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Full text of "L'argot parisien: étude d'étymologie comparée, suivie du vocabulaire"

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L'ARGOT  PARISIEN 


L'ARGOT  PARISIEN 


■5-08C-S— <•>■ 


ÉTUDE  DÉTYMOLOGIE  COMPARÉE 

SUIVIE       DU       VOCABULAIRE 


PAR 


Adrien   T1MMERMANS 


^$QWtQP^° 


PARIS 

Librairie  G.   KLINCKSIEGK 

11,    RUE  DE    LILLE,    11 
1892 

Tous  droits  réservés 


H0V27«M 


iS> 


AVANT-PROPOS 

Pourquoi  les  mots  ont-ils  la  prononciation  et  l'ortho- 
graphe par  lesquelles  nous  les  connaissons?  Pourquoi 
signifient-ils  ce  que  nous  voulons  dire  en  les  employant? 
D'où  viennent  le  sens  et  le  son  des  vocables?  Pourquoi 
la  tradition  a-t-elle  conservé  ces  mots  et  nous  les 
a-t-elle  livrés  en  bon  état?  Pourquoi  parlons-nous 
comme  nous  avons  l'habitude  de  le  faire? 

Le  langage  étant  composé  de  sons  et  ceux-ci  renfer- 
mant tout  le  travail  de  l'esprit,  tout  ce  que  l'expérience 
de  la  vie,  l'éducation,  les  progrès,  les  peines  et  les 
joies  de  la  lutte  nous  ont  appris,  il  est  de  la  dignité  de 
tout  homme  de  se  demander  quelle  est  leur  origine  et 
s'ils  ont  vraiment  qualité  pour  représenter  les  choses 
réelles  dont  nous  avons  conscience. 

Si  les  sons  des  mots  ne  sont  pas  l'équivalent  acous- 
tique de  l'idée  qu'ils  renferment,  si  le  sens  qu'ils  ex- 
priment n'est  pas  moulé  pour  ainsi  dire  dans  la  matière 
fluide  dont  ils  sont  composés;  si  le  foud,  c'est-à-dire 
le  sens,  n'a  pas  créé  la  forme,  le  langage  n'est  qu'un 
stupide  mot  de  passe  et  nous  avons  lieu  de  nous  éton- 
ner que  les  nations  les  plus  éloignées  et  les  plus  divi- 
sées l'aient  conservé  uniforme.  L'arbitraire  aveugle 
présidant  à  la  formation  de  ces  sons,  il  aurait  dû  se 
produire,  ce  semble,  une  confusion  auprès  de  laquelle 
Babylone   n'aurait   été  qu'une   mascarade   d'enfants. 


—  II  — 

L'animal  et  la  nature  inerte  reproduisent  ce  qui  se 
passe  en  eux  par  des  sons  spontanés  toujours  sincères. 
Si  la  bête  savait  imiter,  comme  nous,  les  sons  qui  se 
produisent  autour  d'elle,  il  est  certain  qu'elle  les  répé- 
terait comme  elle  les  entend.  Le  son  est-il  autre  chose 
que  le  signal  d'un  événement,  et  celui-ci  n'est-il  pas 
tout  entier  dans  son  expression  sonore?  L'homme 
serait  donc  le  seul  à  méconnaître  les  ressources  que  la 
nature  lui  offre  pour  la  création  de  son  langage  en  né- 
gligeant l'unique  moyen  de  le  rendre  sonore,  véridique, 
transparent  au  point  de  vue  du  sen.*,  et  conforme  à 
l'ordre  des  choses. 

C'est  une  supposition  que  rien  ne  justifie. 

Le  langage,  tel  qu'il  se  présente  à  l'étude  linguis- 
tique, est  là  pour  prouver  qu'il  est  la  reproduction 
fidèle  de  sons  spontanés  et  que  ceux-ci  ont  reçu  un 
développement  dirigé  par  la  raison.  Tout  ce  que 
l'homme  éprouve  en  lui-même  se  manifeste  par  des 
voix  que  la  nature  énonce  pour  lui.  Il  les  écoute,  il  sent 
ce  qu'elles  signifient  et  les  emploie  comme  messages 
toutes  les  fois  qu'il  veut  rappeler  et  renouveler  les  faits 
dont  elles  formaient  la  partie  sonore  et  intégrante.  Le 
son  rappelle  la  sensation  parce  que  c'est  elle  qui  le 
détermine.  Ce  sont  deux  éléments  inséparables. 

Quand,  en  dehors  de  sa  langue  maternelle,  on  en 
connaît  une,  deux,  trois  on  est  frappé  des  traits  de  res- 
semblance inattendue  unissant  ces  langues  entre  elles. 
Pourquoi  cette  identité  fondamentale,  car  elle  existe, 
qui  nous  frappe  dans  des  langues  parlées  par  des 
peuples  séparés  par  de  grandes  distances,  ennemis  par- 


—  III  — 

fois  et  invoquant  la  différence  de  l'idiome  etc.,  pour 
avoir  le  prétexte  d'attaquer  et  d'asservir.  C'est  que 
toutes  les  races  prennent  les  éléments  de  leur  langage 
dans  la  nature.  Toutes  trouvent,  en  elles,  la  même  ini- 
tiatrice; sur  son  vaste  giron  nous  avons  appris  le  son, 
la  note,  l'intonation  de  tout  ce  qui  arrive,  de  tout  ce 
que  nous  pouvons  concevoir  et  communiquer.  Nous 
avons  beau  composer  et  décomposer  nos  impressions 
par  le  travail  abstrait  de  la  pensée,  le  nom  de  la  for- 
mule créée  ainsi  sera  toujours  celui  de  l'un  des  élé- 
ments constituauts. 

Dans  le  Traité  de  V Onomatopée  il  a  été  expliqué 
que  chacune  des  langues  Grecque,  Romaine,  Française, 
Anglaise  et  Allemande  remontait,  pour  ses  thèmes 
primaires  ou  racines  irréductibles,  au  son  naturel,  que 
leur  comparaison  avec  celui-ci  prouvait  qu'ils  en  étaient 
la  reproduction  fidèle.  Identifier  la  racine  des  mots 
avec  le  son  naturel  constitue  la  dernière  étape  du  tra- 
vail étymologique.  Une  fois  arrivés,  nous  nous  arrê- 
tons devant  le  miracle  de  la  création.  La  nature  parle 
ainsi,  nous  le  constatons.  Nous  pouvons  examiner  phy- 
siologiquement  par  quels  ressorts  elle  arrive  à  produire 
ces  sons  significatifs,  mais  le  fait  ne  nous  appartient 
guère,  pas  plus  que  celui  de  notre  propre  existence. 

Ce  nouveau  travail  s'impose  une  double  tâche  : 
1°  celle  d'aligner  les  racines  primaires  du  Sanskrit 
avec  celles  des  langues  précitées,  de  mettre  en  lumière 
leur  origine  commune  et  de  faire  sentir  la  raison  de 
leur  identité  ; 

2°  Celle  de  rendre  compte  pourquoi  l'Argot,  alors 


IV 


qu'il  n'est  nullement  dirigé  dans  son  travail,  crée  des 
phonèmes  absolument  authentiques  et  neufs,  remplis- 
sant toutes  les  conditions  du  mot  et,  souvent,  ayant 
cours  ailleurs,  sans  que  l'originateur  s'en  doute. 

De  la  comparaison  de  la  langue  sacrée  des  Indes  et 
du  patois  gouailleur  et  profane  des  barrières  de  Paris, 
îl  ressort  clair  comme  le  jour  que  le  langage,  dans  sa 
formation,  suit  toujours  la  même  méthode.  Le  sans- 
krit, éteint  depuis  des  siècles,  a  pris  le  son  et  le  sens 
de  ses  vocables  dans  la  nature.  Pour  lui  le  son  est  le 
représentant  du  fait  tel  qu'il  se  manifeste  à  l'oreille  : 
il  l'emploie  par  conséquent  pour  rappeler  l'acte  et 
l'agent  et  cela  d'une  façon  très  adéquate.  Ce  nom.  il 
l'applique  à  d'autres  agents  s'il  y  a  ressemblance  avec 
le  type  primitif,  c'est-à-dire  s'ils  sont  considérés  comme 
capables  de  faire  le  même  acte  et,  par  conséquent,  de 
produire  le  même  son.  L'Argot,  ce  langage  gavroche 
qui  pousse  toujours  comme  la  mauvaise  herbe,  le  der- 
nier venu  de  tous,  nous  le  voyons  trouvant  la  voie  ins- 
tinctivementet  procédant  de  même.  Lui  aussi,  se  forme 
par  l'onomatopée  et  parla  métaphore.  Ces  procédés  sont 
familiiers  à  tous  les  créateurs  de  langues.  En  effet, 
notre  ouïe  nous  faisant  distinguer  le  son  comme  divers 
selon  le  sens  qu'il  exprime  et  selon  l'agent  qui  le  pro- 
duit, notre  raison  nous  dit,  qu'en  l'employant  comme 
nom,  nous  sommes  sûrs  d'y  reconnaître  l'un  et  l'autre. 
Cette  manière  de  former  des  noms  s'appelle  l'onomato- 
pée ou  confection  de  noms  naturels.  Ensuite,  comme 
notre  esprit  démêle,  par  la  comparaison,  les  qualités 
communes  de  deux  objets,    il  nous  porte  en  même 


temps  à  les  nommer  l'un  d'après  l'autre.  Cette  seconde 
manière  de  créer  des  noms  s'appelle  la  métaphore  ou 
transport  du  nom  d'un  objet  à  un  autre.  Elle  nous 
permet  de  donner  un  nom  à  des  choses  ne  se  manifes- 
tant à  l'oreille  par  aucun  son. 

Quand  nous  entendons  de  l'Argot  il  nous  paraît  si 
neuf  qu'il  nous  semble  né  d'hier.  Cependant  ce  n'est 
vrai  que  pour  un  dixième  à  peine  de  ses  vocables.  Le 
reste  était  courant  depuis  toujours,  soit  dans  les  pa- 
tois Français,  soit  dans  les  langues  étrangères.  Cette 
fraction,  quelque  peu  importante  qu'elle  soit,  a  sa  va- 
leur. Elle  nous  fait  assister  à  l'élaboration  du  langage 
quand  il  s'agit  d'onomatopées  et  de  métaphores  inédi- 
tes. Même  lorsque  l'Argot  découvre  des  noms  dont 
personne,  autour  de  lui,  n'avait  fait  usage,  bien  que 
depuis  longtemps  ils  existassent  ailleurs  sous  une  forme 
identique,  il  nous  est  encore  utile,  parce  qu'il  permet 
de  conclure  de  l'identité  du  résultat  à  l'identité  de 
facture  par  laquelle  il  a  été  obtenu.  En  présence  de 
ces  faits,  on  est  même  porté  à  croire  qu'indépendam- 
ment de  la  race  et  des  traditions,  l'homme  abandonné  à 
lui-même  et  formant  son  langage  d'après  la  méthode  na- 
turelle, celle  de  l'onomatopée  et  de  la  métaphore,  doit 
trouverles  mêmes  noms  que  son  semblableâ  la  condition 
qu'ils  entendent  tous  deux  les  mêmes  sons  et  qu'ils  aient 
lesmêmes  connaissances  desobjetsdontilssontentourés. 

Quand  on  dit  que  l'homme  crée  son  langage,  il  faut 
s'entendre.  Il  le  crée  ou  plutôt  il  le  forme  avec  les 
moyens  que  la  nature  a  mis  à  sa  disposition,  de  même 
que  l'électricien  confectionne  un  phonographe  avec  des 


VI 


corps  et  des  propriétés  qu'il  n'a  pas  crées.  C'est  elle 
qui  entretient  la  vie  et  le  mouvement  qui  produisent 
le  son;  elle  anime  l'oreille  qui  le  perçoit,  elle  donne 
l'intelligence  qui  le  comprend.  C'est  elle  encore  qui 
crée  la  société  par  le  dédoublement  de  notre  être  en 
homme  et  femme  (1).  Cet  autre  nous-même  formant  le 
langage  avec  les  mêmes  sons  que  nous,  nous  pouvons, 
grâce  à  la  parole,  reprendre  la  communication  d'âme 
existant  spontanément  entre  deux  créatures  faites  l'une 
pour  l'autre.  L'homme  crée  donc  son  langage  avec  les 
éléments  que  la  nature  et  par  delà  sa  Cause  Inconnue 
et  Innommable  a  préparés  pour  le  maintien  et  le  déve- 
loppement de  la  société  humaine.  C'est  l'homme  aussi 
qui  l'enrichit  en  étendant  ses  connaissances  de  la  créa- 
tion et  de  lui-même  ou  qui  le  fait  dépérir  par  la  misère 
intellectuelle. 

Beaucoup  de  mots  et  d'expressions  de  l'Argot  vien- 
nent au  monde  avec  deux  vices  rédhibitoires  attri- 
buables  à  leurs  originateurs  et  non  à  la  nature.  On 
peut  donc  les  éliminer  quand  on  voudra.  Il  est  vrai  de 
dire  qu'en  ce  cas  nous  n'aurons  plus  d'argot  et  qu'il  se 
sera  fondu  avec  la  langue  classique.  Le  premier  dé- 
faut qui  entache  ses  produits  provient  de  ce  qu'au  lieu 
d'employer  franchement  le  son  naturel  et  d'en  faire  un 
mot  qui  signale  exactement  ce  qu'il  veut  dire,  il  ne 
semble  méditer  qu'une  chose  :  se  soustraire  à  repro- 
duire le  son  simple  et  naïf  d'un  acte  tel  que  tout  le 
monde  l'entendrait.  Il  l'altère  par  une  confusion  voulue 

(1)  Deus  creavit  homineip  masculum  et  fœminam.  (Moïse). 


i 


VII 


avec  des  sons  similaires  permettant  à  la  gaillardise  de 
son  esprit  de  prendre  ses  ébats  et  de  faire  des  jeux  de 
mots. 

Le  deuxième  est  la  conséquence  du  premier.  En 
employant  l'expression  homonyme  au  lieu  de  l'onoma- 
topée vraie,  on  tombe  dans  l'équivoque  et  l'on  ouvre  la 
porte  aux  fausses  analogies. 

Lepremiernousa  valu  des  onomatopées  bâtardes, mais 
qui  souvent  visent  à  insinuer  discrètement  un  sens  ma- 
lin :  un  pavillon  p.  e.,  un  mensonge  imite  comme  son 
le  babillage,  le  bavardage,  mais  le  présente  en  même 
temps  comme  ayant  la  grosseur  d'un  pavillon;  avoir 
son  boisseau,  son  poteau  disent  non  seulement  qu'on  a 
pris  de  la  boisson,  mais  aussi  qu'on  en  a  ingurgité  par 
boisseaux,  qu'on  est  raide  comme  un  poteau,  petit  ou 
grand  selon  qu'il  est  kilométrique  ou  télégraphique. 

Le  second  nous  fournit  des  métaphores  amusantes, 
p.  e.,  l'argent  étant  rond,  celui  qui  a  de  ces  ronds  métal- 
liques est  qualifié  de  miche,  ou,  par  une  nouvelle  méta- 
phore, comme  ayant  de  la  galette.  La  filiation  du  sens 
est  celle-ci  :  le  miche  a  du  pain,  il  a  de  quoi  vivre, 
il  a  de  l'argent,  je  tâcherai  d'en  avoir  ma  part.  La 
même  logique  permet  à  l'argot  de  dire:  il  a  sa  barbe 
pour  exprimer  qu'il  a  bu  :  ayant  bu  on  a  pompé,  on 
est  pompette,  on  a  son  pompon,  son  plumeau  et  par 
suite  la  barbe  de  la  plume  de  son  plumeau-  A  ces 
énigmes  on  risque  de  perdre  son  latin  plutôt  que  la  vie. 
Le  sphinx  qui  nous  les  pose  n'a  rien  de  traître;  s'il 
prend  un  air  sérieux  c'est  pour  ne  pas  éclater  de  rire. 

Il  est  inutile  de  parler  de  déformations  systéma- 


tiques  comme  de  boucher  en  loucherbé,  ce  procédé  ne 
faisant  que  travestir  des  mots  tout  faits.  Voilà  tout  ce 
que  l'on  dira  ici  de  l'Argot.  Il  ne  tombe  pas  dans  le 
plan  de  ce  travail  de  faire  la  critique  de  son  genre 
d'esprit  ni  des  renseignements  qu'apporte  son  diction- 
naire. S'il  y  a  un  tort  grave  à  signaler  c'est  que  le  bon 
style  a  admis  des  expressions  comme  grisette,  la  sœur 
de  charité  habillée  de  gris,  pour  la  femme  accomo- 
dante,le  canard,  — le  dire  sans  fond  pour  le  cancan,  — 
le  violon  pour  la  boîte  où  la  police  donne  l'hospitalité 
forcée  —  et  qu'il  semble  ouvrir  la  porte  à  des  expres- 
sions comme  passer  à  tabac,  filer  la  pipe,  chiquer  sans 
tabac  qui  ne  veulent  dire,  frapper,  que  parce  que  le 
chiquant,  un  des  noms  du  marteau,  rime  avec  chiquer, 
mâcher  du  tabac.  Dans  sa  partie  raisonnable  l'Argot 
suit  la  méthode  qui  a  présidé  à  la  formation  du  Fran- 
çais et  des  langues  congénères.  Il  a  fait  les  noms  des 
choses  avec  le  son  qui  accompagne  leurs  actes  et  a 
distribué  ces  noms  à  des  objets  similaires,  Il  n'y  a 
même  pas  d'exception  à  établir  pour  des  cas  comme 
celui-ci.  L'Argot  emploie  le  motsinerpour  priser,  aspi- 
rer le  tabac  en  poudre,  le  Latin  et  le  Français  pour 
sentir,  aspirer  des  odeurs,  avec  autant  de  raison  l'un 
que  l'autre  :  l'acte  et  le  son  sont  les  mêmes  dans  les 
deux  cas,  l'application  du  nom  est  seule  différente. 
L'onomatopée  justifie  parfaitement  l'attribution  du 
nom  du  souffle  à  la  poitrine  qui  respire,  en  Latin  si- 
nus, en  Français  sein  et  par  métaphore  au  golfe  (en 
Latin  sinus)  à  la  forme  arrondie  comme  le  sein,  ainsi 
qu'à  l'acte  de  faire  comprendre  par  des  détours,  appelé 


IX 


insinuer.  A  la  suite  d'une  permutation  explicable  entre 
nos  moyens  de  perception  le  factionnaire  qui  ouvre 
l'œil,  qui  écoute  s'appelle  la  sentinelle,  l'homme  d'es- 
prit el  de  raison  un  homme  sensé,  l'homme  facilement 
touché  un  homme  sensible  (en  Anglais  raisonnable). 
Le  sens  de  tous  ces  vocables  auxquels  nous  pou- 
vons ajouter  le  mot  sentine  justifie  la  présence  du 
son  naturel  siner,  le  même  qui  se  trouve,  par  méta- 
thèse,  dans  le  mot  nez,  l'organe  qui  aspire,  sent, 
évente,  et  au  moyen  duquel  l'esprit  comprend,  etc. 
Il  n'y  a  donc  pas  de  différence  dans  la  façon  dont  l'Ar- 
got et  les  autres  langues  se  développent  bien  que  les 
résultats  soient  plus  ou  moins  complets. 

Le  langage  étant  fondé  en  dernière  analyse  sur  le 
son  naturel,  la  linguistique  possède  en  lui  une  base 
tangible  tout  comme  les  autres  sciences  d'observation 
qui  ont  leur  point  de  départ  dans  les  faits  de  la  vie  de 
la  nature.  Les  lois  d'après  lesquelles  se  forment  l'ono- 
matopée et  la  métaphore  sont  immuables. 

Au  point  de  vue  du  son  la  nature  ne  change  pas 
sa  voix.  Elle  nous  parle  le  même  langage  qu'elle 
a  parlé  à  nos  ancêtres  et  qu'elle  répétera  à  nos  descen- 
dants. Elle  ne  change  non  plus  la  forme  des  objets  ni 
la  façon  dont  ils  se  présentent  à  notre  attention.  Comme 
elle  nous  a  tous  doués  du  même  sens  des  identités  et 
des  différences,  nous  sommes  capables  d'établir  les 
mêmes  comparaisons  et  de  donner,  par  conséquent,  un 
même  nom  à  deux  objets  similaires. 

Dans  toutes  les  langues  ces  deux  principes  de  forma- 
tion se  font  contrepoids  en  se  substituant  l'un  à  l'autre. 


Aussitôt  que  nous  connaissons  deux  objets,  notre  es- 
prit en  saisit  la  ressemblance,  de  sorte  que  le  second 
se  confond,  pour  ainsi  dire,  avec  le  premier  et  que  le 
même  nom,  soit  identique,  soit  à  peine  diversifié,  nous 
semble  convenir  pour  tous  les  deux.  Aussi  bien  en 
créant  l'onomatopée  qu'en  donnant  des  noms  par  mé- 
taphore nous  sommes  dans  l'exercice  de  nos  facultés 
innées,  Tune  de  percevoir  et  de  répéter  des  sons  déno- 
minateurs qui  suggèrent  à  notre  semblable  les  mêmes 
notions  qu'à  nous  et  l'autre  de  saisir  les  rapports  évi- 
dents pour  tous.  D'après  ce  qui  précède,  le  travail  éty- 
mologique consiste  à  indiquer  quel  est  le  son  naturel 
contenu  dans  la  racine  des  mots  et  ensuite  de  démêler 
les  rapports  d'identité  qui  ont  fait  donner  le  nom  d'un 
objet  à  un  autre.  Pour  y  arriver,  il  faut  rapprocher 
le  son  du  thème  de  celui  de  la  nature  et  comparer 
entre  eux  les  objets  portant  le  même  nom.  Dans  le 
premier  cas  le  son  naturel  forme  la  clef  étymologique 
pour  les  racines,  irréductibles  au  point  de  vue  du  son 
aussi  bien  que  de  la  signification  ;  d'autre  part  c'est  la 
connaissance  de  la  somme  des  propriétés  des  objets 
ayant  un  nom  homonyme,  qui  guide  l'esprit  pour  pré- 
ciser les  rapports  que  nos  ancêtres  ont  établis  entre 
eux.  Tout  le  travail  linguistique  aboutit  à  la  constata- 
tion du  son  dans  l'onomatopée  et  à  justifier  le  transport 
de  cette  onomatopée  à  d'autres  objets. 

Les  noms  que  nous  avons  donnés  aux  choses  ne  dif- 
férent de  leurs  types  naturels  que  par  l'intonation  que 
nous  leur  donnons  dans  le  discours.  Les  notes  de  la 
nature  sont  infiniment  nuancées  comme  hauteur.  Dans 


—   XI   — 

notre  bouche  elles  se  maintiennent  à  un  niveau  d'élé- 
vation qui  leur  permette  d'être  entendues  à  une  cer- 
taine distance.  Les  racines  des  langues  Indo-Euro- 
péennes  sont  les  mêmes.  Le  développement  qu'elles 
ont  reçu  est  divers. 

L'unité  est  le  fait  de  la  nature  qui  ne  change  ni  la 
voix  des  choses,  ni  leur  composition,  ni  la  façon  dont 
elles  sont  reliées  entre  elles.  La  diversité  provient  de 
l'homme.  Elle  est  la  suite  de  la  mobilité  de  ses  impres- 
sions, de  ses  caprices,  de  ses  erreurs.  Rattacher  le 
Français  et  les  formations  incultes  de  l'Argot  aux  lan- 
gues congénères  ;  démontrer  qu'une  même  méthode  a 
présidé  à  la  formation  de  toutes  les  langues  maternelles 
du  groupe  Indo-Européen  ;  garantir  â  ceux  qui  vou- 
draient s'adonner  à  la  philologie  qu'ils  cultivent  une 
science  des  plus  délicates,  sans  doute,  mais  aussi  sûre- 
ment fondée  dans  la  réalité  et  la  logique  que  n'importe 
quelle  autre  ;  engager  à  l'étude  des  langues  étrangères 
en  assurant  qu'on  trouvera  en  elles  des  proches  pa- 
rentes de  la  sienne,  tel  a  été  le  but  qu'on  a  recherché 
à  atteindre  dans  l'élaboration  de  ce  travail.  Puisse  le 
résultat  répondre  aux  espérances. 

La  raison  de  l'agencement  institué  dans  ce  livre  est 
la  suivante,  Tout  ce  qui  se  passe  en  nous  et  au  dehors 
venant  se  répercuter  jusqu'à  notre  appareil  phonateur, 
les  sons  onomatopiques  qu'il  profère  ont  été  attribués  à 
la  bouche,  au  nez,  au  gosier,  à  la  langue,  ce  qui  ne  veut 
pas  dire,  cependant,  'qu'aucun  de  ces  organes  ait  été 
seul  à  les  former,  mais  seulement  que  son  action  s'y 
montre  à  la  première  place. 


—    XII    — 

En  tête  des  formations  linguistiques  se  place  le  pro- 
totype fourni  parla  nature.  C'est  un  son  spontané  dont 
l'homme  fait  le  thème  primaire  de  ses  vocables.  A  sa 
suite  s'alignent,  en  outre  de  l'Argot,  les  mots  qui  en  ont 
été  formés  en  Sanskrit  (Skt)  —  en  Grec  (G.)  —  en  Latin 
(L.)  — en  Français  (F.)  —  en  Vieux  Français (V.  F.)  — 
en  Anglais  (Ang.)  —  en  Allemand  (AIL),  c'est-à-dire 
dans  les  langues  les  plus  étudiées  en  France.  Des  cita- 
tions du  Hollandais  (H.)  —  du  Danois  (D.)  —  du  Sué- 
dois (Suéd.)  —  de  l'Espagnol  (Esp.)et  de  l'Italien,  (I.) 
toujours  prêts  à  compléter  la  série  des  affinités,  vien- 
nent s'unir  au  concert  de  témoignages  en  faveur  de 
l'unité  des  langues. 

La  nature  qui  a  dicté  à  tous  les  peuples  les  mêmes 
sons  et  inspiré  le  même  langage,  a  voulu  apparemment 
qu'ils  se  comprennent  et  s'entendent. 


LA   HOUCIIK 


Le  motpshutt ,  avec  son ps  chuinté  et  son  double  t  final, 
présente  un  son  qui  intrigue  l'oreille;  par  son  ortho- 
graphe il  étonne  les  yeux,  habitués  à  des  formes  plus  sim- 
ples. On  lui  prête  le  sens  de  excellent,  sans  trop  savoir 
si  telle  est  sa  valeur  intrinsèque  ou  si  une  convention 
sociale  la  lui  attribue  gratuitement.  Les  Dictionnaires 
sanskrit,  grec  et  latin,  aussi  bien  que  ceux  des  langues 
vivantes,  sont  muets  sur  son  compte  :  seuls  les  recueils 
de  mots  de  l'argot  en  font  mention  en  le  caractérisant 
comme  néologisme.  Cependant  qu'est-il  ?  De  quelle  lan- 
gue ou  de  quel  dialecte  sort-il?  Dans  quel  patois  natif 
et  rude  aurait-il  pu  naître  ?  Comment  est-il  parvenu  à 
faire  son  apparition  dans  le  style  mondain  et  sur  quels 
mérites  repose  le  bon  accueil  qu'on  lui  a  fait  ?  Est-il 
Grec  avec  son  ps,  Anglais  avec  son  s  h,  Allemand  avec 
son  tt  ?  Est-ce  un  son  qui  a  sa  réalité  dans  la  nature  et 
se  passe-t-il,  alors  qu'il  se  produit,  quelque  chose  dont 
nous  puissions  avoir  une  notion  exacte?  Est-ce  un  son 
traduisant  une  exclamation  humaine,  un  cri  animal,  un 
bruit  mécanique?  Faut-il  croire  que  c'est  un  cri  repro- 
duisant une  sensation  de  fou  ou  simplement  un  mot 
imaginé  par  quelque  farceur  appartenant  à  la  société 
qualifiée  pshutt  qui  aurait  voulu  se  payer  le  plaisir  de 
voir  les  imitateurs  s'en  emparer  de  bonne  foi?  Pourquoi 
veut-il  dire  excellent,  élégant  et  pas  autre  chose?  — 

1 


Certes,  si  c'était  simplement  un  mot  imaginé  de  toutes 
pièces  pour  exprimer  ce  qui  cadre  avec  des  idées  ex- 
clusives d'élégance,  l'étymologie  serait  à  plaindre  de 
s'acharner  à  y  trouver  une  origine  raisonnable  ;  mais 
aucun  plaisant  ne  s'est  vanté  encore  d'en  être  l'auteur  : 
nous  ne  savons  donc  pas  de  source  certaine  que  nous 
soyons  dupes  d'une  mystification  linguistique  quand 
nous  le  considérons  comme  un  mot.  En  outre,  afin  de 
mieux  nous  persuader  qu'il  vaut  la  peine  de  rechercher 
l'identité    de  ce  terme,    nous  nous  répétons  que   les 
Dictionnaires  de  l'argot  le  citent  comme  un  néologisme; 
que  dans  ce  langage  particulier  la  forme  des  mots  et 
leur  sens  ont  un  rapport  réel  avec  ceux  de  la  langue 
classique,  qu'ils  ont  cours  soit  dans  les  dialectes  et  les 
patois  de  la  France,  soit  dans  les  langues  étrangères. 
Nous  nous  souvenons  aussi  que  des  gens  raisonnables 
se  servent  de  ce  mot,  alors  que,  pour  en  exprimer  le 
sens,  ils  ont  tant  de  termes  autorisés  à  leur  disposition. 
On  ne  connaît  pas  dans  l'histoire  de  cas  où  l'on  ait  forgé 
de  toutes  pièces  un  mot  qu'il  ne  fût  ou  l'imitation  d'un 
son  naturel  ou  la  réédition  d'un  mot  existant  déjà.  Poli- 
chinelle n'aurait  jamais  voulu  nous  imposer  ses  élucu- 
brations.  Pourquoi  une  personne  sérieuse  se  donnerait- 
elle  le  ridicule  de  prétendre  en  avoir  le  talent?  Les  esprits 
les  plus  futiles  prévoient  qu'ils  perdraient  leur  temps, par 
ce  que  l'instinct  leur  fait  sentir  que  pour  créer  quoi  que 
ce  soit:le  son  qui  doit  dire  quelque  chose  à  notre  oreille, 
aussi  bien  que  l'objet  qui  doit  frapper  nos  yeux,  il  faut 
qu'il  y  ait  un  fond  de  réalité,  sans  laquelle  nos  produc- 
tions n'ont  pas  plus  de  consistance  ni  de  forme  que  le 


nuage  que  le  moindre  souffle  transforme  en  une  succes- 
sion de  chimères.  Les  choses  étant  ainsi,  à  défaut  de 
certificats  d'origine,  interrogeons  le  mot  lui-même. 

Né  sur  le  sol  Français,  à  Paris  même,  peut-être,  bien 
que  n'ayant  dans  son  extérieur  ni  l'élégance  ni  le  poli 
qui  caractérisent  les  produits  delà  capitale,  ce  phonème 
original  ne  laisse  pas  de  se  présenter  à  l'examen  fran- 
chement, faisant  l'effet  d'une  végétatiou  robuste  à  [la- 
quelle la  serpe  du  jardinier  n'aurait  pas  donné  une 
forme  plus  sobre.  Pshutt,  quand  notre  oreille  a-t-ellepu 
entendre  ce  son  ;  dans  quelles  circonstances  celui-ci 
a-t-il  fait  concevoir  à  notre  appréciation  le  sens  de  ex- 
cellente Est-il  l'écho  d'un  événement  qui  produit  sur 
notre  esprit  l'impression  de  bon,  de  beau?  —  Or,  le 
goût  étant  le  principal  organe  de  l'appréciation  et  en 
même  temps  celui  où  le  son  s'associe  naturellement  à  la 
sensation,  cherchons  dans  les  bruits  concomitants  à 
l'absorption  des  aliments,  si  un  signe  phonique  pshutt 
ne  se  présente  pas  en  même  temps  que  l'idée  d'excel- 
lence et  par  analogie  de  beau,  d'agréable,  les  yeux  étant 
toujours  disposés  à  voir  en  beau  ce  qui  délecte  le  goût. 
Eh  bien  !  quand  on  déguste  un  liquide  savoureux,  on  ne 
se  presse  pas  de  l'avaler.  Les  lèvres  s'entrouvrent  et 
font  entendre,  ou  du  moins  esquissent  le  premier  son 
p  ;  l'inspiration  qui  entraîne  le  liquide  entre  la  langue 
et  le  palais  sonne  le  s  chuinté  qu'on  a  pu  représenter 
par  sh  anglais  au  lieu  de  cJi  ou  de/  français;  elle  se  ter- 
mine par  le  son  tt  se  produisant  quand,,  à  la  fin  de  la  dé- 
gustation, la  langue  toque  et  retoque  contre  le  palais  au 
moment  même  ou  la  déglutition  commence.  Une  dégus- 


—  4 


tation  plus  sèche  aurait  donné  le  son  àepsut  et  sa  va- 
riante pist,  le  bruit  général  du  sifflement  dont  les  Grecs 
ont  fait  <]htt(  Çw  siffler.  Le  son  pst  a  pu  être  présent  à 
l'esprit  de  celui  qui,  le  premier,  le  paraphrasa  par  siffler 
dans  l'expression  siffler  un  verre  et  nomma  ensuite  le 
verre  uriQJïute  ou  un  sifflet  comme  on  dit  dans  certains 
pays  ou  dans  certaines  sociétés.  Le  son  ps  et  le  sens  de 
humer  avec  sifflement  suggèrent  celui  de  sb  (sibilo)  qui 
n'est  qu'une  forme  inverse  de  l'orthographe  du  même 
son,  de  sorte  que  l'association  entre  pshutt  et  siffler  est 
toute  naturelle  sans  que  pour  cela  il  soit  nécessaire  que 
celui  qui  découvrit  le  son  pshutt  et  le  lança  dans  le  lan- 
gage se  soit  inspiré  de  l'expression  siffler  un  verre. 
Voilà  ce  que  nous  permet  de  conclure  l'orthographe  du 
mot,  grâce  aux  soins  du  grammairien  qui  a  essayé  de 
rendre  visible  en  signes  écrits,  groupés  dans  l'ordre  de 
de  leur  production,  le  son  complexe  qui  a  frappé  l'oreille. 
En  fixant  ainsi  sa  forme  éthérée  et  fuyante,  il  a  enrichi 
le  vocabulaire  écrit  d'un  phonème  nouveau. 

Le  sens  de  excellent  est,  comme  il  est  facile  de  s'en 
rendre  compte,  intimement  lié  au  son  pshutt.  C'est  la 
sensation  même  qui  parle  et  se  traduit  à  l'oreille  en  pre- 
nant la  forme  sonore.  C'est  le  sens  du  goût,  c'est-à-dire 
toute  l'activité  du  mécanisme  dont  il  est  le  produit,  qui 
se  reflète  dans  le  son,  de  sorte  que  le  sens  de  l'ouïe  as- 
siste par  son  organe  propre  à  ce  qui  se  passe  dans  celui 
du  goût.  Il  existe  ainsi  entre  le  son,  l'acte  qui  le  produit 
et  la  notion  qui  en  résulte  dans  notre  entendement,  un 
accord  si  parfait  que  l'esprit  comprend  par  l'oreille  la 
sensation  qui  est  éveillée  dans  l'organe  du  goût.  Pour 


cela,  quand  nous  voulons  évoquer  chez  notre  semblable 
l'impression  de  ce  qui  est  excellent,  nous  employons 
instinctivement  le  son pshutt,  ayant,  en  agissant  ainsi, 
la  certitude  complète  que,  chez  lui  comme  chez  nous,  il 
accompagne  et  par  suite  éveille  la  sensation  de  ce  qui 
flatte  le  palais;  que  par  conséquent  il  saura  le  compren- 
dre, aussi  bien  dans  sa  signification  primordiale  d'une 
sensation  agréable  produite  sur  le  palais  par  l'absorption 
d'un  liquide  savoureux,  que  dans  celle  de  beau,  de  ce 
qu'on  aime  à  regarder.  Car,  de  même  que  'nous  admet- 
tons que  son  goût  et  son  oreille  perçoivent  comme  les 
nôtres,  nous  croyons  également,  cela  se  passant  et 
devant  se  passer  ainsi,  qu'il  est  capable  de  faire  les  mêmes 
comparaisons,  de  saisir  les  mêmes  analogies,  d'employer 
les  mêmes  métaphores,  et  par  conséquent  de  passer 
du  sens  de  bon  à  celui  de  beau. 

Admettant  jusqu'à  preuve  du  contraire  que  dans 
l'identification  du  son  psliutt  la  bonne  foi  de  l'étymolo- 
gisten'apas  été  surprise  par  des  coïncidences  trompeuses 
nous  avons  le  droit  de  nous  demander  si  un  son  (1) 
aussi  essentiel,  inhérent  qu'il  est  a  un  acte  aussi  naturel 
et  aussi  fréquent,  n'a  pas  fait  son  apparition  dans  le 
langage  bien  avant  notre  époque.  Est-ce  bien  véritable- 
ment un  néologisme,  ou  ne  serait-il  pas  plutôt  la  redé- 
couverte d'une  forme  qui  existait  déjà,  mais  que  les  ac- 
cidents de  l'évolution  des  mots  auraient  altérée,  soit 
dans  l'orthographe,  soit  dans  le  sens.  Car  depuis  que 


(1)  Le  mot  pshutt  se  prononce  par  expiration,  bien  qu'on  hume  le 
liquide.  C'est  pour  faciliter  l'élocution  qu'on  agit  ainsi.  La  même  chose 
se  passe  avec  absorber,  humer,  siffler. 


l'homme  existe  sa  bouche  a  dû  produire  ce  groupe  de 
lettres  quand  il  dégustait.  En  effet,  on  retrouve  le  son 
pshutt,  devenu  mot,  dans  toutes  les  langues  de  la  fa- 
mille Indo-Européenne.  Sa  nouveauté  consiste  dans  une 
forme  originale  et  rustre  que  l'usage  n'a  pas  eu  le  temps 
d'adoucir;  ensuite  dans  une  application  exclusive  au 
sens  de  distingué^  selon  le  goût  d'une  partie  de  la  so- 
ciété à  notre  époque.  Le  Sanskrit  présente  une  forme 
similaire  et  un  sens  tout  analogue  dans  sudate  doux, 
svadê  avoir  un  goût  agréable,  svadâ  qui  a  un  goût 
agréable,  formes  où  la  sifflante  précède  la  labiale;  dans 
le  grec  nous  trouvons  yjou^  où  l'esprit  rude  remplace 
l'aspirée  sifflante  s  et  dont  le  digamma  ou  w  s'est 
perdu;  le  latin  possède  le  mot suadeo  je  persuade,  dont 
le  sens  primitif,  sur  la  foi  de  l'orthographe,  doit  être 
adoucir,  apaiser  une  personne  par  des  conseils  qu'on 
lui  fait  agréer,  suavis  doux,  dont  le  son  dénote  une 
inspiration  qui  semblerait  ne  pas  devoir  aller  jusqu'à  la 
déglutition;  le  Français  &  persuader,  persuasion,  suave, 
anciennement  souëf;  l'anglais  sweet  doux  au  goût  et 
une  variante  soft  doux  au  toucher,  par  une  extension 
du  sens;  l'allemand  sùsz  doux,  sachte  sans  bruit, sanft 
mou.  Bien  des  fois  on  surprend  les  gens  naïfs  à  faire 
s/,  st  à  la  vue  d'une  chose  qui  plaît,  voulant  dire  par  là 
qu'ils  la  trouvent  à  leur  goût,  qu'ils  la  humeraient.  Les 
mots  rapportés  ci-dessus  en  sont  tout  bonnement  les 
onomatopées.  Le  mot  latin  suavium  un  baiser,  montre 
très  bien  cette  inhalation  de  l'air  s  qui  fait  dire  v  aux 
lèvres  quand  elles  cessent  de  faire  siphon,  pour 
employer    un    terme   qui  peigne  le  fait.  L'acte   du 


baiser  vit  dans  le  son  et,  grâce  à  l'écriture,  c'est  celui-ci 
qui  a  survécu  au  peuple  romain  et  à  ses  affections. 
Dans  ce  cas,  comme  dans  tous  les  autres,  la  parole  est  le 
fantôme  d'un  souffle  qui  a  vécu.  Dans  suauium  on 
entend  le  souffle  et  l'on  sent  le  mouvement  des  lèvres. 
En  gaie  compagnie  on  s'exprime  d'une  façon  analogue 
en  disant  :  sucer  la  pomme  pour  dire  :  embrasser,  ren- 
chérissant sur  le  mot  suavinm,  forcément,  à  cause  de 
la  présence  du  mot  pomme,  pour  tête  en  forme  de  boule. 
Les  grecs  appelaient  un  baiser  immodéré  |xav5oX<dTov, 
celui  qui  tire  la  bouche,  le  museau,  H.  een  mondje,  un 
beccot,  une  becquette. 

L'évolution  de  pshutt  n'a  pas  fait  grand  chemin  dans 
le  langage.  Sans  doute  qu'on  lui  a  reconnu  un  manque 
d'esprit  que  la  multiplicité  des  consonnes  heurtées 
n'était  certainement  pas  faite  pour  compenser.  Le 
pshutt  est  une  expression  qui  a  une  valeur  collective 
comprenant  dans  une  abstraction  les  personnes,  les 
choses,  les  manières  d'être  qui  nous  font  dire  pshutt  ! 
par  assimilation  avec  un  excellent  liquide;  un  pshut- 
teux  (1),  unpshuttard  sont  des  sobriquets  pour  ceux  qui 
ont  la  prétention  du  pshutt  ;  car  pshutt  est  la  qualifi- 
cation de  ce  qui  répond  au  goût  courant  :  mais  voilà,  à 
peu  près,  les  seuls  mots  que  le  radical  ait  été  appelé  à 
former.  Le  parti  pris  de  l'originateur  était  de  créer  un 
terme  qui  fût  la  propriété  exclusive  d'un  cercle  étroit  et 
ne  devait  pas  devenir  populaire. Etreint  dès  sa  naissance, 
son  développement  s'en  est  ressenti.  Des  expressions 

(1)  La  terminaison  eux  est  une  déformation  de  eur,  courante  dans 
le  patois  du  Berry  :  un  carreleux  pour  un  carreleur. 


comme  mépshutt  pour  dxipshutt  où  il  y  aurait  un  vice  de 
forme,  dépshutter  en  manquer  la  note,  pshuttiser  pour 
épouser  les  idées  dxipshutt  et  quitter  les  manières  so- 
bres et  correctes,  il  y  en  ûpshutt  pour  beaucoup,  et  tant 
d'autres  auraient  pu  naître  si  le  mot  et  la  chose  avaient 
été  plus  avant  dans  les  préoccupations  de  l'esprit  des 
gens.  S'ils  n'existent  pas,  c'est  qu'ils  n'étaient  pas  né- 
cessaires à  l'expression  de  la  pensée. 

Cependant,  les  expressions  qui  ont  accru  le  vocabu- 
laire, comme  celles  qui  auraient  pu  s'y  faire  une  place, 
suffisent  pour  mettre  en  lumière  un  fait  grammatical, 
utile,  par  sa  spontanéité  surtout,  à  la  connaissance  phy- 
siologique du  langage.  D'abord,  c'est  que  le  sonpshutt, 
né  organiquement  de  l'acte  de  la  bouche  faisant  siphon 
pour  l'inspiration  d'un  liquide,  de  simple  son  physique 
qu'il  était,  devient  mot  par  l'emploi  de  la  figure  dite  : 
l'onomatopée,  c'est-à-dire  facture  de  nom  ou  son  devenu 
dénominateur  par  un  acte  intentionnel  et  conscient.  Au 
lieu  de  rester  un  son  lié  à  un  acte  d'une  façon  secon- 
daire^  n'ayant  d'existence  et  de  signification  que  pour 
un  moment,  et  seulement  pour  l'individu  chez  lequel  il 
se  produit,  il  devient,  par  l'onomatopée,  un  moyen  de 
communication  parce  qu'il  naît  chez  les  autres  dans  les 
mêmes  circonstances,  et  qu'en  l'énonçant  on  est  intime- 
ment convaincu  qu'il  sera  compris.  Celui  qui  a  trouvé 
le  son,  qui  l'a  retenu  et  en  a  formé  un  mot,  compte 
parmi  les  anonymes  qui  ont  créé  le  langage.  Cette  créa- 
tion consiste  dans  la  découverte  du  son  naturel,  s'in- 
corporant  à  un  sentiment  dont  on  a  conscience,  dont  on 
fait  un  nom  par  l'onomatopée    qu'on  applique,  par 


comparaison,  à  des  objets  produisant  sur  nous  une  im- 
pression analogue,  qu'on  redit  ensuite  à  ses  semblables, 
sûrs  de  réveiller  en  eux  l'image  vivante  et  fidèle  de  ce 
qui  se  passe  en  nous.  Pshutt  est,  au  point  de  vue  théo- 
rique, un  thème  primaire,  une  racine  irréductible,  un 
son  tout  spécial  et  individuel  emportant  en  lui  sa  signi- 
fication propre  ;  c'est  un  son  que  le  sens,  c'est-à-dire 
l'acte  dont  nous  avons  conscience,  a  formé  par  lui-même 
et  pour  lui  seul.  L'acte  étant  un  et  simple,  le  son  qu'il 
fait  entendre  est  simple  et  monosyllabique  comme  celui 
de  toutes  les  racines  pures. 

L'expression  collective  le  pshutt  est  utile  pour  nous 
montre  r,  dans  un  fait  contemporain,  comment  se  forment 
les  termes  abstraits.  En  effet,  notre  entendement  voit 
sous  cette  dénomination  tout  ce  qui  a  la  qualité  vi- 
vante de  ce  qui  est  élégant  d'après  un  type  convenu, 
abstraction  faite  des  objets  ainsi  qualifiés,  soit  cravate, 
dîner,  bal,  réunion,  salon,  cercle,  etc.  C'est  donc  un 
terme  abstrait,  un  prédicat  généralisé,  le  nom  d'un  acte 
qualificatif  employé  pour  désigner  un  ensemble  d'objets 
concrets  dans  chacun  desquels  il  se  rencontre. 

Ses  divers  emplois  dans  la  phrase  servent  aussi  à 
éclairer  la  syntaxe  sur  ses  pi  océdés  habituels.  Pshutt 
est  le  son  d'un  acte,  donc  verbe  de  sa  nature.  Habitués 
que  nous  sommes  à  ne  voir  que  des  verbes  composés 
d'une  racine  et  d'une  terminaison,  contrairement  à  ce 
qui  se  passe  en  Angl.  où  l'on  dit  ûre  feu  et  tojire  faire 
feu,  nous  disons  pshutterf  à  moins  que  l'expression 
analytique/a/re  du  pshutt  ne  nous  paraisse  plus  con- 
venable.   Dans  c'est  pshutt,  le  mot  est  adjectif  pris 


-     10  — 

prédicativement.  Lepshutt  est  un  substantif.  Il  y  en  a 
pshutt,  expression  qui  n'a  pas  cours,  aurait  fait  classer 
ce  prédicat  dans  l'ordre  des  noms  de  nombre  généraux. 
Il  remplit  donc  dans  la  phrase  les  diverses  fonctions 
auxquelles  se  prête  chacune  de  ses  propriétés,  de  sorte 
qu'il  figure  alternativement  comme  verbe,  substance, 
qualité  et  quantité,  à  la  place  exigée  par  la  logique  dans 
l'ordre  du  discours. 

L'argot  anglais  a  le  mot  phizzing  (1)  pour  délicieux, 
beau.  C'est  le  son  d'un  breuvage  aspiré  avec  plaisir. 
Pour  cela  on  l'a  trouvé  propre  à  rappeler  le  sens  de  ce 
qui  est  bon  et  beau,  comme  la  boisson  qui  fait  phizz 
dans  la  bouche.  C'est  un  homonyme  de  pshutt,  la  mé- 
tathèse  de  siffler  :  toutefois,  il  ne  s'appuie  sur  aucun  de 
ces  mots,  ce  qui  prouve  que  le  langage  se  forme  et  se 
développe  de  la  même  façon  dans  tous  les  pays.  L'argot 
s'approche  du  classique  to  phizz  faire  entendre  un  sif- 
flement, et  présente  la  métathèse  de  to  sip  siffler  un 
verre,  le  siphonner  en  quelque  sorte.  L'argotier  anglais 
a  trouvé  ce  mot  dans  les  sons  naturels  de  sa  bouche  ;  il 
l'y  a  pris  de  confiance,  croyant  que  c'est  le  vrai,  sans  se 
douter  qu'il  pouvait  exister  chez  lui  ou  à  l'étranger,  soit 
avec  le  même  sens  de  bon  ou  de'  beau,  soit  avec  toute 
autre  signification  analogue.  On  serait  étonné  à  juste 
titre  si  l'on  entendait  soutenir  que  des  deux  langues 
l'une  a  dû  l'emprunter  à  l'autre.  Rien  n'empêche  que 
le  son  ne  soit  le  même  des  deux  côtés  de  la  Manche, 
tant  qu'il  garde  l'originalité  qui  lui  vient  de  la  nature, 

(1)  To  phizz  veut  dire  faire  de  la  mousse  :  c'est  l'air  qui  produit 
d'innombrables  bulles  ;  to  phizsle  signifie  persiffier. 


—  11  — 

comme  dans  le  cas  présent.  11  n'est  pas  nécessaire,  non 
plus,  d'aller  à  l'école  l'un  chez  l'autre  pour  connaître  le 
rapport  intime  entre  bon  et  beau,  et  pour  faire  passer  le 
mot  du  sens  concret  au  sens  métaphorique.  Phùzîng 
est  le  son  ps  dont  il  a  été  parlé  déjà,  devenu  mot  et 
verbe.  Dans  l'argot  de  la  langue  française  il  ne  s'est  pas 
développé,  sa  place  étant  prise  par  des  termes  syno- 
nymes, tels  que  humer,  siffler,  siphonner,  sabler,  tuber, 
siroter,  absorber.  Les  onomotapeessktes/)«s^  vénérer, 
pûj,  honorer, "se  rattachent  au  son pshutt.  Le  sens  est  : 
apprécier  comme  beau,  auguste. 

A  cause  de  la  conformité  du  sens,  bien  que  le  son  le 
range  parmi  les  onomatopées  linguo-dentales ,  le  mot 
tschock,  synonyme  tout  nouveau  de  pshutt, demande  une 
place  à  côté  de  lui.  Pour  identifier  ce  dernier  mot,  rap- 
pelons-nous qu'après  avoir  bu  un  trait  de  la  dive  bou- 
teille la  langue  fait  entendre  un  claquement  particulier, 
un  toc  toc  accompagné  d'un  chuintement,  d'un  jute- 
ment  particulier  par  lequel  on  signale  l'absorption  d'un 
breuvage  de  qualité.  Peut-être  ce  mot,  en  s'étendant, 
viendra-t-il  à  désigner  une  foule  d'autres  choses  pro  - 
duisant  un  effet  semblable  à  celui  de  la  boisson.  Il  lui 
faudrait  un  nombreux  public,  le  temps  de  vivre  et 
moins  de  concurrents.  Le  claquement  de  la  langue 
après  la  déglutition  est  un  signe  de  contentement. 
Rappelons  que  c'est  en  faisant  entendre  ce  son  que  la 
nourrice  cherche  à  éveiller  l'appétit  chez  le  poupon,  sa- 
chant que  ce  chuintement  doit  lui  rappeler  le  mouve- 
ment de  sa  langue  quand  il  avale  le  lait.  La  poule,  elle 
aussi,  appelle  ses  petits  avec  un  son  qui  ressemble  fort 


—  12  — 

à  un  claquement  de  sa  langue.  L'anglais  to  chuck  ex- 
prime cet  appel.  Il  n'y  a  pas  de  mot  dans  le  vocabulaire 
français  reproduisant  cet  appel.  Le  coq  dit  la  même 
chose  lorsque,  en  galant  oiseau,  il  attire  l'attention  de 
la  poule  sur  le  grain  qu'il  lui  a  destiné. 

Tschock  etpshutt  peuvent  avoir  été  trouvés  pendant 
la  dégustation  d'un  même  verre  de  Champagne.  L'un  et 
l'autre  sont  des  créations  linguistiques  très  récentes,  du 
moins  dans  leur  forme  actuelle.  Cependant,  il  paraît 
qu'ils  vont  céder  la  place  au  mot  ah,  qui,  lui  aussi,  est 
capable  de  rendre  le  sens  depshutt.  En  effet,  pour  ex- 
primer le  désir,  le  soulagement,  la  satisfaction,  l'admi- 
ration, nous  trouvons  au  fond  de  notre  gosier  large- 
ment ouvert  le  cri  spontané  ah}  L.  heu  cri  de  l'admira- 
tion. Le  gosier  largement  ouvert  se  manifeste  dans 
àya^ai  j'admire,  formé  du  même  cri  avec  une  orthogra- 
phe plus  gutturale.  Ce  gosier  entr'ouvert  par  le  désir, 
par  la  satisfaction  rêvée,  par  le  soulagement,  prête  son 
cri  à  l'action  des  yeux,  dont  la  pupille  se  dilate,  dont 
les  paupières  s'ouvrent  toutes  larges,  pour  jouir  à  leur 
façon  de  l'objet  admiré.  Il  y  a  donc  une  corrélation 
physiologique  entre  le  sens  du  goût  et  celui  de  la  vue, 
l'un  et  l'autre  éveillant  dans  l'âme  le  sens  de  ce  qui  est 
bon  ou  mauvais,  beau  ou  laid.  Celui  qui  regarde  ouvre 
la  bouche  (la  gueule)  comme  celui  qui  respire,  qui  dé- 
sire, qui  s'étonne.  La  vue,  l'ouïe,  le  toucher,  l'odeur  sont 
forcés  d'emprunter  le  son  des  phénomènes  du  goût,  parce 
que  lui  seul  est  muni  d'un  organe  sonore  qui  peut  tra- 
duire pour  l'oreille  les  sensations  d'agréable  et  de  dé- 
plaisant qui  ont  pu  être  perçus  par  les  autres  sens.  La 


—  13  — 

sensation  du  goût(l),  bien  qu'elle  soit  perceptible  par 
la  langue  seule,  semble  accaparer  également  les  lèvres 
et  le  gosier,  c'est-à-dire  tout  l'organisme  de  la  phona- 
tion appelé  à  traduire  par  des  sons  tout  ce  qui  nous 
émeut.  C'est  avec  ses  accents  spontanés  que  nous  ren- 
dons les  sentiments  analogues  de  bon  ou  mauvais  avec 
leurs  nuances,  tels  que  nous  les  apportent  les  autres 
sens.  Voir  aux  mots  oculaire,  rebouiser,  spéculer, 
éprouver  (1). 

Pshutt,  tschock  et  ah  représentent  donc  la  notation 
de  trois  façons  d'apprécier.  Chacune  de  ces  impressions 
est  capable  de  suggérer  l'autre,  les  trois  sensations  se 
confondant  dans  une  idée  unique  de  bon  et,  par  analo- 
gie, de  beau,  d'agréable.  L'expression  c'est  beau  à  cro- 
quer paraphrase  cette  union  entre  ce  qui  est  beau  et  ce 
qui  flatte  le  goût.  Le  goût,  du  reste,  est  reconnu  comme 
l'arbitre  de  ce  qui  est  élégant.  Le  mot  sgoff'be&xi  est 
une  forme  du  radical  qui  a  formé  gober  avaler  et  trou- 
ver bon,  beau.  Sous  sa  forme  gaffer  il  veut  dire  regar- 
der, admirer. 

Les  synonymes  juteux,  urf,  vlan  seront  expliqués 
plus  loin. 

Pshutt,  composé  de  p  que  l'air  inspiré  fait  sonner 
sur  les  lèvres,  de  shu  qui  lui  succède  en  passant  entre 
les  dents  et  la  langue  et  de  it  que  celle-ci  fait  entendre 
en  venant  toucher  le  palais,  représente  une  modulation 

(1)  LAll.  der  Geschmack  le  goût,  H.  smaak  attribuent  la  faculté, 
non  au  gosier,  guttur,  gustus,  mais  à  la  bouche. 

(1)  Le  H.  proeven  goûter,  représente  l'examen  comme  fait  par  la 
mastication,  Voir  au  mot  barbaque.  L'Ang.  taste  goût  le  place  dans 
le  tact  :  tdter  de. 


--  14  — 

spéciale  que  l'instrument  compliqué  de  notre  bouche 
fait  produire  à  l'élément  fluide.  Nous  allons  voir  le  son 
de  l'air  se  modifier  et  former  d'autres  phénomènes  sui- 
vant que  l'acte  qui  les  provoque  demande  l'intervention 
d'autres  organes,  tels  que  la  langue  ou  le  gosier  avec 
ses  voyelles,  ses  aspirées  et  ses  gutturales,  combinées 
ou  non  avec  les  labiales  ou  les  dentales.  Un  son  signifi- 
catif appelé  à  devenir  vocable  demande  autant  de  lettres 
que  le  fait  qu'il  exprime  affecte  d'organes  dans  l'appa- 
reil de  la  phonation. 

Ainsi,  l'organe  dont  le  mouvement  imprime  à  l'air  le 
son  6,  p,  v,  w,  f,  ph,  soit  qu'il  souffle,  soit  qu'il  parle, 
qu'il  mange,  boive  ou  bave,  prend  le  nom  révélateur  de 
babines  (1).  Dans  le  thème  primaire  bab,  nous  distin- 
guons le  son  des  lèvres  qui  s'entr'ouvrent  en  faisant 
entendre  ba  et  qui  se  referment  avec  un  bruit  6.  Ce  son 
devient  substantif  dans  babines  lèvres.  La  terminaison 
ine  indique  une  espèce  mignonne.  Dans  l'intention  de 
l'originateur  du  mot,  ce  sont  des  lèvres  un  peu  bouffies 
et  douces  :  cela  ressort  du  son  plein  ba  au  bruit  du- 
quel elles  s'entr'ouvrent  et  se  closent.  Ce  nom  a  été 
attribué  à  l'organe  avec  autant  de  bonne  foi  et  pour 
d'aussi  bons  motifs  que  celui  de  coucou  à  l'oiseau  qui 
annonce  le  printemps  par  ce  cri,  de  pipit  à  l'espèce 
d'alouette  des  environs  de  Paris,  de  courlis  au  vanneau 
qu'on  reconnaît  de  loin  à  ce  cri,  de  coq.  etc.,  car,  elle 

aussi,  a  un  son  unique  qui  la  distingue  toujours.  Une 

* 

(1)  Le  Grec  yeiloç  lèvre  est  l'onomatopée  de  la  gueule  dont  les  ba- 
bines sont  une  appartenance  éloignée.  Le  mot  lêore,  en  L.  labia,  est 
le  nom  onomatopique  de  la  langue,  comme  l'indique  le  H.  leppen 
licher,  une  franche  lippée  et  le  L.  lambo. 


—  15  — 

très  grosse  lèvre  s'appelle  une pampine.  Selon  les  actes 
auxquels  cet  organe  se  trouve  mêlé,  elle  prend  le  nom 
de  bade,  balot  et  avec  jeu  de  mot  de  baleines,  au  Centre 
de papette  bouche  et  lèvre;  elle  concourt  à  former  les 
onomatopées  bec,  bouche  et  les  formes  burlesques  bo- 
bèche et  bobéchon  bouche  et  par  synechdoche  tête,  mots 
qui  jouent  sur  bouche  et  bec,  ainsi  que  banquette  men- 
ton par  jeu  de  mots;  elle  inspire  les  mots/)//5 le  nez, 
organe  du  souffle,  comme  la  lèvre,  et  sa  caricature^/?, 
par  jeu  de  mots.  Dans  le  pif  les  ailes  font  office  de 
lèvres.  Nous  retrouvons  les  babines  dans  les  barbes  les 
joues,  les  barres  les  mâchoires,  les  bacchantes  la  barbe, 
le  barant,  en  H.  bron,  par  prosopopéela  bouche  d'eau, 
la  fontaine,  dans  bégarol  trou,  bouche  par  assimilation 
à  l'organe  humain.  Certainement  qu'au  lieu  de  ban- 
quette, barbes,  barres,  l'originateur  anonyme  de  ces 
mots  aura  voulu  trouver  des  onomatopées  plus  justes  : 
mais,  comme  il  est  difficile  de  saisir  la  note  originale  et 
exacte  des  sons  et  d'en  tirer  des  onomatopées  absolu- 
ment imitatives,  on  s'est  contenté  du  mot  à  côté,  se 
consolant  de  sa  défaite  par  un  calembour  comique.  Il 
est  tout  naturel  que  l'artiste,  quand  l'imitation  exacte 
ne  lui  réussit  pas,  cherche  à  cacher  son  insuccès  en 
nous  faisant  rire  :  c'est  une  malice  pardonnable.  Cepen- 
dant, cette  façon  de  procéder  a  ses  inconvénients,  car, 
d'abord,  banquette  et  barres  sont  des  jeux  de  mots  peu 
égayants  :  c'est  le  revers  de  la  médaille  pour  ce  genre 
d'amusement;  l'esprit  étant  dans  la  nécessité  de  chercher 
une  assonance,  n'est  pas  toujours  libre  de  trouver  des 
choses  amusantes.  Au  point  de  vue  de  la  franchise  du 


—  16  — 

langage,  on  perd  à  ce  jeu  :  car,  au  lieu  d'onomatopées 
de  bonne  foi  et  faites  d'un  jet,  nous  n'avons  que  le  com- 
mencement 6,  c'est-à-dire  l'élément  labial  agissant  dans 
chacune  d'elles,  tandis  que  le  reste  détonne...  Desinitin 
piscem...  C'est 'regrettable  :  il  eût  été  facile  de  faire 
mieux.  En  écoutant  bien  quels  sons  la  mâchoire  infé- 
rieure produit  ou  esquisse  en  s'ouvrant  avec  p  et  en 
laissant  échapper  du  fond  du  gosier  un  son  og,  ag,  on 
aurait  retrouvé  le  skt  pîça  le  menton  ou  le  G.  Tcéytùv, 
dont  le  sens  actuel  est  barbe  ;  il  est  vrai  que  le  langage 
populaire  se  rattrape  avec  rigolboche  (I.  bocca).  A  dé- 
faut d'un  mot  ressemblant  à  l'équivalent  Grec,  on  aurait 
pu  trouver  un  mot  sonnant  comme  l'Allemand  Backe 
joue,  comme  dans  barbaque. 

Pour  mettre  un  peu  d'ordre  dans  les  mots  où  se  sont 
incorporés  le  sens  et  le  son  du  souffle  labial,  commen- 
çons par  ceux  qui  expriment  simplement  l'air,  l'élément 
vague,  flottant  et  libre. 

L'air,  et  par  assimilation  le  vent  en  entrant  dans  le 
nez,  fait  entendre  le  son  varié  p,  f,  comme  s'il  était 
aspiré  par  les  lèvres.  Les  ailes  en  touchant  la  cloison 
intérieure  font,  du  reste,  entendre  ce  bruit.  Plus  le 
canal  de  l'organe  se  trouve  obstrué  ou  rétréci,  comme 
p.  e,.  dans  l'enchifrènement,  plus  le  son  vocal  se  fait 
aigu  et  se  rapproche  de*.  Dans  ces  circonstances,  l'ono- 
matopée pif  est  venue  se  substituer  à  la  forme  plus 
commune  nez  et  l'onomatopée  pimer  a  été  appelée  à 
exprimer  le  sifflement  aigu  que  le  nez  fait  entendre 
dans  le  rhume  de  tête.  L'original  une  fois  créé,  l'imita- 
tion donne  des  produits  abondants  :  voilà  qu'on  l'appelle 


—  17  — 

fifi,  par  allusion  à  l'oiseau  qui  piaule,  piffre,  qui  n'est 
qu'une  corruption  defiffre,  surnom  du  nez,  ce  mot  étant 
le  nom  de  l'instrument  nazillard  qui  fait  concurrence  au 
pif  Le  nez  ayant  son  jeu  physionomique  particulier, 
piffer  ou  faire  le/ marque  l'arrogance  et  le  mépris.  Le 
souffle  du  pif  pendant  le  repos  a  fourni  le  thème  pour 
former  les  mots  qui  expriment  onomatopiquement 
l'acte  du  sommeil  :  pioncer,  piausser  signifient  dormir; 
l'endroit  où  l'on  dort  est  l&pionce  ou  le  pieu,  le  lit. 

Le  pif  est  synonyme  du  bec,  l'un  et  l'autre  consti- 
tuant des  organes  de  la  respiration.  Le  nez  affectant  la 
forme  du  bec,  on  l'a  surnommé  pic  (1).  De  ce  mot  se 
sont  formés  piauler  dormir,  souffler  du  bec,  ouvrir  et 
fermer  le  bec  en  respirant,  souvenir  de  piailler,  la 
piaule,  la  niche  où  l'on  dort,  la  maison.  Le  Bas  Nor- 
mand a  pour  pioncer  vioncher,  mots  où  le  ch  comme 
sa  forme  sèche  c3  traduisent  le  chuintement  et  le  sibile- 
ment  de  l'air  dans  l'arrière-bouche.  Le  Picard  a  le  mot 
viondir  pour  dormir.  Le  al  de  cette  forme  est  probable- 
ment dû  à  l'influence  de  l'homonyme  ventj  dont  le  son  et 
l'idée  viennent  à  l'esprit  quand  on  pense  au  souffle. 
Viondir  est  une  onomatopée  mixte.  Envoyer  au  piau- 
tre  est  envoyer  au  lit.  Piautre  veut  dire  :  pas  du  tout, 
va  te  coucher. 

Le  tabac  à  priser  s'appelle  le  fanfouin,  du  bruit  de 
vent  qui  en  accompagne  l'aspiration;  priser  se  traduit 
yarfanfouiner  en  langue  naturelle. C'est  la  réduplication 
de  fa  nasalisé.  Un  marque  l'intervention  de  la  langue 

(1)  La  pie  en  skt  pika,  le  pivert  en  H.  speeht,  doivent  ces  noms  à 
leur  bec. 


18 


fermant  l'ouverture  de  la  bouche  pour  permettre  au  nez 
de  respirer  plus  puissamment.  Le  son  naturel  du  vent 
sur  nos  lèvres  p,f,  v  met  notre  néologue  en  harmonie 
avec  les  aborigènes  de  l'Hindoustan  qui  léguèrent  au 
sanskrit  les  noms  onomatopiques  de  pa  vent,  va  souf- 
fler. Le  procédé  pour  former  les  mots  est  le  même, 
malgré  les  diversités  qui  distinguent  l'homme  de  nos 
pays  de  celui  de  là-bas  et  malgré  la  différence  des  âges  : 
l'un  et  l'autre  expriment  par  le  langage  les  faits  de  la 
vie  en  leur  conservant  le  plus  qu'il  est  possible  à  l'imi- 
tation leur  voix  naturelle.  C'est  ainsi  que  l'Ail,  dit 
wehen  et  le  H.  waai/en  pour  venter,  mots  qui  contien- 
nent le  thème  skt  va  (en  Gr.  a)  plus  un  h  et  un  y  pour 
faire  la  liaison  avec  le  suffixe  en.  La  nature  n'a  rien 
changé,  ni  le  son  des  choses,  ni  l'organe  de  l'homme; 
d'autre  part,  elle  n'a  pas  modifié  notre  intelligence  qui 
nous  pousse,  comme  par  le  passé,  à  employer  les  sons 
universels  et  identiques  pour  la  race  humaine  toute  en- 
lière,  afin  d'en  former  le  langage  au  moyen  duquel  nous 
devons  communiquer  avec  l'âme  de  notre  semblable  : 
car  il  est  évident  pour  nous,  qu'en  frappant  son  oreille 
par  les  sons  naturels  des  choses,  il  doit  assister  au  même 
événement  et  en  recevoir  les  mêmes  impressions  que 
nous. 

L'esprit  est  comme  le  vent  :  il  souffle  partout  :  on 
ignore  d'où  il  vient,  on  ne  sait  où  il  va.  Le  son  nasalisé 
du  vent  qui  se  fait  entendre  dans  fanfouiner  a  été  en- 
tendu jadis  dans  une  diversité  de  pays  et  partout  on  l'a 
utilisé  pour  exprimer  l'action  du  souffle,  comme  le 
prouvent  p'anda  le  ventre  gonflé,  TrvsJ^a  le  souffle, 


—  19  — 

pantex  le  ventre,  ventus,  vent,  wind_,  der  Wind.  Fan- 
fouiner  a  un  pendant  dans  le  H.  f nie*  en  éternuer.  Ce- 
pendant, les  originateurs  Français  et  Hollandais  ne  se. 
sont  pas  abouchés  pour  donner  ces  noms  à  peine  divers 
à  deux  actes  dont  le  premier  consiste  à  aspirer  l'air  et 
l'autre  à  le  chasser  du  nez  {nie* en  éternuer)  :  c'est  du 
moins  ainsi  que  l'expliquent  les  mots.  Le  langage 
humain  est  fait  de  ces  rencontres.  Ce  qui  est  argot  en 
France,  parce  qu'il  est  patois  ou  neuf,  est  parfaite- 
ment courant  et  accepté  ailleurs;  le  contraire  a  lieu 
aussi  (1). 

Le  nom  du  nez  qui  aspire  et  son  équivalent  la  bouche 
deviennent  par  prosopopée  le  nom  de  l'instrument  qui 
nous  sert  de  siphon  :  le  même  souffle  donne  le  nom  aux 
uns  et  aux  autres.  C'est  ainsi  que  se  sont  formés  \&pipe, 
Angl.  pipe,  Ail.  diePfeife,  que  le  Gr.  et  le  L.  possèdent 
sous  une  forme  analogue  à  laquelle  se  mêle  un  sifflement 
particulier  :  crfywv,  siphon,  le  siphon.  La  soupape  est, 
d'après  l'expression  du  son,  la  pipe  par  laquelle  passe 
une  respiration  :  A.  to  sigh,  Ail.  seàj*en,  H.  zuchten 
soupirer.  V.  au  mot  assoupir.  Aspirer  un  liquide  a 
donné  l'onomatopée  identique  sugare  sucer,  dont  sou 
est  un  débris.  Le  mot  bouffée  une  bouffée  d'air,  de 
fumée,  a  suggéré  les  mots  bouffarde  la  pipe  et  la  bouf- 

(1)  L'Angl.  to  sneeze,  AU.  niesen  diffèrent  à1  éternuer,  L.  sternuo, 
pour  la  raison  que  ce  dernier  dérive  de  tor,  reste  de  torqueo  tordre 
et  de  nu,  débris  dé  nasus.  To  sneeze  veut  dire  qu'il  s'agit  d'un  pico- 
tement du  nez  qui  disparait  en  éternuant.  Le  s  indique  le  sifflement 
de  l'organe,  eomme  le  /le  fait  à  sa  manière,  en  le  nommant  vent. 
Eternuer  veut  donc  dire  :  avoir  le  nez  tordu  par  un  chatouillement, 
éprouver  le  besoin  d'éternuer.  Pour  la  genèse  de  nez  et  tordre,Y.  ces 
mots. 


—  20  — 

fardière  la  cheminée.  L'une  et  l'autre  émettent  de  la 
fumée,  comme  une  bouche  vivante  :  ce  sont  donc  des 
prosopopées.  Apoffirif)  au  C.  veut  dire  souffler,  étein- 
dre par  une  bouffée  d'air,  appelée  en  Angl.  a  puff  ou 
whiffi  en  skt pcœâka  tourbillon  de  vent.  —  La,  pompe, 
pump,  diePumpe  est  une  forme  variée  de  pipe,  imposée 
en  quelque  sorte,  parce  que  l'instrument  change  de  na- 
ture. C'est  une  pipe,  H.  pijp  tuyau  dans  lequel  le  piston 
(siffleur)  aspire  l'eau  comme  le  feraient  nos  lèvres  avec 
un  son  pst!  V.  Traité,  p.  15. 

La  bise,  H.  bies  la  bise,  biezen  souffler  en  bise,  bui 
bise  accompagnée  d'eau  représente  un  sifflement  parti- 
culier du  vent,  se  rapprochant  de  celui  de  la  bouche 
humaine.  Nous  le  retrouvons  dans  fascina  la  grosse 
abeille,  ^'.ÔupKw  souffler  tout  bas,  faire  pst\  —  vespa  la 
guêpe j  fistula  le  pipeau,  festuca  le  scarabée  bourdon- 
nant, le  bisard  le  soufflet,  le  fétu  (skt  husa  paille),  la 
fistule  la  plaie  qu'on  drame  à  l'aide  d'un  tube,  fuser 
siffler  comme  la  poudre  enflammée  qui  s'échappe  d'un 
tube,  la  fusée,  —  to  buzz,  to  wheeze  être  asthmatique, 
weasand  la  trachée-artère,  to  whistle  siffler,  —  der 
Pùster,  skt  b'âstrâ  le  soufflet, pisten  siffler,  faire pst\ 

La  bise  sonne  également  dans  çucaco  (2),  lephgséter 

(1)  La  fumée,  skt  bâmb,  est  une  prosopopée.  C'est  un  gaz  assimilé 
à  une  bouffée  d'air  sorti  d'une  bouche  humaine,  ^éçoç  fumée,  ténèbres. 

(2)  La  nourrice,  quand  elle  veut  que  le  môme  fasse  pipi,  dit  :  ps! 
ps!  pour  rappeler  à  l'enfant  de  quoi  il  s'agit  par  un  bruit  connu.  Le 
cocher,  pour  faire  uriner  son  cheval,  ne  dit  pas  ps  !  ps  !  il  siffle,  ce 
qui  ne  rend  plus  le  même  son  du  tout.  Heureusement,  comme  le  che- 
val est  une  bête  très  intelligente,  il  comprend  ce  que  le  patron  veut 
dire  et  le  résultat  est  obtenu  tout  de  même.  Ps!  ps!  répond  au 
L.  mingo,  migo,  minxi,  onomatopée  formée  de  ms!  pour  ps!  skt  mih 
mûtr.  Le  Norm.  Jïser  veut  dire  jaillir,  skt  bis. 


—  21  — 

le  souffleur,  Y  emphysème  (to  wheeze  faire  entendre  le. 
sifflement  de  l'emphysémateux),  Ouest, —  West  le  vent 
d'Ouest,  —  der  West  id.,  die  Weste  le  vent. 

S'éboustijler  (fier  de /lare)  veut  dire  s'époumonner. 
Ce  mot  joue  sur  boustifailler.  Le  siège  du  souffle  s'ap- 
pelle en  A.  bosom  la  poitrine,  Ail.  der  Bàsen  id.,  skt 
pupp'usa  poumon. 

Une  onomatopée  qui  dénote  que  le  son  ps!  dont  elle 
est  formée  se  prolonge,  que  les  lèvres,  prêtées  au  vent 
par  l'imagination,  répètent  leur  sifflement  et  font  en- 
tendre psp  nous  est  présentée  dans  ïj^ps;  le  soir,  le 
vent  du  ponant,  —  Vesper  les  vêpres,  —  to  whisper 
chuchoter,  whisp  le  fétu,  le  soufflant,  wispern  chu 
choter. 

L'origine  onomatopique  de  pistolet  a  été  exposée 
p.  96  du  Traité.  Dans  le  langage  familier,  il  prend  les 
noms  de  sifflet,  de  petouse  et  de  blavin,  mots  qui  dési- 
gnent l'instrument  à  vent  actionné  par  un  piston,  tel 
qu'on  le  voit  encore  dans  les  mains  des  enfants  :  il  siffle, 
pette,  souffle  avec  ou  sans  métaphore.  L'Anglais  l'ap- 
pelle popgun,  l'Ail,  der  Pùffer  le  pistolet. 

La  clarinette  étant  un  instrument  à  vent,  est  devenu 
synonyme  de  fusil,  comme  le  sifflet  de  blavin  :  la  pro- 
portion a  été  bien  gardée.  Le  blavin  (1)  est  le  canon 
d'où  sort  l'air,  le  souffle  (subflare)  activé  par  la  poudre 
enflammée.  Le  son  Jl  dénote  un  souffle  qui,  pour  se  pro- 
duire tel,  exige  l'intervention  de  la  langue.  Il  s'est  fait 
mot  dans  \  p\d  vent,  — raXefyjuov le  soufflet, le  poumon, 

(1)  Le  son  v  naît  sur  les  lèvres  quand  le  son  a  arrive  jusqu'à  elles. 
Le  thème  est  fia,  L.  flare  soufflet. 


—  pulmo  poumon, flare  souffler,  —  soufflet,  gonfler 
(conflare),  flûte,  —  to  blow  souffler,  flaw  rafale,  bel- 
lows  le  soufflet,  to  blast  faire  crever  par  la  distension 
du  vent  (skt  phal),  blasen  souffler,  —  H.  vlaag  coup  de 
vent. 

Le  nez  que  nous  avons  rencontré  tantôt  sous  la  déno- 
mination de  pif  à  cause  d'un  des  bruits  aigus  qu'il  pro- 
duit, se  présente  cette  fois  sous  le  nom  de  blair.  Il  a 
plu  au  public,  qui  fait  son  langage,  d'y  voir  un  souf- 
fleur. Le  mouchoir  qui  sert  à  recevoir  les  humeurs  que 
le  souffle  expulse  du  blair  (1)  s'appelle  le  blave,  le  blard 
ou  le  blavard.  Le  mot  pompier  mouchoir  se  rattache 
d  une  façon  analogue  à  pif,  pipe  et  pompe.  Il  pompe  le 
liquide.  L'argot  qui  s'inspire  des  faits  tels  qu'ils  se  pas- 
sent s'est  trouvé  d'accord,  une  fois  de  plus,  avec  la 
façon  de  s'exprimer  adoptée  ailleurs.  L'Anglais  dit  à  un 
enfant  blow  your  nose,  l'Italien  soffia  il  naso  mouche 
toi  (souffle  le  nez).  —  Au  moyen  âge  la  trompette  du 
héraut  d'armes  soutenait  en  guise  de  hampe  les  armoi- 
ries du  chevalier  brodées  sur  un  drapel.  Comme  chaque 
chevalier  avait  ses  armoiries,  sa  devise  et  son  signal 
personnels,  armoiries  et  devise  ont  pris  le  nom  de  bla- 
son, Ail.  blasen  souffler,  sonner  de  la  trompette,  forme 
assibilée  de  flare.  Le  sibilement^s  a  été  retrouvé  par 
un  anonyme  qui  s'est  rappelé  le  son  esquissé  par  les 
lèvres  et  la  langue  quand  on  souffle  dans  la  flûte  et  uti- 
lisé ensuite  pour  former  les  mots  blésimarder  (mard 
est  le  radical  de  la  bouche,  le  même  qui  a  formé  mordre 

(1)  Le  blaireau,  L.  M.  bladarius,  suéd.  gravsvin,  porc  fouisseur  tire 
son  nom  de  blair  qui  chez  lui  a  les  proportions  d'une  hure. 


—  23  — 

Y.  ce  mot)  siffler  un  acteur  en  marronnant  contre  son 
jeu,  et  blésî /tarder  c'est-à-dire  flairer  après  le  vent  qui 
mettrait  le  nez  sur  la  piste  d'une  aventure.  L'un  et  l'au- 
tre mots  présentent  des  synthèses  du  type  :  arc-bou- 
tant,  bain-marie,  Hôtel-Dieu  où  le  qualificatif  prend  la 
deuxième  place,  comme  dans  la  phrase  analytique  habi- 
tuelle où  l'on  dirait  :  arc  qui  boute,  bain  de  Marie, 
Hôtel  de  Dieu,  comme  on  dirait  également  siffler  de  la 
bouche  et  flairer  du  nez.  Le  génie  de  la  langue  française 
qui  est  analytique  persiste  donc,  lors  même  qu'elle 
semble  rechercher  la  synthèse.  Dans  le  grec,  le  latin, 
l'anglais  et  l'allemand,  le  qualificatif  se  place  dans  les 
composés  avant  le  mot  qualifié.  En  français  on  suit  Tor- 
dre inverse.  —  L'argot  du  crime  a  le  mot  blase  pour 
nom  :  entrer  dans  une  piaule  sous  faux  blase.  Etre  blasé 
est  une  adaptation  au  moral  du  sens  de  la  racine  blas. 
Il  s'agit  d'un  cœur  dont  l'animation  est  partie;  c'est 
comme  un  vin  évaporé,  une  fleur  qui  ne  sent  plus  ;  l'es- 
prit est  plat,  indifférent,  ennuyé.  En  anglais  il  y  a  une 
expressiou  similaire  :  the  flowers  are  blown  les  fleurs 
sont  passées,  elles  n'exhalent  plus  de  parfum;  to  pall 
veut  dire  perdre  son  arôme,  sa  force,  ail.  Jlait  fade.  V. 
Traité,  p.  76.  Etre  vanné  veut  dire  que  les  esprits  vi- 
taux ont  perdu  leur  vigueur  par  suite  d'une  grande  fa- 
tigue. Il  ne  dénote  |qu'une  lassitude  corporelle  passagère. 
C'est  un  jeu  de  mots  sur  éventé,  évaporé.  —  Avoir  vent 
de  quelque  chose,  reconnaître  par  le  flair  s'exprime  par 
vên  connaître,  tj.yjzvm  flairer,  reconnaître  —  venarl  chas- 
ser en  profitant  du  flair  des  chiens  —  éventer  —  to  wind 
flairer  —  wittern  sentir — l&.werwaayen  avoir  vent  de. 


—  24  — 

—  Le  brouf,  skt  brimi  ouragan  est  le  vent  soufflant  du 
large;  l 'esbrouf  Ang.  blustering  (1)  ;  H.  blufla  vantar- 
dise; esbrouffé  Ail.  verblûfft  abasourdi;  d'esôroz^avec 
violence.  Le  classique  ébouriffé  étonné  est  une  forme 
qui  s'appuie  sur  esbrouffé)  ébouriffé  avec  le  sens  de 
désordre  dans  les  cheveux  (la  bourre)  marque  le  boule- 
versement de  l'esprit  transporté  à  la  coiffure. 

Le  vent  charrie  la  puanteur  et  fait,  pour  ainsi  dire, 
corps  avec  elle.  C'est  ce  que  les  expressions  suivantes 
vont  mettre  en  lumière.  Souvenons-nous  que  le  linguiste 
ne  trouve  pas  à  analyser  que  des  mots  exprimant  des 
choses  parfumées  ou  convenables.  Il  partage  le  sort  de 
son  confrère  en  chimie  que  son  métier  force  d'opérer 
sur  toutes  sortes  de  matières.  Plaignons-les  et  exami- 
nons sans  fausse  pudeur.  —  La  fumée  est  un  souffle  plus 
ou  moins  acre  ou  étouffant  :  skt  b*ambla,  G.  <ï>s?o;  le 
brouillard.  Les  mots  latins  suffio  (subfto)  et  suffbco 
veulent  dire  :  remplir  de  fumée.  V.  Traité,  p.  39.  — 
L&fiente  tc(vo;  et  le  fumier  exhalent  une  odeur  nauséa- 
bonde. La  bouse  apporte  un  vent  sui  generis.  Bousiller 
prend  un  sens  plus  matériel  :  il  "signifie  :  gâcher,  sali- 
goter  le  travail. 

La  puanteur,  la  fétidité  s'expriment  par  des  mots  tels 
que  pût/  puer,  vas  odeur  en  général  (2),  xyôw  —foeteo 

—  visio  vesser,  visium  vesse  —  puer, fétide,  vesse  —  to 
Jizzle  vesser  —fiesten  et pfaùf  en  y esser  etpetter,H.  poe- 

pen  petter  et  vunzen  vesser,  sentir  mauvais. Le  bouc  s'ap- 

(1)  Bodsting  en  Ang.  veut  dire  une  vantardise  moins  bruyante. 

(2)  Loufer  est  une  autre  onomatopée  pour  vesser  :  c'est  la  méta- 
thèse  de  flare  qui  se  retrouve  dans  le  lof  le  vent,  AU. die  Luft  l'air,  H. 
lucht  air,  luchten  sentir. 


—  25  — 

pelle  en  Skt  le  puant  :  beda.  Le  mouton  en  Danois  a  le 
nom  de  bede.  C'est  le  même  mot  que  le  skt,  ce  qui  prouve 
qu'on  s'est  aperçu  que  le  bouc  sent  mauvais  dans  le  pays 
du  blond  Danois  aussi  bien  que  chez  les  Indiens  basa- 
nés. Tous  deux  le  qualifient  par  la  même  propriété, 
celle  d'exhaler  un  air  fétide.  Le  L.  haedus,  Ang.  we- 
ther,  Ail.  das  Widder  rappellent  vas  odeur,  vâtas  le 
vent  —  53u)  sentir  (HvOs;  le  fumier),  odor,  odeur,  icea- 
ther  l'air,  le  temps,  das  Wetter.  Ces  mots  ne  nous  font 
sortir  ni  du  sens  ni  du  son  vent.  —  L'anus  s'appelle  en 
en  AU.  die  Fot^e,  H.  vot.  Jean-fesse  et  ses  assonances 
Jean-f outre,  Jean-foutu  sont  l'équivalent  de  TAU. 
Hùndsfott  anus  canis.  Le  fesse-mat hieu  est  un  terme 
d'opprobre  qui  caractérise  l'usurier,  l'homme  d'une 
avarice  sale  et  sordide.  Fouetter  de  la  carafe,  asso- 
nance de  fétide  (foeteo)  avec  fouet,  veut  dire  :  avoir 
mauvaise  haleine.  Ceux  qui.  au  lieu  de  prendre  leur 
langage  tout  fait,  l'inventent  disent  la  venne  pour  la 
honte,  paraphrasant  ainsi  l'expression  honteux  comme 
un  pet  sans  autres  frais  de  rhétorique.  Ce  terme,  comme 
la  venette  et  le  vestige  (1)  qui  désignent  par  jeu  de  mots 
la  peur  (1)  deviennent  des  expressions  pour  un  état 
moral  qu'annonce  l'odeur  traîtresse.  Le  calembour  est 
trop  en  faveur  pour  que  le  Vésinet  (la  Vicinité)  et  Vésoui 
(Visolium)  ne  servent  pas  pour  former  vêsiner,  vêsouil~ 


(1)  Coquer  le  vestige  équivaut  à  donner  le  taf,  métathèse  de  foeteo 
fétide,  V.  ce  mot.  Avoir  le  trac  rappelle  stercus,  Ail.  Dreck  fiente» 
V.  ce  mot.  Ce  sont  toujours  des  paraphases  du  sens  :  faire  dans  son 
pantalon,  avoir  la  venette. 

.  (2)  La  peur,  L.  pavor,  skt  Vî,  epopoç  semblent  exprimer  l'effroi  qui 
fait  trembler  les  lèvres,  AU.  beben,H.  biberen  trembloter. 


—  26  — 

1er  en  remplacement  de  vesser.  On  a  l'esprit  prompt  et 
l'on  aime  toujours  la  rigolade  dans  le  pays  du  vaillant 
Rabelais.  Du  reste,  le  franc  rire  assainit  l'esprit  et  la 
pensée.  —  Le  haricot  et  tous  les  siens  ont  été  toujours 
désignés  par  un  sobriquet  plutôt  que  par  un  nom  hono- 
rable qu'ils  mériteraient  cependant.  Il  s'appelle  : 
xÛMoç,faba,fève,féverole,bean,  die  Bohne  ou  ça^cXs; 
phaseolus  (pisum  pois),  phaseole,  pois,  Ang.  pea3  plu- 
riel pease  (1)  ou  ydbtoç  lentille,  pCxta,  vicia,  vesce,  vetch, 
die  Wicke  mots  dont  le  son  répond  à  Ang.  funk  puan- 
teur, H.  vuig  pourri,  L.faex  la  fiente,  se  déféquer.  Il 
y  a  des  gens  à  qui  rien  n'échappe  et  qui  conservent 
toujours  la  malice  ingénieuse  de  l'enfance.  Le  haricot 
(V.  ce  mot)  est  pour  eux  un  vesto  de  cuisine,  mot  qui 
fait  allusion  à  vesse  comme  pour  d'autres  plus  éloquents 
une  Jlûte,  un  flageolet.  —  Crépiter  se  traduit  -p&rpetter 
sans  que  cela  blesse  les  convenances.  A  Liège  on  dit 
petter  un  lièvre  pour  lui  tirer  un  coup  de  fusil;  jouter 
pour  éclater  est  d'un  usage  général.  La  petouse  est  le 
nom  de  l'argot  pour  le  pistolet. — Le  son  prout  !  est  dans 
la  nature.  Les  gens  grossiers  s'en  servent  pour  expri- 
mer le  peu  de  cas  qu'ils  font  d'une  chose.  C'est  le  bruit 
des  bar  douilles  et  c'est  pour  cela  que  celles-ci  en  por- 
tent le  nom.  Il  a  formé  les  onomatopées  pard  puer, 
rcspSw  prouter,  puer,  $p&p&ç  la  puanteur,  leopardalus  le 
fauve  qui  sent  mauvais,  qui  sent  le  prt  (2),  léopard, 


(1)  Le  nom  AU .  die  Erbse  (Vers)  pois  est  la  description   de  sa  ron- 
deur :  opopoç  le  pois,  orbis,  orbe  le  rond. 

(2)  Chaparder  ruser,  chercher  à  surprendre   se  fonde  sur  le  chat- 
pard  le  tigre  et  décrit  ses  allures  perfides  et  félines. 


—  21  — 

prouter,  to.  fard,  fùrzen,  H.liet  is  niet prut  celanevaut 
rien,  ce  n'est  pas  même  prt  (1)  —  L'histoire  dit  qu'un 
héros  accablé  à  Waterloo  trouva  au  fond  de  son  ennui 
le  mot  merda  en  réponse  à  une  sommation  de  se  rendre. 
Ce  mot  est  une  onomatopée  comme  prout  avec  la  seule 
différence  que  le  m  remplace  le  p,  échange  qui  se  fait 
habituellement  entre  ces  deux  lettres  jumelles.  On  dit 
irrévérencieusement  Cambronne.  (2)  Le  mot  baudrouil- 
ler  avoir  peur,  fuir  se  rattache  comme  baudrier  la 
courroie  qui  enserre  le  ventre  au  mot  bolge  (bougette), 
Angl.  belly  ventre  :  il  marque  l'effet  d'un  ébranlement 
des  intestins. 

Le  langage  a  considéré  ce  qui  est  vil  comme  un  air  qui 
sent  mauvais.  Vil  revient  par  asssociation  à  un flatus 
qui  nous  remplit  le  nez  et  l'âme  de  dégoût  II  exprime 
l'effet  d'une  appréciation  par  laquelle  se  manifeste  notre 
sens  inné  de  ce  qui  est  mauvais,  la  pudeur,  V.  ce  mot. 
A  vil:  répondent  ça 6\oq  sale,  polluo  salir,  polluer,  foui, 
faut  infect,  H.  vuil  synonyme  de  vies  puant,  L.  fœdo 
salir. 

L'air  parfumé  trouve  son  expression  dans  àvôo;  la 
fleur,  mot  qui  a  laissé  tomber  son  digamma  v  ou  w,  V. 


(1)  La  frousse  rappelle  le  H.  vreesen  craindre  de  nriezen  geler. 
C'est  l'effroi.  Ang\.fright.  Ail.  Furcht  {frigidus).  Le  son  fait  allusion 
à  prout. 

(2)  Bran!  est  comme  prout!  une  expression  de  mépris  très  vilaine. 
Ce  mot  ainsi  que  son  dérivé  embrener  semblent  désigner  la  couleur  du 
stercus,  V.  au  mot  brun.  Ce  n'est  pas  respecter  sa  bouche  que  de  le 
proférer.  Rabelais  l'emploie  très  souvent.  Bran  devient  par  jeu  de 
mots  Bernard.  Passer  la  jambe  à  Jules  est  de  l'argot  militaire .  L'ex- 
pression s'efforce  de  dire  honnêtement:  renverser  la  boite  jaune,  L. 
gilvus,  yellow,  gelb,  V.  au  mot  jaune.  Tirer  l'oreille  à  Thomas  à  le 
même  sens. 


—  28  — 

Traité  p.  48;  dans  odeur  et  ses  congénères,  V.p.  55;  dans 
l&Jleur ■  skt p'ull  s'épanouir,  Angl.  toblow,  V.  au  mot 
fleur;  dans  t'ov,  viola,  violette,  violet,  Veilchen.  Flairer 
veut  dire  se  servir  de  son  blair  AIL  die  Plàrre  la  gueule 
(d'où plârren  crier,  Ang.  toblurt  id.).  Blair  répond  à 
pharynx,  V.  ce  mot.  Sentir  s'appelle  ailleurs  ccrç/paivs^ai 
(c'Çtà)  exhaler  un  vent  parf  umé,yra#mre  odorer,  et  sans 
l'idée  de  parfum,  la  brise,  la  fraise,  tobreathe  souffler, 
breast  la  poitrine  qui  souffle,  die  Brust  la  poitrine, 
H.  brieschen  s'ébrouer,  skt  prôV  hennir.  —  La 
braque  est  le  chien  de  chasse  renommé  pour  son  flair. 
La  sagacité  de  l'agent  de  police  lui  a  valu  le  nom  du 
flair  :  le  bricul  et  le  briculé  (qui  sent  le  — ),  lejliquart 
comme  appartenant  à  \&flique  ou  police,  lejriquet  jeu 
de  mot  sur  friquet  moineau,  L.fringilla.  V.  au  mot 
fredonner  (1),  skt  bar  h  parler. 

Le  gonflement  la  boursoufflure  se  présentent  dans  le 
langage  comme  l'effet  du  vent  qui  s'est  introduit  dans 
une  enveloppe  quelconque.  Les  mots  vessie,  vésicule 
doivent  le  son  de  leur  racine  au  souffle  vs  gonflant  une 
peau  et  lui  donnant  son  nom.  Il  en  est  de  même  de  : 
spôta  tumeur,  —  çoarfoxriç  tumeur,  — pustula,  —  pus- 
tule, —  botch,  —  der  Baùsch  le  gonflement,  bausen 
bouffer —  de  çuœxy],  —  vesica,  —  vésicule  et  àepapula 
la  papille,  Bsugwv,  —  bubo,  —  bubon  est  un  ulcère  vi- 
rulent. Les  mots  Anglais  pump  bosse,  pimple  pustule 
ont  également  le  nom  de  wen  petite  ampoule,  mot  qui 

(1)  Si  la  nomenclature  des  parfums  est  courte,  qu'on  se  souvienne 
qu'elle  s'allonge  cependant  à  l'infini  avec  les  innombrables  espèces  de 
fleurs,  de  bois,  de  sucs,  de  gommes,  d'huiles  et  des  mille  arômes  aux 
effluves  agréables,  sains  et  désinfectants. 


—  29  — 

nous  fait  rentrer  dans  le  sens  de  vent.  Le  bobo  est  une 
enflure,  une  bouffissure  qui  s'appelle  plaisamment  le 
bonbon,  par  assonnance,  et  par  une  assimilation  cruelle 
bonbon  fondant  ou  à  liqueur  quand  il  s'agit  des  tu- 
meurs scrofuleuses  du  cou.  Il  n'y  a  pas  de  6060  veut 
dire  :  il  n'y  a  pas  de  mal;  le  bobotier  est  celui  qui  se 
plaint  toujours.  —  Papilla  le  sein  gonflé  fait  en  Patois 
la  poupe,  Angl.  pap  le  sein,  en  sktpapu  la  nourrice,  la 
babou. —  Le  pompon  icexo». — pepo, —  pompon  est  une 
pomme,  Angl.  pumpkin  la  courge  et  par  métathèse 
apple  la  pomme,  Ail.  der  Apfel  id.,  d'où,  par  asson- 
nance avec  pomper  boire,  aspirer  comme  la  pompe  : 
prendre  du  pompon,  avoir  son  pompon.  Le  pépin  le 
noyau  et  les  extensions  du  sens  incorporés  dans  pépite 
le  pépin  d'or,  d'où  la  pépette  l'argent,  rappellent  la 
forme  bombée,  boursoufflée.  Le  Grec  a  incorporé  ce  son 
dans  luoxxiSÇtd  souffler,  le  L.  dans  bufo  le  crapaud  bouffi 
nommé  en  G.  d'une  façon  analogue  ?J<raXo;  le  bour- 
soufliez le  skt  dans  pupp* usa  poumon.  La  bobine  doit 
son  nom  à  sa  forme  arrondie  et  bombée.  Par  métaphore 
la  bobine,  son  préjoratif  la  bobinasse  et  par  assonnance 
la  pipe  deviennent  le  nom  de  la  tête  à  cause  de  la  ron- 
deur qui  est  leur  propriété  commune  :  on  l'appelle  pour 
la  même  raison  pomme,  poire.  Il  n'a  plus  dejil  (1)  sur 
la  bobine  veut  dire  qu'il  a  le  crâne  dépouillé.  Ce  mot 
nouveau  donne  lieu  ainsi  à  un  néologisme,  ce  qui  prouve 
qu  il  est  familier  à  celui  qui  l'emploie.  —  La  bobe  la 
la  montre  est  assimilée  à  la  bobine  :  l'action  de  la  re- 

(1)  Le  fil  est  ce  qui  forme  pelote,  une  fois  enroulé  autour  de  la  bo- 
bine. C'est  le  même  mot.  V.  au  mot  boule. 


—  30  — 

monter  ressemble,  en  effet,  à  celle  d'enrouler  du  fil  sur 
une  bobine.  —  Le  vent  souffle  dans  le  bouffi,  la  bouf- 
figne  le  vent  (Shakespeare  :  blow  wind  and  crack  thy 
cheeks)  qui  présentent  le  son  ff  de  l'élément  pur,  à 
moins  qu'on  ne  préfère  y  voir  sa  personnification,  la 
poésie  lui  prêtant  des  joues  bouffies.  Un  bouffiasse  est 
un  homme  gros,  un  patapouf  wiq  grosse  pâte  d'homme 
bien  levée.  Un  bout/est  un  orgueilleux  qui  s'enfle  pour 
se  donner  un  volume  considérable.  Le  skt  peint  l'or- 
gueil par  le  même  son  et  la  même  idée  dans  bîbh  se 
bouffir,  s'enivrer  d'orgueil.  Les  passions  sont  les  mêmes 
partout  et  se  manifestent  au  dehors  par  les  mêmes  ac- 
tes. La  bouffe  est  un  autre  nom  pour  la  tête  ;  elle  s'ap- 
pelle en  plus  bouffe  la  balle ,  la  balle-bouffe.  —  Les 
choses  futiles,  H.  beuzelingen  portent  dans  leur  nom 
le  son  caractéristique  de  ce  qui  est  vain.  Elles  nous  font 
dire  ouit  !  ft!  on  peut  s'en  ficher.  Ce  sont,  autrement 
dit,  des  foutaises,  des  foutaisons  ou  avec  le  son  du 
souffle  bb  des  babioles,  des  bibelots,  des  bimbelots,  des 
bibus,  Angl.  baubles,  bubbles  des  bulles  d'eau  et  ba- 
bioles. —  La  balle  est  la  tête,  parce  qu'on  se  l'imagine 
ronde.  Balle  et  bille  étant  rondes  désignent  l'argent  : 
de  là  billancher  payer,  (V.  au  mot  billon.)  —  Le  souf- 
fle bl  semble  avoir  renflé  et  arrondi  PaXovoç  le  gland  à 
la  forme  sphérique,  — pila  la  balle,  —  le  ballon,  bille, 
boule,  boulon,  pelote,  peloton,  la  sphère  avec  r  pour  /, 
le  bilboquet  (bille  et  bouche),  —  bail  la  boule,  —  der 
Bail id. —  BéXoç.,  — pilum  (javelot),  —  d'où  bélemnite 
coquille  fossile  de  la  classe  des  céphalopodes,  —  pile  la 
flèche,  der  Pfeil  id.  et  le  skt/)z7  lancer  sont  des  varian- 


—  31  — 

tes  des  mots  ci-dessus  indiquant  une  transformation  du 
projectile  arrondi  en  flèche  (1)  ou  projectile  allongé  afin 
de  s'adapter  à  l'arc  et  à  l'arbalète.  —  Le  pilier  d'un  pont 
AIL  der  Pfeiler  affecte  la  forme  d'une  flèche  d'arc.  Le 
projectile  en  forme  de  flèche  courte  lancée  par  l'arba- 
lète s'appelle  Angl.  boit,  Ail.  der  Boteen.  La  forme 
change  ainsi  pour  s'approprier  à  de  nouveaux  usages, 
mais  l'idée  primitive  subsiste  toujours.  Envoyer  bouler 
veut  dire  envoyer  promener  avec  un  mouvement  de 
boule,  en  skt pal  marcher,  en  L.  polar i  errer;  abouler 
skt  bal  donner,  diriger  sur  quelqu'un  à  la  guise  d'une 
balle  qu'on  lui  lance;  le  boulevari  est  le  bruit  du  bou- 
leversement (vari-verto).  —  La  peau  est,  ainsi  qu'en 
témoigne  le  physique  du  mot,  une  enveloppe  gonflée  : 
bal  protéger,  —  ?Xofeç,  — pellis,  — pellicule,  peau{2), 
balle,  — fell  la  peau,  —  das  Fell  id.  V emballage  est 
l'enveloppe.  En  argot  criminel  être  ballonné  ou  emballé 
veut  dire  :  être  en  prison.  Pour  ne  pas  manquer  un  jeu  de 
mots,  celle-ci  s'appelle  le  bal.  Soit  dit  en  passant  que 
les  barres  de  fer  de  la  fenêtre  d'une  prison  s'appellent 
la  harpe  dont  elles  figurent  les  cordes.  Le  détenu  pince 
de  la  harpe  quand,  pour  regarder  au  dehors,  il  s'ap- 
proche des  barreaux  de  sa  cage.  —  Le  vendeur  de  bal 
est  le  ramasseur  de  chiffons,  en  Suédois,  pialter  lam- 
beaux. Le  paltocjuet  est  l'homme  dont  les  habits  sont 
en  lambeaux  et  qui  est  déchu  au  physique  et  au  moral  : 
c'est  uue  variante  de  pleutre,  H.  ploert  (plorren  les 

(1)  La  flèche  semblerait  tirer   son   nom    de  ce  qu'elle  frappe,  fligo, 
Angl.  to  fling  frapper  en  lançant.  V.  au  mot  affliger. 

(2)  La  blaude,  la  blouse  et  avec  r  le  bourgeron  représentent  ce  vê- 
tement comme  assimilé  à  la  balle. 


—  32  — 

lambeaux).  —  Le  poil  porte  le  nom  de  la  peau  qu'il  re- 
couvre :  *tXoç  feutre,  —  pilas,  —  poil,  épiler,  pelisse, 
pelletier,  feutre,  — felt,  —  cler  FiL.  De  là  le  chapeau, 
L.  pileus  le  feutre  et  le  bloutn,  le  bloumard,  mots  qui 
se  rattachent  à  l'Ail,  cler  Flaiim  le  duvet.  —  La  fla- 
nelle est  une  étoffe  pileuse,  une  laine  couverte  de  pelu- 
che. Faire  flanelle  joue  sur  flâne  et  flâner  :  c'est  flâner 
d'un  café  à  l'autre  sans  dépenser,  comme  sur  le  trot- 
toir. Flâner  veut  dire  aplanir,  polir  les  pavés,  H.  straat- 
slypen  émoudre  la  rue.  V.  aux  mots  plat,  plan.  — 
La  bulle  est  une  boule  d'air  dans  une  enveloppe  d'eau  : 
puppula  borborygme,  —  ttc^oXu?,  — bulla, —  bulle,  — 
bell, —  die  Belle;  la  billevesée  est  une  imagination  creuse 
et  vaine  comme  la  bulle  et  la  vessie.  C'est  un  mot  com- 
posé où  un  terme  renforce  l'autre  plutôt  qu'une  batto- 
logie.  Floutière,  qui  rappelle  le  mot  filou,  veut  dire  : 
rien,  tu  es  volé! 

