H&  M   LA   PUtSSANGK   UltlTAIRB 

fniliio»6  qui  devaient  être  payés  à  la  Compagnie,  aul 
habitants  de  Calcutta  (comnie  indemnité  des  pertes 
épfouvées  an  mois  de  juin  1756),  et  enfin  aui  pria- 
eipaux  fonctionnaires  de  la  Compagnie  s  Clive  inau- 
gurait le  système  d'eiac tiens  et  de  rapines,  qui,  aux 
yeux  mêmes  de  ses  compatriotes,  a  si  tristement 
obscurci  sa  gloire. 

Le  28  juin  4767,  fut  livrée  la  fameuse  bataille  de 
Plassey,  destinée  à  mettre  Mir-JafBer  en  possessiott 
de  sa  soubahbie,  et  non  à  venger,  comme  on  l^a  dit» 
le  désastre  du  Blatk-Hole^  déjà  expié  lé  5  février  par 
le  malheureux  SourajaDoula.  A  la  tête  de  3,000  hom- 
mes. Clive  défit  les  50,000  cipayes  du  soubah,  dont 
la  cavalerie,  commandée  par  Mir-Jaffler,  déserta  dès 
te  commencement  de  faction.  Le  28  juin,  les  Anglais 
entraient  à  Mourchidabad ,  et  le  2  juillet  Souraja 
était  massacré  dans  le  palais  même  habité  par  Clive. 

La  bataille  de  Plassey  est  le  véritable  point  de 
départ  de  la  puissance  anglaise  dans  lo  Bengale  : 
aussi,  lorsque  plus  tard  Clive  fut  élevé  à  la  pairie, 
c'est  le  nom  de  cette  mémorable  victoire  que  la  re- 
connaissance nationale  accola  à  son  titre  de  eomta. 

Le  successeur  de  Souraja,  Mir-Jaffler,  ne  tarda 
pas  à  sentir  tout  le  poids  des  chaînes  doBt  il  s'était 
chargé  en  acceptant  tes  services  Intéressés  des  An« 
giais.  Ruiné  par  les  engagements  onéreux  qtt*M  avait 
bontractés,  il  dut  employer  jusqu'aux  pierreriee  de 
son  trésor  pour  acquitter  les  88  mitlions  dont  il  s'était 
reconnu  débiteur  envers  les  Anglais»  Ses  tentatives 
^our  secouer  le  joug,  sôit  en  se  rapproehani^det  Fran» 


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DBS  ANQLAtS    DANS    l^tmH.'  115 

^is,  soit  en  appelant  les  Hollandais  de  Batavia,  fu- 
rent déjouées  par  Clive.  Un  événement  inattendu 
devait  d'ailleurs  le  mettre  complètement  à  la  diseré^ 
Uon  du  gouverneur  de  Calcutta. 

Oa  a  vuque  depuis  Tavénetnenld- Achmed-Schâh, 
ëB;|^7à7)  la  plupart  des  provinces  de  Tempire 
n'avaient  conservé  qu'une  obéissance  nominale. 
Sobâ|i-«KBien,  petit-fils  de  NidEâm-el-Mouleuk»  api^ès 
s'être  fait  nommer  visir,  informé  que  l'empereur  nDé- 
litait  sa  ruine,  le  déposa,  et  lui  fit  crever  les  yeux. 
Un  pétit-fils  d*Aureng-Zeb,  proclamé  en  176S  sous 
le  nom  d^Atlum'-Ghftir,  ne  put,  malgré  Tasslstance 
duschàbde  Perse  Abdallah,  résister  à  Schfthel-Dien, 
et  fat  à  son  tour  réduit  à  une  dure  captivité,  ainsi 
que  toute  sa  famille. 

Le  fils  aîné  d'ÂlIum-Ghûir,  Bchâh  Zadda,  parvint 
cependant  à  s'échapper.  Muni  d'un  flrman  de  son 
père,  le  prince  fugitif,  après  avoir  recruté  des  partie 
sans  dans  le  royaume  d'Oude  et  dans  la  province 
d'Atlababad ,  résolut  d'arracher  le  Bengale  à  Mir- 
Jeffier,  et  de  faire  de  cette  conquête  la  base  de  ses 
opérations  contre  l'usurpateur  du  trône  de  son  père. 
Sdi|h-Zadda  et  ses  adhérents  allaient  emporter  Patna 
lorsque  Clive  parut  avec  les  Anglais,  et  dispersa 
l'armée  de  siège.  C'est  pour  reconnaître  ce  nouveau^ 
service  que  MirJaffier  érigea  en  jagbuir  ou  fief,  en 
ikveordu  gouverneur  anglais,  le  cens  de  750,000  fr. 
qo'il  s^était  conservé,  d'après  les  traité?),  sur  les  dis-* 
tricte  cédés  à  la  Compagnie  au  sud  de  Calèutta. 
L'aoceptfition  ou  plutét  Testorsion  de  ce  don  foyal' 


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116  DB   Lii   ruISSANCB   IIIUT&TRB 

fut  plus  d'une  fois  reprochée  à  Clive  à  son  retour  en 
Angleterre,  ce  n'était  pourtant  qu'une  bien  minime 
partie  des  fabuleuses  richesses  qu'il  rapporta  des 
Indes. 

Clive  retourna  en  Europe  au  mois  de  février  1760. 
Holwell,  l'un  des  Anglais  échappés  au  Black-Hch,^ 
Yan-Siltart  furent  ses  successeurs*  L'événement  le 
plus  important  de  leur  administration  fut  la  déposi- 
tion de  Mir-Jaffier,  et  son  remplacement  par  Mîr* 
Cossim.  Le  premier  était  totalement  ruiné,  le  second 
promettait,  au  contraire,  de  nouveaux  millions;  cette 
raison  était  suffisante  pour  la  Compagnie,  la  protec- 
tion des  Anglais  était  acquise  au  plus  offrant. 

Vers  la  même  époque,  Allum-Ghûir  fut  assassiné 
dans  sa  prison,  et  son  fils  fugitif,  Schfth-Zadda,  pro« 
clamé  par  quelques  serviteurs  sous  le  nom  de  Schfth- 
Allum  IL  Désireux  de  s'attacher  d'aussi  redoutables 
auxiliaires  que  les  Anglais,  le  nouvel  empereur  leur 
fit  offrir,  en  quelque  sorte,  la  souveraineté  de  toutes 
les  provinces  du  Bengale  s'ils  voulaient  le  conduire  à 
Dehli.  Bien  que  cette  proposition  n'ait  pas  été  accep* 
léeen  1761 ,  époque  de  l'avènement  de  Sch&h-Allum  II, 
les  Anglais  en  prirent  bonne  note,  et  elle  devint  plus 
tard  l'origine  de  l'asservissement  définitif  des  empe- 
reurs mogols. 

Les  années  1761,  1762  et  1763  se  passèrent  en 
discussions  stériles  entre  le  gouverneur  Van-Sittart 
et  le  conseil  de  Calcutta.  Plusieurs  membres  avaient 
désapprouvé  la  déposition  do  Mir- Jaffier,  et  protesté 
contre  la  iiopfiioation  de  son  soccesseurt  Impuissant 


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DBS  ANGLAIS  DANS  L'inDB*  H? 

à  rétablir  Tordre  dans  sa  soubahbie,  aussi  bien  qu'à 
acquitter  ses  engagements  pécuniaires  envers  les 
Anglais,  Mir-Cossim  en  fut  réduit  à  une  révolte  ou- 
verte. Attaqué  par  Ellis,  qui  s'était  emparé  dePatna, 
le  soubah  reprit  cette  ville,  et  fit  massacrer  tous  les 
Anglais  qui  s'y  trouvaient  renfermés.  Celle  nouvelle 
fut  le  signal  de  sa  déchéance;  le  7  juillet  1763,  le 
conseil  de  Calcutta  proclama  de  nouveau  Hir-JaiTier 
légitime  soubah  du  Bengale  I  Après  avoir  renversé 
rœavre  de  Clive,  violé  deux  fois  les  traités ,  et  versé 
des  torrents  de  sang,  la  Compagnie  n'avait  plus 
d'autre  ressource  que  d'en  revenir  à  la  combinaison 
primitive  de  ce  grand  homme. 

Par  la  restauration  de  Mir-Jaffler,  se  trouva  con- 
sommée la  troisième  révolution  du  Bengale.  Immé- 
diatement après  la  conclusion  du  traité  qui  pronon- 
çait la  déchéance  de  iMir-Cossim,  les  Anglais  mar- 
chèrent contre  lui  avec  l'ancien  soubah.  Le  19  juillet, 
les  majors  Adams  et  Carnac  battirent  un  des  géné- 
raux de  Mir-Cossim,  et  te  2&  ils  emportèrent  d^as- 
saut  Mourchidabad.  Le  2  août,  enfin,  Cossim  fut  dé- 
fait complètement  lui-même  à  Geriah,  et  forcé  de  se 
réfugier  dans  le  fort  de  Monghir.  Le  11  octobre 
1763,  Monghir  capitula,  et  le  6  novembre  les  Anglais 
emportèrent  Palna  d'assaut. 

Mir-Cossim,  reconnaissant  rimpossibilité  de  sou- 
tenir  la  lutte  plus  longtemps,  se  réfugia  auprès  du 
soubah  d'Oude  Souja-Dpula,  dont  le  royaume  et  le 
descendant  tiennent  une  si  grande  place  aujoui*d'hui 
dans  les  événements  contemporains* 


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418  pB   ik   PUI0SAKGB  IHLinifKB 

La  ftoubahbie  (ou  le  royaume)  d'Oucle  avait  élé 
fondée^  en  1711,  par  Saadet-khan,  à  Tépoque  du 
premier  démembrement  de  Teropire  mogol«  mqs 
Scbàb-Allum  I*'.  Les  successeurs  de  Saadet  avaient 
,  maintenu  leur  indépendance,  et  à  Tépoque  dû  leuHs 
,  possessions  commencèrent  à  attirer  Tattention  de  la 
.  Compagnie,  Souja*Doula,  le  soubah  régnant,  jouisBâit 
.  d*une  grande  influence  personnelle  dans  lebiut  Hii- 
,  dpustan  ;.il  y  était  considéré,  k  juste  litre,  comme  le 
;boi(Ievard  de  .Pislamisme.  L'année  préoédento,  en 
,  effet,  cin  1763,  les  Mahrattes  a^étant  crus  asees  forts 
«pour  mettre  à  eyécuticn  tes  projets  de  Sevadji,  la 
confédération  avait  r^uni  S00,000  hommes  pour  d^ 
.  (ruire  le  gouvernement  mabométan  de  Dtebli  et  ré- 
tablir celui  des  prince  hindous.  Ainsi  que  nous  Tavons 
.iiidiqué  sommairement,  lorsque  nous  avons  résumé 
les  événements  accomplis  dans  la  présideQoe  de  Bom- 
bay^ les  Mahrattes  avaient  été  défaits  à  Pani|iut, 
.  cette  arène  sanglante  oh  tant  de  fois  déjà  avaient  été 
disputées  les  destinées  de  i'Hindoustan.  Souja-Doola, 
traînant  à  sa  suite  les  Bohilias  et  d'autres  pulisantes 
.  tribus,  commandait  les  150,000  mahométans  qui 
..sauvèrent.  Delhi.  Cette  victoire  Tavait  rendu  maître 
^de  Tempire,  et  c*est  auprès  de  loi  que  le  souverain 
légitime,  Sch&h-Allum  II,  chassé  par  Tusurp^teur 
.  Scbàb^l-Dien,  s*était  réfugié. 

Souja-Potila  consentit  à  donner  son  af^i  à  Mk- 
Çossim,  comme  il  l'avait  accordé  à  Schâh^AUuoft^; 
mais,  après  avoir  essuyé  Une  première  défaite  le  ft  osai 
1764,  il  fut  vainpu  de  nouveau,  daoa  une  lotte  ( 


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pétée^  \%  15  octobre  de  la  iDâme  années  par  sir  Hocr 
tor  Miinroe»  à  la  bataille  de  Bouxar,  et  fut  obligé 
4*6ntrer  en  négociations  avec  les  Anglais* 

Vers  cette  époque,  Sch&b*Alluin«  croyant  tout  espoir 
^rdu  par  la  défaite  de  Soiqa-Doula,  s'était  livré  vo^ 
4mitairenient  «us  Anglais,  et  avait  conclu,  au  mois 
de  décembre  176&*  un  traité  p|tr  lequel  il  leur  cédait 
la  province  de  Benarès«  Mir-Jafiier  étant  mort  en 
ftvrier  i76§,  son  successeur,  craignant  d'être  dé*- 
possédé ,  s'était  empredsé  d'accepter ,  de  son  côté, 
.«ne  nouvelle  convention,  par  laquelle  il  reproduisait, 
en  les  aggravant  encore,  les  stipulations  du  traité  de 
l7tS  relatives  aux  provinces  de  Midnapour,  Tcbilta- 
Ipsog  etSilrdwàn,  lesquelles  devenaient^  par  ce  fait| 
propriété  définitive  de  la  Conopagnie. 

Le  20  mai  1765,  les  Mahrattes,  que  Souja-Doulf 
avait  appelés  à  son  «eoours,  ayant  été  complètement 
déiails  près  dé  Calpy,  le  poubab  d'Oude  vint  se  livreir 
M  eoloâel  Carnage,  décidé  à  s'en  remettre  à  la  clét 
iftanoe  de  ses  redoutables  adversaires.  ^ 

. .  Slir  ces  entrefaites,  un  grand  changement  s'était 
MCOispU  d|ins  l'administration  du  Bengale.  Clive, 
rentré  en  Angleterre  depuis  1760,  et  récemment 
Mmipé  pfiir  d*Irlwde,  fut  supplié  par  les  directeuni 
4e  reprendre  le  commandement  de  la  présidence  d|f 
GflJotttta..  t.es  fautes  de  ses  sucpesseurs^  1^  réyetan 
tiMis  contiiMieUes  qui  agitaient  la  colonie  fivfiâent£aU 
MRB^rendre  la  néeessité  d'une  main  ausai  habile  qffS, 
lerme  pour  rétablir  l'ordrfl  di^nfi  «e  Malheureux  PAY^? 

9^sç(ii  <Hrriv^>(S^lc»t>»i.  \%:è.m^iWr Cli^f 


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120  ÛB  14   POI^SANOG  MlLlTAfllB 

put  se  convaincre  que  rien  ne  s'opposait  désormais  à 
l'accomplissement  des  projets  qu'il  avait  conçus  en 
1757,  relativement  à  la  souveraineté  réelle  et  com- 
plète de  la  Compagnie  dan»  le  Bengale. 

Le  12  août,  moyennant  Téngagemenl  d'un  tribut 
6u  pension  annuelle  de  7,800,000  francs,  SchAh- 
Allum  accorda  aux  Anglais  ladwannic,  c'ost^à-dire 
ràdministratiôn  des  revenus  dés  soubahbies  réunies 
de  Bengale,  Bebar  et  Orissa.  Un  autre  firman  du 
même  jour  régularisait  la  concession  à  la^  Compagnie 
de  la  propriété  absolue  de  Midnapour,  Tchitlagong 
et  Burdw&n. 

"  Telle  est  la  base  de  la  puissance  des  Anglais  dans 
le  Bengale,  tels  sont  les  titres  sur  lesquels  reposât 
leurs  droits  à  la  possession  territoriale  de  cette  pro- 
vince. 

Pour  jouir  des  bénéfices  du  firman  du  13  août,  il 
était  nécessaire  de  rétablir  la  paix  dans  les  vastes 
territoires  acquis  à  la  Compagnie;  Clive  résplut  de 
faire  du  royaume  d*Oude,  en  rendant  à  Sooja-Doaia 
ses  États,  une  barrière  infranchissable  entre  le  Ben« 
gaie  et  lés  tribus  belliqueuses  du  haut  Hindoostan^ 
Les  Gorkhas,  les  Porbotlis,  les  Nepaulèses,  aujour- 
d'hui les  alliés  les  plus  fidèles  des  Anglais,  et  qui 
habitent  les  montagnes  situées  au  nord  du  royaume 
d*Oude,  vivaient,  au  milieu  du  xviii*  siècle,  dans  des 
habitudes  de  désordres  et  de  brigandages  qui  en  fai- 
saient un  sujet  d'inquiétudes  perpétuelles  pour  les 
provinces  environnantes;  Le  16  août  1765  fut  conclu 
le  premier  des  sein  traitée  qui  ont  réglé  successive- 


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DES   ANGLAIS  DA.\S  h'iHM.  121 

»enl  jusqu^n  I8S7,  date  du  dernier,  la  situation  poli* 
tiquo  du  royaume  d^Oudevis-à-vis  de  la  Compagnie. 

Par  le  traité  de  1765,  il  était  stipulé  que,  jusqu'au 
moment  où  Scbàh-Allum  remonterait  sur  letrdnede 
Dehii,  il  resterait  en  possession  des  provinces  d*AI- 
lahabad  et  de  KarA  comme  d'un  apanage  nécessaire 
au  sottlien  de  sa  dignité  ;  en  outré,  les  Anglais  de- 
vaient rester  maîtres  de  la  province  de  Benarès,  dont 
ies  revenus  leur  avaient  été  cédés  par  un  flrman  de 
l'empereur  en  176/1.  Telles  étaient,  avec  certaines 
conventions  relatives  au  commerce  et  aux  douanes , 
les  conditions  auxquelles  les  Anglais  consentaient  à 
rendre  à  Souja-Doula  toutes  les  places  dont  ils 
s'étaient  emparés. 

Par  ces  négociations,  qui  jouent  un  rôle  si  impor- 
tant dans  l'histoire  de  l'Inde,  Clive  avait  mis  la  der- 
nière main  au  plan  habile  et  vaste  qu'il  avait  formé. 
On  ne  saurait  admirer  assez  la  conduite  politique  de 
oe  grand  homme,  et  l'art  avec  lequel  il  sut  faire  con- 
courir ces  divers  traités  au  même  résultat,  soit  en 
augmentant  la  puissance  de  la  Compagnie,  soit  en  lui 
procurant  des  alliantes  importantes. 

Maître,  par  les  firmans  de  Tempereur,  de  titres 
respectables  aux  yeux  des  Bengalis,  Clive,  en  con- 
servant toutes  les  formes  extérieures  de  l'ancien  gou- 
vernement, évitait  de  heurter  violemment  les  habi« 
tudes  des  populations,  et  mettait  la  responsabilité 
an^aise  à  couvert  dans  toutes  ies  tracasseries  qu'il 
voudrait  par  la  suite,  au  nom  d'un  prince  indien ^ 
susetter  aux  autres  nations  européennes. 


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133  DB  LA  POIWANCl  «ILITAin 

La  correspondance  du  ootnte  de  Plassey  avec  le» 
jdirectears,  en  môme  temps  qu'elle  cipliqae  les  mo* 
tifs  de  sa  oonduite*  justifie,  jusqu'à  un  certain  point, 
oe  système  d'annexion  qui  a  soulevé  tant  de  criti- 
qoes,  et  rencontré  des  adversaires  même  en  Anglo- 
terre,  malgré  les  avantages  immenses  que  la  Com-^ 
pàgnie  en  a  retirés.  Dès  Tannée  1706,  l'adoption  de 
ce  système  était  devenue  une  nécessité,  a  Nous  n'avions 
s  d'autre  alternative,  écrivait  Clive  le  M  janvier  1760^ 
0  que  d'avancer,  comme  nous  l'avoiis  faiti  en  nous 
»  emparant  de  la  totalité  du  pouvoir,  ou  de  retomber 
èdans  notre  condition  primitive  de  simples  mur* 
»  chands,  de  licencier  nos  troupes,  et  nous  en  remettre 
»  à  la  clémence  des  princes,  qui  ne  nous  auraient  pas 
is  facilement  pardonné  la  supériorité  que  nous  avions 
^  si  longtemps  affectée.  Cette  dernière  mesore  était 
é  en  elle-même  impraticable.  Noos  devons  avoderi 
■w  bien  à  regret,  que  Tincenduite  des  individus  a  rendit 
»le  nom  anglais  tellement  odieux  que  nous  ne  se* 
•  riCM  plus  en  sûreté  si  nos  mains  n'étaient  armées 
É  pour  la  défense  de  notre  vie  et  dé  nos  propriétés,  s 

Il  n'entre  pas  dans  notre  cadre  de  retracer  kà  ief 
féslstaiicos  que  je  comte  de  Plassey  rencontra  tors- 
qu'il  voulut  s'attaquer  aux  graves  abus  introduite  |m» 
tes  employés  de  la  Compagnie;  mentionnons  seule*^ 
ment,  pour  en  donner  une  idée»  que  œs  résîstaaeei 
allèrent  jusqu'à  une  rébellion  armée,  que  Clive  m 
parvint  à  étouftr  que  par  un  prodige  da  fermetés 
Ëo  ce  qui  touche  aux  développements  de. la  puissance 
anglaise  dans  ta  préeidsiioe  de  Galootta^  il  iknui  aiife 


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P«8  ANGLAIS  DANS  VWDUk  i9f*3 

iv%  àia  dire  qu*à  partir  cle  1765  U  Obmpagnie  régna 
•0  maîtresse  absolue  dans  le  Bengale»  et  en  véritable 
propriétaire  du  sol.  Les  événements  qui  s*aoaoaiplî- 
rent  pendant  les  vin^-oinq  dernières  années  du 
xvui*  aièole  n'ajoutèrent,  en  quelqMe  sorte*  que  l^a 
ooDsécration  que  donne  la  possession,  prolongée  au 
magnifique  empire  que  Clive  avait  fondé.  Nous  allons 
les  résumer  en  quelques  lignes. 

Lord  Clive  quitta  pour  la  seconde  fois  les  Ind*s 
m  1767t  ôt  fut  remplacé  parYerelts,  auquel  Cartier 
sttwéda  en  1770*  Sous  ces  deux  administrateurs^  les 
abus  que  le  comte  de  Plassey  avait  oombaltus  repa- 
rurent plus  «nraoinés  que  jamais,  lA  désordre  ne  iit 
qui  erottre,  et  il  en  résulta  bientôt  une  prise  finao- 
mère  asses  forte  pour  mônaocr  Texistenee  môme  de 
laGompagfrfe*  L'exposé  de  cette  situation,  qui  motiva 
la  réforme  de  Idrd  Nortfa,  trouvera  sa  place  dans  le 
obapitre  oonsaoré  à  Thistoire  deH  modifications  subies 

.par  la  constitution  administrative  et  politique  de 
l'honorable  Compagnie*  Constatons  seulementi  dès  à 
présent,  qu'au  moment  où  Warren^-Hastings  vitt 
prandr^  les  rênes  du  gouvernement»  les  finances 
étaient  tombées  dads  un  état  déplorable^  et  que  1  im- 
périiie  de  ses  prédéoesseurs  avait  ébranlé  jusque 

.  dans  ses  fondements  le  mi^nifique  édifice  élevé  p^v 

>  comte  de  Plasseyé 

^    L'ÂngJetwre  doit  à  Wafren-Hastiogs  la  opnsarvu* 

.Uon  de  ses  possession^ asiatiques*  L'esprit  d'Organi- 
sation était  le  trait  l&plus  saillant  du  nsérite  p|[»Iitique 
de^^ cet  tomeno  d'état;  peu  soiiipaleiix.dana  Id  ohoîx 


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1%  m  LA  PU18SAKGB   MILITAIRB 

des  moyens,  iiiUulgent  pour  les  abus  dont  il  pouvait 
tirer  quelque  avantage,  Hastings  poursuivit  sans  pitié 
ni  rel&che  ceux  qui  lui  paraissaient  menaçants  pour 
les  intérêts  de  la  Compagnie.  Dans  Tétat  actuel  du 
Bengale,  sa  nomination  à  la  présidence  de  Calcutta 
était  le  choix  le  plus  heureux  quMI  fût  possible  de 
faire. 

Sous  Tadministration  d'Hastings,  en  1771,  Schfth- 
Allum,  désespérant  du  secours  dés  Anglais  pour  son 
rétablissement  sur  le  trône  de  Dehii,  se  décida  à  re- 
courir aux  Mahrattes,  qui,  en  moins  de  deux  mois, 
Teurent  ramené  dans  la  capitale  de  ses  ancêtres.  Celte 
satisfaction  puérile  lui  coûta  d'abord  la  pension  de 
7  millions,  que  la  Compagnie  s'était  engagée  à  lui 
payer  parles  traités  de  1765;  de  plus,  Sch&h-Allum, 
pour  reconnaître  Tassistance  des  Mahrattes,  leur 
ayant  donné  les  deux  provinces  d^Allahabad  et  de 
Karà,  qui  constituaient  son  ancien  apanage,  les  An- 
glais s'en  emparèrent  aussitôt,  prétendant  cette  con- 
cession extorquée,  puis  ils  les  cédèrent  kSouja-Doula, 
roi  d'Oude,  moyennant  15  millions. 

Warren-Hastings  sentait  le  besoin  de  faire  entrer 
dans  les  coifres  de  la  Compagnie  l'argent  dont  elle 
avait  si  grand  besoin  au  milieu  de  ses  emt>arras  finan- 
ciers; il  combattit  victorieusement  les  scrupules  du 
conseil  suprême,  qui  manifestait  la  crainte  de  voir 
Schâh'Allum  retirer  les  firmans  de  1765  :  «  Qu'ioK 
»  porte,  s'écria  le  gouverneur,  les  firmans  de  Tempe- 
»  reurl  Ce  ne  sont  pas  eux  qui  ont  fait  échouer  les 
»  projets  qu'a,  si  longtemps  nourris  je  duc  de  Cboi- 


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DBS   ANGLAIS  DANS  L*JNDR«  125 

V  seul ,  ce  ne  sont  pas  eux  qui  bêleront  les  desseins 
»des  Mahrattes  contre  nous.  Il  faut  que  l'ipée  qui 
»  nota  a  donné  le  Bengale  soit  l'instrument  de  sa  con^ 
»  servatim^  et  si  jamais  cet  empire  nous  échappe^  le 
9  nouveau  propriétaire  tiendra  ses  droits  au  même 
»  titre.  » 

Hastings  continuait  la  politique  de  Clive,  ainsi 
qu*on  en  peut  juger  par  cette  déclaration  ;  à  défaut 
de  réquilé,  elle  avait  le  mérite  de  la  franchise,  et,  M 
faut  le  reconnaître,  celui  d'être  parfaitement  con« 
forme  aux  intérêts  de  la  Compagnie.  A  l'exemple  du 
comle  de  Plassey,  et  pour  les  motifs  que  nous  avons 
indiqués  plus  haut,  Hastings  résolut  de  fortifler  la 
puissance  du  roi  d'Oude,  et  les  troupes  de  la  Com- 
pagnie aidèrent  Souja-Doula  à  réduire  les  Rohillaa 
qui  s'élaicnt  établis  &  Bareilly,  à  Test  de  Dehli.  Les 
sommes  que  versa  le  roi  d'Oude  pour  prix  de  cet 
appui,  et  dont  Hastings  poursuivit  avec  rigueur  le 
recouvrement^  étaient  destinées  à  sauver  la  Compa- 
gnie de  la  banqueroute  imminente  contre  laquelle 
elle  luttait  en  Europe.  Plus  d'une  fois,  depuis  cette 
époque^  les  trésors  des  souverains  d^Oude  sont  venus 
au  secours  des  Anglais  dans  l'Inde.  Lord  Dalhousie, 
qui  de  nos  jours  a  poussé  si  loin  le  système  d'an- 
nexion, déclarait,  dans  un  rapport  célèbre  adressé 
au  gouvernement  anglais  le  18  juin  1855,  que  sans 
l'argent  des  rois  d'Oude  l'Angleterre  n'aurait  pu  sou- 
tenir les  grandes  guerres  qu'elle  a  eues  avec  Tippoo* 
Salb,  les  Mahrattes,  les  Nepaulèses  et  les  Aflgbans. 

En  présence  d*un  pareil  témoignage,  il  est  permis 


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iM  BB  L\   PUISSàNGB  HlLlTAtâB 

de  se  demander»  en  admettant  même  lu  violation  dd 
traité  de  1897  par  la  famille  régnante,  récemment 
dépossédée,  si  le  prince  Wajid-Atlie-Schftb,  aelueM 
lement  interné  à  Caleutta,  ne  mérite  pas,  sinon  rinté^* 
rêt,  du  moins  rindulgenee  du  gouvernement  anglais f 

Souja-Doula  mourut  en  177/i,  et  fut  remplacé  par 
•on  fils  Asaf-el-Doula,  qui  renouvela  le  20  mai  4l75 
le  traité  oonoiu  dix  ans  auparavant  eotre  spn^père  el 
la  Gompagnie.  Gette  nouvelle  transaction  «  plutèfe 
financière  que  politique,  renfermait  tous  les  termes 
ë*une  alliance  offensive  et  défensive  entre  les  parties 
contractantes,  mais  elle  marquait  en  même  temps  la 
première  étape  sur  cette  voie  de  concessions  el 
d'amoindrissements  successifs  par  lesquels  le  royaume 
d-Oude  est  passé  pour  arriver  à  Fétat  oh  nous  Itf 
voyons  aujourd'hui. 

Les  dernières  années  du  xviii'  siècle  furent  venH 
plies  par  la  première  guerre  contre  Tippoo^alb, 
qui  avait  remplacé  Halder-Aly  sur  le  trône  de  Mysore, 
et  par  radminisiration  réparatrice  de  lord  Cornwallis,: 

Héritier  des  projets  de  son  père»  l'adversaire  Iw 
plus  redoutable  que  les  Anglais  aient  rencontré  dan» 
las  Indes ,  et  le  seul  homme  de  génie  qu'ait  produit 
la  nation  hindoue  depuis  un  siècle ,  Tippqo«8aIb  avait 
éompris  que  l'assistance  des  Français  pouvait  aettlei 
lui.  peraaettre  de  lul;^^  contre  les  Anglais,  fin  vais 
e'Bdressa^t-il  au  rot  Louis  XVI  en  1787,  en  vâm  se^ 
ambassadeurs  cherchteent<-ils  à  faire  adopter  sbb  prn^ 
jets  au  gouverneur  de  l'Ue  de  France;  toutes  ses  né^. 
gofiîalipBB  furent  infructueuses.  Après  av«r  dépensé 


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»fi8  AtiaiAM  DANS  Cmou.  137 

s(»  trésors  et  ses  ressources  inilitàîres  &  soutenir  les 
Américains,  qui  devaient  lui  garder  une  si  tiède  re-^ 
connaissaDce  pour  leur  indépendance  oOnquise  »  ia 
France»  dans  les  angoisses  de  sa  révolution,  ne  pou- 
vait plus  touFn^r  les  yeu  vers  ces  cmitrétti  loint%îpw. 
sue  ses  rois  lui  avaient  laissé  arrachçr«  Plus  tard i; 
Iprsqu^  l'immortel  génie  qui  devait  relever  et  porter: 
si  haut  son  drapeau  voulut  venir  en  aide  au  souv^ri^in: 
t)e  Mysore,  réebee  de  la  marine  française  à  ibpukir. 
I«  mit  d^ns  la  nécesiiilé  de  renoncer  h  se9  projets  sur 
Hnde. 

I^ivré  à  ses  seules  forées,  Tippoo-Salb  devait  suc^ 
cprnberi  toutefois,  les  premières  opérations  de  Corn* 
walli^  furent  loin  d'âtre  brillantes,  et,  sans  Tarrivée 
opportune  ^es  secours  mahrattes,  son  armée  eût  vu  sC; 
renouveler  au  cœur  du  Uysore  le  désastre  du  colonel 
Baillie.  Au  commencement  de  Tannée  1792,  une  se- 
conée  expédition,  mieux  organisée  et  mieux  conduite, 
eut  pour  résultat  d'obliger  le  sultan  à  signer,  dans  sa^ 
«ipita^e,  un  traité  qui  le  dépouillait  de  la  moitié  de 
aon  empirer.  11  était  réservé  aux  deux  WçUesley  de 
consommer  si^  ruiné. 

^  L'a4nainistration  du  comte  de  Mornin^ton  et  les 
campagnes  de  son  frère  sir  Arthur  Wellesley  (lord; 
WeiUn^n)  ouvrent  une  période  nouvelle  dans  Tbis- 
ti^e  de  r Inde. anglaise.  Nous  leur  oonsc^orerons  m. 
dbs|)itre  spécial,  ^vec  leqiiel  commencera  le  ré<âtdee 
^v^einents  du  xix«  siècle.  Avant  declorf  le  ri(pîd^ 
résumé  que  iious  Y^u>n^de  donner,  pour  chaque  pr^ 
8Î!^QRçei;des  faits accoiopli^  pesdapt  le  xmii%  ilg'^ 


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128  DE   LA  PUtSSANGB   UILÎTAUS 

pas  sans  intérêt  d^esquisser  le  tableau  d*ensemble 
que  présente  Tempire  anglo-indien. 

Mal  servie  par  son  gouvernement»  la  France,  à 
l'exception  de  Dupieix,  n*a  envoyé  pour  diriger  ses 
affaires  asiatiques  que  des  hommes  inférieurs  à  leur 
haute  mission.  Aidée  par  le  hasard,  TAngleterre  a 
rencontré  à  point  nommé,  pour  soutenir  sa  cause,  des 
hommes  d'une  haute  valeur  administrative  et  guer« 
rière,  et  dont  les  vices  mêmes  devinrent  des  causes 
,de  succès.  Clive  représente  la  conquête  par  l'épée  et 
la  force  ;  Hastings,  la  conquête  e(  le  désarmement  par 
la  politique  et  les  traités;  Cornwallis,  la  conservation 
et  Tamélioration  par  le  progrès.  Après  le  règne  de 
la  force  et  celui  de  la  ruse,  lord  Cornwallis,  habile 
et  intègre  administrateur,  devait  inaugurer  le  règne 
de  Tordre.  C'est  à  lui  qu*appartient  la  réorganisation 
de  ta  richesse  anglaise. 

Au  commencement  du  xix«  siècle,  maîtres  du  Ben« 
gale,  du  Behar  et  d'Orissa,  cédés  par  les  firmans  de 
1765,  les  Anglais  possèdent  encore  les  trois  provinces 
de  Burdwàn,  Midnapour  et  Tchittagong.  Le  traité  de 
1775  avec  Asaf*el-Doula  leur  a  donné  la  province  de 
Benarès ,  et  ^assujettissement  du  royaume  d'Oude  à 
un  énorme  tribut. 

Dans  le  Coromandel,  ils  sont  maîtres,  par  les  traU 
tés  de  1766  et  1768,  des  quatre  circars  de  Badjah* 
Mandri,  Mazulipatam,  Yizagapatam  et  Cicacolie* 
Celui  de  Gantour  leur  appartiendra  bientôt.  Aux 
termes  de  la  convention  de  1784,  ils  régnent  sur  le 
KuTDatic,  et  le  Tandjaore  est  conquis.  Le  traité  de 


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BBS  ANGLAIS  DANS  l'iNI».  129 

1793  les  a  mis  en  possession  de  la  moitié  des  États 
de  Tippoo-Salb.  On  peut  donc  les  considérer  comme 
maîtres  absolus  des  côtes,  depuis  le  Gange  jusqu^au 
cap  Comorin,  et  la  presqu'île  tout  entière  subit  leur 
influence. 

Sur  la  côte  occidentale,  ils  dominent  à  Surate,  dans 
le  golfe  deCambay  et  la  presqu'île  de  Guzerate;  mais 
leurs  possessions  territoriales  se  bornent  aux  lies  de 
Bombay,  Salselle,  Elephantaet  Rarandja,  au  district 
de  Gheriah,  et  &  quelques  forts  cédés  par  les  Mah* 
rattes» 

A  la  fin  du  xtiii*  siècle,  la  puissance  anglaise  sur 
la  côte  occidentale  est  donc  plus  restreinte ,  comme 
on  le  voit,  que  dans  les  autres  parties  de  Tempire 
indien.  Avant  peu,  la  présidence  de  Bombay  aura  la 
même  importance  que  celles  de  Madras  et  de  GaU 
cutta.  Tippoo-Salb,  Holkar,  le  nizzam  et  le  radjah 
de  Berar  vont  supporter  à  leur  tour  tout  Teffort  de  la 
conquête;  en  moins  d'un  quart  de  siècle,  leurs  dé* 
pouilles  auront  servi  &  rétablir  l'équilibre  entre  les 
trois  présidences ,  et  à  cimenter  Thomogénéité  de 
Tempire  anglo-indien. 


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CHAPiTHÈ  nu 


Guerre  contre  Tippoo-Sp^ib  :  Arrivée  du  comte  dé 
Mornin^oii  comme  gouverneur  générai  des  Indes  anglaises.  — 
Sbik  frère  sir  Arthur  Wellesiey.  —  Llcencieùenl  dés  th)upëé 
Mftçaiseé  du  HizAln.  -  Inva^iôt)  dtt  Mysore.  —  Gbmblt  de  Se-^ 
leaber.  —  Bataille  de  Malàvelly.  —  Siège  et  ^rise  de  Sèringàpa^ 
tain»  ^  Mort  de  Tippoo-Saîb. — Sir  Arthur  Weliesley  est  nomm^ 
gouverneur  du  Mysore.  -^  Son  administration.  —  Ses  oplniofts 
iu  sujet  de  l'organisation  et  dé  là  répartition  dèè  irouf^eà.  -^ 
fepédittoh  contre  Hoondlah^Wàugb  et  le»  aventuriers  de  Tindt 
centrale. 


Les  éYéoements  aceom^^lië  pendant  les  dernière 
ADB<66  dtt  xTUi*  ttèele  avaient  rendu  impossible^  dans 
rinde«  la  continuation  de  la  lutte  entre  la  Fran6e  M 
ràngleterre*  Gr&ce  aux  fautes  de  ses  gouvernants^ 
Ul  première  de  6es  deux  puissances  devait  renoncer 
à  toute  vue  politique^  et  se  borner  désormais  au  eomt 
meree  efaéllf  et  précaire  dans  lequel  elle  s'est  renfer* 
aée  jusqu'à  nos  jOUrsi  L'Angleterre,  au  contraire^ 
fltmitresse  de  vastes  territoires^  affranchie  de  toiite 
cbnourreneei  dtommen^t  déjà  à  recueillir  les  avàn«> 
tages  d'un  système  de  conquête  habilement  déguisé 
SM8  les  noms  d'alliance  et  de  protection.  Peu  d'ef* 
forts  M  restaient  à  faire  pour  abattre  ses  derniers 
«meotts,  et  la  fortune,  qui  lui  avait  toujours  été  si 
favorable,  lui  réservait  à  point  nommé,  pour  eouron- 
oer  0t  tonsolider  l'éfifiee  élevé  par  Clive^  Hastings 


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132  DK   LA  POISSANCB   UILITAIBE 

et  Cornwallis,  l'alliance  intime  du  génie  politique  et 
des  talents  militaires  des  deux  hommes  les  plus  illus- 
tres qui  aient  marqué  dans  les  Indes. 

Un  écrivain  belge,  M.  Brialmont,  dans  son  Histoire 
de  Wellington^  a  traité  avec  un  rare  talent  la  période 
historique  qui  correspond  au  passage  des  deux  Wel«* 
lesley  en  Asie.  Si^  dans  Tensemble  de  cet  ouvrage, 
Fauteur,  malgré  Tabsence  de  toute  préoccupation 
nationale,  ne  déguise  pas  toujours  suffisamment  des 
sympathies  dont  le  bénéfice  est  le  plus  souvent  ac- 
cordé à  nos  anciens  rivaux ,  on  ne  peut  méconnaître 
cependant  Timpartialité  toute  magistrale  dont  il  fait 
preuve  dans  ses  jugements.  Quant  à  la  profondeur 
de  ses  vues,  quant  au  caractère  presque  prophétique 
de  ses  appréciations,  les  événements  contemporains, 
rapprochés  des  nombreuses  citations  empruntées  à 
M.  Brialmont,  établiront,  sous  ce  rapport,  de  la  façon 
ta  plus  saisissante,  le  mérite  exceptionnel  de  son 
œuvre.  Le  portrait  du  comte  de  Mornington,  et  le 
rapide  exposé  des  nécessités  auxquelles  doit  obéir  la 
politique  anglaise  dans  les  Indes,  nous  fournissent» 
dès  le  début,  un  spécimen  précieux  de  la  manière 
générale  adoptée  par  Tautéur  qui  va  nous  servir  de 
guide  dans  le  récit  des  premiers  événements  du 
xix®«iècle. 

«  ...  Doué  d'une  activité  prodigieuse,  d*une  éner- 
»  gie  sans  pareille,  d^une  grande  force  de  caractère, 
»  et  d'une  promptitude  de  résolution  en  rapport  avec 
»  rétendue  de  ses  connaissances,  lecomtedeMorningr 
n  ton,  suivant  M*  Brialmont^  semblait  formé  par  la 


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DES   ANGLAIS  DANS   L'iNDB.  tftS 

»  nature  pour  ia  direction  des  affaires  orientales» 
»  L*expérience  a  montré  qu'en  Europe  il  n'était  pas 
9  supérieur  aux  autres  hommes  d'État  de  son  pays  ; 
a  mais,  dans  THindoustan,  il  les  a  tous  éclipsés  par 
9  la  vigueur,  l'élévation  et  le  succès  de  sa  politique. 
»  11  avait  plus  d'intelligence  et  plus  de  probité  que 
9  lord  Clive,  plus  de  tact  et  de  loyauté  que  Warren- 
»  Haslings,  plus  d'énergie  et  de  résolution  que  Corn- 
»  wallis.  Sa  présence,  pendant  plusieurs  années,  dans 
9  la  chambre  de  contr(Ue  (1),  sous  l'habile  direction  de 
»  lord  Mciville,  lui  avait  donné  une  connaissance  si 
»  parfaite  des  intérêts  de  la  colonie  qu'à  son  entrée 
»  dans  la  carrière  il  se  trouva  tout  préparé  au  r6le 
A  qu'il  devait  jouer.  Ses  premiers  jugements  sur  l'état 
»  des  possessions  anglaises  en  offrent  la  preuve.  Il  vit 
»  immédiatement  que  le  pouvoir  de  la  mère  patrie 
x>  dans  rinde  était  entièrement  fondé  sur  l'opinion 
9  qu'en  avaient  les  indigènes;  que  20  ou  30,000  Eu- 
u  ropéens,  dispersés  au  milieu  de  100  millions  d'Asia- 
»  tiques,  ne  pouvaient  se  maintenir  qu'en  fascinant 
»  les  esprits;  que  ce  pouvoir  moral  devait  être  sou- 
9  tenu  par  une  grande  loyauté  et  une  extrême  vigueur, 


(4)  I^  chambre  de  coDlrôle  avait  été  instituée  en  i78A  sous  le 
mioislère  de  Pitt,  qui  venait  de  remplacer  celui  de  Foi*  Au  cha- 
pitre relatif  à  Thisloire  administrative  de  ia  Compagnie  des  Indes 
anglaises,  nous  reviendrons  sur  le  bill  d'organisation  de  la  chambre 
de  contrôle,  quia  fait  époque  en  Angleterre.  G*est  par  ce  bill  que 
Texistence  politique  dont  la  Compa^^nie  défend  aujourd'hui  les 
derniers  restes  a  reçn  ses  premières  atteintes. 


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M  et  que,  dè^  lor$^  le  parti  k  plm  sage  êerail  pr^qv^ 
»  toujours  le  plus  audacieux,  » 

Nous  résumerons  dans  leur  ensemble,  et  ^am  ^19- 
tinclion  çle  Ibé&tre  désoripais,  M  événements  et  les 
guerres  de  Tlnde  pendant  le  xix^  siècle*  4  Partir  de 
i77â,  la  nomination  d'un  gouverneur  général  delà 
colonie,  et  la  création  d'un  conseil  suprême  à  Cal- 
cutta, avaient  imprimé  à  la  direction  des  opérsitiops 
un  caractère  d'unité  dont  Tindépendance  relative  de 
chaque  présidence  et  le  défaut  d^  centr^iss^Uen  fai- 
saient sentir  h  besoin,  ^institution  de  la,  cbamtHP«de 
eontrôle,  en  complétant  oe  système,  en  soumettant  à 
une  impulsion  commune  les  différente^  présideaees, 
cesse  de  rendre  nécessaire  Tbistoire  distincte  que 
nous  avons  dft  faire  jusqu'ici  de  chacune  en  purti- 
eulier. 

Au  moment  oii  le  comte  de  {dornington  priL  les 
rênes  du  gouvernement  de9  Indes  angli^pes,  les 
fleances  et  T^rmée  se  trouvaient  dans  une  situation 
fâcheuse,  et,  parmi  les  souverains  indigènes  boetiles  à 
TAngleterre,  le  euitan  de  Mysore  tenait  le  premier 
rang.  «  Aussi  longtemps  que  le  pouvoir  de  Tippoo- 
»  Salb  existera,  écrivait  sir  John  Munro  au  comte  de 
»  Mornington  le  7  juin  i798,  nous  serons  pcrpéti^el- 
19  lement  eu  dêuger  d?  p«rdr9  oe  qu9  p^qs  ^\(m  (m- 
»  quia;  »  cet  avis  ne  devait  pas  être  perdu,  et  toute 
Tactivité  du  conseil  suprême  devait  être  employée  à 
changer  cettç  situation. 

Le  premier  amn  du  BMiimui  gimvefoaiur  aat  |»iir 


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DES   ANGLAIS  DANS   L*JNp%  1^ 

olyjet  d*assarer  à  |a  Compagnie,  sinon  ra|Hançe,  du 
moins  1^  neutralité  des  prjnces  indiens,  dont  le  con- 
cours avait  aidé^  pendant  lea  guerres  précédentes,  (a 
résistance  des  sultans  de  Mysore.  Parmi  ces  souve- 
rains, le  Niszam  inspirait  des  craintes  particulières, 
tant  à  cause  de  la  situation  de  ses  États,  qui  le  ren- 
dait limitrophe  de  Tippoo^Salb*  qu'à  cause  des  forcQ^ 
auxiliaires  françaises  dont  il  pouvait  disposer.  Cq? 
troupes  avaient  été  formées  par  Raymond,  officier 
français  de  Tarmée  de  Bussy,  4  Tépoque  où  nous 
sommes  arrivés,  ce  Raymond  était  mort.  Son  i^rmée 
se  composait  d'un  grand  nombre  d'aventuriers  euro- 
péens commandés  par  12&  républicain^  frftnçais. 
Quelques  auteurs  évaluent  la  force  de  cette  armée  ^ 
2O,OO0  hommes,  suivant  d'autres  elle  ne  dépassait 
pas  le  chiffre  de  11,000.  En  vertu  d'un  traité  cooclii 
avec  le  Nizzam,  et  grâce  &  la  promesse  du  partage 
des  dépouiller  du  sultan  de  Mysore,  le  soubah  con- 
sentit à  licencier  ses  troupes  françaises,  et  à  recevoir 
en  échange  un  corps  de  Q,000  Anglais.  Le  10  octobre 
1798,  )e  cqloDel  Kirkpatrik,  k  la  tôte  (jes  forces  ren- 
ie npse  la  Compagnie  et  du  soubah,  procédait  w 
licenciement  d^  corps  français  aous  les  piurs  d'^yds- 
rabad. 

Héritier  des  projets  et  des  Éte^ts  4p  Haider-AIy, 
Tippoo-Saîb  avait  compris,  commç  son  père,  que  le 
seul  moyen  d'échapper  an  joug  de  l'Angleterre  était 
dans  son  alliç^nce  avec  la  Frs^nce.  Il  s'était  appliqué 
avec  uq  90Ù1  tout  p{irt[jc.ulier  à  l'organisation  de  ses 


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Ift6  DE   LA   PUISSANGB   MILITAIBB 

troupes,  et  avait  appelé  dans  ses  États  tous  les  offi- 
ciers européens  que  la  politique  jalouse  de  la  Com- 
pagnie anglaise  avait  fait  renvoyer  par  les  princes 
soumis  à  son  influence.  L'armée  de  Tippoo-Salb,  la 
plus  forte  et  la  mieux  disciplinée  de  toutes  celles 
qui  avaient  paru  jusque-là  en  Orient,  s*élevait  à 
76,000  hommes,  dont  6,000  de  cavalerie  et  30,000  d'in- 
fanterie, organisés  à  Peuropéenne. 

La  faute  que  commit  le  Directoire  en  négligeant 
de  se  rendre  la  Porte  favorable,  et  en  provoquant 
une  lutte  terrible  sur  le  continent  européen  par  Tin- 
vasion  simultanée  de  la  Suisse,  du  Piémont,  de  Rome 
et  de  la  Toscane,  fit  échouer  le  plan  grandiose  que 
Napoléon  avait  conçu  pour  aider  Tippoo-Salb.  Quel- 
ques mois  plus  tard,  le  désastre  d^Âboukir  obligeait 
la  France  à  ajourner  tout  projet  sur  Tlnde,  et  deve- 
nait un  obstacle  insurmontable  à  Tenvoi  du  eorps 
d* armée  sollicité  par  le  général  Du  Bue,  envoyé  de 
Tippoo-Saïb  près  du  Directoire. 

Malgré  ces  circonstances  favorables,  le  temps  pres- 
sait pour  la  Compagnie  anglaise  ;  le  Peischawa  et 
Scindiah  refusaient  de  se  déclarer  ouvertement,  et 
rindécision  de  ces  chefs  mahrattes,  tout  aussi  bien 
que  la  présence  sur  le  trône  de  Mysore  d*un  ennemi 
acharné  de  TAngleterre,  constituait  un  danger  per- 
manent pour  la  Compagnie.  Le  comte  de  Mornington 
résolut  de  brusquer  les  événements. 

Aidé  des  conseils  et  de  Pactivité  de  son  frère,  le 
gouverneur  général  parvint  à  réunir  30,000  hommes, 


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DES   ANGLAIS  DANS  L'iNDK.  137 

SOUS  les  ordres  du  général  Harris,  dans  la  présidence 
de  Madras,  et  6,000,  dans  celle  de  Bombay,  sous  le 
commandement  du  général  Stuart. 

Seringapatam  fut  choisi  par  le  commandant  des 
forces  anglaises  comme  le  point  objectif  de  la  cam- 
pagne qui  allait  s'ouvrir.  Le  11  février  1799,  Tarmée 
du  Karnatic*  réunie  au  camp  de  Wallajahbad,  arri- 
vait à  Yellore,  et  sept  jours  plus  tard  elle  était  re- 
jointe  à  Killamungalum  par  le  contingent  du  Nizâm, 
dont  le  commandement  était  confié  à  sir  Arthur  Wel« 
lesley.  Le  21  février,  Tarmée  de  Bombay  avait  ordre 
de  quitter  ses  cantonnements  de  Cannanore  pour  ga- 
gner Sedeaser,  position  qui  commande  tout  le  Mysore, 
et  de  là  rallier  lé  général  Harris  sous  les  murs  de 
Seringapatam.  ' 

Nous  passerons  rapidement  sur  les  divers  épisodes 
de  la  campagne  du  Mysore,  malgré  tout  Piiitérét  que 
présente  cette  lutte  suprême  entre  1* Angleterre  et  le 
dernier  défenseur  sérieux  de  la  nationalité  indienne. 
Quoique  fort  courte,  la  guerre  contre  Tippoo-Salb  a 
donné  lieu  à  de  nombreux  écrits,  dont  nous  avons 
indiqué  les  auteurs,  et  auxquels  nous  nous  bornerons 
à  emprunter  les  dates  les  plus  importantes. 

Le  6  mars  1798,  Tippoo-Salb,  dans  le  but  d*em« 
pécher  la  concentration  des  deux  corps  d*armée  qui 
le  menacent,  se  porte  &  Sedeaser,  et  attaque  le  gé- 
nérai Stuart.  Après  un  combat  qui  ne  dure  pas  moins 
de  cinq  heures,  il  est  forcé  de  battre  en  retraite  de« 
vaut  les  troupes  de  Bonobay,  et  rentre  dans  son  camp 


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i&8  OB  1.4  PUI8SAIVCB  HIUTAIRB 

de  Periapatniui),  sotis  les  murs  de  ^  capiUle«  i^pur^ 
avoir  p^rdu  plus  de  1,500  bçmnie^.  h^H  février,  U 
lève  son  camp,  et  marche  contre  Tarmée  du  général 
Barris,  qu'i)  sç  contente  d'inquiéter  par  ses  liraillears 
jusqu'au  27,  et  ^  laquelle  il  se  décide  à  livrer  batailje 
près  de  Mallavelly,  à  10  lieues  environ  dç  Serin^ia- 
patam. 

Tippoo-Salb  donna  à  la  bataille  de  ^allavelly  dçs 
preuves  d'une  intelligence  militaire  que  le  sqcc^  Qe 
devait  paa  récompenser.  Profitant  de  la  lenteur  avqc 
Uquelle  l'arwée  {tnglaise  prenait  son  ordre  de  batailtif, 
^  cau^e  de  Tépuisenrient  des  bœufs  qui  tratnaiept  sQp 
artillerie,  le  sgltan  lança  simultanément  son  infante- 
rie contre  la  gaMcbe  da^  Anglais,  commandé^  par  fur 
Wellesley,  et  sa  cavalerie  contre  leur  droite,  dont  le 
général  Qarris  ^'était  réservé  la  direction*  Le  grand 
intervalle  qui  séparait  les  divisions  des  troupes  de  la 
Compagnie  aurait  pu  causer  leur  défaite,  si  Wellesley 
n'y  avait  remédié  par  une  habilci  manœuvre  en  éche- 
lons, que  le  général  Floyd,  commaudapt  du  centre  de 
la  ligne,  vint  appuyer  fort  à  propos  avec  toute  h  P^ 
v^erie. 

L'armée  mysprienne  dut  sf  replier  sur  3er|pgapf- 
tam,  s^prè^  fiyoir  laissé  ^^ÛQO  fnof ta  91)  blgsa^  ?|ir  le 
cbamp  de  bataille,  (.es  perte§  de?  Anglais  ne  a'él9- 
virent  qu'à  300  hommes* 

La  capitale  de  Tippoo-Salb  renfermait  up9  garpi- 
sqn  de  2^,000  homn^as  d*élite^  ^t  n'avait  pas  moiqs 
de  ^Q  pi^Q99  d'artillerie  sur  ^  remparta.  Dç  §on 


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PÇS  4NGUI9  0A»3  L*INP]S.  iSO 

çHljè^  «|rrivi§  sous  les  murs  de  Seringapatam  Iç  5  avrili 
9t  rejoint  le  i4  P^^  ^^  troupes  de  Bombay,  le  géné- 
pi Qarris  se  pouvait  h  la  tête  de  35,000  hommes^  gt 
pouvait  mettre  100  pièces  en  batterie. 

Malgré  les  difficultés  du  siège,  que  la  saison  des 
plçiiesmenj^içaitde  rendre  insurmontables,  les  Anglais 
parvinrent  k  embrasser  dans  leurs  attaques  Tun  des 
sivillant^  d^  h  place,  que  l'abaissement  des  eaux  de 
la  Cavery  ne  protégeait  plus  suffisamment.  Le  6  avril» 
les  ouvrages  extérieurs,  établis  sur  une  longueur  de 
1600  mètres  environ,  étaient  enlevés  par  sir  Welles< 
)ey,  assisté  des  colonels  Shawet  Wallace,  et  le  12  les 
premières  |)atteries  ouvraient  leur  feu. 

Le  wUao  résistait  vigoureusement,  $t  ne  cédait  te 
terraip  que  pied  h  pied-  Le  5  avril,  la  yeiUe  de  l*en- 
lèvemcQt  de  ses  portes  retranchés,  il  avait  f^pousçé 
vÎQtQrieuseqpejot  upe  attaque  dirigée  contre  le  fiiu- 
beurg  de  la  ville,  st  depuis  ce  morqeot  il  n'avait  cçssé 
d'inquiéter  le^  travaux  de  l'assiégeant  par  des  Sorties 
multipliées.  Malheureusement  tout  cpqcourait  j^  h^ter 
le  terme  de  cette  héroïque  défense  ;  dàe  le  30  avril, 
la  )>rècbe  était  praticable,  et,  )e  2  mai}  rexplosion 
â*w  vaste  magasin  k  poudre  ayant  causé  de  notables 
iwsioagee  dans  lap)ap«,  le  géq^ral  Ifarrieréaolutde 
draper  Tas^ut, 

Le  général  Baird  fqt  émargé  4^  U  P9ndi}ite  do» 
eokHUMs  d'attaque.  Malgré  l'énergique  ré^i^tmoe 
des  assiégés ,  résistance  telle,  que  Baird ,  arrêté  par 
un  fossé  dont  on  n$  ^pvvçpnp^^  pas  rexislence,  fut 


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l&O  DB   LA   POISSANGB   UILITAIRB 

sur  le  point  d'ordonner  la  retraite,  la  place  fut  em- 
portée au  moment  oii  le  général  Harris  allait  être 
obligé  de  lever  le  siège,  faute  de  vivres  et  de  muni- 
tions. 

«  Tippoo-Saïb  était  mort  dignement,  les  armes  à 
x>  la  main,  au  milieu  de  ses  soldats  et  sur  le  seuil  de 
9  son  palais  (1).  On  raconte  que,  descendu  dans  le 
»  fossé  pendant  Tassaut,  il  combattit  avec  une  rage 
»  telle  qu'une  de  ses  anciennes  blessures  à  la  jambe 
»  se  rouvrit,  et  que,  ne  pouvant  plus  se  soutenir,  il 
»  avait  demandé  un  cheval  pour  continuer  la  lutte. 
»  Ce  fut  seulement  quand  la  plupart  des  siens  eurent 
»  péri  ou  battu  en  retraite  qu'il  songea  à  rentrer  dans 
»  la  place.  Mais  entre  la  première  et  la  seconde  en- 
»  ceinte  une  balle  l'atteignit  au  cdté  droit.  Pris  dans 
»  la  cohue,  qu'il  cherche  &  percer,  et  que  le  feu  du 
p  dedans  refoule  sur  le  feu  du  dehors,  Tippoo  reçoit 
s>  une  seconde  blessure  ;  son  cheval,  atteint  en  même 
x>  temps,  se  cabre  et  se  renverse  sur  IuL 

»  Relevé  par  quelques  serviteurs  fidèles,  qui  le  pla- 
9  cent  sur  un  palanquin,  il  est  renversé  de  nouveau 
»  par  les  ondulations  de  la  foule ,  et  celte  fois  demeure 
9  SOUS  les  pieds  des  vivants  et  les  cadavres  dos  morts, 
tt  Ce  fut  là  que  deux  soldats  anglais  l'aperçurent 
»  Tenté  par  la  richesse  de  son  baudrier,  l'un  d'eux 
i»  veut  s'emparer  de  ce  butin;  le  mourant  fait  un  der- 
»  nier  effort,  se  relève  à  demi,  et  porte  au  soldat  un 

(i)  Brialmont,  Hittoitêde  WellingUm. 


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DES  ANGLAIS  DANS   L*INDB,  i&l 

A  coup  de  sabre  qui  le  blesse  au  geuou  ;  Tagresseur» 
9  furieux,  appuie  son  mousquet  sur  la  tempe  du  suU 
»  tan,  et  lui  fait  sauter  la  cervelle.  » 

Avec  Tippoo-Salb  était  tombé  le  rival  le  plus  à 
craindre  et  Tennemi  le  plus  acharné  de  la  domination 
anglaise  dans  les  Indes. 

Sir  Arthur  Weilesley,  nommé  gouverneur  de  la 
nouvelle  conquête,  fit  enterrer  Tippoo-Salb  à  côté  de 
son  père,  Baider-Aly,  avec  les  honneurs  dus  à  un 
souverain  et  à  un  brave  soldat.  L* Angleterre  assura 
un  sort  magnifique  aux  membres  de  sa  famille,  puis 
elle  rétablit  sur  le  trône  de  Mysore  Théritier  des  rad- 
jabs  dépossédés  par  Haider-Aly. 

Le  récit  des  actes  de  sir  Wellesley  dans  le  Mysore 
ne  saurait  trouver  place  dans  noire  c^dre;  toutefois, 
si  nous  ne  pouvons  entrer  dans  les  détails  de  son  ad- 
ministration remarquable,  il  est  un  point  sur  lequel 
il  nous  semble  d*autant  plus  utile  d'insister  que  la 
mise  en  oubli  des  principes  et  des  opinions  militaires 
professés  par  Tillustre  général  n'est  pas  étrangère, 
suivant  nous,  aux  désastres  éprouvés  par  Tarmée  an* 
glaise  dans  r insurrection  actuelle.  Nous  aurons  ocoa* 
sion  de  revenir  sur  cette  question  lorsque  nous  nous 
occuperons  des  réformes  que  semble  réclamer  l'or- 
ganisation de  la  puissance  militaire  des  Anglais  dans 
rinde;  mais  nous  pouvons  remarquer,  dès  à  présent, 
que  le  duc  de  Wellington  était  complètement  opposé 
à  ce  système  de  dissémination  des  troupes  dans  cette 
multitude  de  petites  garnisons,  où  elles  se  sont  trou* 


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ihi  DU   Ik   PÛiftSiNCB   MILITAIAÉ 

vées  bloquées^  et  dans  rimpossibilité  de  fieh  entre- 
prendre âH  début  de  rînsurrection  des  dpayés. 

«Il  est  imposèible,  écrivait  str  Wellesley  à  \btà 
h  Clivé,  gouverneur  de  Madras,  d^bbténir  des  ^ésul- 
À  t&tô  avec  16  système  de  faibles  gatnisâns  épars^, 
»  d'après  lequel  nous  avons  procédé  jUsqU^à  présent  ; 
»  ce  système  doit  être  changé.  Ni  le  nouveau  lerri- 
»  toire,  m  l'ângibn^  de  peuvent  être  tenuâ  en  fe&pédt 
»  paf  des  troupes  dispersées  daâs  dès  forts  qù^elles  né 
»  Sauraient  abandonner  sans  danger.  Le  système  qUé 
%je  recommanderais  consisterait  à  ne  mettre  de  garnie 
»  sons  que  dans  tes  poites  qui  nous  soht  indispensables ^ 
»età  garder  toujours  en  campagne  deua)  ou  trois  régi*^ 
h  ments  européeni^  toute  la  cavalerie^  et  un  eorpi  (f'm* 
h  fanterie  indigène  aussi  considérable  que  possible.  » 

Sir  Arthur  Wellesley,  eb  cherchant  à  faire  ptéirt* 
loir  cette  opinlbn,  tnontrait,  il  V  a  un  demi-siècié; 
qu'il  avait  des  idées  plus  justes  sur  l'occupation  ml-* 
lilaire  deâ  Indes  que  n'en  eurent  ta  plupart  des  clieft 
qui  le  précédèrent,  et,  il  faut  le  dire  aussi,  que  ta  plu- 
part des  chefs  qui  Tônt  suivi.  Eh  présemîe  dés  tristes 
irésultàts  déterminés  par  ce  fatal  système  dé  disMmi* 
nation  des  troupes,  on  peut  espérer  que  cette  haut6 
leçon,  perdue  pour  lé  passé,  ne  le  âera  psi  dû  tneins 
pour  l*avenir. 

Nous  mentionnerons  seulement  pour  ioétùbité  les 
canbpagnes  que  motivèrent  les  incursions  des  Mâh- 
rattes  sous  la  conduite  d'Hoondiah-Wâugh,  le  pre- 
mier de  ces  aventuriers  contre  lesquels  la  Compagnie 


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DBS  ANGLAIS  DANS  L^INDB,  l&S 

anglaise  eut  à  lutter  jusqu'à  Tépoque  de  Tasservis- 
sement  complet  de  la  confédération  mabralte,  en  1818. 
Sir  Wellesley  conduisit  à  bonne  fin  cette  preoaière 
guerre,  et  donna  à  plusieurs  reprises,  pendant  sa 
durée,  des  exemples  d'une  mobilité,  d'une  rapidité 
dans  les  marches,  que  les  généraux  de  Tbonorable 
Compagnie  sont  loin  d'avoir  imités  depuis. 


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CHAPITRE   VIIL 

Sommaire  :  Guerre  des  Mahrattes.  —  Holkar.  —  Scindiah.  —  Le 
Radjah  de  Berar.  —  Le  Peischwah  de  Poonah.  —  Le  général 
PerroD.  —  Traité  de  Bassein  et  plao  de  campagne.  —  Bataillff 
de  LaswarL  —  Rétablissement  du  Peischwah.  -—  Prise  d*Ah* 
mednuggur.  —  Bataille  d'Assyc.  —  Siège  de  Bourhampoor  et 
d*Â8sirghur.  —  Opinion  de  Wellesley  au  sujet  du  licenciement 
des  troupes  indigènes.  —  Bataille  d'Argaum.  —  Prise  de  Gawil- 
ghur.  —  Traités  de  paix.  —  Lord  Gornwallis  remplace  le  comté 
de  Mornington.  —  Résultats  obtenus  par  les  deux  Wellesley, 
—  Guerre  des  Pindarrles  (1818).  —  AwMxi(m  des  États  du 
Peischwah.  —  Administration  des  lords  Hastlngs,  Moira  et 
Bentinck.  —  Guerre  des  Birmans.  —  Cession  de  Rangouh  et  de 
Tenasserim. 

Nous  avons  exposé,  dans  le  chapitre  consacré  à 
rhistorique  de  la  présidence  de  Bombay,  les  modifi- 
cations profondes  introduites  dans  Teropire  mahratte 
par  Tusurpation  de  Badji-Rao.  En  même  temps  que 
ce  visir  ou  peischwah  reléguait  dans  le  fort  de  Satta* 
rah  le  successeur  de  Sahodji  et  s'établissait  &  Poonah, 
une  foule  de  généraux  de  la  classe  des  Bfahmes  ou 
des  Radjpoots  suivaient  oet  exemple  et  se  déclaraient 
indépendants  dans  les  gouvernements  qui  leur  avaient 
été  confiés. 

Au  moment  de  la  guerre  du  Mysore,  trois  noms 
surnageaient  dans  le  chaos  confus  de  celte  oligarchie 
militaire  :  la  famille  des  Bouncelao,  représentée  par 
le  radjah  de  Berar,  commandait  sur  tout  le  territoire 
situé  entre  la  côte  du  Bengale  et  les  Etats  du  Nizain, 

10 


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1&6  DE   LA    Pl}ISSA^'GE    UILITAIRB 

Sa  capitale  était  Nagpoor,  et  le  chef  de  cet  État  pou- 
vait mettre  sur  pied  30,000  hommes,  dont  les  deux 
tiers  de  cavalerie;  Dowlut-Rao  o»  Scindiah,  neveu 
du  célèbre  Mabadji-Scindiah,  que  TAngleterre  avait 
reconnu  prince  indépendant  en  1785,  avait  établi  lé 
siège  de  son  pouvoir  h  Ougpin,  dans  la  province  de 
Matwàh.  Dowlul-Rao  ou  Scindiah,  outre  30»  ani>ée 
Indigène,^  qui  représentait  18  à  90,000  hommes  d'ex- 
cellente cavalerie,  avait  à  son  service  une  autre  armée 
semi-européenne  qui  avait  été  organisée  par  le  gé- 
néral de  Boigne  et  dont  le  commandement  était  passé 
depuis  à  Perron,  aventurier  français  échappé  à  Tes* 
cadre  de  Suffren.  Ce  Perron,  quoique  au  service  de 
Scindiah,  jouissait  d'une  sorte  de  pouvoir  indépen- 
dant  :  il  avait  obtenu  pour  Tentretien  de  ses  troupes, 
dont  le  éhilTre  dépassait  90,000  hommes,  ta  conces- 
sion d*un  vaste  territoire  s'étendant  de  la  Djumna  à 
V Indus,  et  comprenant  Agra,  Dehii  et  une  grande 
'partie  du  Doab.  Le  malheureux  Schah*Alum^  dont 
Scindiah  était  le  sujet  de  nom  et  le  maître  de  fait,  le 
trouvait  entièrement  sous  la  dépendance  du  général 
Perron.  Aussi,  la  Compagnie  poutait^elle  craindre 
que  ce  dernier  ne  se  servît  de  son  autorité  pour  obli- 
ger le  Grand- Mogol  à  transmettre  à  lia  France  les 
droits  de  la  maison  de  Timour  sur  la  pretqu'tle  de 
Tlnde.  Cette  eonsldération  devait  déterminer  le  èr)n- 
seil  suprême  i  tout  meUfe  en  œuvre  pour  changer 
une  pareille  situation. 

Holkar,  successeur  de  Toukhadji-Holkar,  que  nous 
levons  vu  jouer  un  rdie  si  important  à  Tépoque  des 


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ftBS   ANGLAIS   BANS   l/lNbH.  iVl 

premiers  démêlés  des  Anglais  avec  la  confédération 
mahralte,  avait  sous  son  oomdnandement  toutes  les 
populations  répandues  depuis  les  frontières  d-Oude 
jUsqu^à  celles  do  Guzerate.  Jaloux  de  Scindiah,  dont 
l'influence  élait  prépondérante  dans  les  conseils  de 
Poonah,  Holkar  avait  uno  armée  cotnposée  pre^quQ 
Alclusivément  de  cavalerie  et  dont  quelques  auteurs 
ont  porté  le  chiffre  à  80,000  hommes. 
'  Ce  fut  contre  les  princes  mahratles,  dont  nous  ve- 
Bons  d*exposer  la  situation  et  les  forces,  que  TAngie- 
terre,  délivrée  de  toute  inquiétude  à  l'égard  du  My- 
àore,  résolut  de  diriger  ses  premièrea  tentatives. 
Fidèle  à  la  politique  constamment  suivie  depuis  War- 
ren-Hastings,  le  eomte  de  Mornington  essaya  d'abord 
de  semer  la  division  entre  les  confédérés  au  moyen  d^ 
ces  alliances  perfides  dont  Tasservissement  du  Ben^ 
^ale  avait  été  la  conséquence.  Éclairé  sans  doute  par 
cet  exemple,  le  Peischwftb,  auprès  duquel  les  prc« 
iniers  efforts  avaient  été  tentés,  itîpoussa  sans  hé»ter 
le  dangereux  honneur  qui  lui  était  offert  et  refusa  de 
Recevoir  un  corps  de  troupes  qui  lui  avait  été  proposé 
comme  auxiliaire  dans  sa  lutte  avec  Holkar.  Maiheu*- 
reusement,  cette  résolution,  dictée  par  l'expérience 
du  passé,  dut  céder  sous  l'influence  des  revers  es- 
suyés en  1802  par  les  armées  réunies  de  Scindiah  et 
duPeischwàh.  Holkar,  ayant  passé  la  Nerbudda  et 
s*étant  emparé  dç  Pôonah,  Badji*Rao  fut  réduit  à  se 
réfugier  sur  le  territoire  de  Bombay  et  à  implorer 
i'assislanca  de  la  Compagnie, 

Le  Vè  décembre  1802,  le  Peischwàh  condat  avec 


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1A8  DB   LA  PUISSANCB   HILiTAIRB 

les  Anglais  le  fameux  traité  de  Bassein,  dont  les 
clauses  les  plus  importantes  stipulaient  Tadmission 
dans  ses  États  d'une  armée  de  6,000  hommes  et  la 
cession  d*un  territoire  suffisant  pour  Teiitretien  de 
cette  troupe.  A  partir  de  ce  moment,  Badji-Rao, 
que  la  Compagnie  s'engageait  à  replacer  sur  son 
trône,  devint  Tallié  ou  plutôt  Tinstrument  de  la 
Grande-Bretagne. 

Le  traité  de  Bassein,  en  enlevant  à  Scindiah  l'in- 
fluence qu'il  avait  exercée  jusque-là  à  Poonah,  ne  lui 
laissait  plus  que  la  ressource  de  faire  cause  commune 
avec  le  radjah  de  Berar;  c'est,  en  effet,  à  quoi  il  se 
décida  le  10  mars  1803,  et  ses  troupes,  réunies  à 
celles  de  son  nouvel  allié,  prirent  position  à  Bouram* 
poor,  sur  les  frontières  du  Nizam.  Les  hostilités  com- 
mencèrent aussitôt  après  cette  démonstration. 

Conformément  aux  instructions  du  gouverneur,  le 
général  Lake  reçut  l'ordre  d'attaquer  avec  1  k  ,000  hom- 
mes la  province  de  Dehii  et  les  troupes  du  général 
Perron,  Sir  Arthur  Weilesley  fut  chargé,  avec 
23,000  hommes,  de  disperser  les  troupes  de  Scindiah 
et  du  radjah  de  Berar  sur  la  Nerbudda.  Un  corps  de 
7,000  hommes,  fourni  par  la  division  de  Bombay, 
devait  manœuvrer  dans  le  nord-ouest  par  Baroda  et 
Surate,  tandis  que  le  général  Harcourt,  parti  de  Cal- 
cutta, marcherait  sur  la  province  de  Cuttack,  appar- 
tenant au  radjah  de  Berar,  et  s^emparerait  de  la  fa- 
meuse pagode  de  Jaggernaut. 

Malgré  le  danger  que  présentait  une  pareille  dissé- 
mination des  troupes,  toutes  les  parties  de  ce  vaste 


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DES   AISGLAIS   DANS   L*IISDB,  149 

programme  furent  remplies  de  manière  à  dépasser 
les  espérances  les  plus  ambitieuses. 

Sir  Arthur  Wellesley,  à  la  tête  des  forces  réunies  à 
Paraindah  sous  les  ordres  du  colonel  Stevenson, 
fit  sa  jonction  avec  le  corps  du  Nizam  et  s'avança  sans 
rencontrer  de  résistance  jusque  sous  les  murs  de 
Poonah.  Holkar  avait  abandonné  cette  capitale  du 
Peischwâb,  en  y  laissant  un  détachement  de 
1,500  hommes,  qui  avaient  ordre  de  Tincendier  à 
l'approche  des  Anglais.  «  Sir  Arthur  déploya  dans 
9  cette  occasion  cette  activité  dont  il  n'a  jamais  cessé 
»  de  donner  des  preuves.  Il  prit  seulement  avec  lui  sa 
»  cavalerie  (moins  de  A, 000  hommes),  fit  une  marche 
»  de  nuit  à  travers  un  pays  difficile,  ne  parcourut  pas 
»  moins  de  60  milles  en  trente  heures  et  arriva  à 
»  rimproviste  sous  les  murs  de  Poonah  (1).  x> 

Cette  marche  rapide  sauva  la  ville  d'une  destruc- 
tion imminente^  et  la  population,  reconnaissante  de 
ce  bienfait,  reçut  les  Anglais  comme  des  libérateurs. 

Conformément  aux  stipulations  du  traité  de  Bas- 
sein,  sir  Wellesley  rétablit  le  peischwàh  dans  sa  capi- 
tale, et,  le  13  mai ,  Badji-Bao  reprit  les  rênes  de 
son  gouvernement. 

Les  troupes  du  radjah  de  Berar  et  de  Seindiah 
menaçaient  toujours  la  frontière  du  Deccan.  Malgré 
les  tentatives  de  Wellesley  pour  arriver  à  un  arrange- 
ment sans  recourir  à  la  voie  des  armes,  l'hostilité 
soulevée  par  le  traité  de  Bassein  l'emporta  chez  Sein- 

(1)  Barchoa  de  Penhoën, 


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150  DB  ta   l'UlSâANGE   MIUTAIEB 

diah  surdon  Amitié  pour  lèPeischwàh^et^  s'éloignant 
définitivement  de  oe  dernier,  il  se  rapprocha  de  sop 
ancien  rival  Holkar,  afin  d'enlamer  la  lutte  avec  plus 
de  chances  de  succès. 

Sur  ces  enti^efaites,  le  général  Lake  venait  de  tewt 
plir  la  partie  du  plan  général  de  la  campagne  doi^t 
rexécution  lui  était  confiée.  Parti  de  Cawnpoor  le 
7  août,  il  travecsait  les  districts  qui  viennent  de  jouQr 
tin  rôle  si  important  dans  Tinsurrection  de  4857 ^  et, 
le  38,  il  se  présentai t  devant  le  fort  d*Allighuri  rést* 
dence  ordinaire  du  général  Perron.  I.b.  trahison  de 
cet  officier,  qui  abandonna  et  livra  son  armée  à  la 
seule  condition  d*un  saur-<:onduit  qui  lui  permit  de 
retourner  en  Europe  avec  les  trésors  qu'il  avait 
amassés  au  service  des  Mahrattes,  facilita  singulière- 
ment la  tâche  du  général  Lake« 

Abattue  par  la  trahison  de  son  chef,  Tarmée  fraiico- 
ibdienne  fut  culbutée  le  11  septembre  180â  en.ayani 
de  Oehli,  et,  le  Ik.  celte  ancienne  capitale  ton»i>a  au 
pouvoir  de  la  Compagnie.  Schah-Âlum  fut  rétabli 
sur  soii  trône  et  affranchi  du  joug  des  Mahrattes* 
mais  pour  subir  celui  non  moins  dur  de  l'Angleterre^ 
qui  avait  plus  d'intérêt  alors  à  exploiter  ie  prestige  ei; 
la  vaine  autorité  de  ce  prince  qu'à  le  renverser  com- 
plètement* 

Louis  Bourguien^  d'origine  françaiêe,  avait  ptis  \^ 
commandement  après  le  départ  de  Perron  et  s'était 
retiré  sur  Âgra.  Battu  de  nouveau  le  10  octobre^  ii  se 
réfugia  dans  le  château  et  fut  oblige  de  capituler 
le  17.  Enfin,  Scindiah,  qui  avait  rallié  ces  troupes 


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dispersées  plutôt  que  battues,  les  ayant  réuxûea  k 
i6  balaillons»  conservés  comme  une  dernière  resr 
source  au  milieu  de  ces  cruels  revers,  résolut  le 
i**  novembre  de  tenter  encore  une  fois  le  sort  des 
armes.  Établi  k  Laswari  dans  une  forte  position» 
couvert  par  une  excellente  artillerie  dont  les  pièceç 
étaient  servies  par  des  Européens,  il  disputa  long- 
temps la  victoire  au  général  Lake^  mais  dut  céder  ^ 
la  fin  à  Tascendant  irrésistible  que  donnaient  au|[ 
Anglais  la  discipline  de  leurs  troupes  et  Pexpérienc^ 
militaire  de  leurs  officiers.  Cette  défaite  porta  un 
coup  mortel  à  la  puissance  des  princes  mahratte^ 
dans  les  provinces  septentrionales. 

Wellesley  n'était  pas  moins  heureux  dans  lespror 
viuces  de  Touest  :  le  12  août,  il  avait  emporté  d'as- 
saut la  place  d'Âhmediiuggur,  dont  la  possession  de- 
vait assurer  ses  communications  avec  Poonah  et 
Bombay.  La  reddition  de  cette  ville,  qui  passait  pour 
une  des  plus  fortes  du  haut  Decoan,  avait  sufli  pour 
déterminer  à  rester  neutres  les  chefs  mahrattes  du 
Midi,  qui  n'attendaient  qu'une  occasion  pour  se  dé^ 
clarer  contre  la  Compagnie.  J.e29,Wellesley  passait 
la  Godavery  et  enti'ait  dans  Aurcngabad,  arrêtant  par 
cette  marche  le  mouvement  offensif  que  Scindiab 
voulait  diriger  sur  Hyderabad. 

A  la  même  époque,  le  colonel  Stevenson  emportait 
lalna,  forteresse  impoitante  sur  la  frontière  des  ter* 
ritoires  mahrattes,  puis,  réunissant  ses  troupes  k 
celles  de  Wellesley  dans  les  environs  de  Budnapore, 
il  ^aidait  à  Trapper  le  coup  décisif  qui  devait  terminer 


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i5S  DB  LA   PDtSSANCB   UILITAIRB 

la  campagne.  Reconnaissant  trop  tard  la  faute  qu'ils 
avaient  connroise  en  disséminant  leurs  forces,  le  rad- 
jah de  Berar  et  Scindiah  avaient  concentré  toutes 
leurs  troupes,  au  nombre  de  50,000  hommes,  dans 
les  montagnes  qui  séparent  les  bassins  de  la  Godaveri 
et  de  la  Nerbudda.  Le  23  septembre,  les  princes 
mahraltes  occupaient  une  bonne  position  appuyée  aux 
villages  d*Assye  et  de  Bokerdun,  et  couverte  par  la 
Kaitna,  dont  100  pièces  de  canon  défendaient  le  pas- 
sage. 

Malgré  le  danger  que  présentait  Tattaque  dans  de 
pareilles  conditions,  malgré  l'absence  des  troupes  de 
Stevenson,  auquel  Tinexactilude  dés  renseignements 
avait  fait  prendre  une  fausse  route,  Wellesley  n*hé- 
sita  pas  à  aborder,  avec  huit  mille  hommes  seulement, 
les  50,000  Mahrattes  de  Scindiah.  Le  plus  grand 
succès  couronna  cette  audace  :  100  canons  avec 
leurs  munitions  tombèrent  au  pouvoir  du  vainqueur. 
Les  pertes  des  Anglais  s'élevèrent,  en  tués  ou  blessés, 
à  2,500  hommes  environ,  c'est-à-dire  au  quart  de 
leur  effectif.  Mais  celles  de  l'ennemi  dépassèrent 
10,000  hommes,  et  jamais  bataille  ne  fut  gagnée 
d'une  façon  plus  glorieuse  et  malgré  taut  de  chances 
contraires;  la  victoire  du  comte  de  Plassey  ne  devait 
plus  occuper  que  le  second  rang  dans  les  fastes  de 
IWmée  anglaise.  Aussi  féconde  en  grands  résultats, 
la  bataille  d' Assye  consacrait  de  la  façon  la  plus  écla- 
tante l'irrémédiable  infériorité  de  la  race  indienne  ; 
son  asservissement  définitif,  éternel,  ne  pouvait  plus 
être  l'objet  d*un  doute. 


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DBS   ANGLAIS   DANS   l/jNDE.  i5ft 

La  prise  des  places  de  Bourampoor  et  d'AssirghcHr 
suivit  de  près  la  bataille  d'Assye,  «t  Scindiah,  ayant 
perdu  toute  espérance,  demanda  eafin  à  traiter.  Wel- 
iesley  accorda  la  suspension  d'armes  que  sollicitait 
Dowlut-Rao  ;  mais,  afin^de  rompre  les  liens  qui  unis- 
saient les  confédérés,  il  refusa  en  même  temps  de 
cesser  la  guerre  avec  le  radjah  de  Berar,  en  séparant  ' 
ainsi  leurs  intérêts  et  leurs  causes. 

Les  idées  que  Wellesley  émit  à  cette  occasion, 
ainsi  que  le  fait  remarquer  très  justement  M.  Brial- 
mont,  sont  remarquables  à  plus  d'un  titre.  Les 
transactions  qu'il  s'agissait  de  régler,  embrassant  à 
la  fois  les  intérêts  de  la  colonie  anglaise,  ceux  du 
Nizaro,  duPeischwâh  et  deScindiab,  sir  Arthur  fit 
comprendre  la  nécessité  d'obliger  le  Nizam  à  tenir 
sous  les  armes  des  forces  plus  nombreuses  et  mieux 
organisées  que  celles  qui  lui  étaient  imposées  par  les 
traités  antérieurs.  «  Sans  cela,  disait-il,  tout  ira  bien 
»  en  apparence,  à  Hyderabad  et  dans  les  dépêches 
»  du  président  au  gouverneur-général  ;  mais,  en  réa- 
»  lité  et  au  fond,  tout  ne  sera  que  faiblesse  et  confu- 
»  sion,  et,  à  la  fin,  le  gouvernement  du  Njzam  tom- 
»  bera  en  poussière.  »  {Lettre  du  général  fFellesley  au 
gùuvemeur'génériUj  11  novembre  1803.) 

Le  vainqueur  d'Assye  insista  aussi  pour  qu'on  ne 
licenci&t  pas  les  troupes  de  Scindiah  ni  celles  des 
autres  chefs  que  la  colonie  pourrait  être  dans  le  cas 
de  soumettre  encore.  Ce  renvoi  lui  semblait  impoli* 
tique  et  dangereux,  parce  que  les  soldats  licenciés, 
n'ayant  d'autre  ressource  que  le  métier  des  armes,  se 


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I6à  I>B   LV   P€18SArVGK  IIIUTAIQB 

dispersaient  pour  se  livrer  au  brigandage  oU  allafent 
grossir  les  rangs  des  ohefs  ennemie.  Ainsi  le  renvoi 
dee  forces  da  Nizam  avait  augmenté  la  puissance  dM 
radjah  de  Berar  et  de  Scindiah,  comme  sans  douta  U 
ruine  des  établissements  militaires  de  ces  derniei^ 
augmenterait  les  ressources  d'Holkar»  le  seul  ennemi 
iMioore  redoutable  de  la  domination  anglaise. 

Les  successeurs  désir  Wellesley  ne  sauraient  asses 
méditer  aujourd'hui  ces  sages  enseignements.  Le 
Ke^ciement  de  quelques  régiments  de  Tarmée  du 
Bengale  a  été  ie  plus  grand  auxiliaire  de  la  révolte 
du  reste  des  eipayes  de  cette  présidèhce.  Si^  dans  h 
dreonstanee  actuelle)  la  résistance  du  royaume  d*Oude 
à  déjà  justifié  une  partie  des  prévisions  de  rilluslre 
général,  les  nialfaiteurs  et  les  brigands  dont  Tarmée 
anglaine  aura  à  purger  le  pays,  longtemps  encore 
après  TeXlinction  de  la  i*éVoUe>  se  chargeront  de 
mettre  le  surplus  en  évidence. 

Quelques  difficultés  s'étant  élevées  au  sujet  de  la 
ratification  du  traité  dont  nous  avons  parlé  plus  haut, 
Seindiah,  sollioité  par  le  radjab  de  Berar,  voulut  pro- 
filer de  la  résistanoe  que  rencontraient  les  Anglais  au 
aiég^  de  Gawilghur  pour  recommencer  la  lutte. 
Wellesley  se  bAla  de  réunir  Sâs  troupes  &  œties  de 
Stevenson,  et,  le  S8  novembre,  après  avoir  fait  une 
marche  forcée  de  36  milles^  par  uae  cbaleur  étouf- 
fante, pour  atteindre  les  Mahrattes,  il  parvint  à  l^s 
joindre  près  du  village  d*Argaum  et  leur  fit  eseuyer 
une  sanglante  défaite.  Gavriighur  fut  emporté  d*as- 
•aotit  17  décembre;  le  tnéme  jour»  le. radjah  de  B«- 


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DKS  ANGLAIS  DAN6   l'iNDR*  156 

far  Conclut  urt  traité  d'alliance  avec  la  Compagnie 
anglaise,  et  Scindiah^  privé  de  troupes,  d^argent  et 
d*allié$,  dat  feigner  uh  traité  semblable  le  ftO  du  môme 
Abis. 

En  Vertu  de  ces  traités,  les  princes  mahrattes  de^- 
Vaientcédef  àlaCompagnie  un  territoire  de  4  t^OO  lieues 
ôarrées,  donnant  Un  revenu  de  S  millions  sterling  et 
renfermant  les  places  les  plus  fortes  de  Tlnde  cent* 
traie.  Ils  devaient  s'engager  en  outre  à  ne  prendre 
aucun  Européen  à  leur  service  sans  ta  permission  de 
la  Compagnie. 

Les  défaites  d'Assye  et  d' Argaum  avaient  porté  la 
première  atteinte  à  la  confédération  des  princes  noAh^ 
rattes.  Cette  puiasance,  qui  avait  tenu  pendant  #i 
longtemps  en  échec  toutes  les  forces  de  la  colonie  an- 
glaise, ne  devait  plus  s'arrêter  dans  la  voie  de  déoar 
denee  et  d'affaiblissement  où  elle  se  trouvait  déeor<- 
mais  etigagésv  Holkar,  que  sa  haine  contre  8cindiah 
avait  déterminé  à  rester  neutre  pendant  ia  dernière 
guerre,  devait  être  puni  de  sa  politique  égoF&te;  mais 
il  ne  subit  que  plus  tard,  &  son  tour,  le  sort  de  ceux 
qu'il  avait  abandonnés.  Un  des  lieutenants  du  génér 
rai  Lake,  pour  n'avoir  pas  bien  compris  les  sages 
principes  que^Weliesley  avait  posés  quant  k  (a  tactique 
à  suivre  avec  les  indigènes,  le  colonel  Monson,  s'était 
laissé  battre  par  Holkar  et  était  rentré  dans  Agra 
après  avoir  perdu  les  neuf  dixièmes  de  son  détàtl»t 
ment.  Ce  désastre  était  le  plus  cruel  que  les  Anglais 
eussent  encore  subi,  depuis  la  destruction  du  corps 
flWfnéè  de  BaiHie  dans  le  Mysore»  Désireux  de  prbfit 


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156  DE   LA   PUISSANCE   MILITAIBB 

ter  de  ce  succès  inespéré,  Holkar  avait  suivi  Monson 
dans  sa  retraite  et  assiégeait  déjà  Dehii,  lorsque  ie 
général  Lakevint  heureusement  rétablir  les  affaires. 
Battu  une  première  fois  à  Deeg  par  le  général  Fra* 
ser,  qui  commandait  Tavant-garde  des  troupes  de  la 
Compagnie,  Holkar  fut  joint  trois  jours  après  à  Fu- 
ruckabad  par  le  commandant  en  chef  et  mis  en  dé- 
route, avec  perte  de  tous  ses  bagages  et  de  son  artil- 
lerie. Réfugié  auprès  du  radjah  de  Bhurtpoor,  il  dut 
quitter  bientôt  cet  asile,  et  une  nouvelle  défaite  es- 
suyée près  de  Gouddah  allait  rendre  sa  position  des 
plus  critiques,  lorsqu'un  événement  inattendu  vint  lui 
permettre  de  conclure  un  traité  beaucoup  plus  avan- 
tageux qu'il  n'était  eu  droit  de  Tespérer. 

Fatigué  de  l'opposition  qu'il  rencontrait  dans  la 
cour  des  Directeurs,  le  comte  de  Mornington  avait 
demandé  la  permission  de  rentrer  en  Angleterre,  et 
lord  Cornwallis  était  arrivé  à  Calcutta  le  dO  juillet 
180/i  pour  le  remplacer.  La  nomination  de  ce  vieil- 
lard indiquait  assez  le  retour  du  gouvernement  de  la 
Compagnie  aux  idées  et  à  la  politique  de  paix  dont  il 
avait  été  avec  John  Shore  (lord  Teigmouth)  le  parti- 
san déclaré. 

Lord  Cornwallis  étant  mort,  épuisé  par  l'âge  et  le 
travail,  deux  mois  à  peine  après  son  arrivée  à  CaU 
cutta,  ie  gouverneur  intérimaire,  Georges  Barlow, 
conclut,  le  S3  novembre  1805,  avec  les  Mahrattes  un 
traité  qui  mit  définitivement  fin  à  la  guerre. 

Le  passage  des  deux  Wellesley  dans  l'Inde,  comme 
le  fait  observer  très  judicieusement  M.  Brialmont,fat 


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BBS  ANGLAIS  DANS  L*INDE.  157 

marqué  par  des  succès  qu'on  pourrait  croire  Pceuvre 
d'an  siècle.  Cet  écrivain  a  développé  avec  un  talent 
remarquable  les  principes  tactiques  que  Texpérience 
de  sir  Arthur  avait  consacrés  comme  les  mieux  ap- 
propriés au  genre  de  guerre  que  les  Européens  ont  à 
soutenir  contre  les  peuples  de  1*  Asie.  Nous  aurons  à  y 
revenir  lorsque  nous  étudierons  les  bases  sur  les- 
quelles repose  la  puissance  militaire  des  Anglais  dans 
rinde,  et  nous  aurons  h  constater  également  toute  la 
sagesse  des  idées  émises  par  Wellesley  au  sujet  de 
cette  organisation.  Cette  étude  nous  offrira  un  intérêt 
d'autant  plus  grand  que  c'est  au  mépris  et  à  l'oubli 
où  sont  tombées  les  traditions  qu'il  avait  fondées  que 
l'on  doit  attribuer,  suivant  notre  humble  opinion^  les 
graves  événements  dont  l'Inde  est  aujourd'hui  le 
théâtre.  Au  point  de  vue  historique,  on  peut  en  quel- 
ques mots  résumer  la  situation  des  établissements 
anglais^  au  moment  du  départ  du  comte  de  Morning- 
ton,  en  disant  que,  gr&ce  à  l'alliance  de  son  génie 
politique  et  des  talents  militaires  de  son  frère,  l'œuvre 
de  Clive,  deWarren  Hastings  et  de  Cornwallis,  avait 
reçu  son  complément.  L'Inde  désormais  n'était  plus 
mogole  ni  mahratte,  elle  était  définitivement  anglaise^ 
En  conséquence  de  Textension  donnée  par  le  comte 
de  Mornington  au  système  de  protectorat  dont  Clive 
était  l'inventeur^  tous  les  gouvernements  indigènes 
étaient  plus  ou  moins  soumis,  dès  les  premières  an- 
nées de  ce  siècle,  à  ce  régime  subsidiaire  qui  a  con- 
duit successivement  les  populations  indiennes  à  l'as- 
servissement et  leurs  souverains  à  la  nullité  politique^ 


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Lu  ppon^ièife  ét3|>e  dans  cette  yOia  déaaktr^ast  avait 
été  tourqpée  poUr  ie  NiKam  par  le  traité,  do  180(X, 
oonciu  i^  Vmw  de  la  guerre  contre  Tippqo-Salb,  I^ 
traité  de  Passeio  (iâ  décembre  1803)  avait  eu  lea 
ipômea  çonaéquencfô  pour  le  peiscbw&b  de  Poooab  «t 
constituait  la  première  atteinte  h  Tindépendanoe  dea 
Mahrattea.  Ënfio^  dans  TOueat,  ^ns  parler  de  Tan*- 
«ihilalion  complèle  du  Grand-Mogol,  réduit,  depaia 
la  prise  de  Dehli  par  le  général  LakOi  h  la  eondltiqn 
d'humble  pensionné  de  TAnglelerre,  la  politique  en- 
vabissante  de  la  Compagnie  n'avait  pas  obtenu  da 
moins  beaux  résultats. 

Profitant  de  la  gêne  à  laquelle  se  trouvait  réduit }« 
roi  d^Oude,  gr&ce  au  payement  de  l'énorme  sub^do 
que  lui  avait  imposé  Clive  par  les  traités  de  1765,  ie 
conseil  suprêipe  avait  proposé  k  ce  souverain  de  Vmq^ 
nérer  moyennant  la  cession  définitive  dçs  provincea 
de  Karr&h  et  d'Allababad.  Or,  ces  provinces,  arra- 
chées au  Grand-Mogol  au  mépris  des  engagements 
contractés  par  la  Compagnie,  avaient  été  vendues  au 
roi  d'Oudç,  par  lord  Hastings  lui-même,  en  i77â, 
oomnoe  nous  Pavons  vu  plus  haut,  au  prix  de  16  miU 
lions.  Par  le  traité  de  1801,  non-seuienoent  ces  pro~ 
«vinçes  furent  réunies  au  donnai  ne  de  la  Gompagoid, 
^insi  que  d'autres  di^tricts  situés  snr  la  rive  gauche 
du  Gange,  mais  en  outre  l-indépendanoe  du  raî 
4'0ud6  se  trouva  encbainée  par  un  système  d'admir 
Bistration  commune  dans  lequel  les  Anglais  se  réser^^ 
obèrent  la  meilleure  part  et  qui  annihila  en  quelque 
porte  complètement  Tautorilé  du  souverain  sur  las 


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1>tt$  AfKRAfS   »ANS  L*t?lDJL  f^t- 

diMêàe  son  royaume.'  Il  est  permis  de  se  démahâer; 
ju8qti*&  quel  point,  dans  ces  conditions  qui  .se  sont 
perpétuées  jusqu'à  nos  jours,  le  roi  d'Ott<jto  a  pa  êtrsi 
responsable  de  )a  mauvaise  administration  inf oquée; 
comme  prétexte  de  Vanneœum  ou  oonfiscatiort  pro« 
noncéepar  lord  Daihousieen  f856. 

Depuis  la  retraite  du  comte  de  Morningtoh  jusqu^à 
la  guerre  des  Birmans,  la  Compagnie  des  Indes  n^eut 
à  soutenir,  sous  le  gouvernement  de  lord  HastingSi 
de  lord  Moira  et  de  lord  William  Bentinck,  que  dés 
guerres  insignifiantes,  mais  qui  n'en  eontribuàrent 
pas  moins  à  consolider  sa  puissance.  Nous  citerons 
pour  mémoire  les  premières  tentatives  dirigées  de 
ii^l&  à  181 6  contre  les  Goorkhas  et  le  Népaul;  la  ré*. 
Éistance  inattendue  que  rencontra  la  Compagnie  chesi 
les  rudes  montagnards  de  cet  État,  la  décida  à  laisser 
à  son  souverain  une  indépendance  plus  profitable  aux 
intérêts  de  la  colonie  que  ne  l'eût  été  l'asservissement 
de  ces  populations  restées  depuis  lors  ses  alliées 
fidèles.  Sous  le  gouvernement  de  lord  Moira,  on  vit 
apparaître  les  Pindarries,  @orte  de  brigands  nomades 
qui  avaient  remplacé  les  bandes  d'Hôondiah  disper*- 
lées  par  sir  Wellesley.  1^  licenciement  dés  troupes 
entretenues  par  les  princes  indigènes  contribua  prin^ 
cipalemeot  à  augmenter  le  nombre  de  ees  aventuriers. 
Leur  forée  consistait  surtout  en  cavalerie,  et  quelques 
atttèurs  ne  l'ont  pas  évaluée  h  moins  de  80,000  che- 
vaux» Les  Aeglais  sévirent  avec  rigueur  contre  ces 
bandée  qui  coupaient  les  routes  et  dévastaient  le 
pays,  et  lord  Moira,  après  tel  aveir  défaites  dans 


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160  l>£   LA  PUISSANCE   MlLlTAtRB 

plusieurs  rencontres  pendant  le  cours  de  Tannéd 
1818,  les  détruisit  complètement  en  1819.  Vers  la 
même  époque,  le  Peischwàh  de  Poonah  perdit  les 
provinces  qu'il  possédait  dans  le  Deccan  à  la  suite 
d'une  tentative  malheureuse  pour  secouer  le  joug  :  il 
avait  espéré  pouvoir  profiter  de  la  diversion  des  Pin- 
darries  et  était  entré  en  campagne  à  la  tête  d'une  ar- 
mée nombreuse.  Forcé  bientôt  de  déposer  les  armes» 
il  ne  put  obtenir  la  paix  qu'en  abandonnant  lesder* 
niers  débris  de  son  royaume,  qui  furent  définitive* 
ment  réunis  à  la  présidence  de  Bombay. 

Deux  ans  auparavant,  le  radjah  de  Berar  ou  de 
Nagpour  avait  été  réduit  au  régime  subsidiaire  en 
môme  temps  que  les  princes  de  Koiapour  et  de  Jey* 
pour.  Le  souverain  de  Sattarah,  dont  les  États  ont  été 
confisqués  définitivement  en  18&8,  s'était  vu  réduit, 
dès  l'année  1819,  à  l'obligation  d'abandonner  aux 
mains  d'un  résident,  non-seulement  l'administration 
de  ses  sujets,  mais  encore  la  disposition  entière  du 
contingent  (&,000  fantassins  et  500  cavaliers),  dont 
ses  traités  avec  la  Compagnie  lui  imposaient  l'entre- 
tien. Enfin,  à  la  même  époque,  le  seul  adversaire 
redoutable  que  sir  Wellesley  eût  laissé  insoumis  à  son 
départ  pour  l'Angleterre,  Holkar,  avait  subi  à  son 
tour  la  dure  loi  du  vainqueur.  Dépouillé  de  presque 
toutes  les  provincesdont  il  s'était  emparé  au  moment 
de  la  dispersion  des  confédérés  mahrattes,  il  avait  été 
réduit  à  un  territoire  de  &,250  milles  carrés.  Son  re- 
venu couvrait  à  peine  ses  dépenses,  et  il  lui  fallait 
entretenir  un  contingent  de  3,600  cavaliers^ 


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BBS  ANGLAIS  DANS  l'iNDB.  461 

Dès  Tannée  1820,  on  pouvait  déjà  considérer  toute 
la  péninsule  hindoustanique,  de  THimalaya  au  cap 
Gomorin  et  de  l'Indus  au  Gange,  comme  étant  sou- 
mise, soit  directement,  soit  par  des  traités  d'alliance, 
à  Tautorité  de  la  Compagnie.  Une  pareille  situation 
devait  satisfaire  Tambition  la  plus  désordonnée,  et 
Ton  était  en  droit  d'espérer  que  l'amélioration  et  la 
consolidation  de  cette  immense  conquête  seraient  en- 
fin l'objet  des  préoccupations  du  gouvernement  an* 
glais.  On  avait  compté  sans  les  Birmans» 

Cet  État,  aussi  bien  que  l'Afghanistan,  dont  nous 
aurons  à  nous  occuper  bientôt,  était  cependant  en 
dehors  de  ces  grandes  limites  naturelles  dans  les* 
quelles  la  Providence  semble  avoir  voulu  encadrer 
l'empire  des  Indes  :  la  nécessité  d'acquérir  de  nou«>> 
veaux  débouchés  au  commerce  anglais  devait  faire 
taire  toute  autre  considération. 

Formé  en  1783  des  petits  royaumes  d'Ava,  de 
Pégu  et  de  Martaban,  l'empire  des  Birmans  s'éten* 
dait  jusqu'aux  frontières  du  Bengale  et  possédait  sur 
le  golfe  une  vaste  étendue  de  côleç  semée  d'excellents 
ports.  Les  souverains  de  cet  État  avaient  joué  un  râle 
important  dans  la  presqu'île  au  delà  du  Gange^ 
pendant  les  dernières  années  du  xviii®  siècle,  et,  à 
répoque  de  leurs  premiers  démêlés  avec  la  Compa- 
gnie  des  Indes»  ils  disposaient  d'une  armée  nom« 
brcuse  et  bien  aguerrie.  Un  petit  corps  de  8,000  hom* 
mes  de  différentes  armes  fut  cependant  considéré 
par  le  conseil  suprême  comme  tout  à  fait  suffisant 
pour  envahir  le  royaume  d'Ava,  c'est-à-dire  la  pro*^ 

11 


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Id2  M  LA  PDtoèANéll  «ItlTAtAB 

vincb  la  p\m  itbportantè  et  la  plus  populeuse  de  Tem- 
pire  des  Birmans.  Après  la  conquête  de  Plnde,  Hen 
ne  devait  plus  sembler  impossible  à  ceux  qui  médi- 
taient déjà  la  conquête  de  F  Indo-Chine. 