D'un  corps  renflé  par  le  vent  l'esprit  peut  ne  retenir 
que  la  forme  extérieure  et  admettre  que  l'intérieur  soit 
rempli  en  matière  solide  :  ainsi  on  dit  bombe  pleine  et 
bombe  creuse.  Disons  en  passant  que  ce  mot  est  une 
variante  de  pomme  et  de  pompon.  Ainsi  dans  \&fouU 
titude,  mot  formé  de  Joule  et  d'un  débris  de  multi- 
tude, la  première  partie  rappelle  le  skt  pul  être  grand, 
pur  remplir,  parus  moult,  —  rcX^ôo;  la  multitude,  — 
plebs,  populus,  —  le  peuple,  la  plèbe,  le  populaire,  la 
foule,  —  folks  le  peuple,  —  das  Volk  id.  et  puni,  — 
tcXsoç,  —  plenus,  —  plein,  remplir,  plantureux,  à  planté 
en  abondance,  — Jull  plein,  —  voll  id.,  comme  aussi 
wXoBtoç  la  richesse,  la  plénitude  des  biens  —  Plutus  le 


—  33  — 

dieu  de  la  richesse,  —  la  ploutocratie,  Plut  us,  Pluton 
la  richesse  souterraine,  le  dieu  des  Enfers,  —  fulness 
l'abondance,  —  die  Fulle  id.  —  L'eau  soulevée  par  le 
vent  forme  des  renflements  pleins  dans  les  noms  des- 
quels persiste  le  bruit  du  souffle  :  sktplava  moutonner, 
ondoyer,  —  nekorféç  la  mer,  le  flot,  ofd^z  (1)  le  flot  du 
sang,  — jluctus  le  flot,  — pluie,  flot,  fluctuation,  phlé- 
bite,  fluide, —  toflow  ondoyQr,flood  le  déluge,— fliesz- 
en  ondoyer,  couler.  Des  flottes  veut  dire  beaucoup,  à 
flots.  Plonger  revient  à  immerger  dans  les  flots, 
skt  pul,  H.  plonsen,  plempen.  Spoelen  en  H.  veut 
dire  rincer.  «  Fluctuât  nec  mergitur  »  Ma  barque 
se  maintient  sur  les  flots  est  la  devise  de  Paris, 
Mer  gère  immerger  veut  dire  :  couler  en  mer,  comme 
plonger  s'enfoncer  dans  les  flots.  V.  au  mot  mer,  Mer- 
gus  L.  est  l'oiseau  appelé  plongeon.  L'Angl.  dit  pour 
couler:  to  be  swamped;  le  sens  de  swamp  est  marais, 
Ail.  der  Sàmgfle terrain  spongieux,  imbibé,  g&jaçoç,  etc. 
—  Lo  blague  est  une  peau  gonflée  :  arkfarxyèq  l'intestin, 
5A>/.T'.;  ampoule,  pustule,  —  bulga  le  sac,  —  le  flanc  le 
ventre,  malebolge,  bougette,  budget „ —  belly  le  ventre, 
bilge  le  ventre  du  navire,  bulge  sac, —  der  Balg  le  sac, 
le  ventre.  Le  L.  stomachor  s'estomaquer  est  une  ex- 
pression qui  place  le  siège  de  la  colère  dans  l'estomac 
Il  se  traduit  en  H.  par  zich  belgen  s'irriter.  Pour  le  H 
la  colère  prend  aussi  son  origine  dans  l'estomac,  le  ven- 
tre :  de  balg,  L'Angl.  voit  l'acte  du  ventre  boursoufflé 

(1)  En  L.  vena  veine,  de  vent,  analogue  à  arteria  artère  que  Pline 
définit  spiritus  semita  le  chemin,  le  couloir  du  souffle.  C'est  le  con- 
duit d'ai    pris  pour  le  canal  du  sang. 

3 


—  34  — 

dans  to  belch  roter .  V océan  courroucé,  le flot  courroucé 
sont  des  métaphores  hardies .  Ce  quali ficatif  veut  dire  rouge 
de  colère  :  il  dérive  de  cqrusco,àe  ruscus  rouge,  rutilant, 
Le  rouge  est  la  couleur  de  la  colère,  mais  le  flot  est  dans 
l'intention  du  poète  Neptune  lui-même.  L'expression 
hollandaise  :  de  verbolgen  oceaan  l'océan  en  colère  ex- 
prime le  courroux  par  un  mot  qui  rappelle  le  flot,  le 
sein  de  l'océan  soulevé  par  la  colère.  F  lue  tus  .flanc  (1) 
et  verbolgen  sont  de  la  même  origine.  H.  zich  bel  g  en 
s'estomaquer.  Chez  Homère  on  trouve  la  même  image 
o'(z\m  0àXa<7<7Y;;  le  gonflement  de  la  mer,  mot  dont  le  sens 
s'éclaire  par  œdème.  V.  ce  mot,  Traité  p.  55. 

Dire  des  blagues , blaguer  signiûediredes  riens.  Par  jeu 
de  mots  blag  uer  devientflaq  uer(placere  plaire),  plane  h  et  ■ 
s' amuser. UAW.plânkeln  escarmoucher, peloter  en  atten- 
dant partie  semble  en  être  l'équivalent.  Etre  am- 
poulé est  d'un  style  prétentieux  et  vide. — La  blouse  du 
billard  est  une  forme  de  la  blague.  C'est  un follis, fol li- 
licule  (2).  Cette  difEérentiation  de  la  forme  répond  au 
sens  particulier  que  le  mot  est  appelé  à  exprimer.  Etre 
blousé  ou  être  au  bloc  veut  dire  être  en  prison.  Je  me 
suis  blousé  veute  dire  je  me  suis  trompé.  Le  bloc,  vendis 
en  bloc,  un  bloc  enfariné  répondent  à  l'Anglais  bulk 
masse,  c'est-à-  dire  un  volume  renflé  qui  a  de  la  consis- 
tance et  de  la  solidité  :  tc&oç,  —pila,  —pile,  —  Angl. 
bulk  le  tas,  la  masse. —  Le  blocus  à  son  origine  désigne 
un  siège  fait  au  moyen  de  Blockhaus  Ail. ,  c'est-à-dire  : 

(1)  Le  mot  flanc  qui  veut  dire  le  ventre  qui  se  soulève  par  la  respi- 
ration devient  l'expression  pour  une  entité  abstraite  en  désignant  un 
point  à  droite  ou  à  gauche  d'un  objet  central. 

(2)  Le  folliculaire  est  le  journaliste  peu  consciencieux. 


—  35  — 

maison  (Haùs)  construite  avec  des  billes  de  bois.  Blo- 
quer a  perdu  le  us  qui  répond  à  Haùs  et  veut  dire  tel 
qu'il  est  là  :  enserrer  avec  des  billes  de  bois.  H.  balk 
poutre,  skt  pallava  branche. 

La  bille  (1)  et  le  billon,  Angl.  hullion  le  métal  mon- 
nayable en  barre,  ainsi  que  billot,  se  rattachent,  comme 
on  voit,  à  bloc  et  expriment  comme  lui  un  morceau 
massif  plus  ou  moins  approchant  de  la  boule  et  pouvant 
servir  de  rouleau.  —  Baloufen  langage  de  voleur  veut 
dire  gonflé,  excessif. 

l^Vipoche,  Suéd.  pose  etjficka  de  posa  bouffir,  Angl. 
poke,  pouc/i, pocket  ipoche  et  bag  sac,  Ail.  der  Bauch 
le  ventre,  le  sac  reparaît  dans  bagage  avec  une  forme 
individuelle.  Une  bagatelle  est  une  chose  de  rien,  sans 
valeur  intrinsèque,  d'intention  première  une  blague. 
Le  gilboque  est  le  billard,  pourvu  qu'il  est  de  poches  et 
de  calots.  —  La  panse,  H.  pens,  Angl.  paunch,  Ail. 
der  Wanst  est  une  variante  onomatopique  du  Skt  panda 
le  ventre  —  h-zpzv,  à  cause  de  la  perte  du  digamma, 
ventre,  —  botulus  le  boyau  farci,  le  saucisson  —  boyau, 
bedon,  bedaine,  bedonner  ballotter  comme  un  gros  ven- 
tre, aller  bedon  bedaine  —  bowels  les  intestins  —  der 
Beutel  le  sac  par  prosopopée.  —  La  boîte  terme  de  mé- 
pris pour  maison  est  un  objet  industriel  dont  le  type  se 
trouve  dans  la  nature.  En  Angl.  le  mot  pod,  variante 
de  bass,  bast  enveloppe,  écorce,  est  le  nom  de  la  cap- 
sule qui  contient  la  graine  des  fleurs.  C'est,  comme  la 
bouture,  une  transformation  du  bouton,  H.  bot  bouton, 

(1)  Les  mots  qpâXXoç,  —  palus,  palissade,  —  pale,  poteau,  pôle, 
perche,  —  der  Pfahl  le  poteau  sont  des  variantes  de  bille,  billon. 


—  36  — 

uitbotten  bourgeonner.  Oter  cette  gousse,  cette  écorce 
a  donné  les  onomatopées  pat  dépouiller  —  g-oUm  enle- 
ver l'écorce —  putare  peler,  nettoyer;  put  us  nettoyé, 
propre  —  amputer,  butin  dépouille  —  booty  id.  —  die 
Beute  id.  Le  G.  yùacz  vésicule,  follicule  etc.,  sont  des 
variantes  onomatopiques  de  bouton.  Dans  tous  ces  mots 
on  aperçoit  la  présence  d'un  des  sons  radicaux  du  souf- 
fle. Les  correspondants  déboîte  son  wuÇ(ç  diminutif  — 
pyxis  —  baquet,  bac,  box  d'écurie,  boîte,  poquette  ren- 
flement,  pochette  —  box  boîte  (1),  bunker  caisse, pox  la 
petite  vérole —  die  Poche  id.  —  H.  bus  boîte.  La  bous- 
sole I.  bossola  est  prise  pour  la  tête,  la  boîte  crânienne 
qui  dirige,  la  raison  qui  sert  d'aiguille  aimantée.  —  La 
boîte,  la  capsule  a  fourni  le  modèle  pour  le  tonneau  : 
b'anda  vase,  pitaka  corbeille  —  tcéôoç  —  Pithaegia  fête 
qui  coïncidait  avec  le  poissement  des  tonneaux,  vas  le 
vase  -  bassin,  bouteille,  bidon,  —  vat  tonneau  — 
das  Fasz  id.  dex  Bottich  id.  -  Bassiner  veut  dire 
ennuyer  parce  qu'on  s'ennuie  le  temps  qu'on  bas- 
sine le  lit  et  qu'il  faut  attendre  pour  y  entrer.  L'Esp. 
bodega  est  la  cave  aux  vins,  et  par  extension,  la  ré- 
colte, ce  qu'on  met  dans  les  tonneaux,  ainsi  que  le  maga- 
sin qui  les  contient.  De  là  par  un  nouvel  élargisse- 
ment du  sens  la  boutique  en  Arg.  la  boutance,  la  bou- 
toque,  le  boucard,  — La  gousse,  la  boîte  donne  l'idée  de 


(1)  Le  thème  de  boite  se  trouve  dans  l'Angl.  bolsterous  gonflé,  to 
boast  se  vanter.  La  bagnole  est  la  casquette,  la  tête,  la  mesure,  la 
bagnole  le  cabriolet,  la  bâehasseles  travaux  forcés  sur  les  pontons,  aller 
à  la  bâche  ou  bâcher  aller  au  lit;  le  bocson,  le  bocard,  le  bouts  sont 
des  boites,  des  mauvais  lieux.  Le  bateau  se  rapporte  à  la  patache 
embarcation  et  voiture. 


—  37  — 

la  cale  du  vaisseau  :  de  la  péta  bateau  ?aair)Xoç  la  gousse 
pour  le  fruit — phaseolus  fésole  —  bateau,  vaisseau, 
pont,  ponton,  pont  à  bac  —  boat  le  bateau  —  das  Boot 
id.  —  H.  boot  vaisseau  et  tonneau.  La  patache  est  le 
bâtiment  léger  des  douaniers  et  la  voiture  publique.  — 
Faire  office  d'écorce,  couvrir  est  le  sens  des  mots  skt  et 
G.  spud  revêtir,  gafafj  vêtement,  H.  bast  écorce. 

Dans  ce  qui  précède  nous  avons  vu  les  mots  qui  se  rap- 
portent à  la  vie  et  à  sa  reproduction  provenir  de  radicaux 
représentant  divers  son  s  du  souffle.  Tels  étaient  le  ventre, 
le  flanc  chez  la  femme,  le  bouton  p&ravov,  la  fleur  chez 
Aes  végétaux.  On  peut  ajouter  (tëXpoç, —  bulbus  —  bulbe 
—  bail  —  de/-  Bail,  —  H.  bol  pour  les  plantes.  La  vie 
elle-même  s'exprime  par  bu  vivre,,  b'û  être  (1),  avoir  le 
souffle,  p'usp  fleurir,  pus'  alimenter  —  ?uu)  engendrer, 
-at;  diminutif,  un  petit  enfant,  l'élève,  rS^  parent  — 
pupilla  une  mineure,  poppeia  poupée,  pupillus  l'orphe- 
lin, pusio  le  petit  garçon^  pumilus  le  nain,  —  pupille, 
poupon  poupée,  poupard,  —  boy  enfant,  garçonnet  — 
cler  Bùbe  le  garçon.  Ce  dernier  a  fourni  à  l'argot  \epuf 
de  spispufj  AU.  der  Spitebube,  celui  qui  tient  la  tête 
de  la  corporation  :  die  Spitze  la  pointe.  Avec  la  forme 
jl  nous  avons  bàla  jeune  enfant,  çuXyj  la  tribu,  tt&Xcç 
jeune  cheval  ou  autre  petit  d'animal  —Jllius  û\s,pullus 
poulain,  pouliche,  polisson  avec  le  sens  de  dévergondé, 
polichinelle,,  poule,  —  foal  poulain,  filly  pouliche  — 
das  Fûllen  le  poulain.  —  Suéd.  pilt  le  garçon.  D'autres 
mots  encore  ont  été  formés  de  ce  son  spontané  :  TusXXaÇ 
la  jeune  fille  —  Pallas  la  vierge  Athénienne,  pellex  la 

(1)  Etre  est  stare  exister,  être  debout.  C'est  une   autre  onomatopée. 


—  38  — 

fille  de  mauvaise  vie  —  le  paillard  le  coureur  de  filles, 
paillasse  l'équivalent  de  polichinelle  —  der  Biihle  Ail. 
l'amant.  La  feuille  qui  sort  d'un  renflement  en  bourgeon 
s'appelle/) 'ulha  feuille,  ytfXXcv  — folium  — feuille,  fo- 
liole —  blade  —  das  Blatt.  V.  au  mot  feuille  ailleurs. 
Le  son  pu,  put  a  formé  putt  être  petit  putra  fils  — 
9'jtov  la  branche  — puer  le  g&rcon, fustis  la  branche,  la 
trique  — fustiger  donner  des  coups  de  bâton,  puéril, 
futaie,  poutron  ou  pute  fille,  putain  fille  et  fille  de  mau- 
vaise vie  —  Fitz  (1)  dans  les  noms  propres  —  die  Piite 
dinde  analogue  à  poule  —  Patois  Néerlandais  poeter 
coq.  —  Le  bébé  alias  bibi  qui  piaule,  qui  prend  la  poupe 
de  la  nourrice  en  skt  papu,  l'enfant  qui  bégaie  a  donné 
les  variantes  piote  le  petit  militaire  et  pioupiou  le  li- 
gnard.  Ce  sont  des  réminiscences  de  faute  enfant,  bébé 
d'où  le  fantassin.  Les  mots  skts  pôta,  pôtaka  un  jeune 
quelconque  se  retrouvent  dans  le  péjoratif  potache  le 
collégien-.  Pantin  est  un  jeu  de  mots  sur  fantoche  :  il 
fait  allusion  à  pante,  ou  peintre.  Pantre  et  Pantinois 
sont  les  faux  noms  que  par  jeu  de  mots  l'argot  du  crime 
donne  à  Paris-lès-Pantin.  Paris  (2)  s'appelle  également 
Pantruche.  Le  pantin,  le  fantoclie  s'appelle  aussi  le 
bouiboui  variante  de  bébé;  par  jeu  de  mots  bouiboui 


(1)  Czareviteh  le  fils  du  czar  a  son  équivalent  dans  ôiôç  fils  —  vi- 
geo  être  fort  —  végétation  —  wight  enfant,  der  Wicht  id.  mais  avec 
un  sens  avili,  maintenant,  H.  icicht  un  petit  enfant. 

(2)  Pantin  rappelle  Pantano  le  Marais  :  pota  fond  —  7i6vxoç  —  pro- 
fundum  —  le  fond  —  bottom  —  der  Boden.  Bath  Angl.  et  das  Bad 
Ail.  le  bain  marquent  l'endroit  où  l'on  se  baigne;  bed.  Angl.  et  das 
Bett  le  lit  marquent  le  trou  —  H.  bedding  lit  du  fleuve.  Skt.  bad  se 
baigner. 


—  39  - 

s'applique  au  boxon,  à  la  boite  (1),  an  bordel.  Au  Centre 
on  appelle  une  petite  fille pauque,  skt pijga  jeune  ani- 
mal même  mot  que  le  Danois  pôike  où  que  —  ke  équi- 
vaut au  quin  de  mannequin,  bouquin,  AIL  chen  va- 
riante de  kind  petit  enfant,  petit.  Puck  Angl.  est  un 
petit  bonhomme,  le  Suéd.  piga  une  petite  fille,  le  H. 
pinh  une  jeune  vache.  L'élève  de  l'école  polytechnique 
s'appelle  pipo,  forme  fantaisiste  qui  semble  rappeler 
l'idée  de  jeune,  hepivaste  est  le  bébé  qui  tette.  Ce  mot 
joue  sur  pitié  boisson,  vin.  Il  en  est  demêmedejoé- 
vouine  le  tendron,  de  pouijfe  ou  pouiffle  la  fille  publi- 
que. La pouffiaee  est  la  prostituée.  La  pougniffe  et  la 
ponante  ont  la  même  signification.  La  forme  du  pre- 
mier semble  poussée  dans  le  sens  de  ponere,  mettre  sur 
un  même  plan  avec  l'horizon. 

La  branche,,  le  brin  est  le  bourgeon,  développé  en 
skt  paru.  lisse  rattachent  à  pras,  pra  procréer  —  gpjw 
bourgeonner, pulluler — frons\s  feuillage  —  embryon, 
frondaison  —  sprout  le  bourgeon  —  der  Sprosz  id.  — 
H.  spruiten  bourgeonner.  Un  souffle  de  vie  gonfle  le 
bouton  et  le  fait  perler  sur  la  tige.  Le  bras  skt  parvan 
nœud,  joint  est  comme  une  branche  du  tronc  humain, 
lafourche  un  embranchement  comme  la  brisque  le 
chevron  en  fourche  qui  marque  les  années  de  service 
militaire  sur  la  manche  du  briscard.  Le  bersaglier  bra- 
que son  fusil,  le  pose  sur  une  fourche  pour  éliminer  de 
son  tir  l'effet  de  la  vibration  de  ses  nerfs.  Rembroquer 

(1)  Le  sens  primitif  de  ce  mot  est  un  meuble  en  planches  ou  bar- 
deaux, de  la  même  racine  que  la  brette  le  sabre  en  argot  la  planche 
Ail.  das  Brett  la  planche,  Angl.  cupboard  l'armoire,  le  dressoir.  Le 
nom  Holl.  de  bordel  est  Kast  châsse,  caisse. 


40 


—  rembroquable  voir,  visible  sont  des  déformations 
de  braquer  les  yeux,  les  lunettes.  La  bricole  ^iyzz 
est  la  branche  qui  sert  de  lien  :  c'est  le  bras  végétal  qui 
embrasse.  Abraqué  veut  dire  lié,  débringué  dénote  une 
démarche  déhanchée,  dé  fringue  et  débraillé  marquent 
l'absence  de  (freins)  brides  (1)  dans  la  toilette.  Atta- 
cher se  traduit  dans  le  centre  par  brayer,  H.  breyen  tri- 
coter. 

La  frette  est  un  anneau  de  fer  qui  sert  de  bride,  de 
lien.  Il  offre  l'image  de  la  rondeur,  d'une  embrasse, 
Esp.  abarcon,  G.  zép-r,  anneau.  Cette  qualité  trans- 
portée aux  ronds  qui  facilitent  le  roulement  des  mar- 
chandises nous  valent  les  mots  braque  liard,  bridoche 
et  brobèche  centime,  ainsi  que  la  brisque  l'année,  la 
broquille  la  minute,  le  temps  qui  parcourt  un  cercle. 
L'anneau  est  la  brobicante. 

La  bricole  au  billard  est  le  mouvement  de  ressaut 
qu'imprime  la  bande  élastique  à  la  bille.  L'esprit  se  re- 
porte à  la  branche  qui  revient  à  sa  première  position 
par  son  ressort  naturel  chaque  fois  qu'une  force  étran- 
gère lui  a  fait  quitter  sa  position  normale.  Ce  mot  ré- 
pond à  l'Angl.  to  spring,  Ail.  springen  sauter.  L'Angl. 
springe  signifie  le  trébuchet.  Le  brin  d'estoc  est  une 
adaptation  française  du  H.  springstok.  Broncher,  It. 
brancolare,  skt  b'ranc,  indique  le  manque  de  fixité 
comme  dans  la  branche  agitée.  Franchir  un  fossé  se 
fait  en  imprimant  aux  jarrets  le  ressort  de  la  branche, 
H.  springen  sauter  ;  fringant  sautillant  équivaut  à 
l'Angl.  tofrisk. 

(1)  La  bridaukil  est  la  chaîne  de  montre  volée  et  vtndue  au  kilo. 


—  41  — 

Le  berceau  est  la  couchette  de  l'enfant  qui  s'ébranle 
comme  la  branche  balancée  par  le  vent;  brimbale  est  le 
manche  d'une  pompe  qu'on  lève  et  abaisse;  brandir, 
skt  b'rânta  mis  en  mouvement  et  ébranler  parlent  d'un 
mouvement  de  va  et  vient  imprimé  à  d'autres  objets  ; 
la  brancllllante  est  la  sonnette,  la  branlante  la  montre 
avec  son  mouvement  oscillatoire.  Frétiller,  un  frétillon, 
le  fretin  rappellent  la  petite  branche  flexible  exécutant 
un  mouvement  vibratile  :  skt  sp'ar  vibrer,  avoir 
un  mouvement  brusque  comme  une  branche  qui  fait 
ressort,  —  àszatpo)  frétiller,  —  vibrare  avec  réduplica- 
tion vibrer,  —  vibration  .frétiller,  —  to  sprawl  agiter 
les  jambes.  —  purzeln  id.  —  Lafertille  (frondaison, 
sprout)  est  le  chaume  agité  :  fertasser,  ferclasser  et 
vardiller  dans  le  Centre  sont  comme  le  pullulement  de 
cette  forme.  Le  mot  fronde  désigne  un  instrument  ba- 
listique auquel  le  bras  imprime  le  mouvement  de  la 
branche  qui  revient  dans  son  état  normal  après  qu'une 
force  a  pesé  dessus.  Si  ce  mot  se  base  sur  le  L.funda, 
il  y  a  de  fortes  présomptions  que  l'ébranlement  de  la 
branche,  —  son  brandi ssement  étant  analogue  à  celui 
de  la  funda  et  se  présentant  à  l'esprit  comme  son  image, 
—  a  fourni  le  r  qui  a  tout  à  fait  l'air  de  s'être  glissé 
dans  ce  mot  à  la  faveur  de  ce  rapprochement. 

Les  rejetons  d'une  même  famille  sont  des  bourgeons, 
des  branches  d'un  arbre  généalogique  humain  :  bhrâtâ 
frère,  —  ?MTïiP  frère  et  associé.  <?prJTpy)  la  tribu,  l'asso- 
ciation, —  f rater,  —  frère,  fraternel,  —  brother,  tu 
breed  élever,  engendrer,  —  der  Brîider  frère,  brûten 
faire  éclore.  De  là,  par  jeu  de  mots,  un  franc,  un  af- 


-  42  — 

franchi  celui  qui  appartient  à  la  confrérie  des  voleurs, 
un  frère  de  l'argot,  une  f ranci  une  une  amie,  franchir 
faire  amitié,  embrasser,  le  far nandel  ou fanandel  Y ami 
(analogue  au  Grec  àp6[xs;  articulation  et  amitié),  Angl. 
friend  ami,  Ail.  der  Freund.  —  Le  f  Hanche  est  le  dé- 
linquant qui  va  en  cassation  pour  se  rendre  amis  les 
juges.  Enf rayer  veut  dire  enchanter;  le  franc,  V  affran- 
chi est  le  complice.  Lefralin  et  le  frangin  sont  le  frère. 
Le  Suéd.  fria,  en  AIL  freien  veut  dire  courtiser. 
Ma  vieille  brandie  (1)  veut  dire  mon  vieil  ami,  mon 
vieu-t-ami  par  une  liaison  bonâ  fide.  —  Les  cheveux 
ont  été  considérés  comme  une  bourre,  comme  une  fron- 
daison végétale.  C'est  pour  cela  qu'ils  ont  reçu  le  nom 
de  hrigants  ou  hrigeants,  termes  qui  rappellent  les  mots 
bourgeon,  bourre  et  brosse.  La  transformation  du  vrai 
nom  est  due  à  l'influence  qu'a  exercée  sur  lui  le  rap- 
prochement avec  le  mot  brigand,  le  forban  qu'on  a 
l'habitude  de  se  figurer  hirsute. 

La  végétation  qui  se  développe  du  bourgeon,  bour- 
soufflé  par  la  sève,  montre  son  activité  dans  le  sens  que 
nous  accordons  à  :  bri  nourrir,  vfih,  vrij,  produire, 

(1)  L'argot  a  souvent  la  main  heureuse.  Le  mot  franchir  embrasser 
est  comme  une  résurrection  du  Grec  <piXéw  embrasser,  faire  ami,  comme 
disent  les  braves  gens.  «ÊûXr,  est  la  tribu,  ce  qui  veut  dire  les  enfants 
de  même  race,  du  même  clan.  Ils  sont  forcément  des  associés  et  des 
amis,  qpcXot  amis  et  solidaires,  sodales,  filii,  des  fils.  Quelque  éloignés 
que  nous  soyons  comme  descendants  des  premiers  ancêtres,  nous  ne 
cessons  d'être  frères  au  sens  naturel  et  religieux  surtout,  car  religion, 
une  forme  de  lex  et  de  légalité,  est  l'engagement  du  cœur  à  l'ordre 
providentiel.  Nous  sommes  de  vieilles  branches,  très  vieilles,  tous  les 
peuples.  Il  y  a  de  méchants  frères  dans  les  familles;  il  y  a  des  faux 
frères  en  amitié  :  mais  malgré  nos  colères  nous  ne  devons  pas  oublier 
notre  affinité,  sous  peine  d'avoir  les  remords  de  Caïn.  Tel  est  le  sens 
du  mot  Français  et  Républicain  :  la  Fraternité. 


—  43  — 

fructifier,  —  gpûw  croître,  aica^i  à<*>  être  gonflé  de  sève,  — 
fruticor  fructifier,  fruor  jouir  des  fruits,  les  recueillir, 
brutus  natif,  à  l'état  de  nature,  frons  la  frondaison,  — 
bourgeon^  brin; fruit,  brousse,  burre,  —  sprig  bran- 
che, to  sprout  bourgeonner,  —  spriesjsen  id.  et  jaillir, 
der  Sparren  le  chevron.  Une  blinde  est  une  femme 
longue  et  maigre.  Brouter,  en  Angl.  to  browse  veut 
dire  :  manger  les  jeunes  pousses;  la  broute  est  la  nour- 
riture. La  branche  désigne  dans  le  langage  populaire 
la  patte,  AU.  die  Brante  la  patte  de  Tours,  It.  branca 
la  griffe  par  assimilation  avec  la  branche  et  ses  rami- 
fications. Abraqué  veut  dire  embrassé,  lié  ensemble  par 
une  branche,  tenu  par  ce  qui  forme  bras.  La  bourre, 
chez  Hesychius  Mfov,  est  un  produit  animal  ou  végé- 
tal :  l'esprit  la  rapporte  toujours  au  bourgeon.  C'est 
elle  qui  a  donné  le  nom  à  l'animal  qui  en  est  hérissé  : 
yzi-io;  le  hérisson  marin,  l'oursin  (1),  — porcus,  — porc 
le  broussailleux  qui  fournit  la  bourre  pour  les  brosses 
le  bourru  le  caractère  hérissé  d'aspérités,  la  bardane 
la  carde — farrow  le  goret,  brush  la  brosse,  boarle 
sanglier,  —  das  Ferkel  le  goret,  die  Bilrste,  la  brosse, 
der  Burzel  la  queue  du  cerf,  du  sanglier.  Les  picots 
des  végétaux  ont  pu  donner  leur  nom  à  l'acte  de  KÛpu 
traverser  — foro  — forer,  — foret  —  to  bore,  to  prick 
percer  —  bohren  forer.  La  bourre  de  soie  est  la  femme 
de  mauvaise  vie,  porca.  L'Esp.  borracha  est  une  peau 
de  mouton,  une  outre,,  équivalent  à  gupaa  —  bursa  — 

(1)  Oursin  est  le  petit  ours,  le  petit  velu  mi?  à  la  place  de  hérisson. 
L'origine  de  ce  mot  est  skt  us,  uro  brûler,  à  cause  de  son  poil  roux 
ou  brun.  Bear  Angl.,  der  Bar  Ail.  désignent  également  le  brun» 
Bruin  H.  est  le  surnom  de  l'ours,  en  skt  fralla  le  noir,  l'ours. 


—  44  — 

bourse  —  purse  —  die  Bôrse.  Borra  ou  h  or r ego  est  le 
mouton,  en  Suéd.  far.  La  bourriche,  primitivement 
l'outre  en  peau  de  mouton  ou  de  chèvre,  a  donné  son 
nom  à  des  réceptacles  comme  le  panier  aux  huîtres.  Se 
monter  le  bourrichon  (la  caisse)  se  monter  la  tête,  pa- 
raphrase par  âpeu  près,  l'Espagnol  borraehear  s'eni- 
vrer, se  remplir  l'outre,  le  sac.  La  brosse  est  une  repro- 
duction artificielle  des  plantes  qui  grattent,  telles  que  la 
bardane,  Angl.  bur/\  Se  brosser  le  ventre  est  une 
expression  ironique  et  cruelle.  Quand  on  a  bien  bu,  bien 
mangé,  il  y  a  des  gens  qui  se  carressent  le  ventre,  don- 
nant à  entendre  par  là  qu'ils  y  éprouvent  un  sentiment 
de  satisfaction.  Tu  peux  te  brosser  veut  dire  :  tu  n'as 
pas  eu  ce  que  tu  désires,  tu  es  frustré.  On  dit  de  la  même 
façon  :  tu  peux  te  fouiller  V.  ce  mot.  Des  brosses  et  les 
variantes  brica,  broquille  veulent  dire  :  rien,  tu  peux 
te  brosser.  Une  brousse  est  une  brossée,  un  raclage,  une 
ratapiaule,  une  raclée.  Les  mots  viridis  et  vert  mar- 
quent la  couleur  de  la  végétation  (  V.  au  mot  bourgeon) 
skt  paru  être  vert  —  irpaasv  —  porrum  — poweau  — 
H.  prei.  S'arrondir  en  bourgeon,  en  perle,  en  [gemme, 
en  bulle  végétale  a  signalé  pour  l'originateur  du  nom  la 
présence  du  souffle  vital  :  flare  souffler.  De  là  p'al 
s'épanouir,  phul  fleurir  —  gXaaTavio  s'épanouir  — pullu- 
lare  se  reproduire  —  to  blow  s'ouvrir  —  blùhen  fleurir. 
Repliée  dans  le  bourgeon,  quand  la  feuille  fait  éclater 
son  enveloppe,  elle  commence  à  s'étendre  dans  le  sens 
de  la  largeur  et  de  la  longeur  jusqu'à  ce  qu'elle  atteigne 
sa  forme  parfaite.  Cette  forme  plane  de  la  feuille,  digitée 
ou  non,  a  de  la  ressemblance  avec  la  main.  En  effet,  nous 


—  45  — 

pouvons  lareplier  et  l'étendre;  si  nous  écartons  les  doigts 
nous  donnons  à  la  main  la  forme  de  la  feuille  digitée  ou 
édentée;  si  nous  les  resserrons,  par  contre,  elle  a  la 
forme  d'une  feuille  à  bords  unis.  C'est  grâce  à  ce  rappro- 
chement que  la  main  s'appelle  p'alka  corps  étendu  — 
raXapit]  —  palma  —  paume(l)  —  palm  —  diePalme  œil 
de  la  vigne,  empan  et  rameau  du  palmier.  La  paume 
qui  frappe  se  fait  sentir  et  entendre  dans  la  plantasse, 
lajlamousse,  vlan!  Ce  vlan  s'écrit  aussi  avec  une  apos- 
trophe v'ia/i,  comme  si  l'on  y  voyait  un  composé  inter- 
verti de  :  en  voilà,  en  v'ià.  Il  n'est  cependant  qu'une 
consonnance  de  plan,  rataplan!  le  bruit  de  la  main 
plane  ou  plate  transporté  aux  sons  du  tambour.  Vlan 
est  synonyme  de  tape.  C'est  tapé  veut  dire  :  c'est  tou- 
ché juste,  bien  fait,  beau,  et  grâce  à  cet  enchaînement 
d'analogies  vlan  prend  le  sens  de  iischutt.  Une  paume 
est  une  perte,  un  coup,  une  plamasse  (2).  Toucher,  tâter, 
examiner  de  la  main,  de  la  paume  s'appelle  Wrfayât* 
—  palpo  —  palper.  Comme  la  paume  de  la  main,  la 
plante  du  pied,  qui  lui  est  assimilée,  doit  son  nom  à 
l'éclatement  du  bourgeon  qui  permet  à  la  feuille  de  se 
développer,  Le  pied  est  fait  comme  la  main  :  l'un  et 
l'autre  sont  digités  ;  les  articulations  du  doigt  s'appel- 
lent orteils  (pour  arteils)  quand  il  s'agit  de  celles  du 

(1)  Pomaquer  veut  dire  prendre,  mettre  dans  sa  paume. 

(2)  On  ne  rencontre  pas  dans  plamasse  le  bruit  qui  sort  de  l'objet 
frappé,  bien  que  l'esprit  soit  porté  à  croire  que  c'est  cela  que  le  mot 
doit  exprimer.  C'est  le  son  radical  du  phonème  paume  qui  tient  la 
place  des  diversités  de  bruits  que  produit  son  application  sur  les  dif- 
férents objets  dont  elle  réveille  le  son.  La  nature  du  son  provoqué 
peut-être  spécifié  par  des  prédicats. 


—  46  — 

pied;  l'animal  se  sert  de  ses  pieds  comme  de  mains  pour 
saisir,  tenir;  le  mot  patte  s'emploie  pour  la  main 
et  pour  le  pied  (1).  La  plante  du  pied  s'appelle 
77ÉA[xa  —  planta  —  plante  du  pied  et  pied  d'arbuste, 
d'où  planter,  planton  —  plant  pied  de  végétal  —  die 
Pflanze  la  plante.  Le  sens  abstrait  de  plan,  plat  tire 
son  nom  de  la  plante  du  pied,  le  pied  posé  à  plat,  d'où 
l'expression  de  plain  pied.  Le  développement  horizon- 
tal de  ce  membre  du  corps  humain  est  assimilé  à  la 
feuille.  L'étendue  horizontale  est  décrite  dans  prath 
étendre  —  Tckât-ti  la  palette  — plaudo  claquer  des  pau- 
mes —  applaudir,  aplatir,  plat,  le  plateau  —  Jlat 
plat  —  platt  —  comme  aussi  dans  xXtvOo;  la  planche, 
la  dalle  — planus  —  plan,  polir,  plain  uni  —  plan  le 
plan  —  der  Plan  la  plaine.  La  largeur  est  une  autre 
propriété  du  développement  dans  l'espace.  Elle 
emprunte  sa  dénomination  à  la  largeur  de  la  paume  ou 
de  la  plante  du  pied  :  la  main  et  le  pied  ont  longtemps 
servi  d'unité  pour  la  mesure  de  l'étendue.  La  largeur 
s'exprime  p&rpraf  élargir  —  tcXcctuç  large  —  amplus 
large  —  ample  —  broad  large  —  breit  id.  —  Le  mot 
sprachir  que  le  Wallon  cite  à  juste  titre  comme  preuve 
de  la  puissance  imitative  de  son  langage,  exprime 
l'aplatissement  de  la  chose  écrabouillée.  C'est  le  sans- 
krit praV  étaler. 

Le  pied  et  sa  variante  la  patte  doivent  leur  nom  à  la 
bouche  dont  ils  partagent  la  préhensilité,  la  faculté  de 
s'ouvrir,  de  se  fermer,  etc.  Ils  ont,  en  outre,  plusieurs 

(1)  Son  correspondant  végétal  est  le  pétale,  la  feuille,  skt  patra. 


—  47  — 

aptitudes  qui  leur  sont  spéciales,  entre  autres  celles  de 
battre,  de  courir,  de  former  le  fond,  la  surface  plane, 
l'extrémité.  Telle  est  la  façon  dont  la  genèse  du  pho- 
nème pied  et  ses  dérivés  a  été  expliquée  quand  ce  mot 
a  été  étudié  dans  le  Traité  de  l'Onomatopée. Cependant, 
il  est  préférable  d'envisager  la  patte  comme  un  pétale 
humain  et  de  se  la  figurer  comme  un  développement  en 
sens  horizontal  du  bouton.  C'est  de  cette  façon  que  se 
sont  produits  les  phonèmes  paume,  la  plante  du  pied 
par  assimilation  à  la  feuille.  D'une  façon  analogue  le 
pétale  doit  avoir  été  le  prototype  du  pied.  L'origine  de 
pied,  patte  est  donc  la  même  que  celle  de  bouton,  le 
renflement  d'où  sort  la  feuille  (V.  au  mot  bouton).  Le 
pied  s'appelle  pùd,  —  r,z S;,  —  pes,  —  pied,  patte,  pé- 
dale et  par  assimilation  pétale,  —  Jbot,  —  Fàs^,  das 
Pâtschchen  la  petite  patte.  Battre  s'exprime  par  pat 
battre  de  l'aile,  butk  butter,  frapper,  —  t.x-zz™,  —  peto, 
—  batuo,  —  battre,  bataille,  —  to  patter  taper  des 
pieds,  —  patsch!  le  bruit  du  coup.  Une  patoche  est  un 
coup  de  férule.  Patata  peint  le  coup  de  sabot  du  cheval, 
patapatapan  le  coup  de  tambour,  patatrot  la  montre 
qui  marque  le  pas  du  temps,  la  patrouille  et  par  jeu  de 
mots  la  patraque  la  ronde  qui  marche  en  marquant  le 
pas  et  que  l'argot  appelle  pour  cela  la  sonne.  Patatrot 
est  la  patte  qui  trotte,  faire  patatrot  fuir,  patatras  le 
bruit  d'une  chose  qui  dégringole  :  c'est  un  bruit  pour 
un  autre,  d'où  le  Provençal  a  tiré  le  verbe  patraccarse 
se  flanquer  par  terre.  Patafioler  est  battre  la  fiole,  la 
tête.  Caresser  de  la  patte  se  dit  en  un  mot  pateliner  et 
en  Argot  paqueliner.  —  Poser,  mettre  sur  pied,  imiter 


-  48  - 

une  de  ses  attitudes  se  trouve  dans  pôta  le  fondement, 
—  gacnç  la  base,  —  podium  appui,  ponere  poser,  postis 
montant  de  porte,  —  appui,  butte,  imposte,  —  post  le 
poteau,  die  Pfoste.  —  Ponere  poser  sur  pied  est  une  va- 
riante defundare  fonder. 

Le  butant  ou  le  culbutant  est  le  fond  du  pantalon,  le 
pantalon  :  Kâ'O'piQv  —  fundus  —  fond  —  bottom  —  der 
Boden.  L'adjectif  bas  veut  dire  ce  qui  est  au  fond.  Le 
bout  est  une  variante  de  fond,  l'extrémité.  Les  bas  sont 
des  pattes  en  laine,  etc.  Perdre  ses  bas  veut  dire  ne 
plus  savoir  où  l'on  en  est.  Fundus  a  inspiré  aussi  le  mot 
fodio  je  fouille,  j'approfondis:  de  là  la  fouit lo  use  \& 
poche  et  par  ironie  tu  peux  te  fouiller  :  tu  n'auras  rien 
pas  plus  que  dans  une  poche  vide.  —  La  main  est  ré- 
tractile  et  capable  de  serrer,  de  lier.  Cette  propriété 
s'exprime  par  bandh,  bundh  lier  —  gkxc^xi  lier,  serrer 
funis  corde,  spasmus  corde,  tiraillement  —  bandage, 
funiculaire  —  to  bind  lier  —  binden  id.  Ce  qui  lie  au 
moral,  ce  qui  engage  s'exprime  par  le  nom  du  lien,  du 
serrement  qu'on  orthographie  serment  :  bandh  lier  — 
rdsv.q  la  foi  —  fides  id.,  sponda  le  lit,  l'union  des 
époux,  spondeo  je  promets,  Jidelis  fidèle  — fédéral 
époux — pawn gage,  variante  du.'L. pignus,  bond  l'acte, 
fait  h  la  foi  —  das  Band  le  lien  moral,  bieder  fidèle, 
loyal,  das  Pfand  le  gage.  Le  phonème  et  le  sens  de  lien 
se  retrouvent  dans  le  bât  It.  basto  dont  le  sens  primitif 
semble  être  botte  en  H.  bundel  paquet  et  par  extension 
la  selle  sur  laquelle  on  pose  le  paquet,  la  charge,  en  G. 
gaaTaÇto  prendre  dans  la  main,  serrer  dans  les  bras  et 
porter.  Le  bastage  devient  aussi  le  nom  du  travail,  la 


—  49  — 

bâtée  un  bât  plein,  du  bâtard  un  tas  de  choses.  Basta! 
bastel  veulent  dire  :  la  charge  est  complète;  il  n'en  faut 
plus.  Le  mot  bâtard  (1)  l'enfant  illégitime  est  une  va- 
riante depseudo  trompeur  et  du  skt  frant  tromper.  Ce 
phonème  est  formé  du  son  radical  ps  !  qui  exprime  un 
sifflement  moqueur.  Il  est  synonyme  du  L.  spurius  qui 
n'est  pas  d'origine  sérieuse,  mot  qui  rappelle  sport  et  le 
skt  b  arts  railler  (V.  ce  mot).  —  Le  violon  est  la  prison 
par  métonymie  :  c'est  la  boîte,  l'emballage  (la  balle  — 
emballé  —  le  bal.  V.  ces  mots)  qu'on  veut  dire.  Violon 
vient  defides  les  cordes,  comme^cr  defido.  Ajoutons 
que  finis  fin  est  l'endroit  où  deux  choses  se  joignent, 
Angl.  boundary  les  confins,  bounds  la  limite.  Bis  veut 
dire  deux  fois,  bini  deux  à  deux.  Ces  mots  désignent 
deux  unités  liées  ensemble.  De  là  débiner  le  truc  dé- 
monter un  complot,  montrer  la  combinaison. 

L'eau  qui  sort  en  bouillonnant  de  la  source,  de  la 
bourbouille  (V.  au  mot  flot)'a  fourni  le  verbe  prV  faire 
jaillir,  —  gpjw  sourdre,  —  bullio,  —  bouillonner,  bor- 
borygmes  les  bulles  montant  de  l'estomac,  —  to  sprout 
sourdre,  spring  la  source, —  sprieszen  jaillir,  ainsi  que 
parsh  asperger,  r^t^  la  goutte,  a^sipa)  semer,  répandre,, 
—  spargo,  —  aspet^ger,  sporadique,  spore }  —  to 
sprinkle  arroser,  freckles  les  taches  de  rousseur,  — 
sprenkeln  arroser  (2).  La  mousse  aue  produit  le  bouil- 
lonnement de  la  fontaine  s'appelle  Angl.  froth,  Ail.  der 
Braus, 

La  pierre  ponce  L.   pumex  est    une    pierre   très 

(1)  En  skt  bândakinêya. 

(2)  Skt  prot*  s'ébrouer,  H.  brieschen  rappelle  le  mot  brise  (V-  ce 
mot).  Le  cheval  souffle  de  ses  naseaux  et  en  fait  jaillir  l'écume. 


—  50  — 

poreuse  :  le  mot  la  décrit  comme  une  mousse  fossile.  Le 
phonème  est  emprunté  à  spuma,H.  spuwen  (V .  au 
mot  pituite),  le  mucus  écumeux  que  la  bouche  rejette. 
On  emploie  la  pierre  ponce  pour  lisser  les  surfaces.  De 
là,  l'expression  poncer  pour  nettoyer. 

Par  la  suite,  ce  mot  est  devenu  synonyme  de  laver  la 
tête,  laver  les  oreilles,  moucher,  donner  un  savon,  une 
lessive  —  corriger. 

Un  mouvement  spasmodique,  un  hoquet  soulevant  le 
pharynx  sous  la  poussée  du  trop  plein  de  l'estomac  ar- 
rache à  delui-ci  le  bruit  dégoûté  bure.  Il  n'est  pas  en- 
core devenu  mot  courant.  Cependant,  il  existe.  Un 
plaisant  malicieux  le  surprit  un  jour  et  en  fit  de  suite 
un  mot  en  disant  :  t'appelles  donc  Bure,  feignant  de 
croire  que  son  camarade  soulographe  appelait  quelqu'un, 
alors  qu'il  faisait  entendre  ce  bruit  involontaire.  C'est 
répondre  à  un  heureux  instinct  que  de  détacher  l'esprit 
d'un  spectacle  révoltant  en  faisant  diversion  par  la 
transformation  d'un  bruit  honteux  dans  le  nom  d  un 
mystérieux  personnage.  Dans  t'appelles  clone  Bure  on 
surprend  sur  le  fait,  non  pas  seulement  la  naissance 
d'un  mot  mais  encore  celle  d'un  personnage  qui  pour- 
rait figurer  dans  la  mythologie  populaire  à  côté  de  tant 
d'autres  qui  ont  une  origine  moins  curieuse  même. 
L'homme  au  sable  appartient  à  cette  catégorie.  Son 
rôle  est  connu  :  il  passe  le  soir  et  jette  aux  yeux  des 
moutards  une  poudre  subtile  qui  fait  qu'ils  n'y  voient 
plus. 

C'est  le  moment  d'aller  faire  dodo.  La  poussière 
symbolise  l'ombre  de  la  nuit,  qui  est  comme  le  nuage 


—  51  — 

poussiéreux.  —  A  Tours  Hugo  est  un  fantôme  de  flam- 
mes, un  feu  follet  qui  fuit  et  seteint  quand  on  a  le  cou- 
rage de  siffler,  de  faire  hu,  huchel  dont  on  a  fait  Hugo 
(Angl.  Hugh,  prononcer  ïou)  comme  Bure  de  hurc\ 
Hugo  est  comme  tous  les  spectres  :  il  né  veut  pas  être 
troublé  dans  sa  solitude.  Le  mythe  est  bâti  sur  cette 
vérité  banale,  ce  que  les  Anglais  appelleraient  un 
truîsm  :  sifflez,  c'est-à-dire  soufflez  sur  la  flamme,  elle 
s'éteindra.  La  même  fable  se  raconte  dans  leLimbourg. 
Là,  l'homme  de  feu  s'appelle  le  Vuurman  l'homme  de 
feu.  Il  a  la  réputation  d'être  malfaisant  en  ce  sens  qu'il 
éloigne  du  bon  chemin  ceux  qui  le  suivent  et  les  noie 
dans  les  marais.  —  Au  centre,  on  dit  aux  enfants  de  ne 
pas  sortir  l'hiver  parce  que  le  bonhomme  Fret  (le  froid) 
est  dans  la  rue.  D'autrefois,  c'est  le  dalu,  une  bête 
malfaisante  qui  donne  l'onglée.  (Suédois  dalraoudarra 
trembler.  Voir  ce  mot.)  La  monnaie  de  Ste-Farce,  la 
Sainte-Boute-en-train,  passer  chez  Pain,  rappellent 
des  personnifications  qui  attendent  qu'on  écrive  leur 
histoire.  Au  Limbourg,  le  printemps  si  long  pour  les 
imprévoyants  et  les  paysans  pauvres,  est  devenu  un 
personnage  appelé  de  lange  Linte  le  long  printemps, 
dont  les  faits  et  gestes  font  l'objet  d'un  conte  qui  amuse 
beaucoup  les  bébés.  Bure,  de  même  que  Y  Homme  au, 
sable,  pourrait  devenir  un  personnage  sous  la  plume 
imaginative  d'un  conteur  populaire  et  jouer  vis-à-vis 
des  soûlographes  le  rôle  d'un  médecin  administrant  un 
émétique  (1). 

(1)  Les  matelots  sifflent,  parait-il,  pour  faire  venir  le  vent.  Ils  font 
de  même  quand  ils  voient  le  feu  Saint-Elme,  cherchant  ainsi  à  l'éteindre 
Ils  le  prennent  pour  un  mauvais  présage. 


—  52  — 

Dans  brc,  nous  avons  un  nouveau  radical,  un  thème 
complexe,  mais  irréductible,  parce  que  l'émission  de 
ce  bruit  se  fait  d'un  jet  et  par  un  seul  effort.  L'organe 
dans  lequel  naît  ce  bruit  s'appelle,  pour  avoir  fait  en- 
tendre des  bruits  semblables  :  oip'jyc,  le  pharynx  d'où 
le  G.  pharagx  le  gouffre,  le  barrathrum  et  bragchos 
la  raucité,  l'enrouement  qui  affecte  les  bronches,  autre 
trachée'qui  émet  le  même  bruit — branchiae  —  bronches 
pharynx,  les  bronches,  le  foéchet  —  breast  la  poitrine, 
die  Brust  id.  L'Angl.  to  break  wind  veut  dire  :  éructer 
des  gas;  l'Ail,  sich  brechen  vomir,  H.  hrahen  id.,  G. 
gpïfa™  avoir  un  haut  de  cœur  et  aTrapacraw  soulever  l'es- 
tomac, exciter  à  vomir.  Avoir  le  cœur  brisé,  Angl.  to 
die  ofa  broken  heart,  mourir  le  cœur  brisé  donnent  à 
entendre  que  les  chagrins  ont  tellement  rempli  le  cœur 
de  soupirs  que,  ne  pouvant  plus  les  dévorer,  il  éclate. 
En  H.  het  zalje  opbreken  :  tu  auras  des  déboires  (1)  a 
an  sens  spiritualiste,  les  sensations  de  l'estomac  servant 
à  expliquer  les  regrets  de  l'âme. 

Absorber,  faire  passer  par  le  pharagx,  s'appelle 
gpir/to  avaler.  S'ébrouer  (v.  ce  mot)  rappelle  par  sa 
forme  un  souffle  bronchique. 

Le  son  hure  se  présente  à  point  pour  montrer  une 
fois  de  plus  que  dans  la  formation  du  langage  nous 
procédons  instinctivement.  Nous  entendons  un  son  se 
produire  sous  le  coup  d'une  irritation  physiologique. 

(1)  Déboire  est  un  mot  savant,  respectueux  des  oreilles,  mis  à  la 
place  d'une  onomatopée  dont  le  son  rappelie  l'acte.  L'esprit  de  bien- 
séance éloigne  du  Français  tel  qu'il  est  parlé  par  les  gens  de  la  bonne 
société  bien  des  mots  naturalistes  qui  ont  cours  dans  les  campagnes 
et  dans  les  argots. 


—  53  — 

L'organisme  d'où  le  bruit  s'échappe  en  fait  son  nom, 
comme  dans  le  cas  de  coucou,  cri  et  oiseau.  La  substance 
a  soin  de  se  nommer  elle-même.  Faire  bure,  appeler 
Bure,  bùrquer  (si  voluerit  usus),  l'enrouement  en  G 
bragehos,  tousser  brèsso  et  bruche*  manger,  le  mot  pa- 
tois safragner,  s'égosiller,  nous  présentent  l'organe, 
dénommé  par  un  de  ses  sons  habituels,  dans  l'exercice 
d'actes  qui  lui  sont  propres.  Nous  verrons  ci-après  la 
parole  se  revêtir  du  nom  de  l'organe  et  nousjfournir  les 
onomatopées,  b*fiu  parler,  prac1  interpeler  —  Bpdr/w 
crier  — praeco  le  héraut  —  préconiser,,  fredonner  — 
to  hrag  parler  gros,  se  vanter  —  sprechen  parler.  Ce  que 
dit  le  son,  c'est-à-dire  le  sens,  est  aussi  irréductible  et 
absolu  que  le  son  lui-même. 

Quand  le  patient  produit  le  son  bure  et  son  effet,  les 
autres  sens  sont  affectés  autant  que  son  oreille  et  il  en 
reste  une  impression  dans  son  âme  plus  ou  moins  com- 
plète. Après,  quand  il  l'entendra,  l'ouïe  donnera  l'éveil 
aux  autres  sens,  si  bien  que  le  son  aura  suffi  pour  lui 
rappeler  l'intégrale  réalité  de  l'événement  qu'il  accom- 
pagnait. En  général  le  son,  incorporé  dans  le  mot  est 
suffisant,  non  seulement  pour  rappeler  les  faits  dont 
nous  avons  une  connaissance  personnelle,  mais  il  peut 
même  faire  deviner,  par  association,  ceux  qui  ne  se 
sont  pas  passés  en  nous.  Il  est  tellement  révélateur 
qu'il  présente  au  physiologue  une  précieuse  indication 
pour  connaître  les  états  des  organes  d'après  le  son  plus 
ou  moins  juste  qu'ils  font  entendre  à  la  percussion. 

L'é'ude  des  divers  objets  que  la  richesse  infinie  de  la 
nature  offre  à  notre  attention  fait  que  nous  y  recon- 


—  54  — 

naissons  des  propriétés,  des  substances  actives  qui  sont 
le  partage  de  plusieurs  à  la  fois.  Notre  esprit  se  trouve 
ainsi  naturellement  amené  à  désigner  un  objet  par  le 
nom  d'un  autre.  Pour  cela  nous  ne  perdons  pas  de  vue 
les  éléments  qui  les  distinguent  et  nous  nous  réservons 
la  liberté  de  les  faire  connaître  sous  forme  de  qualifica- 
tifs si  la  clarté  de  l'exposition  l'exige.  La  connaissance 
cle  deux  objets  qui  se  ressemblent  entraîne  ou  bien  la 
formation  d'un  nouveau  mot  ou  une  extension  du  sens 
du  premier.  Donc,  si  pharygx,  brogchos,  pharagx  et 
bragchos  en  Grec  et  leurs  correspondants  barant,  bour- 
boule  etc.,  offrent  des  différences,  c'est  que  celles-ci  dé- 
crivent des  nuances  de  son  qu'entraîne  la  variété  de 
de  l'organe  et  de  ses  actes  ou  bien  encore  des  notations 
diverses  d'un  même  son.  Mais,  comme  l'on  voit,  la  com- 
paraison et  l'analyse  permettent  toujours  de  retrouver 
le  son  et  le  sens  primitifs  dans  l'homonymie  des  mots. 
Ici  le  thème  qui  persiste  est  hr  avec  le  gue  (g)  bronco- 
palatal.  Une  fontaine  donnant  un  liquide  bourbeux  (V. 
ce  mot),  un  barant  qui  serait  comme  un  égout  offrirait 
l'image  de  ce  qui  se  passe  quand  on  appelle  Bure  (1). 
Nous  avons  fait  observer  que  bure  est  irréductible  étant 
l'expression  unique  d'un  acte  spécial.  Chaque  élément 
de  ce  bruit  forme  par  lui-même,  un  son  produisant  un 


(1)  Vomir  est  l'onomatopée  du  radical  vm,  que  nous  avons  vu  dans 
bombe.  Vomir,  homir  en  Provençal  est  avoir  l'estomac  comme  sou- 
levé par  des  vents  qui  éclatent  en  éructations  ;  skt  vam  -  £(xéo)  sans 
le  digamma  vomir —  vomo  — vomir-wdmblings  nausées  de  l'estomac, 
to  wamble  avoir  l'estomac  qui  se  révolte  —  die  Wamme,  die  Wampe 
la  panse,  der  Wamms  le  gilet,  wammsen  rosser,  houssiner  le 
Wamms.  L'Ail,  a  pour  vomir  le  mot  kotsen  qui  exprime  l'action 
du  gutter  gosier. 


—   00  — 

mot  qui  exprime  le  sens  du  bruit  :  bao  crier,  épo  (1) 
parler,  rlieo  parler,  aïo  je  dis,  écho  l'écho,  la  parole  ré- 
pétée, mais  tous  les  quatre  ensemble  ne  donneraient 
jamais  le  sens  de  faire  bure  vomir,  à  moins  d'être  unis 
par  la  nature  même  dans  un  ensemble  exprimant  le 
haut  de  cœur  par  le  son  propre.  Il  ne  faut  donc  pas 
chercher  à  l'analyser.  Dans  ce  mot  [c'est  bu  qui  forme 
la  partie  essentielle  ;  le  u  spasmodique  de  la  gorge  en- 
traîne le  r  et  celui-ci  le  g  {gué),  qui  en  G.  s'associe  avec 
un  n  (pharynx).  —  Nous  verrons  dans  la  suite  une  au- 
tre onomatopée  pour  bure  quand  nous  traiterons  du 
mot  éructer  L.  ructare.  (2) 

Une  baguette,  une  canne  qu'on  brandit,  —  un  bouchon 
de  paille,  un  torchon  passés  vivement  sur  un  autre 
corps,  —  une  corde  tournée  rapidement,  —  une  bran- 
che feuillue  qu'on  agite  produisent  dans  l'air  un  siffle- 
ment qui  sonne  les  lettres  fs,  fch,  etc.  Ficher,  fiche, 
fouter  ou  foute  à  la  porte  sont  des  onomatopées  popu- 
laires et  calembouresques  de  ce  son  naturel.  Ils  expri- 
ment que  la  personne  ainsi  éconduite  est  comme  balayée, 
nettoyée,  avec  un  bouchon  de  paille,  A,  whisk,  qui 

(1)  Epo  et  boao  ont  un  équivalent  dans  le  mot  du  centre  hupper 
crier  qui  varie  avec  supper,  zupper  et  jupper  comme  d'une  façon 
analogue,  l'aspiration  grecque  permute  avec  le  s  latin  :  hyper  et  super. 
Grâce  à  une  autre  permutation  l'Angl.  possède  to  hoop  hupper  et  sa 
variante  to  ichoop.  Le  même  échange  a  lieu  entre  le  grec  et  le  latin, 
comme  nous  venons  de  voir  dans  émétique  et  vomitif 'de  eméo  et  vomo. 
—  A  to  whoop  se  rattachent  viouper  hurler  comme  le  chien,  puis 
pleurer  et  viper  crier . 

(2)  Ajoutons  que  la  bourbe  est  envisagée  dans  le  langage  comme  le 
produit  d'un  débagoulement,  d'un  soulèvement  de  l'estomac  qui  éclate 
avec  le  bruit  bure,  d'où  le  G.  pôppopo;  la  bourbe,  la  saleté  analogue 
à  cœnum  la  boue,  obscénité  ce  qui  dégoûte  comme  la  boue,  mots  qui 
se  rattachent  au  son  gn  (de  la  gueule)  d'où  le  L.  ganeo  le  glouton, 
cœna  le  repas,  la  cène,  canal  etc. 


—  56  — 

ferait  entendre  les  sons/s.  Ficher  son  camp  est  lever  le 
camp,  nettoyer  la  place  comme  avec  un  balai  produi- 
sant un  sifflement  dans  l'air.  Fiche-moi  la  paix  veut 
dire  :  va-t-en  vite  pourque  je  sois  tranquille;  ficher  ou 
foute  un  coup  donner  un  soufflet.  Ce  dernier  mot  est 
une  variante  du  premier  (le  son/^  pourjfcA)  H.  een 
veeg  geven,  donner  une  frottaison  de  [vegen  frotter, 
biffer.  Les  mots  bichonner  parer,  caresser,  le  bichon 
le  petit  chien  à  poil  soyeux  et  ondulé  bien  brossé,  bien 
peigné,  le  bouchon  (1)  branche  de  verdure,  d'arbre  ou 
botte  de  foin  qu'on  met  à  la  porte  du  cabaret  pour  enga- 
ger le  charretier  à  entrer  promettant  qu'il  [trouvera  de 
quoi  émoucher  son  ^cheval  ou  le  nourrir,  bouchonner 
frotter  le  cheval  avec  un  bouchon  de  paille,  Angl.  to 
whisky  Ail.  wischen,  sont  des  onomatopées  qui  ont  le 
son  du  souffle  pour  radical  primaire.  Seulement,  ainsi 
qu'il  arrive  presque  toujours,  au  lieu  de  former  des 
mots  neufs," le  néologue  se  paie  le  plaisir  du  calembour 
et  se  contente  de  mots  approchant  seulement  du  son 
naturel  et  vrai,  comme  ficher  variante  de  fixer,  qui 
manque  de  cachet  original,  et  comme  bouchonner  qui 
joue  sur  bouchon  le  corps  qui  obture  l'orifice.  L'origi- 
nateur  de  ces  mots  aurait  pu  enrichir  la  langue  de  mots 
distincts,  clairs  et  sonores,  tandis  qu'ainsi  on  n'a  que 
des  expressions  équivoques  et  bâtardes.  Les  autres  lan- 
gues se  sont  contentées  de  rendre  le  son  à  l'état  nature, 
p.  e.  l'anglais  io  whisk  away  s'échapper,  filer  comme 
le  vent,  Ail,  entwischen.  Le  plaisant  qui  a  formé  ces 

(1)  De  là  le  bouchon  le  cabaret.  Le  Skt.  vêga  exprime   la  rapidité 
de  la  flèche. 


—  57  — 

onomatopées  que  le  calembour  fait  dévier  du  son  juste, 
qui  a  recherché  ces  assonnances  qui  prêtent  à  rire,  ne 
s'est  pas  préocuppé  du  fait  quefch  existait  dans  la  langue 
maternelle  dans  fugitif,  celui  qui  fiche  le  camp,  dans 
fuire,  yeuyo),  fugefe  ficher  le  camp.  Cela  lui  aurait 
prouvé  que  Grecs  et  Latins,  deux  peuples  qui  ont  parlé 
des  langues  modèles,  suivaient  la  nature  dans  la  forma- 
tion du  langage  et  ne  sacrifiaient  pas  la  vérité  à  la 
plaisanterie. 

Un  morceau  de  toile  qu'on  'passe  vivement  sur  une 
surface  s'appelle  biffe,  d'où  biffer  effacer,  Angl.  to 
whipe  effacer,  whisp  bouchon  de  paille,  Ail.  wischen 
essuyer,  effacer,  H.  vcgen  (1).  Le  biffin  est  le  chifffon- 
nier,  le  marchand  de  buffet  on  celui  qui  vend  des  con- 
tremarques, le  béni  Mouffetard  le  chiffonnier  du  quar- 
tier Mouffetard  (où  il  sent  mauvais,  H.  muf  qui  sent  le 
moisi,  It.  mqfete  lieu  où  il  y  a  des  exhalaisons)  parce 
qu'il  porte  un  bé  abréviation  de  bière  et  de  bard  (2) 
civière.  Ce  bé  est  devenu  par  jeu  de  mots  béni.  Le  bij- 
Jïn  est  aussi  le  nom  du  soldat  d'infanterie,  son  havre- 
sac  étant  sa  hotte  à  lui.  Le  son  qui  a  formé  le  mot  biffe 
nous  le  retrouvons  dans  ozfir,  la  crinière  ondulée  qui 
fouette  le  cou  du  cheval  et ,  avec  la  sifflante  dentale, 
dans  su  agiter —  vifa  avec  perte  du  digamma  la  queue 
qui  fouette,  crs(o)  agiter  sans  le  digamma  —  sabanum 
l'essuie-mains,  la  serviette  — faubert  l'espèce  de  balai 
pour  nettoyer  le  navire  —  to  sweep  passer  comme  le 

(1)  L'Angl.  fair  ancienne  forme  fayer,  Suéd.  vacher  veulent  dire  beau. 
Ce  sens  dérive  de  celui  de  essuyé,  propre.  H.  vagevuur  le  purgatoire 
le  feu  qui  purifie. 

(2)  En  skt  b'ara  qui  porte,  à  la  façon  de  l'arbre  fruitier 


58 


vent,  to  swop  foncer  sur  la  proie  avec  la  rapidité  du 
vent,  to  swab}  swob  biiïer,  nettoyer,  swift  rapide 
comme  le  vent,  schweben  voguer  sur  le  vent  avec  un 
bruit  d'aile,  essorer,  derSchweif  la  queue,  der  Schwanz 
id.  Ces  mots  nous  font  toujours  revenir  au  radical  ff 
dont  l'Angl.  offre  des  onom.  pures  dans  whiff,  piiff  une 
bouffée  de  vent.  —  A  côté  de  biffe,  il  convient  de  placer 
le  mot  vadrouille  H.  zwabber  (Angl.  to  swob);  lefau- 
bert  (même  mot),  le  balai  de  loques  avec  lequel  on  lave 
le  navire,  l'écouvillon  qui  nettoie  le  four  ou  l'intérieur 
du  canon  est  toujours  l'objet  qui  est  censé  passer  rapi- 
dement sur  la  surface  d'un  objet  pour  le  nettoyer.  Le 
sifflement  produit  rappelle  le  skt  vâtas,  vàjus  le  vent, 
Angl.  to  wheedle  agiter  la  queue,  flatter,  tromper 
comme  le  chien  qui  caresse  quelquefois  dans  un  but 
égoïste,  to  waddle  marcher  d'une  façon  déhanchée  qui 
imite  le  mouvement  de  la  queue,  Ail.  der  Wadel,  der 
Wedel  la  queue,  watsheln  comme  to  waddle.  La  ter- 
minaison ouille  est  comme  le  diminutif  Normand  et  It. 
erello.  Vadrouiller  est  se  conduire  comme  le  vadrouil- 
lard,  celui  qui  passe  son  temps  sur  le  trottoir  et  dans  les 
mauvais  lieux.  Ce  mot  semblerait  surtout  devoir  s'ap- 
pliquer aux  vadrouilleuses,  c'est-à-dire  aux  femmes  dont 
le  mouvement  de  la  robe  imite  le  va  et  vient  du  balai 
sur  le  trottoir  :  l'un  et  l'autre  sont  sensés  balayer  la 
rue,  comme  le  flâneur  à  peu  près  qui  fait  comme  s'il 
avait  à  la  polir.  Le  fouet  s'appelle  en  argot  un  bouis  : 
c'est  le  son  naturel  de  la  corde,  de  la  badine  qui  fait 
siffler  le  vent  quand  on  la  secoue  dans  l'air.  Fouetter 
le  camp  est  une  variante  sur  ficher  et  f  outer  le  camp . 


-  59  — 

Unefouataison  est  une  badine.  L'Angl.  whip  le  fouet, 
l'Ail,  wippen  donner  l'estrapade,  répondent  à  y6$rt  la 
crinière,  au  L.  vibex,  la  marque  sur  la  peau  d'un 
coup  de  baguette,  d'un  fouet.  —  Les  animaux  qui  se 
distinguent  par  le  fouettement  de  leur  queue  ont  le 
radical  du  vent  dans  leur  nom,  p.  e.  :  fyOuç  sans  di- 
gamma  -piscis  —  poisson,  piscicul 7 1/ re,ichthyophage, 
stockfish  morue  sèche  comme  un  stick  — Jish-der  Fisch  ; 
lefouetteur,  nom  original  pour  son  homonyme  oacr-avoç- 
pkasianus  —  faisan  —  pheasant  —  der  Fasari,  Aussi 
longtemps  qu'il  existe,  le  faisan  s'est  fait  remarquer 
par  la  longueur  de  sa  queue  qu'il  fouette  quand  il  prend 
son  vol  Ce  terme  de  l'argot  est  correct  à  peu  près 
comme  son  et  très  juste  comme  image.  Il  y  a  toujours 
des  traces  de  la  prévention  pour  les  mots  existants 
surtout  pour  ceux  qui  prêtent  aux  allusions  surprenantes 
peut-être  parce  qu'on  a  peur  de  paraître  trop  simple  en 
imitant  franchement  le  son  naturel  d'un  acte.  Le  paon, 
L.  pavo,  Angl.  peacock,  Ail.  der  Pfaù  porte  le  nom 
du  vent  pf  qu'il  fait  avec  sa  queue.  Les  /ouates,  une 
troupe  de  mimes  burlesques  qui  a  donné  des  représen- 
tations à  Paris  avaient  les  bras  et  les  jambes  tellement 
flexibles,  le  corps  tellement  souple,  qu'ils  donnaient  à 
leurs  mouvements  quelque  chose  de  l'ondulation  du 
fouet  secoué.  Le  L.  canda  queue  et  son  acte  quatio, 
concutio  sont  les  mêmes  que  to  wheedle,  der  Wadel  que 
nous  avons  vus  plus  haut.  Le  u  de  quatio  équivaut 
graphiquemeut  au  w  et  l'aspiration  c  ou  k  remplace  le 
h  ou  sch  (comme  dans  TAU.  Schweif  queue  le  même 
mot  que  l'Angl.  whip  fouet).  L'ancien  Haut  Ail.   et 


—  60  — 

l'Anglo- Saxon  écrivaient  hw.  Accouer  les  chevaux 
veut  dire  :  les  lier  ensemble  par  la  queue;  le  mot  nor- 
mand une  escouette  un  plumeau,  est  formé  de  queue 
comme  accouer;  secouer*  pour  escouer  dénote  primiti- 
vement l'agitation  imprimée  à  la  queue.  —  Un  fouet- 
teur  encore  est  le  hoche-queue,  Angl.  wagtail,  Ail.  die 
Bachstelze.  Dans  le  midi,  on  l'appelle  bataqua,  l'oiseau 
qui,  comme  le  faisan,  bat  de  sa  queue  ou  la  fouette.  A 
Paris,  ce  mot  désigne  la  prostituée,  celle  qui  balaie  le 
trottoir  avec  la  queue  de  sa  robe,  analogue  à  l'Angl. 
draggletail  (1)  celle  qui  balaie  le  trottoir  de  sa  traîne. 
Le  mot  funda  la  fronde  est  une  onom.  qui  tout  en  s'ap- 
prochant  defundus  fond  n'en  imite  pas  moins  le  siffle- 
ment du  projectile  lancé. 

Le  feu  est  d'essence  gazeuze.  Il  fait  sur  nous  l'effet 
d'un  souffle  chaud.  Telle  est  du  moins  l'opinion  de  ceux 
qui  l'ont  nommé  :  les  mots  en  font  foi.  Le  haie  du  soleil 
est  une  haleine  chaude;  prendre  l'air  du  feu  est  une 
expression  naïve  qui  tombe  juste.  Le  son  du  souffle  se 
retrouve  dans  b'às  briller  et  brûler,  b lâ éclat  et  étoile  — 
<pào)  luire,  yéyyoç  la  splendeur  — focus  —  feu,  fanal, 
foyer. fougueux  —  beam  le  rayon  (Skt  bâma lumière)  — 
der  Funke  l'étincelle  et  les  noms  de  couleurs  h.fuscus 
rouge  sombre,  fucus  le  pourpre,  Angl.  fox  le  renard 
au  pelage  feu,  Ail.  derFuchs  id.  ;  de  même  dans  frakta 
cuit  —  owya)  cuire,  brûler  — popina  la  cuisine,  la  gar- 
gotte  — fougon  la  cuisine  du  navire,  pepsine,  dispep- 
tique,  la  fouace  le  pain  cuit  sous  la  cendre  —  bacon 
le  lard  à  frire,  to  bake  cuire  —  backenid.  IlaiwvPéanest 

(1)  Tail  veut  dire  primitivement  étoupe  et  corde,  Suéd.  tagel  crin. 


—  61   - 

le  dieu  du  soleil  et  également  le  dieu  de  la  médecine. 
Le  soleil  est  si  bien  un  médecin,  un  Péan,  que  le  peuple 
dit  qu'il  chasse  celui-ci.  Ce  fut  Apollon  qui  tua  le  Typhon 
en  assainissant  les  contrées  marécageuses.  Phaebus  est 
un  autre  nom  du  dieu  du  soleil,  congénère  de  Péan. 
Péan  hymne  et  du  phêbus  de  l'enflure  dans  le  style  se 
rattacheut  à  ces  deux  noms.  Phêbus  rappelle  la  bouffée 
d'air  chaud,  It.  vampa  l'ardeur,  la  flamme,  comme 
Jbcus rappelle  fog lebrbuillardet/)Mr .  G  le  feu  labruine. 
La  pivoine  mziuvfa  la  fleur  aux  couleurs  radieuses  doit 
son  nom  à  Péan,  et  c'est  pour  cela  peut-être  qu'elle  doit, 
par  surcroît,  d'avoir  été  considérée  comme  plante  médi- 
cinale. B'r  frire,  b€raç  briller,  brush  brûler.  —  rcup  le  feu 
febris,  br  avec  réduplication/c  le  feu  dans  le  sang  — 
braise,  fébrile,  frire,  j'rieasser  (1)  —  to  burn  brûler  — 
das  Feuer  le  feu,  brennen  brûler,  rappelleut  le  radical 
qui  a  formé  l'onom.  brise,  d'où  rcuppoç  rouge,  feu  — 
burrhus  la  bourrique  au  pelage  brun  ou  cendré  —  brun, 
briller,  briller,  la  brune  le  soir  —  brown  brun,  bear 
ours  brun  —  braun  et  der  Bar  id.,  comme  le  radical 
fa  a  donné  ow.iz  —  badins  ou  bajus  avec  d  ou  j  pour 
prévenir  l'hiatus  —  bai  entre  le  roux  et  le  brun —  bat/, 
—  sans  équivalent  en  Ail.  —  Le  thème  fa  a  donné 
au  skt  pa  vent,  va  sonffler,-  H.  waayen,  Ail.  wehen. 
B\l  (pa(v«  avoir  l'apparence  de,  qui  s'appuie  sur  ce 
radical  a  donné  <po(vt£  la  couleur  de  feu,  de  grenade  — 
phœniçeus,punicus  Carthaginois,  rouge  —fané  blanchi, 
foin  — fine  beau,  ayant  l'éclat  du  îeu,fein  id.  Le  Skt  a 

(1)  La  brème  Ail.  der  Brachs  le  poisson  à  frire,  la  friture  et  les 
noms  de  la  pâte  cuite  :  ôricheton,  brigolet,  Jjrignolet  qui  ont  poussé 
sur  brioche,  la  brique  la  pierre  cuite  se  rapportent  à  frire. 


—  62  - 

b'ûs  embellir.  $$fôjpeç  veut  dire  gai,  ensoleillé  en  parlant 
de  l'esprit.  V.  pp.  53  et  54  du  traité.  L'oiseau  Phénix, 
né  en  Arabie,  avait  le  plumage  si  rouge  qu'il  parais- 
sait en  feu,  d'où  la  fable  que  la  flamme  le  consumait 
sans  qu'il  mourût,  même  qu'il  sortait  renouvelé  de  sa 
cendre  (de  sa  mue).  Ce  mythe,  comme  tant  d'autres, 
est  bâti  sur  une  métaphore. 

L-à  flamme  nous  ramène  au  souffle^/?  :  &kt  p'ius  brû- 
ler, b'arg*  briller  —  <pXsf<*  brûler  —  fulgur  le  feu  du 
ciel  — fulgeo  briller,  flaveo  être  clair,  jaune  — foudre, 
flamme  _,  flamber ^flamberge^  fulgurant,  flagrant  —  to 
tlicker  étinceler,  blaze  éclat  —  to  blinh  luire,  —  blin- 
ken  reluire,  der  Blitz  l'éclair,  H.  bliksem  l'éclair, 
blaken  brûler  pour,  blakeren  incendier,  blaak  fumée. 
—  Le  f  lingot  est  le  fusil,  l'arme  à  feu  ;  l'Angl.  flintstone 
la  pierre  à  fusil  (1),  le  silex;  l'Ail,  die  Flinte  le  flingot. 

Le  fusil,  l'acier  à  donner  le  fil  au  couteau  est  assimilé 
au  silex,  la  pierre  à  fusil,  parce  qu'il  en  sort  des  étin- 
celles par  la  friction.  Nous  avons  le  même  son  dans 
œicX^v  la  rate,  la  rutilante  —  splendeo  resplendir  — 
splénétique^  splendeur,  resplendir ,  blinder  aveugler, 
par  analogie  avec  éblouir  frapper  les  yeux  d'un  éclat 
trop  vif,  donner  un  aveuglement  passager  —  blind 
aveugle  —  blind  id.,  blinzeln  fermer  les  yeux  à  moitié, 
blenden  aveugler.  Avec  le  r  au  lieu  de  l  nous  avons 
bhrajj,  H.  braayen  -  çp^w  frire  — frigere  fricasser  — 

Le  fusil  dérive  de  foeus  feu.  Celui-ci  est  une  prosopopée  duL.  faux 
le  gosier  qui  souffle  le  chaud.  Plus  nous  nous  essoufflons  plus  la  cha- 
leur du  corps  est  intenee,  plus  nous  soufflons  dans  la  braise  plus  elle 
devient  ardente.  L'air,  le  souffle  et  le  feu  sont  des  essences  insépara- 
bles dans  l'esprit  des  gens. 


—  63  — 

frire  (V.  au  mot  friquet)  —  to  broil  griller,  to  parc  h 
griller  —  braten  frire.  La  braise  (skt  paru  feu)  est  la 
cendre  et  par  métaphore  la  monnaie,  l'or,  transport  de 
sens  analogue  à  celui  qui  a  donné  à  carme  (cremo)  le 
sens  de  monnaie.  —  L'Angl.  hrass  est  le  cuivre  rouge 
le  bronze.  Le  feu,  grâce  à  la  lumière  qu'il  répand  sur 
les  objets,  fait  ressorti  rieur  couleur  naturelle.  Le  prisme 
décompose  la  lumière  blanche  et  nous  la  rend  sous  la 
forme  d'un  écheveau  nuancé  imitant  les  couleurs  de 
l'arc-en-ciel.  Dans  l'esprit  de  ceux  qui  ont  formé  le  lan- 
gage, c'est  le  feu  qui  donne  aux  objets  leur  lumière  et 
leur  coloration.  Quand  il  éclaire  intensément  un  objet, 
celui-ci  paraît  blanc  :  pâli  ta  chenu  —  oi\zz  —  bel /us  — 
bel,  beau  —  blinking  étincelant  —  blinkend  id.,  H. 
Jlonkeren  id.  et  blyken  au  moral  être  clair,  évident. 
Quand  il  fait  rayonner  un  objet,  celui-ci  devient  res- 
plendissant, éblouissant,  aveuglant  :  (âXàvQç  qui   voit 
(mal).  V.  au  mot  resplendir;  ses  tons  mats  le  rendent 
pâle  :  L,  pallidus  —  pâle,  en  argot  blescht  —  bleak 
gris,  to  bleach  blanchir  —  bleich  pâle;  sa  nuance  jaune 
donne  la  teinte  'L.flavus  jaune  —  blond  —  blond  — 
blond;  plus  vif  il  communique  la  teinte  L.  fulvus  et 
furvus  roux  — fauve  rouge  clair  — fallow  id.  — fahl 
id.  Le  L.  férus  fier,  farouche  et  la  bête  sauvage  veut 
dire  en  principe  la  couleur  feu  de  l'animal.  Quand  le  feu 
noircit  l'objet,  il  devient  gXooupoç  noir  et  par  analogie 
terrible  —  pull  us  noir  —  blaichard  l'encre  noire  — 
black  noir.  L'Ail,  flackern  brûler,  flamber  n'a  pas 
donné   d'adjectif  signifiant  noir,  brûlé.  Une  nuance 
moins  profonde  du  noir  est  le  bleu,  Angl.  blue,  AIL 


—  64  — ' 

blau,  Le  bleu  mat  est  blafard,  plombé  d'où  le  L 
plumbum,  plomb,  AIL  das  Blei,  le  métal  blanc  sombre. 
Les  expressions  :  c'est  bleu,  elle  est  bleue  veulent  dire  : 
la  chose  est  éblouissante,  elle  donne  la  berlue,  elle  a 
pour  effet  que  l'esprit  n'y  voit  plus  clair,  et,  par  ana- 
logie, elle  est  surprenante,  incroyable;  en  être  bleu,  en 
bâiller  tout  bleu  signifient  être  tout  effaré.  L'Angl.  to 
look  blank  (blanc)  veut  dire  avoir  l'air  de  ne  pas  com- 
prendre grand' chose.  Une  colère  bleue  est  une  colère 
noire.  C'est  passé  au  bleu  veut  dire  :  c'est  passé  dans 
la  nuit,  on  n'en  découvre  plus  trace.  —  En  Angl.  Fve 
got  the  blues  veut  dire  :  j'ai  des  idées  noires,  appelées 
sans  élimination  desubtantif  :  Mue  demis.  Ces  expres- 
sions démontrent  combien  il  a  existé  peu  de  fixité  dans 
la  dénomination  des  nuances  de  la  lumière. 

Quand  l'air  est  trop  comprimé,  il  cherche,  tant  que 
son  élasticité  subsiste,  à  reprendre  l'espace  perdu,  et 
s'il  arrive  à  se  dégager  de  l'étreinte,  il  éclate  avec  un 
bruit  de  paf,  pouf,  poue,  pan,  analogue  à  celui  qui 
accompagne  la  décharge  d'un  fusil.  C'est  ce  bruit, 
approchant  de  l'aboiement  du  chien  (appelé  pour  cette 
raison  bafe,  Argot  Angl.  bufe,  H.  baffen  aboyer)  qui  a 
donné  l'onomatopée  mixte  debat/afln,  petouse,  le  pis- 
tolet. En  Argot  Anglais  le  pistolet  s'appelle  barking 
iron  le  fer  qui  aboie.  Aboyer  se  disait  en  St  b  las c  aboyer. 
H.  bassen  et  bukk  mot  auquel  ressemble  fort  le  Grec 
<77:àÇ  le  chien.  Par  analogie  un  bayaf  est  un  aboyeur, 
un  butor.  —  Unepaffe,  une  baffre,  une  boffette,  Angl. 
buffet  est  Un  coup  sur  l'oreille,  assimilé  à  l'effet  d'une 
explosion  d'arme  à  feu;   un  paffe  est  le  soulier  qui 


—  65  — 

claque  sur  le  sol,  à  peu  près  comme  le  sabot  du  piaj- 
feur,  le  cheval. 

Le  bruit  produit  par  un  corps  dans  sa  chute  contre 
terre  se  traduit  par  paf  et  pouff.  Faire  unpuffou  un 
pouff  veut  dire  faire  sauter  les  sous  des  déposants, 
causer  un  krach,  en  G.  6692;  le  bruit.  Le  H.poffen  veut 
dire  prendre  à  crédit  :  il  n'y  a  que  le  crédit  qui  soit 
sujet  à  essuyer  des  pouffes.  La  rebuffade  est  un  coup 
qui  fait  reculer,  au  moral,  un  refus.  Les  correspondants 
de  poue  sont  r.-j--y.\  —  vox  poppusmatis  —  poue, 
pouff  —  puff  coup,  to  bump  frapper,  to  boom  le  bruit 
du  canon  —  der  Puffle  coup,  pumpsl  le  bruit  d'un 
coup  et  d'une  chute.  Le  Skt  a  ban  résonner,  le  H.  bim 
bambom  le  son  du  bourdon,  comme  dans  Frère  Jacques 
et  boffen  toucher  (terme  du  jeu  de  mail),  par  extension 
réussir.  Le  banban  est  l'affligé  qui  boîte,  qui  imite  en 
marchant  le  battail  de  la  cloche,  en  Skt  panib,  par/ 
marcher.  Le  mot  Normand  alipan  L.  alapa  a  pris  un 
peu  de  la  physionomie  du  synonyme  pan.  Il  répond  au 
H.  Map  tape.  Les  formes  nasales  pan  etpang  d'où  le 
Skt  ba-yga  le  coup,  la  beigne  ou  beugne,  Angl.  to  bang, 
to  bounce  faire  claquer,  bane  accident,,  malheur,  Go- 
thique banja  blessure  ont  dû  se  plier,  comme  presque 
tous  les  sons  primitifs  que  le  langage  populaire  dé- 
couvre, aux  exigences  du  calembour.  Une  beigne,  une 
beugne  sont  des  assonances  de  poing,  bien  qu'ils  ne 
soient  pas  des  coups  assénés  avec  la  main  fermée.  S'es- 
bigner  veut  dire  se  sauver  de  l'endroit  où  l'on  peut 
recueillir  des  beugnes.  Il  y  a  dans  ce  mot  une  atténua- 
tion de  la  voyelle  radicale  toute  classique,  comme  il 


—  66  — 

arrive  dans  illido  de  laedo.\  L'argot  a  donc  des  chan- 
gements de  son.  Au  lieu  d'une  beicjne  on  donne,  avec 
jeu  de  mots,  un  pain  (panis).  Passer  chez  Pain  être 
battu  est  une  personnification  du  son  pan  !  par  calem- 
bour pain  !  L'habitude  de  ces  personnifications  existe 
depuis  des  siècles.  Elle  a  été  contractée  à  l'école.  Dans 
les  moralités  d'avant  la  Renaissance  on  voyait  figurer 
des  personnages  représentant  la  Vertu,  la  Sagesse,  le 
Vice,  la  Trahison,  la  Fausse  Honte.  Ceux-ci  représen- 
taient, du  moins,  des  dispositions  de  l'âme  humaine 
avec  lesquelles  nous  pouvons  nous  identifier  tant  soit 
peu,  bien  que  la  chair  et  les  os  leur  manquent.  Mais 
quelquefois  on  faisait  jouer  un  rôle  à  Tartelette,  Ognon, 
Vinaigre  qui,  eux  aussi,  se  mettaient  à  raconter  leurs 
propriétés  physiques  et  à  débiter  ce  que  nous  en 
savons.  C'était  la  chimie  et  la  physiologie  person- 
nifiées. La  faculté  d'idéaliser,  d'abstraire,  de  quintes- 
cencier  était  poussée  ainsi  à  des  extrémités  ridicules 
qui  devaient  la  mettre  en  discrédit.  Pain  est  de  la  caté- 
gorie de  Tartelette.  Heureusement  pour  ce  personnage, 
l'équivoque  lui  donne  comme  un  peu  d'esprit.  L'habi- 
tude de  personnifier  des  qualités,  continue  dans  la 
littérature  moderne,  malgré  la  faveur  accordée  au 
réalisme.  Causette,  Javert  (le  gagneur),  Gavroche  en 
sont  de  brillants  exemples. 

Un  corps  renflé,  comme  la  boule,  le  balai,  le  bour- 
geon, la  bulle,  la  blague,  quand  il  vient,  soit  à  crever 
soit  à  heurter^un  antre  corps,  les  bruits  variés  qui  si- 
gnalent ces  événements  ne  s'expriment  pas.  Ainsi  le 
Skt  sp'al  palpiter  désigne  le  bondissement  d'un  corps 


—  G7  — 

rond,  d'une  boule,  et  par  extension,  du  cœur,  du  pouls. 
Le  bruit  peut-être  très  varié  ;  c'est  à  nous  à  le  deviner, 
le  mot  ne  nous  donnant  d'autre  indication  si  c©  n'est 
qu'il  se  passe  quelque  chose  comme  quand  la  boule 
bondit  en  heurtant  un  autre  corps  —  y\iiù  frapper 
semble  se  faire  parle  choc  d'une  boule,  xaXXw  ébranler 
semble  imprimer  à  l'objet  ébranlé  un  mouvement  on- 
dulatoire comme  de  flots,  BXottu  atteindre  paraîtrait 
la  suite  du  choc  d'un  corps  rond  —  palpito  palpiter, 
pello  frapper,  palpebra  (BXéicu  regarder,  la  paupière 
qui  bat)  —  la  balafre  la  marque  d'un  coup,  une  pile  un 
coup  —  a  peal  ofthunder  un  cowp  de  tonnerre — plat- 
zen  éclater,  faire  explosion  —  H.  ploffen  donner  un 
coup  contre  terre,  ontploffen  faire  explosion,  B\ià  le 
bruit  d'un  corps  qui  s'aplatit  en  tombant.  L'Anglais  to 
blow  veut  dire  souffler  et  frapper.  Une  Jloupée  est  une 
rossade \floper  et  velopei'(AngL  to  icallop)  mots  Nor- 
mands veulent  dire  frappe/- .  Ce  mot  est  lui-même  une 
variante  defapper  battre,  congénère  wvecfloper. 

Une  blague,  un  ballon  etc.  s'aplatissent  en  éclatant. 
Deux  corps  qui  se  choquent  sont  sensés  faire  la  même 
chose.  Ce  n'est  pas  le  bruit  particulier  de  l'aplatisse- 
ment que  nous  entendons  :  le  langage  dit  seulement 
qu'il  se  passe  quelque  chose  comme  lorsqu'un  corps 
arrondi  crève  et  s'affaisse  ou  s'aplatit  en  heurtant  un 
autre.  Il  n'y  a  pas  d'autre  bruit  dans  palwala  la  flaque 
d'eau  —  -Aay.6s-.;  le  gâteau  plat,  ttasc;  le  plateau  — pla- 
centa —  plaque,,  place,,  flaque  — place  place,  fleck  ou 
blot  pâté  —  flat plat  (1) — Flecklenà&éflach  plat,  plan, 

(1]  Voir  à  ce  sujet  le  développement  du  sens  de  paume,  plan. 


—  68  — 

den  Fladen  ou  der  Plate  la  tarte  *—  H.  vlek  bourg. 
Le  flot  dégonflé  reprend  la  forme  de  la  surface  plane 
dont  nous  retrouvons  le  sens  dans  palava  la  flaque 
d'eau,  palus  — paludéen,  flaque  —  plash  flaque  d'eau, 
to  splash  patouiller,  7300/  la  mare,  peel  le  marais  — 
der  Pfiihl  la  mare,  plàtschern  patouiller,  pladdern  et 
planschen  plonger —  H.. peel  tourbière,' polder  marais 
drainé,  floddereti  patouiller.  (Sktjo ul  submerger,  G. 
rç^X©$  la  bourbe).  Ici  encore  le  langage  ne  nous  montre 
l'étang,  le  marais  que  comme  un  flot  soulevé.  V.  au 
mot  flot.  —  L'idée  de  l'aplatissement  se  retrouve  dans 
une  foule  d'expressions.  La  polenta  est  une  purée  de 
marrons  qui  s'étend  et  prend  la  forme  du  plat.  Son 
nom  est  tcoXtoç  — puis  — polenta  —  pultacé  —  poul- 
tice  un  cataplasme  —  der  Platzla,  galette.  Le  plâtre  — 
plaister  plâtre  et  emplâtre  —  das  Pflaster  le  pavé  de 
la  rue  et  l'emplâtre  révèlent  dans  leur  nom  le  sens  ori- 
ginal d'une  matière  fluitante  dont  la  nature  est  de  s'af- 
faisser et  de  s'étendre  tant  qu'elle  conserve  de  l'humi- 
dité. Mettre  en  plan  veut  dire  porter  chez  ma  tante, 
mettre  en  gage  sur  les  planques  du  mont  de  piété, 
appelé  la  planque;  laisser  en  plan,  rester  en  plan, 
laisser,    rester    en  gage,  comme  au  mont  de  piété, 
jusqu'au  paiement  des  consommation;  plaquer  quel- 
qu'un le  laisser  en  plan,  le  planter  là.  Flanquer  par 
terre  joue  sur  flanc  pour  dire  avec  plus  d'esprit  plaquer 
ou  flanquer  contre  terre.  Flanquer  une  gifle  veut  dire 
plaquer  la  main  sur  la  figure  de  quelqu'un.  On  dit  de 
même  donner  une  giroflée  (1)  à  cinq  feuilles.  —  Le  lit 

(1)  Le  mot  parait  devoir  être  décomposé   en  fiée,   mot  Normand 


—  69  — 

s'appelle  leftac  our  flacul  parce  qu'on  s'y 'étend  hori- 
zontalement ou  à  plat.  La  planche,  la  latte,,  le  sabre 
joue  sur  planche  synonyme  de  bardeau  (V.  ce  mot)  et 
de  brette  d'où  bretteur,  Angl.  plank,  All.dasplanktàerk 
ouvrage  en  planques  ou  palanques.  Le  placard  est  une 
armoire.  La  signification  primitive  est  place  pareille 
au  sens  du  Latin  loculi  armoire,  de  lôculus  petite 
place.  La  placarde  est  une  place,  une  ville,  H.  vlek 
bourg.  Le  calembour  H.  de  plant  poetsen  nettoyer  la 
plaque  veut  dire  s'esquiver  {poetsen  rappelle  le  L.  pu- 
tus  nettoyé  V.  au  mot  (imputer).  Le  schuflick  est  le 
savetier  qui  plaque  des  morceaux  sur  les  souliers 
troués  de  YAÏÏ.flicken  rapiécer,  coudre  des  morceaux. 
Le  choc  produit  par  un  corps  arrondi  aplatissant  ou 
entraînant  un  autre  se  retrouve  dans  :  beal  frapper,  se 
fendre,  —  -Xv/o  id.  —  Jligo  id.,  flagello  flageller  — 
affliger  porter  un  coup,  attrister  profondément,  blesser, 
la  plaie,  la  flèche  (Skt  pâla.  G.  piXoç),  le  fléau  —  to 
fling  frapper,  lancer,  flail  le  fléau,  to  fly  voler,  battre 
des  ailes,  to  flee  fuir  à  tire  d'aile  —  der  Flegel  le  fléau, 
fliegen  battre  des  ailes,  H.  de  blouwer  le  marteau,  AIL 
der  Blâuel  le  maillet,  Norm.  fiais  ou  fiée  fléau.  Une 
balle  de  coton  un  coup  est  une  paraphrase  de  bour^ 
rade,  le  coton  étant  assimilé  à  la  bourre.  V.  aux  mots 
bourre  et  emballage.  Une  volée  de  coups  est  une 
image  qui  fait  ressortir  que  l'esprit  a  comparé  le  bras 
qui  frappe  avec  ie  battement  de  l'aile  de  l'oiseau  qui 
vole.   La  dalle  à  paver  s'appelle  en  Angl.  flagstone 

pour  fléiu,  et  gyrus  ie  tour  de  bras,  suggéré  par  girouette.  La  giro- 
flée est  le  caryophyllon  des  Grecs. 


J0  — 


plaque  de  pierre;  le  H.  plagge  veut  dire  gazon.  A  la 
suite  de  ces  déductions  nous  voyons  que  le  nom  du 
coup  est  formé,  en  dernière  analyse,  de  la  môme 
matière  que  le  souffle  de  nos  bronches.  En  effet  c'est 
un  souffle  vital  qui  arrondit  la  boule  et  celle-ci,  par 
son  éclatement  ou  son  choc  contre  un  autre  corps  pro- 
duit un  son  très  variable  que  frapper,  floupée,  coup  etc. 
suggèrent  sans  le  spécifier.  La  variété  des  sons  du  coup 
dépend  de  la  nature  de  l'objet  frappé  et  de  l'instrument 
de  la  percussion.  On  prévoit  dès  lors  que  la  variété  des 
sons  ira  se  multipliant  indéfinimenf  et  que  la  générali- 
sation s'impose.  C'est  pour  cela  que  le  sens  pratique  de 
l'homme  ramène  toutes  sortes  de  coups  à  l'éclatement 
d'une  boule  ou  à  son  choc  contre  un  autre  corps  et  leur 
son  à  celui  du  souffle  vital. 

Le  mot  bris  est  une  prosopopée.  Au  sens  poétique 
c'est  comme  si  un  pharynx,  en  Suéd.  bringa  poitrine, 
ouvert  dans  l'objet  lésé,  jetait  ce  cri.  Le  son  de  briser 
naît  de  l'éclatement  d'une  enveloppe  que  l'esprit  se 
figure  arrondie  par  insufflation  et  dont  le  nom  est 
représenté  par  le  h.  fur  fur  balle,  brou  l'enveloppe 
épineuse,  bourre,  bourse  V.  ces  mots,  et  leurs  dérivés 
baraque,  barrique.  Le  bris  se  manifeste  dans  vraçh 
déchirer,  vran  blesser,  urîs,  brus1  briser,  plus  parta- 
ger —  S7:apàc7a(i)  déchirer,  ?apao;  fragment  —  frustum 
le  morceau,  frango  briser,  fragor  le  fracas  —  briser, 
bris,  sprique,  le  vrac,  le  bric-à-brac  —  to  break  bri- 
ser, brittle  fragile,  wreck  naufrage  —  brechen  briser, 
der  Brosam  la  miette  en  G.  fk^zz.  Brimer,  la  bri- 
made sont  des  formes  éloignées  de  briser.  On  brime  ou 


—  71  — 

brise  un  nouveau  compagnon,  comme  on  fait  avec  un 
cheval  pour  le  rendre  docile  ou  avec  une  chaussure 
pour  l'assouplir.  En  Angl.  to  break  a  horse  veut-dire 
le  dresser.  C'est  ce  qu'exprime  le  mot  wpdfoç  doux, 
apprivoisé,  dans  le  fait,  brisé.  La  bricole  est  la  sou- 
plesse acquise  par  la  pratique;  connaître  la  bricole 
veut  dire  avoir  de  la  ruse,  un  bricoleur  un  rusé,  un 
farceur  (1).  Le  biribi  est  un  ustensile  de  voleur  servant 
à  faire  fric  frac,  c'est  à  dire  à  fracturer  les  portes.  Il 
joue  sur  barre,  Angl.  croicbar  biribi.  On  l'appelle 
aussi  sucre  d'orge,  l'un  et  l'autre  ayant  la  forme  d  une 
barre.  —  Tirer  une  bordée  veut  dire  s'écarter  du  droit 
chemin,  faire  la  noce,  emportés  que  nous  sommes  par 
un  vent  de  dissipation.  Ce  mot  dérive  de  bord.  Bord  et 
borne  sont  la  brisure,  la  solution  de  la  continuité,  le 
départage.  Partager  s'appelle  plus  —  çapu>  —  partior 
—  partager,  partir  —  to  partake  prendre  sa  part, 
brink  et  brim  bord,  boume  borne  —  verbràmen  garnir 
d'un  bord. 

La  berme,  le  bord  du  chemin,  répond  à  brim.  Le 
bran  ou  la  balle  qui  éclate,  qui  laisse  le  noyau,  quel 
qu'il  soit,  à  nu,  a  donné  lieu  aux  expressions,  watfpoç 
dénué,  dépouillé  —  pauper  —  paupérisme,  pauvre  — 
to  spare  épargner 3  bare  nu  —  sparen  épargner,  baar 
nu,  pur.  Parer  enlever  le  vieux  bois,  le  bois  mort, 
Angl.  to  pare  et  to  bare  veulent  dire  dépouiller  du 
superflu,  ôter  l'écorce,  dénuder.  Purus  et  pur  veulent 
dire  nettoyé,  que  l'enveloppe  grossière  est  enlevée,  que 

(1)  Dans  l'expression  :  Comment  çà  va-t-il?  çâ  bricole >  ce  mot  rap- 
pelle broncher,  aller  canin  cahan,  mots  qui  rappellent  cahot.  V.  au 
mot  broncher. 


—  72  - 

le  noyau  se  montre  à  l'état  émondé.  Privé  et  propre 
dans  le  sens  de  particulier  et  de  net  veulent  dire  ce  qui 
est  séparé  de  l'ensemble;  ce  qui  ne  fait  plus  corps  avec, 
ce  qui  est  devenu  particulier.  La  propriété  est  donc  un 
bien  séparé  de  la  richesse  commune  moyennant  un 
prix.  C'est  une  part  acquise.  —  Borgne  ou  caliborgne(l) 
veut  dire  :  borné  de  la  vue,  n'ayant  qu'nn  œil,  qu'un 
calot  dans  la  tête.  Le  calot  est  le  caillou  arrondi,  la 
grosse  bille.  Sur  pauper  jouent  les  expressions  :  être 
dans  la  purée  et  être  purotin.  Le  sens  essentiel  de 
purée  est  une  masse  écrasée,  affaissée,  aplatie  :  c'est  un 
brouet  épais  dont  la  masse  va  s'étendant  (Skt  part'ava 
étendue),  c'est  le  brai  qui  fait  comme  h  pâte;  c'est 
TAngl.  porridge  le  potage  épais;  c'est  l'Ail,  der  Brei, 
même  sens.  Celui  qui  nous  dépouille,  qui  nous  écorche, 
le  spoliateur  se  découvre  dans  le  mot  <?wp  —  fur  — 
fourbe,  furtif  celui  qui  agit  comme  le  fur.  —  Bernique, 
nibergue,  niberte  sont  des  mots  'qui  sortent  de  l'Alle- 
mand. C'est  haar  nichts  purement  rien  (nihil  nichts). 
Au  sujet  de  ne  V.  Traité,  p.  77.  Ce  nique  se  trouve 
aussi  dans  niquedouille  AU.  der  nichts  thut  un  inno- 
cent, un  simple,  un  suive.  —  Enlever  la  peau,  ôter  la 
balle,  peler  se  retrouve  dans  dépiauter  peler,  blute/' 
ôter  la  balle,  boulanger  le  bluteur  et  dans  l'Angl.  to 
peel  peler,  to  flay  écorcher,  bald  le  chauve  qui  n'a 
plus  de  gazon  sur  le  préau,  plus  de  fil  sur  la  bobine,  le 
genou,  le  caillou,  celui  qui  n'a  plus  de  bourre  sur  le 
paillasson,  pour  l'expliquer  en  Argot,  abbalgen  ôter  la 
peau,  das  Fell  la  peau,  derBalg  id;  dans  xX^v  excepté, 

(1)  Calorgne  veut  dire  qui  lorgne  du  calot. 


-  73  - 

hormis,  piller  (1),  Angl.  to  plunder,  Ail.  plûndern 
écorcher,  dépouiller,  dans  le  L.  praeda  butin,  ytùpv.x 
le  larcin,  la  déprédation.  Le  pli  est  une  brisure  molle 
n'entraînant  pas  la  solution  de  la  continuité.  V.  Traité 
p.  38.  Frotter fricare  est  faire  des  brisures,  des  plis; 
le  froufrou  est  le  frottement  d'une  étoffe  sur  elle- 
même;  le  fripier  est  celui  qui  fait  le  commerce  de  vête- 
ments usagés;  la  frange  en  Angl.  fringe  dénote  l'effet 
de  fricare  :  c'est  une  bande  d'étoffe  froncée,  plissée, 
godronnée  et  par  analogie  effilochée;  ft ruser  est  faire 
des  plissés.  L'ancien  Français  a  pour  frange  les  mots 
frèpe  et  ferpe.  Ces  mots  se  retrouvent  dans  la  fri- 
pouille, la  f râpe  qui  dénotent  l'état  de  délabrement 
des  habits  et  la  classe  de  gens  qui  ne  pensent  pas  à  les 
entretenir.  A  ces  mots  répond  le  H.  frommelen  chiffon- 
ner. Le  fripon  appartient  à  la  frappe.  La  bribe  est  un 
morceau,  H.  brok,  Skt  spriç  broyer  :  ce  mot  s'appuie 
sur  briffer  manger,  consommer  la  barbaque.  Lebricard 
est  là  partie  d'escalier  d'un  palier  à  l'autre;  c'est  une 
brisure.  La  brèchetelle,  Ail.  die  Bretzel  est  une  pâtis- 
serie très-croquante  qui  s'effrite  facilement  (2). 

Nous  avons  vu  que  pan  était  le  bruit  d'un  éclate- 
ment de  l'air  comprimé  dans  un  canon  de  fusil  et  que 

(1)  Avoir  un  poil  dans  la  main  est  un  jeu  de  mots  pour  dire  avoir 
une  fêlure,  une  faute,  une  faille  dans  la  [main.  La  fêlure  est  la 
suite  d'un  éclatement  d'une  enveloppe,  ici  la  peau.  Une  pièce  d'or 
rend  un  son  terne  quand  elle  est  fêlée  :  on  dit  qu'elle  a  une  paille 
soit  par  jeu  de  mot,  soit  par  un  rapprochement  défectueux.  Une  faille 
dans  une  roche  est  une  crevasse,  une  fente.  Faillir,  L.  fallere  veut 
dire  létat  de  dépouillement  et,  par  suite,  du  besoin. 

(2)  Il  faut  encore  rattacher  au  pli  le  mot  flancher,  mollir  devenir 
flanchant  au  lieu  de  rester  ferme  :  (^rp/poç  —  flaccidus  -  flaxe  -  to 
flinch  manquer  de  fermeté  —  sich  hinfletsehen  se  coucher,  s'asseoir 
lâchement  en  sont  les  équivalents. 


—  74  — 

par  suite  de  notre  imitation  imparfaite  il  a  l'air  de  sor- 
tir de  notre  bouche.  Quand  une  enveloppe,  un  bouton, 
V.  ce  mot,  crèvent  sous  l'action  du  souffle  qui  les  dis- 
tend, nous  avons  l'image  de  l'entrebâillement.  Elle  se 
reproduit  par  l'acte  de  bind  fendre  —  gt.ôuù  arrache]-, 
cncdfôcov  l'ennuque  —  spado  ici.,  spatka  épée,  findo 
je  fends  —  espadon,  épée  —  spit  la  broche,  to  spay 
châtrer,  spade  la  houe  —  derSpaten  la  houe.  L'éclate- 
ment est  l'effet  d'une  extension  qui  se  traduit  par 
aTT'.Oàp)  empan  (V.  ce  mot,  ainsi  que  paume  et  pétale). 
«jTraOàw  dépenser,  s^évco)  répandre  —  pando  épandre, 
pateo  être  large  ouvert  —  patois  le  langage  du  plat 
pays,  répandre,  dépenser >  le  pas,  l 'empan  —  span 
'empan,  to  spend  dépenser  —  die  Spanne  l'empan, 
spenden  dépenser  et  répandre  et  par  le  L.  spatium  — 
espace  —  l'Esp.  patio  la  cour.  —  Pendere  peser, 
mettre  dans  la  balance  et  pendere  de  la  deuxième  con- 
jugaison marquent  la  tension  (l'extension)  que  le  poids 
exerce  sur  le  corps  qui  le  soutient.  —  V éclat  le  mor- 
ceau arraché  s'appelle  put  écorce,  pat  arracher  dépouil- 
ler, punya  pur  (1)  —  a^àOY)  l'écorce  dont  on  fait  la 
corde,  la  corde,  ttyjvs;  la  toile  —  penuria  le  dépouille- 
ment, paene  à  peu  près,  pannus  le  morceau  d'étoffe  — 
pan,  —  panneau,  —  fanion,  gonfalonier,  pennon, 
gonfanon,  pénurie  (tAvo^xi  être  dans  le  dénûment)  — 
vane  drapeau,  pane  carreau  de  vitre  —  die  Fahne  le 
drapeau  —  H.  spint  l'aubier.  Avec  t  nous  avons  les 
mots  ripaton  ou  ripatin  des  souliers  rapiécés  (Skt  pata 

(1)  A  punya  se  rattachent  uotv^  —  poena  —  punir  châtier  —  pain  — 
die  Pein. 


—   /o  — 


morceau  d'étoffe),  Angl.  to  patch,  Ail.  der  Fetzen  la 
pièce,  le  morceau,  1t.  pezzo  qui  est  le  Français  pièce  et 
pasclin  la  place  pour  patelin  comme  paqueliner  pour 
pateliner.  Skt.  padam  place.  Un  panas,  un  panail- 
leur  est  le  marchand  de  loques  et  de  verre  cassé,  de 
panas  c'est  à  dire  de  débris  de  toute  sorte.  Etre  panne, 
être  pannesard  ou  avec  jeu  de  mots  parmesard,  être 
dans  la  panade,  expression  qui  joue  sur  panade  soupe 
au  pain,  veulent  dire  être  dépenaillé,  fripé,  être  dans 
la  misère  ou  dans  la  panne.  Etre  panne  ccmme  la 
Hollande  veut  dire  avoir  autant  de  misère  que  la  Hol- 
lande... fabrique  de  toile,  c'est  à  dire  beaucoup.  L'argot 
n'a  pas  fait  de  contre-sens,  comme  on  pourrait  croire 
au  premier  abord,  la  Hollande  étant  généralement  con- 
sidérée comme  un  pays  riche.  Panoter  veut  dire  tendre 
des  lacets;  le  panoteur  est  le  braconnier.  Se  repagno- 
ter  est  se  moucher  avec  un  carré  de  toile.  Etre  en 
panais  joue  sur  panais  pastinaca  et  veut  dire  n'avoir 
que  la  chemise  sur  le  dos.  Par  l'assonance  de  panais 
avec  fanion,  pétition  on  l'appelle  le  drapeau  :  le  dra- 
peau passe,  arborer  le  drapeau  blanc.  Le  mot  pantalon 
est  peut-être  pour  pannellone  avec  t  euphonique,  le 
drap  dans  lequel  on  enveloppe  le  bas  du  corps  des 
enfants.  L'argot  l'appelle  pantahar,  la  toile  pannus 
qu'on  tire  de  bas  en  haut,  idée  qui  se  trouve  reproduite 
dans  la  grimpante,  La  panoufle  est  la  pantoufle  faite 
de  lisière  de  drap.  Panteler  est  imiter  l'ondoiement  du 
pennon,  du  drapeau  qui  flottent  au  vent  :  c'est  être 
secoué  par  l'émotion.  Se  panader  est  une  corruption  de 
se  pavaner,  V.  au  mot  paon. 


76 


Le  son  des  lèvres  b  répété  a  formé  les  onomatopées 
qui  expriment  l'acte  de  boire.  Le  bêbê,  le  bambin  en 
prenant  le  sein,  la  poupe  (comme  on  dit  au  Centre)  ou 
le  biberon  ne  fait  entendre  d'autre  son.  Les  plaisants 
que  la  dive  bouteille  ou  la  chope  met  en  veine  ont  joué 
sur  l'onomatopée  primitive  et  l'ont  remplacée  ainsi  par 
une  foule  de  rimes  ou  d'assonances.  Nous  allons  passer 
la  revue  des  vraies  onomatopées  formées  du  son  conco- 
mitant à  l'acte  de  boire  ainsi  que  de  leurs  caricatures.  — 
Boire  s'appelle  pâ  la  potion  —  rJ.u  boire  —  bibo,  poto 
id.,  pipire  sucer,  allaiter  —  imbiber,  (Skt  pinv)  boire, 
boisson,  potion,  buvoter  (1),  papette  —  to  bib,  topim- 
ple  biboter,  buvoter,  beuerage  mot  plus  juste  que  breu- 
vage où  le  r  a  changé  de  place,  pap  la  papette^  le  lai- 
tage —  die  Pappe  le  brouet  clair  pour  les  enfants  — 
H.  feppen,  fuiven,  pimpelen,  pooyen  boire.  —  L'eau 
claire  s'appelle  ap  —  ctuoç  le  suc  — -  potus  la  boisson  — 
au  Centre  effe  eau,  évier,  abée  —  eaves  le  cheneau  — 
die  Aue  le  pré  irrigué,  Hqff "havre.  Le  radical  de  boire 
bi,  le  p  de  potion  riment  avec  pie  l'agasse,  L.  pica.  Le 
jeu  de  mot  étant  plus  amusant  on  dit  de  la  pie  pour  du 
vin  et  pier  pour  boire.  La  pive,  le  joivois  le  vin,  la 
bibine  la  boisson  avec  la  terminaison  diminutive  ine 
qu'on  trouve  dans  cantine,  le  bibard,  le  bibassier  le 
buveur,  mots  qui  désignent  également  le  vieillard  qui 
rabâche,  rappellent  pi  de  pie  et  le  b  de  boire.  Pomper 
veut  dire  :  aspirer  comme  la  pompe;  delà  être  pom- 
pette et  avec  jeu  de  mots  avoir  son  pompon.  V.  au  mot 

(1)  La  ripopette  est  un  mélange  de  restes  de  vins  servis  de  nou- 
veau. 


—   u  — 


pomme*  Le  pompon  conduit  l'esprit  dans  la  série  des 
ornements  du  chapeau.  Pour  varier  1  expression  on  n'a 
qu'à  choisir  :  aussi  bien  on  trouve  avoir  sa  cocarde, 
son  panache,  son  plumet,  son  plumeau  et  même  avoir 
sa  barbe  parce  que  le  plumet,  le  panache  étant  faits  de 
plumes  ont  des  barbes,  ce  qui  pour  l'argot  justifie  assez 
l'expression  précitée. 

La  série  des  panaches  étant  épuisée  l'anonyme  far- 
ceur s'est  mis  à  dépecer  la  plume  pour  trouver  une 
expression  neuve.  Malheureusement  celle-ci  nous  con- 
duit trop  loin  de  boire  et  de  pompette  :  on  ne  la  com- 
prend plus  du  tout  n'ayant  plus  l'homonymie  pour  nous 
guider;  il  faut  intercaler  dans  la  série  des  comparai- 
sons le  terme  pompon,  égal  à  plumet,  pour  justifier 
l'expression  avoir  sa  barbe.  Le  plaisir  cesse  quand  il 
faut  se  donner  tant  de  peine  pour  comprendre;  il  faut 
même  faire  un  effort  pour  ne  pas  en  vouloir  à  Torigina- 
teur  d'être  si  ingénieux  et  ne  point  gâter  la  satisfaction 
qu'il  en  éprouve  sans  doute  :  les  énigmes  du  sphinx 
étaient  plus  dangereuses  mais  moins  difficiles.  Cepen- 
dant, par  une  indulgence  qui  est  certainement  réci- 
proque, ces  expressions  forcées,  basées  sur  des  assimi- 
lations impossibles,  ne  manquent  pas  dans  le  langage 
courant;  p.  e.  passer  à  tabac,  chiquer  sans  tabac  s'ex- 
pliquent à  la  fin,  mais  auparavant  il  faut  avoir  étudié 
l'algèbre  du  calembour  pour  saisir  ce  qu'il  y  a  de  rai- 
son. Ce  qui  a  pu  faire  penser  aux  barbes  de  la  plume 
c'est  l'expression  se  rafraîchir  les  barbes  pour  la 
bouche,  H.  hakkebaarol  la  barbe  sur  les  joues.  Esp. 
las  barbas  le  menton,   Skt  paxman  la  moustache. 


—  78  — 

Ainsi  badouiller  veut  dire  se  rafraîchir  les  bâcles  (lè- 
vres) et  ensuite  boire  avec  excès.  La  bamboche  d'où 
bambocher  avec  le  sens  de  boire  et  manger  avec  excès, 
en  1t.  bombare,  bombettare,  rime  sur  bambin.  Boire 
un  coup,  avoir  un  coup  de  vin  a  pu  suggérer  les  calem- 
bours êtrepaf  être  ivre  et  dupqf&e  l'eau  de  vie,  s'em- 
paffer  s'enivrer.  Pqf  est  le  bruit  de  l'air  qui  s'échappe 
brusquement.  Il  est  pavois  veut  dire  il  est  paf  parce 
que  le  mot  rime  avec  pavois  It.  pavese  le  pavillon  (1). 
Piper  la  linotte  pour  siffler,  boire  fait  penser  à  la  pipe, 
le  tuyau,  le  chaume  dont  on  se  sert  pour  aspirer  les 
boissons  glacées.  Le  chaume  appelle  la  buse,  l'objet 
qui  lui  ressemble,  dont  on  a  fait  buser  (2)  et  bouser 
boire,  bousin  le  cabaret.  Le  bousingot  le  cabaret  joue 
sur  son  homonyme,  qui  dans  le  Centre  veut  dire  l'avor- 
ton^ le  dernier  de  la  couvée  tout  envahi  par  la  bouse  du 
nid.  L'Angl.  to  bouse,  H.  buizen  boire,  tuber  sont  des 
trouvailles  équivalentes.  Le  bousin  fondu  est  lemastro- 
quet  qui  a  fait  faillite.  Fondre  implique  que  le  pauvre 
diable  maigrit  de  sa  perte,  que  son  bedon  lui  entre 
dans  le  dos,  car  bouse  a  rappelé  devant  l'esprit  du  mali- 
cieux faiseur  de  mots  la  poche  gonflée  (V.  ce  mot)  et 
par  association  le  ventre.  Le  propriétaire  du  bousin,  du 
lieu  où  l'on  boit  s'appelle  le  bauce  et  avec  jeu  de  mots 
le  Bauceron  (la  Bauce),  réminiscence  du  mot  Flamand 
baas,  patron,  ou  comme  dit  l'argot  le  singe  (simia  la 

(1)  En  It.  padiglione  de  pandere,  étendre.  Le  sens  est  analogue  à 
tente. 

(2)  Notons  en  passant  que  les  seins  s'appellent  les  bessons,  Ang. 
biestings  le  premier  lait,  le  colostre,  Ail.  der  Bietz  le  lait  jaillissant 
du  pis  (pectus)  avec  un  son  pst  (Skt  dis  lancer).  On  les  appelle  égale- 
ment bossoirs,  allusion  au  devant  au  navire  en  Bosse. 


—  79  — 

ressemblance  humaine).  C'est  à  baas  que  se  substitue 
le  bousin.  En  somme  le  bousin  fondu  est  le  bauce  du 
bousingot  à  qui  la  faillite  enlève  son  embonpoint.  Ce 
n'est  pas  que  l'enfant  qui  est  sans  pitié  quand  il  s'amuse. 
—  Le  mot  le  bauce  rappelle  le  Skt  pati  maître  celui 
qui  commande,  Angl.  to  bid.  Le  mot  bistrot,  le  caba- 
rétier  est  formé  d'un  débris  de  buse  et  d'une  contrac- 
tion de  la  deuxième  partie  de  mastroquet.  Le  langage 
du  peuple  à  la  conservation  duquel  ne  veille  aucune 
académie  et  qu'aucune  grammaire  n'a  réglementé  reste 
dans  la  main  de  ses  créateurs  une  matière  plastique 
qu'ils  façonnent  à  leur  gré.  Ce  mot  et  tant  d'autres  en 
fournissent  la  preuve.  La  bastringue  est  un  cabaret  de 
tout  à  fait  second  ^ordre;  c'est  aussi  la  guinguette  de 
bas  étage.  La  fin  de  ce  mot  est  formée  de  trinquer  V. 
ce  mot  Traité  p.  24.  Le  bec  du  pichet  (Angl.  pi  g  gin), 
la  petite  cruche  en  terre  a  servi  pour  former  les  mots 
pic  lier  boire.  Les  correspondants  de  pichet  sont  l 'Angl. 
pi t cher  cruche,  beaker  gobelet,  AU.  der  Bêcher  \i 
coupe,  It.  bicchiere  id.  et  pignatta  pot.  Le  picotin  est 
probablement,  à  l'origine,  un  vase  à  bec  comme  le 
pichet  :  ainsi  s'expliqueraient  le  picolo,  le  picolet,  le 
picton  pour  piqueton,  la  piquette,  le  pichenet  le  vin. 
Ce  dernier  mot  joue  sur  pichenette,  la  chiquenaude,  la 
détente  d'un  doigt  qui  le  fait  arriver  sur  le  nez  dont 
nette  et  naude  sont  des  déformations,  V.  au  mot  nez. 
Picher  rappelle  picchiare  It.,  frapper.  V.  au  mot  beu- 
gne.  —  Le  bec  salé  est  le  buveur  toujours  altéré.  Le 
pochard  celui  qui  joue  du  pichet,  du  bocal  et  remplit 
la  poche  de  son  ventre.  C'est  une  paraphrase  de  sac  à 


-  80  - 

vin.  Se pocheter(ï),  se pocharder,  veulent  dire  s  enivrer. 
Le  rigolboche  est  le  bon  vivant  qui  se  pocharde  gaî- 
ment  en  rigolant  dans  les  rigolbochades,  les  festins  à 
boire  et  à  rire.  Une  boucanade  synonyme  de  rigolbo- 
chade  est  un  jeu  de  mots  sur  boucaner,  fumer,  en 
parlant  de  la  viande  et  du  poisson.  Le  hareng  saur  ou 
fumé,  en  H.  bokking  rappelle  boucaner,  fumer,  skt 
pac.  —  Le  pichet,  le  picotin  sont  des  mesures  d'une 
capacité  modérée.  Il  faut  qu'on  ait  bu  vaillamment 
pour  avoir  son  boisseau  (L.  pyxis,,  Angl.  bushel)  sans 
calembour.  Le  boisseau  se  présente  à  l'esprit  parce 
qu'il  rime  avec  boisson  et  qu'il  sert  de  mesure.  Le 
poivrot  le  soulographe  et  se  poivrer  se  soûler  sont 
synonymes  de  bec  salé.  Le  poivre  et  le  sel  donnent 
soif. —  Le  pot  est  la  copie  industrielle  d'une  enveloppe 
végétale  qui  contient  la  graine  et  que  l'imagination  a 
assimilée  à  une  boursoufflure  quelconque  :  skt  spot  a 
tumeur,  b'ânda  vaisselle  —  tcùôoc  —  pithœgia  fête  des 
tonneaux  —  vas,  vase,  bidon,  pinte,  —  pod  capsule, 
pot  pot  —  der  Pott  le  pot,  die  Hambutte  le  gratte-cul, 
der  Bottich  le  fût.  Les  mots  fût,  pipe  (fût)  ont  été 
formés  ainsi.  La  bouteille  appartient  au  même  ordre 
d'onomatopées.  V.  au  mot  bateau.  De  \è,potiner  boire, 
jouer  du  pot,  avec  jeu  de  mots.  Avoir  sa  pointe  joue 
sur  pinte  :  il  veut  dire  avoir  bu.  On  se  pique  le  nez 
à  force  d'avoir  des  pointes.  Avoir  une  pistache  avoir 

(1)  Le  mot  poche  devient  par  allusion  la  baguenaude.  La  bague- 
notte  est  le  portefeuille.  La  bacreuse  est  la  poche  creuse,  la  poche. 
Le  ventre  et  la  poche  s'appellent  aussi  bauge,  Ail.  der  Bauch  le  ven- 
tre —  avec  jeu  de  mot  bocal.  Le  bocal  est  l'instrument  à  boire, 
poculum  en  Latin. 


—  81  — 

bu,  joue  sur  le  mot  rccorobua  —  pistacia — pistache,  fruit 
assimilé  au  pois.  V.  ce  mot.  Pitancher  boire  s'inspire 
de  pitance.  Avoir  son  poteau  dit  qu'on  a  potiné,  pinte. 
Le  poteau  suggère  à  l'esprit  le  poteau  kilométrique  : 
c'est  là  un  degré  de  poteau  ou  d'ivresse  bien  sérieux 
déjà  ;  mais  il  y  a  un  état  d'ébriété  plusieurs  fois  super- 
latif :  c'est  quand  on  a  son  poteau  télégraphique. 
Poteau  par  lui-même  est  ce  qui  est  posé  sur  pied,  ce 
qui  se  tient  droit.  H.  poten  planter.  V.  au  mot  pied, 
en  skt  pad  être  ferme.  L'acte  de  manger  exige  l'inter- 
vention des  babines.  On  les  voit  s'ouvrir  avec  la  bouche 
partageant  chaque  mouvement  de  la  préhension,  de  la 
mastication,  de  la  déglutition  et  les  entend  répéter  plus 
ou  moins  distinctement  le  son  qui  leur  est  inhérent  et 
que  nous  avons  figuré  par  le  h  et  ses  nuances.  La  forme 
la  plus  simple  de  l'acte  est  représentée  par  pi,  psâ 
manger  (Ail.  die  Speise  le  mets). —  ty  le  ver  qui  mange 
le  bois,  obsono  acheter  (onéomai  en  G.)  des  victuailles, 
epulor  manger  —  bahouiner  manger,  c'est-à-dire  faire 
marcher  les  babines  avec  allusion  au  babouin  (1)  le 
singe.  La  pampine  est  la  sœur  de  charité,  la  sœur 
nourricière.  Les  bades  se  retrouvent  dans  badigoin- 
cer  (2)  manger  (guancia  en  It.,  en  Ail.  die  Wange  la 
joue,  partie  de  la  bouche).  Les  dents  s'appellent  chez 
Hésychius  ça-ovs;  les  mangeuses,  parce  qu'elles  font 
partie  de  la  bouche  et  que  les  joues,  en  AIL  die  Backen, 
die  Wangen  suivent  leur  mouvement.  Backe  se  re- 
trouve dans  rabâcher  dire  toujours  la  même  chose.  — 

(1)  Le  babau  ou  bau  est  le  masque  effrayant  qui  dit  hou! 

(2)  bouder  en  Angl.  to  pout  exprime  une  grimace  des  lèvres.  Le 
poutoun,  Méridional,  est  un  baiser. 


—  82  — 

Le  son  radical  qui  a  formé  bouche,  bucca,  skt  pic'a 
menton,  congénère  du  L.  faux  et  de  son  cri  vox  la 
voix  —  donne  aussi  b'ax  manger  —  jîéxxoç  le  pain  — 
çàyw  manger  —  pasco  paître,  pacage,  pâture,  anthro- 
pophage, pignocher.  L'Anglais  a  l'équivalent  du  mot 
bouche  dans  beak  bec  et  celui  de  balots  lèvres  dans  bill 
bec,  celui  de  manger  dans  to  pick  becqueter  la  graine 
en  parlant  des  oiseaux.  En  Ail.  die  Backe  veut  dire  la 
joue  et  pichen  becqueter.  Le  mot  bec  se  retrouve  dans 
becquetance  la  mangeaille,  bègue  l'avoine  (L.pinguis, 
gras,  bien  nourri).  La  bauge  la  nourriture  joue  sur 
bauge  ventre,  skt  b'uj'  manger.  Les  mots  bidoche  la 
pitance  et  la  biture  la  grosse  consommation  répondent 
à  l'Angl.  to  bait  nourrir,  to  bite  mordre.  Bicher  veut 
dire  mordre  en  parlant  des  poissons;  biger  embrasser, 
donner  une  bise.  Le  Skt  a  comme  correspondants  de 
biture  vaf,  baf  être  gras,  Angl.  fat  gras,  to  batten 
engraisser,  to  abet  amorcer,  exciter.  Au  moral  par 
métaphore  better  et  best  meilleur,  le  meilleur  veulent 
dire  au  concret  ce  qui  nourrit  davantage.  La  boëte  dont 
on  a  beaucoup  parlé  à  propos  de  la  question  de  Terre- 
Neuve  est  un  mot  Normand  équivalent  à  bait  amorce; 
de  là  boëter  to  bait,  au  moral  to  abet  amorcer,  taqui- 
ner. Badouiller  est  manger,  boire  d'où  la  badouillerie, 
le  badouillar^d.  —  La  barbaque,  le  barbaqui  est  la 
nourriture;  la  barbacane  est  par  prosopopée  la  bou- 
che, la  meurtrière,  l'ouverture  ménagée  dans  un  mur 
pour  l'écoulement  des  eaux.  —  Le  radical  qui  a  produit 
pharynx  (le  premier  a  est  enthétique)  a  donné  b  'fi  nour- 
rir, vrin  manger  —  g'.gpway.co  manger  —  voro  dévorer 


83 


—  hread  le  pain,  tofret  ronger —  fressen  manger,  das 
Brod  le  pain.  Briffer  et  sa  variante,  le  calembour 
fripper  veulent  dire  manger.  Ce  sont  les  Patois  de  la 
France  qui  fournissent  la  plupart  des  mots  de  l'Argot 
de  Paris.  On  le  conçoit  facilement  en  pensant  qu'à  ce 
moment,  seulement  un  tiers  de  la  population  Parisienne 
est  née  à  Lutèce  la  Belle  et  que  Paris  a  été  de  tout 
temps  très-hospitalière.  Ainsi  au  Centre  on  dit  friper 
pour  manger,  la  fripe  pour  la  friandise.  Dans  telle 
chanson  provinciale  on  entend  :  «  les  rats  l'auriont 
«  briffé.  —  Il  n'en  restiont  plus  qu'la  têto  et  l'bout  de 
«  ses  riboués  »  (ses  souliers  rebouisés).  —  Barboter  se 
présente  en  Skt  et  en  G.  avec  des  formes  à  peine  dis- 
tinctes :  b'arv  manger  —  ?ép6w  id.,  t3agp'.^  la  gencive. 
Barbouiller  veut  dire  se  salir  dans  un  barbotage  (où  il 
y  a  à  manger  et  encore  plus  à  boire).  Le  poëte  Colletet 
avait  fait  des  vers  sur  le  bassin  de  Versailles.  Richelieu 
les  goûta  fort  et  les  paya  largement.  Cependant,  à 
l'idée  du  fondateur  de  l'Académie  le  passage  «  la  canne 
s'humectant  de  la  bourbe  de  l'eau  »  aurait  gagné  si  la 
canne  avait  barboté  dans  la  bourbe  (en  G.  borboros), 
comme  il  fait  en  réalité.  —  11  est  vrai  que  humecter  (1) 
n'a  ni  le  sens  ni  le  son  de  barboter,  car  ce  mot,  bien 
que  nous  ne  voyions  plus  dans  barbe  que  le  poil  qui 
recouvre  le  menton,  rappelle  toujours  à  l'oreille  le  son 
bucal  et  par  là  l'acte  du  bec.  Le  barbotin  est  le  nom  du 
butin  qu'on  va  bouloter,  dépenser  d'une  façon  quel- 
conque. Barbotter  un  prisonnier  est  examiner  ce  qu'il 

(1)  Humecter  veut  dire  aspirer  des  lèvres;  c'est  une  variante  du  son 
b  de  boire.  Humor  est  le  liquide  ;  humecter  signifie  mouiller. 


—  84 

a  sur  lui  à  son  entrée  en  prison,  de  là  le  barhaudier  le 
surveillant.  Ce  transport  du  sens  de  fouiller  avec  le 
bec,  de  barboter  au  sens  de  examiner  le  place  à  côté 
des  mots  (3£a6éuw  —  probo  —  éprouver,  prouver, 
preuve  —  to  prove  —  prûfen  examiner,  dont  cependant 
il  n'est  pas  la  réédition.  En  effet  la  mastication  et  la 
déglutition  (goûter,  V.  ce  mot)  sont  une  façon  de  se 
rendre  compte  et  d'apprécier  qui  reviennent  à  l'idée 
quand  il  faut  juger  de  la  valeur  de  n'importe  quoi.  En 
H.  een  proef  une  épreuve  veut  dire  un  échantillon  par 
où  l'on  juge  du  reste  et  proeven  goûter.  La  boustifaille 
est  ce  qu'il  faut  pour  manger,  synonyme  du  H.  mond- 
behoefte  ce  qu'il  faut  pour  la  bouche.  Bouffer,  le  biffre 
la  nourriture,  bouloter  jouent  sur  bouffi  et  boule.  Dans 
biffre  l'Argot  se  rencontre  avec  le  Skt  pîv,  pinv  nour- 
rir, engraisser,  et  avec  le  G.  rctwv  gras  —  pinguis  d'où 
pingouin.  Dans  n'importe  quel  pays  la  bouche  remplie 
qui  va  et  vient  pendant  la  mastication,  donne  aux  joues 
l'air  d'être  bouffies  et  la  forme  de  deux  hémisphères 
qui  dansent.  Pimpeloter  manger  rappelle  la  pompe, 
bien  qu'il  n'ait  pour  but  que  de  faire  entendre  le  bb  des 
lèvres,  qui  accompagne  l'acte  de  manger  aussi  bien 
que  celui  de  boire.  Le  Skt  valbh  manger  fait  supposer 
que  la  bouche  exécute  le  même  mouvement  que  lors- 
qu'elle balbutie. 

La  parole  est  la  voix  des  choses  qui  sont  présentes  à 
notre  esprit.  Elle  rappelle  le  son  des  événements  de 
notre  vie  propre  et  de  toutes  celles  qui  s'agitent  autour, 
de  nous.  Une  fois  l'événement  devenu  souvenir  sous  la 
forme  d'une  image,  le  son  par  lequel  il  a  frappé  notre 


—  85  - 

oreille  revient  à  la  bouche,  toutes  les  fois  que  cette  image 
surgit  dans  la  mémoire,  soit  parce  qu'elle  reste  devant 
les  yeux  par  une  préoccupation  continue,  soit  parcequ'à 
nouveau  des  sensations  semblables  nous  la  rendent  pré- 
sente. Aux  animaux,  aux  plantes,  aux  choses  de  la  na- 
ture inerte  nous  avons  donné  des  noms  selon  les  im- 
pressions que  notre  contact  avec  eux  a  produites  sur 
nos  sens  et  notre  esprit.  En  même  temps  que  le  souvenir 
de  ces  impressione  revient  à  la  pensée  le  mot  qui  les  a 
incorporées  se  présente  aux  levrès.  Nous  mettons  sou- 
vent une  impression  et  le  mot  qui  l'exprime  à  la  place 
d'une  autre,  mais  toujours  pour  rappeler  la  même  chose. 
Par  exemple,  le  cou  du  canard  et  des  oiseaux  de  son 
espèce,  les  chénoidés,  est  un  des  détails  qui  frappent 
Je  plus  dans  leur  forme.  La  gueule  qui  s'ouvre  rend  chez 
nous  comme  chez  les  animaux  qui  ont  cet  organe  à  peu 
près  formé  comme  le  nôtre  un  son  guttural  chan  d'où 
yv  l'oie,  le  Skt.  hansa,  cygne,  L.  cygnus,  où  cy  est 
-réduplication  et  gn  repprésente  le  quan-quan,  ciconia, 
cigogne,  canne,  canard.  Si  l'on  appelle  cet  oiseau  ca- 
nard ou  comme  en  H.  gans,  oiseau-cou,  oiseau  quan  on 
veut  rappeler  que  l'animal,  surtout  sa  sœur  l'oie,  a  le 
cou  très  caractérisé.  En  lui  donnant  le  nom  de  barbot- 
teur  on  le  rappelle  par  le  nom  d'une  autre  impression. 
Y.  au  mot  barbotter.  Canard  et  barbotteur  rappellent 
donc  le  même  oiseau  parce  que  le  quanquan,  le  quiqui 
et  le  barbottement  le  distioguent  suffisement  des  autres 
créatures.  Pourquoi  les  noms  ne  sont-ils  pas  les  mêmes, 
pourquoi  y  a-til  une  différence  qui  pourrait  paraitre  in- 
compréhensible comme  celle  deequus  etcaballus?  —  On 


86 


vient  de  le  voir,  c'est  parce  que  le  le  canard  produit  une 
foule  d'impressions  selon  que  l'esprit  est  frappé  de  tel 
détail  de  son  idiosyncrasie  vivante.  Le  fait  qui  produit 
chacune  de  ces  impression  rêvet  un  son  particulier  et 
chacun  de  ces  sons,  devenumot,  désigne  l'ensemble  par 
un  procédé  instinctif  qui  nous  fait  indiquer  la  partie 
pour  le  tout.  Qu'on  l'appelle  palmipède  et  l'on  feranaitre 
l'impression  qui  a  produit  les  sons  et  les  onopatopées 
palma  et  pes.  V.  ces  mots.  Avec  le  nom  anatide  nous 
voyons  le  canard  nageur,  celui  qui  se  plait'dans  l'eau  et 
nous  avons  l'impression  qui  a  produit  l'onomatopée 
nager.  V.  ce  mot.  Le  langage  nous  présente  le  volatile 
par  un  bout:  le  tenant  ainsi,  c'est  notre  faute  si  nous  ne 
le  tenons  pas  tout  entier.  Le  mot  pilet  nous  le  présente 
comme  un  oiseau  se  signalant  par  son  bec.  V.  ce  mot. 
Quelque  désir  que  l'on  ait  de  s'amuser  ou  de  se  moquer 
du  travail  étymologique,  on  aurait  mauvaise  grâce  à 
chercher  à  renouveler  sur  les  synonymes:  canard,  pal- 
mipède, anatide,  oiseau  aquatique,  barbotteuse,  anse- 
ride,  pilet,  chénoïde  l'effort  burlesque  de  transformer 
étymologiquement  caballus  en  equus.  V.  Traité,  p. 
160,  parce  que  ces  deux  mots  se  ressemblent  comme 
sens.  On  conçoit  que  tous  ces  synonymes  fournissent  la 
la  preuve'qu'on  a  comparé  le  canard  à  d'autres  animau^, 
qu'on  lui  a  reconnu  une  somme  de  propriétés  qui  exis- 
tent séparément  ailleurs  et  que  plus  un  même  objet  a 
de  noms  mieux  il  est  connu.  Combien  serait  triste  l'état 
de  notre  langage,  si  non  de  nos  connaissances,  si  pour 
tout  ce  qu'il  est.  pour  tout  ce  qu'il  fait,  nous  étions  forcés 
par  la  pénurie  de  notre  vocabulaire  à  dire  :  can  au  lie 


—  87  — 

de  pouvoir  le  désignerpartant  de  noms  descriptifs.  Bar- 
boteur  n'est  donc  pas  le  même  mot  que  canard,  bien 
qu'ils  appellent  tous  deux  devant  l'esprit  le  même  oiseau: 
par  contre  la  canule,  la  canne  le  roseau,  le  canon,  le 
canal,  le  canivet,  le  cheneau,  le  chenal,  le  caniveau 
sont  à  peu  près  le  même  mot  étant  formés  du  même 
radical  et  ne  signifient  pas  du  tout  le  même  objet.  Il  n'y 
a  de  commun  entre  eux  que  l'idée  de  gorge,  de  con- 
duit semblable  au  quiqui  et  à  cette  partie  du  canard  d'où 
sort  son  quanquan.  L'Italien  nomme  notre  gosier  un 
canal,  un  tuyau  de  roseau  dans  le  verbe  tracannare 
couper  la  siffle  ou  le  silïïet  comme  dit  l'argot  des  cri- 
minels. 

La  parole  se  manifeste  d'abord  par  le  mouvement  des 
lèvres  b'an  parler  —  Iicw  parler,  c\j.ort  voix,  mot  dans  le 
quel  on  voit  se  dessiner  l'autre  labiale,  le  m  que  nous 
expliquerons  bientôt —  epos  —  épique,  babiller,  pa- 
poter, potiner  —  io  babble  babiller  —  papeln  id.  Ba- 
biller devient  l'expression  pour  lire,  faire  hh  des  lèvres 
en  épelant  les  mots,  de  même  que  légère  remuer  la 
langue  pour  lire,  tout  comme  si  l'on  parlait  ;  delà  la 
babillante  le  journal,  la  lettre,  l'AU.  papperlapapp  les 
potins  interminables.  —  Les  lèvres  s'appellent,  comme 
nous  avons  vu,  les  bades,  son  composé  du  mouvement 
labial  b  dont  la  langue  emboîte  le  pas  en  faisant  entendre 
le  son  d  quand  elle  touche  le  palais.  Delà  bader  parler 
sans  dire  grandechose,  Skt.  vad  dire,  pat  parler  et  lire. 
Les  lèvres  s'appellent  aussi  les  badigoinces  ;  tout  l'at- 
tirail de  la  phonation  a  pour  nom  la  batterie,  mot  qui 
est  comme  toujours,  un  essai  de  reproduction  du  son  na- 


—  88  — 

turel  échoué  dans  le  calembour  et  n'ayant  de  l'onoma- 
topée que  le  premier  son.  La  bouche,  par  une  assonance 
câline,  s'appelle  le  papillon.  Au  Centre  elle  s'appelle 
papette.  Les  mots  qni  représentent  l'idée  de  com- 
mandement etc.  sont  représentés  par  pat  demander  avec 
autorité  —  ôaatXsùeiv  être  commandant  de  troupes,  être 
roi  (tXyj  le  peloton,  la  cohorte),  ttsOsg)  désirer,  demander 

—  peto  pétitionner,  postulo  —  postuler,  pétitionner*  — 
to  bid  commander  —  bitten-prier,  gebieten  commander, 
ainsi  que  l'Angl.  to  bode  annoncer,  entbieten  mander, 
Skt.  bodhaga  informer.  C'est  à  ce  radical  que  se  rat- 
tache bauce  le  despote,  le  maître,  en  argot  Angl.  boss 
le  patron. 

Bettauder  mendier  est  l'équivalent  de  l'Ail,  betteln, 
Ang.  to  beg.  Le  son  du  Skt.  b'âs  se  confesser  se  réper- 
cute dans  ©ao)  parler  — fateor  dire,  confiteor  confesser, 
fatum  la  dictée  du  sort  —  confesser,  fatidique,  la, fée, 
le  farfadet,  le  fade  la  part  du^butin  attribuée  par  le 
sort.  —  Viper,  viouper  hurler  comme  le  chien,  pleurer 
sont  formés  d'un  cri  ou  qui  avec  la  labiale  a  donné  Skt. 
hwê  invoquer,  blâ  interjection  pour  appeler  —  oui'.  — 
vae  —  ô  —  woe  —  weh.  Das  Weh  le  mal,  la  douleur. 

—  Bouffeter  s'emploie  pour  bavarder,  ainsi  que  baver 
qu'on  paraphrase  en  disant:  dépenser  de  la  salive,  tailler 
une  bavette.  Il  est  naturel  que  ces  expressions  prêtent  à 
des  échanges  avec  celles  qui  décrivent  d'autres  opéra- 
tions de  la  bouche,  celle-ci  présentant  dans  différents  cas 
des  aspects  à  peu  près  semblables  et  proférant  des  sons 
dont  il  n'est  pas  toujours  facile  de  saisir  les  nuances. 
Au  Centre  on  dit  bavouiller  et  en  Français  bqffouiller 


—  89  - 

pour  avoir  la  parole  embarassée,  s'énoncer  mal,  par  ce 
qu'on  est  gêné  ou  parce  qu'on  n'est  pas  maître  de  son 
sujet.  Un  pavillon  est  un  racontar,  toujours  avec  asso- 
nance et  calembour  sur  papillon  la  bouche.  La  bouche, 
le  bec  se  retrouvent  dans  bogue  le  nom,  bigorne  papo- 
tage, bigornion  blague,  bourde,  bigorniau  Auvergnat, 
charabia,  par  jeu  des  mots  bigorneau  (biscornu)  le  co- 
quillage, un  Rebecca  quelqu'un  qui  est  mal  embouché, 
qui  réplique,  qui  bougonne  toujours.  Autant  de  mots, 
autant  d'onomotopées  manquées  volontairement  et 
n'ayant  du  son  naturel  que  le  commencement  6.  Se  re- 
béquer  veut  dire  s'aboucher  de  nouveau.  Bonir,  le  60- 
nisseur,  le  boniment  veulent  dire  blaguer,  le  blagueur 
et  la  blague  qu'on  adresse  aux  bonnes  gens,  aux  gogos  : 
ce  sont  des  allitérations  à  des  mots  tels  que  bader,  baver, 
bouffeter.  Ces  mots  jouent  sur  bon.  Le  boniment  est  la 
sauce  piquante  à  laquelle  on  arrange  une  viande  médio- 
cre. Le  Skt.  a  le  radical  bn  dans  b*an  dire,  b lanj parler. 
Le  bêcheur  est  le  hâbleur  :  le  mot  dérive  de  bec  et  joue 
sur  bêche.  Bêcher  qq.  est  entamer  sa  réputation  comme 
avec  une  bêche:  c'est  une  rime  qui  fait  entrevoir  un  sens 
complexe  ;  c'est  une  expression  syllep tique  qui  réunit 
bec  et  bêche t  le  pic. U avocat  bêcheur  est  celui  qui  abîme 
la  partie  adverse,  comme  si  l'on  pouvait  laver  son  client 
avec  la  crasse  de  l'adversaire.  L'équivoque  de  bêcher 
avoir  un  bagou  inique  a  été  poussée  plus  loin.  Bêcher 
a  conduit  à,  jardiner,  si  bien  qu'on  ne  manque  pas  de 
dire:  jardiner  qq.  faire  du  jardinage.  A  ce  jeu  on  devient 
incompréhensible  pour  la  plupart  des  Français,  sans 
parler  des  étrangers.  Ces  expressions  sont  des  amusettes 


90 


dans  la  conversation,  mais  indignes  du  langage  sensé. 
Bajoter  joue  sur  baiser:  il  veut  dire  parler.  Le  patois 
se  rencontre  avec  le  Skt.  6  ï^  dans  bigotter  mendier, 
Angl.  to  beg  demander.  Le  bigot  estcelui  qui  prie  bau- 
cbup,  mais  comme  il  y  en  a  qui  prient  pour  qu'on  ait 
une  bonne  opinion  de  leur  dévotion,  il  est  devenu  sy- 
nonyme d'hypocrite.  L'AIL  beichten,  le  H.  biechten 
signifient  se  confesser,  primitivement  parler,  Skt  vac' 
Le  bagou  est  le  flux  de  bouche,  Skt.  vac'  parler.  —  Les 
balots  les  lèvres,  Angl.  bill  le  bec,  ont  donné  balauder 
mendier,  baloter  pour  bouloter.  L'Angl.  blubberlips 
désigne  des  lèvres  gonflées,  des  lèvres  balottantes. 
B  léser  est  balbutier  remuer  les  lèvres  d'une  façon  emba- 
rassée  et  faire  entendre  en  même  temps  un  zézaiement 
Le  Norm,  bauber  marque  l'embarras  delà  bouche  dans 
renonciation  des  mots.  Le  mot  Angl.  bill  se  retrouve 
dans  pilet  canard  de  petite  espèce.  -De  même  que  le  mu- 
fle et  le  museau  comprennent  le  nez  et  la  bouche,  le  bill 
auquel  répond  pilet,  le  bec-canard,  à  suggéré  le  blaire 
le  nez.  L'Angl.  to  blurt,  Y 'Ail.  plàrren  crier,  vociférer 
sont  comme  le  blaire,  \epil,  qui  crient.  Au  Centre pile, 
pilon  etpiron  veulent  dire  oison,  en  patois  H.  pielhen 
poule  à  bec,  canard.  On  les  appelle  en  répétant  leur 
noms  :  pielel  pielel  conme  on  dit  au  Centre  :  biheri  ! 
biberil 

Le  son  radical  bal  se  transforme  naturellement  en 
bar  dès  que  le  a,  cessant  de  glisser  sur  la  langue  abais- 
sée, se  fait  guttural  dans  l'intensité  de  renonciation. 
C'est  à  cette  façon  d'articuler  que  nous  devons  le  Skt 
Barbara  le  langage  incompréhensible  où  l'on  ne  voit 


—  91   — 

que  le  mouvement  des  balots  —  gapgaps;  —  barbarus 

—  barbare  —  brogue  l'argot,  de  même  que  les  expres- 
sions pour  le  langage  articulé  barh,  rarh,  briu  parler, 
prac'  interpeler,  b'ranc'  nom  des  dialectes  employés 
dans  les  drames  -  spa^w  parler  -  pracco  le  héraut  -  phrase 

—  brangle,  to  brcurl  criailler,  quereler,  to  brag  parler 
gros,  se  vanter,  to  prate  causer  —  sprechen  parler  — 
H.  spreken,  Skt  spric  id.,  praten  babiller.  Parler  d'un 
ton  interrogateur  ou  de  prière  a  produit  brahma  prière, 
prac  demander  — proco  je  demande  —  briguer  — Ail. 
fragen  demander  en  It.  bramare  désirer.  Bredouiller 
est  parler  un  langage  confus,  mal  conçu.  C'est  un  terme 
de  mépris  qui  rappelle  le  bruit  des  bardouilles  etproutl 
H.  een  boer  un  rot  avec  assonance  à  borborygme.  Par- 
ler bredibreda  est  bredouiller,  avoir  l'air  de  dire 
Breda  (1)  (Ville  de  Hollande  signifiant  Eau-large).  Le 
H.  a  encore  le  mot  proesen  pour  éternuer,  s'ébrouer 
et  éclater  de  rire  (2).  Brailler,  bruire,  braire,  bramer 
sont  formés  du  même  son  radical.  —  Le  mot  se hproum 
est  une  orthographe  naïve  du  mot  Ail.  Gebrumm  le 
grondement,  le  frémissement  :  b'r-fga  bourdon  —  gp^w 

—  fremo  — frémir,  bramer  —  to  purr  ronronner  — 
brummen  gronder.  L'organe  a  nom  en  H.  pram  le  sein, 
la  poitrine. 

La  bouche,  le  bec  est  capable  de  serrer,  de  tenir.  Le 
bec  de  l'oiseau  qui  pique,  qui  tient  répond  par  sa  forme 
et  ses  actes  à  V épine,  à  la  pointe,  à  la  pioche,  au  peigne, 

(1)  En  Skt  praV  étendu  et  a  pour  ap  eau. 

(2)  Les  équivalents  de  ce  mot  sont  bourde  le  gros  mensonge  qui 
fait  éclater  de  rire,  Angl.  sport  la  plaisanterie,  H.  boerten  dire  des 
bourdes,  plaisanter. 


—  92  — 

au  poinçon,  à  V épingle  (en  Angl.  pin).  Mettre  au  clou 
se  dit  également  bien  :  mettre  au  pégole,  H.  spijker  le 
clou,  Angl.  peg  la  pointe,  spike  la  barbe  de  l'épi,  Ail. 
der  Speicher  l'armoire,  la  penderie,  L.  pungere  poin- 
dre. —  La  bouche  servant  d'instrument  pour  saisir, 
pour  serrer  a  incorporé  son  activité  dans  pax  prendre, 
paç,  spaç  lier  —  n%<*>  prendre,  figer  — Jîgo  fixer  — 
ficher,  faisceau,  Jîger ;  fixer,  pincer  —  fang  (1)  la 
griffe,  to  pack  serrer,  tofasten  lier  — fassen  etpacken 
s&isir,  fang  en  attraper,  fest  fixer.  Le  poing  ^j;  — pug- 
nus  — poing  — finger  le  doigt  qui  serre,  V.  plus  haut, 
fist  le  poing  —  der  Finger  le  doigt,  die  Faust  le  poing 

—  H,  vinger  doigt,  pink  petit  doigt,  Skt  spaç  toucher 
du  doigt  —  le  poing  est  la  main  qui  serre,  acte  analogue 
au  serrement  pratiqué  par  la  bouche.  L'Argot  s'est  em- 
paré de  ce  radical  :  il  en  a  fait  piger  prendre,  pégrer 
voler,  la  pègre  la  corporation  des  voleurs,  le  pognon, 
lapesce,  la  pèse,  la  pèze,  la  pezotte  et  avec  suppression 
de  la  première  syllabe  la  zozotte  pour  dire  l'argent 
qu'on  palpe,  qu'on  serre  dans  son  poing;  il  en  a  formé 
également  pesciller  et  pescigner  qui  veulent  dire  pico- 
rer, pégrer,  prendre  de  la  pèze.  Piquer  un  fard,  un 
soleil  veulent  dire  attraper  des  couleurs;  piquer  son 
chien  attraper  un  peu  de  sommeil,  dormirle  jour  comme 
le  chien;  piquer  son  renard  être  surpris  par  des  nau- 
sées, renarder,  goupillonner. 

La  bouche  étant  capable  de  se  serrer  prête  son  nom 
au  poing.  Par  suite  du  jeu  de  ses  articulations  cet 

(1)  Le  Skt  pane' a  —  uévre  —  quinque  pour  hwinhwe  —  cinq  —  five 

—  fùnf  veut  dire  le  poing,  les  cinq  doigts. 


—  93  — 

organe  peut  offrir  l'image  vivante  du  compas.  De  là  les 
noms  b'uj'a  courbe,  bâha  bras  —  r^yyq  le  coude,  x^ 
la  hanche,  la  fesse  —  Callipyge  —  Callipyge —  bough 
branche,  to  bow  courber,  elbow  coude  —  biegen  cour- 
ber, dcr  Bug  l'épaule.  —  Le  poing  représenté  comme 
frappant  a  donné  la  pige  l'heure  qui  sonne,  en  It.  pic- 
chiare  frapper,  la  bogue  la  montre  qui  sonne  les  heures, 
le  bocard  le  moulin,  boxer  donner  des  coups  de  poing. 
Le  coup  se  montre  dans  le  Skt  I/anj  frapper,  pun's 
broyer  —  ituYjjrç  le  pugilat  —  pugno  je  combats,  pinso 
je  pétris,  pistor  le  boulanger —  inexpugnable^  pugilat 

—  to  pounce  frapper,  to  poke  pousser,  to  bang  choquer 

—  pochen  frapper.  Un  bochon  est  un  coup  de  poing, 
la  pichenette  un  petit  coup  sur  le  nez,  représenté  par 
nette)  la  bince  le  couteau  qui  frappe,  Skt  pic' c',  vie' 
séparer,  scinder.  —  Le  peigne  Allemand  désigne  les 
cinq  doigts.  Le  peigne  étant  composé  de  pointes  montre 
le  bec  qui  pique,  qui  point  (1).  Se  peigner  veut  dire  se 
prendre  par  les  cheveux.  —  Piquer  se  retrouve  encore 
dans  le  pégoce  le  pou  qui  pique  les  gosses  et  dans  le 
pégocier  le  pouilleux;  de  même  dans  péniche,  en  H. 
spitsneus  nez  pointu,  le  bateau  à  nez  ou  bec  pointu  et 
par  assimilation  une  grande  chaussure. 

C'est  par  les  mouvements  de  la  bouche,  par  ses  bruits, 
par  les  différentes  formes  qu'elle  sait  prendre  que  nous 
exprimons  les  mouvements  de  notre  être  conscient,  de 
la  vie  de  notre  âme.  L'esprit,  pour  exprimer  ce  qu'il 
ressent  se  sert  des  sons  dans  lesquels  s'incorporent  les 

il)  La  bécane  la  locomotive  joue  sur  hec  et  sur  décan  oiseau,  va- 
riante de  pfi  :  l'un  et  l'autre  sifflent . 


—  94  — 

sensations  qu'il  éprouve.  Ainsi  le  dégoût  trouve  son 
expression  dans  le  souffle/au  moyen  duquel  nous  éloi- 
gnons un  mauvais  air  ou  indiquons  simplement  qu'il  y 
a  quelq  ue'chose  qui  pue,  un  mauvais  air,  un  ventcoulis.  Le 
son/3  est  représenté  en  Français  par/z,  Ang\.  f y,  f au  g  h, 
foh,  Ail.  pfui,  H.foei  û  et  verfoeijen  faire  fi  de.  Le  son 
f  s'ouvrant  un  passage  entre  le  palais  et  la  langue  fait 
rebondir  celle-ci  contre  le  palais  et  provoque  ainsi  un 
bruit  que  nous  notons  par  d.  t.  s  etc..  De  ce  radical  ont 
été  formés  pâti  (1)  la  puanteur  —  (JSeXu.aaojJuxt  abhorrer 

—  pudet  on  a  honte,  repudio  je  regrette,  fastidio  je 
suis  dégoûté  de  — pouahl  expression  de  dégoût,  répu- 
dier, pudeur,  pouacre  sale  —  bad  mauvais  en  Argot 
vain,  au  Centre  c'est  peut  c'est  laid  en  H.  vies  dégoû- 
tant —  AU.  pfui  fi  dont  on  n'a  pas  formé  de  mot.  —  It. 
oibo,  puh  pouah!  —  Le  peu  de  cas  que  l'on  fait  d'un 
objet,  l'indifférence,  le  mépris  s'expriment  par/>^!  in- 
terj.  qui  dénote  le  mépris,  push  mépriser,  bush  et 
s'punt  id.  —  bah!  put!  ouit!  ouitche!  Angl.f udge! des 
bêtises.  Piau!  la piaûl  jeux  de  mots  sur  peau  équiva- 
lent à  l'exclamation  :  des  balançoires,  des  blagues  !  La 
prévention  pour  le  jeu  de  mots  a  substitué  fo  in  et  foin 
de  aux  mots  bah,  put!  —  Le  mépris  se  marque  en  cra- 
chant. On  évacue  la  salive  en  l'amenant  aux  lèvres  (p) 
et  en  soufflant  dessus  (s)  :  L.  respuo  rejeter  —  conspuer 

—  Ail.  spotten  se  moquer  de  —  Suéd.  spe  la  moquerie 
V.  au  mot  sputation.  —  Bafouer  est  un  composé  d'un 
mot  qui  subsiste  dans  l'It.  beffare  s'éboufïer,  pouffer  de 
rire  etfouer  que  nous  retrouverons.  Le  bouffon  est 

(1)  Vis1  Skt  est  l'ordure,  V.  au  mot  vésouiller. 


—  95  — 

celui  qui  amuse  par  de  grosses  plaisanteries.  D'après  le 
mot  c'est  un  gros  bouffi,  quand  il  rit  du  moins,  qui 
nous  fait  pouffer  de  rire.  Sefouer,  sefouter  de  sont  les 
onomatopées  du  son  méprisant  put,  foin!  Une  bagatelle 
est  une  chose  qu'on  méprise,  qui  fait  dire  bah  !  comme 
les  mots  -populaires  foutaise  etfoutaison  expriment  des 
choses  qui  amènent  aux  lèvres  un  ft!  Une  fichue  affaire 
en  est  une  qui  dans  le  fond  ferait  dire  put,  ouitche  mais 
qui  ne  laisse  pas  que  d'être  embarrassante.  Il  n'est  pas 
fichu  de  rien  faire  de  bon  veut  dire  qu'il  ne  fiche  rien 
de  bon,  que  la  vue  de  ce  qu'il  fait  provoque  chez  nous 
un  ouitche  de  mépris;  il  est  fichu,  il  est  mal  fichu  — 
sa  vie  ne  vaut  plus  un  souffle;  c'est  fichu  —  c'est  mal 
fait;  se  ficher  de(l)  —  se  moquer  de,  par  une  assonance 
à  Vf  s  du  sifflement,  au  p  de  put,  au  ou  (w)  de  ouit- 
che etc.  En  It.  ficarsi  faire  claquer  les  doigts  est  le 
geste  de  celui  qui  se  fiche.  Unfico  n'est  peut-être  qu'un 
calembour  sur  le  mot  fischiare  siffler.  En  Provençal 
firharse  veut  dire  se  moquer.  Fichtre,  fouchtr a,  foutre  ! 
marquent  qu'on  est  ennuyé  de  toutes  ces  fadaises,  de 
toutes  ces  bagatelles.  —  La  pochade  le  croquis  bur- 
lesque, Ail.  die  Posse,  der  Spasz  le  plaisir  —  H.  poets 
marquent  qu'il  y  a  de  quoi  rire.  Le  son  primitif  ps  est 
celui  de  l'air  qui  s'échappe  pendant  le  rire.  Se  baucher, 
se  baucoter  veulent  dire  se  moquer.  Ces  mots  jouent 
sur  bauge,  sur  bag  de  bagage,  sur  TAU.  Bauch  le 
ventre.  Quand  on  rit  le  ventre  se  dresse.  Embabouiner 
duper  n'est  qu'un  jeu  de  mots  sur  embobiner,  V.  aux 

(1)  V.  au  mot  badiner. 


96 


mots  babouin  et  bobine.  Le  bateleur  (1)  est  le  pitre  (H. 
Pieter  Pierre,  pierrot),  le  bonisseur  des  tréteaux  de  la 
foire.  Ces  mots  représentent  des  onomatopées  manquées 
par  leur  originateur  à  cause  de  sa  prévention  pour  le 
jeu  de  mots.  Baver  veut  dire  parler,  la  batterie  l'atti- 
rail de  la  parole.  —  Battre  Job  signifie  ainsi  amuser  le 
gobeur,  par  jeu  de  mots  Job,  le  battage  la  tromperie. 
La  porte  une  fois  ouverte  au  calembour,  on  en  profite  : 
battre  conduit  à  bateau  et  en  prenant  monter  dans  1  ex- 
pression synonyme  :  monter  le  coup  on  a  monter  un 
bateau  à  quelqu'un,  chercher  à  le  tromper.  Le  bateau 
rappelle  à  la  mémoire  le  ponton,  le  pont  à  bac  et  le 
pont  :  de  là  couper  dans  le  pont  croire  au  boniment  et 
devenir  dupe.  —  Basteler  veut  dire  faire  du  batelage, 
professer  le  métier  de  bateleur. 

La  bise  est  le  vent  qui  siffle  :  le  son  a  l'air  de  sortir 
de  notre  bouche,  effet  inévitable  de  notre  imitation.  Le 
mot  bizarre  montre  dans  notre  nature  quelque  chose 
qui  ressemble  au  caprice  du  vent  qui  se  lève  et  s'abat 
sans  cause  connue.  Lit.  bùza  veut  dire  colère  subite, 
emportement,  l'Ail,  base  fâché.  Danois  et  Suéd.  bister 
courroucé,  Skt  bifratse  se  fâcher. 

Un  puant  est  un  orgueilleux  qui  trouve  tout  mau- 
vais, qui  fait^  de  tout  excepté  de  lui.  L'orgueil  s'ap- 
pelle, par  jeu  de  mots,  le  piaf.  L'inanité,  le  vide,  le 
vent  qui  est  au  fond  du  cœur,  de  l'intention,  d'un  acte, 
s'appelle  la  vanité.  La  pompe  est  l'inanité  des  exhibi- 
tions publiques,  l'enflure  du  style;  le  faste  une  parade 
vaine  et  odieuse;  la  fatuité  l'inanité  de  nos  prétentions. 

(1)  Le  Skt  push  veut  dire  mépriser;  l'Angl.  fudge,  foin  de. 


—  97  — 

Ces  mots  sont  formés  de  la  même  matière  que  put , 
foin  et  ouitclie  !  ils  s'appellent  l'un  l'autre.  La  colère 
est  une  animosité  violente  accompagnée  d'un  gonfle- 
ment de  l'estomac  (stomachor),  qui  cherche  à  se  soula- 
ger en  soufflant  :  ce  sifflement  s'appelle  bisquer, 
variante  de  bise  et  de  l'Italien  bùza  qui  a  donné 
bizarre.  Avoir  son  bœuf  est  un  jeu  de  mot  sur  bœuf 
qui  veut  dire  qu'on  a  l'estomac  tourné,  qu'on  manque 
sa  digestion,  qu'on  a  des  flatulences,  qu'on  est  gêné,  ne 
pouvant  éclater  contre  le  prochain.  Bœuf  est  une  ono- 
matopée manquée  qui  indique  le  mot  bouffi  (1),  Angl. 
puff  une  bouffée  de  vent.  Bœuf  est  aussi  une  expres- 
sion à  laquelle  l'esprit  a  recours  pour  dire  ce  qui  est 
bêtement  étonnant  :  un  succès  bœuf  un  gros  succès. 
Le  Sanskrit  a  l'onomatopée  b'amba  pour  désigner 
l'orgueil,  et  bxam  pour  faire  comprendre  l'idée  d'irrita- 
tion. Celui  qui  a  des  accès  de  colère  est  le  bœufîer.  — 
Le  dépit,  Angl.  spite,  H.  spyt  semble  indiquer  que 
l'on  se  mord  les  lèvres;  Angl.  to  bite,  Ail.  beiszen 
mordre. 

L'éclat  de  rire  fait  dire  pouf  à  nos  joues,  gonflées 
par  le  souffle  retenu  :  de  là  s'ébouffer  rire  aux  éclats. 
—  Avancer  les  lèvres  pour  marquer  la  mauvaise 
humeur  a  donné  le  son  de  bouder  et  avec  jeu  de  mots 
bouffer,  Angl.  to  pout.  —  L'étonnement  nous  fait 
ouvrir  une  grande  bouche  :  bè  (2),  bà,  bah  !  Autour  de 
ce  mot  pullulent  les  variantes  et  les  jeux  de  mots  : 

(1)  Le  Skt.  TAmba  disque  marque  l'objet  arrondi  par  le  souffle; 
vap  tisser  semble  vouloir  dire  :  enrouler  sur  une  bobine.  V.  aux 
mots  bombe  et  bobine. 

(2)  Le  Skt  p'ut  interjection  veut  dire  qu'on  ne  comprend  pas. 

7 


—  98  — 

baba,  pape,  papasse,  papote  qui  veulent  dire  étonné. 
Pocheté  par  jeu  de  mots  veut  dire  épaté,  ébahi,  ébaubi, 
Angl.  abashed,  H.  verbaasd.  Le  baba  est  celui  qui 
s'épate  de  tout,  Svaaoz.  Le  verbe  s'épater  lui-même  est 
un  jeu  de  mots  sur  bah!  L.  papœ,  G.  6aéa(.  Abqfointé 
veut  dire  étonné,  mais  en  même  temps  qu'on  est  indif- 
férent pour  l'objet  qui  cause  l'étonnement.  —  V.  au 
mot  foin.  Rester  bouche  bée  équivaut  à  être  interloqué. 
Le  pigeon  est  un  sinve,  un  simple  qui  se  laisse  enjôler 
par  d'honnêtes  apparences.  Les  variantes  de  ce  nom 
sont  bige}  bigeot,  bigeois  qui  riment  sur  biger  donner 
un  beccot.  Un  badouillavd  est  un  niais  :  sa  grosse 
bouche  et  ses  discours  ont  l'air  de  l'affirmer.  —  Un 
béard  est  un  homme  tranquille  :  il  n'a  la  bouche 
tiraillée  par  aucune  passion. 

Le  bec  pris  pour  la  figure  comme  il  arrive  avec  le 
mot  Latin  os,  bouche  et  physionomie  devient  le  terme 
pour  le  masque  et  ses  expressions.  Le  babouin  est  le 
masque  dont  on  se  couvre  le  visage  pour  se  préserver 
de  la  piqûre  des  abeilles  quand  on  va  châtrer  les 
rayons.  Le  jeu  de  mots  faire  la  babou  veut  dire 
grimacer,  H.  bietebaauw  l'épou vantail,  la  malebête. 
La  boubane  désigne  la  perruque  au  point  de  vue  du 
déguisement.  Le  pignouf,  le  pignoufle,  le  pignoiiflard 
est  un  mufle.  Pour  les  former  on  n'a  eu  qu'à  changer 
ce  dernier  mot  en  un  des  homonymes  de  bec.  —  Le 
masque  effrayant  est  le  bau,  V.  plus  haut.  Il  effraie  les 
enfants  en  disant  d'une  voix  sourde  bau  bruit  qui 
imite  l'aboiement  du  chien,  Skt  b *as  effrayer.  H.  boe- 
man,  le  babau,  l'homme  qui  fait  bau  !  La  figure  mys- 


—  99  — 

térieuse  de  certains  singes  leur  a  valu  le  nom  de 
babouin»  —  Lajrasquè\  Aïigi^Jreak  la  grimace,,  le 
caprice  semblent  s'appuyer,  comme  l'Allem.  das 
Fratëengesicht  la  figure  grimacière,  die  Fratze  la 
grimace,  sur  pharynx  et  ses  opérations,  Angl.  to  fret. 
AW.Jressen  briffer,  manger.  Das  Ge frits:  en  Ail.  veut 
dire  la  figure  (la  bouche  qui  mange).  Saisir  par  le 
regard,  par  les  yeux  est  synonyme  dans  le  langage  de 
prendre  avec  la  bouche.  Quand  on  veut  comprendre 
une  chose  qui  fait  notre  surprise,  notre  étonnement, 
notre  admiration,  nous  ouvrons  les  yeux  pour  voir,  la 
bouche  pour  saisir,  le  nez  pour  connaître  par  l'odorat  ; 
dans  cet  ordre  d'idées  on  dit  de  même  dresser  les 
oreilles  :  on  voit  les  enfants  et  les  personnes  naïves  qui 
ne  s'observent  pas  ouvrir  même  les  mains  comme  pour 
attraper  l'objet  qui  frappe  les  yeux.  Les  sons  radicaux 
qui  ont  fourni  les  noms  de  la  bouche  ou  de  ses  actes 
vont  reparaître  ici  avec  le  sens  de  voir  :  au  observer  — 
tùty  le  regard  —  optica  —  optique  —  ophthahnie  —  to 
spy  épier —  spàhen  espionner,  skt  paç,  spaç  surveiller. 
L'opinion  est  la  manière  de  voir.  L'option  s'appelle 
probablement  ainsi  parce  qu'elle  se  fait  d'après  le  juge- 
ment des  yeux.  L'Angl.  hope  l'espérance,  Ail.  die 
Hoffnung  expriment  la  perspective  du  bonheur.  C'est 
le  regard  tourné  vers  l'avenir.  L'expectative  exprime 
la  même  idée  par  un  radical  congénère  que  nous  ver- 
rons de  suite.  Le  H.  vooruitzigten  les  vues  d'avenir,  la 
perspective,  l'Ail,  die  Zuversicht  l'espoir  expriment  la 
même  idée  par  un  terme  synonyme.  —  Remarquer 
s'appelle  rebouiser  ;  ce  mot  veut  dire  aussi  donner  un 


—  100  — 

nouvel  aspect,  retaper,  requinquer  (1)  :  de  là  un  ri- 
bouis,  un  ribis  un  soulier  réparé,  un  dix-huit  (deux 
fois  neuf).  P imper  veut  dire  regarder  avec  une  nuance 
de  brutalité,  Angl.  topeep  regarder  indiscrètement.  Le 
sens  de  regarder,  de  saisir  par  la  bouche,  ce  qui  le  rend 
synonyme  de  comprendre,  apprendre  se  trouve  exprimé 
avec  la  racine  bucale  dans  :  spaç  regarder,  id.  — 
p-TcéxXov  le  miroir  —  spéculum  id.  —  specio  voir  — 
respecter,  haruspice,  espiègle  abréviation  du  Holl. 
Uilenspiegel  miroir  des  hulottes,  des  farceurs  —  to 
spy  épier  —  der  Spuk  le  revenant,  le  spectre,  das  Ge- 
spinst  id.  —  H  het  spook  id.  —  Le  mot  expectare 
parvient  à  signifier  attendre  parce  que  l'objet  de  l'at- 
tente et  du  désir  nous  font  diriger  les  regards  vers 
l'avenir.  De  là  l'adaptation  Anglaise  expectations  ce 
qu'on  peut  attendre.  (Rester  dans  l'expectative,obser\eT 
l'attitude  de  quelqu'un  qui  attend  venir  les  choses). 
L'Anglais  in  abeyance  veut  dire  en  perspective.  — 
Aller  en  vacquerie  joue  sur  vache,  vacque  dans  le 
Nord,  L.  vacca  :  le  sens  est  aller  flairer  une  aventure, 
épier  un  coup  à  faire,  rebouiser.  —  Le  phonème  bâcles 
lèvres  revient  dans  le  Skt  budK  reconnaître,  bud'di 
l'intelligence,  la  lumière  de  l'esprit,  le  coup  d'œil, 
budlda  le  sage,  le  savant,  Bouddha,  Foda  le  réveil  — 
qadauclei\  le  badaud  le  museur  qui  regarde  des  choses 
peu  intéressantes,  béer  aux  corneilles,  ne  rien  faire; 
abadie,  abadis  foule  qui  regarde,  allusion  au  nom  de 
Abadie.  Badaud  et  bud'da  sont  des  sens  divergents  de 

(1)  Ce  mot  rappelle  le  quinquet  de  l'inventeur  de  ce  nom.  Le  sens 
est  :  présenter  sous  un  nouvel  aspect,  une  autre  lumière,  retaper. 


—  101  — 

la  même  idée.  Badauder  marque  un  état  très-inférieur 
de  la  curiosité  :  bud'da  est  comme  ac?s;  —  sapiens  — 
sage,  sapience,  savant,  celui  qui  regarde  pour  con- 
naître. L'Angl.  to  bide  attendre  est  une  variante  de 
expectore  et  du  H.  verbeiden  id.;  to  abide  rester  et 
demeurer,  Skt  vid  habiter,  sens  auquel  se  rattachent  le 
Suéd.  bo  id.,  by  village,  bygd  voisinage,  TAU.  das 
Bùhl  le  hameau,  qui  semblent  avoir  pour  sens  primitif 
celui  de  muser  sur  place,  de  s'arrêter  dans  sa  course 
vagabonde,  anal,  à  celui  de  maneo  qui  veut  dire  rester, 
demeurer  et  dont  le  sens  propre  est  muser.  V.  Traité, 
p.  71.  Baguenauder,  par  allusion  au  jeu  de  la  bague- 
naude et  au  fruit,  est  par  lui-même  un  composé  de  deux 
homonymes  de  bec  et  de  nez  ayant  le  sens  de  courir  çà 
et  là,  de  perdre  son  temps  à  muser,  dans  le  fond,  de 
rebouiser  (Skt  vaktra  bouche,  vâgdala  lèvre)  et  de 
renifler  selon  le  sens  de  l'Argot.  —  Le  tremblement 
des  lèvres  bb  annonce  la  peur,  l'ébranlement  des  nerfs  : 
b*t  crainte  —  o£îz\j.v.  je  crains  —  hydrophobia  —  gal- 
lophobe  —  Ail.  behen  —  H.  beven  et  le  fréquentatif 
hihheren.  —  Le  beccot  étant  le  signe  de  la  réconcilia- 
tion, l'accord  s'exprime  par  se  rabibocher  se  réconci- 
lier, çà  baise  on  tombe  d'accord,  se  rapapilloter  jeu  de 
mots  sur  papillote  et  papillon  s'accorder  de  nouveau. 
Un  baiser  se  dit  en  Langue  d'Oc  poutetde  pot  ou  pout 
la  lèvre,  la  bade.  Un  petit  museau,  un  mignon  s'ap- 
pelle poutouno. 

Le  mot  bouche  est  une  adaptation  Gauloise  du  L. 
bucca  formé  du  radical  bue  et  de  la  terminaison  a  avec 
redoublement,  du  c.  Bue  est  le  son  naturel  de  l'organe  : 


—  102  - 

Grâce  à  l'onomatopée,  il  en  devient  le  nom.  Tel  que  le 
son  le  représente,  il  ne  paraît  composé  que  des  lèvres 
et  du  gosier  :  ce  sont  du  moins  les  seules  parties  de  la 
bouche  qui  se  soient  fait  entendre  quand  le  grammairien 
a  noté  ce  phonème.  —  Nous  venons  d'entrevoir  que 
le  son  des  lèvres  peut  être  accompagné  de  chacun  des 
sons  propres  aux  différentes  parties  qui  composent 
l'appareil  complexe  de  la  bouche.  Celle-ci  étant  l'organe 
de  la  respiration  et  de  la  nutrition,  tous  les  actes  se 
rattachant  à  ces  deux  fonctions  doivent  forcément  se 
traduire  en  sons  spéciaux,  sensibles  et  perceptibles 
pour  l'oreille.  Les  sensations  intérieures  qui  précipitent 
ou  ralentissent  la  respiration  aboutissent  également  â 
la  bouche  et  s'exhalent  par  des  cris  particuliers.  En 
conséquence  le  corps  du  mot,  c'est-à-dire  la  façon  dont 
on  le  prononce,  l'épelle  ou  l'écrit,  change,  selon  que 
les  lèvres,  le  gosier,  la  langue,  les  dents,  le  palais,  le 
nez,  seuls  ou  réunis,  contribuent  à  l'acte  de  cet  organe 
complexe  et  simultanément  au  son  qui  en  résulte.  C'est 
la  somme  des  sons  spéciaux  de  chacune  des  parties  de 
l'organe  mises  en  jeu  qui  composent  les  radicaux  pri- 
mitifs et  constitue  ainsi  le  fond  des  mots  que  l'onoma- 
topée en  a  formés.  Les  nombreuses  consonnances  que 
l'Argot  met  à  la  place  d'onomatopées  d'origine  ne 
comptent  pas.  Nous  avons  vu  comment  il  prend  des 
mots  homonymes  tout  faits  dont  le  sens  lui  fournit 
l'équivoque  recherchée  :  comme  cela  il  n'a  pas  à  se 
donner  la  peine  de  reproduire  le  son  et  avec  lui  le  sens 
intégral  tels  que  la  nature  les  présente.  Il  se  contente 
de  mots  qui  riment  avec  le  son  naturel  dont  il  a  la  per- 


103 


ception  au  fond  de  son  oreille.  Il  aime  le  calembour, 
surtout  celui  qui  ajoute  quelque  chose  au  sens  qu'il  faut 
exprimer.  Ainsi  dans  l'expression  :  il  a  son  bœuf,  qui 
veut  dire  il  est  bouffi,  il  est  gonflé  de  colère,  il  souffle 
la  colère,  le  mot  bœuf  est  une  rime  du  mot  bouffi,  mais 
qui  ajoute  au  sens  que  la  colère,  l'animosité  est  de  la 
taille  d'un  bœuf. 

La  métathèse  de  bucca  bouche  est  gobe,  gaffe.  Ces 
mots  qui  veulent  dire  gosier,  reproduisent  les  mêmes 
sons  dans  l'ordre  inverse,  tel  qu'il  en  existe  dans  le 
bruit  de  l'acte  même.  Dans  le  cas  présent  c'est  le  gosier 
qui  sonne  le  premier  en  s'ouvrant  pour  saisir  et  cette 
ouverture  entraîne  celle  des  babines  qui  font  entendre 
leur  note  à  elles,  le  b.  Dans  bouche  ce  sont  les  lèvres, 
l'orifice  qui  entraînent  les  autres  sons,  c'est-à-dire  la 
voyelle  et  la  gutturale  :  aussi  bien,  ceux-ci  sont-ils  en 
quelque  sorte  secondaires.  C'est  pour  cela  que  le  sens 
de  bouche  prédomine  bien  que  le  gosier  ait  sa  part 
avec  uc.  La  bouche  est  donc  une  gobe  et  une  gobe  une 
bouche,  Ail.  die  Backe  la  joue.  A  cause  de  la  prédomi- 
nance de  la  partie  de  l'organe  indiquée  par  la  première 
lettre,  nous  ne  prenons  pas  ces  mots  comme  équiva- 
lents bien  que  la  même  activité  des  mêmes  parties  de 
l'organe  produise  la  somme  égale  des  éléments  sonores 
qui  constituent  leur  radical.  La  différence  d'ordre  dans 
la  mise  en  mouvement  des  organes  établit  donc  une 
différence  fondamentale  entre  bouche  et  gobe.  Il  n'en 
est  pas  de  même  quand  la  lettre  initiale,  comme  p.  e. 
le  6  de  bouche  est  remplacé  par  une  autre  labiale,  car 
les  mots  qui  désignent  la  bouche  se  rencontrent  dans  le 


—  104  — 

langage  aussi  bien  avec  m  qu'avec  6.  Ces  deux  labiales 
sont  jumelles  (1).  Le  son  m  se  prépare  quand  nous 
pressons  les  lèvres  l'une  contre  l'autre  :  il  se  produit 
quand  elles  se  desserrent.  Si  au  lieu  de  les  séparer  sim- 
plement pour  renonciation  du  son,  nous  chassons  au 
dehors  l'air  contenu  dans  notre  bouche,  nous  énonçons 
f,  b,  p,  mb,  mf,  etc.  —  Le  6  et  le  m  étant  jumeaux,  ces 
deux  lettres  se  trouvent  volontiers  ensemble,  p.  e.  : 
Skt  ap  et  ambu  eau,  cubo  et  accumbo  je  couche.  Le  m 
n'étant  pas  soufflant  et  par  conséquent  incapable  d'ex- 
primer la  respiration,  le  gonflement,  nous  ne  rencon- 
trerons pas  de  mots  avec  m  dans  lesquels  ces  actes 
soient  incorporés.  Il  n'y  a  d'exception  à  faire  que  pour 
le  cas  où  la  bouche  est  prise  pour  le  nez,  synonymie 
qu'il  est  d'autant  plus  naturel  à  établir  que  la  bouche 
suit  les  mouvements  de  cet  organe  et  semble  aspirer  en 
même  temps  que  lui.  —  Les  diverses  onomatopées 
produites  par  l'organe  labial  désigné  par  m  se  rangent 
dans  les  mêmes  catégories  que  celles  du  phonème  bou- 
che. Les  mots  qui  vont  suivre  sont  donc  simplement 
des  variantes  avec  m  du  mot  bouche  avec  le  sens  de 
lèvres  ou  d'ouverture  de  l'appareil  phonétique  et  par 
synecdoche  des  organes  secondaires  qui  en  font  partie. 
Ainsi  au  Centre  on  dit  très-bien  j'ai  mal  à  mes  bouches 
pour  j'ai  mal  aux  lèvres,  en  Skt  vâgdala.  La  bouche 
sous  sa  dénomination  de  [xûv.ç  le  museau,  en  Skt  masta 
tête  par  synecdoche,  se  confond  avec  la  mâchoire  et 
les  joues,  parce  que,  quand  la  bouche  agit,  on  voit 
plusieurs  de  ses  parties  se  mouvoir  à  la  fois.  De  là  les 

(1)  Le  son  soufflant  de  m  est  f. 


—  105  — 

noms  de  muk'a  bouche  et  voix  —  [l-xz-xï  mâchoire  — 
mandibulum  id.,  maxilla  joue,  parceque  le  mouvement 
des  deux  est  simultané  —  mandibule,  maxillaire,  mâ- 
choire, le  mégot  le  bout  de  cigare  mâché  —  mouth  la 
bouche  et  le  verbe  to  munch  mâchonner  —  der  Miind 
la  bouche  et  schmunzeln  bouder.  Le  museau  désigne 
aussi  bien  le  nez  que  la  bouche  et  par  synecdoche  toute 
la  figure  :  Skt  mukKa  visage  —  [xjv-r^  le  nez,  la  trompe 
mugit  —  le  muge  (1)  la  grosse  bouche,  le  poisson  ainsi 
fait.  La  mandibule  est  une  variante  de  bade,  maxil- 
laire de  bouche.  Les  balots  reviennent  dans  la  variante 
•j.jaaîv  lippe,  grosse* lèvre,  [tuXXoç  le  mulet  —  mulus  id. 
mulet  (2),  dans  le  Limbourg  H.  moon  variante  de 
mond  museau,  bouche,  AU.  das  Maul  la  bouche.  Le 
mculard  est  le  veau  {meugler,  beugler)]  malarder 
expectorer,  rejeter  de  la  bouche.  Les  babines  ont  leur 
son  équivalent  dans  le  mufle,  AU.  der  Muffel  l'homme 
aux  grosses  lèvres.  Les  autres  langues  ont  le  radical, 
mais  elles  n'en  ont  pas  formé  de  substantif  désignant 
l'organe  en  lui-même.  Ainsi  marmara  murmure  — 
[tt|ifO|MK  (3)  marmotter  contre,  H.  mompelen  exprimer 
son  mécontentement  tout  bas  —  mimus  le  mime,  en  Skt 
mâja,  qui  simule  le  jeu  d'une  autre  mine  —  to  mump, 

(1)  Les  mots  correspondants  peuvent  manquer  en  Angl.  et  en  AU., 
mais  les  radicaux  existent  avec  un  sens  synonyme,  comme  Angl.  maw, 
Ail.  der  Magen  la  bouche,  la  gueule  pour  l'estomac,  mogen  aimer, 
suivre  les  désirs  de  l'estomac,  où  se  rattache  le  Skt  magla  bon- 
heur. 

(2)  Le  correspondant  Angl.  existe  dans  meal  le  repas,  Ail.  das 
Mahl  id.  —  Le  son  de  la  bouche,  du  museau  évolue  dans  to  meicl 
tirer  la  bouche,  pleurnicher,  Ail.  schmollen  rechigner,  dans  le  G. 
as'.&'.âo)  rire,  variante  de  badiner.  V.  au  mot  bâtard. 

(3)  Un  mauvais  trait  de  la  bouche  exprime  la  haine  [xio-éw  d'où  mi- 
santhrope et  le  Skt  mis' a  envie. 


—    106  — 

to  mumble  manger  comme  les  enfants  et  les  vieillards, 
to  mope  faire  la  moue,  bouder,  être  triste;  mumps  la 
moue,  to  mumble  parler  indistinctement  —  mùffeln 
manger  la  bouche  close.  —  Tous  ces  mots  comprennent 
un  radical  qui  avec  ou  sans  terminaison  aurait  pu  si- 
gnifier la  bouche  (la  marmouse,  la  barbe  qui  entoure  la 
mâchoire  et  suit  ses  mouvements).  Le  nom  du  bujle 
congénère  du  Skt  mahî  vache  se  confond  avec  celui  de 
son  mufle  :  l'un  et  l'autre  sont  formés  du  son  mu  avec 
répétition  de  la  labiale.  Le  H.  a  buffelen  et  muffele/i 
manger  à  bouche  close,  de  sorte  qu'on  n'aperçoit  que 
le  mouvement  des  lèvres  ;  de  là  H.  buf  une  bouchée 
{le  buffet  le  garde-manger),  Skt  batn  mâchoter. 

Parmi  les  noms  exprimant  un  acte  volontaire  ou  in- 
volontaire de  la  bouche  et  commençant  par  h  on  trou- 
verait à  rapprocher  baver,  babiller,  bibarder,  bibasser, 
bavarder j  bouffer  etc.  qui  tous  marquent  un  son  de  la 
bouche  produit  dans  des  circonstances  différentes.  Le 
mot  mine  sert  d'expression  pour  la  figure  toute  entière, 
mais  ne  désigne  que  la  bouche  selon  la  valeur  du  son, 
Suéd.  mun  bouche.  Ce  radical  mn  se  montre  dans 
\xvrjpo[)M  se  plaindre,  tirer  la  bouche  — minae  menaces, 
c'est  à  dire  figure  qui  présage  des  malheurs  —  menace 
—  mind  l'esprit,  l'imagination ,  la  mémoire,  la  faculté 
qui  conserve  les  images,  les  formes  des  choses  et  les 
enchaîne  —  die  Minne  le  souvenir,  l'amour  en  Skt 
mind  aimer.  Montrer  monstrare  veut  dire  rendre  pré- 
sente, retracer  la  figure  des  objets,  monstrum  le  signe 
analogue  à  l'Angl.  beck  signe.  Le  masque  qui  désigne 
toute  la  figure  est  à  l'origine  le  nom  de  la  bouche  seule. 


-  107  - 

Il  se  retrouve  dans  maja  (1)  la  mômerie,  maxa  l'hypo- 
crisie V.  Traité  p.  124,  dans  ^rj/w  mâcher  —  moschus 
le  jeune  bufle  —  mâcher*,  manger —  to  miïnch,  mâcher 
—  mucken  et  muchsseri  bouder,  être  rancunier,  mun- 
keln  parler  tout  bas  (y-Yyb;  qui  parle  la  bouche  fermée, 
Skt  manmana  chuchotement  ' —  Suéd.  mask  mite  qui 
ronge,  la  larve,  le  mouton  la  larve  du  charançon  —  H. 
masker  et  une  variante  mom  le  masque  (2)  —  Angl.  to 
mumm  masquer  —  Ail.  die  Mummèréi  la  masquerade, 
la  bouffonnerie.  —  La  marmouse  est  la  barbe.  Ce  mot 
est  composé  de  deux  sons  bucaux  dont  le  premier  se 
retrouve  dans  marmoter,  marronner,  marmonner  et 
l'autre  dans  museau  :  la  signification  naturelle  du  mot 
serait  donc  museau,  bouche.  —  Là  màrgoulettê  est  la 
bouche  :  ce  mot  se  compose  de  niar  signifiant  la  bou- 
che et  goulette  gueule.  Margoulette  et  son  synonyme 
marmotte  passent  du  sens  de  bouche,  gueule  à  celui  de 
caisse  fermée,  malle  analogue  comme  sens  à  muette  Y. 
ce  mot.  De  là  le  margoulin  le  petit  marchand  forain 
qui  vend  à  la  boite  et  margouliner  vendre  au  détail, 
porter  la  marmotte  comme  le  margoulin.  —  Le  Grec  a 
encore  formé  le  mot  Mé£i*w  le  masque  horrible,  l'épou- 

(1)  Le  Skt  maja  le  maye  est  une  variante  de  bud'da  le  sage  et  un 
congénère  de  rebouiseur  et  de  mouchard. 

(2)  Le  produit  de  la  bouche  s'appelle  d'après  une  de  ses  variantes 
mucus  la  mucosité.  Il  faut  y  rapporter  le  muche  l'honnête  jeune 
homme  qui  devient  facilement  la  dupe  des  roublards,  variante  de 
'pigeon.  Le  mousse  le  petit  matelot  est  représenté  comme  quelqu'un 
dont  le  dessous  du  nez  est  encore  humide.  Il  n'y  a  pas  honte  :  il  y  a 
en  Espagnol  Las  mocedades  del  Cid,  lepoëme  qui  chante  la  jeunesse 
du  Cid  pour  prouver  que  tout  jeune  et  par  conséquent  peu  considéré 
on  peut  avoir  de  la  valeur.  S'amucher  la  figure  veut  dire  :  se  donner 
des  coups  sur  la  figure,  sur  la  bouche,  alias  des  mandoles,  mot  qui 
rappelle  museau,  (H.  mond). 


-    108  — 

vantail,  variante  de  jjlo^y;  la  figure.  Ces  mots  nous 
ramènent  à  marmouse  la  barbe.  Le  mot  du  Centre  mar- 
mouser  bavarder  lui  restitue  son  vrai  sens  de  bouche. 
Il  y  a  le  même  échange  en  Grec  entre  ww^wv  dont  le  son 
dit  bouche  et  dont  le  sens  est  barbe.  De  même  le  L. 
mentum  le  menton  veut  dire  en  AU.  der  Mund  la  bou- 
che entière.  Le  marmouset  est  la  figure  laide,  le  mar- 
mot le  singe,  l'enfant.  Mornos  et  mornée  veulent  dire 
mor  bouche  et  nos  nez,  donc  museau.  —  Le  mot  Ver- 
mouth imité  de  l'Ail,  der  Wermuth  est  un  doublet  de 
armoise  et  sous  sa  première  orthographe  une  mauvaise 
représentation  graphique  du  Grec  et  du  Latin  artemi- 
sia.  Le  mot  Allemand  semble  faire  allusion  au  sens  de 
wehren  et  de  Mund,  l'herbe  qui  défend  à  la  bouche 
d'approcher  :  les  mamans,  en  effet,  pour  détourner  les 
poupons  du  sein  frottent  la  mamelle  avec  le  suc  de  cette 
herbe.  L'Anglais,  aussi  peu  ûxè  sur  le  sens,  en  a  fait 
wormwood  le  bois  contre  les  vers.  Artemisia  est  le  nom 
de  l'absinthe,  l'herbe  de  la  vierge.  Artemis  est  le  nom 
de  la  Pucelle  Grecque,  appelée  Diane  (1)  et  Phébé 
comme  Reine  de  la  nuit.  V.  Traité  p.  91.  Les  surnoms 
de  l'absinthe  sont  la  verte,  la  perruche,  le  perroquet. 
Allumer  le  mistouf  est  une  expression  de  l'argot  qui 
veut  dire  éclairer  une  figure  de  la  lumière  du  regard, 
l'examiner.  Le  mistouflet  est  le  poupard,  l'enfant  gâté; 
le  maffion  l'enfant  éveillé,  le  petit  museau.  — La  mor- 
nifle  est  un  coup  qui  atteint  le  mor  (V.  mandole)  radi- 
cal de  la  bouche  et  le  nifle  le  nez  (V.  renifler),  La  man- 
dole représentant  le  coup,  le  mandolet  devient  le  nom 

(1)  V-  au  mot  diurne.  L'Argot  l'appelle  la  luisante. 


109 


du  pistolet  à  un  coup.  Le  moirrhoufe  est  l'enfant  joufflu 
de  moir  pour  mor  et  moufe  qui  rime  avec  mufle.  Em- 
brasser sur  la  bouche,  sur  le  mufle  se  présente  avec  ce 
radical  dans  moufier  embrasser,  le  moutier  (Angl. 
mouth  la  bouche),  le  mounin  le  baiser  (Suéd.  mun 
bouche).  Le  mqfflu,  le  moufflet  l'enfant  joufflu,  le  mot 
Normand  mataflu  id.  sont  des  composés  d'un  radical 
rappelant  la  bouche  et  àeflare  souffler.  —  Le  mouflon 
est  le  chevreuil  muflé.  On  dit  le  m ufle  pour  caractériser 
le  nez  et  la  bouche  de  la  race  bovine  ainsi  que  des  cerfs. 
—  Le  mouchard  est  le  nom  de  l'image,  du  portrait  qui 
reproduit  la  figure.  L'Argot,  abandonné  à  ses  propres 
ressources,  retrouve  par  comparaison  des  mots  analo- 
gues à  imago,  i  mit  or  l'image,  imiter,  reproduire  la 
figure,  la  bouche.  V.  Traité  p.  62.  Le  Skt,  à  la  suite 
d'une  comparaison  similaire  nomme  le  miroir  makura. 
Le  moucheron  par  jeu  de  mots  est  le  petit  minois  d'en- 
fant, le  morbec  un  composé  qui  dit  la  même  chose 
deux  fois.  Le  môme,  le  momaque,  le  mômard,  le  mo- 
m ig /^//'(/désignent  toujours  l'enfant  par  sa  petite  bou- 
che qui  fait  m  m. 

Le  nom  du  meut  lier  le  poisson  blanc  présente  dans 
son  orthographe  une  déformation  du  mot  Berrichon 
meugnon  le  chabot  quia  grossebouche  somme  le  muge, 
le  mulet,  le  goujon,  (gave)  en  H.  moon.  Dans  le  Berry 
ce  nom  indique  aussi  le  museau.  Le  macaque,  au  Centre 
maca,  Angl.  monhey,  Esp.  mona  la  guenon  rappellent 
leur  masque  étrange,  leur  babouin,  au  sens  del'argot. — 
Le  margouillis  (1)  est  le  vomissement  et  par  prosopopée 

(1)  La  boue  payka,  la  bourbe  sont  représentés  dans  lelangage  comme 


110 


la  boue  qui  sort  d'une  bouche,  d'un  égout,  d'une  cana- 
li  nation  quelconque.  Delà  le  margoulin  celui  qui  fait  du 
margouillis,  du  gâchis,  le  gâcheur,  le  mauvais  ouvrier. 
Nous  avons  vu  comment  le  son  margoulette  indique  la 
bouche:  le  margoulis  représente  ses  cris  et  par  assimi- 
lation le  scandale.  Le  moure  la  figure  mignonne  joue 
sur  amour.  L'expression  un  moule  à  claques  cache  un 
mot  comme  l'Ail,  das  Maul\&  gueule  (V.  mulet)  et  joue 
sur  moule\a,  forme.  Or  le  moule  est  le  modèle.  Moule  à 
claques  est  donc,  grâce  à  l'équivoque,  et  une  figure 
qu'on  claquerait  plutôt  qu'une  autre  et  la  forme  où  se 
moule  la  main.  Moule  (2)  est  la  contraction  du  latin  mo- 
dulus  la  norme,  la  mesure.  La  mesure  est  dans  la  main. 
Celle-ci  emprunte  son  nom  à  la  bouche  telle  que  nous 
la  connaissons  par  mounin  baiser,  Suéd.  mun  bouche. 
Ce  que  l'esprit  L.  mens  médite,  la  bouche  se  le  mar- 
mote  tout  bas  et  la  main  le  mesure  quand  la  justesse 
de  l'idée  et  la  pratique  le  permettent. 

Le  Skt.  a  man  penser,  mêd  méditer  variantes  de 
bud'  reconaître,  rebouiser.  La  mesure  qui  est  dans 
la  main  s'emprime  par  mâtra  —  \xé-pov  —  metrum  — 
mètre  —  meter  —  der  Meter.  Modus  la  norme,  le  me- 
sure d'après  laquelle  se  font  les  choses  en  est  une  va- 
riante, ainsi  que  modiusle  muids,  la  mesure.  Le  moss 
est  une  déformation  de  l'Ail,  das  Mas*  la  mesure  de 
bière.  —  Malarder  veut  dire,  comme  nous  avons  vu 
expectorer;  il  rappelle  le  L.  mala  la  mâchoire,   dans 

un  produit  de  la  bouche.  Le  péché  en  L.  peccatum  signifie  la  boue,  la 
souillure. 

(2)  La  moule  L.  musculus  est  le  coquillage  qui  s'ouvre  et  se  ferme: 
[xûw  fermer.  Une  moule  est  un  homme  sans  vigueur. 


—  111  — 

d'autres  langues  la  bouche;  il  est  homonyme  et  congé- 
nère de  piïkoç  la  dent  molaire,  en  Argot  molard.  V.  au 
mot  moulin. 

Le  museau,  le  nez  aspire,  sent,  souffle,  coule,  etc. 
Tous  ces  verbes  paraphrasent  des  actes  s'exprimant  par 
les  noms  du  nez,  du  museau.  Ainsi  \kuxv;  le  museau  se 
retrouve  à  l'état  actif  dans  musser  flairer.  Ce  qui  exhale 
une  odeur  empestée  s'appelle  d'après  le  museau  reniflant: 
matka  —  la  punaise  —  \uhboç  l'excrément  humain,  dou- 
blet de  fiente  —  mutire  puer  —  Norm.  émeutir  puer — 
AU.,  des  Mi&tle  fumier  —  H.  muf  qui  sent  le  moisi. 
De  même  les  bonnes  odeurs  que  nous  aspirons  s'appel- 
lent d'après  le  museau  :  ;/(vOa  —  mentha  —  menthe  — 
mint  —  die  Miïn^e. 

L'Angl.  mugwort  veut  dire  absinthe,  l'herbequi  par- 
fume. Le  L.  mephitis  l'odeur  soufrée,  méphitique  se 
retrouve  dans  mofette,  mouffette,  Méphistopheles,  AIL 
miiffen  et  mucheln  sentir  le  moisi,  puer.  Le  muguet 
emprunte  son  nom  à  son  parfum,  de  même  que  le  musc 
qu'on  nous  donne  à  aspirer:  \j.izyzz  —  muscus  —  musc 
—  musc  —  der  Muskus.  L'Argot  a  fait  de  ce  mot,  par 
antiphrase:  mouscailler,  fienter.  Les  fraises  du  bois  s'ap- 
pellent les  mousses  à  cause  de  leur  parfum.  La  mous- 
ser ie  est  la  chaise  percée.  — En  terme  de  voleur  musser 
veut  dire  sentir.  —  Le  flair  est  dans  son  sens  plus 
étendu  l'exercice  d'un  organe  ou  d'une  faculté  qui  nous 
renseigne  sur  l'identité  des  personnes  et  des  choses,  sur 
leur  valeur,  etc.  C'est  pour  cela  que  l'examen,  la  recon- 
naissance s'expriment  par  le  radical  qui  a  formé  museau. 
Le  museau  agit  dans  ;j.as7£Joj  examiner,  interroger,  y.av- 


—  112  — 

6 avw apprendre  -  matliesis  -mathématique.  Remoucher 
le  pante  veut  dire  l'observer;  remouchicoter  chercher  le 
vent  d'une  aventure.  L'agent  de  police  a  été  comparé 
au  chien  de  chasse  qui  s'élance,  le  nez  sur  la  piste,  à  la 
poursuite  du  malfaiteur  ;  de  là  les  mots  mouchard  en 
Skt.  mâja  celui  qui  flaire,  observe  et  moucharder, 
mouchailler  épier.  Etre  mouchique  (1)  à  la  police  être 
dans  le  nez  de  la  police  joue  sur  mougikle  paysan  Russe 
et  se  rattache  peut-être  aux  démêlés  des  nihilistes  avec 
la  police  Française.  Dans  le  composé  Rupinhqff  un 
Russe  Rupin  ou  urf  nous  avons  un  débris  de  noms 
Russes,  servant  d'indice  pour  la  nationalité  du  Mon- 
sieur urf.  (V.  au  motchickmann).  Le  mouton  est  quel- 
qu'un qui  musse,  qui  moucharde.  Sa  spécialité  est 
d'espionner  ses  codétenus.  Un  morne  a  le  même  sens  : 
c'est  le  mouton  avec  allusion  à  mornos  la  bouche,  le 
museau'qui  mouchicote.  Etre  en  quête  de  s'exprime  éga- 
lement par  une  autre  racine  delà  bouche,  que  nous  avons 
déjà  rencontrée  dans  marmouse,  margoulette  :  c'est 
marauder.  Le  maraud  est  le  quêteur  d'aventures  dans 
son  mauvais  sens  (2).  Le  marpeau  ou  marpaut  est  le 
niais  qui  regarde  bouche  bée  sans  comprendre  ;  peau 
semble  être  mis  à  la  place  de  bah.  V.  ce  mot.  La  mu- 
raille est  le  nom  de  la  multitude,  des  badauds.  Manette  (3) 
marque  d'étonnement.  Ce  mot  contient  le  son  de  museau 

(1)  En  Skt.  hogika  valet,  palefrenier;  l'homme  à  gages,  Skt.  boga, 
La  variante  est  mû  lier,  faire  un  pacte. 

(2)  Le  sens  de  courir  les  aventures  se  trouve  dans  miter,  synonyme 
de  chaparderY.  ce  mot.  Miter  est  faire  comme mitis,  commele  matou. 

(3)  Mazette,  mauvais  petit  cheval  est  une  variante  de  Mœhre,  mot 
AU.  qui  veut  dire  jument  et  qui  se  trouve  dans  cauehemar,  le  succube 
avec  allusion  a  chevaucher  et  couche.  L'Angl.  hagridden exprime  une 
idée  analogue  :  chevauché  par  les  sorcières. 


—  113  — 

qu'on  suppose  entrebâillé,  cherchant  à  comprendre  les 
merveilles  qui  s'offrent  aux  yeux,  Angl.  amazed étonné. 
C'est  également  le  nom  du  marpaut.  Faramineux 
marque  l'effarement  lisible  sur  la  mine.  Le  radical 
mar  employé  pour  exprimer  l'étonnement  dans  le  mot 
maraille  fait  le  même  office  dans  mirov  j'admire,  c'est  à 
dire  j'ouvre  \vanarmouse,lamargoulette  en  me  laissant 
aller  à  la  contemplation.  Gaffer  les  mirettes  démontre 
l'assimilation,  presque  constante  dans  le  langage,,  des 
yeux  et  de  la  bouche;  le  sens  est  ouvrir  les  yeux,  gober 
de  la  bouche  et  des  regards.  Les  correspondants  dans 
les  aulres  langues  sont:  ma  connaisance,  smar  penser, 
vismayé  s'étonner  — [/.sp^aipo  j'examine  —  miror  — 
admirer,  remarquer  (1)  —  to  mark  faire  attention  — 
bemerken  remarquer.  Démarquer  le  linge  s'appelle 
dêmorjîler,  retirer  le  fil  qui  marque  le  nom  et  en  quel- 
que sorte  la  figure  du  propriétaire.  Mur  revient  au  La- 
tin os  bouche  et  figure,  \j.i?or,  figure,  équivalent  au  Lat. 
forma  (le  même  son  que  mormo  V.  ce  mot),  It.  morJXa 
la  figure.  —  Le  maroufle  Suéd.  murfvel  veut  dire  pri- 
mitimevement  un  homme  d'un  aspect  commun.  C'est 
une  variante  de  mufle.  —  Le  regard  intérieur,  l'âme 
qui  subsiste  en  nous  active  quand  l'observation  à  cessé 
s'exprime  par  le  nom  de  la  bouche.  Nous  savons  que 
l'attention  de  l'esprit  venant  aboutir  à  elle,  devient  so- 
nore et  rend  un  son  6  ou  m  et  qu'ainsi  le  regard  qui  est 
muet  entre  dans  le  domaine  du  langage  de  la  façon  la 
plus  naturelle  .'  Ainsi  ont  été  formés  mati  pensée  — 
(J.YJTIÇ  —  mens  —  mental,  démence  —  mind  l'àme  —  die 

(1)  Le  Skt.  marmika  est  l'homme  savant,  pénétrant. 

8 


—  114  — 

Minne  l'amour,  le  souvenir,  das  Gemûthe  l'esprit,  le 
cœur,  —  hemot  morningue  la  monnaie  dérive  depyaqiat 
—  mnâ  mentionner  —  menti onem  facio  je  fais  men- 
tion, moneo  j'avertis,  monstro  je  montre,  moneta  — 
monnaie,  monument,  admonester  montrer  —  to  remind 
rappeler  —  das  Merkmal  le  signe,  das  Denhmal  le 
monument.  La  monnaie  porte  l'effigie  du  gouvernant  et 
l'indication  de  sa  valeur.  Morningue  rappelle  mornos 
la  figure,  l'effigie.  La  mémoire  est  la  vue  présente  des 
choses  passées.  L'idée  première  d'observation  persiste 
dans  le  nom.  C'est  par  l'observation  que  l'âme  s'éveille 
et  s'éclaire.  Tous  les  peuples  l'ont  pensé  et  exprimé  ainsi  : 
smar  qui  se  souvient  —  [j,vs(a  la  mémoire  —  memor  qui 
se  souvient  —  mémoire  —  to  remind  se  souvenir  — 
das  Gemûthe  ce  qu'il  y  a  de  pensée  et  de  sentiments 
dans  le  cœur.  Le  Skt.  place  le  courage  dans  la  pensée  : 
sans  doute  qu'il  la  suppose  forte  parce  qu'elle  est 
bonne  et  juste  :  manjus.  L'Anglais  mettle  a  dévié  :  c'est 
la  témérité.  Le  mot  Ail.  der  Muth  place  le  courage 
également  dans  la  pensée.  Le  mot  du  Centre  s'éméïer, 
Ang.  to  be  dismayed  veut  dire  se  décourager.  —  Ba- 
dauder,  muser,  c'est  a  dire  regarder  la  bouche  ouverte 
a  voulu  dire  quelquefois  :  passer  le  temps  à  des  riens  ; 
ils  n'ont  même  plus  d'autre  sens.  L'idée  de  muser,  de 
s'attarder,  de  demeurer,  de  rester  sur  place  semble  se 
rattacher  à  la  badauderie  qui  nous  immobilise  :  man- 
dira  étable  —  [acvtj  la  demeure  —  maneo  rester  sur  place, 
demeurer,  mora  la  demeure,  le  retard  —  mansion,  le 
masx  le  ménage,  la  demeure,  le  séjour,  le  retard  —  to 
mouthe  badauder,  muser  —  die  Musse  la  badauderie, 


—  115  — 

mussig  museur,  inoccupé,  fainéant  —  H.  niarren tarder 
—  Le  Skt.  a  manda  le  paresseux,,  môgla  vain,  inutile, 
le  Gr.  jjwtwoç  vain. 