Vers  la  fin  de  ISSU,  sir  A«  Gampbôll  débarqua  h 
Bangoun4  à  Tembouchure  de  Tlrrawady;  quelques 
semaines  plus  tard,  il  menaçait  Ummerapoura  et 
Ava,  capitales  de  Tempiredes  Birmans,  et  le  souve- 
rain ^  effk*ayé  de  cette  marche  audacieuse  poussée  à 
150  milles  dans  le  cœur  de  ses  États,  s'empressait  de 
solliciter  la  paix  au  prix  de  toutes  les  concessions 
qu'il  plairait  à  la  Compagnie  de  lui  imposer.  Gêné* 
rettx,  pour  cette  fois^  le  gouvernement  de  Calcutta  se 
torna  à  demander  50  millions  pour  les  frais  de  U 
ffuerrei  le  district  de  Tenasserim,  limitrophe  du  Ben^ 
gale,  ainsi  qu'une  portion  du  littoral  avoisinant,  et... 
l'admission  d'un  résident  anglais  à  la  cour  d\\va. 
'  Celle  dernière  condition  était  ta  plus  importante 
pour  la  Compagnie  ;  Texpérience  de  ses  directeurs 
Atait  parfaitement  éclairée  sur  l'effet,  peut-être  tardif, 
mais  dans  tous  les  cas  certain,  de  l'élément  de  des« 
truction  implanté  au  sein  de  Tempire  birman  sous  là 
forme  de  ce  résident  anglais.  Disons-le  dès  à  présent, 
afin  de  n'y  plus  revenir,  ces  prévisions  ne  furent  pas 
trompées*  En  18&Ô^  Tharrawady,  porté  au  trône  par 
un  soulèvement  populaire,  crut  devoir  débuter  par 
l'expulsion  du  fonctionnaire  anglais  accrédité  près  du 
souverain  qu'il  venait  de  renverser.  C'était  au  mo-> 
ment  de  la  guerre  des  Afghans,  et  la  Compagnie  dut 
dévorer  momentanément  cet  outrage;  mais»  aussitôt 


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déKvrde  des  ôomplicationâ  qui  Ia  gênaient,  elle  se 
hàla  d'expédier  une  nouvelle  flotté  dans  Tlrrawady. 
Deux  campagnes  peU  eanglp-ntes  suffirent  pouf  enle^ 
^ef  aux  Birmans  tout  le  littoral  sur  une  étendue  de 
plus  de  900  lieues  et  la  ville  importante  de  Bangoun. 
Par  Ia  cession  de  la  magnifique  province  de  Pégu, 
par  le  partage  de  la  province  de  Marlaban  et  la  fon-* 
dation  d'Amherst-ToWn  sur  la  fronlière  des  Birmansi 
i'iDflMnee  anglaise  devint  prépondérante  sur  la  côte 
orientale  du  golfe  du  Bengale.  Malgré  les  efforts  ten-* 
tés  depuis  cette  époque  par  les  souverains  d*Âva  oU 
leurs  ministres,  l'empire  birman  n'a  plus  joué  qu'un 
rèle  secondaire  dans  les  affaires  de  l'Inde,  l.'insur-* 
ireclion  des  cipayes  a  réveillé  un  moment  leurs  espé- 
rances ;  mais  tout  le  mouvement  que  s'est  donné  ré^ 
eemment  le  sieur  d'Orgoni  (Girodon)  n'a  pas  suffi  à 
les  réaliser/  Si  les  déclarations  de  ce  militaire  com- 
merçant et  diplomate,  au  sujet  des  richesses  et  de  la 
puissance  des  Birmans,  ne  sont  pas  mieux  fondées 
que  les  prophéties  dont  il  a  rempli  certain  journal  à 
l'endroit  du  renversement  de  la  domination  anglaise 
dans  les  Indes,  nous  croyons  prudent  pour  le  com- 
merce de  Marseille  de  ne  les  accepter  que  sous  bé- 
néfice d'inventaire* 

Nous  passerons  rapidement  sur  l'administration  de 
lord  William  Bentinck,  dont  le  gouvernement  a  été 
coaime  une  halte  de  paix  et  de  prospérité  pour  les 
populations  de  l'Inde  au  milieu  de  cette  longue  pé- 
riode de  violences  et  de  guerres  dont  il  ne  nous  reste 
plus  &  esquisser  que  les  derniers  épisodes. 


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i6&  DB  LA  PUIS8AMG6   MILITAIBE  |   BTC. 

.  Tant  que  les  Français  avaient  conservé  dans  Tlnde 
une  position  respectable,  ils  s'étaient  présentés  comme 
les  protecteurs  naturels,  quoique  intéressés,  des 
peuples  menacés  par  la  Compagnie  anglaise.  Nous 
'  avons  dit  comment  la  rivalité  s*était  terminée,  corn* 
ment  la  lutte  était  devenue  impossible  par  suite  de 
Tabdication  déplorable  de  la  France.  Libre  de  toute 
préoccupation  du  côté  des  puissances  européennesi 
la  domination  des  Anglais  avait  marché  à  pas  de 
géant  depuis  le  traité  de  Versailles,  et  avait  fini  par 
s'affranchir  des  règles  de  modération  que  lui  imposait 
la  prudence*  Nous  touchons  au  moment  où  des  inquié- 
tudes de  l'ordre  le  plus  grave  allaient  troubler  la 
calme  possession  exercée  depuis  quarante  années 
par  l'Angleterre.  Une  rivalité  menaçante  s'était  éle- 
vée lentement  en  Asie,  et  le  gouvernement  de  la 
Compagnie  allait  avoir  à  compter  de  nouveau  avec 
une  puissance  civilisée  sur  ce  vaste  théâtre  que  le 
génie  asiatique  avait  été  impuissant  à  défendre. 


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CHAPITRE  IX, 

SomiAiEE  :  Situation  de  llndeâi  l^issue  de  la  première  guerre  des 
Birmans.  —  Expédition  contre  le  radjali  de  Burtpoor.  —  Fon- 
dalîoD  et  développements  du  royaume  de  Lahore.  Rundget-Sing. 
^  Le  général  Allart.  —  Premières  tentatives  dMntervention  de 
la  Russie  dans  les  affaires  de  Tlnde.  —  Expédition  du  général 
Peroswski  contre  le  khan  de  Khiva.  —  Monarchie  des  Affghans. 
-—  Scbah  Soudja  et  les  Barrakzis.—  Guerres  de  rAfTghanistan. 
^  Prise  de  Ghazna.  -«-  Occupation  de  Caudahar  et  de  Caboul. 
<—  Conspiration  du  radjah  de  Kurnaul.  —  Châtiment  des 
Radjpoots.  »  Retraite  des  troupes  de  Caboul  à  travers  les  dé- 
filés de  Rhyber.  —  Deuxième  campa^i^ne  et  évacuation  de 
rAffgbanistan.  —  Guerre  du  Scinde.  —  Bataille  de  Miannie. 

—  Guerres  des  Sickhs.  —  Batailles  de  Ferozesbah  et  de  Sobraon. 

—  Traité  d'Amritsir.  —  Goolab-Sing.  —  Deuxième  guerre  du 
Pendjaub.  —  Batailles  de  Chillianwallah  et  de  Goudjerate. 

A  rissuedela  guerre  des  Birmans,  T Angleterre 
pouvait  considérer  son  empire  indien  comme  établi 
sur  des  bases  inébranlables.  De  tous  les  rois  ou 
princes  de  l'Asie,  six  seulement  conservaient  encore 
quelque  indépendance  :  c'étaient  les  radjahs  du  Né* 
paul  etduBoutan,  lenawab  de  Kurnaul,  le  radjah 
de  Burtpoor,  le  roi  de  liahore,  et  les  amirs  du  Sind, 
parmi  lesquels  celui  d'Hyderabad  tenait  le  premier 
rang. 

A  l'exception  du  territoire  de  Burtpoor,  qui  s*avan- 
çait  cofnro^  un  coin  au  milieu  des  possessions  an* 
glaises,  les  États  des  princes  que  nous  venons  de  nom- 
mer occupaient,  en  quelque  sorte,  la  circonférence 
qui  formait  de  l'est  à  l'ouest  la  limite  septentrionale 
de  l'empire  anglo-indien. 


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166  DE   LA    PUISSANGB   MILITAIRB 

L'expédition  de  1826  ei)t  poqr  objet  de  rendre 
cette  limite  plus  régulière  encore,  par  la  soumission 
du  radjah  de  fiurtpoor.  La  capitale  de  cet  État  fut 
prise  d'assaut  à  la  suite  d^uii  siège  d63  plus  iDear- 
tricrs,  et  son  territoire  réduit  à  1,100  milles  oarrés. 
L'amoindrissement  de  cette  principauté,  qui  avait 
lutté  souvent,  et  parfois  non  sans  honneur,  contre  les 
armes  de  la  Compagnie,  ^st  tel  aujourd'hui  que 
toutes  les  obligations  du  radjah,  dont  Is  revenu  as- 
cure  à  peine  l'existence,  se  réduisent  à  réunir  en  cas 
de  guerre,  et  sans  nombre  déterminé,  spus  les  ordres 
du  résident  anglais,  le  plus  qu'il  peut  de  voloq^rés 
ieyés  sur  son  territoire. 

Nous  avons  parlé,  dans  un  des  chapitres  qui  pré- 
cèdent, de  la  confédération  des  Sickhs.  En  1 803»  le 
sirdarde  Lal^ore,  Bundjet-Sing,  avait  soumis  à  son 
f^Mtorité  les  princes  sickhs  ses  égaux,  et  avait  fondé 
}e  royaume  de  Lahore.  Augmenté  de  la  partie  de 
l'Affghanistan  comprise  entre  l'Indus  et  les  monts 
âplirpan,  ce  royaume  s^étendait  entre  l'Him&laya  au 
jiord,  le  Siitledje  &  l'est,  la  Scinde  au  sud,  et  les  moots 
Soliipao,  qui,  à  l'ouast,  le  séparaient  du  Caboul*  11 
se  composait  des  provinces  de  Kâscbemira,  de  MouK 
tan,  du  Pendjaub  (ou  Lahore) ,  de  l'Âffghauistao 
oriental  ou  provinœ  de  Peiâchàwbr.  8a  saperficie 
était  évaluée  à  environ  32,000  lianes  carrées,  et  s^ 
population  a  8  eu  10  millions  d'habitants.  Dos  pffieien 
européens,  >  la  tête  desquels  était  le  général  Allmrt« 
ancien  aide  de«camp  du  maréchal  Brune,  avaient 
formé  dans  le  Lahore  une  armée  de  90,000  lyommes 


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aguerris»  dont  Iq  tisp»  çnviroQ  étaient  ortMMf  h  1» 
française. 

C'est  à  répoquQ  dôi  premiars  développâmant»  du 
royaume  de  Lahore  qu'il  faut  remonter  peur  reneoa^ 
trer  les  len(alives  d'intervention  de  la  Ruseie  dana 
les  affaires  de  TAsie.  Attirés  dans  ces  eontr^ee^ 
comme  jadie*  en  Europe^  les  barbareu  Tavaienl  été 
par  le  beau  ciel  de  Fltalie,  les  Rusées,  abandonnant 
U  mer  à  leurs  rivaux,  se  frayaient  depuis  quelques, 
années  une  route  pénible,  mais  sûre.  Cbaeun  de  leura 
progrès  dans  l'Asie  centrale  avait  été  aolielé  par  une 
lutte  énergique  avec  la  nature,  les  élémente  et  lee. 
hommes.  Peu  h  peu  ils  bAtissaient  des  villes,  in^taU 
laient  de»  colonies,  et  amenaient  l'Europe  où  rien 
D'eiistait  enopre.  Souvent  forcés  de  reculer,  ils  re^. 
venaient  toujours,  par  une  série  d'efforts  lente  maie 
habiles,  au  point  qu'ils  voulaient  atteindre,  La  con^r 
qudle  des  Anglais  dans  l'Inde  avait  ressemblé  A  la 
flamme  dévorante  d'un  incendie  qui  vqie  en  tout 
sens,  et  embrase  l'empire  eutier  du  feu  d'un  méma 
éclair.  Confiants  dans  l'avenir  et  dans  leur  foroe,  lee 
Russes  descendaient  lentement  vers  l'Inde,  comme 
une  vaste  mer  qui  ronge  peu  à  peu  ma  rivages,  et 
dont  les  progrès  sont  inaperçus,  mais  irrésistibleet 
A  réppque  dont  nous  résumons  ici  l'histoire,  les  An«* 
gUia  le  sentaient  bien  ;  aussi,  tout  en  affectant,  à  ee( 
égard,  une  indifférence  dédaigneuse,  ils  ne  négli* 
geaient  aucune  pecasion  de  lutter  sourdement,  l/etpé-, 
dition  dirigée  p^r  lee  Ruseee  eontre  le  Khannat  de 
Khiva»  etd^Pt  lesprépaiatifedéterminèreptrAnglepf 


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168  DB  LA  PUISSANCE   MILITAIRB 

terre  à  envahir  TAffghanistani  donna  le  premier  éveil 
sûr  cette  situation  menaçante,  qui  n'a  cessé  depuis 
de  se  dessiner  chaque  jour  davantage.  Pendant  qua* 
torze  ans  les  Russes  s'étaient  patiemment  préparés  à 
la  lutte,  avaient  rassemblé  des  chameaux,  et  ménagé 
des  prétextes  pour  leur  agression.  Mais  la  nature  fut 
là  encore  la  plus  forte  :  en  un  mois,  hommes  et  cha- 
meaux périrent  sous  la  neige,  et  les  tristes  débris  de 
Tarmée  furent  sauvés  par  la  pitié  des  pâtres  qu'elle 
voulait  asservir.  Telle  était  l'inquiétude  des  Anglais» 
néanmoins,  que  pour  ôter  aux  Busses  le  prétexte 
d'une  nouvelle  invasion,  le  capitaine  Abbott,  alors  en 
mission  à  Rhiva,  fut  chargé  d'offrir  la  médiation  de 
l'Angleterre  pour  négocier  la  paix  entre  les  puis- 
sances belligérantes.  Le  khan ,  grâce  à  cette  inter- 
vention^ accorda  à  l'empereur  vaincu  toutes  ses  de- 
mandes, même  celle  d'une  somme  considérable  pour 
les  frais  de  la  guerre,  et  comme  ce  prince  se  refusait 
à  approuver  cette  dernière  et  bizarre  concession ,  ce 
fut  encore  la  Compagnie  anglaise  des  Indes  qui  l'y 
amena,  en  lui  fournissant,  sous  forme  de  prêt,  la 
somme  exigée  par  la  Russie. 

De  semblables  précautions  peuvent  éloigner  le 
danger  et  retarder  le  moment  de  la  lutte,  mais  elle 
doit  éclater  tôt  ou  tard,  d'autant  plus  violente  que  les 
pleuples  rivaux  s'y  seront  plus  longuement  préparés. 
Chacun  fixe  un  œil  ardent  sur  Bokkara,  l'entrepôt  du 
commerce  de  toute  la  haute  Asie,  terre  neutre  encore 
aujourd'hui,  province  indépendante,  mais  qui  n'est 
pour  les  Russes  qu'à  100  lieues  de  Khiva,  où  ils  re- 


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BBS  ANGLAIS  DANS  L*INDB.  |69 

viendront  tôt  ou  tard.  Celui  des  deux  peuples  qui 
occupera  le  premier  ce  point  important,  ce  centre 
magnétique  qui  les  attire  également  Tun  et  l'autre»  y 
puisera  une  supériorité  au  moins  momentanée.  Les 
Anglais  Pavaient  compris  dès  1839,  et  c'est  ce  qui 
leur  a  fait  dépasser  Tlndus,  véritable  limite  de  leurs 
possessions ,  limite  géographique  et  militaire  à  la 
fois.  C'est  pour  multiplier  les  barrières  entre  la  Russie 
et  THindoustan,  pour  éloigner,  autant  que  possible, 
le  théâtre  de  la  lutte,  qu'ils  ont  entrepris  la  guerre 
de  rAflghanistan,  et  occupé  les  villes  de  Gandahar 
et  de  Caboul,  ces  places  que  l'historien  d'Akbar, 
Aboul-Fazel,  signalait  dès  1602  comme  les  seuls 
boulevards  de  l'empire  mogol.  C'est  pour  la  même 
raison  que  le  gouvernement  de  Calcutta  avait  auto- 
risé plusieurs  officiers  anglais,  qui  voyageaient  du 
côté  d'Hérat,  à  se  jeter  dans  cette  place,  et  à  aider  à 
sa  défense  contre  les  Perses  et  les  officiers  russes  qui 
étaient  avec  eux.  Enfin,  c'est  encore  le  même  motif 
qui  a  engagé  les  Anglais  à  relever  les  fortifications  de 
cette  place,  et  à  faire  continuer  par  le  major  Todd 
l'œuvre  si  bien  commencée  par  le  lieutenant  EIdred 
Potinger. 

Entreprises  sous  l'administration  de  lord  Auckland, 
successeur  de  lord  Bentinck,  les  guerres  de  rAffgha- 
nistan  et  du  Scinde  ont  duré  depuis  la  fin  de  1838 
jusqu'en  18&â.  Nous  allons  en  retracer  sommaire- 
ment les  principaux  épisodes. 

L*Affghanistan  avait  été  réuni  à  la  Perse,  en  1757, 
par  Nadir-Schah*  A  la  mort  de  ce  conquérant,  en 


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170  ne   LA    POISSANGli   MlUTAltP 

il  M,  l'un  de  ses  généraux  s'était  déclaré  inciépen* 
dant»  et  avait  été  proclamé  k  Candabar  sous  le  noiq 
d'Ahmed-8chah«  Timour,  son  fils,  lui  avait  suQcédé 
en  1775,  et  ce  dernier  n'ayant  désigné  aucun  succès* 
seur  parmi  ses  nombreux  enfants,  son  royaume  était 
tombé  dans  Tanarchie  en  179S,  et  avait  perdu  se» 
plue  riches  provinces^  envahies  par  les  Perses  et  les 
Sicks.  Le  Pendjaub,  entre  autres,  avait  été  détacha 
de  rAffghanistan  par  Rundjet-Sing,  et  avait  formé  le 
premier  noyau  du  royaume  de  Labore.  Depuis  cette 
époque,  les  divers  fils  de  Timour,  qui  avaient  occupé 
successivement  le  trône  de  Caboul,  avaient  été  réduits 
à  subir  les  envahissements  toujours  plus  fréquente 
de  leurs  voisins.  En  1802,  Soudja,  le  plus  jeune  defi 
fils  de  Timour,  avait  pris  les  armes  pour  venger  son 
frère  Zeman,  que  Mahmoud,  son  atné,  avait  renversé 
avec  Taide  des  Barrakzis,  tribu  prépondérante  dans 
le  Caboul.  Après  avoir  régné  de  1S03  k  1810» 
Soudja  avait  été  chassé  à  son  tour  par  Mahmoud»  quOi 
Feth«*Kban,  chef  des  Barrakïis,  avait  tiré  de  prison 
et  replacé  sur  le  trône. 

LMngratitude  de  Mahmoud  envers  son  sauveur  d^ 
termina  un  soulèvement,  à  la  suite  duquel  sop  fîl^ 
Kamram  dut  se  réfugier  à  Hérat,  Mahmoud  mourut 
en  1829  dans  cette  ville»  lp.issant  pour  tout  patri-? 
moine  k  sa  famille  le  gouvernement  de  la  province 
d'fiérat»  et  les  Barrakzis»  restés  mattretdn  royaume, 
le  partagèrent  entre  eux  de  la  manière  suivante  ;  Do$t« 
Mohammed  eut  la  province  de  Caboul  ;  Mohammed 
celle  de  Peischawer,  pour  laquelle  il  reconnut  la* su- 


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Mft  AlIGLUa  DAHB  L*IMDB.  171 

Mnineté  de  Rutidjat-Sing;  enCm  Kiirdil-Khan  et  ses 
frères  &*élablirent  à  Gandàhar.  Quant  àSoudja,  battu* 
à  phittMrs  reprises  dans  ses  tentatives  pour  remon- 
ter sur  le  trône  de  Timour^Scbah ,  il  était  réftjgié 
depuis  cinq  ans  à  Lodiana,  lorsque  la  Compagnie 
résolut  dé  le  faire  servir  de  drapeau  dans  la  guerre 
que  le  désir  d*entraver  les  desseins  de  la  Russie  Ven^ 
gageait  à  déclarer  aux  Affghans. 

LVnaée  de  la  Compagnie  reçut  l'ordre  de  se  con- 
centrer  k  Firozepour,  sur  le  SutledIJe,  dans  les  pre- 
miers jours  du  mois  de  novembre  1858.  Jusqu*au 
moment  de  la  jonction  du  corps  du  Bengale  avee  la 
division  de  Bombay,  le  général  s{r  Henry  Pane^ 
eemioandant  en  chef  les  forces  d«  l'Inde,  devait  être 
cliargé  de  la  direction  des  troupes  de  Test,  composées 
de  deux  divisions  dMnfanterie,  formant  cinq  brigades 
de  trois  régiments,  d'une  brigade  de  cavalerie,  com- 
prenant également  trois  régiments ,  d^une  brigade 
d'artillerie»  composée  de  cinq  compagnies  d'artillerie 
à  cheval  et  de  neuf  compagnies  d'artillerie  à  pied. 
Po  équipage  de  siège  et  quelques  compagnies  desa^ 
peurs -mineurs  complétaient  la  force  du  corps  du 
Pengale. 

Le  corp«  de  Bombay  était  sous  les  ordres  de  sif 
Jo)iP  Keaeei  désigné  pour  commander  en  chef  i'ar*^ 
ffiée  expéditionnaiiie.  I^a  division  de  Bombay  com^ 
{Mrenait  deux  brigades  de  trois  régiment  chacune, . 
une  brigade  de  cavalerie  de  deux  régiments  à  deux 
eseadroOê»  et  un  détachement  de  cavaierie  irrégulière. 
^  arttUerie  consistait  ^n  deux  compagnies  d'artilie- 


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172  D^  LÀ   rUISSAIS'GB   HlLITAIBfe 

rie  à  ehevaly  deux  compagnies  d'artillerie  de  rempart 
et  un  équipage  de  siège. 

Soudja,  le  roi  futur  des  Affghans,  marchait,  de 
son  côté,  avec  un  corps  d^armée  composé  de  cinq  ré* 
giments  dUnfantericf,  deux  régiments  de  cavalerie  et 
une  compagnie  d'artillerie  indigène.  Le  major-géné* 
rai  Simpson  avait  le  commandement  de  ce  corps  et 
opérait  en  dehors  du  reste  de  Tarmée. 

La  crainte  de  mécontenter  te  roi  de  Lahore,  qui 
s'était  opposé  au  passage  de  l'armée  anglaise  dans 
ses  États,  et  la  nécessité  de  fixer  pour  la  réunion  des 
corps  de  Bombay  et  du  Bengale  un  point  suffisam* 
ment  éloigné  du  pays  occupé  par  l'ennemi,  fit  choisir 
la  route  du  Bolan  pour  envahir  TAffghanistan,  bien 
qu'elle  présent&t  des  obstacles  presque  insurmon* 
tables. 

Les  forces  des  Affghans  s'élevaient  à  &,000  ou 
5,000  hommes  seulement  pour  la  province  de  Can* 
dahar;  mais  Dost-Mohammed ,  le  souverain  du  Ca- 
boul ^  pouvait  opposer,  de  son  côté,  aux  Anglais 
16,000  hommes  d'excellente  cavalerie.  Quant  aux 
amirs  du  Scinde,  ils  auraient  pu  réunir  :25,000  hommes, 
sans  compter  les  troupes  du  khan  de  Kélat;  mais, 
grâce  aux  traités  conclus  avec  eux  par  Burnes,  qui 
avait  été  chargé  de  préparer  l'expédition,  ils  ne  vou« 
lurent  pas  se  déclarer  ouvertement  contre  la  Com- 
pagnie, et  livrèrent  passage  à  l'armée  anglaise  à  tra* 
vers  leur  territoire. 

Nous  ne  suivrons  pas  le  corps  expéditionnaire  dans 
son  laborieux  itinéraire  :  le  général  Haveiock,  de  si 


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MS  ANGLAIS  BANS  l'iNDB^  17& 

regrettable  mémoire,  faisait  partie,  en  qualité  de 
capitaine,  de  Tarmée  du  Caboul  ;  il  a  publié  sur  les 
campagnes  de  rAffghanistan  une  notice  détaillée  à 
laquelle  nous  renvoyons  nos  lecteurs  ;  le  mérite  excep- 
tionnel de  cette  œuvre  n*était  pas  un  des  moindres 
titres  de  Tillustre  général  à  Testime  de  ses  frères 
d'armes,  et  nous  lui  empruntons  les  renseignements 
qui  peuvent  rentrer  dans  notre  cadre. 

Le  10  décembre,  le  corps  du  Bengale  quittait 
Ferozepore,  et  se  dirigeait  sur  Bhawalpoor  en  suivant 
la  rive  gauche  du  Sutledje. 

Le  22  novembre,  la  division  de  Bombay  avait 
quitté  ce  port,  et  le  27  elle  était  arrivée  aux  bouches 
de  rindus,  où  elle  opérait  son  débarquement.  Sur 
ces  entrefaites,  un  nouveau  traité  avait  été  conclu 
avec  les  amirs  du  Scinde;  ils  avaient  consenti  à  livrer 
aux  Anglais  leurs  places  les  plus  importantes,  et 
entre  autres  Bakkar,  qui  commandait  le  cours  de 
rindus,  et  dont  la  possession  devait  assurer  les  com- 
munications de  Tarmée. 

Le  corps  du  Bengale,  après  avoir  franchi  Tlndus  à 
Bakkar  pendant  les  premiers  jours  de  février,  s'était 
engagé  dans  les  passes  du  Bolan  ;  le  26  avril,  il  arri- 
vait sous  les  murs  de  Gandabar,  ayant  parcouru  plus 
de  &00  lieues  depuis  son  départ  de  Ferozepore.  Les 
frères  Barrakzis  avaient  évacué  leur  capitale  dès  le  23; 
le  corps  du  Bengale  put  donc  s^y  établir  sans  diffi- 
culté,  et  attendre  le  corps  de  Bombay,  qui  arriva 
enfin  le  h  mai,  après  avoir  beaucoup  souffert  pendant 
sa  marche  à  travers  les  montagnes. 


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ilk  PB  LL  PD188ÂIICX  mUTittB 

Le  SO  juillet,  Tarméè  anglaisé  arrivait  iôoB  lel 
murs  de  Ghazna.  Cette  ville  était  défendue  par 
Mobaromed-Hyder,  Tu»  des  fila  de  Dost^Mobammed^ 
Le  32|  les  dispoaiiiûDs  étaient  priaes  pour  l'assauti 
et  le  3S  Gha^^na  était  emporté  i  4^600  priaonnierai 
1,000  chevauxi  300  chameaux,  des  approvisionne^ 
inenta  considérables  étaient  le  prix  de  ce  premier 
succès,  qui  n*avait  coûté  que  150  tués  ou  bleeaéa  aup 
vainqueurs. 

Le  6  août,  les  habitants  de  Caboul,  craignant  la 
sort  de  Ghazna,  ouvraient  ieufs  portes  à  Sbab^» 
Soudja.  L'armée  anglaise  avait  Accompli  la  pre- 
mière partie  de  sa  tâche  «  elle  avait  fait  plus  dd 
600  lieues  pour  ramener  le  vieux  roi  dans  sa  capi- 
tale. Il  s'agissait  mainlenant  de  défendre  et  de  con^ 
solider  son  trône  ;  malheureusetnént  celte  œuvra  da 
restauration  était  sans  bases  solides  ;  il  lui  manquait 
les  sympathies  des  populations^  et  Chacun  pouvait 
prévoir  qu'elle  s'écroulerait  aussitôt  que  l'armée  an- 
glaise ne  serait  plus  là  pour  l'étayer. 
•  Ces  prévisions  ne  devaient  pas  être  trompées.  Bien 
(}ue  le  général  en  chef,  sir  KeanCi  eût  laissé  la  presque 
totalité  du  corps  expéditionnaire  dans  le  camp  da 
Caboul,  et  dans  les  principales  places  des  A^banti 
il  était  à  peine  rentré  de  sa  personne  à  Feroxepor», 
et  le  corps  de  Bombay  n'avait  pas  atteint  le  SoiodOf 
que  l'insurrection  éclatait  sur  tous  led  points»  La 
désaffection  pour  Soudja,  la  créature  des  AngiaiSr 
était  chaque  jour  plus  visible  ;  il  ne  régnait  que  par 
les  baïonnettes,  tandis  que  les  Barrakais  avaient  eoBe: 


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ÙÈ$  AnGLAlS  DANS  L^JNDC;  175 

Bervé  toutes  le8  sympathies  des  populations. 2  aùssi^ 
dès  l8  commencemant  de  ISAO^  Dost-Mobammed 
était  parvenu  h  féunir  une  aroiéc  considérable  dans 
le  kondouz,  et  tout  le  pays  était  prôt  àTappuyer. 

A  la  mènr)e  époque^  une  réaction  générale  semblait 
se  prononcer  contre  la  domination  anglaise,  sûr  tous 
les  points  une  conspiration  sérieuse  s^organisait  et 
menaçait  la  Compagnie;  TAsie  commençait  à  couvef 
ces  Vêpres  indiennes,  dont  Pénergie  de  ses  domlfta*- 
leurs  n'a  pu  qii'ajourner  Texplosioni 

Il  faut  le  reconnaître,  en  18A0  comme  de  nos  joursi 
le  gouvernement  de  Tlnde  n*a  point  failli  &  sa  t&Glie# 
Aussi  habile  à  conjurer  les  dangers  éloignés  que 
(jrompt  et  ardent  à  combattre  ceux  du  présent,  rion 
ne  lui  a  coûté  pour  établir  ou  reconstituer  son  pour- 
voir partout  où  il  Ta  cru  nécessaire.  L^année  préoé-^ 
dentoi  profitant  des  embarras  causés  par  la  guerre 
des  Affghans,  le  radjah  de  Kurnaul  s'était  décidé  h 
levef  le  noasque.  11  avait  organisé  et  rassemblé  seerè* 
temeut,  depuis  des  années,  dans  son  petit  fort,  unt 
artillerie  et  des  munitions  de  guerre  suflisanles  pour 
une  armée  de  100,000  hommes*  Un  détachement 
anglais  avait  été  envoyé  immédiatement  sur  les  lieux,- 
et,  après  iine  courte  mais  furieuse  résistancei  s'était 
emparé  du  nawab  et  de  son  fort,  iid  radjah  de  Sat** 
tarah,  les  chefs  du  Bundelcund,  du  Malwah  et  du 
fiadjepootna  avaient  été  obâtiés  pour  leufd  velléités 
de  désobéissance  ;  enfin  les  radjahs  de  Djoudpojmr  el 
de  Hampour  avaient  été  battus  par  les  troupes  de  la 
Compagnie,  et  forcés  de  faire  l'abandon  de  leurs  ter^ 


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176  PB   LA  PUISSANCE   IIUITAIR£ 

ritoires,  sur  lesquels  ils  n'avaient  pas  su  comprimer 
les  menées  hostiles  au  gouvernement  anglais.  Bref, 
si  partout  de  vives  haines  éclataient  contre  les  An- 
glaisi  si  d'ardents  désirs  de  vengeance  se  montraient 
sur  tous  les  points  où  pesait  leur  domination,  par* 
tout,  à  leur  tour,  ils  se  montraient  à  la  hauteur  des 
dangers  ou  supérieurs  aux  revers  de  cette  période  dif- 
ficile. 

L'insurrection  du  Caboul  fut,  parmi  les  événe* 
ments  désastreux  contre  lesquels  la  Compagnie  eut 
à  lutter,  celui  qui  infligea  Téchec  le  plus  rude  à  ses 
armes.  Nous  venons  de  dire  quelle  avait  été  l'attitude 
des  populations  de  TAffghanistan  aussitôt  après  le 
départ  de  sir  John  Keane  :  l'année  18/iO  ne  fut 
qu'une  suite  de  combats  dans  lesquels  les  Anglais 
n'eurent  pas  toujours  l'avantage.  Vers  le  mois  de  no* 
vembre,  cependant,  Dost-Mohammed,  battu  dans  deux 
rencontres  par  le  général  Dennie,  avait  été  obligé  de 
se  rendre  à  sir  William  Mac-Naghten ,  chargé  des 
affaires  politiques  du  Caboul.  Cet  événement,  aussi 
bien  que  la  funeste  issue  de  l'expédition  dirigée 
contre  Khiva  par  le  général  russe  Perowski,  aurait 
pu  calmer  les  alarmes  que  le  gouvernement  de  Cal- 
cutta ressentait  à  l'endroit  de  sa  nouvelle  conquête; 
mais  cette  amélioration  dans  la  situation  de  l'armée 
d'occupation,  dont  toutes  les  communications  avec  le 
reste  de  l'Inde  se  trouvaient  depuis  longtemps  cou» 
pées,  ne  fut  malheureusement  pas  de  longue  durée. 

Affaibli  par  l'âge  et  la  maladie,  le  général  Elphin* 
stone  n'avait  pas  Ténergie  nécessaire  pour  doniiner 


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Des   ÀT^GKAIS   DANS   f/iNDB.  177 

les  difficultés  d'une  pareille  position  :  nommé  au  com- 
mandement des  troupes  de  l'Afighanistan  sur  le  refus 
du  général  sir  William  Cotton,  qui  l'avait  aussi  re- 
fusé à  cause  de  son  âge,  le  général  Elphinstone  se 
laissa  bloquer  dans  son  camp  sous  les  murs  de  Ca- 
boul, et  ne  sut  ni  combattre  ni  se  retirer  à  propos. 
Toutes  les  troupes  placées  sous  ses  ordres  immédiats 
furent  détruites,  pendant  leur  retraite,  dans  les  défi- 
lés qui  séparent  Caboul  de  Djelialabad,  où  comman- 
dait le  général  Sale,  et  les  forces  dispersées  dans  les 
différentes  places  de  TÂffghanistan  se  virent  réduites, 
pendant  six  mois,  à  la  situation  la  plus  critique. 

Sur  ces  entrefaites,  lord  Ëllenborough  avait  été 
nommé  gouverneur -général  à  la  place  de  lord 
Auckland.  Gr&ce  à  l'activité,  à  l'énergie  que  la  colo- 
nie tout  entière  sut  déployer  sous  l'administration  de 
son  nouveau  chef,  au  mois  d'octobre  18&2,  les  An- 
glais, sous  les  ordres  des  généraux  PoUock  et  Nott, 
avaient  vengé  la  défaite  d'Elphinstone,  mort  prison- 
nier des  Affghans.  Les  garnisons  de  l' Afghanistan,  à 
l'exception  de  celle  de  Ghazna,  qui  avait  dû  se  rendre 
faute  de  vivres,  étaient  débloquées,  et  tous  les  pri- 
sonniers tombés  aux  mains  de  l'ennemi  pendant  la 
première  campagne  étaient  délivrés.  Toutefois,  les 
Anglais  étaient  décidés  à  abandonner  l'occupation  du 
pays  occidental  de  l'Indus,  qu'ils  ne  pouvaient  con- 
server sans  faire  d'énormes  sacrifices.  La  guerre  de 
Caboul  avait  coûté  à  la  Compagnie  10,000  soldats  et 
30,000  domestiques  au  moins,  tous  les  chevaux  de 
l'armée,  et  50,000  chameaux  avaient  succombé  dans 

12 


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178  1»   LA  FUUSANCE   MILITAIRB 

les  montagnes  du  Bolan  ou  dans  les  défilés  de  Kbyber  ; 
enfin  AOO  millions  avaient  été  dépensés  pour  se  re- 
trouver, après  quatre  années  d'efforts,  au  point  de 
départ  de  1889. 

Il  fallait  un  dédommagement  à  de  pareilles  pertes. 
Si  l'Angleterre  se  résignait  à  abandonner  momenta- 
nément le  Caboul,  il  n'en  était  pas  de  même  du  Scinde, 
dont  les  places  étaient  restées  entre  ses  mains.  La 
possession  du  cours  de  T Indus,  en  ouvrant  de  nou- 
veaux débouchés  au  commerce,  devait  faire  rentrer 
dans  les  coffres  de  la  Compagnie  les  millions  absor- 
bés par  la  guerre.  Les  Beloutchis  du  Scinde  ayant 
attaqué  uii  résident  anglais,  le  major  Outram  (1),  sir 
Charles  Napier,  fut  chargé  de  punir  les  amirs  de  cette 
infraction  aux  traités.  Les  deux  batailles  de  Miannie 
et  de  Dabba  suffirent  pour  disperser  ou  détruire  les 
forces  de  MirRostem  et  de  ses  frères,  et  le  Scinde  fut 
à  jamais  réuni  à  Tempire  britannique.  Sir  Charles 
Napier  fut  nommé  gouverneur  de  la  nouvelle  cm- 
quête;  quant  à  lord  ËUenborough,  il  rentra  en  Aa- 
gleterre  après  avoir  rendu  la  liberté  à  Dosi-Moham- 
med,  et  fut  remplacé  par  sir  Henry  flardinge. 

11  ne  nous  reste  plus,  pour  épuiser  la  liste  des  évé- 
nements qui  ont  précédé  l'insurrection  de  1867,  qu'à 
dire  un  mot  des  deux  guerres  du  Pendjaub. 

L'armée  anglaise  entrait  dans  la  capitale  de  l'Aff- 
ghanistan  lorsque  le  conseil  de  Calcuita  apprit  la 
mort  de  Bunjet-Sing  (27  juin  1889).  L'incapacité 

ti)  Le  même  dont  le  nom  est  devenu  si  célèbre  dans  la  guerre 
icladle,  et  que  les  Anglais  «at  samommé  le  Bayard  de  Ifnde. 


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DBS  ANGLAIS  DANS  L'INDB.  179 

notoire  de  son  successeur  Kharack-Sing  présageait 
des  événements  sérieux»  pour  lesquels  la  Compagnie 
était  dès  longtemps  préparée;  mais  la  mort  subite  de 
ce  prince,  le  7  novembre  18/lO,  et  surtout  celle  de 
Nahal-Sing.  son  fils,  à  deux  jours  d  intervalle,  exer- 
cèrent une  influence  assez  favorable  pour  dispenser 
le  gouvernement  d'intervenir,  du  moins  immédiate- 
loent,  dans  les  affaires  du  Lahore.  Sheree-Sing,  dé- 
voué aux  Anglais,  l'un  des  fils  de  Rundjet,  fut  pro- 
clamé roi  par  les  grands,  malgré  l'opposition  de  la 
veuve  de  Karrack,  appuyée  par  une  grande  partie  de 
l'armée. 

Malheureusement  pour  l'indépendance  des  Sickhs^ 
les  troubles  auxquels  donna  lieu  quelque  temps  plus 
tard  la  régence  nécessitée  par  la  jeunesse  de  Ubulap 
devaient  déterminer  l'intervention  des  troupes  de  la 
Compagnie,  et.  conduire  le  Pendjaub  au  système  du 
«  protectorat ,  »  ce  premier  échelon  vers  l'asservisse- 
ment définitif,  suivant  les  règles  de  la  politique  an* 
glaise. 

Malgré  son  excellente  organisation,  privée  de  ses 
chefs  européens,  les  généraux  Allart,  Ventura,  etc,| 
qui  s'étaient  retirés  après  la  mort  de  leur  bienfaiteur» 
l'armée  de  Rundjet  ne  put  lutter  contre  l'armée  an- 
glaise, et  fut  défaite  par  sir  Hardinge  aux  journées 
de  Montkie,  de  Ferozeshah,  de  Halwal  et  de  Sobraoo, 
Un  tiers  des  Sickhs  fut  taillé  en  pièces  par  l'arnoée  an- 
glaise, et  les  restes  de  cette  puissance  militaire,  sai- 
sie d^une  panique  sans  pareille,  rebroussèrent  chemin 
et  s'enfuirent  au  delà  de  leurs  frontières. 


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180  DE   LA    PUISSANCE    MniTATHE 

Par  le  traité  de  mars  1846,  un  premier  démem- 
brement du  royaume  de  Lahore  fut  effectué  au  profit 
de  Goolab-Sing  (1);  ce  prince  ayant  été  proclamé  roi 
de  Cachemire,  le  royaume  de  Dhulap-Sing  fut  réduit 
aux  provinces  de  Lahore  et  de  Moultan,  dont  Fadroi- 
nistration  fut  confiée  au  colonel  Lawrence. 

Le  Pendjaub  commençait  à  recueillir  les  fruits  du 
gouvernement  éclairé  auquel  le  traité  d^Araritsîr 
\'ivait  soumis  ;  remploi  des  débris  de  Tarmée  sicke 
&  la  police  des  districts  avait  rétabli  sur  tous  les 
points  l'ordre  et  la  tranquillité;  le  résident  anglais 
donnait  tous  ses  soins  à  la  préparation  de  grands 
travaux  publics,  qui  allaient  augmenter  encore  la  ri- 
chesse de  ces  territoires  déjà  si  favorisés  parla  nature, 
lorsqu'une  nouvelle  désastreuse  vint  mettre  un  terme 
à  cette  heureuse  situation. 

Soulevée  par  les  intrigues  de  lunda-Khor,  la 
mère  de  Dhulap-Sing,  la  province  de  Moultan 
s'était  révoltée,  et  deux  officiers  anglais,  MM.  Ander- 
sen et  Van  Angus,  avaient  été  massacrés  au  moment 
où  ils  procédaient  à  finstaliation  d'un  nouveau  rad- 
jah à  la  place  de  Dcwan-Moolral,  dont  l'hostilité  au 
gouvernement  de  la  Compagnie  ne  pouvait  être  to- 
lérée sans  danger. 

Pour  attendre  les  secours  de  l'armée  de  lord  Goagh» 
chargé  de  la  direction  de  la  guerre ,  le  résident  an- 
glais dut  faire  des  prodiges  de  valeur  et  de  diploma- 

(1)  Goolab-Sing,  dont  la  fidélité  ne  s*e&t  pas  démentie  pendant 
les  événements  de  1857,  est  mort  le  2  août,  laissant  son  trône  à 
son  fils  Rhamber-Sing. 


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DES  A^GLAIS   DANS  L*1P1DE.  181 

tie;  mais  il  parvint  cependant  à  sauver  ses  détache- 
ments disséminés  sur  toute  l'étendue  du  territoire  en 
insurrection.  Lord  Gougii  arriva  à  Lahore  avec  une 
armée  de  25,000  hommes,  et  cent  pièces  de  canon, 
vers  la  fin  de  18A8,  et  dut  tenir  la  campagne  pen- 
dant trois  mois  avant  d'en  finir  une  dernière  fois 
avec  les  vieilles  bandes  de  Runjet.  Affaiblis  par  la 
bataille  de  Chillianvallah,  restée  indécise,  le  13  dé- 
cembre 18/i8,  les  Sickhs  furent  enfin  complètement 
détruits  et  dispersés  à  la  fin  de  février  18A9,  à  la 
bataille  de  Goudjerale. 

Dès  ce  moment,  le  royaume  de  Lahore  avait  cessé 
d'exister.  La  jeunesse  de  Dhulap-Sing  devait  perpé- 
tuer une  ère  de  troubles  et  de  désordres  que  la  proxi- 
mité des  frontières  occidentales  pouvait  rendre  des 
pluspréjudiciables  aux  intérêts  de  la  Compagnie.  Le 
seul  moyen  de  la  fermer  était  dans  l'annexion  des 
populations  turbulentes  rangées  sous  le  sceptre  de  ce 
roi  enfant;  elle  fut  irrévocablement  prononcée. 

Depuis  cette  époque  jusqu'aux  événements  qui  oc- 
cupent à  cette  heure  la  presse  européenne  et  l'intérêt 
public,  le  gouvernement  de  l'Inde  n'a  eu  à  exercer 
que  la  police  de  ce  vaste  empire.  Il  représente  au- 
jourd'hui le  plus  immense  assemblage  de  royaumes 
réunis  sous  une  seule  loi  que  le  monde  moderne  ait 
jamais  vu.  Cet  empire  merveilleux,  créé  par  une 
compagnie  de  marchands,  comprend  une  population 
dont  il  est  difficile  de  fixer  le  chiffre,  son  recensement 
exact  et  complet  n'ayant  jamais  été  fait,  mais  qui  dé- 
passe certainement  150  millions  d'&mes.  Ce  n'est  pas 


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182  DB   LA   PUISSANGB    MILITAIRB 

leur  sympathie  envers  les  vainqueurs  qui  a  produit  la 
fiôunnission  des  vaincus,  car  Hindous  et  Européens 
semblent  des  créatures  d'espèce  différente,  tant  la  re- 
ligion,  les  mœurs,  les  institutions  civiles,  les  sépa- 
rent ;  ce  n^est  pas  non  plus  la  force  matérielle,  car  la 
Compagnie  des  Indes  n'a  employé  jusqu'ici  qu'un 
nombre  très  limité  de  ses  nationaux  pour  commander 
et  diriger  les  300,000  cipayesdont  raninée,  jusqu'en 
1857,  avait  suffi  pour  maintenir  les  populations  sous 
le  joug.  Ce  qui  cause  la  soumission  extrême  des  In- 
diens, c'est  le  principe  énervant  et  décourageant  de 
la  division  des  castes;  c'est  l'immense  infériorité 
morale  des  indigènes  devant  les  Européens;  c'est  la 
terreur,  le  respect,  l'admiration  que  ceux-ci  leur  in- 
spirent par  leur  caractère,  leur  puissance,  leur  civili- 
sation. La  domination  des  Anglais  dans  l'Inde  est  un 
bienfait  incalculable  pour  ces  peuples,  rendus  si  mous 
et  si  lâches  par  leur  religion  avilissante,  qu'ils  n'ont 
aucune  Idée  de  la  dignité  de  l'homme;  habitués  dé 
tî)ut  temps  à  être  opprimés  par  tous  les  conquérants, 
jamais  ils  n'en  ont  vu  d'aussi  bienveillants,  puisqu'ils 
leur  ont  donné  ce  qu'ils  n'ont  jamais  eu,  le  repos 
sôtis  un  gouvernement  régulier. 

Bien  loin  de  prendre  part  à  un  soulèvement,  &  l'in- 
surrection actuelle,  par  exemple,  les  population*  re- 
poussent de  pareilles  crises  avec  effroi.  Elles  saverit 
bien  que  là  où  la  supériorité  a  été  momentanénrrent 
acquise  aux  indigènes,  tout  ce  qu'elles  avaient  de  plus 
précieux  ou  de  plus  sacré  est  devenu  ta  proie  de 
bandes  pillardes  et  licencieuses,  sans  frein  ni  disci- 


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DBS   ANGLAIS   DANS   L*INDB«  18ft 

pline.  Gomment  les  peuples  de  Tlnde  oublieraient-ils 
la  férocité  et  les  brigandages  des  Mahrattes,  dont  le 
passage  fut  tant  de  fois  marqué  par  le  fer  ou  le  feu? 
N'est-ce  pas  sur  leurs  compatriotes  que  les  Pindarries 
ont  exercé  leurs  cruautés,  et  leur  souvenir  ne  rap- 
pelle-t-il  pas  des  scènes  de  cannibales  que  les  mon- 
tagnards du  Népaul  ont  renouvelées  en  massacrant 
les  populations  inofiensives  de  la  plaine? 

Si  rénergie  des  Européens  n'avait  sufS  à  dominer 
rinsurrection  qui  expire  aujourd'hui,  l'effroyable 
anarchie  qui  eût  succédé  à  son  triomphe  eût  été  le 
premier  auxiliaire  du  retour  des  dominateurs ,  et 
cette  crainte  a  été  la  première  ou  plutôt  la  seule  cause 
de  Tattilude  prise  par  les  populations. 

A  un  autre  point  de  vue,  pour  qu'il  y  eût  soulève- 
ment général  dans  l'empire  anglo-indien,  il  faudrait 
non  seulement  que  les  masses  y  fussent  intéressées, 
mais  encore  qu'elles  ne  fussent  divisées  par  aucun 
sentiment  de  haine,  et  c'est  ce  que  les  différences 
entre  leurs  croyances  religieuses  ne  permettront  ja^ 
mais.  Il  n'y  aura  jamais  de  mouvement  simultané, 
parce  que,  du  moment  où  deux  sectes  se  réuniront 
dans  une  même  conspiration,  on  est  toujours  sûr  que 
Tme  trahira  l'autre  avant  le  moment  de  rexplosion. 

i/Angleterre  n'aura  donc  rien  à  craindre  de  ses 
sujets  indiens  tant  qtf  ils  seront  livrés  à  eux-mêmes, 
privés  d'auxiliaires  européens,  et  aussi  longtemps 
qu'elle  respectera  leurs  préjugés  religieux  et  surtout 
leurs  préjugés  de  castes.  Là  serait  le  seul  écueil,  et 
c'est  pour  l'avoir  méconnu  que  la  révolte  des  cipayes 


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ibk  D£   L/i   POISSANGB   JHiLlTAlRB.    ETC. 

a  eu  lieu.  Quant  aux  autres  mouvements  qui  pour- 
raient se  produire,  ne  tendant  pas  à  un  but  unique 
dans  rintérét  général,  n'ayant  point  leurs  racines 
dans  Tamour  de  la  patrie,  ils  ne  trouveront  jamais 
d'écho  hors  du  territoire  où  ils  auront  pris  naissance  ; 
ils  tomberont  d'eux-mêmes  et  disparaîtront  à  l'aspect 
d'un  ou  de  deux  régiments  souvent  formés  de  soldats 
nés  dans  le  même  pays. 

Si  l'on  voulait  objecter  à  cette  appréciation,  de  la 
facilité  avec  laquelle  la  puissance  anglaise  est  en  me- 
sure de  dissiper  ou  de  briser  toutes  les  insurrections, 
l'ébranlement  profond  causé  par  le  soulèvement  de 
1857,  c'est  que  l'on  méconnaîtrait  les  conditions 
tout  exceptionnelles  dans  lesquelles  il  s'est  produit. 
Sans  nous  faire  ici  un  argument  d'un  résultat  que 
nous  avions  prévu  et  annoncé  dès  le  début  de  cette 
étude  et  que  le  canon  de  Lucknow  proclame  au  mo* 
ment  où  nous  écrivons,  nous  nous  proposons  de  dé* 
montrer  que  la  révolte  des  cipayes,  loin  d'infirmer  ce 
que  nous  cherchons  à  établir,  tend  plutôt  à  le  prou- 
ver :  il  nous  suffira  pour  cela  de  démontrer  que  l'in- 
surrection actuelle  a  été  toute  militaire  et  nullement 
nationale.  Ceci  posé,  quant  &  son  origine,  nous  es- 
sayerons d'établir  que  sa  durée  et  ses  proportions  ont 
tenu  aux  imperfections  du  système  et  de  l'organisa- 
tion militaires  de  la  race  conquérante,  nullement  à 
Ténergie  ou  au  patriotisme  de  la  race  conquise. 


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CHAPITRE  X. 


Sommaire  :  Description  générale  physique  el  politique  de  l*Inde 
anglaise.  —  Bornes  et  orographie.  —  Bassins  principaux.  — 
Description  des  provinces  baignées  par  le  Gange.  —  Provinces 
de  rinde  centrale.  —Contrées  baignées  par  Tlndus.  —Pres- 
qu'île du  Deccan.  -^  Divisions  politiques  et  administratives.  -- 
Tableau  des  possessions  immédiates  de  la  Compagnie.  —  Tabloau 
des  possessions  médiates,  ou  États  vassaux.  ~  Superficie  et  po- 
pulation. —  Gouvernement  de  la  Compagnie.  —  Bill  du  2/i  août 
1853.  —  La  Cour  des  directeurs,  le  gouverneur-général,  le 
Conseil  suprême,  le  bureau  do  contrôle.  —  Organisation  de 
l'armée.  —  Tableau  el  composition  des  forces  militaires  de  la 
Compagnie. 


Nous  avons  résumé  succinctement,  dans  les  cha- 
pitres qui  précèdent,  les  différentes  phases  du  déve- 
loppement de  l'empire  anglo-indien.  Le  moment  est 
venu  de  présenter  sur  sa  constitulioti  géographique, 
politique  et  administrative,  quelques  notions  élémen- 
taires indispensables  à  Tintelligence  des  événements 
contemporains  (i). 

JLa  colonie  des  Indes  orientales,  telle  que  l'ont 
faite  les  conquêtes  successives  de  la  Compagnie,  com- 
prend aujourdMiui  la  majeure  partie  du  versant  de 
TAsie  correspondant  à  l'océan  Indien,  cest-àdire 
tous  les  territoires  situés  au  sud  de  la  grande  chaîne 

(1)  Voir  la  carte  jointe  ^  la  dernière  livraison. 


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186  DB   LA   PUISSANCE   MILITAIRB 

de  rHimalaya.  En  réduisant  en  système  les  connais- 
sances très  confuses  et  très  naorcelées  que  nous  avons 
sur  Torographie  de  l'Asie  méridionale,  on  peut  ima- 
giner que  des  groupes  qui  composent  le  Thibet  orien- 
tal, les  uns,  sous  le  nom  de  Tbsounling,  tournent  lei 
sources  du  Satouen,  et  longent  le  cours  supérieur  de 
rirrawaddy  en  s' effaçant  dans  les  plateaux  superpo- 
sés du  Thibet  central,  jusqu'à  ce  qu*ils  se  joignent  à 
la  chaîne  transversale  des  Beiour;  les  autres  coupent 
d'abord  le  Salouen  et  ses  affluents  en  jetant  des  ra- 
meaux entre  ces  deux  rivières,  ensuite  l'Irrawaddy 
en  un  point  très  remarquable,  non-seulement  parce 
quMI  est  presque  à  l'intersection  des  empires  chinois, 
birman  et  anglais,  mais  parce  qu'il  est  probable  que 
la  brèche  par  laquelle  l'Irrawaddy  s'échappe  du  pla- 
teau central  est  la  jonction  des  montagnes  orientales 
de  l'Asie  avec  l'Himalaya. 

C'est  donc  à  partir  dès  monts  Kamti,  qui  séparent 
les  affluents  du  Brahmapoutre  de  ceux  de  Tlrrawaddy, 
que  commence  la  longue  et  épaisse  muraille  de  l'Hi- 
malaya. Cette  chaîne,  qui  forme  la  limite  septen- 
trionale de  l'empire  anglo-indien,  se  dirige  de  Pest  à 
Touest  en  séparant  à  son  tour  les  sources  du  Brahma- 
poutre, et  ensuite  le  bassin  du  Gange,  du  cours  supé* 
rieur  de  l'Irrawaddy,  qui  est  parallèle  à  sa  crète;  elle 
isole  le  Boutan,  le  Népaul,  le  Guerwal  du  Thibet, 
culmine  dans  le  mont  Dhawalageri,  la  plus  haute 
montagne  du  globe  (ft,â90  toises),  et  remonte  au 
nord -ouest  pour  se  joindre  aux  groupes  septentrio- 


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DB5   ANGLAIS  DANS   L*INDB.  187 

n&ax  du  plateau  central.  Ce  lieu  de  jonction  est  très 
reoiarqoable  comme  donnant  source  au  Brahma- 
poutre au  sud-est,  à  l'indus  au  nord-ouest  (leurs 
deux  vallées  étroites,  et  bordées  par  THimalaya,  sem- 
blent le  prolongement  Tune  de  Tautre),  enfin  au  Gange 
au  sud,  dont  la  haute  vallée  n*a  pas  de  ceinture  mar- 
quée, comme  les  deux  autres.  De  là  THimalaya  con- 
tinue à  se  diriger  du  sud-est  au  nord-ouest,  ouvre 
une  brèche  pour  laisser  passer  le  Sutledje,  affluent 
de  rindus,  sépare  le  cours  supérieur  de  ce  fleuve  de 
son  cours  du  milieu,  s'ouvre  pour  le  laisser  écouler, 
et  va  se  confondre  dans  une  masse  énorme  de  hau- 
teurs comprises  entre  Kaboul,  Kachemyreet  Laddack» 
et  qui  pourrait  être  considérée  comme  le  noyau  cen- 
tral de  TAsie. 

En  effet,  de  là  partent  quatre  chaînes  presque  à 
angle  droit  :  THimalaya  au  sud- est,  le  Thsounling  à 
f  est,  le  Bolor  ou  Belour  au  nord,  et  THindou-Koh  à 
Touest.  C'est  cette  dernière  chaîne  qui  sépare  le 
royaume  de  Kaboul  de  la  grande  Boukharie;  c'est  le 
Caucase  indien  des  compagnonsd'Âlexandre  le  Grand, 
et  qui  termine  la  ceinture  du  versant  de  Tocéan  In- 
dien. 11  se  partage,  entre  Kaboul  et  Candahar,  en 
plusieurs  branches,  dont  les  deux  extrêmes  enceignent 
le  plateau  intérieur  de  la  Perse.  La  branche  du  sud 
descend  à  travers  TAffghanistan  et  le  Belouchistan, 
sous  les  noms  de  monts  Souleyman-Koh  et  Brahouick 
(&000  mètres),  en  séparant  le  bassin  de  Tlndus  des 
eaux  du  plateau  de  la  Perse  ;  dans  sa  partie  la  plus 


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188  DE    LA.  PUISSANGK   UlLlTAKaB 

méridionale,  celte  chaîne  prend  le  nom  de  Bolan,  et 
nous  avons  vu  le  rôle  important  qu'elle  avait  rempli 
dans  la  campagne  de  1839 -IS&O. 

Il  nous  reste,  pour  compléter  Torographie  de  Tem- 
pire  anglo-indien,  à  dire  un  mot  des  systèmes  de  mon- 
tagnes qui  séparent  les  principaux  bassins.  Entre  le 
Sutledje  et  la  Djemnah  se  détachent  des  hauteurs  qui 
semblent  d'abord  l'avant-terrasse  de  THimalaya,  et 
deviennent  très  confuses  et  peu  élevées  dans  le  Rad- 
jepootna  ou  pays  d'Àdjimir;  les  unes  vont  fmir  dans 
la  presqu'île  de  Guzerale  ;  les  autres  s'inclinent  au 
sud-est,  et  se  joignent  aux  monts  Windhya.  Ceux-ci 
ne  sont  qu'une  série  de  groupes  et  de  plateaux  de 
800  à  1000  mètres  de  hauteur,  dont  la  direction  gé- 
nérale est  de  l'ouest  à  l'est,  et  qui  enferment  de  tous 
côtés  le  bassin  de  la  Nerbuddah.  C'est  cette  masse  de 
hauteurs  qui  rattache  la  presqu'île  hindoustaniqae 
au  continent.  Vers  l'embouchure  de  la  Nerbuddah 
commencent  les  Ghauts  ou  (ihattes,  qui  forment  la 
charpente  de  cette  presqu'île,  et  la  partagent  en  deux 
versants  très  inégaux  ;  elles  descendent  le  long  de 
la  côte  occidentale  par  une  chaîne  distincte  et  con- 
tinue élevée  de  3000  mètres,  et  finissent  au  cap  Co* 
morin. 

La  penle  des  Chattes  est  très  rapide  sur  la  mer 
d'Oman  ;  mais  sur  le  golfe  du  Bengale  cette  pente  se 
compose  de  terrasses  succcFsives,  dont  les  derniers 
talus  sont  escarpés,  et  semblent  former  une  chaîne  de 
Chattes  orientales  peu  élevées,  et  à  travers  lesquelles 


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DBS    ANGLAIS    DANS    L*INDR.  189 

les  fleuves  s'échappent   comme  par  des  brèches. 

Les  Chattes  orientales»  en  remontant  du  cap  Co- 
morin  au  nord ,  passent  à  70  milles  de  Madras,  en 
longeant  le  Karnatic»  et  se  divisent  ensuite  en  plusieurs 
rameaux  formant  des  vallées  couvertes  d'épaisses 
forêts.  La  chatne  principale  n'a  que  des  défilés 
(Chattes  signifie  portes)  garnis  de  forteresses,  et  les 
indigènes  la  désignent  sous  le  nom  d'Ellakouda. 

A  Tendroit  où  les  Chattes  séparent  les  Circars  du 
nord  de  la  province  de  Berar,  les  montagnes  devien- 
nent presque  inaccessibles,  et  il  n'y  a  qu'un  seul  pas- 
sage pour  les  voitures  et  les  chevaux  ;  c'est  celui  de 
Solar-Ghat»  qui  conduit  dans  le  Behar.  Partout  on 
ne  voit  que  des  masses  de  rochers  qui  s'élèvent  per- 
pendiculairement dans  les  nues,  et  ne  laissent  au- 
cune issue  au  voyageur  épouvanté. 

La  chaîne  occidentale  des  Chattes,  beaucoup  plus 
élevée,  comme  nous  l'avons  dit,  que  la  partie  orien- 
tale, s'étend  sur  une  longueur  d'environ  350  lieues, 
traverse  les  provinces  de  Kanara ,  de  Sounda,  passe 
près  de  Coa,  et  entre  dans  le  pays  des  Mahrattes,  où 
elle  se  partage  en  plusieurs  rameaux.  L'épaisseur  des 
forêts,  la  profondeur  des  précipices  et  la  rapidité  des 
torrents  rendent  très  difficiles  les  passages  de  ces 
montagnes,  qui,  en  quelques  endroits,  sont  de  50  à 
60  milles  anglais.  L'insurrection  de  1857  eût  trouvé 
dans  ces  régions  beaucoup  plus  de  facilités  pour  se 
perpétuer  que  dans  les  plaines  du  Cange,  et  il  est 
heureux  pour  la  domination  anglaise  que  les  succes- 


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190  D£  Là   PUISSANCE  MILITAIEB 

seurs  de  Hyder-AIy  et  de  Tippoo>SaIb  n'aient  point 
hérité  de  Ténergie  et  de  Tesprit  d'indépendance  de 
leurs  devanciers, 

La  partie  orientale  du  versant  de  l'océan  Indien, 
inclinée  fortement  vers  Téquateur,  garantie  des  vents 
du  nord  par  les  plus  hautes  montagnes  du  globe,  ar- 
rosée par  des  fleuves  magnifiques,  se  prolongeant  au 
sud  par  une  large  et  superbe  presqu'île,  est  l'une  des 
contrées  les  plus  riches  et  les  mieux  peuplées  du 
monde.  Son  aspect  est  monotone;  ses  montagnes 
présentent,  en  général,  des  lignes  grandioses,  mais 
point  ou  peu  de  détails  pittoresques;  ses  plaines  im- 
menses, brûlées  par  le  soleil  ou  inondées  par  les 
eaux,  sont  fertiles,  mais  peu  variées.  La  chaleur  et 
l'humidité  extrêmes  dont  le  sol  est  imprégné  lui 
donnent  une  végétation  prodigieuse,  et  un  climat 
délétère  qui  inspire  à  ses  habitants  l'indolence  et  la 
l&cheté  :  aussi  ce  pays,  qui  appelle  l'avidité  des 
conquérants,  n'a  jamais  pu  ni  résister  à  une  invasion 
étrangère,  ni  secouer  le  joug  de  ses  dominateurs. 

La  partie  occidentale  de  l'empire  anglo-indieo, 
placée  sous  la  même  latitude,  se  prolongeant  aussi 
par  une  grande  presqu'île,  présente  un  aspect  tout 
différent;  d'immenses  plateaux  et  des  déserts  de  sable 
couvrent  la  moitié  de  sa  surface;  la  masse  de  ses 
montagnes  ne  lui  donne  que  des  eaux  peu  abondantes; 
mais  el!e  présente  des  sites  variés,  des  vallées  déU* 
cieuses,  un  climat  plus  sain;  et  ces  contrées  âpres  et 
infertiles  ont  nourri  de  tout  temps  des  races  guerrières. 


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DBS  ANGLAIS  DANS  L^INDB.  191 

L'Inde  orientale  doit  la  fertilité  de  son  sol  à  la 
grande  quantité  de  fleuves,  de  rivières  et  de  torrents 
qui  Tarrosent.  Les  anciens  comme  les  modernes  ont 
été  frappés  de  leur  aspect  imposant.  Tous  les  phéno- 
mènes que  présente  le  cours  d'un  fleuve  s'offrent  ici 
sur  une  grande  échelle  ;  nourries  de  toutes  les  neiges 
de  l'Asie  centrale,  les  rivières  de  l'Inde  ressemblent 
déjà,  par  leur  volume  d'eau»  à  nos  plus  grands  fleuves, 
aux  lieux  mêmes  où  elles  conservent  encore  la  marche 
impétueuse  de  nos  torrents  de  montagnes.  Cependant, 
malgré  ces  grands  et  nombreux  cours  d'eau ,  la  zone 
torride  conserve  ses  droits  ;  beaucoup  de  districts  de 
l'Inde  présentent  le  spectacle  de  la  plus  grande  ari- 
dité. Les  réservoirs  ou  tanks,  construits  à  grands 
frais,  fournissent  souvent  de  l'eau  à  des  centaines  de 
villages  à  la  ronde. 

Les  cours  d'eau  de  la  presqu'île  hindoustanique  se 
divisent  naturellement  en  deux  sections  :  ceux  qui  se 
H'ndent  dans  le  golfe  du  Bengale,  et  ceux  qui  tom- 
bent dans  la  mer  d'Oman.  Nous  commencerons  par 
les  bassins  de  Test. 

Le  Salouen  et  l'Irrawaddy  ne  doivent  être  mention- 
nés que  pour  leurs  embouchures,  qui  se  trouvent  sur 
la  portion  de  côte  acquise  par  la  Compagnie  à  la  suite 
de  ses  guerres  avec  les  Birmans.  I^  cours  de  ces 
fleuves  appartient  réellement  à  cet  empire.  Le  Salouen 
finit  à  Amherst-Town,  ville  nouvelle  fondée  par  les 
Anglais  sur  la  frontière,  et  Tune  des  branches 
de  rirrawaddy  arrose  Rangoun,  excellent  port  qui 


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192  DE   LA   PUISSANCE    MILITAIRB 

a  servi    de    base    d*opération   dans    la  campagne 
de  1826. 

Le  Gange,  dont  le  bassin  est  nettement  tracé  au 
nord  par  THimalaya,  et  faiblement  au  sud  par  les 
hauteurs  qui  se  rattachent  aux  monts  Windhya,  des- 
cend de  la  pente  méridionale  de  THimalaya  par  deux 
sources  élevées  de  51/iO  mètres  ;  il  faitde  nombreuses 
chutes,  passe  à  Hurdwar,  traverse  du  nord  au  sud  le 
Rohilcund,  et  du  nord-est  nu  sud- est  les  provinces 
de  Dehii  et  d*Agra,  arrose  Fatighur,  Cawnpoor,  sta- 
tions militaires  des  Anglais;  Allahabad,  grande  place 
d'armes,  la  reine  des  villes  saintes  aux  yeux  des 
Hindous,  très  déchue  aujourd'hui ,  mais  importante 
par  sa  citadelle.  De  cette  ville,  où  il  reçoit  la 
Djumnah,  le  Gange  coule  tortueusement  de  Touest  à 
Test  dans  la  province  de  Behar,  en  arrosant  Mirza- 
pour  et  Chunar,  villes  fortifiées  ;  Bénarès,  la  métro- 
pole religieuse  de  Tlnde;  Ghazipour,  Patnah,  Dina- 
pour,  villes  importantes,  dont  la  première  renferme 
le  dépôt  des  remontes  de  la  cavalerie  anglaise,  et 
dont  la  dernière  a  joué  un  rôle  important  dans  Tin- 
surrection  de  1857.  Au-dessous  de  ces  villes,  le 
Gange  s'incline  au  sud -est  dans  le  Bengale,  et  alors 
commence  le  grand  delta,  où  ses  eaux  se  dispersent 
dans  une  infinité  de  branches,  et  qui  ressemble  soa- 
vent  à  une  mer  de  fange  soulevée  par  les  vents  furieux, 
traversée  par  des  courants  rapides  et  coupée  d'Iles 
inondées.  La  branche  orientale  est  la  plus  considé- 
rable; elle  passe  près  de  Dacca,  ancienne  capitale  du 


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DES   ANGLAIS  DANS  l'iKOK,  lOS 

Bengale,  et  va  se  réunir  au  Bramahpoutre  ;  la  branche 
occidentale  s* appelle  Hougly»  passe  par  Mourchida- 
bad,  grande  ville  dans  les  environs  de  laquelle  est 
Bourhanopour  ou  Burkanpour,  Tune  des  six  grandes 
stations  militaires  des  Anglais.  Plus  au  sud,  THougly 
arrose  Chandernagor,  qui  appartient  aux  Français; 
cette  ville  de  &0,000  âmes,  sans  commerce,  sans  for- 
tifications, sans  importance  aucune,  est  perdue  dans 
les  immenses  possessions  anglaises.  Au-dessous  est 
Calcutta  y  capitale  des  possessions  anglaises  dans 
rinde.  Les  bouches  du  Gange  occupent  60  à  70  lieues 
de  côtes;  son  cours  est  de  600  lieues;  la  salubrité  de 
ses  eaux,  la  richesse  de  son  bassin,  la  fertilité  qu'il 
cause  par  ses  inondations  périodiques  en  ont  fait  le 
fleuve  sacré  des  Hindous. 

Les  affluents  de  gauche  du  Gange  sont  :  1*  le 
Gourotee,  qui  passe  à  Lucknow,  capitale  du  royaume 
d'Oude;  2*  le  Gogra,  qui  traverse  le  Népaul,  arrose 
Fyzabad,  Aoude,  ancienne  capitale  de  ce  royaume, 
et  finit  entre  Ghazipour  et  Patnah;  3*  le  Bagmatty, 
qui  prend  naissance  près  de  Catmendou,  capitale  du 
Népaul  ;  &*  enfin  le  Brahmapoutre,  qui  paratt  naître 
dans  l'extrémité  orientale  de  l'Himalaya,  traverse  le 
royaume  d'Assam,  passe  près  de  Rangpour,  capitale 
de  ce  royaume,  reçoit  k  droite  des  rivières  qui  vien- 
nent du  Boutan,  pays  montagneux,  passe  près  de 
Rangamatty,  ville  au-dessous  de  laquelle  il  tourne  au 
sud  par  des  bras  très  nombreux,  laisse  sur  sa  gauche 
les  montagnes  habitées  par  les  tribus  sauvages  des 
Garrows,  et  se  joint  h  la  branche  orientale  du  Gange 

13 


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19&  DB   LA   PUISàANGË   MIL1TAIAB 

pour  composer  avec  elle  son    inextricable  delta. 

Le  principal  afSuent  de  droite  du  Gange  est  la 
Djumnah.  Cette  rivière  descend  de  THimalaya,  à 
I*ouest  des  sources  du  Gange,  coule  du  nord  au  sud, 
passe  près  de  Kurnawl  et  de  Paniput,  champs  de  ba- 
taille  célèbres  dans  Thistoire  de  Tlnde,  laisse  k 
gauche  Meerut,  l'une  des  plus  grandes  stations  mili- 
taires des  Anglais,  et  arrose  Dehii,  ancienne  capitale 
de  l'empire  des  Grands  Mogols.  De  là  la  Djumnah 
laisse  sur  sa  gauche  Alighur,  forteresse  importante 
qui  fut  longtemps  la  résidence  du  général  Perron  ; 
elle  passe  ensuite  à  Burlpour,  ville  célèbre  par  les 
sièges  qu'elle  a  subis,  prise  d'assaut  en  1826;  puis 
elle  tourne  à  Test,  et  arrose  Agra,  capitale  de  là 
présidence  des  États  du  nord -ouest.  Au-dessous 
d'Agra,  la  Djumnah  passe  encore  à  Êtawah,  Calpi, 
Bandah,  et  finit  au-dessous  d'Allahabad. 

Les  affluents  de  droite  de  la  Djumnah  sont  nom- 
breux, et  leurs  bassins,  qui  s'étendent  jusqu'aux  mofits 
Windhya,  d'où  ils  descendent,  forment  les  provinces 
de  Behar,  d'Adjimir,  de  Cuttack,  de  Gaudowana, 
d'Allahabad,  d'Agra,  de  Dehli,  de  Sindhia  (en 
partie),  etc.,  qui  comptent  parmi  les  possessions  im- 
médiates de  la  Compagnie.  En  outre,  avant  1857, 
dans  ces  mômes  bassins  se  trouvaient  compris  les 
États  vassaux  ou  protégés  de  Rewah,  de  Ihansi,  de 
Pannah,  de  Karouly,  de  Burlhpour,  de  Dholpour,  de 
Pattialah,  de  Bekaneer,  de  Djoudpour,  de  Djeypoar, 
d^Odeypour,  de  Rotah,  etc.,  etc.,  dont  plusieurs  ont 
pris  part  à  la  révolte,  et  seront  sans  doute  annexés 


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définitivement  aux  territoires  de  la  Compagnie  lorsque 
rinmirrection  sera  complètement  étouffée,  et  que  Ton 
procédera  à  la  réorganisation  politique  de  la  prési^ 
dence  du  Bengale. 

Parmi  les  affluents  de  droite  de  la  DJumnah»  le 
Tchamboul  est  le  plus  important;  Tun  de  ses  tribu* 
taires  passe  à  Kotah ,  et  Tautre  à  Goualior,  capitale 
de  Sindhia.  Au-dessous  du  Tchumboul  se  trouve  la 
Cane ,  qui  descend  des  environs  de  Sangor,  et  le 
Soane,  qui  passe  au-dessous  d'Arrah,  théâtre  d'un 
combat  important  livré  au  début  de  la  guerre  actuelle. 
Le  bassin  du  Gange  et  les  provinces  qui  en  font 
partie,   principalement  vers  le  nord,  ayant  été  le 
théâtre  des  événements  les  plus  importants  de  Tin- 
surrection  de  18579  nous  allons  entrer^  à  leur  sujet, 
dans  quelques  détails  qui  en  faciliteront  Tintelligence. 
Le  Rohilcund,  qui  occupe  la  portion  la  plus  sep- 
tentrionale du  bassin  du  Gange,  et  qui  faisait  partie 
du  royaume  d^Oude,  s'étend  au  pied  des  monts  Ke- 
maoun  ;  il  s'appelait  anciennement  Rottalr,  mais  les 
Rohillas,  tribu  d' Afghans  montagnards  (qui,  en 
langue  affghane  ou  patane,  s'appellent  Roh),  après 
fl*être  emparés  de  ce  pays,  lui  ont  donné  leur  nom. 
Ces  ftohillas,  guerriers  perfides  et  rusés,  mais  pa- 
tients et  appliqués  &  Pagriculture,  ont  toujours  entre- 
tenu leur  territoire  dans  un  état  florissant  ;  ils  s'en- 
tendent particulièrement  aux  irrigations,  et  leur  pays 
est  semé  de  canaux,  d'aqueducs  et  d'écluses.  Avant 
rinvasion  des  Rohillas,  le  Rohilcund  faisait  partie 
du  royaume  d'Oode;  il  forma  plus  tard  un  État  indé- 


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196  PR   LA   PDISSANGE   MlLITAiAB 

pendant  ;  mais  la  race  de»  princes  rohillas  s'étant 
éteinte  vers  la  fin  du  siècle  dernier,  le  pays  fut  de 
nouveau  réuni  au  royaume  d*Oude ,  avec  lequel  il 
était  toujours  resté  en  relations  suivies.  La  plus  an- 
cienne ville  du  Rohilcund  est  Sombol  ou  Sbaoïbel, 
ville  entourée  de  murs  en  briques  ;  après  vient  Ram- 
pour,  sur  la  Ko$ila«  qui  autrefois  a  compté  jusqu'à 
100,000  habitants.  Moradabad,  la  capitale  actuelle 
du  Rohilcund,  faisait  encore  un  commerce  important 
au  moment  où  les  insurgés  s'y  sont  établis. 

Le  Douab,  province  comprise  entre  le  cours  du 
Sutledje  et  le  Beyah  ou  Byas,  dépendait  autrefois  du 
royaume  de  Lahore;  les  Anglais  se  le  sont  fait  céder 
en  1846.  Cette  nouvelle  possession,  limitrophe  du 
Pendjaub,  les  rapproche  de  la  vallée  de  Kaschemir, 
dont  ils  ont  fait  un  royaume  vassal  de  leur  empire» 
et  dont  le  souverain  s'est  montré  fidèle  pendant  l'in- 
surrection. Au  sud-ouest  du  Douab  se  trouvent  les 
Ëlat^  de  Jcypour,  de  Beykaneer,  d'Adjeinir,  de  Joud- 
pour  et  d'Odeypour.  Ces  diverses  principautés,  tri- 
butaires des  Anglais,  devaient  entretenir  des  contin- 
gents, dont  quelques-uns,  la  légion  de  Joudpour, 
entre  autres,  ont  fait  cause  commune  avec  lescipayes 
révoltés. 

Kotah,  qui  renferme  un  grand  nombre  de  maisons 
en  pierre,  est  la  capitale  d'un  pays  montagneux^  fer- 
tile et  bien  arrosé,  et  payait  le  septième  environ  de 
ses  revenus  aux  Anglais.  Boundi  est  la  résidence  d'un 
radjah  qui  occupe  la  forteresse;  Tonk  est  le  chef-lieu 
d'uce  principauté  qui  s'étend  jusque  dans  le  Malwah. 


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DBS  ANGLAIS  DANS  L*INDB.  t97 

Nassirabad,  Mundisore,  Neemuch,  Bhopal,  Dhar, 
Mekidpour  et  Sangor  sont  les  villes  principales  qai 
ont  été  occupées  par  les  insurgés  dans  Tlnde  centrale. 

Les  affluents  de  droite  du  Tchumboul  comprennent, 
dans  leurs  bassins,  la  plus  grande  partie  des  États 
de  Scindiah.  La  province  de  Malwah  est  située  au 
sud-est  de  TAdjernir  et  du  Guzeratc.  Une  partie  est 
régie  par  les  Anglais,  l'autre  appartient  au  royaume 
de  Scindiah.  Ainsi  le  Malwah,  peuplé  de  tribus  guer- 
rières et  presque  sauvages  (tels  que  les  Bheels  et  les 
Gounds,  qui  ont  profité  de  la  dernière  révolte  pour 
commettre  de  nouveaux  désordres),  renferme  les  do* 
roaines  héréditaires  de  deux  dynasties  mahraltes  :  les 
Holcar,  dont  Indour  était  la  capitale,  et  les  Scindiah, 
dont  Ougein  était  la  principale  ville. 

On  peut  dire  que  l'indépendance  du  royaume  des 
Scindiah  a  rendu  le  dernier  soupir  avec  son  avant* 
dernier  souverain,  lenkadji-Rao-Scindiah,  mort  le 
7  février  1843.  Toutefois,  les  prévisions  du  gouver- 
nement de  la  Compagnie  ont  été  trompées,  quant  à 
Tattitade  prise  au  milieu  de  Tinsurrection  du  Bengale, 
par  les  troupes  dont  les  traités  imposaient  Tentretien 
au  dernier  Scindiah. 

Après  les  batailles  de  Maharajpour  et  de  Pannias 
(29  décembre  18ft3),  lord  Bllenborough  avait  exigé  le 
licenciement  de  Tarmée  mahratte,  et  sa  réorganisa* 
tionsurde  nouvelles  bases,  qui  devaient  assurer  toute 
sécurité  à  la  Compagnie.  Le  roi  de  Goualior, 
Maharadja-Scindiah ,  devait  entretenir  un  corps  de 
10,000  hommes,  commandés  par  des  officiers  anglais. 


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et  réduire  ses  propres  troupes  à  6,000  hommes  de 
cavalerie»  3,000  hommes  d'infanterie  seulement. 
Cette  force,  commandée  par  des  officiers  indigènes, 
çt  pouvant  disposer  de  32  pièces  d'artillerie ,  était 
la  seule  sur  laquelle  Scindiah  pouvait  compter  en  cas 
de  lutte  avec  la  Compagnie.  L'armée  entière,  cepen- 
dant (c'est-à-dire  le  contingent  commandé  par  Iles 
Anglais,  et  le  corps  de  Scindiah  proprement  dit),  s'est 
ralliée  à  Tinsurrection  de  1857,  contre  la  volonté  do 
souverain,  s'il  faut  en  juger  par  les  apparences.  C'est 
«ne  force  d'environ  20,000  hommes  qui  a  pasaé  ainsi 
aux  insurgés. 

Les  villes  principales  du  Malwab  sont  ;  Ougein, 
qui  perd  chaque  jour  de  son  importance  à  cause  d« 
voisinage  d'Indour,  et  surtout  à  cause  de  la  transla- 
tion du  siège  du  gouvernement  k  Goualior;  —  Bâg, 
ville  ruinée,  mais  qui  fut  importante  ;  —  Tchandery- 
Schah-Djehanpour,  sur  les  rives  du  Sagormotty;  — 
Biisah,  il  quelque  distance,  sur  la  rive  droite  de  la 
Betvah  ;  — Goualior,  une  des  plus  fameuses  forteresses 
dé  rinde,  est  bfttie  sur  un  rocher  isolé»  haut  de 
M  mètrss,  et  qui  a  un  mille  de  tour;  ce  rocher  est  ji 
pic  de  presque  tous  les  côtés,  et  l'on  a  fait  sauter 
partout  les  roches  saillantes.  Un  escalier  taillé  dans 
ieroc,  et  défendu  par  des  fortifications,  c<»Kliiitdan8 
la  forteresse.  Avant  d'arriver  sur  le  plateau  il  fallait, 
dit-on,  traverser  autrefois  sept  portes.  Dans  Tinté* 
rieur  des  murs  il  y  a  des  maisons,  des  champs,  des 
vergers  et  des  réservoirs  pour  la  garnison.  Goualior 
renfermait  jadis  les  trésors  et  les  prisons  d'État  (jks 


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PBS  ANGLAIS   DANS  t^lNDiU  199 

empereurs  mogols.  Malgré  la  position  favorable  de 
celte  forteresse,  et  les  travaux  entrepris  pour  ia 
rendre  imprenable,  les  Anglais  s'en  emparèrent  par 
surprise  en  1780.  Ils  la  rendirent  ensuite  au  radjah, 
et  la  reprirent  en  180/i.  La  ville  de  Goualior  avait 
autrefois  une  population  de  80,000  habitants.  Elle  a 
été  reconstruite  presque  en  entier  depuis  1810,  dans 
une  plaine,  et  à  c6té  des  ruines  de  Tancienne  ville. 
Sa  population  ne  dépasse  pas  aujourd'hui  quelques 
milliers  d'habitants. 

Au  sud-ouest  du  Rohilcund  se  trouve  la  province 
de  Oebli,  qui  s'étend  depuis  le  Gange  jusqu'à  la  ri- 
vière de  Sutledje,  afQuent  de  l'Indus.  La  capitale  de 
cette  province  est  Dehii,  qui  a  joué  un  rôle  si  impor- 
tant pendant  l'insurrection  des  cipayes^  et  dont  nous 
noue  proposons  de  donner  une  description  complète» 
au  point  de  vue  militaire ,  lorsque  nous  résumerons 
les  opérations  du  siège.  Dehli ,  l'ancienne  capitale 
deg  empereurs  mogols,  fut  saccagée  en  1738  par 
Nadir-Schah,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  plus  haut; 
les  Affgbans  et  les  Mahrattes  ont  achevé  sa  ruine. 
Dehli,  au  moment  de  l'insurrection,  était  encore  la 
réskleocedu  descendant  de  Timour,  dépouillé  depuis 
1803  de  sa  couronne  et  de  ses  trésors  ;  il  y  jouissait 
4'UQ6  pension  de  3,6ii0,000  francs,  et  demeurait,  en 
fuelque  sorte,  sous  la  garde  du  résident  anglais.  Les 
autres  villes  de  la  province  de  Dehli  qui  méritent 
d'être  mentionnées  sont  :  Meerut,  dont  nous  avons 
parlé  en  donnant  le  cours  du  Gange  ;  Paniput,  ville 
fiuBeuse  par  la  défaite  des  Mabrattes  en  1762; 


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200  DB  LA  rOISSANGK   HILITAIRB 

Saharunpour,  ville  manufacturière.  Ihansi,  Bareilly, 
Kurnawl  sont  des  stations  dont  il  est  fréquemment 
parlé  dans  les  relations  de  la  guerre  actuelle.  Les 
cruautés  commises  par  les  cipayes  ont  dépassé,  dans 
les  deux  premières  de  ces  villes,  tout  ce  que  Poti  peut 
imaginer  de  plus  odieux. 

Au  sud-est  de  Dehii  et  d'Agra,  au  nord  et  à  Touest 
du  Behar,  s^étend  le  royaume  d*Oude,  en  sanscrit 
Ayodhia.  Cet  État,  dernier  refuge  de  Tinsurreclion  au 
moment  où  nous  écrivons,  était  gouverné  avant  1856 
par  un  prince  vassal  des  Anglais,  aujourd'hui  prison» 
nier  à  Calcutta.  Le  royaume  d*Oude  a  été  annexé  à 
la  fm  de  1855  par  lord  Dalhousie,  et  cette  mesure, 
contraire  au  texte  des  traités,  ne  saurait  trouver  une 
justification  suffisante  dans  la  mauvaise  administra- 
tion reprochée  au  souverain.  Le  sol  de  ce  pays  est  de 
la  plus  grande  fertilité,  ce  qui  explique  comment  il  a 
pu,  depuis  un  an,  fournir  aux  besoins  de  la  multitude 
de  révoltés  qui  ont  afflué  dans  sa  capitale  de  toutes 
les  parties  de  l'Inde. 

Oude  ou  Aoudb,  ville  antique  et  très  grande,  sur  la 
rivière  de  Dewah  ou  Gogra,  est  aujourd'hui  dépeu- 
plée et  déchue  de  son  ancienne  splendeur.  Feyzabad 
ou  Fyzabad,  grande  ville  bâtie  près  d'Oude  au  corn- 
mencement  du  siècle  dernier,  a  servi  de  résideace  au 
souverain  pendant  quelque  temps;  actuellement  il 
réside  à  Lucknovr,  que  Ton  écrit  aussi  Lacknau,  ville 
ancienne  et  grande,  mais  irrégulière  et  mal  bâiie, 
sur  la  Goumlee.  Pour  Lucknow  comme  pour  Dehli, 
nous  donnerons,  en  traitant  des  événements  mili* 


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DBS   ANGLAIS   DANS   l/lNDE.  SOI 

taires,  les  détails  circonstanciés  que  réclame  le  rdie 
important  rempli  par  ces  villes  dans  Tinsurrection  de 
1857. 

Sur  la  rive  gauche  du  Rapty,  dans  l'ancienne  pro- 
vince d'Âoudhy  on  trouve  Goruckpour»  grande  ville 
de  5&y000  habitants»  reprise  sur  les  insurgés  par 
Jung-Bahadoor.  C'est  par  la  route  de  Goruckpour  k 
Fizabad  que  le  chef  des  Goorkhas  s'est  dirigé  sur 
Lucknow,  afin  d'appuyer  les  opérations  du  comman- 
dant en  chefy  sir  Campbell,  contre  la  capitale  de 
l'Oude. 

Au  sud  de  Dehii,  à  l'ouest  du  royaume  d'Oude  et  à 
l'est  du  Malwah,  s'étend  la  province  d'Agra,  dont  la 
capitale  est  le  chef-lieu  de  la  quatrième  présidence 
ou  iieutenance  instituée  pour  l'administration  des 
provinces  du  nord-ouest. 

Agra,  ville  très  grande,  de  125,000  habitants,  s'é- 
tend en  croissant  sur  les  rives  de  la  Djiimnah,  dans 
une  vaste  plaine  ;  elle  a  7  milles  de  long  et  3  de  large. 
C'est  à  l'empereur  Akbar  qu'elle  doit  sa  splendeur  ;  il 
lui  avait  donné  le  nom  d'Âkbar-Abad.  Bien  déchue 
aujourd'hui,  Agra  n'offre  plus  qu'une  réunion  de  fau-^ 
bourgs  b&tis  en  briques  ou  en  boue,  laissant  entre 
eux  des  espaces  vagues,  arides  ou  cultivés,  plus  éten- 
dus que  ceux  qui  sont  bâtis. 

Le  fort  élevé  par  Akbar  sur  les  ruines  d'une  an- 
cienne  forteresse  est  un  polygone  qui  peut  avoir  un 
quart  de  lieue  de  circonférence.  11  a  deux  entrées, 
dont  vue,  celle  du  nord,  est  magnifique;  elle  est 
flanquée  de  deux  énormes  tours  couvertes  de  sculp«- 


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90S  DB   LA   POISSANGB  MILITAIBB 

tures  et  de  mosaïques.  Ce  fort,  dont  les  murailles 
rouges  sont  d*un  effet  des  plus  pittoresques,  est  sur- 
tout remarquable  par  les  édifices  qull  renferme  :  les 
principaux  sont  le  palais  de  Schah-Djihan,  sa  salle 
d'audience  et  le  Moti-Mosjed;  lors  de  l'insurrection, 
il  a  servi  de  refuge  aux  Européens,  qui  ont  pu  s'y 
maintenir  longtemps  et  attendre  du  secours. 

Dans  le  district  d'Âgra  se  trouvent  :  Fatihpour, 
fondée  par  Akbar  ;  Burtpour,  prise  d'assaut  en  1826  ; 
Kerolee,  Marrah.  En  remontant  la  Djumnah,  on  ren- 
contre :  Matrab  ou  Muttrab,  grande  ville  de  65,000  bar 
bitants,  très  ancienne  et  commerçante  ;  Bendrabund 
9t  Horal.  Sur  la  Djumnab  et  à  moitié  chemin  de  la 
route  de  DehH  à  Agra,  on  rencontre  Âiigbur,  l'an- 
cien  quartier-général  des  troupes  européennes  au 
service  des  princes  mahrattes  avant  la  prise  de  Dehli 
par  le  général  Lake.  Entre  la  Djumnab  et  le  Gange 
s'étendent  de  fertiles  plaines.  On  y  remarque  Ka-^ 
nodje,  en  sanscrit  Kaniacoudja,  ville  très  ancienne^ 
au  coDÛuent  du  Gange  et  du  Kiilini;  les  Mahrattes 
l'ont  saccagée  en  1761;  Mynpour,   Furruckabad, 
villes  anciennes  fondées  par  les  Affgbansetquisont 
fréquemment  citées  dans  les  relations  de  la  guerre 
aptuelle.  Furruckabad  compte  77,000  habitants  et 
faisait  un  grand  commerce  avant  l'insurrection.  Étar 
waby  Cawnpour  et  Kalpi  ont  été  occupées  et  dévas- 
tées par  Naoa-Saîb  au  début  de  la  révolte. 

La  province  d'Allababad  est  située  au  sud  d'Oude 
et  au  sud-est  d'Agra,  Elle  comprend  l'Allahabad  pro- 
prement dit  et  le  Bundelcund;  ces  districts  ont  été 


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DBS  AN6L4IS  PANS   t'iNDE.  30S 

occupés  par  le  contingent  révolté  de  Goualior.  Les  villes 
d'Allahabad  (72,000  habitants),  Banda  (&l,000  ha- 
bitants), Pannab,  etc.,  ont  eu  particulièrement  k 
souffrir  du  passage  des  cipayes  qui  se  dirigeaient  sur 
Dehli.  Le  fort  d'Âdjighur,  dans  les  environs  de  Pan* 
nah»  naérite  d'être  cité  :  c*est  le  somotet  aplati  et 
e3carpé  d'une  montagne  en  forme  de  tour,  tenant  par 
sa  base  aux  racines  de  celles  qui  supportent  le  pla* 
teau  de  Pannab.  Ses  pentes,  fort  roides  depuis  sa 
base*  se  relèvent  sous  le  sommet  jusqu'à  devenir 
presque  verticales.  Cette  large  tour^  dont  le  diamètre 
au  sommet  a  près  d'un  mille  (un  quart  de  lieue),  est 
crénelée  :  c'est  l'ouvrage  des  hommes.  Cette  forte- 
resse doit  être  aussi  ancienne  que  leur  établissement 
dans  ce  pays.  Non  loin  d'Adjighur  est  le  fort  plus 
célèbre  encore  de  Kallinger  qui  s'élève  comme  le 
précédent  sur  le  sommet  d'une  montagne  escarpée 
et  stérile. 

A  l'est  de  TAIlahabad  et  de  l'Oude  s'étend  la  pro- 
vince de  Behar,  dont  la  capitale  est  Patnah.  Les 
villes  principales  du  Behar  sont  :  Summulpour,  dans 
une  île  du  Gange;  Hadjipour,  à  2  milles  de  Patnah; 
Tirout,  sur  la  rivière  de  Bhagmati  ;  Monghir,  le  Bir« 
mingbam  de  l'Inde  (/|0,000  habitants);  Benarès 
(171,000  habitants),  la  ville  savante  des  Hindous, 
qui  se  croient  obligés  de  visiter,  au  moins  une  fois 
dans  leur  vie,  ses  établissements  religieux  :  cette  ville . 
est  bâtie  &  la  partie  convexe  de  la  courbe  que  forme 
le  Gange  sous  ses  murs;  en  face,  sur  l'autre  rive, 
est  Rbamnagur,  citadelle  assez  importante,  avec  un 


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S0&  Dl;    LA   PUISSiISCB   VILITAIRK 

beau  palais  que  les  Anglais  avaient  donné  pour  rési- 
dence au  radjah  dépossédé.  A  &k  milles  plus  loin  se 
trouve  Ghazipour,  remarquable  par  son  haras,  et  dont 
la  population  s*élève  à  38,000  habitants.  Sur  la  rive 
droite  du  Gange,  Mirzapour,  dont  la  population  ne 
s*élevait  en  1801  qu*k  50,000  habitants,  et  qui,  d'a- 
près le  recensement  récent,  d'où  nous  extrayons  les 
chiffres  que  nous  donnons,  compte  aujourd'hui 
75,000  âmes. 

Au  sud  de  Mirzapour  se  trouve  Rev^ah,  sur  le  Bi- 
hor;  cette  ancienne  résidence  d'un  radjah  était  close 
d'épaisses  murailles  qui  devaient  servir  jadis  très 
efficacement  à  sa  défense.  Des  tours  en  ruines  flan- 
quent cette  muraille.  Les  environs  de  Bewah  ont  été 
envahis  par  les  insurgés  en  1857  ;  mais  la  bonne 
contenance  du  Résident  y  a  maintenu  l'ascendant 
anglais,  et  cette  ville  est  devenue  le  point  de  départ 
des  retours  offensifs  tentés  contre  les  insurgés  dans 
ces  districts  pendant  la  deuxième  période  de  la  guerre. 

Sur  la  rive  gauche  du  Gange,  et  au  nord  de  Béna- 
rès,  se  trouvent  les  villes  de  Juanpour  et  de  Sultan^ 
pour,  qui  commandent  la  route  de  Gorruckpour. 
Dans  les  opérations  qui  viennent  de  s'effectuer  contre 
Lucknow,  cette  route  a  été  suivie  par  l'une  des  co- 
lonnes de  Tarmée  anglaise,  qui,  après  avoir  nettoyé 
ces  districts  longtemps  occupés  par  les  insurgés, s*est 
réunie  aux  Gorckas  de  Jung^Bahadour,  de  manière 
à  menacer  la  capitale  de  POude  à  Test,  tandis  que  le 
général  Campbell  Pattaquait  à  Touesl. 

Nous  avons  enfin,  pour  épuiser  la  liste  des  pro- 


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DBS  ANGLAIS  DANS   L*JNDB,  205 

vijDces  de  Test,  à  dire  un  mot  de  celle  du  Bengale,  qui 
a  donné  son  nom  à  la  présidence.  Elle  s'étend  le  long 
des  bouches  du  Gange  et  remonte  jusqu'aux  fron- 
tières du  Boutan  et  de  Tempire  des  Birmans.  Nous 
avons  déjà  mentionné  les  villes  de  Chandernagor,  de 
Dacca,  de  Mourchidabad,  de  Burkampour,  en  don^ 
nant  le  cours  du  Gange  ;  il  nous  reste  à  parler  de  la 
capitale  Calcutta»  siège  du  gouvernement  de  la  Corn- 
pagnie.  Cette  ville,  dont  les  faubourgs  s'étendent  à 
une  distance  de  plusieurs  milles,  renferme  une  popu- 
lation difficile  à  apprécier  et  dont  le  chiffre  dépend 
des  limites  qu'on  lui  assigne  :  elle  peut  être  de 
70,000  âmes  si  l'on  se  borne  au  quartier  du  gouver- 
nement (thouringi)  et  aux  rues  environnantes;  elle 
sera  de  600,000  habitants  ou  de  i  million,  et  plus 
encore,  selon  la  quantité  de  faubourgs  que  l'on  con- 
sidérera comme  en  faisant  partie.  Calcutta  possède 
un  bon  port,  un  arsenal,  une  fonderie  de  canons,  une 
citadelle,  le  fort  William,  la  plus  importante  et  la  plus 
régulière  de  l'Inde.  Un  chemin  de  fer  en  partie  ex- 
ploité est  destiné  à  mettre  Calcutta  en  communication 
avec  les  grandes  villes  du  bassin  du  Gange.  A  2/i  ki* 
lomètres  de  Calcutta  est  le  camp  de  Barrackpour, 
point  de  départ  de  l'insurrection  de  1857.  Les  régi- 
ments licenciés  à  Barrackpour  ont  fourni  le  premier 
contingent  à  la  révolte  et  soulevé  sur  leur  passage, 
en  se  rendant  à  Dehii,  toutes  les  garnisons  indigènes 
qui  se  trouvaient  sur  leur  route. 

Après  avoir  étudié  la  géographie   de  la  partie 
orientale  de  l'empire  anglo-indien,  nous  allons  par- 


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906  DB   LA   PCISS ANGB  MILITAIRB 

courir  la  région  occidentale,  c'est-à-dire  celle  qui 
s'étend  sur  les  bords  de  Tlndus,  depuis  les  monts  Hi- 
malaya jusqu'aux  bouches  de  ce  fleuve,  et  dont  une 
partie  est  séparée  du  bassin  du  Gange  par  des  déserte. 

LMndus  ou  Sind  naît  sur  le  revers  septentrional  de 
fHimalaya,  derrière  le  Brahmapoutre,  court  du  sud- 
est  au  nord-ouest,  sur  un  plateau  élevé  de  AOOO  mè- 
tres, et,  parallèlement  &  la  crête  de  l'Himalaya,  ar- 
rose Ladack,  capitale  du  petitThibet,  tourne  à  Touest, 
sort  du  plateau  central  par  plusieurs  ))rèches  succes- 
sives, coule  au  sud-ouest,  arrose  Attok,  ville  forte  par 
laquelle  Alexandre  le  Grand,  Tamerlan  etSchah-Na- 
dir  pénétrèrent  dans  Tlnde.  L'Indus  coule  ensuite  du 
nord  au  sud,  passe  près  de  Dera-Ismael-Rhan,  de 
Dera-Ghazi-Khan,  en  arrosant  les  provinces  de  Pes- 
chawer,  le  Seouestan  et  le  territoire  de  Cotch-Gon- 
dava  ;  de  là,  Tlndus  passe  près  de  Chicarpour,  ville 
forte  qui  a  joué  un  rôle  dans  la  guerre  de  rAfifghanis- 
tan,  puis  il  forme  Tîle  de  Bakkar,  entre  Sakkar  et 
Rori,  positions  qui  commandent  son  cours  et  dont  là 
première  fut  choisie  com/ne  point  de  passage  sur  la 
rive  gauche  par  le  corps  du  Bengale  pendant  la  cam- 
pagne de  1840.  Du  fort  de  Bakkar,  llndus,  jusqu'à 
Hyderabad,  capitale  des  Amirs  du  Sind,  ne  traverse 
aucune  ville  importante.  Au-dessous  de  Tatta,  il  se 
divise  en  deux  branches,  dont  Tune  passe  à  Myrpour 
et  l'autre  à  Vikkur,  en  laissant  à  l'ouest  le  fort  et  le 
port  de  Coratchi  (Kurrachee). 

Les  affluents  de  gauche  de  l' Indus  sont  :  le  Pend- 
jauby  faisceau  de  cinq  rivières  coulant  dans  la  direc- 


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DES   ANGLAIS  DANS   L^INDfi.  207 

tîon  du  nord-ouest  au  sud- ouest,  à  travers  un  pays 
fertile  et  peuplé  qui  s'appelle  aussi  le  Penjaub  (Pen- 
lepotamide),  partie  centrale  de  Tancien  royaume  de 
Porus,  plus  tard  territoire  du  royaume  de  Runjet- 
Sîng.  La  plus  orientale  et  la  plus  considérable  des 
cinq  rivières  qui  forment  le  Penjaub  est  le  Sutledje 
(ancien  Hyphase),  qui  naît  dans  le  lac  Mansarower, 
à  côté  du  Sind,  coule  parallèlement  à  la  crête  de  THi- 
malaya,  arrose  Lodianah,  station  militaire  des  An- 
glais, reçoit  le  Béas  (ancien  Zadrus),  traverse  la 
partie  méridionale  du  Lahore,  la  province  de  Moul- 
tan,  et  se  réunit  au  Djelem  (ancien  Hydaspe).  Celui-ci 
est  le  plus  occidental  des  cinq  cours  d'eau  du  Pen- 
jaub; il  descend  du  versant  sud-est  de  THimalaya, 
traverse  la  haute  et  belle  vallée  de  Rachemyre,  ar- 
rose la  grande  ville  de  ce  nom,  reçoit  d'abord  le 
Tchenaub  (ancien  Acesines),  ensuite  le  Ravi  (ancien 
fiydrastes),  qui  passe  à  Lahore,  capitale  du  royaume 
des  Sykes,  enfin  arrose  Moultan,  ville  très  importante 
par  sa  position  et  sa  citadelle,  et  se  réunit  au  Sutledje 
à  Outch. 

Le  Louny  coule  du  nord-est  au  sud- ouest,  arrose 
Adjimir,  vîire  forte  et  ancienne  capitale  des  Radj- 
poots,  traverse  des  déserts  de  sable  et  se  réunit,  dans 
le  marais  de  Run,  à  un  bras  de  T Indus  qui  forme 
avec  lui  la  grande.lle  de  Kutch. 

Les  affluents  de  droite  de  TLidus  se  réduisent  au 
Loggur  ou  Kaumeh,  qui  arrose  trois  des  principales 
villes  de  TAffghanistan,  Ghaznah,  Caboul  et  Pescha- 
wer.  Cette  dernière,  très  importante  par  sa  position, 


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S08  DB  LA  PDISSAlfGB   MILITAIRB 

est  Tune  des  clefs  du  Pendjaub  contre  les  invasions 
venant  de  TAfighanistan.  Le  Kaumeh  finit  à  Attock. 

Les  villes  les  plus  importantes  du  bassin  de  Tlndus 
sont  :  Rhamnagur  (autrefois  Ressalgur),  sur  le  Tche- 
nab,  où  Rundjet-Sing  exerçait  et  cantonnait  son  ar- 
mée; Mianie,  célèbre  par  la  bataille  livrée  dans  ses 
envirohs;  Rotos,  sur  la  rive  droite  du  Djalem,  forte- 
resse importante  regardée  comme  un  des  principaux 
boulevards  du  Pendjaub.  A  120  kilomètres  &  Test  de 
Tatta  est  Amercote,  importante  forteresse  située  à 
rentrée  du  désert  indien.  Khyrjpour  et  Mirpour, 
Bhawalpour,  Amedpour,  sont  les  chefs-lieux  de  pe- 
tites principautés  vassales  des  Anglais. 

Au  sud  de  THindoustan  proprement  dit  s^étend 
une  belle  et  fertile  péninsule  nommée  généralement 
Dekhan  ou  Deccan,  selon  les  uns,  parce  qu'elle  est 
au  midi  (du  sanscrit  daks-hina^  qui  signifie  sud)j  et, 
selon  d'autres,  d'après  sa  position,  Daxine,  ou  à 
main  droite  :  c'est  sa  situation  pour  ceux  qui  regar- 
dent le  soleil  levant. 

Les  cours  d'eau  qui  arrosent  le  Deccan  sont  les 
suivants  : 

i""  Le  Mahanuddy  descend  des  monts  Windhya, 
traverse  les  provinces  de  Gandouana  et  d'Orissa,  ar- 
rose Cuttack  et  finit  par  plusieurs  branches,  sur  l'une 
desquelles  est  Djaggernaut  (Jagrenah),  célèbre  par 
son  temple,  le  plus  révéré  de  l'Inde. 

S"»  Le  Godavery  descend  des  Ghattes,  passe  près 
de  Dowlutabad,  ville  fortifiée,  et  de  la  cité  déchue 
d'Auruugabad ,  coule  du  nord-ouQst  au  sud-est,  h 


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DBS   ANGLAIS   DANS   l'iNDB.  S09 

travers  les  anciens  États  du  Nizam,  et  finit  par  plu^ 
siears  ennbouchures,  vers  Tune  desquelles  est  Yanaon, 
établissement  français  peuplé  de  20,000  Indiens.  Le 
Godavery  est  un  des  fleuves  sacrés  des  Hindous.  Un 
de  ses  affluents  de  gauche,  le  Bam-Ganga,  passe  à 
Nagpour,  capitale  du  Berar.  Cet  État»  naguère  vas- 
sal des  Anglais,  a  été  réuni  au  domaine  de  la  Compa- 
gnie vers  la  fin  de  185S,  le  gouverfiement  n'ayant 
pas  voulu  admettre  les  droits  des  enfants  adoptifs  du 
dernier  radjah  mort  à  cette  époque.  Le  contingent 
de  cette  province  s'est  insurgé  en  1857;  mais  il  a 
été  désarmé. 

S""  LaKistnah  coule  de  l'ouest  à  l'est,  passe  auprès 
de  Bedjapour,  ancienne  capitale  du  royaume  de  Gol- 
conde,  la  Paimyrede  Tlnde,  et  finit  par  plusieurs 
bouches  dont  l'une  arrose  Masulipatnam,  ville  forte 
et  bon  port. 

Les  affluents  de  la  Kistnah  sont  nombreux  :  1<>  la 
Beinia,  formée  de  la  réunion  de  la  Monta  et  de  la 
Moula,  arrose  Poonah,  ancienne  capitale  des  Mah- 
rattes;  non  loin  de  Poonah  est  Sattarah,  naguère  ca- 
pitale d'un  petit  État  annexé  récemment  au  domaine 
delà  Compagnie.  Poonah,  occupé  définitivement  par 
les  Anglais  en  1818,  est  devenue  une  de  leurs  prin* 
cipales  stations  militaires.  Le  Beinia  a  dans  son  bas- 
sin Ahroednuggur,  grande  et  forte  ville,  importante 
par  sa  position  entre  les  sources  de  la  Kistnah  et  de 
la  Godavery;  2*  la  Toroboudra  a  dans  son  bassin 
Chitteidrong,  ville  très  forte,  habituellement  occu- 
pée par  une  nombreuse  garnison  ;  3"  le  Moussy  ar- 

14 


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fié  DB  LA  ^OlSftANGS   MllItAIM 

rds6   flyd^rabad,    capitale   du   Deccan,    vitt«   de 
iOO.OOO  habitanta. 

6"  Le  Palar  n*e6t  remarquable  que  parce  qc^il 
arrose  Vellore,  Tune  des  villes  les  plus  fortes  de 
rinde,  station  militaire  importante  et  le  lieu  où 
vivent  pensionnés  les  descendants  de  Tippoo-Salb. 
Au  nord  de  l'embouchure  de  cette  rivière  se  trouve 
Madras,  la  deuxième  capitale  de  Tlnde  anglaise,  avee 
un  beau  port,  un  arsenâl^des  magasins  militaires, etc. 
Cette  ville  importante,  divisée  en  deux  parties,  la 
ville  noire  et  la  ville  blanche,  est  le  plus  ancien  éta- 
blissement anglais  de  Tlnde;  elle  est  défendue  par  le 
fort  Saint -Georges,  l-une  des  places  les  plus  fortes  de 
ia  presqu'île.  Madras  compte  ftOO,000  habitants; 
près  d'elle  se  trouve  le  mont  Saint-Thomas,  rocher 
granitique  sur  lequel  s'élève  une  forteresse,  au  pi«d 
de  laquelle  sont  les  principaux  établissements  d'artit- 
lerie  des  Anglais. 

Au  sud  de  Tembouchure  du  Palar  se  trouve  t  Poa* 
dichéry,  grande  ville  autrefois  très  florissante,  chef- 
Heu  des  établissements  français  dans  Tlnde,  avee  une 
rade  peu  commode  et  &5,000  habitants.  Elle  a  été 
prise  par  les  Anglais  en  1761,  1778  et  179S.  C^eet 
surtout  en  parcourant  les  capitales  des  présidences 
anglaises  et  en  les  comparant  aux  établissements 
français  que  Ton  comprend  la  situation  relative  que 
nous  avons  fait  ressortir  dans  notre  résumé  histo* 
rique.  Les  minces  possessions  de  la  France  dans 
rinde  ne  sont  ni  «des  établissements  agricoles  ni  des 
colonies  d'entrepôt,  mais  simplement  des  échelles 


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M»  A1f6LAIft  DAHS  t'UOm.  ff  f 

ooromerciateB;  elles  ne  sont  susceptibles  d'aucnne 
défense  et  n*ont  qu'une  médiocre  utilité.  Victor  Jacr 
qiienu)nt,  dont,  il  est  vrai,  les  appréciations  appar- 
tiennent piQtôt  à  un  touriste  qu'à  un  juge  bien  eoai'* 
pètent  sur  une  aussi  grave  questitHi.ViclorJacquemont 
auraft  considéré  conmie  une  bonne  affaire  pour  la 
France  la  vente  de  ces  tristes  débris  de  sa  puissance 
passée  dans  les  Indes.  Quoi  qu'il  en  soit,  Chanderna* 
gor  et  Pondichéry,  à  côté  de  leurs  brillantes  riva4es, 
Calcutta  et  Madras,  sont  une  humiliation  permaaenti 
pour  le  nom  français. 

6*  Le  Cavery  traverse  le  Malssour  (Mysore)  du 
nord-ouest  au  sud*est,  arrose  :  Seringapatnam,  an* 
eienne  capitale  de  Tippoo-SaTb,  aujourd'hui  déchue 
et  sans  grande  importance  militaire,  prise  d'assaut 
par  les  Anglais  en  1798;  Tritchinapaly,  ville  fortSi 
grande  place  d'armes  bâtie  sur  un  rocher  de  120cnè* 
très  au-dessus  do  niveau  de  la  mer,  station  militaire 
importante.  Tanjaore,  grande  et  forte  ville,  capitale 
d'un  petit  État  vassal  de  la  Compagnie,  et  Tranqu^ 
bar,  bon  port  cédé  récemment  aux  Anglais  par  les 
Danois,  se  trouvent  aussi  sur  le  Cavery.  Tranquebar 
est  défendu  par  un  fort  nommé  Dansborg.  Sur  l'une 
des  branches  de  la  Cavery  se  touve  encore  Negapat- 
nam,  ville  forte  prise  en  1761  par  les  Anglais  et  qui 
appartenait  autrefois  aux  Hollandais  ;  ses  fortifica- 
tions ont  été  négligées  depuis  cette  époque.  Sur  une 
autre  branche  du  Cavery  se  trouve  fLarikal^  établisse- 
ment français  sans  importance. 

Tottte  la  o6le  sud-est  de  la  presqu'île  porte  le  nom 


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m  DU    LA   PUISSAACii   MILITAIBK 

de  Coromandel  ;  en  doublant  le  capComorin,  on  se 
rouve  sur  la  côte  sud-ouest  qui  porte  le  nom  de  Ma^ 
abar.  Là  on  trouve  :  Gotchin,  ville  forte  et  bon  port; 
Kalicut,  ville  autrefois  florissante,  la  première  de 
rinde  où  aborda  Yasco  de  Gama;  Mahé,  petit  éta- 
blissement français;  (^annanore,  grand  port  et  place 
d'armes  des  Anglais^  qui  Pavaient  choisi  pour  base 
d'opération  des  troupes  de  Bombay  dans  la  guerre 
contre  Tippoo-Salb.  Madoura^  Tivenilly,  Bangalore, 
Bednore,  dans  Tintérieur  des  terres*  ont  joué  un  rôle 
important  à  Tépoque  des  guerres  de  la  France  et  de 
TÂngleterre.  Mangalore  est  un  bon  port  et  une  ville 
forte  qui  garde  la  côte  au-dessous  de  Goa.  Ce  chef* 
lieu  des  établissements  portugais  est  aujourd'hui , 
comme  importance,  sur  le  même  niveau  que  ceux  de 
la  Frauda.  Bellary  est  un  cantonnement  militaire  situé 
exactement  au  centre  de  la  presqu'île  et  empruntant 
à  cette  position  une  assez  grande  importance.  Au* 
dessus  du  petit  État  de  Kolapour,  dont  le  contingent 
s'est  rallié  à  l'insurrection,  on  trouve  Bombay,  troi- 
sième capitale  et  premier  port  militaire  de  l'Inde 
anglaise  :  arsenal,  bassins  et  chantiers  de  construc- 
tion; 200,000  habitants.  Cette  ville,  située  dans  l'Ile 
qui  lui  donne  son  nom,  est  défendue  par  une  vaste 
citadelle.  Un  chemin  de  fer  doit  relier  Bombay  et 
Madras,  en  passant  par  Bellary  ;  deux  tronçons  sont 
déjà  construits  entre  Bombay  et  Poonah  d'une  part, 
entre  Madras  et  Yellore  de  l'autre. 

Au-dessus  de  Bombay,  les  Chattes,  en  s'éloignaut 
de  la  côte,  forment  plusieurs  bassins  dans  lesquels 
coulent  : 


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PBS   ANGLAIS   DANS   L^INDB.  21S 

1*  Le  Tapty,  qui  descend  des  monts  Windhya,  se 
dirige  de  Test  à  l'ouest,  passe  près  d'Àssirghur, 
grande  forteresse  prise  par  sir  Wellesley  dans  la 
guerre  contre  les  Mahrattes;  Bourhampour,  ville 
forte  qui  a  joué  un  rôle  important  dans  la  même 
guerre  et  finit  dans  le  gol  Te  de  Cambaye,  au-dessous 
de  Surate,  grande  ville  commerciale  de  100,000  ha* 
bitants. 

2*  La  Nerbuddah  descend  aussi  des  monts  Wind- 
bya,  coule  de  Test  à  Pouest,  à  travers  le  pays  des 
Mahrattes,  et  finit  au-dessous  de  Barotch,  ville  forte 
qui  garde  le  golfe  de  Cambaye.  A  son  bassin  appar- 
tient Baroda,  capitale  du  Guzerate,  où  régnaient  les 
Guikowar.  A  20  milles  de  Baroda,  au  milieu  du  pays 
des  Bihis,  qui  se  sont  agités  pendant  Tinsurrection  de 
1857,  on  trouve  la  forteresse  de  Tchanpanir,  prise 
par  les  Anglais  en  180â,  et  que  sa  situation  sur  une 
montagne  escarpée  rend  d'un  accès  très  difficile. 

8*  Le  Sabermatty  coule  du  nord  au  sud,  arrose 
Amedabad,  ville  ruinée  par  les  Mahrattes,  et  tombe 
dans  le  golfe  de  Cambaye.  Cest  le  dernier  cours 
d^eau  important  avant  d'arriver  à  Tlndus. 

Maintenant  que  nous  avons  décrit  l'ensemble  des 
territoires  qui  constituent  l'empire  angio- indien,  il 
nous  reste  à  en  présenter  les  divisions  au  point  de 
vue  politique  et  administratif.  En  dehors  des  posses- 
sions immédiates  de  la  Compagnie,  on  comptait 
avant  l'insurrection  deux  cent  vingt  royaumes,  prin- 
cipautés ou  fief^  dépendants  ou  tributaires  de  la  Com- 
pagnie des  Indes,  sans  compter  une  infinité  de  petits 


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2t&  BB  Ih   WBlSȈHm  HlLlTAiAB 

princes  ou  chefs  secondaires  liés  par  des  traités  plus 
ou  moins  directs  avec  le  gouvernenoent  suprômiQ  de 
rinde  anglaide. 

Les  événements  de  1857  ont  dû  modifier,  et  sur- 
tout modifieront  grandement,  lorsque  la  guerre  sera 
terminée^  les  divisions  dont  nous  allons  douoer  le 
tableau  ;  lâs  annexions  nouvelles,  prononcées  presque 
chaque  jour  à  mesure  que  Parmée  anglaise  reprend 
possession  des  territoires  occupés  par  les  insurgés, 
ekangeront  sans  doute  complètement  les  relations  po- 
litiques d'un  grand  nombre  d'États  avec  la  Com- 
pagnie» 

L'empire  anglo^indieOt  quant  à  ses  possessions 
immédiates ,  se  divise^  ainsi  que  nous  Tavoos  dît,  en 
trois  préc^idences,  Calcutta,  Madras  et  Bombay,  aux- 
quelles il  faut  ajouter  le  gouvernement  ou  la  lieute- 
nance  des  provinces  du  nord-K)uest,  dont  le  cbeMieu 
était  Agra.  Ces  présidences  se  subdivisent  k  leur  tour 
•o  districts  administrés  par  un  juge,  unr  receveur  ou 
collecteur  des  impôts,  et  un  gouverneur  ou  commAi- 
dant  militaire. 

Yoici,  abstraction  faite  des  a.nneziona  les  plus  ré- 
centes, le  tableau  des  principales  division»  des  pos- 
sesMOi»^  imoiédiates  avant  i8d7« 


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DBS  ANGLAIS   DANS  l'iNDB.  215 


prôvincM.  DistricU.  Cheft-lieux  et  rillet  pri^eS^MHët. 

.  Caleutta CvlcuU.  Barrackpotre. 

'  Naddia  ou  Nndea.  Naddia. 

Houf ly Hoogly.  Kyrpay. 

JewKire» .  • •  Mourley. 

Backergaoge Burisbal.  BackergaDge. 

l  TcliiitagoDg Ulam-Abad.  Maskal.      « 

LTipperah Kamillah.  Luckipoar^ 

iDakka-Djellalpour.  Dakka.   Narraingangé.  Ra(]Jaiiagor. 

Iinymunsing Nassirabad.  Sira^jgaoge. 

Bengale. . . .  /  Silbet' ^ . .  Silhet.  Aimerigange.  Laour* 

jRuDgpoar Rangpoar. 

JDioadjpour Dinadjpoor.  Maldab.  RhaTanipour. 

I  Puroeah PorDeah.  Nathpoar. 

f  Rad«cbahi Nattore.  Radjmabaf. 

Birboum  . .  * Soury.  Badhianath. 

Monrchidabad Monrchid-Abad.  Kassim-Baiar. 

Burdwan Bardwan.  Cntwa. 

Midnapour MidDapoar.  DJeUaaiore. 

^Cooch-Babar Beyar. 

/  Bebar Patoa.  Bebar.  Dinapour. 

1  Rhamgur.  •  • Tiltra.  Rbamgur.  Barwa. 

iuh.r  )  Boglipour Boglipour.  Monghir. 

"**"*" \  Tirbout Hadjipour. 

f  Sarao Cbuppra.  Boggab* 

VSotnb-Abad Arrah,  Bboua. 

Oode Goruckpoar. .....  Gorackpoar. 

^Sirinagor Sirinagor.  Gârigotrf. 

Guenrall.  >  •  <  Kemaon Almora.  BodrîDath. 

(Sinnore Rafogour.  Rampour. 

AiQimir.  • .  •    Adjimir. AdjmiF.  giMWfcfcUitf, 

^tiaUsMfe BaTtfstofe. 

^  Gutiatdr CHitaclr^ 

^v.  I  Kbourdab Khourdagore. 

^^ ]  KboDdjour. ......  Khondjour. . 

'  Uoborbuodje Moborbaodge. 

^Suigboam SQigboum. 

Gandouana .    ÇttftjQBana' DJiibbQlpo«r«  SnkBP^r. 


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216 


DE   LA   POISSANCli   UILITAIRE 


V1CB-PBÊSIDBMCE  OU  UBOTBNANGB  DP  MORD-OUEST, 
^ro^^'  Dfatricu.  Cbefs-Ueux  et  tUIm  princlpatm. 

^  Allahabad Allababad.  Kara. 

.  Jaanponr. Juanponr.  Anmghiir. 

.,,...      )  Benarés Benares.  Ghaiipoar. 

Aiianaoaa.  .  <  ju^^p^Q, Mirzapoar.  Bhamoagur.  Rewah. 

'  Boodelcund.  •  •  • . .  Bandah.  Kallinger* 

^  Rapour -. .  Kapour. 

/  Agra Agrà.  Mattrah. 

I  Etawah Etawab.  Mjnpour.  Kanondje. 

Agra <  Furruckabad Farruckabafl. 

f  Kalpy Kaipy.  Djalouan. 

V  Aiyghur Alyghur. 

^Dehli.. Delhi.  PauipoU 

.  Bareilly Barellly. 

DëhV  l  ^^^^^^^^ Moradabad.  Rampour. 

' I  Saharanpour Saharanpour.  Hardwar. 

Meerut M«eraL  ADopcbeher. 

^  HorriaDa Ihansi. 

6{»jhia   /.«(GouaHor Goualior. 

SiDdbia   (cnj^^^j^.çj^ Bouroanpoar. 

partie  . . .  ^n,,^.,, Oudjein.  Indore. 

raéSIDENCB  DB  MAMAS. 

/  Madras Madras» 

Nellore Nellore.  Ongole. 

i  Arkots^tenlrional  ArkoU  Vellore.  Tripetiy.  . 

I  Arkot  méridional .  Erinomally. 

«         .         JTcbinglebnt Cbinglepat.  Meliapoar. 

■.aroauc . . .  ^  Tandjaor Tandjore,  Nagora. 

I  Tritcbinapaly  ....  Tritchinapaly. 

*  Madoura Madoora. 

Tiveoilly Tivenilly. 

^Chertûgaga Cberangaga. 

Koïmbatoor.   Koïmbatoor, Kolmbatoar.  Eroad, 

MaUsour . .  .    SeringapaUm  ....  Seringapainam. 

(Mysore) 

Malabar. . . .    Malabar. Kalikat  Cananore. 

Kanara  . . .  •    Kanara Mangalore, 

/Rellary Bellary. 

n  1    1^  .       )  Kadappah Kadappab.  Gandfeotab. 

Daiagnai. . .  j  q^^^^j, NixapaUm. 

V  Mazulipatam Mazultpatam.  EUore. 

p._,_,      .   /Radjah-Mandry...  Madapolam. 

Kn«^    ^"   Vizagapaum Viiagapatam. 

^''™*"    (Oandjam Gan^Jam. 


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DBS   ANGLAIS   DANS    lNkdK.  SI7 


DiatrieU.  Ohefit-liMu  «1  tIUm  priaci|MUt. 

rBomlMiy Bombay.  Mahim. 

DJowar Qjowar. 

Kalliaoi Ktf lianL  Ra^tapoor. 

iBaglaoa. Sallier. 

f  Sangamnir Natiolu 

^Peralndah PferaTodab. 

I  Solapoar Solapour. 

'  Àbmeéoaggor. . . .  AbiMdoaggor, 

AkaIkotU AkaIkotU. 

\  DJounîr Noada. 

iKoDkan  du  Nord. .  Tanna. 

Konkan  du  Sud. . .  Ralpour.  Gberiab. 

Dharwar Dbarwar. 

Gaina Tchaadore, 

/Kandeich Nanduurbar. 

Kandcicb. . .  I  Meywar Oderp^nr. 

(Sorate Surate. 

ÎBarotcb Barotcb. 
Kaïra Bidjapour. 
Abmed-Abad Ahmed-Abad. 

Les  possessions  médiates  de  la  Compagnie  se  com- 
posaient, avant  1857,  ainsi  que  nous  Pavons  dit,  de 
deux  cent  vingt  royaumes  ou  principautés  dépen* 
dants  à  des  degrés  divers,  et  en  vertu  de  traités 
particuliers  à  chacun,  de  l*Angleterre«  Noos  donne- 
rons seulement  la  liste  des  plus  importants  parmi  ces 
États,  et  nous  ne  ferons  quMndiquer  les  groupes  dont 
le  détail  serait  sans  intérêt.  Ainsi  : 

hAbltoota. 

Le  Bandelcund  renferme ...  34  petits  états  (Hindous).  1,000,000 

Les  territoires  de  Saugor  et 
Nerbuddah 6  petits  états  (Hindous) .  1 ,500,000 

Dépendants  d*lndore il  petits  états  (y  compris 

Dbar  et  Dewas) 700,000 

An  pied  de  l'Hyroalaya 23  petite  éUte 600,000 

Sur  la  frontière  O.du  Bengale.  30  petits  états 1*300,000 

Sur  ta  frontière  N.-E.  du 
Bengale 31  petits  étate 1,000,000 


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SIS 


P9  U   FDI88ANCB  mUT^fVt 


TJkBLBAU  DBS  PURCIFmr  ÉtAft  1 

ATANT   1891. 


Était.  Vf  ofteces.  CkùùrU^m.  —  ▼OXm- 

Principauté  de  freirvU  . . .  \  /  Rewalrf  (I). 

—  de  Paoaah /  (  Pantith. 

Royaume  d'Oade. Oode Imkaaw,  Feyzibad  (S). 

Principaulé  de  Karoulée . .  \  >  Karoulée. 

—  de  Burtpoar (  ^^  )  Burlpour  (3% 

—  de  Dholpour (^^ j  Dholpour. 

—  de  Matchery /  \  Al war,  Watchcry. 

Principaaté  de  Palhialair.>  /  PathiaUh. 

—  de  Thanasy r ï  l  Thaoaiyr  {l)^ 

—  de  Sirhind (n^hlt  )  ^■>*b^'><^- 

—  de  Djeeelmecr  . . .  (  ^"    ]  Djenelmccr. 

—  de  Bekaneer \  [  Bekaoeer. 

Pays  des  Batthis y  \Raniali. 

Principauté  de  DJondpèa#.  \  /  QMdpoav  (W,  Nagora. 

—  de  DJeypour j  l  Djcypour  (6). 

—  de  Odeypoor (  «m«pi»«».-j  odeypour. 

^    deBouodi 1  f  BoUiidi. 

—  deKotah J  Vl^oUh. 

Royaume  de  Nagpour....    Gandouapa | n?^^  V^,wi^ 

Soyiiltte  «I  If isoca. . . .  •  liyiK^rt. 

BoyàiStte  4e  TMva*M«9 . .  \ 

—  de  Cochin (iLidfci«fl«r  1  SaUrah  (8). 

—  deSatareb (^••«''^' (lolapow. 

—  delLolapour....*  I 


(1  )  Cet  TiUes  ont  été  oecup^M  par  1m  intarg^t. 

(S)  Foyer  principal  <!«  rinsurrvction. 

($)  Ôccaptf  par  les  insurgtfi  pendant  la  révolte. 

(4)  ti^m.  Idem, 

(8)  la  Ugion  de  Dfondp^r  a*est  rtfiMie  ans  inrargëa. 
(•)  Poyars  de  l'iutnrreolian  dan»  Tlade  centrale. 
(7)  1*9  4»ntingent  réroltd  a  did  ddiarmd. 

(5)  Les  troupes  de  Boabey  ont  eu  i  réprin 
Solaponr  t'est  rtfvoUd. 


des  tenutlTe»  d*iBinmctiMi  k 


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Ms  AHfluis  oAifs  l'indu*  SM 


Bèywe  de  Baroda«  •  •  »  •  V 
Priocipauié  de  Therad. .  •  j 

—  ??°T* /  fB«o«wara. 

^    deNMDagor \  iGoandal. 

—  de  Goondal i 

—  daCambaia J 

flciiHlIib  on GouaUor. . • •••    Soaaliar  (I). 

Ro7aamed*lDdoar(Holkar)^  /^Dbara,  lDdore<2)é 

Priacipauté  de  Bhopal . .  •  >Halwah. . .  <  MiiDdisore,  Mekedpour. 

—  de  Dhara )  (  Neemuch. 

Royaame  da  Nizani Goleonde,  Ellitekpoàr,  Aareb- 

fatad. 


Si  nous  voulons  maintenant  avoir  une  idée  de  la 
population  et  de  la  superficie  de  Timmense  empire 
dont  nous  venons  de  présenter  les  divisions,  un  rap- 
port parlementaire  déposé  récemment,  sur  la  motion 
du  colonel  Sikes,  nous  offre  les  détails  statistiques 
suivants  : 

L'ensemble  des  gouvernements  de  Tlnde  s*étend 
sur  une  surface  de  l,/i66»576  milles  carrés;  les  États 
anglais  occupent  837,  A.1 2  milles;  les  États  gouvernés 
par  des  princes  indigènes,  ÔST^OIO. 

La  population  totale  serait  de  180,88/i,297  &mes, 
à  savo'ur  :  131,990,901  dans  les  États  anglais, 
i8,â76,247  dans  les  États  gouvernés  par  les  princes 
indigènes,  et  617, 1&9  dans  les  possessions  de  la 
FraMe  et  du  Portugal. 


(1)  Le  Eadjab  est  re»t^  fidèle,  meU  see  troapee  te  sont  jointes  eux  Cipiyetr^olttfs. 
(S)  OccBptfi  p«r  les  iasnrfrfs.  —  La  (prineipatité  de  Dhera  Tient  d*étre  ùmHén 
|er  la^ti^nl  ilr  Bmglles  Rose. 


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230  Dfi   LA   PUISSANCE   MILITAIRE 

Les  États  administrés  par  le  gouverneur  général 
en  conseil  sont  peuplés  de  23,255,272  ftmes;  les 
États  administrés  par  le  lieutenant  gouverneur,  de 
&0,8529937  âmes.  Le  lieutenant  gouverneur  des 
provinces  du  nord-ouest  exerce  son  antorité  sur  une 
population  de  33,655,193  &mes.  Le  gouverneur  de 
Madras  étend  la  sienne  sur  22,/i37,297,  et  celui  de 
Bombay  sur  ll,790«0/i2. 

Nous  avons  indiqué  sommairement,  dans  le  cou- 
rant de  ce  livre,  les  divers  contrats  d  après  lesquels 
la  Compagnie  des  Indes  anglaises  a  successivement 
obtenu  du  gouvernement  de  la  métropole  la  conser- 
vation ou  la  modification  plus  ou  moin3  avantageuse 
de  ses  droits  sur  Tadminislration  de  la  colonie.  La 
dernière  transaction  consentie  par  le  gouvernement 
anglais  est  du  2&  août  18ô3.  Aux  termes  de  cet  acte, 
dont  les  événements  de  1857  doivent  amener  pro- 
chainement Tabrogation,  Tlnde  anglaise,  jusqu^à 
nouvelle  décision  du  gouvernement,  devait  rester 
sous  le  gouvernement  de  la  Connpagnie  à  diverses 
conditions  :  «  Le  nombre  des  directeurs  'était  réduit 
à  douze  au  lieu  de  vingt-quatre  ;  la  reine  d*Angleterre 
en  nommait  trois;  ^  les  directeurs  étaient  nommés 
pour  six  ans ,  mais  ils  étaient  rééligibles  ;  ils  devaient 
être  propriétaires  de  1 ,000  livres  sterling  au  moins 
du  fonds  de  Tlnde;  —  des  conseillers  pris  dans  la 
législature  se  joignaient  au  conseil  de  Tlnde  lorsqu^il 
s*agis6ait  de  Taire  des  lois  et  des  règlements  ;  le  choix 
des  conseillers  devait  obtenir  Tapprobation  du  gou- 
vernement; le  gouverneur  de  Tlnde  était  nommé  par 


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DBS   ANGLAIS  DANS  L*I|9DB«  3Si 

les  directeurs,  mais  sous  Tapprobation  du  gouverne- 
ment de  la  reine.  » 

Rien  n^était  changé  à  TorganisatioD  du  bureau  de 
contrôle.  Ce  bureau  et  la  cour  des  directeurs  sont 
deux  pouvoirs  antagonistes  siégeant  à  Londres,  et 
qui  se  sont  partagé  jusqu'ici  le  gouvernement  de 
rinde.  Le  troisième  pouvoir,  Tadministration  réelle 
de  rinde,  qui  reçoit  ses  instructions  des  deux  pre- 
miers, est  composé  du  gouverneur  générai  et  des 
cinq  membres  du  conseil  supérieur  de T Inde;  il  siège 
à  Calcutta. 

Les  pouvoirs  du  gouverneur  général  sont  absolus; 
sous  sa  propre  responsabilité,  il  peut  prendre  toutes 
les  mesures  qui  lui  semblent  nécessaires,  jusqu'à  ce 
qu'il  ait  reçu  les  ordres  du  pouvoir  de  Londres, 
ordres  auxquels  il  est  obligé  d'obéir,  sous  peine  d'être 
mis  eo  accusation  pour  liaute  trahison. 

Le  commandant  en  chef  de  l'armée  est  de  droit 
membre  extraordinaire  du  conseil  suprême  de  l'Inde. 

Quant  à  l'armée  destinée  à  maintenir  dans  l'obéis- 
sance les  vastes  possessions  que  gouverne  la  Compa- 
gnie, nous  en  ferons,  dans  un  chapitre  spécial,  l'ob- 
jet d'une  étude  approfondie;  disons  pourtant,  dès  à 
présent,  qu'elle  se  compose  de  deux  éléments  très 
distincts  :  de  l'armée  royale,  exclusivement  formée  de 
troupes  anglaises,  et  de  l'armée  de  la  Compagnie,  où 
domine  l'élément  natif.  L'armement,  l'habillement 
des  cipayes  sont  les  mêmes  que  ceux  de  l'armée 
royale  ;  mais  là  s'arrête,  comme  nous  le  verrons  plus 
loin,  toute  la  ressemblance.  Un  fait  d'une  haute  por- 


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tSS  DB  LA   PinSSANGB   MTtlTÂlftÉ 

tée  polîlîco-milîtaîre ,  et  que  nous  devons  signaler 
dès  à  présent,  à  cause  de  Tinfluence  quMt  a  exercée 
sur  les  événements,  c^est  que  les  deux  éléments  qui 
constituent  la  force  militaire  de  la  Grande-Bretagne 
dans  rinde ,  Tarmée  royale  et  l'armée  de  la  Compa- 
gnie, se  divisent  en  deux  camps  différents  :  les  ofli* 
ciers  de  cette  dernière,  exclus  des  hautes  positions 
militaires  des  commandements  supérieurs,  sont  jaloux 
de  ces  avantages  et  de  la  considération  qu'ils  procu- 
rent; comme  dédommagement,  on  les  emploie,  au 
grand  détriment  des  intérêts  militaires  proprement 
dits ,  à  des  fonctions  administratives  qui  les  éioignent 
de  leurs  corps,  et  les  officiers  de  Tarmée  de  la  reine 
sont,  à  leur  tour,  envieux  des  positions  lucratives 
accordées  aux  officiers  de  Tarmée  de  la  Gompagnie 
dans  le  civil  et  dans  la  diplomatie. 

En  tenant  compte  de  quelques  corps  importants, 
tels  que  les  Lascars  attachés  à  rarlillerie,  les  sapeurs 
et  mineurs ,  les  vétérans  européens  et  natifs,  le  ser- 
vice médical  en  sous-ordre,  on  obtient,  pour  Teifec- 
tif  général  des  forces  militaires  des  Anglais  dans 
rinde  avant  Tinsurrection,  le  chiffi^e  considérable  de 
52S,82S  hommes  et  516  canons. 
'  L'armée  native  du  Bengale  s'étant  révoltée  tout 
ientière ,  il  est  facile,  avec  le  tableau  suivant,  d*ap- 
précier  à  la  fois  et  la  réduction  que  Tétat  militaire 
de  la  Gompagnie  a  subie,  et  la  force  du  contingent  qae 
les  cipayes  ont  apporté  à  la  révolte. 

L'état  ci-après  donne  la  force  et  la  compositiofi 
de  l'armée  anglo-indienne,  telle  qu'elle  existait 
avant  rinsarrectioQ  du  Bengale. 


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DBS  ANGLAIS  DANS  l'iNOB. 


223 


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X 


CHAPITRE  Xn. 


ScMmAiRE  :  —  La  révolte  d»  Indes  en  1S57  a  été  un  mouvement 
miliUiire  et  non  un  soulèvement  national.  ~  Circonstances  ex- 
eeptîonnelles  qui  ont  donné  à  la  rébellion  des  cipayes  d'autres 
proportions  que  celles  des  iusurreclions  militaires  précédentes. 

—  Coup  d*œil  sur  ces  insurrections.  —  Révoltes  de  Vellore,  de 
Barrackpore,  de  Bangalore,  etc.  —  Leur  analogie  parfaite  avec 
la  révolte  de  1857.  —Situation  des  Anglais  au  début  de  Tinsur- 
reclion.  —  Affaire  du  19*  et  du  3V.  —Révolte  de  Meerut.  — 
Choix  de  Dehii  comme  principal  foyer  de  Tinsurrection.  — 
Massacre  des  Anglais  dans  cette  ville.  —  Restauration  du  trône 
des  Grands-Mogols.  —  Manifeste  des  insurgés  de  DeblL  —  Pro- 
clamation du  gouverneur  général.  -^  Emplacement  des  troupes 
earopét^nnes  au  début  de  Tinsurrection.  —  Position  critique  des 
Anglais.  — Conduite  de  sir  Jobn  Lawrence  dans  le  Pendjaub. 
-«Désarmement  des  Cipayes  à  lidhore  et  Peshawer.—  Les  géné- 
raux Reîd»  Gotton^  Cbamberlain,  van  Cortland  ;  le  brigadier 
Corbett.  —  Les  colonels  Edwards  et  Nicholson.  —  Révolte  de 
Ferozepour.  —  Affaires  de  Pblllour  et  de  Seaikote.  —  Influence 
exercée  par  Tobéissance  du  Pendjaub  sur  Tensembie  des  opéra- 
tions. —  Rébellion  des  sapeurs-mineurs  ë  BourlLce.  —  Soulève- 
ment du  1»*  à  Alyghur.  —  Désarmement  des  5'  et  60*  à  Umballah* 

—  Sir  Henry  Lawrence  à  Lucknow.  —  Atrocités  commises  par 
les  cipayes  dans  le  Rohilcund  ;  révoltes  du  18*  et  du  68*  à  Ba- 
reilly;  du  28*  k  Scbadjibanpour.  -^  Insurrections  du  17*  k 
Aziragurb.— Affaire  de  Benarès.*—  Révolte  du  6«  k  Allababad, 
du  12*  et  du  lA*  k  Ibansi.  —  Le  29«  k  Horadabad  et  le  22*  k 
Fyzabad.— Attitude  des  présidences  de  Bombay  et  de  Madras. 

—  Ordre  du  jour  des  lanciers  de  Nusserabad.— Défection  du 
contingent  de  Goûallor.  —  Situation  de  Tlnde  centrale  au  mo- 
ment du  siège  de  DelhL 

Nous  avons  suivi  dans  ses  développements  succes- 
sifs rétablissement  de  l'empire angio -indien,  et  nous 

15 


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y^ 


226  DE   LA    PUISSANCE   HTLlTAIEfi 

avons  résumé  dfttis  le  chapitre  précédent  la  situation 
de  cette  magnifique  colonie  en  offrant  à  nos  lecteurs 
un  tableau  qui  rivalise,  sans  contredit,  nvec  les  plus 
grandioses  et  les  plus  sublimes  de  l'histoire  ro- 
maine. Jamais,  suivant  l'heureuse  expression  de 
M.  de  Warren  ,  jamais  «  la  Reine  du  monde  n'at- 
tela plus  de  peuples  et  de  souverains  à  son  char  de 
triomphe*  » 

Parvenu  au  plus  haut  degré  de  sa  puissance, 
Tempire  anglo-indien  ne  pouvait  plus  que  décroître  ; 
si  habile  qu'eût  été  la  conduite  de  T Angleterre,  son 
adresse  et  sa  fortune  ne  pouvaient  indéfiniment  pré- 
valoir contre  les  règles  éternelles  qui  gouvernent  le 
inonde  social  et  politique.  La  puissance,  c'est  Tordre  ; 
la  vie,  c'est  Téquilibre.  Or,  l'empire  anglo-indien, 
dont  le  développement  ne  peut  plus  être  contenu  dans 
aucune  limite  et  dont  l'organisation,  ouvrage  de  la 
force,  ne  peut  se  conserver  que  par  la  force,  l'empire 
ftnglo-indien,  disons-nous,  devait  être  ébranlé  jus- 
que dans  ses  fondements  le  jour  oii  les  bases  factices 
et  précaires  sur  lesquelles  repose  sa  puissance  utili- 
taire seraient  elles-mêmes  compromises. 

L'année  1857  a  été  marquée  par  le  premier  coup 
de  cette  tempête  immense  qui,  depuis  un  quart  de 
siècle,  n'a  cesisé  de  menacer  l'existence  artificielle  de 
rinde  anglaise.  C'est  au  moment  où  nos  voisins  en- 
registraient le  centième  anniversaire  de  la  bataille  de 
Plassey,  d'où  date  Tère  de  la  puissance  britannique 
aux  Indes,  c'est  au  moment  où  allait  se  fermer  ee 


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DBS  ANGLAIS   DANS   L'IKDB.  S27 

siècle  de  calme  et  glorieuse  possession  qu'une  révolte 
militaire,  sans  précédents  dans  Thisloire  par  ses  pro- 
portions et  sa  fureur,  allait  devenir  l'objet  des  plus 
sérieuses  préoccupations  du  gouvernement  de  la 
mère  patrie. 

Depuis  un  an,  Tlnde  est  le  thé&tre  des  crimes  et 
des  atrocités  les  plus  horribles  :  les  officiers  sont 
Ittassacrés  par  leurs  soldats,  les  femmes  sont  outra- 
Igées  et  coupées  en  pièces,  de  malheureux  enfants 
Bont  brûlés  vivants  sous  les  yeux  de  leurs  parents. 
Guerre,  meurtres,  pillage,  exécutions  sur  une  échelle 
Inouïe,  inconnue  même  aux  époques  les  plus  néfastes 
dans  rhistoire  des  nations,  telles  sont  les  scènes  qui 
viennent  affliger  cette  belle  contrée  de  Tlnde,  où  de- 
puis un  siècle  cependant  les  Anglais  font  la  loi  et 
exercent  Tautorité.  Une  pareille  situation  était  bien 
de  nature  à  éveiller  l'attention  des  publicistes  de  la 
Grande-Bretagne  et  de  la  France.  Aussi,  de  nom- 
breux écrits  ont  été  répandus,  ayant  tous  pour  but  de 
constater  le  mal,  d'en  rechercher  les  causes  et  d'in- 
diquer  les  moyens  d'y  remédier. 

Cest  à  cette  lâche  que  nous  voulons  apporter  notre 
modeste  tribut. 

Les  événements  de  l'Inde  constituent  une  insurrec- 
tion essentiellement  militaire.  Ce  n'est  pas  seulement 
parce  que  l'armée,  la  première,  a  donné  l'exemple 
de  la  révolte  et  du  crime,  mais  c'est  parce  que  le  pa- 
triotisme, seul  mobile  d'un  mouvement  réellement 
national,  ne  pouvait  rien  avoir  affaire  clans  la  circon- 


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S28  D£   LA   PUISSANCE   MILITAIRE 

stance  actuelle.  De  patriotisme,  il  n^en  est  pas  ques- 
tion chez  des  gens  qui,  depuis  six  cents  ans,  n'ont 
plus  de  patrie;  d'intérêt  commun,  il  n'en  existe  pas 
parmi  des  hommes  divisés  et  indifférents  à  l'oppres- 
sion les  uns  des  autres.  Quant  à  ce  point  d'honneur 
national  ou  personnel  qu'on  suppose  parrois  aux  Hin- 
dous, et  qui  les  rendrait  sensibles  à  leur  situation  in- 
férieure et  parfois  humiliante  à  l'égacd  xles. Euro- 
péens, les  personnes  qui  les  connaiâSiini.k..mieux 
assurent  que  ce.senliment  n'a  aucune  pke&dans  leur 
esprit;  qu'ils  considèrent  volontiers  cette  infériorité 
comme  une  loi  de  la  nature  ;  qu'ils  songent  aussi  peu 
h  s'en  plaindre  que  du  choléra.  ^ 

Nous  l'avons  déjà  dit,  l'immense  infériorité  morale 
de  l'Indien  devant  les  Européens  le  condamne  à  une 
obéissance  éternelle.  Rien  ne  saurait  prévaloir  contre 
la  terreur,  le  respect,  l'admiration,  que  ceux-ci  in- 
spirent aux  nations  de  l'Asie  par  leur  caractère,  leur 
puissance,  leur  civilisation.  Les  populations  ont  donc 
toujours  été  hors  de  cause  dans  les  soulèvements  qui 
ont  agité  les  Indes,  car,  on  ne  saurait  le  nier,  la 
domination  des  Anglais  est  un  bienfait  immense  pour 
ces  peuples  habitués  de  tout  temps  à  être  opprimés 
par  les  conquérants.  Jamais  ils  n'en  ont  rencontré 
d'aussi  bienveillants,  et  les  imperfections  de  l'admi- 
nistration anglo-indienne  fussent-elles  mille  fois  plus 
évidentes  encore  que  ses  détracteurs  n'ont  réussi  à  le 
démontrer,  celte  administration,  pour  ces  popula- 
tions si  lâches,  si  avilies,  n*cn  serait  pas  moins  le 


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DKS  ATHGLAIS   DANS  L*JND8.  229 

seul  système  qui,  au  milieu  de  leur  servitude  sécu* 
laire,  leur  ait  donné  ce  qu'ils  n'avaient  jamais  eu 
sous  leurs  anciens  maîtres  :  le  repos  sous  un  gouver- 
nement régulier. 

Pour  nous,  la  révolte  des  Indes  n'est  donc  qu'une 
révolte  militaire,  et,  à  ce  titre,  nous  pensons  que  son 
étude  est  d'un  intérêt  puissant  pour  les  militaires  de 
tous  les  paysi^toutefois,  si  nous  ne  partageons  pas 
l'opinion  des  écrivains  qui  ont  voulu  transformer  ce 
soulèvement  en  un  mouvement  national,  d'un  autre 
côté,  nous  sommes  loin  de  prétendre,  comme  Tout  fait 
les  adversaires  de  M.  D'israëli,  que  les  fautes  de 
l'administration  ou  les  vices  du  système  politique 
suivi  par  le  gouvernement  de  la  Compagnie  n'aient 
eu  aucune  influence  quant  au  développement  et  à  Vin* 
tensilé  de  la  rébellion. 

Maintes  fois,  depuis  un  demi-rsiècle,  les  cipayes  se 
sont  révoltés,  poussés  par  des  mobiles  aussi  puérils 
en  apparence,  qiioique  aussi  sérieux  pour  eux,  en 
réalité,  que  ceux  auxquels  l'armée  du  Bengale  vient 
d'obéir.  Si,  jusqu'ici,  toutes  ces  insurrections  avaient 
été  étouffées,  c'est  qu'elles  ne  s'étaient  pas  produites 
dans  les  circonstances  exceptionnelles  qui  ont  accom- 
pagné la  révolte  actuelle;  c'est  que  les  conspirateurs 
de  Barrackpore,  de  Vellore,  de  Bangalore,  de  Kur- 
nawl,  etc.,  n'avaient  pas  à  compter  dans  le  pays  sur 
les  auxiliaires  que  l'insurrection  de  1857  a  ren* 
contrés. 

Ces  auxiliaires,  nous  allons  les  définir  dès  à  pres- 
sent, d'une  façon  sommaire,  en  ce  qui  touche  à  la 


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230  DK   LA   9UI6aANG£   UILITAIRK 

politique  et  à  radministration  de  ia  Compagnie^ 
Quant  à  la  question  militaire  proprement  dite»  nous 
la  réservons  pour  le  moment,  regardant  comme  pré« 
férabic  de  ne  la  traiter  qu'après  l'exposé  des  évéoe-* 
ments  accomplis,  ces  derniers  devant  nous  fournir  de 
nombreux  enseignements  à  i  appui  des  modifications 
et  des  réformes  que  réclame,  suivant  nous,  Porgarii* 
sation  de  la  puissance  militaire  des  Anglais  dans  les 
Indes. 

Toutefois,  puisque  c'estj' armée  qui  a  jouéleprin* 
cipal,  disons  même  le  seul  rôle,  dans  la  révolte,  nous 
devons  avant  tout  mentionner  ici  quelques-uns  das 
vices  de  son  organisatiog^s^uf  à  reprendre  plastard, 
et  en  détail  uhè^discussionvque  nous  allons  seule^ 
ment  eflOeurer. 

Tous  les  organes  de  la  presse  se  sont  trouvés 
d'accord  pour  assigner  les  causes  suivantes  au  sourd 
mécontentement  qui  a  fait  explosion  dans  les  rangs 
indigènes  et  à  la  facilité  avec  laquelle  rarmée  dut 
Bengale  a  disparu  dans  la  tourmente  de  1857  :  d'&<> 
bord,  l'ancienneté  admise  comme  seul  moyen  d^avan-* 
cément;  ensuite,  la  qualité  médiocre  des  ^officiers  qui 
ssrventdans  les  rangs;  en  général,  leur  nnanque  de 
goût  et  ^'aptitude  pour  le  métier  des  armes;  puis>y 
l'absence  complète  de  sympathie  entre  eu  et  leurs 
soldats;  enfin,  les  vices  de  radmintstjri|ti(m.jmUlaîre 
placée  sous  le  contrôle  du  service  oivil. 

C'est  seulement  en  inquiétant  le  soldat  iné^gèna 
sur  sa  paye  ou  sur  les  privilèges  de  sa  caste  qu'on 
peut  l'amener  au  mécontentement  et  à  l'indiscipline. 


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PBS   ANGLAIS  DANS   t/iNDE.  B3i 

Or,  la  perte  de  la  caste  est  pour  THindou  une  quea« 
tioD  sociale  plutôt  que  religieuse;  Il  peut  croire  ce 
que  bon  lui  semble»  il  croira  même  jusqu'à  un  certain 
point  tout  ce  que  vous  voudrez;  mais  son  rang  dans 
la  société,  la  considération  de  ses  amis,  rattacher 
ment  de  sa  famille,  tout  lui  échappe  à  la  fois  s'il  dé* 
choit  de  sa  caste.  Aucun  autre  motif,  nous  avons  dégà 
insisté  sur  ce  point,  ne  réunirait  trois  cipayes  dans 
une  action  commune. 

Aussi»  est-ce  une  question  de  caste  qui  a  tenu  la 
première  place  dans  le  soulèvement  de  1857,  comme 
nous  le  verrons  plus  loin.  Lorsqu'on  a  dit  au  cipaye 
qu'il  avait  mangé  de  la  graisse  de  porc  ou  de  vache 
saris  le  savoir  et  qu'il  était  déchu  de  sa  caste;  lors- 
qu'en  voulant  vérifier  le  fait  il  a  pu  croire  qu'en  effet 
l'usage  de  ses  cartouches  avait  d'aussi  terribles  con* 
séquences,  il  n'en  a  point  fallu  davantage  pour  ame- 
ner une  indignation  universelle.  Il  n'entre  pas,  en 
eflei,  dans  Tesprlt  d'un  cipaye  que  le  gouverne- 
iMnt  ait  pu  S6  tromper,  qu'il  n'ait  po\nt  agivalontai- 
rement  et  avec  l'intention  de  le  faire  déchoir  de  sa 
caste» 

En  ce  qui  touche  à  la  solde ,  le  gouvernement, 
pressé  par  d'invpérieuses  cireonsLaneas,  n'a  pas  tenu 
teujoiir»  très  scrupuleusement  ses  engagecnents  vis- 
ii-vis  du  soldat  indigène.  Sans  parler  de  sa  promesse 
de  ne  lui  point  faire  traverser  la  mer,  promesse  dont 
la  violation  a  déjà,  à  d'autres  époques,  occasionné 
des  mutineries,  la  Compagnie,  qui^  malgré  ses  in- 
erQyables  richesses,  s'est  trouvée  -  presque  continuel- 


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9«^t  DB   LA   PUISSAAGB   MILITAI  RB 

lement  en  déficit  depuis  plusieurs  années,  a  dû  sup- 
primer des  alloeations  devenues  trop  onéreuses  pour 
ses  finances. 

Lors  de  la  guerre  dés  Sicks,  Tarmée  refusa,  à  un 
moment  décisif  et  difficile,  de  passer  le  Sutledge  si 
on  ne  lui  accordait  un  batla  ou  augmentation  de  solde. 
Les  généraux  furent  obligés  de  céder  :  le  baUa  fut 
accordé.  Mais,  après  Tannexion  d*Oude,  te  gouver- 
nement, qui  se  sentait  fort  à  cette  époque,  déclara 
que  le  botta  cesserait  d*être  payé.  Ces  faits^  joints  au 
mécontentement  occasionné  par  la  distribution  des 
cartouches  graissées,  ont  motivé,  avec  Tordes  rad- 
jahs et  des  princes  dépossédés^  la  rébellion  actuelle 
de  Parmée  indienne. 

La  prétendue  mutinerie^  pour  parler  le  langage 
adopté  par  la  presse  anglaise,  est  en  réalité  une  révo- 
lution non  pas  nationale,  mais  fomentée  cependant 
dans  toute  Tinde  par  les  rois  détrônés  ou  par  les 
princes  musulmans  dépossédés.  L'attribuer  unique- 
ment à  ces  malencontreuses  cartouches  ou  au  seul 
mécontentement  des  cipayes  serait  une  erreur.  Dans 
ces  dernières  conditions,  Tinsurreclion  de  1857  eftt 
été  étouffée  comme  celles  qui  Pavaient  précédée. 

Les  causes  véritables  en  sont  plus  nombreuses  et 
ont  un  caractère  plus  élevé.  Nous  énumérerons  les 
principales  :  la  politique  d'annexion  nnivjoh  oatmnrfi 
par  les  représentants  de  Phouorable  ComjiAgiiie4laD& 
Plnde,  le  traitement  injuste  à  Pégard  des  femmes  et 
des  héritiers  des  rois  et  princes  dépossédés,  la  ten* 
dance  du  gouvernement  à  absorber  ies  fortunes  des 


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DES  ANGLAIS   DÂNS   L*INDI^.  3S5 

radjahs  et  des  nababs  millionnaires,  une  fausse  ap- 
plication de  ce  quMI  se  complatt  à  appeler  philan-» 
thropie,  enfin  la  licence  de  la  presse  indigène. 

Nous  dirons  quelques  mots  sur  chacune  de  ces 
causes. 

Le  gouvernement  de  la  Compagnie  a,  en  effet, 
sans  raison  valable  et  très  injustement,  annexé  le 
royaume  d'Oude  à  son  territoire.  Cette  fausse  et  roa< 
ladroite  politique  a  soulevé  les  ressentiments  de  toute 
cette  riche  et  populeuse  contrée,  et  les  cipayes,  qui 
sont  en  grande  partie  natifs  du  royaume  d*Oude,  ont 
été  facilement  entraînés  à  prendre  fait  et  cause  pour 
leur  roi. 

Un  grand  nombre  d'autres  princes  et  princesses, 
dépouillés  de  leurs  États,  sont  aujourd'hui  à  la  solde 
de  la  Compagnie;  mais,  comme  celle-ci  trouve  con- 
tinuellement des  moyens  de  diilninuer  ses  charges,  en 
prétendant  que  les  femmes  et  les  héritiers  de  ses 
pensionnaires  ne  sont  pas  légitimes  (i),  il  existe 
parmi  tous  une  solidarité  de  mécontentement  qui  en 
fait  les  ennemis  jurés  du  gouvernement.  Les  événe- 
ments ont  prouvé  que  ces  rois  et  ces  princes  étaient 
à  la  tête  d*une  partie  du  complot  qui  a  éclaté.  Le 
gouvernement  a  profité  de  Toccasion  pour  enfermer 
au  fort  de  Calcutta,  comme  prisonniers,  le  roi  d'Oude 
et  son  premier  ministre;  mais  cette  mesure  tardive 
n'a  fait  que  donner  un  nouvel  aliment  à  la  révolte. 

La  licence  de  la  presse,  dans  un  pays  courbé  sous 

(1)  L'enaeini  le  plus  acharné  elle  plus  féroce  de  la  Compaguie, 
Naoa-Salb,  doit  être  rangé  dans  celte  catégorie. 


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i^k  DE  LA   PUISSANCE   MILITAIEB 

une  domination  étrangère,  a  contribué  encore  à  h&ter 
le  mouvement.  Les  faux  philanthropes  de  l'Inde,  les 
missionnaires,  ont  pris  à  partie  tous  les^Êinpjoj^és 
blancs  de  Tadininistration  et  se  sont  déclarés  les  amis 
de  rindien.  Ils  se  sont  livrés  à  d'interminables  dé- 
clamations au  sujet  de  la  torture  ;  ils  ont  fait  l'éloge 
du  natif,  ont  vanté  sur  tous  les  tons  ses  bonnes  quar- 
lités,  etc.  Bref,  ces  débats  au  grand  jour  n'ont  abouti 
qu'à  discréditer  les  administrateurs  de  l'Inde,  et  il 
en  est  résulté  de  la  part  des  indigènes,  sinon  un  mé- 
pris complet  pour  1*  Européen,  au  moins  une  grave 
atteinte  portée  à  ces  sentiments  de  respect  et  d'ad- 
miration qui  les  avaient  maintenus  jusqu'ici  dans  l'o-^ 
béissauce. 

Le  gouverneur-général  lui-même  a  subi  k  cet 
égard  le  sort  de  ses  subordonnés  :  toute  dignité  a  été 
enlevée  au  gouvernement,  qui  s'est  ainsi  laissé  vili- 
pender; les  égards  lui  ont  été  refusés,  et,  ce  qui  est 
pire  peut-être,  il  n'a  plus  trouvé  de  crédit;  le  dernier 
emprunt  ouvert  un  au  avant  la  révolte  appelle  en  vain 
les  prêteurs.  La  signature  de  la  Compagnie  ne  vaut 
plus  celle  du  dernier  banquier  du  bazar. 

De  leur  côté,  les  Bengalis  et  les  Musulmans  ont 
abusé  de  la  liberté  de  la  presse  pour  faire  des  procla- 
matioiis  contre  le  gouvernement,  pour  remuer  les  ré- 
giments au  nom  des  anciennes  dynasties,  enfin  pour 
prêcher  la  révolte  à  main  armée.  Il  va  sans  dire  que 
les  agents  les  plus  actifs  dans  ces  circonstances  ont 
été  surtout  ces  princes  dépossédés  dont  nous  parlions 
plus  haut.  Pendant  ce  temps,  les  missionnaires,  les 


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BBS  ANGLilg  DANS  L^INDB.  SS5 

sainU^  comme  on  les  appelle  aux  Indes,  ne  restaient 
pas  inaclifs.  Des  colonels  et  des  généraux,  faisant 
partie  de  la  secte  des  Prédicants,  s'immisçaient  dan$ 
(es  tentatives  ayant  pour  but  dechanger  les  croyances 
religijeuses  des  soldats  ;  ils  les  sermonnaient  et  es-* 
sayaient  d*en  convertir  quelques-uns  au  christia-* 
nisme.  Les  cartouches  sont  venues  par-djessus  tout 
cela,  comme  la  dernière  goalie  qui  fait  déborder  la 
coupe,  de  telle  façon  que  les  rois  dét£Ôxiés.^'ane 
part,  les  radjahs  dépossédés  de  r«aiUre,  se  sont  jointa 
dans  une  haine  cuunuune  aux  ci  payes,  suspectant  les 
intentions  du  gouvernement  et  rendus  furieux  par  la, 
seule  idée  du  danger  qu'ils  couraient  de  perdre  leur 
caste  s'ils  continuaient  à  obéir  à  leurs  officiers. 

Tels  sont,  en  résumé,  les  causes  et  les  auxiliaires 
de  rinsurrection  de  1857.  Autant  qu*il  est  permis 
d*en  juger  depuis  un  an  qu'elle  suit  son  cours,  il  n'y 
a  dans  cette  révolution,  malgré  les  proportions  gigan* 
tesques  qu'elle  a  prises,  aucun  signe  d'un  mouve- 
ment réellement  national  ou  d'un  mécontentement 
populaire.  L'aristocratie  indienne,  s'il  est  permis 
d'employer  ce  terme  pour  désigner  une  portion  de  la 
société  indigène  qui  tient  dans  la  colonie  anglaise 
une  place  si  différente  de  celle  occupée  en  Europe  par 
les  classes  que  nous  appelons  du  même  nom,  l'arislo* 
cratie  indienne, c'est-à-dire  tous  les  princes,  radjahs 
et  grands  propriétaires  lésés  dans  leurs  intérêts  par 
la  politique  de  la  Compagnie,  ont  fait  cause  com- 
mune avec  les  mercenaires  révoltés;  leur  or  a  rem- 
placé pour  les  cipayes  la  solc^  du  gouvernenient; 


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236  DE    LA   PUfSSANGB   MILITAIRE 

mais  le  peuple,  c'est-à-dire  la  masse  de  la  nation, 
dans  la  majeure  partie  de  Tempire  anglo-indien,  est 
resté  étranger  à  cette  immense  catastrophe. 

L'insurrection  de  1857  a  donc  été  avant  tout,  par- 
dessus tout,  une  insurrection  militaire,  et  les  révoltes 
de  ce  genre  ne  sont  malheureusement  pas  un  phéno- 
mène nouveau  dans  Tlnde.  La  conduite  actuelle  de 
Tarmée  indigène  n'a  rien  d'étrange  ou  d'inaccou- 
tumé ;  elle  ne  diffère  en  rien  de  celle  que  les  cipayes 
ont  tenue  plusieurs  fois  depuis  un  demi-siècle.  Bien 
plus,  il  faut  Tavouer,  en  1857,  comme  il  ressort  des 
considérations  dans  lesquelles  nous  sommes  entré, 
aussi  bien  que  dans  les  insurrections  précédentes, 
ainsi  que  nous  allons  le  montrer,  on  peut  affirmer 
sans  crainte  que,  dans  tous  les  cas  où  les  soldats  se 
sont  rendus  coupables  de  rébellion,  ils  y  avaient  été 
provoqués. 

L'insurrection  de  Java  pendant  la  grande  guerre 
avec  la  France  avait  son  origine  dans  une  violation 
de  promesse  de  la  part  du  gouvernement,  qui  retenait 
les  volontaires  au  Service  au  delà  du  temps  pour  le- 
quel ils  étaient  engagés. 

La  grande  insurrection  de  Vellore,  dans  laquelle 
périrent,  il  y  a  cinquante  ans,  un  si  grand  nombre 
d'Européens  et  d'indigènes,  bien  qu'elle  eût  été  fo- 
mentée par  la  famille  de  Tippoo-SaTb,  devait  son 
origine  première  à  quelques  innovations  intempes- 
tives concernant  les  signes  distinctifs  apparents  des 
castes  pour  chaque  homme. 

L'insuiTection  de  Barrackpore,  qui  eut  lieu  il  y  a 


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DBS   ilNGLAIS   DANS    L*INDB.  2^7 

on  quart  de  siècle  et  dans  laquelle  périrent  une  cen- 
taine de  soldats,  eut  lieu  sous  Tinfluence  de  causes 
suffisantes  pour  excuser  une  insurrection,  si  jamais 
une  insurrection  pouvait  être  excusée.  C'était  pen- 
dant la  guerre  des  Birmans  :  un  régiment  européen 
et  un  régiment  indigène  reçurent  Tordre  de  se  rendre 
dans  le  foyer  d'infection  d'Arracan.  Les  Européens 
étaient  pourvus  de  toutes  les  ressources  convenables 
pour  celte  fatigante  et  dangereuse  expédition,  et 
certes  il  était  bon  qu'il  en  fût  ainsi.  C'est  là  de  la 
véritable  économie. 

Le  soldat  européen,  si  précieux,  tant  à  cause  des 
services  qu'il  rend  qu'à  cause  des  difficultés  que  Ton 
trouve  à  le  remplacer,  ne  peut  être  utilisé  aux  Indes 
sans  précautions.  Les  soldats  indigènes  étaient  natu*- 
rellement  témoins  de  toutes  les  preuves  de  sollicitude 
que  Ton  donnait  à  leurs  camarades  européens;  mais 
ils  étaient  froissés  en  même  temps  de  l'extrême  in* 
curie  avec  laquelle  étaient  prise3  toutes  les  disposi- 
tions intéressant  le  bien-être  et  là  santé  du  régiment 
natif.  Aussi,  lorsqu'ils  reçurent  l'ordre  de  marcher, 
ils  répondirent  en  disant  qu'ils  n^  pouvaient  se  mettre 
en  route  si  on  ne  leur  dormait,  comme  aux  Ëuro<* 
péens,  des  animaux  pour  transporter  leurs  bagages» 

Le  gouvernement  accorda  une  petite  somme  et 
laissa  aux  troupes  le  soin  de  pourvoir  aux  moyens  de 
transport.  Les  hommes,  indignés,  répondirent  qu'on 
ne  pouvait  pas  se  procurer  du  bétail  avec  une  allo- 
cation aussi  insuffisante  ;  que  c'était  une  moquerie  de^ 
leur  oiïrir  un  argent  dont  les  circonstances  rendaient 


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S38  DE   LA   PtJISSANGB   MILlTAlftB 

d'ailleurs  Temploî  impossible;  bref,  ils  déclarèrent 
quMIs  ne  bougeraient  pas  si  le  gouvernement  ne  leur 
donnait  pas  les  moyens  de  marcher.  Le  gouverne- 
ment et  les  soldats  avaient  dit  leur  dernier  mot.  Le 
régiment  indigène  fut  passé  en  revue.  Deux  régi- 
ments européens  étaient  placés  en  face  de  lui,  indé- 
pendamment de  plusieurs  autres  bataillons  et  d*une 
batterie  de  six  canons,  masquée,  dit-on,  malheureu- 
fienoent  pour  Thonneur  de  ceux  qui  y  sont  intéressés. 

Le  refus  que  firent  les  séditieux  de  déposer  leurs 
armes  fut  immédiatement  suivi  d'une  salve  à  mitraille 
^t  des  décharges  des  régiments  européens,  dont  tous 
les  coups  étaient  dirigés  à  un  quart  de  portée  de  fusil 
«ur  la  colonne  insurgée.  Peu  de  temps  après  cette  ca- 
tastrophe parut  un  ordre  général  portant  que,  toutes 
iéa  fois  qu'un  régiment  de  natifs  serait  mis  en  route, 
te  gouvernement  lui  donnerait  des  animaux  pour  le 
transport  de  ses  bagages. 

La  conspiration  de  Bangalore,  en  18S3,  n*eut  pas 
même  un  commencement  d'exécution,  parce  que, 
dana  cette  affaire,  le  gouvernement  n'avait  donné 
réellement  aucun  sujet  de  plainte  aux  cipayes»  Les 
deux  soubadars  (ou  capitaines  indigènes)  qui  étaient 
à  ia  tôte  du  complot  furent  attachés  à  la  bouche  d'un 
eanon,  et  toute  velléité  de  résistance  disparut  avec  la 
rapidité  de  l'explosion  qui  dispersait  leurs  membres 
tangiants. 

Si  nous  avons  cru  devoir  nous  étendre  aussi  lon- 
guement sur  les  insurrections  militaires  qui  ont  pré- 
cédé celle  de  1857,  c'est  que  leur  exposé  nous  a  sem* 


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BBS  ANGLAIS  BANS   L^JNBB.  S89 

bté  la  meilleure  démonstration  de  Tanalogie  parfaite 
qui  existe  entre  ces  soulèvements  et  la  révolte  ac- 
tuelle. A  Yellore,  presque  tous  les  incidents  qui  se 
sont  produits  récemment  s'étaient  déjà  présentés. 
L'ordre  du  jour  du  général  Craddock,  prescrivant  la 
suppression  des  insignes  de  caste,  a  tenu  il  y  a  cin- 
quante ans  la  même  place  que  les  cartouches  grais** 
sées  en  1857.  Si  la  fermeté  de  sir  John  Lawrence»  le 
gouverneur  du  Pendjaub,  au  lieu  de  se  déployer  à 
400  lieues  du  premier  foyer  de  la  révolte,  et  alors 
que  celle-ci  était  devenue  générale,  avait  pu  s*exercer 
comme  celle  du  fameux  Gillepsie  à  Vellore  dès  le  dé- 
but de  la  conspiration,  à  Barrackpore,  par  exemple, 
ou  tout  au  moins  à  Meerut,  nul  doute  que  Tinsurrec* 
tion  actuelle  n'eût  été  comme  sa  devancière  étouffée 
dès  son  berceau. 

Les  mômes  moyens  employés,  ta  même  attitude 
prise  par  les  chefs  militaires,  auraient  obtenu  les 
mêmes  résultats,  et  c'est  ce  que  les  généraux  Hear* 
sey  et  Hewitt  ne  semblent  malheureusement  pas  avoir 
compris.  Théoriquement  parlant,  les  officiers  euro- 
péens rompus  au  service  des  Indes  et  aux  nécessitée 
que  créent  l'énorme  disproportion  entre  l'armée  indi^ 
gène  et  le  contingent  anglais  n'oivt  jamais  varié  d'o-- 
pinion,  tant  sur  le  péril  incessant  qui  résulte  de  cette 
situation  que  sur  les  moyens  de  le  conjurer.  Il  n'en 
faut  pas  d'autre  preuve  que  la  similitude  complète 
entre  ce  qui  s'est  pratiqué  depuis  un  an,  là  où  l'Insur- 
rection a  été  domptée,  et  ce  qui  s'était  fait  autrefois 
dans  les  circonstances  que  nous  avoûs  rapportées. 


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3ftO  DE  Là  PUIS8ANCB  UJUTAIBB 

Tout  8e  ressemble  à  un  demi-siècle  de  distance,  tout, 
depuis  la  mise  en  scène  qui  accompagne  le  désarme- 
ment ou  l'extermination  des  cipayesrévollés jusqu'au 
genre  d'exécutions,  jusqu'aux  supplices  qui  devien- 
nent leur  châtiment.  Malheureusement,  de  pâles  ou 
inintelligents  copistes  ne  suffisent  plus  pour  remplir 
le  rôle  des  rudes  guerriers  qui  ont  donné  les  Indes  à 
l'Angleterre,  et  les  énergiques  traditions  que  ceux-ci 
ont  fondées  ne  souffrent  pas  de  caducs  interprètes. 
Employés  trop  tard,  maladroitement  ou  d'une  façon 
inopportune  par  un  Hewitl  ou  un  Lloyd,  ces  moyens 
de  répression  terribles,  mais  nécessaires,  ne  pou- 
vaient que  produire  des  résultats  diamétralement  op- 
posés à  ceux  que  Ton  poursuivait. 
ty{  Ainsi  que  nous  Tavons  fait  remarquer  au  début  de 
cette  étude,  la  première  phase  de  la  révolte  des  Indes 
n'offre  aucune  importance  au  point  de  vue  de  la 
science  militaire  proprement  dite.  Dansjçet  épouvan- 
table guet-apens,  la  stratégie  et  la  tactique  n'avaient 
rien  à  faire.  Pendant  six  mois,  disséminés  sur  toute 
la  surface  de  leur  immense  empire,  dispersés  en  pe- 
tites bandes,  les  Anglais,  au  milieu  des  insurrections 
qui  se  déclaraient  chaque  jour,  ne  pouvaient  que  dis- 
puter leur  vie  et  maintenir  intact  l'honneur  de  leur 
drapeau  en  déployant  sur  tous  les  points  un  courage 
héroïque,  une  énergie  surhumaine  ;  mais,  par  la  force 
même  des  choses,  leurs  divers  détachements  se  trou- 
vaient sans  conduite,  sans  direction,  d'ensemble  et 
bwM  communications  praticables.  Jusqu'au  moment 
ou  le  général  Campbell  a  pu  culrer  en  campagne,  h 


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0BS  ANGLAIS  DANS  l'iNDB.  3&1 

retception  du  siège  de  Dehii.  et  des  opérations  des 
généraux  Havelock,  Neill  et  Outram,  les  malheureux 
débris,  liarassés,  malades  et  mutilés  qui  tenaient 
garnison  dans  TOude  et  le  Robilcund,  dans  les  dis- 
tricts de  Dehii  et  de  Meerut,  n'ont  pu  tenter  aucune 
opération  suivie  contre  les  révoltés. 

Nous  passerons  donc  rapidement  sur  la  partie  épi- 
sodiquc  de  la  révolte  des  cipayes  ;  nous  ne  pouvons 
relever  tout  ce  qu'il  y  a  d'instructif  et  de  touchant 
dans  les  nombreuses  correspondances  privées  qui  ont 
été  publiées  par  les  journaux  anglais,  bien  qu'elles 
reproduisent  de  la  façon  la  plus  saisissante  le  véri- 
table caractère  de  cette  lutte.  Ce  sont,  le  plus  souvent, 
des  lettres  écrites  par  déjeunes  officiers,  nous  sommes 
tentés  dédire  par  des  enfants,  qui,  surpris  à  seize  ou 
dix-sept  ans  par  les  hasards  d'une  guerre  qui  n'a  rien 
de  civilisé,  en  racontent  les  incidents  avec  la  vivacité 
naturelle  à  leur  âge,  avec  l'énergie  naturelle  à  leur 
sang.  En  général ,  cette  population  européenne,  dis- 
persée sur  un  immense  espace,  et  tout  à  coup  assail- 
lie, s'est  montrée  héroïque,  pleine  de  mépris  pour  la 
mort,  pleine  de  mépris  surtout  pour  l'ennemi. 

Dès  le  mois  de  janvier  1857,  le  i9«  régiment  indi- 
gène avait  témoigné  toute  sa  répulsion  pour  les  malen- 
contreuses cartouches  qui  ont  joué  un  si  grand  rôle 
au  début  de  la  révolte!  Ce  réginœnt  était  en  garni- 
son à  Barrackpore  (cantonnement  déjà  célèbre,  comme 
nous  Pavons  vu,  dans  l'histoire  des  insurrections  mi- 
litaires), cl  le  3  avril,  sur  ;5on  refus  d'accepter  les 
nouvelles  munitions,  il  était  licencié. 

16 


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2(2  DB   LA   PUISSANCE   MIUTAIBB 

Un  mois  plus  tard,  le  5  mai,  un  autre  régiment,  le 
3&%  également  en  garnison  à  Barrackpore,  était  aussi 
licencié,  après  avoir  assisté  à  l'exécution  d*un  soldat 
<{m  avait  tiré  sur  un  officier  européen,  et  à  celle  d'un 
djemadar  ou  lieutenant  indigène  qui,  commandant  la 
garde  de  police  du  31'  au  moment  de  la  tentative  de 
meurtre,  avait  refusé  de  prêter  son  concours  pour 
arrêter  l'assassin. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  de  plus  longs  détails 
au  sujet  de  ce  premier  épisode  ;  le  gouvernement  an- 
glais a  publié  la  correspondance  échangée,  dans  ces 
circonstances,  entre  le  gouverneur  de  Calcutta,  le 
général  Hearsey ,  commandant  à  Barrackpore,  et  le 
directeur  du  dépôt  d'artillerie  de  Dumdum,  d*où  les 
cartouches  avaient  été  expédiées.  Un  membre  du 
parlement  a  fait  ressortir  toute  la  mollesse,  toute  la 
négligence  avec  lesquelles  on  avait  procédé  dans 
cette  circonstance.  Les  retards  subis  par  les  ordres 
et  les  correspondances  au  milieu  d'une  situation  aussi 
grave  sont  aussi  inqualifiables  que  la  réponse  de  ce 
directeur  de  l'artillerie,  déclarant  «  qu'aucune  pré- 
»  caution  n'a  été  prise  pour  s'assurer  qu'on  n*eût 
«point  fait  usage  de  l'espèce  de  graisse  qui  peut 
»  froisser  les  préjugés  des  Indiens ,  et  ajoutant  qu'il 
n  n'avait  pas  même  fait  attention  à  cette  circonstance... 
»  (butthesubject  did  not  occur  to  me).  » 

La  faute  commise  (et  le  précédent  du  général 
Craddock  était  cependant  de  nature  à  ouvrir  les  yeux 
sur  les  conséquences  que  pouvait  avoir  une  mesure 
portant  atteinte  à  l'esprit  de  caste),  la  seule  façon  de 


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DB9   AffGUIS  DANS   l/lNOB.  2&5 

la  réparer  était  remploi  des  moyens  énergiques.  Le 
liomdement  par  et  simple  des  régiments  qui  refu- 
Mimt  d* obéir  était  absurde.  C'était  tout  simplement 
offrir  une  prime  à  Tesprit  de  révolte  qui  travaillait 
rarmée. 

Sans  doute,  comme  on  Ta  fait  observer,  le  licen- 
dément  des  cipayes  a  pour  eux  des  conséquences 
toutes  différentes  de  celles  qu'une  pareille  mesure  m- 
tralnerait  dans  tout  autre  pays^  où  elle  serait  accep«- 
tée  comme  une  récompense  par  les  troupes.  Ce  licen- 
dément  constitue  réellement  une  punition,  à  cause 
de  ia  misère  à  laquelle  il  condamne  le  soldat  renvoyé, 
et  qui  n'a  d'autre  profession  que^  celle  des  armes 
pour  subsister;  mais,  d'un  autre  côté,  par  la  môme 
raison,  ainsi  que  le  faisait  remarquer  l'illustre  Wel- 
leeley  à  propos  du  licenciement  des  armées  à  la  solde 
des  princes  dépossédés,  le  soldat  natif  que  vous  chas- 
eea  des  rangs  n'a  plus  d'autre  ressource  que  de  se 
faire  bandit  et  coupeur  de  routes. 

Le  19*  et  le  &k*  ont  donc  formé  le  premier  noyau 
de  Tannée  de  meurtriers  et  de  pillards  dont  les  Koer- 
fting,  les  Nana-SaA>,  les  Mahomet-Hussein  étaient 
tout  prêts  à  prendre  la  direction. 

Ce  premier  pas  était  à  peine  fait  dans  la  voie  fatale 
suivie  depuis  par  le  gouvernement  de  l'Inde  que 
rinsurreetion  s'étendait  comme  une  vaste  traînée  de 
poudre  dans  toutes  les  provinces  du  nord-ouest. 

C'est  à  Meerut  que  la  rébellion  ouverte  a  com- 
mencé, et  voici  dans  quelles  circonstances  :  un  déta- 
chement du  â*  de  cavalene  indigène  ayant  été  con* 


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2l\h  DB  L\    PUISSANCE  MIT.lTAIRB 

duitsur  le  champ  de  manœuvre,  on  lui  distribua  les 
nouvelles  cartouches  confectionnées  par  rartillerie, 
et  quelques  instructeurs,  placés  au  milieu  du  régi- 
ment formé  en  carré,  furent  appelés,  afin  d'enseigner 
une  nouvelle  manière  de  charger  les  armes  sans  dé- 
chirer les  cartouches  avec  les  dents.  Joignant  la  pra- 
tique à  la  théorie,  ces  instructeurs  chargèrent  et  dé- 
chargèrent plusieurs  fois  leurs  carabines  en  présence 
de  la  troupe.  Pendant  tout  le  temps  que  dura  cette 
instruction ,  le  régiment  resta  grave  et  silencieux, 
puis  se  retira  sans  aucune  manifestation. 

Le  lendemain,  la  troupe  ayant  été  réunie  de  nou- 
veau, le  colonel  voulut  éprouver  l'obéissance  des 
hommes,  et  fit  avancer  la  1**  compagnie,  qui  reçut 
ordre  de  charger  ses  armes  et  de  faire  feu.  Sur 
quatre-vingt-dix  soldats,  cinq  seulement  obéirent 
Une  cour  martiale  fut  immédiatement  convoquée  pour 
prononcer  sur  le  sort  des  premiers,  et  les  condamna 
à  un  emprisonnement  variant  de  cinq  à  dix  ans.  Le 
samedi,  9  mai,  ils  reçurent  leurs  fers  devant  toutes 
les  troupes  assemblées.  Pour  ôter  aux  cipayes  toute 
idée  de  résister,  on  eut  recours,  il  est  vrai,  au  dé- 
ploiement de  forces  usité  en  pareille  circonstance; 
mais  il  étaif  trop  tard,  le  complot  était  formé,  et  les 
soldats  indigènes  savaient  que  l'heure  de  le  mettre  à 
exécution  ne  se  ferait  pas  attendre.  Pour  le  moment, 
protester  devant  la  gueule  des  canons  prêts  à  vomir 
la  niilraille  eût  été  une  folie,  tout  ce  qui  était  indien 
se  relira  donc  en  silence,  mais  la  rage  dans  le  cœur. 

Par  suile  d'une  imprévoyance  ou  d'un  mépris 


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DBS  ANGLAIS   DANS   l'iNDE.  S&5 

exagéré  pour  le  ressentiment  des  Indiens,  le  général 
Hewitt  ne  fit  prendre  aucune  nnesure  extraordinaire 
pour  la  siireté  de  la  prison  et  de  la  ville.  Les  forces 
ne  manquaient  pas  cependant,  puisqu'il  se  trouvait 
cantonnés  à  Meerut  deux  régiments  européens,  le 
6*  des  dragons  de  la  garde,  le  60*  carabiniers  (armé 
de  carabines  de  précision),  enfin  un  bataillon  d*artil* 
ierie  européenne.  La  nuit  du  samedi  et  la  journée  du 
dimanche  furent  calmes  ;  mais  sur  le  soir^  au  moment 
où  la  population  européenne  ne  songeait  qu'aux  loi* 
sirs  ou  aux  ofiices  du  jour  consacré,  toutes  les  troupes 
indiennes  (â*  de  cavalerie  et  11®  et  20'  d'infanterie) 
se  soulevèrent  simultanément,  et  massacrèrent  la 
plupart  de  leurs  officiers.  Soutenues  par  la  populace, 
elles  se  ruèrent  en  même  temps  sur  la  prison,  et  dé- 
livrèrent leurs  camarades  ainsi  qu'un  millier  de  ban« 
dits  renfermés  dans  la  geôle.  L'incendie  et  le  mas- 
sacre des  Européens  commencèrent  aussitôt;  les 
femmes  et  les  enfants  des  soldats  anglais  furent  les 
premières  victimes.  Cependant  les  deux  régiments 
européens  ayant  pris  les  armes,  dès  la  seconde  dé- 
charge les  rebelles  se  dispersèrent  et  s'enfuirent, 
laissant  Meerut  aux  Anglais. 

On  poursuivit  les  cipayes  révoltés  à  quelques  milles 
de  la  station,  et  les  dragons  en  sabrèrent  bon  nombre  ; 
mais  la  poursuite  cessa  trop  tôt,  et  de  là  les  malheurs 
qui  ont  frappé  Dehii.  La  mollesse  du  commandant 
de  Meerut  devait  achever  ce  que  son  imprévoyance 
avait  commencé  (1). 

(l).lleerut  étant  séparé  dcDehli,  où  Sjb  rendaient  les  insurgés, 


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2&6  DB  LA  PUISSANCE  âlILlTAIHt 

Là  malheureuse  ville  de  Dehli,  dont  le  nom  devait 
servir  de  cri  de  ralliement  aux  insurgés,  et  qui  est 
devenue  le  théâtre  des  scènes  les  plus  sanglantes  tn 
4857,  contient,  selon  les  derniers  recensements, 
187,000  habitants,  et  160,000  avec  la  banlieue  qui 
l'entoure.  La  grande  majorité  de  la  population  est 
musulmane.  D'un  esprit  toujours  indocile,  renfermant 
dans  ses  murs  la  famille  impériale  déchue  et  réduite 
à  Fhumble  position  de  pensionnée  des  Anglais,  Dehli 
a  souvent  donné  des  inquiétudes  au  gouvernement  de 
rinde,  surtout  quand  la  Compagnie  avait  quelque 
guerre  à  soutenir  sur  les  frontières  de  son  empire. 
En  1825,  pendant  que  Tarmée  anglaise  était  engagée 
dans  TAva,  Dehli  parut  sur  le  point  de  s'insurger,  et 
les  nombreux  serviteurs  de  Tancienne  cour  mogole, 
qui  s'y  trouvaient  en  majorité,  n'attendaient  évidem- 
ment qu'un  échec  des  armes  anglaises  pour  se  révol- 
ter contre  leurs  mattres.  Il  ne  faut  donc  pas  s'éton- 
ner que  les  régiments  dispersés  à  Meerut  aient  fait 
de  Dehli  le  centre  de  leur  résistance,  et  que  tous  les 
dpayes  déserteurs,  licenciés  ou  insurgés  l'aient  re- 
gardé, dès  le  début  de  la  révolte,  comme  leur  asile 
le  plus  sûr* 

C'est  le  lundi  matin,  11  mai,  que  Dehli  a  été  en- 
par  le  cours  de  la  Jumna  dont  le  passage  offre  de  grandes  difB- 
cnHés,  n'eet-il  pas  permis  de  se  demander  comment  on  a  pu  né» 
gliyer  une  ciroonstaaee  aussi  favorable,  oommenton  n*a  pis  profité 
de  la  rivière  pour  acculer  et  cerner  les  révoltés  ?  En  empêdiant 
rentrée  des  !!•  et  20*  régiments  à  Dehli,  on  eût  peut-être  arrêté 
la  rébetlton  dans  son  principe. 


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DBS  ANGLAIS   DANS  L^NDB.  3&7 

vaiiî  par  les  fugitifs  de  Meerut.  I.es  bandits  délivrés 
par  les  cipayes,  et  qui  s'étaient  joints  à  eux,  étaient 
évideminent  prêts  à  accomplir  les  plus  horribles  for« 
faits,  car  ils  étaient  armés  jusqu'aux  dents,  et  sem- 
blaient comme  fous  de  rage  et  d'exaltation.  Ils  en- 
trèrent par  la  porte  de  Calcutta  sans  rencontrer 
d'opposition,  et  se  dirigèrent  sur  Deriowgunge,  abat- 
tant  tous  les  Européens  qu'ils  rencontraient  sur  leur 
passage. 

Ces  faits  ayant  été  immédiatement  signalés  au 
commandant  militaire,  il  se  h&ta  d'envoyer  contre 
les  rebelles  un  régiment  et  deux  canons.  Ce  régi- 
ment. Je  5&*  indigène,  se  dirigea  en  bon  ordre  sur  la 
porte  de  Cachemyre  ;  mais,  à  l'approche  des  rebelles, 
les  cipayes  se  rangèrent  subitement  de  chaque  côté 
de  la  rue,  laissant  au  milieu  leurs  officiers,  que  les 
cavaliers  du  â*  rejoignirent  au  galop  et  tuèrent  à 
coups  de  pistolet.  Ces  officiers  étaient  tous  sans  armes, 
ainsi  que  M.  Fraser,  le  résident  anglais  auprès  du 
Grand  Mogol,  qui  fut  massacré  en  même  temps  que 
leci^iftaine  Douglas  et  M.  Nixon,  attachés  tous  deux 
à  la  chancellerie. 

Après  avoir  tué  les  officiers  du  5&%  les  Qavaliers 
descendirent  de  cheval  et  fraternisèrent  avec  les 
oipayes.  Leur  attitude  était  celle  de  véritables  ma- 
niaques, bien  qu'ils  fussent  en  uniforme,  et  que 
quelques-uns  portassent  encore  les  médailles  qui  dis- 
tinguent les  anciens  soldats.  Quelques  hommes  du  5/i.* 
avaient  fait  semblant  de  tirer,  mais  les  coups  pas* 
saient  par-dessus  la  tète  des  rebelles,  et  ceux-d 


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2&8  DB  LA   P0I8SANCR  MlLITAïaB 

étaient  évidemment  pleins  de  confiance  dans  les  bons 
sentiments  de  leurs  camarades  indigènes  à  leur  égard  : 
aussi  ne  peut-on  douter  que  le  plan  de  ce  massacre 
n'eût  été  concerté  d*avance. 

En  attendant,  la  populace  se  rassemblait  dans  la 
ville;  on  mettait  le  feu  aux  bengalows  (1)  à  Deriow- 
gunge;  les  villages  aux  environs  de  Dehii  se  prépa- 
raient à  Taction  ;  bientôt  toute  la  ville  fut  en  armes. 
Les  cipayes  envahirent  les  maisons  européennes,  dé- 
clarant hautement  quMIs  voulaient,  non  pas  les  dé- 
pouilles, mais  le  massacre  de  ceux  qui  les  habitaient. 

Aussitôt  que  Ton  sut  Textension  que  Tinsurrection 
avait  prise,  les  résidents  durent  chercher  à  se  mettre 
en  sûreté,  et  la  plupart  se  rendirent  à  la  tour  du  Dra- 
peau. Une  compagnie  du  38*  et  deux  canons  devaient 
y  défendre  les  officiers  et  autres  Européens,  et  les 
femmes;  tout  le  monde  était  armé. 

La  tour  du  Drapeau  est  ronde  et  solidement  con- 
struite en  briques;  mieux  que  tous  les  autres  b&ti- 
roents  de  DehIi  eWp  se  prétait  &  la  défense.  Malheu- 
reusement les  tristes  débris  qui  s'y  étaient  réfugiés 
ne  connaissaient  pas  encore  toute  l'étendue  de  la  ca- 
tastrophe.  Les  officiers  du  88«  avaient  confiance  dans 
leurs  hommes,  et  s'efforçaient  de  les  raffermir  dans 
le  devoir;  mais  lorsque  le  colonel  Greaves  les  eut 
harangués  à  son  tour,  il  devint  évident  qu'ils  n'étaient 
que  trop  disposés  à  se  joindre  au  mouvement  géné- 
ral, et  que  la  moindre  cause  suffirait  pour  amener  ces 

(1)  On  noiQme  ainsi  les  baraques  dans  lesquelles  campent  les 
troupes  indigènes. 


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D£8   ANGLAIS   DANS  L*INDB.  2&9 

hommes  à  attaquer  leurs  ofBciers  et  les  autres  Euro- 
péens qui  se  trouvaient  dans  la  tour. 

A  quatre  heures  moins  un  quart,  le  magasin  de 
poudres  sauta,  et  Ton  sut  depuis  que  le  lieutenant 
Wiilougby  y  avait  mis  le  feu,  et  qu'il  avait  pu 
s'échapper  quoiqu'il  eût  été  blessé.  500  hommes, 
tant  des  habitants  que  des  insurgés»  qui  attaquaient 
Tarsenal,  avaient  sauté  avec  le  magasin  à  poudre. 

Les  Européens  réfugiés  h  la  tour  du  Drapeau 
n'étaient  pas  encore  remis  de  l'émotion  causée  par 
l'explosion  qu'ils  virent  les  hommes  du  38*  prendre 
les  armes,  et  se  disposer  à  les  attaquer.  Ce  fut  alors 
un  sauve  qui  peut  général,  et  chacun  profitant  de  la 
proximité  des  remparts  se  précipita  hors  de  la  ville, 
cherchant  à  gagner  les  stations  de  Kurnawl,  de 
Meerut,  d'Umballah  et  de  Simia,  où  bien  peu  mal* 
heureusement  purent  arriver  sains  et  saufs.  Quarante- 
huit  personnes  qui  s'étaient  réfugiées  dans  le  palais, 
et  que  le  Grand  Mogol  avait  pris  sous  sa  protection, 
furent  livrées  deux  jours  plus  tard  à  la  populace ,  et 
massacrées  avec  les  quelques  Européens  encore  épars 
dans  la  ville. 

Dans  la  soirée  du  11  mai,  une  sorte  de  parlement 
militaire  composé  des  officiers  indigènes  des  38*,  5&« 
et  7&*,  qui  tenaient  garnison  à  Dehii,  du  3*  de  cava* 
lerie,  et  des  11*  et  20*,  venus  de  Meerut,  se  réunit 
afin  d'examiner  la  situation,  et  de  pourvoir  à  lapre* 
miëre  tâche  qui  incombe  aux  chefs  d'une  insurrection 
victorieuse,  c'est-à-dire  à  la  nécessité  de  rétablir 
l'ordre  quMIs  viennent  de  bouleverser  à  leur  profit. 


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250  DB  LA  PDISSANGB  MILITAIRB 

Jusque-là  rinsurrection  était  exclusivemeut  kiodoue 
ou  brabminique ,  les  Musulmans  y  étaient  complète-* 
ment  étrangers.  Pour  les  y  rallier,  il  n*y  avait  qu*un 
moyen  :  se  ranger  sous  Tétendard  du  Croissant,  et 
relever  le  trône  de  Dehii.  Ce  parti  fut  pris  à  Tunani- 
mité,  et,  bon  gré,  mal  gré,  le  descendant  des  Graads 
Mogols,  vieillard  de  quatre-vingts  ans,  affaibli  par 
Tâge  et  terrifié  par  les  événements,  dut  se  résigner 
au  périlleux  honneur  qui  lui  était  imposé.  Le  parti 
musulman  partagea,  dès  cet  instant,  la  responsabilité 
de  rinsurrection  dont  il  n*était  nullement  Tauteur* 

Le  document  suivant,  que  nous  reproduisons  en 
extrait,  est  de  nature  à  jeter  quelque  jour  sur  les 
causes  si  controversées  de  la  révolte,  car  il  émane 
de  l'insurrection  elle-même;  ce  document  est  la  pro- 
clamation des  chefs  militaires  qui  ont  relevé  le  trône 
de  Deblit  et  qui  a  été  mise  en  circulation  à  Calcutta  : 

a  Que  tous  les  Hindous  et  les  Mafaométans  sachent 
»  que  les  Européens  sont  unis  dans  le  but  de  priver 
»  Tarmée  de  sa  religion,  et  de  rendre  par  force  tous 
»  leurs  sujets  chrétiens.  C'est  iTaprès  les  ordres  abso^ 
»  lus  du  gouverneur  général  qu'on  a  distribué  des 
9  oartauehes  confectionnées  avec  de  la  graisse  de  porc 
»etde  bœuf.  Si  10,000  hommes  résistent,  on  veut  les 
»  faire  sauter;  sMls  sont  50,000,  on  veut  les  licencier. 

»  G^est  pourquoi,  dans  l'intérêt  de  la  foi,  noos  nous 
»  sommes  concertés,  et  nous  n'avons  pas  laissé  en 
»  vie  un  seul  infidèle  de  cette  place.  Nous  avons  réta- 
»  bli  l'empereur  de  DehIi  sur  sa  promesse  que  toutes 
»  les  troupes  qui  tueront  leurs  ofiiciers  européens,  et 


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DBS  ANGLAIS  DANS  L^INDB.  3M 

9 qui  lui  engageront  leur  foi,  recevront  une  solde 
»  double. 

»  Deux  cents  pièces  de  canon  et  des  trésors  im- 

9  menses  sont  tombés  entre  nos  mains;  il  est  donc 

»  désirable  que  tous  ceux  qui  ne  veulent  pas  devenir 

chrétiens  s'unissent  cordialement  avec  Tarmée; 

qu'ils  prennent  courage,  et  qu'ils  ne  laissent  sub* 

sister  cette  race  infernale  en  aucun  endroit 

»  Toutes  les  dépenses  qui  pourront  être  faites  pour 
la  fourniture  de  munitions  seront  constatées  au 
moyen  de  reçus,  et  seront  payées  doublement  par 
Tempereor.  Ceux  qui  céderont  à  la  crainte  et  se 
laisseront  tromper  par  ces  fourbes ,  et  compteront 
sur  leur  parole,  auront  le  sort  des  habitants  de 
Lncknow. 

»  //  est  donc  nécessaire  que  les  Hindous  et  lesMahù- 
métans  soient  unanimes  dans  la  hute^  et  veillent  à 
leur  sûreté  en  prenant  conseil  de  gens  dignes  de  foi* 
Partout  où  les  arrangements  convenables  auront  été 
pris^  ceux  qui  nous  auront  rendu  service  seront 
placés  dans  des  postes  élevés. 

9  Faire  circuler  des  copies  de  la  présente  procla^ 
isatioB  partout  od  cela  sera  possible  est  aus^  im-» 
portant  que  de  frapper  avec  le  sabre.  Cette  pro* 
clamation  doit  être  affichée  de  nntni^  que  les 
Hindous  et  les  Mosalmai»  puissent  en  prendre  conr 
naîssaiiGe. 

»  Si  tes  infidèles  devimnent  traitables^  ce  ne  sera 
qu'un  expédient  pour  sauver  leur  vie.  Quiconque 
sera  trompé  par  eux  s'en  repentira*  Notre  règne 


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352  DU   Là   PUISSANGR  MILITAIRB 

»  continue;  30  roupies  à  un  cavalier,  et  10  roupies 
»  à  un  fantassin  seront  le  salaire  des  nouveaux  servi* 
»  teurs  de  Detili.  » 

Ce  document  confirme  Topinion  que  nous  avons 
émise  au  sujet  du  rôle  que  l'esprit  de  caste,  mis  en 
émoi  par  les  nouvelles  munitions,  a  joué  dans  ia  ré- 
bellion. C'est  pour  cette  graisse  de  porc  ou  de  vache 
des  cartouches,  dont  le  directeur  de  l'artillerie,  sui* 
vaut  sa  naïve  expression,  «  n'avait  pas  songé  à  se 
préoccuper j  »  que  les  Hindous  ont  pillé ,  brûlé  vingt 
cités,  massacré  leurs  officiers,  égorgé  les  femmes  et 
les  enfants,  et  juré  d'exterminer  tous  les  Européens! 
Les  événements  de  Meerut  et  de  Dehli  devaient 
ouvrir  les  yeux  aux  agents  de  la  Compagnie.  On 
commençait  enfin  à  comprendre  à  Calcutta  que  la 
prétendue  mutinerie  des  cipayes  prenait  toutes  les 
proportions  d'une  véritable  révolution.  Le  16  mai» 
brd  Canning  se  décidait  à  faire  paraître  une  procla- 
mation dont  la  publication  trop  tardive  devait  rester 
sans  effet  au  milieu  des  insurrections  qui  continuaient 
à  éclater  sur  tous  les  points.  Sans  doute,  il  était  utile 
de  rassurer  les  indigènes  timorés  au  sujet  des  craintes 
(trop  fondées)  qu'ils  avaient  pu  concevoir  pour  leur 
religion  ;  mais  à  côté  de  ces  assurances,  de  ces  ga* 
ranties  données  aux  natifs  de  bonne  foi,  n'y  avait-il 
pas  de  place  pour  les  promesses  de  ch&timent  à  infli- 
ger aux  traîtres  qui  avaient  ensanglanté  Meerut  et 
Dehli?  La  sauvage  énergie  que  respire  la  proclama* 
tion  des  insurgés  de  cette  dernière  ville  aurait  pu,  à 
notre  avis,  et  au  moment  où  s'engageait  cette  lutte 


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DBS   ANGLAIS  DANS  L'INDS*  253 

terrible  et  sans  merci,  fournir  quelques  bonnes  inspi- 
rations à  Thonorable  gouverneur.  Voici  le  texte  de 
ce  document,  dont  la  rédaction  assez  terne,  et  la 
pensée  encore  plus  incolore,  ne  nous  semblent  pas 
accuser  de  la  part  du  gouvernement  de  Tlnde  une 
attitude  à  la  hauteur  des  circonstances  : 

«  Le  gouverneur  a  averti  Tarmée  du  Bengale  que 
»  les  bruits  qui  ont  amené  certains  régiments  à  penser 
»  que  le  gouvernement  en  voulait  à  leur  religion  et  à 
»  leur  droit  de  caste  sont  de  pernicieux  mensonges  (!)• 

»  Le  gouverneur  a  appris  que  ces  soupçons  conti* 
»  nuentà  être  propagés,  non-seulement  dans  Tarmée, 
»  mais  encore  dans  d'autres  classes  du  peuple,  par 
»  des  hommes  mai  intentionnés. 

»  Il  sait  qu'on  s'efforce  de  persuader  aux  Hindous 
»  comnie  aux  Musulmans,  aux  soldats  comme  aux  ha- 
n  bitants  qui  ne  font  pas  partie  de  l'armée,  que  leur 
»  religion  est  menacée  secrètement  ou  ouvertement 
«par  les  actes  du  gouvernement,  et  que  celui-ci 
9  cherche  de  différentes  manières  à  leur  faire  perdre 
»  leur  droit  de  caste. 

»  Quelques-uns  ont  déjà  été  trompés  et  pervertis 
»  par  ces  mensonges.  Le  gouverneur  met  donc  en* 
»  core  une  fois  toutes  les  classes  en  garde  contre  les 
x>  déceptions  auxquelles  elles  sont  en  butte. 

(f)  AUosion  sans  doute  à  UQ  ordre  du  29*  mars  sur  ]e  même 
objet,  et  qui  a  été  lu  le  31  aux  troupes  de  Barrâckpore.  Cet  ordre 
du  Jour  avait  le  déraut ,  tout  en  cherchnnl  ù  rassurer  Ic^  troupes, 
quant  au  présent,  de  ne  point  tMigager  ateez  formellement  Ta- 
venir. 


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lte&  DJB  lA  PUISSANCE  MILITAIEB 

»  Le  gouvernement  de  Tlnde  a  toujours  acrupulea*- 

•  sèment  respecté  les  croyances  religieuses  de  ses 
»  sujets.  Le  gouverneur-général  a  déclaré  qu'il  n'en 
»  serait  jamais  autrement.  Maintenant  il  réitère  cette 
^  déclaration,  et  il  proclame  solennellemmt  que  le 
»  gouvernement  de  Tlnde  ne  désire  nullement  inter- 
p  venir  dans  les  affaires  de  religion  ou  de  caste,  et 
»  que  rien  n'a  été  fait  ou  ne  sera  fait  qui  puisse  nuire 
»  au  libre  exercice  de  la  religion  et  des  droits  de 
9  chacun. 

»  Le  gouvernement  de  Tlnde  n'a  jamais,  trompé 
I»  ses  sujets;  le  gouverneur  les  invite  donc  à  refusa 
»  tout  crédit  à  ces  mensongeff  séditieux. 

»  Cet  avertissement  est  adressé  à  ceux  qui  ont 

•  jusqu'à  présent,  par  leur  loyauté  et  leur  bonne  con- 

•  duite,  montré  leur  attachement  au  gouvernement, 
n  et  leur  confiance  méritée  dans  sa  justice  et  sa  pro- 
»  tection. 

»  Le  gouverneur  général  les  invite  donc  à  réfléchir, 
»  avant  d'ajouter  foi  à  des  meneurs  et  à  des  traîtres 
»  qui  les  poussent  au  danger  et  au  malheur.  » 

Cette  proclamation,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà 
dit,  venait  trop  tard,  et  la  situation  des  Anglais  se 
trouvait  compliquée  de  circonstances  trop  défavo- 
rables pour  que  l'essor  de  l'insurrection  pût  être  ar- 
rêté. Quelques  jours  après  l'occupation  de  Dehli  par 
les  révoltés,  le  Bengale  tout  entier  était  en  feu,  Par- 
mée  de  cette  présidence  n'existait  plus,  et  du  11  mai 
au  8  juin,  date  de  l'arrivée  du  général  Barnard  sous 
les  murs  de  l'ancienne  capitale  de  l'Inde,  30,000  d^ 


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DES   ANGLAIS  DANS  L^lNDV.  055 

payes,  provenant  des  réginfients  révoltés  ou  licenciés, 
avaient  pu  s'y  jeter.  A  partir  du  8  juin,  c'est  sur  le 
royaume  d'Oude  et  vers  Lucknow  que  se  dirigèrent 
les  contingents  de  Tarniée  insurgée. 

Nous  allons  enregistrer  sommairement  la  série  des 
stations  où  les  cîpayes  se  sont  soulevés  pendant  cette 
période,  en  faisant  précéder  cette  nomenclature  de 
quelques  considérations  de  nature  à  faire  ressortir 
rimpossibilité  dans  laquelle  se  trouvait  Tarrnée  an-^ 
glaise  d'opposer  une  barrière  k  Tinsurrection. 

Au  commencement  de  1856,  la  majeure  partie  des 
r^ments  européens,  les  seuls  sur  lesquels  il  était 
permis  de  compter,  avait  été  concentrée,  par  suite  de 
la  guerre  avec  la  Perse,  sur  la  frontière  nord*ouest 
et  le  long  de  Tlndus.  La  crainte  d'une  intervention 
de  la  Russie,  cette  épée  de  ^Damoclès  incessamment 
suspendue  sur  Tempire  indien,  motivait  cette  distri- 
bution des  forces  de  la  Ck)mpagnie.  Ainsi,  non-seule- 
ment  on  avait  dégarni  les  présidences  de  Bombay  et 
de  Madras,  mais  même  tout  Tintérieur  de  la  prési- 
dence du  Bengale.  Trois  régiments  européens,  avec 
de  Tartillerie,  étaient  dans  la  vallée  de  Peshawer;  un 
quatrième  à  Attock  ;  un  autre  à  chacune  des  stations 
de  Lahore,  Seaikote,  Ferozepour,  Jallander  et  Um- 
ballah  ;  trois  autres  appartenant  aux  régiments  de  la 
même  frontière  étaient  en  réserve  dans  tes  montagnes 
de  Simla,  dont  le  climat  moins  énervant  que  celui  des 
plaines  devait  conserver  ces  troupes  toutes  fraîches. 
Enfin  la  plus  grande  partie  de  l'artillerie  était  cas* 
tonnée  dans  le  Pendjaub.  Dans  le  royaume  d'Oude, 


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256  DB  LA   PUI8SANGB  lULITAIAB 

dont  tant  de  motifs  devaient  faire  redouter  les  mau- 
vaises dispositions,  un  seul  régiment  détaché  de  la 
division  de  Cawnpour  était  chargé  de  maintenir  Luck- 
now  dans  T  obéissance.  Debli  ne  renfermait  pas  un 
seul  bataillon  de  troupes  européennes,  et  dans  toute 
rétendue  des  districtsd^Agrah,  de  Meerut,  de  Muttrah, 
de  Bareilly,  d'Alyghur,  c'est-à-dire  dans  les  pro* 
vinces  réputées  les  plus  turbulentes  du  nord-ouest,  il 
n'y  avait,  en  fait  d'Européens,  qu'un  régiment  de 
dragons  et  le  60*  carabiniers  à  Meerul,  et  un  bataiU 
Ion  à  Agrah.  Les  positions  si  importantes  de  Cawopour, 
Allababad,  Bénarès,  etc.,  étaient  confiées  à  des  troupes 
indigènes. 

Heureusement  pour  la  Compagnie  elle  avait  dans 
les  deux  frères  Lawrence,  à  Lucknowetà  Peshawer, 
deux  dignes  représentants  de  la  vieille  Angleterre, 
qui,  k  force  d'énergie  et  de  dévouement,  devaient 
maintenir  intact  l'honneur  de  son  drapeau. 

A  peine  la  nouvelle  des  événements  de  Dehli  était- 
elle  parvenue  par  le  télégraphe  électrique  aux  auto- 
rites  militaires  du  Pendjaub,  qu'un  conseil  de  guerre 
était  réuni  à  Peshawer  sous  la  présidence  du  général 
Reid,  et  sous  l'inspiration  du  commissaire  anglais  sir 
John  Lawrence.  L'opinion  de  ce  conseil,  dans  lequel 
figuraient  les  meilleurs  officiers  de  l'armée  des  Indes 
(les  généraux  Cotlon  et  Chamberlain ,  les  colonels 
Edwards  et  Nicholson),  fut  qu'il  était  urgent  de 
désarmer  sans  délai  tous  les  régiments  indigènes  ori- 
ginaires du  Bengale.  Comme  complément  de  cette 
mesure,  on  essayerait  ensuite  de  remplacer  ces  régi* 


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DfiS  ANGLAIS   DANS   L^INDB.  257 

ments  par  des  corps  Sicks,  qui,  par  leur  composition 
même,  seraient  également  hostiles  aux  Mabométans 
et  aux  Hindous  (1),  et  que  Ton  recruterait  parmi  les 
vieilles  bandes  de  Rundjet-Sing,  dont  les  vétérans, 
formés  à  Técole  des  généraux  Âllard,  Venturai  Yan 
Cortiand,  etc.,  étaient  toujours  prêts  à  se  battre  pour 
de  Pargent. 

Afin  d'assurer  Texécution  de  la  première  partie  de 
ce  programme,  le  désarmement,  deux  colonnes  mo- 
biles, dirigées  par  Nicbolson  et  Chamberlain,  furent 
organisées  à  RaowUPendee  et  à  Ihelum,  et  on  les  fit 
mouvoir  avec  tant  de  rapidité  et  de  résolution  que 
toute  résistance  devint  impossible.  Le  13  mai,  à  Tissue 
d*un  bal  donné  précisément  pour  endormir  plus  com- 
plètement les  appréhensions  des  indigènes,  toute  la 
garnison  de  Lahore  était  convoquée  pour  une  revue. 
En  arrivant  sur  le  terrain  de  manœuvres,  le  8®  de 
cavalerie  et  les  16*,  26*  et  &1*  indigènes  se  trouvè- 
rent en  face  du  81*  de  ligne  européen  et  de  l'artillerie 
formée  en  batterie,  mèche  allumée.  Sir  John  Law-> 
rence  et  le  brigadier  Corbett  avaient  jugé  ces  forces 
suffisantes  pour  opérer  le  désarmement,  qui  s'effec- 
tua, en  effet,  sans  la  moindre  résistance,  à  la  grande 
satisfaction  des  Européens.  Quelques  jours  après,  à 
Peisbawer,  quatre  autres  régiments  (21*,  24%  27% 
50'),  et  le  5'  de  cavalerie  du  Bengale,  déposaient 
également  les  armes  sans  effusion  de  sang. 

(1)  Voir  ce  qoe  nous  a?ons  dit  au  sujet  des  Sieks  et  de  leur  relU 
gion  daus  le  chapitre  Ih 

17 


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358  DE  LA  PUISSANCE   MIUTAIAB 

A  Ferozepour,  le  13  mai,  trois  jours  après  la  ré- 
volte de  Meerut,  le  45*  et  le  51*  se  révoltaient,  mais 
étaient  facilement  contenus  par  le  reste  de  la  garni- 
son; le  61*  consentait  même  à  livrer  ses  armes; 
(]UaÉit  ad  k^^f  il  était  entièrement  dispersé  et  massacré. 
En  résumé,  à  part  la  désertion  du  3»  régiment 
d'infanterie  du  Bengale,  que  la  proximité  de  sa  gar- 
nison (Phillour,  sur  la  frontière  orientale  duPendjaub) 
mit  à  même  de  se  joindre,  dès  le  12  mai,  aux  insur- 
gés ;  à  part  la  révolte  du  9*  de  cavalerie  légère  et  du 
46*  d*infanterie  à  Sealkote,  dans  laquelle  périrent  le 
capitaine  Bisbop,  le  docteur  Graham,  et  dans  laquelle 
un  colonel  d'artillerie,  le  brigadier  Brind,  fut  blessé, 
on  peut  dire  que  le  Pendjaub  n'a  pas  été  un  seul 
instant  au  pouvoir  de  l'itisurreciion ,  grâce  à  la  con- 
duite ferme  et  habile  de  son  administrateur;  et  encore 
doit-on  ajouter  que,  dès  le  12  juillet,  les  deux  régi- 
ments insurgés  partis  le  9  de  Sealkote  étaient  presque 
etitièrement  détruits  par  le  général  Nicholson. 