La  corde,  le  lien  qui  attache  le  navire  à  la  rive,  qui 
le  fait  demeurer  près  du  rivage  s  appelle  Y  amarre,  d'où 
ornai Tct 'attacher au  rivage,  en'Angl.  to  moor,  démarrer 
quitter  la  halte.  Lemot  Latin  remurca  signifie  la  toue  : 
remorquer,  prendre  à  la  remorque  et  remorqueur  en 
dérivent.  La  corde  qui  amarre  s'appelle  en  Gr.  |xëXe0pov 
l'instrument  par  le  quel  on  effectue  le  retard,  le  lien. 
Attacher  est  en  Skt.  murv.  Ce  mot  répond  à  jAéXXu  je 
muse,  je  m'attarde  dans  une  méditation  qui  n'en  finit 
pas.  Démarrer  fait  en  Argot  démurger,  forme  plus 
rapprochée  de  remurca.  Le  marmenteau  est  le  bois  de 
haute  futaie  qui  demeure  debout  alors  que  le  reste  tombe 
sous  la  cognée.  —  Nous  revenons  au  sens  de  nez  avec 
moucher  donner  un  coup  sur  le  nez,  variante  de  amucher 
amocher  et  de  donner  une  mandole.  On  remouche  qq. 
en  lui  tirant  un  coup  de  blavin,  mot  qui  veut  dire  mou- 
choir et  pistolet.  V.  au  mot  blavin.  Le  mouflon  est  un 
autre  nom  du  mouchoir  :  c'est  un  torche-moufle.  Le 
mufle  et  sa  variante  le  moufle  se  retrouvent  à  l'état  actif 
dans  moufler  flairer.  L'Angl.  to  s mell  sentir j  congénère 
de  myrrhe  et  du  Skt.  marut  vent,  est  formé  d'une  façon 
analogue  d'un  radical  qui  se  montre  dans  to  mewl  pleur- 
nicher et  dans  l'Ail,  clas  Maul  le  mufle.  On  entend  le 
mufle  aspirer  dans  la  muffetée  la  prise  de  tabac.  Une 
muflée  est  une  bonne  quantité,  plein  une  bouche,  un 
mufle.  Le  même  sens  se  trouve  dans  l'expression  :  avoir 
une  vraie  muffée  avoir  bu  à  l'excès.  —  La  morgue  est 


-  116  - 

l'endroit  où  Von  montre,  où  l'on  va  rebouiserv,  (1)  gaffer 
les  morts.  Le  mot  marque  la  bouche  ouverte.  C'est  nous 
qui  regardons  les  cadavres  :  l'endroit  où  ils  sont  ex- 
posés porte  le  nom  de  l'acte  de  nos  yeux  eyprimé  par 
le  phonème  de  la  bouche.  Morgue  est  congénère  de 
remarquer  et  de  montrer.  V.  ce  mot.  La  morgue  l'or- 
gueil veut  dire  une  figure  sur  laquelle  se  peint  l'envie 
de  primer  les  autres,  primitivement  l'ostentation.  Les 
mots  Normands  moucher,  mouquer  veulent  dire  :  faire 
une  réprimande,  dans  le  fait  torcher  le  nez.  Cette  der- 
nière expression  passe  au  sens  figuré  de  «  corriger  » 
par  l'association  même  qui  donne  à  savonner,  laver  les 
oreilles  celui  de  reprendre.  Moucher  veut  dire  enlever 
les  muscosités  :  mue  couler  —  \xû&  —  mucus  —  muci- 
lage —  mug,  mud  boue  —  oler  Schmutz  la  boue,  die- 
Schmierelsi  crasse,  le  produit  du  museau,  du  mufle. 
D'une  façon  analogue  la  boue  et  le  margouillis  sont 
représentés  comme  l'éjection  d'une  bouche,  d'une  mar- 
goulette;  la  bave  apparaît  comme  formée  par  les  lèvres; 
la  bourbe  comme  le  dégorgement  d'un  barant  qui  bor- 
boryse.  La  bouche  s'appelle  -r^r,  la  bouche  d'eau,   la 
fontaine  par  prosopopée  — fons  — fontaine  —  bug  le 
marais  —  der  Bach  le  ruisseau.  Le  mot  borborygme  a 
des  congénères  dans  prus1  arroser  —  6pw  bouillonner, 
jaillir  — ferveo  oujerbeo  bouillir  —  effervescent, fer- 
vent—  to  pearl  perler,   to  purl  murmurer  comme  la 
source  qui  jaillit  — perlen  perler.  V.  au  mot  bure.  La 
mousse  surle liquide  est  assimilée  àun  mucus  spumeux. 

(1)  Le  Skt.  maxa  est  une  variante  de  respect.    Il  se  rattache  à  la 
même  racine.  Mêv  veut  dire  honorer. 


—  117  — 

Y.  au  mot  poncer.  L'écume  est  en  SkX.p*êna.  La  mousse 
la  plante  parasite  (Skt.  mridu  de  mrid  humecter)  passe 
dans  le  langage  comme  un  mucus.  La  plupart  du  temps 
elle  est  un  produit  de  l'humidité.  —  Le  mot  morve, 
l'humeur  qui  coule  du  nez  semble  s'appuyer  sur  un 
radical  qui  se  trouve  dans  morfier  manger,  maroufle. 
C'est  le  museau  représenté  par  une  onomatopée  congé- 
nère. Se  relicher  le  morviau  veut  dire  s'embrasser  sur 
la  bouche  et  attraper  un  peu  de  l'humidité  du  nez.  Le 
sein  s'appelle  en  Argot  monzu  ou  mouzu,  H.  min  la 
nourrice.  La  première  partie  est  le  radical  de  le  bouche, 
semblable  à  celui  de  mounin  baiser,  la  seconde  est  un 
reste  du  verbe  sucer.  V.  Traité  pp.  15  et  17.  C'est  par 
assimilation  de  l'eau  avec  la  bouche  ou  la  fontaine  qui 
la  dégorge  que  se  sont  formés  les  mots  minv  arroser  — 
ma  couler  —  mî  aller  —  ^pw  couler  d'une  source,  d'un 
fleuve  —  mare  la  mer  (Skt.  mira),  muraena  l'anguille 
de  mer,  mergo  je  coule,  muria  la  marinade  (Skt.  màr- 
j'ana  la  baignade),  la  saumure,  manare  couler  —  mer, 
murène,  maritime,  Meuse 3  Moselle,  marais,  la  mare, 
méat  le  couloir  —  moor,  marsh  le  marais,  mère  le 
lac  —  das  Meer  la  mer  der  Morast  le  marais.  Ces 
mots  sont  desprosopopées  au  même  titre  que  les  pro- 
duits de  la  bouche  d'eau  et  du  barant.  V.  ces  mots. 
—  Le  Skt.  manda  nous  présente  un  congénère  de 
mousse  écume.  Mjron  et  morgane  qui  veulent  dire 
sel  marin  sont  des  assonnances  à  maron  et  à  mor- 
ganer  (1)  manger  et  jacasser.  Le  sel  donne  du  piquant, 
il  mord  en  quelque  sorte.    En  Argot  le  radical  de  la 

(1)  Le  mot  nous  reporte  à  amelgo.  V.  Traité,  p.  16.  En  Skt.  Mriç 


-  118  - 

bouche  n'exprime  le  feu  que  dans  le  mot  méruche  le 
fourneau.  Ce  mot  joue  sur  maure  noire  comme  le  nom 
de  l'ustensile  de  cuisine  appelé  coquemar.  V.  Traité 
pp.  52  et  53. 

Manger,  donner  de  l'exercice  à  l'organe  qui  fait 
entendre  cette  variété  de  sons  radicaux  mor,  morg, 
morf,  s'exprime  par  l'onomatopée  morfier  (morfia), 
morjigner  et  morjiler  avec  jeu  de  mots  sur  morJîL  La 
morfe  est  le  repas,  comme  son  congénère  le  mess.  Le 
morjil,  le  marfil  est  l'ivoire,  la  matière  dont  est  faite  la 
dent  qui  mord.  Le  muget  est  la  soupe,  la  lavasse  que  la 
bouche  barbotte.  La  mite  doit  son  nom  à  ce  qu'elle 
mange  les  draps  :  ^aoiÇsiv  être  mangé  par  les  mites, 
devenir  teigneux  —  manduco  jejmange  —  démangeai- 
son, mite  —  mangy  galeux,  moth  la  teigne,  mite  civon 
—  die  Motte  la  teigne  —  H.  made  mite,  mot  teigne. 
En  Normand  le  man  est  le  ver  blanc  (1).  —  Le  mastar 
est  le  nom  du  plomb  qui  recouvre  les  faîtes  des  maisons  : 
il  le  doit  à  sa  nature  ductible,  à  son  épaisseur  qui  le 
font  ressembler  au  gras  double.  Or,  mastar  est  une 
adaptation  phonétique  de  l'Ali,  der  Mastdarm l'intestin 
droit  de  maesten  nourrir,  engraisser  et  de  Bar  m  en  L. 
tormina  les  convolutions  des  intestins  (2).  Mastarou- 
Jler  veut  dire  rafler  ou  rouffler  le  mastar.  —  Mastoc 
veut  dire  grossier,  sans  art.  C'est  une  adaptation  du 
mot  Ail.  der  Mastochs  le  bœuf  gras.  Pour  le  sens  de 
Ochs  V.  Traité  p.  107.  On  dit  à  peu  près  de  la  même 

(1)  Le  morbec  et  le  morpion  sont  des  parasites  qui  causent  des 
démangeaisons. 

(2)  Die  Mast  le  pacage,  le  bois  a  donné   le  mât,  Angl.   mast,   Ail. 
der  Mast  l'arbre  du  vaisseau. 


—  119  — 

façon  :  un  succès  bœuf.  —  Le  gallimatias  est  un  dis- 
cours confus.  C'est  un  mot  fantaisiste  composé  des  élé- 
ments gueule  transformé  en  galli  et  matias  souvenir 
de  Math  ias,  Matthieu,  dans  le  fait,  le  radical  de  museau 
qui  a  donné  moutier  le  baiser,  Angl.  moût  h.  La  partie 
phonétique  démontre  que  le  gosier  ainsi  que  la  bouche 
(le  museau)  se  font  entendre  :  le  sens  de  cou  fus  découle 
des  circonstances.  Dans  galimafrée  nous  voyons  la 
gueule  et  la  bouche  (mafïïu)  se  donner  un  vigoureux 
exercice  :  de  là  le  sens  d'un  repas  très-abondant. 

Mordre  est  un  autre  acte  du  museau ,  Pour  varier 
l'expression  on  attribue  cette  propriété  à  la  figure,  au 
visage  qui  en  Argot  et  dans  le  patois  Normand  s'appel- 
lent morgue.  Ainsi  s'est  formé  le  mot  morganer  man- 
ger. En  Grec  le  radical  a  été  employé  pour  rendre  le 
sens  de  voir,  badauder  et  non  celui  de  mordre  :  [jipow 
veut  dire  considérer,  remarquer,  bien  que  le  même  mot 
que  mordeo  je  mords  —  mordre,  remords  —  smart 
douleur  —  der  Schmers  id.  au  figuré.  Démorganer 
veut  dire  démordre  de  ses  opinions,  ne  plus  s'entêter. 
—  Le  sens  de  broyer,  d'écraser  vient  s'enchaîner  à 
celui  de  mordre.  Les  instruments  servant  à  l'écrasement 
ou  à  des  actes  produisant  le  même  effet  tels  que  couper, 
séparer,  diviser  prennent  des  noms  dont  le  thème 
remonte  à  la  bouche  et  à  son  acte  de  mordre.  Tels  sont 
p.  e.  le  mailletj  le  martau,  le  martinet,  la  masse,  la 
massue,  la  meule,  la  meulière.  Ainsi  l'effet  du  coup 
assimilé  au  broiement  opéré  par  la  bouche  se  montre 
dans  mac'  frapper  —  \j.iyx:?x  le  couteau  qui  coupe, 
Tépée  —  mactare  abattre  —  la  maque  le  brisoir,  au 


—  120  — 

Centre  mâcher,  machurer,  la  masse  —  a  smack  (1) 
un  coup  de  fouet  —  die  Schmicke  le  fouet.  L'instru- 
ment, quelle  que  soit  la  forme  que  l'industrie  lui  ait 
donnée  dans  le  cours  du  temps,  garde  toujours  à  travers 
ses  transformations  progressives  le  nom  primordial  de 
sa  destination  première.  Le  fouet  s'appelle  en  Grec 
puzoTiÇ.  A  la  racine  de  ce  mot  on  peut  rattacher  mas1 
abattre,  mêdt  frapper,  ma'dya  maque,  maf  broyer  — 
[MGïiXkiù  mutiler —  mutilare,  mutilas  —  mousse,  mou- 
que,  émoussé  —  to  smite  frapper  schmeiszen  lancer. 
Mixpéç  Dor.  [jl(xxœç  représente  l'effet  d'un  coup  ;  c'est  un 
morceau,  un  débris  de.  —  La  houe  s'appelle  mah  abat- 
tre—  fxaxeXXa  —  mactare  abattre,  macellum  boucherie, 
mancus  mutilé  —  le  massacre,,  le  masquart  le  bou- 
cher, manquer  (où  il  y  a  eu  diminution),  manchot,  la 
masse,  le  moignon,  matador,  mater  —  to  smash  bri- 
ser —  mank  manchot. 

A  la  manque  veut  dire  où  il  manque  quelque  chose, 
incomplet.  MauXiàç  est  le  couteau  qui  frappe,  qui  coupe 
(couteau-hache),  Skt  mar  broyer,  malana  écrasement 
malleus  —  malléable,  maillet  —  to  maul  frapper, 
small  petit,  un  morceau  de  —  schmal  étroit,  extension 
du  sens  petit.  Le  moulin,  le  bocard  où  la  pierre  mue 
par  une  roue  écrase  le  blé  s'appelle  malana  écrasement 
[jujXy]  —  mula  —  moulin  —  mill  —  die  Mûhle.  La  mil- 
lerie  est  la  loterie,  la  roue  de  la  fortune  assimilée  à 
celle  du  moulin.  Le  mouloir  désigne  les  dents,  sens 
analogue  à  celui  de  molaires.  L'Angl.  mattock  la  houe 

(1)  Ce  mot  signifie  encore  le  baiser,  le  bruit  des  lèvres  quand  on 
embrasse  et  le  goût,  en  Ail.  der  Schmatzle  baiser,  der  Geschmack  le 
goût. 


—  121  — 

se  rattache  à  mâfa  la  route  battue,  [AixaXXov  la  fosse, 
la  mine  —  semita,  sentier,  metallum  —  métal  et  mé- 
daille —  métal,  sentier  —  das  MetalL  La  mine  elle- 
même  appartient  au  groupe  jptvthj  la  pioche  —  minuo 
—  diminuer,  menu,  mine  —  mine  la  mine,,  mole  la 
taupe  qui  sape,  qui  mine  —  mi /idem  diminuer,  der 
Maulwurf  la  taupe,  à  proprement  parler  la  taupinière. 
Le  sens  abstrait  de  \xzvbq  repose  sur  l'idée  d'un  objet 
concret  diminué,  séparé  du  tout.  —  Nous  venons  de 
voir  le  sens  de  [itxpéç  et  ses  variantes  small  et  schmal 
se  rattacher  à  maque  et  maillet  :  la  soustraction,  la  di- 
minution arithmétique,  bien  qu'étant  une  opération 
toute  intellectuelle  ayant  lieu  sur  des  nombres  et  non 
sur  des  choses^  remonte  à  un  fait  concret,  celui  de  di- 
viser, d'ôter  une  partie,  V.  au  mot  mine.  Moins  répond 
à  ;;.£'wv  —  minor,  minus  —  moindre,  moins  —  to  make 
smaller  diminuer  —  mindern.  — Le  marteau _,  le  mar- 
tinet répondent  au  Skt  mar  broyer,,  mrid  briser.  Le 
Latin  marculus  répond  à  brac  de  bric  à  brac  et  au  H. 
braken  broyer.  Le  Latin  mulco  je  frappe,  multa  ou 
muleta  l'amende  dont  on  est  frappé  sont  des  variantes 
de  marculus  :  le  /  a  permuté  avec  r  comme  dans  re- 
murca  et  remulcum  la  toue.  Le  morceau  (Angl.  mor- 
sel)  est  obtenu  par  une  morsure.  Le  c  remplace  le  s. 
La  maturité  est  l'état  du  végétal  qui  demande  à  être 
moissonné,  coupé;  meto  moissonner,,  messis  la  mois- 
son, V.  au  mot  mutiler,  Ail.  das  Messer  le  couteau, 
Skt  maVa  marteau.  Le  Centre  possède  les  mots  moi- 
son  tronçon  et  moisonner  couper.  —  Mitonner  signifie 
bouillir  à  petit  feu,  de  façon  que  la  chaleur  donne  aux 


—  122  — 

légumes  un  haut  degré  de  maturité.  Le  Latin  mitis 
doux  est  une  des  qualités  de  ce  qui  est  arrivé  à  la  ma- 
turité. En  Suéd.  mûr  s'appelle  moyen,  mûrir  mogna. 
Le  H.  mak  veut  dire  doux^  traitable.  Au  Centre  les 
enfants  mettent  les  fruits  qu'ils  ont  picores  quand  ils 
sont  encore  trop  surs  pour  les  manger  de  suite,  dans 
une  cachette  et  ne  les  en  retirent  que  quand  le  temps 
leur  a  donné  la  maturité.  Le  mot  est  Scandinave  comme 
beaucoup  d'autres  employés  au  Centre.  Les  Goths  l'ont 
introduit  et  non  les  Latins  et  c'est  dans  leur  langage 
seul  qu'on  retrouve  ce  mot.  Mag  est  une  forme  gothi- 
que du  latin  mat.  Le  magot,,  l'argent  qu'on  tient  caché, 
doit  son  nom  par  assimilation  au  magot  des  petits  ma- 
raudeurs. Mijoter  a  le  sens  de  mitonner  sous  une  forme 
un  peu  différente.  Dans  le  H.  quand  on  élide  le  cl  on  le 
remplace,  dans  la  prononciation  du  moins,  par  un  j  : 
moecier  —  moejer  mère.  —  Rendre  malléable  semble 
s'être  reproduit  dans  |ÂaXàtàu  —  mollio  —  malaxer, 
mollir  —  mild  mou,  doux  —  mild  id.  Une  variante  de 
malleus  se  présente  dans  fiipjbôv  la  houe  —  marra  —  la 
marre  —  to  maul  broyer  —  die  Schmarre  le  coup,  la 
balafre  —  Skt  ma/%  marn  broyer. 

Le  partage,  le  morcellement  s'exprime  par  des  mots 
formés  de  diverses  racines  primaires  provenant  de  sons 
bucaux  avec  m  :  marya  borne  —  ^sp(Ça)  je  partage  — 
meridies  —  méridien  ou  (Skt.  maf  broyer)  yAcoq  — 
médius  —  médian,  moitié  —  micldle  milieu  —  die 
Mitte  le  milieu.  De  là  être  de  mèche  être  de  moitié  ;  un 
mistich  un  voleur  étranger  opérant  en  France,  un  métis, 
un  demi- race,  mistiche  demi.  Le  moyen  est  l'instrument 


—  123  - 

par  lequel  on  effectue  quelque  chose,  l'intermédiaire, 
la  voie  qui  conduit  du  principe  à  la  fin,  en  Zend  madh, 
miïas  mutuellement  —  \Uoqh  —  médium,  remcdium, 
medeor  —  remècfej  moyen  —  means  moyen,  middle- 
rate  moyen  terme  —  das  Mittel  le  moyen.  77  n'y  a  pas 
mèche  veut  dire:  il  n'y  a  pas  moyen.  —  Mêler  deux 
deux  choses  ensemble  est  dans  le  sens  le  plus  simple 
prendre  la  moitié  de  chacune  d'elles  et  les  réunir.  C'est 
le  sens  que  comporte  la  forme  du  mot  :  micr  ou  misr 
mêler  —  [M^eu  —  misceo  —  mixture  (1),  mélange  — 
to  miru jle,  to  mell  mêler,  to  medde  se  mêler  de,  among 
parmi  —  mengeln  mélanger.  Majaw,  jwrfùi  pétrir  sem- 
blent être  des  variantes  de  [i(f«  mêler  et  signifier  en  fait 
mélanger,  réduire  en  pâte  —  maceria  le  torchis  — 
maie,  mie,  miette,  miche,  masser.  Le  miche  ou  michet 
est  celui  qui  a  de  la  galette,  des  ronds,  la  miche  étant 
ronde;  le  macaron  l'huissier,  le  notaire  dont  l'enseigne 
a  la  forme  du  macaron,  pâtisserie  en  forme  de  miche. 
La  maquette  est  l'ébauche  faite  avec  une  matière  pâteuse 
comme  la  miche.  —  Fichumacer  veut  dire  faire  un 
fichu  travail.  Ce  macer  ou  masser  et  avec  jeu  de  mots 
sxxvmaculer  et  maquillage,  maquiller  répond  à  wyayàw 
effectuer  à  l'aide  d'un  moyen,  wysq  le  moyen,  l'expé- 
dient —  machinor  —  machine,  mécanique  —  to  make 
faire  —  machen  id. ,  V.  au  mot  moyen.  Par  jeu  de  mots 
on  appelle  le  travail  le  mastic  et  travailler  marner. 

Mêlé  à  ou  mêlé  avec  s'exprime  par  la  préposition 
\kziz  —  meta  —  meta  —  meeting  une  société,  des  gens 

(1)  La  grandeur,  au  concret,  résulte  du  mélange:  Skt.  mahat,  (jiyaç, 
Angl.  much  et  la  variante  multus,  moult,  skt.  mayxu  baucoup. 


—  124  — 

qui  s'assemblent,  met  qui  s'est  rencontré  avec,  to  meet 
rencontrer  — mit  avec,  ensemble.  La  réunion  des  deux 
moitiés  a  fait  le  mariage  :  l'une  des  deux  moitiés  s'ap- 
pelle [jipo;  la  moitié,  la  partie  —  mas  -  maris  le  mâle 
le  mari — man  l'homme — der  Mann  id.,  en  Skt  manu, 
AU.  der  Gemahl  l'époux.  La  ménesse  est  la  femme. 
Ces  trois  derniers  mots  rappellent  la  racine  de  commu- 
nié commun,  communauté  etc.  V.  au  mot  mêler.  Mas- 
culin rappelle  miscere  mélanger.  La  femme  la  moitié, 
est  en  Lat.  mulier.  La  racine  de  ce  mot  a  formé  égale- 
ment L.  mulus  la  mule,  Angl.  mule,  Ail.  das  Maul- 
thier,  le  Suéd.  emellan  parmi.  La  moucaire  la  femme 
malpropre  est  une  édition  peu  correcte  de  l'Esp.  muger 
de  muliei'  femme.  Le  mot  Angl.  man  reparaît  dans 
mannequin,  la  mounine  la  femelle  et  dans  les  mots  du 
Patois  Berrichon  mogne,  mougne,  moigniau  la  petite 
fille,  la  petite  femme.  Les  époux  mas  et  mulier  s'ap- 
pellent en  Suéd.  make,  c'est-à-dire  les  personnes 
mariées.  En  H.  de  magen  veut  dire  les  parents.  L'An- 
glais a  le  mot  match  la  réunion  des  époux  et,  par 
extension,  de  personnes  et  de  choses  qui  se  conviennent; 
de  là  le  sens  de  égal,  pair,  compagnon.  Le  compagnon, 
l'ami  assorti  s'appelle  en  H.  makker  ou  quand  il  s'agit 
des  compagnons  dans  la  marine  :  muât,  Suéd.  make, 
Angl.  mate,  to  mate,  to  match  être  pair  et  compagnon 
avec.  Le  Skt  maetrya  veut  dire  amitié.  Il  se  peut  que 
du  nom  H.  maat,  arrangé  par  jeu  de  mots  en  Mathurin 
et  Mathelin,  soit  devenu  le  nom  matelotet  son  homonyme 
Mathurin.  Le  H.  a  par  la  suite  emprunté  au  Français 
le  mot  matelot  qui  par  contraction  est  devenu  matroos, 


-  125  — 

avec  le  même  sens  que  maat.  En  Angl.  matros  veut 
dire  servant  d'artillerie  de  marine.  Les  Mathurins  ne 
sembleraient  pas  avoir  à  faire  autrement  que  par  jeu 
mots  avec  saint  Mathurin  qui  est  le  patron  contre  la 
folie  (1).  Faire  trimer  les  mathurins  veut  dire  par  jeu 
de  mots  mâcher,  mettre  les  mandibules  en  mouve- 
ment (2).  —  De  l'idée  d'union  naît  celle  de  pluralité. 
L'une  et  l'autre  s'incorporent  dans  le  même  radical. 
Ainsi  moult,  multiple,  multitude  rappellent  par  leur 
racine  les  mots  mulier,  mule  et  l'Ail,  cler  Gemahl 
l'époux,  sic  h  vermâhben  convoler.  Formés  d'un  autre 
radical,  reproduction  également  d'un  son  de  la  bouche, 
nous  trouvons  les  mots  makâ  grand  —  ^va;  —  mag- 
nus  —  magne  grand,  c'est-à-dire  beaucoup  de  qualités 
réunies,  mélangées  —  mucJi^u.  pluriel  many  beaucoup 
—  mancher  plus  d'un.  —  Le  Meg  des  Megs  est  le 
Grand  des  Grands,  Dieu. 

La  main  emprunte  son  nom  à  la  bouche.  Chez  l'en- 
fant, aussitôt  qu'à  la  vue  d'un  objet  le  désir  s'éveille, 
les  yeux,  la  bouche,  la  main  semblent  obéir  à  la  même 
inspiration  et  rassembler  leur  effort  en  un  mouvement 
unique,  celui  de  prendre  possession  de  la  chose  convoi- 
tée. C'est  pour  cela  que  ces  deux  instruments  du  moi 
portent  le  même  nom  :  muni  poignet  —  [xapy;  (1)  — 
manus  —  main.  L'Angl.  et  l'Ail,  n'ont  pas  le  mot  avec 

(!)  La  folie  s'appelle  en  Skt  môta  le  trouble  de  l'esprit,  Angl.  mad 
fou,  It.  matto.  Le  sens  parait  être  qui  s'amuse  à  des  choses  insensées. 
Le  Skt  mûr  a  veut  dire  fou. 

(2)  Ajoutons  que  le  Holl.  op  mijn  gemak  à  mon  aise  veut  dire  que 
la  position  me  va.  est  en  harmonie  avec  mes  désirs.  L'Ail,  gemdchlich 
exprime  le  même  sens.  Le  Skt  man  veut  dire  désirer.  Angl.  to  minci' 

(3)  Le  radical  mn  se  trouve  dans  la  métaphore  {jlvôc  —  mina  —  mine 
la  mesure,  minot.  V.  au  mot  mètre. 


126 


la  même  labiale,  mais  Angl.  fanrj  la  griffe,  Ail.  die 
Finger  les  doigts  qui  dérivent  de  bouche  le  remplacent 
dans  l'esprit  de  ces  peuples  et  n'en  sont  du  reste  que 
des  variantes.  —  La  manique  est  le  gant  et  le  métier, 
la  main  d'œuvre;  faire  la  manivelle,  jouer  à  la  mani- 
velle sont  des  jeux  de  mots  sur  manique  et  des  syllepses 
de  turbin  :  la  manivelle  a  un  mouvement  rotatoire,  le 
turbin  également.  V.  ce  mot.  A  propos  de  museau 
Suéd.  mun  et"  de  main  ajoutons  que  le  son  radical  de 
moi,  l'ensemble  des  désirs  personnels,  est  pris  sur  les 
lèvres  qui  demandent  :  ma^x  désirer  —  [xaw  id.  — 
amo  aimer.  Le  pronom  personnel  mâm  moi  —  y.i  — 
me  —  moi,  me  —  me  —  mich  et  les  possessifs  assortis 
représentent  l'acteur  pris  pour  l'acte.  Moi,  cette  chose 
parfois  si  oublieuse  des  autres,  rappelle  le  premier  âge, 
Les  lèvres  l'ont  appris  en  s'attachant  à  la  mamelle, 
mais  comme  tout  notre  moi  était  tourné  vers  le  sein  de 
notre  mère,  c'est  ce  mot  et  celui  de  papa  que  nous 
avons  appris  les  premiers.  Ce  n'est  que  plus  tard  et 
seulement  à  la  suite  des  satisfactions  reçues  que  le  sens 
du  moi  se  développe  outre  mesure  et  que  le  mot  devient 
odieux.  Le  Skt  maga  veut  dire  le  bonheur  —  le  G. 
;j.a-/ap  bienheureux,  l'Ail,  ich  môchte  je  voudrais.  La 
bouche  étant  l'organe  de  la  parole  qui  retentit  à  nos 
oreilles,  c'est  elle  qui  a  prêté  son  nom  au  mot.  Tout  ce 
que  la  bouche  profère  de  sons  significatifs  pour  en  com- 
muniquer le  sens  à  nos  semblables  s'appelle  mot,  acte 
et  produit  du  museau.  Exercer  l'organe  de  la  phonation 
s'exprime  par  muj' ,.  munj'  parler,  maç,  miç  crier,  max^ 
murmurer;   l'effet  se  trouve  dans  [j.ùOz;  —  mythus  — 


—  127  — 

mythe,  mot  —  to  mutter  murmurer  —  der  Volksmund 
le  dire  des  gens,  die  Mundart  le  dialecte.  Mot  est  une 
variante  de  izzq  la  parole  et  de  verbum  verbe  dont  les 
correspondants  dans  les  langues  congénères  ont  un  sens 
plus  vague  :  tatpfapifay  parler,  ïpM  avec  perte  du  dé- 
gamma parler  —  verbum  —  verbe  (1)  —  word  —  das 
Wort  —  Suéd.  ord  la  parole.  —  Renfermer  la  parole 
dans  la  bouche,  la  comprimer  en  serrant  les  lèvres  pro- 
duit le  mutisme  :  mûka  muet,  mona  silence  —  ;/uvcb; 
id.  —  musso  ne  pas  ouvrir  la  bouche,  mutus  muet  — 
marmotter,  marmonner  murmurer  tout  bas,  mystère 
—  mumps  le  silence,  la  bouderie  —  mùcken  ne  pas 
dire  mot  avec  un  mélange  de  bouderie.  Motus  et  mut, 
deux  mots  du  patois,  signifient  le  secret  :  on  les  fait 
comprendre  par  un  geste  qui  consiste  à  serrer  les  lèvres 
et  à  mettre  le  doigt  dessus.  Le  mystère  est  la  connais- 
sance qu'on  ne  divulgue  pas.  La  mystification  s'appelle 
de  là  mistouf,  mistoufle.  La  maffia,  société  secrète 
formée  en  Italie,  dont  on  a  parlé  beaucoup,  il  y  a  quel- 
que temps,  à  propos  des  événements  de  la  Nouvelle- 
Orléans,  est  une  forme  du  mot  mystère  qui  s'approche 
de  mufle.  Nous  avons  à  faire,  en  effet,  au  radical  dont 
on  a  formé  mafflu  et  le  maffion  l'enfant  dont  le  museau 
exprime  la  vivacité,  le  mouflard  au  visage  rebondi, 
AU.  der  Mùffel  l'homme  aux  grosses  babines.  A  côté 
de  maffia  il  convient  de  placer  moufler  couvrir,  enve- 

(1)  Le  mot  verbe  la  parole  et  verbe  nom  d'action,  est  une  preuve 
que  les  mots  sont  à  leur  origine  des  verbes.  Le  verbe  substantif  est 
un  mot  d'élection  ennobli  par  ses  acceptions  élevées.  Au  point  de  vue 
du  son  il  répond  au  thème  de  barbarus,  de  bdlbus  et  rappelle  le  mot 
Esp.  las  barbas  le  menton,  l'organe  labié. 


128 


lopper  de  mystère,  Angl.  to  muffle,  mot  parallèle  à 
boucher,  fermer  l'embouchure  êùw,  —  la  moufle,  H. 
mqf,  Angl.  muff,  Ail.  das  Mïiffchen  la  mitaine  qui  re- 
couvre la  main  d'où  emmitoufler,  —  misti  enveloppé, 
—  la  moufle  le  couvercle,  Ail.  die  Muffel.  La  mitaine 
est  une  variante  formée  du  radical  que  nous  avons  ren- 
contré dans  mutisme  :  elle  emmitoufle  la  main  et  la 
protège  contre  les  intempéries. 

L'anglais  a  to  smuggle;  TAU.  schmuggeln  passer  se- 
crètement des  marchandises  sans  payer  pour  elles  les 
droits  d'entrée,  mogeln  tricher  au  jeu,  der  Meuchel- 
mord  le  guet-apens  dans  le  meurtre  ;  le  Skt  a  le  mot 
mus1  dérober.  La  malle  arrive  à  désigner  le  secret,  la 
cachette  par  la  même  voie  que  la  moufle.  La  serrure, 
la  cachette  sont  assimilées  à  des  lèvres  qu'on  serre.  Le 
radical  est  ml  :  nous  l'avons  vu  dans  mulet  le  poisson. 
V.  ce  mot.  La  mitre,  la  motte,  le  muitard  la  prison  où 
l'on  met  les  malfaiteurs  au  secret,  la  muette,  la  mue, 
Angl,  mew,  (au  Centre  se  musser  se  cacher,  la  mus- 
souère  la  cachette,,  la  musse  trou  caché  pratiqué  dans 
une  haie),  la  meute  la  bande  de  chiens  qu'on  tient  dans 
la  muette  doivent  leur  nom  au  sens  de  mystère,  de 
cachette  qu'ils  expriment.  Au  Centre  on  rencontre 
encore  le  mot  moume  avec  le  sens  d'enveloppe  des 
fleurs  des  graminées  et  moque  ou  mente  capsule  de  la 
châtaigne  qui  ne  contient  pas  de  fruit.  Le  morion  le 
casque  d'assaut  présente  une  forme  congénère  de  ca- 
chette faite  du  son  bucal  moi\  Comme  celui-ci  Vau- 
musse,  AU.  die  Mùtze,  H.  de  muts  emmitoufle  la  tête, 
acte  qui  s'appelle  en  Skt  munf  couvrir,  cacher,  mand 


—  129  — 

couvrir,  vêtir,  dont  mante  et  manteau  sont  des  formes 
connexes.  Par  une  association  d'idées  très-rapprochées 
l'une  de  l'autre  la  cachette  s'assimile  au  mur  :  c'est  ce 
que  les  mots  semblent  indiquer  :  mura  clôture,  mur 
envelopper  —  ap.uv«  la  défense  —  murus  —  mur  — 
mure  —  die  Mauer  ou  avec  n  munt  couvrir  —  à^vw  je 
défends,  mœnia  la  muraille,  munimentum  —  munir. 
Oter  l'enveloppe  s'exprime  par  la  forme  verbale  du 
substantif  :  mundare.  De  là  mundus  (1)  nettoyé,  dé- 
pouillé, mondé,  émondé,  et  par  conséquent  pur,  pro- 
pre. 

La  bouche  sert  à  l'expression  des  états  de  notre  âme. 
Dans  sa  mimique  elle  entraîne  les  autres  parties  de  la 
figure,  si  bien  que  selon  la  variété  de  nos  impressions., 
la  physionomie  présente  un  masque  différent.  A  cha- 
cun des  mouvements  de  la  bouche  répond  un  son  qui 
est  en  parfait  accord  avec  ce  mouvement  et  qui  donne 
ainsi  une  voix  spontanée  aux  états  de  notre  âme.  Nous 
allons  voir  ces  sons  radicaux  ainsi  que  les  mots  qu'ils 
ont  fourni  au  langage  en  se  transformant  en  onomato- 
pées. Le  regard,  l'examen,  l'étonnement,  l'admiration, 
le  désir,  la  méditation,  le  calcul,  le  mystère  s'expri- 
ment par  des  mouvements  de  la  bouche  en  y  provo- 
quant un  mouvement  particulier.  Ces  pensées  et  ces 
émotions  sont  loin  d'épuiser  tout  ce  que  la  figure  est 
capable  d'exprimer. — Elle  sert  de  type  pour  qualifier  ce 
qui  est  beau.  Ainsi  l'ancien  Français  dit  qu'un  objet 
est  misti  pour  dire  qu'il  paie  de  mine,  qu'il  est  d'un 

(1)  Mundus  le  monde  pourrait  avoir  le  sens  du  monde  élégant,  poli, 
comme  -/.o-tjao;  monde,  veut  dire  ce  qui  est  égoussé,  ce  dont  le  contact 
n'est  pas  rude.  V.  au  mot  gousse. 


130 


aspect  agréable  ;  muche  et  moût  veulent  dire  gentil , 
mignon  a  le  sens  de  charmant,  aimable.  Muche  a  pour 
correspondant  Skt  mayk  orner,  Ail.  schmûcken  em- 
bellir, H.  mooi.  Affecter  la  gentillesse  par  des  mines 
étudiées  s'appelle  mignarder,  minauder,  faire  des 
mistions.  Des  mièvreries  sont  de  petites  mutineries, 
de  petits  airs  effectués  avec  la  bouche  (mufle).  L'Angl, 
miffish  veut  dire  boudeur.  La  mijaurée  est  la  femme 
qui  mijaude,  qui  cherche  à  être  mignonne.  Faire  mine 
de  se  retrouve  dans  le  mot  [aùvïj  l'apparence,  le  pré- 
texte. Les  nuances  de  la  laideur  percent  dans  marron 
déplaisant  comme  la  figure  du  marronneur,  dans 
moche,  mouche  ce  qui  présente  un  air  de  moue.  La 
menace  en  L.  minœ,  (minax  menaçant)  appelle  devant 
l'esprit  une  mine  sombre  qui  médite  la  vengeance.  Le 
sourire  donne  à  la  bouche  l'expression  du  contentement 
charmé  :  smi  —  («tîtaw  sourire,  Angl.  to  smile,  to 
smicker,  to  smirk  sourire,  Ail.  schmeicheln  sourire, 
cajoler.  Le  H.  smeeken  supplier,  dénote  une  expres- 
sion attristée  et  boudeuse  du  museau.  Léminence  est 
par  prosopopée  une  hauteur  dont  la  mine,  le  front  dé- 
passe le  pays  à  l'entour.  —  S'amuser  est  dans  le  fait 
être  là  le  museau  bâillant,  regarder  à  l'aise  ;  de  là  n'a- 
voir rien  à  faire,  être  libre  de  soucis,  s'oublier  dans  ce 
que  l'on  voit.  L'argot  dit  se  marrer,  offrant  ainsi  au 
Français  classique  un  mot  que  celui-ci  n'a  pas  et  qui 
existe  ailleurs  :  Skt  mrêd  être  fou  —  [xàpoc  le  fou, 
l'homme  amusant  —  morio  id.  —  marant  risible  — 
merry  plaisant.  Le  correspondant  Ail.  manque.  La 
richesse  des  racines  dans  l'Argot  est  le  résultat  de  son 


—  131  — 

habitude  de  préférer  le  son  naturel  :  il  l'entend  se  pro- 
duire dans  des  circonstances  dont  ses  yeux  peuvent  se 
rendre  compte.  11  compose  son  langage  plutôt  avec  les 
sens  qu'avec  la  réflexion.  Il  ne  synthétise  pas  assez  pour 
trouver  des  abstractions  au  sens  universel  comme  dé- 
mence) un  détraqué,  un  aliéné  sont  des  qualifications 
raisonnées  créées  par  un  effort  du  cerveau.  Aucun  de 
ces  termes  n'a  rien  d'individuel,  rien  de  précis.  Il  faut 
à  l'Argot  ou  le  nom  juste  comme  mavant  amusant,  qui 
a  été  cueilli  sur  la  bouche  du  badaud  qui  s'amuse,  ou 
une  image  qui  peigne  bien  la  situation,  p.  e.  :  il  bat  la 
campagne.  Le  voici  qui  surprend  encore  le  son  propre 
de  la  badauderie  :  le  matassin  est  le  museur,  d'abord, 
celui  qui  s'amuse,  et  ensuite  l'homme  plaisant,  risible, 
qui  amuse  les  autres.  Pas  plus  que  marrer  ce  mot 
n'existe  dans  le  Français  classique.  Le  Grec  a  p&raibç 
museur  et  de  là  vain,  plein  d'inanité,  Angl.  mad  fou 
(to  mouthe  regarder),  It.matto. —  On  devient  malin  (1) 
à  force  d'observer  :  mariole  est  la  qualité  de  celui  qui 
s'est  bien  rendu  compte,  qui  est  devenu  avisé  à  force 
d'ouvrir  les  yeux  ;  le  marlou  (2)  est  un  finaud  ainsi  que 
ses  homonymes  le  marloupate,  le  marloupiat.  C'est  un 
individu  qui  mouchicote.  Le  loup  en  tant  que  mot  est 
la  gueule  qui  hurle  (ulf).  Matois  veut  dire  rusé  comme 
le  matou,  —  miter  se  conduire  comme  mites,  fureter. 
Mites  équivaut  à  l'Ail,  der  Mietz —  H.  mies.  Ces  mots 

(1)  Le  Skt  mala  sale,  le  L.  malus  mauvais,  mal  ce  qui  l'ait  rechi- 
gner, ce  qui  provoque  sur  les  lèvres  l'expression  du  déplaisir.  V.  ma- 
larder. 

(2)  Le  marlou  a  été  fainéant,  museur,  gaffeur,  guappeur  avant  de 
devenir  souteneur  :  le  sens  primitif  est  gaffeur. 


—  132  — 

et  leurs  variantes  Angl.  et  Yi.jniss  et  poes  semblent 
être  le  mot  mus  -  mûris  souris,  AngL  mouse,  au  pluriel 
mice,  Ail.  die  Maus,  plur.  die  Mâuse,  H.  muis  qu'on 
répète  au  chat  pour  attirer  son  attention  (en  Grec)  est 
qj,(vôa.  Le  sens  du  mot  semble  être  sapeur,  mineur, 
mulot,  l'animal  qui  fait  des  trous.  V.  au  mot  mine. 
Mites  et  matou  n'ont  les  radicaux  mit  et  mat  que  grâce 
à  la  fantaisie  du  jeu  de  mots.  Moumoute  est  le  petit 
minois,  la  petite  chatte.  —  La  chattemite  est  la  per- 
sonne qui  se  fait  douce  comme  mites  pour  mieux  sur- 
prendre. Croquemitaine  est  mites  qui  croque  les  souris 
employé  comme  épouvantail.  —  Mâtin  et  mâtine  sont 
des  qualificatifs  du  finaud.  On  veut  dire  matois,  madré 
mais  on  préfère  un  jeu  de  mots  sur  mâtin  le  chien  de 
race  mélangée,  le  métis,  V.  ce  mot.  Madré }  madrice, 
madrin  sont  le  mot  madré  et  ses  variantes  qui  veulent 
dire  variole,  pointillé,  au  lieu  du  terme  propre  matois 
rusé  comme  chat.  —  Madré  qui  se  dit  des  taches  dans 
le  bois  et  sur  la  peau  est  une  corruption  de  macula 
macule,  Angl.  measles  la  rougeole,  Ail.  die  Maseru 
id. — Maculer  répond  à  [j/.aivw  maculer,  à  l'origine,  avec 
les  mucosités  qui  coulent  de  la  bouche.  Macula  est  le 
point  où  la  salive  (Ail.  spuck)  a  touché  et  forme  mou- 
che (Angl.  speck)  en  quelque  sorte.  Le  Skt  a  mud 
émettre,  faire  jaillir  d'une  bouche.  Le  madrouillage 
est  la  ruse.  —  Moumer  veut  dire  remuer  la  bouche  : 
c'est  une  variante  labiale  de  bouger >  Ail.  mîicken,  H. 
mikken.  Pour  l'expression  de  la  moquerie  et  du  men- 
songe V.  les  radicaux  et  les  dérivés,  Traité,  pp.  68 
et  69. 


133 


Le  canal  du  nez  a  deux  embouchures,  l'une  sur  l'air 
extérieur,  l'autre  sur  le  pharynx  et  les  poumons.  La 
continuité  de  ce  conduit  est  ménagée  par  la  langue  qui 
en  se  collant  contre  le  palais  empêche  la  cavité  de  la 
bouche  de  s'y  amorcer  et  de  constituer  une  seconde 
issue  (1).  Les  bruits  que  le  passage  de  l'air  provoque 
dans  ce  canal  sont  différents  selon  qu'ils  se  produisent 
sur  l'un  des  trois  points  indiqués.  Quels  sont  ces  bruits 
et  par  quels  signes  alphabétiques  les  reconnaissons- 
nous? 


(1)  Si  ce  sont  les  lèvres  m  of  /qui  interceptent  le  passage  de  l'air 
par  la  bouche,  il  passe  soit  dans  les  fosses  nasales  en  faisant  entendre 
un  sifflement  s  comme  dans  museau,  soit  dans  le  pharynx  où  il  pro- 
duit le  son  g  eomme  dans  mugir,  mucus,  moucher,  remouehicoter,  ou 
bien  il  occasionne  l'apparition  des  sons  n,  t  ou  nt  parce  que,  pendant 
que  le  nez  souffle,  la  langue  est  collée  contre  le  palais.  Nous  avons 
rapporté  les  onomatopées  ainsi  formées  à  la  bouche  parce  qu'elles  se 
présentent  avec  un  m  initial. 


LE  NEZ 


Tout  le  monde  peut  se  convaincre  que  dans  les  nari- 
nes l'air  donne  le  son  du  sifflement  réprésenté  parl'hy- 
éroglyphe  S,  image  du  serpent  qui  se  contourne  et  qui 
siffle.  Dans  le  pharynx  l'air  provoque  un  bruit  guttural 
r  qui  lui-même  entraîne  le  son  de  la  gorge  profonde,  le 
g  ou  le  ch.  Du  côté  de  la  langue  c'est  le  n  qui  s'ébauche. 
Si  la  pression  de  l'air  force  la  langue  à  se  serrer  davan- 
tage contre  le  palais  et  à  glisser  en  avant  c'est  le  son  nt 
qu'elle  produit  en  se  détachant  de  la  voûte  bucale;  si, 
au  contraire,  un  serrement  intense  de  la  langue  refoule 
l'air  vers  le  pharynx,  c'est  un  g  qui  se  dessine.  Les 
consonnes  s,  i\  nt  chacune  accompagnée  d'une  voyelle 
plus  ou  moins  ouverte  forment  ainsi  les  sons  naturels 
que  le  fonctionnement  de  l'organe  fait  entendre.  Cha- 
cune, soit  qu'elle  se  produise  séparément,  soit  accom- 
pagnée de  ses  voisines,  rendra  un  bruit  significatif  de 
l'organe  et  de  ses  actes.  Chacun  de  ces  bruits  présen- 
tera pour  l'étymologie  un  thème  primaire,  une  racine 
irréductible  qui  est  le  terme  ultime  de  l'investigation 
linguistique.  Au  delà  nous  tombons  dans  le  domaine  de 
la  physiologie  :  à  elle  d'expliquer  la  nature  des  organes 
ainsi  que  les  causes  qui  déterminent  leur  action.  Cette 
racine  ainsi  générée  est  monosyllabique.  En  eflet,  c'est 
toujours,  soit  un  seul  organe,  soit  deux  ou  trois  réunis 
dans  un  accord  parfait  qui  produisent  un  bruit  ou  sim- 


—  135  — 

pie  ou  bien  composé,  mais  d'une  façon  indissoluble. 
Pour  notre  esprit  le  sens  de  cet  acte  est  simple  et  irré- 
ductible également.  Le  bruit  et  l'acte  qu'il  accompagne 
sont  inséparablement  liés  à  l'intelligence  que  nous 
avons  de  l'un  et  de  l'autre.  De  cette  union  intime  est 
né  le  sentiment  de  l'harmonie  imitative  des  mots,  c'est 
à  dire  des  onomatopées  qui  reproduisent  la  voix  des 
choses  agissantes.  L'acte,  le  son  et  l'intelligence  s'en- 
chaînent si  bien  dans  une  seule  inspiration,  dans  un 
seul  mouvement  qu'ils  forment  une  trinité  dont  les  élé- 
ments, bien  que  pris  à  part,  s'appellent  Constamment 
l'un  l'autre.  Ces  bruits  employés  comme  noms  des  actes 
donnent  des  onomatopées,  c'est  à  dire  des  mots  qui 
reçoivent  la  mission  irrévocable  de  servir  de  signes 
pour  les  choses  de  l'expérience  humaine.  Ce  ne  sont 
plus  des  voix  spontanées  et  involontaires  qui  échappent 
à  la  vie  dans  son  activité,  mais  des  signes  reconnus 
exacts  et  vérédiques  que  nous  employons  sciemment  et 
avec  intention  pour  rappeler  des  faits  lors  même  qu'ils 
ne  sont  pas  présents.  Le  mot  est  ainsi  la  première  his- 
toire de  l'homme  en  société  en  même  temps  que  la  plus 
intime  et  la  plus  populaire  des  épopées  d'une  nation. 
La  plupart  des  mots  exprimant  un  acte  du  nez  pré- 
sentent des  métathèses  l'un  de  l'autre  quand  on  les  com- 
pare entr'eux.  Or  ces  métathèses  n'ont  pas  été  faites  de 
propos  délibéré.  Le  grammairien  "qui  s'est  chargé  de 
transmettre  les  mots  par  l'écriture  les  a  notés  dans  l'ordre 
qu'ils  semblaient  présenter  à  l'oreile,  et  a  donné  la  pre- 
mière place  à  celui  des  trois  s,  n,  r,  qui  prédominait 
dans  le  bruit,  d'où  il  lui  est  arrivé  quelquefois  de  ne 


—  136  — 

point  tenir  compte  des  autres. 

Le  nez  comme  organe  a  plusieurs  propriétés  :  il  re- 
spire, hume,  éternue,  sent,  perçoit,  se  rend  compte  pour 
éclairer  l'intelligence;  il  a  ses  impressions  de  ce  qui 
est  bon  ou  mauvais  et  par  extension  de  ce  qui  est 
convenable  ou  non.  Assimilé  à  la  bouche  il  en  accepte 
les  attributions.  Le  bec  de  l'oiseau  et  la  prédominance 
de  cet  organe  dans  la  figure  des  animaux  l'ont  fait  con- 
fondre avec  la  bouche.  Le  museau,  le  mufle,  le  groin, 
la  hure  désignent  le  nez  et  la  bouche  à  la  fois. 

La  respiration  nasale  se  présente  dans  an  respirer, 
antar  âme  —  afvsnoç  animus  —  anémomètre  et  avec  la 
notation  de  la  labiale  dans  le  Skt.  vâti  vent,  l'Angl. 
wind  le  vent  —  der  Windid.  —  Suéd.  and  esprit  et 
souffle.  —  La  puanteur  s'appelle  çvôoç  le  fumier.  — Le  L. 
anima  est  l'acte  du  soufle  vital  transporté  à  ce  qui  est 
impérissable  dans  nos  désirs  :  la  conscience  d'être,  de 
sentir,  d'aspirer  à  un'idéal  de  bonheur.  Le  Grec  ex- 
prime l'âme,  la  vie  de  la  conscience  par  ^u^  onoma- 
topée du  souffle  labial.  Ce  mot  se  compose  du  souffle 
linguo-labial psu  entraînant  un  son  guttural  ch.  V.  le 
radical  ps  au  chapitre  bouche.  Le  n  en  refoulant  l'air 
comprimé  par  la  langue  vers  le  pharynx  y  fait  naître 
un  g.  Ce  son  ng  a  donné  lieu  à  plusieurs  onomatapées  : 
Suéd. àng  la  vapeur,  le  souffle  —  a%ku<;  la  vapeur,  le 
brouillard  et  à  des  dérivés  exprimant  lapénurie  du  souffle  : 
à'Yx<*>  ôter  le  souffle,  #jnr*péç  (prononcez  ng)  celui  qui 
s'essouffle,  qui  peine  —  angélus  ange,  le  messager  — 
ahaner  s'essouffler  -*■  angel  l'ange  —  der  Engel  id.  (1) 

(1)  Aspirer  après  donne  au  Skt.  vay.r  désirer,  Angl.    tu   wish,  Ail. 


—  137  — 

Le  nom  de  la  vie  doit  sans  thème  au  son  du  souffle 
nasal  :  friu  V.  Traité  p.  57.  L'organe  prend  le  nom  des 
bruits  qu'il  fait  entendre.  Le  nom  le  plus  commun  est 
le  nez  :  Skt.  nâsa.  Le  Grec  a  la  forme  métathétique  de 
naris  narine  dans  ptv  le  ronflant  et  la  forme  nez  guttu- 
ralisée  dans  kvcoww  ronfler,  dormir  —  nasus —  nez  — 
nose  —  die  Nase.  L'Argot  a  le  mot  schnes  le  nez  qui  se 
place  à  côté  de  TAngl.  snout,  Ail.  die  Schnautze  —  H. 
muit  —  Angl.  et  H.  snot  la  morve;  H.  den  neus  snut- 
ten  se  moucher;  un  jeu  de  mots  a  donné  nazareth  le 
nez.  —  Le  son  des  narines  reparaît  dans  le  Skt.  navd 
mugir  —  vàpxtj  le  ronflement,  le  sommeil  léthargique  et 
la  torpille  qui  donne  le  sommeil  électrique,  Sveipoç  le'rêve, 
le  sommeil;  anal,  à  somnium  sommeil  et  songe  —  nar~ 
coticus  —  narcotique  —  to  snore,  to  snort  faire  trom- 
bonner  le  nez  en  dormant  —  schnarchen  id.  L'organe 
s'appelle  en  Ail.  die  Sehnurre  nez  ou  narines  et  gueule 
d'où  der  Schnurrbart  la  moustache,  le  poil  du  nez  — 
H.  opsnorren  rechercher  en  reniflant. 

Un  bruit  nasal  qui  ressemble  à  un  ronflement  sort  de 
la  corde  qui  vibre  :  pour  cela  on  lui  a  prêté  le  nom  de 
cet  organe  comme  le  démontrent  snâsa  la  corde  — 
vsopsv  —  neruus  —  nerf —  snare  ou  noose  le  lacet  dans 
lequel  on  prend  le  gibier  —  die  Schnur  la  ficelle  —  H. 
snaar  la  corde  du  violon,  snoer  le  fil.  Ces  mots  sont  le 
phonème  métathétique  de  péyxw  ronfler  l'acte  du  rynche 
qui  s'annonce  par  ce  bruit  spécial — ronchizo  —  ronfler, 
ronronner — H.  ronken.  L'Angl.  ni  l'Ail,  n'ont  ap- 
pliqué ce  radical  au  sens  de  ronfler.  En  Argot  le  ron- 

vùnschen.  Suéd.  enska. 


—  138  — 

Jlant  est  le  poêle  qui  ronfle.  V.  p.  127  du  Traité.  Le 
mot  nuage  en  Skt.  nak  est  une  prosopopée  du  souffle 
du  nez.  V.  Traité  p.  51.  L'Argot  a  tiré  de  1  AU.  le  mot 
nasalbor  onguent  pour  faire  disparaître  la  rougeur  du 
nez,  de  Nase  et  Salbe  onguent.  Les  gens  à  la  recherche 
d'expressions  nouvelles  disent  mon  niert,  (1)  mon 
gniasse  pour  moi-même  et  par  une  tournure  analogue 
mon  orgue  (nez)^  ma  fiole,  expressions  qui  rappellent 
le  ronflement  et  le  souffle  du  nez.  Le  nez  dont  niert  et 
gniasse  sont  des  déformations  tient  lieu  ici  de  la  physio- 
nomie, de  ce  qu'il  y  a  de  plus  personnel  dans  l'individu. 
Le  snoboye  est  par  métaphore  un  homme  qui  a  des 
goûts  plats,  qui  s'émerveille  de  choses  ordinaires:  dans 
le  premier  cas  il  est  synonyme  de  mw/fe,  dans  le  second 
de  gaffeur.  Les  mots  Angl.  snob  et  snobbism  marquent 
un  homme  et  des  manières  sans  distinction.  Snoboye 
veut  dire  aussi  splendide,  ce  qui  a  de  la  mine  (Snob 
rappelle  le  reniflant  le  nez).  Au  Centre  le  mouchoir  s'ap- 
pelle le  gniau.  Le  son  du  nez  sert  ici  d'indice  pour  le 
blavin.  —  L'Argot  qui  a  le  sentiment  de  la  verbalité  du 
sens  des  mots  trouve  d'instinct  le  renâclant  et  le  reni- 
flant pour  le  nez .  Renifler  (2)  aspirer  par  le  nez  a  des 
correspondants  dans  to  sniff  sentir,  prendre  le  vent,  to 
snuff  priser,  ou  par  un  mot  naturaliste  qui  est  la  méta- 
thése  du  verbe  Angl.  fanfouiner] — Ail.  schnauben  souf- 
fler du  nez.  —  H.  snuiven  priser,  aspirer  le  vent  et 

(1)  Pour  dire  moi-même  on  a  inventé  également  les  expressions  me- 
sigo  (moi  et  ego),  mésigue  et  avec  jeu  de  mots  mézieres. 

(2)  L'Argot  a  renobler  pour  reconnaître,  mais  comme  ce  mot  dérive 
de  gnosco  avec  g  initial  nous  le  rapportons  aux  expressions  formées 
des  sons  du  gosier. 


—  139  — 

souffler  du  nez,  snuffèlen  fureter  (1),  sneven  et  sneu- 
velen  expirer.  —  Le  nez  qui  se  confond  dans  ces  ex- 
pressions avec  le  rostre  ou  bec,  comme  nous  le  faisions 
pressentir  plus  haut,  a  donné  en  fait  de  mots  provenant 
de  cette  racine:  Angl.  s/iqffle  espèce  de  mors  qui  bou- 
che à  volonté  les  deux  narines,  snipe  (2)  la  bécasse  au 
long  nez  ou  bec  —  Ail.  der  Schnabel  le  rostre,  die 
Schnepfe  la  bécassine  et  la  grue  dans  le  sens  de  l'Argot 
—  H.  snaoel,  snep  et  snifi  bec. 

Les  mots  odeur,  ozone jSeateunsont  faits  du  thème  de 
l'aspiration  nasale  s  ou  d,  V.  Traité  p.  56.  Sentir  ré- 
pond au  Skt.  ci^g*  flairer  et  sentir  bon.  —  Le  sens  de 
de  l'odeur  servant  a  la  reconnaissance,  la  renifler  pu 
contracter  le  sens  de  la  police,  le  renijleur  (3)  de  l'a- 
gent qui  comme  le  chien  se  confie  au  témoignage  du 
nez  pour  se  mettre  sur  la  trace  du  malfaiteur.  On  s'a- 
perçoit parce  synonyme  de  mouchard  combien  la  police 
fait  l'objet  des  préoccupations  de  l'argot  criminel.  Re- 
nifler veut  dire  aussi  reculer  parce  qu'on  a  vent  des  dif- 
ficultés que  présente  l'affaire  dont  on  nous  parle.  Gniouj 
est  un  son  nasal  par  lequel  on  exprime  que. l'odorat  est 
satisfait  et  que  l'appétit  est  éveillé;  il  en  est  probable- 
ment de  même  pour  ni/':  du  vin  nif,  de  Veau  nife  dési- 
gnent du  vin  clair,  de  l'eau  limpide  et  fraîche  qui  n'of- 
fense pas  l'odorat.  Lef  du  son  nif  semble  indiquer  que 
les  ailes  du  nez  ont  touché  la  cloison  médiane  et  ont 

(1)  Le  Skt.  nisk  qui  veut  dire  considérer,  peser,  renifler  a  un  sens 
analogue. 

(2)  La  connivence  dénote  qu'on  ferme  d'oeil  comme  un  bec;  le  mot 
du  Centre  niber  a  le  sens  de  voir,  de  regarder  avec  de  petit  yeux. 

(3)  Le  Latin  nasutus  veut  dire  malin,  le  Skt.  niç  penser,  méditer, 
nisn-ita  habile,  instruit. 


-  140  - 

formé  le  /'habituel  aux  lèvres.  —  Le  gniqf  \e  cordon- 
nier tire  son  nom  de  la  senteur  de  la  poix  et  du  cuir 
neuf  qui  imprègne  ses  habits  et  sa  boutique.  De  la 
gniaffer  synonyme  de  saboter,  faire  de  la  mauvaise  be- 
sogne. Il  y  a  du  g nqf veut  dire  qu'on  sent  quelque  chose 
de  suspect.  Après  rafle  gniqf  donne  à  entendre  qu'après 
un  bon  coup  de  dés  ont  tombe  dans  la  déveine,  nommée 
par  les  Allemands  Pech  poix  qui  sent,  qui  excite  le 
son  gniqf  du  reniflant.  —  Les  mots  nez,  nasal  ont  sug- 
géré la  déformation  la  renache  ou  Varnache,  synonymes 
de  la  renifle  la  police.  L'Argot  Angl.  a  le  mot  nark 
espion.  Le  renaché  est  le  fromage  dont  on  sent  les 
odeurs  acres.  Ces  expressions  donnent  une  nouvelle 
preuve  que  le  peuple  aime  à  s'exprimer  par  des  mots 
qui  reproduisent  la  perception  par  les  sens  et  s'écarte 
des  termes  réfléchis  tels  que  police,  agent,  la  sûreté,  la 
brigade  centrale,  —  Renâcler  (1)  veut  dire  se  montrer 
peu  satisfait,  synonyme  de  renifler.  Dans  cet  ordre 
d'expressions  et  d'idées  nous  avons  les  mots  renas,  le 
renaclement,  le  mécontentement,  le  renaudla,  querelle, 
le  bruit  qui  en  est  la  suite,  en  Skt.  nind  blâmer,  en  Gr. 
ovetèoç  le  blâme,  le  renaudeur  le  grognon.  —  Le  bruit 
du  nez  est  par  fois  pris  pour  celui  de  la  bouche:  de  là 
le  Skt.  nâs  crier,  nal  parler,  les  termes  d'Argot  narguer 
confesser,  le  narquois  espèce  d'argot,  Ail.  schnattern 
remuer  le  bec,  le  schnes  —  H.  snappen  et  snateren 
jaser. 

Nous  avons  déjà  vu  le  nez  exprimer  dans  sentiment, 

(1)  Le  Skt.  a  nal  avec  l  pour  r  sentir;  l'Ail,  schnurrer  pour  fureter, 
examiner  du  nez.  Le  mot  Suéd.  sniit  exprime  le  génie,  en  principe  le 
nez,  le  flair. 


—  141    - 

renifle,  renache,  renâcler,  renifler  des  fonctions  du 
sentiment  intérieur.  Quelque  naturaliste  que  soit  leur 
origine,  ces  mots  deviennent  des  signes  d'actes  appar- 
tenant au  domaine  de  l'esprit.  Narguer,  narquois, 
l'Angl.  to  sneer,  l'Ail,  die  Sc/i/iurre,  die  Schnarre  la 
moquerie,  schnurrig  comique  indiquent  certaine  ex- 
pression qu'imprime  au  nez  le  sentiment  de  ridicule  et 
de  mépris  que  les  faits  et  les  gestes  d'une  personne  font 
naître  dans  l'esprit  des  autres.  Der  Narr  Allem.  est  le 
sot. 

Le  nez  assimilé  au  bec  fait  comme  lui  fonction  d'or- 
gane préhensile  :  de  là  l'Angl.  to  snatch,  Ail.  schnappen 
prendre,  le  Schnapps  Ail.  et  Argot,  la  goutte  qu'on 
avale  d'un  trait.  Le  schnick  est  la  goutte  et  l'eau  de  vie: 
c'est  une  variante  du  H.  slohjeune  gueulée.  V.  au  mot 
lac.  Le  Patois  du  Centre  de  la  France  contient  des  ono- 
matopée nasales  que  le  langage  populaire  de  Paris  sem- 
ble ignorer,  p.  e.  un  nasillard,  quelq'un  qui  renâcle, 
nasiller  jaser,  parler  avec  malveillance,  (H.  snateren), 
le  gnoufe,  le  gnoufle  le  nez,  arnauder  maltraiter  (re- 
naud),  renieer,  amoqueter  refuser,  en  Limousin  niflo 
nez,  siner  priser.  V.  le  Dictionnaire  des  Patois  du  Cen- 
tre de  la  France  par  M.  le  Vicomte  Jaubert. 

Le  mot  ?>;/:;  metathèsede  nares  —  rostrum  le  bec  — 
ringor  tordre  la  bouche,  rictus  —  ornithorynche  — 
reedle  roseau  par  prosopopée,  rush  id.  —  der  Rûssel 
la  trompe,,  das  Rohr  le  roseau  (1),  le  tube  et  par  méta- 
phore der  Runks  le  mufle  nous  conduisent  du  nez  à  la 

(1)  Roseau  et  ses  congénères  Angl.  et  Ail.  s'appuient  sur  pwôtov  le 
nez,  d'où  ruderc,  rugir,  raire. 


—  142  — 

gargouille,  variante  de  gorge  et  gosier.  Les  Patois  du 
Centre  nous  ramènent  au  radical  de  ce  mot  avec  rignaut 
grognon,  rigner,  roincer,  roigner,  ruinger,  runger 
grogner,  roincer  et  roinger  ruminer,  c'est  à  dire  expulser 
le  contenu  de  l'estomac  avec  un  rôt  afin  de  le  remâcher, 
rouincer  pleurnicher;  le  langage  populaire  et  l'Argot 
avec  ronchonner  montrer  sa  mauvaise  humeur  en  gro- 
gnant, rogner  être  rogne,  rognionner  même  sens  que 
ronchonner.  —  Ici  s'arrêtent  les  citations  des  mots  où 
la  présence  de  n  indique  spécialment  que  le  nez  a  sapart 
dans  la  production  du  son  de  leurs  racines.  Les  onoma- 
topées avec  leur  sens  soit  primitif  soit  métaphorique  qui 
vont  demander  notre  attention  reposent  sur  les  bruits 
de  la  gorge  provoqués  dans  cet  organe  par  des  causes 
physiques  ou  morales.  Le  son  r  qui  part  de  la  gorge  s'as- 
socie avec  ceux  que  produisent  les  autres  organes  de  la 
la  parole  entraînés  dans  le  mouvement.  Nous  nous  trou- 
verons ainsi  en  face  de  son  simples  et  complexes  qui  se 
rendent  par  les  phonogrammes  r,  rr,  rg,rch\rt9rth, 
ri,  rm,  m,  rng,  etc.  Ce  que  nous  avons  vu  arriver'avec 
le  b  et  le  m  de  la  bouche  se  reproduit  avec  le  r  guttural. 
Dans  les  deux  cas  ce  sont  des  raisons  physiques  et 
morales  qui  déterminent  l'intervention  des  organes  dans 
la  production  des  sons  afin  de  les  accorder  avec  la  di- 
versité des  impressions  dont  ils  sont  le  signal. 


LA  GORGE 


L'Argot  nomme  l'organe  la  mette,  employant  comme 
presque  toujours  l'homonyme  au  lieu  du  son  certain  et 
ferme.  Il  était  cependant  si  près  du  Lat.  os-o/is  bou- 
che (2).  Ce  mot  a  pu  provenir  de  l'association  de  la 
gorge  avec  le  ravin  (la  gorge),  la  rigole,  le  ru  dont/w 
(cou  loir)  et /-a  et  te  sont  des  variantes.  LeSkt.  a  ru  par- 
ler,  ran  résonner;  leSuéd.  rôst  le  cri.  Comme  organe 
de  la  parole  le  gosier  a  produit  des  onomatopées  congé- 
nères en  rue"  parler  —  pôu  id.  —  rhetor  —  rhéteur  — 
to  rout  parler  à  tort  et  à  travers,  to  roum,  to  rown,  to 
round  parler  bas  (du  gosier),  to  ring  résonner  —  vaurien 
parler  bas,  die  Rune,  la  rune  la  parole  mystérieuse  — 
H.  rinkelen  résonner.  C'est  lui  encore  qui  donne  eFpco 
demander  et  parler  —  oro  prier,  rogo  demander  —  ro- 
gatoire,  interroger,  oraison.  L'Angl.  to  read  signifie 
lire  mais  veut  dire  dans  le  fond  parler,  reproduire  la  pa- 
role écrite.  L'Argot  dit  d'une  façon  analogue  babiller 
pour  lire.  L'Ail,  reden  veut  dire  parler.  Le  ragot  est  le 
bavardage,  métathèse  de  argot  le  langage  guttural.  Au 
Centre  des  rogatons  veut  dire  du  rabâchage,  roga- 
touner,  roincer,  rouinger  rabâcher.  De  là  le  Français 

(1)  L'onom.  Grecque  orôfxaveut  dire  la  voix,  d'où  son  sens  actuel  de 
bouche.  11  répond  à  l'Ail.  Stimme  voix,  H.  stem  id. radical  produit  par 
le  mouvement  de  la  langue  et  des  lèvres.  V.  au  mot  tatouil.  Os  est 
lorgane  au  son  duquel  nous  devons  les  phonèmes  aura  air,  L.,  et  uru 
poitrine,  Skt. 


—  144  — 

des  rogatons  des  restes  de  viande,  qu'on  sert  de  nou- 
veau. L'Argot  a  le  mot  arçonner  parler  avec  jeu  de 
mots  sur  arçon.  Le  mot  argot  désigne  un  langage  se 
composant  de  sons  gutturaux,   du  moins  où  il  n'y  a 
qu'une  chose  de  claire,,  c'est  à  dire  que  le  gosier  marche 
tout  le  temps.  Les  Grecs  et  les  Romains  appelaient  les 
étrangers  des  barbares  parce  qu'ils  n'apercevaient  de  leur 
langage  que  le  mouvement  labial  bar.  Le  Centre  a  les 
mots  ricard  le  geai  qui  ricane  (1).  ricasseï *  rire.  Ce  sont 
toujours  des  sons  de  l'organe  qui  se  proclame  lui-même 
dans  son  bruit  habituel  :  rynchusMogonnerol  rouspéter 
veulent  dire  parler.  Ce  dernier  mot  a  la  même  racine 
que  le  H.  ripsen.  Ail.  rûlpsen  roter.  Roubler  signifie 
parler,  déposer,  anal,  à  manger  le  morceau  avouer, 
débiner  le  truc,  composé  de  deux  onom.  avortées  dont 
le  son  indique  le  mouvement  des  lèvres  quand  on  parle; 
râper  chanter  ;  ravaudage  cancan  par  jeu  de  mots. La 
langue,  par  association  avec  la  gorge  s'appelle  la  rous- 
caillante, 11  y  a  là  un  jeu  de  mot  sur  rouge,  L.  ruscus  ; 
l'argot  Anglais  l'appelle  red  rag  la  loque  rouge.  Le 
thème  de  pi^oç  bec,  par  métathèse  ïpzooz  le  gouffre, 
l'enfer  se  retrouve  dans  rumor  —  la  rumeur,  le  ramage 
—  to  roup  vendre  à  la  criée  (H.  uitroep  criée)  —  ru/en 
appeller  —  H.  roepen  id.  et  reppen  bouger  —  Skt.  rêb, 

(1)  Margot  est  un  autre  nom  du  geai,  H.  gaai.  C'est  un  jeu  de  mots 
sur  Margot,  Marguerite .  Le  geai  ainsi  que  la  pie  ont  un  rire  sec  et 
humiliant.  De  là  margauder  éreinter  par  une  critique  féroce,  par  un 
ridicule  cruel,  où  la  sympathie  ni  l'équité  ne  pourront  jamais  avoir  de 
place.  Le  H.  appelle  le  geai  meerkol  de  meer  pour  mare  la  nouvelle 
et  kol  pour  kouw  le  geai,  le  choucas.  Ce  dernier  s'appeile  en  AU.  die 
Dohle,  L.  monedula,  de  la  racine  de  tatouille,  Angl.  to.  tell  dire-  Le 
mot  mare  répond  à  jjiàprjp  le  témoin  —  Martur  —  martyr  --  (to 
murmur)  —  die  Maehre  la  comunication. 


145 


rép  résonner.  Un  rême  est  une  réprimande  de  même, 
que  de  la  rêmone  et  Romaine  avec  jeu  de  mots  sur  ra- 
moner et  de  la  Romaine  la  salade  ;  passer  à  Rome  veut 
dire  se  faire  réprimander:  toujours  le  penchant  pour 
le  jeu  de  mots,  comme  si  Ton  voulait  cà  toute  force 
brouiller  les  idées.  Il  y  cependant  plus  de  mérite  à  les 
distinguer. 

Boire  est  un  acte  qui  dans  certaines  circonstances 
provoque  un  bruit  guttural.  Celui-ci  entraîne  un  fré- 
missement des  lèvres.  C'est  ce  qui  est  arrivé  quand  on 
a  entendu  le  radical  de  ramponner  boire,  à  proprement 
parler  absorber.  Ace  mot  répondent  sarhli  —  po^éw.  A 
la  métathèse  du  mot  Grec  répondent  sorheo  —  absor- 
ber, sorbet,  sirop  —  sherbet  le  sorbet,,  [strup  —  der 
Sirop  —  H.  stroop  —  S.  sôrpla.  L'Argot  se  laissant 
guider  par  la  notion  instinctive  que  le  son  naturel  donne 
le  mot  le  plus  véridique  et  l'expression  la  moins  récu- 
sable  a  trouvé  urf,  h urf  pour  dire  excellent  à  absorber 
et,  par  extension,  excellent,  beau,  pshutt.  C'est  la  mé- 
tathèse du  mot  Grec  qu'il  rend,  du  reste,  à  la  lettre 
dans  rupin.  Le  transport  du  sens  bon  à  celui  de  beau 
provient  de  ce  fait  que  lorsqu'un  breuvage  (siroté)  est 
bon,,  les  yeux  le  voient  en  beau  sur  la  foi  du  goût  (*a- 
XayMa).  En  trouvant  un  néologisme  si  étrange  et  si 
fruste  parmi  les  expressions  du  langage  courant  on  se 
demande  d'où  il  vient  et  si  l'on  n'est  pas  dupe  d'une 
mystification.  Et  cependant  ce  mot  n'a  pas  été  créé  par 
miracle;  c'est  une  réédition  des  onomatopées  indiquées 
ci-dessus.  En  effet  les  sons  qui  se  succèdent  dans  l'ab- 
sorption se  composent  de  celui  qui  marque  l'ouverture 

10 


146 


de  la  bouche  o  ou  u  avec  un  son  sifflant  s  que  le  Latin, 
le  Français  et  le  Suédois  ont  noté,  mais  que  le  Grec  et 
l'Argot  ont  omis.  11  est  juste  dans  un  sens  de  dire 
l'Argot,  mais  cette  fois-ci  il  parle  comme  la  nature, 
circonstance  qui  doit  faire  disparaître  tout  ce  qui  peut 
s'attacher  de  blâme  à  ce  nom.  Le  s  est  déterminé  parla 
position  de  la  langue  :  l'air  inspiré  entraînant  le  liquide 
vers  le  gosier  y  réveille  le  son  tremblé  r  et  détermine 
en  même  temps  sur  les  lèvres  vibrantes  le  son  def. 
L'Étymologie  pour  identifier  ce  mot  qui  n'a  pas  reçu 
de  baptême,  que  l'Académie  n'a  pas  officiellement  in- 
scrit sur  ses  registres  n'avaient  qu'une  donnée  :  le  son, 
seule  clef  étymologique  pour  les  racines  intégrales.  La 
reconnaissance  des  sons  naturels,  leur  identification 
avec  les  voix  de  la  nature  est  le  terme  extrême  del'éty- 
mologie.  Nous  ne  pouvons  y  arriver  qu'expérimentale- 
ment, en  comparant  le  son  des  mots  et  leur  sens  impli- 
cite avec  le  bruit  et  le  sens  de  l'acte  dont  il  signale  la 
présence.  L'érudition  la  plus  vaste,  après  avoir  rattaché 
urf&xi  Sanskrit  ou  à  des  langues  plus  anciennes  encore 
et  plus  primitives  aura  toujours  à  expliquer  la  genèse 
du  mot.  La  cosmogonie  Indienne  qui,  afin  de  trouver 
un  appui  pour  notre  globe  le  place  sur  le  dos  d'un  élé- 
phant, se  voit  forcée  de  poser  celui-  ci  sur  un  autre  et 
ainsi  de  suite,  sans  jamais  cesser  de  voir  toujours  le 
vide  bâiller  au  dessous  de  son  interminable  échafau- 
dage. —  Mais  au  point  de  vue  des  mots  et  de  l'origine 
du  langage,  la  nature  demande-t-elle  une  fondation 
artificielle?  Ne  se  soutient  elle  pas  par  le  système  de  la 
Création?  Et  ses  accents  sont-ils  si  dépourvus  de  sens 


—  147  — 

et  de  son  pour  qu'ils  ne  puissent  figurer  dans  notre  lan- 
gage? Le  son  est-il  donné  à  la  voix  pour  déguiser  les 
sentiments  du  cœur?  Mais  lui-même  nous  donnerait  un 
démenti  ;  la  nature  entière  nous  accuserait  de  fausseté. 
Si  Grouchy  à  deux  pas  de  Waterloo  avait  écouté  la 
voix  du  canon,  elle  lui  aurait  dit  que  ses  frères  d'armes 
étaient  engagés.  Il  serait  accouru  à  cet  'appel  suprême 
et  son  nom  ne  serait  pas  flétri  dans  l'histoire  à  l'égal  de 
ceux  des  traîtres. 

Chaque  racine  a  eu  sa  naissance  selon  la  nature.  Elle 
est  le  premier  et  l'inaltérable  cri  d'un  acte  de  la  vie. 
Nous,  comme  tout  ce  qui  remue,  spontanément  ou  non, 
nous  avons  des  voix  qui  viennent  diverses  selon  la 
nature  même  du  mouvement  et  l'organe  dont  la  Provi- 
dence a  doué  tout  ce  qui  fait  partie  de  la  Création.  La 
matière  inerte  elle-même  rend  des  sons  qui  varient 
selon  les  corps  quand  un  ébranlement  quelconque  les 
secoue  de  leur  torpeur.  Les  rudiments  du  langage,  en 
se  confondant  avec  des  bruits  spontanés  que  provoquent 
les  événements  de  la  vie  et  s'identifiant  avec  les  mani- 
festations d'une  nature  spontanée  et  franche  proclament 
eux-mêmes  leur  raison  d'être.  Ils  existent  parce  qu'ils 
doivent  exister.  La  philologie  en  trouvant  dans  le  son 
naturel  une  base  aussi  évidente  et  aussi  sûre  que  celle 
des  sciences  expérimentales  prend  rang  parmi  les 
sciences  positives.  Elle  entre  en  possession  d'elle-même; 
elle  connaît  son  principe  et  sa  fin  qui  est  de  veiller  par 
la  grammaire  à  la  conservation  intacte  du  son  et  du 
sens  vrais;  à  ce  qu'un  nom  ne  soit  appliqué  à  autre 
chose  que  lorsque  les  objets  désignés  par  le  terme  com- 


—  148  — 

mun  ont  entre  eux  une  analogie  frappante  ;  à  ce  que  les 
mots  soient  enchaînés  selon  Tordre  des  événements 
qu'ils  décrivent  ou  arrangés  selon  les  habitudes  ou  les 
mouvements,  môme  exceptionnels,  de  la  pensée,  qui 
eux-mêmes  restent  toujours  tributaires  de  la  logique. 
—  En  cherchant  à  expliquer  le  son  et  le  sens  inhérents 
à  urf,  la  bonne  foi  linguistique  pourrait  avoir  été  sur- 
prise par  ses  illusions  ou  ses  facilités  et  donner  ainsi 
dans  le  piège  d'une  mystification.  Mais  pas  plus  que 
pour  le  mot  pshutt  le  mystificateur  ne  s'est  nommé 
pour  recueillir  des  applaudissements  pour  le  tour  qu'il 
aurait  joué.  De  plus  dans  tous  les  mots  que  nous  avons 
vus  et  qui  appartiennent  comme  urf  au  langage  popu- 
laire nous  avons  vérifié  des  énonciations  franches  et 
primesautières.  C'était  Esaû  qui  parlait,  ce  n'était  pas 
la  voix  de  Jacob  imitant  celle  de  son  frère.  Nous  avons 
vu  que  les  gens  trouvent  les  nouveautés  de  leur  langage 
dans  la  voix  de  la  nature,  toujours  les  mêmes  et  tou- 
jours neuves,  plutôt  que  dans  la  réflexion  ou  dans  la 
ressource  des  gens  instruits,  les  livres;  qu'il  rencontre 
la  métaphore,  ce  néologisme  de  l'esprit,  dans  la  compa- 
raison des  choses  de  la  vie  telle  qu'il  la  pratique  et 
telles  qu'il  les  connaît;  que  pour  cela  les  gens  qui 
aiment  à  siroter  appliquent  la  qualité  des  liquides  qu'ils 
ont  l'habitude  d'absorber  à  ce  qui  leur  plaît  autrement, 
p.e.,  à  ce  qui  charme  les  yeux.  —  Les  autres  langues 
n'ont  appliqué  l'impression  de  ce  qu'on  absorbe  ni  à  ce 
qui  est  bon  ni  à  ce  qui  est  beau  ;  mais  ces  associations 
n'en  sont  pas  moins,  naturelles;  elles  auraient  pu  le 
taire  sans  nous  étonner,  nous  qui  nous  apprivoisons 


—  149  — 

avec  d'aucunes  de  leurs  métaphores  infiniment  plus 
hardies.  L'Argoten  appliquant  le  sens  de  ce  qui  est  bon 
à  ce  qui  est  beau  est  de  ce  fait  parfaitement  d'accord 
avec  l'association  d'idées  contenue  dans  l'expression 
binaire  Grecque  to  xaXév  te  xVfdfôov.  U  n'y  a  peut-être 
que  cette  différence  que  les  Grecs,  du  moins  selon  Pla- 
ton, mettaient  le  beau  avant  le  bien. 

Au  lieu  de  rupin  on  dit  rupino  avec  une  termi- 
naison Italienne  et  on  dit  rupinkoff  pour  exprimer 
le  urf  Russe  ou  chocnosoff  pour  désigner  leur  chic. 
L'Arabe  a  sharab  bieuvage  et  le  Lithuanien  srobti 
aspirer,  siffler.  Une  autre  expression  pour  ce  qui  est 
bon  et  chic  est  le  mot  juteux.  La  racine  de  ce  vocable 
est  une  variante  phonique  de  celle  de  urf.  La  différence 
consiste  en  ce  que  le  s  de  l'inspiration  qui  se  note  dans 
sorbet  est  remplacé  par  un  j  chuintant.  Juteux  vient 
de  jus  —  juris,  Angl.  juice.  Le  même  radical  se  ren- 
contre dans  le  Grec  crupCÇw  (1)  siffler  (2)  (siffler  un  verre 
est  en  quelque  sorte  le  faire  juter  dans  la  bouche)  ;  le 
sureau,  L.  sambucus  est  le  tuyau,  le  siphon  qui  sert  à 
aspirer,  dans  lequel  on  siffle  (to  sip  buvoter,  Ail.  sau- 
fen);  c'est  toujours  la  tige  creuse  qui  forme  pipe,  V.  ce 
mot  et  au  mot  piston.  Le  Skt  a  le  mot  j'usha  soupe. 

Le  souffle  en  passant  dans  le  gosier  fait  entendre  un 
bruit  qui  a  été  traduit  dans  l'onomatopée  roupiller, 
Picard  ruquer,  Normand  rouquer,  Skt  vrin'h.  Le  rêve 

(1)  La  seringue  est  un  instrument  qui  absorbe  le  liquide  pour  le 
projeter  ensuite.  La  racine  est  la  même. 

(2)  Le  saffre  est  le  friand,  le  goulu.  Le  jus  s'appelle,  d'après  d'autres 
sons  de  l'aspiration  :  ^[iô-  jus.  Le  Lat.  succidus  veut  dire  juteux. 
On  suce  le  #Çuç oç,  jw'uba,  jujupe,  qui  répond  au  Skt  su  faire,  juter, 
presser. 


—  150  — 

est  le  sommeil,  le  roupillement  comme  le  songe  est  le 
somnium,  la  respiration  sm,  sf  qu'on  entend  marcher. 
L'Angl.  to  rest  reposer,  Ail.  ruhen  id.,  die  Rast  le 
repos,  le  sommeil  sont  des  onomatopées  faites  avec  le 
bruit  d'un  pwôwv,  rostrum,  rostre,  c'est-à-dire  le  ryn- 
chus,  le  nez  qui  ronfle.  Au  Centre  rouffer,  veut  dire 
souffler  en  parlant  du  vent  ;  râler  s'y  traduit  par  rou- 
mioner.  La  rafale  se  rattache,  comme  phonème,  au 
verbe  rouffer.  Brantôme  appelle  le  râle  le  roumiau, 
qui  comme  roumioner  s'inspire  de  rhume,  l'écoulement 
par  une  ruette.  V.  ce  mot.  Roumeler  et  rouiner  respi- 
rer appartiennent  également  au  Patois  du  Centre.  A 
force  de  roumeler  il  se  forme  au  bout  du  nez  une  perle 
liquide  qu'on  appelle  la  roupie,  dont  le  sens  primitif 
est  respiration  pénible  :  c'est  l'effet  prenant  le  nom  de 
la  cause. 

Dans  le  Centre  l'appendice  nasal  du  dindon  s'appelle 
roupie,  reuche  ou  rouche.  Le  roupion  est  le  jeune 
commis  d'un  magasin  de  confections  :  c'est  une  traduc- 
tion du  sens  de  morveux.  La  roupie  est  une  formation 
parallèle  à  l'Ail,  der  Rotz  la  morve.  Le  râle  sonne 
dans  ^ir/cpayia  râle,  Ail.  rôcheln,  au  Centre  raucher, 
roucher  respirer  avec  bruit;  H.  ronken.  Le  râle  d'eau 
est  nommé  d'après  son  cri.  Les  Grecs  ont  entendu  le 
son  de  y.ps£.  Le  Patois  du  Limbourg  décrit  le  bruit 
guttural  plutôt  qu'il  ne  le  nomme  dans  graasstr^euts  le 
gosier  des  prés  ou  bien  le  teersman  qui  rappelle  l' Angl . 
throat  gosier;  les  enfants  signalent  sa  présence  en 
criant  rèpe,  rèpe  qui  est  une  reproduction  locale  d'un 
bruit  analogue  à  celui  de  rouffer >  rouffioner.V.  au  mot 


—  151  — 

râper.  Le  roquet  veut  dire  le  petit  chien  grognon. 

Le  gosier  est  sujet  à  quantité  d'affections  qui  sont 
indiquées  par  son  phonème  habituel.  Ainsi  roter  se 
traduit  par  ip s •>;:;;.*•.  —  ructo  —  éructation,  roter  en 
Argot  rouffionner  —  to  reacli  vomir,  avoir  des  hauts  de 
cœur  —  H.  rispeti  roter  —  Ail.  rùlpsen  id.,  ainsi 
que  râuspern  tousser  pour  évacuer  les  crachats.  —  Le 
bruit  que  provoque  le  rhume  dans  le  gosier  se  nomme 
le  roumion  dans  le  Centre;  il  a  des  variantes  dans  le 
ramion  et  le  rouinement.  Ronronner  s'y  appelle  fa- 
miouncr.  Raminagrobis  a  un  routnionnernent  grave. 
Le  Centre  a  le  mot  vaguer  vomir,  formation  parallèle 
à  l'Anglais  to  reachx  to  rëtch  vomir.  —  A  côté  des 
causes  physiques  qui  viennent  affecter  le  gosier,  il  y  a 
des  états  d'esprit  :  ceux-ci  s'expriment  également  par 
son  nom  habituel  arrangé  en  verbe.  .  La  mauvaise 
humeur,  l'irritation,  la  colère  s'abattent  sur  l'organe  et 
lui  arrachent  des  bruits  qui  nous  disent  ce  qui  se  passe 
dans  le  cœur.  Ainsi  la  rage  s'appelle  tyyiç  —  rancor 
et  sa  variante  phonique  rabies  —  rancune  et  par  une 
étymologie  de  bonne  foi  populaire  rancœur,  Angl. 
anger  (1)  la  rage  —  der  Aerger  id.,  sich  aergern  se 
fâcher.  La  mauvaise  humeur  est  nommée  rouspétance 
(peter)  ;  grogner  fait  rogonner,  variante  de  ronchon- 
ner, le  raguenasseur  (nez)  est  le  grognon  ;  rognionner 
et  rogner  veulent  dire  être  de  mauvaise  humeur.  Au  (C.) 
raigne  et  resse  signifient  fâché,  ramiouner  bougonner, 

(1)  Le  ng  pour  g  permute  avec  sa  voisine  gutturale  r.  Le  mot  Ail. 
arg  qui  veut  dire  mauvais  a  un  correspondant  dans  l'Angl.  arch  dont 
le  sens  est  malin,  plaisant.  La  relation  intime  entre  g  et  r  se  montre 
dans  la  prononciation  quasi  gutturale  de  IV  Espagnol. 


—  152  — 

la  riotte  la  querelle,  Angl.  riot  émeute.  L'Anglais  to 
rue,  l'Ail,  reuen,  H.  berouwen  regretter  est  le  son 
d'un  soupir  qui  fait  vibrer  les  cordes  vocales.  Le  mot 
regret  est  une  expression  analogue.  Le  Suéd.  greta,  et 
le  Holl.  schreyen  et  greyen  est  une  variante  de  gri- 
dare  crier,  quereler.  L'odeur  est  le  vent  chargé  de 
senteurs  que  le  nez  respire.  Le  pharynx  débouchant 
dans  cet  organe,  le  son  produit  par  le  nez  se  répercute 
jusque  dans  le  gosier.  Ainsi  se  sont  formés  :  rék,  rag 
soupçonner,  éventer  et  la  métathèse  ghrà  sentir  — 
poyéw  fleurer  —  rosa,  rancidus  qui  sent  fort  —  rose, 
rance  —  to  rankle  se  gâter,  devenir  purulent  —  rie- 
chen  sentir.  Etre  téméraire,  être  homme  à  ne  pas  se 
rendre  compte  par  les  sens  et  la  réflexion  de  ce  qu'on 
entreprend,  s'appelle  en  Angl.  reckless,  sans  flair,  sans 
odorat,  Ail.  ruchlos  —  H.  roekeloos  et  reukeloos,  de 
reuk  l'odorat  (Skt  uru  la  poitrine  qui  respire).  —  Le 
souffle  du  nez  a  donné  son  nom  à  la  fumée  :  Angl.  reek 
la  fumée,  rack  les  nuages,  Ail.  der  Ranch  la  fumée  — 
H.  rook.  Une  roustissure  est  une  fumisterie,  V.  au 
mot  roustù  La  chaleur  qui  sort  du  gosier  a  fait  que  le 
feu  a  été  nommé  par  prosopopée  du  vocable  de  l'or- 
gane. Elle  est  décrite  comme  une  exhalaison  qui  fait 
l'effet  d  un  haie.  Brûler  s'appelle  ark,  briller  comme  le 
feu^os,  rich,  hrîc-  aiiw  brûler,  à<o  souffler,  auptov  l'aurore 
-  uro  brûler,  areo  dessécher  -  aride,  ardre  -  hearth  le 
foyer  —  der  Heerd  id.  Le  pain  cuit  au  four  s'appelle 
àpxcc  en  Argot  artiche  ou  artif.  La  couleur  dufeu,  le  rou- 
ge a  nom  ru  dira,  milita  —  èpuôpoç  —  rutilus,  rubus, 
rufus,  rusceus  —  roux,  rougey   rutilant  -  red  -  roth. 


—  153  — 

Ces  mots  appellent  auprès  d'eux  l'expression  la 
rousse  la  police.  Nous  avons  déjà  vu  les  noms  friquet 
et  la  variante  Jlicard  qui  rappellentyh're,  fricasser  et 
le  Latin  fragrare  sentir.  On  entend  dire  dans  le  Lim- 
bourg  :  tu  t'es  brûlé  ou  roussi  pour  dire  gracieusement  : 
tu  as  vésiné,  tu  sens  mauvais.  Or,  quand  l'argotier  dit 
la  rousse  pour  la  police,  le  roussi  pour  l'agent  il  veut 
nous  faire  comprendre  que  ce  qui  est  roussi,  et  par  con- 
séquent devenu  roux,  sent,  et,  par  une  assimilation 
vicieuse  flaire  le  malfaiteur  :  il  met  prendre  des  odeurs 
à  la  place  d'en  donner.  Peut-être  l'originateur  du  mot 
a-t-il  eu  l'idée  de  nous  faire  accepter  roussir  comme 
l'onomatopée  de  l'acte  de  sentir,  mettant,  comme  il 
arrive  souvent  le  mot  assonant  au  lieu  du  son  vrai:  ryn- 
chus  qui  ronfle,  ronronne  et  aspire  avec  un  bruit  guttu- 
ral. —  La  police  forcée  de  se  défendre  tape  :  cette 
habitude  lui  a  valu  le  nom  de  roustamponne.  Par  allu- 
sion à  rouspéter  parler,  elle  s'appelle  la  rouspétance. 
Par  jeu  de  mots  sur  la  ville  de  ce  nom  le  rouen  est 
devenu  le  synonyme  du  roussi  en  ce  sens  qu'il  signifie 
l'officier  de  gendarmerie.  Le  Rouin  est  l'agent  de 
police,  Martin  Rouot  le  gendarme  :  l'un  et  l'autre 
jouent  sur  rousse.  Rouin  semble  rappeler  le  Latin 
ravus  ronan,  Angl.  roan  rouge,  bai.  Attrimer  les 
robaux  veut  dire  mettre  la  gendarmerie  sur  les  dents, 
les  forcer  à  trimer,  à  parcourir  les  trimards  (les  che- 
mins) à  la  recherche  des  malfaiteurs.  Robaux  est  une 
altération  de  rubus,  rufus  rouge  d'où  l'Angl.  robin  le 
rouge  gorge.  Le  Martin  de  Martin  Rouot  rappelle 
Martin  pêcheur  qui  a  le  ventre  rouge,  le  dos  vert  et 


—  154  — 

azur.  Le  râteau  jeu  de  mots  sur  rutilant  est  l'ex-offi- 
cier  de  police.  Par  une  autre  allusion  qui  nous  sort 
complètement  du  son  de  rouge  il  prend  le  nom  de 
bigarreau  (bis  variolus).  Entre  le  bigarreau  et  le  flair 
le  chemin  est  très  long  à  parcourir  et  encore  faut-il  le 
trouver.  Que  serait-ce  si  Ton  se  croyait  forcé  d'unifier 
les  mots  bigarreau,  roussi,  rouin  ou  râteau,  comme 
on  croyait  devoir  le  faire  pour  equus  et  caballvs  parce 
que  ces  mots  ont  le  même  sens.  Si  jamais  l'envie  pre- 
nait au  public  de  faire  entrer  ces  mots  dans  le  langage 
courant  et  dans  le  Dictionnaire,  qu'il  se  demande 
d'abord  comment  l'enfant  pourra  arriver  à  comprendre 
que  bigarreau  puisse  devenir  une  appellation  pour 
l'agent  de  police.  Il  saisirait  si  l'agent  portait  un  uui- 
forme  rouge  ou  que  telle  fût  la  couleur  d'une  des  pièces 
de  son  habillement.  Mais  quand  on  voudra  faire  entrer 
dans  sa  tête  que  le  bigarreau  mérite  ce  nom  parce 
qu'il  a  le  flair  très  développé  et  qu'il  fait  la  chasse  aux 
malfaiteurs  il  sera  bouleversé  de  l'esprit  de  ses  aînés. 
Ces  énigmes  rebutent  celui  qni  ne  comprend  pas, 
l'étranger  d'abord.  L'étude  du  Français  Classique  offre 
des  difficultés  qu'il  surmonte  avec  bonne  grâce  :  bigar- 
reau pour  agent  de  police  lui  paraîtra  toujours  dérai- 
sonnable lors  même  qu'il  saura  que  c'est  un  effet  de 
l'équivoque.  Nulle  langue  n'en  fit  jamais  une  figure  de 
style.  On  conçoit  que  ces  mots  naissent  dans  une  cor- 
poration qui  a  besoin  de  mystère;  que  d'autres  en  rient 
parce  qu'ils  sortent  de  l'ordinaire  :  mais  les  métaphores 
de  l'argot  des  voleurs  répondent  à  une  tournure  d'esprit 
que  ne  partage  qu'un  infime  nombre  de  Français.  C'est 


—  155  — 

donc  un  abus  de  vouloir  les  faire  accepter  comme  d'ac- 
cord avec  les  idées  et  le  langage  de  la  généralité.  Ce 
serait  faire  trop  d'honneur  à  l'esprit  et  au  langage  des 
voleurs  que  de  leur  emprunter  l'un  et  l'autre  :  ils  se- 
raient les  premiers  à  s'en  étonner  puisque  leur  argot  se 
compose  presque  tout  entier  du  langage  des  honnêtes 
gens  devenu  dans  leur  bouche  une  sinistre  caricature 
ne  montrant  que  des  mots  déformés  exprès  avec  un 
sens  qu'on  a  éloigné  le  plus  possible  du  vrai. 

La  gueule  fait  entendre  chez  l'animal  quand  il  saisit 
sa  proie,  la  tient  et  la  déchire,  le  son  guttural  de  la  rage 
jalouse.  En  même  temps  que  la  gueule,  la  griffe  se  tend 
vers  l'objet  convoité,  innervée  qu'elle  est  par  l'organe 
qui  gronde  dans  le  ventre  affamé.  A  cause  de  la  simul- 
tanéité dans  le  jeu  des  ressorts  du  gosier  et  de  la  griffe 
celle-ci  prend  le  nom  de  la  gueule  :  pays;  les  ongles  qui 
déchirent  comme  elle. 

Nous  connaissons  le  son  du  runchus  et  de  ses  réprésen- 
tants. Nous  les  retrouvons  encore  dans  le  mot  AU.  der 
Radie  la  gueule  et  dans  le  H.  raak  le  palais,  dans 
V argot  et  Varguche  le  badaud  qui  regarde  à  gueule 
ouverte,  le  bêta.  L'appétit  qui  tend  les  ressorts  de  la 
gueule  et  de  la  griffe  s'appelle^/v^a  passion  —  opeîfo 
l'appétit — irritatio,orexis —  anorexie  —  to  reach(l) 
tendre,  atteindre  —  der  Reù  l'appétit,  l'attrait  —  H. 
reiliJiahen  tendre  le  cou,  appéter,  désirer  ardemment. 
D'autres  appétences  s'expriment  par  spyrj  la  passion, 
pdrpj  l'excitation  —  urgeo  j'excite  —  urgence  la  néces- 

(1)  Piyéw  être  tendu,  raidi  par  le  froid  —  rigor  —  rigueur  mar- 
quent une  tension  fixe  appliquée  à  uu  autre  objet. 


156 


site.  L'Argot  appelle  la  faim  organe,  Cette  dénomina- 
tion s'écarte  du  vrai  vocable  qui  est  orexis  par  jeu  de 
mots  sur  organon  orgue.  L'orgue  s'est  présenté  à  l'es- 
prit à  l'appel  du  mot  tortorer  manger,  satisfaire  son 
appétit,  se  remplir  les  tormina,  les  tripes  qui  font  des 
tours  dans  notre  corps.  Tortorer  rappelle  les  tours  qu'on 
fait  faire  à  la  manivelle  de  l'orgue.  Tarter,  l'expression 
pour  excréter  est  en  rapport  avec  tortorer  et  organe . 
Nous  verrons  par  la  suite  comment  organe  est  devenu 
le  nom  de  l'articulation. 

L'animal  que  la  faim  dévore  s'appelle  Skt.  urkas  le 
loup  en  Suéd.  varg.  Orcus  est  le  gouffre,  l'enfer,  la 
tombe  vivante  des  anciens.  Nous  'connaissons  le  loup 
par  le  cri  de  sa  gueule  affamée,  l'ululement,  le  hurle- 
ment qui  se  reproduit  dans  le  Suéd,  ulf.  V.  p.  1  du 
Traité.  —  La  griffe  et  par  extension  la  main  s'appelle 
l'argamine,  composition  dans  laquelle  on  distingue 
mine  pour  main  et  arga,  le  mot  organe  mutilé.  Uarga 
est  la  part  du  butin,  ce  qu'on  palpe  ou  touche  de  l'arga- 
mine. Ar gamine  se  place  tout  proche  de  payse  les  ongles 
dont  sa  première  partie  forme  la  metathèse.  Leur  pré- 
sence se  fait  'sentir  dans  lik  gratter,  rixa  divisé  —  pït- 
yo)  déchirer  —  riscits  la  fente,  la  déchirure  primitive- 
ment produite  par  les  ongles,  rimor  je  déchire,  runco 
j'arrache,  rumpo  je  romps  —  arracher,  ronger,  rogner, 
rompre  (1),  la  racaille  —  rag  le  lambeau  arraché  (?a- 

(1)  Par  la  permutation  de  l  et  de  r  nous  avons  obtenu  les  mots 
lambeau.  lopin,  l'Angl.  slip  une  bande,  lap  le  pan  de  l'habit.  AIL 
der  Lumpen  le  lambeau.  De  là  le  frelampier  le  vagabond,  équivalent 
de  l'Ail,  der  Lump  le  déguenillé.  Skt  lup  couper,  lôpa  morceau,  H. 
lubben  couper. 


—  157  — 

xsc),  to  7 we  fendre  —  reiszen  arracher,  rùcken  tirer  — 
Skt  racla  moitié,  produit  du  partage.  —  Rayer  une 
surface,  la  gratter  constituent  des  actes  primitifs  de 
l'ongle,  puis  de  l'instrument  qui  les  remplace  :  ptàfj  la 
lime,  puxavT»;  le  rabot,  la  varlope  —  raïa  et  rhina  le 
patin,  rado  raser,  runcina  le  rabot,  rastrum  le  râteau, 
rutabulum  id.,  ranca  instrument  crochu  pour  sarcler 

—  rabot,  râteau,  racler,  raser  —  to  rake  ratisser  — 
(1er  Râchen  le  râteau —  H.  rahen  érafler,  atteindre  — 
Suéd.  rnka  tondre,  raser  —  Skt  rad  fendre.  La  raie 
se  rencontre  également  dans  pu-Tw  racler  —  raspa  le 
râpe,  ruspor  gratter,  et  avec  /  pour  /',  Jappa  la  bardane 

—  râpe  —  rasp  —  die  Raspel  la  râpe,  die  Raspe  la 
gale.  Au  Centre  le  râpé  est  le  marc  de  raisin  tiré  des 
râpes,  le  rapillon  le  grappillon.  La  grappe  qui  porte 
les  baies  doit  son  nom  à  sa  forme  hérissée  :  on  l'associe 
de  loin  au  râteau  :  c'est  ce  que  démontre  pa;  la  grappe 

—  racemvs  —  raisin,  ribes  —  Ail.  der  Rogen  la  grappe 
dœufs  du  poisson  (1).  —  Rude,  dans  le  Centre  rufe, 
rufle  et  rufard  marquent  une  surface  raboteuse.  Le 
Suédois  raka  tondre  et  le  Danois  rakker  écorcheur 
appellent  auprès  d'eux  comme  forme  ou  comme  sens  les 
mots  du  Centre  ragàche  la  rosse  qui  n'est  plus  bonne 
qu'à  être  écorchée,  le  riquet  et  la  rique  le  bidet.  L'Alle- 
mand exprime  un  sens  analogue  dans  die  Schindmàhre 
la  jument  qui  ne  vaut  plus  que  sa  peau.  Le  prêtre  s'ap- 
pelle le  ratichon  à  cause  de  sa  tonsure,  l'église  la  ratiche, 
l'endroit  où  le  ratichon  officie.  Le  capucin  qui  garde 

(1)  L'Anglais  rack  signifie  entre  autres  une  suite  de  clous  qui  ser 
vent  de  denderie. 


—  158  — 

toute  sa  barbe  a  reçu  le  nom  de  barbichon.  Le  sens  né- 
gatif de  rare  découle  de  ce  qui  est  rasé  :  virala  —  àpa- 
'i;,  pao'.vo;  —  ravus  —  rare  —  rare  —  raar  —  It.  rado. 
Le  Skt  exprime  un  sens  analogue  dans  rad  fendre.  — 
Ratisser  est  en  Esp.  rastare,  rastrare,  rastrellare, 
rastagnare.  Le  râteau  laisse  des  traces  sur  le  sentier; 
les  coups  de  gourdin  ou  de  fouet  strient  la  peau  d'ecchy- 
moses. La  peau  se  dit  vulgairement  cuir,  en  Esp.  cuero. 
Tel  Espagnol  des  Colonies  qui  avait  l'habitude  de  mal- 
traiter ses  esclaves  a  reçu  le  nomderastaquouère,  grat- 
teur  de  peau.  Ce  sobriquet  s'est  étendu  aux  Brésiliens 
d'abord  et  ensuite  à  tous  les  étrangers  qui  ayant  gagné 
leur  fortune  avec  le  travail  et  la  souffrance  du  nègre 
viennent  le  dépenser  avec  ostentation  à  Paris.  La  même 
image  se  reproduit  dans  tanner  le  cuir  ou  la  basane, 
ratisser  la  couenne  (cutis  la  peau  —  cutaneus),  la 
peau,  le  cuir  pour  frapper.  Des  variantes  de  ratisser  se 
trouvent  dans  rosser  et  raser.  Une  ratapiaule  est  un 
châtiment  appliqué  sur  la  piaule,  forme  provinciale  de 
peau,  pellis.  Une  raclée,  une  rouffle  marquent  l'effet 
de  plusieurs  coups  laissant  des  stries  sur  la  peau.  On 
dit  à  peu  près  avec  le  même  sens  une  torchée.  V.  au 
mot  torcher.  —  Le  riflard  (1)  est  une  espèce  de  rabot  : 
on  l'applique  par  jeu  de  mots  à  un  vieux  parapluie  tout 
ri  fié,  tout  râpé,  tout  éraflé.  —  Le  rabiot  ou  rabiau  est 
un  restant  de  potage  ou  de  vin  :  il  faut  soi-disant  racler 
le  fond  pour  l'avoir.  Ils  représentent  également  le  sup- 
plément qu'on  gagne  à  veiller^  le  surplus  de  temps  qu'on 
reste  au  service  pour  purger  les  punitions.  La  variante 

(1)  On  peut  y  rattacher  le  linve  le  couteau.  V.  au  mot  lisser. 