Cette  situation  du  Pendjaub  était  de  la  plus  haute 
importance  pour  la  reprise  de  l'offensive  par  les  An- 
glais. Du  moment  où  celte  province  ne  se  joignait 
pas  h  l'insurrection,  du  moment  où  les  Sicks  pre- 
naient parti  pour  les  Européens ,  le  Pendjaub  deve- 
nait une  base  d'opéfatfotig  €xcellente7Ipp"^me  notts— 
serons  à  même  d'en  juger-quand-Beufr  parlerons  du 
siège  de  DetrtîT  de  plus,  c'était  une  mine  inépuisable 
en  ressources  de  toute  nature,  en  hommes,  en  vivres, 
en  moyens  de  transport,  c'est-à-dire  fournissant  pré- 
cisément tout  ce  que  la  dévastation  du  Bengale  eût 


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DBS  ANGLAIS  DANS   L*INDB«  969 

obligé  d'attendre  et  de  faire  venir  à  grands  frais  et  à 
grand^peine  de  Calcutta. 

'  Le  tableau  qu'offrait  le  bassin  du  Gange  formait, 
en  effet,  un  contraste  bien  triste  avec  la  sécurité  re- 
lative dont  on  jouissait  sur  les  bords  de  Tlndus. 
Chaque  jour  une  nouvelle  révolte  venait  grossir  les 
rangs  des  insurgés,  et  trop  souvent  ces  derniers  souil- 
laient par  les  plus  abominables  cruautés,  par  les 
cicès  les  plus  atroces  leur  éphémère  victoire. 

Le  13  mai,  six  compagnies  de  sapeurs- mineurs 
parties  de  Bourkee  se  révoltaient  sur  la  route  en  ap- 
prenant les  événements  de  Meerut,  tuaient  le  capi- 
taine Fraser,  qui  les  commandait ,  et  parvenaient  à 
gagner  Dehli,  malgré  la  poursuite  des  troupes  euro- 
péennes de  Meerut.  Le  18  mai,  le  reste  de  ce  batail- 
lon du  génie  (trois  compagnies)  s'insurgeait  à  son 
tour,  et  allait  rejoindre  le  gros  de  la  troupe,  appor- 
tant ainsi  aux  révoltés  de  Dehli  un  contingent  que 
le  siège  de  cette  place  allait  rendre  d'autant  plus  pré- 
cieux. 

Le  22  mai,  des  cavaliers  (sowars)  appartenant  au 
3«  régiment  de  Meerut  (dont  les  hommes  semblent 
avoir  été  les  promoteurs  les  plus  ardents,  les  plus 
fanatiques  de  la  révolte)  se  présentaient  à  Alyghur, 
et  soulevaient  le  9«  régiment  d'infanterie  du  Bengale. 
Un  fait  remarquable  se  passait  dans  cette  circon- 
stance, et  il  peut  donner  une  idée  du  caractère  que 
prenait  l'insurrection.  Le  premier  sowar  qui  s'était 
introduit  dans  les  lignes  du  9«  ayant  été  arrêté  et 
condaainé)  séance  tenante,  par  une  commission  mili- 


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260  DE  LA  PUISSANCE   MILITAIRE 

taire,  à  être  pendu,  un  second  cavalier  était  arrivé 
de  Dehii  au  moment  même  où  rexécution  avait  Heu 
en  présence  du  régiment  assemblé.  Il  avait  suffi  de 
quelques  mots  adressés  au  9*  par  ce  fanatique  pour 
changer  ses  dispositions,  et  le  déterminera  se  rendre 
à  DehIi. 

Le  23  mai,  à  Umballah,  où  se  concentrait  le  corps 
du  général  Barnard,  chargé  de  reprendre  DehIi,  les 
5«  et  60«  régiments  d'infanterie  du  Bengale  refu- 
saient de  marcher  contre  les  insurgés,  et  étaient 
désarmés;  la  nuit  suivante  ils  désertaient  en  masse» 
et  se  rendaient  à  Debli. 

Sur  la  rive  gauche  du  Gange»  la  ^pitale  du 
royaume  d'Oude,  Lucknow,  donnait  dès  le  31  mai  le 
signal  d'un  soulèvement  général.  Nous  avons  vu  que 
sir  Henry  Lawrence  n'avait  à  sa  disposition  qu^un 
seul  bataillon  du  32*  pour  surveiller  k  la  fois  la  ville 
et  le  camp  des  troupes  indigènes.  Dans  la  nuit  du 
31  mai,  ces  dernières,  formant  trois  régiments 
(les  13*^,  ùS*  et  71*),  et  le  ?•  de  cavalerie  régulière, 
mettaient  le  feu  aux  bengalows  et  attaquaient  les 
Européens.  Grâce  à  l'énergie  du  commissaire  an^ 
glais,  ce  premier  mouvement  était  comprimé;  mais 
il  était  facile  de  prévoir  que  le  moment  approchait  où 
les  quelques  soldats  de  la  Compagnie  qui  se  trou- 
vaient à  Lucknow  seraient  réduits  à  s'enfermer  avec 
leurs  familles  dans  le  petit  fortin  que  la  prévoyance 
de  sir  H.  l^awrence  avait  ménagé  comme  un  dernier 
refuge. 
(^  Le  2  juin 9  la  révolte  prenait  à  Bareilly»  dans  le 


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DES   ANGLAIS  DANS   l/iNDB.  261 

Rohilcand,  un  atroce  caractère,  triste  précurseur  du 
sombre  drame  de  Gawnpour.  Toutes  les  maisons 
étaient  incendiées  dans  la  campagne;  les  18*  et 
68*  dMnfanterie  indigène,  le  8'  de  cavalerie  irrégu* 
Hère  et  6  compagnies  d*artillerie,  massacraient  leurs 
officiers  et  50  Européens,  parmi  lesquels  on  comptait 
un  grand  nombre  de  femmes  et  d'enfants. 

Le  3  juin,  à  Âzimgurh,  le  17*  s'insurgeait  à  son 
tour  et  prenait  la  route  de  Dehii,  après  avoir  assas- 
siné Fun  de  ses  officiers,  le  quartier  maître  interprète. 
Cette  désertion  du  17*  et  les  craintes  que  Ton  éprou- 
vait à  Bénarès  pour  les  autres  officiers  européens, 
que  l*on  ignorait  réfugiés  à  Ghazipour,  amenèrent 
une  sanglante  catastrophe  par  suite  de  la  nécessité 
dans  laquelle  on  se  crut  de  désarmer  le  37%  alors  en 
garnison  à  Bénarès,  et  sur  lequel,  malgré  sa  bonne 
conduite  antérieure,  on  n*osa  plus  compter.  Cette 
mesure,  au  milieu  de  la  panique  générale,  fut  effec- 
tuée avec  une  déplorable  maladresse.  Exaspérés  par 
les  nouvelles  qui  arrivaient  de  tous  les  points,  des 
cruautés  exercées  sur  leurs  camarades  par  les  cipayes 
insurgés,  les  soldats  d'un  détachement  du  10'  euro- 
péen et  des  artilleurs  ouvrirent  un  feu  terrible  sur 
le  37%  qui  avait  cependant  obéi  à  Tordre  de  déposer 
ses  armes.  Cet  incident  eut  les  conséquences  les  plus 
funestes.  Le  13*  de  cavalerie  irrégulière,  qui  n'avait 
encore  donné  aucun  signe  de  mauvais  vouloir,  se 
débanda  immédiatement,  et,  en  portant  dans  les  sta-- 
tiens  voisines  la  nouvelle  de  l'espèce  de  p:uet-apens 
dont  les  régiments  natifs  avaient  été  victimes  à  Bé- 


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262  DB   Là   PUISSANCE   UILTTAIRB 

narès,  il  détermina  le  soulèvement  de  toutes  les  villes 
environnantes.  A  Allahabad,  le  4  juin,  le  6*  régi- 
ment, qui  avait  offert  de  marcher  contre  les  rebelles 
de  Dehli  et  qui  avait  été  complimenté  pour  sa  fidé- 
lité, apprenant  le  sort  du  37%  se  rua  immédiatement 
sur  ses  officiers  et  les  massacra  au  moment  oii  ils 
sortaient  de  la  Mess  ;  puis,  après  avoir  pillé  le  trésor, 
brûlé  le  temple  et  les  habitations  des  Européens,  il  se 
dirigea  sur  Dehli. 

A  partir  de  ce  moment,  la  lutte  devenait  une  vé- 
ritable guerre  d'extermination  ;  les  sanglantes  repré- 
sailles exercées  par  les  Anglais  dans  le  Pendjaub  et 
sur  les  autres  points  où  leur  autorité  restait  intacte 
n'étaient  point  faites  pour  en  adoucir  Thorreur. 

Le  5  juin,  à  Ihansi,  le  12''  d'infanterie  et  le  14*  de 
cavalerie  massacraient,  sans  distinction  d'âge  ni  de 
sexe,  toute  la  population  européenne. 

A  Schahdjihanpour,  le 8  juin  (c'était  un  dimanche), 
pendant  la  célébration  de  l'office  divin,  Téglise  était 
entourée  par  les  soldats  du  28%  et  tous  les  fidèles, 
ainsi  que  les  officiers  européens,  étaient  égorgés. 

A  Ihansi,  près  Gouâlior,  les  mêmes  atrocités 
étaient  commises,  le  4  juin,  par  le  bataillon  d'Hur- 
rianah  et  le  4*  de  cavalerie  irrégulière. 

Bref,  sur  tous  les  points,  c'était  une  lutte  sans 
merci,  dans  laquelle  les  Anglais,  surpris,  disséminés, 
étaient  écrasés  par  le  nombre  et  n'échappaient  à  la 
mort  dans  une  station  que  pour  être  égorgés  dans 
leur  fuite  par  les  rebelles  des  stations  voisines.  C'est 
ce  qui  est  arrivé  aux  officiers  du  29*  en  garnison  à 


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DBS   ANGLAIS  PANS  L^Un^.  26ft 

Horadabad,  dans  le  Rohilcund,  et  à  ceux  du  32*  en 
garnison  à  Fyzabad,  dans  TOude.  Leurs  so)4^|;p, 
moins  féroces  qi^e  ceux  des  autres  districts,  les 
avaient  épargnés,  avaient  même  facilité  leur  fuite  ; 
mais  ils  tombèrent  la  plupart  sous  les  coups  des 
paysans  ou  des  malfaiteurs  qui  sillonnaient  les  rou|;QS. 

A  Mynpouree,  à  Étawah,  à  Hissar,  à  Jallander,  à 
Âgrab,  enfin  à  Cawnpoqr  (dont  nous  raconterons  en 
détail  la  catastrophe,  parce  qu'elle  se  lie  au  récit  de 
la  marche  du  général  Havelock,  c'est-à-dire  à  la 
première  opération  conduite  d'une  façon  régulière  et 
avec  nn  plan  déterminé),  sur  tous  les  points,  en  un 
pot,  des  provinces  du  nord-ouest,  le  Pendjaub  ex- 
cepté, le  désordre  était  immense  et  Tautorité  des  An- 
glais complètement  détruite. 

Au  milieu  de  ces  cruelles  épreuves,  la  fidélité  des 
armées  de  Madras  et  de  Bombay,  qui  repoussaient 
encore  avec  indignation  toutes  les  tentatives  des 
émissaires  du  Bengale,  était  un  consolant  spectacle; 
malheureusement,  divers  symptômes  étaient  de  na- 
ture à  diminuer  jusqu'à  un  certain  point  cette  satis- 
faction. 

Une  partie  de  l'armée  de  Bombay  étant  engagée 
dans  la  guerre  contre  la  Perse,  on  avait  dû  recourir 
^f  txoupes  du  Bengale  pour  occuper  certaines  garni- 
sons. La  station  de  Nusserabad,  dans  l'Inde  cen- 
trale, était  ainsi  confiée  à  deux  régiments  indigènes, 
le  15*  et  le  âO%  de  la  présidence  de  Calcutta.  Avec 
ces  deux  régiments  se  trouvaient  250  hommes  <]u 
1*'  régiment  de  lanciers,  de  l'armée  de  Bombay.  Aux 


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S6/l  DB   LA  PUISSANGK  HILITAIRK 

premières  nouvelles  des  événements  de  Meerut  et  de 
Delhi,  les  deux  régiments  du  Bengale  résolurent  de 
se  rendre  sur  le  théâtre  de  Tinsarrection  et  voulurent 
entraîner  dans  leur  trahison  les  lanciers  de  Bombay. 
Ceux-ci  refusèrent  et  chargèrent  les  rebelles.  Après 
un  combat  inégal  et  meurtrier,  les  lanciers  furent 
obligés  de  céder  et  ne  purent  empêcher  les  rebelles 
de  gagner  Dehli;  mais  la  conduite  de  ce  détachement 
fut  un  grand  sujet  de  joie  pour  le  gouvernement  au 
milieu  de  l'anxiété  qui  dévorait  les  autorités  de 
Bombay. 

Voici  Tordre  du  jour  par  lequel  le  gouverneur-gé« 
néral  a  témoigné  sa  satisfaction  au  1''  régiitient  de 
cavalerie  :. 

«  Le  gouverneur-général 9  en  conseil,  exprime  sa 
»  satisfaction  de  pouvoir  publier  le  rapport  rendant 
»  compte  de  la  conduite  du  1*'  régiment  de  cavalerie 
»  légère  (lanciers)  de  Bombay,  lors  de  la  révolte  des 
»  troupes  du  Bengale  à  la  station  de  Nusserabad,  le 
»  28  mai. 

»  Depuis,  le  gouverneur-général  a  appris  que 
»  11  hommes  des  lanciers  avaient  honteusement  dé- 
»  serté  leur  drapeau  et  s'étaient  joints  aux  rebelles  ; 
»  mais  le  gouverneur  ne  permettra  pas  que  la  honte 
x>  qui  s'attache  à  ces  membres  indignes  rejaillisse  sur 
»  la  conduite  pleine  de  loyauté,  de  discipline  et  de 
»  bravoure  dont  le  régiment  a  fait  preuve. 

»  Pour  témoigner  la  satisfaction  avec  laquelle  il  a 
»  lu  ce  rapport,  le  gouverneur-général  ordonnera 
»  immédiatement  la  promotion  dos  ofliciers  indigènes 


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DES  ANGLAIS   DAKS   L'iNINS.  265 

»  qae  le  commandant  en  chef  aura  désignés  comme 
9  s*étant  le  plus  distingués  à  cette  occasion  et  ayant 
»  mérité  une  récompense  particulière ,  et  le  gouver- 
»  neur  aura  soin  de  faire  indemniser  les  soldats  de  la 
x>  perte  de  leurs  effets,  abandonnés  dans  leurs  loge- 
»  ments,  qui  ont  été  détruits  lorsque  les  lanciers, 
9  obéissant  à  Tordre,  sont  partis  pour  protéger  les 
>  familles  européennes,  laissant  tout  ce  qui  leur  ap- 
»  partenait  et  leurs  propres  familles  sans  protection 
»  dans  leurs  quartiers.  » 

Le  commandant  en  chef  a  décidé  que  Tordre  du 
jour  et  le  rapport  qui  lui  est  annexé  seraient  traduits 
en  hindoustani  et  en  mahratte,  et  quMIs  seraient  lus 
et  expliqués  à  toutes  les  troupes  indigènes  de  Tarmée 
de  Bombay,  convoquées  spécialement  à  cette  occa- 
sion. 

Le  texte  même  de  Tordre  que  nous  venons  de  citer 
montre  combien  étaient  grandes  les  inquiétudes,  et 
combien  était  incertaine  et  précaire  la  fidélité  des 
corps  qui  faisaient  le  mieux  leur  devoir. 

Il  serait  bien  difficile  de  condenser,  dans  le  rapide 
résumé  que  nous  avons  présenté  au  lecteur,  le  nombre 
infini  d* épisodes  à  la  fois  glorieux  et  sanglants  pour 
TÂngleterre  qui  constituent  l'histoire  de  la  révolution 
indienne  pendant  sa  première  période  ;  nous  avons 
h&te  d'ailleurs  de  détourner  les  yeux  de  ces  pénibles 
événements.  Qu'il  nous  suffise  de  dire  qu'à  l'époque 
où  les  troupes  du  général  Barnard  s'établissaient  sous 
les  murs  de  Dehii,  Tarmée  du  Bengale  n'existait  plus. 
La  révolte  était  universelle  dans  celte  présidence,  et 


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266  DB   LA   PUISSANGB   HILITAtRB 

commençait  à  envahir  l'Inde  centrale,  dont  les 
princes  subsidiés  se  voyaient  abandonnés  par  leurs 
troupes. 

Le  mouvement  de  Nusserabad  avait  été  suivi  par 
le  72«  régiment,  en  garnison  à  Neemuch;  et  le  â  juin 
le  1*'  régiment  de  Gouâlior  (cavalerie),  réuni  au 
T  d'infanterie,  avait  renouvelé  les  atrocités  commises 
dans  les  districts  de  Meerut  et  de  Dehli.  Les  deux 
régiments  d' Agrah  (&&"  et  67*)  avaient  été  désarmés  ; 
mais  deux  compagnies  chargées  d'escorter  des  fonds 
du  trésor  jusqu'à  Muttrab  s'étaient  insurgées  dans 
cette  ville,  et  avaient  massacré  leurs  officiers.  Il  est 
vrai  qu'un  corps  de  volontaires  dirigé  par  le  lieute- 
nant Greathed  avait  pris  une  revanche  de  ce  meurtre 
en  s' emparant  du  Rao  de  Burtorolee,  qui  tenait  la 
campagne  dans  les  environs  d'Âlyghur;  mais  la  fai- 
blesse du  détachement  ne  lui  avait  pas  permis  de 
poursuivre  ce  mouvement  offensif,  et  l'exécution 
du  Rao,  que  M.  Watoon,  juge  d'Alyghur,  avait  fait 
pendre^  n'était  qu'une  bien  faible  compensation  à  la 
défection  du  contingent  de  Gou&lior.  Malgré  les  efforts 
sincères  ou  apparents  du  Maharadjah,  sept  régiments 
d'infanterie,  deux  de  cavalerie,  et  cinq  compagnies 
d'artillerie,  en  tout  10,000  hommes,  munis  d'un 
excellent  matériel,  étaient  passés  à  l'ennemi. 

La  défection  des  troupes  de  Gouâlior  était  un  évé- 
nement des  plus  sérieux,  non-seulement  à  cause  de 
l'appoint  qu'il  apportait  aux  forces  des  cipayes  in- 
surgés, mais  à  cause  surtout  du  contre-coup  que 
l'Inde  centrale  devait  en  ressentir.  La  nouvelle  en 


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DBS  ANGLAIS  DANS   l'INDB.  267 

était  à  peine  parvenue,  en  effet,  que  le  contingent  de 
cavalerie  du  Malwah,  encore  hésitant,  prenait  ouver- 
tement parti  pour  la  révolte,  et  se  joignait  aux  rebelles 
de  Neemuch.  Les  levées  de  Burtpour  et  le  contin- 
gent de  Mehidpour  suivaient  cet  exemple,  si  bien 
qu'à  la  date  du  15  juin  on  pensait  généralement, 
dans  la  présidence  de  Bombay,  que  le  soulèvement 
de  tous  les  pays  mahrattes  était  imminent.  A  Sattara, 
dans  le  Maharatta  méridional,  l'activité  du  lieutenant 
Kerr  parvenait  à  grand'peine  (le  11  juin)  à  étouffer 
un  commencement  d'insurrection  ;  le  23,  le  colonel 
Woodburn  détruisait  le  1"  régiment  de  cavalerie  du 
Nizzam^  qui  s'était  révolté  à  Aurungabad;  mais  les 
inquiétudes  restaient  les  mêmes  à  l'égard  des  districts 
de  Sangor,  de  Kotah,  de  Bhopaletd'Indore,  sur  les- 
quels se  dirigeait  le  brigadier  Stuart,  et  que  rava- 
geaient les  insurgés  de  Neemuch. 


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CHAPITRE  XIII. 


SovMAiRE  :  Insurrection  des  V\  53*  et  56*  à  Cawnpour.^  Nana- 
Saib.  —  Siège  de  l'hôpital  par  les  clpayes.  —  Capitulation  du 
général  Wheeler.—  Relation  du  massacre  de  Cawnpour  par  un 
domestique  indigène.— Le  puits  de  Cawnpour.— Massacre  des 
i^tifs  de  Futteghar.— Admirable  courage  des  dames  anglaises. 
—  Premières  dispositions  des  Anglais  pour  reprendre  TofTen- 
sive.—  Le  général  Anson  à  Umballah.—  Marche  du  comman- 
dant en  chef  sur  Dehli.—  Efforts  du  gouvernement  anglais  pour 
.venir  en  aide  à  Tannée  des  Indes.—  Renforts  expédiés.— Nomi- 
nation du  général  sir  Colin  Campbell.— Le  général  sir  Patrick 
Grant.—  Situation  critique  des  garnisons  d*Âgra  et  de  Lucknow. 
—Biographie  du  général  Havelock.— Oi^nisation  de  la  colonne 
expéditionnaire  d*Allahabad.— Le  général  Neill,— Combats  de 
Futtehpoor  et  de  Pandoo-Nuddy.  —  Affaire  du  17  Juillet.  — 
Reprise  de  Cawnpour.  —  Destruction  de  Bithoor.  —  Rapports 
du  général  Havelock.  —  Première  marche  sur  Lucknow,  le  21 
Juillet — Combats  d'Oonao  et  de  Busserut-Gunge  (29  juillet).— 
Retraite  sur  Mungharwar.— Seconde  marche  sur  Lucknow(4 
août).  —  Deuxième  combat  de  Busserut-Gunge.  —  Le  général 
Havelock  est  obligé  de  battre  une  seconde  fois  en  retraite.— 
Deuxième  combat  d*Oonao  (11  août).—  La  colonne  repasse  le 
13  août  sur  la  rive  droite  du  Gange.  —  Combat  du  16  août— 
Combat  d*Agra.—  Affaire  de  Dinapore  et  d*Arrah.—  Le  général 
Uoyd. — Résumé  de  la  situation  dans  les  trois  présidences. 


Il  nous  reste,  pour  épuiser  la  liste  des  sanglants 
épisodes  qui  ont  signalé  les  débuts  de  Tinsurrection 
indienne  9  à  parler  du  drame  de  Cawnpour.  Nous 
passerons  rapidement,  dans  ce  récit,  sur  bien  des 
détails  horribles  ou  touchants  connus  aujourd'hui  du 


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970  DE  LA   PUISSANGB   HILITAIEB 

monde  entier  ;  nous  devons  nous  borner  aux  rensei- 
gnements de  nature  à  faire  apprécier,  au  point  de 
vue  militaire,  Timportance  du  rôle  qde  la  station  de 
Gawnpour  a  rempli  dans  les  opérations  du  générai 
Havelock  d'abord,  et  plus  tard  dans  celles  dirigées 
par  le  commandant  en  chef ,  sir  John  Campbell  en 
personne. 

Le  8  juin,  à  la  nouvelle  dôs  événements  de  Béna- 
rès,  toutes  les  troupes  indigènes  de  Gawnpour  (com- 
prenant les  1",  b&'  et  56*  d'infanterie  du  Bengale, 
le  2«  de  cavalerie  régulière  et  deux  compagnies  d'ar- 
tillerie) s'étaient  révoltées,  et  avaient  pris  la  route  de 
l)ehli.  Ce  mouvement  s'était  effectué,  sinon  sans  col- 
lision avec  le  détachement  européen,  du  moins  sans 
aucun  des  excès  qui  avaient  accompagné  le  soulève- 
ment dans  les  autres  stations.  Malheureusement  cette 
mansuétude  des  cipayes  ne  devait  pas  être  de  longue 
durée.  Rejoints  à  Kallianpour  (1)  par  le  radjah  de 
Bithoor,  Nana-Dhoundun-Punt,  si  tristement  connu 
depuis  sous  le  nom  de  Nana-Saïb ,  les  révoltés  de 
Gawnpour,  cédant  aux  instigations  de  ce  mahratte, 
renonçaient  à  leur  projet  de  marcher  sur  Dehiî ,  et 
dans  la  matinée  du  9  juin,  retournant  sur  leurs  pas, 
ils  venaient  assiéger  les  cinq  ou  six  cents  Européens 
qui  s'étaient  réfugiés  dans  l'hôpital  de  Gawnpour. 
Cet  établissement,  nouvellement  construit,  non-seu- 
lement ne  remplissait  aucune  des  conditions  néces- 


(1)  Première  étape  sur  la  route  de  Dehli  en  partant  de  Gaws-^ 
pour. 


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DBS  ANGLAIS  DANS   L^INDK.  27f 

saires  pour  soutenir  un  siège  en  règle,  mais  il  n'eût 
pas  tenu  un  quart  d*heure  contre  des  troupes  euro- 
péenneâ,  et,  pour  comble  de  malheur,  il  était  encom- 
bré dé  femmes  et  d'enfants. 

Da  9  au  25  juin ,  après  avoir  rallié  toutes  les 
bandes  qui  parcouraient  les  environs,  et  délivré  les 
malfaiteurs  renfermés  dans  la  prison  de  Cawnpour, 
Nana-Saïb  poursuivit  sans  relâche  le  siège  de  l'hô- 
pital. Cette  lutte  de  250  Européens  contre  un  ras- 
semblement d'indigènes,  qui  s'éleva  successivement 
jusqu'à  dépasser  12,000  combattants,  peut  être  à  bon 
droit  comparée  à  l'héroïque  défense  de  Mazagran, 
dont  s'enorgueillit  à  si  juste  titre  notre  armée 
d'Afrique. 

k  peine  protégés  par  un  mauvais  retranchement 
que  l'on  n'avait  pas  eu  le  temps  de  terminer,  les  An- 
glais n'avaient  que  trois  petites  pièces  pour  répondre 
à  l'artillerie  des  cipayes.  Dès  la  première  semaine, 
rbôpital,  traversé  par  plus  de  quatre  cents  boulets, 
n'offrait  qu'un  monceau  de  décombres,  et  aux  tor- 
tures dé  la  faim  venaient  s'ajouter,  pour  les  malheu- 
reux assiégés,  les  ardeurs  d'un  soleil  de  juin,  dont  la 
toiture  écroulée  n'arrêtait  plus  les  rayons. 

La  conduite  des  Anglais,  dans  cette  horrible  posi- 
tion, fut  admirable.  Le  dévouement  des  hommes  à 
l'égard  des  femmes,  celui  des  n\ères  pour  leurs  en- 
fants se  signalèrent  par  des  traits  d'héroïsme  que  l'on 
peut  attendre  en  tous  pays  d'âmes  fortement  trem- 
pées; mais,  comme  le  fait  observer  M.  de  Warren, 
«  ce  qui  fut  plus  remarquable,  et  ce  qui  caractérisé 


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373  DB   LA  PUISSANGB   MILITAIOB 

»  par  excellence  les  Anglais  enlre  toutes  les  nations, 
x>  c'est  la  résignation  chrétienne,  le  calme  silencieux 
»  et  digne  qui  ne  les  abandonna  pas  un  instant.  Des 
D  Français,  en  pareille  position,  auraient  montré  au- 
»  tant  dUntrépidité,  peut-être  plus  de  ressources,  cer- 
»  tainement  plus  de  vivacité  ;  —  un  sourire,  une  chan- 
»  son  auraient  quelquefois  charmé  les  longues  heures  ; 
»  —  plus  impressionnables,  ils  auraient  passé  du  rire 
»  aux  larmes,  de  la  gaieté  k  la  fureur,  d'une  espé- 
»  rance  fiévreuse  à  un  sombre  abattement.  Mais  cette 
»  dignité  calme  du  héros  chrétien  attendant  la  mort 
»  pour  son  pays,  comme  si  son  pays  tout  entier  était 
»  là  pour  le  regarder  et  pour  applaudir  au  sacrifice  ; 
»  la  mort  du  Romain  sur  sa  chaise  curule,  ce  n'est 
»  que  chez  les  Anglais  qu'il  faut  la  chercher.  » 

Le  feu  des  rebelles,  continué  pendant  vingt-deux 
jours  sans  interruption,  avait  tué  158  personnes  dans 
le  retranchement  ;  et  les  débris  de  la  garnison  voyaient 
approcher  avec  terreur  le  moment  où  les  munitions 
et  les  vivres  allaient  manquer.  Le  puits  principal 
n'étant  pas  couvert  par  l'épaulcment,  on  ne  pouvait 
se  procurer  que  très  peu  d'eau,  et  les  soldats  étaient 
obligés  de  la  puiser,  en  quelque  sorte,  sous  le  feu  de 
Tennemi.  Cependant  toutes  les  attaques  des  assié- 
geants avaient  été  repoussées,  et  les  insurgés,  com- 
mençant à  perdre  courage,  parlaient  encore  une  fois 
de  reprendre  le  chemin  de  Dehli,  lorsque  Nana-Sabib, 
instruit  de  la  détresse  de  la  garnison,  résolut  d'en 
profiter  pour  obtenir  par  la  ruse  et  la  trahison  ce  que 
la  force  des  armes  était  impuissante  &  lui  donner. 


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DES   AKGLAIS   DANS    L^INBB.  273 

Le  26  juin,  le  Nana  fit  proposer  au  générai  Wbee- 
1er»  qui  commandait  à  Gawnpour,  de  lui  laisser  la 
liberté  de  gagner  Allababad  avec  tout  son  monde,  à 
la  seule  condition  d'abandonner  aux  cipayes  le  poste 
en  raines  qu'il  ne  pouvait  plus  défendre.  Bien  que 
les  assiégés  fusant  d'accord  sur  l'impossibilité  de  se 
maintenir  plus  longtemps,  la  mauvaise  foi  des  Asia- 
tiques inspirait  tant  de  défiance  qu'on  penchait  forte- 
ment pour  le  parti  de  se  frayer  un  passage  les  armes 
à  la  main.  Malheureusement  le  général  Wheeler  était 
père,  il  avait  ses  deux  filles  avec  lui,  et  il  pensait  aux 
femmes  et  aux  enfants,  dont  la  plus  grande  partie  ne 
pouvait  manquer  de  périr  dans  une  tentative  déses* 
pérée.  Celte  considération  le  détermina  à  accepter  les 
propositions  de  Nana^aîb. 

Le  26  juin,  le  feu  ayant  cessé  des  deux  côtés,  le 
Nana,  accompagné  de  son  frère  Baber-Dutt,  de  ses 
neveux  et  d'une  escorte  nombreuse,  se  rendit  à  la 
limite  des  retranchements,  où  le  général  Wheeler 
devait  le  recevoir  pour  traiter  de  la  reddition  du  poste. 
Afin  de  donner  un  exemple  frappant  de  cette  per- 
fidie, qui  semble  être  l'un  des  traits  saillants  du  ca- 
ractère des  Hindous,  nous  allons  reproduire  textuel- 
lement la  déposition  authentique  d'un  indigène  qui  a 
été  au  service  de  Tune  des  victimes  du  massacre  de 
Gawnpour  (1).  Ce  récit,  dont  la  naïveté  confirme,  en 
quelque  sorte  »  la  fidélité,  a  une  couleur  locale  qui  fera 

(i)  Cet  indigène  était  un  ayah  domestique  de  M.  Greenway, 
l'une  des  vicUmesde  la  trahison  de  Nana-Sahlb. 

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31&  DB  LA   PmSSANGB  MILITAIU 

mîeaz  apprécier  que  toutes  les  relations  officielles  la 
véritable  nature  du  seul  personnage  qui  ait  marqué 
jusiqu'ici  dans  les  rangs  des  révoltés. 

c(  Lorsque  le  général  Wbeeler  et  NananSalb  furent 
9  w  présence,  celui-ci  dit  :  «  Emmenez  toutes  les 
»  femmes  et  tous  les  enfants  à  Allahabad,  et  si  les 
1»  hommes  veulent  combattre  qu'ils  reviennent  ;  nous 
B  vous  tiendrons  parole.  »  —  Le  général  répondit  : 
«  Jurez  solennellement  suivant  votre  coutume»  et  moi 
9  je  jurerai  sur  ma  Bible,  et  je  quitterai  mon  retran- 
^^cbement.  » —  Alors  le  Nana  dit  :  «  Voici  en  quoi 
isi  consiste  notre  serment  :  Celui  dont  nous  prenons  la 
s  main,  et  qui  a  foi  en  nous^  nous  ne  le  trompons  ja- 
9»  mais;  si  nous  le  faisons,  Dieu  nous  jugera  et  nous 
»  punira.  »  —  Le  général  dit  :  a  Si  vous  voulez  me 
«  tromper,  tuez-moi  tout  de  suite;  je  suis  sans  armes.  » 
jpt  ie  Nana  répondit  :  a  Ayez  confiance  en  moi;  je  ne 
p  vou^  tromperai  pas  ;  je  vous  fournirai  des  approvi- 
f  siopqements,  et  je  vous  ferai  conduire  à  Allahabad.  » 

»  Là-dessus  le  général  rentra  dans  les  retranche* 
9  ments,  et  délibéra  avec  ses  soldats,  lis  dirent  :  a  II 
»  est  impossible  de  se  fier  aux  indigènes.  Ils  nous 
9  tromperont  »  —  D'autres,  au  contraire,  en  plus 
^  petit  nombre,  dirent  :  «  Ayez  confiance  en  eux,  cela 
y,  va^t  mieux,  d  —  Le  général  revint  et  accepta  les 
il  conditions.  «  Veillez,  dit-il,  à  ce  que  nous  arrivions 
f  sains  et  saufs  à  Futtehpore,  et  de  là  nous  arriverons 
9  facilement  à  AUahabad.  »  —  On  lui  répondit  :  <r  Non, 
i>  monsieur,  nous  veillerons  à  votre  sûreté  jusqu'à 
9  AUahabad.  »  —  On  prép^a  ensuite  vingt  bateaux 


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DBS  ANGLAIS  PANS  L*INDB.  275 

a  couverts,  et  lorsque  le  Nana  vit  que  tout  était  prêt, 
9  il  dit  :  <c  Ne  prenez  pas  le  trésor,  envoyez-le-moi.  » 
V  —  Le  général  dit  :  «  Vous  pouvez  prendre  tout 
«  Targent.  »  —  Il  y  avait  alors  trois  lacs  de  roupies 
9  en  pièces  monnayées  (1).  Le  Nana  dit  aussi  :  <c  Dé- 
»  JQunez  demain  sur  les  bateaux  et  d!nez-y,  et  quittez 
»le  retranchement  à  onze  heures  du  matin.  »  —  Le 
»  général  y  consentit.  Tout  était  prêt,  lorsque  arriva 
9  un  message  du  Nana  ainsi  conçu  :  «  Les  bateaux 
»  ne  seront  pas  préparés  aujourd'hui,  il  faut  que  vous 
»  partiez  demain  soir.  »  —  Le  général  répondit  :  «  Je 
»  ne  partirai  pas  pendant  la  nuit,  vous  pourriez  nous 
>  tromper.  —  Fort  bien,  répondit  le  Nana,  alors  par- 
»  tez  à  quatre  heures.  » 

»  Le  jour  suivant,  il  fit  enlever  tout  le  trésor  ;  le 
9  général  lui  demanda  :  «  Emmènerons-nous  nos  do- 
«  mystiques  ou  nous  en  fournirez-vous?  «  La  réponse 
»  fut  affirmative.  Le  jour  suivant,  bien  que  Ton  soup- 
ir çonnàt  la  bonne  foi  du  Nana,  on  se  berçait  pour- 
»  tant  de  Tespoir  que  tout  irait  bien.  Le  dimanche,  le 
»  Nana  fit  dire  que  les  domestiques  ne  partiraient 
»  pas,  et  que  les  dames  pourraient  bien  se  tirer  d'af- 
»  faire  toutes  seules.  Là-dessus  tout  le  monde  fut 
«  alarmé.  A  sept  heures,  les  rebelles  entourèrent  les 


(I)  Suivant  une  autre  version,  la  caisse  militaire  de  Gawnpour, 
qui  renfermait  plusieurs  millions,  avait  été  confiée  par  le  général 
Wheeter  au  Nawab,  et  Nana-Saîb  s'en  était  emparé  dès  le  com- 
mencement du  pillage.  Ces  fonds  auraient  servi  au  Mahratte  pour 
le  paiement  de  la  solde  qu*il  s'était  engagé  à  allouer  à  tous  les 
bandits  qui  suivaient  son  drapeau. 


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276  BB   LA  PCISSATSGB   HILITAIHB 

«retranchements;  les  domestiques,  qui  se  voyaient 
»  exclus  de  la  capitulation,  essayèrent  de  fuir,  mais 
x)  ils  furent  massacrés^  k  l'exception  de  quelques-uns 
»  qui  parvinrent  à  s'échapper. 

i>  Pendant  tous  ces  pourparlers,  une  flottille  ^le 
»  vingt  barques  avait  été  rassemblée,  et  vers  les  huit 
y>  heures  les  rebelles  qui  entouraient  le  retranchement 
»  prévinrent  le  général  que  tout  était  prêt  pour  le 
»  départ.  Les  femmes  et  les  enfants  furent  transportés 
)}  au  bord  du  fleuve  sur  des  éléphants,  et  les  hommes 
»  s'y  rendirent  à  pied  et  s'embarquèrent.  Lorsque  les 
»  Européens  virent  qu'on  leur  avait  préparé  le  déjeu- 
»  ner,  et  que  tout  avait  été  bien  arrangé,  ils  se  ré^ 
»  jouirenL 

»  La  garnison  était  à  peine  installée  dans  les  em- 
x>  barcations  qu'un  coup  de  canon  chargé  à  mitratlie 
V  partit  du  bord  opposé  de  la  rivière.  Ce  canon  et 
»  d'autres  étaient  masqués.  Tous  les  délais  du  Nana 
»  n'avaient  eu  pour  but  que  de  donner  à  ses  gens 
»  tout  le  temps  nécessaire  pour  préparer  les  embus- 
»  cades,  et  assurer  le  succès  de  sa  trahison.  Sous  le 
»feu  répété  de  l'artillerie,  une  barque  prit  feu  et 
D  quatre  autres  furent  atteintes.  Ceux  qui  les  mon- 
»  taient  et  qui  n'étaient  pas  blessés  se  jetèrent  à  l'eau, 
»  mais  l'infanterie  ouvrit  à  son  tour  son  feu  tout  le  long 
»  de  la  rivière,  et  les  sowars  (cavaliers),  entrant  aussi 
)»à  cheval  dans  l'eaù,  sabrèrent  un  grand  nombre 
»  des  fugitifs. 

»  Quinze  embarcations  pleines  d'Anglais  furent 
1»  ainsi  détruites.  Sur  ces  barques,  108  femmes  et  en- 


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DES  ANGLAIS  DANS  L'INDB.  277 

>fants  échappèrent  au  massacre,  mais  beaucoup 

«  étaient  blessés.  Le  Nana  donna  Tordre  de  mettre 

«  ceux-là  en  prison.  Quant  à  la  barque  qui  portait  le 

jp  général  Wheeler,  elle  avait  coupé  son  amarre  et 

'  »  commencé  à  descendre  le  fleuve,  poursuivie  sur  les 

»  deux  bords  par  les  rebelles.  Cette  barque,  qui  ren- 

»  fermait,  sans  doute,  les  officiers,  opposa  une  résis<* 

9  tance  acharnée  ;  malgré  le  feu  de  Tartillerie  et  des 

»  cipayes,  auquel  elle  était  en  butte  des  deux  rives, 

0  elle  continua  à  descendre  pendant  plusieurs  heures, 

9  ceux  qui  la  montaient  ripostant  de  leur  mieux,  et 

0  souvent  avec  avantage ,  à  la  fusillade  des  cipayes, 

I»  dont  plusieurs  furent  tués  ou  blessés.  Pendant  la 

•  nuit,  ayant  eu  connaissance  de  la  résistance  op- 

»  posée  par  le  dernier  bateau,  le  Nana  envoya  le 

9 1"  régiment  d'Oude  se  joindre  aux  cipayes  qui  le 

»  poursuivaient,  et  toute  résistance  devint  impossible. 

s  Les  Anglais  furent  entourés  et  conduits  à  Cawnpour. 

«  Il  y  avait  dans  ce  bateau  50  hommes,  25  femmes 

«  et  â  enfants. 

»  Le  Nana  ordonna  alors  que  les  hommes  fussent 
»  séparés  des  femmes,  et  que  les  premiers  fussent  fo- 
»  sillés  par  le  1"  régiment  d'infanterie  ;  mais  ce  ré- 
»  giment  refusa  en  disant  :  «  Nous  ne  tuerons  pas  le 
»  général  Wheeler,  qui  a  rendu  notre  nom  célèbre, 
9  et  dont  le  fils  est  notre  quartier-mattre,  et  nous  ne 
9  tuerons  pas  non  plus  le  sahib  Corry  ;  qu'on  les  mette 
9  en  prison.  »  Alors  les  autres  indigènes  répondirent  : 
«  Quel  est  ce  langage?  Nous  les  tuerons  tous.  »  Les 
»  Anglais  furent  alors  placés  pour  être  fusillés,  et 


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278  DB   LA   PDISSANGB   MILITAIRE 

»  après  que  ie  padre  (chapelain)  eut  lu  quelques 
»  prières  ils  se  donnèrent  la  main,  et  les  cipayes  firent 
»  feu.  Les  victimes  roulèrent  dans  tous  les  sens,  et 
«beaucoup  n'étaient  que  blessées,  mais  elles  furent 
»  achevées  à  coups  de  sabre.  Après  cela,  toutes  les 
»  femmes  et  les  enfants,  122  en  tout  (1),  furent  em- 
»  menés  et  conduits  dans  la  maison  où  ils  devaient 
»  être  massacrés  plus  tard. 

»  Parmi  les  prisonniers  fusillés  se  trouvaient  le  gé- 
»  néral  Wheeler,  M.  Beid,  M.  Thomas  Greenway» 
»M.  Kirkpatrick,  M.-Mackenzie,  le  brigadier  Yack, 
»  le  colonel  Williams  Lindsay,  sir  G.  Parker,  Quin, 
»  Bedman,  Supple,  Beignolds,  Dempster,  le  capi« 
»  taine  Mackenzie  et  le  docteur  Harris.  Tous  se  sou- 
»  mirent  courageusement  à  la  mort,  et  le  docteur 
»  Harris  mourut  en  disant  que  ses  compatriotes  le 
»  vengeraient.  » 

.  Il  nous  reste,  pour  compléter  ce  lugubre  récit,  à 
dire  le  sort  des  malheureuses  femmes  demeurées  pri- 
sonnières entre  les  mains  des  cipayes  (2).  Entassées 
dans  des  chambres  sans  air,  presque  sans  nourriture, 
leç  prisonnières  eurent  à  souffrir  toutes  les  tortures 

(i)  A  Texception  de  la  femme  du  docteur  Harris,  qui  ne  voulut 
pas  quitter  son  mari,  et  qui  fut  fusillée  avec  lui. 

(2)  L'histoire  de  la  plus  jeune  fille  du  général  Wheeler,  qui  au- 
rait tué  un  sowar (cavalier)  et  toute  sa  famille,  nous  semble  ne 
devoir  être  acceptée  que  sous  toutes  réserves.  H  est  peu  probable 
qu'une  Jeune  fille  délicate  ait  pu  tuer  deux  hommes,  une  femme 
indigène  et  deux  enfants.  Les  mêmes  faits  avaient  été  mis  aupa- 
ravant sur  ie  compte  d'une  jeune  fille  portugaise.  Quoi  qu'il  en 
soit  (et  bien  que  ce  fait  ne  soit  pas  nécessaire,  comme  on  le  yerra 


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DB8  AN6LAI8  DANS  l'INDB.  fT9 

imaginables,  jusqu'au  moment  où  le  Nana,  informé 
de  la  marche  du  général  Havelock,  se  décida  à  les 
fiodre  massacrer  dans  rintérieur  même  de  leur  prison; 
Ces  infortunées  paraissent  avoir  deviné  leur  sort,  cair 
elles  déchirèrent  leurs  vêtements,  et  s'en  servirent 
pour  attacher  les  portes  ;  mais  celles-ci  furent  forcées^ 
et  ce  fut  le  signal  de  la  boucherie.  Leurs  cris  étaient 
navrants,  mais  peu  à  peu  ils  s'éteignirent,  pour  faire 
place  à  un  horrible  silence.  Toutes  les  victimes  fureob 
laissées  pour  mortes,  et  les  misérables  assassibs  m 
se  donnèrent  pas  la  peine  d'examiner  les  cadavres 
pour  voir  si  la  vie  était  complètement  éteinte.  Le  len^' 
demain,  il  se  trouva  qu'une  vingtaine  de  personnes 
n'étaient  que  blessées  ;  mais  les  morts  et  les  mou-* 
rants,  les  femmes  comme  les  enfants,  furent  précipîtéi 
dans  un  puits  que  Ton  recouvrit  de  terre. 

Quelques  jours  avant  cet  horrible  carnage,  Nana» 
SiJb  avait  ordonné  le  massacre  non  moins  odieux  des 
Européens  échappés  de  Futteghar.  Suivant  l'exemple 
donné  par  les  autres  troupes  du  Bengale,  les  troupee 
indigènes  de  cette  station  s'étaient  insurgées,  mais 
sans  répandre  le  sang  des  officiers  ou  des  autres  Eu- 
ropéens. On  avait  même  procuré  à  ces  derniers,  pour 
eux,  leurs  femmes  et  leurs  enfants,  trois  barques  qui 


plus  loin  à  propos  du  massacre  des  prisonniers  de  Futteghar,  pour 
établir  Tadmirable  courage  dont  les  femmes  anglaises  ont  fait 
preuve),  beaucoup  de  personnes  affirment  que  c*est  la  fille  du  (6- 
néral  Wheeler  qui  e»t  l'héroine  de  ce  drame. 


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2g0  DB   LA  PUISSANCE  flnLlTATBB 

devaient  leur  suffire  pour  descendre  le  Gange  (1). 
Les  malheureux  fugitifs,  arrivés  à  la  hauteur  de 
Bithoor,  manquant  de  vivres  et  comptant  sur  Tamitié 
de  Nana-Saïb,  abordèrent  pour  acheter  des  provi- 
sions. Des  courriers  allèrent  immédiatement  prévenir 
le  radjah,  qui  se  hâta  d'envoyer  une  troupe  de  cava- 
lerie  et  deux  compagnies  d'infanterie,  avec  mission 
de  lui  amener  les  Anglais  qui  étaient  venus  réclamer 
son  hospitalité.  Cent  trente-six  Européens,  dont  un 
grand  nombre  de  femmes  et  d'enfants ,  furent  ainsi 
conduits  devant  Nana-Saîb,  qui  ordonna  de  les  mettre 
tous  à  mort.  Les  officiers  indigènes  firent,  à  ce  que 
Ton  prétend,  de  vains  efforts  pour  l'en  détourner. 
Le  monstre  avait  autour  de  lui  une  troupe  de  malfai- 
teurs qu'il  avait  déjà  dressés  à  tuer  à  son  premier 
signe.  Quelques  jours  auparavant,  il  avait  fait  sabrer 
une  dame  anglaise  réfugiée  chez  un  indigène  de 
Cawnpour,  et  ses  deux  jeunes  filles,  qu'on  n'avait  pu 
arracher  des  bras  de  leur  mère.  —  Parmi  les  fugitifs 
de  Futteghar  se  trouvait,  cette  fois,  une  jeune  dame 
qui,  parlant  à  Nana-Salb  avec  un  admirable  courage, 
lui  prédit  le  sort  qui,  il  faut  l'espérer,  t'atteindra  tôt 
ou  tard.  «  Vous  aurez  beau  faire,  Nana,  lui  dit- elle, 
vous  n'exterminerez  pas  'la  race  entière  des  Anglais, 
et  ceux  qui  nous  survivront  seront  nos  vengeurs. 
Vous  expierez  alors  vos  crimes,  car  il  n'est  pas  une 


(1)  FuUegbar  est  situé  au  sud  de  Perruckabad,  sur  la  rive  droite 
du  Gange,  cl  k  cent  miUes  environ  au  nord  de  Cawnpour. 


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DES   ANGLAIS   DANS   L*1NDB.  381 

religion  dans  le  monde  qui  approuve  le  massacre  des 
femmes  et  des  enfants,  » 

Le  moment  approchait  où  le  gouvernement  de 
rinde»  revenu  de  sa  première  surprise,  allait  procé- 
der enfin  aux  mesures  nécessaires  pour  combattre  la 
révolte.  Enchaînées  par  la  nécessité  de  secourir  avant 
tout,  et  sur  tous  les  points^à  la  fois,  les  petits  postes 
isolés  dans  lesquels  s'étaient  réfugiés  les  Européens, 
les  autorités  militaires  n'avaient  pu  adopter  encore 
aucun  plan  ;  la  dissémination  des  troupes  était  un 
obstacle  à  toute  opération  militaire  importante  et 
suivie. 

Au  commencement  de  juillet,  la  période  ascendante 
de  rinsurrection  était  loin  d'être  close,  ainsi  que  nous 
le  verrons  plus  loin,  lorsque  nous  enregistrerons 
sommairement  les  derniers  événements  qui  ont  mar- 
qué sa  plus  grande  intensité;  mais,  dès  cette  époque, 
les  Anglais  étaient  en  mesure  de  reprendre  roifensivo 
sur  quelques  points,  en  môme  temps  que  le  gouver* 
nement  de  la  mère-patrie  déployait  toute  son  activité, 
toutes  ses  ressources  pour  leur  venir  en  aide. 

Le  commandant  en  chef,  général  Anson,  se  trou- 
vait à  Umballah  au  moment  des  affaires  de  Meerut  et 
de  Dehii.  Aussitôt  la  nouvelle  reçue  au  quartier-gé- 
néral, il  s'était  mis  en  marche  avec  le  75«  régiment 
delà  Reine,  le  9*  lanciers,  le  1"  fusiliers,  deux  régi- 
ments indigènes,  et  deux  détachements  d'artillerie 
européenne.  Le  û*  régiment  de  cavalerie  légère  était 
venu  le  rejoindre  de  Uaghsai  ;  enfin,  dans  sa  marche 
sur  DehIi,  ce  corps  d'armcc  devait  rencontrer  les 


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282  DB   LA   PCISSANGB   BflLITAIMS 

troupes  de  Meerut  (60®  carabiniers,  6«  dragons,  et  un 
fort  détachement  d'artillerie) .  L'un  des  premiers  actes 
du  lieutenant  gouverneur  des  provinces  du  nord- 
ouest  avait  été  une  proclamation  énergique,  mettant 
sous  la  loi  martiale  les  districts  environnant  Meerat 
et  Debli. 

Le  siège  de  Dehii,  constituant  comme  celui  de 
Lucknow  un  fait  isolé,  distinct,  au  milieu  de  l'en- 
semble des  événements,  nous  en  ferons  Tobjet  d'une 
étude  à  part.  Laissant  donc,  pour  le  moment,  le 
commandant  en  chef  se  diriger  à  marches  forcées  sur 
le  foyer  principal  de  la  révolte,  nous  allons  examiner 
ce  qui  se  passait  à  Calcutta,  dans  le  reste  du  Bengale, 
et  enfin  à  Londres. 

Du  1"  au  3  juillet,  les  forces  qui  quittaient  l'Angle- 
terre et  s'embarquaient  pour  les  Indes  peuvent  être 
évaluées  comme  suit  :  2«"  dragons  de  la  garde, 
700  hommes;  3*  dragons  de  la  garde,  700  hommes; 
T  fusiliers,  1,000  hommes;  carabiniers  (3*  batail- 
lon), 1,000  hommes;  88*  régiment,  1,000  hommes; 
brigade  des  carabiniers  (3*  bataillon),  1,000  hom- 
mes; détachements,  environ  3,000  hommes.  Total, 
8,400  hommes. 

Si  on  ajoute  les  64*  et  78'  régiments,  déjà  en  route 
pourCalcutta,  on  arrive  au  chiffre  de  10,000  hommes. 
A  la  même  époque,  les  ordres  étaient  donnés  au 
!••  bataillon  du  1"  Royal,  à  Dublin  ;  au  19«  régiment, 
à  Portsmouth  ;  au  38%  à  Curragh  ;  au  79«  hîghlan- 
ders,  à  Dublin.  Ces  divers  corps  formaient  encore  un 


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DES   ANGLAIS   DANS   l'INDB.  S88 

total  de  &,000  hommes,  dont  le  départ  allait  être 
accéléré  par  tous  les  moyens  possibles. 

Dans  la  séance  du  29  juin  de  la  Chambre  haute^ 
lord  Granville,  répondant  à  une  interpellation  de  lord 
Ellenborough,  déclarait  en  même  temps  que  le  corps 
européen  de  Bushire,  devenu  disponible  par  suite  de 
la  fin  des  opérations  militaires  contre  la  Perse,  avait 
été  dirigé  tout  entier  sur  Calcutta.  Trois  régiments 
arrivés  en  fort  peu  de  temps  à  Bombay  en  étaient 
déjà  repartis  immédiatement  pour  le  Bengale.  C'était 
encore  un  renfort  de  5,000  hommes  de  troupes  victo- 
rieuses dont  le  gouvernement  de  Tlnde  allait  pouvoir 
disposer.  Mais  ce  qui  était  surtout  précieux  dans  la 
circonstance,  ce  qui  allait  peser  dans  la  balance  plus 
que  tous  les  bataillons  de  Bushire,  c'était  le  retour 
des  officiers  généraux  les  plus  distingués  de  Tarmée 
des  Indes,  c'était  l'arrivée  avec  ces  troupes  des  géné^ 
raux  Havelock,  Jacob,  Outram,  etc.,  pour  remplacer 
les  Hearsey,  les  Lloyd  et  les  Hewitt;  c'était  enfin, 
pour  fermer  cette  série  d'épouvantables  désastres,  la 
nomination  de  sir  Colin  Campbell,  l'un  des  héros  de 
la  guerre  de  Crimée,  au  commandement  en  chef  de 
l'armée  des  Indes. 

Le  27  mai,  le  général  Anson  était  mort  du  choléra, 
laissant  la  conduite  des  troupes  de  Dehii  au  général 
Bamard,  et  sir  Patrick  Grant,  commandant  de  la 
province  de  Madras,  avait  été  désigné  pour  prendre 
provisoirement  la  direction  générale  de  toutes  les 
troupes  de  l'Inde.  C'était  un  bon  choix  et  qui  per- 
mettait d'attendre  avec  confiance  l'arrivée  de  sir 


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38ft  DB  LA  PUISSAI^GB  IlILlTAIftB 

Colin  Campbell.  La  haate  réputation  militaire  du 
général  Grant  Tavait  fait  désigner  depuis  quelque 
temps,  quoiqu'il  appartînt  au  service  de  la  Compa^ 
gnie,  pour  le  commandement  des  troupes  de  Madras, 
et  bien  que  ce  poste  eût  été  occupé  jusque-là  par  un 
officier  de  la  reine.  Le  général  Grant  avait  été  quar- 
tier-maltre  général,  sous  les  ordres  de  lord  Gougb, 
pendant  les  deux  campagnes  du  Pendjaub  ;  il  était 
cité  comme  un  militaire  du  plus  haut  mérite  et  pos- 
sédant surtout  à  un  très  haut  degré  la  confiance  de 
l'armée  de  Tlnde.  Toutefois,  sir  Henry  Sommerset, 
gouverneur  de  Bombay,  se  trouvant  le  plus  ancien 
officier-général  après  le  général  Anson,  était,  nomi- 
nalement au  moins,  investi  du  commandement  su* 
préme  jusqu'à  l'arrivée  de  sir  Colin  Campbell.  Parti 
le  12  juillet,  c'est-à-dire  presque  à  l'instant  même 
ob  il  venait  d'être  nommé,  le  nouveau  général  en 
chef  se  trouvait  dès  le  22  à  Alexandrie. 

Pendant  que  le  gouvernement  de  la  métropole  em- 
ployait toute  son  activité,  toutes  ses  ressources,  pour 
venir  en  aide  à  la  Compagnie,  les  autorités  de  Cal- 
cutta, faisant  assaut  de  dévouement,  multipliaient 
leurs  efforts  afin  de  faire  face  à  toutes  les  difficultés 
de  la  situation.  L'objet  des  préoccupations  du  gou- 
verneur était  par* dessus  tout  la  périlleuse  situation 
où  se  trouvaient  les  garnisons  d' Agra  et  de  Lucknow. 

Toutes  les  forces  venant  du  Pendjaub  étant  absor- 
bées par  le  siège  de  Dehii,  ces  deux  places  ne  pou- 
vaient attendre  leur  salut  que  d'un  corps  d'armée 
venant  du  sud  de  la  présidence.  Le  général  Havelock 


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MS    ANGLAIS  DANS   L'INDIS.  285 

fat  chargé  de  Torganisation  et  de  la  direction  des 
troupes  qui  devaient  concourir  à  ce  but  (1). 

Havelock,  arrivé  de  Bushire  (Peirse)  à  Bombay, 
puis  de  Bombay  à  Calcutta,  parvenait  le  30  juin  seu- 
lement k  gagner  Allahabad.  Il  y  trouvait  le  général 
Neiil,  dont  la  vigoureuse  attitude  n'avait  pas  peu 
contribué  à  rétablir  dans  cette  ville  lautorité  dça 

(1)  Le  général  Havelock,  qai  s*estfait  un  sî  grand  nom  pen« 
dant  la  guerre  actuelle,  a  eu  deux  biographes  tous  deux  ministres 
(MM.  Owen  et  Brock).  Une  troisième  biographie  est]  annoncée; 
émanant  cette  fois  d*un  allié,  d'un  ami,  d'un  frère  d*armes  du 
général.  Celle-ci  sera  probablement  plus  complète  et  mieux  écrite 
que  les  deux  autres. 

Le  brigadier  général  Henry  Havelock  était  né  h  Bishopwear- 
mouth ,  près  de  Sunderland ,  en  1795.  Son  père ,  qui  descendait 
d'une  famille  longtemps  établie  à  Grimsiey,  après  avoir  acquis 
une  fortune  indépendante  dans  le  commerce  et  la  construction 
des  navires,  acheta  Ingress-Park,  près  de  Dartfort,  dans  le  comté 
de  Kent 

Havelock  a  servi  huit  ans  en  Angleterre,  en  Ecosse  et  en  Ir- 
lande, et,  après  avoir  passé  dans  le  13*  d'infanterie  légère ,  il 
s'embarqua  pour  les  Indes  en  1S23.  Au  bout  de  vingt-cinq  ans 
de  services  incessants  et  pénibles,  sa  constitution  s'est  ressentie 
de  si  rudes  épreuves,  et,  en  18/i9,  les  médecins  l'envoyèrent  en 
Europe  pour  rétablir  sa  santé.  Il  retourna  en  4851  à  Bombay,  et, 
grâce  à  la  protection  de  lord  Hardinge,  à  côté  duquel  il  avait 
combattu  dans  les  batailles  de  SutUedge,  il  fut  nommé  quartier^ 
maître  général,  puis  adjudant  général  des  troupes  de  la  reine 
dans  l'Inde. 

Lors  de  renvoi  de  l'expédition  en  Perse,  il  fut  nommé  à  la  se- 
conde division,  et  commanda  les  troupes  à  Mohammerah.  Quand 
la  paix  fut  conclue,  il  s'embarqua  i)our  Calcutta,  d'où  il  fut  en- 
voyé immédiatement  à  Allahabad  en  qualité  de  brigadier  général, 
pour  commander  la  colonne  mobile  qui  a  joué  un  si  grand  rôle 
dans  la  campagne  de  1857. 


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âft6  PB   tk   PtlISSANCB  MlLITÀiEB 

Anglais.  Le  7  juillet,  le  général  Havelock  en  partait 
avec  moins  ^e  1,200  hommes,  dont  1,000  Euro- 
péens; une  avant-garde  de  820  hommes,  envoyée 
par  le  général  Neill,  le  précédait  sur  la  route  de 
Cawnpour.  £n  somme,  la  colonne,  dans  ces  preoùers 
mouvements,  ne  comptait  que  1,&00  baïonnettes  an* 
glaises  et  8  canons.  Le  17  juillet,  le  général  Have- 
lock enlevait  Gawnpour  aux  troupes  de  Nana-Salb  à 
la  suite  d'un  combat  en  règle,  et  il  datait  des  retran- 
chements du  malheureux  général  Wheeler  le  premier 
rapport  qui,  depuis  rorigine  de  la  révolte,  vint  com- 
penser les  nouvelles  désastreuses  parvenues  à  Cal- 
cutta de  tous  les  points  de  la  présidence. 

«  Dépêche  du  20  juillet.  Le  général  Hayelock  a 
0  repris  Gawnpour  après  avoir  battu  Nana-Saib  en 
»  personne,  et  a  enlevé  2  canons  de  siège.  La  nou- 
»  velle  du  massacre  de  la  garnison  n'est  que  trop 
»  vraie,  et  les  femmes  que  Nana-Saïb  avait  gardées 
»  comme  otages,  en  laissant  le  reste  partir  dans  des 
»  bateaux,  ont  été  massacrées  par  lui  quelques  jours 
»  avant  l'arrivée  de  la  colonne  ;  leurs  corps  ont  été 
9  jetés  dans  le  puits  des  salles  d'assemblée  au  mo- 
»  ment  où  la  nouvelle  de  la  marche  du  général  est 
»  arrivée.  On  les  en  a  retirés  et  on  leur  a  donné  la 
»  sépulture. 

9  Les  partisans  de  Nana-Saib  paraissent  Taban* 
9  donner  ;  il  s'est  enfui  à  Bithoor,  qui  a  été  occupé 
x>  hier  (19  juillet)  sans  résistance  ;  13  canons  ont  été 
»  trouvés  dans  la  place  ;  sou  palais  est  en  flammes,  etc.» 


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M8  ANGLAIS  DANS  L^INDB.  â8? 

En  revenant  de  Bitboor,  Havelock  fut  rallié  par  le 
générai  Neill  à  la  tête  de  deuœ  cent  soiœante^io) 
hommes;  il  apprit,  en  rentrant  à  Gawnpour,  la  mort 
de  sir  Henry  Lawrence,  le  défenseur  de  Lucknow. 

Dans  une  seconde  dépêche  datée  du  21,  le  gêné* 
rai  Havelock  donne  quelques  détails  sur  sa  marche 
entre  Âllahabad  et  Gawnpoui*.  Nous  en  extrayons  ce 
qui  ne  se  rapporte  pas  à  des  événements  déjà  connus. 

Camp  de  Gawnpour,  21  juillet 

«  Je  suis  libre  pour  paôser  le  Gange.  La  force  de 
9  Nana-Salb  à  B\thoor  est  complètement  dispersée. 
»  Nous  avons  enlevé  de  la  place  16  canons  et  un 
»  grand  nombre  de  bestiaux,  mis  le  feu  à  son  palais 
9  et  fait  sauter  sa  poudrière.  Une  partie  de  mes 
D  troupes  et  5  canons  sont  déjà  en  position  en  tête  de 
»  la  route  qui  conduit  à  Lucknow.  Toute  Tarmée  est 
»  pleine  de  l'espérance  que  nous  serons  bientôt  tous 
»  réunis  sur  la  rive  gauche. 

»  Nous  avons  eu  une  affaire  en  venant  ici  (1)  :  d'a- 
»  bord,  à  Futtehpoor,  nous  avions  contre  nous  9  ca- 
snonsde  12  et  2  de  2&;  mais,  grâce  à  la  divine 
»  Providence,  nous  avons  tout  enlevé  aux  insurgés 
i»  sans  une  seule  égratignure  parmi  les  Européens. 
»  La  cavalerie  a  eu  7  hommes  tués  par  sa  faute  :  elle 
y>  n'a  pas  chargé,  quoique  Tordre  lui  en  eût  été  donné 
»  trois  fois,  et,  quand  elle  s'y  est  décidée,  elle  ne  l'a 
»  fait  qu'en  tirant  ses  carabines  par*dessus  la  tête  de 

(i)  Dans  la  marche  d' Allahabad  à  Gawnpour. 


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288  DB  LA  P0I8SANGB  MILITAIRI 

V  Tennemi.  J'ai  licencié  cette  cavalerie  n*  1;  ainsi, 
ï>  plus  d'embarras  avec  des  gaillards  de  cette  espèce. 

»  La  deuxième  affaire  a  eu  lieu  à  20  milles  de  ce 
»  côté  de  Futtebpoor  ;  nous  avons  eu  17  hommes  tués 
»  ou  blessés.  L'ennemi  en  a  perdu  quatre  fois  autant, 
»  Nous  lui  avons  pris  &  canons,  et,  plus  tard,  le  15, 
»  à  Pandoo-Nuddy,  nous  avons  pris  3  canons  et  nous 
»  avons  perdu  5  hommes  tués  ou  blessés.  Enfin,  à 
»  2  milles  de  Cawnpour,  nous  avons  eu  encore  une 
»  affaire  où  nous  avons  pris  7  gros  canons  de  2&  ^ 
»  des  obusiers.  L'artillerie  de  l'ennemi  a  fait  sur  nous 

V  un  feu  très  meurtrier  qui   nous  a  tué  environ 
»  150  Européens  et  Sickhs. 

»  La  perte  des  insurgés  a  été  très  considérable. 
»  Nous  avons  vu  500  sowars  et  cipayes  blessés  dans 
»  une  maison  et  des  monceaux  de  cadavres.  Nous 
»  avions  affaire  à  12,000  ennemis  environ,  et  nous 
«  n'étions  en  tout  que  3,000  Européens  et  Sickhs.  Ces 
»  derniers  se  sont  battus  très  bravement. 

i>Le  lendemain  matin,  nous  sommes  entrés  à 
»  Cawnpour,  où  l'on  nous  disaitqu'il  y  avaitl75  fem« 
»  mes  et  enfants  présents.  Nous  n'avons  trouvé  que 
p  leurs  vêtements  en  lambeaux  sur  la  terre  rougie  de 
»  sang.  Il  y  en  avait  2  pouces  coagulé  sur  le  pavé* 
»  Il  parait  qu'après  leur  défaite  les  sowars  et  les  ci- 
»  payes,  rentrant  en  ville  la  veille  au  soir,  avaient 
»  massacré  toutes  les  femmes  et  jeté  les  enfants  pèle- 
»  mêle  avec  les  cadavres  dans  un  puits.  » 

En  huit  jours,  l'armée  du  général  Havelock  avait 
donc  fait  126  milles,  livré  quatre  batailles  inégales  et 


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Û£S  AKCL4IS   DANS  l'iMDB*  280 

pria  2&  canons,  et  cela  au  milieu  du  mois  de  juillet, 
dans  rinde  I  La  petite  et  victorieuse  armée  venge- 
riBsse,  épuisée  par  ces  fatigues  inouTes,  fut  obligée  de 
se  reposer  deux  jours  à  Cawhpour,  après  avoir  dé- 
truit le  repaire  de  Nana-Saïb. 

Le  21  juillet,  elle  traversait  le  Gange.  Le  25,  elle 
commençait  sa  marche  sur  Lucknow  par  un  temps 
de  pluies  torrentielles  qui  la  rendait  des  plus  pénibles. 

Le  29,  après  avoir  chassé  l'ennemi  de  Mungurwar 
et  d'Âkrumpoor,  elle  traversait  Shekpoor  et  rencon- 
trait Tennemi  fortement  établi  à  Oonao.  Le  même 
jour,  le  général  Havelock  enlevait  cette  ville,  puis 
Busserut-Gunge,  en  deux  combats  successifs  livrés 
le  ûiême  jour,  qui  lui  coûtèrent  12  morts  et  76  bles- 
sés. Yoiti  le  sommaire  du  rapport  du  général  Hâve-' 
lock  sur  ces  deux  affaires  : 

Camp  de  Busserut-GuDge,  le  30  Juillet. 

tt  Arrivés  à  Oonao  le  29  de  ce  mois,  nous  avons 
»  trouvé  la  ville  protégée  par  un  marais  imprati- 
»  cable,  les  maisons  percées  de  meurtrières  et  défen-» 
»  dues  par  15  canons.  J*ai  attaqué  et  pris  la  ville, 
9  avec  tous  les  canons  de  Tennemi.  Celui-ci  était 
9  soutenu  par  une  partie  des  forces  de  Nana,  sous  le 
»  commandement  de  Jepa-Sing. 

i>  Nous  avons  fait  halte  quatre  heures,  puis  nous 
»  avons  poussé  en  avant,  sur  Busserut-Gunge,  égale- 
»  ment  entourée  d'eau  et  dont  l'entrée  était  protégée 
»  par  Une  batterie  de  k  canons.  Les  retranchements 
»  qui  couvraient  cette  entrée  ont  été  enlevés  et  la 

i9 


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5190  DB  hk  POISSANGll  IflUTAïaS 

»  porte  canonnée.  Je  suis  maître  de  la  vilte  ^  des 
»  pièces  de  rennemi. 

»  La  perte  de  Tepoepi  a  été  considérable;  la 
m  mienne  est  très  forte  :  88  tués  ou  blessés,  l^  sol- 
»  dat  Cavanagh,  du  6li^  régiment,  aurait  été  recom* 
2»  mandé  pour  la  décoration  de  la  croix  Victoria; 
»  mais  il  a  été  taillé  en  pièces  en  donnant  Texemple 
»  du  plus  brillant  héroïsme.  J*ai  désiré  que  ses  pa* 
»  repts  reçussent  une  pension. 

»  Les  fusiliers  de  Madras  se  soqt  noblement  dislin- 
»  gués;  le  lieutenant  Dangerfield  était  le  premier  siff 
»  la  barricade.  Le  lieutenant  Boggie,  du  78*  highlan- 
»  ders,  a  été  grièvement  blessé  en  pénétrait  |e  pre- 
»  mier  dans  une  maison  garnie  de  meurtrières.  Il  est 
»  recoqmandé  à  Tattentioi)  de  S.  A,  Ji.  )e  général 
»  commandant  en  chef. 

j>  Le  colonel  Tylter,  qui  pouvait  à  peine  se  tenir  à 
»  cheval,  a  donné  Texemple  deTaudace  et  de  Tacti- 
»  vite  ;  le  lieutenant  Havelock  a  pu  ppn  cheval  ^é 
»  sous  lui  ;  )e  lieutenant  Seton,  des  fusiliers  dQ  ^a^ 
0  dras,  a  été  grièvement  blessé.  » 

Lescon)bats  d'Oonao  et  de  Bus9erut-(ïunge,  tput 
glorieux  qu'ils  avaient  été  pour  les  Anglais,  n'av.aient 
pu  déterminer  la  dispersion  des  insurgés.  Privé  de 
cavalerie,  trop  faible  pour  poursuivre  son  st^ccès,  le 
général  Qavelock  se  trouvait  à  16  iqilles  de  Cawn- 
pour  et;,  le  lendemain  même  de  sa  dernière  victoire, 
en  présence  d'un  rassemblement  de  cipayes  plus  con- 
sidérable que  tous  ceux  qu'il  avait  culbutés  depuis 
son  départ  d'AUahabad.  D'un  autre  côté,  le  choléra 


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DBS  ANGLilS  DANS   L'iNDE.  29i 

faisait  plus  de  ravages  dans  ses  rangs  que  le  feu  de 
l'ennenûi.  La  colonne  expéditionnaire  comptait  ^ 
Bussèrut'Gunge  plus  de  300  malades.  Pour  les  con- 
duire à  Cawnpour,  il  fallait  une  escorte  aussi  nom- 
breuse, et  Lucknow  était  encore  à  AS  kilomètres. 

Cest  dans  cette  triste  alternative  que  le  général 
Havelock  se  décida  à  battre  une  première  fois  en  re- 
traite jusqu'à  Mungbarwar,  où  il  attendit  de  nouveaux 
renforts,  que  Neill,  resté  à  Gawnpour,  put  lui  en- 
voyer encore  (1).  Dès  qu'il  se  vit  à  la  tête  de 
l^liOO  hommes,  le  général  Havelock  se  remit  en 
route,  le  &  août,  dans  la  direction  de  Lucknow. 

Le  5,  à  Busserut-Gunge,  sur  le  même  champ  de 
bataille  où  il  avait  triomphé  une  première  fois,  il  fut 
contraint  d'enlever  les  mêmes  positions,  réoccupées 
après  sa  retraite  par  les  insurgés.  Faute  de  cavale- 
rie, cette  victoire  nouvelle  resta  sans  résultats;  elle 
avait  été  livrée  sur  un  terrain  couvert  de  marécages, 
d'où  s'exhalaient  des  miasmes  pestilentiels*  Le  cho- 
léra se  remit  à  sévir  le  soir  même  avec  une  intensité 
qui  ne  permettait  pas  de  se  risquer  plus  avant  II 
fallut  battre  une  seconde  fois  en  retraite  et  revenir  à 
Mungharwar,  position  plus  élevée  et  plus  salubre. 

Le  11  août,  apprenant  que  les  rebelles,  devenus 
plus  entreprenants,  avaient  dépassé  Busserut  et  s'é- 
taient réunis  près  d'Oonao  en  forces  considérables, 
le  général  Havelock  alla  leur  livrer  bataille  et  enle- 

(1)  Le  SOjuUlet,  le  Brahmapoutre,  steamer  de  la  Compagnie, 
avait  remonté  le  Gange  et  débarqué  un  faible  détachement  à 
Cawnpour. 


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292  DB   LA  PG1SSÂNCE   MILITAIAB 

ver  un  village  où  ils  s'étaient  fortement  retranchés  au 
nonobre  d'environ  20,000.  Havelock  n'avait  guère 
plus  de  1,000  hommes;  il  en  perdit  près  del&O  dans 
cette  victoire  désastreuse.  Aussi  dut-il,  ajournant 
décidément  son  entreprise,  revenir  le  12  à  Munghar- 
war,  repasser  ie  Gange  dans  la  journée  du  15  et 
aller  ensuite  à  Cawnpour  rejoindre  Neill,  mis  dans 
un  grand  péril  ps»r  un  retour  hostile  de  Nana-Salb. 
La  cavalerie  de  Nana  était  déjà  dans  les  faubourgs 
de  la  ville,  et  les  communications  avec  Allahabad 
pouvaient  être  coupées  d'un  moment  à  l'autre;  Ha- 
velock chassa  Nana-Saïb  jusqu'à  Bithoor. 

Le  16  août,  à  la  tôte  de  1,300  hommes,  compre- 
nant la  totalité  des  forces  disponibles  à  Cawnpour,  le 
général  Havelock  se  porta  de  nouveau  dans  la  direc- 
tion de  Bithoor,  afln  de  déloger  un  corps  ennemi  de- 
A,000  hommes  environ,  qui  occupait,  avec  2  canons, 
une  position  assez  forte  dans  un  village  situé  à  l'ouest 
de  la  résidence  de  NanaSalb.  Après  un  engagement 
très  vif,  le  corps  insurgé  fut  débusqué  et  forcé  de  se 
retirer  dans  le  plus  grand  désordre,  laissant  ses  ca- 
nons derrière  lui.  Dans  celle  aiïaire,  où  les  rebelles 
eurent  250  hommes  tués  ou  blessés,  les  Anglais  n'a- 
vaient eu  que  ik  tués  et  30  blessés. 

Le  combat  terminé,  la  colonne*  victorieuse  pour  la 
neuvième  fois  (dans  un  intervalle  de  cinq  semaines!), 
se  retira  de  nouveau  sur  Cawnpour,  où  elle  arriva  le 
20  août,  après  une  marche  des  plus  pénibles.  Le 
choléra  continuait  à  sévir  et  emportait  chaque  jour 
10  ou  12  hommes.  Le  général  Havelock  dut  se  rési- 


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DES  ANGLAIS  DANS  L'iNOB,  29â 

gner  h  attendre  de  nouveaux  renforts  avant  de  tenter 
une  nouvelle  entreprise  pour  dégager  Lucknow»  et 
c*est  le  19  septembre  seulement  que  Tétat  sanitaire 
de  sa  petite  armée  lui  permit  de  repasser  le  Gange. 

Avant  de  passer  aux  opérations  du  siège  de  Dehii, 
qui  suivaient  leur  cours  depuis  le  8  juin^  date  de 
l'arrivée  du  général  Barnard  sous  les  murs  de  la 
ville,  il  nous  reste  à  résumer  les  événements  qui  s'ac* 
complissaient  sur  les  autres  points  de  Tlnde  pendant 
que  sir  Henry  Lawrence  et  son  successeur  le  major 
Banks  défendaient  Lucknow,  pendant  que  le  général 
Hayelock  livrait,  pour  dégager  cette  résidence,  les 
combats  désespérés  que  nous  venons  d'enregistrer. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  les  Européens  du 
district  d*Agra  s'étaient  réfugiés  dans  la  citadelle  de 
cette  place  et  que  leur  situation  n'inspirait  pas  moins 
d'inquiétudes  que  celle  de  la  garnison  de  Lucknow  ; 
leur  énergie  devait  rivaliser  avec  celle  des  soldats 
d'Havelock  et  de  l^awrence.  Le  récit  de  la  bataille 
livrée  prèsd'Agra  aux  insurgés  de  Neemuch  donnera 
mieux  que  tout  commentaire  la  mesure  de  l'audace 
des  Anglais  dans  l'Inde. 

a  Nous  sommes  ici  entassés  comme  des  rats  dans 
«un  piège,  v  écrivaient  les  assiégés.  Le  5  juillet,  ils 
forment  une  colonne  de  650  hommes,  composée  des 
quelques  soldats  du  fort  et  des  civilians  (1),  juges, 
collecteurs  ou  employés  de  toute  sorte  qui  avaient 
cherché  un  refuge  dans  Agra.  Cette  petite  colonne  va 

(1)  Fonctionnaires  civHSt 


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S9&  DB   LA   PUISSANGB   HILITAIRB 

attaquer  en  plaine  les  insurgés  de  Neemuch ,  qui 
traînaient  11  canons  avec  eux,  et  qui,  renforcés  par 
de  nombreux-  contingents,  ne  comptaient  pas  moins 
de  10,000  hommes.  L'explosion  de  ses  caissons  de 
munitions  détermina  seule  la  retraite  de  la  colonne 
d'Agra  ;  mais,  ainsi  qu*il  n'est  que  trop  facile  de  le 
concevoir,  ce  ne  fut  pas  sans  avoir  essuyé  des  pertes 
nombreuses  qu'elle  parvint  à  regagner  le  fort  en  bon 
ordre.  Harcelée  par  la  cavalerie  ennemie,  dont  le 
chiffre  dépassait  1,500  sabres,  cette  poignée  d'Eu- 
ropéens laissa  ses  meilleurs  officiers  sur  le  terrain. 
Au  nombre  de  ceux  qui  périrent  dans  cette  affaire, 
on  cite  le  major  Thomas,  le  capitaine  Doyby,  les 
lieutenants  Lamb,  Pond,  Fellowes,  et,  parmi  les 
fonctionnaires  civils,  MM.  O'Connor,  C.  Hem, 
P.  Hem,  Cari  ton,  Smith,  Jerdan,  Prendergast,Whî- 
teray,  Black,  Burdbranck,  Freeze,  Outram,  Oldfield 
et  Deedes. 

A  son  retour,  la  colonne  d'Agra  trouva  la  ville  en 
flammes.  «  C'était  absolument  comme  le  cinquième 
jo  acte  du  Prophète^  »  s'écrie  l'auteur  du  récit  le  plus 
animé  de  cette  affaire,  et  il  conclut  ainsi  :  «  Nous 
>>  sommes  ici  500  hommes  en  état  de  combattre,  en- 
»  fermés  avec  des  femmes  et  des  enfants  ;  mais  nous 
»  saurons  bien  résister  jusqu'à  l'arrivée  des  secours.» 

Cette  espérance  devait  être  réalisée,  et  la  petite 
garnison  d^Agra  parvint,  en  effet,  à  maintenir  sa  po- 
sition jusqu'au  jour  où  elle  fut  débloquée.  Quant  aux 
insurgés  de  Neemuch,  fatigués  de  cette  longue  résis- 
tance, ils  prirent  le  parti  d'aller  à  Dehli. 


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DtiS  ANGLAIS  DANS   l'jNDB*  295 

Le  S3  }mllet,  un  événement  Tort  grave  se  passiait  k 
Dinapore,  où  commandait  le  général  Lloyd.  Quatrfe 
régiments  indigènes,  les  7%  8*  et  40«  d'infanterie,  et 
le  12*  de  cavalerie  irrégulière,  qui  jusque-là  étaient 
restés  fidèles,  se  soulevaient  et  engageaient  la  lutte 
avec  le  10*  régiment  anglais,  composant  toutes  les 
troupes  européennes  de  la  station.  A  en  juger  par  lés 
nombreuses  correspondances,  qui  toutes  s*accordent 
h  rejeter  sur  le  général  Lloyd  Ta  responsabilité  de  t^ 
événetnent,  il  semble  évident  que  l'apathie  et  IMndé- 
cision  de  cet  officier  ont  particulièrement  contribué 
au  désastre  dont  l'opinion  s'est  si  vivement  émue  en 
Angleterre  et  dans  l'Inde.  «  Le  général  (trouvons- 
i>  nous  dans  une  de  ces  correspondances],  qui  est  un 
»  vieillard  en  enfance^  a  mené  très  mal  cette  affaire, 
»  ou  plutôt  ne  l'a  pas  menée  du  tout.  Personne  ne 
»  savait  seulement  qui  commandait  les  Européens  ni 
»  où  il  fallait  aller  chercher  des  ordres,  ni  où  l'on 
»  pouvait  trouver  le  général.  Le  résultat  de  tout  cela 
»  a  été  que  les  régiments  insurgés  ont  pu  s'en  aller 
9  tout  à  leur  aise  en  emportant  leurs  armes  et  leurs 
9  munitions.  » 

Une  dame,  qui  a  failli  périr  dans  Tinsurrection  dfe 
Dinapore  et  qui  raconte  l'histoire  de  sa  fuite,  est 
aussi  sévère  pour  le  général  Lloyd  :  «  Toutes  les 
%  lignes  des  oipayes  étaient  en  feu,  et  nous  appre- 
»  nons  que  ces  8,000  hommes  se  sont  révoltés  et 
a  marchent  sur  Knockar,  Arrah  et  les  autres  stations 
»  du  pays.  Imagxne^ron  cette  vieiUe  femme  de  géné- 
*  rai  qui  laisse  ces  trois  régiments  se  soulever  et 


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â96  PB  LA  PUISSANCE   AIIUTAUB 

»  chaque  cipaye  prendre  soixante  cartouches  sans 
w  permettre  qu'on  les  dérange  I  »  (i) 

L'affaire  de  Dinapore  fut  immédiatement  saivie 
de  celle  d'Ârrah,  qui  coûta  cher  aux  Anglais,  mais 
qui  donna  une  preuve  de  plus  de  ce  que  peut  Téner-- 
gie  européenne  dans  les  circonstances  les  plus  défa- 
vorables. Les  Anglais  d' Arrah,  au  nombre  de  douze, 
un  juge,  un  collecteur  d'impôts,  un  ingénieur  et  quel- 
ques employés  du  chemin  de  fer,  avaient  fortifié  une 
maison  dans  laquelle  ils  comptaient  pouvoir  tenir 
quelques  heures  en  cas  d'attaque.  Quand  l'affaire  de 
Dinapore  éclata,  ils  se  jetèrent  dans  cette  maison  avec 
&5  Sickhs.  C'est  à  détruire  cette  poignée  d'hommes 
que  les  cipayes  insurgés  à  Dinapore  se  sont  inutile- 
ment attachés.  Gr&ce  à  l'impéritie,  aux  déplorables 

(1)  Le  général  Lloyd ,  devenu  Tobjet  â*accusaUons  si  vives  et 
si  nombreuses,  avait  annoncé  un  mémoire  justiflcaUf  de  sa  con- 
duite. G*est  princi[>alement  à  sa  vielUesse,  au  défaut  d*activité 
résultant  de  ses  infirmités,  qu'on  attribuait  l'affaire  de  Dinapore 
et  ceUe  d'Arrah,  dans  laquelle  deux  cents  hommes  avaient  perdu 
la  vie,  et  qui  en  avait  été  la  suite. 

Le  mémoire  du  général  Lloyd  a  paru,  et  Ton  y  trouve  ce  moyen 
de  défense ,  passablement  singulier  :  o  Quoique  ma  gouUê  m* 
»  rende  physiquement  incapable  d'action  ^  j'affirme  qu'en  Joge- 
»  ment  et  en  inteUigence,  je  suis  complètement  égal,  sinon  su- 
it périeur,  à  aucun  des  officiers  plus  jeunes  qui  commandent  à 
»  Dinapore.  »  N'est-ce  pas  le  cas  de  répondre,  avec  raison,  qu'il 
faut  à  l'Angleterre  des  généraux  qui  aient,  non-seulemeot  de 
l'Intelligence,  mais  encore  des  pieds.  Au  reste,  comme  nous  le 
verrons  ailleurs ,  la  responsabilité  de  l'échec  occasionné  par  le 
général  Lloyd  doit  remonter  plus  haut  C'est  un  des  nombreux 
effets  de  cette  organisation  défectueuse  de  l'administration  de 
l'aripée  anglaise  y  sur  laquelle  nous  aurons  à  Insister.  ^ ,  ^ 


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PES  APIGLÂIS  DANS  L'iNDÈ,  297 

mesures  prises  par  le  général  Lloyd,  un  détachenoent 
de  &00  hommes,  envoyé,  sans  reconnaissance  préat- 
lable,  au  secours  des  assiégés,  tomba  dans  une  em« 
buscade  et  perdit  les  deux  tiers  de  son  monde.  Oo 
était  persuadé  que  cet  échec  condamnait  les  gens 
d*Ârrah  à  périr.  Leur  énergie  et  la  fidélité  des  Sickhs 
les  sauvèrent,  lis  parvinrent  &  tenir  huit  jours  encore, 
et,  dans  la  soirée  du  3  août,  le  major  Eyre,  officier 
d'artillerie  de  Tarmée  du  Bengale,  parvint  à  les  dé^ 
gager.  Cet  officier,  venu  de  Buxar  avec  3  canons  c|; 
200  hommes,  défit  complètement  les  rebelles,  com- 
mandés par  le  radjah  Kouer^Sing,  que  nous  verrons 
bientôt  jouer  un  rôle  important  dans  la  suite  de  la 
campagne. 

A  la  suite  des  affaires  de  Dinapore  et  d'Arrah,  le 
général  Lloyd  fut  remplacé  dans  son  commandement 
par  le  général  Outram,  que  nous  voyons  apparaîtra 
pour  la  première  foiç  sur  la  scène,  où  il  va  remplir 
un  rôle  si  brillant  et  si  profitable  aux  succès  des  armes 
anglaises. 

Si  nous  résumons  la  situation  générale  de  Tlude 
au  commencement  du  mois  de  septembre  1857,  nous 
voyons  que,  malgré  les  efforts  tentés  sur  plusieurs 
points  pour  reprendre  une  offensive  efficace,  elle  était 
loin  encore  de  se  présenter  dans  des  conditions  satis- 
faisantes pour  le  présent  ou  rassurantes  pour  l'avenir, 

Les  généraux  Neill  et  Havelock,  bloqués  en  queU 
que  sorte  h  Cawnpour,  se  trouvaient  renfermés  dans 
un  cercle  de  feu,  menacés  à  chaque  instant  d'élre 
coupés  de  leurs  communications  avec  Allahabad  par 


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298  DB   LA   PUISSANCE   MILITAIRB 

les  troupes  de  Neemuch,  de  Dînapore  et  de  GouiUor. 
Lucknow,  qui  n'avait  pu  être  secouru,  inspirait  tou- 
jours les  plus  vives  inquiétudes.  Il  en  était  de  même 
d'Agra. 

A  Lahore,  le  soulèvement  du  26%  qui  avait  tué  son 
chef  après  avoir  été  désarmé,  montrait  dans  le  Pend- 
Jaub,  jusque-là  tranquille,  une  agitation  qui  consti- 
tuait un  contre-temps  fâcheux  pour  les  assiégeants 
de  Dehlî,  obligés  de  tirer  toutes  leurs  ressources  de 
cette  partie  de  l'Inde. 

Dans  le  Bengale,  on  avait  pris  le  parti  de  désar- 
mer la  faible  portion  de  l'armée  indigène  qui  parais- 
sait encore  fidèle  au  drapeau.  Cette  mesure  avait  été 
appliquée  aux  régiments  de  Bourampour,  et  jusqu'aux 
gardes  du  gouverneur  général. 

Dans  ta  présidence  de  Bombay,  le  désarmement 
du  12'  régiment,  à  Nusserabad,  était  un  indice  in- 
quiétant des  dispositions  de  l'armée  de  cette  province, 
dispositions  que  tendait  à  confirmer  la  révolte  du 
27%  à  Kolapour. 

Un  refus  formel  de  marcher  avait  amené  le  désar- 
mement du  8«  de  cavalerie  de  l'armée  de  Madras,  et 
donnait  raison  aux  inquiétudes  que  Tarmée  de  cette 
présidence  commençait  à  donner.  Enfin,  pour  termi- 
ner la  partie  la  plus  sombre  de  ce  tableau,  l'Inde 
centrale  était  en  combustion.  Le  Radjepoutna  suivait 
l'exemple  des  districts  de  Neemuch,  Bhopal,  San- 
gor,  etc.  Le  9  septembre,  la  légion  de  Joudhpour 
s'était  soulevée,  avait  battu  les  troupes  du  radjah,  et 
s'était  dirigée  avec  ses  canons  sur  Gouâlior  pour  Taire 


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DES   ANGLAIS  DANS  l'INDB.  S99 

sa  jonction  aveé  Rouer-Sing,  qui  commandait  les 
rébelles  de  Dinapore,  à  Test.  A  Hydcrabad,  dans 
le  Scinde,  à  Shikàrpour,  à  Kilrrachee,  les  symptômes 
de  désaffection  du  21%  du  16*  et  de  rartillerié  se  ré- 
vélaient par  les  complots  les  plus  inquiétants.  A  Test, 
l^Assam  s* agitait,  ainsi  que  les  Santhals,  à  peine  dis- 
tants de  30  lieues  dé  Calcutta.  Au  sud,  l'insurrectioti 
de  Subbulpour  obligeait  le  commissaire  de  Nagpour 
à  demander  en  toute  hâte  la  protection  d*ûn  détache- 
ment de  Madras. 

Sur  tous  les  points,  en  un  mot,  du  nord  au  sud, 
de  Test  à  l'ouest,  les  Anglais  marchaient  sur  un  vol- 
can, dont  Un  succès  immédiat  et  d'une  importance 
hors  ligne  pouvait  seul  arrêter  les  favages. 

A  la  liste,  déjà  si  longue,  des  oflSciers  tombés  de- 
puis le  commencement  de  la  révolte,  de  nouvelles 
pertes  venaient  s'ajouter  chaque  jour.  Sur  bette  liste 
figuraient  déjà  les  généraux  :  sir  Henry  Barnard, 
Anson,  Adam,  sir  Henry  Lawrence,  sir  Hugh  Massey 
Wheeler;  les  brigadiers  Isaac  Henley  Handscomb, 
Alexander  Jack  et  Hugh  Sibbald,  etc.,  etc. 

Les  colonels  :  Frédéric  Brind,  de  Tartillerie  dtt 
Bengale;  Charles  Chester,  du  2â«  du  Bengale;  et 
Robert  Abercromby  Yule,  du  9*  lanciers  de  la  reine. 

les  lieutenants-colonels  :  Frédéric  William  Birch, 
du  ftl*  tégiment  du  Bengale;  William  Case,  du 
82«  d'infanterie  anglaise;  John  Finnes,  du  11«  du 
Bengale;  Samuel  Pisher,  Philippe  Godney,  du  ââ* 
du  Bengale  ;  John  Platt,  du  23*  du  Bengale  ;  John 
Peter  Ripley,  du  54*  du  Bengale;  E.  Wiggins,  du 


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300  D£  LA  PUISSANCE  MIUTAIOB 

56*  du  Bengale;  John  Penney,  du  1"  lanciers  dq 
Bombay;  Stephen  Wiliiano»  du  5G«  du  Bengale,  etc« 

Les  majors  :  Lionel-Percy  Eld,  du  9*  du  Bengale; 
Alfred  Herries,  du  l*'du  Bengale;  James,  Gasner, 
Holmes,  du  59^  du  Bengale;  William  Lindsay,  da 
IC"  du  Bengale;  Henry,  Edward,  Pearson,  du  18* 
du  Bengale;  Bobert  Walter,  du  56*  du  Bengale; 
Georges  Charles,  Sydenh^m  Benaud,  du  1*'  fusiliers 
de  Madras;  Bives,  du  61*;  Shirsheff,  du  65*;  Spen- 
cer, du  26*;  Jacob,  Arthur  Mills,  du  22*  du  Ben- 
gale, etc.,  etc. 

A  ce  long  martyrologe  il  faut  ajouter  plus  de  cent 
capitaines,  autant  de  lieutenants,  enseignes  et  cor- 
nettes ;  quatorze  chirurgiens,  trois  vétérinaires,  plu-» 
sieurs  chapelains,  sans  compter  une  foule  de  fonction- 
naires civils,  et  des  milliers  de  soldats,  de  femmes  et 
d'enfants, 

.  Gomme  compensation  à  ce  triste  tableau,  on  avait 
besoin  de  se  répéter  que  le  moment  approchait  où  la 
lutte  allait  enfin  se  poursuivre  sans  cette  effrayante 
disproportion  de  nombre  que  le  récit  de  tous  les  en«r 
gagements  survenus  dans  l'Inde  u'^  que  trop  con- 
statée jusqu'ici. 

Depuis  le  1"  juillet,  date  du  premier  départ,  jus-» 
qu'au  2&  septembre.  29,935  hommes  de  toutes  armes 
étaient  déjà  expédiés  d'Angleterre  pour  les  Indes  sur 
soixante-dix- sept  bâtiments  du  commerce.  En  outre, 
5^000  hommes^  à  la  môme  date,  étaient  sur  le  point 
de  partir  pour  la  même  destination.  En  supposant, 
pour  le  voyage,  une  durée  moyenqe  de  quatre-vingt- 


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BBS  ANGLAIS  DANS  l/m0B.  SOI 

dix  jours,  el  en  comptant  les  troupes  appelées  dans 
rinde  de  la  Chine,  du  Cap  et  de  Maurice,  on  pou- 
vait estimer  à  /i8  ou  50,000  hommes  au  moins  les 
renforts  qui  devaient  être  débarqués  dans  Tlnde  avant 
la  fin  de  Tannée  1857. 

Pour  remplacer  cette  pléiade  de  braves  officiers 
moissonnés  par  le  fer  des  assassins  bien  plus  que  par 
le  sort  des  armes,  le  gouvernement  faisait  appel  & 
tous  les  milit£^ires  distingués  par  leurs  talents,  et 
dont  les  services  éprouvés  garantissaient  la  capacité. 
11  rappelait  du  continent  les  généraux  Windham, 
Dupuis,  Rose  (William),  etc.  Aux  officiers  généraux 
et  brigadiers  Wilson,  Havelock,  Neill,  Van  Cortland, 
Nicholson,  Cbamberlain^et  qui  avaient  défendu  avec 
tant  de  courage  l'honneur  du  drapeau  britanniquCi 
de  nouveaux  frères  d'armes  allaient  s'adjoindre,  non 
moins  dévoués. 

Augmenté  de  ces  nouveaux  auxiliaires,  parmi  les* 
quels  se  plaçait  en  première  ligne  Tillustre  général 
en  chef  sir  Colin  Campbell,  Tétat-major  général  de 
Tarmée  de  Tlnde  devait,  suivant  les  bruits  les  plus 
accrédités,  se  composer  de  la  manière  suivante  : 

Bengale.  —  Commandant  en  chef,  le  général  sir 
Colin  Campbell  (G.  C.  B.);  chef  d*état-major,  le  ma- 
jor-général Mansfield;  lieutenants-généraux,  Beres- 
ford,  de  Madras,  légénéral  Thomas  Asburnham  (C.B.), 
de  Chine  (1);  majors- généraux,  Windham,  Ha* 

(i)  Ce  général  est  rentré  en  Angleterre  à  Tépoqueoù  les  troupes 
de  Chine  ont  été  détournées  de  leur  destination  par  lord  Elgin, 
et  employées  ù  renforcer  Tarmée  indienne. 


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302  DE  14  P0JSS4NCB  MILITAIRE  ,   ETC. 

yelock,  sir  Robert  Garrett  (R.  C.  B.),  de  Chine, 
Gotton. 

GpipqaandantdQrartillerie  royale,  général  Dupuis, 
r—  Député  adjudant-général,  l'honorable  W.-E.  Pa- 
kenham  (G.  B.);  député  quartier-maître  général,  le 
coipteWetherall(G.  p.)» 

Madras.  —  Sir  Patrick  Grant  (K.  G.  B.),  com- 
pandapt  en  chef;  major-général,  Graigie, 

Bombay. —  Géqéral  sir  M.  Somnoerset  (K,  C  B.); 
ipajor-général,  sir  Hugh  Rose  (K,  G.  B.),  etc.,  etc. 

À  en  juger  par  le  chiffre  de  ces  désignations, 
Pétat-major  devait  comporter  un  officier  général  par 
5,000  hommes  pendant  la  campagne  qui  allait  s*ou 
yrir  sous  les  ordres  de  sir  Colin  Campbell. 


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CHAPITRE  XIV. 

Soivâib£  :  Lb  siège  de  Delhi.  —  Description  de  Delhi  «^  Son 
importance  sou^  les  princes  AfTghans.  —  Dévastations  de  Ti- 
mour  et  de  Nadir-Shah.  —  Sa  restauration  par  Sbah-DJihao. 
^  Sa  splendeur  sous  la  dynastie  mongole.  —  Sa  décadence 
depuis  l'occupation  anglaise.  —  Description  de  Tenceinte  et  des 
fortifications  de  Delhi.  —  Le  rôle  joué  par  la  place  de  Delhi 
pendant  Tinsurrection  a  trompa  toutes  les  prévisions  qui  avaient 
dicté  son  établissement  militaire.  —  Population,  statistique  de 
Delhi.  —  Considérations  qui  ont  dicté  le  plan  suivi  par  l'état-, 
major  ang^lais  à  regard  de  Delhi,  —  Marche  du  général  AnsoQ 
sur  Delhi.  —  Combats  du  30  mai  et  du  1*'  juin  livrés  par  le 
général  Wllsoh.  —  Mort  du  *  général  Aiison ,  remplacé  par  le 
général  Barnard.  —  Jonction  des  troupes  de  Simia  et  de  Meerut» 

—  Leur  arrivée  sous  les  murs  de  Delhi.  —  Considérations  qui 
ont  déterminé  le  choix  du  front  d'attaque.  —  Affaire  du  8  juin, 
rapport  du  général  Bamard,  —  Établissement  du  camp  et  des 
avant-postes  anglais.  —  Journal  du  siège  de  Delhi  pendant  le 
mois  de  juin;  affaires  des  9,  10,  12  et  13.  —  Destruction  des 
travaux  extérieurs  de  la  porte  de  Caboul  par  les  assiégeants,  le 
17  juin.  —  Attaques  des  insurgés  de  Nusserabad  le  19  et  le  90. 

—  Affaire  de  Subzee-Mundee,  le  23.  —  Mort  du  général  Bar- 
nard, le  6  luillet  -^  Sorties  du  3  et  du  9  jollIeL  —  SituaUon 
critique  des  Anglais  au  mois  de  juillet.  —Affaires  du  ih,  du  18 
et  du  23.  —Le  brigadier  Chamberlayn  blessé.  —  Le  général  en 
chef  T.  Reid  succombe,  comme  ses  deux  prédécesseurs,  au  cho« 
léra.  —  ^e  brigadier  général  Wilson  le  remplace.  —  Sorties  du 
1"  août  —Arrivée  du  général  Nicholson.  —  Pertes  des  Anglais 
en  officiers  et  soldats  pendant  la  première  période  du  siège.  ^ 
Aversion  des  Anglais  pour  les  travaux  de  siège.  —  Ordre  du 
jour  du  général  Wilson.  — Composition  de  l'armée  de  siège  au 
commencement  de  septembre.  —  Combat  de  Nujjuffghur.  — 
Arrivée  du  train  de  siège,  le  A  septembre.  •—  Ouverture  du  feq 
contre  la  place  le  8  septembre.—  Continuation  du  bombarde- 
ment pendant  les  journées  des  9, 10, 11, 12  et  13  septeml>re* — 
Assaut  du  14*  —  Combats  dans  la  ville  pendant  les  journée^ 
des  15,  16, 17,  18  et  19  septembre.  —  Évacuation  de  la  ville 
par  les  insurgés.— Conséquences  de  la  prise  de  Delhi. 

Le  siège  de  Delhi  restera  incontestablement  Tépi- 
sodé  le  plus  important  de  la  révolte  des  cipayes,  non- 
seulement  à  cause  de  Tinlérêt  qu'il  a  excité  comme 


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30&  DB   LA  POISSANGB   illLlTAlRB 

fait  militaire,  mais  encore,  et  surtout,  à  cause  des 
nombreux  enseignements  qui  doivent  en  découler 
pour  l'avenir  des  possessions  anglaises.  Au  milieu  des 
étonnements  de  cette  grande  crise,  jamais  épreuve 
plus  décisive  n*aura  mis  en  lumière  Tirrémédiable 
infériorité  de  la  race  indienne  en  présence  des  Euro- 
péens. Il  faut,  en  vérité,  toute  l'incontestable  auto- 
rité des  faits  accomplis  et  des  résultats  obtenus  pour 
n'être  point  tenté  de  rejeter  comme  un  roman  ou  une 
fable  Tincroyable  récit  que  nous  allons  offrir  au  lec- 
teur. 

«  Il  ne  8*agit  plus  ici,  comme  le  dit  M.  de  Warren, 
»  de  la  tactique  européenne  abritée  derrière  les  rem- 
»  parts  d'une  citadelle,  et  suppléant  au  nombre  par 
»  la  science.  C'est  une  poignée  d'hommes,  3,000  ou 
»  &,000  Européens  tout  au  plus,  qui  viennent  auda- 
»  cieusement,  en  rase  campagne,  planter  leurs  tentes 
»  sous  les  fortifications  d'une  ville  de  150,000  âmes, 
»  avec  une  garnison  sans  cesse  renouvelée  de  plus  de 
»  80,000  soldats  disciplinés,  pourvue  du  plus  grand 
»  parc  d'artillerie  que  l'on  puisse  rencontrer,  et  qui 
'  »  se  maintiennent  là  pendant  quatre  mois,  fondant 
»  sous  la  pluie,  se  tordant  sous  le  choléra,  mais  tott- 
«jours  cloués  au  sol,  et  repoussant  jour  et  nuit  des 
»  attaques  désespérées.  En  vérité,  ce  peuple  prodi- 
»  gieux  n'a  jamais  donné  un  plus  admirable  exemple 
»  de  sa  ténacité,  et,  dans  les  annales  du  monde,  le 
9  siège  de  Delhi  restera  toujours  une  page|immortelle.» 

Delhi,  en  sanscrit  Indra-prast'ha^  c'est-à-dire  de- 
meure d'Indra^  est  située  sur  la  rive  occidentale  de 
la  Jumna.  Dans  le  temps  de  sa  splendeur,  elle  s^éten- 


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pu  ANGLAIS   DANS    l'|ND£.  305 

dait  jusqu'à  une  distance  de  30  milles  anglais,  mais 
elle  n'avait  qu'une  seule  rue  parallèle  au  fleuve  (1). 
Cette  ancienne  capitale  des  empires  patans  et  mogols, 
aujourd'hui  simple  chef-lieu  du  district  qui  porte  son 
nom,  est  passée  par  des  phases  bien  diverses.  Des 
souverains  hindous  y  régnèrent  jusqu'en  1393, 
époque  où  commença  la  dynastie  des  princes  affghans 
ou  patans,  qui  finit  en  1^13.  ,Ce  fut  pendant  leur 
règne,  en  1398,  que  Tamerlan  ou  Timour  prit  ctpill(i 
Delhi.  Ce  ne  fut  que  deux  cent  trente  ans  plus  lard, 
lorsque  Schah-Djihan  monta  sur  le  Irôoe,  en  1628, 
.qu'elle  se  releva  et  reprit  son  anciepne,  splendeur,. 
Ce  prince  fit  construire  l'enceinte  crénelée  et  flanquée 
de  tours  qui  existe  encore  aujourd'hui,  La  nouvelle 
Delhi,  nomméo  Schah-Djihan-Abad  par  fon  restau- 
rateur, acquit  bientôt  son  plus  haut  degré  de  prospé- 
rité, et  l'on  prétend  qu'en  1525  elle  contenait  2  milr 
lions  d'habitants,  évaluation  qui  n'est  peut-être  poin.t 
exagérée,  à  en  juger  par  la  description  suivante  de 
l'un  des  plus  intelligents  explorateurs  de  Tlnde  : 
«  Des  ruines  d'une  grandeur  inaccoutumée  annon- 
M  cent,  dit  Victor  Jacquemont,  l'approche  de  Delhi 
»  de  quelque  part  qu'on  y  arrive.  En  venapt  d'Agra, 
»  elles  bordent,  pendant  plus  de  5  milles>  la  route 
»  qui  mène  à  la  ville  moderne.  Ici  ce  sont  des  tours 
j>  massives  qui  flanquaient  jadis  une  forteresse  dont 
»  les  murailles  sont  tombées;  là  c'est  une  route  éle- 
D  vée,  percée  dans  l'épaisseur  d'un  antique  portail 
B  encore  garni  de  créneaux  ;  quelques  pans  de  muraille 

(1)  yalte*Brun.       .  > 

20 


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306  DB  L'A   POtSSANCK   MlLITAtlIB 

»  se  tiennent  debout  alentour.  Ce  sont  les  restes  d*un 
A  palais,  alors  qu*il  n*y  avait  de  sécurité  pour  le  pou- 
»  voir  et  la  richesse  que  derrière  les  remparts.  Des 
»  obélisques  informes,  mutilés  par  le  temps,  s'élèvent 
»  de  toute  part  dans  la  campagne,  restes  de  la  lourde 
»  architecture  des  édifices  patans;  leur  base  est  en- 
»  terrée  dans  des  monceaux  de  débris  oii  fleurissent 
»  tristement  quelques  arbustes  épineux.  L'on  marche 
»  sans  cesse  sur  des  murs  nivelés  avec  le  soi.  Leur 
»  mosaïque  de  briques  marque  le  plan  des  humbles 
»  demeures  oh  jadis  habita  la  multitude.  Parmi  les 
9  ruines  d'un  âge  plus  ancien,  on  voit  dispersés  çà 
»  et  là  des  monuments  d'une  forme  élégante  et  lé- 
1»  gère,  peints  de  couleurs  éclatantes...  Ce  sont  des 
»  tombes  mogoles,  avec  les  dômes  dorés  de  leurs 
»  mosquées  et  leurs  minarets  recouverts  d'émaux  : 
»  ainsi  des  images  adoueies  de  la  mort  disputent  le 
»  premier  plan  de  ee  tableau  mélancolique  aux  scènes 
»  effroyables  de  carnage  et  d'incendie  que  rappellent 
»  ces  campagnes  solitaires  et  désertes,  ear  il  n*est 
»  pas  de  lieu  sur  la  terre  où  tant  de  sang  ait  coulé. 
»  L'histoire  garde  \e  souvenir  de  désastres  plus 
M  grands  encore ,  il  est  vrai  ;  à  peine  savons-nous  où 
»ftit  Carthage...  Mais  Carthage  ne  tomba  qu'une 
»  fois,  et  en  moins  de  quatre  siècles  Timour  et  Nadir 
»  passèrent  à  Delhi.  » 

La  viNe  de  Delhi  fut  saccagée  en  1738  par  Nadir- 
Schah,  et  dépouillée  de  ses  trésors,  qu'on  évalue  à 
plus  d'un  milKard,  et  parmi  lesquels  on  cite  des  col- 
lections de  diamants,  un  trône  en  or  massif  chargé 


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DBS   ANGLAIS  DANS   l'ÎNDK.  307 

de  pierreries,  et  des  statues  d'éléphants  en  or  ciselé. 
Ainsi  que  nous  Tavons  vu  lorsque  nous  avons  raconté 
l'histoire  de  la  décadence  de  l'empire  mogol  et  les 
désastres  de  Delhi,  50,000  personnes  furent  massa- 
crées pendant  le  sac  de  la  ville. 

L'expédition  de  Nadir -Schah  porta  un  coup  mortel 
h  l'empire  mogol,  qui  tomba  en  1761  sous  le  joug 
des  Anglais.  Nous  avons  résumé  les  principaux  épi- 
sodes de  leur  lutte  avec  les  Mahrattes;  ces  derniers 
disputèrent  avec  acharnement  aux  Européens  la  pos- 
session de  cette  importante  conquête.  En  1803,  à  la 
suite  de  la  campagne  de  lord  Lake  contre  le  général 
Perron,  Delhi  fut  occupée  définitivement  par  les  An- 
glais, et  depuis  cette  époque  jusqu'en  1857  elle  n'était 
point  sortie  de  leurs  mains.  La  Compagnie  des  Indes 
avait  laissé  au  descendant  des  empereurs  mogols, 
déjà  déchu  depuis  longtemps,  la  jouissance  du  palais 
de  ses  pères,  et  le  titre  dérisoire  de  sultan.  Une  pen- 
sion de  &  millions  de  francs  devait  servir  à  l'entre- 
tien de  sa  nombreuse  famille,  laquelle,  d'ailleurs, 
était  toujours  surveillée  et  comme  prisonnière  dans 
son  immense  palais. 

La  Delhi  moderne  se  divise  en  plusieurs  parties  : 
on  nomme  Indouanié  celle  qui  est  habitée  par  les 
indigènes,  Mongolanié  celle  qu'occupent  les  Musul- 
mans. Un  canal,  qui  n'est  qu'un  petit  affluent  de  la 
Jumna,  sépare  les  établissements  européens* de  la  vé- 
ritable cité  indoue  [Schah- Djihan-- Abad)  ^  qui  se 
trouve  au  sud.  Dans  le  quartier  nord,  on  trouve  le 
palais  de  l'infortuné  sultan  Dara-Chekoh^  frère  d'Au- 
reng-Zeb  ;  cet  édifice»  restauré  par  les  Anglais,  sert 


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508  DE   LA   PUISSÂNGB   MILITAIRE 

de  logement  au  résident.  Autour  se  groupent  Tcglise 
de  Saint- James,  Tarsenal,  les  magasins,  les  casernes, 
les  postes  de  sûreté,  etc. 

Le  plus  bel  édifice  de  Delhi,  celui  qui  a  joué  le 
rôle  le  plus  important  pendant  la  dernière  période 
du  siège,  est  le  palais  des  empereurs  mogols 
(Daouri Serai) ^  situé  sur  la  Jumna.  Cet  immense  et 
somptueux  bâtiment  constitue,  en  effet,  &lui  seul  uue 
forteresse,  et  otTrait  un  excellent  réduit  aux  assiégés, 
maîtres  d'ailleurs  du  pont  de  bateaux  dont  nous  par* 
lerons  plus  loin,  et  par  lequel  s'est  effectuée  leur  re- 
traite. Construit  en  grès  rouge,  et  d'une  belle  ordon- 
nance, le  palais  impérial  est  entouré  d'une  muraille 
crénelée  qui  s'élève  à  une  hauteur  de  30  pieds,  et 
dont  le  développement  a  près  d'une  lieue.  LeZenané 
ou  palais  des  princesses  se  joint  par  une  galerie  à 
celui  de  l'Empereur;  de  l'autre  côté  du  canal,  le  pa- 
lais de  Selimgurh  {Selim  Serai)  servait  de  demeure 
aux  frères  et  aux  proches  parents  des  souverains 
mogols.  Le  fort  de  Selimgurh  commande  le  pont  de 
bateaux  qui  conduit  sur  la  rive  gauche  de  la  Jumna, 
et  au  débouché  duquel  se  trouvent  les  routes  de 
Meerut  et  de  Calcutta.  C'est  par  cette  porte  que  les 
premiers  régiments  révoltés  ont  envahi  Delhi. 

Le  périmètre  de  Delhi  s'éiend  sur  une  longueur 
de  près  de  10  kilomètres,  soit  de  2  lieues,  dont 
6kilomèti<es  pour  la  partie  du  côté  de  la  terre  (1).  Sa 
configuration  se  rapproche  de  celle  d'un  arc  de  cercle 
fortement  courbé ,  la  rivière  figurant  la  corde.  Le 
rayon  de  l'arc  a  en  moyenne  de  1800  à  2000  mètres. 
(I)  VoirleplaadeDelbl. 


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DKS   ANGLAIS   DANS   L^INDB»  309 

Les  fortifications  de  Delhi  sont  fort  simples.  Elles 
se  composent,  du  côté  delà  terre,  d'un  glacis,  d'un 
fossé  sec,  et  d'une  enceinte  revêtue  et  bastionnée,  se 
combinant,  dans  certaines  parties,  avec  la  forte  mu* 
raille  qui  date  de  Schah-Djihan.  Les  bastions  sont  au 
nombre  de  neuf,  et  laissent  entre  eux  de  longues 
courtines  dont  la  faiblesse  est  rachetée  par  des  tours 
à  la  Martello  (1),  qui  alternent  avec  les  bastions  sur 
la  partie  sud-ouest  de  la  place.  Le  front  du  nord, 
adjacent  à  la  rivière,  diffère  des  autres,  et  se  rap- 
proche davantage  du  système  de  la  fortification  mo- 
derne. H  s'appuie  sur  les  bastions  de  l'Eau  et  de  Ca- 
chemyre,  et  forme  une  sorte  de  petite  citadelle  qui 
couvre  les  établissements  européens  et  la  résidence. 
A  Test  du  bastion  de  Cacbemyre  se  trouve  le  bastion 
Moree,  qui  couvre  la  porte  du  même  nom.  A  partir 
de  ce  point,  l'enceinte  court  du  nord  au  sud,  et  est 
défendue  par  le  bastion  Burn,  le  bastion  Garstion,  le 
bastion  d'Akbar,  qui  se  relie  au  tombeau  de  Gbazi- 
Khan.  Sur  la  face  méridionale,  les  bastions  de  Tourk- 
man  et  de  Wellesley  complètent  l'enceinte. 

Sept  portes  principales,  toutes  en  pierre  de  taille, 
donnent  accès  dans  la  ville  :  la  porte  de  Cachemyre, 
sur  la  face  septentrionale;  les  portes  Moree,  de 
Caboul,  de  Lahore  et  de  Jeypour,  sur  la  face  occi- 
dentale; les  portes  de  Tourkman  et  d'Agra  (ou  de 
Delhi),  sur  la  face  méridionale. 

(1)  La  tour  à  la  Martello  se  rapproche,  par  sa  forme,  de  la  tour 
Napoléon,  employée  pour  la  défense  des  côtes.  Elle  porte  un  canon 
sor  sa  plate-^forme.  Il  en  a  été  fait  usage  pour  la  défense  de  la 
Manche. 


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210  DB  hk  PUISSANCE   &J1UTAIBS 

La  ville  est  fermée  du  côté  de  ia  rivière  par  un 
mur  flanqué  de  deux  bastions  et  de  deux  tours.  Le 
pied  du  mur  est  garanti  contre  les  attaques  de  vive 
force  par  un  fossé  plein  d'eaq  qui  est  une  dérivation 
de  la  Jumna.  Au  centre  de  la  gorge,  et  adossé  h  ce 
mur,  se  trouve  le  palais  impérial  dont  uous  avons 
parlé  plus  haut. 

Les  Anglais  se  sont  occupés  à  diverses  époques, 
mais  plus  activement  vers  1838,  d'améliorer  les  dé- 
fenses de  Delhi.  Ils  ont  construit  successivement  les 
glacis  et  les  tours,  établi  les  bastions,  approfondi  le 
fossé,  et  restauré  soigneusement  la  muraille  qui 
ferme  la  gorge  de  la  place.  Delhi  était  devenue  une 
grande  place  de  dépôt,  avec  d'immenses  approvision- 
nenaents  en  matériel  de  guerre,  réunis  là  pour  servir 
contre  les  peuples  du  Pendjaub  et  de  rAffghanistan. 
Un  armement  de  sûreté  considérable  fneuf  pièces  par 
bastion,  sans  compter  le  canon  des  tours  ttfart^Uo) 
mettait  la  ville  à  Tabri  d'une  surprise  venant  de 
l'extérieur. 

On  a  vu  combien  ces  prévisions  avaient  été  trwi* 
pées. 

La  situation  de  Delhi,  pendant  l'insurrection  de 
1857,  a  eu  cela  de  singulier  qu'elle  a  confondu  toutes 
les  combinaisons  politiques  qui  avaient  présidé  à 
l'installation  de  ses  établissements.  Dans  la  guerre- 
qui  s'est  agitée  sous  ses  murs,  tous  les  rô^es,  comme 
nous  le  verrons  bientôt,  ont  été  renversés.  Les  arse- 
naux et  l'accumulation  du  matériel  et  des  munitions 
avaient  été  préparés  contre  les  dangers  qui  pouvaient 


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PKS  ANGLAIS   DANS  CïHDUé  Ml 

venir  de  la  frontière  du  nord  et  du  nord-ouest  de« 
possessions  anglaises.  Cest  contre  les  Sickhs^  les 
Ghoorkas  et  les  montagnards  de  toute  espèoe  que 
Delhi  avait  été  si  soigneusement  fortifiée.  Or^  o*est 
précisément  par  les  populations  dont  on  redoutait 
jadis  l'approche,  par  les  habitants  du  Pendjaub,  de 
Peisbawer,  du  Mooltan,  du  Beloutchistan  et  da 
pied  de  Tilimalaya,  que  Delhi  a  été,  en  effet,  assiégée, 
i^es  armements  et  les  munitions  qui  étaient  réunie 
dans  celte  ville  ont  servi  à  sa  défense  contre  ced  ad' 
versaires  prévus*  Mais  quel  étrange  changement  dane 
la  situation  des  acteurs  de  ce  grand  drame  I  G*est 
FAngleterre  elle-même  qui  a  lancé  contre  Delhi  cefl 
peuplades  du  nord,  contre  lesquelles  Delhi  était  con^ 
struite.  Le  Pendjaub  a  combattu  pour  TAngleterre^ 
et  c'est  dans  Delhi  qu'était  Tennemi.  Il  y  a  dix  ane» 
l'idée  que  l'Angleterre  assiégerait  un  jour  Delhi  avee 
les  vieilles  bandes  de  Runjeet-Singh,  et  qu'elle  atta* 
querait  le  Bengale  avec  des  troupes  venues  de  la 
vallée  de  Cachemyre,  n'aurait  pu  entrer  que  dans  la 
tôle  d'un  insensé.  Telle  est  pourtant  l'étrange  situa- 
tion qui  devait  sortir  naturellenoent  de  l'insurrection 
de  l'armée  du  Bengale. 

D'après  les  derniers  recensements^  la  popalatàoD 
de  Delhi,  au  moment  de  l'insurrection  «  était  de 
lâa»000  âmes  :  66,000  Mahométans,  72,000  Uin* 
dotts,  et  500  Européens  environ*  Les  villages  qui 
entourent  Delhi  renfermaient  2S^,000  babitants,  qm 
ont  fait  cause  commune  avec  les  révoltés;  enfin, 
d'après  les  renseignements  les  fAw  dignes  de  foi,  on 


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312  DE   LA   PUISSANCE   UILITAïaE 

peut  porter  de  30  à  &0,000  le  nombre  des  cipayes 
insurgés  qui  ont  afflué  à  Delhi  de  toutes  les  parties 
de  rinde. 

Delhi  possède  26i  mosquées,  parmi  lesquelles  ia 
Djemfta-Musjid,  bâtie  par  Schah-Djihan,  est  la  plus 
remarquable.  On  y  compte  également  188  temples 
hindous.  Ces  édifices  étaient  transformés,  pendant  le 
siège,  en  autant  de  forteresses  quMI  a  fallu  enlever 
successivement  à  la  suite  de  Tassant  du  1  &  septembre^ 
et  celte  situation  explique  comment  le  20  seulement 
les  derniers  défenseurs  ont  évacué  la  ville. 

Il  nous  reste,  pour  compléter  la  description  de 
Delhi ,  &  dire  un  mot  de  sa  situation  relativement  au 
pays  environnant.  Soit  au  point  de  vue  stratégique, 
soit  au.  point  de  vue  commercial,  si  Ton  étudie  ia 
carte  de  l'Inde,  on  chercherait  vainement  une  posi- 
tion plus  admirable  que  celle  de  Delhi.  Située  sur 
une  magnifique  rivière,  au  point  de  jonction  de  deux 
grands  canaux  (le  Schah-Nehr  et  le  canal  du  Doab) 
qui  ont  coûté  des  sommes  immenses,  et  qui  fertili- 
sent de  ricties  contrées ,  sur  la  ligne  du  grand  Trunck- 
Road  (seule  grande  route  carrossable  dans  Tlnde), 
sur  le  plus  gigantesque  chemin  de  fer  qui  doive  ja- 
mais être  construit,  celui  qui  reliera  Lahore  à  Cal- 
cutta, à  l'embranchement  de  sept  routes  secondaires 
qui  se  dirigent  comme  autant  de  rayons  autour  d'un 
même  centre,  vers  la  Perse,  la  Russie,  la  Chine, 
rinde  centrale,  Bombay,  Madras  et  Calcutta,  Delhi 
est  bien  le  véritable  cœur  de  la  puissance  anglaise, 
dont  les  trois  chefs-lieux  de  présidence  no  sont  que 


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DBS   A^GLALS   DANS   lNndR.  313 

les  extrémités.  C'est  pour  cela  que,  malgré  son  détes- 
table climat,  Delhi  avait  été  choisie  comme  une  sorte 
de  Sébastopol  indienne,  élevée  contre  les  attaques 
pouvant  venir  du  nord- ouest,  c'est-à-dire  (on  Pavait 
cru  jusqu'en  1 857)  du  seul  côté  vulnérable  de  l'empire 
anglo-indien. 

Indépendamment  de  son  importance  comme  foyer 
de  la  révolte,  Delhi  avait  dû  aux  souvenirs,  aux  tra« 
ditions  qui  se  rattachent  à  son  ancienne  splendeur 
d'être  choisie  par  les  révoltés  pour  le  siège  du  nouvel 
empire  des  Babcrs.  La  raison  politique  prescrivait 
impérieusement  de  renverser,  dès  le  principe,  ce 
semblant  d'organisation;  la  raison  militaire  faisait 
une  loi  non  moins  rigoureuse  d'enlever  aux  cipayes 
révoltés  la  possession  d'une  ville  dont  l'action,  pour 
les  raisons  que  nous  avons  indiquées  plus  Flaut,  avait 
une  si  grande  portée  sur  les  districts  soulevés. 

De  la  prise  de  Delhi  dépendait  le  sort  des  faibles 
garnisons  renfermées  dans  Agra,  dans  Fjiclcnow,  et 
dans  presque  tous  les  postes  du  nord-ouest.  Si  l'on 
veut  bien  songer  à  l'éloignenient  des  bases  d'opéra- 
tion sur  lesquelles  il  eût  fallu  s'appuyer  pour  recon- 
quérir le  pays,  en  partant  de  Calcutta,  de  Madras  ou 
de  Bombay,  il  faut  reconnaître,  au  grand  honneur 
de  l'état-major  anglais,  que  cette  manœuvre  hardie 
qui  conduisit  l'armée  du  Pendjaub  sous  les  murs  de 
Delhi  fut  bien  supérieure  à  celle  exécutée  par  le  ma^ 
réchal  Badelzlcy,  en  Italie,  pendant  la  guerre  de 
18&9,  et  dans  des  conditions  presque  identiques.  Le 
parti  extrême  d'abandonner  tout  le  Ihé&tre  de  l'in- 


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S1&.  DB   LA  PUISSANCE   MIUTAIBB 

sufrection  pour  le  reconquérir  ensuite  était  préconisé 
cependant,  au  plus  fort  de  la  crise,  comme  le  meilleur* 
OQmme  le  seul  que  Ton  pût  adopter  pour  étouffer 
promplement  rinsurreclion.  En  substituant  à  la 
guerre  méthodique,  qui  en  serait  résultée,  Tauda-- 
cieuse  opiniâtreté  des  commandants  qui  se  succédé* 
rent  sous  les  murs  de  Delhi  (1),  et  les  manœuvres 
hardies  des  généraux  libérateurs  de  Lucknow  (2\  le 
gouvernement  de  Tlnde  a  donné  un  exemple  mémo* 
rable  de  ce  que  Ton  peut  obtenir  de  la  ténacité,  de 
la  persévérance  exceptionnelles  qui  caractérisent  le 
soldat  anglais. 

Nous  avons  vu  qu'au  moment  de  la  révolte  de 
Meerut»  et  à  la  nouvelle  des  événements  de  Delhi,  le 
général  Anson  avait  réuni  à  la  hâte  les  troupes  can- 
tonnées  à  Umballah,  Simla,  Daghsai,  etc.,  ets*était 
dirigé  sur  Pancienne  capitale  de  Tlnde.  La  petite 
armée  du  commandant  en  chef  se  composait  du  75*  de 
ligne,  des  1*'  et  2*  européens  du  Bengale,  diP9*  lan- 
ciers, et  de  deux  compagnies  d'artillerie  à  cheval. 
A  cette  force,  il  convient  d'ajouter  encore  quelques 
détachements  de  cavalerie  du  Bengale,  et  une  troupe 
de  Sickhs  employés  comme  pionniers  du  génie. 

Le  général  Hewitt  avait  été  remplacé  dans  son 
commandement  à  cause  de  la  mollesse  qu'il  avait 
montrée,  et  le  général  Wilson,  son  successeur,  avait 
ordre  de  rejoindre  le  commandaak  en  chef  avec  toiitos 


(i)  AnsoD,  Barnard,  Reid,  Wilson. 
(2)  Uav^loclL,  Neill,  Outraoï. 


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DV8  ANGLAIS  DANS  L*INB1S.  316 

les  troupes  disponibles  da  la  division  de  Meerut.  Ces 
troupes  se  mirent  en  marche  dans  les  derniers  jours 
de  mai,  et  le  30  elles  arrivaient  sur  les  bords  de  1% 
petite  rivière  de  Hindun,  et  occupaient  le  village  qui 
garde  le  pont  suspendu  de  la  foute  de  Delhi,  L# 
même  jour,  l'ennemi  parut  en  forces  avec  cinq  canons. 
Le  détachement  du  général  Wilson  se  composait  d'un 
bataillon  européen  (60*  carabiniers),  de  deux  esca- 
drons (quatre  compagnies)  du  6*  dragons  de  la  garde, 
de  deux  compagnies  d'artillerie  européenne,  dont 
une  h  cheval,  avec  six  pièces,'  et  une  à  pied  avec  deux 
pièces  de  18.  Un  régiment  de  Ghoorkas  complétait 
cette  division. 

Le  général  Wilson  attaqua,  sans  hésiter,  les  révol-* 
tés  qui  lui  disputaient  le  passage  de  l'Hindun,  et  les 
refoula  dans  un  village  qui  fut  incendié.  Un  grand 
nombre  de  oipayes  furent  sabrés  par  les  dragons  en 
cherchant  à  échapper  aux  flammes.  Malgré  cet  échec, 
le  lendemain,  1*'  juin,  la  division  de  Meerut  étant 
restée  dans  ses  positions,  conformément  aux  ordres 
qui  lui  prescrivaient  d'attendre  le  passage  des  troupes 
d'Umballah,  les  cipayes,  attribuant  cette  inaction  k 
la  timidité  des  Anglais,  essayèrent  de  revenir  à  \% 
charge.  Ils  furent  battus  de  nouveau,  et  se  dispersè- 
rent, laissant  complètement  libre  la  communication 
avec  Delhi.  A  la  suite  de  ce  combat,  dans  lequel  elle 
avait  perdu  quarante  hommes,  la  division  de  Meerut 
se  dirigea  sur  Baghput,  et  après  avoir  traversé  la 
Jumna  sur  le  pont  de  cette  ville,  elle  fit  sa  jonction 
avec  les  troupes  du  commandant  eu  chef  dans  les 


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316  DE   LA   PUI^iSANCB   UILITAIRË 

environs  d*Alipoor,  à  une  journée  de  marche  de  Delhi. 

Deux  jours  auparavant,  le  27  mai,  le  général  An- 
son  était  mort  à  Kurnawl,  foudroyé  par  le  choléra. 
Le  général  Barnard  lui  succéda  dans  le  commande- 
ment des  deux  corps  réunis.  Ce  chétif  noyau,  qui  prit 
superbement  le  nom  d'armée  de  Delhi ^  comptait  à 
peine  /i,500  européens  et  3,000  indigènes. 

En  examinant  les  fortifications  de  Delhi  au  point 
de  vue  d'un  siège  en  règle  ou  d^opérations  qui  8*en 
rapprochent,  on  voit  du  premier,  coup  d'œil  qu'il  ne 
peut  être  question  d'investir  complètement  une  place 
de  cette  étendue  (1).  i/arroée  anglaise,  lors  même 
qu'elle  eût  été  dix  fois  plus  forte,  n'aurait  pu  inter- 
dire à  l'assiégé  les  sorties  par  les  portes  du  sud,  et 
le  libre  accès  sur  la  rive  gauche  de  la  Jumna. 

La  position  occupée  par  les  cipayes  en  avant  de 
la  ville  de  Delhi,  et  dans  le  voisinage  des  cantonne*-, 
ments  incendiés  au  moment  de  la  révolte,  d'une  part; 
de  Pautre,  la  nécessité  de  conserver  la  communi- 
cation du  Trunck-Road,  par  lequel  devaient  arriver, 
tous  les  renforts  du  Pendjaub,  déterminèrent  le  gé- 
néral Barnard  à  s'établir  au  nord  de  la  ville,  et  à. 
choisir  pour  front  d'attaque  la  partie  de  l'enceinte 
qui  s'étend  entre  la  Jumna  et  la  porte  de  Caboul. 
Une  autre  considération  militait  encore  en  faveur  de. 
ce  choix  :  les  rues  de  Delhi  sont  étroites,  h  l'excep- 
tion de  deux  qui  partent  du  palais  et  vont  à  la  porte 
de  Lahore  et  à  la  porte  de  Deliii.  Bien  que  le  front 

(1)  Journal  de  l'armée  belge  (van  de  Velde). 


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DBS  ANGLAIS    DANS   l/lNDK.  317 

du  iioi*d  soit  le  plus  fort  de  renceintc,  comme  ii 
couvre  précisément  les  élablissements  européens, 
magasins  et  arsenaux  dont  la  réoccupation  était  le 
premier  but  à  atteindre,  il  y  avait  avantage  à  tenter 
l'assaut  par  un  point  qui,  une  fois  enlevé,  dispense- 
rait l'armée  de  s'engager  dans  le  dédale  inextricable 
que  présentent  les  rues  de  Delhi,  ou  du  moins  per- 
mettrait de  l'aborder  avec  la  base  solide  que  devait 
offrir  le  quartier  européen. 

*•  Nous  n'entrerons  pas  dans  le  détail  des  engage- 
ments  qui  précédèrent  l'établisseiinent  des  troupes  an- 
glaises sur  les  hauteurs  située^^  entre  la  ville  do  Delhi 
et  les  anciens  cantonnemenU«.  .  * 

]je  8  juin,  l'ennemi  occupait  une  forte  position  à 
Badiee-Seraî;  il  en  fut  débusqué  avec  perle  de  tous 
ses  canons,  et  le  soir  même  les  Anglais  campaient 
sur  l'ancien  champ  de  manœuvres,  ayant  en  leur 
pouvoir  les  hauteurs  qui  dominent  le  côté  nord  de  la 
ville. 

Une  dépêche  du  général  Barnard  rend  compte  du 
succès  du  8  juin  et  des  dispositions  prises  pour  com- 
mencer immédiatement  le  siège  : 

«  Camp  de  Deibi,  le  8  juin. 

«  Les  forces  que  je  commande  partirent  d'Alipoor 
»  à  huit  heures  du  matin,  et  en  arrivant  &  Badiee- 
»  Sera!  trouvèrent  l'ennemi  fortement  établi  dans  une 
»  position  retranchée.  Je  suis  heureux  de  vous  annon- 
»  cer  que  nous  l'en  avons  débusqué,  après  un  enga- 
»  gement  çle  près  de  trois  quarts  d'heure.  Nous  nous 


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S18  DE   Lk   PUTSSANGB   MILITAIRE 

»  sommes  occupés  alors  de  nous  établir  dans  la  posi- 
»  tion  que  nous  tenons  en  ce  moment,  et  qui  est  dé- 
»  fendue  depuis  le  point  le  plus  avancé  jusqu'à  THin- 
»  doo-Raw-House. 

»  Nos  troupes  ont  marché  avec  le  plus  grand  en- 
»  tratnement  et  la  patience  la  plus  persévérante ,  et, 
»  après  avoir  vaincu  une  résistance  fort  vive,  ont  jeté 
»  Tennemi  dans  les  murs  de  la  place.  Tout  était  ter- 
»  miné  à  neuf  heures  du  matin. 

»  Notre  perte  est  comparativement  petite  :  un  seul 
»  officier  est  tué,  mais  je  ne  vous  dirai  qu^avec  le  plus 
»  grand  regret  que  cet  officier  est  le  colonel  Chester, 
»  adjudant-général  de  l'armée,  qui  était  estimé  pour 
»  toutes  les  qualités  qui  font  Tornement  d'un  soldat. 
»  Je  n'ai  pas  pu  me  rendre  compte  du  nombre  de  nos 
»  pertes  particulières  ou  du  nombre  des  canons  que 
»  nous  avons  pris,  mais  je  crains  d'être  obligé  de  por- 
»  ter  h  40  ou  50  le  nombre  des  morts;  le  hombre  des 
»  canons  est  de  16  ou  18. 

»  Je  ne  puis,  dans  cette  dépêche  faite  à  la  hâte, 
30  essayer  de  vous  recommander  personne.  J'ai  reçu 
»  du  brigadier  Wifson ,  du  brigadier-général  et  de 
x>  l'adjudant  de  l'armée  tes  marques  du  plus  grand 
»  dévouement.  L'adjudant  de  la  division,  le  Capitaine 
d  Barnard  et  le  lieutenant  Turnbull  me  sont  aussi 
»  tout  dévoués. 

»  La  conduite  des  Ghoorkas,  des  sapeurs  sikhs , 
j>  et  autres  troupes  indigènes  que  j'ai  employées,  est 
»  au-dessus  de  tout  éloge  ;  ils  vivent  en  bonne  intel- 
»  ligence  avec  leurs  camarades  européens. 


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DBS  ANGLAIS  DANS  L^INDB.  319 

»  Je  ne  puis  fermer  ma  dépêche  sans  donner  une 
9  mention  spéciale  à  plusieurs  personnes  attachées  à 
»  l'armée  comme  volontaires,  qui,  non-seulement 
»  nous  ont  accompagnés  dans  la  campagne,  mais  qui 
0  nous  ont  rendu  des  services  que  notre  position  rend 
B  surtout  importants ,  en  gardant  derrière  nous  les 
»  communications. 

«J'espère  vous  envoyer  bientôt  de  plus  grands 
»  détails.  Pour  le  moment  j'attends  notre  train  de 
»  siège,  et  je  pense  ouvrir  le  feu  aussitôt  son  arrivée. 

»  H.  Barnard, 

»  Major-général  commandant  Tarmée  de  siège.  » 

Les  deux  fronts  et  la  partie  convexe  de  l'enceinte 
comprise  entre  la  porte  de  Cachemyre  et  celle  de 
Lahore  se  trouvent  dominés  par  le  prolongement  de 
la  crête  sur  laquelle  étaient  établis  les  avant-postes 
du  camp  anglais.  Cette  disposition  permettant  de  les . 
envelopper  et  de  les  battre  par  des  feux  convergents, 
toute  l'attention  des  assiégeants  fut  dirigée,  dès  le 
principe,  sur  ces  points,  et  le  bastion  Moree,  qui 
forme  le  saillant  le  plus  vulnérable,  devint  l'objet 
des  premiers  efforts.  La  faiblesse  de  ce  point  ne  pou- 
vait être  rachetée  que  par  l'établissement  d'ouvrages 
assez  avancés  pour  prendre  vue  sur  le  terrain  en 
avant  du  saillant,  et  par  suite  y  croiser  leurs  feux. 
Lescipayes  semblent  ne  pas  avoir  ignoré  ces  premiers 
principes  de  la  défense  des  places.  On  en  trouvera 
la  pvenTe  par  ce  fait  que  les  Anglais  ont  dû  enlever, 
le  12  août^  au  prix  de  douloureux  sacrifices,  une  bat- 


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320  DE  LA  ^clssA^Gl^  muTAmis 

terie  établie  devant  la  porte  de  Cachemyre.  Elle  se 
composait  de  quatre  obusiers  (1). 

On  doit  observer  aussi  que  les  feux  du  b  istion  de 
Cachemyre,  situé  à  droite,  en  sortant  par  la  porte  de 
ce  nom,  ballant  les  fossés  de  Tenceinte  depuis  le 
bastion  Moree  jusqu^à  la  Jumna,  et  Pattaque  étant 
résolue  sur  la  face  nord,  les  assiégeants  se  trouvaient 
dans  Tobligation  de  réduire  au  silence  Partillerie  du 
bastion  de  Cachemyre  en  même  tem|)s  que  celle  du 
bastion  de  TEau,  qui  termine  Tenceinte  du  côté  de  la 
rivière.  Ces  diverses  considérations  dictèrent  rem- 
placement des  batteries  établies  par  les  Anglais  pen  < 
dant  la  seconde  période  du  siège; 

Nous  passerons  rapidement  sur  les  opérations  qui 
ont  précédé  l'arrivée  des  renforts  amenés  par  le  gé- 
néral Nicholson  ;  assiégés,  en  quelque  sorte,  plutôt 
qu'assiégeants,  les  Anglais,  jusqu'au  milieu  du  mois 
d'août,  eurent  à  repousser  vingt-trois  sorties,  dans 
lesquelles  les  cipayes  subirent  d'énormes  pertes,  mais 
qui  furent  également  meurtrières  pour  la  petite  armée 
du  général  Barnard. 

Nous  avons  dit  que  les  avant -postes  de  l'armée  de 
siège  étaient  établis  sur  la  crête  située  au  nord  de  la 
ville,  et  qui  la  séparent  des  anciens  cantonnements. 
La  gauche  des  grand'-gardes  fut  appuyée  à  l'ancien 
observatoire,  désigné,  dans  les  relations  du  siège, 
sous  le  nom  de  Tour  des  signaux.  Le  centre  corres- 


(l)  Le  plan  annexa  à  cette  étude  présente  remplacement  des 
travaux  extérieurs  exécutés  par  les  défeoseurs  de  Delhi. 


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DUS  XSGLXtS  DANS  L*lNDfi;  521 

pondait  à  une  ancienne  mosquée,  ot  la  droite,  à  Teh- 
droit  où  les  hauteurs  commencent  à  s'abaisser  vers 
la  plaine,  était  couverte  par  une  maison  entourée  de 
fortes  murailles  d^enceinte.  Cette  maison  est  connue 
sous  le  nom  de  son  ancien  propriétaire,  uri  chef 
mahratte  appelé  Hindoo-Rao.  Il  résulte  de  la  posi» 
tion  oblique  des  montagnes,  par  rapport  au  front 
d'attaque,  que  la  droite  des  Anglais  se  trouvait  eii 
avant,  tandis  que  la  gauche  était  fortement  refusée. 
La  distance  moyenne  du  camp,  assis  en  arrière  des 
hauteurs  et  k  Tabri  du  feu  de  la  place,  était  d'un 
mille  un  quart  environ. 

Le  9  et  le  10  juin,  les  premières  dispositions  de 
rinstallation  des  assiégeants  furent  troublées  par  les 
attaques  des  cipayes,  dont  les  efforts  se  portèrent 
principalement  sur  la  droite  de  la  ligne  anglaise. 

Le  12  juin,  une  sortie  vigoureuse  et  bien  combinée 
fut  dirigée  par  les  assiégés  sur  les  deux  extrémités 
de  la  chaîne  des  avant-postes.  Sur  la  droite,  à  la  mai- 
son d'Hindoo-Bao,  les  guides  et  les  Ohoorkas  repous- 
sèrent facilement  l'ennemi,  mais  sur  la  gauche  il  y* 
eut  presque  une  surprise.  La  batterie  de  la  Tour  du 
signal  fut  un  moment  entourée,  et  aurait  été  proba-^ 
blement  emportée  sans  le  courage  d'un  détachement 
dû  75*,  qui  donna  le  temps  de  prendre  les  armes 
aux  troupes  de  soutien.  Le  flanc  dé  la  position  était 
en  danger  d'être  tourné,  et  le  combat  se  maintint  très 
vif  sur  ce  point  pendant  près  de  deux  heures.  Le  feu 
d'une  batterie  établie  sur  le  centre,  et  qui  prit  k  re- 
vers les  assaillants,  les  obligea  enfin  à  se  retirer*' Le 

21 


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8S8  M  LA  P6IMAfl«B  mUTMRB 

a*  6t  le  TS"*  eurent  surtout  à  touffrir  dans  ces  dem 
eugagemeiltd. 

Le  i3|  les  Anglais  oecupèrenk  un  vaste  ebcleâ 
eennu  sous  le  nom  de  Mellcalf-Hddsey  situé  vers  lA 
gauche,  et  où  Ton  eomménfa  à  élever  une  batterie. 
Une  sortie  dirigée  Contre  ces  Iravaut  fut  facilement 
repdussée,  ainsi  qu'une  autre  tentée  le  fnôme  jour  sur 
la  di'oiles 

Lel7  juin^  un  détachement  fo^mé  des  Ohôol^kast 
derartillerieàobeval  et  de  la  cavalerie,  sous  leeoBQ* 
n^tideinënt  du  major  Tdmbs,  enleva  les  travaoi 
extérieurs  que  les  ci  payes  avaient  commencée  du 
e6lé  de  la  pdrte  de  €aboul|  et  d'uii  vaéte  bftiimtnt 
gui  porte  le  nom  d'Eédbagh.  Ces  travaujl,  dirigés 
avee  intelligence^  pouvaient  devenir  inquiétante»  pour 
le  fland  de  THindOo-Rao.  Le  lieutenant  Wbeatley  fut 
tué  èur  ee  poifiU 

Le  19  juin^  les  révoltés  dé  Nuseerabad  (1)  {^ariH 
rënt  en  vue  des  lignes  anglaises^  et  tentèrent  unedup 
de  mais  qui  fut  dérobé  paf  les  troupes  du  radjah  de 
Jhend^  appuyées  par  rartiklerie  Ad  le  9*  laneier&  Im 
lendemain  30,  ee  edaUtigent  revint. à  la  eharge 
sans  plue  de  sueeèe,  et  fut  repaus^^  abandonnant 
âOO  morts  sur  le  terrain.  Du  côié  des  Anglais,  les 
pertes  furent  Sensibles  :  le  colonel  Yule,  du  9*  las* 
dere  et  deua  autres  oiBciets  fufent  tués^  plumeurs 
amrea  fartot  Messésk 

^)  ILé  16«  et  te  dft'  tiret  h  iûifertè  ((ùé  fa$  Um^tét^  àe  ioMqf 
s^Mitttt  sif  tiia  eÀ)Mi  «e  isar  «stever. 


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bB9   ANGLAIS  DANS   L^INDB.  3^S 

Les  journées  âû  21  et  dû  22  juin  se  passèrent  sans 
(combat,  ttials  le  98  l^enhemi  se  (présenta  en  grandes 
hlad^es  du  côté  de  Subzee-Mundce  (la  drdile  et  l'ar- 
Hèfe  du  camp).  L'affaire  dura  presque  toute  là  jour* 
née,  et  les  cipayes  combattirent  avec  achartiemént 
Qoelquea  maisons  entourées  de  jardins,  dans  les- 
qaellés  ils  sfétaient  logés^  furent  disputées  vigoureu- 
sement^ et  les  pertes  furent  considé^ables  de  part  et 
d'adtre,  bien  que  celles  des  insurgés  fussent  inflrii- 
ment  supérieures  à  celles  des  assiégeants. 

Là  fin  du  mois  de  juin  se  passa  en  escarmouches 
insignifiantes.  Rendus  plus  prudents  pai*  ces  échecs 
multipliés,  les  défenseurs  de  Delhi  se  Renfermèrent 
dans  leurs  murailles,  et  semblèrent  avoir  perdu  là 
figueur  et  la  résolution  dont  ils  avaient  fait  preuve 
antérieurement. 

Le  6  juillet,  le  général  sir  Henry  Barnard  suc- 
tomba  au  bholéra,  eotnme  son  prédécesseur  le  géné- 
ral Anson.  Le  major- général  Thomas  Reid  prit  le 
eomnààndement  de  l'armée  de  Delhi  (i). 

Le  8  et  le  9  juillet,  les  Anglais  eurent  à  repousse^ 
deux  sorties ,  dont  la  seconde  fut  particulièrement 

(1)  Le  major-général  Thomas  Reld,  nommé  au  commandement 
des  troupes  de  Delhi  après  la  mort  du  général  Bernard,  et  qui  a 
succombé  depuis  lui-même  sous  les  murs  de  la  ville,  était  uq  ofli- 
der  (inexpérience  et  depuis  longtemps  au  service.  Il  était  entré 
dans  rarmée  en  iSi3,  et  avait  commaiidé  une  division  de  Tarmëè 
iu  Bengale.  En  iBU^t  commandant  une  brigade  à  Tannée  du 
Sutledje,  il  avait  eu  un  cheval  tué  sous  lui  à  la  bataille  de  Fe- 
rozeshah.  Une  citation  et  une  médaille  témoignaient  de  sa  bra- 
TOttrë  danà  cette  cdmpagne. 


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S2&  DB   LA   PUISSAKCiS   IIILITAIRB 

meurtrière.  Les  cipayes  se  présentèrent  au  nombre 
de  8,000  environ,  avec  une  batterie  de  campagne.  Le 
combat  dura  longtemps,  et  les  assiégés  ne  perdirent 
pas  moins  d'un  millier  des  leurs;  tes  Anglais  eurent 
220  hommes  hors  de  combat. 

Malgré  la  supériorité  obtenue  par  l'armée  assié- 
geante dans  tous4es  engagements  qui  s'étaient  suc* 
cédé  depuis  le  8  juin»  la  position  des  Anglais  deve- 
nait chaque  jour  plus  critique.  La  saison  des  pluies 
allait  contribuer  encore  à  augmenter  les  ravages  du 
choléra.  La  situation  du  camp  dans  un  bas-fond, 
abrité,  il  est  vrai,  des  feux  de  la  place  par  les  hau- 
teurs de  THindoo-Rao,  mais  inondé,  en  temps  de 
pluie,  par  les  eaux  de  tous  les  terrains  environnants, 
était  détestable  au  point  de  vue  hygiénique.  La  fièvre 
et  l'épidémie  enlevaient  autant  d'hommes  que  le  feu 
de  l'ennemi.  D'un  autre  côté,  comme  au  début  de  la 
guerre  de  Oimée,  l'organisation  des  ambulances  était 
déplorable,  et  chaque  soldat  blessé  sérieusement  pou* 
vait  être  considéré  comme  un  homme  perdu.  Vers  le 
milieu  de  juillet,  les  troupes  européennes  disponibles 
devant  Delhi  ne  dépassaient  pas  2,000  hommes.  Il 
était  urgent  que  les  renforts  attendus  du  Pendjaub 
arrivassent  au  plus  tôt. 

•Malgré  la  tranquillité  relative  dont  jouissait  cette 
partie  de  Plnde,  quelques  soulèvements  avaient  dû 
être  réprimés,  et  la  nécessité  de  ne  point  dégarnir 
complètement  les  provinces  du  nord-ouest  avant' 
d'avoir  assuré  leur  obéissance,  contribuait  encore  à 
retarder  l'arrivée  du  général  Nicholson,  ^i  impatient 


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DBS   ANGLAIS  DANS   l'INDB.  325 

ment  attendu  devant  Delhi  avec  les  parcs  et  les  ren- 
forts réunis  par  sir  John  Lawrence.  Le  ta  juillet,  le 
général  Nicbolson  avait  été  forcé  d'interrompre  sa 
marche,  afin  d'arrêter  les  rebelles  de  Seaikote  (9*  de 
cavalerie  légère  et  &6«  d'infanterie).  Il  était  parvena 
à  les  disperser  en  leur  tuant  300  hommes  près  de 
Goodhapoor,  et  leur  avait  enlevé  leurs  bagages  et 
leur  butin.  Malgré  ce  succès,  les  forces  des  insurgés 
allaient  toujours  en  s' augmentant;  si  ceux  du  nord 
étaient  interceptés,  ceux  de  l'ouest  avaient  les  che- 
mins libres  pour  se  rendre  à  Delhi,  et  les  rebelles  de 
Neemuch,  repoussés  dans  leur  tentative  contre  Agra 
(5  juillet),  étaient  venus  se  joindre  aux  assiégés  avec 
les  débris  des  régiments  de  Nusserabad. 

Réduits  à  la  défensive  la  plus  absolue  pendant  la 
seconde  moitié  du  mois  de  juillet,  les  Anglais  avaient 
eu  à  repousser  le  1&,  le  18  et  le  23  les  sorties  des 
cipayes,  et  leur  avaient  tué  beaucoup  de  monde,  mais 
au  prix,  de  leur  côté,  de  A  ou  500  hommes  hors  de 
combat.  Dans  la  première  de  ces  sorties,  le  brigadier 
Cbamberlayn  avait  été  blessé. 

Dans  les  derniers  jours  de  juillet,  le  général  Reid, 
atteint  à  son  tour  par  le  fléau  qui  avait  emporté  Anson 
et  Ramard,  remettait  le  commandement  de  l'armée 
au  brigadier-général  A.  Wilson  (1). 

Le  1*'  août,  les  assiégés  sortirent  par  la  porte  de 
Lahore,  tournèrent  de  suite  &  droite  en  prenant  le 


(1)  Ijb  général  Wilson  avait  remplacé  le  général  HewiU  dans  le 
commamlenieDt  de  la  division  de  lleerot. 


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^  DB  1*4  PUI8HNCIS   Jlil|.IT4ill9 

c))emiq  qui  traverse  le  petit  panai  et  le  pftlé  de  aiai?- 
8on8  &  proximité.  De  \k  ils  gagnèrent  i^  chemin  qui 
mène  aux  hauteurs  pour  tomber  sur  la  droite  de  (a 
position  des  Anglais.  Dan9  ces  conditions,  ils  pou- 
vaient aborder  franchement  le  camp  anglais,  d'au- 
tant mieux  que  rartillerie  de  campagne  ne  leur  faisait 
pas  défaut.  Mais  les  cipayes  se  laissèrent  aller  |i  une 
fusillade  sans  but  qui  dura  même  toute  la  nuit,  et  qui 
pe  meqa  à  rien  de  décisif. 

Quelques  jours  plus  tard,  une  seconde  tentative 
fut  faite  par  la  porte  de  Gachemyre.  Les  assiégés  pri- 
rent le  chemin  qui  court  parallèlement  à  |a  Jumna, 
et  arrivés  à  la  maison  de  sir  Thomaa  Metealfe  ila  se 
disposèrent  pour  Tattaque  de  front  de  la  ligne  aa-* 
glaise^  Les  Européens  n'attendirent  pas  que  les 
insurgés  fussent  arrivés  jqsque  sur  eui.  Descendant 
rapide(nent  des  hauteurs,  ils  le^  abordèrent  vigou- 
reusement à  la  baïonnette,  et  les  rejetèrent  dans  la 
place. 

L^  ipoment  i^pprocfaait  enfin  oU  Tarrivée  des  tw-t 
forts  du  Pendjaub  allait  permettre  aux  asHégeaitS 
de  prenclrei  ^  leur  tpi^r  Toffensive.  33  officiera  et 
500  hommes  avaient  été  tués  dans  les  diOéreniea  af  ^ 
faires  que  nous  venons  de  passer  en  revue  ;  1  ,iOO  bles- 
sés ou  malades  encombraient  Tambulance  au  montent 
de  Tarrivéo  du  général  Nicbolson.  Le  âO  août,  le 
Sa""  d'inf^nterje  légère,  un  détachement  du  6ii,  une 
batterie  de  campagne,  un  bataillon  de  Beloutches 
entraient  d^ns  le  camp  anglais,  et,  ce  qui  n'était  |)as 
moins  précieux  pour  farmée  asaiégeantCt  un  oaillMur 


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Mt  AUSLAIS  »AMS  l'iNBI.  HT 

iB  pionpi^s  sikhs  aooompagnaient  l«  division  ilii 
général  Nicholson* 

Jugque*là,  déeîmée  par  les  maladies,  obligée  de 
repousser  les  attaques  ineessantes  des  eipay^s,  Par-» 
mée  anglaise  n'avait  pu  élever  que  les  batteries  indis^ 
pensables  à  la  protection  du  camp  ;  et,  il  faut  bien, 
4u  reste,  le  reconnatlre,  elle  avait  montré,  compie  en 
Grimée,  qne  incapacité,  une  aversion  eitraofdinaires 
pour  les  travaux  de  siège,  i^e  général  Wlluen,  devenu 
commandant  en  chef  par  la  mort  de  ses  trois  prédé- 
eeaseors  (Anson,  Barnard,  Reid),  tous  les  trois  enle« 
vés  pap  le  oholér^»  &vait  été  obligé  de  pu^ilier  Tordre 
du  jour  spécial  que  nous  transcrivons ,  pour  faire 
cemprendre  aui  soldats  la  nécessité  de  leur  coopéra-? 
tion  aui  travaux  de  tranchée  (1)  :  «  Le  major  général 
»  fait  appel  à  tous  les  officiers  de  ce  corps  d^armée 
»  ppQP  qu'ils  prêtent  une  i^ssislance  lélée  et  efficace 
i^k  rétablissement  des  travaux  de  siège  qui  vont 
0  commencer.  O^est  plus  parlioulièrement  sur  les  offl* 
a  eiers  de  tous  grades,  qui  sont  persennellement  atta» 
»  cbés  à  chaque  régiment ,  quMi  compte  pour  faire 
»  oemprendre  aux  soldats  que  travailler  daps  la  tran- 
»  cbée  pendant  ud  siège  est  aussi  nécessaire  et  aussi 


(1)  Voici  les  termes  de  cet  ordre  :  «  Tlie  maior-^enen^l  çall; 
Qpes  thé  offleers  of  the  force  to  tend  their  zealous  and  efficient 
coopération  in  the  érection  of  the  worics  of  the  siège  abont  ta  ke 
cQQ^oiefiççd.  (je  \{^(^  Çl^^eçi^^  ta  Wji^  xè^f»^^  «nfûcç^  |l  ail 
grades,  to  impress  upon  their  men  Ihat  to  yiork  ïn  the  trenches 
during  a  siège  is  as  necessary  and  honorable  as  to  fight  in  the 
fshattie.» 


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Si3B  W   LA   PUI8SANCB  MILITAIBB 

»  honorable  que  de  se  battre  dans  les  rangs  pendant 
»  un  combat.  » 

Gest  le  29  août  seulement  que  la  tranchée  fut  réel- 
lement ouverte  devant  les  bastions  Uoree  et  de  Ga- 
chemyre, 

A  celte  date,  par  suite  des  renforts  qu'elle  avait 
reçus,  Parmée  anglaise  s'élevait  à  11,000  hommes, 
sur  lesquels  il  fallait  compter  5,000  Européens,  et 
6,000  indigènes,  Sikhs  et  Qhoorkas, 

Celte  force  était  ainsi  divisée  : 

Une  brigade  (Vartillerie  (commandée  par  le  briga- 
dier (iarbet)  composée  de  :  5  compagnies  d'artillerie 
européenne  montée,  dont  une  sans  ses  canons  ;  h  corn- 
pagnies  d'artillerie  européenne  à  pied;  enfin  2  com- 
pagnies d'artillerie  sikhe  de  nouvelle  formation. 

Une  brigade  du  génie  (commandée  par  le  lieute- 
nant-colonel Baird  Smith)  composée  de  :  â  compa- 
gnies de  sapeurs  du  génie  (volontaires  tirés  des  régi- 
ments européens)  ;  3  autres  compagnies  de  sapeurs 
sikhs;  enfin  1,000  pionniers  sikhs  (noi  armed  or 
disciplined)  sans  armes  ni  organisation  régulière. 

Une  brigade  de  cavalerie  (brigadier  Grant)  :  9*  lan- 
ciers anglais;  k  compagnies  du  6*  dragons  de  la 
garde;  2  compagnies  du  1*'  régiment  du  Pendjaub; 
2  compagnies  du  2«  régiment  du  Pendjaub  ;  enfin 
2  régiments  de  cavalerie  du  Mooltan  de  nouvelle  for- 
mation. 

Deux  divisions  df infanterie  formant  quatre  bri- 
gades : 

1"  brigade  (brigadier  Showers)  :  75*  de  ligne  an- 


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.  DBS   ANGLAIS   DANS   L-lNOtt.  S90 

giais;  2«  européen  du  Bengale;  un  bataillon  gbwrka 
de  Kemaon. 

.  V  brigade  (brigadier  Longfield)  :  53*  de  ligne  an- 
giais;  60*  de  ligne  anglais;  un  bataillon  ghoorkade 
Sirmoor. 

S*  brigade  (brigadier  Jones)  :  8*  de  ligne  anglais; 
61'  de  ligne  anglais;  un  régiment  sikhc  de  nouvelle 
formation. 

&*  brigade  (brigadier  Nicholson)  :  V  régiment 
européen  du  Bengale  ;  2  régiments  sikhs  (Green  et 
Coke)  de  nouvelle  formation. 

En  dehoi*s  des  brigades,  le  corps  des  guides. 

Le  26  août,  le  train  de  siège  tiré  des  places  de 
Ferozepore,  de  Phillour,  etc. ,  et  dont  le  départ  avait 
été  retardé  par  la  révolte  du  10*  dans  la  première  de 
ces  villes,  étant  annoncé  au  camp,  le  général  Nichol- 
son se  porta  à  sa  rencontre  avec  une  division,  afin  de 
protéger  son  arrivée.  Les  insurgés  de  Delhi,  de  leur 
côté,  envoyèrent  un  détachement  nombreux  avec  du 
canon,  afin  d'intercepter  l'entrée  de  ce  matériel  dans 
les  lignes  anglaises.  La  rencontre  de  cette  troupe 
avec  la  division  de  Nicholson  eut  lieu  près  de  NujuflL 
ghur,  et  fut  suivie  d'un  combat  meurtrier  dans  lequel 
les  cipayes  perdirent  leurs  canons  et  leurs  bagages. 
Les  lieutenants  Lumsden  et  Gabbett  furent  tués  dans 
cette  affaire. 

Le  k  septembre,  on  vit  enfin  arriver  au  camp 
l'équipage  de  siège  si  impatiemment  attendu.  Ce  ma- 
tériel se  composait  de  &0  pièces  de  gros  calibre, 
tant  canons  que  mortiers  et  obusters,  avec  un  appro<* 


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880  M  LA  PUISSANCE  MLITAIBB 

vifiîennement  considérable  en  munitipna.  Avfe  ttfi 
train  marchait  un  renfort  de  cent  artilleurs  eupopéeng, 
le  à*  régiment  sikfae,  d'ancienne  formationt  lin  deaii- 
batailloD  de  Belouches  (de  Tannée  de  Bombay )«  q| 
les  compagnies  détachées  du  8*  et  du  61«  de  ligne. 

A  dater  du  7  septembre,  l'établissement  (les  bat* 
teries  de  brèche  et  les  préparatifs  de  Tassant  furent 
poussés  avec  activité.  Plusieurs  batteries  furent  éle-. 
fées  pour  contrebattre  et  éteindre  le  (bu  du  front 
d'attaque,  à  petite  dislance  de  Tenceinle,  ce  qui  ren- 
dit  Topération  meurtrière  pour  les  Anglais.  Deux  offi*» 
ciers,  le  lieutenant  Hildebrand,  de  Tartillerie,  et  le 
lieutenant  Bannerman,  du  bataillon  beloutche,  furent 
tués  en  dirigeant  les  travaux. 

Le  8  septembre  au  matin,  la  batterie  élevée  eentra 
le  bastion  Moree,  pendant  la  nuit  précédente»  ouvrit 
son  feu  avec  une  supériorité  marquée. 

Le  même  jour  (8  septembre),  on  vit  arriver  le  con- 
tingent de  Cacbemyre^  envoyé  par  le  maha-r^dja 
Rbambeer-Sing,  fils  de  Goulab  (1),  pour  faire  partie 
de  Tarméede  siège.  Ce  contingent  se.  composait  de 
9,8^0  fantassins»  150  cavaliers,  et  une  oûoipagnie 
d-artillerie  sikbe  avec  fi  pièces  de  9  en  bronze,  et 
3à  sembourecks,  petites  pièces  employées  en  Perse, 
et  qui  Mot  portées  sur  des  dromadaires. 

(Il  Ço^lab-Siag,  «Ipnt  l^  pfiqçipa^jU  avait  é^  ffirm^,  fipi^les 
guerres  ()u  Pendjaub,  d'une  porUon  des  anciens  éiats  de  Runjeel- 
Sing,  s'est  montré  d'une  fidélité  à  toute  épreuve  pendant  la  guerre 
de  1857.  W  est  mort  au  mois  d*août,  et  son  fils,  qui  lui  a  succédé, 
sttBble  déeidé  à  suivre  la  nàme  peliiique  ^  Té^rd  ém  à^fUiSt 


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D4^8  U  nuit  dq  8  septembre,  )#9  AogUis  s'emp^r 
fèreqt  4'un  enclos  appelé  le  K^oiidsia-ftaghf  Bitué  à 
300  rnè(re9  di)  ba^tioq  Moree,  entre  e^  bastion  et  ea- 
|i(i  dq  pacbemyrq.  Qn  y  commenga  aussitôt  rétablis- 
sement de  nouvelles  batteries,  qui  reçurent  Ig  pièces 
()u  p)h#  fQr(  qaiîbre  et  1 0  gros  mortiers.  Ge^  batteries 
ouvrirpq^  |pur  feu  le  li  §ur  le  hastion  c|e  Caobemyrt 
lit  sur  celui  de  la  porte  d'Sau  [fVakr  ha$lim). 

Le  i2,  Tattaque  dirigée  du  côté  de  la  douane  Qt 
dp  l^astiqn  de  Tplau  fut  renforcée  p%r  plusieurs  baU^i* 
fie^f  qui  reçurent  k  canons  de  18  et  3  mortiers  de 
g  pouces  il%  L'artillerie  de  la  place  fit  toii^  sus 
efforts  pour  pqtraver  rétablissement  de  ces  batteriei, 
fil  dinK^f^  1^  f^^  1q  pins  vif  sur  les  pioqqierç.  Ceui^-ci 
|e  trQUvM^nt  exposés»  non-seulen^ent  au  feu  dea 
canoqji  dub^sliop  de  TEau,  n^ais  encore  h^  celui  d«|| 
pièces  (tP  gelimgurh,  tirant  à  Ic^te  yqlée,  €|t  àcelu) 
d'un^  balt^rje  pl^céq  p^r  |es  cipay^a  sur  |a  berg« 
OPPQsé^  €|S  la  rivièr^. 

C'^  en  face  du  ba^tiqn  de  T^u  que  le  eapitMoe 
Fi(gin,  scellent  officie^  dqnt  Ts^clivité  ^vait  rendu 
le^  plus  grande  services,  eut  la  tôtq  emportée  parUQ 
ijQplet. 

A  partir  du  11  septembre,  50  mortiers  ou  panqns 
«vaieqt  entretenu  qn  véritable  orage  de  bombes  et  de 
^qyl^ta  |ur  1^  frqnl  d'aHaque.  Rendant  Irais  jour^  et 
trois  puitSi  e%  fpq  terrible  continua  sans  que  Tob^- 
nftUoq  deft  rebelles  parût  céder.  L'inclinaison  des 
glafçi?  ayant  obligé  )es  <inçlais  è.  établir  leurs  balle- 
rieft  tr^  prè$  de  rqneeiute,  les  cipaye^,  lersqua  l^s 


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â&!2  DB  LA   i'UlSSAWGB   lIlLlTAlBB 

pièces  qui  garnisBaient  les  bastions  eurent  été  dé* 

nnontées,  n'en  continuèrent  pas  moins  la  défense,  en 

\     entretenant  du  haut  des  murs  une  fusillade  très  nour- 

\    rie  et  que  la  proximité  des  assaillants  rendait  très 

!    efficace, 

j        Le  13,  le  bastion  de  Cachemyre  était  démantelé  et 
.^     cessait  de  répondre  au  feu  qui  était  continuellement 
dirigé  contre  lui.    Les  courtines  environnantes  de 
chaque  côté  étaient  également  ruinées.  De  temps  en 
temps,  un  ou  deux  faibles  canons,  qui  avaient  rem- 
placé les  pièces  de  position  sur  les  ruines  dii  bastion 
^      Moree,  répondaient  encore  à  Taclive  canonnade  et  au 
\     bombardement  dirigés  sur  cette  portion  de  Tenceinte, 
1         A  Tautre  extrémité  du  front  d'attaque,  le  bastion 
de  TEau  n'avait  pas  moins  souffert  :  son  magasin  à 
poudre  avait  fait  explosion,  et  le  seul  canon  qui,  de- 
puis le  12,  continuât  encore  k  enfiler  les  batteries 
anglaises  venait  d'être  démonté.  Le  13  au  soir,  le 
général  A.  Wilson  jugea  que  le  moment  était  venu  de 
donner  Tassant  et  fit  paraître  un  ordre  du  jour  relatif 
aux  disposilioDs  à  prendre  pour  cette  opération  su* 
prême,  qui  fut  fixée  pour  le  1  &•   Les  prescriptions 
contenues  dans  cet  ordre  étaient  résumées  de  la  façon 
suivante  : 

<x  Les  troupes  réunies  devant  Delhi  ont  eu  à  sup- 
»  porter  de  grandes  fatigues  depuis  leur  arrivée  dans 
»  ce  camp;  elles  ont  été  gaiement  endurées  par  les 
»  officiers  et  les  soldats.  Le  moment  est  enfin  arrivé 
»  où  le  major-général  espère  que  la  fin  de  leurs 
»  peines  est  proche  et  où  elles  seront  récompensées, 


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DBS   ANGLAIS   DANS   l'jNDK«  3$3t 

»  par  la  prise  de  la  ville,  du  courage  avec  lequel 
»  elles  ont  supporté  ies  fatigues  et  les  dangers  du 
»  siège. 

»  Le  major-général  est  certain  que,  quand  le  signal 
»  de  Tassaut  sera  donné,  l'énergie  et  la  résolution 
»  anglaises  surmonteront  tous  les  obstacles,  et  que  les 
»  assassins  insurgés,  avides  de  sang,  contre  lesquels 
9  les  troupes  vont  combattre,  seront  poussés  tête  bais- 
»  sée  hors  de  leur  repaire  ou  exterminés  dans  ses 
»  murs;  mais  il  avertit  que,  pour  obtenir  ce  résultat, 
»  il  est  absolument  indispensable  que  les  troupes  se 
»  tiennent  serrées  et  que  les  soldats  ne  s'écartent 
»  point  de  leurs  colonnes,  car,  à  ce  prix  seulement,  le 
»  succès  peut  être  assuré. 

»  Le  major-général  Wilson  n'a  pas  besoin  de  rap- 
»  peler  aux  troupes  les  meurtres  cruels  commis  contre 
»  leurs  officiers  et  leurs  camarades,  et  contre  leurs 
>  femmes  et  leurs  enfants,  pour  les  exhorter  dans 
»  cette  lutte  suprême.  Aucun  quartier  ne  doit  être  fait 
»  aux  insurgés.  En  même  temps,  par  humanité  et 
X  pour  l'honneur  du  pays  auquel  elles  appartiennent, 
»  il  leur  recommande  d'épargner  les  femmes  et  les 
»  enfants. 

»  C'est  une  nécessité  tellement  impérieuse,  non-. 
x>  seulement  pour  leur  propre  sûreté,  mais  encore 
»  pour  le  succès  de  l'assaut,  que  les  soldats  ne  s'é- 
»  cartent  pas  de  leurs  colonnes,  que  le  major-général 
»  croit  qu'il  est  de  son  devoir  de  recommander  à  tous 
»  les  officiers  de  le  faire  comprendre  à  leurs  soldats, 
»  et  il  espère  fermement  qu'après  ces  avertissements 


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ÀS&  DB   LA  POISSÀNGB   ttltlTMliB 

»  le  bon  sens  et  la  discipline  suffironi  à  maintenir 
1»  ehàcbii  dans  la  lignel  de  son  devoir. 

»  On  doit  expliquer  aussi  à  chaque  régiment  qu*il 
«  ti^ëst  pas  plermis  de  piller  indislinctéinent;  que  des 
»  corbmissaireë  aux  prises  ont  été  désignés  pour  réu- 
»  rlir  et  Vendre  tous  les  objets  capturés,  et  dont  la 
i' valeur  sera  répartie  entre  tous  les  combattants, 
»  coriformément  stu"^  règlements  établis  sur  ces  ma- 
i  tières,èt  que  tout  homme  qui  serait  trouvé  coupable 
3i  d^aVoir  voulu  cacher  des  objets  capturés  serait  forcé 
»  de  les  restituer  et  perdrait  tous  ses  droits  aux  prises 
39  générales;  il  serait  en  outre,  suivant  le  cas^  livré 
if  au  maréchal-prévôt  pour  être  jugé  sommairement.  » 

Le  lA,  au  point  du  jour,  tes  colonnes  d*attaque, 
àii  notnbrè  de  quatre,  furent  disposée^  pour  Fassaut. 
Deux  d'entre  elles  devaient  opérer  contre  le  front 
d'attaque,  la  troisième  en  réserve.  La  quatrième» 
domposée  des  Ghoorkas  et  du  contingent  nouvelle- 
rtient  arrivé  de  Cachemyre,  avait  Tordre  d'opérer  une 
diversion  èh  attaquant  le  faubourg  de  Rissenguhge, 
qui  fait  face  à  la  porte  de  Lahore,  du  côté  occidentat 
de  la  ville.  Si  elle  réussissait  à  enlever  ce  faubourg, 
cette  colonne  devait  attaquer  et  faire  sauter  la  porte. 
L'ennenli  occupait  en  forces  le  faubourg  de^  Rissen- 
guhge aVec  une  batterie  de  fort  calibre. 

Malgré  la  bravoure  des  Ghoorkas^  dont  le  com- 
rhandârtt,  le  indjor  Reid,  fut  grièvement  blessa,  la 
(Quatrième  tolonnè  fut  repoussée  sans  avoir  pu  rera- 
pllir  sa  mission.  Les  ('.achemyriens  ne  montrèrent  que 
pect  d'élan  et  n'appuyèrent  que  très  faiblement  le 


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BBS  ANGLAIS  BANB  l'iNM.  SiS 

bataillon  Sirmoor»  qui  marchait  en  tête  et  qui  dat  se 
replier  Après  avoir  essuyé  des  pertes  asses  sérieuses: 

Sur  le  front  d  attaqué,  tout  se  passait^  au  contraire^ 
peilr  le  miëui.  L'ouverture  de  la  porte  de  Oaehe-^ 
myre  devait  être  le  signai  du  combat,  ca^  les  brèches 
ii'étaient  point  aséez  praticables  pour  permettre  Tes- 
ealàde  sans  échelles.  La  nlission  de  faire  sautet*  lA 
porté  de  Cacbemyre  fut  confiée  au  lieutenant  Salkeld^ 
des  ingénieurs,  qui  s'en  approcha,  avec  trois  sergents 
portant  les  sacs  de  poudre^  Sous  un  feu  terrible  de 
meusqueterie. 

Un  tergent  fut  tué;  le  lieutenant  Sâlkeld  eut  lé 
braa  traversé  par  une  balle,  mais  il  n'en  continua 
pas  inoins  à  avancer  avec  ses  deux  compagnons.  Ils 
étaient  sous  le  feu  de  vingt  fusils  dirigés  contre  eu]i 
il  travers  les  ouvertures  de  la  porte  et  les  meurtrières 
dH  mur.  Malgré  cette  périlleuse  situation,  ils  parvin- 
rent cependant  à  placer  la  poudre  contre  tes  mon-> 
kanisde  la  porte;  mais  le  lieutenant  Salkeld  reçdt  iinë 
seconde  blessure  à  la  jambe  et  fut  tué;  le  second 
sergent  fui  criblé  de  balles  au  moment  oii  il  àtppro^ 
ebait  la  mèehe  du  pétard  ;  le  troisième  seul  survécut.- 

Une  explosion  terrible  renversa  la  porte  ëd  même 
instant  et  livra  passage  à  l'une  des  colonnes  d'assâUt. 
Les  beimmes  de  la  seconde  se  préoipitèrelit  dans  le 
fossé  et  entrèrent  par  les  brèches.  Quelques  itistants 
pitts  tard,  les  troupes  anglaises  envahissaient  ta  Ville 
Qilmme  un  torrent  sur  tous  les  pointe  do  froni  d*at* 
Ui(}ue  et  défiaient  toute  résistance. 

Les  premiers  assaillants  s'emparèrent  sans  tarder 


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386  DB  LÀ   PDISSANCB   UILITAIAB 

des  grands  b&limeuts  qui  environnent  la  porte  dé 
Caciiemyre»  puis,  faisant  irruption  le  long  des  rem- 
parts,  dans  la  direction  de  la  porte  de  Caboul,  ils 
occupèrent  le  bastion  Moree  et  la  partie  de  renceinte 
qui  s'étend  jusqu'à  celte  porte. 

Sur  la  gauche,  la  ligne  du  fFaier  Bastion  jusqu'à 
la  porte  de  Gachenriyre  tombait  presque  en  même 
temps  aux  mains  des  Anglais,  ainsi  que  le  temple,  le 
collège,  les  bâtiments  de  la  douane  et  une  grande 
partie  du  quartier  européen. 

L'ennemi,  qui  d  abord  croyait  être  repoussé  sur 
tous  les  points,  n'opposa  dans  la  première  phase  de 
l'assaut  qu'une  résistance  as$ez  faible;  mais,  vers  lé 
milieu  de  la  journée,  instruit  de  l'échec  essuyé  par 
la  quatrième  colonne  du  côté  de  la  porte  de  Lahore,  il 
reprit  courage  et  se  maintint  en  possession  du  bastion 
de  Lahore  et  du  bastion  Burn^  ainsi  que,  do  reste, 
de^l'enceinte  du  côté  des  bastions  GarâUon,  Akbar  et 
Tourkman.  Ses  tirailleurs  continuèrent  à  occuper 
également  le  palais  impérial,  le  Selimgurh,  les  arse* 
naux  et  magasins^  ainsi  que  la  plus  grande  partie  de 
la  ville*  Toutefois,  ils  n'essayèrent  pas  de  reprendre 
la  ligne  d'ouvrages  qu'ils  avaient  perdus  sur  le  côté 
nord  de  la  place,  et  les  Anglais  purent  employer  la 
nuit  du  1&  et  la  journée  du  15  à  s'établir  solidement 
sur  la  portion  de  l'enceinte  comprise  entre  la  porte 
de  Caboul  et  le  bastion  de  TKau.  Dans  la  même 
journée,  on  commença  à  battre  en  brèche  le  mur  de 
l'arsenal,  et  Ton  mit  en  batterie  les  pièces  destinées 
à  répondre  à  l'artillerie  dont  les  insurgés  disposaient 


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DES  ANGLAIS  DAMS  l'iNDE,  3^7 

encore,  notamment  &  la  batterie  de  Kissengunge» 
qui,  armée  de  cinq  mortiers  de  18,  était  fort  incom- 
mode  pour  les  troupes  établies  sur  la  portion  nord- 
ouest  de  Tenceinte. 

Le  16,  à  la  pointe  du  jour,  les  magasins  étaient 
pris  d^assaut  à  l'aide  d'une  brèche  pratiquée  du  côté 
du  collège,  dans  le  voisinage  de  Tenceinte.  Les  ci* 
payes  avaient  sur  ce  point  six  canons  chargés  &  mi- 
traille auxquels  Timpétuosité  des  assaillants  ne  laissa 
pas  le  temps  de  mettre  le  feu.  Le  61*  de  ligne  et  les 
détachements  du  bataillon  beloutche  et  des  carabi* 
niers  de  Wilde  se  distinguèrent  particulièrement  dans 
cette  affaire,  dont  le  résultat  remit  12d  pièces  de  ca- 
nons aux  mains  des  Anglais. 

Pendant  toute  cette  phase  de  l'assaut,  le  quartier- 
général  avait  été  établi  dans  la  maison  qui  était  au- 
trefois occupée  par  le  régiment  de  cavalerie  irrégu- 
Hère  renouvelé  (1).  C'est  de  là  que  partaient  tous  les 
ordres  prescrivant  les  dispositions  à  prendre  pour 
chasser  l'ennemi  du  Selimgurh  et  de  la  Djem&a-Mus- 
jid,  qui  restaient  encore  en  son  pouvoir  le  16  au  soir. 

Les  pertes  éprouvées  par  les  Anglais  dans  cette 
série  de  combats  étaient  déjà  grandes  :  9  officiers 
avaient  été  tués  surplace;  plusieurs  autres,  parmi 
lesquels  se  trouvait  le  général  Nicholson,  moururent, 
après  la  prise  de  la  ville,  de  leurs  blessures  ;  â&  étaient 

(i)  Cette  maison,  appelée  le  Skinner^s  bouse,  est  ainsi  nommée 
parce  qu*elle  avait  été  construite  par  le  fameux  mul&tre  ou  Eura- 
sien de  ce  nom,  un  des  plus  brillants  officiers  parmi  les  troupes 
irrégulières  de  1  Jnde. 

22 


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338  DE   LA    POISSANGB   MILITAIRE 

hors  de  combat,  et  900  hommes,   tant  européens 
qu'indigènes,  étaient  tués  ou  blessés. 

Dans  la  matinée  du  17,  la  Banque  était  prise,  et  ce 
progrès  donnait  tout  d'abord  aux  canons  anglais  Ta- 
vantage  décommander  le  palais.  Cependant,  les  in- 
surgés, dont  les  pertes  avaient  été  considérables  jus- 
que-là, mais  qui  savaient  leur  retraite  assurée  par  le 
pont  de  la  Jumna,  ne  paraissaient  pas  encore  décou- 
ragés et  continuaient  à  se  défendre  énergiquertient, 
tout  en  se  repliant  sur  \A  partie  orientale  de  la  ville, 
ailh  de  n'être  point  coupés  de  leurs  communications 
avec  le  pont  Cette  dernière  considération  leur  faisait 
abandonner  complètement,  dans  la  soirée  du  17,  la 
batterie  de  Kissengunge,  et  les  pièces  qui  la  compo- 
saient portaient  bientôt  k  800  le  nombre  des  canons 
récupérés  par  les  Anglais. 

Dans  la  même  journée  du  17,  lé  commandant  de 
la  force  auxiliaire  de  Cafchcmyre,  le  dewan  Hurl*ee- 
Ghund,  succombait  au  choléra.  C'était  une  perte  re- 
grettable pour  le  maharaja  Rhumbeer-Sing,  dont  le 
dewan  était  un  des  serviteurs  les  plus  dévoués  et  les 
plus  expérimentés. 

Pendant  les  journées  du  18  et  du  19,  les  Anglais 
continuèrent  à  faire  de  nouveaux  progrès;  l'ennemi 
ne  soutenait  plus  qu'une  lutte  partielle  et  inconstante 
du  haut  des  maisons  dans  le  quartier  de  la  Djemâa- 
Musjid  ;  son  but  n'était  pluo  ^ue  de  donner  à  ses  ba- 
gages le  temps  de  prendre  les  devants  sur  la  rive 
gauche  de  la  Jumna.  Les  cipayes  avaient  reconnu, 
dès  le  18,  que  la  ville  n'était  plus  tenable,  et  ils  avaient 


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DBS   ANGLAIS   DANS   L'INDE.  339 

immédiatement  pris  toutes  leurs  mesures  pour  mettre 
en  sûreté  leur  butin  et  leurs  familles,  en  se  proposant 
de  les  suivre  à  leur  tour  lorsque  l'encombrement  au- 
rait cessé  sur  le  pont.  Des  flots  d'hommes  et  d'ani- 
maux sortaient  aussi  par  la  porte  Adjmeere,  et  cette 
étrange  émigration  n'est  certainement  pas  l'un  des 
épisodes  les  moins  frappants  dans  l'histoire  de  cette 
guerre. 

Le  20  septembre,  par  suite  de  l'abandon  de  Kis- 
sengunge  par  les  révoltés,  le  bastion  Burn  et  la  porte 
de  Lahore,  avec  six  canons  et  un  mortier,  étaient 
pris  sans  combat.  La  porte  Adjmeere  et  les  ouvrages 
extérieurs  qui  l'entouraient  du  côté  du  camp  des  ci- 
payes  avaient  cessé  leur  feu  et  étaient  abandonnés.  Il 
en  était  de  même  de  la  Djemâa-Musjid  et  du  palais, 
dont  les  derniers  défenseurs  étaient  exterminés  ou  «n 
fuite. 

Après  six  jours  d'un  combat  ininterrompu,  Delhi 
était  enfin  aux  Anglais;  61  officiers  et  1,718  hommes 
tués  ou  blessés  attestaient  l'énergie  déployée  par  les! 
cipayes  dans  la  défense  de  la  ville. 

Le  général  Nicholson,  le  major  Reid,  du  bataillon 
de  Sirrooor;  le  colonel  Campbell,  du  52%  figuraient 
parmi  les  officiers  blessés.  Les  lieutenants  Bradshaw, 
du  52'',  et  Fitzgerald,  du  75%  comptaient  au  nombre 
des  tués. 

A  partir  du  19  septembre,  une  panique  générale 
semblait  s'être  emparée  des  insurgés.  Us  avaient  dé-* 
serté  leur  camp  devant  la  porte  Adjmeere,  abandon- 


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3A0  DE   LA   PDISSANGB   MILITAIRB 

nant  leurs  tentes,  leurs  vêtements  et  leurs  munitions. 
Quelques  jours  plus  tard,  Delhi  était  complètement 
dépourvue  d'habitants.  Les  maisons,  les  mosquées^ 
les  bazars,  étaient  vides;  la  capitale  de  T Inde  mu- 
sulmane, avec  ses  150,000  âmes,  ressemblait  à 
Pompel  ou  à  une  de  ces  villes  des  contes  arabes  dont 
les  habitants  sont  changés  en  pierres. 

Le  21  septembre,  le  capitaine  Hodson,  envoyé^ 
avec  un  détachement  de  cavalerie  légère,  à  la  pour- 
suite des  insurgés,  atteignit  le  vieux  roi,  qui  fut  ra- 
mené prisonnier  à  Delhi.  Le  même  détachement, 
ayant  entouré  la  tombe  d'Humaioun,  non  loin  de 
Kooluby  s'empara  des  princes  Mirza-Moghul,  Mirza* 
Khisra  et  Mirza-Aboo-Buser,  fils  et  petit-fils  de  TEm- 
pereun  Ces  rebelles  royaux  avaient  pris,  on  le  sa* 
vait,  la  part  la  plus  active  à  la  rébellion  ;  ils  furent 
exécutés  sur  place  et  leurs  corps  exposés  devant  la 
résidence,  aux  regards  des  rares  habitants  qui  com- 
mençaient k  rentrer  en  ville  et  à  reprendre  possession 
de  leurs  maisons. 

Le  S3,  deux  forles  colonnes  furent  organisées  pour 
rétablir  Tordre  dans  les  environs  de  Delhi  et  sortirent 
de  la  place  dans  la  matinée.  Chacune  comptait 
1,600  hommes  d'infanterie,  500  hommes  de  cavale- 
rie, un  détachement  d'artillerie  à  <^heval  et  16  ca- 
nons. Ces  colonnes,  lancées  sur  la  rive  droite  et  sur 
la  rive  gauche  de  la  Jumna,  devaient  empêcher  toute 
tentative  de  rassemblement  des  rebelles,  en  fuite 
dans  les  directions  de  Muttra  et  d'Âlighur. 

La  première  de  ces  colonnes»  commandée  par  le 


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DliS  ANGLAIS  DANS   l'iNINB.  3&1 

colonel  Greathed ,  surprit  la  queue  des  fuyards  qui 
se  dirigeaient  sur  TOude  à  Bolundshuhur,  où  les  re- 
belles dMhansi  avaient  pris  position  avec  du  canon, 
afin  de  couvrir  la  retraite.  Après  un  engagement  assez 
meurtrier,  les  insurgés  furent  culbutés  et  poursuivis 
dans  toutes  les  directions,  abandonnant  leurs  canons 
et  leurs  munitions.  Le  lendemain,  le  colonel  Greathed 
fit  sauter  le  fort  de  Malarghur,  qui  était  évacué  par 
Tennemi,  et,  le  S9,  il  occupait  Alighur,  ayant  com- 
plètement nettoyé  les  abords  de  Delhi  sur  la  rive 
gauche  de  la  Jumna. 

La  seconde  colonne,  qui  devait  être  commandée 
dans  le  principe  par  le  général  Nicholson  (mort  de 
ses  blessures  le  S3),  avait  suivi  de  son  côté  la  route 
d'Agra  et  atteint  les  fuyards  de  la  rive  droite,  le  28, 
à  Muttra.  Quelques  coups  de  canon  avaient  suffi  pour 
les  disperser,  et,  à  dater  de  ce  jour,  la  tranquillité 
était  complètement  rétablie  dans  le  district  de  Delhi. 
Toute  l'attention  allait  se  porter  désormais  sur  TOude, 
dont  le  général  Havelock  dégageait  le  25  septembre 
Phérolque  garnison  à  la  suite  d'une  série  de  combats 
qui  feront  l'objet  d'un  chapitre  spécial  de  ce  résumé 
historique. 

11  est  inutile  de  faire  ressortir  ici  l'importance  de 
la  prise  de  Delhi  et  l'influence  qu'elle  ne  pouvait 
manquer  d'exercer  sur  la  suite  des  opérations.  Pour 
employer  l'expression  d'un  des  organes  les  plus  ac- 
crédités de  la  presse  anglaise,  cette  victoire  avait 
cassé  le  cou  à  rinsurrectiorij  la  tête  de  la  révolte  était 
écrasée,  il  n'en  restait  plus  que  des  tronçons  dis* 


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•^/|2  DB   LA   PUISSANCE   MILITAIRB 

perses  qui  allaient  se  tordre  dans  leur  impuissance. 

Toutefois,  bien  que  l'attention  fût  concentrée  sur 
Delhi  et  que  la  chute  de  cette  capitale  fût  à  bon  droit 
considérée  comme  le  point  capital  de  la  lutte,  les 
difficultés  de  la  guerre^  en  changeant  de  nature,  ne 
cessaient  point  pour  cela  d'exister. 

La  prise  de  Delhi  devait  avoir  pour  conséquence 
naturelle  la  liberté  d'action  rendue  à  bon  nombre  de 
/ses  défenseurs,  qui  allaient  se  présenter  sur  d'autres 
points  et  grossir  d'autres  corps  de  rebelles.  On  devait 
s'attendre  à  les  voir  errer  en  troupes  suffisamment 
nombreuses  pour  piller  les  malheureux  habitants 
dans  les  districts  situés  en  dehors  de  la  sphère  d'ac- 
tion des  détachements  anglais.  De  tout  temps,  ce 
genre  de  vie  a  été  familier  aux  tribus  militaires  de 
rinde,  qui  estiment  plus  honorable  de  vivre  par 
l'épée  que  par  la  charrue. 

On  n'a  pas  oublié  les  ravages  exercés  par  les  Hah- 
rattes  et  les  Pindarries,  et  les  brigandages  commis 
dans  rinde  centrale  par  les  Radjpoots.  On  a  vu  l'un 
des  meilleurs  généraux  de  l'Angleterre,  l'illustre 
Wellesley,  obligé  de  lutter  contre  un  chef  de  voleurs 
(Hoondiah-Waught)  et  réduit  à  le  combattre  en  ba- 
tailles rangées  comme  une  puissance  régulière.  Jus- 
qu'à l'époque  des  grandes  guerres  dans  lesquelles 
l'Angleterre  a  dispersé  les  tribus  pillardes  de  l'Inde 
et  assis  définitivement  son  autorité  sur  des  contrées 
qui,  jusqu'alors,  avaient  été  des  repaires  où  le  bri- 
gandage s'exerçait  sur  la  plus  grande  échelle,  il  y 
avait  en  Asie  des  millions  d'hommes  qui  ne  vivaient 


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DBS  ANGLAIS  DAN^   l'iND^,  34^ 

que  de  pillages,  de  vols  et  de  meurtres.  Formés  eo 
bandes  ()e  plusieurs  milliers  d'hommes,  recrutant 
tous  les  soldats  des  contijigents  licenciés  dans  les 
États  annexés,  ils  s'éjançaientà  la  recherche  du  butin 
le  plus  riche  ou  le  plus  facile,  soit  dans  une  ville»  soi|; 
dans  une  province, 

La  guerre  actuelle,  jl  faut  raisonnablement  s'y  at- 
tendre, doit  avoir  pour  effet  de  ramener  jusqu'à  un 
certain  point  les  choses  à  cet  ancien  état,  que  bien 
des  vieux  indigènes,  jMusulmans  ou  Hindous,  re- 
grettent vivement  comme  Tâge  d'or  de  leur  pays, 
]/armée  du  Bengale,  les  cipayes  chassés  de  Delhi,  de 
Lucknow,  reprendront,  pour  un  temps  au  moins,  les 
usages  de  leurs  ancêtres,  dont  ils  conservent,  dit-on, 
le  souvenir  par  des  histoires  et  des  poèmes  tradition- 
nels. 

Ce  qui  importe  le  plus  aujourd'hui,  c'est  que  |,es 
mesures  adoptées  soient  les  plus  propres  à  diminuer 
la  durée  de  cette  ère  de  désordres  et  de  dévastation^ 
et,  il  ne  faut  pas  se  le  dissimuler,  ce  ne  sera  pas  unç 
t&che  facile  que  de  purger  le  sol  de  maraudeurs  à 
qui  le  désespoir  peut  donner  quelque  courage  et  qui, 
certainement,  multiplieront  leurs  crimes  en  propor- 
tion de  la  brièveté  du  |emps  qui  leur  sera  laissé. 

L'étude  des  moyens  à  employer  pour  dominer  cette 
situation,  l'examen  des  modifications  ou  des  réfortpes 
que  l'Angleterre  doit  apporter  dans  l'organisation  de 
sa  puissance  militaire  dans  les  Indes,  enfin  la  disci^- 
sion  du  plan  de  campagne  et  du  mode  de  guerre  qui 
seront  suivis  par  les  généraux  anglais,  sont  autant  de 


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â&ft  DE  LA  PD1S8ÀRCB  MîLITAtRB 

questions  qui  doivent  mériter  toute  Tattentlon  du 
monde  militaire  et  sur  lesquelles  nous  nous  proposons 
de  nous  arrêter  en  terminant  notre  travail. 

Si  grave,  du  reste,  que  soit  la  position  des  Anglais 
en  présence  de  leurs  colonies  révoltées,  il  ne  faut  pas 
oublier,  pour  la  juger  sainement,  tout  ce  que  ce 
peuple  apporte  de  persévérance  dans  ses  entreprises. 
La  volonté,  la  ténacité,  qui  caractérisent  à  un  si  haut 
degré  la  race  anglo-saxonne,  sont  précisément  les 
qualités  qui  lui  seront  le  plus  utiles  pour  mener  à 
bonne  fin  la  pacification  de  Tlnde;  elles  pèseront  plus 
dans  la  balance  que  les  gros  bataillons.  Ces  qualités 
ont  brillé  du  plus  vif  éclat  au  milieu  des  épreuves  de 
1857,  et,  comme  le  proclame  à  juste  titre  le  gouver^ 
neur-général  dans  Tordre  du  jour  par  lequel  nous 
terminons  ce  chapitre,  TAngleterre  leur  a  déjà  dû  de 
voir  se  terminer  heureusement,  .et  sans  Taide  des 
renforts  de  la  mère-patrie,  Tépisode  le  plus  impor- 
tant qui  soit  à  enregistrer  depuis  le  commencement 

de  la  guerre. 

Fort  WilUana,  2  octobre. 

a  Le  très  honorable  gouverneur-général  a  reçu  en 
9  conseil  la  nouvelle  que  Delhi  est  tombé  entre  les 
»  mains  deTarmée  du  major-général  Wilson. 

»  Delhi,  le  centre  de  la  trahison  et  de  la  révolte 
»  qui,  pendant  quatre  mois,  ont  agité  THindoustan, 
»  et  la  forteresse  dans  laquelle  l'armée  mutinée  de 
»  Bengale  a  essayé  de  se  concentrer,  ont  été  arrachées 
»  aux  rebelles.  Le  roi  de  Delhi  est  prisonnier  dans 
»  son  palais.  I^  quartier-général  du  major-général 


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DBS  ANGLAIS  DANS   l/iNDB.  3&5 

»  Wilson  est  établi  dans  le  palais  impérial.  De  fortes 
B  colonnes  poursuivent  les  fuyards. 

»  Quels  que  soient  les  moUrs  qui  ont  excité  les  sol- 
»  dats  à  la  rébellion  et  au  crime,  il  est  certain  quMIs 
n  y  ont  été  encouragés  par  cette  croyance,  que  les 
9  Indes  étaient  faiblement  protégées  par  TAngleterre 
»  et  qu'avant  que  le  gouvernement  pût  rassembler  ses 
«  forces  ils  auraient  atteint  leur  but. 

i»  Ils  sont  maintenant  détrompés. 

»  La  tâche  s* est  donc  trouvée  accomplie  avant  que 
»  les  bataillons  détachés  au  Bengale  par  les  forces  de 
»  la  Reine  qui  sont  en  Chine  et  ceux  envoyés  par  les 
9  colonies  de  TEst  aient  pu  parvenir  jusqu'à  Tarmée 
9  du  major-général  Wilson.  G*est  par  le  courage  et  la 
»  patience  de  cette  armée  seule,  par  Thabileté,  la 
»  prudence  et  Ténergie  de  leur  brave  chef,  par  Taide 
9  de  quelques  indigènes  restés  fidèles  au  devoir,  enfin 
9  par  la  bénédiction  de  Dieu,  que  la  tête  de  la  rébel- 
9  lion  a  été  écrasée  et  que  la  cause  du  patriotisme,  de 
9  Thumanité  et  de  la  civilisation  a  été  vengée. 

9  Le  gouverneur-général  ne  veut  pas  tarder  un 
»  instant  à  exprimer  sa  reconnaissance  aux  ofliciersy 
9  aux  soldats  et  au  commissaire  du  Pendjaub,  qui 
9  vient  de  rendre  dans  cette  crise  un  service  signalé 
9  à  Tempire. 

9  C'est  à  sir  John  Lawrence,  K.  C.  B.  (1),  qu*on 
9  doit  le  salut  de  l'armée  devant  Delhi.  Depuis  long- 
Ci)  Ces  initiales ,  que  1*od  retrouvera  quelquefois  encore  à  la 
suite  du  nom  des  fonctionnaires  ou  généraux  anglais  que  nous 
aurons  à  citer,  indiquent  leur  grade  dans  l*ordre  du  Bain. 


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S&6  DR  LA  PUISSANCE   MIUTAIRB,   BTC. 

»  temps  privée  de  tout  secours,  elle  aurait  été  aDéau- 
x>  tie  peut-être  sans  Tactivité  de  sir  John  Lawrence, 
»  qui  a  su  lui  faire  passer  des  renforts  et  a  mis  son 
»  commandant  en  état  de  garder  sa  position  et  de 
»  remporter  un  succès  complet. 

»  Par  ordre  du  gouyerneur-généra}  de  Tlnde  en 
»  conseil, 

»  R.-J.-H.  BiRGH, 

Colonel  et  secrétaire  du  gouvernement  de  rinde. 

4 

Cet  ordre  du  jour  et  les  éloges  quUl  renferme  n'é- 
taient que  justes.  Les  vainqueurs  de  Tantique  cité 
mogole  avaient  bien  mérité  de  l'Angleterre.  En  di- 
sant :  //  était  de  l'armée  de  Delhi^  on  devait  résumer 
dans  l'avenir,  pour  tous  ceux  qui  avaient  assisté  à 
cette  lutte  mémorable,  tous  les  titres  de  gloire  que 
peut  ambitionner  un  soldat. 


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CHAPITRE  XV. 

SoiOfAiRE  :  La  guerre  (POwie  et  le  siège  de  Lucknùw.  —  Traités 
de  la  Compagnie  avec  les  souverains  de  TOude.  —  Détails  sur 
le  prince  dépossédé  et  sur  sa  famille.  —  Situation  du  dernier 
roi  visÂ-vIs  des  Taloukdars  ou  grands  propriétaires.  —  Anar- 
chie résultant  de  la  faiblesse  du  gouvernement.  —  Caractère  de 
la  révolte  dans  TOude.  —  Elle  n'est  pas  plus  nationale  dans 
cette  province  que  dans  le  reste  de  llnde.  —  Villes  principales 
de  rOude,  description  de  Lucknow;  esprit  de  sa  population. 
—  Forces  militaires^européennes  et  indigènes,  au  début  de  la 
révolte.  —  Mesures  adoptées  par  sir  Henry  Lawrence.  —  Affoire 
de  CbinâL  —  Évacuation  des  cantonnements  et  du  Muchee- 
Bawan.  —  Description  de  la  Résidence,  son  enceinte,  sonr  sys- 
tème de  défenses.  — Mort  de  sir  Henry  Lawrence.  —  Souffrances 
inouïes  des  assiégés.  —  Mort  du  major  Banks,  second  com- 
mandant de  la  Résidence.  —  Le  Français  Duprat.  ^  Assauts 
du  2,  du  8,  et  du  20  juillet;  du  18  août  et  du  5  septembre.  — 
Les  généraux  Havelock  et  Outram.  —  Forces  et  composition  de 
la  colonne  de  Cawnpour.  —  Passage  du  Gange  (19  septembre). 
Combat  deMungarwar  (21  septembre).  —  Combat  d'Alurobagh 
(23  septembre) —  Ravitaillement  de  la  Résidence  et  mort  du 
général  Neill  (25  septembre),  —  Ordre  du  jour  du  gouverneur- 
général.  —  Second  siège  de  la  Résidence.  —  Expédition  du 
général  en  chef  sir  Colin  Campbell.  —  Seconde  délivrance  de 
la  Résidence.  —  Évacuation  du  poste.  —  Mort  du  général 
Havelock.  —  Rapport  du  colonel  Inglis,  troisième  et  dernier 
commandant  de  la  Résidence.  —  Ordre  publié  par  le  gouver- 
neur-général en  conseil,  à  Toccasion  des  sièges  de  Lucknow. 

Fondé  en  i711,  à  l'époque  du  premier  démembre- 
ment de  Tempire  mogol  sous  Schah-Alum  1^,  le 
royaume  d*Oude,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  au  cha- 
pitre 6,  eut  pour  premier  souverain  Saadet-Khan,  le 
chef  de  la  dynastie  actuelle,  dont  le  dernier  héritier, 
Wajid-Ali,  dépossédé  en  1856  par  lord  Dalhousie, 
est,  au' moment  où  nous  écrivons,  prisonnier  à  Cal- 
cutta (1). 

(1)  Malikah  Kischwar  (la  souveraine  du  pays),  la  reine  douai* 


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3&8  DB   LA  PUI8SANGB  MILITAIRE 

C'est  à  Tannée  1765  qu*ii  faut  remonter  pour 
trouver  le  premier  traité  conclu  par  l'Angleterre  avec 
les  souverains  de  TOude.  Trois  ans  auparavant, 
Souja-Doula,  le  roi  régnant»  s'était  acquis  une  grande 
influence  dans  le  haut  Hindostan  par  la  victoire  rem* 
portée  à  Paniput  sur  les  Mahrattes;  mais,  en  176ii, 
son  intervention  dans  les  démêlés  de  la  Compagnie 
avec  le  soubah  du  Bengale,  Hir-Cossim,  avait  grave- 
ment compromis  son  indépendance*  Défait  k  la  ba- 

rière  d*Oude,  qui  est  venue  mourir  à  Paris  au  mois  de  février  der- 
nier, était  veuve  du  roi  d**Oude  Amjad-Ali-Scbah,  et  mère  du 
sulun  Ifoliammed  Wajid-Ali-Schali»le  roi  dépossédé  en  1856. 
Cette  reine,  à  qui  son  dévouement  aux  intérêts  de  son  flis  et  ses 
malheurs  assurent  une  place  distinf^ée  parmi  les  personnages  de 
rinde  contemporaine,  éuit  fille  du  nabab  Hussein -Uddin-Khan- 
Babadour,  lequel  était  fils  du  nabab  Nizam  Uddaula-lfuln-Ulmuk, 
grand  visir  d'Alum-Gbuir  II,  empereur  de  Delhi. 

Le  roi  d'Oude  Wajid-Ali>  sous  la  dir^tion  de  cette  mère  éner- 
gique et  dévouée,  a  reçu  (au  point  de  vue  oriental  du  moins)  la 
plus  brillante  éducation.  Ce  n*est  pas  une  brute  comme  certains 
journaux  Font  affirmé  ;  il  est  versé  dans  Fhistoire  et  dans  la  litté- 
rature ancienne  et  moderne,  et  auteur  de  plusieurs  ouvrages 
estimables  dont  on  trouve  même  des  exemplaires  dans  les  biblio- 
thèques de  TEurope.  Quelque  opinion  que  Ton  ait  d^ailleurs  sur 
Wajid-Ali,  quant  à  la  politique  et  à  Tadministration ,  on  doit 
néanmoins  le  considérer  comme  un  écrivain  bindoustani  remar- 
quable. Le  choix  des  persounages  qu*ii  avait  désignés  pour  accom- 
pagner sa  mère  en  Europe,  et  qui  semblent  tous  avoir  été  ses 
commensaux  et  ses  amis,  vient  à  t*appui  de  cette  opinion  sur 
la  culture  d*esprit  du  monarque  d*Oude.  Parmi  les  serviteurs  en 
quesUon,  le  Ifoulvie  M abi-Eddin  est  auteur  d'une  géographie  et 
de  plusieurs  histoires;  —  le  said  Abdullah,  Finterprète  de  la  reine 
défunte,  et  qui  a  épousé  une  Anglaise,  est  également  un  poète 
rempli  de  grâce.  Les  journaux  ont  rendu  compte  de  son  élégie 
sur  la  mort  de  sir  Henry  Lawrence,  et  de  ses  impressions  de 
voyage  :  Guldasta-i^Inglistan  (le  bouquet  d* Angleterre). 


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DES  ANGI^ilS  DANS  L'iNDE.  3&9 

taille  deBouxar  par  sir  Hector  Munroe,  Souja-Doula 
avait  été  réduit  à  se  rendre  au  colonel  Carnac  et  à 
implorer  la  clémence  des  Anglais. 

A  cette  époque,  les  Goorkbas,  les  Porbottis,  les 
Nepaulèses,  aujourd'hui  les  alliés  fidèles  de  TAngle- 
terre  et  qui  rendent  dans  les  montagnes  situées  au 
nord  du  royaume  d'OudOt  vivaient  dans  des  habi- 
tudes de  désordres  et  de  brigandages  qui  les  ren« 
daient  un  sujet  d'inquiétudes  perpétuelles  pour  les 
provinces  du  sud. 

Lord  Clive,  appréciant  le  caractère  de  Souja- 
Doula,  résolut  de  faire  du  royaume  d'Oude  une  bar- 
rière infranchissable  entre  le  Bengale  et  ces  tribus 
guerrières  du  haut  Hindostan.  C'est  dans  ce  but  qu'il 
rétablit  Souja  dans  ses  États  et  que  fut  conclu,  au 
mois  d'août  1765,  le  premier  des  seize  traités  qui  ont 
réglé  successivement  jusqu'en  1837 »  date  du  dernier^ 
la  situation  politique  du  royaume  d'Oude  vis-à-vis  de 
la  Compagnie. 

Sans  prétendre  justifier  ces  annexions  de  terri- 
toires qui  se  sont  accomplies  d'année  en  année  sous 
la  pression  de  la  nécessité,  et  souvent  par  des  con« 
quérants  sans  le  vouloir,  nous  allons  entrer,  à  cause 
du  rôle  important  que  joue  le  royaume  d'Oude  au 
milieu  des  événements  contemporains,  dans  quelques 
détails  sur  les  circonstances  qui  ont  amené  son  alh 
sarpHm  par  la  Compagnie. 

En  1801,  quelque  temps  après  l'apparition  des 
Affghans  de  Zemanschah  sur  la  rive  gauche  de  Tin- 
dus,  préoccupé  des  dangers  que  pouvait  faire  courir  à 
Tempire  anglo-indien  le  retour  de  ces  peuplades 


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350  DE   LA   PUISSAIVGB  HiLitAIBB 

guerrières,  le  comte  de  Mornington  crut  devoir  leur 
enlever  des  auxiliaires  probables  en  poursuivant  le 
licenciement  des  armées  indigènes  entretenues  par  les 
souverains  soumis  à  Tascendant  de  la  Compagnie. 
J.e  roi  d'Oude  était  du  nombre.  Sous  la  main  de  fer 
qui  rétreignait,  le  malheureux  prince  dut  céder.  Par 
le  traité  de  1801,  son  pouvoir  militaire  fut  annulé, 
ses  troupes  indigènes  furent  licenciées,  et  la  Compa- 
gnie lui  imposa  l'abandon  d'un  territoire  dont  les 
revenus  étaient  l'équivalent  de  la  solde  d'un  corps  de 
troupes  anglaises  mis  gratuitement  &  sa  disposition. 
Les  districts  cédés  à  la  Compagnie  représentaient  un 
revenu  d'environ  38  millions  (13,523,474  roupies). 
En  échange,  la  Compagnie  garantissait  au  roi  d'Oude 
et  à  ses  successeurs  la  possession  du  surplus  de  ^n 
royaume,  avec  l'eœercice  de  leur  commune  autorité. 
Le  roi  s'engageait,  en  outre,  à  établir  dans  ses  pos- 
sessions réservées  un  système  d'administration  favo- 
rable à  la  prospérité  des  habitants  et  calculé  de  ma^ 
nière  à  sauvegarder  leurs  vies  et  leurs  propriétés; 
a  il  devait^  d'ailleurs,  cofisulter  sur  toutes  choses  les 
agents  de  l'honorable  Compagnie^  afin  d*agir  de  tous 
points  conformément  à  leurs  conseUs.  » 

L'état  de  choses  ainsi  constitué  en  1801  par  Henry 
Wellestey  (1)  s'est  maintenu  jusqu'en  1856,  époque 
de  l'annexion.  On  comprend  aisément  à  quoi  s'est 
trouvée  réduite,  pendant  cette  période,  la  souverai- 
neté garantie  aux  princes  de  TOude.  Plongés  dans  les 

(i)  Frère  cadet  du  comte  de  Mornington  et  du  duc  de  Welling- 
ton, chargé,  sous  Tadministration  du  premier,  de  régler  la  situa- 
tion des  princes  d'Oiide  vis-à-vis  de  la  Compagnie. 


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DBS   ANGLâl^  DANS   L^fNDÉ.  851 

'ihf&mes  voluptés  du  zenanab,  ce  mauvais  Héu  où, 
suivant  Texpression  d'un  écrivain  anglais,  il  n'y  avait 
de  chaste  que  les  eunuques,  de  raisonnable  que  les 
animaux  apprivoisés,  les  prédécesseurs  de  Wajid-All 
sont  passés  tour  à  tour  sur  le  musnud  sans  laisser 
trace  d*uhe  Initiative  politique  quelconque. 

Leurs  ministres ,  dépositaires  de  cette  ombre  de 
pouvoil*  qui  leur  avait  été  laissée,  et  incapables  de 
maintenir  dans  Tobéissatice  les  Zemtndan  ou  Tcdouk- 
dars^  ces  sujets  émancipés  qui,  dans  le  domaine 
royal,  se  taillaient  chaque  jour  des  baronnies  indé- 
pendantes,  ont  été  tenus  dans  une  terreur  incessante 
de  cette  féodalité  turbulente  organisée  dans  TOude, 
comme  dans  le  reste  de  Tlnde,  pendant  les  années 
d'anarchie  qui  suivirent  la  chute  de  Tempire  mogol. 

La  population  du  pays  d'Oude  étant  essentielle- 
ment militaire,  en  vertu  de  traditions  et  de  circon- 
stances historiques  qui  se  perdent  dans  la  nuit  des 
âges,  les  Zemindars  n'éprouvaient  aucune  difficulté  à 
enrôler  deft  bandes  d'hommes  d'armes  prêtes  à  mar- 
cher au  premier  signal  de  leur  patron,  et  contre 
n'importe  lequel  de  ses  ennemis,  fût-ce  le  souverain 
lui-même.  Sous  les  derniers  rois  d'Oude,  et  particu- 
lièrement sous  le  règne  de  Wajid-Ali,  les  Zemindars 
n'étaient  plus,  comme  dans  le  principe,  les  riches 
propriétaires  ou  fermiers  dont  nous  avons  marqué  la 
place  et  les  attributions  dans  notre  tableau  de  l'orga- 
nisatioa  politique  et  sociale  de  l'empereur  Akbar  : 
c'étaient  de  hauts  et  puissants  seigneurs  ayant  forte- 
reiBse  à  créneaux^  menant  leur  contingent  à  la  guerre 
et  toujours  prêts  à  se  révolter  contre  leur  souverain  si 


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352  DB  LA  PDI8SANGB  MILITAIBB 

celui-ci  s'avisait  de  prendre  trop  au  sérieux  ou  ses 
droits  ou  ses  devoirs  xhouarchiques. 