—  159  — 

rafiau  est  le  temps  qu'on  reste  à  l'hôpital  après  la  mala- 
die. Rafale  est  un  jeu  de  mots  sur  râpé.  Rater  veut 
dire  glisser  à  la  surface,  l'éraller  sans  pénétrer  :  de  là 
le  raté,  celui  qui  manque  le  but.  Lerapin  gratte,  soi- 
disant,  la  toile  avec  le  pinceau. 

De  la  tension  énergique  de  notre  esprit  vers  un  objet 
naît  la  ligne  droite  du  chemin  que  nous  prenons  pour 
y  arriver.  Celle-ci  devient  à  son  tour  l'expression  pour 
le  rang,  l'ordre  :  zpyz;  l'alignement,  5£0oç  droit  —  ordo 
ordre,  le  rang  —  ordre,  rang,  rangée  —  rank  rang, 
row  id.  —  der  Rang  l'alignement,  die  Reihe  tour  — 
Suéd.  rad  rang,  file.  La  race  est  la  lignée,  l'ordre  des 
descendants.  Arrimer  est  mettre  sur  une  même  ligne. 
Compter  par  unités  ou  lignes,  arranger  des  nombres  s'ap- 
pelle Angl.  to  reckon  calculer  (1),  AU.  rechnen  id.  Le 
H.  rooster  (gril)  est  un  tableau  d'ordre,  une  échelle  de 
la  même  structure  que  \&ridelle  et  le  râtelier.  L'Arith- 
métique est  d  après  le  nom  et  le  sens  une  méthode  in- 
stituée pour  aider  au  sens  du  droit:  apiôpcç  le  nombre 
est  primitivement  la  ligne  qui  rappelle  la  façon  dont  les 
gens  peu  instruits  comptent  encore  en  alignant  des 
traits  perpendiculaires  qu'on  barre  cinq  à  cinq  ou  dix  à 
dix.  Il  a  pour  variante  jtôOpo;  le  nombre,  la  mesure  — 
rythmus  —  ratio  et  sa  métathèse  ordo  — raison  — 
ordre.  La  raison  ratio  est  donc  le  sens  du  droit  qu'il 
faut  appliquer  en  toute  chose.  Les  Grecs  l'appelaient 
a:*;:;  la  parole,  ce  que  la  langue  dit,  parce  que  la  pa- 
role était  pour  eux  l'expression  rationelle,  aussi  exacte 

(1)  To  reckon  se  fait  par  traits,  ealculer  par  cailloux. 


—  160  — 

que  le  nombre  (1).  C'est  pour  cela  que  leurs  œuvres 
littéraires  sont  des  modèles  de  proportion  et  de  mesure. 
Leur  architecture  semble  la  solution  du  problème  le 
plus  simple  et  le  mieux  posé.  Leurs  personnes  mêmes, 
si  nous  pouvons  en  croire  les  statues  qu'ils  nous  ont 
laissées,  avaient  dans  leur  port  et  leurs  attitudes  cette 
mesure  qui  est  le  reflet  de  la  pondération,  de  la  vigueur 
et  de  la  grâce  qui  en  résultent.  Les  Grecs  étaient  d'autant 
plus  portés  à  prendre  le  mot  logos  pour  le  nombre  (no  • 
men  —  numerus)  qu'ils  n'avaient  pas  des  signes  spé- 
ciaux pour  les  chiffres  mais  se  servaient  des  lettres  de 
leur  alphabet.  Du  reste  comme  nous  venons  de  le  voir 
numerus  qui  veut  dire  primitivement  nomen  prouve 
que  la  même  habitude  existait  un  jour  chez  les  Romains. 
Pascal,  qui  postulait  pour  les  termes  une  définition  ri- 
goureuse avant  de  les  faire  servir  pour  le  raisonnement, 
tâchait  de  faire  du  mot  un  logos.  Le  Latin  exprime  par 
le  verbe  reor  —  ratus  sum  qu'il  croit,  qu'il  opine  parce 
qu'il  raisonne,  que  sa  raison  est  satisfaite,  que  c'est  sa 
raison  qui  parle.  Res  est  la  chose  dont  il  est  question, 
une  chose  de  raison  (reor,  ratio)  :  elle  fait  l'objet  du 
raisonnement  et  s'enchaîne  avec  les  autres  selon  ses  lois. 

—  Un  enchaînement,  une  rangée  s'appelle  selon  la  di- 
versité de  l'objet  auquel  il  s'applique,  varga  rangée  — 
opyoq  id..  piyiç  l'éspine  dorsale,  l'enchaînement  des 
astragales,  pxyia  le  promontoire,  la  chaîne  des  rochers 

—  rupes  le  rocher  —  la  roche,  le  rocher,  rachitique, 
le  rable  l'épine  dorsale,  le  dos  —  ridge  la  chaîne  de 

(1)  Ce  mot  veut  dire  parole,  discours,  compte,  calcul,   supponatint, 
rapport  et  proportion. 


—  161  — 

montagnes  (le  Wallon  a  l'expression  analogue  un  tiers 
une  tirade,  un  enchaînement  de  colline),  rak  les  arti- 
culations du  cou,  reefle  rocher,  le  récif,  rump  lermble 
-  der  Rùcken  le  dos,  c.  à.  d. l'épine  dorsale,  der  Rumpf 
le  rable,  le  tronc,  der  HundsrÛck  nom  d'une  chaîne  de 
de  collines.  L'Angl.  rib  côte,  Ail.  die  Rippe  id.,  peu- 
vent être  rattachés  à  ces  mots  comme  formant  les  arêtes 
du  rable  (1).  Le  rumpsteak  est  un  morceau  de  viande 
bien  connu  dans  les  cuisines.  —  La  main  qui  gratte  a 
la  même  attitude  que  la  main  qui  prend.  De  là  la  pré- 
sence de  son  nom  dans  rafler,  ribler  voler,  ratiboiser 
voler  (gratter  le  bois),  roustir,  avec  jeu  de  mots  sur 
roux.  Le  Skt.  pour  dire  voler  a  le  mot  runt.  Agripper, 
soitpar  le  p&^oq  bec,  soit  par  tel  instrument  qui  le  rem- 
place comme  le  harpon,  la  griffe,  le  harpin,  le  ragot 
la  clampe,  V ergot  l'éperon  du  coq,  s'appelle  xpr.iZu  — 
rapio  —  Harpagon,  ravir,  ravager  —  to  rob  ravir  — 
rauben  id.  —  La  griffe,  la  patte,  la  main  (en  Argot  de 
voleur  les  accrocs)  sont  formées  d'un  enchaînement 
d'articulations  qui  lui  permettent  de  se  recourber  en 
griffe  ou  grappin  au  gré  de  la  volonté.  Nous  pouvons 
nous  figurer  la  main  comme  paume,  c'est  'a  dire  plate; 
comme  empan,  c'est  à  dire  étendue  afin  de  se  rendre 
compte  de  la  dimension  d'un  objet;  comme  grappin, 
c'est  à  dire  dans  l'attitude  convenable  pour  saisir.  Cette 
dernière  capacité  s'exprime  par  ar  atteindre,  arjas  at- 
taché —  àpTao)  je  suspends  —  srpw  je  noue  —  aipsw  j'a- 

(1)  Que  le  lecteur  veuille  bien  examiner  s'il  ne  serait  pas  préférable 
de  rattacher  le  sens  de  ces  mots  à  l'idée  de  courbe,  de  rondeur.  La 
racine  est  la  même,  le  sens  semble  comporter  Tune  et  l'autre  expli- 
cations. V.  la  genèse  du  sens  de  courbe. 

11 


—  162  — 

grippe  —  haereo  —  adhérer  —  héritier  celui  qui  prend 
sa  part  (L.  hercisco  je  partage)  —  hard  dur,  qui  tient 
—  hart  id,,  der  Erbe  (1)  'héritier  et  avec  la  permuta- 
tion de /pour  r  halten  tenir,  en  Angl.  to  hold,  —  Les 
points  où  les  membres  de  notre  corps  s'adaptent  l'un  à 
l'autre  sont,  ainsi  que  le  démontrent  la  réalité  et  le  lan- 
gage, des  clampes  renforcées  par  des  tendons.  Le  fait  de 
l'accrochement  s'exprime  par  les  mots  péOcç  membre, 
opYu»a  coude,  àp6pcv  articulation  —  artus  —  articulé  — 
wrist  le  poignet  avec  un  w  notant  le  mouvement  des 
lèvres  qu'entraîne  la  prononciation  de  r,  lettre  absolu- 
ment secondaire  dans  le  son  de  l'acte,  to  wrestle  s'ac- 
crocher à  son  adversaire,  to  wring  tordre  —  der  Rist 
le  pouls,  sans  le  di  gamma  comme  le  Grec  rethos  —  H. 
het  gewricht  l'articulation  —  Suéd.  vj Hda  tordre. — 
Enchaîner,  adapter  l'un  à  l'autre  comme  par  des  arti- 
culations s'exprime  par  des  mots  où  transparaît  le  nom 
de  l'organe:  oLç>iio\m\  préparer,  gréer  (en  Angl.  to  make 
ready,  H.  gereed  maken),  à'pw  coordonner  —  artire, 
artare  emboîter  —  articuler  (2).  L'expression  Angl. 
to  hold  with  tenir  avec  quelqu'un  implique  une  conve- 
nance quelconque  entre  le  deux  parties,  de  même  que 
l'Ail,  es  mit  jemandem  halten.  A  l'idée  d'arrangement 
par  adaption  se  rattachent  encore  les  expressions:  aram 
convenable  —  £pt  juste,  apT»  juste,  ap-rtoç  convenable  — 
ars  l'art,  l'ordre  dans  la  disposition,  la  convenance  des 

(1)  Prendre  s'exprime  en  Anglais  par  to  earn  gagner, en  Grecapvu^a-, 
je  reçois. 

(2)  Etre  ébranlé  dans  l'articulation,  oseiller  à  la  suite  d'un  accroc 
s'appelle  heurter,  Angl.  tohurtle  cahoter,  to  hurt  ébranler,  blesser  en 
choquant,  H.  cen  horrel  un  heurt  et  l'intensif  horten  donner  contre. 


—  163  - 

parties,  la  proportion  d'où  l'unité  dans  l'ensemble.  — 
L'Ail,  die  Art  veut  dire  ordre,  espèce,  l'adjectif  artig 
joli,  convenable,  l'effet  des  choses  bien  ordonnées.  Les 
Grecs  préoccupés  d'ordre  et  de  convenance  ont  dans 
leur  langage  de  nombreuses  expressions  rendant  ces 
idées  :  àpéaxœ  je  plais,  je  conviens,  àpfyjia)  je  m'accorde 
avec,  à'pOy.o;  (1)  l'amitié,  la  convenance  des  caractères, 
r^i'j.y.  graduellement.     ' 

Une  articulation  bien  connue  dont  le  nom  se  ratta- 
che à  la  racine  ar  est  îrmas  bras  —  affjxoç  nœud  — 
armus  —  armon  —  ami  —  der  Arm.  Le  sens  d'har- 
monie a  été  conçu  en  écoutant  des  sons  se  soutenant  les 
uns  les  autres.  Par  assimilation  le  nom  qui  l'exprime 
se  confond  avec  les  mots  qui  veulent  dire  articuler,  en- 
chaîner :  àpy.érw  coordonner,  ap;^-.  sur  le  champ,  incon- 
tinent comme  a{sxt  (2)  juxta  —  harmonia,  ritus  le  rit 
—  harmoste  le  magistrat  qui  dirige,  harmoniser. 

La  tension  exercée  par  la  volonté  sur  les  articula- 
tions, sur  les  phalanges  et  généralement  sur  tout  ce  qui 
dans  le  corps  humain  est  susceptible  de  se  tendre  et  se 
détendre,  transforme  ces  derniers  en  agents,  en  instru- 
ments :   spyavov  —  organum  —  organe  (V.  au  mot 

(1)  Le  sens  d'articuler,  d'adapter  l'un  à  l'autre  s'accorde  également 
avec  l'image  de  la  ligne  droite  synonyme  de  rang  et  d'ordre.  Cepen- 
dant l'ordre  par  adaptation  étant  plutôt  celui  de  la  nature  et  celui  de 
la  ligne  droite  l'œuvre  de  l'esprit,  on  pourrait  être  tenté  de  rapporter 
le  sens  d'ordre  à  celui  del'adaptation,  de  l'organisation.  L'image  en- 
trevue dans  l'esprit  est,  ou  bien  une  main  recourbée  qui  trace  une 
règle,  une  raie  sur  laquelle  viennent  s'aligner  ces  éléments,  ou  bien 
ce  même  organe  qui  les  accroche  les  uns  aux  autres.  Les  racines  des 
deux  mots  sont  congénères  :  la  forme  des  mots  ne  semble  pas  s'y 
opposer.  Que  le  lecteur  veuille  bien  examiner  le  cas  et  le  résoudre 
pour  lui-même.  «— 

(2)  L'autre  racine  gutturale  d'où  se  développent  les  noms  de  l'accro- 
chement  est  ach.  V.  Traité,  pp.  78  et  86. 


—  164  — 

Articulation  L'opération  de  ces  organes  s'exprime  par 
arj  faire  ipy<%c\k&  je  travaille  —  ergastulum  —  ergas- 
tule  —  to  tvork  avec  digamma  travailler,  wirken  id. 
On  dit  très  juste  :  arriver  à  la  force  du  poignet.  C'est 
une  paraphrase  du  travail  des  organes.  Les  ressorts 
intérieurs  nerveux  ou  musculaires  qui  soutiennent  la 
volonté  s'appellent  par  un  terme  collectif  paya  la  force 

—  energia  —  énergie  (1)  ou  xpzzr,  —  virtus  —  vertu  la 
force  morale  qui  donne  le  courage  de  l'action,  ou  bien 
encore  l'^rn  pir.r,  l'impulsion  et  p^rt  la  force  —  robur 

—  robuste.  Nous  avons  expliqué  le  mot  orexis  l'appétit 
au  début  du  chapitre  des  racines  gutturales.  Exciter  se 
dit  Hpo),  bpvûtù  mettre  en  mouvement.  Les  articulations 
des  végétaux  sont  assimilés  dans  l'esprit  et  dans  le  lan- 
gage à  des  bras  :  de  là  îr/nas  le  bras,  L.  ramus  —  ra- 
meau, ramée.  Pour  personnifier  le  végétal  et  le  consi- 
dérer comme  occupé  par  un  démon  ou  le  produit  d'une 
métamorphose  humaine,  l'invention  poétique  n'avait 
qu'un  pas  à  faire.  Les  racines  congénères  ont  servi, 
elles  aussi,  à  former  les  noms  de  la  branche  :  Ipvaç 
branche,  Hp^a?  id.^  péTraXcv  verge  —  virga  la  verge  et 
virgo  la  vierge,  le  tendron,  la  jeune  branche  par  assi- 
milation, le  nouveau  jet  de  l'arbre,  virgultum  l'arbris- 
seau -  vergeter,  verge,  vergue  en  H.  ra.  Le  mot  pé6sç  (2) 
articulation,  reparaît  avec  des  sens  divers  dans  radius 
bras  de  roue  -  radié,  rayon-rod  la  verge  -  die  Ruthe  id. , 
en   Skt  rudh  croître.  La  branche  paSiÇ  a  donné  ràdix 

—  racine,  radicelle  —  root  racine  die  Wur^el  id. 

(1)  On  peut  ajouter  aXxr,  la  force  en  faisant  permuter  le  l  avec  r. 

(2)  Le  travail  de  l'articulation  se  traduit  par  è'pôw,  p4£w  faire. 


—  165  — 

A  la  suite  d'une  assimilation  avec  le  bras  et  le  mou- 
vement rotatoire  qu'il  est  capable  d'exécuter  la  rame  a 
reçu  le  nom  de  ce  membre  :  de  là  aritra  la  rame  — 
èpécrffw  ramer  —  réunis  la  rame — rallum  la  godille 
(cauda  la  queue,  Y.  ce  mot)  —  rame  —  to  row  ramer, 
car  rame,  rudder  gouvernail  —  das  Rùder  id.  —  H. 
rietn  rame  et  roer  gouvernail.  L'oiseau  est  un  rameur 
aérien.  Le  mouvement  de  ses  bras  (Ipvo;  branche),  de 
ses  ailes  battant  l'élément  fluide,  ressemble  au  mouve- 
ment de  la  rame  dans  l'eau.  De  là  Spvrç  l'oiseau,  la 
poule  —  aies  l'oiseau  avec  permutation  de  /*  avec  sa 
voisine  linguale  /  et  les  mots  de  l'argot  ornie,  orniffe, 
ornichon  poule.  Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  nous 
voyons  des  mots  qui  dénotent  la  connaissance  du  Grec 
figurer  dans  l'Argot.  Il  y  a  donc  eu  des  gens  dans  la 
corporation  qui  avaient  étudié.  L'Angl.  a  aery  le  nid 
d'aigle,  l'Ail,  der  Aar  l'aigle,  en  Hollandais  arend, 
Suéd.  ôrn  l'oiseau  de  proie  par  excellence  (1). 

La  courbe  reproduit  l'image  de  l'articulation  qui 
plie.  C'est,  comme  dans  tous  les  cas  précédents,  notre 
racine  gutturale  avec  la  terminaison  que  lui  donne  la 
grammaire,  appliquée  à  un  objet  particulier.  Ce  sens 
particulier  fait  partie  de  la  somme  des  capacités  dont 
l'organe  est  doué.  L'esprit,  pour  deviner  le  sens  spéci- 
fique des  mots  se  trouve  guidé  soit  par  les  circons- 
tances, soit  par  des  terminaisons,  soit  par  des  nuances 
que  présente  la  forme  même  et  qu'on  dirait  expresses: 

(1)  Aquila  aigle  répond  à  l'Ail,  der  Vogel  oiseau.  Ang.  fowl  poule. 
Ces  expressions  dénotent  le  battement  de  l'aile,  de  l'articulation.  V. 
au  mot  aigle.  L'oiseau  en  L.  avicula,  Skt  vi  doit  son  nom  au  vent 
qu'il  fait  avec  ses  ailes. 


—  166  — 

armon,  rame,  rameau.  L'arc  bandé  comme  une  articu- 
lation sur  les  tendons  de  laquelle  tirerait  notre  volonté 
s'appelle  ipiç  l'arc-en-ciel  —  ar^cus  —  arc,  arcade, 
arceau,  rinceau,  arganeau.  La  roue  (1),  l'arc  complet 
a  nom  ari  la  roue,  urnâ  la  laine  qu'on  file  —  apxuç  le 
filet  en  roue  comme  celui  de  l'araignée,  àpa/vr,  le  rouet, 
l'araignée  —  arachne,  rete  le  filet,  restis  le  lacet  (va- 
riante du  sens  de  lacs),  rota  la  roue  —  rets,  rotation, 
roue,  araignée,  rouet,  raquette  —  rack  roue,  rundle 
marche  d'échelle  —  dos  Rad  la  roue,  die  Reuse  la 
nasse.  La  ruse  est  le  sens  abstrait  et  général  de  rets, 
Reuse,  —  Imiter  le  mouvement  dé  la  roue,  tourner, 
touiller,  il  le  faut  pour  préparer  le  rata  ou  la  rata- 
touille :  le  mot  contient  l'enseignement  culinaire.  La 
roue  a  donné  son  nom  à  la  voiture  qui  roule,  qui  mar- 
che sur  roues.  Ce  vieux  sens  se  trouve  exprimé  dans  le 
mot  nouveau  :  la  roulotte  :  rata  chariot  —  apjjux  cha- 
riot —  rheda  id. ,  paraveredus  le  palefroi  (perveho  et 
rheda)  petorritum  voiture  à  quatre  roues  (petor  An- 
cien Ail.  jieder  —  quatre  et  ritum  rota)  —  roulotte, 
palefroi  —  to  ride  aller  à  cheval  —  reiten  id. ,  ancien- 
nement aller  en  voiture.  Le  vaisseau  dans  sa  dénomi- 
nation L.  {ratis)  semble  être  une  métaphore  de  rheda. 
Le  rond,  le  cercle  complet  s'expriment  par  un  mot  de 
même  provenance  :  Içyiq  testicule  —  orchestra  l'en- 
droit où  l'on  danse  en  rond,  orbis  le  cercle  —  orbite, 
orchidée,  orchestre,  rigodon  —  ring  anneau,  bague  — 

(1)  Imprimer  un  mouvement  d'oscillation  autour  d  un  point  de  sus- 
pension ou  d'accrochement  s'appelle  to  rock  ébranler  en  Ang.,  rùtteln 
secouer,  en  Ail.  Ces  mots  ont  un  sens  voisin  de  heurter  causer  un 
ébranlement  dans  l'objet  qui  donne  contre  un  autre.  V.  ce  mot. 


—  167  — 

der  Ring  id.,  der  Reigen  la  ronde.  —  Le  sens  de  s'agi- 
ter en  cercle,  se  tordre,  se  contourner  trouve  son 
expression  avec  cette  racine,  d'où  hure'  aller  en  courbe, 
ramb  circuler,  pépfa  tourner,  sp-w  et  sa  métathèse  pi-u 
serpenter  —  rhombus  la  raie,  le  cercle  magique  — 
rampe,  rhombe  —  to  roam,  ta  ramble,  to  rove  rôder 
(Skt  vritta  rond)  —  rope  la  corde  tordue  sur  elle- 
même,  roof  ie  toit  en  arcade,  la  voûte  —  der  Reif\o 
cercle  —  H.  reep  cerceau,  roef  le  toit  arrondi  de  la 
cabine  du  vaisseau.  —  Les  mots  radis,  Angl.  radish, 
Ail.  der  Rettig  le  légume  rond,  rave,  chou-rave  Angl. 
râpe,  Ail.  die  Rilbe  navet,  tiennent  ieur  nom  de  [leur 
forme  ronde.  Pas  un  radis  est  un  jeu  de  mots  pour  pas 
un  rond,  nom  de  la  monnaie  à  cause  de  sa  disposition 
circulatoire.  Un  tableau  radis  est  celui  qui  revient  sans 
avoir  trouvé  d'acheteur.  Il  y  a  idée  de  retour,  de  cercle 
parcouru  et  le  sens  de  renvoi  suggéré  par  le  navet  mi- 
nuscule. La  roue  de  derrière  est  la  pièce  de  cent  sous, 
le  rêche  le  sou  (araignée,  rack).  L'un  et  l'autre  ont  la 
forme  ronde,  emblème  de  la  circulation.  L'adjectif 
rond  reparaît  dans  le  Skt  rat  rouler —  patgs;  courbe  — 
rotundus  rond  —  rond  —  round,  to  run  circuler, 
courir  —  rond  et  par  jeu  de  mots  gironde  replet,  aux 
contours  arrondis.  L'Arigl.  to  ravel  veut  dire  entor- 
tiller. —  Le  sens  de  rouler,  être  en  bordée  s'exprime 
par  une  variété  de  mots  tels  que  river,  être  en  ribote, 
rouscailler.  Le  rouleur  s'appelle  le  ribaud,  le  ribleur, 
la  femme  lancée  dans  ce  chemin,  la  ribaude,  larivette. 
La  rouflaquette  est  une  roue  de  cheveux  plaquée  sur  la 
tempe.  Le  mot  roublard  nous  présente  un  roué  qui 


—  168  — 

roule  son  monde  :  c'est  un  jeu  de  mot  sur  rouble,  le 
rond  Russe.  Rouler  quelqu'un  est  le  rendre  dupe  :  le 
mot  est  le  Latin  rotulare,  Angl.  to  roll  rouler,  to  vile 
troubler  en  tournant,  anal,  au  Skt  rup  troubler,  Ail. 
rollen  rouler.  —  On  rive  un  clou  en  le  retournant  sur 
lui-même;  river  le  clou  à  quelqu'un  veut  dire  faire  en 
sorte  que  son  langage  ne  blesse  plus,  rabattre  son 
caquet.  —  Les  rondes  que  fait  la  police  lui  ont  valu  le 
nom  de  raille.  L'Angl.  réel  désigne  une  espèce  de 
ronde.  L'Ail,  reisen  voyager,  revient  à  roue,  faire  un 
tour,  Angl.  to  travel,  to  make  a  trip  faire  un  grand,  un 
petit  tour.  —  Le  cercle  que  décrit  le  temps  s'exprime 
par  la  même  racine  dans  y  are  —  wps;  année,  temps  — 
wpa  temps  —  hora  —  heure  —  year  année —  olas  Jahr 
id.  "Eap  en  Ionien  ftp  avec  digamma  exprime  le  retour 
du  beau  temps,  du  soleil  et  de  la  vie  dans  la  nature,  le 
renouveau.  Il  a  ses  correspondants  dans  le  Lat.  ver,  le 
printemps  orthographié  avec  le  mouvement  labial  v, 
dans  vernal  et  primevère.  Ce  v  (1)  se  trouve  également 
noté  dans  ver  ter  e  tourner,  ver  g  ère  incliner,  tourner  — 
conversion,  converger,  vertèbres,  virer  —  to  whirl 
tourner  —  ivirbeln  tourner,  der  Wirbel  l'articulation 
vertébrale,  werden  devenir  (to  turn  tobe)  —  H.  zhoer- 
ven  avec  assimilation  virer,  voyager  sans  but. 

(1)  Esca  et  cescor  la  nourriture  et  manger  en  L.  est  un  exemple  de 
l'emploi  presque  facultatif  de  ce  v,  comme  en  Suéd.  ulf,  en  Ang. 
wolf.  Ajoutons,  qu'étant  donné  qu'on  dit  aussi  bien  er  que  re,  il  faut 
s'attendre  à  des  métathèses  fréquentes  de  la  voyelle  avec  la  consonne 
r  ;  la  voyelle  initiale  a  pu  être  aspirée  ou  non  au  gré  de  la  pro- 
nonciation locale,  de  sorte  qu'on  trouve  les  orthographes  hélice  et 
révolution  sans  sortir  delà  même  racine.  Pour  ces  deux  derniers  mots, 
ils  se  rattachent  à  ce  groupe,  pour  peu  qu'on  tienne  compte  du  chan- 
gement de  r  en  l. 


—  169  — 

Les  mots  renie  et  vergue  sont  des  variantes  du  mot 
ville,  en  Danois  vaern.  Le  sens  de  ces  mots  est  identi- 
que :  il  n'y  a  entre  eux  qu'une  différence  d'orthographe 
qui  consiste  dans  la  permutation  de  r  avec  sa  voisine  /. 
Le  sens  est  garde,  endroit  gardé.  Le  sens  de  garder 
découle  de  celui  de  tenir,  d'enserrer,  propriétés  l'une 
et  l'autre  de  la  gorge  et  du  croc  (1).  Il  s'exprime  par 
rina  place  de  guerre,  rar  clore,  ceindre,  ra/t  sa  méta- 
thèse  préserver,  rrinj ',  rrl  écarter  —  spjw  protéger, 
garder  derrière  des  murs,  gpxoç  enceinte,  Sfpjjux  appui' 
pa>w  fortifier  —  Roma  la  ville  forte,  môme  racine  que 
rai  la///,  la  verne,  arceo  défendre,  arx  la  citadelle, 
arcanes  ce  qui  est  défendu  contre  la  curiosité  profane, 
arguo  maintenir,  défendre  une  proposition  —  boule- 
r</rd,  argument,  guêret  champ  entouré  d'une  haie,  en 
H.  ïoaard  polder,  garde  —  bulwark  boulevard  —  die 
Warte  la  garde,  die  Werke  les  remparts.  Le  même 
sens  s'exprime  par  les  formes  congénères  ulciscorL.  se 
venger,  Angl.  to  wreak,  Ail.  sich  rœchen,  repousser, 
rendre  la  pareille. 

Le  rergne  l'aune  commun  ou  glutineux  préserve  les 
ouailles  contre  le  maurouge.  C'est  la  description  qu'en 
donne  le  précieux  Dictionnaire  des  Patois  du  Centre. 
Cette  explication  éclaircit  le  nom  de  l'arbre  et  rend 
compte  de  son  homonymie  avec  la  rergne,  vallum 
(Skt  rail  couvrir).  —  'Epuw  répond  au  Latin  serrare 
conserver  et  au  Skt  vri  couvrir  (2).  Cet  .s  presque  fa- 

(1)  Les  mots  grippe  et  croupe  qui  dénotent  la  gorge  diversement 
affectée  font  ressortir  l'identité  du  nom  de  cet  organe  et  de  la 
griffe. 

(2)  Le  Skt  a  encore  varuna  la  calotte  des  deux,  varanda  rembal- 
lage, vârana  obstacle,  empêchement. 


170 


cultatif  marque  comme  le  v  une  des  hésitations  de 
l'orthographe.  Les  grammairiens  qui  se  sont  chargés 
de. noter  le  son  des  mots  n'ont  pas  été  d'accord  pour 
arrêter  s'il  fallait  considérer  comme  partie  indispen- 
sable et  intégrante  du  mot  les  sons  secondaires  qu'en- 
traîne l'émission  des  voyelles,  tels  que  h,  l'aspiration 
gutturale,  s  l'aspiration  sibilante  que  nous  venons  de 
voir  dans  servare,  v  le  contact  de  la  voyelle  avec  les 
lèvres  que  les  Grecs  représentaient  autrefois  par  le  di- 
gamma  et  quelquefois  par  b.  Non  pas  seulement  dans 
des  langues  différentes,,  mais  aussi  dans  chacune  prise 
isolément  se  manifeste  l'effet  de  cette  incertitude  : 
kpûiù  veut  dire  tirer,  aupo>  avec  s  également  ;  7E»pa  est  la 
chaîne  qui  Jire,  qui  ferme  ou  bien  la  série,  tout  comme 
z(p\j.oq  le  même  mot  sans  le  s.  Esprit  doux  et  digamma, 
esprit  rude  et  sigma  permutent  entre  eux  et  tous  en- 
semble. On  voit  donc  qu'il  y  a  bien  des  causes  qui, 
pour  être  toutes  naturelles,  n'en  changent  pas  moins 
l'aspect  des  mots  à  telles  enseignes  qu'on  doute  parfois 
qu'ils  soient  les  mêmes.  Et  cependant  c'est  bien  le  cas. 
—  Une  variante  orthographique  qui  a  lieu  de  nous 
surprendre  est  celle  de  gu  Français  avec  w  Allemand. 
Le  double  v  doit  avoir  été  prononcé  ou  tout  large  avec 
une  aspiration.  L'organe  Gaulois  inhabitué  aux  sons 
gutturaux  profonds  l'a  transformé  en  son  dur  prononcé 
à  la  hauteur  de  la  glotte  (1).  C'est  ainsi  que  verne  est 
une  variante  orthographique  répondant  aux  mots  gar- 
nir >  garnison  les  troupes  de  défense.   Dans  l'un  et 

(1)  On  dit  que  le  Français  parle  de  la  bouche  et  que  c'est  pour  cela 
qu'il  a  le  cœur  sur  la  langue. 


—  171  — 

l'autre  mots  la  prononciation  évite  le  son  guttural  pro- 
fond. 

La  guerre,  Angl.  war  est  une  défense  :  c'est  le  rem- 
part du  bras,  des  armes.  Ce  mot  peut  se  rendre  en 
Grec  par  Ipjxa  défense,  l'armature  —  arma  —  armes 
—  icear  digue  —  das  GeweJir  l'arme,  le  fusil,  die 
Wehr  la  défense.  La  guérite  est  une  protection  pour 
la  sentinelle,  Angl.  to  ward  garder,  AU.  warteri  avec 
le  génitif  faire  attention  à,  en  Angl.  to  attend  on,  Lat. 
subservire.  La  varenne  (lieu  dit)  H.  warande,  Va- 
rennes  nom  de  Ville,  WareMme  dans  la  Province  de 
Liège  sont  le  substantif  garenne.  Le  warrant  est  une 
garantie  en  marchandises,  AU.  die  Gewâhr.  Guérir 
veut  dire  dans  le  fond  préserver  de  la  maladie,  défen- 
dre le  patient  contre  la  déchéance  physique.  —  La 
garde  exercée  par  les  yeux,  l'observation  est  l'origine 
de  regarder  :  Angl.  to  be  aware  s'apercevoir,  AU. 
gewahr  werden  id.  —  H.  ontwaren  apercevoir.  Les 
expressions  Françaises  tiens,  tenez  qui  accompagnent 
voici,  voilà  et  la  tournure  Anglaise  behold  regarde,  à 
proprement  parler  tiens,  paraphrasent  le  sens  de  obser- 
ver et  de  son  congénère  regarder. 

Regarder  se  traduit  en  Grec  par  le  congénère  5pao>. 
Ce  mot  nous  ramène  à  la  prosopopée  oupoç  le  fossé,  le 
trou  —  os  -  oris  la  bouche  —  oral,  orifice.  Nous  ou- 
vrons instinctivement  la  bouche  pour  apercevoir,  com- 
prendre et  saisir  au  sens  moral,  tout  comme  s'il  s'agis- 
sait d'un  objet  matériel  dont  nous  voudrions  prendre 
possession.  —  L'AU.  die  Warte  la  garde  permute  avec 
dieWacht  (Angl.   to    wait    on    avoir  des  attentions 


172 


pour,  servir)  r  et  ch  (1),  étant  deux  gutturales  voisines 
l'une  de  l'autre.  Die  Wacht  a  donné  les  mots  guet  et 
guetter.  L'échauguette  la  tour  d'observation  se  décom- 
pose phoniquement  en  schauen,  la  forme  Allemande  de 
ay.e7rictj.at  (2),  en  Argot //r/^er  ouvrir  le  gavion,  regarder, 
et  son  synonyme  guette  répondant  au  substantif  fémi- 
nin die  Wacht.  Dans  le  mot  vagmestre,  Ail.  (1er 
Wachtmeister  le  chef  de  la  garde,  le  mot  original  s'est 
conservé  presque  intact. 

La  garde,  l'éveil  se  montre  dans  vîxê  regarder  — 
êyeipo)  s'éveiller  —  vigilo  —  veiller,  vigilant,  vigile  — 
to  awake  s'éveiller  —  erwachen  id.  Le  regard  s'appelle 
cxxos  —  oculus  —  oeil,  oculaire  —  eye  —  das  Auge  — 
Skt.  axi.  Ces  mots  montrent  la  gutturale  g  mise  à  la 
place  de  sa  voisine  r.  La  montagne  cpoç  est  au  fond 
une  garde,  un  poste  d'observation.  Notre  Dame  de  la 
Garde  de  Marseille,  l'église  qui  regarde  la  mer  exprime 
poétiquement  cette  idée/Oupsu;  est  le  veilleur,  le  garde. 
Le  mot  Allemand  die  Wacke  veut  dire  la  pierre,  le 
rocher.  Ce  mot  est  la  variante  de  guet  et  Wacht  avec 
le  sens  métaphorique  de  montagne.  La  montagne  par 
sa  hauteur  est  une  garde,  un  poste  d'observation.  La 
variante  Allemande  de  wachten  est  achten  considérer, 
avoir  des  égards;  gieb  Acht  veut  dire  fais  attention.  Ces 
doublets  orthographiques  sont  fréquents,  comme  nous 
avons  pu  remarquer,  dans  toutes  les  langues.  Le  mot 
Hort  la  place  gardée,  le  trésor,  en  Angl.  hoard  nous 

(1)  En  Anglais  le  ch  s'est  changé  en  i.  Il  y  a  là  un  abandon  de  ia 
gutturale,  déterminé,  sans  doute,  par  l'influence  de  la  prononciation 
Anglo-Normande. 

(2)  En  Skt  k'av  se  montrer  comme  les  spectres  (visions). 


—  173  — 

présente  une  troisième  variante,  qui  nous  rapproche  de 
la  gutturale  ch,  l'accompagnement  naturel  de  /'dont 
nous  parlerons  plus  loin. 

La  préfixe  re  en  Skt.  ritu  retour  périodique,  exprime 
le  retour,  le  tour  de  roue.  L'expression  Anglaise  :  when 
the  year  cornes  round  au  renouvellement  de  l'année,  à 
son  retour  en  est  une  paraphase.  Le  mot'7'etro  est  un 
composé  de  [re  (rota,  rete  V.  au  mot  araignée)  et  tro 
qui  veut  dire  tour  également  avec  tous  ses  congénères 
-zbiM  tourner  —  teres  rond,  terebra  vrille  —  tour  — 
to  t/trill  tourner  —  drehen  tourner.  La  genèse  du  mot 
et  du  sens  de  roue  ont  été  élucidés  plus  haut.  V.  Traité 
p.  91,  celle  de  tro  sera  expliquée  après.  Comme  une 
conséquence  nécessaire  du  retour  la  particule  re  ex- 
prime parfois  la  négation  (1),  le  verso,  le  revers  de  ver- 
te re  tourner.  (V.  au  mot  conversion),  ainsi  qu'il  a  lieu 
dans  révéler,  Angl.  to  unveil  dévoiler.  En  Latin  re- 
vincio  réprouver,  désapprouver,  remitto  abandonner  la 
rigueur,  en  Français  relâcher,  refuser,  réfuter  mon- 
trent également  le  sens  négatif  de  re.  Dans  une  révo- 
lution complète  il  y  a  toujours  une  moitié  qui  est 
négative,  c'est  à  dire  celle  qui  prend  depuis  le  milieu 
jusqu'au  point  de  départ.  Ce  re,  comme  tous  les  mots 
d'un  usage  fréquent,  surtout  ceux  qui  s'allient  conti- 
nuellement à  d'autres  mots,  représente  les  restes  d'un 
phonème  qui  est  encore  en  usage.  C'est  une  ruine  mais 
dont  il  y  a  assez  de  bout  pour  permettre  de  reconstituer 
l'ensemble.  Dans  cette  entreprise  l'étymologie  trouve 

(1)  Par  la  même  marche  d'idées  les  originateurs  du  Skt  ont  donné  a 
rite  le  sens  de  excepté  et  de  en  outre. 


—  174  — 

un  appui  dans  des  expressions  comme  redivivus  qui 
revit,  reddo  je  redonne,  je  rends,  redlmo  je  rachète  où 
re  montre  une  forme  plus  complète,  red  répondant  au 
H.  rad  roue.  D'Autres  mots  exprimant  le  mouvement 
en  rond,  comme  p.  e.  le  Grec  po)  se  mouvoir,,  Allem. 
rilhren  touiller,  émouvoir,  troubler,  H.  roeren  trou- 
bler, de  Raad  van  beroerten  le  conseil  des  troubles  in- 
stitué parle  duc  d'Albe  dans  les  Pays-Bas  contre  la  Ré- 
volution du  seizième  siècle  nous  montrent  la  particule 
re  à  l'état  de  racine  intégrale.  Il  en  est  de  même  du 
Skt.  îr,  77,  ri  aller,  circuler —  ïypM  aller  mal,  bricoler  — 
erro  —  errer  —  errand  le  tour,  la  course  —  sich  irren 
être  dans  l'erreur.  L'Ail,  der  Ort  est  la  circonscription, 
le  cercle.  Dans  l'investigation  du  sens  l'étymologie 
trouve  la  piste  tout  indiquée  par  des  expressions  comme 
\xQ,rt  rotule  du  genou,  à  proprement  dire  le  moulin  ;  se 
démoleter  le  bras  au  Centre  veut  dire  se  le  déboîter, 
démonter  la  molette.  Elles  rattachent  si  bien  l'idée  de 
tour  à  l'articulation  qu'elles  l'expriment  par  une  image 
dont  le  sens  ne  laisse  aucun  doute.  Pour  faire  le  mou- 
linet il  faut  admettre  une  articulation  autour  de  laquelle 
se  meuve  le  bras;  de  même,  afin  de  ruer,  il  faut  que  le 
cheval  fasse  la  roue  avec  sa  jambe.  L'articulation  em- 
porte donc  dans  l'esprit  des  gens  l'idée  de  tour  comme 
nous  l'avons  vu  ressortir  des  citations  rapportées  plus 
haut.  Ce  qui  prouve  encore  que  dans  re  nous  avons  bien 
à  faire  à  un  congénère  de  roue'c'est  que  dans  le  Centre 
on  trouve  pour  recoin  un  rabicoin  et  pour  errer  reber 
dont  nous  avons  rencontré  des  affiliés  dans  rioette  et 
dans  l'Angl.  to  ramble,  to  roam,  to  rove  errer. 


—  175  — 

La  lettre  g  est  tellement  rapprochée  dans  le  gosier 
du  point  où  se  produit  le  r  que  l'une  entraîne  l'autre 
comme  on  le  voit  dans  ru  et  rigole,  ronchonner,  rogner 
et  grogner,  raturer  et  gratter,  garde  et  guet  (Ail.  wacht). 
Bien  des  mots  qui  commencent  par  un  r  se  rencontrent 
aussi  avec  un  g  initial  dans  la  même  langue:  rictus, 
rynckus  et  gurges,  /'acier  et  carer  (1). 

Le  même  mot  dans  deux  langues  diverses  se  rencontre 
avec  r  aussi  bien  qu'avec  g  initial:  rigoler,  en  Allem. 
gielieln  rire,  roucouler  AU.  girreti  — H.  Ixirrcn.  Au- 
cun de  ces  mots  pris  en  particulier  ne  cesse  pour  cela 
d'être  une  onomatopée  indépendante.  Aucun  n'est  la 
copie  ni  même  la  métathèse  de  l'autre.  La  différence 
provient  de  ce  qu'ils  ont  produit  sur  l'oreille  de  l'audi- 
teur une  impression  tant  soit  peu  différente.  Les  sons 
naturels  ont  eux-mêmes  leurs  nuances  de  ton  et  pour 
les  reproduire  les  peuples  n'ont  pas  eu  a  leur  dispo- 
sition un  alphabet  commun  dont  les  signes  fussent  les 
représentans  exacts  des  sons  naturels.  Delà  baucoup  de 
diversité  dans  l'orthographe.  Selon  que  d'autres  or- 
ganes s'unissent  à  l'action  qui  prend  son  point  de  départ 
dans  le  gosier  nous  verrons  tour  à  tour  les  voyelles,  les 
consonnes  linguales,  les  dentales,  les  labiales,  isolé- 
ment ou  toutes  à  la  fois  s'associer  au  son  guttaral  comme 
nous  avons  vu  pour  bouche  et  rynchus.  Quel  que  soit 
l'acte  de  l'organe^  qu'il  respire,  saisisse,  déchire,  avale, 
grogne  etc.,  etc.,  c'est  toujours  lui  qui  agit  et  le  son  as- 
ti) Nous  parlerons  plus  tard  de  la  permutation  de  l  et  de  r,  de  gur- 
gulio  pour  gulgulio,  de  gurges  et  gula,  de  hurler  pour  ululo.  Disons 
que  dans  la  prononciation  le  g  descend  au  dessons  de  r  et  que  le  l 
remonte  vers  la  bouche. 


—  176  - 

sorti  ne  peut  manquer  de  se  produire  avec  l'acte,  vu  que 
l'appareil  sert  à  l'accomplissement  de  ces  fonctions  et  à 
leurphonation  en  même  temps.  Si  nous  reproduisons  ces 
actes  sous  la  forme  de  souvenirs,  de  notions  et  d'idées, 
même  abstraites,  c'est  à  dire,  lorsque  par  un  acte  de 
notre  volonté  nous  mettons  le  langage  au  service  de 
qui  ce  qui  se  passe  dans  notre  esprit,  nous  nous  servons 
des  sons  entendus  quand  ces  actes  se  passaient  dans  la 
la  réalité.  Le  son  rend  le  fait  présent  à  notre  esprit  et 
réveille  par  association  tous  les  sens  par  lesquels  il  fut 
perçu.  C'est  même  dans  l'usage  que  nous  savons  faire 
intentionnellement  de  ces  sons  pour  la  communication 
avec  nos  semblables  que  réside  la  haute  valeur  du  lan- 
gage. Il  constitue  la  preuve  delà  supériorité  de  l'homme 
car  seul  parmi  les  créatures  il  a  su  le  créer,  le  conserver 
et  le  développer.  L'homme  retient  les  sons  et  forme  des 
mots  parce  qu'il  a  conscience  de  ses  actes  dont  les  sons 
sont  l'accompagnement  révélateur  et  parce  que  cette 
conscience  lui  est  nécessaire  pour  connaître  l'état  de 
son  âme,  se  diriger  et  être  libre  dans  le  sens  élevé  du 
mot.  Il  conserve  et  développe  son  langage  parce  qu'il 
poursuit,  pour  sa  postérité  comme  pour  lui-même,  un 
idéal  de  progrès  et  de  perfectionnement  illimité  tandis 
que  les  autres  créatures  ne  paraissent  point  capables  de 
sortir  des  bornes  où  le  sort  les  a  parquées.  L'homme  a 
le  sentiment  d'avenir  tandis  que  l'animal  paraît  se  con- 
tenter des  sensations  du  moment  et  se  reposer  sur  le 
milieu  plus  que  sur  lui-même.  Entretemps  le  langage 
que  se  créent  les  humains  donne  à  leur  pensée  un 
support  pour  les  aider  dans  l'étude  d'eux-mêmes  et 


—  177  — 

de  la  Création  qui  les  entoure  afin  que,  par  la  connais- 
sance des  rapports  qui  les  unissent  à  la  société  et  à  l'u- 
nivers, ils  trouvent  leurassiette  dans  ce  monde. 

Les  sons  que  fournit  la  gorge  pour  la  formation  de 
noms  sont  simples  ou  complexes,  nous  le  savons  déjà, 
d'après  que  ses  diverses  parties  attenantes  et  abouti- 
santes  contribuent  à  l'accomplissement  d'un  acte  dont 
il  paraît  seul  l'initatieur.  La  composition  des  racines  re- 
produit l'image  fidèle  du  concours  des  différentes  parties 
de  l'organe  dans  la  production  du  son  significatif. 

Contrairement  a  ce  qui  a  été  fait  pour  les  onomato- 
pées de  la  bouche  et  du  rynchus  qui  ont  été  groupés 
d'après  leur  sens,  chaque  thème,  cette  fois,  sera  traité 
en  particulier.  Nous  n'y  rattacherons  que  les  noms  qu'il 
a  été  seul  à  former,  en  ayant  soin,  comme  par  le  passé, 
d'indiquer  les  liens  qui  unissent  les  nouvelles  formations 
à  leur  point  de  départ. 

Le  nom  le  plus  simple  du  gosier  est  le  quiqui  (1).  Ce 
mot  désigne,  en  outre  du  cri  et  de  l'endroit  d'où  il  sort, 
le  cocJion  et  son  cri  coï,  Angl.  to  queack,  Ail.  quiecksen. 
Par  jeu  de  mots  le  quiqui  devient  le  coco.  Bu  riquiqui 
est  de  l'eau-de-vie  qui  ravigote.  Le  cri  étant  le  signe  de 
l'animation  et  de  la  gaillardise  chez  l'oiseau  et  l'enfant, 
et  l'eau-de-vie  les  donnant  ou  les  rendant  à  l'homme 
exténué,  elle  doit  son  nom  honorable  à  ce  bienfait  pas- 
sager. Des  quiquis  sont  des  abattis  de  poulet,  des  cous 
surtout,  qu'on  trouve  dans  les  tas  de  balayures  ména- 
gères. Couper  le  quique  veut  dire  couper  le  cou.  Par 
jeu  de  mots  on  dit  couper  la  chique  pour  interloquer, 

(1)  On  l'appelle  au  Centre  le  cacquet  et  le  gagouet. 

12 


178 


ôter  l'usage  du  quique.  La  planche  au  chicage  est  le 
confessionnal,  le  chicage  le  caquet,  le  mensonge.  L'é- 
glise s'appelle  la  chique  en  raison  du  mouvement  des 
lèvres  dans  la  prière  :  c'est  une  paraphrase  de  la  pri- 
ante (1).  Criailler,  disputer  sur  des  riens  s'appelle  chi- 
caner et  avec  une  variante  chicoter  par  jeu  de  mots  sur 
chicot  reste  dune  dent,  souche.  Faire  couic  veut  dire 
mourir.  Le  quack  (2)  est  une  note  forcée,  un  affaisse- 
ment de  la  voix. 

Quand  le  gosier  s'ouvre,  les  mâchoires,  les  joues,  la 
bouche  partagent  le  mouvement  de  sorte  qu'un  nom 
semble  convenir  pour  l'organe  tout  entier  aussi  bien 
que  pour  ses  parties.  Ainsi  le  H.  kaak  signifie  la  mâ- 
choire et  la  joue,  tandis  que  quique,  le  même  mot 
cependant,  veut  dire  gosier  et  que  le  L.  gingiva  les  gen- 
cives veut  dire  la  partie  charnue  des  mâchoires  et  non 
le  g  avion.  Le  Skt  a  comme  correspondant  de  quique 
kla  cavité,  assimilée  au  gosier,  le  Grec  yxzq  —  hiatus 

—  hiatus.  Les  verbes  exprimant  le  cri,  le  chant,  la 
parole  sont  fort  nombreux  :  Skt  u,  ku  etc.  résonner, 
ah,  kâ  dire,  gâ,  gae  chanter,  kac'  crier  —  xair/ac^at  je 
me  vante  —  aïo  je  parle  —  huer,  faire  hou\  caqueter 

—  to  cackle  caqueter,  to  raise  the  hue  and  the  cry  crier 
après  quelqu'un.  —  gackern  caqueter  comme  la  poule 
qui  a  pondu  —  H.  uitjonwen  huer.  Coquer  veut  dire 
dénoncer  comme  ses  congénères  goualer  et  g  ourler) 
le  coqueur  est  celui  qui  dénonce,  qui  fait  aller  le  quique 

(1)  L'entonne  et   Vantiffe   sont  des  noms  de  l'église,  ayant  le  sens 
probable  de  chant  qu'on  entonne  (chantante)  et  antiphone. 

(2)  L'Angl.  quack,  Ail.  der  Quacksalber  est  le  charlatan.  Charla- 
tan rappelle  l'It:  ciarlare  caqueter. 


—  179  — 

ou  coco.  —  Parmi  les  oiseaux  qui  doivent  leur  nom  à 
leur  cri  figurent  le  coq  (V.  Traité  pp.  9. 10.  11)  en  Skt 
kùliala  le  coq.  La  cocotte,  la  cocodette,  la  cocodès 
surnoms  de  la  femme  galante  équivalent  à  poule.  La 
cocotte  signifie  la  jument  par  allusion  à  pouliche, 
comme  coco  le  mâle  à  poulain,  congénères  de  poule. 
Le  œquebin  est  le  célibataire  :  bin  est  l'Ail.  Bein 
jambe,  membre  qui  se  fait  remarquer  dans  la  démarche 
fière  du  vieux  garçon.  Le  Ski  kàgaoxx  kâka  veut  dire 
corneille,  en  Patois  Néerlandais  kaah  ou  kwaak  équi- 
valents de  geai  et  de  choucas.  D'après  le  son  le  Grec 
xaxxagcç  la  perdrix  est  le  nom  du  coq  en  général  comme 
il  semble  confirmé  par  le  nom  Ail.  clas  Rebhuhn  et  H. 
veldhoen  poule  des  champs.  Le  Latin  quacula  répond 
au  Français  caille,  Angl.  quail,  Ail.  die  Wachtel  au 
lieu  de  Quaclitel  —  H.  Kwartel  avec  permutation  de 
la  gutturale  avec  le  /'.  —  Le  cochon  (V.  p.  11  du  Traité) 
a  en  Angl.  le  nom  de  hoc/.  C'est  le  son  de  son  aspiration 
gutturale  :  l'équivalent  verbal  est  hogner  avec  le  sens 
de  grogner. 

En  outre  des  cris  qu'il  est  capable  de  produire,  l'or- 
gane dans  son  sens  métonymique  sert  également  à  la 
mastication;  delà  \jax  manger,  Angl.  cheek  la  joue, 
to  chew  mâchonner,  Ail.  Kâuen  id.  La  chique  est  le 
tabac  qu'on  mâche,  chiquer  et  avec  jeu  de  mots  cacher 
manger,  le  chiqueur  le  glouton.  Chiquer  par  jeu  de 
mots  avec  choaer,  attraper  les  oiseaux  en  se  servant  de 
leur  ennemie  la  chouette  pour  les  attirer,  lui  a  valu  le 
sens  de  tromper,  duper.  Parce  que  chiquer  appelle 
l'idée  de  tabac,  au  lieu  de  chouer  ou  de  ses  dérivés, 


—  180  — 

nous  nous  trouvons  appointés,  grâce  à  ce  jeu  de  mots, 
de  l'expression  :  raconter  un  tabac.  Cette  méta- 
phore repose  sur  l'échange  de  chiquer  pour  chouer  : 
elle  est  incompréhensible  à  moins  qu'on  ne  tienne 
compte  du  jeu  de  mots,  c'est  à  dire  d'une  licence  qu'on 
ne  devrait  point  se  permettre  avec  sa  langue  maternelle. 
Sans  doute  qu'elle  n'a  jamais  eu  la  prétention  de 
passer  dans  le  style  sérieux  :  pour  cela  il  faut  que  les 
écrivains  de  valeur  qui  respectent  le  Français  ne  les 
introduisent  jamais  sous  la  protection  de  leur  drapeau. 
Dans  chiquer  et  ses  homonymes  nous  voyons  le  quiqui, 
le  quique,  le  kique,  le  coco  fonctionner  comme  verbe 
avec  le  sens  de  mâcher,  sens  qui  ressort  de  la  forme 
particulière  des  mots  qui  l'incorporent  sinon  des  cir- 
constances dans  lesquelles  ils  sont  employés.  Du  reste 
le  nom  seul  de  l'organe  nous  met  sur  la  trace  de  ses 
actes  en  nous  faisant  penser  à  ses  propriétés. 

Le  rire  secoue  le  gosier  ;  on  entend  son  cri  dans  : 
Skt  jaks  rire,  kak\  gagg*  id.,  Angl.  to  giggle,  AU. 
gichéln.  C'est  le  haha,  hihi  transformé  en  onomatopée. 
Les  correspondants  sont  y.ayy^G)  rire  — jocor  faire  le 
fou  —  jongler  —  tojoke  plaisanter  —  cler  Geck  le  fou 
qui  rit  —  H.  gekken  badiner,  gek  fou.  V.  au  mot  gail- 
lard. —  Les  spasmes  du  gosier  qui  accompagnent  le 
hoquet  ont  fait  nommer  celui-ci  d'après  le  bruit  habituel 
du  gosier  :  Skt  hikk  avoir  le  hoquet.  V.  au  mot  gaga. 
Les  mots  Français  hoquet  et  coqueluche  (V.  ce  mot), 
l'Angl.  hickup  et  chincough  par  un  rapprochement  vi- 
cieux avec  chin menton,  l'Ail,  cler  Keichhusten  la  coque- 
luche, das  Aecluen  le  hoquet  du  sanglot,  le  soupir,  le 


—  181  — 

H.  kinkhoest  la  coqueluche,  de  hik  le  hoquet  expriment 
comme  le  Skt  l'événement  par  le  son.  Le  resserrement 
de  la  gorge,  l'étôuffement  se  traduisent  par  le  même 
son,  ainsi  qu'en  témoiguent  tf/yi  l'esquinancie  -  angtna 

—  angine  —  to  choke  étouffer,  to  cough  tousser — kei~. 
chen  avoir  de  l'asthme  (1)  —  H.  kugchen  tousser  — 
Skt  kas  tousser,  kaça  rhume.  Au  Centre  le  hoquet 
s'appelle  chiquot,  choqaet  et  loquet.  Ce  dernier  mot 
nous  met  en  présence  de  lingua  et  de  hie/ie,  la  seconde 
partie  de  coqueluche  (a-j^o)  sangloter).  La  cahuette  est 
la  coqueluche.  Ce  mot  contient  une  réduplication  du 
son  guttural  ou  plutôt  les  deux  sons  congénères  ca  et 
// if,  dont  le  dernier  a  fourni  l'Ail,  husten,  H.  hoesten. 
Les  correspondants  sont  rue'  pleurer —  xwxuw  sangloter 

—  Cocytus  le  lieu  des  sanglots  —  le  Cocyte.  L'Anglais 
to  keck  exprime  le  hoquet  qui  accompagne  le  vomisse- 
ment, le  haut  de  cœur.  Les  désirs  s'expriment  par  les 
cris  qui  s'échappent  du  gosier  à  la  vue  de  l'objet  con- 
voité :  îhâ  ardeur,  ic\  ha^x  désirer,  Angl.  to  ask  dé- 
sirer, eager  désireux,  to  wish  avec  digamma  désirer, 
Ail.  tcùnschen  désirer,  heischen  et  sa  variante  heiszen 
auxquels  répond  souhaiter  —  H.  wenschen  et  haken 
(V.  au  mot  an.rieux)  id.  —  A  gogo  a  volonté  a  été 
formé  de  la  même  façon.  Les  choses  qu'onme  désire 
pas  resserrent  le  gosier  :  anxius  —  anxieux  —  Ail. 
die  Angsï  la  crainte;  la  colère  le  fait  davantage,  elle 
nous  étouffe,  nous  prend  à  la  gorge  comme  une  angine  : 
Angl.  ange/'  colère.   La  voix  eurouée  se  fait  entendre 

(1)  L'organe  de  l'asthme   s'appelle  par  prosopopée  1'<t6(xoç  le  gosier, 
]p  cou  qui  relie  une  presqu'ilc  au  continent,  en  L.  isthmus. 


—  182  — 

dans  l'Ail,  heiser  rauque  où  la  gutturale  s'est  adoucie. 

Le  ah  de  la  douleur  a  donné  l'onomatopée  àysc  la  dou- 
leur. —  La  fumée  est  assimilée  à  un  souffle  qui  sort  du 
gosier  et  entraîne  un  bruit  guttural  :  <r/va  fumée,  Suéd. 
ang  vapeur,  Skt  vaxas  poitrine.  Le  feu  est  selon  le 
langage  la  chaleur  du  souffle  :  agni —  ày\'jc  caligo,  la 
fumée  —  ignis  —  igné  —  ingle  le  feu  —  Suéd.  ugn  le 
four,  le  feu  et  ôk  brûler,  ôk*  dessécher,  ka  feu  —  xatco 
brûler  —  coqueo  cuire  —  le  queux  le  cuisinier,  décoc- 
tion —  cake  gâteau  (cuit),  kitchen  la  cuisine  —  der 
Kuchen  le  gâteau,  die  Kûche  la  cuisine,  kochen  cuire 
—  H.  kagchel  le  poêle,  kok  cuisinier.  La  préfecture  de 
police  s'appelle  la  cuisine,  celle-ci  rappelant  le  feu  qui, 
à  son  tonr,  nous  fait  souvenir  de  roussi  l'agent,  de 
rousse  la  police,  qui  sent.  —  Briller  s'appelle  Skt  eue'', 
l'éclat  au yr;. 

Le  gogo  est  celui  qui  regarde  à  bouche  (gueule)  ou- 
verte; goguenarder  veut  dire  narguer  (narder)  le  gogo. 
Le  bruit  qui  accompagne  l'entrebâillement  de  la  bouche 
sert  d'expression  pour  le  regard  avide  des  yeux.  La 
raison  en  est  que  l'avidité  du  gosier,  étant  sonore,  peut 
seule  servir  d'expression  pour  celle  des  yeux  et  de  la 
main  qui  est  muete.  —  Le  gosier,  les  yeux,  la  main 
obéissent  à  une  seule  et  même  impulsion  qui  part  du 
cœur  et  fait  crier  le  gosier.  Quelle  que  soit  la  dénomi- 
nation de  cet  organe,  quel  que  soit  le  cri  par  lequel  il 
se  fait  connaître  ou  le  synonyme  qui  tient  la  place  de 
ses  onomatopées  ou  noms  réels,  toujours  l'acte  de  re- 
garder revient  à  un  mouvement  de  la  bouche  entr'ou- 
verte  commepourappréhender,  apprendre,  comprendre, 


-    183  — 

saisir,  ainsi  que  nous  avons  vu  dans  reboaiser,  optique, 
béer,  badaud,  gaffer 4  inspecter,  épier.  De  là  encore  la 
présence  du  son  guttural  clans  ci,  ich  apercevoir,  ix,  ax 
regarder,,  a^k  noter,  kaxa  regard,  axi  œil  —  àyaw  j'ad- 
mire, je  suis  stupéfait  —  faire  ah\  (V.  ah  à  la  rubrique 
pshutt),  cxxoç  œil  —  oculus  —  oculaire  —  etjc  —  das 
Auge,  gucken  regarder  —  H.  kijken  id.  Le  mot  Latin 
regarde,  voici  ont  des  correspondants  dans  gué, 
yé  et  aga  du  Centre.  Le  Provençal  possède  le  mot  aga- 
char  considérer.  Hagard  veut  dire  qui  a  les  yeux  fa- 
rouches. La  perception  par  l'oreille  s'exprime  par  un 
mot  formé  de  la  même  racine  :  sr/.s  Ju>  écouter,  soi  disant 
la  bouche  ouverte.  Que  cette  métonymie  ne  nous  étonne 
pas  trop,  puisque  la  sentinelle  veille  par  l'odorat.  C'est 
un  sens  pris  pour  un  autre.  —  La  science  considérée 
comme  fruit  de  l'observation  s'appelle  kâ  intelligence, 
organe  des  sens,  ki  connaître,  uh  concevoir,  gag  id.  — 
v.ziM  comprendre,  yar^  le  voyant.  V.  au  mot  renobler 
les  congénères  formés  de  la  racine  gn. 

L'œil,  V.  ce  mot,  s'appelle  par  jeu  de  mots  le  co- 
quard,  le  coquillarcl,  expressions  qui  rappellent  la 
coque  et  la  coquille.  En  typographie  une  coquille  est 
une  gaffe  du  compositeur.  Le  mot  est  une  variante  de 
toquard  l'œil  ouvert.  Le  sens  est  ironique  comme  dans 
gaffe,  l'une  et  l'autre  sont  des  bévues.  Le  compositeur 
prend  bien,  mais  ne  vérifie  pas  sa  lettre.  —  Le  guiche- 
tier, le  surveillant,  celui  qui  doit  avoir  l'œil  au  guet, 
s'appelle  l 'escargot.  Ce  mot  signifie  carcasse,  cuirasse, 
V.  ce  mot.  E  car  quitter  les  yeux,  veut  dire  faire  l'es- 
cargot, regarder,  gaffer  les  mirettes.  C'est  une  exprès- 


184 


«ion  où  il  y  a  une  redondance  provenant  de  ce  qu'on  a 
pas  bien  compris  le  sens  de  écarquiller,  qui  est  analo- 
gue à  jouer  des  coquards,  les  ouvrir.  Le  mot  coquard  n'a 
ses  correspondants  dans  caglza  —  x^ot  la  coquille  — 
coucha  —  conque  et  par  analogie  caque,  casque  —  keg 
ou  kag  caque  —  der  Karikev  l'araignée  à  cause  de  sa 
ressemblance  avec  le  crabe,  en  L.  cancer,  qui  a  une 
carapace,  —  H.  kaak  caque.  Avoir  son  casque  et  par 
jeu  de  mots  son  caquet  est  synonyme  de  avoir  son 
pompon,  son  plumet.  Le  sens  de  ces  mots  semble  être 
puisé  dans  celui  de  tenir,  contenir  yàw  comprendre, 
iyiù  avoir.  Que  le  lecteur  veuille  bien  examiner  pour 
son  propre  compte  si  cette  assimilation  mérite  la  pré- 
férence sur  d'autres  que  la  nature  de  la  coquille  et  la 
forme  du  mot  peuvent  suggérer.  La  gousse,  l'enve- 
loppe sert  de  désignation  pour  v.ômcç  —  coccus  —  coc- 
cinelle —  cockchqfer  le  hanneton }  le  coléoptère, 
cockroach  le  cafard  —  Kackerlach,  le  concrelat,  pour 
y.apy/ivs;  —  cancer^  cancre,  pour  la  coque  et  le  cocon.  A 
cause  de  ses  glands  couverts  d'une  gousse,  d'une  co- 
quille, le  chêne  s'appelle  en  Angl.  oàk,  Ail.  die  Eiche; 
La  tête  s'appelle  le  coco,  parce  que  dans  l'esprit  de 
l'originateur  du  mot  c'est  une  boîte  (anal,  à  caisson), 
une  gousse  dont  la  pervelle  forme  le  noyau.  Par  exten- 
sion, ce  mot  devient  le  nom  de  l'individu  :  un  drôle  de 
coco.  L'œuf  tire  son  nom  de  sa  coquille  :  Angl.  égg, 
Ail.  das  Ei.  Les  cocanges  sont  les  coquilles  de  noix, 
la  cocarde  la  boîte  crânienne,  comme  coco  (1)  et  avoir 

(!)  La  tête  à  cause  de  sa  forme  arrondie  s'appelle  aussi  ciboule, 
citron. 


—  185  — 

sa  cocarde  (mot  formé  de  conque)  avoir  son  pompon, 
son  plumet,  son  casque. 

Le  coquillage  prenant  la  forme  du  cône  en  spirale  a 
prêté  son  nom  à  la  cale  qui  sert  à  fixer  une  roue.  C'est 
une  contraction  qui  reconstituée  donne  le  H.  Kegel 
quille,  en  Ail.  (1er  Kegel  le  cône  contracté  cler  Keil  la 
cale.  La  forme  arrondie  du  coquillage  a  donné  les  mots 
die  Kugel  la  bille,  la  balle,  H.  Kogel  id.  Jouer  des 
quilles  veut  dire  s'en  aller.  —  C'est  un  souvenir  du  jeu 
dequilles  ainsi  que  l'expression  envoyer  bouler,  ancien- 
nement envoyer  quiller.  La  coquille  servant  d'enve- 
loppe et  de  cachette  son  nom  a  passé  au  rideau  appelé 
le  coquerit,  à  la  coquante  l'armoire,  au  coquard  l'ar- 
bre, probablement  le  chêne.  V.  plus  haut,  si  ce  n'est 
la  souche,  homonyme  de  chicot  V.  ce  mot.  Le  sens  de 
prendre,  de  tenir  que  nous  avons  rencontré  dans  les 
attributions  du  gosier  et  de  la  main  se  retrouve  dans  la 
hanche  et  les  autres  jointures  du  corps.  Prendre  s'ap- 
pelle kuk prendre,  kac  ,  kanc  lier,  aj",  yug,  yu  joindre 

—  vA0)  je  prends  —  jungo  je  joins,  juxta  jouxtant, 
joignant  — juste,  jonction —  to  hook,  to  hang  accro- 
cher —  hànken  accrocher,  liàngen  être  pendu.  — 
L'ongle  qui  agrippe  comme  le  gosier  s'appelle  nakhas 

—  cvj;  —  unguis  —  ongle  —  nail  (contraction  de  na- 
gil)  —  der  Nagel.  Mettre  le  croc  sur  un  objet,  le  pren- 
dre, le  voler  s'exprime  par  coquer  saisir  avec  les  on- 
gles, quiger,  aquiger  voler,  prendre.  Coquer  veut  dire 
aussi  donner,  à  la  façon  d'un  coup  de  pied.  V.  au  mot 
gigoter.  —  V ongle,  le  sabot  en  L.  ungida,  par  une  ex- 
tension du  sens,  est  arrivé  à  signifier  le  soulier,  leripa- 


—  186  — 

ton,  le  vêtement  pour  les  pieds.  De  là  chou  ou  chu  de 
chiiflick.  A  chu  répondent  fféxxoç  —  soccus  —  soc, 
socle  —  shoe  —  der  Se  huit  —  Suêd.  sko  —  H.  schoen. 
Le  soc  du  mot  soccus  est  une  désagrégation  au  sk,  sh 
en  Grec  Ç  (x)  comme  il  arrive  avec  seco  qui  répond  au 
Grec  ?é(i)  au  lieu  de  vAm  couper.  —  L'ongle  étant  poin- 
tue, crochue,  a  donné  le  mot  aqucher  variante  de  agacer 
It.  agiuzare,  déchiqueter  arracher  avec  l'ongle.  Les 
mots  Normands  chiquet ailler,  chicoter  gratter  sur  le 
prix,  obtenir  de  petites  diminutions;  l'Angl.  to  haggle 
marchander  en  est  une  variante.  Le  soc  de  la  charrue 
Ail.  der  Secht  répond  à  secare,  V.  plus  haut.  La  pointe 
qui  coupe,  l'ongle  s'appelle  àVr,.  La  souche  est  le  chicot, 
ce  qui  reste  planté  après  que  ce  qui  sort  de  terre  a  été 
coupé.  Son  nom  Normand  est  chouque,  chuque,  chi- 
que. —  L'or  nie  nous  l'avons  cru  démontrer,  désigne  le 
rameur.  L'aigle,  l'oiseau  par  excellence,  tire  son  nom 
du  mouvement  de  ses  aisselles,  de  ses  ailes.  Or  nie  et 
aigle  expriment  la  même  idée  rendue  par  deux  radicaux 
différents  sans  cesser  d'être  congénères.  L'aisselle 
s'appelle  asas  épaule,  ayga  membre  en  général,  ka 
tout  ce  qui  remue,  aksha  l'essieu  —  ax^oç  —  axilla  — 
aisselle  —  axle  essieu  —  die  Achsel  l'aisselle.  —  En 
se  figurant  l'aisselle  comme  imprimant  le  mouvement 
au  bras  on  a  une  indication  caractéristique  pour  l'oi- 
seau :  c'est  celle  qu'énoncent  le  Skt  vâka  la  grue  aux 
grandes  ailes  —  ôttovoç  —  aquila  —  aigle  (1)  au  vol 
puissant,  l'Angl.  fowl  poule,  Ail.  der  Vogel  l'oiseau 

(1)  Le  mot  oiseau  avicellus  veut  dire  qui  évente  :  skt  od  souffler  — 
au>.    Son  nom  Skt  est  vdj'in  leventeur. 


—  187  — 

avec  digamma,  H.  wigchelaap  augure.  Agiter  l'articu- 
lation soit  de  l'épaule,  soit  de  la  hanche  s'exprime  par 
les  verbes  iyk\  a^g,  an' h,  ak,  kaki  kaykt  ug,  uk\  uyk* 
vaciller,  aller,  nak*  aller,  kaka  homme  déhanché,  dé- 
gingandé —  ayo)  peser,  mettre  dans  la  balance,  x(w  je 
vais,  je  remue  les  jambes  —  agere  agir,  cio  ou  cieo  je 
meus,  jacere  (e  court)  jeter  en  agitant  le  bras  et  avec 
digamma  vactllare  (Skt  çayk  douter)  vaciller  —  oscil- 
ler, injecter \,  choquep  —  to  wag  vaciller,  to  go  aller, 
to  shake  choquer,  remuer,  to  quake  trembler,  to 
swing  avec  digamma  aspiré  osciller  —  gehen  aller,, 
rranken.  schwanken  vaciller,  die  Schwinge  l'aile,  hin- 
ken  clocher.  Les  caprioles  du  bouc  et  de  la  chèvre  leur 
ont  valu  le  nom  de  bondisseur  aj'ci  bouc  —  ai;  chè- 
vre (1).  Se  coucher  en  s'appuyant  sur  les  coudes  ou  en 
s'accroupissant  sur  les  [hanches  [constitue  des  actes  où 
l'articulation  est  en  jeu,  ainsi  que  le  dénotent  les  noms 
ki  être  couché  —  xsÉjAat  je  suis  couché,  quiesco  je 
repose  jacco  je  suis  couché,  cossim  à  croupetons,  sur 
les  cuisses  —  adjacent,  gésir,  quiétude,  cimetière  — 
to  Iiitc/i  être  accroché  —  kauern  se  mettre  à  croucrou, 
à  croupetons,  hocken  rester  sur  place,  ne  pas  avancer 
—  It.  accosciarsi,  accocolarsi  s'accroupir.  Le  hic  est 
l'endroit  où  cela  tient,  où  l'empêchement  agit. 


(1)  L'eau  qui  s'avance  en  faisant  des  vagues  s'appelle  vâyka  la  mer, 
caha  cours  d'eau  —  oitysi  les  ondes  —  aqua  —  vague,  aqueux,  eau, 
voguer  —  icave  (Anglo-Saxon  waeg)  —  die  Woge.  La  vague  expri- 
mant le  mouvement  (le  chemin  qui  marche  et  qui  porte)  se  rencontre 
avec  açva  le  cheval  —  oyiu)  convoyer,  atye;  les  ondes  que  les  pein- 
tres et  les  poètes  représentent  comme  les  chevaux  de  Neptune  — 
equus  —  équestre  —  icay  chemin,  gait  démarche  —  der  Weg  le 
chemin,  der  Gang  la  marche. 


-  188  — 

La  hanche,  l'ischion, la  cuisse  s'appellejV/Y/yV?  jambe (1) 
gigot  chez  le  mouton,  le  chevreuil,  en  Ail.  der  Schinke 
le  gigot  de  porc,  der  Schenkel  le  tibia,  Angl.  shank 
l'os^en  Ail.  avec  une  variante  s ur  Schinke  le  jambon  der 
Knoch.  A  gigot  se  rattachent  la  gigue  la  danse,  gigoter 
agiter  les  jambes,  cahoter  subir  des  secousses,  les  mots 
Anglais  tojoggle,  tojingle,  to  j  angle  cahoter,  subir  des 
déhanchements,  gig  la  gigue,  la  voiture  légère  qui 
saute  facilement  —  die  Geige  le  violon  sur  lequel  l'ar- 
chet exécute  un  mouvement  de  va  et  vient.  Le  chahut 
est  le  cahot  des  jambes  qu'on  leur  fait  subir  en  les  agi- 
tant avec  violence.  La  chacone,  espèce  de  danse  répond 
c'anc,  kak,  chanceler,  çayk  douter,  balancer  de  l'esprit 
Angl.  toshahe,  Ail.  schaukeln  balancer.  Cequi  ébranle 
agite  ou  son  effet  se  nomme  le  choc.  Au  Centre  on  dit 
coquer  pour  choquer  (Skt.  kaj'  remuer).  Aquiger  veut 
dire  frapper,  lancer  un  coup  de  pied,  Angl.  tokick  ruer. 
Le  chiquant  est  le  marteau  qui  frappe,  qui  aquige  :  de 
\h passer  à  tabac  par  jeu  de  mot  sur  la  chique  rie  tabac 
etjîler  la  pipe  par  une  aggravation  de  l'équivoque. 
Aquiger  sous  la  forme  anglaise  sonne  to  hack  tailler 
avec  la  hachette,  Ail.  hacken  id.  La  chiquenaude  est 
un  petit  coup  sur  le  nez  (naude).  La  hanche  et  les  au- 
tres articulations  emportent  dans  l'esprit  l'idée  d'agen- 
cement, de  coordination: de  là  l'Ail,  schicken  arranger. 
Le  H.  opschik  la  parure,  l'arrangement  dans  la  mise 

(1)  En  Français  les  mots  hanche,  ischion,  agent,  adjacent,  vaciller, 
osciller,  gigot,  aiguille,  (skt  ahi),  acuité,  chanceler,  guingois,  dégin- 
gandé, genou,  angle  (skt  vayka  détour),  aine,  (L.  inguen),  chignon, 
nuque,  ongle,  (skt.  nak'a),  anguille,  ischion,  sciatique  dérivent  tous  de 
la  même  racine  gutturale,  avec  les  métathèses  et  les  accroissement 
phoniques  qu'elle  comporte.  Ajoutons  joindre,  skt  uc',  juste,  jouxte. 


—  18(J  — 

est  l'équivalent  du  Français  le  chic  le  fond  d'élégance 
dansla  façon  de  s'habiller,  de  se  tenir,  de  la  manière  de 
faire,  etc..  La  coche,  Angl.  chink  fente  nous  ramènent 
à  hacher  et  sa  métathèse  xsw  couper,  delà  même  racine 
que  châtrer  (késtron).  —  Avec  le  bal,  la  guinçhe  et 
la  guinguette^  le  bal  de  la  barrière  où  l'on  danse  avec 
force  gigotements  nous  revenons  aux  mouvement  de  la 
hanche  et  du  genou.  Guignolet  le  pantin  qui  danse; 
gance  est  le  mouvement  mesuré,  H.  gang  la  démarche; 
le  cancan  le  gigotement  démesuré  avec  jeu  de  mots  sur 
cancan  cri  du  canard  et  par  extension  racontar,  le  ca- 
nard et  l'oie,  l'autre  chénoïde,  étant  bêtement  loquaces. 
Le  guingois  dénote  quelque  chose  qui  ne  suit  pas  un 
mouvement  normal  :  c'est  le  contraire  de  chic.  Dans  un 
habit  ginguet  il  y  a  un  guingois,  un  faux  pli.  Ginginer 
veut  dire  cligner  des  yeux,  les  lever  et  les  abaisser  conti- 
nuellement. La  g  uigne  est  le  mauvais  œil  qui  ensorcelle 
entre  deux  clignements,  de  paupière: Angl.  towink,A\\, 
winken  cligner.  Le  dégoût  s'exprime  par  ah!  d'où  les 
onomatopées  tioyfioç  laid,  àtoxtfvtj  la  pudeur,  le  sens  du 
laid  qui  nous  arrache  l'exclamation  ah  !  C'est  une  nausée 
se  terminant  dans  un  hoquet  que  l'obscénité,  la  turpi- 
tude produit  en  nous.  V.  au  mot  hoquet,  Angl.  to  keck 
vomir.  Kaxbç  mauvais  est  la  qualité  d'une  chose  qui  nous 
inspire  du  dégoût,  ce  qui  menace  d'amener  un  hoquet. 
Le  gaga  d'où  par  euphémisme  le  gâteux (™z-6ç —  Angl. 
shit,  Ail.  Scheis^),  rappelle  le  son  guttural  qui  a  formé 
canal,  colon,  goulotte,  quique,  Coenum  la  saleté,  in- 
quino  salir,  obscénité  sont  des  mots  formés  d'une  racine 
qui  a  donné  canal,  ganeo  le  glouton,  etc.  Ils  dénotent 


-  190  — 

ce  qui  sort  d'une  gorge,  d'un  canal  quelconque:  le  vo- 
missement (1).  La  laideur,  le  dégoût  se  rencontrent 
dans  les  noms  L.  acco  la  femme  dégoûtante,  Angl. 
uglg  laid,  Ail.  cler  Ekel  le  dégoût,  H.  hekel  aversion 
et  probablement  dans  leL.  œger  malade,  le  dégoût  des 
aliments,  du  jeu,  du  plaisir. 

Nous  allons  aborder  maintenant  un  nouveau  thème 
formé  par  le  fonctionnement  du  gosier  g  qui  lui-même 
entraîne  le  mouvement  des  lèvres  b.  Les  sons  g  et  b 
sont  l'accompagnement  phonique  de  fonctions  variées. 
Ils  sont  donc  inévitables  étant  inhérents  à  l'activité  de 
l'organe.  Nous  trouvons  l'onomatopée  de  celui-ci  dans 
kûpa  —  y.j-y;,  par  prosopopée,  trou  —  scaphus  (2)  le 
creux  de  l'oreille  — goffe  bouche  et  langue,  ^/are  bouche 
et  estomac,  torrent  et  ravin  ou  gorge,  gaviot  bouche  et 
gorge,  deux  endroits  qui  se  font  suite  dans  l'organe,  ja- 
veau  gosier,  guimbarde  porte  par  assimilation  à  la 
bouche  ouverte  ou  fermée,  les  gaffes  les  joues,  le  jabot 
l'estomac,  la  jappe  la  bouche  -  chaps  la  mâchoire,  la 
gueule,  gap  le  gouffre  —  cler  Kiefer  la  mâchoire.  Par 
analogie  le  mufle,  le  nez  s'appelle  le  cep,  It.  cefïo.  La 
mort  est  appelée  la  camarde  avec  m  pour  p  a  cause  de 
sa  jappe  hideuse.  La  camuse  est  la  carpe  à  cause  de  son 
gros  mufle.  Tous  ces  mots  nous  font  entendre  les  onoma- 
topées bouche,  bagou,  etc.,  dans  leur  forme  métathé- 
tique.  Ce  sont,  aussi  bien,  les  mêmes  organes  qui  ont 
formé  les  deux  phonèmes  pendant  l'accomplissement 

(L)  Le  skt  çakan,  leL.  cacare  sont  dans  le  même  cas. 

(2)  L'usage  n'a  pas  appliqué  ce  mot  au  gosier  parce  que  la  nécessité 
d'un  nom  pour  cet  organe  ne  s'est  pas  fait  sentir.  Le  mot  aurait  été 
très-juste  comme  son  et  comme  image. 


—  191  — 

du  même  acte  physique,  avec  cette  différence  que  dans 
l'un  l'action  semble  être  partie  de  la  gorge  et  dans  l'au- 
tre de  la  bouche.  —  Pour  rendre  le  sens  de  manger  le 
langage  nous  montre  la  bouche,  la  gaffe,  le  cep  en  action. 
L'imagination  supplée  le  reste.  La  nourriture  que  l'on 
prend  s'appelle  cibus  L.  mets,  cive  herbe,  d'où  cioard 
pré,  civade  avoine,  en  Esp.  cebada. 

Saisir,  afin  de  mordre,  est  un  acte  du  même  organe  : 
on  n'a  qu'à  le  présenter  comme  verbe,  les  circonstances 
dans  lesquelles  il  est  présenté  disent  le  reste.  De  \$l  hap- 
per, habiner,  Angl.  to  hap,  Ail.  happen  saisir,  mordre 
et  le  chien  qui  happe  le  hobin,  le  hubin  ou  avec  jeu  de 
mois  le  caban,  le  cabot.  La  voix  qui  présage  ce  mou- 
vement a  été  notée  dans  japper  ouvrir  la  jappe.  V.  pp. 
42,  43,  99  du  Traité.  Prendre,  saisir  de  la  bouche  ou 
par  des  instruments  capables  de  la  remplacer,  s'appelle 
paryàpta  apte  —  a-Tco  accrocher  —  apto  adapter,  habeo 
avoir,  tenir,  adipiscor  j'obtiens  —  adapter,  recevoir, 
chiper,  capter 3  chasser,  cage  —  to  hâve  avoir,  to  Ram- 
per retenir  —  haben  avoir.  Lajlanchipe,  la  Jlouchipe 
désignent  la  bouche  en  la  représentant  par  des  balots 
qui  chipent,  qui  happent.  —  L'accrochement  des  mem- 
bres l'un  à  l'autre,,  l'articulation  tirent  leur  nom  de  ce 
thème  :  gamb  jambe,  kamb,  kamp'  aller,  remuer  les 
jambes,  cav,  kap}  kêp,  kup  id.  ,çapa  serment,  çap  pro- 
mettre —  y.6jjigoç  le  nœud  —  copula  la  jonction,  cubitus 
le  coude  —  accouplement,  cubital^  coude,  jambe,  en 
Argot  guibe,  guibole,  guibone  le  membre  accroché  — 
hip  la  hanche  —  die  Hùfte  id.  Faire  marcher  l'articu- 
lation a  donné  le  Skt  gam  aller,  le  Français  gambiller^ 


—  192  — 

gambader,  guiber,  regimber,  l'Angl.  to  gambol  sau- 
tiller et  le  H.  schommelen  osciller,  balancer.  En  rem- 
plaçant le  p  par  le  m  nous  avons  l'articulation  appelée 
omoplate.  Ces  formations  sont  parallèles  à  celles  qui 
ont  pour  thème  l'articulation  nommée  par  le  son  g, 
d'où  gigoter,  etc.  —  La  gavotte  est  une  espèce  de 
danse.  La  guimbarde  doit  son  nom  à  la  baguette  en 
acier  qui  sursaute  sous  la  pression  du  doigt.  Camboler 
veut  dire  broncher,  tomber.  Le  pli,  le  coude  formé  par 
une  conversion  incomplète  de  l'articulation,  se  trouve 
reproduit  dans  les  phonèmes  kûb,  xub'  fléchir,  kam 
s'accroupir,  se  reposer  —  /.à^w  courber  —  scambus 
arqué  des  jambes,  scsevus  gauche  —  cambré,  gibbosité, 
s'esquiver,  s'échapper,  prendre  la  tangente,  faire  un 
coude  pour  s'en  aller,  —  hump  (hunch)  bosse  —  sehief 
en  biais,  en  coude,  die  Gabel  la  fourche.  La  patte  qui 
happe,  qui  agrippe,  comme  le  gosier,  marque  sa  pré- 
sence dans  çapa  l'ongle  du  cheval,  le  sabot  —  c-Xyj  — 
capulus  manche,  poignée  —  sabot  (1),  et  par  attribu- 
tion de  la  propriété  de  l'ongle  cable  qui  retient,  qui  lie 
—  hoqfle  sabot  —  der  Hufid.  —  Saper  incorpore  une 
autre  propriété  de  la  griffe,  celle  de  creuser,  de  fouil- 
ler. Le  s  est  le  sk  ou  se  zézayé. 

Selon  le  livre  des  Juges,  ceux  d'Ephraïm  pronon- 
çaient Sibboleth  au  lieu  de  Chibboleth  (écrire  sh)  tout 
comme  les  Méridionaux.  De  tout  temps  il  arrive  aux 
tribus  et  aux  nations  ce  qui  arrive  chez  les  enfants  des 
mêmes  parents  :  telle  sœur  ne  sait  pas  prononcer  le  k 

.  (1)  Sabot  désigne  le  revêtement  par  le  nom  du  pied,  comme  rlpaton, 
patin  par  celui  de  la  patte,  corset  par  celui  du  corps,  et  en  Wallon 
ventrin  le  tablier,  par  celui  du  ventre. 


—  193  — 

dans  son  enfance  et  met  de  bonne  foi  un  ti  à  la  place. 
La  petite  serre  trop  la  langue  aplatie  contre  le  palais  en 
voulant  produire  du  gosier  le  k  dur,  qui  demande  un 
trop  grand  effort.  C'est  ainsi  qu'au  lieu  de  coucou  elle 
a  dit  tiou-tiou  jusqu'à  ce  qu'avec  un  peu  d'exercice  elle 
s'est  mise  à  parler  comme  les  autres.  Si  le  Méridional 
veut  ramener  un  peu  sa  langue  en  arrière,  le  son  chuin- 
tant viendra  tout  seul  en  même  temps  que  le  sifflement 
doux.  Ce  bégayage  enfantin  des  langues  est  pour  beau- 
coup dans  leur  diversité.  —  Saper  répond  à  avAr^u, 
congénère  de  ;éo>  couper.  Travailler  grossièrement , 
comme  s'il  s'agissait  de  faire  un  sabot,  s'appelle  sabo- 
ter, sabouler.  Un  sabourin  est  un  ouvrier  inhabile. 
Sabouler,  sabouloter,  veulent  dire  donner  une  avalan- 
che de  coups  de  sabot.  Le  sabouleur  est  le  mendiant 
qui  simule  des  attaques  d'épilepsie  en  agitant  les  pieds 
sabotés.  V.  au  mot  digue-digue.  Savate  est  une  va- 
riante de  sabot,  de  même  que  ses  congénères  escqfe  et 
escqfignon,  en  Skt  cap1  a  le  sabot. 

La  main  qui  tient  présente  l'emblème  de  la  garde, 
de  la  protection.  De  là  capâla  le  crâne,  kavaka  le 
champignon.  —  gxétty;  le  toit  —  capsa  la  boîte,  squam- 
ma  écaille  —  échoppe,  squammeux,  capsule,  chapeau, 
champignon,,  chape,  chef,  caboche,  coiffure,  coupe, 
coupole,  cabochon,  caban  —  cap  casquette,  shop  bou- 
tique, échoppe,  heaven  le  ciel,  la  calotte  des  cieux  — 
der  Schoppen  l'échoppe,  die  Schuppe  la  squamme, 
l'écaillé,  das  Haupt  le  crâne,  la  tête  (1).  La  maison, 

(1)  Au  Centre  cive,  cicot,  ciboule  veulent  dire  la  tête  d'ognon,  d'où 
cipollata  —  l'Ail.  Zwiebel  ognon,  H.  siepel. 

13 


—  194  - 

l'abri,  se  traduisent  par  cambuse^  cambriau,  le  cabou- 
lot,  cambriole  la  chambre.  Le  cambrioleur  truque  les 
cambrouses,  fait  rafle  des  objets  qu'il  trouve  sous  la 
main.  Les  mots  kûpa  rocher  —  «ixéiceXeç  —  scopulus  — 
êcueilf  cap  représentent  une  éminence,  une  hauteur 
assimilée  à  la  tête,  au  crâne  :  Y.zyi\r,  caput  —  chef — 
cape  le  cap  —  die  Kuppe  la  cime.  Le  mot  caisse,  en 
Latin  capsa,  a  donné  par  jeu  de  mots  sur  casque  (V. 
ce  mot),  le  verbe  casquer  payer,  sortir  de  la  caisse.  — 
Etre  coiffé  de  quelque  chose  équivaut  à  :  en  avoir  la 
toquade  (la  toque,  V.  ce  mot).  L'expression  repose  sur 
une  équivoque,  de  même  que  avoir  le  casque,  ressentir 
un  engouement  passager,  toque,  casque  et  casquette 
étant  synonymes. 

Avaler,  gober,  se  gaver,  nous  montrent  une  autre 
activité  du  gosier  :  Skt  c'am  manger,  boire  —  za^Tw  je 
mange  avidement  —  cibus  la  nourriture  —  gober  ava- 
ler, et  au  moral  aimer  —  to  quqff  boire  —  kâuen  en 
H.  kaauwen  mâcher,  l'acte  du  Kiefer  la  mâchoire.  Le 
goinfre  et  le  gouffier  sont  des  gloutons.  Gobsec  (qui 
avale  sec)  est  un  personnage  (de  Balzac)  usurier  et  ladre  : 
car  comment  donnera  «  qui  lèche  son  couteau  »  dit 
une  poésie  du  moyen-âge.  —  Dêgobiller  marque  le 
gosier  qui  rejette  au  dehors  les  aliments  que  l'estomac 
refuse.  A  cause  de  la  ressemblance  de  goupillon  avec 
gober,  gobiller  et  dêgobiller,  ce  dernier  a  été  remplacé 
par  renarder.  Entre  ces  deux,  la  liaison  doit  être  éta- 
blie en  intercalant  un  troisième  terme  :  le  goupillon,  la 
queue  de  renard  qui  nous  suggère  le  mot  renard,  vul- 
pes-,  vulpilis  (cauda),  en  Français  goupil ,  goupillon  , 


—  195  — 

Le  gosier  parle  quand  nous  lui  faisons  répéter  sciem- 
ment, à  l'usage  de  l'auditeur,  les  sons  qui  ont  répondu 
au  mouvement  de  notre  âme  ou  qui  se  forment  à  la 
suite  du  fonctionnement  de  notre  organisme.  Ces  deux 
catégories  de  sons  constituent  le  fond,  c'est-à-dire  les 
racines  primaires  des  mots  que  nous  souffle  notre  pro- 
pre nature.  Il  reproduit  également  les  cris  des  animaux 
et  les  rumeurs  que  font  entendre  les  corps  inertes 
quand  une  réaction  quelconque  secoue  leur  torpeur. 
Ces  deux  nouvelles  catégories  forment  les  thèmes  pri- 
maires des  onomatopées  dont  l'origine  est  en  dehors  de 
nous.  Il  est  inévitable  que  les  sons  extérieurs  contrac- 
tent, en  passant  dans  notre  bouche,  quelque  chose 
d'humain  et  que  notre  conception  des  êtres  et  des 
activités  qu'ils  nomment  en  subit  le  contre-coup,  c'est 
à  dire  que  nous  nous  faisons,  de  ce  qui  nous  entoure 
dans  la  création,  une  opinion  d'après  nous-mêmes. 
Toutes  les  impressions  reçues  ainsi  et  conservées  dans 
notre  mémoire  avec  leur  son  se  renouvellent  en  nous- 
mêmes  et  chez  l'auditeur  quand  nous  les  répétons  par 
leurs  onomatopées,  c'est-à-dire  leur  essence  exprimée 
par  le  son.  Avec  l'onomatopée,  incorporation  vivante 
des  objets  de  notre  expérience,  la  pensée  compose  les 
expressions  qui  en  contiennent  une  synthèse  quelcon- 
que sous  la  forme  de  collectifs,  termes  abstraits,  etc. 
Tout  ce  matériel  du  langage  se  réunit  dans  un  mot 
marquant  tout  ce  que  la  bouche  peut  proférer  :  Skt 
çabd  dire,  çub  parler,  jap  parler  bas.  A  ce  thème  se 
rattachent  les  onomatopées  javoter  parler,  lejauwd  le 
causeur,  du  jobelin  du  potin ,  cabasser  et  capir  parler, 


—  196  — 

comberger  confesser,  gomberger  narrer,  la  comberge 
le  confessionnal,  le  cabot,  le  cabotin  l'acteur.  Les  voci- 
férations, les  cris  tumultueux  trouvent  leur  expression 
dans  chamberder  faire  du  chambard  ou  du  chamber- 
dage  et  avec  jeu  de  mots  faire  du  chabanais.  Le  Skt 
cumb  dénote  la  bouche  qui  donne  le  beccot.  Ce  mot  en 
est  la  métathèse.  — La  gave  s'ouvre  (Skt  y 'ab\j'amb') 
pour  saisir  en  quelque  sorte  ce  que  les  yeux  voient  : 
elle  fait  le  simulacre  d'appréhender  afin  de  compren- 
dre. La  bouche  qui  s'ouvre  est  l'emblème  de  l'esprit 
qui  apprend,  comprend,  saisit  sous  une  forme  maté- 
rielle et  physique,  la  seule  capable  de  donner  un  son  à 
l'idée.  De  là  que  l'admiration,  l'émerveillement  s'ex- 
priment par  s'équaffer,  ce  qui  est  beau,  pshutt  par 
sgoff.  De  là  encore  comberger  calculer,  méditer,  caveo 
je  suis  sur  mes  gardes,  j'ai  en  suspicion,  gaffer  les  mi- 
rettes  ouvrir  les  yeux  et  tout  uniment  gaffer,  gqffiner 
observer,  gaffeur  gardien  de  la  paix,  avec  jeu  de  mots 
cabestan  (H.  kaapstander  cabestan  et  fanal).  Javert  le 
personnage  créé  par  V.  Hugo  est  une  variante  de  gaf- 
feur. Faire  gaffe  veut  dire  faire  attention  :  une  gaffe 
par  ironie  est  une  bévue.  L'argotier  et  le  Skt  s'expri- 
ment de  la  même  façon  :  celui-ci  a  ç am  regarder.  Le 
gobilleur  est  le  juge  d'instruction  qui  reconnaît,  qui 
voit.  Le  gavroche  doit  son  nom  à  son  attention  d'en- 
fant, à  sa  curiosité  inépuisable  qu'il  peut  satisfaire  de 
mille  façons  dans  sa  grande  ville  natale.  C'est  le  mot 
gaffeur  ou  gaffre  avec  la  terminaison  péjorative  occio, 
uccio.   Le  gobet,   le   guappeur    désignent  le  rôdeur 
qui  guette  la  mangeaille,  la  boisson  (xwjjipç  le  festin). 


—  197  - 

La  guappe  est  la  corporation  des  guappeurs  ou  goi- 
peurs.  (1).  Par  jeu  de  mots  sur  giberne,  goiper  devient 
gibernev.  —  Par  prosopopée  l'observation  se  trouve 
transportée  de  l'œil  à  d'autres  objets.  Ainsi  ont  été 
formés  kup,  çub*  briller,  k'éo  considérer,  respecter, 
honorer —  wcéicxoixat  je  regarde  —  scepticus  —  scepti- 
que—  to  show  montrer —  schauen  contempler,  die 
Rundschau  la  revue  —  Esp.  gaffa  la  lunette,  ainsi  que 
les  mots  cabonde,  cabonte  participes  présents,  camom- 
ble,  calbombe,  et  camoufle.  C'est  la  lumière  qui  fait 
office  d'œil,  qui  comme  lui  éclaire,  éclaircit,  observe. 
D'une  façon  analogue  le  gaffeur  l'agent  de  police  qui 
observe  les  allées  et  venues  du  malfaiteur  est  appelé  le 
lampion.  La  giberne  est  la  cage,  la  boîte,  V.  au  mot 
caisse,  La  camoufle  veut  dire  aussi  le  visage  (gueule) 
et  camoufle r  observer.  Le  camouflet  est  un  tuyau  de 
papier  qu'on  allume  par  un  bout  pour  en  souffler  la 
fumée  dans  le  nez  de  quelqu'un  qui  dort.  Ainsi  fait,  il 
ressemble  à  la  chandelle.  Souffler  au  nez  d'une  per- 
sonne la  fumée  d'une  chandelle  ou  d'un  cigare  est  un 
acte  de  mépris.  De  là  le  sens  d'affront  qu'on  attribue  à 
ce  mot.  La  camoufle  (terminaison  upola)  veut  dire 
aussi  le  masque,  le  faux  visage.  C'est  la  métathèse  des 
racines  congénères  de  masque  et  de  moqueur,  V.  ces 
mots.  Camoufler  veut  dire  sophistiquer,  donner  une 
fausse  apparence.  Le  Skt  kape,  en  G.  v.f^oc,  désignent 
le  singe  par  sa  camoufle.  Donner  une  fausse  apparence, 
camoufler,  se  traduit  par  c'ap  tromper  —  cnub-rcte»)  se 

(1)  11  porte  aussi  le  nom  de  gouillou  (gueule)  de  gouspin  et  gous- 
sepain,  celui  dont  la  gueule  demande  le  pain.  Gouspiner  veut  dire 
badauder,  jaspiner  dire  oui. 


—  198  — 

moquer  —  ccwillor  id. ,  Gabba  nom  transparent  du  fou 
de  Tibère  —  se  goberger  se  moquer,  se  gaber  id.,  des 
gabes,  de  la  gabatine  la  moquerie  (Skt  kapata  fraude) 

—  to  scoff  se  moquer,  to  make  game  of  se  jouer  de, 
plaisanter  —  der  Gimpel  le  gogo,  le  jobard.  La  gabegie 
est  la  duperie.  Prendre  son  café  est  par  jeu  de  mots  se 
gaber,  se  moquer,  à  cause  de  la  consonnance  de  ce  der- 
nier avec  moka,  la  fève  de  l'Yémen.  —  Le  gogo  s'ap- 
pelle par  une  variante  Job  et  Jobard.  Battre  Job  ainsi 
que  les  verbes  jobarder  et  chaparder  veulent  dire  se 
moquer  du  gogo.  V.  au  mot  battre.  En  Normand  battre 
Job  veut  dire  flâner,  c'est-à-dire  battre  le  pavé  en  Job, 
en  gaffeur,  en  badaud.  Jaspard,  au  contraire,  est  l'ob- 
servateur intelligent,  celui  qui  est  capable  de  tromper 
les  autres.  Gaspard  est  le  Normand  qui  observe  bien, 
qui  est  finaud. 

En  nous  imaginant  la  figure  (la  gaffe)  comme  laide, 
nous  nous  expliquons  le  sens  de  goffe  ridicule,,  mal  fait 
et  de  gaupe  femme  laide  et  ridicule.  Les  désirs  du 
cœur  s'expriment  par  le  nom  du  gosier  qui  saisit  :  Skt 
kam  désirer,  être  cupide.  Le  g  avion  ouvert  pour  pren- 
dre haleine  ou  laisser  échapper  les  ahan,  les  ah  de  la 
fatigue  et  de  l'essoufflement  se  retrouve  dans  le  sens 
des  onomatopées  xà^vw  être  fatigué,  *z~\ôuù  peiner  — 
gemo  -  gémir  —  to  gape  bâiller,  to  gasp  être  essoufflé 

—  der  Kummer  le  gémissement,  la  peine.  —  A  ces 
onomatopées  s'attache  le  mot  geindre,  le  mitron  (1)  qui 
manie  la  lourde  masse  de  la  pâte  et  geint  chaque  fois 

(1)  Celui  qui  mélange  la  pâte.  V.  au  mot  mêler. 


199 


qu'il  la  laisse  retomber  après  l'avoir  péniblement  sou- 
levée. C'est  l'air  accumulé  et  retenu  pendant  l'effort 
qui  s'échappe,  en  gémissant,  quand  le  soulagement 
arrive.  Geindre  est  le  clamor  concomitans  du  métier, 
exprimé,  non  par  le  soupir  spécial  qui  est  s!  mais  par 
un  mot  qui  désigne  le  gémissement  en  général.  C'est 
pour  cela  qu'il  est  devenu  le  nom  de  l'agent  qui  le  pro- 
duit. Le  marin  qui  haie  la  corde,  le  campagnard  qui 
enfonce  le  pieu,  le  forgeron  qui  bat  le  fer  ont  un  cri  de 
soulagement  après  l'effort.  C'est  ainsi  que  s'est  formé 
ahaner  auquel  répond  le  mot  Grec  angaros  l'homme 
de  peine.  La  métathèse  de  gemo  est  [j^îm  avoir  de  la 
peine,  soupirer  —  mugio  —  mugio  —  Ail.  die  Mûhe 
la  peine —  H.  moeite  id.  Al),  gm,  mg  sont  trois  cla- 
meurs concomitantes  d'actes  spéciaux,  trois  sons  signa- 
lant un  événement.  Clamor  concomitans  est  un  nom 
savant  pour  ce  qui  signifie  essentiellement  thème  pri- 
maire, le  son  devenu  nom  de  ce  qui  sonne  et  formant 
la  racine  des  onomatopées.  Tous  les  thèmes  primaires 
sont  des  clameurs  concomitantes  :  leur  orthographe  en 
est  la  reproduction  notée.  Grâce  à  cette  reproduction 
orthographique,  nous  sommes  à  même  de  les  rappro- 
cher de  leurs  prototypes  dans  la  nature  et  de  les  identi- 
fier avec  eux.  Le  thème  primaire  a  un  sens,  indéfini,  il 
est  vrai,  comme  un  verbe  à  l'infinitif,  mais  il  y  a  un 
sens.  Il  consiste  dans  la  notion  spontanée  (subjective) 
ou  acquise  par  l'observation  (objective)  de  ce  qui  se 
passe  au  dedans  ou  au  dehors  de  nous  quand  l'événe- 
ment et  le  son  se  produisent.  Une  clameur  est  conco- 
mitante à  un  acte  pour  que  l'acte  s'explique  par  elle  ; 


—  200  - 

elle  est  pour  l'oreille  l'acte  même  et  pour  l'esprit  la 
résurrection  du  fait. 

Au  Centre  la  tige,  les  côtes  s'appellent  jebiche  ou  che- 
biche  mots  auxquels  répondent  axr^Tpcv  —  sceptrum, 
cippus,  scipio  le  bâton  —  sceptre,  cippe,  chevron  — 
shqft  tige  —  der  Schaft  le  bois,  façonné  —  H.  Keper 
le  chevron  façonné  à  la  hache,  Angl.  to  chop,  couper, 
hacher.  V.  Traité  p.  99  et  dans  ce  livre  au  mot  saper. 
De  là  lacibige  et  la  chibichelz,  cigarette,  le  tabac  qu'on 
vend  ayant  parfois  trop  de  côtes.  Le  mot  cive  en  H. 
kip  poule  est  formé  sur  le  mot  chapon,  le  coq  coupé  V. 
Traité  p.  99.  Donner  des  coups  de  cible  veut  dire  donner 
des  coups  de  pied  dans  la  cibleplacéeaubasdudos:  AU. 
die  Scheibe  —  H.  schijf  disque,  plaque  à  proprement 
parler  tranche,  de  la  même  racineque  couper.  Cestmoi 
qui  écope  veut  dire  :  c'est  moi  qui  paie  les  cibles,  les 
ronds,  en  H.  schijven  les  ronds.  —  Le  sabre,  1t.  scia- 
bola,  Ail.  derSâbel.  le  couteau  qui  sert  de  hache  à  servi 
de  thème  aux  mots  sabreur,  sabrenas,  sabrenat  le  sa- 
vetier, le  mauvais  ouvrier,  le  sabotier;  à  sabrenasser, 
sabrenauder  travailler  mal,  saboter,  V.  ce  mot.  Le  sabre 
d'abattis  est  le  couteau  en  forme  de  sabre  avec  lequel 
on  se  fraie  un  chemin  dans  les  taillis.  Chapuiser  veut 
dire  donner  certaine  forme  en  taillant:  Skt.  çip  être 
raboté,  Angl.  to  shave  raser,  AU.  schaben  et  hobeln  ra- 
boter. Escoffîer  veut  dire  tuer  à  coups  de  hache,  de 
couteau. 