Voici  en  quels  termes  le  colonel  SIeeman  (1)  ré- 
sume la  situation  du  pays  d'Oude  pendant  les  der- 
nière&années  qui  ont  précédé  l'annexion  :  «  Àu-des- 
»  sus  d'une  population  misérable,  que  déciment  les 
»  guerres  privées,  qu'épuise  l'impôt  perçu  sous  mille 
»  formes,  régnent  en  définitive  les  Taloukdars,  ces 
»  grands  barons  dont  nous  avons  parlé.  Autour  d'eux 
»  tout  est  corvéable  à  merci.  Ils  peuvent  impunément 
»  commettre  les  crimes  les  plus  odieux  ;  aucun  re- 
»  dressement  possible  contre  leurs  usurpations  tyran- 
»  niques.  Le  gouvernement,  auquel  ils  dérobent  ou- 
»  vertement  les  deux  tiers  du  revenu  que  les  taxes 
»  produisent,  n'a  pas  le  pouvoir  de  punir  ces  inso* 
»  lents  déprédateurs;  il  en  a  encore  moins  la  volonté. 
»  Pourvu  qu'ils  achètent  à  beaux  deniers  comptants 
»  le  ministre  en  exercicct  pourvu  aue  les  jongleurs, 
9  les  musiciens,  les  bayadères  du  palais,  soient  am« 
»  plement  défrayés  ;  pourvu  que  le  nabab  voie  s*éta- 
»  1er  dans  les  orgies  dont  on  le  berce  le  même  luxe 
»  grossier,  tout  est  bien  et  tout  peut  marcher  ainsi. 
»  Cette  insouciance  brutale  n'existât-elle  pas,  que 
»  pourrait  un  prince  comme  celui  qui  règne  à  Luck- 


(i)  Le  colonel  sir  WiUiam  SIeeman,  depais  général  et  chevalier 
de  Tordre  du  Bain,  etc«,  est  surtout  connu  par  son  histoire  des 
Thuggs  (étrangleurs),  et  par  la  participation  active  qu'il  a  prise 
à  la  destruction  de  cette  secte  soi-disant  religieuse;  il  a  publié  la 
relation  de  son  yoyage  dans  FOude  six  ans  avant  Tannexion. 
(A  joumey  through  thekingdom  of  Oude,  1849-1850;  with  a  pri- 
vate  correspondance  relative  to  tbe  annexation,  etc.) 


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DES   ANGL4IS   DANS   L^INDB.  S53 

»  now  conlre  250  grands  vassaux,  dont  un  seul  peut 
»  mettre  sur  pied  10,000  hommes,  et  qui  possèdent 
»  entre  eux  tous  500  pièces  d* artillerie?  A^ussi  se 
9  garde-t-OQ  de  les  mécontenter  en  quoi  que  ce 
»  puisse  être,  et,  encouragés  ainsi,  ces  fiers  seigneurs 
A  en  viennent  parfois  à  d'étrangesr  extrénnités.  L'un 
»  d'eux,  Gholam-Husrut,  a  deux  forteresses  où  il  se 
»  retire  lorsqu'il  se  croit  menacé.  S'agit-il  de  recru- 
»  ter  ces  garnisons,  il  envoie  à  Lucknow  des  hommes 
»  à  lui,  chargés  de  faciliter  l'évasion  des  prisonniers 
»  détenus  pour  cHmes  et  délits.  Une  de  ces  tentatives 
»  (18&9)  eut  les  résultats  suivants  :  5  des  prisonniers 
»  furent  tués,  25  furent  repris,  kl  s'échappèrent  et 
»  allèrent  prendre  du  service  sous  le  drapeau  de  leur 
»  libérateur.  » 

Faut-il  à  cet  exemple  en  ajouter  mille  autres? 
Faut-il  parler  des  radjahs  de  Bitholee,  des  deux 
Gorbuksh,  père  et  fils,  dont  l'un  écume  les  routes, 
tandis  que  l'autre  s'empare  ouvertement  des  deniers 
de  l'État,  et  le  tout  en  cumulant  comme  leurs  an- 
cêtres, depuis  nombre  de  générations,  les  fonctions 
de  magistrats  héréditaires»  d'officiers  publics,  d'ad« 
ministrateurs  des  revenus  du  gouvernement! 

Ce  qu'une  pareille  situation  entraînait  de  consé^ 
quences  déplorables  est  facile  à  deviner.  Les  petites 
guerres  féodales  de  Talpukdar  à  Taloukdar,  sous  le 
dernier  règne,  allaient  chaque  jour  ruinant  davan- 
tage le  pays.  On  ne  cultivait  plus  en  paix  que  les 
terres  possédées  par  ces  riches  seigneurs»  et  là  seule- 
ment pouvait  s'apprécier  la  fertilité  de  ce  magnifique 

23 


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â5&  Dfi   LA   PUISSANCB   HILITAIRB 

territoire  réduit  à  l'état  de  désert  par  le  désordre  de 
Tadministration. 

Le  laboureur,  quand  il  avait  vu  sa  moisson  rava- 
gée, sa  chaumière  détruite,  désertait  ou  te  pays  ou 
son  ingrat  métier.  Il  émigrail  ou  se  faisait  brigand. 
Pour  peu  qu'on  suive  les  conséquences  inévitables 
d'une  pareille  insécurité,  on  comprendra  aisément 
pourquoi  le  pays  d'Oude  est  si  essentiellement  un 
pays  guerrier.  De  tous  côtés,  des  forteresses  cachées 
dans  les  bambous,  dans  les  jungles,  que  Ton  s'abste- 
hail  tout  exprès  de  défricher  ;  des  partis  errants,  des 
bandes  de  pillards  auxquelles  on  en  opposait  d'autres. 
Le  gouvernement  était  obligé  de  recouvrer  une  par- 
tie de  ses  contributions  à  force  ouverte;  la  police 
était  organisée  en  guérillas;  une  foule  d'hommes  vi- 
vaient sans  autre  vocation,  sans  autre  industrie,  que 
le  maniement  du  ivlwar  ou  du  fusil  à  mèche  ;  puis, 
brochant  sûr  le  tout,  le  recrutement  pour  l'armée  de 
la  Compagnie ,  pratiqué  là  sur  une  plus  grande 
échelle  que  dans  toute  autre  partie  de  l'Inde.  Sur  la 
portion  de  territoire  cédée  en  1801,  dit  le  colonel 
SIeeman,  celte  classe  de  condottieri  avait  disparu, 
grâce  à  l'ordre,  à  la  sécurité  qui  découlaient  de 
l'administration  européenne  ;  à  peine  trouvait-on 
5,000  hommes  à  enrôler,  tandis  que  plus  de 
60,000  officiers  ou  cipayes  étaient  recrutés  dans  les 
provinces  soumises  au  roi  d'Oude. 

Si  l'on  se  reporte  aux  termes  du  traité  de  1801  et 
si  l'on  veut  bien  considérer  que-la  responsabilité  doit 
se  mesurer  au  pouvoir  que  l'on  exerce,  on  doit  se 


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*      DBS   ANGLAIS   DANS   L*lNDB«  «S55 

demander  naturellement  comment,  sous  ^influence 
anglaise,  un  régime  aussi  abusif  que  celui  dont  nous 
venons  de  tracer  le  tableau  a  pu  se  maintenir  et  se 
développer?  Le  royaume  d*Oude  s'en  allait  en  disse* 
lution,4e  fait  est  incontestable;  il  n*y  avait  plus  d^auto- 
rîté  reconnue,  plus  de  sécurité  personnelle,  plus  de 
propriété  certaine;  partout  un  peuple  sous  les  armes; 
chaque  district,  chaque  pungannah  (village}  était 
à  tout  instant  le  théâtre  de  luttes  sanglantes.  Ce  sont 
là,  dira-t-on,  les  motifs  qui  ont  rendu  Tabsorplion 
de  rOude  nécessaire.  Soit  :  il  est  clair  que,  dans  tous 
les  pays  du  monde,  une  province,  un  royaume  tom- 
bés dans  un  pareil  état  d'anarchie  constituent  un 
danger  sérieux,  permanent,  pour  tous  les  états  voi- 
sins, et  appellent,  au  nom  même  de  la  conservation 
de  chacun,  la  plus  énergique  intervention.  Mais  n'a- 
t-en  pas  droit  aussi  de  demander  à  la  Compagnie 
comment,  avant  de  recourir  au  remède  héroïque 
qu*elle  a  employé  vis-à-vis  de  l'Oude,  comment, 
avant  d*en  arriver  à  cette  déposséssîon  du  souverain 
héréditaire  qui  constitue  une  violation  si  flagrante 
des  traités,  elle  n'a  pas  épuisé  tous  les  moyens  de 
prédominante  influence  qu'elle  avait  entre  les  mains, 
aux  termes  mêmes  de  ces  traités?  Là  est  tout  le  pro- 
cès, et,  si  la  Compagnie  parvient  à  se  faire  absoudre 
Bar  ce  dernier  chef  d'accusation,  il  restera  encore, 
pour  la  condamner,  pour  constater  son  insuffisance 
en  tant  que  puissance  civilisatrice  et  moralisante,  le 
triste  résultat  obtenu  par  ses  efforts  plus  ou  moins 
sincères  pendant  tout  un  demi-siècle  de  patronage  et 
de  tutelle  exercés  de  la  façon  la  plus  abeoiue. 


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S56  DE  LA  POISSANGE  MILITAIRE 

H  e&t  facile  de  comprendre,  après  cet  exposé , 
pourquoi  et  comment  le  royaume  d^Oude  est  devenu 
en  1857  le  principal  théâtre  de  la  formidable  insur- 
rection qui  a  ébranlé  Tempire  angIo*indien.  Avant 
d^entrer  dans  le  détail  des  événements  accomplis  à 
Lucknow  et  dans  le  reste  de  TOude.  il  est  bon  de 
leur  restituer  leur  véritable  caractère,  singulièrement 
dénaturé  par  quelques  écrivains  en  Angleterre,  tout 
aussi  bien  qu'en  France. 

Nous  croyons  avoir  démontré  que  rinsurrection 
de  1857  avait  été  essentiellement  militaire  et  nulle- 
ment nationale  ;  nous  ne  reviendrons  pas  sur  cette 
thèse,  qui  a  pu  rencontrer  des  contradicteurs  au  dé« 
but  des  événements,  mais  sur  laquelle,  en  présence 
de  Tindifférence  complète  dont  ont  fait  preuve  les  po* 
pulations  du  Bengale  et  du  reste  de  Plnde  pendant  la 
guerre^  il  serait  puéril  dMnsister  aujourd'hui.  Uneob* 
servation  analogue  doit  être  faite  à  propos  de  TOude. 

On  se  tromperait  étrangement  si  Ton  pensait  que 
le  patriotisme,  Tamour  de  Tindépendanee,  le  dévoue- 
ment à  la  dynastie  dépo^dée,  ont  contribué  en  quoi 
que  ce  soit  à  donner  dans  TOude  k  la  résistance  des 
rebelles  les  proportions  importantes  qu'on  a  pu  re- 
connaître. L'état  même  de  cette  province,  dont  nous 
avons  cherché  à  donner  une  idée  au  lecteur,  suffit  à 
faire  comprendre  pourquoi,  là  plus  qu'ailleurs,  l'in- 
surrection a  dû  trouver  des  auxiliaires.  Au  moment 
de  la  révolte,  indépendamment  des  50,000  cipayes 
de  l'armée  du  Bengale,  qui  étaient  originaires  de 
i'Oudeet  qui  ont  regagné  leurs  foyers;  indépendam* 
ment  des  &0,000  soldats  licenciés  par  suite  de  l'an* 


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DBS  AKGLAIS  DAKS   t'iNDlS.  357 

nexiou ,  il  y  avait  encoredans  ce  pays  les  100,000  Satel- 
lites des  Tahukdars^  que  les  habitudes  traditionnelles 
et  militaires  maintenaient  toujours  sous  les  armes. 
Par  le  fait,  Tannihilation  de  la  vieille  royauté  dynas- 
tique n*a  été  un  véritable  grief  pour  personne.  On 
avait  supporté  Wajid- Ali  et  ses  prédécesseurs  en  les 
méprisant;  on  les  voyait  tomber  sans  regret.  Mais, 
si,  par  là,  aucun  intérêt  vital  ne  se  trouvait  froissé, 
il  n*en  était  pas  de  même,  en  ce  qui  regardait  les 
classes  élevées,  de  l'application  du  régime  européen 
aux  états  de  Tex-roi.  Les  Taloukdars  et  Zemindars, 
habitués  à  trouver  dans  Wajid-Ali  un  créancier  fort 
commode,  se  sont  vus  menacés  dans  leur  indépen- 
dance graduellement  conquise,  menacés  aussi  dans 
leurs  intérêts,  dans  la  possession  de  ces  vastes  do- 
maines agrandis  depuis  un  siècle  par  tous  les  moyens 
permis  ou  défendus. 

Après  avoir  plié  pendant  un  an,  mais  non  sans  ir- 
ritation, tous  ces  grands  feudataires,  jusque  là  divi- 
sés, se  sont  réconciliés  dans  la  prévision  d*une  résis- 
tance prochaine.  L'un  d'eux,  le  radjah  de  Toulsepore, 
plus  audacieux  que  les  autres,  avait  même  devancé 
le  signal  donné  par  le  soulèvement  des  cipayes  du 
Bengale.  Il  s'était  révolté  ouvertement.  Fait  prison- 
nier, il  est  mort  dans  la  geôle  de  la  Résidence  pendant 
le  premier  siège  de  Lucknow.  Instruits  par  cet 
exemple,  les  autres  ont  dissimulé  pendant  un  an  leurs 
sourdes  rancunes,  afin  dé  les  satisfaire  plus  sûre- 
ment. 1857  leur  a  donné  raison.  La  guerre  d'Oude 
n'est  donc  pas  plus  une  guerre  nationale  que  celle 


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^58  ou    LA.   PUI^SANGI*:    MlLlTAlRIi 

qui  a  désolé  le  reste  de  Tlnde.  Dans  le  Bengale, 
c'était  la  guerre  des  cipayes  ;  dans  TOude,  c'est  la 
guerre  des  Taloukdars,  Ni  les  cipayes  ni  les  Talouk^ 
dars  ne  représentent  les  populations  ;  quant  aux  faci- 
lités que  les  derniers  ont  rencontrées  dans  forgani- 
sation  du  pays  pour  fortifier  leur  résistance,  nous  les 
avons  expliquées  plus  haut  et  ne  croyons  pas  avoir 
besoin  d'y  revenir. 

Le  territoire  d'Oude,  nommé  en  sanscrit  Jyod'hya^ 
c'est-à-dire  V Inattaquable^  s'étend  au  sud*est  des 
districts  de  Delhi  et  d'Agra,  au  nord  et  à.  l'ouest  du 
Behar.  Borné  lui- même  au  nord  par  le  Nepaul,  il  se 
trouve  entouré  de  tous  les  autres  côtés  par  les  posses- 
sions de  la  Compagnie.  Il  n'a  pas  une  bien  grande 
étendue,  et  sa  population  ne  dépasse  guère  5  mil- 
lions d'habitants;  mais  il  est  un  des  pays  les  plus 
fertiles  du  globe  et  un  des  plus  intéressants  par  ses 
souvenirs,  qui  remontent  à  la  plus  h*aute  antiquité. 

Nous  ne  dirons  qu'un  mot  de  ses  villes  principales, 
toute  Tattention  devant  se  concentrer  sur  la  capitale, 
Lucknow,  ou  se  sont  passés  les  événements  les  plus 
importants  de  la  guerre.  L'ancienne  résidence  des 
souverains,  Aoudh  ou  Oude,  ville  antique  et  très 
grande,  sur  la  rivière  de  Dewah  ou  Gograh^  est  au- 
jourd'hui Repeuplée  et  déchue  de  son  ancienne  splen- 
deur, Ily  reste  beaucoup  de  monuments,  entre  autres 
un  vaste  temple  appelé  Swergedrarij  auprès  duquel 
se  trouve  un  magnifique  château  converti  eu  mos- 
quée par  A  ureng-Zeb, 

Feyzabad  ou  Fizabad^  grande  ville  bâtie  nan  loin 


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DBS   ANGLAIS   DANS   L*INDB.  359. 

d*Oude,  au  commencement  du  siècle  dernier,  a  servi 
de  résidence  aux  souverains  du  pays  pendant  quelque 
temps.  Les  derniers  rois  s'étaient  établis  à  Lucknow^ 
que  Ton  écrit  aussi  Lacknau,  ville  ancienne  et  im- 
mense, mais  irrégulière  et  ipal  bâtie,  sur  la  rivière 
de  Goumty. 

Pendant  les  années  qui  suivirent  la  chute  de  Tem- 
pire  mogol,  la  cour  de  Lucknow  fut  la  plus  brillante 
de  rinde.  Trois  quartiers  séparés  font  de  cette  cité 
trois  villes  distinctes  :  l'ancien  quartier,  qui  est  le 
plus  mal  bâti,  est  habité  par  les  basses  classes  (1). 
Le  nouveau  quartier,  qui  s'étend  le  long  de  la 
Goumty  et  qui  a  été  presque  entièrement  construit 
sous  le  règne  de  Saadet-Ali,  renferme  une  suite  de 
splendides  édifices  aux  dômes  dorés,  avec  tours, 
tourelles  et  minarets.  Lîi  se  trouve  le  MoUie-Mahal 
(palais  de  perles),  célèbre  par  sa  riche  collection  de 
manuscrits  orientaux;  là  se  trouve  aussi  le  Ferad- 
Bakhs  (réjouissant),  qui  était  la  résidence  particulière 
du  roi.  C'est  encore  dans  la  partie  orientale  de  la 
ville  que  se  trouvent  les  bâtiments  au  Kaiser  bagh^h 
Secunder  bagh^  le  collège  de  Lamartinière  (2),  enfin 
les  vastes  parcs  de  Dilkhosa  (qui  dilate  le  cœur)  et 
de  Mohammed.  Ces  différents  points  ont  joué  un  rôle 

(1)  Voir  le  plaa  de  Lucknow  annexé  à  ceUe  étude. 

(2)  Le  collège  de  Lamartinière  a  été  fondé  et  légué  à  la  ville  de 
Lucknow  par  un  Français  nommé  Claude  MarUn.  Parti  comme 
simple  soldat  et  devenu  général- major  au  servicp  (le  la  Compagnie, 
ce  Français  était  originaire  de  Lyon.  Sa  ville  nataje  a  participôaux 
excentriques  libéralités  de  son  testament. 


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360  DE  LA   PUlSSANGIi   UlLITAïaB 

important  pendant  les  opérations  nnilitaires  dont 
Lucknow  a  été  le  théâtre.  Dans  la  partie  nord-ouest 
de  la  ville,  on  rencontre  une  foule  d'édifices  religieux 
construits  dans  le  style  n)oresque  par  Azaf-eUDaou- 
lah  et  ses  prédécesseurs.  C'est  là  que  se  trouve  Vlm- 
manbarah  (ou  mosquée)  de  ce  prince,  dont  le  mina- 
ret dépasse  en  hauteur  tous  les  autres  de  la  ville. 

Le  Muchee-Bauxin  et  la  Résidence^  oix  se  retira  la 
garnison  anglaise,  se  trouvent  également  dans  la 
partie  occidentale  de  la  ville  de  Lucknow.  Deux 
pontSt  Tun  en  pierre  et  Tautre  en  fer,  donnent  pas* 
sage  sur  la  rive  gauche  de  la  Goumty,  indépendam- 
ment d'un  autre  pont  de  bateaux  plus  spécialement 
destiné  aux  habitants  du  quartier  oriental. 

La  population  de  Lucknow,  qu'il  serait  fort  diffi- 
cile d'évaluer  exactement,  dépassait  de  beaucoup 
150,000  habitants  au  début  des  événements.  A  l*é- 
poque  du  second  siège,  un  grand  nombre  avaient  été 
chassés  de  leurs  maisons  par  suite  des  dangers  qu'en- 
traînait la  guerre.  L'absorption  du  royaume  d'Oude 
avait  amené  la  dispersion  des  milliers  de  parasites 
que  le  prince  entretenait  autour  de  lui  ;  le  harem, 
objet  de , folles  dépenses,  n'alimentait  plus  diverses 
industries  spéciales,  qui  avaient  à  se  créer  de  nou- 
velles ressources  au  milieu  de  tous  les  inconvénients 
d'une  situation  transitoire.  L'état-major  de  l'armée 
de  Wajid-Ali,  brusquement  rejeté  dans  la  vie  civile, 
peuplait  Lucknow  d'aventuriers  affamés  pour  qui  le 
métier  des  armes  n'avait  pas  d'équivalent.  A  côté  de 
ces  soldats  oisifs  pullulaient  les  prêtres,  les  fakirs. 


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DBS   ANGLAIS   DANS   L*IND£.  561 

ardents  à  prêcher  la  guerre  sainte  contre  les  infi- 
dèles, puis  une  population  misérable  comme  il  en 
grouille  dans  tous  les  bas-fonds  d*une  ville  d'Orient. 
Tels  étaient  les  éléments^  très  inflammables  on  le 
voit,  qui  s'agitaient  au  centre  d'un  pays  nouvelle- 
ment occupé,  où  TAngleterre  n'avait  pour  toute  force 
ai^mée  que  900  soldats  européens  et  22,000  soldats 
indigènes,  ceux-ci  tout  disposés,  l'événement  l'a 
prouvé,  adonner  le  signal  de  l'insurrection. 

i  régiment  d'infanterie  (c'est-à-dire  1  bataillon), 
le  32^,  1  compagnie  d'artillerie  à  cheval,  2  compa- 
gnies d'artillerie  à  pied,  1  régiment  de  cavalerie  lé- 
gère, composaient  toutes  les  forces  européennes. 

7  régiments  d'infanterie  indigène,  3  batteries  de 
campagne,  3  régiments  de  la  cavalerie  irrégulière  de 
rOude,  10  régiments  d'infanterie  irrégulière  levés 
dans  le  pays,  enfin  3  régiments  de  police,  représen- 
taient les  forces  indigènes. 

Nous  ne  reviendrons  pas  sur  les  événemenls  ac- 
complis à  Lucknow  pendant  les  derniers  jours  du 
mois  de  mai  et  le  courant  du  mois  de  juin,  nous  les 
avons  résumés  succinctement  dans  le  chapitre  XII  de 
cette  étude.  Chaque  jour  de  cette  période  était  mar- 
qué par  les  nouvelles  les  plus  désastreuses  arrivant 
de  tous  les  points  de  la  province.  Les  villes  se  soule- 
vaient l'une  après  l'autre  :  à  Fyzabad,  àSultampore, 
à  Deriabad,  à  Salona,  à  Setapour,  où  se  trouvaient 
des  cantonnements  de  cipayes,  l'insurrection  triom^- 
phait,  sans  résistance  possible  de  la  part  des  malheu- 
reux civilians^  isolés  dans  ces  localités.  On  n*enten- 


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5fl2  DB   L/i    PUISSANGB   MILITAIRB 

dait  parler  que  de  collecteurs  massacrés^  de  maisons 
de  péage  incendiées,  d'Européens  réduits  à  fuir  et 
impitoyablement  massacrés  sur  les  routes.  Presque 
chaque  jour  on  envoyait  en  reconnaissance  de  petits 
détachements  qui  ramenaient  parfois  quelques-uns 
de  ces  Feringhees  (Européens)  proscrits,  ceux-ci  mu- 
tilés, ceux-là  presque  fous  de  douleur  ou  de  souf- 
frances. 

Sir  Henry  Lawrence  déployait  de  son  côté  une  ac- 
tivité surhumaine.  Il  avait  divisé  ses  forces  de  ma- 
nière à  défendre  les  cantonnements  situés  sur  la  rive 
gauche  de  la  Goumty,  ainsi  que  le  Muchee-Bawan  (1) 
et  la  Résidence,  où  il  accumulait  toutes  ses  ressources 
dans  la  prévision  du  rôle  que  devait  jouer  cette  posi- 
tion comme  dernier  refuge  de  la  garnison. 

k  à  5,000  coolies  (travailleurs  indiens)  furent  oc- 
cupés jour  et  nuit,  pendant  le  mois  de  juin,  à  creuser 
des  fossés,  à  élever  des  retranchements  et  des  palis- 
sades, à  installer  des  batteries.  Stimulés  par  Tinces- 
sante  surveillance  et  les  excitations  continuelles  du 
commandant  de  la  garnison,  les  ingénieurs  multi- 
pliaient les  parapets  qui  devaient  former  autour  de  la 
Résidence  un  cercle  complet  de  fortifications.  Aux 
abords  de  cette  enceinte,  toutes  les  maisons  situées 

(1)  Le  Muchee-Bawan  était  une  forteresse  élevée  par  des  Ta- 
loukdars  révoltés  à  Tépoque  oti  les  souverains  d*Oude  résidaient  à 
F>'zabad.  Devenue  propriété  parUculière  après  rinstallatiOQ  de  la 
cour  à  Lucknow,  cette  citadelle  qui  dominait  les*  ponts  et  la  partie 
occidentale  de  la  ville  avait  été  achetée  par  sir  Lawrence,  pour  la 
somme  de  1^25,000  francs,  au  radjah  Tah-Âly-Khan. 


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DBS    ANGLAIS  DANS  L*]NDB«  o6$ 

favorablement  étaient  transformées  en  autant  de  forts 
détachés,  d'ouvrages  extérieurs  devant  lesquels  le 
terrain  était  déblayé  à  grand  renfort  de  sape  et  de 
mine. 

C*est  au  milieu  de  ces  travaux  que  s'écoulèrent  les 
derniers  jours  où  sir  Henry  Lawrence  demeura  libre 
de  ses  mouvements.  Dès  le  31  mai,  4a  révolte  des  13% 
48*  et  71'  d'infanterie  indigène,  et  du  7*  de  cavalerie 
irrégulière,  avaient  déterminé  l'abandon  des  canton- 
nements situés  sur  la  rive  gauche  de  la  Goumty.  Le 
petit  nombre  des  troupes  indigènes  sur  lesquelles  il 
était  encore  possible  de  compter  avait  été  obligé  à  bor- 
ner l'occupation  aux  deux  centres  de  résistance  dans 
lesquels  se  trouvaient  entassés  les  vivres  et  Içs  muni- 
tions :  le  Muchee-Bawan  et  la  Résidence. 

Le  5  juin,  on  apprenait  à  Lucknow  la  révolte  de 
Cawnpour  et  la  position  critique  du  malheureux  gé- 
néral Wheeler  ;  aucun  secours  ne  pouvait  plus  être 
espéré  de  ce  côté. 

Le  11,  un  grave  symptôme  de  désaffection  vint 
montrer  combien  il  fallait  peu  compter  sur  la  fidélité 
dont  se  targuaient  encore  les  régiments  indigènes 
auxquels  on  pensait  pouvoir  se  confier  avec  le  plus 
de  sécurité.  Malgré  les  efforts  des  capitaines  Orr  et 
Weston,  qui  les  commandaient,  deux  régiments  de 
police  à  pied  et  à  cheval  passèrent  à  l'ennemi  avec 
armes  et  bagages.  Après  avoir  incendié  leurs  casernes 
et  commis  toute  espèce  de  désordres  et  d'excès,  ces 
détachements  évacuèrent  la  ville  et  prirent  la  direc- 
tion de  Cawnpour,  Un  conseil  de  guerre,  convoqué 


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d6&  DE   LK   PUISSANCE   MILITAIRB 

au  milieu  de  la  nuit,  décida  quMI  fallait  leur  donner 
la  chasse,  et  une  petite  colonne  fut  rassemblée  en 
toute  hâte  pour  cette  expédition.  Un  engagement  in- 
signifiant eut  lieu  avec  les  rebelles,  auxquels  on  fit 
quelques  prisonniers;  mais  il  fallut  rentrer  presque 
aussitôt.  Le  colonel  Inglis,  chef  de  cette  petite  co- 
lonne, jugea,  bien  évidemment  avec  raison,  que  les 
chances  d'une  attaque  sérieuse  étaient  trop  inégales 
et  que  les  canons  qui  avaient  été  mis  à  sa  disposition 
seraient  trop  compromis  si  leur  petite  escorte  venait 
à  essuyer  un  échec.  II  ordonna  de  revenir  sur  Luck- 
now. 

Le  17  juin,  les  rapports  des  espions  signalaient  des 
agglomérations  menaçantes  dans  le  voisinage  des 
cantonnements;  le  25,  ces  rapports  mentionnaient 
Tarrivée  d'une  force  considérable  à  Nawabgunge,  sur 
la  rive  gauche  de  la  Goumty,  et,  le  27,  on  parlait  de 
cette  armée  comme  grossissant  d'heure  en  heure^ 
mais  indécise  encore  dans  ses  plans  d'attaque. 

Le  29  juin,  une  patrouille  fut  envoyée  du  côté  de 
Cawnpour,  afin  d'oI)tenir,  si  cela  était  possible, 
quelques  renseignements  sur  le  sort  de  la  place,  que 
de  vagues  rumeurs  disaient  avoir  été  livrée  à  Nana^ 
Saïb  par  le  général  Wheeler.  Elle  revint,  annonçant 
que  deux  régiments  de  rebelles  étaient  campés  à 
quelque  distance  dans  cette  direction.  Un  peloton  de 
cavalerie  sickh,  sous  les  ordres  du  capitaine  Forbes, 
alla  battre  le  pays  du  côté  de  la  route  de  Nawab- 
gunge. Il  rapporta  la  nouvelle  que  les  insurgés  s'é- 
taient concentrés  à  Chinât,  à  neuf  milles  environ  de 


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DBS  ANGLAIS  DANS   L*JND&  S-JS 

Lacknow.  PouvaiUon  permettre  à  ce  corps»  dont  ou 
ne  connaissait  pas  bien  la  force,  de  venir  se  loger 
dans  la  capitale  de  TOude,  ce  qui  ne  pouvait  man- 
quer de  déterminer  Tinsurrection  de  la  ville  entière? 
ou  bien  fallait -il  marcher  résolument  au-devant  de 
lui,  en  assez  grande  force,  pour  pouvoir  au  besoin  lui 
livrer  combat?  Telle  était  la  question.  Elle  fut,  pa* 
rait-il,  vivement  débattue  dans  le  conseil  de  défense^ 
et  déCnitivement  on  adopta  la  seconde  des  alterna- 
tives. 

Sir  Henry  Lawrence  prit  en  personne  le  comman*^ 
dément  de  la  colonne  expéditionnaire.  600  hommes 
environ  composaient  toutes  les  forces  que  la  prudence 
permettait  de  distraire  de  la  garde  des  retranche- 
ments. Sur  ce  nombre,  il  n*y  avait  que  300  hommes 
du  32'  (anglais),  empruntés  en  partie  à  la  garnison 
du  Muchee-Bawan.  L*infanterie  comptait,  en  outre, 
150  hommes  du  13*  indigène,  plus  les  débris  du  kS^ 
et  du  71*  indigènes,  comprenant  environ  80  balon* 
nettes.  En  fait  de  cavaliers,  il  y  avait  36  Européens, 
la  plupart  servant  comme  volontaires,  et  environ 
120  hommes  pris  dans  tout  ce  qui  restait  de  la  cava* 
lerie irrégulière  de  rOude.  L*artillerie  avait  11  pièces, 
dont  k  canons  servis  par  des  Européens,  6  par  des 
natifs,  plus  un  obusier  de  8  pouces  trouvé  dans  la 
ville  quelques  jours  auparavant.  Deu^  éléphants  traî- 
naient cette  pièce  énorme. 

Dans  la  matinée  du  30  juin,  sir  Henry  Lawrence 
traversa  le  pont  de  fer  de  la  Goumty,  entre  la  Rési- 
dence et  la  Muchée-Bawan.  La  colonne  se  mit  im«> 


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â66  DB   LA   PCJISSANGB  UlLlTAtRB 

médiatement  en  route  dans  la  direction  de  Chin&t  et 
fit  une  première  halte  au  pont  de  Kocaralie,  à 
6  niilles  de  Lucknow.  Cette  marche,  pendant  laquelle 
les  hommes  eurent  à  lutter  contre  une  chaleur  exces- 
sive, les  éprouva  cruellement.  Ajoutons  que,  mar- 
chant dans  lâ  direction  de  Test,  ils  avaient  en  plein 
Visage  le  redoutable  soleil  dé  Tlnde,  dont  les  ardeurs 
sont  presque  mortelles  au  mois  de  juin  (1). 

Quarante  cavaliers  sikhs  et  européens  formaient 
Tavant-garde,  avec  quarante  soldats  à  pied,  pris  éga- 
lement par  moitié  dans  Tinfanterie  indigène  et  dans 
l'infanterie  eul*opéenne.  Les  canons  suivaient  sous 
l'escorte  immédiate  des  soldats  du  32«  (anglais)  et  du 
15*  (indigène).  A  l'arrière-garde  étaient  les  50  hommes 
du  48*  (indigène)  et  le  surplus  de  la  cavalerie. 

Ce  fut  dans  cet  ordre  qu'on  déboucha  dans  la 
«plaine  de  Chinât,  à  laquelle  donne  son  nom  une 
grosse  bourgade  située  sur  les  bords  d*un  lac,  près 
tluquel  est  bâti  un  palais  de  chasse  jadis  à  l'usage  des 
rois  d'Oude.  En  avant  du  village,  la  colonne  an- 
glaise rencontra  l'armée  ennemie,  non  pas  A  ou 
fi,000  hommes,  comme  l'avaient  annoncé  les  espions, 
mais  15  ou  16,000,  ayant  de  six  à  sept  batteries 
de  canons,  qui  comportaient  36  pièces  de  calibres 
divers. 

Un  des  défenseurs  de  Lucknow,  un  civilian^  l'as- 
socié du  français  Duprat,  qui  lui-même  a  si  digne- 

(i)  Tous  ces  détails  sont  extraiu  du  rapport  adressé  le  26  sep* 
tembre  par  le  colonel  (depuis  général)  Inglis,  au  gouverneur  de 
Calcutta. 


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DBS   ANGLAIS   DANS   L*INDK.  367 

ment  représenté  son  pays  dans  cette  sanglante  tra- 
gédie, M.  Rees,  a  publié  une  relation  très  détaillée 
du  combat  de  Chinât  (1).  Suivant  cet  écrivain,  dès  le 
début  de  Paffaire,  sir  Henry  Lawrence  parut  conce- 
voir de  tristes  pressentiments  sur  l'issue  probable  de 
cette  lutte  trop  inégale.  Le  colonel  du  32*  venait 
d'être  tué  en  conduisant  ses  hommes  à  Tattaque  du 
village  dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  et  la  déser- 
tion aussi  bien  que  le  feu  de  Pennemi  avait  déjà  gran- 
dement éclairci  les  rangs  de  sa  petite  colonne,  lorsque 
le  commandant  anglais  dut  donner  Tordre  dé  battre 
en  retraite.  Il  n'y  avait  pas  une  minute  à  perdre. 
Les  rebelles,  à  qui  Ténorme  supériorité  de  leurs  forces 
donnait  une  confiance  inaccoutumée,  s'avançaient  de 
toutes  parts  en  bon  ordre,  colonnes  ouvertes,  l'artil- 
lerie et  la  cavalerie  dans  l'intervalle  des  lignes,  1^ 
masse  entière  cherchant  à  se  jeter,  par  une  manœuvre 
bien  combinée,  entre  les  Anglais  et  Lucknow  (2).  L^ 
'droite  des  Anglais  fut  obligée  de  reculer,  et  la  gauche, 
qui  ne  comprit  pas  ce  mouvement,  se  vit  forcée  néan- 
moins  de  l'imiter.  Peu  à  peu  le  mouvement  s'accen- 

(1)  Ruutz  Rees*s  Personnal  narrative, 

(2)  Suivant  M.  Rees,  les  insurgés  semblaient  dirigés  par  un 
officier  babile  qui  portait  i'uniforme  de  petite  tenue  de  cavalerie 
européenne.  Peut-être  était-ce  un  russe;—  beaucoup  de  per- 
sonnes l'ont  affirmé.  On  avait  arrêté,  puis  relâctié,  quelque  temps 
auparavant,  un  voyageur  que  l'on  soupçonnait  d'appartenir  à 
cette  nation  ;  -•  peut-être  était-ce  simplement  un  de  ces  renégats 
qui,  en  renonçant  à  leur  religion,  adoptent  les  mœurs  et  j  usqu'aux 
passions  politiques  de  leur  nouvelle  patrie.  — Ce  fait  n'a  jamais 
été  éclairci. 


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568  DE   LA  J^OISSANGB  MlLItAIËB 

tua  et  s'accéléra  ;  une  sorte  de  panique  se  glissa  danô 
les  rangs,  et  sans  les  hommes  du  S*2«  (anglais),  qui, 
placés  à  Tarrière  garde^  entretenaient  un  feu  bien 
nourri,  la  débandade  fût  devenue  complète,  le  désastre 
sans  remède.  Soldats,  officiers  tombaient  de  distance 
en  distance,  marquant  chaque  pas  de  cette  triste  re- 
traite. 

Plusieurs  retours  offensifs  tentés  par  la  cavalerie 
volontaire  avec  une  audace  désespérée  dégagèrent 
autant  de  fois  Tarrière-garde,  mais  ce  ne  fut  pas  sans 
éprouver  des  pertes  cruelles.  Les  hommes  qui  n'étaient 
que  blessés,  et  que  leurs  camarades  ne  pouvaient  en- 
lever, se  battaient  «  comme  des  dogues  acculés,  »  dit 
M.  Rees,  jusqu'à  ce  que  l'ennemi  les  eût  achevés. 
Parmi  ces  hommes  laissés  sur  le  terrain,  plusieurs 
n'étaient  qu'épuisés  de  fatigue  et  de  soif;  plusieurs 
tombèrent  frappés  d'apoplexie. 

Au  milieu  de  ce  désastre,  partout  où  les  balles  sif- 
flaient, partout  où  l'on  voyait  tomber  le  plus  d'hommes, 
sir  Henry  Lawrence  était  présent.  Toujours  serrée  de 
près  par  l'ennemi,  et  semant  la  roule  de  sesdébris,  la 
colonne  anglaise  parvint  enfin  à  rentrer  dans  Lucknow, 
grâce  èi  la  protection  d'une  compagnie  européenne 
qui  fut  détachée  de  la  Résidence,  en  avantdes  ponts, 
avec  une  batterie  d'artillede.  Cette  démonstration, 
du  reste,  ne  devait  pas  empêcher  l'occupation  de  la 
ville  par  les  insurgés.  Le  dernier  soldat  de  la  colonne 
de  sir  Henry  Lawrence  n'avait  pas  franchi  la  rivière 
que  la  cavalerie  ennemie  la  traversait  à  gué ,  et 
allait  occuper  la  partie  orientale  et  le  sud  de  la  ville. 


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BBS  ANGLAIS   DANS  l'iNDE.  369 

Au  nord  et  à  l*ouest/les  canons  de  la  Résidence  et  du 
Muchee-Bawan  tenaient  encore  les  rebelles  en  res* 
pect  ;  mais  les  pertes  énormes  essuyées  à  Chinât  al- 
laient déterminer  Tabandon  du  second  de  ces  postes. 
Le  32*  avait  perdu  112  hommes  et  5  officiers.  La 
perle.des  soldats  indigènes  en  tués,  blessés  ou  man- 
quant allait  à  182  hommes.  La  colonne  expédition* 
uaire  était  donc  rentrée  affaiblie  de  moitié.  Il  n*y 
avait  plus  de  salut  à  espérer  qu'en  se  tenant  désor- 
mais sur  la  plus  stricte  défensive ,  et  pour  que  cette 
dernière  fût  efficace  il  était  indispensable  de  limiter 
sa  tâche  au  nombre  de  bras  dont  on  pouvait  disposer. 
Le  siège  de  Lucknow  était  à  peine  commencé  (jeudi, 
30  juin  1857)  que  ces  considérations  dictaient  impé- 
rieusement révacuation  du  Muchee-Bawan. 

Grâce  au  respect  traditionnel  que  les  indigènes 
avaient  pour  cette  forteresse,  et  à  Tidée  que  Ton  avait 
eu  soin  de  propager  qu'elle  était  imprenable^  Topé- 
ration  délicate  de  la  réunion  des  deux  détachements 
put  s'effectuer  heureusement  dans  la  nuit  du  1*'  juillet. 
En  réalité,  le  Muchee-Bawan  n'avait  d'autre  puis- 
sance que  le  prestige  exercé  par  la  hauteur  imposante 
de  sa  massive  construction^  ses  murailles  délabrées 
n'auraient  pu  résister  longtemps,  ne  fût-ce  qu'à  l'ac- 
tion destructive  et  à  l'ébranlement  des  pièces  dont 
elles  étaient  armées.  Toutefois,  il  était  urgent  de  ne 
pas  laisser  aux  rebelles  la  libre  disposition  des  im- 
menses approvisionnements  qu'on  avait  entassés  dans 
ce  poste,  et  sa  destruction  dut  accompagner  l'éva- 
cuation. Le  capitaine  Francis,  qui  en  avait  le  com- 

24 


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370  D9   LA   PUISSANCE   MILITAIRE 

.  mandement»  après  avoir  encloué  ses  canons,  fit  dis- 
poser un  fourneau  avec  une  mèche  à  combustion 
assez  lente,  pour  donner  à  ses  hommes  le  temps  de 
gagner  la  Résidence.  Le  dernier  en  avait  à  peine 
franchi  l'enceinte  que  le  Muchee  Bawan  s'écroulait 
avec  unq  magnifique  explosion  :  2/i0  barils  de 
ppudre  et  600,000  cartouches  venaient  de  sauter 
en  l'air.  Un  feu  violent  d'artillerie,  ouvert  à  la  fois 
dans  toutes  les  directions  et  de  tous  les  points  de  la 
Résidence,  avait  si  bien  détourné  l'attention  des  as- 
siégeants que  le  détachement  du  Muchee-Bawan,  se 
glissant  silencieusement  au  milieu  des  ténèbres,  avait 
pu  effectuer  sa  retraite  sans  tirer  un  seul  coup  de  fusil 
et  sans  perdre  un  seul  homme. 

Malgré  tout  l'intérêt  que  présentent  les  divers  inci- 
dents du  premier  siège  de  la  Résidence,  jusqu'au 
moment  de  son  ravitaillement  (25  septembre)  parles 
généraux  Havelock  et  Outram,  la  rapidité  de  ce 
résumé  ne  nous  permet  pas  de  nous  arrêter  aux  opé- 
rations qui  devinrent,. dès  les  premiers  jours  du  blo- 
cus» et  pendant  toute  la  durée  des  mois  de  juillet  et 
d'août,  l'occupation  de  chaque  jour,  et,  pour  ainsi 
dire,  de  chaque  nuit,  des  malheureux  assiégés  (1). 

C'est  aux  témoins  oculaires  de  ces  scènes  terribles 
qil'il  faut  laisser  la  parole,  sous  peine  d'en  affaiblir 

(i)  Un  excenent  article  publié  par  M.  Forgues  dans  la  Retwe 
des  Deux-Mondes,  et  intitulé  La  guerre  de  l'Oude^  donne  une 
peintui'e  des  plus  émouvantes,  de  tous  les  dangers,  de  toQies  les 
souffrances  qu'eurent  à  supporter  pendant  deux  mois  et  demi  les 
défenseurs  de  Lucknow.  . 


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DBS   ANGLAIS   DANS   L^INDJS.  371 

Timposanle  majesté.  Grâce  à  cet  esprit  particulier 
aux  Anglais,  et  qui  les  porte  à  suppléer  par  leurs 
correspondances,  par  lè  récit  de  leurs  innpressions 
personnelles,  le  laconisme  des  rapports  officiels,  les 
ftialériaux  ne  manqueront  pas,  du  reste,  aux  futurs 
historiens  de  la  campagne  d'Oude. 

C'est  à  l'ouvrage  de  M.  Rees,  que  nous  avons  déjà 
cité  (1);  c'est  au  journal  de  M.  Andersen  (2)  et  de 
M.  Macleod  Innés (3),  tous  deux  officiers  du  génie; 
c'est  au  bulletin  d'un  des  officiers  d'état-major  de  la 
Résidence  (A),  ou  au  rapport  du  colonel  (depuis  gé- 
néral) Inglis,  le  dernier  survivant  de  ses.  comman- 
dants, que  nous  renvoyons  nos  lecteurs,  et  que  nous 
emprunterons  les  renseignements  indispensables  pour 
donner  une  idée  générale  de  l'attaque  et  de  la  défense 
pendant  le  siège  de  Lucknow. 

Située  sur  la  rive  droite  de  la  Goumty,  et  formée 
d'agrégations  successives  déterminées  par  les  be- 
soins du  moment,  la  Résidence,  au  moment  du  ravi- 
taillement par  le  général  Havelock,  formait  une  sorte 
de  pentagone  irrégulier  (5)  s'étendant  en  longueur 
du  nord-ouest  au  sud-est.  La  rivière  coule  au  nord 
de  cette  enceinte,  dont  la  séparent  deux  mosquées 
(que  sir  Henry  Lawrence,  arrêté  par  d'honorables 
scrupules,  avait  trop  hésité  à  faire  abattre)  et  un 

(1)  Ruutz  Rees's  Personnal  narfative. 

(2)  Anderson's  Personnal  JoumaL 

(3)  Innes's  Rottgh  narrative  of  Ihe  siège  qf  Lucknow. 
{!x)  The  défense  of  Lucknow,  by  SUff-Officer. 

(5)  Voir  le  plan  annexé  à  cette  étude. 


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â72  DE  M   PDISSANGB   MILITAIRB 

vaste  bazar  {Captan-Bazar)j  dont  les  bâtiments  sont 
perpendiculaires  à  la  face  orientale  de  Tenceinte. 
A  Test  du  CaptanBazar^  et  longeant  lé  bord  de 
Peau  y  se  trouve  une  suite  de  palais  (Taree-Rhotee^ 
Dil'Aram^  Ferad-Bakhs^  ChuUur^MunzU,  etc.)  qui 
ont  été  occupés  par  les  troupes  d'Havelock  et  d*Ou- 
tram  pendant  le  second  siège,  mais  qui  ne  faisaient 
point  partie  de  la  Résidence  avant  le  ravitaillement. 
A  la  pointe  nord  du  pentagone  est  une  éminence  au 
pied  de  laquelle  coule  un  canal  profond  {deep  dttch) , 
qui  forme  un  fossé  naturel  jusqu'à  la  Goumty.  Là  se 
trouvent  des  habitations  d'officiers  {pfficers  Bunga- 
hwsjf  qui  étaient  disposées  en  forteresse,  et  occupées 
par  un  de  ces  petits  corps  que  l'on  regardait  comme 
autant  de  garnisons  détachées  :  la  garnison  Innes^ 
ainsi  désignée  du  nom  de  l'officier  qui  la  commandait. 
Deux  batteries  défendaient  la  face  occidentale  sur 
laquelle  ise  trouve  Téglise  anglaise ,  et  à  l'angle  de 
cette  face  avec  celle  du  sud  se  trouvait  encore  la  bat- 
terie GubbiM.  La  face  méridionale,  celle  qui  a  été  le 
plus  vivement  attaquée,  est  tournée  vers  la  route  de 
Cawnpour.  C'est  là  que  se  trouvait  la  garnison  com- 
mandée par  le  capitaine  Andersen;  c'est  là  qu'était 
aussi  la  maison  de  ce  Français  dont  nous  avons  déjà 
parlé  (Deprat  ou  Duprat);  c'est  là  que  se  trouvait 
enfin  la  batterie  de  Cawnpour,  Deux  autres  bâtiments 
reliés  à  ceux-ci  par  des  épaulements  (Judicial- 
Garrison  et  Sago's  Garrison)  défendaient  par  leurs 
feux  croisés  la  poste,  la  prison  et  Thôpital.  De  la 
maison  Sago  au  Baillie-Guard^  poste  qui  défend  l'une 


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DBS   AISGLAIS   DANS   L*JNDE.  373 

des  deax  portes  de  Tenceinte,  il  y  avait  trois  bâti- 
ments retranchés  {Fayrer's  Garrison^  Financial^ 
GarrisoneiBaillie^uard).  La  porte  était  cou  verte  par 
on  ouvrage  armé  de  quatre  pièces.  La  face  septen- 
trionale s'étendait  jusqu'à  la  pointe  d'un  redan  con- 
struit sur  une  sorte  de  promontoire  escarpé,  auquel 
son  élévation  permettait  de  balayer  la  rivière  et  les 
abords  du  pont  de  fer.  Sur  c^tte  face  s'ouvrait  la 
porte  d'Eau  [Water  Gate\  défendue  par  une  batterie 
(jéleooander's  battery)  qui,  avec  les  canons  du  redan, 
tenait  en  respect  les  insurgés  installés  dans  le  Cap- 
tan-Bazar  et  les  mosquées  voisines.  Enfin,  entre  la 
pointe  du  redan  et  le  saillant  occupé  par  la  garnison 
Innés,  le  terrain  avait  été  balayé  et  fortifié  par  une 
sorte  de  marécage  dérivé  de  la  Goumty. 

L'enceinte  dont  nous  venons  de  donner  la  descrip- 
tion n'avait  pas  700  mètres  dans  sa  plus  grande  lar- 
geur, el  atteignait  à  peine  /iOO  dans  sa  partie  la  plus 
étroite.  Sur  ce  terrain  si  limité,  derrière  un  réseau  de 
fossés,  d'épaulements,  de  barricades,  étaient  entassés 
5  ou  600  hommes  armés  pour  le  défendre,  environ 
250  femmes  européennes,  et  à  peu  près  pareil  nombre 
d'enfants,  tous  voués  au  massacre  si,  sur  un  seul 
point  de  l'enceinte,  une  brèche  livrait  passage  aux 
bandes  furieuses  qui  les  cernaient  de  tous  côtés. 

Le  2  juillet,  l'homme  qui,  de  l'aveu  de  tous,  s'était 
condamné  depuis  le  commencement  des  hostilités  à 
une  existence  sans  repos  ni  trêve,  dont  l'activité 
surhumaine  avait  ménagé  à  ses  frères  d'armes  le  der- 
nier asile  où  flottait  encore  le  drapeau  anglais,  sir 


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S7/i  DB   LA   PUISSANCE    MILITAIUB 

Henry  Lawrence  était  tué  dans  son  bureau  par  une 
bombe  dont  les  éclats  renversaient  en  même  temps 
son  secrétaire  et  le  capitaine  Wilson.  Avant  d'expirer, 
et  malgré  les  souffrances  intolérables  que  lui  causait 
une  épouvantable  blessure  (1),  le  héros  de  Lucknow 
trouvait  encore  la  force  de  donner  ses  instructions  à 
son  successeur,  le  major  Banks,  qui  allait  le  remplacer 
comme  commissaire  en  chef.  Il  remettait  en  même 
temps  le  commandement  des  troupes  au  colonel  Inglis. 
Le  8  juillet,  le  capitaine  Francis,  l'ancien  comman- 
dant du  Muchee-Bawan,  succombait  à  son  tour.  Sur 
tous  les  points  de  la  Résidence  une  véritable  pluie 
de  projectiles  éclaircissait  d'heure  en  heure  les  rangs 
des  défenseurs.  Les  femmes  (2)  au  fond  de  leurs  re-. 
traites;  les  chapelains  récitant  les  prières  suprêmes 
au  chevet  des  agonisants  ;  1^  médecins  au  milieu  de 
l'exercice  de  leur  laborieux  ministère  (3),  étaient 
frappés  tout  aussi  bien  que  les  soldats  ou  les  officiers 
obligés  de  veiller  nuit  et  jour  sur  les  parapets.  La 
fièvre,  le  choléra,  la  dysenterie  sévissaient  à  la  fois 
dans  les  rangs  de  la  garnison.  L'hôpital  était  encom» 
bré,  et  les  soins  manquaient  forcément.  De  malheu- 
reux blessés,  se  tordant  sur  quelques  lambeaux 
d'étoffe  jetés  à  terre,  demandaient  en  vain  quelque 

(i)  Ud  éclat  de  bombe  lui  avait  ouvert  le  ventre  et  fracasié  piu- 
sîeurs  côtes. 

(3)  Miss  Palmer,  fille  du  colonel  de  ce  nom. 

(3)  Le  mioistre  Polebampton  et  le  docteur  Brydon;  ce  dernier 
fut  renversé  par  un  boulet  au  moment  où  il  faisait  une  amputa- 
tion à  Tbôpiul. 


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DES   ANGLAIS   DANS   l'iNDH.  375 

assistance,  et  n'obtenaient  même  pas  toujours  le  verre 
d*eau  qu'ils  mendiaient  en  gémissant.  Ils  respiraient 
un  air  infect  dans  ces  salles  basses^  dont  la  moitié 
des  fenêtres  devaient  rester  closes,  afin  d'abriter, 
souvent  bien  imparfaitement,  les  malades  contre  les 
balles  ennemies. 

C'est  au  milieu  de  ces  souffrances  inouïes  que 
s'écoulèrent  les  mois  de  juillet  et  d'août.  Pendant 
ces  tristes  journées,  le  moral  de  la  ïDetite  garnison, 
relevé  un  moment  par  l'exaltation  de  ses  premiers 
succès,  avait  fini  par  baisser  rapidement.  Déçue  dans 
ses  espérances  de  secours,  elle  commençait  à  s'aban- 
donner à  ce  découragement  sombre,  amer,  obstiné, 
qui  ne  laisse  plus  qu'une  pensée,  tuer  avant  de  périr 
soi-même.  Oh  n'a  pas  oublié  cette  prenlière  cam- 
pagne des  généraux  Neill  et  Havelock,  si  remplie  de 
palpitantes  péripéties,  et  dont  nous  avons  résumé  les 
principaux  incidents  dans  le  chapitre  XIII.  L'ihsuc- 
cès  de  cette  tentative,  la  navrante  déception  qui  en 
avait  été  la  suite,  avaient  porté  le  désespoir  dans 
tous  les  cœurs.  Chaque  soir  on  faisait  le  compte  des 
morts  et  des  blessés,  ce  qui  revenait  à  peu  près  au 
même,  les  blessés  étant  d'avance  envisagés  comme 
morts  dès  qu'ils  étaient  atteints  sérieusement,  et  l'on 
calculait  qu'en  un  temps  donné  ces  pertes  continuelles 
rendraient  toute  résistance  impossible. 

Le  ÛO  juillet,  il  avait  fallu  repouàser  une  furieuse 
attaque  des  assiégeants,  et  les  malades  et  les  blessés 
eux-mêmes,  quittant  les  matelas  sanglants  de  l'hôpi- 
tal, avaient  dû  concourir  à  la  défen3e,   I/énergîe  de 


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576  DB  LA  PUISSANCE  UILlTAïaB 

la  garnison  n'avait  suffi  qu'&  grand^peine  à  dominer 
celle  de  Tattaque.  Le  lendemain,  le  successeur  dési- 
gné par  sir  Henry  Lawrence,  le  major  Banks,  qui 
s'était  montré  digne  de  ce  choix  périlleux,  fut  atteint 
par  un  boulet  pendant  qu'il  examinait,  du  haut  de  la 
batterie  Gubbins,  quelques  maisons  occupées  par  les 
insurgés,  il  tomba  mort,  la  tête  fracassée,  et  sans 
pousser  un  cri.  Le  commandement  suprême  se  trouva 
ainsi  dévolu  au  colonel  Inglis,  déjà  désigné  précé* 
demment  pour  la  direction  des  troupes. 

Le  mois  d'août  fut  principalement  employé  à  dé- 
jouer les  tentatives  des  assiégeants  pour  miner  les 
fortifications  de  la  Résidence.  11  serait  trop  long  d*en- 
trer  dans  le  détail  des  opérations  de  ce  genre,  qui 
devinrent,  pendant  cette  période  du  siège,  des  inci- 
dents de  chaque  jour  et  de  chaque  nuit.  Le  18  fut 
marqué  par  l'explosion  d'une  mine  qui  enleva  toute 
une  face  du  Seikh-Sqtuire.  Les  insurgés  se  présentè- 
rent aussitôt  pour  escalader  la  brèche,  une  brèche 
de  50  pieds,  que  la  garnison  eut  toutes  les  peines  du 
monde  à  défendre  et  à  remettre  en  état.  C'est  dans 
cette  affaire,  où  il  avait  montré  le  plus  brillant  cou- 
rage, que  le  Français  Duprat  reçut  la  blessure  dont 
il  mourut  un  mois  plus  tard. 

Le  28  août,  une  lettre  du  général  Havelock,  datée 
de  Cawnpour,  annonçait  que  les  secours  ne  pouvaient 
arriver  avant  vingt-cinq  jours.  L'espion  qui  en  était 
porteur  complétait  ce  laconique  billet  en  racontant 
les- pertes  essuyées  par  la  petite  colonne  du  général, 
et  la  retraite  forcée  qu'il  avait  dû  faire  après  lescom- 


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DBS  ANGLAIS  DANS   t*lNDB«  377 

bats  désespérés  d'Onào  et  de  Busserut-GuDge.  Heu- 
reusement que  les  insurgés,  dégoûtés,  sans  doute, 
par  les  pertes  énormes  qu'ils  avaient  essuyées  dans 
toutes  les  attaques  de  vive  force,  semblaient  déter- 
minés à  transformer  le  siège  en  blocus,  et  laissaient 
quelque irève  à  la  garnison.  Depuis  le  milieu  d*août 
ils  se  bornaient  à  entretenir  leur  canonnade  habi- 
tuelle, mais  sans  tenter  aucun  assaut.  La  journée  du 
5  septembre  fut  marquée  cependant  par  une  opéra- 
tion de  ce  genre.  L'excitation  déterminée  par  les 
fêtes  du  Moharrem  avait  ranimé  le  courage  des  plus 
fanatiques,  et  vers  les  dix  hçures  du  matin,  au  signal 
donné  par  Texplosion  de  deux  mines,  qui  ne  produisis 
rent  heureusement  aucun  dommage  sérieux,  8,000  ci- 
payes,  appuyés  par  une  colonne  de  500  cavaliers,  se 
ruèrent  sur  les  parapets.  Ce  fut  la  dernière  attaque 
à  force  ouverte;  à  partir  de  ce  jour  jusqu'au  25  sep< 
lembre,  date  de  l'arrivée  des  généraux  de  Cawnpour, 
les  cipayes  semblèrent  décidés  à  user  lentement,  pa- 
tiemment cette  énergie  désespérée,  contre  laquelle 
échouaient  tous  leurs  coups  de  main.  Il  était  temps  ; 
la  garnison ,  décimée  par  le  feu  et  la  maladie,  avait 
perdu  plus  de  AOO  hommes  depuis  le  1*'  juillet,  et 
n'aurait  pu  supporter  une  seconde  fois  les  rudes 
épreuves  de  la  journée  du  5  septembre* 

Épuisé  par  les  nombreux  combats  qu'il  avait  livrés 
dans  ses  tentatives  pour  forcer  la  route  de  Cawnpour 
à  Lucknow,  le  général  Havelock,  après  l'affaire  du 
16  août,  prèd  de  Bithoor,  s'était  vu  condamné  à 
l'inaction  la  plus  absolue.  Décimée  par  le  feu,  les 
maladies  et  des  fatigues  inouïes,  sa  petite  troupe,  un 


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378  DK    Là   PUISSANGK   HILITÂIRK 

millier  d'hommes  à  peine,  était  incapable  de  re- 
prendre la  campagne.  Il  fallait  de  toute  nécessité 
attendre  des  renforts,  sous  peine  d'exposer  à  un 
désastre  inévitable  ce  faible  détachement,  seul  espoir 
des  défenseurs  de  la  Résidence. 

Lé  16  septembre,  le  général  sir  ^ames  Outram, 
nommé  au  commandement  du  district  (1),  arrivait  à 
Gawnpour.  11  amenait  avec  lui  des  détachements  du 
5*  fusiliers,  du  78*  et  du  90'.  Les  généraux  Outram 
et  Havelock  avaient  fait  ensemble  la  campagne  de 
Perse;  vieux  compagnons  d'armes,  ils  se  connais- 
saient à  fond,  et  comptaient  l'un  sur  l'autre.  Le  pre- 
mier acte  officiel  du  général  Outram  fut  empreint 
d'une  générosité  chevaleresque.  Déposant  provisoi 
rement  tous  les  privilèges  de  son  grade,  il  déclara, 
par  un  ordre  du  jour  spécial,  qu'il  se  mettait  comme 
volontaire  à  la  disposition  de  son  digne  camarade.  Il 
accompagnerait  l'armée  en  cette  simple  qualité,  et 
aussi  èi  titre  de  Commissaire  en  chef  de  TOude;  Have- 
lock devait  conserver  la  direction  de  l'entreprise  qu'il 
avait  si  vaillamment  commencée. 

L'armée  sous  les  ordres  d'Havelock  se  composait, 
au  moment  de  la  reprise  des  o|)érations,  de  deux 
brigades  d'infanterie  et  d'un  détachement  d'artillerie, 
savoir  :  1*  sous  les  ordres  du  général  Neill,  une 
première  brigade  entièrement  européenne,  composée 
des  S"*  fusiliers,  8/i*  de  ligne,  et  des  détachements  du 

(i)  Le  général  Outram  avait  pris  le  commandement  des  districts 
d'Àllababad,  Dinapour,  etc.,  à  la  place  du  général  Lloyd,  dont 
rimpéritie  avait  contribué  à  créer  tant  de  difficultés  pour  les 
commQDicatiohs  du  général  Haveloclu 


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DES   ANGLAIS  DANS   l'iNDB.  279 

64*  de  ligne  et  1"  de  Madras;  2*  sous  les  ordres  du 
général  Hamîlton,  une  deuxième  brigade,  composée 
des  78*  et 90*  de  ligne,  et  du  régiment  sikh,  de  Feroze- 
pour  ;  plus  tard,  à  cette  brigade  se  joignirent  les  dé- 
bris du  32°  qui  s*é(aient  maintenus  dans  la  Résidence. 

A  cette  force,  il  fallait  ajouter  trois  compagnies 
d'artillerie  européenne,  et  une  batterie  de  six  pièces 
de  âà  tratnée  par  des  éléphants,  le  tout  sous  les 
ordres  du  major  Cooper,  qui  fut  tué,  ainsi  que  le 
général  Neill,  dans  une  des  premières  attaques. 

Une  compagnie  de  cavalerie  formée  de  gentlemen 
volontaires,  et  trois  compagnies  de  cavalerie  indigène, 
sous  les  ordres  immédiats  du  général  Outram,  com- 
plétaient à  2,600  hommes  le  chiffre  de  la  petite  armée 
de  Cawnpour. 

Le  19,  le  général  Havelock  passait  le  Gange  sous 
une  pluie  diluvienne.  Le  21,  il  emportait  les  positions 
de  l'ennemi  au-dessus  de  Mungarwar,  dans  ces  plaines 
marécageuses,  arène  sanglante  des  nombreux  com-: 
bats  livrés  pendant  les  mois  d'août  et  de  juillet  pré- 
cédents. De  Mungarwar  à  Busserut-Gunge  les  re- 
belles se  bornaient  k  harceler  l'arrière-garde,  et  au 
pont  de  l^unnee  une  démonstration  plus  sérieuse  de 
leur  part  restait  sans  résultat,  malgré  la  nombreuse 
artillerie  qu'ils  amenaient  en  ligne  pour  défendre  le 
passage  de  la  Sye  (1).  On  avait  cette  fois  de  quoi 
leur  répondre. 


(i)  Rivière  qui  se  jette  dans  la  Goumty  et  qui  coupe  la  route 
de  Cawnpour  à  Lucknow  au-dessus  de  Busserut-Gunge. 


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d80  DB  LK  PU18SANGB  HILlTAïaB 

1/armée  anglaise,  qui  avait  fait  20  milles  le  jour 
même  du  combat  de  Mungarwar,  1/t  dans  la  marche 
suivante,  toujours  sous  la  pluie /arrivait  enfin  le  23 
en  vue  de  Lucknow  ;  elle  rencontrait  Pennemi  forte* 
ment  établi  à  Alumbagh,  à  â  milles  environ  en  avant 
de  la  capitale  de  TOude. 

L*Alumbagh  (jardin  des  beautés  du  monde)  est 
une  vaste  enceinte  renfermant  plusieurs  corps  de 
bâtiments,  mosquées,  immanbarahs,  puits  cou- 
verts, etc. ,  etc. ,  située  au  sud  de  Lucknow,  au  mi* 
lieu  d'un  beau  jardin  qu'entoure  un  parc  admirable. 
Les  rebelles  avaient  appuyé  leur  gauche  à  cette  posi- 
tion, et  garnissaient  les  mamelons  qui  ferment  la 
plaine  de  Lucknow  du  côté  de  Cawnpour. 

Commencé  dans  l'après-midi,  le  combat  fut  sou- 
tenu pendant  plusieurs  heures  avec  beaucoup  de  té- 
nacité de  part  et  d'autre;  le  bruit  de  la  canonnade 
arrivait  à  la  Résidence,  où  il  éveillait  mille  espé- 
rances, mille  inquiétudes.  On  avait  vu  toute  la  jour- 
née des  mouvements  de  troupes  dans  la  ville.  Le 
cotonel  Inglis  faisait  tirer  avec  ses  obusiers  sur  ces 
bataillons,  qui,  le  matin,  se  dirigeaient  vers  la  droite, 
le  soir,  au  contraire,  vers  la  gauche  de  la  Résidence. 
L'ennemi,  de  son  côté,  entretenait  son  feu  habituel, 
et  sur  les  huit  heures,  au  moment  oii  se  terminait 
le  combat  livré  par  le  général  Havelockprèsd'AIum- 
bagh,  les  assiégés  avaient  eu  à  repousser  une  fausse 
attaque  sur  la  batterie  de  Cawnpour. 

La  journée  du  2&  fut  employée  par  les  généraux 
Havelock  et  Outram  à  réunir  le  convoi,  à  rassembler 


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DBS   ANGLAIS  DANS  l^'lNDR.  381 

les  bagages  et  les  munitions;  ces  impedimenta  et 
les  blessés  devaient  être  concentrés  dans  Tenclos 
d*Alumbagh,  sous  la  garde  d'un  détachement  du  6&* 
commandé  par  le  major  Sibley.  Gel  officier  avait 
ordre  de  ne  se  mettre  en  marche  que  quand  le  pas- 
sage serait  déblayé  jusqu'à  la  Résidence. 

Le  25,  les  généraux  Outram  et  Havelock  abor-* 
daient  l'épreuve  décisive.  Dès  le  matin,  l'armée  an- 
glaise franchissait  le  pont  de  Char  bagh  (les  quatre 
jardins),  sur  lequel  la  route  de  Gawnpour  traverse 
un  profond  canal  qui  entoure  la  partie  orientale  de 
Lucknow,  entre  Alumbagh  et  la  Goumty.  Un  déta- 
chement du  78*  highianders  restait  sur  ce  point  pour 
assurer  le  passage  du  convoi. 

Deux  chemins  mènent  d' Alumbagh  à  la  Résidence. 
Le  premier  et  le  plus  court  débouche  du  pont  de 
Char  baghy  et  se  dirige  vers  le  nord  en  traversant, 
sur  une  étendue  de  2  milles  environ,  un  véritable 
dédale  de  constructions,  bazars  et  jardins.  Suivre 
cette  route,  c'était,  d'après  les  renseignements  reçus, 
s'exposer  aux  chances  les  plus  hasardeuses;  on  devait 
rencontrer  à  chaque  pas  des  retranchements,  des 
palissades,  de  larges  et  profonds  fossés,  et  sur  les 
maisons  qui  dominaient  ce  chemin  une  sur  deux  était 
crénelée  et  occupée  par  les  rebelles. 

Au  lieu  de  traverser  le  canal,  si  Ton  tournait  à  l'est 
dans  la  direction  de  Dilkhosa  et  de  Lamartinière, 
comme  devait  le  faire  plus  tard  le  général  en  chef, 
sirGoIin  Gampbell,  on  allongeait  considérablement 
l'itinéraire,  et  chaque  niinute  était  précieuse  dans  la 


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S8â  DB   LA   POISSANGB   MILITAIRE 

circonstance  où  Ton  se  trouvait.  D'ailleurs  les  pluies 
continuelles  de  la  dernière  semaine  avaient  détrempé 
le  terrain  outre  mesure,  et  il  n'était  pas  certain  que 
les  canons  et  le  convoi  se  tirassent  des  boues  que  pré- 
senterait ce  chemin  à  travers  champs. 

Les  généraux  se  décidèrent  à  suivre  une  ruelle  in- 
termédiaire entre  les  deux  routes  dont  nous  venons 
de  parler,  et  qui,  courant  parallèlement  au  canal, 
allait  déboucher  sur  le  chemin  de  la  Résidence  & 
Lamartinière  et  à  Dilkhosa,  dans  les  environs  du 
Kaiser  bagh. 

Une  grande  partie  de  la  journée  du  25  fut  em- 
ployée à  franchir'cet  espace.  La  résistance  était  éner- 
gique, et  les  pertes  de  la  coloiine  anglaise  s'élevèrent 
au  cinquième  de  son  effectif.  Le  général  Outram,, 
blessé  à  l'attaque  du  Kaiserbagh  (1),  n'en  resta  pas 
moins  à  cheval,  et  continua  à  diriger  l'une  des  co- 
lonnes, qui  se  séparèrent  à  hauteur  du  palais  de 
Chuttur-Munzil ,  pour  gagner  par  deux  chemins  dif- 
férents la  porte  du  Baillie-Guard. 

Le  feù  des  insurgés  était  formidable,  surtout  dans 
le  voisinage  dii  palais  du  roi.  «  On  n'y  pouvait  vivre,  » 
écrit  le  général  Havelock  dans  une  de  ses  dépêches. 
Les  colonnes  venaient  se  heurter  à  chaque  pas  contre 
les  nouvelles  batteries  élevées  par  les  cipayes.  Il  fal- 
lait les  enlever  successivement  à  la  baïonnette.  C'est 
dans  Tun  de  ces  assauts  que  fut  mortellement  frappé 
le  chevaleresque  général  Neill,  le  héros  et  l'idole  de 

(i)  Il  avait  reçu  une  balle  dans  le  bras. 


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P£S  ANGI.AJS  DANS  L^INDB.  383 

rarmée,  fiinsi  que  le  major  Perrin,  et  les  lieutenants 
Graham,  Preston  et  Nunn,  du  90«.  Là  aussi  furent 
atteints  le  colonel  Hamilton,  le  capitaine  Hay  et  le 
lieutenant  Swanson,  du  78*;  le  lieutenant  Haig,  du 
6«  fusiliers  ;  le  capitaine  Shute,  les  lieutenants  Turner 
et  Batteman,  du  6fi\  et  bien  d'autres  qui  tombèrent 
blessés  et  moururent  quelques  jours  plus  tard. 

C'est  au  prix  de  ces  cruelles  pertes  que  la  colonne 
anglaise  parvint  enfin  à  gagner  la  Résidence.  A  l'en- 
trée de  la  nuit,  le  général  Havelock  y  pénétrait  à  la 
tête  du  régiment  sikh  de  Ferozepore  et  des  highlan- 
ders  du  78',  Les  blessés  et  la  portion  du  convoi  qui 
avait  suivi  la  colonne  étaient  dirigés,  pendant  ce 
temps,  sur  le  Ferad-Bakhs,  qui,  avec  les  palais  voi- 
sins, allait  servir  de  logement  aux  troupes  venues  de 
Cawnpour. 

Voici  Tordre  par  lequel  le  gouverneur  de  Calcutta 
annonça  à  l'armée  le  résultat  obtenu  par  les  généraux 
Outram  et  Havelock  : 

Fort  William,  3  octobre. 

«  Le  gouverneur  général,  en  conseil,  est  heureux 
»  d'annoncer  qu'il  a  reçu  aujourd'hui  du  major-géné- 
»  rai  sir  James  Outram  la  nouvelle  que  la  Résidence 
»  de  Lucknow  était  en  la  possession  des  forces  du 
»  général  Havelock  le  25  du  mois  dernier,  et  que  la 
»  garnison  était  sauvée. 

»  Il  est,rare  qu'un  commandant  ait  eu  le  bonheur 
»  de  consoler  par  ses  succès  autant  de  cœurs  désolés, 
»  ou  de  recueillir  une  récompense  de  gratitude  sem- 


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â8&  DB  U  POISSANGB  IflUTAIRB 

»  blable  à  celle  qui  sera  offerte  au  général  Havelock 
»  et  à  sa  brave  armée  partout  où  sa  victoire  sera 
V  connue. 

»  Le  gouverneur  général,  en  conseil,  offre  à  sir 
»  James  Outram  et  au  général  Havelock  ses  remer-* 
j»  ciements  et  ses  félicitations  à  Toccasion  de  Theu- 
»reux  événement  dont  la  Providence  les  a  faits  les 
»  principaux  instruments. 

»  Le  gouverneur  général ,  en  conseil ,  ne  peut 
»  qu'exprimer  en  même  temps  le  profond  regret  que 
»  lui  a  causé  la  mort  du  brigadier-général  Neill. 

»  Le  général  Neill,  pendant  sa  carrière  courte, 
»  mais  si  bien  remplie,  sest  acquis  le  respect  et  la 
»  confiance  du  gouvernement  de  Tlnde;  il  s*est  fait 
»  remarquer  comme  un  soldat  intelligent,  actif  et  dé- 
»  terminé,  plein  de  ressources  et  de  courage.  Le  gou- 
»  verneur  général  s'associe  aux  regrets  du  gouver- 
»  nement  et  de  l'armée  de  Madras  pour  la  perte  d'un 
»  homme  qui  était  l'honneur  de  leur  présidence. 

»  Par  ordre  du  gouverneur  général  en  conseil, 

»  R.-J.-H.  BiRGH, 
»  Colonel  et  secrétaire  du  ipouvernemeot  de  Tliide.  » 

Nous  passerons  rapidement  sur  les  incidents  du 
second  siège  de  Lucknow.  Cette  histoire  est  celle  du 
premier,  moins  ce  que  celle-ci  a  de  plus  dramatique, 
moins  la  terreur  et  les  angoisses  qui  planèrent  si 
longtemps  sur  le  sort  des  premiers  défenseurs  de  la 
Résidence.  Dès  le  lendemaia  du  jour  où  les  soldats 
de  Havelock  et  d'Outram  eurent  pénétré  au  cœur  de 


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t&S   Af(GLAl6  DANS  l/jNDE»  885 

Luckilow»  ils  se  trouvèrent  bloqués  comme  Tétaient 
la  veille  ceux  qu'ils  venaient  de  délivrer.  La  ceinture 
de  feu,  quelque  peu  élargie  cependant,  entoura,  non 
plus  seulement  la  Résidence,  mais  les  palais  voisins 
militairement  occupés,  et  que  leurs  nouveaux  hôtes 
s'appliquèrent  immédiutcment  à  forlirier.  Toute  com- 
munication avec  le  dehors  se  trouva  rompue»  et  la 
petite  garnison  laissée  à  Alumbagh  avec  le  gros  des 
provisions  et  des  bagages  s'y  vit,  elle  aussi,  complè- 
tement cernée» 

Cette  situation  dura  jusqu'au  25  novembre,  époque 
de  l'évacuation  sous  les  auspices  du  commandant  en 
chef  sir  Colin  Campbell. 

Pendant  les  derniers  jours  d'octobre,  de  nombreux 
détachements  avaient  été  dirigés  sur  Cawnpour,  et 
de  grands  approvisionnements  avaient  été  envoyés  à 
Alumbagh,  qui  deyait  être  la  base  naturelle  pour  les 
opérations  ultérieures,  I^e  â  novembre,  le  comman- 
dant en  chef  arrivait  à  Cawnpour,  et  trouvait  tous  les 
préparatifs  terminés  avec  la  sagess3  et  la  prudence 
que  commandaient  les  circonstances.  Renforcés  par 
tous  les  insurgés  chassés  de  Delhi  et  des  autres  sta- 
tions réoccupées  par  les  forces  anglaises,  les  rebelles 
de  Lucknow  comptaient  bien  près  de  100,000  hommes 
sous  les  armes. 

Sir  Colin  Campbell  quitta  Cawnpour  le  9,  et  le  13 
il  arrivait  à  Alumbagh,  où  la  colonne  du  colonel 
Grant  l'avait  précédé  (1).  Les  malades  et  les  blessés 

(1)  CeUe  colonne,  primitivement  sous  les  orAres  de  Greathed, 

25 


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S86  DR   LA   PUISSANCE   MILITAIRB 

laissés  par  le  général  Havelock  à  Alumbagh  furent 
immédiatement  renvoyés  à  Cawnpour  sous  la  garde 
d'un  détachement  sikh. 

Le  13,  les  dispositions  étaient  prises  pour  mar* 
cher  en  avant;  seulement,  afin  d^éviter  la  route  pé- 
rilleuse suivie  par  Havelock,  et  les  pertes  que  sa  co- 
lonne avait  subies  en  traversant  la  ville,  le  général 
en  chef,  obliquant  à  droite,  se  dirigeait  sur  le  parc 
de  Dilkhosa  en  longeant  le  canal,  dont  les  berges 
avaient  été  fortifiées  et  garnies  d*artillerie  par  les 
insurgés. 

Le  15,  après  un  combat  de  deux  heures,  Tennemi 
était  chassé  de  Dilkhosa  et  des  bâtiments  de  Lamar- 
tinière,  et  la  colonne  anglaise  y  concentrait  toutes 
ses  forces. 

Le  16,  sir  Colin  Gampbell  passait  le  canal  qui  sé- 
pare Alumbagh  et  Dilkhosa  de  Luoknow,  et  marchait 
ôur  leSecunder  bagh,  qu*on  emportait  après  un  violent 
combat,  dans  lequel  les  rebelles  éprouvaient  des 
pertes  énormes.  La  brèche  faite,  les  highianders  et 
(es  Sikhs  s'étaient  élancés  dans  cette  enceinte,  close 
de  toutes  parts,  et  un  horrible  combat  s*était  engagé 
avec  les  rebelles,'  qui  savaient  ne  pouvoir  espérer  de 
capitulation.  Deux  mille  cadavres  nageant  dans  leur 
sang  encombraient,  après  Tassaut,  les  salles  du  Se- 
cunder  bagh.   Jamais  les  atrocités  de  Cawnpour 

avait  été  chargée  de  balayer  les  iusurgéssur  la  rive^gaucbe  de  la 
Jumna,  après  la  prise  de  Delhi;  elle  avait  défait  les  rebelles  dans 
plusieurs  rencontres,  et,  arrivée  le  27  octobre  à  Cawnpour,  elle 
avait  été  dirigée  de  suite  sur  Alumbagh. 


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ma  ANGLAIS   DANS   L^INDB.  387 

n^avaîent  été  mieux  vengées.  Il  fallut  s'emparer  en- 
suite  de  la  mosquée  de  Schah-Nuszif,  à  laquelle  Pas- 
saut  ne  put  être  donné  qu^après  une  canonnade  de 
trois  heures.  Sir  Colin  Campbell  parle  de  ce  combat 
comme  d'une  des  plus  terribles  luttes  quMI  ait  jamais 
vues. 

Le  17  au  matin,  le  Schah-Munzill  était  enlevé,  et 
les  Anglais  s'emparaient  du  Mottee-Mahal,  dernier 
poste  qui  sMnterposftt  encore  entre  la  colonne  libéra- 
trice et  les  assiégés.  Avant  la  nuit,  Outram  et  Have- 
lock  étaient  sortis  de  leurs  retranchements,  et  avaient 
fait  leur  jonction  avec  le  général  en  chef  sous  les  mu- 
railles de  la  Mess-House.  Quoique  considérables,  les 
pertes  éprouvées  pendant  ces  cinq  journées  de  com- 
bats incessants  étaient  moins*  fortes  que  Ton  aurait 
pu  s'y  attendre  :  on  comptait  &67  hommes  tués  ou 
blessés,  16  officiers  avaient  succombé,  33  étaient 
hors  de  combat. 

Lucknow  n'était  pas  pris  cependant.  Y  rester  avec 
6  ou  7,000  hommes  était  une  entreprise  chimé- 
rique; dès  lors  il  n'y  avait  pas  un  moment  à  perdre 
pour  en  sortir  avec  la  moindre  perte  possible.  Toutes 
les  dispositions  furent  prises  en  conséquence.  L'opé- 
ration la  plus  délicate  était  l' évacuation,  sous  le  feu 
de  l'ennemi,  des  femmes,  des  enfants  et  des  blessée 
qui  encombraient  la  Résidence;  grâce  à  la  sagesse  et 
à  l'habileté  avec  laquelle  les  ordres  furent  donnés  et 
exécutés,  elle  eut  lieu  dans  la  journée  du  18,  sans 
qu'on  eût  à  déplorer  de  nouvelles  pertes. 

Au  nombre  des  infortunés  qui  composaii .«(  ce.  pré 


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388  DE   LA   PUISSANGB    MlUTâlRB 

cieux  et  douloureux  convoi,  se  trouvait  le  général 
Havelock.  Le  vieux  guerrier  se  mourait  au  moment 
où  sir  Campbell,  dans  tout  Tenlhousiasme  du  triomphe, 
venait  rendre  &  son  courage,  à  ses  services  rboro- 
raage  solennel  qu^il  avait  si  bien  mérité.  11  ne  devait 
pas  vivre  assez  longtemps  pour  apprendre  ce  que  sa 
patrie  pensait  de  ses  actions,  ni  pour  recevoir  les 
honneurs  que  lui  conférait  sa  souveraine.  Mais  il 
laissait  sa  famille  aux  soins  de  son  pays,  et  sa  mort 
ne  devait  que  trop  montrer  coipbien  étaient  fondés 
les  pressentiments  de  ceux  qui  demandaient  que  son 
titre  et  sa  pension  fussent  réversibles  sur  son  fils  (i)* 

Les  prisonniers,  les  femmes  et  les  enfants  une  fois 
«n  sûreté,  ainsi  que  les  blessés,  Tàbandon  de  ces  for- 
tifications, jusque  là  si  vaillamment  défendues,  s'ef- 
fectua dans  le  plus  grand  ordre,  et  conformément  à 
toutes  les  règles  d'une  habile  tactique,  ^n  présence 
d'un  ennemi  exaspéré,  et  que  son  immense  supério- 
rité numérique  rendait  toujours  redoutable. 

Dans  la  nuit  du  22  au  2â,  l'armée  reprenait  la 
route  de  Cawnpour,  après  avoir  détruit  tout  ce  que  la 
Résidence  renfermait  encore  d'artillerie,  d'engins  et 


(i)  La  reeonnaissaoce  nationale  a  fait  passer  à  sir  Henry 
llarsham  Haveiocit,  avec  une  pension  de  lOOO  livres  sterling,  le 
titre  de  baronnet  dont  son  père  n'avait  pu  recevoir  lUnvesUlure. 
ïji  veuve  du  général  a  reçu  pareille  pension.  Les  familles  des 
généraux  Neill,  Nicholson,  Lawrence,  ont  été  Tobjet  de  témoi- 
gnages de  gratitude  analogues.  L'Angleterre,  il  faut  le  dire,  ne 
marchande  ni  sa  reconnaissance,  ni  ses  récompenses,  à  ceux  qui 
meurent  pour  elle. 


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Dis  ANGLAIS  DANS   L*INDB.  3ft9 

d'approvisionnements  militaires  hors  d*élat  d*ètre 
transportés.  Derrière  elle,  et  fortement  établi  à 
Alumbagh  avec  de  Tartillerie  de  campagne  et  du 
canon  de  position,  elle  laissait  un  détachement  de 
A, 000  hommes  sous  les  ordres  du  général  Outram. 
Ce  corps  était  destiné  à  tenir  Lucknow  en  échec,  en 
attendant  le  jour  où  le  commandant  en  chef  pourrait 
reparaître  sous  ses  murs  avec  une  armée  suiBsante 
pour  la  réduire  à  merci. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  l'immense  service  rendu 
au  gouvernement  des  Indes  par  l'héroïque  résolution 
de  sir  Henry  Lawrence^  et  l'admirable  persévérance 
de  son  détachement.  Les  instru^ctions  qui  avaient  été 
envoyées  au  Commissaire  de  l'Oude,  en  même  temps 
que  le  grade  de  brigadier- général,  lui  laissaient  toute 
latitude  :  il  était  libre  d'évacuer  la  ville  de  Lucknow, 
et  même  la  province,  s'il  le  jugeait  à  propos.  Le 
gouverneur  général  savait  d'avance  qu'à  moins  d'une 
nécessité  absolue  un  homme  de  la  trempe  d'Henry 
Lawrence  ne  voudrait  ni  reculer,  ni  lâcher  prise.  De 
fait,  si  Lucknow  eût  été  abandonné  avant  que  les 
révoltés  eussent  été  contraints  de  rendre  Delhi,  on 
ne  saurait  dire  combien  le  prestige  du  pouvoir  bri* 
taimique  eût  souffert,  et  ce  que  ce  double  désastre 
eût  ajouté  de  révoltes  à  celles  qui  s'étaient  déjà  pro- 
duites. Nous  terminerons  ce  chapitre  par  quelques 
passages  de  Tordre  publié  à  l'ocbasion  de  la  déli« 
vrance  de  Lucknow  par  le  gouverneur  général  ;  en 
même  temps  qu'il  rend  à  chacun  des  acteurs  de  ce 
drame  toute  la  justice  qui  lui  est  due,  il  résume  d'une 


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â90  DB   LA   PUlS8àNfîB   MILITÂIRB 

&çon  complèlo  le  caractère  exceptionnel  de  œ  fait 
de  guerre. 

«  Le  gouverneur  général,  en  conseil,  a  reçu  du 
I»  brigadier  Inglis,  qui  commandait  la  garnison  de 
»  Lucknow,  le  rapport  de  la  défense  de  la  Résidence 
«depuis  le  commencement  des  hostilités  jusqu*fc 
»  Tarrivée  des  forces  commandées  par  le  général 
»  Otttram  et  le  regrettable  sir  Henry  Havelock. 

»  Le  gouverneur  général  pense  que  jamais  récit 
n  D'à  dû  émouvoir  des  cœurs  anglais  comme  la  simple 
«  narration  du  brigadier  Inglis. 

»  Le  rapport  commence  par  le  témoignage  bien 
i»  mérité  rendu  par  un  compagnon  d*armes  aux  qua* 
9  iilés  de  sir  Henry  Lawrence,  dont  on  connaît  la 
X»  mort  fatale». • 

» ...  La  défense  de  Lucknow  a  non-seulement  fait 
»  briller  Ténergie  et  Taudacedes  Anglais  au  moment 
»  du  péril,  mais  elle  a  provoqué  continuellement  et 
»  au  plus  haut  degré  ce  courage  noble  et  persévérant 
»  qui  a  permis  de  se  maintenir  d*un  jour  à  Tautre»  et 
»de  triompher  malgré  une  infériorité  numérique 
9  considérable  et  d'énormes  désavantages,  malgré  la 
»  perte  de  tout  espoir,  et  un  travail  incessant  de  corps 
9  et  d'esprit. 

I»  Les  canons  des  assaillants  étaient  plaeéa  à  cou« 
»  vert,  à  60  yarda  des  retranchements  »  et  même  k 
»  une  telle  proximité  que  les  prières,  les  menaces  et 
«  les  injures  adressées  par  les  rebelles  à  la  garnison 
»  indigène  pouvaient  être  aisément  entendues  par  ces 
9  hommes  loyaux  ;  le  feu  de  l'ennemi  était  tellement 


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DBg  ANGLAIS  DANS  L'ifiDB.  S9i 

9  violent  quMl  pénétrait  jusque  dans  les  retraites  deç^ 
«femmes,  des  enfants  et  des  blessés;  les  tentatives 
»  désespérées  et  réitérées  de  faire  sauter  les  défense  ^ 
>^etde  miner  les  ouvrages  pies  veilles  incessantes 
»  dans  l'attente  de  secours,  et  la  perte  de  vies  pré- 
»  cieuses,  si  considérable  que  le  nombre  des  artilleurs 
»  n'atteignait  pas  celui  des  canons^  tout  cela  ne  re- 
«produit  que  faiblement  Thistoire  que  les  compa- 
9  triotes  des  héros  de  Lucknow  liront  avec  des  cœurs 
»  saignants*  et  qui  sera  une  leçon  éternelle  pour  ceux 
»  qui  espéraient  renverser  par  la  trahison  et  le  nombre 
9  la  puissance  de  l'Angleterre  en  Asie...  » 

L'ordre  en  conseil,  après  avoir  donné  la  liste  de. 
tous  ceux  qui  ont  été  tués  pendant  le  siège,  se  ter*, 
mine  ainsi  : 

«  A  tous  les  braves,  et  à  leurs  compagnons  d'armes, 
9  Européens  ou  indigènes  (1),  qui  ont  partagé  ces 
»  dangers  avec  le  même  courage  héroïque^  le  gou- 
»  verneur  général  offre  ses  remerciements. 

»  Les  officiers  et  soldats  de  Sa  Majesté  recevront 
9  d'une  autorité  plus  élevée  les  félicitations  qu'ils  ont 
»  méritées.  Mais  cet  ordre  ne  peut  se  terminer  sans 
«  qu'il  soit  fait  mention  de  ces  nobles  femmes  qui, 

(1)  Nous  avons  dit  que  quelques  Français  (Duprat,  Geffroi>  etc.) 
faisaient  partie  de  la  garnison  de  Lucknow;  un  italien,  M.  Barso- 
letU,  comptait  aussi  dans  ses  rangs.  Les  uns  et  les  autres  doivent 
prendre  leur  part  des  éloges  du  gouverneur  généraU  Toutefois, 
Duprat  (Fancien  chasseur  d'Afrique  qui  a  été  tué)  était  un  homme 
d'une  trempe  bien  supérieure  à  celle  des  autres  volontaires,  et 
dans  les  circonstances  criUques,  il  semble  avoir  commandé  bien 
autrement  Tattention. 


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Z9i  DB  LA   PUtSSAMQIi   MILITAIRB  ,   ETC. 

»  bien  que  si  peu  faites  pour  de  pareilles  scènes,  ont 
»  accompli  avec  tant  de  courage  leur  œuvre  de  cha- 
»  rite  en  soignant  les  malades  et  les  blessés.  Il  est 
»  probable  que  cette  louange  qui  leur  est  donnée 
»  publiquement  ne  leur  sera  pas  agréable;  mais  le 
»  gouverneur  ne  peut  se  priver  du  plaisir  de  rendre 
»  justice  à  leurs  noms,  et  d^offrir  à  celles  dont  les 
»  actes  sont  si  glorieux  le  tribut  de  son  admiration 
»  et  de  sa  reconnaissance.  » 

Suivent  les  noms  des  femmes  qui  se  sont  trouvées 
enfermées  dans  la  Résidence  avec  la  garnison,  et 
quelques  dispositions  relatives  à  la  formation  d'un 
régiment  dit  de  LucknoWy  qui  sera  composé  avec  les 
soldats,  d'infanterie  indigène  qui  ont  pris  part  à  la 
défense. 


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CHAPITRE  XVI. 

Sommaire  :  Situation  générale  après  la  délivrance  de  la  Résidence 
par  le  général  en  chef.  —  Ajournement  de  Toccupation  défini- 
tive de  Lucknow.^  Situation  des  provinces  de  Tlnde  centrale. 

—  Les  résidents  de  Sangor.  — Occupation  de  Galpy  par  le  con* 
tingent  de  Gouâlior.  —  Affaires  du  général  Windham.  —  Com- 
bats du.6  décembre.  —  Affaire  de  Seral-Ghat  (10  décembre). 

—  Plan  de  campagne  adopté  pour  la  destruction  des  rebelles 
dans  rOude.  —  Emplacement  et  opérations  des  divers  corps 
d'armée.  —  Colonne  du  Rohllcund  (brigadier  Penny).  — Co- 
lonne du  Rac^epoutna  septentrional  (brigadier  Showers). — 
Colonne  du  Doab  (colonel  Seaton).  —Colonne  du  Radjepoutna 
méridional  (brigadier  Roberts  et  major  Raines). —  Colonne  de 
l'Inde  centrale  ou  armée  de  la  Merbuddah  (généraLsir  \k  Rose 
et  brigadier  Stuarl).  —  Colonne  de  Madras  ou  du  Gandounna 
(colonel  Whiteiock).  —  Colonne  de  la  frontière  méridionale  de 
rOude  (brigadier  Franks).  --  Colonne  de  la  frontière  orieutale 
(colonel  Rowcroft).  —  Colonne  de  la  frontière  septentrionale 
(iung  Bahadoor,  colonel  Mac-Gregor).  —  Opérations  prélimi- 
naires, marche  du  général  en  chef  sur  Futtehghur  et  du  général 
Walpole  sur  Ëtawab  (2Zi  décembre  1857).  —  Hésitations  et  in- 
certitudes de  rétat-major  anglais.  —  Divergences  d'opinion  ii 
Têtard  de  la  conduite  des  opérations.  —  On  renonce  à  Texpé- 
dition  du  Rohllcund.  —  Le  quartier-général  est  réinstallé  à 
Cawnpour  Qanvier  et  février  1858).  —  Prise  de  Ratgurh  et  dé- 
livrance de  Sangor.  —  Force  de  l'armée  de  sir  C.  Campbell.  — 
Prise  de  Lucknow.  —  Dispersion  des  forces  de  Tarmée  de 
Lucknow.  —  Colonnes  des  généraux  Hope  Grant,  E.  Lugard  et 
Walpole.  —  Prise  de  Ihansi.  —  Prise  de  Kotah.  —  Combat  de 
KouDcb. —  Prise  de  Calpy.— Les  insurgés  s'emparent  de  Gou&- 
lior.  —  Ils  reperdent  cette  ville  le  19  juin.  —  Opérations  dans  le 
Rohllcund.— Prise  de  Schahdjihanpour  et  de  Bafeilly.— Affaire 
du  général  Walpole.  —  Opérations  clu  général  Lugard  dans  les 
districts  du  sud  de  TOude.  —  Les  troupes  anglaises  prennent 
leurs  quartiers  d'été.  —  Situation  générale  au  moment  de  la 
cessation  des  hostilités.  —  Appréciation  des  résultats  obtenus. 
Discussion  critique  des  opérations  de  1857-1868.  —  Résultat 
probable  de  la  prochaine  campagne. 

Oh  a  vu,  dans  le  chapitre  précédent, que  l'énorme 
dispropo!  lion  (jiii  ejiiûlail  cnlrc  les  forces  des  insur- 


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39&  DE   LA    PlilSSÂNCB    MILITAIRB 

gés  de  Lucknow  et  la  petite  armée  du  général  Camp- 
bell n'avait  pas  permis  l'occupation  définitive  de  la 
capitale  de  i'Oude.  Malgré  les  pertes  nombreuses 
qu'ils  avaient  éprouvées,  les  rebelles  comptaient  en- 
core 60,000  combattants  au  moment  de  l'évacuation 
de  la  Résidence.  Ils  ne  s'étaient  pas  retirés  et  sem- 
blaient déterminés  à  défendre  la  ville  proprement 
dite,  maison  par  maison.  Entrepris  dans  de  pareilles 
conditions,  le  siège  eût  équivalu  au  sacrifice  de  la 
force,  déjà  bien  réduite,  dont  pouvait  disposer  le 
général  anglais  et  eût  peut-être  nécessité  une  troi- 
sième délivrance  de  Lucknow. 

La  part  faite  à  l'impatience  légitime  que  pouvait 
causer  l'ajournement  de  la  soumission  de  TOude,  les 
résultats  de  la  première  campagne  étaient  encore  de 
nature  &  produire^n  Angleterre  une  satisfaction  bien 
légitime.  L'armée  qui  avait  emporté  Delhi  pouvait 
rappeler  avec  fierté  que  ce  fait  d'armes  avait  été  ac- 
compli par  moins  de  5,000  Européens,  et  que  la  co- 
lonne d^assaut  ne  s'était  guère  élevée  à  plus  de 
8,500  hommes.  La  capture  du  roi  de  Delhi  devait 
exercer  une  grande  influence  sur  la  désorganisation 
et  la  dispersion  des  rebelles.  Les  fugitifs  de  la  garni- 
son avaient  été  poursuivis  dans  l'est,  du  côté  du  Ro- 
hilcund  et  de  l'Oude,  dans  le  sud  du  côté  de  Muttrah. 
Ces  débris,  que  la  direction  même  de  leur  fuite  ra- 
battait sur  les  forces  européennes,  semblaient  voués 
à  une  destruction  certaine. 

Quant  à  Lucknow,  on  peut  concevoir  la  joie  que 
causait  en  Angleterre  cette  tardive  délivrance,  lors- 
qu'on songe  que,  du  31  mai  au  25  septembre,  date 


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DM  ANGLAIS  DANS   L*INDB.  S05 

du  premier  ravitaillement  par  Havelock,  et  du  25  sep- 
tembre au  46  novembre,  six  longs  mois  s'étaient 
écoulés  pendant  lesquels  ce  petit  nombre  d'hommes, 
groupés  autour  de  leurs  femmes  et  de  leurs  enfants, 
avaient  dû  passer  par  toutes  les  alternatives  de  la 
consternation  et  de  Tespérancé. 

Ce  qu'il  y  avait  de  plus  remarquable  dans  ces  pre- 
miers succès  remportés  par  l'armée  des  Indes  et  ce 
qu*on  ne  saurait  assez  répéter,  parce  que  rien  ne 
donne  mieux  la  mesure  de  l'infériorité  de  la  race  in* 
dienne,  c'est  que  l'armée  de  50,000  hommes,  si  labo^ 
rieusen()ent  formée  en  Angleterre,  flottait  encore  sur 
POcéan  à  l'époque  de  cette  première  campagne  et 
n*avait  pu  y  prendre  part.  Jusqu'ici,  ce  sont  les . 
troupes  dispersées  que  l'insurrection  a  surprises  à 
des  distances  prodigieuses  les  unes  des  autres;  ce 
sont  les  nouvelles  levées  faites  chez  les  Sickhs;  ce 
sont  quelques  régiments  détournés  de  la  Chine  ou 
détachés  du  Cap  et  de  Maurice,  qui  ont  (enu  tête  à 
l'armée  du  Bengale  et  qui  ont  fini  par  l'accablcF. 
Certes,  l'armée  d'Europe  devait  être  la  bienvenue 
dans  un  pays  où  sont  encore  dispersés  une  centaine 
de  mille  de  pillards  armés;  mais  elle  ne  devait  plus 
avoir  affaire  à  une  force  organisée,  &  des  places  fortes, 
à  une  dynastie  consacrée  par  les  traditions.  Cette 
armée  ne  devait  plus  faire  qu'une  guerre  de  police, 
si  Ton  peut  s'exprimer  ainsi.  Toutefois,  nous  allons 
voir  que,  malgré  Tamélioration  de  la  situation,  il  s'en 
fallait  pourtant  de  beaucoup  que  cette  armée  man- 
quât d'occupation  dans  un  tel  pays  et  après  de  telles 
secousses. 


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396  Dfi  Lk   PUIS8ANQB  IliUTAIBC 

La  nécessité  de  présenter  avec  le  plus  de  suite  pos- 
sible les  événements  de  TOude  nous  a  conduit  à  né-> 
gliger  jusqu'ici  les  opérations  accomplies  dans  les 
autres  parties  de  l'Indépendant  les  derniers  mois  de 
Tannée  1857.  Nous  allons  les  résumer  succinctement, 
afin  d'établir  leur  liaison  avec  le  plan  général  suivi 
en  i  858  par  le  général  en  chef. 

Toutes  les  parties  de  l'Inde  centrale  et  de  la  prési^ 
dence  du  Bengale  que  les  troupes  anglaises  avaient 
été  forcées  d'abandonner  se  trouvaient,  au  mois  de 
novembre  1857,  en  proie  à  une  désorganisation 
complète.  Des  bandes  d'aventuriers,  composées  en 
grande  partie  de  cipayes  échappés  de  leurs  corps 
dispersés  et  conduites  par  des  chefs  indigènes,  par- 
couraient  les  campagnes,  infestaient  les  routes  et  por«» 
taient  partout  la  dévastation  et  le  pillage.  Comme  il 
était  facile  de  le  prévoir,  le  brigandage  et  la  chouan^ 
nerie  avaient  remplacé  la  guerre  ouverte  et  régulière* 

Cernés  par  les  rebelles  d'Indore,  de  Mhow,  de 
Mundisore,  les  résidents  de  Sangor,  dans  l'Inde  cen- 
trale, avaient  dû  se  réfugier  dans  le  poste  fortifié 
dont  on  avait  augmenté  tant  bien  que  mal  les  dé- 
fenses. I^a  petite  troupe  qui  tenait  cette  position, 
123  combattants  environ,  se  trouvait  dans  la  situa- 
tion critique  qui  avait  pendant  si  longtemps  pesé  sur 
les  défenseurs  de  la  Résidence.  A  Sangor  comme  à 
Lucknov^,  un  grand  nombre  de  femmes  et  d'enfants 
se  trouvaient  exposés  aux  souffrances  d'un  blocus  ri- 
goureux et  renouvelaient  toutes  les  anxiétés  dont  on 
avilit  espéré  se  voir  aflranchi  par  la  délivrance  de  la 
Résidence. 


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DES  ANGL/lIS   DANS   f/lNDK»  397 

EnU*e  Cawnpour  et  Allahabad,  les  rebelles  de  Di* 
napore^  auxquels  leur  désertion  en  masse  avait  per- 
nois  de  conserver  une  sorte  d'organisation,  avaient 
quitté  Bandah.  Sous  la  conduite  de  KouerSing,  ils 
avaient  traversé  la  Jumna  dajis  les  environs  de  Galpy 
et  s'étaient  dirigés  sur  Futehpoor.  Le  1*'  novenobre, 
le  major  Powell  s'était  porté  à  leur  rencontre  à  la 
téta  de  800  hommes  environ  et  les  avait  rencontrés 
près  de  Rudjeneea,  où  ils  occupaient  une  forte  posi- 
tion défendue  par  3  pièces  d'artillerie.  Cette  position 
avait  été  emportée  par  le  détachement  anglais,  mais 
au  prix  de  pertes  assez  considérables.  Le  major  Powell 
avait  été  tué  dans  ce  combat,  à  la  suite  duquel  les  re- 
belles avaient  repassé  sur  la  rive  droite  de  la  Jumna. 

Le  contingent  deGouâlior^dont  nous  avons  raconté 
la  révolte,  après  être  resté  longtemps  inactif,  s'était 
enfin  mis  en  marche,  malgré  les  efforts  de  Sindhya 
pour  le  retenir,  et  il  s'était  concentré  à  Calpy  dans 
une  attitude  expectante.  Là  ville  de  Galpy  n'est  qu'à 
environ  A6  milles  au  sud-ouest  de  Gawnpour;  la 
Jumna,  qui  coule  entre  ces  deux  stations,  ne  devait 
offrir  qu'un  obstacle  très  insuffisant  à  la  marche  du 
contingent  de  Guoâlior,  dont  le  mouvement  était  ha- 
bilement combiné  dans  l'attente  des  événements  qui 
se  passaient  dans  TOude. 

Le  pays  entre  Bénarès  et  Raneegunge  était  battu 
par  les  rebelles  du  5®  irrégulier  et  du  32%  qui  avaient 
échappé  à  la  poursuite  du  major  English  sur  les  bords 
de  la  Soane  ;  toutefois,  l'annonce  de  la  formation  d'un 
camp  permanent  à  Raneegunge,  au  débouché  du 
chemin  de  fer  de  Calcutta^  semblait  déjà  rendre  quel- 


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398  DE    Lk   t»U1S9A^CB    MILrTAIftB 

que  sécurité  à  la  portion  du  Trunck«Road  qui  traverse 
ces  districts. 

A  Jubbulpoor  et  sur  les  frontières  du  Bundelkund 
et  du  Gandouana,  ce  n^était  que  pillages  et  violences 
exercés  par  les  rebelles  du  52%  I^e  plus  grand  nombr  e 
d'entre  eux  s'était  mis  à  la  solde  d'un  chef  nommé 
Mhirwan-Sing,  qui  s'était  proclamé  radjah  de  Tejg- 
hur.  Le  capitaine  Ternan  poursuivait  ce  rebelle,  dont 
le  repaire  avait  élé  détruit,  mais  sans  amener  la  dis- 
persion de  ses  adhérents. 

Le  pays  au  nord  d'Allahabad  était  infesté  de  re- 
belles. A  Sarun,  Moharoed-Ali-Rhan  s'était  établi 
avec  6,000  hommes  et  &  canons,  et  s'intitulait  Nazim 
d'Allahabad  ;  mais,  au  lieu  de  chercher  à  s'emparer 
de  sa  capitale,  ce  qui  eût  permis  d'en  finir  avec  lui» 
il  se  contentait  de  piller  les  paysans. 

Du  côté  de  Jouanpoor  et  d'Azimgurh,  la  situation 
n'était  guère  meilleure;  cependant,  gr&ce  au  con- 
cours des  premiers  détachements  de  (ioorkhas,  Has- 
san-Yar-Khan,  qui  commandait  les  rebelles  dans  ces 
districts,  avait  été  refoulé  vers  le  nord. 

Les  provinces  de  Delhi  et  de  Meerut  étaient  les 
seules  qui,  au  moment  delà  marche  de  sir  Campbell 
sur  Lucknow,  goûtassent  une  tranquillité  relative, 
grâce  aux  opérations  des  colonnes  de  Greathed  et  de 
Showers,  dont  nous  avons  rendu  compte.  Le  premier 
de  ces  officiers  avait  joint  ses  forces  à  celles  du  gé- 
néral en  chef  pour  la  délivrance  delà  Résidence;  à 
la  date  du  15  octobre,  le  second  avait  pris  possession 
de  Dadree^  à  3i  milles  environ  au  sud-est  de  Delhi. 
Le  17»  la  colonne  du  brigc^dier  Showers,  composée 


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MS  ANGLAIS  DANS   l/lNDB.  599 

de  1,200  hommes,  avec  le  contingent  de  Cachemyre, 
s'était  rendue  à  Ihujjur.  On  avait  trouvé  la  place  éva- 
cuée par  Tennemi;  mais  on  avait  pris  21  canons  et 
beaucoup  de  munitions  abandonnées  par  les  rebelles. 

Du  côté  du  Rohilcund,  Tabandon  de  toutes  les  sta- 
tions militaires  par  les  Anglais,  au  début  de  Tinsur- 
rection,  avait  complètement  livré  le  pays  aux  rebelles. 
La  situation  de  cette  province,  intermédiaire  entre 
rOude  et  les  provinces  du  nord-ouest,  rendait  sa  sou- 
mission indispensable  pour  le  succès  des  opérations 
à  diriger  contre  Lucknow  ;  le  brigadier  Chamberlain 
fut  chargé  de  Tattaquer  par  le  nord,  de  manière  à 
concourir  à  l'exécution  du  plan  général  arrêté  par  le 
gouvernement  de  l'Inde  et  dont  nous  allons  donner 
on  aperçu. 

Le  buta  atteindre  était  la  concentration  de  l'insur- 
rection dans  les  limite^de  l'Oude  et  du  Rohilcund  :  là 
était  le  véritable  foyer  dont  il  fallait  étouffer  jusqu'à 
la  dernière  étincelle.  Il  ne  suffisait  pas,  en  effet,  que 
chaque  détachement  de  rebelles  fût  dispersé,  que 
chaque  repaire  fortifié  fût  détruit,  il  fallait  que  la 
révolte  fût  non-seulement  vaincue,  mais  encore 
anéantie.  Il  était  nécessaire  de  prévenir  à  tout  jamais 
te  retour  des  bandes  de  fugitifs  qui  avaient  traversé 
le  Gange  et  la  Gogra;  il  fallait  les  empêcher  de  ré« 
pandre  de  nouveau  la  désolation  dans  les  districts 
récemment  délivrés  de  leur  présence;  en  un  mot,  il 
s'agissait  de  ne  pas  permettre  aux  insurgés  de  l'Oude 
d'en  sortir  et,  autant  que  possible,  de  détruire,  avant 
qu'ils  pussent  y  entrer,  ceux  qui  cherchaient  à  en 
gagner  la  frontière.  Pour  exécuter  ce  plan,  il  fallait 


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A 00  DB   LA    PUI8SANGR   MlLITAIftE 

avant  tout  entourer  TOude  d'un  cordon  de  troupes 
continu  et  puissant  dont  la  concentration  permettrait 
ensuite  de  frapper  un  grand  coup  au  moment  décisif. 

Nous  verrons  plus  loin  comment  et  par  quelles 
dispositions  ce  résultat  fut  obtenu;  mais  nous  devons 
auparavant  rendre  compte  des  mouvements  qui  suî« 
virent  immédiatement  la  délivrance  de  la  Résidence. 

Nous  avons  parlé,  dans  un  des  chapitres  précé- 
dents, de  la  révolte  du  contingent  de  Guoàlior.  Scind* 
hya,  par  la  force  et  la  persuasion,  et  à  l'aide  de  sa 
propre  armée  restée  fidèle,  était  parvenu  dans  le 
principe  à  contenir  cette  troupe  et  Tavait  empêchée 
de  se  joindre  aux  insurgés  de  Delhi  et  de  Cawnpour. 
Plus  tard,  ce  contingent  avait  fini  par  se  soustraire  à 
so|i  contrôle  et  était  parvenu  à  s'échapper.  Depuis  le 
commencement  de  Tinsurreclion,  les  mouvements  de 
cette  armée,  qui  devait  jouer  un  rôle  si  important  et 
qui,  à  r heure  actuelle,  forme  encore  le  principal 
noyau  de  la  résistance  que  rencontrent  les  Anglais, 
avaient  été  caractérisés  par  une  indécision  remar- 
quable, et  rien  ne  pouvait  faire  prévoir  le  succès 
qu'elle  devait  obtenir  plus  tard. 

Nous  avons  dit  que  la  force  de  ce  contingent  éiaii 
considérable.  Malgré  les  pertes  quMl  avait  pu  éprou- 
ver, il  comptait,  au  mois  de  novembre  1857» 
8,000  hommes  environ,  parfaitement  organisés  et 
équipés.  11  avait  son  artillerie  de  campagne  et  de 
siège,  sa  cavalerie,  son  commissariat,  en  un  mot 
tout  ce  qui  était  nécessaire  pour  le  service  de  guerre. 

Pendant  que  les  généraux  anglais  étaient  occupés 
dans  rOiide»  cette  petite  armée  n'avait  fait  aucun 


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M3  ANGLAIS  DANS  L^NBS.  iktOl 

mouvement  décisif;  elle  s -était  bornée  à  errer,  pleine 
d*irré8olutioDy  spr  les  bords  de  la  Jumna,  sans  8*a- 
venlarer  h  venir  au  secours  de  se9  complices.  Vers  le 
milieu  de  novembre,  cédant  enfiq  aux  excitations  des 
émissaires  de  Nana«SaIb,  ses  chefs  lui  avaient  fait 
traverser  la  rivière,  et  elle  s'était  avancée  dans  la 
direction  de  Gawnpour,  où  le  général  Windham  avait 
élé  laissé  avec  2,000  hommes  environ  par  le  général 
en  chef  sir  Colin  Campbell  (i). 

Le  27  novembre,  le  général  Windham  sortit  de  son 
camp,  et  marcha  contre  les  troupes  de  Gouàiior,  sur 
lesquelles  il  avait  déjà  remporté,  la  veille,  un  avan- 

(1)  Le  général  sir  Colin  Campbell,  nommé  au  commandement 
en  chef  de  Tarméa  des  Indes,  a  de  nombreux  et  glorieux  antécé* 
dents.  Il  débuta  en  Espagne  comme  enseigne  au  9*  d*lnfanterle, 
combaUit  eu  4814  et  1815»  en  Amérique,  et  se  distingua,  en  1823, 
à  répoque  de  Tinsurrection  de  Demerara.  En  18^2,  Il  comman- 
dait le  98'  régiment.  Au  moment  de  la  guerre  de  Chime»  on  rap- 
pela au  commandement  d*une  brigade  de  la  3*  division,  alors 
dans  le  Pendjaub.  Quoique  blessé  k  ChiUlauwallah,  il  se  distingua 
k  Kohat,  daviut  chef  de  sa  division,  et  se  signala  dans  plusieurs 
engagements  successifs.  Nous  croyons  inutile  de  rappeler  ici  les 
services  récents  rendus  par  sir  Colin  Campbell  en  Crimée;  son 
nom  figure  sur  la  liste  des  généraux  anglais  nommés  grands-offi- 
ciers de  la  Légion  d*honneur.  Au  nombre  des  disUncUons  dont 
sir  Colin  Campbi^U  a  été  honoré,  nous  menUonnerons  le  titre  de 
Bourgeois  d*bonneur  de  la  ville  de  Glascow,  patrie  de  son  père, 
et  quMl  n*avalt  pas  revue  depuis  un  demi-siècle;  5,000  habitants 
de  cette  ville  se  sont  en  oulre  cotisés  pour  lui  offrir  une  épée. 

Le  général  Windham  (le  héros  du  Redan)  a  servi  également  en 
Crimée;  il  était  colonel  à  son  départ  pour  FOrient.  Nommé 
major-général  devant  Sébastopol ,  il  avait  été  désigné,  après  la 
prise  de  la  ville  f  pour  remplir  les  fonctions  de  commandant  mi- 
lilairr-  pour  les  Anglais. 


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A09  DB  LA  PDIMANGB  MîLITAIftK 

tàge  dont  la  chute  du  jour  n'avait  pas  permis  de  re- 
cueillir les  résultats.  Pendant  la  nuit,  Tennemi  avait 
été  renforcé  par  les  rebelles  de  Dînapore,  et  les  trois 
régiments  (6&«,  82%  88*}  qui  composaient  toute  la 
force  du  général  Windham,  2,000  hommes  environ, 
étaient  hors  d'état  de  lutter  contre  les  10,000  cipayes 
qui  allaient  les  assaillir.  La  colonne  du  général  Win- 
dham  fut  mise  en  déroute,  et  perdit  son  camp  avec 
500  tentes,  les  harnais  des  bêtes  de  somme,  et  du 
matériel  (équipement  et  chaussures)  pour  une  somme 
considérable.  Dans  cet  engagement  malheureux,  le 
brigadier  Wilson,  le  major  Stirling,  les  capitaines 
Saunders,  Morphy  et  Macroe,  les  lieutenants  Parsons 
et  O'Graddy  succombèrent,  tués  ou  blessés,  après 
avoir  fait  des  prodiges  de  valeur.  Le  6&«,  dont  le 
brigadier  Wilson  était  colonel,  perdit  la  moitié  de  son 
monde. 

Les  débris  de  la  colonne  Windham,  abandonnant 
le  camp  de  Nawabgunge,  s'étaient  retirés  dans  les 
retranchements  de  Gawnpour,  autour  desquels  l'en- 
nemi grossissait  d'heure  en  heure,  lorsque  le  général 
Campbell  parut  sur  la  rive  gauche  de  la  rivière,  es- 
cortant le  convoi  de  Lucknow.  Ce  retour  inespéré 
changea  promptement  la  face  des  affaires.  Le  6  dé- 
cembre, le  contingent  de  Gouâlior  était  attaqué  à  son 
tour  par  les  forces  réunies  de  sir  Colin  Campbell  et 
du  général  Windham,  et  il  était  rejeté  en  désordre 
sur  ses  anciennes  positions,  aux  environs  de  Calpy, 
après  avoir  perdu  la  plus  grande  partie  de  son  artil- 
lerie et  tout  le  butin  dont  il  s'était  emparé. 


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M8  aholais  dans  Vïhùh.  Ma- 

'  Le  10  décembre,  une  partie  des  fugitifs  du  oon-l 
Ungent  qui  avaient  tenté  de  gagner  POude  étaient 
atteints  à  Seral-Gbat  par  le  général  Hope  Grant  (du 
9*  lanciers)  au  moment  où  ils  cherchaient  à  passer  le 
Gange.  Après  un  rude  engagement,  les  rebelles 
étaient  mis  en  complète  déroute  et  perdaient  tous 
leurs  bagages. 

Grftce  au  retour  opportun  du  général  en  chef, 
1- échec  de  Nawabgunge  se  trouvait  réparé;  mais» 
d'un  autre  o6té,  la  retraite  de  Farmée  anglaise  sur 
Cawnpour,  en  laissant  le  champ  libre  aux  insurgés 
de  rOude,  déterminait  dans  le  sud  de  cette  province 
des  résultats  qui,  pour  être  prévus,  n'en  étaient  pas 
moins  fftcheux.  Les  Goorkhas,  chargés  de  protéger 
Jouanpour  et  Azimghur,  étaient  obligés  de  se  retirer, 
et  ces  deux  districts  tombaient  au  pouvoir  des  rebelles. 

Afin  de  couvrir  Bénarès  et  la  rive  droite  du  Gange 
entre  Allahabad  et  Patna,  le  colonei  Franks  reçut 
Tordre  d'organiser  une  force  imposante  sur  ta  rive 
gauche  du  fleuve,  et  fut  autorisé  à  arrêter  provisoi- 
rement tous  les  détachements  qui  se  dirigeaient  de 
Calcutta  sur  Cawhpour*  Dès  les  premiers  jours  de 
janvier,  cette  force  était  en  mesure  de  remplir  sa 
mission,  et  fermait  complètement  la  frontière  du  sud 
de  rOude,  pendant  que  Jung-Bahadoor,  le  roi  du 
Népaul,  envahissait  le  nord  de  cette  province  à  la 
tôle  de  9,000  Goorkhas  réunis  à  Segowlee  par  le  co* 
lonel  Mac-Gregor. 

La  première  moitié  du  mois  de  décembre  fut  em- 
ployée par  le  général  en  chef  &  régler  et  coordonner 


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kOk  M  LA   P0f89ANQB  MIUTAIU 

les  mouvements  des  différentes  colonnes  qui  devaient 
concourir  et  Texécution  du  plan  dont  nous  avons 
donné  plus  haut  Texposé,  Livrés  jusque-là  à  eux- 
mêmesy  obligés  de  secourir  les  garnisons  assiégées, 
et  de  faire  face  à  Tennemi  dans  toutes  les  directions, 
réduits  à  combattre ,  en  quelque  sorte,  au  jour  le 
jour,  sans  plan  arrêté  d'avance,  les  chefs  des  dilé- 
rentes  colonnes  dont  nous  avons  résumé  les  opéra- 
tions avaient  manœuvré  suivant  leurs  inspirations 
personnelles,  toujours  avec  audace,  souvent  avec  tap 
lent,  mais  rarement  avec  Tensemble  que  réclamait  la 
situation.  Le  moment  était  arrivé  où  T unité  du  com- 
mandement allait  se  faire  sentir  dans  la  direction  des 
troupes  disséminées  sur  le  plus  vaste  thé&tre  d'opé- 
rations dont  les  annales  militaires  aient  jamais  fait 
mention. 

Dans  le  conseil  de  guerre  qui  avait  été  tenu  à 
Calcutta  &  rarrivée  du  général  en  chef,  il  avait  été 
décidé  que  les  gouverneurs  de  Bombay  et  de  Madras, 
déduction  faite  des  troupes  nécessaires  pour  mainte» 
nir  Tordre  dans  leurs  présidences,  fourniraient  leurs 
contingents  pour  la  campagne  du  printemps,  afin  de 
compléter  le  réseau  dans  lequel  les  insurgés  devaient 
être  renfermés.  Nous  allons  indiquer  remplacement 
des  colonnes  qui,  conformément  à  ces  instructions, 
avaient  été  mises  en  marche  du  Pendjaub,  de  Bom- 
bay et  de  Madras,  ainsi  que  la  disposition  des  troupes 
établies  sur  le  théâtre  même  de  la  guerre. 

i""  Au  nord,  une  colonne  détachée  du  Pendjaub 
par  sir  John  T^awl'ence  avait  mission  d'envahir  le 


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DM  AMGtAIS  OANS^  t'iNDK.  ftOS 

Bohiltuod,  sous  les  ordres  des  généraux  Chamber- 
lain et  Penny,  en  descendant  par  Umballah  et 
Uurdwar.  Cette  force  devait  appuyer  les  opérations 
des  troupes  qui  rayonnaient  autour  de  Delhi  sous  les 
ordres  de  Seaton  et  Cotton. 

2*  A  Delhi»  le  brigadier  Showers  commandait  les 
troupes  chargées  d*obsérver  les  insurgés  du  Radje- 
poutna  septentrional,  et  parlicuiièrement  la  légion  de 
Joudpour,  qui,  formée,  comme  le  contingent  de 
Gouàlior^  de  troupes  disciplinées,  jouait  dans  Tlnde 
centrale  un  r6le  analogue  à  celui  des  troupes  de 
Scindhya  dans  le  Bundelcund.  Le  brigadier  Showers, 
après  s*étre  emparé  de  Dadrce  le  15  octobre,  occupa 
Juffghur,  et  défit  le  16  novembre  la  légion  de  Jood- 
pour,  qui  ne  comptait  pas  moins  de  6,000  hommes 
en  ligne.  Le  35  du  même  mois,  dans  un  second  en- 
gagement près  de  Curnaul,  les  insurgés  du  Radje- 
poutna  essuyèrent  une  nouvelle  défaite,  et  perdirent 
toute  leur  artillerie;  malheureusement,  la  mort  du 
colonel  Gérard,  tué  au  débuLde  cette  affaire,  vint  di- 
minuer la  satisfaction  causée  par  ce  succès,  qui  avait 
déterminé  la  dispersion  de  la  légion  de  Joudpour. 

S*  Sur  la  rive  gauche  de  la  Jumna,  le  colonel  Sea- 
ton remplissait,  avec  une  force  détachée  de  Delhi,  la 
mission  dévolue  au  brigadier  Showers  sur  la  rive 
droite.  Cet  officier  devait  suivre  Titinéraire  tracé  au 
mois  d'octobre  précédent  par  la  colonne  Greathed. 
Partie  d'Alyghur  le  12  décembre,  la  colonne  Seaton» 
dans  sa  marche  sur  Mynpooree,  rencontra  le  1&  les 
insurgés,  au  nombre  de  3,000  hommes  environ,  ffè£ 


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iOé  DB    Là    P01S8ANGB  MILITAIRE 

de  -Gongeree.  La  surprise  fut  complète,  et,  après 
avoir  subi  une  charge  vigoureuse  des  carabiniers,  les 
rebellesprirentlafuitedans  la  direction  de  Fultehghur, 
abandonnant  leur  convoi  et  leurs  canons.  I.e  37  dé- 
cembre, le  colonel  Seaton  Jivrait  un  nouveau  combat, 
à  la  suite  duquel  ses  troupes  occupaient  Mynpooree. 

&«  Dans  te  Radjepoutna,  le  général  Roberts  était 
à  la  tête  d'une  colonne  détachée  de  Bombay.  Parti 
de  Deesa  dans  le  courant  de  décembre,  il  devait  oc- 
cuper Nusserabàd,  où  son  avant-garde,  commandée 
par  le  major  Raines,  Tavait  précédé.  Après  avoir 
balayé  les  insurgée  dans  le  Radjepoutna  méridional, 
la  colonne  du  général  Roberts  devait  marcher  sur 
Kctah,  où  les  insurgés  étaient  en  force,  de  manière 
à  couvrir  le  flanc  gauche  de  Tarméê  de  sir  Hugbes 
Rose,  qui  manoeuvrait  dans  Tlnde  centrale.  Le 
2&  janvier,  la  force  du  Radjepoutna,  at>rès  s*6tre 
emparée  du  fort  d*Avah,  se  trouvait  en  mesure  de 
concourir  à  l'exécution  du  plan  général. 

5*  Nous  avons  exposé  plus  haut  la  situation  de 
Sangor  dans  l'Indu  centrale.  Le  brigadier  Stuart 
avait  pour  mission  de  dégager  la  garnison  de  cette 
placc^  assiégée  depuis  plusieurs  mois,  et  de  rétablir 
Tordre  dans  les  districts  de  Neemuch,  d*Indore,  de 
fttefcidpoor^tde  Mondèsore.  La  base  d'opération  de 
Mite  eolonne  était  k  ville  de  Mhow,  sittrée  au  centre 
dés  provinces  tosurgées. 

6**  Au  commencement  de  décembre,  une  "seconde 
colonne,  qui,  réunie  à  celle  du  brigadier  Stuart ,  prit 
le  iipm  d*arraée  de  la  Nerbuddah,  fut  placée  sous  les 


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t>BS  aN'glais  dans  l'indb.  ft07 

ordres  da  général  sir  Hughes  Rose.  Cette  force, 
après  avoir  dégagé  Sangor,  devait  marcher  sur 
Calpy  et  Ihansi ,  où  ie  contingent  de  Gouàlior  était 
toujours  fortement  établi,  et  fermer  le  Bundelcund 
aux  insurgés  de  l*Oude  sur  cette  portion  de  la  fron^ 
tière. 

!•  Sur  la  limite  du  Bundelcund  et  du  Gandouana, 
la  présidence  de  Madras  avait  envoyé  un  détache- 
ment vers  le  commencement  de  décembre.  Cette 
force,  sous  les  ordres  du  colonel  Whitelock,  était 
partie  de  Secunderabad  le  1&,  et  s'établissait  à  Nag- 
pore  vers  le  milieu  de  janvier.  Elle  avait  pour  prenriier 
•  point  objectif  Djubbulpour.  Après  la  pacification  dg 
ce  district  et  la  dispersion  des  insurgés  de  Rewah, 
elle  devait  appuyer  le  flanc  droit  de  Tarmée  de  rir 
Hughes  Rose  dans  ses  opérations  omtre  Ihansi^ 
Bandah  et  Calpy. 

8*"  Nous  avons  déjà  indiqué  sommairement  le  rôle 
que  devait  remplir  la  colonne  du  brigadier  Franks 
sur  la  frontière  méridionale  de  TOude.  Conformément 
à  ses  instructions,  cet  officier  général  s'était  tenu  sur 
la  défensive  pendant  les  mois  de  décembre  et  de  jan- 
vier, Afin  de  coordonner  ses  mouvements  avec  ceux 
des  Gooricfaas  réunis  à  Segowlee*  Au  eominencemeni 
de  février,  il  avait  franchi  le  Gange  et  s'était  porté  à 
Bvdnapoor.  Après  avoir  battu  l'ennemi  à  Shandhia, 
où  Mohamed-Hussein  avait  réuni  des  forças  cottâdé- 
râbles,  le  brigadier  Pranlcs  avait  pris  position  au  nord 
de  Saltanpoor,  sur  la  route  de  Lucknow,  réglant  ses 
mouvements  sur  ceux  de  Jung-fiabadoor,  qui  lurri* 


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&08  DB   LA  POISftAPlCB  MltlTiiaB 

vait  par  ie  nord,  et  sur  ceux  du  colonel  Rowcroft^ 
qui  manœuvrait  dans  le  district  de  Sarun,  dennanière 
à  fermer  aux  rebelles  toute  issue  vers  TesU 

!!<>  Jung-Bahadoor,  à  la  tête  de  10,000  Gboorkbas, 
était  parti  de  Segowlee,  et  devait  fermer»  du  côté  de 
Gooruckpoor,  les  dernières  mailles  de  Timmense  filet 
destiné  à  envelopper  la  rébellion^  Aidé  par  les  succès 
du  colonel  Rowcroft,  Jung*Bahadoor  était  entré  à 
Gooruckpoor  le  6  janvier.  De  cette  ville;  il  devait  se 
rendre  par  Bustee,  Fyzabad  et  Deriabad  sous  les 
murs  de  Lucknow. 

Nous  croyons  avoir  indiqué  aussi  clairement  que 
possible  l'emplacement  des  troupes  anglaises  au  mo- 
ment de  la  seconde  campagne  de  sir  Colin  Campbell 
dans  rOude.  Nous  n'entrerons  pas  dans  le  détail  dos 
avantages  remportés  par  les  diverses  colonnes  dans 
leur  marche  convergente  sur  lo  Gange.  Il  nous  suffira 
de  dire  que«  pendant  les  derniers  mois  de  Tannée 
1857,  la  supériorité  des  Anglais  s'était  maintenue 
d'une  façon  incontestable  dans  toutes  leurs  rencontres 
avec  les  insurgés. 

Vers  la  fin  de  décembre,  le  général  en  chef,  afin 
de  h&ter  la  conclusion  des  opérations  préliminaires 
de  la  campagne,  ordonna  quelques  mouvements  aux 
troupes  placées  dans  sa  sphère  d'action  immédiate, 
et  transporta  lui-même  son  quartier-général  de  Çawn« 
pour  à  FuUehghur.  Les  insurgés  s'étaient  réunis  en 
grande  force  dans  les  environs  de  cotte  place,  sous 
la  conduite  de  l'ancien  nawab.  U  était  nécessaire  de 
les  débusquer  de  cette  position  importante,  et  d'oik 


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Ton  peut  surveiller  à  la  fois  le  Doab,  le  Rahitcand  et 
rOudc. 

Sir  Colin  Campbell  se  mit  en  mouvement  le  2&  dé- 
cembre, et  le  27  il  battait  les  troupes  du  nawab  à 
Kalee-Nuddy  ;  le  2  janvier,  il  s'établissait  à  Futteh* 
gbur.  Le  général  Walpole,  détaché  du  corpa  princi- 
pal, sur  la  route  d'Ëtawah,  devait  observer  Calpy 
et  le  contingent  de  Gouàlior,  puis  se  réunir  au  colo- 
nel Sealon,  qui  avait  sdn  quartier-général  h  Myn- 
poorie.  Les  deux  colonnes  de  Sealon  et  de  Walpolc 
devaient  ensuite  inarcUer  conjointement  sur  Futteh- 
gbur  pour  se  réunir  au  corps  d'armée  du  général  en 
cbefi 

Ces  divers  mouvements  étaient  terminés  vers  le 
milieu  de  janvier. 

Il  semblé  qu'à  partir  de  celle  époque,  et  jusqu'au 
mois  de  mardi,  une  certaine  indécision  ait  caractérisé 
les  mesures  adoptées  par  Tétat^major  anglais  Doit-on 
l'attribuer  à  la  divergence  des  opinions  qui  s'agi- 
taient dans  le  conseil  de  Tlnde,  ou  bien  faut-il  en 
chercher  l'explication  dans  le  retard  involontaire  de 
quelques-unes  des  colonnes  dont  nous  avons  indiqué 
la  mission  et  la  marche?  Peut-être  est-ce  à  ces  deux 
causes  qu'il  faut  attribuer  d'abord  la  cessation  des 
opérations  contre  le  Rohilcund,  dont  l'occupation  de 
Futtehghur  semblait  devoir  être  le  prélude;  puis,  en 
second  lieu,  l'inaction  de  l'armée  principale  à  Cawn- 
pour,  après  la  réinstallation  du  quartier-général  dans 
cette  ville,  vers  le  commencement  de  février. 

Deux  opinions,  s'il  faut  en  croire  les  corre^pon- 


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&iO  DE   LA    PUIS6ÂNCB   MILITAIEE 

dances,  se  seraient  partagées  le  monde  oflBciel  de 
l'Inde,  et  leur  discussion,  silencieusement  poursuivie 
à  Âliahabad,  où  s'était  transporté  lord  Canning,  au- 
rait déterminé  les  modifications  que  nous  venons  de 
^ignalen  Un  parti,  ayant  à  sa  tête  le  gouverneur- 
général  et  le  conseil  de  Calcutta,  voulait  attaquer 
Lucknow  sans  délai.  Là,  prétendait- on,  se  trouvaille 
véritable  siège  de  la  révolte.  Une  fois  la  capitale  de 
rOude  emportée,  les  bandes  qui  parcouraient  le 
pays  devaient  perdre  tout  espoir;  chaque  jour  de  re- 
tard ne  pouvait  qu'ajouter  à  la  force  de  Lucknow. 
Tant  que  cette  position  centrale  serait  debout,  la  ré* 
volte  devait  conserver  un  drapeau  et  un  point  de  ral- 
liement. 

L'autre  parti,  celui  du  commandant  en  chef,  pen- 
sait qu'il  était  essentiel  de  balayer  préalablement  les 
insurgés  du  Rohilcund.  Les  bandes  qui  erraient  dans 
cette  province  pouvaient  rendre  incomplet  le  résul- 
tat des  opérations,  intercepter  les  communications, 
tandis  que  leur  concentration  à  Lucknow  et  dans 
rOude  permettrait  d'en  finir  d'un  seul  coup  avec  la 
révolte.  Quant  au  surcroît  de  force  que  cette  capitale 
pouvait  puiser  dans  le  répit  qui  lui  était  laissé,  <hi  ne 
pensait  pas  devoir  s'en  inquiéter  beaucoup.  Ses  rues 
fortifiées  ne  pourraient  jamais  tenir  contre  l'artitierie, 
et  sir  Colin  Campbell  en  avait  ube  magnifique. 

A  ces  diverses  considérations  venait  s'ajouter  le 
retard  des  contingents  sikhs,  sans  lesquels  Karmée 
du  général  en  chef  était  loin  d'être  considérable. 

Quels  que  soient  les  motifs  qui  dictteent  ie  mouve* 


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MB  ANGLAIS   DANS  l'iNDB.  &11 

ment  rétrograde  de  Tarmée  sur  Gawnpour,  le  quar- 
tier-géoéral)  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  y 
fut  installé  de  nouveau  le  &  février,  et  le  mois  tout 
entier  fut  employé  à  compléter  Torganisation  des 
troupes,  à  réunir  les  convois  et  les  approvisionnements. 

C'est  au  milieu  de  ces  occupations  que  le  général 
en  chef  reçut  la  nouvelle  des  résultats  obtenus  par  les 
colonnes  de  Tlnde  centrale.  Le  20  janvier,  sir  Hughes 
Rose,  à  la  tête  des  troupes  de  la  Nerbuddah,  avait 
enlevé  la  forteresse  de  Ratgurh.  L'ennemi  s'était 
échappé  pendant  la  nuit  en  escaladant  les  murailles. 
Le  3  février,  la  même  colonne  avait  ravitaillé  San- 
gor,  et  délivré  la  garnison»  bloquée  depuis  six  mois. 
Une  centaine  de  feiKimes  et  d'enfants,  réfugiés  dans 
les  murs  de  cette  ville,  avaient  partagé,  comme  à 
Luckhow,  les  souffrances  des  assiégés.  De  Sangor,  le 
général  Rose  annonçait  sa  marche  prochaine  sur 
Gaipy  et  Ihansi ,  où  les  insurgés  de  Gouftiior  et  de 
Dinapore  se  trouvaient  réunis. 

La  délivrance  de  Sangor  était  un  événement  im-^ 
portant  à  plusieurs  titres.  11  ne  restait  plus,  dans 
l'Inde,  de  chrétiens  non  combattants,  placés  dans 
rhorrible  situation  où  s'étaient  trouvés  les  résidents 
de  Delhi  et  de  Gawnpour.  L'Angleterre  pouvait  se 
féliciter  de  ce  que  les  scènes  de  sang  dont  ces  deux 
villes  avaient  été  le  théfttre,  et  les  représailles  stériles 
qu'elles  avaient  amenées  allaient  enfin  disparaître 
sans  retour  avec  le  nouveau  caractère  imprinaé  à  la 
lutte.      ' 

Dans  les  premiers  jours  de  taars  1858^  les  mou-' 


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il 2  Dfi   Lk  PUISSANGB  IIILITAIBB 

vements  prescrits  par  le  général  en  chef  se  trouvaient 
exécutés,  sinon  avec  toute  la  précision  désirable,  du 
moins  avec  assez  d'ensemble  pour  permettre  à  l'ar- 
mée de  passer  le  Gange.  Sur  plusieurs  points,  le 
manque  de  transports  avait  arrêté  les  colonnes  con- 
vergentes, notamment  sur  la  frontière  du  Bundel- 
cund,  dont  les  rassemblements  n'étaient  pas  disper- 
séSy  et  où  les  insurgés  occupaient  encore  Calpy  et 
Ihansi.  Du  côté  du  Rohilcund,  le  pays  n'était  aussi 
que  très  imparfaitement  occupé  et  surveillé  ;  toute- 
fois, l'approche  de  la  saison  des  pluies  ne  permettlût 
plus  de  différer  davantage  la  marche  sur  Lucknow, 
si  l'on  voulait  frapper  le  grand  coup  avant  l'époque 
où  les  hostilités  se  trouveraient  forcément  interrom- 
pues par  les  chaleurs  et  les  pluies. 

Après  avoir  reçu  d'Âgra,  le  29  février,  le  matériel 
de  transport  et  de  siège  jugé  nécessaire  d'après  les 
renseignements  obtenus  sur  les  ouvrages  défensifs 
élevés  par  les  insurgés  de  Lucknôw,  le  général  sir 
Colin  Campbell  partit  de  Cawnpour  le  2  mars,  et  se 
dirigea  sur  Âlumbagh. 

Cette  position ,  si  vaillamment  défendue  depuis 
trois  mois  par  le  général  Oulram,  avait  été  le  poste 
de  l'honneur  comme  celui  du  danger  pendant  les  opé- 
rations qui  avaient  signalé  cette  période;  elle  deve- 
nait la  base  naturelle  de  celles  qui  allaient  être  diri- 
gées contre  Lucknow. 

Uarmée  du  général  en  chef,  si  lentement  et  si  la^^ 
borieusement  formée,  comprenait  :  15  régiments 
d'infanterie  européenne,  3  régiments  dMnfanterie  in- 


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Dits  AN0L4IS  DANS  L*iNDB«  &13 

digène,  3  r^iments  de  cavalerie  européenne,  S  ré« 
giroents  et  détachements  de  deux  autres  régiments 
de  cavalerie  indigène,  deux  batteries  de  canons  et 
mortiers  de  fort  calibre,  et  63  pièces  de  campagne. 

En  chiffres,  cette  force  se  décomposait  de  la  façon 
suivante  :  40,000  baïonnettes  et  1,500  satires  euro- 
péens; 3,000  fantassins  et  5,000  cavaliers  indigènes, 
plus  3,500  hommes  de  l'artillerie,  dont  un  tiers  envi- 
ron recrutés  parmi  les  indigènes. 

1/armée  comprenait  donc,  à  sa  sortie  de  Cawn- 
pour,  un  total  de  20,000  hommes  environ,  dont 
15,000  Européens. 

A  cette  force  devaient  s'ajouter  10,000  hommes 
environ,  fournis  par  les  colonnes  qui  manœuvraient 
sur  la  frontière  méridionale  de  l'Oude,  commandées 
par  les  brigadiers  Franks  et  Campbell,  et  les  Goor- 
khas  de  Jung*Bahadoor,  qu'on  évaluait  à  peu  près 
au  même  chiffre. 

Le  6  mars,  le  général  Campbell  arrivait  à  Alum- 
bagh  sans  avoir  eu  d'engagement  sérieux  avec  l'en- 
nemi. Le  pont  de  Bunnee,  qui  dans  les  marches  pré- 
cédentes avait  toujours  été  le  théâtre  de  combats 
acharnés,  avait  été  occupé  par  un  détachement  fourni 
par  le  général  Outram. 

Le  8  mars,  sir  Colin  Campbeii,  suivant  le  même 
itinéraire  que  dans  la  campagne  de  l'année  précé- 
dente, occupait  le  pai*c  de  Dilkhosa,  et  se  dirigeait 
sur  I^  Mardnière  (1),  en  tournant  à  distance  la  ligne 

(1)  Voir  le  plan  .de  Liiclinow  aqnexé  à  cetle  étude. 


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km  DB   LA   PBI86ANGB  UlUTàOBB 

d'ouvrages  élevés  par  les  insurgés  sur  les  berges  do 
canal  qui  entoure  Lucknow  du  côté  de  Test. 

Le  9,  toutes  les  dispositions  étaient  prises  pour 
l'attaque  simultanée  sur  les  deux  bords  de  la  Goumtî. 
Afin  de  oouper  la  retraite  aux  insurgés  du  côté  du 
nord^  le  général  Outrarn  passait  la  rivière,  et  s'em- 
parait du  Bad-Schah-Bagh,  situé  sur  la  rive  gauche, 
en  face  des  palais  qui  bordent  la  rive  droite;  au 
même  moment,  sir  E.  Lugard,  à  la  tête  de  la  2*  di* 
vision,  donnait  l'assaut  aux  bâtiments  de  La  Marti- 
nière. 

A  l'exception  de  la  diversion  opérée  par  le  général 
Outrarn  sur  la  rive  septentrionale  de  la  Goumti,  les 
divers  incidents  du  second  siège  de  Luckoow  s'étant 
reproduits  en  tout  semblables  à  ceux  qui  avaient  «- 
gnalé  la  délivrance  de  la  Résidence,  au  mois  de  no- 
vembre précédent,  nous  allons  nous  borner  à  les  ré-* 
sumer  succinctement. 

Le  10  mars,  sir  Colin  Campbell  s'emparaît  de 
l'hôtel  de  la  Banque,  et  s'établissait  fortement  en 
avant  de  ce  bâtiment.  Sir  James  Outrarn,  de  son  côté, 
poussait  sa  division  sur  la  gauche  de  la  rivière,  oiria 
résistance  de  l'ennemi  était  opiniâtre. 

Le  11  mars,  le  /i2*  régiment  de  Sa  Majesté  etlq 
98*  bighlanders  enlevaient  d'assaut  le  Secunder-Bagh 
et  le  palais  de  la  reine;  ce  succès  conduisait  les 
troupes  anglaises  jusqu'à  lia  deuxième  ligne  de  dé- 
fense élevée  par  les  insurgés,  en  avant  de  Tara- 
Khotee,  du  Mess-House  et  du  Mottee-Mahal. 

Le  là,  une  sape  était  poussée  jusqu'à  l'Immam- 


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M9  ANGLAIS  DAM   L^INDB.  A.15 

Barrahi  qui  touche  à  la  clôture  du  Kaiser-Bagh;  les 
Goorkhas  s'emparaient  des  ouvrages  élevés  sur  le 
canal. 

Le  4  A,  rimnoiam-Barrah  était  enlevé  d'assaut,  et 
les  troupes,  suivant  de  près  Tennemi,  entraient  à  sa 
suite  dans  le  Kaiser-Bagb.  Le  général  Outram  pas^ 
sait,  de  son  côté,  le  pont  de  fer  en  refoulant  devant 
lui  tous  les  rebelles  qui  cherchaient  à  s'échapper 
dans  cette  direction.  A  trois  heures  de  Taprès-midi, 
le  Kaiser-Bagh  et  tous  les  bâtiments  environnants 
étaient  occupés  par  les  troupes  anglaises,  qui  s'y 
installaient  solidement. 

Le  15,  l'ennemi  commençait  à  fuir  dans  toutes  les 
directions,  et  le  16  le  général  Outram  occupait  toute 
la  partie  de  la  ville  située  entre  le  Muchee-Bawan  et 
le  Moosa-Bagh.  Lucknow  était  dès  lors  au  pouvoir  de 
sir  Colin  Campbell,  bien  que,  sur  quelques  points, 
un  petit  nombre  de  fanatiques  continuassent  encore 
une  lutte  désespérée. 

Dès  le  15  mars,  deux  colonnes  commandées  par 
le  brigadier  Campbell  et  le  général  Hope  Grant 
étaient  détachées  sur  les  routes  du  Rohilcund  et  du 
Bundelcund,  vers  lesquels  semblait  se  diriger  la  plus 
grande  masse  des  fugitifs  de  Lucknow.  Le  général 
Grant,  avec  un  millier  de  sabres,  avait  ordre  de  s'ar- 
rêter à  Setapour,  sur  la  route  qui  conduit  aux  grandes 
stations  de  Bareilly  et  de  Schahdjihanpour^de  ma- 
nière à  former  T avant-garde  de  l'armée  destinée  k 
opérer  contre  le  Rohilcund. 

La  prise  de  Lucknow,  si  elle  D*achevait  (Mis  l'œuvre 


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A 16  DB  Lk  POISSAIIGB  IlILITAtU 

que  ta  prise  de  Delhi  avait  commencée,  était  du 
moins  un  grand  pas  vers  son  accomplissement  Les 
Anglais  pouvaient  se  féliciter  à  bon  droit  de  la  ruine 
de  cet  important  foyer  de  Tinsurrection,  et  ce  succès 
était  venu  couronner  un  ensemble  remarquable  d'opé- 
rations stratégiques,  et  clore  avec  un  certain  éclat 
une  campagne  habilement  conduite  par  sir  Colin 
Campbell. 

Toutefois,  le  plan  du  général  en  chef,  qui  consts- 
tait  à  cerner  Tennemi  dans  la  place  assiégée,  n*avait 
pu  recevoir  sa  complète  exécution.  Le  général  Rose, 
sur  lequel  on  avait  compté  pour  fermer  une  dernière 
issue  aux  insurgés,  ayant  éprouvé  à  Sangor  un  fatal 
retard  de  trois  semaines,  sir  Colin  Campbell  avait  le 
vif  regret  de  voir  l'armée  rebelle  lui  échapper  presque 
tout  entière,  et  s'enfuir  vers  le  Rohilcund  et  le  Bun- 
delcund. 

Sans  doulp,  c'était  un  beau  et  précieux  succès 
d'avoir  enlevé  à  la  révolte  la  ville  qu'elle  avait  cboi- 
sie  pour  en  faire  sa  deuxième  citadelle;  et  il  est  évi- 
dent que  l'armée  insurgée  ne  pourra  trouver  désor* 
mais  une  autre  place  où  elle  puisse  se  créer  une 
position  aussi  forte,  et  s'assurer  d'aussi  solides  avan- 
tages que  ceux  dont  elle  disposait  à  Delhi  et  à  Luck- 
now.  Toujours  est-il,  cependant,  que  l'insurrection 
se  trouvait  déplacée  plutôt  que  vaincue,  la  guerre 
allait  changer  de  nature,  mais  elle  était  loin  d'être 
terminée. 

Aux  grandes  opérations  qui  avaient  replacé  Delhi 
et  Lucknow  mus  la  domination  anglai:«e  allait  9ucc(5» 


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DKS   ANGLAIS   DANS   L*INDB.  Al 7 

der  une  guerre  de  partisans,  de  guérillas»  qui  ména- 
geait une  rude  besogne  aux  colonnes  mobiles  lancées 
par  sir  Colin  Campbell  sur  les  traces  des  fugitifs. 

Il  ne  pouvait  résulter  de  cette  prolongation  de  la 
lutte  aucune  crainte  pour  les  Anglais  de  perdre  leurs 
possessions  de  Tlnde.  I/insurrection  en  elle-même 
était  comprimée;  arrêtée  dans  son  développement, 
elle  n^avait  plus  ni  plan,  ni  ensemble,  ni  chances.de 
succès  pour  Tavenir.  Cependant,  si,  à  ce  point  de 
vue,  la  situation  était  grandement  améliorée,  Texis- 
tence  des  bandes  armées  dont  on  allait  avoir  à  purger 
le  pays  ne  pouvait,  d*un  autre  côté,  manquer  de 
causer  de  grands  dommages  aux  Anglais.  Les  cha- 
leurs commençaient,  en  effet,  à  siD  faire  sentir,  et. 
déjà  les  maladies  exerçaient  de  terribles  ravages 
dans  les  rangs  des  troupes  royales. 

Il  nous  reste,  pour  clore  cette  étude,  à  résumer 
succinctement  les  opérations  de  détail  accomplies 
par  les  différentes  colonnes  dont  nous  avons  indiqué 
remplacement  jusqu'au  moment  où  la  saison  des 
chaleurs  excessives  et  des  pluies  diluviennes  a  forcé 
le  général  en  chef  à  suspendre  complètement  la 
marche  des  troupes. 

Celte  dernière  phase  embrasse»  à  partir  de  la  prise 
de  Lucknow»  une  période  de  cinq  mois,  peu  fertile  en 
événements  importants^  mais  caractérisée  cependant 
par  la  désorganisation  toujours  croissante  de  la  rébel- 
lion. 

Dans  rOudc,  deux  partis,  Tun  représentant  les 
adhérents  de  l'ancienne  dynastie,  l'autre  les  musul- 

27 


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&18  DE   LA   PUISSANGB   HILITAIRB 

mans  fanatiques,  avaient  rallié  un  certain  nombre  de 
fugitifs  sur  la  frontière  orientale  de  la  province.  Le 
premier  de  ces  groupes  suivait  le  drapeau  de  la  Be- 
gum  (1),  le  second  obéissait  à  un  moulvie  ou  chef 
religieux  qui  s'était  établi  à  Sûndela,  non  loin  de 
Lucknow.  La  reine  ou  begum  s'était  retirée  dans  une 
forteresse  sur  la  Gogra.  Pendant  ce  temps,  la  grande 
armée  anglaise  avait  été  divisée  de  manière  à  assurer 
la  possession  de  la  capitale  de  TOude,  tout  en  pour- 
suivant les  opérations  de  la  campagne. 

Les  28%  38%  53%  90%  97%  les  fusiliers  de  Madras 
avec  de  la  cavalerie  et  de  Partillerie»  avaient  été  dé- 
signés pour  rester  à  Lucknow  sous  les  ordres  du  gé- 
néral Hope  Grant.  Cette  garnison  était  suffisante» 
non-seulement  pour  rétablir  Tordre  dans  la  ville  et 
appuyer  les  mesures  des  commissaires  Outram  et 
Montgommery,  chargés  de  la  réorganisation  de  l'ad- 
ministration» mais  encore  pour  tenir  la  campagne  et 
pourchasser  les  rebelles  dans  un  certain  rayon  autour 
de  la  capitale  de  TOude. 

Le  26  mars»  le  général  Walpole  s'était  mis  en 
marche  vers  le  nord  avec  la  majeure  partie  de  Tar- 
mée,  en  suivant  la  route  du  Rohilcund.  Le  général 
en  chef  se  préparait  à  prendre  la  même  route,  quand 
une  affairé  fâcheuse  survenue  dans  le  sud  de  TOude 
vint  contrarier  ses  dispositions.  Le  23  mars,  le  colo- 
nel Milman,  qui  occupait  Azimghuravec  un  détache- 
ment du  37^,  ayant  appris  que  les  rebelles  arrivaient 
du  nord»  se  porta  à  leur  rencontre  et  les  battit»  tout 

(1)  L'une  des  femmes  de  Wajid-Ali  prisonnier  à  CaicutU. 


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DES   ANGLAIS   DANS    L*INDB.  419 

comme  le  général  Windham  avait  fait  de  î'avaut-  . 
garde  des  rebelles  âe  Gouâlîor.  Ce  succès  fut  dé 
courte  durée  ;  en  revenant  à  Azimghur  après  le  com- 
bat, le  colonel  Milman  fut  poursuivi  par  une  force 
considérable  commandée  par  Kouer-Sing,  et  ne  par- 
vint qu^avec  peine  à  regagner  son  poste,  où  il  fut 
aussitôt  assiégé  par  les  rebelles.  Cet  incident  vint 
gêner,  comme  nous  Tavons  dît  plus  haut,  rentrée  en 
campagne  du  général  en  chef;  sir  Colin  Campbell 
dut  changer  ses  premières  dispositions  et  détourner 
vers  Azimghur  une  assez  forte  colonne  qui,  sous  les 
ordres  de  sir  E.  Lugard,  avait  reçu  une  autre  desti- 
nation, toutefois,  le  12  avril,  le  général  en  chef 
transportait  son  quartier-général  à  Cawnpour  et  se 
préparait  k  marcher  sur  Futtehghur,  où  le  brigadier 
Seaton,  à  la  tête  d'une  colonne  volante,  venait  de 
battre  un  rassemblement  d'insurgés,  et,  le  15  du 
même  mois,  sir  E.  Lugard  débloquait  Azimghur  et 
refoulait  Kouer-Sing  et  ses  adhérents  dans  le  bassin 
de  la  Gogra. 

Nous  avons  laissé,  dans  l'Inde  centrale,  sir  Hughes 
Rose  arrêté  à  Sangor  par  le  défaut  de  transports. 
Vers  le  milieu  du  mois  de  mars,  étant  parvenu  à  se 
j[)rocurer  les  bêtes  de  somme  et  les  convois  qui  lui 
manquaient,  cet  officier-général  partit  le  22  pour 
Ihansi,  où  les  rebelles,  au  nombre  de  12,000  hommes 
environ,  s'étaient  rassemblés.  Le  général  Rose  fut 
rallié  dans  sa  marche  par  le  brigadier  Stuart,  qui 
avait  été  détruire  Chandery.  Le  23  mars,  les  insur*- 
gés  avaient  évacué  cette  place. 


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h^O  DB   LA   POISSA ^GB    HlUTAIM 

Le  27,  les  deux  brigades  de  rarmée  de  la  Ner- 
buddah  se  trouvaient  réunies  sous  les  murs  de  Ibansi, 
et  le  siège  commençait  dès  le  lendemain. 

Le  1*'  avril,  des  forces  considérables,  comman* 
dées  par  Tantea-Topi,  oncle  de  Nana  Salb,  firent  une 
démonstration  pour  secourir  la  ville.  Sir  H.  Rose, 
sans  lever  le  siège,  attaqua  ce  corps  et  remporta  une 
victoire  complète  :  18  canons,  plusieurs  éléphants  et 
tous  les  bagages  des  rebelles  tombèrent  entre  ses 
mains. 

Le  A  avril,  après  une  lutte  assez  sérieuse  dans  la- 
quelle la  division  anglaise  éprouva  quelques  pertes, 
la  ville  de  Ihansi  fut  prise  d* assaut,  et,  le  6,  le  fort 
était  emporté.  La  reine  d*Ihansi,  qui  jouait  dans 
rinde  centrale  le  rôle  de  la  begum  dans  TOude,  prit 
la  fuite  dans  la  direction  de  Jaloum,  poursuivie  par 
la  cavalerie  qui  ne  put  la  joindre. 

Dans  son  mouyement  sur  Ihansi,  le  général  Rose 
avait  été  appuyé  par  la  division  du  général  Roberls, 
que  nous  avons  laissé  marchant  sur  Kotah  à  Tépoque 
de  la  prise  de  Lucknow. 

Le  30  mars,  cette  division  avait  attaqué  la  position 
des  insurgés  et  emporté  la  ville  de  Kotah.  L'ennemi 
8*était  enfui,  et,  dans  la  poursuite,  on  en  avait  fait  un 
grand  carnage.  Toutefois,  malgré  la  désorganisation 
des  rebelles,  leur  nombre  étant  de  nature  à  inquiéter 
pour  les  communications  de  sir  Rose,  sur  lesquelles 
ils  se  trouvaient  rejetés  par  suite  de  ces  divers  mou- 
vements,  le  brigadier  Smith  fut  détaché  de  Tarmée 
du  Radjepootna,  afin  de  couvrir  le  flanc  gauche  et  les 


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DfiS  ANGLAIS   DANS   L'INDE.  &21 

derrières  de  la  division  de  ilnde  centrale  pendant  sa 
marche  sur  Caipy. 

La  colonne  du  brigadier  Snoith  remplit  cette  mis* 
sîon  en  prenant  position  à  Goona,  puis  à  Ghandery, 
qu*elle  enleva  pour  la  seconde  fois,  le  25  mai,  aux 
rebelles,  et  enfin  en  s*établissant  à  Sippree,  d*oii  elle 
pouvait  surveiller  les  différentes  routes  qui  conduisent 
à  Kotah,.  à  Gauâlior,  à  Gatpy  et  à  Bandah. 

Les  inquiétudes  que  pouvaient  causer  les  fugitifs 
de  Kotah,  et  qui  avaient  retardé  la  marche  de  sir 
Rose  sur  Calpy,  ayant  cessé,  la  division  de  Tlnde 
centrale  se  mit  en  marche  le  26  avril,  en  laissant  à 
Ihansi  une  garnison  composée  du  58«  d'infanterie 
indigène.  Un  fort  détachement,  sous  le  commande*- 
ment  du  colonel  Maxwell,  devait  appuyer,  du  côté 
du  nord  et  d*Élawah,  le  mouvement  sur  Gatpy;  du 
côté  du  sud,  le  colonel  Withelock  devait  s'avancer 
par  Chirkari,  Pannah  et  Bandah,  de  manière  à  cou- 
vrir et  appuyer  au  besoin  le  flanc  droit  de  la  division 
de  sir  Rose. 

Le  7  mai,  sir  Rose  rencontrait  à  Koonch,  sur  la 
route  de  Calpy,  un  corps  de  10,000  rebelles  environ, 
appuyé  par  une  batterie  d'artillerie,  et.  qui  semblait 
disposé  à  défendre  le  passage.  Koonch  est  une  ville 
assez  grande  et  ouverte,  mais  difficile  à  attaquer, 
parce  qu'elle  est  masquée  par  des  bois»  et  entourée 
de  jardins  et  de  temples  protégés  par  un  fossé  pro- 
fond. 

Les  rebelles  avaient  élevé  un  retranchement  pour 
fermer  la  ville  du  côté  d'Otay  et  d'Ihansi,  par  lequel 


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422  BB  LA  POlSSiNGB   M11.1TAIBB 

arrivait  la  colonne  de  sir  Rose.  Ce  général,  aa  liea 
d'aborder  directement  cet  ouvrage,  le  fit  tourner  du 
côté  du  nord-est  par  le  major  Orr,  et,  après  avoir 
nettoyé  les  bois  environnants,  donna  l'assaut  à  la 
ville  avec  sa  première  brigade.  Les  dpayes,  voyant 
que  leur  retraite  était  sur  le  point  d'être  coupée,  se 
retirèrent  en  masse  sur  Calpy. 

Sir  Hughes  Rose  ordonna  la  poursuite,  qui  fut 
continuée  pendant  près  de  8  milles.  I/artillerie  et  la 
cavalerie  étaient  tellement  épuisées  par  les  longues 
oaarches  qui  les  avaient  amenées  sur  le  champ  de 
bataille,  par  la  chaleur  et  les  fatigues  de  la  journée, 
qu'il  fut  impossible  d'aller  plus  avant. 

Le  25  mai,  la  division  de  l'ipde  centrale  couron- 
nait la  longue  série  de  ses  succès  par  la  prise  de 
Galpy.  A  la  suite  du  combat  du  6  mai,  sir  H.  Rose 
avait  fait  sa  jonction  avec  (e  colonel  Maxwell  et  était 
ye^u  camper  sous  les  murs  de  cette  ville.  *  Le  coni- 
mandant  du  détachement  d'Étawah  avait  prjs  qne 
position  sur  la  rive  gauche  de  la  Jumna,  de  manière 
à  pouvoir  bombarder  à  la  fois  le  fort  et  la  ville  de 
Galpy  elle-même.  Les  insurgés  prirent  Tofieiisive  et 
attaquèrent  sir  Rose  avec  beaucoup  de  résolution  ; 
mais,  repoussés  sur  (ous  les  points,  ils  durent  abaju- 
donner  bieiptôt  la  ville. 

Les  rési^ltats  de  cette  victoire  furent  très  brillants  : 
les  Anglais  trouvèrent  dans  le  fort  de  Galpy,  occupé 
depuis  près  d'un  an  par  les  insurgés,  50  canons  et 
2  mortiers.  Dans  un  magasin  souterrain,  il  y  avait 
10,000  livres  de  poudre  anglaise  en  barils,  des  pro  • 


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DBS  ANGXAIS   DANS   L*INDB.  423 

jectiles,  des  obus,  des  munitions,  des  fusils,  des  en- 
gins de  toute  sorte,  des  tentes  et  des  provisions,  pour 
une  valeur  de  trois  lacs  de  roupies  (75,000  francs). 
Dans  la  ville  étaient  installés  une  fonderie  et  un  ate- 
lier de  voitures.  Outre  plusieurs  étendards  des  re- 
belles, on  trouva  aussi  dans  le  fort  le  drapeau  du 
contingent  de  Kotah. 

Ka  prise  de  Calpy  devait  être,  avec  celle  deBa« 
reilly,  dont  nous  rendrons  conipte  bientôt,  le  dernier 
acte  de  la  guerre  régulière  commencée  à  Delhi  et 
continuée  à  Lucknow.  Il  ne  restait  plus  entre  les 
mains  des  rebelles  aucun  centre  important.  Toute- 
fois, les  nombreuses  bandes  qui  continuaient  à  par- 
courir le  Bengale,  l'Inde  centrale  et  le  sud  deTOude, 
devaient,  plus  d'une  fois  encore,  inquiéter  à  la  même 
heure  les  points  les  plus  éloignés  du  territoire.  Au- 
cune de  ces  bandes  n'était  plus  assez  forte  pour  in- 
spirer des  craintes  sérieuses;  mais  elles  devaient 
continuer  à  troubler  le  pays  et  obliger  les  forces  eu- 
ropéennes à  se  disperser  à  leur  poursuite  sur  un  es- 
pace immense. 

Les  troupes  de  sir  Rose  semblaient  arrivées,  après 
la  prise  de  Calpy,  au  terme  de  leur  tâche.  Depuis 
le  10  décembre  1857,  elles  avaient  parcouru 
500  milles,  délivré  Sangor,  pris  six  forteresses,  livré 
quatre  batailles  rangées,  sans  compter  une  infinité 
de  combats  moins  importants  ;  il  semblait  qu'on  rie 
pouvait  refuser  à  la  division  de  l'Inde  centrale  le  re- 
pos qu'elle  avait  si  bien  mérité  et  sans  lequel  sa  dés- 
organisation par  les  fatigues  et  les  maladies  devenait 


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&2&  DK   LA   PUISSANtK   MILITAIRK 

imminente.  Un  événement  inattendu  la  rejetait  ce* 
pendant  de  nouveau»  le  1"  juin,  au  milieu  des 
épreuves  qui  Pavaient  décimée  et  montrait  en  même 
temps  les  dangers  inhérents  à  Texistence  de  ces 
bandes  armées  dont  l'extermination  seule  pourra 
rendre  la  sécurité  au  pays. 

A  la  suite  de  la  prise  de  Calpy,  le  gros  des  fugi- 
tifs, avec  Tantia-Toppe,  la  reine  de  Ihansi  et  le  nawab 
de  Bandah,  s'étaient  enfuis  dans  la  direction  d'indoor- 
Kee,  où  Kouer-Dowlut-Sing  était  venu  les  rejoindre 
avec  1,300  hommes  environ  et  quelques  pièces  de 
canon.  Le  1"  juin,  ils  se  dirigeaient  brusquement 
sur  Gouàlior,  où  Sindhya  cherchait  vainement  k  les 
arrêter.  Après  un  combat  insignifiant,  dans  lequel 
ses  troupes  passaient  honteusement  a  Tennemi,  Sind* 
hya  était  obligé  de  prendre  la  fuite  avec  quelques 
serviteurs  fidèles  et  parvenait  à  grand'peine  jusqu'à 
Agra.  Les  rebelles  occupaient  Gouàlior  le  2  juin. 

Outre  Teffet  moral  que  pouvait  produire  ce  succès 
des  rebelles^  l'approche  de  la  saison  des  pluies  ne 
permettait  pas  de  différer  d'un  seul  instant  la  reprise 
du  poste  de  Gouàlior.  L'importance  de  cette  cita- 
délie,  l'une  des  plus  fortes  de  l'Asie,  sa  position 
stratégique,  qui  en  fait  en  quelque  sorte  la  clef  de 
l'Inde  centrale,  imposaient  un  retour  offensif  immé- 
diat aux  Anglais.  En  conséquence,  sir  H.  Rose,  lais- 
sant une  garnison  à  Calpy,  partit  le  2  juin  pour 
Gouàlior;  le 5,  il  était  à  Indoor-Kee,  aux  deux  tiers 
de  la  route.  Le  brigadier  Showers  se  dirigeait  en 
même  temps  sur  Dholepour  avec  les  forces  d'Agra, 


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DES   ANGLAIS   DANS    i/lNDK.  ft23 

auxquelles  Sindhya  avait  joint  les  quelques  troupes 
qui  lui  étaient  restées  fidèles.  Du  côté  du  sud,  le  bri- 
gadier Snnith  quittait  également  son  poste  d* obser- 
vation à  Sippreo  et  remontait  vers  le  nord,  en  lon- 
geant la  vallée  de  Sinda-Niiddy. 

Grâce  à  ces  efforts  combinés,  Gouâlîor,  le  19  juin, 
retombait  aux  mains  des  Anglais  à  la  suite  d'un  rude 
combat  dans  lequel  la  reine  de  Ihansi  faisait  des 
prodiges  de  valeur.  Les  rebelles  poursuivis  par  le 
brigadier  Napîer  se  retiraient  successivement  sur 
Hîndoune  et  sur  ïonk,  d'où  leurs  bandes  s'enfon- 
çaient dans  le  Radjepoutna,  où  les  chaleurs  excessives 
et  l'épuisement  des  troupes  anglaises  ne  permettaient 
plus  de  les  suivre.  Les  différents  corps  européens  de 
l'Inde  centrale  s'établissaient,  au  commencement  de 
juillet,  dans  leurs  quartiers  d'été  ;  sir  Rose,  cruelle- 
ment éprouvé  par  les  fatigues  et  les  inquiétudes  de 
sa  laborieuse  mission,  résignait  son  commandement 
et  se  retirait  à  Poonah  pour  rétablir-  sa  santé,  em- 
portant l'expression  publique  de  la  reconnaissance  du 
gouvernement  pour  sa  glorieuse  campagne. 

Afin  de  mettre  un  peu  de  suite  dans  le  récit  des 
opérations  compliquées  exécutées  dans  l'Indu  depuis 
la  prise  de  Lucknow,  nous  avons  dû  scinder  les  évé- 
nements et  les  grouper  par  théâtres  distincts.  Après 
avoir  épuisé  ce  qui  est  relatif  à  l'Inde  centrale,  où  le 
général  Roberts  reste  seul  en  campagne,  afin  do  ga- 
rantir les  districts  de  Bhopal,  de  Neemuch,  de  Mun- 
dîsore,  sur  lesquels  les  rebelles  tendent  à  se  replier  et 
dont  l'entrée,  maigre  leur  suecès  momentané  contre 


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j 


A26  DB   LA   PU1SS4NGB   MILITAIRE 

Djalrapatam,  a  été  victorieusement  défendue  par  le 
conf)bat  dulli  août,  nous  allons  examiner  rapidement 
les  opérations  accomplies  dans  le  Rohilcund»  dans 
rOude  proprement  dit  et  enfin  dans  les  districts  des 
deux  rives  du  Gange»  situés  au  sud  de  cette  pro- 
vince. 

Sur  ce  dernier  théâtre,  que  la  difficulté  des  com- 
munications et  l'existence  des  jungles  (1)  rendent 
particulièrement  favorable  à  la  portion  des  fugitifs 
de  Lucknow  qui  s'est  jetée  dans  le  sud,  nous  avons 
laissé  sir  E.  Lugard  débloquant  Azimghur  te  15  avril 
et  réparant  Téchec  essuyé  par  le  colonel  Milman. 
Quelques  jours  auparavant,  une  autre  affaire  mal- 
heureuse avait  eu  lieu  dans  les  environs  d'Arrah,  dont 
la  petite  garnison,  en  cherchant  à  arrêter  Kouer- 
Sing,  auquel  le  brigadier  Douglas  donnait  lâchasse, 
avait  été  très  maltraitée  et  qui  avait  perdu  plusieurs 
officiers,  entre  autres  le  capitaine  Legrand,  son  com- 
mandant. 

,  Le  2  mai,  sir  E.  l.ugard  passa  le  Gange  pour 
ravitailler  la  place  d'Arrah,  et  culbuta  les  rebelles, 
qui  se  réfugièrent  dans  les  jungles  de  Judigspoor. 
Le  9  mai,  cet  officier-général  occupait  Judigspoor  et 
en  chassait  les  insurgés,  auxquels,  le  26  mai,  il  in- 
fligeait encore  une  seconde  défaite. 

jCette  poursuite  persévérante  avait  été  habilement 
combinée  avec  les  mouvements  du  brigadier  Douglas, 

(i)  Fourrés  épais  formés  de  bambous  et  de  roseaux  dans  les- 
quels toute  poursuite  de  l*ennemi  devient  impossible. 


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DBS  ANGLAIS   PANS   L^JNOB.  427 

qui  opérait  du  côté  de  TAlIahabad,  et  avec  la  marche 
du  colonel  Rowcroft  dans  le  district  de  Sarun.  Le 
17  mai,  les  troupes  cha,rgées  de  fermer  la  frontière 
orientale  de  l'Oude,  sous  les  ordres  de  cet  officier, 
avaient  rencontré  les  rebelles  près  de  Bilwaa-Bazaar, 
sur  la  route  de  Gornepoore,  et  leur  avaient  fait  éprou- 
ver upe  perte  importante^  en  l6s  refoulant  sur  le  ter- 
ritoire de  rOude. 

Dans  lesud'Ouest  de  TAIlahabad,  le  colonel  Wbite*- 
lock  avait  gardé  ses  positions  dans  les  environs  de 
Bandab ,  et  rayonnait  autour  de  celte  ville ,  dont  le 
nawab  était  en  fuite,  avec  la  reine  d'Ihansi  et  Tan- 
tia-Topee,  dans  Tlnde  centrale.  Le  8  mai,  le  colonel 
Whitelock  s'était  emparé  de  Tirohan,  qui  avait  servi 
pendant  quelqi^e  temps  de  place  de  dépôt  aux  re- 
belles de  Rewab  et  de  Jubbulpour,  et  où  il  avait 
trouvé  des  munitions  et  des  approvisionnements  im* 
portants. 

Grâce  à  ces  diverses  opérations,  le  Bengale  méri- 
dional avait  été  préservé  de  l'invasion  des  fugitifs, 
qui  s'étaient  dirigés  vers  le  sud  de  Lucknow,  et  dans 
rOude  même,  sir  Ilope  Grant  leur  avait  fait  une  rude 
guerre  dans  le  sud-est  de  la  province,  jusqu'au  mo- 
ment où  les  chaleurs  intolérables  de  juillet  l'avaient 
obligé  à  regagner  ses  quartiers. 

)1  ne  nous  reste  plus,  pour  terminer  cette  rapide 
analyse  de  la  guerre  des  Indes  pendant  l'année  1858, 
qu'à  suivre  les  opérations  dirigées  contre  le  Rohil- 
cund  par  le  général  en  chef  en  personne. 

J^a  begum  ou  reine  d'Oude  et  le  moulvie,  chef  du 


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Â38  DE   LA  PtJlSSANGB   HlLtTAlHE 

parti  musulman,  avaient  pris  la  direction  du  nord  au 
moment  de  la  prise  de  Lucknow.  Ce  dernier,  après 
avoir  échappé  à  la  poursuite*  du  général  Grant  sur  la 
route  de  Setapour,  avait  obliqué  à  Touest  avec  ses 
contingents  et  était  venu  s*établirà  Sundelah,  comme 
nous  Tavons  dit  plus  haut,  interceptant  la  seconde 
grande  communication  qui  de  TOude  mène  au  Robil- 
cund. 

Le  26  mars,  le  général  Walpole,  avec  le  gros  de 
Tarmée  de  Lucknow,  moins  la  division  de  Lugard  et 
la  force  laissée  au  général  Hope  Grant,  s'était  engagé 
dans  le  nord  de  TOude,  poussant  devant  lui  les  re- 
belles, et  détruisant  les  forts  qu*il  rencontrait  sur  son 
chemin.^ 

Le  15  avril,  I  ennemi,  qui  jusque-là  u*avait  tenu 
nulle  part,  sembla  reprendre  courage  et  voulut  dé- 
fendre le  fort  de  Rowah  (ou  Herowra).  Une  recon- 
naissance imparfaite  de  la  position ,  peutrétre  aussi 
le  manque  d*unité  dans  une  attaque  tentée  à  la  suite 
d*une  longue  marche ,  occasionnèrent  un  échec  que 
la  désorganisation  des  rebelles  ne  permettait  pas  de 
prévoir,  La  division  anglaise  éprouva  quelques  pertes, 
qui  frappèrent  principalement  le  &2*  et  le  &•  du 
Pendjaub,et  le  brigadier  Adrien  Hope,  excellent 
officier,  fut  tué  dans  cette  affaire.  Toutefois  le  lende- 
main le  fort  était  évacué,  et  les  rebelles  reprenaient 
leur  course  désordonnée  vers  le  haut  pays. 

Le  22  avril,  le  général  Walpole  prenait  sa  re- 
vanche et  battait  complètement  les  rassemblements 
qu'il    rencontrait  à  Alygunge ,  et  le  27  il   faisait 


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DES   ANGLAIS  DANS  L*1NDB.  &29 

sa  jonction  à  Futtehghur  avec  le  général  en  chef. 

Le  18  avril»  sir  Colin  Campbell  était  parti  de 
Cawnpour  pour  gagner  la  station  de  Futtehghur»  en 
suivant  la  rive  droite  du  Gange ,  après  avoir  coor- 
donné les  mouvements  des  différentes  colonnes  qui 
devaient  envahir  à  la  fois  le  Robilcund. 

Pendant  que  le  général  Walpole  opérait  sur  la  rive 
gauche,  une  autre  colonne,  partie  de  Roorkee»  sous 
les  ordres  du  brigadier  Jones,  passait  le  fleuve  k 
NaguUGbat,  le  17  avriL  battait  les  rebelles  et  entrait 
dans  le  Rohilcund  par  le  nord,  en  se  dirigeant  sur 
Moradabad.  Le  18  avril,  cette  colonne  s'emparait  du 
fort  de  Nuggeedabad,  et  le  22  elle  arrivait  à  Nagi- 
nah,  à  quelques  lieues  de  Tancienne  capitale  du  Ro- 
hilcund. Le  25^  avril,  après  quelques  engagements 
peu  importants,  le  brigadier  Jones  occupait  Morada- 
bad ,  d*où  il  repartait  bientôt  en  suivant  la  route  de 
Bareilly. 

Au-dessus  de  Futtehghur,  le  brigadier  Penny  cou- 
rait le  pays  avec  la  brigade  amenée  du  Pendjaub;  il 
devait  passer  le  Gange  de  manière  à  rejoindre  le 
général  en  chef  sur  la  route  de  Bareilly. 

Le  27  avril,  la  jonction  de  la  colonne  de  Walpole 
avec  les  troupes  de  sir  Colin  Campbell  avait  lieu  à 
Futtehghur,  Le  lendemain,  le  général  en  chef  pas- 
sait la  Ramgonga  et  remontait  vers  le  nord  jusqu'au 
fort  de  Tingri,  qu'il  trouvait  abandonné;  de  ce  point 
il  se  rendait  à  Jellalabad,  à  cinq  milles  de  distance; 
puis,  tournant  à  l'est,  il  traversait  une  plaine  fermée 
par  deux  petites  rivières,  et  arrivait,  le  30  avril»  k 


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A30  DB   Ik   PUISSANCE   MILITAIRE 

Schahdjehanpore,  où  les  insurgés,  disait-on,  avaient 
juré  de  résister  et  de  mourir.  11  ne  trouvait  qu'une 
ville  à  moitié  dépeuplée;  Nana-Saïb,  le  moulvie, 
Khan-Bahadour,  le  chef  le  plus  influent  du  Rohil- 
cund,  étaient  en  retraite  sur  Bareilly. 

Le  7  mai,  sir  Colin  Campbell  entrait  à  Bareilly, 
après  un  combat  qui  se  transformait  bientôt  en  dé- 
route du  côté  des  insurgés.  L'artillerie  anglaise  leur- 
faisait  éprouver  quelques  pertes  en  les  mitraillant  au 
passage  des  cours  d'eau  qui  entourent  Bareilly.  Un 
millier  de  fanatiques  musulmans,  qui  avaient  tenté  de 
se  défendre  dans  les  rues  de  la  ville  ^  et  au  milieu 
desquels  le  général  Walpole  courut  quelque  danger, 
furent  massacrés  jusqu'au  dernier. 

Le  général  Campbell  avait  trouvé  la  brigade  du 
colonel  Jones  débouchant  sous  les  murs  de  Bareilly 
par  la  route  de  Moradabad,  et  sur  la  route  de  Schah- 
djihanpore,  il  avait  été  rejoint  par  la  brigade  du 
général  Penny.  Cette  colonne,  après  avoir  passé  le 
Gange  le  27  avril,  avait  perdu  son  chef  dans  un  en- 
gagement avec  les  rebelles,  aux  environs  de  Chuk- 
lara,  sur  la  route  de  Budaon. 

L'armée  était  à  peine  installée  à  Bareilly,  que  le 
général  en  chef  reçut  la  nouvelle  de  la  réapparition  des 
rebelles  à  Schahdjihanpore.  Le  moulvie,  avec  un  corps 
de  8,000  hommes  et  15  pièces  d'artillerie,  assiégeait 
la  garnison  des  600  hommes  du  A 2*  régiment  euro- 
[iéen  qui  avait  été  laissée  dans  cette  ville.  Le  briga- 
dier Jones  partait  le  8  mai,  et  se  dirigeait  à  marches 
forcées  sur  Djihanpore.  Le  11,  cet  officier  avait  un 


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DES   ANGLAIS   DANS   L^INDE.  &âl 

premier  engagement  avec  les  rebelles,  dont  le 
nombre  allait  sans  cesse  croissant,  et  parvenait  ce- 
pendant à  le  culbuter  et  à  ravitailler  la  ville.  Mais 
pendant  les  jours  suivants,  les  contingents  ennemis 
devenaient  assez  forts  pour  l'obliger  à  se  tenir  sur  la 
défensive,  et  le  15  mai,  il  se  trouvait  complètement 
cerné  par  les  insurgés. 

  cette  même,  date,  le  général  en  chef,  informé  de 

la  situation  de  Schahdjihanpore,  se  mettait  en  marche 

vers  le  sud  avec  toutes  les  troupes  dont  il  pouvait 

disposer,  et  arrivait  le  18  au  secours  du  brigadier 

'  Jones. 

Le  23^  les  divisions  réunies  des  deux  généraux  se 
mettaient  à  la  poursuite  de  Tennemi.  Le  brigadier 
Jones  l'atteignait  dans  Test  à  Mobundy  et  le  mettait  en 
complète  déroute,  avec  perte  de  toute  son  artillerie. 

Le  26  mai,  le  général  en  chef  se  trouvait  à  Jella- 
labad,  sur  la  route  de  Futtehghur  ;  de  là  il  se  rendait 
àCawnpoor  le  H  juin,  puis  à  Allahabad,  où  l'atten- 
dait le  gouverneur,  lord  Canning.  Un  ordre  du  quar- 
tier-général annonçait  en  même  temps  aux  troupes 
l'interruption  des  hostilités,  et,  à  l'exception  de  la 
colonne  du  général  Hope  Grant,  qui  tenait  encore 
quelque  temps  la  campagne  pour  dégager  le  grand 
tributaire  de  TOude ,  Maun-Singh,  assiégé  à  Shaha- 
bad  par  le  moulvie,  à  cause  de  ses  tentatives  de  sou- 
mission y  les  différents  corps  de  la  grande  armée  de 
Lucknow  se  dispersaient  et  se  rendaient  sur  les  points 
les  plus  importants  du  territoire  reconquis  pour  y 
prendre  leurs  quartiers  d'été. 


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&3â  DE   Ik  rmsSANCK   MlLITAIftR 

Jusqu'au  mois  d'octobre,  c'est-à-dire  jusqu'à  la 
cessation  des  pluies  qui  allaient  succéder  aux  chaleurs 
torrides,  toute  opération  militaire  importante  se  trou- 
vait forcément  ajournée. 

Si  nous  récapitulons  les  résultats  obtenus  par  les 
Anglais  pendant  la  campagne  4'l^iver  de  1857  et 
pendant  la  campagne  de  printemps  de  1858,  nous 
devons  reconnaître  que  leur  situation ,  fort  précaire 
au  commencement  de  cette  période,  se  trouvait  com- 
plètement changée  et  améliorée  par  les  succès  impor- 
tants qui  en  ont  signalé  la  clôture. 

Nous  croyons  utile  de  revenir  ici  sur  ce  que  nous 
avons  dit  à  propos  des  divergences  d'opinions  qui  se 
seraient  manifestées  entre  le  gouverneur-général  et 
le  commandant  en  chef,  à  Toccasion  de  la  campagne 
dirigée  contre  TOude  au  mois  de  mars.  On  avait  pu 
s'apercevoir  bien  vite  que  le  fruit  de  ce  triomphe  était 
en  partie  perdu,  puisque  la  révolte,  que  Ton  espérait 
concentrer  pour  la  détruire,  se  trouvait  seulement 
refoulée,  et  continuait  à  survivre  à  la  prise  de  la  capi- 
tale de  cette  province. 

On  av£dt  chassé  l'ennemi,  il  est  vrai,  de  sa  meil- 
leure position;  mais  en  le  dispersant,  on  lui  avait 
fourni  les  moyens  de  faire  une  guerre  nouvelle  par 
corps  détachés,  ce  qui  lui  assurait  un  avantage  con- 
sidérable. 

Ainsi  que  nous  l'avons  fait  remarquer  dans  un  des 
chapitres  de  cette  étude,  le  système  suivi  par  les  re- 
beltes,  depuis  la  prise  de  Lucknow,  est  traditionnel 
chez  les  Indiens;  c'est  celui,  d'ciilleurs,  qui  compense 


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DES   ANGLAIS   DANS   L*INDK.  /i3â 

le  mieux,  pour  un  peuple  barbare  aux  prises  avec  une 
nation  civilisée ,  rinfériorité  de  sa  tactique  et  de  ses 
moyens  d'action  ;  c'est  la  guerre  que  Témir  Abd-cl- 
Kader  a  soutenue  pendant  quinze  ans  contre  la  France, 
et  qui  lui  a  permis  de  tenir  en  échec  pendant  si  long- 
temps Tune  des  meilleures  armées  de  l'Europe;  c'est 
encore  la  guerre  que  Schamyl  soutient  contre  la  Russie 
dans  le  Caucase,  et  dans  laquelle  ont  toujours  excellé 
les  Orientaux.  Or,  pour  les  Anglais,  dans  quelque 
condition  que  ce  fût,  une  guerre  de  partisans,  de 
guérillas ,  était  ce  qu'il  y  avait  de  moins  désirable 
après  la  prise  de  Lucknow,  car  on  louchait  à  une 
saison  de  l'année  où  les  chaleurs  excessives  et  les 
maladies  qu'engendre  le  climat  allaient  soumettre  les 
troupes  à  ces  épreuves  contre  lesquelles  viennent  se 
briser  le  courage,  l'énergie  des  soldats,  contre  les- 
quelles demeurent  impuissantes  les  meilleures  com- 
binaisons d'un  général. 

Nous  croyons  qu'on  peut  le  reconnaître  sans  hésiter 
aujourd'hui,  la  campagne  du  mois  de  mars  contre 
Lucknow  fut  prématurée.  Il  eût  été  plus  sage,  après 
la  délivrance  de  la  Résidence,  de  difl'érer  la  réduc- 
tion de  rOûde  pendant  quelque  temps ,  de  laisser  le 
champ  libre  aux  insurgés  parmi  lesquels  (ce  qui  est 
arrivé  à  l'égard  de  Maun-Sing  le  prouve  surabondam- 
ment)  les  dissensions  n'auraient  pas  manqué  d'écla- 
ter, et  d'employer  toutes  les  forces  disponibles  h 
rétablir  Tordre  sur  la  rive  droite  du  Gange  et  dans 
toutes  les  possessions  anciennes. 

L'armée  de  sir  Colin  Campbell  eût  amplement 

23 


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A3A.  DB  LA    i'OlSSANGU  IIILITAIAB 

suffi  à'  cette  tâche  pendant  la  maison  froide,  et  à  son 
expiration  toutes  les  places  innportantes  de  la  fron- 
tière eussent  été  garnies  des  postes  militaires  qui 
pouvaient  seuls  assurer  le  succès  de  la  grande  corn* 
binaison  du  générai  en  chef  sur  la  Goumty.  La  saison 
chaude  aurait  été  employée  à  rétablir  Tadministra- 
tion  civile  du  pays  sur  ses  bases  primitives,  et  à  pré- 
parer  à  loisir  contre  tous  les  rebelles  refoulés  dans 
rOude  la  campagne  définitive  où  la  rébellion  eût 
trouvé  son  tombeau. 

Certes,  ce  n'est  pas  sans  une  extrême  réserve  que 
nous  abordons  cette  critique  du  ptan  général  suivi 
pendant  les  dernières  opérations  dont  Tlnde  a  été  le 
théfttre*  Sur  ce  gigantesque  champ  de  bataille,  plus 
que  partout  ailleurs,  nous  comprenons  combien,  dans 
la  pratique ,  les  meilleures  plans  sur  le  papier  per- 
dent de  leur  valeur,  combien  il  faut  accorder  à  Tim- 
prévu  et  aux  besoins  du  moment.  Cependant  il  y  a  à 
la  guerre  des  principes  fondamentaux  qui  sont  de 
tous  les  temps  et.de  tous  les  lieux,  et  dont  le  mépris 
ou  Toubli  entraîne  fatalement  des  revers  ;  or  ces 
principes,  qui  sont  indépendants  de  toute  circon* 
stance  particulière  aux  peuples  qui  se  combattent,  ne 
nous  semblent  pas  avoir  été  suffisamment  respectés 
dans  la  conduite  générale  de  la  guerre  de  Tlndc 
en  1858. 

Après  le  revers  infligé  au  général  Windham  par 
les  troupes  de  Gouàlior  au  mois  de  novembre  précé« 
dent,  il  était  imprudent  de  laisser  sur  le  flanc  droit 
et  sur  les  derrières  de  l'armée  ce  contingent  impor- 


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DBS   ANGLAIS   DANS   L*INDB«  ASS 

lant;  il  était  contraire  aux  règles  de  lit  guorro  de 
marcher  sur  Lucknow  avant  d'avoir  délruit  cl  dis- 
persé un  foyer  de  résistance  d'autant  plus  dangereux 
qu*il  devait  nécessairement  servir  de  point  de  rallie- 
ment aux  fugitifs  que  la  grande  armée  rejetterait  sur 
sa  droite  en  avançant  dans  TOude. 

D'un  autre  côté,  au  nord,  le  Robilcund  pouvait 
être  regardé  comme  un  des  principaux  centres  de 
la  rébellion.  Situé,  par  rapport  aux  possessions  an- 
glaises, de  telle  manière  qu^en  l'occupant  on  peut 
toujours  être  en  mesure  d'attaquer  simultanément  les 
postes  les  plus  importants  qui  i'avoisinent,  ce  dis- 
trict était  appelé  à  jouer  sur  le  flanc  gauche  de  la 
grande  armée  de  Lucknow  le  rôle  que  le  Bundelcund 
et  les  districts  du  sud-est  de  l'Oude  remplissaient 
sur  le  flanc  droit. 

Il  nous  semble  regrettable  que  les  premiers  pro- 
jets du  général  en  chef  contre  le  fiohilcund,  tels  que 
semblait  les  indiquer  rétablissement  de  son  quartier^ 
général  à  Futtehghur  au  mois  de  janvier,  n'aient 
point  été  suivis  d'exécution.  Si,  d'une  part,  sir  Colin 
Campbell  avait  continué  son  mouvement  vers  le 
nord,  et  si,  de  l'autre,  la  division  Walpole,  qu'il 
avait  détachée  sur  la  route  d'Êtawah  au  moment  où 
il  quittait  Cawnpour,  avait  prononcé  plus  nettement 
son  mouvement  vers  le  sud,  de  manière  à  appuyer 
les  opérations  des  colonnes  de  Roberts,  de  sir  Rose 
et  de  Whitelock ,  te  Uochilcund ,  qui  opposa  si  peu 
de  résistance  au  mois  de  mai,  alors  que  tous  ses  forts 
étaient  remplis  des  rebellas  de  Lucknow,  en  eût 


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A36  D&   LA   PUISSANCE   MILITAIAE 

opposé  bien  moins  encore  au  mois  de  janvier  quand 
il  élait  dégarni,  et  Tarmée  anglaise  eût  pu  Toccuper 
assez  fortement  pour  en  interdire  l'entrée  aux  rebelles 
après  la  prise  de  la  capitale  de  TOude. 

Soutenu  par  les  troupes  de  Walpole,  sir  Rose  eût 
pu  terminer  bien  plus  promptemcnt  ses  opérations 
contre  Ihansi  et  Gaipy.  Cernés  à  Touest  par  le  géné- 
ral RobertSy  au  sud  et  à  Test  par  les  colonnes  de  sir 
Rose  et  de  Whitelock,  contenus  ati  nord  par  la  divi« 
sion  de  Walpole,  les  rebelles  du  Bundelcund  eussent 
été  exterminés,  et  Gouftiior  ne  serait  pas  tombé  entre 
leurs  mains.  Les  débris  de  cette  force  au  lieu  de 
s'enfoncer  dans  Tlnde  centrale»  comme  ils  l'ont  fait 
après  leur  marche  sur  Tonk  et  Hindoivn,  ce  qui  me- 
nace de  prolonger,  sinon  d'éterniser  la  guerre,  les 
débris  du  contingent  de  Gouftiior,  disons-nous,  n'au- 
raient pas  eu  d'autre  resscTurce  que  de  passer  le 
Gange,  et  de  se  jeter  dans  TOude  au  mois  de  janvier, 
et  la  réussite  du  plan  de  sir  Campbell  en  eût  été 
mieux  assurée  que  jamais. 

Enfin,  comme  dernière  conséquence  de  la  soumis- 
sion préalable  du  Rohilcund  et  du  Bundelcund,  quant 
à  ce  qui  touche  aux  résultats  de  la  prise  de  Lucknow, 
nous  devons  mentionner  les  entraves  qu'elle  eût  ap- 
portées à  cette  sorte  de  retraite  circulaire  opérée  par 
les  rebelles  devant  la  manœuvre  en  éventail  exécutée 
par  la  grande  armée  de  Lucknow.  Cette  retraite  ou 
cette  fuite,  comme  on  voudra  l'appeler,  on  ne  doit 
pas  se  le  dissimuler,  a  beaucoup  amoindri  les  espé- 
rances qu'on  eût  été  en  droit  de  concevoir  après  la 


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DfiS  ANGLAIS  DANS  l'iNDB.  437 

prise  du  poste  le  plus  important  de  la  révolte ,  s*il 
eftl  été  emporté  daiis  d'autres  conditions.  Lucknow 
pris,  alors  que  le  Robilcund  et  le  Bundelcund  étaient 
réduits,  c'était  la  fin  de  la  guerre;  Lucknow  emporté, 
alors  que  les  portes  de  ces  deux  districts  se  trouvaient 
ouvertes  aux  fugitifs,  ce  n*était  plus  que  la  guerre 
déplacée^  rejetée  du  centre àla  circonférence.  Comme 
preuve  à  Tappui  de  celte  assertion,  et  comme  consô* 
quence  de  cette  sorte  de  fuite  que  nous  avons  appelée 
circulaire,  faute  de  meilleurs  termes  pour  la  caracté- 
riser, nous  nous  contenterons  de  rappeler  cette  re- 
marquable coïncidence  de  la  prise  de  Gouàlior 
(2  juin),  du  blocus  de  Schahdjihanpore  (23  mai),  de 
Toccupation  de  Judigspoor  (26  mai)  par  les  rebelles 
aux  extrémités  du  théâtre  de  la  guerre,  précisément 
à  rinslant  où  les  colonnes  de  sir  Campbell,  de  sir 
l.ugard  et  de  sir  Rose  semblaient  avoir  porté  le  der-* 
nier  coup  à  leur  désorganisation. 

Ainsi  que  nous  avons  eu  occasion  de  le  faire  re- 
marquer, la  présence  du  gouverneur-général  à 
Allahabad  semble  avoir  exercé  une  certaine  influence 
sur  les  déterminations  de  Tétat-major  et  sur  la  direc- 
tion donnée  aux  opérations.  Depuis,  au  dire  de  cer- 
taines correspondances  de  Calcutta,  le  commandant 
en  chef  aurait,  en  quelque  sorte,  confirmé  officielle- 
ment que  le  plan  qu'il  a  suivi  lui  a  été  imposé  par  le 
gouverneur.  Nous  examinerons,  dans  le  dernier  cha- 
pitre de  cette  étude,  les  conséquences  d'une  pareille 
situation  pour  les  autorités  militaires  dans  Tlndc  ; 
pour  le  moment,  bornons-nous  à  nous  féliciter  gran- 


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A38  DK   f.A   PClSSAKCe  VILITAIRB 

dément  de  ce  qu'en  France,  conime  en  Algérie*  noire 
gouvernement,  nos  ministres,  nos  autorités  civiles 
n^interviennent  dans  la  guerre  que  pour  la  déclarer 
ou  rédiger  les  traités  qui  y  mettent  un  terme,  et  lais- 
sent fort  sagement  à  no3  généraux  le  soin  de  faire 
leurs  plans  de  campagne  et  de  conduire  leurs  troupes. 

Nous  avons  cru  devoir  exposer  comment  et  pour- 
quoi les  travaux  accomplis  par  Parmée  anglaise 
n'avaient  pas  été  couronnés  par  un  succès  aussi  com- 
plet qu*on  pouvait  le  désirer  pour  la  pacification  du 
pays,  et  Tespérer  en  raison  des  efforts  et  du  dévoue* 
ment  des  troupes.  On  se  tromperait  fort,  néanmoins, 
si  Ton  croyait  pouvoir  en  inférer  que  la  situation 
actuelle  peut  inspirer  la  moindre  inquiétude  pour  le 
résultat  de  la  campagne  qui  va  s'ouvrir. 

La  cessation  des  hostilités  dans  TOude  semble 
avoir  plus  nui  à  la  cause  des  rebelles  que  le&  vic- 
toires inopportunes  exigées  par  le  gouvernement  de 
Calcutta.  De  tous  côtés  se  manifestent  les  symptômes 
de  la  désorganisation  des  confédérés.  Ils  ne  deman- 
daient qu'une  occasion  pour  se  quereller  entre  eux , 
l'inaction  des  troupes  anglaises  la  leur  a  fournie. 
Le  SO  juillet,  Maun*Sing  était  dans  le  camp  du  gé- 
néral Grant,  à  Fizabad,  et  quelque  motif  que  l'on  ait 
pu  avoir  de  douter  de  sa  sincérité  vacillante ,  son 
abandon  final  de  la  cause  des  rebelles  est  un  avan- 
tage important  et  qui  confirme  ce  que  nous  disions 
plus  haut  de  la  désorganisation  des  insurgés. 

Après  la  chute  de  Delhi,  do  Lucknow,  de  Bareilly, 
de  ihansi,  de  Galpy  et  de  Kotah,  toute  guerre  régu- 


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DBS   ANGLAIS   DANS   L*INDB«  &â9 

Hère  a  dû  cesser,  ainsi  que  nous  l^avons  dit;  quant 
à  la  guerre  de  partisans  qui  lui  a  succédé,  et  dontil 
faut  attendre  patiemment  le  terme,  les  défaites  sue* 
cessives  subies  par  les  insurgés,  malgré  leur  succès 
momentané  à  Gouftiior  et  à  Djalrapatam ,  semblent 
réduire  la  révolte  au  désespoir  dans  Tlnde  centrale. 
Sur  tous  les  points  elle  touche,  par  la  force  des  choses, 
à  la  dernière  phase  de  son  existence  ;  mais  encore 
faut-il  que  les  Anglais  sachent  bien  en  discerner  le 
véritable  caractère  ;  il  faut  que  le  génie  militaire  des 
généraux  et  les  habitudes  des  troupes  se  modifient 
en  vue  de  cette  nouvelle  forme  que  rêvât  la  résistance. 
Le  système  des  grandes  batailles  et  des  grands  corps 
d*armée  a  donc  fait  son  temps  dans  Tlnde;  les  pe- 
tits combats  qui  vont  les  remplacer  doivent  rapporter 
plus  de  fatigues  que  de  gloire ,  et  à  ce  titre  il  ne  fau- 
dra pas  s^étonner  sMls  deviennent  antipathiques  aux 
Anglais.  Nous  examinerons  dans  notre  dernier  cha<- 
pitre  les  modifications  générales  que  doit  subir  une 
armée  européenne  appelée  à  guerroyer  dans  de  pa- 
reilles conditions  ;  Tapprentissage  en  est  pénible  et 
difficile.  Il  ne  se  poursuit  souvent^  pour  des  troupes 
nouvelles,  qu*au  prix  de  mécomptes  sur  lesquels 
notre  expérience  de  la  guerre  d'Afrique  nous  a  éclairé, 
et  mis  à  même  de  parler  avec  quelque  connaissance 
de  cause. 

Quoi  quMI  en  soit  de  ces  dernières  difficullésy  nous 
touchons  au  moment  où  le  retour  de  la  saison  favo- 
rable va  permettre  aux  Anglais  de  reprendre  active- 
ment la  campagne,  et  d'achever  leur  lâche.  Lord 


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khO  DB   Lil  PUISSANCE   MILITAIRE,    ETC. 

Clyde,  au  milieu  d'octobre,  a  dû  se  trouver  h  la  tête 
d'une  armée  de  &0,000  hommes,  dont  15,000  indi- 
gènes. Avec  une  pareille  force,  sagement  distribuée 
et  employée,  si  la  soumission  générale  de  Plnde 
n'est  pas  encore  assurée,  il  est  évident  pour  tous  les 
esprits  non  prévenus  qu'elle  est  bien  près  <ie  l'être. 
Ce  sera  très  probablement  je  résultat  de  la  campagne 
qui  va  s'ouvrir,  et  nous  ne  croyons  pas  trop  nous 
aventuieren  disant  que  le  commencement  de  l'été 
prochain  verra  la  fin  de  cette  lutte  opiniâtre  qui  dure 
depuis  dix-huit  mois. 

Lorsque  la  pacification  du  pays  sera  terminée, 
lorsque  l'autorité  civile  aura  repris  son  ascendant  et 
sa  liberté  d'action,  le  moment  sera  venu  d'appliquer 
les  mesures  propres  à  rendre  impossible  le  retour  de 
la  catastrophe  de  1857.  Après  avoir  trouvé  la  marche 
à  suivre  pour  réprimer,  il  faudra  poser  les  jalons  de 
celle  à  adopter  pour  contenir,  et  surtout  pour  amé- 
liorer ce  grand  pays  dont  l'Angleterre  a  charge,  non 
pas  seulement  au  point  de  vue  des  avantages  qu'il 
peut  lui  rapporter,  mais  aussi  à  celui  des  devoirs  que 
toute  nation  conquérante  et  civilisée  doit  remplir  vis- 
à-vis  d'une  nation  barbare  et  dégradée. 

Que  deviendrait  la  légitimité»  la  raison  d'être  de 
la  conquêle  sans  l'accomplissement  de  ces  devoirs? 


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CHAPITRE  XVII. 

SosuAiiiE  :  Politique  nouvelle  à  pratiquer  dans  l'Inde  :  Oraison 
funèbre  de  Tbônorable  Compagnie.  —  Transformation  du 
gouvernement  de  l'Inde.  —  Procès  de  l'ancien  gouvernement.  — 
Ce  que  doit  être  la  domination  anglaise  en  Asie.  —  La  Com- 
pagnie a  exploité  l*Inde  au  lieu  de  la  civiliser.  —  Les  vices  et 
rimmoralité  du  système  ne  |)ouvaient  être  compensés  par  la 
bonne  volonté  et  Ttionnêteté  des  agents.  —  Nouvelle  organi- 
sation. —  C'est  à  juste  titre  que  la  Compagnie  a  été  la  victime 
expiatoire  des  derniers  événements.  —  Amélioration  réelle  de 
la  situation.  —  Bilan  de  l'année  1858.  —  Comment  l'Angle- 
terre parviendra  à  civiliser\jt  à  christianiser  l'Inde.  —  Un  mot 
sur  la  situation  des  catholiques  romains  en  Asie.  —  L'Inde 

-  a  été  conquise  par  Tépce  et  doit  être  conservée  par  l'épée.  — 
Le  parti  des  poltrons.  —  Sentiment  de  l'armée.  —  L'amnistie 
et  la  conciliation. 

«  Ce  fut  certainement  pour  l'Angleterre  un  grand, 
»  un  glorieux  exploit,  que  d*avoir  conquis  Tlnde  et 
»  de  ravoir  gardée  si  longtemps  à  Taide  noéme  des 
»  meilleurs  soldats  tirés  de  ce  pays  subjugé  ;  d*avoir 
»  ajouté  presque  chaque  année  quelque  nouveau  fleu- 
»  ron  à  cette  couronne»  et  d'avoir  trouvé,  non  une 
»  diminution  de  ressources,  mais  un  accroissement 
»  de  puissance  dans  cette  colonie  de  200  millions 
»  d'âmes, 

»  A  rimproviste ,  cette  juste  fierté ,  ces  magni- 
t>  fiques  souvenirs,  cet  avenir  brillant,  devaient  rece* 
»  voir  le  coup  le  plus  rude.  Nous  avons  vu  cent  mille 


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/i&S  DE   LA  PDISSANCB   MILITAIRB 

»  hommes  se  soulever  comme  par  enchantementi  et 
»  tourner  leurs  armes  contre  les  Anglais.  Cette  ré- 
»  volte  a  eu  lieu  avec  une  spontanéité,  un  ensemble 
»  des  piQs  mortifiants  pour  les  maîtres  de  Tlnde.  Elle 
»  s'est  signalée  d'ailleurs  par  les  plus  impitoyables 
»  cruautés.  » 

Cest  dans  ces  termes  que  l'un  des  organes  les  plus 
accrédités  de  la  presse  anglaise  ouvrait  naguère  le 
champ  aux  recherches  des  causes  qui  ont  déterminé 
rinsurreclion  des  cipayes.  PÏous  ne  suivrons  pas  le 
Times  dans  Ténumération  des  fautes  qu'il  impute  à 
ceux  qui  ont  gouverné  Tlnde.  Le  reproche  de  n'a- 
voir pas  su  gagner  la  confiance  et  la  sympathie  des 
populations  indigènes,  de  n'avoir  pas  conquis  le  res- 
pect que  la  supériorité  de  race,  la  supériorité  des 
lumières  et  de  la  civilisation  aurait  dû  leur  assurer, 
résume  toutes  les  accusations  que  l'on  est  en  droit 
d'adresser  aux  agents  de  l'honorable  Compagnie 
défunte. 

La  catastrophe  de  1857,  si  terrible,  si  humiliante 
pour  nos  voisins,  en  les  conviant  à  mieux  remplir 
leurs  devoirs  sociaux  et  politiques  envers  les  Indiens, 
devait  amener  la  chute  nécessaire  d'un  système  usé, 
vermoulu,  dont  l'insuffisance  pour  prévenir  la  révolte 
n'avait  été  égalée  que  par  l'incapacité  pour  la  ré* 
primer. 

Un  autre  avertissement  non  moins  important  doit 
découler  de  la  gravité  du  péril  dans  lequel  l'empire 
anglo4ndien  a  été  mis  par  l'insurrection  des  ci|>ayes« 


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DBS  ANGLAIS   DANS   l'INDR.  ft&S 

\\  faut  que  Tétat  militaire  de  cette  immense  colonie 
subisse  une  transformation  non  moins  radicale  que 
son  système  politique. 

Telles  sont  les  deux  graves  questions  qui  devront, 
longtemps  encore,  absorber  toute  Tactivité  d^esprit 
des  hommes  d'État  de  TAngleterre.  Un  grand  pas  a 
déjà  été  fait  vers  la  solution  de  la  première  de  ces 
questions  par  Tabolition  du  gouvernement  intermé- 
diaire, et,  au  lieu  du  procès  de  la  Compagnie  des 
Indes,  que  nous  comptions  faire  au  début  de  cette 
étude,  ce  n'est  plus  qu'une  oraison  funèbre  qu'il  nous 
reste  à  prononcer. 

Aujourd'hui»  la  reine  Victoria  est  souveraine  de 
rinde,  sans  qu'aucune  fiction  ou  tradition  du  passé 
intervienne  dans  ses  justes  prétentions,  et  les  change- 
ments qui  résultent  de  cette  modification  sont  loin 
d'être  sans  importance,  malgré  le  maintien  provi- 
soire des  rouages  les  plus  essentiels  de  l'ancien  gou- 
vernement. Aujourd'hui,  tous  les  employés  civils  de 
la  Compagnie  deviennent  les  serviteurs  de  la  reine  ; 
les  forces  militaires  et  navales  de  la  Compagnie  de- 
viennent l'armée  et  la  marine  de  l'Inde.  Désormais 
c'est  en  son  nom  qu'on  déclarera  la  guerre,  qu'on 
fera  la  paix  et  que  l'on  conclura  des  traités.  C'est  en 
son  nom  qu'on  fera  des  lois  et  qu'on  administrera, 
que  Ton  contractera  des  emprunts,  qu'on  exécutera 
des  travaux  publics  et  tout  ce  qui  constitue  le  gouver- 
nement d'un  peuple. 

Cette  importante  transformation  devait  rencon- 


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edby  Google 


DE   LA    PU16SANCB   HlUTAmE 

trer  une  approbation  unanime  ;  il  y  a  bientôt  un  denai- 
siècle  que  Tun  des  hommes  les  plus  illustres  de 
rAnglclcrre  Tavait  proclamé  :  «  L  Inde  doit  ôtre  gou- 
»  vernée  du  haut  d'un  palais  avec  le  sceptre  d*un 
»  homme  d*État,  el  non  d'un  corûptoir  avec  une  aune 
»  de  marchand.  »  Si,  depuis  cinquante  ans,  l'aune  ne 
l'avait  pas  trop  souvent  emporté  sur  le  sceptre  dans 
la  balance  de  la  politique  indienne,  peut-être  eùt-on 
évité  la  catastrophe  qui  a  ébranlé  TAngleterre. 

Nous  applaudissons  sans  réserve  à  ce  granTd  évé- 
nement, qui  doit  changer  la  face  de  Tlnde,  et  nous 
pensons  que  tous  les  amis  éclairés  de  la  civilisation 
y  applaudiront  avec  nous.  Nous  l'avons  déjà  dit,  et 
l'on  nous  pardonnera  de  le  répéter  encore  dans  cette 
circonstance,  le  triomphe  de  l'Angleterre  sur  la  ré- 
volte des  Asiatiques,  c'est  le  triomphe  de  la  civili- 
sation sur  la  bat*barie  ;  pour  l'honneur  et  le  bien  de 
l'humanité,  nous  aimons  mieux  voir  Tlnde  gouvernée 
aujourd'hui  par  lord  Canning  au  nom  de  la  reine 
Victoria ,  que  de  la  voir  tomber  sous  le  joug  d'un 
Nana-Saïb. 

Nous  concevons  la  conquête  lorsqu'elle  a  un  but 
de  civilisation  :  c'est  l'histoire  de  la  France  en  Afrique, 
ce  doit  être  aussi  la  mission  de  l'Angleterre  en  Asie. 

Nous  concevons  la  conquête  lorsqu'elle  a  pour 
terme  une  assimilation  de  races  ou  une  fusion  d'inté- 
rêts utiles  au  progrès.  Si  nous  applaudissons  à  la 
chute  du  gouvernement  de  la  Compagnie,  c'est. que 
son  règne  e?t  demeuré  étranger  h  toute  grande  fin 


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DliS  ANGLAIS   DANS   l'iNDB.  ft&5 

de  celle  sorte.  Pour  être  chréliennQ,  la  conquête  doit 
reposer  sur  Talliance  de  Tintérêl  et  de  Téquitc.  La 
source  de  cette  idée,  que  les  siècles  ont  développée, 
que  les  lumières  ont  fortifiée,  que  les  mœurs  ont 
consacrée,  est  dans  la  religion  qui  condamne  depuis 
longtemps  la  violence  et  Tabus  do  la  force.  Or,  que 
pouvait  avoir  à  démêler  avec  cette  morale  la  poli- 
tique d'une  association  fondée  pour  Texploitation  ex- 
clusive des  richesses  et  des  sueurs  d^m  peuple,  la 
politique  qui  a  réalisé,  un  siècle  durant,  Tutiion 
intime  de  l'arbitraire  du  proconsul  et  de  Pavidité  du 
trafiquant  ! 

On  a  pu  se  demander,  en  vérité,  si  rentratnemcnl 
du  moment  n'avait  point  poussé  les  Anglais  h  une 
trop  grande  sévérité  à  Tégard  d*une  institution  qui, 
après  tout,  avait  doté  leur  patrie  de  sa  plus  magni- 
fique possession.  On  a  pu  se  demander,  à  l'étranger 
surtout,  si  ce  rôle  du  bouc  émissaire  de  la  fable , 
assigné  à  la  Compagnie  depuis  les  derniers  événe- 
ments, était  aussi  bien  justifié  que  l'ont  prétendu  ses 
détracteurs.  Les  ruines  sur  lesquelles  s'est  écroulé 
son  pouvoir  ne  seraient  pas  là  pour  témoigner  de 
l'impéritie  de  la  Compagnie,  que  l'étude  impartiale 
du  régime  qu'elle  avait  appliqué  aux  Indiens  suffi- 
rait à  confirmer  le  jugement  qui  l'a  condamnée. 