Le  r  guttural  imprime  à  la  glotte  d'abord,  à  la  langue 
en  suite  une  vibration  qui,  au  bout  de  ce  dernier  organe 
se  transforme  en  l. 


—  201  — 

Il  y  a  des  personnes  qui  pour  une  cause  quelconque 
ne  font  pas  vibrer  la  glotte  et  passent  directement  au 
son  /.  Pour  cela  nous  trouvons  ces  lettres  confondues 
dans  l'orthographe  du  même  mot  comme  dans  à^ély^ 
et  à;j.Éypw  traire  (H.  melken),  calupto  et  krupto  cacher, 
colonos  et  corone  cime  —  scribo  et  glubo,gurgulto  ré- 
duplication de  gula  gueule —  clampeet  crampe,  hurler 
et  ululer,  glouteron  et  carde.  —  H.  rieken  et  luchten 
sentir.  Cet  échange  se  présente  plus  souvent  dans  les 
mots  appartenant  à  des  langues  différentes,  l'uniformité 
étant  plus  difficile  à  établir  :  gargouille  H.  hais,  en  L. 
vollum  et  gula  —  àp-cq  et  altus  haut  —  vJ.ppoç  et  le  H. 
geel,  en  L.  gilvus  jaune  — calebasse  et  le  L.  cucurbita. 
Mais  dans  la  plupart  des  cas  les  permutations  de  lettres 
qui  se  présentent  dans  les  mots  appartenant  à  des  lan- 
gues diverses  se  produisent  aussi  dans  chacune  prise 
isolémentà  raison  delà  facilité  même  avec  laquelle  l'or- 
gane humain  passe  d'une  lettre  à  sa  voisine.  Il  y  a  plu- 
sieurs dialectes  dans  la  même  langue,  comme  il  y  a 
plusieurs  façons  de  prononcer  chez  les  enfants  d'une 
même  famille  et,  dans  l'ordre  moral,  plusieurs  caractères; 
dans  le  même  homme  il  y  a  des  natures  diverses  :  la 
philosophie,  à  tort  ou  à  raison,  en  a  établi  deux,  l'une 
qui  entraîne  au  bien  et  l'autre  au  mal,  l'esprit  de  dé- 
voûment  et  l'egoïsme. 

Nous  pouvons  tous  nous  en  convaincre,  dans  notre 
organe  le  g  provoque  soit  un  g  soit  un  r.  Cet  r  se  tras- 
formant  en  /,  c'est  le  son  radical  ou  thématique  ainsi 
obtenu  qui  va  nous  occuper  d'abord,  afin  de  suivre 
l'ordre  alphabétique.  L'organe  qui  émet  le  son  se  pré- 


—  202  — 

sente  sous  la  forme  gola —  yw/^àletrou,  la  grotte  pro- 
sopopée  de  gueule  —  gula  gueule  —  gargouille  — 
halse  (Chaucer)  cou  —  der  Hais  le  cou  et  sa  variante 
die  Kehle  le  gosier.  Par  analogie  le  gueulard,,  la  gueu- 
larcle  désigne  le  sac  qui  bâille,  comme  gousset  sac  de 
gilet  et  la  paraphase  la  creuse  ou  la  profonde,  en  Grec 
vwXsqç  sac  —  culeus  id.  et  par  extension  yô\yZiz  les  in- 
testins {la  goulotte).  V.  Traité  p.  58.  Le  cri  de  cet  or- 
gane se  manifeste  par  le  Skt  çûl  crier,  kali  querelle.,  en 
H.  kwelen  chanter,  Skt.  kêl  chanson. 

En  Argot  chialer  veut  dire  crier,  au  Centre  pleur- 
nicher. Galouser  signifie  chanter  ;  il  est  formé  de  la 
même  racine  que  gallus  coq,  en  Skt.  kalâvika.  En 
Skt.  le  courlis  s'appelle  kalika.  A  l'Ail,  klingen  sonner 
se  rattache  le  clec  la  monnaie.  —  Le  gosier  soufflant, 
haletant  donne  haloter  avoir  la  respiration  fréquente  et 
halot  soufflet. 

Le  gosier  qui  s'ouvre  tout  seul  dans  l'étonnement 
comme  s'il  voulait  saisir  l'objet  qui  frappe,  donne  s'ê- 
quoler  analogue ks'équaffer  admirer.  Le  souffle  embrasé 
du  gosier,  le  halot  ardent  se  retrouve  dans  yjX'.o;  le  soleil 

—  sol  —  soleil,  haie,  halo  —  sun  soleil,  summerYètè 

—  Suéd.  sol.  La  couleur  feu,  or  ou  jaune  en  dérive  son 
nom  :  hirana  or,  ¥aru  blanc  —  x4Xoç  beau  —  clarus 
clair  —  clarté  —  clear  —  klar,  de  même  que  le  cuivre 
XoXxeç  et  l'or,  en  Angl.  et  Ail.  gold  et  das  Geld  Ail. 
l'argent,  la  monnaie,  les  jaunets.  Le  jaune  s'appelle  en 
L.  gilvus  —  jaune  —  yellow  —  gelb.  Le  noir,  la 
nuance  la  plus  foncée  de  la  couleur  feu  s'appelle  kâlos 
noir,  xéXatvo;.  La  guette,  la  gaite,  la  gueltouse  est  l'or* 


-  203  — 

l'argent,  la  monnaie  bénéficiaire  sur  les  ventes  faites 
par  les  commis.  Le  jalo  est  l'ouvrier  qui  travaille  le 
cuivre,  le  métal  jaune  ;  le  galuche,  le  galon,  le  passe- 
ment d'or.  L'ancien  Français  a  galandé  avec  le  sens  de 
orné,  en  Provençal  agalhar  embellir.  V.  Traité  p.  52.  Le 
1ml e  du  soleil,  en  Grer  ï\rt  auquel  répond  le  Suéd.  eld 
le  feu  permute  avec  crsXaç  la  splendeur.  Le  s  prend  sou- 
vent la  place  de  l'aspiration  sifflante  c.  "HXwç  permute 
avec  cdp  soleil,  en  tenant  compte  du  changement  de  l  en 
r.  Ce  mot  se  retrouve  avec  une  légère  variante  dans 
rjpi'Çb)  souffler  en  général  sans  idée  de  chaleur.  Le  sens 
de  brûler  par  un  souffle  ardent  se  présente  dans  sru  des- 
sécher, swar  briller  —  jeCpo  brûler  —  sera  la  brune  — 
le  soir,  saur  séché,  fumé,  roussi  —  to  sear  brûler, 
havir  —  schwars  noir,  couleur  de  brûlé  —  Suéd.  sort 
noir.  Le  soir,  le  commencement  de  la  nuit  sombre  dé- 
rive de  seiro  brûler  comme  brune  de  brûler,  V.  ce  mot 
et  consulter  le  Traité  pp.  128  et  133.  L'Argot  appelle  la 
nuit  très-savamment  la  sorne  et  la  sorgue.  Du  mot 
sorne  brune,  nuit  on  a  fait  le  verbe  sorniller  brunir  et 
comme  brunir  signifie  donner  del'éclat,  ce  nom  devient 
synonyme  de  donner  un  savon,  laver  les  oreilles.  Le 
soulier  astiqué  est  le  sorlot.  Lesartanier  est  le  membre 
de  la  sartane,  la  poêle  à  frire,  en  Latin  sartago.  Le 
sérieux  caractérise  une  figure,  une  parole  sèche.  Le  si- 
roco  est  le  vent  sec  rappelant  le  Skt.  sûrx  dessécher  — 
Sirius  est  l'astre  de  la  canicule.  Les  Syrtes  doivent  leur 
nom  à  leurs  bas-fonds  qui  sont  presque  à  sec.  Dans  le 
Limbourg  les  bancs  dans  la  Meuse  s'appellent  Droogen, 
Syrtes,  endroits  secs  (taris).  Le  blé  sarrasin  est  noir 


—  204  - 

comme  ceux  qui  portent  le  nom  du  qualificatif.  Le 
temps  serein  est  caractérisé  par  l'absence  d'humidité,  en 
Latin  serenus,  delà  même  origine  que  ÇiqpaÉvw  dessécher, 
mot  qui  a  le  x  pour  le  s.  Le  mot  Français  sournois  dé- 
signe le  rêveur  mélancolique,  couleur  du  soir,  ou  sorne 
et  ensuite  qui  cache  ses  intentions,  qui  médite  le  mal 
en  silence.  Il  y  a  donc  eu  un  temps  ou  sorne  était  de 
du  bon  style. 

La  chaleur  s'exprime  par  c'ûl,  c'ur  brûler  —  %kidvtù 
—  caleo  —  avoir  chaud  —  to  glow  —  gluhen. 

Que  le  lecteur  veuille  bien  prendre  note  que  si  le  thème 
qui  nous  occupe  se  trouve  accompagné  d'une  gutturale 
finale  g,  ch,  ng,  nch  c'est  que  dans  leur  prononciation 
le  g  initial  et  le  r  (ou  l)  qui  le  suit  ont  entraîné  ces 
lettres.  Ce  g  et  cet  r  ont  été  entraînés  eux-mêmes  par 
la  prononciation  gutturale  des  voyelles.  Si  gl  est  suivi 
d'un  t  ou  d'un  s  ceux-ci  ont  été  déterminés  par  la  vi- 
bration de  la  langue  qui  produit  le  son  t  ou  sa  forme 
adoucie  s  lorsqu'elle  touche  le  palais.  Quandil  se  trouve 
une  labiale  à  la  fin  on  peut  admettre  que  c'est  le  r  (ou  sa 
variante  /)  venant  après  le  g  qui  a  entraîné  celui-ci  de 
sorte  qu'on  peut  considérer  ces  nouveaux  thèmes  comme 
équivalents  de  ceux  qui  se  composent  der6,  rp  avec  une 
voyelle,  thèmes  dont  nous  avons  expliqué  la  genèse  en 
traitant  du  rynchus.  Ces  explications  ont  été  motivées 
par  le  mot  clec  à  cause  de  son  c  final.  En  effet,  en  di- 
sant de,  le  cl  qui  permute  avec  cr  (claquer,  craquer), 
même  le  e  voyelle  etàplus  forte  raison  cl  et  e  combinés 
sont  capables  d'entraîner  dans  la  prononciation  lec  dur 
de  la  fin.  Le  c  dur  final  peut  à  son  tour  s'associer  un  n 


—  205  — 

en  forçant  la  langue  raidie  à  toucher  le  palais,  ce  qui 
produit  le  n,  d'où  le  Latin  clango,  Angl.  to  cling,  Ail. 
klingen.  —  La  gorge  secouée  par  l'effet  d'une  joyeuse 
surprise  éclate  en  sons  spasmodiques  qui  représentent 
le  rire  ou  plutôt  la  gorge  (gueule)  en  activité  :  Skt. 
hlâd  se  réjouir  —  ytkita  je  ris  —  Jtilaris  (1)  —  hilarité 

—  g ail lard 'joyeux  compère  — yule  le  cri  de  Noël,  Noël 
glee  la  joie,  glad  joyeux  —  geil  lascif  —  H.jool  joie  — 
Suéd.  galen  fou.  La  galleure,  la  galloise  sont  les  noms 
de  la  femme  agréable. 

La  moquerie,  le  sens  de  tromper  par  l'apparence,  par 
le  masque  (la  gueule),  par  la  grimace  a  donné  kala  la 
fraude  en  Skt,  l'Angl.  to  gull,  H.  kullen.  Peut  être  ces 
mots  veulent-ils  dire  simplement  se  rire  de,  V.  hilarité. 

—  Le  gosier  mangeant  a  donné  le  Skt  gai  manger  — 
la  goûtée,  engouler,  engoulevent,  Angl.  to  swallow 
engloutir,  Ail.  schwelgen  id.;  H.  Italien  engouler.  Dé- 
goûtant se  dit  dègueulboche.  —  La  main  faisant  dans 
la  préhension  l'office  de  la  gueule  a  reçu  son  nom:  yv^ 
griffe ,  variante  naturelle  de  rt as;  clou  et  de  %e(p  main, 
par  métathèse  p^t'i;  les  ongles.  De  là  que  l'idée  de  agrip- 
per, de  saisir  avec  les  griffes  ou  ses  auxiliaires  se  rend 
par  kul,  lui  lier,  faire  office  de  clampe  —  y.sAAaw  coller 

—  glus  colle,  gluten  la  matière  gélatineuse,  le  gluten, 
glutino  coller,  glacies  la  glace  qui  fait  coller,  gelu  la 
la  gelée  —  la  glu,  la  colle,  la  glèbe,  globe,  aggloméra- 
tion, cliché] —  clay  argile,  to  cleave  coller,  to  cling  s'at- 
tacher à  —  hleben  coller,  der  Kleister  la  papette.  La 


(i) 

le  h 


C'est  la  voyelle  initiale  prononcée  gutturalement  qui  entraîne 


-  206  - 

c lampe  qui  attache  a  une  variante  dans  clavin  la 
grappe  et  dans  clavigne  ou  calvigne  mots  composés  de 
clou  et  de  vigne.  La  clampe  servant  de  croc  et  d'ongle 
et  par  extension  de  grattoir  se  retrouve  dans  le  mot  ea- 
labre  pour  grattelle,  la  gale,  variante  de  ce  mot.  La 
clanche  variante  de  clampe  se  retrouve  avec  un  sens 
verbal  dans  les  mots  Anglais  to  cling  s'attacher,  to 
clench  fermer  le  poing,  dans  l'Ail,  die  Klinke  la  che- 
villette.  Nous  le  retrouvons  également  dans  clic  et  dé- 
clic, dans  déglinguer  décrocher,  variante  de  dégringo- 
ler se  décrocher.  La  clampe  organe  s'appelle  çrone  — 
xXoviç  —  clunis  la  hanche,  la  cuisse.  Déglinguer  que 
nous  venons  de  voir  signifie  aussi  avoir  une  démarche 
déhanchée,  lochante,  claudicante  (1),  en  Ail.  schlen- 
kern  locher.  Der  Schlingel  est  le  dégingandé.  -Pousser 
une  colle  dans  un  examen  veut  dire  attraper  le  candidat 
comme  à  une  glu.  On  est  décollé  quand  on  perd  sa  place, 
son  crédit.  —  Le  gosier  s'appelle  dans  le  Centre  où  la 
langue  Française  est  si  riche  la  cloquette,  sans  doute 
en  souvenir  du  son  glou-glou  qui  éclate  dans  le  goulot 
d'une  bouteille.  Le  H.  a  le  mot  kolk  variante  de  golfe 
le  gouffre.  Le  goulot _,  la  goulotte,  en  Skt  k'alla,  s'ap- 
pelait à  Rome  cloaca,  le  cloaque,  en  Angl.  slough  le 
marais,  par  prosopopée,  Ail.  die  Schlinge  la  lamie  (V. 
ce  mot),  der  Schlauchle  gosier,  le  gouffre,  verschlingen 
engloutir.  De  là  répandre  une  mauvaise  odeur,  ouvrir 
le  cloaque  chelinger  ou  chlinguer  sentir  mauvais.  Le  H. 
slokken,  slikken  engouler  se  retrouvent  dans  un  verre 
de  schnick  een  slokje. 

(1)  Attacher,  fermer  d'une  façon  quelconque  s'appelle  xXôsto  je  ferme 
—  claudo,  id.—  clore  —  sluice  l'écluse—  der  Schlùssel  la  clef. 


—  207  — 

Pour  manger  il  faut  actionner  le  gosier  :  de  là  cla- 
quer avec  jeu  de  mots  pour  engouler.  Le  gosier  qui 
agit  en  proférant  le  son  et  la  parole  se  reproduit  dans 
çulk,  rwal/i,  çlôk  parler.  La  poule  glousse,  en  H. 
klokt  :  c'est  le  cri  de  son  gosier.  Le  cri  d'un  objet  qui 
se  brise  retentit  dans  l'onomatopée  claquer,,  calancher 
qui  a  le  sens  de  mourir.  Le  gilquin  est  une  claque, 
grâce  à  un  jeu  de  mots  sur  le  dimunitif  de  Gilles.  Le 
Skt  kléç  veut  dire  blesser  :  il  incorpore  le  son  d'un 
coup  qui  fait  claquer  ou  craquer  l'objet  atteint.  Ce  son 
forme  également  le  thème  de  l'Angl.  to  clash  heurter, 
en  Ail.  schlagen  frapper,  d'où  la  schlague  les  coups, 
le  châtiement.  Celui  qui  observe  bien,  celui  qui  ouvre 
les  yeux  et  la  cloquette  devient  ce  que  TAU.  appelle 
klug  malin.  Le  H.  kloek  veut  dire,  par  extension,  cou- 
rageux. La  fausse  apparence,  le  masque  joyeux  a  donné 
le  mot  H.  klucht.  Nous  avons  avec  la  labiale  un  nom 
pour  le  gosier  :  le  galoubet  par  association  du  sens  de 
ce  mot  avec  celui  de  siffle  ou  sifflet,  surnom  du  gosier. 
Galoubet  s'aligne  avec  %&k*oç  le  sein  —  colpos  le  colos- 
tre  et  par  prosopopée  —  golfe  —  gulf—  der  Golf  Le 
galoubet  se  mettant  en  train  de  manger  nous  fournit, 
pour  exprimer  ce  sens,  le  mot  clebjer.  Le  galfâtre  est 
le  goulu  comme  le  g alioufard,  nommé  au  Centre  ga- 
laffre  et  goulipard,  en  Anjou  goulipate. 

Engouler  se  traduit  en  Suéd.  ghtffa.  En  parlant,  le 
gosier  se  fait  connaître  dans  une  nouvelle  activité  par 
les  mots  galp,  jalp  dire,  klap,  hlap^  lap  parler.  Le 
galop  est  par  jeu  de  mots  la  réprimande;  par  jeu  de 
mots  également,  galvauder  veut  dire  réprimander  avec 


—  208  — 

aigreur.  Les  bruits  de  la  nature  inerte  ayant  été  assi- 
milés à  des  cris  analogues  à  ceux  que  profère  notre 
gosier  quand  nous  sommes  secoués,  battus,  blessés,  il 
s'en  est  suivi  que  la  voix  a  été  appelée  clipet  (1)  et 
qu'en  Wallon  la  langue  s'appelle  clapette,  congénère 
avec  les  mots  Angl.  clap  coup,  AIL  klopfen  battre,  H. 
Map  coup,  kloppen  frapper,  klepel  battant  de  cloche, 
klepper  le  cheval  qui  frappe  la  terre  du  mouvement 
cadencé  de  ses  sabots.  Le  Latin  sclopus,  It.  achtoppo 
par  le  changement  habituel  de  /  en  i  a  donné  le  Fran- 
çais escopette  avec  perte  de  l  ou  i.  Ce  mot  exprime  un 
engin  qui  donne  un  éclatement,  qui  produit  un  coup. 
Les  mots  Angl.  to  clepe  nommer  et  H.  klappen  et 
klikken  (cloquette)  rapporter,  ne  diffèrent  pas  du  nom 
du  coup  clap. 

En  Hébreux  le  nom  du  chien  est  celeb,  en  Arabe  kelp. 
Selon  la  Bible,  Dieu  fit  venir  les  animaux  devant  Adam 
pour  qu'il  leur  donnât  un  nom.  Celui  de  Celeb  paraît 
avoir  été  donné  d'après  le  même  principe  que  tant 
d'autres.  C'est,  si  nous  pouvons  en  croire  la  correspon- 
dance des  mots,  le  nom  de  la  gueule,  du  galoubet  dont 
la  genèse  a  été  expliquée  plus  haut,  présenté  comme 
verbe  avec  le  sens  de  aboyer.  Le  son  kelp  signifie 
gueule  qui  aboie,  comme  cabot  et  hubin  veulent  dire 
gueule  qui  happe  et  jappe  en  même  temps,  comme 
chien  signifie  gueule  qui  s'ouvre  en  disant  houn, 
comme  bayafe  veut  dire  bouche  qui  aboie,  aboyeur. 
Le  chien  aurait  pu  être  appelé  basser,  baffer  d'après 
les  racines  primaires  bas  et  baf  reproduisant  pour 

(1)  Clapper  veut  dire  faire  claquer  la  langue. 


—  209  - 

l'oreille  Hollandaise  le  bruit  de  l'aboiement.  Tous  ces 
noms  tiennent  compte  de  bruits  réels  qui  se  produisent 
divers  selon  l'espèce  des  chiens  et  leur  état  d'excita- 
tion. Een  keffev  dénotera  toujours  pour  l'oreille  Hol- 
landaise un  petit  chien  à  la  voix  perçante.  Le  chien 
comme  hurleur,  à  l'instar  de  son  frère  le  loup  qui  est 
resté  dans  les  bois,  aurait  pu  être  appelé  comme  lui.  Et 
cela  arrive  en  effet,  car  en  Angl.  whelp  et  en  H.  welp 
veulent  dire  petit  de  chien  ou  de  loup.  Ces  mots  sont 
des  variantes  de  TAngl.  wolf  (prononcez  woulfe)  et  du 
H.  wolf  loup.  Tous  ces  noms  sont  justes  parce  qu'ils 
sont  formés  de  cris  naturels  accompagnant  des  actes  de 
la  vie  de  l'animal;  ils  attestent  en  outre  qu'ils  sont  le 
produit  de  l'observation  juste.  Pour  nous  autres,  bien 
que  Dieu  ne  nous  place  pas  lui-même  devant  les  ani- 
maux et  la  machine  du  monde  en  mouvement,  nous 
nous  trouvons  de  fait  avec  tous  nos  sens  larges  ouverts 
en  présence  des  réalités  qu'il  s'agit  de  connaître,  de 
comprendre  et  de  nommer  telles  que  leur  nature  les 
manifeste.  Le  son  les  manifeste  à  notre  oreille,  et  en  les 
nommant  d'après  ce  système,  comme  Adam  semble 
avoir  fait  pour  celeb  et  le  Français  pour  clabaud,  nous 
respectons  la  création  dans  sa  miraculeuse  réalité  telle 
que  la  Providence  la  fit  et  l'a  maintenue  depuis.  Les 
noms  qui  ne  sont  pas  spontanés,  mais  reposent  seule- 
ment sur  des  analogies  avec  un  objet  qui  a  révélé  son 
nom  par  sa  voix  propre,  ceux-là  sont  justes  aussi  dans 
la  mesure  de  l'exactitude  de  nos  comparaisons  et  pour 
cela  conformes  à  la  nature  du  langage.  Aussi  bien  ce- 
lui-ci, s'il  ne  contient  pas  tous  les  sons  réels,  consiste 

14 


—  210  - 

au  moins  exclusivement  de  sons  vrais  et  conformes 
aux  actes  et  aux  sujets  qui  les  produisent.  Dans  toute 
langue,  la  quantité  de  racines  primaires  ou  de  sons 
spontanés  est  en  raison  inverse  des  noms  créés  par 
analogie.  Notre  esprit,  le  sixième  sens  en  quelque 
sorte,  le  plus  intime  et  le  plus  subtil  certainement,  de- 
vient bientôt  plus  actif  que  notre  oreille  et  prend  une 
part  toujours  plus  grande  dans  la  fixation  des  noms.  En 
faisant  la  connaissance  d'une  fraction  quelconque  de 
l'infinie  diversité  des  êtres,  le  sens  intérieur  est  natu- 
rellement frappé  aussi  bien  des  propriétés  qui  leur  sont 
particulières  que  de  celles  qu'ils  partagent  avec  d'au- 
tres. Il  est  donc  aussi  naturel  de  désigner  un  objet  par 
le  nom  d'un  objet  analogue  que  de  le  signaler  d'après 
son  nom  spontané.  Dans  le  premier  cas  c'est  donc  l'es- 
prit qui  détermine  le  nom,  dans  le  second  c'est  l'objet 
lui-même.  Ce  dernier  est  spontané  et  par  conséquent 
individuel,  l'autre  ne  l'est  pas,  bien  que  l'objet  con- 
tienne dans  la  somme  de  ses  propriétés  celle  dont  le 
son  naturel  forme  la  racine  de  son  nom  d'emprunt. 
L'esprit  humain  étant  perpétuellement  pénétrable  à  la 
vérité  et  à  l'évidence  et  les  êtres  n'ayant  pas  changé  la 
somme  de  leurs  propriétés,  il  est  prévu  que  l'homme 
peut  trouver  les  mêmes  rapports  entre  les  mêmes  objets 
et  les  exprimer  par  un  nom  commun,  et  que  d'autre 
part  les  mêmes  propriétés  se  rendent  par  des  noms  dif- 
férents suivant  la  quantité  d'objets  dans  lesquelles  on 
peut  les  rencontrer.  Les  langues  les  plus  diverses  four- 
nissent la  preuve  de  cette  assertion.  Ainsi,  quand  nous 
appliquons  le  mot  clabauder  au  sens  de  criailler  (Skt 


—  211  — 

klap\  hlap,jalp  parler),  nous  donnons  à  entendre  que, 
d'après  notre  observation,  les  hommes  crient  et  se  que- 
rellent quelquefois  comme  des  chiens.  Le  mépris  avec 
lequel  on  accueille  la  médisance  fait  que  nous  l'assimi- 
lons volontiers  à  l'aboiement  d'un  chien  qui  nTose  nous 
attaquer  de  front.  Les  éléments  pour  ces  comparaisons 
et  ces  assimilations  se  trouvent  partout.  Le  clabaud 
est  le  chien  de  chasse  qui  donne  de  la  voix  hors  de 
propos.  En  Ail.  kleffen  veut  dire  aboyer,  clabauder, 
klqffen  ouvrir  la  gueule,  das  Klaftev  la  brasse,  la  me- 
sure de  deux  bras  étendus,  transportant  le  nom  de  la 
déhiscence  du  gosier  aux  bras.  Cerbère,  le  chien  de 
l'enfer,  est  probablement  le  môme  mot  que  clabaud. 
On  §  esclaffe  de  rire  lors  qu'en  poussant  son  ah  ah  on 
a  l'air  d'aboyer.  Sa  variante  glapir  qui  est  tout  proche 
de  l'Angl.  to  yelp  dénote  une  voix  de  chien  aiguë  et 
intéressée  (to  yaup,  japper).  L'attention  ou  tout  sim- 
plement la  badauderie,  l'amusement  aux  choses  inu- 
tiles où  mauvaises  s'expriment  par  la  racine  de  galoubet 
transformée  en  verbe.  Pendant  que  nous  badaudons, 
le  galoubet  s'ouvre  eu  même  temps  que  les  yeux.  Nous 
avons  vu  aussi  la  bouche  entrouverte  prêter  son  nom 
au  spectateur,  au  rebouiseur  etc.  Le  Gaffeur  va  repa- 
raître ici  sous  une  dénomination  congénère,  car  géné- 
ralement quand  il  y  a  des  racines  équivalentes  telles 
que  ga,  gai,  gaf,  golf,  on  tire  de  chacune  d'elles  des 
homonymes  ayant  le  même  sens.  Ainsi  le  museur,  le 
coureur  s'appelle  le  galvaudeux.  Galvauder  son  argent, 
veut  dire  le  dépenser  en  s'amusant  d'une  façon  licen- 
cieuse. Le  galapiat)  le  galapiau  sont  synonymes  de 


—  212  — 

galvaudeux.  Ces  mots  proviennent  du  Centre  où  ils 
ont  pour  synonymes  les  congénères  galuriau,  galefer- 
tiau,  vallaupiau,  galibard,galetru,  galbiau  et  gale- 
taud.  Le  galvaudage  s'appelle  au  Centre  le  gallouage. 
Le  galopin  paraîtrait  plutôt  un  jeu  de  mots  sur  galop 
que  le  mot  galop  lui-môme  et  tenir  la  place  de  galvau- 
deux, gavroche.  C'est  en  effet  un  petit  voyou  (1),  un 
garçon  impertinent.  Le  galifard,  la  galifarde  dési- 
gnent le  petit  apprenti  et  la  petite  demoiselle  de  ma- 
gasin. Ce  sont  deux  petits  museaux  qui  gaffinent  soit 
pour  apprendre,   soit  par  curiosité.   Le  galfâtve  est 
l'imbécile  qui  regarde  sans  comprendre.  La  galupe  est 
la  coureuse,  la  galvaudeuse.  —  Le  masque  joyeux,  la 
moquerie,  peut-être  le  rire  qui  l'accompagne,  s'exprime 
par  le  mot  galipette  qui  a  le  sens  de  farce  (H.  klucht)  ; 
le  galipeteur  est  le  plaisant.  La  gueule  qui  saisit,  qui 
enserre,  a  prêté  son  nom  à  l'instrument  qui  agit  comme 
elle  :  de  là  le  mot  clampe  et  ses  congénères  ;  gluc\ 
glunc'  saisir  —  vXsXq  la  clef  qui  tient  —  clava  l'articu- 
tion,  clavis  la  clef,  clavus  la  barre  du  gouvernail  qui  le 
fait  tourner  —  clef,  club,  agglomération  (avec  m  pour 
b  ou  p)  —  clubfoot  pied  bot,  ramassé  autour  de  l'arti- 
culation club  groupe  de  sociétaires,  claw  griffe,  clue- 
glomus,  pelote  —  die  Klaue  la  griffe,  die  Keule  le 
gigot,  la  hanche.  Etre  perclus^  claudicant,  marque  un 
défaut  dans  l'accrochement.  Cette  articulation  défec- 
tueuse mise  en  mouvement  donne  le  sens  de  kola  boi- 
teux —  70)Xbc  id.  (yXouTfç  la  hanche)  —  claudus  qui 

(1)  Voyou  est  synonyme  de  gavroche.  Voir  est  assimilé  à  g  affiner . 
Pour  la  genèse  du  son  vid,  V.  Traité,  p.  55.  Via*  en  Sanskrit  veut  dire 
savoir. 


—  213  — 

cloche,  claudiquer,  clocher,  clodoche  qui  a  les  articu- 
lations décrochées  (1)  —  to  hait  claudiquer  (cluster 
grappe,  to  clutch  agripper)  —  schlottern  locher.  Le 
galop  en  Grec  xaXxt]  semblerait  avoir  le  sens  de  clava 
sabot,  avec  la  qualification  de  frappant  la  terre.  Tel  est 
le  sens  de  galop  lorsque,  par  jeu  de  mots,  il  est  em- 
ployé pour  rossée,  grêle  de  coups.  V.  au  mot  c  tapette. 
Ce  mot,  par  redoublement  d'équivoque,  se  remplace 
par  danse,  le  tapement  des  pieds.  La  patte,  le  membre 
articulé  qui  frappe,  V.  au  mot  chiquer  frapper, 
exprime  son  acte  par  xcAao^o)  je  frappe,  je  châtie  — 
alapa  le  soufflet  —  le  galop  —  to  clap  frapper  — 
klopfen  battre. 

La  clampe  qui  tient,  qui  enserre,  a  donné  son  nom 
à  l'enveloppe,  à  la  protection  :  kalapa  carquois,  kôlaka 
casque  —  vS/-rt  crâne,  cime,  rocher  élevé  —  chlamys  le 
manteau  et  glubo  ôter  l'écorce,  le  glume,  clam  d'une 
façon  couverte,  cachée  —  heaume,  calebasse — helmet 
le  casque,  clam  coquillage  comestible,  scollop  coquille 
der  Helm  le  casque.  De  là  le  mot  globe 3  en  L.  globus, 
l'objet  qui  a  la  rondeur  de  l'enveloppe,  en  Argot  le 
ventre,  à  cause  de  sa  forme  rebondie.  De  là  encore  le 
galbe,  la  forme  qui  présente  des  contours  arrondis 
comme  le  globe.  Calypso  est  la  nymphe  qui  se  cache. 
Sans  la  labiale  nous  avons,  pour  exprimer  la  cachette, 
la  protection  :  ç'il  vêtir,  kûl  protéger,  empêcher,  kôli 
carquois  —  xuXtta  je  défends  —  cilium  le  sourcil,  che- 
lys  la  tortue  —  cellule,  cale,  calotte,  écaille  (2)  — 

(1)  Eclopé  marque  un  défaut  de  la  clampe,  comme  l'Ang.  to  limp 
être  éclopé  (sans  gutturale)  et  le  Skt  klarn  variante  de  çram . 

(2)  La  galure,  le  galurin  désignent  le  couvre-chef,  le  chapeau. 


—  214  — 

scale  écaille  —  die  Hïdle  idem.  —  La  rondeur  de 
l'enveloppe  se  retrouve  dans  le  galet  avec  sa 
forme  roulée  et  dans  son  congénère  le  calot,  en  Latin 
calculuSj  le  caillou  et  en  Patois  Limbourgeois  lads 
bille.  Le  caliborgne  est  borgne  des  calots.  En  Patois 
du  Limbourg  schèle  kuls,  est  le  sobriquet  de  celui  dont 
les  calots  roulent  en  sens  opposé.  La  galette  est  la 
miche  qui  a  la  forme  du  galet.  Avoir  de  la  galette  veut 
dire  avoir  des  ronds,  de  la  monnaie.  La  rondeur  se  fait 
sentir  dans  c'al  vaciller,  c'U,  hwalj  kêl,  kwêl  rouler; 
kKal,  xal  vaciller;  cal,  kar  se  mouvoir  —  rtuXfo  id.  — 
cylinder  —  cylindre,  caillou,  calcul,  calculer  —  to 
coil  enrouler  en  cercle  —  der  Kelter  le  manège  pour 
écraser  les  grappes,  le  pressoir,  kollern  avoir  le  ver- 
tige —  H.  hollen  s'emballer  (1).  —  Le  coloquet  nous 
ramène  à  l'enveloppe.  Le  sens  est  calotte,  en  Flamand 
klak.  Le  mot  est  modelé  sur  cloche,  variante  de  calice, 
avec  le  sens  de  ampoule  et  écaille  servant  de  grelot. 
Oter  l'écaillé,  la  gousse  (V.  plus  haut),  nommé  en  H. 
schillen,  donne  le  sens  et  le  son  de  séparer  et  concerne 
les  choses  qui  ont  de  la  différence  entr'elles.  Noncha- 
lant est  une  expression  qui  équivaut  au  H.  onvej^scldl- 
lig,peu  me  chault  à  het  kan  me  weinig  schelen.  L'Ang. 
skill  veut  dire  habileté  ;  ce  sens  découle  de  celui  de 
discernement,  inhérent  à  ce  phonème.  Une  calotte  est 
par  jeu  de  mots  un  coup  sur  la  tête.  Au  fond,  on  veut 
dire  un  coup  de  calot,  V.  ce  mot.  Cette  expression  est 
synonyme  de  gilquin.  —  Sans  la  labiale  de  la  fin  et 

•  (1)  Le  sens  de  s'emballer  est  :  bondir  comme  la  balle,  rouler  avec 
des  soubresauts  comme  la  bille,  la  boule,  partir  comme  la  balle  du 
fusil. 


—  215  — 

avec  l'aspiration  remplaçant  la  gutturale,  nous  voyons 
l'accrochement  s'exprimer  par  v-c  le  clou  —  vola  avec 
le  digamma,  le  creux  de  la  main  et  accrocher  par  la 
saisir  —  etXw  id.  —  haereo  adhérer  —  adhérent,  aclhê- 
siony  haler  tirer  sur  —  to  hold  tenir  —  halten  id.  — 
Le  mouvement  imprimé  à  l'articulation  produit  la  ro- 
tation de  l'aile,  du  bras,  de  la  jambe.  —  èXfosca  tourner 
volvere  et  sans  le  digamma  ala  l'aile,  aies  oiseau,  volo 
je  vole  (comme  l'oiseau),  V.  au  mot  ornie  —  évolution, 
mllebrequin  (1),  hélice,  valse  —  to  wheel  tourner,  to 
toallow  rouler  —  malien  voyager,  rouler  —  H.  wiel  la 
roue  —  Skt  val  aller,  circuler. 

A  fin  de  rester  fidèle  à  l'ordre  alphabétique  nous  trai- 
terons le  thème  c-n  avant  celui  qui  sonne  le  c-r  malgré 
l'intime  liaision  de  ce  dernier  avec  la  racine  c-l  dont 
nous  venons  de  suivre  quelques  évolutions. 

Quand  nous  raidissons  la  langue  pour  prononcer  le  g 
dur,  nous  la  sentons  qui  touche  le  palais  et  produit  ainsi 
le  son/z.  Réunis  ils  forment  le  thème  g-n.  Le  nde  son 
côté  en  fermant  par  sa  production  même  l'ouverture 
bucale  amène  le  g  dur.  Il  n'est  donc  pas  étonnant  de  voir 
ces  deux  lettres  prendre,  dans  le  même  mot,  indif- 
féremment la  première  ou  la  deuxième  place.  L'ac- 
cession de  n  à  g  dur  se  produit,  par  exemple  dans  guin- 
gois de  la  même  racine  que  agiter,  dans  le  H.  ik  ging 
j'allais  de  ik  gaje  vais  (jegigote),  dans  le  Grec  -Av>zéiù(2) 
extension  de  y.vao)  gratter  et  xsw  fendre.  La  métathèse, 
nous  l'avons  vue  appliquée  dans  genou  et  angle, —  L'or- 

(1)  La  première  partie  ville  est  une  variante  de  virer. 

(2)  Quand  nous  appuyons  la  langue  contre  le  palais  pour  former  le  n 
il  se  produit  un  t. 


-  216  — 

gane  qui  produit  le  son  gn  et  en  dérive  sa  dénomination 
s'appelle  gandi  goitre,,  ganda  —  ysytis  la  joue,  le  men- 
ton —  gêna  id.  —  ganache  (1)  — r  chin  le  menton  —  das 
Kinn  id,  la  mâchoire  inférieure  qui  suit  les  mouvements 
du  gosier  et  en  emprunte  le  nom.  Par  prosopopée  il 
s'appelle  canna.  V.  au  mot  canal  et  Traité  pp.  135  et 
137.  Un  des  bruits  du  gosier  a  donné  l'onomatopée 
hogner,  grogner  comme  le  chien.  V.  Traité  p.  1.  L'a- 
nimal hogneur  s'appelle  en  Skt  çuna,  çwan.  D'autres 
sons  du  canal  guttural  se  présentent  dans  km,  kan, 
swan,  kwan,  c'un  qui  veulent  dire  crier,  à  peu  "près 
comme  clabauder  signifie  aboyer  et  criailler.  Le  chien 
est  pris  pour  ses  qualités  dans  la  boutade:  ce  qu'il  y  a  de 
meilleur  dans  l'homme  c'est  le  chien.  Il  a  du  chien  veut 
direil  est  vaillant,  fidèle.  Les  mauvaises  qualités  du  chien 
ont  servi  pour  désigner  des  dispositions  analogues  dans 
dans  l'homme  (2).  Etre  chien  veut  dire  être  avide  et 
avare  comme  lui.  Câner  signifie  être  lâche  comme 
canis.  Au  Centre  on  dit  s'escaner  pour  se  sauver 
comme  le  chien.  L'adjectif  cagnard exprime  sa  paresse: 
de  là  le  canasson  le  cheval  paresseux.  Le  cagneux  a  les 
jambes  arquées  du  basset.  Au  Centre  le  cagnard  est  le 
mur  ensoleillé  propice  aux  paresseux,  le  câgnaudle  pa- 
pelard, l'homme  confus,  l'individu  caressant  avec  hy- 
pocrisie. 
Le  pays  de  Cocagne  est  le  pays  des  paresseux,  des 

(1)  A  l'aide  d'un  jeu  de  mots  la  ganache  signifie  le  fauteuil.  C'est  le 
mot  banquette  assonance  de  bouche  (V.  ce  mot)  qui  sert  de  trait  d'u- 
nion entre  ganache,  mâchoire  inférieure  du  cheval  et  le  sens  de  fau- 
teuil. Ganache  et  fauteuil  n'ont  qu'un  rapport  d'équivoque. 

(2)  Aduler  en  L.  adulari  rappelle  le  chien  qui  ulule  par  montrer  sa 
joie.  Quand  la  joie  est  trop  démonstrative  elle  est  souvent  fausse  chez 
l'homme. 


—  217  — 

gens  qui  aimeraient  à  passer  leur  temps  à  dormir  comme 
le  chien.  Le  mât  de  Cocagne  porte  une  couronne  à  la- 
quelle sont  attachés  tous  le  dons  du  pays  de  Cocagne. 
On  n'a  qu'à  aller  les  décrocher.  Nos  pères  étaient  sages 
de  faire  comprendre  qu'on  n'arrive  aux  biens  que  par 
la  peine.  Le  trésor,  au  lieu  d'être  caché  dans  le  champ, 
comme  chez  le  Fabuliste,  est  suspendu  en  l'air:  le  sens 
est  le  même.  —  Au  Centre  le  cagni  est  le  petit  polisson 
par  allusion  à  la  pétulance  du  jeune  chien.  —  Caner  la 
pégresse  veut  dire  crever  la  misère,  être  maigre  comme 
le  chien  pauvre.  La  cane  est  la  mort  et  ses  angoisses 
qui  nous  font  peur,  le  canage  l'agonie  et  l'abattement 
qui  l'accompagne.  —  Le  cri  du  chien  se  retrouve  dans 
xyoÇéw  ouvrir  la  gueule,  japper  en  parlant  du  chien  — 
gannio  id.,  en  Angl.  to  tchine  pleurnicher  comme  le 
chien,  AÏÏ;  winseln  ululer  —  It.  gagnolare  id.  —  Le 
quenottier  est  le  spécialiste  qui  soigne  les  quenottes. 
La  quenotte  veut  dire  à  proprement  parler  la  gueule, 
le  canal  oesophagique,  puis  la  ganache,  la  mâchoire  et 
les  dents.  C'est  la  partie  prise  pour  le  tout.  Les  badi- 
goinces  désignent  les  lèvres  seulement,  au  lieu  des  lèvres 
et  des  joues  ensemble,  comme  le  dit  ce  composé  de  badi 
pour  bades  et  goinces  équivalent  de  rit.  guancie  joues  ; 
delà  badigoincer  manger.  La  henné  et  la  hane  sont  des 
prosopopées  synonymes  de  gueularde  sac.  —  La  voix 
de  l'organe  se  reconnaît  encore  dans  kand  gémir,,  pleu- 
rer —  y.avayéo)  par  prosopopée,  résonner  —  cano  — 
chanter  (1). 

(1)  Le  chenoïde,  l'oiseau  qui  dit  qudn-quan,  Angl.  goose,  a,  comme 
la  poule,  donné  son  nom  aux  jeunes  enfants  et  par  extension  aux  ado- 
lescents. De  là  le  gosse  l'enfant  de  7  à  15  ans,  le  gosselin  et  le  gosse- 


218 


Quand  la  gueule  happe  et  saisit,  lamâchoire  inférieure 
s'abaisse  puis  se  resserre.  De  ce  jeu  le  langage  ne  donne 
d'autre  détail  si  ce  n'est  que  le  gosier  (yioc)  agit.  L'a- 
grippement  produit  par  le  gosier  prête  son  nom  aux 
ongles,  au  coude  (àyy.civy;),  à  Vçdselle,  à  la  cheville  (H. 
enkel),  au  talon  (H.  hak),  au  genou,  à  \&hanche,  au  gond 
ou  emboîtement  de  la  porte,  en  It.  ganghero,  etc. 

U ongle  se  mouvant  avec  l'articulation  et  se  confon- 
dant avec  elle  a  prêté  son  nom  aux  objets  qui  sont  tran- 
chants. De  là  les  noms  de  kantaka  pour  l'épine,  V acan- 
the en  H.  beerenklaaw  griiïe  d'ours  —  féwq  hache, 
(Skt  kâta),  même  nom  que  pour  dire  menton  et  joue  — 
cuneus  le  coin  —  le  coin  variante  de  angle,  cognée  — 
cant  le  bord  tranchant  —  die  Kante  id.  Couper,  se  ser- 
vir d'un  coin,  d'une  cognée  s'appelle  han  couper 
xnu  aiguiser,  c'unt  et  kunV  couper,  k'ad  fendre  — 
ca(vo)  couper  extension  de  y.sw  couper  et  de  £xrt  pointe 
—  scindo  — scinder,  le  chantier  où  l'on  débite  le  bois, 
la  cantine  où  l'on  détaille  le  vin,  êchandole  copeau  — 
keen  tranchant,  to  sned,  to  snathe,  to  notch  couper,  en- 
tailler —  schneiden  entailler.  L'expression  de  champ 
sur  le  côté  devrait  être  ortographiée  de  chant  comme 
le  H.  op  zijn  kant  (de  chant).  Le  chantage  est  un  at- 
tentat sur  notre  bourse  (cutpurse,  coupe-bourse):  au  lieu 
de  nous  voler  le  chanteur  veut  nous  faire  donner  nous 
mêmes  en  nous  menaçant  de  scandale,,  dans  l'intérêt  de 
sa  bourse,  bien  entendu,  et  non  pour  venger  la  justice. 
Faire  chanter  quelqu'un  pour:  lui  extorquer  de  l'ar- 

man  l'enfant  avec  les  terminaisons  lin  en  AIL  lein,  diminutif  et  man 
homme,  le  gonse,  la  gonzesse  la  femme.  Gonsaiez  est  un  jeu  de  mot 
pour  gonse.  Goslin  Angl.  est  une  jeune  oie. 


—  219  — 

gent  pour  le  chantage  est  peut-être  un  jeu  de  mots 
voulu  :  en  tout  cas  ce  n'est  pas  le  verbe  chanter,  ca- 
nere(l).  L'expression  juste  serait  chanter  qq,  le  mettre 
en  coupe.  La  racine  de  ce  verbe  théorique  se  retrouve 
dans  chanteau,  en  Skt  kanda  morceau,  copeau,  éclat  de 
bois  mince,  échantillon  morceau  détaché  par  lequel  on 
juge  du  tout,  dans  chanlatte  et  dans  le  verbe  chantour- 
ner (2). 

L'Argot  montre  souvent  qu'il  connaît  la  bonne  adresse 
pour  se  fournir  de  vocables.  Le  mot  gandille  pour  cou- 
teau qui  se  rattache  au  groupe  ci-dessus,  peut  servir 
de  preuve.  —  Cogner  jusqu'à  ce  que  mort  s'ensuive, 
avec  un  coin,  une  cognée  ou  n'importe  quel  istrument 
meutrier  a  donné cônir tuer. Nocher,  enAngl.  tonotch, 
est  la  métathathèse  de  cogner. 

L'articulation  qui  s'emploie  à  saisir,  à  tenir  fait  venir 
à  l'esprit  l'idée  de  garder,  de  conserver,  d'enserrer  ;  de 
c'and, gunt  couvrir,  g'ana  le  cuir  —  xovôapo;  vase  et 
cantharide  le  coléoptère—  cant/iarus  le  vase  — échine 
le  dos  c'est  à  dire  la  peau  du  dos  —  skin  la  peau  — 
sâhinden  ôter  la  peau,  écorcher.  De  là  chiner  et  avec 
jeu  de  mots  faire  la  chine,  aller  à  la  Chine  porter  sur 
le  dos.  Chiner  quelqu'un  veut  dire  lui  enlever  la  peau, 
lui  faire  tort  avec  de  méchants  propos,  s'échiner  se 
donner  mal  dans  le  dos,  s'éreinter  à  force  de  travailler. 

(1)  Ces  deux  verbes  se  ressemblent  parce  qu'ils  sont  formés  de  la 
même  racine.  Chanter  et  scinder  sont  deux  capacités  de  la  gueule, 
le  premier  de  la  gueule  elle-même,  le  second  d'un  agent  analogue  qui 
porte  son  nom. 

(2)  Ajoutons  que  dans  l'expressiou  avoir  une  aiguille,  ce  dernier  mot 
désigne  une  barbe  hérissée  de  picots  tranchants  qui  appellent  le 
rasoir. 


—  220  — 

Le  guinal,  en  Argot  Angl.  sheeny  est  l'usurier  qui 
écorche.  -  La  reconnaissance  emprunte  son  nom  au  son 
de  la  bouche  (gosier)  qui  s'ouvre  instinctivement  pen- 
dant l'observation.  De  là  g  an  apprécier,  j' nâ  connaître 

—  yvco)  id.  —  cognosco  id. ,  genius  le  génie,  l'étude 
approfondie  —  ken  le  coup  d'œil,  to  know  connaître 

—  kennen  connaître.  L'argot  a  renobler  pour  récon- 
naître. 

L'organe  qui  remplace  la  bouche  dans  la  préhension 
et  telle  de  ses  actions  s'appelle  hnu,  gin,  g  un  prendre 

—  xavBàvw  je  prends  —  prehendo  id.  —  appréhender, 
apprendre,  hanter  tenir  avec,  être  l'associé  de  —  hand 
la  main  —  die  Hand  id.  —  La  gloutonerie  se  devine 
dans  les  mots  qui  ont  pour  thème  le  son  du  gosier  tels 
que  le  Skt /£'&/,  k'êt  manger,  k'ànikale  trou,  le  L.  ganeo 
le  glouton,  dans  le  F.  le  goinfrée;  l'acte  de  ronger,  d'e- 
xercer les  quenottes  dans  l'Angl.  to  gnaw  ronger,  en 
A.  knaupeln  id.,  dans  knirren  et  knarren  égruger 'les 
dents,  dans  knirschen  id.  et  dans  le  H.  knutcen  mâ- 
chonner, pressurer  sous  les  quenottes.  La  gorge  dont 
nous  avons  rencontré  des  bruits,  des  noms  et  des  actes 
dans  les  onomatopées  contenant  les  thèmes  g}  gb,  gl, 
gn,  nous  allons  la  reprendre  à  propos  du  radical  gr  par 
lequel  elle  s'énonce  également.  Ces  deux  lettres  sont  en- 
traînées par  l'émission  de  la  voyelle,  celle-ci  faisant  vi- 
brer le  gosier  g  et  la  racine  de  la  langue  r.  Depuis  ces 
deux  sons  s'appellent  réciproquement  de  sorte  qu'on 
les  trouve  volontiers  réunis  dans  le  même  nom:  r  venant 
après  g  et  g  après  r.  Le  g  dur  s'associe  souvent  avec 
n  comme  il  a  été  exposé  plus  haut.  Quand  lé  g  s'échappe 


—  221  — 

de  la  gorge  avec  un  sifflement  nous  avons  le  phonème 
gs  qui  se  transforme  en  gt  quand  la  langue,  au  lieu  de 
le  laisser  échapper,  l'intercepte  en  se  collant  au  palais. 
La  gorge,  gurqes,est  ainsi  une  variante  métathétique 
de  rynchus.  Le  r  de  ce  mot  a  été  entraîné  par  le  g  ini- 
tial et  tous  deux  par  la  voyelle  o.  Le  second  g  est  un  ap- 
pendice de  la  prononciation  de  r.  Le  n  de  rynchus  est 
né  en  même  temps  que  le  ch  dur.  Le  nom  Skt  est  krika. 
La  racine  de  ces  onomatopées,  est  empruntée  au  cri  de 
l'organe,  l'un  des  plus  habituels  et  des  plus  frappants. 
Le  coeur  est  selon  l'opinion  populaire  l'estomac:  n'a- 
voir rien  sur  le  cœur,  avoir  mal  au  cœur  rentrent  dans 
le  sens  populaire  de  l'organe.  Ainsi  compris  on  peut 
s'expliquer  l'homonymie  de  coeur  avec  gurges,  celui-ci 
formant  l'entrée  du  tube  digestif  dont  l'estomac  forme 
la  partie  la  plus  considérable  et  la  plus  sensible.  Son 
nom  Skt  est  hrid  auquel  répondent  vAxp  —  cor  —  cœur 
—  cordial  —  heart  —  dos  Herz.  V.  Traité  pp.  12  et 
13.  En  Argot  la  gorge  s'appelle  la  gargagoitche,  mot 
composé  de  gorge,  gargouille  et  de  gouache  ou  goualche 
qui  rappellent  Fit.  guancia  joue:  la  gar gante  et  la 
gar goule  sont  des  noms  congénères.  Ainsi  que  le  Skt 
k'ihHrdka  tube,  roseau.  Au  ^Centre  on  l'appelle  la 
goure  équivalent  du  nom  Provençal  gourgue  et  de 
celui  de  gour  qui,  par  prosopopée,  désigne  un  trou  dans 
une  rivière  ou  une  baie  fluviale.  Boire  à  tire  Varigot 
veut  dire  boire  à  grands  traits.  Arigot  est  une  forme 
allongéede  argot,  l'organe  où  seproduit  le  langage  de  ce 
nom.  Tirer  marque,  dans  cette  expression,  l'effet  d'il- 
lusion optique  qui  t'ait  qu'on  prend  la  descente  de  la 


222 


boisson  par  l'argot  comme  l'effet  d'une  traction  exercée 
sur  lui.  Uaricoteur  est  le  bourreau  qui  coupe  le  cou  ou 
V  (tricot,  par  jeu  de  mots  sur  haricot.  Aricot  et  arigot 
présentent  des  métathèses  de  gurges  et  de  rynchus. 
D'autres  noms  du  cou  nous  sont  offerts  dans  gargarousse 
gargoine,  garguine  et  g ar gamelle  par  lesquels  on 
cherche  à  lier  les  idées  àe>rougeui\  de  gargante,  de  ga- 
melle avec  celle  de  gorge. 

En  donnant  à  notre  figure  une  expression  qui  n'est 
pas  la  vraie  nous  formons  la  grimace,  en  Angl.  grin. 
Gourer  veut  dire  tromper  par  de  fausses  apparences, 
peut  être,  se  jouer  de,  en  riant,  H.  kullen  tromper,  du- 
per. V.  au  mot  hilarité. 

Le  cri  dont  l'organe  a  tiré  son  nom  est  présent  dans 
les  noms  de  toute  espèce  de  sons  :  kur,  g'ur  résonner, 
kruç,  krid,  hril  crier —  Y^pjw  parler  —  garrio  fredon- 
ner, gazouiller,  carmen  le  chant  —  charmer,  crier  — 
to  erg,  to  shriek;  toscream  crier  —  kreischen,  schreien 
id.  —  Haro  veut  dire  simplement  cri  ;  crier  haro  ré- 
pond à  F  Angl.  to  raise  the  hue  and  the  erg  huer  quel- 
qu'un et  crier  après  lui;  harauder  signifie  tenir  des 
propos  malveillants  quand  la  victime  a  le  dos  tourné  ; 
gourler,  variante  de  goualer  ouvrir  le  gosier,  parler, 
dégorger  son  secret,  avouer  à  la  justice;  churler  crier; 
cribler  à  la  grive  crier  :  attention  !  voici  le  guet  !  La 
grive  est  par  jeu  de  mots  le  nom  de  l'agent  qui  met  le 
grappin  sur  le  voleur.  -  Le  jargon  est  le  nom  d'un 
langage  particulier  où  l'on  n'entend  soi-disant  que  des 
sons  gutturaux.  Le  Normand  l'appelle  jargole,  l'Italien 
gergone.  Le  H.  gorgel  veut  dire  gorge.  Jargouiller  a 


—  223  — 

le  sens  de  parler  d'une  façon  incohérente  Jcu^viller  de  ja- 
boter.  Décide/'  son  jars  semble  être  une  corruption, 
peut  être  un  jeu  de  mots  en  guise  d'adaption,  du  vo- 
cable Angl.  i/arn  qui  veut  dire  une  longue  histoire,  par 
extension  du  vrai  sens  :  fil,  chanvre  fordu  en  corde. 
Les  correspondants  de  ce  mot  sont:  yùpoç  —  gyt'us  — 
// //vw  la  partie  du  corps  où  l'on  met  la  ceinture,  girouette 
—  to  gird  ceindre,  garter  lajarrettiere  —  der  Gilrtel 
la  ceinture.  Voir  pour  la  genèse  de  ces  mots  les  expli- 
cations données  à  propos  de  rinceau  et  de  croc.  Le  jars 
est  le  mâle  du  canard,  nommé  ainsi  d'après  le  cri  de  la 
gorge  comme  la  grue.  Jarc'  et  j'arj'  en  Skt  veulent 
dire  parler. 

Quand  il  se  produit  une  solution  de  continuité  comme 
dans  l'écrasement,  le  cri  de  la  nature  inerte  imité  par 
nous  contracte  quelque  chose  d'humain.  De  là  les  pro- 
sopopées  Sanskrites  gris*  broyer,  c'urn  écraser  — 
v.pzj(ù  —  crotalum,  crepitaculum  grelot,  crécelle  — 
écraser,  égruge/%  gruge/',  gruau,  crcCquer,  croquer  — 
tu  crus  h  écraser,  to  creak  craquer,  to  craunch  croquer, 
to  grind  moudre,  groat  gruau  —  die  Grutze  id. ,  kra- 
chen  craquer,  der  Gru/id  le  sol,  le  sable  menu,  va- 
riante de  der  Grind  le  sable.  De  là  le  croquenau  le 
soulier  qui  craque,  le  gringue  le  pain  croustillant  qui 
croque  quand  on  le  grignote,  écrabouiller  écraser, 
c/'a bosser  écraser  et  bosseler,  une  croquignole  un  petit 
coup  sur  le  nez  (gnole),  cramser  et  crapser  crever.  La 
cravache  emprunte  son  nom-  à  ses  coups  qui  produisent 
l'effet  de  quelque  chose  qui  crève. 

Le  cri  guttural  du  corbeau  lui  a  valu  son  nom  Skt 


—  224  - 

de  kâraua,  en  Suéd.  korp.  Kâkâri  est  une  espèce  de 
hibou  nommé  d'après  son  cri,  karata  la  corneille  :  l'un 
et  l'autre  sont  Skts.  L'Angl.  cur  le  chien  mâle  veut 
dire  grogneur  :  «  r  est  la  lettre  du  chien  »  dit  Shakes- 
peare. Le  H.  kirren  présente  la  métathèse  de  roucou- 
ler :  l'un  et  l'autre  mots  cherchent  à  noter  un  bruit 
guttural.  Le  nom  de  la  grue  au  long  cou  a  été  expliqué 
Traité  p.  12.  La  grenouille  en  L.  rana,  doit  son  nom 
à  son  cri  guttural.  Un  autre  nom  de  la  gueule,  celui  de 
quiqui,  a  valu  à  la  tribu  aquatique  le  nom  de  peuple 
coassant  —  Ce  mot  répond  au  H.  kwekken,  kwaken. 
Grenouille  contient  la  racine  de  ypwr,  par  prosopopée 
gargouille,  en  L.  suggrundia,  équivalent  de  Ht.  gron- 
dana,  La  cagnotte  (1),  le  magot  qu'elle  contient  s'ap- 
pelle populairement  la  grenouille  :  au  jeu  du  tonneau, 
c'est  la  coasseuse  qui  avale  les  palettes  quand  le  joueur 
est  assez  adroit  pour  les  lui  lancer  dans  le  chasme  de 
son  gosier. 

Le  cochon  grogne  par  habitude.  Le  sanglier  (singu- 
lier, en  Angl.  single,  synonyme  de  solitaire),  en  Skt, 
a  le  nom  de  ses  congénères  apprivoisés.  V.  Traité, 
p.  12.  A  cause  de  sa  ressemblance  avec  le  cochon, 
l'homme  sale  s'appelle  le  g  or  g  niât.  En  assimilant  le 
goret,  le  petit  cochon  domestique,  avec  le  marcassin 
(le  goret  marqué,  strié  de  blanc)  du  bois  et  en  tenant 
compte  que  ce  dernier  mot  désigne  également  le  petit 
apprenti ,  on  s'explique  qu'on  l'appelle  aussi  bien 
groule  et  g  roulasse,  variantes  de  goret.  Le  graoudjem 

(1)  La  cagnotte  semble  désigner  un  canal,  un  gosier  de  chien  au  fond 
duquel  glissent  les  sons  économisés.  La  tirelirç  représente  un  gosier 
quelconque.  V.  au  mot  sternum. 


—  225  — 

est  le  charcutier.  Ce  mot  paraît  cacher  l'élément  goret 
et  heim,  terminaison  de  plusieurs  noms  de  famille  en 
Allemagne,  et  désigner  le  charcutier  Allemand  établi  à 
Paris.  Ce  serait  donc  une  formation  analogue  à  chic- 
mann,  le  tailleur  Allemand,  désigné  par  la  terminaison 
mann  indicative  de  l'origine.  Heim  répond  à  hameau  ; 
mann  se  retrouve  dans  mannequin,  V.  ce  mot.  Les 
poissons  ne  disent  rien.  Il  y  en  a  un  cependant,  un  seul 
peut-être  qui  a  le  nom  de  son  cri  :  c'est  le  grondin,  en 
Angl.  (jurnard  le  grogneur,  comme  en  H.  knorvish 
poisson  (piscis)  qui  a  la  voix  du  cochon.  Les  onomata- 
pées  hure  et  groin  désignent  la  tête  du  cochon  d'où 
s'échappe  le  grognement.  Au  lieu  de  nommer  l'animal 
d'après  son  cri,  comme  il  arrive  pour  goret,  coq,  cou- 
cou, c'est  sa  gueule  et  par  extension  sa  tête,  son  mufle. 

YS horreur  (1)  en  h.horror  fait  que  les  cheveux  se  hé- 
rissent comme  les  picots  du  hérisson.  V.  Traité,  p.  12. 
Hérisson  répond  à  goret.  Le  Centre  où  le  Français  est 
si  véridique,  a  les  mots  goure  pour  truie,  gouri  pour 
goret,  agrasser  pour  exprimer  le  grognement  de  ten- 
dresse que  la  truie  fait  entendre  en  allaitant  ses  petits. 
Au  delà  de  la  Loire,  girolle  et  agrolle  désignent  le  cor- 
beau. 

En  mangeant,  le  gosier  est  censé  faire  entendre  son 
bruit  habituel  :  de  là  gar  manger,  mot  qui  nous  pré- 
sente le  gosier  mangeant  —  Ypaw  id.  La  gargotte  est  la 
maison  où  l'on  mange,  où  la  gargagoitche  trouve  à  se 
satisfaire. 

(1)  En  Ail.  grauen  et  grieseîn  avoir  horreur,  en  H.  afgrijselijk 
horrible. 

15 


—  226  — 

Le  mécontentement  provoque  dans  le  gosier  un  gro- 
gnement qui  exprime  l'état  moral  dans  lequel  nous 
nous  trouvons  placés.  De  là  le  grignon,  le  juge  sévère, 
qui  aux  yeux  du  voleur  se  fâche,  parce  qu'il  punit  selon 
la  loi.  Ce  mot  contient  la  même  racine  que  les  mots 
Allemands  der  Grimm,  der  Gram  la  colère,  dev  Groll 
la  rancune.  De  là  encore  grubler,  en  Angl.  to  grumble, 
en  H.  grommen  grogner,  être  crin,  être  grincheux, 
avec  jeu  de  mots  sur  crin  cheveu,  parceque  de  grogner 
l'esprit,  par  association,  passe  au  bruit  du  crincrin, 
haricauder  se  fâcher  pour  un  rien,  hargoteur  querel- 
leur, hargne  pour  hargneux.  Le  Skt  a  krud1  s'irriter, 
l'Angl.  to  grudge  garder  rancune. 

La  main,  comme  instrument  de  la  préhension,  prend 
le  nom  de  la  gorge  qui  saisit.  De  là  les  vocables  kara 
main,  grue  accrocher  —  x£,'p  ^a  main  et  le  nom  des 
instruments  formant  croc  :  hirpex  le  grappin,  la  herse 
—  crochet,  et  en  Argot  des  voleurs  carouble  fausse  clef, 
caroubier  user  de  fausses  clefs,  faire  du  caroublage  — 
harrotOj  la  herse,  le  râteau  —  die  Harke  id.  Le  croquis 
est  l'esquisse  vivement  faite,  croquée,  c'est-à-dire  liné- 
amentée  prestement.  Ce  mot  représente  le  dessein 
comme  fait  avec  un  crochet,  un  stylet  de  graveur,  une 
plume  qui  écrit.  Croquis  est  formé  d'une  racine  congé- 
nère de  celle  qui  se  trouve  dans  gravure  et  dans  graf- 
fognade  tableau.  Le  peintre  inhabile  gratte  ou  râpe  la 
toile  sans  effet  :  de  là  son  nom  de  rapin.  Cliquer  le 
marmot  veut  dire  passer  son  temps  à  attendre  de  la 
besogne  et  le  tuer  en  faisant  des  croquis  de  marmots, 
de  marmouses  (figures)  sur  le  buvard.  —  L'agrippe- 


—  227  — 

ment  se  manifeste  dans  grimer,  grouper,  groumer, 
grubler  qui  veulent  dire  voler.  Tous  ces  mots  sont  des 
onomatopées  manquées,  influencées  qu'elles  sont  dans 
leur  forme,  par  des  réminiscences  de  grimer, grouper, 
groom  et  grubler  (grogner  en  Argot).  La  grive  est 
l'oiseau  grivelé,  c'est-à-dire  marqué  de  gris  (V.  au  mot 
g  risette)  et  par  jeu  de  mots  le  guet  qui  empoigne,  qui 
agrippe  :  de  là  par  extension  le  grimer  la  sentinelle.  — 
La  grimpante  désigne  le  pantalon  (1)  qu'on  fait  grim- 
per sur  les  jambes  (2).  On  grimpe  en  sagraphant  par 
les  crocs  aux  rugosités  de  l'arbre.  Agripper  se  traduit 
par  grah  saisir,  grabli  agripper  —  xafwfÇu  recueillir 
les  fruits  —  carpo  je  recueille  —  carpe  articulation  de 
la  main,  agripper ~,  crampon,  gerbe  la  javelle  recueillie 
to  crop  aoûter,  recueillir,  to  grapple  accrocher,  atta- 
quer, to  grope  chercher  à  prendre,  tâtonner  —  greifen 
saisir,  der  Krieg  la  guerre,  plus  juste  l'attaque,  krie- 
gcn  prendre,  obtenir.  Gerber  en  argot  veut  dire  con- 
damner. Peut-être  l'argotier  se  dit-il  qu'étant  gerbe, 
c'est-à-dire  ligoté  comme  la  gerbe,  il  est  près  d'être 
emballé  dans  la  grange,  en  prose,  d'aller  en  prison. 
L'Argot  appelle  le  crédit  crome  ou  croume.  Credo 
semble  vouloir  dire  je  donne  (do)  ma  foi.  Cre  se  trouve 
pour  cred,  ainsi  que  le  prouve  credulus  facilement 
croyant.  Chez  Plaute  on  trouve  creduam  et  creduim 
pour  crediderim  ce  qui  donne  à  supposer  que  do  -  didi 
est  postiche  ou  une  mauvaise  interprétation  de  credo 
qu'il  eût  fallu  lire  crecl  -  o.  En  Sanskrit  çrat  veut  dire 

(1)  L'Argot  l'appelle  le  pantalsar  ou  le  grand  col. 

(2)  La  façon  de  marcher  des  insectes  a  été  transporté  à  la  locomo- 
tion, d'où  les  mots  Skts  k'arb,  garb,c'arb. 


—  228  — 

lien  et  fidélité,  çrad  s'en  remettre  à  quelqu'un.  Les 
correspondants  semblent  se  présenter  dans  ys?îrt  le 
lien,  la  corde  —  chorda  —  corde  dont  le  sens  est  vo- 
lute, V.  aux  mots  giron,  girouette.  Ainsi  compris 
cre,  revient  à  je  lie,  j'engage,  je  donne  ma  foi  (fidem) 
ce  qui  explique  le  sens  de  penser,  tenir  pour  vrai.  La 
forme  de  l'Argot  semble  vouloir  remplacer  la  corde 
par  la  clampe,  H.  kram.  V.  aux  mots  religion  et  fidé- 
lité. 

La  griffe  qui  agrippe  est  armée  pour  gratter,  rayer, 
entailler  une  surface.  De  la  carer  voler  en  SktArz  enle- 
ver, rafler,  racler  (sa  métathèse)  dont  l'origine  est  la 
même  que  celle  de  récurer,  en  H.  schuren,  de  l'Angl. 
to  char  ranimer  la  braise  en  la  raclant,  de  l'Ail,  schar- 
ren  gratter  et  schuren  exciter  le  feu.  —  Par  jeu  de 
mots  carer  devient  carotter  et  tirer  une  carotte.  Par 
jeu  de  mots  encore  le  careur,  le  carottier  devient  le 
charron.  Le  receleur  s'appelle  le  charrieur  pour  le 
distinguer  de  son  complice  le  charron  V.  ce  mot.  — 
Gratter  et  son  effet  tondre,  couper  s'exprime  par  les 
onomatopées  xur,  cur,  kur,  tondre  —  v.dpiù  id.  — 
securis  la  hache,  le  couperet,  crinis  le  crin,  les  che- 
veux obtenus  par  la  taille  —  écharper,  déchirer  —  to 
shred  déchirer  (k'ard  mordre),  to  carve  couper,  sharp 
tranchant,  shears  ciseaux,  hoir  le  crin  —  die  Scheere 
ciseaux,,  das  Haar  le  crin,  die  S  charte  la  fente,  forme 
à  laquelle  répond  écarter  séparer.  Au  moral  le  discer- 
nement, la  discrétion  expriment  la  distinction,  la  sépa- 
ration qu'on  sait  faire  entre  le  vrai  et  le  faux,  le  bien 
et  le  mal  :  y.p(vo>  —  cerno  —  discerner,  crible,  L'Argot 


229 


des  malfaiteurs  fait  preuve  encore  une  fois  de  sa  con- 
naissance du  Grec  avec  le  nom  qu'il  donne  à  son  triste 
couteau,  le  surin  d'où  suriner  et  chouriner  assassiner  à 
coups  de  couteaux.  Le  Skt  ciri,  l'Angl.  sword,  l'Ail. 
das  Schwert  l'épée  désignent,  sous  la  même  dénomi- 
nation des  armes  plus  fières  du  moins.  Couper  se  traduit 
en  Skt  par  çrt,  swr.  Le  Latin  serra  scie  dénote  un 
instrument  servant  à  couper.  L'escorte  est  la  compagnie 
détachée  du  gros  de  la  troupe.  Le  Latin  cohors,  forme 
redoublée  déco/ -s,  désigne  la  même  chose.  Avec /au  lieu 
de/'nous  retrouvons  l'acte  de  couper  dans /ca/joc/m  ciseaux 
—  Y^?w  Je  sculpte  —  sculpto  —  sculpter  —  to  cleave 
fendre,  to  clip  couper,  clever  qui  discerne,  qui  est 
capable  —  kliehen  fendre.  La  griffarde  est  l'instru- 
ment qui  sert  à  écrire,  à  griffonner,  le  grqfin  le  chiffon- 
nier qui  racle  les  tas  de  détritus.  V.  Traité  de  l'Onoma- 
topée, page  42. 

La  griffe  servant  à  enserrer,  l'enveloppe  et  ses  pro- 
priétés se  forment  du  même  radical.  Telle  a  été  l'origine 
de  karpara  le  crâne  —  xpixvfov  la  tête  —  cranium, 
corona,  cerebrum  (le  contenu  pour  le  contenant)  — 
crâne,  couronne 3  cervelle  —  crown  couronne  —  die 
Krone  id..  La  tête,  la  partie  la  plus  élevée  et  la  plus 
noble  du  corps  est  l'emblème  du  pouvoir  :  xpÉa>  je 
commande  —  euro  j'ai  soin  —  cure,  aristocratie  — 
care  soin,  cark  souci  —  Herr  chef.  De  là  kâra  seigneur, 
chef,  cura  héros  —  xtipioç  —  herus  —  Hera  la  dame  de 
Jupiter  —  hère  avec  mépris  —  harlot  homme  méprisa- 
ble, churl  homme  grossier  —  der  Herr,  der  Kerl 
homme  grossier.  Le  Vieux  Français  a  arlot  Angl. 


—  230  — 

harlot  avec  la  terminaison  augmentative  otto  :  Arle- 
quin est  le  diminutif  de  arle,  arlot. 

Le  chef  débande  s'appelle  Coire(Coros,  Cyrus)  chez 
les  voleurs.  L'Argot  qui  a  peu  de  termes  se  rapportant 
à  la  religion  ou  à  la  morale  a  un  nom  pour  Dieu  :  Ha- 
riadan.  Il  est  probable  que  ce  mot  marque  l'expression 
Allemande  Herr  I  -  ott  Seigneur  Dieu  avec  la  pronon- 
ciation commune  de  ïpour  gue  (Gott),  comme  il  arrive 
pour  gilvus  —  jaune  —  yellow.  La  terminaison  an 
semble  être  une  manière  de  hébraiser  le  mot  pour  lui 
donner  un  air  de  famille  avec  Nathan,  Jonathan,  etc. 
Puisque  le  mot  Gott  semble  se  rencontrer  dans  ce  com- 
posé, nous  l'analyserons  plus  loin.  Le  crâne  (la  cou- 
ronne) se  transforme  en  adjectif  dans  l'expression  : 
c'est  crâne,  c'est  d'un  esprit  résolu,  hardi,  d'une  tête 
ferme.  La  corniche  est  un  entablement  près  de  la  cou- 
ronne d'un  édifice.  Par  extension  du  sens  de  crâne,  la 
crête  en  L.  crista  marque  le  point  le  plus  élevé  de  la 
tête.  Le  coryphée  marche  à  la  tête  du  chœur.  —  Le 
nom  de  l'enveloppe  a  des  formes  très-variées  qui  se 
reflètent  dans  àu^àpa  —  crusta  —  croûte,  escarre  — 
crust  —  die  Krustc.  La  substance  cornée,  dure  comme 
l'écorce,  s'appelle  y.épaç  —  cornu  —  corne  —  horn  — 
das  Horn.  Corner  veut  dire  ronfler,  faire  entendre  des 
bruits  qui  ressemblent  aux  sons  tremblotants  du  cor  ; 
le  cornard  est  le  cheval  asthmatique.  —  La  matière 
cornée  de  l'enveloppe  a  donné  son  nom  à  la  carapace 
et  aux  animaux  qui  en  sont  pourvus,  tels  que  la  cre- 
vette ,  le  caret  la  tortue  de  mer,  l'êcreuisse,  le  crabe, 
le  scarabée  et  par  assimilation  le  scorpion,  en   Skt 


-   231  — 

k'arj'ûra,  le  crapaud  à  la  peau  sèche  et  rugueuse,  en 
AIL  die  Krôte.  Le  Latin  crabro,  en  Angl.  hornet,  dési- 
gne le  frelon  au  ventre  couvert  de  lames  concentriques, 
au  corps  garni  d'une  carapace.  L'escargot  doit  son  nom 
à  sa  carapace,  de  là  caracoler,  exécuter  des  volutes  à 
cheval,  imiter  dans  ses  mouvements  la  spirale  de 
l'escargot.  Dans  le  Nord  le  crangon  est  le  nom  de  la 
petite  crevette.  En  Angl.  crayjish  dénote  l'écrevisse, 
crawfish  la  langouste.  —  Les  fruits  à  gousse  tirent  leur 
nom  de  leur  enveloppe,  tout  comme  les  animaux  à  ca- 
rapace. C'est  ainsi  que  nous  avons  karkâru  noix  — 
v.x'pjx  —  corylus  le  noisetier,  cornum  le  fruit  du  cor- 
nouiller à  cause  de  son  noyau,  hordeum  orge,  cerasum 
la  cerise,  fruit  à  noyau,  cucurbita  courge  —  caroube, 
gourde,  haricot,  haricot  de  Varennes  huître  comme 
on  dit  inversement  dans  le  Napolitain  noce  di  mare 
noix  de  mer  pour  moule,  carquois,  carillon,  grain, 
graine,  crotale,  grenade  —  core  noyau  —das  Korn  le 
seigle,  die  Gurke  le  cornichon.  La  cruche  a  été,  en 
principe,  une  gousse,,  une  gourde  :  karîra  cruche  — 
y.pwcrcrc;  —  ceramus  (H.  scherftèt)  —  cruche  —  croc- 
kery  ware  la  faïencerie  —  der  Krug  la  cruche.  La 
carafe,  Valcaraza  sont  des  objets  similaires.  Fouetter 
de  la  carafe  avoir  mauvaise  haleine,  contient  un  dou- 
ble jeu  de  mots  :  fouetter  rappelle  fétide  (fœteo)  et 
carafe  l'endroit  où  se  forme  le  croup,  où  l'on  est  grippé, 
H.  krop  jabot.  —  La  grêle  est  assimilée  aux  noyaux 
des  fruits  :  kara  —  yiXx'Çx  —  grando  —  grêle  —  corn 
grain  —  der  Kern  le  noyau.  —  Un  carbeluche  galicé 
est,  par  assimilation  avec  la  carapace  qui  recouvre,  le 


—  232  — 

chapeau  de  soie.  Galice  répond  à  l'Angl.  gloss  et  â 
l'Ail,  der  Glanz  le  lustre.  V.  au  mot  chaleur.  —  La 
gousse  qui  est  l'image  de  la  coque  du  navire,  a  donné 
son  nom  à  la  carène,  en  L.  carina,  Angl.  keel,  Ail.  der 
Kiel.  La  caraque  en  H.  kraak,  la  caravelle  sont  deux 
navires  à  coques  différentes.  —  L'écorce  protectrice 
prend  le  nom  de  l'enveloppe,  de  la  carapace  fcura  le 
sabot  de  cheval  :  yipxr^  l'écorce,  le  papier  —  charta 
papier,  quercus  le  chêne  et  en  particulier  le  chêne 
liège,  cortex  l'écorce,  carbasa  les  voiles,  corium  le 
cuir  —  êcorcher  ôter  le  cuir,  Vêcorce  —  cork  le  liège, 
le  bouchon  de  liège,  der  Kork  id.  —  La  carence  dans 
procès-verbal  de  carence  marque  l'enlèvement  de 
l'écorce,  le  dépouillement,  le  dénûment.  —  Le  carcer 
H.  kerker  est  assimilé  à  l'enveloppe  qui  garde,  qui  en- 
serre. En  Argot  il  s'appelle  la  carruche.  Mettre  à  la 
care  veut  dire  garder,  mettre  de  côté,  la  care  la  ca- 
chette, le  carreur  et  par  jeu  de  mots  le  charrieur  le 
receleur.  La  garde  se  trouve  également  dans  */apa;  le 
rempart  —  carceres  la  barrière  du  champ  de  course, 
accore  appui  pour  renforcer  un  mur,  êcharpe,  carique 
ÇR.jurk)  caraco  —  shore  la  côte,  la  falaise  qui  protège 
la  terre  —  der  Schrank  l'armoire.  L'obstacle,  l'Argot 
l'appelle  avec  jeu  de  mots  escare.  Une  falaise  accore 
est  une  falaise  à  pic,  un  mur  naturel.  La  même  idée  et 
la  même  racine  se  présentent  dans  écran,  en  Angl. 
screen  et  dans  êcrin,  en  Angl.  shrine,  en  Ail.  der 
Schrein,  dans  escarmoucher ,  escrimer ,  Ail.  schirmen 
protéger  par  les  armes,  en  Angl.  to  skirmish  escar- 
moucher, dans  FAU.  die  Schûrze  le  jupon.  L'enceinte, 


—  233  — 

la  clôture  s'appellent  çxi  =  couvrir  —  xûP°?  l'enceinte 
hortus  le  jardin  —  jardin,  horticulture  —  garden  — 
der  Garten  et  dans  les  noms  de  ville  Grad,  Kars} 
Carthagène  selon  les  pays. 

Dans  les  mots  ypuq  —  corpus  —  corps  on  est  en  droit 
de  voir  l'enveloppe,  l'habitacle  de  1  ame.  De  là  sans 
doute  des  paraphrases  comme  dépouille  mortelle,  gue- 
nille. Selon  la  Bible  le  corps  fut  fait  de  terre  comme  le 
vase  du  potier.  Le  têt  s'appelle  en  Skt  kharpara,  en 
Angl.  sherd,  en  AIL  die  Schei^be.  La  chair  hîra  — 
y.pÉa;  —  caro  —  chair,  en  Argot  crie  et  criolle  d'où 
criollier  et  par  jeu  de  mots  crinolier  boucher.  La  griffe 
le  carpe,  en  Skt  karabâ  se  disposant  a  saisir  affecte  la 
forme  du  croc  et  présente  ainsi  l'image  primitive  de  la 
courbe.  Les  idées  d'angle  (sinus)  et  le  cercle  sont  ana- 
logues à  celles  de  la  courbe.  Ainsi  se  sont  formés  le 
nom  Eolien  xûfaoç  —  curvus  —  courbe  —  to  crimp  re- 
croqueviller —  krumm  courbe.  L'angle  s'appelle  carne, 
en  Angl.  corner  le  coin,  en  Suéd.  hornsten  pierre  an- 
gulaire. Il  le  devine  dans  crux  —  croix  —  cross  —  das 
Kreiu,  dans  TAngl.  crutch  la  béquille,  en  Ail.  die 
Krûcke.  Le  L.  car  do  désigne  le  gond,  le  clou  en  croc 
sur  lequel  tourne  la  porte.  C'est  une  espèce  de  char- 
nière et  une  variante  de  ce  mot.  Il  partage  la  forme  et 
le  sens  avec  carduus  le  chardon  qui  est  pourvu  de  pi- 
cots recourbés.  —  Le  cercle  s'exprime  par  y.ipy.oç  —  cir- 
culus  —  circus,  cirrus  boucle  —  cercle,  cirque,  cerco- 
pithèque —  curl  boucle  —  der  Kreis  le  cercle,  der 
Kreitz  la  circonscription,  kraus  bouclé,,  der  Kreisel  la 
toupie —  H.  hring  cercle.  V.  au  mot  girouette.  Autour 


—  234  - 

du  mot  cercle  il  convient  de  grouper  charron  nom  par 
jeu  du  mots  du  récéleur,  ainsi  que  charrier  voler,  en 
suite  char,  carrière,  courir,  se  carapater  courir  en 
faisant  retentir  le  pavé  du  bruit  des  pattes.  Se  mouvoir 
en  cercles,  en  replis  tortueux  se  traduit  par  les  mots 
congénères  srip  —  Ip™  (1)  —  serpo  —  serpent  —  to 
creep  ramper,  to  cringe  ramper,  faire  des  bassesses 
pour  obtenir  ce  qu'on  demande,  to  crave  implorer  lâ- 
chement —  kriechen  ramper. 

L'avidité  du  goulu,  en  H.  guhigaaral  (engouleur), 
analogue  au  Skt  k'at  désirer  s'exprime  par  le  nom  du 
gosier  présenté  comme  verbe.  C'est  la  convoitise  du 
cœur  qui  fait  que  le  gosier  se  tend,  que  la  main  saisit. 
Le  son  du  gosier  se  présente  sous  la  forme  métathétique 
dans  le  Skt  rc  désirer,  dans  go urmand,  dansl'Angl. 
greed  l'envie,  en  Ail.  die  Gier,  d'où  gierig  avare  ain- 
si que  l'adj.  geizig  avare,  der  Geizhals  l'avare  (le  cou 
avide).  —  La  bonne  volonté,  la  bienveillance  s'exprime 
par  yapiq  —  gratia,  carus  —  grâce,  gré,  cher  —  to 
yearn  désirer  tendrement  —  gern  volontiers  —  H. 
gaarne  et  graag  volontiers  —  begeeren  souhaiter,  mé- 
tathèse  de  rogare  demander. 

L'odorat  s'exprime  par  une  forte  aspiration  nasale 
qui  produit  un  ronflement  au  fond  du  gosier.  C'est  ce 
que  prouvent  le  Skt  ghrâ  sentir,  en  H.  geuren  répandre 
son  parfum.  Ces  mots  attribuent  aux  fleurs  l'acte  de 
notre  organe,  comme  quand  on  dit  la  fleur  sent. 

La  chaleur  et  le  feu  tirent  leur  nom,  par  prosopopèe, 

(1)  L'Ail,  die  Raupe  en  H.  rups  la  chenille  est  formé  de  la  même 
racine  que  ramper. 


-  235  — 

du  souffle  du  gosier.  V,  au  mot  jaune.  C'est  son  nom 
qui  se  retrouve  dans/?  farw  blanc,  liari  jaune,  clair,  mar- 
quant desefïets  de  lumière,  crip  éclairer,  g'arin  briller 

—  yapYcdçxji  resplendir  —  crocus  jaune  —  chrysolithe, 
crocus,  gris  noir  mêlé  de  blanc  —  gray  gris  —  grau 
id.  La  vieillesse  blanchit  les  cheveux,  delà  :j'rc  blanchir 
vieillir  —  yrjpa^la  vieillesse  —  Géronte  —  hoary  blanc 

—  dcr  Greis  le  vieillard. Delàencore  le  nom  delà  gorge 
dans  crû  cuire,  k'ara  chaud  —  ypagiov  torche,  d'après 
le  son  et  les  correspondants, le  tison  ardent  —  carbo 
le  charbon  —  to  char  brûler  —  die  Griebe  la  rillette, 
gaar  cuit,  die  Schaarwochelâ  semaine  des  cendres.  — 
La  grisette,  synonyme  de  cocotte,  avec  la  différence  du 
temps  et  par  conséquent  des  mœurs,  doit  son  nom  à  une 
assimilation  équivoque.  La  sœur  de  charité,  ou  tel  ordre 
de  sœurs  voué  aux  œuvres  de  charité,  porte  un  uniforme 
gris.  Confondant  l'amour  avec  la  charité  on  a  nommé 
l'ouvrière  complaisante  grisette. -Le carme  est  l'or  roux 
ou  jaune,  la  monnaie  qui  a  la  couleur  du  feu.  Le  mot 
se  rattache  à  xapfu  dessécher  —  cremo  je  brûle  —  cré- 
mation —  cream  la  crème,  la  croûte  qui  se  forme  sur 
le  lait  chauffé,  en  Ail.  derRahm,  avec  perte  de  la  guttu- 
rale. -Quand  le  g  s'adoucit  il  entraîne  après  lui  un  siffle- 
ment s.  Si  ce  sifflement  devient  aigu  la  langue  touche 
le  palais  et  produit  t  au  lieu  de  s.  De  cette  racine  natu- 
relle ont  été  formés  yefaov  la  gargouille  par  assimilation 
à  notre  gosier  —  guttur  —  guttural,  goitre,  gosier  — 
gâte  la  porte,  l'ouverture,  par  prosopopée  —  die  Gasse 
la  rue,  le  couloir  —  Suéd.  gâta  rue.  —  Répandre  de 
l'eau  revient  à  l'acte  d'un  gosier  qui  dégorge  un  liquide 


—  236  — 

k'ôd  jeter,  lancer,  gad  couler  —  yit>)  je  répands  —  chy- 
mus  —  chyme — gueuse  bloc  de  fonte—  to  cast  fondre, 
to  gush  jaillir  —  gieszen  fondre,  répandre,  kotzen  vo- 
mir. Le  souffle,  le  gaz  ont  été  traités  p.  37  du  Traité. 
Le  Skt  à  le  mot  }glanda  odeur,  kuf  puer.  La  toux  qui 
secoue  le  gosier  s'appelle  en  Skt  kâxa.  L'Ali,  heiser 
veut  dire  égosillé,  rauque.  La  parole,  le  chant,  tels 
bruits  manifestent  leur  origine  gutturale  dans  had, 
kand,  kud,  kêd  gazouiller,  gad  parler,  dans  les  mots 
de  l'Argot  jaspiner  parler,  gouspiner  dire,  jaspùi 
oui,  c'est  ce  que  je  dis.  Quand  on  dit  que  les  oiseaux 
gazouillent  on  donna  à  entendre  que  leur  gosier  rend 
des  notes  qu'on  ne  spécifie  pas. 

Le  chat  huant,  V.  Traité  p.  10,  veut  dire  chat  qui 
hue.  En  H.  on  dit  katuil  hibou  chat  (hulotte),  en  Ail. 
Gaîich  et  Kautz  hibou.  Ce  dernier  mot  est  une  différen- 
ciation de  Katze  chat.  L'Ail,  der  Uhu  est  le  huant,  le 
hibou.  Chat-huant  contracté  a  donné  les  mots  chouan, 
chouette  et  chevinette  en  It.  civetta.  De  ce  que  l'oiseleur 
se  sert  de  la  chouette  pour  attirer  les  oiseaux  sur  les 
gluaux  on  a  employé  le  mot  chouer,  comme TIt.  civet- 
tare,  pour  tromper.  Par  calembour  on  dit  chiquer  pour 
chouer.  Delà  l'expression  chiquer  sans  tabac  tromper, 
expression  qu'on  n'arriverait  jamais  à  comprendre  sans 
faire  intervenir  l'homonyme  chouer. V.  au  mot  chiquer. 
Jouant  ensuite  sur  chiquer  on  a  fait  le  mot  aquiger  sé- 
duire dont  la  forme  approche  de  aquiger  prendre.  Dans 
le  Centre  chouer  prend  des  formes  variées  qui  en  éclair- 
cissent  l'origine.  Là  on  dit  cahuer,  acahuer,  achcœan- 
ter  pour  chouer.  Il  a  également  lé  mot  chouser  pour 


—  237  — 

tromper,  équivalent  de  l'Angl.  to  hoax  cajoler,  de  to 
cheat  et  de  l'Ail,  huzen  qui  veulent  dire  tous  deux 
tromper.  Là  bas  le  chavan  est  un  objet  qui  représente 
un  chat  huant  en  terre  dans  lequel  on  souffle  pour 
imiter  ainsi  la  voix  du  hibou  et  attirer  les  oiseaux  contre 
lesquels  ils  est  sans  défense  le  jour. 

Le  coucou,  V.  Traité  p.  10,  qui  trompe  les  oiseaux 
en  pondant  dans  leur  nid  et  en  faisant  couver  par  le 
voisin,  a  servi  à  former  le  son  et  le  sens  de  cocanger 
tromper  et  par  extension  escroquer,  cuocter  tromper, 
en  Angl.  to  coax  cajoler,  to  decoy  séduire.  Acoquiner 
veut  dire  allécher,  tromper,  s'acoquiner  se  laisser  pren- 
dre. Avec  le  mot  populaire  chevinette  qui  veut  dire  ma 
belle,  mon  cœur,  nous  revenons  à  la  chouette.  C'est 
chouet  c'est  joli.  Ces  deux  mots  [ont  une  variante  dans 
le  mot  coquet  et  dans  la  coquette  la  femme  qui  cherche 
à  attirer  l'attention  par  des  manières  agaçantes.  Ces 
manières  on  les  a  comparées  a  celles  delà  chouette  qui, 
cherchant  à  regarder  la  lumière  en  face,  travaille  des 
yeux  et  tourne  la  tête  d'une  façon  si  drôle  qu'on  ne  peut 
s'empêcher  de  rire.  Les  oiseaux  reconnaissent  à  ces 
gestes  involontaires  que  leur  ennemi  est  aveuglé  par  le 
jour;  l'absence  du  danger  les  attire  pour  lui  donner  la 
chasse,  mais  l'oiseleur  qui  voit,  lui,  les  attend  la  pour 
les  attraper  à  ses  gluauxoules  prendre  dans  ses  filets  ten- 
dus autour  de  l'appeau.-  Ce  qui  fait  rire  est  cocasse  (1), 
comme  les  manières  de  la  chouette,  en  Ail.  Gauch.  Le 


(1)  Le  H.  uilenspiegel,  miroir  des  hulottes,  a  donné  le  mot  Français 
espiègle  {spéculum).  Le  livre,  ainsi  intitulé,  contient  des  histoires 
cocasses. 


—  238  — 

H.  koddig  risible  rappelle  le  chat-huant  et  ses  mouve- 
ments burlesques 

Nous  avons  vu  l'origine  du  son  et  du  sens  d'appré- 
hender en  traitant  des  racines  congénères.  L'articula- 
tion est  décrite  dans  le  langage  comme  l'endroit  où 
deux  membres  tiennent  ensemble  par  accrochement. 
Elle  s'appelle  en  AIL  die  Kothe,  La  goutte  est  une 
affection  arthritique  qui  siège  de  préférence  dans  le 
grand  orteil.  Ce  mot  est  une  déviation  du  son  incom- 
pris de  Kothe  vers  celui  de  goutte  qui  était  familier.  Le 
H.  huit  désigne  le  mollet,  les  muscles  en  dessous  de 
l'articulation  du  genou.  —  Les  parties  charnues  du 
corps  s'appellent  généralement  d'après  leur  emplace- 
ment vis-à-vis  du  squelette.  Le  siège  de  la  maladie 
détermine  parfois  son  nom,  comme  il  arrive  pour  het 
pootje  la  petite  patte,  nom  H.  de  la  podagre  et  pour 
goutte  maladie  de  l'articulation  (1).  —  Le  déhanche- 
ment, comme  nous  avons  vu  pour  botter,  avoir  l'em- 
boîtement dérangé,  clocher  et  comme  il  sera  prouvé 
pour  locher,  s'exprime  en  indiquant  tout  simplement 
la  hanche.  Les  circonstances  doivent  dire  le  reste.  La 
jointure  s'appelle  en  Skt  ganda,  l'aisselle  k'andtka  :  à 
nous  de  comprendre  que  k 'ôd  signifie  être  boiteux, 
comme  les  congénères  g'att  et  çuf  —  axàÇw  boiter  — 
scandalizo  faire  broncher,  faire  tomber,  cadere  tomber 
primitivement,  fléchir  dans  l'emboîtement  chute,  cet- 

(1)  Nous  rattachons  ce  mot  à  -/avSàvw  ajjprêhender,  V.  ce  mot, 
pareeque  l'articulation  s'est  présentée  jusqu'ici  comme  un  accroche- 
ment, une  prise.  Au  lecteur  de  vouloir  bien  examiner  les  motifs  qui 
pourraient  faire  incliner  vers  un  rapprochement  avec  le  verbe  encas- 
teler,  enchâsser,  emboîter. 


—  239  — 

dence  —  to  shunt  faire  aller  sur  une  route  de  traverse, 
to  squint  loucher  (oxatupéu)  et,  selon  l'Argot  espiègle, 
boiter  des  châsses  (V.  ce  mot)  —  die  Schande  la  honte, 
le  scandale  —  H.  schuin  en  biais.  La  queue,  en  Latin 
cauda,  s'agite  au  gré  de  l'animal.  Le  son  du  mot  est 
celui  que  nous  venons  de  voir  ;  le  sens  est  assimilé  au 
va  et  vient  ménagé  par  l'articulation.  Dans  cauda  on 
retrouve  le  sens  de  quatio,  concutio  secouer,  en  Ail. 
schùtteln,  en  H.  schudden,  en  Skt  gatt,  d'où  kHà 
k'ad  tourmenter.  La  bataqua  est  dans  le  Midi  le  hoche- 
queue (qua  contraction  de  cauda),  l'oiseau  qui  bat  de 
la  queue,  qui  la  secoue,  le  fouetteur,  en  Skt  kanâlina. 
A  Paris  c'est  le  nom  de  la  traîneuse,  parceque  dans  ses 
allées  et  venues  sur  le  trottoir,  la  queue  de  sa  robe  est 
agitée  de  mouvements  continuels,  en  Angl.  draggle- 
tail  qui  salit  sa  traîne.  La  godille  diminutif  de  cauda 
est  à  la  barque  ce  qu'est  la  queue  pour  le  poisson.  Le 
cador,  le  cajor  sont  des  noms  du  chien  empruntés  à  sa 
queue  que  dans  son  désir  de  plaire  il  agite  souvent  : 
de  là  cajoler,  imiter  le  cajor,  flatter,  chercher  à 
plaire. 

Préserver,  garder,  envelopper,  sont  considérés, 
d'après  le  son  des  mots,  comme  des  effets  de  la  pré- 
hension. On  la  distingue  dans  katti  —  jtfewj  —  cista 
caisse  —  encasteler,  enchâsser,  châsse,  en  Argot 
châsse  œil  qui  comme  l'armoire  ou  la  caisse  s'ouvre  et 
se  ferme  —  chest  armoire  —  die  Kiste  la  caisse  ;  dans 
gud1  gousse,  gudh  couvrir  —  crxtfxoç  cuir  —  cutis  peau 
—  cytise  arbre  à  gousses,  housse,  gousse,  cutané  — 
hide  peau  —  die  Haut  id. ,  die  Schote  la  gousse  ;  dans 


240 


kakud  cime  —  xottî)  crâne  —  Angl.  head  tête  —  AIL 
der  Scheitel  le  crâne  ;  dans  kaVinâ  vase  —  xi/roç  carène 
catinus  écuelle  —  écuelle  —  scuttle  id.  —  die  Schùssel 
id.;  dans  chad,  skudj  k'att  couvrir  —  y.sJGw  cacher  — 
castra  le  retranchement  —  château,  case,  écusson  — 
shed  abri,  to  shut  fermer  —  schûtzen  protéger,  die 
Scheide  la  gaîne.  La  protection  qui  nous  vient  du  vête- 
ment s'exprime  dans  ridingcoat  redingote  et  dans  l'Ail. 
die  Kotze  ou  die  Kutze  la  couverture.  —  Le  chapeau 
s'appelle  le  gadin. 

Le  goût  (gustus)  d'après  les  Latins  résiderait  dans 
le  gosier.  Certes  quand  on  a  faim  tout  est  bon.  Cepen- 
dant ils  avaient  le  mot  deliciœ  délices,  en  H.  lekker- 
nyen  qu'ils  appréciaient  par  le  contact  de  la  langue  :  le 
mot  est  là  pour  le  dire.  Pour  cela  elles  étaient  considé- 
rées comme  luxus  luxe,  le  contraire  des  goûts  sobres. 
Goût  répond  à  kâ  organe  des  sens  —  y£uo)  goûter  — 
guttur  —  gosier,  guttural,  gar gante  —  Angl.  to 
guzzle  avaler.  Ce  que  l'on  goûte  on  le  trouve  bon,  en 
Angl.  good,  en  Ail.  gut,  en  G.  àyaOc;.  God  (1)  et  Gott 
les  noms  de  Dieu  en  Angl.  et  en  Ail.  semblent  signifier 
bon.  C'est  le  nom  que  les  féroces  Arcadiens  donnèrent 
au  leur  quand  ils  résolurent  de  vivre  sous  des  lois  de 
bonté  et  de  douceur.  Les  faux  Dieux  s'appellent  en 
AU.  gôtze.  En  Suéd.  et  en  H.  Gud  et  God  veulent  dire 
Dieu,  god  et  goed  bon.  On  peut  admettre    que  ces 

(1)  Le  Bien  Suprême  est  un  des  noms  du  Dieu  Chrétien .  Il  fait  lever 
son  soleil  sur  les  bons  et  les  méchants.  Il  ne  demande  pas  la  mort 
du  pécheur,  mais  qu'il  se  convertisse  et  vive.  Dans  le  parallèle  des 
vies  de  Thémistocle  et  de  Camille,  Plutarque  décrit  l'essence  divine 
comme  faite  de  bonté  :  «  Car,  bien  que  la  nature  des  Dieux,  qui  est  la 
«  bonté  même  et  qui  se  hâte  de  pardonner  et  tarde  à  punir,  etc.  » 


—  241  — 

mots,  ainsi  que  le  nom  Gothique  Guth  ne  présentent 
dans  leur  forme  que  des  difïérentiations  imposées  par 
la  diversité  du  sens  qu'ils  doivent  exprimer  et  qu'au 
fond  ils  sont  les  mêmes.  La  bonté  ainsi  divinisée  mar- 
que un  effort  de  l'homme  pour  élever  son  âme  vers 
l'Etre  Accompli,  aussi  bien  que  lorsqu'il  l'appelle 
Dieu  (1) -Lumière,  ou  Jehovah  —  Celui  qui  est.  Comme 
Etre  Accompli  son  nom  est  ineffable  et  incommunica- 
ble. 

L'ongle  qui  accroche  es*  en  même  temps  le  prototype 
de  l'instrument  tranchant.  De  là  la  présence  de  la  ra- 
cine gutturale  dans  le  nom  de  la  main  (hand)  assimilée 
au  gosier  qui  prend  et  dans  l'ongle.  V.  aux  mots  acan- 
the, appréhender.  L'acte  d'une  ongle  se  trouve  dans 
k'adj  cat  fendre,  çastrî  -  jteorppv  couteau  —  cœdo 
couper —  incision —  to  eut  couper  —  scheiden  séparer. 

—  Les  marches  d'un  escalier  consistent  en  autant  de 
planches  ou  de  plaques  obtenues  par  la  taille  ou  la  sec- 
tion :  T/izrt  — scandula,  sclieda  —  scédule  —  shingle 
plaque  —  das  Scheit  copeau,  branche  de  bois  :  de  là 
gravir  des  marches  :  scando,  ascendo  monter  — 
ascendant.  —  Manger  est  un  acte  du  gosier,  en  Argot 
gosi.  On  n'a  qu'à  se  le  figurer  en  action  pour  deviner 
ce  que  le  verbe  signifie.  —  Ainsi  se  sont  formés  klê 
manger,  gcas  id.,  gada  manger  et  dans  l'Argot  gousser 
et  regatter  manger,  la  regatte  la  viande  trouvée  sur 
les  tas  d'ordure. 

(2)  L'Argot  appelle  Dieu  le  Avre,  le  Havre  et  le  Aure.  Ce  sont  des 
variantes  du  même  thème.  Avre  donne  Aure  comme  robur  chêne 
donne  rouvre.  Le  sens  est  suprême  :  v%ep  —  super  —  super  —  hyper 

—  up  —  oben,  auf,  sur,  au-dessus. 

16 


LA  LANGUE 


L'organe  qui  fait  suite  à  la  gorge  est  la  langue.  Le 
son  tout  spécial  par  lequel  nous  distinguons  son  action 
est  le  l.  De  là  le  nom  de  l'organe,  en  Skt  lôla,  lalanâ. 
Etre  trémulent  comme  la  langue  s'exprime  par  lôla 
tremblant  en  Skt  et  en  H.  par  Mien  trembler,  lel  lobe 
de  l'oreille.  Selon  que  d'autres  organes  de  la  phonation 
seront  engagés  avec  elle  dans  la  même  action,  les  mots 
qui  la  représentent  contiendront  la  lettre,  ou  le  son  spé- 
cial à  chacun  d'eux.  Ainsi  nous  voyons  l'intervention  de 
la  lèvre  dans  le  v  de  lavika,  l'organe  qu'entre  autres 
fonctions  on  voit  prêter  son  concours  pour  laper  — 
\â[xoç  la  gueule  pour  les  lèvres,  "kfyoç  le  cou,  pour  les 
lèvres,  comme  laissant  échapper  l'air  (V.  au  mot  lou- 
voyer) Xigaç,  parprosopopée,  la  fontaine,  les  lèvres  d'où 
s'épanche  le  liquide  —  labia  —  lèvre,  lippe,  labié  — 
lip  —  die  Lippe,  dieLefze.  Abalobêen  Argot  veut  dire 
pourvu  de  grosses  lèvres,  en  Skt  lulapa  le  mufle.  Au- 
cun de  ces  mots  ne  désigne  spécialment  cette  'partie  de 
l'appareil  phonique  qui  a  nom  langue,  bien  qu'elle  joue 
un  rôle  apparent  comme  l'indique  sa  place  au  premier 
rang.  Le  contraire  a  lieu  également  :  ainsi  le  Skt  haka 
désigne  la  langue  bien  que  ce  soit  le  nom  propre  du 
quique.  En  tirant  la  langue  on  fait  voir  la  gueule  et 
c'est,  sans  doute,  cette  impression  que  le  spectateur 
traduit. 