Excellent  pour  conquérir  cet  immense  empire,  le 
système  suivi  jusqu'ici^  dès  qu'il  n'a  plus  eu  dans  le 
pays  même  de  puissants  auxiliaires  sur  lesquels  il 
pouvait  s'appuyer  pour  les  combattre  les  uns  par  les 


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4À6  DK  LA   PUISaANCB  MlUTAIRË 

autres,  s'est  trouvé  incapable  de  résister  au  premier 
choc.  Inhabile  h  conserver,  la  Compagnie  a  été  dans 
rimpuissance  de  comprimer  le  soulèvement  sans 
l'appui  de  la  mère  patrie,  parce  que,  obstinée  dans 
son  isolement  séculaire,  elle  avait  négligé  de  répandre 
aucune  idée  féconde,  aucun  des  germes  de  la  civili*- 
sation  occidentale  dans  ces  contrées  qu'elle  lui  avait 
aoumisea*  Insouciante  du  bien*<êlre,  de  la  moralité, 
de  la  vie  de  ses  innombrables  sujet»,  insensible  atout 
ce  qui  n'était  pas  matière  d'exportation  oo  d'impor** 
tation,  monopoles,  traitements,  profits  ou  dividendes, 
elle  s'était  bornée  à  exploiter  l'Inde  au  lieu  de  lacivi* 
User.  l£lte  avait  cherché  à  rendre  ses  populations  inca- 
pables de  se  gouverner  elles-mêmes,  plutôt  qa*à  les 
initier  h  des  connaissances,  k  des  arts  qui  inspirât 
d'ordinaire  à  ceux  qui  les  possèdent  le  désir  de  s'é- 
mancipen  Celte  politique  pouvait  être  habile,  mais  à 
coup  sûr  elle  n'était  point  libéi^ale. 

C'est  donc  avec  raison  que  l'on  a  reproché  à  la 
Compagnie  des  Indes  sa  mauvaise  foi,  son  ambition, 
son  égolsme  et  ses  exactions  de  toutes  sortes.  En  en^ 
tretenant  la  barbarie  de  ses  nouveaux  sujets,  elle  ne 
pouvait  que  récolter  les  fruits  sauvages  qu'elle  a  pro- 
duits* Quant  aux  atrocités  qui  ont  jeté  le  deuil  sur 
tant  de  familles  anglaises,  c'est  encore  à  la  Compa-- 
gnie  qu'il  faut  remonter  pour  en  trouver  l'origine  et 
la  cause.  N'est-ce  pas  pour  se  venger  de  la  rigueur 
de  ses  agents  que  les  insurgés  ont  commis  les  épou- 
vantables cruautés  qui  ont  soulevé  contre  leur  cause 


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DBS  ANGLAIS  DANS  L^lINOB.  A&7 

rindignalion  de  TEurope  tout  entière.  Un  an  k  peine 
avant  Texplosionde  la  révolte,  une  enquête  ordon* 
née  par  le  gouvernement  révélait,  en  effet,  Texistence 
d*un  système  régulier  et  horrible  de  torture,  pratiqué 
à  regard  des  Indiens,  et  auquel  les  femmes  elles-- 
mêmes étaient  soumises.  A  la  suite  de  cette  enquête, 
il  fallut  se  résigner,  en  Angleterre,  dans  la  patrie  des 
Howard,  des  Wilberforce,  à  admettre  que  des  sup* 
plices  atroces,  d'un  cynisme  et  d'un  raffinement 
inouis,  étaient  mis  en  usage  dans  les  passassions 
indiennes  par  les  employés  de  la  Compagnie. 

Ces  odieuses  révélations,  Burke  les  avait  déjà  faites 
lorsq.u*tl  osait  dire  en  pleine  Chambre  des  communes  : 
a  Si  les  Anglais  avaient  été  chassés  de  llnde,  ils  n'au* 
3»  raient  pas  laissé  de  meilleures  traces  de  leur  domi- 
»  nation  que  la  hyène  et  le  tigre  1  » 

Sbéridan  n'était  pas  moins  explicite,  lorsque,  dans 
un  de  ses  discours  contre  Hastings,  il  caractérisait 
en  ces  termes  le  gouvernement  de  la  Compagnie: 

<x Je  me  souviens  d'avoir  entendu  dire  à  un 

9  savant  et  honorable  gentilhomme,  M.  Dundas,  qu'il 
»  y  avait  dans  la  constitution  et  dans  la  forme  de  la 
»  Compagnie  des  Indes  quelque  chose  qui  comrou- 
»  niquait  à  toutes  ses  opérations  les  principes  sordides 
»  de  son  origine,  quelque  chose  qui  mêlait  à  l'admi- 
»  nistration  politique ,  et  même  aux  entreprises  les 
»  plus  hardies,  la  mesquine  avidité  d'un  brocanteur 
D  et  l'audace  d'un  pirate.  Ainsi,  dans  leurs  transac* 
»  tiens  militaires  et  civiles,  on  volt  les  membres  de  la 


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A/i8  DB    LA   PUISSANCE   MILITAIRE 

»  Compagnie  envoyer  des  ambassadeurs  qui  mellent 
»  à  Tenchère,  et  des  généraux  qui  font  le  comnficrce. 
»  Nous  avons  vu  une  révolution  faite  par  déposition 
»  de  témoins  assermentés.  Une  ville  est  assiégée  pour 
»  le  payement  d'une  letlrc  de  change,  un  prince  dé- 
»  Irôné  pour  la  balance  d'un  compte.  C'est  ainsi  qu'ils 
»  ont  fait  un  gouvernement  qui  unit  à  la  majesté 
»  dérisoire  d'un  sceptre  sanglant  les  petits  trafics  d'un 
»  marchand,  et  qui»  tenant  un  gourdin  dans  sa  main 
»  gauche,  vide  les  poches  de  sa  main  droite,  v 

Il  est  inutile  de  dire  que  nous  faisons  la  part  de 
l'exagération  dans  ce  langage  des  deux  orateurs  les 
plus  illustres  de  l'Angleterre  ;  cependant  on  ne  peut 
nier  que  la  misère  des  Indiens  ne  fût  devenue  ex- 
trême, et  que,  depuis  quelques  années,  elle  n'allât 
sans  cesse  en  augmentant.  C'est  l'opinion  de  Metcalf, 
de  Henry  Russell,  de  Macaulay,  de  Montgommery- 
Martin;  c'est  ce  dernier  qui,  naguère  encore,  s'ex- 
primait en  ces  termes  au  sujet  de  l'exportation  con- 
tinue des  richesses  de  l'Inde  en  Angleterre  : 

a  La  situation  de  i'Inde  peut  être  comparée  à  celle 
»  d'un  individu  privé  de  nourriture,  et  à  qiii  cepen- 
>)  dant  on  enlève  journellement  une  partie  de  sang. 
»  Le  résultat  est  atrophie,  convulsions,  mort.  » 

Sans  doute,  à  diverses  époques,  sur  différents 
points,  certains  agents,  hommes  de  cœur  et  d'intelli* 
gence,  effrayés  de  l'immense  responsabilité  assumée 
pai'  la  Compagnie,  ont  compris  l'étendue  des  devoirs 
que  leur  imposait  l'immoralité  des  débuts  de  leur 


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DKS   ANGLAIS   DANS   l'iNDIS.  &&9 

égoïste  patronne.  C'est  grâce  âux  résultats  partiels 
qui  ont  couronné  les  efforts  de  ces  fonctionnaires 
éclairés/ que  la  soumission  de  Tlnde  a  pu  être  main- 
tenue aussi  longtemps.  Malheureusement,  ce  qui  a 
toujours  manqué  à  ces  généreuses  tentatives,  c'est  un 
esprit  d*unité  et  d'ensemble  que  ne  pouvait  compor- 
ter Tessencedu  gouvernement  de  la  Compagnie.  La 
civilisation,  la  morale,  la  religion,  ne  peuvent  se 
mettre  en  actions  et  s'exploiter  du  fond  d'un  bureau 
de  commerce.  En  vain  la  domination  anglaise  a  été 
pour  les  populations  indiennes  la  plus  douce,  en  réa- 
lité, de  toutes  celles  qui  se  sont  succédé  en  Asie.  La 
forme  même  du  gouvernement  adopté  par  les  con- 
quérants s'est  toujours  opposée  à  ce  que  cette  domi- 
nation devint  un  bienfait. 

L'action  directe  du  gouvernement  anglais  et  Tu* 
nité  dans  le  pouvoir  pouvaient  seules  créer  des  lois, 
corriger  les  mœurs,  éveiller  l'industrie,  encourager 
le  travail  et  l'intelligence,  civiliser,  christianiser  en 
un  mot  ce  qui  dans  l'Inde  est  encore  barbare  ou  gros- 
sier, mettre  un  terme  enfin  à  la  torpeur  et  à  la  léthar- 
gie de  cette  pauvre  et  magnifique  contrée. 

La  Compagnie  des  Indes  a  été  la  victime  expia- 
toire de  la  crise  que  l'Angleterre  vient  de  traverser, 
et  que  sa  caduque  Impéritie  n'avait  su  ni  prévoir  ni 
dominer  (1).  C'était  justice.  Tout  ce  que  l'on  peut, 

(1)  D'après  la  législation  nouvelle,  le  gouvernement  de  Flude 
est  transféré  à  la  .couronne.  Les  pouvoirs  du  bureau  de  contrôle, 
qui  ne  contrôlait  rien,  et  dont  toute  l'activité  se  dépensait  le  plus 

29 


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A50  DB   LA  POISSANCB  MILITAIRE 

tout  ce  qae  l'on  doit  espérer  désormais^  c^est  que  la 
paix  soit  promptement  rétablie  et  que  i'Inde  puisse 
entrer  maintenant  dans  une  voie  d'amélioration  qui 
'soit  sous  quelques  rapports  comparable  à  celle  de 
l'Europe  et  de  rAmérique.  Il  n'y  a  plus  lieu  à  con« 
quérir»  et  l'esprit  de  conquête  a  reçu  une  sévère 
leçon,  mais  il  n'y  a  aucune  raison  inhérente  à  la  race, 
au  pays,  ou  au  gouvernement  actuel,  pour  que  l'Inde 
ne  reçoive  pas  toutes  les  améliorations  matérielles 
qui  ont  modifié  la  face  de  ce  continent  comme  celle 
du  nouveau  monde.  C'est  surtout  à  cause  de  sa  len- 
teur sous  ce  rapport  que  le  gouvernement  mixte  qui 

souvent  en  luttee  stériles  avec  les  ^recteurs»  sont  conférés  k  un 
ministre  responsable,  et  ce  ministre  sera  membre  du  Parlement, 
afin  de  pouvoir  toujours  tenir  les  mandataires  du  pays  au  courant 
de  ce  qui  se  passe. 

La  cour  des  directeurs  sera  remplacée  k  Tavenir  par  une  n<m« 
velle  insUtution  appelée  conseil  de  Tlnde,  qui  se  oomposeht  de 
quinze  membres  ;  sept  ont  été  désignés  par  la  cour  des  di- 
recteurs avant  la  cessation  de  ses  fonctions,  et  huit  par  la 
couronne.  Lorsqu'un  poste  de  conseiller  deviendra  vacant,  il  y 
sera  pourvu  alternativement  par  la  couronne  et  par  le  conseil, 
dont  les  membres  ne  siégeront  pas  au  Parlement 

Le  conseil,  sous  la  direction  du  ministre  secrétaire  d'Ëtat,  diri- 
gera en  Angleterre  les  affaires  relatives  au  gouvernement  de  Tlnde 
et  k  la  correspondance.  Le  gouverneur-général,  placé  k  Calcutta, 
ne  pourra  plus  prendre  de  mesures  importantes  en  dehors  de  la 
partie  administrative  qui  lui  appartient  et  en  demander  la  rati- 
fication ;  il  devra,  avant  tout,  proposer  ces  mesures,  qui  seront 
acceptées  ou  refusées  en  conseil  secret.  Le  conseil,  présidé  par  le 
secrétaire  d'État,  qui  nomme  aussi  le  vice-présideAt,  est  divisé  en 
divers  comités  correspondants  k  la  division  adoptée  pour  les  af- 
faires. 


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DBS  ANGLAIS  DANS  L'iNDE.  &51 

avait  été  adopté  jusqu'ici  pour  Tlnde  a  été  trouvé 
inférieur.  Si  le  gouvernement  plus  simple  qui  aura 
lieu  au  nom  de  la  reine  devait  se  montrer  également 
insuffisant,  le  patriotisme  lui-même  ne  saurait  consi- 
dérer le  gouvernement  de  l'Angleterre  comme  un 
bienfait  pour  l'Inde* 

L'Angleterre  a  rempli  la  moitié  de  la  tâche  qui  lui 
a  été  imposée  par  la  révolte  indienne,  et  c'est  mé- 
connaître à  plaisir  les  progrès  réels  qu'a  faits  la  ré- 
pression de  celte  révolte,  que  mettre  en  doute  la 
défaite  et  la  dispersion  définitive  des  cipayes  dans  un 
avenir  prochain.  Il  est  toul  naturel  que  des  bandes 
d'insurgés  et  de  fugitifs  parcourant  le  pays  et  rejetés 
incessamment  d'un  ppint  sur  l'autre  par  les  mouve- 
ments de  l'armée  anglaise,  répandent  partout  un 
sentiment  de. trouble  et  d'insécurité.  Mais  ce  n'en 
est  pas  moins  une  œuvre  considérable  que  d'avoir 
détruit  tous  les  centres  de  ralliement  de  la  révolte, 
que  de  l'avoir  chassée  de  toutes  les  villes  importantes 
ou  elle  a  tenté  de  s'établir,  que  de  l'avoir  forcée  à 
tenir  désormais  la  campagne  sans  qu'elle  ait  pu  nulle 
part  prendre  quelque  consistance  et  quelque  durée. 

A  la  fin  de  l'année  dernière,  les  Anglais  avaient 
dû  abandonner  de  vastes  provinces  aux  rebelles* 
L'armée  n'occupait  plus  un  pouce  de  terrain  dans 
le  Bobilcund;  Alumbagh  était  la  seule  possession 
dans  rOude.  Sur  la  Gogra,  les  Anglais  avaient  & 
peine  un  ou  deux  postes  fortement  compromis.  Dans 
le  Malwah  et  le  Bundelcund*  ils  n'avaient  conservé 


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A5â  DB   LA  PUISSANCE   HILITAIEB 

que  Saugor.  Aujourd'hui,  il  n*y  a  plus  un  ennemi 
dans  le  l\ohilcund.  L'Oûde  et  Lucknow  ont  été  re- 
conquis. Le  Doab  n*est  plus  infesté  que  par  quel- 
ques bandes.  Les  bateaux  remontent  sans  encombre 
le  Gange  et  la  Gogra.  Enfin,  lorsque  Gôualior,  dans 
rinde  centrale,  est  tombé  au  pouvoir  des  insurgés 
de  Galpe,  on  a  pu  réunir  presque  immédiatement 
quatre  colonnes  sur  ce  point.  Il  est  très  évident  qu'a- 
vec les  corps  d'armée  peu  mobiles  dont  les  Anglais 
disposent,  il  faudra  du  temps  pour  purger  les  pro- 
vinces où  a  sévi  l'insurrection  des  bandes  armées  qui 
les  parcourent;  mais  c'est  persister  dans  une  exagé- 
ration déraisonnable  que  d'attribuer  k  une  insurrec- 
tion sans  cesse  vaincue  et  dispersée  plus  de  puissance 
qu'avant  ses  défaites,  et  surtout  que  de  continuer 
à  prédire,  après  une  si  longue  déception,  Taffran- 
chissement  de  l'Inde  par  ses  propres  forces  et  Tex- 
pulsion  des  Anglais. 

Les  Cipayes  sont  vaincus;  l'Inde  est  reconquise, 
mais  il  reste,  pour  que  tout  soit  fini,  à  la  pacifier,  à 
la  réorganiser,  à  la  gouverner.  Nos  voisins  et  nos 
alliés  ont  trop  de  lumières  et  d'expérience,  ils  ont 
trop  le  génie  des  affaires  pour  ne  pas  comprendre 
que  cette  seconde  partie  de  lu  tâche  qu'ils  ont  à  rem- 
plir est  aussi  grave,  et  plus  difficile  et  plus  compli-- 
quée  que  la  première.  H  s'agit,  en  effet,  de  rempla- 
cer aujourd'hui  un  système  d'administration  qui 
fonctionnait  depuis  un  siècle  par  un  système  de  créa- 
tion entièrement  nouvelle.  Quel  problème  &  résoudre 


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DBS  ANGLAIS  DANS   L*INDB.  .     &53 

i{ue  celui  d'improviser  un  plan  d^organisation  poli- 
tique et  administrative  pour  un  empire  de  150  mil- 
lions d'âmes  I  Quel  est  Tesprit  assez  vaste  et  assez 
ferme  pour  envisager  d'un  regard  assuré  la  perspec- 
tive que  va  créer  celte  réforme  ou  plutôt  cette  révo- 
lution devenue  indispensable,  pour  en  calculer  la 
portée  exacte,  pour  apprécier  et  mesurer  l'influence 
qu'elle  peut  exercer,  non-seulement  sur  l'avenir  et 
la  situation  de  l'Inde,  mais  encore  sur  lavenir  et  la 
situation  de  la  métropole^  sur  la  marche  et  le  mouve- 
ment de  ses  institutions  fondamentales  I 

Ni  le  talent,  ni  l'expérience  ne  manquent  aux  nou- 
veaux législateurs  de  l'Inde  (1),  mais  ce  serait  tom- 

(1)  En  raison  tie  la  division  adoptée  par  lord  Stanley  pour  faci- 
liter Texpédition  des  affaires,  les  trois  comitésdu  conseil  dellnde 
sont  oomposés  de  la  façon  suivante  : 

Comité  des  finances ^  de  Vintérieur  et  des  travauœ  publics: 
MM- Charles  Mills,  E.  Mac-Naghten»  h  Sepherd,  sirProbyCaunley, 
et  M.  Arbuthnot. 

Comité  politique  et  militaire  ;  Sir  John  Lawrence,  le  major 
général  sir  Robert  Vivian,  sir  H.  Rawlinson,  Willoughby  et  le 
capitaine  Lastwick. 

Comité  judiciaire  de  législation  et  du  re\)enu  :  Sir  James  Weir 
Hogg,  M.  Mangles,  sir  Frederick  Curry,  M.  Prinsep  et  sir  Henry 
Montgommery. 

11  sufQt  de  parcourir  ceUe  liste  et  d'être  quelque  peu  versé  dans 
rhistoire  des  événements  de  Flude,  pour  reconnaître  que  le  secré- 
taire d*État  a  consulté  dans  sa  répartition  Fexpérience  et  Tapti- 
tude  spéciale  des  divers  membres  pour  les  divers  services  auxquels 
ils  sont  attachés.  Ajoutons  que  le  secrétaire  d*État  a  plein  pou- 
voir pour  reconstituer  les  comités,  et  en  général  pour  diriger  leurs 
travaux* 


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65&  PB   LA   PUISSAIYGB   MILITAIRE 

ber  dans  une  grave  erreur  que  de  croire  à  la  simpli- 
cité de  leur  mission  réorganisatrice^  par  cette  raison 
que,  dans  le  nouveau  système,  le  couronnement  de 
rédifice  de  Tancien  gouvernement  indien  se  trouve 
changé.  Supprimer  les  lenteurs  et  faire  plus  vite 
n*est  pas,  comme  on  semble  le  croire,  ou.  du  moins, 
se  plaire  à  le  répéter,  la  seule  modification  qui  était 
à  réaliser.  Il  faut  aussi  faire  mieux,  et  pour  cela,  si 
Ton  en  juge  par  le  bilan  de  la  Compagnie,  faire  tout 
autrement  que  par  le  passé.  L'ancien  gouvernement 
a  légué  le  chaos  à  celui  qui  lui  succède  ;  pour  en  sor* 
tir,  il  faut  que  Tédifice  indien  soit  reconstruit  en 
entier,  les  murailles  peuvent  à  peine  en  servir,  et  si 
Ton  ne  veut  pas  que  l'avenir  soit  menacé  de  nou- 
veau par  leur  chute,  il  faut  se  garder  d'un  simple 
replâtrage,  il  faut  une  refonte  radicale  de  l'ancienne 
machine  et  l'application  pour  la  remettre  en  fonc- 
tion de  forces  puisées  à  des  sources  nouvelles. 

Si  glorieux  qu'aient  été  pour  l'Angleterre  les  ré- 
sultats obtenus  pendant  l'année  qui  va  se  ter- 
miner, on  ne  peut  considérer  ces  succès  qu'avec 
des  sentiments  bien  mélangés.  C'est  en  réalité  un 
triomphe  de  la  race  l^ritannique  sur  des  sujets  bri- 
tanniques que  nos  alliés  ont  à  enregistrer.  Ils  ne 
voient  pas  s'ouvrir  devant  eux  les  portes  d'un  nouvel 
empire,  avec  un  nouveau  territoire  pour  leurs  négo- 
ciants, et  une  nouvelle  carrière  de  gloire  pour  leurs 
soldats.  Ils  ne  recouvrent  que  ce  qui  était  perdu,  et 
dans  quel  état!  ils  n'ont  soumis  que  des  rebelles.  Ils 
ne  regagnent  que  ce  qui  est  endommagé^  ruiné. 


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DBS  ANGLAIS  DANS   l'iNDE.  ft55 

amoindri,  non-seulement  par  la  haine  et  ranimosité 
qui  survivront  à  leur  victoire,  mais  plus  encore  par 
la  manière  dont  ils  Tout  reconquis.  Les  pertes  de 
l'ennemi  sont  les  pertes  de  l'Angleterre  ;  elle  a  perdu 
une  noble  armée,  nous  devrions  dire  deux  :  Tarmée 
indigène  du  Bengale,  et  tant  de  braves  et  généreux 
compatriotes  victimes  de  la  trahison.  Ce  ne  sont  pas 
seulement  ses  édifices,  ses  arsenaux,  œuvres  enfan- 
tées par  des  siècles,  dont  elle  compte  aujourd'hui  les 
ruines,  l'Angleterre  doit  compter  aussi  toutes  les 
années  de  paix  et  d'heureuses  espérances  qui  lui  sont 
enlevées. 

Le  système  qui  doit  réparer  de  pareils  désastres 
peut-il  conserver  rien  de  commun,  dans  la  forme 
coname  dans  le  fond,  dans  l'ensemble  comme  dans 
les  détails ,  avec  le  système  qui  les  a  accumulés? 
Nous  ne  saunons  le  répéter  assez,  c'est  bien  une 
création  de  toutes  pièces,  c'est  une  œuvre  nouvelle 
dans  toutes  ses  parties,  qui  incombe  aujourd'hui  au 
gouvernement  de  l'Inde;  Dieu  veuille  que  l'iropa* 
tience  du  peuple  anglais  ne  prenne  pas  le  change 
sur  les  difficultés  d'une  pareille  situation  ;  il  a  repro- 
ché amèrement,  quoique  avec  justice,  à  l'ancienne 
administration   ses  lenteurs;    il   lui   faudra  tenir 
compte  des  embarras  de  la  nouvelle ,  se  rappeler 
qu'uft  monde  nouveau  doit  sortir  de  cette  période 
d'épreuves,  et  que  le  temps  ne  doit  pas  se  marchan- 
der à  la  création. 

Le  principal  bl&me  que  l'Angleterre  s'est  adressé 
&  elle-même,  la  faute  fondamentale  dont  elle  s'est 


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656  DB  LA  PDISSANCB  HILITAIBB 

accusée,  c'est  d*avoir  négligé  de  répandre  dans 
rinde  les  lumières  du  christianisme  et  d'y  avoir  au 
contraire  appuyé  ridol&trie.  Ce  regret  n'a  point  été 
exprimé  seulement  par  les  prédicateurs^  et  n'a  point 
été  formulé  comme  un  simple  scrupule  religieux; 
c'est  aussi  Tavis  des  hommes  les  plus  éminents  dans 
la  politique,  qu'en  faisant  profession  non  plus  d'in- 
différence en  matière  de  religion ,  mais  de  ia  foi 
chrétienne  hautement  avouée,  et  en  s'efforçant  d'y 
convertir  les  indigènes  par  la  persuasion,  le  gouver- 
nement anglais  dans  l'inde  accomplira  un  acte  de 
sage  politique  autant  qu'un  devoir  de  conscience* 

11  ne  peut  être  mis  en  doute  que  si  l'Angleterre 
reste  maltresse  de  l'Inde,  c'est  à  la  condition  de  la 
civiliser.  Or,  l'histoire  de  dix-huit  siècles  est  là  pour 
démontrer  que  le  plus  puissant  véhicule  de  la  civili- 
sation réside  précisément  dans  le  christianisme.  On 
dira  sans  doute  que  christianiser  les  Indiens  est  on 
but  difficile  à  atteindre;  cela  est  incontestable,  mais, 
jusqu'à  ce  que  l'Angleterre  ait  prouvé  au  'monde 
qu'il  est  inaccessible,  elle  doit  s'efforcer  d'y  arriver. 
Comme  nation  chrétienne,  elle  n'a  pas  d'autre  alter- 
native. 

Maintenant  comment  doit-on  s'efforcer  de  conver- 
tir les  Hindous?  là  est  le  point  délicat  de  la  ques- 
tion; nous  l'avons  dit,  la  persuasion  est  le  seul  nnxle 
qui  doive  être  employé.  La  morale  éclairée  du 
XIX'  siècle  ne  permet  pas  d'employer  la  force,  et  les 
théories  des  anciens  conquérants  musulmans  ne 
peuvent  pas  plus  être  pratiquées  de  nos  jours  que 


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.    DBS  ANGLAIS  DANS  l'iNDE.  &57 

les  persécutions  qui  ont  accompli  tant  de  merveilles 
au  moyen  âge.  Baber  et  son  système  de  propagande 
religieuse  ont  disparu  de  Tlnde  comme  Charle* 
magne  et  ses  Saxons  de  l'Europe. 

Il  est  impossible  que  la  manière  dont  le  christia- 
nisme présente  la  vie  humaine,  son  but  et  ses  résul- 
tats»  ne  finisse  pas  par  frapper  les  esprits  dans  les- 
quels-la  lumière  ne  sera  pas  totalement  étouffée  par 
de  fausses  traditions.  Il  est  impossible  qu'il  n'arrive 
pas  à  paraître  plus  raisonnable  que  ce  chaos  sans 
signification  qui  constitue  l'avenir  et  la  destinée  du 
croyant  hindou. 

Si  l'on  veut  bien,  en  remontant  la  succession  des 
âges,  réfléchir  aux  conditions  sociales  au  milieu  des- 
4]ueiles  le  christianisme  a  fait  son  apparition,  ne 
semble-t-il  pas  que  sa  propagation  dans  l'Inde  doit 
présenter  plus  d'une  analogie  avec  les  circonstances 
qui  ont  entouré  son  berceau?  Jéâus-Ghrisl  parait  au 
moment  où  le  paganisme  s'écroule  ;  du  haut  de  ses 
ruines,  il  voit  une  société  souffrante,  misérable  pour 
la  plus  grande  partie,  sans  espoir  d'amélioration 
dans  sa  condition  matérielle,  ignorant  jusqu'à  la 
possibilité  d'une  compensation  dans  sa  vie  morale  ; 
il  voit  un  monde  esclave  de  Rome  dont  l'empire 
commence  à  se  disloquer,  pas  une  idée  religieuse, 
pas  une  croyance  pour  lutter  contre  cette  désorga- 
nisation. Alors,  à  ce  monde  de  maîtres  et  d'esclaves, 
il  vient  prêcher  l'égalité  de  tous  devant  la  divinité, 
l'unité  de  Dieu,  l'immortalité  de  l'âme,  et  toutes  ces 
théories  si  pures,  si  consolantes,  dont  Platon  avait 


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b&S  DR  Lk  PD18SÀNCB   HILITJJEB 

fait  retentir  le  cap  Suniuin,  que  Socrate  avait  payées 
de  sa  vie»  que  lui-même  devait  sceller  de  soq  sang. 

Aux  esclaves,  aux  opprimés,  Jésus-Christ  promet 
une  vie  future,  une  vie  éternelle,  dans  laquelle  cha- 
cun trouvera  la  peine  ou  la  récompense  de  ses  œu- 
vres ;  aux  maîtres,  il  annonce  un  Dieu  juste,  mais 
sévère,  devant  lequel  tous  les  hommes  soht  égaux* 
Avec  quelle  ardeur,  avec  quel  enthousiasme  ne  devait- 
il  pas  être  écouté  par  ces  millions  de  vaincus  que 
Rome  foulait  aux  pieds.  Cette  rémunération  corn* 
pensatrice,  avec  quelle  ferveur  ne  devaient-ils  pas 
Taccueillir  ? 

Faut-il  un  grand  effort  d'imagination  pour  rétrou- 
ver dans  la  constitution  de  la  société  hindoue  la  ma- 
jeure partie  des  imperfections  et  des  vices  sous  les* 
quels  a  succombé  la  société^  païenne?  Quel  abtme 
entre  le  brahmine  et  le  paria  ;  quelle  antipathie 
concentrée,  quel  exclusivisme  méprisant  dans  les 
hautes  castes,  quelle  dégradation  dans  les  castes 
inférieures  l  Mélange  étonnant  de  force  et  de  fai- 
blesse, de  douceur  et  de  férocité,  Tlndien  nous  pré- 
sente le  tableau  d'une  race  humaine  qui,  sans  passer 
par  les  divers  degrés  d'une  civilisation  libre,  a  été 
enchaînée,  avilie  et  dégradée  par  un  système  à  la 
fois  théocratique  et  despotique.  Bien  que  le  code 
civil  et  i*eligieux  des  Hindous  soit  en  vigueur  depuis 
des  milliers  de  siècles,  malgré  Tapathie  avec  laquelle 
les  plus  déshérités  comme  les  plus  favorisés  conti- 
nuent de  nos  jours  à  obéir  à  ses  règles  les  plus  ab- 
surdes, il  ne  serait  pas  parfaitement  exact  de  déduire 


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BBS  ANGLAIS  DANS  l'INDB.  ft5d 

son  Invulnérabilité  dans  le  présent,  de  son  immuabi* 
lité  dans  le  passé.  Le  brahmanisme  a  éprouvé  très 
anciennement  une  grande  révolution  par  la  réforme 
de  Bouddha  ;  le  renversement  de  la  théocratie  des 
brahmanes,  Tabolition  de  la  distinction  des  castes  et 
de  Tidol&trie  étaient  le  but  des  efforts  de  ce  réfor- 
mateur. Malgré  les  persécutions  devant  lesquelles  le 
bouddhisme  fut  obligé  de  céder  vers  le  premier  siècle 
de  notre  ère,  il  n'en  réussit  pas  moins  à  prendre  pied 
dans  rinde;  aujourd'hui  encore,  il  est  répandu 
dans  les  contrées  du  nord  de  l'Hindoustan  et  dans 
nie  de  Geylan«  D'un  autre  côté,  tous  les  sectateurs 
actuels  de  l'islamisme  dans  Tlnde  ne  descendent  pas 
exclusivement  des  Hindous  convertis  par  Baber  et 
Akbar  ;  en  dehors  de  la  propagande  par  le  sabre 
que  notre  siècle  réprouve ,  il  reste  le  prosélytisme 
pacifique,  plus  d'une  fois  employé  avec  succès  parles 
Musulmans;  il  reste  comme  exemple  k  suivre  par  les 
missionnaires  anglais  le  dévouement  des  mission- 
naires catholiques,  couronné  de  si  beaux  succès  en 
Chine  et  même  dans  llnde,  où,  malgré  la  triste  et 
misérable  situation  faite  au  clergé  romain  par  la 
magnifique  Angleterre  (1) ,  un  certain  nombre  de 
conversions  vient  augmenter  chaque  année  le  petit 


(1)  Le  gouvernement  de  la  Compagnie  n*a  pas  eu  honte,  jus- 
qttMci,  de  limiter  à  30  roupies  (75  fr.  )  par  mois  le  traitement  des 
curés  ipadree)  catholiques,  et  encore,  sur  ceUe  somme  devaient^ 
ils  entretenir  leur  église.  On  leur  ôtait  ainsi  Tinstrument  le  plus 
puissant  pour  toucher  et  convertir  les  âmes,  l'exemple  de  cette 
charité  qa*l1s  prêchent,  puisqu'ils  n'avaient  rien  à  donner  aux 


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A  60  DB  LA.  PUISSANCE  MILITAIBB 

troupeau  dont  saint  Thomas  fut  le  prelnier  pasteur. 

L'Inde  a  été  conquise  par  Tépée,  et,  il  ne  faut  pas 
se  le  dissimuler,  elle  ne  pourra  être  conservée  que 
par  répée  tant  que  la  conquête  morale  de  ses  popu- 
lations ne  sera  pas  accomplie.  Dans  la  situation  oii 
l'Angleterre  s'est  trouvée  placée  par  Tinsurrection  de 
son  armée  indigène,  c'est  par  la  force  seule  qu'elle  a 
dû  chercher  le  rétablissement  de  son  prestige  ébranlé. 
La  répression  devait  être  terrible;  l'entraver,  user 
d'une  imprudente  clémence  pour  complaire  à  cette 
philanthropie  babillarde  et  mal  dirigée  qui,  pendant 
un  moment,  a  été  beaucoup  trop  à  la  mode,  eût  été 
un  non^^sens,  alors  que  cent  mille  démons  déchaînés 
sur  la  colonie  commettaient  les  plus  horribles  forfaits. 

Aujourd'hui  les  circonstances  sont  bien  changées. 

La  puissance  britannique  s'est  manifestée  avec 
assez  d'éclat  pour  que  le  règne  de  la  force  brutale 
puisse  céder  enfin  la  place  à  celui  d'une  politique  de 


malbeureox  que  leurs  prières.  Et  encore  ce  clergé  si  misérable- 
ment rétribué,  n*e8t  pas  même  sufDsant  sous  le  rapport  du 
nombre.  Est-il  honorable  pour  un  gouvernement  chrétien  de  con- 
templer avec  une  si  froide  indifférence  le  retour  possible  au  paga- 
nisme de  ses  sujets  catholiques»  faute  des  premiers  subsides  pour 
leurs  pasteurs?  Les  droits  du  clergé  catholique  à  la  bienveillance 
de  la  métropole  ne  valaient-ils  pas  ceux  des  moullahs  et  des  pun- 
dits,  si  largement  rétribués  dans  les  écoles  de  Calcutta  et  de  Béna- 
rès,  dans  les  mosquées  d*Agra  et  de  Delhi,  dans  le  temple  de  Jag- 
gernauth  enfln,  dont  Thonorable  Compagnie  ne  craignait  pas 
d'honorer  Fabominable  culte,  les  épouvantables  cérémonies  par 
la  présence  de  ses  fonctionnaires  et  de  ses  troupes. 

(Edouard  DBWAREEif.) 


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DBS  ANGLilS  DANS  L'iffDB. 

conciliation,  beaucoup  plus  propre  à  ramener  les  po- 
pulations au  respect  de  son  autorité  que  la  conti- 
nuation du  système  d'implacable  vengeance  que  cer- 
taines gens  continuent  à  préconiser.  Nous  n*avons 
pas  mêlé  notre  voix  au  concert  de  récriminations 
dont  Farmée  anglaise  a  été  l'objet  dans  ces  derniers 
temps;  sur  le  théâtre  des  atrocités  qui  se  sont  com- 
mises dans  rinde,  en  présence  des  restes  mutilés  de 
nos  femmes  et  de  nos  enfants,  nous  sommes  convaincu 
qu'officiers  et  soldats  nous  eussions  agi  comme  nos 
alliés;  notre  opinion  ne  saurait  donc  être  suspecte, 
lorsque  nous  les  engageons  aujourd'hui  à  se  défier 
de  cette  meute  d'impitoyables  poltrons,  de  cette 
tourbe  de  trembleurs  dont  rien  n'a  pu  calmer  les 
craintes,  et  dont  rien  ne  peut  calmer  les  Tureurs.  Si 
l'épée  de  la  justice  n'a  pas  toujours  été  l'arme  de  la 
conquête  indienne,  elle  doit  être  au  moins  celle  de  sa 
conservation  ;  l'Angleterre  doit  se  venger  comme  une 
grande  nation  qui  punit,  et  non  comme  une  minorité 
qui  a  eu  peur. 

Parce  que  les  fuyards  tiennent  encore  la  campagne, 
parce  que  des  troupes  de  bandits,  qui  n'ont  d'autre 
chance  de  salut  que  d'errer  sans  repos  ni  trêve,  tra- 
versent encore  les  routes,  et  tuent  parfois  les  voya- 
geurs imprudents  qui  s'aventurent  trop  loin  des  déta- 
chements anglais,  on  est  convenu,  dans  la  presse 
indienne,  si  nous  en  jugeons  par  une  correspondance 
du  Times,  de  dire  que  rien  n'est  fait,  et  qu'il  eût 
mieux  valu  laisser  les  rebelles  tranquillement  dans 
les  villes  que  de  les  chasser  dans  la  campagne.  Ger- 


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462  Xm  LA  PUIMANGB   MIUTAIfiB 

taines  gens  trouvent  qu'on  ne  tue  pas  assez  :  «Tuez! 
tuezl  »  voilà  leur  mot  d'ordre.  Les  gens  dont  nous 
parlons  ne  se  préoccupent  pas  d'autre  chose,  ils  voient 
l'ennemi  s'enfuir»  et  ils  sont  furieux  de  ne  pas  le  voir 
massacrer;  ils  oublient  que  l'histoire  tout  entière 
proteste  contre  ces  théories  sanguinaires,  et  que  les 
supplices  et  les  proscriptions  ne  suffisent  pas  pour 
calmer  les  haines  et  donner  la  sécurité. 

Depuis  le  commencement  de  la  révolte,  la  même 
correspondance  nous  l'apprend,  80,000  oipayes  sont 
tombés  sur  le  champ  de  bataille  ou  morts  des  suites 
de  leurs  blessures  ou  de  maladies.  On  peut  admettre 
que  8  ou  10,000  hommes  des  villes  et  villages  ont 
péri  dans  les  diverses  rencontres.  Quant  à  ceux  qui 
ont  été  fusillés  ou  pendus  par  arrêt  des  conseils  de 
guerre,  leur  nombre  n'est  pas  connu,  mais  il  sera 
facile  plus  tard  de  le  calculer. 

Certes,  il  semble  que  jusqu'ici  le  bourreau  n'a  pas 
manqué  d'ouvrage.  Sans  doute,  les  condamnés  ont 
mérité  leur  sort;  mais  si  désireux  que  l'on  puisse  être 
de  voir  punir  des  coupables,  on  ne  peut  éprouver 
que  de  la  répulsion  pour  ceux  qui  se  réjouissent  de 
leur  mort,  pour  ceux  qui  tombent  en  extase  devant 
le  compte  rendu  d'un  acte  de  justice  nécessaire,  et  ne 
craignent  pas  de  faire  preuve  d'un  esprit  aussi  san- 
guinaire» aussi  inhumain  que  les  meurtriers  eux- 
mêmes.  Gomme  on  l'a  dit  très  justement  des  gens 
dont  nous  parlons,  ils  ont  été  tellement  effrayés  par 
la  révolte  que  dans  leur  délire  ils  ne  peuvent  pardon- 
ner  aux  auteurs  de  leur  frayeur.  Ils  ne  voient  de  se- 


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PB8  ANGLAIS  DANS  t'iNDB.  &63t 

curité,  de  moyen  de  prévenir  leurs  alarmes,  que  dans 
l'anéantissement»  non^seulement  de  tous  les  révoltés, 
mais  encore  de  tous  eeuœ  qui  auraient  pu  le  debenir. 

Tout  autre,  nous  sommes  heureux  de  le  constater, 
est  le  sentiment  qui  règne  dans  Tarmée  anglaise,  et 
c'est  presque  lui  faire  injure  que  d'insister  sur  ce 
fait.  La  première  animation  de  la  lutte  ayant  disparu, 
le  militaire  est  retourné  à  ses  instincts  naturels; 
comme  tout  ce  qui  est  fort,  il  est  redevenu  généreux. 
Il  a  compris  qu'il  ne  pouvait  déclarer  une  guerre 
générale,  éternelle,  &  tous  ceux  que  la  révolte  des 
cipayes  a  jetés  plus  ou  moins  volontairement  dans 
la  lutte.  Il  ne  désire  nullement  voir  s'éterniser  une 
guerre  où  il  n'y  a  point  de  merci  pour  le  vaincu,  où 
il  reste  peu  de  gloire  à  acquérir  pour  le  vainqueur. 
Aussi  les  officiers  s'expriment-ils  avec  beaucoup  plus 
de  modération  au  sujet  de  la  politique  à  suivre  que 
les  fonctionnaires  civils  de  l'ex-Gompagnieé 

Le  nouveau  gouvernement  devra  réagir  sans  crainte 
des  récriminations  qu'il  pourra  soulever  contre  les 
tendances  de' ce  parti  exterminateur;  il  ne  luiper-- 
mettra  pas  d'ajouter  encore  aux  embarras  déjà  trop 
nombreux  qu'il  lui  a  légués;  il  devra  s'attacher  à 
donner  de  la  force  à  ceux  qui  désirent,  pour  la  paci- 
fication de  l'Inde,  une  autre  base  que  les  cadavres  et 
la  solitude.  Il  y  a  une  grande  différence  entre  une 
amnistie  générale  et  une  politique  qui  distingue  ceux 
qui  sont  les  plus  coupables  de  ceux  qui  le  sont  moins; 
celle^^là  seule  pourra  apaiser  les  passions  et  les  haines, 
calmer  les  ressentiments,  éteindre  l'esprit  de  révolte. 


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&6â.  DE   LA  PUISSANGB  UlLlTAlEB 

Nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  la  ligne  de 
conduite  qui  nous  semble  la  seule  rationnelle,  la  seule 
à  tenir  par  le  nouveau  gouvernement  de  Plnde.  Les 
Anglais  ne  doivent  pas  contraindre  les  Hindous  & 
embrasser  le  christianisme;  la  propagation  s*en  effec- 
tuera bien  plus  rapidement  s'ils  s'efforcent  de  mon- 
trer simplement  sa  droiture  et  sa  justice  que  s'ils  ont 
recours  à  de  dangereux  essais  pour  l'introduire  vio- 
lemment ou  par  surprise  au  milieu  des  Musulmans 
et  des  Hindous.  D'un  autre  côté,  ils  ne  doivent  pas 
moins  renoncer  à  ce  système  de  tolérance  abusive 
qui,  sous  le  prétexte  de  respecter,  de  ne  point  gêner 
les  croyances,  allait  jusqu'à  craindre  de  toucher  aux 
coutumes  les  plus  abominables,  et  servait  à  encoura- 
ger, h  entretenir  les  usages  les  plus  inhumains. 

L'Angleterre  doit  se  présenter  hautement  aux  In- 
diens comme  une  puissance  chrétienne,  comme  une 
nation  professant  une  religion  qu'elle  serait  désireuse 
de  répandre  parmi  eux;  ensuite  abolir  complètement 
certains  procédés  iniques  et  barbares,  et  les  rempla- 
cer par  une  administration  ferme,  à  l'abri  de  tout 
reproche  d'inhumanité. 

Au  moment  oii  nous  écrivons,  les  corps  organisés 
de  cipayes  ont  disparu  :  ce  ne  sont  point  les  chefs 
que  le  fanatisme  a  jetés  dans  la  révolte,  comme  le 
moulvie  d'Oude  et  Ferozeh-Shah  ;  ceux  que  l'ambi- 
tion a  séduits,  comme  les  Kouer-Sing,  les  Khan^ 
Bahadour,  les  Nirput-Sing;  ceux  mêmes  que  leur 
haine  et  leurs  exécrables  instincts  ont  changés  en 
bêtes  fauves,  comme  un  Nana-Salb;  ce  ne  sont  pas, 


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DBS  ANGLAIS   DANS  L^INDB.  665 

disons-nous,  ces  chefs  fugitifs,  proscrits,  qui  peuvent 
inspirer  quelcjue  crainte,  pas  un  n'a  révélé,  pendant 
la  guerre,  les  talents  d'un  chef  éminent,  ni  montré 
rétoffe  d'un  Tacfarinas  ou  d'un  Spartacus;  leurs 
bandes  armées  de  fusils  à  mèche,  la  cavalerie  irrégu- 
lière que  la  fuite  a  protégée  pendant  les  dernières 
campagnes,  pourront  longtemps  encore  peut-être 
exercer  la  patience  de  l'armée  anglaise  ;  mais  c'est 
une  nouvelle  et  dernière  phase  de  la  guerre,  dans 
laquelle  il  n'y  a  plus  de  dangers  sérieux  à  redouter. 
En  présence  d'une  situation  aussi  singulièrement 
améliorée,  c'est  un  devoir  étroit  pour  le  gouverne- 
ment indien  de  renoncer  à  ces  idées  de  cruelles  et 
terribles  représailles,  à  ces  sentiments  d'implacable 
vengeance  qui  deviendraient  nécessairement  le  plus 
grand  obstacle  à  l'apaisement  définitif  du  pays. 

Que  l'Angleterre  mette  donc  sérieusement  en  pra- 
tique ces  résolutions  dignes  d'une  grande  et  chré- 
tienne nation,  et  les  fautes  passées  du  gouvernement 
qui  vient  de  disparaître  ne  lui  seront  plus  comptées . 
que  pour  rehausser  le  mérite  de  la  politique  de  celui 
qui  l'a  remplacé. 


SO 


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CHAPITRE  XVIII. 

Sommaire  :  Réorganisation  de  la  puissance  militaire  des  Anglais 
dans  l'Inde.  —  Les  enrôlements  volontaires  en  Angleterre.  — 
Discussion  du  système  adopté  pour  lé  recrutement  de  l'armée. 
— LeHanovre  et  rémigration  irlandaise. — Épreuves  auxquelles 
a  été  soumis  le  système  militaire  de  l'Angleterre  depuis  quel- 
ques années.  —  La  Grimée  et  la  révolte  indienne.  —  Le  patrio- 
tisme d'une  nation  ne  suffit  pas  à  sauvegarder  son  territoire. 

—  Double  problème  à  résoudre  dans  l'état  militaire  d'un  pays. 

—  Opinion  de  Wellington  sur  l'armée  anglaise.  *—  Nouvelle 
pbase  dans  laquelle  est  entrée  la  guerre  des  Indes.  *-  Obliga- 
tions imposées  à  la  Grande-Bretagne  par  la  situation  de  sa 
colonie. 

Nous  avons  dit  que  Tune  des  questions  les  plus 
importantes  léguées  par  la  révolte  de  l'Inde  aux  mé- 
ditations des  hommes  d'État  de  l'Angleterre  était  la 
réorganisation  de  son  armée.  Nous  ne  croyons  pas 
farop  nous  avancer  en  ajoutant  que  la  tempête  de  1857 
doit  emporter  tôt  ou  tard  les  théories  condamnées» 
,  les  usages  surannés  sur  lesquels  repose  la  constitu- 
tion militaire  de  la  Grande-Bretagne. 

Deux  fois»  et  à  des  intervalles  bien  rapprochés^ 
nos  alliés»  pendant  ces  dernières  années,  ont  reçu  de 
sévères  leçons.  Deux  fois  ils  ont  pu  mesurer»  dès  les 
premières  secousses  d'une  guerre  sérieuse»  toute 
l'étendue  des  imperfections  de  leur  système  de  dé- 
fense. La  guerre  des  Indes  a  confirmé  ce  que  la  cam- 
pagne de  Crimée  avait  déjà  révélé. 

Dès  le  début  de  la  guerre  d'Orient»  jugeant  au 


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liGS  DU   LA  PI3ISSANCK   ITILITÀIRB 

point  de  vue  allemand,  c'est-à-dire  en  spectateur 
désintéressé,  le  grand  conflit  oîi  se  trouvaient  enga- 
gées les  puissances  occidentales,  nn  écrivain  militaire 
distingué  formulait  en  ces  termes  son  appréciation  de 
Tarmée  anglaise  (1)  : 

«  L'armée  anglaise,  à  cause  de  son  effectif  et  de 
»  son  renouvellement  par  Fenrôlement,  à  cause  aussi, 
»  en  général,  de  l'insufiisance  de  IMnstruction  mili- 
»  taire  et  scientifique  de  ses  oiïïciers  subalternes, 
»  reste  bien  en  arrière  des  armées  du  continenL  Le 
»  courage  et  le  sang-froid  habituels  des  troupes  n'ef- 
»  facent  pas  entièrement  ces  défauts.  Au  reste,  TAn- 
V  gleterre  sera  contrainte,  tôt  ou  tard,  de  réorganiser 
»  son  armée  d'après  les  types  continentaux,  si  elle  ne 
»  veut  pas  voir  décroître  considérablement  son  in- 
»  fluence  dans  le  monde.  » 

Quatre  mois  de  campagne  ont  suffi  pour  démon- 
trer la  justesse  de  ces  prévisions  ;  la  difficulté,  sinon 
l'impossibilité  de  recruter  l'armée,  l'obligation  d'em- 
ployer les  milices  hors  de  l'Angleterre,  l'insuffisance 
absolue  d^  tout  le  système  administratif  militaire, 
sont  des  faits  connus  aujourd'hui  de  tout  le  monde, 
et  l'Angleterre  est  unanime  pour  conjurer  ces  dan- 
gers. La  transformation  de  l'armée  anglaise,  ou, 
pour  mieux  dire,  de  son  organisation,  est  d'aatant 
plus  nécessaire  qu'aujourd'hui  l'Angleterre  est  privée 
des  deux  principales  sources  qui  alimentaient  ses 

(1)  Les  armées  des  puissances  directement  ou  indirectement  en- 
gagées dans  la  question  d'Orient^  par  un  général  allemand,  bro* 
ehure  in-8.  Leipzig,  chez  RemmelmanD, 


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DBS  ANGLAIS  DANS  l'iNDB.  &69 

régiments  aux  temps  passés,  T Irlande  et  le  Hanovre. 

La  faaiine,  la  misère,  le  choléra^  ie  typhus»  et  sur- 
tout rémigration  aux  États-Unis,  ont  réduit  la  popu- 
lation de  rirlande  de  8  à  5  millions,  et  dans  ces 
3  millions  de  déficit,  morts  ou  expatriés,  se  trou- 
vaient jadis  les  hommes  que  Tenrôleur  trouvait  tou- 
jours disposés  à  accepter  ses  primes.  Les  économistes 
anglais  s'applaudissaient  de  voir  enfin  la  question 
irlandaise  résolue  par  l'émigration  ;  en  même  temps 
qu'on  se  débarrassait  du  paupérisme  irlandais,  on 
tarissait  une  des  plus  fécondes  sources  du  recrute- 
ment de  Tarmée. 

Depuis  Tavénement  de  la  reine  Victoria,  le  Ha- 
novre a  cessé  d'être  une  possession  de  la  couronne 
d'Angleterre,  parce  que,  la  constitution  de  ce  pays 
éloignant  les  femmes  du  trône,  un  souverain  indé- 
pendant a  dû  y  prendre  les  rênes  du  gouvernement. 
Pendant  tout  le  x\uv  siècle,  les  rois  d'Angleterre 
ont  surtout  fait  la  guerre  avec  des  Hanovriens,  leurs 
sujets,  et  avec  des  Hessois  et  des  Brunswickois, 
qu'ils  achetaient  à  tant  par  tête  à  leurs  alliés  les 
souverains  de  Hesse  et  de  Brunswick.  Depuis  la  sépa- 
ration du  Hanovre  cette  source  est  tarie  ;  pendant  la 
campagne  de  Crimée,  malgré  les  répugnances  sou- 
levées  par  le  bill  pour  l'enrôlement  des  étrangers, 
l'Angleterre  n'a  pu  faire  face  à  la  guerre  avec  ses 
propres  ressources  en  hommes  (1).  Aujourd'hui  la 

(l>  Pendant  la  guerre  d*Orieat,  six  légions  étrangères  ont  été 
levées  par  le  gouvernement  britannique  :  i*  légion  turque  à  che- 
val (général  Beatson) }  2*  Région  turque  k  pied  (général  Vivian)  ; 


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liJO  DB    LA   PUISSANGB   MILITAIM 

révolte  des  Indes  ne  Ta  paa  moins  épuisée,  et  malgré 
ses  immenses  ressources  financières,  malgré  ses  sa- 
crifices, au  moment  où  ses  généraux  lui  demandent 
des  renforts,  oii  la  lutte  a  besoin  d*étre  poussée  avec 
la  plus  grande  activité,  nos  alliés  se  trouvent  bien 
près  de  porter  une  seconde  fois  la  peine  d'un  système 
en  désaccord  avec  les  institutions  militaires  du  reste 
de  r  Europe. 

.  Grâce  à  sa  situation  géographique,  rAngleterre  a 
pu,  depuis  un  quart  de  siècle,  ne  donûeF  qu'une 
attention  secondaire  à  son  armée.  Envisagée  seule^ 
ment  au  point  de  vue  d'une  défensive  dans  laquelle 
les  nombreuseEi  citadelles  flottantes  dont  le  pays  dis- 
pose seraient  appelées  à  jouer  le  premier  rôle,  cette 
fstùéQ  a  été  réduite  h  un  chiffre  qui  n'est  plus  en  raph 
port  avec  les  éventualités  auxquelles,  par  aoo  rang 
dans  le  monde,  TAngleterre  est  obligée  de  prendre 
part.  La  guerre  de  Crimée,  ainsi  que  nous  le  disioDS 
plus  haut,  a  donné  le  premier  éveil  sur  les  dangers 
de  c^tte  situation. 

Les  hompes  dont  l'esprit  d'économie  mal  enten- 
due a  particulièrement  contribué  à  l'amoindriseement 
de  l'état  militaire  de  la  Grande-Bretagne  ont  répété 
à  satiété  que  le  pays  n'était  point  agressif,  que  l'An- 
gleterre ne  voulait  palette  un  pays  agressif,  que  son 
armée  ne  devait  pas  être  une  armée  d'agraision. 

3*  légion  anglo-polonaise  (prince  Gzartoryski);  k"*  légion  anglo- 
allemande  (colQuel  Stenabach)  ;  ô"  légion  be|véUqi}e  ^colonel  Dick- 
son], sans  parler  des  tentatives  RQur  b  fojrmUoQ  de  l^o^i^aiDi: 
ricaines,  sçandinayes,  e(c 


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0B8  AISGI'AIS  piqS   L\ï^D^.  A?t 

jSoit,  mafs  il  en  est  des  nations  comme  des  individus, 
lorsque  deux  liommes  se  trouvent  en  présence,  )fi 
volonté  de  ne  point  porter  le  premier  coup  ne  pon- 
etitue  nullement  une  protection  suffisante^  et  celte 
modération,  si  elle  n*est  pas  soutenue  d*un  bon  poir 
gpet,  donne  bien  vite  l'avantage  à  l'antagoniste  moins 
scrupuleux.  D'ailleurs  le  simple  instinct  de  la  conser- 
vation impqse  à  tous  les  peuples  des  obligations  qui 
peuvent  yî^fier  suivant  \^  rang  qu^  chacun  occupe 
dans  le  monde,  mais  qui,  pour  tous,  doivent  être 
proportionnées  à  ce  rang,  et  le  premier  devoir  des 
gouvernements  est  de  tenjr  toujours  leur  p^ys  prôj;  ^ 
toute  éventualité. 

Sops  ce  rapport,  les  événements  de  1357  doivent 
être  pour  l'Angleterre  un  avertissement  plus  sérieux 
encore  que  tp^8  les  enseignements  qui  ont  pu  décou- 
ler de  la  campagne  de  Crimée.  Cette  dernière  guerre 
ne  constituait  qu'un  acpident,  et  il  était  concevable, 
jusqu'à  un  pertaip  point,  que  l^s  événements  qui  ont 
déterminé  le  cçnflit  trouvassent  au  dépourvu  les  na- 
tions appelées  ^  y  prendre  part.  Pne  révolte  indienne, 
au  pontrafre,  est  un  danger  permanent  contre  lequel 
l'Angleterre  aurait  toujours  du  être  en  mesure  ;  si 
quelque  clfose  4pit  ^toi^ner,  en  effet^  c'est  biep  nioins 
)e  «qulèvement  de  Karmée  in^ligène  que  la  longue 
obéissance  dans  laquelle  pn  l'a  yu  se  maintenir. 

Quand  on  considère  le  phiffre  des  troupes  anglaises 
dans  l'Inde  au  début  de  l'insurrection,  on  doit  regar- 
der comme  un  véritable  miracle  qu'une  si  faible  poi- 
gnée d'Européens  ait  pu  résister  comme  elle  l'a  fait, 


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hli  DB  LA  PUlSSAiNGB  IIILITAIRB 

et  n'ait  point  été  emportée  au  premier  coup  de  cette 
furieuse  tempête.  Par  un  juste  retour  sur  les  consé- 
quences qu'un  pareil  désastre  aurait  nécessairement 
amenées»  on  doit  se  demander  si  c'est  être  prévoyant 
et  prudent  que  de  placer  une  armée  dans  une  posi- 
tion  aussi  importante  sans  lui  donner  les  moyens  de 
faire  face  aux  dangers  qui  l'assiègent.  La  catastrophe 
de  1857  ne  doit-elle  pas  engager  la  nation  anglaise 
à  ouvrir  les  yeux,  à  déployer  toute  son  énergie,  à 
remanier  enfin  de  fond  en  comble  des  institutions 
militaires  assez  défectueuses  pour  avoir  permis  qu'à 
un  instant  donné  ses  intérêts  les  plus  précieux  fussent 
aussi  fatalement  compromis. 

Contre  les  périls  d'une  semblable  situation,  il  n'est 
pas  de  déclamations  qui  puissent  prévaloir.  Sans 
doute,  les  efforts  et  le  courage  de  l'armée  indienne 
ont  été  dignement  appréciés  ;  dans  les  meetings,  dans 
le  Parlement,  dans  les  assemblées  de  toutes  sortes» 
les  éloges,  les  panégyriques  ne  lui  ont  point  manqué; 
mais,  qu'on  nous  permette  de  le  dire,  à  nous  qui 
sommes  si  complètement  désintéressés  dans  cette 
question,  nous  pensons  que...  le  moindre  régiment 
de  renfort  eût  bien  mieux  fait  son  affaire  que  tout  le 
lyrisme  de  lord  Palmerston  et  tuUi  qtumtù 

Enthousiasmés  par  les  résultats  du  recrutement  au 
commencement  de  la  guerre,  certains  orateurs  se  sont 
étendus  avec  complaisance  sur  la  facilité  avec  la- 
quelle il  peut  être  fait  appel  à  l'esprit  militaire  de  la 
nation  anglaise.  On  s'est  récrié  vivement  contre  la 
réputation  faite  au  peuple  anglais,  sur  le  continent, 


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DBS  ANGLAIS  DANS   L^INDB.  &7S 

de  n*étre  pas  une  nation  militaire.  Les  Anglais^  a-ton 
dit,  ne  sont  paSy  autant  qtie  les  peuples  de  quelques 
autres  pays^  passionnés  pour  les  uniformes^  pour  les 
fourreaux  ^ acier  et  les  talons  éperonnés;  mais  nulle 
nation  ne  V emporte  cependant  sur  eux  en  esprit  mt7i- 
taire.  Quand  la  nécessité  Vexige,  les  Anglais^  par  Tar- 
deur  avec  laquelle  ils  vierment  se  ranger  sous  les  dra- 
peaux^ prouvent  qu'ils  représentent  bien  mieux  une 
nation  militaire  que  la  plupart  des  peuples  soumis  au 
régime  de  la  conscription. 

Il  est  aussi  loin  de  notre  pensée  de  vouloir  con- 
tester les  résultats  que  peut  produire  le  patriotisme 
anglais  que  de  refuser  à  Tarmée  anglaise  les  éloges 
que  mérite  sa  valeur  ;  nous  reconnaissons  qu'en  ce 
qui  touche  au  dévouement,  au  sentiment  national, 
nos  alliés  comptent  parmi  les  premiers  en  Europe  ; 
mais,  on  le  nierait  en  vain,  si  développés  que  puis- 
sent être  ces  sentiments  dans  un  pays,  ce  sera  tou- 
jours une  imprudence  de  compter  exclusivement  sur 
eux  comme  sauvegarde  de  ses  intérêts  et  de  Tbon- 
neur  de  son  drapeau.  Les  enrôlements  volontaires 
ne  poun'ont  jamais  constituer  qu'une  ressource  éven- 
tuelle et  variable  ;  ils  peuvent,  concurremment  avec 
les  appels  ou  la  conscription,  contribuer  à  la  forma- 
tion des  armées  modernes,  mais  nulle  part  leur  em- 
ploi exclusif  ne  pourra  fournir  une  garantie  régulière 
et  certaine.  L'esprit  militaire  d'un  pays  aura  beau  ne 
point  reculer  devant  un  appel  de  la  patrie  en  danger, 
c'est  trop  en  exiger  de  compter  uniquement  sur  lui  : 
l'enthousiasme,  comme  tout  co  qui  est  spontané  et 


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(Pi  DB  Ik   PD^SANCB  i|)LITi||UB 

paseionnéi  ne  peut  servir  c|e  base  à  rien  f^çi  ^xt  i^  de 
régulier. 

Le  prol^lème  qu'une  natipn  ()Qi(  fésoudre  (^ans 
Torgani^ation  de  son  élat  militaire  peut  être  défini 
en  quelques  mots  :  CoMtittier  son  an^ée  de  tnçinièrf 
à  ce  qvfiy  fotJ^ours  forte^  insti^ite  et  eocercée^  tOf^JQHn 
d^poniftle  v^r  le  (m  de  guerre^  elle  w  ^oit  pa^^  fn 
fempif  de  fyiiûpi,  d'un  entretien  trop  ofiérem^  pour  la  por 
piulatian  et  le  trésor  public. 

La  seconde  partie  de  cette  proposition  a  tQ^jp^rB 
.ét)i  prise  en  plus  sérieuse  considération  que  la  pre« 
mière  par  leti  hommes  d'État  de  l'ingleterre;  ce  priq- 
pipe  les  a  conduits  à  opérer  (|es  réductions  trop  fortes 
daps  le  chiffre  de  Tarmée,  et  il  semble  que  ^oiis  Tin- 
.fluence  des  utopies  de  Gobden  et  du  congrès  dp  la 
paix  ilq  aient  cru  vraiment  h  la  possibilité  d'une  paix 
éternelle  I  II  en  résulte  que  leur  système,  cipconscrit 
dans  des  limites  trop  restreintes,  à  peine  suffisant 
dans  les  conditions  ordinaires  et  normales,  ne  pré- 
sente aucune  réserve  pour  les  éventualités.  Il  en  ré- 
sulte qu'au  premier  choc ,  à  la  prenuère  complica- 
tion, l'armée  anglaise,  absorbée  tout  entière  par  le 
service  de  paix,  n'a  rien  à  mettre  en  ligne  pour  le 
service  de  guerre,  ou,  ce  qui  n'est  ni  juste»  ni  prq- 
.  dent,  ni  même  humain,  pourrions*nous  dire*  elle  se 
trouve  écrasée  sous  le  poids  d'un  fardeau  que  sa  fai- 
blesse numérique  rend  intolérable. 

Nous  aurions  encore  bien  des  choses  à  dire  sur 
cette  importante  affaire  du  recrutement  d^  l'armée 
britannique,  mais  un  volume  n*y  suffirait  point,  et  les 


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DBS  ANGLAia  DANS   l'iNDB.  A75 

Umites  de  notre  cadre  nous  arrêtent.  Nous  nous  pro- 
posons d'ailleurs  de  traiter  in  extenso  cette  grave 
question  dans  un  second  travail  exclusivement  con- 
sacré à  l'étude  des  différentes  institutions  militaires 
de  la  Grande^Breti^gne,  tant  dans  leurs  rapports  que 
dans  leurs  dissemblances  avec  celles  des  autres  puis* 
sances  de  TEurope.  Pour  le  moment,  bornons-nous 
à  dire  qu'en  dehors  des  dangers  extérieurs  qui  peu- 
vent menacer  Tempire  anglo-indien  sur  sa  frontière 
septentrionale,  la  révolte  de  1867 ,  par  les  modifica- 
tions profondes  qu'elle  aura  déterminées  dans  Tesprit 
des  populations  et  dans  l'organisation  de  l'armée 
indigène,  nécessitera  longtemps  encore,  après  son 
extinction,  un  dévebppement  de  puissance  militaire 
dont  i'enti^etien  nous  semble  impossible  avec  les  res-< 
sources  que  le  système  actuel  fournit  à  la  mère  patrie» 
Pendant  de  longues  années,  l'armée  anglaise,  si  elle 
ne  tient  pas  la  campagne  d'une  manière  effective  (et 
edle  qui  se  poursuit  n'est  pas  terminée),  devra  se  te* 
flir  prête  à  tout  instant  à  monter  à  cheval.  Pourra^ 
t«^Ile,  sans  un  recours  forcé  au  système  plus  ou  moins 
mitigé  des  appels  et  de  la  conscription,  remplir  une 
pareille  tâche?  Â  tort  ou  à  raison,  a-t-on  dit,  l'An- 
gleterre  hésiterait  entre  la  perte  de  l'Inde  et  cet 
expédient,  que  quelques  publicistes,  nous  ne  savonf 
trop  pourquoi,  qualifient  de  désespéré.  Nous  ne  pré<^ 
jugerons  pas  ici  de  la  décision  que  prendront  nos 
alliés  dans  une  pareille  alternative ,  mais  uoup  leur 
rappellerons  l'opinion  exprimée  par  un  homme  qui 


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A76  DB  L\  PUISSANGB  MILITAIBB 

fut  à  la  fois  l'un  de  leurs  plus  grands  politiques  et 
leur  plus  grand  homme  de  guerre,  au  sujet  de  Tinfé- 
riorité  irrémédiable  de  leur  constitution  militaire, 
a  tant  que  T  Angleterre  n'aura  pas  un  système  de 
»  recrutement  qui  lui  permette  de  perdre  impunément 
»  chaque  année,  en  cas  de  guerre,  et  par  le  seul  effet 
«des  privations  et  des  fatigues^  la  moitié  de  ses 
»  troupes  en  campagne  (1).  » 

Cette  opinion,  exprimée  en  1811  par  Wellington, 
si  nous  en  jugeons  par  le  rapport  des  commissaires 
sir  John  M'Neill  et  le  colonel  TulIocb,les  pertes  éproih 
vées  par  Tarmée  britannique  en  Crimée,  Tont  pleine- 
ment confirmée;  et  le  genre  de  guerre  qui  attend 
aujourd'hui  les  Anglais  dans  Tlnde  ne  pourra  qiœ 
lui  donner  une  nouvelle  consécration.  Si  leur  t&cbe 
n'est  plus  dangereuse,  elle  n'en  est  que  plus  triste, 
plus  ardue  et  plus  fatigante.  Us  n'ont  plus  rien  à 
craindre  de  l'ennemi  sur  le  champ  de  bataille;  mais 
dans  les  opérations  diverses,  mtihjpliées,  où  les 
troupes  seront  engagées,  éparpillées  en  petites  co* 
lonnes,  dont  chacune  dépendra  de  son  chef  particu* 
lier,  il  y  a  lieu  d'appréhender  des  pertes  qui  pour- 
ront amener  un  découragement  momentané,  surtout 
si  les  soins  à  donner  aux  soldats,  si  les  mesures  hy- 
giéniques à  observer,  si  Tinslallation  des  ambulances 
et  l'organisation  des  divers  services  de  guerre  ne 

(1)  Lettre  du  26  janvier  1811,  de  WeUington  au  marquis  de 
TVellesiey. 


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DBS  ANGLAIS  DANS  l/iNDK.  &77 

sont  pas  dirigés  par  des  ordres  aussi  intelligents  que 
rigoureux.  La  sollicitude  du  commandant  en  chef 
prendra  sans  doute  toutes  précautions  dans  ce  but; 
mais,  pas  plus  en  France  qu'en  Angleterre,  nous  ne 
sommes  les  premiers  à  signaler  ce  que  de  récentes' 
expériences  n'ont  que  trop  démontré  :  Tinsuffisance 
et  l'imperfection  des  services  administratifs  dans 
Tannée  anglaise  nécessite  de  nombreuses  réformes, 
sans  lesquelles  tout  le  talent,  tous  les  efforts  de  ses 
chefs  pourront  demeurer  stériles. 

Depuis  bientôt  un  demi-siècle,  la  France  en  Algé- 
rie, la  Russie  dans  le  Caucase,  l'Autriche  en  Italie, 
toutes  les  grandes  puissances  européennes,  en  un 
nM>t,  ont  eu  leurs  écoles  pratiques  dans  lesquelles  les 
habitudes  et  les  traditions  anciennes,  comme  aussi 
les  perfectionnements  nouveaux  de  l'art  militaire  ont 
été  l'objet  d'expériences  aussi  intelligentes  que  mul- 
tipliées. Affranchie  des  obligations  imposées  aux  États 
continentaux  dont  nous  venons  de  parler  (1),  l'An- 
gleterre, pendant  cette  même  période,  n'a  eud'autfe 
occupation  que  de  promener  tranquillement,  libre- 
ment sur  toutes  les  mers  ses  flottes  sans  rivales.  Elle 


(i)  Noos  ne  tenons  pas  compte,  et  pour  cause,  des  circonstances 
où  ramée  anglaise  a  été  obligée  de  guerroyer  dans  l*Inde  antérieu- 
rement à  1857.  Loin  de  proflter  aux  progrès  miiitaires,  ces  cam- 
pagnes, si  glorieux  qu'en  aient  été  les  résultats,  ont  contribué  à 
faire  adopter  aux  conquérants  de  rinde  les  habitudes  antiguer- 
rières des  populations  soumises.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  par* 
1er  du  vice  énorme  qui  existe  dans  Farmée  indienne,  et  dont  les 
campagnes  de  rAfghanistan  ont  démontré  jusqu'à  l'évidence  les 
graves  dangers  :  Tabus  des  bagages  des  officiers  et  des  soldats, 


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678  DE  LA   PUISSàfieB  MIUTAIAB 

a  négligé  son  armée,  dont  le  r61e  à  rintérieur  a  tou- 
jours été  fort  insignifiant,  et  dont  la  mission  à  Texte* 
rieur  semblait  singulièrement  facilitée  par  le  calme 
de  ses  colonies  et  Tapparente  tranquillité  de  l'empire 
indien.  Mais  voilà  que  tout  d'un  coup  cette  situation 
3'est  trouvée  profondément  modifiée  :  en  même  temps 
que  le  développement  de  la  marine  à  vapeur  venait 
bouleverser  de  fond  en  comble  les  conditions  sur  les- 
xiuelles  a  reposé  jusqu'ici  la  sécurité  de  la  Grande* 
Bretagne,  le  volcan  qd  couvait  sous  le  oalme  factice 
de  l'Inde,  faisait  éruption;  aujourd'hui,  au  moment 
oii  toutes  les  puissances  de  premier  ordre  réduisent 
leurs  forces,  et  se  reposent  sur  la  confiance  que 
leur  inspirent  les  perfectionnements  introduis  dans 
leurs  constitutions  militaires ,  l'Angleterre ,  aus 
prises  avec  d'immenses  difficultés,  est  forcée  d'aug- 
menter son  armée  au  delà  de  toutes  ses  préfisions^ 
et  se  trouve  obligée  d'entrer  à  son  tour  dans  la 
voie  où  elle  s'est  laissé  distancer  par  les  autres  puifr- 
iumces. 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit  ailleurs,  nous  nous  pro- 
poions,  dans  un  second  travail  (i)  dont  les  maté- 

rimmease  «ni^^îté  de  noQ-<îombatUnts  qui  marchent  à  laeoite  de 
Tarmée,  etc.,  etc. ,  toutes  choses  de  nature  k  transfomier  le  moindre 
échec  en  désastre,  ainsi  que  cela  a  eu  lieu  au  Gaboal. 

(i)  Eœamm  critique  des  InHitutùme  militaires  de  la  Grande' 
Breta^ne^  au  double  potnt  de  vue  de  leurs  rapports  avec  celles  des 
aiuires  puissances,  et  des  réformes  que  rédame  la  situation  issue 
de  la  révolte  indienne.  (Gh.  Tanera,  libraire-éditeur  pour  Tart 
miUtaire,  quai  des  Augustins,  27,  k  Paris.) 


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D£S  ANGLAIS   DANS   l'iNDB.  679 

riaux  sont  déjà  réunis,  d'éludier  en  détail  la  consti- 
tution militaire  de  la  Grande-Bretagne,  afin  d'en 
déduire  les  réformes  dictées  par  Texpérience  des 
dernières  guerres,  et  réclamées  par  la  situation  ac- 
tuelle. Nous  ne  croyons  pouvoir  mieux  faire,  en  ter- 
minant, que  de  donner  ici  le  canevas  de  cette  seconde 
Étude  qui  doit  être,  en  quelque  sorte,  le  corollaire 
et  le  complément  obligé  de  la  première. 


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CHAPITRE  XIX  ET  DERNIER. 


Sommaire  :  Programme  d'un  projet  d'étude  des  institutions 
militaires  de  la  Grande-Bretagne,  —  OrganiStition  générale  de 
rarmée  anglaise ,  composition  et  division.  —  Recrutement  de 
Farmée  anglaise,  discussion  des  systèmes  par  enrôlement  et 
par  appel  forcé.  —  Législation  anglaise  en  matière  d'avance- 
ment dans  rarmée.  ^  Ëtude  et  mérite  comparatif  des  diffé- 
rentes armes  qui  entrent  dans  la  composition  de  Farmée  an- 
glaise.—  Organisation  des  services  administratifs  dans  Tarmée 
britannique.  —  Réorganisation  de  la  puissance  militaire  des 
Anglais  dans  Tlnde.  —  Mode  de  guerre  à  adopter  pour  arriver 
à  la  pacification  deTlnde.—  Analogies  entré  la  guerre  d'Afrique 
et  la  guerre  indienne.  —  Examen  comparatif  des  armées  fran- 
çaises et  anglaises  employées  en  Algérie  et  dans  Tlnde. 


Organisation  générale  de  rarmée  anglaise.  —  Division  en 
trois  groupes  principaux:  1°  Armée  proprement  dite  (infan- 
terie et  cavalerie)  ;  2''  ordonnance  (artillerie,  génie,  maté- 
riel; 3°  milices.  —  Autorités  pour  le  commandement  et 
Tadministration.  —  Quartier-général  (Horse  Guards).  — 
Étatsr-majors  de  commandement.  —  Intendance  de  cam- 
pagne. —  Département  militaire  et  colonial.  —  Adminis- 
tration militaire,  commissariat. — Examen  critique  du  fonc- 
tionnement de  ces  différents  rouages. 

Armée  :  Infanterie  (de  ligne,  —  légère,  —  tirailleui*s)  ; 
—  infanterie  delà  garde.  —  Cadres  et  effectifs.  —  Cava- 
lerie (légère,  de  réserve);  —  cavalerie  coloniale;  — artil- 
lerie ;  composition  du  régiment  royal  d'artillerie  et  de  la 

31 


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/i82  DE   LA.  PDISSÀNCB   MILITAIRB 

brigade  à  cheval  ;  —  coraposition  des  batteries  ;  —  calibres. 
—  Génie  :  corps  des  ingénieurs  et  corps  des  mineurs  et 
sapeurs. 

Effectif  général  moyen  de  Tarmée  anglaise  en  temp»  ordi- 
naire. —  Est-il  suffisant  pour  les  obligations  du  service?— 
Sa  mission  à  Tintérieur  et  à  Textérieur  ;  —  parallèle  avec 
les  armées  des  puissances  continentales. 

Milices  et  compagnies  de  pensionnaires  ;  —  réserve  in- 
suffisante, organisation  défectueuse. — Établissements  d'in- 
struction militaire  :  Académie  de  Woolwich;  collège 
militaire  de  Sandhurst;  école  des  ingénieurs  à  Gbatam  ; 
école  de  rartillerie,  des  sapeurs  à  Woolwich  ;  école  mili- 
taire d'Irlande;  école  de  cavalerie  de  Maidstone;  école 
d'état-major.  — r  Examen  critique  de  ces  divera  établisse- 
ments, etc.,  etc. 


IL 


Recrutement  de  V armée  anglaise  :  —  Imperfection  et  insuf- 
fisance du  système  delà  Grande-Bretagne  ;  — ce  qu'il  faudrait 
et  ce  que  donne  l'enrôlement;  —  opinion  de  Wellington.— 
Division  de  l'Angleterre  en  dix  arrondissements  pour  l'enrô- 
lement (Londres,  Woolwich,  Liverpool,  Bristol,  York,  Edim- 
bourg, Glasgow,  Belfast,  Dublin  et  Cork).— Causes  particu- 
lières d'insuccès  qui  viennent  s'ajouter  à  l'imperfection  du 
système. —  Chiffre  des  enrôlements  pendant  la  campagne  de 
Crimée;  —  depuis  la  guerre  des  Indes.  —  Résultats  delà 
séparation  du  Hanovre  et  de  l'émigration  irlandaise.  — 
L'Angleterre,  en  présence  des  difficultés  du  présent  et  de 
l'avenir,  pourra-t-elle  continuer  à  repousser  le  système  des 
appels  et  de  la  conscription  ?  —  Ce  qu'est  le  soldat  anglais, 
—  son  origine,  ses  qualités,  ses  défauts; —  opinion  du  gé- 
néral Foy  ;  —  opinion  deWellington;  —opinion  de  M.  Gui- 
zot  sur  le  système  de  la  conscription.  —  Comparaison  du 


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DES  ANGLAIS   DANS  l'iNDE.  liS& 

soldat  anglais  avec  ceux  des  autres  puissances,  —  Néces- 
sité des  châtiments  corporels  ;  —  opinion  de  Wellington. 

—  Expédients  auxquels  l'Angleterre  est  obligée  de  recourir 
pour  activer  les  enrôlements  et  compenser  leur  insuffisance. 

—  Abaissement  de  la  taille,  diminution  de  la  durée  du  ser- 
vice, élévation  de  la  prime  ;  recours  à  Tenrôlement  des 
étrangers ,  —  les  six  légions  de  la  guerre  d'Orient.  — '  Dé- 
penses énormes;  —  proportion  du  délit  de  désertion  à  dif- 
férentes époques,  —  pendant  la  guerre  de  Crimée,  etc.,  etc. 


III. 


Législation  de  Varmée  anglaise  en  matière  d'avancement. — 
L'officier  anglais,— son  caractère,  ses  qualités,  ses  défauts; 

—  opinion  de  Wellington  ;  —  les  officiers  de  l'armée  an- 
glaise en  Grimée,  dans  l'Inde,  en  Angleterre  ;  —  les  offi- 
ciers anglais  sont-ils,  comme  instruction  militaire,  dans  les 
mêmes  conditions  que  ceux  des  autres  puissances?  —  Opi- 
nion des  Allemands.  —  Proposition  de  sir  de  Lacy  Evans. 

—  Opinioa  de  lord  Palmerston  sur  le  degré  d'instruction 
nécessaire  à  l'officier;  —  l'honorable  ministre  semble  beau- 
coup plus  au  courant  de  la  manière  dont  on  fait  naître  la 
guerre  que  bon  appréciateur  des  conditions  indispensables 
à  remplir  parceux  qui  sont  chargés  de  la  faire.  —  Propor- 
tion entre  le  nombre  des  soldats  et  celui  des  officiers,  en 
Angleterre,  en  France,  en  Autriche,  en  Prusse,  en  Russie. 

—  Avancement  au  choix  ;  —  avancement  à  l'ancienneté  ; 

—  avancement  par  achat;  —  vice  radical  du  système  an- 
glais en  matière  d'avancement;  —  grades  à  brevet.  — 
Avantages  et  inconvénients  du  système  de  purckase,  — 
Caractère  public  et  privé. de  l'officier  anglais;  le  système 
des  Mess;  son  adoption  dans  la  garde  impériale  de  France  ; 

—  solde  des  officiers  anglais  ; —  ordres  militaires. — Ordon- 
nance royale  du  l/i  octobre  réglant  la  promotion  dans  les 


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&8/i  DB    LA   PUISSANGB    MILITAIKB 

hauts  grades  de  ràrmée  anglaise  ;  —  sa  complication,  — 
sa  comparaison  avec  le  règlement  analogue  de  l'armée 
française;  —  âge  des  généraux  anglais  (Havelock,  Neîll, 
Nicholson,  Lloyd,  Campbell,  etc.).  —  Inconvénients  d'une 
armée  où  les  officiers  subalternes  sont  en  général  trop 
jeunes,  et  les  offlciers*généraux  trop  âgés.  -—  Le  général 
sir  William  Gotton  refuse  un  commandement  au  Caboul 
parce  qu'il  est  trop  âgé  ;  le  général  Elphinston  l'accepte  et 
le  compromet  pour  le  même  motif;  —  le  général  Lloyd  è 
Dinapour.  —  Il  faut  à  l'Angleterre  des  généraux  qui  aient 
déjà  de  l'expérience,  mais  qui  aient  encore  des  jambes  et  des 
bras.  —  Réformes  générales,  concentration  et  centralisa- 
tion dans  les  mains  du  ministre  de  la  guerre,  proposition 
du  capitaine  Vivian;  —  suppression  du  mattre-général  de 
l'ordonnance;  —  difficultés  du  commandement  en  Angle* 
terre;  —  rien  n'est  terrible  comme  l'obligation  pour  un  gé- 
néral de  régler  sa  conduite  sur  les  fluctuations  de  l'opinion 
publique;  —  plaintes  de  Wellington  à  ce  sujet  ;  —  incon- 
vénients des  discussions  dans  le  parlement  sur  le  mérite 
comparatif  des  officiers,  sur  les  récompenses  qui  doivent 
leur  être  accordées  ou  refusées  ;  —  l'opinion  publique  en 
Angletert'e  traite  souvent  ses  généraux  à  la  façon  des  Car- 
thaginois; —  affaire  des  généraux  Walpole,  Windham,elc.', 
—  enquête  de  Balaclava  ;  —  latitude  trop  grande  laissée  à 
la  presse  en  Angleterre  pour  tout  ce  qui  touche  aux  choses 
de  la  guerre;  —  opérations  manquées  par  suite  de  l'indis* 
crétion  des  journaux;  —  la  guerre  d'Espagne  et  le  journa- 
lisme de  Londres.  —  La  presse  de  Calcutta  et  les  insurgés. 
-*  Moyens  d'action  trop  limités  accordés  aux  généraux 
commandants  en  chef.  —  Plaintes  de  Wellington  à  ce  su- 
jet ;  —  différence  de  situation  des  commandants  en  chef> 
français  et  anglais,  ])endant  la  guerre  de  Crimée. 


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DES   ANOLAIS   DANS   L'iNDB.  1^85 


!V. 


L'infanterie^  la  cavalerie,  l'artillerie^  le  génie  de  l'armée 
anglaise,  —  Hérite  comparatif  de  ces  différentes  armes;  — 
modifications  désirables  ;  —  régime  auquel  est  soumis  le 
soldat  anglais.  —  Discipline;  —  camps  d'Aldershot,  de 
Sliorncliff,  de  Kildare,  de  Curregh  ;  — •  créations  qui  font 
défaut;  —  réorganisation  du  corps  d'ouvriers  institué  par 
Wellington  dans  la  péninsule,  et  licencié  en  1823.  —  Com- 
mission pour  examiner  Tartillerie  des  puissances  étrangères 
(colonel  Wilmot,  capitaine  Boxer,  Anderson,  directeur  de 
Varsenal);  —  création  de  corps  auxiliaires  d*infirmier$,  de 
soldats  du  train  des  bagages.  —  Un  mot  sur  ces  corps  dans 
l'armée  française  ;  —  pénitencier  de  Chatam,  etc.,  etc. 


Organisation  du  service  administratif  de  Varmée.  —  Ad- 
ministration proprement  dite  (solde,  habillement,  justice 
militaire,  etc.);  —  commissariat  (caisses  militaires  et  de 
districts,  marchés  pour  fournitures,  etc.);  —  complication 
et  insuffisance  des  services  adminfstratifs  dans  Tarmée  an- 
glaise; —  comparaison  avec  le  système  français.  —  Cam- 
pagne de  Crimée  ; — nécessité  de  perfiectionner  et  de  rendre 
définitives  les  créations  destinées  à  pourvoir  aux  besoins  de 
cette  dernière  guerre  ;  -*-  service  des  ambulances,  ses  im- 
perfections; —  création  du  corps  de  santé  (infirmiers);  — • 
service  des  vivres  ;  —  service  des  transports  ;  —  le  com- 
missariat pendant  la  guerre  de  TAfghanistan,  pendant  la 
guerre  de  Crimée,  pendant  la  guerre  actuelle;  —  caserne- 
ment et  hygiène  des  troupes  ;  —mortalité  dans  Tarmée  an- 
glaise en  temps  de  paix  et  en  temps  de  guerre;  —  compa- 

31* 


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&8G  DE   L.V   i'LISSAAGS    MLITAIRB 

raison  avec  la  France  ;  —  opinion  du  gi^nérai  Napier.  — 
Habillement  :  Tarmée  anglaise  appelée  à  faire  son  service 
sous  les  latitudes  les  plus  variées,  dans  les  neiges  du  Ca< 
nada  ou^sous  le  soleil  de  Tlnde,  ne  devait  pas  suivre  dans 
rbabillement  de  son  armée  les  traditions  des  puissances 
continentales  ;  —  observations  sur  la  coiffure  et  l'équipe* 
ment.  —  Opinion  du  docteur  Fergusson  ;  —  armement  de 
la  cavalerie.  —  Projet  d'un  département  parliculier  pour 
surveiller  tous  les  contrats  de  fourniture  pour  Tarmée  sous 
)a  direction  d'un  négociant  de  confiance  {chambre  des  lords, 
10  mai  1855)  ;  -*-  projet  tendant  à  donner  la  surveillance 
de  rbabillement  de  l'armée  à  des  employés  supérieurs  à  la 
place  d'un  comité  de  généraux  :  —  examen  de  ces  mesures 
dans  rintérét  de  l'armée;  il  y  a,  au  contraire,  avantagea 
militariser  tous  les  rouages  destinés  à  assurer  la  satisfaction 
de  ses  besoins.  —  L'intendance  militaire  en  France,  sa  su- 
périorité incontestable  sur  tous  les  corps  administratifs  des 
armées  modernes,  etc. 


VI. 


Réorganisation  de  la  puisêonee  militaire  dans  l'Inde»  —  Le 
moment  est  arrivé  d'accomplir  toutes  les  réformes  sur  les- 
quelles un  gouverneur-général  et  un  conseil  suprême  au- 
raient été  dix  ans  à  délibérer;  —  aperçu  général  des  néces* 
sites  auxquelles  doit  satisfaire  le  nouveau  système  militaire 
deVInde;  Tarméede  l'Inde  n'est  qu'une  immense  garnison, 
la  plus  gigantesque  du  monde;  —  l'armée  indigène  telle 
qu'elle  a  été  organisée  jusqu'ici  était  une  mine  toujours 
prête  à  éclater  ;  on  serait  embarrassé,  en  songeant  à  ses 
imperfections,  de  décider  ce  qui  a  pu  retarder  aussi  long- 
temps l'explosion.  —  L'Angleterre  ne  peut  se  passer  d'une 
armée  indigène,  mais  elle  doit  en  régler  l'emploi  d'après 
les  principes  que  la  France  a  adoptés  en  Algérie  ;  —  prédo- 


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DES  anAlàis  dans  l*lndb.  A87 

minaiice  nécessaire  de  réléinent  européen,  sinon  coinma 
chiffre,  ce  qui  serait  impossible,  du  moins  comme  puis* 
sance  et  force  effective  par  suite  d'une  meilleure  organisa- 
tion; —  chiffre  de  Farmée  européenne;  —  chiffres  des 
troupes  auxiliaires  indigènes;  —  la  puissance  de  l'élément 
européen  dépendra  bien  moins  du  nombre  que  de  remploi 
judicieux  et  de  la  répartition  intelligente;  —  précautions  à 
prendre;  remploi  exagéré  de  certaine  nationalités  de  l'Inde 
(les  Sikhs,  les  Ghoorkhas),  au  lieu  de  supprimer  le  danger 
que  crée  l'existence  d'une  force  indigène,  reviendrait  seule- 
ment à  le  déplacer;  —  assiette  nouvelle  à  donner  à  l'état 
militaire  de  l'Inde;  — danger  que  présentent  les  fortifi- 
cations et  les  ressources  militaires  accumulées  dans  des 
places  comme  Delhi,  Lucknow,  etc.  —  A  l'exception  des 
stations  militaires,  des  places  de  dépôts  où  les  troupes  euro^ 
péennestiendronl  exclusivement  garnison;  où  l'artillerie,  les 
arsenaux  et  magasins  seront  renfermés;  où,  enfin,  lestrou* 
pes  indigènes  ne  seront  jamais  admis' j,  toutes  les  places,  ci- 
tadelles et  forteresses  dont  l'Inde  est  couverte  doivent  être 
démantelées;  —  appui  que  l'insurrection  a  trouvé  dans  ces 
positions;  — modification  à  introduire  dans  l'armée  in- 
dienne aux  divers  points  de  vue  envisagés  dans  le  chapitre 
précédent  (habillement,  armement,  administration,  etc.)  ; 
—  emprunts  utiles  à  faire  aux  armées  de  l'Algérie  et  du 
Caucase;  —  opinion  du  général  Jacob  sur  les  imperfections 
du  système  militaire  indien  encore  en  vigueur  ;  —  pourquoi 
la  cavalerie  irrégulière  indigène  l'a  toujours  emporté  sur  la 
cavalerie  régulière;  —  création  de  corps  analogues  aux 
cliasseurs  d'Afrique  et  aux  zouaves  dans  l'armée  européenne 
de  l'Inde,  formations  semblables  à  celles  des  spahis  et  des 
tirailleurs  algériens  dans  l'armée  indigène  ;  —  la  portion  de 
la  force  indigène  conservée,  devra,  à  Tcxemple  de  ce  qui 
s'est  pratiqué  eu  Afrique,  recevoir  une  organisation,  un 
uniforme,  des  établissements  eu  rapport  avec  les  mœurs  et 
les  habitudes  des  populations  indiennes;  —  le  régime  ap- 


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A88  DE    LA    PUISSANCE   tflLITAIRB 

pliqué  aux  troupes  européennes  devra  être  modifié  de  ma- 
nière à  tenir  compte  des  exigences  particulières  au  climat, 
au  genre  de  service  et  de  guerre,  etc.;  —  réformes  à  intro- 
duire pour  donner  aux  troupe»  de  Tlnde  la  mobilité  qui 
leur  manque  ;  —  abus  des  bagages  ;  —  opinion  de  Napier 
sur  le  bagage  strictement  nécessaire  au  véritable  officier  de 
guerre  dans  llnde.  —  Conséquences  de  l'immense  quantité 
de  non-combattants  que  les  armées  traînent  à  leur  suite. 
— Affaire  de  r  Afghanistan  et  dernière  campagne  dans  l'Inde 
centrale;-'les  colonnes  anglaises  bien  organiséeset  bien  con- 
duites sont  aussi  mobiles  que  les  troupes  des  autres  nations. 

—  Exemples  de  marches  rapides  exécutées  par  Wellington 
dans  la  guerre  des  Malirattes  et  dans  la  Péninsule  ;  ^  mar- 
che d'Havelock  ;  —  soins  dont  le  soldat  européen  doit  être 
l'objet  dans  les  campagnesd' Asie  et  d'Afrique  ;  -—il  est  recon- 
nu que  dans  toutes  les  guerres,  et  à  toutes  les  époques,  les 
pertei  occasionnées  par  les  maladies  l'ont  emporté  dans  une 
effrayante  proportion  sur  celles  causées  par  le  feu  ;  —  en 
Grimée,  sur  22,457  hommes  perdus  par  l'armée  anglaise, 
16,000  ont  succombé  au  choléra  ou  aux  affections  résultant 
du  manque  de  soins  et  de  la  mauvaise  organisation  des 
ambulances;  —  savoir  conserver  ses  soldats  est  aussi  néces- 
saire, dans  rinde,  pour  l'officier,  que  savoir  les  conduire 
au  feu.  —  Au  nombre  des  connaissances  que  comportent 
les  divers  systèmes  d'instruction  militaire  adoptés  pour  les 
officiers,  devrait  figurer  en  première  ligne  l'hygièue  mili- 
taire; ^  attributions  du  Conseil  de  santé  des  armées  en 
France;  —  ses  instructions  régimentaires  pour  l'hygiène 
spéciale  des  troupes  en  Afrique;  —  pour  le  choléra,  etc.... 

—  Exemple  à  suivre  en  Angleterre. 


VIL 

Modes  de  guerre  à  adopter  pour  arriver  à  la  pacification  de 
rinde.  —  La  période  des  grands  combats  et  des  grands 


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DJS8   ANGLAIS   DANS   l'iNDB.  489 

corps  d'armée  est  passée  ;  —  le  nouveau  caractère  qu'a 
pris  foi*cément  la  lutte  est  tout  à  t'avantage  des  rebelles; 

—  malgré  l'infériorité  de  la  race  indienne,  elle  n'est  pas 
absolument  dépourvue  d'une  sorte  de  courage;  —  lesre- 
bdles  n'ont  trouvé  aucun  chef  éminent  jusqu'ici  ;  prévoir 
ce  qui  pourrait  arriver  s'ils  étaient  dirigés  par  un  Schamyl 
radjepoot  ou  un  Abd-el-Kader  sikh  ;  —  il  suffit  d'un 
homme  intelligent  et  brave  pour  changer  les  mœurs  mi- 
litaires d'une  nation. 

La  situation  des  Anglais  dans  l'Inde  est  aujourd'hui  celle 
des  Français  en  Afrique,  après  la  dispersion  des  troupes 
r^lières  de  l'émir  et  la  destruction  de  ses  forts  ;  —  cette 
seconde  période  de  la  guerre  algérienne  a  été  de  beaucoup 
la  plus  laborieuse;  les  Anglais  ont  affaire  actuellem^t  à  un 
ennemi  qui  restera  insaississable  s'ils  ne  se  décident  à  imi- 
ter leurs  alliés  dans  la  manière  de  le  joindre  ;  —  la  guerre 
des  Indes  est  aujourd'hui  dans  les  jambes;  le  succès  dé- 
pendra uniquement  de  l'activité  avec  laquelle  elle  sera 
conduite,  et  de  l'excessive  mobilité  des  troupes  qui  y  seront 
employées  ;  —  la  France  et  l'Angleterre  sont  Tune  et  l'autre 
assez  riches  pour  se  prêter  et  s'emprunter  réciproquement , 

—  l'étude  de  la  guerre  algérienne,  de  l'organisation  de 
l'armée  française  en  Afrique,  dans  son  ensemble,  et  plus 
encore  dans  ses  détails,  ne  saurait  être  assez  conseillée  aux 
officiers  anglais  ;  —  les  principes  de  la  guerre  avec  les 
peuples  barbares,  asiatiques  ou  africains,  sont  les  mêmes  ; 
parlaite  similitude  des  théories  et  des  traditions  laissées  à 
cet  égard  par  le  duc  de  Wellington  et  le  maréchal  Bu- 
geaud  ;  —  procédés  pratiques  suivis  par  le  générai  français 
pour  la  soumission  et  la  pacification  de  l'Algérie  ;  —  les 
plaines  du  Radjepoutna  et  le  désert  du  Sind  ont  avec  le 
Sahara  algérien  autant  de  ressemblance  que  les  cavaliers 
sikhs  et  mahrates  avec  les  Arabes  ;  Holkar  disait  à  Welling- 
ton qu'il  portait  son  royaume  sur  la  selle  de  ses  che- 
vaux. Abd^-Kader,  qui  a  tenu  pendant  quinze  ans 


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/(90  DE   LA   PUISSÂNCB   MlUTÀIRfi 

Tarraée  française  en  échec,  n*ayait  pas  d'autre  devise  ;  — 
les  Billis  du  Gandeich,  les  montagnards  des  Ghats,  des 
monts  Windhyas  et  de  Tlnde  septentrionale  représentent 
parfaitement  les  Kabyles ,  —  principes  du  maréchal Bugeaud 
relativement  à  la  disposition  et  à  l'emploi  des  troupes  pour 
dominer  Tinsurrection  :  Renoncer  à  Téparpillement  en 
petits  détachements  et  surtout  à  leur  immobilisation  dans 
les  petits  postes.  —  En  Afrique  comme  dans  Tlnde,  les 
postes  permanents,  qui  ne  peuvent  être  que  très  faibles  en 
raison  de  leur  multiplicité,  n'ontaucuneactionsurlepays; 

—  ils  n'assui^nt  pas  les  communications,  ils  ne  gardent 
réellement  qu'un  point;  —  l'action  réelle,  la  véritable 
puissance  est  dans  les  troupes  qui  tiennent  la  campagne  ; 
lesquelles,  si  elles  lïe  doivent  plus  aujourd'hui  former  de 
gros  corps  d'armée,  ne  doivent  pas  non  plus  se  subdiviser 
outre  mesure,  sous  peine  de  perdre  leur  action  domina- 
trice.—  On  ne  doit  conserver  que  les  postes-magasins  et 
de  ravitaillement  indispensables  pour  assurer  la  mobilité 
des  colonnes  ;  ils  doivent  être  matériellement  très  forts  et 
ne  recevoir  que  de  faibles  garnisons  ;  —  les  blocus  de  la 
Résidence,  de  Lucknow  et  de  Sangor,  etc.,  démontrent 
qu'avec  de  l'artillerie,  des  munitions  et  des  vivres,  om 
poste  anglais  est  imprenable  pour  les  Indiens ,  comme  les 
postes  français  en  Algérie  l'ont  été  toujours  pour  les  Arabes; 

—  les  garnisons  de  ces  postes  ne  doivent  en  aucun  cas 
sortir,  ni  prétendre,  sous  peine  de  désastres,  à  la  domina- 
tion du  pays  ;  —  répartis  sur  le  théâtre  et  dans  la  sphère 
d'action  des  colonnes  agissantes,  ces  postes  doivent  uni- 
quement servir  à  les  ravitailler,  à  recevoir  leurs  malades, 
à  les  fortifier  en  leur  rendant  des  hommes  valides,  etc.  ; 
ils  doivent  encore,  en  prenant  momentanément  en  garde  les 
convois,  bagages  et  impedimenta  des  colonnes  agissantes, 
faciliter  les  marches  rapides,  les  surprises  tentées  par 
celles-ci.  —  La  rapidité  étant  la  condition  essentielle  pour 
le  succèsdans  l'état  de  dispersion  où  se  trouvent  les  rebelles 


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DES   ANGLAIS  DANS  l'iNDE.  Il9i 

dans  rinde,  ce  n'est  qu'en  adoptant  leur  mobilité  qu'on 
pourra  les  joindre  et  les  détruire.  —  L'artillerie,  à  l'excep- 
tion de  celle  la  plus  légère,  doit  être  renfermée  dans  les 
postes  conservés,  et  servira  les  armer;  elle  n'est  plus  néces- 
saire et  ne  peut  que  retarder  la  marche  des  colonnes  ;  — 
tous  les  efforts  doivent  tendre  h  la  diminution  des  bagages  ; 

—  leur  inconvénient  en  cas  de  revers  comme  en  cas  de 
succès.  —  Identité  des  principes  adoptés  par  le  duc  de 
Wellington  dans  ses  campagnes  de  l'Inde,  et  par  le 
maréchal  Bugeaud  en  Afrique,  pour  la  composition,  la 
conduite  et  l'emploi  des  colonnes  volantes.^—  Dans  la 
guerre  de  razzia,  où  la  seule  préoccupation  est  d'éviter 
toute  perte  de  temps  dans  la  poursuite  de  l'ennemi,  il  y 
la  avantage  à  adopter  un^ordre  unique  pour  la  marche, 
le  campement  et  le  combat;  —  perfection  à  laquelle  on  est 
arrivé  en  Afrique  sous  ce  rapport.  —  Observations  sur 
quelques  détails  particuliers  à  une  guerre  contre  des  Asia- 
tiques ou  des  Africains. 

Devoirs  du  commandant  d'une  colonne  volante  :  —  Dé- 
part ;  —  disposition  des  troupes  et  du  convoi  ;  —  flanqueurs  ; 

—  marches  d'été  ;  —  installation  au  bivouac  ;  disposition  à 
prendre  avant  l'installation;  effets  de  campement,  mar- 
mites, bidons,  tentes-abris,  en  usage  dans  l'armée  d'Afrique  ; 

—  manière  adoptée  pour  les  transporter  ;  —  comment  vit 
le  soldat  français  en  Afrique  ;  —  comment  vit  l'ofScier  ;  — . 
revues  de  santé  quotidiennes  ;  ~-  modifications  dans  le  ser- 
vice des  avant-postes  et  des  reconnaissances;  —  les  An« 
glais  se  gardent  mal  ;  affaire  Windham  ;  les  deux  affaires 
d'Arrah  ;  —  départ  du  bivouac,  réunion,  garde  et  police 
des  bagages  pendant  la  marche  ;  —  marche  de  razzia,  sans 
sacs  pour  l'infanterie  et  avec  la  cavalerie  allégée  ;  —  mar- 
ches de  nuit.  —  Wellington  les  a  fréquemment  employées 
dans  l'Inde,  exemples.  —  Attaque  de  nuit  d'un  rassemble* 
meut  ennemi;  —  tenue  du  fantassin  français  en  Afrique, 
son  armement,  son  équipement,  ses  vivres  en  expédition  ; 


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A92  DB   LA  PUISSANCE   U IL1  TAIRE  ,   BTG. 

*— mêmes  détails  pour  le  cavalier  ;  —  équipement  du  che- 
val, son  paquetage,  sa  charge.  —  Résultats  obtenus  au  point 
de  vue  de  la  rapidité,  par  Tensemble  du  système  adopté 
dans  Tannée  d'Afrique  :  Colonne  de  Mascara  (1843,  com- 
bat de  Malha),  soixante  lieues  ou  cent  quarante  milles  par- 
courues en  trois  jours  et  quatre  nuits;  —dans  la  province 
d'Alger,  des  détachements  ont  parcouru  quatre-vingt-dix 
lieues  ou  deux  cent  dix  milles  en  dix  jours  ;  un  détachemeut 
a  parcouru  trente-deux  lieues,  soixante  et  quinze  milles^ 
en  trente-six  heures;  —  le  général  Yusuf  (le  Skinner  de 
l'armée  d' Afrique),  avec  une  colonne  de  UbQQ  hommes,  dont 
les  sacs  étaient  portés  sur  des  chameaux,  a  tenu  la  cam- 
pagne nefi/'mo?«,  en  1846,  sans  rentrer  dans  sa  garnison; 
il  a  fait  avec  cette  colonne  trois  cent  trente-deux  lieues^  sept 
cent  soixante  et  quinze  milles  anglais,  dans  l'espace  de 
trente^deux  jours. 

Le  commandant  Gh.  HARTm . 


FIN. 


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OUVRAGES   DO    MÊUB    AUTBUR. 


Un  i^rognement    poor  le  eoiig^rèa  de  ta  paix,   OU    de    la 

philosophie  de  la  guerre  et  de  la  nécessité  pour  les  peuples, 
eu  général,  et  pour  la  France,  en  particulier,  de  conserver 
leurs  armées  permanentes.  18&9 ,  brochure  in-8. 

Ét«de«  sur  rinsatiitlm  des  réserwe*  d'éUte ,  et  de  la  né- 
cessité de  former  une  garde  impériale.  1856 ,  brochure  in-B. 

Éludes  militaires  sar  les  campagnes  de  i  HAS  et  1 840 
en   Lombardle.  1856,  1  VOl.  in-8. 

État  militaire  de  la  Péninsule.  Essai  SUr  les  modifications 

à  introduire  dans  le  système  de  la  force  nationale,  en  vue 
du  rôle  que  l'armée  espagnole  a  rempli  dans  le  passée  et 
'  de  la  mission  qui  lui  est  dévolue  dans  Tavenir.  1857,  bro- 
,   chure  in-8. 

Camp  de  la  gorde  Impériale  en  1869.  Relation  dcS  grandes 

manœuvres  commandées  par  S.  H.  TEmpereur  dans  les 
plaines  de  Châlons.  1857,  brochure  in-8,  avec  carte. 


Paris.  —  Imprimerie  de  L.  Martinet,  rue  Mignon,  i. 


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