—  243  — 

Il  en  est  de  même  pour  laper,  lamie  gueule  :  quand 
le  chien  lape  le  spectateur  peut  être  autant  frappé  par 
sa  bouche  qui  suit  le  mouvement  de  la  langue  que  par 
l'activité  de  cet  organe  même,  et  quand  les  Grecs  se  fi- 
guraient une  Lamie  dévorant  les  enfants  ils  étaient  im- 
pressionnés autant  par  les  lèvres  de  cette  gueule  avide 
que  par  la  langue  sur  laquelle  elle  était  censée  recevoir 
la  pâture.  D'autres  fois  nous  voyons  la  gorge  prendre 
une  part  prépondérante  dans  l'action  commune.  Il  se 
forme  alors  des  onomatopées  comme  Xauxavîa  la  gueule 
—  lucius  le  brochet  vorace,  le  loup  des  rivières  et  des 
étangs,  le  même  motque  Mxoç  le  loup,  en  AW.des  Lac/ts 
laças  par  prosopopée  —  lac  V.  Traité  p.  22. 

Il  arrive  aussi  que  le  souffle,  se  trouvant  enfermé 
entre  la  langue  et  le  palais,  la  prononciation  amène  un 
s  qui,  lorsque  le  sifflement  devient  aigu  et  que  la  langue 
touche  le  palais  se  transforme  en^.  Cette  dernière  lettre 
s'associe  volontiers  avec  un  n.  Le  Skt  lus  s'amuser  et 
le  Latin  laetus  joyeux  dont  nous  verrons  la  genèse,  in- 
cessamment sont  des  produits  de  cette  phonation. 

A  cause  de  la  proximité  des  sons  r  et  /,  le  premier 
logé  à  la  racine,  le  second  dans  la  partie  mobile  de  la 
langue  ceux-ci  se  confondent  souvent  dans  la  pronon- 
ciation et  par  conséquent  dans  l'orthographe.  Plusieurs 
des  mots  qui  seront  cités  ici  sont  simplement  des  doublets 
des  mêmes  phonèmes  avec  r.  Notons  encore  que  les 
mots  où  le  l  remplace  le  r  ont  trait  à  la  gorge  ou  à  ses 
opérations  et  qu'on  doit,  par  conséquent,  s'attendre  à 
voir  ces  mêmes  mots  figurer  dans  le  langage  avec  g,  ce 
qui  constitue  une  nouvelle  série  de  doublets.  Ceci  posé 


244 


nous  allons  voir  défiler  les  noms  des  diverses  propriétés 
de  la  langue  ainsi  que  des  organes  comme  la  larynx  et 
les  lèvres  auxquels  elle  a  communiqué  son  vocable  par 
un  effet  de  syllepse. 

Quand  la  poitrine  est  essoufflée,  haletante  la  langue 
s'abaisse  et  s'allonge  pour  permettre  à  l'air  d'entrer,  plus 
large.  Tirer  la  langue  veut  dire  être  très  fatigué,  essouf- 
flé. Quand  le  chien  est  hors  d'haleine  il  avance  la 
langue.  Cette  façon  de  respirer  est  exprimée  par  Xco<pàw 
respirer,  XaTXa6  le  vent  —  lips  id.  —  le  lof  le  côté  du 
vent,  louvoyer  prendre  le  vent —  sleep  le  sommeil,  la 
respiration  qui  entretient  la  vie  pendant  la  torpeur  de 
la  conscience,  slumber  le  sommeil  léger,  life  la  vie, 
luff bu  loqfle  lof  —  der  Schlafle  sommeil,  der  Schlum- 
mer  le  sommeil  léger,  der  Leib  le  corps  pour  la  vie, 
das  Lebenlsi  vie,  die  Luft  i'air  respirable.  Delà  Schlqf 
le  sommeil.  Le  siège  du  souffle  s'appelle  en  Angl.  lungs 
le  poumon,  en  Ail.  die  Lunge,  en  H.  long  et  son  con- 
tenu lucht  l'air  (1).  L'Argot  a  des  applications  nom- 
breuses de  cette  racine:  ainsi  lof  veut  dire  boursouf- 
flure,  abcès,  louffer  sentir  mauvais,  loffard  le  condanné 
à  vie  sur  les  pontons,  loffitude  blague,  loffat  chat  qui 
va  flairer,  quêter.  La  racine  de  ces  mots  est  la  variante 
de  celle  cle  roupiller,  ronfler.  L'air  se  manifeste  dans 
lavayga  la  giroflée.  —  La  gueule  est  l'organe  prédomi- 
nant du  loup  :  aussi  l'a-t-on  nommé  Xuxoç  nom  trasparent 
qui  a  le  sens  de  l'Ail.  Schlinge  gouffre  —  lupus,  lynx 
—  loup.  La  cicogne  qui  un  jour  retira  l'os  de  son  gosier 

(1)  Chelingner  ou   chlinger  veut  dire   sentir  du  Schlauch,  de   la 
Sclinge  mots  Ail.  qui  veulent  dire  gueule. 


245 


doit  sonnom  également  à  son  cou:  ciconia.  Lecygne  est 
l'homonyme  de  la  cicogne  parce  que  les  deux  mots  dé- 
crivent un  cou  très  long  chez  l'un  et  l'autre  oiseaux.  Le 
loupiau  et  par  jeu  de  mots  le  loffiat  est  le  petit  ap- 
prenti, métaphore  dans  le  genre  de  marcassin,  de 
groule  et  groulasse.  Un  loup  dénote  une  lacune  dans  un 
texte,  un  endroit  qui  bâille  comme  la  gueule  du  loup. 
C'est  peut-être  le  mot  lacune  lui-mêmequi  a  suggéré  le 
nom  loup:  l'idée  dans  les  deux  cas  est  gouffre.  L'erreur 
et  la  dette  sont  assimilés  à  la  lacune  et  se  nomment  loup 
également  (1).  Le  louflon  est  le  louveteau,  la  lipette  la 
prostituée,  lupa;  louper  veut  dire  vagabonder,  ne  rien 
faire. 

Lécher  nous  montre  la  langue  en  activité.  — L'organe 
a  ses  racines  dans  le  gosier,  comme  l'indique  la  pré- 
sence de  la  gutturale.  Nous  constatons  la  présence  du 
son  qui  le  caractérise  dans  lila,  loi,  lih  lécher  —  Xs->/<.> 
—  lingo,  lambo  —  lécher \  licher,  laper  —  to  lick  — 
lecken. 

Le  verbe  Grec  offre  la  métathèse:  yt  Ck  s;  lèvre.  Le  ber- 
lingot est  le  bombon  qu'on  pourléche.  Dans  le  Patois 
du  Limbourg  on  l'appelle  babbeleer  habilleur,  nom  qui 
qui  marque  le  mâchonnement  et  le  jeu  des  babines. 

Boire  s'appelle  Xz-tw  —  libare répandre  des  boissons, 
faire  des  libations  —  lampée  —  to  slop  boire  immodé- 
rément —  schlemmen  boire  à  l'excès  —  H.  slempen. 
Liber  est  le  nom  deBacchus,  qui  aime  les  libations,  les 
lampées.  —  L'acte  de  manger  demande  l'intervention 

(1)  Le  louffiat  est  l'imbécile,  la  bouéhe  bée,  louflouf  veut  dire  mon 
gros,  le  gros  ayant  la  réputation  d'être  béard,  paisibe,  de  ne  pas  être, 
malin,  loufoque  bête. 


—  246  — 

de  la  langue  comme  nous  voyons  par  lêha  aliment  — 
Xa9'jc<7(*)  je  mange,  liboje  goûte,  libum  le  pain  en  Angl. 
loqf,  en  AU.  der  Laib. 

Le  désir  de  manger  et  parsuite  la  convoitise,  l'envie 
de  jouir'  se  manifestent  par  une  agitation  de  la  langue 
et  des  organes  qui  s'associent  avec  elle.  C'est  ce  que 
révèlent  les  onomatopées  lub  aspirer  à,  désirer  vivement 
Aaw  désirer,  X&rti  id.  —  libet,  lubet  l'envie  existe,  libo 
je  choisis,  je  marque  une  préférence  —  libidineux  qui 
suit  trop  ses  désirs  — to  love  aimer — lieben,ià.,et  avec 
d'autres  lettres  que  la  labiale:  \i%vûçiù  —  ligurio  désirer 
—  luxus  le  désir  de  la  jouissance,  d'abord  par  legosier, 
puis  parles  yeux  et  les  autres  sens,  deliciae  les  délices  - 
luxurieux,  se  délecter  —  lecherous  libidineux,  to  list 
avoir  envie,  to  like  aimer,  to  long  désirer  —  lécher  dé- 
licieux, lûstern  qui  convoite,  die  Lust  la  joie.  Le  lous- 
tic est  le  garçon  joyeux.  Le  Skt  a  pour  désirer  les  verbes 
loi,  luh,  las\  lipsê,  lash.  -  La  faim  est  le  désir  de  man- 
ger; delà  H[xoc  faim,  boulimie  une  grande  faim,  (grande 
comme  une  bouche  qui  bâille  tout  large:  bou)  une  faim 
canine.  —  La  joîe  se  découvre  diverse  dans  le¥  folâ- 
trer—  Xatxaç  la  fille  de  joie,  XoXoç  le  fou  -  laetus  joyeux 
ludus  l'amusement — liesse ^illusion,  éluder,  la  lolotte, 
la  louille,  en  Argot,  la  fille  de  joie  —  to  laugh  rire  — 
lachen  id.  —  die  Luge  le  mensonge,  la  bourde,  une  vé- 
rité pour  rire  —  H.  lel  lolotte,  loi  plaisir,  en  Skt  lalana 
amusement  —  Suéd.  leka,  s'amuser,  comme  en  Skt  le 
rire.  —  Le  dégoût,  l'ennui  que  l'enfant  manifeste  en  ti- 
rant la  langue  se  marque  dans  lâd  darder  la  langue, 
laid  odieux  à  la  vue,  to  loll  the  tongue  tirer  la  langue 


—  247  - 

par  mépris,  en  Ail.  leidig  odieux,  en  Suéd.  leda  aver- 
sion. L'AIL  das  Leid  veut  dire  l'ennui,  le  chagrin.  -  Le 
sanglot  est  représenté  dans  le  langage  comme  un  hoquet 
qui  secoue  le  gosier:  XuYyavw  je  sanglote  —  lugeoje  m'at- 
triste.  Inclus  le  deuil,  lugubre  triste.  La  douleur  rend 
la  lèvre  boudeuse:  Xthnj.  —  La  parole  est  due  au  mouve- 
ment de  la  langue  combiné  avec  celui  des  autres  organes 
de  la  phonation  :  lâta,  land  parler  —  Xa«,  \ly<a  —  lo- 
quor  —  êlocution  —  to  lull  en  répétant  lala,  hdlaby 
chant  pour  endormir  l'enfant  —  lallen  parler  —  Julien 
divaguer.  La  lumière  et  la  chaleur  sont  un  souffle  em- 
brasé sortant  d'un  gosier.  Dans  les  mots  qui  suivent 
nous  avons  à  faire  à  des  doublets  de  rouge  et  ses  congé- 
nères. V.  ces  mots.  Tel  est  le  témoignage  le  layg*  briller 
Xtyvtiç  fumée,  fumée  ardente  —  lux,  lucide,  lumière, 
lucifer  (1),  lustre  —  light  lumière,  link  torche  —  das 
LicJit  la  lumière,  lodern  luire,  die  Lohe  la  flamme. 
En  Argot  le' luisant  est  le  soleil,  la  luisante  la  lune,  le 
luisard  le  jour.  —  Approcher  une  lumière,  peut-être 
celle  du  regard,  éclairer  se  traduit  par  lax,  lôk  regarder 
ASJ7-w  — je  vois,  lustro  j'examine.  —  En  Skt  laka  veut 
dire  le  visage.  Le  Latin  limus  dénote  celui  dont  les 
rayons  visuels  se  croisent;  c'est  leur  mot  pour  lou- 
cher (2).  La  luque  est  le  témoignage  écrit  qui  éclaire 

(1)  Le  bois,  en  L.  lignum,  d'où  le  lignite,  le  bois  fossile  veut  dire, 
au  principe,  combustible,  feu  et  lumière.  Le  rossignol,  en  L.  luscinia, 
de  lucus  et  cano  (Angl.  log  bûche)  est  le  chanteur  du  bois.  11  ne  chante 
que  pendant  une  saison  trop  brève.  Après  il  redevient  passereau  et 
on  n'y  fait  plus  attention.  11  en  est  ainsi  des  objets  qui  ne  sont  beaux 
qu'autant  que  la  mode  dure.  Après  ce  sont  des  rossignols,  par  ironie. 

(2)  Le  L.  luscus  veut  dire  borgne.  Le  sens  primitif  est  celui  de  son 
congénère    Grec  ),o|b;   oblique,    qui    s'écarte    de  la   ligne  droite,   qui 

ouche . 


—  248  — 

la  religion  des  autorités.  En  Ail.  der  Schein  ce  qui 
éclaire,' beseheinigen  prouver  par  des  documents  ont  un 
sens  analogue.  La  berlue  de  ber  pour  sphère,  btlleet  lue 
qui  rappelle  luquer,  reluquer,  en  Angl.  tolook  en  H. 
lonken  et  loeren  regarder,  diriger  la  lumière  des  yeux 
vers  un  objet,  veut  dire  que  l'objet  tourne  devant  les 
yeux  et  que  les  idées  dans  l'esprit  suivent  le  même 
mouvement.  Le  mot  hurluberlu  contient  deux  fois  le 
mot  lu  et  exprime  une  berlue  en  double,  hur  étant  une 
forme  de  gyrer  (Angl.  hurlwind  tornado),  signifiant 
qui  tourne  comme  la  sphère  ou  la  boule.  Rabelais  a  le 
mot  emberlucoquer  pour  coquer  la  berlue,  donner  le 
vertige  des  yeux.  V.  au  mot  coquer.  Au  Centre  ember- 
lificoter veut  dire  ce  qu'espriment  ses  éléments,  c'est  à 
dire  ficoter  ou  faire  (eflficere)  en  sorte  qu'on  donne  la 
berlue.  Il  n'y  voit  que  du  feu  est  une  paraphrase  du 
mot  du  Centre  embaufumer  dans  lequel  bau  rappelle 
plus  distinctement  la  boule  et  où  fumer  prend  la  place 
de  luer  illuminer.  Dans  cette  contrée  il  arrive  malheu- 
reusement ce  qui  se  produit  partout  :  à  force  de  tour- 
menter la  forme  des  mots  on  l'altère,  si  bien  que  ceux 
qui  n'ont  pas  assisté  à  leur  travestissement  continuent 
pendant  quelque  temps  à  s'en  servir  encore,  puis  les 
laissent  tomber  en  désuétude  comme  des  vocables  qui 
n'ont  pas  de  sens  Français. 

Le  nombre  de  mots  ayant  gardé  le  costume  carneva- 
lesque  que  dans  des  moments  de  gaîté  l'esprit  leur  a 
fait  endosser  est  considérable.  Il  y  a  de  l'esprit  qui  tue 
le  sens  en  caricaturant  la  forme.  Qui  reconnaîtra  le  sens 
de  (emberluer)  dans  emberlauder,etemberlaiser  et  dans 


—  249  — 

ce  comble  emberliner.  Nous,  après  nous  être  gaussés, 
notre  esprit  reprend  son  niveau  de  calme  et  le  rire  s'ef- 
face dans  notre  visage,  mais  le  mot  continue  à  grimacer 
comme  les  masques  qui  garnissent  les  vitrines  après  les 
jours  de  carnaval.  — Loucher  variante  de  luquervmt 
dire  avoir  vent  de  quelque  chose,  commencer  à  s'aper- 
cevoir; il  rend  aussi  le  sens  de  désirer  secrètement  et 
vivement  parce  qu'on  n'ose  pas  avouer  par  un  regard 
droit  qu'on  convoite  l'objet  placé  devant  nos  yeux.  La 
louche  est  la  police  qui  reluque,  la  lotisse  la  gendar- 
merie de  province  qui  guette.  Le  H.  luisteren  écouter 
{luister  veut  dire  lustre)  emprunte  son  nom  à  l'acte  des 
yeux  :  c'est  l'oreille  qui  éclaire  notre  esprit,  par  procu- 
ration ou  par  échange  d'office,  les  deux  organes  aboutis- 
sant à  un  même  sens  central  qui  est  l'âme.  Les  corres- 
pondants Angl.  et  Ail.  sont  to  listen  écouter  et  lausche/i 
id.  Regarder  se  traduit  dans  ces  langues  par  to  leer  et 
lauern  —  H.  loeren,  lorgner.  L'oreille  s'appelle  la 
loche  en  Argot.  La  couleur  claire,  la  nuance  blanche  se 
présente  sous  le  vocable  de  la  lumière  :  Xeux6ç  blanc  — 
lucidus  clair,  luridus  pâle  —  lucide  —  light  clair  — 
leuchtend  id.  et  avec/  dans  oXfoç  blanc  — albus  — 
aube,  albe,  dans  XafAitw  je  brille,  d'où  lampe,  Angl. 
lamp,  Ail.  die  Lampe.  La  couleur  de  brûlé,  la  nuance 
foncée  se  montre  dans  A(gus  Africain,  le  Latin  liveo,  au 
contraire,  signifie  être  pâle,  livide.  "EXasc;  le  cerf  est 
nommé  ainsi  à  cause  de  son  pelage  roux,  nom  analogue 
à  celui  de  fauve.  Alces  en  H.  elk,  en  Français  élan  est 
un  mot  qui  peut  signifier  roux  (Angl.  roe  le  chevreuil). 
Il  présente  peut-être  une  métathèse  de  luceo).  "EXe<paç 


-  250  — 

est  l'animal  à  la  peau  noire,  avec  baucoup  de  probabilité. 
Ce  vocable  présente  une  variante  de  «Xçcç  blanc.  Blanc 
en  Français  est  noir  en  Angl.  :  black,  sans  équivoque. 
Blanc  est  comme  vocable  une  variante  de  bleu  parce 
qu'on  passe  d  une  nuance  à  une  autre  avec  baucoup  de 
facilité,  le  feu  produisant  tous  les  tons  depuis  le  blanc 
jusqu'au  noir. 

La  lessive,  en  L.  lixivia  de  lix  la  cendre,,  nous  ramène 
à  l'Argot  qui  est  souvent  lucide  parce  qu'il  suit  son  in- 
stinct et  l'évidence.  N'appelle-t-il  pas  par  un  nom  de- 
scriptif très-juste  la  lusquine  la  cendre,  le  lusquin  le 
le  charbon.  D'autre  part  il  appelle  le  soleil  le  luisant, 
le  jour  le  luisard,  la  lune  la  luisante.  On  voit  que  dln- 
stinct  il  crée  des  noms  verbes  comme  nos  ancêtres  dont 
les  premiers  vocables,  appelés  par  nous  thèmes  pri- 
maires, avaient  une  valeur  verbale  qui  persiste  à  tra- 
vers toutes  les  dénominations  grammaticales  ou  synta- 
xiques sous  lesquelles  on  les  a  fait  passer  depuis.  Le 
larbin,  le  jeune  domestique,  l'apprenti,  doit  son  nom  à 
sa  figure  qu'il  fourre  par  tout.  On  est  spontanément 
curieux  quand  on  trouve  tout  à  apprendre.  Le  mot 
trouve  des  congénères  dans  les  variantes  Xapuy^  le  la- 
rynx —  lurco  je  mange  gloutonnement  —  larve  la  fi- 
gure, le  simulacre.  Le  Latin  larvœ  dénote  la  figure,  le 
simulacre  de  personnes  mortes  et,  par  extension,  des 
visions.  La  larve  est  le  premier  simulacre,  le  premier 
état  de  l'insecte  au  sortir  de  l'œuf.  Le  morilarve  est 
une  figure  basanée,  un  visage  de  maure.  —  L'Allemand 
schlûrfen  est  né  de lamême façon  que  sorbeo,  absorber, 
excepté  que  la  langue  s'est  mise  à  vibrer  avec  le  son  l 


—  251  — 

pendant  l'inspiration.  V.  au  mot  absorber  pp.  5  et  145. 
Il  y  a  une  articulation  qui  s'appellle  \£i.  Le  mot 
n'existe  qu'à  l'état  d'adverbe  ayant  le  sens  de  avec  le 
talon.  C'est  une  variante  de  calx  le  talon,  plus  juste  la 
cheville,  l'articulation  du  pied  avec  la  jambe,  la  clampe, 
la  clanche  et  un  congénère  de  lacerta  le  bras,  la  liga- 
ture, de  l'Angl.  limb  membre,  en  Suéd.  lem  et  du  H. 
lid  membre.  Le  même  sens  s'exprime  par  le  H.  hak  le 
talon,  en  L.  ungula  le  sabot,  la  jointure  du  pied,  par 
spécification  des  sens  de  jointure  en  général.  Le  mot 
Grec  est  une  métathèse  depa;  la  main  et  traduit  un  acte 
du  gosier  Xauxavfo,  (V.  au  mot  loup),  qui  consiste  à 
agripper,  saisir,  tenir,  lier.  Ce  dernier  verbe  s'appelle 
AÉy<.)  \Tj.$hiù  je  saisis  —  //^o,  laqueus  le  lacs,  le  piège 
lacet,  lien,  lier,  ligature,  lutter  primitivement  s'atta- 
quer à  —  link  le  lien,  loch  serrure,  linchpin  esse  — 
das  Liesch  l'osier,  das  Gelenck  l'articulaton,  dieLunse 
l'esse,  die  Luke  le  volet  —  H.  luiken  fermer,  lesen  col- 
liger,  glaner.  —  Remuer  l'articulation  se  retrouve  avec 
des  sens  divers  dans  le  Skt  li-yk,  lac,  lie  aller,  se  mou- 
voir —  to  leap  sauter,  dans  l'AU.  laufen  courir,  lenken 
diriger.  —  La  ligature,  l'articulation  qui  fonctionne 
mal  se  montre  dans  la^g  boiter  —  Xc;b;  qui  va  de  tra- 
vers —  obliquus  oblique,  linquo  lâcher,  luxor  luxer, 
langueo  languir  —  lâche,  locher  —  loose  relâché,  to 
louage  traîner,  to  linger  languir,  to  limp  boiter  —  loos 
libre,  délié,  locher  friable —  H.  log  lourd,  languissant. 
Ajoutons  Xocihç  la  main  gauche  qui  manque  d'entraîne- 
ment, qui  est  longue  à  faire,  qui  languit  —  laevus  — 
languir  —  left  gauche  —  link  id.  Relâcher,  cesser  de 


—  252  — 

se  tenir  debout,  se  coucher  se  traduit  par  H  coucher 
"kéyopoti  je  suis  couché  —  ledits  lit  —  lochies  —  to  lie 
être  couché  —  liegen  id.  —  Le  lieu  où  l'on  couche  ou 
relâche  s'appelle  "k6%oç  guet-à-pens  —  lustrum lerepaire, 
locus  l'endroit  —  colloquer, lieu, location,  louer  —  loir 
le  repaire  —  das  Lager  le  dépôt,  le  camp.  —  A  ce  qui 
est  lâche  se  rattachent  les  idées  de  longueur,  de  lenteur, 
et  de  retard  :  "kayaphç  mou,  as?œ6c;  le  dernier  —  long  us, 
lentus  —  long,  lent,  lanterner  —  long  long,  slow  lent, 
slack  lâche,  slender  mince,  en  longueur,  late  tard  — 
lang  long,  schlentern  traîner,  der  Letzte  le  dernier, 
schlank  grand  et  bien  découplé.  — Barloquer  veut  dire 
être  détaché  par  un  bout,  osciller  comme  une  boule  au 
bout  d'une  corde.  La  pendeloque  barloque  au  bout  de 
l'oreille  à  laquelle  elle  est  suspendue.  —  Le  Suédois 
lâmpa  sig  s'arranger  exprime  par  la  ligature  ce  que 
l'harmonie  exprime  par  l'articulation.  Fléchir,  ne  plus 
tenir  de  bout  se  traduit  par  XaxaÇw  mollir  —  labasco  je 
chancelle,  labor  je  tombe,  laboro  je  suis  faible  —  le 
labeur  qui  plie  —  to  limp  locher,  être  éclopé  —  lahm 
éclopé,  paralysé  —  H.  loom  lourd,  qui  se  traîne,  lan- 
guissant. Nous  avons  déjà  vu  un  vice  d'articulation,  de 
cohésion  dans  lâcher  :  le  voici  reparaître  avec  p  :  Xëfaa 
lâcher — ellipsis,eclampsie  —  to  leave\hchQY,furlough 
permission,  leave  id.  —  Urlaub  id.  —  Suéd.  lemma 
laisser,  lemming  résidu  variante  de  reliques,  reliefs. 
Selon  le  langage  la  liberté  consiste  dans  le  jeu  facile 
des  ligatures.  Le  lobe  de  l'oreille,  le  ventre  qui  fait 
bedon  bedaine  sont  décrits  comme  lo chant.  De  là  les 
mots  Ackapcç  ventre,  laparotomie  l'opération  du  ventre 


—  253  — 

et  Xogèç  — lobus  — lobe —  lob.  Ajoutons  l'Angl.  lubber 
l'homme  sans  énergie,  limber  pliant  —  l'Ail,  der  Lqffe 
l'homme  fade,  der  Lu  m  me/  et  sa  variante  der  Schlingel 
un  grand  flandrin  déhanché,  un  garçon  sans  énergie, 
schlqff  mou.  La  queue  qui  remue,  qui  s'agite  s'appelle 
en  Skt  lama;  agiter  troubler  se  dit  lub.  Le  L.  coluber 
la  couleuvre  et  lumbricus  le  lombric,  le  ver  de  terre 
doiventleur  nom  à  leur  façon  d'avancer  par  zigzags,  dé- 
terminés par  les  articulations  dorsales  ou  les  anneaux 
parallèles.  Delà  l'Anglais  to  slip  se  glisser,  glisser 
(comme  le  serpent)  et  l'Ail,  schlùpfen  id.  Les  mots 
Angl.  leech  la  sangsue,  s/^/y  lalimaceen  H.  s/a&sont  des 
variantes  de  lombric  et  de  l'Ail.  Schlange  le  serpent, 
coluber,  en  Skt  lâ^galin  id.  La^gala  en  Skt  veut  dire 
queue.  Lancer,  en  Angl.  to  sling ,  en  AU.  schleudern 
—  IL  slingeren,  de  slinger  la  fronde,  le  pendule  veu- 
lent dire  projeter  un  objet  en  imprimant  à  sa  volée  l'ef- 
fet d'une  oscillation  de  bras. 

L'articulation  étant  capable  de  dresser  et  d'abaisser 
le  membre  qu'elle  lie  à  un  point  plus  central  se  retrouve 
avec  ce  sens  verbal  dans  lagu  léger  —  ïkàfpiç  id.  — 
levo  lever  —  alège,  lever  —  to  lift  lever,  to  lighten  al- 
léger —  leicht  léger,  lùften  lever.  Léger  veut  dire  ce 
qui  ne  tient  pas,  ce  qui  ne  tire  pas,  ce  qui  est  libre. 

Engloutir,  en  L.  glutio  a  deux  congénères  en  Ail.  : 
der  Schlund  le  gouffre  et  der  Schott  la  cheminée,  la 
canalisation  pour  la  fumée.  Le  radical  commun  se 
retrouve  dans  des  mots  qui  marquent  un  agrippement 
une  prise,  comme  si  c'était  un  gosier  qui  l'effectue  en 
faisant  entendre  le  son  qui  lui  est  propre.  V.  ua  mot 


-  254  — 

lien.  De  là  latus  le  côté,  l'endroit  où  se  trouvent  les 
hanches,  la  hanche  même  —  latéral  —  H.  lid,  Ail.  dos 
Glied.  Le  lien,  dans  l'esprit  du  langage,  estl'attacheur. 
11  se  nomme  dans  Xfvov  —  linum  —  lin  —  linen  lin  et 
linden  le  tilleul,  tilia  dont  l'écorce  fournit  la  matière 
première  pour  faire  la  toile  —  der  Lein  le  lin,  das 
Lint  le  ruban,  die  Linde  le  tilleul.  T,ocher  s'exprime 
par  un  verbe  formé  de  ce  radical  dans  l'Angl.  to  loiter 
marcher  lentement, 'dans  l'Ail,  schlentern  id.,  schlottern 
traîner  les  jambes,  dans  le  Suéd.  luns  lourdaud.  Le 
Normand  landon  est  congénère  du  mot  lambineur  par 
le  nom  et  par  le  sens.  Lumber  en  Angl.  veut  dire  toutes 
sortes  de  choses  qui  traînent. 

Pour  arriver  à  la  déglutition  nous  sommes  forcés  de 
nous  servir  de  la  langue  et  de  prononcer  le  son  n.  Ce 
bruit  se  faisant  entendre  lorsque  la  langue  touche  le 
palais,  le  t  et  le  gue  qui  se  forment  simultanément 
s'associent  avec  le  n  et  ne  forment  avec  lui  qu'un  seul 
et  même  signe.  La  déglutition,  concernant  la  langue  et 
le  gosier,  ce  dernier  organe  apparaît  avec  le  son  r  dans 
quelques  phonèmes  exprimant  cet  acte.  L'enfant  qui 
tette  fait  continuellement  entendre  ce  petit  claquement  : 
c'est  par  là  qu'il  exprime  qu'il  a  faim;  c'est  par  ce  son 
que  sa  nourrice  se  met  en  communication  avec  lui  quand 
elle  veut  lui  faire  comprendre  en  son  propre  langage 
qu'il  y  a  à  tetter  ou  à  manger  pour  lui  et  que  c'est  bon. 
Lui-même  porte  le  nom  de  ce  claquement  :  c'est  une  de 
ses  premières  énonciations.  Pour  cela  on  l'a  appelé 
vavo^  le  petit  bonhomme,  Tom  Pouce  —  nantis  — 
nain  —  ninny  —  nana  kindje  sont  des  mots  H.  qu'on 


—  255  — 

répète  pour  endormir  l'enfant  sur  le  sein  —  en  Esp. 
nigno  (1)  enfant.  Les  seins  s'appellent  chez  le  peuple  les 
né  net  s,  les  nichons  :  c'est  le  petit  claquement  lingual 
de  l'enfant  qui  tette  avidement  qui  leur  a  valu  ce  nom. 
Tous  les  membres  de  la  famille  occupés  à  nourrir,  à 
élever  le  bébé  sont  baptisés  du  nom  de  nourriciers  : 
nara  homme,  nari  femme  — révvoç  l'oncle,  vfoç  la  belle- 
fille  —  nurus  id.  —  Au  Centre,  nênet,  nênin  grand 
père,  nonne  la  mère,  nonain  le  père,  en  Argot  nonne 
frère,  nonnain  et  nonne  ami  —  en  Ail.  der  Genosse 
l'associé.  Le  ventre  qui  nourrit  s'appelle  en  Grec.  vifiSoç. 
Nourrir,  donner  la  pâture  qui  provoque  ce  claquement 
primitif  (Skt  nad)  s'appelle  par  onomatopée  niv  devenir 
gras,  anna  nourriture,  ny'  —  vé;j.o)  paître  —  nutrio  je 
nourris  —  nutrition,  nourrir,  la  nounou  (la  nourrice) 

—  neat  le  bétail,  l'élevage  —  genieszen  jouir,  derNut- 
zen  l'utilité  —  H.  nut  utilité,  nutticjen  prendre  comme 
nourriture.  Les  friandises  s'appellent  en  Normand  du 
nannan;  en  manger  fait  en  Ail.  naschen  et  nutschen. 
L'Ail,  a  encore  ernàhren,  peut-être,  comme  nourrir. 
une  contraction  de  nutrire.  —  Le  d  étant  voisin  du  n  il 
se  substitue  à  ce  dernier  son  dans  les  mots  Skis  udan 
onde  d'où  ude  rendre  humide,  en  Suéd.  avec  le  digamma 
vand  eau.  La  prosopopée  nous  présente  l'eau  comme 
sortant  des  mamelles  de  la  terre,  comme  coulant  d'une 
source  à  laquelle  nous  la  puisons  en  faisant  entendre  le 
n,  nd3  d  comme  lorsque  l'enfant  tette.  Nous  trouvons 
dans  les  congénères  udra  loutre  —  uowp  eau  —  udo 

(1)  Ce  qui  est  jeune  et  neuf  comme  des  nourrissons  s'appelle   nava 

—  véo;  —  novus  —  neuf  —  new  —  H.  nieuw. 


-  256  — 

j'humecte,  hydra  le  serpent'd'eau,  hydria  la  cruche  qui 
va  à  l'eau,  unda  onde  —  hydre,  hydrophobie,  onde  — 
water  l'eau  —  das  Wasser  id.,  die  Otter  la  loutre 
(pour  l'outre).  La  présence  du  radical  qui  signifie  l'eau, 
par  assimilation  au  suc  nourricier,  se  manifeste  dans  le 
Ski  und  mouiller,  nirw  arroser,  nea  navire  —  vaw  na- 
ger —  nato  id.  —  nager  —  snake  le  serpent  d'eau,  en 
Skt  nâga,  d'où  to  sneak  ramper,  se  glisser  furtivement 
die  Schnecke  la  limace,  par  assimilation  au  serpent, 
tiasz  mouillé  —  H.  nat  id.,  de  Nés  l'eau,  en  A.  F. 
non  mare.  Nahon  et  Non  sont  des  noms  de  rivières 
signifiant  eau  ;  de  là  Vie  sur  Non  et  Selles  sur  Non. 
Le  Skt  Nîra  veut  dire  eau.  Dans  le  Limbourg  on  a  les 
noms  Neer  et  Niers  (Skt  nâra  eau)  pour  deux  rivières 
qui  se  jettent  dans  la  Meuse.  Les  deux  Nèthes  (Skt 
nada  rivière)  passent  par  la  Province  d'Anvers.  Laver, 
plonger  dans  l'onde  se  rend  pas  snâ3  snu}  nig*  laver  — 
v(Çu>  id.  —  nitrum  le  sel  qui  suinte  —  nitre  —  to  tcash 
variante  de  water  laver  —  waschen  id..  De  là  goua- 
che (1)  peinture  à  Teau  mêlée  de  gomme.  Pour  les  pho- 
nèmes où  le  son  t  se  substitue  à  n  dans  les  onomatopées 
se  rapportant  à  la  nutrition,  V.  Traité  pp.  17.  18.  Toto 
en  Lat.  todillus  fait  en  Argot  titi  le  gamin  et  l'oiseau. 
Dans  le  Limbourg  tiet  est  le  mot  par  lequel  on  appelle 
les  poules  pour  leur  donner  à  manger.  Le  son  de  ce 
mot  rappelle  la  voix  de  la  poule,  quand  elle  cherche  à 
attirer  ses  petits.  L'Anglais  le  traduit  par  chuek(tchuck 
avec  chuintement).    Toto  est  un  nom  familier  pour 

(1)  Guéer  répond  à  l'Angl.  to  wade   {Prononcez  ouéde)  AW.waien 
passer  dans  l'eau  :  water. 


—  257  — 

tette,  l'Argot  dit  les  tétais.  Dans  la  Provence  on  dit 
titoun;  attitouné  veut  dire,  collé  à  la  mamelle.  Au 
Centre  le  téteron,tetiiteron,latuterolle  désignent  le 
bout  du  sein  par  où  s'écoule  le  lait.  L'Ail,  die  Dûte  le 
cornet,  le  H.  tuit  tube,  goulot,  tuyau  sont  des  congé- 
nères de  ce  mot.  qui  tous  doivent  leur  son  à  celui  de 
tetter.  Le  tuton  est  l'homme  mou  n'ayant  pas  plus  de 
fermeté  que  l'enfant  qui  tette.  Tetter  répond  au  Skt 
tuh  et  duh  traire  avec  la  bouche,  'de  boire,  ta  nectar. 
La  soif,  le  désir  de  boire  s'annonce  par  udanya  soif  — 
zi'lx  id.;  le  L.  temetum  veut  dire  la  boisson  forte,  temu- 
lentus  un  peu  gris  —  abstèmequi  s'abstient  de  boissons 
fortes,  tuber  boire  comme  au  tuyau,  au  tuteron  —  to 
tipple  boire,  to  tope  id.,  tipsy  ivre,  to  dabble  mouiller 
et  avec  la  variante  n  :  nipple  le  bout  du  sein  —  die 
Dûtte  la  tette,  die  Zitze  le  bout  du  sein  —  H.  tepel  (1) 
id.  et  dans  le  Limbourgeois  deem,  en  Ail.  Ziemer,  Skt 
tumba  trayon.  Le  mot  tub,  d'introduction  récente,  a 
désigné  primitivement  un  vase  à  tube  ou  goulot.  Il 
répond  à  zi-xz  la  coupe,  en  AU.  der  Zuber  la  cuve,  en 
H.  tobbe  id.  et  stoop  broc.  Les  nourriciers  s'appellent 
da  père  et  mère  {ad  manger),  tâtala  père,  attâ  mère 
—  à'TTa  père  —  atta  papa  —  en  Argot  tiiine  sœur  (Skt 
atti  sœur  aînée)  —  dad,  daddy  père  —  H.  Tante 
tante.  La  dédèle  est  la  femme, comme  le  Grec  ôyjac;. 
A-ôéX-fùi  veut  dire  traire,  mot  congénère  du  H.  tel  g  en- 
fant. La  dabesse,  la  doche  est  la  mère;  le  daron,  le 
dab,  le  darbe  le  père;  la  dabe,  la  dabuche  la  fille,  la 

(1)  Les  bonnes  gens,  pour  dire  qu'ils  ont  soif,  portent  aux  lèvres  le 
pouce  recourbé  en  forme  de  goulot. 

17 


—  258  — 

dabuchette  la  jeune  mère  (ca^ap  épouse).  Aâ;j.aX'.;  la 
génisse  dont  les  trayons  (1)  commencent  à  s'allonger. 
En  Skt  dam  veut  dire  épouse  —  domina.  Le  mot  Angl. 
doe  désigne  la  femelle  du  chevreuil  qui  donne  à  tetter, 
le  H.  teef  (Skt  tumburi)  la  lice,  la  femelle  du  chien. 
L'utérus,  le  sac,  le  petit  d'animal  est  en  Skt  dimba,  A 
ce  mot  répondent  dogue,  en  Angl.  do  g  le  chien  et, 
comme  forme  le  Suéd.  docka  la  poupée,  le  poupon, 
dâgga  téter,  Skt  'dayâ  petite  fille.  —  Remuer  la 
langue  pour  parler  a  donné  les  mots  du  Centre  tatiller 
et  tatouiller  bavarder,  en  Limbourgeois  taatsch  ba- 
varde. Le  Hébreux  dabar  le  sermon  se  retrouve  dans 
dabêrer  parler  et  dans  le  mot  du  Centre  le  tapis  obtenu 
par  jeu  de  mots  sur  tapette  langue,  mais  où  persiste  le 
son  de  la  langue.  Corner  à  l'oreille,  comme  dans  un 
tube,  a  donné  le  mot  Ail.  dùten  corner,  en  H.  toeten, 
de  tuit  tuyau,  au  Centre  tuet.  L'Anglais  to  tote  racoler, 
soi  disant  à  sons  de  trompe,  a  la  même  origine.  —  Avec 
r  nous  rencontrons  au  Centre  le  turlu  l'alouette  huppée, 
turelure  le  son  de  la  flûte,,  turluter  siffler.  Ces  mots, 
ainsi  que  tirelire  la  goulotte  par  laquelle  glissent  les 
sous  mis  de  côté  nous  amènent  à  l'onomatopée  du  go- 
sier. Le  H.  tierelieren  répond  au  G.  8puXX(Ç(o.  Triler 
veut  dire  crier  comme  la  bécasse.  La  turelurette  est  la 
grisette  éveillée,  la  sœur  de  Mimi  Pinson.  Letourlou 
ou  tonrlourou  désigne  le  jeune  militaire.  Tralala  est 
un  bruit  de  la  gorge  et  de  la  langue  remplaçant  les  pa- 
roles de  la  musique,  taratata  le  cri  du  gosier  appelé  au 
Centre,  truite  en  Angl.  throat.  —  Le  trou  est  un  gosier 

(1)  En  Argot  les  tettettcs. 


—  259  — 

par  assimilation,  comme  son  congénère  -zdr;\zz  érosion, 
trou.  Faire  un  trou  à  la  lu  ne  s'explique  très  bien  par 
la  paraphrase  Anglaise  to  vanish  behind  the  moon  dis- 
paraître derrière  la  lune  :  on  est  passé  au  bleu,  mais 
par  précaution,  on  se  cache  derrière  la  lune. 

Le  t  qui  accompagne  le  son  n  dans  les  actes  tetter, 
traire  reste  dans  le  langage  le  son  de  l'effort.  Les  sons 
auxquels  nous  devons  les  onomatopées  deva,  en  Skt,  le 
souffle,  l'esprit,  diète,  sont  l'accompagnement  de  nos 
premiers  efforts  pour  attirer  l'air  dans  nos  poumons  et 
la  nourriture  dans  Festomac.  Toutes  celles  que  nous  al- 
lons voir  de  suite,  celles  du  gosier,  des  dents,  de  la  main, 
des  pieds  et  par  métaphore  celles  de  la  pensée  emprun- 
tent leurs  vocables  à  ce  son  primordial.  Les  voyelles  ou 
consonnes  qui  raccompagnent  marquent  par  leur  son 
spécial  le  concours  prêté  par  les  autres  organes  à  l'effort 
principal  signalé  par  le  son  de  la  langue  t,  nt,  nd  (ou 
n  p.  e.  animus,  anima,  en  Suéd.  and  esprit  souffle)  et 
marquant  la  nutrition  et  la  respiration.  Ainsi  dans 
tuber,V.  ce  mot  ce  sont  les  lèvres  qui  prennent  leur 
part  dans  l'aspiration  et  la  déglutition  des  boissons. 
Dans  typhon,  steamer,  typhoïde  (V.  Traité  p.  153) les 
lèvres  interviennent  encore  dans  l'inhalation  et  l'expi- 
ration de  l'air,  du  gaz,  de  la  fumée. 

Dans  la  production  du  thème  du  mot  trachée  c'est  le 
gosier  qui  s'est  joint  à  l'action  de  la  langue,  en  ce  sens 
que  l'inhalation  profonde  de  l'air  réveille  les  sons  dont 
nous  avons  vu  les  onomatopées  dans  rynchus  et  ses 
congénères.  Dans  trinquer,  en  Angl.  to  drink  c'est  la 
déglutition  de  la  boisson  qu'on  exprime,  en  confondant 


—  260  — 

bravement    la   prise    d'air,   la    trachée    avec    l'œso- 
phage (1),  le  conduit  par  lequel  les  aliments  sont  intro- 
duits dans  l'estomac.  Le  r  et  le  g,  qui  marquent  l'in- 
tervention de  la  gorge,  étant  jumelles,  nous  allons 
trouver  avec  g  à  peu  près  tous  les  phonèmes  formés 
par  tr  (<rzéyu  et  ffxepiÇw  affermir),  à  moins  de  les  voir 
réunies  comme  c'est  le  cas  pour  le  mot  que  nous  venons 
de  citer.  Il  se  trouve  que  le  son  t,  en  allant  se  répercu- 
ter dans  la  gorge,  peut  s'associer  avec  toutes  les  ono- 
matopées que  cet  organe  a  fournies  pour  son  propre 
compte  et  ne  former  avec  elles  qu'une  seule  et  même 
expression.  Ainsi  péoiù  -  péjifto  qui  veulent  dire  tourner 
aboutissent,  comme  son,  à  un  bruit  de  la  gorge  (V.  leur 
genèse  au  mot  ramper)  ;  le  t  de  son  côté,  étant  capable 
d'exprimer  la  courbe  (V.  au  mot  tour)  et  réveillant  le 
son  guttural  trouve  des    phonèmes  synonymes  tout 
prêts  avec  lesquels  il  contracte  aussitôt  une  alliance 
intime  :  de  là  que  -cpé™  et  aipé^w  signifient  tourner  l'un 
et  l'autre,  qu'arracher  et  le  Suéd.  tràsa  signifient,  le 
premier  déchirer  et  le  deuxième  la  déchirure,  le  lam- 
beau. Dans  quelques  actes  de  la  langue,  comme  dans 
celui  qui  a  donné  le  mot  tatouille,  le  son  t  se  répète. 
Souvent  le  t  se  change  en  son  sifflant  comme  dans 
l'Ail.  Ziemer  (Skt  'dênu  vache  à  lait),  Zitze  pour 
Butte  tette  ;  d'autres  fois  il  s'associe  avec  sa  jumelle  n 
comme  dans  sinus  et  sentio  la  poitrine  et  la  respiration. 
—  La  linguo-palatale  ou  linguo-dentale  se  trouvera, 

(1)  L'œsophage  étant  placé  derrière  la  trachée  et  régnant  sur  toute 
sa  longueur  visible,  communique  à  cet  organe  tous  ses  mouvements, 
de  sorte,  qu'à  moins  de  connaître  l'anatomie,  on  est  fort  exposé  à  les 
confondre. 


—  261  — 

par  conséquent,  au  commencement  de  thèmes,  soit 
simples,  c'est-à-dire  consistant  en  t  associé  avec  une 
voyelle  seule,  soit  composés,  c'est-à-dire  formés  de  t 
accompagné  d'une  voyelle  et  des  consonnes  b,  p,  ch,  r, 
/,  rg%  Ig,  rb,  Ib. 

Cette  fois-ci,  nous  trouverons  les  différentes  racines 
groupées  selon  le  sens  qu'elles  expriment.  Les  lacunes 
que  laissera  l'inégalité  de  leur  développement  dans  les 
langues  traitées  ici,  il  est  probable  qu'elles  pourraient 
être  comblées  en  fouillant  les  autres  langues  du  groupe 
Indo-Européen.  Respirer  s'exprime  par  a'd  souffler,  au 
figuré  âme  —  *-\j.zz  —  atmosphœra  —  atmosphère  — 
weather  temps  —  das  Wetter  id.,  der  Athem  la  respi- 
ration, l'haleine.  Dans  ces  mots  le  t  ou  ses  équivalents 
marquent  que  pendant  l'inhalation  et  l'expiration  de 
l'air  la  langue  a  touché  le  palais.  Le  t  est  congénère 
dans  ce  cas  de  la  sifflante  s  ou  z,  de  sorte  qu'on  pour- 
rait rapprocher  a'd  et  Çào  vivre,  souffle.  —  La  bour- 
soufflure  est  considérée  comme  un  gonflement  produit 
par  le  vent,  de  quelque  façon  qu'elle  se  produise,  à 
preuve  :  id  gonfler  —  zlciu  id.  —  oedema  —  oedème, 
Edipe  au  pied  gonflé  —  wound  la  blessure  —  die 
Wunde  id. ,  selon  le  témoignage  du  mot,  le  gonflement. 
Pp.  55  et  58  du  Traité  on  trouve  expliqué  comment  le 
sens  de  voir,  en  Skt  vid,  se  rattache  à  celui  d'éventer, 
d'apercevoir  par  l'odorat.  On  y  verra  en  même  temps 
que  l'esthétique  aussi  bien  que  l'ouie  doivent  leur  nom 
à  leur  assimilation  au  même  sens  et  que  c'est  le  souffle 
qui  donne  l'audace,  dans  son  acception  primitive  de 
courage.  —  L'organe  qui  emprunte  son  nom  au  souffle, 


—  262  — 

à  l'inhalation  et  à  l'expiration,  se  trouve  dans  la  proso- 
popée  M\koq  —  isthmus  —  isthme  primitivement  le 
cou,  dans  la  suite  l'étranglement  de  terre  qui  attache 
une  presqu'île  au  Continent  —  weasand  la  trachée. 
L'AIL  n'a  pas  de  nom  pour  la  trachée  dans  lequel  entre 
ce  thème.  Il  aurait  été  facile  pour  leurs  ancêtres  de 
former  le  nom  de  l'agent  avec  le  thème  de  Athem  ou 
Odem  qui  signifient  haleine.  —  Avec  la  gutturale  le  H. 
a  formé  le  mot  togt,  le  courant  d'air  causé  par  un  vide 
qui  forme  trachée  aspirante.  Il  est  certain  qu'on  peut 
considérer,  à  juste  titre,  que  ce  mot  se  rattache  par 
assimilation  à  l'acte  tygen  tirer,  exécuté  par  la  main. 
Mais  on  dit  :  naar  zijn  adem  tygen  respirer  avec  diffi- 
culté, phrase  dont  le  sens  indique  que  les  poumons 
attirent  l'air  par  la  trachée  et  que  l'action  vient  de  l'in- 
térieur. Il  en  est  de  même  de  hartstogt  (1)^  en  Skt 
dôha,  la  convoitise  du  cœur,  où  ce  sont  les  ressorts 
intérieurs  qui  se  tendent  veis  l'objet  auquel  nous  aspi- 
rons. Dans  le  tirage  d'une  cheminée,,  l'échange  d'air  se 
fait  comme  par  une  trachée.  En  H.  on  dit  de  schoor 
steen  trekt  :  il  y  a  un  bon  tirage  dans  la  cheminée. 
Dans  les  deux  cas,  que  ce  soit  la  main  ou  la  trachée  qui 
tire,  c'est  l'inhalation  et  l'expiration  qui  donne  le  son 
tj  tg,  tr.  Les  besoins  de  la  vie,  les  désirs  du  cœur 
aboutissent  tous  au  gosier  et  à  la  bouche  :  ceux-ci  leur 
donnent  leur  accent  propre,  puis,  en  transmettant  leur 
voix  à  notre  oreille,  ils  nous  suggèrent  leur  nom  natu- 
rel. —  Le  souffle,  le  feu,  la  lumière  s'expriment  par 

(1)  Le  H.  mededoogen  la  pitié,  l'attraction  qu'exerce  le  malheur,  se 
traduit  en  Skt  par  de. 


263 


deva  esprit,  dé,  têf  soupirer  —  Ze3ç,  Zyjv  en  Dialecte 
Dorien  Ay;v,  au  gén.  Atbç  Zeus,  le  nominatif  indiquant 
le  souffle,  le  génitif  le  jour,  la  lumière  (dies),  ôsoç  Dieu, 
Esprit.  (OJo)  fumer,  brûler)  —  Deus  —  Dieu  —  day  le 
jour  —  der  Tag  id..  der  Docht  le  lumignon,  en  Angl. 
taper.  La  diversité  de  ces  mots  semble  due  à  la  permu- 
tation des  sons  affiliés  ~,  th  ,detk  l'analogie  du  sens  de 
feu,  lumière,  jour  qui  marquent  le  souffle  embrasé  ou 
ses  effets.  Il  paraît  rationnel  d'admettre  que  la  pre- 
mière idée  de  Dieu  a  été  d'un  Esprit  ne  s'incorporant 
exclusivement  dans  aucun  objet  particulier  de  la  na- 
ture. Le  Skt  dyu  veut  dire  briller,  diva  sa  le  jour,  le 
Véd.  dyo  le  jour,  le  ciel. 

—  Dans  le  langage  la  fumée  est  assimilée  à  un  produit 
de  la  respiration  et  c'est  pour  cela  qu'elle  lui  emprunte 
son  nom.  Au  point  de  vue  physique,  c'est  une  bouffée 
d'air  chargée  d'autres  matières.  Elle  s'exprime  par 
dhûma  fumée  (1).  dûp  fumer,  dhmà  souffle —  Qù[xzz  le 
le  cœur,  la  poitrine,  <|>éço;  les  ténèbres.  La  série  com- 
plète des  thèmes  de  l'inhalation  et  de  l'expiration  tra- 
duit le  sens  de  fumer;  ainsi,  avec  la  simple  voyelle 
nous  avons  Ojw  brûler  des  parfums,  en  L.  ater,  teter 
noir  enfumé,  brûlé;  avec  r  le  L.  tlius  au  génitif  thuris 

—  thuriféraire.  Avec  la  labiale  nous  rencontrons  tamâ 
la  nuit  —  Tuço)  soulever  de  la  fumée  ou  de  la  flamme  — 
tenebrœ  la  fumée,  les  ténèbres ,  Typhon  le  tourbillon 

—  ténèbres,  steamer,  la  typhoïde  la  fièvre  occasionnée 
par  les  exhalaisons  marécageuses  —  damp  l'humidité 

(1)    Dhûma    marque    le    souffle  linguo-palatal,    fumée   celui    des 
lèvres. 


—  264  — 

occasionnée  par  la  vapeur^  der  Dampfer  steamer.  — 
Le  parfum,  la  fumée  des  plantes  et  des  fleurs  s'exprime 
par  6upL;3pa  l'herbe  parfumée  —  thymbra  —  thym.  Le 
tufre  en  Argot  est  le  tabac.  Le  Skt  tant  veut  dire 
étouffer,  l'Ail,  der  Duft  veut  dire  le  parfum.  —  Le 
brouillard,  la  nuit,  la  poussière  qui  aveuglent  se  mon- 
trent dans  TuapXb;  aveugle,  dans  le  mot  Angl.  dim  obs- 
cur, dun  de  couleur  sombre,  dans  l'Ail,  dumpf  sourdJ 
en  parlant  du  bruit,  der  Staub  la  poussière  —  H.  dof 
couvert  de  brouillard,  dans  les  mots  Sanskrits  dhûlis 
la  poussière,  dôsâ  la  nuit,  dans  l'Ail,  dûnkel  et  dùster 
obscur.  —  Le  mauvais  air,  le  souffle  qui  empuante 
s'exprime  par  cstaaa  la  puanteur,  par  l'Angl  to  stink 
puer,  en  Ail.  stinken.  —  L'exagération  du  sentiment 
de  sol,  le  fait  de  grossir  son  mérite,  sa  valeur  constitue 
l'orgueil.  Le  gonflement  particulier  à  ce  défaut  est 
décrit  par  le  mot  cdamba  orgueil,  tup  se  gonfler,  par 
7 ùvoq  l'orgueil  —  tumidus  gonflé.  Au  physique  le  gon- 
flement, la  boursouffiure  se  nomme  dans  tuber  le  tu- 
bercule, tumere  gonfler,  tumulus  la  butte,  le  renfle- 
ment, tumultus  une  réunion  houleuse. 

Le  feu  est  représenté  comme  un  souffle  ardent, 
comme  un  gaz  en  ignition  :  indh  allumer,  dâh  brûler, 
dî  briller,  djô  jour,  edha  combustible  —  eau*)  brûler  — 
dies  jour,  lumière,  taeda  torche,  atrium  l'âtre,  taedet 
cela  me  cuit  —  diurne  (Skt  diva  jour),  âtre,  édifier  de 
aedas  foyer,  maison  —  day  le  jour,,  wood  combustible, 
bois,  wood  colère  —  der  Tag  le  jour,  die  Wuth  la 
colère  —  Suéd.  ved  bois,  id  zèle,  feu.  Telle  est  encore 
la  description  que  présentent  les  mots  ushà  à  l'aurore, 


—  265  - 

us*  brûler  —  ot£w  id.  —  asso  dessécher,  aestas  l'été  — 
éther  l'air  pur,  clair,  sec,  été  —  as  h  la  cendre,  oast  le 
four  —  die  Esse  la  forge,  die  Asche  la  cendre,  heiter 
serein,  sec  et  clair.  La  couleur  feu,  pourpre  est  décrite 
par  efftpcov  —  ostrea  —  huître —  oister —  die  Auster  le 
coquillage  qui  la  donne  (1).  Avec  y  la  description  du 
souffle  ardent  se  présente  dans  tap  brûler,  consumer, 
dêp  brûler  (2)  —  tjom  id.,  -iopx  cendre  —  Oa*™  brûler 
les  corps,  ensevelir  —  tepeo  être  tiède,  templum  l'en- 
ceinte où  l'on  brûle  les  victimes,  don  m  s  maison,  Skt 
dama  de  dà  brûler  —  tiède,  étuve,  dôme  —  stove 
poêle  —  die  S  tube  l'endroit  où  l'on  fait  du  feu,  la  cham- 
bre —  H.  stoof  chaufferette,  en  Limbourgeois  poêle. 
Dans  ÔépiMj  chaleur  on  ne  décrit  non  pas  la  chaleur 
mais  bien  le  durcissement,  le  dessèchement  qu'elle 
produit  dans  les  corps  soumis  à  son  action.  V.  au  mot 
étendu.  Le  dessèchement,  le  durcissement  ont  été  assi- 
milés à  ce  qui  est  tendu,  raidi  et  s'expriment,  par  con- 
séquent par  la  lettre  de  l'effort.  De  là  tars'a  la  soif  — 
-xp'.yh;  le  séchoir^  le  hourdeau,  la  claie  pour  sécher  le 
fromage  —  sterilis  stérile,  torreo  je  brûle,  je  dessèche, 
thermœ  —  stérile  (3),  torride,  tarir —  dry  sec  — 
durre  id.,  dôrren  dessécher.  Le  /*  de  cette  racine  en- 
traînant un  g  ménage  le  groupe  congénère  suivant  : 

(1)  Ajoutons  la  chaleur  qui  donne  la  transpiration  :  svidjama  — 
VSo;  —.sudor  —  sueur  —  sweat  —  Schweisz  la  sueur. 

(2)  A  ce  mot  et  à  son  congénère  dhuma  il. faut  rattacher  le  feu,  le 
foyer,  la  maison  Sôjxoç  —  domus  maison,  dôme  coupole  —  et  dam  — 
8o(Lâ(d  —  domo  —  dompter  —  to  tame  -  zaehmen  apprivoiser,  addo- 
mestiquer . 

(3)  Estourbir  tuer  signifie  primitivement  faire  dessécher  comme  une 
branche  détachée  du  tronc.  Les  correspondants  sont  en  Angl.  to  staroe 
mourir  de  faim.  Ail.  sterben  mourir. 


266 


clrak'  dessécher  —  Ôapy^Xia  fêtes  en  Thonneur  d'Apollon 
et  de  Diane  où  l'on  offrait  toutes  sortes  de  graines 
cuites,  Tp'jyaw  récolter,  plutôt  sécher  la  récolte  au  soleil 
avant  de  la  rentrer,  Tapies  Ie  poisson  desséché  anal, 
comme  sens  à  stockflsh  le  poisson  rendu  sec  et  rai  de 
comme  le  bâton  -  tergeo  sécher  —  abstergent  —  drought 
la  sécheresse  —  trocken  sec  (1).  —  L'organe  qui  se 
nomme  lui-même  dans  ipâyyjkoq  la  trachée,  le  cou  est 
l'agent  primordial  pour  les  actes  de  tendre,  de  tenir, 
de  tirer,  d'attirer  :  la  trachée  (le  gosier)  a  agi  avant  la 
main  cpa~;  celle-ci  reçoit  son  inspiration  et  son  nom  du 
gosier,  comme  lui-même  obéit  à  un  besoin  de  la  vie. 
Ce  besoin  s'exprime  par  le  son  de  la  déglutition  t,  qui 
est  en  même  temps  celui  du  désir,  de  l'appétit,  en  H. 
trek  appétit  (attraction)  et  au  moral  la  tentation,  la 
convoitise  des  choses  défendues.  Ainsi  l'appétit,  en 
partant  de  l'intérieur,  vient  prendre  nom  à  la  gorge  et 
le  communique  ensuite  à  la  main  qui  est  l'auxiliaire 
des  besoins  de  la  vie.  La  trachée  devient  par  assimila- 
tion le  nom  de  l'entonnoir,  en  AU.  cler  Trichter,  en  H. 
tregter  l'attireur,  le  goulot  par  lequel  entre  un  liquide. 
Elle  se  montre  dans  trogne  et  trognon  la  tête,  la  figure 
(la  gueule)  et  dans  leur  variante  tronche  même  sens. 
Le  trognon  de  pomme,  de  chou  sont  nommés  ainsi  par 
assimilation  à  la  trachée,  parce  qu'ils  réunissent  la 
tête,  la  boule  au  reste  du  végétal  (2).  Selon  la  légende 
populaire,  la  protubérance  de  la  trachée  qui  s'appelle 

(1)  Dans  le  Centre  on  dit  se  déterger  pour  boire,  ôter  la  soif,  la 
sécheresse  du  gosier  en  Angl.  thirst,  en  Ail.  der  Durst  la  soif, 
verzehren  consumer. 

(2)  Dévisser  le  trognon  veut  dire  tordre  le  cou. 


—  267  — 

larynx,  marque  l'endroit  où  s'étrangla  le  trognon  de  la 
pomme  qu'Eve  donna  à  Adam.  Trognon  redevient 
aussi  trachée  et  le  rapport  entre  ces  deux  mots  se  trouve 
établi  sans  l'intervention  de  l'étymologie.  —  Le  feu  du 
ciel  nous  est  décrit  comme  un  trait,  une  trace  dans  les 
mots  à<rrpa'TCTG>  éclairer,  ràpoinj  l'éclair  Steropes,  l'un  des 
Cyclopes.  Oa'X-o)  réchauffer,  qui  contient  une  variante 
avec  /  de  la  racine  de  wé^pç  stérile,  montre  l'action  du 
feu  comme  aspirant  l'humidité  des  corps  de  sorte 
qu'ils  subissent  le  tiraillement,  la  contraction,  le  dur- 
cissement qui  caractérisent  l'objet  desséché.  La  pierre 
qui  consume,  qui  dessèche,  qui  brûle,  s'appelle  tfcavoç 
la  chaux;  le  L.  Titanus  et  le  F.  Titan  représentent 
primitivement  le  feu;  le  tan  est  la  couleur  feu,  en  Skt 
tit'a,  et  par  suite  l'écorce  de  chêne  qui  la  donne,  en 
Angl.  tan.  Tinder  dans  cette  langue,  en  Ail.  der  Zun- 
der  de  ^iïnden,  en  Suéd.  tcinda  allumer,  est  la  matière 
inflammable,  l'amadou.  L'Ail,  die  Tanne  est  le  sapin, 
le  bois  résineux  qui  servait  de  torche.  Le  rayonnement, 
les  traits  de  lumière  ont  donné  leur  nom  à  tara  l'étoile, 
en  zend  çtâre  —  crr(Xgw  l'acte  de  briller,  de  rayonner, 
Stella  (1)  —  étoile  —  star  —  der  Stem. 

Manger,  sens  que  nous  avons  vu  exprimer  par  un 
groupe  de  noms  congénères  en  traitant  du  mot  comes- 
tible, se  traduit  également  par  ad  —  sà-Tw  manger, 
gsTt:v:v  le  repas,  ca-avzo)  consommer,  dépenser  —  dapes 
les  mets.  —  Le  L.  tuburcinor  manger  rappelle  le  tube, 

(1)  Astre  veut  dire  feu.  V.  au  mot  édifier.  A  cette  racine  se  ratta- 
chent encore  le  L.  testa  têt,  tesserula  cube,  un  composé  de  carrés, 
tescjua  des  endroits  stériles,  titio  le  tison,  Dœdalus  qui  révèle  de 
8aÀb;  tison. 


—  268  — 

l'ésophage  et  le  mot  de  l'Argot  organe  la  faim  qui  fait 
que  nous  mangeons  avec  tant  d'avidité  que  nous  nous 
étranglons  (H.  wurgen  avec  digamma  serrer  le  cou, 
étrangler). 

Le  nom  spontané  de  l'acte  de  la  déglutition  se  re- 
trouve dans  la  boisson  et  dans  le  liquide  en  général  ; 
de  là  :  ta  le  nectar,  kdâv  laver  —  osuw  saturer  d'eau, 
irriguer,  o  Jo>  plonger  —  Anadyomène  —  dew  la  rosée 
—  der  Thau  id.  La  même  racine  avec  p  a  formé  l'Ang. 
to  dip,  to  steep  immerger,  to  dab,  to  dabble  patauger 
dans  l'eau,  mouiller,  et  l'Ail,  taufen,  baptiser,  imbi- 
ber —  H.  dompelen  plonger.  Hareng  à  la  daube  veut 
dire  que  ce  poisson  baigne  dans  une  sauce  aromatisée. 
Le  Skt  tim  veut  dire  être  humide,  en  Angl.  damp,  hu- 
mide. 

La  racine  avec  g  nous  a  donné  tôya  eau  —  -î^^m 
humecter,  Seîxoç  mou,  amolli  dans  un  bain  —  tingo  — 
teindre,  tache  —  dank  mouillé,  tank  vivier,  to  duck 
plonger,  duck  canard  —  die  Dinte  l'encre,  tauchen 
plonger,  ùbertûnchen  qui  se  retrouve  dans  le  Français 
badigeonner  {betûnchen). 

La  goutte  d'eau  s'appelle  axpàyc.  Les  noms  des  mala- 
dies stranguria,  strangurie  et  l' Angl.  to  trickle  dégout- 
ter contiennent  ce  mot.  L'Angl.  dram  veut  dire  une 
goutte  de  liqueur  forte.  La  drogue,  en  Angl.druck  est 
de  la  même  racine  que  to  drink  boire,  to  be  drowned 
être  immergé,  se  noyer  et  que  l'Ail,  drinken  boire, 
d'où  trinquer.  Le  cabarétier  s'appelle  le  trinckmann. 
mot  composé  d'éléments  Allemands;  le  mannestringue 
est  le  cabaret,  le  bar  ;  mannestringuer  veut  dire  boire 


—  269  — 

et,  comme  le  zingue,  par  sy necdoche  signifiejle  cabaret, 
mannezinguer  veut  dire  la  même  chose.  —  Le  sens 
primitif  de  traire  a  été  boire  à  même  la  mamelle  : 
iOsAyd)  traire,  trinquer.  Dans  le  Nord  dragler  veut  dire 
avaler  un  liquide.  A  tire  Varigot  décrit  l'acte  de  boire 
comme  si  le  liquide  était  tiré  par  l'estomac  quand  il  des- 
cend par  le  gosier.  Avaler  d'un  trait  exprime  que  le 
gosier  ne  fait  qu'un  seul  effort  pour  engloutir  la  bois- 
son. 

L'acte  d'attirer  à  soi,  appliqué  à  la  main  ou  par  ex- 
tension à  la  patte  préhensile,  a  reçu  le  nom  de  xaco 
attraper  d'où  tyjty;  la  disette,  le  dépouillement,  vtpàm 
arracher  de  la  main,  ainsi  que  de  %dund  chercher  en 
tâtonnant  —  'Qr-.iu  id.  —  tâtonner,  au  Centre  tats  le 
lambeau  arraché,  en  H.  tod  —  to  taste  tâter  de,  goûter, 
tatter  lambeau,  toe  le  doigt  du  pied  —  die  Tatze  la 
patte.  —  Avec  g  nous  trouvons  les  formations  tuh,  duh 
attirer  —  Uyoy-u  je  prends  —  dux  qui  mène,  digitus  le 
doigt  préhensile  —  doigt,  dé,  digité,  digitale,  taquet, 
taquiner,  attacher,  attaquer  —  to  tdke  prendre  — 
zucken  forme  intensive  de  ziehen  tirer,  forme  à  laquelle 
répondent  zigzag,  saccade,  souquer  et  sacquer:  tirer 
en  It.  saccare  (1).  Saisir  par  l'esprit,  concevoir,  com- 
prendre s'exprime  par  ldgae  concevoir,  dî  intelligence 

—  CS7.ÉG)  estimer,  concevoir  comme  tel,  penser,  Uyyœ 
opinion  ferme,  c6;a  la  bonne  opinion  des  autres,  la 
gloire  —  disco  j'apprends,  duco  je  pense  —  disciple 
élève,  dogme  —  to  think  penser  —  denken  id.,  mich 

(1)  Le  sens  d'arracher  se  traduit  par  ôpéiro)  —  strigmentum  pelure 

—  drap  morceau  arraché  —  to  strip  arracher,  trappings  draperies  — 
abstreifen  écorcher. 


—  270  — 

dunkt,  mir  dâucht  je  pense.  La  gratitude,  la  recon- 
naissance s'expriment  en  Angl.  et  en  Ail.  par  to  thanh 
remercier,  garder  le  souvenir  de,  en  Ail.  danken  id. 
Avec  r  nous  rencontrons  -zphz  rapide,  variante  de  -y.yy; 
id.  —  torrens  —  le  torrent,  tirer  —  to  tear  id.  —  ser- 
ren  id..  Avec  h,  g,  (ss),#  nous  avons  drâk  vite,  dri 
tirer  —  cpàa™  prendre  —  traho  je  tire  —  traction  — 
to  drag,  to  draw  tirer  —  tragen  porter,  pour  tirer, 
ertragen  endurer,  —  H.  [trekken  tirer.  Avec  /  pour  r 
-JXkm  j'arrache  —  titillo  j'excite,  je  chatouille.  —  L'or- 
gane préhensible  se  nomme  par  prosopopée  Tip-zpz;  — 
Tartarus  — 'Taitare  le  gosier,  le  gouffre,  les  entrailles 
de  la  terre  —  thi^oat  le  gosier  —  der  Strudelle  gouffre. 
Dans  le  riche  langage  du  Centre,  la  trachée  a  un  congé- 
nère dans  trute  gosier.  La  truite,  V.  Traité  p.  27,  ainsi 
que  r  autruche  doivent  leur  nom  à  leur  gosier.  Le  tho- 
rax, variante  de  trachée  et  trute  nous  offre  le  /•  accom- 
pagné de  son  associé  habituel  le  g.  A  Owpa^  il  faut 
rapporter  turgeo  soulever  le  sein,  se  tuméfier,  en  Ail. 
strotzen  se  gorgiaser,  H.  trotseh  orgueilleux,  en  Skt 
drék.  L'Ail,  die  Drilse  (synonyme  de  l'Italien  gavigna) 
marque  la  glande  du  cou  :  de  là  die  Druse  la  gourme 
en  H.  droes.  —  Le  sternum  autre  variante  de  trachée 
s'appelle  en  Grec  c-ipiocz  la  poitrine,  auquel  répond  le 
mot  trompille,  nom  argotique  de  l'animal  en  général, 
trompe,  en  Angl.  trunk,  et  le  Suéd.  struppe  gosier.  Le 
cri  de  cet  organe  se  reproduit  dans  strepitus  le  bruit, 
dans  le  H.  gedruis  le  fracas,  dans  tieren  crier  qui  à  son 
tour  rappelle  le  Skt  drék  crier,,  Opéa)  parler,  clamer.  Aux 
noms    d'oiseaux    appelés      d'après    leur  gosier,    V. 


—  271    - 

p.  21  du  Traité,  il  convient  d'ajouter  les  mots  Latins 
strix  le  hibou  au  cri  strident  et  tringa  hypolcucus 
espèce  de  pluvier.  Le  Skt  drâyx  veut  dire  pousser  des 
cris  stridents.  Roupiller,  attirer  l'air  dans  le  gosier 
avec  le  bruit  qui  a  donné  le  nom  à  l'organe  appelé 
traie  etc.  s'exprime  pour  cette  raison  par  drâ  dormir 
—  capôavo)  id.  —  sterto  avoir  la  respiration  bruyante  et 
de  mauvais  augure  —  stertoreux  et  avec  m,  phonème 
qui  rappelle  p^c;  le  bec,  par  dormio  —  dormir  —  to 
dream  rêver,  pour  dormir,  comme  songe  -pour  sommeil, 
somnium  —  trâumen  rêver.  Un  autre  nom  pour  l'or- 
gane de  la  préhension  est  -ipzzq  variante  de  cpx-  — 
tarsus  —  tarse,  sens  analogue  à  celui  de  tiret,  tirant. 
L'Angl.  et  l'Ail,  n'ont  pas  formé  de  to  tear,  serren 
tirer  un  mot  désignant  spécialement  la  main.  En  fait 
d'objets  qu'on  tire  ou  qui  servent  à  tirer  ces  deux  lan- 
gues ont  drawer  le  tiroir,  der  Propfenzieher  le  tire- 
bourre.  Un  autre  organe  qui  doit  son  nom  à  la  tension, 
à  la  rétractilité  ou  à  l'extensibilité  dont  il  est  capable, 
est  le  Skt  tàla  la  main  étendue,  ôevap  la  paume,  la  main 
étendue.  Le  H.  teen  ou  toon  veut  dire  le  doigt  du  pied^ 
organe  qui  a  des  propriétés  identiques.  De  là  teneo  — 
je  tiens  et  par  assimilation  'di  lier  —  céw  id.  —  induo 
j'enveloppe,  je  ceins,  je  revêts  —  tenir,  loue,  zodiae  — 
thong  courroie,  tongs  pincettes,  sinew  le  nerf  —  die 
Zange  les  pincettes,  die  Seline  le  nerf,  das  Tau  la 
corde  —  Obtenir  par  le  sort  présente  une  nouvelle 
application  du  sens  de  tirer  à  soi  qui  s'exprime  par 
dund  chercher  en  tâtonnant  —  xtrffvw  obtenir,  — 
contingere  arriver  par  hasard,  A  en  croire  les  mots  dé- 


272 


toce  et  détoche  qui  veulent  dire  infortune  l'argot  a  eu 
connaissance  du  Grec  guœtj/yî  le  mauvais  lot,  le  mauvais 
sort  qu'on  tire.  Le  mot  Espagnol  die  ha  fortune  d'où 
por  ou  a  dicha  par  hasard  semble  être  le  positif  de  déto- 
che en  Esp  desdicha. 

Tenir  devant  les  yeux,  montrer  au  doigta  peut  être, 
est  le  sens  de  cdwaja  signe,  die  montrer,  du  indiquer 
du  doigt  —  Bao)  montrer.  8t8àcrxa)  enseigner,  Mxv  mon- 
trer —  doceo  enseigner  —  docteur  qui  enseigne  —  to 
teach  enseigner,  montrer  une  science  —  zeigen  indiquer 
deuten  expliquer  —  H.  beduiden  signifier,  (Skt  dût  a 
messager)  toonen  id.  (toon  doigt  du  pied).  La  marque, 
l'indice  s'appelle  en  Angl.  token,  en  AIL  das  Zeichen. 

Tenir  sur  pied,  être  droit  debout,  suppose  une  ten- 
sion qui  s'exprime  par  la  racine  contenant  le  son  de 
l'effort  ;  de  là  :  'data  la  balance  —  gtoIw  —  sto  —  être, 
état  —  to  stand  être  debout  —  stehen.  Planter,  mettre 
debout  se  rend  par  'dà  —  Géw  poser  —  thesis  —  thèse 

—  star/  étai  —  stûtzen  appuyer.  Avec  k  nous  avons 
ffTYJYG)  être  ferme  —  tignum  la  poutre  —  êtancher, 
stock  pile,  étançon.  stick  —  staunch  ferme  —  der 
Stock  le  bâton.  Avec  p  -  stipe  souche,  stipuler  arrêter. 

—  Instituer  un  certain  ordre  forme  le  sens  de  -:xssm 
arranger  —  syntaxis  —  syntaxe  l'ordre  des  mots,  tas 

—  to  stow  arrimer  —  stauen  id. 

Avec  r  le  sens  de  se  tenir  droit  debout  se  montre 
dans  fdru  être  solide  —  <jTr,pi'Çu  affermir  —  stirps  le 
tronc,  trabs  id.  —  travée,  architrave,  extirper,  tor- 
peur —  tree  arbre,  stripling  adolescent,  jeune  arbre  — 
der  Strauch  l'arbuste.  La  fermeté  du  caractère,  être 


—  273  — 

inébranlable  dans  ses  décisions,  la  confiance  se  ratta- 
chent au  sens  de  drsc  affronter  ■ —  OappÉw  oser,  avoir 
confiance  en  soi  —  Thraso  nom  transparent  d'un  per- 
sonnage de  comédie  —  Thrasybule  qui  est  ferme  dans 
ses  desseins  —  to  dare  oser  —  dùrfen  id. ,  uertrauen 
confier.  Avec  r  pour  l  nous  avons  le  sens  de  fermeté 
dans  talli  la  jeune  fille,  le  tendron  —  crfar,  la  stèle  — 
stoh  la  branche  —  stèle,  étal  (1)  —  stalk  tige  —  stel- 
len  poser,  der  Stiel  le  manche  (de  balai),  der  Stall 
l'étable  d'où  étalon,  en  Angl.  stallion.  Avoir  l'intelli- 
gence dure  comme  la  bûche  forme  le  sens  verbal  de 
stûhlas  bête,  en  L.  stolidus  et  stultus  bête,  imbécile 
—  en  Angl.  doit  bûche,  dull  stupide  (2)  —  der  Tôlpel 
la  bûche.  —  Etre  endurant,  se  soutenir  dans  l'infortune 
s'appelle  tul  —  TaXaw  supporter  (tca^o)  oser,  avoir  de 
l'assurance)  —  tolero,  tollo  tolérer,  supporter  —  tolé- 
rer —  to  thole  endurer  —  dulden  souffrir,  die  Geduld 
la  patience.  —  Fouler  le  sol,  condenser  s'appellent  avec 
la  gutturale  tak,  ta^g,  tanc  marcher  —  g-v:/m  id.  — 
vestigium  le  vestige,  la  trace  du  pied,  indago  traquer, 
suivre  les  vestiges,  examiner  —  vestige  —  to  stalk 
marcher  —  der  Steg  le  chemin  et  avec  la  labiale  div 
fouler,  dap  accumuler  —  <7te((3w  je  condense  —  stipare 
id.  —  constiper,  étape  (3)  marche  —  step  pas,  to  stamp 
fouler,  donner  des  coups  de  pied  —  stapfen  marcher 

(1)  L'étal,  en  Ang.  stall  (Skt  tal  fonder)  est  l'établi  sur  lequel  on 
expose  les  marchandises  en  vente.  S'étaler  par  terre  veut  dire  tomber 
tout  de  son  long-,  par  moquerie,  s'étaler  comme  une  marchandise. 

(2)  Voir  la  genèse  du  mot  stupide  et  de  l'étonnement,  en  Skt  stam 
à  la  page  50  du  Traité.  La  timidité,  Skt  tàma,  timor  rend  stupide, 
cloue  sur  place. 

(3)  Le  Dan.  stoever  veut  dire  le  chien  de  chasse  qui  suit  la  piste  du 
gibier,  l'Ail,  durchstôbern  traquer. 

18 


—  274  — 

stampfen  donner  des  coups  de  pied  —  H.  stapel  pile 

—  It.  stampare  faire  une  empreinte  comme  avec  une 
estampille,  imprimer  —  H.  stoet,  en  L.  stipatio  les 
clients  qui  entourent  le  patron,  les  serviteurs  qui  se 
pressent  autour  du  seigneur,  du  maître  (1).  —  La  jambe 
qui  exécute  la  marche  s'appelle  tibia  (Skt  nitamba  qui 
a  de  belles  fesses),  être  ébranlé  dans  la  marche,  de 
sorte  qu'elle  se  démène  plus  qu'il  ne  faut,  se  traduit 
par  le  réduplicatif  titubo  —  tituber,  en  Angl.  to  stag- 
gei\  A  cause  de  l'homonymie  de  tibia  avec  tuba,  V. 
au  mot  tube,  ce  mot  veut  dire  flûte.  La  botte,  la  cou- 
verture pour  la  jambe  s'appelle  en  L.  tibiale,  en  Angl. 
stocks  la  botte  de  bois,,  l'instrument  de  torture,  d'où  en 
H.  de  stokkenknecht  le  geôlier,  stockings  les  bas  et  en 
Ail.  der  Stiefel  la  botte.  —  Les  cheveux  qui  se  tien- 
nent raides  et  droits  comme  le  stipe  ou  comme  Vêteule 
s'appellent  en  Argot  les  tiffes,  mot  répondant  à  tcûtcti 

—  stupa  —  étoupe  —  tow  —  stubble  éteule  —  stoppel 
id.,  en  Suéd.  tqfva  le  lin  le  plus  dur. 

La  toque  est  une  protection  pour  la  tête.  Le  sens  de 
protéger  est  raffermir,  fortifier.  De  là  que  nous  trou- 
vons notre  racine  dans  de,  st'ag  couvrir —  c-é^r,  toit  — 
tego  id.,  tectum  toit,  toga  toge  —  toque —  to  thatch 
couvrir  de  chaume,  to  deck  couvrir,  vêtir  —  decken 
id.,  das  Dach  le  toit.  Etre  coiffé  d'une  toque,  être 
toqué  rime  avec  toqué  (Skt  dâç  frapper),  touché  atteint 
d'un  coup  de  marteau.  Par  une  confusion  voulue  de 

(1)  En  Argot  V  antijje  ou  l 'ctntifîle  est  le  chemin,  d'où  antifîler 
marcher.  Vantiffe  est  par  jeu  de  mots  l'église  :  le  mot  vrai  est  anti- 
phone  chant  et  par  synecdoche  l'endroit  où  on  la  chante  ou  entonne. 
Ce  mot  donne  le  nom  synonyme  de  entonne,  église. 


—  275  — 

ces  deux  expressions  on  dit  pour  être  fou  de,  avoir  une 
prévention  pour,  être  coiffé  de,  avoir  un  béguin  pour, 
un  cheveu  pour.  —  Avoir  la  toquade  de  veut  dire 
avoir  l'esprit  tellement  frappé  d'une  chose,  en  être  féru 
à  tel  point  qu'on  ne  pense  plus  aux  autres.  —  A  Cam- 
brai, à  l'hôtel  de  ville,  il  y  a  un  Nègre  et  une  Négresse 
en  bronze  qui,  un  marteau  à  la  main,  comptent  les 
heures  en  frappant  sur  une  cloche.  Le  marteau  leur  a 
fait  donner  les  noms  de  Martin  et  de  Martine.  Les 
coups  que  les  automates  font  retentir  sur  la  ville  font 
dire  aux  voisins  que  les  habitants  de  Cambrai  sont  to- 
qués. 11  est  vrai  qu'ils  sont  très-fiers  de  ces  deux  bron- 
zes., dont  la  légende  remonte  aux  croisades.  Avoir  le 
timbre  (1)  fêlé  veut  dire  que  le  corps  de  la  cloche  a 
cédé  sous  les  coups  et  que  le  son  est  devenu  discordant. 
Un  coup  sur  la  boîte  crânienne,  assimilé  au  coup  qui 
fait  craquer  le  timbre,  produit  le  dé  raisonnement.  Par 
analogie  le  sens  de  délire  provient  de  l'assimilation  de 
l'esprit  avec  les  sons  d'un  instrument  à  cordes  détra- 
qué. Se  mettre  martel  en  tête  veut  dire  s'alarmer.  Le 
sens  d'être  toqué  se  retrouve  dans  toc  fou,  en  Suédois 
tok;  togue,  toque  amusant;  dans  tocon,  tocard,  tocas- 
son,  toq liasse ,  toque  drôle,  laid;  tocasse  méchant,  ma- 
licieux comme  il  arrive  aux  fous.  —  Le  sens  de 
frapper  se  rencontre  encore  dans  digue-digue  l'épilep- 
sie,  parce  qu'elle  est  accompagnée  de  tiraillements 
nerveux  qui  se  déchargent  en  coups  de  pieds  incon- 
scients. —  Le  toc  est  la  paraphrase  du  clinquant,  de  ce 

(1)  La  cloche  sur  laquelle  tape  le  battail  :  Tv[x7ravov  —  tympanum 
—  tympan,  tambour,  taper,  tapette  —  to  thump  battre  —  zappeln 
taper  des  pieds.  V.  au  mot  estampille. 


—  276  — 

qui  claque  avec  bruit,  en  H.  klatergoud  or  qui  claque. 
Il  s'applique  à  tout  ce  qui  est  de  qualité  inférieure.  — 
Toucher  de  la  main,  atteindre,  entrer  en  contact  d'une 
façon  légère  ou  vigoureuse  se  traduit  par  ^«/'atteindre, 
dâç  frapper.  —  ôtyw  id.  —  tangere  toucher  —  to 
thwack  frapper  —  to  tick  toucher  légèrement  —  to 
dash,  to  dang  heurter  —  ticken  toucher  doucement. 
Plaute  a  l'expression  :  taxi  taxi  in  tergo  meo,  toc, 
toc!  tape,  tape!  (Skt  tup  frapper)  sur  mon  dos.  Le 
tocsin  est  la  cloche,  prise  pour  le  signal  qu'elle  donne 
quand  le  battail  toque  contre  la  coupe.  Tic  tac  est  le 
bruit  d'une  pendule  réglant  la  marche  de  l'engrenage, 
du  contact  des  roues  dentelées.  La  racine  avec  n,  nd 
ou  d  s'applique  au  même  sens  :  tu,  tud  blesser,  tan, 
tad  frapper  —  6sivw  id.  —  tundo  id.  —  tondre  couper 
—  contondant  —  to  stunt  écourter —  ziistutzen  id., 
dégrossir.  L'effet  du  battail  sur  le  corps  de  la  cloche  se 
reproduit  dans  les  mots  dundu  tambour,  dan,  stan, 
tan  faire  tinter  —  Ttvàsso)  id. ,  c'.véw  ébranler  —  tinnio 
retentir,  tintinnabulant  sonnette  —  tintouin,  retentir, 
ton,  tinter  —  din  bruit,  to  tink  frapper  sur  le  métal  — 
tônen  retentir.  Ces  onomatopées  sont  le  digue  digue 
don  (en  H.  tingeling)  de  la  cloche  transformés  en  mots. 
L'oscillation  du  battant  s'appelle  du  même  nom  que 
l'acte  de  tinter  :  de  là  le  dandin,  celui  qui  se  dandine 
sur  les  hanches  dans  un  mouvement  semblable  à  celui 
du  battail  de  la  cloche,  le  dandy  le  fat  qui  se  donne  des 
airs  dandinés  en  marchant,  envoyer  dinguer  (1)  et  sa 

(1)  Au  Centre  on  dit  :  envoyer  dringuer,  c'est-à-dire  bouler,  rouler, 
V.  au  mot  dringue. 


—  277  — 

paraphrase  envoyer  balancer  ou  tout  uniment  balan- 
cer, c'est-à-dire  envoyer  dandiner  ou  promener,  un 
bras  dodu  dont  les  chairs  se  dodelinent.  Des  balan- 
çoires sont  des  affaires  de  rien  qu'on  envoie  dinguer  ou 
promener  avec  ceux  qui  les  proposent.  Aller  à  dada 
sur  les  genoux  fait  éprouver  aux  enfants  le  plaisir  du 
dandinement.  Le  dada  est  le  cheval  dont  la  marche 
imprime  un  balancement  au  cavalier.  —  Dodeliner 
(It.  dondolare  balancer)  veut  dire  faire  aller  la  tête  de 
çà  et  de  là  comme  la  cloche  ou  la  sonnette  mises  en 
branle  pour  les  faire  tinter.  La  cloche  a  le  nom  expres- 
sif de  dandillon  (Skt  danda  bâton,  tad  battre),  mot 
qui  répond  au  Skt  dnla  la  balançoire,  au  Grec  Bevc-Xag) 
se  balancer,  en  Angl.  to  dandle,  to  dangle  (Skt 
tâda^ka  pendant  d'oreille)  se  dandiner  (1),  balancer, 
brandiller,  toddler  le  petit  enfant  dont  les  jarrets  flé- 
chissent en  faisant  ses  pas,  to  doze  hocheter  de  la  tête 
en  sommeillant,  en  H.  clutten  (dodeliner  de  la  tête)  id., 
(lui:  cl  en  être  sous  l'impression  du  sommeil,  avoir  le 
vertige,  en  Angl.  diàsy  somnolent,  emberlucoqué. 
Sans  le  n  l'Angl.  a  le  mot  to  totter  être  ébranlé,  se- 
coué. L'Ail,  die  Zote  est  la  guenille  qui  barloque.  Le 
Skt  tan' s  veut  dire  secouer,  tandaka  le  hochequeue. 
L'Argot  a  dandiner  pour  frapper,  c'est-à-dire  imiter  le 
mouvement  du  battail  de  la  cloche  sur  le  dos  de  quel- 
qu'un. Le  Skt  a  danda  la  tige  qui  dandine.  Le  bruit 
d'un  coup  contre  terre  donne  en  Angl.  le  phonème 
ilnid  (tundo  —  tutudi  je  frappe,  Skt  tattura  son  de  la 

(l)  Danser  est  de  la  même  origine  (A.  to  dance,K\\.  tanzen.   Skt 
tûndi  la  danse). 


—  278  — 

tymbale)  —  Se  schtosser  dérive  de  l'Ail,  anstoszen. 
Ce  verbe  veut  dire  :  faire  toucher  les  verres  avant  de 
boire,  insigne  de  camaraderie.  L'Argot  lui  a  prêté  le 
sens  de  s'enivrer  à  tort.  Stoszen  répond  à  tas  secouer, 
UV  heurter  —  wôéo)  id.  —  sisto  —  résister  —  to  stutter 
toquer  de  la  langue  contre  les  dents,  être  affligé  de  cet 
embarras  particulier  de  la  langue  qui  fait  précéder 
renonciation  de  la  parole  du  son  involontaires^ répété, 
bégayer  —  stottern  id.,  stoszen.  —  Le  contact  de  la 
langue  avec  le  palais  a  fourni  au  langage  le  son  par 
lequel  nous  exprimons  ce  qui  concerne  l'acte  de  parler: 
'dwan  résonner  —  9667775  (1)  le  langage  —  dingua 
anciennement  la  langue,  dicere  dire  —  dicter,  diction, 
dire  —  tangue  la  langue  et  le  langage,  to  tink  retentir 
—  die  Zunge  la  langue. 

Le  langage,  le  chant  s'expriment,  par  des  onomato- 
pées formées  de  la  racine  dont:  adri  chantre  —  aow 
chanter,  ucw  crier  —  aëdes  —  aëde  —  tatouille  (2)  — 
oath  la  parole  donnée,  le  serment  —  derEid  la  parole, 
le  serment.  Avec  la  linguale  redoublée  nous  rencon- 
trons :  TtTtÇu)  piauler  comme  les  moineaux  (V.  au  mot 
titï)  et  l'Ail,  zetern  crier  de  douleur,  mot  qui  a  pour 
base  un  cri  que  les  Grecs  écrivaient  ana-ai.  Sophocle 
le  met  continuellement  dans  la  bouche  de  Philoctète 
blessé  au  pied  par  une  flèche  empoisonnée.  At,  ta,  te  et 

(1)  Le  /"du  mot  Grec  marque  l'intervention  des  lèvres  dans  l'émis- 
sion de  la  parole,  comme  le  p  de  psyché  dans  l'émission  du  souffle 
sch.  Le  H.  dit  niezen  éternuer  et  fniezen-,  l'Angl.  to  sneeze  bien  que 
l'instrument  s'appelle  nose  le  nez.  Le  H.  fniezen  répond  au  G.  pnéo 
souffler. 

(2)  A  tatouille,  la  femme  qui  jacasse  ilfaut  rapporter  le  H.  tut,  tut. 
Les  contes  et  le  Skt  tudd  mépriser,  considérer  comme  des  blagues.  Le 
Skt  tad  veut  dire  parler. 


—  279  — 

*e  sont  des  notations  du  son  que  profère  quelqu'un  qui 
tremble  la  fièvre.  —  Avec'  r  nous  retrouvons  la  ra- 
cine t  dans  Opso)  parler,  Tov0opt5Çw  je  murmure  —  dans 
l'Angl.  droite  l'abeille  mâle^  le  frelon,  dans  le  H.  tieveti 
crier.  Avec  /  nous  avons  les  onomatopées  to  talk  parler, 
taie  conte,  toll  nombre,  to  tell  raconter —  erzahlen  id., 
die  Zahl  lenombre,  zilken  chirper  comme  le  moineau, 
en  Angl.  to  ehirp,  en  H.  tjilpen  piauler.  L'Ail,  die 
Stimme  la  voix  rappelle  s-z\j.ozz  le  bruit,  s-ly.*  la 
bouche. 

La  tension  se  présente  avec  une  multiplicité  de 
nuances.  Tendre  quelque  chose  devant  soi,  afin  de  le 
faire  passer  dans  une  autre  main,  tendre  avec  l'intention 
de  donner  s'exprime  [par  la  palatale  simple  :   Skt  dû 

—  coo)  — do,  dos  la  dot  —  datif  et  avec  n:  cave;  le  prêt 

—  dono  —  donner.  —  La  tension  qui  allonge  l'objet, 
qui  l'amincit  s'exprime  par  ta,  tan  —  tsivu  —  tendo  — 
to  thin  amincir  —  dehnen  étendre,  —  delà  tuvvoç  mince 
petit  —  Tavab;  étendu  —  tenuis  — tenu,  atténué  —  thin 

—  dùnn.  L'allongement  du  temps  s'exprime  par  durer > 
tarder  —  to  tarry  tarder  —  dauern,  durer  et  par  le 
H.  dralen  s'attarder,  dur  en  durer.  Ce  qui  est  dur  ré- 
siste à  la  traction,  tient  ensemble  (1).  A  ce  mot  répon- 
dent comme  sens  tanc  resserrer  —  caaù;  —  densus  — 
dense  —  tight  —  dicht  et  le  Suéd,  tât,  tung.  Le  Skt 
tafk  veut  dire  vivre  dans  la  misère,  à  l'étroit.  La  dèche 
se  rattache  à  ces  mots  :  elle  dénote  le  resserrement  de 
l'argent.  La  tigne  veut  dire  une  multitude  compacte, 

(1)  L'Angl.  strong,  l'Ail,  stark  fort  ont  un  sens  analogue,  en  Skt 
dràg  être  fort  au  moral  comme  au  physique. 


—  280  — 

le  tocard  l'avare  qui  a  lamain  serrée,  dure  à  la  détente, 
en  Angl.  stingy.  Etendre  par  terre  donne  les  mots 
GTopào)  —  sterno  —  prosterner,  stratégie  —  to  strew  — 
streuen,  en  H.  strooyen  et  streuen.  —  Tendre  ses  re- 
gards vers  un  endroit  s'exprime  par  dric —  Sépxœ  regar- 
der fixement,  en  Angl.  to  stare,  to  steer,  en  Ail.  an- 
starren.  Le  Latin  et  le  Français  ontpu  exprimer  le  sens 
de  ces  verbes  par  la  paraphrase  :  tendre  le  regard. 
L'Ail,  betrachten  veut  dire  contempler,  méditer. 

Elever,  faire  devenir  tige,  arbre,  s'exprime  par  tu 
croître,  takma  (1)  la  progéniture  Téxvov  l'enfant  —  tig- 
num  la  poutre  tocologie  —  doxy  jeune  fille,  twig 
branche  —  seugen  engendrer,  zûchten  élever,  die 
Zucht  l'éducation,  le  régime,  gedeihen  prospérer,  der 
Zweig  la  branche.  Avec  r  nous  avons  -pssw  —  atrophia, 
tyro  l'élève,  turio  le  drageon,,  trossulus  le  jeune  amou- 
reux —  atrophie-  to  thrive  prospérer  —  treiben  pous- 
ser —  en  H.  tieren  croître,  venir  bien.  Le  H.  a  le  mot 
optrekken  élever;  le  Skt  drêk  croître,  dravaja  le  dra- 
geon. Ces  mots  trouvent  des  congénères  avec  /  dans 
ozloùq  l'utérus  —  adelphi  les  frères  utérins  —  adelphe 
—  to  till  cultiver,  en  H.  teelen  produire,  teelt  cul- 
ture. La  tension  de  la  volonté,  l'effort  de  l'àme  pour  ac- 
complir le  bien  a  donné  les  mots  daks  avoir  de  la  vertu, 
tu  être  fort,  en  Angl.  doughty  brave,  en  Ail.  die  Tu- 
g  end  \&  vertu,  taugen  être  propre  à,  tilchttg  vaillant,  en 
H.  duchtig  ferme,  degelyk  solide,  réel.  —  Le  désir 
s'exprime  par  drâyx  désirer  —  c-ép^u  aimer  —  trahax 
avide  —  attrait,  attraction  —  to  be  drawn  towards 

(1)  Avec  n  Skt  tantr  nourrir. 


—  281  — 

subir  l'attrait  de  —  der  Drang  le  désir  —  en  H.  trek 
envie.  —  L'effet  moral  s'exprime  encore  avec  la  racine 
trch:  to  struggle  lutter  pour,  to  try  tâcher,,  to  strain 
id.,  s'efforcer  et  l'Ail,  trachten  tâcher.  Le  struggie  for 
life  est  l'effort  pour  se  soutenir  dans  la  vie.  Avec^/nous 
avons  une  nouvelle  forme  des  mêmes  phonèmes  :  to 
strtve  s'efforcer,  AU.  streben  id.,  derStreit  le  combat, 
Skt  trad  s'efforcer.  —  L'effort  qui  donne  de  l'activité  à 
la  main  s'exprime  par  tax  fabriquer  —  xeifyu  faire  — 
technicus  artisan, ingénieur —  technique  —  to  do  faire, 
thing  la  chose  à  faire  ou  faite  —  thun  faire,  das  Ding 
le  produit  d'une  industrie.  — Le  H.  stop  (bouchon),  en 
Ail.  Zapfen  la  broche  produit  l'arrêt.  Etancher  veut 
dire  empêcher  le  sang  de  couler  ;  une  cloison  étanche 
empêche  l'eau  d'envahir  le  reste  du  vaisseau,  en  Angl. 
staunch  etancher,  en  H.  stelpen.  To  stop,  stopperveut 
dire  arrêter  un  train  ou  toute  autre  chose  en  mouve- 
ment. C'est  l'effet  d'un  tampon,  Angl.  tap,  Ail.  Z  ap- 
pert, Etancher,  comme  le  H.  stoppen  se  pratiquait  en 
enfonçant  une  broche  dans  l'ouverture  par  où  s'écoulait 
le  liquide.  C'est  l'idée  d'enfoncer  qu'on  a  retenue  dans 
tikta  piquant,  g-;Xu  poidre  —  stigma  marque  —  stuc 
plâtre  qui  colle,  instigation,  estoc,  stigmatiser,  étui,  — 
to  stitch  faire  des  points,  coudre,  to  stickle  exciter,  to 
stick  coller  —  stecken  insérer  dans,  stechen  poindre  — 
L'étui  est  la  gaîne  etc.  dans  laquelle  on  enfonce  l'objet 
qu'on  veut  garder.  Se  tapir  se  dit  du  gibier  qui  s'en- 
foncedans  un  creux  du  terrain. 

L'objet  qui  fait  pointe  s'exprime  par  les  phonèmes 
similaires  toupet — top  pointe —  derZipfel  l'extrémité. 


-  282  — 

La  division  est  considérée  comme  l'effet  d'une  main 
qui  arrache,  déchire,  d'une  dent  qui  coupe  :  delà  da- 
jate  fendre,  data  action,  défendre  —  ca-o)  séparer,  5fexo<; 
le  disque,  planche  arrondie,  cible  — discus  —  disque  - 
desk  table,  pupitre  --  der  Tisch  la  table  —  H.  de  disch 
la  table,,  lanourriture,  et  avec  la  labiale  té^vw  —  anato- 
mia  —  anatomie, table  — table  —  die  Tafel\&  planche, 
anal,  à  l'Angl.  board  la  table  et  la  nourriture.  Tran- 
cher une  question,  discerner  le  juste  et  l'injuste  s'ex- 
primer parles  congénères  damna  juger-  comdamner  - 
to  deem  juger,  en  Ail.  urtheilen  juger.  —  La  planche 
obtenue  par  division  s'appelle  H\~oq  tableau  —  delta 
tablette — delta planche  triangulaire —  dalle  planchette, 
pavéen[forme  de  planche,  tailler  (1)  partager,  tillac  pont 
en  planches  du  navire,  dalot  tranchée  — deal  planche, 
to  deal  séparer,  to  dole  partager,  dell  et  dingle  vallée 
—  Thaï  id.,  theilen  partager,  die  Diele  le  plancher  où 
l'on  bat  le  grain,  der  Teller  tailloir  (2).  Les  correspon- 
dants avec  r  sont  tiras  à  travers  —  Tpwyw  corroder  — 
truncus  tronc,  trans-  trancher,  dard,  darder  -through 
à  travers  —  durch  id.  —  trennen  séparer.  Ils  marquent 
l'effet  du  tarse,  capable  de  déchirer.  La  ligne  qu'on  tire 
s'exprime  par  <m£  —  distichon  vers  de  deux  lignes  — 
distich.  Ajoutons  les  congénères  :  strie,  étrille  (Skt. 
turi)  tiret,  trait,  trace,  traquer,  détraqué —  to  stroke 
caresser,  faire  venir]des  traces,  streak  strie,  to  strike  (3) 

(1)  Variante  de  ôeîpo)  écorcher.  Skt  dri  —  diviser. 

(2)  Rincer  la  dalle  à  quelqu'un,  pour  —  le  dalot,  veut  dire  :  régaler 
sans  retour,  par  assimilation  des  dalots  avec  le  gosier. 

(3)  A  ce  mot  répondent  Skt  strih,  trih  frapper  —  trucido  —  trucider 
et  les  variantes  d'rb'  frapper  —  ôpûuTO)  id.,  Angl.  to  drub  battre.  La 
strie  fait  orpéE  —  stria,  l'étrille  axXéYytç  —  strigil. 


—  283  — 

frapper,  faire  des  stries,  ratisser  le  cuir  —  streicheln 
caresser.  Le  H.  streep  ligne  et  trace,  striemià.,  en  Ail. 
der  Streif  la  trace  sont  le  même  phonème  avec  la  va- 
riante labiale.  —  Le  tarse,  dans  son  sens  primitif,  est 
capable  de  s'étendre  et  de  se  replier  sur  lui-même.  Ce 
mouvement  a  pour  phases  le  tour,  la  torsion  et  autres 
variétés  de  la  rondeur.  Le  croc,  les  doigts  recourbés  en 
griffe  s'expriment  par  taquet,  attacher,  en  Angl.  par 
tack  et  tag  pointe,,  croc  qui  attache,  tusk  le  croc  de 
l'éléphant,  du  sanglier. —  Le  tour  se  voit  dans  xdvbri 
courber  —  tepéu  tourner  —  terebro  id.  —  teres  rond 
dard,  darder,  tarière,  tour,  contorsion,  tors,  tarer 
gâter,  perforer  comme  à  la  tarière  —  to  thrill  émou- 
voir, to  drill  tarauder,  to  stir  retourner,  troubler  — 
drehen  tourner,  stôren  troubler,  stùrzen  rouler,  s'é- 
crouler. Ce  même  phonème  avec  n  nous  donne  :  Skt. 
drun  aller  en  courbe,  Tspvsûw  —  torno  je  tourne,  tornus 
le  tour  —  tourniquet,  tournée  —  to  trend,  to  trundle 
faire  tourner  —  der  Strehn  l'écheveau  —  Suéd.  trind 
rond.  —  Retourner  l'esprit,  le  bouleverser  se  rendent 
par  trap  se  troubler —  Tpéw  trembler,  être  troublé,  -ieipw 
vexer  —  tremo  je  tremble,  tristis  troublé,  triste  — 
trembler,  troubler,  attrister  —  drowsy  trouble  — 
triïbe  troublé  —  H.  trillen  frémir.  —  La  dariole  et  la 
tor gniole,  en  H.  draai  tour,  désignent  un  coup  donné 
à  la  fin  d'une  rotation  complète  du  bras  ;  de  là  dourder 
frapper,  donnerdesdarioles.  Tortiller  veux  dire  tourner 
de  l'œil,  mourir  ;  tortiller  la  vis,  tordre  le  cou,  les  an- 
neaux de  la  tranchée  étant  considérés  par  les  grossiers 
assassins  comme  des  pas  de  vis.  Marcher  comme  une 


—  284  — 

personne  estropiée  se  dit  également  tortiller,  ne  pas 
marcher  droit.  La  tortillante  est  la  vigne  qui  s'enroule 
autour  du  support.  —  La  tarte  affecte  la  forme  ronde. 
La  nouille  s'appelle  en  L.  turunda  le  rond  (nouille  de 
l'Ail.  Nudel  revient  a  nœud).  La  tartine,  par  assimila- 
tion à  la  tarte,  parce  que  sur  le  pain  on  met  de  la  confi- 
ture, et,  au  figuré,  une  histoire  longue  et  ennuyeuse,  est 
un  diminuitif  de  tarte.  Tarter  veut  dire  fienter,  par  jeu 
de  mots,  l'excrément  affectant  la  forme  ronde,  en  H. 
drijten,à'où~-ip^Mcç  —  stercus — stercoraire,  étron  — 
die  Strunze  saloppe,H.  stront  stercus,  drol.  Rond  se 
dit  en  G.  <rtf  0776X05.  Avoir  le  trac  veut  dire  sentir  la 
peur.  Ce  mot  s'appuie,  probablement,  sur  l'Ail,  der 
Dreck  même  sens  (1).  Le  truand  est  le  vagabond  tou- 
jours en  tournée  ;  la  trôleuse  la  coureuse,  la  rôdeuse 
enrôlée  dans  le  corps  de  Venus  vulgivaga.  Tourner 
avec  la  variante /se  trouve  dansofoa/,  tal  tourner.  tùXioow 
id.  —  touiller.  L'Ail,  a  toll,  qui  a  le  vertige.  Le  H.  toi 
veut  dire  toupie.  Ecraser  sous  la  meule,  broyer  dans  un 
mouvement  de  rotation  s'appelle  drâd  sebriser —  ts(pw 
—  tero  —  triturer  —  to  thrash  battre  en  grange  — 
dreschen  id.  On  faisait  autrefois  sortir  le  grain  des  épis 
en  les  faisant  fouler  sous  les  pieds  de  bœuf  attelés  dans 
un  manège.  —  Le  voyage  circulaire,  le  mouvement  en 
cercle  s'exprime  par  dôrsta,  par  synecdoche,  le  trot,  le 
pas  précipité  —  trotter  —  totread  avancer  pas  à  pas  — 
treten  id.  —  Les  omonotapées  provenant  du  thème  r  et 
signifiant  le  croc,  la  courbe,  les  cercles  vont  reparaître 

(l)La  drèche,  Angl.  dregs,  Ail.  die]Treber  est  la  partie  trouble  d'un 
liquide.  V.  au  mot  trouble.  Trouilloter  en  L.trullare  veut  dire  vesser. 
Pour  la  racine  voir  au  mot  trute. 


—  285  — 

dans  les  mots  suivants  associés  avec  le  son  t.  Ainsi  tr 
avec  la  labiale  nous  donne  TpÉ-io  tourner  —  trapes  le 
pressoir,  turbare  troubler  en  imprimant  un  mouve- 
ment de  rotatian  à  un  liquide  — perturbation  —  tramp 
truand,  draff\&  drèche — die  Treber  résidu  des  grappes 
pressées  —  en  H.  drqf  drèche  et  drabbig  trouble. 

Le  travail  figure  dans  le  langage  comme  étant  fait 
circulairement,  peut  être  comme  une  tribulations Ar- 
got est  encore  une  fois  d'accord  avec  les  originateurs 
de  la  langue  en  appelant  le  travail  turbin,  travailler 
turbiner,  en  AIL  der  Betrieb  le  métier,  treiben  s'occu- 
per de.,  en  H.  bedrijf  métier,  bedryven  commettre, 
faire.  Il  a  fait  de  travail  un  doublet  à  forme  Latine  avec 
une  science  parfaite  de  la  valeur  de  ce  mot.  Le  turbin, 
d'autre  part,  veut  dire  le  trouble,  dénommé  aussi,  par 
jeu  de  mots,  le  tremblement.  La  variante  de  turbiner 
esttrimer.  L'idée  de  voyager  (circulairement)  s'exprime 
par  le  mot  trimbaler  porter  çà  et  là,  de  trimer  et  bouler 
tromboler  courir  après,  même  composition,  letramivay 
la  route,  la  voie  circulaire,  le  trimard,  le  chemin,  le 
trèpeligueur  le  vagabond  appartenant  à  la  corporation 
de  l'argot,  la  trape  la  rôdeuse,  —  en  Angl.  par  to  travel 
voyager,  (Skt  tarb  aller)  trip  petit  tour,  to  drive  aller 
en  voiture.  —  La  strophe,  le  tourbillon,  la  turbine, 
les  tripes,  la  trombe,  le  strobile,  la  truffe  le  tubercule 
marquent  tous  le  contraire  de  la  ligne  droite.  Tromper 

ia  le  sens  de  circonvenir,  envelopper;  l'argot  dit  truffer, 
par  jeu  de  mots  (1).  -  -  La  turpitude  est  le  nom  de  ce 


(1)  Attraper  a  le  même  sens;  la  trape  est  ce  qui  tourne  sur  une 
charnière. 


286 


qui  est  trouble.  —  Le  sens  de  tordre  se  trouve  dans 
cjTpécpcç  la  corde  —  torques  la  chaîne  —  étrivière,  estra- 
pade -  strap  corde  -  der  S  trop  fie  nœud  coulant.  Es- 
tropié  veut  dire  perclus,  étranglé  en  quelque  sorte  dans 
les  articulations  comme  si  une  corde  (V.  les  mots  ci- 
dessus)  les  serrait  étroitement.  Estropier  dans  le  sens 
de  manger  paraît  vouloir  dire  s'étrangler  en  mangeant 
goulûment  (1). 

Le  sens  de  troupe  est) synonyme  de  peloton,  agglo- 
mération, un  entortillement  de  inonde.  Le  mot  de  l'Ar- 
got est  trèpe.  Le  Skt  a  drb*  troupe,  le  Latin  turba  et 
turma,  en  H.  drom.  Le  sens  de  tordre  s'exprime  aussi 
par  la  racine  arg  ou  rag  avec  t.  De  là  le  nom  de  la 
corde,  en  Argot  la  tourtouse,  le  toron,  (en  L.  tortus  la 
guirlande)  :  6p(E  la  tresse,  les  cheveux  tressés  —  tracta 
le  fil  (Angl.  thread,  AIL  Draht),  torques  le  collier  — 
tresse,  tresser,  tricoter  —  string  le  lien  — -  der  Strick. 
—  Prendre  dans  un  lacet  se  nomme  tricher  (2).  attra- 
per l'adversaire  au  jeu.  —  La  trousse,  le  trousseau  est 
un  paquet  serré  dans  des  cordes,  en  Ail.  der  Trosz  les 
bagages.  Le  Skt  drâxâ  est  la  grappe  de  raisin,  en  H. 
tros.  —  L'enchaînement  d'astragales  ayant  été  assimilé 
à  une  corde  (en  Patois  du  Limbourg  rugstrang  la  corde 
du  rable)  le  dos  qui  en  est  formé  s'appelle  àa-pàvaXc.  les 
spondyles,  les  vertèbres  —  tergum  et  dorsumle  dos  — 
tergiverser  tourner  le  dos  à  son  devoir,  comme  le  soldat 
lâche  à  l'ennemi,  dos  (dorsum),  astragale  vertèbre  — 

(1)  Le  sens  de  tortiller  et  de  tortorer  est  équivalent  de  estropier  et 
s'explique  de  même. 

(2)  A  tricher  répondent  truquer,  le  truc  —  l'Angl.  totricli  et  1*A11. 
trûgen.  Entrôler  est  voler;  le  sens  primitif  est  tromper. 


—  287  — 

sïring  corde  —  Sfrang  id.  —  Resserrer,  rétrécir  avec 
une  corde  se  rend  par  drinh  affermir,  comprimer  — 
mpoFfttùiji  —  'strangulo  étrangler,  stringere  lier  — 
étrangler,  contraindre,  astreindre,  strict,  étroit,  dé- 
troit —  to  strangle  étrangler,  throng  foule  compacte 

—  dringen  serrer,  drûcken  presser,  das  Gedrânge  la 
presse,  V.  au  mot  tourbe  et  les  correspondants  dans  les 
groupe  tocard. 

Le  cercle  emprunte  son  nom  à  cette  racine.  Nous  la 
découvrons  dans  zpo%oç  la  roue  —  torculus  le  manège 
du  pressoir,  trochus  le  cerceau,  trochlea  la  poulie  — 
le  treuil,  truc  wagon  plat  —  truck  id.,  truckle  petite 
roue  —  sich  trollen  (se  trotter)  s'en  aller.  De  là  l'idée 
de  courir,  d'imiter  la  roue  :  trix,  ldraj'  aller  —  tpsxw 
courir,  Aoriste  lzpT^>  congénère  de  trimardet  du  Skt 
tarb  aller.  La  truche  est  le  vagabondage,  latruanderie, 
le  trucheur  le  mendiant,  le  truand,  aller  au  truc  aller 
mendier,  la  dringue  la  roue  de  derrière,  la  pièce  de 
cinq  francs  de  fort  diamètre;  l'Angl.  to  straggle,  to 
stray  errer,  vagabonder,  to  trudge  marcher  à  pied; 
l'Ail,  der  Landstreifer  le  vagabond,  en  Angl.  tramp. 

—  L'ennui  provenant  de  ce  qui  tire  en  longueur  s'ap- 
pelle le  triau.  Durer  outre  mesure  s'appelle  en  Angl. 
to  tire  ennuyer,  to  drawl  tarder,  en  G.  crîpsjyw  tarder, 
ennuyer  (1)  Skt  dîr'ga  allongé. 

Le  s  est  le  son  qui  naît  avant  t  dans  l'inspiration  et 

(1)  Le  t  prend  quelquefois  la  place  du  k  dans  la  prononciation; 
c'est  ainsi  que  nous  avons  tufu  pour  cucu,  tuite  pour  cuite.  Le  n 
appelle  près  de  lui  un  k  ou  un  t.  On  passe  donc  facilement  de  nh  à 
ut.  La  disparition  de  n  complète  la  transformation,  V-  au  mot  shiObo- 
leth. 


288 


l'aspiration.  Le  t  procède  souvent  de  lui,  en  ce  sens  que 
le  sifflement  s  provoque  le  t,  en  attirant  la  langue 
jusqu'au  palais  où  elle  produit  cette  consonne.  —  Selon 
que  l'inspiration  et  l'expiration  affectent  d'autres  orga- 
nes, les  lettres  qui  forment  le  son  spécial  de  chacun 
d'eux,  viennent  s'adjoindre  à  Y  s  dans  l'ordre  de  leur 
production.  Nous  nous  trouverons  ainsi  en  présence 
des  sons  s,  ss,  #,  st,  sb,  sm,  sg,  sr,  si.  Ceux-ci  présen- 
tent la  notation  des  sons  naturels  et  spontanés  d'actes 
de  la  vie  et  forment  les  racines  primaires  et  irréducti- 
bles des  onomatopées,  noms  d'actes  ou  d'agents,  qui 
vont  suivre.  Ainsi  le  son  du  souffle  s  a  formé  le  nom 
du  phonème  qui  exprime  la  vie,  le  souffle  vital  :  as 
être  —  Serti  il  est  —  esse  être  —  il  est,  ils  sont  —  /  was 
avec  digamma  je  fus  —  das  Wesen  l'être  et  en  Skt  sa 
le  vent,  çvas  respirer.  L'âme,  en  Gothique,  saivala, 
marque  le  souffle  a  la  production  duquel  les  lèvres  ont 
prêté  leur  concours.  La  contraction  de  ce  mot  a  donné 
l'Angl.  soûl,  l'Ail,  die  Seele.  Le  mot  saivala  peut-être 
considéré  comme  la  métathêse  des  mots  bisardet  bosotn 
poitrine,  sein  parce  que  les  mêmes  organes  ont  servi  a 
la  production  du  souffle  dans  les  deux  cas.  Ceux-ci 
présentent  eux-mêmes  la  métathêse  de  sibilo  —  siffler 
—  to  sigh  soupirer  —  seufzen  id.  —  Le  Grec  exprime 
cette  idée  par  tyjyrt  l'âme,  le  souffle  des  lèvres,  d'où 
Psyché  si  psychique.  La  métathêse  de  ce  mot  forme  les 
correspondants  Angl.  gust  bouffée  de  vent,  ghost  es- 
prit et  l'Ail,  der  Geist  id..  Le  son  même  de  psyché  se 
rencontre  dans  l'Angl.  to  sigh  soupirer  et  dans  l'Ail. 
suchten  id..  Le  nom  de  psyché  ou  son  synonyme  ani- 


—  28i)  — 

ma  âme  sont  des  noms  qui  ne  disent  pas  la  chose,  pas 
plus  que  chêne,  qui  veut  dire  blanc,  canus,  chenu, 
(guercusalba),  ni  peuplier  qui  veut  dire  noir  (popu  lu  s 
nigra  en  G.  -aXo;  noir)  (1)  ne  nous  font  sentir  ce  que 
sont  ces  deux  arbres  en  eux  mêmes.  Ces  noms  sont  des 
indications  qui  doivent  nous  guider  vers  l'objet.  En 
effet,  le  souffle,  il  faut  le  renouveler  à  chaque  moment, 
afin  de  soutenir  la  vie,  tandis  que  l'activité  de  l'âme 
persiste  sans  que  nos  sens  aient  besoin  de  ramener 
l'image  de  la  réalité  passée  qui  survit  toute  seule  dans 
notre  esprit.  Nous  prenons  cette  survivance  comme  un 
gage  de  durée.  —  Le  souffle  n'est  donc  pas  la  même 
chose  que  le  souvenir;  ce  n'est  pas  plus  la  conscience 
ou  la  notion  comparative  des  objets  de  la  pensée  :  mais 
sans  le  souffle  et,  par  conséquent,  sans  la  vie,  la  faculté 
de  connaître  intérieure,  qui  existe  avec  l'homme  et  par 
qui  survivent  les  impressions  des  sens,  n'aurait  pas 
trouvé  d'emploi  et  n'aurait  pu  développer  en  nous  le 
souvenir  et  la  conscience  selon  les  réalités  dans  les- 
quelles nous  nous  trouvons  placés.  Psyché,  grâce  à  ce 
rapport  intime,  désigne  donc  la  vie  du  corps  aussi  bien 
que  celle  de  l'âme,  tout  comme  sptrttus,  qui  primitive- 
ment veut  dire  respiration  désigne  la  vie  par  son  acte 
le  plus  essentiel  et  V esprit.  Le  souffle  labial  qui  a  formé 
psyché  s'entend  également  dans  les  mots  soupir  (suspi- 
rium),  espérance,  aspiration  :  tous  les  trois  marquent 
l'état  d'une  âme  qui  demande  autre  chose  :  aussi  bien 
expliquent-ils  qu'elle  se  soit  mise  à  rêver  d'une  exis- 

(1)  Pelarrjos  est  le  nom  Grec  de  la  cigogne  blanche  et  noire.  L'Argot 
en  a  fait  largue pé  grue. 

19 


—  290  — 

tence  plus  parfaite,  désespérant  de  trouver  dans  la  vie 
la  satisfaction  complète  de  ses  aspirations  et  de  son 
besoin  d'aimer.  —  Se  gonfler  sous  l'effort  d'une  insuf- 
flation se  traduit  par  l'onomatopée  Skte  çva  se  gonfler. 
Dans  l'Angl.  et  l'Ail,  ce  souffle  s'est  associé  avec  le  nom 
d'un  objet  gonflé  en  boule  pour  former  les  mots  tosweil 
se  gonfler,  en  Ail,  schwellen  id.. 

Le  soufïie  étant  le  seul  acte  vital  qui  nous  frappe 
dans  le  sommeil  et  sa  régularité  ou  sa  force  étant  le 
symptôme  de  l'assoupissement,  son  bruit  se  retrouve 
dans  ci  le  repos,  cas  dormir  —  ejow  je  dors  —  sieste. 
Associé  au  souffle  labial  il  donne  les  onomatopées  suap 
dormir  —  Drcvoç  sommeil  —  sopio  je  dors.  —  assoupir 
—  Ancien  Angl.  sweveri  songe,  Suéd.  sofva  dormir, 
sômn  songe,  comme  somnium  sommeil  donne  songe, 
le  rêve.  Le  H.  suffen  veut  dire  être  engourdi,  ne  pas 
avoir  conscience  de  ce  qui  se  passe,  comme  lorsqu'on 
est  endormi  —  souffler  tout  bas  se  traduit  b'ôs  interj. 
pour  appeler  s'ât  faire  st  !  ou pst!  —  ù>M'Cu  susurrer  — 
st  !  —  chut  !  silence,  chuchoter,  parler  tout  bas  —  to 
hush  assoupir,  inviter  au  sommeil  en  faisant  un  bruit 
de  vent  du  soir,  hist,  hush,  whist  1  silence!  —  sâuseln 
murmurer  comme  le  vent  —  H.  sussen  calmer  St^éw  et 
éwitoLM  veulent  dire  tous  deux  faire  silence;  r^r/iy.  (1) 
le  silence  —  L.  silentium  —  silence  —  en  Ail.  schwei- 
geri  se  taire.  —  Susurrus  et  susurrement  marquent 
un  souffle  tremblotant.  —  L'Angl.  to  sing  et  l'Ail. 
singen  sont  probablement  des  formes  dues  à  l'associa- 

(1)  A  cette  forme   répond  le   Skt  seij' ,  Angl.  to  sigh,  AU.  sûchtcw 
soupirer. 


—  291  — 

tion  du  chant  et  de  la  parole  avec  le  sifflement.  To  say 
dire  et  l'Ail,  sagen  id.  semblent  avoir  signifié  à  l'ori- 
gine la  parole  prononcée  à  voix  basse.  La  sagacité  du 
chien  consiste  à  bien  flairer  la  trace  :  sg  dénote  le 
bruit  de  son  souffle  nasal.  De  là  la  sagacité,  la  pénétra- 
tion de  l'esprit.  L'Angl.  to  seek  chercher,  en  Ail. 
suchen  marquent  l'emploi  de  cette  propriété.  —  Uas- 
tuce  en  L.  astus  (1)  remonte  à  l'odorat,  au  flair  des 
bêtes  malfaisantes,  des  fauves,  telles  que  le  renard, 
V,  au  mot  odeur  (2).  Le  Normand  dit  xi\  xi\  pour 
exciter  les  chiens  l'un  contre  l'autre.  En  H.  ces  mêmse 
bruits  sont  orthographiés  kiê  !  kis !  Ces  phono- 
grammes marquent  le  son  du  souffle  qui  alimente  le 
feu  et  par  analogie  la  colère.  En  Ail.  on  dit  husz  pour 
exciter  le  chien  à  la  chasse  du  lièvre.  —  Le  mépris 
s'exprime  par  un  sifflement  :  il  en  -est  ainsi  dans  le  Skt 
où  çtt  et  sit  veulent  dire  mépriser.  La  chose  qu'on  siffle 
est  vide  et  vaine  comme  le  vent  :  c'est  ce  qu'on  veut 
faire  comprendre  en  sifflant.  Delà  sut\  ouic/iel  uistl 
Un  sùtiste  est  un  Jeanfoutiste.  —  Un  aus}  un  haus  est 
un  client  qui  dans  un  magasin  de  manufactures  fait 
déballer  beaucoup  sans  acheter  :  pour  dire  file  comme 
le  vent  on  répète  le  bruit  indicateur  s  qui  marque  la 
voix  du  vent,  du  souffle  qui  passe.  Ce  mouvement  vif 
s'exprime  en  AU.  par  kuschl  p.  e.  :  laisch  ola  war  er 
fort  :  ans  !  ou  s  !  et  le  voilà  parti.  Le  verbe  Angl.  to 
oust  évincer  est  probablement  l'onomatopée  de  ce  son. 
Le  sens  de  ce  mot  est  le  même  que  celui  de  ho  us  te! 

(1)  C'est  une  forme  dé  sentio. 

(2)  Vendroit  qui  sent  s'écrit  en  chiffre  100. 


—  292  — 

comme  dans  l'expression  houste  à  la  paille,  avertisse- 
ment qu'on  adresse  au  chien.  —  Un  zêzè  met  le  z  à  la 
place  de  ge.  Zézayer  veut  dire  :  donner  dans  ce  vice  de 
prononciation  en  voulant  parler  une  langue  qui  n'est 
pas  la  nôtre  de  tout  point.  V.  au  mot  shibboleth. 

Aspirer  un  liquide  produit  le  son  qui  s'est  incorporé 
dans  sugo  —  sucer  —  to  suck  et  sai/gen,  comme  dans 
vypbç  ce  qui  contient  de  l'humidité  et  dans  l'Angl.  sea 
la  mer,  en  H.  het  sop  (la  soupe),  en  Ail.  die  See  id.,  la 
plaine  liquide,  l'eau  en  général.  Zw;^,-  le  jus,  en  Esp. 
zumo  provient  du  même  son  naturel  que  sucer.  Ojuoç  le 
suc  —  opium  suc  de  pavot —  opium  id.,  mots  où  le 
sifflement  qui  accompagne  l'aspiration  du  liquide  n'a 
pas  été  marqué,  à  rencontre  de  ce  qui  s'est  fait  pour 
soupe,  sabler  (1)  boire,  avec  jeu  de  mots  sur  sable  — 
to  sip  buvoter,  sap  le  jus  —  saufen  boire,  cler  Saft  le 
jus  et  pour  le  Skt  xîb  avoir  bu.  Le  L.  sitis  la  soif  mar- 
que l'envie  de  boire  par  le  son  de  l'aspiration  st.  Le 
liquide  sort  de  l'orifice  avec  un  sifflement  s.  Ce  bruit  a 
formé  le  nom  de  l'écoulement  qui  se  produit  dans  vis' 
et  mis'  répandre  —  àivS:^  tomber  goutte  à  goutte,  tyùtç 
la  goutte  comme  quand  on  filtre,  dans  gicler,  gigler^ 
jiscler,  jicler  s'écouler  avec  un  jet  très-fort  (Skt  sic 
asperger)  —  sewer  gouttière  (Skt  xap,  xip  lancer)  — 
seichen  s'écouler  avec  un  jet  pressé,  uriner,  sickern 
s'écouler,  seihen  passer  au  filtre,  seigen  id.  L'écoule- 
ment du  liquide,  l'abaissement  du  niveau  se  montrent 
dans  to  sink  s'écouler,  s'abaisser  et  dans  l'Ail,  sinken 
id.  Le  dessèchement  qui  se  produit  à  la  suite  de  l'écou- 

(1)  Patois  Néerlandais  sabbelen  baver  en  mâchonnant. 


—  293  — 

lement  du  liquide  se  nomme  dans  orauxoç  —  szccus  — 
sec  et  dans  l'Ail,  versiegen  tarir.  Le  H.  zakken  abaisser 
son  niveau,  variante  de  sinken  rappelle  le  sens  et  le  son 
de  sac,  primitivement  le  filtre  :  uk*  se  dessécher  — 
aaxxoç  le  sac,  axv.yJZb)  je  filtre  —  saccus  —  .sac  —  sack 
—  der  Sack.  Le  filtre,  le  sac  a  suggéré  le  nom  diffé- 
rencié du  sas  le  crible  :  liflta  cribler  —  sasser  —  sieve 
le  sas  —  die  Siebe  id.,  sichteii  sasser. 

Le  souffle  ardent  marque  sa  trace  dans  'Ciu  bouillir, 
exprimant  le  sifflement  des  bulles  qui  éclatent  —  zelus 
l'ardeur  de  la  volonté,  sudum  le  temps  sec  et  beau, 
sudes  le  pieu  carbonisé  par  un  bout  —  Sud  le  côté  du 
vent  du  Midi,  zèle  —  South  sud  —  der  Sud  id. 

La  sputation  (Skt  pitta  bile)  développe  plusieurs 
bruits  plus  ou  moins  ressemblants,  dont  voici  quelques 
spécimens  sous  leur  forme  onomatopique  :  Skt  "3*tîo 
en  H.  et  en  Flamand  tuffen  ;  pud  émettre  —  «Vjttw  — 
sputo  cracher,  faire  sortir  les  sécrétions  des  glandes 
avec  un  bruit  de  piston  ménagé  par  l'action  de  la  lan- 
gue, pituite  —  to  spit  cracher  —  speihen  id.  —  der 
Speichel  le  crachat,  spucken  cracher  —  en  H.  speeksel 
id.  —  Par  assimilation  on  a  l'Angl.  spout  une  bouche 
d'arrosoir,  le  jet  d'eau,  et  TAU.  die  Spritze  avec  r  (Skt 
prit*  lancer  —  to  spurt  jaillir  —  Ail.  sprudeln  sour- 
dre). L'Angl.  speck  et  spot  tache,  marquent  l'éclabous- 
sure.  —  L'épave  est  ce  que  la  mer  rejette,  crache,, 
vomit.  Ce  mot  rappelle  le  H.  spuwen  cracher  des 
lèvres,  et  l'Angl.  spawn  mucilage  du  poisson  et  des 
plantes  (mucelium)  et  spaicl  le  crachat.  Spa  estle  nom 
de  la  source  devenu  nom  de  ville,  comme  Aix.  C'est 


—  294  — 

une  variante  de  spout,  la  bouche  d'eau,  le  jet.  V.  plus 
haut.  La  salive,  en  L.  saliva,  en  Angl.  slaver,  d'où 
to  slobber,  to  slabber,  to  slop  répandre,  salir  marquent 
le  produit  de  la  sécrétion  de  la  langue  s'échappant  par 
la  bouche.  Le  G.  aiaXov,  avec  perte  du  digamma,  sa- 
live, répond  au  H.  zijver  même  sens. 

Le  Centre  où  la  langue  Française  est  si  pleine  de  vie 
a  les  mots  chimer,  suner^  siner,  chigner  et  chouiner 
pour  dire  pleurnicher.  Ce  nicher  est  la  métathèse  de 
chigner.  Comme,  du  reste, pleurnicher  l'indique,  quand 
on  est  chagrin,  les  soupirs  s'échappent  en  abondance 
avec  les  pleurs  et  on  est  forcé  de  soupirer  par  petites 
saccades  qui,  dans  le  nez  produisent  le  bruit  dont  les 
mots  ci-dessus  sont  la  reproduction  onomatopique.  Ce 
mouvement  du  nez  se  reproduit  également  daus  rechi- 
gner (1),  faire  grimacer  le  nez,  le  retrousser  en  flairant 
une  besogne  désagréable.  V.  au  mot  nez.  Au  Centre  on 
appelle  le  tabac  à  priser  du  choimbre,  mot  formé  d'un 
bruit  nasal  particulier.  Priser  s'appelle  en  Argot  chou- 
iner, fait  du  même  bruit  que  chiner.  Le  Skt  xu  veut 
dire  éternùment. 


(1)  Chiner  sur  V ouvrage  veut  dire  :  rechigner  devant  le  travail  :  de 
là,  par  jeu  de  mots,  le  chinois,  l'ouvrier  qui  ne  trouve  aucune  tâche  à 
son  goût. 


CONCLUSION 


Le  contenu  de  ce  livre  peut  se  résumer  ainsi. 

Le  vocabulaire  des  langues  Indo-Européennes  s'est 
formé  de  deux  façons  :  par  la  voie  de  l'Onomatopée, 
en  employant  comme  nom  distinctif  le  son  d'un  événe- 
ment et  en  l'appliquant  à  l'acte,  à  son  agent  ou  à  son 
effet;  2°  par  la  voie  de  la  métaphore  qui  fait  que  nous 
transportons  le  nom  ainsi  formé  à  un  objet  similaire, 
parce  qu'il  contient  dans  la  somme  de  ses  propriétés  un 
acte,  un  agent  ou  un  effet  identiques. 

Formés  par  ces  deux  procédés  les  noms  constituent 
des  indications  rationnelles  qui  ne  sauraient  f  tre  faites 
autrement,  le  son,  la  chose  signifiée  et  ses  analogies  se 
manifestant  tels  dans  la  nature. 

Le  son  est  inséparable  du  sens  :  par  sa  variété  même 
il  exprime  la  nature  du  fait  qu'il  accompagne  et  le  dési- 
gne ainsi  à  notre  discernement.  A  sa  source  il  est  tou- 
jours le  même  :  monosyllabique  dans  son  énonciation 
parce  qu'il  répond  à  un  mouvement  unique  ;  spontané 
parce  qu'il  se  produit  tout  seul;  il  a  un  sens  verbal 
parce  qu'il  est  l'expression  vocale  d'un  acte.  Ces  carac- 
tères spontanés  répondent  exactement  à  ceux  qui  dis- 


296 


tinguent  les  thèmes  primaires  que  l'étymologie  a  recon- 
nus dans  le  Sanskrit  et  que  l'analyse  retrouve  dans 
l'Argot  aussi  bien  que  dans  les  langues  classiques  du 
groupe  Indo-Européen.  En  comparant  le  son  naturel 
avec  ces  thèmes  primaires  on  reste  convaincu  qu'ils  ne 
sont  qu'une  seule  et  même  chose  :  on  retrouve  en  eux 
la  notation  graphique  des  sons  qui  se  produisent  dans 
la  nature  et  qui  sont  inhérents  au  sens  qu'ils  expriment. 
Dans  la  vie  d'où  le  langage  les  tire,  ils  sont  représentés 
par  la  voix  du  cœur  humain,  les  cris  des  animaux,  les 
sons  qui  accompagnent  le  fonctionnement  des  organes,, 
les  bruits  que  fait  entendre  la  nature  inerte  lorsque  un 
ébranlement  quelconque  la  secoue  dans  sa  torpeur. 

L'étymologie  aboutit  donc  à  constater  dans  les  mots, 
ou  bien  la  reproduction  d'un  son  naturel,  ou  une  commu- 
nication de  l'appellatif ,  formé  de  ce  son,  à  un'objet  simi- 
laire. C'est  là  son  ultime  étape.  Ce  qui  la  guide  pour 
identifier  le  son  des  mots  c'est  l'idée  de  le  comparer 
avec  les  voix  de  la  nature  agissante;  d'autre  part,  c'est 
l'homonymie  des  noms  portés  par  des  objets  divers  qui 
la  renseigne  sur  l'analogie  à  laquelle  est  due  cette  iden- 
tité du  nom.  La  distribution  des  noms  ainsi  formés,  leur 
transport  d'un  objet  simple  à  un  objet  composé,  du 
concret  à  l'abstrait,  d'un  individu  à  une  généralité  etc. 
se  fait  selon  la  règle  des  tropes. 

Ni  la  permutation  entre  sons  d'un  même  organe  ou  d'un 
organe  attenant,  ni  leur  métathèse,  soit  spontanée,  soit 
provenant  d'une  diversité  dans  la  prononciation  et  dans 
l'orthographe  des  mots  ne  peuvent  supprimer  l'identité 
du  phonème.  La  différence  des  langues  est  surtout  dans 


—  297  — 

les  noms  qu'on  leur  a  donnés  et  dans  l'individualisme 
éxgagéré  de  ceux  qui  les  parlent.  Leur  divergence 
résulte  du  développement  particulier  donné  à  des  élé- 
ments identiques.  Le  nombre  de  ces  éléments  dépend 
de  la  quantité  de  choses  connues  et  nommées.  En 
remontant  le  cours  de  ces  développements  la  linguis- 
tique aboutit  à  la  nature  qui  parle  et  annonce  un  évé- 
nement :  aussi  est-ce  dans  le  son  naturel  et  spontané 
que  les  langues  Indo -Européennes  retrouvent  leur  unité 
primordiale. 


FIN 


VOCABULAIRE 


L'Argot  se  trouve  reculé  do  l'alignement.  —  A.  derrière  les  mots  à  l'alignement  veut 
dire  qu'ils  appartiennent  également  à  l'Argot.  —  B.  veut  dire  Berrichon.  —  C.  Patois 
du  Centre.  —  I*.  Languedocien.  —  N.  Normand.  —  P.  Populaire.  —  Pr.  Provençal. 
W.  Wallon. 


abadis,  100. 
abafointé,  98. 
abalobé,  242. 

abée,  76. 

aboyer,  64. 
a  braqué,  40. 

absorber,  5,  145. 

abstème,  257. 

abstergent.  -26(5. 

acahuer,  236,  C. 
j  acanthe,  218. 
|  accore,  232. 

accouer,  60. 
!  accouplement,  191. 

achavanter,  236,  C. 
!  acoquiner,  237. 
;  acoustique,  183. 

adapter,  191. 

adhérer,  162,  215. 

adjacent,  187. 

admirer,  113. 

admonester,  114. 

aduler,  216. 

aëde,  278. 

affliger,  69. 

affranchir,  42,  A. 

s'afragner,  53,  X. 

aga.  183,  C. 

agacer,  186. 

agachar,  183.  Pr. 

agalhar,  203,  Pr. 

Agathe  240. 

agglomération,  205,  212. 


agiter,  215. 
agrafer,  227. 
agrasser,  225,  C. 
agripper,  161,  227. 
agrolle,  225,  C. 
ah,  12,  182,  183,  189. 
ahan,  198. 
ahaner,  136. 
aigle,  186. 
aigu,  165. 
aiguille,  219. 
aile,  215. 
aimer,  126. 
aisselle,  186,  218. 
albe,  249. 
alcaraza,  231. 
aliéner,  131. 
alipan,  65,  N. 
allège,  253. 
aller,  215. 
amarre,  115. 
âme,  136,  259. 

amocher,  115. 
ample,  46. 
ampoule,  33. 
amputer,  36. 

amucher,  107. 
amuser,  130. 
Anadyomène,  268. 
anatide,  86. 
anémomètre,  136. 
ange,  136. 
angine,  181. 
angle,  215. 
animé,  136. 
anorexie,  155. 


anseride,  86. 
anthropophage,  82. 

antiffe,   178,  574. 

antifïïer,  274. 
anxieux,  181. 
aplatir,  46. 

apoffir,  20,  C. 
applaudir,  46. 
appréhender,   220,    238. 
apprendre,  220. 
appui,  48. 
aqueux,  187. 

aquicher,  186. 

aquiger,  236,  185. 
araignée,  166. 
arc,  166. 
arcanes,  169. 
arc-boutant,  23. 

arçonner,  143. 
ardre,  152. 

arga,  156. 

argamine,  156. 
arganeau,  166. 
argot,  155. 

arguche,  155. 
argument,  169. 

aricoteur,  222. 
aride,  152. 

arigot,  221. 
aristocratie,  229. 
arithmétique,  163. 
arme,  171. 
armoise,  108. 
armon,  163. 

arnache,  140. 
arracher,  156. 


—  300 


arrimer,  159. 
art,  162. 

artiche,  152. 

artif,  152. 
articulé,  162. 
ascendant,  241. 
asperger,  49. 
aspiration,  289. 
assoupir,  290. 
astragale,  286. 
astre,  267. 
astreindre,  287. 
astuce,  291. 
atmosphère,  261. 
âtre,  264. 
atrophie,  280. 
attacher,  269,  283. 
attaquer,  269. 
attraction,  266. 

attrimer,  153. 
aube,  249. 
aumusse,  128. 

Aure,  241. 
aurore,  152, 
avoir,  191. 

Avre,  241. 

B 

Baba,  98. 
babau,  81. 

babillarde,  87. 
babiller,  87. 
babines,  14. 
babioles,  30. 
babou,  98.  P. 
babouin,  98,  99,  P. 
babouiner,  81,  P. 
bac,  36. 

bacchantes,  15. 

bacreuse,  80. 
badaud,  100,  114. 

bade,  15,  78.. 
badigeonner,  288. 

badigoinces,  81,  217. 

badouillard,  98. 

badouiller,  78,  82. 

bafe,  64. 
baffouiller,  88. 

bafire,  64. 
bafouer,  94. 
bagage,  35. 
bagatelle,  35,  95. 


bagou,  90,  P. 
baguenaude,  80,  P. 
baguenauder,  101. 

baguenotte,  80. 
bah,  94,  97. 
bai,  61. 
bailler,  64. 
bain-marie,  23. 
baiser,  101,  A. 
bajoter,  90. 
bal,  31,  A. 
balafre,  67. 
balancer,  277,  P. 
balençoires,  277,  P. 

balauder,  90. 
balbutier,  84,  90. 

baleines,  15. 
balle,  30,  31,  69,  71,  P. 
ballon,  30. 
ballonné,  31. 

baloter,  90. 

balots,  15,  82. 

balouf,  35. 
bambin,  76. 
bamboche,  78,  P. 

banban,  65. 

banquette,   15,  216. 
baptême,  76. 
baquet,  36. 
barbacane,  82. 

barbaque,  16,  82. 

barbaqui,  82. 
barbare,  91. 

barbaudier,  84. 
barbe,  15,  77. 

barbichon,  158. 

barbotin,  83. 
barbotter,  83. 
barbotteuse,  86. 
barbouiller,  83. 
bard,  57. 
bardane,  43. 
bardeau,  39. 
barque,  70. 
barre,  15,  43. 
barrique,  70. 
bas,  78. 
basilique,  88. 
bassin,  36. 
bassiner,  36,  P. 

bastage,  48. 
baste,  49. 

basteler,  96. 


bastringue,  79,  P. 
bât,  48. 
bataille,  47. 

bataqua,  60,  239. 
bâtard,  49  ,  A. 
bateau,  37,  96,  80.  A. 
bâtée,  49,  A. 
bateleur,  96. 

battage,  96. 
batterie,  87,  96,  A. 
battre,  47,  A. 
bau,  81,  98. 

bauber,  90. 

bauce,  78. 
bauceron,  78,  A. 

se  baucher,  95. 

se  baucoter,  95. 

baudrouiller,  27. 

bauge,  80. 
bave,  116. 
baver,  88,  96. 

bavouiller,  83. 
bé,  57. 
bè,  97,  98. 

béard,  98. 
beau,  63. 
bébé,  38,  76. 
bec,  15,  79,91. 

bécane,  93. 
bée,  98. 
béer,  183. 
bêcher,  89,  A. 
bêcheur,  89,  A. 

becquetance,  82. 
bedonner,  35. 

bégard,  15. 

bègue,  82. 

béguin,  275. 

beigne,  65. 
bélémnite,  30. 
béni,  57,  A. 
berceau,  41. 
berlingot,  245. 
berme,  71. 

Bernard,  27. 
bernique,  72,  P. 
bersaglier,  39. 

bessons,  78. 

bettauder,  88. 
beugler,  105. 

beugne,  65. 

bibard,  76. 

bibassier,  76. 


—  301 


bibelot,  30. 
biberi,  90,  C. 

bibi,  38. 

bibine,  76. 

bibns,  30. 
bicher,  82,  P. 
bichon.  50. 

bidoche,  82. 
bidon,  36,  80. 
bière,  57. 

biffe,  57. 
biffer,  57. 

bitfin,  57. 

biffre,  84. 
bigarreau,  154,  A. 

bige,  98. 

bigeot,  98. 

bigeois,  98. 

biger,  82. 

bigorne,  89. 

bigot.  90. 

bigotter,  90. 
bilboquet,  30. 

billancher,  30. 
bille,  30. 
billevesée,  32. 
billon,  35. 
billot,  35. 
binibamboin,  05. 
bimbelot,  30. 

bince,  93. 

biribi,  71. 

bisard,  20,  288. 
bise,  20,  82,  96. 
bisquer,  97. 
bistrot,  79.  P. 
biture,  82. 
bizarre,  96. 
blafard,  64. 
blague,  33. 
blaguer,  34. 

blaichard,  63. 

blair.  22,  28. 
blaireau,  22. 
blanc,  250. 

blard.  22. 

blase.  23. 
blasé,  23. 
blason,  22. 

blaude,  31. 

blavard,  22. 

blave,  22. 

blavin,  21. 


blescht,  63. 
bléser,  63 

blésimarder,  22. 

blésinàrder,  22. 
bleu,  63,  64,  260. 
blinder,  62. 
bloc,  34. 
blocus,  34. 
blond,  63. 
bloquer,  34. 

bloumard,  33. 

bloume,  32. 
blouse,  31,  34. 
bluter,  72. 

bobe,  29. 
bobèche,  15. 
bobine,  29. 
bobo,  29. 

bobotier,  29. 
bocal,  80.  A. 
bocard,  93. 

bochon,  93. 
bodéga,  36. 
boète,  82. 
bœuf,  97,  119. 
boffette,  64. 

bogue,  89,  93. 
boire,  76. 
boisseau,  80. 
boîte,  35,  36. 
boiter,  238. 
bombe,  254. 
bonbon,  29. 
boniment,  89. 
bonir,  89. 
bonisseur,  89,  P. 
borborygme,  49,  116. 
bord,  71. 
bordée,  71. 
bordel,  39. 
borgne,  72. 
borne,  71. 

bossoirs,  78. 
botanique,  37. 
botte,  48. 

boubane,  98. 

boucanade,  80. 
boucaner,  80. 

boucard,  36. 
bouche,  15,  91,  116. 

bouches,  104. 
bouder,  56,  81,  97. 
boue,  116. 


bouffarde,  19. 
bouffé,  30. 
bouffée,  19,61. 

bouffer,  8i,  97. 

bouffeter,  88. 
bouffi,  29,  30. 

bouffiasse,  30. 

bouffigne,  30. 
bouffon,  94. 
bougette,  27. 
bougonner,  89. 

bouiboui,  38. 

bouif,  30. 
bouillonner,  49. 

bouis,  58. 
boulanger,  72. 
boule,  30,  290. 
bouler,  31. 
boulevard,  169. 

boulevari,  31. 
boulimie,  246. 
boulotter,  83,  P. 
bourbe,  55,  116. 
bourde,  91. 
bourgeon,  43. 
bourgeron,  31. 
bourre,  43. 
bourriche,  44. 
bourrichon,  44,  P. 
bourrique,  61. 
bourru,  43. 
bourse,  44,  70. 
bourse,  24. 

bouser,  78. 
bousiller,  24. 

bousin,  78. 
boussolle,  36. 
boustifaille,  84,  P. 

boutance,  36. 
bouteille,  36,  80. 
boutique,  36. 
bouton,  35. 

boutoque,  36. 
bouture,  35. 
box,  36. 
boxer,  93. 
boxon,  39,  P. 
boyau,  35. 
brai,  72. 
brailler,  91. 
braire,  91. 
braise,  61,  63. 
bramer,  91. 


302  — 


bran,  27,  71. 
branche,  39,  42,  43. 

brandillante,  41,  P. 
brandir,  41. 

banlante,  41,  P. 
braque,  28,  40. 
braquer,  39. 
brayer,  40,  C. 
bréchet,  52. 
brèchetelle,  73. 
Breda,  91. 

bredibreda,  91. 
bredouille,  91. 
brème,  61. 
brette,  39. 
breuvage,  76. 
brica,  44. 
bric-à-brac,  70,  21. 

bricard,  73. 

bricheton,  61. 
bricole,  39,  40,  71. 
bricoleur,  71. 

bricul,  28. 

briculé,  28. 

bridaukil,  40. 
bride,  40. 

bridoche,  40. 
brigand,  42. 

brigants,  42. 

brigeants,  42. 
brignolet,  61,  P. 

brigolet,  61. 
briguer,  91. 
briller,  61. 
brimade,  70. 
brimbale,  41. 
brin,  39,  43. 

brinde,  43. 
brin  d'estoc,  40. 
brioche,  61. 
brique,  61. 
bris,  70. 

briscard,  39. 
brise,  28,  61. 
brisé,  52. 
briser,  70. 

brisque,  39,  40. 
brobèche,  40,  P. 

brobicante,  40. 
broncher,  40. 
bronches,  52. 
bronze,  63. 

broquille,  44. 


brosse,  43,  44. 
brosser,  44. 
brou,  70. 
brouet,  72. 

brouf,  24. 
brousse,  43,  44. 

broute,  70. 
brouter,  70. 
bruine,  61. 
bruire,  91. 
brûler,  61. 
brun,  43. 
brune,  61. 
budget,  33. 
buffet,  106. 

buffetoi 

bul,  31. 
bulbe,  37. 
bulle,  32, 

bure,  50. 
buse,  78. 

buser,  78. 

butant,  48. 
butin,  36. 
butte,  48. 
buvoter,  76. 


Caban,  191,  193. 
cabasser,  195,  P. 
cabestan,  196,  A. 
caboche,  193. 
cabochon,  193,  P. 

cabonte,  197. 
cabot,  191,  196,  P. 
cabotin,  196,  P. 
caboulot,  194,  P. 
cacare,  190. 
cacher,  179,  A. 
cacquet,  177,  C. 
cadence,  238. 

cador,  239. 
café,  198. 
cage,  191. 
cagnard,  216,  C. 
cagnaud,  216,  C. 
cagneux,  216. 
cagni,  217,  C. 
cagnotte,  224. 
cahincahan,  71. 
cahot,  71. 
cahoter,  188. 


cahuer,  236,  C. 
cajoler,  239. 

cajor,  239. 

caïabre,  206. 

calancher,  207. 

calbombe 
calcul,  214. 
calculer,  159. 
cale,  185,213. 
calebasse,  201,  213. 

caliborgne,  72,  214. 
calice,  214. 

calorgne,  72. 
calipyge,  93. 
calot,  72,  213. 
calotte,  213,  214. 

calvigne,  206. 
Calypso,  213. 

camboler,  192. 
cambré,  192. 

cambriau,  194. 

cambriole,  194. 

cambrouse,  194. 
cambuse,  194. 
camoufle,  197. 
camoufler,  197. 
camouflet,  197. 
camuse,  190. 

canage,  217. 
canal,  55,  87. 
canard,  85. 
canasson,  216,  P. 
cancan,  189. 
cancer,  184. 
cancre,  184. 
cancrelat,  184. 

cane,  217. 

câner.  217. 
caniveau,  87. 
canivet,  87. 
canne,  85,  87. 
canon,  87. 
cantharide,  218. 
cantine,  219. 
canule,  87. 
cap,  194. 

capir,  195. 
capsule,  193. 
capter,  191. 
caque,  184. 
caquet,  184. 
caraco,  232. 
caracoler,  231 


303 


carafe,  231. 

chantier,  219. 

chouan,  236. 

carapace,  230, 

chantourner,  218. 

choucas,  179. 

se  carapater,  23  i,  1*. 

chaos,  178,  218. 

chouer,  179,  236. 

caraque,  232. 

chaparder,  26,  198. 

chouet,  237,  P. 

caravelle,  232. 

chape,  193. 

chouette,  236. 

carbeluche,  231. 

chapeau,  193. 

chouiner,  294,  C. 

carcer.  232. 

chapon,  200. 

chouquer,  186,  C. 

carde,  201. 

cha puiser,  200. 

chouriner,  229. 

cardinal.  233. 

char,  234. 

chouser,  236,  C. 

care.  232. 

charbon,  235. 

chrysolithe,  235. 

carence.  232. 

chardon,  233. 

chuchoter,  290. 

firène,  232. 

charlatan,  178. 

chuflick,  186,  P. 

carer,  175,  228. 

charnier.  222. 

churler,  222. 

caret.  230. 

charnière.  233. 

chut,  290. 

carillon,  231. 

charrier,  228,  P. 

chute,  238. 

carique.  232. 

charrieur.  232. 

chyme,  236. 

canne.  63,  235. 

charron,  228. 

cibiche,  200,  P. 

carotte,  22S.  1\ 

châsse,  239. 

cibige,  200,  P. 

trotter,  228,  P. 

chasser,  191. 

cible,  200,  P. 

caroube,  231. 

château,  240. 

ciboule,  184,  193. 

carouble,  226. 

chat-huant,  236. 

cigogne,  245. 

carpe,  227,  233. 

chattemitte,  132. 

cimetière,  187. 

carquois,  231. 

chaud,  204. 

cinq,  92. 

carreleur,  7,  P. 

chavant,  237,  C. 

cipollata,  193. 

•  carrëur,  232. 

chef,  193,  194. 

cirque,  233. 

carrière,  234. 

chénoïde,  86. 

citation,  187. 

carruche,  232. 

cher,  234. 

citron,  184. 

Carthagène,  233. 

cheveu,  275. 

civade,  191. 

case.  240. 

chevinette,  236,237,  P. 

civard,  191,  P. 

casque,  184,   194. 

chevron,  200. 

cive,  191,  193,  200. 

cauchemar,  152. 

chialer,  202. 

civot,  193. 

cellule,  213. 

chic,  189,  P. 

clabaud,  209. 

cène.  55. 

chicage  178. 

clair,  202. 

cep,  190. 

chicot,  186. 

clameur,  199. 

céramique,  231. 

chicoter,  178,  186. 

clampe,  291,  206,  212 

Cerbère,  211. 

chien,  216. 

clapette,  208. 

cercopithèque,  233. 

chigner,  294,  P. 

clapper,  208. 

lerise,  231. 

chimer,  294,  C. 

claquer  207. 

cervelle,  229. 

Chine,  219,  P. 

clarinette,  21,  A. 

chabanais,  196,  P. 

chiner,  219,  294,  P. 

clarté,  202. 

chaconne,  188. 

chinois,  294,  P. 

claudicant,  206,  213. 

chahut,  188,  P. 

chiper,  191. 

clavigne,  206. 

chair,  233. 

chique,  179. 

elebjer,  207. 

chaloir,  214. 

chiquer,  236. 

clec,  202. 

chambard,  196,  P. 

chiquenaude,  188. 

clef,  212. 

chamberder,  196,  P. 

chiquetailler,  186,  N. 

clic,  206. 

champ,  218. 

chiqueur,  179. 

cliché,  205. 

champignon,  193. 

chiquot,  181,  C. 

clipet,  208. 

chanceler,  188. 

chlinguer,  206,  244,  P. 

cloaque,  206. 

chanlatte,  218. 

chocnosoff,  149,  Pr. 

cloche,  214. 

chantage,  218. 

choïmbrer,  294,  C. 

clocher,  213,  238. 

chanteau.  218. 

choquer,  187. 

clodoche,  213. 

chanter,  217. 

choquet,  181,  C. 

cloquette,  206,  207. 

304 


clore,  206. 
club,  212. 
coasser,  224. 
cocagne,  216. 

cocanger,  237. 

cocanges,  184,  237. 
cocarde,  77,  184. 
cocasse,  237. 
coccinelle,  184. 
cochon,  179. 
coco,  177,  179. 
cocodette,  179. 
cocon,  184. 
cocotte,  179. 
Cocyte,  181. 
cœur,  221. 
cognée,  218. 
cogner,  218. 
cohorte,  229. 
coiffé,  194,  275,  P. 
coiffure,  193. 
coin,  218. 

Coire,  230. 
col,  227,  A. 
colle,  205,  206,  P. 
colloquer,  252. 

coloquet,  214. 

comberge,  195. 

comberger,  195. 
comestible,  267. 
communauté,  124,  194. 
concussion, .  59,  239. 
condamner,  277. 
confesser,  288. 

cônir,  218. 
conque,  184. 
conserver,  169. 
conspuer,  94. 
constiper,  273. 
contingent,  24. 
contondant,  275. 
contorsion,  28,  31 J 
contraindre,  287. 
conversion,  168. 
convoyer,  187. 
coq,  14,  179,  184,  225. 

coquante,  185. 

coquard,  183. 
coque  184. 

coquebin,  179. 
coqueluche,  186. 
coquemar,  118. 

coquer,  185. 


coquillard,  183. 
coquille,  183. 

coquerit,  185. 
coquet,  237. 
coquette,  237. 
corbeau,  223. 
corde,  228. 
cordial,  221. 
cornard,  230. 
corne,  230. 
corner,  230. 
corniche,  230. 
cornouiller,  231. 
corps,  233. 
corset,  192. 
coryphée,  230. 
cosmos,  129. 
coucou,  14,  225. 
coude,  191. 
couenne,  158. 
couic,  178. 
couleuvre,  253. 
couper,  93. 
couper,  96,  200. 
coupole,  193. 
courbe,  233. 
courir,  234. 
courlis,  14. 
couronne,  229. 
courroucé,  34. 
crabe,  230. 
crabosser,  233,  P. 
crampe,  201. 
crampon,  227,  P. 

cramser,  223. 
crâne,  229,  230. 
crangon,  231,  N". 
crapaud,  231. 

crapser,  223. 
craquer,  223. 
cravache,  223. 
crécelle,  223. 
credo,  223. 
crémation,  235. 
crème,  235. 
crête,  230. 
crevette,  230. 
crible,  228. 
cribler,  222. 

crie,  233. 
crier,  222, 
crin,  226,  A. 


crochet,  226. 
crocus.  235. 

crôme  227. 
croquemitaine,  132. 
croqueneau,  223,  P. 
croquer,  13,  223. 
croquignole,  223. 
croquis,  226. 
crotale,  231. 

croume,  227. 
croupe.  169,  231. 
croûte  230. 
cruche,  231. 
cubital,  191. 
cucu,  287,  P. 
cuir,  158, 
cuisine,  182. 
cuite,  287,  P. 

culbutant,  48. 
cure,  229,  232. 
cutané,  539. 
cygne,  85,  245. 
cylindre,  214. 
cytise,  239. 
Czarevitch,  38. 

1> 

Dab,  257,  P. 
dabe,  257,  P. 

dabérer,  258. 

dabuche,  357. 
dalle,  272. 
dalot,  272.  282. 
dandillon,  277.  P. 
dandin,  276. 
dandiner,  277. 
dandy,  276. 
danser,  277. 

darbe,  257. 
dard.  282. 
darder,  282. 

dariole,  283. 

daron,  257. 
datif,  279. 
daube,  268. 
dé,  269. 
débiner,  49,  P. 
déboire,  52. 
débraillé,  40. 
débringué,  40.  P. 
dèche,  279,  P. 
déchiqueter,  186. 


—  305  — 


déchirer,  228. 

déclic.  206. 
décoction,  182. 
décoller.  206. 
dédale,  2(>7. 

dédèle.  257. 
déféquer,  26. 

défringué,  40.  P. 

déglinguer,  206. 
dégobiller,  194. 

dégringoler,  206. 
dégueulboche,  205,  P. 
se  délecter,  247. 
délices,  240. 
démangeaison,  118. 
.  démarquer,  113 
démarrer,  115. 
démence,  113. 
demeure,  114. 
demeurer,  114. 
démoleter,  174.  (  ' 

démorfiler,  113. 

démorganer,  119. 

démurger,  115. 
dense,  279. 
dépenaillé,  75. 
dépenser,  74. 
dépiauter,  72,  P. 
dépit,  97. 
dépouiller,  73. 
déprédation,  73. 

détoce,  272. 

detoche,  272. 
détraqué,  131,  282. 
détroit,  287. 
dévorer,  72. 
dicter,  278. 
Dieu,  263. 
digitale,  269. 

digité,  269. 
digue  digue,  275. 
diguedon,  27ô. 
diminuer.  121. 
dinguer,  276,  P. 
diphtongue,  278. 
discernement,  282. 
disciple,  269. 
discrétion,  282. 
disque,  282. 
distich,  282. 
diurne,  264. 
docteur,  272. 
dodeliner,  277. 


dodu,  277. 
dogme,  269. 
dogue,  258. 
doigt,  269. 
dôme,  265. 
dompter,  265. 
donner,  279. 
dormir,  271. 
dos,  286. 
dot,  279. 

dourder,  283. 

dragler,  269. 
drap.  269. 
drèche,  284. 
drille,  282. 

dringue,  287. 
dringuer,  276,  C. 
drogue,  268. 
durer,  279. 
dyspepsique,  60. 
dyspnée,  278. 

E 

Éblouir,  62. 

s'ébouffer,  97. 

s'éboustifler,  21 
ébranler,  41. 
s'ébrouer,  49. 
écaille,  213. 
écarquiller,  183. 
écarter,  228. 
ecce,  183. 
échandole,  219. 
échantillon,  218. 
échapper,  192. 
écharpe,  232. 
écharper,  288. 
échauguette,  172. 
échine,  219. 
s'échiner,  219. 
écho,  55. 
échoppe,  193. 
eclampsie,  252. 
éclopé,  213. 
écluse,  206. 
écoper,  200. 
écorce,  232. 
écorcher,  232. 
écrabouiller,  223. 
écran,  232. 
écraser,  223. 
écrevisse,  230. 


écrin,  232. 
écrire,  226. 
écuelle,  240. 
écueil,  194. 
écusson,  240. 
édifier,  264. 
Edipe,  261. 
effe,  76. 

effervescent,  116. 
effroi,  27. 
égruge-r,  223. 
élan,  249. 
éléphant,  249. 
ellypse,  252. 
élocution,  247. 

embabouiner,  95. 
emballage,  31. 
emballer,  31,  A. 
s'emballer,  214. 
embaufumer,  248,  (  '. 
emberlaiser,  248,  G. 
emberlauder,  248,  C. 
emberlificoter,  248,  C. 

emberluer,  248. 
embobiner,  95,  P. 
embryon,  39. 
s'éméier,  114,  C. 
émétique,  55. 
émeutir,  111,  N". 
éminence,  130. 
emmitoufler,  128. 
émoussé,  121. 
empaffer,  78,  P. 
empan,  61,  74. 
emphysème,  20. 
emplâtre,  68. 
encasteler,  239. 
enchâsser,  239. 
énergie,  164. 

enfrayer,  42. 
engloutir,  253. 
engoulevent,  205. 
entonne,  178,  276. 
épargner,  71. 
épater,  98. 
épave,  293. 
épée,  74. 
épi,  92. 
épier,  99. 
épingle,  91. 
épique,  87. 
époux,  78. 

s'équaffer,  196,  202. 

20 


306 


équestre,  187. 

s'équoler,  202. 
ergastule,  164. 
ergot,  161. 
errer,  174. 
éructation,  151. 
éructer,  .55. 
s'esbigner,  65,  P. 
esbrouf,  24,  P. 
escafignon,  193,  P. 
s'escaner,  216,  C. 
escare,  230,  232,  A. 
escargot,  183,  231,  A. 
escarmouche,  232. 
s'esclaffer,  211. 
escoffier,  200,  Pr. 
escopette,  208. 
escouette,  60,  N. 
escrimer,  232. 
espace,  74. 
espadon,  74. 
espérance,  289. 
espiègle,  100,  237. 
espionner,  99. 
esprit,  289. 
s'esquiver,  192. 
rite,  288. 
estampille,  273. 
estoc,  281. 
estourbir,  265,  P. 
estrapade,  286. 
estropié,  286. 
estropier,  288,  A. 
étal,  273. 
étaler,  273. 
étalon,  273. 
étancher,  272,  281. 
étançon,  272. 
étape,  273. 
état,  272. 
été,  265. 
éternuer,  19. 
éteule,  274. 
éther,  265. 
étoile,  267. 
étonnement,  273. 
étoupe,  274. 
étrangler,  287. 
être  272. 
étrille,  282. 
étroit,  287. 
étron,  284. 
étui,  281. 


évaporé,  23. 
évier,  76. 
évolution,  215. 
expectative,  99. 
exstirper,  272. 


F,  17,  A. 

fade,  88. 
faille,  73. 
faillir,  73. 
faisan,  59. 
faisceau,  92. 
fanal,  60. 

fanandel,  44. 
fané,  61. 

fanfouin,  17,  18. 
fanion,  74. 
fantassin,  38. 
fantoche,  38. 

faramineux,  113. 
Ste,  Farce  51,  P. 
farfadet,  88. 

farnandel,  42. 
farouche,  63. 
faste,  96. 
fastidieux,  94. 
fatidique,  88. 
fatuité,  97. 
faubert,  57. 
faute,  73. 
fauve,  63. 
fébrile,  61. 
fédéral,  48. 
fée,  88. 
fêlure,  73. 
fendre,  74. 
ferdasser,  41,  C. 
ferpe,  73,  A.  F. 
fertasser,  41,  C. 
fertiller,  41,  C. 
fervent,  116. 
fesse-mathieu,  25. 
fétide,  24. 
fétu,  20. 
feu,  60. 
feuille,  38. 
feutre,  32. 
fève,  26. 
fi,  94. 

ficher,  56,  P. 
ficher,  92. 


se  ficher,  95.  P. 
fichtre,  95,  P. 
fichu,  95,  P. 
fichumacer,  123.  P. 
fiente,  24. 
fifi,  15,  17,  A. 
fifre,  17,  A. 
figer,  92. 
fil,  29. 
filer,  188. 
filon,  32. 
fin,  49. 
fiole,  138. 
fiser,  20,  K 
fistule,  20. 
Fitz,  38. 
fixer,  56,  92. 

flac,  69. 

flacul,  69. 
flageller,  69. 
flageolet,  26. 
flagrant,  62. 
flair,  111. 
flairer,  28. 
flamber,  62. 
flamberge,  62,  P. 
flamme,  62. 

flamousse,  45. 
flanc,  33. 

flancher,  73. 

flanchipe,  141,  191, 
flâne,  32,  34,  73. 
flanelle,  32,  P. 
flâner,  32. 
flanquer,  68,  P. 

flapper,  67. 
flaque,  67,  68. 
flaquer.  34. 
fléau,  68. 
flèche,  31,  69. 
flée,  68,  N\ 
fleur,  28. 

flicard,  153. 
flingot,  62,  P. 

fliquart,  28. 

flique,  28. 

floper,  67. 
flot,  33. 

floupée,  67. 

floutière,  32. 
flûte,  4,  22,  26. 
foin,  61,  97. 
folliculaire,  34. 


—  307  — 


follicule,  34. 
fond,  48. 
fontaine,  116. 
forer,  43. 
fouace,  60. 

fouataison,  59. 
fouates,  59. 
fouchtra,  95,  1*. 
foudre.  62. 

iuer,  25. 
fouet,  25,  28, 
fouetter,  25,  58.  P. 

fouetteur,  58. 
fougon,  60. 
fougueux,  60. 
fouiller,  44. 

fouillouse,  78. 
foule,  32. 
foultitude,  32. 
fourbe,  72. 
fourche,  39. 

foutaise,  30,  95. 

foutaison,  30,  95. 

foute,  55. 

fouter,  55. 

foutre,  95. 

foyer,  60. 

fragile,  70. 

fraise,  28. 

fraiser,  73. 

fralin,  42. 
franc,  42.  A. 
franche,  42,  A. 
franchine,  42,  A. 
franchir,  40,  42,  A. 
frange,  73. 

frangin,  42. 
frappe,  73,  A. 
frapper,  67. 
frasque,  99. 
fraternité,  42. 
fredonner,  28,  53. 

frelampier,  156. 
frémir,  91. 
frèpe,  73,  A.  F. 
frère,  41. 
frétiller,  41. 
frétillon,41. 
fretin,  41. 
frette,  40. 
fricasser,  61. 

fricfrac,  71. 
fringant,  40. 


fripe,  83,  C. 
friper,  83,  C. 
fripier,  73. 
fripouille,  73. 
friquet,  28,  153. 
frire,  161. 
froncé,  73. 
frondaison,  43. 
fronde,  41. 
frotter,  73. 
froufrou,  73. 
frousse,  27,  P. 
fruit,  43. 
fugitif,  57. 
fuir,  57. 
fulgurant,  62. 
fumée,  20. 
fumier,  24. 
funiculaire,  48. 
furtif,  72. 
fusée,  20. 
fuser,  20. 
fusil,  21,  62. 
fustiger,  38. 
fût,  80. 
futaie,  38. 
futile,  30. 

G 

Gabatine.  198,  P. 

gabegie,  198,  P. 

se  gaber,  198. 

gabes,  198. 
gaffe,  103,  183,  191,  196, 
P. 

gaffer,  13,  172,  196. 

gaffeur,  196,  197. 
gaga,  189,  Pr. 
gagouet,  177,  C. 
gaillard,  205. 

gaite,  202. 
galaffre,  207,  C. 

galande,  203. 
galapiat,  211,  P. 
galbe,  213. 
gale,  206. 
galefertiau,  211,  C. 
galet,  214. 
galette,  214,  P. 

galfatre,  207,  212. 

galicé,  231. 
galifard,  212,  P. 


galimafrée,  119. 
galipette,  212. 
gallimathias,  119. 

galloise,  205. 
gallophobe,  107. 

gallure,  205. 
galon,  203. 

galop,  207,  212,  213,  P 
galopin,  212,  P. 
galoubet,  207,  211. 
galuche,  203. 
galure,  213. 
galvauder,  211. 
gambade,  191. 
gambiller,  191. 
ganache,  215. 

gandille,  218. 
garde,  169. 
garenne,  171. 

gargagoitche,  221. 
gargamelle,  222. 
gargante,  211. 
gargoine,  222. 
gargotte,  225. 
gargouille,  201. 
gargouine,  222. 
gargoule,  221. 
garnir,  170. 
garnison,  170. 

Gaspard,  198. 
gâteux,  189. 
gaupe,  198,  P. 
gave,  190. 
se  gaver,  194. 
gavion,  172,  178. 
gaviot,  190,  P. 
gavotte,  192. 
gavroche,  66,  196. 
gazouiller,  236. 
geai,  179. 
geindre,  198,  P. 
gémir,  198. 
gencives,  178. 
génie,  220. 
genou,  215,  218. 
gerbe,  227,  A. 
gerber,  227. 
Geronte,  235. 
gésir,  187. 
gibbosité,  192. 

giberner,  197. 
gicler,  293,  C. 
gigler,  293,  C. 


—  308  — 


gigot,  188. 
gigoter,  192,  P. 
gigue,  188,  P. 

gilboque,  35. 

gilquin,  207,  214. 

ginginer,  189. 
giroflée,  68,  A. 
giron,  223. 
gironde,  167,  P. 
girouette,  223. 
glace,  205. 
glapir,  211. 
glèbe,  205. 
globe,  205,  213. 
glouglou,  206. 
glousser,  207. 
glouteron,  201. 
glu,  205. 
glume,  213. 
gluten,  205. 

gniaf,  140. 

gniaffer,  140. 

gniasse,  138. 

gniau,  138,  C. 

gniouff,  139. 

gobe,  103. 
gober,  13,  194. 
se  goberger,  198. 
gobet,  196,  P. 

gobilleur,  196. 
gobsec,  194. 
godille,  165,  239. 

goffe,  198. 
gogo,  181,  182,  198,  P. 
goguenarder,  182. 
goinfre,  120,  194. 
goitre,  235. 
golfe,  206. 

gomberger,  195. 
gond,  218. 
gonfalonnier,  74. 
gonfanon,  74. 
gonfler,  22. 

gonsalez,  218. 

gonse,  218. 
goret,  224. 

gorgniat,  224. 
gosier,  235,  240. 
gosse,  217,  P. 
gosselin,  217.  P. 
gosseman,  217,  P. 
gouache,  256. 

goualer,  178. 


gouffier,  194. 

gouillou,  197. 
goulée,  205. 

goulipard,  207. 
goulot,  206. 
goulu,  234. 
goupillon,  194. 
gour,  221,  C. 
gourde,  231. 
goure,  221,  C.  225. 
gourer,  222. 
gouri,  225,  C. 
gourgue,  221,  P. 

gourler,  178,  222. 
gourmand,  234. 

gouspin,  197. 

gouspiner,  197,  236. 
gousse,  239,  P. 

gousser,  241. 
gousset,  202. 
goût,  240. 
goutte,  238. 
grâce,  234. 
Grad,  233. 

graffin,  229. 

graffognade,  22(i. 
grain,  231. 

graoudjem,  224. 
grappin,  161. 
graveur,  220. 
gré,  234. 
gréer,  162. 
grêle,  231. 
grenade,  231. 
grenouille,  224. 
griffarde,  229. 
griffe,  161. 
grignon,  226. 
grimer,  227. 

grimpante,  75,  227. 
grincheux,  226. 

gringue,  223. 
grippe,  169. 
grippé,  231. 
gris,  235. 
grisette,  285. 
grive,  221,227. 
grivelé,  227. 

grivier,  227. 
grogner,  151. 
groin,  225. 
grolle,  225,  C. 
grondin,  225. 


groulasse,  224. 

groule,  224. 

groumer,  227. 

grouper,  227. 

grubler,  226,  227. 
grue,  224. 
gruger,  223 
guappeur,  196,  P. 
gué,  183,  C. 
guéer,  256. 

guelte,  202. 
guêpe,  20. 
guérir;  171. 
guérite,  171. 
guerre,  171. 
guet,  172. 

gueularde.    202.    21 
gueule,  155,  202. 
gueuse,  236. 

guibe,  191. 

guiber,  192. 

guibone,  191. 
guigne,  181. 

guinal,  219. 

guinche,  189. 
guingois,  189,  215. 
guignol,  189. 
grumbarde,  190,  192. 
guinguette,  189,  P. 
guttural,  240. 

H 

Habiner,  191. 
hagard,  183. 
haha,  180. 
haie,  202. 
haler,  215. 

halot,  202. 

haloter,  202. 
hameau,  225. 
hanche,  188,  218. 

hane,  217. 
hanter,  220. 
happer,  191. 
harauder,  222,  P. 

hargne,  226. 

Hariadan,  228. 
haricauder,  229,  P. 
haricot,  231. 

haricoteur,  226. 
harmonie,   163. 
harmoste,  163. 


—  309  — 


haro,  222. 
Harpagon.  161. 
harpe,  31.  A. 
harpon,  161,  226. 

haus,  291, 

Havre,  241. 
heaume,  213. 
hélice,  215. 

henné,  217. 
hère,  221). 
hérisson,  42,  225. 
héritier,  103. 
herse,  226. 
heure,  168. 
heurter,  162. 
hiatus,  178. 
hic,  187. 
hihi,  180. 
hilarité.  205. 

hobin,    191, 
hochequeue.  60. 
hogner,  179.  216. 
hoquet,  180. 
horreur,  225. 
horticulteur.  233. 
Hotel-Dieu.  23. 
hou,  178. 

houste.  291. 

hubin,  [91. 
huer,   178. 
Hugo,  151,  C. 
huître,  2<>5. 
hulotte,  237. 
humecter,  83. 
humer,  5. 
humeur,  83. 
hupper,  55,  C. 
hure,  225. 
hurler,  201. 
hurleur,  209. 
hurluberlu,  248. 
hydre,  256. 
hydrophobie,  256. 
hyper,  55,  241. 


Ichthyophage,  59. 
igné,    182. 
illusion,  246. 
imaçe,  109. 
imbiber,  76. 
imiter,  109. 


immerger,  33. 
imposte,  48. 
incision,  241. 
inculquer,  251. 
inexpugnable,  93. 
injecter,  187. 
instituer,  272. 
Iris,  166. 
irritation.  [55. 
ischion,  188. 
isthme.  ISl,  262. 

.1 

Jabot,   190. 

jalo.    213. 
jambe,  19 1. 
jappe.  190,  P. 
japper.    191. 
jardin,   233. 
jardiner.  S9,  A. 
rargole,  222.  X. 
jargon,  222. 

jarguouiller.  223. 
jarretière,  223. 
jars.  223,  A. 

jarviller,  223. 

jaspard,  198. 

jaspin.   236. 

jaspiner,    197,  236. 
jaune,  202. 

javeau.   190. 
Javert,  66,  196. 
j  a  voter,  195,  P. 

Jean-fesse,  25. 

Jean-foutre,  25. 

Jean-foutu.  25. 

jebiche,  200. 
jiscler,  293,  C. 

jobarder,  198. 

jobelin,    195. 
joignant,  185. 
jonction,   185. 
jongler,  178. 
jour,  263. 
jouxtant,  185. 
jujupe,  149. 

Jules,  27. 
jupper,  55,  C. 
juste,  185. 
juteux,  149. 


Kars,  233. 


L 

Labeur,  252. 
labié,  242. 
lac.  243. 
lacet,  251. 
lâche,  251. 
lacs,  251. 
laid.  246. 
lambeau,  io6. 
lambiner,  254. 
lamie,  243. 
lampe,  249. 
lampée,  245. 
lampion,  197,  A. 
lancer,  253. 
landon,  254,  N. 
languir,  251. 
lanterner,  252. 
laparotomie.  252. 
laper,  243,  245. 
larbin,  250,  P. 

larguepé,  289. 
larve,  250. 
latéral,  25  i. 
laver,  116. 
lécher,  245. 
léger,  253. 
lent,  252. 
léopard,  26. 
lessive,  250. 
lever,  253. 
lèvre,  14,  242. 
libation,  248. 
liberté,  252. 
libidineux,  246. 
Libye,  249. 
licher,  14,  245. 
lier,  251. 
liesse,  243. 
lieu,  252. 
ligature,  251. 
lignite,  257. 
lin,  254. 

linve,  158. 

lipette,  245. 
lippe,  292. 
lippée,  14. 
lit,  252. 
livide,  249. 
lobe,  253. 
lochant,  206,  238. 
loche,  249. 


—  310 


lochies,  252. 
locution,  252. 
lof,  24,  244. 

loffard,  244. 

loffat,  244. 

loffiat,  245. 

loffitude,  244. 
logique,  160. 

lolotte,  246. 
lombric,  253. 
long,  251. 
lopin,  156. 
loquet,  181,  C. 
louche,  247,  249,  A. 
loucher,  249. 

louffer,  24,  244. 

louffiat,  245. 

louflon,  245. 

louflouf,  245. 

loufoque,  245. 
loup,  244,  245. 
louper,  245,  P. 

loupiau,  245. 

lousse,  249. 
loustic,  246. 
loutre,  256. 
louvoyer,  244. 
lubie,  246. 
lucide,  247  249. 
lucifer,  247. 
lugubre,  247. 
luisant,  247,  A. 

luisard,  247. 
lumière,  247. 

luque,  247. 

lusquine,  250. 
lustre,  247. 
lutter,  251. 
luxe,  240. 
luxer,  251. 

M 

macaque,  109.  C. 
macaron,  123,  A. 
macer,  123,  P. 
mâcher,  120,  C. 
machine,  123. 
mâchoire,  107. 
machurer,  120,  C. 
maculer,  123,  132. 
madré,  132. 

madrouillage,  132. 


maffia,  127. 

maffion,  108. 

mafflon,  127. 
mafflu,  109,  119,  127. 
mage,  107. 
magne,  125. 
magot,  122. 
maie,  123. 
maillet,  119. 
main,  125. 
mal,  131. 

malarder,  105. 
malaxer,  122. 
mâle,  124,  128. 
malébolge,  33. 
malle,  107. 
malléable,  120,  122. 
maillet,  120. 
man,  118,  N. 
manchot,  120. 
mandibule,  105. 
manger,  107,  118. 
mandole,   107,   115,    P. 

mandolet,  108. 
manique,  126. 
manivelle,  126. 
mannequin,  124,  225. 

mannestringue,  268. 

mannezingue,  269. 
manque,  120,  A. 
manquer,  120. 
mansion,  114. 
mante,  129. 
maque,  119. 
maquette,  123. 
maquillage,  123. 
maquiller,  123.  A. 

maraille,  113. 
marais,  117. 

marant,  130. 
marauder,  112. 
mare,  117. 

marfil,  118. 

margauder,  114. 
margot,  144. 

margouillis,  109,   116. 

margoulette,  107,  113. 

margoulin,    107,    110. 
mari,  124. 

mari  oie,  131. 
maritime,  117. 
marlou,  131,  P. 

marloupate,  131. 


marloupiat,  131. 
marmenteau,  115. 

marmonner,  107,   J29. 
marmot,  108. 
marmotter,  105, 107, 127. 
marmouse,    107,    108, 
113. 
marmouser,  108,  C. 
marmouset,  108. 

marner,  123. 
maron,  117. 
maroufle,  113,  117. 

marpaut,  112. 
marre,  122. 

se  marrer,  130. 
marron,  130. 
marronncr,  1 07,  P. 
marteau,  119, 121. 
martel,  275. 
martinet,  119,  121. 
martyr,  144. 
masculin,  124. 
masquart,  120,  P. 
masque,   106. 
massacre,  120. 
masse,  119,  120. 
masser,  123,  A. 
massue,  119. 
mastar,  118. 
mastaroufler,  118. 

mastic,  123,  A. 

mastoc,  118,  P. 

mastroquet,  79,  P. 

mât,  118. 

matador,  120. 

mataflu,  119,  N. 

matassin,  124.  P. 

matelot,  124. 
mathelin,  124. 

mathématique,  112 

Mathurin,  124. 

mathias,  119. 

Mathieu,  119. 

mâtin,  132. 

mâtiné,  132. 

matois,  131,  132: 

matou,  112. 

maturité,  121. 

maure,  118. 

maxilliaire,  105. 

mazette,  112. 

méat,  117. 

mécanique,  123. 


-  311  — 


mèche,  122. 
médian,  122. 
médaille,  121. 
meeting,  124. 
Meg,  125. 
mégot,  115. 
mélange.  123. 
mémoire,  114. 
menace,  106. 
ménage,  114. 

ménesse,  124. 
mensonge,  132. 
mental,  113. 
mente,  128,  C. 
menthe,  111. 
menton,  108. 
menu,  121. 
Méphisto.  111. 
méphitique,  111. 
nier.  117. 
merda,  27. 
méridien,  122. 
méruche,  118. 
mésigo,  138. 
118. 
ie>ure.  110. 
îeta,  123. 
létal,  121. 
îétis,  122,  132. 
îètre,  110. 
îeugler,  105. 
îeugnon,  109,  B. 

meulard,  105. 
îeule,  119. 
meunier,  109. 
Meuse,  117. 
meute,  128. 
Mézières,  138,  A. 
miche,  123. 
miche,  123. 
michet,  123. 
micros.  120. 
miction,  120. 
mie.  123. 
miette,  123. 
mièvreries,  130. 
mignarder,  130. 
mignon,  130. 

mijauder,  130. 
mijaurée,  130. 
mijoter,  122. 

millerie,  120. 
mime,  105. 


minauder,  130. 
mine,  106,  130. 
mine,  121. 
minot,  125. 
mirettes,  113,  P. 
misanthrope,  105. 

misti,  129. 

mistiche,  122. 

mistions,  130. 

mistouf,  108,  127. 

mistouflet,  108. 
mitaine,  128. 
mite,  118.  . 

miter,  112,  131. 
mitis,   112,  131. 
mitonner,  121. 

mitre,  12S. 
mixture,  123. 
moite,  130. 
modèle,  110. 
mofette,  111. 
magne,  124,  B. 
moi,  126. 
moignon,  120. 
moindre,  121. 

moirmoufe,  109. 
moison,  121,  C. 
moisonner,  121,  C. 
moissonner,  121. 
moitié,  122,  134. 
moka,  198,  A. 

molard,  111. 
mollir,  122. 

momaque,  109. 
môme,  109,  P. 
monnaie,  114. 
monde,  129. 
monos,  121. 
monstre,  106. 
monter,  96. 

montrer,  106,   114,  115. 
monument,  114. 

monzu,  117. 
moque,  128,  C. 
moquerie,  132. 

morbec,  109,  118. 
morceau,  121,  130. 
mordre,  119. 

morfe,  118. 

moi-fier,  118. 

morfigner,  118. 

morfil,  118. 

morfiler, 


morgane,  117. 

morganer,  1 19. 
morgue,  115. 
morgue,  116,  119. 
morion,  128. 
morne,  112. 

inornée,  108. 

mornifle,  108. 

môrningue,  114. 

niornos,  108,  114. 

morilarve,  250. 

morpion,  118. 
morve,  117. 

morviau  117. 
Moselle,  117. 

moss,  110. 
mot,  126. 
motte,  128,  A. 
motus,  127,  P. 

moucaire,  124. 
mouchard,  109,   112,  P. 
mouchailler,  1 12,  P. 
mouche,  130. 
moucher,    115,    116,   P. 
moucheron,  109,  P. 

mouchique,  112. 

moufette,  111. 
Mourïètard,  57. 

mouiflet,  109. 

moufier,  109. 

mouflon,  115. 
mouflard,  127. 
moufle,  128. 

moufier,  115. 
mouflon,  109. 
moule,  110. 
moulin,  120. 
mouloir,  120. 
moult,  123,  125. 
moume,  228,  C. 

moumer,  132. 
moumoute,  132,  P. 

mounin,  109,  117,  P. 

mounine,  124. 
mouquer,  116,  X. 

moure,  110. 

mouscailler,  111. 
mousse,  107. 
mousse,  117. 
mousse,  120. 

mousserie,  111. 

mousses,  111. 

moutier,  109,  119. 


312  — 


mouton,  107,  112. 

mouzu,  1 17. 
moyen,  122. 

muche,  107,  130. 
mucilage,  116. 
mucosité,  107. 
mucus,  116. 
mue,  128,  C. 
muet,  127. 
muette,  128. 

muffée,  115. 

muffetée,  115. 
mufle,  90,  105,  106,  113. 
muflée,  115. 
muge,  105. 

muget,  118. 
muger,  199. 
muguet,  111. 
muids,  110. 

muitard,  128. 
mule,  124. 
mulet,  105. 
munir,  129. 
mur,  129. 
murène,  117. 
murmure,  105. 
musc,  111. 

museau,  90,  105,  111. 
muser,  114. 
museur,  131. 
musser,  111,  128,  C. 

mut,  127. 
mutisme,  127. 
myrrhe,  115. 
mystère,  127. 
mythe,  127. 

rv 

Xager,  86,  256. 
Xahon,  256. 
nain,  254. 
narcotique,  137. 
narguer,  140,  141. 
narine,  137. 
narquois,  140,  141. 

nasalbor,  138. 
nasiller,  141,  C. 
naufrago,  70. 
Xazareth,  137,  A. 

nénets,  255. 

nénin,  255,  C. 
nerf,  137. 


Nèthes,  256. 
neuf,  255. 
nez,  137. 

niber,  139,  C. 

nibergue,  72. 

niberte,  72. 
nicher,  294,  C. 

nichons,  255. 

niert,  138. 

nif,  139. 
niquedouille,  72,  P. 
nitre,  256. 
nocher,  218. 
nom,  160. 
nombre,  160. 
nonnain,  255. 
nonne,  255. 
Nou,  256. 

noune,  255. 
nounou,  255,  P. 
nourrir,  255. 

O 

Oblique,  251. 
obscénité,  55,  189. 
oculaire,  172. 
odeur,  25,  139. 
oedème,  261. 
œil,  172. 
oiseau,  165,  186. 
omoplate,  192. 
onde,  255. 
ongle,  185,  218. 
opinion,  99. 
opium,  292. 
ophthalmie,  97. 
option,  99. 
optique,  99. 
oraison,  143. 
oral,  171. 
orbe,  26. 
orbite,  166. 
orchestre,  166. 
orchidée,  166. 
ordre,  159. 
orifice,  171. 
organe,  156. 
organe,  163. 
organe,  268. 
orgue,  138,  A. 

ornie,  165. 

oniine.  165. 


orithorynche,  141, 
osciller,  187. 
Ouest.  21. 
ouiche.  291*,  P. 
ouit,  94,  P. 
ouitche,  94,  P. 
oursin,  43. 
ozone,  139. 


Pacage,  82. 
pacte,  112. 

paf,  64,  78. 

paffe,  64. 
paillard,  38. 
paillasse,  38. 
paille,  73. 
Pain,  51,  61,  A. 
pâle,  63. 
palefroi,  166. 
palissade,  35. 
Pallas,  37. 
palmipède,  86. 
palper,  45. 
palpiter,  67. 
paltoquet,  31. 
paludéen,  68. 

pampine,  8 1 . 
pan,  64,  74. 
panache,  79. 
panade,  75. 

se  panader,  75. 

panailleur,  75. 
panais,  75. 

panas,  75. 
panne,  75. 

panne,  75. 
panneau,  74. 

paunesard,  75. 

panoter,  75. 

panoufle,  15,  75. 
panse,  35. 
pantalon,  75. 

pantalzar,  75.  21 

pante,  38. 
panteler,  75. 
pantin,  38. 

Pantinois,  38. 
pantoufle,  75. 

pandre,  38. 

Pantruche,  38. 
paon,  59. 


—  313  — 


papasse,  98. 
pape,  98,  A. 

papette,  15.76.  88„  98  C. 
papill- 

papillon.  88. 
papoter,  87,  P. 

paqueliner,  47,  75. 
parer,  7 1 . 

parmesard,  75. 
partager,  7 1 . 
partir,  71. 
pas.  74. 

pasclin,  75. 
patache,  37. 
patafiole,  47,  P. 
patapouf.  38,  P. 
patapatapan,  47.  P. 
patata,  47,  P. 
patatras,  47,  P. 
patatrot.  47.  P. 
pateliner  47. 
patoche.   47.  P. 
patois,  74. 
patraque,  47.. 
patrouille,  47. 
patte,  46. 
pâture,  82. 
paume,  29,  45.  161. 
pauque,  39,  ('. 
paupière,  67. 
pauvre,  71. 
se  pavaner.  75. 
pavillon,  78,  A. 
pavois.  78.  A. 
peau,  31. 
péché,  110. 

pégoce,  93. 

pégole,  91. 

pègre,  92. 

pégrer,  92. 
peigne,  91,  93. 
•peine.  74. 
pelisse,  32. 
pellicule,  31. 
■  pelote,  29,  30. 
pendeloque,  252. 
péniche,  93. 
pennon,  74. 
pénurie,  74. 
pépette,  29,  P. 
pépin,  29. 
pépite,  19. 
pepsine,  60. 


perler,  116. 
perroquet,  108. 
perruche,  108. 
persuader,  <>. 
perturbation,  285. 

pesce,  92. 

pescigner,  92. 

pesciller,  92. 
peser,  74. 
pet,  25. 
pétale,  76. 
pétitionner,  88. 

petouse,  21,  26. 
petter,  24,  126. 
peuple,  32. 
peuplier  289. 
peut,  94,  C. 

pévouine,  39. 
pharynx.  52. 
phaséole,  26, 
Phébus,  (il. 
phénicien,  61. 
phénix,  62. 
phlébite,  33. 
phobe,  25. 
phrase,  9 1 . 
physéter,  20. 

piaf,  96. 
piaffeur,  65. 

piaule,  17. 
piauler,  17. 

piausser,  17. 
pic,  17,  89,  A. 
pichenet,  79,  P. 
pichenette,  79,  93. 

picher,  79. 

pichet,  79. 

picolet,  79. 
picolo,  79. 
picotin,  79. 

picton,  79. 

pie,  17,  76. 
pièce,  75. 
pied,  46. 
pieu,  17,  A. 

pif,  15,  16. 

piffer,  17. 

piffre,  17. 

pige,  93. 
pigeon,  98,  A. 

piger,  92. 
pignocher,  82,  P. 
pile,  34,  67. 


pile  90,  C. 
pilet,  86. 
pilier,  31. 
piller,  73. 
pilon,  90,  C. 

pimer,  16. 

pimpeloter,  84. 
pincer,  92. 
pingouin,  84. 
pinte,  80. 
pioche,  91. 

pioncer,  17. 

piote,  38. 
pioupiou,  38,  P. 
pipe,  19,  80. 
piper,  78. 
pipi,  20. 
pipit,  14. 

pipo,  39. 
piquer,  80,  92. 

piqueton,  79. 
piron,  90,  C. 
pisciculture,  59. 
pistache,  80,  P. 
pistolet,  21,  26. 
piston,  20. 

pitancher»  81. 
pitre,  96,  P. 
pituite,  50,  293. 

pivaste,  39. 

pive,  39,  76. 

pivois,  76. 
placard,  69. 
placarde,  69. 
place,  67,  69. 
plain,  46. 

plamasse,  45. 
plan  45,  68. 
planche,  39,  45,  69,  A. 
plancher,  34,  A. 

planque,  68. 
planté,  32. 
planton,  46. 
plantureux,  32. 
plaque,  67. 
plaquer,  68. 
plat,  46. 
plâtre,  68. 
plèbe,  32. 
plein,  32. 
pleurnicher,  294. 
pleutre,  31. 
pli,  73. 


—  814  — 


plomb,  64. 
plonger,  33, 
ploutocratie,  33. 
pluie,  33. 
plumeau,  77. 
plumet,  77. 
Pluton,  33. 
Plutus,  33. 
pochade,  95. 
pochard,  79.  P. 
se  pocharder,  80,  P. 
poche,   135. 
pocheté,  98,  P. 
se  pocheter,  80,  P. 

pognon,  92. 
poil,  32,  73. 
poinçon,  92. 
poing,  65,  62, 
pointe,  80,  91. 
poire,  29,  A. 
poireau,  44. 
pois,  26. 
poisson,  59. 
se  poivrer,  80,  P. 
poivrot,  80,  P. 
polder,  68. 
polenta,  68. 
polichinelle,  37. 
polir,  46. 
polisson,  37. 
polluer,  27. 

pomaquer,  45. 
pompe,  20. 
pompe,  96. 
*  pomper,  76. 

pompette,  76. 
pompier,  22,  A. 
pompon,  29,  76. 

ponante,  39. 
ponce,  49. 
poncer,  50,  116. 
pont,  37,  76,  A. 
pont- à-bac,  96. 
ponton,  37. 
populaire,  32. 
porc,  43. 
poser,  47. 
postuler,  88. 
pot,  80,  105. 

potache,  38. 
poteau,  81. 
potiner,  80,  87,  P. 
potion,  76. 


pouacre,  94. 
pouah,  94,  P. 
poue,  64,  P. 
poutf,  65,  97,  P. 

pouffiace,  39. 

pougniffe,  39. 

pouiffe,  39. 
poulain,  37. 
poule,  37. 
pouliche,  37. 
poumon,  22. 
poupard,   37. 
poupe,  29,  C. 
poupée,  37. 
poupon,  37. 
pout,  101,  L. 
poutet,  101,  L. 
poutoun,  101,  L. 

poutron,  38. 
préconiser,  53,  91. 

priante,  178. 
primevère,  168. 
privé,  72. 
propre,  72. 
propriété,  72* 
se  prosterner,  279. 
prouver,  84. 
pseudo,  49. 

pshutt,  1. 

pshuttard,  7. 
pst,  290. 
psyché,  278. 
psychique,  287, 
puant,  96,  A. 
pudeur,  94. 
puer,   24. 
puéril,  38. 
puff,  65,  P. 
pugilat,  93. 
pulluler,  44. 
pultacé,  68. 
Punique,  61. 
punir,  74. 
pupille,  37. 
pur  71. 
pure,  72,  A. 

purotin,  72. 
put,  94,  P. 
putain,  38. 
pute,  38,  P. 


Quack,  178. 
quanquan,  85,  217. 
quenotte,  220,  P. 
quenottier,  217,  P. 
quereler,  152. 
queue,  59,  239. 
queux,  182. 
quiétude,  187. 

quiger,  185. 
quille,  185,  P. 

quique,  177,  242. 

quiqui,  177. 

R 

Rabâcher,  81. 

rabibocher,  101. 
rabicoin,  174,  C. 

rabiot,  158. 
rable,  160. 
rabot,  157. 
racaille,  156. 
rachitique,  160. 
racine,  164. 
raclée,  158,  P. 
racler,  157,  228. 
radié,  164. 
radis,  167,  A. 
rafale,  150,  159. 
rafle,  140. 

rafler,  118,  228,  161. 
regâche,  157,  C. 
rage,  151. 
ragot,  143,  161. 

raguenasser,  151. 
raguer,  151,  C. 

raigne,  151. 
raie,  167. 

raille,  168. 
raire,  141. 
raisin,  157. 
raison,  159. 
râler,  150. 
ramage,  144. 
rame,  165. 
rameau,  164. 
Raminagrobis,  151. 
ramion,  151,  C. 
ramiouner,  151,  C. 
rampe,  167. 
ramper,  234. 


—  315  — 


Ë  ramponner,  145. 
Tan  ce,  152. 
qpancœur,  151. 
rancune,  151. 
Rang,  159. 

rapapilloter,  101. 
■pe,  157. 
Kpé,  157,  C. 
râper,  144. 
rapillon.  157,  C. 
;    rapin,  159.  226. 
raquette,  166. 
rare,  158. 

157. 
■iBtaquouère,  158,  P. 

166,  P. 
rat.. piaule.  158,  P. 
plan,  45. 
■itatouille,  166,  P. 
râteau,  154.  157.  A. 
Râtelier,  159. 
later,  loi), 
ratiboiser.  161,  P. 

ratichon,  157. 
ratisser,  158. 
raucher,   150,  C. 

161. 
ravaudage.  144. 

167. 
ravin.  142. 
161. 
157. 
164. 
[je,  173,  174. 
■rebecca,  89. 
■béquer,  189,  P. 
feber.  174,  C. 
g  rebouiser,  99. 
rebutfade,  65. 
■cevoir,  191. 
1  rèche,  167. 
rechigner.  294. 
wcurer,  228. 
redingote.  240. 
Bel,  160. 
Mfcgarder.  171. 
irregatte,  241. 
[■gimber,  192. 
«gret,  152. 
»fiefs,  252. 

relique.  252. 
Hftquer,  218,  P. 
remarquer,  113. 


rembroquer,  39. 

rême,  145. 
remède,  123. 

rémone,  145. 
remords,  119. 
remorque,  115. 

remouchicoter,  112. 

remoucher,  U2. 

renache,  140. 

renaché,  140,  194. 

renâclant,  138. 

renâcle,  140. 

renas,  140. 
renicer,  141,  C. 

reniflant,  138. 

renifle,  139. 

renifleur,  139. 

renobler,   138,  220. 

repagnoter,  75. 
répandre,  74. 
répudier,  94. 

requinquer,  100. 
résister,  278. 
respect,  il(i. 
resse,  151,  C. 
retentir,  275. 
rétrécir,  287. 
rétro,  173. 
rets,  166. 
reuche,  150,  C. 
rhéteur,  143. 
rhombe,  167. 
ribaud,  167. 
ribes,  157. 

ribis,  100. 

ribler,  161. 

ribleur,  167. 
ribotte,  167. 

riboué,  83. 

ribouis,  100. 
ricaner,  144. 
ricard,  144,  C. 
ricasser,  144,  C. 
rictus,  141. 
ridelle,  159. 
riflard,  158,  P. 
rignaut,  142,  C. 
rigodon,  166. 
rigol boche,  16,80,  P. 
rigole,  143. 
rigueur,  155. 

riotte,  152. 

ripatin,  174. 


ripaton,  74,  185. 

riquiqui,  177. 
rite,  163,  288. 
river,  167,  168,  A. 

rivette,  167. 

robau,  153. 
robin,  153,  A. 
robuste,  164. 
roche,  160. 
rogatoire,  143. 
rogaton,  143,  144,  C. 
rogner,  142,  156. 

rogonner,  144,  151. 

romaine,  145. 

Rome,  145,  169. 
rompre,  156. 
ronchonner,  142. 
rond,  167. 

ronflant,  131. 
ronfler,  137. 
ronger,  156. 
ronronner,  137,  151. 
roquet,  150. 
rose,  152. 
roseau,  141. 
rosser,  158. 
rossignol,  247. 
rostre,  150. 
rotation,  166. 
roter,  151. 
roublard,  167. 

roubler,  144. 
rouche,  150,  C. 
roucouler,  124,  171. 
roue,  166,  167. 
rouen,  153,  A. 
rouffer,  150,  C. 

rouffionner,  151. 

rouffle,  158. 
rouflaquette,  167,  P. 

roufler,  118. 
rouge,  152,  247. 
rouin,  153. 
rouinement,  151,  C. 
rouiner,  150,  C. 
rouler,  168. 
roulotte,  166. 
roumeler,  150,  C. 
roumionner,  150,  C. 

rouot,  153, 
roupie,  150. 
roupiller,  147,  P. 

roupion,  150. 


316  — 


rouscaillante,  144. 

rouscailler,  167. 

rouspéter,  144 

rouspétance,  151. 
rousse,  152,  A. 
roussi,  153,  A. 
roussir,  161. 

roustamponne,  153. 
rouvre,  241. 
roux,  152. 
ru,  143. 
rue,  143. 
ruer,  174. 

ruette,  143. 
rugir,   141. 
rumeur,  144. 
rumpsteak,  161. 
rune,  143. 
ranger,  142,  C. 
rupin,  146,  P. 
rupinkoff,  149,  P. 
raquer,  149,  Pic. 
ruse,  166. 
rutilant,  152. 
rythme,  159. 


Sable,  51. 
sabler,  292. 
sabot,  192,  193. 

sabouler,  19. 

sabouloter,  193. 

sabourin,   193. 
sabre,  200. 
sabreur,  200. 

sabrenas,  200. 

sabrenauder.  200. 
sac,  293. 
saccade,  269. 
sacquer,  269,  C. 

saffre,  149. 
sagacité,  291. 
sage,  101,  192. 
salive,  295. 
sapience,  101. 
sarrasin,  203. 
sartane,  203. 
sartanier,  203. 
sasser,   293. 
saur,  203. 
savant,  101. 
savate,  193. 


scandale,  238. 
scarabée,  230. 
scédule,  241. 
sceptique,  197. 
sceptre,  200. 
schlague,  207,  P. 
schlof,  244,  P. 

schnes,   137. 
schnick,  141,  200,  P. 

schproum,  91. 

se  schtosser,  278. 
schuflick,  69.  P. 
scinder,  219. 
scorpion,  237. 
sculpter,  229. 
sec,  293. 
sein,  VIII. 
sentier,  121. 
senteur,  139. 
sentine,  VIII. 
sentir,  139. 
serein,  203. 
seringue,  149. 
serpent,  234. 
sgoff,  43. 
siffler,  4,  10,  287. 
sifflet,  4,  21. 
silence,  290. 
simple,  72. 
siner,  294,  C. 

sinve,  72. 
sinus,  VIII. 
siphon,  8,  19. 
Sirius,  203. 
siroco,  203. 
sirop,  145. 
snobbisme,  138. 

snoboye,  138 
soc,  186. 
socle,  186. 
soif,  292. 
soir,  203. 
soleil,  202. 
songe,  271. 
sont,  280. 
sorbet,   145. 

sorgue,  203. 

sorlot,  203. 

sorne,  200. 

sorniller,  203. 
souche,  186. 
souef,  6. 
soufflet,  21. 


souhaiter,  181. 
soupape,  19. 
soupe,  292. 
soupir,  289. 
souquer,  269,  C. 
sournois,  203. 
spa,  293. 
spectre,  172. 
sphère,  30. 

spispuf,  37. 
splendeur,  62. 
splénétique,  62. 
sporadique,  49. 
spore,  49. 
sport,  49. 
sprachir,  46,  W. 
sprique,  70. 
sputation,  293. 
squammeux,   193. 
st,  290. 
steamer,  263. 
stèle,  293. 
stercoraire,  284. 
stérile,  265. 
sternum,  270. 
stertoreux,  271. 
stigmatiser,  28 1 . 
stipe,  272. 
stipuler,  272. 
stock,  272. 
stockfish,  59. 
stopper,  281. 
strangurie,  268. 
stratégie,  279. 
strict,  287. 
strident,  271. 
strie,  282. 
strobile,  285. 
strophe,  285. 
struggle,  281. 
stupide,  273. 
suave,  6. 
suc,  229. 
sucer,  117,  292. 

sud,  293. 
sudorifique,  265. 
sueur,  265. 
suffoquer,  24. 
suner,  295,  C. 
super,  55,  241,  C. 
supper,  55,  C. 
sureau,  149. 


—  317 


.surin,  229. 
surrement,  290. 
ntaxe,  272. 
rtes,  203. 


tabac.  77.  179,  188. 
itche,  268. 

taf.  25. 
tailler.  272. 
tailloir,  272. 
'tambour,  275. 
tampon,  281. 
tan,  267. 
tangente,  27(>. 
fcanuer,  158,  P. 
tante.  257. 
tapé.  45. 
taper,  275. 
tapette,  258,  P. 
se  tapir,  281. 
tapis.  258,  C. 
taquet,  269,  283. 
taquiner,  269. 
"-tarder,  279. 
tarer,  283. 
tarière.  283. 
'tarir,  265. 
tarse,  271. 
Tartare.  270. 
tarte,  284. 
tarter.  284. 
tartine,  284. 
tàter.  73. 
tâtonner,  269. 
tatouille,  144,258,0. 
teindre,  268. 
tendre,  279. 
ténèbres,  263. 
'tenir.  271. 
tentation,  266. 
tenu,  279. 
têt,  267. 

tétais,  257. 
tète.  15. 
tette,  257. 

tettettes,  258. 
thermes,  265. 
thèse,  272. 

Thomas,  27. 
thorax.  270. 
Thrasybule,  273. 


thuriféraire,  263. 
thym,  264. 
tibia,  273. 
tictac,  275. 
tiède,  265. 
tiers,  161,  W. 

tiffes,  274. 

tigne.  279. 
tillac,  272. 
timbre,  275. 
timidité,  273. 
tinter,  276. 
tintouin,  276. 
tirage,  262. 
tire,  269. 
tirelire.  224,  258. 
tirer,  270. 
tison,  267. 
Titan,  267. 

titi,  266. 

titine,  257. 
titoun,  257,  I\ 
tituber,  274. 

toc,  11. 

tocard,  279. 
tocologie,  280. 

tocon,  275. 
toile,  254. 
toit,  274. 
tolérer,  273. 
toile,  273. 
ton,  276. 
tondre,  275. 
toquade,  275,  P. 
toquasse.  275.    P. 
toque,  274, 
toque,  275. 
toqué,  274. 
torchée,  158. 
tordre,  19. 
torgnole,  283,  P. 
toron,  286. 
torpeur,  272. 
torrent,  270. 
torride,  265. 
tors,  283. 
tortillante,  284. 
tortiller,  284,  286. 
tortorer,  156,  286. 
toto,  256. 
toucher,  276. 
toue,  271. 
touiller,  284. 


toupet,  281. 
tour,  173,  283. 
tourbillon,  268. 

tourlou,  258- 

tourlourou,  258. 
tournée,  283. 
tourniquet,  283. 

tourtouse,  286. 
trac,  284,  P. 
trace,  282. 
trachée  259,  266. 
traction,  270. 
traire,  269. 
trait,  269. 
tralala,  258,  L\ 
tramway,  187,  285. 
trancher,  272. 
trans,  282. 
trape,  285. 
traquer,  282. 
travail,  285. 
travée,  272. 
tremblement,  285,  P. 
trembler,  283. 

trèpeligueur,  285. 
tresser,  286. 
treuil,  287. 

triau,  287. 
tribulation,  285. 
tricher,  286. 
tricoter,  286. 
triler,  258. 

trimard,  285,  287. 
trimbaler,  285,  P. 
trimer,  285,  Pr. 

trinckmann,  268. 
trinquer,  259,  268. 
tripes,  285. 
triste,  283. 
triturer,  284. 
trogne,  266. 
trognon,  266. 

trôleuse,  284. 
trombe,  285. 

tromboler,  285. 
tromper,  285. 

trompille,  270. 
tronc,  272. 

tronche,  266. 
trotter,  284. 
trou,  258. 
troubler,  283. 

trouilloter,  284. 


318 


troupe,  286. 
trousse,  286. 
truaud,  284. 
truc,  287. 

truche,  287. 

trucheur.  287. 
trucider,  282. 
truffe,  285. 
truite,  270. 
truite,  258,  C. 

truquer,  286. 
tube,  267. 

tuber,  267. 
tubercule,  264. 
tuet,  258,  C. 

tufre,  264. 

tuite,  287. 
se  tuméfier,  264. 
tumulte,  264. 
tumulus,  264. 

turbin,  285. 
turbine,  285. 
turelu,  258,  C. 
turlurette,  258,  P. 
turpitude,  285. 
tuteron,  257,  C. 

tuton,  257. 

tutu,  287. 
tuyau,  257. 
tympan,  275. 
typhoïde,  263. 
typhon,  263. 

U 

Ululer,  201. 
urf,  13,  146. 
urgence,  155. 


Vaciller,   188. 
vacquerie,  100. 


vadrouille,  58,  P. 
vagmestre,  100. 
vague,  187. 
vain,  94,  A. 
vaisseau,  37. 
vallon,  169. 
valse,  215. 
vanité,  96. 
vanné,  23,  P. 
vantardise,  29. 
vardiller,  41,  C. 
Varenne,  171. 
vase,  180. 
végétation,  38. 
veiller,  172. 
veine,  33. 

veloper,  67. 
venaison,  23. 

venette,  25. 
venne,  25. 
vent,  17,  136. 
ventrin,  192,  W. 
vêpres,  21. 
verbe,  127. 
verge,  164. 

vergne,  169. 
vergue,  164. 
vermouth,  108. 
vernal,  168. 

verne,  169. 
vert,  44. 
verte,  108. 
vertèbre,  168. 
vertu,  164. 
vesce,  26. 
vésicule,  28. 

vésiner,  25. 

vésouiller,  25. 
vesser,  24. 
vessie,  28. 
vestige,  25,  273,  A. 

vesto,  26. 
vierge,  164. 


vil,  27. 

villebrequin,  215. 
violette,  28. 
violon,  49. 
vioncher,  17.  X. 
viondir,  17,  P. 

viouper,  55,  88. 

viper,  55, 88. 
virer,  168. 

vlan,  13,  45. 
voguer,  187. 
voir,  212. 
voix,  82. 
volée,  69. 
voler,  215. 
vomir,  54. 
voyou,  212.,  P. 
vrac,  70. 

W 

Waremme,  171. 
warrant,  171. 


Xi,  291.X. 


Yé,  183.  C. 


Zèle,  293. 
zézayer,  292. 
zézé,  32,  292. 
zigzag,  269. 
zodiac,  271. 
zozotte,  92. 
zupper,  55. 
zut,  291. 
zutiste,  291. 


yiiivinv    "i-vii  , 


FEB     6  t975 


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PC  Timmermans,  Adrien 

3761  L'argot  parisien 

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